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HISTOIRE
NATVRELLE
ET MO P. ALLE
des Indes, tant Orientalles
qu'Occidentalles.
Où il efi traitté des chofcs remarquables du Cielt des
Elemcns }7Metaux y "Plant es & minimaux qui font
propres de ce pais. Enfcmble des mœurs t cérémonies^
loix igouuernemens3 & guerres des mefmes Indiens.
Compofec en Caftillan par Ioseph acosta,
& traduite en François par Robert
' Regnault Cauxois.
Dernière édition , reueuè & corrigée de nouueau.
&
a- tt~c t-ttstt
A PARIS,
Chez Marc O r r y , rué* fainû laques,
au Lyon Rampant.
M. DCVJ.
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AV ROY TRES-
CHRESTIEN DE FR.ANCE
ET DE V AV AKKE, HENRY
1 1 1 1. de ce nom.
IRE,
Cet admirable & inuimible guerrier
Alexandre > iadu Roy des Macédo-
niens , qui par fa Valeur Ç>" beureufe
fortune rangea fous [on pomoir toutes les prouin~
ces de Grèce, auparavant désunies en plufieurs
Cantons &* Républiques 5 puis pafîanrla mer de
l'autre cojié , fubiugua le très grande?* très -opu-
lent Royaume des Perles^ ç£n de là continuant plus
outre ,fît retentir [es armes iufques bien aUant de-
dans F Inde Orient aile , borne de fes defîeins , &*
pour lors la pins renommée Çp* plus heureufe ré-
gion de la terre. Entre mille grandes & belles
affections qui loge oient en fon ame gêner eufe &
guerrière , auoit cejle-cy ,quil deCiroit Ç<7» de "vain-
cre 0* fut monter ton* les autres, non point feu-
lement en Valeur & réputation d'armes , mais
4ufù enfeauoir &* cognoifiance des chofes: &*
a ij
EPISTR E
fur tout , des terres C* régions ejlranges. De
telle façon , qu'il faifoit curieufement recherher,
(&* a quelque 'prix que te fuft ) tous lis li-
ures rares &> exquis qu on pouuoitrecouunr de
fon temps. Et luy encor fort teune , comn£ les
uémbaffadeurs de Perfe furent ""venus "Vn tour
deuers fon père , il les enquit fi particulièrement
de ht nature , grandeur &* fituation du Royau-
me de Perfe , des ailles , fleuues , & montagnes
dkeluy i mefrne des moeurs du peuple , &*ie la
gendarmerie , quil apprit par leur bouche tott ce
qu'ils auoient enhur Royaume de plusgranl &•
déplus fgnalé. Vont ilfceut bien faire fon profit
par après y &* ne ceffa iamais depuis , iujques à ce
quil eut conquis ce grand &fion fjant Empir : de
forte quon pourrott dire auec raifon,que lespiopos
& aducrtiffcmanf da cas ^Amba^adeHvs firent
comme la première eflincelle, ou caufe des grandes
'ViSioires & heureux fucceT^qui luy arriuerent de-
puis. Vequoy me refjouuenant , S I R E 5 &> de
la comparai/on que plufieurs font auiourdhiy de
fa Valeur, clémence , &* bonne fortune a la "Vi/lre^
'Voire de plufieurs autres dons &* "Vertus htroï-
ques j dont il efioit doué , qui "Vous font pctràlle-
ment c ommun es : Outre ce que tous deux puifans
<& redoute^ Princes ejïesyffus ( quoy qu'a di-
uersfiedes) <£~\n me/me efloc de noble ffe , ^ rate
A V ROY.
de Hercules , luy par Caranws, & Ifom , S i r e,
^4r Charlemagne 3 ^»i Çuiuant les anciens tefmoi-
gnages , ew e/toit aufii défendu y& de la race du-
quel vous efles extratâi par le Roy faintt Loysy
&> les autres Rois de France Vos predeceffeurs,
iffus de la race du mejme Charlemagne parjexe fé-
minin : le me fuis enhardy de traduire en langue
Francoife t H ifloire Naturelle &* Moralle des
Indes Orientalles ,nouuellement compofee enCa-
fiillan par ïofeph ^Acofla , homme certainement
doEle Cp*fort curieux , pour la prefenter aux pieds
de "ïoflre Majeflé , fows effoir que ce luy feroit
chofe agréable pour la deleftable Variété & hou-
ueauté des chofe s qui y font contenues : Comme ie
croy qu'Alexandre mefmel'orroit fort Volontiers
filViuoit en ce prefent fiecle ; luy qui tant de fois
defon temps defira qu'il ju/î encor Vn autre mon-
de , afin iauoir Vnplus large champ d'exercer fes
proiiefes. Et ce qui plm ma incité de ï entrepren-
dre , a efïê que les EffagnoU 3 jaloux &* enuieux
de ce bien y ay ans fait bruflerpar EdiEl public {com-
me on ma aduerty puis quelque temps ) tom les
exemplaires de cejle H ifloire , afin denpriuer les
autres nations , & leur celer la tognoifance des
Indes; ïay penfé que ie ferou faute fi ie laifois
perdre a la France {ficurieufe deschofès rares &>
belles) Vnfi riche ioyau}&* Vne fi gentille H i-
â îij
E PI S TRE
Jloire , que ï Jà utheur a t ompofee , la plus gra n<£
part à l/eucd'œil , &* furies mefmes lieux , d "V/;
tel ordre &*briefueté \qu auec bonne raifon il peut
cjlrc appelle F Hérodote &le phne de te monde
nouuellement àefcotiuert. Bref ie peux dire de ce
Cajliiïan , S I R E , que c efï ~\>n prifonnier d entre
"V os ennemis , lequel i ay fur pris en fa terre , luy
ayant appris tellement quellemcnt noflre langue
françoi/e pour "Vous le rrej 'enter , afin qu'il ~\om
conduife <&> face ~)>oir toutes les fingularite^ p-lm
exouifes de ce noautau monde , fans crainte &
danrer de naufrape. Que fi 3 comme Alexandre
fouuerain d~\ne pytnde région de /' Europe en la
partie d Orient^ alioulu tourner fc s deffeins fur
l'Inde Orientale : *Ainfi ~yomy Sire, iffu de fa
mefme race , & comme luy Prince & poffejfeur
triomphant d ~Vn vranà (3> fîoriffiwt Royaume de
l'Europe en la partie a \ Occident \\ueillc\aufi ~Voir
<&> regarder de plus près ces Indes Occident aile s ,
e ne or plus riches & renommées à prefent que ne
jurent ont les Orientales : cefluy-cy mefme "Vous y
feruira de guide Ç£> de très- fidèle e fanon y pourrons
dduertir des ports , ailles & montagnes diceluy,
Çy* de tordre <&> nature du peuple ; dont il ~V ous
dira d 'auantage que ne firent onc les ^Ambajia-
deurs de P erfe au Roy Alexandre, il plaira donc
a "yojlre Majeflé, Sire, recevoir de bonne part
A V ROY.
cethrefor ejlnnger , cjue Ttous offre /'"y» de'ïês
humbles &* fidèles fûbreéîx , pour tefmo'unitve du
feruïce qùil Ifaus doit, &* Trous a Troué pour tome
fit Trie.
Du Haufc de Grâce, le premier
Décembre, 1597.
Voftre tres-humble 8c tres-
obcilTam fubiecl; & feruiteur,
Robert regnavld.
ADVERTISSEMENT
DE L'AVTHEVR
dUX LocîeuYs.
Lvsiëvrs autheurs ont efcrit
des liures, &des narrations , du
nouucau monde &des Indes Oc-
cidentales, efqaels ilsdcfcriuenc
les chofes nouuelles , & eftran^
ges , que l'on a defcouuertes en
ces parties là,les a&es, & les aduentures des Efpa-
gnols qui les ont conqueftees & peuplées. Mais
iufques à prefent ie n'ay veu aucun autheur , qui
traicte , Se déclare les caufes , & raifons , de telles
nouucautés , Se merueilîes de nature , ny mefmes
qui en face aucun difeours Se recerchc. le n'ay
point veu aufîi Hure qui face mention des belles,
Se hiftoires des mefmes Indiens anciens , & natu-
rels habitans du nouueau monde. A la vérité ces
deux chofes font allez difficiles, la première d'au-
tant que font œuures dénature, quifortcnt,&
font contraires à la philofophie ancienne receuë
& pratiquée , comme de n^onftrer que la région
qu'ils appellentTorride, eft fort humide, & en
plusieurs endroits fort temperee,& qu'il pleut en
icellc quand le Soleil en eftplus proche , & autres
femblables chofes.Car ceux qui ont efcrit des In-
des Occidentales3n'ont pas faitprofeffion de tant
de philofophie , voire la plus part d'iceux efcri-
uains ne fe font pas apperceus de telle chofe. La
féconde eft, qu'elle traicte desbeftes, «Schiftoire
propre des Indies, laquellechofe requeroit beau-
coup de communication & de progrés dans le
pays auec les mefmes Indiens : ce que la plus part
de ceux qui ont trai&é des Indes, n'ont peu faire,
ou pour n'entendre leur langue , ou pour ne vou-
loir rechercher leurs antiquitez, tellement qu'ils
fefont contentez de racôcer quelque chofe d'eux
qui eftoitle plus comm m&fuperficiel. Defiranc
doncauoir quelque plus particulière cognoiflan-
ce de leurs chofès , i'ay fait diligence de m'infor-
mer des hommes les plus expérimentés, & verfez
en ces matières , pour tirer , & recueillir de leurs
difeours & relations , ce qui m'a femble fuffire
pour donner cognoiiTance des faidts &couftumes
de ces peuples. Et en ce qui eft du naturel du pays,
& de leurs proprietez, iel'ay apprins parl'expe-
riencede plufieurs amis ,'& par la diligence que
i'ay faite de chercher, diicourir,& conférer auec
perfonnes ïàges ÔV expérimentez. Il me femble
mefme qu'en ce faifànt, il feprefente quelques
aduertiffements, qui pourront feruir 8c profiter à
d'autres efprits meilleurs, afin de chercher la vé-
rité, ou de paffer plus outre, en trouuant agréa-
ble ce qu'ils trouueront cy dedans. Ainfi com-
bien que le nouueau monde, n'eft plus nouueau,
mais vieil, veu le beaucoup que l'on a eferit d*ice-
luy, ceneantmoins cefte hiftoire pourra eftre te-
nue en quelque façô pour nouuelle, d'autSt qu'el-
le eft en partie hiftoire, & en partie philofophie,
& non feulement, d'autant que ce font œuures de
nature, niais aufïï celles du libéral arbitre,quifont
lesfaicl:s,& couftumes deshommes, cequima
donné occafion de luy donner nom d'Hiftoirc
NaturellecV Moralle des Indes , comprenant ces
deuxehofes. Il eft. fait mention ez deux premiers
liures,de ce qui touche le cicl,temperature, & ha-
bitation de ce monde , lefquels Hures i'auois pre-
mièrement eferits en Latin , ôc maintenant les ay
traduirsvfantplusdelalicenced'authenr, quede
l'obligation d'interprète , pour m'accommoder
mieux à ceux pour qui elle efteferite en vulgaire.
Es deux hures fumas eft traiebé ce qui touche ces
Eléments de mixtes naturels , cjui font métaux,
plates & animaux , & ce qui fcmble remarquable
aux Indes, le refte des Hures difeourant ce que i'ay
peu difeourir au certain, & ce qui m'a femblé di-
gne de mémoire des hommes de leurs belles, ( ie
veuxdiredesmefmes Indiens) deleurs ceremo-
nies,couftumes,gouuernement,guerres & aduen-
tures. Il fera dit en la mefmehi(loire,commei'ay
peu apprédre, & cognoiftre,lcs beftes des anciens
Indiens, veu qu'ils n'auoient aucune eferiture , ny
characterc,comme nous auôs,ce qui n'eft pas peu
d'induftric d'auoir peu conferuer leurs antiquirez
fans l'viàge des lettres. En fin l'intention de ce tra-
uaileft afinqu ayant la cognoiflance desœuures
naturelles , que le fage autheur de toute la nature
a faites , l'on loiie & glorifie le haut Dieu , qui eft
merueilleux en tout. Et qu'ayant cognoilfmce
des coudâmes & chofes des Indiens , l'on leur
aide plus facilement à future , &perfeuererenla
haute vocation du S. Euangilc,àlacognoifIincc
de laquelle le feigneur a voulu amener cefte natia
Ci aueuglec en ces derniers fïecles. Outre toutes
ces choies, vn chacun pourra mefme tirer pour
foy quelque fruict , attendu que le fage tiretouA
ionrs quelque chofe de bon de quelque petit fu-
jed que ce puilTe eftrc , comme Ton peut tirer des
pins vils Se petits animaux vne grande philofo-
phie.llrefte feulement d'aduertir le ledeur , que
les deux premiers liures de celle Hiftoire, oudif-
cours, ontefté efciitseîtamauPeru , & les autres
cinq depuis cnEuropeJ'ob^diencem'ayant com-
mandé de retourner par deçà: ainfi les vns parlent
des chofes des Indes comme de chofes prefen-
tes,&les autres comme de chofes abfcntes. C'efl:
pourquoy il m'a femblé bon d'aduertir le Le&eur
de cecyy afin quecefte diuerfité de parler ne luy
foitennuyeufe.
IN HISTORIAM INDIA-
RVM NATVR.ALEM A IoSEPHO
Acofta Hifpanico fcrmone compila-
tam , nuper à Rôbeirto Reginaldo Gai-
lice redditam.
*Aà LeStorem.
Iluftrarenouosretinérecupidinemundos,
Lataque fi Pelagilittoranoiïecupis:
Huccurfusdifponetuos,nonnaufealaedet,
Necftomachusciuem te vetet efle maris.
Nil opus eft veio , rimas (arcire carinis,
Auc Magnetiaca pixide,nil opus eft.
Alcer Tiphys adeft , extremas ire per oras
Edocet, Se populos , iam breuiore via;
Sidéra fub terris veteri non cognita feclo,
Ortaquein occiduo liminefigna, refert.
Tcmperiem Zona: , que non habitabilis ante
ludicio veterum , tune habitata tamen:
Noueris in curfu quo figno vtatur , & aura,
Vcndicet atque fibi quidquid vterque polus.
Noueris Se montes. Germanique ora Typhœi
Igniuoma , & pifees , flumina magna , lacus,
Templa facerdotes, veriqueimitamina cultus,
ChrifticolûmritusvtcoluiflTe putes.
Annales, faftôfque libros, elemenràque, régna,
Impcrium , reges , pradia , magna , duces.
Terra ferax gemmis , fuluôque referta métallo,
Se peregrina tibi confpicienda dabit.
Deniqj, quod luftris , Se fumptibus haufit Ibcrus,
Bisquartopoterisparcus adiré die.
Anxonivs Bondor.
AD ROBERTVM REGINAL-
D V M TKADVCTOREM,
Efigramm*.
TEFrancifcisalicquem nobis ediditvrbs,qu«
Vellcnj montis nominc,nomen habet.
Betica ( dcmirans genium ) mucare loquclam
Inftidt , vt potius dicerec effe fuum.
Ipfe tamen patrie reducem te reddis ,& , illa
Quae iecreca cupit,cogniciorafacis.
Non ce pœniteat ranci , Reginaldc, laboris,
Hoc tibi nam pacriat pignus amoris eritî
Parua vidcre putas vi&oiem ptacmia rcgem
Henricumj&facrasconteruinemanus?
Qui gracuspatriaîjtumrcgi, dcferit auras,
Rcctiùsille fuo munerefunctusabit.
Antonivs Bondor.
tAdcnndemde iriferiptienchbri.
ECquid id ? in prima promittit fronte libellus
Indos eos occiduôfque fimul.
Actamen hcf perias, cantummodo decegit oras,
Nulla ferc coi eft mentio fa<Sta foli
Hoc , Rcginalde , typis debetur , non ruus error.
( Error fi fueric confpiciendus ibi. )
Occidwus nobis, aliis oriturus habetur
Phœbus : nilprius cft , pofteriufve globo.
Ant. Sondor-.
M. CHARLES REGNAVLD,
A Robert Regnavld son
Frcrc,fur la traduction de l'Hiftoire Na-
turelle dc$ Indes Occidentales.
Sonnet.
ON dit qtt^ta iadis J\oy des Scythes^Colchoys,
<A qui la toijon d'or auoit ijlé donnée,
Tour y» g<*ge fatal de fa yie honorée,
La faifott d'yn grand [oing , garder dedans yn bois.
Vn dragon cr deux bœufs , de qui l'horrible y»ps
J{emploit tout ïair de flamme , en defendoient l'entrec:
Trîats Iafon ncantmoms , afiifté de ~hîcdct,
La prit , & là fit voir à [on Prince Grégeois,
^Ainf fais tu, Bjgnauld; car malgré les excès
Des foldats Efpagnols , qui en gardent accès,
Malgré tout leurs canons , G" leur naualle armée,
Tu fats yoir aux François ces trefors retenu
Et du riche Veru les fecrets incognut
Bref, d'yn autre Colchos la toifon defiree.
A M. REGNAVLD SVR LA
VERSION DE L'HISTOIRE
des Indes de l'Efpagnol de Iofcph
Acofta.
S
O N N E T.
POlycletc imager burinait yn yiftge
S t bien après le yifque nature auett peur
Qj*cllefemblajl auoir fur l'image trompeur
Elle mefme imité les traicls de fm ouuragc.
Triais le feul Hyponie entre ceux de fon aage
'Mcfprifa cejl ouurter , dejireux que T honneur
D'yn tableau qu'il offroit retournaji au donneur,
*Hon k tart que fon eufl admiré dUuantage.
*Ainfi tout Efpagnol qui y erra que tes doigts
Ont d'yn traicî fi dtuin fan *Aco(la François,
Qui deuancé par toy ne fait plus que te fuiure:
Craindra que ton labeur foit du fien le tombeau.
Ton renom fm oubly 3fa cendre ton flambeau,
Trira que ton pnceau ne nous change fon Hure.
F. l'iPARMïNTIEK.
EXTRAICT DV PRIVÏ-
LEGE DV ROY.
A r grâce & priuilege du Roy , il eu permis
à Robert Regnauld de faire imprimer par
tel Libraire oulmprimeurque bon luy femblc-
ra, fon Hiftoirc Naturelle & Moralie des Indes,
traduite de Caûillan en François , & ce pour l'ef-
pace & terme de dix années : & defenles font fai-
tes à tous Libraires & Imprimeurs de n'impri-
mer ou faire imprimer ledit Liure fans le con-
fentement de OrrV, fur peine de cinquante
efeus d'amende , & de confifeation des exemplai-
res qui l'en trouueront imprimez. Et ledit Ro-
bert Regnauld a choifi 6c tranfporté Ton priuile-
ge à Marc O r r y , marchand Libraire à Pa-
ris, pourle temps de dix ans. Donné le premier
Décembre , mil cinq cens quatre vingts dix-fept.
Et de noftre règne le huicliefmc. Signé, Henry.
Et plus bas , P o t i e R. Et feellé en cire jaulne
fur fïmple queue.
LIVRE PREMIER
DE L'HISTOIRE NATV-
RELLE ET MORALE DES
Indes j tant Orientales
qu'Occidentales.
De t opinion que quelques <Autheurs ont eue tien fan s
que le Ciel ne feftendojt iufqucs an
nouueau Monde»
CHAPITRE PREMIER.
Es anciens onc efté iî eflon*
gnez de penfer qu'il y eut peuple
ou nation habitante en ceftuy
nouueau monde , que plufieurs
meimed'entr'eux n'ont peu l'ima-
giner que de ce cofté-cy y eut feu-
lement terre : & qui plus eft digne de merueille,
fen font trouué aucuns qui ont nié tout ouuerte-
mentquele ciel que nous y voyons à prcfent,y
peuft eftre.Car iaçoit que la plus grand parr,voirç
les plus renommez entre les Philoiopnesaayenc
bien recogneu que le ciel eftoit tout rond ( com-
me en effect il l'eft )& que par ce moyen il en tou-
roit & ceignoic toute la terre, l'enferrant & com-
prenant dedans foy : Neantmoins plusieurs du
nombre mefmc des Docteurs iacrez3deplus gran-
A
HISTOIRE NATVRELLE
de authorité, ont eu fur ce poinct différentes opi-
nions: f imaginans la fabricque de cet Vniuers , à
lafaçon d'vne maifon en laquelle le toicl qui la
couure,circuit &c f'eltend tant feulemët en la par-
tie d'enhaut > 8c non pas par tomes les autres par-
ties: alleguans pour leur raifon que la terre au z re-
nient demeureroit fuf pendue au milieu de l'air.
Cequileur fembloit chofe du tout hors d'appa-
rence :& tout ainii que l'on voiden tout bafti-
ment le fondement 8c l'aQîete fi tuez d'vne part,
& le toi& 8c couuerture d'vne autre oppofite 8c
contraire, ainfi qu'en ce grand édifice de l'Vni-
uers , tout le Ciel demeurait en la partie den-
haut, & la terre en la partie d'embas. Le glorieux
chfyfojî. Chryfoftome, comme hommequi feftplus oc-
bom. 14. CUpé en l'eftude des lettres iacrees, que non pas
V-*» * r > j»l • : r._Li_ la-, j. -£a.
Cr
tl>ijî. ad
Hebr.
Heh. S.
aux feiences d'humanité , fcmble eftre de celte
opinion, quand il fe riden fes Commentaires lur
l'Epiftreaux Hebrieux , de ceux- là qui afferment
la rotondité du ciel. Et femble que la iaincte Ef-
criture ne vueille fignifîcr autre chofe , appellant
le ciel, tabernacle, ou taudis, faict de la main de
Dieu. Et fur ce fubiect il palîe plus outre, diiant,
ho 6 ^ue cc cllu ^e meat & chemine n'eu; pas le Ciel,
JnCen&ma\s que ceftle Soleil, la Lune, & les eftoilles
hom.i 1. quife meuuent au Ciel. En la façon que les pa(-
ad pop. iereaux 6c autres oifeaux fe meuuent parmy l'air,
AntiQ$. toutau contraire de ce quclesPhiloiophespen-
fént,qu'ils fe tournent auec le mefme Ciel , corn-
. , me les bras d'vne rou"é,auec la mefme roue. Théo-
rheop m doret autheur fort graue luit en cette opinion,
c. s. ad Chryfoïtbme, & Théophile aufîî , félon qu'il a de
n<h. couftumc,prefque en toutes chofes.Mais Lacfcan-
DES INDES. LIV. t. %
ceFirmian, deuant tous les de llufdits, ayant la £*#•&&. ji
mefme opinion , Te moque des Peripateticiens &^"»»-«»/N
Académiques, qui donnent vue figure ronde au/4^" z+>
Ciel: conftituans la terre au milieu du monde:
pour-autant que ce luy fcmble chofe ridicule,
que la terre demeure fuipenduë en l'air, comme
il e(l deuant dit. Par laquelle fienne opinion, il fê
conforme à celle d'Epicure,qui tient, que de l'au-
tre part de la terre il n'y a autre chofe qu'vnChaos
ou abyfme infini. Et femble mefme que fainct
Hieroime f'approche aucunement de cefte opi-
nion , eicriuant lur l'epiftre aux Ephefiens en ces 'f™,'^
termes : Le iJbtlo/opbc naturel par fa contemplation pe / xMi.4
netre lufqucs aubaut du Ciel ,& de l'autre part il trouuc
"vn grand y ut de, aux profonds & abyfmesde la terre.
L'on ditauiïïqueProcopeafrcrme (cequeien'ay
veu toutesfois ) fur le Hure du Genefe, que l'opi-
nion d' Ariftote touchantla figure,& mounement sixtmst-
circulaire du Ciel eft contraire & répugnant à hnenfisl-5'
faincbeEfcriture. Mais quoy que difent &tien- ' ,otm
nenciadelius tous les anciens, il ne l'en faut ei-
mouuoir. Pource qu'il eft tout cogneu&approu-
uc qu'ils ne Ce font pas tant fouciez des feiences ôc
demonftrations de philofophie:pourautant qu'ils
fefoiit occupez à d'autres de bien plus grande
importance. Mais ce qui plus eft à efmerueiller,
eft que faind Auguftin mefme, tantverfé en tou-^-(r j 1
tes les fcien ces naturelles, voire fort docte en l'A- deGen.ad
û.rologie,& Phyiique,neantmoins demeure touf- lit.e.?.
iours en doute,fans fe pouuoir refoudre, fi le Ciel
circuit la terre de toutes parts, on non. Que me fou- ^ufu^'
cw-ie (difoit-il) que nous penftons que le Ciel, comme *
y ne boule enferre enfoy U terre de toutes pam^àt icelle
Bij
HISTOIRE NATVRELLE
au milieu du monde , comme au pejoton de fil le fondreaur
m que nom difios qu'il rieftpas ainjï, mais que le ciel cou-
urclatcrre par vnepartfeulcmcntjoHt ainfiquvn grand
plat qui efipar le dcjjkt. Au mefme lieu que delfus,il
fembledcmonftrer, voire dit clairement qu'il n'y
a démonstration certaine, pour affermer la figure
ronde du ciel, mais feulement de (impies conie-
dures. Efquels lieux alléguez, <5c en d'autres en-
droicts melmes ils tiennent pour choie douteufe
le mouuement circulaire du ciel. Neantmoins
on ne (è doit offenfer,ny auoir en moindre eîlime
lesDodeurs^delafainclie Eglifc, iî en quelques
poiners delà Phiiofophiejé feienecs naturelles
ils ont eu différente opinion à ce qui eft tenu (Se
receu pour bonne plulofophie : veu qne toute
leur eftudea eux de cognoiftre , prefeher Se feruir
le Créateur de toutes chofes , en quoy ils ont efté
cxcellens,& comme ayas bien employé leur eftu-
de en chofe plus importante, c'eftpeudechofeen
eux de n'auoir cogneu toutes les particularitcz
•concernantes les créatures. Mais bien d'auantage
font à reprendre les Philosophes vains de ce (îe-
cle,qui attaignans iufquesà lacognoilîànce de
l'eftre , & ordre des créatures du cours Ôc mouue-
mentdescicux ,ne font pas paruenus (mai-heu-
reux qu'ils font ) à cognoiftre le Créateur detou-
Sép. ij- tcsles chofes. Et f'empefchans du tout en fèsœu-
Hom. i. lires, n'ont pointmonté par leurs imaginations
iufquesà cognoittrel'autheur fouuerain d'icclles,
ainfï que nous enfeigne la fàincte Efcriture : ou
bien fils l'on t cogneu}ne l'ont point féru i & glo-
rifié comme ils deuoiét ; auenglez de leurs inuen-
tionsj dequoy les accule & reprend l'Apoftre.
DES INDES. 11 V. I. 3
Que le Ciel eft rond de toutes parts , fc mouudnt
enfon tour de foy-meftne.
€ h A P. il.
R venans ànoftre fubie&jiln'yapoint dep/nMrvfc
doute que l'opinion qu'ont eu Ariftote Ôc itpUcit.
les autres Peripatetictens auec les Stoiques (que^* ,fc
la figure du Cieleftoit ronde, &femouuoitcir- c *'
culairement enfon tour) eft fi parfaitement véri-
table que nous, qui fommes & viuonsà prefène
au Peru, le voyons de nos propres yeux. En quoy
l'expérience doit valoir d'auantage que toute au-
tre demonftration philofophique, d'autant que
pour faire cognoiftre que le ciel eft toutrond , &
qu'il comprend &c circuit en foy la terre de tous
co(lez,& pour en efclaircir tout le doute que l'on
enpourroitauoir,ilfufn*tqueiayeveu&cotem-
plé en ceftui noftre hemifphere la partie &.regior»
du ciel , qui tourne autour de cefte terre , laquelle
n'a efté cogneuë des anciens, ou bien d'auoirveu,
ôc remarqué ( comme i'ay fait) les deux pôles , cC-
quelslecielle tourne, comme dans les fiches. le
dy IcpoleArétique ou Septentrional que voyenc
ccu x de l'Europe , ôc l'autre Antarticque ou Mé-
ridional ( duquel faincl: Auguftin eft en doute ) ôc Jfuglfà
lequel nous changeons ôc prenons pourleNort *-"eGen-
icy au Peru , ayans palîc la ligne equinoétiale. Il aQ >t'ca'
fuffit finalement que i'aye couru par nauigation
plusdefeptantedegrez du Nortau Sud,fçauoir
quarante d'vncofté de la ligne, & vingt-trois de
l'autre. Laiiïànt quant à prcfentleteimoignage
des autres qui ont beaucoup plus nauige que
A iij
HISTOIRE NATVRELLE
moy, & en plus grande hauteur , eftans paruenus
prefque iufques à feptatite dcgrez au Sud. Qui di-
ra que la nauireappellee Vi6toire,-digne certaine-
ment de perpétuelle mémoire , n'aye gaigné le
prix & le triomphe d'auoir le mieux dcfcouuert
&circuy la rondeur de la terre, mefme le Chaos
vain&levuide infiny, que les anciens Philofo-
phes difoienteftre au dellbus de la terre, ayant
fait tout le tour du monde , Se circuy l'immenfité
du grand Océan ? Qui eft donc celuy qui ne reco-
gnoiftra par -celle nauigation que toute la gran-
deur de la terre , quoy qu'elle puilTe cftre plus
grande qu'on ne la depeintpas, ne foitfubiec"re
aux pieds d'vn homme, puis qu illapeutmefu-
rerî Ainfi, fans aucun doute le Ciel ell défigure
ronde & parfaite. Et la terre aufTïfembraiïant&
ioignantauecl'eauëfaitvn globe, ou boule ronde
compofeedecesdeuxelcmens,ayans leurs bor-
nes & limites dans leur propre rondeur & gran-
deur. Ce qui fe peutfunHfammcnt piouucr,& de-
monftrerparraifons de Philofophie & Aftrolo-
gie,Iai(îànt arrière les fubtiles définitions qu'on
peutalleguer communément, Que au corps le
plus parfait (qui eft le ciel)fe doit attribuer la plus
parfaite figure , qui eft fans doute la figure ronde.
Duquel encore , le mouuemenc- circulaire ne
pourroit eftre ferme &c cfgal en foy , fil auoit
quelque coing, ou deftour en quelque part,ou fil
eftoit tortu(comme il le faudroit dire par necefïï-
té)fi le Soleil , la Lune, & les eftoilles'ne faifoient
le tour,&: circuilïbient tout le monde. Mais fans
confiderer toutes ces raifons , il me femble que la
Lune feule eftfiiffifaine, en ce cas. comme vn
DESINDE S. IIV. I. 4
fidèle tefmoing du Ciel mefme : veu que Ton ecli-
pfeaduient feulement, lorsque la rondeur delà
rerre f oppofe diamétralement entre elle & le S o -
leil , & par ce moyen empefche que les rayons du
Soleil ne donnent fur icelle. Ce qui ne pourroic
certainement aduenir, fi la terre n'eftoit au mi-
lieu du monde , circuite Se entourée de tout le
Ciel. Il y en a eu aucuns qui ont doute iufques *t*g»P-
là,filarefplendeur qui eu: en laLune,luy eftoit'/'-I09;.„
communiquée de la lumière du Soleil. Maisc'eft
par trop douter , puis qu il ne le peut trouuer au-
tre caufe raifonnable des Eclipfes,du plain, Se
quartiers de la Lune, que la communication de
larefplendeur & lumière qui procède du Soleil.
Audi fi nous voulons diligemment rechercher
cefte matière , nous trouuerons que l'obfcuritê
de la nuict n'eft cauiee d'autre chofe que de l'om-
bre que fait la terre, empefehant laclartédu So-
leil de paffer de l'autre codé du Ciel , où il ne jet-
te fes rais. Si doncileftainfi que le Soleil n'ou-
trepaflTepointj&ne iette Ces rais fur l'autre par-
tie de la terre, ains feulement fe deftourne àfon
Coucher, faifantefehine à la terre, parvn tour-
noyement (ce que par force fera contraint d'ac-
corder celuy , qui voudra nier la rotondité du
Ciel, puis qu'à leur dire le Ciel comme vn plat
feulement couure la face de la terre.) Il f enfuie
clairement que Ton ne pourra remarquer la
différence que nous voyoï.s eftre entre Itsiours
«Scies nuicts, lefquels en quelques régions fonc
courts & longs félon les faifons,& en d'autres ^,- ^
perpétuellement efgaux. Ce que faincl: Augu-^Gf».*iii
ftinefcritauxliures dcCenef.adliteram. QuzVQr*Ut.c.i<*.±
A iiij
HISTOIRE NATVRELLE
pourrabien comprendre les oppoiitions,coniiei'-*
lîons,efleuations,defcentes,&: tous antres afpects
Se difpoiitions des planettes & eftoilles, quand
nous cognoiftrons qu'elles fe meuuent, Se que
neantmoins le Ciel demeure ftabie Se immobile.
Chofequimefembleblen aifeeà entendre, & le
fera à tout autre, m'eftant permis de feindre ce
qui me vient en la phantafîe. Car fi nous pofons
le cas que chaque eftoille&planettefoitvn corps
en foy,& qu'elle (bit démenée Se conduite par vu
DtfM.14. Ange, enla façon que fut porté Habacuc en Ba-
bylone: Qmferaie vous prie celuy tant aueqglé,
qui ne voye bien que tous les afpects d iuers qu'on
void apparoir aux planettes &: eftoilles , peuuent
procéder de ladiuerlité dumouuement que ce-
luy qui les mené Se condm t,leur donne volontai-
rement? Cependant l'on ne peut dire auecraifon,
que cède efpace Se région par où l'on feint que
marchent & roulent continuellement leseftoil-
les,ne foit élémentaire & corruptible , puis qu'il
fediuiie & fepare quand elles paiîentjefquelles
certainement ne palfent pas par vn lieu vuide.
Que (1 la région en laquelle les eftoilles Se planet-
tesiemeuuent, eft corruptible, par raifondonc
les eftoilles Se planettes le doiuent eftrc elles mef-
mesde leur propre nature, Se par confequentfe
doiuent changer, altérer, Se hnablement pren-
dre fin. Pource que naturellement le contenu n'eft
)as plus durable que le contenant. Or dire que
les corps celeftes foient corruptibles, cela ne f ac-
cordepointauec ce que l'Efcriture dit au Pialme,
Tfl\ 8 Q¥e ^ÎCU ^es fif Pour toufiours. Etencore moins fe
rapporte à l'ordre Se conferuation de cet vniuers.
r
le
DES INDES. LIV. I. f
ïcdy d'auantage pour confermer cefte tenté, que
ce qui fe meut , font les mefmes deux , & en iceux
les eftoilles cheminent en tournoyant. Chofe que
nouspouuons cognoiftreauec les yeux, puis que
nous voyons que non feulement leseftoilies Te
meuuent, mais auflî les régions 8c parties entières
du Ciel. Ieneparle point feulement des parties
luyfantes 8c refplendilïàntes, corne celle que l'on
appelle lavoyeîaictee, quelecommunappellelc
chemin S. Iacquesj mais ie dy cela d'auantage,
pour les autres parties noires 8c obfcures qui font
au Ciel. Pource que nous y voyons realemenc
comme des taches 8c obfcuritez qui font fort ma-
nife(tes,lefquelles ien'ay point fouuenanceauoir
iamais veu en Europe, mais au Peru , en cet autre
hemilphere ie lesayveuës plufîeursfois fort ap-
parentes. Ces taches font de la couleur 8c forme
delà portion de laLuneeclipfee, &luyre(Tem-
blent en noirceur &obfcuritc. Elles marchent
attachées aux mefmes eftoilles, 8c toujours d'vne
mefmc teneur 8c figure , comme nous l'auons co-
gneu 8c remarqué par expérience tres-claire.Par-
auéture cela femblera à quelques-vns chofe noiw
uelle,&pourroient demander d'où procède tel
genre de taches au ciel-, iene puis certes refpon-
dre autre chofe pour l'heure, finon que, comme
difentles Philofbphes , que la voye la&ee efl: co-
pofee des parties du ciel les plus denfes &efpef-
fts , 8c qui pour cefte caufe rcçoiuent plus grande
lumière: ainfî par contraire raifon il y a d'autres
parties fort rares,deliees,& tranfparentes,iefquel-
les pour receuoir moindre lumière , femblet plus
noires 8c obfcures. Que cecy en foit la yrayerai-
HISTOIRE NATVRELLE
fon ou non, (ic n'en peux rien affermer de certain)
fi eft- il pourtant véritable, que félon la figure que
ces taches ont au Ciel , elles fe meuucnt auec vue
nie fine proportion quant & leurs eftoilles , fan*
aucunement fefeparer d'elles. Qui eft vue expé-
rience certaine & remarquée par piufieurs fois
tout exprés. Il f'enfuit de tout ce que nous auons
dit,que fans doute le Ciel contient en foy de tou-
tes parts la terre, tournoyant continuellement a
l'entour d'icelle , fans que l'ou puifîe plus propo-
fer queftion là deiïus.
Que lafaincle Efcriture nous enfeigne que ta ta
(fi an milieu du monde.
rt
Hejler t]
iap.i.i.
7.11.18
t ftl 91-7
23.59.97
ïcclefi
C H A P. III.
îOmbien qu'il femble à Procope, à Gaze,
GJ^ia &à aucuns autres de fon opinion , que ce
foit contreueniràla faincte Efcriture, défigurer
' la terre au milieu du monde . & de due que le ciel
, eft tout rond : fieft-ce qu'à la vérité cefte doctrine
• non feulement ne luy eft point contraire, mais
auiîï fc trouue du tout conforme à ce qu'elle nous
en enfeigne. Carlailfant à part les termes dont
vfclamefme Efcriture en plusieurs endroicxs: La
rondeur de U terre , ( Se ce qu'en autre endroit elle
dit, que tout ce'qui eft corporel, eft circuit ôc en-
touré du ciel,& comme embraJU delà rondeur ) à
tout le moins ne peut-on nier que lepaifage de
l'Ecclefiaftene foit fort clair, où il eft dit: Le So-
leil naifi, fe couche, & retourne en fon mefme lieu : & iw
recommençant ànaifire} il prend fon chemin parlemi-
dy fe.tonrnant iufqucs au Septentrion -, cet efùrit c-hcwi-
DES INDES. L I V. I. 6
necircuifjant àl'entour toutes ebofes , & f'en retournes
fon mcfme endroit. En ce lieu la paraphrafe Se expo-
fîtionde Grégoire Neocefarien ou Nazianzene
die: Le Soleil ayant cour» toute Lierre, s'enreuient com-
me en tortrnoy.tnt iupjues à fon mcfme poinFf & terme.
Ce que die Salomon interprété par Grégoire, ne
pourroit certainement eftre vray , fi quelque par-
tie de la terre delaifîbit d'eftre circuite du Ciel. Ec
ainfi l'entend fainct Hierofme efcriuanc fur l'epi-
ftreaux Ephefiens}de cefte maxiitït'.LapUts commu- tetj'"{'
ne opinion afferme ( Je conformant mec tEtcleJtdfh) que '
le ciel cji rond fe monuant en circuit à la manière d'vne
boule. Et eft chofe certaine que aucune figure ron-
de ne tient ny latitude ny longitude, ny hauteur
ny profondeur, pource qu'en toutes ces parties
elle eft efgale Se pareille. Par cela iï appert félon
fainct Hierofme , que ceux qui tiennent que le
Ciel eft rond, non feulement ne font pas contrai-
res à la faincte Efcriture, ains au contraire fc con-
forment à icelle , attendu principalement que
fainct Bafi le &; fainct Ambroife qui l'imite oidi- „ ,
nairement aux iiures appeliez Hexameron , fe/fI>^„
trouuent vn peu douteux en ce poinct. En finxam.pre-
toutesfois ils reuiennent à concéder la rondeur/'e/',*?,,•
de ce monde. Il eft vray que fainct Ambroife ne
demeure point d'accord de cefte quinteflènce, ofmlr.1.
qu'Aiiftoteattribuë au ciel. Et certainement c'eft IO* "
chofe belle de voir auec quelle grâce Se quel ftyle *
accomply la faincte Efcriture traicte delafitua-
tion de la terre &de fa fermeté, pourcaufèr en
nous vne grande admiration , Se non moindre
contentement fur l'ineffable puiffance Se fà-
gellè du Créateur. D'autant que en va endroit
I
T/al.74
*#mbr.ï
6.
J#5.9.l6
Heb>; 1
•Aug.ïn
HISTOIRE NATVRELL!
ITicu nous réfère que ça eftéluy quiaeftably les
colomnes qui iouftiennen t la terre , nous donnât
à entendre, comme bien l'explique: S. Ambroife,
-quele poids immerlfe de toute la terre eft foufte-
' nu par les mains cuidiuin pouuoir. LafainCte Ef-
critureadecouftumedelesappellerainfi , &yicr
de celle phrafe, les nommant colomnes du ciel 8c
delà terre, nô point celles de l'autre At!as,qu'ont
feint les Poètes , mais celles propres de la parole
éternelle de Dieu, qui par fa vertu fou (lient les
deux & la terre. D'auantagelafaincTe Éfcnture
' en autrelieu nous demonftre comme h. terre , ou
grande partie d'icelle, eft ioin£te& enuironnee
de l'élément de l'eau, difànt généralement que
Dieu mit la terre fur les eaux. Et en autre endroit,
qu'il fonda la rondeur de la terre fur la mer. Et
encore que fain<ft Auguftin n'accorde pas que de
■ et partage (comme de fentence de foy ) l'on puillè
inférer que la terre & l'eau face vn globe au milieu
du mende, prétendant pat ce moyen donner au-
tre expofition à ces paroles du Pfalme. Ceneanr-
moins il eft tout certain , que ce qui eft porté en
cesparoles du Pfalme,nous veut donner à enten-
dre qu'il n'y a d'occafion d'imaginer autre ciment
ouliaifon à la terre, que l'élément de l'eau, lequel,
quoy qu'il foit facile 8c muable, neantmoins fou-
tlient & enceint celle grande machine de la terre.
Cequiaeftétait par la fagcfïedu très-grand Ar-
chitecte. L'on dit quela terre eft fondée & baftie
iur les eaux,& fur la mer. Mais au contraire la ter-
re eft pluftoft au dellbus de l'eau, que non pas def-
fus,ponrce que félon l'imagination & iugement
commun .ce oui eft de l'autre coftèdelaterreque
DES INDES. Ll V. I. y
nous habitons, femblceftre au dellbus de La terre,
&parmefme moyen les eaux 8c la mer qui cei-
gnent la terre de l'ancre parc , font au defTous, 8c la
terre au délias. Neantmoins la vérité eft feule-
ment, que ce qui proprement eft en bas,eft ce qui
eft coufiours plus au milieu de l'Vniuers : mais la
(aincte Efcricure i'accornmodeànoftre façon d'i-
maginer & parler. Quelqu'vn pourra demander,
puis que la terre eft eftablie fur les eaux (comme
dit lafainéte Efcriture) furquoy lonteftabliesles
mefmes eaux, ou quel appuy les fouftient? Et lî
tant eft que la terre &l'eauë foncvne boule ron-
de, où fepeut fouftenir toute ceftehornble ma-
chine? A cela refpond en aune endroit la faincte
Efcriture, nous donnant bien plus grande admi-
ration delapuiflancedu Créateur: Etdicces pro-
pos: La tèrrefejhnd'vers <Aquilonfur yn yuide, & de- l°b* 16.
meure pendue fur rien. Ce que certes eft très-bien
dit, pource que realement il iemble que cefte ma-
chine de la terre 8c de la mer eft affife fur rien,
quand on la dépeint droit au milieu de l'air, com-
me en vérité elle y eft. Mais cefte merueille que
les hommes admirent tant , Dieu ne l'a-il pas luy-
mef me efclarcie, demandant au mefme lob en ces
termes: Dy moy ji tufeais qui aietté le plomb on la ligne p/al. $S.
pour la fabrique du monde, & au ce quel ciment ontefic
af?tsc3r iointls [es fondemens ? Finalement, afin de
nous faire entendre la trace 8c modelle de ce mer-
ueilleux édifice du monde, le Prophète Dauid ac-
couftumé de chanter & louer les œuures diuines,
dit fort bien en vnPfalme compofé fur cefte ma-
tière en ces propos, Toy qui as fondé la terre fur la pfal.ioy.
tncfmeJiabUité 'û fa met c fans qu'elfe ehancellejiy tour-
T/al. 1 03
HISTOIRE NATVRELLi
ne d'rn cosié ny d'autre , pour toujours eir a iàmAtSt
Voulant dire la cau(e pourquoy la terre eftant
aiîîfeau milieu de l'air ne tombe, ni ne chancelle
d'vn codé ny d'autre , eft , pource que de la nature
elle a des fondemensalîeurez3qmluy ont elle don-
nez par Ton très- fage Créateur : afin que de ioy-
meimeelle fefouu\ienne,iànsauoirbe(oin d'au-
tres appuis, ou (oullenement. Donc en cet en-
droit (e trompe l'imagination humaine, cherchât
d'autres fondemcnsàla terre, que les fufdits : ôc
vient leur tau te de meiurer les choies diuines , à la
iaçon des humaines. Ainfi ne doit on craindre,
que quelque grande ôc pefàfîtc queiemble cefte
machine de la terre luipédu'é en l'air:qu'elle puiiîe
tomber,ou contourner l'en dellusdciloubs : nous
eftans afièurez iur ce point, parce que le mefme
Pialmedit,que pour iamais elle ne le renueriera.
Certes auec raifon Dauid après auoir contemple
&• chanté l'eftat de fi merueilleufes ceuures du
Seigneur , ne celle de ie refiouyr auec luy en
icelles , diiant : 0 combien les (eûmes dnSetzneur font
^grandies 6r accreu.es, il appert bien nue toutes font /or-
ties de fon feanoir. Et en vérité fi ie dois raconter
ce qui fe pail'e fur cepropos: ie dy que fouu en-
tes foi s que l'ay voyagé , pallànt les grands gol-
phes de l'océan, & cheminant par les autres ré-
gions de terres fi eftranges , m'arreftant à con-
templer & confiderer la grandeur de ces ceu-
ures du Seigneur, ie fentois vn admirable con-
tentement de celle fouueraine fagelle ôc gran-
deur du Créateur , qui reluit encesmcfmes œu-
ures , en comparaifon defquelles , tous les pa-
lais, chafteaux , &baftimens des Roys, enfem-
DES INDES. I I V. I.
8
de toutes les inuen rions nui
;fembl<
inaaiiM
peu, voire choies balïès 8c viles, au reipectd îcel-
les. O combien de fois me venoic en la penfèe, 8c
enlabouchecepailagcdu Pieaume,qui ditainfi:
Grande récréation m'anc^donnc Seigneur , par vos au-.
ures, cjrnc cejferay de merejtouyr en la contemplation
des œuures de vos mains. Rcalement 8c de faict , les
crûmes diuines ont ne içay quelle grâce & vertu
cachée 8c (ecrette, qui combien qu'elles foient
côtemplees plufieurs 8c diuerfes fois, neantmoins
caufent toufiours vn nouueau gouft 8c contente-
ment: au contraire les œuures humaines, encor
qu'elles foyent conftrui&esauec vn exquis artifi-
ce, toutesfois ellans veuëslouuent,ne font plus
eftimees,au contraire deuiennentennuyeufes,foit
queceioyent iardinistres plaifans , ou palais, ou
temples magnifiquement baftis,foit Pyramides
de fuperbe édifice, ioit peinclure^fculptures, ou
pierres d'exquife inuention 8c Iabeur,quoy qu'el-
les foyent douées de toutes les beautez qu'il eft
poffiblc: toufiours c'eft chofe certaine qu'en les
contemplant deux ou trois fois auecattétion, les
yeuxie diuertifient toft de cefteveuëà vneautrt,
eftans incontinent foulez d'icelles. Mais fi auec
attention vous cofiderez la mer, ou quelque hau-
te montagne, yflànce hors la plaine d'vneellran-
ge hauteur , ou les champs reueilus de leur na-
turelle verdure , 8c de belles fleurs, ou bien le
cours furieux de quelque fleuue, qui (ans cefler
bat continuellement les rochers en bruyant; fi-
nalement , quelques œuures de nature que ce
foyent, quoy qu'elles foyent contemplées plu-
fieurs fois, touiiours caufent nouclle récréation,
HISTOIRE NATVRiLtE
& iamais ne l'ennuyé la veuë. Ce qui reflemble
vn banquet magnifique & abondantdeladiuine
fageilè, qui fans iamais ennuyer , cauie touiiours
nouuelle confideration.
Contenant h refyonfe à ce qui çB allégué de lafatmie
rjcrtture contre la rondeur delà, terre.
c H A P. I I II.
Evenant donc à la figure du Ciel, ie ne
^itfçay de quelle ar.thoritc de la iaincte Eicri-""
ture on ait peu tirer qu'elle ne foie pas ronde , ny
ion mouuement circulaire , pource que ie ne voy
Hehr.%. point que ce que S. Paul appelle le Ciel taberna-
cle, ou taudis , que Dieu a eftably & non point
l'homme, puiiîecftrcappliquéàcepropos. Car
quoy qu'il nous dife qu'il eft fait par Dieu,l'on ne
doit pour cela entedre que lcCiel tout ainfi com-
me vn toict, couure la terre,d'vne part feulement,
ny meimequeleCieJ ioitbafty iansfemouuoir,
comme il iemble que quelques- vns l'ont voulu
donnera entendre. L'Apoftreence lieu traictoit
dé la conformité du tabernacle ancien delaloy,
difant là delîus que le tabernacle de la loy nou-
uelle de grâce eft le Ciel,auquel eft entré le grand
Preftre lefus- Chrift vne fois, par ion lang , Se de
là ('entend qu'il y a autant de prééminence du
nouueau tabernacle au vieil , comme il y a diffé-
rence d'entre l'autheur du nouueau, qui eft Dieu,
& cil du vieil qui a efté l'homme , encor qu'il ioit
vray que le vieil tabernacle fut auffi bien bafti par
la fagefle cU Dieu qui l'enieigna à Ton ouurier Be-
F 3 '* feleel:& ne cioit-on penfer que ces comparai fons,
paraboles
DES INDES. L IV. ï. 9
paraboles & allégories fepuillent rapporter en
tout & par tout à ce à quoy elles font accommo-
dées ,. comme le hier -heureux Chryfoftome a c^ryffl'
bien feeu dire à ce propos. L'autre authorité que mii>t*P
rapporte S. Auguftin alléguée d'aucuns , pour
monftrcr que le Ciel n'eft pas rond,e(l telle en di-
fant , Le Ciels eBend comme vne peau. Dont ils con- pfal it j»
cluent qu'il n'eft pas rond , mais plat en la partie
d'euhaut. A quoy rcfpond fort bien & fort fami-
lièrement lcmefme S; Docteur, mais donnant
•à entendre que ce pallàgedu Pfalmifte, ne parle
ny s'entend propremet de la figure du Ciel, mais jfngufi.%:
dit cela feulcmen t , afin de nous demonftrer aucc ^ Gtn- *&
quelle facilite Dieu baftit vn Ciel fi grand, ne luy lfttr' *' *"-
ayant efté non plus difficile de baftir vne iiim-
mcnfecouuerture, comme eftleCiel,qu'ilferoic
à nous de defpioyer vne peau double , ou bien
f>rctcndant le Pfalmifte nous donnera entendre
a grande majefté de Dicu^uquel le Ciel fert,qui
eft M beau & iî grand , de mefme façon que nous
feruent les tentes ou çouucrtures aux champs.
Ce qui aefté fort bien déclaré parvn Poëte,di-
fant: Le taudis du clair Ciel. Melme le paflage d'I-
faye qui dit, Le Cielmefert de chaire, & la terre etef- ifa, i&*
cabeau pour mes pieds. Que Ci nous cnfuiuons l'er-
reur des Anthropomorphites, qui attribuoient
des membres corporels à Dieu félon fadiuinité,
nous aurions occafion furie dernier palîàge de
rechercher comment il feroit poflïble que la
terre fuft l'efcabeau des pieds de Dieu,& comme
le mefme Dieu pourroit tenir fes pieds d'vnc
partie & d'autre , & plufieurs telles tout à l'en-
îour, puis qu'il eft ençout&par tout le monde,
B
HISTOIRE NATVREILE
qui feroit chofc vaine & totalement ridicule . Il
faut donc conclure qu'aux fàincles Eicritures
nous ne deuons pas fuiure la lettre qui tue" , mais
l>C*rm. z. l'e/prit qUi viuifie,comme dit fa in et Paul.
De U façon & figure du Ciel dit nnuneau monde -
C H A P. V.
«K^ Lvsievrs en Europe demandent quelle
^1^ eft la façon 8c figure de ce Ciel qui eu en la
partiedu Sud, pource qu'il ne l'en peut trouuer
chofe certaine aux limes des anciens, lefquels
encor qu'ils accordent y auoir vu Ciel en cette
autrepart du monde, ce neantmoins n'ont peu
atteindre iufquesàlacognoiiîance de la façon 8c
Tlin.bb.6. figure , qûoy qu'à la vérité ilï facent mention
f«f>.zz. d'vnebelle & grande eftoille qui ievoid en ces
parties cy, laquelle ils appellent Canopus.Ceux
qui de nouucau ont nauigéen ces parties, ont
accouftumé d'eicrire & raconter chofes gran-
des de ce Ciel , à fçauoir qu'il eft fort rciplen-
diflant , y ayant grand nombre de belles cftoil-
les.Et en efrect les chofes qui viennent de loing,
fedeferiuent ordinairement auec augmentation.
Mais il me femble tout au contraire , tenant
pour certain qu'en noftre codé du Nort il y a
plus grand nombre d'eftoilles , 8c de plus illuftre
grandeur ? ne fe voyant point par deçà eftoilles
qui excédent la Pouffiniere , ny le Chariot. Il eft
bienvrayquela Croifeededeça eft fort belle &
aggreable à voir. N o>us appelions Croilee , qua-
tre eftoilles notables 8c apparentes , qui font en-
DES INDES. Ll V. I. IO
tre elles vne forme de croix,aiïîfes efgalement 8c
auec proporticn. Les ignoranscroyent que cefte
croilee eft le Pôle du Sud -, d'autant qu'ils voyent
les mariniers prendre leur hauteur par icelle,
comme nous anons icy accouftumé de la pren-
dre par le Nort. Mais ils fe crompen'e. Et la rai-
fonpourquoy les mariniers le font de cefte fa-
çon , eft , pource que de ce collé du Sud il n'y a
aucune eftoi lie fixe qui matquc le Pôle, comme
A iioftre Pôle le tait l'elloilleduNort. Etainfnls
prennent leur hauteur par l'eftoille du pied de la
Croifee, diftantedu vray & fixe Pôle Antarcti-
que, de trente degrez, comme de là l'eftoille du
Nort eft diftante du pôle Arctique de trois de-
grez, ou peu d'auantage. Et ainii il eft plus diffi-
cile de prendre la hauteur en ces parties, pour-
ce que ladite eftoille du pied de la Croilee doit
eftre droite , ce qui aduient feulement en vne
heure de la nuict.quicft en diuerles parties de
l'an, en différentes heures, & bien fouuent en
toute la nuiet ne femonftre, qui eft chofefort
mal commode pour prendre la hauteur. Par ain-
ii les plus experts pilotes ne fe foucient de la
Croifee.prenans la hauteur du Soleil par l'Aftro-
iabe, par lequel ils cognoiflent la hauteur où ils
fetrouuent. En quoy communément les Por-
tugais font plus experts , comme nation quia
grand difeours en l'art de nauiger fur toutes
les autres nations. Il y a aufïî de cefte partie du.
Sud d'autres eftoilles, qui en quelque façon ref-
fcmblentà celles du Nort. Ce qu'ils appellent
la voye lactée , feftend beaucoup , & eft fort
rcfplendiflant en cecofté du Sudsfe voyant en
Bij -
I
HISTOIRE NATVR.ELLE
icellc , ces taches noires tant admirables , des-
quelles cy-deuant nous auons fait mentiô. Pour
les autres patticularitez , d'autres les diront auec
plus grande curiofitè , & nous fuffit pour l'heure
de ce qu auons dit.
Qtiiiy a terre & mer fouis les deux pôles.
c h A P. VI.
gEncnouseft point peu de chofè faite d*e-
Ë ftre fortis decefte matière, auec cefte co-
gnoiuance&refolution qu'il y a vn Ciel en ces
parties des Indes, quilescouure, comme à ceux
d>Europe,d'Afie,& Afriquc.Etno'fertcc poincl;
queiquesfois contre beaucoup d'Efpagnols , qui
par deçà foufpircnt pour leur Efpagne, ne fça-
chansdequoy parler que de leur pays, lefquels
fcfinerueillentjVoire fe fafchent contre nous au-
tres, eftimansque nous auons oublié , & faifons
Deudecasde noftre patrie. Aufquels nous refpô-
dons, que pour cela le defîrde retourner en Ef-
pagne ne nous trauaille point. Pource que nous
trouuons que nous iommes auilî proches du ciel
eftansau Peru, comme nous en fouîmes eftans
en Erpagne : comme dit fort bien faincl Hieroi-
meclctiuant à Pauline, feauoir que la porte du
Ciel eftauffi proche de Bretagne comme de Hie-
rufâlem.Mais encor que le Ciel circuife le mon-
de de tous coftez , il ne faut pas pour cela penler,
que necelîàirement il y ait terre de tous coftez du
monde. Car eftant ainflqueles deux Elemens
de la terre & l'eauë compofènt vn globe ou bou-
le ronde, félon que la plus-part, & les plus re-
DES ÏNDES. L1V. î. II
nommez autheurs des anciens l'ont tenu (à ce
que rapporte Plutarque) & comme on le prouue ^u^re.l.
par demonftrations très-certaines l'on pourroit ,^. M
con lecturer, que la mer o ccupaft toute celte par- &u,
tiequieft foubs le Pôle Antartiqueou Sud, de
telle façon qu'il ne reftaft aucune place en ces
parties pour la terre; félon que S.Auguftin re-
prend fort doctement contre ceux qui tiennent
les Antipodes ,difant, queencor que l'on face
preuue,&que l'on croye que le monde ioit de
figure ronde, comme vne boule, il ne fan; infé-
rer de cela , que en cède autre partie du monde,îa
terre foit def couuerte & sas eauë. Et fans doubte
S. Auguftin dit fort bien en ce poinct, ce néant- AuwftX
moins le contraire de ce ne fe prouue, & ne s'en- I^•»<c',,♦*•
fuit non plus fçauoir qu'il y aye terre defeouner- c' 9'
te au Pôle Antartique. Ce' que l'expérience nous
a ja monftrê à veuë d'œil eftreainfi comme en ef-
fecfcill'eft. Car iaçoit que la plus grande partie
du monde , qui eft foubs le Pôle Antartique, foit
occupée de la mer ; ce neantmoins elle ne l'eft
pas entièrement : Mais y a terre, de forte qu'eu
toutes les parties du monde, la terre & l'eaué/è
vont embraifans Tvn l'aurrc, qui eft véritable-
ment vne chofe pour nous faireadmirer & glo-
rifier l'art du fouuerain créateur. Nousfçauons
donc par la (àincl:eElcriture,queau commence- Gène. î.
ment du monde les eaux furent aifemblees, &fe
joignirent en vn endroit , tellement que la terre t
demeura defcouuerte. D'auantage la mefme £f-
criturefain&e nous en feigne, que ces alïèmble-
mens d'eaux s'appellerent mer, &: comme elles
foncplufieurs, il eft de neceflitéqu'ilyait plu-
B iij
HISTOIRE MATVRELLE
/leurs mers. Ec non feulement e(l celte diuerfitc
des mers en la mer Méditerranée, lesvnes i'ap-
peilans Euxine,les autres Calpie,autre Erythrée,
ou rouge , autre Perfique , autre d'Italie , & ainfi
plufieurs autres. Mais auffi bien au grand Océan
que l'Eicriture iaincle a accouflumé d'appeller
abylme, encore que realcraewt Se en vérité ce ne
foit qu'vne mer , mais en plufieurs Se différentes
manieresxommeaureipectdetoutle Peru & de
toute l'Amérique , ils appellent l'vnelamer du
Nort, Se l'autre lamer du Sud. En l'Inde Orien-
tale l'vne l'appelle lamer d'Inde, & l'autre de la
Chine. Et ay remarqué tant en cequei'ay nauige
moy-mefmequepar la relation des autres, que
lardais la mer ne (eleparede la terre de plus de
milheuës. Etquoy que fe puilïeeftcndic la gran-
deur de l'Océan , fi eft-ce qu'il n'outre- palîè ia-
mais celle mefure. Iene veux pas pour cela dire
que l'on ne nauige plus de mil lieues de la mer
Occane:qui leroit contre la vérité, puis que nous
fçauons que lesnauires de Portugal ont nauige
quatre fois autant , voire d'auantage, que tout le
monde en rond le peut nauigcr par mer , comme
en ce temps nous l'auons délia veu,lans que plus
on en puiiîe douter. Mais ce que ie dy Se afferme,
eft que en ce qui eftauiourd'nuy deieouuert , au-
cune terre n'eft diftante &: eflongnee par ligne di-
recte de l'autre terre ferme, ou Ifles, qui luy loict
plus proches , au plus que de mil lieues , Se que
par ai n fi entre deux terres,il n'y a point plus gra-
de cfpace de mer:le prenat par les parties des ter-
res plus proches les vues des autres. Pource que
delà fin de l'Europe ou de l'Afrique Se de Jeui.
DES INDES. IIV. I. Il
cofté,les Canaricsjlcs Açores, les Ifles du Cap de
vert,& les autres qui font en ce pareilles, ne font
diftantes de plus de crois cens lieues , ou cinq ces
de la terre fer me. Defchtes Ifles prenant Ton cours
vers les Indes Occidëtales, à peine y a-il neuf ces
lieues, iufques aux Ifles S. Dominique , les Vier-
ges, la bien-heureufe & les autres , &c les mefmes
Ifles vont courat par leur ordre, iufques aux Ifles
de Barlouéte,quifont,Cubà,E(paignolla, & Bo-
riquen ; D'icelles iufqu'à la terre ferme à peine y
a- il deux cens ou trois cens lieu'ës,&: en l'endroit
le plus proche beaucoup moins. La terre ferme
court vn efpaceinfiny,depuis la terre de la Flori-
de,iufqu'à la terre des Patagos, & de l'autre codé
du Sud, depuis le deftroit de Magellan mfqu'au
Cap de M6doce,court vne terre tres-lôgue, mais
nô beaucoup largeicar le plus large gift le trauers
duPeru, quieftdiftanteduBrefil d'enuiron mil
lieues. En cefte meime mer du Sud,encor qu'5 ne
fçache récotrer la fin, en tirât vers le Ponât,neat-
moins il y a peu de temps que l'on defcouurit les
Ifles , qu'ils ont appellees deSalomon, qui font
plufîeurs & grades, diftantes du Peru corne huict
ces lieues. Et pour ce que l'on obferue,& fetrou-
ueainfi,quelà,oùil y a plufîeurs ôc grandes Ifles,
la terre ferme en eft peu eflongnee : delàviëtque
plufîeurs , 8c moy-mefme auec eux , ayons opi-
nion, qu'il y a quelque grande terre ferme pro-
che defdkes Ifles de Salomon,laquelle rcfpond à
noftre Amérique , du cofté du Ponant ; de feroit
pofîible qu'elle couruft par la hauteur du Sud,
iufques au deftroit de Magellan. On tient quela
neuue Guinée eft vne terre ferme, & quelques,
B îiij
HISTOIRE NATVRELLE
doues la peignét fort près des Iflcs de Salomon:
De forte, que c'eft chofevray-femblable de dire
qu'il y a encore vne bonne partie du monde à
dcfcouurir,puis qu'auiourd'huy lesnoftres na-
liigent en celle mer du Sud , iufques à la Chine &
Philippines, &difons que pour aller du Peruen
ces parties la , qu'ils paûient vne plus longue mer
que non pas allant d'Efpaigne au mefmc Peru.
D'auantage l'on cognoift que c'eft par le tant fi-
gnalé deftroit de Magellan , que ces deux mers fe
joignent , & continuent l'vne auec l'autre, (ie dy
JamerduSudaucclamerduNort ) par la partie
du Pôle Antarctique qui cft en hauteur de cin-
quante & vn degré. Mais c'eft vne belle & gran-
de queftion , où plu fleurs fe font employez , lça-
uoirfl ces deux mers fejoignent, & continuent
auflî bien du cofté duNort. Maisie n'ay point
cognoilfance , que iufques auiourd'huy aucun
aye peu attaindreà ce poinct, fi ce n'eft leulemet,
par ne (çay quels indices , & coniec"fcures. Qnel-
ques-vns afferment qu'il y a vn autre deftroit,
fousleHortà roppofite deceluy de Magellan:
Toutcsfois pour noftre fuiect , il faffit de fçauoir
maintenant au vray qu'il y ait terre de ce cofté
du Sud , & que c'eft vne terre aufïï grande com-
me toute l'Europe, l'Afie,& l'Afiique meime,
queàtouslesdeux Pôles du monde, l'on trouue
■& rencontre terre , & mer, embraflees l'vne auec
l'autre. Enquoy les anciens ont peu entrer en
doubte & le contre-dire par faute d'expérience.
DES INDES. II V. I. IJ .
Tour repronuer l'opinion deLafianccqui tient
qu'il n'y a point d'antipodes.
C H A P. VII.
£î$WVis donc que c'eft chofecogneuë,qu'iIya
ï\Éï terreau collé du Sud , ou Pôle Autarcique:
refte maintenant de voir s'il y a des hommes ha-
bitans en icelle,quia efté au temps paflé,vne
queftion fort debatuë. Ladance Firmian & S. uft.L 7.
Auguftin femocqueutde ceux qui afferment les mftttJi-
Antipodes (qui vaut autant à dire commc,hom- "j^f |i
mes qui ont leurs pieds au contraire des noftres) ^^MMJ
Mais encor que ces deux autheurs s'accordét en te c. 9.
cède moquerie, ceneantmoins aux raiforts, &
motifs de leur opinion, font fort différents l'vn
derautrejCommeilseftoieiHfortdiuersd'efpric,
Se d'entendement. Ladtance fuit le vulgaire,efti-
mant choie ridicule de dire , que le ciel eft formé
en rond & circuit : 6Vque laterrefoitau milieu
enuironnee & enclofe d'iceluy comme vne pe»
lotte. Et pource il elcrit en ces termes. Quelle rai-
J on y ail à ce que quelques uns -veulent dire, qu'il y a des
antipodes, qui ont leurs pas contraires aux noftrest
Eft-tl pofiblc,qu d y ait hommes fi lourds,^ figroftiers,
ijui croyent,qudy ait vn peuple, ou nation cheminant les
pieds en baut,& la tefte en bas,& que les chufes,mu font
tcy afiifcs ,<& arre fiées et vne façon f oient de cefte autre
part pendant es, ç>r renuerfecs au contraire : que les a?~
bres,& les crains croiffent là contre bas,& que la plnye^
la neige,<& hgrefle tombent, & s'efcoulcnt de tcri e con~
tremont ? Puis après quelques autres propos le
mefmt Laitance tient ces propos : L 'opinion G"
HISTOIRE NATVRELLE
imagination^ que quclques-yns ont eue cfiimmsle Ciel
rond}a cftélacaufe dr le motif d'mucntcr ces antipode.;
fufpcndus en l'air , par ainfi te ne fuis que dire de tels
'Philofophcs , fin on que ayansmne fois erré, ils pour fui-
uent, &sobftinent toujioursen leur opinion , fedcjfcn-
dans les vns les autres. Iufques icy font les propos
de Lactance. Mais quoy qu'il die , nous autres,
qui pour leprefent eftans au Peru, habitons la
partie du monde contraireà l'An"e,&: fommes
leurs Antipodes (ainfiqueles Cofmographes
renfeignent) ne nous voyons pas cheminans
fufpendus en l'air , la tefte en bas , ny les pieds en
haut. Certainement c'eft choie merueilleufe de
confiderer que refpnt& entendement humain
nepeutattaindre & paruenir à la vérité, fans vfer
d'imagination : & d'autre part , qu'il luy eft im-
poffible , qu'il n'erre, & ne faille, fil 0 en veut to-
talement abftenir. Nousnepouuons compren-
dre que le Ciel foit rond,commeil l'eft, & que la
terre foit au milieu , fans l'imagination. Mais fi
celte me/me imagination n'eftoit corrigée, Se re-
formée par la raifon , &: que nous l'enfumi fiions
du tout, en fin nous nous trouuerions trompez.
D'où nous pouuons conclure vne expérience
apeurée , que en nos âmes , il y a vne certaine lu-
mière du ciel, par laquelle nous voyons & iu-
geons, voire les mefm es images, &: formes inte-
rieures,qui fe preientent à notis,pour les cognoi-
ftre,&parceftemefmelumiet-e,nousapprouuÔs,
&reicttos cc,quc l'imagination nous repreiente.
Et de là voit- on clairement comme l'ame ratio-
nelle eft par deflus toute la nature corporelle, Se
comme la force , & vigueur éternelle de la vérité
DES INDES. II V. T. 14
prefide au plus emineiu heu de l'homme:mefme
l'on recognoit facilement, corne cefte lumière Ci
pure.eft participante^ procède de celle premiè-
re Se grande lumiere:que qui ne (çait cela,ou qui
en eften doubte, nous pouuons dire de luy qu'il
ignore,ou doubte f'ilelt homme,ou non.Ainfi fi
nous dénudons à noftrc imagination , ce qui luy
femble de la rondeur du Ciel , à la vérité elle ne
nous relpondra autre choie, (mon que ce que die
le mefme Lactance,fçauoir que, fi le Ciel eft rod,
le Soleil,& les efloilles deuroiét tober lors qu'ils
ie mouuent,& qu'ils changent de place,& Pefle-
uent en tirant au midy. Tout de meime que fi la
terre eftoic pendue en l'ailles homes qui habirec
en l'autre partie d'icclle,doiuent cheminer les
pieds en haut, Se la telle en bas , Se que les pluyes
ne tobent point d'enhaut , mais coulét de bas en
amont:& plufieurs autres monilruofitez ridicu-
les. Mais fi l'on conlultc la force de la raifon,elle
terapeudecas de toutes ces peintures vaines, Se
fera qu'on n'efeoutera, non plus l'imagination,
qu'vne vieille folle. Mais auec cède Tienne graui-
té,& intégrité iefpodraîa-raiion,quec'erl vue er-
reur fort grande de fabriquer en noftreimagina-
tiô.tout le mode en la façon d'vne maifon,en luy
dônat pour fodemét la terre,& le Ciel pour toiefc
Se couucrture. Et dira d'auancage que c5me aux
animaux, la tefteeflla partie la plus haute, & la
plus efleuee(bieque tous les animaux n'ayet pas
la tefte pofee en mefme fituatiô,les vns l'ayans au
plus hautjComel'homqles autres trauerfâtes,cô-
me les brebis;les autres au milieu comme les ieC-
ches Se. araignees)ainfi le cicl,en quelque endroit
■
HISTOIRE NATVREUE
qu'il foit, eu toufiours en haut,& la terre ne plus
ne moins , en quelque endroit qu'elle foit de-
meure toufiours enbas.Parquoy eftantainfîque
• noftre imagination , eft fondée fur le temps, ôc le
lieu, lefquels elle ne peut pasmefme compren-
dre ôc conçcuoir vniueFiellement,mais feulle-
menten particulier: Il s'enfuit que quand on la
vetuefleuer, à la considération des chofes,'qui
excédents furpallent le temps & lieu ,quiluy
font cogneus, aufîi toftelle defchct& ne peut
bonnement fubfifter,fi la raifort ne la fouftient Ôc
foufleile , &c elle ne peut bonnement fe tenir en
pied. De mefme nous voyons,que furie difeours
de la création du monde, noftre imagination ex
trauague pour chercher vn temps, anant la créa-
tion d'iceluy, & pour fe baftir le monde , elle re-
marque vn lieu. Mais elle ne parle pas outre à
confiderer , que le monde pouuoit eftre fait d'v-
ne autre façon. Comme ainlî foit nsantmoins
que la raifon nous apprend qu'il n'y a point eu
temps, auant qu'il y ait eu mouuemcnt, duquel
le temps eft la mefure3& qu'il n'y a eu aucun lieu,
auparauantl'vniuers, qui comprend & contient
en foy tout lieu. Enquoy l'excellent Philofophe
jlrifii.ie Ariftote fatisfait clairement, & en peu de paro-
€<tl c 3. jes a l'argument que l'on fait contre le lieu de la
terre, s'aydant de noftre mefme vfage d'imagi-
ner, quand il dit (&auec vérité) Que ait monde, ce
mefme heu delà terre^ectau )mheu,& en bas,& qttetat
plus y ne chefe eft au yndieu^ant plus eft elle en bas. La-
quelle reiponce ayant efté alléguée ôc mife en
auant par LadtanceFirmian,luy-mefmeneant-
moins palîe fans la debatre Ôc confuter d'aucune
DES INDES. LIV. I. If.
raifon , Ce paiïànc de dire qu'il ne fe. peutarrefter,
pour traidter,&auancer d'autres chofes.
D c la eaujc , pourquoy fam cl ^dugnftm
a nié les ^Antipodes.
C H A P. VIII.
£j3S$ A rai (on , quiameu S. Auguftindenierles
ÇÏMit Antipodes,a efté bien autre, que celle preal-
leguee , comme eftant d'vn entendement plus (u.
blime. Pource que la raifon,qu'auons déduite cy
deuant, (quieft que les Antipodes chemineroicc
au reuers,)eft deftruicte par le mefme S. Docteur
en Ton liure des prédications, par ces paroles.
L es anciens tiennet, que U terre de tous cofke^eft en bas jj#g. UL
CT le Ciel par dejfusipourraifon dequoyles ^Antipodes Cattgoria-
qu'ils dtfent, cheminer au cotraire de nous,ont de mefme rum c' 1 °*
nous Je Ciel an deffns de leurs tefies. Puis donc que S.
Auguftin a recogneu celaainfi,u* vray- femblable
de conforme à bonne Philolophic , quelle fera la
raifon dirons nous, pour laquelle vn perfonnage
Il docte & Ci lumfant que luy,ait eflé poufsé d'en-
fuiure l'opinion contraire? Pour certain, qu'il en
a tire le motif &c la caufe, des entrailles delà fa-
crée Théologie , félon laquelle , les lettres diui-
nes nous enfeignent, que tous les hommes du
monde defeendent d'vn premier homme, qui fut
Adam. Et de dire que les hommes eu lient peu
pafferau nouueau monde, trauerfants le grand
Océan, cela fembleroit incroyable, & vn pur
menfonge. Et à la vérité Ci le fuccez,& expérien-
ce de ce,que nous auons veu en nos fïecles , ne
nous euft efclarcis fur ce poind, l'on euft tenu
I.ib. \6.c
9-
I
HISTOIRE KATVRELLT,
iufques à maintenat celle raifon pour bône.Mais
encore qucnous içachionsquecerle raifon n'efl
pertinete,ny veritable3ce neâtmoins voulcs nous
bien y douer refpôle , en déclarât de quelle raçon
&: par quel chemin le premier lignage des homes
peut palier icy:c6mèt,& par quel endroit ils vin-
drenc pour peupler cv habiter ces Indes. Or pour
ce que par cy- apres nous traicleros ce fujeâ fort
iuccincremct,il fera bô d'eiuêdre pour le p relent
ce que le fainct docleurAuguftin dilputelur celle
matiere3aux.liuresdelacité deDicu3diiantainiI:
Ce nef peint chofe que l'on doiuç croire ce que quelques-
■y v s affirment qui! y a des ^Antipodes, c'efll dire des
hommes qui habitent de l'antre partie de la terre , en la
région defquels le Soleil fe leue lors &aU temps qu'ilfe
couche en la noftre, Csr que leurs pas (ont au rebours , &
au contraire des noflres ,puis qu'ils né l afferment point
par reuelation certaine qu'ils en ayent,rnais feulent et par
vn difcours de 'Philo f opine qu'ils font, par lequels ils con-
cluent que la terre efl an t au milieu du monde de tout es
parts enuironnee , & couucrte efgaleineut du ciel, necef-
j'a -renient dt it eftre le plus bas lieu celuy , ^qm lé plus cB
au milieu du inonde. 'Put s aptes il continue en ces termes,
la (aincîc Efcriture rierrejiïfc trope en aucune manière,
la y ente de laquelle eftfibien approuvée en ce quellepro-
pofc,dcs chofes qui font paffees:pour-autant que ce qu'elle
a prophetij % dcuoir aduenir, ejl de point en point arnué:
Chine nous le yoyos.Et ejl chofe hors de toute apparecc de
dire, que les homes ayentpeu paffer de ce contient uy en
l'autre noutteau mode, & trauerfer ceflcimmenfité de la
mer Oceanespuis nue d'ailleurs ilfc troitue impofstble que
les homes ayet pafféen ces parties là, eflat chofe certaine^
que tous homes defeendet de ce premier home, Enquoy
DES INDE S. Il V. I. 16
l'on recognoit que toute la difficulté que S. Au-
guftin y trouue n'a point efté autrc,que l'incôpa-
rablegrâdeur de ce largeOcean. S. Grégoire Na- *wv"'
zianzene,aeu lamefme opinion,a(feurant(côme T^^*.
choie fans doute,) quepatséledeftroitdeGibal- num,
tar, il eftimpolïiblenauiger plus outre : &fur ce
fujecteferiten vne.henncepiftre. le m accorde bien
anec le due de Virulare qui dit quepajjé Cadi^Ja mer cfi
innaui^ablc aux hommes. Et luy melme en l'oraifon
funèbre, qu'il feit pour S. Baille dit. Qu'il n'a efté
permis à aucun nauv.>\it la mer /le f^er le deftroit deCi-
baltar. Et eft véritable quecepalîagede Pindare,
o ù il di t, 0 h il eft di fendu aux f âge s &~ aux fols dcfça-
uoir ce nui cjr plus outre, que le deftroit de Gibaltar>a.
efteprinsiSc receupourprouerbe. Auiïi voyons
nous par l'origine de ceprouerbecobien les an-
cies fe font fichez Se arrêtiez obftinémët fur cefte
opinion, corne auffi par les hures des Poètes , des
hiftoriographes<3cCofmographesanciens,queIa
fin & borne de la terre a elle mife en Cadiz d'Ef-
pagne,oùils fabriquât les colones d'Hercules,là
ils bornée les rins& limites de l'EmpireRomain,
là ils depeignet les limites du monde. Et non feu-
lemétles lettres prophanes en parlët de cefte fa-
çon,maisaulîl les fainclesEfcritures pour racco-
moder à noftrelagage,difans que,£ edià ^d'^Augth-
fie Ce far fut publié, afin quetout letnondefut enregifiré:
& d'Alexâdre [cGiâd^quilc/tëditfon Empire tufqucs
aux fins cjr limites de la terre. E t en autre endroit ils
dilenc que l'Euangile a fructifié & cru en tout le
mode y 'muer fel. Car la/àincte Elcriturepar vn ftyle
qui luy eft cômun , appelle tout le monde ce, qui
cft la plus grande parcied'ieeluy, &qui iufques
MM
HISTOIRE NATVRELLÏ
auiourd'huya eftédefcouuert frcogneu. Et; ont
ignore les anciens , que la mer de l'Jnde Orienta-
le,ny cette autre l'Occidentale, peuft élire naui-
gee,cn quoyilsfelbnt generalLment accordez.
flw.f.i. Pour rai fou dequoy, Pline efeript «comme choie
cd/>. 67. certaine,que les mers qui font entre deux terres,
nous oftent l'entière moytié delà terre habita-
ble:pource(dit-il)qued'icy nous ne pouuons al-
ler là , ny de là non plus venir icy. Et finalement,
Tulle, Macrobe, Pomponie Me!e,& les anciens
efctiuains ont cefte meime opinion.
T— ■— —————————— " - '
Del' opinion d'.Ariftot e touchant le nouueau monde fâ
ce cim la deceupour le luyfiure nier.
c H a P. 1 x.
PVtre toutes lesraifons lufdites,ilyenaeu
vne autre, pour laquelle melme les anciens
furent elmeuz à croire qu'il eftoitimpolîiblc aux
hommesde pall'eren ce nouueau monde. C'eft
qu'ils tenoyent, que outre limmenfué & gran-
deur de l'Océan, la chaleur de la région, que l'on
appelle Torride ou bn.-flee, eiloit cuit exceflïue,
quelle ne pouuoit permettre aux hommes, quel-
ques hazardeux ëc laborieux qu'ils fuirent , de la
palier, ny par mer, ny par terre , pourtrauerier
d'vn Pôle à l'autre. Car iaçoit que ces Philofo-
phes ayét eux m efmes affermé, que la terre eftoit
ronde ( comme en effeci elle i'eft ) Si que fous les
deuxPoles y a terre habitablc:ce neantmoins ont
ils mefeogneu , que la région comprenante tout
ce qui eft entre les deux Tropiques(quieltlaplus
grande des cinq Zones ou régions, par lefquelles
les
I
DES INDES. LIV. I. 1J
les Cofmographes , & Aftrologues diuifcnc le
monde ) peut eftre habitée de l'humain lignage.
La rai (on qu'ils donnoient pour fouftenir que
celle Zone torride eftoit inhabitable,eftoit à cau-
fe de l'ardeur du Soleiljequel fait (on cours droi-
tement par delïus celle région ,8c C'en approche
défi près qu'elle en eft totalement embrafee,&
par confequent luy caufe vn défaut d'çauës & de
pafturages. De celle opinion a efté Ariftote,le- J*r*ft- *•
quel encore qu'il fut grand Philofophe, néant- *Me*a!'h'
moins! elt trompe en cet endroit, pour 1 elclar- r
ciflement dequoy il (era bon de direct remar- •
quer les poinctsouil a bien di!couru,& les au-
tres où il a failly. Ce Philofophe donc met en
auant vnedifpute fur lèvent Méridional, ou du
Sud , à fçauoir fi nous deuons croire , qu'il pren-
ne (a naiflance du midy , ou bien de l'autre Polc
contraire au N ort , &c eferit en ces termes . La
raifon nous enfeigne,quela latitude & largeur de la ter-
re habitable, eft bornée & déterminée , & néanmoins
tonte cefte terre habitable ne peut eftre conjointe & con-
tinuée l'y ne à l'autre. Pour-autant que la région du mi-
lieu eft trvpintempcree : car il eft ce> tain qu'en fa longi-^
tude ,qui eft d'Orient au vonant,iln'y a forntde trop
grand froid, ny d'exccfiue chaleur, mais il eft en fa lati-
tude & hauteur , qui cftd'vn Poleà la ligne Equinottia-
le. Et par-awft pourroit-on cheminer & trauerfer toute
la terre en fa longitude, fi la grandeur de la mer, laquelle
conioint les terres cnfemblcment , ne donnoit emùefche-
ment. Iufques icy il n'y a rien à contredire en ce
que dit Anftote,& a fort bonne raifon dédire
que la terre par fa longitude , qui eft d'Orient ati
Ponant, court plusvniemenc, & eft toufiours
HISTOIRE NATVRELLE
plus commode à la vie & habitation humaine,
que non pas par fa latitude, qui eftdu Norc au
Midy. Ce qui eft véritable non feulement pour
cefteraifonmfdited'Ariftote, àfçauoirpour ce
qu'il y a vne mefme ôc toufiours iemblable tem-
pérance du ciel de l'Orient au Ponant: attendu
qu elle eft efgalement diftante , ôc du froid fcp-
tcntrional, ôc de la chaleur du Midy : Maisaufîï
pour vne autre raiion , qui eft qu'en allât ôc che-
minant toufiours en longitude l'on trouue &
apperçoit-on les iours ôc les nuicts fuccedans
les vns aux autres alternatiuement. Ce qui ne
peut eftreen allant par la iatitudcd'autat que par
neceffité il (croit befoin darriuer iufques à cefte
région Poiacque, en laquelle il y anuicr. conti-
nuelle de fix mois,choie grandement incommo-
de pour la vie humaine. Le Philofophe parle plus
outre,reprenant les Géographes, qui defcriuoiér
la terre en fon temps,& dit ainfi : L'on peut bien co-
gnotftre ce que ïay dit par les chemins que l'on peut faire
far terre, <& p-ar les nauigations maritimes. Car il y a
grande différence entre la longitude & la latitude, d au-
tant que lefyacc & interuallc qui eft depuis les coloni-
ales a' Hercules, ou deflroit de Cibaltar , iufques a l'Inde
Orient aie, excède de la proportion de plus de cinq a trois,
celle qui eft depuis î Ethiopie iufques au lac "Mcotis çj-
derniers confns deScythie : ce qui eft approuué parle
compte des tournées des chemins & de la nauigatio, que
vous fçauons à prefeut par la mefme expérience. D'autre
part nom auons aujîi cognoiffanec de la terre Jjabi table,
iufques aux parties d'icelle qui font inhabitables. Et
certes en cepoinct Ton doit pardonner à Arifto-
te , puis que de fon temps l'on n'auoit point en-
I
DES INDES. LIV. I. I#
core defcouuert plus outre que la première É-
thiopie appellee extérieure, qui cft ioignant l'A-
rabie , & l'Afrique ; & que l'autre Ethiopie inté-
rieure a efté totalement incogneu'è de fon temps;
mefme toute celle grande terre que nous appel-
ions auiourd'huy la terre de Prete-Ian. Comme
aufîï n'ont point eu cognoillancedurefte de la
terre qui gift fous l'Equiuoxe , & va courant iuf-
ques à outrepaiîer le Tropique de Capricorne,
pour f arrefter au Cap de bonne efperance,fi bien
cogneu & renommé par la nauigation des Por-
tugais, que fi l'on mefure la terre depuis ce Cap
iufques à la Scythie & Tartarie , il n'y a point de
doute que cette efpacc & latitude Te trouuera
aiiffi grande comme l'efpace & la longitude , qui
eft depuis Gibaltar iufques à l'Inde Orientale.
C'eft choie certaine que les anciens n'ont point
cogneu lescommencemens& fources du Nil,
ny la fin de l'Ethiopie, & pour cela Lucain re-
prend la curiofité de Iules Cefar , de vouloir re-
chercher & enquerirla fource du Nil , difànt par
ces vers:
Que tcfert-il Romain de prendre tant de peines
*A rechercher du "Hil les jour ces & fontaines'*
Et le mefme Poète parlant auec le Nil,dit:
Tuis que ta prime fource cft fi cachée encoret
Que qui tu fois., o N/7, tout tVniucr s ignore.
Mais par la fain&e Efcriture mefme l'on peut
entendre que celle terre eft habitable. Car fi elle
ne l'eftoit,le Prophète Sophonias ne diroitpar-
lant de ces nations appcllees à l'Euangile , Les
fils de mes difperfe\ ( ainfî appelle-il les Apoftres)
ip apportèrent desprefens déplus outre que les riuages
C ij
LuC4tt.to]
Thtrfal.
HISTOIRE NATVRELLE
et Ethiopie. Neantmoins, comme il a efté d it,il eft
raifonnable de pardonner au Philoiophe, d'a-
uoir creu les hiftoricns, & Cofmographes de fon
temps. Pourluiuons donc maintenant & exami-
Sofh.t-yt. nons ce qui ('enfuit du mefme Ariftote : V ne par-
tie du monde ( dit-il ) qui esl la feptentrionalefituee au
'Kort^out rc la Zone tcmperee,cfl inhabitable pour l'excès
de froidure: l'autre partie, qui eft au midyfde mcfmenc
peut ejire habitée outre le Tropique , pour l'excefsiue
chaleur qui y eH. Tsiats les parues du monde font ejr ^i-
fent outre lTndc>d'yn(oPié,& lescolomnes d'Hercules
de t autre, pour certain ne fe peuuent joindre, ç-r con-
tinuer l'y ne a l'autre: de telle façon que toute la terre
habitable fe tienne en ru feul continent a caufe de la mer
quilesfepare. En ce dernier poinct il dit la vérité,
puis ilpourfuit touchant l'autre partie du mon-
de , & dit : llcBncccffaircquc la terre aye me fine pro-
portion, aucefon Tôle .Jntartiquequc ccsle noHre par-
tie habitable a aucc le fictif qui es~i le "Rort, <& n'y a point
de doute que en l'autre monde toutes chefes doiucnt eflre
disfofees comme en ccsluy-cy , fpectalcment en la naif-
fance & ordre des yents. Et après auoir mis en auan t
d'autre raifons , hors de propos, conclud le mef-
me Ariftote difant : Kous datons donc confffcr par
necefiite,que leMendional est le 7ncfme yent qui fou ffle,
& procède de cesle région embrafec de chaleur : laquelle
région pour cs~lre fort proche du Soleil, défaut & man-
que d'caux,&- de paflurages.Qc.cy eft l'opinion d'A-
riftote, & à la vérité, l'humaine conjecture à grad
peine a peu palier plus outre. D'où fouuentesfois
ie vien à confiderer , (par vne contemplation
Chreftienne) combien débile, & petite a efté la
Philofonhjç des iages de ce fîçcle.en la recherche
DES INDES. LI V. I. 19
des chofesdiuines, puifque mcfme aux chofes
humaines , où ils iemblenc fi bien verfez , ils ont
maintefois erré. Ariftote eft d'opinion 8c afferme
que la terre habitable au Pôle Antarctique eu
longitude eft trcs-grande , qui eft d'Orient au
Ponant , 8c qu'en latitude du Pôle Antarctique à
la ligne equinoctial elle eft très-petite. Ce qui eft
fi contraire à la vérité, que toute l'habitation
prefque,qui eft en ce codé du Pple Antarctique,
a fa fituation en la latitude , ( i'entens du Pôle ala
ligne,) & en la longitude d'Orient au Ponant eft
tant petite, que la latitude l'excède trois parts»
voire d'auantage. L'autre opinion eft, qu'il affer-
me que la région du milieu eft du tout înhabita-
ble,pour eftre fouz la Zone Torride embrafee de
l'exceffiue chaleur que luycauiela prochainetc
du Soleil , & par cefteraifon n'a point d'eaux, ny
depafturages. Cequi eft au(Tî tout au contraire,
d'autant que la plus grande part de ce nouueau
monde eft fituee entre les deux Tropiques fouz
la mcfme Zone Torride: Et neantmoins fe trou-
uefort peuplee,& habitée d'hommes, & d'autres
fortes d'animaux , eftant la région la plus abon-
dante de toutl'vniuers en eauës & pafturages : 8c
qui plus eft fort tempérée en la plus grande par-
tie. Ce que la volonté de Dieu a difpofé de telle
façon , afin de monftrer comme melmc aux cho-
fes naturelles il a renuersé 8c confondu la (âge (Te
decefiecle. En refolution il faut croire que la
Zone Torride eft fort bien peuplée & habitée,
quoyqueles ancies l'ayent tenu pour chofeim-
poffible. Mais l'autre Zone ou région , qui eft
entre laTorride 8c la Zone du Pôle Antarctique,
C iij
HISTOIRE NATVREL LE
encore qu'en fon alîîctc elle foie fort commode
pour la vie humaine, ce neantmoins eft peu peu-
plée Se habitée, puis que l'on ne cognoift autre
habitation en icelle que le royaume de Chillc,
& vue petite portion joignant le Cap de bonne
Efperance. Le refte eft occupé de la mer Oceane,
bien que plufieurs foient d'opinion (laquelle ie
veux bien enfuiure de ma part) qu'il y a beau-
coup dauantage^c terre non encore dcfcouucr-
te , laquelle doit eftre terre ferme à l'oppofite du
royaumede Chillc, qui va courant plus outre,
que le cercle ou Tropique de Capricorne. Que
ril y en a, fans doute ce doit eftre vne terre d'ex-
cellente température , pour eftre au milieu des
dcuxextremitez,& fitueeen mefrne climat que
lameilleure région de l'Europe. Et pour cefte
confîderation eft fort bonne la conjecture d'A-
riftote : mais parlant de ce qui eft auiourd'huy
defcouuert,cc qui eft en celle Zone eft peu de
choie, en comparai fon de la grande efpace de
terre habitée eftenduc fouz la Zone Torride.
Que Time Cries anciens ont eultntefmc
opinion qu'^Arislote.
chap. x.
&& 'Opinion fufdicte d' Ariftote a efté fuy uie Se
Ttin.hb.i. Sais? tenue" par Pline , qui dit ain.fi : La tempera-
(• 68. turc de la région du milieu du monde, par où &;\
1 endroit de laquelle continuellement chemine
le Soleil 5 eft embrazee &- bruflee comme d'vn
feuprochain, îoiguant icelle région du milieu.
DES I NDES. LIV. . I. 20
Il y en a deux autres aux deux codez, qui pour
eftre entre l'ardeur de celle Torride,& le froid
cruel des deux autres extrêmes , font fort tempé-
rées , & ne peuuent auoir communication les
vues auec les autres, à caufede l'ardeur exceiïï-
ue du Ciel . Qui a efté la mefme opinion des
anciens généralement défaite par le Poe" te, en
ces vers :
Tout le Ciel cfl circuit de cinq Zones, dont tvne
Que Vhebus ardtoufioursd'vne braife importune,
Hjndla terre au dejfous toutereuge et ardeur.
Et le mefme Poëte en autre lieu:
Oye^ fi quelque gent habite en celle part.
Qui fous la large 7.onc a (on quartier à part -,
Qt<e pbebus au milieu des quatre autres allume.
Et vn autre Poète dit plus clairement,
ilyafurlatcrrc autant de relions
Comme au etel qu'on diuife en ces cinq portions.
Dont celle du milieu , par l'ardeur excitée,
Des chauds rais du Soleil efl toute inhabitée.
Les anciens ont fonde leur opinion commune
furvneraifon , qui leur a femblé certaine, & in-
expugnable. Car voyans quêtant plus vne ré-
gion approchent du midy , tant plus elle eftoic
chaude , ( laquelle preuue eft fi certaine en ces
régions , que pour cefte mefme raifon, en la Pror
uince d'Italiela Pouilleeft plus chaude, que la
Tofcane, ScenEfpaigne, l'Andalufie plus que
laBifcaye: chofe fi apparente, que iaçoit qu'ir
n'y ait point de différence entre l'vne& l'autre
de plus de huictdcgrez, 8c encore moins, on
voitquel'vneeft fort chaude, & l'autre au con-
traire a bien froide,) de là ils infer oient que la
C iiij
HISTOIRE NATVRELLE
région fiproohe dumidy ayant le Soleil droit
pour Zénith, necellàirement deuoit eftre con-
tinuellement embrafee de chaleur. Ilsvoyoient
d'auantage,que toutes les diuerfitezdesfaifons
de l'année , du Printemps , de l'Efté,de l'Autone,
ôc de l'Hyuer,eftoient caufees de l'aprochement,
ôc efloignement du Soleil. Voyans auflî que,
combien qu'ils fuirent fort efloignez du Tropi-
que , par où chemine le Soleil en Efté , ce neant-
moins lors qu'il s'approchoit d'eux, en la mefme
faifon ils fentoicnt de terribles chaleurs , ôc de là
ils iugeoient que fi 'ils euffent eu le Soleil fi pro-
che d'eux, qu'il cheminaft au dellus de leurs te-
lles, & tout le long de la nuée, la chaleur feroit
tantinfupportablc3que fans doute elle confume-
roit&: emoraferoit les hommes par Ton excez.
C'a efté la melme raifon , qui a efineu les anciens
i. croire que la région du milieu n'eftoit point
habitable , ôc pour cela l'appellcrent ils la Zone
bruilante. Et à la vérité , h l'expérience oculaire,
que nous en auons , ne nous euft elclarcis fur ce
poinct, nous dirions auiourd'huy , que cefte rai-
ion eftoit fortperemptoire ôc Mathématicien-
ne, d'où nous pouuons voir, combien foibleeft
noftre entendement, pour comprendre feuleméc
ces chofes naturelles -, Mais ores que nous pou-
Uons dire qu'il eft efcheu au grand heur ôc félici-
té de noftre fiecle ,d'auoir la congnoifiance de
ces deux grandes merueilles,à fçauoirque l'on
peut fort facilemëtnauiger la grande mer Ocea-
ne , ôc que fouz la Zone Torride les hommes
iouviFcnt d'vnCiel fort tempéré. (Chofeque les
ancien* n'ont peu iamais croire.) De la dernière
DES INDES. LIV. T. 21
de ces deux merueilles,tou<;hant la qualité & ha-
bitation de la Zone Torride , nous en traiterons
auec l'ayde de Dieu fort amplement au liure en-
fumant. Et par ce melembleconuenablededif-
courir en ce liurc de l'autre , qui eft de la manière
denauiger l'Océan, d'autant que cela' nous im-
porte beaucoup pour le fubject de ceft œuure.
Mais auat que de venir à ce poinct, il fera bon de.
dire ce que les anciens ont tenu de ces nouueaux
hommes , que nous appcllo ns Indiens.
Que l'on trouue quelque co^noiffimeedece nouueau
monde dedans les hures des anciens.
C II A P. XI.
<$n Eprenant doneques ce qui a efté mis en auat
si*&cy deiïus, il faut nécessairement conclure,
ou que les anciens ontereu, qu'il n'y auoit hom- piutarc j,
mes par delà le Tropique de Cancer (comme S. depUatU
Auguftin, Se Laitance l'ont tenu) ouquefily en/'^-c-^-
auoitjàtoutlemoins ilsn'habitoient pas entre
les deux Tropiques ( ainfi que l'ont affermé Ari-
ftote, Se Pline, Se deuant eux le Philofophe Par-
menides)dont le contraire cftafTezprouué cy-
deuant, tant pour l'vn que pour l'autre. Mais ce-
pendant, plufieurs par curiofité pourroient de-
mander, ii les anciens n'ont eu aucune cognoil-
iànce de cette verité,qui nous eft à prefent fi cl ai-
re Se fi notoire : D'autant qu'à la vérité cela fem-
ble vne chofe fort eftrange , que ce nouueau mo-
de eftant fi grand , comme nous le voyons ocu-
lairement , ait efté neantmoins incogneu des an-
ciens par tant de ficelés pallez. D'où quelques-
HISTOIRE NATVRELLE
vns auiourd'huy ..pretendans amoindrir en cefë
endroit la félicité de noftreiîecle,& la gloire de
noftre nation , {'efforcent de monftrer que ce
nouueau monde a efté congneudes anciens. Et
de faict l'on ne peut pas n i cr,qu'il n'y en ait quel-
ques apparences. Sainct Hicrofmeefcriuant lur
n'ier. fuper TEpiftre aux Ephefiens èh.^uecraijon nous recher-
f.zadEph. cJ)ons ce que y eut dire l\ApoHrc, en ces paroles qshl
dit. Vousaue1^ cheminé îm temps félon le cours de ce
monde, fçauoir (i d' auanture il nousveut faire entcndrcy
audy ait vn autre fîecle, qui ne fort, ny def pende point
de ce monde , nuis d'autres mondes defqucls efcrtt Clé-
ment enfon eptjfre, T Océan , & les mondes qui font par
de-la l'Océan. Ce font les termes de S. Hierofme.
Mais à la vérité ie ne peux trouuer,quelle Epiftrc
foitcellcdeS.Clemëtque,citefaincT: Hierofme:
ireantmoinsians douteiccroy, qucS.Clemétl'a
efcritc,puifque S. Hierofme Tamis en auant. Ei?
auecraifondit S. Clément , que par de là la mer
Oceaiie,ily a vn autre monde, voire plufieurs
mondes , comme c'eft la venté , puifque il y a fi
grande diftanec d'vn nouueau monde à l'autre
nouueau monde, (l'entes dire du Peru & des In-
des OccidctaleSjàla Chine & Indes Orientales.)
plmlib.i. D'auantage, Pline quia eue fi diligent recher-
«. 67. cheur des chofes eurages,& admirables, rappor-
te en fou hiftoire naturelle, que Hannon capi-
taine Carthaginois, nauiga par l'Océan depuis
le dedroit de Gibaltar , coftoyant toufiours la
terre iniques aux confins d'Arabie , 8c qu'il laifîa.
par elerit cefte fiene nauigation. Que fil cftainfï
comme Plinel'efcrit, ilfeofuitque Hannon na-
uiga autant j comme nauigent auioutd'huy Les
DES INDES. L1V. h
11
Portugais , trauerfàns deux fois pardelîoubs l'e-
quinoxe,qui eft vne chofe efpouuentablc. Et qui
pi us eft le mefmePline rapporte deCorneleNep-
ueu auteur fort graue,&dit que le mefrîic chemin
a efté nauigé par vn autre homme appelle Euda-
xiuSjtoutesfois par chemins contraires: d'autant
que ccft Eudaxius fumant le Roy des Latyres,
fortit par la mer rouge dans l'Océan, & en tour-
noyant paruintiufquesau'deftroitdeGibaltarrce
quelemefmeGornele Nepiteu afferme eft re ad-
uenujde Ton temps. Comme auflï d'autres au-
teurs graues efcriuenc , qu'vnc nauire de Cartha-
ginois pouiïee par la force des vensdansla mer
Oceane,arriua en vne terre , qui iufqucs à ce teps
n'auoit efté cogneu"ë,&:qu'eftant de retour à Car-
thage.donnavn grand defir & cnuieaux Cartha-
ginois de defcouurir & peupler ccfte terre. Ce
que voyant le Sénat, par vn rigoureux décret dé-
fendit telle nauigation , craignant qu'auec le dé-
fi r de nouuelles terres , l'on delailfaft à aimer Ton
pays. De tout cecy l'on peut tirer que les anciens
ont eu quelque cognoiiîancedunouueau mon-
de, encore que parlant de noftre Amérique ÔC
de toute cefte Inde Occidentale , à peine en
trouue-1'on chofe certaine es liures des Efcri-
uains anciens. Mais de l'Inde Orientale, ie dis
qu'il y en a allez ample mention , non feule-
ment de celle de par-delà , mais auiïï de celle de
par-decà, qui anciennement eftoit la plus efloi-
gnee , pource que l'on y alloit par contraire che-
min , que celuy qu'on fait auiourd'uy , Pour-
quoy n'eft-il pas ailé de trouner aux liures an-
ciens Malacà qu'ils appclloicnc le doré Cher-
HISTOIRE NATVRELLE
fonefe, le Cap deComorni, qui Pappelloit le
Promontoire de Cori,& la grande & renommée
IfledeSumatrc,tant célébrée par l'ancien nom
de TaprobaneîQue dirons nous des deux Echio-
pies , des Brachmanes , & de la grande terre des
Chinois? qui doute que aux liurcs des anciens, il
n'en foit -fait mention plusieurs fois? Mais des
Indes Occidentales,nous ne trouuons point de-
Thajib. 6. dans Pline , que en cefte nauigation l'on patfàft
çaP' "• les Ifles Canaries , qu'il appelle Fortunées , la
principale defquelles il dit auoir efté nommée
Canari e,pour la multitude des chiens qui eftoiec
en icelle. Mais à peine il y a aucune apparence
aux liures anciens de la nauigacion , que l'on fait
auiourd'huy plus outre que les Canaries , par le
Golphequ'auec fort boneraifon ils appelloient
grand. Ce neantmoins beaucoup ont opinion
que Senequc le Tragique a prophetile de ces In-
des-Occidentales, parce oue nous lifons en fa
tragédie de Medee en vers Anapeftiques , quire-
duicts en vers François , difent ainfî :
il viendra fur le dernier aage
Vn ficelé nouucau, bien-heureux,
Ou noslre Océan fyacieux
Lsîcndra plus loin? (on riua<?c.
F ne grand terre fe verra
Kauigcant ccBc mer profonde,
Et lors vn autre nouueau monde
*Ahx humains f defcouurira. \
La Tulle par tout renommée
'Pour vn bout du monde eftonçné
Tantofl après ce poinB çaigné
Sera pour yoijia e contrée*
Senec. in
toted ait.
2. in fn.
DES INDES. IIV. I. 2|
Cecy raconte Seneque en ces vcrs,ôc ne polluons
bonnement nier que la prenant à la lettre, la pré-
diction ne fou véritable. .Car il Ton compteles
longues années qu'il dit , à commencer dés le
temps du Tragique, l'on trouucraplus dc*mil 8c
quatre cens ans pallez , & fic'eftdcs lctcmpsde
Medee, il y en aura plus de deux milice que nous
voyons auiourd'huyà veue d'oeil tellement ac-
comply,veu qu'il n'y a point de doute que l'on,
n'aye trouuc Le partage de l'Océan fi long temps
caché , &c que l'on a defeounert vne grande terre
cVnouueau monde habiter, plus grande que tout
ce continent de l'Europe & de l'Afie. Mais ce
que l'on peut en cela raiionmibiemenc dilputer
eft,à fçanoir fi Seneque a diet cela par dmination,
ou fi c'a efté poétiquement, & àlavolec.Etpour
en dire mon opinion, iectoy qu'il l'a pronofti-
qué auec la façon de deuiner qu'ont les hommes
iàges & aduiiez : attendu qu'en fou temps l'on
entreprenoit défia de nouuelles nauigations,&
voyages par mer. Ilcognoillbit bien auflj com-
me Philofophe,qu'il y auoitvne autre terre co-
traire& oppoiiteà nous, qui efeoit celle qu'ils
appellent Antichthon. Et par ce rondement il a
peuconfiderer que la hardieire& induftrie des
hommes en fin pourroit atteindre iufques là que
de trauerler la mer Oceanc , &c l'ayant trauerfee
pourroientdefcouurirde nouuelles terres, tScvri
autre monde: attendu que du temps de Seneque
l'onaiioitcognoifiancedu fuccezde ce naufrage
que Pline raconte, par lequel on oafïa le grand
Océan. Ce qui appert auoircfléle motif de la
Prophétie de Seneque , comme il le donne à en-
HISTOIRE KATVRULB
tendre par les vers cy deuant récitez : après Ie£
quels ayant acheué d'eferire le foucy& la vie peu
malicieufe des anciens , il fuit ainfi:
.Auionrctkuy c'esî vn Mitre temps,
Car la mer contente ou forcée,
Se voiddcïhardy trauerfee,
Qui n'y prend que du pajfc-ttmps.
Et plus bas il dit ainfi :
Tout batt eau fans craindre naufrage
Se ictte or fur la haute mer,
Et ja le bouillant pafj'ager
Tient pour brefvn fi long voyage.
ilriesl plus rien à dcfcouurir,
JZy lieux qui foyent encor a prendre :
Celuy là nui fie y eut deffendre,
D'vn nouueau mur fedoit cotiurir.
Tout ett rentier se par le monde,
Rjen i\cft en fon lien demeuré,
Bjen fecret ny rien d'à fleuré
"H'ya parmy la terre ronde.
On voidque le chaud Indien
Boit t.Araxeen froideur cxtrcfme,
Et ÏElbe& le \\htntout demcfme,
Laucnt le peuple Ver lien.
Et de cette tant grande hardieiïe des hommes
Seneque a coniecfcurè ce qu'il a eferit, comme
le dernier poincl: qui doit arriuer difont : il vien-
dra fur le dernier âge } &c. ainfi qu'il a elle mis cy
deifus.
DES INDES. lîv. I.
H
De l'opinion que Vlaton a eue des Indes
Occidentales.
C H A P. XII.
R fi quelqu'vn a trai&é plus particulière-
$$. ment de cefte Inde Occidentale, que l'hon-
neur en doit efl re donné à Platon, qui en fon Ti-
mee dit ainfi : En ce temps l'on ne pouuoit nauizer ce
Go!j>bc(i[c\uciid delà merAtlantique,quieft l'O-
ccan,qui fe rencontre au fortir du dcftroit de Gi-
baltar) pour ce que le pafiage cfioit clos à la bouche des
colomncs d'Hercules, (qui eft. le mefmedeftroit de
G 1 bal car) . Et cefie Ifle cfioit joincfe en ce teps a la bou-
che jufdick, & cfioit de telle grandeur , qu'elle execdoit
toute l'./fjic & l '.Afrique e??fc?nldcmet:&alorsil y auoit
yn pa^fage pour aller de ces Ifles à d autres, & de ces au-
tres l fi es l'on alluit à U terre fermey qui eftoit proche, en-
vironnée de la yraye mer. Cela eft raconté parCritias
en Platon. "Et ceux qui fe perluadet que cefte nar-
ration de Platon eft vnevraye hiftoirc deduietc
& cdtenu'é foui ces termes. d> lent que cefte gran-
de Ifle appellee Atlantique, laquelleexcedoiten
grandeur l'Afrique &" l'Aile tout enfemble,occu-
poit alors la plus grande part de la mer Oceane
appellee Atlantique, que les Espagnols nauigenc
auiourd'huy,&: que les autres Ifles, qu'il diibic
cftre proches de celle grande , font celles que
maintenant nous appelions Ifles de Barlouante,
à ^çauoir Cube Efpagnolle , fai r.ct Iean du Port-
riche , Iamaique ôc autres Ifles de cefte con-
trée : mefme que la terre ferme dont il fait men-
tion , eft celle qu'auioutd'huy nous appelions
HISTOIRE NATVRE1LE
terre ferme , à fçauôir le Peru , 8c l'Amérique , &
que cède vraye mer , qu'il dit , eft joignant icelle
terre ferme, içauoir la mer du Sud, qu'il appelle
vraye mer, pource qu'en comparaifon de fa gran-
deur , les autres mers Mediteranees , voire la
meime Atlantique, font comme petites mers.
Par cela à la vérité ils donnët vne interprétation
fort ingenieuic & artificieufe à ces propos de
Platon. Mais fi cette interprétation doit eftre te-
nue pour veritable,ou non,i'ay delibei é l'efclair-
cir en autre lieu.
Que quelques -y ns ont eu opinion au aux lieux dé
lEfoiture faincie , où UeHfaiEl mention
d'Ophir i on le doit entendre de
noftrc "Peru,
CHAP. XIII.
^5 Velques-vns ont cefte opinion qu'il eft fait
* S mention en lafaincieEicntuc de cefte In-
de Occidentale, prenans la régi on du Peru pour
ceft Ophir tant célébré en icelle. Robert Hftien-
ne, ou pour mieux dire François Vatable , hom-
me fort versé en la langue Hébraïque (comme
i'ayouy raconter à noftre Précepteur qui fut fon
diiciplc) dit aux annotations fur le neufielme
I» $./.*/£. chapitre du troifiefme linredesRoys, quel'Ifie
f- 9- Efpagnolle,quetrouuaChriftoneColôb,eftoit
celle d'Ophir , dont Salomon faifoit apporter
mappara- quatre cens vingt , ou quatre cens cinquante ta -
tuBtbu* lents d'or tres-fin& pur. Pour ce que l'or de Cu
revit tm- , , . T 1,
phatee. c bao cluc Ies noftres apportent del Eipagnolle,elt
». ' de telle façon & qualité. Et f en trouuent encore
plufieurs
DES INDES. LIV. I. £J
plufieurs autres qui afferment que ceftuynoftrc
Perueft Ophir , deduifans &;tirans vn nom de
l'autre , lefquels croyent que des lors que le liurc
de Paralipomenon fut efent, l'on appelloitPeru i-PtraLfl
comme auiourd'huy ils fe fondent en ce que la î'*-eZ?m>
faincte Efcriture rapporte que l'on apportoit
d'Ophir de l'or très- pur, &des pierres fort pre-
cieufes auec du bois qui eftoit fort beau & fort
rare: lefquelles chofes font abondantes au Pé-
ril,comme ils difent. Mais(àmonopinion)c'eft:
choie fort efloignee de vérité, que le Peru foie
O phir tant célébré par les lettres facrees. Car ia-
çoit qu'en ce Peru il y ait allez grande abondan-
ce d'or , ce n'eft pas toutesfoisde telle façon que
l'on ledoiueefgaler à la renommée des richelîes
qu'a eue anciennement l'Inde Orientale. Iene
trouue point qu'en ce Peru il y ait des pierres fi i. var. 8„
precieulcs,ny de bois fi exquis, qu'on n'en ait ia- 4-1^- ra-
mais veu defemblablesen Hierufalem. Car en- '" *^e& 9'
core qu'il y ait des efmeraudes exquifes , 8c quel-
ques arbres d'vn bois dur & aromatique : ce
neantmoins ie n'y trouue point chofe digne de
telle louange, que lafaincte Efcriture donne à
Ophir. Mcfme il me femble qu'il n'eft pas vray-
femblable que Salomon euft lai fîé l'Inde Orien-
tale tres-nche & opulente,pour enuoier fes flot-
tes de nauires à cefte dernière terre : que fi elles y
cftoient venues tant de fois, (comme il eft eferit)
certainement nous trouuerions plus derefte&
detefmoignage d'icelles que nousn'auons pas.
Dauantage, l'etymologie du nom d'Ophir , & le
changement ou réduction d'iceluy au nom du
Peru j me femble chofe peu confiderable , eftanc
D
I
I
HISTOIRE KATVRELIE
certain que le nom du Peru n'eft pas fort anci en,
«y commun à toute celle contrée. L'on a eu de
couflume ordinairement en ces defcouuertures
du nouueau monde , de donner nom aux terres
&ports de mer, félon l'occafion qui Ce prefen-
toit alors del'arriuee, &croy que le nom du Pe-
ru a eftéain Ci trouué,& mis en vfage. Car nous
tenons icy , que le nom a elle donne à toute celle
terredu Peru, à caufed'vn fleuueainfi appelle
parles naturels du pays,auquel les Efpagnols ar-
riuerent quand ils firent la première delcotiuer-
tc. Et de là nous difons que les mefmes Indiens
naturels du Peru ignorent, Se ne Ce feruent aucu-
nement de ce nom &c appellation pourfignifier
leur terre. Il lemble d'auantage que les mefmes
autheurs veulent dire que Sepher, dénommée en
la faincte Efcriture, cft ce qu'auiourd'huy Ton
appelle les Andes, qui font des montagnes très-
hautes du Peru. Et celle reflemblance des mots
& appellations n'eft pas chofe furfifànte. Car (i
cela auoit lieu , nous pourrions auflï bien dire
que Iectan eft Iecfan, mentionné en la iainclc
Efcriture. AuiH nous ne pointons dire que les
jeâanf- noms de Tite &c Paul , de(quels ont vie les Rois
husHeber. jnqUas fe x:e Peru , (oient 'prouenus des Ro-
lectan fi- malni,>°U Cnreltiens -, d autant que c ell vn argu-
Um Aha- ment trop foible & trop léger , pour tirer con -
h*ex ce- clufion de chofes fi grandes. L'on voit claire -
titra ce». ment que c'eft chofe contraire à l'intention de
ZJ" l'Efcriture faincle, ce que quelques- vns ont et-
crit que Tharfls & Ophir n'eftoient en vne mef-
me route & prouince, en conférant le chapitre
. vingt- deuxicfme du quatrieime liuredesRois,
DES INDES. L IV. I. l6
a.Uec le chapitre vingtiefme du fecôd liuredu Pa-
ralipomenon. D'autant que ce qui eft dit au li-
uredes Roys, que Iofaphatdrelîàvne flotrede
rauiresen Afiongaber pour aller quérir de l'or à
Ophir, eft aiiiîî référé au Paralipomenon, que
celle mefmc flotte fut drelfee pour aller à Thar-
fis. D'où l'on peut facilement inger qu'en ces li-
ures fufdits, quand l'Efcriture parle de Tharlîs
& Ophir, elleentend vue mefme chofe. Quel-
qu'vn me pourroit demander fur cecy,quelle ré-
gion ou nrouince eftoit ceft Ophir, oùalloitla
flotte de Salomon , auec les mariniers de Hyram.
Roy de Tyr& de Sidon, pour rapporter dç.i'or, î-R.^f-9.
ik où prétendant aller la flotte du Roy Iofaphats 4> ^'
perit,& fit naufrage en Afiongaber , comme rap-
porte l'Efcriture. En cecy iedis , que îe m'accor-
de fort volontairement à l'opinion de Iofephe,
en les liures des Antiquitez, où il ditquec'eft
vne prouince de l'Inde Orientale , laquelle fut
fondée par ceft Ophir, fils de Ie^tan,duquel il eft
faict mention au Genefedixiefme, &eitoit celle Gene^ l0'
prouince abondante d'or très-tin. De là eft venu
que l'on célèbre tant l'ord'Ophir, ou d'Ophas,
ou félon qu'aucuns veulent dire que ce mot d'O-
brile,vaut autant comme quidiroit l'Ophiri-
ze. Pourceque y voyant fept fortes tk eipeces
d'or , (comme réfère faincl Hierofme) celuy
d'Ophir eftoit tenu pour le plus fin , comme icy
nous louons &eftimons l'or de Valdiuia ou de
Caranaya. La principale raifon qui me fait croi-
re qu'Ophir eft en l'Inde Orientale ,6c non en
cède Occidentale , eft pource que la flotte de
Salomon ne pouuoit venir icyfà,ns palier toute
HISTOIRE NATVRELLE
i'Inde Orientale,toute la Chine , 8c autre grande
cfpace de mer^ n'eftant pas vray-femblablc qu'il*
eullent trauerfé tout le monde pour venir icy
chercher de l'or, principalement eftant cefte ter-
re de telle façon , que l'on n'en peut auoir eu co-
gnoiiTance par aucun voyage de terre , 8c mon-
trerons après que les anciens n'auoient cognoil-
fancede l'art de nauiger , dot nous vfons auiour-
d'huy,fans lequel ilsn'euiTent peu ^engouffrer
&auancer fiauant dans la mer. Finalement en
ces chofes quand il n'apparoift indices certains,
mais feulement conic&ures légères , l'on n'eft
obligé d'en croire dauantage que ce qu'il en fem -
bleàvn chacun.
Qucjîgnifiecn U faincieEfcriturc Tbarfis
ér Opbir.
CHAP. XIII I.
I les opinions & coniedures d'vn chacun
doiuent eftrereceuës ,ic tiens quantàmoy
qu'en la faindte Efcriture ces mots de Tharfis&:
Ophir,leplusfouuent ne lignifient aucun lieu
déterminé, mais que c'eft vn mot & lignification
générale aux Hebrieux, comme en noftre vul-
gaire ce mot des Indes nous eft gênerai en noftre
vfage & façon de parler: car nous entendons par
les Indes , des terres fort riches , efloignees 8c
eftranges des noftres. Ainfi nous autres Efpa-
gnols indifféremment appelions Indes lePeru,
le Mexique,laChine, Malaque,&leBre(il,&:de
quelconques parties de celles-cy que viennent
lettres5 nous difons que ce font lettres des Indes,
DES INDES. LIV. I. 1?
cftans ncantmoins lcfdites terres 8c Royaumes
de grande diftance 8c diuerfité entre elles i iaçoit
auiïï qu'on ne puiflTe nier, que le nom des Indes
l'entend proprement de l'Inde Orientale . Ec
pour ce que anciennement on parloit de ces In-
des comme d'vne terre fort eflongnce,de làeft
venu , que à la defcouuerture de ces autres terres,
auflî bien efloignees, a l'on donné le nom des In-
des : pour eftre diftantes des autres , & tenues
comme le boutdumonde. Etdemefmefaçonil
me femble , que Tharfis en la faincte Efcriture le
plus fouuent ne fignifie ny lieu , ny partie déter-
minée , mais feulement des régions fort eflon-
gnees , Se félon l'opinion du peuple , fort riches,
& fort eflranges.Car ce que Iofephe 8c quelques-
vns veulent dire,que Tharfis efl Tarfo félon l'in- tlieYon.aâ
tendon de l'Efcriturc, il me femble auec bonne Xl4r" 'm
raifonauoircflé reprouuèparèfaincT: Hierofme:
non feulement d'autant que ces deux vocables
{' efcriuent par diûerfes lettres,l'vn auec vne afpi-
ration, 8c l'autre fans afpiration;mais auffi,pour-
ce que l'on eferit beaucoup de chofes de Tharfis,
qui nepeuuentpas bienconuenirny fc rappor-
ter à Tarfo cité de Cilicie. Il efl bien vray , que
en quelques endroits de l'Efcriture , il efl dit que
Tharfis efl en Cilicie. Cequifetrouue au liure
de Iudith , quand il eft parlé d'Holofernes , du- /»^-2-
quel il efl dit qu'ayant pafsé les limites d'Alîyrie,
il paruint iufques aux grands monts d'Ange, (qui
par aduenture efl Taurus ) lefquels monts font à
la feneflrt de Cilicie , 8c qu'il entra en tous les ,L<** P '"'
chafleaux, où il affembla toutes les forces, ayant
deftruie celle tant renommée cité de Melothi,
D iij
Theod. in
i . loAn.
Jlxtafmot.
thid. & tn
alphabeto
appartins.
Kieron. ad
Marcell.
tfayx 6q.
HISTOIRE NATVRELLE
defpouilla, ôc ruina tous les fils de Tharfis 5c
d'Ifraël,qui eftoient joignant le de(ert,& ceux •
qui eftoient au midy, vers la terre de Cellon , &
delàpairal'Euphrates :mais (comme i'ay dit) ce
quieftainfi efcritde Tharfis ne le peut accom-
moder à la cite deTarfo. Theodoret& autres
fuiuas l'interprétation des feptante , en quelques
endroits mettent Tharfis en Afrique,voulans di-
re que c'eftoit la ville mefme , qui anciennement
Pappelloit Carthage, &auiourd'huy Royaume
de Thunes, & difent que c'eftoit là où Ionas vou-
loit aller, quand I'Elcriture rapporte qu'il i'en-
fuyoit du Seigneur en Tharfis. Autres veulent di-
re , que Tharfis ell vue certaine régi on des Indes,
comme il femble que fainct Hierofme ('y vueillc
incliner, le ne veux pas à prefent debatre ces opi-
nions, mais ie veux bien dire , que i'Efcriture fur
cède matière ne fignifie pas toufiours vne région
ou partie du monde certaine & déterminée. Il cil
certain que les Mages ou Roys qui vindrenc
adorer Iefus Chrift eftoient d'Orient, & auflidit
I'Efcriture , qu'ils eftoient de Saba, Epha,& Ma-
diem. Et quelques hommes doâres font d'opi-
nion , qu'ils eftoient d'Ethiopie , d'Arabie , ôc de
Perfe. Et neantmoins le Pialmifte ôc l'Eglife
chante d'cuXiLes ï{oys cleï'htrfîs df'jwrteront des />,'
fens.N ous nous accordons doncauec faindl Hie-
rofme, que Tharfis eftvn mot, quia plufieuis Se
diuerfes lignifications en I'Efcriture,^ que quel-
quefois il fignifie la pierre Chryfolithc,ou Iacin-
the,tatoft quelque certaine regio des Indes , tan-
toft la mer mefme , qui eft de couleur de Iacinthe
à lareuerberation du Soleil. Mais auec raifon le
DES INDES. t IV. I. 28
mefme faindt Docteur nie que Tharfis foit regio
des Indes,où vouloir fuir louas, puis que parrant
deloppé ,illuy eftoit impoffibledenauiger iuf-
ques es Indes paricellemcr. Ponrce que Ioppé
( qu'auiourd'huy nous appelions Iaffe , n'eft pas
vnporr de la mer rouge, laquelle eft jointe anec
la merlndique Orientale, maisdela mer Medi-
terranee,qui n'a point d'ilTiic parla mer Indique.
D'où il appert clairement,que la nauigation que
faifoitlaflotedeSalomon partant de Aiîongaber
(où fc perdirent les nauires du Roy Iofaphat) al-
loit par la mer rouge à Tharfis Se Ophir, ce qui
eftexprefsémentatteftcen l'Efcriture. Etaefté
cefte nauigation fort différente de celle que pre-
tendoit faire louas àTharfis,puifque Afiongaber
eftle portd'vne cite d'Idumee, aflife fur lede-
ftroit,oLi la mer rouge fe joint auec le grâd Ocea.
De ceft Ophir l'onapportoità Salomon de l'or,
derargét,dumorphie,desmonnes,& coqs d'In-
de, &eftoit leur voyage de trois ans, toutes les-
quelles chofes fans doute doiuent eftrc entêduës
del'Inde Orientale , qui eft féconde Se abondâte
en toutceqiiedetîus,ainii que Pline l'enfeigne,
ôz que nous en auons à prefent certaine cognoik
fanec. Denoftre Peru certainement ils n'euiïenc
peu apporter du morphie , d'autant que les Ele-
phansy font du tout incognens. Mais ils enflent
bien peu apporter de l'or, de l'argent, & de fore
plaifantes& gentilles monines. Finablementil
me femble que TEfcriture faincte entend com-
munément par ce mot de Tharfis , ou la grande
mer, ou des régions fort eflongnees & eftran-
ges. Parainfiililippofe que les Prophéties qui
D iiij
HISTOIRE NATVRELLE
parlent de Tharfis ( puifque l'efprit de prophétie
peut tout fçauoir) fepeuuent bien fouuent ac-
comoder aux chofes de noftrc nouueau monde.
C»iio Bo-
deriin. m
ept.ad Phi-
bppum Ca-
thol. re^ern
o
in s . Com.
foc. Bibl.tn
Marra*, in
Hitfa. bift.
Ludonicm
leo Attgtt-
ftinian. m
comment.
J»per jîb-
dia.
De la Prophétie d'^îbdias, que quelques-yns interprè-
tent cfire des Indes.
CHAP. XV.
Lufieurs difent & afferment, qu'en laiàin-
^ tte ticriturc il a efté prédit bien long temps
deuant, que ce nouueau monde deuoit eilre con-
ucrty à Iefus Chrift par la nation Efpaignolle , &
à ce propos mettét en auant ôc expliquent le tex-
te de la Prophétie d'Abdias,qui ditainfi : ^i la
tranfmigration de ceft exercite des enfans d'Ifrael pofje -
dera toutes les chofes des Chananees iufqucs en Sarcptey
& la tranfmigration de Hierufalcm,qui eft au Bofphore,
pofjcdcrales cite% du midy , & monteront les fauueurs
au mont de Sion pour tuger le mont d'ïfau , & fera le
ï{oyaume pour le Seigneur. Cecy a elle mis ainfi en
vulgaire fuyuant la lettre. Mais les autheurs que
i'encens, en l'Hebrieulifent ainfi: Et la ttanfmi-
gratto de ceft exercite des enfans d'Ifrael (qui font les)
Cananeans iufques à Zarphat (qui eft France) &la
tranfmigration de lerufalem , qui eft en Sapharad ( en-
tendez pour Efpaigne) pojfedcr a pour héritage les
cite^ du midy, cjr monteront ceux qui procurent Lfal-
itation au mont de Sion , pour tuger le mont d'F.fau, &
fera le \\oyaumc pom le Seigneur. T o u t efo i s au eu n s
d'eux n'allèguent fumfant tefmoignagedes an-
ciens, nyrailon pertinente, pour monftierque
Sapharad,quefainct Hierofme interprète le Bos-
phore ou deftroit 5 &: les feptante Interprètes
DES INDES. L 1 V. I. 2.9
l'Euphrate, doiue lignifier I'Efpagne , que leur
feule opinion. Les autres allèguent la faraphra-
fe Chaldaïque,qui eft de cède opinion, & mefme
les anciens Rabis qui l'expliquent de cefte façon,
comme aufîî ils expliquent Zarphat eftre France
( que noftre vulgaire & les feptantedifent eftre
Sarepte). Et lai liant cefte difpute, qui appartient
aux gens plus de loifïr, quelle neceffîté y a-il de
croire, que les citez de î'Auftre , ou de Magcb
(ainfiiqu'efcriuent les feptante) foient les gens
de ce nouueau monde ? D'auantage , quel befoin
eft-il de croire,& de prendre la nation Efpagnol-
lepour la tran (migration de Hierufalemen Sa-
pharad ? fi ce n'eft que nous vueillions prendre
Hierufalem fpirituellement, & que pour iceîle
nous entendions l'Eghfe. De forte que par la
tranfmigration de Hierufalem en Sapharad,le
(ainét Efprit nous demoftre les enfans de la fàin-
cte Eglifc,qui habitent aux fins de la terre, & aux
nuages, pource cela en langue Syriaque eft dicSb
*Sapharad,& fe rapporte bien à noftre Efpagne,
qui félon les anciens eft la fin & le bout de la ter-
re,eftant prefque toute enuironnee de la mer. Or
parles citez d'Auftre,ou deSud, l'on peutenten-
dre ces Indes: attendu que la plus grande part de
cenouueau monde eftafïilean midy :&lameil-
■ leure partie duquel regarde le Pôle Antarctique.
Ce qui 0 enfuit eft facile à interpréter, fçauoir
ceux qui procurent lu faluation , montèrent au mont de
Sion pour iuger le mont d'Efau : parce qu'on peut di-
re que ceux là fe retirent à la doctrine, ôc au fort
delà faincte Eglife, qui prétendent rompre &
diflïpcr les erreurs profanes des gentils 3 car cela
Intcr
HISTOIRE NATVREI.il
peut cijfcrc interprète iuger le mont d'Efau. D'où
ili?en'rai|hië, qu'alors le Royaume ne fera pour
les Efpagnols,ny pour ceux d'Europe,mais pour
Iefus Chrift noftreSauueur. Qui conque voudra
expliquer de cefte façon la Prophétie d'Abdias,
nedoiteftre reprins puisqu'il eft certain que le
faincl Efpnt a feeu & cogneu tous les iecrets lôg
temps au parauan t. Et femble qu'il y a grande ap-
parence de croire , qu'il eft faict mention en la
iaincte Elcrituic d'vne affaire de telle importan-
ce,comme eft ladefcouuerture des Indes & nou-
ueau monde, & conuerfion d'iceluy en la fov.
jfai. 1 8. Iiaie mefme dit ces termes..^/; les ailles des nauires
tuxta 70. quivoxt idel 'autre part d'Ethiopie. Plufieurs auteurs
tres-doctes déclarent que tout ce chapitre eft en -
tendu des Indes , & le mefme Prophète en d'au-
tre endroit dit , One ceux ejni efchapertmt a'Ifracl
tront fort loingà TbarJîsÇjr en des 1 fus fort eflongnees,
où ils coimcrtiront au Seigneur plufieurs & dîner fis nx-
thns. Entre lesquelles il nomme la Grèce , l'Ita-
lie ,& l'Afrique, & beaucoup d'autres. Ce qui,
fans doute ie peut bien rapporter à la conuerfion:
de ces nations des Indes. Car eftant choie alïeti-
a/4«/;.i4. ree que l'Euangile doit eftre prefehee par touc
l'vniuers, ainfiqueleSauueur nous l'a promis,]
& qu'alors viendra la fin du monde, il i'cniuit,^:
ainfi ledoit-on entendre , qu'en toute i'eftendué
du mondeilyabeaucoupde nations à.qui leiusj
Chrift n'a efté annonce. Partant nous deuonsdej
là recueillir, qu'il eft demeuré grande partie duj
mode incogneuë aux anciens, & qu'auiourd'huyj
il y en a encore vue bonne partie à defcouuriru
lfain66.
DES INDES. LI V. ï.
30
far nuel moyen ont peu arriuer aux Indes les premiers
hommes, & qu'ils n y font arrme^ de gret &
félon leur intention.
c H A P. XVI
p2ï5 Aintenant ileft temps de refpondreà ceux
gara qui difent qu'il n'y a point d'Antipodes, &
quecefte région où nousviuons, ne peut eftre
habitée. L'immenfe grandeur de l'Océan , ef-
pouuenta tellemêt fainct Auguftin, qu'il ne pou-
tioit penler comment Ielignage humain eufl peu
paiferàceftuy noftrenouueau monde. Mais puis
qued'vnepart nous fçauos de certain que pailez
font plusieurs ans, qu'il y a des hommes habitans
en ces parties cy, & d'autre part ne pouuons nier
ce que laiaincfce Efcriturenousenfeigne claire-
ment, que tous les humains font procédez d'vn
premier homme , que fans doute ferons con-
traincts de croire & confelïer que les hommes fe-
ront paffez icy de l'Europe , de l'Afie , ou de l'A-
frique: toutesfoisce pendant il nous faut recher-
cher & difeourir par quel chemin ils y ont peu
venir. Il n'eft pas vray-femblable qu'il y ait eu
vneautrearchedeNoé, en laquelle les hommes
puilïent eftre arriuez aux Indes, & moins enco-
reque l'Ange ait tran {porté les premiers hom-
mes de ce nouueau monde.attachez & fulpendns
parlescheueux , comme il feit le Prophète Ha-
bacuc, car nous ne traitons pas de la toute puif-
fance de Dieu , mais feulement de ce qui eft
conforme à la raifon & à l'ordre ôc di (ponc-
tion des chofes humaines. C'eil pourquoy ces
HISTOIRE NATVRELLE
deux chofes doiuent eftre tenues pour admira-
bles Se dignes de merueille , voire d'eftre coptees
entre les fecrets de Dieu. L'vne que le genre hu-
main ait peu pafTer vue h* grande trauerfe de mer,
ôc de terre. L'autre que y ayant icy h* grand nom-
bre de peuple , ils ayét efté neatmoins incogneus
partantdefiecles. Pourcefte caufe ie demande
par quelle délibération , force Se induftrie , le li-
gnage des Indiens a peu palier vne II large mer,&
Se qui ponuoit eftre l'inuenteur à'vn paiïage il
eftrange. Véritablement iel'ay plufieurs fois re-
cherché Se ruminé à moy-mèfme , (comme plu-
fieurs autres ont fait,) Se iamais n'ay peu trouuer
chofe qui me peuft fatisfaire. Toutes-fois i'en
veux bien dire ce que i'en ay conceu Se qui me
vient à prefent en la fantafie, puis que les tef-
moins me manquent , lefquels ie peutle fuinre Se
melaillerallcrparlefil de la raifon (quoy qu'il
foit fort délié ) iufques à ce qu'il fe difparoiflè du
tout de deuant mes yeux. C'eîl vne chofe certai-
ne queles premiers homes font venus en la ter-
reduPeru par l'vnedeces deux manières, fça-
uoir ou par terre, ou par mer. Que fils font ve-
nus par lamer,ç'a clic ou fortuitement Se par ha-
sard, ou de gré & propos délibéré, l'entenspar
hazard eftansiettez par quelque orage Se force
de tourmente , comme il aduient en temps rude,
&:tempeftueux. I'entens aufîi de propos délibé-
ré qu'ils euflentdrefsé leur nauigatiô, pour cher-
cher Se defcouurir de nouuelles terres. Outre ces
. deux manières, ietrouue qu'il n'eft point pofïï-
ble d'en trouuer d'autres , il nous voulons iuiure
le cours des chofes humaines , Se ne nous arrefter
DES INDES. 1IV. I.
3*
à fabriquer des fictions Poétiques & fabuleufes.
Car il ne faut pas que quelqu'un fe perfuade de
trouuer vn autre Aigle,comme celle de Ganime-
de , ou quelque chenal volant , comme ccluy de
Perfeus, qu'il maintienne auoir apporté les pre-
miers Indiens par l'air , ne que par aducnture ces
premiers hommes fe foient feruis de poiiïbns,
comme Serenes , ou Nicolas , pour lesauoirpaf-
fez là. Mais détaillant arrière ces propos de men -
fonge , & dignes de rifee, examinons vn peu cha-
cune de ces deux manières mifes en auant : atten-
du que cède difpute fera plaifante & vtile . Pre-
mièrement il me femblequecene feroicpas cho-
fe rropeflongneede raifon dédire, que les pre-
miers & anciés peuples de ces Indes font venus,
ontdefcouuert, & peuplé par la mefme façon,
que nous antres à prefent y venons iournelle-
ment, à fçauoir part l'art de nauiger, Se l'ayde des
pilotes ,lcfquels feconduifentpar la hauteur &:
cognoHîànce du Ciel, &c auec l'induftrie qu'ils
on t de chiïger & manier les voiles félon le temps
qui fe prefente. Pourquoy cela ne pourroit-il
pas bien élire? faut-il croire que nous fèuls hom-
mes, & cnceftuy noftre fiecle,tant feulement,
ayons comprins Se cogneu l'art de n'auigerTO-
cean? Nous voyons que de ce temps mefmc,i'oii
nauige &trauerfe encore l'Océan pour defeou-
urir nouuelles terres, comme peu de temps y a
qu'AluaroMendana&: fes compagnons ont na-
uige , eftans partis du port Lima , & fuiuy la rou-
te du Ponant pour defcouurir la terre qui gifti
l'Eft, où eft le Peru, 5c au bout de trois mois,def-
couurirent les Ifles , qu'ils appelèrent Ifles de
I
HISTOIRE KATVRELLF,
Salomon., qui font pluficurs & fort grandes. Et
y a grande apparence qu'elles gifent joignant la
nouuelle Guynee: ou pour le moins quelles font
fortproches d'vneautre terre terme. Et encore
auiourdhuy parle commandement du Roy,&:
de fon conleil l'on délibère d'apprelter vne nou-
uelle armée pour aller à ces Ifles. Puis donc qu'il
çft ainfi , pourquoy ne dirons nous pas , que les
anciens audi bien n'aycntpeuauoirle courage,
&refolution de voyager par mer à mefme déli-
bération de dcfcouurir laterre, qu'ils appellent
Antictthon,oppofite A la leur,& que iclon le dii-
coursdeleurphiîolophie, deuoiteftreauecdei-
fein de ne fanefter iufques à la veuë des terres
qu'ils cherchoient? Certainement il n'y aaucu-
ne répugnance ou contrariété que ce que nous
voyons auiourd'huy arriuer, foit ainli ancienne-
i.p.<r.î.". ment arriuc: attendu mefme que la faincle Efcri-
j.Kfr.io. ture teûnoigne que Salomon print des maiftres
p;lo:esdeTyr&deSidon5 fort adroits Se expé-
rimentez à la mer , «Se que par leur industrie , l'on
feit celle nauigation de trois ans. A quel propos
peu fez vous quelle remarque l'art des mariniers,
& leur feience , enfemble leur nauig mon ii lon-
gue de trois ans, finon pour nous donner à enten-
dre que la flotte de Salomon , nauigeoit le grand
Océan î II y en a beaucoup qui font de cefte opi-
niô, aufquels il fembleqmc faind Augullin auoic
peu deraifon de fcfpouuenter,& elmerueiller
delagrandeurde l'Océan puifqu il pouuoit con-
jecturer qu'il n'eftoit fi difficile à nauigen, veu
ce qui e(t rapporté par lanauigatio de Salomon.
Mais pour dire la vérité mon opinion cil bien
DES INDES. LIV. I. ^1
aittre, & ne me puis perfuaderqueles premiers
Indiens foientarriuez en ce nouucau monde, par
vue nauigationordonnee,& faite à propos. Mef-
meiene veux pas accorder que les anciens ayent
cogneu l'ait «Se indultric de nauiger par le moyen
duquel les homes auiourd'huy trauerfent la mer
Oceanc de quelque partie que ce {oit à quelcon-
que autre, qu'il leur prene fantalîe. Ce qu'ils font
auec vue incroyable viltelïè& refolution, atten-
du que ie ne trouue en toute l'antiquité aucun re-
lie , on cèfmoignage d'vne choie Ci notable, «Se de
il grande importance. Et ne trouue qu'aux liures
des anciens ioit laite aucune mention del'viage
de la pierre d' Aymant, ne de l'Efguille à nauiger,
voire , ne croy-ic point qu'Us en ayent eu aucune
cognoiilance. Que fl l'on ode la cognoillànce
de l'Efguille à nanigerjoncognoillra facilement
qu'il elt impoffible qu'ils ayent trauerié l'cften-
duëdu grand Océan. Ceux qui ontquelqueco-
gnoiffance de la mer, entendent bien ce que dis.
Pource qu'il elt aulîî facile de croire , que les ma-
riniers eitans en pleine mer puiiïènt drefler la
piouë delanauire, où ils voudront, fi l'Efguille
de nauiger leur derfaut , comme de penfer que
l'aueugie puitîèmonftrerauecle doigt ce qui ett
proche ou ce qui elt eflogné en quelque endroit.
Eteft vne choie eimerueillable que les anciens
ayent ignoré par tant de temps vne fi excellente
propriété de la pierre d'aymant , <3c quelle ait
ertédeicouuerte(Ss:cogneiie parIesmodernes.il Ww.fiM.
appert bien quelesanciens ontignoré ceftepro- c' y'&
pnetc, en ceque Pline, qui elt n curieux hilto^ ï.&i,yt
t\z\\àz% chofes naturelles, ncantmoins parlant y.ç. 4.
HISTOIRE NATVRELLE
de cède pierre d'Aymant, ne dit aucune chofe de
cette venu & propriété, qu'elle a de faire touf-
iours tourner deuersle Nort lefer qu'elle aura
touch é , qui eft la vertu la plus admirable qu'elle
p»Vco.7.j.ak. Anftote,Theophrafte, Diofcoride,Lucrece
'• i°. ny aucuns hiftoriens ny philofophes naturels,
tuent. 1.6. quei'ay veu , n'en font aucune mention, encore
qu'ils traictent de la pierre d'Aymant. Sainc-t Au-
jiug. de gn{tin elcriuantd'autrepart plufieurs & diuerles
Ctmt. p«. p10prjetez & nierueilleufes excellences de la
muit t de P,eirc d'Aymataux liures de la cite de Dieu, n'en
Ttxtgnetc. parle nullement. Et eft certain, que toutes les
merueilles que l'on ccntedeceftepierrc,neiont
rien au refp^cb de celle propriété fi eftrâge, qu'el-
lea de regarder toufïours au Nort,quieftvn grâd
miracle dénature. Il y a encore vn autre aigu-
Tlin.ï. j.c. jnent, qui eft que Pline traictant des premiers
inuenteursde la nauigation,c\: racontant tous
lesinftrumens& appareils, ne parleaucunement
cel'EfauiUeà nar.iper, nvdclanierrc d'Aymant:
mais ie dy ieulement que l'art de recognoiftreies
eftoilles ; a efté inuenté des Phéniciens. Et n'y a
point de doute , que ce que les anciens ont iceu
ôVcogneu de l'art de nauiger, n'eftoit qu'au re-
gard des eftoilles, &c remarquas les riuages, Caps,
& différences des terres. Que f'ils fe trouuoient
fïauanten haucemer,que du toutils perdiiîent
la veuë de la terre , ils ne (cauoient en quelle part
dreiTcr la proue* par autre difeours , linon parles
eftoilles, Soleil & la Lune, & cela leur défaillant
( comme il aduient en temps nébuleux , & cou-
uert,) ilsfegouuernoientpar la qualité du vent,
& par conieCtures du chemin qu'ils pouuoient
auoir
s 6
DES INDES. LIV. I. 53
auoir fait, finalement alloient conduits de leur
inftinct. Comme en ces Indes les Indiens naui-
gent vn long chemin de mer , conduits feule-
ment par leur induftrie & inftinct naturel. Et fert
beaucoup à ce fujet ce qu'eferit Pline des infu-
laircs de la Taprobane (qu'auiourd'huy nous ap-
pelions Sumatra) difant en cefte façon, lors qu'il
trai&ede l'art & induftrie dont ils vfoient à na-
uiger.Owx de la Taprobane ne voyent point le "Kort,&
pour nauiger, fupplecntà ce défaut , port ans auec eux
certains petits oipaux , lefquels ilslaiffent aller fouuent,
ç-r comme ces petits oifcaux par naturel inft mît Dollent
tonfiours vers la terre , les mariniers dreffent leur proue
à* leur fuite. Qui doute donc que fils euiïent eu
cognoillànce de l'Eiguille, ils ne fefuiïent aidez
pour guide de ces petits oiieauxpourdefcouurir
la terre? Bref, il fufHtpourmonftrerquelcs an-
ciens n'ont cogiaeu ce fecretdela pierre d'Ay-
mant,deveoir qu'àchofe iîremarquable,iln'ya
aucun mot ny vocable Latin ,ny Grec , ny Hc-
brieu qui luy foi t propre. Car vnechofe de telle
importance , n'euft point manqué de nom en cqs
langues , {'ils l'eulïent cogneu. De là vient qu'au-
iourd'huy les Pilotes, pour faire drefler la route,
àceluy qui tient le gouuernail, fc feent au haut
de la pouppe , qui eft afin qu'il puifle de cell en-
droit regarder l'Eguille , là où anciennement > ils
feoiët en la prouë,pour regarder les differeces des
terres& des mers,&: duquel lieu ils cômandoient
au gouuernail. Corne auiourd'huy l'on vfe enco-
re a l'entrer ou fortir de quelque port & haure,&
pour ceftc'occaiion les Grecs appelloiet les Pilo-
tes Profitas, pour ce qu'ils fe teno ienc en la prou'ù.
HISTOIRE NATVRELLE
» — ' ■ ■ — .. .—
De la propriété '<& vertu admirable de la pierre â'^Ây
inant , pvur le faicl de la navigation/? que les
anciens n'en ont eu cognoijpmce.
C H A P. XVII»
iq. 5-
Arcequieitditcydclîus, il appert quel'on
^ doit tenir la nauigation des Indes fî briefue
8c fi certaine que nous l'auons delapicrre d'Ay-
mant. Comme auiourd'huy nous voyons plu-
sieurs hommes qui ont voyagé de LifDonne à
Goa,de Seuille à M exicque, à Panama,& en tou-
te cefteautre merduSud, iufquesàla Chine 8c
au deftroit de Magellan , &: ce au fil facilement &
certainement, comme le laboureur peut aller de
la métairie en la ville. Nous auons veuaufîl des
hommes qui ont faict quinze voyages aux Indes,
voire dix-huict,& auons entendu parler d'aucuns
anciens lefquels outrait plus de vingt voyages,
paflins 8c repalïans la largeur de ce grandOccan.
aufquels ils n'ont apperceu aucuns reftes ny ap-
parences de ceux qui auoient pafsé ny rencontré
voyageurs à qui demander le chemin. Car (com-
me dit le Sage) la nauire coupe l'eau Se Tes ondes,
fans laitier vertiges par où elle palTe , ny faire
chemin dans les ondes . Mais par la vertu &
propriété de la pierre d' Aymant , il fe faicl en ceft
Océan comme vn chemin tracé 8c defcouuert,
le très-haut Créateur dé toutes chofes luy ayant
communiqué telle vertu , que par Ton attouche-
ment au fer , il luy communique cefte propriété,
d'auoir fon. rnouuement 8c regard vers le Nort,
E> ES ÎNDÊS. LI V. t.' 34
Fans y faillir en quelque partie du monde que ce
puilleeftre. Quelques-vns recherchent quelle eft
lacaufede celte propriété merueilleufe, & veu-
lent dire, & f imaginer le ne fçay quelle fympa-
thie : mais quant àmoy,ic prends plus deplaifir
&: de contentement confiderantfesmerueilles, i
loiier la grandeur & pouuoirduTout-puihrantJ&
me rehouyren la contemplation dzies œuures
admirables, «ScàdireauccSalomon, parlant fur sap. 14;
ce propos : 0 Père, duquel la Trouidencc ^ouuerncejr
maintient vn bois, luy donnant vn chemin ajjcuré fur la
mer-, C au milieu des bondtffantes ondes, pour montrer
vue de tnef me façon tu pourrons fauucr & deliurer l' hom-
me de tout péril & naufrage^ encor qu'il fut fans nature
au milieu de la mer. Mais d'autant que tes œuures font
pleines defageffe, les hommes mettet gr hasardent leurs
-ries fur yn peu de bois, & pour trauerfer la ?ner,s'cfcha-
pent <&fc laijfent aller en -vn bateau. Et fur ce mefme
propos le PfalmifteditiGwc^w mont ent fur mer ffaliaSi
en des v.auires , & qui font leurs affaires en tratierfant
les eaux, font ceux qui au profond de la mer ont y eu les
œuures du Seigneur,ejrfes mer titilles. Et à la vérité ce
n'eftpas vnc des moindres merueillesde Dieu,
que la force d'vne pierre fi petite commande à
la mer, & cotraigne l'aby fme infiny de luy obeyr
&: future (on commandement. Maispour-antant
que c'eft choie qui fe void tous les lours , 8c
femblefi facile, les hommes ne fen efmcrueil-
lent point , & ne fe fouuiennent pas d'y pren-
dre garde :& d'autant que cefte libéralité elt tel-
le, les ignorans pour cela en font moins d'eftat.
Neantmoins ceux qui le veulent confiderer de
prés , font conduits par la raifonà bénir la fà-
HISTOIRE NATVRELLI
geflTe de Dieu , Se luy rendre grâces d'vn fi grand
Bénéfice. Eftant donc ordonné du Ciel, que ces
nations des Indes qui tant de temps ont efté ca-
chées fafient cogneuës Se dcfcouuertes , & que
celle route fut hantée Se frequentee,afin que tant
d'ames vin (lent à la cognoilîance de IefusChrift,
&gaigna(Ient lcfalut éternel, il a efté pourueu
de guide allcuree pour ceux qui font ce chemin,
/çauoir rEfguille de nauiger , Se la vertu de la
pierre d' Aymant. On ne peut fçauoir au certain,
depuis quel temps ceft v(age& art de nauiger a
efte pourueu de guide afîèurec pour ceux qui font
ce chemin, fçauoir rEfguille de nauiger, Se la
vertu de la pierre d' Aymant. On ne peut fçauoir
au certain , depuis quel temps ceft vfage Se art de
nauiger a efté mis en lumière: mais quant à moy,
ie tiens pour certain, qu'il n'eft pas fort ancien,
d'autan1: que outre les raifons def duites au chapi-
tre precedetjie n'ay leu en aucun autheur ancien,
traittant des horloges , qu'il foit faid aucune
mention de la pierre d' Aymant. Et neantmoins
il eft certain que le principal Se plus necelïàire in-
ftrument des cadrans au Soleil , dont nous vfons
auiourd'huy , eft Tefguille de fer touchée de la
pierre d' Aymant. Quelques autheurs approuuez
efcriuenten l'hiftoire des Indes Orientales, que
lu.t tf/zt. jc premier qui commença à dcfcouunrce fecret
flin.U.c fur mer, fut VafcodeGama, lequel a la hauteur
71.&IA. de Mozambique rencontra certains mariniers
•j.cap.ylt. Mores, qui vioientde rEfguille de nauiger, Se
Otpnuide quepar le moyen d'icelle Efsuille il nauigea ces
tmmtai mers : toutcsfois ils n efcriuent point de qui ils
lib, 1. anoient appnns ceft artifice : ôc quelqucs-vne
li.lUe
DES INDES. II V. I. 3f
d'entre' eux mefmes font de noftre opinion, qui
eft que les anciens ont ignoré ce fecret. D'auan-
tage ie diray vne autre & plus grande mcrueillc
de l'Efguille denauire,que Ton pourroit tenir
pour incroyable , fi l'on ne l'auoit veu & cogneu
par expérience fi alïèuree & manifefte. Le fer tou-
ché & frotte de la pierre d'Aymantpar la partie
d'icelle pierre , qui en fa naifïànce regarde le Sud
ouMidy,a cède vertu de fe tourner & incliner
toufiours &en tous lieux vers le contraire, qui
eft le Nort : toutesfois en tous lieux il ne le re-
garde pas directement , mais y a certains poinéls
& climats , où il regarde droitement le Nort &
fyarreftcîmais pafiant ou changeant de ce cli-
mat , il coftoye vn peu, ou à l'Orient ou Ponant,
tant plus qu'il fe va efloignant de ce climat , c'eft
ce que les mariniers appellent nordefter, ou nor-
toefter. Nordefter, vaut autant à dire comme co-
ftoyer,f inclinant au Leuant,& nortoefter fin-
clinant au Ponant. Et eft chofe de telle confe-
quence,& qui importe tant de fçauoir celle de-
clinaifon , &; coftoyement de l'Élguille, que fi
l'on n'y penfoit & regardoit de près, (quoy qu'el-
le ioit petite) ronfefgareroitmerueilleufement
enlanauigation , &arriueroit l'on en autre lieu
que celuy où l'on pretendoit aller. Vn iour vu
pilote Portugais fort expérimenté me difoit qu'il
y auoit quatre poin&s en tout le monde, ou l'Ef-
guille fe dreflbit au Nort , &me Iecontoit par
leurs noms , que ie n'ay retenus , vn d'iceux eft la
hauteur de ï'Ifie de la corne en la Tiercycre,ou
Alçores , qui eft chofe fort cogneuë à tous ; mais
tirant outre de là.à plus de hauteur , il nortoefte*
E iij
HISTOIRE NATVRELLE
qui eft à dire décliner au couchant. Mais tirant
au contraire à moins de hauteur, vers l'Equino-
«ftial , il nordefte, qui eft incliner à l'Orient. Les
maiftresen ceft art pourrontenieignerde com-
bien , Se iufcjues où : de ma part ie demandcrois
volontiers aux bachelliers qui prefumentfçauoic
tout ce qui eft , qu'ils me diiîènt la caufe de ceft
cfrect , Se pour quelle raif on vn peu de fer frotte
à la pierre d'Aymant reçoit tant de vertu que de
regarder toujours au Nort: mais encor auec tel-
le dextérité , qu'il cognoit les climats Se diueties
iîtuacions du monde , & où il fedoit ficher Se
dre(ïer,où l'incliner envn cofté ou en l'autre,
auffi bien qu'aucun Philofophe &Cofmographc
qui foit. Que fi ne pouuons bonnement defeou-
urir la caufe& laraifon de ces chofesque nous
voyons mutuellement à l'œil , qui fans doute ie-
roiét fort difficiles à croire,fi nous ne les voyons
ainfi ouuertement : Certes l'on cognoit bien par
là noftre folie Se vanité, de nous vouloir faire iu-
ges , Se alîubiectir à noftre raifon & difeours les
choies diuines &fouueraines. Ceft pourquoy il
vaut mieux, comme dit Grégoire Théologien,
«que laraifon fafuiettiilè à la foy , puifque en fa
maifon mefme elle ne fe peut pas bie gouucrner.
Mais cecy nous doit fufHre , retournons à noftre
propos, & concluons quel'vfagede l'Eiguilleà
nauiger n'a point efté cogneuë des anciens , d'où
l'on peut refoudre qu'il leur a efté impoiîible de
faire voyage de propos délibéré , partans de l'au-
tre monde pour venir en ceftuy-cy par T Océan.
DES INDES. II V. I.
3<?
auquel eft rc [pondu a ceux qui di[ent qu'au t emps
paffê comme auiour d 'buy l'on a nauwé
fur l'Océan.
CHAT. XV III.
^ E que Ton allègue au contraire de ce qui a
efté dict,que laflotte de Salomon nauigeoit
en trois ans , n'eft pas preuue furfifante , puis que
les faindes Efcritures n'afferment pas exprefsé-
ment que ce voyage duraft trois ans , mais bien
qu'il fe faifoit vne fois en trois ans. Et encore
que nous accordions que la nauigation duraft
trois ans, il pouuoi t eftre, comme il eft plus vray-
iemblable , que cefte flotte nauigeant vers l'Inde
Orientale , fut retardée de fa route pour la diuer-
litèdes ports & régions qu'ellealloitrecognoif-
fant : comme auiourd'huy en toute la mer du*
Sud , L'on nauige depuis Chile iufques à la neuue
Efpagne, laquelle nauigation encor qu'elle foit
plus certaine, neantmoins elle eftbien.plus lon-
gue à caufe de ce tournoyement qu'elle eft con-
trainte de faireparles coftes,& le retardement
qu'elle peut auoir en diuers ports. Et à la vérité ie
ne trouue point es liures des anciens qu'ils fe
foient beaucoup aduancez& engolphez en l'O-
céan , Se ne peux croire , que ce qu'ils en ont na-
uige ait efté autrement que de la façon qu'on na-
uige encor auiourd'huy en la mer Méditerra-
née. Qui donne occafion aux hommes doÇtes
de croire , qu'anciennement l'on ne nauigeoit
point fans rames, d'autant que l'on alloit touf-.
iours coitoyautla terrej&femblequel'Efcriture un.
E iiij
10.
HISTOIRE NÀTVRELLE
fain&e le vneille ainfi donner à entendre , quand
elle parle de cefte fameufe nauigation du Pro-
phète lonas, où il eft did que les mariniers eîlans
forcez du temps , ramèrent à teçre.
One l'on peut conieBurer que les premiers pcupleurx
des Indes y font drnue^ par tourmente &
contre leur -volonté.
c h A P. Xi x.
Yant monîlré qu'il n'y a point d'apparen-
ce de croire que les premiers habitans des
Indes y foient venus de propos délibéré, il l'en-,
fuit donc que ('ils y font venus par mer, c'a efté
par cas fortuit & par force de tourmente , ce qui
n'eft pas incroyable, quelque grandeque foitla
mer Oceane, puis qu'il en eft autant aduenu de
noftre temps : lors que ce marinier (duquel nous
ignoros encore le nom,afin qu'vn ceuure (i grand
Ôc fi important ne t'attribue point à d'autre au-
theur qu'à Dieu ) ayat par vn terrible & mauuais
temps recogneu ce nouueau monde, laifiapour
paye de fon logis, oùiH'auoitreceu,à Chrifto-
fle Colon , la cognoiflance d'vne fi grande chofe.
Ainfi a-il peu arriuer , que quelques hommes de
l'Europe ou Afrique, au temps pafséayent efté
efté poullezparla force du vent,& iettezà des
terres iucogneucs par de-là la mer Oceane. Qui
eft-ce qui ne fçait point queplufieurs , ou la plus
grande part des régions que l'on a defcouuertes
en ce nouueau monde , a efté par ce moyen , def-
quelles l'on doit pluftoft attribuer la'Hefcouuer-!-
turc à la violence des temps & orages , que non
DES INDES. LI V. I. 37
pasàrefpric&induftrie de ceux qui les ont def-
couuei'tes? Et afin que l'on recognoiflTequecen'a
pas cfté de noftre temps feulemét que Ton afaicl:
&entrcprins de tels voyages, pour la grandeur
de nos nauires, valeur &hardiefledenos hom-
mes,on peut voir dedans Pline, que plusieurs des PtinJi'
anciens ontfaidtde femblables voyages. Il dit^"6
donc de celle façon : L'on raconte que Catus Ccfar fis
d'^AuzuBc , cftant en charge fur la mer d\drabre , l'on
yetd& recognent des pièces & refles de nauires Efpa-
gnols, qui y auoient pery. Et dit après : ~Kcpos raconte
du circuit Septentrional,quc l'on apport a à QUtntus ~Me-
tellut Celer compagnon au confulat de Catus ^Affranius
( eHant alors iceluy Tvletcllus Proconfnl en Gaule, cer-
tains indiens nui auoient efte prefente^par leI{oy de
Suéde , hfquels Indiens nauigeans de l'Inde pour leur
commerce, furent iette\ en Germanie par la force des
tempcsles. Pour certain fi Pline dit vérité, les Por- fUn.Ub.S.
tugaisnenauigent point auiourd'huy d'auanta- eaP-12^
ge que firent ceux là en ces deux naufrages , l'vn
depuis l'Efpagne iufques en la mer Rouge, 8c
l'autre depuis l'Inde Orientale iufques en Alle-
magne. Lemefme autheur eferit en vn autre li- .
ure , qu'vn feruiteur d'Annius Plocanius , qui te-
noit la ferme des droits de la mer Rouge, naui-
geant la route d'Arabie,furuint des vêts du Nort
furieux , tellement qu'en quinze iours il paiïa la
Carmanie,iufques à recognoiftre Hippures,port
de la Taprobane,qu'auiourd'huy nous appelions
Samatre.Mefme l'on raconte d'vn nauire de Car-
thaginois,qui de la mer de Mauritanie,fut poufsé
d'vn vent de bize, iufques à laveuëdu nouueau
monde. Ce qui n'eft pas chofe nouuelleà ceux
HISTOIRE NATVRULE
quiont quelque expérience de la mer, d'enten-
dre que quelquefois vne tempefte dure fi long
temps &obftinément, fans appaifer fa fureur. Il
m'eftaduenu allant aux Indes, que partant des
Canaries , i'ay defcouuert & apperceu en quinze
ioursla première terre peuplée des Efpagnols.Et
fans doute,ce voyage endetté plus bref, h les ma-
riniers euffent appareillez toutes leurs voiles, à
la bize qui couroit. Ainfî me femble-il chofe
vray-femblable, qu'au temps pafsé les hommes
foient armiez aux Indes, contre leur intention,
pouffez <$c vaincus de la fureur des vents. Ils font
au Pcru grande mention de quelques Geans qui
ont efté en ces quartiers , les os defquels fe voyét
en cor auiourd'huy en Manta &z port vieil, d'vne
grandeur enorme,& à leur proportionnes hom-
mes deuoient eftre trois fois plus grands que les
Indiens d'auiourd'huy . Ils racontent que ces
Geans vindrentpar mer, fk foifoient la guerre i
ceux du pays , qu'ils battirent de fomptueux édi-
fices, dont- ils mondrent encor auiourd'huy vu
puits fait de pierres de grand valeur. Ils difent
d'auantage , que ces hommes commettans pé-
chez énormes , & fpecialement cil contre natu-
re,furent embrafez & confumez du feu qui vint
du ciçI.Mcfme raconte que les Indiens d'Yca, &
d'Arica, qu'ils fouloient anciennement natiiger
fort loin à des Mes du Couchant , 8c faifoient
leur nauigation en des cuirs de loup marin en-
flez. De façon qu'il n'y a point faute de tefmoi-
gnages pour monftrcrque l'on ait nauigéla mer
du Sud deuant que les Efpaguolsy vinfTent. Ainfî
pouuons-nouspcnfer,quc le nouncaa monde a
DES INDES. L I V. I, 38
commencé d'eftre habité par des hommes qui y
ont elle iettez par la tempefte des vents, ôc la for-
ce du Nort, comme finalement on l'a veuëdef-
couuerte en noftre temps. Il eft ainfi (chofe bien
confiderable) que les œuures de nature de gran-
de importance , pour la plus grand part , ont efté
trouuees fortuitement , fans y penfer, 5c non pas
par l'indullrie «5c diligence humaine. La plus-
part des herbes medecinales , des pierres , des
plantes , des métaux , des perles, de l'or , aymant,
ambre, diamant, & la plus-part dechofes fem-
blables,& leurs proprietez &vertus font pluftoft
venues en la cognoiirance des hommes par acci-
dent que par art, Se par leur induftrie. Afin que
Ton voye que la gloire ôc louange de telles mer-
ueillcs , fe doit pluftoft attribuer à laprouidence
du Créateur , que non pas à l'entendement hu-
main : pour-autant que ce qui nous iemble arri-
uer fortuitement , procède toufiours de l'ordon-
nance & difpofition de Dieu,qui fait toutes cho-
ies auecraifon.
One nexntmoins tout ce qui a, efté dit cy deffus eft plus
yray-fcmblablede penfer, que les premiers peu-
pleurs des Indes y font -venus far terre.
CHAP. XX.
»ft3 E conclus donc qu'il eft bien vray-fembla-
SiUS ble de penfer que les premiers, qui arriue-
rent aux Indes , fuft par naufrage & tempefte de
mer : mais il fe prefente fur ce pointfc vne diffi-
culté , qui me trauaille beaucoup , qui eft
qu encor que nous accordions , que les pre-
HISTOIRE NATVRELLE
micrs hommes foient venus à des terres fïefloi-
gnees , que celles-cy , 8c que les natio-ns que nous
voyons icy foient forties d'eux , & fe foient telle-
ment multipliez qu'ils font à prefent. Neant-
moins ie ne me puis imaginer par quel moyen,
ny de quelle façon les belles & animaux , dont il
ietrouue grande abondanceaux Indes, yayent
peu arriuer , n'eftant pas croyable que Ton les aie
embarquez & portez par mer. La raifon pour la-
quelle nous fommes contraints de dire, que les
premiers hommesdes Indes font venus de l'Eu-
rope ou de l' Afie, eft pour ne contredire à la fàin-
fenef. 7. fte Efcriture , qui nous enfeigne clairement que
tous les hommes fontfortis d'Adam: Par ainfî
nous ne pouuons donner autre origine aux hom-
mes qui font es Indes; veu que la mefme Efcritu-
re nous dit,que toutes les beftes &animaux delà
terre périrent, fin on cellc^qui furent referuees
en l'Arche de Noc pour la multiplication &en-
ttetien de leur efpcce.De façon que nous deuons
necefïairement référer la multiplication de tous
les animaux fufditsàceuxqui fortirentde l'Ar-
che de Noé aux monts d' Araraat où elle Parrefta,
& par ce moyen nous deuons rechercher, tant
pour les hommes que pour les belles , lechemm
par lequel ils font partez du vieil monde au nou-
•*"&jL. ueau. Sainct Aueuftin traictant cefte queftion,
16. de a- „ .r o 1 >
mt. t. 7. Poul' quelle railon i on trouue en certaines Ifles
des loups , des tygres , & autres belles rauiflantes
qui n'apportent aucun profit aux hommes, veu
qu'il n'y a point de doute queleselephans, chc-
uaux, bœufs, chiens Se autres animaux dont fe
icruent les hommes,y ont efte portez tout exprès
dis indes. tir. i.' 35
en des nauires,comme nous voyons auiourd'huy
que l'on les porte depuis l'Oricc iufques en l'Eu-
rope^ de l'Europe au Peru, encor que les voya-
ges en foient fi longs. Et par quel moyen ces ani-
maux qui font de nul profit , au contraire font
dommageables, comme les loups, & autres de
telle nature farouche,ay en t peu parler aux Indes,
fupposé (corne il eft certain) que le Déluge noya
toute la terre. Sur lequel traicté,ce docte & fainct
homme eflaye à fe demeflcr de ces difhcultez,di-
iant, qu'ils peurent parTer à nage en ces Iflcs ; ou
quequelqu'vn les y a portez exprès pour le dzC-
duit de la chalîè. Ou bien que par la volonté de
Dieu , ils euiîent efté créez tout de nouueau de la
terre, en la mefine forte Se manière de la premiè-
re création, quand Dieudift : Que la terre produife Gentf- u
tout animal y iiunt en fin genre, animaux , reptiles &
bejles fauuaçes des champs félon leur efpece. Mais il
nous voulons appliquer cette folution à noftre
propos , la chofe en demeurera plus ambarafsec;
car commençant au dernier point, il n'eft pas
vray- femblable , félon l'ordre de nature , ny n'eft
pas choie conforme à l'ordre du gouuernement
que Dieu a eftably , que les animaux parfaits,
comme les Iy ons,les tygres & les loups , f engen-
drent de la terre, fans leur génération, comme
l'on voit que les rats, les grenouilles , les abeilles
Se tous autres animaux imparfai&s f engendrent
communcment.D'auantagejà quel propos efl-ce
que l'Efcriture dit,& répète tant de fois; Tu pren-
dras de tous les animaux <& oifeaux du Cielfept &fept3 &»*/> 7-
mafles & femelles >a fin que leur génération p entretien-
ne fur U terre , iî tels animaux après le Déluge de-
HISTOIRE NATVRELLE
uoicnc eftre créez derechef par vne nouuellc ma-
nière de création, (ans la conjonction dn malle
ôc femelle ? Etlurcepourroitcncor fe faire vne
autre queflion : Pourquoy tels animaux naiilans
de la terre (félon cefte opinion) il n'y en a pas
aufïî bien en toutes les autres parties de la terre
ferme, & es autres Ifles : puifque nous ne deuons
pas confiderer l'ordre naturel de la génération^
mais feulement la libéralité du Créateur. D'au-
tre-part que l'on ait pa(sé quelques-vns de ces
animaux ^ourledefduit de la chaire (quieft Ion
autre refolution) ie ne le veux pns tenir du tout
pour chofe incroyable : d'autât que nous voyons
lbuuentcsfois que les Princes ôc grads Seigneurs
tiennent ôc nourrilïènt en leurs cages , pour leur
plai(ïr& grandeur tant feulement, des lyonSjdcs
ours <Sc ancres bettes fauuages, principalement
quand elles font amenées de terres lointaines:
mais de dire cela des loups , renards Se autres
animaux qui n'apportent aucun profit , ôc qui
n'ont rien de rare ny de bon que de faire domma-
ge au beftial ; ôc de dire auiïi qu'ils ont prins la
peine de lesapporter par mer pour la cha(îe: cer-
tainement c'en: choie qui n'a point de raifon.
Qui ell-ce qui pourra penfer qu'en vne nauiga-
tion fi longue & infinie il y ait eu des hommes
qui ayent prins la peine de porter au Pcru des re-
nards, principalement de ceux qu'ils appellent
Anas , qui eft vne efpece des plus ords ôc in-
fects que i'aye iamais veu ? Qui voudra dire aufîî
qu'ils y ayent apporté des tygres ôc des lyons?
certainement c'eft chofe digne de rifee ôc mo-
querie, de le vouloir penfer. Car c'eîteit aifez
DES INDES. tiy. I. 40
voire beaucoup aux hommes , poufïèz malgré
eux par 1 orage 8c la tempeftc en vn fi lointain
8c incogneu voyage , de pouuoir efchapper du
danger de la mer leurs propos vies, iàns l'amu-
ferà porter des renards 8c des loups , 8c les nour-
rir par la mer. Si donc ces animaux fonc venus
par mer , il faut croire que ça elle à nage : ce qui
le peut faire en quelques Ifles, peu dînantes 8c
etloignees des autres , ou de la terre ferme : com-
me on ne le peut nier , veu l'expérience certaine
que nous en auons , & que nous voyons que ces
animaux cdans prêtiez nagent iour& nuict fans
fe lali'er, & en fin ils i'efchappent de la façon.
Mais cela t'entend en de petits golphes 8c tra-
uerfes,pourcc qu'en noftre Océan l'on fe mo-
queroitde tels nageurs : veu que les aifles fail-
lent aux oifeaux, metmes de grand vol , fur le
paifage d\n tî grand abyfme. Et combien qu'il
ietrouue bien des petits oifeaux qui volent plus
de cent lieu'cSjCommc nous l'auons veu plufieurs
fois en voyageant, toutesfois c'eft choie impof-
fible aux oiieaux , à tout le moins fort difficile,
de pouuoir palier toute la mer Oceane. Or tour
ce que nous auons dit cy dellus eftant véritable,
par quelle part ferons-nous le chemin à ces be-
fles fauuages&aux oyhllons pour les pafferaux
Indes, 8c comment dirons-nous qu'ils fontpaf-
fez d'vn monde à l'autre ? le coniecture donc par
le difeours que i'ay fait > que le nouueau monde,
que nous appelions Indes, n'eft point du tout
diuifényfeparéde l'au tre monde j & pour en di-
re mon opinion, il y a ja fort long temps que i'ay
penfe que l'vne 8c l'autre terre fe joignent &
HISTOIRE NÀTVRELLE
continuent en quelque part, ou à toutlemoinS
fauoifinent <k approchent de bien pies. Et tou-
tesfoisencor iuiquesà prefent n'y a aucune cer-
titude du contraire : pour autant que vers le Pô-
le Arctique, que nous appelions le Nort; toute
la longitude de la terre n'eft pas deicouuerte &
cogneue" , ôcy en a plusieurs qui afferment qu'au
deilus de la Floride , Peftend au Septentrion vue
terre fort large , qu'ils dilent fe venir rendre iuf-
ques à la mer Scytique ou Germanique. D'antres
adiouftent qu'il y a eu vn nauire qui nauigeant en
ces parties, raconte auoir veula code de Baca-
leos , qui f'eftend quafï iufques aux fins de l'Eu-
rope. D'auantage ronnefçaitnon plus iufques
où feflend la terre qui court au demis- du Cap de
MendoceenlamerduSud,finon que l'on dit que
c'eft vue terre fort grande 8c qui court vne lon-
gueur infinie; &c retournât à l'autre Pôle du Sud,
il n'y a pas homme qui fçache où farrefte la terre
quieftde l'autre cofté du deflroitde Magellan.
Vn nauire de l'Euefquede Plailancequi paiTalc
deftroit,raconte n'auoir perdu la veuë de la terre;
lemefmedit, Hernande Lamer pilote, qui par
tourmente palfa deux ou trois degrezau delîus
dudit dellroit. Ainfi n'y a-il raifon ny expérience
qui contredife mon imagination ou opinion:
Sçauoireft que toute la terre le joint & continue
en quelque endroit , ou à tout le moins qu'elle
l'approche fort l'vnede l'autre. Sicelacft vray,
comme en effecT; il y a de l'apparence , la relponic
eft aifee au doute fi difficile que nous auions pro-
pofé , comment peurent pafTer aux Indes les pre-
miers peupleursd'iceiles : pour ce que l'on doit
croire
DES INDES. LIV. I. 41
croire qu'ils ne peuuent pas tant y eftre venus
nauigcans par la mer , comme cheminans par
terre,& auroient peu faire ce chemin fans y pen-
fèr,en changeans peu à peu leurs terres ôc habita-
tions. Les vns defquelspeuplansles terres qu'ils
rencontroienc, lesautresen cherchant d'autres
nouuelles , vindrent en fin par la longueur du
temps à remplir &c peupler les terres des Indes
Jetant de nations, gens & langues que nous y
voyons.
De quelle façon & marnerc les animaux & befiiaux
domeftiques pajftrcnt atifiC Indes,
C H A P. XX!.
^Es fîgnes Se arguments qui feprefententà
S38 ceux qui font curieux d'examiner la façon
& manière des Indiens aident beaucoup à iou-
ftenir l'opinion fufdite : pour-aucant que l'on ne
trouue point d'hommes habitans es ides, qui
font beaucoup cfloignees de la terre ferme, ou
des autres ifles , comme la Bermude, dont la rai-
foneft, pource que les anciens ne nauigeoient
qu'aux coftes prochaines , & toujours à veu'c de
terre. Surquoy l'on rapporte qu'il ne Perl trouue
en aucune partie des Indes de grands nauires qui
fuil'ent capables de palier telsgolphes , mais feu-
lement y a-l'on paiïé des Balfas , Barquettes , ou
Canoës, qui toutes font moindres que Chalop-
ÎicSjdefquelles fortes de vaiïïcaux feulemét vfent
es Indiens , aucc lcfquels ils ne pourroient fen-
golpher en vne fî grande trauerie , fans vn mani-
fefte danger de naufrage , & orej qu'ils euflen t eu
F
HISTOIRE NATVRËLLE
des nauires fiiffifans, ils ne fçauoient l'art del'ef-
guilIe,Aftrolabe,ou cadran. Quef'ilseufîentefté
hulc-b oudix iours fans voir la terre, ileftoit im~
poiïible qu'ils ne feperdillent, fans pouuoirre-
cognoiftre où ils eu lien telle. Nous recognoif-
fons plufieurs Mes fort peuplées d'Indiens, Se
leur nauigation fort vfitée , mais c'eftoit celle
qu'ils pouuoient faire en Canoës <Se Barquettes
fans l'Efguille de nauiger. Quand les Indiens du
Peru qui demeuroient cnTorr.bes,veirent la pre-
mière fois nos nauires Efpagnols qui nauigeoict
au Peru, & recogneurent la grandeur des voiles
tendus,& du corps des nauires,demeurerent fort
eftonnez,& nepouuansfeperfuaderqne ce fuf-
fent nauires , pour n'en auoir iamais veu de telle
forme & grandeur, i'imaginoient que cefullent
des rochers. Mais voyans qu'ils aduançoient (an s
Renfoncer, demeuroient tous rauis&tranfpor-
tez d'efpouuentement -, iufques à ce que regardas
déplus près, ils recogneurent des hommes bar-
bus qui cheminoient en iceux , qu'ils eftimerent
alors deuoir eftre quelques Dieux,ou gés du ciel.
D'où il appert combien c'eftoit choie incogneue
aux Indiens d'auoir de grands nauires. Il y a cn-
corvne autre rai fou qui nous fait croire, Se te-
nir pluftoftl'opinion fufdite, fçauoir que ces ani-
maux dtfquels nous difons qu'il n'eft pas croya-
ble qu'ils ayent elle embarquez par aucuns hom -
mes, pour porter es Indes , ne fe tiennent qu'en la
terre ferme,& non point aux Ifles qui font à qua-
tre iournées de terre ferme. I'ay fait celle recer-
che pour faire preuuc de cecy , d'autant qu'il m'a
fembJé que c'eftoit vnpoinctdegcandeimpor-
DES I N DES. L IV. T. 42
tance, pour me refondre en l'opinion que l'ay
dite , que la terre des Indes , d'Europe, d'Ade 8c
d'Afrique ont quelque communication eniem-
ble,ou à tout le moins qu'elles ('approchent fore
par quelque partie. Il y a en l'Amérique & Peru
beaucoup de befles fau Liages , comme des Lyons
(encor qu'ils ne (oient (emblablesen grandeur,
fierté, nyenlamelme couleur de roux, aux re-
nommez Lyons de l'Afrique.) llyaaufîîgrancl
nombre de Tygres qui font fort cruels , & plus
communément aux Indiens , que non pas aux
Efpagnols. Il y a auiïî des Ours, non pas toutes-
fois en fort grande abondance. Des Sangliers &
des Renards vu nombre inrïny. Neantmoins fi
nous voulons chercher de toutes ces e(peces d'a-
nimaux en Lille de Cuba,EipagnolIe , lamaique,
la Marguerite, ou la Dominicque,il ne l'en trou-
ueraaucuns. Tcliementque el'diteslflcs ,quoy
qu'elles fu lient fertiles & de grande eftenduë,il
n'y auoit aucune forte d'animaux de feruice,
quand les Efpagnols y ajriuerent: mais à prefent
y a fi grand nombre ce troupeaux de Cheuaux,
Bœufs, Vaches, Chiens & Pourceaux, qui ont
multiplie dételle façon , que ja les troupeaux de
Vaches n'ont plus de maiftre afleuré , mais ap-
partiennent au premier qui lestuë, 6ciarticre,
foit en la montagne ou aux champs: ce que les
infulaires font feulement pour auoi.r le cuir,
dont ils font grand trafic, lailîans perdre la chair,
/ans la manger. Les chiens y ont tellement mul-
tiplié, qu'ils marchent en troupes, & endom-
magent fort le beftail , &c font autant de def-
gaft que des Loups, cmieftvne grande incom-
Fij
HISTOIRE NATVRELLE
moditêen ces Ifles là. Il n'y a pas feulement faute
de beftes fauuages en ces Ifles, mais en la plus
grand part, d'oifeaux & oifillons. Pour les perro-
quets,il y en abeaucoup qui ont vn grand vol,&
vont par bandes > mais il y en a peu , comme i'ay
dit, ôc d'autres fortes d'oHeanx, Deperdrixilne
me fouuient point d'y enauoir veu , ny entendu
qu'il y enayecommeau Peru. Aufîipeu y a-il de
ces beftes qu'ils appellent au Peru Guancos ôc
Vicunas, qui font comme Chieures fauuages,
fortviftes, en l'eftomac dcfquelles fe trouue la
pierre Bezaar, que plufieùrs cftimentde grand
prix, &fen trouue quelquesfois d'aufîi grofles
qu'vn œuf de poulie, voire la moitié d'auantage.
Ils n'ont non plus d'autre forte de beftial, que de
ceux-là que nous appelions moutons d'Inde,le£-
quels outre la laine & la chair, de laquelle ils fe
nourriflent&: feveftent, lenrferuent d'afnes, Se
de voitures à porter charge, lis portent la moitié
de la charge d'vne mule, & font de peu de frais à
leurs maiftres,pource qu'ils n'ont befoinny de
ferrures,ny de bas , nyd'auoine pour leur vuire,
nyen fin d'autre hamois } d'autant que détour
celailsenfontpourueus dénature, qui a voulu
en ce fauorifer ces pauures Indiens. De tous ces
animaux , & de plufieùrs autres fortes dont ie fe-
ray mention en Ion lieu , la terre ferme des Indes
«ft fort abondante & remplie. Mais il ne f'en
trouue aux Ifles que ceux que les Efpagnols y
ont apportez. Il eft bien vray qu'vn de nos frères
veid vn iour vn Tygre en vne ifle,comme il nous
« raconté furie propos d'vne fienne pérégrina-
tion & naufrage. Mais interrogé combien cède
DES INDES. Ll V. I. 43
Ifle eftoit efloignee de terre ferme , refpondit
comme de fîx à huict lieu'ës pour le plus: laquelle
trauerfe de mer les Tygres peuuent aifément pal-
fer à nage. L'on peut inférer par ces argumens 8c
autres femblables , que les premiers Indiens ont
palTépourpeupler ces Indes plus par le chemin
de terre , que de la mer -, ou fil y a eu nauigation,
qu'elle n'a efté ny grande ny difficile: pource que
c'eft chofe indubitable qu'vn monde doit eftre
ioint & continué auec l'autre, ou à tout le moins
eftre en quelque endroit fort proche l'vn de
Vautre.
Que le lignage des Indiens ncjl point pufié pur l'ifle
atlantique , comme quelque s-yns
/'imaginent.
CHAP. XXII.
fcYftL y en a quelques-vns qui fuiuans l'opinion sap.c.iz¥
fafâde Platon,mentionneecy-deiïus,difent que
ces gens là partirent de l'Europe, ou d'Afrique,
pour aller en celle tant fameufe 8c renommée
Ifle Atlantique y8c de làpailcrent d'Ifle en autre,
iulques à paruenir à la terre ferme des Indes:pour
ce que le Crifias de Platon en fon Timec , en dis-
court de cette façon. Car (1 l'ille Atlantique eftoit
aufli grande comme toute l' Afie 8c l'Afrique en-
femblCjOU bien encor plus grande , comme veut
dire Platon , elle deuroit par neceflitè compren -
dretout l'Océan Atlantique, & paruenir pref-
que iufques aux Mes du nouueau monde. Et dit
dauantage Platon , que par vu grand &eftrange
déluge ton iflc Atlantique fe noya -, 8c par ce
Fiij
HISTOIRE NATVRELLE
moyen rendit cefte mer innauigable, pour la grif-
fe abondance des bancs, rochers, 8c impetuofnc
des vagues qui y eftoicnt encore de ion. temps.
Mais qu'en fin les ruines de cefte iile noyée, ie
railirent & rendirent cefte mer nauigable. Cecy
aefté fort curieuiement rraicVc Se diicouru par
aucuns hommes do&es 8c de bon entendement,
8c neantmoins eftant de prés confideré,à vray di-
re fe trouuent choies ridicules , qui rellemblenc
plus les fables ou contes d'Ouide,qu'vne hiftoire
ouph.ilofo.Dhie disme cl'eftremifeen auant. La
plus-part des interprètes &c exporteurs de Pla-
ton afferment que c'eft vue vraye hiftoire tout ce
que Ci ifias raconte de l'eftrange origine del'ifle
Atlantique, de fa grandeur 8c proiperité , des
guerres qu'ils ont eues, contre ceux dé l'Europe,
8c pluiieurs au très chofes. Ce qui fait croire da-
uantage que c'eft hiftoire vraye, font les paroles
deCiiiias , que Platon introduit en ion Timee,
diiantque le fujetqu'ilveut trai&cr eftde cho-
fes eftranges , mais qui iont neantmoins vérita-
bles. Lesautres dilciples de Platon confiderans
quecedifcoursaplus d'apparence de fable, que
non pas d'hiftoire,difent,queron doit entendre
cela par allégorie , &c queç'aeftc l'intention de
leurdiuin Philofophe. Decefte opinion eftPro-
cle, ex Porphyre, voirez) rigene , lefquelsefti-
ment tant les eferits de Platon , que quand ils en
parlent , il lemble que -ce foient les liures de
Moyfe,ou d'Eidras, 8c là où il leurièmble que
les eferits de Platon ne font pas vrais femblables,
difent qu'on les doit entendre en iens allégorie
ccmyitic. Mais pour dire la vente, îeneporte
DES INDES. LIV. I. 44
point tant de refped à l'authorité u*e Plato,quoy
qu'ils l'appellent diuin,qu'il me femble tron dif-
ficile de croire qu'il au peu efcrire ces choies de
Fifle Atlantique pour vne vraye hiftoire , lcf^»
quelles pour cela ne lailïent point d'eftre de pu-
res fables:veu qu'il confetfe ne l'auoir appris que
deCritiasquieftoit petit enfant, & entre autres
chanfons chantoit celle de l'iflc Atlantique.
Quoy que c'en foit , que Platon l'ait efcrit pour
hiltoire ou pour fable , quant à moy ic croy que
tout ce qu'il a efcrit de cefte iile,commcnçant au
Dialogue du Timce, Ôc pourfuiuant à celuy de
Critias, ne peut eftre tenu pour chofe vraye, fi-
non entre les enfans & les vieilles. Qui ne tien-
dra pour fable , de dire que Neptune ("énamoura
de Clyté, & eut d'elle cinq fois des gémeaux d'v-
ne ventrée, & que d'vne montagne il tira trois
pellotes rondes de mer , & deux de terre, qui fe
reflembloient fi bien, que l'on euft dit quelles
euflent efté faites toutes en vn tour? Que dirons-
nous dauantagë de ce Temple de mil pas de 16g,
& de cinq cents de large , duquel les parois par
dehors eftoient toutes couuertes d'argent, tout
le lambris d'or, & le dedans d'yuoirc cifelé & en-
trelafle d'or,d'argent, &de perles ? En fin parlant
defaruinefînale,ilconcludainfi au Timee: En
yn tour & vnenwcl fur tant un grand etelure , par te ■
quel tous nos foicLtts furent engloutis à monceaux cl in s
lit terre , & de cejîc façon rifle .Atlantique eftant fub-
mergée disparut en la mer. Pour certain ce fut bien
à propos que cefte ifle difparut Ci (ubitement,
veu qu'elle eftoitplus grande que l'A fie & l'A-
frique enfemble , & qu'elle eftoit faicte par
F iiij
Tlin.l. s ■
6.c,j i.
HISTOIRE NATVR.ILLI
enchantement. C'eft chofe aufïï de mefme fort à.
proposée dire que les ruines de cefte Ifle li gran-
de fc voyent au fonds de la mer , & que ceux qui
les v.oyent,qni font les mariniers,nc peuuent na-
uigerpar là. Puis il adioufte: Vour cefte catrfctxpjues
dmourcThuy ccjle mer nefe nauige point, ny nef eut cftre
nduigee pour rdifon dit Iahc /jnipeuapeu s'eft formé en
cefte ifle fttbmcrçcc , le demanderois volontiers
quelle mer a peu engloutir vne telle infinité de
terre, quieftoit plus grande que toute l'Aile &
l'Afrique enfemble, fk qui fe conflnoitiufques
a\ix Indes. & encore l'engloutir dételle façon,
qu'il n'en foit demeuré à prefent aucuns reftes
ny apparences quelconque: veu qu'il eft tout co-
gneu&efprouuéque les mariniers ne trouuent
aucun fond (quoy que longue foit leur fonde) en
la mer on ils difent auoir eflé cefte ifle. Toutes-
fois ce pourra fembler chofe indifere^ & efloi-
gnee de raifon , de vouloir difputer ferieufement
les chofes qui ont efté racontées par paire- temps
feulement, ou bien fi l'on doit auoir tant de re-
fped à l'authorité de Platon (comme il eft bien
raifonnable) on les doit pluftoft entendre pour
fignifier Simplement comme en peinture la pro-
spérité d'vne ville,&:quant & quant fa perdition ,
Car l'argument qu'ils font pour prouucr que
réellement 8c de faict cefte Ifle Atlantique ait
efté, difans que la mer en ces parties là retient en-
cor auiourd'huy ce nom d'Atlantique, eft de peu
d'importance,vcu que uoas fçauons que le mont
Atlas , duquel Pline dit cefte mer auoir prins forx
nom.eft aux confins de la mer de Mauritanie. Et
n* le fncfmc Pline raconte que joignant le mont
DES INDES. tIV. I. 45
fufdit il y a vne Me nommée Atiantique,qu'il die
cftrc fort petite & de fort peu de valeur.
Que loptnion de plufienrs qui afferment que U
première race des Indiens vint des Iuifs9
rieB point véritable.
c H A P. XXI II.
(ÏSS Aintenant que nous auons monftrê
tSfcfi qu'il n'eft point vray-femblable que les pre-
miers Indiens ayent palfé aux Indes parl'Ifle At-
lantique , il y en a d'autres qui difent & ont opi-
nion que ce fut par ce chemin dont purle Efdras - i
au liure quatrieime , difant ainfî : Et pour ce que tu,
veids qu'il afjèmbloit y ne autre troupe & multitude
d'hommes patjibles ,'tufçauras que ceux-là font les dix
tributs qui furent mcne\ encaptiuité an temps dul{py
0\ee que Salman^ar E^oy des ^Affy.'iens mena prifon-
viers, ejr les paffa de l antre part du fleuue, & furent
transport e\ en y ne autre terre. Ils arrejiereut & refo-
lurent erttr'eux de laijfcr U f*i!*itude des Gentils,®* de
pajfer en autre région plus efloignce , où iamais les hu-
mains ri habitèrent, afin ae garder leur loy qu'ils riauoiet
peu conferueren leur terre; ilspUfferent donc par les che-
mins eflroits du fleuue Euphrate: car alors Dieu monftra
fes menteilles en leur endroit, arreflant le cours du fleuue
iufques a ce qu'ils euffent pafie ', d'autant queie chemin
pour aller en cefte région efioit très-long , & d'vn an &*
demy,& s'appelle cefte région Jtrfitretk, ^Alors ils y de-
meurerent iufques aux derniers temps . Maintenant
quand ils rommencerent à reuenir , le Tout-puiffant re-
tiendra derechef vne autre fois le cours du fleuue, afin
yuilspuiffcntfafjcr 3 & put cefte uufe tu as yen cesle
HISTOIRE NATVRULÏ
multitude rfwc/tt/.v. Quelques- vns veulent accom-
moder cefte eferiture d'Efdras aux Indiens, di-
fàns qu'ils furent conduits de Dieu où iamais
n'habita genre humain , ôc que la terre où ilsde-
meurcrent eft fi efloignée , qu'il y a vn an ôc de-
my de chemin pour y aller, eftant çefte nation
naturellement paifible, ôc qu'il y a de grands in-
dices ôc argumens entre le vulgaire de ces In-
diens, pour faire croire* qu'ils defeendent de la
race des Iuifs , d'autant que l'on les voit commu-
nément efchars,rabaillez , cérémonieux , ôc fub-
tils en menfenge. Et difent dauantage que leurs
habits rcilèmblent fort à ceux dont vfoient les
Iuifs , pource qu'ils portent vne tunique ou che-
mifolle,&:vn manteau brodé tout autour, vont
les pieds nuds , ou feulement auec des femelles
attachées de courroyes fur le pied , qu'ils appel-
lent Ojotas. Et difent qu'il appert par leurs hi-
ftoires , comme auflî par les anciennes peintures
qui les reprefentent en celle façon, que cet ha-
bit eftoit l'ancien veftement des Hebrieux , ôc
que ces deux fortes d'habits dont les Indiens
vfent tant feulement, eftoient ceux dont vfoit
Samfon , que l'Efcriture appelle Tirn/cam^ ôc Sin-
doncm, qui eft le mefme que les Indiens appellent
chemifolle ôc manteau. Mais toutes ces conie-
ctures font légères , 3c pluftoft contr'eux, que
pour eux: car nous fçauos bien que les Hebrieux
vfoient de lettres, ôc il n'y en a aucune apparen-
ce entre les Indiens. Les autres eftoient fort amis
de l'argent, & ccux-cy n'en ont poiut de cure.
Les Iuifs f'ils n'eftoient circoncis ne feftime-
roiçntpas Iuifs , ôc les Indiens au contraire ne le
DE S IND ES. LIV. I. 46
font ny peu ny point, &iamais n'ont vie de céré-
monie qui en approche, comme plufïeurs des
Orientaux. Mais quelle apparence y a-ildecon-
iechirer cecy, veu que les Iuifs l'ont tant diligens
àconferuer leur langue & leurs antiquitez, de
forte qu'en toutes les parties du monde où. ils
font , ils différent 8c les cognoift-on toufiours
d'auec les autres , 8c neantmoins qu'aux Indes
feulement ilsayent oublié leur lignage , leur loy,
■ leurs ceremonies,leur Meti e,& finalement tout
leur Iudaifme ? En ce qu'ils difent que les In-
diens font efchars,rabaiirez3fuperftitieux&fub-
tiis en menfonge: pour le premier c'eft chofe qui
n'eft point commune à tous: car il y a des nations
en tre ces Barbares exemptes de ces vices. Il y en
a d'autres généreux 8c hardis , il y en a auflî de
groiïiers&fort lourds d'entendement. Quant
aux cérémonies & fliperftitions , les Gentils en
ont toufiours fort vfe. De leur façon d'habits,
comme il a elle deferit cy-deuant, ils en vfent
ainfi,pourceque c'eft le plus fïmple 8c naturel du
monde, fans artifice, &quiprefqueaeftc com-
mun non feulementaux Hebrieux, mais à tou-
tes les autres nations. Veumefmequei'hiftoire
d'Efdras (fi nous deuonsadioufterfoyaux Efcri-
tures apocryphes) eftplus contraire, qu'elle ne
fe rapporte à leur intention. Car il dit en ce paf-
iàge,que les dix tributs fefloignerent de la mul-
titude des Gentils, pour garder leur foy &: céré-
monies, & l'on voit que les Indiens font addon-
nez à toutes les idolâtries du monde. Et ceux qui
ont cefte opinion melme voyent bien fi les en-
trées du fleuue Euphrate vont iufques aux Indes,
HISTOIRE NATVRELLê
&fileftnece(Taireaux Indiens de repafTer parla»
commeileftditauIicupreallegué.Outreceicne
voy point comme ils fe puiffent nommer pacifi-
ques, veu qu'ils fe font continuellement guer-
royez les vus les autres. Enconclufionienc voy
point que l'Euphrate de l'apocryphe Efdrasfoit
vn palTage plus propre pour allerau nouueau
monde, que l'enchantée ôc fabuleufe Ifle Atlan-
tique de Platon.
Vour quelle rai fan l'on ne peut bien tronner-
torigfne des Indiens.
CHAP. XXIII i.
gVgLefl plus aile de réfuter ôc contredire les.
&Uu faulfes opinions mifes en auantiur l'origine
des Indiens, que non pas d'en dire tScarrefter vne
refolution certaine 8c véritable: pour- au tat qu'il
n'y a aucune, eferiture entre les Indiens, ny mé-
moires certaines de leurs fondateurs;& que mef-
me il n'eft fait aucune mention de ce nouueau
monde es liures de ceux qui ont eu cognoiflànce
des lettres : nos anciens ont tenu qu'en ces par-
ties là n'y auoit ny hommes , ny terre, ny ciel. A
•raifon dequoy celuy-là fembleroit fort témérai-
re Ôc prefomptueux qui penferoit deicouurir Ôc
monftrer la première origine des Indiens , ôc des
premiers hommes qui ont peuplé les Indes. Mais
nous pouuons de loing donner iugement, par le
difeours que nous auonsmisen auantcy-delîus,
que cepeuplc des Indes eft venu, faduançant peu
a peu iufques à ce qu'il foit arriuc au nouueau
monde , ôc ce par l'aide ôc le moyen de la conti-
DÈS INDES. LIV. ï. 47
nuité ou voifinage des terres , ou bien par quel-
que nauigation. Ce qui me fembleauoirellé le
moyen par lequel ils y font venus , 8c non pas
qu'ils ayent fait armée pour y aller depropos dé-
libéré, ny qu'il leurfoit arriué aucun naufrage,
ou tempefte qui les y ait portez : combien qu'en
quelque partie des Indes aucunes deceschofes
puiiïent eftrearriuees, d'autant que ces régions
eftans C\ grandes qu'elles comprennent en elles
des nations fans nombre, nous pouuons croire
que les vns y font venus pour peupler d'vne for-
te,©^ les autres d'vne autre façon. Mais en fin ic
me refous à ce poinct , que la vraye 8c principale
caufe& moyen de peupler les Indes, a efté pour-
ce que les terres 8c limites d'icellesfeioignoienc
&continuoient en quelques extremitez du mo-
de, ou qu'à tout le moins elles cftoient fort pro-
ches. Etcroy qu'il n'y a pas plufïeurs milliers
d'années que les hommes habitent ce nouueau
monde, & Indes Occidentales, mefme que las
premiers hommes qui y entrèrent, 8c eftoient
pluftoft libmmes fauuages,& cha (leurs, que non
pas efleuez 8c nourris en Republique ciuile Se
policée, & qu'ils arriuerentau nouueau monde
pluftoft f eftans perdus de leur terre, ou fy eftans
trouuezen trop grand nombre, 8c en necefïïtc
d'en chercher vue autre, laquelle ayant trouuée,
ils commencèrent peu à peu à la peupler, n'ayans
point d'autre loy,qu'vn peu d'inftincl naturel, 8c
encor fort obfcur , 8c pour le plus quelques cou-
ftumes qui leur font demeurées deleur première
patrie. Et bien qu'ils fuilent fortis de terres poli-
cées & bien gouuernées,ûeft-ce qu'il n'efltpas
I
HISTOIRE NATVRELLE
incroyable de penfer qu'ils eu (Fcnc oublie le tout
Four lalôgneurdu tcpSj&lepeud'vfâgejvctique
On fçait qu'en Efpagne & en Italie mefme , Ton
trouuedes côpagnies d'homes qui n'en ont rien
que la figure & gefte leulemet , d'où l'on peut cô-
iechuerque de la Façon, les mœurs barbarefqucs
ik inciuils font venus en ce nouuean monde.
De ce que les Indiens racontent de leur vrtgine.
c II a p. XXV.
E n'eft pas choie de grade importace de fça-
uoir ce que les me! mes Iridiés ont accoutu-
mé de raconter de leur commencemet 6coriginc,
veu qu'ils rellemblet plus leurs longes que vrayes
hiftoires. Ils Font entr'eux grade mentiôd'vn dé-
luge adueeu en leurs pays, mais l'on ne peut pas
bie iuger fi ce déluge ell l'vniuerfel, dot parle 1 ' Xi i -
cri ture,ou fi ça elle quelque autre déluge, ouin-
ondatio particulière des régions où ils font. Au-
cuns hommes experts dilent que l'on voit en ce!
payslàpluficurs notables apparecesde quelque
grande mondatio,& luis de l'opinion de ceux qui
penient que les veftiges & marques qu'il y a de ce
déluge, ne font deceluydeNoé, mais de quelque
autre particulier, comme de celuy que raconte
Platô, ou celuy que les Poètes chantent de Deu-
caliô. Quoy qu'il en loit, les Indiens difentque
tous les hommes Furet noyez en ce déluge , 6V ra-
content que du grand lac Titicaca fortit vn V ira-
cocha qui i'arreftaen Tiaguanaco, où l'on voit
auiourd huy des ruines & veftiges d'anciens édi-
fices Fort eu.ranges,6c de là vint à Cufco : ainfi re-
Commença le genre humain à le multiplier, lis;
DES INDES. LIY. I. 48
monftrcnt en ce mefme lac vn petit iflet, où ils
feignent que le Soleil fe cacha 8c C'y conlerua : 8c
pour cède raifon ils luy faifoient de grands facri-
nces en ce lieu, non feulement de brebis, mais
d'hommes mefmes. D'autres racontent que fix
ou ne fçay quel nombre d'hommes fortirentd'v-
neccrtainecauerneparvne feneftre, qui donnè-
rent commencement à la multiplication des ho-
mes , 8c à celle occafîon les appellent Pacaritam-
po. C'eft pourquoy ils font d'opinion que les
Tamboseftla racela plus anciéne des hommes.
Ils difentqueMango Capa, lequel ils recognoif-
fent pour fondateur 8c chef des Ingas , eftoit iffil
de cefte race là3&:qiie de luy fortirent deux famil-
les ôc lignages, l'vn de Hauan Cufco, 8c l'autre de
Vrni Cufco. Ils difentdauantage que quand les
rois Ingas entreprenoient guerre &conque(loiéc
diuerfes prouinces,ils donnoient couleur 8c pre-
noiet prétexte de leur entreprife , difans que tout
le monde les deuoit recognoiftre, pour-autant
que tout le monde f eftoit renouuellé de leur ra-
ce & de leur patrie; & mefme que la vraye Reli-
gion leur auoit efté reuclée du ciel. Mais que fert
d'en dire dauantage, veu que toutyeft plein de
menfonge & de vanité , ôcdu tout efloigné de
raifon? Quelques hommes db&esefcriuent, que
tout ce dont les Iridiés font mention,&: n* eft plus
ancien que de quatre cens ans , & tout ce qu'ils
difenc du parauant n'eft qu'vne confufion em-
brouillée de (ï obfcures ténèbres, qu'on n'y peut
trouuer aucune vérité. Ce qui ne doitfembler
elttange, d'autant que les Iiures & eteritures leur
defailïen t , au lieu defquelles ils fe feruent de leur
jia.ij.
Gin.ie.
HISTOIRE NÀTVRELLE
conte de leurs Quipocamayos,qui leur eft partî-
culier.Par lequel conte tout ce qu'ils peuuêt rap-
porter ne peut cîlreplus long que de quatre cens
ans. M'informantdiligëment d'eux, pour fçauoir
de quelle teiLS,& de quelle nation ils paflçret au-
tresfois,làoù ils font &c viuent à prefent, ie les ay
trouuéfi elloignez de pouuoir donner raifon de
cela, qu'ils tiennet pour certain qu'ils font créez
de leur première origine en ce nouucau mode où
ils habitent. Mais nous leur auonsofté cet erreur
par noftre foy,qui nous enfeigne que tous les ho-
mes procèdent d'vn premier home. Il y a grande
conieChire& fort apparente, que ces homes par
longue efpace de temps,n'ont point eu de rois ny
de republiques,mais qu'ils viuoient par troupes,
comme font auiourd'huy ceux de la Floride , de
ChiriqnanaSjdu Brefil , & plufieurs autres natios
qui n'ont aucuns rois alîèurez , fînon felôl'occa-
iion qui ('offre ou en paix ou en guerre qu'ils efli-
fent leurs capitaines comme illeurplaift. Mais
quelques homes furpaflans les autres en force &
industrie, auecle tempscommenceretàfeigneu-
rter cvcommander,comefitancienuemétNem-
brotrpuis croiiïant peu à peu font venus à fonder
les royaumes du Peru &de Mexique,que nos !?£■
pagnols trouuerent,& comblé qu'ils fuilcnt bar-
bares s furpalïoient neantmoins de beaucoup les
autres Indiens. Voila comment la raifon fufdite
nousdemonftre,quela race des Indiens a com-
mécé a multiplier pour la plus grad part d'homes
iauuages & fugitifs. Ce qui doit fuffire touchant
l'origine des gens dotnousparlos,laifTantleiur-
piusquadi'on traitera icurhutoiieplusàloifir.
LIVRE
LIVRE SECOND
DE L'HISTOIRE NATV-
RELLE ET MORALE
des Indes.
O ne ce ricft pas hors de propos , mais necejjaire , de
truffer de la nature de lEqumoxc.
CHAPITRE PREMIER.
Ovr bien comprendre les cho-
ies des Indes , il eft necelîàirc de
cognoiftre la nature 8c difpofî-
tion de cette région , que les an-
ciens appelloient Zone Torride,
&latenoient pour inhabitable,
veu que la plus grand' part de ce nouueau mondç
que Ton a dernièrement defcouuert, gifl & eft (ï-
tué fouz celle région du milieu du ciel. Etmç
femble chofe fort à propos, ce que quelques-vns.
difentqucia cognoiilànce des choies des Indes
dépend de bien entendre la nature de l'Equino-
xe : d'autant que la différence qu'il y a prefquc
entre l'vn & l'autre monde, procède des proprie-
tez de cet equinoxe. Et faut noter que tout ecc
cfpace qui eft entre les deux tropiques, fe doit te-
nir 8c entendre proprement pour cefte ligne du
milieu,qui eft rÊquinoxe,ainil appellée , pource
que le Soleil faifant fou cours en icellc , rend par
G
I
HISTOIRE HATVRELLE
tout le monde les iours & les nuidh cfgaux; mef-
mes que ceux qui habitent audeflouz d'icelle,
iouyffent tout le long de l'année de celle mefme
efgalitcdesiours&desnuicls. Or en cefte ligne
equinoxiale,nous trouuos tant d'admirable pro-
prietez , que c'eft aucc bonne raifon que l'enten-
dement humain fe refueille & trauaillepouren
rechercher les caufes, n'eftant point tant efmeu à
ce par la doctrine des anciens Philofophes,que
par la mefme raifon & certaine expérience.
four quelle raifon les anciens unt tenu nue lu Zone
Torridepour certain eft oit inhabitable.
c H A P II.
Echerchant à preset ce (iijed dés fon
commencement, aucun ne pourra nier ce
que nous voyons clairement, que le Soleil en
l'approchant efchauffe , Se refroidit en fefloi-
pnant. Tefmoins en font les iours & les nui et s,
tefmoinsrHyuer&i'Efté, la variété defqucis Se
le froid & le chaud eft cauié par rapprochement
& efloigncment du Soleil. D'autre-part il eftauiîi
certain que plus le Soleil f approche & iette (es
rayons directement, plus la terre eft arfe Se em-
braféexe qu'on void clairement en la chaleur du
Midy,&enlaforcede l'Efté. D'où l'on peut iu-
ger(àcequ'ilmefemble) que tant plus vnc terre
eft efloignée du cours du Soleil, tant plus eft- elle
froide. Ainfî nous expérimentons que les terres
Se régions qui Rapprochent d'auantagedu Septé-
trion ou Nort,font les plus froides , Se au côtrai
re celles qui T'approchent du Zodiaque , où che-
mine le Soieifietrouuenties plus chaudes. Pour
cefte caufe l'Ethiopie furpalfc l'Afrique & Barba-
DES INDES. LIV. II. 50
rie en chaleur, la Barbarie furpalfc l'Andalouzie,
l' Andalouzie , Caftille Se Arragon j &c Caftille Se
Arragon furpadent aufîi la Bikaye & la France.
Et d'autant plus qu'elles font Septentrionales,
d'autant moins font-elles chaudes: par confe-
quent celles qui Rapprochent le plus du Soleil, &
font plus à plomb frapées de Tes rayons, fe reflfen-
tent dauanrage de la chaleur du Soleil. Quelques
vns mettent en auantvne autre raifou à cette fin,
qui eft que le mouuemen t du ciel eft fort foudain
& léger deuers les Tropiques;mais qu'à l'endroit
des Pôles au contraire il eft fort lent de pefant:
d'où ils concluent que la région que le Zodiaque
circuit & contient eft embrazée de chaleur pour
trois caufes Se raifons, l'vne pour le voifinage du
Soleil, l'autre pour receuoir direclemet fes rayos,
latroificfme,pourcc qu'elle participe&fe relient
aucunement de ce plus vifte& foudain mouue-
ment du ciel.Voila ce que la raifon & le difeours
nous enfeignet,touchant la caufe du froid & cha-
leur des regios de la terre. Mais que dirons nous
des deux autres qualitez,qui font l'humidité &: la
fecherelfe? tout le mefme. Car la fechcrcflc fem-
ble eftre caufée par l'approchement du Soleil , de
l'humidité de fon efloignement, d'autantquela
nui&eftantplus froide que le iour, eft aulli plus
humide , & le iour eft plus fec , comme eftant le
plus chaud. L'Hyuer pendant que le Soleil eft
plus efloigné, fe void plus froid & plus pluuicux,
& l'Efté au c5traire,auquel le Solei left plus pro-
che,certainemft eft plus chaud & plus fec. Pour-
ce que tout ain fi que le feu a la propriété de cuire
& de brufler,aum l'a-il pareillement de deflecher
Gij
HISTOIRE NATVRELLE
l'humidité. Confiderans donc cequedefïus,Ari-
ftote & les autres Philofophes attribuent à la ré-
gion du Midy, qu'ils appellent Torride , vnc ex-
ceffiue chaleur , & vnefechereire tout cniemble.
C'eft pourquoy ils difent que cette région eftoit
merueilleufement embrafée&: dcfcchee: &que
par confequét elle n'auoit point d'eaux ny depa-
fturages, caule pour laquelle elle deuoit eftre par
necelîïté fort contraire & fort incommode à la
vie humaine.
Que U Zone Torride efh fort bumtdc , contre
lopmion des anciens.
CHAP. III.
tr%tâ) O v t ce que nous auons propofé cy-delîus,
^t&femble certainement élire vray & bien à
propos, &c neantmoins la conclufion qu'ils en
veulent tirer fe trouuc apertement faillie, d'au-
tant que la région du Midy,qu'ils appellent Tor-
ridc,eft peuplée & habitée d'hommes realement,
Çc de fai&;& nous mefmes y auons demeuré long
temps :aufli eft -elle fort commode, plaiiante&r
agréable. Si donc il cft ainfi, comme on ne le peut
nier , que d'vne propofition véritable , l'on ne
peut tirer vne conclufion fauîfe,& que neant-
moins cefte conclufion foit faulfe, comme elle
l'eft,il nous eft befoin de retourner arrière par les
mefmes pas, pour confiderer & regarder vn peu
de plus prés cefte propofition, & d'où procède
l'erreur & la faute. Nous dirons donc première-
ment quelle eft la vérité, félon que l'expérience
ccnaine nous le môftrc, puis après nous leprou-
DES INDES. L1V. II. f I
serons (combien quefoit chofe fort difficile) 8c
mettrons peine d'en donner la raifon, fuiuant les
termes de Philofophie. Le dernier poinct que
nous auonspropofécy-delïus, que la fcchereiîè
eft plus grade lors que le Soleil eft plus prochain
de la terre, iemble chofe certaine 8c véritable , 8c ,
ne l'eft pas toutcsfois,an contraire eft totalement
faulfe. Car il n'y a iamais plus grande abondance
de pluyes en la Zone Torridc, que lors que le So-
leil pafTe par delïus , & en eft fort proche. C'eft
certainement chofe admirable, & digne d'eftre
rcmarquée,que l'air eft plus fcrain,& fans pluyes,
fouz cefte Zone Torride, lors que le Soleil en eft
plus efloigné, &au contraire, qu'il y a plus de
pluyes , de neiges , 8c de brouillas au temps que
le Soleil en eft plus proche.Ceux qui n'ont point
efté en ce nouueau monde, parauanturctiendrot
cecy pour chofe incroyable, 8c femblera eftrange
mefmt à ceux qui y ont efté, fils n'y ont prins
garde: mais les vns &les autres fy accorderont
volontiers , en remarquant l'expérience certaine
de ce qui a efté dit en ce codé du Peru , qui regar-
de le Pôle du Sud ou Antarctique, le Soleil en eft:
plus efloigné, lors& au mefme temps qu'il eft:
plus prochain de l'Europe , à fçauoir en May,
Iuin,Tuillet,& Aouft,qu il fait fon cours au Tro-
pique de Cancer, durant lefquels mois, au Peru y
a vnc grande ferenité &c tranquillité de l'air, &
n'y tombent alors aucunes neiges, ny pluyes.
Tous les fleuucs & riuieres y diminuent fort , 8c
quelques-vnsy tarifent du tout : Mais comme
l'année faduarice , & que le S oleil f approche du
Tropique de Capricorne, alors commencent les
Giij
I
I
HISTOIRE MATVRELLE
eaux,pluyes,neiges,&: fe font les grandes crcu'ês
des riuieres, qui eft depuis O&obrc ,iufques en
Décembre , puis après le Soleil fe retirant du Ca-
Î>ricorne, lors que Tes rais donnent droitemét fur
es tc^cs de ceux du Peru, c'eft alors que la force
& fureur des eauëseft grande, c'eft le temosdes
pluyes,neiges,& grands defbordcmens dzs riuie-
res,qui eft en la mefme faifon de l'armée, qu'il y a
plus grande chaleur, fçauoir depuis Ianuieriuf-
quesàlamy-Mars. Et eft chofefivraye& fîcer-
taine,que perfonne ne le peut contredire. Et tout
le contraire alors fe rencontre es régions du Pôle
Arctrque,outre l"Equinoxe,ce qui procède d'vnc
mefme raifon. Mais voyons maintenant de la
température de Panama, & de toute celle cofte,
tant de la neufue Efpagne,des Ifles de Barlouent,
deCuba,Efpagnolle& Iamaique,deSainâ:Iean
de Port- riche, nous trouuerons fans faute que
depuislecommencementdeNouembreiufques
en Auril,ilsy ont l'air & le ciel fort clair & fort
ferein, dont la raifon eft, pour- autant que le So-
leil partant par TEquinoxe, pour aller au Tropi-
que de Capricorne , il fe va efloignant de ces ré-
gions , plus qu'en autre faifon de l'année : Et au
contraire ils y ont de grofïespluyes, Se de fort
grands rauages d'eaux, quand le Soleil retourne
vers elles , &c qu'il en eft plus proche, qui eft de-
puis Iuiniufques en Septembre, pource qu'alors
les rayons donnent plus fort fur eux. On void
aduenirle femblable en l'Inde Orientale, com-
me nous l'apprenons iournellemcnt parles let-
tres qui en viennent. Par ainfi c'eft vue règle ge-
nerale(bieu qu'en aucuns lieux ily ait exception)
DIS INDES. II V. II. 52.
qu'en la région du Midy , ou de la Zone Torride,
qui eft vue mefmc chofe, l'air y eft plus ferain, &
y a plus de fechcreire alors que le Soleil en eft
plusefloigné: &au contraire, que quand il feu
approche, il y a plus de pluyes& de l'humidité,
& tout ainn" comme le Soleil Paduance ou fc rc~
tire peu ou plus,ain fi la terre abonde ou manque
d'eaux ou d'humidité.
Qu'aux régions qut font hors des Tropiques, il y 4, plus
d'eaux , lors que le Soleil en eH plus efloigne
tout au contraire de ce qui ejl fou\ la,
Zone Torridc.
c h A P. III 1.
fg S régions qui font hors les Tropiques , l'on
.§ voidtoutle contraire de ce qui eft dit cy-
deiïus; pource que la pluye fe mefle auec le froid,
& la fccherelfe auec la chaleur , ce qui eft fort bie
cogneu en toute l' Europe Se en tout le vieil mon-
de,comme on le void de mcfme façon en tout ce
nouueau. Dont eft tefmoin tout le royaume de
Chillé , qui pour eftre dehors le Tropique de Ca-
pricorne,& en mefme hauteur que l'Efpagne , eft
ïiibiectaux mefmesloixdel'Hyuer & de l'Efté,
excepté que l'Hyuer eft là quand l'Efté eft en Ef-
pagne, d'autant qu'ils font en diuers Pôles. Par
ainu* quand le froid eft en ces prouinces , les
eaux y font en fort grande abondance, qui eft
quand le Soleil l'en efloignele plus, depuis le
commencement d'Auril , iufques à la fin de Se-
ptembre. Finalement la difpofitiondes fàifons
y eft telle qu'en Europe , fçauoir que la cha-
leur & fechcreiFe y viennent quand le Soleil
G iiij
I
I
HISTOIRE N A T V RELIE
y retourne.De là vient que ce royaume de Chillc
approche plus de la température de l'Europe,
qu'aucun autre des Indes, tant aux fruicts de la
terre , qu'en la difpofition du corps Se de rcfprit
des hommes . Ce qu'ils difent cftre de la mcîme
façon en céfte partie de terre, qui eft deuant l'E-
thiopie intérieure , laqnellcfe va eflargiiîant en
façon de pointe, iufquesauCapdebonnc Efpe-
rance. Ce qu'ils tiennent pourvrayecaufe des
inondations du Nil , qui font en Efté , defquelles
les anciens ont tant difpu té : d'autant qu'en celle
région là i'Hyuer&: les pluyes y commencent au
mois d'Auril , quand le Soleil palïe défia le ligne
d'Aries. Et ces eaux qui en partie procèdent des
neiges, ôc en partie des pluyes, faflemblêt &: font
de grands lacs &eftangs , defqucls procède par
bonne ôc vraye Géographie le fleuue du Nil. Et
par ce moyen va peu à peu eflargilïant fon cours,
iufquesàce qu'après auoir couru vnlong che-
min,il vient finalement au temps de l'Efté inon-
der l'Egypte, qui femble choie contre nature, Se
neantmoins eft chofe qui l'y rapporte. Car au
mcfme temps qu'il eft Efté en Egypte, fîtuéeau
■rropiquede Cancer, l'Hyuer eft aux fources du
Nil,qui eft en l'autre Tropique de Capricorne. Il
y a en l'Amérique vue autre & femblable inon-
dation que celle du Nil, auParaguey, ou autre-
ment riuicrc delà Platte (qui vaut autant à dire
comme riuierc d'argent) lequel tous les ansrece-
uantvne infinité d'eaux qui tombent des monta-
gnes du Peru , vient à (e defborder il terrible-
ment de Ion cours , Se va gaignant tellement cc-
(!e région yqusles habitans font contraints du-
DES INDES. IIV. II. 53
rant ces mois là de fe retirer & fe tenir en des Bar-
ques& Canoës, & de quitter l'habitation de la
terre.
Qu'entre les deux Tropiques enEfié ', ou temps de
chédeur , cji lafajfon où il y a plus grande
tbonddnce de pluyes , aucc vn d if-
cours de l'Hyuer & de l'Ejlé.
c H A P. v.
gfà O v r refolution , l'Efté eft toufiours fuiuy
I&£ & accompagné de chaleur 8c defecherefîè
es deux régions ou zones tempérées, & l'Hyuer
auflî de froidure & d'humidité: Mais en la Zone
Torridelesfufdites qualitez nefe trouuctpoint
enfemble de la mefme faço,d'autatque lespluyes
y fuiuent la chaleur, & le froid y eft accompagne
defechereflè^ d'vnairfërain. l'entends parle
froid le défaut de chaleur exceflîue , d'où vient
que l'Hyuer fe prend en noftre Europe pour le
froid, & le temps pluuieux & Efté pour le temps
de chaleur Se ferenitè de l'air. N os Efpagnols qut
fontauPcru& enlaneufue Efpagne,voyans que
ces deux qualitez ne fctrouuoient point enfem-
ble comme elles font en Efpagne, appellét l'Hy-
uer la faifon en laquelle il y a beaucoup d'eaux &
de pliiyes,& i'Efté3celle où il y en a peu,ou point.
En quoy ils fe trompent euidemn.ét, quoy qu'ils
vueillent dire par vue rcigle commune que l'Efté
eft aux montagnes du Peru, depuis le moisd'A-
uril , iufques en Septembre, pour- autant que les
pluyes cefient en ce temps là, & que l'Hyuer eft
depuis le mois de Septembre iufques au mois
I
HISTOIRE NATVRELLE
d' Auril,pourcc qu'alors elles y reuiennent,&: par
ainfi il eft Hyuer ôd'Eftéau Peru,lors &au mef-
me temps qu'il l'eft eu Efpagne. De forte que
quand le Soleil chemine an demis de leurtefte,
alors ils croyent que c'eft le fond de 1 Hyuer,
pou rce qu'il y a plu s grande abondacedepluyes.
Mais c'eft chofe digne de rifee,comme venant de
gens ignorans Se fans lettres : car tout ainfi com-
me la diuerfitc quieft entre le iour & lanuid,
procède de la prefencc ou abfence du foleil, en
noftre hemifphere , félonie mouuementdu pre-
mier mobile s qui eft la caufe du iour &dela
nuicl, ainfi la différence que nous voyons entre
l'Hy uer & l'Efté , procède de rapprochement ou
eflongncment du Soleil, félon le mouuemcnt du
mefme Soleil,quien eft la propre caufe. Donc-
quesàvray dire , il eft l'Eftc lors que le Soleil eft;
plus proche , & Hyuer quand il eft le plus elîon-
gné. La chaleur,le froid, & toute autre tempéra-
ture font cauieesparneceflicé de rapprochement
ouefloignement du Soleil : maislepleuuoir&
non pleuuoir , qui eftl'humidité telafechereilè,
ne l'en enfuiuent pas necclfairement. C'eft pour-
quoyileftaifédeiuger (ourrecefte opinion vul-
gairc)qu'au Perul'Hyuer eftferain,& saspluyes,
& que l'Efté y eftpluuieux, & non pas au con-
traire,commeplufieurs penfent que l'Hyuer foit
chaud, & l'Eftc foit froid. Ils tombent en la mef-
me erreur fur la differéce qu'ils font entre la plai-
ne & les montagnes du Peru,difans que quand il
eft Efté en la montagne , IHyuer eft en la plaine,
qui eft en Auril,MayïIuin>luillct,&: Aouft:pour-
cc qu'alors l'air eft fort clair &feraincn la mon-
DES INDES. IIV. II, 54
tagne , fans ancu nés pitres ny bruines , &ence
temps là neantmoins on void ordinairement en
la plaine des brouillars qu'ils appellent guariia,
qui eft comme vne rofee fort douce, de laquelle
eft couuertle Soleil. Mais l'Hyuer & l'Eftc,com-
me il eft dit, font caufez de rapprochement &,
efloignement du Soleil. Puis donc qu'il eft ainfi
qu'en tout le Peru, tant en la montagne comme
en la plaincje Soleil f en approche& efloigne en
vn mefme temps: il n'y a donc point de' raifon de
dire,que quand il eft Efté en vne partie , l'Hyuer
Toit en vne autre. Toutesfois c'eftehofede peu
d'importance de debatre fur lafignificationdes.
mots, qu'ils l'appellent comme ils voudront, &
difent qu'il foit Efté quand il ne pleut point, en-
core qu'il face dauantage de chaleur. Mais ce où
l'on doit auoir plus d'eïgard,eft à la vérité du fub-
iect qui eft déclaré, à feauoir que la fecherefle ou
défaut de pluyes ne font pas toufiours en plus
grande abondance quand le Soleil f approche le
plus,ainfi que l'on void en la Zone Torride.
Que la Zone Torrtde abonde en eauë &j>aj}uragesy
con tre ? opinion d'^Anfiote, qui a mit en
auant le etntraire.
VI.
CHAP.
Ar le difeours précèdent Ton peut facile-
ment entendre que la Zone Torride n'eft
feche, mais abondante en grande quatité d'eaux,
ce qui eft tellement vray , qu elle furpafle les
autres régions du monde en abondance d'eaux,
HISTOIRE NÀTVRELLE
d'eaux,fi ce n'eft en quelques endroits où il y a des
fablons ou terres defertes, côme l'on trouue mei-
rrièés autres parties dumonae. Q^ant eft pour
les eaux du Ciel, Ton a défia môftrc qu'il y a gran-
de abondance de pluyes,neiges & grcflcs,qui fpe*
cialcrnent abondent en la prouincedu Perutmais
pour les eaux de la terrc,comrne font riuicres,fô-
raines , ruifleaux, puits, torreiis & lacs , ie n'en ay
rien dit iufques icy , toutesfois eftant chofe ordi-
naire que les eaux d'embas fe rapportent à celles
d'enhaut , l'on doit entendre qu'il ne peut y en
auoir faute. Etdevrayilya vue telle & fi grande
abondance de fources & de fontaines , qu'il ne fe
peut trouucr lieu, regiô ou cotree dans tout le re-
fte du mode,où il y ait tat de lacs,marefcages,& fi
grandes riuieres.Car la plus grande partie de l'A-
rtetique eft prefque inhabitable pour cette trop
grande abondance d'eaux , d'autant que les riuic-
res enflées de grandes pluyesdei'Efté, (ortentà
tous coups de leur lid; auec telle furie qu'elles ro-
pent tout ce qu'elles rencontrent ;&nepeut on
cheminer en plufieurs cndroits,à caufe de la boiie
& fange des marefeages & vallons. A ceftcoccafï5
ceux qui demeurent ioignant le Paraguey,duquel
nous auons cydeiïusfait mention ,preuoyansIa
crue du flcuueauant qu'elle aduienne, fe mettent
en leurs Canoës auec leurs meubles & hardes , &
prefque par l'cfpace de trois mois , ils garantiflent
leurs vies & moyens en nageât. Puis après le fleu-
ue retournant enfon lift, ilsreuienncnt en leurs
màifons co»mëdeuant,encor toutes moittes&r
dégoûtantes de l'inondation. Et enY-cc fleuue de
telle grandeur,crueie Niîje ÇJangej&ifcuphratCa
DES INDES. Lî V. II. 5 f
f'ilseftoient amaflez enfemblc, ne le pourraient
pas efgallerà beaucoup prcs. Mais que dirôs nous
de la grande riuiere de laMagdalaine,qui s'engol-.
phe en la mer encre fainétc Marrhe & Carthage-
ne,& ett appellée aucebonne railon,grande rime-
re?Nauigea t en ces parties là, i'eftois efmerueillé,
comme Ion eaue,qui eft tres-claire, demeuroit ôc
s'eteouloit dans la mer plus de dix lieues auanr,
ayant en fa largeur deux lieues & d'auantage,fans
qu'elle fe mefhft, ny peuft cftre vaincue des va-
gues impetueufes de la mer Oceane. Qne s'il faut
parler dauantage des fleuues, ce grand rleuue ap-
pelle par les vus la riuiere des Amazones , par les
autres,Maranou,& par les autres, riuiere d Orei-
lana, laquelle nos Eipagnols nauigerent lors de
\ leurs defcouuertes , doit efteindre la renommée
de tous les autres. Et à la vérité ie fuis en doute fi
ie le dois appeller ou riuiere,oumer.Il fluê depuis
les montaignesdu Peru,defquellesil reçoitvne
abondâce infinie d'eaux, de pluyes,& de riuieres,
qu'il va recueillant & attirant à foy , puis palîant
les grandes campagnes & plaines de Pautitijdu
Dorado,&d©5 Amazones, vienten fin s'embou-
cher dans l'Océan , prefque à trauers des 1 fies de
la Margueri te,& de la Trinité.ll a fa couche fi lar-
ge & fi fpacieufe, principalement au dernier tiers
de la longueur, qu'il contiet au milieu de foy phi-
jfieurs & grandes Ifles : Et ce qui femblc incroya-
lble,quand on le nauige par le milieu , l'on ne voit
[queduCiel&del'eauë. On dit bien d'auantage,
<jue de ce milieu l'on ne peut pas voir , ny defeou-
urirà l'oeil plu/ieurs grandes & hautes môtagncs
qui fon t à Ton nuage, à caute de fa grande largeur.
HISTOIRE NATVRELLE
Nous auons apprins de bonne parc la grandeur
& largeur efmerueillable de ce flcuue (qui doit
bien ce me femble mériter le nom d'Empereur
êc Monarque des fleuues) qui fut par le rapport
d'vn frère cîenoftrecompagnie,lequel eftantieu-
ne pour lors, le nauigea en la compagnie de Pier-
re d'Orfua, auec lequel il fe trouuaà toutes les
aduantures de cède eu: range entrée &defcouuer-
te, & aux (éditions 8c pernicieux actes de ce mef-
chant Diego d'Aquirrejd'où Dieu luy fit la grâce
de fortir tk en eftre deliuré, pour le mettre de na-
ître compagnie. Telles donc (ont les riuieres qui
font en la région qu'ils appellent ZoneTorride,
& la région feche& brufiée, en laquelle Ariftote
6c les anciens difen t qu'il n'y a poinc d'eaux ny de
pafturages. Mais d'autant que i'ay fait mention
du fleuue Maronnon , afin de monftrer l'abon-
dance des eaux qui font en la Torride,ilncfera
mal à propos de toucher quelque chofe de ce
grandlac,qu'ils appellent Titicaca,qui eft au mi-
lieudelaprouince de Collao. Ilya plus de dix
fleuues, fort grands, qui fe perdent en entrant
dans ce lac, 8c ncâtmoins n'a pour fa vuidequ'vn
fcul couran td'ean'è qui eft petit , bien qu'on dife
qu'il eft tics- profond, & de telle façon, qu'il eft
impofliblcd'y baftir ou faire pont, pour la pro-
fondeur de foneau"é,& qu'on ne le peut non plus
pairer par bateaux , pour la grande roideur &: ra-
pidité du courant. L'onlcpalle par vn gentil 8c '
remarquable artifice, propre 8c particulier aux
Indiens, qui eft auec vn pou t de paillc,posé fur la
mefmeeauë , lequel d'autant qu'il eft faitd'vne
matière il légère ne Renfonce point,& neacmoins
DES INDES. LIV. II. j£
cft ce pafTage fort feur & fort aifé.Celac conticnc
prefque quatre vingts lieues, trente cinq en fa
longueur,&quinzelieuèsaupIuslarge.IIyaplu-
fieurs Ifles qui anciennement eftoient habitées Se
cultiuées,maisauiourd'huy elles font defertes. Il
produit vne grande abondance de ioncs , que les
Indiens appellent Totora , duquel ils fe feruent
en mille vfàgcs. Car il fert de mangcaillc aux
pourceaux , aux cheuaux , Se aux hommes mêlâ-
mes. Ils en font des mailons, du feu, Se des bar-
ques. Bref les Vros trouuent en ceftuy leur To-
tora, touteedontils ontdebefoing; &fontces
Vros vn peuple fi brutal «Se fi lourd, qu'eux me£
mes ne i'eftiment pas hommes. On raconte d'eux
qu'eftans interrogez de quelle nation ils eftoient,
ils refpondirent qu'ils n'eftoient pas hommes,
mais Vros , comme fi c'eftoit quelque genre d'a-
nimaux. Il f'eft trouué des villages entiers des
Vros, habituez en ce lac feulement dans leurs ba-
teaux de Totora , lefquels font liez enfemble, 8c
arrêtiez à quelque roche, Se bien fouuent chan-
ger) t ainfi de lieu à autrc,tout le village enfemble.
Parainfi qui voudroit auiourd'huy les chercher
où ils eftoient hier, on n'y trouueroit aucun re-
lie ny apparece d'eux ny de leur village. Le cours
& vuide de ce grand lac ayant couru cnuiron cin-
quante lieues , fait encor vn autre lac , moindre
toutesfois que le premier, qu'ils appellent de Pa-
rya , Se contient aufîî en foy quelques Miettes,
mais l'on n'y voitaucuue ilfue. Quelqucs-vni
penfent qu'il court dcflbuz terre,& qu'il va don-
ner en la mer du Sud, mettant en auant à cefte fin
qu'il y a vn bras de fleuue que l'on vend naiftre
HISTOIRE NATVRELLE
Se entrer en la mer fore proche du riuage , fans en
coonoiftre l'origine. Au contraire iecroy que les
eaux de ce lac le rcibluct 8c dilîipent dans le meï-
mc lac, par l'ardeur & chaleur du Soleil. Ce dif-
coursmeicmble fufhfant, pour monftrer qu'à
tort les anciens ont tenu la région du milieu in-
habitable par faute d'eaux , d'autant qu'il y en a
grande abondance & du ciel Ôc de la terre.
Trait! ant la raifon pourquoy le Soleil hors des Tropi-
ques entendre plus grande quantité a édités quand il
eftplustjloigné, & pourquoy oh contraire au dedan ■
d'iceux il engendre moins quand il en efl plus proche.
CHAP. VII.
*!t§§5 E n s a n t plufieurs fois à part moy d'où
t|^î> pouuoitprocedcr que l'Equinoxeeft fi hu-
midCjCommci'ay dit, pour réfuter l'opinion des
anciens, ie n'en trouue point d'autre caufe,que la
grande force du Soleil en ces parties là , paria-
quelle il efleuc & attire à foy vne grandeabon-
dance de vapeur de tout l'Océan, qui en cet en-
droit eft fort grand &c fort eftendu, & ayant tiré à
foy celle grande abondance de vapeurs , aufîï toit
les rcfoult & conuertit en pluyes,& eft: approuué
parplufieurs experieces certaines que ccspluyes
Se torrents celeftes prouiennent des plus grandes
chaleurs du Soleil. Premierement,commenous
auonsjaditcy-deuant,il pleut en ces pays là au
temps que le Soleil iette fes rayons directement
fur la terre , ôc qu'en ce faifant il a plus de force:
mais quand le Soleil C'en efloigne , la chaleur fe
tempère, & alors il n'y tombe point depluye.
D'où
DES INDES. Ll V. II. ^j
D'où l'on pcuc bien inférer que la force 8c ardeur
dit Soleil eft cequi caufe les pluyes en telles re-
lions. Audi l'on obferue, tantauPeru, neufue
Éfpagne, qu'en toute la Torride, que les pluyes y
viennentordiuairementapres Midy,lorsqueles
rayons du Soleil font au poinct de leur plus grad'
force, & que c'eftchofc rare devoirpleuuoir au
matin. C'eft pourquoy les voyageurs y preuoyet,
& commencent leur iournée de grand matin,afin
de l'acheuer , & fc repofer à Midy , pource qu'ils
tiennent qu'ordinairement il y pleut après Mi-
dy. Ceux qui ont hanté & cheminé par ce pays
là,en peuuent parler fufhfamment: car mefmes il
y en a aucuns qui y ayans fait quelque refidcnce,
difcntquela plus grande abondance des pluyes
cft quand la Lune eft en fon pleimencor que pour
dire la vtrité , ie n'en ay peu faire preuue fuffifan-
te,bien que i'y aye prins garde quelquesfois.Da-
uantage les iours , l'an 8c les mois donnent à en-
tendre la vérité de ce que dclïus , fçauoir qu'eu la
Torride rexccfïiue chaleur du Soleil caufe les
pluyes. L'expérience nous enfeigne le me/me
aux chofes artificielles, comme aux alambics,auf-
qucls on diftille les eauës des herbes ou des fleurs:
car la véhémence du feu enferre ôc contraint,
poulie 8c efleue en haut vue abondance de va-
peurs, lesquelles eftans preuves, &ne trouuans
ilïuëjfont conuerties en liqueur 8c en eaux. L'on
void tout le mefme en i'or 8c en l'argent que l'on
tire & affine par le vif argent, d'autant que fi le
feu eft lent & petit, l'on netirequafi rien du vif
argent, mais fil eft afpreôc violent , ileuaporc
beaucoup le vif argent , lequel fc rencontrant en
H
HISTOIRE NATVRELLE
haut contre le chapiteau (qu'ils appellct) le tour-
nent incontinent en liqueur, & commence à dé-
goûter en bas. Ainfi la grand' ardeur du Soleil
produit ces deux erTe&s,quand elle trouue matiè-
re difpofée,qui eft de leuer les vapeurs'en haut, de
l'autre de les relondre incontinent, Se les tour-
ner en liqueur, lorsqu'il y a quelque obftacle,
pour les confumer & refoudre.Etbien qu'il fem-
blequecefoientchofes contraires qu'vn mefme
Soleil dans laZoneTorridc eftant proche caufe
les pluyes , &; que hors la Torride eftant elîoigné,
il caufe vn mcfme efrecl: : fi eft- ce que tout bien
confideré,il nel'eft pas réellement Se de fai6t.Mil
efFecls es chofes naturelles procèdent de choies
contraires par vn moyen diuers. Nous mettons
fecher le linge au feu& à l'air, defquelsneant-
moins l'vn efchaufre,& l'autre refroidit. Les pa-
ttes font fechees Se endurcies par le Soleil&par
la gelée. L'exercice modéré prouoque le dormir,
fil eft trop violent , il i'empefche : il l'on met du
bois aufeu, finalement il f efteint, C\ l'on y en met
beaucoup, & trop, il fefteint auffi : car la feule
proportion l'entretient & le fait durer. Pour bien
voirvnechofe, elle ne doit cftrcny trop proche
des yeux,ny trop loin,mais en diftance raifonna-
ble&proportionnée: eftanttrop efloignéd'vne
chofcl'onenperdlaveu'è , Se trop proche auflï,
nelapeut voir. Si les rayons du Soleil font foi-
bles , ils n'attirent pas les bruines des riuicres;
fils font violents, auiîitoft qu'il a attiré les va-
peurs, il les refout Se confommè, mais la cha-
leur modérée les attire Stconfcrue. Pour cette
raifon les vapeurs ne f'eficuentpoinc commune-
DES INDES. L I V. II. 58
mentdenuict, ny à midy,maisau matin, quand
leSoIeil commence àentrer enfa force. Surce
fubiect il y a mil exemples de chofes naturelles,
que l'on void procéder fouuent de chofes con-
traires, qui doit faire que nous ne nous deuons
pasefmerueiller fi le Soleil pour eftrc fort pro-
che engendre les pluyes ; & qu'il en fait tout au-
tant eftant fort efloigné, mais qu'eftant Ton ap-
prochement modéré & proportionné , il n'en
produit ny caufe aucunement. Cependant il re-
lie encor vn poinct que l'on peut demader, pour
quelle raifon en la Zone Torridc rapproche-
ment du foleil caufe les pluyes , &c hors d'icelle
fonteaufées par fon efloignement. A ce que ie
puisiuger, la raifon eft, que hors des Tropiques
en Hyuer , le foleil n'a point tant de force , qu'il
foitfuffifantpourconfumer les vapeurs qui fefc
leuent de la terre &: de la mer. Car ces vapeurs f*a-
maflent en grande abondance en la région froide
de l'air, où elles font congelées &efpainfîes par
la grande froideur , puis après eftanspretïces, fc
refoluent &c conuertifTent en eau. C'cft pour-
quoy en ce temps d'Hyuer,quele Soleil eft plus
cfloigné , que les iours font courts , & les nuiéts
plus longues, la chaleur du Soleil a peu de force,
mais quand le Soleil f approche de ceux qui font
hors des Tropiques, qui eft au temps d'Efté , la
force du Soleil eft défia telle, qu'elle efleue les
vapeurs,& tout enfemble les confomme, les dif-
fipc&refoult: caria chaleur & la longueur des
iours font caufées par rapprochement du So-
leil. Mais au dedans des Tropiques, en la région
Torride, refloignement du Soleil a tout autant
Hij
HISTOIRE NATVREL LE
d'efrect que le plus grand approchement qui foie
aux régions defdits Tropiques. Au moyen de-
quoy il ne pleut pas en laTorride alors que le
Soleil eft efloigné , non plus que hors les Tropi -
ques quand 'le Soleil eft plus proche , d'autant
qu'en cet approchement &efloignement, le So-
leil demeure toufiours en vne mefme diftance,
d'où procède vn mefme efrecl: de ferenité. Mais
quand le f oleil cft au période de fa force en la Zo-
ne Torride, Ôc qu'il jette Tes rayons directement
fur la telle des habitans, il n'y a ny ferenité ny (e~
cherelfe, comme il (emblequ'ildeu'roityauoir.
Mais pluftoft de grandes Se eftranges pluyes,dau-
tant que par la force excciTme de fa chaleu r , il at-
tire &: efleue prefque en vn inftant vne grande
abondancede vapeurs de la terre,& mer Oceanc,
lefquelles foire fi efpaiiîès &cnfi grande abon-
dance, que le vent ne lespovmant diffiperny re-
foudre facilement , elles viennent à (e fondre en
eau , qui eau le les pluyes Ç\ froides & en f grande
abondance, car la grande véhémence delà cha-
leur peut attirer en peu de temps beaucoup de
vapeurs, lefquelles elle ne peutïï toft conkimer
& refoudre, & eftans attirées Se ailèmblées , par-
leur grande abondance fe fondent & tournent en
eau. Ce que l'on cognoiûra fort bien par cetexé-
pledomeftique& familier. Quand l'on met ro-
ftirvn morceau de porc, de mouton, ou de veau,
file feu eft violent, Se la viande en foitfort pro-
che, nous voyons que la graille fe fond toft & dé-
goûte en bas, qui vient de ce que la grande cha-
leur attire 8c efleue cet humeur Se graille de la
chair,& oour eftre en grande abôdance ne la oeiu
DES INDtiS. LIV. U. "59
refoudre, &ainfi diftille & tombe d'auantage.
Mais quand le feu eft modéré , ôc ce que Ton ro-
ftiteftendiftance proportionnée, nous voyons
que la chair le roftit propremet,fans que la graif-
fe diftille trop à coup,pource que la chaleur mo-
dérée attire l'humidité, qu'elle confomme& re-
fout en vu inftant. C'eft pourquoy les cuifiniers
font le feu modéré, &n'en approchent la viande
ny trop prés ny trop loing, de peur qu'elle ne fe
fonde. On le peut voir par vne autre expérience
aux chandelles de fuif & de cire , car fi la meiche
en eft groife , elle fait fondre& découler le fuif ôc
la cire:pource que la chaleur ne peut conlommer
ce qui fefleue d'humeur : mais a la flame eft pro-
portionnée^ cire ne fe fond ny découle, pource
que la flame va confommat peu à peu ce qui f'ef-
leue.Cc qui me femble la vraye raifon pourquoy
en 1' Equinoxe,& en la Torride la grand' force de
la chaleur caufe lespluycs,lefquellesen d'autres
régions font caufées par la foiblelïe ôc peu de
chaleur.
Comment l'on doit entendre ce qui aefle dit
cy-de(]us de U Zone Torride.
CHAP. VIII.
*&5'Il eft ainfi qu'es choies naturelles &phy-
$®5fiques l'on ne doit rechercher de règle in-
faillible ôc mathématique , mars ce qui eft ordi-
naire , ôc ce qu'on void par expérience , qui eft la
plus parfaite règle, il faut croire que ce que nous
auons dit, qu'il y a plus d'humidité en la Torride
qu'aux autres régions , ôc qu'en icelle il ne pleut
H iij
HISTOIRE NATVRELIE
point lors que le Soleil en eft plus proche,fe doit
prendre Se entendrede mefme: & de vray ceit
bien ce qui eft le plus commun & le plus ordi-
naire. Mais ce n'eft pas pour empefeher les exce-
ptions que nature a voulu mettre à cette règle,
rendant quelques régions de la Torridc extrê-
mement feciies. Ce qu'on raconte de l'Ethiopie,
&nousl'auons veuen vne grande partie du Pe-
ru,où toute la terre ou cofte, qu'ils appellet Piai -
nes,manquent de pluyes,voire d'eaux de la terre,
excepté quelques vallées où il y a des eaux de ri -
uieresquidefeendent des montagnes, le furplus
fbntfablons& terres fteriles „ oùàgrand peine
Ton trouuedes fontaines , mais bien quelques
puits très-profonds. Mais nous dirons (Dieu ai-
dant ) en fon lieu , quelle eft la caufe pourquoy il
ne pleut point en ces plaines ( chofe que plu-
sieurs demandent) car à prefent ie prétends de
monftrer feulement qu'il y a plufieurs exceptiôs
aux règles naturelles , d'où vient qu'il peut adue-
nir en quelque partie de la Torride,qu'il ne pleut
pas lors que le Soleil eft plus proche, mais quand
il eft plus efloigné.Bien que iufques auiourd'huy
ie ne Paye veuny entendu, toutesfoisfily en a,
on le doit attribuer à laqualité particulière de la
terre : mais auffi quelquesfois fil aduicntle con-
traire,i'ondoitauoirefgard qu'en ces chofes na-
turelles il aduient plufieurs contrarictez& em-
pefchcmens , par fefqueis elles fe changent & dé-
font les vnes les autres. Pour exemple, il peut
eftrcquele Soleil caufera les pluyes, & que le
vent les empefchera-,011 bien les rendra plus abo-
yantes qu'elles n'ont accouftamé d'eftre. Les
DES INDES. LIV. II. 6"0
vents ont leurs proprietez Se diners commence-
mcns, par lefquels ils opèrent de différents ef-
fe&s, qui font le plus fouuent contraires à ce que
l'ordre Se la faifon requièrent. Puis donc qu'en
chacun endroit l'on void arriuer de grandes va-
netez en l'année , qui prouiennent de ladiuerfitc
des mouuemens Se afpects des planettes , ce n'eft
point chofe mal à propos de dire qu'en la Zone
Torride l'on peut voir & remarquer quelques
chofes contraires à ce que nous auons expéri-
menté. Mais pour refolution,ce que nous auons
conclu eftvne vérité bien certaine & expérimen-
tée , à fçauoir la grande fecherelïe que les anciens
ont penfc eftre en la région du milieu ,quc nous
appellos Torride,n'y cftre point du tout,& qu'au
contraire il y abeaucoup d'humidité, Se quelcs
pluyes y font alors que le foleil en eftplus proche
QjicLi Torride ri cfi point cxcefîiuewent chaude,
mats pluftofl modérée.
c H A P. IX.
fr|>3 V s q_v es icy nous auons traitte de l'hu-
Wfii midicé de la Zone Torride, maintenante
fera bô de parler de deux autres qualitez,qui font
le chaud & le froid. N ous auons demonitre fur le
cômencement de ce difcours,comme les anciens
ont tenu que la Zone Torride eftoù chaude Se fe-
che exceffiuemët,ce qui n'eft pas ainfi toutesfois;
car elle eft chaude & humide , Se en la plus grand'
partie fa chaleur n'eft pas excefïïue , mais pluftoft
tëperéc. Ce que l'on ti endroit pour in croyable, ft
H iiij
•HISTOIRE NÀTVRELLE
nous ne l' allions aifez expérimenté. Quand ie
nalTay aux Indes ( ie diray ce qui m'arriiia ) ayau c
feu ce que les Poètes &: Philofophes difent de la
Zone Torride, ie me perfuadois qu'arriuât à TE -
quinoxe, ie ne pourrois y fupporter cefte exceflï-
uc chaleur. Mais il m'aduint tout au contraire,
car au temps que i'y paiïay ,qui fut alors que le
Soleil y eftoit pour Zenith , eftant entré au ligne
d'Anes, à fçauoir au mois de Mars , i'y'fènty fi
grand froid, quei'eftois contraint me mettre au
Soleil pour m'efehauffer : que pouuois ie moins
faire alors , que.de me ri re Se me moquer des mé-
téores d'Ariftote , & de fa Philofophie , voyant
qu'au lieu , &en la faifon que tout y deuoit eftre
embrazé de chaleur fuiuat les règles, moy & tous
mes compagnons allions froid ? il n'y a à la vérité
région au monde plus douce ny tempérée que
fousl'Equinoxe, combien quelle ne (oit pas en
tous endroits d'efgale ou femblabte températu-
re,*^ qu'il y ait beaucoup dedinei-fitez. La Zone
Torride en quelques endroits eft fort tempérée,
corne en Quitto,&; aux plaines du Peru, en quel-
ques endroits fort froide, comme en Potozi, ôc
aux autres fort chaude, comme en l'Ethiopie,
Brefil, 8c aux Mollucques. Celle diuerfité donc
nous eftant certaine , & toute cogneuè, nous de
uons par force recercher vne autre caufe du froid
& du chaud , que les rayons du Soleil y font nai-
ftre,veu qu'en vne mefme faifon de l'année, & en
lieux qui font d'vne mefme hauteur & diftance
du Pôle &de l'Equinoxe, on y retronuevnefi
grande diuedué, que les vus font embrazezde
chaleur , les autres de froidure ,& les autres fe
DES INDES. 1 IV. II. 6l
trounent tempérez d'vne chaleur modérée. Pla-
ton met (a tant renommée Ifle Atlantique fouz vlat- '"
la Zone Torride, puis dit qu'en certain temps de in'T.^
%ijjanée elle auoit le Soleil pour Zenith, & neant-
moins qu'elle eftoit fort temperée,fortabondan- fUa.iib. 6.
te, «& fort riche. Pline dit que Taprobane, (qu'ils caf.iz.
appellent auiourd'huy Samatre) eftfouzl'Equi-
noxe.cornme en efleételley cft, efcriuant qu'elle
n'eft pas feulement riche &heureufe, mais aufîi
peuplée d'hommes &c d'animaux. D'où l'on peut
facilement cognoiftre, qu'encor que les anciens
ayent tenu la chaleur de la Torride infupporta-
ble , ncantmoins ils pouuoient bien entendre
qu'elle ne l'eftoit pas tant comme ils difoient.Le
très- excellent Aftrologue Se Cofmographe Pto-
ioméc&i'iniignePhilofophe Se médecin Aui-
cenne en eurent meilleure refolution,eftans tous
deux d'opinion que fous l'Equinoxe y auoît de
fort commodes habitations.
Que la chaleur de la Torride efi tempérée, pour
l'abondance des pluye r , & pour U
briefucté des tours.
C H A P. X.
E p v i s que le nouueau monde a efté def-
couuert, l'on a cogneu Se fans doute, ce que
les derniers autheurs ont tenu véritable. Mais
c'eft choie naturelle, que quand quelque choie
qui cft hors de noftre opinion nous vient àeftre
cogneuë par l'expérience, nous voulonsinconti-
nent en rechercher la caufe.C'eft pourqu^y nous
défiions fçauoir pour quelle caufe la région de
HISTOIRE NATVRELLE
laquelle le Soleil eft plus proche, n'eft pas feule-
ment tempérée, mais eft froide en piufieurs en-
droits. Confiderant cefte matière généralement,
ie trouue deux caufes générales , pour rendre ce-
tte région tempérée, l'vne eft celle-cy deuant dé-
clarée , d'autant que cefte région eft fort humide,
&fubiecT:eaux pluyes,& n'y a point de doute que
lapluyenerafraifchiiFe, pource quel'efleuement
dereau'ceft de Ton naturel froid : & encor que
l'eauë par la force du feu f efchauffe , ce neant-
moinsnelaiiîèpasde tempérer l'ardeur , caufée
des rayons du Soleil purement. Ce qu'on void
par expérience en l'Arabie interieure,laquelle eft
embrazée du Soleil , pour n'y auoir aucunes
pluyesqui tempèrent fa furie.Lcs nuages & brui-
nes empefchentqueles rayons du Soleil n'offen-
fènt tant,& les pluyes qui procedét d'icelles mef-
mes,rafraifchiirent l'air & la terre,& l'hume&ent
' aufïi , quelque chaude qu'elle puifTè eftre. L'on
bonl'eauede la pluye, 8c elleefi.anchela foif, co-
melesnoftres l'ont bien efprouué , ayans faute
d'eauë pour boire. Dcfortcqueiaraifon & l'ex-
périence nous enfeigne que la pluye de foy ap-
paifè la chaleur,& par ce moyen ayant ja monftré
commela Zone Torride eft fort pluuieufe , il ap-
pert aufïi qu'il y a en icelle chofe qui peut rendre
fà chaleur tempérée. A cecy l'en diray encor vnc
autre raifon qui mérite bien qu'on entende , non
feulement pour cefte matière , mais aufïi pour
piufieurs autres. Car pour iedireenpcu depa-
roles,Ie Soleil quoy qu'il loir fort chaud & bruf-
lant en l'Equinoxe, ce neantmoins c'eft pour peu
de temps > de forte que la chaleur du iour y eftant
D ES I NDES. LI V. II. 6 2.
plus briefue & de moindre durée, ne fait pas tant
aembrazement. Ce qu'il conuient déclarer Se
entendre plus particulièrement. Ceux qui font
verfez à la cognoilïance de la Sphère, enfeignent
fort bien , que d'autant plus que le Zodiaque eft
oblique&traucrfant fur noftre hemifphere,d'au-
tant plus les iours & lesnuicts font inégaux; ÔC
au contraire où la Sphère eft droite, Se lesfïgnes
montent droicrement, lesiours & les nuicls y
fonteigaux. C'eft pourquoyen toute la région
qui eft entre les deux Tropiques , il y a moins
d'inégalité aux iours & aux nuich, que hors d'i-
ceux,& plus l'on approche de laligne , moinsy
trouue-on d'inegalitéjce quenousauons expéri-
menté en ces parties. Ceux de Quitto , pourec
qu'ils fontau deiïbus delaligne, n'ontpointen
toute Tannée lesiours nyles nuicls plus courts
en vne laifon qu'en l'autre , mais y font conti-
nuellement cfgaux. Ceux de Lyma,pource qu'ils
font diftans de la ligne prefque de douze degrez,
apperçoiuent quelque différence entrelcsiours
& les nuicts , mais c'eft fort peu , d'autant qu'en
Décembre Se en Ianuier les iours y croiuent d'v-
neheure,oupeumoins. Ceux dePotoziy reco-
gnoilfent beaucoup plus de différence, tant l'Hy-
uer que l'Efté , pource qu'ils font prefque fouz le
Tropique. Mais ceux qui font du tout hors des
Tropiques, remarquent d'autant plus labriefue-
té des iours de l'Hyuer , Se lalongueur de ceux de
l'Efté , qu'ils font efloignez de laligne, &rfont
proches du Pôle j commeTon void qu'en Alle-
magne Se en Angleterre les iours font plus longs
en Hfté qu'en Italie Se Eipasne. C'eft chofe qui
HISTOIRE NATVRELLE
fe void , que la Sphère enfeigne , & l'expérience le
monftre clairement. Il faut adioufter vne autre
propofition,qui eft auflï vraye, & bien considéra-
ble, pour tous les efFedsde la nature, fçauoir la
perfeuerance Se continuation de fa caufe efficien-
te à opérer ôc agir.Celafuppofé, fi l'on me demâ-
de, pourquoy en l'Equinoxe il n'y a point défi
violentes chaleurs en Efté , qu'il y a en quelques
autres régions, (comme en Andeluzie es mois de
Iuillet& Aou(t)iertfp5dray pourcequeles iours
d'Efté font plus longs en Andeluzie , & les nuids
y font plus courtes, & le iour comme chaud qu'il
eft enflame Se caufe la chaleur, la nuid aufli com-
me froiôe& humide donne du rafraichiiremcnt.
Suyûantquoyau Pcru il n'y a point tant de cha-
leur, pource que les iours d'Efté n'y font pas fi
mngs,ny les nuids fi courtes,qui caufe que la cha-
leur du iour eft: beaucoup tempérée par lafraif-
cneurde la nuid. Mais là où les iours font de
quinze ou feize heures , par raifon il doit y auoir
plus de chalettr,que là où ils ne font que de douze
ou de treize, Ôc où il en demeure autant de la nuid
pour rafraichiflement. Et bien que la Zone Tor-
ride foit plus proche du Soleil, que toutes les au-
tres régions, fi eft-ce toutesfois que la chaleur du
Soleil n'y demeure pas fi lôg temps: car c'eft cho -
fe naturelle qu'vn feu encor qu'il foit petit , fil
perfeucre,efchauffe d'auantage qu'vn plus grand
qui durera peu, principalement fil y furuient du
rafraifehiffement. Qui voudra mettre donc ces
deux proprictez de la Torride en vne balace,fça-
uoir quelle eft pluspluuieufe au temps de fa plus
graflde chaleur,&que les iours y font plus courts.
DES INDES. LIV. II. 6$
on pourra bien parauanturc trouuer qu'elles fe-
ront efgalles à ces deux autres contrairesrqui font
que le Soleil y eftplus proche Se plus droit qu'es
autres régions , à tout le moins que l'on n'y reco-
anoiftra pas beaucoup d'auamage.
Qu'ily a d'autres raiforts outre les defelutttes cy defftts*
qui monftrent que la Torride cft tcmperéc,princi-
palement en la co.fi e delà mer Oceane.
CHAP. XI.
i S t a n t chofe refoluë que les deux proprie-
H*tezfufdi£esfont communes &vniuerfelles
à toute la région Torride, & qu'en icelle néant-
moins il fc trouue aucuns lieux fort chauds, & les
autres où ily a fort grand froid:Brefla températu-
re n'y eft efgalle en tous lieux , mais en vn mefme
climatjvne partie eft chaude,i'autre foide, & l'au-
tre tempérée tout en vn mcfme-tcmps.-nous fom-
mes côtraints de rechercher d'autres raifons,d'où
procède cède grande, diuerfité qui fe trouue ainiî
en la Torride. Difcourrant doneques fur cette
queftion , i'en trouue trois eau fes apparentes &
certaines, & vnequatriefme plusobicure& ca-
chée. Les caufes apparentes & certaines font, la
première l'Océan, la féconde l'afliete & fituation
de la terre , & la troifiefme le naturel ôc propriété
de plusieurs & diuers vents.Outre ces trois que ic
tics pour manifeftesjiecroyqu'ily en a vue autre
quatriefme, cachée & moins apparente, qui eft la
propriété de la mefme terre habitée ,& la parti-
culière influence de fon Ciel. Qui voudra eonfî-
derer de près les caufes & raifons générales cy
I
HISTOIRE NATVREI. LE
defilis defduites,on trouuera qu'elles ne font fnf-
fifaratespourlarefolution totale de cefte matiè-
re,, veu ce qui ardue iournellemét en diuers lieux
del'Equinoxe. Manomotapa, &grandeparric
du royaume de Prece ,Ian , fontfituezdeirous la
ligne.oufortproches.efquelles régions ils endu-
rent de terribles chaleurs, &y naiifent les hom-
mes tous noirs. Ce qui n'eft pas feulement en ces
parties de terre ferme , efloignées de la mer, mais
auiîîeneft-ildemefmeés ifles enuironneesdela
mer'. L'ifle de (aindt Thomas eftfouz la ligne, les
ifles de Cap de vert en font prochaines, 3c en IV-
ne 5c en l'autre y régnent de furieufes chaleurs,&
y fout mefmes tous les hommes noirs. Soubsla
mefme ligne , ou bien proche d'icelle , giftvne
partie du Peru, &du nouueau royaume deGre-
nade,qui neantmoins font terres fort tempérées,
déclinantes pluftoft à froidure , que no pas à cha-
leur, «Scies hommes qui habitent en icelle font
blancs. La terre du Brefil eft en la mefme diftanec
de la ligne que le Peru , ôc neantmoins le Breiîl ôc
toute celle cofte eft extrêmement chaude,encore
qu'elle foit en la mer duNort,& l'autre cofte du
Peru qui eft en la mer du Sud , eft fort tempérée,
le di? donc que qui voudra confiderer ces diffé-
rences^'donner laraifond'icelles,ne fe pourra
contenter des générales cy-delîus traitées, pour
déclarer comme la Torride peut eftrevne terre
tempérée. Entre les caufës Ôc raifons fpeciales,
i'ay mis pour la première la mer, pource que (ans
doute fon voifinage aide à tempérer, ôc refroi-
dir la ckaltur. Car combien que fon eauë foie
D ES IN DES. L 1 V. II. 64
î allée, cllceft touliours eau toutesfois , & l'eau de
la nature eit froide, & fi encore eft remarquable
que pour la profondité de l'Oceâ , l'eau n'en peuc
cltrecfchauiïee parla chaleur du Soleil, comme
les eaux des riuieres.Finablement tout ainfi com-
me le Tel nitre(quoy qu'il foie du natureldu fel ) a
la propriété de refroidir l'eaue: ainfi voyons nous
par expérience en quelques ports & haures que
l'eau de la mer y rafraifehit, ce que nous auôs veu
en celuy de Callao , où l'on mettoit rafraifehir
l'eaue ou vin pour boire dedans des cruches ou
flafcons mifes en la mer. D'où l'on peut fans dou-
te recognoiftre que rOceanacefte propriété de
tempérer & rafraifehir i'exeefiîue chaleur. Pour
cefte occafionl'on relent dauantage la chaleur
en la terre,qu'enlamer,<vtfmy/wn£*tf,& commu-
nément les terres fituees fur la marine, font plus
fraifehes que celles qui en font efloignees ctte-
ris pan bus y comme i'ay di£t. .Ainfi la plus grande
partie du nouueau monde eftant fort proche de
la mer Oceane, nous pouuons direauecraifon,
encor qu'il foit foubs laTorcidc , qu'il reçoit de
la mer vn grand bénéfice , pour tempérer fa cha-
leur.
Que les plus boittes terres font les plus froides,
& quelle en eïï la raifon.
C H A P. XII.
A 1 s Ci nous voulôs encor recercher particu-
lièrement, nous trouueros qu'en toute cefte
terre il n'y a pas vne chaleur toulcmct égalcquoy
HISTOIRE NATVRELLE
qu'clle.foit en pareille diftancedelamer , ôcen
intime degré , veu qu'en quelques parties d'icellc
il y a beaucoup de chaleur, &en d'autres y en a
tore peu. Il n'y a point de doute que la caufe de
cecy ne foit , pour- autant que l'vne eft plus balle.,
Se que l'autre eft plus haute & plus efleuée, d'où
vient que l'vne eft chaude, & l'autre hoide. C'eft
choie certaine quele fommet des montagnes eft
plus rroid que le Diofond des vallées, ce qui ne
procède point feulement de ce queles rayons du
Soleil ont plus de repcrcuflion aux lieux bas Ôc
proronds , encor qu'il en foit vnc grande raiion,
mais il y en a vue autre, qui eft que la région de
l'air eft plus froide , d'autant plus qu'elle eft han-
te &: elloignée delà terre. Les plaines de Collao
au Peru,& de Popajan en la neufue Efpagne, font
prenne (uihfante de eccy. Car (ans doute, toutes
ces par tic s font terres hautes, & pour cefteraifon
aumiont-elles froides, combien qu'elles (oient
toutes emuronnées de hauts pics de montagnes
fortexpoiées aux rayons du Soleil. Mais fi nous
demandons pourquoyau Peru &:eulaneurueE(-
pagne , les plaines de la cofte font terres chaudes,
&:les plaines delà melmc terre du Peru &: de la
neufue Efpagne (ontau contraire terres froides,
A la vérité ie ne voy point qu'il leh puiiïe donner
autre laifon, finon quelcsvnes font en terre bal-
féales autres en terre haute. L'expérience nous
enleigne que la moyenne région de l'air eft plus
froide que l'inférieure : ôc pource tant plus les
montagnes l'approchent d'icelle région moyen-
ne, tant plus elles font froidçs , couuertes de nei-
ge> & dé gelées. La raifon meirne C'y accorde,
pource
DESINDE 3. tIV. II. 6j
pouf ce que f'il y a vnc fpherc ou région du feu,
commeAriftote 8c les autres Philofophcs difent,
la région moyenne de l'air doit eftre plus froide
par antiperiftafe,la froidure eftant repouurce,& fè
reilerrant en icelle,comme en temps d'Efté nous
voyons aux puits qui ontdclaprofondité. Pour
celle occafion, les Philofophes afferment que les
deux extrêmes régions de l'air, celle d'enhaut , 5c
celle d'embas font les plus chaudes, & la moyen-
ne plus froide. Que ril eft ainfi, comme de faict
l'expérience lemonftre,nous en tirerons encor
vn argument &raifon remarquable, pourmon-
ftrer que la Torride eft tempérée. Sçauoir que la
plus grande partie des Indes eft vne terre haute,
remplie de beaucoup de montagnes,qui par leur
voihnage rafraifchiilent les terres prochaines.
L'on void continuellement es fommets des mo-
tagnes dont ie parle , de la neige , de la grefle , Se
des eauës toutes glacées , & le froid qu'il y fait eft
Ci afpre, que l'herbe en eft toute grefillonncc,teL
iement que les hommes 8c cheuaux cheminans
par là,y font tous engourdis de froid. Cccy,com-
mc i'ay deiîa dit,eft en la Zone Torride, 8c aduiét
Ieplusfouuent quand ils ont le Soleil pour Ze-
nith. AinfïelVcechofe notoire 8c conforme à la
raifon , que les montagnes font plus froides que
ne font les vallées 5c les plaines, d'autant qu'elles
participent de la région moyenne de l'air , qui eft
très-froide. Or la caufcpourquoy la regio moyc-
ne de l'air eft plus froide, aeftcmefmc dite cy-
deuant,qui eft que la région de l'air prochaine de
l'exhalation ignée , laquelle ( félon Ariftote ) eft
furlafphcre de l'air , repoulTe 5c reiette arrière
I
HISTOIRE NATVREI, LE
toute la froidure,laquelle fe retire 8c referre en la
moyenne région de l'air par antiperiftafe, com-
me parlet les Philofophes. En après fi quelqu'vn
me demande ôc veut interroger de cède façon, fil
eftainfi que l'air foit chaud & humide, comme
jnfi.Ma. ticnt ariftote ^ & comme l'on dit communémët,
d'où procède ce froid qui fe retire en la moyenne
région de l'air,puis qu'il ne peut venir de la fphe-
redufeu? Car fil procède de l'eau ou delà terre,
par cette raifon la balfe regio de l'air deuroi t eftre
plus froide que celle du milieu. Certes à refpon-
dreauvraycequei'enpenfe , ieconreflèray que
cet argument ôc obiectio m'cft tant difficile , que
iefuisprefqueèdifpofé de future l'opinion de ceux
qui reprouuent les qualité/, fymboles & diilym
boles que met Ariftote aux éléments, difanc que
ce font imaginations, lefquels pour celte occa-
fion tiennent que l'air de (on naturel eft froid , Ôc
à cède fin ils fe fe'ruen t de plufieurs arguments ôc
raifons , du nombre delquels nousenpropole-
ronsvnalTez vulgaire &cogneu,lailIans les au-
tres à part, fçauoir qués iours caniculaires nous
auonsaccoiiftumé nous donner de l'air auec vn
efuentail , ôc trouuons qu'il nous rafraifchit : de
forte que ces Aut heurs afferment que la chaleur
n'en: vue propriété particulière d'aucun autre élé-
ment que du feul feu , qui eft efpars ôc mcflé par-
i^lè l my toutes^escrio^es ( félon que le grand Denys
herar. nousenfeigne ) mais qu'il foit ainfi , ou qu'il en
foit autrement (carie ne veux pas contredire à
Ariftote, fi ce n'eft en chofc fort certaine ) en fin
ils faccordét tous que la moyenne région del'air
eft plus froide que la plus bafîè prochaine à la ter-
D ES INDES. * LIV. II. 66
re , comme mefme l'expérience lemonftre , puis
qu'en cède région du milieu les neiges,les grefles,
frimats Se autres indices d'extrême froid f'engen-
drent.Or donc la région du milieu qu'ils appellët
Torride , ayant d'vn codé la mer , Se de l'autre les
hautes môtagncs, l'on doit tenir cela pour eau Tes
furfifantes pour teperer Se rafraifehir là chaleur. .
Que les yenrs froids font la principale caufe de
) ctulrc la Tsrride tempérée.
CHAP. XIII.
fà-^ A température de cefte région fe doit prin-
Èfeï cipalemei\t attribuer à la propriété du vent
qui court en cefte terre là , lequel eft fort frais Se
gracieux. La prouidence du grand Dieu, créateur
de toutes choies , a.eftc telle,qu'il a ordonné qu'il
yeuftdesvents mcrueilleufement frais en la ré-
gion où le foleil fait fon cours (qui femble deuoir
eftre du toutembrazee) afin que par leur fraif-
cheur l'exceQîue chaleur du Soleil fuft, tempérée.
Et ne font pas ceux-là trop eiloignezd-apparence
de raifon , qui ont eu opinion que le Paradis ter-
reftre eftoit fouz l'Equinoxe , f'ils ne fe fuirent
trompez eux-mefmes fur la caulè de leur opinio,
en ce qu'ils difoient que l'égalité des iours Se des
jiuicTis eftoit feule iufnfànte caufe de rendre cefte
Zone tempérée, à laquelle opinio toutesfois plu-
iieursautresont elle contraires , dunombredek
quelsaefté lePoëte renomngé,difànt:
— — £r celle région
S'cmhrazf incejjkmment aux chaleureux rayonr
Mu S vieil qui d'tllec tamais nefe retire.
I
HISTOIRE NATVRELLE
Doncques la fraifcheur de la nuict n'eft pas cel-
le, quelle foit feule fuflîfànce pour modérer &
corriger de fiafprcs&: furieufes ardeuns du So-
leil, mais pluftofteefte Torride reçoit vne fi dou-
ce température parle bénéfice de l'air frais &rgra
cieux,de telle forte que combien qu'elle ait elle
tenue des anciens, plus embrazcequ'vne four-
naife ardente, & ceux qui l'habitent à prefent , la
tiennent pour vn Printemps délicieux : il appert
par argument & raifons fort euidentes, que la
caufe de cecy gift principalement en la qualité
du vent. Nous voyons en vn mefme climat quel-
ques régions & villes mefmes plus chaudes les
vues que les autres, pource feulemct qu'ils fe rei-
fentent moins des vents qui rafraifchiifent. De
mefme en e(l- il en d'autres terres, où le vent ne
court point,lefquelles font toutes embrazees co-
rne vn fourneau, & yeft-on fi fatigue de la cha-
leur, que d'y eftre, c'eft autant que de f è voir dans
viie f our.naife. Il y a beaucoup de ces bourgades,
& de ces terres au Brefil, en Ethiopie,& au Para-
guay, comme chacun fçait:& ce qui eft plus con-
sidérable, c'eft. que l'on void ces différences non
feulement parmy les terres, mais aufîi en la mer;
ilyadesmersoùl'on fent beaucoup de chaleur,
comme ils racontent de celle de Mozambique,
&c Ormus , & en l'Orient , Se de la mer de Pana-
ma, en Occident (laquelle pour cefte occafion
engendre & produit en foy des Cayamans) com-
me aufîi en la mer du Brefil. Il y a d'autres mers,
voire en mefme degte de hauteur, fort froides,
comme en celle du Peru, en laquelle nous euf-
îueï fruid, comme i'ay raconté cy- delïtts , quand.
■■HHBB^H
DES INDES. LI V. I I. 6j
nouslanauigcafmes la première fois, qui eftoic
en Mars, & au temps que le Soleil cheminoir par
dellus. A la vérité en ce continent, où la terre &
l'eau font de mefme forte, Ton ne peut imaginer
autre occafion de fi grande différence, (mon la
propriété du vent qui les rafraifchit. Que fi Ton
veutdeprésaduiferà cefte confideratioduvent,
dont nous auons parlé, l'on pourra refoudre plu-
fieurs doutes qu'aucuns mettent en auant, & qui
fembîent chofes eftrangcs & merueilleufes , fça-
uoir pourquoy le foleil donnant de fes rais fur la
région Torride,&: particulièrement au Peru,voi-
rc beaucoup plus violemment qu'il ne fait pas en
Efpagne es iours caniculaires, neantmoins l'on
refifte à fà chaleur auec vne fort légère couuertu-
re,fi bien qu'au couuert d'vne natte ou d'vn (im-
pie toict de paille , l'on eft mieux contregardé de
la chaleur , que l'on n'eft pas en Efpagne deifouz
vn toict de bois, &c mefme d'vne voûte de pierre.
Dauantage pourquoy les nuicts d'Efté ne font
chaudes ny ennuieufes au Peru,comme en Efpa-
gne ? Pourquoy aux plus hauts fomraets des mo-
tagnes,& mefrne entre les monceaux de neige , il
y faitquelquesfoisde grandes &in(upportab!es
chaleurs. Pourquoy en toute la prouince de Co-
lao,quand l'on fe trouue à l'ombrage quelque pe-
tit qu'il puiffe eftrcj'on y fent du froid,mais quad
l'on vient à en fortir aux rayons du foleil, incon-
tinent l'on vient à y fentic vne exceflîue chaleur.
Pourquoy toute la cofte du Peru eftant pleine de
fablons, neantmoins fe trouue fort tempérée , &:
pourquoy Potozi diftant delà cité d'Argent tant
feulement de dix huict licuës,& en vn mefme de-
Iiij
I
HISTOIRE NATVREUE
gré", eft toutesfois cie fi différente température,
que le pays eftant tres-froid , il eftitenle& (ce à
merueilles:au contraire la ville d'Argent eft tem-
pérée, déclinant à la chaleur , 8c a vn terroir fort
gracieux 8c fertile. Ccft donc pour certain le vent
qui principalement caufe toutes ceseftrangesdi-
perutez: car fans le bénéfice du vent frais,i'ardcur
du Soleil eft telle , qu'encor que ce fou au milieu
des neiges,elle brufle 8c embraze, mais aufîî quâd
la frai fcheur de l'air remet , aufli toll tonte la cha-
leur i'appaife, quelque grande qu'elle foit : 8c où
ce vent frais eft ordinaire,^: règne fouuent,il em-
pefche que les vapeurs terreftres& groiïiercs que
exhale la terre, ne feioignent , ôccaufentvne pe-
lante 8c ennuyeufe chaleur , dont le contraire ad-
uienten Europe, dautant que par l'exhalation de
ces vapeurs, la terre demeure comme brulleedu
Soleil du iour,qui eft caufe que les nuictsy (ont (1
chaudes & ennuyeufes, tellement qu'il femble
plufieurs fois que l'air forte comme d'vne four-
naife. Pour celte mefmeraifon,auPeruceftefraif.
cheur du vent cauie que par le moyen de quelque
petit ombrageau coucher &declin du SoleiI,l'on
y eftarfezfraifchement : au contraire en Europe
le temps le plus doux 8c plus agréable en Efté eft
le matin , éWefoireft le plus froid, & le plus en-
nuyeux. Mais au Pcru,en tout l'Equinoxe il n'en
eft pas de mefme, d'autât que tous les matins que
lèvent delamery celle, & que le Soleil y com-
mence à jetter Tes rayons , pour cefte raifon l'on y
fenc la plus grande chaleur aux matins, iufques au
retour duditven^qu'ils appellent autremét, Ma-
rceau vent de la mer, qui fait qu'on commence
DES INDES. L I V. II. * 6"8
à fentir le froid. Nous auons expérimente tout
cecy du temps que nous eftions aux Iiles qu'ils
appellent de Barlouate, où au matin nous fuyons
de chaud ,&àmidy nous Tentions vnbon frais,
pource que la bize ordinaire, qui eft vn vent frais
ôc gracieux y fouftle alors.
Que ceux qui habitent fou^ l'Equmoxe yiucnt
cïvm- vie fort douce & dclicieufe.
c H A P. XII II.
«££1 ceux qui ont eu opinion que le Paradis
Wfâ terreftreeftoiten l'Equinoxe/efuirentcon-
duitspar cedifeours ,encor nefembleroient-ils
point eftre du tout hors du chemin. Non que ie
vueille refoudre que le Paradis délicieux dont
parle TEfcritureJoit en ce lieu làjd'autant que ce
feroit témérité de l'affermer pour chofe certaine-,
mais ie dis que fi l'on peut dire qu'il y ait quel-
que Paradis en la terre , ce doit eftre en heu où
l'on ioiiiftd'vne température fort tranquille &
fort douce. Car il n'y a chofe fi fafcheufe & répu-
gnante a la vie humaine,que de viure fous vn ciel
ou vn air contraire , ennuyeux Se maladif, com-
me il n'eft chofe plus agréable que dcioiiir d'vn
ciel & d'vn air qui foit fain , doux , fubtil & gra -
cieux. Il eft certain que nous ne participas point
d'aucun des elemens,ny n'en auons l'vfage fi fou-
uenten l'intérieur du corps, que nous auons de
l'air. C'eft celuy qui enuironne nos corps de
toutes parts s qui nous entre iufques dans les
ï iiij
HISTOIRE NATVRELLE
entrailles , & à chaque moment nous va vifitant
le cœur,auquel il imprime Tes proprietez. Si l'air
eft tant (bit peu corrompu,il caufe la more: f' il eft
pur&falubre, il augmente les forces. Finable-
ment nous pouuons dire que l'air feul eft toute la
vie des hommes, de force que combien que Ton
aye des biens &des richeiles , il eft- ce que file
Ciel eft fafcheux&mallain, l'on ne peut viureà
l'aife,ny auecdu contentement. Mais ii l'air Se le
Ciel eft falubre, gracieux& plaifimt, encor que
Ton n'ait d'autres richeiles, ne laille de donner
du contentement ôc du plaiflr. Confiderant à
part moy l'aggreable température de plusieurs
terres des Indes,où l'on ne feait que c eft de l'Hy-
ucr,qui par Ton froid gelc & eftraint,ny de l'Efté,
qui ennuyé par Tes chaleurs, mais auec vne natte,
l'on fe guarantit de quelque iniure du temps que
ce foit,& où il eft à peine befoin de changer d'ha-
bit en toute l'année: le dis certes que confiderant
cela plufieurs fois , ie trouue &c me (emble encor
auiourd'huy que fi les hommes fe vouloiet vain-
cre eux-mefmes, Se fe deiîier des lacs que la cupi-
dité leur drefle , fedefiftans de plufieurs inutiles
& pernicieux defleins,fans doute qu'ils pourroiët
viure aux Indes fort doucement & heureufemêt:
car ce que les autres Poètes chantent des champs
Eli fées,& de la fameufeTempéjOu ce que Platon
râeonte,ou feint de Ton Iile AtlantiquejCertes les
homes les trouueroiét en ces terres , fi d'vn cœur
généreux ils aimoient mieux eftre feigneursde
leur argen t,& de leur couoitifè, que d'en demeu-
rer efclaues comme ils font. Ce que nous auons
traicléiufquesicyfuitîra touchât iesqiiaiicçzde
DES INDES. L IV. II. &9
rÈquinoxc , du froid , chaud , fechereiTe, pluycs,
& des caufes de fà température. Le difcourscn
particulier des diuerfitez des vents,eaux,des ter-
res, des métaux, plantes & animaux qui y font,
6c dont y a aux Indes grande abondance , reftera
pour d'autres liures , car la difficulté de ce qui eft
traitté en ce(luy-cy,quoy qu'au bref,leferapara-
uanturetrouuer plus long qu'il n'elt.
AD VERTISSEMENT
AV LECTEVR.
LElc&eur doit eftrcaduerty que l'efcri-
uy les deux liurcs precedens en Latin,
lors que i'eftois au Peru,&:pource parlent
ils des chofes des Indes , comme de chofes
prefentes. Depuis eiîant venu en Efpagne,
mefcmbla bon de les traduire en langue
vulgaire , Se ne voulus changer la façon de
parler qui y eltoit couchée: mais aux cinq
ïiuresfuiuans 3 parce que ie tes ay faits en
Europe, i'ay cité contraint de changer la
façon de parler, &de traitter en iceuxles
chofes des Indes, comme terres &c chofes
abfentcs : Se parce que celte diuerfité de
parler pourroit aucc raifon ofîcnferlc le-
cteur, il m'a femblé bon l'aducrtir de ceci.
yù
LIVRE TROISIEME
DE L'HISTOIRE NATV-
REL L E ET MORALE
des Indes.
Que tbiftoirc naturelle des Indes eji
plaifantc & agréable.
CHAPITRE PREMIER.
O v t e hiftoire naturelle, de foy eft
agréable, 8c mefme eftvtile, & de
grand profit àceux qui veulent elle-
uer le lir dif cours, & contemplation
en haut,cn ce qu'elle les excite à glo-
rifier l'Autheur de toute la nature , comme nous
voyons que font les iages & fàin&s perfonnages, vfal.ioh
principalemet Dauiden plufieurs &diuers Pfeau- Mf.9i«
mes', où il célèbre l'excellence des œuures de 9t- l8s-
Dicu.Et lob auiîitraittat des fecretsduCreateur,
où le mefme Seigneur refpond à lob fiample- Iob'lZ^
i~ ; • r i • i> i r 39-40.4I.
ment: Celuy qui le plairad entendre les vrayes
œuutes de cède nature fidiuerfe& 11 abondante,
aura vrayemet le plaifir & conten temen t de Thi-
ftoire,&:plus encor quand il cognoiftra que ce ne
fqnc point /impies ceuures des hommes â mais
HISTOIRE NATVRELLE
du Créateur mefme , & qu'il paiïera plus outre,
& paruiédra à côprendre les caufes naturelles de
Ces œuures , il fera occupé en vn vray exercice de
Philofophie. Mais qui efleucra plus haut fà con-
fideratioivcgardant au grand 6c premier Archi-
tecte de toutes cesmerueilles , cognoiftra lafa-
pience ôc grandeur infinie d'iceluy, pourrons di-
re qu'il traitera vne excellente Théologie^ par
ainfîlanarratiô des chofes naturelles peutbeau-
coup fèruir pour plufieurs bonnes confideratios,
combien que la foiblefTe & débilité de plufieurs
appétits ait accouftumé ordinairement de farre-
fter au moins profitable,qui eft le defir de fçauoir
chofes nouuelles , appelle curiofité. Le diicours
& hiftoire des chofes naturelles des Indes , outre
le commun contentement qu'il donne,il en a en-
core vne autre , qui eft de traitter de chofes efloi-
gnees,laplus-part defquelles ont efte incogneues
aux plus excellens autheurs de relleprofefuo qui
ayent efté entre les anciens. Que fil ralloit eferire
ces chofes naturelles des Indes aufîï amplement
comme elles le requièrent bien ,eftans chofes fi
remarquables , ic ne doute pas qu'on n'en peuft
faire des ceuures qui ne fcroiêt pas moindres que
celles de Pline,Theophrafte & Ariftote. Mais ie
ne me repute point a(rezfuffifant,&(encor que ie
lefuire)ceneleroitmon intention , ne tendant à
autre fin que de remarquer quelques chofes na-
turelles que i'ay veuës 6c cogneues eftant aux In-
des, ou bien que i'ay entendues de perfonnes di-
gnes de foy defquelles me femblent eftre rares , &c
peu cogneues en l'Europe. A raifondequoy ie
pafTeray fuccin&ement fur beaucoup d'icelles,
DES INDES. Ll V. III. J\
tint pource quelles font ja efcrites par d'autres,
ou bien quelles requièrent dauantage d'cfclair-
cilïement «Se de difeours, que ce que ic leur pour-
vois donner.
D es yents , de leurs différences , propriété^
<dr caufes en gencr*!.
CHAP. II.
£V£3 Y ant traitté aux deux liuresprccedcnsce
UtfÈ qui concerne le Ciel,& l'habitation des In.'
des en gênerai , il nous conuient parler des trois
e!emens3rair,reau & la terre, Se de leurs compo-
fez,qui font les métaux, plantes 8c animaux : car
pour le regard du feUjie ne voy chofefpecialeaux
Indes qui ne foit es autres régions , fi quelqu'vn
ne vouloit dire que lafaçô de tirer du feu en frot-
tant-deux battons l'vn contre l'autre, comme en
vfent quelques Indiens, de cuire quelque chofê
en des courges, yjettantvne pierre ardente , Se
d'autres cho fes femblables fullent à remarquer,
aufîî en ay-ie eferit ce que l'on en pouuoit dire.
Maisde ceux qui -font aux Vulcans ou bouches
de feu des Indes , dignes certainement de remar-
que,i'en diray à leur ordre en traittat deladiuer-
/ité des terres, efquclles Ton trouue ces feux ou
Vulcans. Parquoy pour commencer par les vêts,
ie diray premieremet que c'eft à bonne caufe que
Salomon,entre les grandes feiences que Dieu luy
auoit données , eftime beaucoup la cognoiflance
delà force des vents , & de leurs proprictez cer-
tainement admirables: pource quelesvns font
pluuieuxy& les autres fecs,Ies vns maladifs,& les
HISTOIREi NATVRELLE
autres fains,les vns çhauds,& les autres froids,les
vns doux Se gracieux , Se les autres rudes Se tem-
pcftueux,les vns Llcriles,&: les-autres fertiles,auec
vne infinité d'autres différences. Il y a des vents
qui courent en certaines régions , Se (ont comme
feigneurs d'icellcs , (ans fourfrir l'entrée ou corn -
munication de leurs contraires. En d'autres par-
ties ils fouftlent de telle façon,que tantoLt ils font
vainqueurs, Se tan toft font vaincus , Se bien fou-
uent il y a des vents diuers Se contraires , lefquels
courent enfemble tout en vn mefme temps,diui -
fans le chemin entr'eux , i& quelquesfois les vns
fou filent en haut d'vne façon, Se les autres par le
bas d'vne autre, quelquesfois le rencontrent vie -
lem ment les vns les au très, qui fait courir d'e gra-
des fortunes à ceux qui font lors fur mer. Ilya
des vents qui aident à la génération des animaux,
& d'autres qui l'empefchent5&;y (ont contraires.
Ilya vn certain vent de telle propriété, que quad
if (bulïle en quelque connee, il y fait pîeuuoir
des pulccs , non point par manière de dire , mais
en h grande abondance, qu'ils en' troublent &:
obfcurci lient l'air , & en couurcnt tout le riuage
de la mer , & en d'autres endroits ilfaitpleuuoir
dcspetitscrapaux.
Ces diucrhtez. Se d'autres qui font allez co-
gneuës, f'attribuent communément au lieu par
où patient ces vents, pource qu'ils difentque de
ces lieux ils prennet leurs qualicez d'eftre froids,
chauds, fecs , ou humides, maladifs ou fains,ôv
ainfi de tout lerefte, ce qui eft en partie véritable,
& ne le peut-on nier , d'autant qu'en peu de di-
fiance l'on void en vn mefme vent beaucoup de
D ES IN DES. Ll V. III. J2.
diuerfitez. Pour exemple, en Efpagne le Solanus
ouvenede Leuanc eft communément chaud &
ennuyeux;en Murcia c'eft le plus frais & plus fain
qui y foit,pource qu'il patle par ces vergers,& ce-
lle Ci large campagne qu'on void allez fraifehe. En
Carthagene , qui n 'eft guère eiloigneedelà , le
mefme vent eft ennuyeux & mal foin. Le Meri-
dional,que ceux de la mer Oceane appellent Sud,
<k ceux de la mer Méditerranée Meziozorne,
communément eft pluuieux & molefte , &enla
mefme ville que ie dis, eft fain & gracieux. Pline
raconte qu'en Afrique il pleut du ventdeNort,
Se que le vent deMidyyeft ierain. Qui voudra
donc confiderer de près ce que Tay dit de ces vêts,
il pourra bien comprendre qu'en peu dediftance
& efpace de terre ou de mer , vn mefme vent a
plufieurs & diuerfes proprietez, voire quelques-
rois toutes contraires. D'où l'on peut inférer
qu'il tire & acquiert fa propriété ôc qualité du
lieu par où il pallè. Ce qni eft vray de telle façon,
que l'on ne peut pas toutesfois dire infaillible-
mer que ce foit la (èule &c principale caufe des di-
uerfitez &proprietez des vents. Car c'eft chôfc
que l'on apperçoi t Se recognoift fort bien , qu'en
vne région qui contienne cinquate lieues de cir-
cuit , ie le mets ainfî pour exemple, le vent qui
fouffle d'vn cofté eft chaud & humide , &■ celuy
qui (buffle d'vn autre,eft froid & fec. Toutesfois
cefte diuerfité ne fetrouuc point es lieux par où
il paire, qui me fait dire pluftoft que les vêts d'eux
mefmes apportent quant 8c eux ces qualitez;
d'où vient que l'on leur approprie les noms de
ces qualitez. Pour exemple,! on attribué au yent
HISTOIRE NATVRELLE
de Septentrion, autrement appelle Oerço , ou
Nort, la propriété d'eftre froid & fec , Ôc de con-
iommer les bruines. A ion contraire, qui eft le
vent de Mtdy , Leuechc ou Sud, eft aufïï attribué
tout le contrai re,qui eft d'eftre humide ôc chaud,
Ôc d'engendrer des brouillats, Cecy donceftant
gênerai & communion doit rechercher vne au-
tre caufe vniuerfelle, pour donner raifon de ces
effedls,& ne fiiffit pas dédire que les lieux par où
ils paiïent leur donner ces proprietez qu'ils ont,
puis que paiïàns par de mefmes lieux , onvoid
qu'ils ontaperterr.ee effecls tous contraires. Tel-
lement que nous deuons confelTer par force, que
la région du Ciel où ils Tournent , leur donne ces
proprietez & qnalitez. Comme le Septentrional
defoy eft froid, pource qu'il procède duNort,
qui eft la région plus efloignee du Soleil. Le Sud
qui (buffle du Midy eft chaud , ôc pource que la
chaleur de foy attire les vapeurs,il eft aulli humi-
de,& pluuieux:au côtrairc le N or t eft fec Ôc fub-
til,d'autant qu'il ne lailFe efpaifïïr les vapeurs ,&:
de cefte façon l'on peut difeourir des autres vêts,
leur attribuans les proprietez des régions de l'air
«Toùilsfoufflent. Mais confiderant cela de plus
pres,cefte raifon encorne me peut fatisfairc.Par-
quoy ie veux demandcr,quc fait la région de l'air
par où paiïent ces vents , il elle ne leur attribue
point fa qualité. Ielc dy , pour- autant qu'en Al-
lemagne le Méridional eft chaud ôc pluuicux , 6c
en Afrique le Nort eft froid &fec. Neantmoins
il eft tres-cerrain que de quelconque région d'Al-
lemagne où l'engendre le Sud.doit eftre plus froi-
de qu aucune d'Afrique où f engendre le Mort.
Que
DES INDES. LIT. I II. 73
Que fil eft ainil doncques,pour quelle raifon eft-
ce que le Nort eft plus froid en Aftique,que n'eu:
le Sud en Allemagne, veu qu'il procède d'vne ré-
gion pluschaudejL'on me pourra refpondre que
c'eft à eau le qu'il fouftle du Nort qui eft froid,
mais cela n'eft pas chofe furHfante ny véritable:
car f'il eftoit ainfi,lors que le Septentrional fouf-
fle en Afrique , il deuroit aufïï courir Se conti-
nuer fonmouuement en toute la région iufques
au Nort : ce qui n'eft pas toutesfois, carenvn
mclme téps il court des vents de N ort fort froids
es terres qui font en moins de degrez,& des vents
d'embas, qui font fort chauds es terres fîtueesen
plus de degrcZjCe qui eft tout certain,couûumicr
& notoire. D'où Ton peut,à mon iugemenr,infc-
rer que ce n'eft pas raifon pertinente de dire , que
les lieux par où patient les vents leur donnent ces
qualitcz,ny mcfmc qu'ils fontdiuerfîfiez,pource
qu'ils foufflent de diùerfes régions de l'air , encor
que l'vn & l'autre en foit quelque raifon,comme
i'ay dit. Mars il eft befoin de l'enquérir plus auanc
pour fçauoir quelle eft la vraye ôc originelle cau-
fe de ces différences fi eftranges qu'on void entre
les vcnrs.Ie n'en peux imaginer à"autre,iînon que
la mefmc eau fc efficiente qui produit & faitnai-
ftre les vents , leur donne & imprime quant &
quant ceftepremiere&: originelle propriété. Car
àla vérité, la matière de laquelle les vents font
formez ( qui n'eft autre choie félon Ariftote, que
l'exhalation des éléments intérieurs ) peut bien
caufer en erfed vnc grande partie de cette diuer-
fîté,pour eftre plus grotte, plus fubrilc,plus feche
ou plus humide. Mais ce n'eft pas pourtant vne
K
HISTOIRE NATVRELLE
raifon pertinente, veu que nous voyons en vne
mefme région où les vapeurs Se exhalations font
d'vne mefme forte & qualité qu'il l'y cfleuedes
vents Se erTects tous contraires. Parquoy Ton en
doit référer la caufe à l'efficient fupeneur & ccle-
{le,quidoiteftrele Soleil, Se au mouucment Se
influence des cieux , lefquels par leurs mouue-
mcntscoiuraires donnent &caufcnt dediuerfes
influences. Mais les principes de ces mouuemens
& influences font fi obfcurs «Se cachez aux hom-
mcs,& d'ailleurs Ci puiilans Se de fi grande effica-
ce, quelefàind Prophète Dauid en efprit pro-
phétique, Se le Prophète Hieremie celebrans les
Tfal.itf.c grandeurs du Seigneur, en parlent ainli , Quipro
Hier. io. JCYfventos dethefiHYis fuis , qui tire les vents de fes
threfors. A la vérité ces principes Se commence-
mens font des threfors bien riches Se bien ca-
chez : car l'Autheur de toutes chofes les tient en
fa main &:enfapuiliance, quand il luy plaid les
tire Se les met dehors pour le bië ou pour le ch;i-
ftiement des hommes , Se enuoye tel vent qu'il
vcut,nonpasenlafaçondecet Eolus, lequel les
Poètes ontfollement feint auoirlachargede te-
nir les vents arreftez & enfermez dansvn antre,
tout ainfi que des beftes fàuuages.Nous ne voyos
point le commencement de ces vents, & nefea-
uons non plus combien ilsdoiuent durer, d'où
ils procedent,ny iufques où ils doiuct aller. Mais
nous voyons &cognoitfons fore bien les diuers
erïecT:s& opérations qu'ils font, ainfï que la fu-
premeverité, autheur de toutes chofes nous la
apprins,diiant:S/w7>#j- vbi vultfpirat:& yocem eius
imisfâ nefàsyndcyenit uaî qtà y «dit* L'efprit ou
D ES 1 NDES. L1V, Ilî. 74
vent (buffle où bon luyfemble, 5c bic que tu fen-
te (on (oufflement, tù ne fçais pas toutesfois d'où
il procède, ny iulques où îldoitarritver: afin de
nous enfeigner, que comprenans fi peu es chofes
qui nous font prefentes Se communes , nous ne
deuonspaspnefumerd'entendr»ccquieft Ci haut
& fi caché , que les caufes Se motifs du S. Efprit.
C'eft pourquoy il lu Ait que nous cognoiflîôsfcs
opérations & efr"e&s,lefquets nous font furhfàm-
nicnt defcouuerts en iagran deur 6c perfeeti on,&r
d'auoir en gênerai philofophé ce pendes vents &
des caufes de leurs differences,proprietez Se opé-
rations que nous auôs réduites en trois, qui font
le lieu par où ils paffent, les regiôsoù ils ioufîl6ts
Se la vertu cekfte,principe Se motif des vents.
D'auc unes propriété* de yen ts qui courent
41* nouHe>u'. monde,
C H A P. III.
g 'Est vnc queftion fort difputee par Arifto- Jfrft.±.
te, fçauoir Ci lèvent Auftcr, que nous appel- *ftt.€.$.
tons Abreguo ou Sud , (buffle depuis le Pôle An-
tarcHque,ou bien tant feulement depuis l'Equi-
noxe& Midy , qui eu; proprement demander Ci
par delà l'Equinoxe il a & retient auffilamcfme
qualité de chaud Se pluuicux que nous voyons
icy. C'eft vn poinct fur lequel on peut, non fans
raiion, entrer en doute. Car bien qu'il paife l'E-
quinoxe, il ne laifTe pa"s toutesfois d'eftre vent
d'AufterouSud,puis qu'il vient du mefmecoftc
du monde, commelc vent dcNort qui court du
eoîté contraire, ne laifle pas aufli d'eftre Nort,
HISTOIRE NATVRELLE
encor qu'il pa{fc outre laTorride & ligne Eqiti-
noxiale. Et fcmble bien par cela que ces deux
vents doiuent retenir leurs premières proprie-
tez;l'vn d'eftre chaud & humide, & l'autre troid
ôc (ec,l:Aufter de caufer les bruines & des pluyes
& le Boree ou Nort de les confommer, ôc de ren-
dre le Ciel ferain Ôc tranquille. Toutesfois Ari-
ftote l'encline à la contraire opinion, pour-au-
tant qu'en Europe le Nort eft froid , pourec qu'il
vient du Pôle, région extrêmement froide, & le
Sud au contraire eft chaud , pource qu'il vient du
Midi,qui eft aufîi la région que le feleil efchauffe
dauantage. Par cefte raifon donc il faudroit croi-
re que l'Auftcr feroit froid à ccuxquihabitenc
l'autre partie de la ligne^que le Nort leur feroit
chaud: carences parties l'Aufter vient du Pôle,
& le Nort vient du Midy. Et combien qu'il fem-
ble par cefte raifon que l'Aufter ou Sud doiuc
eftre plus froid par delà que n'eftpas le Nort par
deçà , attendu que Ton tient la région du pôle du
Sud plus froide que celle du pôle du N or t , à eau-
fe que le foleil demeure fept iours dauantage par
an au Tropique de Cancer, qu'il ne fait pas au
Tropique de Capricorne, comme il appert par
lesEquinoxes ôc folftices qu'il fait es deux cer-
cles. En quoy il fembleque la nature ait voulu
monftrcr la prééminence ôc excellence que cefte
moi&ié du monde qui eft au Nort a fur l'autre
moidiéquicftauSudj d'où il femble qu'il y ait
raifon de croire que ces qualitez des vents fe cha-
gent en paflTant la ligne : mais à la vérité il n'en eft
pas ainûjà ce que i'.ay peu comprendre par l'expé-
rience de quelques années; que i'ay elle en ces par-
DES INDES. L IV. Il I. 75
tics des Indes , qui gifent au Sud del'autre cofte
de {aligne. Il eftbien'vray que le vent duNort
n'eft pas fi communément froid Se ierein parde-
làjcomme il eft icy . En quelques endroits du Pe-
ru,comme en Lyma,& aux plaines, ils experimé-
tent que le N ort leur eft maladif & ennuyeux , Se
par toute oefte cofte , qui dure plus de cinq cents
lieues, ils tiennent le Sud pour vn ventfain Se
frais ,& qui plus eft tres-ferain & gracieux • mef-
mes que iamais il n'en pleut,tout au contraire de
ce que nous voyons en Europe , Se en cefte partie
de la ligne.Toutcsfois ce qui eft en la cofte du Pe-
ru,n'eftpas vne règle générale, maispluftoft vue
exception,& vne mecueille de nature,de ne pleu-
uoir iamais en cefte cofte- là,& qu'ii y règne touf-
iours vn mefme vent, fans donner lieu à lbn con-
traire,dequoy nous dirons après ce qu'il nous en
femblera. Maintenant demeurons àcepoinct,
que le Nort n'a point de l'autre coftédclaligne
les proprietez que l'Aufter a par deçà , encor que
tous deux foufflent du Midy à des régions Se par-
ties du monde oppofites&: contraires. Car ce
n'eft pas rcigle générale par delà, que le Nort foit
chaud ny pluuieux,commc l'Aufter l'eft par deçà:
au contraire il pleut làauiïi bien lorsque noftre
Auftery regne,commei'on void en toute la Sier-
re ou montagne du Peru, en Chillé, Se en la terre
de Gongo, qui eft de l'autre cofté de la ligne , &
bien aduancee en la mer. Et en Potozi mefme, le
vent qu'ils appellent Tomahani, (qui eft noftre
Nort, fi i'ay Sonne mémoire) eft extrêmement
froid)fce,&: mal plaifânt , comme il nous tft par-
decà. Il eft vray que ce n'eft pas chofe couftumie-
K iij
I
HISTOIRE NATVRELLE
re par delà, que ceNorc difîïpe les nuages com-
me icy: au contraire (fiie ne me trompe) il caufe
fouuentcsfois de la pluye.Et n'y apoint de doute
que les vents ne tirent Se n'emprumtent cefte
grande diuerfité d'effects contraires des lieux p.nr
où ils pailcnt, cardes prochaines régions d'où ils
naifFent, comme chaque iour l'on expérimente
en mil endroits. Mais parlant en gênerai delà
qualité des vents, Ton doit pluftoft regarder aux
codes & parties du monde, d'où ils naiilent c\r
procèdent , que non point pour eftre du cofté de
deçà la ligne, ou autrement , comme il me fem-
ble que le Philofophc en a eu opinion. Ces vents
capitaux , qui font le Leuant & le Ponant, n'ont
point de qualitez Ci vmuer (elles , ne fi communes
en ce continent, nyen l'autre comme les deux
fufdits. Le Solanus ou Leuant efticy ordinaire •
ment ennuyeux Se mal fain , Se le Ponant ou Zé-
phyr? eft plus doux &• plus fain. Aux Indes. 'y' ci:
toutelaTonide , lèvent d'Orient qu'ilsappeU
lent brife , eft au contraire d'icy fort tain Se déli-
cieux. Du Ponant ie n'eu pourray dire chofecer-
taineny générale, d'autant qu'il ne fôuffiepoint
du tout, ou bien fort rarement en JaTorride,car
en tout ce que l'on nauige entre ces deuxTropi-
ques,le vent de la brife y eft ordiuaire,mais pour-
ce que c'eftvne des merueilleufcs œuures déna-
ture , il fera bon. d'enentendte la caufe & l'ori-
gine.
DES INDES. Ll V. I I I.
76
Que les brij es courent ton/tours en la Torride, & hors
d'iccUe les yents d'abas c-r les brifesy
font toufiours ordinaires.
c h A p. un.
fà-ftj E chemin delamern'eftpas comme celuy
Ç&Si de la terre, pour retourner par où l'on apaf-
ié,ilyavn mefmechemin,ditle Philo(ophe,d'A-
thenes à Thebes,que de Thebes à Athènes , mais
iln'eftpasainfienlamer , pourcequel'onvapar luan j
vn chemin, & retourne- on par vu autre. Les pre- Gacos m
miersqui defcouurirentles Indes Occidentales, decada.i
voire Orientales, trauaillerent beaucoup, Se eu- ^-4-<"-6-
rent de grandes difhcultez à trouuer la route,iu£*.
ques à ce que l'expérience maiftrelle de ces le-
crets,leurenft en feigne, que de nauiger par l'O-
céan, n'eft pas choie femblable , que de palier en
Italie par la mer Méditerranée , où l'on vareco-
gnoiiïànt au retour les meimes ports ôc caps
qu'onaveusàraller,&:nefait on toufiours qu'at-
tendre la faueur du vent , qui T'y change en vn in-
ftant,& encor quand il leur deraut,ils ont recours
& Te feruent fort bien de la rame, &c ainfi vontSc
viennent les galères toufiours en coftoyant la
terre. En certains endroits de la mer Oceane
l'on ne doit efperer autre vent , que celuy qui
court , parce que ordinairement il y dure long
temps : en lin celuy qui eft bon pour aller, ne l'eft
pas pour retourner : car en la mer outre le Tropi-
que^ dedas la Torride, les vents de Leuanty ré-
gnent toufiours, foufflant continuellement, (ans
permettre leurs contraires a en laquelle région
K iiij
HISTOIKE NATVRULE
y a cîeux chofes merucilleufes , l' vnc qu'en icelle,
(qui eft laplus grande des cinq , en quoy ils diui-
fent le monde) régnent les vents d'Orient qu'ils
appellent Brifes, fans que ceux du Ponant & Mi-
dy , qu'ils appellent vents d'abas, ayentlieu de
courir en aucune (aifon de l'année. L'autre mer-
ueille eft que ces brifes ne celïènt iamais de fouf-
fler, ôc le plus communément es lieux qui font
plus proches de la ligne, efquclsil femble que
les calmes deuflent eftreplusordinaires,d'autat
que c'eft la partie du monde plus fubictteà l'ar-
deur du Solcil.Mais c'eft au contraire,car à peine
l'on y voit des calmes,& fi la brifey eft beaucoup
plus froide, &ydurepliis long temps: ce qui a
efterecogneuen toutes les nauigations des In-
des. Ceft donc là l'occafion pourquoy la nauiga-
tion que l'on fait allant d'Efpagnc aux Indes Oc-
cidentales , eft plus briefue & plus facile, voire
plusafleurée que celle que l'on faitau retour d'i-
cellcsen Efpagne. Les flottes fortansdeSeuillc
ont le plus de peine & de difficulté à pafler&ar-
riuer iufquesaux Canaries, d'autant que ce Gol-
phe des YegueSjOii des juments,eft variable, eftat
batu de plufieurs Se diuers vents, mais ayant pa(ïc
les Canaries , elles vont baillàns iufques à entrer
en la Torride,ou ils trouuent incontinent la bri-
iè,& y nauigent vent en poupc,de telle forte,qu'à
peine eft befoin en tout le voyage de toucher
aux voiles. Pour cefte raifon ils appellerent ce
grand Golphe,leGolphedes Dames,pourfadou-
ceur & lerenitc. En après fuiuant leur route elles
arriuent iufques aux Ifles de la Dominique,Gua-
delupe, Dcuree, Marigualante3& les autres, qui
DES INDES. 1 IV. III. yj
font en cet endroit comme les faux- bourgs des
Indes. Là les flottes fefcparent,&fediuifent,dot
les vus (qui vont en laneufue Efpagne ) tirent à
main droite pour recognoiftrel'Efpagnolle, &
ayansrecognculc Canfaind Antoine, donnent
iufquesàfàinctlean Dehu,leurferuanttoufiours
la mefme brize. Celles de terre ferme prennent
la main gauche , ôc vont recognoiftre la haute
montagne de Tayrone , puis ayant couché en
Carthagene,pa(fent outre a Nobrededyos ,d'où
par terre l'on va à Panama, & de là par la mer du
SudatiPeru. Mais lors que les flottes retournent
en Efpagne, elles font leur voyage en cède façon.
La flotte du Peru va recognoiftre le Cap fatncT:
Antoine, puis entre en la Hauane, quieftvn fort
beau port , de l'ifle de Cube , & celle de la neufue
Efpagne vient mefme toucher en la Hauane,
eft£t fortie de la vray e Croix,ou de l'ifle de fainét
Ican Delua : toutesfois ce n'eft fans trauail,pour-
ce que là ordinairement ventent les brifes,qui eft
vnvent contraire pour aller à ce port de la Ha-
uane. Ces flottes eftans iointes pour retourner
en Efpagne, vont chercher leur hauteur hors des
Tropiques , où incontinent ils trouucnt des vets
dabas-, qui leur feruent iufques à la veuë des Ifles
des Açores ou Tyerccres, ôc de là à Seuille. De
forte qu'ils font le voyage de l'aller en peu de
hauteur , ne f'efloignans point de la ligne de pins
de vingt degrez, qui eft ja dans les Tropiques.
Mais le retour fe fait par le dehors d'iccux Tropi-
ques en vingt-huict ou trente degrez de hauteur
pour le moins,ce qu'ils font pour la raifon fufdi-
te, d'autant que dans les deux Tropiques conti-
HISTOIRE NATVRELLE
nuellementregnent des vents d'Orient, lefqucls
font propres pour aller d'Efpagne aux Indes Oc-
cidentales, pource que la roijteeft d'Orient au
Ponant, & hors les Tropiques j, qui eft en vingt-
trois degrez de hauteur,ron trouue des vents d'a-
bas , iefquels font plus certains Se ordinaires plus
l'on l'cflongne de la ligne, qui (ont propres pour
retourner des Indes , d'autant que ce Ton: vents
de Midy & de Ponant , qui feruent pour courir à
l'Orient & au Nort. Lemefme difeourseftaux
nauigations que l'on faitenla merdu Sud allant
de la neufue Efpagne &z du Peru,aux Philippines,
ou à la Chine, ôc retournant des Philippines ou
Chine,à la neufue Efpagne.car cela leur eft facile,
pource qu'ils nauigenttoufiours d'Orientau Po-
nant,prochedelaligne , où ils trouaient conti-
nuellemctleventdcbrifequi leur donne en pou-
pe. En l'an quatre vingts quatre, fortitdeCallao
enLyma,vn nauire pour aller aux Philippines,
lequel courut &nanigea deux nul feptcet< lieue.1;
fansvoir terre, & la première qu'il defcouiritfut
l'ifle de Lullbn , où il alloit & y pr int port , ayan t
fait Ton voyage en deux mois, fans auoir eu aucu
ncfaUtedc vent , ny foufFert aucune toumente,
&c fut fa. route prefque toufiours fous la ligue:
pource que de Lyma qui. eft à douze devrez au
Sud il vint arriuer à Menilla , qui eft quaf: autres
tant au Nort.Le mefme licur accompagiu Alua-
ro de Mandana , quand il fut à la dcfcouuerte des
IflesappelléesdeSalomon,pourcequ'ileittouC
iours lèvent en poupe, iufquesàla veuëde ces
I fl es ;lefqu elles doiuent eftre diftantes dulicu du
Peru doùiîs forcirent comme mil lieues, ayan:
DES IND ES. LI V. III. 7&
fait fa route toujours en vne mefme hauteur au
Sud. Le retour eft comme le voyage des Indes en
£fp.igne,car ceux qui retournent des Philippines
ou Chine à Mexique, afin de trouner les vêts d'a-
bas, montent à beaucoup de hauteur ,iufques à fe
mettre au droit des ifles de Iappon,&venant à re-
cognoiftre les Calliphornes, retournent par la co-
de de*laneufue E(pagne,aupôrtd'Acapn!co,doù
ilseftoient partis. De forte qu'il eft mefme prou-
uc par celle nauigation , que d'Orient au Ponant
l'on nauige fort bien dan s les Tropiques, d'autant
qu'ily régnent des vents Orientaux:mais retour-
nans du Ponant en Orient, l'on doit chercher les
vents dàbas ou du Ponant hors des Tropiques
en hautcur3de vingt-fept devrez. Les Portugais
expérimentent le mefme en la nauigation qu'ils
font à l'Inde d'Orient,bien qu'au rebours,pour-
CC qu'allât de Portugal, le voyage eft ennuyeux 8c
de trauaiLmais le retour eft plus aifé , d'autat qu'a
l'aller leur route eftdu Ponant à l'Orient, telle-
ment qu'il leur conuict monter iniques à ce qu'ils
ayent tronué les vents gencraux,qu'ils difent, qui
font au deiïus de vingt- fept degré*. Et au retour
ils recognoiflèntles Tycrcieres , mais c'eft plus
aiiémen t,pource qu'ils viennent d'Oriet,en quoi
les bnfeSjOuNortSjleurferuent. Fitwlementles
mariniers tiennent ja pour règle &: obferuation
certaine,quedas lesTropiquesregnet continuel-
lement les vents de Leuant,parquoyily eft tres-
fxciledcnauigerauPonat.MaishorsiceuxTropi-
ques,ily a en quelques faifons desbrifes, en d'au-
tres & plus ordinairemét des vêts d'abas: à raifon
dequoy ceux qui rmuigent du Ponant en Orient
HISTOIRE NATVRELLI
procurée toufioursfortirdclaTorride,& fc met-
tre en hauteur de vingt- fept degrez, & pour cefte
raifon les hommes le font ja hazardez d'entre-
prendre des nauigations cftranges,& à des parties
efloignees & incogneu'és.
-.» ■ " T
DcUdifferencedes brifes & vent d'àbaSy
cnfcmble des autres vents.
CHAP. V.
: I en que ce qui a elle dit cy-deifus Toit vne
__! choie fiapprouuee,&iivniuer(elle, neant-
moins ilmerefte toufioursvn defird'enqucrirla
caufe de ce fecret , pourquoy en la Torride l'on
nauige toujours d'Orient en Occident auec tel-
le facilite, & non pas au contraire d'Occident en
Orient. Quieftle mefme, que fî l'on demandoit
pourquoy les brifes régnent là, ôc non les vents
d abas,puis que félon bonne Philcfcphie , ce qui
cftperpetuel,vniuerfel&deparfoy (comme di-
fentlcsPhilofophes) doit auoirvne caufe propre
& de par foy. O r auant que de m'arrefter à cefte
queftion qui me femble remarquable , il fera be-
foing de déclarer ce que nous entendons parles
brifes & vêts d*abas,à caufe que cela feruira beau-
coup pour ce fubied , & pour plusieurs autres
chofes& matières des vents &: nauigations. Les
pilotes mettent trente deux différences de vents,
pource que pour conduire leur prou'é au port de-
fîré,ilsont de befoin faire leur conte fort pun-
duallement Se le plus dftin&cment & au menu
qu'ils peuuent , veu que pour peu qu'ils tirafTent
en vn codé ou à l'autre , en fin de leur chemin , fe
DES INDES. L IV. III. 79
trouueroient beaucoup efloignez d'où ils penfe-
roient aller: Ôc ne content plus de trente-deur
vents, d'autant que ces diuifionsfuffifent * &né
pourroit-on auoir la mémoire pour en retenir
dauantage. Mais à la rigueur comme ils mettent
trente-deux vents, l'on en pourroit conter 64.
iiS.&zjô. finalement aller multipliant ces par-
ties iufques à l'infiny. Carie lieu où fe trouuc le
nauire eftant comme le centre,& tout hemifphe-
reen circonférence ,qui eft.ee qui empefchc que
l'on nepuiire conter des lignes fans nombre , lef-
quelles fortans de ce trente , tirent droit à ce cer-
cle lineai en tout autant de parties, qui feront au-
tant de vents diuers, puis qu'ainfî clique le vent
qui vient de toutes les parties de l'hemifphere, &
qu'on le peut diuifer en autac de parties que nous
voudrons imaginer? Toucesfois lafagefle des ho-
mes fe conformant à la fainéte Efcriture , remar-
que quatre vents,qui font les principaux de tous,
& comme quatre coings de l'Vniuers, que Ton
ferme, en faifànt vne croix auec deux lignes, donc
l'vnc va d'vn Pôle à l'autre, & l'autre d'vn equino-
xe à l'autre, &c font d'vn cofté le N ort,ou Aquilo,
Se l'Auftcr ou vent de Midy,fon contraire : & de
l'autre cofté l'Orient,qui procède d'où fort le So-
leil, & le Ponant d'où il fc couche. Et combien
que 1* Efcriture fain&c parle en quelques endroits
d autres diuerfîtez de vents , comme de l'Eurus,
& Aquilon,quc ceux de la mer Oceane appellent
Nort-d'cft , & ceux de la mer Méditerranée Grc-
gual , duquel il eft fait mention en la nauigation
defainct Paul s fieft-ecque la mefmc Efcriture
iûin&c rapporte ces quatre cUiFcrenccs remarqua^
HISTOIRE NATVRELLE
bles,quetoutlemondecoguoift, qui fonr,corrt-
me il eft dit,Scpcentnon, Midy, Orient &: Ponâc.
Mais d'autant que l'on trouue trois différences
aulcuer,c\. naitlancedu Soleil{doù vient le nom
d'Orient) àfçauoir les deux plus grandes dech-
nailonsqu'iîaaccoullumé défaire, & le milieu
d'icelles , ielon qu'il naift en diuers lieux en Hy-
ucr, l'Eric $C en celle qui tict le milieu de ces deux
iaiibns. Pour celle raifon l'on conte deux autres
vents qui font l'Oient d'Efté,& l'Oriët del/Hy-
uer,& par confequent deux autres Ponants d Hy-
uer cv d'Eftê, contraires aux deilufdits. De forts
qu'il y ahuictvents,en hui&poincls notables du
ciel , qui (ont les deux pôles, les deux equinoxes,
les deux iolilices , & leurs oppofites aumefme
cercle, leiquels font appellezdediuers noms 8c
appellations en chacun lieu de la mer & de la ter-
re. Ceux qui nauigent l'Océan ont accoullumc
les appcîler ainfï. ils donnent lenomdeNorc
aux vents ioufrlans de noftre pôle , qui retient le
meimenomdeNort, &deNortdeft: ccluyqui
luy eft prochain,^ qui vient de l'Oriéceftiual, ils
l'appellent Eibceluy qui fort du vray Oriét equi-
nocciaI,& Su eft ccluyqui vient del'Oriccd'Hy-
ucr. Au midy ou pôle Antar&ique,ils donncntle
nom de Sud,cVàceluy du couchant d'Hyuer,le
nom de 5uroeft,au vray couchant cquinoccial,le
nom de oeft,&: au couchant d'E{tc,celuy denort-
oell.Ih dmilent entr'eux le relie des vents,& leur
donnent les noms, félon qu'ils participée &: l'ap-
prochent des autres,commenort nortoeft,nort-
noitdeft,eft nortdelt,cftfucft, fur foroeft, fufueft,
oeft furoeit, oeft nortoeft , de forte que par leurs
DES INDES. I IV. II I. 80
dénominations l'on cognoift d'où ils procèdent.
En la mer Méditerranée encor qu'ils fuiuent la
mefme diuifion9& façon de conter, neantmoins
lis leur donnent d'autres noms différents, ils ap-
pellent le Nort, Tramontane, & fon contraire
qui cil le Sud,Mezoiorne, ou Midy , l'Eft ils l'ap-
pellent Leuant,& l'Oeil Ponant, 8c ceux quitra-
uerfent ces qua*rc,ils les nomment ainfi : le Sueft
cftpar euxditXirocquc, ou Xaloque, &lon op-
police qui efl; le Nortoeftj Mettrai, ils appellent
£r3ec,ou sresuaUc nortdelh & le furoeftibn con-
traire leueiche, lybiquc, ou afrriquain. En Latin
les quatrecogneus font,Septcntrio, Aufter, Sub-
foiaaus,Fauonius,& les entre-lalîez font Aquilo,
Vulturnus, ArnicuticvCorus. Selon Pline Vul-
turnus &£urus font vu mcfme vét,qui ell Iefueft,
ouxaloque, fauonius eftlc meime que l'oeftou.
Ponant, Aquilo & Boreasle mefmequenorcefl:,
ou grcgual,& TraiT>ôtanc,rAfricus & lybique,cft
ce iuroeft ou leueiche , l'aufter & notus , eft le fod
ou midy,corus &scphyrus,n'efl autre que le nor-
toeft,oumeftral>& à fon prochain qui eftnortdeft
ou grcgual,on ne Iuy dôneautre nom que Pheni-
cic. Quelques autres les diuifentd'vnc autre ma-
nière, mais parce que ce n 'eftpasàprefentnoftre
intentiô de raconter les noms Latins 8c Grecs de
tous les vêts, disôsfeulemet qui font ceux d'entre
ces vçts que nos mariniers de lOcea d'Inde appel-
lent Brifes,ck vents d abas.I'ay efte fort long temps
en difficulté fur ces noms , voyat qu'ils en vfoient
fore differemmet, iufques à ce que i'aye recogneu
que ces n#ms font plus généraux, que propres
& particuliers. Ils appellent brifes ceuxquifer-
I
I
HISTOIRE NATVR. ELLE
ucnt pour aller aux Indes, & qui donnent quafi en
f>oupe,lefquels par ce moyen comprennent cous
es vents Orientaux ôc ceux qui en dépendent, Ôc
appellent vents d'àbas ceux qui font près pour
retourner des Indes, & qui fou ment depuis le Sud
iufques au Ponant eftiual, de manière qu'ils font
comme deux cfcoiiades des vents de chacun co-
fté , les Caporaux defquellcs font d'vne parc le
nortd'eft ou gregual,& de l'autre le Suroeft. ou le-
uefche. Mais l'on doit entendre que du nombre
des huict vents &c différences que nous auôs cot-
tez , il y en a cinq qui font propres pout nauiger,
ôc non point les trois autres. le veux dire que
quand vn nauire nauige en lamcr , il peut aller ôc
faire loncr voyage auec l'vn de ces cinq vents,en-
cor qu'ils neluy feruent pas cfgaLlement , mais il
ne fe peut pas feruir d'aucuns des trois , comme (1
le nauire va au Sud, ilnauigeraaueclcNort, le
Nortd'eft,lcNorcoeit,& auec l'Eft,&l'Ocft: Car
ceux des coQ.ez( feruent également pour l'aller ôc
pour le venir. Mais du Sud,ilnef'en pourra fer-
uir,pource qu'il luy eu. directement contraire, ny
de fes deux collatéraux, qui fonr Sucft ôc Suroeft,
qui eft vne chofe fort triuiale &c commune à ceux
qui nauigent.C'eft pourquoy il n'eftoit befoin de
le déduire icy,finon pour fignifier que les vets la-
téraux du vray Orict font ceux qui cômunémcnc
foufflêt en la Torride,qu'ils appellét Brifes,& les
vents de Midy déclinas au PonSt,qui fetuét pour
nauiger d'Occident à l'Orient , ne font point or-
dinaires en laTorride,parquoy l'on les va ccrchcr
hors des Tropiques,& les appellent les mariniers
des Indes communément vents d'àbas.
Quelle
DES INDES. tlV. III.
8
luette est U caufe pourtjttoy namgcwt en U Torridc,
l'on y trouue toujours des vents d'Orient,
CHAP. VI.
I s o n s maintenant ce qui touche la que-
&3 ftionpropoiée, fçauoir, quelle eit la caufç
pourquoy l'on nauige bien en la Torride d'O-
rient au Ponât,& non pas au contraire. Surquoy
nous deuons preiuppoier deux fondemens cer-
tains. L'vn eit que le mouuemcnt du premier
mobile, qu'ils appellent rauiîîant , oudiurnel,
non feulement tire & efmeut quant & luy les
Sphères celcftes, qui luy fontinfeneures^comme
nous le voyons chacun iour au Soleil, en la Lu-
ne^ aux Efl.oillcs,maisauiIi les elcmens partici-
pent de ce mouuement , entant qu'ils n'en font
point empefehez. La terre ne Te meut pointa
caufe de fa grande pefanteur , qui la rend mobile,
& qu'elle cft. auilï beaucoup eiloignee de ce pre-
mier mobile. L'élément de l'eau'ë ne le meut non
plus de ce mouuement diurnel , d'autant qu'il eft
joint Âralfembléauec la terre, &font enlemble
vue Spherc,de façon que la terre l'empefche defc
mouuoir circulairemcnt , mais les deux autres
elemens, le feu & l'air font plus fubtils & plus
proches des rcgiouscelefteSjd'où vient qu'ils par-
ticipent de leur mouuement,& font meus & agi-
tez circulairemcnt,commelesmeuTi(Cs corps cc-
leftes. Pour le regard du feu,il n'y a point de dou-
te qu'il n'ait fa Sphere,ainfi qu'Ariltotc & les au-
tres Philofophes l'ont tenu:mais pour l'air ( qui
eft lepoinâ de noUrc fubiect ) il ell très- certain
L
HISTOIRE NATVREUE
qu'il fe meut d« mouuement diurnel,qui eu d'O-
rient à l'Occident, ce que nous voyons claircm^c
es Comètes qui fe meuuent d'Orient à l'Occi-
dent , montans , defeendans, ôc finalement tour-
noyans en noftre hemifphcre , delà meime façon
queleseaoilles fe meuuent au firmament. Car
autrement,ces comètes eftans en la regiô &Sphe-
re de l'air où elles f engendrent , apparoillent &
fe confomment, il leur feroit impoflible de le
mouuoir circulairement comme ils fe meuuent,
fi l'élément de l'air ou ils font , ne fe mouuoit du
mefme mouuemcnt du premier mobile. Car eftâs
ces comètes d'vnematiere enflamee, , par ration
deuroient demeurer arreftees fans fe mouuoir
circulairement , fi la Sphère où elles font demeu-
roit fans fe mouuoir , fi ce n'eu: que nous feigmos
que quelque Ange ou intelligence chemine auec
la Comète, la menant circulairement. En l'an
1577. apparut cefte merueilleufe Comète (de fi-
gure reiîèmblant vn plumage (depuis l'horion
prefque iufqucs à lamoitié du ciel,& dura depuis
le premier Nouembre iufques au huidiefme de
Décembre, iedis depuis le premier de Nouem-
bre,car iacoit qu'en Eipagne on la veid & remar-
qua premièrement au 9. de Nouembre (fumant
le récit des Hiftoriens de ce temps ) neantmoins
au Peru , où i'eftois pour lors,il me (ounient bien
que nous la veifmes & remarquantes hui£t iours
deuant, & tous'les iours enfuiuans. Pour la cau-
fe de ceae diuerfité , quelques-vns la pourront
dire particulièrement, mais ie veux dire qu'en ces
quarante iours qu'elle dura, nous remarquâmes
tous, tant ceux qui iftoicht en Europe, que nous
I
DES INDES. LIV. III. 8 1
autres aufîi qui eftions alors aux Indes , qu'elle fe
mouuoit chaque iour du mouuement vniuérfelj
d'Orient au Ponant,comme la Lune & les autres
eftoilles. D'où il appert que la Sphère de l'air,
eftant fa région , il huit que le mefme élément fe
meuue de celle façon. Nousrecogncufmesauffi,
que outre ce mouuement vniuerfèî elle enauoit
encorvn autre particulier,par lequel elle femou-
uoit auec les planettes d'Occident en Orient, car
chaque nuid elle deuenoit plus Orientale , ainfî
quefontlaLuneJe Soleil &l'Eftoille de Venus.
Nous remarquâmes dauantage vn troifîefmc
mouuement particulier , dont elle fe mouuoit au
Zodiaque vers le Nort, d'autât que patfees quel-
ques nui£ts,ellele trouuoitplusconiointeauxfî-
gnesSepcentrionaux. Et parauature cela fut cau-
fe pourquoy cefte grade comète fut pluftoft vcu'é
de ceux qui efloient plus Meridionaux,comme le
font ceux du Peru. Et d'autre- part ceux de l'Eu-
rope cÔmencerent à la voir plus tard,à caufe que
par ce troifîefme monuementquei'aydit , elle
ï'approchoit plus des Septentrionaux. Toutes-
fois vn chacun a peu remarquer les différences
de ce mouuement , de façon que l'on peut bien
voir, queplufîeurs&diuers corps ecleftes don-
nent leur impreflion à la Sphère de l'air, ainfî eft-
il certain que l'air fe meut du mouuement circu-
laire du ciel , d"Orient au Ponant, qui eft le pre-
mier fondement mis en auantcy-dcifus. Le fé-
cond n'eft pas moins certain ny notoire , qui eft
que le mouuement de l'air aux parties qui fonc
fous la ligne, ou proches d'icclle , eft tres-vi-
fte , & léger , & d'autant plus qu'il f'approche
HISTOIRE NATVRELLE
dèl'Equinoxe,parconiequent ce mouuement cil
d'autant plus lent & pefantjqu'iU'efloignedela
ligne en Rapprochant des pôles. Laraifondece-
cy eft manirefte,parce que le mouuemet du corps
celefte eftant la caufe efficiente deccmouuemêc
de l'air, il doit par necefïicc eftre plus prompt «Se
plus léger à l'endroit où le corps celefte a ion
mouuement plus vifte. Or de vouloir enfeigner
laraifonpourquoy leciela vnplus viftemouuc-
ment en la Tornde, qui eft la ligne plus qu'en au-
tre partie du ciel, ce leroit peu etUmer les hom-
mes: puis qu'il eftaiié de voir en vue roue' que
fon mouuement eft plus tardif & pefant à l'en-
droit de (a plus grande circonférence, qu'à l'en-
droit de la plus petite,&qu'elle acheue fon grand
tour au mefmeefpace de temps, que la moindre
acheue fon petit. De ces deux fondemens procè-
de la railon pour laquelle ceux qui nauigétgrads
Golphes d'Orient au Ponant,trouuent toullours
vent en poupe, ailans en peu de hauteur, & tant
plus ils font proches de l'Equinoxe , tat plus leur
eft certain & durable le vent. Etau contraire na-
uigeans du Ponant à l'Orient , ils trouuent touf-
iours ventenprou'è Ôc contraire: pourcequele
mouuement tres-vifte de l'Equinoxe tire après
foy l'élément de l'air, comme il fait le furplus des
Sphères fuperieures. Parainh l'air luittoufiours
le mouuement du iour allant d'Onët au Ponant,
fans iamais varier,& le mouuement de l'air vifte,
amené mefmc après loy les vapeurs & exhalatiôs
quil'efleuentdelamer, ce qui caufe en ces par-
tics & régions vn continuel ventdebrife , qui
court de Leuant,! e Père Alonfo Sanchcz.aui eft
DESINDiES. II V. HT. 83
vn religieux de noftre compagnie, qui a voyagé
en l'Inde Orientale Se Occidëtale,commc hom-
me ingénieux Se expérimenté, difoit qu'en naui-
geant deirous la ligne,ou proche d'icelle, auec vn
temps continu Se durable, il luy fembloi t que c'e-
ftoit le mefme air,meu du ciel , qui conduifoit les
nauires,& n'eftoit pas proprement vn vent ni ex-
halation , mais cet air efmeu du cours iournalier
du Soleil. Pourpreuue dequoy il mettoit ena-
uant, que le temps eft toufiours égal & femblable
au Golphe des Dames, & es autres grands Gol-
phes que l'on nauigeenla Torride. Pourraifon
dequoy les voiles des nauires y font toufiours de
mefme façon fans aucune impetuofité , Se fans
qu'il foit befoin les changer prefqueen tout le
chemin. Que fi l'air n'eftoit émeu du ciel,il pour-
roit quelquesfois défaillir , quelquesfois fe chan-
ger au cotraire,& quelquesfois y auroit des tour-
mentes. Toutesfois combien que cecy foit die
doctement, Tonne peut pas nier quecenefoic
vent,& qu'il n'y en aye, attendu qu'il y a des va-
peurs & exhalations de la mer, Se que nous voyôs
quelquesfois que tantoft la brifeeft plus forte, Se
tantoftplus froide , & remife de telle façon , qu'il
aduiét quelquesfois que Ton ne peut porter tou-
tes les voiles. L'on doit donc entendre, Se eft la
vérité que l'air efmeu attire quant &foy les va-
peurs qu'il trouue, d'autant que la force eft gran-
de,&qu'il ne trouue point de refiftance,pour rai-
fon dequoy le vent d'Orient Se Ponant eft aulîi
continuel ôcprefque toufiours femblable es par-
ties quifont proches de la ligne, Se prefqueen
toute la Torride, qui eft le chemin qui fuit le
L iij
HISTOIRE NATV RELIE
Soleil entre les deux cercles du Cancer &: duCa
pricorne.
Pourtjuoy fort ans de ld Torride m plus de hattteu) ,
ton troHucùhisfonucnt des yents d'abas.
chap. VII.
8sj& Vi voudra bien regarder de prés ce qui a
fipaefté dit, pourra aufïl bien entendre qu'en al-
lant du Ponant à l'Orient , en hauteur plus outre
que les Tropiques, l'on trouue des vents d'abas,
d'autant que le mouuement de î'Equinoxe eftant
fivifte^ileft caule que l'air femeutdefiouz lu v
fuiuant (on mouuement, qui eft d'Orient au Po-
nant, attirant quant &(oy les vapeurs qui fefle-
uent de la mer, de forte que les vapeurs &exha*
Lationsquii'eflcucntdescoftesdel'EquinoxejOu
Torride, venans à rencontrer le cours Se mouue •
ment de la Zone, font contraintes parla reper-
cuflion de retourner quafi au contraire, d'où vié-
nentles vcntsd'àbas, &Suroeft, communs & (i
ordinaires en ces parties là. Tout ainfi que nous
voyons au cours des eaues, lefquelles Ci elles font
rencontrées d'autres qui foient plus fortes, re-
tournent quafi au contraire. Et femble qu'il en
ioit ainfi des vapeurs Se exhalations, d'où vient
que les vents fe tournent & fefeparent d'vne part
à l'autre. Ces vents d abas régnent le plus cornu -
nementen la moyene hauteur, qui cftdeiy.à 37.
degrez, combien qu'ils ne foient pas fi certains Se
li réguliers que les bnfes le font en peu de hau-
teur. La raiion eftpource que les vents d'abas ne
fontpascaufesde ce mouuement propre & égal
DES INDES. L I y. I I i. 84
duciel,commelesbrifesle font, eftans proches
de la ligne. Mais, comme i'ay dit, ils y font plus
ordinaires , ôc bien forment plus furieux ôc plus
tempeftueux. Mais en allant en plus grande hau-
teur, comme de quarante degrez, ilyaauflî peu
d'affeuranec es vents eu la mer , comme en la ter-
re, car tantolllcsBrifes ou Nortsyfoufflent, ôc
tantoft les vents d'àbas, ou Ponans, d'où viét que
les nauigations y font plus incertaines ôc plus
dangereu fes.
Des exceptions qu'il y a en la règle fufdite, & des
yents & calmes qu'il y a en la mer
& en la terre.
C H A P. VIII.
S*^[ E que nousauons dit des vents qui courent
cS&S ordinairement dedans ôc dehors la Torride,
fe doit entendre en la haute mer, & aux grands
Golphes : car en la terre c'eft tout autrement , en
laquelle l'on trouue de toutes fortes de vents, à
caufe de l'inégalité qu'il y a entre les montagnes
ôc les vallées ,1e grand nombre des riuieres & des
lacs,&lesdiuerfes fituations despays,d'où fefle-
uetles vapeurs groifes Se efpai(Tes,lefquellesfont
efmeuës de l'vne ou de l'autre part,fclon la diuer-
lî té de leur origine , ôc commencement , qui fait
ces vents diuers , fans que le mouucment de l'air,
caufé du ciel, ait tant de puiiïance que de les atti-
rer^ mouuoir quant & foy. Etcefte diuerfî-
té de vents ne fe trouue point feulement en la ter-
re, mais auffiéscoftesdela mer, qui font en la
L iiij
HISTOIRE NATVRÉLLE
Torride, pourcc qu'il y a des vents forains qui
viennent de la terre, & marins, qui foufflent delà
mer, lefquels vents de la mer font ordinairement
plus fains,& plus gracieux que non pas ceux de la
terre , lefquels font au contraire ennuyeux 6c mal
fains , bien que ce foit la différence des codes qui
caufe cette diuerfité. Communément les forains
ou terriens foufflent depuis la minuict, îufques
au Soleil leuant,&: ceuxdeiamer ,depuisque le
Soleil commëce à f efchaufrer,iufqucs après qu'il
eft couché. Dequoy lacaufe eft parauanture,que
la terre comme matière plus grofle , fume dauan-
tage alors que la flame du Soleil ne donne plus
deluis,toutainfi que le bois verd , ou mal fec fu-
me dauantage en efteignant la flame. Mais la mer
comme elleeft compofee départies plus fubciles^
n'engendre point de fumées , fino quand l'on l'ef-
chaufferde mefme que la paille,ou le foing,eftan t
humide & en petite quantité, engendre de la fu-
mée quand on lesbrufle, Se lors queia flame cef-
fe,la fumée défaut tout auflitoft. Quoy qu'il en
foit, il eft certain que le vent de la terre fouffle
pluftoftlanuid,& celuy delà mer au contraire
durant le iour. Tellemcntquetoutainiî qu'il y a
îouucntesfois des vents contraires, violents Se
tempeftueuxésroftesde Iamer,ainfi y voit-on
de très-grands calmes. Quelques hommeyfcrrt
expérimentez racontent qu'ayans nauigé plu-
fieurs grandes trauerfes de mer fous la ligne, ils
n'yontneantmoins iamaisvcu de calmes, mais
quetoutiourspeu ou beaucoup l'on y fait che-
min à caufe de l'air efmeu du mounement celefte,
quifufficàconduirelanauiredonnant en poupe,
DES INDES, LIV. III. 8f
comme il fait. I'ay défia dit comme vnnauire de
Lyma allantàManilla, nauigea Secourut deux
milfeptcëtslieu'ës5toufioursfouzlaligne,àtout
le moins ntn eftant efloigné que de douze dc-
grez, & ce au mois de Feurier & de Mars , qui eft
lors que le Soleil y eft pour Zenith,& en tout cet
efpacenetrouuerent aucuns calmes , maistouf-
ioars vn vent frais,tellement qu'en deux mois ils
firét ce grand voyage. Mais en la Torride,& hors
d'icellcî'onaaccouftumé de voir de grands cal-
mes es coftes où arriuent les vapeurs des Ifles, ou
de la terre ferme. Ceft pourquoy les tourbillons
& tempeftes , & les inefperees elmotionsde l'air
font plus certaines & ordinaires aux coftes où ar-
riuent les vapeurs de la terre, que non pas en la
pleine mer.I'entens en la Torride,car hors d'icel-
le & en la haute mer Ton y trouuc des calmes , 8c
des tourbillons de vents. Toutesfois il ne laide
pas d'y auoirquelquesfois entre les deux Tropi-
qucSjVoire en la mcfme ligne. des grands vents &
despluyes fubites, encor queccfoitbienauanc
dans la mer, car pour ce faire les vapeurs & exha-
lations de la mer font allez fufHfantes , lefquelles
f efmouuans aucunesfois haftiucment en l'air,
caufent des tonnerres & tourbillons, mais cela
eft plus ordinaire pres de la terre , & deflus la ter-
re. Quand ic nauigeay du Pcru enlancufue Efpa-
gne, ie rcmarquay qu'en to«t le temps que nous
fufmcs en la cofte du Pcru,noftre voyage fut (co-
rne toufiours a accouftume) fort doux &c facile , a.
caufe du vent de Sud qui y court , & auec lequel
l'on va vent en poupe, retournant d'Efpagne 8c
de la neufue Efpagne. Comme nous trauerfions
I
HISTOIRE NATVRELLE
le GoIphe,& allions toufiours auant dans la mer,
prefque toufiours fouz la ligne, noustrouuafmes
vn temps frais , paifible 8c gracieux, vent en pou-
permais arriuant comme proche de N icaragua 8c
de toute cède code, nous eufmes des vents con-
traires aucc grande quantité de pluyes 8c brouil-
lées , qui quelquesfois bruyent horriblement.
Toute ce(U nauigation fut dans laZoneTorri-
de,car de douze degrez au Sud qu'cft Lyma , nous
nauigeafmesà dix-fept,où gift Guatulco, port de
laneufue Efpagne , 8c croy que ceux qui auront
prins garde aux nauigations qu'ils ont faites dans
laTorride, trouuerontàpeu prés ce que l'en ay
dit , qui fuffira pour la raifon des vents qui régnée
par la mer en la Zone Torride.
D'aucuns cjfecfs merueïllcux des y ent s qui font en
quelques endroits des Indes.
C H A P. IX.
gEferoit chofe fort difficile de raconter par
le menu les effects admirables que caufent
aucuns vents en diueries régions du monde, &
d'en donner la raifon. Ilyadcs vents qui natu-
rellement troublent l'eau'é de la mer , 8c la rcndët
verte noire,&; d'autres qui larendent claire com-
me vn miroir , les vns eigayent 8c refiouyflTent de
foy,& les autres apportent de l'cnnuy 8c de la tri-
ftelïè. Ceux qui nournlfent des vers a foye , ont
grad foin de fermer les feneftres , lors que les vêts
dabas foufïlent, 8c de les ouurir quand leurs con-
traires courent, ayans trouué par certaine expé-
rience que leurs vers Te meurent ôc diminuent
D ES IN D E S. L IV. II I. 8 6
par les vns , fengrai lient & deuiennent meilleurs
parle moyen des autres : & qui y voudra prendre
garde de prés,il pourra remarquer en foy-mcfme,
que les diuerfitez des vents caufent de notables
impreflions&: changemens en ladifpofitiondes
corps, principalement aux parties dolentes & in-
difpofees,&: lors qu'elles font plus tendres &de-
biles. L'Efcritureappellervnvent bruflant,& * 'c'l<*
l'autre vent de rofee & plein de douceur. Etneft /0&I7>
paschofeefmerueillable que l'onapperçoiuc de ioatt.4.
fi notables effe&s des vents es herbes, animaux,& °fee l î-
es homes, puis que l'on encognoift vifiblement Dan-i*
aufermcfme, qui eft le plus dur de tous les mé-
taux. I'ayveu des grilles de fer en quelques en-
droits des Indes, de telle façon moulues ôc con-
fommees,qu'enles prenant entre les doigts, elles
fe refoluoient en pouldre , comme fi c'euft efté du
foin ou de la paille feiche. Ccquiprocede tant
feulemet du vent qui lecorrompt du tout,& fans
qu'on le puifle empefeher. Mais Iaiffantà part
plufieurs autres grands & merueilleux effe&Sji'en
veux feulement raconter deux.L'vn defquels,en-
cor qu'il caufe des douleurs plus grandes que la
mefme mort,n'apportepointdemal ni d'incom-
modité dauatage,l'autre deftruit <5£ ode la vie (ans
le fentir. Le mal de la mer dont ceux-là font tra-
uaillez,qui commencent à nauiger, eft vnc chofe
fort ordinaire, &ncantmoinsfironignoroitfon
naturel, qui eft tant cogneu à tous les homes, l'on
penferoit que ce fuft le mal de la mott de la façon
qu'il afflige & tourmetependât le teps qu'il dure
par le vomiffement d'eftomach, douleurs de telle
& autres mil accides fafcheux. Mais à la vérité ce
I
HISTOIRE NATVR.ELLE
mal fi commun & Ç\ ordinaire vient aux hommes
pour lanouueautéde l'air delà mer. Car com-
bien qu'il foitvray que le mouucmcntdu nauire
y aide beaucoup , en ce qu'il f efmeut plus ou
moins , &mefme l'infection &mauuaiie odeur
deschofesdes nauires. Neantmoins la propre Se
naturelle caufe eft l'air & les vapeu rs de là mer,Ie~
quel débilite 8c trauaillc tellement le corps & l'c-
ftomach qui n'y font point accouftumez , qu'ils
en font merueilleufement efmeuz 8c changez.
Car l'air eft l'clemcntpar lequel nous viuons&
refpiron s, l'attirant dedans nos mcfmcs entrail-
les , lefquelles nous baignons &c arroufons d'ice-
Iuy : c'eft pourquoy il n'y a choie qui altère fi toft
&auec tant de force, que le changement de l'air
que nous reipirons , comme l'on void en ceux
qui meurent de pefte. C'eft chofeapprouuee par
plufieurs expériences, que l'air de la mer eft prin-
cipal moteur de cefte eftrange indiipofition , l'v-
ne eft que quand il court de la mer vn air fort,
nous voyons que ceux qui font en terre fe fentenc
du mal de la mer,comme il m'eft aduenu plufieurs
fois. Vne autre que tant plus auant Ton entre
dans la mer, cVque l'on f'efloigne de terre,plus on
eft atteint & eftourdy décernai : vne autre qu'ai -
lans le long de quelque ifle, 8c venans par après à
emboufeher en la pleine mer,l'on y trouue en cet
endroit l'air plus fort. Encor que ie ne vueille
pas nier que le m ouuement 8c agitation ne puifle
caufèr ce mal,puis que nous voyons des hommes
qui en font épris , palTans des riuieres en des bar-
ques , 8c d'autres qui en font de mefme en allant
dans des chariots ou caroiïes , félon les diuetfcs
D ES INDES. Ll V. III. 87
complexions d'eftomacs : comme au contrairey
en a d'autres,qui pour grofle & efmeuë que puifïc
eftre la mer,ne f en fentent iamais. Parquoy c eft.
chofe certaine & experimcntee,que Tair de la mec
caufe ordinairemet cet effect en ceux qui de nou-
ueau entrent fur icelle. I'ay voulu dire tout cecy,
pour déclarer vn eifect eftrange quiaduieuten
certains endroits des Indes, où l'air & le vent qui
y court citourdit les hommes , non pas moins,
mais dauantage qu'en la mer. Quelques-vnsle
tiennent pour fable,dJautres difent que c'eft addi-
tionne mapart ie diray ce qui m'eft aducnu.il y a
au Peru vne montagne haute,qu ils appellent Pa-
nacaca, & ayant ouy dire & parler du changemëc
qu'elle caufoit , i'allois préparé le mieux que ic
pouuois, félon renfeignementquc donnentpar
delà ceux qu'ils appellent Vaquianos ou experts:
maisneantmoins toute ma préparation quand ic
vins à monter les efcalliers qu'ils appellent , qui
eft le plus haut de cefte montagne, iefusfubitc-
mét atteint & furprins d'vn mal û" mortel ôc eftra-
ge , queicfusprefqueiurlepoinctdc melaiflcr
choir de la monture en terre: «Scencor que nous
fuflionsplufieurs de compagnie, chacun haftoic
le pas ians attendre Ton compagnon, pour fortir
virement, de ce mauuais palîage. Mctrouuant
donc feul auec vn ludion, lequel ic priay dem'ai-
der à me tenir fur 1 a monture, ie fus cpns de telle
douleur de fanglots & de vomiûremens , queie
penlày jetter &■ rendre l'ame. D'autant qu'a-
près vomy la viande, lesphlegmes &la colère,
l vne jaulne & l'autre vtrde, ie vins iufqucs à jet-
ter le fang de la violence queic fentoisen Içfto-
HISTOIRE NATVRELLE
mach,iedis en tin, que fi cela eut duréji'euiTe pen-
sé certainement erlrearriuèà lamorr. Mais cela
ne dura que comme trois ou quatre heures , iuf-
quesà ce que nous fuffiousdefeendus bien bas,&
que nous fuflions arnuez en vne température
plus conucnable au naturel, où tous nos compa-
gnons, qui eltoyent quatorze ou quinze,eltoy eut
tort fatiguez , quelques vnscheminans deman-
doient confeflion, penfans rcallement mourir,
lesautres mettoyent pied à terre,& eftoyent per-
dus de vomilïcment , & de force d'aller à la iellc,
év me fut dictqu'autrcsfois quelques vns y auoiec
perdu la vie de ceft accident. le veis vn homme
qui fe defpitoit contre terre , s'elcriant de rage Se
douleur queluy auoit caufélepairagede Panaca-
ca. Mais ordinairement il ne fait point aucun
dommage qui importe , autre que ceflennuy&
hifcheux degoull qu'il donne pendant qu'il dure,
Se n'c!i pas feulement le pas delà montagne Pa-
riacaca5qni a celle propriete,maij au îfi toute celle
chaîne de montagnes qui court plus de cinq cens
lieues de long , Se en quelque endroit que l'on la
palîe , l'on lent celle eftrange in température,
combien que ce foit en quelques endroits plus
qu'es autres, & plus à ceux qui montent du codé
de la mer , qu'à ceux qui viennent du codé des
plaines. le l'ay paffee mefme outre de Pari3caca
par Lucanas Se Soras , Se en autre endroit par
Colleguas,& en autre par Cauanas, finalement
par quatre lieux differens en diuerfes allées Se ve-
nues, Se toufiours en cet endroit ay fenty l'altéra-
tion Se eftourdifl'ementquei'aydict, encor qu'en
nui endroit ce n'a cfte1 tellement qne la première
DES INDES. LIV. III. 88
fois en Pariacaca,ce quiaefté expérimente par
tous ceux qui y ont pallé. Et n'y a point de doute
quelacaufedecefte intemperature ôc rteftrange
altération eft le vent, ou l'air qui y règne, pource
que tout le remède (& le meilleur qu'ils y trou-
uent)eftdefeboufcher tant que l'on peut le nez,
les orcilles,&: la bouche,&de ie eouurir d'habits,
ipccialementrcftomac, d'autant que l'air eft (i
liibtil & pénétrant, qu'il va donner iufques aux
entrailles : ôc non feulement les hommes Tentent
ceftealteration,mais aufîi les beftes,qui quelque-
fois farreftent, de forte qu'il n'y a çfperôn qui les
puilfe faire aduancer. De ma partie tiensquece
lieu eft vu des plus hauts endroits de la terre qui
foitaumende :car Tony monte vneefpacedef-
mefuree , ôc me femble que la montagne Neuade
d'Efpagne , les Pyrénées ôc les Alpes d'Italie font
comme maifons communes àl'endroit des hau-
tes tours. Parquoyiemcperfuade, que l'élément
de l'air eft eu ce lieu là fi fubtil ôc Ci délicat , qu'il
ne fe proportionne point à. la refpirat ion humai-
ne, laquelle le requiert plusgros ôc plus tempéré,
ôc croy que c'eft la caufe d'altérer fi fort l'efto-
mach, & troubler toute la difpoiîtion. Les parta-
ges des montagnes Neuades& autres de l'Euro-
pe que i'ayveu'és , combien que l'air y foit froid,
Ôc qu'il trauaille Ôc contraigne ceux qui y partent
defe veftir, neajitmoins ce froid n'ofte pas l'ap-
pétit de manger , au contraire il le prouoque,ny
ne caufe point de vomiflemeut en l'eftomach:
mais feulement quelque douleur aux pieds , Se
aux mains. Finalement leur opération eft exte-
rieure,mais cil des Indes que ie dy,fan$ trauailler
HISTOIRE NATVRELLE
ny les picds,ny les mains , ny aucune partie exté-
rieure, brouille toutes les entrailles au dedans, ôc
ce qui eft plus admirable , il aduientau mefmç
endroit que le Soleil y eft chaud, qui me fait croi-
re que le mal que l'on en reçoit vient de la quali-
té de l'air que l'on y refpire, d'autant qu'il eft cres-
fubtil& tres-delicat , ôc que fou froid n'eftpas
tant fenfible comme il eft pénétrant. Toute celle
chailne de montagnes cil communément defer-
te,fansaucuns villages ny habitations des hom-
mes , de forte qu'à peine l'on y trouue des petites
maifo-ns ou retraites pour y loger les pallans de
nui£t. 1 1 n'y a non plus d'animaux , ou bons ou
mauuais, Ci ce n'eft quelques Vicunos, ni font
des moutons du pays, lefquelsont vue propriété
eftrange ôc merueilleufe, comme ie diray en ion
lieu. L'herbe y eft fouuentcsfoisbruflee& toute
noire de l'air que ie dis , & ce defert dure comme
vingt- cinq à tren te lieues de trauerfe,& contient
de longueur, comme i'ay dit, plus de cinq cents
lieues, llyad'autres défères oulieuxinhabitez,
qu'ils appellent au Peru Punas (pourparlcrdu
fécond poinct que nous auons promis) où la qua-
lité de l'air trenche les corps & la vie des hômeSj
fans le fentir. Au temps pallc les Espagnols chc-
minoientdu Peru au royaume de Chillc, par la
montagne: auiourd'huy l'on va ordinairement
parmer, & quelquesfois lelongdelacofte : ôc
combien que le chemin y foit ennuyeux & faf-
cheux,il n'y a pas toucesfois tant de danger qu'en
l'autre chemin de la montagne , où il y a des plai -
ncs,au partage dcfquelles plusieurs hommes font
morts & péris, & d'autres en font cfchapez par
grande
DES INDES. LIV. III. $<?
grande aduanture, dont les vus font demeurez
ellropiez. Il court en cet endroitvn petit air, qui
n'eft pas trop fort ny violent , mais il pénètre de
telle façon, que les hommes y tombent morts
quafi (ans fefcntir,ou bien les doigts des pieds 8c
des mains y demeurent : ce qui pourra fembler
chofe fabuleufe , 8c toutesfois c'eft chofe vérita-
ble.Iaycogneu 8c long temps fréquenté le gêne-
rai Hierofme Co(tilla,ancien peupleur de Cufco,
qui auoit perdu trois ou quatre doigts des pieds,
qui luy tombèrent en partant lesdelèrtsde Chil-
lé, parce qu'ils auoient eue atteints ôc pénétrez
de ce petit air , & quand il les vint à regarder, ils
eftoient défia tous morts , 8c temberentd'eux-
mefmes fans luy faire aucune douleur , tout ainiî
que tombe de l'arbre vne pomme gaftee. Ce capi-
taine racontoit que d'vnc bône armée qu'il auoit
conduite 8c pallec par ce lieu les années précé-
dentes , depuis la delcouuerte de ce royaume fai-
te par Almagro, vne grande partie des hom mes y
demeurèrent morts, 8c qu'il y vid les corps eften-
dusparmy ledefert , fans aucune mauuaife odeur
ny corruption. Adiouftant dauantage vne chofe
forteltrange, qu'ils y trouuerentvn ieune garçon
viuant,lequel eftant enquis comme il auoit vefeu
en ce lieu , dit qu'il l'eftoit caché en vne petite ca-
uerne , d'où il fortoit , pour couper aucc vn petit
couteau de la chair d'vu chenal more, 8c qu'il f'e-
ftoitainfi fubftanté long temps auec ne fçay com-
bien de compagnons, qui fc maintenoient de ce-
fle façon, mais que défia ils y eftoiet tous demeu-
rez,l'vn mourantauiourd'huy, 8c demain l'autre;
difant qu'il ne deiîroic autre choie que d e mourir
M
HISTOIRE NÀTVREI. LE
là aucc les autres,veu qu'il ne fentoit défia plus en
luy aucune difpofition pour aller en vnaucre en-
droit, ny pour prendre gouften aucune chofe.
l'ay entendu le mefme d'autres, & particulière-
ment d'vn qui eftoit de noftre compagnie, lequel
pour lors eftant feculier auoit paisé par cesde-
ferts , & cft vne chofe merueilleufe que la qualité
de cel\ air froid , qui tue" & conferue aufli tout en-
femble les corps morts fans corruption. le l'ay
aulîi entendu d'vn vénérable Religieux de l'ordre
deSainct Dominicque& Prélat d'icelle, quil'a-
uoit veu paiîant par ces defer ts, Ôc qui plus eft,mc
conta , qu'eûant contrainct d'y palier la nuid,
pour federfendrc ôc rcmparer contre ce vent (À
mortel que ic dy qui court en ce lie J,ne trouuant
autre choie a propos ailèmbla grande quantité de
ces corps morts qui eftoient là,& Ht d'iccux com-
me vne muraille (Scchcuet de lict, de cette façon
il dormit, les morts luy donnans la vie. Sans dou-
te c'cftvn genre de froid queceftuy-iàfi pénétrât
qu'il efteint la chaleur vitale en coupant fon in-
fluence : & d'autant qu'il eft auffi tres-froid il ne
corrompt ny done putréfaction aux corps morts;,
parce que la putréfaction procède de chaleur ôc
d'humidité. Quant à l'autre forte d'air que l'on
oitrefonner fouzla terre , ôc qui caufe des trem-
blemens,plus aux Indesqu'es autres régions, i'en
parlérayen trai&ant des qualitezdela terre des
Indes. Maintenant nous nous contenterons de
ce qui eft die des vents & de Tair& paierons à ce
qui fe prefente du fubiecT; de l'eauë.
DES INDES. LIV. III.
90
De l'Océan qui circuit les Indes de h mer
du Kort ey celle du Sud.
C H A P. X.
gg« Ntre leseauës, lamer Oceanealaprinci-
ï'#ç&. pauté. par laquelle les Indes ont eftèdefcou-
ucrtes,qui toutes font enuironnées d'elle menue,
carouccibntjiles delamerOceane,ou bien, ter-
re ferme,laquelle mefme en quelque part qu'elle
fîtrifTe (Schadicue^ftcoufiours bornée de cet O-
cean. lufques auiourd'huy Ton n'a point defeou-
ucrtaunouueau monde aucune mer Méditerra-
née comme il y en a en Europe', Afie, & Afrique,
efquelles il entre quelque bras de cette grande
mer, & font des mers diftinctes prenant les noms
des prouinces & terres quelles vont baignant , &
preique toutes les mers Mcditcrranees fe conti-
nuent &ioignent entre eux &auec le mefme O-
cean , par le deftroit de Gibaltar , que les anciens
nommèrent Colomnes d'Hercules. Combien
que la mer Rouge eftant feparée de ces autres
Mediterranees,entre toute feule en l'Océan Indi-
que , & la mer Caipie ne fe ioint auec aucune au-
tre. Doncques aux Indes, comme i'ay dir,l'on ne
trouue point d'autre mer que cet Océan , lequel
ilsdiuilent en deux, l'vn qu'il appellent mer du
Nort , ck l'autre mer du Sud , pource que la terre
des Indes Occidentalcs,quifutpremieremetdef-
couuerte par l'Ocean^qui arriuc iufques à l'Efpa-
gnc,eft toute fituee au Nort : & par icelle terre
l'on a defcouuert depuis vne mer de l'autre cofté,
M i)
HISTOIRE NATYKELLE
laquelle ils ont appellée mer du Sud , d'autant
qu'ils defcendkent, iufqucs à palier la ligne, Se
ayans perdu le Nort ou pôle Arctique , qu'ils ap~
pellerent Sud: pour cède caufe l'on a appelle la
mer du Sud tout cet Ocean,qui eft de l'autre cofte
des Indes Occidentales, encor qu'vne grand' par-
tie d'icelle foit fituee au Nort , comme l'eft toute
la cofte de la neufue Efpagne Nuaragna, Guate-
mala & Panama. L'on dit que le premier defeou-
ureur de cefte mer fut vn Blafconunes de Bilboa,
& qu'il la defcouurit par l'endroit que nous ap-
pelions auioutd'huy terre ferme, ou la terre fe-
ftreffit,& les deux mers Rapprochent de fi prés
l'vne de l'autre qu'il n'y a que fept lieues de diftâ-
ce. Car combien que l'on en chemine dix- huict,
de Nombre de Dios à Panama , neantmoins ceft
en tournoyant, pour chercher la commodité du
chemin, mais tirant par la droite ligne , 1 vue mer
nefetrouueradiftante de l'autre de plus que l'ay
dit. Quelques vns ont drfeouru & mis en auant
de rompre le chemin de fept lieues, afin deioin-
drevne mer auec l'autre, pour rendre le palïàge
du Pcru plus commode & plus aifé, parce que ces
dix-huic-t lieues de terre qu'il y a entre Nombre
de Dios & Panama, emportent plusdedefpenfe
&detrauail que deux mil trois cens qu'il y a de
mer. Surquoy toutesfois quelques-vns ont vou-
lu dire que ceferoit pour noyer la terre, difans
qu'vne mer eft plus balle que l'autre. Comme au
temps paifé l'on trouue par les hiftoires,que pour
lamefme confideration l'on détailla l'entreprifc
de vouloir ioindre Se continuer la mer Rouge
auec le Niiadu temps du Roy Sefoftri», Se depuis
DE S I ND ES. I IV. III. 91
de l'Empire d'Otboman. Mais de ma part ie tiens
teldifcoiiFS ôc proposition pour chofevaine,en-
cor que cet inconnenient allégué n'y deuft point
efchoir, lequel aufli ie ne veux pas tenir pour cer-
tain,& croy qu'il n'y a puiiîance humaine qui fuft
fufhfante pour rompre &abbatre ces ties-fortes
& impénétrables montagnes, que Dieu a mifes
entre les deux mers , & les a faites de roches très-
dures,afin de fouftenir la furie des deux mers. Et
quand bien ce feroit chofepoiïiblcaux hommes,
il me femble que l'on dcuroit craindre le chaftie-
menc du ciel , en voulant corriger les œuures que
le Créateur par fa grande prouidence a ordon-
nées &z difpofées en la fabrique de cetVniuers.
Laitfant donc ce difeours d'ouurir la terre,&:vnir
les deux mers enfemble, il y en a vn autre moins
téméraire, mais bien difficile & dangereux de re-
chercher , fi ces deux grands abyfmes fe ioignent
en quelque partie du monde , qui fut l'entreprife
de Fernande Magellan, gentil-homme Portugais,
duquel la grande hardi elle & confiance, en la re-
cherche de ce fubiedt , & heureux fuccés qu'il eut
en le trouuant, donnale nom d'eternellememoi-
re,à ce deftroit que iuftemet Ton appelle du nom
defondefcouureur, Magellan. Duquel deftroit
nous traitterons quelque peu , comme d'vne des
grandes merueilles du monde. Quelques-vns ont
creuque ce deftroit que Magellan trouua en la
mer du Sud, n'eftoit point, ou bien qu'il feftoic
referré, comme Dom Alonfe d'Arfilla eicrit en
fonAuracane, & auiourd'huy y en a quidifenc
qu'il n'y apointde tel deftroit, mais que ce font
des Ifles entre la mer & la terre,pource quela ter-
M îij
I
HISTOIRE NÀTVRELLE
re ferme prcd fin en cet endroit, & au bout d'icel-
le font toutes ifles, outre lefquelles,rvne mer Te
ioin£t plainement auec l'autre, ou pour mieux di-
re eft toute vne mefme mer. Maisà la verné c'eft
chofe certaine qu'il y avn deftroit, &delaterre
fort longue, 8c fort eftendu'é d'vn code 8c d'autre,
bien que l'on n'ait encore peucognoiftreiufques
oùfepeuteftendre cela qui eft de l'autre cofté du
deftroitauSud. Apres Magellan pafla le deftroit,
vnenauiredel'Eucfqucdc Plaifance, Oom Gui-
ïieres , Caruaial, de laquelle ils difent que le maft
eft encorà Lynuà l'entrée du Palais, l'on alla de-
puispar le cofté duSud, pour defcouurir ce de-
ftroit,par le commandement de Dom Guarcia de
Mendoce, qui pour lors auoit Le gouvernement
de Chillé. Suiuant quoy, le Capitaine Ladrillero
le trouua 8c le parla. I'ay leu le difeours 8c la nar-
ration qu'il en a faite , où il dit qu'il ne fe hazarda
de defembarquer le deftroit, mais qu'ayant deHa
recogneu la mer du N ort,il rerournaarriere pour
l'afpreté du temps , & que l'Hyuer eftoit ja entré,
qui caufoit que les vagues venans du Nort eftoiet
groiîes&bondiflàntes , & les mers toutes efeu-
mantes de furie. De noftrc temps François Drach
Anglois,a paffé ce mefme deftroit, Depuis luy le
capitaine Sarmiento le palïaparlecoftéduSud,
& tout dernièrement, en l'an mil cinq cens qua-
tre vingts 8c feptjd'autres Anglois l'ont palïé, par
l'inftru&ion qu'en donna Drach , lefquels de pre-
fent raudent la cofte du Peru : 8c pource que le
rapport qu'en a fait le maiftre pilote, qui lepafla,
enoïabîe,iei'infereray icy.
■ .-<%
DES INDES. LI V. III.
91
Du deftroit de Magellan , &r comme l'on le
pajfi du coftédu Sud.
CHAP. XI.
N l'an de noftre falut mil cinq cents foixan-
ïSËÙl ce Se dix-neuf, ayant François Drach pafle
le deftroit de Magellan, Ôc couru la cofte de Chil-
lé,&de toutlePcru , & prins le nauirede fainct
lcan d'Anthona , où il y auoit grande quantité de
barres d argent,le Viceroy Dom François deTol-
lcde , arma& enuoya deux bonnes nauires , pour
recognoiftre le deftroit, allant pour capitaine d'i-
celleSjPierre Sarmiento, homme dodte en Aftro-
logie. Ils fortirent de Callao de Lyma, au com-
mencement d'Octobre, & pource qu'en cefte co-
fte il court vn vent contraire qui {buffle toujours
duSudjilsi'aduancerent beaucoup en la mer, &
ayans nauigé peu plus de trente iours auec vn
temps fauorable,fe trouuerentenla hauteur du
deftroit. Mais d'autant qu'il eftfortdifficiledele
recognoiftre, ils Rapprochèrent de terre, où ils
entrèrent en vne grande Anfe , en laquelleilya
vn Archipelague d'ifles. Sarmiento Pobftinoit,
que là eftoit le deftroit , ôc tarda plus d'vn mois à
le chercher par diuers endroits, montant fur de
très-hautes montagnes en terre. Mais voyat qu'il
ne le trouuoit point,à larequefte que ceux de 1 ar-
mée luy firent, retournèrent enfinàionir en la
mer, où il fit largue. Le mefmeiour furuintvn
temps alïèz rude,auec lequel ils coururent , & au
commencement de la nui&veirent ne feu de la
Capitaine^jquiauflitoftdiiparut, tellement que
M iiij
HISTOIRE NATVRELLE
l'autre nauire ne la veid iamais depuis. Leioitr
enluiuant durant toufîours la force du vent , qui
eftoit traueriain,ccux de la capitaine recogneu-
rentvneouuerturequefaifoit la terre, &:trouue-
rent bon de C'y retirer à l'abry , iniques à ce que la
tempefte fuft appaifee. Ce qu'il leur lucceda de
telle façon, qu'ayans recogueu l'ouuerture ils vei-
rentqu'ellealloit de plus en plus entrant dedans
la mer,&: foupçonnâs que ce fuft le deftroit qu'ils
cherchoient,prindrcnthauteurau Soleil, oùils le
trouuerent en cinquanre & vn degré &" dcmy,qui
eftîa propre hauteur du deftroit : de pourfaileu-
rerdauantage, mirent le brigantin hors , lequel
ayant couru plufieurs lieues dans cebrasdemer
fans en voir la fin , recognent que c'eftoit là le de-
ftroit. F.t pourceqti ils auoient ordre de le palier,
ils laiiferent vne haute croix plantée là, & des let-
tres au bas,afin que il l'autre nauire arriuoi t îà,cl-
leeuftnouuelles de la capitaine, &c la fuiuift. Ils
palîeren t donc le deftroit en temps fauorable , Se
Iansdiih"culté,oV{ortisen la merduNort,arriue-
rent en ie ne fçay quelles ifles,oùils recueillirent
dei'eatfè^&rierafrailchirent. Dciàprindrentlcur
route au cap de vert. D'où le pilote maieur re-
tourna au Peru, par la voye de Carthagene, & de
Panama,& apporta au Viccroy ledifcoursdude-
ilroitj&detout lefuccez,dontil futrecompenfe
ielon le bon feruice qu'il auoit tait. Mais le capi-
taine Pierre Sarmiento, du Cap de vert pallaen
ScuilIe,enIamefmenanigation qu'il auoit pafTé
ledeftroit,& futà'lacour,où (amiieftélerecom-
pcn{a,&àfoninftancc fîtconv.m : J.rnct dt \rcC-
tez vnegtoircaL-mee,qri'ilenuoj ' coudai-
DES INDES. LIV. III. 93
tede Diego Florcz de Valdcz, pour peupler &c
fortifiercedeftroit. Tou ces fois cefte armée après
diuers fuccez, fît beaucoup de defpenfe& allez
peu d'effed. Reuenant donc à l'autre nauire Vi-
ce- Admirale,qui alloit en Iacompagnie de la ca-
pitaine,rayancpcrdue,auecleTemporalquei'ay
dir,elle fe mit à predre la mer le plus qu'elle peut,
mais comme lèvent eftoit trauerfain,&:tempe-
ftueux, ils cuiderent certainement périr, de forte
qu'ils fe conférèrent tous,fe preparans à la mort.
La tempefte leur continua trois iours fans fap-
paifer,& à chaque heure ils penfoientdeuoir do-
ner en terre,mais il leur aduint bien au contraire,
car ils falloient plus efloignans de la terre, iuf-
ques à la fin du troifiefme iour , que la tempefte
f appaifa,& lors prenans hauteur , ils fe trouuerct
en cinquante fix degrez , toutesfois voyant qu'ils
n'auoientdonnéau trauers,&au contraireils e-
ftoient efloignez de la terre,fe trouuerent tous cC-
merueillez. D'où ils iugerent(comme Hernande
Lamero,pilote de ladite nauire me le conta) que
la terre qui eft de l'autre cofté du deftroit,comme
nousallosparlamerdu Sud,necouroit pasmef-
me rumb que iufques au deftroit , mais qu'elle fè
tournoit vers le Leuan t : car autrement c'çuft efté
chofe impofliblejqu'ils n'eu fient abordé la terre,
ayans couru tant ds temps pouffez de ce traucr-
fain,mais ils ne pafferent point plus outre, & ne
veirent non plus fi la terre f acheuoic là (ainfi qnc
quelques- vns veulent dire ) que c'eft vue ifle que
la terre de l'autre cofté du deftroit , & que là les
deux mers de Nort 8c Sud feioignent enfembte,
ou fi elle alloit courac vers J'Eft, iufques à Icioiii-
HISTOIRE NATVRELLE
dreauec la terre de Vida, qu'ils appellent,qui re-
fpondauCap de bonne efperance, comme c'eft
l'opinion d'autres. La vérité de cecyn'eftencor
auiourd'huy bien cogneu'è5& ne fecrouue aucun
qui aye couru cefte terre. Le Viccroy Dom Mar-
tin Henricquc, me dit, qu'il tenoit pour inuen-
tion del'Angloisle bruit qui auoit couru , de ce
que cc^eftroitfaifoit incontinent vncifle, 8c fe
ioignoient les deux mers : pource qu'eftant Vice-
roydelaneufueEfpagne i il auoit diligemment
examiné le pilote Portugais que François Drach
ylailla, & neantmoins n'auoit aucunement en-
tendu telle chofedeluy.Maisc'eftoitvn vray de-
ftroit, &: terre ferme des deux codez. Retournant
donc ladite Vice-admirale, ils recogneurentle
deftroit, comme ledit HernandeLamero mera-
conta,mais par vne autre bouche ou entrée , qui
eft en plus de hauteur , à caufe dej certaine grande
ifle qui eft à l'emboucheure du deftroit qu'ils ap-
pellet la Cloche, pour la forme qu'elle a. Et com-
me il difoit, il le voulut palier , mais le capitaine
& les foldats ne le voulurent point côfentir , leur
fembloit que le temps eftoit ja bien aduancé , &
qu'ils couroiët grand danger: par ainu* ils retour-
nèrent à Chillè Se au Peru,fans l'auoir pafle.
Du àeflroit que quclqnes-vns afferment
cjtre en U Floride.
CHAP. XII.
O v t ainu" comme Magellan trouua ce de-
ftroit qui eft au S ud , il y en a eu d'autres qui
ont prétendu defcouurir vn autre deftroit, qu'ils
DES IND ES. LIV. Il I. ^4
difent eftte au Nort, & l'imaginent en la Floride,
dont la code court de telle façon,quel'onne fçait
la fin. L'Adeiantade Pierre Melendez, homme
fçauant Se experimëté en la mer, afferme que c'en;
chofe certaine qu'il y a làvndeftroit , &que le
Roy luy auoit comandé deIedefcouurir:en quoy
faire il monftroit vn très -grand defir, ilmettoit
enauantces taifons,pour prouucrfon opinion,
&di(oit que l'on auoit veu en la mer du Nort,des
reftes de nauircs femblables à ceux dontvfoiene
îe$-Çhinois,ce qui euft efté impoiïible,fiîn'y euft
eu palïàged'vne mer à l'autre. Etracoutoitmef-
nie, qu'en certaine grande bayc,quie(l en la Flori-
de laquelle entre trois cens lieues dans la terre,
l'onyvoiddes balaines en certain temps de l'an-
nee,qui viennent del'autre mer. Apportant outre
ce quelques autres indices, concluoit finalement
que c'eftoitchofecouenableà lafagelfedu Crea-
teur,& au bel ordre de la natu te , que comme il y
auoit communication Se pafTagc entre les deux
mers au Pôle Antarctique, il y eneuftaufïï tout
demefmcau Pôle Arctique , qui cft le principal
Pôle. Quelques- vns veulent dite que Drach a eu
cognoiirancedecedeftroit, & qu'il a donné oc-
cafion de le iuger ainfî,quand il pafla lelong de la
code de laneufue Efpagne, par la mer du Sud.
Mefme ion a opiniô que d'autres Anglois qui ce-
âe année 1587. prindrent vne nauire venant des
Philippines,auec grande quantité d'or , Se autres
richeucs,ayet aufïï pafle ce deftroit. Laquelle pri~
le ils firent ioignât les Calliphornes,que les naui-
res retournas des Philippines Se de la Chine en la
neufue E(pagne,ont accouftumé de recognoiftre.
I
histoire natvrelle
L'on affeure que comme auiourd'huy eft grande
la hardi elfe des hommes , & ledefir de trouuer
nouucmx moyens de f'agrandir tel,qu'auant peu
d'annf.es l'on auradefcouuerc ce fecret. Et eft
certe.« ; vne chofe digne d'admiration, que comme
lesfeurmis vonttouuours fuiuant le chemin &
la ce ace des autres , aufîï les homes en la cognoif-
fam ;e & recherche des cho fes nouuellcs , ne f ar-
reft.entiamaisiuiques à ce qu'ils ayent atteint le
bu tdefirépourlecontentement& gloire des ho-
m es. Et la haute & éternelle fagelïc du Créateur
G: fert de celle naturelle curiofîté des hommes,
f^our communiquer la lumière de fonfaind E-
uangileauxpeuplesqui toufioursviucntés ténè-
bres obfcures de leurs erreurs. Mais en fin le de-
ftroit du Pôle Arc~tique,f'ily en a,n'apoint encor
efté defcouuert iufques auiourd'huy. C'eft pour-
quoy ce ne fera point chofe hors de propos de
dire ce que nous ccgnoi'Jons des pamciuaritcz
dudeftroit Antar&ique , ja defcouuert &rece-
gneu par le rapport de ceux qui l'ont veu& re-
marqué oculairement.
Des propriété^ du d eftroit de Magellan.
CHAP. XIII.
g E deftroit , comme i'ay dit , eft à cinquante
degrez iuftes au Sud,&y a d'vne meren l'au-
tre l'efpace de quatre vingts .dix ou cent lieues.
Au plus eftroit il eft d'vne lieué , ou quelque peu
moins, auquel lieuainfr* eftroit ils pretendoient
que le Roy lift baftir vne forterelTe pour défendre
le partage, Le fond en quelques endroits eft fi pro-
DES INDES. Ll V. III.. p f
fond , qu'on ncle peut fonder , & en d'autres l'on
trouue fonds à dix-huic"t, voire à quinze brafïées.
De cent lieues qu'il contient de longueur de IV-
ne mer à l'autre, l'on recognoift clairement que
les vagues de la mer du Sud courent iufques à tre-
telieuës, ôc les autres foixante& dix lieues font
occupées dzs ondes &dcs flots delà mer duNort.
Mais il y a cède différence queles trente lieues
du coltéduSud courent entre des rochers &:mo-
tagnestres-hautes, lesfommetsdefquelles font
continuellement couuer'ts des neiges , tellement
qu'il femble(àcaufe de leur grade hauteur) qu'el-
les feioigncntles vues auec les autres ,cequitcd
l'entrée dudeftroit du codé du Sud fi difficile à
recognoiftre. En ces trente licuës la mer y eft très-
profonde, fi bien qu'on n'y peut trouuer fonds,
roiuesfbis l'on y peut amarer les nauires en terre,
d'autant que le riuage y eft droit ôc coupé. Mais
aux autres foixante & dix lieues qui viennent de
la mer du N ort , l'on y trouue fonds , ôc y a d'vn
cofté& d'autre de grandes campagnes qu'ils ap-
pellent Cauanas. Plufieurs grandes riuieres d'vne
cauë belle ôc claire entrent dans ce deftroit, & y a
ésenuironsd'iceluy de grandes ôc merueilleufcs
forefts , où l'on trouue quelques arbres d'vn bois
exquis Se de bone odeur, lefquels font incogneus
par deçà ; dont apportèrent pour monftre ceux
qui y pafferent du Peru. Il 7 a de grandes prairies
auant dedans la terre, & y a plufieurs ifies qui (c
font au milieu du deftroit. Les Indiens qui habi-
tent au codé du Sud font petits & mcfchansxeux
qui habitent du collé du Nort, font grands ÔC
vaillaus, ils en apportèrent en Efpagnc quelques
I
HISTOIRE NATVRELLE
vns , qu'ils prindrent. Usy trouuerent des mor-
ceaux de drap bleu, & autres enfeignes ôc apparc-
cesque quelques hommes de l'turope auoienc
f>alle pat là. Les Indiens faluerent les noftres,auec
enom de leius.lls lont bons aixhers3& vont ve-
ftus de peaux de belles de chafl'c , donc il y en a là
grande abondace. Les eauës du deftroitcroilïent
&decroilIent comme les marées, ôc void on à
l'œil que les marées d'vn codé viennent de la mer
du Nort,&les aucresdela mer du Sud. Au lieu
où elles fe rencontrent, lequel comme i'ay dit, eft
à trente lieues du Sud,&:à (oixate&dixdu Nort,
combien qu'il lemble qu'il deuil y auoir plus de
danger qu'en tout le relie , neantmoins quand la
nauiie du capitaine Sarmiento,dont i'ay parlé ci-
delïïis , la païîa , ils n'eurent point degrand' tour-
mente , au contraire ili y trouuerent beaucoup
moins de difficulté qu'ils ne penfoient, parce que
alors le temps eiloit fort doux ôc gracieux, ôc d'a-
uantage ics vagues de la mer du N ort, y venoieut
défia tort rompues , à caufè du grâd cfpace de foi-
xante ÔC dix lieues qu'ils cheminent , ôc les flots
delà mer du Sud n'y font non plus furieux à cau-
fe de la profondeur qui eft en cet endroit, dedans
laquelle profondeur ces meimes flots fe rompent
ôc fe noyent.il eft bien vray qu'en temps d'Hyuer
ledeftroit eftinnauigeable pour les tempcftescv
ruries des mers qui y iont alors. C'eft pourquoy
quelques nauires quiie font ingérez de palier ce
deftroitau temps d'Hyuer fe font perdus. Vu feul
nauire L'a paiîé du codé du Sud , qui eft la capitai-
ne que i'ay dite , &c ay efté bien amplement infor-
mé de tout ce que i'ay die par le pilote d'iceluy
DES INDE S. Ll V. III. 96
appelle Hcmandc Alonfe , Ôc ay veu la vraye deC-
cription &cofte du deftroit qu'ils firent & tracè-
rent en lepailànt, de laquelle ils apportèrent la
copie au Roy d'Efpagne,& l'original à leur Vice-
roy au Peru.
Du flux {? reflux de lu. mer Occane es Indes.
c H A P. XIII 1.
N des admirables feercts de nature eft le flux
& reflux de la mer,non feulement pour cefte
cftrangeproprieté,de croiftrc& defcroiftre}mais
aufli beaucoup dauantage pour la différence qu'il
y a en cela en diuerftsmers, voire en diuerfes co-
ftes d'vne mefme mer. 1 1 y a des mers qui n'ont ne
flux ny reflux i ou rnel,com me l'on void en la Mé-
diterranée intérieure qui eft en la mer Thyrrene,
&toutesfois il y a flux & reflux par chaque iour
en ia mer Méditerranée fuperieurc , qui eft celle
de Venife, qui donne occafionà bon droict de
f'en cfmeruciller , en ce que toutes ces deux mers
cftans Mediterranees, & celle de Venife non plus
grande que l'autre;ii eft- ce qu'elle a du flux &c re-
flux comme l'Océan , & cefte autre mer d'Italie
n'en a point. Il fe trouuc quelques mers Medi-
terranees , qui manifeftement croiiIent ôc dimi-
nuent chaque mois , & d'autres qui uecroifïcnc
ny au iour,ny au mois. Il y a d'autres mers com-
me l'Océan d'Efpagne , qui ont le flux & reflux
de chaque iour , & outre ceftuy-làils ont aufli
ecluy de chafquc mois qui vient deux fois , à fça-
uoir à l'entrée & au plein de la Lune, & l'appel-
lent grande mer. C)r de dire qu'il y ait quelque
HISTOIRE NATVRELLE
mer , qui aye le flux & reflux de chafque iour , &
n'aye celuy du mois , ie n'en fçache point . C"cft
choie efuerueillable , que la diuerhtc que l'on
voidés Indes iur ce labiée!:: car il y a des endroits
où la merchaique iour monte & diminué deux
lieues , comme i'onvoid en Panama .Se au hauc
de l'eau elle monte beaucoup d'auantage, il y en
a d'autres où elle monte &i'abaillè fipeu, qu'à
peine encognoifton la différence. C'cft l'ordi-
naire de la mer Oceaned'auoirfon flux&: reflux
iournel,&: ce reflux iournel eft deux fois au iour
naturel , & faduance toufiours de trois quarts
d'heure en vn iour pluftoft qu'en l'autre, minant
lemouuementdela Lune. Par ainii la marée n'eft
iamaisen vnemelme heure d'vn iour, qu'elle eft
en celle de l'autre. Quelques-vns ont voulu dire
que ce flux Se reflux procedoit du mouucment
local del'cauë de la mer, de forte que l'eau ë qui
vient croillantenvn cofté, va decroiflant en l'au-
tre qui luy eft contraire, tellement qu'ileft pleine
merenvn en»droicl lorsque la mer eft balle en la
partie oppo(ite,tout ainfique l'onvoid en vne
chaudière pleine d'eau'ë que l'on remue, quand
elle panche d'vn cofté l'eau'é augmente ,.& à l'au-
tre collé elle diminue. Il y en a d'autres qui affer-
ment que la mer en vn mefme temps croift en
tous endroits, &en vn mefme temps elle y di-
minue tout ainfl que le bouillon d'vn pot,lortant
du centre fefted à tous endroits , Se quand il celle
il diminue' aulîîde toutes parts. Cefte féconde
opinion eft vraye , Se la peut- on tenir, félon mon
iugement , certaine & expérimentée , non pas
tant pour les raifons que les Phiiofophes en don-
nent
DES INDES. L IV. III. 9J
nenten leurs Météores, que pour l'expérience
certaine que l'on en a peu faire. Car pour me fà-
tisfairedecepoinctcx: queftion,iedemanday fort
paiticuliercmctaufufditpilote,commenteftoiét
les marées qu'il trouuaau deftroit, 8c fil eftoit
ainfi que les marées de la mer du Sud decroiiïbict
au temps quecellesdelamerduNortmontoiët.
Et au contraire , pourquoy cefte demande eftant
véritable , il aduenoit qite le croiftre de la mer en
vn endroit3efl;oit deferoiftre en l'autre, quieft-ce
que la première opinion afferme. Il merefpon-
dit qu'il n'en eftoit pas ainli,mais que l'on voyoit
8c recocmoilîoit apertement que les marées de la
mer du Nort,& celles de la mer du Sud croiilbiet
en hicfme temps , tanç que les vagues d'vne mer
ferencontroientauee celles de l'autre, 8c qu'en
vn mefme temps auffi elles commençoienc à def-
eroiftre chacune en la mer , difant que le monter
&c defeendre eftoit chofe qu'ils voyoient chaque
iour , & que le coup & le rencontre d'vn flux à
l'autre fe faifoit (comme l'ay dit) aux foixante &
dix lieues de la mer du Nort, & aux trente de la
mer du Sud. D'où l'on peut recueillir manifeste-
ment que le flux 8c reflux de l'Océan n'eft pur
mouuementlocal,maispluftoftvne altération Se
ferueur, par laquelle realement toutes leseauës
montent (S&croilfent tout en vn mefme temps, &c
en autre elles f abbaiiFent 8c diminuent ainfi que
le bouillon du pot,dont i'ay parle cy-deflus.Il fç-
roitimpoflible de comprendre ce poincl par ex-
périence , fi ce n'eftoit ence4eftroit où fe ioint
tout l'Océan d'vne part 8c d'autre, car il n'y a que
les Anges qui le pcullènt voir 8c recognoiftre par
HISTOIRE NATVRILLE
les codes oppofites,d'autant que les homes n'ont
point la veuë allez lointaine, ny le pied aiïèz ville
& léger qu'il feroit de befoin pour porter les yeux
d'vn codé à l'autre en fi peu de temps qu'vne ma-
rée donne le loifîr, qui Font feulement fîx heur es.
De diuers poiffons , & de U manière de
pefeber des Indiens.
CHAP. XV.
Lya en l'Océan des Indes vne innombra-
ble multitude de poiflTons , les efpeces &
proprictez defquels , le feul Créateur peut décla-
rer. Il y en a plufieursqui font de mefme genre
que ceux que voyons en la mer de rEurope,com-
mc font faintes & allofes , qui montent de la mer
aux riuieres,dorades, fardincs & plufieurs autres.
Il y en a d'autres , dont ie ne nenfe point en auoir
veu par deçà de femblablcs , comme ceux qu'ils
appellent Cabrillas , qui reiïèmblent de quelque
enofe les truites, & les appellent en la neufue Ei-
pagne,bobos , & montent delà mer aux riuieres.
le n'ay point veu par delà de befugues,ny de trui-
tes,encor qu'ils difent qu'on en trouue en Chillc.
De Tonine il y en a en quelques endroits de la
cofte du Peru,mais c'eft fort raremét, & font d'o-
pinion qu'à certain temps ils vont frayer au de-
ftroit de Magellâ, comme ils font en Efpagneau
on
deftroitdeGibaltar. Et pour cède occafionl'
en trouue dauantage enlacoftedeChiilé, com-
blé que celle que i'ay veuë pat delà n'eft telle que
celles d'Eipagne. Aux ifles qu'ils appellëc de Bar-
DES IN DES. LI V. ï II. 9%
louente,qui font Cube , faindt Dominique,Port-
riche& Iamaique,ron trouue vnpoilîbn qu'ils
appellent Manati , eflrange efpece de poillon , fi
poilïbn l'on doit appeller , vn animal qui engen-
dre Tes petits viuans, & a des mamelles & du laid
dont il les nourrit , paiflant l'herbe aux champs,
mais en effedfc il habite ordinairement en l'eaue,
&pour celle occafion ils le mangent corne poif-
fon , toutesfoislors que f en mangeay,qui fut à S.
Dominique vn iour deVendredy,i'auois quelque
fcrupu!e,non point tant pour ce qui eft dit, com-
me parce qu'en couleur &faueur il eftdit fembla-
bleadesmorceaux.de Veau, & auflïeft-il grand
& delà façon d'vne vache par la partie de derriè-
re. Des Tiburons,& de leur incroyable voracité,
ie m'en efmerueillay auec raifon,lors queie veids
qued vn qu'ils auoient pnns , (au port quei'ay
dit) luy tirèrent du petit ventre vn grand couteau
de boucher,vn grand haimdefer,& vn morceau
de la tefte d'vne vache, auec fa corne entière , cn-
cor ne fcay h* toutes deux y eftoiet point. le veids
en vne anfe que fait la mer où l'on auoit pendu en
vn pieu, pour palfe-temps vn quartier de cheual,
qu'en vn moment vne compagnie de Tiburons
vindrent à l'odeur, où afin d'auoirplus de plaifîr,
la chair du cheual ne touchoit pasen l'eaue, mais
eftoit eileueeen l'air ie ne fçay combien de pal-
mes , Se cette bande de poilïbns cftoient à l'en -
tour,qui fautoient, ôc d'vne atteinte en l'air cou-
poient chair & os, & d'vne eftrange vifteire,tellc-
ment qu'ils decoupoiet le mefme iaret du rouiîin
comme fî c'euft efté vn tronc de laictue , d'autant
qu'ils ont les dents tranchantes comme rafoirs.
N i;
HISTOIRE NATVRELLE
Il y a des petits poilïbns qu'ils appellent rambos,
qui ("attachent à ces Tiburons , Se lelquels ils ne
peuuentchailer,&:fe nourrirent deccquiefcha-
pe par les codez à ces Tiburons. Il y a d'autres pe-
tits poilïbns qu'ils appellent poilïbns vollans,
lefquelsl'on trouue dans les Tropiques , Se ne
penfe point qu'il y en ait ailleurs: ils fontpour-
fuiuis par les Dorades , Se pour i'efchaper d'icel-
les fautent de la mer,& vont allez 1 oing en l'air,&
pour ccftecauie les appellent poilïbns vollans. Ils
ont des aifles comme de toille,ou parchemin}qiu
les fouftiennent quelque temps en l'air. Au naui-
re où i'alloisen voila ou lauta vn,que ie veids , Se
remarquay la façon que iedy desaiiles.il eftfou-
uent fait mention es hiftoires des Indes, des lé-
zards, ou caymans» qu'ils appellent, & font de
vray ceux que Pline, Se les anciens appellent cro-
codiles : on les trouue es codes Se riuiercs chau-
des ; car aux codes Se riuicres froides il ne l'en
trouue point. Cedpourquoyiln y en a point en
toute la code du Peru, iulques àPayra, mais de
là en auant l'on en trouue ordinairement es ri-
uieres.C'eft vn animal tres-fier Se cruel,combien
qu'il foit fort lent &pefant. Il faitfachalîe,& va
chercher fa proye hors dei'eau'è,& ce qu'il y pred
vif,le va noyer en l'eauë,toutesfois il ne le mange
point que hors de l'eauë, d'autant qu'il aie gofier
de telle façô^que fil y entroit de l'eanë il fe noye-
roit facilement. C'eft vne chofe efmerueillable,
que le combat d'vn caymantauec letygre,dont
il y enadetres-cruelsaux Indes. Vn religieux des
hoftres me racora qu'il auoit veu ces belles com-
batte cruellement l'vne contre l'autre au riuage
DES INDES. LIV. III. <? 9
de la mer. Le caymant auec fa qucu'ë donnoit de
fort grands coups au tygre, Se tafchoifrpar /à gra-
de force de l'emporter en l'eauë : Se le tygre auec
fes griffes refiftoitau caymant, l'attirant à terre.
En fin le tygre vainquit &ouurit le iezard,ce deut
eilre par le ventre , qu'il a fort tendre Se fort deli-
cat,car en autre partie il eft fi dur, qu'il n'y a lan-
ce, voire à peine arebufe qui le puidepercer. La
victoire qu'eut vn Indien d'vn autre caymat,fut
encor plus excellente: le caymant luyauoit em-
porté vn fien petit fils, & quant & quant feftoit
plongé en la mer , dont l'Indien efmeu Se cour-
roucé,fe jetta incontinent apres,auecvn couteau
en la main, & comme ils font excellens nageurs
Se plongeurs , §c que le caymant nage toufidurs à
fleurd'eauëjilIeblelTaau ventre de telle façô,que
le caymant fe fentant blelle,fortit hors au riuage,
&lafchale petit enfant ja mort. Encor plus ef-
merucillable eft. le combat que les Indiens ont a-
ueclesbalaincs, en quoy paroiilla grandeur Se
magnificence du Créateur, de donnera vne na-
tion Ci bafle.comme font les Indiens,i'induft;rie 8c
la hardiefle d'attaquer la plus fierc& plus diffor-
me beftequi foit en l'Vniuers , Se non feulement
delacombatrc , mais auiïï delà vaincre Se d'en
triompher fi gaillardement. Confiderant cela, ie
me fuis fouuenu plufieurs fois du paflage du Pial-
mi(ïe,qui dit de la balaine : Drace tftc^mmfonnufti
ad illudendum et. Quelle plus grande moquerie
peut-il eftre, que ce qu'vn Indien meine vne ba-
laine auflï grande quvne montagne, vaincue Se
attachée auec vne corde? La façon & manière dot
vfenc les Indiens de la Floride ( félon que m'ont
N iij
HISTOIRE NATVREUE
raconté perfonnes cxpertcs)pour prendre ces ba-
laines , deiquelles y a grande quantité, eft qu'ils fe
mettent en vne canoë, ou barque , qui eft comme
vne efcorce , Se en nageant Rapprochent du code
delabalaine, puis d vne grande dexreritéils luy
fautent Se montent fur le col,& là fe tient comme
à cheual, en attendant Ton point, puis à fa com-
modité met vn baftÔ aigu & fort qu'il porte auec
foy,dans la feneftre de la narine de la balaine,i'ap-
pellénarine, le conduit ou permis paroùrefpi-
reut les balaines. Incontinct le poulie auan t auec
vn autre bafton bien fort , cVle fait entrer le plus
profondement qu'il peut. Cependant labalaine
bat furieufement la mer, Se efleue des montagnes
d'eaue, f enfonçant dedans d'vne-grandeviolen-
ce,puisre(fort incontinent , ne fçachant que faire
de rage, l'Indien neantmoins demeure toufiours
ferme &afïïs , & pour luy payer l'amende de ce
mal, luy fiche encor vn autre pieu fembiablecn
l'autre narine, le faifànt entrer de telle façon qu'il
l'eftoupe du tout,& luy ofte la refpiratio , Se alors
il fe remet en (a canoë , qu'il tient attachée au co-
fté de la balaineauec vne corde, puis fe retire vers
terre ayant premièrement attaché fa corde à la
balaine, laquelle il va filant Sclafchant fur laba-
laine , qui cependant quelle trouue beaucoup
d'eauë,faulte d'vn codé Se d'autre , comme trou-
blée de douleur , Se en fin f approche de terre , où
elle demeure incontinent à fec , pour la grande
enormité'de fon corps , fans qu'elle puilfe plus fe
mouuoir,ny fe manier, Se lors grad nombre d'In-
diens viennent trouuer le vainqueur, pourcueil-
lir fes defpouilles. Ils acheuent de la tuer , la de-
DES INDES. I1V. III. 100
coupant , & faifant des morceaux de fa chair , qui
eft allez mauuaife,lefquels ils fechentSc pillent
pour en f lire de la poudre,dont ils vfent pour via-
de,qui leur dure long temps. En quoy eft accom-
pli ce qui eft dit en vn autre Pfalme de la mefme
oalaine: Dcdifli cttm efeum populis JEtbiopum. L'ade-
lantade Pierre Mendcs racontoit plufieurs fois
ccftepcfcherie, de laquelle mefme fait mention
Modardes en Ton liure. Il y a vne autre pefcherie,
dont vfent ordinairement les Indiens en la mer,
laquelle, quoy qu'elle foit moindre , ne laifle d'e-
ftre digne de raconter. Ils font comme des fagots
de iong,ou varig fec,bien liez,qu'ils appellét bal-
fas,& les ayans portez fur leurs efpaules iufques à
la mer,les y jettent , &c incontinent ils fe mettent
deflTus, &ainfîa(Iïs entrent bien auant en la mer,
voguans auec de petites cannes d'vn cofté & d'au-
tre, ils vont vne & deux lieues en haute mer pour
pefcher, portas fur ces fagots leurs cordes & leurs
rets,& fe fouftenans fur iceux,ils iettet leurs rets,
& font là pefchans la plus grade partie de la nuict,
ou du iour, iufques à ce qu'ils aycntemply leur
mefure,auec lefquels ils retournent fort contens.
Certes ce m 'eftoit vne grande récréation de les
voir aller pefcher au Callao de Lyma , pource
qu'ils cftoient grand nombre,& ainil chacun cher
mlier , ou allis, coupant les ondes de la mer à qui
mieux mieux, lefqueiles à l'endroit où ilspefchct
font grandes & furieufes, reflembloient les Tri-
tons, ou Neptunes qu'on peint delîus l'eaue, &
eftans arriuez en terre,tirent leur barque de l'eaue
furie dos, laquelle aufïï toft ils défont &eften-
dent furlcriuage,afîn que les herbes fe fechent
N iiij
HISTOIRE NATVREILE
&efgoutent. Il y auoit d'autres Indiens des val-
lées de Yca, qui anoient de couftume d'aller pef-
cher fur des aiirs ou peaux de loups marins , en-
flez & pleins de vent , &defois à autre les fou f-
floient comme pelotes de vent, de peur qu'elles
ncfenfonfalTent.Au valdeCanete,qu'ancienne-
mcntilsappelloient leGuarco,il y auoit grand
nombre de pefcheurs Indiens, mais pource qu'ils
reiîfterent àl'Ingua, quand il fut conquefter celle
terre,il feignit faire paix auec eux-.c'eft pourquoy
afin deluy faire fefte, ils ordonnèrent vne pefche
fQ.lemnelledepluueurs milliers d'Indiens, qui en
leurs vailîeaux de ionc entrèrent en la mer , & au
retour de llngua, qui auoit appareillé quelques
jfoldats couuertSjfit d'eux vn cruel carnage, ôc de
làdemeuracefteterretantdefpeuplée, combien
qu'elle foit fi abondante & fertile. le vis vne au-
tre façô de pefcher, où me mena le Viceroy Dom
François de Tollede , toutesfois ce n'eftoit point
en la mer , mais en vne riuiere qu'ils appellent
Grande , en la prouinec des Charcas , où des In-
diens Chiraquanas le plongeoient en l'eauë , &
nageans auec vne admirable viftelïe fuiuoient les
poiiïons,& auec des darts ou harpons qu'ils por-
toientenlamain droite, nageans feulementauec
la gauche, blellbient le poiiïbn , &aintî nauréle
tiroientenhaut , reiïemblans en cela eftreplus
poidons qu'homes déterre. Mais ores que nous
fommes fortis delà mer , venons à ces autres for-
tes d'eauës qui relient à dire.
DES INDES. II V. III.
101
Des lacs & des eftangs que ton trouue es Indes.
CHAP. XVI.
gAfâ V lieu de ce que la mer Méditerranée eft au
ëç&5 vieil monde,le Créateur a pourueu ce nou-
ueaudepluficurslacs, dont y en a quelques-vns
fi grands,que l'on peut propremet appeller mers:
veuquel'Efcriture appelle ainficeluy dePalefti-
ne,qui n'eft pas fi grad que quelques-vns de ceux-
cy.Le plus renommé eft celuy de Titicaca,qui eft
au Peru en la prouince de Collao,Iequel, comme
i'ay dit au liure précèdent, contient prefquc qua-
tre vingts lieues de tour, & y entrent dix ou dou-
ze grands fleuues. Il y a quelque temps que l'on
commença aie nauiger auecdes barques & des
nauires , 8c y procédèrent fi mal , que le premier
nauire qui y entra s'ouurit d'vne tempefte qui
f'efleua en ce lac. L'eaUë n'eft pas totalemëtame-
renyfalèe comme celle de la mer, mais elle eft (î
eipaific qu'on ne la peut boire. Deuxefpeces de
poifTons l'engendrent en ce lac en fort grande a-
Dondance,i'vn defquels ils appellent Suches, qui
eft grand &fâuoureux, mais flegmatique & mal
/ain i& l'autre Bogas, qui eft plus fain y combien
qu'il foit petit & fort efpineux. Il y a très -grand
nombre de canars fàuuages 8c de cercereulles.
Quand les Indiens veulent faire fefte , ou donner
du pafTe- temps à quelque perfonnage oui pafTc le
long des deux riuages,qu'ils appellent Chucuyto
Se Omafuyojilsairemblent vne grande quantité
de Canoës, 8c vont faifantvn rond pourfuiuans
& enterrant les canards iufques à en prendre aucc
I
HISTOIRE NATVR.ELLE
les mains tant qu'ils veulent , Se appellent celle
faconde pefcher Chaco. Enl'vn& en l'autre ri-
uagedecelacfont les meilleures habitations du
Peru. De Ton iiTue il naift & procède vn autre lac
plus petit,encor qu'il (oit bien grand , qu'ils ap-
pellent Paria, au riuage duquel y a grand nombre
debeftialjfpecialementdeporcSjquii'engraiiïent
extrêmement des herbiers qui croilTent en ces ri-
uages. Il y a beaucoup d'autres lacs aux lieux
hauts de la montagne, d'où naiirentdesriuisres
& des ruilleaux, qui viennent delà enauatàeftre
fort grands fleuues. Au chemin d'Arequippa à
Collao,il y aau haut deux beaux lacs d'vn cofté &
d'autre du chemin:de l'vn fort vn ruiiïeau,qui de-
puis deuient fleuue,& fe perd à la mer du Sud. De
l'autre, ils difcntquela fameuferiuiered'Apori-
ma prend Ton origine , de laquelle l'on dit que la
renommée riuierc des Amazones, autrement di-
te de Maragnon,procede auec fa grande quantité
&alïèmbléed'eaues quife ioignentencesmon-
tagnes. C'eft vne chofe que l'on peut fouuentes-
fois demander , d'où vien t qu'il y a tant de lacs au
hautdeces montagnes, efqucls il n'entre aucune
riuiere, mais au contraire plusieurs grands ruik
féaux en fortent , & fi n'apperçoit on point que
ces lacs diminuent prefque en aucune faifon de
l'année. De penfer que ces lacs ^engendrent des
neiges fondues oudcspluyes du ciel, cela ne fa-
tisfait point du tout, car il y en a pludeurs de ceux
là qui n'ont cefteaboadance de neiges ny tant de
pluyes, & fi l'on ne i'apperçoic point qu'ils dimi-
nuent. Ce quifait croire que ce font fourcesqni
ynaiiienc 6tfour4cat naturellement, bien qu'il
.
DES TNDES. tl V. III.
IOi
neloitpas
les pli
mal
prop
os de croire
qui
les
nei
ges
& les pluyes y peuuent aider en quelques faifons.
Ces lacs font fi communs aux plus hauts fom-
mets des montagnes, qua peine y a ilriuiere fa-
meufe qui ne tire Ton origine de quclqu'vn d'i-
ceux. Leur eaue eft fort nette & claire,& C'y en-
gendre peu de poisons , encor fi peu qu'il y en a,
eft fort menu à caufe du froid qui y eft continuel-
lement : combien qu'il y ait toutesfois quelqucs-
vnsde ces lacs qui font véritablement chauds,
qui eft vne autre mcrueilie. Au bout de la vallée
de Tarapaya, proche de P tozi , y avnlac de
forme rond, tel qu'il femble auoir eftè fait par
compas , l'eaue duquel eft tres-chaude , combien
que la terre en foit extrêmement froide. Ils ont
accouftumé de s'y baigner prés duriuage, d'au-
tant qu'vn peu auant l'on ne pourroitfouffrirla
chaleur. Au milieu de ce lac y a vn bouillon de
plus de vingt pieds en quarré,qui eft fa vraye four
ce : & neantmoins quo^ que cefte fource en foit
ainfi grande , iamais on ne le void croiftre en au-
cune façon, & femble qu'il s'exhale de foy-mef.
me,ou qu'il ait quelque iiïue cachée &c incognue.
On ne le void non plus diminuer, qui eft vne au-
tre merueille, iaçoit que l'on en ait tiré vn gros
ruiiïeau courant pour faire moudre certains en-
gins pour le métal, veu que pour la grande quan-
tité de l'eaue qui en fort , par raifon il deuroit di-
minuer. Or lai fiant le Peru,& paflant à la neufue
Efpagnc, les lacs qui s'y trouuët ne sot pas moins
remarquableSjfpecialemct ce tant fameux de Me-
xique , auquel l'on trouue de deux fortes d'eaues,
l'vnt fallée & fcmblable à celle de la mer , & l'au-
« ;laire &douce à caufe des riuicrcs qui y entret.
HISTOIRE NATVRELLE
Au milieu de ce lac y avn rocher fort plaifànt &
délicieux, où il a des baings d'eau'ë chaude qui y
fourdcnt,lefquelsils eftiment beaucoup pour la
famé. Il y a des iatdins au milieu de cclac,fondez
& portez fur l'eauëmefme, oùl'onvoiddes par-
terres pleins de mille fortes d'herbes & de fleurs,
& font de telle façon qu'on ne les peut bien coin -
prendre finon en les voyant. La cité de Mexique
eft fondée fur ce lac,encor que les Efpagnols aycc
rcmply de terre tout le lieu de afïïete d'icelle,laif-
fans feulement quelques courans d'eauë grands
& petits qui entrent Se tournoyent dansla ville
pourvoicîurer ce qu'ils ont de befoin, comme
Dois,herbes,pierres,fruiclsdupays,& tontes au-
tres chofes. Quand Cortes conquefta Mexique,il
fit faire des brigantins, &depuis luy fcmbla qu'il
eftoit plus leur de ne l'en feruir point. C'eft pour-
quoy ils vfent des Canoës,dont y a gtande abon-
dance. Il y a en ce lac beaucoup de poilibn & de
viukr, combien que ie n'y ay pasveudepoilïbn
deprix,toutesfois ilsdifent quelereuenu de ce
lac vaut trois cens mille ducats. Il y a plufîeurs
autres lacs non loin delà, d'où l'on porte beau-
coup dcpoitîbnà Mexique. Laprouincede Me
chouacan eft ainfi appellée , pource que c'eft vne
prouince abondante en poilîon. Il y a de très-
beaux & grands lacs, efquelsil y a beaucoup de
poiflfon , &c eft cefte terre faine & fraifehe. Il y a
plufieurs autres lacs, defquels il n'eft pas poflîblc
Faire mention,nylesfçauoirenparticulier:feule-
mentl'on peut remarquer par ce qui en a cfté dis-
couru au liure précèdent, que fouz la Torride il y
a plus grande abondance de lacs qu'en autre par-
DES INDES. LIV. III. IO3
tie du monde: &ainfi parce que nous auonsdit
cy-deMus , & le peu que nous dirons des riuieres
& fonçâmes, nous mettons fin à cette matière
d'eaues.
Dcplitfieurs & Sua fes four ces & fontaines.
c H A P. XVII.
?w<v Lyaés Indes comme es autres parties du
SM monde grande diuerfité de fources , fontai-
nes &riuieres \ Se quelques- vnes de proprietez
ettranges. En Guancauelica du Peru où font les
mines du vif argent , il y avne fontaine qui jette
l'eauë chaude, & en coulant fon eaue fc conuertic
en roche , delaquelle roche ou pierre,l'on édifie
qualï toutes les maifons du bourg. Cefte pierre
ell molle & ailée à couper, car auecvn fer l'on la
coupe & tailleauffi facilement comme fi c'eftoit
du bois,&: eft légère & de durée. Si quelques ho-
mes ou animaux boiuent de cefte eauc , ils meu-
rent, d'autant qu'elle fecongele dedans leur ven-
tre^ py conuertit en pierre, pour cefte caufeen
iov<. morts quelques cheuaux. Comme cefte eaué
fe va eouertifïànc en pierre,celle qui découle bou-
che le chemin au refte , tellement qu'elle eft con-
trainte de changer (on cours,& pour cefte raifon
elle court en diuers endroits,au pris que va croif-
iàntla roche. En la pointe ou Cap de fain&e Hé-
lène, y a vncfource ou fontaine de betum, qu'au
Peru ils appellent Coppey.Cedoit eftre vne cho-
fekmblabieàcequediti'Efcriture^ecevaliau-
uageoùle tronu oient des puits de betum. Les
mariniers fc feruent de cefte fontaine , ou puits
HISTOIRE NATVRELLÈ
de Coppey, pour oindre &poi(Ter leurs cordages
& appareils, pource qu'elle leur fert comme la
poix 8c le bray en Efpagne. Lors que ie nauigeois
en la neufue Efpagne,par la code du Peruje pilo-
te me moftra l'ifle qu'ils appellct Tifle des Loups,
où il y a vneaucre fontaine 8c puits de Coppey,ou
betum,auec lequel mefmemét ils breent les cor-
dages. Il y a d'autres fontaines 8c fources de goul-
tran,que le fufdit pilote, homme excellent en (a
vacation,me dir auoir veues,& qu'illuy eftoit ad-
uenu que nauigcant quelquesfois par cefte code
là , il feftoit trouué lî auant en la mer , qu'il auoit
perdu la veue de terre,&:neatmoins ilauoit reco-
gneu par l'odeur du Coppey où il eftoit,au(Ii cer-
tamement,comme s'il euil recogneu la terre, tel-
le eft l'odeur qui fort continuellement de cefte
fource. Aux baingSjqu'ils appellent les baings de
l'Ingna, y a vn canal d'eauequi fort toute chaude
& bouillante, &ioignant icelle y en avneautrc
dont l'eaue eft auiîi froide que neige. L'Inguaa-
uoitaccouftumé de les modérer l'vneauec l'au-
tre , 8c eft vne chofe remarquable qu'il y ait des
fources de qualitez Ci contraires, qui font ex: vien
nent ii près l'vne de l'autre. Il y a vn nombre infi-
ni d'autres fources chaudes , ipecialement en la
prouince des Charcas , en l'eau defquelles l'on ne
peut endurer 8c tenir la main i'efpace d'vn >Aue
lylaria.com.xwt is l'ay veu par gageure. En vne mé-
tairie proche de Cufco fourd vne fontaine de fel,
qui ainfi comme elle va courant , fe va conuertif-
fant en fel,qui eil blanc, & bon à merueilles : que
fi elle eftoit en autre contrée, ce ne feroit petite
richcire,toutesfois ils en font peu d'eftat,pout la-
DES INDES. L IV. III. 1 04
bondance du Tel qu'il y a là. Les eaues qui courent
en Guayaquil qui eft.au Peru, prefque fous lali-
gneequinoxiale,font tenues pour fàlutaires pour
le mal NcapolitaiiijCV autres femblables. Arai-
fon dequoy l'on y vient de plufieurs lieux fort
efloignezpoury receuoirguavifon. Etdifentque
la caufe de cela eft.pource qu'il y a en cefte côtrée
grande abondance de racines' ', qu'on appelle fàl-
cepareille, la vertu & opération de laquelle efl fi
cogneuç,& qu'elle communique fa propriété aux
eauxoùelleeftmife, de guarir cefte maladie. Bil-
canota eft vne montagne, qui félon l'opinion du
commun, eft au plus haut lieu du Peru,lefommet
de laquelle eft tout couuertdc neige, & en quel-
quesendroits, eil noir commecharbon. llfort
d'icelui deux fources en lieux tout contraires,qui
deuiennent incontinent fort grands ruilîeaux, &
peu à peu grads fleuues, l'vn defquels va à Collao
dans ce grand lac Titicaca, & l'autre va aux Lan-
des,& eft celuy qu'ils appellent Yucay, qui ie ioi-
gnant auec vn autre,fort à la mer du N ort , ayant
vn cours furieux Se impétueux. Cefte foureequad
elle fort de la roche Bilcanota que i'ay dit , eft de
la mefme forte & couleur que l'eau de lexiue,ayât
la couleur cendrée , & icttant vne fumée,comme
de chofe bruflee,laquelle court ainfi vn long teps
iufqùesàce que la multitude des eaux qui y en-
trent,luy efteignent ce feu & fumée qu'elle tire
defon commencemet. En laneufue Efpagnei'ay
veu vne fource corne d'encre quelque peu bleue,
vne autre au Peru de couleur rouge comme fang,
d'oft ils l'appellent la riuierc rouge.
HISTOIRE NATVRELLE
D es Ejuieres.
C H A P. XVIII.
Ntre toutes les riuieres non feulemêt des
^i Indes,niaisaufli de tout le monde vnmerfel,
le fleuue Maragnon , ou des Amazones, tient la
principauté, duquel nousauos parlé au liure pré-
cèdent. Les Efpagnolsl'ontplufieursfois nauigé,
pretendans delcouurir des terres, qui fcio le bruit
commun, font fort riches , lpeciakment celles
qu'ils appellent de Dorado,&; Paytiti. L'Adelen-
tade Iean de Sallines , fît vne entrée mémorable,
encorqu'ellefutdepeud'erïe&. Il y a vnpaifage
qu'ils appellent le Pongo , qui doit eftrevn des
plus dangereux pas de tout le mondexar la rhue-
re eLtant reierrée en cet endroit,&: contrainte en-
tre deux roches très-hautes en précipice, vient à
tomber droitemenr du haut en bas,auec vne gra-
de roideur, où leaue par la cheute qu'elle fait de
fî haut,fak vn boiiillon, qu'il (ennble impoiîiblc
de le palier fans fe noyer. Neantmoins la hardief-
ie des hommes a bien ofc entreprendre-de palier
ce pallage,pour le defir de ce Dorado tant renom-
mé.Ils le lai lièrent couler du haut en bas:poulTez
de la roideur ôc du courant du fleuue , fe tenans
bien aux Canoës ou barques où ils eftoient : &
encor quelles fu lient renuerlées iens-deflus-def-
ious en tombant,& eux ôc leurs Canoës i'enfon-
calîent enl'eauè, neantmoins parleur force ôc
parleur induftrieilsfercmettoiét &recournoiët
toujours en haut, & de celle façon efchapa toute
l'armée, excepté quelque peu qui fe noyerenr.
Et ce
DES INDES. L IV.- III. IOf
Et ce qui cft plus admirable,ils {'y comportèrent
îîdextrement, qu'ils ne perdirent pasmeime la
munition & la poudre qu'ils portoient. Au re-
tour ( pource qu'après auoir enduré beaucoup de
t;auaux,&de dangers, ils furent contraints en fin
de retourner par ce mefme lieu ) ilsmontergr par.
l'vne de ces roches très-hautes auec leurs poi-
gnards qu'ils richoientenlaroche. Le capitaine
Pierre d'Oilua fit vue autre entrée parlemefme
fleuue,lequel eftant mort iltr ce voyage,& les iol-
datsf'eltans mutinez, d'autres capitaines pour-
fuiuirentl'entrcprinfe,pàr le bras qui vient iuf-
quesenlamerdu Nort. Vn religieux denoftre
cépagmenous difoit,qu'eftantfeculierilfetrou-
ua quafi en toute cette entreprife , Se que les ma-
rées montoient bien près de cent lieues à mont
le rlcuue,& qu'à l'endroit où ilvafejetter dans la
itier,qui eft quafi fous la ligne, ou fort proche d'i-
celle ,ila(oixante cVdix lieues d'emboucheure,
chofe incroyable, &c qui excède la largeur de la
mer Méditerranée, encor qu'il y ait quelques au-
tres qui en leurs deicriptions ne luy donnent que
vingt-cinq ou trente lieues d'embouchure. Apres
cède riuierc, tient lefecond lieu en l'Vniuers la
riuiere de Plata,ou d'argent, qui f'appelle autre-
ment le Paraguey, laquelle court des montagnes
du Peru,&: fe va perdre en la mer,en la hauteur de
trente-cinq degrez au Sud. Elle croi(t,comme ils
difcnt,en la mefme façon du Nil, mais beaucoup
dauantage fanscomparaifon , & rend les champs
qu'elle baigne comme vne mer par Tefpace de
trois mois , aptes retourneà fon cours, où les na-
tures montent beaucoup de lieues à mont. Il y a
O
HISTOIRE NATVR.EI, LE
plufieurs autres fleunes qui ne font pas toutesfois
de celle grandeur, &neantmoins efgalent, voire
furpalïent les plus grands de l'Europe,comme ce-
luy delà Magdelaine, proche de faincbe Marthe,
la riuiere Grande,& celuy d'Aluarado en la near-
ue Efpagne,& vn nombre infiny d'autres. Du co-
llé du Sud aux montagnes du Pcru,Ies fleuues cô-
munément ne font pas fi grands , pouice qu'ils
ont peu d'efpace de courir , 8c ne peuuent afîèm-
bler tant d'eaux, mais ils font fort roides , à caufe
qu'ils tombent de la montagne, & ont des aualla-
ges 8c des creuës fubites: àraifon dequoy ils font
fort dangereux , &ont efté caufe que plufieurs
hommes y font morts. En temps de chaleur ils
croisent 8c fe defbordent le plus. I'ay trauerfê
vingt-feptriuieres en cette code, dont ien'en ay
pas palfé vne feule à gué. Les Indiens vfent de mil
artifices pour palier les riuicres. En quelques en-
droits ils ont vne longue c»rde qui trauerfed'vn
cofté à l'autrc,& en icelle pend vn panier ou cor-
beille,dans laquelle fe met celuy qui veut palier,
& alors ils Ietirentdu riuageauec vne autre cor-
de, tellement qu'il pafie dedans cède corbeille. En
d'autres endroits l'Indien pafiècommeà chenal
fur vnboteau de paille, & derrière luy celuy qui
veut pa(Ter,& vogant auec vn bout d'aix, pallc de
cefte faço. En d'autres endroits ils ont vn radeau
de courges ou citrouilles , fur lcfquelles ils met-
tent les hommes ou hardes qu'ils doiuent palier,
& les Indiens liez auec des cordes vontnageans,
8c tirans après eux ce radeau de citrouilles , com-
me des cheuaux tirent vn coche,ou carofle; d'au-
tres vont derrière pouûans les citrouilles pour
DES INDES. ny. m. 106
leuraider.Palïez qu'ils font,ils prennent far leurs
eipaiillcs leur barque de citrouilles,^: retournent
à nage , ce qu'ils font en la tiuiere de la Sainte au
Pcru. Nous pallafmes celuy d'Aluarado en la
neufue Efpagne, (ur vue table, que les Indiens
portoient fur leurs efpaules,& quand ils perdoiëc
terrc,ilsnageoient. Ces artifices & mil autres,
dont ils fe ieruent pour palier ainfi les riuicres,
certainement fontauoir crainte en les regardant
& contemplant, en ce qu'ils l'aident de moyens fi.
débiles & fragiles: mais n«antmoins ils font ton;
allcurez. Ils n'vicnt point d'autres-ponts que de
crins ou de paille. Hyadefiaenqiielquesnuieres
des ponts de pierre , battis par la dihgëce de quel-
ques gouueri7eurs,mais beaucoup moins qu'il ne
(croit de befoin en vne terre , où tant d'hommes
le noyent par faute d'iceux,cV: laquelle donne tant
de deniers , dcfqucls non feulement l' Efpagne,
mais auflï d'autres royaumes eftrangers baftillenc
de fuperbes édifices. Les Indiens tirent &deri-
ucntdesfleuues qui courent des montagnes aux
vallées & es plaines ,plufîeurs & grands ruiileaux
pour arroufer la terre , ce qu'ils ont accouftumé
de faire d'vnc telle induftne, qu'il n'y en a pas
demcilleurs en Murcia , ny à Milanmehnc : ce
quicftauiïi la plus grande ôc totale richelle des
plaines du Pcru , ôc de plufieurs autres parties
des Indes.
O
HISTOIRE NATVRELLE
De Li qualité Je Lt rc rre des Indes en gênerai.
c H A P. XIX.
^ra'ÛN peut cognoiftre la qualité de la terre
&s$? des Indes en la plus grand' part, (puis que
c etl le dernier des trois clemens delquels nous
auonspropofc detraitter enceliure) par ledif-
cours que nous auons fait au liure précèdent de
la ZoneTorride, veu que la plus grande partie
des Indes fe trouue fuuée en icclle. Mais pour ce
faire entendre plus particulièrement, i'ay remar-
qué trois fortes de terre en ce que i'ay cheminé
par ces rcgions,dont il y eu a vue qui e(l balïe,vne
autre très haute, Se l'autre qui tient le milieu de
ces deux extrcmitez.La terre baffe ell celle qui eu:
en la code de la mer , dont il l'en trouue par tou-
tes les Indes, Se cft ordinairement fort chaude Se
liumidc,qui caufe qu'elle n'eft pas ti faine, Se qu'à
prefent on la voit moinspeupleo, combien qu'au
temps palfé elle ait elle bien peuplée d'Indiens,
comme il appert par les hiftoires de la neuhie Ef-
pagne Se du Peru, Se Cy conferuoient & viuoiét,
entant que la région leur eftoitnaturelie,comme
ceux qui y auoient efté engendrez. Ilsyviuoient
delapefchedelamer &des femences qu'ils fai-
foient, tirans des ruilleaux des riuieres defquels
ils fc feruoient faute de pluye,d'autat qu'ily pleut
fort peu , Se en quelques endroits n'y pleut point
du tout. Celle terre baffe a beaucoup de lieux in-
habitables , tant à caufe des fablons qui y font
dangereux , car il l'y trouue des montagnesentie-
res de ces fablons , qu'à caufe dçs mareleages qui
DES ItfDES. L 1 V. III. IO7
fy font des eauës defcendans des montagnes,lef-
quelles ne trouuans point d'iiTu'è en ces terres
plattes ôcbafieslesnoyetudu tout,& les rendent
inutiles. Et à 1-a vérité la plus grande paftiede
toute cefte coftedelamer eft de cefte forte es In-
des, principalement du coftedelamer du Sud.
L'habitation defquelles codes eft à prefent fi. di-
minuée &mefprilec,que des trente parts du peu-
ple qui y habitoit, les vingt neuf y défaillent, &
à fon opinion, que le refte des Indiens finira auac
peu de temps. Plufieurs félon leurs dinerlçs opi-
nions attribuent cela à diueries caufes , les vns au
trop grand trauail que l'on a donné à ces Indiës,
les autres au changement 8c diuerfité des vian-
des^ boire dont ils vfent,depuis qu'ils commu-
niquent auec les Efpagnols ; les autres au trop
grand excès de boire, & autres vices qu'ils ont.
Quanta moy ie croy que ce defordre eft la plus
grande caufe de leur diminution, 8c n'eft pas téps
maintenant d'en difeourir dauantage. En cefte
terre balle , (que ie dy généralement eftre mal fai-
ne 8c peu conuenable à l'habitatiô des hommes)
il y a exception en quelques endroits qui font te-
perez 8c fertiles, comme la plus grand' partie des
plaines duPeru, où il y a des vallons frais, & qui
font fort fertiles. La plus grande partie de l'habi-
tation delà cofte entretient tout le commerce
d'Efpagne par mer, duquel defpendtout l'eftat
des Indes. En cefte code il y a quelques villes af-
fez, bien peuplées, comme Lyma &Truxilloau
Peru, Panama 8c Carthagene en la terre ferme , 8c
ésiflesfain6t Dominique,Port-riche,&la Haua-
ne, & plufieurs autres villes qui
O
»J
I
HISTOIRE NATVRULÎ,
que celle-cy,comme eft la vraye Croix en la neuf-
ue Efpagne , Yça , Aricgua, & autres au Peru^ &:
rnefmes les ports font communément habitez,
combien que ce foi tariez petitement. La féconde
forte de terre eft au contraire fort haute , èVpar
confequent froide Se fechc,côme toutes les mon-
tagnes le font ordinairement. Cède terre n'eft
point fertile ny plaifante , mais elle eft fort faine,
qui la rend peuplée & habitée. Il y a des paftura-
ges,^: en iceux beaucoup de beftial,ce qui fuftan-
te en la plus grand part la vie humaine , & aucc le
beftialilsfuppleent le défaut qu'ils ont de bleds
& femenecs par leurs trocs & efchanges. Mais ce
qui rend encor dauantage ces terres habitées, &
quelqucs-vnes fort peuplées, eft la richeiïedes
mines^qui fe trcuuent en icelles, pource que tout
obéit à l'argent & à l'or. A caufe des mines il y
a quelques habitations d'Efpagnols & d'Indiens,
qui fe font açcreuês & augmentées , comme eft
Potozi,&GuancauelicquaauPeru,&:Cacatev:as
en la neufue Efpasme. Il y a aufli par toutes ces
montagnes degrandes habitations d'Indiens qui
auiourd'huyfe maintiennent,voire veut-on dire
qu'ils vont en augmentant, linon que letrauail
des mines en confirme beaucoup, & quelques ma-
ladies générales en ont meimedeftruit vue gran-
de partie,comme le Cocohltc,cn la neufue Eipa-
gne. Tourosfoisl'onne fapperçoit pointqu'ils
diminuent beaucoup. En cefte extrémité de terre
haute, froide & feiche, il y a deux comoditezque
i'ay dites des pafturagcs,<St des mincs,qui recom-
péient bien les autres deux qui font es terres baf-
fes de la code, à fçauoir le commerce de la mer, &c
^m
DES INDES. LIV. III. Io8
la fertilité du vin, qui ne croift qu'en ces terres
fort chaudes. Entre ces deux extrêmes y a la terre
de moyenne hautcur,laquellecombié qu'elle foit
en quelques endroits plus bafle ou plus haute IV-
ne que l'autre , ce neantmoins elle n'approche ny
de la chaleur de la cofte,ny de I'intemperature des
montagnes. En cède forte de terre il croift beau-
coup de femences,de froment,d'orge,&: de mays,
lefquelles ne fe trouuet aucunemet es terres hau-
tes,mais bien aux baffes: il y a mefme abondance
de pafturages,de beftial,de frui&s,& de forefts af-
fez verdoyantes. Cefte partie eft la meilleure ha-
bitation destroispour lafanté,&: pour larecrea-
tio. C'eftpourquoyauflïccquieftleplus peuplé
es Indes,cft de cefte qualité , ce que i'ay remarqué
forccurieufementenplufîeurs chemins & voya-
ges que i'ay faics,& ay trouué pour vrai,ce que les
prouinces& parties mieux peuplées d'indies font
en cefte fituation. Que l'on regarde de prés en la
neufue Efpagne (qui eft fans doute lameilleure
prouince que le Soleil enuirone) par quelque en-
droit de la cofteque l'o y entrej'on y va toufiours
montat,& encor qu'apresauoir monte beaucoup
l'on commence à deicendre,toutesfois c'eft fort
peu , & toufiours la terre y demeure beaucoup
plus haute que celle de la cofte. Tout le terroir de
Mexique eft de cefte nature &: fituation, & ce qui
eft es enuiros du Vulcan , qui eft la meilleure ter-
re des Indes, comme auflî le font au Peru, Are-
quipa,Guamangua, & Cufco, combie que ce foie
l'vn plus que l'autre. Mais en fin tout y eft ter-
re haute , encor que l'on y defeende à des vallées
profondes > & que l'on monte de hautes monta-
O iiij
I
HISTOIRE NATVRELLE
gnes > ils en difent autant de Quito, SaimStc Foy,
& du meilleur du nouucau royaume. Pour refo-
lution, ie croy que la (agette & prouidence du
Créateur a pourueu encecy , & voulu pour le
mieux , & que la plus grande part de cefte terre
des Indes fuft haute & eflenee , afin qu'elle fuit
d'vne meilleure température. Car eftant balle, el-
le euft elle fore chaude fouz la Zone Torridc,
principalement eftantdiftante cVefloigneede la
mer. Auffi toute la terre que i'ay veuë es lndes,eft
auoifinee de montagnes d'vn cofté , ou de 1 autre,
& quelquefois de toutes parcs. Tellement que
i'ay plusieurs fois dit par delà que iedefiroisme
voir en vn endroit d'où l'horifonfc formait &: fi-
nift par le ciel,& vnc terre eftendue& vnie,com-
me l'on void en Efpagne en mille campagnes:
toutesfoisie n'ay point de fouuenancc d'auoir ia-
mais veu telles veu*ës aux Indes , fuft aux ifies , ou
en la terre ferme , encor que i'y aye cheminé plus
de fept cens lieues en longueur. Mais comme i'ay
dit,lcvoifinage des montagnes eft fort à propos
en cède région , pour tempérer la chaleur du So-
leil. Par ain (i tout le plus habite des Indes eft de la
façon quei'ay dit , Se généralement toute cefte
terre eft abondante en herbages, pafturages &fo-
refts , au contraire de ce qu'Anftote & les anciens
ont penfé. De forte que quand l'on va de l'Euro-
pe aux Indes, l'on f'elmeiueillc de voir la terre
belle,ll verdoyante 8c pleine defrifcades.Ncant-
moins cefte règle a quelques exceptions, Se prin-
cipalement en la terre du Peru, qui eft d'vn natu-
rel eftrange entre toutes les autres, de laquelle
nous dirons maintenant.
^^_
M^HH^H^IHi^MHiB^B^B
DES INDES. L IV. III.
109
Des propriété^ de h terre du Veru.
c H a P. xx.
Kgg Ovs entendons par le Peru non point tou-
cèjG ce ceftegrande partiedu monde, qu'ils ap-
pellent l'Amérique, puis qu'en icelle eft compris
le Bre(îl,le royaume de Chillé,& celuy de Grena-
de, & toutes fois aucun d'iceux royaumes n'eft le
Peru, mais tant feulement cefte partie qui gift au
cofté chi Sud,commençant au royaume de Quit-
to,qui eft fouz la ligne, Se qui va courant en lon-
gueur iufques au royaume de Chillé , lequel eft
hors les Tropiques , qui feroient fix cents lieu'ës
en longueur , Se en largeur ne contient point da-
uantage que ce que comprennent les Indes, ou
montagnes,qui font comme cinquante lieu'és co-
munes,encor qu'en quelques endroits, comme à
Chachapoyas,il y ait dauantage. Cefte partie du
monde que Ton appellu Peru, eft fort remarqua-
ble,& contient en foy des proprietezforteftran-
ges,qui font qu'elle (ert d'exception à la règle gé-
nérale des Indes. La première eft qu'en toute la
cofte il ne fouftle continuellement qu'vn feul
vent, qui eft le Sud ou Suroeft , contraire à celuy
quiaaccouftumé de courir fous IaTorride. La
féconde eft , qu'eftant ce ventde fa nature le plus
violent, tempeftueux& maladif de tous, neant-
moins il eft en cefte région merueilleufemct gra-
cieux, fain,& agreable,de telle façon que l'on luy
doit attribuer l'habitation de cefte cofte,laquellc
fans doute feroit inhabitable cVennuyeufe,à cau-
fedefachaleur,fiparfonfoufflementellen'eftoic
HISTOIRE MATVRELLE
addoucie.La troifiefme eft que iamais il nepleut,
tonne,neige,ny grefle en toute celle code, qui eft
vnechofe digne d'admiration. Quartement à peu
de diftance delacofteil pleut & neige terrible-
ment. Quintcment il y a deux chaines de monta-
gnes,qui courent l'vne comme l'autre , cV* en vue
mefme hauteur du Pôle , neantmoins en l'vney a
de très-grandes forefts,& y pleut la plus- part de
l'année,eftant fort chaude. L'autre tout au con-
traire eft toute nue & defcouuerte, &: fort froide,
de forte que l'Hyuerov l'Eftèfont départis en ces
deux montagnes, & lespluyes&ïa (crenitémef-
me.Or afin d'entendre mieux cecy,l'on doit con-
fiderer que le Peru eft diuifé comme en trois par-
ties,longues &eftroites, qu'ils appellent Lanos,
Sierras,& Andes. Les Lanos font lacoftede la
mer,laSierra,(ont toutes montagnes,&quelques
vallées, & les Andes font montagnes afpres &c
rudes. Les Lanos, ou codes de la mer,ontquel-
que dix lieues de large , en quelques endroits
moins , & en autres quelque peu dauantage. La
Sierra contient comme vingts lieues en large , &
les Andes autant, tantoftplus,tantoft moins. Ils
courent en leur longueur Nort &Sud,&cn leur
largeur, d'Orient au Ponant. C'eftdonc chofe
merueilleufe , qu'en fi peu de diftance, comme
font cinquante lieues , eigalementefloigr.ees de
laligne, & Pôle, y ait vne fi grande dmeriît; , que
en vn lieu il y plcuue prefque toufiours,& en l'au-
tre il n'y pleuuequafi iamais. Une pleut iamais
en ceftecofteou Lanos, encorqu'ily tôbcquel-
quesfois vne eauë menue, qu'ils appellen; Gua-
rua,t\: en Caltiilc Molliiia, laquelle qùelquesfbis
DES INDES. LIV. III. IIO
fefpaiflk en certaines petites goûtes d'eauë qui
tombe , toutesfois cen'eft point chofeennuyeu-
fe,ny telle,ou'il loit befoin de fe couurir poux ce-
la. Lescouuerturesy font de nattes auecvn peu
deteLTepardcïIus,&leureftchofefufhfante.Aux
Andes préfcjue durant toute Tannée il y pleut,
combien qu'il y ait en vn temps plus de ferenité
qu'en l'autre. En la Sierra,quigift au milieu des
deux extrêmes , il pleut au mefme temps qu'eu
Elpagne , qui eft depuis Septembre iufqnes en
Auril , mais en l'autre îaifon , le temps y eft plus
ferai n, qui eft quand le Soleil en eft plus efloigné,
& le contraire quand il en eft le plus proche, de-
quoy nous auons allez amplement traitte au li-
ure précèdent. Ce qu'ils appellent Andes, & ce
qu'ils appellent Sierra , font deux chaines de mo-
tagnes nes-hautes>qui doiuent courir plus de mil
lieuesà veu'ë l'vnedel'autre, & prefque efgale-
ment. il y a vn nombre infini de vieugnes, qui
nai lient & l'engendrent, aux Sierres , qui font
proprement comme cheures fauuages,fort viftes
8c fort agiles. 1 1 y a mefmes de ces animaux qu'ils
appellent Guanacos & Pacos ,qui font des mou-
tons, qu'on peut aufîi bien dire lesAfnesde ce
pays,dequoy il fera traitte en fon lieu:&aux An-
des fctrouuent des linges fort gentils & plaifàns,
&des perroquets en grande quotité. L'on y trou-
ue aufîi l'herbe, ou arbre qu'ils appellent Coca,
qui eft tant eftimé des Indiens, &c la traite qu'on
en fait y vaut beaucoup d'argen t.Ce qu'ils appcl-
\ Ien t Sierre,fait des vallées es endroits où elle rou-
ure , qui font les meilleures habitations du Peru,
comme eft la vallée de Xauxa , Se d'Andaguaylas,
■
I
HISTOIRE NATVRELLE
& de Yucay. En ces vallées il croift du froument
du mays , &c d'autres forces de frui&s , toutesfois
es vnes moins qu'aux autres Plus outre que la ci-
té de Cufco (qui eftoic anciennement iacour des
Seigneurs de ces royaumes) lesdeuxehainesde
mont.-jgnes que i'ay ducs fc retirent & iejfloignët
dauâtage les vnes des autres, & lai (lent au milieu
vue plaine & large campagne, qu'ils appellent la
prouincedeColl<,o,où il y a grand nombre de ri-
uieres, & beaucoup d'herbages &c paft. tirage s fer-
tile^\ làeftanfîîle grand lac de Titicaca : mais
encor que ce ioit terre pleine, & à la mefme hau-
teur 5c intemperature que la Sicrre , cV qu'il n'y
ait non plus d'arbres ny de forefts, toutesfois le
defantqu'ilsontdupain y cft recompenfé parles
racinesqu'ils femenc,lc(qnellesilsappelhnc Pa-
pas, & croiiîent dedans la terre. Cefte îacineeft le
manger des Indiens. Car les Techansck nettoyans
ils en font ce qu'ils appellent Chugno , qui e(t le
p«in &c nourriture de ces prouinecs. Il y a mefme
d'autres racines & petites herbes qu'ils mangent.
C'eftvne terre faine, & la plus peuplée des Indes,
& la plus riche , pour l'abondance desbeftiaux
qui l'y nourrirent, tâcde 1 efpccemeimedeceux
qui font en Europc,come brebis, vaches, & che-
ures , que de celles du pays qu'ils appellent Gua
nacos,& Pacos,&:y a des perdrix allez abondam-
ment. Apres la prouinec de Collao vient celle de
Charcas, oùilya des vallées chaudes de grande
fertilité, & des roches tres-aipres , lefquelies font
fort riches de mines, tellement qu'en nul endroit
du monde il n'y en a point de meilleures ny de
plus belles.
■■■■■
DES INDES. LIV. Il I.
III
D(m CMtfes qu'ils donne?? t pournuoy il ne pleut
aux lanos ou coftes de la mer.
CHAP. XXI.
^tt&'Avt ant quec'eft ebofe rare 8c extraordi-
ïh&S naire qu'il y ait quelque terre où il ne pleu-
ueiamais,ny tonne, les hommes défirent natu-
rellement feauoir la caufe de telle nouueauté. La
rai(on que donnent quelques vns quiontrecer-
chc&conlîderécecy de pies, eft qu'il ne i'efleue
en cède colle des vapeurs aiïcz groiles Se furlilan-
tes pour engedrer la pluye faute de matière : mais
qu'il y a feulement d;5 vapeurs petites &legeres
qui ne pcuuent engendrer autre chofe que les
broiiillats Se rofees : comme nous voyons eu Eu-
rope qu'il y a bien fouuent au matin-dès vapeurs
qui l'cfleuent , lefquellesncleconuertiirentpas
en pluycs, mais feulement en broiiillats. Ce qui
prouient de la matière qui n'eft point a(Tez grotte
Se fnffifance pour fe tourner en pluye. Et difent
que la caufe pourquoy cela , qui n'aduient qu'au -
cuncsfoisen Europe, arriue continuellement en
la code du Peru , eft pource que cefte région eft:
rres-feche 8c ne rend point de groupes vapeurs.
Onrecognoift fafechereilè parle grand nombre
defablonsquiyfont, & parce que l'on n'y trouue
ny puits ny fontaines , finon en vne très grande
profôditc de quinze ftades(qui eft: la hauteur d'vn
nomme,ou plus) 8c encor eft- ce près des riuieres,
l'eauè dcfquelles pénétrant la terre, eft caufe que
l'on y peut faire des puits. Tellement que l'on a
veu par expérience que le cours des riuieres eftap
I
HISTOIRE NATVRELLE
deftournè,les puits fe font taris iufques à ce- qu'el-
les fulïent retournées en leurs cours ordinaires,
& donnent cefte raifon pour caufe matérielle de
cet ettecb: mais pour la eau fe efficiente ils en ont
vue autre qui n'eft pas moins con(iderable,qui eft
quela hauteur exceffiue de la lierre , qui court
par toute la cofte, porte abry à ces lanos,de tortc
qu'elle empefchc qu'aucun vent n'v fouffle du
codé delà terre,d ce n'eft fi haut qu'il foit par def-
ius les croupes de ces montagnes, au moyen de-
quoy il n'y court qu'vn feul vent, qui el\ ce!uy de
la mer, lequel ne trouuanc point de contraire , ne
prciîe ny exprime point les vapeurs qui f'efleuent
pour en engendrer la pluye,de manière que l'abr y
delaSierre empefeheque les vapeurs ne fefpait-
îiiïent, & fait qu'elles îeconuertilTent toutes en
bruines. Il y a quelques expériences qui fe rap-
portent à ce diicours, d'autant qu'il pleut en quel-
ques collines de la cofte qui ont le moins d'abry,
comme font les roches d'Atico , &d'Arequipa:
me/mes qu'il y a pieu en quelques années que les
Norts ouBrifesy foufïïoient,voire pendant tout
le temps qu'ils durèrent , comme ilarriua en foi-
xante&dix-huicl: auxlanosdc Trugillo , où il
pleut abondamment ; ce qu'ils n'auoient point
veu plulîcursfieclesauparauant. Dauantage,il
pleut en la mefme cofte es lieux où lei Brifes , ou
Norts font ordinaires, comme en Guayaquil', &
es lieux où la terre fe haufle beaucoup ôc fe de?
ûourne de l'ombrage & abry des montagnes,
comme en ceux qui font plus outre queAriqua.
Quelques- vus en difeourent de celle façon, mai s
que enacun en penfc ce qu'il voudra: c'eft vue
DES INDES. L1V. III. 112
choie certaine que dcfccndantdelaSierreen ces
lanos l'on a accouftumé de voir comme deux
ciels, i'vn clair ôc ferain par le haut, & l'autre ob-
fçur,& comme vn voile gris tendu au defïbusjqui
cou ure toute la code: mais encor qu'il n'y pleuuc
pss, cefte bruine y eftmeiueilleuiement profita-
ble pour produire de l'herbe , & pour efleuer , ôc
nourrir les iemenccs:car encor qu'ils ayentl'eaue'
au pied tant qu'ils veulent qu'ils tirent des edags
oulacs, toutesfois cède humidité du ciclavne
telle vertu, que cédant de tomber fur la terre, elle
caule vue grande incommodité Ôc diminution
aux grains ôc temences. Etcequi eftplusdigne
d Admiration, les iablonsfecs & dénies par cède
rolee ou bruine le rcuedent d'herbes ôc de fleurs,
qui elt vue choie plaifante ôc agréable à voir, &
de grande vtilité pour les pafturagcs du beftial,
comme l'on void en la montagne, qu'ils appel-
lent de (àblon,prochede la cité des Rois.
Dr U propriété de lu neufue £fpdgne3des
{(les cr des autres terres.
CHAP. XXII.
&>$$ A neufue Efpagne furpafle les ancres pro-
ÇMil uinecs en pa&urages , qui caufe qu'ily a vn
nombre infini de troupes de cheuaux, vaches,
brebis ôc autres bediaux. Elle eft fort abondante
enfrui&s, ôc en toute forte degrain; enfomme
c'eft la terre la mieux pourueuë,& la plus accom-
plie qui (bit es Indes. Toutcsfois le Peru lafur-
pallc en vne choft,qui cft au vin,pource qu'il y en
HISTOIRE NATVRELLE
croift abondamment,& de bon,& de iour en ionr
les vignes y vont mulciplianc & augmentant, les-
quelles croifTent aux vallées fore chaudes où il y a
arrouiemcntd'eaucs. Et combien qu'il y ait des
vignes en laneuhie Efpagne, toutes foi§ le râifi a
n'y vient point en la maturité propre &conue-
nable pour en faire du vin. La came eft pourec
qu'il pleut par delà en luillet de Aouft , qui eft.
quand le raifmmcurit : c'ell pourqnoy il ne pat-
inent à la maturité. Que fi par curio fi té l'on vou-
loitprendrela peined'en faire du vin, il lèroir co-
rne celuy du Geneuoisex: de Lombardie , qui ell
fort petite*: fortalpre, ayant vn gouft comme de
verdjus. Les ifies qu'ils appellent de Barlouente,
qui font l'Eipagnole, Cube, Port-riche & autres
en ces enuirons, font ornées de beaucoup de ver -
dure,& pafturages , & font abondantes en berbal,
içauoiï eH de vaches,& de porcs,qui y font ueue-
nus fumages. Laricheflede ces ifles font, les en-
gins de fiicre,& les cuirs. Il y a beaucoup de callè,
nftulle,& de gingembre. Et ell chofe incroyable
de voir le grand nombre de ces marchandises que
l'on enleue en vue flotte , n'eftant quafi pas vray-
femblable, qu'en .toute l'Europe on en peufttant
gafter. Ils en enleuent mefme du bois de qualité
& de couleur excellente,comme rebene,& autres
qui feruent aux édifices & menuyferie. Il en y a
beaucoup qu'Us appellent, lignum fanEium , ou
guayâc propre pour guarir la verolle. Toutes ces
ifles &c celles qui font en ces enuirons qui font en
très-grand nombre,ont vn très beau Si très plai-
fant re gard,pource que durant toute l'année elles
font rcueftuës d'herbes &darbrcs3teiiernét qu'ils
nepeu-
DES INDES. LIV. III. 113
nepcuuenc diicerner quand il eft Automne, ou
Eftc , pour la continuelle humidité qui y eft ioin-
teauec la chaleur de la Torride, Se combien que
cède terre Toit de tres-grâdc eftenduë , il y a neat-
moins peu d habitations,d'autantque delle-met
me elle engendre de grands Arcabutos, qu'ils ap-
pellcnt,qui (ont des bois,ou taillis fort elpais , Se
qu'il y a beaucoup de marefeages & bourbiers es
plaines. Ils donnent vne autre raifon notable, de
ce qu'elles font peu habitées , qui eft d'autat qu'il
y eft reftéfort peu d'Indiens naturels,par l'incon-
iideration Se defordre d-es premiers conquefteurs
oc peupleurs; parquoy ils le feruent la plus grand'
part de Nègres , mais ils couftent cher, à caufe
qu'ils font t'ont propres àcultiuer la terre. Une
croift ny pain , ny vin en ces iiles , pource que la
trop grande fertilité Se vice de la terre ne les laif-
fegrener, mais elle jette le tout en herbe fort in-
également. Il n'y a non plus d'oliuiers,au moins
ils ne portent point d'oliues, mais beaucoup de
fueilles vertes, & plaçantes à la veuë, qui toutes-
fois n'apportent aucun fruid. Le pain dont ils
vient eft de la Cacaue , de laquelle nous dirons en
ion lieu. Il y a de l'or es riuieres de ces ifles , que
quelques-vns tircnt,mais c'eft en petite quantité,
par faute de naturels qui l'approntcnt. I'ay efté
peu moins d'vn an en ces ifles, & à ce qui m'a elle
raeoté de la terre ferme des Indes,où ie n'ay point
eftéjCommela Floride,Nicaragua,Guatimalla,&
autres, i'ay entendu Se apprins qu'elle eft prefque
de cefte qualité que i'ay dite. Toutesfois ie ne
mets les choies plus particulières de nature, qui
iont eu ces prouinces déterre ferme, pour n'en
P
HISTOIRE NATVRELLE
auoir parfaite cognoiflTance. La terre qui plusre£
fembleà l'Efpagne , &c aux régions de l'Europe,
en toutes les Indes Occidentales , eft le royaume
de Chillé , qui ell hors de la règle générale de ces
autres régions, d'autant qu'il eft iîtué hors laTor-
ride & le Tropique de Capricorne. Cède terre de
foy eft fraifchc Se fertile, ôc produit de toutes les
cfpeces defiuictsqui font en Efpagne,&rappor-
teaufîîgrande nbondance depain &-de vin,com-
me mefme elle abonde enpafturages ôc beftial.
Le ciel y eft fain&rferain, entre le chaud 8c le
froid. L'Hyuer &c l'Efté y eft parfaitement, ôc C'y
trouue grade quantité d'or qui eft tresfin.Neant-
moins cefte terre eft panure & peu peuplée , pour
la guerre continuelle que les Auracanes ôc leurs
alliez y font, d'autant que ce (ont des Indiens ro-
buftcs,& amis de leur liberté.
De h terre inco^ncuc, & de la éiuérjit éa vh ib'ttr
entier qui eft entre les Orientaux
& Occidentaux.
C H A P. XXIII.
Z&& Lyade grandes coniedures qu'en la Zone
taJiM tempérée , qui eft au Pôle Antarctique , il y
ai t des terres grandes ôc fertiles , mais iufques au-
îourd'huy elles ne iontdefcouuertes , &neco-
gnoift-on d'autres terres en cefte Zone , que telle
de Chillé , ôc quelque partie de la terre qui coure
d'Ethiopieau Cap de bonne Efperance, comme
il a efte dit au premier Hure. On fçait aufïi peu ('il
y a habitation aux deux autres Zones ou Poles,&
fila terre continue &paruient iufques à celle du
cofte de l'Autarcique ou Sud. L'on ne cognoift
DES INDES. L IV. III. I14
pas mefme la terre qui gift palle le deftroit de Ma-
gellan , d'autan c que la plus grande hauteurque
l'on acogneucd'iccllc eft decinquarc fïxdegrez,
ainfi qu'il eft ditcy-deuant, &du codé du pôle
Arctique ou Nort,n'en fçait-on non plus iniques
où va la terre , qui court pall'é le Cap de Mendo-
çin&:lesCalliphornes,iiyles bornes & fin delà
Floride , 6c iulqucsoù elle peut i'eftendrevers
l'Occident. Il y a peu de temps qwel'onadefcou-
uert vnenouuclleteire, qu'ils appellent le nou-
11 eau Mexique, où ils diîe'nt qu'il y a beaucoup
de peuples qui parlent la langue des Mexiquains.
Les Philippines 6c les iflesiuiuanteSj comme ra-
content aucuns qui le içauent par expérience,
courent plus de neuf cents lieues : mais de trait-
ter deIaChine,Cochinchine , &Syam,& autres
régions qui (ont de l'Inde Orientale, ce feroit co-
tre mon. intention , qui eft feulement de ttaitter
des Occidentales. L'on necognoift pas mefme la
plus grand part de l'Amérique qui gift entre le
Pcru& le Brcfil, combien que de toutes parts
l'on en cognoilîcles bornes.Surquoy il y adiuer-
fes •pinions des vns 6c des autres , qui difent que
tout eft vne terre noy ce, pleine de lacs 8c de lieux
aquatiques. D'autres afferment qu'il y a de grands
& fleuri iîan s royaumes, fimaginans que là (ont
le Paytitijle Dorado,&lesCefars , où ils difent
qu'il y a des chofes merueillcufes. I'ay ouy dire à
vndenoftre compagnie, homme digne de foy,
qu'ilyauoit veu de grandes habitations, ôc des
chemins autant rompus Se battus comme fonc
ceux de Salamanquea Vailladolic, ce qu'il veid
alors que Pierre d'Orfua , ôc depuis luy ceux
pij
HISTOIRE NATVRELLE
quiluyfuccedercnt firent l'cncree& defcouuer-
te, par la grande nuiere des Amazones, le(quels
croyansque leDorado qu'ils cherchoienteftoit
plus auant,ne fe foucieuent de peupler là,«& 2pres
demeurèrent fans le Dorado qu'ils ne trouuerenc
point, &fans cef\c grande prouincequ'ilslaille-
rent. Devray c'eftehofe iufques auiourd'huj ca-
chée, que l'habitation de l'Amérique, excepeé les
extremitez,qui font le Peruje Biefil , ik l'endroit
où la terre commence à f'eftrefllr , qui e(l en la ri-
uiere d'argent , puis Tucuman , qui fait le tour à
Chillèj&auxCbarcas. Ilya fort pende t?mps
que nous auons entendu par lettres des mûres
qui cheminent en faincte Croix dclaSierrc,que
l'on vadcfcouurant de grandes prouinces 5c ha-
bitations qui tombent en cette partie , qui cft en-
tre le Bcefil & le Peru. Le temps les defcouurira,
eau comme la diligence &hardielïe des hommes
eftauiourd'huy grande à vouloir circuir lemon-
de d'vne parc ôc d'autre , nous pouuos croire que
tout ainfi que l'on a defcouuert tout ce qui eit
cogneu iufques à prclent , l'on pourra de mefmc
defcouurir ce qui refte,afin que le faind Euiy gile
foit annoncé àlVrauerfe-l monde, puis que deha
les deux couronnes de Portugal, & de Caiille fe
font rencontrées par l'Orient ôc par le Ponant,
iufques à ioindre leurs defcouuertures enfemble,
qui eftà la vérité vnechofe remarquable, que les
vns foient paruenus iufques en la Chine , 5c Iap-
pon par l'Orient, ôc les autres aux Philippines,
qui font voifines & prefqne continues à. a Chi-
ne,par l'Occident. Car cfe l'ifle de Lu(Tbn,qui eft
la principale des Philippines , où eîllaciccdc
DES INDES. LIV. III. Ilf
Mammille,iufques à Macan,qui eftl'ifle de Cau-
ton, il n'y a que quatre vingts ou cent lieues de
mer entre deux , &: trouue chofe merueilleufe,
qu'encore qu'il y ait il peu de diftancede l'vn à
l'autre jl y a neatmoins,felon leur conte , vn iour
entier de différence entr'eux> de forte qu'il eft Di-
manche à Macan , lors qu'à Mammilleileft Sa-
medy,&: ainfi du relie. Ceux de Macan & la Chi-
ne ont vniouraduancé, 6V ceux des Philippines
en ont vn retardé. Il aduintau Père Allonlè San-
chés j duquclileft fait mention cy-deuant, que
partant des Philippines il arriua à Macan le deu-
xiefmeiourdeMay félon fon conte , &voulant
dire l'office de fainct Athanafe,uouua qu'ils cele-
broient lafefte de l'Inuention fainde Croix,par-
cequ'ilscontoicnt làletroifîefmede May. Illuy
en aduint tout autant en vn autre voyage qu'il fit
par delà. Quelques- vns ont trouue cède varia-
tion Ôc diuerfité eftrange , & leur femble que cela
procède de la faute des vns, ou des autres, ce qui
n'eft pas toutesfois:mais eft vn conte vray & bien
obferué:car fuiuant la différence des chemins par
oùdntefté les vns & les autres, il faut neceUai re-
ment dire, que quand l'on fe rencontreon doit
auoirvn iour de différence. La raifon eft pource
que nauigeat d'Occident à l'OrientJ'on va tou£
ioursgaiguantleiour, & trouue l'on pluftoftle
leuer du Soleil, 8c au contraire ceux qui nauigenc
d'Orientau Ponant , vofïttoufiours perdant le
iour,&fcn retirent arrière, pourcequele Soleil
de plus en plus leur va leuant plus tard,& comme
plus ils vont approchant du Leuant ou Ponant,
plus ils ont le iour toft ou tara. Au Peru, quiet!
Piij
HISTOIRE NATVRELLE
Occidcinal,aurefpectderEfpagnc,rony dcmcu^
rc de plus de fix heures arrière: de façon que quad
il eft midy en Efpagne , il eu: aube ou poincT: du
iour au Peru; & quand l'aube du ionr ell pardeça,
la my-nuict (etrouue eurc par delà. I'ay fait preu-
ue certaine de cela , par la computation desccli-
pfesdu Soleil & de la Lune. Maintenant doc que
les Portugais ont fait leur nauigaiion d'Occident
àl'Orient,&les Caftillans d'Orient enOccidenc,
quand ils le Survenus à iomdre Se rencontrer,
quia efté aux Philippines fie Macan, lesvnsonc
gaigné douze heures d'aduance, & les autres en
ont perdu tout autant. Par ainfi en vn mclme
poinct& en vnmcfmc temps ils trouuent la dif-
férence de viugt heures, qui cft vn iour entier. Au
moyen dequoy neceflairemenc les vns font au
troificfmede May , quand les autres content le
deuxiefme,& quand les vns îeufnentleSamedy
Sainctjlcs autres mangent de la cha ir pour le iour
de la Refurrecfcion. Que li nous voulons teindre
qu'ils palfalFent plus outre , tournoyas encor vue
autre fois le monde, «Se qu'ils vlailentdu mefmc
conte, quand ils retourneroient à le ioindre ils fc
trouucroient au (ÎI bien par leur mefme conte en
deux iours de diflferéce. Car, comme i'ay dit,ceux
qui vont au leuer du Soleil vont contant le iour
pluftoft , comme le Soleil leur va leuant pluftoit,
& ceux qui vont au couchant au contraire vont
contant le iour plus tard, d'autant qu'il leur va
fortant plus tard. Finalement la diueriîtc des mi-
dis fait le diuers conte des iours. Et d'autant que
ceux qui vont nauigeans du Leuant au Ponant,
vont changeant leurs midis fans le fentir, & touC
DES INDES. LIV. III. Il6
icut's neantmoins pourfuiuem le mefme conte
où ils fe trouuent quand ils partent,il eft neceiïài-
requ'acheuant le circuit du monde ils trouuent
fauce à leur conte d'vn iour entier.
Des Volcans ou bouches de feu,
CHAP. XXIIII.
&r® Ombien que l'on trouue en d'autres en-
©fca droits des bouches de feu, comme le mont
Atns.Sc Vvefuuio,qu'auiourd'huy ils appellent
le mont de Soma, neantmoins c'eft choie remar-
quable que ce qui fe trouue es Indes. Ordinaire-
ment ces Volcans font rochers ou pics de mon-
tagnes très-hautes qui Pefleuët par delîus les fom-
mets de toutes les autres montagnes. Ils ont en
leurs fommitez vn e planure, &c au milieu vne fo£
fe ou grande bouche qui defeend iufques au pro-
fond ou pied d'icelle,qui eft chofeefpouuentable
à voir. De ces bouches il fort delà fumee,&:quel-
quesfois du feu. Il y en a quelques- vns qui jettent
bien peu de fumée, & prefque n'ont aucune for-
me de VolcanSjComme eft celuy d'Arequipa, qui
eft d'vne hauteur defmefuree, & prefque du tout
de fable qui ne fe peut monter en moins de deux
iours,neantmoinsonn'yatrouuéaucun»apparé-
ce de feu,mais feulement les veftiges de quelques
facrifices quefaifoient là les Indiens lors qu'ils
eftoict Gctils,& quelque peu de fumec qu'il ictte
quelquesfois.I|e Volcan de Mexique,qui eft pro-
che du bourg des Anges,eft auffi d'y ne hauteur ad-
mirable où l'on môte trente lieues en tournoyât.
P iiij
HISTOIRE NATVRELLE
De ce Volcan fort , non pas continucllcmcnr,
mais de fois à autre , Se prefquc chaque iour , vne
groflTe exhalation Se tourbillon de himee qui fort
droit en haut comme vn trait d'arbalefte , qui par
après fe fait femblableà vn très grand plumage
iufqnes â ce qu'il celfe du tout , & auiïi toft fe re-
foult en vne nuée noire Se obfcure.Plus commu-
nément elle fort au matin après le leucr du Soleil,
& au foir quand il fe couche , encor que l'en ay
veu fortir en autres heures. Il fort auffi quelques-
fois après cède fumée beaucoup de cendres. De
feu l'on n'enaencorveu fortir iniques à prefent,
toutesfois Ton a crainte qu'il Ae forte Se brufle la
terre qui eft à rentour,laquelle eft la meilleure de
tout le royaume. Et tient-on pour certain qu'il y
a quelque correfpondance entre ce Volcan & la
Sierre deTlaxcah , qui en eft allez proche, qui
caufcles tonnerres Se efclairs fi grands que l'on
void&r oit ordinairement en ces parties. Quel-
ques Efpagnols ont monté en ce Volcan,lefquels
ontrapportédelamine ou terre du foulfrepour
faire de la poudre. Cortez raconte la diligence
qu'il a faite pour defcouurirce qu'il y auoit en ce
Volcan. Les Volcans de Guacimalla four plus re-
nommezjtant pour leur grandeur &hauteur,que
les nauigeans en la mer du Sud defcouurcnt de
fort loin,que pour refpouuentement Se violence
des feux qu'ils jettent de i'oy. Ilarriuaau23.de
Décembre de l'an parte i^86. que toute la cité de
Guatimallaprefque tomba d'vn tremblement de
terre,où demeurèrent mefmes quelques perfan-
ncs.Uy auoit défia Cix mois que de iour &de ntiicl:
ie Volcan ne ceuoic de jeteer par lclum, Se corn-
DES INDES. 1IV. III. 117
me vomir vn fleuue de feu, la matière duquel to-
bante aux coftez du Volcan, feconuertilToit en
cendre comme terre bruflee(cho(e qui furpafle le
hibernent humain d'entendre comme ilpeut ti-
rer de Ton centre tant de matières qu'il jettoic
hors de foy durant- ces (îx mois: pource qu'il n'a-
uoit accoutumé de jerter que de la fumée, Se non
pas toujours , mais qnelquesfois de petites flam.
mefehes. Cela me fat eferit eftant en Mexique,
parvn Secrétaire de l'Audience de Guatimalk,
home digne de foy , voire n'auoitpaseucoralors
celTé ce Volcan de jetter ces feux queiedy. Ces
ans paiïez me trouuant en Quitto en la Cité des
Rois, le Volcan qu'ils ont proche jettoit tant de
cédre^u'en beaucoup de lieux en circuit il pleut
tant de cendre, qu'elle obfcurciflbitla lueur du
iour,&: en tomba telleabondace en Quitto, qu'il
n'eftoitpoflible de cheminer parles rués. L'on a
veu d'autres Volcans qui ne jettent ny flamme ny
fumee,ny cendre mefme,mais l'on lesvoid bruf-
ler au fonds d'vne viue flamme, (ans famortir : de
telle façoeftoiteeluy qu'en noftre temps vn Pre-
ftre cupide &auaricieux fe perfuadaquece qu'il
voyoitbruflant eftoientmalfesd'or, iugeant en
foy-mefme que cène pouuoiteftre autre métal,
ny matière, chofe qui depuis tant d'années ardoit
fans fe confommer , Se eftant en cefte pcrfuafîon,
il fit de certaines chaudières Se chaînes, auec ne
fçayquelinflrument pour cueillir Se retirer l'or
de ce puits ou Volcan : mais le feu fe moqua de
luy , pource que la chai ne de fer, «Se la chaudière
n'approchoientpaspluftoftdufeu, qu'auflî toft:
elles ne le defitfent c^fullenc coupées comme Ci
HISTOIRE NATVRELLE
ceufteftcdeseftoupes. Ceneantmoinson me die
que ce perfonnage i'obftinoit toufiours , & alloic
recherchant d'autres inuentiôs pour tirer & pui-
fer cet or qu'il imaginoir.
Quelle efi la caufcpourauoy le feu & lafumee durent
fi long temps en ces Volcans.
CHAP. XXV.
L n'eft ja befoin de faire mention des au-
res Volcans , puis que par les delîufdits
l'on peut entendre ce qui en eft, toutesfoisc'eft
choie digne de rechercher quelle eftlacaufe qui
fait durer le feu & lafumee en ces Volcans:pour-
ce qu'il fcmble que ce foit chofe prodigieufe,voi
re qui excède le cours naturel de ietter de leur
eftomach tant de flammes comme ils envomif-
fent. D'où procède cefte maticre,qui la leur don-
ne,oucommeeft-elleengcndreeIàdedans?Quel-
ques vus ont eu opinion que ces Volcans vont
confommant la matière intérieure qu'ils ont de
leur naturc,& croyent pour cefte caufe que natu-
rellement ils prendront fin, quand ils aurot con-
fomtné le bois , par manière de dire,qu'ils ont en
eux.Suiuant cefte opinion, l'on voidauiourd'huy
quelques montagnes ou rochers,d'où l'on tire de
la pierre bruflee, qui eft fort légère , mais fort du-
re , & eft excellente à faire édifices & baftimens,
comme eelleque l'on apporte en Mexique pour
baftir.Et en effect il y a des apparences à ce qu'on
dit,que ces montagnes ou rochers onteu autres-
fois yri feu naturel,qui Peft efteint après la matiè-
re côfommce.Et par ainil ces pierres font demeu-
DES INDES. L IV. Il I. II 8
rces bruflees 6c pénétrées du feu , comme on les
void. Quant cil de moy,ie neveux pas contredire
qu'il ny ait euautresfois du feu, ou qu'c ces lieux
au temps parTé iln'yaiteudes Volcans. Mais ce
m'eft choie difficile à croire qu'il en (oie ainfide
tous les Volcans, veu que la matière qu'ils met-
tent hors,e(lqua(ï infinie, 6c qu'elle ne pourroit
pluseftatîtamalieeenfemble,e(he comprifedans
celle concauité mefme dont elle fort. Outre cela
il y a des Volcans}qui eu centaines, voire milliers
d'années , font toujours d'vne mefme façon , jet-
tans continuellement de la fumée, du feu, & delà
cendre. Pline hilloriographe naturel (lelonque
réfère l'autre Pline fo:i nepueu) recherchant ce
lecret pourvoir commefe pafï'oit ceftearFairc , 8c
Rapprochant de trop près de l'exhalation du feu
de l'vn de ces Volcans, mourut, & penfant en ve-
nirà bout par (a diligence, vint à bout deia vie.
Pour moy fur celle confideration iepenfe, &e(l
mon opinion , que comme il y a des lieux en la
terre qui ont la vertu d'attirer à foy la matière va-
poreufe, &delaconuertirjieneauc,qui faut les
fontaines lefquelles touliours decoulent,& touf-
iours ont dequoy découler , entaht qu'elles atti-
rent à foy la matière de l'eauc : aulîi de mefme il y
adeslieuxquiontla propriété d'attirer à eux les
exhalations chaudes , &de les conuertiren feu
&en fumec , ôc par leur force 6c violence iet-
tent mefme d'autres matières efp ailles qui fe rr-
foluent en cendre, en pierre de ponce, ou autre
matière femblable,& qui eft vnargument iuffi-
fant,qu'és Volcans cela foie ainfi,c'eft qu'ils iettet
en certain temps de la fumée, non pas touliours,
HISTOIRE NATVRELLE
& e« certain temps du feja,& non tou(îours,qui
eft félon qu'ils ont peu attirer à foy & digérer,
comme les fontaines en temps d'Hyuer abonder,
& en Efté diminuét,voire quelques vneslechenc
du tout félon la force & vigueur qu'elles ont, &
félon la matière qui fe prefente : ainfi eft- il de ce
qucces Volcans endiuers temps jettent du feu,
plus ou moins. Lesautres diient que c'eft le feu
d'enfer,&: qu'il fort par là pour feruir d'aduertif-
fement,afin deconfiderer par là ce qui eft en l'au-
tre vie:mais C\ Tenter, comme tiennent les Théo-
logiens , eft au centre de la terre, laquelle tient de
diamètre plus de deux mille lieues , l'on ne peut
pas iuger que ce feu foit du centre , dautant plus
que le feu d'enfer, félon que fainft Bafile & aucres
enfeignent, eft fort différent deceftuiquenous
voyons, pourcc qu'il eft fans lumière, & ard &
brufle fans comparaifon plus quelenoftre. Ainfi
ie conclus que ce que i'ay dit me femble plus rai-
fonnable.
Des tremblemens de terre.
c H AP. XXVI.
?/K$ Velques-vns ont peu fé que de ces Volcans
fësâ qui font es Indes procèdent les tremble-
mens de terie,alïez frequens par delà : mais parce
qu'ils viennent ordinairement es lieux qui font
efloignez de ces Volcans, ce n'en peut pas eftre la
caufe totale. Il eft bien vray qu'ils ont certaine
forme &: fympathieles vnsauecles autres:pour-
ce que les exhalations chaudes quifengendrent
es intimes concauitez de la terre,fcmblent eftre la
(■■•■■■■■■■mi
D ES I ND ES. LI V. III. 119
principale matière du feu dcces Volcans, par les-
quels mefmes l'allume vnc autre matière plus
grofTe,& rend ces apparences de flamme & fumée
qui fortent. Etcesmelmes exhalations ne trou-
uans au dedâs de la terreaucune forueaifee, meu-
uent la terre pour fortir auccvne grande violen-
ce, d'où vient le bruit horrible qu'on entend au,
deiFous de la terre , Se mefme le mouuement de la
terre, citant agiteedecefte brullanteexhalarion.
Tout ainfi comme la poudre à canon es mines &
artifices, eftant toucn.ee du feu rompt les roches
8c les murailles : & comme la chaftaignemife au
feu fauce & fe rompt en faillit bruit , lors qu'elle
iette ctehors l'air qui eft enferme dedas fou efcor-
ce,par la vigueur du feu. Audi le plus ordinaire-
ment ces trcmblcmens de terre ontaccouftumé
d'adueniraux endroits maritimes, qui font voi-
lànsdel'eaue. Comme l'onvoid en l'Europe, &
aux Indes, que les bourgs &villespluseiloignees
de la mer & des eaux fentent moins cetrauail,&
au contraire ceux qui font es ports de mer, es ri-
uieres,és coftes,& es lieux qui en font voilîns, en-
durent plus celle calamité, lied aduenuauPeru
vne chofe merueilleufe,& digne de noter,fçauoir
qu'il y a eu des tremblemes de terre qui ont cou-
ru depuis Chillé , iufques à Qukto, qui font plus
de cinq cents lieues , iedy des plus grandes donc
on ait ouy parler , car les autres moindres y font
affez ordinaires. En la code de Chillé (.ilneme
fouuient quelle année) fut yn tremblemetde ter-
re fi terrible , qu'il renuerfa les montagnes entie-
rcs,6c par ce moyen empcfcha le courant des fleu-
ues,qu 'il conuertit en lacs, il abbatit des villes, Se
HISTOIRE NATVRELLE
tua grâd nombre d'hom mes jfailantfortir la mer
de.fon lieu quelques lieues bien auanc, de façon
qu'elle tailla les n au ires à.ièc,bien loing de la rade
ordinaire, & piulîeurs ancres choies tnltes, éVef-
pouuantables.Etfi bien m'en iouuienc, ilsdifent
que le trouble & efmocionqueficcecembleméc,
courut trois cens lieues,lc long de la code. A peu
de temps de là . qui hit l'an de quatre vingts deux,
vint le tremblement d'Arequipa,quiabbacic &
ruina prcfquc toute celle ville là. Du depuis en l'a
quatre vintsfix,leneufie(me de Iuillec,aduintvn
autre tremblement en la cité des Roy s, lequel fé-
lon qu'elcriuit le Viccroy , auoit couru le long
de la code cent foixante& dix lieiies , cVdetra-
uers dedanslaSierrecinquantelieiies. Lamiferi-
corde du Seigneur fut grande en ce tremblement,
de prcuenirle peuple par vn grand bruit, qu'ils
ouvrent quelque peu deuant le tremblement, 6V
comme ad oectis par les expériences payées, in-
continent le mirent en lauuctc , (ortanc es rues,
places & iardins , finalement es lieux deicou-
uerts , par ainfi encor qu'elle ruina beaucoup la-
dite ville, de que les principaux édifices d'icelle
tombèrent, ou furent à demy ruinez, neantmoins
on dit qu'il n'y demeura que quinze ou vingrper-
fonnes ieulement de tout le peuple. Il iîceu la
merlemeime trouble 6V mouucment qu'auoit
faict celuy de C trille, qui fut incontinent après
le tremblement déterre , (î que l'on veid la mer
fortit funeufe Se bondiilante de fes riuages,& en-
trer au dedans de la terre prefque deux lieues
auant: car elle monta plus de quatorze brades , 6V
couuiic toute celte plage, tant que Ici digues &
DES INDES. LIV. III. IXO
pièces de bois qui eftoiéc là , nageoient en l'eau'é.
En après l'an enfumant , il y eue c.ncor vu autre
trcmblemét de terre au royaume &" cité de Quit-
te, Se femble que tous ces notables tremblemens
de terre en cc(lecofte,ayent fucccdc les vnsaux
autres par ordre, & de raid elle eft. iubiecte à ces
inconueniens. C'eft pourquoy encor qu'en la co-
de du Peru ils ne (oient tourmentez du Ciel, des
tonnerres & fondres,ils ne laiifent pas toutesfois
d'auoir de la crainte ducofté de la terre, &ainii
chacun a deuant foyàveu'ê d'oeil lés hérauts de la
diuine iuHice,afin de craindre Dieu. Car,comme
dicTEfçritiîré , tecit bkcMt timeatnr. Retournant Ecclefa.
donc à noftre propos, iedy que les lieux mariti-
mes lont plus fubiects à ces tremblemens, dont
la eau le eft, comme il me femble, que l'eau'é bou-
che &z eftoupe les conduits &c ouucrtures de la
terre,par oùledeuroient exhaler & forcir les ex-
halations chaudes qui ('engendrent en icelle. Et
melmcquerhumiditéefpaiiïifsât la fjperhciede
la terrerait que les fumées &c exhalations chaudes
ferederrent & fc rencontrent plus violemment
là dedans,qui par après viennet à rompre en Pen-
flammant. Quelques-vns ont obferué que tels
tremblemés de terre ont accouftumé de i'cfmou-
uoir, lors qu'il vient vn temps pluuieux , aptes
quelques feches années. D'où vient que l'ondi»
quelestréblemcs déterre font plus rares es lieux
où il y agi ad nombre & quantité de puits, cequi
eftapprouué par l'expérience. Ceux delacitédc
Mexiqueont opinion que le lac fur lequel elle
eftfituée, caufeles tremblemens de terre qui y
furuienncnt,cncor qu'ils n'y foienc pas beaucoup
HISTOIRE NATYRELLE
violens , &c'ell chofe certaine que les villes &
prouinces fiiueesanant dedans les terres, «Scqui
font plus efîoignees de la mer, reçoiuent quel-
quefois de grands dommages de ces cremblcmës,
comme'acitéde Chachapoyas aux Indes ,&: en
Italie celle de Ferrarc , encor que fur cefubïecl il
femble que celle cy pour eftre voifine d'vnc ri-
uiere, 6c n'eftre pas auffî fort efloigneedela mer
Adriatique, doiuepluftoftcftre mifeaunombre
des villes maritimes. En l'an mil cinq cens quatre
vingts &c vn,en Chuguiano , cite du Peru , autre-
ment appellée la Paix , arnua vn cas fort eftrange
fur ce propos. c'eftqu'vn bourg,appellé Angoan-
go, auquel habitoient pluiieuis Indiens enchan-
teurs & Idolâtres , tomba inopinément en ruine,
de forte que vne grande parrie de ce bourg fut
enleuée Se emportée, dont plusieurs de ces In-
diens furent elloufez,& ce qui femble incroyable
(neantmoins attefté par pcr'onn.iges dignes de
foy)la terre qui fe ruina Se qui f abbatitainiï,cou~
rut &:c#ulamrlepays l'efpace d'vne lieue & de-
mie, comme Ci c'euft eflé de feaue ou de la cire
fondue de faço qu'elle boucha & remplit vn lac,
&demeuraainiïeftenduc parmy toute celte con-
trée.
Comme la terre & la merf'embraffent l'vn l'autre.
CHAP. XXV II.
Mfô'Acheueray par ceft. élément de la terre, le
joignant auec le précèdent de i'caue,rordre
&embra(rementdefquelseftdefoy certainement
admirable. Ces deux éléments ont vne mefme
Sphère
DES INDE S. LIV. UI. m
'Sphère départie cnir'eux, 8c fevontembrairans
&iccollans en miileraçôs& manières. Par quel-
ques endroits l'eauë combat furieufement later-
re,comme Ton ennemie, & en autres, elle la vient
euceindred'vnetaçon toit douce & amiable. Il y
ades lieux oùlamer vient entrer dedansla terre
bien allant , comme venant la vifiter,&: d'autres
efquels la terre le recompenfe, jettanten la mer
les caps , pointes , 8c langues auaneces , qui Vont
pénétrant iufques aux entrailles. En quelques en-
droits l'vnelemét i'acheue,&: l'autre le commen-
ce, fedonnant place peu à peu l'vn à l'autre. Aux
autres chaicuns d'eux (lors qu'ils le ioignent) ont
vne très- grande protondeur , 8c efleuation,com-
me il fe trouue des ifles en la mer du Sud , 8c mef-
me en la mer du Nortjdciquelles les nauires l'ap-
prochent tout contre. Et quoy qu'ils y jettent la
fonde en foixante Se dix ôVquatre vingts braiïèes,
fi ell- ce qu'ils n'y trouuent point de fonds. Qui
fait iuger que ce font comme des pics ou pointes
de terre, qui montent du, profond, 8c feilcuent
en haut, choie digne de grande admiration. Ace
propos me dit vn pilote fort expérimenté, que les
Ifles qu'ils appellent des loups, & d'autres, qui
font fur le commencement de la cofte de la neuf-
ue Efpagne, qu'ils appellent des Cocos, eftoient
de celle mefme façon. Dauantage,ilie trouue vn
endroit au milieu du grand Occa, horsdelaveuë
déterre , Scefloigné d'icellcde pluficurs lieues,
auquel l'on void comme deux tours,ou pics, d'v-
ne roche fort haut efleuez , qui fortent du milieu
de la mer , &:neantmoinsioignanticellel'onnc
peut trouuer ny fonds ny terre. L'on ne peut
*
HISTOIRE NATVRELLE
cncor certainement comprendre, ny rccognoi-
ftre quelle eft la forme entière & parfaite de la
terre des Indes, poum'auoir efté les extremitez
d'icclies du tout defcouuertes iufqu'à prefent.
Neantmoins nous pouuons dire comme à tra-
uers, qu'elle peut eftre comme vn cœur auec les
poulmons. Le plus large de ce cœur eft du Brelîl
auPeru, la pointe au deftroit de Magellan, & le
haut où il facheue eft la terre fet me,& de là com-
mence le continent à Peilargir peu àpeu,iufques
à arriuer à la hauteur de la Floride ôc terres fupe-
rieurcs, qui ne (ont cncor bien cogneuës. L'on
pourra entendre d'autres particularitez de cefte
terre des Indes , par les commentaires que les Es-
pagnols ont eferit de leur fuccez Se defcouuertes,
&c entre autre de la pérégrination que iay eferite,
qui à la vérité eft eftrange , Se en peut dôner beau-
coup de cognoillance, ôc eft ce qui m'a femblé
fuffireà pre(ent pour donner quelque intelligen-
ce des chofes des Indes,quant aux communs elc-
mens , defquels toutes les parties du monde font
formées & compofees.
HZ
LIVRE QVATRIE-
ME DE L'HISTOIRE NA-
TVRELLE ET MORALE
des Indes.
CHAPITRE PREMIER.
De trois genres de >nixtesiouco?pf>ofe%k , dont ic
dois traitter en ceslc biflotre.
Yant traittéau liure précèdent
de ce qui touche les elemens, 8c
les amples des Indes, nous par-
lerons en ce prefent liure des
mixtes &: des compofez, entant
qu'il nous iemblera conucnablc
aufujecr. dont nous voulons traitter. Et com-
bien qu'il y ait beaucoup d'autres genres diuers,
nous réduirons toutesfois cefte matière en trois,
qui feront les metaux,lesplantes,& les animaux.
Orlesmeraux font comme des plantes couuer-
tes 8c cachées dedans les entrailles de la terre, qui
ont quelque relfemblanceentr'eux, en la forme
8c manière de leur production : d'autant que l'on
voit 8c recognoift mefmc entre eux des rameaux,
& comme vn tronc, duquel ils naiflent 8c procè-
dent, qui font las grolfes veines & les moindres,
tellement qu'ils ont entr'eux vne lvailon telle,
Qjj
HISTOIRE NATVRELLE
qu'il femble proprement que ces minéraux croif-
fent à la façon des plantes. Non pas qu'ils ayent
vncvrayevicvegetatiue intérieure, car c'eft cho-
fe qui eft feulement propre aux vrayes plantes,
mais ils fc produifent aux entrailles de la terre,
par la vertu,&: la force du Soleil,& des autres pla-
ncttes,& dans vnc longue efpace de temps (evôc
augmentanr,&prefque multipliant à la façon des
plantes. Ettoutainfi comme les métaux font des
plantes cachées en terre, ainfi pouuons nous dire
que les mefmes plantes font des animaux fixes Se
arrêtiez en vn lieu, la vie defqueïles l'entretient
f>ar l'aliment que nature leur va fournilïantdës
eur propre naitïance. Mais les animaux iurpal-
fent les plantes , en ce qu'ils ont vn eftre plus par-
fait, &delàaunî ont ils befoin d'vn aliment Se
nourriture plus parfaite. Pour lequel chercher
nature leur adonné vn mouuement & vn fenti-
meut,afin de le defcouurir Se cognoiftre. De forte
que la terre rude & fterile eft comme la matière
$c aliment des métaux , & celle qui eft fertile &
mieux alîaifonnée, la nourriture des plantes. Le«
mefmes plantes leruent d'aliment aux animaux-,
& les plantes & animaux tous enfembie (ont l'a-
liment des hommes, feruanc toufiours la nature
inférieure à l'entretien Se fuftentation delafupe-
rieure,& la moins parfaite fe fubmettant àlaplus
parfaite. D'oùl'on peut voir combien il f en faut
quei'or,rargcnt,& les autres chofes que les hom-
mes eftiment tant par leur auarice, foient la fin &
le but de l'homme auquel il doiue tendre, puis
qu'ils font tant dedegrez plus bas enqualitéquc
i homme, lequel a efte crée ôc ordonné pour eftrc
DES INDES. LIV. II IJ. I23
fubiect de feruir feulementau Créateur vniuerfel
de toutes chofes, comme à fa propre fin, &fon
parfait repos: & auquel homme, toutes les autres
chofes de ce monde n'ont eftépropofeesou de-
laiiïees, finon pour l'en feruirà gaigner cefte der-
nière fin. Qui voudra confîderer les chofes créées
8c en difcourir félon cefte Philofophie, pourra
certes tirer quelque fruicl: de leur cognoilïance
&confideration,feferuantd'icelles,pourcognoi-
ftre 8c glorifier leur Authcur. Mais qui fe voudra
aduâcer plus outre à la cognoifTance de leurs pro-
prietcz 8c vtili tez, 8c voudra fe rendre curieux de
les rechercher, celuy-là trouuera finalement en
ces créatures ce que le fage dit yqu ils font aux pieds
des fols <& ignorons , fçauoir des la-cs , 8c des pièges *"&' 1 4*
où ils fe precipitent,& fe perdent iouriiellement.
A cefte intentiÔ donc, 8c afin que le Créateur foit
glorifié en les créatures, ie pretens dire en ccliure
quelques- vues des chofl-s dont il y a beaucoup es
Indes , digne d'hiftoire , 8c d:eftre racontées, tou-
chant les métaux, plantes & animaux, qui font
propres 8c particuliers en ces parties. Mais d'au-
tant que ce feroit vne ceuure très- grande , que de
traittercecy exactement, 8c qui requcrroitplus
grand fçauoir, & cognoiiïancc, voire beaucoup
plus de loifir que ie n'ay pas, ie dis que feulement
mon intention eft de traitter fuccindtemet quel-
ques chofes que i'ay comprifes 8c remarquées
tant par experience,q«e par le rapport de gens di-
gnes d« foy,touchat ces trois chofes que i'ay pro-
pofeesjlaiflàntaux autres plus curieux 8c diligens
de pouuoir traicter plus amplement de ce« matiè-
res»
I
HISTOIRE NATVREI.LE
De l'abondance & ^andc quantité des métaux
qui font es Indes Occidentales.
C H A P. II.
fà&i A fagelfè de Dieu a créé les métaux pour
ÊÉfcâf médecine &: pour defenfe , pour ornement
Se pourinftrument des opérations de l'homme.
Defquclles quatre chofes , l'on peut facilement
donner exemple, mais la principale fin des mé-
taux, Se la dernière d'icelles, eft pourec que la vie
humaine n'a pas befoin feulement defe (ultanter,
comme celle des animaux, mais aufïi de trauailler
Se ouurer (elon la rai Ton &: capacité que luy a
donné le Créateur: &ain(î comme l'entendemét
humain T'applique à diuers arts& facilitez, ainfi
le mefmeautheur adonné ordre qu'il y end ma-
tière Se fubieér. à diuers artifices pour la confer-
uation, réparation , feureté , ornement Se exalra-
tion de les œuures. Doncques la dmerfité des mé-
taux que le Créateur a en ferrez e'sarmaires cVcô-
cauitez de la terre, eit telle Se fi grande, que la vie
humaine tire profit Se commodité de chacun d'i-
ceux. Des vus elle fe lerten la 2uarifon des mala-
dies,des autres pour lesarmeures, Se pour defen-
fescontreles ennemis; les vus font pour l'orne-
ment & pareuredenospedonnes,&de nos mai -
Ions, Se les autres (ont propres à faire des vaif-
feaux Se ferremens , auec les diuerfes façons d'in-
ftrumens que l'induftrie humaine ainuenté &mis
en vfage. Mais fur tous les vfages des mctaux,qui
forrtfîmples& naturels, la communication des
hommes en a trouué vn,qui efl l'vfage de lamon-
DES INDES. L IV. III. I 24
lioye, laquelle, comme dit le Philofophe,eftla ^^
mefuredetouteschofes. Etcombienque defoy nthic.c^.
ôc naturellement elle nefoitqu'vne feule chofe,
neantmoins en valeur ôc eftimation l'on peut di-
re quelle eft toutes chofes. La monnoye nous eft
comme viande,veftemcnt,maifon, cheuauchure,
Ôc généralement tout ce que les hommes ont de
Hefoin.Par ce moyen tout obéit à la monnoyc,&
comme dit le Sage,pour faire vneinuention, que Ecckf.io.
vnc chofe fuft toutes , les hÔmes guidez ou pouf-
fez d'vninftincl: naturel, efîeurentlachofe plus
durable ôc plus maniable,qui eft le metal,Sc entre
ces métaux voulurent que ceux- là eulîent la pré-
éminence en cefteinuention de monnoye, qui de
leur naturel eftoient plus durables ôc incorrupti-
bles,! fcauoir l'argent ôc l'or. Lcfquels non feule-
ment ont efté en eftime entre les Hebrieux, Afly-
riens, Grecs, Romains, &: autres nations de l'Eu-
rope ôc d'Afie, mais aufC entre les plus efloignecs
ôc barbares nations del'Vniuers,comme font les
Indiens, tant Orientaux comme Occidentaux,
où l'or & l'argent eft. tenu en aufîï grand prix ôc
eftime,l'employans en l'ouurage de leurs temples
ôc palais , ôc aux veftemens ôc accouftremens des
rois,& des grands feigneurs. Mais encor que l'on
aittrouuéquclques^barbares qui nccognoiifoiët
ny l'or,ny l'argent , comme l'on raconte de ceux
de Floride, qui prenoient lespoches ôc les facs où
eftoit l'argent, lequel ils iettoient &delai(ibienr
efpars parmy la terre, comme chofe inutile. Et
Pline mefme recite des Babitacquesquiabhor-
roient l'or,&; pour cela l'enfeuelilïoicnt, afin que
persone ne f en peuft feruir. Toutcsfois il fe trou-
QJiij
HISTOTRE NATVKILLE
ne auiourd'huy fort peu de ces Floridiens & Ha-
bitaques, & grand nombre au contraire de ceux
qui etliment ^ recherchent, & font eftat de l'or.&
de l'argent, (ans qu'ils ayentbeioing de l'appren-
dre de ceux qui y vont del'Europe. Il efl; vray que
leur auaricen'eft point paruenue au but de celles
des noftres , & n'ont pas tant idolâtre l'or & l'ar-
gent, quoy qu'ils fulîent idolâtres , comme quel-
ques mauuais Chreftiens , qui ont commis plu-
sieurs grands excez pour l'or &■ l'argent. Neant-
moins c'eft vue chofe fort digne de considération
qnela fagefîedu Seigneur éternel airainfi voulu
enrichir les terres du monde plus efloignees, &
qui font peuplées d'hommes moinsciuils apo-
litiques, qu'en ces lieux là il' ait mis le plus grand
nombre de mines , Se en plus grande abondance
queiamaisaitefté, afin d'inuiter les hommes par
tel moyen à rechercher ces terres , & les pofleder:
afin auflîlur cette occafion, de communiquer la
religion , 8c culture du vray Dieu à ceux qui ne le
çognoiiïbient point, ("accompliiï'ant en celala
E/tyey4. prophétie d'Ifaye,difant que l'Eglifedeuoit eften-
dre fes bornes non feulemét à la dcxtre,mais auiîî
à la feneftre,qui ^entend, comme ditfàinct Augu-
~f»gl.x.Je {lin,quel'Euangile Ce doit eflareir Sceftédrc non
coricord. E ■ r \ ■ r o
r lculementpar ceux qui lincerement&rauecvne
uanr.c. Jl. r • < r
vrayeot parfaite chante le prefehent &annon-
cen t,mais aulîî par ceux qui l'annoncent, tendans
à fins & intentions temporelles. D'où nous voyôs
les terres des Indes, pour cftre plus abondantes
de mines & de richefles eftrede nollre temps les
mieux cultiuees en la Religion Chreftienne, fai-
clam le Seigneur pour les nnsociiîteiuionsfou-
DES INDES. LlV. MU, I 2, f
ucraines de nos defirs Se inclinations. Là deffûs
difoit vn homme fage,que ce que fait vn père à fa
fille pour la bien marier , eft de luy donner beau-
coup de dot & de moyes en mariage: ce que Dieu
a fait à cefte terre, tant afpre &Iaborieuie, luy
donnant de grandes richelfes en' (çs mines, afin
que par ce moyen elle trounaft mieux qui la vint
rechercher. Il y a donc aux Indes Occidentales
grand nombre ôc abondance de mines de toutes
fortes de métaux, comme de cuiure, de fer, de
plomb, d'eftain, de vif- argent,d'argent, &d'or:&
entre toutes les régions ik parties des Indes , les
royaumes du Peru font ceux qui abondét le plus
en ces metaux,fpecialcment en argent, or, & vif-
argent, ou mercure , 8c 0 y en trouue grand nom-
bre, pource que tous lesioursrondefcouure de
nouuelles mines. Et eft chofe fans doute, que fé-
lon la qualité de la tetre, celles qui font à defeou-
tirir , font en plus grand nombre,fàns comparai-
fon,que celles que l'on void à prefent defcotiuer-
tes: voire fembleque toute la terre eft femee de
ces métaux plus qu'aucune autre terre qui nous
foit à prefent cogneuè au monde, ou de laquelle
les autheurs anciens ayent fait mention par le
paife.
De la qualité & future de U terre oit fe trouuent les
mctattxi<& que tous ces métaux nefc mettent en
ceume es Indes , & comme les Indiens
fc feruoient d'iceux.
c h A P. III.
fàfël A raifon pourquoy il y a tant de richefTes
£ÎSfdc métaux es Indes, fpecialcmentaux Oc-
HISTOIRE NATVRIILE
ciden taies du Peru,eft comme i'ay dit, la volonté
du Créateur, quia departy Tes dons comme il luy
a pleu.Mais venant à la raifon naturelle & Philo-
thilolib.î (ophique, ceft choie bien vrayecequ'enaefcrit
mund Philon , homme fage,di(ànt que l'or , l'argent &:
metaiix nai lient naturellement aux terres plus
fteriles Se infru&ueufes. De vray nous voyons
qu'aux terres de bonne température , & qui font
fertiles d'herbes Se de froids, rarement on iamais
on n'y rrouue des mines , pource que la nature fe
contente de leur donner vigueur , pour produire
Eufeb.Ub. ]es jfrui&S les plus neceifaires à la conlcruation
8- de px &entrenen de la vie des animaux &des hommes.
par. Fuar. . . • r r r r
{ Au contraire aux terres qui (ont rortaipres, lè-
ches , Se fteriles , comme en des montagnes très
hautes , Se en des roches qui font afpres , & d'vne
température fort rude, l'on y trouueles mines
d'argent,de vif-argent,&del or, Se toutes ces n-
chelfes (qui font venues en Efpagne, depuis que
les Indes Occidentales ont efté defcouuertes)ont
efté tirées de lieux comme cela, qui font afpres,
pénibles, defcouuerts & fteriles. Toutesfois le
gouft cîe ceft monnove rend ces lieux doux & ag-
greablcs,voire habitez de grand nombrede peu-
ple. Or combien qu'il y ait aux Indes (comme
i'ay dit)plufiems veines & mines de toutes fortes
de métaux , toutesfois ils n'en rirent uy feieruenc
point d'autres , que des mines d'or & d'argent , Sc\
meime de vif-argent , d'autant qu'il eftneceiVairei
our tirer Raffiner l'or & l'argent. Ils yportencj
eferd'Efpagne,& delà Chine. Quant au cuiurej
les indiens en ont tiré &
fo
l
enœuurequelques-
is,pourceqne leurs ferremëséV armes n'cftoiecl
DES INDES. LIV. I I 1 1. I2,£
point ordinairement de fer, maisdccuiure. De-
puis que les Efpagnols tiennent les Indes,l'on en
a tiré fort peu , 8c ne prennent point la peine d'en
recercherîes mines, encor qu'il y en ait plusieurs,
pource qu'ils f arreftent à la recerche des métaux
plus riches 8c précieux, 8c y employ6t leur temps
8c leur trauail. Ils fe feruent des métaux de cuiure
8c fer , tant feulement de ce qu'on leur en cnuoye
d'Efpagne, ou bien de ce qui refte de raffinement
de l'or & l'argent. L'on ne trouue point que les
Indiens vfaflent cy-deuantd'or,nyd'argent,ny
d'autre metail pourmonnoye, &pour prix des
chofes ,mais feulementfen feruoientpourorne-
ment,comme il a efté dic,& ainfi il y en auoit gra-
de fomme& quantité aux temples, palais ,& fe-
pul tures,auec mil genres de vafes d'or 8c d'argent
qu'ils auoient. Ils ne fe feruoient point d'orny
d'argent pour trafiquer &acheter , mais chan-
geoient 8c troquoiet des chofes aux autres , com-
me Homère 8c Pline racontent des anciens. Ils p'">M-53*
auoient quelques autres chofes de plus grande t,d^' 5'
eftime, qui couroit entre eux pour prix,au lieu de
monnoye,&iufquesauiourd nui court cette cou-
ftume entre les Indiens,commc aux prouinecs de
Mexique,ils vient au lieudemonnoyc du Cacao,
(quieft vn petit fruict) &auecicelt)y achètent ce
qu'ils veulent. Au Peru ils fe feruent du Coca,
pour cette mefme fin, quieft vue fueiilc que les
Indiens eftiment beaucoup, comme au Paraguey
ils ont des coings de fer pour monnoye,&' du co-
fton tilîu en faincle Croix de la Sierre. Finalcmét
la manière de trafiquer des Indiens, & leur ache-
ter 8c vendre , eftoit d'efehanger & bailler chofes
HISTOIRE NÀTVRELLE
pour chofes: &bien qu'il y eut de grands mar-
chez ,& des foires fort célèbres, fi eft-ce qu'ils
n'ont eu befoinnyneceflïtcdemonnoye,nyme£-
medecourratiers, pource que tous cftoient fort
bien appris, à fçauoir combien il eftoit befoin de
donner d'vne forte de marchandife pour vne,tant
d'vne autre. Depuis que les Efpagnolsy font en-
trez, les Indiens fe font mefme feruis de l'or & de
l'argent pour acheter, &au commencement n'y
auoit aucune monnoye; mais l'argent au poids
eftoit leur prix & leur monnoye , commcl'on ra-
,-. ,., conte des anciens Romains. Du depuis pour plus
ii.cdM. 8ran"e commodité, l on rorgeadcla monnoye en
Mexique,&au Peru : toutesfoisiufquesàprefent
en ces Indes Occidentales l'on n'abattu aucune
monnoye de cuiure ou autre métal , mais feule-
ment d'argent, & d'or: pource quelatichelled'i-
celle terre n'a admis ny receu la monnoye qu'ils
appellent de biIlon,ny autres genres d'alloy,dont
ils vient en Italie, &: aux autres prouinces de l'Eu-
rope^ bien qu'il foit vray qu'en quelques ifles des
Indes, comme fain& Dominique & Port- riche,
ils vfent de monnoye de cuiure , qui font des
quarts, lefquels ont cours feulement en ces ifles,
pource qu'il y a peu d'argent cVd'or. le dis peu,
encor qu'il y en ait beaucoup , toutesfois il n'y a
perlonne qui le tire ou affine. Mais pource que la
richeiïe des Indes, Se l'vfagedetrauailler aux mi-
nes çonfifte en or,argent,vif-argent,iediray quel»
que chofe de ces trois métaux, laifsat pour l'heu-
re le refte.
H^^^^^^^^^^H9^^^^I^H^m
DES INDES. tIV. IIII.
127
De l'or que l'on tire & affine es Indes.
CIIAP. nu.
Çjgl O r entre tous les métaux a eftétoufiours
£fe> eftimé pour le plus excellent , Se auec bonne
rail on , d'autant qu'il eft le plus durable & incor-
ruptible de tous : car le feu quiconfume cV dimi-
nue tous les autres, l'amende , & le rend en fa per-
fection. L'or qui a parle plufienrsfoisparlefeu
demeure en facouleur,cres-fin & tres-pur, lequel
proprcmët l'appelle, (félon que Pline fht)Obrio-
i o , dequoy fait tant de mention rEfcriture,&:
l'vfage qui confomme tous les autres métaux
(comme dit le mefmc Pline) n'amoindrit aucu-
nement l'or, 6c n'y fait aucun dommage, mefme
il ne le mange ,ny ne fcnuieillit. Et bien que (a
matière & ion corps foit (i ferme Se fi folide qu'il
eft, il fe lailïeneantraoins tellement doubler Se
tirer, que c'çftchofemerueilleufe. Les batteurs
d'or& tireurs fçauent bien la force qu'iladefe
laiiîcr fi forcamenufer fans fe rompre iamais.
vTouteslefquelleschofes bien confiderees,auec
autres excellentes proprietez qu'il a , donneront
à entendre aux hommes d'entendement, pour-
quoy en l'Eicriture fain&e la Charité faccom-
pare à l'or. Au refte, il eft peu de befoing de
raconter Ces excellences , pour le faire eftimer
&: rechercher. Car la plus grande excellence
qu'il ait, eft d'eftreja cogneu, comme il l'eft en-
tre les hommes, pour lafuprefme puiflance &
grandeur du monde. Venant doncànoftrefujer,
il y a aux Indes grande abondance de ce métal,
Vlin. lib.
11.
Canj.
Pfsl.67.
Thren.4f.
lob 18.
HISTOIRE NATVRELLE
&fçait-on parles hiftoires certaines que les ïn-
guas du Peru ne fe contentoient pasd'auoir de
grands Se petits vafes d'or,dcs cruches, des coup-
pes,des tailes,& des Haicons , voire des tinnes ou
grands vailîeaux : mais aufïï en auoient-ils des
chaires,desbrancarsou lictieres tout d'or maflïf:
& en leurs temples auoient mis plufieursftatuès
ôc images d'or mafîif , defquellesl'onen trouue
encoren Mexiquequelques-vnes,mais non pas
en telle quantité que quand les premiers conque-
fleurs arriuerent eu l'vn Se en l'autre royaume;
qui y trouuerent de grandes richeifes, Se en fuc
encorfans comparai/on caché dans terre beau-
coup dauantage par les indiens. Ce feroit chofe
qui iembleroit fabuleufe de raconter qu'ils ayenc
fait des fers àcheuaux d'argent à faute de fer, Se
qu'ils ayent payé trois cents efeus d'vne bouteil-
le de vin,& autres choies cftranges : Se toutesfois
en verité,clles font aduenuës , voire $c des choies
encor plus grandes. L'ou tire l'or de ces parties en
trois façons Se manières , ou à tout le moins i'ay
veu vfer de ces trois. Car il fe trouue de l'or en
paille , ou pépin , de l'or en poudre, & de l'or en
pierre. Ilsappellent l'or en pepin,de petits mor-
ceaux d'or quife trouuent ainiî entiers , Se fans
meilange d'autre métal , lequel n'abefoin d'eftre
fondu ny affiné par le feu,& les appellent pépins,
poureequ'ordinaircmét ce (ont petits morceaux
comme pépins ou femenec de melons &citrouil-
les,& celuy dont parle lob, quand il dit , Icuetlltus
Attmrn. Combien qu'ilarriuc quelquesfois qu'il y
an a de plus grands , Se de tels , que i'en ay veu qui
peibientplufieursliurcs. C'elt î'excelience & la
DES INDES. L I V. IIII. I 2,8
grandeur dece met;4 feul (félon que Plineancer-P'",•flk•3,
me) de fetrouuer ainfipur &parfait,chofe qui04^'*"
n'aduient point à tous autres metauxjefquels onc
toufiours de l'efcume ô\:du terreftre,c\: ont de be-
foin qu'on les affine auec le feu. I'ay veu mcfme
de l'argent naturcl,en façon
iTieiine il y en a d'autre que les Indiens appellent
Papas, & quelquefois il l'en tronue des morceaux
de tout pur & fin, en façon de petites racines ron-
des,ce qui efl. rare toutesfois en ce métal , mais a f-
fez ordinaire en l'or. Il fe trouue peu de cet or en
pépin , au refpecl: des autres eipeces. Cet oren
pierre eft vne veine d'or qui naift & ^engendre
dans la m.efme pierre ou caillou , comme i'ay veu
aux m ines de Caruma au gouuerncment de Salli-
nés, des pierres fort grandes toutes pénétrées 5c
trauerfees d'or. D'autres qui eftoient la moitié
d'or,&: l'autre moitié de pierre. L'or qui eft de cè-
de façon fe trouue en des puits ou des mines qui
ont leurs veines comme d'argent, mais ils font
trcs-difhcilesàtirer. Agatarcbidesefcritauliure
cinquiefme de la mer Erythrée ou Rouge (ainfî
raconte Phocion en fa Bibliothèque ) la façon ôc
manière d'affiner l'or tiré des pierres , de laquelle
ontvfé anciennement les Rois d'Egypte, & eft
vne choie admirable, de voir comme ce qu'il en
eferit relFemble & fe rapporte proprement à la
façon dont l'on vie encor maintenant à raffinée
ces métaux d'or & d'argent. La plus grande quan-
tité u'or que l'on tire ôc recueille es Indes eft de
ecluy qui eft en poudre, qui fe trouue es riuieres
ou es lieux 3c torrens où beaucoup d'eau'cs ont
Plue, d'au tac que les fleuues des Udcs font abow-
HISTOIRE NATVREI, LE
dans en cc&e efpece d'or.Comrns les anciens ont
célébré pour celte occafion leTage en Efpagne,
le Pa&ole en Afie,& le Gange en l'Inde Orienta-
le, ôt appelloienti. tmenta juri t ce que nous au très
appelions l'or en poudre , & eltoit la plus grande
quantiré del'oi qui (c faifoit à piefentqueces ta,-.
cleures ôc poudies qui fetiouuoientésiiuieies.
A prefent auxiflesde Barloucnte, Efpagnollc,
Cube,& Porc- riche y en a eu , Ôcycn aencorcn
grand abondance es riuieres , mais on en rappor-
te fort peu en Efpagne, par faute de naturels du
pays,&: pour la difficulté qu'il y a de le tirer. Il y
en a grande quantité au Royaume de Chillé, de
Quuto,&:au nouueau royaumede Grenade.L'or
le plus célébré e(l ceiuy de Caranaua au Peru , &
ceiuy de Valdiniaen Chillé, d'autant qu'il vienc
auec l'alloy ôc perfe&ion , qui font vingt-trois
quillats&demy, voire quelqucsfois plus. L'on
faite lia tau m* de l'or de Verapua pour eftrc très-
fin. lis apportent meime beaucoup d'orà Mexi-
que des Philippines ôc de la Chine, raaiscom-
munémétileft foible&debasalloy.L'orie trou-
ue meflé.ordinairement ou auec l'argent ou auec
"' J'lccuiure. Pline dit qu'il n'y a aucun or où il n'y
ait quelque peu d argent ou de cuiure. Mais ce-
iuy cjuied meilé d'argent e(l communément de
moins de quillats que ceiuy qui eft méfié de cui-
ure. S'vly ala cinquiefmepartie d'argent, Pline
die qu'il l'appelle proprement elccïrui», quia la
propriété de reluire plus à la lumière du feu , que
l'argent fin, ny l'or fin. Ceiuy qui eft auec le cui-
ure eft ordinairement du plus haut alloy.On raf-
fine l'or en poudre en des lauoirs enieiauancen
beaucoup
M/M
DES INDES. LIV. II II. 1 29
beaucoup d'eauë, iufqucs à ce que le Cable tombe
des plateaux, Ôc l'or 'comme le plus pelant de-
meure au fonds. L'on l'affine mefrneauee du vif-
argent, & auec de l'eau'ë forte, pource que l'allun
dont on fait celle eauè , a la vertu de ieparer l'or
d'auec l'ordure ou des autres métaux Apres qu'il
ell purifié ôc fondu ils en font des briques ou pe-
tites barres pour l'apporter en Efpagne ? pource
qu'e liant en poudre on ne le pourroit tirer des
Indes , car on ne le peut quinter, marquer ny ef-
fayer qu'après qu'il eft fondu. Le lufdit hifterio- Pli»- l&>
graphe raconte que l'Elpagne fur toutes autres 33-M/M-
prouinces du mode eftoit abondante en des mé-
taux d'or Ôc d'argent, fpecialement Gallice ôc
Portugal, & fur tout les Allures, d'où il raconte
qu'on apportoit par chacun an à Rome vingt
mil liures d'or, ôc qu'il ne f'entrouueen aucun
autre lieu vne telle abondance. Ce qui femble
eftretefmoignéauliuredesMachabées,oùileft M4, 8
dit entre les grades richelïès des Romains, qu'ils
eurent en leur puillance les métaux d'or ôc d'ar-
gent qui font en Efpagne. Auiourd'huy ce grand
threfor d'Efpagne luy vient des Indes,en quoy la
diuine prouidence a voulu qu'aucuns Royau-
mes feruent aux autres , &leur communiquent
leurs richelïès afin de participer de leur gouuer-
nement pour le bien des vns ôc des autres, en fc
communiquant reciproquemet les biens ôc grâ-
ces dont ils iouilTènt. On nepeutbienaprecier
ny eftimer le nombre & quantité d'orque l'on
apporte des Indes , mais l'on peut bien affermer
quec'eft beaucoup dauantage que ce que Pline
raconte qu'on apportoit chaque an d'Efpagne à
R
,--:■
HISTOIRE NATVRILLE
Romc.Enlafloteoùievins,qui fut l'an 1587. la
dei laration de la terre ferme fut de douze calions
d'or, defquels chaque cation, pour le moins pe-
foit quatre arobes,qui font cent limes pétant: ôc
mil cinquante fix marcs de la neufue Efpagne,
qui eftoit tant feulement pour le Roy,lans ce qui
vint pour les marchands & particuliers , eftant
enregiftré,& ce qui vint non enregistré , comme
Ton en apporte beaucoup. Cela fufht en ce qui
touche l'or des Indes : de l'argent nous en dirons
maintenant.
De l'argent des Indes.
c h A P. V.
gag O v s lifons au Hure de lob ces paroles:ZV-
ié&BÏgcnt a certains commencemens £r racines en fa
veines, & l'«r a [on lieu arrcjié où il s'engendre & s'ef
paifiitjefer en fouifjantfe tire de la terre , & la pierre
fondue par la chaleur fe tourne en cuiure. Par cela il
déclare en peu de paroles fort fagementlespro-
prietez de ces métaux , largent ,1'or, le fer , & le
cuiure. Nous auons dit quelque chofe des lieux
où l'or ^engendre & fe congelé, qui font des fuf-
dites pierres au profond des montagnes & es en-
trailles de la terre ou de l'arène des riuieres ,& es
lieux par où les torrens ont patfe,ou bie aux tres-
hautes montagnes :lefquelles poudres d'or def-
cendent&fefcoulcnt auecreaue' quieftla plus
commune opinion que l'on tient es Indes. D'où
vient que plufieuis du vulgaire croyent que le
déluge ayant noyé toute la terre iufques aux plus
hautes montagnes, a efte caufequ'à prçfcnti'on
DES INDES. LIV. Mil. im
trouuecct or ésriuieres, &: en des lieux fi éloi-
gnez.Nous dirons maintenant comme l'on de£
couure les mines d'argent,de leurs vei^s,ràcinës
ôc commencemens,dont parle lob. Et diray en
premier lieu que la cauiepour laquelle Ton don-
ne le (econd lieu à l'argent entre ies métaux, eft
poureequ'ilapprochede l'or plus que nul autre
d'iccux, en ce qu'il cil plusduiable , ôc le Lent
moins endômagé du feu', (e laillànc aufïï manier
ôc mettre en œuurc plus facilement que les au-
tres5voireil fufpafle l'or en la clarté ôc iplédeur,
&c au ion qu'il a plus clair Ôc plus agréable Caria
couleur eft plus conforme ôc reiîemblantelalu-
micre,& ton l'on eîl plus pénétrant, plus vif, ôc
plus delica: . Auiïi y a-il certains lieux efqueL ils
eltiment l'argent d'auantage que non pas l'or.
Toutesroisc'ett vu argument ôc fignepouriuoer
que l'or eft plus précieux de tous les métaux , en
ce qu'il fe trouue plus rarement , ôc que la nature
ie moftre plus efcharlê à le produire que non pas
lesautres:encor qu'ily ait des terres(comme l'on
dit de la Chinc)eîquellcs l'on trouueplus facile-
ment de l'or,que de l'argent meime. Toutefois
c'eft chofe plus commune ôc ordinaire , que Ton
trouueplus facilement &cn plus grande abon-
dance de l'argent que de l'or. Le Créateur a pour-
ueu les Indes Occidétales d'vne fi grande richef-
le d'argent, que tout ce quel'ou void es hiftoires
anciennes, ôc tout ce que l'on dit des argenteries
ôc minières d'Eipagne ôc des autres prouinees,
eft beaucoup moins que ce que l'on void en ces
parties là. Les mines d'argent ie trouuent cômu-
nément es montagnes Ôc roches très- hautes,
Rij
; HISTOIRE NATVRELLE
& du tout delertes-,encores qu'autres fois l'on en
ait,trouuéés plaines & campagnes. Ily en a de
deux fortes différentes, les vnes qu'ils appellent
efgarees,& les autres fixes 5c arreftees. Les cfga-
reesiont des morceaux de métal qui fetrouuent
£ amalïez en quelques endroits , lefquels eftans ti-
rez &leuez,l'on n'cntrouue point après dauan-
tage. Mais les veines fixes font celles qui en pro-
fondeur &c longueur ont vne fuite continue en
faconde grandes branches & rameaux d'vn ar-
bre, & quand l'on en a trouuc vne d'icelles , l'on
çntrouue ordin;uremétplufieurs autres au n-, ci-
melieu. Lafaçonde purger & d'aifinc! l'argent
de laquelle ont vfé les Indiens eftoit par fondure,
en fondant & faifant refoudre cefte malle de mé-
tal par le feu quiietteie terreftre d'vn colU, 8c
par fa force fepare l'argent d'auec le plomb, le -
ftain d'auec le cuiure & les autres métaux qui le
trouuent mêliez. A cefte fin ils failbient & baftif-
foient des petits fourneaux en lieux où lèvent
iouffloit le plus communément , &: aucc du bois
& du charbon qu'ils y mettoient, faifoicntleur
artifice & leur affinement, Rappellent au Peru
ces fourneauxGuayras. Depuis que les Efpagnols
y fontentrez,outre cefte façon de fondre & d'af-
finer, dont ilsvfcntencor à prefent, ils affinent
aufîi l'argent aucc du vif- argent , & en tirent d'a-
uantage par ce moyen, que non pas en le faifant
fondre & l'affinant par le feu. Canlfctrouuedn
métal d'argent que l'on ne peur affiner ny purger
aucunementaueclefeu, mais feulement aucc le
vif argent. Mais cefte forte de métal cft commu-
ne ment métal pauure fcfoible, qui eftceiuy cou-
DES INDES. LIV. III. I 3 I
tesfoisqui fetrouue en plus grandeabondance.
Ils appellent panure cehiy qui rend & donne peu
dargent,& grande quantité de metaly«& celuy-là
riche au contraire,qui donne & rend plus grande
quantité d'argent. Ceftvnc chofemerueilleufe
non Seulement de cède différence Se diucrfité
qui fetrouue à affiner vn métal par le feu, & l'au-
tre fans feu, auec du vif-argent, mais au (II dece
qu'aucuns de ces métaux qui l'affinent au feu ne
peuuent pas bien eftre fondus quand lefeueneft
allumé auec duvet artificiel,comme de foufriets,
mais feulement quand il eft foufflé &allumé auec
l'air naturel Se le vent qui court. Et d'autres au
contraire, qui font plus facilement fondus auec
l'air artificiel des ioufflets , que non pas auec l'air
& le vent naturel. Le métal des mines de Porco
l'affine facilement auec des foufflets, Se celuy des
mines de Potozi ne peut eftre fôdu auec les fouf-
flets, mais feulement par le moyen de l'air des
Guayras,qui font de petits fourneaux aux codez
des montagnes,baftis exprés du codé du vent , au
dedans defquels ils fondent ce metal:& combien
que ce foitchofe difficile de donner raifon à cè-
de diuerfité, toutesfois elle eft toute certaine &
approunec par la longue expérience. Tellement
quel'auaricicuxdefir de ce métal ranteftimédes
hommes, leur a fait rechercher mille inuentions
Se gentils artifices , d'aucuns delquels nous feros
mention cy-apres. Lesprincipaux lieux des In-
des où l'on tire l'argent ion t la neufue F. fpagne Se
le Peru, mais les mines du Peru furpaiïent de
beaucoup les autres , Se entre toutes les autres du
monde celles de Potozi , defquelles nous traitte-
R iij
:--:•'
HISTOIRE NATVRELLE
ronsvnpeuàloifir, pource que ce iont des cho-
fes plus eclebres & plus remarquables qui foient
es Indes.
De la ' mont.izncou colline de Voto^i,
&■ cle fa defeo intertitre.
CHAP. VI.
fo££ A montagne ou colline de Potozi tantre-
Éâ'nomrace efthtuee en la prouince de Char-
cas au Royaume duPeru,diftant dei'Equinoxc
vers le collé du Sud ou Pôle Antarctique de it.
degré deux tiers: de forte qu'elle tombe fous le
Tropiqueaux confins de laZoneTorride,& tou-
tesrois cède région eft extrêmement froide,voire
plus que n'eft pas Caftillc la Vieille au Royaume
d.'Hfpagne, &plusencor que la Flandre mefme,
combien que par raifon elle deufl: eftre chaude
ou tempérée, eu efgard à la hauteur 8c èGeuatiorj
dupoleoù. elleeft (Ituec. La raifon de ceftefl froi-
de température eft que celle montagne eft fort ef-
leuee,&: qu'elle eft agitée & hanteede vents qui
iont fort froids & intemperez , fpecialementde
celuy qu'ils appellent Thomahaui, qui ell impé-
tueux &tres-froid. Il règne ordinairement es
mois de Iuin,Iuillet,& Aouft. Le fonds ôc terre
de celle montagne eft fec,froid Se fort mal agrea-
ble,voiredu tout fterile, qui n'engendre ny pro-
duit aucun fruict , ny herbe , ny grain, aufîï eft-il
naturellement inhabitable pour i'intemperatu-
renuciel,&la flerilité de la terre. Mais la force
de l'argent qui attire à foy l'aiiarice &c le defîr des
autreschofes,apeupIéce(lc montagne plus que
DES INDES. LIV. HT. I 3 2.
aucun autrelieu qui foie en tous ces Royaumes,
la rendant fi abondante de toutes (ortes de vian-
des,qu'on ne peut defirer chofe qui ne l'y trouue*
voire en grande abondance:& combien qu'il n'y
ait rien qneeeque Ton y apporte par voiture,
neantmoins les places y (ont fi pleines de fruicts,
conferues,vins exquis,foyes , & toutes autres de-
lices, au'il ne l'en trouue en autre endroitdauan-
tage. Cefte montagne eft de couleur tirant fur le
roux &obfcur,&eft fa façon d'vneaflez agréable
ren contre à la veu'c,reflcmblant parfaitement la
forme d'vn pauillon rond , ou bien d'vn pain de
fucre. Ellefefleue ôc furpafic toutes les autres
montagnes & collines qui font àl'enuiron. Le
chemin par lequel on y môteeft fort afpre& fort
roidc,encorqu'ony aille tout à chcual. Elle finit
parle haut en pointe de forme ronde, ôc a en (on
pied vne lieue de circuit. Elle contient depuis le
fommetiufquesau pied mil Gx cents vingt qua-
tre verges communes } lefquelles réduites à la
mefure des lieues d'Efpagne, font vn quart de
lieue. Au pied de cefte montagne l'on void vne
autre petite colline qui naift d'icelle, en laquelle
anciennement il y a eu quelques mines de ces
métaux efpartis ôc fans fuite, qui fetrouuoient
là comme en desbourfes, ôc non pas en des vei-
nes fixes &continucs,& neantmoins elles eftoiéc
fort riches, encor qu'elles flirtent en petit nom-
bre. Ce petit roc eftoit appelle des Indiens,
GuaynaPotozi , qui veut dire le ieune Potozi,
au pied duquel commence l'habitation des Ef-
pagnols& Indiens, qui font venus à la richef-
le ôc à l'œuure de Potozi : laquelle habitation
R iiij
HISTOIRE NATVREILE
peut contenir quelque deux lieues de circuit ,&
toute la plus grande traicte& commerce qu'il y
ait en aucun lieu du Peru,fe fait en cède habita-
tion. Les mines de cefte montagne n'ont point
eftéfoiiyesnydefcouueites du temps des Ingnas,
qui eftoientles feignems du Pcru, auparauâtque
les Efpagnols y entraient a combien qu'ils ayent
fouy & ouuert les mines de Porco, alïez proches
dePotozi, n'eneftant diftantes que de fix lieues
feulement. La caufe en pouuoit eftrc , faute d'en
auoir eu lacognoifTance, combien qu'aucuns ra-
content ie ne Içay quelle fable, que comme on
voulut quelquesfois ouurirces mines , vne voix
fut entendue, qui difoit aux Indiens qu'ils n'y
touchaient pas, Se que cefte montagne eftoit re-
feruee pour d'autres. Dcvray l'on n'euft aucune
cognoi fiance de Potozi,ny de fa richefîe,que iuC-
ques à douze ans après l'entrée des Efpagnols au
Peru,duquel ladefcouuerturefcn fît en cefte fa-
çon. Vn Indien appelle Gualpa , de la nation de
Chumbibilca,qui eft vne prouince de Cufco,al-
lantvniouràla chaiïè Se pourfuite de quelque
venaifon , Se cheminant vers la part du Ponant,
où la befte fc retiroit%commenca de courir à mot
le roc,qui pour lors eftoit couuert,& planté pour
la plus-part de certains arbres qu'ils appellent
Quinua, &debui{Tonsfortcfpais, Se comme il
fefleuoit pour moter en vn partage , quelque pe*i
afpre Se difficile , fut contraint mettre la main en
vne branche, qui fortoit de cefte veine d'vne mi-
ne d'argent (à laquelle depuis ils ont donné le
nom de riche) qu'il arracha, & apperceut en la
folle & racine d'icelle le métal, qu'il recogneut
DES INDES. HV. I I 1 1. 133
eftrefortboi-^paiTexperiencequ'ilauoitdeceux
de Porco : puis ayant trouué en terre , joignant
cefte veine quelques morceaux de metal,qui Pe-
ftoienc rompus & départis d'iceîle,fàns toutes-
fois qu'on les peuft bien cognoiftre, àcaufeque
leur couleur eftoit changée & gafteedu Soleil 8c
de l'eaueVli les porta à Porco efiayer par Guayras
(qui eftefprouuer le métal par le feu) &:ayantre-
cogncu par là fa grande richeiTe, & heureufe for-
tune, fouyflbic& tiroit fecretement cette veine
fans le communiquer, ou en parler àperfonne,
iufques à cequ'vn Indien,nommé Guanca, natif
de la vallée de Xaura,qui eft aux limites de la cité
des Rois,Iequel demeurât au lieu de Porco , pro-
che voifin de ce Gualpa, Chumbibilqua fapper-
ceutvniour qu'il faifoit quelque arïïnement, 8c
qu'il faifoit de plus grands fomons 8c briques,
que celles qu'on faifoit ordinairement en ces
lieux,pourcemefme qu'il augmentoit en deipen-
le d'habits, ayant iufques alors vefcuafïez pau-
uremenc. Pour cède occafion, &quece métal
que fon voifin aftinoit &mettoit en œuure,cfl;oit
différent de ceîuy de Porco, ilpenfadcdeicou-
urir ce fecret, & fit tant que combien que l'autre
tint fon affaire feercte autant qu'il luy eftoit pof.
iible,neantmoins par importunité fut contraint
de le mener au roc de Potozi,- ayant défia pa(îé
deuxmoisenlaiouiiïancedeccriche threfor. Et
lors l'Indié Gualpa dit à Guanca qu'il print pour
là part vne veine qu'il auoitdefcouuerte,laquelle
eftoit proche delà veine riche , &eft celle que
l'on appelleauiourd'huy la veine de Diego Cen-
teno,qui n'eftok pas moins riche } mais feulcmét
. -■:-■
HISTOIRE KATVRELLE
plus dure à fouir,& plus difficile à tirer. Parain/ï
tout d'vn accord partirent entr'eux le roc le plus
riche du monde. Il aduint du depuis que l'Indien
Guanca trouuanc queique difficulté à fouir Se
cauer fa mine,qui cftoit très dure,& l'autreGual-
pa,neluy voulant faire partdela Henné, eurent
débat enfemble, & pourcefte caufe le Guanca de
Xaura irrité de cela,& de quelque autre ch ofe,aI-
ladefcouurircefte affaire à (on maiftre, qui f'ap-
pelloitVuillarocl, Efpagnol,qui lorsrefidoit en
Porco. Ce Vuillaroel en voulant cognoiftre la
verité,alla en Potozi , & trouuant la richefle que
ion Yanacona,ou feruiteur luy auoit dit, fit enre-
gistrer l'Indien Guanca, i'eftaquantauecluy à la
fufdite veine,qui fut dite Centeno, ils appellent
cela eftacquer,qui vaut autant que (ignaler & re-
marquer pour ioy la mine,& autant d'eipace que
laloy concède Se permet à ceux là qui trouuent
vue mine , ou bien à ceux qui la foiiyiTent:au
moyen dequoy après l'auoir monftree Se defeou-
uertcàla iuftice , ils demeurèrent feigneurs de la
mine, pour la fouyr& en tirer l'argent, comme
de leurpropre,en payant-feulement au Roy fou
droictdecinquiefme. De forte que le premier
enregiftrerriêt Se déclaration que l'oh fit des mi-
nes de Potozr, fut le vingt Se vniefme iourdu
mois d'Auril,dei'an mil cinq cens quaràte cinq,
au territoire de Porco, par lefdits Villaroel Efpa-
gnol,& Guanca Indien. Incontinentapresl'on
defcouurir vue autre veinequ'ilsappellentveine
d'eftain,qui aeflé tres-riche,quoy que rude Se la-
borieufeà y trauaillcr , pour élire fon métal auiïi
dur que le caillou. Du depuis le trentiefmeiour
DES INDES. L1V. I I 1 1. 134
d'Aouft , au mcfme an de quarante- cinq, la veine
appellee Mendiera, fut enregittree,qui font les
quatre principales veines dé Potozi.Ils difeut de
la veineriche, la première qui fut defcouucrte,
que Ton métal eftoit hors terre la hauteur d'vne
lance en façon de rochers, foufleuant la fuperfî-
cie de la terre , comme vue crefte de trois cents
pieds de longueur,& de treze de large,& que cela
demeura deleouucrt ôc defeharne par le de delu -
ge,ayantcefte veine comme la partie la plus du-
re, refifté à la force &impetuofué des eaues. Son
métal elîok fi riche, qu'il y auoitlamoitiéd'ar-
gcnt,&:continua cefte veine en fa richelïe iufques
à cinquante &foixan te ftades , à la hauteur d'vn
homme deprofondeur,où elle vint à defaillir.De
ceile façon furent defcouuertcs les mines de Po-
tozi par Iaprouidencediuinc, laquelle a voulu
pour la félicité d'Efpagne, que la plus grande ri-
cheiîe qu'on fçache,& qui iamais ait eftéau mo-
de,fult cachée pour vu temps, pour la defeouurir
au temps que l'Empereur Charles le Quint, de
glorieufe mémoire, tenoit l'Empire, les royau-
mes d'Efpagne,&: la feigneuriedes Indes . Incon-
tinent après que la defcouuerture dePotozifuc
cogneuë aux royaumes du Peru , plufieurs Efpa-
gnoIs,ô\: prefquc la plus-part des bourgeois de la
cité d'Argent, quieftàdix-huiifHieuësde Poto-
zi,vindrent pour y prendre des mines , melmesy
vindrent plufieurs Indiés de dinerfesprouinces,
&fpecialement hs Guayzadorcs dePorco , Il
qu'en bref temps ce fut la meilleure 8c plus gran-
de habitation de tout le royaume.
-■;■■'
HISTOIRE NATVREl, LE
Tlin.îtb.
Delà ricbeffe que l'on a tirée & tire chacun tour du
roc ou montagne de Voto%i.
c n a p. vu.
rttt$ 'A y efté plufieurs fois en doute fil fe trou-
W&l uoit aux hiftoires des anciens vne fi grande
richefle de mines , comme celles que nousauons
veu'ésdenoftretempsau Peru. S'il y a eu iamais
au monde des mines riches & renommées pour
cet efFedl, ce onrefté celles d'Efpagne , dont les
Carthaginois ont ioiii,&du depuis les Romains:
lefquelleSjCommei'ay dit, ne font pas feulement
eftimecs & renommées par les liures profanes,
mais aulïi par les Efcritures faincles. Celuyqui
plus particulièrement tait mention de ces mines,
au moins que i'aye veu , eft Pline , qui eferit ainfi.
en fon hilloire Naturelle: Ilfe tronuc de ï argent
prcfquc en toutes f -minces , mais celuy d'Ffpagne ejl le
meilleur de tous, lequel croift & s'entendre en vne terre
fivnle^iux niontagnes & rochers , £r est chofe certaine
GJ' infaillible que s lieux ou l'on a ynefois defcouucrt au-
cunes de ces "veines , il y en a d'autres qui n'en/ont gue-
rcs efloignccs : ce qui Ce trotiue au fit piefquc en tous au-
tres wctaux\& pour cela les Grecs (à mon aduts) les ap-
pellerait métaux. Cejî r?ie chofe ejlrange, que les puits
ou trou:- de ces mines d Efpagnejefquels on commença à
four du temps de Hanmbaffevoycnt encorà prefent3
^retiennent enco) les mefmes noms de ceux quiksdcf-
counrirent. TLntrc ces mines,celle que dcfcouurit Bebel-
lo, qui en relient le nom encor amourd'huy , fut fort re
nommée./? dit-on an elle donnoit & rapportait [i gran-
de richeffe à fon maifircHanmbal^ que chaque tour l'on
DES INDES. L1V. II II. I 3 f
fccuetlloit trois cens hures a-argent, <& mfques à main*
tenant on atoujiours continué de trauadler à ccslemi-
m\d ■ telle for te, qù elle efl à tnrjcnt de mtl cmq cents pas
de profondeur , caueeen la montagne. Defqucls puits
nea Hmoinscefie grande profondeur 9 les Gafcons qmy
trauaillent tirent l'eauè qu'ils y trouuent pour les affe-
cbc>\£? y cauer mieux à leur aife > tout durant le temps Genehw-
que les chandelles £r la lumière leur durent ^en telle abo dusmchro
dan ce qu'ilfem lie que ceqùili en iett ènt fait vnc rime- no2>raP'na'
re. Iufques icy lotit les paroles de Pline, que i'ay
voulu icy reciter de mot à mot, pour contenter
dauaniageceuxquientendëc quec'ell démines,
voyant que la mc;mediolc qu'ils expérimentent
auiouid'huy , a efte exercée par les anciens. Et
certainement larichelfcde celte mined'Hanni-
bal aux monts Pyrenee^eRou grande & bien re-
marcnable,laquelleles Rorqams poirederenc ,y
ayâs connue Ton ouurage,iufques au téps de Pli-
nc,qui fut comme trois cens ans. La profonditc
de celte mineeftoitde mil cinq cens pas, quieft
vn mil & demy,&. fut fi riche au commencemet,
qu'elle valloit à Ion maiftre par chacun iour trois
cens liures, de douze onces la liure. Mais combié
que cède richellè ait elle grande , elle n'approche
neantmoins a celle qui de noftre temps f'eftrc-
trouuceen Potôzi. Car comme il appert par les
regiitres delà maifon delà contraclation de celle
prouince, &■ comme pluficurs hommes anciens
dignes de foy l'attellent , au temps que le Licca-
tie Polio gouuernoit cède prouince, qui fut plu-
fieurs années après laddcouuertede ceftemon-
tagncl'on enregiftroit& tiroir pourlacinquie£.
me chacun Samedy cent cinquante & deux cens
- --;•■'
HISTOIRE NATVRELLE
milpezes , dontle cinquiefmcrcuenoità trente
& quarante nui pezes,& pour chacun an vn mil-
lion & demy on peu moins. Tellement que fui-
uant ce contej'on tiro; t chaque iour de cette mi-
ne comme trente mil pezes, dont il reuenoit au
Iloy pour la cinéHiiefrne, fix mil pezes par iour.
Il yaencor vnechofe à 'mettre enauant, pour
montrer la nehelîe de Potozf, que le conte qui a
efte fait n'eft feulemét que de l'argent qui fe mar-
quoit&: quintoit, ckeftehofe cogneuëau Peru,
que Ton a vfélong temps en ces royaumes d'ar-
gent qu'ils* appciioient courant, lequel n'eucit
marqué ny quinte. Et tiennent pour certain ceux
qui cognoillent cGs mines, qu'en ce temps la plus
grandepartie de l'argent que l'on tiroitdwPoto-
zi ne fe quintoit point, éVeftoit celuy quiauoic
cours entre les Indiens, & beaucoup «ntre les
Efpaijnols, comme iel'ayvcu continuer iu fanes
à mon temps. Par cela l'on peut bien croire, que
le tiers de la richclle dePotozi, voire la moitié
nefemanifei'oit ,ny ne fe quintoit point. Il y a
encor vne autre considération plus remarqua-
ble, en ce que Pline met , que l'on auoit fouy mil
cinq cents pas en celte mine deBabello,& que
toujours l'on trouuoit de l'eauë , qui eft ce qui
donne le plus grand empefehement qui foit à ti-
rer le métal des mines. , Mais en celle de Potozi,
encor que l'on y ait fouy & caué plus de deux
cens fta;ic; ou hauteurs d'vn homme en profon-
deur, iamais on n'y a trouué d'eanë , qui eil le
plus grand heur de cefte montagne. Maisquoy?
les mines de Porco, dont le métal eft très- bon Se
tres-nche, loin auiourd'huy deiaiiîëes pour l'in-
DES INDES. II V. III I. I$6
commodité de l'eau qu'ils y ont rencontrée en y
fouillant: pourceque ce font deux trauauxin-
fupportablesen recherchant le métal, decaucr&
rompre les roches.&rd'en tirer l'eaue tout enfem-
ble.Le premier defquels,àfçauoir de cauer la ro-
che, donne allez de peine, voire eft trop dur&
trop exceffif. Finalementauiourd'huy fa Majefté
reçoit pour Ton quint par chacun an l'vn portant
l'aime, vn million de l'argent des minesde Poto-
zi, fans l'autre richclîe qui luy vient de vif- arget,
& autres droicts royaux qui e(l vn grand threfor.
Quelques hommes experts ayans fupputé lts
contcs,di(cntqneceqneronaapportéàquinter
en la calfe , ou douanede Potozi , iufques en l'an
mil cinq cens quatre vingts cinq, femoteàcenc
millions de pezes d'ellay, dontehaque peze vaut
treze reaux & vn quart , fans conter l'argentquc
l'on a peu tirer fins quinter, &qui a-^fte quinte
es autres calles Royales , & fans l'argent courant
que l'on a mis en ceuureau pays , qui n'eft point
quimc,quicft. vue chofe innombrable, combien
que les premiers regillres des quints ne foient
pas fi clairemenr,ou intelligiblement efcrits,que
font ceux d'auiourd'huy : pourec qu'aux com-
mencemens,& prcmicresdefcouuertes, l'on fai-
foitlareceptepar Romaines, tant eftoit grande
l'ahondace qu'il y en auoit. Mais par les mémoi-
res & recherches que fitleViceroy DomFran-
cifque de Tolledc , en l'année mil cinq cens foi-
xante & quatorze fe trouua qu'il y auoic foixante
&feizemillions,iufquesen ladite année, ôc de-
puis ledit an iufques à celui de quatrevingts cinq
incluiiucmcnt, il appert par les regiftres royaux
. --:•*
HISTOIRE NATVRELLE
qu'il feft quinte iufqucsà trente-cinq millions.
L'onenuoyaau Viceroy ceconte dePotozi,en
l'anqnei'ay dit,lorsquei'cftoisau Peru,&:du de-
puis la riçheiïe qui eft venue aux flotes du Peru,
eft montée à beaucoup dauantage. En la fioteoù
ie vins,de l'an mil etnq cens quatre vingts fept,il
y auoit onze millions qui vmdrent aux deux flo-
tes du Peru 8c Mexique, dot les deux tiers eftoiet
en celle du Peru, 8c y en auoit preique la moitié
pour le Roy. I'ay voulu déduire cec.y particuliè-
rement, afin de faire en tendre la puillance que la
diuineMajeftéavoulu donner au Roy d'Eipa-
grie, fur les chefs defqucls tant de couronnes 8c
de royaumes ont efté ama(Iez,& lefqucls par (pé-
dale faneur du cielj, ont ioint les Indes Orienta-
les auecles Occidentales , enuironnans tootlc
monde par leur puillance. Ce que l'on doit croi-
re eftre ainfiarnuc par la prouidence de noltre
Dieu , pour le bien de ces peuples qui viuent fi
efloignez de leur chef,qui eft le Pontife Romain,
Vicaire de Chriftnoftre Seigneur, enlafoy &o-
beiifance duquel , tant feulement Ton peut eftre
faune, 8c mefme pour la defenfede la foy Catho-
lique 8c de l'Eglife Romaine, en ces parties,où là
vérité eft tant oppugnee, 8c pourfuiuie des héré-
tiques. Et puis que le Seigneur des cieux, qui dÔ-
ne & ofte les royaumes à qui il veut,& comme il
luyplaift Ta ainfi ordonné, nousledeuons iup-
plier qu'il luy plaife fauorifer le zèle pieux du
Roy Catholique, luy donnant heureux fuccez,
Ôc profper« victoire cotre les ennemis delafain-
clefoy,veu qu'en cefte caufeil gsfte le threfor des
Indes>qu il luy a dôné,voire en a befoin de beau-
coup
DES INDES. LIV. II II. 137
coup dauantage. Cependant il fufhtdauoir fait
cède digrefïïon pour monftrec les richefîes de
Pocozi. C'cllpourquoy nous revendrons àdirc
comme l'on trauailleés mines,& comme l'on af-
fine les mecauxqueronen tire.
Comme ton travaille es mines de Vuto?xi.
c H A P. VIII.
Bottius àt
Xrr^fj O e c e fe plaignant du premier inuenteur Bott"*s
î&h des mines, dit tort bien:
H eus primus t<tfuis fuit Ole,
^Auri qui po?idcra tefti.
GemHafatte , hiterc yolemes*
Vrecio(<t pericuU fodit ?
Auec raiton il les appelle precieux danger,pour
le grand trauail & péril auec lequel l'on tire les . ,,
1 U n- ni- j- fliaMb.
metaux,que les hommes eltiment tant. Pline die ,
qu'en Italie il y a plusieurs métaux, mais que les '
anciens ne voulurent pas permettre d'ytrauail-
ler,afin de conferuer le peuple. Ils apportoient
ces métaux d'Efpagne , & faifoient trauaiilerles
Espagnols aux mines,comme tributaires. L'efpa-
gne en fait auiourd'huy tout demefmeaux In-
des,en ce que y ayant & reftant fans doute en Ef-
pagne pluiieurs mines de metaux,neantmoins ils
ne les veulent pas chercher, ny permettre qu'on
y trauaille, àcaufedesinconueniens que l'on y
void chacun iour :mais ils les font apporter des
Indes, où on les tire auec beaucoup de trauail, Se
rifque.Ce roc de Potozi contient en foy,commc
i'ay dit,quatre veines principales,qui font la vei-
ne RichCjCcllc de Centcno,celle d'Eftain3& celle
S
HISTOIRE NATVRELLE
de Mendieta. Toutes ces veines font en la partie
Orientale delà montagne, comme regardans le
leuerdu Soleil: car en l'Occidentale il ne fen
trouue aucune: lefdites veines courent Nort &
Sud, qui eft de Poleen Pôle. Elles ont à l'endroit
le plus large fix pieds, 8c au pluseftrcitvncpaul-
me. Il y en a d'autres de diuerfe façon qui fortent
d'icellcs veines, comme les grands rameaux des
arbres ont de couftume d'en produire de petits.
Chaque veine a diuerfes mines , qui font parties
ou portions d'elle-mcfme, diftindtesôc feparees
entre diuers maiftres, des noms defquels elles
font ordinairement appcllees. Lagrande mine
contient quatre vingts verges , & ne peut conte-
nir dauantage par l'ordonnance,&: la moindre en
contient quatre. Toutes ces mines font auiour-
d'huy fort profondes. L'on conte en la veine Ri-
che foixante& dix-huid mines, qui font pro-
fondes de quatre vingts ¢ itades,ou hau-
teurs d'hommes,voire en quelques endroits iui-
ques à deux cents. L'on conte en la veine de Cen-
teno vingt-quatre mines , dont quelques-vnes
faduancent iufquesà feptante ou quatre vingts
ftades de profond , &ainiî des autres veines de
cefte montagne. L'on inuenta pour remède à cè-
de grande pcofondité , des mines qu'ils appellent
foccabones, qui font caucs ou mines faites au
pied de la montagne, lefquelles vonttrauerfant
iufquesà rencontrer les veines: car l'on doit en-
tendre que combien que les veines coutét Nort,
&Sud, comme ilaeftédit, neantmoins c'eft en
rabaiifant depuis le fommet iufques au pied 8c
bas de la montagne, qui fera félon qu'on croit
DES INDES. LI7. III T. 138
par conjecture plus de douze cens ftades. Et à ce
conte encor que les mines i'dïcndêt en telle pro-
fondeur^ refte ncantmoms encor plus de fix fois
autan t d'efpace, iuiqucs à leur fonds ôc racine,la-
quelle félon qu'ils difent doit eftre cres-riche&
abondance, comme le tronc Se lafource de tou-
tes les veines : combien que iufqu auiourd'buy
nous ayons veu lecontrairepar expérience, car
t.int plus haute & efleuee etl la veine à la fuperfi-
cie de la terre, tan r plus fe trouue riche,plus aufïï
qu'elle va en profondeur , l'on trouue Ion métal
plus panure, & moindre d'alloy. Cependant ils
inuenterent les Socéabons, par lefquels on entre
Se forr aifément, pour trauailler aux mines, auec
moins de couft,de peine Se de danger. Ils ont
huicl pieds de largeur, 6c vue ftadede hauteur, 6c
les ferment auec des porres. L'on tire par iceux
les métaux fort facilement,en payant au proprié-
taire du S occabon1, lecinquiefme de toutle mé-
tal quel'on tire pariceluy. Il y enadefianeuf de
faits,& autres que Ion a commencé a faire. L'on
fut vingt-neuf ans à fairevnSocabon , qu'ils ap-
pellent du venin, qui va fe rendre & donner à la
veine riche, ayat efté commencé en l'an mil cinq
cents cinquante, l'vnziefme année delà defeou-
uerte,& acheué en l'an mil cinq ces quatre vingts
cinq,rvnziefmed'Auril.CeSoccabon rencontra
la veine Richc,à trëte- cinq ftadespres de fa four-
ce ou racine, &y auoit de là où il rencontra la
veine iuiques au fault&emboucheuredelami-
ne,aiures cent & trente-cinq ftades. De faço qu'il
falloit delcendre toute cefte profondité pour
trauailler à la mine. Tout ce Soccabon contient
Sij
-ri
HISTOIRE NATVRELLE
depuis fon ouuerturc , iufques à la veine de Cru-
iero,qu'ils appellent, deux cents cinquante ver-
ges,à laquelle œuure turent employez les vingt-
neuf ans de temps, qui ont elle dits,afin que l'on
yoyele grand trauail que prennent les hommes
pour rechercher l'argent aux entrailles de la ter-
re. Cependant ils trauaillent en ces mines en cô-
tinuelîes ténèbres , & obfcurité, fansfçauoir au-
cunement quand il eftiour ou nuict. Or d'autant
quecefont lieux quele Soleil ne vifite aucune-
mental n'y a pas feulement de perpétuelles tene-
bies,maisauflly faitvn extrême froid,& y court
vn air fi groffier,& contraire à la nature & difpo-
fïtion humaine,que les hommes qui y entrent de
nouueau fy eftourdilîènc comme du mal de la
mec. Ccquim'aduintà moy-mefmeenvne de
ces mines,où ie fend douleur de cœur,&: fanglots
d'eftomach. Ceux qui y trauaillent fe feruent de
flambeaux & chancelles pour leur efclairer, en
départant le labeur, & l'ouurage de telle forte
que ceux qui trauaillent le iour, y repofent la
nuid, & les autres au contraire les viennent ef-
chager,pour trauailler la nuift & repofer leiour.
Le mctaly eft communément dur, & àceftecau-
fe ils le tirent à coups de marteaux,le rompant &
efclatant par force , comme il c'eftoit vn caillou.
Par après ils montent ce métal fur leurs efpaules,
pardesefchellcs à trois branches, faites de cuir
de vache retors, comme pièces de bois qui font
trauerfees défendions de bois: de forte qu'en
chacune de ces elchelles l'on y peut monter Se
defeendre tout enfcmble.Ces efchclies font lon-
gues de dix ftades, & à la fin d'icclies cnrCcom-
DES INDES. LIV. 1 1 1 I. 139
mence vne autre de la mefme longueur, comme-
çant & finiiïant chaque efchelle à des eftablies
& plates- formes de bois, où il y a des fieges, &
lieux pour fe repofer , comme galleries, d'autant
qu'il y a plusieurs de ces efchelles à monter bout
à bout.Vn homme y porte ordinairement fur Tes
efpaulesle poids de deux arrobes de métal, aucc
vne toilie attachée en façon d'vne hotte,& y rao
tent trois à trois. Ccluy qui va deuant porte vne
chandelleattacheeàfon poulce: carcommeileft
dit, il n'y a nulle lumière du ciel , & vont fe tenas
à Tefchelle des deux mains pour monter fi gran-
de efpace de hauteur, qui furpalFecommunémét
cent cinquante ftades de hauteur , chofe effroya-
ble,& qui donne l'efpauuente feulement à y pen-
fer,tant eft. grand le defir d'argent,pour la recher-
che duquel les hommes endurent tant de tra-
uail.Et certes ce n'eft point fans raifon que Pline
traittantdecefte matière f exclame, & ditainfi:
TZous entrons iufqucs aux entrailles de la terre , & al- p/<». in
Ions pourfmuant les richeffesiufques aux lieux des (on- f '«m. Ub.
damne^. Et par après au mefme Hure , il ditainfi: }J c'6'
Ceux qui recherchent les métaux font les œuures plus
que de geans tfaifans des trous & ruetes au profond de
la terre, perçans les montagnes fi auant , & fi profondé-
ment ,à la lueur des chandelles^où le mur <& U nuicifont
fembl allés , & en plufieursmois ne yoyent aucun iour,
d'où bicnfouticnt il aduicnt que les parois des mines fon-
dent & tombent , accahlans deffoU7y plnfieurs des mi-
niers qui y trauaillent.Etèn après il adioufte: Ils en-
tament la roche dure auec des marteaux de ferpefans
cent cinquante hures , & tirent les met aux fur leurs ef-
p*ules,trauaillans de iour & de nuiB, les vns dcfquels
S iij
. --;^
HISTOIRE N1TVR.UI.E
baillent leur charge aux antres, cjr tout cela e(l en olfi tt-
nté spuis que les derniers feulement voyent la lumière.
^Anec des coings de fer & des marteaux ils rompent 1rs
cailloux , tant durs & forts qu'ils/oient , pource que la
faim de l'argent e(l encorplus afpre & plus forte. Cela
cft de Pline , qui encor qu'il parle comme hillo-
riographe d'alors , neantmoins femble prophète
d'auiourd'huy. Et n'eu" moindre ce que Phocion
d'Agatharchides raconte du grad trauailqu'en-
duroienc ceux qu'ils appclloicntChry dos, à ti-
rer l'or, pource que comme le fufdit autheur dit,
l'or 8c l'argent donnent autantdetrauailàle ti-
rer 8c rechercher , comme il apporte de conten-
tement eftant polfedé.
Comme l'on affine le métal d'argent.
CHAP. IX.
fôgl Es veines que i'ay dit où Ton trouue l'ar-
^Sfgent , courent ordinairement entre deux
rochers qu'ils appellent la chaire, dont l'vn d'i-
ceuxaaccouftuméd'eftre tres-dur comme cail-
lou^ l'autre mol & plus facile à rompre. Tout
ce métal ne fe trouue pas toufiours efgal &d'vne
mefmeyaleur.Carily en avnemefme veine d'v-
ne forte fort riche, qu'ils appellent Caciii3,ou
Tacana,d'où l'on tire beaucoup d'argent, & l'au-
tre eftpauure, duquel l'on tire peu d'argent. Le
métal le plus riche de Cède montagne eft de cou-
leur d'ambre , 8c après celuy qui tire le plus fur le
noir.Ily en a d'autre qui eft comme roux,d'autre
femblable à la couleur de cendre : en fomme de
plusieurs 8c diuers couleurs, & fembie à ceux qui
DES INDES. LIY. HIT. 1 40
nelescognoiiïenc point, que ce foient des pier-
res de nulle valeur. Mais les miniers cognoilTent
incontinent fa qualité & (a perfection, par cer-
tains figues Se petites veines qu'ilsy voyent. On
porte tout le métal que l'on tire des mines fur des
moutons du Peru , qui feruet d'afnes à porter aux
moulins. Le métal le plus riche Raffine en le fon-
dant dedans ces petits fourneaux que i'ay dit,
qu'ils appellent Guayras. car ceftuy efl. le plus
plombeux, pour raifondequoy il.en efl; plus fa-
ci le à fondre, aufïï pour le mieux fondre, les In-
diens y jettent ce qu'ils appellent Soroche, qui
eftvn métal fort plombeux , & le métal eftant en
ces fourneaux , l'ordure & le terreftre par la force
du feu demeure en bas , &c le plomb & l'argent fe
fondent,de telle façon que l'argent ell porté na-
geant furie plomb , iufques à ce qu'il fou purifié,
puis après ils r'aSinent encor plufieurs fois cet
argent par celle manière de fondu re. L'on a ac-.
couftumé de tirer d'vn quintal dénierai, trente'!^,
quarante, voire cinquante pezes d'argent, 8c tou- ▼
tesfoisi'enay veud'vne forte que l'on me raon-
ftra par excellence, duquel l'on tiroit en le fai-
fant fondre de celle façon , deux cents , voire
deux cents cinquante pezes d'argent du quintal,
richetfe vrayement rare , & prefque incroyable,
Cpar le feu nous n'en auions veu l'expérience,
mais tels métaux font fort rares. Lepauureme-
taleftceluy qui d'vn quintal rend deux ou trois,
cinqoufix pezes, ou peu d'auantage. Ce mé-
tal ordinairement n'eft; point plombeux, mais
eft fec : c eft pourquoy l'on ne le peut affiner par
lefeu. Et pour cède raifon ilyauoit enPotozi
S itij
--:*
I
HISTOIRE N AT V R E L I. E
vnc grande quantité de ces pauurcs métaux , def-
quels l'on nefaifoit pas grand eftat, Se eftoient
deiettez comme la paille & comme l'efcume des
bons métaux , iufques à ce que Ton mit en auant
le moyen d'affiner ânec le vif argent,par le moyc
duquel cède efeume qu'ils appelaient Oquia-
chefutdegrand profit. Car levif argent parvne
eftrange&merueilleufe propriété purifie Target,
&: eft propre pour ces métaux qui font fecs ôc
pauures,efquelstoutesfoisilfeconfume moins
de vif- argent que non pas es riches : car rant plus
ils font riches,pius ont-ils befoin de vif-argent.
Auiourd'huy la façon d'affiner,qui eft la plus co-
mune ôc plus exercée en Potozi, eft celle qui fe
fait par le vif-argët,comme auflî es mines de Ca-
catecas ôc autres de la neufue Efpagne. Il y auoit
anciennement aux flancs ôc aux fommets de Po-
tozi plus de fix mil Guayras , qui font ces petits
fourneaux où l'on fond le métal , Iefquels eftoiè'c
t0 ofez en façon de luminaircs,tellemcnt que c'e-
*ftoit vn plaifant fpcctacle de les voir de'nuict , ôc
jetter la lumière n loin , qu'ils fembloientn'eftre
qu'vnbrafierou flamedefeu. Maisauiound'huy
pour le plus qu'on y en trouue, ceft deux mil,
d'autant que, comme i'ay dit , ils vfent peu de la
fonte,mais affinent auec le vif-argent , qui eft de
plus grand profit. Et pourec que les proprietez
du vif.argentione<idrnirables,&:que cefte ma-
nière d'affiner l'argent eft fort remarquable, ie
traitteray du vif-argent, de Tes mines &ouurage,
& ce qui fcmblera conuenable à ce fujecl.
DES INDES. II V. III I.
141
Des prof» ictc?x mcrueillcujcs du y tf -argent,
CHAP. X.
^^Evif-argetainfi appelle par les Latins,pour-
WSi ce qu'il coule ôcCt glifleviftementd'vn lieu
en autre, entre tous les metanxa degrandes ôc
merueilleufes proprietez.Lapremiere,que com-
bien que ce foie vn vray métal, fi eft-ce toutesfois
qu'il n'eft pas dur,& Ci n'a point de forme arreftee
ny de confiftance comme les autres metaux,mais
il eft liqnide ôc coulant , non pas comme l'or ôc
l'argent fondu, ains de fa propre nature,combieu
qu'il foitvne liqueur , il eftneantmoins pluspe-
fant qu'aucun autre métal :c eft pourquoy tous
les autres naget delfus , ôc ne vont pointau fond,
d'autant qu'ils font plus légers. I'ay veu mettre
en vn baril de vif- argent deuxliures de fer, lcf-
queilesnagcoientdelTus comme fait du bois ou
du liège fur l'eau'ë. Pline met vne exception à ce- Tlia -M-3J
la,di(àntquel'or tant feulement C'y enfonce ôcc'6'
ne nagepas delfusne n'en ay pas veu l'expérience,
mais parauanture cela procède de ce que le vif-
argent naturellement circuit l'or&lecache de-
dans foy, qui eft vne des plus importantes pro-
prietez qu'il ait. Car il T'attache à l'or dvne façon
merueilleuie , le cherche ôc le va trouuer là où il
lefent, & ce non feulement, mais aufïï il lenui-
ronne Se le ioint de telle façon, qu'il le defpouil-.
le& feparede quelconque métal & autre corps
oùilfoitmeflé. Pourcefteraifon ceux- là pren-
nent de l'or qui fe veulent preferuer dudomma-
ge ôc des incommoditez du vif argent. L'on P eft
-"}.*>
HISTOIRE NATVRELLE
feruy pour donner remède à ceux, es oreilles des-
quels on auroit mis du vif argent pour les faire
mourir fecretement, de certaines petites platines
d'or qu'on leur mettoit es oreilles, à caufede la
vertu qu'a J'or d'attirer le mercure. Et par après
ils tiroient les platines toutes blaches du vif ar-
gent qui C'y eftoit attaché. Eftant vniourà Ma-
drid allé voir les ouurages exquis que Iacomode
Treço, excellent ouunerMilannoisfaifoit pour
faind Laures le Royal, il aduin t que i e m'y trou-
uay le iour qu'ils doroient quelques pièces d'vn
contre-table qui eftoient de bronze, ce qui le fait
auec vif-argent. Et d'autant que la fumée du vif-
argent eft mortelle, il me dit que les ouuriers fe
preferuoientdece venin en prenant vn doublon
d'or roulé qu'ils aualoient,lequel eftant en l'efto-
mach attiroit à foy tout le vif-argent qui leur en-
troit en fumée par les y eux,par les oreilles,par les
narines,^ par la bouche, & par ce moyen fega-
rantifToient du dommage du vif-argent, que l'or
attiroitainfi en l'eftomach , & iettoient en après
le tout auec les exercmens , chofe certes digne
d'admiration. Apres que le vif-argent a purifié
l'or,& qu'il l'a nettoyé & purgé des autres mé-
taux^ de tout rrieflange , il eft réparé luy-mefme
d'auec l'or fonamy par la chaleur du feu , lequel
le laiiî'e du tout purifié & Tans vif argent. Pline
dit que par certain art Se inuentionl'on feparoit
l'or d'auec le vif-argét , toutesfois ic ne voy point
qu'auiourd'huy l'on vfedetel art, & mefemblc
que les anciens n'ont point feeu & entendu que
l'argent fe peut affiner auec du vif- argent, qui eft
auiourd'huy le plus grand vfage & principal pi o-
DES INDES. LIV. IIII. 142
fit du vif- argent, pource qu'il dit expreiïemenc
que le vif-argent ne fe îoint àaucun ancre métal
qu'à l'or , & lors qu'il fait mention d'affiner l'ar-
gent, il ne parle feulement que de la manière de
fondre , d'où l'on peut inférer que les anciens
n'ont point cogneu ceiecret. A la vérité iaçoit
qu'entre l'or & le vif-argent il y ait vue amitié &
iympathie , neantmoins là où le vif-argent ne
trouue point d'or, il fe va rendre à l'argent, & fe
ioint auec luy , bien que ce ne foit pas de telle fa-
çon qu'il fait aucc l'or. Mais en fin illenettoye,il
le fepare d'aucc la terre, le cuiure & le plomb,
paimy lcfquels l'engendre l'argent,làns qu'il foie
beloin de feu pour le raffiner parfondure, en-
cor qu'il fe faille feruir du feu pour Iefeparer d'a-
uec l'argent, comme iediray cy-apres. Le vif-ar-
gent ne tient conte des autres métaux, hor£mis
l'or & l'argent : au contraire il les corrompt, les
parforce&Iesconfomme, eV les va fuyant tant
qu'il peut. Ce qui eftauffivnechofe admirable,
ik pour cedecaufe l'on le met en des vafes de ter-
re, ou dans des peaux d'animaux, d'autant que lî
on le met dans des vaifleaux de cuiure , de fer, ou
d'autre métal, auffi toft il les perce & corrompt,
& pénètre auiu" toute autre matic're. C'eflpour-
quoy Pline l'appelle le venin de toutes choies,
& dit qu'il conlbmme & gaftetout. L'on trou-
ue du vif-arget es fepultures des hommes morts,
qui après auoir conlommé les corps, en fort
fort net, & fort entier. Il l'en cft mefme trouue
dans les o$& mouelle des hommes &c des ani-
mauxjeiquels l'ayant receu en fumée parla bou-
che & par les narines , il le congelé au dedans,
HISTOIRE NATVRELLE
& leur pénètre ainfi les os. Et pource c'eft vnc
chofe fort dangereufe de hanter & fréquenter
aucc vne créature fi venimeufe & fi mortelle. Il a
aum" vne autre propriété de courir & faire cent
mil petites goutes,defquelles pour petites & me-
nues qu'elles puiiïent eftre, il ne fen perd pas
vne, mais vont retournant par cyparlàfeioin-
dreauec leur liqueur. Etcftquafi incorruptible,
n'y ay^nt chofe prefque qui le puilîe gafter , d'où
vient que le mefme Pline l'appelle fueur éter-
nelle.Il a encer vne autre propriété, c'cft que co-
bien qu'il foie ccluy qui fepare l'or d'auec le cui-
ure,& de tous les autres métaux, neatmoins ceux
qui veulent dorer ducuiure, du bronze ou de
l'argent, feferuent du vif-argent!, pour eftre le
moyenneur de cet aifemblement: car on dore les
métaux par fon aide. Entre toutes les merueilles
de cefte eftrange liqueur, celle qui m'a femblc
plus digne d'eftre remarquée, eft que combien
-qu'il foit la chofe la plus pefante du môde,nean t-
moins il fe tourne totalement en la chofe plus
légère du monde , qui cft la fumée par laquelle il
monte en haut ayant efte conuerty en icelle,au(îï
toft lamefme fumee,qui eft vne chofe fi legere,fe
retourne du tout en vne chofe fi pefante, comme
eft la propre liqueur du vif- argent :enquoy ilfe
refout : car cefte fumec venat à rencotrer en haut
le métal qui cft va corps dur , oubienvenantà
vne région froide,au(îi toft il {'efpaiilît & fe tour-
ne en vif-argent: que fi l'on luy donne vneautre
fois le feu, tout de mefme ilfe retourne en fumée
pour ferefoudreencor en vif-argent. Tranfmu-
tation vrayement eftrange, d'vne chofe fi peian-
DES INDES. LIV. III. I45
te en choie (I légère, & d'vne fi légère en vne fi pe-
iante,ccque l'on peut tenir pour chofcrare en
nature. Et pourcc l'autheur de la nature eft cligne
d'eftre glorifié en toutes ces tk autres eftranges
propricrez de ce métal , puis que toute choie en-
gendrée obéit prornpccmentà Tes loix cachées
&incoçneuës.
Du lieu ou l'on trouue le vif-argent , & comme
l'on di'fcouurit ces tres-ricbes mmes
en Giuncauilc.i.
C H A P. XI.
to-jjj E vif- argent fe trouue en vne manière de
Çgj&l pierre, laquelle donne & apporte auffi tout
cnfemble ce vcrmeillon que les anciens appelle-
jzzntMimuW) &encor auiourd'huy l'on appelle
les images decriftal miniades,lefquels sot peints
auecdu vif-argent. Les anciens ont beaucoup
fait d'eftat de ce w/>;;«w,ou vermeillon, le tenant
pour vne couleur facrec, comme Pline raconte, t.*j,c.7
difantqueles Romains auoientaccouftumé d'en
peindre la facedelupitcr,& les corps de ceux
qui triomphaient en Ethiopie, mefmes les ido-
les, & les gouuerneurs aulîi auoient la face pein-
te de ce mtnium.Et que ce vermeillon eûoit telle-
ment cftimé à Rome ( lequel on y portoit feule-
ment d'Efpagne, où il y auoit beaucoup de puits
&dcmiues de vif-argent, qui y font encor au-
iourd'huy ) que les Romains ne permettoiét pas
que l'on l'afrînaft&aecommodaâen Efpagne,de
peur qu'ils n'en defrobalTent quelque chofe,
mais on leportoit à Rome , feellé , tout ainli en
-•;•>
HISTOIRE NATVRELLE
pierre comme ils le tiroient de la mine,puis l'affi -
noient. L'on y en apportoit par chacun an de
rElpaCTnc,fpecialenientde l'Andaluzie , enuiron
dix mil Hures, que les Romains eftimoientvne
exceiïiue richeile. l'ay rapporté tout cecy de cet
Autheur, afin que ceux qui voyent auiourd'huy
ce qui (epalîeau Peru, ayent le contentement de
feauoir cequi Pcftpaflc anciennement encre les
plus puiiïans ieigneurs del'vniucrs.Ieledy pour
leslnguas, Roysdu Peru,Sc pour les Indiens na-
turels d'iceluy,qui trauaillerent 8c rouyrent long
temps es mines de vif- argent, îansfcauoircc-quc
c'eftoicdu vif-argêr,&fanslecognoi(he, nj (ans
y rechercher autrechofeoue le cynabreou ver-
meillô,qu'ils appellent Limpi, lequel ils eftiment
beaucoup , pour ce mefme erre-ct que Pline a ra-
conte des Romains, &des Ethiopiès,qui eft pour
ie peindre 8c teindre la face 8c le corps d'eux
Scieurs idoles, ce qui a efte beaucoup pratiqué
par les Indiens, ipeciaU-ment quand ils alloient
à la guerre, & en vient encor auiourd'huy quand
ilsfont quelques dances 8c feftes, «Se appellent;
celafc barbouiller, pource qu'il leur fembloit
que les faces 8c vilages ainfi barbouillez efpou-
uentoient beaucoup , 8c auiourd'huy le tiennent
pour vn ornement, 8c mignardife. Pour cefte
cauie il y a eu d'eftranges ouurages de mines,
aux montagnes de Guancanilca , qui font au
Peru, proches de la cité de Guamangua, des-
quelles ils tiroient ce métal, &eft de la façon,
que fi auiourd'huy l'on entre par les caues 8c
{becabons , que les Indiens firent de ce temps là,
les hommes i'y perdent , 6c netrouucnc point
DES INDES. LIV. III. I44
de chemin pour en iortir : mais ils ne fc fou-
cioicnc point du vif-argent, qui naturellement
elt en la mefme matière, ou métal, de vermeil-
Ion , ny ne cognoilloient point qu'il y euft au
monde de telle matière. Les Indiens n'ont pas
elle (èuls, qui ayent ette longtemps fans auoir
cognoilîànce de cefte richeiîe , mais auflï les
Elpagnols ont tflé de mefme, iufques à ce que
en l'an mil cinq cens foixante iïx , & foixante
iept,quele Licentié Caftrô gouuernoit au Pe-
ru ,1'on (ickouurir Jcs mines de vif-argent , ce
quiaduint de cette façon. Vn homme d'enten-
dement, appelle Hcnrïcque Guarçes , Portu-
gais de nation , ayant vn morceau de ce métal
coloré, que i'ay dit, que les Indiens appellent
Limpi,auec lequel ils le peignent le vifage , com-
meille regardoit& contemploit , cogneut que
c'eftoit la mefme chofe qu'en Caftille l'on ap-
pelloit vermeillon. Et d'autant qu'il fçauoit
bien que le vermeillon fe tire du mefme métal
que le vif argent, il couiectura que ces mines
deuoiemeftrc de vif-argent, & fetranfporta au
lieu d'où l'on tiroit ce métal , pour en faire l'eflàr
& l'expérience. Ce qu'il trouua eftre ainfi,& ayant
de celte façon efte defcouuertesles mines de Pal-
cas au terroir de Guamangua,ilyallagrad nom-
bre d'hommes pour tirer le vif-argent , & delàle
porter à Mexicque, où l'on affine l'argent parle
moyen du vif- argent, dequoy plufîeurs fe font
enrichis. Celle contrée de mines,qu'ils appellent
Guancauilca,d«s lors fs peupla cî'Efpagnols &
d'Indiens, qui y arriuerent, & auiourd'huy y ar-
riuenc encor pour trauaiUer à l'ouurage de ces
HISTOÎ^E NATVRELLE
mines de vif argent,îefquelles font en grand no-
bre& fort abondantes. Mais fur toutes ces mi-
nes,celle qu'ils appellent d'Amador,de Cabrera,
autrement des Saints, eft belle de remarquable.
C'eft vn rocher de pierre très dure, toute femec
de vir-argent,& detellegrandeur qu'elle l'eftend
plus de quatre vingts varresen longueur, & qua-
rante en largeur ,J«n laquelle mine Ton a fait plu-
fieurs puits & folles de foixante Ôc dix ftadesde
profondeur,delorte que plus de trois cens hom-
mes y peuuenttrauailler tous enfemblctant eft
grande (a capacité. Celle mine fut defcouucrcc
par vu Indien d'Amador de Cabrera,appellé Na-
uincopa , du bourg d'Acoria , & la fit enregt tirer
Amadordc Cabrera en Ion nom. Il en fut en pro-
cez contre le Procureur fifcal, mais par arreftl'v-
iufruict luy en fut adiugé, comme ayant efté le
defcouureur. Du depuis il vendit fon droict à vn
autre, pour le prix de deux cens cinquante mil
ducats,& par après ayant opinion qu'il auoitefté
trompé en celle vente, mit enadtion l'acheteur,
pourec qu'ils difent qu'elle vaut plus de cinq ces
mil ducats, voire quclques-vns tiennent qu'elle
vaut bien vn million d'or : choie rare, qu'il y ait
vne mine de telle valeur & richeire! Lors que
Dom Francifquede Tollede gouuernoitau Pe-
ru,il y eut vn homme qui auoit elle en Mexique,
ôc remarqué comme Ton afrinoit Targentauec le
mercure,appellé Pero Fernandes de Velafco,qui
l'offrit &f'ingera d'affiner & de tirer l'argent de
Potozi, auec le mercure , & en ayant fait prcuue
en l'an mil foixante & onze, en vint à fon hon-
neur, &lors on commença eu Potozi à affiner
l'argent
, DES INDES. LIV. 1 1 1 1. 145
l'argent auec le vif- argent que l'on y portoit de
Guancauelicqua.qui fut vn beau remède pour
les mines :car par le moyen de ce vif-argent l'on
tira vn nombre infini d'argent de ces métaux,
dont ils ne faifoient point d'eftat, lefquels ils ap-
pelioient racleures. Car comme il a efté dit, le
vif-argent purifie l'argent, encor qu'il foit fec>
paun re,& de peu d'alIoy,ce que l'on ne peut faire
en le raiiant fondre par le feu. Le Roy Catholi-
que tire de l'ouurage des mines du vif-argët, fans
couil ny riique aucune, prcfque quatre cens mil
pezes démine , qui font de quatorze reauxeha-
cun5oupeu moins,outreledroidtquiluyreuienc
en Potozi , où il cil employé, qui eft vne autre
grande richeiïè. L'on tire chacun an l'vn portant
l'autre, de ces mines de Guancauilca, huicT: mil
quintaux de vif-argent,& voire dauantage.
De la façon de tirer le vif-argent, comme
on en affine l'argent.
C HAP. XII.
^g> I s on s maintenant comme l'on tirelevif-
ti#5 argent, & comme auec luy l'on affine l'ar-
gent. L'on prend la pierre ou metal,où îè trouue
le vif- argent, laquelle ils mettent au feu dedans
des pots de terre,bien bouchez, après qu'ils l'ont
premièrement pillée & moulue, de forte que ce
métal ou pierre venant à fe fondre par la chaleur
du feu,le vif-argent f en fepare,& en fort en exha-
lation, &c quelquesfois mcfme auec la fumée du
mefme feu , iufques à ce qu'il rencontre quelque
ilfarrefte &fecone«""
>rp<
qui
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HISTOIRE NATVRELLE
outre en haut fans rencontrer aucun corps dur, il
va à mont iulques à ce qu'il Toit refroidy , & lors
eftant congelé il retombe en bas. Quand la fon-
dureeftacheuee,ils detoupent lespots&en ti-
rent le metal,attendans toutesfois à ce faire qu'il
foitbien rcfroidy,car fil y reftoit encor quelque
fumée ou vapeur , qui rencontrait les perfonnes
qui les deftoupent,ce feroit pour les faire mourir
ou demeurer perclus, ou à tout le moins pour en
pedre les dents% Et d'autant que i'onvfe&def-
pend vn nombre infiny de bois pour entretenir
le feu à fondre les métaux jvn meufnicr nommé
Rodrigo de Torres,trouua vneinuention tres-
vtile , qui fut de cueillir d'vnc certaine paille qui
croift par toutes ces montagnes du Peru, laquel-
le ils appellent Ycho, & eft comme vne efpece de
ionc durauec quoy ils font du feu. C'eit chofe
merueilleufe , que la force que cefte paille a pour
fondre ces métaux , ce qui eft , comme Pline dit,
qu'il y a de l'or que l'on fond plus facilement a-
uec la flame de la paille,que non pas auec vn gros
brafier,quoy qu'il foit bien ardant & enfiamé . Ils
mettent le vif-argent ainfi fondu dans des peaux,
d'autant qu'il fe garde fort bien dans du cuir,&
de cefte façon l'on le met aux magailns du Roy,
d'où l'on le tire pour le porter par mer à Ariqua,
puis à Potozi par terre , fur les moutons du pays.
Ilfeconfume ordinairement chaque an en Po-
tozi , pour l'affincment des métaux enuiron ilx
ou fept mil quintaux de vif-argent, fans ce que
l'on tire des lames, (qui eft le terreftre , & ordure
des premiers lauoirs des métaux, qui fe font en
des chaudières.) Lefquelles lames ils bruïlcnt &
DES INDES. LIV. II II,
AG
1 mettent en des fourneaux pour en tirer le vif- ar-
gent qui demeure en icelles. Et y a plus de cin-
quantede ces fourneaux en la ville de Potozi, 8c
en Tarpaya. La quantité des métaux que l'on af-
fine (comme quelques hommes expérimentez
en ont fait le conte) Te peut monter à plus de
trois cens mil quintaux paran, des lames &ter-
reftresdefquels refondues &r'afînees, l'on peut
tirer plus de deux mil quintaux de vif-argent.
Or l'on doit fçauoir qu'il y adiuerfes fortes de
métaux, pouicc qu'il y a quelques métaux qui
rendent beaucoup d'argent &confommentpeu
de vif-argent, & d'autres au contraire quicon-
fomment beaucoup de vif-argent , 8c rendent
peu d'argent. Il y en a d'autres qui enconfom-
ment beaucoup , 8c rendent beaucoup d'argent,
8c d'autres qui confomment peu de vif argent,
8c rendent peu d'argent:& félon que les hommes
rencontrent en ces métaux ,ain(i ils enrichiffent
& appauuriiïent en leur traitte. Combien que le
plus ordinairement il arriue, que tout ainfi com-
me le métal riche donne plus d'argent, aufli il
conlomme beaucoup plus de mercure, 8c le pau-
ure au contraire ainfi qu'il donne peu d'argent, il
conlommeauilï peu de vif-argent. L'onpille ôc
meut premièrement le métal fort menu, auec
des maires 8c inftruments qui frappent & pillent
cefte pierre comme des moulins à- tan, &eftant
le métal bien pillé, ils le fafeent en des facs de
cuiurc, qui font 8c rendent la poudre aulîîdef-
liée 8c menue, comme ceux qui font faits de foye
de cheual , 8c fàfcent ces iacs , lors qu'ils fonc
bien accommodez 8c entretenus , trente quin-
--;•>
HISTOIRE NATVRELLE
taux en vn iour & vne nuict,puis l'on met la pou-
dre de ce métal , eftat falïee en des calions de bui-
trones , où. ils la mortifient & degraillent auec de
la laulmeure, mettante chaque cinquante quin-
taux de poudre cinq quintauxJeiel, & font cela,
•pource que le Tel delgraillc ce métal , & le fepare
d'auec la terre ik i'ordure<"ni'il a , afin que le vif-
argent recueille plus Facilement, &: attire l'argét.
Apres ils mettent du vif-argent envn lin^e de
Hollande cru, & le prelïent & expriment fur le
métal, lortant le vif argent comme vne ro(ee, en
tournant & méfiant touilours cependant le mé-
tal, afin que celle rolee de vif-argentfe commu-
nique à tout. Auparauantqu'ilsfeu lient inuente
les buitronesdefeu, l'on amatïoit&paiftnlloit
plufieurs&diuerfes foisle métal auec le" vif- ar-
gent,dans de grandes auges, 6c le lailloientainfi
pofer quelques iours, puis retournoient aie re-
mefler&pmnirer vne autre fois,iufques à ce qu'ils
penfoient que tout le vif argent eftouja incor-
poré auec l'argent , ce qui tardoit vingt iours &
plus,& quand il tardoit peu,c'eu:oit comme neuf
iours . Du depuis l'on defcouurit, (comme le de-
iir d'acquérir eft diligent) que pour abbreger le
"tompSjlefeuyaidoit beaucoup pour caufer que
îe vif argent recueillie pluftoft l'argent ,&ainli
ils inucutcrentles buitrones oùl'onmettoitdes
calles pour mettre le métal, auec du fel Se du vif-
argent, Se par délions mettoient le feu petit à pe -
tit en des fourneaux faits exprès par delîbus ter-
re, Se en l'efpace de cinq ou fix iours le vif argent
incorpore à foy l'argent, puis quand ilscognoil-
fent que 1« mercure a tait fon 4cuoir , fçautfic
DES INDES. HT. IIII. 1 47
qu'il a du tout alïcmblé l'argent , fans lai (fer rien
arriere,& qu'il ('en eft imbu, comme lait l'efpon-
gc de i'eau'éjl'incorporant auec foy ,& le feparan t
de la terre,du plomb & du cuiure,auec IefqUels il
{'engendre, puis ils le tirent &feparentdume£
me vif-argent. Ce qu'ils font en cefte maniere:ils
mettent le métal en des chaudières &vaiffeaux
pleins d'eauë, ouauec des moulinets ou roues,
vont tournant tout à l'entour le métal, comme
quiferoit delà mouftarde, cVlors vafortant la
terre & ordure du métal, auec l'eauë qui court,
&Targent& vif- argent, comme plus peiants de-
meurent au fond de la chaudière , Se le métal qui
demeure eft comme du fabie : de là ils le tirent 8c
portent lauervneautre fois auec de grands plats
de bois en des cuues pleines d'eauë, Se làilsache-
uent de faire tomber la terre , Iailîànt l'argent Se
vif-arget feuls. Toutesfois il ne lailfe pas de cou-
ler quelquesfois vn peu d'argent Se vif-argent,
au ec la terre Se ordure, Se eft ce qu'ils appellent
relaué, lequel ils approfitent par après, & en ti-
rent ce qu'il refte. Âpres donc que l'argent & vif-
argent font nets, Se qu'ils commencent à reluire,
à caufe qu'il n'y refte plus de terre, ils prennent
tout ce métal, lequel eftan t mis dans vn linge, ils
le preflTent Se expriment très fort,& par ce moye
iort tout le vif-argent , qui n'eft point incorporé
auec l'argent , Se demeure le refte fait comme vn
pain d'argent , Se vif argent, ainfi que demeure le
marc des amandes, quad elles font preffeespour
faire de l'huile , Se eftant ainfi bien prelîc Je marc
qui demeure contient en foy feulement la iixief-
me partie d'argent, &lescinqautresdemercure.
Tiij
HISTOIRE MATVRELLE
Tellement que fil relie vn marcdefoixanteli-
urcs,les dix font d'argent, & les cinquante de vif-
argent. De ces marcs ils font des pines, qu'ils ap-
pellenr,ou pommes de pin, en la façon de pains
de lucre ,crcufes par dedans, lefquelles ils font
ordinairement de cent liures pelant , puis pour
feparer l'argent d'auec le vif-argent, les mettent
au feu violent, où ilsles couurcnt d'vnvaze de
terre,à la façon d'vn moule à faire les pains de fu-
cre, qui font comme capuchons , &c les couurant
de charbon,leur donnent le feu, par lequel le vif-
argent f exhale en fumee,& rencontrant ce capu-
chon de terre, làf efpaifïit & diftilleainfi que fait
la fumée de pot au couuercle , & par vn canal en
façon d'alambic, l'on reçoit tout le vif- argent
quifcdiftille, demeurant l'argent feul, lequel ne
ie change en la forme & figure, mais au poids il
diminué de cinq parts moins qu'auparauant , &
demeure crefpu cVfpongieux, quieftvnechofc
digne de voir. De deux de ces pines l'on fait vnc
barred'argent du poids de foixante-cinqoufoi-
xante fix mars , & de cette façon ils la portent ef-
fayer,qutnter& marquer. L'argent tiré auec le
mercure, eft fi fin , que iamais il n'abaiiîe de deux
mil trois cens quatre vingts d'alloy, & eft fi ex-
cellent, que pour le mettre en ceuure les orfeu-
uresontbefoinde l'abbaiffer d'alloy, en y met-
tant delà foulde ou meflange, comme aufîi l'on
fait es maifons de la monnaye, où l'argent fe met
en œuurc fous le coing. L'argent endure tous ces
tourments & martyrs (fil Faut dire ain Ci ) pour
cftre afEné:que Ci l'on côfidere bien, c'eft vn amas
tout formé où l'on, meut, l'on fàfTe, l'on paiftrie,
DES INDES. LIV. 1 1 1 1. I 48
l'on fait le leuain,& l'on cuit l'argent: outre tout
cela,l'on le laue,rclaue, cuit,& recuitjpaflant par
les pillons,facs.auges3buytrones, chaudières, ba-
toirs,prcfïbirs, fours,& finablemcntpar l'eauë &
par le feu. le dis cecy, pource que voyant cet arti-
fice en Potozi , ie confiderois cequeditl'Efcri-
ture des iuft.es, que coUbit eos^ &purgabït quafiar-
gentum : Et ce qu'elle dit en autre part : fient argen-
tin purgatum terra purgatum feptuplum. Tellement
que pour purifier l'argent , l'affiner & le nettoyer
de la terre & pierre où il T'engendre^'on le purge
& purifie feptfois : car en efifecfcils le tourmentée
& parlent par les mains fept fois , voire dauanta-
ge,iufques à ce qu'il demeure pur & fin,ce qui eft
de mefme en ladoctrine du Seigneur, & doiuent
eftre telles,& ainfi purifiées les âmes qui doiuent
participer &ioiïir de fa pureté diuine.
Des engins à moudre les métaux y& de
l'ejjay de l'argent.
CHAP. XIII.
Ovr conclure cefte matière, & fujecT: de
l'arget 6c des metaux,il nous refte deux cho-
fes à dire , l'vne defquclles eft de traitter des en-
gins & moulins,& l'autre des elTais.I'ay défia dit,
comme l'on meut le metalpour receuoir le vif-
argent,laquelle moulure fe fait auec diuers in-
ûrumes & engins, les vns auec des cheuaux com-
me des moulins à bras , & les autres comme
moulins à eau'è , defquelles deuxfortes y a vne
grande quantité. Mais d'autant que l'eauë qu'ils
T iiij
il
HISTOIRE NATVRELLE
ont là communément n'eft que de la pluye, il n'y
en a pas fuftifamment en Potozi , qu'en trois ou
quatre mois, qui font en Décembre, Ianuier, Fe-
urier,pour celle occafion ils ont fait des lacs Se
eftangs qui contiennent de circuit comme mil &:
fîx cens verbes. Se de profondeur trois ftades . il v
en a fept auec leurs eiçlufes, tellement que quand
il eft befoin d'eauë, l'on leue vneeiclufe d'où fort
vn ruiilèau d'eauë, lequelsils referrent aux feftes.
Et quand les Lacs Se eftangs fe remplirent, Se que
l'année eft abondante en pluyes, le moudre y du-
re fix ou fept mois,de façon que mefme pour l'ar-
gent les hommes défirent Se demandët vne bon-
ne année d'eaues en Potozi , comme l'on fait aux
autresendroitspourlepain.Ily a d'autres engins
enTarapaya,quieft vne vallée diftante trois ou
quatre lieues de Potozi , où il court vue riuiere,
comme mefme en d'autres endroits. La diuerfitc
qui eft entre ces engins, eft que les vns font de fix
pillons, les autres de douze, Se les autres de qua-
torze. L'on meut & pille le métal en des mortiers
oùiour Se nuid ils trauaillent , & de là l'on porte
cequieftmoulu pourfaéeer. Ily a auriuagedu
jsuifleau de Potozi quarante- hui&inftrumens Se
engensàcaucdehuicl:,dix& douze pillons, Se
quarte autres de l'autre coftè , qu'ils appellent
Tanacognugno, en lavalieedcTarapaya,yena
vingt- deux tous à eauë, outre lefquels y en a tren-
te àcheual en Potozi,& plufieursautres en d'au-
tres endroits, tant a efté grand & eft encor le defir
&induftrie de tirer l'argent : lequel finalement
eftcffayé&efprouuc parles maiftres à ce depu-'
tezpat le Roy .Pour donner l'alloy à chaque pie-
DES INDES. 1IV. II II. I49
ce l'on porte les barres d'argent i l'elTàyeur , qui
met à chacune Ton numéro , pource que Ton luy
en porte plu (leurs à la fois, il coupe de chacune
vu petit morceau, lequel il poifeiuftement, & le
metenvn creufet, qui eftvn petit vafe fait de cè-
dres dos brûliez & battus, puis il pofetous ces
erçulets chacun en (on ordre au fourneau , leur
donnant le feu violent, lors le métal fe fondj&rce
qui eft plomb fe refout enfumée ,&Iecuiure &
eftain fedilîbluent, demeurant l'argent très- fin
de couleur de feu: &eft vue chofemerueilleufe,
que quand.il eft ainfi r'afliné, encor qu'il (oit li-
quide & fondu, il ne f'efpand point,quoy que l'on
rennerfe le creufet la bouche en bas, mais ilde-^
meure toujours fixe,& (ans en tomber vne gout-
te. L'eflayeur recognoift en la couleur Se antres
figues quand il eft affiné, & lors il tire les creuiets
du feu , Se repefe délicatement chaque morceau,
regarde ce qu'il eft diminué deion poids , pource
que celiiy qui eft de haute loy diminue peu,& ce-
luy qui eft déballe loy beaucoup, 8c ainfi félon
qu'il eft diminué il void l'alloy qu'il tien*, fuiuat
quoy il marque pundtualement chaque barre. Le
poids évballancc font Ci délicats, Se les grains (i
menus, que l'on ne les peut prendre auec la main,
mais feulement auec des pincettes, Se fait- l'on
cet efïày à lalumiere de la chandelle,afin qu'il n'y
ait aucun air qui lace mouuoir les balances: car
de cepeudefpedïeprix& valeur de toutcla bar-
re. C'eft à la vérité vne chofe délicate, &: qui re-
quiert vne grande dextérité , dequoy mefmc Pai- pp/\<y .
delafaincteEfcriturecn diners endroits, partie prom.17.
pourdeclarer dequellefaçon Dieu efprouue les 17-
-■;'\
Trott.i.
HISTOIRE NATVRELLE
fîens , & pour noter & remarquer les différences
Hterem.6. des mérites & valeur destines, où au Prophète
Hieremie Dieu donne le tiltre d'elfayeur, afin
qu'il cognoifle & déclare ia valeur fpirituelle
des hommes & de fesccuurcs, qui eft vn propre
négoce de l'efprit de Dieu, cftant celuyquipefe
l'efprit des hommes. Nous nous contenterons
de ce qui eft dit fur le fuject de l'argen^metaux &
mines , & paierons aux deux autres mixtes pro-
pofez, qui font les plantes & animaux.
Des Efmeraudcs.
c H A P. XI I II.
g#A L ne fera pas hors de fujeâ de direquclquc
«JUS chofe des EfmeraudeSjtant pource que c eft
vue chofe precieufe comme l'or & l'argent,donc
nous auons traitté, que pource qu'ils viennent &
prennent leur origine mefme des mines &des
vUn.lib. metaux,ainfi que raconte Pline. L'efmeraude a
37c-5- efté anciennement en grande eftime , comme le
mefme autheur eferit, & luy donnoit-on le troi-
fiefme lieu entre les ioyaux & pierres precieu-
fes, feauoir après le diamant & la perle. Auiour-
d'huy l'on n'eftimeplus tant l'efmeraude, ny la
perle , pour la grande abondance que l'on a ap-
portée des Indes de ces deux fortes de pierres , &
n'y a que le diamant feul qui retienne & demeure
en fa principauté , laquelle on ne luy peut ofter.
Apres viennent en eftime les rubis fins 8c les au-
tres pierres, que l'on tient plus precieufes que
les eimeraudes. Les hommes font tan: amis des
DES INDES. LIV. IIII. l^O
fingularitcz & des chofes rares , que ce qu'ils
voyenteftre commun ils ne l'eftiment plus. L'on
raconte d'vn Efpaguol qui au commencement
de la defcouuerte des I udes fut en Italic,& mon-
ftra à vn lapidaire vue efmeraude,auquel deman-
dant le prix d'icelle, après que le lapidaire l'eut
regardée de près de bien confédérée comme elle
eftoit d'vne excellente qualité 8c figure , re/pon-
dit qu'elle valloit cent ducats. Il luy en monftra
vne autre plus grande que le lapidaire eftima
trois cents ducats. L'Efpagnol cftantenyurc de
ces proposée mena en Ton logis, & luy en mon-
ftra vn caflbn tout plein : lors l'Italien voyant vn
Ci grand nombre de ces efmeraudes,dit;MÔn"eur,
celles- là vaudront bien vn efeu la pièce. Ileneft
aduenu autant es Indes 8c enEfpagne, que ces
pierres ont perdu leur valeur , pour la grande ri-
cheflTe& abondance d'icelles qui ("yen efttrou-
uee. Pline raconte plusieurs excellences descf- vlin.Ub.
meraudes , entre lefquelles il dit,qu'il n'y a chofe 57*c. 5-
plus agréable ny plus falubre à la veuë,enquoy il
araifon. Mais ion authorité importe peu, pen-
dant qu'il y en aura telle abondance. LctliaRo- p in-tb-9'
maine,de laquelle il raconte qu'en vn fcofHon 8c
veftement brodé de perles&cfmeraudes,elle em-
ploya la valeur de quatre cens mil ducats , pour-
roitauiourd'huy auec moins dequarante mil en
faire deux paires tels que celuy-là.Il C'en eft trou-
uéendiuerfes parties des Indes, 8c les Roys de
Mexique les eftimoient beaucoup,voire auoient
açcouftumè queiques-vns de fe percer les narines
8c d'ymettre vne exccllete eimeraude Ils les met-
toient aux vifages de leurs idoles, mais le lieu où
-tVj
HISTOIRE NATVRELLE
Ton en a trouuc &c C'en trouue encor auiourd'huy
plus grande abondance ed au nouueàu royaume
de Grenade, &: au Peru, proche de Manta, 8c porc
vieil. Il y a vers ce lieu vn terrouer qu'ils appel-
lent terre des efmeraudes, pour la cognoilïance
que l'on a qu'il y en a beaucoup, encor que inf-
cjues auiourd'huy l'on n'apoint conquefté celle
terre. Les efmeraudes naiifent en des pierres en
forme de cry (taux , & les ay veues en la melme
pierre , qu'ils vont comme y formant vue veine,
Ôc comme il (emble fe vôt peu à peu efpaiflilTant
& affinant. Pourceque i'en veids quelques- vncs
quieftoientmoitié blanches, & d'autres ja toutes
vertes &c parfaites du tout, l'en ay veu quelques-
vnes de la grandeur d'vne noix, & fen trouue de
plusgrandes:mais ie n'ay point fecu qu'en noftre
temps l'on en ait trouuc de la grandeur & figure
du plat ou ioyau qu'ils ont à Gennes, qu'ils efti-
n.ct auec raifon pour ioyau de grand prix,&: non
pas pour relique, puis qu'il n'apparoift point que
cefoitvnerehque,mais cft le contraire. Neant-
vl'm.Ub. moins,fanscomparaifon,cequeTheophra(tera~
îj.cap.i. conte de refmeraude,que le Roy de Babylone
prefentaau Roy d'Egypte,furpa(Te celle de Gen-
nes. Or elle auoit quatre coudées de long,& trois
de large, Se dit qu'au temple de Iupiter il y auoit
vue elguille,ou pyramide , faite de quatre pierres
d'efmeraudes,de quarante coudées de long, &en
quelquesendrons de quatre coudées de large, &
de'deux en d'autres endroits, de que de fon temps
il y auoit à Tyr,au temple d'Hercules, vnpillier
d'efmeraude. Il edoit parauanture, comme dit
Pline,de pierre verte, qui tiroitfur l'eimeraude,
MMgMK'v
DES INDES. Lï V. III. I )I
& l'appelloicntefmeraude faillie: comme quel-
ques-vns veulent dire que certains pilliers qui
font en l'Eglife cathedrallede Cordoiie,fontde
pierre d ef rtTeraude,& y (ont depuis le temps que
elle fut mefquitte des roys Miramamolins Mo-
res , qui régnèrent en icelle. En la flotte de mil
cinq cents quatre vingts lept , en laquclleie vins
des Indes, ils apportèrent deux calions d'efmc-
raudes, dont chacun pefoit pour le moins quatre
arrobes, d'où Ton peut voir l'abondance qu'il y
eu a. LEIcritnre faincle célèbre les efmeraudes,
comme ioyaux fort précieux , on la mec entre les
pierres precieules, que le grand Pontife portoit
en fonenhod, ou pectoral , comme celles qui or-
noientlejmursdcîacelefte Hieruialem.
Exoi.zy.
39-
Des V rrk s.
CHAP. xv.
x?»\ Aintenajit que nous traittonsdelaprinci-
(H-* pale richeile que l'on apporte des Indes, il
n'elt pas raiionnable d'oublier les perles , que les
anciens appelloient marguarites , &c eftoientaux
premiers temps en fi grande eftime, qu'il n'appar-
tenoit qu'aux perfonnes royales à en porter,mais
auiourd'huy ilyenatelleabondace,quelesNe-
greilèsmefmes en portent des chaines. Ellesfen-
gendrent es couches ou huiftres de la mer, aucc
leur chair , & m'eft arriué mangeant des huiftres,
d'y trouuer des perles au milieu. Ces huiftres sot
par dedan s d'vne couleur,comme de ciel, fort vi-
ve: & en quelques endroits l'on en fait des cuil-
lieres, qu'ils appellent de nacre. Lespecles(font
..-;•*/
HISTOIRE NATVRïLLt
de très différentes rbrmes,cn la grandeur, figure,
couleur & poliiîeure, comme auflïen leur prix
elles différent beaucoup. Ils appellent lesvnes
Aue marias, pour eftre comme les petits grains
du chappelet,Ies autres patcnoftres, parce qu'el-
les font grolfes. Peu fouuent l'on en trouue deux
qui foient tout d'vnegradeur, forme & couleur.
Pour cette occatlon les Romains (félon qu'eferit
Pline)lesappelloientVnions. Quand il aduienc
que l'on en trouue deux, qui ferelfemblcnt du
tout,ils haulTent beaucoup de prix, fpecialement
pour des pendants d'oreiile.I'enay veu quelques
paires qu'ils eftimoient à milliers de ducats, en-
cor qu'elles ne flirtent pas de la valeur des deux
perles deClcopatra,deiquelles Pline raconte que
chacune valloit cent mil ducats, auec lefquelles
cefte folle Roine gaigna la gageure qu'elle auoit
faite contre Marc Antoine degafter&defpen-
feren vn fouper plus décent mil ducats,d'autant
que fur ledeUertellemit vnedeces perles en de
fort y inaigre, puis après la perle eftantdirtbute
aueclevin-aigre,ellelabeut ainfi. llsdifencque
l'autre perle fut coupée en deux, &mife au Pan-
théon de Rome, aux pendants d'oreille delà fta-
tuc de Venus. Efope raconte de Clouis,fils du ba-
fteleur ou comédien, qu'en vn banquet il fit pre-
fenter aux conuiez entre les autres mets, à cha-
cun vne perle riche,diflbulte en vinaigre , afin de
rendre la fefte plus magnifique. Ce font eftédes
folies de ce temps là, mais celles d'auiourd'huy
ne font pas moindres, attendu que nous voyons
non feulement les chapeaux Se les cordons, mais
aufïï les botines, & les patins,dcs femmes de baf-
DES INDES. LIV. III I. If2
fe condition, cftre tous femcz & brodez deper-
les. L'owpefche des perles en diuers endroits
des Indes , mais la plus grande abondance eft en
la mer du Sud, proche du Panama, où font les
ifles qu'ils appellent pourcefteoccafion lesifles
des perles. Mais l'on en tireauiourdhuy enla
mer du Nort en plus grande quantité Se de meil-
leures , qui eft proche de la riuiere , qu'ils appel-
lent de la Hache. leveidslà comme l'on en fai-
foit la pefche,qui fe fai t auec allez de couft , 8c de
trauaildes pauuresefclaucs, lefquelsfe plongent
fix, neuf, voire douze brades en la mer, à cher-
cher les huiftres, lelquelles ordinairement font
attachées aux rochers, & grauier de la mer.Ils les
arrachent de là,'&fen chargent pour rcuenir fur
l'eauë, & les mettre en leurs canoes,où ils les ou-
urent après pour en tirer le threfor qu'ils ont
dedans. L'eau'è de la mer eft en cet endroit tres-
froide, mais encor ce leur eft beaucoup plus grad
trauail de retenir leur haleine quelquesfois vn
grand quart d'heure, voire demie heure, enfai-
iàntleurpefche. Etafin que ces pauuresefclaues
puifïent mieux retenir leur haleine , ils leur font
manger des viandes feches , & encor en petite
quantité, tellement que lauarice leur fait faire
cesabftinences &: continences contre leur vo-
lonté. L'on met des perles eu œuure en diuerfes
façons,& les perce-on pour faire des chaines , ôc
y en a ja grand abondâce en quelque lieu que ce
foir. En l'an mil cinq cens quatre vingts fept ic
veids au mémoire de ce qui venoit es Indes pour
leRoy,qu'il y auoiti8. marcs deperles,& encore
trois caiîbns dauantage. Et pour les particuliers,
Ufci
HISTOIRE NATVRELLE
ilyenauoit mil deux cens foixante, & quatre
marcs , &: outre tout cela fept fachets , qui n'e-
ftoient point pezez,ce que l'on euft tenu en autre
temps pour fable.
Du Vain des Indes , c>:' du 7\l.iyx.
c H A P. XVI.
n$T{) Aiiuenant pour traitter des plantes, nous
:£&£•: commencerons à celles qui font propres Se
particulières es Indes , & puisapres de celles qui
ion t communes aux Indes,& à l'Europe. Et pour
ce que les plantes omette créées principalement
pour l'entretien de i'homme,& que la principale
dont il prend nourriture eft le pain, il fera bon de
dire quel pain îly a aux Indes^ic dequoy ils vfenc
àfamed'iceluy. Ils ont comme nous auonsicy,
vu nom propre, par lequel îlsdefigncnt & iigni-
fientlcpains qu'ils difent au Peru , Tança, ôc en
d'autres lieux d'vne autre façon. Mais la qualité
& fubftance du pain dont ils vfoientaux Indes,
eftehofe fort différente du noftrc,pource qu'il
nefe trouuequ'ily cuit aucun genre de froment,
ny orge,ny mil, ny de ces autres grains dont l'on
fe fert en Europe à faire du pain:au lieu de cela ils
yfbient d'autres fortes de grains &c racines, entre
lcfquelslemaystientle premier lieu ,&auec rai-
ion le grain qu'ils appellent mays.que l'on ap-
pelle en Caftille bled d'Inde , &c en Italie grain de
Turquie. Etainiicommelefromenteille plus
commun grain pour l'vfage des hommes, es ré-
gions de l'ancien monde, qui font Europe, Afie,
& Afrique; Ainfi aux endroits du nouueau mon-
de, le
DES INDES. LIV. IIII. I 5 3
<îe , le grain de mays eft le plus commun , & qui
prefque f'eft trouue en tous les royaumes des In-
des Occidentales, comme au Peru,cn laneufuc
Efpagne, au nouueau royaume, en Guatimalla,
en Chilien toute la terre ferme ferme. le ne
trouue point qu'anciennement es ifles de Barlo-
uente,qui font Cubajfain&DominiqueJamayc-
que,& faind Iean , ils vfallent du mays ; amour-
d'huy ils vfent beaucoup de Yuca,& Caçaui,de-
quoy nous traitterons incontinent. le nepenfe
point que le grain de mays foit inférieur au fro-
ment en force ny en fubftance, mais il eft plus
chaud & plus grofïicr,& engendre beaucoup de
fang, d'où vient que ceux qui n'y font point ac-
couftumez , f'ils en mangent trop,ils deuiennenc
enflez Se rongneux.il croift en des cannes,ou ro-
feaux, chacun defquels porte vne ou deux grap-
pes, aufquelles le grain eft attaché :& combien
que le grain en foit alFez gros, Ci eft-ce qu'il C'y en
trouue en grande quantité , tellemct qu'en quel-
ques grappes i'ay conté fept cents grains. Il le
faut femer à la main vn à vn,&: non pas efpars. Il
veut la terre chaude & humide, & en croift en
plufieurs lieux des Indes en fort grande abon-
dance. Et n'eft point chofe rare en ces pays de re-
cueillir trois cents fanegues ou mciures d'vnc
feule de femence. Ilya de la différence entre le
mays, comme il y en a entre le froment : l'vn eft
gros & fort nourriflant , & l'autre petit & fec,
qu'ils appellent Moroche. Les fucilles & la can-
ne verjte du mays eft vn manger fort propre pour
les mulles& pour lescheuaux, &l«ur fertaufli
de paille quand elle eft fechc: le grain en eft de
V
Mi
HISTOIRE NATVRE1LE
plus de fubftance & nourriture pour les cheuaux
que n'eft pas l'orge. C'eft pourquoy ils ont ac-
couftuméences pays défaire boire les belles a-
uant que leur donner à manger. Car C\ elles beu-
uoient après, ce feroit pour les faire enfler , com-
me elles feroient ayant mangé du froment. Le
mays eft le pain des I ndes,& le mangent commu-
nément boiiilly ainfi en grain tout chaud,& l'ap-
pellent Mote , comme.les Chinois & Iappons
mefme mangent le ris cuit auec fon eauë chaude,
quelqucsfois le mangent rofty. Il y a du mays rod
& gros comme celuyde Lucanas}queles Efpa-
gnols mangent rofty comme viande delicieufe,
ôc a meilleure fàueur que les buarben fes ou pois
roftis.il y a vne autre façon de le manger plus de-
licieufe, qui eftde moudre le mays, & en ayant
amalféla fleur , en faire de petits tourteaux qu'ils
mettent au feu , qu'on a accouftumé de pref enter
touschaudsàlatablc. En quelques endroits ils
les appellent Arepas. Ils font mefme de celle pa-
rle des boulles rondes,& les accouftrent d'vne fa-
çon , qu'ils durent &feconferuent long temps,
les mangeans comme vn mets délicieux. Ils ont
inuentéaux Indes ( pour friandife& délices) vne
certaine façon de paftez qu'ils font decefte pafte
& fleur auec du fiicre, lefquels ils appellent bif-
cuits,& mellindres. Lcmaysne fert pas feule-
ment aux Indiens de pain,mais auflï il fert de vin:
car ils en font leurboiiîbn, de laquelle ils Pcn-
yurentpluftoft que devin de raifins. Ils font ce
vin demays en diuerfes façons,i'appellans ait Pe-
ru Acua , & pour le nom le plus commun es In-
uCSjCIiicha. Le plus fort fc fait en façon de cer •
■■■■■■HHHI
DES INDES. LIV. 1 1 1 1. I 54
uoifc,mettant tremper premièrement le grain de
mays iufquesàcequ'il lecreue , par après ils le
cuifent d'v ne telle façon, & deuient fi fort qu'il
en faut peu pour abbatre fon homme. Ilsappel-
Ientceftuy-îà au PeruSora, &c eft vn breuuage
défendu par la Loy , à caufe des grands inconue-
niens qui en prouiennent enyurant les hommes.
Mais cefte loy y eft. mal obferuee , d'autant qu'ils
ne lai lient point d'en vfer, ains patfentles nuicfcs
&c les iours entiers à en boire en dancans & bal-
lans. Pline raconte que cefte façon de breuuage, vjin ^
qui eftoit de grain trempé & cuit par après ,auec l4.f.n.
lequel on f enyuroit,eftoit anciennement en via-
ge en Efpagne, en France & end'autresprouin-
ces, comme auiourd'huy en Flandres ils vient de
laceruoifefaitede grain d'orge. Il y a vue autre
faço de faire l' Acua ouChicha,qui eft de mafeher
le mays, & faire du leuain de ce qui a cfté ainfi
mafché,apres le faire bouillir , voire eft l'opinion
des Indiens, que pour faire de bon leuain il doit
cftremafché par des vieilles pourries , ce qui faic
mal au cœur a Fouit feulement, toutesfois ils ne
laiiîènt pas de le boire. La façon la plus nerte, la
plus faine, 5c qui fait moins de dommage eft de
roftirce mays, qui eft celle dont vient les Indiens
les plus ciuiliiez , & quelques Efpagnols mefme
pour medecinercar en cffecl: ils trouuent que c'eft
yne fort falubre boiiFon pour les reins, d'où vient
qu'es I ndes à peine fetrouue-il aucun ^ui fe plai-
gne de ce mal de reins , à caufe de ce qu'ils boiucc
de ce chicha.Les Efpagnols &Indiés magét pour
friadii c ce inays boiiilly ou rofty , quâd il eft ten-
dre en Cà grappe côme laicfc,ils le mettent au poc,
Vij
r~JLL:<_.
HISTOIRE NATVRELLE
&en fontdesfaulfes,quie(tvn bon manger. Les
rejettons du mays font fort gras, 8c feruent au
lieu de beurre 8c d'huile,tellement quele mays es
Indes fert aux hommes Se aux belles de pain , de
vin & d'huile. Pour celle raifon le Viceroy Dom
Francifque de Tollede difoit que lePeru auoic
deux choies riches , & de grande nourri tuie , qui
cftoientlemays&lebeftialdupays. A la vérité
ilauoitraifon, d'autant que ces deux choies y
feruent de mil. le demanderay pluiloft que ie ne
refpondray,d'où a efté porté le premier mays aux
Indes , Se pourquoy ilsappelleten Italie ce grain
tant profitable, grain de Turquie ? Car à la vérité
icnctrouue point que les anciens facent men-
tion de ce grain, combien que le mil ( que Pline
eferit cftre venu de l'Inde en Italie, y auoitdix
ans lors qu'il efcriuoit ) ait quelque rellem-
blanccaueclemay* , en ce qu'il dit que c'eft. vu
grain qui naift en rofeau, & fe couurc de (à fueil-
Ic,ayant le coupeau comme des cheueux,& en ce
qu'il e(l fertile. Toutes lefquelles chofes ne fc
rapportent pas au mil. Enfin le Créateur ade-
party& donné à chaque région ce qui luycftoit
necelîàire. A ce continent iïa donné le froment,
qui eft le principal entretenement des hommes,
6c au continent des Indes il a donné le mays,qui
tient le fécond lieu après le froment, pourl'en-
tretenement des hommes 8z des animaux.
DES INDES. LIV. 1 1 1 1.
M5
Des Yucœs, Cacaut, Vitp&s, Chtmes, & ait B^ts.
C H A P. XVII.
N quelques endroits des Indes l'on vfed'vn
S genre de pain qu'ils appellent Caçaui, le-
quel te fait d'vne certaine racine qu'ils appellent
Yuca. L'yuca eft vne grade 8c grotte racine qu'ils
coupent en petits morceaux, la râpent, puis la
mettanscômecnvneprefle ils l'efpreignëtpour
en faire vne tourte defliee & grande , de la forme
prefque d'vne targue ou bouclier de More , puis
après ils la font lécher , & eft le pain qu'ils man-
gent. C'eft vne chofe fans gouft , mais qui eft fai-
ne^ de bone nourriture. Pour cefte raifon nous
diflons (eftans à fàinct Dominique ) que c'eftoit
le propre manger des gourmads , car l'on en peut
manger beaucoup, fans craindre quel'excez en
face mal. Il eft befoin d'humecter la Caçaue pour
la manger,d'autant qu'elle eft afprc, & l'humecte
facilement, aucc de l'eauë ou du potage, où elle
eft fort bonne, ponree qu'elle Penfle beaucoup,
de ainfiiîsenfontdes capirotades. Maisellefe
trempe mal aifément en du laid ny en du miel
de Canes, ny en du vin, parce que les liqueurs ne
la peuuent pénétrer, comme ils font le pain de
froment. Il y a de cefte Caçaue l'vne plus délicate
que l'autre, qui eft celle que l'on fait delà fleur,
qu'ils appellét xauxau,lâquelle ils eftiment beau-
coup en ces parties là. Quant à moy i'eftimerois
dauantage vn morceau depain , quelque dur &
noir qu'il peuft eftre. C'eft chofe merueilleufe
que le fuc oueau'c qui fort de cefte racine, lorf
V iij
~-yV
HISTOIRE NATVRELI.E
qu'ils l'efpreignent ainfi , 8c qu'ils font la cacaue,
eft vn venin mortel,&fi l'on en boitil occit,mais
1 e marc qui en relie eft vn pain 8c nourriture fort
faine,comme nous auons dit. Il y a vn autre gen-
re d'yuca qu'ils appellent doux, qui n'a pas ce ve-
nin en Ton fuc,ceftuy -là fe mage en racine,bouil-
ly ourofty ,&eft vn bon manger. La Caçauc le
conferue long temps,aufli la porte- on fur mer en
lieudebifeuit. Le lieu là où l'onvfedauantage
de ce pain eft aux ifles qu'ils appellent de Barlo-
uente , lefquelles font ( comme nous auons dit)
fainct Dominique,Cuba,Port-riche,Iamayque,
ôc quelques autres de ces enuirons:à caufe que la
terre de ces Ifles ne rapporte point de froment,
ny demays. Car lors quej'ony feme du froment,
il y vient bien,& naift quant 8c quant en fort bel-
le verdure, mais c'eft fi inégalement que l'on ne
peut le recueillir, pource que d'vne mefme fe-
mence & en vn mefme temps i'vn eft en tuyau, ôc
l'autre en efpy , 8c l'autre qui ne fait que germer:
l'vneft grand, & l'autre petit: l'vn n'eft que de
l'herbe, 8c l'autre eft défia en grain: & combien
quel'on y ait mené des laboureurs pour voir fris
ypourroientvferde l'agriculture du bled , fieft-
ce qu'ils n'y ont trouué aucun moyen de ce faire,
pour la qualité de la «erre. L'on y apporte de la
farine de la neufue Eipagne ou des Canaries , la-
quelle eft fi humide qu'à peine en peut-on faire
du pain qui foit profitable , 8c de bon gouft. Les
hofties quand nous diiions la Méfie feplioient,
comme i\ c'euft efté du papier mouillé ,• ce qui eft
caufé par l'extrême humidité 8c chaleur qu'il y a
fout enfemble en celle terre. Il y a vn autre extre-
DES INDES. LIV. III I. I e 6
me & contraire à ceftuy-cy, qui eft qu'en quel-
ques endroits des Indes il n'y croift de mays , ny
de froment, comme eft le haut de la Sierre du Pe-
ru,& les prouinces qu'ils appellent de Colao,
qui eft la plus grande partie de ce royaume , où la
téperature eft fi froide & fi feche qu'elle ne peut
endurer qu'il y croifie du froment ny du mays,au
lieu dequoy les Indiens vfent d'vn autre genre de
racines qu'ils appellent Papas , lefquelles fout de
la façon de turmes de terres qui font petites raci-
nes^ jettent bien peu defueilles. Ils cueillent
ces Papas , Se les lailîent bien fecher au Soleil,
puis les pillans , en font ce qu'ils appellent Chu-
no, qui feconfcrueainfiplufieursiours, &c leur
fèrt de pain. Il y a en ce royaume fort grande trai-
te de ce Chuno, pour porrer aux mines de Poto-
zi: l'on mange mefme ces Papas ainfi fraifehes
bouillies ou rofties , &c des efpeccs d'icelles y en
adeplusdoucc& qui croift es lieux chauds,dont
ils font certaines faulfes & hachis qu'ils appel-
lent Locro. En fin ces racines font tout le pain
decefte terre, tellement que quand l'année en eft
bonne,ilsi7en refiouiflenc fort,pouree que allez
fouuent elles fe gèlent dedans la terre, tant eft
grand le froid & intemperature decefte région.
Ils apportent les mais des vallées , & de lacofte,
ou riue de la mer, Se les Efpagnols qui f onefriads
font apporter des mefmes lieux de la farine de
bled,laquellefeconferue bien c^fenfaùdebon
pain,à caufeque la terre eft feche.En d'autres en-
droits des Indes , comme es ifles Philippines , ils
fc feruët de ris au lieu de pain, dot il y en croift de
fort exquis, & en grande abondâce en toute cefte
V iiij
Mi
HISTOIRE NATVRELLE
terre,& en la Chine , où il eft de bonne nourritu-
rc,ilslecuifcntendespourcellaines, 6c après le
méfient tout chaud auec Ton cauë parmyles au-
tres viandes: ils font mefmede ce ris en beau-
coup d'endroits leur vin , & breuuage , le faifan c
tremper,&: puis bouillir, comme l'on fait la biè-
re en Flandres, ou l'Acua au Peru. Le ris eft vne
viande qui n'eft gueres moins commune,& vni-
uerfelleen tout le monde que le froment, 6c le
mays,& parauantureencorl'eft-il dauantage:car
outre ce qu'ils en vfent en la Chine,au Iappon,és
Philippines , & en la plus grande partie de l'Inde
Orientale, c'eft le grain qui eft le plus commun
en Afrique, & en Ethiopie. Le ris demade beau-
coup d,humidité,& prefque vne terre toute rem-
plie d'eau'é , comme vne prairie. En Europe,au
Peru,& en Mexique, où ils ont Pvfage du bled,
l'on mange le ris,pourvn mets& viande,&non
cas pour pain , & le cuif ent auec du laicl , ou du
bouillon du pot,ou d'vne autre manière. Le ris
Ieplus exquis eft celuy qui vient des Philippines
& de la Chine,comme il a efté ja dit , 6c cecy fuf-
fife pour entendre généralement ce que l'on ma-
ge es Indes au lieu du pain.
De diuerfes racines qui croijfent es Indes.
CHAP. XVIII.
5g O m b i e n que la terre de deçà foit plus a-
&#k bondante 6c plus fertile en fruicts qui croifl
fent fur lr terre , à caufe de la grande diuerfité des
arbres frui&iers , 6c des iardinages que nous
auons : ncantmoins quant aux racines & autres
DES INDES. LIV. II II. I 57
cnofes croiflans defîbuz la terre, dont l'on vie
pour viande, me femble qu'il y en a plus grande
abondance par delà. Car de ces efpeces de plan -
tes,nous auons bien icy véritablement des raues,
des naueaux,des paftenades,des chicorecs,des ci-
boules , des aux, & quelques autres racines pro-
fitables : mais en ce pays là il y en a de tant diuer-
fes fortes, queie ne les pourray conter. Celles
de/quelles maintenant il me fouuient, outre le
Papas,qui cft le principal , il y a les ocas,yanoco-
cas,camotes,vatas,xiquimas,yuca,cochucho,ca-
ui,totora , mani , & vne infinité d'autres efpeces,
comme de patattres, lefquelles on mange com-
me vne viande délicate & fauoureufe. L'on a de
mefme apporté aux Indes des racines de pardecà,
lefquelles ont cela de plus,qu'elles y profitent Se
fructifient dauantage que ne font pas les plantes
des Indes quand elles font apportées en Europe,
lacaufeeneft, comme iecroy, d'autant que par
delà il y a plus de diuerfitez de température que
non pas par deçà, pour raifon dequoy ileftaiie
d'efleuer &c nourrir les plantes en ces régions , ôc
de les accommoder à la température quelles re-
quièrent. Etmefmeles racines Sclesplantes qui
y croiilèntjfansyauoirefté portées, y font meil-
leures que par dcçàjcar les oignons,les aulx,& les
paftenades ne font pas telles en Efpagne qu'elles
font au Peru : pour les naueaux, ils y font en fi
grande abondance, qu'ils ont augmenté en quel-
ques endroits de telle façon , que l'on m'a affer-
mé qu'ils n'y pouuoicnt efpuifer l'abondance, &
force des naueaux qui y pulluloient ainfi , pour y
femerdubled. Nous auons veu allez de fois des
~-yV
HISTOIRE NATVRELLE
rauesplusgroflesquele bras d'vn homme, fort
tendres & de bon gouft,& de ces racines que i'ay
dites,quelques-vnesfei:uent pour viande &Y man-
ger ordinairCjCÔme les camotes,lefquelles eftans
rofties,feruent de fruiét,ou de légumes. Il y en a
d'autres qui leur feruent de délices, comme le co-
chucho,qui e(l vne petite racine douce,que quel-
ques-vns confident pour plus grande delicatelfe.
Il y a d'autres racines qui font propres pour ra-
fraifchir,comme la xiquima , qui eft. d'vne quali-
té fort froide & humide, & en temps d'Efté ra-
fraiiehit, cv' eftanche la foif :mais les papas &les
ocas iont les principales pour lanourriture &c
fubftance. Les Indiens efliment l'ail fur toutes
les racines de l'Europe, & le tiennent pour vn
fruict de grande efficace. Enquoy ils n'ont pas
faute de rai Ion , pource qu'il leur conforte & ei-
chauffe l'eftomachjà caufe qu'ils le mangent d'vn
appe<-iî.,& ainfi crud, comme iHbrt delà terre.
De plufieursfortes de -verdures , & légumes, & de ceux
qu'ils appellent concombres, pi nés 3ou pommes de pin.,
pctitsfruich de Cbillc, <y des prunes.
CHAT. XIX.
ÇyKSVis que nous auons commencé parles
j&S moindres plantes , ie pourray toucher en
peu de paroles ce qui concerne les verdures &
les porces,& ce quêtes Latins appellent Arbuila,
fans toucher encor lié des arbres. Ily aquclques
genres de ces atbr idéaux , ou verdures aux Indes,
qui lonr de fort bongouft. Les premiers Efpa-
gnols nommèrent beaucoup de chofes des Indes
■m*
■Mai
DES INDES. tir. III I. 158
des noms d'Efpagne,prins des chofesàquoyils
rcllembloicnt le pluSjComrac les pincs, concom-
bres^ les prunes,combien que ce fuirent à la vé-
rité des fruiefo diuers & fort différents, (ans com-
parai (on, de ceuxd'Efpagne,qui Rappellent ain fi.
Lespines ou pommes de pin font de la mefme
façon ôc figure extérieure que celle de Caftille:
mais au dedans elles différent du tout , pource
qu'elles n'ont point de pignons , ny d'efcailles,
mais le tout y eft vne chair, que l'on peut man-
ger,qnand l'efcorce en eft dehors , & eft vn fruict
qui a l'odeur fort excellai te, &" eft fort fauoureux
ôc délicieux au gouft.il eft plein de fuc , & a la fa-
neur d'aigre-doux, ils le mangent l'ayant coupé
en morceaux , & laifTé tremper quelque temps
eudel'eanë& dufel. Quelques-vnsdifent qu'il
engendre la cholere, &que l'vfage n'en eft pas
tropfain. Mais ie n'en ay point veu aucune ex-
périence qui le puiffe faire croire. Elles naifTent
vne àvne, comme vne canne ou tige qui fort
d'entre plufieursfueilleSjCommelelys, combien
qu'elle foitvn peu plus grande, ôc plus grofTe.
Le haut ôc coupeau de chaque canne eft la pom-
me, elle croift en terres chaudes & humides , ôc
les meilleures font celles desifles de Barlouentc.
Il n'en croift point au Peru, mais l'on y en ap-
porte des Andes, lefquellestoutesfois ne font ny
bonnes, ny bien meures. L'on prefenta vne de
ces pines à l'Empereur Chailes,qui dcuoit auoir
donné beaucoup depeine& de foucy à l'appor-
ter des Indes ainfiauec fa plante: caronnel'euft
peu autrement apporter : toutesfois il n'en vou-
lut pas efprouuer le gouft. I'ay veu enlaneufue
--:"*.►
HISTOIRE NATVRELLE
Efpagnedelaconferue de ces pines, qui eftoic
fort bonne. Ceux qu'ils appellent concombres
ne font point arbres non plus, mais feulement
des arbrilfeaux, parce qu'ils n'ont qu'vn an de
durée. Ils luy donnèrent ce nom, pource que
quciqucs-vns de ces frui£ts,&Iaplus part, font
en longueur & en rondeur femblables aux con-
combre d'Efpagne, mais au refte ils font beau-
coup differens , parce qu'ils n'ont pas la couleur
verde,maisviolette,oujaulne,ou blanche, &ne
font point cfpineux,ny fcabreux , mais fort vms
& polis, ayans le gouft très- différât & trop meil-
leur que le concombre d'Efpagnc: car ils ontvn
aigre-doux fort fauoureux quand ils font meurs,
combien que cefruiér n'ait pas le gouft fi aigre
comme la pine. Ils iont fort frais, pleins de IUC>&
defaciledigeftion, & en temps de chaleurfonc
propres pour rafraifehir. L'on en ofte l'efeorec
qui eft blanche, & tout ce qui refte eft chair. Ils
croiiTent en vue terre tempérée, & veulent eftre
arroufez: &encorque pour lareflemblanceils
les appellent concombres, il y en a beaucoup
ncantmoins qui font ronds du tout, & d'autres
de différente façon , tellement qu'ils n'ont pas
mefme la figure des concombres. Il ne me fou-
mçntpoint auoirveu de cefte forte de plante en
laneufue Eipagnc,ny aux ifl.\s,mais bien aux La-
nos du Peru. Ce qu'ils appellent petit fruict de
Chillé cil de mefme fort plai fant à manger, Se ti-
re prefque au gouft de cerifes , mais en tout lerc-
fte il cft. fort different,d'autant que ce n'eft pas vn
aibrc,inais vne herbe , qui croift peu, & f'efpand
fur la terre , jettant ce petit fruict,qui en couleur
DES INDES. LIV. 1 1 II. 159
&" crains relïemblequafi&' approche des meures
quand elles fontblancheSjencoreàmeurirjbien
que ce frnict. foie plus rude & plus grand que les
meures. Ilsdifetu que ce petit finict fetrouue
natmellem en taux champs de Chillc,ou l'y en ay
veu. L'on la (eme de plantes & de branches ,&
croift comme vn autre arbrilîeau. Ce qu'ils ap-
pellent prunes, font véritablement fruicts d'ar-
bres , &' ont plus de reilemblance que les autres
aux vrais prunes. Il y en a de diuerfes fortes,dont
ils appellent les vues prunes de nicaragua,qui
font fort rouges & petites, 8c ont fort peu de
chair au delUis du noyau , mais le peu qu'ils tien-
nent eft d'vn gouft exquis3&d'vn aigret aufïi bon
ou meilleur que celuy des ceriies. L'on eftime ce
fruict eftre fort fain , qui caufe que l'on le donne
aux maladeSjfpccialemcnt pour prouoquer l'ap-
pétit, ïl y en a d'autres grandes & de couleur ob-
feure , qui ont beaucoup de chair, mais c'eft vn
manger grofîîer,&de peu de gouft,qui font com-
me Chauacanas, lefquels ont chacun deux ou
trois petits noyaux. Or pour reuenir aux ver-
dures & porees, ie ne trouue point que les Indics
euGTcntdesiardinsde diuerfes plantes & porees,
mais qu'ils cultiuoient la terre en quelques en-
droits feulemct pour les légumes, dont ils vfent,
comme ceux qu'ils appellent Frifollcs ôc Palla-
res, qui leur fert comme icy de guarbences , feb-
ues,oulentilles,(Sc n'ay point recogneu que ceux
cy ny autres genres de légumes d'Europe f y foiec
trouuez auant que les Efpagnols y entraflent,
leiquels y ont porte des plantes & légumes d'Ef-
pague,quiy croiflent 6c multiplient fort bien,
-•;•**
HISTOIRE NATVRELLE
voire en quelques endroits ils excédent beau-
coup la fertilité de par deçà.Comme fi nous par-
lions des melons qui croi lient en la vallée de Yu-
caau Pei"u,de!quels la racine fc fait tige , qui dure
plufieurs annees,portant chacune des melons,&:
l'accommodent comme fi c'eftoitvnarbre, cho-
fequeieneiçAchepoint qui foiten nullepartie
d'Elpagne.Mais c'eftvneautremonftruofitcquc
les callabalïes ou citrouilles des Indes , en la gra-
deur qu'elles on t,comme elles croi(Ient,ipecia-
lement celles qui font propres &: particulières
du pays,qu'ils appellent Capalios. Lesquelles ils
mangent le plus iouucntcnCarefme , bouillies
ou accommodées en vue autre faulec. Ilyamil
différences de genres de callabaifes.-carquelques-
vnes font tant difl ormes pour leur gradeur,qu'ils
tout de leur efcorce,eftant coupée par le milieu
& nettoyée, comme des paniers où ils mettent
toute la viande pourvu diiher. Desautres peti-
tes ils en font des vales pour manger, ou boire
dedans, & les accommodent fort proprement,
pour pluiieurî & diu.^rs vfages. I'ay dit cecy des
petites plantes, nous dirons maintenat des gran-
des,où nous parlerons de l'Axi , qui neantmoins
eil encordes petites.
De Ï^Axi ou poutre d'Inde.
GHAP. XX.
'iû '®n na Pomc trouué es 1 ndes Occidentales
WÊt aucune efpiccrie qui leur fnft propre & par-
ticulicre,commepoiure,clou, canelle, mufeade,
ou gingembre : iaccic qu'vn frere de noUre corn-
DES INDES. LIT. II U* 1 6*0
pagnie, qui a voyagé en beaucoup &diuers en-
droits, nous ait recité qu'en des defertsde Tille
Iamaycque,ilauoittrouué des arbres oùcroif-
ioitdu poinre. 1^4ais i'onn'eft point encor cer-
tai n que c'en (oit, & n'y a point meime de traittc
de ces efpiceries aux Indes. Le gingembre fut
porté de l'Inde à l'Eipagnole, &ya multiplié de
telle façon, que l'on ne fçauroit auiourd'huyque
faire du grand nombre qu'il y en a. En la flotte de
l'année mil cinq cens quatre vingts fept, l'on ap-
porta vingt- deux mil cinquante trois quintaux
de gingembre à Seuille : mais l'efpiccrie naturel-
le que Dieu a donné aux Indes Occidentales ,eft
ce que nous aopcllons en Caftille, poiure des In-
des,& aux Indes Axi, parvn mot gênerai , prtns
de la première terre des ifles qu'ils conquefte-
rent. lleftdit en langue de Cufco Vchu , & en
celle de Mexique , 'Chili. Celle plante eft défia
fortcogneu'è, parquoy i'en diray !peude chofe,
feulement l'on doit entendre qu'anciennement
entre les Indiens elle eftoit fort eftimee, &en
portoien taux endroits où elle ne croiiloit point,
comme vne marchandife de confequence. Elle
ne creift pas es terres froides , comme en la Sier-
reduPeru: mais aux vallées chaudes, oùellseft
fouuent arroufee. Il y a de cet Axi de diuerfes
coulcurs^'vn eft vert , rvnrouge , & l'autre de
couleur jaulne,& y en ad'vne forte de fort cau-
ûique, qu'ils appellent Caribe , qui eft. extrême-
ment afpre & poignant , 5c d'autre qui n'a point
cefteafpreté , mais au côtraire eft fi doux que l'on
le peut manger feul , comme vn autre fruict. Il y
en à qui eft fort menu & odoriferât en la bouche,
HISTOIRE NATVRELLE
quafi comme d'odeur demufc, & efttrcs-bon.
Cequieftafpre& poignant en cet A xi, font les
veines & la graine feulement : car le relie ncl'eft
point, attendu qu'on le mange vert & fec , entier
& broyé au pot,& en des faulces,car c'eft la prin-
cipale iaulcc,& toute l'efpicerie des Indes. Quad
cet axi eft prins modérément , il aide & conforte
l'eftomach pour ladigeftiô : mais fi l'on en prend
trop,il a de mauuais effects , pource que de foy il
eft fort chaud, fort fumeux ,& fort penetratif,
d'où vient que l'vfage en eft preiudiciablc à la
faute des ieunes gens , principalement de l'ame,
d'autant qu'il prouoque àla fcnfualité , & eft vne
chofe eftrange, que combien que le feu & la cha-
leur qui eft en luy foit allez cogncu'c* , par l'expe-
rieuce que tous en font, veu que chacun dit qu'il
brufle en !abouchc,& en l'eftomach , neâtmoins
quelques- vus, voire plu (leurs veulent maintenir
quelepoiure d'Inde n'eft pas chaud, mais qu'il
cil froid & bien tempéré. Mais ie leur pourrois
dire qu'il en feroit tout autant dupoiure, encor
qu'ils m'amcnallent toutes les expériences qu'ils
voudroient de l'vn & de l'autre. Toutesfois c'eft
vnemoquerie de dire qu'il n'eft point chaud, veu
qu'il l'eft extrêmement. L'on vfe du tel pour tem-
pérer l'axi, d'autant qu'il a grandeforce de le cor-
ri"er,& fe modèrent ain fi l'vn l'autre, par la con -
trarietéquieftentr'eux. llsvfentaufli de Toma-
tes, qui font froids & bien fains. Ccft vn genre
de grain qui eft gros,& plein de fuc , lequel don-
ne bon gouft à la (àulce, ôc font bons aulïi à man-
ger .Il fctrouue de ce poiure d'Inde vniuerfelle-
met en toutes les Indes, ôc Iilcs, neufuc Efpagne,
Peru,
DES INDES. LlV. IIII. l6l
J?eru,& en tout le refte, qui eft defcouucrt , telle -
ment que comme le mays eft legrain le plus gê-
nerai pour le pain, ainfi Taxi eft l'elpicericja plus
commune pour les faulces.
Du flâne.
CHAP. XXI.
En a nt aux grandes plantes , ou aux ar-
bres,le premier des Indes duquel il eft con-
uenablè parler eft le Plane ou Platano,comme le
vulgaire l'appelle. I'ay efté quelque temps en
doute fi le plane, que les anciens ont célébré, &
celuy des Indes eftoit vne mefme efpece : ceftuy-
cy bienconfideré, & ce qu'ils efcriuent de l'au-
tre, il n'y a point de doute qu'ils ne foient de di-
uerks efpeces. La caufe pourquoy les Espagnols
l'ont appelle plane ( car les naturels n'auoienc
point de tel nom ) a efté comme es autres arbres,
pour-autant qu'ils ont trouué quelque reifem-
blance de l'vn à l'autre , en la mefme façon qu'ils
ont appelle prunes, pines , amandes, & concom-
bres,des choies fi différentes à celles qui en Ca-
flille font appellees de ces noms. Lachofe en
quoy ilmeiemble qu'ils trouuerent plus de réf.
femblancc entre ces planes dçs Indes , & les pla-
nes qu'ont célébré les anciens, a efté en la gran-
deur des fucilles : pource que ces planes les ont
très-grandes &c tres-fraifches,&: les anciens les
ont tant cftimez aufli pour celle grandeur , 8c et-
ftc fraifeheur de leurs fucilles. C'eft aufli vne pla-
te quia befoing de beaucoup d'eau'ë, ôc prelque
continuellem«nt:ce qui f accorde auecl'Èfcritu-
X
--;"**
HISTOIRE NATVRELLE
lccl.14. re,qui dit: Comme le VUne auprès des caux. Mais à la
vérité il n'y a non plus de comparaifon ny de ref-
femblance del'vne à l'autre, non plus qu'il y a,
comme dit le prouerbe , de l'œuf àla chaftaigne.
Carpremieremétle plane ancien ne porte point
defruic-t,au moins ils n'en faifoient pointd'eftat,
mais la principale occafion pourquoy ils l'efti-
moient,eftoità caufedefon ombrage,parce qu'il
n'y auoit non plus de foleil deilous vn plane,qu'il
y a delîous vne couuerture. Au contraire , la rai-
fon pourquoy l'on le doit eftimer en quelque
choie es Indes, voire en faire beaucoup d:eftat,eft
a caufede Ton fruiét , qui eft très- bon , car d'om-
brage ils n'en ont aucunement. D'auantage , le
plane ancien auoit le tronc Ci grand , & lesra-
?lmMb. i. meaux ^ cfpars, que Pline raconte d'vn Licinius,
m/m. Capitaine Romain, lequel accompagné dedix-
huict de Ces compagnons , print fa refeclion fore
ài'aife dans le creux d'vn de ces planes. Et de
l'Empereur CaiusCaligula,qui faiTit luy &vnze
conuiez fur le haut des rameaux d'vne autre pla-
ne , & là leur fit vn fuperbe banquet. Les planes
des Indes n'ont point de tels crcux,troncs, ny ra-
meaux. Il' dit dauantage que les anciens planes
croillbient en Italie 5c en Efpagne,combic qu'ils
yeulîentefté apportez premièrement de Grèce,
&auparauantdel'Aiie: mais les planes des In-
des ne croiflent point ny en Italie, ny en Efpa-
gne. le ày qu'il ny croiflTent point,car encor que
l'onenaitveu quelques vns à Scuille au iardin
du Roy,ils n'y croiflent,&: n'y vallcnt rien. Fina-
lement la chofeenquoy ils trouuent de la re£-
icmblance entre l'vn & l'autre eu; fort différence.
DES INDES. LI V. II1I. 1
Car iaçoic que la fueille deccs planes anciens fac
grande , toutesfois elle n'eftoic pas telle.ny fèm-
blable à ceux qui fontésIndes,veu que Pline l'ac- ?■ *
copare à la fueille d'vne vigne, ou de figuier. Les
fueilles du plane desIndes iont d'vne merueillcu-
ie grandeur , Se font prefque iuftiiantes pou cou-
urir vn homme des pieds iulques à lateitc , telle-
ment qu'aucun nepeutmettreen doute qu'il n'y
ait grande différence encre l'vn Se l'autre. Mais
polè le cas que ce plane des Indes ioic difTerëd de
l'ancien, poar celail n'en mérite pas moindre
loiiange>mais peut eftre encor d'anantage, à* cau-
fedesproprietez rantvtiles &profirahlesquila
enluy. C'cftvne plante qui fait vn cep dedans la
terre,duquel forcent plufieurs rejectonsdiucrscx:
fepareZjlans eftre ioints enfemble. Ces rejetions
croillent & grom*(îcnt,faifanc prefque chacun vn
arbritieauàpart,&: en croilîant ils jettêt ces fueil-
les qui font d'vn verd fin,& li{Ië3& delà grandeur
que i'ay dite. Quand il eu creu,comme de la hau-
teur d'vne ftade & demie , ou de deux , il jette vu
feul rameau ou grappe de fruict,auquel il y a quel
quesfois grand nombre de ce fraict, & quelques-
fois moins. l'en ay conté en quelques- vns de ces
rameaux trois cens,donc chacun auoit vne paul-
me de long,plus ou moins1, Se «doit gros comme
de deux ou trois doigts,bicn qu'il y ait beaucoup
de différence en cela , entre les vns Se les autres.
L'on en ofte la coque,ou efeorce , tout le refte eft
vne chair , ounoyauferme , & tendre , qui eft
bon à manger , fàin & de bonne nourriture. Ce
f ruict incline vn peu plus à froideur qu'à chaleur.
Ils ont accouftume de cueillir les rameaux , ou
Xij
--:•*»
HISTOIRE NATVR.ELI, E
grappes que i'aydit, eftans verds,& les mettre
en des vai fléaux où elles fe meuri fient, eftans bien
couuertes,fpecialcment quand ily ad'vne cer-
taine herbe quifertà cet erFect : fi Ton les laiile
meurir en l'arbre , ils en ont meilleur gouft, &
vne odeur très-bonne , comme de camoiilès , ou
pommes douces. Ils durent prefque tout le long
del'annee,à caufe qu'il y a toufiours des rejettons
quinailîentdececep , tellement que quand l'vn
acheue , l'autre commence à donner fruiâ: , l'vn
eft à demy parcreu,& l'autre commence à jeteon
ner dcnouueaUjde façon que lesvnsfuccedcnt
aux autres, & ainfi y a toufiours du fruict toute
l'année durant. En cueillant la grappe ils coupent
lerejetton, d'autant qu'il n'en jette point plus
d'vne,ny plus d'vne fois , mais comme i'ay dit, le
cep demeure & rejette continuellement de nou-
ueauxrejettonsjiufquesàcequilfelallèj&vieil-
lifle du tout. Ce plane dure quelques années , &
demande beaucoup d'humidité, & vne terre fore
chaude.Ils luy mettent de la cendre au pied,pour
le mieux entretenir, & en font des bocqueteaux
fort efpaix , qui leur font de grand profit & reue-
m^pourcequeceûlefruid dont l'on vfeleplus
es Indes, &c y eft prefque vniuerfellement com-
mun en tous endroits ,iaçoit qu'ils difent que
fon origine foit venue de l'Ethiopie. Et à la venté
les Nègres en vfent beaucoup , & en quelques
endroits Pcn feruët au heu de pain , voire en font
du vin. L'on mange ce fruicl; de plane tout cru
comme vn autre fruict, Ton le roftit meime,& en
fait-on plufieurs fortes de potages , voire des cô-
ferucs , 8c en toutes ces chofes il Raccommode
DES INDES. II V. II II. 163
fort bien. Il y a d'vne eipecè de petits planes blacs
& fort délicats, lefqueîs ils appellent en l'Efpa-
gnolle Dominiques. Il y en ad'autres qui font
plus forts & plus gros,& d'vne couleur rouge. Il
n'en croift point en la terre du Peru, mais l'on les
y apporte des Indcs,comme à Mcxique,de Cuer-
nauaca,& des autres vallées. En la terre ferme ôc
en quelques iiles y a de grands planares , qui font
comme boqueteaux fort efpais. Silaplatecftoit
propre pour brufler, c'euft efte la plus vtile de
toutes, mais elle n'y eft aucunement propre : car
fàfocillcnyfes rameaux nepeuuent brufler, Se
encor moins feruir de mefrain , àcaufequç c'eft
vn boismoiïelleux, ôc qui n'a point de force.
NeantmoinsDom Allonfe Darzilla (comme il
dit) fe feruit des fueilles feches de cet arbre pour
efcrirevne partie de l'Auracane , & à la vérité à
faute de papier on Pen pourroit feruir,veu que fa
fueille eft de la largeur d'vne fueille de papier, ou
peu moins,& longue de quatre fois autant.
Du Cacao & de la Coca.
c HAP. XXII.
Mfffi A ç o 1 t que le plane foit le plus profitable,
iPÏM neantmoins le Cacao eft plus eftimé en Me-
xique,& la Coca au Peru , efquels deux arbres ils
ont beaucoup de fuperfticion. Le cacao eft vn
fraie! vn peu moindre qu'amandes,& toutesfois
plus gras,lequel eftant rofty, n'a pas mauuaife fa-
ucur.ll eft tant eftime entre les Indiens,voire en-
tre les Efpagnols,que c'eft vn des plus riches,voi-
replus grands commerces de la neufue Efpagne.
X iij
I -'.'V
HISTOIRE NATVRELLI
Car comme'c'eft vn fruicT: fec 8c qui fe garde lo ng
temps fans fe corrompre,ils en ameinent des na-
uires chargez de la prouince de Guacimalla. En
Lan parte vn coifaire Anglois brada au port de
Guatulco en la neufue Efpagne plus de cent mil
chaînes de cacao. L'on f en fert mefme comme de
monn qye, d'autant qu'auec cinq cacaos ils achè-
tent vue chofe,auec trente vne aurre,& auec cent
vne autre, fans qu'il y aye contradiétion , Se ont
accouftumé de les douer pour aumofne aux pau-
urcs qui leur demandent. Le principal vfagede
ce cacao eft en vn breuuage qu'ils appellent cho-
cholaté, dont ils font grand cas en ce pays , folle-
ment 8c fans raifon , &fait mal au cœur à ceux
qui n'y font point accouftumez, d'autant qu'il y
avnecfcume&vn boiiillon au haut qui eft fort
mal agréable pour en v(er , fi l'on n'y a beaucoup
d'opinion. Toutesfois c'eft vne boiflon fort efti-
mec entre les Indiens, de laquelle ils traittenc &
feftoyent les Seigneurs qui viennent ou partent
parleur terre. Les Efpagnols 8c les Efpagnolies
quifontjaaccouftumezaupays , font extrême
ment friands decechocholaté. Ils difent qu'ils
font ce chocholaté en diuerfes façons &quahtez,
feauoir l'vn chaud,i'autrc froid, 8c l'autre tempe-
ré^ y mettent des efpics beaucoup de ce chili.
Mefiiies ils en font des paftes , qu'ils difent eftre
propres pour l'eftomach , 8c contrelecatharre.
Quoy qu'i'len foit , ceux qui n'y ont point efté
nourris n'en font pas beaucoup curieux. L'arbre
où croift ce fruict eft d'vne moyenne grandeur,
8c d'vne belle façon : il eft fi délicat que pour gar-
der que le Soleil ne le bmfle ils plantent auprès
DES INDES. L I V. I 1 1 1. I &\
de luy vn autre grand arbre qui luy fert feule-
ment d'ombrage,&: l'appellent la mère du cacao.
Ily a des lieux où ils font ainfi que les vignes &
lesoliuiersfonten Efpagne. Laprouincequien
a plus grande abondance pour le commerce & la
marchadife,eft celle de Guatimalla. lln'encroift
pointau Peru,maisily croiftdelacoca , qui eft
vue autre chofe où ils ont encor vnc autre plus
grande fuperftition , qui fcmble eftre chofe fabu-
leufe. A la vérité la traitte de la coca en Potozi fe
monteàplus de demy million de pezes par cha-
cun an, d'autant qu'on y en vfe quelques quatre
vingts dix ou quatre vingts quinze mille corbeil-
les par an. En l'an mil cinq cens quatre vingts &
trois on y en confomma cent mil. Vue corbeille
de coca enCufco vaut deux pezes & demy, 6c
trois , & en Potozi elle vaut tout courant quatre
pezes Sccinq tomines,& cinq pezes elfayez.C'eft
l'efpcce demarchandife à l'occafion de laquelle
prefque fe font tous les marchez & foires , parce
que c'eftvnemarchandife dont il y a grande ex-
pédition. Lacocadonc qu'ils eftiraent tant, eft
vne petite fucille verde qui naift endesarbrif-
féaux qui font comme d'vne brade de haut: elle
croift en des terres fort chaudes & humides, &c
jette cet arbre de quatre mois en quatre mois ce-
tte fueille qu'ils appelletla trefmitas outremoy:
elle requiert beaucoup de foin à la cultiuer, pour-
ce qu'elle eft fort delicate,&: beaucoup d'auanta-
gcàlaconferuer,apres qu'elle eft cueillie. Ilsles
mettent par ordre en des corbeillons longs &e-
ftroits,& en charger les moutôs du pays,qui vont
auec cefte marchandife en troupes chargez de
X iiij
--;•*?
HISTOIRE NATVRELLE
m;l & deux mil, voire trois mil de cescorbeil-
lons. On l'apporte le plus communément des
Andes &c vallées , efquelies il y a vue chaleur in-
supportable, & oùil pleuttoufiourslaplus-part
de Tannée. En quoy les Indiens endurentbeau-
coup de trauail&,de peine pour l'entretenir , &.
bien fouuét plu fieurs y perdët la vie, parce qu'ils
fartcntdela Sierre &de lieux très- froids pour
aller cultiuer &c recueillir en «es Andes. C'eft
pourquoy il y a eu de grandes difputes & diuerfi-
té d'opinions entre quelques hommes doctes &c
iages,àfçauoir ftl eltoit plus expédient d'arra-
cher tous ces arbres de coca,ou de les lai{Ter,mais
en fin ils y font demeurez. Les Indiens l'eftiment
beaucoup , &au temps des Rois Inguas il n'e-
floit pas licite ny permis au commun peuple d'v-
fer de la coca fans la licence du gouuerneur . L'v-
fàge en eft tel qu'ils le portent en la bouche , & le
mafehent, fuccant fans toutesfois l'aualler. Ils
difentqu'elle leur donne vn grand courage, 6c
leur eft vne finguliere friandife. Plufieurs hom-
mes graues tiennentcelapourmperftitiô&cho-
fe de pure imagination. De ma part,pour dire la
vérité, ie me perfuade que ce n'eft point vne pure
imagination, mais au contraire i'entens qu'elle
opère & donne force Se courage aux Indiens:car
l'onenvoid des effecls, qui ne peuuent eftre at-
tribuez à imaginatiô , comme de cheminer quel-
ques iournees fans manger auecvne poignée de
coca,& autres effects iemblables. La faulfeauec
laquelle ils mangent ce cocaluy eftaffezconue-
nable, pourcequci'enay goufté, &a comme le
gouftdeSumacq. Les Indiens la broyentauec
DES INDES. LIV. IIII. I6"f
delà cendre d'os bruflez 8c mis en poudre, ou
bien auec de la chaux, comme d'autres difent : ce
qui leur femble fort appetifïant 8c debongouft,
&c difent qu'il leur fait vn grand profit. Ils y em-
ployent librement leur argent, & fenferuenten
mefmcvfage que de la monnoye. Encor toutes
ceschofesneferoient point mal à propos, n'e-
ftotentle hazard 8c rifque qu'il y a en Ion com-
merce, 8c àl'approfiter,en quoy tant ces gens
font occupez. Les Seigneurs Inguas violent du
coca comme de chofe royale 8c friande , 8c eftoit
la chofe qu'ils offroient le plus fouuenten leurs
iacrifices,le b milans en l'honneur de leurs idoles.
Du Martuy , du Tftnaly de la Cochenille ,
détenir ,& du Cotton.
CHAP. XXIII.
E maguey eft l'arbre des merueilles, duquel
les Nouueaux ou Chapetones ( comme ils
les appellent es Indes*) ont accouftuméd'efcrire
des miracles, en ce qu'il donne de l'eauë, du vin,
de l'huile , du vin-aigre , du miel , du firop,du fil,
descfguilles,6\: mil autres chofes. Ceft vn arbre
queleî Indiens eftiment beaucoup en Ianeufue
Efpagnc, 8c en ont ordinairement en leurs habi-
tations quelqu'vn pour entretenir leur vie. II
croiit&^ecultiuentaux champs, & a lesfucilles
larges Se groflieres , au bout defquclles il y a vne
pointe forte & aiguë* qui fert pour attacher com-
me dcsefpingIes,ou pour coudre comme vne e£-
guille, &c tirent aufli de cefte fueille comme vh
certain fil,dontilsfefcrucnt.Ils coupent le tronc
HISTOIRE NÀTVRELLE
qui eft gros quand il eft encore tendre, & demeu-
re vne grande concauité, par laquelle monte la
fubftance de la racine, & eft vne liqueur que l'on
boit comme de l'eauëqui eft franche & douce.
Cette mefmeliqueur eftant cuite fe tourne com-
me vin,lequeldeuient vin-aigre le laiïTantaigiir,
& en le fanant bouillir dauantage il deuiét com-
me du miel,& le cuifant à dcmy , il leur fert de (1-
rop, qui eft allez fain&debonne faueur , voire
me femble meilleur que le firop de raifins. Voila
comme ils font cuire & fe feruët de cefte liqueur
en diuerfes façons, de laquelle ils tirent bonne
quantitéjd'autant qu'en certaine faifon ils tirent
par chaque iour quelques pots de cefte liqueur.
Il y a mefme de ces arbres au Peru, mais ils ne les
rendent point fi profitables comme enlaneufue
Efpagne. Le bois de cet arbre eft creux & mol,&
fert pour conleruer le feu, pource qu'il le retient
comme vne mefche darcbuze,&: l'y garde long
temps, dont i'ay veu que les Indiens fen feruoiët
à cet cfteéfc.Le tunal eft vn autre arbre fameux-en
la netafue Efpagne , fi arbre nous dcuonsappeller
vn monceau de fueilles amalTees les vnes furies
autres , lequel eft de la plus eftrange facond'ar-
bre qui foit. Pource qu'il fort de terre première-
ment vne fueille,& d'icelle vne autre,& de cefte-
cy vneautre, & ainfi vacroiflant iufques à faper-
fection , finon que comme fes fueilles vont for-
tantenhaut &c aux collez, celles d'embas f'en-
groiTïfTent, & viennent prefque à perdre la figure
de fueilles,en faifant vn tronc & des rameaux qui
font afpres,efpineux & difformes, d'où vient
qu'en quelques endroits ils l'appellent chardon.
DES INDES. LIV. I 1 1 1. I 66
Il y a des chardons ou tunaux fauuages qui ne
portée point de fruict, ou bien il eft fortcfpineux
& fans aucun profit. Il y a meime des tunaux do-
meftiques , qui donnent du fruict fort eftimé en-
tre les Indiens, qu'ils appellent Tunas , Se fontde
beaucoup plusgrandes que les prunes de frère, 8c
ainfi longues. Ils en omirent la cocque, qui eft
grade, & au dedans y a de la chair ôc des petits
grains femblablcs à ceux des figues , qui font fort
doux,&ont vnbongouftjfpecialementlesb&n-
ches, lefquels ontvne certaine odeur fort agrea-
ble,mais les rouges ne font pas ordinairement fî
bons. Il y a vne autre forte de Tunaux, lefquels
ils eftiment beaucoup dauantage, encor qu'ils ne
donnent point de frui6l:,& les cultiuentaucc vn
grand foin & diligence : Se iaçoit qu'ils n'en re-
cueillent point de ce fruicl: , neantmoins ils rap-
portent vne autre commodité & profit qui eft de
la graine , d'autant que certains petits vers naif-
fentaux fueilles de cetarbre , quand il eft bien
cul tiué,& y font attachez, couuerts dVne certai-
ne petite toile déliée , lefquels on circuit delica-
tementj&eft la cochenille des Indes tantrenom-
mée,de laquelle l'on teint en graine. Ils les Iaif-
fent fecher,5c ainfi fecs ilsles apportent en Efpa-
gne,qui eft vne groiïe& riche marchandife. L'a-
robe de ccftecochenille,ougraine,vaut)3lu (leurs
ducats. On en apporta en la flotte de l'an mil
cinq cents quatre vingts fept, cinq mil iîx cents
ioixantedix-IeptarrQDes,qui montoient à deux
cents quatre vingts trois mil, fept cents & cin-
quante pezes,& ordinairement il en vict tous les
ans vne ferablablerichene.Ces Tunaux croifTent
HISTOIRE "MAT VRILLE
es terres tempérées qui déclinent à froideur. Au
Peru il n'y en croift point encor iufques à pre-
fent.l'en ay veu quelques plantes en Efpagne,qui
ne méritent pas toutesfois d'en faire aucun eftat.
le diray au (îi quelque chofedcl'Anir, combien
qu'il ne vient pas d'vn arbre, mais d'vnc herbe,
parce qu'il fert à la teinture des draps,&que c'eft
vnemarchandifequi f'accommodeauec la grai-
ne^ mefme qu'il croift en grande quantité en la
neufueEfpagne, d'où il en vint en la flotte que
i'aydit,cinq mil deux cents foixatue&: trois aro-
bes,ou enuiron,quimontentautantdepezez.Le
cotton mefme croift -en des petits arbrilïeaux , 8c
en des grands arbres qui portent commedespo-
mettes , lefquels l'omirent & donnent cefte filaf-
fc , ôc après l'auoir cueillie la filent , 8c la tirent
pour en faire des eftoffes. C'eft vne des chofes
qui foit es Indes de plus grand profit, 8c déplus
d'vfage,car il leur fert de lin,& de laine pour faire
des habits. Il croift en terre chaudc,& y en a vue
grande quantité es vallées & code du Peru ,en la
neufue Éfpagne, es Philippines, 8c en la Chine.
Toutesfois il y en a beaucoup dauan rage qu'en
aucun lieu queie fçache,enlapronincede Tucu-
man, en celle de faindte Croix delà Sierre,& au
Paraguey ., 8c leur eft le cotton le principal reue
nu. L'on apporte en Efpagne du cotton des iiîe
de fainâ: Dominique, & en vint l'anneequei'ay
dit foixante& quatre arrobes. Aux endroits des
Indes où errtift le cotton ils en font de la toile
dont les homes & les femmes vfentleplus com-
mn:iément,mefmcs en font leurs feruiettesdeta-
blcs,voire des voiles de nauire. Ily en a de gros,
es
DIS INDES. LIV. II II. l6j
& d'autre qui eft. fin & délicat. Ils le teignent en
diueifes couleurs , comme nous faifons les draps
de laine en Europe.
DesMamcycs yGi(ayauos & fait os.
chap. xxiiii.
Es plantes dont nous auons parlé font les
plantes les plus profitables des Indes,& cel-
les qui (on t les plus neccifaires pour le viureitou-
tesfois il y en a beaucoup d'autres qui font bon-
nes à manger, entre lefquelleslesmameyes font
eftimees , eftans de la façon des grolîèspefches,
voire plus grofles.Ils ontvn ou deux noyaux de-
dans , & la chair quelque peu dure. Il y en a qui
font doux,& d'au très qui font aucunemet aigres,
ôc ont l'efcorce forte Induré. On fait de la con-
ieruedelachairdeccfruid,quireirembleau co-
tignac. L'vfage de cèfruicl: eftaflez bon,& encor
meilleure la conieruc que l'on en fait. Ils croit
fentes ifles & n'en ay point veu au Pcru.C'eftvn
arbre qui eu grand, & bien fait , d'vn alfez beau
fueillagc. Les Guayauos font d'autres arbres qui
portent communément vn mauuais fruid, plein
de pépins afpres,&: font de la façon de petites pô-
mcs. C'eft vn arbre mal eftimé en la terre ferme,
& aux ifles , car ils difent qu'il a l'odeur comme
de punaifes.Le gouft & faueur de ce fruiéUft fort
grofIïer,& fa fubftance mal faine. Il y a en faind
Dominiquc,& es autres ifles des montagnes tou-
tes pleines de ces guayauos , ôc difent qu'il n'y a-
uoit point de telle forte d'arbres auant que les
EtpagnolsyarnuafTent, mais queL'onlopya ap-
..-> '*»
HISTOIRE NATVRELLE
portez de ie ne fçay où. Cet arbrca multiplié in-
finiment, parce qu'il n'y a aucun animal qui en
mange les pepins,ou la graine,d'où vient qu'eftas
ainfi femez parmi la rerre, comme elle eft chaude
&humide,ily a ainfi multiplié. Au Peru cet ar-
bre diffère des autres guayauos , pourcc quelc
fruiA n'en eft point rouge , mais eft blanc , &c n'a
aucune mauuaife ocîieur, mais eft d'vn fort bon
gou(l:& de quelconque forte de guayauos que c e
foit,lefruicîen eftauitï bon comme le meilleur
d Efpagne,fpeciaîemehtde ceux qu'ils appellent
guayauos de matos,&d'autres petites guayauilies
blanches. Ceft vn fruicl: allez lain,& conuenable
pour l'eftomac , pourcc qu'il eft de forte digeftiô,
& allez froid: les Paltasau contraire font chau-
des &dehcates.LePaltoeftvn arbre grand ôc de
beau fuei'llage , qui a le fraie! comme des grottes
poires: il a dedans vn gros noyau , & toutlercfte
eft vue chair mol!e,telîement que quand ils font
bien meurs , ils font comme du beurre, 8c ont le
gouftdclicat. Lespaltasiontgrandsau Pcru,&
ont vneefcai!lefortdure,qneron oeut ofter tou-
te entierc.Cefrui et eft en Mexiquc,pour la plus-
part fort, ayant l'efcorce deliee,qui le pelle corn-
medes pommes. Ils les tiennent pour vne viande
laine,& commei'ay dit, quideclinequclquepeu
à chaleur. Ces mamaycs,guayauos,&paltos font
les pefches, les pommes & les poires des Indes,
encorqueiedefiroispluftoft celles de l'Europe.
Mais quelques autres par l'vfage , ou peuteftre,
par affection, pourront cftimer d'auantage ceux-
cy des Indes. le ne doute point que ceux qui
n'ont point veunygouftéde ces fruits, pren-
DES INDES. LIV. 1 1 1 1. I 6*8
dront peudeplaifiràlirececy , voire felafleront
de l'ouyr,& moy- mefme ie m'en lafle , qui caiife
que i'abbregeray en racontant quelques autres
fortes de fruids. Car ce feroit choie impoflible
de pouuoir traicter de tous.
Du Cbkoçapotc, des ^AnnvnÂs £r des Capelines.
chap. xxv.
SgSVelques-vns qui ont voulu augmenter les
fës£$chofes des Indes, ont mis en auant qu'il y
auoitvnfruictquieftoitfembîable au cotignac,
& l'autre qui eftoit comme du blanc manger:
pourec que lafaueur leur fèmbla digne de ces
noms. Le cotignac ou mermelade (iiie ne-me
trompe) eftoit ce qu'ilsappelloicntçapotes , ou
chicoçapotes, qui font d'vn gouft fort doux, 8c
approchant à la couleur de cotignac. Quelques
crollos, (qui eft le nom dont ils appellent les Ef-
pagnols nais aux Indes ) difenc quecefrui&fur-
palîeen excellence tous les frui&s d'Efpagne.
Toutesfois ce n'eft mon opinion , mais ils dif$nt
qu'au gouft. principalement il furpafie tous les
autres frui&s, où ie ne me veux pas arrefter néan-
moins, parce que celancle mérite pas. Ces chi-
coçapotes, ou capotes, entre lefquels ilyapeu
de difrerence,croi(lç:nt es lieux chauds delà neuf-
ueEfpagne, &n'ay point cognoiiîance qu'il y
ait de tel fruicl en la terre ferme du Peru. Pour le
blanc manger c'eft l' Annone, ou guanauana, qui
croift en terre ferme. L'Annona eft de la façon,
d'vnepoire , Scainfi quelque peu aiguë & ou-
verte: tout le dedans eft tendre Se mol comme
HISTOIRE NATVR.ELL!
bcurrcs& eft blanc,doux 8c dVn gouft fort fauou-
reux. Ce n'eftpas manger blanc encor qu'il foie
blanc mâger,mftis à la vérité c'eft beaucoup aug-
menté de luy donner tel nom, bien qu'il foie de-
licat,& d'vn gouft fauoureux , & quoy que félon
le iugement d'aucuns il foit tenu pour le mei.ieur
fruict des Indes, ilaen foy vne quantité de pé-
pins noirs ,&ies meilleurs que i'ayevcu a efté en
ïaneufne Efpagne,oùles capoliescroillèntauiïî,
qui font comm e des cerifes, 8c vn noyau, bié que
quelque peu plus gros. Mais la forme & figure eft
comme de cerifes,de bonne fàucur,ayatvn doux-
aigret :maisien'ay point veu de capollies enau-
tte contrée.
De plufieurs fortes de frmHicrs, des Cocos, des
amendes ', des arides , & des amendes
de Cbachapoyas .
CHAP. XXVI.
Çtffv*) L ne feroit pas polîîble de raconter tous les
2Ui! fruids & arbres des Indes, attendu que ie ne
m'en reiïbuuicns pas de plufieurs , 8c qu'il y en a
encor beaucoup d'auantage defquels ie n'ay pas
coLinoiflTance, &me femblechofeennuyeafcde
parler de toutes,dont il me fouuient. Il fe trouue
donc d'autres genres de fruictiers 8c de fruicts,
plus groiïîers, comme ceux qu'ils appellent lu-
cum'es,du fruicl defquels ils difent par prouerbe,
quec'cft vn prix diflîmulé, comme1 les guauas,
pacayes,les hobos,& les noix qu'ils appelictem-
prifonnees: lefnuelsfruidtsfemblent à plufieurs
efttedesnoùdelameûiie eipeecque font celles
d'Efpagne.
DES INDES. II V. II II. 169
d'Efpagne. Voire ils difentqueiî l'on îestranf.
plantoit fouuent d'vn lieu en autre , qu'ils rap-
porteroient des noix toutes femblables à celles
d'Efpagne, & ce qu'ils donnent ainfi vnfruicT:
iauuage& (ïmalplailant , eft à caufe qu'ils font
fauuages. En fin l'on doit bien confiderer la pro-
uidence&fagelle du Créateur, lequel adeparty
à tant de diuerfes parties du monde telle variété
d'arbres fruictiers, le tout pour le feruicc des ho-
mes qui habitent la terre , & eft vne chofe admi-
rable devoir tant de différentes formes , goufts,
&c eifects du toutincogneus , & dont on n'auoic
'amaisouy parler au monde auparavant la def-
couuerte des Indes, &defquelles mefmePline,
Diofcoride& Theophrafte , voire les plus cu-
rieux n'ont eu aucune cognoi(Tanee,neantmoins
toute leur recherche Se diligence. Il l'eft trouué
des hommes curieux de nottre temps qui ont cf-
critquelques traittez de ces plantes des Indes,
des herbes , & riuieres , &: des opérations qu'ils
ont en l'vfage de médecine , an (quels l'on pourra
recourir, qui en voudra auoir pins ample co-
gnoifïànce, parce que iepretendstraitter feule-
ment en peu de mots & (uperfîciellemcnt ce qui
me viendra en la mémoire, touchant ce fujeft.
Neaiumoins il ne me fcmblepas bon palier fouz
(ilence les cocos, ou palmes des Indes, à caufe
d'vne propriété qu'ils ont,qui eft fort notable,&
remarquable. le les appelle palmes,non pas pro-
prement,ny qu'ily ait des dattes , mais d'autant
que ce font arbres femblables aux autres palmes.
Ils font hauts & forts , & plus ils montent en
haut,plus vont-ils jettans des rameaux grands Ôc
Y
..-'•■*»
HISTOIRE NATVRHLLE
fort eftendus. Ces palmes ou cocos donnent vn
fruiét qu'ils appellent aufïi cocos,dequoy ils ont
accouftumé faire des vafes pour boire , ôtdifenc
qu'il y en a quelques-vns qui ont vnevertu &
propriété contre le poifon, & pour guérir le mal
dc]cofté. Le noyau & la chair d'iceux (quand il eft
cipoifïi&fec)eftbon à mager}& approche quel-
que peu du gouft de chaftaignes verdes. Quand le
coco eft en l'arbre encor tendre, tout ce qui eft
dedans eft comme vn laid qu'ils boiuent par de-
liceSj&pour rafraifehir en temps de chaleur.I'ay
veu de ces arbres en làinct Iean de Port- riche, 6c
«utres endroits des lndes,&m*en dirent vnecho-
fe remarquable,que chaque mois ou Lune cet ar-
bre jette vn nouueau rameau de ces cocos ^telle-
ment qu'il donne du fruicfc douze fois par an,
comme ce qui eft eferit en l' Apocaly p fe , & à la
vérité il me femble que ce fuft de mefme, pourec
que tous les rameaux font d'aages fort différents,
les vns commencent, les autres font défia meurs,
& les autres lefontàdemy. Ces cocos que iedy
font ordinairement de la figure & grofleur d'vn
petitmelon: Ily enadvne autre forte qu'ils ap-
pellét coquillos,qui eft vn fruict meilleur,dot il y
enaenChillé. Ils font quelque peu plus petits
que noix,mais vn peuplus ronds. Il y a vne autre
efpece de cocos qui ne donnent point ce noyau
ainfi cfpoifïi, mais ils ont dedans vnequantité de
petits frui6fcs comme amendes , à la^façon des
grains de grenade. Ces amendes font trois fois
aufîî grandes que celles de Caftille,& leur rcfîem-
blent au gouft , encor qu'elles foient vn peu plus
afpres, & font aufïi humides ôc huiileufcs. C'eft
DES INDES. LIV. III I. 170
vn allez bon manger,aufïï ils f en ferucnt en deli-
ceSjfaute d'amendes, pour faire des malfe- pains,
& autres telles chofes. Ils les appellent amendes
des Andes, pource que ces cocos croisent abon-
damment es Andes du Peru,& font fi forts 8c durs,
que pour les ouurir il eft befoin de les frapper ru-
dement auec vue groire pierre. Quand ils tom-
bent de l'arbre, i'ils rencontroiet la tefte de quel-
qu'vn,iln'auroitja befoin d'aller plus loing. Et
femble vue chofe incroyable que dedans le creux
de ces cocos qui ne ionepas plus grands que les
autres» ou gueresdauantage, il y a neantmoins
vne telle multitude 8c quantité de ces amandes.
Mais en ce qui concerne les amendes , 8c tous les
autres fruicts femblables, tous les arbres doiuent
ceder aux amendes de Chachapoyas, lelquelles
ie ne peux autrement appeller. C'eft lefruictle
plus délicat , friand , 8c plus fain de tout tant que
i'ayeveués Indes. Voire vn docte médecin affer-
moit qu'entre tous les fonds qui font es Indes,
ou en Efpagne , nul n'approchoit de l'excellence
de ces amendes. Il y en a d e plus grades &; déplus
petites que celles que i'ay dit des andes,mai$ tou-
tes font plus grades que celles de Caftillc. Elles
font fort tedres à magcr,ont beaucoup de fuc , 8c
de fubftance, 8c comme onchieufes 8c fort agrea-
bles,clles croiflent en des arbres très-hauts, 8c de
gradfueillage. Et corne c'eft vne chofe precieufe,
nature aufïi leur a donné vne bône couuerture Ôc
defenfe, veu qu'elles font en vne efeorce quelque
peu plus grade 8c plus poignate que celle des cha-
ftaignes, toutefois quad cefte efeorce eft /cche,i'o
en tire facilemct le grain. Ils racotec que lesfinges
Yij
."i**<4)B
I
HISTOIRE NATVRÎLLI
qui fontfortfriandsde cefruict, &: defquelsy a
vn grand nombre en Chachapoyasdu Peru,(qui
eftla contrée de toutes oùieîçache qu'il y ait de
ces arbres) pour ne fe piquer en l'efcorce, &en
tirer l'amande,& lesjettent rudement du haut de
l'arbre fur les pierres , & les ayansain fi rompues,
les acheuét d'ouurir pour lesmâger à leur plaifir.
De flufîenrs & diuérfes fleurss& de quelques arbres
qui donnent feulement de U fleur ^ & comme
les Indiens en yfent.
CHAP. XXVII.
E s Indiens font fort amis des fleurs, & en la
neufue Eipagneplus qu'en autre partie du
monde, parquoy ils ont accouftumé défaire plu-
fieurs fortes de bouquets, qu'ils appellent là fu-
chilles,auec vne telle variété ôc gentil artifice,
que l'on n'y peut riendefirerdauantage: ils ont
vnecouftume entr'eux que les principaux orfrét
par honneur leurs fuchilles ou bouquets aux fei-
gneurs & à leurs ho(les,& nous en donnoient en
telle abondance quand nous cheminions par ce-
lle prouince, que nous nefçauions qu'en faire,
bien qu'ils fc feruent auiourd'huy à cet efFect des
principales fleurs de Caftille , pource qu'elles
croiflent là mieux qu'ici,commefont les œillets,
rofes , iafmms, violettes , rieurs d'oranges, & les
autres fortes de fleurs qu'ils y ont portées d'Efpa-
gne,y profitent merueilleufement. Les rofiers en
quelques endroits y croiffoient trop , tellement
qu'ils ne donnoient point de rofes. Il arriua vu
iourqu'vn rofierfut brufié , ôc les rej citons &
DES INDES. L I V. I I II. IJl
fcyonsqui jetterait incontinent portèrent des
rôles en abondance, & de là ilsapprindrentàles
el monder 3 &c en oiter le bois fuperfla , tellement
qu'auiourd'huy ils donnent des rofes fuffifam-
ment. Mais outre ces iortes de fleurs que l'on y a
portées d'icy, il y en a beaucoup d'autres, les
noms defqucllcs ie ne peux pas dire,qui font rou-
ges , jaulnes , bleues , violettes & blanches , auec
mil dirrcrences,lefquelles les Indiens ont accou-
ftumé de porter en leurs teftes,comme vn pluma-
ge pourornement.lleftvrayqueplufieursdeces
fleurs n'ont que la veuë, pource que l'odeur n'en
eft point bonne,ou elle eft gromere,ou elles n'en
ont point du tout, encorqu'ily en ait quelques-
vnes d'excellente odeur.Comme celles qui croif-
fent en vn arbre qu'ils appellent floripondio, ou
porte fleur,qui ne donne aucun fruicî,mais por-
te feulement de ces fleurs , lefquelles font plus
grandes que fleurs de lys , ik font quali en forme
de clochetteSjtoutcs blanches , & ont au dedans
des petits fillets comme l'on void au lystii ne cef-
ie toute l'année de produire ces fleurs, l'odeur
defquelles eft merucilleufement douce & agréa-
ble Spécialement en la fraifeheur du matin. Le
Viceroy Dom Francifco deTollede cnuoya de
cesarbres au Roy Dom Philippe, comme vne
chofe digne d'eftre plantée aux iardins royaux.
En la neufue Efpagne les Indiens eftiment beau-
coup la fleur qu'ils appellent yolofuchil, qui fi-
gnihe fleur de cœur , pource qu'elle eft de la mef-
me forme d'vn cœur,& n'eft pas gueres moindre.
Ilya mefme vn autre grand arbre qui portede
cette forte de flcurs,fans porter d'autre fruicl:Jellc
Y iij
HISTOIRE NATVRELLE
a. vnc odeur qni eft forte, & comme il me femble,
trop violente , à d'autres elle leur pourra fembler
agréable. C'eft vne chofeaflez cogneucque la
fleur qu'ils appellent fleur du Soleil , à la figure
du Soleil,& le tourne félon le mouuement d'ice-
luyàly en ad'autres qu'ils appellent oeillets d'In -
de, lefquelsreiremblent àvn fin velours orangé
&violet, celles là n'ont aucune fenteurqui foit
d'eftime,mais feulement font belles à la veu'ë.Il y
a d'autres fleurs , qui outre la beauté de la veuë,
combien qu'elles n'ayent aucune odeur, ou vne
faueur comme celles qui reflcmblent à celle du
crelîon allenois , que fi l'on les mangeoit fans les
voir,l'on neiugeroit point que ce fuft autre cho-
fe. Lafleurdegrenadille^ft tenue pour chofe re-
marquable, & difent qu'elle a en foy les marques
8c enfeignes de la paflion, & que l'on y remarque
lesclouds, lacolomne, les fouets, la couronne
d'efpine,& les playes , en quoy ils ne font pas du
tout efl oignez de raifon, iaçoitque pour y trou-
uer& remarquer toutes ces chofes il foit befoin
de quelque pieté , qui aide à en faire croire vnc
partie, mais elle eft fort exquife, & très- belle à la
vcuë,encor qu'elle n'ay e point d'odeur. Le fruicr.
qu'ils appellent aufli granadille,fc mange,fe boit,
ou pour mieux dire,fe (ucce, pourrafraifehir : ce
fruict eft doux , & félon l'opinion de quelques-
vns , il l'cft par trop. Les Indiens ont accouftumé
en leurs feftes &r dances de porter des fleurs en
leurs mains , ôc les Rois & Seigneurs en portent
pour la magnificence. Pour cefte occafion l'on
y oid des peintures de leurs anciens ordinairemet
auec des fleurs en la main, comme Ton void îcy
DES INDES. LIV. 1 1 1 1. 172.
aucc des gands.il me femble en auoir allez dit fu r
cequiconceme les fleurs. L'onvfeaufïiàcetef-
fect du bazilic , encorque ce ne foit point vnc
fleur,mais feulement vne hcrbe,& ont accouftu-
mé d'en auoir en leurs iardins,& de la bien culci-
uer,mais maintenant ils en ont fi peudefoing,
qu'il n'eft plus auiourd'huy bazilic,mais c'eft vne
herbe qui croift autour des eftangs.
Du Bttulme.
CHAP. XXVIII.
•££ E fouuerain Créateur n'a pas feulement for-
fâ mé les plantes pour feruir de viande, mais
aufïïpourla récréation & pour la médecine Se
guanfeui de l'homme, l'ay dit quelque peu de cel-
les qui feruent pour la nourriture, qui cft le prin-
cipal : Se mefme quelque peu de celles qui fer-
uent de récréation. Il refte donc maintenant de
traitter de celles qui font propres à la médecine,
dont ic diray aufli quelque peu de choie. Et en-
cor que toutes les plantes foient medecinales
quand elles font bien cogneuës Se bien appli-
quées, toutesfois il y a quelques chofes particu-
lièrement, que l'on void notoirement auoir cfté
ordonnées du Créateur pour la médecine , Se
pour la fàntédcs hommes : comme font les li-
queurs,huilles , gommes Se rezines qui prouien-
nent de diuerfes plantes Se herbes , Se qui facile-
ment demonftrct à l'expérience à quoy elles font
propres. Sur toutes ces chofes le baufme auec
raiion eft renommé pourfon excellente odeur,
Y iiij
Tltn.hb.
IZ.C.IJ.
\Cant. i .
| îtrah.Ub,
16.
[ Hm.lib.
I : i .c if.
HISTOIRE NATVRELI, E
8c beaucoup dauantage pour l'exquis efrecl; qu'il
a de curer les playes,& autres diuers remèdes que
l'on expérimente enluyfurlaguerifon desmala-
dies. Lebanfmequi vient des IndesOccidentales
n'eftpasdela mefme efpcce que le vray baufme
quei'on apporte d'Alexandrie ou du Caire.&qui
anciennement eftoit en Iudee,laquelleludee (fé-
lon que Pline eferit) polîedoit feule au monde
cède grandeur , iufques à ce que l'Empereur Ve-
fpafian l'apporta à Rome 8c en Italie. Ce qui me
donne occafion de dire que l'vne liqueur &c l'au-
tre ne font point d'vne mefmeefpece,c'eft à cau-
fe que les arbres d'où elles fortent font entr'eux
fort différentes: car l'arbre du baufme de Palefti-
ne eftoit petit , & a la façon de vigne , comme ra-
conte Pline pour l'auoir veu , & ceux d'auiour-
d'huy qui l'ont veu en Orient en difent autant.
Comme aufîî la fainetc Efcricureappellelelieu
ou groflit le baufme , vigne d'Enguaddi , pour la
rciîemblancc qu'il aauec les vignes. I'ay veu l'ar-
bre d'où fc tire le baufme des Indes, qui eftauiîï
grand comme vn grenadier, voire approchant
quelque peu de fa façon, fi i'ay bonne mémoire,
n'ayant rien de commun auec la vigne, combien
queStrabonefcriue quel'arbre ancien du bauf-
me eftoit de la grandeur des grenadiers. Mais aux
accidens 8c operatios ,ce font liqueurs fort fem-
blables, commeelles le font en leur odeur admi-
rable, & enlacure&guarilon <\qs playes, en la
couleur&en lafubftancc, veu qu'ils racontent
de l'autre baufme qu'il y en a de blac, de vermeil,
deverd, &denoir: ce que l'on voidaulîienceux
des Indes. Et tout ainfi qu'ils tiroientlancien en
DES INDES. LIV. II II. I75
coupant &incifàntrcfcorce,pour en faire diftil-
ler celle liqueur,ainii en font-ils de mefme en ce-
Juy des Indes, encorqu'il diftilleen plus grande
quantité. Et comme en cet ancien il y en a d'vne
forte qui efl: tout pur, lequel ils appellent opo-
bal(àmo,qui eftla propre larme qui diftille,&vn
au tre qui n'eft pas (i cxquisjequel on tire du bois
de l'efcorce&desfueilleseipraintcs & cuites au
feu, lequel ils appellent xylobaliami. De mefme
audi entre lebaufme des Indes , il y en a vn pur
qui fort ainfi del'arbrej&d'autres que les Indiens
tirent en cuiiant &e(preignant les fueilles 8c le
bois, mefmes ils le fophiftiquent 8c augmentent
aucc d'autres liqueurs,afin qu'il y en ait dauanta-
ge. Et n'eft pas fans raifon qu'ils appellent bauC-
me , car il l'eft véritablement , encor qu'il ne foie
pas delamefmeefpecede l'ancien, 8c efl: beau-
coup eftimé , & le feroit d'auantage , fi ce qui eft
auiourd'huy ésefmeraudes n'y eftoit, àfçauoir
d'eftre à prefent en grande quantité. Ce qui im-
porte dauantage, efl. I' vfage auquel il eft: employé
de fèrnir de chrefme, qui eft fi neceflaire en la
fàincte Eglife,& de telle veneration.ayant décla-
ré le Siège Apoftolique que l'on face le Chrefme
aux Indes auec le baufme , 8c que l'on en vie au
Sacrement de Confirmation,& aux autres Sacre-
mens dont l'Egliievfe. L'on apporte, lebaufme
en Efpagnedeianeufue Efpagne delaprouince
de Guatimalla,de Chiappa,&: d'autres lieux où il
abonde dauantage , encor que le plus eftimé foit
celuy qui vient de l'ifle de Tollu, qui eft en la ter-
re ferme, non pas loin de Carthagene. Ce bauf-
me eft blanc,& communément ils tiennent pour
HISTOIRE NATVRILLE
Tlm.Ub. pjus parfajc le blanc que le rouge , encor que Pli-
2"c'1'' ne donnelc premier lieu au vermeil, le fécond au
blanc,le troifiefme au verd , & le dernier au noir:
maisilfcmbleque Strabon eftimedanantagc le
baufme blanc,comme les noftresl'eftiment.Mo-
Strab Ub nar^cs traitte amplement du baufme des Indes
ceovrath. en la première & féconde partie, fpcciaîement de
ecluy de Carthagene 8c de Tollu, qui eft tout vu.
Ien'ay point trouuc que les Indiens ancienne-
ment eftimaffent beaucoup le baufme,ny meime
l'employaient en vfage d'importance, encor que
Monardes dife que les indiens curoient auec icc-
luy leurs playes,& que de là l'apprindrent les Ei-
pagnols.
De l'ambre , & des autres hmlles , gommes, &
drogues nue l'on apporte des Indes.
CHAP. XXIX.
Près le Baufme , l'Ambre tient le fécond
lieu : c'eft vue autre liqueur qui eft aufli
odoriférante 8c medecinalle, mais pluselpaiife
de foy , qui fe tourne & fefpaiflit en vne pafte de
complexion chaude & de bon parfum , lequel ils
appliquent aux playes,bleiïeures & autres necef-
fîtez.Surquoyie me rapporte aux Medecins,fpe-
cialement au docteur Monardes,qui à la premiè-
re partie a eferit de celle liqueur , 8c de beaucoup
d'autres medecinalles,qui viennét des Indes. Cet
Ambre vient mefme delà neufue Efpagne, la-
quelle a cet aduantage fur les autres prouinces en
ces gommeSjliqueurs 8c fucs d'arbres. Qui caufe
qu'ils ont là abondance de matières, pour le par-
mà
3HC3II99I9I
DES INDES. IIV. II II. 174
fu m , &c pour la médecine, comme elt l'Animé,
qui y vient en grande quantité, le Copal , oufu-
chicopal, qui elt vn autre genre, commede fto-
rax,& encens , qui a mefme d'excellentes opéra-
tions, &eftd'vne très- bonne odeur, propre pour
les fu (Fumigations. Mefme la Tacamahaca, Scia.
Caranna, qui font auffi tort medccinales. On ap-
porte de celle prouince de l'huile d'afpic, duquel
les médecins & peintres feferuent allez, lesvns
pour leurs emplaftres, &les autres pour vernir
leurs peintures. L'on apporre mefine pour les
medecins,la cafte ridule , laquelle croift. abôdam-
înenten S.Dominique. Ceftvn grand arbre qui
porte ces cannes comme fon frui&.L'on apporta
en Iafloteoù ie vins de S. Dominique quarante-
hui<5t quintaux de calfe fiftule. La làlccpareille-
n'eftpasmoins cogneue' pour mille remèdes, à
quoy on l'employé. Il en vint en cède flotte cin-
quante quintaux de la mefme ifle.il y a beaucoup
de celle falceparcille au Peru, 8c de fort excellen-
te en la prouince de Guayaquil, qui eftfousla
ligne. Plu (leurs fe vont faire guarircn celle pro-
uince , & eft l'opinion de quelques-vns , que les
feules eaux fimples qu'ils boiuét leur donnet fan -
té,à caufe qu'elles parlent par racines, corne nous
auons dit cy deflus, d'où elle tire fa^ vertu, telle-
m6t que pour fuer en celle terre, il n'eft point be-
foin de beaucoup de couuerturc ny d'habits. Le
bois de guayac, qu'ils appellent autrement bois
fain t , ou bois des Indes, croift en abondance aux
mefmcsifles,&eft auffi pefant que le fer,tejlemét
qu'il f enfonfe incotinct en l'eaué. De ceftuy^'on
en apporta en celle flotte trois cents cinquante
HISTOIRE NATVRELLE
quintaux,& en euft-on peu apportervingt,voire
cent mil, f'ily auoit diftribution dcccbois. Il
vint auiïi en la mefme flotte , &delamefmeiilc,
cent trente quintaux de bois de Bre(îl,qui eftfi
rouge,enflambé,&: fi cogneu, ôc dont on vfè tant
pour les teintures & autres chofes. Il y a es Indes
vne infinité d'autres bois aromatiques, gommes,
huilles,&drogues,de forte qu'il n'eft pas poffible
de les pouuoir tous raconter, & eft chofe aufïï de
peu d'importance à prefent. le diray feulement
qu'au temps des rois Inguas de Cufco, & des rois
Mexiquains,il y eut beaucoup de grands perfon-
Jiages experts à curer & medeciner auec les fim-
ples,& faifoient de fort belles curesjdautat qu'ils
auoientco^noilîàncedeplufieurs vertus & pro-
prietez des hcrbes,racines,bois &des plantes qui
croiiïent par delà , 8c don t les anciens d'Europe
n'ont eu aucune cognoilfance. Il y a de ces fim-
ples qui font propres pour purger,comme les ra-
cines de Mcchoaçan , les pignons delà Punna, la
conferuedeGuanucquoJhuiledefiguierj&plu-
fieurs autres chofes , lefquelles eftans bien appli-
quées & en temps, ne font pas ( comme ils tien-
nent) de moindre efficace que les drogues qui
viennent d'Orient. Ce qui fepeut voir, enlifant
le difeours qu'en fait Monardes , en la première
& féconde partie, où il traitte amplement du Ta-
baco ou petum, duquel l'on a fait de notables ex-
périences contre le venin. Le Tabacoeft vnar-
brifïeau ou plante aflez commune, quiaen foy
neantmoins des rares vertus, comme entr'autres
de feruir de contre poifon , ainfi que pluficurs &
diucrfes plantes, parce que i'Autheur de toutes
DES INDES. LIV. IIII. 17c
chofesadeparty (es vertus comme il luyapleu,
& n'a point voulu qu'aucune chofe nafquift au
monde ocieufe. Maisc'eftvn autre don fouue-
rainàrbommedelcs cognoiftre , & enfçauoir
vfercommeilconuient, cequele mefmcCrea-
teur concède à qui il luy plaift. Le docteur Fran-
çois Hernandes afaitvnbel œuure de celle ma-
tière des plates des Indes, liqueurs, &: autres cho-
ies medecinaleS; par l'exprès commandement &
commiffiô de fa m :jefté, faifantpeindrs & pour-
traire au naturel toutes les plantes des Indes, les-
quelles, côme ils difent, font en nombre de plus
de mil deux cents , & difent que cet œuure a cou-
fté plus de foixante mil ducats , duquel œuure le
docteur Nardus Anthonius médecin Italien a
fait vn extrait curieux, &c renuoye auiditsliures
celuy qui voudra plus exactement cognoiftre
des plantes des Indes , principalement pour la
médecine.
/X".t grandes fofefis des Indes ydes Cèdres tdes Cciuas,
& autres grands arbres qui y font.
CHAP. XXX.
çflfrS A ço 1 t que dés le commencemêtdu mon-
£*?2 de la terre a produit des plantes & des ar-
bres par le commandement du Seigneur , neant-
moins elle n'a laiffé d'en produire en quelques
lieux plus qu'es autres , & outre les plantes & les
arbres qui par l'indurtrie des hommes ont efte
tranfplantees Se apportées d'vn lieu en autre , il y
en a encor beaucoup que nature a produits de
foy-mefme.Ie croy que de cette forte il y en a da-
e
■
I
HISTOIRE NATYRELLE
uantageau nouucau monde, que nous appelions
Indes,toit en nombre,ou en diuerlîtez , que non
pas au vieil monde,& terres de l'Europe , de l'A-
îîe ôc Afrique. La raifon cft. pourec que les Indes
font d'vne température chaude ôc humide, com-
me nous auorïs monftré au fécond liure, contre
l'opinion des anciens , qui caufe quela terre pro-
duit en grande abondance vue infinité de plantes
fauuages ôc naturelles , d'où vient que prelque la
plus grande partie des Indes eft inhabitable, ôc
qu'on n'y peut cheminer , pour les bois & efpaif-
fesforeftsquiy font, aufquellesl'cn trauailleco-
tinuellement pour les abbatre. Il a efté befoin Se
necelîairepour cheminer par quelques endroits
des Indes,principalementaux nouuclles entrées,
de faire le chemin, en coupant lesarbres, & elTar-
tant lesbuillons, de farte que comme nous l'ef-
criuent quelques religieux, qui l'ont efprouuc, il
a elle telle fois qu'ils n'ont peu cheminer en vu
iour plus d'vne lieuë. Vn de nos frères, homme
digne de foy , nous contoitquef'eftantefgarc &
perdu dans les montagnes , fans fçanoir quelle
part, ny par où il deuoit aller , il fe trouua dedans
des huilions fieipais , qu'il fut contraint de che-
miner fur iceux fans mettre les pieds en terre,par
refpacedeqninzeiours entiers , ôc que pour y
voir le Soleil, ôc pour remarquer quelque che-
min en cefteforeft. fiefpaiiîe & pleine de bois, il
auoit beloing de monter au coupeau des plus
grandsarbres , pour delà defcouurirle chemin.
Quiliraledifcours ttaittant de fon voyage, ôc
combien de fois il feft perdu ôc efgaré, ôc les che-
mins qu'ii a cheminez , les eftranges aduanturcs
DES INDES. LIV. 1 1 1 1. IjG
quiluy fontaduenucs,ceque i'ay efcrit fuccin-
cîement , pourmefembler chofe digne d'eftre
fceu'ë, & qui aura quelque peu cheminé par les
montagnes des Indes,encor que ce ne foient que
lesdix-huid lieues qu'il y a de Nom de-Dieu à
Panama, pourra bienpenfcrde quelle grandeur
font ces forefts des Indes,de forte que n'ayant au-
cû Hyuer en ces parties là qui face fentir le froid,
& que l'humidité du ciel Se de la terre y eft fi gra-
quc,queles montagnes produifentvne infinité
de forefts, & la campagne qu'ils appellentSaua-
nas,vne infinité d'herbe: il n'y a point de faute
d herbe pour lëspafturages,de mefrain pour les
cdifices,ny de bois à faire du feu. C'eftvnechofe
impoflible dcpouuoirraçonter les différences &c
figures de tant d'arbres fauuages , dautant que de
la plus- part l'on n'en fçait pas les noms. Les cè-
dres fi eltimez anciennement font là fort com-
muns,pour les édifices Se pour les nauircs,&: y en
adediuerfes façons, les vus blancs, & d'autres
roux,qui font fort odoriferans. Il y a vne grande
quatité de Lauriers d'vn plaifant regard aux An-
des du Pcru. Aux montagnes de la terre ferme
auxifles,en Nicaragua, & en laneufue Efpagne.
Corne aufli il y a vne infinité de Palmes,&:de Cei-
uas,dequoy les Indiés font leurs canoës, qui font
des bateaux faits tout d'vnepiece. L'ô apporta en
Efpagncdumefraindeboisfortexquisdela Ha-
uane,en l'iile de Cube, où il y a vne infinité de sem-
blables arbres, comme font iEbene, le Caouana,
la Grenadille,les Cedrcs,& autres cfpeces, que ic
ne cognois point. Il y amefme de grands Pins en
lancufucElpagne, encor qu'ils ne foient pas 6
HISTOIRE NATVRELLE
forts que font ceux d'Efpagne. Ils ne porterie
point de pignôs, mais pommes vuides. Les chef-
nes qu'ils appellent de Guayaquil, eft vn bois ex-
quis & odoriférant, quand on le taille , mefme il
y a des cannes &c rofeaux tres-hauts,des rameaux
Ôc petites cannes, deiquels ils font des bouteilles
ôc cruches pour puifer dereauë,& fen feruent
melme en leurs baftimens. llyaaulTi le bois de
manflc,dequoy ils font des arbres Ôc mafts de na-
tures, &c les eftimencauffi forts comme fi c'eftoit
du fer. Le Molle eftvn arbre debeaucoup de ver-
tus , lequel jette des petits rameaux, dont les In-
diens font du vin,ils l'appellent e*n Mexique, ar-
bre du PerUjpourcc qu'il eft venu de là,maisil en
crojft auilî en la neufue Efpagne , &demeilleur
queceluy duPeru. Il y a mil autres lortes d'ar-
bres, dont ce feroit vn trauailfuperflud'en trait-
ter, quclques-vnsdeces arbres lontd'vne énor-
me grandeur . & parlcray leulemcnt d'vn qui eft
en Tlaco Chauoya,trois lieues de Guaxaca, en ia
neufuc Efpagne. Cetarbre eftant mefuré,fe trou-
va feulement en vn creux auoir par dedans neuf
graças,&: par dehors joignant la racine , feize, ôc
plus haut douze. Cet arbre fut frapé de foudre,
depuis le hautiufquesaubas,au droit du coeur,
qui fit ce creux qui y eft. Ils difent qu'auparauant
que le tonnerre fuft tombe deflus, ileftoitluiE-
jànt pour ombrager mil homes. Ccftpourquoy
ils C'y alïembloient pour faire leurs dances , bals
Ôc fupcrftitions ; neantmoins il refte encor de
prefent des rameaux ôc dela'vcrdure, mais non
pas beaucoup. Ils ne fçauent quelle efpece dar-
tre c'eft , finon quils difenc que c'eft vne efpece
de Cèdre.
DES INDfrS. L1V. IIII. 1 77
de Cèdre. Ceux qui trouueront cecy eftrangeji-
fent ce que Pline raconte du| Plane de Lydie , le vlin.Ub.
creux duquel contenoit quacre vingts 3c vn pied, l%t-1 •
&: reflembloit pluftoft vnc cabane ou maifon,
que non pas creux d'arbre^fon branchage vn bois
entier, l'ombrage duquel couuroitvne grande
partie de la campagne. Par ce qui eft eferit de cet
arbre , l'on n'aura point tantd'occafîonde fei-
mcrueiller du Tiileran , qui auoit fa maifon 8c
meftierdansle creux d'vn chaftaigaer. Etd'vn
autre chaftaigner , fi ce n'eftoit ceftuy-là mefme,
dedansle creux duquel entroient huidt hommes
àcheual , & en reilbrtoient fans f incommoder
les vns les autres. Les Indiens exerçoient ordi-
nairement leurs idolâtries en ces arbres ainfi
eftranges &: difformes, ainii que faifoieut mefme
les anciens Gentils , comme racontent quelques
autheurs de ce temps.
Des pUnteseJr fruiFHers que l'on 4 apporte^
de l'Espagne aux Indes.
c hap. xxxi.
E s Indiens ont eu plus de profit, & ont efte
J mieux recompeniez es plantes que l'on y a'
portées d'Efpagnc, qu'en autres marchandiicsj
pource que le peu qui font venues des Indes en
Efpagne,y croiifent peu , & y ont mal multiplié,
& au contraire le grand nombre que l'on a porte
d'Efpagne aux Indes , y vient très-bien , 8c y font
grandement multipliées. le ne fçay fi nous de-
uons dire que ce foit à caufe de la bonté des plan-
tes, pour donner gloire à ce qui eft d'icy , ou bien
HISTOIRE NATURELLE
fî nous dirons que c'eft la terre, pour ladonner à
ce qui eft de delà. Final émet il y a par delà de tout
ce qui feproduit de bon en Efpagne & en quel-
ques endroits meilleur, & en quelques endroits
pire,commelefroment,rorgc,les porces ou ver-
dure , & toutes fortes de légumes, aufli les lai-
éfcuës, choux, raues,oignons, ail, perfil, naueaux,
paftenàdes , berengencs , ou pommes d'Amour,
fcariolles , betes , efpinars, garuences , ou pois,
febues , lentilles , & finalement tout ce qui croift
par deçà de domeftique,& de profit: de forte que
ceux qui y ont fait voyage, ont cfté curieux d'y
porter des femences de toutes fortes , & le tout y
a beaucoup fructifié encor que c'ait efté diuerfe-
ment, fçauoirauxvns mieux, aux autres moins.
Quant aux arbres, ceux qui plus généralement
& plus abondamment ont fructifié, ont efté les
orangers,Iimôniers,citronniers, & autres fruicts
de cette forte. Il y a défia en quelques endroits
comme des bois ôc des forefts d'orangers.Ce que
trouuant cftrange , ie demanday qui auoit rem-
ply ces champs de tant d'orangers, l'on me re-
ipondit que cela eftoit aduenu fortuitemet, d'au -
tant que les oranges eftans tombées à terre, &
pourries, leur femence auoit germé , & de celles
que les eauxauoient emporté en diuers endroits,
venoient à naiftre ces bois ainfi efpais.Ce qui me
femblavnebonneraifon. Tayditque c eftoit le
fruicT;<jui. généralement f'cft plus augmenté es
Indes, pource que ie n'ay efté en nul endroit où il
n'y ait des oranges, d'autant que toutes les Indes
fontvne terre chaude & humide, qui eft ce que
requiert cet arbre. Ils ne croili'ent point en la
DES INDES. L IV. II II. I78
Sierre , mais Ton les y apporte des vallées ou co-
fte delà mer. La confèrue d'oranges clofes qu'ils
font es ifles, eft la meilleure que i'ay veue" par de-
çà, ny par delà mefme. Les pefches,Ies pretles &
abricots y ont fort multiplie , & en la neufue Es-
pagne plus qu'en autre endroit. Il croift au Peru
fort peu de ces forefts dcfrui<5ts,outre les pefches,
& encor moins es ifles. Il y croift des pommes &
des poires, mais c'eft aflez moyennement, il y a
des prunes rarement , mais des figues en abon-
dance, principalement au Peru. Il fc trouue des
coings en toutes les contrées des Indes, & en la
neufue Efpagnc,en telle abondance , qu'ils nous
en donnoient cinquante à choifir pour demie
realle. Il y a'affez de grenades auiïi, bien que
elles ibient toutes douces , car les aigres n'y font
point bienvenues. Ily a de très-bons mêlions
en quelques endroits du Peru. Les cerifcs&: les
guignes iufques auiourd'huy n'ont point encor
bien fructifié es Indes, &croy que ce n'eft pas
faute de température , pource qu'il y en a de tou-
te* fortes, mais peut eftre faute de foing , ou par-
cequcl'on n'a pas bien rencontre fa températu-
re. En fin ie ne trouue point que par delà ils
ayent faute d'aucun frutet délicieux. Quant aux
frui&s groflîerSjils n'ont point de beillottcs , ny
de chaftaignes, & n'ay point de cognoiflance que
iufques auiourd'huy ily en aitereu. Lesamen-
desperoiflènt, mais c'eft fort peu. L'on y porte
d'Eipagne pour les friands , des amendes , des
noix, des auellaines , & n'ay point entendu qu'il
y ait desneffles ,ny des cormes, ce qui impor-
te feu. Me femble que cecy doitfuffire pour
Z ij
f<tA3a
HISTOIRE NATVR.ILLI
faire entendre qu'il n'y manque aucune délice
defrui&s. Maintenant difons quelque choie des
plantes de profit que l'on y a portées d'Efpagne,
8c acheuerons ce traitté des plantes, qui eft délia
ennuyeux.
Des YAifins, vignes, oïiucs , meures , &
des cannes dufucre.
CHAP. XXXII.
Çs¥*'Enten s parles plantes profitables cel-
SP&y les qui outre ce que 1 on en mange au logis,
apportent de l'argent à leur maiftre. La principa-
le defquelles eft la vigne, de laquelle vient le vin,
le vin-aigre , le raifin vert ôc fec, le verjus & le fi-
rop.Maislevin eft celuy qui vaut le mieux. Il ne
croift point de vin ny raifin es ifles ny terre fer-
me , mais en la neufue Efpagne y a quelques vi -
gnes qui portent du raifin, toutesfois l'on n'en
fait point de vin. Lacaufeen doiteftre pource
que le raifin ne fe meurit pas bien à caufe des
pluyes qui y viennent aux mois de Iuillet ôc
Aouft,qui les empefehent de meurir : ils f'enfer-
uent tant feulement pour manger. L'on y porte
le vin d'Efpagne & des Canaries, comme en tout
le refte des Indes , referué au Peru & au royaume
deChillé, où il y a des vignes qui rapportent de
tres-bon vin , icfquelles vont chaque iour croif-
fànt en quantité , à caufe que c'eft vne grande ri-
chefle«ncepays,& en bonté, parce qu'auec le
temps ils deuiennent plus expérimentez vigne-
rons.kLes vignes du Peru fo nt communes es val-
lées chaudes , où il y a des eau'cs , & ics arroufeiu
Ém
DES INDES. LIV. 1 1 1 1. I J9
aueclamain , pource qu'il n'y- tombe point de
pluyesduciel, &aux Lanos, &enlaSierreellc
n'y vient point à tem ps. Il y a des endroits où les
vignes ne font point arroufcesny du ciel ny de la
terre,& toiuesfois elles ne lailfcnt de fructifier en
grande abondance,comme en la valléed'Yca , 8c
aux folles qu'ils appellent de Villacuri , cfquels
lieuxilfe trouue des fo(Tez ou terres enfoncées
parmy les morts fablons,lefquels font toute l'an-
née d'vne incroyable frai fc heur, fan s qu'il y pleu-
ueaucunement en quelque faifon que ce foit, ny
qu'il y ait des eauës pour les arrouier artificielle-
ment. La caufe eft parce que le terrouer eft fpon-
gicux , & qu'il fuccc l'caue* des riuieres qui vien-
nent de la Sierre , qui humectent ces fablons , ou
bienc'eft l'humidité delà mer (comme d'autres
penfent) laquelle parlant au trauers de ce fable,
caufe que l'eauë n'en eft pas fterile ny inutile, ain-
fî quclePhilofophel'enfeigne. Les vignes y ont
tant multiplié , qu'à cefte occafion lés difmes des
Eglifêsy font augmétés de cinq&fix fois au dou-
ble depuis vingt ans. Les vallées plus fertilles de
vignes font Victor , proche d' Arequipa, Yca, au
terrouer de Lyma, & Caraguato ,au terrouer de
Chuquiauo.Ilsportentcevin àPotozi,Cufco&
endiuers endroics,ce qui eft vn grand reuenu:
car auec toute l'abondance qu'il Vsen a, vne bou-
teille ou arrobe y vaut cinq ou fix ducats, que Ci
c'eftvind'Efpagne, comme on yen porte com-
munément aux flottes, il en vaut dix ou douze.
L'on fait du vin comme celuy d'Efpagneau roy-
aume de Chillé , pource que c'cft le mefme cli-
mat,mais il fe gafte quand l'on l'apporte au Peru.
Z iij
- •;■**?
HISTOIRE NATVRELL'!'
Ils mangent des r&iûns où l'on ne peut boire de
vin , & eft chofe admirable que l'on trouue en la
cité de Cufco des rajlîns frais tout le long de l'an-
nee,qui vient(comme ils me direntjde ce que les
vallées produifent du fruict en diucrs mois de
Tan, foit qu'ils entent les vignes en diuerfes (ài-
fons, ou que cefte variété vienne de la qualité de
la terre: quoy qu'il en foit, c'eft vne chofe certai-
ne qu'il y a quelques valleesquiportctdufcuicl
tout le long de l'année. Si quelqu'vn f efmerueil ■
le de cecy, il fe pourra efmerueiller dauantage de
ce que iediray,& peut eftrc ne le croira pas. Il y a
desarbresau Peru,defquels l'vne moitié donne
du fruict fix mois durant,& l'autre moitié en do-
neles autres fix mois. EnMalla, qui eft treze
lieues diftante de la cité des Rois, y a vn figuier,
duquel la moitié qui eft au cofté du Sud,eft verte,
& donne du fruict vne faifon de l'année, fçauoir
quand il eft Efté en la Sierre, 8c l'autre moitié qui
eft vers les Lanos du cofté de la mer , eft verte , &
donne Ton fruict: en l'autre faifon contraire, quad
il eft Efté aux Lanos. Ge qui prouient de la variété
de la température & de L'air qui vient d'vne part
ou d'autre. Le reuenu du vin qui y eft n'eft pas pe-
tit,maisil ne fort point de la prouince. Mais la
foye qui fe fait en la neufue Elpagne fe tranfpor-
te es autres royaumes,comme au Peru. Il n'y en
auoit pointai! temps des Indiens, mais l'onya
porté des meuriersd'Efpagne, Se y viennëtbien,
principalement en la prouince qu'ils appellent
Miftccqua,où il y a des vers à foye,& mettent en
ceuure la foye qu'ils en recueillent , dont ils font
de très- bon tafetas.Toiuesfois ils n en ont point
DES INDES. LIV. I 1 1 I. l8o
faitiufquesàprefentdedamas, de fatins, nyde
velours. Le fucre eft. vn autre reuenu plus grand,
veu que non feulement on en confommeés In-
des,mais aulïï l'on en apporte beaucoup en Eipa-
gnc,car les cannes croisent fort bien en diuerfes
parties des Indes. Ils ont bafty leurs engins aux
ifles,en Mexique,au Peru, & en d'autres endroits
qui leur apportent vn fort grand reuenu. L'on me
dit que l'engin à fucre de Nafca fouloit valoir de
reuenu plus de trente mil pezes par chacun an.
Celuy de Chicama,ioignant Truxillo,eftoit mef-
me d'vn grand reuenu,& ceux de laneufue Efpa-
gne auffi ne le font pas moins : car c'eft vne choie
eftrange que ce que l'on gafte & conforhmede
fucre es Indes. L'on apporta de l'ifle de (aindlDo-
minique en la flotte où ie vins , hui& cens quatre
vingts & dix-huicT: calions de fucrejefquels cftas
comme ic les veids charger en Port- riche, cha*-
que cafTe deuoit eftre à mon opinion de huicl: ar-
robespefant,qui font deux cens. Le fucre eft lo
principal reuenu de ces lfles, tant fe font addon-.
nez les hommes à l'appétit des chofes4ouces. Il
y a mefme des oliues ôc oliuiers aux Indes , ie dy
en Mexique & au Peru: toutesfois iln'y a point
eu encor iufques auiourd'huy aucun moulin à;'
huile, & nef en fait point, parce qu'ils confom-
ment toutes les oliues à manger, ôc les accom-
modent fort bien: ils trouuent que pour faire
l'huile le couft y eft plus grand que le profit. C'eft
pourquoy l'on y porte tout l'huille qu'il y a d'Ef-
pagne. En cet endroit i'acheueray la matière des.
plant esj& venons aux animaux des Indes.
Z iiij
-1*®
HISTOIRE NATVRELLE
Du befiial portant laine , cjr des yacbes.
ch A p. xxxi II.
Jfë Etrouuequ'ily a trois fortes d'animaux es
&> Indes, dont les vns y ont efté porter d'Efpa-
gne, les autres font de la mefmcefpecede ceux
quenousauons en Europe, & toutesfois n'y ont
point efté portez par les Efpagnols,& les autres
font animaux propres des Indes, &defquels l'on
ne troïiue point en Efpagne.De la première forte
font les brebis , vachcs,eheures, porcs, cheuaux,
afnes,chiens,chats,& autres tels animauxrcar il y
en a es Indes de toutes ces efpeces. Le menu be-
ftial y a beaucoup multiplié,que fi l'on y pouuoit
approfiter les laines pour les cnuoyeren Europe,
ceferoitvnedes plus grandes richelïes qu'ils eu C-
fènt es Indes:pource que les troupeaux de brebis
ont la vn grand nombre de pafturages , fans que
l'herbey diminué en beaucoup d'endroits. Il y a
au Peru Mie telle abondance de ces pafturages &:
herbages ,queperfohne n'en pofledeen propre,
mais chacun fait paiftre (es troupeaux où il veut.
Pourcefteraifonily a communément grande a-
bondance de chairs, leïquelles font à fort bon
marché :mefme les autres chofes qui procèdent
des brebis , comme le laict. & le fromage. Ils fu-
rent vn temps qu'ils laifferent perdre routes les
laines jiùfques à ce que quelques- vns fe mirent à
les me/nager & en faire des draps 8c couuertures,
qui a efté vngrad fecours pour le commun peu-
ple de cefte terre: d'autant que le drap de Caftille
y eft fort cher.Ily a pluiieurs drapiets drapansau
DES INDES. IIV. II II. l8l
Peru , & beaucoup dauantage en la neufue Efpa-
gne, encor que les draps que Ton y porte d'Efpa-
gnefoient beaucoup meilleurs, Toit que la laine
en foit plus fine ,ou que les ouuriersfoicnc plus
experts. Autresfois ie font trouuez des hommes
quipolfedoient (oixance&dix & cent mil teftes
de brebis, encor qu'à prefent n'y en ait gueres
moins. Que il c'eftoir en Europe , ce feroit vne
très-grande richellè , mais en ce pays-là ce n'eft
qu'vne moyenne richede. En plufieurs endroits
des Indes, & croy que c'eft en la plus grand' part,
le menu beftial ne fructifie & n'y profite pas bien
à caufe que l'herbe eft haute,& la terre fi vicieufe,
qu'il ri y peut pas bien paiftre comme le grand
beftial. C'eft pourquoy il y a vneinnumerable
multitude de vaches, defquelles y a de deux for-
tes. Les vues font domeftiques , 8c qui vont en
troupeaux, comme en la terre deCharca, &en
autres prouinces du Peru,commemefme en tou-
te la neufue Efpagne. De ces vaches domeftiques
ils f en feruent <k en tirent de la commodité tout
ainfi qu'en Efpagne, fçauoir la chair,le beurre, les
veaux,& les bceufspour labourer la terre. L'autre
forte de vaches font fauuages , qui fe tiennent es
montagnes &forefts: c'eft pourquoy on ne les
dompte point, & n'ont aucun maiftre à qui elles
foient en propre, tant pour l'afpretc &efpaifleur
des forefts, que pour la grande multitude qu'il y
ena:& celuy qui le premier les tuë,eneftle mai-
ftre,comme d'vne befte de chafiTe.Ces vaches fau-
uages ont tellement multiplié en fainc~t Domini-
que^ en d'autres endroits des enuirons,qu'elles
vontà milliers par les campagnes &bois,n'ayans
HISTOIRE UATVRELLE
aucun maiftre à qui elles appartiennent. L'on fait
la chaflè àcesbeftes, pour leur cuir tant feule-
ment , & fortent en la campagne des nègres ou
des blancs à cheual, aucc leurs coupe-iarefts, qui
courentles taureaux & vaches , ôc quand ils les
ont frappez Se arreftez,ils leur appartiennent. Ils
les efeorchent , & en portent la peau en leur mai-
fon,laiiîant la chair perdue, fans qu'il y aitper-
fonne qui la prenne ou emporte, à caufede l'a-
bondance qu'il y en a. Tellement qu'ils m'ont
attefté en cefte ifle , qu'en quelques endroits l'air
l'y eftoitcorrôpu,pour l'abondance de ces chairs
empuanties. Le cuir que l'on apporte en Efpagne
eft vn des meilleurs reuenus des lilcs,&de la neuf -
ue Efpagne. En la flotte de quatre vingts &fept,
il vint de faindt Dominique le nombre de trente -
cinq mil quatre cens quarante quatre cuirs de va-
ches , & de la neufue Efpagne foixante quatre
mil trois cents cinquante,qu'ils eftimerent à qua-
tre vingts feize mil cinq cens trente deuxpezes.
De forte que quand l'on defeharge vne de ces
flottes, c'eft. chofe admirable de voir la riuiere de
Scuille,&ectarcenatoù fe defehargent tant de
cuirs & demarchandife. llyaaufïidescheures
en grand nombre , le principal profit dcfquolles
eft le fuif, outre les cabrits,le lai&,& autres com-
moditez qu'on en tire : d'autant que les riches Se
lespauuresfeferuentde ce fuif pour leur efclai-
rer, car comme il y en a grande quantité, aufïïy
cft-il à fort bon con te, Se plus que l'huile raefme.
Il eft vray que tout le fuif dont ils fe feruentm'cft
pas feulement de celuy des nulles. Ils en accom-
modent les marroquins pour la chaulfeurejtou-
DES INDES. LIV. I I 1 1. lît
tesfois ic n'ay point opinion qu'ils foient fi bons
comme ceux que Ton y porte de Caftille. Les
cheuaux y ont multiplié , &y font exquis en
beaucoup d'endroits, voire en la plus-part C'y en
trouue des races d'aufïï bos comme les meilleurs
d'Efpagne , tant pour courir vue carrière & pour
parade,que pour le trauail,& pour faire chemin.
C'eft pourquoy ils fe feruent pour beftes de loua-
ge Se pour voyager, le plus ordinairement des
cheuaux, combien qu'il n'y ait pas faute de mul-
les,carily en a beaucoup, fpecialementés lieux
où fe font les voitures par terre, comme en la ter-
re ferme. Il n'y a pas vn fi grand nombre d'aines,
auflî ils ne l'en feruent gueres à cet vfage,ny pour
le trauail & feruice. Des chameaux il y en a quel-
que peu , &en ay veu au Peru qui yauoient efté
portez des Canaries, & qui y auoient multiplié,
mais allez petitement. En fàinct Dominique les
chiens y ont multiplié en nombre, 8c engran-
deur,d'vne telle façon, que c'eft auiourd'huy la
playe & l'affliction de cefte ifle. Car ils mangent
les brebis, &vont en troupes par les champs.
Ceux qui les tuent y ont vn tel falaire1, que ceux
qui tuent les loups en Efpagne. Devrais chiens,
il n'y en auoit point premièrement es Indes,
mais quelques animaux femblables ides petits
chiens, lefquels les Indiens appellent Alco, c'eft
pourquoy ils appellent dumefine nom d'Alco
les chiens que l'on y a portez d'Efpagne, à cau-
/èdcla relïemblancc qui eft entre eux, &fbnt
les Indiens fi amis de ces petits chiens, qu'ils
efpargneront pluftoft leur manger pour leur
donner. Tellement que quand ils vont par
HISTOIRE NATVRELLE
pays, ils les portent aucc eux fur leurs efpaullcs,
ou en leur fein,& quand ils font malades ils tien-
nent ces petits chies auec eux , ians fe feruir d'eux
en autre chofe que pour l'amitié & compagnie.
De quelques animaux de l'Europe que itsEJpagnâls
trouucrent es Indes , & covwicnt ils
peuuent y auoir pafîè.
CHAP. XXXI III.
3* 'Est vne chofe certaine que Ton a porté
$$9 d'Efpagne tous ces animaux dont i:ay parle,
& qu'il n'y en auoit point es Indes quand elles
furent premièrement defcouuertes, il n'y a pas
cent ans: car outre que c'eft vnc chofe qui peut
eftreapprouuec par destefmoins qui viuenten-
cores, c'en eftvnepreuuefufïifante, de voir que
les Indiens n'ont en leur langue aucun mot pro-
pre pour fignificr ces animaux, mais ils fe feruent
des mefmcs noms Efpagnols /combien qu'ils
foient corrompus : pour-autantquenecognoif-[
fans noint la chofe,ils prindrent le mot commuai
aux fièux dont ellcaiioitefté apportée, l'ay trou-
ué ceftcreiglebonneppwrdifcerner quelles cho-l
fesauoient les Indierîs auparauant que les Efpa^
gnolsyvinirentjCx: celles qu'ils n'auoieutpointj
car .ils donnoientvn nom à celles qu'ils auoientJ
&cogrioi{ïoient défia, & ont donné des nom/
noutiçaux à celles qu'ils ont eu denouueau ,qul
font les mefmcs noms F.fpagnols le plus coni
munément, quoy qu'ils les prononcent à leuj
mode, commeau chenal , au vin , & au fromenl
L'on y trouua des animaux de la mefme efpccl
DES INDES. tIV. III I. 183
de ceux que nous aiions en l' Europe: (ans qu'ils y
eulïcnt eftc portez par les Efpagnols. Il y a des
lyons,des tygres,ouis,fangliers, renards, & d'au-
tres beftes fieres & fauuages , dequoy nous auons
propofé vn argument au premier Hure, fçauoir
que n'eftant pas vray-femblable qu'ils eullenc
paiTé aux In des par mer, attédu que c'eft vue clio-
îeimpoflible depaller l'Océan à nagc,& feroit
vne folie de penfer que les hommes les cullent
embarquezauee eux , il fenfuit que ce monde fc
continue" en quelque endroit aucc l'autre nou-
ueau, par où ces animaux peuuent auoir paiTé, &
peuplé peu à peu ce nouueau monde: puis que
iuiuant l'Efcriture ces animaux iefauuerenc en
l'Arche de Noé, Se de là ils ont multiplié au mo- ******
de. Les lyons que i'ay veus ne font rouges,& n'ôt
point ces crins, aucc lefquels on aaccouftumé de
les peindre. Us font gris, &non pas fi furieux
comme on les void en peinture. Les Indiens ('a-
maurènt&i7auremblent pour prendre & charter
les lyons,& font comme vn circuit, qu'ils appel-
lent chaco,dont ils les enuironnët,puis les tuenc
à coups de pierres , de battons, & d'autres inftru-
mes.Ces lyons mefmes ont accouftumé de grim-
per aux arbres , où eftans montez , les Indiens les
tuent auec des lances , ou arbaleftes ,& plus faci-
lemcn t auec des arebuzes. Les tygresy font plus
furieux & plus cruels , & ont la rencontre plus
dangereufe , à caufe qu'ils feflancent & aflaillent
en trahifon. Ils font tachetez, & de la mefme fa-
çon que les hiftoriographes les peignent.I'ay ouy
quelqnesfois conter que ces tygres eftoient ani-
mez contre le? Indiens, & qu'ils naifailloicnt
HISTOIRE NATVR.ELI, E
point les Efpagnols,ou bien peu,& qu'ils alloiëc
prendre &choifirvn Indien au milieu des Espa-
gnols^ qu'ils les emportoienc. Les ours qu'ils
appellent en langue de Cufco,otoioncos, font
de lamefmecfpece que ceux d'icy , &fe terrif-
ient. L'onyvoid peu de ruches, poureeque les
rais de miel qui fonc es Indes fe trouuent aux ar-
bres^ dellbus la terre,& non pas aux ruches,co-
me en Caftille.Les rais de miel que i'ay veus en la
prouince de Charcas , que là ils appellent le chi-
guanas,font d'vne couleur grife, ayans peu de
nie , & rellemblent plus à vne paille douce, qu'à
des rais de miel. Ils difent queles abeilles font pe-
tites comme mouches, ôc qu'elles jettent leur ci-
iain delîouz la terre. Le miel en eft afpre,& noir,
toutesfois en quelques endroits il y en a de meil-
leur, & des rayons mieux formez , comme en la
prouince de Tucuman enChillé,& enCartha-
gene. le n'ay point veu ny ouy parler qu'il y ait
des iangliers,mais des renards ôc autres animaux
qui mangent les beftes,& la volaille,il y en a plus
queleîj pafteurs ne voudroict.Outre ces animaux
qui foiit furieux & dommageables , il y en a d'au
très profirables,qui n'y ont point efté portez par
les Espagnols, comme font les cerfs, ôc autres,
dontyena grande abondance 'en toutes les fo- ,
refis. Mais la plus grande partie eft vne venaifon
fans cornes, à tout le moins ien'y en ay point
veu d'autres , ny ouy parler qu'on y en ait veu, ôc
tous font (ans cornes, comme corcos. Il ne me
iemblçpas difficile de croire: mais eft prefquc
certain que tous ces animaux par leur lege:eté,&
pour élire naturellement fàuuages, ayen; pailc
DIS INDES. LIV. IIII. 1S4
cl'vn monde à l'autre par quelque endroit où ils
le ioignent,puis qu'aux grandes ifles&cfloignees
de la terre ferme , ie n'ay point decognoiflance
qu'il C'y en trouue, quoy qtiei'aye fait recherche
de le defcouurir.
Des oi féaux de par deçà qui font h Indes , &
comment ilspeuuent y auotrpajsè.
c h a P. xxxv.
Sj® O n pourraplus facilement croire qu'il en
m£l foit ainfi des oifeaux, & qu'il y en a de la
mcfmeefpccedeceux depardeçà, comme font
les perdrix,les tourtes , pigeons , ramiers , cailles
&pluficurs&diuerfes fortes de faucons,lcfquels
l'on enuoyedelaneurue Efpagne & du Pcru, aux
feigneutsd'Efpagne, d'autant qu'on en faitgran-
de ettime. Il y a mefme dçs hérons, & des Algies
dediuerfes fortes,& n'y a point de doute que ces
efpeces d'oifeaux & autres femblables, n'y ayent
paflfc l?ien pluftott que les lyons , les tygres, Scies
cerfs. Il fe trouue auflï es Indes vn grand nombre
de perroquets , fpecialement aux Andes du Peru,
& csiflesde Port- riche & fainti Dominique, où
ils vont par bandes , comme font les pigeons par
deçà. En fin les oifeaux aucc leurs aifles vont où
ilj vculent,& certainement pluficurs efpeces d'i-
ceux pourront bien palier le Golphe, puis que
c'eft chofe certaine,comme Pline l'afferme, qu'il Piinj,yt
y en a beaucoup qui parlent la mer,& vont en dçs io.c.tj.
régions fort eftranges, combiequeien'aycpoint
leu qu'aucuns oifeaux parlent au vol vn fi grand
golphe comme eu. celuy de la mer Oceanedes
Indes. Toutesfois ne le tiens-iepas pour du tout
JrifUib
\AeVart
tmmal.c.
Tlm.Ub.
HISTOIRE NÀTVR.ELI.E
impoflible , puis que l'opinion commune des
mariniers eft , qu'il f en trouuc deux cents lieues,
voire beaucoup dauantagc loing de la terre, ôc
, qnemefme,côme Anftote i'enfeigne , les oifcaux
• endurent facilement eftre dans l'eaue , d autant
6 qu'ils ont peu de refpiration5comme nous voyos
aux oifeaux maritimes, lefquels fe plongent ôc
ion tvn long temps dedans l'cauë. Ainfi pourra-
on dire quelesoifeaux qui fe tronuent à prêtent
en la terre ferme,& es ifles des lndes,ont peu pal-
fer la mer , le delailïàns en des Mettes , & en des
terres qu'ils recognoilfent par vu inftiruS natu-
rel (comme Pline racontede quelques- vns) ou
' parauanture fêlai flan s tomber en l'eaue, quand
ils font fatiguez de voiler, & après reprenansle
v ol,qnand ils le font repofez quelque peu. Quït
au x oi (eaux que l'on void es Mes , efquelles il n y
a point d'animaux terreftres, ic tiens fans doute
qu'ils y ont pâlie par vne des façosfufdites. Mais
pour les autres oifeauxqui fctrouuent en la ter-
re ferme, principalement ceux qui ont vn petit
voI,il eft plus aile de croire qu'ils y ayent efte co-
rne les animaux delà terre , qui font delà meimc
efpecedeceux d'Europe. Car il y a aux Indes de
grands oifeaux fort pefans, comme les Auftrii-
chcs.dont il y en a fort au Pem.lefquelles ont ac-
couftumé d'efpouuenter quelquesfois les mou-
tons du pays qui vont chargez. Mais laiiïant ces
oifeaux, qui fe gouuc ment d'eux-mefrnes , lans
que les hommes en ayent le foing, fi ce n'eu pour
la chaire, parlons des oifeaux domeftiques. le
mefmerueilledes poullcs,attédu qu'il y enauoit
aux Indes auantquelesEfpagnols y amusent,
ce qui
DES INDES. IIV. III I. l8f
ce qui eft allez prouué,parce qu'elles on t vn nom
propre du pays,& appellent la poulie Gualpa , &c
leur œuf Ponto,& ont en vfagele melmeprouer-
be que nous auons icy,dappeîler poulie vn hom-
me couard. Ceux qui furent à la dcfcouuertc des
iflesdeSalomon, racontent qu'ils y ont vcu des
poulies femblables aux noftres. L'on peut enten-
dre quela poulie eftant vn oiieau iidomcftique,
ik fi profitable comme elle eft, les hommes les y
ont peu porter auec eux , quand ils pailerent d'vn
lieu en autre,comme nous voyons encor auiour-
d'huy, & que les Indiens en voyageant por toienc
leur poulie, ou poullet iur la charge qu'ils por-
tent fur leurs efpaulles, & mefmes les portent fa-
cilement en leurs poulliers , & cages de jonc 3ou
de bob. Finalement il y a es Indes beaucoup d'e-
Ipece d'animaux,& d'oifeaux de ceux de l'Europe
quei'ay dites,&dautres fortes que d'autres pour-
ront raconter.
Comme ileHpofîiblequ'ily ait es Indes quelques
fortes d'animaux , dont il n'y ait
i, point ailleurs.
CHAP. XXXV I.
Si 'Est chofe plus difficile de monftrer &
iprouuerquel commencement ont eu plu-
sieurs ôc diueries fortes d'animaux qui fc trou-
uentés Indes, de l'efpece defquclsnous n'auons
point en ce continent. Car il le Créateur les a
produits en ces parties , il ne faut point alléguer,
nyauoir recours à l'Arche de Noé, & n'eftoic
poiu: de beibin de fauuer alors toutes les efpeces
a
HISTOIRE NATVRELLE
d'oifeaux& animaux, fi d'autres deuoient eftre
créées de nouueau: d'autre-parc on ne pourroit
pas dire que le monde euft efté fait & acheué es
fix iours de la creationjf'il y euft eu encor d'antres
nouuelles efpeces à former, 8c principalemct des
animaux parfaits , & non moinsexcellents que
ceux qui nous (ont cogneus.Si nous difons donc
que toutes les efpeces d'animaux furent confer-
uees en l'Arche de Noé , il f enfuit que les ani-
maux , de l'cfpece defquels il ne fen trouuc en
d'autres endroits qu'es Indes,yayent parlé de ce
continent, tout ainfi comme nous auons dit des
autres animaux qui nous font cogneus.Ccla fup-
pofé, ic demande comme il eft pofîïble qu'il n'en
foitrefté par deçà aucun deleurefpece,& comme
il fen trouue feulemet par delà , où ils font com-
me voyagers 8c étrangers. C'eftàlaverité vne
queftion qui m'a long temps tenu en perplexité,
le dy pour exemple, fi les moutons du Peru, 8c
ceux qu'ils appellent Pacos,&: Guanacos , ne fe
trouuent point en d'autres régions du monde,
quilcs a portez au Peru, ou comment y ont- ils
efté, veu qu'il n'eft demeuré aucune apparence,
ny refte d'iccux en tout ce monde ? Que Ci ils n'y
ont point palféd'vne autre région, commentfe
font-ils formez 8c produits par delà ? Parauantu-
rc Dieu a- il fait vne autre nouuclle création d'a-
nimaux ? Ce que iedy de ces Pacos 8c Guanacos,
ie le dy de mil autres différentes efpeces d'oifcaux
&d'animauxdeforeft,qui iamais n'ont efté co-
gncus,ny de figure, ny de nom,& defquels il n'eft
fait aucune mention , foie entre les Latins , foie
encreles Grccs5ou quelques autres nations de ce
DES INDES. IIV. II II. I$6
monde. Il faut donc dire que combien que to u s
les animaux ioient fortis de l'Arche, neancmoin s
par .vninftinct naturel &prouidenceduciel, dî-
ners genres d'iceux f'efpartirent en diucries ré-
gions, en aucunes defquellesilsfe trouuerent fi
bien, qu'ils n'en voulurent point partir: ou fris
en forment, ne fe conferuerent, ou^icn en fin de
temps ils perirenr totalement , comme l'on void
arriueren beaucoup déchoies: car fi l'on y veut
regarder de près, on trouueraquece n'eft pas tant
feulement vne chofe propre & particulière es In-
des, mais au0î générale en beaucoup d'autres ré-
gions &:prouinces de l'Afie, d'Europe & d'Afri-
que, efquellesl'on dit qu'il y a certaines efpeces
d'animaux qui ne fe trouuent point en d'autres
régions, au moins fil f'en trouue ailleurs, l'on
recognoift. qu'ils y ont elle portez de là. Puis
donc que ces animaux iont fortis de l'Arche,
comme pour exemple , les Elephans que Ton
trouue feulement en l'Inde Orientalle, ôc de là
ic font communiquez en d'autres régions , nous
en pourrions dire autant de ces animaux du Pe~
ru, & des autres dzs Indes, qui ne (e trouuent
enautrepartiedumondc. L'on peut bien aufîï
coniidcrcriurcefujet., fi tels animaux différent
enefpece,& eilentiellemcntde tous les autres,
ou fi cefte leur différence eft accidentelle , la-
quelle peut y auoir efté caufee par diuers acci-
dentSjComme nous voyons au lignage des hom-
mes, que les vns font blancs, Ôc les autres fon-t
noirs, lesvnsgeans,Ies autres nains, &en l'ef-
pece des finges, les vns n'ont point de queue,
& les autres en ont: entre les moutons, les vns
a i)
- Mi
HISTOIRE NATVRELLE
font rez,&: les autres velus, les vns grâds & forts,
qui ont le colfort lonç, comme ceux du Pcru , Se
1 es autres foibles Se petits, ayans le col court co-
rne ceux de Caftille. Mais pour en parler plus fai-
nement, qui voudra par cedifeours, en mettant
feulement ces différences accidentales,conferuer
la propagation des animaux es Indes,& les rédui-
re à ceux d' Europe , predra vne charge,de laquel-
le il pourra mal-aifément fortir à ion honneur.
Car (1 nous dcuonsiuger les cfpeces d'animaux
par leurs ptoprictez , ceux des Indes font il diffé-
rends , que c'eft appeller l'œuf chaftaigne , de les
vouloir réduire aux efpeces çognu'és de l'Europe.
Des oifeaux qui font propres es Indes.
CHAP. XXXVII.
*Y(* Lyaaux Indes de plusieurs fortes d'oifeaux
SJfâ remarquables, foit qu'ils foient delà mefme
efpece de ceux d'icy,ou autres différents. Ils ap-
portent delà Chine certains oifeaux qui n'ont
point de pieds aucunement,& tout leur corps eft
quafî plume. Ils ne f aillent point en terre, mais
ils fe pendent aux rameaux par des fillets, ou plu-
mes qu'ils ont, &ainfi le repofent comme des
moufches,& chofés aériennes. Au Peru il y a des
oifeaux qu'ils appellent Tomineios,iîpetits,quc
beaucoup de fois i'ay douté les voyant voler u
c'el\oientabeilles,ou papillons : mais à la vérité
ce font oifeaux. Au contraire ceux qu'ils appel-
lent condores, y font d'vne extrême grandeur, Se
d'vnetelleforce,qucnon feulement ils ouurent
& dcfpecent vn moutô. Se le mangent, maisaufïï
DES INDES. LIV. I 1 1 I. 187
vn veau tout entier. Ceux qu'ils appellent Auras,
Ôc les autres poullazes (lefquelles ie croy quan t à
moy eftre du gère des corbeaux) font d'vne eftra-
ge légèreté , & ont la veue" fort aiguë, eftans fort
propres pour nettoyer les citez, d'autant qu'ils
n'y laillent aucunes charongnes , nychofes mor-
tes. Ils partent la nuict fur les arbres, ou fur les ro-
chers, & au matin ils viennent aux citez fe met-
tans fur le fommet des plus hauts édifices, d'où
ilsefpient &c attendent leurprife. Leurspetits
ont le plumage blanc, comme l'on raconte des
corbeaux, & changent le poil en noir. Les guaca-
mayac, font oifeaux plus grands que perroquets,
& leur reifemblent en quelque chofe,ils font efti-
mez pour la diuerfe couleur de leur plumage,qui
eft fort beau,& fort agréable. En la neufue Efpa-
gne il y a abondance d'ôifeaux ,d'vn exceller plu-
mage, de forte qu'il nefentrouue point en Eu-
rope qui en approchent , comme l'on peut voir
par les images de plumes qu'ils apportentde là,
ïefqueîs auec beaucoup de raifonfontprifez 8c
eftimez, donnans occaliondefefmcruciller que
l'on puiife faire auec des plumes d'oifeaux vne
ceuuretî délicate & fi parfaitement efgale, qu'ils
femblent proprement eftre de vrayes couleurs de
peinturc,& ont vnœil&vn regard h* gay,fivif,&
h* agréable, que le peintre n'en peut pas faire de fi
beaux auec fon pinceau & Tes couleurs. Quelques
IndiëSjbons ouuriers & experts en cet art, pour-
trayent de ces plumes, & représentent parfaite-
ment ce qu'ils voyent peint auec le pinceau, de
telle façon que les peintres d'Efpagnc n'ont en
ce poin&aucunauantagefureux. Le précepteur
a ii)
HISTOIRE NATVRELLE
du Prince d'Efpagne Dom Philippe, luy donna
crois eftampes,ou pourtraits faits de plume,com-
mepour mettre en vn breuiaire, lcfqn elles fou
AltelFe moftraau roy Dom Philippe noftre (ïcur,
Ton père, lefqnels fà majefté contemplant , &: re-
gardant de près, dit qu'il n'auoit iamais veu en
ccuurefi petite vnechofe de iî grande perfe&ion
8c excellence. Comme on eutvnic^urprefentéa
IaSain6tetédeSixtecinquiefme,vn autre quarre
plusgrand,oùeftoitpourtraitfaind François, &
qu'on luy euft dit que les Indiens faifoient cela
de plume, il le voulut efprouuer, touchant des
doigts le tableau,pour voir fi c'eftoit plume,dau-
tant que cela luy fembloit chofe merueilleufe
d'eftre fi proprement agencé, que la veuë ne pou -
uoitiuger&dilcerner fi c'eftoient couleurs na-
turelles de plume , ou Ci elles eftoient artificielles
de pinceau. C'eft vne chofe fort belle que les rais
& regard que jette vnvert,vn orangé comme do-
ré^ autres couleurs fines, 8c vne chofe digne de
remarquer, que les regardans d'vne autre façon,
on les void comme couleurs mortes . Ils font les
meilleures 8c plus belles images de plume , en la
prouince de Mechouacan, & au bourg de Pafca-
ro. La façon eft qu'auec de petites pinces délica-
tes ils arrachent les plumes des mefmcsoifeaux
morts , &auec vne colle defliee qu'ils ont , les
vont attachant légèrement, Se poliement. Ils
prennent ces plumes fi délicates, 8c petites de
cesGifeaux,qu'iIsappellentau Peru,Tomincios,
ou d'autres femblables , qui ont de tres-parfaites
couleurs en leurs plumes. Les Indiens outre ces
images , fe feiuoienc des plumes en beaucoup
■
-TfBif' i7'Êrrnfn*~~i rr-
DES INDES. LIV. 1 1 1 I. l88
d'autres ouurages fore précieux , fpccialemenc
pour l'ornement des rois ôc feigneurs de leurs
temples ôc idoles. Car il y a au fli d'autres grands
oifeaux qui ont des plumes excellentes , ôc très-
fines, dequoy ils faifoient des pannaches , Ôc
plumages bigarrez, fpecialement quand ils al-
loient en guerre , les enrichiflant d'or & d'argenc
fort artificieufement , qui eftoit vnc chofe de
grand prix. Les mefmes oifeaux y font encor
auiourdhuy , mais ils n'en font pas tant curieux,
ôc n'en font plus tant de pannaches, ny de gcntil-
lefles comme ils foulaient. Il y a aux Indes d'au-
tres oifeaux du tout contraire à ceux- cy défi ri-
che plumage , lefquels outre ce qu'ils font laids,
neferuent d'autre chofe que de faire de la fiente,
&neatmoinsne font-ils pas peut- cftre de moin-
dre profit. I'ayconfideré celam'efmerueillanc
de la prouidence du Créateur, qui a ainfi or-
donné que les autres créatures feruent aux hom-
mes. En quelques Mes ou Phares qui font joi-
gnante cofteduPeru, l'on void le long des pics
ôc montagnes toutes blanches , ôc diroit-on à
les voir que ce feroit de la neige , ouque tout y
eft vne terre blanche, mais ce font des monceaux
de la fiente de ces oifeaux marins qui vont là
continuellement fienter , ôc y en a fi grande a-
bondance , qu'elle fe haulîe plulieurs aulnes,
voire plufîeurs lances en haut : ce qui femble
crnfe fabuleufe , Ils vont auec des bafteaux à
cei iiles , feulement pour charger cède fien-
te , pource qu'il n'y a autre fruict, grand ny
pe:it enicelles : ôc eft celle fiente fi commode
ôc fi profitable , que la terre qui en eft fume©
a iiij
-V'T
I
HISTOIRE NATVRELLE
rapporte du fruict en fort grand' abondance. Ils
appellent cefteficnteguano,d'oùaprins le nom
la vallée qu'ils difentdelimaguana, es vallées du
Peru, où ils fe feruent de celle fiente, &eft la plus
fertile de ce terroir. Les coings , grenades,&: au-
tres fïuicts y excédent en grandeur & bonté tous
les autres', &difent que c'elt pource que l'eauè
auec laquelle ils les arroufent palfe par de la ter-
re fumée de cefte fiente, qui eau fêla beauté de ce
frui&.Tellementquecesoifeaux n'ont pas feule-
ment la chair pour feruir de viande , le char pour
la récréation, la plume pour l'ornement &gail-
lardife, mais aufïï leur fiente fert pour engrailFer
la terre. Ce qui a efté ainfî ordonné par le Créa-
teur fouuerain pour le feruice del'homme , afin
qu'il fc relïbuuienne derecognoiftre &eftre loyal
à celuy duquel tout fon bien procède.
Des beftes de c baffe.
CHAP. XXXVIII.
i Vtre les animaux de charte dont nous auons
Ê3$parlc , qui font communs es Indes & à l'Eu-
rope , il y en a d'autres qui fe trouuent par delà,
dontie ne fçache point qu'il y en aitpar deçà, fi-
non queparauantureilsy ayenteftéapporcezde
ces parties là. Ils appellent Sainos, des animaux
qui iontfaitscommepetitsporcs , qui ont cefte
çhofe eftrange d'auoir le nombril foc i'efchine du
dos. Ceux-là vont par les bois en troupes,ils font
cruels fans eftre aucunement craintifs, au con-
traire ils allàillet & ont des Brocs comme rafoirs,
auec lefquels ils font de dàngereuies blelfeures 5c
DES INDES. LIY. II II. I S 9
incifions,fi ceux qui les chatfent ne fe mettent en
lieu de fauiie- garde. Ceux qui les chaiîent pour
les tuer plus feurement montent en des arbres, où
incontinent les fainos ou porcs accourent &ar-
riuent en troupe à mordre l'arbre quand ils ne
peuuent nuire à l'homme, ik alors du haut auec
vue lance ils ble(Tent&: tuent ceux qu'ils veulet.
Ils font très bons à mager, mais il eft befoin aufïï
toft leur ofter 6c couper ce rond qu'ils ont au
nombril de l'efpine, car autrement dans vn iour
ilsfecorromproient. Il y a vue autre race de pe-
tits animaux qui reffemblcnt à des cochons de
laict, & les appellent Guadatinais. le doute fil y
auoitaux Indes auant que les Efpagnols yvinf-
fent,desporcsdelamefmeefpece de ceuxd'Eu-
rore, damant qu'en la defccuucrte des ifies de
Salomon,il eft dit qu'ils y trouuerent des poulies
ôc des porcs d'Efpagne. Mais quoyquece foit,
c'eft vue chofe certaine que ce beftial a multiplié
prefque en toutes les parties des Indes fort abo-
damment. Ils en mangent la chair frai fche, la
tiennentaunrifaine& bonne comme iic'eftoit du
mouton. comme en Carthageneen quelques en-
droits ils font deuenus fumages & cruels, & leur
fait-on la chafïe comme à des (angliers, ainfique
i'on void en faincT: Dominique , & es autres ifles
où le beftial f eft habitué aux forefts.En quelques-
endroits ils les nourrilïen t auec le grain de mays,
&ils ^engrailFent merneilleufement, afin d'en
auoirlefain,dont ils vfent à faute d'huile: en au-
cuns lieux l'on en fait des jambons, comme en
ToIlucadelaneufueEfpagne,&enParia du Pe-
•tu. Retournant donc à ces animaux de pardelà,
HISTOIRE NATVRELLE
toutainfî comme les fainos font femblables aux
porcs,quoy qu'ils foient plus petits:ainfi les dan-
tes refTemblctaux petites vaches, combien qu'ils
reirembient mieux à des mulles , pour n'auoir
point de cornes. Le cuirdecesanimauxeft fort
eftimé pour des collets 8c autres couuertures, ôc
font fi durs qu'ils refiftent à quelque coup que ce
foit. Etcomme lesciantes font défendus par la
force & dureté de leur cuir,ceux qu'ils appellent
armadillos le fontauffipar la multitude des ef-
cailles qu'ils ont,lefquels fouurent &fe ferrent
comme ils veulent en façon de cuiraife. Ce font
des petits animaux qui vont par les bois,lefquels
ils appellét armadillos,à caufe de la defenfe qu'ils
ont femettas dans leurs coquilles ,&lesdefcou-
urantquand ils veulent. I'enay mangé,&nemc
femble pas chofe de grand' valeur : mais la chait
des yquanas eft vn meilleur manger, combien
qu'ils foient hideux & horribles à la veué : car ils
reifemblent aux vrais lézards d'Efpagne, encor
qu'ils foient d'vn genre ambigu & douteux,dau-
tan t qu'ils vont àl'eaue,&: fortansen terre mon-
tent aux arbres du riuage , 8c comme ils fe jettent
des arbres en l'eaue , les bateaux fe mettent def-
fouz qui les recueillent Les chinchilles eft vn au-
tre genre de petits animaux comme efcurieux.Ils
ontvn poil merueilleufement doux &liifé , 8c
porte l'on leurs peaux comme vnechofeexquife
&falutairepoutefchauncerreftomach&les par-
ties qui ont befoin de chaleur modérée. Us font
des couuertures 8c des caftellongnes dupoilde
ces chinchilles, & fe trouuent en la Sierrc du
ru,où il y a rnefme vn petit animal fort commui
DES INDES. LIV. IIII. 1^0
qu'ilsappellentcuyes,que les Indiens cftimenc
pourvn très- bon magery&ont accoutlumé d'of-
frir fouuent en leurs Sacrifices ces cuyes. Ils font
comme pecirs connins , & ont leurs creux &: ta-
nières dans la terre , & en quelques lieux ont mi-
né toute la terre:les vus font gris, les autres blûcs
& les autres meflcz.Il y a d'autres petits animaux
qu'ils appellent Vifcachas , qui font comme des
lieures , combien qu'ils foient plus grands, aux-
quels ils font la c!ïa(re,& les mangent. Des vrais
lieures il y en a allez grand nombre pour la chaiïe
en quelques endroits. L'on trouueauiïi des con-
nins au royaume de Qmtto, mais les bons y fout
venus d'Efpagnc. C'eftvn autre animal eftrange,
que celuy lequel pourfonexceiïiue peiantcur&
tardiueté à femouuoir,ils appellent Perico-lige-
ro,ou petit Pierre le Leger.il a trois ongles à cha-
que main , & meut fes pieds & Ces mains comme
par compas, 6c fort pefamment , ôc relîemble de
face à vne guenon. Ilavncry hautain,il monte
aux arbres,&: mange des fourmis.
DcsMicos ou Guenons des Indes.
ch a p. xxx rx.
Ar toutes les montagnes de cesiflesde la
\£1 terre ferme, & des Andes , ily a vn nombre
i nfiny de Micos ou guenos qui font de la race des
finges,mais différents en cequ'ils ont vne queue,
voire rbrtlogue, Et y en a entr'eux quelques races
qui font trois fois plus grâds,voire quatre que les
ordinaires,lesvns sot du tout noirs,lesautres buis
HISTOIRE NATVRELLE
les autres gris, Se les au très tachetez, Se méfiez.
Leur légèreté & leur façon de faire e'ft admirable,
pource qu'il femble qu'ils ayent de la raifon Se
du difeours à chemine* par les arbres, en ce qu'ils
veulent prefque imiter les oifeaux. En allant de
Nom de Dieu en Panama,ieveidsenCapira que
vne de ces guenons fauta d'vn arbre en l'autre qui
eftoit de l'autre cofté delariuiere, ce qui me fit
beaucoup efmerueiller. Ils fautent où ils veulent,
fentortillansla queue en vnebranchepour Pef-
branler,& quand ils veulent fauter en vnlieuef-
ioignè,& qu'ils nepeuuentd'vn faut y atteindre,
ils vfent alors d'vne gentille façon , qui eft. qu'ils
Rattachent à la queue les vus des autres , Se font
par ce moyen comme vnc chaine de pluiîeurs,
puis après ils l'eflancent & fe jettent auant , & le
premier eftant aidé de la force des autres, atteint
où il veut, Se ('attache en vu rameau , puis il aid e
Se fouftient tout le relie iufqucs à ce qu'ils foient
tous paruenusattacheZjComei'ay dit, à la queue
les vns des autres. Ce feroic chofe longue à racô-
ter quelles folies, embufches& trauerfes , &les
jeux &gaillardifes qu'ils font quand onlcsdref-
fe: lefquelles ne femblent pas venir d'animaux
brutaux , mais d'vn entendement humain. l'en
veids vn en Carthagene en la maifon du Gouuer-
neur, tellement dred'é, que les chofes qu'il faiioiti
fembloient incroyables. Ilsl'enuoyoicnt àlata-
uerne pour auoir du vin, Se îuy mettoienten vnej
main de l'argent, & le pot en l'autre, &n'eftoitj
paspoffible de luy tirer l'argent de la main iuf
ques à ce qu'on luyeuft doné le pot plein de vin
Si les enfans le rencontroientpar la rue , Se qu'ils
DIS INDES. LIV. 1 1 II. 15)1
le viniîent agailer ou luy jetter des pierres,il mec-
toit bas le pot d'vn codé & fur les pierres, ruanc
de fa part contre les enfans,iufqucs à ce qu'il euft
afleuré le chemin , puis recournoit à porter Ton
pot : Ôc qui plus eft, encor qu'il fuft bon beuueur
de vin (comme plufieurs fois ie luy en ay veu boi-
re lors que Ion maiftre luy en jettoit d'enhaut)
neantmoins il n'y euft iamais touché qu'on ne
luy en euft donné congé, Ilsmédirëtmefmeque
î'il voyoit des femmes fardées , il fc jettoit fur el-
les^ leur tiroit la coiffeurc , lesdefaccommo-
dant & les voulant mordre. Cecypouiraeftread-
dition3pource que ie nel'ay point veu:mais ie ne
penie point qu'il y ait animal qui plus approche
de la conuerfation humaine que cefte race de
guenons. Ils en racontent tant dechofes,que de
peur que l'on ne penfe que i'adioufte foy à des fa-
bles3ou que l'on ne les tienne pour telles,ie trou-
ne meilleur de biffer ce fujet , Se conclure cefte
matière , en beniffant l'authcur de toutes créatu-
res , de ce qu'il a voulu créer vne efpece d'ani-
maux feulement pour la récréation & leplaifir
des hommes. Quelques-vns ont cfcritque l'on
apportoit ces snicosou guenons à Salomon de
l'Inde Occidentale , mais ie croy de ma part que
c'eftoitde l'Orientale.
Dcsyicugnes & Wugues du Veru.
CHAP. XL.
SftgS N t re les chofes remarquables des Irudes
êJ*S eu Peru font les vieugnes & moutons du
pays cu'ils appellent, qui font des animaux trai-
HISTOIRE NATV'RELLE
diables, & de beaucoup de profit. Les vieugnes
font fauuages , &: les moutons eft vn beftial do-
meftique. Quelques- vns ont penfc que les vieu-
gnes (ontee qu'Aii tote,Pline & autres aurheurs
traittent, quand îisefcriuentde ce qu'ils appel-
lent Capreas , qui font cheures fauuages, & leur
f>ortent certainement quelque reUcmblàcepour
a legerecé qu'ils ont à aller parles bois&mon-
tagnes,& pour rerTernblerainlî en quelque choie
aux cheures, mais en effecl: elles ne font point
d'vne melme efpece : car les vieugnes n'ont
point de cornes, mais celles là en ont. comme A-
nftote raconte. Cène font point non plus les
cheures de l'Inde Orientale , de l'efpece desquels
ils tirent les pierres de bezaar : car fils font de ce
genre,ceferoitvne eipccediuerie : commeenla
race des chiens l'efpece dumaftin eft autre que
celle du leurier. Les vieugnes du Peru ne font
pointaufllles animaux qui portent la pierre de
bezaarenlaprouincedelaneufue Efpagnc, lef-
quels ils appellent là bezaars , dautant que ceux-
là font de l'efpece des cerfs &rvenaifon. Neant-
moinsie nefçache autre pardedumondeoùil y
aye de ces animaux finon au Peru &]en Chillc,
qui (ont prouinecs îoignantes l'vne de l'autre.
Les vieugnes font plus grandes que les cheures, 1
ckpluspeutes quejes veaux. llsont lepoil tirant
à couleur de rofeicche, quelque peu plus claire;
îlsn'ontpoint decornes comme les cerfs & ca-i
preas. Ils paillent Se le retirer es endroits les plus
hautains des montagnes,qu'ilsappelIemPugnas. I
La neige ny la gelée ne les offenie point, au con-
traire il femblc quelleles recrée. Ils ? ôt en trou-j
DES INDES. LIV. I 1 1 1. 19 Z
pe,& courent tres-legerement. Quand ils ren-
contrent des voyageans ou quelques beftes, ils
fenfuyent comme beftes fort timides,& enfuyat
ils chaflcntdeuant eux leurs petits. L'onnefap-
perçoit point qu'ils multiplient beaucoup. C'eft
pourquoy les Rois Inguas auoient défendu la
châtie des vicugnes,fi ce n'eftoit pour leurs fcftes,
ôc par leur commandement. Quelques-vns (e
plaignët que depuis que les Efpagnols y font en-
trez, Ton a donné trop de licence ila chaifedes
vicugnes , & qu'ils font diminuez pour cette oc-
cafion. La manière de châtier dont les Indiens
vfent eft de ce chaco,qui eft qu'ils l'amaflent plu-
sieurs hommes enfemble» quelquefois iufques à
mil ou trois mil , voire dauantage , & entourant
vn grand efpace de bois, vont châtiant la venai-
fon, iufques à ce qu'ils le foient ioin ts de tous co-
ftez,parce moyen ils le prennent d'ordinaire de
trois a quatre cens ou enuiron, & lors ils pren-
nent ce qu'ils veulent , lailîans aller le refte, (pe-
cialemcnt les femelles pour la multiplication. Ils
ontaccouftumé de tondre ces animaux,&de faire
de leur laine des couuertures & caftelognes de
gran d prix,pource que cette laine eft comme vne
foye blanche qui dure long temps , Se comme la
couleur eft naturelle ôc non point de teinture,el-
le eft perpétuelle. Les eftoffes faites de cette laine
font fort fraifches& fort bonnes pour le temps
de chaleurs, & tiennent qu'elles font profitables
pour l'inflammation des reins, & autres parties
temperans la chaleur excefllue. La mefme vertu a
cette laine quad elle eft mife en des matelas. C'eft
pourquoy quelques-vns en vfent à celle fin,pou,r
HISTOIRE NATVRELII
l'expérience qu'ils en ont. Ils difent danantage
que celle laine ou couuerture faite d'icelie eft me-
decinale pour d'autres indilpofïtions , comme
pour la goutte: toutesrois ie n'ay pas cognoifîan-
ce qu'on en ait taie aucune expérience certaine.
La chair de ces vieugnes n'eft pas bonne, encor
que les Indiens la mangent, & qu'ils en font de la
ceci ne ou chair fechee', pour les efrech delà mé-
decine, le diray ce que i'ay veu cheminant par la
Sierre du Peru,i arriuay en vn tambo ou hoftelle-
nevn loir, eftant affligé d'vne terrible douleur
des yeux, tellement qu'il me fembioit qu'ils vou-
loienciortir dehors (qui eftvn accident lequel
ordinairement aduient en ces parties là, dautant
que l'on paffedes lieux couuerts déneige , qui
cauie cet accident en les regardant.) Eftant donc
couché auec telle douleur queie perdois prefque
patience, arriua vnelndicnnequi medit : Pcre,
mets toy cela aux yeux,& tuièrasguary : c'eftoit
vn morceau de chair de vieugne tuée nouucilc-
ment,& encor toute hnglante. l'viay decette
medecme,& incontinent cefte douleur happai la,
&pcu de temps après me quitta du tout. Outre
les chacosquei'ay dit,qui eft la façon générale &c
plus communedechalîèr es Indes,ils ontaccou-
ftumcd'en vler d'vne autre particulière pour les
prendre , qui eft , qu'en approchant allez prés ils
jettent des cordeaux auec certains plombs, qui
prennent Scft niellent entre leurs pieds , &les
empefchët qu'ils ne peuuent courir , parce moyé
ils prennent la vieugne. La principale raifon
pourquoy cet animal eft eftimé , eftàcaufe des
pierresdebezaar qui fe trouuaccn luy,defquclles
nous]
DES INDES. HV. 1 1 1 1. 193
noustraitterons cy-apres. Ilya vnautregenre
d'animaux, qu'ils appellent taruguas, lcfquels
aufiî font fauuages , ôc font plus légers que les vi-
eugnes. Ils font plus grands de corps, & ontvne
chaleur pi us feche. Ils ont les oreilles molles ôc
pendantes, ôc ne marchët point en troupes com-
me les vieugnes, à tout le moins ic n'enay point
veu que de lèules , ôc communément en des lieux
très- hauts. L'on tire mefmedes pierres de bezaar
de ces tarugues , lefquelles font plus grandes , ôc
ont plus d'opération ôc de vertu.
Des Vacos, Guanacos & moutons du féru.
c H AP. XLI.
frtfyS L n'yachofeauPeru de plus grande richeA
i&M ie ôc profit que le beftial du pays , que les
noftres appellent moutons des Indes , ôc les In-
diens en lange générale l'appellent Lama. Car
tout bien confideré ,x'eft l'animal du plus grand
profitj&de la moindre defpenfe de tous ceux que
l'on cognoifle. Ils tirent de ce beftial la viande ôc
le veftement,comme ils font des brebis en Efpa-
gne. Dauantageils en tirent la commodité de la
charge & de la voiture, de tout ce qu'ils ont de
bcfoin,attendu qu'il leur fert à porter leurs char-
ges^ d'autre coftè il n'eft point de befoin de dc-
ipendre à les ferrer , ny en Telles ou en bafts , ôc
non plus en auoinc: mais il fert fes maiftres gra-
tuitement, fe contentant de l'herbe qu'il trouuc
parmy les champs : de manière que Dieu les a
pourueus de breois ôc de iumens en vn meime
animal. Et comme c'cftvnenanonpauure,ila
b
HISTOIRE NATVREL'L E
voulu auflï les exempter en ce poinct de couft Se
de deipenfe , pourec qu'il y a beaucoup de paftu-
rages& herbages en la Sierre , 8c cebeftial n'a
point befoin d'autre coud. Il y adeuxefpecesde
ces moutôs ou Lamas , les vns defquels ils appel-
lent pacos ou moutons porte- laine , 8c les autres
font rez & de peu de laine,aufli font ils meilleurs
pour la charge: ils font plus grands que des grads
moutos,&: moindres que des veaux , 8c ont le col
fort Ion? àla femblance d'vn chameau, dont ils
ont bien befoin : car eftans hauts 8c efleuez de
corps, ils ont befoin d'vn col ainfi long, pour ne
femblerpoinc difformes. Ils font de diuerfes cou-
leursjes vns tout blancs , les autres noirs,les au-
tres gris,& les autres méfiez, qu'ils appellét Mo-
romoro. Les Indiens auoient de grandes fuperfti-
tions à choifir ces animaux pour les fàcrifices , de.
quelle couleur ils dcuoient eftre, félon la diuerfi-
, té des faifons& des fàcrifices. La chair en eftbô-
ne,encor quelle foit dure , mais celle de leurs ai -
gneaux eft la meilleure, &la plus délicate que l'on
fçauroit manger, toutesfois l'on n'en confomme
pas beaucoup à manger , pource que le principal
iruid 8c profit qu'ils rapportent eft la laine pour
faire les draps , 8c le feruicc qu'ils font à porter
charge. Les Indiens mettent la laine en œuure, 8c
font des eftofes, dont ils feveftent, l'vne qui eft
grofïîere&: commune, qu'ils appellent hanafea,
8c l'autre fine &delicate,qu'ils appellent Cumbi.
De ce Cumbi ils font des tapis de tables,des cou-
uertures , & autres ouurages exquis , qui font de
longue durée, 8c ont vu allez beau luftre , appro-
chant comme du mifoye: 8c ce qu'ils ont de fin-
DES INDES. LIV. III t. 154
gulier, cft leur façon detiftrela laine, d'autant
qu'ils font à deux faces tous les ouurages qu'ils
veulct , fans que l'on voye aucun finit ny bout en
toute vne pièce. L'Ingua Roy du Peru auoitdc
grands maiftres ouuriers à faire cefte matière de
Cumbi,& les principaux refidoient au quartier
deCapachica, ioignantlegrandlacdeTiticaca.
Ils teignent celte laine de diuerfes couleurs très-
fines , auec plufieurs fortes d'herbes , de laquelle
ils font beaucoup de dirïerens ouurages , de groC-
fiers,ou communs,& de fins. Tous les Indiens Se
Indienncsytrauaillenten laSierre, ôc ont leurs
melliers en leur maifon, fans qu'ils ayent befoin
d'acheter ny faire faire les eftofes qu'ils vfenc
chez eux. Ils font de la chair de ce beftial: du Cu£
charguijOii chair iechec, qui leur dure long têps,
&en font grand eftime. Ils ont accouftumé de
conduire des bandes de ces moutons , chargez
comme voituricrs,& vont en vne bande trois
cens ou cinq cens , voire mil moutons , lefquels
portent du vin, dumays, du coca , du chuno,
du vif argent , ôc toute autre forte de marchandi-
fe,& qui plus eft de l'argent, la meilleure de tou-
tes. Car l'on porte les barres d'argent depuis Po-
tozi iuiques en Ariqua , où il y a foixante ôc dix.
lieues, ôc auoient autresfois accouftumé de les
porter à Arfequippa , qui font cent cinquante
îieuës . le me fuis beaucoup de fois efmerueillc
de voir ces trouppes de moutons chargez de
mil ôc deux mil barres d'argent , ôc beaucoup
d'auantage , qui font plus de trois cens mil du-
cats, fans autre garde nyefcorte , que quelques
Indiens, qui feruent feulement pour guider les
I
HISTOIRE NATVRELLE
moutons,&: les charger &: dcfcharger, ou pour le
lus quelque Efpagnol , 8c dorment ainfi coures
es nuiâs au milieu des champs , fans autre garde
que cela : & neantmoins en vn fi long chemin, Se
aueclï peu de garde , l'on ne trouueiamais qu'il y
ait faute , ou perte d'aucune chofe fur vn fi grand
nombre d'argent , tant eft grande lafeuretédcf-
fous laquelle on chemine au Peru.La charge que
porte ordinairemét vn de ces moutons, eft; com-
me de quatre ou fix arrobes, quand le voyage eft
long, ils ne cheminent par iour que deux ou trois
lieu'és,ou quatre pour le plus. Les moutonniers
qu'ils appellent,qui font ceux qui conduifent les
troupes & bandes, ont leurs giftes ôc repaires or-
dinaires , qu'ils cognoiflent où il y a de l'eauc , &
des pafturages , ôc là ils defehargent & font leurs
tentes,yfai(ans du feu Raccommodas leur man-
ger^ ne font pas trop mal, encore que ce foie
vne façon de cheminer alfez flegmatique &tar-
diue. Quand il n'y a point plus d'vnc iournec de
chemin à faire , vndc ces moutons porte bien
huicl: arrobes pefant , ôc dauantage , ôc chemine
auec fa charge vne iournee entière de huidtou
dix lieues , ainfi qu'en ont vfé de pauures foldats
quicheminoient parle Pcru. Toutccbeftial le
plaift en vn air froid , ôc pour cède occafion il fe
trouue bien en la Sierre, ôc meurt aux Lanos , à
caufe de la chaleur. Il arriue quelquesfois que ce
beftial eft toutcouuert de glace & de gelec, &
neantmoins demeure fain, &: fe porte fort bien.
Les moutons rezfontplaifansàregarder,pource
qu'ils f arreftent au chemin,& hauffent le co^re-
gardans les perfonnes fort attentiuemenc , Se de-
DES INDES. LIV. I 1 1 1. IQf
meurent làainfivne longue efpace de temps fans
fe mouuoir ny faire femblant de crainte , ny d'ef-
pouuentement:ce qui donne occafion de rire, les
voyant ainfi arreftez ; encor que quelquesfois ils
fefpouuentent fubitement , 8c l'en courent auec
la charge,iufques aux plus hauts rochers. De fa-
çon que ne les pouuas atteindre , on eft contraint
de lestucr,&tireràrarcbuze,de peur de perdre
les barres d'argent, qu'ils portent quelquesfois.
Les Pacos fe fafchét &z Pobftinent contre la char-
ge.^ couchans auecicelle, fans qu'on les puiiîe
faire releuer , mais pluftoft fe lailTerôt ils couper
en mil pièces que de fc mouuoir, quand ce defpic
leur vient,d'où eft venu le prouerbe qu'ils ont au
Peru,de dire que quelqu'vn Petl empacqné , pour
fignifier qu'il f'eftob{liné:dautantqueq;'and ces
animaux fefafchent,c'eftauecexcez. Le remède
que les Indiens ont al ors, eftdel,arrefl:er,& faf-
ieoir auprès du Paco,& luy faire beaucoup de ca-
reles, iufques à ce qu'il ofte fa fafchcrie , ëc qu'il
fe :cleue,& aduient quelquesfois qu'ils font con-
trantsd'attendredeux ou trois heures, iufquesà
cequ'il foitdcfcmpacqué Se defennuyé. Il leur
vient vn mal comme de la galle, qu'ils appellent
ca:ache,qui les fait mourir ordinairement. Les
anciens auoient en ce vn remède, d'enterrer tou-
te vifue celle qui auoit le carache, de peur qu'elle
n'en infe6taft le refte,pource que c'eft vn mal fort
coitagieux,&quivadel'vn à l'autre. Vn Indien
qu. aura vn ou deux de ces moutons n'eft pasre-
pu:é pauure, carvnde ces moutons de la terre
vaut fix & fept pezes ellàyez, & dauantage , félon
ieemps&les lieux.
b iij
HISTOIRE NATVRELLE
Des pierres befaars.
c H AP. XL 1 1.
A pierre befaar fe trouue en tous ces ani-
maux, que nous auons dit cy delfus , élire
propres Se particuliers du Peru, de laquelle qucl-
quesautheurs de noftre temps ont eferit des li-
ures entiers , que pourront voir ceux qui en vou-
dront auoir plus particulière cognoiffance. Pour
le fubiet prefènt, il fuffira de dire que cefte pierre
qu'ils appellent bezaar,fe trouue en l'eftomach
& ventre de ces animaux, quelquesfois vne feu-
le , Se quelquesfois deux , Se trois , Se quatre. El-
les font beaucoup différentes entre elles , en la
forme , en la grandeur , Se en la couleur : d'autant
que les vncs font petites comme auelincs , & en-
cor moindres, les autres font comme des noix,
les autres comme des œufs de pigeon, Se quel-
ques vnes auiïi grandes comme vn œuf de poul-
ie, & en ay veu d'aucunes de la grandeur d'vnc
orange: en la forme les vnes font de forme ton-
de , lesautres d'oualle , les autres defaçon delen-
tille, Se de plufieurs autres formes . Pour leur
couleur, il y en a de noires, de blanches , de gri-
fes, de verd brunes,d'autres qui font comme do-
rées. Ce n'eft pas vne règle certaine,que de regar-
der la couleur, ny la figure , pour iuger quelles
font les meilleures , ou les plus fines. Toutes ces
pierres font formées Se compofees de diuerfes m«
nicques, ou pellicules, Se les vnes fur lesautres.
EnlaproUincedeXaura, & en d'autres prouin-
ces du Paru , ion trouue de ces pierres en diuer-
'^ÊÊêSêêÊê
DES INDES. LIV. 1 1 1 1. l$6
fes forces d'animaux» fiers & domeftiques , com-
me es Guanacos , es Pacos, es Vicunes , 8c es Ta-
rugues, d'autres y adiouftent vne autre cfpece,
qu'ils difenteftrecheures fauuages , & font cel-
les que les Indiens appellent Cypris. Ces autres
fortes d'animaux font fort cogneuës au Peru , 8c
en auons défia traitté cy delfus. Les Guanacos
ou moutons du pays, 8c les Pacos, ont commu-
nément les pierres plus petites , 8c noirettes,&
ne font pas tant eftimees, ny approuuees, pour
l'vfage de la médecine. On tire les plus grofles
pierresdebezaar,des vicunes, & font grifes, ou
blanches, ou de vcrdobfcur,lefquelles font te-
nues pour les meilleures. L'on eftime que celles
des Tarugues font les plus excellentes, dont il y
en a quelques-vnes bien grolïes , elles font com-
munément blancheSjtitans fur le gris,&ont leurs
tuniques 8c pellicules communément plus grof-
fts 8c cfpaiffes que les autres . L'on trouue la
pierre bczaar efgallement autant aux mafles,
qu'aux femelles. Tous les animaux qui l'engen-
drent , ruminent , &: ordinairement paiiTent pai-
my les neiges ,& les roches. Les Indiens racon-
tent de tradition &enfèignement de leurs pères
& anciens , qu'en la prouince de Xaura , 8c en
d'autres prouinces du Peru , il y a plufieurs her-
bes & animaux venimeux , lefquels empoifon-
ncntl'eauëj&lespafturages , où ils bornent 8c
mangct,& où ils fleuret. Defquelles herbes veni-
roeufes il y en a vne qui eft fort cogneuë delavicu
gneparvninftindnaturel,& des autres animaux
qai engendrent la pierre bezaar, lefquels magent
celle herbe, & par le moyé d'icellc ils fe preferuët
h iiij
- Iêêêé
HISTOIRE NATVKÏLLE
du poifon, des eaux ôc despafturages,'& ainfi di-
fent-ilsquedecefte herbe fe forme en leurefto-
mach celle pierre , d'où elle'cire route la vertu
qu'elle a contre le peifon , ôc Tes autres opéra tios
merueilleufes. C'eft l'opinion & tradition des
Indiens, defcouuertepardcs perfonnes fort ex-
périmentez au royaume du Peru , ce qui f'accor-
riï». lib. de auec la raifon,& auec ce que Pline raconte des
lo.e.yi. cheuresmontagneres,Iefquellcsfenourri{Ient&:
paiflent de poifon, fans qu'il leur face mal. Les
Indiens interrogez pourquoy les moutons, les
vaches, cheures, ôc veaux , de l'efpece de ceux de
Caftille , n'ont pas la pierre de bezaar , veu qu'i is
paillent es mefmes roches que font les autres, rc-
îpondent qu'ils ne croyent pas que ces fufdits
animaux de Caftille manget cefte herbe , ôc qu'ils
ontmefmetrouué la pierre bezaar en des Cerfs,
ôc des Daims. Cela femble f'accorder auec ce que
nous fçauons, qu'en la neufue Efpagne il fe trou-
ue de pierres de bezaar,combic qu'il n'y ait point
devicugnes,dePacos,deTarugues,nyde Guana-
cos , mais feulement des cerfs , en quelques-vns
defquels l'on trouue cefte pierre.Le principal ef-
fect de la pierre bezaar eft, contre le venin ôc ma-
ladies venimeufes , encor qu'il y ait fur ce diuer-
fes opinions, ôc quelques-vns tiennent cela pour
moqucric>& les autres en font des miracles. Co-
rnent que c'en foit, c'eft vnc chofe certaine qu'el-
le eft de grande opération quand elle eft appli-
quées temps d'vne façon conuenablc , ainfi que
les herbes , ôc à des perfonnes capables Ôc difpo-
fees : car il n'eft pas de médecine qui gnarillè in-
failliblement coufionrs. En Efpagne ôc e.i Italie
^M
DES INDES. LIV. IIII. 197
l'on aveu d'admirables effects decefte pierre co-
tre le Tauerdette^qui eft vne efpece de pefte,mais
non pas cane au Pcru. L'on l'applique pillée 8c
mËfe en quelque liqueur qui fepuiiTe accommo-
der pour la guerifondela melancholie, mal ca-
duc, Heures peftilentieufes,& pourplufieursfor-
tesde maladies. Les vnslaprennentaucc duvin,
les autresauec du vin- aigre, auec eau'ë dazahac,
delanguedebœuf,debourraches,& d'autres for-
tes, que diront les médecins & apotiquaires. La
pierre de bezaar n'a aucune faueur propre , com-
me mefme le dit Rafis Arabe. L'on en a veu quel-
ques expériences remarquables &n'yapoinrde
doute que l'Autheur de tout cet Vniuers n'ait
donné de grandes vertus à cette pierre. Les pier-
res de bezaar qui viennent de l'Inde Orientale,
ont le premier lieu d'eflime entre ces pierres,lef-
quelles font de couleur oliuaftre,le fécond celles
du Peru, de le troifiefme celles de laneufue Elpa-
gne. Depuis que l'on a commencé de faire eftat
de ces pierrcs,iîsdifentque,les Indiens en ont fo-
phiftiqué,& fait d'artificielles,&: plufîeurs quand
ilsvoyent de ces pierres plus grandes que les or-
dinaires, croyent que ce font pierres faulfcs, 8c
vne tromperie: ncantmoins il y en a de grandes
fort fines, &depetites qui font contrefaites. L'cf-
preuue 8c expérience eft le meilleur maiftre de
les cognoiftre. Vne chofe eft. digne d'admirer,
qu'ils naiflent& fe forment fur des choies fort
cftrangcs,commefur vn fer d'efguillette, fur vne
efpingle,ou fur vne bûchette , que l'on trouueau
centre de la pierre, &pour cela ne tiennent-ils
pas qu'elle (bit faulfe, pource qu'il arriue que
il
HISTOIRE KATVRELLE
l'animal peut auoirauallé cela, 8c que la pierre
fe caille , &f'epaifïitlàdeurlis , qui va croifïanî
vne coquille l'vn fur l'autre , & ainfî l'augmente.
le veids au Peru deux pierres fondées & formées
fur des pignons de Caftille, ce qui nous fît tous
beaucoup efmerueiller , pourcc qu'en tout le Pe-
ru nous n'auionspoint veude pignes, ny de pi-
gnons de Caftille , f'ils n'eftoient apportez d'Ef-
pagne , ce qui me femblechofe fort extraordi-
naire. Ce peu fufHfe,touchant les pierresbezaars.
On apporte des Indes d'autres pierres medcci-
nalles , comme la pierre d'Hyiada, ou de Rate,la
pierre de fang , de lai6t , 8c de mer : Celles qu'ils
appellent Cornerinas, pour le cœur, defquelles
il n'eft point de befoing de parler, pourn'auoir
rien de commun à la matière des animaux dont
nous auons traitté. Ce qui eft dit , foit pour faire
entendre comme le grand Maiftre 8c Autheur
tout-puifTant de l'vniuers , a departy Ces dons , 8c
fecretsmerueillqux à toutes les parties du mon-
de, pour lefquels il doit eftre adoré 8c glorifié par
tous les fiecle* des fiecles. Amen.
298
PROLOGVE
DES LIVRES
SVYVANTS.
A Y A n t trait te ce qui concerne l'biftoire natu-
_/~\ relie des Indes , te traitteray cy après de l'HiJloi-
remoralle ,c 'cfta dire des coujlumes , & faits des In -
dicns. Car après le Ciel, la température , laJituation,&
les qualité^ du nouueau monde , après les éléments > &
les mixtes, ie yeux dire les métaux, plantes & ani-
maux , dequoy nous auons parle aux Hures precedens , ce
qui s'ejl prefenté : L'ordre & raifon nous inuite k pour-
future , & entreprendre le traitté des hommes qui habi-
tenr au nouueau monde. Cesl pourquoy ie pretens dire
aux Bures fuiuans , ce qui me femblera digne d'eflre re-
cité fur ce fuie t. Et pour ce que l'intention de ce fie hifioi-
re nefl pat feulement pour donner cognoiffance de ce qui
fe paffe aux Indes , mats au fi pour acheminer cefle co-
anoifsace aufruitl que l'on peut tirer d'icclle, qui e(l d'ai-
der a ce peuple a. faire leur falut , & glorifier le Créateur
& I\edemptcur , qui les a ttre^ des ténèbres trcf-obfcu-
res de leur infidélité , & leur a communiqué (admirable
lumière defon Euangtlc . Partant premièrement ie di-
ray en ces liurcs fuiuans , ce qui touche leur religion^
ou fuperïlition , leurs couHumes , leurs idolâtries , &
leurs facrifices , puis après ce qui eB de leur police &
çouuernemcnt , de leurs loix , coujlumes & de leurs
fateis . Et pourec que la mémoire s'efi conferuee en-
tre la nation Mcxiquaine , de leurs commencements ,
fucce fions, guerres, & autres ebofes dignes de raconter 3
outre ce qui fera traitte au Hure Jixiefmc , t'en ferayyn
propre & particulier difeours au liurcfcpticfmc,iufques
k monftrer ladtfpoftion & augures que ces nattons eu-
rent du nouueau }\oyaume de Chrift , noflre Seigneur,
quife dcuoit ejicdrc en ces terres , & les fubiuguer àfoy3
comme il a fait en tout le refle du monde : qui à la yerii é
eflynechofe digne de grande confideration devoir com-
me la diuine prouidence a ordonné que la lumière de fa
parole trouuafl entrée aux dernières fins & bornes de la
terre. Ce rieft point ebofe quifoit de mon projet, d'eferire
maintenant ce que les Efpagnols ont fait en ces parties
là , car il y a ajfe% de Hures efcritsfur cefle m atiere , er
non plus, ce que les feruitcurs du Seigneur y ont trauaillé
Crfrutlifiè,dautant que cela requiert yné autre nouuel-
le diligence, le me contenter ayfeulement de mettre celte
histoire, ou relation ,aux portes de l'Euangile,puis qu'el-
lecfi défia toute acheminée a faire cognoiftre les ebofes
naturelles & morales des Indes, afin que lefpirituelfîT
le Cbr iflianif me y f oit plante & augmente' , comme ilcFl
amplement expliqué aux Hures que nous auons éprit, de
procurandalndiorum falute. Queftquelqu'ynfef-
mcrueille et aucunes façons & coujlumes des Indiens,
ç£r les y eut mefprifcr comme idiots , ou les auoir en hor-
reur, comme gens inhumains & diaboliques, qu'il pren-
ne garde £r fefouuicnne que les mefmes ebofes , noire de
pires, ont eslêycues entre les Grecs <& les Romains, qui
ont commandé à tout le monde : comme l'on pourra faci-
lement entendre, non feulement de nos aut heurs ,Eufcbe
de Cefurec,Clemcnt ^Alexandrin , Theodoret ,<& autres ,
mais au/si des leurs mefmes , comme Vline, Denys Ha-
lycarnaJJè,CVlutarque : car le prince des tenebra eftant
le chef de toute infidélité' ,ce n'ett pas cbgfe nouueile de
tYouuer entre les infidèle s des cruauté^ , des immondi*
ces, & desfdies ^propres & conucnablcsayn telmai-
fire.Et iaçott que les anciens Gentils ayent de beaucoup
furpaffe ccux-ity du nouueau monde en yaleur déficience
naturelle, neantmoins peut-on remarquer en eux plu-
fieurs cbojcs dignes de mémoire. Mais enfin le plits qu'il
yaefi comme de gens barbares s lef quels priue^ de la lu-
nncrefupernaturelle , onteuaufsi défaut delà fhilofo-
phie & dt&rine naturelle.
lob.+x.
If a. I 4.
LIVRE CINQVIE
ME DE L'HISTOIRE NA-
TVRJELIE ET MORALE
des Indes.
CHAPITRE PREMIER.
Que l'orgueil & l'enuic du diable a eflé
la caufe de l 'idolâtrie.
'O r g v e 1 l & la prefomption du
diable eft fi grande ôc G obftinee,quc
toujours il appete & ^efforce de le
faire honnorcr pour Dieu , &' tout
&*fite?&Jgf& ce qU'il peut defrober & f'appro-
prierde ce qui appartient autres haut Dieu, il
ne cède de le faire aux nations aueuglesdu mon-
de, lefquelles la lumière, &refplendeur du (aind
Euangile, n'a? point encor efclaircies. Nous li-
ions en lob, de cet orgueilleux tyran qu'il met
fes yeux au plus haut , &: qu'entre tous les fils de
l'orgueil il eft le Roy. Les diuines eferitures nous
enfeignent fort clairement fes mauuaifes inten-
tions, &latrahifon il outrecuidee , par laquelle
il a prétendu efgaller fon throfne à celuy de Dieu,
icejuy difant en Efaye : Tu difois en toy-mejme te \
monteray iufques au Ciel , grmettray ma chaire fur
tontes les eslotlles du Ciel , C tetn'éjjèirray aufommet
mm
DES INDES. LIV. IIII. 20O
du firmament , & au cofîcry d'^Aejuilon , te pafjeray la
hauteur des nues , & feray fcmblable au Tves-baut. Et
en Ezechiel : Ton cœurs'csîefleué ', & tuai dit , iefuis ek< eh,i%.
Dieu , & me fûts afits en la chaire de Dieu au milieu de
la mer. Ainfi toufiours perfide Satan à ce mef-
chant appétit de fe faire Dieu. Et combien que le
iufte , ôc feuere chaftiment du très-haut l'ait defi-
pouillé de toute fa pompe , & fa beauté , par la-
quelle il feftoit enorgueilly , ayant eux traître
comme meritoit fa fclonnie & indifcretion,ainfî
qu'il eft efcritauxmefmesProphetesmeatmoins
il n'a pas diminué d'vn point fa mefchantecx: pet
uerfe intention, laquelle il demonftre par tous
les moyens qui luy font poflibles , comme vn
chien enragé , mordant l'efpee de laquelle l'on le
frappe. Car comme il eft eferit , l'orgueil de
ceux qui hay fient Dieu, continue & va toufiours
croitfànc . D'où vient le perpétuel ôc eftrangc
foucyquecet en nemy de Dieu a toufiours eu de
fc faire adorer des homes, inuentant tantdegen-
res d'idolâtries , par lefquellesila tenu fi temps *
fubiettcla plus grande partie du monde, de forte
qu'à peine refte- il à Dieu vn coing de fon peuple
d'Ifraël. Et depuis que le fort de l'Euangilei'a^'11"
vaincu ôc defarmé , Ôc que par la force delà croix,
il abrife Ôc ruiné les plus importantes ôc puifian-
tes places de fon Royaume par fà mefme tyran-
nie, il a commencé d'afTaillir les peuples ôc na-
tions les plus efloignees& barbares, l'efforçant
deconferuerentreuxlafauire&menfongeredi-
uinité, laquelle le fils de Dieu luyauoitofteeen
fon Eglife,l enchaifnant ôc enfermant comme en
vnc cage , ou prifon, ain.fi qu'vne belle furieufe
ïoh.if-
I
Mat. 4.
HISTOIRE NATVRELLE
à la grande confu (ion , Strefiouiliancedes fcrui-
teurs de Dieu, comme il le lignifie en lob. Mais
en fin ores que l'idolâtrie a efté extirpée de la
meilleure & plus notable partie du monde,il f'eft
retiré an plus efloigné, & aregnè en cefte autre
partie du monde, laquelle combien qu'elle foie
beaucoup inférieure en noblelïe, ne i'eft pas tou-
tesfois eu grandeur & largeur. Il y a deux caules
& motifs principaux pour lefquels le diable fcft
tant eftudié à planter l'idolâtrie &c toute infidéli-
té, de relie façon qu'à peine l'on trouue aucune
nation où il n'y ait quelque idolâtrie. L'vne,eft
fa grande préemption & orgueil , qui cft telle,
que qui voudra confiderer comme il a bien ofé
f attaquer au mefme Fils de Dieu& vray Dieu,
en luy difant effrontément qu'il fe profternaft dé-
liant luy,& qu'il i'adoraft , ce qu'il faifoit, com-
bien qu'il ne feeuft pas afleurcment que c'eftoit
le mefme Dieu , mais pour le moins ayant quel-
que opinion qu'il fuft le Fils de Dieu. Cruel cv'
efpouuentable orgueil ,d'o(erainfi indignement
attaquer fon Dieu ! certainement celuy-là ne
tronuera pas beaucoup cftrange qu'il fe faceado-
rer comme Dieu par des nations ignorantcsspuis
qu'il f'eft voulu faire adorer par Dieu mefne , en
fediiant Dieu, bien qu'il foitvnc fi abominable
ftdeteftablc créature. L'antre caufe& motif de
1 idolâtrie, eft la haine mortelle & inimitié qu'il
aconceue pour iamais contre les hommes. Car,
comme dit le Sauueur , dés le commencement il
a efté homicide , & retient cela comme vnc con-
dition & propriété infeparable de fa mefehance-
tc. Et pource qu'il fçai t que le plus grand mal-
heur
DES INDES. 1IV. V. 201
heur de l'homme, eft d'adorer la créature comme
Dieu , à celle occanonilnecciîe d'inuenter tou-
tes fortes d'idolâtries , pour dcftruire les homes,
& les rendre ennemis de Dieu. Il y a deux maux
que le diable fait en l'idolâtrie, l'vn qu'il nie fon
Dieu , fuiuaiuce pallage, Tuas delaijjé le Dieu qui
t'a crée. Et l'autre qu'il s'allubictift à vne chofe
plus baffe que luy , pource que toutes les créatu-
res font inférieures a la raifonnable , & lediable
encor qu'il foit fuperieur de l'homme en nature,
neantmoinsen eftat il eft beaucoup inferieur,puis
que l'homme en cefte vie eft capable de la diuini-
té & éternité. Par ce moyen Dieu eft des-honoré,
& l'homme perdu en tous endroits par l'idolâ-
trie, dequoy le diable fuperbe& orgueilleux eft
fort content.
De ■plujîcws fort et d'idolâtries desquelles les
Indiens ont vfe.
c h AP. II.
'Idolâtrie, dit le fainct Efprit par le Sage, eft
la caufe, le commencement, «5c la fin de tous ^ 4'
maux, pour cefte occasion l'ennemy des hommes
a multiplié tant de fortes & diuerfitez d'idolâtrie
que ce feroit chofe infiniede les conter toutespar
le m:nu ; Toutesfois on pourra réduire toute l'i-
dolâtrie en deux chefs , l'vn qui eft fur les chofes
naturelles, & l'autre fur celles qui font imagi-
nées, &compofees par inuention humaine ; La
première d'icelles eft diuifee en deux, car ou la
chofe que l'on adore eft générale, comme le So-
leil, .a Lune ,1c feu, la terre, & les Elemens : ou
c
HISTOIRE NATVRELLE
clleeft particulière, comme vne certaine riuiere,
vnc fontaine, vn arbre, <3cvneforeft, quand ces
chofes ne forit point adorées généralement en
l'efpece dont elles font , mais qu'elles ionttant
feulement adorées en leur particularité. De ce
premier genre d'idolâtrie, ils ont excefïïuement
viéau Peru,& l'appellent proprement guaca. Le
fécond genre d'idolâtrie qui defpend d'vneinue-
tionou fidtion humaine, Te peut mefmediuifer
en deux fortes. L'vne qui regarde le pur art,& în-
uen tion humaine , comme d'adorer les idoles, ou
ies fiatuës d'or , de bois , ou de pierre,de Mercu-
re , ou de Pallas , qui ne font ny n'ont iamais eftc
rienautre chofc que la peinture : & l'autre qui
concerne ce qui reallement a efté, &c cil verita
blementquelquechofe, mais non pas tellequc
ce queTidolatric qui l'adore en feint , comme les
morts, ouïes chofes qui leur font propres, que
les hommes adorent par vanité &flaterie. De for-
te que nous les reduifons toutes en quatre fortes
d'idolâtrie, dont vient les infidelles , de toutes
lcfquellesil nous côuiendra dire quelque chofc.
Que les Indiens ont quelque cognoifptnce de Dieu.
C H A P. III.
N premier lieu, jaçoit que les ténèbres de
§£ l'infidélité tiennent l'entendement de ces
nations obfcurcy ; Toutesfois en beaucoup de
chofes, la lumière de la vérité & de laraifonne
laiile pasd'operer quelque peu cri eux.C'eft pour-
quoy communément ils tiennent ôc recognoif-
fcntvn fupreme Seigneur & auth'cur de toutes
DES INDES. LIV. V. 202
chofes, lequel ceux du Peru appelloicnt viraco-
cha,& luy donnoient des noms de grande excel-
lence, l'appcllans Pachacamac , ou Pachayacha-
chic,qnieft Créateur du Ciel & de la terre. Et
Vfapu, qui eft admirable, ik autres noms fem-
blables. C'cft cduyqu'ilsadoroient , & eftoitlc
plus grand de tous , lequel ils honnoroien t en re-
gardant au Ciel. On en peut voir autant entre
ceux de Mexique, Se auiourd'huy entre les Chi-
nois ,& en tousautresinfidelles. Ce qui ferap-
porte fort bien à ce que raconte le liure des Actes
dcsApoùres, que S. Paul fe trouua en Athènes, ^#,17.
où il veit vn autel intitulé , îgnoto Deo , au Dieu
incogneu, d'oùl'Apoftre pnnt occasion de les
preicher leur diiant, Celtty que -vous dutres adoïc^
fans le cognoiflrc ,eji cchty que 1e prefebe. De mefme
ceux qui prefehent auiourd'huy l'Euangile aux
Indiens ne trouucnt pas beaucoup de difficulté à
leurperfuader qu'ilyavn Dieu lupreme ôc Sei- •
gneurde toutes chofes,& que ceftuy.làeft le Dieu
des Chrefl.iens,& le vray Dieu, combien que c'eft
vne chofe qui m'a beaucoup fait efmerueillcr,
que iaçoit qu'ils eufïent bien celle cognoiflance,
ilsn'auoiét point neantmoins de nôpropre,pour
nômerDieu : carfi nous voulons rechercher en
langue des Indiens vn motquirefpodeàcenom
de Dieu,cÔmc le latin Deu-s^è grec 7"/>fur,rhebreu
£/..'araJbic^//rf,ronn'en trouueraaucunenlâgue
de -ufco,ny sn langue de Mexicque. D'où vient
que ceux qui preichent ou efcriuent aux Indiens
vfest de noftrc mefme nom Efpagnol Dios, f'ac-
conodans à l'accent ^prononciation propre des
langues Indiennes,qui font fort différâtes. d'où U
cij
HISTOIRE NATVRELLE
appert le peu de cognoilTance qu'ils auoientde
Dieu, puis qu'ils ne le peuuent pas mefmes nom-
mer, h ce n'eft par noftre mefme mot. Toutes-
fois à la vérité , ils ne lailïbient pas d'en auoir vne
cognoilTance telle quelle. C'eft pourquoy ilsluy
firent au Peru vu tres-riche temple , qu'ils appel-
loient la Pachacamac,qui eftoit le principal San-
ctuaire de ce royaume. Et comme il a efté dit , ce
mot de Pachacamac vaut autant que Créateur,
combic qu'eu ce temple il exerçalïènt aufli leurs
idolâtries, adorant le diable, &les figures. Ils
faifoient mefme des facrifices & offrandes au vi-
racocha, quitenoitlelupremelieu, entre les a-
doratoires que les Rois Inguas ont eu. De là vint
qu'ils appelloient les Efpagnols viracochas,par-
cequ'ils auoient opinion qu'ils eftoient fils du
Ciel, & diuins , de mefme que les autres attribuè-
rent vne deitc à Paul , & à Barnabe , appellans
l'vn Iupitcr, & l'autre Mercure, ainfi ils vouloiét
leur offrir des facrifices, comme à des Dieux : Se
tout de mefme que les Barbares de Melite ( qui
cft Malthe) voyans que la vipère ne faifoit point
de mal à l'Apoftre , l'appelloient Dieu. Donques
comme ainfi foit que c'eft vne venté conforme a
toutebonneraifon, qu'ilyait vn fouuerain Sei-
plat.tn gneur& roy du Ciel, lequel les gentils auectou-
r"",v/f". tes leurs idolâtries & infidélité, n'ont pa*nie,
timo i ainfiqueronvoitenlaphilofophieduTiméede
methap. Platon, en la methaphyfique d'Ariftote, &en
Trimeg. l'./£fculape de Triimegifte , comme mefme es
Tirrumdt» p0ëfies d'Homère & Virgile. Delà vient que les
&^c *?'• prédicateurs euangeliques n'ont pas beaucoup
de difficulté à planter & perfuader cette vérité
Acl. 18.
DES INDES. LIV. V. 205
d'vn fuprefrne Dieu, quelques barbares & be-
Ltialles que foient les nations , aufquelles ils pref-
chenc Mais ileftcies-diflicile deleurdefraciner
de l'entendement qu'il n'y ait nul autre Dieu , ny
autre deitéqu'vneieuie,& que toutes les autres
choies de foy n'ont point de puiflànce ny d'eftre,
ny d'opération qui leur foit propre, (înon ce que
letres-grand feul Dieu ôc (cul Seigneur leur do-
nc, &c leur communique. En fin il eft neceflaire
de leurperfuader cela par tous moyens , en re-
prouuant leurs erreurs: tant en ce qu'ils faillent
vniuerfcllement d'adorer plus d'vn Dieu , qu'en
particulier ( qui eft beaucoup d'auantage ) de te-
nir pour dieux,& de demander ayde&faueur des
autres chofes qui ne font point dieux, 5c n'ont
aucun pouuoir , que celuy que le vray Dieu leur
Seigneur & Créateur leur concède.
Dnpr entier genre de l' idolâtrie , fur lesebafes
naturelles ,& ynuicrfelles.
c h ap. 1 1 1 1.
Près le Viracocha, ou le fupreme Dieu
*2§ (le plus fouucnt& communément , entre
tous les infidelles ) cequ'ilsontadoré &c adorent
eft le Soleil, ôc après les autres chofes qui font
les plus remarquables en nature celeftc ou élé-
mentaire , comme la lune, les cftoilles , la mer,&
la terre. Les guacas,ouadoratoires que les Inguas
feigncursdu Peru auoient en plus grande reùe-
rence , après le viracocha & le S oleil,eftoit le to-
ncrre,qu'ilsappelloientpar trois diuers noms,
Chuquilla,Catuiila,& Intiillapa. S'imaginans
c iij
HISTOIRE NATVRELl E
que c'eftvn homme qui eftaucielauec vne fon-
de , 8c vne malluë , 8c qu'il eft en fa puifïànce de
faire plcuuoir, grefler, tonner, Se tou c le refte.qui
appartient à la région de l'air, où fe créent les
nuages. C'eftoitvn guaca (ainfi appclloicnt-ils
leurs adoratoires ) générale à tous les I ndiens du
Pern, &Iuy oifroieutdiuerslacrirîces, &en Cuf-
co, qui eftoit la cour &c ville Metrapolitaiue , ils
luy facrifioientmefmedesenfîins comme au So-
leil. Ilsadoroient ces trois Viracocha,le Soleil,
& le tonnerre, d'vne autre façon que tout le re-
fte, ainlî que Polio efcritl'auoirexperimenté^jui
eftoitqu'ilsmettoicnt comme vn gantelet , ou
bien vn gand en leurs mains , quand ils les hauf-
foient pour les adorer . Ils adoroient mcfme la
terre, laquelle ils appelloient Pachamama,à la fa-
çon que les anciens eclebroient la Décile Tellus:
& la mer auflï, qu'ils appellent Mamacocha, co-
rne les anciens adoroient Thetis, ou Neptune.
D'auantage ilsadoroient l'arcdu Ciel, & eftoient
les armes blafons de l'Ingua,auec deux couleu-
urcseftenduësauxcoftez. Entre les F.ftoillesco-
munémenttousadoroiant celle qu'ils appellent
Côlça,que nous appelions par deçà les Cabrillcs.
Ils attribuoient à diuerfes eftoilles diuers offices,
8c ceux qui auoiétbefoinç de leur faueut les ado-
roient comme les Pafteurs adoroient & ficri-
fioientàvneeftoille qu'ils appelloient Vrcuhil-
lav , qu'ils difent eftie vn mouton deplufeurs
couleurs , ayant le foing de la conferuatien du
beftiai, 3c tient l'on que c'eft celle que les Aftro-
logucs appellent Tyra. Ces Pafteurs mefmesado-
rçnt deux autres Eftoillçs qui vont & cheminent.
DES INDES. LIV. V. ZO4
proches d'icelles , lefquclles ils nomment Catu-
chillay Se Vrcuchillay,& feign ent que c'eft vne
brebis &vn aigncau. D'autres adoroient vnee-
ftoillc qu'ils appellent Machaçuay, à laquelle ils
attribuent la charge &pui(Iànce fur les ferpens
Se couleuures , pour empéfeher qu'ils ne leurfif-
fent mal. Ils attribuoient la puiflfance d'vne autre
eftoille , qu'ils appelloient Chuquinchinchay,
qui vaut autant que tygrefur les tygres , les ours
Se les lyonSj&ontcreu généralement que de tous
les animaux qui font en la terre , il y en a vn feul
au Ciel qui leur eftfemblable , lequel a la charge
& le foin de leur procréation Se augmentation.
Etainfi ils remarquoient Se adoroientplufieurs
&diuerfeseftoilles, comme celles qu'ils appel-
loient Chacana, Topatarca, Mamana,Mirco,
Miquiquiray, Se plufieurs autres. Tellemét qu'il
iemble qu'ils apprôchoient aucunemét des pro-
pofitionsdesldces de Platon. Les Mexiquains
prefque de la meime façon,apres le fupreme Dieu
adoroient le Soleil. Cellpourquoy ils appelloiec
Hernando Cortez (comme il l'efcriten vne let-
tre enuoyee à l'Empereur Charles le Quint) fils
du Soleil5pour fa diligence Se courage à circuir la
terre. Mais ils faifoient la plus grande adoration à
l'idole appellec Vitzilipuztli , lequel en toute
ceile région ils appelloiêt le tout-puilïant Se Sei-
gneur de toutes chofes. Pour ceftecaufe lesMexi-
quainsluy battirent vn temple le plus grand , le
plus haut, le plus beau, &le plus magnifique &
fomptueux de tous. La fituation Se rorterelîe du-
quel le peut coniecturer par les ruines qui en
fo.it demeurées au milieu de la Cité de Mexique.
c iiij
HISTOIRE NATVRELLE
Mais en ceft endroit l'idolâtrie des Mexiquains
a efté plus pernicieufc ôc dommageable que celle
deslnguas, comme Ton verra mieux cy après,
d'autant que la plus grande partie de leur adora-
tion ôc idolâtrie foccupoit aux idoles,& non pas
aux mefmes chofes naturelles, combien qu'ils
attribuoientleseffects naturels aux idoles, com-
me des pluyes , de la multiplication du beftial, de
la guerre, de la génération, ainfiquelcs Grecs ôc
les Latins fe font forgez des idoles de Phœbus,de
Mercure , de Iupiter , de Minerue ôc de Mars. En
fin qui voudra bien condderer cecy de près tron-
uera que la façon & manière dont le diable a vfé
à tromper les Indiens , eft la mefme auec laquelle
il a trompé 5c deceu les Grecs ôc Romains, Se les
autres anciens Gentils ,leur faifant entendre que
ces créatures remarquables , le S oleil , la Lune ,
les Eftoilles ôc les Eléments , a.uoient d'eux- mef-
mes le propre pouuoir ôc authorité de faire du
bien ou du mal aux hommes : Et combien que
Dieu ait crée toutes ces chofes pour le feruicede
l'homme, neantmoins il i?eft tant oublié qu'il
f eft voulu efleuer contre luy. Et d'autre- part il a
recogncu&rfeft aiïubiety aux créatures qui luy
font mefme inferieures,cn adorant ôc inuoquant
fes propres œuureSj&lailîànt d'adorer Ôc inuo-
quer le Createur,come le propofe fort bien lcSa-
ge par ces paroles: Tous les homes font yains & abu-
fb% efnuels la ccgnoifïace de Dieu nefe trouue point ^veu
qu'ils n'ont pas peu cognoiftre ecluy qui efi par les chofes
mefmes qui leur fembloient eflre bonnes. Etjaçoit qu'ils
contemplaient fes œuures , ils n'ont pas tout esf ois at-
teint iiifqnes a la cognoifftnce de l'authcM & uuarier
DES INDES. LIV. V. 20$
(libelles: mais ils ont creu que le feu, le yent3 l'air agité,
le circuit des Efloilles , les grandes caués , le S'olctl & la
Lune eftoient Dieux & zpuuerneurs du monde , or j-V-
(Ut7s redits amoureux de la beauté de telles ebofes , il leur
fembloit qu'ils les dénotent efiimcr comme Dieux. C'cfl
raifort qu'ils conjiderent de combien plus beau cft leur
('rat eur , puis qucc'eH celuy qui donne les béante^ , &
qui a fait ces me/mes chofes. D'autre-part s'ils ont eu en
admiration Lpu/JJancc & les effech de ces ebofes , par
n elles me fines ils doutent entendre de combien doit eftre
plus puiffant qu'elles toutes , celuy qui leur a donne cefi
cslre qu'elles ont , pour ce que l'on peut conieciurer par la
beauté & grandeur qu'ont les créatures , quel doit eslre
le Créât eur de toutes ces ebofes . Iufques icy font les
parojes du liure de Sapience, defquelles l'on peut
tirer vn bon & fort argument , pour conuaincre
la grande tromperie des idolâtres infidelles, qui
veulent pluftoft feruir& reuerer la créature que le
Créateur: comme iuftemcntl'Apoftre les reprëd. ^om' l'
Mais d'autant que cecy n'eft point du prefent
fubiecfc>& qu'il eft fuffifàmmét rapporté aux Ser-
mons que l'on a eferits contre les erreurs des In-
diês,il fufht quat à prefent de dire qu'ils adoroiét
le grad Dieu, & leurs Dieux vains & rnenfongers
toutdvnemefme façon: pourec que la façon de
faire o rai fon au Viracocha,au Soleil, aux Eftoil-
les , & au refte des Guacas ou idoles , eftoit d'ou-
urir les mains & faire certain fon aueclesleures,
comme de perfonnes qui baifent, & de demander
ce que chacun defiroit en leur offrant facrifice.
Combien qu'il y euft grande différence cntrcles
paroles dont ils vfoient pour parler auec le grand
Ticciuiracocha, auquel ils attribuoienc princi-
Job.il.
ILom.i
HISTOIRE NATVRELLE
palemetulepouuoir& commandement fur tou-
tes chofes ,& celles dont ils vfoient à parler aux
autres , lefquels ils n'adoroient feulement que
chacun en famaifon comme Oicux ouSeigneurs
particuliers, &difoient qu'ils eftoient leurs in-
tercelleurs enuersle grand Ticciuiracocha. Celle
façon d'adorer ouurantles mains, Se comme en
baifanr,aquelquechofedefemblableàcelleque
lob auoit en horreur, comme chofe propre des
idolâtres , difant . St t'ay baifé mes mains attec ma
bouche regardant le Soleil quand il reluit , ou la Lune
quand elle eil claire: ce qui efi ync très-grande hiiqui -
té t& c B nier le Très-grand Dieu.
De l'idolâtrie dont les Indiens vfcrcntfur les
chofes particulières.
chap. v.
_ E diable ne P eft pas contenté de faire que les
»»3? aueugles Indiens adorallent le Soleil, la Lu-
ne , les Eftoilles , la terre , la mer 6c plusieurs au-
tres choies générales en la nature ; mais il a paire
plus outre en leur donnant pour Dieu,& les aflTu
jetifTans à des chofes balles 8c petites, & la plus
grand'part ordres 6c infâmes. L'on ne i'efpouue-
tera point de ceft aueuglement des barbares , qui
fe voudra fouuenir de ce que l' Apoftre dit des Sa-
ges & des Philofophes,qu'ayans cogneu Dieu ils
ne leglorifierentpointny ne luyrendirent grâces
corne à leur Dieu, mais qu'ils feperdiret en leurs
o pi nions &pcnfecs,c\' leur cœuraefté endurcy
en leur folie, & ont changé la gloiré&deitéde
l'Eternel: Dieu à des fernblâccs Se figures decho-
DES INDES. IIV. V. 206"
fcs caduques 8c corruptibles commes d'hom-
mes, d'oi féaux de beftes &: de ferpeus. L'on fçait
allez que les Egyptiens adoroient le chien d'O-
firis, la vache d'Ifis, & le mouton d'Ammomles
Romains adoroient la Deelîe Februa, desFie-
ures, &royeTarpeienne,&: qu'Atenes la Sage
adoroitle Coq & le Corbeau, &femblables au-
tres vanitez &c moqueries , dont les hiftoires des
anciens Gentils font toutes remplies. Et font
tombez les hommes en vn fi grand malheur,
pour n'auoir voulu s'abfubjetir à la loyde leur
vray Dieu &: Créateur, comme fainc-1: Athanafe
le traicle doctement efcriuanc contre les idolâ-
tres. Mais c'eft vnechofe merueilleufemente-
urange, queledesbordement& perdition, quia
efté en cela entre les Indiens, fpecialement du
Périr, car ils adoroient les nuieres, les fontaines,
les emboucheures des riuieres, les entrées des
montagnes, les roches ou grandes pierres, les
collines, les fommets des montagnes qu'ils ap-
pellent Apachitas, Se les tiennent pour chofe de
grande deuotion. En fin ils adoroient toute cho-
ie en nature, qui leur fembloit remarquable Se
différente du refte,commey recognoiiïant quel-
que particulière deité. L'on me moftra en Ca-
xamalca de la Nafca vne colline , ou grand tertre
de iable qui fut le principal adoratoire , ou
Guaua des anciens. le leur demandois quelle
diuinité ils y trouuoient , & ils me refpondi-
rent qu'ils l'adoroient àcaufe de cefte mer-
ueille qu'il auoit d'eftre vn tertre de.fablc tref-
haut au milieu des montagnes de pierre qui
eftoient tref clpailTes. Nous eufmes befoin en
HISTOIRE NATVRELLE
la Cité desRois d'vn grand nombre de gros bois,
pour fondre vne cloche , &pource l'on coupa vn
grand arbre difforme,qui pour fa grandeur &fon
antiquité auoit efté long temps adoiatoire , 8c
Guaca des Indiens. Et leur fembloit qu'il y auoit
quelque diuinité en tout ce qui auoit quelque
choled'extraordinaire &d'cftrange en fon genre,
iulquesàen attribuer autant aux petites pierres
& métaux , voire aux racines Se aux fruicts de la
terre, comme aux racines qu'ils appelloient Pa-
pas. Il y en ad'vne forte eftrange qu'ils appeHoiêt
Lalîahuas,icfquellesils baiioient&lesadoroiét.
Ilsadorent aufïî les ours , les lyons, les tygres&r
lescouleuurcs, afin qu'ils ne leur facentaucun
mal ,& tels que font leurs Dieux, telles & aufîï
plaifantes font les' chofes qu'ils leur offrent en les
adorant, llsomtaccouftumé quand ils vont par
chemin d'y ietter ou aux carrerours,aux collines,
&c principalement aux fommets , qu'ils appellent
Apachittas, des vieux fouliers, des plumes , du
Coca mafché, quieftvne herbe dont ilsvfent
beaucoup. Et quand ils n'ont rien dauantage,leur
jettent vne pierre, le tout en offrande, afin qu'ils
leslaiiïent pafler,& qu'ils leur donnent bonnes
forces , lefquelles ils difent leur augmenter par
ce moyen , comme il eft rapporte en vn Concile
onc'r ' J~ prouincial du Peru. C'eft pourquoy l'on trouue
mcnlts.i. *■ îi 11
p.i.cap. en .ces chemins degrands monceaux decespier^
5><). res offertes, <5: des autres chofes fufdites.De fem-
blable folie v (oient les anciens, dcfquels :1 eft die
Treu. 17. aux Prouerbes j Comme cclnyejui offre des pierres au
monceau de Mercure, uïnfiaue celuy qui bono>c les fols:
qui eft à dire, que l'on ne tire non pius defruift
DES INDES. LIV. V. 1QJ
nyd'vtihtc du fécond que du premier : pource
que le Mercure de pierre ne recognoift point
l'offrande, ny le fol ne peut recognoiftre Thon-
neur que l'on luy fait. Ils vfoient d'vne autre of-
frande, non moins plaifance & ridicule, qui eft
d'arracher le poil des fourcils , &les offrir au So-
leil 6v aux collines , aux Apachitas , aux vents ou
aux chofes qu'ils craignent. Tel eft le malheui"
auquel pluficurs Indiens ont vefcu & viirent en-
cor auiourd'huy ,aufquels le diable fait en tendre
ce qu'il veut comme à des enfans , quelque gran-
de folie que ce foit. Ainfilainct Chryfoftomeen
vne Homélie, accompare les Gentils , mais les
feruiteurs de Dieu, qui trauaillentenleurenfei-
gnement& faluation, nedoiuent pas mefprifer
ces folies & enfances , puis qu'elles iuffifent , à
enlacer ces panures abufez à vne éternelle perdi-
tion ,ains les doiuentauec bonnes & claires rai-
ions, tirer d'vnc ix grande ignorance: Car à la
vérité c'eftehefe confiderable,comme ils i'aiïub»
iettiilentàccux qui leur enfeignent le vray che-
min deraifon.il n'y a chofe entre les créatures
plus illuure que le Soleil , <k eft celuy lequel tous
les Gentils communément adoroient. Vn capi-
taine difcret.& bon Chreftien me contoit , qu'a-
ucc vne bone raifon il auoit perfuadé aux Indiens
que le Soleil n'eftoit pas Dieu, mais feulement
i vnecreaturedeDieu,&futainfi. Udemandaau
Cacique & feigneur principal qu'il luy donnait
vn Indien léger, pourporter vne lettre , il luy en
donna vn,&: le capitaine demanda au Cacique,
dy moy qui eft le Seigneur & le principal , où cetl
Indien qui porte la lettre fi légèrement, ou toy
HISTOIRE NATVRELLE
quil'enuoyeporter? Le Cacique refpondir, C'cfl:
moyfans doute,pource que ceftuy-là ne fait autre
chofe que ce que le luy commande. Ainfi, répli-
qua le capitaine, en eft il du Soleil que nous
voyons, Si. du Créateur de toutes choies, d'au-
tant que le Soleil n'eft point d'auantage qu'vn
vailet de ce Très haut Seigneur,qui par ion com-
mandement chemine auec telle légèreté fans fe
laflèr,portant la lumière à toutes les nations. Ainil
tu vois comme c'eft cotre raifon de rendre auSo^
leiU'honneurquieltdeu au Créateur & feigneur
de tout. La r.ùion du Capitaine les conteta tous,
& dit le Cacique & les Indiens qui eftoient auec
luy, quec'eftoit grande vérité, & qu'ils s'eftoienr
beaucoup rehoiiis de l'auoir entendue. L'on ra-
conte d'vn des Roys Ipg.uas homme de fort iub-
til entendement, lequel voyant comme tousfes
predecelîeursadoioient le Soleil, dift qu'il ne luy
fembloit point que le Soleil fuit Dicu,nynele
pouuoiteitre,pourccque Dieu eft vn grand Sei-
gneur, qui auec vn grand loifir& repos fait fes
ccuures, & que le Soleil ne celle iamais de che-
miner,difant qu'vne chofe qui trauailloit tat, ne
luy pouuoit femblereftre Dieu, en quoyildift
vérité.
Ainfi lors que l'on vient à déclarer aux Indiens
leurs erreurs &aueuglement pardesraifons dou-
ces ôc aifees à comprendre , ils font inconcinent
convaincus .& fe rendent admirablement à la
vente.
DES INDES. LIV. V.
208
D'vn autre gendre d'idolâtrie fur les dcffun&s.
c h A P. VI.
jw&Lyavnautregenre d'Idolâtrie fort differët
2UM des fuldits, donc les Gentils ont vfe àl'oc-
calion de leurs defuncts , qu'ils aimoient & efti-
moient:& iemblc que le 5agc vuciile donner à
entendre que le commencement de l'idolâtrie
ioit procédé de là, difant ainii: Le commencement de
fornication fut par la réputation des idoles , & cejle in- a?' 4"
uention cfi ync totale corruption de la vie, car au com-
mencement du monde tl n'y a point eu d'idoles , «31 en la
fin n'y en aura pour toujours à jamais. Mats la yanite
& ojjiuetédes hommes a apporté cefie tnuention au mon-
de yvoirc peur cefie occafion durent fi peuleur s yic s ^pour-
ce cutlarriua que lepere portant amèrement la mort de
fon filsniifcrablc , fît pour fa confolation ynpourtrait du
dcfuntl , & commença k l'honora' & adorer corne Dieu,
leqvclpeu attparauant auoit acbcuéfcs tours comme hom-
me mortel, çjrpour cejle fin ordonna entre fesferuiteurs
q tiotfa mémoire l'on fit des deuotions & facrifices. Du
depw après plnfieursiours pafje1^ cefie maudite c»ufiu-
me tyant eflé authorifee demeura ceB erreur canon fee
pou; loy , C ainfi par le commandement des l\ots &
tyrois s les pourtraieis & les idoles cftoient adore%.
De a ywt aujsi que ton commença à~ en faire autant
auxtbfensy ejr ceux que l'on ne pouuoit adorer en pref en-
ce , jour cftrc eflre cfloiçne% , ils les adoraient de cefie fa-
çon es faif oient apporter les pourtraieis des B^ois qu'ils
youtnent honorer y fuppleant par ceHeinuention l'absen-
ce deeux qu'ils youloiet adorer. La euriojitedes excelles
tiuuners augmenta cejle inuenîion d' idolâtrie ^tellement
.*»«
HISTOIRE NATVRELLE
que par leur art cesflatuës furent fi élégantes , que ceux
quint f canotent ce que c 'eftoit ,cfloient prouoque^ à les
adorer, d'autant que par l'excellence de leur art yf reten-
dons contenter ccltty qui leur badloit a faire, ils t iraient
des portraits & peintures beaucoup plus excellentes , ejr
le -vulgaire conduit de l'apparence & vracc de ïouurage,
~vint a tenir cj" cHimcr pour Dieu celuy qui peu aupara-
uant auoit efîè honoré corne home.Et cela fut l'erreur mi*
f érable des hommes , qui s'accommodans ores à leur afjc-
tiion & fentiment, ores à la flatterie de leurs ]\ois,yni-
drent a imposer aux pierres le nom incommunicable de
Dieu , les adorans pour Dieux. Tout cecy eft au liure
de Sapicnce , qui cft digne d'eftre notte , Se trou-
ueront au pied de la lettre ceux qui feront curieux
recbercheurs de l'antiquité, que l'origine de l'i-
dolâtrie ont efté ces pourtraits& (latues des de-
-runcts,iedy de l'idolâtrie , qui eft proprement
d'adorer les idoles & images : car il n'eft pas cer-
tain que celV autre idolâtrie d'adorer les idoles &c.
images:-car il n'eft pas certain que cefte autre ido-
lâtrie d'adorer les créatures, comme le Soleil ,&z
la milice du Ciel , ou le nombre des planettcs Se
eftoillcs , dequoy il eft fait mention aux Prophè-
tes , ait efte depuis l'idolâtrie Se les ftatuës : com-
bien que (ans doute l'on ait fait des ftatues & ido-
les en l'honneur du Soleil , de la Lune & de la
terre. Venant à nos Indiens, ils vindrent au ib ai-
mer de l'idolâtrie par les mefmes voyes quede-
monftrel'Efcriture . Premièrement ils auoient
foin de conferner les corps de leurs Rois & Sei-
gneurie*: demeuroient entiers (ans aucune mau-
uai(eodeur,&fe corrompre plus de deux cens
ans. De cefte façon eftoient les Rois Inguas au
Cufco,
H te rem. 10
DES INDES. LIV. V. 20p
Cufco,chacun en fâ chapelle Se adoratoire , donc
le Viceroy Marquis de Canette, pour extirper
l'idolâtrie , fit tirer Se porter en la cité des Rois
trois ou quatre Dieux, qui caufa grande admira-
tion de voir ces corps morts depuis tant d'années
ii beaux Se fi entiers qu'ils eftoient. Chacun de
ces Rois Inguas laiiïoit tous les threfors,moyens
Se reuenupour entretenir fon adoratoire où l'on
mettoit fon corps , Se y auoit beaucoup de mini-
ilresauec toute la famille, qui eftoient dédiez à
ion feruicc: car nul Roy fucceileur n'vfurpoit les
thrcfors& vaillellc de fon predeceifeur, mais il
enaiîembloittoutde nouueau pour luy&pour
fon palais. Ils ne fe contentèrent point de cefte
idolâtrie entiers les corps des defuncts, mais aufîï
ils faifoient leurs ftatuës &reprefentatiôs,& cha-
que roy durant fa vie fai foi t faire vne idole où il
elloit reprefenté , laquelle ils appelloient Guaoi-
gui3qui fignifie frère : pource que l'on deuoit fai-
re à cefte ftatuë durât lavie&îamortderingua,
autant d'honneur Se de vénération qu'àluy-mef-
me: ôc portoient cefte ftatu'c en la guerre & en
proccfîion,pour auoir de la pluye Se du bon teps,
Si leur faifoient diuerfeJ feftes,& facrifices. Il y a
eu beaucoup de ces idoles au Cufco,& en fon ter-
ritoire : toutesfois l'on die à prefent que cefte fu-
perftition d'adorer les pierres y aceiFé du tout,
ou en la plus grande partie. Apres qu'on les eue
defcouuertcs , par la diligence du licencié Polio,
& fut la première celle d'Ineua Rocha,chef de la
partialité ou race principale de HanamCufco,
Se :rouuc l'on de cefte façon qu'entre les autres
nauons ils auoieo t en grande eftime Se rcucroic r
d
HISTOIRE "NATVRELLE
les corps de leurs predecefleurs , & adoroient
aufli leurs ftatues.
Des fupcrslitions dont ils yfcjent anec les morts,
CHAP. VII.
Es Indiens du peru ont creu communc-
' ment que lésâmes viuoient après cefte vie,
& que les bonseftoientenla gloire, & lcsmau-
uaisenlapeine : tellement qu'il y a peu de diffi-
culté à leur perfuader tels articles. Mais ils ne
font pas patuenus mfquesau point de recognoi-
ftre que les corps deuoient refufeiter auec lésa-.
mes. C'eftpourquoy ilsemployoient vneexcef-
fiue diligence,comme il a efté dit, à conferuer les
corps lefquels Us honoroient après la mort, à ce-
fte fin leurs fuccefleurs leur bailloient des robes,
& leur faifoient des faciifices: fpecialement les
Rois Inguas en leurs enterremens deuoient eftre
accompagnez de erand nombre de feruiteurs ite
femmes pour Ion ieruice en 1 autre vie. parquoy
le iour qu'il decedoit l'on mettoit à mort les fem-
mes qu'il auoit le plus aymees , fes feruiteurs &
officiers , afin qu'ils l'allaficnt feruiç en l'autre vie.
Quand G uanacapa mourut, qui fut pered'Ata-
gualpa,au temps duquel entrèrent les Efpagnols,
l'on mit à mort mil & tant de perfonnes, de tous
aages & conditions pour fon ler.uice,& pour l:ac-
compagner en l'autre vie. Ils les tuoient après
plufieurs chanfons & yurongneries , & ces defti-
nez à la mort fe tenoient bien heureux. Ils leur ia-
crifioient plufieurs autres chofes, fpecialement
des petits enfans , &de leur fane faifoient vnc
DES INDES. LI V. V. Il O
j&yç au vifage du derTuncl: d'vne oreille en l'autre;
Cefte mefmc Uiperftition, ïk inhumanité de tuer
des hommes &. des femmes pour accompagner
ckieruirledcfunct en l'autre vie,aefté lùiuie d'au-
tres , & eftencor à prefent vfitee parmy d'autres
nations barbares ; voire comme eferit polio , elle
a elt é prefque generalle en toutes les Indes. Le vé-
nérable Bedamefme raconte que les Anglois au-
parauantque fe conuertir à l'Euangile, auoienc
celle melme couftume de tuer des hommes pour
accompagner & feruir les de-ffunts. L'on raconte
d'vn portugais qu'eftant captif entre les barbares,
auoitreccu vn coup de flèche j dont il perdit vn
œil,& comme ils le voulurent facnfier vn iour,
pour accompagner vn feigneur deffuncT: , il ref-
pondit que ceux qui demeuroient en l'autre vie
feroientpeu d'eftat dudefun£t.,iion luydonnoit
pour compagnon vn homme borgne , & qu'il
eftoit meilleur luy en donner vn quieuftfes deux
yeux, & cefte raifon eftanttrouuee bonne par les
barbares, fut caufe qu'ils le laifTcrent. Outre ce-
fte fuperftition de facnfier les hommes auxde-
functs , dont l'on n'vfe qu'à l'endroit des grands
feigneurs, iiy enacuvne autre beaucoup plus
commune & générale en toutes les Indes, qui
euVde mettre à boire & à manger fur les fe-
pulrurcsdes defun&s, croyans qu'ils fe nourrif-
ioientdecela,quiamefme efté vn erreur entre
les anciens, comme eferit S. Auguftin. Etpour
cet effed de leur donner à manger & à boire. Au-
iourd'huy plufieurs Indiens infidelles tirent de
terre fecrettement leurs defun&s des cimetières,
& les enterrent en des collines,ou en des paflages
d ij
HISTOIRE NATVRELLE
desmotagnes,oubien en leurs propres maifons.
Usontmefmeaccouftumé deleurmectrede l'ar-
gent ôc de l'or en la bouche, aux mains ôc au (tin,
ôc de les reueftir de robbes neufues , ôc durables,
doublées &plieespar dciïbuz le licl mortuaire.
Us croyent que les âmes des defuncls vont vaga-
bondes , & endurent le froid , la foif,lafaim, ôc ic
trauail ; ôc par celle occafion ils font leurs anm-
uerfaires,en leur portant des habits , à manger Ôc
à boire. Araifon dequoyles Prélats en leurs fy-
nodes aduertilfent fur tout que les Preftres don-
nent à entendre aux Indiens que les offrandes
que Ton met aux Eglifes fur les fepultures, ne
font pas le manger ny boire des defuncts, mais
pour les pauurcs ôc pour lesminiftres , ôc que
Dieu eftfeul qui fuûante les ames en l'autre vie,
puis qu'ils ne mangent ny ne boiucnt aucune
chofe corporelle , ôc importe beaucoup qu'ils
fçachent bien cela, afin qu'ils ne conucrtilTent
cet vfage religieux en fuperftition gentille , com-
me le font plufieurs.
De U façon d'inhumer les defuntls entre les
1\icxiqudins & autres notions.
C H A P. VIII.
Yant raconté ce que plufieurs nations du
Peru ontfaitaueclesdefundtSjilncferamai
à propos de faire mention particulière des Mexi-
quains en cet endroit, les mortuaires defqaeU
eftoient fort folemnifez ôc pleins de grandes fo-
lies. Ceftoic l'office des preftres ôc religieux en
Mexique ( car il y en auoit qui viuoient en vne
DE S I ND ES. L IV. V. 211
eftrange obferuance, comme il iera dit cy- après)
d*enterrer les morts , & faire leurs obfeques. Les
Lieux où ils les enterroient eftoit en leurs iardins,
ôc aux courts de leurs maifons propres, les autres
les portoient es lieux des fàcrinces,qui fefaifoiet
es montagnes : les autres les brufloien t, & après
enterroient les cendres en leurs temples , & les
enterroient tons auec tout ce qu'ilsauoient d'ha-
bits,de pierres, 8c de ioyaux. Ils mettoict les cen-
dres de ceux qu'ils brufloient en des pots, & auec
icelles les ioyaux,pierres & afhquets des defuncts
quelques riches & précieux qu'ils fuffent.Ils cha-
toient les ofHces funèbres , comme refpon fes , 8c
leuoient les corps des defuncts beaucoup de fois,
faifans plufieurs cérémonies. En ces mortuaires
ilsmangeoient 8c beuuoicnt, 8c Ci c eftoit per-
fonnes de qualité , l'on y donoit des habits à tous
ceux qui eftoient venus à l'enterrement. Quand
quelqu'vn mouroit, ils lemettoienteftendu en
vne chambre, iurquesàcequedetous coftezles
parens 8c amis fufTent venus, lefquelsapportoiéc
des prefensau mort,& le faluoient comme fil
euft efté en vie. Et fi c'eftoit vu roy , ou feigneur
dequelque ville, ils luy off roiét des efclaues pour
eftremisàmortauecluy,afinde l'aller feruir en
l'autre monde. Us faifoient mourir aulîilepre-
ftre ou chapellain qu'il auoit (car tous les iei-
gneursauoientvu preftrequi dans leurs maifons
leur adminiftroit les cérémonies, &le tuoient
alors, afin qu'il allaft adminiftrer fon office au
mort.lls tuoient le cuifinicr ,1e fommellier, les
nains, & les boflus , dcfquels ils fe feruoiét beau-
coup , & ne pardonnoient pas mefmes aux frères
HISTOIRE NATVRELI, Br
diidefunct, qui l'auoient leplusferuy. Carc'e-
ftoitvne grandeur entre les feigneurs de feferuir
de leurs frères & des delïufdirs. Finalement ils
tuoient tous ceux de fon train pour aller entrete-
nir fa maifon en l'autre monde : &de peut que la
pauureté ne les vint acu_*illir,ils enrerroient auec
euxpluficursrichetres^'orjd'argë^de pierreries,
de courtines d'vn ouurage exquis, de bracelets
d'or, & d'autres riches pièces. Que fris bru (loiët
ledefunâ:; ils en faifoient autant de tous fesfer-
uiteurs ,6V ornements qu'ils luy bailloient pour
l'autre monde : Puis ils ptenoient toute celle cen-
dre laquelle ils enterroient auec vne grande fo-
lemnité. Les obfeques duroient dix iours auec
des chants de pleurs & de lamentation , & les
preftres emportoient les defuncls auec tant de cé-
rémonies, (félon qu'on lesenrequeroit)&en (î
grand nombre qu'on ne lespourroit prefque co-
ter. Ils mettoient aux Capitaines & Seigneurs
leurs marques d'honneur & leurs Trophées , ie-
Ion leurs entreprinfes& la valeur qu'ils auoient
employée aux guerres & es gouuernements. Car
pour cefteffect ils auoient des blafons & armes
particulières. Ils portoient ces marques & bla-
fons au lieu où il defiroit eftre enterré , ou
brullé , marchant deuant le corps, & l'accom-
pagnant comme en proceiïîon , où les preftres &
dignitez du Temple allaient auec diuers orne-
ments & appareils. Les vns encenfans , les autres
chantans,& lesautresfonnants deftuftes trilles,
& de tambours, ce qui augmentait beaucoup les
qui
pleurs des va (Taux & parens. Le pieftrequifai-
foit l'office eftoit orné des marques de l'idole que
D ES INDES. LIV. V. 2,12,
le Seigneur auoic reprefenté : car tous les Sei-
gneurs reprefentoient les idoles, & en prenoient
le nom de quclqu'vn , & à celle occafion cftoienc
eftimcz& honorez. L'ordre de Cheualleriepor-
toitordinairementces marques delfufdites. Ce-
luy qu'ils deuoient brufler, eftant apporté au lieu
à ce deftinéjilsl'enuironnoient debois de pin,
& tout ce qui eftoit de Ton bagage , puis il met-
toient le feu comme i'ay dit cy deiïus , l'augmen-
tant toujours auec du bois gommeux , iuiques à
ce que le toutfuftconuerty en cendre. Inconti-
nent fortoit vn pceftre en habit & ornement de
diable , ayant des bouches à toutes les iointures,
&plufieurs yeux de miroirs, &tenoitvn grand
bafton, auec lequel il mefloit toutes les cendres
fort audacieufement &auec vn gefte &vne repre-
fentation fi terrible , qu'il efpouuentoit tous les
aiïiftans. Quelqnesfois ce miniftre auoit d'autres
habits diffères , félon qu'eftoit la qualitédu mort.
I'ay fait ceux digreffion des obfeques & funérail-
les fur l'idolâtrie & fuperftition qu'ils auoiét aux
defun&s , maintenant il eft raifonnable de re-
tourner à l'intention principale , 8c d'acheuer ce-
fte matière.
Du quatrtt'fme & dernier genre d idolâtrie , dont les
ïndtens ont yfé, spécialement les Mexiquaim,
enuers les images & ftatuës,
CHAP. IX.
5Ç55 Ombien que véritablement Dieu foitsran-
Gg& dément offenfe en ces idolâtries fufdites,où
l'on adoroit les creatures,fi eft-ce que le S. Efprit
d iiij
rt-ii-
ïfi. 44.
\f1ier.lO<
\fiaruc.6.
ïftt 8.
HISTOIRE NATVRELLE
reprouue& condamne encordauantagevnautje
genre d'idolatric,qui eft de ceux qui adorent feu-
lement les images & figures faites de la main des
hommes, iefquelles n'ont autre chofe en elles
que d'eftre vn bois , ou pierre,ou métal, & la figu-
re que Dieu leur a voulu donner. C'eftpourqnoy
le Sage parleainfi de telles gens : ~Mal-bcureux font
& entre les morts fe peut conter tempérance de ceux qui
ont appelle les œuures des mains des hommes Dieux ;l 'or,
t argent y & l'inuention de lafemblance d'animaux , ou
vne pierre inutile, qui n'a rien dauantage que d'eftre y ne
antiquaille. Et pourfuit diuinement ces propos à
l'encôtre de cet erreur,& folie des Gentils. Com-
me aufli le Prophète Efaie, le prophète Hiere-
mie, le prophète Baruc,&: lefainct Roy Dauid,
en traittentamplement : & eft necelîaire & con-
uenable que lcminiftredeChrift,qui reprouue
les erreurs de ri4olatric,aye bonne veue , & qu'il
confiderc bien ces partages , & les raifonsque le
fàinclEfprit touche fi viuemcnt en iceux,& com-
me toutes fe reduifent en vnc brefue fentence,
que met enauant le prophète Ofee: Celuyquil'a
fait a efté vn ouurtcry parquoy il n'eft point Dieu. Le
y eau donc de Samarie , feruira aux toilles et araignées.
Reuenant donc à noftre propos , il y a eu aux In-
des vne grade curiofité de faire des idoles & pein-
tures de diuerfes formes, & de diuerfes matières,
Iefquelles ils adoroient pour dieux , & les appel-
aient au Peru guacas , eftans ordinairement des
beftes laides & difformes , au moins celles que
i'ay veuës eftoient toutes ainfi. le croy certaine-
ment que le diable, en l'honneur duquel l'on fai-
foic ces idoles, prenoic plaifirde fe faire adorer
DES INDES. II V. V. Il $
en Tes dirformitez. Et à la vérité il fecrouuoit
au (Tique le diable parloit&: refpondoit en beau-
coup de cesguacas , ou idoles > ôc Tes preftres Se
miniftres venoient àces oracles du peredemen-
fon^e>& quel il eft, tels eftoient Tes confeils , ad-
uis 3c prophéties. C'a efté es prouinces de la neuf-
ue Eipagne, en Mexique , Tetcwo, Tlafcalla,
Cholula, &aux parties voifmes de ce royaume,
où ce genre d'idolâtrie a efté le plus practique
qu'en rojaume du monde. Et eft vne choie pro-
digieuie,d'ouir conter les fuperftitions qu'ils ont
eues en ccpoincl: toutesfois il ne fera pas mal-
plaifant d'en raconter quelque chofe. Le princi-
pal idole de Mexique eftoit,comme i'ay dit, Vit-
zilipuztli. C'eftoitvne ftatue* de bois caillée en
femblancc d'vn homme aflis envn efeabeau de
couleur d'azur,pofé fur vn branquard, de chaque
coing duquel fortoit vn bois, ayant la forme d'v-
ne tefte de (erpet.L'efcabeaudenotoit qu'il eftoit
afîïs au ciel: cet idole auoit tout le front azuré, Ôc
eftoit lié par deflus le nez d'vne bande de couleur
d'azu^qui prenoit d'vne oreille à l'autre. Il auoit
fur la tefte vn riche plumage , en façon d'vn bec
de petit oifeau,qui eftoit couuert par le haut d'vn
orhienbruny. Jl auoit en la main gauche vne
rondelle blanche, auec cinq formes de pommes
de pin , faites de plumes blanches , qui y eftoient
pofees en croix , & du haut fortoit vn guaillardet
d'or , ayant aux coftez quatre fagettes , lefquelles
(au dire des Mexiquains) auoient efté enuoyees
du ciel , pour faire les aCtes&proiieires qui fe di-
ront en fon lieu. Il auoit en lamaindextrcvn ba-
llon azuré, qui eftoit taillé en façon d'vne cou-
HISTOIRE NATVRFLLE
leuure ondoyante. Tout cet ornement Se le refte
qu'il auoit portoit fon fens , ainfique le decla-
roientlesMexiquains. Le nomde Vkzilipuztli,
main gauche de plume reluifante. Iediray cya-
pres du Temple fuperbe, des facrifices , feftes , Se
cérémonies de ce grand idole, qui font choies re-
marquables. Mais à prêtent il fera feule ment dit,
que cet idole veftu& orné richement ,eftoit mis
en vn autel fort haut , en vne petite pièce , ou en-
caftillement , fort couuerte de linceux, de ioyaux,
déplumes & d'ornements d'or , auec beaucoup
de rondeles de plumes, les plus belles & plu s gen-
tilles qu'ils pouuoicnt recouurer, & auoit touf-
iours deuant foy vne courtine , pour plus grande
vénération. Icignant la chambre ou chapelle de
cet idole , il y auoit vne pièce qui eftoit de moin-
dre ouurage, & non pas fi bien orncc,où il y auoit
vn autre idole qu'ils appelloient Tlaloc.Ces deux
idoles eftoient toufiours enfemble , pource qu'ils
les reputoient compagnons, & d'vne efgale puif-
fance. 11 y auoit vn autre idole en Mexique , fort
eftimé , qui eftoit le Dieu de pénitence & des iu-
bilez & pardons des péchez. Ils appelloient ccft
idole Tezcallipula, & eftoit fait d'vne pierre fort
reluifante 8c noire , comme layel , eftant veftu de
quelques gentils affiquets à leur mode. Il auoit
des pendants d'oreilles d'or & d'argent» & en la
leure d'embas vn petit canon decryftal , delà
longueur d'vn xeme ou demy pied , dans le-
quel ils mettoient quelquefois vne plume ver-
te, &r quelquesfois vne azurée, qui le faifoitref-
fembler tantoft vne efmeraude , tantoft vne
turquoife , il auoit les cheueux ceints cV ban-
dez auec vn lifer d'or , beuny ,au bout du-
DES INDES. LIV. V. Il 4
quuelpendoitvneoreilled'or , auecdcux bran-
doons de fumées peintes en icelle, qui fignifioient
Ici s prières des affligez & péchez qu'il oyoit,quad
ils s ferecommandoiëtàluy. Emre les deux oreil-
lefispendoient vn nombre depetits hérons. Il a-
uooit vn ioyau pendu au col, Ci grand qu'il lny
coouuroitreftomach.Aux deux bras des bracelets
d'c'or : au nombril vne riche pierre verte , & en la
mnain gauche vn efuentail de plumes precieufes
veertes,azurees,& jaulnes,qui fortoicntd'vncha-
ftoon d'or reluifant, & fort bruny , tellement qu'il
fer.mbloitquecefuftvn miroir, qui fignifioit que
deedans ce miroir il voyoit tout ce qui le faifoit
aui monde, llsappelloientce miroir ou chafton
d'cor Itlacjieaya, qui vent dire Ton regardoir. Il
ter.noit en la main dextre quatre fagettes , quifi-
gn.iifioicnt le ctaftiement qu'il donnoit aux mau-
uanis.pour les péchez. C'eft pourquoy c'eftoit l'i-
doDle qu'ils craignoientleplus , de peur qu'il ne
defcfcouurift leurs fautes & deli&s. Il y auoit par-
doDn de péchez en fa fefte, qui fe faifoit de quatre
anas en quatre ans, comme il fera dit cy-apres. Ils
ter.noient ce mefme idole Tezcatlipuca pour le
dieeu de la fechetelïe, de la famine, & ft crilité , Se
detlapeftilence.Parquoy ilslepeignoicntanflien
vneeautreforme,àfçauoire{lant afllsanec beaU-
coiupdemajefté, fur vn efeabeau entouré d'vne
coturtinc rouge, peinte &elabouree de teftes Se
ose de morts. En la main gauche il auoit vnc ron-
dellleaueceinqpineSj ou formes de pommes de
pim faites de cotton,& en la droite vnc dardille,
cotmme d'vn gefte menaiïanr, Se ayant le bras
eft tendu, comme qui lavoudroit jctter,& de la
HISTOIRE NATVRELLE
rondelle fortoient quatre fagettes. Il auoit le vi-
fage &: apparence de courrouce, & décoléré, le
corps oingt tout de noir, & la tefte pleine de plu-
mes de cailles. Usvfoientde grandes fuperftuiôs'
enuerscetidole, pour la grand crainte qu'ils a-
uoientdcluy. En Cholula, qui eftoit vne repu-
bliqnede Mexique,ils adoroientvn fameux ido-
lc,qui eftoit le dieu des marchadifes,pource qu'ils
eftoient grands marchands, & encor auiourd'huy
font ils fort addonnez au commerce, ils l'appel-
loient"Quctz3alcoalt. Cet idole eftoit en vne
grande plaot, en vn temple fort haut,& auoit au-
tour de luy de l'onde l'argent,des ioyaux,des plu-
mes fort riches, &des habits de diuerfes couleurs.
Il auoit le corps en forme d'homme. mais le vifa-
ge d'vn petit oifeau auec vn bec rouge, & au def-
fils vne crefte, pleine de verrues, ayant des rangs
de dents , & la langue qui luy fortoit dehors. Il
portoit fur la tefte vne mitre pointu'ëde papier
peint, vnefaulxen la main , & beaucoup d/afïi-
qusts d'oraux iambes,&: mil autres folles inuen-
tions,qui tontes auoient leur lignification, & l'a-
doroient parce qu'il faifoit riche ceux qu'il vou-
loit, comme Memnon& Plutus. Et àlaveritcce
nom que les Choluanos donnoient à leur dieu
eftoit bien à propos, encor qu'ils ne l'entendif-
fentpas. Ilsl'appelloient Quetzaalcoalt,qui li-
gnifie coulenure de plume riche, car tel eft le dia-
ble de lauaiicc. Ces barbares ne fe contentoienc
point d'auoir des dieux, mais aufïï ils auoient des
deedes, comme les fables des po'ëtes les introaui-
rent , & I'aucugle Gentilité àcs Grecs & des Ro-
mains lés ont vénérées. La principale des déciles
DES INDES. L I Y. V. 21$
qu'ils adoroicnt,eftGitappellecTozi,quiveuc di-
re noftre ayeullc, laquelle , comme racontent les
hiftoires de Mexique ; fut fille du roy de Culgua-
can, qui fut lapremiere qu'ils efeorcherent par le
commandement de Vitzilipuztli,laquelleilscô-
iacrerent de cefte façon, pour eftre ia iœur , & des
lors ils commencèrent à efeorcher les hommes
en leurs (acrifices,&deveftirlesviuansdes peaux
des facrifiez , ayans appris que leur Dieu fe plai-
foit en cela, comme mefme d'arracher le cœur de
ceux qu'ils facriftoient, ce qu'ils apptindrent de
leur dieu , lequel tira & arracha le cœur de ceux
qu'il chaftia en Tulla , comme il fera dit en ion
lieu. L'vnede ces dédies qu'ils adoroient eut vn
fils grand chaueur, que ceux de Tlafcalla depuis
prindrent pour dieu , & ceux-là eiloient le party
contraire des Mcxiquains, auec l'aide defquels
les EfpagnolsgaigncrentleMexique.Laprouin-
ce de Tlafcalla eft fort propre pour la chaire,& le
peuple fort addonnéàicclle. C'eftpourquoy ils
Faifoient vne grand fefte à cet idole, lequel ils pei-
gnoient d'vne telle forme, qu'il n'eft jabefoin de
perdre le temps àladefcrire. Mais la fefte qu'ils
luy faifoient eftoitplaifante,.& en cefte façon: Ils
fonnoient vne trompe fur l'aube du iour, au fon
de laquelle ils faiTembloicnt tous auec leurs arcs,
flciches,filiets,& autres inftruments de chailè, ôc
aïloientauec leur idole en proceflïon, fuiuis d'vn.
grand nombre dépeuple avneSierre haute, au
fommet de laquelle ilsauoient drciPé ôc accom-
modé vne fucillec , ôc au milieu vn autel très- ri-
chenent orné,où ils mettoient l'idolc.Ils alloicc
cheninans auec vn grand bruit de trompettes,
HISTOIRE NATVR.ELLE
decorners,dcfleutes,&detambours,&pariief)us
au lien, ils circuiffoient&enuironHoient tous les
coftez decefteSierreou montagne, où ils «net-
toient le feu par tous les endroits , au moyen de-
quoy fortoient plufieurs &diucrs animaux, com-
me cerfs, cônils, Heures, renards &lôups,ld quels
alloient vers le fommet fuyans le feu. Ces chaf-
feurs couroiét après auec de gtands cris & bruits
de diucrs inftrumcts,les chailans iufques au fom-
met deuanc l'idole , où arriuoit vn tel nombre de
bettes dechaile, en fi grad prefle, qu'elles fautoict
les vues (ur les autres, fur le peuple, & fur l'autel
incfme,en quoy ils prenoient vn grand plaifir, &:
rehouiH'ince. Alors ils prenoient vn grand nom-
bre de ces beftcs,& iacrifioientdeuant l'idole les
cerfs & grands animaux, leur arrachant le cœur,
aucciame(me cérémonie dont ilsWoient au fa
crifice des hommes: c/qu'eftant acheué , ils pre-
noient toute celle chalfe furlenrsefpaules,& fe
retiroient auec leur idole de la mefmefaçô qu'ils
y eftoient venus, &entroiét en la cité chargez de
toutes ces choies, fort reliouis, auec grand nom-
bre demuiïque,de buccincs,& de tambours, luf-
que' à arriuer au temple où ils mettoiét leur ido-
le,auec grande reuerence&folemnite. Ilsalloiê'rj
tous accommoder les chairs de ce(lecha(ie,de
quoyilsfai^pientvn banqueta tout lepeuple,&r,
après ditner faifoient leurs f irces,rep relentatiôs,
cVdances deuant l'idole Ils auoient vn autre grad I
nombre d'idoles, de dieux & deeffes, mais lesl
principales eftoient en la nation Mexiquaine;&
aux peuples voifinSjainfi qu'il a eue dit.
MM
DES INDES. LIV. V.
116
D'y ne ejlrange façon d'idolâtrie pra&iquce
entre IcslMextquains.
c h A p. x.
|Omme nous auons dit que les rois Inguas
SduPerufirent faire à leur femblance de cer-
taines ftatuesqu'ilsappelloient leurs guaoiquies,
ou frères, & Ieurfaifoient porterautant d'hon-
neur qu'à eux-mefmes : ainfi en ont fait les Me-
xiquains de leurs dieux , mais ils ont paiîéplus
outre, pource que des hommes vifs] ils faifoient
des dieux,qui eftoit en cefte manière. Ils prenoiét
vn captif, tel qu'ils aduif oient bon eftre, &aupa-
rauant que de le facrifier à leurs idoles, luy don-
noientlemefmenom de l'idole auquel il deuoit
eftre facrifié ,&leveftoiem &ornoientdesmef-
mes ornemens que leur idole , difans qu'il repre-
lentoit le mefme idole. Et pendant tout le temps
que duroit cefte reprefentation (qui eftoit d'vn
an en certaines feftes, en d'autres de fixmois^
en d'autres moins) ils l'adoroient & veneroienc
de lamefme façon que le propre idole : cependac
iImangeoit,beuuoit,&fereiiouiiTbit. Quand il
alloit par les rues, le peuple fortoit pour l'adorer,
& tous lu y offroiét beaucoup d'aumofncs , & luy
portoientles enfans&les malades, afin qu'il les
guarift & benift , &: luy IailToient en tout faire fa
volonté, fauf qu'il eftoit toufiours accompagne
de dix ou douze hômes,de peur qu'il ne l'cnfuift.
Et luy afin que l'on luy fift rcueréce par où il paf-
foit, fonnoit de fois à d'autre dvne petite fleute,
HISTOIRE NATVRELLE
afin que le peuple f appreftaft pour l'adorer. La
fefte eftant venue , & luy eftant bien gras, ils Iç
tuoient,l'ouuroient,& le mangeoien t, faifans vu
folemnel facriftee de luy. A la vérité c'eftvne
chofepitoyabledeconridererlafaçon delaquel-
le Satan tenoit ces gens en fapuilfance , ôc tient
ciicorauiourd'huy plufieurs quifontdefembla-
blescruautez & abominations, aux defpens des
triftes ames,&des misérables corps de ceux qu'ils
luy offrent, & luy le moque ôc rit de la bourde ôc
moquerie qu'il fait aux pauures mal- heureux,lef
qucls mentent bien par leurs péchez que le très-
haut Dieu lesdelailleen lapuilfancedeleur en-
remy, qu'ils ont choid pour dieu ôc pour fouftié.
Mais puis que i'ay dit ce qui fu oit -de l'idolâtrie
des Indiens, il ('enfuit que nous traittions de leur
religion, ou pour mieux dire fuperftition , de la-
quelle ils vient en leurs facrifrees, temples & cé-
rémonies,& ce qui touche le refte.
Comme le diable f'efi efforcé de f'cfvalcr à Dieu f,
ejr de luy reffcmbler aux façons defficïificcsi
religion, & Sacremens.
CHAP. XI.
gM§ Vant que de venir à ce pouict, l'on doit
?£$£ confïderer vnechofe,qui eft fort digne dç
regarder de prés , qui eft que comme le diable par
Ion orgueil a prins party ôc f'eft rendu contraire à
Dieu, ce que noftrcDieu par fa fagelîè ordonne
pour Ton honneur ôc ieruicc, ôc pour le bien ôc
falut de l'ho mme, le diable fefforce de l'imiter ôc
le pcruertir,pour cftre honoré,&fairc qucl'hom.
meem
DES INDES. II V. V. 217
me en (bit condamné. Car comme nous voyons
que le grand Dieuadesfacrifices.dcs Pre(trcs>des
Sacremens, des Religieux, des Prophètes , & des
gens dédiez à ion feruice diuin , & fainctes céré-
monies, amfî le diable a (es facnfices,preftres,fes
façons de Saciemens,fa gen t dediee , les reclus ik
fain&etez feintes , auecmille fortes de faux pro-
phetes,tout ce qui lcra plaifant d'entendre,eftant
déclaré en particulier,^ non point de petit fruid
pour cclny qui fe fouuiendra comme le diable eft
leperedemenfonpe, ainfi que la vérité le dit en '
1 huangue^parquey il procure vlurperpour ioy
lagloirede Dieu,& contrefaire la lumière par Oe&Éettt.j.
ténèbres. Les enchanteurs d'Egypte enfeignez de
leurmaiftrcSatanas, i'efrorçoient de fane d'au-
tres merueilles femblables à celles de Moyfe ôc
d'Aaron,|8our l'égaler à eux. Nous lifons au linre
des luges, de ce Micas preftre du vain idole, qui
fefcruoit melmedesWnemens dontonv(oitau/w^ Ig
Tabernacle du vray Dieu, comme del'ephoddu
Seraphin,& des autres chofes. Soit que ce foit, à
peine y a-ilchofe inftitueepar Ieius-Çhriû: no-
ftre Seigneur,en la loy Euan^elique,que le diable
ne l'aye fophiftiquee en quelque façon , & portée
à fa gentilité, comme l'on pourra voir en lifant ce
que nous tenons pour certain , par le rapport de
gensdignes de foy, des couftumes & cérémonies
des Iridiés , defquelles nous traitterôs en ce liure.
Des temples qui fe font trotme\ es Indes.
CHAP. XII.
sOmmençant donc par les Temples,
v> tout ainfï que le grand Dieu a voulu que
HISTOIRE NATVRFLIE
l'onluy dediaftvnemaifon,où Ton faind nom
fuft honore, ôc qu'elle fuft particulieremêt voiiee
à Ton feruice;ainfi le diable par Tes mefchantes in-
tentions perfuadaaux infidèles qu'ils luy filïent
de fuperbes temples ,ôc des particuliers adora-
toires ôc fanctuaires.En chaque prouince du Pe-
ruilyauoitvn principal guaca,ou maifon d'a-
doration, ôc outre icelle y en auoit vne vniuerfel-
le par tous les roiaumes des Inguas,entre lefquel-
les il y en a eu deux fignalees, ôc remarquées, l'vne
qu'ils appelloient de Pac hacama, qui eft à quatre
lieues de Lyma,où l'on void cncorauiourd'huy
les ruines d'vn très- ancien Ôc grand édifice, du-
quel François Pizarre ôc les fiens tirèrent cède
richefïe infinie des vafes,& des cruches d'or Ôc
d'argent qu'ils apportèrent quand ilsprindrent
l'Ingua Alragualpa. Il y a certains mémoires &
difcoursquidiientqucle diable en ce teplepar-
loit visiblement, ôc donnoit refponfes par Ton
oracle,&: que quelquesfois ils voyoient vne cou-
leuure tachetée, & eft vne chofe fort commune
&approuuee es Indes, que le diable parloir, ôc
refpondoitencesfaux fanctuaires,en trompant
les miferables. Mais là où l'Euangile eft enîré, ôc
là où l'on a efleué le fîgne de la croix , le père de
menfonge y eft deuenu muet, ainfi que Plutar-
t>Ut lib ie queeferit de fou temps : Cur cejjkuerit Vytbyas fon-
Traâ.re. dere oracula. Et lÂincl Iuftin martyr traide am-
iw/î./w^o.plementdecefilence que Chrift impofaauxde-
pro chri' mons, qui parloient par les idoles, comme il
auoitefté beaucoup auparauant prophetifeenla
dinine Efcnture. La façon qu'auoient les mini-
ères infidèles & enchanteurs de confultec leurs
DES INDES. LIV. V. ZlS
dieux,eftoit comme le diable les enfeignoit. C'e-
ftoit ordinairement de nui&,& pour le faire en-
troient les efpaules tournées vers l'idole, mar-
chans en arrière , 8c plians les corps en inclinant
la tefte,&: fe mettoiét en vne laide pofturc,&ain(i
ilslesconhiltoient. Larefponfc qu'ils faifoient
ordinairement eftoit en manière d'vn fiftlement
efpouuentable , ou comme vn grincement qui
leur faiioit horreur,& tout ce dont il les aduertif-
foit,&leurcommandoit , eftoit vn achemine-
ment à leur déception & perdition. Maintenant
l'ontrouuepeudeces oracles, par la mifericor-
de de Dieu,& grande puiiïance de Iefus Chrift. Il
y a eu au Peru vn antre temple & oratoire plus
eftimé,quifutenlacitéde Cuico,où eft auiour-
d'huy le monaftere de fainct Dominique : 8c l'on
peut voir que c'a efté vne œuure fort belle 8c ma-
gnifique par le paué, 8c pierres de l'édifice qui re-
lient encor a-uiourd'huy. Ce temple eftoit com-
me le Panthéon des Romains, en cequ'il eftoit
lamaifon 8c demeure de tous les dieux : car les
roislnguas mirent en iceluy les dieux de toutes
les nations 8c prouinces qu'ils conqueftoient,
ayant chaque idole fon lieu particulier, ou ceux
de leur prouince les venoient adorer auec vne
deipenfe exceflîue de chofes que l'on apportoi't
pour fonminiftere. Et par cela ils auoient opi-
nion de retenir feurement &endeuoirles pro-
uinces qu'ils auoient conqueftees, tenans leurs
dieux commeen oftage. En cefte mefme maifon
eftoit le Pinchao , qui eftoit vne idole du Soleil,
dctrcs-finor,ouuré d'vne grade richelTcclepicr-
ciJ
. HISTOIRE "NATVRELLE
reries,lequel eftoit pofc vers l'Orient, auec vn teî
artifice, que le Soleil à fonleueriettoit les rayons
fur luy,&" comme il eftoit de tresfin métal, les ra-
yons reuerberoient,auec telle clarté,qu'il retïem-
bloitvn autre Soleil. Lcslnguas adoroient ce-
ftuy- là pour leur Dieu , & le Pachayacha, qui tî-
gnifieleCreateurduciel. Ilsdifentqu'aux def-
pouillesde ce temple lî riche, vn foldat eut pour
/a part cette trcs-bellc planche d'or du Soleil. Et
comme le jeu eftoit lors de faifon, il la perdit vne
nuidt en jouant: d'où vintleprouerbequi cft au
Peru,pour les grands loueurs ,difant qu'ils jouet
le Soleil auant qu'il naître.
Des fupçrbes temples de Mextque.
CHAT. XIII.
tfGj, A fuperftition des Mexiquains a cfté fans
comparaifon plus grande que celle de ceux-
cy : tant en leurs cérémonies , comme en la gran-
deur de leurs temples ,lefqucls anciennement les
Efpagnôlsappelloierrt de ce mot Cu , lequel mot
peutauoireftéprinsdesinfulairesde fainct Do-
minique ou de Cuba , comme beaucoup d'autres
mots qui font en vfage,lcfquels ne font ny d'Ef-
pagne,ny d'autre langue dont l'on vfe auiour-
d'huy es Indes, comme font Mays, Chico, Va-
quiano,Chapeto,& autres fembîables. Il y anoit
doncen Mexique le Cu,fi fameux templedeVit-
zilipuztli , qui auoit vn tour & circuit fort grad,
& faifoit au dedas de foy vne belle court. Il eftoit
tout bafty de grandes pierres en façon de couleu-
ures attachées les vues aux autres , & pour cela le
«
m
DES INDES. IIV. V. . 2 1 <?
circuit eftoit appelle Coatepandi, qui veut dire
circuit de couleuures. Sur chacun des coupeaux
des chambres Se oratoires où eftoient les idoles y
auoit vn perrô fort ioly , ouuragé de petites pier-
res menues noires comme du geais arrogées d'vn
bel ordre, auec le champ tout releué de blanc Se
de rouge,qui rendoit à le voir d'embas vne gran-
de clarté; &c au deflus du perron il y auoit des car-
neaux fort mignonnement faits , ouuragez com-
me en limaçons,& auoit pour pied &appuy deux
Indiens de pierre aiïïs, tenans des chandeliers en
leurs mains, &: d'iceux fortoient comme des croi-
fons rcueftus auec les bouts enrichis déplumes
jaulnes & vertes , Se des franges longues de me(-
me. Au dedans du circuitdecefte cour il y auoit
plufïeurs chambres de religieux, & d'autres qui
eftoient au delïùs pour les Preftres Se Papes, (car
ainfî ilsappclloient les fouuerains Preftres qui
feruoient à l'idole. Cefte cour eft fi grande cç il
fpatieufe, qnehuictoudix.rriilperfonnes} dan-
çoienten rondfort à l'aife, Pentrctenas les mains
les vns des autres, qui eftoit vne couftume dont
ils vfoient en ce royaume,ce qui femble chofe in-
croyable, lly auoit quatre portes ou'entreesà
l'Orient,au Ponant,au N ort,& au Midy. De cha-
cune de ces portes fortoit Se commençoit vne
chauffée fort belle de deux à trois lieues de long.
Parquoy il y auoit au milieu du lac où eftoit fon-
dée la cité de Mexique quatre chaulées en croix
fort larges , qui rembelïiilbient beaucoup. Sur
chacun portail ou entrée il f auoit vn dieu ou
idole, ayant le vifage tourné du cofté des chauf-
fées vis-à-vis de la porte de ce temple de Vitziîi-
e iij
HISTOIRE NÀTVRELLE
puztli. Il y auoic traite degrez de trente bralfes
de long , &eftoient feparez de ce circuit de la
cour par vne rue* qui eftoit entr'eux. Au haut de
ces degrez il y auoit vn pourmenoir de trente
pieds de large tout enduit de chaux,au milieu du-
quel pourmenoir fe voyoit vne palhlFade très-
bien faited'arbres fort hauts plantez de rang à
vne brade l'vn de l'autre. Ces arbres edoient fort
gros,& tous percez de petits trous,depuis le pied
iufques au coupeau , ôc y auoit des verges trauer-
fansd'vn arbre à l'autre, aufquelles eftoient tra-
uerfees& enchaifnees plusieurs teftes de morts
parles temples. En chaque vergeily auoit vingt
telles , ôc ces rangs de teftes continuoient depuis
le basiufques au haut des arbres. Cefte pallitîàdc
eftoit iî pleine de ces telles de morts depuis vn
bout iufques àrautre.quec'eftoitvnechofemer-
ueilleufement trifte ôc pleine d'horreur. Les te-
ftes çftoient de ceux qu'ils auoient facrifiez , enr
apres qu'ils eftoient morts , 8c que l'on en auoit
mange la chair,la telle en eftoit apportée & bail
lee aux miniftres du temple , qui les enchailnoict
ainfi, iufques à ce qu'elles tombaient par mor-
ceaux ,& auoient le foin de remplacer celles qui
tomboient par d'autres qu'ils mettoient en leurs
places. Au fommet du temple il y auoit deux
pierres ou chapclles,&:en icelleseftoientles deux
idoles quei'ay dites de Vitzilipuztli,& fon com-
pagnon Tlalot. Ces chapelles eftoient taillées Se
cifelees fort artificieufement , & fi hautes efle-
uees,que pour y monter il y auoit vn efcalliet de
pierre de fîx vingts degrez. Au deuant de ces
chambres ou chapelles il y àuoic vue court de
DES INDES. LIV. V. 220
quarante pieds en quatre , au milieu de laquelle il
yauoic vue pierre haute de cinq paumes, qui e-
ftoit verte & pointue en façon de piramide, 8c
eftoit là pofee pour les facrifiecs des hommes
que l'on y faifoit: Car vn homme eftanr couché
deiîiis à la rëuerfc, elle luy faifoit ployer le corps,
& ainû ils l'ouuroient 8c luy liroient le cœur,
comme iediray cy-apres. Il y auoitenlacité de
Mexique huid ou neuf autres temples comme
celuyque i'aydit, lefquels eftoient attachez &
continuez les vns aux autres dansvn grand cir-
cuit,& auoient leurs degrez particuliers, leur
court, leurs chambres & leurs dortoirs. Les en-
trées des vns «ftoient au Ponant, des autres au
Leuant,des autres au Sud , & celles des autres au
Nort.Tous ces temples eftoient ingenieufemenc
elabourez,&enceints de diuerfes façons de cré-
neaux 8c peintures , aucc beaucoup de figures de
pierres,eftans accompagnez& fortifiez de grands
8c larges efperons. Ils eftoient dédiez àdiuers
dieux,mais après le temple de Vitzilipuztti , fui-
uoitceluy dcTezcalipuca, qui eftoit le dieu de
pénitence & des chaftiemens , fort efleué haut 8c
fort bienbafty. Il y auoit quatre vingts degrez
pourymôter : au haut defquelsfe faifoit vne pla-
nure ou table de fix vingts pieds delarge, &ioi-
gnanticellevne falletapiilee de courtines de di-
uerfes couleurs & ouurages: la porte d'icelle eftac
baife & large, toufiours couuerte dVn voile, 8c
n'y auoit que les preftres feulement qui y pou-
uoient entrer. Tout ce temple eftoit elabouré de
diuerfes tailles 8c effigies auec vne grande curio-
c iiij
HISTOIRE NATVRELLE
fitc , d'autant que ces deux temples eftoient com -
me le? Eglifes cathédrales, Se le refte à leur refpect
comme parroilîes & hermitages , Se eftoient fi
fpacieux Se de tant de chambres , qu'il y auoit en
iceux les minifteres , les collèges , les elcholes Se
les maifons des preftres, dot ie parleray cy-apres.
Cequieftdit peutiuffire pour entendre l'orgueil
du diable, & le mal heur de celle mi (érable na-
tion,qu' auec fi grande defpenfe de leurs biens, de
leurtrauail, &de leurs vies feruoient ainfileur
propre ennemy , qui ne pretendoic d'eux autre
chefe que de deftruireleurs âmes, «Se coniommer
les corps. Ncantmoins ils f en contentoient tort,
ayans opinion en leur fi grande erreur, que c'e-
ftoient de grands Se pui flans dieux que ceux auf-
qucls ils raifoient ces feruices.
De? Vrefires , & de leurs offices.
C H A P. X I II I.
'O Ntrouue entre toutes les nations du mo-
dedes hommes particulièrement dédiez au
feruice du vray Dieu, ou de celuy qui eft faux, lef-
quelsferuentauxfacrifices, Se pour déclarer au
peuple ce quelcursdieux leur commandent. Il y
a eu au Mexique fur ce poinct vne eftrange cu-
riofïté : St le diable voulant contrefaire l'vfage de
l'Eglifede Dieu, a mis en l'ordre de cespreftres
de plus grands ou fuperieurs, & de moindres , les
vns comme Acolytes, Se les autres comme Leui-
tes. Et ce qui m'a plus fait efmerueiller , c'eft que
le diable a voulu vfurperpour foy le feruice de
Chriftj iufques à fe feruir du m.efmg nom : car les
^àâgjSBmaÊÉÊMi
DES INDES. L I V. V. 221
Mexiquains appelloicnt leurs grands preftres en
leur ancienne langue Papas, comme pour ligni-
fier Souuerains Pontifes ,ainfi qu'il appert à pre-
fent par leurs hiftoires. Les Preftres de Vitzili-
puztli fiiccedoient par lignages de certains quar-
tiers de la ville débutez à cet eflfeâ:,& ceux des au-
tres idoles y venoient par efleétio , ou pour auoir
efté offerts au temple dés leur enfance. Le conti-
nuel exercice des Preftres eftoit d'encenfer les
idoles, ce qu'ils faifoient quatre fois durât le iour
naturel. La première à l'aube du iour,la féconde à
midy,la troifiefme au Soleil couchant, Se la qua-
triefmeà minuict. A cefte heure de minuid Ce le-
uoient toutes lesdignitez du temple, & au lieu
de cloches ils fonnoient des buccines,& de grads
cornets, & les autres des fleutes,& fonnoictlong
temps vn Ton triftc,&: après auoir ceux le fon,for«
toit le femainier,veftu d'vne robbe blanche en fa-
çon de Dalmatique,auecl'encenfoirenla main,
plein debrafier qu'il prenoit au foyer, bruflant
continuellement deuant l'autel, en l'autre main
vne bourfe pleine d'encens , lequel il jettoicen
l'encenfoir , Se comme il entroit au lieu où eftoic
ridole,il encëfoit auec beaucoup de reuerencera-
pres il prenoitvn Iinge,duquel il nettoioit l'autel
& les courtines. Cela acheuc ils C'en alloiét tous
enlemble en vne chapelle , & là faifoient certain
genre de pénitence fort rigoureufe &auftere,fe
frappans Se tirans du fang,de la façon que iediray
cy après au Traitté de la pénitence, que le diable
a enfeignceaux fiens, ôc ne failloient iamaisà ces
matinées de minuict. Aucuns autres que les Pre-
ftres ne pouuoient Ce méfier de leurs facrifices, &
HISTOIRE NATVRELLE
chacun d'eux fyeniployoit félon leur dignité Se
degré. Ils prefehoient mefme le peuple en certai-
nes feftes , comme nous dirons, quand ie traitre-
rayd'icelies.IlsauoientduL'eiienUj&leurfaifoit-
on des offrandes abondammët. le dirayey- après
de l'on&ion dont ils vfoient à confacrer les Pre-
ftres. Au Perules preftreseftoient fubftantez Se
entretenus du rcuenu & des héritages de leur
dieu, qu'ils appelloient Chacaras,lefquels eftoiet
en grand nombre, Se bien riches.
Des monafleres des vierges que le diable
innenta pour fon feruice.
c H A P. xv.
?Omme laviereligieufe (de laquelle plu-
fieurs feruiteurs Se feruantes de Dieu ont
iaitprofeflion en lafaincle Eglife , à l'imitation
de Iefus-Chrift Se de Ces fiinCts Apoftres) eft vue
chofe fiagreableaux yeux de la diuine Majefté,
par laquelle fonfainct nomeft tant honoré, Se
fon Eglife embellie: Ainfîle père de menfonge
Peft efforcé de l'imiter Se contrefaire en cela, voi-
re comme debatre aucc Dieu de l'oblèruance Se,
aufterité de vie de Ces miniftres. Il y auoit au Peru
plufiturs monaftetes de vierges (car d'autre qua- \
lité elles n'y eftoient point receucs) & pour le
moins y en auoit vn en chaque prouince. Il yl
auoit en ces monafteres deux fortes de femmes,]
les vues anciennes, qu'ils appelloient Mamaco-
mas, pourl'inftrnction Se enfeignementdesieu-i
nés :5c les autres eftoient deieunes filles defti-j
necs la pour vn certain temps , puis après l'on ksi
DES INDES. LI V. V.
Z 11
tiroit de là pour leurs Dieux, ou pour l'Ingua. y
Usappelloientcefte maifonoumonafteie Aclla-'
guagi,quieftàdiremaifondechoifies. Chaque
monaftere auoit fou vicaire ou gouuenieur nom-
me Appopanaca, lequel attoit la puiflance & li-
berté de choifir toures celles qu'il vouloir de
quelque qualité qu'elles fullent, eftans au defTouz
de huict ans, fi elles leur fembloient de bonne
taille Se difpofition.Ces fîUes ainfi enferrées dans
ces monafteres eftoient endoctrinées par les Ma-
macomas endiuerfes chofes necelfaires pour la
vie humaine, &auxcouftumes &ceremoniesde
leurs Dieux, ¶presilsles tiroieut delàeftas
audeiïus de quatorze ans,& lesenuoyoient en la
courauec bonne garde, vne partie defquellese-
ftoient députées pour leruir aux Guacas& fan-
clruaires , con feruans perpétuellement leur virgi-
nité , ^ne partie pour les facnfices ordinaires
qu'ils faifoient de pucelles,& autres facrifices ex-
traordinaires qui fe faifoient pour le fàlut , la
mort, ou les guerres de l'Ingua,& vne partie mef-
me pour leruir de femmes Se de concubines à
flngiia, Se à d'autres fiens parens Se capitaines
aulquelsillesdonnoit,qui leur eftoit vne grande
& honorable recompenfe: &cedepartement fe
faifoitpar chacun an. Ces monafteres auoient
6c poiïedoient en propre des héritages , rentes
Se reuenus pourl'entrctien, nourricure Se fuften-
tation de ces vierges qui y eftoient en grand
nombre. Il n'eftoit point licite à vn père de
faire refus de bailler fes filles lors que l'Appo-
panaca les demandoitpour les enferrer & met-
tre en ces monafteres , voire plufieurs offroienx
HISTOIRE NATVRFT, LE
leurs filles de leur bonne volonté, leur fcmblant
que c'eftoitvn grand mérite pour elles d'eftrela-
crifices pour l'îngua. Si l'on trouuoit que quel-
ques vns de ces Mamacomas ou Aclias euftfailly
contre Ton honneur, c'eftoit vn ineuitable chafti-
ment de les enterrer toutes viues , ou de les faire
mourir par vn autre genre Je cruel fupplicc. Le
diableaeumcfmeen Mexique la façon & maniè-
re de rehgieufes,encor que leur profellion ne fuft
de plus d vn an entier & cftoit en cefte forte. Au
dedans de ce grand circuit que nous auons dit cy
deflus , quieitoitau temple principal, il y auoir
deux mailbns comme clauitrales vis à vis l'vnede
rautrejl'vne d'hommes & l'autres de femmes. En
celle des femmes il y auoit feulement despucelles
de douze à treize ans,lefquelles ils appelloient les
filles de pénitence; Elles eftoientautant comme
les hommeSjViuoient en challeté & règle comme
pucelles,dedicesauferuicedeleur Dieu. L'exerci-
ce qu'elles auoienteftoiede nettoyer & bailler le
temple , & apprefter chaque matin à manger à l'i-
dole & àfesminiftres de l'aumofneque recueil -
loîent les religieux. La viande qu'ils appredoient
àHdoleeftoitdcs petits pains en figure de mains
& depieds,commedumaiie-pain,&appreitoiëc
auec ce pain de certaines faulfes qu'ils mettoient
chaqueiourau deuant de l'idole , & les preftres le
Daniel,^. mançeoient comme ceux de B.ial, que conte Da-
niel. Ces filles auoient les cheueux coupez, & les
lairtbiét croiftre par après iufqu'à quelque temps:
ellesfeleuoientàminuicl aux matines de l'idole,
qu'ils celebroient tous les iours, faifans lesmefc
m es exercices que les religieux Ils âuoieac leurs
DES INDES. LIV. V. 223
Abbefles qui les occupoient à faire des toiles de
diuerfes façons pour l'ornement de leurs idoles
& des temples. Leur habir ordinaire eftcit tout
blanc (ans aucun ouurage ny couleur. Elles fai-
foient aufli leurs pénitences à minuicl,fe facri-
flansen febleilant elles meimes ,& feperçans le
bout des oreilles, & mcttasenleursioiieslefang
qu'elles en tiroient, & par après felauoient pour
; oftcrceiang en vn petit eftangqui eftoit dedans
leur monaitere. Elles viuoient en grande honne-
fteté&difcretid&s'ilfe trouuoitque quelquVne
eutfailly,quoy cjuecefuft légèrement inconti-
nent elle eftoitmife à mort fansremi/Iïon,difants
qu'elleauoitviplélamaifondeleur Dieu. Ils te-
uoient pour vn augure & aduertiflemét que quel-
qu'vn de ces religieux ou religieufes auoient fait
faute quand ils voyoient pafTer quelque ratou
fouris , ou chauue-lburisenla chappelledcleur
idole, ou qu'ils auoient rongé quelques voiles:
pour ce qu'ils clifoientquc le rat ouchauue-fouris
nefefuft point hazardé à faire vne telle indignité,
ii quelque delicl: n'euft. précédé, &deflorscom-
mençoient à faire inquifitiô & recherchedu fait,
puisayant defcouuei t le délinquant ou delinquâ-
te, de quelque qualité qu'il fuit , incontinent le
faifoient mourir. En cemonafteren'eftoientre-
ceiies que les filles de l'vn des fîx quartiers qui
eftoient nommez pour ceft efïedt , & duroit cette
profeffion , comme il a eue dit, l'efpace d'vn an
entier,pendant lequel Ieursperes où ellcsauoicnt
fait vœu de feruir l'idole en cefte façon,& de là el-
les iortoienr pour fe marier. Ces pucelles de Me-*
xique , & encor plus celles du Peru » auoient
HISTOIRE NATVRELLE
quelque relfemblance auec les vierges Veftales
de Pvome , comme racontent les hiftoires , afin
que l'on entende comme le diable a eu le defir
d'cftrefcruy de gens qui gardent virginité, non
pas que la netteté luy agrée, car de foy il eft efprit
immonde, mais pour le defir qu'il a d'ofter au
grand Dieu félon fon pouuoir cefte gloire de fe
ieruir de netteté & intégrité.
Des Dlonajlcres de ]\eligicux que le diable
a riaient c\ pour la fnpcrjîition.
CM A P. XVI.
^*On cognoiltalfez parles lettres des Pères
£fe de nollrc compagnie , eferites du lappon, le
nombre & la multitude des Religieux qu'il y a en
ces prouinces , lefquels ils appellent Boncos, Se
meime leurs couftumes ,{uperfti don <8cmen fon-
des. Quelques pères qui ont eftéen cespaysra-
contentdecesboi:cos,cV religieux de la Chine,
diiàns qu'il y en a de plufieursordres,&dediucr-
(es fortes.que les vus les vindrent voir veftus d'vn
habit blanc, portans des bonnets, Se les autres,
d'vn habit noir , ians cheueux & fans bonnet , Se
que ces religieux ordinairement font peu efti-
mcz,&les Mandarins, ou minillresdeiufticelesj
foiiettent comme ils font le refte du peuple. Ils
rbntprofefïïon de ne point manger de chair, nv
de poUfon, ny dechofe aucune ayant vie, ains
feulement du ris , Se des herbes , mais en feeret ils
mangent de tout,& font pires que lecommun
peuple. Ilsdifentqueles religieux qui font en la
cour, qui eft en Paquiri, fout forceftimez. Les
jjmt
mak"'
DES INDES. tIV. V. 214
Mandarins vont ordinairement fe recréer aux
Narelles,ou monafteres de ces moines , & en re-
tournent prefque toujours yures. Ces monafte-
res font ordinairement hors des villes , Se ont de-
dans leur enclos des temples: Toutesfois ils font
peu curieux en la Chine des idoles, ou des tem-
ples, car les Mandarins font peu d'eftat des ido-
les, ôc les tiennent pour vue chofe vaine & digne
de ri fee , voire ne croyent pas qu'il y aitau tre vie
ny autre Paradis ,qued'eftreen office de Manda-
rin, ny d'autre enfer, que les prifons qu'ils don-
nent aux delinquans. Quant au vulgaire, ils ii-
fent qu'il eft necellaire de l'entretenir par l'ido-
lâtrie, commemeimclePhilofophel'enfeigneà
fesgouucrneurs.Etaeftéenl'Efcriturevneexcu-
fe que donna Aaron de l'idole du veau qu'il auoit rfrifi.u.
fait faire. Neantmoins les Chinois ont accouftu- MetaP^-
sné de porter aux pouppesdeleurs nauires,ende xo '*'"
petites chappelles vue pucelle en bolfe affife
en fa chaire auec deux Chinois au deuant d'elle
agenouillez en façon d'Anges, & y ade la lumiè-
re ardente de iour ôc denuict. Etquandils doi-
uent fairevoile, ilsluy font plufieurs facnfîces
& cérémonies , auec vn grand bruit de tambours
Se de cloches, jettans des papiersbruflans parla
pouppe. Venans donc aux Religieux, ie ne fça-
che point qu'au Peruily ait eu maifon propre
d'hommes retirez outre leurs preftres , & for-
ciers, dont y en a vne infinité. Maisç'aeftéen
Mexique , où il fembleque lediableaitmis vne
propre obferuance: Car il y auoit au circuit du
grand temple deux Monafteres , comme i'ay dit
cy-deirusjl'vn dépucelles, dequoyi'ay traitté,
HISTOIRE NATVRELLE
& l'autre de ieunes hommes reclus de dix-huicta
vingt ans, lefquels ils appclloient Religieux. Ils
portoient vnecourône en la telle comme les frè-
res de par deçà, les cheueux vnpeu plus longs,
quileurtomboientjiufquesàmoytiéderoreillc,
excepté que au derrière de la cefte, ils les lailïbien t
croiftre quatre doigts de large qui leur defeen-
doiétfurlescfpaulles,& les trouH'oient&accom-
modoiét par trèfles. Ces ieunes gens qui feruoicc
autempledeVitzilipuztli, viuoicnten pauureté,
& chafteté, 8c failoient l'office de Leuites , admi-
niftransaux preftres, 8c dignitez du Temple, l'en-
cenioi^le'luminaire, & les veftemens. Ils bal-
lioient, & netcoyoïët les lieux facrez, apportas du
bois afin qu'il brullaft tôuhours, aubrafier, ou
fouyerdu Dieu , qui eftoic comme vnc lampe qui
ardoir continuellement deuant 1 autel del'idole.
Outre ces ieunes hommes ,il y auoit d'autres pe-
tits garçons qui eftoient comme nouices,qui fer-
uoieutauxchofes manuelles , comme eftoit d'ac-
commoder le Temple de rameaux,rofes,&ioncs,
dôner l'eauë à lauer aux preftres, bailler les raioirs
pourfacrifier,& aller auec ceux qui demandoient
l'aumofnepour la porter. Tous ceux cyauoient
leurs fupericurs , qui auoient la charge & le com-
mandement fur eux ; 3c viuoientauec vne telle
honnefte)té,que quand ils fortoient en public , où
il y auoit des femmes, ils alloient toufiours les te-
lles fort baillées, les yeux en terre , fans les o/èq
hauffèr pour les regarder. Ils auoient pour vefi ci-
ment des linceuxdered, 8c leur eftoitpermis ùci
fortir par la Cité quatre à quatre , cV fix à lix pou a
aller demander l'aumouie aux quartiers. Etquàdl
l'ofl
ygg.
"Sâlâai
DES INDES. LI V. V. 21$
l'on ne leur ladonnoit , ilsauoienc licence d'al-
ler aux grains des champs,& cueillir les efpics de
pain,ou gi apetes deMays qu'ils auoiët de befein,
fans que le maillre en olaft parler , ny les empef-
cher. llsauoient cette licence pour ce qu'ils vi-
uoienc pauurement , & n'auoient autre reuenu
que l'aumofne. Ils ne pouuoient eftre plus de
cinquante , & s'exerçoient en pénitence, fe le-
uans à minuit à fonner des cornets & buccines,
pourelueiller le peuple. Ils faifoient chacun leur
quart à veiller l'idole j de peur que le feu de de-
uat l'autel ne s'eftaignit. Ils adminiftroiet en l'en-
cenioir , auec lequel les preftres encenioient l'i-
dole à minuit, aumatin,àmidy,&aufoir. Ils e-
(loiec fort fubietscV obeillans à leurs fuperieurs,&
n'outrepafloient pas d'vn poinet ce qu'ils leur cô-
madoient.Et après qu'à minuit les preftres auoiéc
achcué d'encenfer,ccux cy s'en alloient en vn lieu
fecret& efearté, &. facrifioient fe tiransdufang
des mollets auec des pointes dures & aiguës. Ec
de ce fang qu'ils titoient ainli ils s'en frottoienc
les templesjiufqucs au deflous de l'oreille, & ayâs
acheuéees facrifïces ils s'en alloient incontinent
fe lauer en vn petit eftang, deftiné à cet effed.Ces
icunes gens ne fe oignoiet point d'aucun betum,
par la telle ny par le corps , comme faifoient les
preftres, & leurs veftemens eftoient d'vne toile,
qu'ils font làfortrude,& blanche. Cet exercice &
afpreté des pénitences leur duroit vn an entier,
| auquel ils viuoientaueç beaucoup d'aufterité , &
I de folitude. C'eft à la vérité vne chofe eftrange,
[ que la faulfe opinion de religion, a tant de force à
I l'endroit de ces ieunes hommes & filles de Mexi-
(
HISTOIRE NATVRELLE
que, qu'ils vont feruans le diable auec tant de ri-
gueur & d'aufterité : ce que plufïeurs de nous au-
tresnefaifons pas au ieruice du très haut Dieu,
qui eftvne grand' honte & confufion pour ceux
d'entreles noftres qui le glorifient d'auoit fait vn
bien peu de pénitence, combien que l'exercice
de ces Mexiquains n'eft pas perpétuel , mais d'vn
an feulement,ce qui leur eftoit plus tolerable.
Des pénitences, & de l'auflcrite dont les Indiens ont
yféà la perfuafion du diable.
CHAP. XVII.
V i s que nous fommes venus à ce poinct,il
fera bon, tant pour defcouurir le maudit or-
gueil de Satan, comme pour confondre 5c ref-
ueiller quelque peu noftre lafcheté & froideur au
feruice du grand Dieu, que nous difions quelque
chofe des rigueurs & pénitences eftranges que
cefte miferable gent faifoit par laperfualïon du
3' e^'1 ' diable, comme les faux prophètes de Baal qui fe
blefïbient&frapoient auec des lancettes,& fe ti-
roieraedu fang,& comme ceux qui facrifioient
?fal. 105. Jeurs fils & filles au faleBelphegor,& lespalîoiét
■4-R*g;-ii- par lefeujfelon que tefmoigncnt les diuines let-
tres : car Satan a toufiours defiré d'étiré feruy au
grand dommage & defpens des hommes. Il a elle
defîa.dit comme les preftres &c religieux de Mexi-
que fe leuoientàminuict, tk ayans encenfc de-
uantridolc,commedignitez du temple, ils l'en
alloientenvn lieuaiïez large où il y auoit beau-
coup de cierges, & là i'afïèoient , 8c prenans cha-
cun vne pointe demanguey, qui eft comme vue
DES INDES. LIV. V. Il6
alefne,ou poinçon aigu, aueclefquellcs, ou aucc
autres forces de lancettes ou ra(birs ils fc pei-
gnoient & perçoicnt le mollet des jambes, joi-
gnant ToSjfe tirans beaucoup de iang.auec lequel
ilsi'oignoientparles temples, &mettoiét trem-
per ces pointes ou lancettes dedans le relie du
iang, puis après les mettoient aux créneaux de la
court fichez en des globes , ou boulles de paille,
afin que tous veillent & cogneullcnt la pénitence
qu'ils fai (oient pour le peuple. Ilsielauent Se
nettoyétcefangen vn lac député pour cet erTect,
qu'ils appellent Ezapangué , qui ell à dire eau'é de
iang : ôc y auoit au temple vn grand nombre de
ces pointes & lancettes, parce qu'ils ncpouuoiec
faire feruir vne deux fois. Outre celaces preftres
tSc religieux faifoient de grands ieulnes, comme
de ieulner cinq & dix iours fuiuans deuant qucl-
qu'vne de leurs grandes telles, & leur eiloient ces
iours comme nos quatre temps: ils gardoient fi
eftroitement la continence , que quelques- vns
d'eux pour ne tomber en quelque (enfualité, le
fendoient les membres virils par le milieu,& fai-
foient mil chofes , pour fe rendre impui(Tans,afm
de n'offenfer point leursdieux. Ils nebeuuoienc
point de vin, &dormoicnt fort peu , poureeque
laplus-part de leurs exercices eiloient de nuict,
ôc commettoient fur eux-mefmes de grandes
cruautez, femartyrifans pourlediable, le tout
afin qu'ils fuMent reputez grands ieufneurs & pe-
nitens. Ilsauoient accouftumé de fe discipliner
auec des cordes pleines de nœuds, & non pas
eux feulement, mais encore le peuple fai foit ce-
, lie macération & fuftigationenla procefliv" &
m
HISTOIRE KATVRELLE
fefte,qu'ilsfaifoient à l'idole Tezcalipuca,quei'ay
ditcy deifuseftrele Dieu de pénitence. Car alors
ils portoient tous à leurs mains des cordes neuf-
uesdefil demanguey , d'vnebraffadclong ,auec
vn nœud au bout , & d'icellesiis fe fuftigeoyenc
s'en donnans de grands coups par les elpaulles.
Les preftres ieufnoycnt cinq iours fuiuans , auant
cefte fefte,mangeans vne feule fois le iour,& fe te-
noiét feparez de leurs femmes,fans lonir du tem-
plc,pendant ces cinq iours lefoiïettans rigoureu-
sement auecles ordres fufdittcs. Les lettres des
pères de la compagnie de Iefus, qu'ils ont efentes
des Indes,traittent amplement despenitences, 8c
excefliues rigueurs, dont vfent les Boncos , encor
que le tout y aiteftéfophiftiqué,& qu'il y ait plus
d'apparence que de vérité. Au Peru pour fblemni-
fer la fefte de l'Yta , qui eftoit grande, tout le peu-
ple ieiffnoit deux iours,durant lefquels ils ne tou-
choient point à leurs femmes , ny ne mangeoient
aucune viande auec du fel,& d'ail, ny ncbeuuoiet
point de Chica.Ilsvfoicnt beaucoup de cefte fa-
çon de ieuf ner, pour certains péchez , ck faifoient
pénitence en fe foiiettans auec des orties fort af-
pres. Ettantoft s'entrefrappans plusieurs coups
par les efpaules d'vne certaine pierre en quelques
endroits. Cefte gent aueuglèe par la periuafion du
Diable, fe tranfportoit en des Sierres ou monta-
gnes fort afpres, où quelquesfois ils fe facrifioient
eux mefmes/c précipitas du haut en bas de quel-
que haut rocher, qui font toutes embufehes de
tromperies de celuy qui ne defire rien tant , que le
dommage & perdition des hommes.
DES INDES. 1IV. V.
227
Des facrifices que les Indiens faifsient m dixblc^ &
de quelles chofes.
CHAP. XVIII.
('A efté en l'abondance & diuerfité d'offran-
îdes & facrifices, enlèignez aux infidelles
pour leur idolâtrie , que l'ennemy de Dieu & des
hommes a plus demonftré Ton aftuce & fa mef-
chanceté. Et comme ceffc vnechofeconuenable,
&proprcdelareligion,deconfommerlaiubftan*
ce des creatures,au feruice & à l'hôneur du Crea-
teur,qui eft le lacrifice : ainfi le père de menfonge
a inuenté de Te faire offrir & facrifier.les créatures
de Dieu, comme à Faucheur Se feigneur d'icelles.
Le premier genre de facrifices, duquel les hom-
mes ont vfe,a efté fort fimple.Car Cain offrit des
fruits de la terre, Se Abeldu meilleur de fonbe-
ftail,ceque firent aufîi depuis Noé, Abraham ,& Gentf. 15
les autres Patriarches , iufqucs à ce que ceft ample
cérémonial du Leuitique,ait]eftc donné par Moy-
fe,auquelily a tant de fortes & différences de fa-
crifices,pour diuers affaires,de diuerfes chofes, Se
auec diuerfes cérémonies. De la mefme façon il
s'eft contenté entre quelques nations de leur en.
fcigaet qu'ils luy facrifiadent de ce qu'ils auoienc:
mais enuers d'autres il a pafi'é fi outre,en leur don-
nant vne multitude decouftumes, Se deceremo-
nieSjfur les facrifices, Se tantd'obferuances,qu'el-
les font cfmerueillables. Et femble clairement,
que par là il vueille débattre , Se s'efealler à la loy
ancienne, &en beaucoup de choies vfurperfes
propres cérémonies. Nous pouuons réduire en
f iij
aSaS* &?*«?
m
HISTOIRE NATVRELLE
trois genres de fàcrifices tous ceux dont vfent les
infidèles ,les vnesdes choies infenfibles,les au-
tres d'animaux, & les autres d'hommes. Ils anoicc
accouftuméau Perudelàcrifier du Coca, qui eft
vne herbe qu'ils eftiment beaucoup, Se du mays,
qui eft leur bled, des plumes de couleurs , 8c du
Chaquira,qu'ils appellent autrement Viollo,des
couches ou huiftres de mer , 8c quelques foi s de
l'or&:derargent,quieftoitaucune$foisen figu-
res de petits animaux. Melmedelafineeftofrede
Cumbi , du bois taillé , 8c odoriférant , & le plus
ordinairement du fnif bruflè. ïls faifoient ces of-
frandes ou (acrifices pourobtenir desventspro-
piecs , 8c vu bon temps , ou pour la fanté & deli-
urance de quelques dangers ou malheurs. Aufe-
cod genre, leur ordinaire facri fice eltoit de cuyes,
qui font de petits animaux comme petits con-
nils,que les Indiens mangent ordinairement. Et
en choies d'importance, ou quand c'eftoict quel-
ques perfonnes riches, ils offroient des Pacos,
ou moutons du pays , rez ou velus , &c prenoient
garde fort curieufementaunombre,aux couleurs
&au temps. Lafaçon de tuer quelconque vicli-
me, grande ou petite, dont vfoient les Indiens fé-
lon leurs cérémonies anciennes , eft la mefme de
laquelle vientauiourd'huy les Mores, qu'ilsap
f>elient Alquiblé, qui eft de prendre la belle fut
e bras droit, &luy tourner les yeux vers le So-
leil, difanc certaines paroles, félon la qualitéde
la victime que l'on tué: Car fielleeftoitde cou-
leur, les paroles faddreiïoientauChuquilla, Se
Tonnerre, afin qu'il n'y euftdifette d'eaux: fï el-
le eltoit blanche ôc ralç3ils l'offraient auSoleil
DES INDES. LIV. V. 21$
auec certaines paroles , fi elle eftoit velue ils l'of-
froienc aufli auec d'autres , afin qu'il donnaft fa
lumière, &fuft propice à la génération: Ci c'eftoic
vn guanaco , qui eft de couleur grife , ils addref-
foient lefacrificeau Viracocha. AuCufco Ton
tuoit&facrifioit chacun an auec cefte cérémo-
nie, vn mouton rezau Soleil,&Ie brufloientve-
ftu d'vnechemifollerouge,& lors qu'il brufloir,
ils jettoient au feu certains petits panniers de co-
ca,qu'ils appelloienc Vilcaronca, pour lequel fa-
crifice ils auoient des hommes députez & du be -
ftail,qui ne feruoit à autre chofe. Ils lacrifioient
mefme des petits oifeaux, encor que celanefuft
pas Ci fréquent au Peru comme en Mexique, ou
le facnfice des cailles eftoit fort ordinaire. Ceux
du Peru facrifioient des oifeaux de la Puna (ainfi
appellent-ils le defert ) quand ils deuoient aller à
laguerrepourfairediminuer les forces des Gua-
cas de leurs contraires. Ilsappelloient cesfacri-
fices Cuzcouicça,ou Conteuicça , ou Huallauic-
ça, ouSopauicça,&le faifoienten cefte forme.
Ils prenoient plufieurs fortes de petits oifeaux
du defert, & ailembloient beaucoup d'vnbois
efpmeux,qu'ils appellent Yanlli,lequel eftant al-
lumé,airembloient ces petits oifeaux. Cet aiîem-
blement eftoit appelle Quico, puis les jettoienc
au feu ,au tour duquel alloient les officiers du fa-
crifice, auec certaines pierres rondes & cottel-
lees, où eftoient peintes plufieurs couleuures,
lions , crapaux , & tygres, proferans ce mot V fa-
chum,qui fignifie la victoire nous foit donnée, Se
autres paroles. En quoy ils difoient que les forces
de Guacas de leurs ennemis fe perdoiet,& tiroiét
f iiij
HISTOIRE NATVRELLE
certains moutons noirs, qui eftoient enprifon
quelques iours fans manger,lefquels ils appelloict
Vrca,&enlestuans,difoientccs paroles, comme
les cœurs de ces animaux font arïoiblis^infi fbiet
affoiblis nos contraires : que s'ils voyoient en ces
raoutons,qu'vne certaine chair qui eftoit derriè-
re le coeur, ne fefuft point eôfommeeparlesieuf-
nes&prifons paiTees,ils les tenoiétpour vnmau-
uais augure. Ilsamenoienr certains chiens noirs,
qu'ils appelloient Appuros,&les tuoient,lesieu
tans en vnc plaine auec certaines cérémonies, fai
fans manger cefte chair à quelques fortes d'hom-
mes, lefquelsfacrificesilsfaifoient, de peur que
Mngua ne fuft offenfc auec du poifon , Se pour cet
effet ils ieufnoient depuis le matin iufques au le-
uer des eftoilles,& lors ils fe faoulIoient& fe hon-
niffoient à la façon des Mores. Ce facrificeleur
eftoit le plus côuenable,pour f'oppofer aux Dieux
de leurs contraires, & combien que pour le iour-
d'huy vne grand' partie de ces coultumes ayent
ceux, les guerres ayans prins fin, toutesfoisilen
eft demeuré encor quelques reftes , pour loccaiio
desdifputes particulières ou communes desln-
diens,ou des Caciques, ou d'entre les villes. Ils fa-
crifioient & offroient aulîî des conches de la mer,
qu'ils appellent M ollo,& les offroient aux fontai-
nes & foarces,difans queles conchgseftoient fil-
les de la mer, mère de toutes les eaux. Ils donnent
à ces conches des nomsdiffercns,felôlacouleur}
& s'enfeructaudi àdiuerfes fins. Ils en vient pref-
que en toutes fortes de facrifices,& encorauiour-
d'huy quelques vns mettent des conches pillées
dedansleuL"Chica,parluperftition. Finalement il
DES INDES. LIV. V. 22?
leur fembloit conuenable d'offrir facrifice de tout
ce qu'ils femoient & efleuoient.Ily auok des In-
diens députez pour faire ces faciificeSjaux fontai-
nes,fources & ruilTeaux , qui palîoient par les vil-
les^ ou par leurs Chacias, qui font leurs meftai-
ries,&lesfaiioient , après auoiracheué leurs fe-
mailles,afin qu'ils ne ce (Ta fient de courir,& qu'ils
arroufafîent coufiours leurs héritages. Les for-
ciersietroient leur fort pour cognoiftre le temps
auquel les facrifices fe deuoient faire , lcfqucls
eftâsacheuezj'onafîembloic delacôtribution du
pcuple,ce que l'on deuoit facrifier, & les bailloit-
on à ceux qui auoient la charge de faire ces facrifi -
ces. Ilslesfaifoientau commencement de l'Hy-
uer,quieft lors quelesfontaines,fources3&riuie-
res croifTent pour l'humidité du temps,& eux l'at-
tribuoiet àleurs facrifices. Us ne facrifioiet point
aux fotaines &fources des deierts.Auioud'huy de-
meure encor entre eux le relpccl: qu'ils auoiet aux
fontaines, fources, eftangs, ruiflfeaux, ou riuieres,
qui pafTent par les villes,& Chacras, mefmes auffi
aux fontaines & riuieresdes defers.lls font parti-
culière reuerenec Se vénération à la rencontre de
deux riuieres,& là fe lauent pour la fantc,s'oignas
premièrement auec de la farine de mays, ouauec
autres chofes , en y adiouftanr diuerfes ceremo-
nies,ce qu'ils font mcfme en leurs baings.
Des facrifices d'hommes qu ils faïf oient.
CHAP. XIX.
&& \ plus pitoyable mef-auanture de ce pauurc
^àpeuple,eftle valîellagequilspaioient audia-
HISTOIRE NATVR.ELLE
ble, luy facrifiant des hommes, qui font les ima-
ges de Dieu, &: ont eftë créez pour iouir de Dieu.
En beaucoup de nations ils auoientaccouftnrm-
de tuer pour accompagner les defuncts, comme
a efté dit cy-defTu$,les perfonnes qui leur cttoien t
les plusagreableSj&dequiilsimaginoient qu'il
fe pourroient mieux feruir en l'autre monde.
Outre cède occafion , ils auoien t accouftumé au
Peru defacrifierdes eufans de quatre ou fix ans3
iufquesàdix,&: la plus-part de ces facriiïces e-
ftoient pour les affaires qui importoient àl'In-
gua , comme en les maladies , pour luy enuoyet
!anté,mcfme quand il alloit en guerre,pour la vi-
ctoire, Se quand ils donnoient au nouueau Ingua
le bourrelet, quieftlaifeigoedu Roy, comme
fonticy le feeptre Se la couronne. En cefte fo-
lemuité ils facrihoient le nombre de deux cents
enfaus&^quarre à dix ans, qui eftoitvn cruel 5c
inhumain fpectacle. La faço de les facrifier elloic
de les noyer & enterrer auec certaines reprefen-
tations Se cérémonies , tantoft ils leur coupoient
latcfte,&'Poignoientauec leur fàngd'vneoreii-
leen l'autre. Us facrihoient mefme des filles.du
nombre de celles qu'on amenoit àl'lngua, des
monafteres dont i'ay traitté cy-ddïus. Il y auoir
en ce cas vn abus fort grand & fort gênerai, qui
eftoitque fi quelque Indien qualifié , ou du vul-
gaire, eftoit malades, & le deuin luy difoit que
pour certain il deuoit mourir, ils facrihoient au;
Soleil , ou au Viracocha , fon fils , le priant de (e
contenter d'iceluy, Se qu'il nevouluft ofter la vie,
au pere. C'eft vne femblable cruauté à celle que
iâppo^e l'Efcriturc , dont vfa le Rcy de Moab,;
DES INDES. LIV. V. 230
en facrifiant Ton fils premier né fur la muraille , à 4-K.'£ î* '
la v»ei.i'ë de ceux d'Kraël , aufquels cet acte fembla
fi trille, qu'ils ne voulurent pasleprerTerd'auan-
;age, &ain(îi;en retournèrent en leurs maifons.
L'Eicriture raconte aufli le melmc genre de fa-
crifice auoir elle en v fage entre les nations barba-
res des Cananeans& Iebufeans,&: les autres dont
eferic leliuredeSapience. Ils appellent paix de vi- Saf> lx
toc en fi grands maux, &fi griefs, comme de[acrifîer c. 1^.
leurs propres fis , on de faire a' autres [acrifices cache\y
un dcveiller toute lanuicî, faifans aHcs défais t& ainji
ils 71c cardent point netteté en leur vie , ny en leurs ?na-
riagesytnaisl'vnparenuie ofle la vie à tautrey l'autreluy
0 fie fa femme , & fort contentement , <& tout y efi encon-
fufion, Icfan^, l'homicide^ le larcin, la tromperie , la cor-
ruption , l'infidélité , les [éditions , les pariuremens , les
mutineries , l'oubltancedcDicn , la contamination des
âmes Je changement de [exey& de naiffancejmconjlan-
ce des mariages > le defordre de l'adultcre,& ordure. Car
f idolâtrie efi vn ahyfme de tous maux. Le Sage dit ce-
la de ces peuples , defqucls Dauid fc plaint, que Pfil io$.
ceuxd'Ifraelaprmndrent telles coultumes, iuf-
ques à facrifier leurs fils & filles,au diable. Ce que
iamais Dieu n'a voulu, Scneluyapoint ellcag-
greable. Car comme il a efté autheur de la vie , Se
qu'il a fait toutes ces autres chofes pour la com-
modité de rhomrrve, il ne fe plaid point que les
hommes f'oftentlavieles vnsaux autres. Bien
que le Seigneur ait approuué Se accepté lavo-
lonté du fidèle Patriarche Abraham, il ne con-
fentit pas pourtant au faict , qui eftoit de couper
la telle à fon fils. En quoy l'on void la malice Se
tyrannie du diable, quia voulu en cela fnrpaiTer
HISTOIRE NATVRILLE
Dieu, prenant plaifir d'eltre adoré auec eflfuno de
fang humain,5c procurant par ce moyen la perdi-
tion des ames & des corps enfemble5pour la hai-
ne enragée qu'il porce à l:homme , comme Ton
cruel aduerfaire.
Des horribles facrific es d'hommes, dont yfoient les
Tâexiquains.
CHAI». XX.
ÇV(5 A ç o i t que ceux du Pcru ayét furpade ceux
SJfâde Mexique en l'occifion & facrificc de leurs
enfans, (car ie n'ay point leu ny entendu que les
Mcxiquains vfàtïent de tels faciifices ) toutesfois
ceux deMexique les ont furpa(Iez,voirc toutes les
nations du monde , au grand nombre d'hommes
qu'ils facrifioient, & en la racon horrible qu'ils le
faifoict.Et afin que l'on voye le grand malheur en-
quoy le diable tenoit ce peuple aueuglé , ie racô-
teray par le menu l'vfagc & façô inhumaine qu'ils
auoient en cela,Premierementles hommes qu'ils
facnfïoient,eftoientprms en guerre. Et ne failoiét
point ces folemnels facri tîccs , fi ce n'eftoit de ca-
f>tifs,de forte qu'il femble qu'en cela ils ontfuyui
e ftile des anciens. Car ielô que veulent dire cer- !
tains Autheurs,pour celte occafion ils appelloict
lefacrifice vifltima , d'autant que c'eftoit dechofe
vaincue : comme mefme ils l'appelloicnt hofltd
quafiab hoflc, pource que c'eftoit vne offrande fai I
te de leurs ennemis, combien que l'on ait accom -
mode ce mot à toutes fortes de facrifices. A la vé-
rité les Mexiquains ne facrifioient point à leurs1
idoies que leurs captifs, <$cn'eitoicntics ordinal-
D E S IN D ES. LI V. V. 23 I
res guerres qu'ils faifoient, que pour auoir des ca-
ptifs pour les îacrifices. C'cft pourquoy quand les
vns& ks autres le battoient,ilstafchoientdepie-
drevifs leurs contraires , &dene les tuer point,
pouriouyrde leurs facnfices.Eteeftefutlaraifon
que donna Morecurhaau Marquis du Val, quind
il luy dcmanda,pourquoy eftant fi puiiîant,&ayât
eonquefté tant de Royaumes , il n'auoit pas iub-
iugé la prouince de Tlafcalla, qui eftoit fi proche.
Motecuma refpondità cela, que pour deux cau-
Ces il n'auoit pas eonquefté cette prouince, com-
bien qu'il luy euft elle fi facile s'ill'euft voulu en-
treprédie.l'vne pour auoir enquoy exercer la icu~
neil'e Mexiquaine , de peur qu'elle ne fe nourrift.
en oifiueté & delicateiie;& l'autre & principale,
qu'il aueit referuë cette prouince,pour auoir d'où
tirer des captifs pour facrifier à leurs Dieux. La fa-
çon donr ils vioientences facrifiecs eftoit qu'ils
atrembloiét en cette palliftàdc des teftes de morts,
qui a eftédittecy dellus, ceux qui deuoienteftre
facnficz,& faifoit l'on auec eux aux pieds de cette
palhfiade vne ceremonie,qui eftoit qu'ils les met-
toient tous arrangez au pied de cefte pallifïade
auec beaucoup d'hommes de garde qui les entou-
roient, Incontinent fortoit vn preftre vettu d'vne
aube courte pleine deflocquons ou houpetees
parle bas, & defeendoit du haut du temple auec
vne idole faiâe de patte debled & mays amalîc
auec miel, qui auoit les yeux de grains de voirre
vert, & les dents de grains de mays, & defeendoit
auec toute la viftefle qu'il pouuoitlesdegrezdu
temple en bas : Se montoit par dellus vne grande
pierre qui eftoit fichée en vne forte haute terralTc
^H
HISTOIRE NATVRILLE
au milieu de la court. Cette pierre fappelloic
Quauxicalli,qui veut dire la pierre de l'Aiglc.ck y
montoiclepreftreparvn petit efcallier qui eftoit
au deuau t de la terralle,& defeendoit par vu autre
qui eftoit en l'autre cofté,touf.outs embrailànc
ion idole. Puis montoitau lieu où eftoieut ceux
que l'on deuoit facrifier, & depuis vnbout iuf-
ques à l'autre alloit monftrant cette idole à vn
chacun d'eux en particulier, leur dilant : Ceftuy
eftvoftre dieu. Etenacheuant demonftrerde£-
cendoit par l'autre cofté des degrez , &c tons ceux
qui deuoient mourir l'en alloienten proceffion
iufquesaulieu où ils deuoient ettre facrifiez, &c
là trouuoientapprettez les miniftres qui les de-
uoient lacrifier. La fncon ordinaire de facrifier
>
eftoit d'ouurir l'eftomach à celuy qu'ils iacri-
fioient, après luy auoir tiré le cœur encor àdemy
vif, ils jettoient l'homme & le failoient rouler
par les degrez du temple, lefquels eftoient tous
baignez & fouillez de ce fang. Et afin de le faire
entendre plus particulierement,fix facrificateurs
conftituez en cefte dignité , fortoient au lie*idu
facrifice, quatre pour tenir les mains & les pieds
de celuy que l'on deuoit facrifier: l'autre pour te-
nir la tefte , & l'autre pour ouurir l'eftomach , &c
tirer le cœur du facrifié. Ils appelloient ceux-là
Chachalmua,quien noftre langag vaut autant
queminiftre de chofe facree. C'eftoit vne dignité
fuprefme ëc beaucoup eftimee eritr'eux , où l'on
hericoit & iucecdoit comme en vne chofe de
mayorafque ou fief. Le miniftre qui auoit l'office
de tuer,qui eftoit le fixiefme d'iceux,eftoit cftimé
& honoré comme fouuerain preftre & Pontife,le
mm
DES INDES. LIV..V. . 1$1
nom duquel eftoit différend, félon la différence
des temps & folemnitez.Toutdemefmecftoienc
leurs habits différends quand ils fortoien t à exer-
cer leur office, fclo la diuerfîté de temps. Le nom
de leur dignité elloit Papa & Topilzin,lcur habic
8c robe eftoit vne courtine rouge en façô de Dal-
matiqueauec des honpesau bas, vne couronne
de riches plumes verdes, blanches & jaulneslur
la tefte,& aux oreilles comme des pendants d'or,
aulquelsyauoic des^pierres vertes enchalfecs, 8c
au deffous de la leure joignant le milieu de la bar-
beauoit vne pièce comme vn petit canon d'vnc
pieceazuree. Ceslix facrificateurs venoientles
vifages & les maiiu ointes d'vn noir fort luiiant.
Les cinq autres auoient vne cheueleure fort crel-
puë&entortilleeauecdeslifetsdecuir, defquels
ils font ceints par le milieu delà telle ,& portans
au front de petites rondelles de papier peintes
de diuerfes couleurs , & eftoient veftus d'vnc
Dalmatique blanche ouureedc noir. Ilsrepre-
fentoientauec cet ornement la mefme figure du
diable: de forte que cela donnoit crainte & tre-
meur à toutle peuple delesvoir fortir auec vne
fi horrible reprefentation. Le fouuerain preftre
portoit en la main vn grand coufteau d'vn cail-
lou fort large 8c aigu, vn autre preftre portoit
vn collier de bois, ouuré en façon d'vne cou-
leuure. Tous fix fe mettoient en ordre joi-
gnant cefte pierre pyramidallc, dclaqueilc i'ay
parle cy-deuant , eftant vis à vis de la porte
de la chappelle de l'idole. Celle pierre eftoit fi
pointue , que l'homme qui deuoit eftre facri-
fic,eftanc couché deffusà la îemjerfc, fe plioic
^H
HISTOIRE NATVRELLE
de- telle façon qu'en luy lailîantfeulemët tomber
le coufteau fur l'eftomach, fort facilement il s'ou-
uroit pat le milieu. Apres que ces lacrifîcateurs
eftoient mis en ordre , Ton droit tous ceux qui
auoienc efté prins es guerres , lesquels deuoient
eftrc (acrifiez eh celte fefte. Etcftans fortaccom-
Î>agnezdhommespourla garde & tousnuds^'on
es faifoic monter de ranç ces larges devrez au lieu
où eftoient appareillez les miniftres : & comme
chacun d'eux venoiten fon ordre,les fix Sacrifica-
teurs le prenoientl'vn par vn pied, l'autre par vn
autre Tvn par vne main, & l'autre par l'autre , & le
ieteoient à la renuerle fur cefte pierre pointue, où
Iecinquiefme de ces miniftres luymettoit le col-
lier de bois au col, & le grand preftre luy ouuroit
l'eftomachauec le coufteau d'vne eftrangeprom-
ptitude&legereté,luy arrachant le cœur auec les
mainSj&lemonftroitainli fumant auSoleil,à qui
il offroit cefte chaleur & fumeédecœur,& incô-
tinent fetournoit vers l'idole, & luy iettoitau vi-
iage, puis ils iettoient le corps du facrifié, le rou-
lant par les degrez du temple fort facilemét,pour
ce que la pierre eftoit mile fi proche des degrez
qu'il n'y auoitpas deux pieds d'efpace entre la
pierre & le premier<degrc.;de forte que d'vn fëul
coup de pied ils iettoient les corps du haut en bas.
De cefte façôilsfacrifioiétvnàvn tous ceux qui y
eftoient deftinez,cV après qu'ils eftoient morts, &
que l'on auoit ietté les corps en bas, leurs maiftres*
ouceuxquilesauoient prins les alloient relcuer,
& les emportaient, puis après les ayans départis,
entre eux ils les mangeoient celebrans leur fefte;
&folemnicc. II y auoit toufiours pour le moins;
quarante
^^^H
aofg.
DES INDES. L1V. V. 1$ 3
quarante ou cinquante de ces facrifiez , pource
qu'il y auoitdcs hommes fort adroits à les pren-
dre. Les nations circonuoifines en faifoientautat,
iumans les M exiqua'ins en leurs couftumes & cé-
rémonies furlefcruicedes Dieux.
D' vne autre forte de facrifiecs d'bommes,dont
■ yjbittit les THcxicjuains.
C H A P. XXI.
^f^Lyauoitvne autre forte de facrifices qu'ils
Sé& failbient en diuerfes fefles, lefquels ils appel-
loient Racaxipe V eliztli , qui eft autant qu'efeor-
chement de pcrfbnncs. L'on l'appelle ainii, pour-
ce qu'en certaines feues ils prenoient vn ou plu-
iieurs eiclaucs j (eion le nombre qu'ils vouloient,
& après l'auoir efeorché en reueftoient de la peau
vn homme qui eftoic député à ceil cffeôt. Ceftuy-
là s'en alioit par toutes les maifons & marchez de
la Cité, dançant& ballant , & luy deuoienttous
offrir quelque chofe,& Ci quelqu vn ne luyofFroit
rien , il le frappoit d'vn coing de la peau au vifage,
le fouillant decefang rigéquiy eitoit. Ceftcin-
uentionduroitiufquesàce que le cuir fecorrorrt-
pift3 pendant lequel temps ceux quialloienrainiî
alîembloient beaucoup d'aumoîhes qu'ilz em-
ployoiencauxchofesnecelîairespourlcferuicede
leurs Dieux. En beaucoup de ces feftes ils faifoicc
vn deffy entre celuy qui iacrifioitj&celuy qui de-
uoiteftre facrifié, en cefte forme. Ilsattachoient
l'efclaue par vnpiedàvne grande roue de pierre,
& luy bailloient vne efpee ôc vne rondelle aux
mains afin qu'il fe deffendift;& fortoitincôtinent;
m
HISTOIRE NATVRELLE
celuyqui ledeuoit facrifierarmé d'vne autre ef-
pee & rondelle:que fi ccluy qui dcuoic eftre fàcri-
fié fc deffendoit vaillammenc contre l'autre , &c
l'empefchGît, il demeuroit exempt & deliurédu
fàcrifice , acquérant le nom de Capitaine fameux,
& comme tel eftoit du depuis entendu : mais s'il
eftoit vaincu ils le facrifioient en la mefme pierre
où il eftoit attaché. C'eftoit vn autre genre de fà-
crifice quand ils dedioient quelque efclaue pour
eftrela reprefentation de l'idole, &diioientque
c'eftoit fa reffemblance. Ils donnoient aux pre-
ftrespar chacun an vn efclaue, afin qu'il n'y euft
iamais faute de la fëmblace vifue de l'idole.Et in-
continent qu'il entroit en l'office après qu'il eftoit
bienlaué ilsleveftoientde tous les habits cVor-
nemens de l'idole , luy donnans fon mefme nom.
Il eftoit toute l'année reueré & honoré comme le
mefme idole, &auoittoufiours auec luy douze
hommes de garde, de peur qu'il ne s'enfuift , auec
laquelle garde l'on le laifïoit aller librement, où il
vouloit.& fi d'auanture il s'enfuioit ,1e chef de la
garde eftoit mis en fon lieu, pour reprefenterl'i-
dole,&apres eftre facrifié.Cet Indien auoit le plus
honorable logis de tout le Temple, où il man-
geoit & beuuoit, & où tous les principaux le vc-
noientferuir & honorer > luyapportans à man-
ger , auec Tordre & appareil que l'on fait aux
grands. Quad il fortoit parmy les rues de la Cite,
ilalloit fort accompagné de feigneurs , & portoit
vne petite flufte en la main , qu'il touchait de foisj
à autre,pour faire entedre quil pafîoit. Et inc5ti-j
nent les femmes (ortoient auec leurs petits enfan*
çn leurs bras , & lesluyprefentoient, lefaliuns
DES INDU. LIV. V. 234
corne Dieu. Tout le refte du peuple en faifoit au-
tantills le mettoiét de nuict en vnc forteprîso3ou
cage,de peur qu'il ne s'e allaft,iufques à ce que ar-
riuât la fefteils le facrifioientjCôme i'ay dit cy def-
fus. Par ces façons, & beaucoup d'autres le diable
abufoit , & entretenoit ces pauures miierables , Se
eftbit telle la multitude de ceux quieftoict facri-
nezparcefte infernalle cruauté, qu'il femble que
ce foitchofe incroyable: Car ils afferment qu'il y
en auoit quelques foisplus de cinq mil, & que tel
iour s'eft paiîé , qu'ils en ont facriné plus de vinge
milendiuers endroits.Le diable vfoit,pour entre,
tenir ceûe tuerie d'hômesjd'vneplaifante &eftrâ-
ge inuention, qui eftoit , que quand il plaifoit aux
preftres de Satâ,ils alloiét aux Rois,& leur decla-
roient corne leurs dieux femouroient de faim, &
qu'ils eullent mémoire d'eux. Incontinet les Rois
s'appareilloict,& aduertillbient les vns les autres»
que les dieux demandoient à mâger,partant qu'ils
commadaflem au peuple , de fe tenir preft d venir
à la guerre,& ain ii le peuple allemblé>& les com-
pagnies ordonnées ils fortoientaux champs, où
ils allèmbloien t leur armée , & toute leur difpute
& combat, eftoit de fe prendre les vns les autres
pour facrifkr, tafehans de fe faire paroiftre tant
d'vncoftê que d'autre, en amenant le plus de ca-
ptifs pour le facrifice -, tellement qu'en ces batail-
les,ils tafehoient plus à s'entre-prendre,qu'à s'en-
tretuer , pource que tout leur but eftoit d'amener
des hommes vifs , pour donner à manger à leurs
idoles , qui eftoit la façon , par laquelle ils appor-
taient les victimes à leurs Dieux^ Et doit-on fça-
uoir qae iamais Roy n'eftcùt couronc, qu'au preal-
HISTOIRE NATVRELLE
lable il n'euft fubiugué quelque prouincc de la-
quelle il amenaft vn grand nôbre de captifs, pour
les facrifices de leurs dieux , & ainfi par tous
moyens, c'eftoit choie infinie,que le fang humain
que l'on efpandoit en l'honneur de Satan.
Comme défia les Indiens csioicnt lajjc^ , & nepoutment
pins fouffrir la cruauté de leurs dieux.
c H A P. XXII.
ftg L V s i e v r s de ces barbares eftoient'dclia
[|3 laffez& ennuyez d'vne fi excelhue cruauté, à
efpandretantde (ang d'hommes, & du tribut li
ennuyeux d'ellre touiiours en peine de gaignei
des captifs, pour lanouiiture de leurs Dieux, leur
femblant vne chofe infupportable. Et ncacmoins
ils ne lailïbient defuyure 6: exécuter leurs rigou-
reufes loix,pour la grand' crainte que les minrilres
des idoles leur donnoient de leur collé , & par les
rufc.saueclefquellesils tcnoientce peuple en er-
reur;Mais en l'intérieur ils defiroient allez de le
voir libre d'vne lipezante charge. Ltfut vne gran-
de prouidence de Dieu, que les premiers cjuileur
donnèrent la coçnoillance de la loy de Chrift, ics
trouuallent en celte dilpontion ; pource que lans
doute, ce leur fcmblavne bonne loy , & vn bon
Dieu,qui vouloir cllre feruy de celle façon. Sur ce
propos me côtoitvn religieux graueen laneufue
Efpagne, que quand il fut en ce royaume ilauoic
demandé àvn ancien Indien, homme de qualité,
comment les Indiens auoient fitollreceu la loy
de k(us-Chrift,& laitier la leur,fans faire d'auan-
tagcdepreuuc^'eirayjnydedifputefuricellcjcar
D ES INDES. LIV. V. 235
ilfembloic qu'ils s'eftoient changez fansyauoir
eftcefmcus par raifonfuffiiante. L'Indien reipon-
dit; Ne croy point père, que nousprenions fiin-
confîderement la loy de Chiift, comme tu dis,
pource que ie t'appres, que nous eftions défia laf-
fez, Se mefeontens des chofes que les idoles nous
commandoient, & que nous auions défia parlé de
les lailîcr,& de prendre vne autre loy. Et comme
nous trouuifmes que celle que vous nous pref-
chiez, n'auoit point de cruautez, & qu'elle nous
eftoit conuenable,iu(le, & bonne, nous entendif-
mes.& creufmes,que c'eftoit la vraye loy, &ain(î
nous la receufmes fort volontairement.Larefpo-
ce de ceft Indiep s'accorde bien auec ce que l'on
lit aux premiers difeours que Hernand Cortés
enuoya à l'EmpereurCharles le quint,où il racon-
te, que apres auoir conquefté laCitédeMexic-
que,eftant en Cuyoacan, luy vindrent des ambaf-
fadeurs de la republicque Se prouince de Mecho-
achan , demandans qu'il leur enuoiaft fa loy , Se
qu'il la leur apprilt & fift entendre, pour autant
qu'ils pretendoient de laifler la leur , qui ne leur
fembloit pas bonne , ce que leur accorda Cortés,
Se auiourd'huy font les meilleurs Indiens, Se plus
vrais Chrefticnsquifoientenla neufue Efpagne.
Les Efpagnols qui virent ces cruels facnhees
d'hommes , fe déterminèrent d'employer toute
leur puilîance à deftruire vn fi deteftable,&: mau-
dit carnage d'liommes,& d'autant plus qu'ils vei-
rent vn foîr deuant leurs yeux facrifier , foixante,
ou foixante Se dix foldats Efpagnols, quiauoient
efte piins en vne bataille, qui fe donna fur la con-
quefté de Mexicque 3 Se vne autre fois trouuercnt
H
HISTOIRE NATVRELI, E
efcrit de charbon , en vne chambre en Tezcu-
fco , ces mots , Icy fufi prifonnicr , v» rc/ malheu-
reux3 Mtec fes compagnons , ^«c <mv */i? Te^cufeo f.t-
enfierent. Il aduint mefme à ce propos , vn cas
fort effrange, & neantmoins véritable , ayant edé
rapporté par perfonnes dignes de foy , & fut que
les Efpagnols regardans vn fpectacle de ces facri-
fîces, & comme ils auoient ouuert& tiré le cœur
àvn ieune homme fort difpos, l'ayant ietté, &
fait rouler du haut en bas des degrez comme
eftoitleur couftume quand il vint en bas dit aux
Espagnols en (a langue, Cheualiiers ils m'ont tué,
cequiefmeut grandement les noftres d'horreur,
& de pitié. Etn'eft point chofe incroyable, que
Galen ny tl eeftuy là , ayant le cœur arraché , ait peu parler,
de Htppoc. attendu que Galien raconte qu'il eft arriuc plu-
es?* pi**™ /îeurs fois aux facrifices des animaux , après leur
piactt. c .4. auo jr tjr£ |e cœur se ietté fur l'autel , que les ani-
maux refpiroient , voire bramoient & cryoienc
hautement , mefme couroient quelque temps.
Laiflans maintenant celle queftion , comme il
foit pofîïble que cela puifleeftre par nature , ie
pourfuiuray mon intention , qui eft de faire voir,
combien ces barbares abhorroient défia cefte in-
fupportableferuitude , qu'ils auoiét à l'homicide
infernal, & combien grande a efté la mifericorde
que le Seigneur leur a faicte, en leur communi-
quant fa loy douce , & du tout aggreable.
^^^-^
mm
DES INDES. LI V. V.
23S
Comme le diable s'eft efforcé d'enfuyure, & de con-
t trefaire lesftcrements de lafain&c Eglifc.
CH A P. XXV.
5 E qui eft le plus efmerueillable de l'cnuie
<Sc prefomption de Satan, eft qu'il ait contre'
fait non feulement en l'idolâtrie & facrifices,mais
aufîïen certaines cérémonies, noz Sacrements,
que Iefus-Chrift , noftre Seigneur à inftituez,
Se defquels vfe la fain&e Eglife , ayant fpecial-
ment prétendu imiter en quelque façon le fà-
crement de communion, (qui eft le plus haut, &
leplusdiuindetous) pour le grand erreur des in»
fidelles qui y procedoient de ccfte manière. Au
premier moys qu'au Peru ils appellent Raymé, &
refpond à noftre Décembre , fefaifoit vnetres-
folemnelle fefte,appellee Capacrayme, & en icel-
le fe faifoient beaucoup de facrifices,& cérémo-
nies, qui duroient plusieurs iours, pendant les-
quels nul forain, ou eftranger ne fe pouuoit trou-
uer en la cour, qui eftoiten Cufco. Ces iours
eitants paftcz, ils donnoient congé & licence aux
eftrangcrs d'entrer, afin qu'ils participaient à la
fcfte , & aux facrifices , leur communiant en cefte
forme. Les Mamacomas du Soleil , qui cftoient
comme religieufes du Soleil, faifoient de petits
pains de farine de Mays , teinte & paiftrie auee
le fang des moutons blancs qu'ils facrifioient ce
iour là , incontinent ils commandoient que tous
les forains des prouinces entraient, lefquclsfe
mettoient en ordre, & les preftres quieftoient
de certain lignage 3 defeendans de Liuquiyupan-
HISTOIRE NATVRLLE
gui,donnoient à chacun vn morceau de css petit3
pains, leur disants qu'ils leur donnoient ces riior-
ceaux} afin qu'ils fuiïcntconfedcrcz, & rnisauec
l'In^ua,& qu'ils les aduifoient,qu'ils ne diflenc ny
peniaflenc,nial contre l'Ingua,mais qu'ils luy por-
raflent toufiours bonne affection , poureeque ce
morceau feroittefmoing de leur intention, & vo-
lonté,que s'ils faifoient ce qu'ils dtbuoient, il les
defcouuriroit, &£eroit contre eux. L'on portoit
ces petits pains en de grands plats d'or,& d'argër,
qui eftoiét deftinez pour cet effed , & tous rece-
uoient , & mançeoient ces morceaux remercians
infiniment le Soleil d'vne iï grande grâce qu'il
leur faifoit,difans des paroles,& faifans des fignes
d'vn grand contetement & deuotion : Proteftans
qu'en leur vie, ils ne feroient, ny penferoient
chofe contre le Soleil, ny contre l'Ingua, & qu'a-
ueccefte condition ils receuoientce manger du
Soleil, & qae ce manger demeureroit en leurs
corps, pour tefmoignage de la fidélité qu'ils gai -
doientau Solcil,&àl'Ingualeur Roy.Cefte façon
de communier diaboliquement fefaifoit mefme
au dixiefme mois appelle Coyarayme , quieftok
Septembre,en la feftefolemrielle,qu'ils appellent
Cy tua, faifant la mefme cérémonie, & outre ce-
tte communion , ( s'il eft permis d'vfer de ce mot,
en chofe diabolique) qu'ils faifoient à tous ceux
qui venoient de dehors;ils enuoioient auiïi de ces
pains,en tous les guacas , fan&uaires ou idoles de
tout le royaume, & tout en vn mefme temps s'y
trouuoientdes perfonnesde tous codez > qui ve~
noient exprès pour les receuoir ,aufquels ilsdi-
foienccnleur baillant, que le Sclciileurenuoioit
DES INDES. LIV. V. 237
cela en fîgne qu'il vouloit que tous le veneraflent
& honora(rcnt,& en enuoyoiëtmefme par hon-
neur aux Caciques. Quelcun parauanture tien-
dra cecy pour fable 8c inuention , mais pourtant
c'eft vnechofetres-veritable ,que depuis Ingua
Yupangi (qnieftceluy qui a fait plus deloix,de
couftumes & cérémonies, comme Numa à Ro-
me) dura cède manière de communion , iufques
à ce que l'Euangile de noftre Seigneur Iefus-
Chrift mit hors toutes ces fuperftitios, leur don-
nant levray manger de vie qui conferue&: vnic
lésâmes auec Dieu. Qui voudra f'en fatisfaire
pl'us amplement, life la relation que le licentié
PoloefcriuitàrArcheuefque des Rois, Dom Ie-
ronimo de Loay fa , où il trouuera cecy , & beau-
coup d'autres chofes qu'il a defcouuertes 8c ap-
prouuees par fa grande diligence.
De la façon que le diable fefl efforce de contrefaire en
Mexique lafcfle an [aine 1 Sacrement & com-
munion dont yfc la [aincle Eglifc.
chAP. xxiiii.
5E sera chofe encor plus efmerueillable
43 d'ouir parler de la fefte 8z folemnitéde la
communion, que lemefmc diable prince d'or-
gueil ordonna en Mexique, laquelle (bien qu'el-
le foitvn peu longue) il ne fera mal à propos de
raconter, félon qu'elle eft eferiteparperfonnes
dignes de foy. Les Mexiquainsfaifoientaumois
de May leur principale fefte de leur dieu Vitzili-
puztli, &deux iours auparauant cefte fefte, ces
HIlcs dont i'ay parlé cy • defTus.qui eftoient reclu-
HISTOIRE NATVRELLE
les au mefme Temple, & eftoient comme reli •
gieufes,moulloient vne quantité defemencede
blettes , auecdu Maysrofty, & après qu'il eftoit
moulu le paifti'iiïbient 5c amafïbic-t auec du miel,
&faifoient de ceftepaftevn idole, de la mefme
grâdcur qu'eftoit celuy de bois,luy mettas au lieu
des yeux,des grains de verre vert'azurez ou blacs,
& au lieu des dcnts,des grains de Mays, affis auec
tout l'ornement, & appareil que i'ay dit cy defîus.
Apres qu'il eftoit du toutacheué , tous les Sei-
gneurs venoient,&:luy apportoient vn veftement
exquis , & riche , tout femblable à celuy de l'ido
le,duquelils le veftoient. Et après l'auoir ainfi ve-
ftu 6c orné , ils l'alleoient en vn efeabeau azuré,
&furvn branchard pour le porter fur lesefpau-
les. Le matin de la fefte venu , vne heure auant le
iour fortoient toutes ces filles veftues deblanp,
auec des ornements tous neufs, lefquelleseftoict
appellees ce iour là Sœur du Dieu Vitzilipuztli.
Elles venoient couronnées de guirlandes de mays
rofty Se creuaffé , reflemblant azahar ou fleur d'o-
renge, &c portoient en leur col de grottes chaifhes
de mefme, qui leur palfoient en efcharpe,par def-
foubsle bras gauche. Elles eftoient colorées de
vermeillon , par les ioiies , ôc auoient les bras de-
puis les couldes iufques aux poings couucrts de
plumes rouges de perroquets,& ainfi ornées elles
prenoient l'idole fur leurs efpaulles , le tirans , &
portans en la cour où eftoient défia tous les ieu-
nes hommes, veftus d'habits faits d'vn redarti-i
ficieux, eftans couronnez de la mefme façon que;
les femmes. Lors que ces filles fortoient aues
l'idole, les ieunes hommes s'approchoient auec
DES INDES. LIV. V. 2$8
beaucoup dereuerence,&prenoientlalitiere,ou
bracard,où eftoit l'idole fur leurs efpaules, la por-
tas au pied des degrez du Temple, où touc le peu-
ple s'humilioit, & prenant de la terre de l'aire , fe
la mettoit furlatefte , qui eftoit vne cérémonie
ordinaire,qu'ils obferuoient entre eux , aux prin-
cipales feftes de leurs dieux.Cefte cérémonie fai-
te3tout le peuple fortoit en proce(ïïon,auec toute
la diligence & légèreté, qui leur eftoit pofîible,
& alloient à vne montaigne, qui eftoit à vne lieiie
delà Cité de Mexique , appellee Chapultepec,
Se là faifoient vne ftation& desfacrifices. Incon-
tinent ils partoientde làauec la mefme diligen-
ce,pour aller en vn lieu proche de là , qu'ils appel-
aient At^lacuyauaya , où ils faifoient la féconde
ftation , &delà alloient en vn autre bourg vne
lieuëplus outre, qui (e dit Cuyoaquan, d'où ils
partoient, retournans en la cité de Mexique, fans
faire aucune autre ftation. Ils faifoient ce che-
min de plus de quatre lieues, en trois ou quatre
heures, &appelloient cette proceffion , Y payna
Vitzilipuztli,qui veut dire le vifte,& diligent che-
min de Vitzilipuztli. Arriuezaupieddes degrez
ils mettoientbas le brancard de l'idole , cVpre-
noientde groffes cordes qu'ils attachoietaux bras
du brancard, puis auec beaucoup de diferetion &
de reuerence,ils montoient la litière auec l'idole,
au fommet du Temple, les vns tirans d'enhaut,3c
les autres leur aydans d'embas , cependant l'on
n'entedoit retentir que le fon des ftuftes, des buc-
çines,descornets,& des tambours quifonnoient.
Ils le montoient decefte façon, d'autant que les
degrez du Temple eftoient fort roides & eftroits,
HISTOIRE NATVRELLE
& l'efcallier fort large , tellement qu'ils n'y pou-
noient monter cefte li&icre fur leurs efpaules,
Pendant qu'ils montoiet cefte idole , tout le peu-
pleeftoit en la court auec beaucoup de reueren-
cc,& de crainte. Apres qu'il eftoit monté iufques
au haut, & qu'on l'auoit mis en vne petite loge
de rofes,qu'ils luytenoientappreft.ee , incontinct
venoientlesieunes hommes, lefquels femoient
8c refpandoient beaucoup de fleurs dediuerfes
couleurs, dont ils remplilîoient tout le temple
dedans 8c dehors. Cela fait toutes les filles for-
toient auec l'ornement fufdit , 8c apportoient de
leur conuent des tronçons ou morceaux depafte
compofee de blettes, & demaysrofty , quieftoit
delà mefme pafte dequoy l'idole eftoit fait 8c cô-
f>ofé,&: eftoiét en forme de grands os. Ils les bail-
oientauxieunes hommes, lefquels ils portoient
en haut,les m et tan s aux pieds de l'idole , dont ils
rempli{îbienttoutlelieu,iufquesàcequ'iln'yen
peuft entrer dauantage. Ils appelloient les tron-
çons de pafte, les os & chair de Vitzilipuztli. Ec
ayansainfi eftendu ces os,au(ïï toftvenoient tous
les anciens du temple, preftres,leuites , 8c tout le
reftedes miniftres, félon leurs dignitez &anti-
quirez (car il y auoit entr'eux furcepoinctvne
belle règle 8c ordonnance, 8c venoient les vns a-
pres les autres auec leurs voiles de red , de diuer-
ies couleurs 8c ouurages, félon la dignité 8c office
d'vn chacun, ayans des guirlandes en leurs teftes, j
&dcs chaines de fleurs pendues au col. Apresi
euxvenoientlesdieux&deefles qu'ils adoroienc
en diuerfes figures,veftus delamefmeliuree,puis]
fe mettans en ordre autour de ces tronçons &:<
DESINDES. LIV. V. Z}9
morceaux de pafte, faifoient certaine cérémonie
en chantant & ballant fur iceux. An moyen de-
quoy ilsdemeuroient bénits Se confacrezpour
la chair Se os de cède idole. La cérémonie &c bé-
nédiction de ces tronçons de pafte, par laquelle
îlseftoient tenus Se eftimez pour os Cv chair de
l'Idole, eftantacheuee , ils honoroient ces mor-
ceaux de la mcfme manière que leur dieu. Puis
iortoient les Sacrificateurs qui commenço'ent le*
facrifice d'hommes, en la façon qu'il a eftc dit cy-
deiiùs,&en(acrifioit-onen ceioui là plus grand
nombre qu'en nulantre.pour-autantquec'eftok
la feftela plus lolemnelle qu'ils enflent. Les facri-
fices cftans achez , fortoiët tout aufîi toft tous les
ieunes hommes & filles du temple, ornez com-
me il a eue dit:& après i'eftre mis en ordre ScC'c-
ftre rangez les vns vis-à-vis des autres,ils balloict
Se dançoient au Ton du tambour qu'on leur fon-
noit en loiiange de la folemnité &de l'idole qu'ils
celebroient. Auquel chant tous les ieigneurs an-
ciens,& les plus notablesleurrefpondoienr, bal-
lans à l'entour d'iceux , & faifans vn grand cercle
comme ils ont de couftume , demeuras toufiours
les ieunes hommes & filles au milieu. A ce beau
ipectaclc venoit toute la cité, ôcauoit vn com-
mandement fort diligemment obferuéen celle
terre, que le iour de l'idole Vitzilipuztli , ion ne
dcuoit manger autre viande que cçfte pafte em-
miellée dequoy l'idole eftoit fait. Et cette viande
h deuoit manger incontinent au poind du iour,
8c ne deuoit- on boire d'eaue ny aucune autre
chofe après iufques après midy, &tenoientque
c cftoit^vn mauuais augure, voire facrilege que
HISTOIRE NATVRELLE
défaire le contraire: maisapres les cérémonies
acheuces il leur eftoit permis de manger toute au-
tre choie. Pendant le temps de cefte cérémonie
ils cachoient Peaiïe aux petits enfans,adueniilans
tous ceux qui auoiec l'vlagederaifondeneboire
point d'eaûe,que s'ils le faifoiet, l'ire de Dieu vié-
droitfureux,& mourroient,ce qu'ils obferuoient
fort diligemment & rigoureufement. Lescere-
monies,bal & faciificesacheuez, ils s'en alloient
tous defpoiiiller , & les preftres 8c dignitez du
temple prenoient l'idole de pafte, lequel ils def-
pouilloient de ces ornemens qu'il auoit, & fai-
îoient plufieurs morceaux , tant de ceft idole mef
me , que de ces tronçons qui eftoient confacrez,
puis après il lesdepartoient au peuple en forme
de Communion, commençans aux plus grands,
& continuans aurefte, tanthommes, femmes,
que petits enfans , lefquels les receuoient auec
tant de pleurs , de crainte & de reuerence , que
c'eftoit vne chofe admirable, difans qu'ils man-
geoient la chair & les os de Dieu,dequoy ils fe
tenoient indignes. Ceux qui auoient des malades
cndemandoientpoureux,&lcurportoientauec
beaucoup de reuerence & vénération. Tous ceux
qui comniunioient demeuroient obligez de dô-
ner le difme de celle femence ou grain , dequoy
eftoit fait l'idole. Lafolemnitéde la Cômunion
eftant acheuee,vn vieillard eje beaucoup d'autho-
rite1 montoit furvn lieu eminent, & d'vne voix
haute prefehoit leur loy & leurs cérémonies. Qui
ne s'eimerueillera donc que le diable ait eftè iï
curieux de fe faire adorer ôcreceuoir en la façon
que îesvs-Ckrist noftre Dieu a ordonné &
DES INDES. LIV. V. 240
enfeigné , Se comme la faincte Eglife a accouftu-
mc^Par cela certes, Ton voie clairement vérifié ce
quia eftépropoféau commencement, que Satan
tafche & s'efforce tant qu'il peut d'vfurper Se de
defrober pour foy l'honneur & feruice qui eft deu
à Dieu feul , encor qu'il y méfie toujours ics cru-
autez& ordures, pource que c'eftvnefprit d'ho-
micide Se d'immondicité,& père de menfonge.
Des Coîjfejjcars & de lu Confcfîion dont
y f oient les Indiens.
CHAP. XXV.
fôjE père de menfonge a voulu mcfme contre-
i®fairelefacrementdeCôfeiïion,& enfesido-
latries fe faire honorer aucc des cérémonies fort
femblables à l'vfage des fidèles. Au Peru ils auoiet
opinion , que toutes les maladies & aduerfîtez
leur venoient pour les péchez qu'ils auoient faits,
Se pour remède ils vfoient de facrifices , & outre
cela fe confefïbient mcfme verbalement prefque
en toutes lesprouinces , Se auoient àa confef-
feurs députez pour cet e£fe<5t , des fuperieurs,
Se d'autres quileureftoient inférieurs : cVyauoit
des péchez referuezaufuperieur. Ils receuoient
des pénitences, voire quelques fois tres-rigou-
reufes: & principalement quand le pécheur eftoit
quelque pauurc homme , qui n'auoit que don-
ner au Confefîcur,& eftoit cet office de Confef.
feur mefme exercé par les femmes. L'vfage de ces
Confeffeurs forciers , qu'ils appellent Y chuiri
ou Ychuri, a efte leplusvniucrfèlés prouinces
de Collafuio. Ils ont vue opinion que c'eft vn
HISTOIRE NATVRELLE
énorme péché d'en celer en la conreffion quel-
qu'vn qu'ils ayenc commis. Ec les Ychurisou
Conrdleurs defcouuroient fi l'on leur en celoit
par des forts, ou par le regard delacourroye de
quelque animal, & les chaftioient en leur donnât
vn nombre de coups d'vnepierre fur les efpauîes,
iufquesàce qu'ils cuifènt tout defeouuert, puis
après luy donnoient vnc penuence,& faifoient le
facrifice. Ilsfeferuentmefmedecefteconfeflion
quand leurs enfans, leurs femmes, leurs maris ou
leurs Caciques (ont malades, ou qu'ils font en
quelques grands trauaux. Ec quand l'Ingua eftoïc
malade,toutes les protiinces fe confeiïoiét, prin-
cipalemct ceux de la prouince de Collao. Les co-
feiieuis eltoiêc obligez de tenir fecrettes les con-
fefîïôs qu'ils receuoient,(ïnô en certains cas limi-
tez. Les péchez defquels principalement ils fecô-
rcuoiét , eLloit le premier de tuer l'vn l'autre hors
la guèrre:en aptes de defrober,de prendre la fem-
me d'autruy , de donner du poif on ou lorcellcrie
pour faire mal, Se tenoient pour vn grier péché
de f'oublier à la reuerence de leurs guacas ou cha-
pelles,de ne garder point les feftes, dédire mal de
l'Ingua, de ne luy obeyr point. Ils ne facculoient
point d'acles & péchez intérieurs, mais félon le
rapport de quelques preilrcs , depuis que les
Chreftiens vindrentencepays , ils l'acculèrent
aulïïà leurs Ychuris &: confelleurs de leurs peïi-
fees. L'Ingua ne confelîoit les péchez à nul hom-
me,mais feulement au Soleil, afin qu'il les dift au
Viracocha, & qu'il les luy pardonnait. Apres que
l'Ingua f eftoit confelTé , il faifoit vn certain bain
pouracheuer de fe nettoyer en vneriniere cou-
rante.
^K
DES INDES. IIV. V. 2.41
rantc,difant ces paroles.Tayditmes péchez auSo*
leil,toy riuiere recoy les, & les porte à la mer , où
i3maisilsnc puifïènt paroiftre. Les autres qui fe
confeflbientvfoientmefmemctdecesbainsjauec
certaines cérémonies fort femblables à celles
dont les Mores vfent auiourd'huy, qu'ils appel-
lent Guadoy , & les Indiens les appellent Opacu-
na. Etquandilarriuoità quelque homme que Tes
enfans luy mouroicnt, il eftoit tenu pour vn grâd
pécheur, & luy difoicnt que c'eftoit pour fes pé-
chez que le fils eftoit mort premier que le père.
C'eft pourquoy ceux à qui cela arriuoit , après
qu'ils s'eftoient confefTez, ils eftoient baignez en
ce bain appelle Opacuna , comme ilaeftéditcy
dc(îus:puis quelque Indien monftrueux , comiqe
bolTu $C contrefait de nature, les venoit fouetter
âuec certaines orties. Si les Sorciers ou enchan-
teurs par leurs forts ou augures , afFermoient que
quelque malade deuoit mourir, le malade ne fai-
foit point de difficulté de tuer fon propre fils , en-
cor qu'il n'en euft point d'autres, efperant par ce
moyen fe fauuer de la mort, & difan t qu'au lieu de
luy il offroit fon fils en facrificc.Et depuis qu'il y a
desChrcfliensen celle terre , cefte cruauté a efté
encor exercée en quelques endroits. C'eft à la vé-
rité vne chofe eftrange, que cefte coufturae de
confcflèrles péchez fecrets,foit demeurée fi long
temps, &"de faire de fi rigoureufes peniteces qu'ils
faifoient,comme deieuner,de donner des habits,
de i'orsdc l'argent,de demeureraux montagnes,&
de receuoir de grands coups fur les efpaulles. Les
noftres difent qu'en IaprouincedèChiquito,ils
rencontrent encor auiourd'huy cefte pefte de
h
HISTOIRE NATVRELLE
confeueurs,fou Ychnris, Se que beaucoup de ma-
lades Te retirent vers eux : mais défia par la grâce
de Dieu,ce peuple va du touts'efclairciffant& re-
cognoiflTant YcncùSc le grand bénéfice de noftre
confeilioniàcramentale , à laquelle ils viennent
auecvne grande deuotion. Et en partie cet vfage
paffé leur a efté permis par la prouideuce du Sei-
gneur , afin que la confeflion ne leur femblaft dif-
ficile. Par ce moyen le Seigneur eft en tout glori-
fié , & le diable moqueur, demeuré moque. Or
d'autant que c'eftvnechofequi touche à ce pro-
pos , ie raconteray icy l'vfage d'vne eftrange con-
fefllon que le diable auoit introduite au lappon,
comme il appert par vne lettre venue de là, qui
ditainfi. Il y a en Ocacades roches très grandes,
& fi hautes , qu'il y a des pics en icelles , de plus de
deux cens braffes de haur. Entre ces grands ro-
chcrsjil y a vn de ces pics , ou pointes qui s'efleue
fi terriblement haut , que quand les Xamabuzis
(qui font les pèlerins) le regardent feulement, les
membres leur en tremblent , & les cheueux s'en
heriiïonnentjtant eft ce lieu terrible &c efpouuen-
table. Il y a au fommet de cefte pointe vne gran-
de verge de fer de trois brades de long , qui y eft
pofeepar vn eftrange artifice. Au boutdecefte
verge eft attachée vne balance, dont les efcaiîles
font fi grandes, qu'en vned'icellesfc peut alTeoit
vn homme , & les Goquis , ( qui font des diables
en figure humaine) commandent qu'vn de ces,;
pèlerins y entrent les vns après les autres , fans
qu'il en refte vn feul,puis auec vn .engin & infttu-
mentqui fe rcmeiie , moyennant vne roue, ils
fo lit que cette vsfge de fer, en laquelle la balança
DES INDES. LIV. V. 242
eftpenduë,fortedehors,& demeure toute fufpen.
duc en l'air,eltant affis l'vn des Xamabuxis en l'vn,
des plateaux de cefte ballance. Et comme l'efcail-
leoùeft afïïs l'homme, n'apointde contrepois de
l'autre coltc,incontinent elle pend en bas,& l'au-
tre s'edeue iufques à ce qu'elle rencontre ôc tou-
che à la verge. Alors les Goquisleur difentduro-
cher,qu'ils le confeflent, & dient tous les péchez
qu'ilsaurontcommis,dontilsfeiouuiendront,&:
ce à haute voix, afin que tous les autres qui font là
le puillent oiiir. Incontinent il commence à fe
confeiïer , pendant quoy quelques vns des affiftas
ferient despechez qu'ils oyent,& les autres en
gemiflent. Et à chaque pechc qu'ils difent, l'autre
efcailledela ballance bailTe vnpeu,iu(quesàce
que finablcment avant dit tous ces péchez , la
vuide demeure efgalle à l'autre, où eft le trifte pé-
nitent, puis les Goquis refont tourner la roue,
& retirent vers eux la verge & ballance d'oùforc
le pèlerin , & après y en entre vn autre , iufques à
ce que tous y ayent pa(ïc. Vn Iapponnois.çontoic
celaapres qu'il fuft Chrcfticn, difant qu'il auoic
efté en ce pèlerinage, &: entre en la ballance fepe
fois , où publiquement il s'eftoit confefle. Il cii-
foit mefme , que fi d*auanture quelqu'vn de ceux
qui iont mis en Ce lieu , ne raconte lepeché, com-
me il eft pafle, ou qu'il en celle quelqu'vn , l'ef-
caille de la ballance vuide , ne s'abbaifle point , Se
s'ils'obftine après qu'on luyafait inftance de fe
côfefïer, &nevueille defcouurirtousfes péchez,
les Boquisleiettent&fôt cheoirduhautenbas,
o,ù en vn moment il eft ropu & brifé en mille pie-
ces.Neantmoins ce Chreftien nommé Iean nous
h g
HISTOIRE NATVREILE
difoit, qu'ordinairement la crainte & trcmeurde
ce lieu eft grande à tous ceux qui s'y mettent, &
le danger que chacun voit à l'œil , de tomber de la
ballance , & eftredefrompu& brifc en bas, qu'il
aduient fort peu fouuet qu'il y enaye, qui nedef-
couurent tous leurs péchez. Ce lieu eft appelle
d'vn autre nô Sangenotocoro , qui veut due lieu
de confeflion. L'on voit bien clairement parce
difeours, comme le diable a pretedu vfurper pour
foy le feruice diuin,en faifant de la confeiîion des
pechez(laquellc le Sauueur a inftituee pour le re-
mède des hommes ) vne fuperftirion diabolique,
pour leur grand dommage & perdition. Et ne l'a
pas fait moins à l'endroit de la Gentilité du Iap-
pon,qu'à l'endroit de celle des prouinecs de Col-
lao au Peru.
De V abominable onction dont yfotent les preftres
"Mexiquaini & autres nations , &
de leurs forttleges.
CHAP. XXVI.
Ie v ordonna en la loy ancienne la façon
^> comme Ton deuoit confacrer la perionne
d'Aaron & les autres preftres , & en la loy Euan-
geliquenousauonsmefmelefaincfcChreime, ôc
onction, dequoy l'on vie quand l'on nousfacre
preftres de Chrift. Ilyauoit mefme en la loy an-
cienne , vne certaine compohuon odoriférante,,
que Dieu deffendoit d'employer en autre chofe
qu'au feruice diuin. Le diable a voulu contrefaire
toutes ces chofes à fa façon, comme il a accouftu-
fiK,ayant inuété à celle fin des chofes fi ordes,& il
EÏSSSSCSMi
Ml
DES INDES. tIV. V. 24$
fales,qu'elles momftr6t allez quel en eft l'autheur.
Les preftres des idoles enMexique s'oignoicnt en
celle manière. Ils s'oignoicnt le corps depuis les
pieds iufques à la telle, & cous les cheueuxauffi,
lefquels leur demeuroient en forme de trèfles ref-
femblausàdes crins decheual,«àcaufequ'ilsy ap«
pliquoientcefte onction humide & mouillée. Les
chcueùxleurcroiiroienttellcmcntauec le temps,
qu'ils leur tomboienr iufques aux iarets,fi pelants
qu'ils leur donnoiét beaucoup de peine àlespor-
ter,car ils ne les coupoient, ny tondoient point,
iufques à ce qu'ils mourullent,ou qu'on les en di-
fpenfaft pour leur grande vieillefle, ou bien qu'on
les employai!; aux gouuernements& autres offi-
ces honorables en la republique. Ils portoiÊt leurs
cheueleures treflees de lîx doigts de large , & fe
noirciilbient ôc teignoient auecde la fumée de
bois de pin, ou raifine , pource que de toute anti-
quité entr'eux c'a elle toufiours vne offrade qu'ils
faifoient à leurs idoles. Et pour cefte occalîon elle
eftoit fort eftimee & reueree. Ilseftoient touf-
iours noircis de cefte teinture , depuis les pieds
iufques à la telle, Tellement qu'ils relïembloient à
des Nègres fort reluifants , & celle là eftoit leur
ordinaire onctiô.Toutesfois quand ils alloient fa-
crifier & «ncenfer dedans les montaiçnes , ou aux
fommets d'icelles, cV aux cauernes obfcures & te-
nebreufeSjOÙ eftoient leurs idolcs,il$ vfoiéc d'vne
autre onction fort différente , faifans dv certaines
cérémonies pour leur ofter lacrainte, & augmen-
ter le courage. Cefte onction fefaifoitauecdiuer-
fesbeftiollesvenimeufcs, comme d'araignees,de
feorpions , de cloportes, de fallemandres & de vi-
h iij
i };,♦.-.**:.<;;■
1
HISTOIRE NATVRELI, E
pères , lefquelles les garçons des Collèges prc-
noient & amalibient,àquoy ils eftoientfiadroits,
qu'ils en eftoient toujours garnis, quand les pre-
ftresleuien demandoient. Le principal foin g &
foucyde ces garçons, eftoit dallera lachallede
cesbeftiolles: ques'ilsalloientautrepart , &c que
d'auanture ils rencontraient quelqu'vne de ces
beftiolles , ilss'arreftoient à la prendre, auec au-
tant de peine, comme fi leur propre viceuftdei-
pendu de cela. A raifon dequoylcs Indiens ne
craignoient point ordinairement ces beftiolles
venimeufes, n'en failans non plus d'eftatque il
elles ne l'eu0ent point efté, d'au tant qu'ils auoiéc
tous efté nourris en cet exercice. Pour faire cet
vnguent de ces beftiolles, ilslesprenoient routes
eniemble,& les brufloient au fouyer du Temple,
qui eftoit deuant l'autel, iufques à ce qu'elles fuf-
fent réduites en cendre, puis les mettoienten
des mortiers auec beaucoup de Tauaeo , ou be-
tum , ( qui eftvne herbe dont cefte nation vfe
pour endormir la chair, & pour ne ientir point le
trauail ) auec lequel ils mefloient ces cendres,qui
leur faifoit perdre la force. Ilsmettoientmefme
auec cefte cendre quelques fcorpions,araignes&
cloportes viues, meflans&amaflans le tout en-
femble , puis ils y* mettoient d'vne (emence toute
monlluè, qu'ils appelloient Ololuchqui, dequoy
les Indiens font vn breuuage , pour voiries vi-
ilons, d'autant que l'effed de cefte herbe eft d'o-
fter&priuer l'homme du fens. Ils moulloient
mefme auec ces cendres des vers noirs & velus,
defquels le poil feulement eft venimeux, Se amaf-
foiciit tout cela enfemble auec du noir , ou fumée
DES INDES. LIV. V. 244
de rezine, le mettans en des petits pots 5 Iefquels
ils pofoientdeuant leur Dieu, difansqucc'eftoit
là leur viande.C'eft pourquoy ils appelloient cela
mander diuin. Par le moyen de cet oignement ils
deuenoi ent forciers, & voyoient, & parloient au
diable. Les preftres eftans barbouillez de cefte
parte perdoient toute crainte, prenans en eux vn
efpric de cruauté. A raifondequoy ils tuoientles
homes aux facrifices fort hardimet,& alloient de
nuict tous feulsauxmontaignes &; dedans les ca-
uernes obfcures,mefprifansles beftesfieres,& te-
nans pour certain & approuué , que les lions , ty-
gres , ferpcns, & autres beftesfurieufes qui s'en-
gendrent aux montagnes Se forefts , s'enfuy-
roient d'eux, par la vertu de ce betum de leur
Dieu. Et à la vérité , fi ce betum ne les pouuoic
faire fuir , c'eftoitchofe fuffifante pour ce faire,
que le pourtrait du diable enquoy ils eftoient
transformez. Ce betum feruoit mefme pour
guarir les malades & les enfans , parquoy tous
l'appelloient la médecine diuine , & ainfl de. tou-
tes parts venoient ils par deuers les dignitez &
preftres, comme vers leurs Sauueurs , afin qu'ils
leur appliquaient la médecine diuine ,& lesoi-
gnoient d'icelle, par les parties deullantes. Ils
afferment qu'Us fentoienr par ce moyen vn nota-
ble allégement , ce qui deuoit eftreàcaufe que
Tauaco , & Ololuchqui , ont d'eux mefmes cefte
propriété d'endormir la chair , eftans appliquez
en façon d'emplaftre , ce qu'ils doiuent opérer
à plus forte raifon eftans mêliez auec tels poi-
fons. Et pource qu'il leur amortiffoit , & appai-
foic la douleur , il leur fèmbloit que ce fuft vn
h iiij
HISTOIRE NATVRELLE
effeftdefanté, & de vertu diuine.Ccftpourquoy
ils accouroient à ces prellres , comme à des hom-
mes (àincts , lefquels entretenoient en cet erreur,
Se esblouyilcmentlesignorans -, leuvperfuadans
ce qu'ils vouloient ,& les faiiansveniràleurs mé-
decines, & cérémonies diaboliques, parce qu'ils
auoient telle authorité, qu'il fuffifoit qu'ils le dif-
fentpour le faire tenir commearticle defoy. Et
ainfi ils faifoient paimy le vulgaire mille luperfti-
tions, en la façon d'offrir l'encens, en la façon de
leur couper lescheueux, en attachant de petites
bûchettes au col, & des filletsauec des petis os de
couleuures, leur commandant qu'ils ie baignaf-
fent à certaine heure, qu'ils veillaiïent de nui<5t au
fouyer, depeurquelefeu ne s'eftaignift, qu'ils ne
mangeaffent point d'autre pain que celuy qui
auoitefté offert à leurs dieux, qu'ils ieretiraflenc
en leur befoing incontinent pardeuers les for-
ciers , lefquels auec certains grains iettoient les
forts &deuinoient , regardans en des cuues, &c
poelles pleines d'eauë. Lesforciers &miniftres
du diable, auoienc accouitumèmefmedeemba-
durnofer beaucoup. Et eft vnechofe infinie de la
grand' multitude qu'il y a eue decesdeuins , for-
tilleges^enchanteurs, deuineurs ÔV autres fortes
de faux prophètes. Auiourd'huy il refte encor
de ceftepeftilence, quoy qu'ils fc tiennent fecrets
8c couucrts , n'ofansouuertementexercer leurs
facrileges,& diaboliques cérémonies, &fuperfli-
tions , mais leurs abus ôc maléfices font defeou-
uerts plus au long , & particulièrement aux con-
feiîîonnaires faits par les Prélats du Peru. Il y a vu
^eincdc forders , entre les Indiens permis par
eësâSSigaesaiiÉi
DES INDES. LIV. V. 245"
les RoisInguas,qui font comme deuins, le{queis
prennent vne telle forme & figure qu'ils veulent,
allans& faifans par l'air beaucoup de chemin en
fort peu de remps,c\: voyoien tee qui fe paflbit. Ils
parlent auec le diable , lequel leur rcfpondende
certaines pierres , ou autres choies qu'ils vénè-
rent beaucoup. Ils feruent de deuins , & pour
direcequifepallèen des lieuxlesplus efloignez,
auant que la nouuelle en vienne , ou puiflè venir.
Comme mefmeileftencor arriué depuis que les
Efpagnoîs y font qu'en diftancedeplusde deux
ou trois cens lieues, l'on a fçeu les mutineries , les
batailles, les rebellions, les morts , tant des ty-
rans , comme de ceux qui eftoient du codé du
Roy , & des perfonnes particulières , ce que l'on
afçeudumefmeiour , que les chofesarriucrent,
ou bien le iour enfuyuant , quieftoitchofeim-
poiïîble , félon le cours de nature. Pour faire
cette deuination, ils fe mettent en vne maifon
fermée par dedans, & s'enyurent iufques à perdre
le iugement , puis vn io^ir après ils refpondcnt à
ce que Ton leur demande. Quelques vns affer-
ment qu'ils vfent de certaines onctions* Les In-
diens difent, que les vielles exercent ordinaire-
ment cet office de fortileges, & particulièrement
celles d'vne prouince, qu'ils appellent Coaillo,
d'vne autre Ville, appellee Manchey,&: de la pro-
uince de Guarochiri. Iisenfeignent mefme où
font les chofes perdues ôc defrobees. De toutes
ces fortes de forciers , il y en a eu en tous en-
droits, vers lefquels viennent ordinairement les
Anaconas,& Cyuas, qui feruent aux Efpagnoîs
quand ils ont perdu quelque chofe de leur mai-
M&n%âH«MS^
HISTOIRE NATVRELLE
ftre, ou qu'ils défirent fçauoir quelque fuccez des
chofes pafiees, ou aduenir.Comme quand ils de-
scendent & vont aux citez des Efpagnols pour
leurs affaires particulières, ou pour les publiques
ils leur demandent fi leur voyage fe portera bien,
f'ils feront malades, fais mourront ou retourne-
ront fains, fils obtiendront ce qu'ils prétendent:
&leslorciers oudeuincurs refpondentouy , ou
non , ayans premièrement parlé auec le diable en
vn lieu obfcur, de manière que ces Anaconas
oyent bien le fonde la voix, mais ils nevoyent
pasàqui les deuins parlent, ny n'entendent pas
ce qu'ils diient. Ils font mille cérémonies & fa-
crinces pour cet effecl, auec lefquels ils inuoquét
le diable , ôc f enyurent brauement. Et pour ce
faireils vfent particulièrement d'vne herbe ap-
pelleeVillea, lefuc de laquelle ils mettent de-
dans le Chica,ou le prennent d'autre façon. L'on
peutvoir parcecy combie eft grand lcmal-heur
de ceux qui ontpourmaiftrcslesminiftresdecc-
luy- là , duquel l'office eft de tromper. Et eft vne
chofe approuuee qu'il n'y a rien qui empefche
tant les Indiens de receuoir la foy du fainctEuan-
gile,&: de perleuerer en icelle , que la communi-
cation de ces forciers qui ontefté,&y fontencor
en tres-2,rand nombre , bien que par la grâce du
Seigneur &c dilic^ftce des Prélats , &c des Preftres,
ils vont diminuant, & ne font plus fi preiudicia-
bles. Quc4queS- vnsd'iceux fefontconuertis,&
ont prefché publiquement, defcouurans&blaCj
mans eux -mcfmes leurs erreurs & tromperies, 8c
deciarans leurs finettes &menteries,dequoy on
a veu fortir de grands frui&s, comme mtfmc nous
DES INDES. LIV. V. 246
fçauons par les lettres du Iappon qu'il en eft arti-
uédemefmeences parties, le tout à la gloire &
honneur de noftre Dieu & Seigneur.
Des autres cérémonies çjr cotiftumes des Indiens
qmfoTit fcmblublcs aux noflrcs.
C H A P. XXVII.
^fôj E s Indiens ont eu vn nombre infiny d'au-
WîSZ très cérémonies & couftumes , placeurs
deiquelles rellembloient à !a loy ancienne de
Moyle , les autres à celles dont vfent les Mores,
& les autres approchoient delà loy Euangeli-
que , comme les baings,ou Opacuna, qu'ils ap-
pellent,qui eftoit qu'ils (elauoict en l'eauë pour
ie nettoyer de leurs péchez. Les Mcxiquainsa-
tioienc aufli entr'eux quelque forte de baptefme,
qu'ils faifoient auec cérémonie , qui eftoit qu'ils
incitaient les oreilles & le membre viril aux pe-
tits enfans nouueaux nez, contrefaifàns aucu-
nement la circoncision des Iuifs. Cefte cérémo-
nie fefaifoic principalement à l'endroit des fils
des Rois, & des Seigneurs. Incontinent après
leur naillance les Preftresles lauoient.» & leur
mettoient vne petite efpee à la main droite , & à
la gauche vue rondelle,&aux enfans du commun
& vulgaire, ils leur mettoient les marques de
leurs offices,&r aux filles des inftrumens à filler,à
tiltre, & à trauailler : & duroic cefte cérémonie
quatre iours,qui fefaifoit deuant quelque idole.
Us contractaient leurs mariages à leur mode,
dont le licencié Polio a eferit vn traitté tout
entier, &: en diray cy-apres quelque chofe.En au-
HISTOIRE NATURELLE
très chofes,mefmes leurs cérémonies Sccouftii-
mes auoienc quelque apparence de raifon. Les
Mexiquains fe marioient par la main de leurs
preftres en cefte façon. L'efpoux 8c efpoufe fe
mettoient enfemble deuant le preftre , lequel les
prenoitpar les mains, 8c leur demandoit i'ils fe
vouloienemarier, puisayantentendu lavolontc
de cous deux, il prenoit vu coing du voile,dont la
femme auoit la tefte couuerce , & vn autre coing
de la robbe de l'hom me , lefquels il attachoit en-
iemble,faifan t vn nœud , 8c les menoit ainfi atta-
chez à lamaifon de l'efpoufe, où il y auoit vn
foyer allumé, 8c lors il faifoit faire à la femme
fept toursàl'entd'urdecefoyer , puis les mariez
fe feoient enfemble , &c par ce moyen eftoit con-
tracté leur mariage. Les Mexiquains eftoiét tres-
ialoux de l'intégrité de leurs femmes 8c efpoufes,
tellement que {'ils fapperceuoient qu'elles ne
fufïent telles qu'elles deuoient eftre ( ce qu'ils re -
cognoiiïoient par lignes ou par paroles eshon-
tees)ils le faifoienc incontinent entendre aux pè-
res 8c païens de ces femmes.à leur grand honte 8c
déshonneur : parce qu'ils n'auoient pas bien pris
girde fur elles. Mais ils honoroient 8c eftimoient
beaucoup celles qui conferuoient leur honne-
fteré, leur failans de grandes feftes, &donnoient
pluiïcurs prefens à elle & à fes parens. llsfaifoiét
pour cefte occafion de grandes offrandes à leurs
dieux, <Sc vn banquet folemnel en lamaifon de
la femme, 8c vn autre en lamaifon de l'homme.
Qjand on les menoit en leur maifon, ils met-
toient par mémoire tout ce que l'homme & la
femme apportoient enfemble de prouifions de
DES INDES. II V. V. 247
maifon,de terre,deioyaux&d'ornementsJequel
memoirechaquc pered'iceux gardoitpardeuers
luy,pource que fi dauanturc ils venoientàfaire
diuorec (comme il eftoit ordinaire entr'eux ) ne
ietrouuansbien l'vn auecraurre, ils partoienc
Içurs biens , ielon que chacun d'eux en auoit ap-
porte, ayant chacun liberté, en tels cas ,de le re-
marier auec qui bon luy fembleroit,& bailloient
les filles à la femme,& à l'homme les fils. Ils leur
defendoient expretfement fur peine de mort de
fe remarier enfemble, ce qu'ils obferuoient fort
rigoureufement. Et iaçoit qu'il femblequeplu-
fieursde leurs cérémonies l'accordent auec les
noftres : neantmoins elles font fort différentes
pour le grand me/lange d'abomination qui y eft
toufiours. C'cftvnechofe commune & généra-
le enicelle, qu'il y a ordinairement vnc de ces
trois chofes,ou delà cruauté , ou de l'ordure , ou
de laparetfe: car toutes leurs cérémonies eftoient
cruelles & dommageables , comme de tuer les
hommes,& de refpandre le fang-.ou elles eftoient
ordes & (aies, comme déboire ÔVde manger au
nom de leurs idoles, &d'vrincr mefme en leur
honneur, les portans fur leurs efpaulles, de {"oin-
dre & barbouiller f\ laidement, &de faire mille
autres iortes de vilainies qui eftoient pour le
moins vaines ou ridicules & oifeufes , & qui ref-
fèmbloient plus ceuures d'en fans que d'hommes.
La caufedecelaeftla propre condinôdel'efpric
malin, duquel l'intention eft toufiours drefTce à
faire mal,prouoquant les hommes à des homici-
des cV ordures, ou pour lemoins à des vanitez 8t
occupationsiiautilcs. Ce qu'vn chacun peutafTez
HISTOIRE NATVRELLE
bien cognoiftre,en confiderant attentiuement
les actions & comportemcs du diable à l'endroit
de ceux qu'il va deceuant. Car en toutes Tes illu-
fîonsl'onytrouue touùours méfiées toutes, ou
quelqu'vne de ces trois chofes. Les Indiens mef-
me depuis qu'ils ont la lumière denoftrefoy fe
rient tk Te moquent des folies &c inepties efquel-
les leurs dieux les tenoient occupez , & aufquels
ils feruoieu t auec beaucoup plus de crainte qu'ils
auoient d'eux qu'ils ne leur fiiïent du mal, en ne
leurobeylïànt point en toutes chofes, que non
pas pour l'amour qu'ils leu r portoient : combien
que quelques- vns , voire en grand nombre, vcf-
quillent trompez 6c deccus de vaines efperances
de biens temporels : car d'éternels ils n'en auoiet
point cognoilïance. Etcertainemétlàoùiapuif-
fance temporelle fcft plus agrandie, làf'eft plus
accrcuë Se augmentée la fuperftition. Comme
l'on void aux royaumes de Mexique 6\:de Cufco,
où c'eft vne choie incroyable que le nombre des
adoratoires qu'ilyauoit : veu que dans l'enclos
de la cité de Mexique il y en auoitplus de trois
cents. Mango-Ingua Yupangui , entre les rois de
Cufco,aeftéceluy qui aie plus augmenté le fer-
uicc de leurs idoles,innen tant mille diuerfitez de
facrifîces5feftes & cérémonies. Autant en fit en
Mexique le roy Tfcoalt, qui fut le quatriefme
roy. Ilyauoitaufîï grand nombre de fuperftitios
&fàcrificesen cesautresnations d'Indiens,com-
me en la prouincede Guatimalla, aux ifles,au
nouueau royaume, en la prouincede Chillé, &
aux autres qui eftoient comme republiques &
cemmunautez. Mais ce n'eftoit rienaurefnecl;
DES INDES. LIV. V. 248
de Mexique & de Cufco , où Satan eftoit comme
en fa Rome,& en fa Hierufalé , iufques à ce qu'il
aitefté jette dehors contre fa volonté , & ait efté
pofee & colloquee en Ton lieu la fain&e croix, &
que le royaume de Chrift noftre Dieu ait occupe
celuy que le tyran auoit vfurpé.
De quelques feftes célébrées par ceux de Cufco, & comme
le diable avottlumcfme timtcrlcmyfterc
de la. tres-faincle Trinité.
chA*P. xxviii.
œOv r conclure ce qui touche la religion,il
i&î reftededire quelque choie desreftes& io-
icmnitezquecelebroientlcs Indiens, lefquelles
pource qu'elles fontdiuerfes,&en grand nom-
bre, ne pourront pas eftre toutes racontées. Les
InguasfeigneursduPcru auoient deux fortes de
feftes, les vues qui eftoient ordinaires, & qui ef-
cheoient en certains mois de l'année , & d'autres
extraordinaires, qui fe faifoienepourcaufes oc-
currentes & d'importance, comme quand Ton
couronnoit quelque nouueau roy, quand l'on
commençoit quelque guerre d'i m portance,quad
il y auoit quelque grande neceflited'eauCjOU de
fechereiîe,ou d'autres chofesfemblables. Pour
les feftes ordinaires, l'on doit entendre que cha-
que mois de l'an ils faifoient des feftes & facrifi-
cesdirTerents,&:encor que tous eurent celade
femblable que l'on y offroit cent moutons , tou-
tesfois en la couleur & en la forme les mou-
tonsdeuoient eftre fort différents. Au premier
mois qu'ils appellent Raymc, qui cft le mois de
?SîF$S«»3«*?H?SW$¥
■i
I
HISTOIRE NATVRELLE
Décembre, ils faifoiet la première fefte qui eftoîc
laprincipale de toutes, &c pour celle occafion ils
l'appelloient Capacrayme,qui eft à dire , fefte ri-
che,ou principale. En cefte fefte Ton offroit vn
grand nombre de moutons &d'aigneauxen fa-
crifice, <5cles brufloit-on auec du bois taillé &
odoriférant, puis ils faifoienr apporter de l'or &:
de l'argent delTus certains moutons, & mettoient
les trois ftatnès du Soleil ,& les trois du tonner-
re,le pere,le fils,& le frère. En ces ferles l'on dc-
dioitlcsenfanslnguas, en leur mettant les gua-
casou enfeignes, & leur perçoient les oreilles,
puis quelque vieillard les foiiettoitauec des fon-
des, & leur oignoi t le vi fage auec du fang , le tout
en (îgne qu'ils deuoienc eftre cheualiers loyaux
de l'Ingua.N ul eftranger ne pouuoit eftre en Cu-
feo durant ce mois &ccftc fefte, mais fur la fin ils
y entroient,& leur donnoit-on alors de ces mor-
ceaux de mays, auec du fang duiacrifice, qu'ils
mangeoient en figne de confédération auec l'in-
gua,comme il a eft c dit ey-delïus.C'cft vne chofe
eftrange que le diable félon fa mode ait mefme
introduit en l'idolâtrie vne trinité, car les trois
ftatu'és du Soleil eftoiet appellees Apomti, Chu-
riinti , Se Intiquaoqui , qui lignifie le père & fèi-
gneur Soleil, le fils Soleil, &: le frerc Soleil, de la
mefme façon ils nommoient les trois flatu'cs de
Chuquilla,qui eft le dieu qui prefide en la région
de l'air, où il tonne, pleut & neige. Il me fouuiét
qu'eftanten Chuquifaca, vn Preftre honorable
me monftra vne information , que i'euz allez log
temps entre mes mains,où il eftoit prouué qu'il y
auoic vn certain guaca,ou oratoire, où les Indiens
adoroienc
DES INDES. LIV. V. 249
adoroient vnc idole, nomme Tangatanga,laqutl-
le ils difoient eftre vne en trois,& crois en vnc. Et
comme ce preftre eftoit efmerueillé de ccla,ie luy
dy que le diable par fon infernal 8c obftiné or-
gueil, par lequel il pretéd toujours fe faire Dieu,
defroboit tout ce qu'il pouuoic de la vérité , pour
l'employer à Tes menfonges,& tromperies. Reue-
nans doncauxfeftes du fécond mois,qu'ils appel-
lent Camey,outre les facrifices qu'ils faifoient,ils
iettoient les cendres aualvnruilïeauallanscinq,
ou iix lieues après , auec des bourdons , ou ba-
ttons , le priant qu'il les portaft iufques à la mer,
pour-autantque le Viracochay deuoit receuoir
ce prefent. Au troifiefme , quatriefme , & cin-
quième mois, ils offroient cent moutons noirs
meflez,& gris,auec beaucoup d'autres choies que
ie laide, de peur d'eftre ennuyeux. Le fïxiefme
mois s'appelle Hatuncuzqui Aymorcy, quiref-
pond à May , auquel l'on fàcrifioit cent autres
moutons de toutes couleurs , encefteLune, ÔC
mois,qui eft quand l'on apporte le May des châps
en la maifQn,l'on faifoitlafeftequieftencorau-
iourd'huy fort en vfage entre les Indiens , & l'ap-
pellent Aymorey. Cefte feue fe fait en venant de-
puis laChacra, ou métairie iufques à la maifon,
difans certaines chanfons , où ils prient que le
MayspuifFe durer long temps, & l'appellent Ma-
macora. Ils prennent certaine portion du plus fé-
cond Mays , du creu de leurs métairies , lequel ils
mettent en vn petit grenier qu'ils appellent Pir-
ua , auec certaines cérémonies , veillants trois
nuicts , & mettent ce Mays dans les plus riches
habits qu'ils ayen t, & dés qu'il eft ainii enueloppc
►«*?'>!* WlWrVt&'t'ïi
HISTOIRE NATVRELLE
& accommodé , ils adorent cède Pirua s & l'ont
en grande vénération , difans que c'eft la mère du
Mays de leurs héritages , ôc que par ce moyen le
Mays augmente, & fèconferue. Encemoisils
font vn facrifice particulier^ les forciers deman-
dent à la Pirua fi elle a de la force aflez pour durer
iufques à l'an à venir, & fi elle refpond que non,
ils portent le mais brufler à la métairie , d'où ils
l'ont apporté , félon la puifTance d'vn chacû,aprcs
ils font vne autre Pirua, auec les mefmes cérémo-
nies , difans qu'ils la renouuellenr , afin que la fe-
menec du Mays ne perifle,&" fi elle refpond qu'el-
le a de la force afîez pour durer d'auantage, ils la
laifTcnt iufques à l'autre année. Ceftefottevanit»
dure iufques auiourd'huy, & eft fort commune
entre les Indiens, d'auoir ces Piruas , & faire la fe-
fted'Amorey.Le feptiefmc mois refpond àluin,
& s'appelle Aucaycuzqnilntiraymi,cniceluyils
faifoicntlafefte, appcllee Intiraymi, où l'on fa-
crifioit cent moutons , guanacos , & difoient que
c'eftoit la fefte du Soleil ; en ce mois ils faifoient
vn grand nombre de ftatues de bois de quinua
taille , toutes veftues de précieux habits,& fe fai-
foit le bal qu'ils appelloicntCay®. En ceftefeftc
l'on efpandoit beaucoup de fleurs par le chemin,
& y venoient les Indiens fort barbouillez , & les
feigneurs y eftoient ornez auec de petites plati-
nes d'or à la barbe, &ychantoient tous, & doit-
on fçauoirquecefte fefte tombe qwafiaumcfme
temps que nous autres Chreftieas faifbns lafo-
lemnitc au fàind Sacrement , qui luy reflemblc
en quelque chofe , pomme aux danecs, chants ÔC
rcpiefencations. Et pour cefte raifon il y acu , &
DES INDES. LIV. V. 2JO
aencorentrc les Indiens ( lefqucls celebroienc
vne fefte aucunement femblablc à celle que nous
celcbrons du fainct Sacrement ) beaucoup de
fuperftitions à célébrer cefte fefte ancienne de
Tlntiraymi.Le huicliefme mois eft appelle Cha-
hua , Huarqui , auquel ils bmfloient cent au-
tres moutons, tous gris , de couleur de Vizca-
cha, félon Tordre fufdits, lequel mois refpond à
noftrc Iuillet. Le ncufieime mois sappelloit Ya-
paguis , auquel l'on brufloit cent autres mou-
tons, de couleur de chaftaigne, &couppoit-on
la gorge , & bruiloit-on auflî mil Cuyes , afin
que la gcllee, nyl'eauë, ny l'air , ny le Soleil ne
filïènr aucun mal aux métairies , & rcfpondcc
mois à TAouft. Le dixiefme mois , s'appelloit
Coyaraymi.auquel Ton brufloitcent autres mou-
tons blancs, qui eftoient velus. En ce moisqui
refpond àScptembre Ton faifoit la fefte appcllee
Situa, en cefte forme. Ils s'aflembioient lepre-
mier iour de la Lune , aUant qu'elle ieuaft. JE t en.
la voyant ils s'eferioient hautement , portans en
leurs mains des flambeaux de feu , & difàns , que
le mal s'en aille dehors, en s'en tre-frappans les
vns les autres , auec ces flambeaux. Ceux qui fai-
foient cela s'appelloit ut Panconcos. Et après
auoir acheuc , s'en allaient en baing gênerai , aux
ruilïeaux & aux fontaines, chacu n en fon propre
cftang , & femettoientàboirequatreioursctu-
rans. En ce mois les Mamacomas du Soleil fai-
foient grande quantité de petits pains faits au«c
le fang des facrifices, & en donnoient vn morceau
à chacun des eftrangers & forains ,mefmeilsen
enuoy oient aux Guacas eftrangers de tsut le roy*
HISTOIRE NATVUELLE
aume, & à plufieurs Curacas , en figne de cofede-
ration>&: loyauté au Soleil & à l'Ingua , comme il
a efté ja dit. Les baings, yurongneries , & quelque
reftes de celle fefte Situa,demeuret encor auiour-
d'huy en quelques endroits , auec des cérémonies
quelque peu différentes , ce quieft fecretement
toutesfois,parce que ces fe&çs principales, & pu-
bliques ont cefte. L'vnziefmemois,Homaraymi
Punchaiquis , auquel ils facrifioient cent autres
moutons. Et s'ils auoient faute d'cau'è pour[vn re-
mède, & afin de faire pleuuoir, ilsmettoient vu
mouton toutnoir, attaché au milieu d'vne plai-
ne efpandant beaucoup de Chica tout autout de
luy,& ne luy donnoïent point à manger , iufques
àjce qu'il pleuft, ce qui eft encor pratiqué auiour-
d'huy en plufieursendreirs, en ce mefme temps
quieft Octobre. Ledouziefme, &dcrniermois
s appelloit Aymara,auquel l'on facrifioit cent au^
très moutons, &faifoient la fefte appellee Ray-
micantara Rayquis. En ce mois qui refpond à
Nouembre , l'on appareilloit ce qui eûoit necef-
faire pour les enfans qui fe deuoien t faire nouiecs
le mois enfuiuant , & les enfans auec les vieillards
faifoient vne certaine monftre auec quelques
tours, & cefte fefte eftoit appellee Ituraymi, la-
quelle fe fait ordinairement quand il pleut trop,
ou trop peu, ou qu'il y a de lapeftilence. Entre les
feftes extraordinaires , qui y eftoient aulli en grad
npmbre , la plus fameufe eftoit celle qu'ils appel-
aient Ytu. Cefte fefte Ytun'auoit point detéps
nydefàifon arreftee autrement, qu'en temps de
nccefïîté. Pourfe préparera icelle, tout le peuple
icuiaoÏL deux îoiiis durant, aufqucls ils ne tsu-
DES INDES. LIV. V. 2fl
choient point à leurs femmes , ny ne mangeoient
point tic viande auec le fel,ny ail,& ne beuuoient
point de Chica. Tous s'affcmbloient en vne pla-
ce , où il n'y auoit aucun eftranger , ny aucun ani-
mal , & auoient de certains habits & ornements,
quifeulement feruoient pour celle fefte. Ils mar-
choientenproceflîon fort doucement, les teftes
couuertes de leurs voiles, battans des tambours
fans parler l'vn à l'autre. Cela duroit vn iour &
vne nuid , puis le iour enfuyuant , ils dançoient,
&faifoient bonne chère, par deux iours&deux
nuicts continuellement, difans que leur oraifon
auoit efté acceptée. Etencor que cette fefte ne fe
face auiourd'huy auec toute celle cérémonie an-
cienne , fi eft-eeque communément ils en font
vne autre , qui eft fort femblable , laquelle ils ap-
pellent Ayma, auec des veftemens , qui feruent
feulement à ceteffect , & font celle manière de
proceflîon auec leurs tambours, ayans aupara-
uant ieufnè,puis après fe mettent à faire bonne
chère: ce qu'ils ontdecouftume de faire en leurs
vrgentes neceflîtez. Et combien que les Indiens
ayent delaille en public defacnfier desbeftes, Se
autres chofes qui ne fepeuuent cacher des Efpa-
gnols, neantmoins ils fe feruent toufiours de plu-
heurs cérémonies quiontleur origine de ces fc-
ftes & fuperftitions anciennes. Car ils font en-
cor auiourd'huy couuertement cède fefte de l'Ytu
auxdances de la fefte du Sacrement , enfaifans
les dances de Lyamallamav & de Guacon,& d'au-
tresfelon leur cérémonie ancienne: à quoy l'on
doit bien regarder de près. L'on a fait des Trait-
iez plus amples de ce qui concerne cefte matière,
i ii;
HISTOIRE KATVRELLE
pour les dieux, où il eft neceiraire remarquer les
abus & fuperftitions qu'auoient les Indiens lors
de leur gentilité, afin que lcsPreftres& Curez y
prennent garde. Suffife donc à prefent d'anoir
traitté de l'exercice , auquel le diable occupoit fes
deuots,afin que con tre fa volonté l'on voy c la dif-
férence qu'il y a delà lumierie aux tencbies , & de
la vérité Chreftienne au menfonge Gentil , quoy
que l'ennemy de Dieu & des hommes ait tafché
auec tous [es artifices de contrefaire les chofes de
Dieu.
I
De Ufcfledu lubilc que celcbt -vient les
liîexiqudins.
CHAP. XXI X.
E s Mexiquains n'ont efté moins curieux en
leurs feftes & foIemnitez,lefquelles eftoient
de peu de defpencc de biens, mais d'vn gi ad coud
defanghumain.Nousauonscydeffuspailé delà
fefte principale de Vitzilipuztli , après laquelle la
fefte de Tezcalipuca , eftoit la plus folemnifcc.
Ceftefeftc tomboit en May,& en leur Kalendrier
ilslappelloientToxcolt, elle efcheoic de quatre
ans en quatre ans.auec la fefte de pcnitence,où il y
auoitpîanicre indulgence & pardon des péchez.
En ceiourils facrifioientvncaptif,qui auoit lasc-
blace de l'idole Tezcalipuca,qui eftoit ledixneu-
fiefmede May. En laveille deceftefefte, les Sei-
gneurs venoient au Temple, &apportoict vn ve-
rtement neuf femblable à celny de l'idole, lequel
les preftrts luy veftoient.luy âyans premièrement
oftè les autres habits, Icfqucls ils gardoicut auec
DES INDES. LIV. V. 2 $2,
autant ou plus de reuerence , que nous faifons les
ornemens. Il y auoit aux coffres de l'idole plu-
fteurs ornemens,ioyaux,affiquets,& autres richcÊ-
fes,de bracelets,de plumes precieufes ,quinefer-
uoient d'autre chofeque d'eftrelà, &adoroienc
tout cela comme le mefme Dieu. Outre le verte-
ment auecWquelilsadoroient l'idole ce iour-là,
ilsluy mettoiét de certaines enfeignes déplume,
des garde-foleils,des ombrages, & autres chofes;
l'ayans ainfi reueftu & ornc,ils oftoientlacourti-
neou voile de la porte, afin qu'il fuftveu de tous,
& alors fortoit vne des dignitez du Temple, veftu
de la mefme façon que l'idole, portant des fleurs
enlamain, & vne petite fleute de terre, ayant vn
fonfortaigu,& fe tournant du cofté de l'Orient il
la touchoit , puis retourné vers l'Occident , le
Nort&leSud,ilfaifoic lefemblable. Et après
auoir ainfi fonné. vers les quatre parties du mon-
de ( dénotant quelesprefens&abfens l'oyoient)
il mettoit le doigt en l'aire , & cueillant de la terre
d'icelle,lamettoit en fa bouche, &rla mangcoit
en fignc d'adoration. Autant en faifoient tous
ceux qui y eftoient p rcfens , & en pie urans fe pro-
fternoient inuoquans l'obfcurité de la nuid &
les vents , les prians qu'ils nelesdelailîaflent ny
oublialîent point , ou bien qu'ils leur oftaflent
la vie , pour donner fin à tant de trauaux qu'ils
cnduroient en icelle. Les larrons , les fornica-
teurs, les homieides,& tous les autres delinquans
auoient grande crainte ôc trifteffe en eux pendant
que celte fleute fonnoit : tellement que quel-
ques vns ne pouuoient diflîmuler ny cacher leurs
deli&s. Par ce moyen tous ceux-là ne deman-
i iiij
%&&'
HISTOIRE NATVRELLE
doicnt autre chofe à leur Dieu, finon que leurs
délices ne fuflentpointmanifefteZjefpanclans be-
aucoup de larmes , &c auec vne grande repentan-
ce & regret offroient quantité d'encens pourap-
paiferleursdieux.Leshommescourageux&vatl-
ians,&tous les vieux foldatsqui fuiuoientl'art
militaire,en oyant celle fleute demandoientauec
vne grande deuotionà Dieu le Créateur, au Sei-
gneur pour lequel nous vinôs, au Soleil, & à d'au-
tres leurs Dieux, qu'ils leur donnaient victoire
contre leurs ennemis, & des forces pour prendre
beaucoup de captifs, afin d'honorer leurs facrifi-
ces. La cérémonie fufditc Ce faifoit dix iours au-
parauant la fefte , pendant lefquels dix iours le
preftre fonnoit cefte fleute , afin que tousfillènt
cefte adoration de manger de la terre , & de de-
mander à leur idole ce qu'ils voudroient, & fai-
foient chaque iour oraifon les-yeux hauiîez au
Cielaucc des foufpirs& gemiffemens , comme
perfonnes qui fe contriftoientde leuts fautes &
péchez. Iaçoit que cefte contrition ne fuftque
pir crainte de la peine corporelle que l'on leur
donnoit Se non pas pour crainte de l'éternelle,
parcequ'ilscroyoïentpourcertainqu'iln'yauoit
point de peine Ci eftroite en l'autre vie. C'eft
pourquoy ils s'offroient à la mort volontaire-
ment, ayans opinion que c'eftoit à tous vn re-
pos alfeuré. Le premier iour de la fefte de cet
idole Tezcalipuca eftant venu , tous ceux de la
Cité s'ailembloient en vne cour pour célébrer
aufli la fefte du Kalendrier , dont nous auons
parlé , qui s'appelloit Toxcoalth , qui fignifie
chofe feiche: laquelle fefte ne fe faifeie à autre
DES INDES. LIV. V. 2,53
fin, que pour demander de l'eaué en la façon que
nous ancres folemnifons les Rogations: ôc ainfi
cefte fefte eftoit toufiours en May , qui eft le teps
que l'on a plus faute d'eauës en ce pays là. L'on
commençoitàla célébrer le neufiefme de May,
finiiTantl» dix-neufiefme. Le dernier lourde la
fefte au matin les preftres tiroienc vnbranquart
ou litière fort bien ornée de courtines,& de fan-
dos de diuerfes façons. Ce branquart auoit autat
debras obtenons qu'il y auoit deminiftresqui le
deuoient porter: tous lefquels fortoiét barbouil-
lez de noir , les cheueux longs trelfez par la moi-
tic auec des lizets blancs, & veftus de la liuree de
l'idole. DefTus ce branquart ils meteoient le per-
fonnage de l'idole , député pour cefte fefte, qu'ils
appclloient femblance du Dieu Tezcaiipuca , ôc
le prenans fur leurs cfpaules le tiroient en public
aupieddesdegrez, & incontinent fortoient les
iennes hommes, odes filles reclufes de ce temple,
portas vnegrofie corde torfe de chaifnes de mays
rofty,auec laquelle ils enuironnoient le braquart
Se mettoient au col de l'idole vne chaifnc de mef-
me, ôc en la teftevne guirlande. Ilsappellent la
corde toxcalt, dénotant la fecherefle &fterilitc
du temps. Les icunes hommes fortoient entou-
rez auec des courtines de red , des guirlandes , ôc
deschaifnesdemaysrofty. Les filles eftoicntve-
ftuës d'habits Se ornements tous neufs, portans
au col des chaifiies de mays rofty , ôc en leurs te-
lles des ty ares faites de vergettes toutes couuer-
tesdecemays. Ils auoient les pieds couuerts de
plumes , & les bras Ôc iouës colorées de fard. Ils
apportoient aulïi beaucoup de ce mays rofty , Ôc
HISTOIRE NATVR.ELI. E
les principaux fc les mettoient à la tefte & au col,
prenans des rieurs en leurs mains. Apres que l'i-
dole eftoit mis en fon branquart & luiere , ils fe-
moient par tout autour grande quantité de ra-
meaux de manguey, les fueilles duquel font lar
ges & efpineufes.Ce branquart mis fur les efpau-
les des demifdits religieux,ils le portoict en pro-
ceflîon pardedanslecircuitdela court, &deux
preftresmarchoient deuant aueedesbrafiersou
encenfoirs,encenfans fort fouuent i'idole,&cha-
quefois qu'ils mettoient l'encens ils haulïbient
le bras le plus haut qu'ils pouuoient vers l'idole,
&versieSolcil,leurdifans qu'ils eilcualïènt leurs
oraifons au ciel, comme cette fumée f eflcuoit e»
haut. Alors tout le peuple qui eftoit en la court
alloit&fetournoitenrond vers le lieu oùalloit
l'idole, portanstous en leurs mains des cordes
neufues de fil de manguey , d'vne braffe de long
ayans vn nœud au bout,& auec icelles fe difeipli ■
noient, fen donnans de grands coups fur les ci-
paules,delafaçôquel'onfedifcipline icyleleu-
dy fain&.Toute la muraille de la court & les cré-
neaux eftoient pleins de rameaux 8c de fleurs , fi
bien ornez, & auec telle fraifeheur, qu'ils don-
noientvngrandcontentement.Cefteprocefîïon
eftantacheuce, ils rapportoient l'idole aulieu où
ilauoitaccouftuméd'eftrc: puisapresvcnoitvne
grande multitude de peuple auec des fleurs ac-
commodées de diuerfes façons, dontilsremplif-
foient le temple & toute la courr , de forte qu'il
fcmbloitornementxl'oratoire. Tout celacftoit
accommodé &c mis en ordre par les mains des
preftres , les ieuncs hommes du temple leur bail-
ci-
DES INDES. LIV. V. 254
Iant,& feruanc ces chofes de dehors. La chapel-
le ou chambre de l'idole demeuroit ce iou'r là
dcfcouuerte fans y mettre le voile. Cela faitcha-
cun venoit offrir des courtines , des fandaux , des
pierres precieufes, des ioyaux, de l'encens , du
boisgommeux, desgrapes, ouefplcs de mays,
des cailles, Se finablement tout ce qu'ils auoient
accouftume d'offrir en telles folemnitez. Quand
ils offroient ces cailles, (qui cftoit l'offrande des
pauures) ils faifoienteefte cérémonie, qu'ils les
bailloient aux preftres , lefquels les prenants,leur
arrachoienc la tefte , & auffi toft les iettoient aux
pieds de l'autel, où ils perdoient leur fang , & au-
tant en faiforent ils des autres qu'ils offroient.
Chacun offroit félon fonpouuoir, d'autres vian-
des & fruits, lefquels eftoiemt aux pieds del'au-
tel des miniftres du Temple , Se eftoient ceux qui
les recucilloient,&lesportoienten leurs cham-
bres. Cefte iolcmnelle offrande faite , le peuple
i*en alloit difner chacun en Ton bourg Se en fa
maifon , lailTans ainfi lafefte fufpendueiufqaes
après difner. Pendant ce temps les ieunes hom-
mes Se filles du Temple ,auec les ornements fuf-
ditsfoccupoientàferuir l'idole, de tout ce qui
luy eftoit dédié pour fon manger. Laquelle vian-
de eftoit apprellee par d'autres femes qui auoient
fait vœu de f occuper ce iour la à faire le man-
ger de l'idole , Se d'y feruir tout le iour. Ccflt
pourquoy toutes celles qui auoient fait le vœu
venoientaapoinct du iour, foffrans aux dépu-
tez du temple, afin qu'ils leur commandafTcnt ce
qu'elles dcuoient faire, cVlaccompIiiToient fort
diligemment . Elles faifoient Se appreftoient
tant dç diuerfïtcz& inuentions de viandes que
HISTOIRE NATVRELLE
c'eftoitvnechofe admirable. Cette viande eftantr
accommodée , & l'heure du dilner venue, toutes
ces filles fortoient du temple en proceflfion cha-
cune vn petit panier depain en la main,& en l'au-
tre vn plat de ces viandes,& marchoit dcuant el-
les vn vieillard,qui feruoit de maiftre d'hoitel , a^
uec vn habit allez plaifant. Il eftoit veftu d'vn fur-
plis blanc qui luy vcnoit iufques au mollet des
jambes ,iurvn pourpoint fans manches de cuir
rouge,à h façon d'vne tunique. Il portoit des aif-
lesaulieude manches, d'où fortoient des lifets
larges , aufquels pendoit fur le milieu des efpaul-
lesvnemoyënecallabalfe,oucitroiïille,qui eftoit
toute remplie & couucrtede fteurs,par despetits
trous quiy eftoiet , & au dedans y auoitplufieurs
chofes de fuperfticion. Ce vieillard marchoit ain-
fi accommode deuant l'appareil, fort humble , &
trifte, ayant la tcftebai(îee,&- en approchant du
Iicu,qui eftoit au pied des degrez , il faifoit vnc
grande humiliation & reuerence, puis fe retirant
d'vn codé, les filles fapprochoientauec la vian-
de, cV l'alloient prefenter de rang & par ordre le s
vnes après les autres auec beaucoup de reueren-
ce. Puis ayans prefente toutes ces viandes,le vieil-
lard C'en retournoit comme dcuant , & remenoit
les filles en leur conuent. Cela fait,lesicuncs ho-
mes & miniftres de ce temple fortoient , & re-
cueilloient cefte viande, laquelle ils portoiet aux
chambres des dignitez & preftres du temple,lef-
quels auoient ieufné par l'efpace de cinqiours,
mangeans feulement vne fois le iour, & {' eftoient
abftenus de leurs femmes , fans fortir du temjJIe
durant ces cinq icurs;pendât!efquelsils fc foiicfc»
DES INDES. II V. V. l^
toient rigoureufement auec des cordes, & man-
geoicnt de ccftc viande diuine (ainii l'appelloict-
ils) tout ce qu'ils pouuoient,& n'eftoit licite à au-
cun d'en manger,fmon à eux. Tout le peuple ayât
acheué de difner,fe raflembloit à la cour pour cé-
lébrer & voir la fin de la fefte , où ils faifoien t ve-
nir vn captif qui par l'efpaced'vn anaroitrepre-
fenté l'idole , eftaut veftu,orné & honoré comme
le mefme idole , & luy faifans tous reuerence, le
mettoient entre les mains des facrificateurs, les-
quels fe prefentoien t au mefme temps,& l'alloiét
faifir par les pieds & mains. LePapaluy fendoic
ÔV ouuroit l'eftomach3luy arrachant le cœur, puis
haufToit la main tant qu'il pouuoit, lemonftrant
au Soleil & àl'idole,commeiIaeftéditcy -deuât.
Ayans ainfï facrifié celuy qui reprefentoit l'idole,
ils f en alloi ent en vn lieu confacré & député pour
ceteffeéT^oùariiuoient les ieunes hommes & fil-
les du temple, auec les ornemens fufdits,lefquels
eftans mis en ordre , dançoient&chantoient à
l'en tour des tambours Se autres inftrumcts , donc
les dignitez du temple ioûoient & fonnoient.
Puisvenoient tous les feigneurs , ayans les mef-
mes enfeignes & ornemens que les ieunes hom-
mes 3lefquelsdançoient en rond autour d'iceux.
L'on ne tuoitpoint ordinairement en ce iour d'au-
tres hommes que le facrifié , toutesfois de quatre
ans en quatre ans feulemct l'on en anoit d'autres
auec luy , qui eftoit en l'an du Iubilé & indulgen-
ce planiere. Apres le Soleil couché,chacun eitant
content de fonner,de manger &de boire,fes filles
f'en alloient toutes à leur conuent, & prenoient
«le grands plats de terre» pleins depaiapaiftryda
^n
Histoire nàtvrelle
miel , qui eftoient couuerts de petits panniers
ouurez & façonnez de teftes& osde mort,& por-
toientla collation à l'idole , monrans iuiquesà
la cour qui eftoit deuant la porte de l'Oratoire,&
l'ayants pofee en ceiieu,elles delcendoientauec
le mefme ordre qu'elles y auoient monté, le mai-
ftre d"hoftel allant toujours deuanr. Incontinen
fortoienttous les ieunes hommes en ordre auec
des cannes ou roieaux es mains, qui commen-
çoient à courir au hault les degrezdu Temple, à
l'enuie l'vn de l'autre, pour arriuer les premiers
aux plats de la collation. Cependant les dignité:
remarquoientceluyquiarriuoitle premier, fe
cond , troi(iefme,&quatrieime,fans faire efta
durefte. Cefte collation eftoic aufiï toftenleuee
par ces ieunes hommes, laquelle ils emportoien
comme grandes reliques. Cela fait les quatre qu
premiers eftoicntarriuez eftoient mis au milieu
des dignitez & anciens du temple , & auec beau-
coup d'homreur les mettoient en leurs chambres
les louans & leur donnans de bons ornemens, &C
delàenauant eftoient reuerez & honorez com-
me hommes fignalez.La prinfc dé cefte collatio
eftantacheuee,& la fefte célébrée auec beaucoup
de refiouyflance & de crierie, ils donnoiét cong
a tous ces ieunes hommes & filles qui auoien
feruy l'idole, au moyen dequoy il C'en alloient le
vns après les autres , au temps qu'elles fortoient.
Tous les petits enfans des collèges & efcholei
eftoient à la porte de la cour, auec des pellottei
de ionc & d'herbes aux mains , lefquelles ils leui
iettoient fe mocquans & rians d'elles,comme d<
'perfonnes qui iè retiraient du feruice de l'idole.
i
DES INDES. II V. V. Ij6
ils fortoient ancc liberté de difpofer de foy à leur
volonté , & auec cela prenoit fin la fefte.
De Ufcjïe des "Marchands que ccîebr oient ceux
de Cbolutecas.
C H A P. XXX.
Î^Ombien que i'ayeafiezcy-deflus parlé du
feruicequelesMexiquains faifoien ta leurs
dieux, fi eft- ce queie dirayencor quelque chofe
de la fefte de celuy qu'ils appelloient Quetza-
coaalt,qui eftoit le dieu des riches, laquelle fc io-
lemnifoitencefte forme. Quarante iours aupa-
rauant les marchands achctoientvnefclaue,bien
fait , (ans aucun vice ny tache , tant de maladie,
comme de ble{îcure,lequel ils veftoient des orne-
ments de i'idole,afin qu'il le reprefentaft quaran-
te iours. Auantque delcveftir ils le punfioienc
lelauantdeux fois en vnlac, qu'ils appelloient
lac des Dieux, & après qu'il eftoit purifié , ils le
veftoient de mcfme que l'idole eftoit veftu. Il
eftoit fortreueré durant quarante iours, à caufe
decequ'ilreprefentoit. Ils l'emprifonnoientde
nuict (comme il a efté ditcy delfus , ) de peur
qu'il ne f'enfuift& le matin le tiroient delà pri-
fon , le mettans en vn lieu eminent, où ils lefer-
uoient , en luy donnant à manger des viandes ex-
quifes . Apres qu'il auoit mangé ils luy met -
toient des chaînes de fleurs au col, & beaucoup
de bouquets aux mains . Il auoit fa garde fort
accomplie, auec beaucoup de peuple qui l'ac-
compagnoit, Se alloitauec luy par la Cité . Il
alloit chantant & dançant par coûtes les rues ,
sjtEjsjra STO^
HISTOIRE NATVRELLE
afin d'eftre cogncu pour la femblâce de leur diew,
&lors qu'il commençoit à chanter , les femmes
& petits enfansfortoient de leurs maifons pour
le iàiiïer,& luy faire leurs offrandes comme à leur
dieu. Deux vieillards d'entre les diçnitez du tem-
pie venoieut par deuers luy neuf io jrs aupaïauât
la fefte, lefqueis fhumiliansdeuantluy , luydi-
foient d'vne voix fort humble, & baflejSeigneur,
tu dois fçauoir que d'icy à neuf ioursi'acheuele
trauaildedancer,& de chanter, car alors tu dois
mourir: & il deuoitrefpondre quecefuft àlabô-
ne heure. Ils appelloient cefte cérémonie Neyo-
lo Maxildezth, qui veut dire l'adueniilTement , Se
quand ils l'aduertiflbientjils prenoient garde fort
cntentiuementftlfecontnftcit point, & i'ildan-
çoitauffiioyeufement que de cou(lume,que frl
nelcfaifoit auec vne telle gaye té qu'ils deiiroiét,
ilsfaifoient vnefottefuperftitiôen cefte maniè-
re. Ils f'en alloient incontinent prendre lesra-
foirs des facrifices , lelquelsilslauoient,& met-
toient du fang humain qui y reftoitdesiacnfices
pafTez .•&deceslaueuresluy faifoientvn breuua-
ge meilé aucc vne autre liqueur faite de cacao , 5c
luy donnoient àboire,& difoientquecebreuua-
ge auoit telle operatio en luy,qinl luy feroit per-
dre la mémoire de tout ce que l'on luy auoit dit,
& quecelalerendroitprefque inlenfible, & rc-
tourneroit à fon chant & gayeté ordinaire. Ils di-
rent dauantage qu'il i'offcoit allègrement à mou-
rir3eftantenchâtédecebreuuage. Lacaufe pour-
quoy ils tafehoient de luy ofter cefte triftefle,
eftoit pour autant qu'ils tenoient cela pourvn
mauuais augure, cepour vnprcnofticq de quel-
que
DES INDES. LIV. V. Z^y
que grad mal. Le iour de la fcfte eftant vcnu,aprcs
luy auoir fait beaucoup d'honneur, chante la mu-
flque,& Iuyauoir prefenté l'encens, lesfaoifica-
tcurs (ur la minuict le prenoient & le facrifloient
à la faço n fufditc,faifans offrande defcn cœur à la
Lune,lequel ils iettoyent après contre l'idole,laii-
fant tomber le corps au bas des degrez duTem-
p!e,où ceux qui l'auoyent offert le releuoient3qui
cftoyenc les marchands , defquels eftoitlafeile.
Puis l'ayant porté en lamaifon du plus notable
d'entr'eux , le faifoient apprefter en diuetfes fàul-
ces , pour célébrer à l'aube du iour le banquet Se
difné delafefte , ayans premièrement donne le
bon- iour à l'idole, auec vn petit bal qu'ils faifoiéc
pendant que l'aube lortoit,& que l'on accorrimo -
doit le facrifié. En après tous les marchands faf-
iembloientà cebanquet, fpecialement ceux qui
kuioient le commerce de vendre , Se acheter des
efclaues, qui auoiéc en charge d'offrir par chacun
anvnefclauepourlafemblacedeleurDieu.Cefte
idole eftoit vn des plus honorezde cefte terre, co-
rne i'ay dit , c'eft pourquoy le Temple où il eftoit,
eftoit de beaucoup d'authoricé. Il y auoit foixan-
te degrez pour y monter , Se audeffus d'iceuxy
auoit vue court de moyenne largeur, fort propre-
ment accomodee & plaftree, au milieu de laquel-
le il y auoit vne grande pièce ronde,en la façon de
four,ayant fon entrée bafle,& eftroite, tellement
que pour y entrer il falloit le baifler bien fort. Ce
Temple auoit fes chambres,ou chappelles, com-
me les autres,où il y auoit des conuëts de preftres,
de ieunes hommes,de filles, & d'enfans, tomme il
aeftédit,&toutesfois il n'y auoit qu'vnfeul prè-
le
wwi
HISTOIRE NATVRELLE
lire qui refidoir continuellement là, & efioit co-
rne fcmainier.Car combien qu'il y euft en chacun
de ces Téples trois ou quatre Curez & dignitez,
chacun y feruoit fa femaine,fans en fortir. L'offi-
ce du femainier du Templé(apres auoir endoctri-
né les en fans) eftoit de battue vn grand tambour
tous les ioursà l'heure que fe couchoit le Soleil,
pour lamefmefinquenousauos accouftuméde
fonner l'oraifon.Ce tambour eftoit tel , que 1 o en
entendoit le Ton enroué de toutes les parts de la
Cité, alors vn chacun ferroit fa marchandifc,& le
retiroit en fa maifon,&yauoitvn fi grand filen
ce,qu'il fembloit qu'il n'y euft homme viuant dis
la ville. Au matin,lors que l'aube du iour commé-
çoitàforrir,ilrecommëçoità battre ce tambour,
qui eftoit le figne que le iour commençoit , au
moyen dequoy les voyagers& forains s'arrelloiët
à ce lignai pour commencer leurs voyages, pour
ce qu'il n'eftoit point permis iulquesàce temps,
de fortir de la cité.Il y auoit en ce Temple vnc
court de moyenne grandeur, en laquelle l'on fai-
foitde grandes dances , & refiouiirances , auec
des farces,ou entre- mets, le iour de la fefte de l'i-
dole. Pour lequel effed il y auoit au milieu de
cefte court vn petit théâtre de tiete pieds en quar-
ré, fort proprement agence, lequel ils Jiccommo -
doientdefueillagespourceiour, auec tout l'arti-
fice Se gentillelle qu'il eftoitpoilible, eftantrout
enuironné d'arcades de diuerfes fleurs , & pluma-
ges , & y tenoient attachez en quelques endroits
beaucoup de petits oifeaux,connils,& autres ani-
maux paifibîes. Apres dilner tout le peuple ('af-
fembîoitence lieu > & les baftelleurs feprefen-
DES INDES. LIV. V. *}8
toient,& ioiïoict des farccs,les vns contrefaifoiéc
les fourds,&les enrheumez,les autres les boueux,
lesaueugles,& les manchots, lefquels vcnoient
demander guarifon à l'idole. Les (ourds refpon-
doient du coq à l'a (ne , les enrheumez toulîoient,
les boiteux clochoient,racontans leurs miferes<Sc
ennuis, dequoy ils faiibient beaucoup rire le peu-
ple,lcs autres fortoiënt en forme de beftiollcs , les
vns cftâs veftus comme efcargots,les autres com-
me crapaux , & d'autres comme lezatds,puis l'en-
tre-rencontrans racontoient leurs ofhccs , 8c
(e rctirans chacun de (on codé , ils touchoienc
de petites n'eûtes, qui eftoitchofeplaifaceàouyr.
Ils contrefaifoient mefme des papillons, &c des
petits.oifeauxdediuerfescouleurs,&eftoient les
enfans du Temple qui reprefentoient ces formes,
fiuis ils montoient en vne petite foreft, qui eftoit
à plantée expres,où les preftres du Temple les ti»
roient anec des farbacanes. Et cependant ils fe di-
foient plufieursplaifans propos, les vns en atta-
quant^ les autres en défendant, dequoy les arti-
ftanseftoientioyeufemententretenus.Cclaache-
ué , ils faifoient vn baloumommerie,âuec tous
ces perfonnages, & par ce moyen s'acheuoit la fe-
fte.Ce qu'ils auoientaccouftumé de faire aux plus
principales feftes.
Qml profit l'on peut tirer du trait té des /#>
perftittons des Indes.
C H AP. XXXI.
jgEqui a eftè dit fuffife pour entédre le foin& la
ipeine que les Indiens emploioient à feruir &
k ij
SW»«««?*5P;!*fK
• HISTOIRE NATVRÉLLE
honorer leurs idoles,&pour mieux dire le diable:
car ce feroitvnechofe infinie, ôc de peu de profit
de vouloir raconter entièrement cequis'ypaife,
veu mefme qu'il pourra fembîer à quelques-vns
qu'iln'eftoit point de befoing d'en dire tant com-
me ï'ay fait j & que c'eft perdre le temps , comme
l'on fait en lifantles contes que feignent les Ro-
mas de Chcualerie. Mais Ci ceux quiont cefte opi-
nion y veulent regarder de près, ils trouueronc
qu'il y a grande différence entre l'vn & l'autre , &
recognoiftront que ce peut eftre vnechofe vtile,
pour plufieursccnfiderationsd'auoirlacognoif-
fance des couftùmes& cérémonies dont vibient
les Indiens. Premieremet cefte cognoitîancen'eft;
pas feulement vtile , mais auffi neceiïàire aux ter-
res où ils ont vfé de ces fuperftitions , afin que les
Chreftiéns,& maiftres de l'a loy de Chrift,fçachët
les erreurs & fuperftitions des anciens, pour voir
fîleslndiésenvfentpointencorauiourd'huy ou-
uertcment,ou couucrtemcnt. Pour cefte occaiîo
plufieurs doctes &fignalez perfonnages ont eferit
des difco.urs allez amples de ce qui fen eft trouué,
voire les Conciles prouinciaux ont commandé
ique l'on les cfcriuc , & imprime , comme on a fait
en Lima,où vn difeours a efté fait plus ample que
ce qui en eft icy traitté. C'eft pour quoy c'eft cho-
fe importante pour le bien des Indiens , que les
Efpagnolscftans en ces parties deslndes,ayentla
cognoiflance de toutes ces chofes. Cefte narratiô
mefme peut feruir aux Efpagnols de delà,& a tous
autres en quelque endroit qu'ils foient pour rc-
mercierDieu noftrc Seigneur,& luy rendre grâces
infinies d'vn fi grand bien que cèruy que nous a
DES INDES. LIV. V. 259
departy,& va donnant Ta (àincle Loy , laquelle eft
toute nette,& toute profitable. Ce que l'on peut
cognoiftre en la comparant auec les loix de Satan,
où tat de malheureux ont vefcu fimiferables. Elle
peutmefmeferuirpourdefcouurir'l'orgueiljl'en-
uie,les tropeties,& les embufehes du diat>le,qu'il
exerce contre ceux qu'il tien t captifs,veu que d'vn
cofté il veut imiter Dieu, & faire coparaifon auec
luy,& fa faincte Loy,& d'autre cofté il entremefle
en Tes actes tant de vanitez,& d'ordures, & de cru-
autez, comme celuy qui n'a point d'autre exerci-
ce que de fophiftiquer , & corrompre tout ce qui
cft bon.Finablement qui verra les ténèbres & l'a-
ueuglement auquel tant de grandes prouinces,&
Royaumes ont vefcu fi longtemps & que beau-
coup de peuples,voire vne grande partie du mon-
de,viuét encor deceus de femblables tromperies,
ne pourra, (f'il a le cœur Chreftien) qu'il ne rende
grâces au tref-haut Dieu , pour ceux qu'il appelle
de fi grades ténèbres à l'admirable lumière de Ton
Euangile , fuppliant l'immenfe charité du Créa-
teur qu'il les conferue,& augmente en fa cognoif-
fance,& en fon obeiiTance,3<r que de mefme aufîî
il fe contrifte , pour ceux qui toufiours fuyuent le
chemin de perdition. Et qu'en fin il fiipplie le Pè-
re de mifericorde , qu'il leur defcouure lesthrc-
fors,& richeflTcs de Ielus Chriftjequel auec le Pè-
re,!^ le S.Efpnt, règne par tous les fiecles. Amen.
"i
LIVRE SIXIESME
DE L'HISTOIRE N A-
TVREL1E ET MORALE
des In4es.
CHAPITRE PREMIER.
Quel' opinion de ceux là cft faulfe,qtti tiennent que
les Indiens ont faute d'entendement.
YANTÊtaittc cy dcuant de la re-
ligion dont vfoient les Indiens, ie
preteds efcrire en ce Hure de leurs
coullumes, police , & gouuerne-
ment, pour deux fins rl'vne, afin
d'ofter la fanKe opinion que l'on a
communément d'eux qu'ils font hommes gref-
fiers & brutaux,ou qu'ils ont fi peu d'entendemét,
qu'àpeine méritent ils qu'on die qu'ils en ayent.
D'où vient quel'on leur fait plufieurs excez & ou-
trages en fe ieruans d'eux prefque en la mefme fa-
çon,que fi c'eftoient beftes brutes, & les reputans
indignes d'aucun rcfpect , qui eft vn fi vulgaire, &
fi pernicieux erreur (ainfi que le fçauen t fort bien
ceux qui aucc quelque zèle , & considération ont
cheminé parmy eux , & quiontveu & cogneu
DES INDES. LrfV. V. 1 60
leurs fècrets, & confeils)& cl'autre part le peu de
cas que font de ces Indiens plufieurs qui penfenc
fçauoir beaucoup , & neantmoins qui font ordi-
nairement les plusignorans , cV plus prefom-
ptueux , que ie ne voy point de plus beau moyen
pour confondre cette pernicieule opinion, qu'en
leurdeduifant l'ordre & façon de viurequ'ilsa-
uoientau temps qu'ils viuoient encorfoubsleur
l0y,enlaquelle,combien qu'ils cuflent beaucoup
dechofes barbares, & fans fondement , neant-
moins ils en auoient beaucoup d'autres dignes
de grande admiration,par lefquelles l'on peut en-
tendre qu'ils ont le naturel capable de receuoir
toute bonne inftrudh'on , & de faid ils furpallenc
en quelques chofes plufieurs de nos Republi-
ques. Etn'eft point cnofe demerueillequ'ilyaic
eu entr'eux de fi grandes & fi lourdes fautes , veu
qu'il y en a eu aulîi entre les plus fameux Legiila-
teurs & Philofophes (voire ians excepter Lycur-
ge ny Platô.)Et entre les plus fages républiques,
comme ont efté la Romaine Se l'Athénienne , où.
l'on peut recognoiftre des chofes fi pleines d'i-
gnorance, & fi dignes de rifee, qu'à la vérité fi les
Républiques des Mexiquains & Inguas euifenr.
eftécogneuës en ce temps des Romains, & des
Grecs,leurs loix & gouuernemens eulTent efté be-
aucoup eftimez d'eux. Mais nousautresùprefent
ne confiderans rien de cela, y entrons par l'efpee»
fans les ouyr , ny entendre , nous perfuadans que
les chofes des Indiens ne méritent point qu'on?
en face eftime autre , que comme l'on fait d'vne
venaifon prinfeenlaforeft, qui ait efté amené©
pour noftrc feruice & pafTe-cemps. Les hom-
k iiij
■1
HISTOIRE NATVREILE
mes plus profonds, Se plus diligents , qui ont pé-
nétré & atteint iufques à la cognoilfance de leurs
fecrets, couftumes Se gouueinemcntancien , en
ont bien autre opinion, 6V Pefmct ueilient de l'or-
dre,*^ du difeours qui a efté entre eux. Du nom-
bre defqùels eft Polo Ondeguardo , lequel ie fuis
communément au difeours des chofes du Per.u,&
pour celles de Mexique lean de Toiiar , qui auoic
eu vne prébende en l'Eglife de Mexique, & au-
iourd'huy eft religieux de noftre compagnie de
Iefus, lequel par le commandement du Viceroy
Dom Martin Enrriques , a fait vn diligent & am-
ple recueil des hiftoires de cefte nation, & plu-
fïeurs autres graues & notables perfonnages , lei-
quels tant par parole , que par eicrit , m'ont fuffi-
famment informé de toutes ces chofes, que ie ra-
conte icy. L'autre fin & intention , & le bien qui
fe peut enfuiure parla cognoiflance de ces loix,
couftumes , & police des Indiens , eft afin de leur
aider ,6c les régir par les mefmes loix 6V couftu-
mes , attendu qu'ils doiuenteftregouuernez fé-
lon leurs couftumes & priuileges , entant qu'ils
ne contreuiennent à la Ioy de Chrift, & de fa fain -
de Eglife, qu'on leur doit conferucr& entrete-
nir, comme leurs loix principales. Car l'igno-
rance Ses loix & couftumes a efté caufe que l'on
yacommisplufieurs fautes de grande importan-
ce .-parce que les iuges, & Gouuerneurs ne fça-
uent pas bien comment ils doiuent donner iuge-
ment, & y régir leurs fubie&s. Et que outre ce
quec'eftleur faire vn grand tort, & aller contre
raifon3ccnous eft choiepreiudiciableôV domma-
geable, pat ce que de là ils prennent occafioa de
DES INDES. LIV. VI. l6l
nous abhorrer, comme gens qui en tout foitau
bien ou au mal , leur auons efté & fommes touC-
iours contraires.
De lafupputat'ton des temps , & du Kalcndrter du-
quel yfoient les "Mexiaunins.
CHAP. IX.
J5 Our commencer donques parladiun/ion&
&£ fupputation des temps que les Indiens fai-
foient ( enquoy certes l'on peut recognoiftre vn
des plus grands (ignés de leur viuacité & bon
entendement) iediray premièrement de quelle
manière les Mexiquains contoient & diuiloienc
leur année , de leurs mois, de leur Kalendrier, de
leurs contes, des fiecles & des aages. Ils diui-
foienTï'an en dix-huid mois , à chacun defquels
ils attribuoient vingt iours , enquoy les trois
cens foixante iours font accomplis, lans com-
prendre en aucun de ces mois les cinq iours , qui
reftentdufurplus, failant raccomplilTementde
l'an entier . Mais ils les contoient à part, & les
appelloientles iours de rien , durant lefquelsle
peuple ne faifoit aucune chofe , & n'alloient pas
meimes en leurs temples , mais ils foccupoient
feulement à fevifiter les vns les autres , perdans
ainfï le temps , & les facrificateurs du temple cef-
foientaulTidefacrifier. Apres ces cinq iours paf-
fez , ils recommençoient leur conte de l'an , du-
quel le premier mois,& le commencement eftoit
en Mars, quand les fueillcs commençoientàre-
uerdir, encor qu'ils prinlTent trois iours du mois
de Feurier : car leur premier iour de l'an eftoie
Histoire natvrelle
comme le vingt -fixiefrnc de Feuricr, ainfi qu'il
appert par leur calendrier, dedans lequel meime
le noftreeftcompris, & employé d'vn fort ingé-
nieux artifice ,& fut fait pat les anciens Indiens,
qui cogneurent les premiers Efpagnols. I'ay veu
ce Kalendrier , & l'ay encor en ma puiflance , qui
mérite bien d'eftreveu,pour entendre le dilcours
& l'induftrie qu'auoient les Indiens Mexiquains.
Chacun de ccsdix-huiel mois auoitfon propre
nom,& fa propre peinture , qu'il prenoit com-
munément delà principale feftequi fefaifoiten
ce moiSjOudeladiuerfucdu temps que Tan cau-
fe en iceux. Ils auoient en ce Kalendrier certains
iours marquez & deftinez pour leurs feftes, &
contoientles fepmainesdetrezeiours , en y re-
marquât les iours par vn zéro, qu'ils multiplioiet
iufquesà treze , & incontinent recommençoient
à contet vn,deux, &c. Ils remarquoient auflî les
années de ces roués par quatre fignes ou figures,
attribuans à chacun an vn figne , dont l'vn eftoit
d'vne maifon , l'autre d'vn connin , le troiiielme
d'vnroieau, &Iequatriefmed'vn caillou. Ils les
peignoient de cefte façon, denotans paricelles
figures l'an qui couroit, difans à tant de maifons,
ouatant decaillous, de telle roue fucceda telle
chofe : car l'on doit fçauoir que leur roue, qui c<
ftoit comme vnfiecle, contenoit quatre fepmai-
nes d'années, eftant chacune fepmaine de treze
ans', quiaccomplitïoicntentoutcinquantedeux
^ns.Ils peignoient au milieu de cefte roue vn So-
leil,d'où forroient en croix quatre bras ou lignes,
iufques à la circonférence de la roue, &faifoicnt
leur tour en telle facô,quc la circonférence eftoic
DES INDES. LTV. VI. l62.
dicifec en quatre parties egales,chacune deiquel-
les auec Ton bras ou ligne , auoit vue couleur par-
ticulière , & différente des autres , &c eftoient les
quatre couleurs vert,azurc',rouge & jaulne. Cha-
que portion de ces quatreauoit treze feparations
qui auoient toutes leurs fignes ou figures particu-
lières, de maifon, ou de connin,ou de roleau , ou
decaillous, fignifiant par chaque figne v ne an-
née , & en te{ledeceilgne,ilspeignoientce qui
rftoit arriuc cet an là. C'eft pourquoy ie veids au
Calendrierque i'ay dit , l'année en laquelle les Es-
pagnols entrèrent en Mexique, marquée par vne
peinture d'vn homme veftu de rouge, à noftre
mode, car tel eftoit l'habit du premier Efpagnol
qu'enuoya Fernand Cortés, au bout de cinquan-
te deux ans que le fermoir &c accompliflbit la
roue. Ils vfoientd'vneplaifante cérémonie, qui
eftoit que la dernière nuicl: ils rompoicnt tous
IesvafescV vtenfiles qu'ils auoient, &e(teignoiet
tout le feu, & toutes les lumières, difans que le
monde deuoit prendre fin à l'accompliiTement
d'vne de ces roues , & que d'auanrure ce.pourroit
eftrc celle où ils fe trouuoient. Car(difoient-ils)
puis que le monde doit alors finir , qu'eil-il plus
de beibin d'apprefterde viande, ny démanger?
C'eft pourquoy ils n'auoient plus que faire de va-
fes,hy de feu. Sur cefte opinion ils paiïbicnt tou-
te la nuicl: en grande crainte,difans que peut eftrc
il ne viendroit plus de iour, & veilloient tous
fort attentiuement pour voir quand le iour vien-
droit.-mais voyas que l'aube commençait à poin-
dre , incontinent ils bat toictpluficurs tambours,
HISTOIRE NATVRELLE
& fonnoicnt des buccincs , des fleutes , Se autres
inftrumens de refiouyfiance 8c allegreffe, diians
que défia Dieu leur allongeoit le temps d'vn au-
tre fiecle , qui efloient cinquante deux ans. Eta-
lors ils recommençoient vne autre roué. Ils pre-
noienteu cepremieriour , & commencement
du fiecle , du feu nouueau , & achetoient des va-
fcs&c vtenfiles neufs pour aprefter la viande &:
alloient tous quérir ce feu nouueau chez le grand
Preftre , ayans fait auparauant vue folemnellc
proceflïon d'aétion de grâces pour la venue du
iour , Se prolongation d'vn autre fiecle. Telle e-
ftoit leur façon & manière de conter les années,
les mois , les fepmaines, & les fiecles.
Comment les Ejus înguxs conteient les ans , '
& les mois.
CH A P. III.
g Ombien que cefte fupputation des temps,
pratiquée entre les Mexiquains foit allez in-
genieufe& certaine pour des hommes quin'a-
uoientaucunes lettres, toutesfois ilmefemble
qu'ils ont eu faute de difeours , & de confidera-
tion , n'ayans point fondé leur conte fur le cours
de laLune,ny distribué leurs mois félon icelle.
enquoy certainement ceux du Peru les ont fur-
paflez^ pource qu'ils partoient leur an en autant
de iours parfaitement accomplis , comme nous ;
faifonsicy,&lediuifoienten douze mois ou Lu-
nes, cfquels ils employ oient & confommoienc.
les vnze iours qui reftent delà Lune , ainfi que
l'eferit Polo. Pour taire ieur conte de Lan leur &
DES INDES. LIV. VI. lé 3
certain , ils vfoient de cefte indjuftrie, qu'aux mo-
tagnes qui eftoient autour de la Cité de Cufco
( oùfetenoitlacourdes Rois Inguas, &c le plus
grand fancluairedes Royaumes , comme fi nous
di fions vne autre Rome) il y auoit douze colom-
nes aflîfes par ordre , en telle diftance l'vnede
l'autre que chaque mois vne de ces colomnes re-
inarquoitleleuer& coucher du Soleil. Ils les ap-
pelloient Succanga , & par le moyen d'icelles ils
enfeignoient Se annonçoient les feftes , & les (ai-
fons propres à femer , à recueillir Se à faire autres
chofes. Ils faifoient de certains facrifices à ces
pilliersdu Soleil, fuiuant leur fuperftttion. Cha-
que mois auoitfon nom propre Se fes feftes par-
ticulières . Ils commençoient l'an par Ianuier,
comme nous autres , mais depuis vn Roylngua
appelle Pachàcuto, qui fignine reformateur du
Temple , fit commencer leur an par Décembre,
à caufe ( comme ie coniechire) qu'alors le Soleil
commence à retourner du dernier poincT:' de Ca-
pricorne ,quiellle Tropique plus proche d'eux.
Ienefçay poin&quelesvns ny les autres ayant
remarque aucun Bifexte , combien que quelques
vns dient le contraire. Lcsfepmainesquecon-
toientles Mexiquair.»s n'eftoient pas proprement
fepmaines , puis qu'elles n'eftoient pas de fept
iours , aufli les Inguasn'en firent aucune men-
tion , ce qui n'eft pas de merueille, attendu quel»
rontedeiafepmaine n'eft pas fondé fur le cours
du Soleil, comme celuy de l'an , ny fur le cours
de la Lune, comme celuy des mois , mais bien,
entre les Hebrieux eft fondé fur la création du
inonde , que rapporte Moyfe, &eotreles Grecs,
3§^'Tiïv?w&pœv f$$?V
HISTOIRE NATVRE LL E
& les Latins , fur le nombre des fept Planettes du
nom defquellcs mefme les ioursdela fepmaine
ont prins leur nom. Neantmoins c'eftoit beau-
coup à ces I nd iens , eftans hommes fans liures,&:
fans lettres comme ils font , qu'ils eullent vn an,
des iaifons& des feftesfibien ordonnées, com-
me il eft dit cy delî'us.
Que l'on 71 a point troituc aucune nation d'indiens
rjHjvfaiï de lettres.
C H A P. III.
Çîfîl E s lettres furent inuentees pour reprefen
£$â< ter& fignifier proprement les paroles que
nous prononçons, ainii que les paroles mefmes
(félon lePhilofophe) lontles figues & marques
propres des conceptions & peniees des hommes
Et l vn& l'autre (iedy les lettres & les mots) ont
efté ordonnez pour faire entendre les chofes. I a
voix pour ceux qui fontprefents, ôc les lettres
pour les abfens,& pour ceux qui font avenir
Les fignes & marques qui ne font pas propres
pour lignifier les paroles , mais les chofes ne peu
tient cftre appeliez, ny ne font point àla vérité
desletties , encor qu'ils foient eferits. Car l'on
ne peut dire qu'vne image du Soleil peint, fo
vneefcrituredu S oleil,mais feulement vue pein-
une: autant en eft ildes autres fignes& chara-
deresqui n'ont aucune refiemblance à la choie,
mais qui (eruenc tant feulement de mémoire: ca
celuyqui lesinnenrane les ordonna point pou,
fignifierdes paroles : mais feulement pour de:
noter vnechofe. On n'appelle point aufîi ce<
charac'tçres lettres njeferitures, comme de fai
■■
DES INDES. LIV. VI. 164
ils ne le font pas:rrais pluftofl des chiffres ou me-
moires,ainfi que font ceux dont vient les Sphe-
riftes & Aftrologues , pour fignifier diucrsfîgnes
ouplanettesde Mars, de Venus, delupiter,&c.
Tels characleres font chiffres & non pos lettres ,
pour-autantque quelque nom que Marspuifïe
auoir en Italien , en François , en Efpagnol,tou£.
iours ce charactere le fignifle: ce qui ne le trouuc
point es lettres: car iaçoit qu'elles dénotent les
choies, c'eft par le moyen des paroles : D'où,
vient que ceux qui n'en fçauent lalangueneles
entendent pas , comme pour exemple le Grec
nyrHebrieu ne pourra pas comprendre ce que
fignific ce mot Sol > iaçoit qu'ils le voyent eferit,
pource qu'ils ignorent le mot Latin. Tellement
quel'efcriture&les lettres font feulement pra-
tiquées par ceux qui auec ieellcs fignifient des
mots : car fi immédiatement elles fignifient les
chofes , elles ne font plus lettres nyefcritures,
mais des chiffres &des peintures , dequoyl'on
tire deux chofes bien notables. L'vne eftquela
mémoire des hiftoires &antiquitez peut demeu-
rer aux hommes par l'vne de ces trois manières,
ou par les lettres ôc efentures , comme il aefte
pratique entre les Latins,les Grecs.lcs Hebrieux,
& beaucoup d'autres nations , ou par peinture,
comme l'on avfé prefque en tout le monde : car
il eftditau Conciledc Nice fécond : La peinture
tft-vn hure pour les idiots qui ne fçuuent lire , ou par
chiffres &characteres, comme le chiffre fignific
le nombre de cent , de mil & autres fans li-
gnifier cette parole de cent , ou de mil. L'au-
tre chofe notable que l'on -en peut tirer cft celle
HISTOIRE NATVRELLE
qui ('eft. propofee en ce chapitre , à fçauoir que
nulle nation des Indes defcouuertes de noftre
temps, n'a vfé de lettres ny deferiture, mais de
deux autres manières , qui en font images & figu-
res. Ce que i'entens dire non feulement des In-
des ,duPeru , cVdelaneufueEfpagne, maisauffi
du lappon&r de la Chine . Et bien que ce que ie
disparauenture pourra fembler à quelques-vns
eftrefaux, veu qu'il eft rapporté parlesdifcours
qui en font eferits , qu'il y a de fi grandes Librai-
ries &vniuerfitez en la Chine &c au Iappon, &
qu'il eft fait mention de leurs Chapas , lettres &
expéditions, toutesfois ce que iedy eft chofe vé-
ritable, ainfi qu'on pourra entendre par ledif-
coursfuiuant.
De la façon des lettres & des Huns dont ,
yfoicnt les Chinois.
chAP. v.
gv-(5 L y enaplufieurs qui penfent, & eft bien
i^M la plus commune opinion que les efcritu'res
dont vient les Chinois font lettres comme celles
dont nousvfons en Europe, & que par icclles
l'on puiife eferire les paroles & difeours , & que
feulement ilsdifferentdenoslettres&efcritures
en la diuerfité des charadteres , comme lés Grecs
différent des Latins, &lesHebrieux des Chal-
deàns. Mais il n'en eft pas ainfi , pource qu'ils
n'ont point d'Alphabet , ny n'eferiuent point de
lettres , mais toute leur eferiture n'eft autre cho-
fe que peindre & chiffrer, & leurs lettres ne fï-
givifient point des parties de dictions , comme
font
DES INDES. LIV. VI. 26$
font les noftres, mais font des figures 8c repre-
fentations des chofes, comme du Soleil , du feu,
d'vn homme, de la mer, 8c des autres chofes. Ce
qui apperc etudemment , parce que leurs écritu-
res^ Chapas font entendues d'eux tous , com-
bien que les .langues dont parlent les Chinois,
foienten grand nombre , & fort différentes en-
ti.-'elles,enlamefmefaçon que nos nombres de
chiffre font entendus cfgalement en François, en
EfpagnoI,& en Arabie. Car celle figure 8. où que
cefoitfignifiehuid;,encor que le François ap-
pelle ce nombre d'vne façon , 8c l'Efpagnol d'vne
autre. D'où vient que les chofes eftans de foyin-
numcrables,les lettres aufïî ou figures don t vfeoc
les Chinois, pour les dénoter font prefquc infi-
nies : tellement que celuy qui doit lire ou eferire
à la Chine (comme font les Mandarins) doit fça-
uoir& retenir pour le moins quatre vingts cinq
mil charafteres ou lettres, 3c ceux qui font par-
faits en cefte lecture en fçauent plus de fix vingts
mil. Chofeprodigieufe ôceftrange, voire qui le-
roîc incroyable,!! elle n'eftoit atteftee par des per-
sonnes dignes de foy , comme les Pères de noftrc
compagnie , qui font là continuellement, appre-
nans leur langue «Scefcriturc, & y a plus de dix
ans , que de nuid 8c de iour ils fcftudient à cecy>
auecvn perpétuel trauail.Carla charité de Chrift
&>ie dcfirdelafaluationdcsames , furmonteen
euxtoutcetrauail & difficulté , qui eft la raifort
pour laquelle lés hommes lettrez font tant efti-
mczenlaChine,àcaufcdela difficulté qu'il y a
aies comprendre, 8c ceux là feulement ont les
offices de Mandarins , Gouuerneurs , luges &
!ïfï«SSX
Histoire natvrelle
Capitaines. Pour cette occaficm les Pères pren-
nent beaucoup de peine défaire appredrcàleurs
enfans à lire & efcrit e.ll y a grand nombre de ces
efcolliers où les enfans font inftruits , & où les
maiftres les font eftudier de iour, & le père de
nui6t en la maifon. Tellement qu'ils leur endom-
magent beaucoup les yeux, & les fouettent fort
fouuent auec des rofeaux , bien que ce ne foi t pas
de ces rigoureux, defquels ils fouettent les mal-
faiteurs. Ils appellent cela la langue Mandarine,
qui a befoi.n de l'aage d'vn homme pour eftre cô-
prinfe:& doit-on fçauoirqu'cncor que la langue
de laquelle parlent les Mandarins (bit particuliè-
re & différente des vulgaires, lc-fquclles fonten
grand nombre, & qu'on y eftudiecorr me l'on fait
par deçà en Latin & en Gréé, & que les lettrez
qui font pat toute la Chine la fçauent & enten-
dent tant feulement : fi cft-ce toutesfois que tout
ce qui eft efcrit en icelle eft entendu en toutes les
langues j & iaçoit quelesprouincesnefentr'cn-
tendent point de parole les vues les autres, tou-
tesfois par efcrit ils f'entr'entendcnt l'vn l'autre;
car il n'y aqu vue forte de figures ou characteres
pour toutes, qui lignifie vnemefme chofe, mais
non pas vnmefmemot ny prolation, veu que,
comme i'ay dit , ils font feulement pour dénoter
les chofes , &non pas les paroles , comme l'on
peut facilement entendre par l'exemple des nom-
bres de chiffre. C'cfl pourquoy ceux du lappon &:
les Chinois Iifent ôc entendent fort bien lescf-
critures les vns des autres : combien que ce foiét
des nations, & des langues fort différentes. Que
fils parlaient ce qu'ils Iifent ou «ferment, ilsne
DES INDES. IIV. VI. l66
lepourroient pas entendre. Telles iont donc les
lettres, & les limes dont vfent les Chinois fi re-
nommez au monde. Pour faire leurs imprcilïons
ils grauent vue planche des figures qu'ils veulent
imprimer :Ptiis en eftampenc autant de fueilles
de papier qu'ils veulent, delà melmc façon que
l'on fait icy les peintures qui font gtaueesendu
cuiureou du bois. Mais quelque homme d'en-
tendement pourra demander comment ils peu-
uent lignifier leurs conceptions par des figures
quiapprochent ou refiemhlent à la chofe qu'ils
veulent reprefenter, comme de dire que le Soleil
elehanfre, ou qu'il a regarde le Soleil, ou que le
iour eft du Soleil. Finalement , comment il leur
eft polîibic de dénoter par de me fin es figures les
cas,lesconion&ions,& les articles qui font en
plufieurs langues & eferitures. lercfpondsà cela
qu'ils distinguent & fignifient cefte variété par
certains points rayez & diipofitions de la figure.
Mais il cft. difficile d'entendre comment ils peu-
uent eferire en leur lague des noms propres, fpe-
cialement d'eftrangers , veu que cefontehofes
que iamais ils n'ont veuës, & qu'ils nepeuuent
inuenter des figures qui leur foient propres. l'en
ay voulu faire l'expérience me trouuant en Mexi-
que auecdesChinois,& leur dy qu'ils efcriuiflenc
en leur langue cefte propofition. Iofcph d'Acofta
eft venu du Peru,& autres femblables, furquoy le
Chinois futvn long temps penfif, mais en fin il
l'eicrit.Cc que d'autres Chinois lcurec après, bic
qu'ils variaiîentvnpeuen lapronociation du no
propre: car ils vfent de ccft artifice pour eferire le
nô propre qu'ils cherchée quelque chofe en leur
1 jj
it&SîS 238S3P &TœrWWt ïysatf
HISTOIRE NATVRELLE
langue qui aye rcflemblance à ce nom,& mettent
la figure cie cette chofe. Et comme il eft difficile
entre tant de noms propres, de leur trouuerdes
chofes qui leur portent reflemblance en lapro-
lation ; auffi leur eft-ce chofe fort difficile & fort
laborieufed'eferire tels noms. Sur ce propos le
père Allonfe Sanchez nous contoitquclors qu'il
eftoit en la Chine,& que l'on le menoit en diuers
Tribunaux,de Mandarin en Mandarin,ilseftoict
fort long temps à mettre Ion nom par elcrit en
leurs Chapas,toutesfois ils l'efcriuoicntenfin,
le nommans en leur façon , & tellement ridicule,
qu'àpeincapprochoient-ilslenom,qni eft la fa-
çon des lettres Se eferiturcs dont vfoient les Chi-
nois. Celle des Iapponnois en approchoit beau-
coup, encor qu'ils afferment que les feigneurs
Iapponnois qui vindrent en Europe cfcriuoient
facilement toutes chofes en leur langue, quoy
que ce fufïent des noms propres d'icy , mefme
l'on m'a monftré quelques eferitures d'eux : par-
quoy il femble qu'ils doiuent auoir quelque for-
te de lettres, encor que la plus part de leurs ef-
eritures foient par chara&eres de figures, comme
il a efté dit des Chinois.
Des efcbolles & vniueYfite^ de h Chine. -
chap. Vi.
E s Pères de la Compagnie difent qu'ils
n'ont point veu en la Chine de grandes ef.
choles bc Vniuerfitez de Philofophie & autres
feiences naturelles, & croyet qu'il n'y en a point:
mais que toutelcur eftudc eft en la langue Man-
DES IN DES. L IV. VI. 16 J
darinc,qui eft tres-ample 8c tres-difficile,commc
i'ay dir,& que ce qu'ils eftudient font chofes qui
font efcrites en cefte Iangne,qui font des hiftoires
des fectes 8c opinions des loix ciuiles,des prouer-
bes moraux , des fables , &c plufieurs aucres telles
compositions, 8c ce qui en defpend.Des feienecs
diuines ils n'en ont aucune cognoiflance , ny
n'ont autre chofe des naturelles que quelques pe-
tits reftes qu'ils ont en des propositions efgarees,
fans art 8c fans méthode , félon l'entendement Se
eftude d'vn chacun. Pour les Mathématiques ils
ont expérience des mouuemcns celcftes 8c des
cftoiles,&pour la Médecine ils ont cognoiflance
des herbes , par le moyen defquelles ils gàri fient
plufieurs maladies,&envfent beaucoup. Ils eferi-
uentauec des pinceaux, & ont plufieurs liuresef-
crits à la main, &d autres imprimez qui font tous
d'afTez mauuaisordre.Ilsfont grands ioiieurs de
Comédies : ce qu'ils font auecvn grand appareil
de théâtres, veftemens, cloches, tambours , 8c de
voix, félon qu'il eft conuenable. Quelques pères
racontent y auoir veu desComedies qui duroient
dix 8c douze ioursaucc leurs nui&s , fins qu'il y
euft faute de ioiïeurs fur le^heatre, ny dclpecla-
teurs pour les regarder. Jfs font plufieurs Scènes
différentes, cependant que lesvnsreprefentent,
les autres dorment ou repaiflent. Ils traittent or-
dinairement en ces comédies des chofes morales
& de bon exemple, qui font neantmoinsentre-
meflees «le chofes gayes 8c plaifantes. Voila en
fomme ce que les noftres racontent des lettres 8c
exercices de ceux delà Chine , où l'on ne peut
nier qu'il n'y ait beaucoup d'entendemet,& d'in-
{&§&&&§&& aâSSaSsE ra^r $?&?&
HISTOIRE NATVRELLE
duftrie. Mais tout cela eft de peu de fubftance,
pource qu'en erïecl toute la fcience des Chinois
tend feulement à fçauoir eferire «5<r lire , &non
point d'auantage: car ils ne paruiemieiit point
es feiences plus hautes , & leur eferire & lire n'eft
point proprement eferire & lire , puisque leurs
lettres ne font point lettre"; , qui puilîe reprefen-
ter les paroles, mais font figures dechofesinnu-
merables , iefquelles ne fe peuuent apprendre
que par vn bien long temps, 8c auec vn trauail
infiny. Mais en fin auec tqutc leur fcience, vn In-
dien du Pecu ou Mexique qui a apptms à lire&
cfcrire,fçait plus que le plus fage Mandarin d'en-
tr'eux, veu que l'Indien auec vingt quatre lettres
qu'il fçait, efcrira& lira tous les mots &c paroles
qui font au monde, & le Mandarin auec fes cent
millettres aura beaucoup de peine pour eferire
quelque nom propre de Martin , ou Allonfe , Se
à plus forte raifon ne pourra-il pas eferire les
nomsdeschofesqu'ijnecognoift point. Car en
fin l'efcriturede la C^ine n'eft autre chofe qvt'v-
nefaçon de peindre ou chiffrer.
. De ht façon des lettres & cfcriturcs dont ontrfé
les 7\iexiqi*ains.
c h A P. vit.
£t£J'On trouuequ'ilyacntreles natipnsdela
ïMSl neufuc Efpagne vue grand' cognoiflTance £c
mémoire de l'antiquité. C'eftpourquoy recher-
chant de quelle façon les Indiens auoiçnt con-
(erué leurs hiftoires,&: tant de particularitez,i'a-
pris qu'encor qu'ils ne fulîentpoi'nt fi (ubtilsny
fi curieux comme font les Chinois ôcïappoiiiiois
DES INDES. LTV. VI. l6$
n* eft- ce qu'ils auoiencentr'eux quelque forte de
lettres & deliuresparlefquelsils conferuoientà
leur mode les choies de leurs predcceiîeurs. En la,
Prouince de Yu-latan, où eft rEuefché qu'ils ap-
fiellentde Honduras, il y auoic des liures de fueil-
cs d'arbres àleur mode ployez & efquarris , ef-
quels les iàges Indiens tenoient comprifes 8c
defduittesladiftribution de leurs temps, laco-
gnoilîance des planettes , des animaux & des
autres chofes naturelles, auec leurs antiquitez:
chofepleinedegrandccuriolîté 8c diligence. Il
fembla à quelque Pédant que tout cela eftoit vn
enchantement &: art de Magie, &fouftintobfti-
nément que l'on les deuoit brufler,de forte qu'ils
furent mis au feu. Ce que du depuis non feule-
ment les Indiens recogneurét auoir eux mal fait,
maisaufli les Efpagnols curieux qui deiîroicnt
cognoiftre les fecrets du pays. 1 1 en eft arriuc au-
tant es autres chofes, caries noftres penfansque
le toutfuftfupeiftition ,ont perdu plufieurs mé-
moires des chofes anciennes &facrees qui pou-
uoient beaucoup profiter. Cela procède d'vn zè-
le fol 8c ignorant,qui fans fçauoir ny vouloir en-
tendre les chofes des Indiens, difent (commea
chargeclofe) quecefont toutes forcelleries , &
que tous les Indiens ne font que des yurongnes.
qui font incapables de fçauoir ny d'apprendre au-
cune choie. Car ceux qui le font voulus diligem-
ment infermer d'eux, y ont trouué beaucoup de
choies dignes de confédération . Vn de noftrs
compagnie de Iefus, homme fort accort 8c ex-
perimcté.,airembla en la Prouince deMexique les
anciens de Tefcuco>de Tulla, 8c de Mexique , &:
liiij
HISTOIRE NATVRELLE
conféra fort amplement aueceux, lcfquels luy
monftrerentleursliures, hiftoircs, &c calendriers
quieftoientchofes fort clignes de voir, pource
qu'ils auoient leurs figures & Hieroglifiques,par
lefquellcs ils reprefentoient les chofes en cefte
manière. Celles qui auoient forme ou figure
eftoientrepiefentees pu! leurs propres images, &
celles qui n'en auoient point eftoient reprefen-
tees par des characteres qui les fignifioient,& par
ce moyen ilsfiguroient, &efcriuoient ce qu'ils
vouloient. Et pour remarquer le temps auquel
quelque chofe arriuoit , ils auoient ces roues
peinteSjCarchacunc d'iceiles contenoit vn fiecle,
qui eîloit cinquate deux ans,comme a efté dit cy-
delTus, 8c au code de ces roués, ils peignoiët aucc
ces figures & characteres , à l'endroit de l'année,
les chofes mémorables quiauenoient en icelle.
Comme ils remarquèrent l'annce quelcsEfpa-
gnols entrèrent en leur pays , en peignant vn ho-
me auec vn chapeau Se vue iuppe rouge , au fîg::e
du rofeau qui couroitalors.Et ainfi des autres ac-
cidens. Mais pource que leurs eferitures & cha-
racteres n'eftoient pas fi fuffifans comme nos 1er-
tres&efcritures , ils ne pouuoicnt exprimer de Ci
prés les paroles, ains feulement la fubftancedcs
conceptions. Et d'autant qu'ils auoient accou-
ftumè de raconter par cœur des difeours , & dia-
logues compofez par leurs Orateurs , & Rheto-
riciens anciens, &: beaucoup de Chapasdrellcz
parleurs Poètes (eequieftoie impofîîble d'ap-
prendre par les Hieroglyphiques,& chara&eres)
les Mexiquains eftoient fort curieux que leurs
enfans apprinlfcnt par mémoire ces dialogues
MMH^^M
DES INDES. LIV. VI. 26"9
& compositions. A raifon dequoy ils auoientdes
efcholes &c comme des colleges,ou feminaires,où
les anciens enfeignoientauxenfans ces oraifons,
& beaucoup d'autres choi es , quifeconferuoient
cntr'eux,par la tradition des vns aux autres, aufli
entièrement comme fi elles euifent efté couchées
par eferit. Spécialement les nations plus renom-
meesauoient foing que leurs enfans ( qui auoient
inclination pour eftrerhetoriciens& exercer l'of-
fice d'orateurs )apprinffent de mot à mot ces ha-
rangues. Tellement que quand les Efpagnols vin-
drent en leur pays , & qu'ils leur eurent enfeigné
à lire & eferire noftre lettre,plufieurs de ces Indiés
efenuirent alors ces harangues , ainfi que letef-
moignent quelques homes graues qui iesleurent.
Ce qui cftdit poureeque ceux qui liront en l'hi-
iloire Mexiquaine de tels difeours longs &elc-
gans,croiront facilement qu'ils font inuentez des
Efpagnols, & non pas reallementprins,& rappor-
tez des Indiens. Maisenayantcogneulaverité
certaine,ils ne tailleront pas dadioufterfoy,com»
me c'eft la raifon , à leurs hiftoires. lUefcriuoient
au fii ces mefmcs difeours, à leur mode, par des
images,&charac'teres,&ay veupourmefatisfai-
re en cet endroit , les oraifons du Vtternejier , &
.4uc7)1arùï, Symbole, &cofefîion gcneralc,cfcri-
tes en cefte façon d'Indiens. Etala veritequicon-
que les verrai en efmerueillera : car pour ngnifier
ces paroles , "Moy pécheur me confeffe, ilspcignoient
vn Indien à genoux aux pieds d'vn Religieux , co-
rne qui fe confefie,& puis pour celle cy, à Dieu tout
puiflant , ils peignoient trois vifàges,auec leurs
couronnes,en façon de la Trinité , & à UgUrictfi
HISTOIRE NATVR.ELI. E
'vicrzc'Mdrie , ils peignoicnc vn vifàge de noftre
Dame,& vn demy corps de petit enfat, & a feint!
Vierre &faintl Vaul , des telles , auecdescouron-
nes,& vnc clef,& vne efpcc , & où les images leur
deffailloientjils mettoient des chara£teres,côme,
enauoyi'ttypecbéi&c. D'où l'on peut cognoiftrela
viuacïté de l'entendement de ces Indiens,puifque
cefte façon d'efcrire nos oraifons, Se chofcsdela
foy, ne leur a pas efté enfeignee par les Efpagnols,
ny ne l'eu lient peu faire, f'ils n'eullent eu particu-
lière conception, de ce qu'on leur enfeignoir.l'ay
veuau Perula confefîîô de tons les péchez qu'vn
Indien apportoit pour fe confellèr , eferite de la
mefme forte de peintures, & decharactetes , en
peignant chacun des dix commandements d'vne
certaine façon , où il y auoit certaines marques
comme chifTrcs,qui eftoiet les pèche?, qu'il auoit
faits contre ce commandement. Iene doute point
que fï beaucoup des plus habilles Efpagnols
eftoient employez à faire des mémoires de cho-
fes femblables par leurs images & marques,qu'eu
vn an ils n'y pourroient paruenir , non pas er*
dix.
Dcsregiflres, âr façon de conter dontyfoient
les Indiens du Veru,
C HA P. VIII.
rwg Vparauant que les Efpagnols vinlTent es In-
W& des,ceuxdu Perun'auoiét aucune forte d'ef
criture,fuft par lcctres,par chara6teres,chirîres,oi
hguresL, comme ceux de la Chine & de Mexique
toutesfois ils ne huilèrent pas de conferoer la me»
DES INDES. LIV. VI, 27O
moire de leurs antiquitez,ny de retenir l'ordre de
toutes leurs affaires de paix, de guerre , & de poli-
ce,pourcequ'ilsont eftéfortdiligensenla tradi-
tion des vns aux autres , 6V les ieunes gens appre-
naient &gardoient comme chofe facree ce que
leurs fupericurs leur racontoient,& l'cnfeignoiét
aueele mcfmcfoing à leurs fucceileurs. Outre
cefte diligence, ils (uppleoient la faute d'eferitu-
res & de lettres, en partie par la peinture, comme
ceux de Mexique ( combien que ceuxduPeru y
fuirent fort groffiersèV: lourds ) & en parties, &
le plus communément par des quippos.Cesquip-
pos font des Mémoriaux, ouregiftres, qui font
faits de rameaux, efquelsil y adiuers nœuds &
diuerfes couleurs , quifignifientdiuerfeschofes:
'5c eft vue chofe cftrange , que ce qu'ils ont expri-
mé & reprefenté par ce moyen. Car les quippos
leur vadent autant , que desliuresd'hifl:oires,de
loix , de cérémonies &■ des contes de leurs affai-
res. Uyauoitdes officiers députez pour garder
ess Quippos ( qu'auiourd'huy ils appellent Qui-
pocamayos ) lefquels eftoient obligez de tenir
& rendre conte de chaque chofe comme les Ta-
bellions par deçà. C'eft pourquoy en tout l'on
leur adiouftoit entière foy , & créance, car félon
diuerfes fortes d'affaires , comme de guerre, de
police, de tributs, de cérémonies, & de terres,
il y auoit diuers Quippos, ou rameaux,en chacun
defquels il y auoit tant de nœudspetits& grands
&defillets attachez, les vns rouges, les autres
verts , les autres azurez, les autres blancs. Et fi-
nalement, tantdediuerfîtcz, que tout ainfî que
nous autres, tirons vne infinité de mots de vingt
HISTOIRE NATVRELLE
quatre lettres , en lesaccommodans en diuerfes
façons , ainfnls tiroient des lignifications innu-
merables,de leurs nœuds Se diuerfes couleurs. Ce
qu'ils font d'vne telle façon , qu'il arriuc amour-
d'huy au Peru que quad an bout de deux ou trois
anSjVncpmmilïaire va informer la vie dequclqua
officier , que les Indiens viennent auec leurs me-
nus contes ôc approuuez, difans qu'en tel bomg
ilsluy ont baillé tant d'oeufs lefquels iln'apoinc
payez , en vne telle maifon vne poulie, en vne au-
tre deux faix d'herbes pour fes cheuaux , & qu'il
n'a payé que tant d'argent , ôc demeure en refte de
tan t. La preuue eftant faite fur le champ,auec cette
quantité de nœuds & depoignees de cordes , cela
demeure,pour tefmoignage,& eferiture certaine.
Ievy vne poignée de ces nllets aufquels vne In-
dienne portoit efcritela confefllon générale de
toute fa vie, & pariceux fç confetfoit corne i'eufle
peu faire en du papier eferit , & luy demanday ce
que c'eftoit , que quelques filez qui me femblcrct
quelque peu dirTerens,ellemediftque c'eftoient
certaines circonstances , que le péché requeroit
pour eftre entièrement confeiTé. Outre ces quip-
posdefil,ils ont vne autre comme manière d'ef-
crire auec de petites pierres, par le moyë desquel-
les ils apprennent pun&uallement les paroles
qu'ils veulent fçauoir par cœur. Et eftvnchofe
plaifante de voir les vieillards ôc caducs , auec vne
roiie dz petites pierres, apprendre le Tttcrnofler,
auecvne autre l'^Aue Maria, , ôc auecvneautrcle
Credo, ô: de retenir quelle pierre & quittançai
duS.Efpnt , & laquelle , fouffrit foubs fonce Vilate .
Ceftauiîi vne chofe piaifante,de les voir corriger
DES INDES. IIV. VI. lyi
quand ilsfaillent , car coûte la correction ne gift,
qu'à côtempler leurs petites pierres, & feroit vne
de ces roues fufrifantes pour me faire oublier tout
ce que ie (çay par cœur. Il y a vn grand nombre
de ces roues aux cimetières des Eglifes,pourceC
efre&.Maisc'cftchofes quifemble enchantemët,
de voir vne autre forte de Quipos, qu'ils font de
grains de mays. Car pour faire vn conte difficile,
auquel vn bon Arithméticien feroit bien empef-
ché auecla plume, &c pour faire vne partion, afin
de voir combien vn chacun doit contribuer , ils
tirent tan t de grains d'vn cofté,& en adiouflent
tant de l'autre , auec mil autres inuentions. Ces
.Indiens prendront leurs grains , & en mettront
cinq d'vn col^trois d'vn autre3&huicl: en vn au-
tre^ changeront vn grain d'vn coftc,&trois d'vn
autre tellement qu'ils fortent auecleur conte cer-
tain/ans faillir d'vn poinct.Etfe mettent pluftoft
à la raifon par ces Qwppos , fur ce qu'vn chacun
doit payer , que nous ne pourrions faire nous au-
tres auec la plume. Par cela l'on peutiugerf'ils
ont de l'en rendement, &fî ces hommes font be-
ftes. De ma part ie tiens pour certain qu'ils nous
furpailènt es chofes où ils Rappliquent.
De l'ordre que les Indiens tenoient en leurs eferitur es,
chAP. IX.
jMjg L fera bon dadioufter icy ce que nous auons
&4S remarqué tquchant les efcrituresdeslndics;
car leur façon n'eftoit pas d'eferire auec vne ligne
fuiuie,mais du haut en bas,ou en rond.Lcs Latins
& Grecs efcriuoient du cofté gauche au droit, qui
HISTOIRE NATVRLLE
cftlacommune,& vulgaire façon dot nous vfons.
LcsHebrieux au contraire commcnçoientdcla
droite à la gauche , c'eft pourquoy leurs liures cô-
mencent où les n.o (1res finilïcnt. Les Chinois n'ef-
criuentpasny comme les Grèce , ny comme les
Hcbrieux, mais de haut en bas , carcommeccnc
font pas des lettres, mais des dictions entières , &
que chaque figure,ou chara&ere fignific vnc cho-
ie , ils n'ont point de befoing d'aflcmbler les par-
ties des vues auec les autres , cVainiïpcuuentils
bien eferire du haut en bas. Ceux de Mexique
pour la mcfme rai (on n'eferiuoient pas en ligne
d'vn code à l'autre , mais au rebours des Chinois
commeneans en bas montoiet toufiours en haut.
Ils fc ieruoientde cefte façon d'eferire, au conte
dss iours , & du relie des chofes qu'ils remar-
quoient. Combien que quand ils efcriuoient en
leurs roiies, ou (ignés, ils commençoientdu mi-
lieu où ils peignoient le Soleil , & de làalloient
moiitans par leurs annees,iufques au tour , $c cir-
conférence de la roue. Finablement il fe trouue
quatre différentes fortes d'eferire , les vus efcriuas
de ladroire a lagauche , les autres de la gaucheà
ladroitte,lesvnsdehautenbas,& les autres du
bas en haut , enquoy l'on voit la diuerfitc des en-
tendemens humains.
Comment les Indiens enuojioent leurs mejjagirs.
c h a P. x.
Ovr acheuer la façon qu'ils auoient d'eferi
; re,quelquvn pourra douter auec raiion , coi
ment les Rois de Mexique, & du Peru, auoiét co
DES INDES. LIV. VI. IJl
gnoiflance de tous leurs Royaumes qui eftoient
(\ grands,ou de quelle façon ils pouuoientdefpef-
cherles affaires qui fe prefentoient en leur cour,
veu qu'ils n'auoientrvfage d'aucunes lettres, ny
d'efcriremifïîucs.Surquoy l'on peut eftrefatisfait
de ce doute , quand onfçauiaqucparparoles,par
peintureSjOuparccsmcmotiaux, îlscftoient fore
i ouuenr aduertis de tout ce qui fe paflbit. Pour
cet effecT: il y auoit des hommes fort viftes , & dii-
pos,qui feruoient de courrieis,pour aller & venir,
ielquelsils nourrilïbient en cet exercice de courir
dés leur enfance, & prenaient peine qu'ils fufTènc
de longue haleine, afin qu'ils peuflent monter en
courant vne montaigneforthaute, fans fe laiïer.
C'eftpourquoy en Mexique ils donnoientle prix
aux trois ck quatriefnK-spiemiers,quimontoient
ces grands degrez du Temple, comme il a efte dit
au liure précèdent. Et en Cuico,lors que fe faifoit
leur iolemelle feftede Capacrayme, lesnouices
montoient à qui mieux mieux le roc de Yanacau-
n,& généralement l'exercice de la courfea efte &
cft encor fort en vfage, entre les Indiens. Quand
il Ce prefentoit vne affaire d'importance, ils enuo-
\oiét dépeinte aux feigneurs de Mexique la chof«
dont ils les vouloient informer, ainfi qu'ils firent,
alors que les premiers nauires Efpagnols parurct
à leur veuç , & lors qu'ils prindrent Toponchan.
Ils eftoient au Puru fort curieux des courriers, Ôç
l'Ingua en auoit par toutfon Royaume, comme
des poûes ordinaires,appellezChajfquis,defqucls
fera traitté en ion lieu.
HISTOIRE NATV RELIE
De U façon de gouuernement , & dcs}\pit
qu'ont eu les Indiens,
CHAP. XI.
tf& L eftalTcz expérimente quelachofeenquoy
les Barbai es mon tirent plus leur barbarilme,
eft en leur gouvernements, & façon de Gomraan-
dcr,pour ce que tant plus les hommes approchét
dclarailon, tant plus leur gouuernement eft hu-
main , & moins infolent , & les Rois & feigneurs
font plus traittables,&: faccommodét mieux auec
leurs vallimx , en recognoiffants qu'ils leur font
efgaux en nature, & toutesfoisinferieurs ,en l'o-
bligation d'auoirfoing de la Republique. Mais
entre les Barbares, tout y e-ft contraire , d'autant
que leur gouueruement eft tyrannique, &trait-
tant leurs iubietts comme beftes , & de leur part
veulent eftretraittcz comme Dieux. Pourceftc
occafion plufieurs peuples & nations des Indes
n'ot point fouffert de Rois, ny de feigneurs abfo-
lus, & fouuerains , mais viuent en communauté,
Si créent & ordonnent des Capitaines,& Princes
pour certaines occafions feulement , aufquelsils
obeiflent durant le temps de leur charge,& après
ils retournent à leurs premiers offices. La pius
grande partie de ce nouucàu monde , où il n'y a
point de Royaumes fondez', ny de Republiques
eftablies , ny Princes, on RoïS pet petuels, fe gou-
uernerent decefte façon jiaçoit qu'il y ait quel-
ques feigneurs ôc principaux hommes', qui font
efleuez entre le vulgaire.Âinfî eft gouuernee tou-
te la terre de Chillé , en laquelle les Auracanes,
ceux
DES INDES. LIV. VI. 273
ceux de Teucapel,& autres3ontpar tant d'années
refifté cotre les Efpagnols. Et de mefmeaufll tout
ic nouueau Royaume de Grenade, celuy de Gua-
timaHaJe? { flesjtoute la Flonde,Ie Breiil, Lu(ron,
& d'autree terres de grande eftendûe , excepté
qu'en plusieurs de ces lieux ils y font encore plus
barbares, veu qu'à peine y recognoiiîent-ils de
chef, mais tous commandent & gouuernent en
commun, ny ayant autre choie que de la volonté,
de la violence, de i'indul].rie3& du defordre,telle-
ment que celuy qui peut d'auan tage, commande
& y aleddfus.Ilya en l'IndeOricntale de grands
Royaumes,bien fondez,& bien ordonnez, côme
e(t celuy deSian,celuydeBiinaga,&: autres , qui
peuuent aiTembler &r mettre en campagne quand
ils veulent, iufques à cent & deux cens mil hom-
mes.Comme aulîl leRoyaume de la Chine,lequel
en grandeur &pui (lance lurpaiFe tous les autres,
dont les Roys,fcibn qu'ils raconteront duré plus
de deux mil ans,pour le bel ordre & gouuerneméc
qu'ils ont. Mais en l'Inde Occidétale,l'on y a feu-
lement trouuè deux Royaumes.ou Empires fon-
dez,quieuoiét celuydesMexiquainsenlan-cufue
Efpagne,& celuy des Inguasau Peru.Et ne pour-
rois pas dire facilement lequel des deuxaeftele
plus puifT'ant Royaume, d'autant que Motecuma
îurpalTbit ceux du Peru en édifices, & en la gran-
deur de (a cour. Mais les Inguas auffi furpaflbienc
les Mexiquains en threfors , richeifes, & en gran-
deur de prouinces.Pour le regard de l'antiquitc,le
Royaume des Inguas l'eft d'auantage,bien que ce
ne foit pas de beaucoup , Ôc me femble qu'ils oac
efte efgaux en fai&s d armes a& en victoires, C'eft
m
HISTOIRE NATVREIIE
vnc chofe certaine que ces deux Royaumes ont
de beaucoup excède toucle reftedes feigneuries
des Indiens , defcouuertes en ce nouueau monde,
tant en bon ordre & police , qu'en pouuoir & ri-
cheiFe,& beaucoup d'auantageen iuperftition ôc
feruicc de leurs idolcs,ayans plusieurs chofesfem-
blables les vnes aux autres. Mais en vnechofeils
eftoient bien differens , car entre les Mexiquains
lafucceflïon du Royaume cftoit par efle&ion, co-
rne l'Empire Romain , & entre ceux du Pcru elle
eftoit hereditaire,& fuyuoit l'ordre du fang,com
me les Royaumes de France, & d'Eipagne. le
traitteray donc cy après de ces deux gouuerne
ments, (comme de la chofe principale , & plus
cogneuë d'entre les Indiens,) entât qu'il me fem-
bleraeftre propre à ce fubiect, laillàntplufieurs
chofes menues & prolixes , qui ne font pas d'im-
portance.
Dugouuerncment des l{oïs}Cr Ingua,* du Vem.
CHAP. XII.
'Ingva qui regnoit au Pcru.eftât mort, fon
fils légitime luy fuccedoit , cV tenoient pour
tel , ecluy qui efloit né de la principale femme de
l'Ingua, laquelle ils appelloient Coya. Ce qu'ils
ont oufiours obfcrué,depuis le temps d'vn Ingua,
appelle Yupangui ,qui efpoufararceur. Car ces
Rois repuroienc pour honneur , d'efp ou fer leurs
fœurs.Et bien qu'ils eutfènt d'autres femmes , ou
concubines, toutesfois lafucceflïon du Royau-
me appartenoit au fils de la Coya. Ileftvrayque
quand le Roy auoit vn frère légitime, il fuccedoit
au deuanc du fils, & près luy fon nepueu,& tils du
DES INDES. LIV. VI. 274
premier. Les Curacas& Seigneurs gardoient le
mefme ordre de fucceflïon en leurs biens & offi-
ces. Ecfaifoient à leur mode des cérémonies ,&
obfequesexcefliuesaudefunct.llsobferuoiétvne
couftume véritablement grande , & magnifique,
qu'vn Roy qui entroit au Royaume de nouucau,
n'hericoic point d'aucune choie des meubles,vte-
files, & threfors de (on predeceiïeur , mais il de-
uoit eftablir fa maifon de nouueau , & afîcmbler
de l'or , de l'argent , & les autres chofesquiluy
efteicntneceilàiies , fans touchera celuydude-
tnncl, qnieftoit totalement dédie' pour fonado-
ratoirCjOuGuaca, & pour l'entretien delà famil-
le qu'il lailîoit, laquelle auec la fuccefîion, f'occu-
poit continuellement aux facrifices, cérémonies,
ck feruice du Roy mort. Car aufïi toft qu'il cftoie
mort,ils le tenoient pour Dieu, & auoit les facri-
fices, ftatucs, & autres choies femblables. Pour
cette occafion il y auoit au Peru vn threforinfî-
ny,car vn chacun des Inguas Permit efforcé de fai-
re quefon oratoire & threfor furpaflaft ecluy de
fts predeceiTeurs. La marque, ou enfeigne par
laquelle il prenoit la polfeflion du Royaume,
eftoitvn bourrelet rouge , de laine plus fine que
fbye, lequel iuypendoit au milieu du front, n'y
ayant que Hngua feui qui le pouuoic porter,
pour-autant que c'eftoit comme la couronne, &
diadème Royal. Toutesfois l'on pouuoic bien
forter vn bourrelet pendu au cofté , proche de
oreille , comme quelques feigneurs en por-
toient , mais! Ingua ièul le pouuoit porter au
milieu du front. Au temps qu'ils prenoient ce
bourrelet,^ faifoicedes feites fort folemncllesA
m ij
HISTOIRE NATVRELLE
plufieurs facrifices,auec grande quantité de vafes
d'or,& d'arget , grand nombre de petites formes,
ob images de brebis,faites d'or Si d'argent , g;rand
abondances d'eitoffesde Cumby , bienelabou-
rees, define ôede moyenne , plulieurs conches
de mer de toutes fortes , beaucoup de plumes ri -
ches,& mil moutons, quideuoient eftredediuer-
ics couleurs. Puis'le grand preftre pren-oit vn en-
fant entre Tes mains , de l'aage de fix à huicl an?;&
prononçoit ces paroles , auec les autres miniftres.
parlantàla llatue du Viracocha, Seigneur nous t'of-
frons cela, afin que tu nous tiennes en repos , çj? nom
aides en nos guerres , conferuenosirc fciçncur l'higua
en fa grander.r , crejiat , qu'il aille totifiours Augmen-
tant , o~ luy donne beaucoup de featunr afin qu'il nous
gouucrne. Il le trouuoit des hommes de tout le
Royaume, & de tous les Guacas, &fancluairesà
cette cérémonie , & ferment. Et fans doute l'affe-
ctiô & reuerence que ce peuple portoit aux Roys
Inguas,eftoit fort grande, car il ne fe trouue point
que iamaisaucun des liens luy ave fait trahifon,
pour-autant qu'ils procedoienten leur gouver-
nement, non iculement auec vnepui fiance abi'o-
liie,mais aufïi auec vn bon ordre & iu{lice,ne per-
mettant pas qu'aucun y fuft foulé. L'Inguapofoic
Ces gouucrneurs en dmerfes prouinces, entre \cf~
quelslesvns eftoient fuperieurs,& quinereco-
gnoilïoient autre que luy , d'autres qui eftoient
moindres , &z d'autres plus particuliers , auec vn fi
belordre,& vne telle grauité,qn'ils ne f'enhardif-
■foien t pas de l'en -yurer, ny deprendre vn efpy de
mays de leur voiiîn. Ces Inguastenoiétpourma-.
ximequilconuenoittouiiours entretenir les In-
DES INDES. IIV. VI. 1J %
diens en occupation, de là- vient que nousvoyons
encor auiourd'huy des chauiïcesdes chemins, &
des œuures d'vn fort orand trauail , lefquels ils di~
fentauoirefte faites pour exercer les Indiens, de
peurqu'ilsne demeuralîentoififs. Quandilcon-
queftoit vne prouinec de nouucau,il auoir accou -
ftutnéd'enuoycr incontinent la plus grande part,
& les principaux des naturels de ce pays, en d'au-
tres prouinces,ou bien en facour,& les appellent
auiourd'huy au Peru, Mitimas. Puis au lieu d'i-
ceux , il enuoyoit d'autres de la nation de Cufco,
fpecialement les Oreiones, quieftoienteomme
Çheiulicrs d'ancienne maifon. Ilschadioient ri-
goureufemctlescrimes;)& delicfojc'efrpourquoy
ceux qui ont cogneu quelque chofe de cela font
bien d'opinion qu'il n'y peit auoir de meilleur
gouuernement pourlcs Indiens , nyplusatfeurc
queceluydcslnguas.
De U dijiribution que les Ingtuv faifoient de
leurs y^fftux.
CHAP. XIII.
Ovr particularifer d'auarage ce que i'ay dit
cydelIuSjl'on doit fçauoir que Iadiftributio
quefaifoient leslnguasde leurs val!aux,eftoit/i
exacte & particulière, qu'il les pouuoic tous gou-
uemer fort facilement, combien que fon Royau-
me fuft de mil lieues d'eft:enduë,car ayant coque -
fié vne prouince,il reduifoit incôtinent les Indics
en villes & communautés , lefquels il diuifoit en
bandes.Sur chacune dixaine d'Indiens il en com-
mettait vn pour en auoir la chargc,iur chaque ce-
m iij
HrSTOIKS NATVRELLE
taine vn autre , fur chaque millier vn autre , & fut
dix mil hommes vn autre, lequel ils appelloient
HumOj qui eftoit vne des grandes charges , & par
deflustousccux-là^encorenchaqueprouinceily
auoitvnGouuerneurdela mai fou des Inguas,au-
qucl tous les autres obeiflbient, & luy rendoient
côte tous les ans par le menu de routcequi eftoit
arriué,à fcauoir de ceux qui eftoient nez , de ceux
qui eftoient morts, des troupeaux & des femêces.
Les Gouuerneurs fortoient par chacun an de Cu-
feo, où eftoit la cour , & y retournoientpourla
grande fefte du Ray me , en laquelle ils apportoiét
tout le tribut du Royaume à la cour , & n'y pou
uoient Centrer qu'à cefte condition.Tout leRoy-
aume eftoit diuifé en quatre parties, qu'ils appel-
loiétTahuantinfuyo,(çauoir ChinchafuyOjCol-
lafuyo, Andefuyo & Condefuyo , fuiuant les qua-
tre chemins qui fortoient de Cufco où relidoit
lacour,&fcfaifoientIes alfemblecs générales du
Royaume. Ces chemins Scpreuinces correfpon-
dantesà iceux eftoient vers les quatre coings du
monde,Collafuyo au Sud.Chinchafuyo au Nort,
Condefuyo au Ponant,& Andefuyoau Lcuat.En
toutes les villes & bourgades il.y auoit deux fortes
de peuple qui eftoient de Hananfaya & Vrinfaya,
qui eft comme dirc,ccux d'enhaut & ceux d'em-
bas. Quand l'on commandoit de faire quelque
osuure, ou de fournir quelque chofe à l'Ingua, les
officiers fçauoient aufEtoftde combien chaque
prouince , ville & partialité y deuoit contribuer,
dot le departemét ne fe faifoit point par parts ef-
gales,mais par ce ttifati on, felo la qualité ÔV moiés
du pays.Tellemen t que s'il failoit cueillir,par ma-
nière de dire,ccnt mil fanegues de rnays, l'on fça-
DES INDES. LU. VI. 27 G
uoitaufïïtoft combien il falloir qucchaquepro-
uincecn baillaft,fuft ladixiefmepanie,lafeptief-
rae ou la cinquiefme. Autant en eftoitdes villesôe
bourgades,& Aillos ou lignages. Les Quipoca-
mayos , qui eftoient les officiers 8c intendans, te-
noicntlecontedetout auec leurs filez & nœuds,
fans y failIiraucunement,rapportanscequeron
auoit payé, iufqucs à vne poulie & vne charge de
bois , & en vn moment voyoit-on par leurs regi-
stres ce que chacun deuoit payer.
Des édifices, <& façon de baftir des Incitas.
CH AP. XII 11.
Es édifices &baftimens que les Inguasont
fê& faits,en temples 8c fortereifes,chemins,mai-
fons des champs 8c autres femblables,qui ont efté
en grand nombre & d'vnexceiîîftrauailjCormm:
l'on peut voir encorauiourd'huy parles ruines &
veftiges qui en reftent , tant en Cufco qu'en Tya-
guanaco, Tabo & en autres cndroitSjOÙ il y a des
pierres d'vne gradeur demefuree: de forte que l'o
ne peut penfer comme elles furet couppees, ame-
nées & a (filles au lieu où elles eftoient. Ilvenoit
vn grand nombre de peuple de toutes les prouin-
ces pour trauailler à ces édifices & fortereflTes que
l'Inguafaifoit faire en Cufco , ou en d'autres par-
ties de fon Royaume : d'autant quelesouurages
eftoient eftranges,& pour efpouuenter ceux qui
les contemploient , ils n'vfoient point de mor-
tier ou cyment, 8c n'auoient point de fer ny d'a-
cier pour couper 8c mettre en œuure les pierres.
Ils n'auoint non plus de machines,n'y d'autres in-
struments pour les apporter : & toutesfois ei-
m ni}
HISTOIRE NATVRELLE
les eftoient fi proprement mifesen ceuure, qu'en
beaucoup d'endroits à peine voyait-on la iointu-
re des vnes auec les autres : & y a plufieurs de ces
pierres fi grandes , commcil eftdit,queceferoit
vne chofe incroyable fi on ne les voyoit. le mciu-
ray à Tyaguanaco vne pierre de trête huict pieds
delong,dedixhui£l de large, & fix d'efpais. Et en
la muraille é-* lafortercfîede Cufco , quieftdc
Moallô,ily a beaucoup de pierres qui font encor
d'vne plus eftrange grandeur, & ce qui eft plus ef-
merueillableeft que ces pierres n'elîas point tail-
lées ny efquatries pour ies accommoder, mais au
contraire fort ine^alles les vnes auxaucres, en la
forme & grandeur, ncantmoinsilslesioignoient
cVenchaltoient les vnesauecles autres , 'fans ci-
ment d'vne façon incroyable. Tout cela fe faifoit
à force de peuple, 3c auec vne grande patience
à y trauailler. Car pour enchafler vne pierre auec
l'autre , félon qu'elles eftoient adiuftecs , il eftoit
befoin de les effàyer , Se manier plufieurs fois,la
plus-part d'icelles n'eftans pas efgales ny vnies.
L'Ingua ordonnoituar chacun an le nombre du
peuple qui denoic venir pour trauailler aux pier-
res & édifices, 3c en faifoient les Indiens le dé-
partement entre eux comme des autres chofes,
fans qu'aucun fuft foulé. Neantmoins encoi:
queces édifices fuifent grands , ils eftoient com-
munément mal ordonnez & incommodes, 3c
prefque comme les Mofqimtes ou édifices des
barbares. Ils n'ont feeu faire d\u;cades enleurs
édifices ny de ciment pour les baftir. Q_ujmel
ils veirent drefier des. arcs deboisenla nuiere
deXaura , 8c après que le ponc fut acheué qu'ils
DES INDES. LIV. VI. ZJJ
virent rompre le bois , tous commencèrent
à fuir s penians que le pont qui elloic depier*-
re de taille deuft tomber à l'inftant: Se comme ils
eurent veu qu'il demeuroit ferme , & que les Es-
pagnols marchoientdeflus, le Cacique dit à (es
compagnons : il eft bien raifon que nous fermons à
ceux cy,qtd femblcnt bien esîre aîa vérité fils du Soleil.
Les ponts qu'ils faifoienteftoient de iancsrifius,
qu'ilsattachoient au riuage auec defortpieux,
d'autant qu'ils ne ponuoient faire aucuns ponts
de pierre ny de bois. Lepontquieftauiourd'huy
au coursdel'eauedu grand lac de Chiquitto en
Collao eft admirable: car ce bras d'eau'è eft fi pro-
fond que l'on n'y peut all'eoir aucun fondement,
Se fi large qu'il n'eft pas pofïible d'y faire vne ar-
che qui le trauerfe : tellement qu'il eftoit du tout
impoiîïble d'y faire aucun pont , fuft de pierre ou
de bois. Mais l'entendement &induftric àcs In-
diens inuentalc moyen d'y faire vu pont a(Tcz
ferme ôcalfeu ré ,eftant fait feulement de paille:
chofequifemblefabuleufe, Se toutesfoisquieft
véritable. Car comme nous auons ditcy dellus,
ils amaffen t Se attachent enfemble certaines bot-
tes de ionces& d'herbiers qui l'engendrent au lac
qu'ils appellent Totora : Se comme c'eft vue mar
tierc fort légère, Se qui ne Renfonce point en
i'eauë, ils Jettent dellus vne grande quantité de
ioncs, puis ayans arrefte Se attaché ces bottes
d'herbiers d'vn cofté Se d'autre de la riuiere , les
hommes & les beftes chargez paflent par dellus
fortàl'aife. le me fuis quelquesfois efmcrueillc
en parlant ce pont de l'artifice des \ icnens , veu
que d'vne chofe il facile Se fi commune ils font
HISTOIRE NATVRELLE
vn pont meilleur & plus aiïcuré que n'cft pas le
f>ontdebatteauxdeSeuilleàTriane. l'ay mefurc
alongueurdecepont ,& fi bien m'en fouuient,
il eftoit de plus de trois cens pieds , &:difent que
laprofondité de ce courant eft très-grande , êc
femble par deflus que l'cau'c n a aucun mouue-
ment: toutcsfois ils difent qu'au fonds il a vn
cours furieux & violent. Cecy fufhfe pour les
édifices.
Du reuenu de l'îngux , & de l'ordre des tributs
quil impofvit aux Indiens .
C H A P. XV.
A richefledcs Inguas eftoit incomparable,
car bien qu'aucun Roy n'heritaft point des
moyens & threforsde fon predecctleur , neant-
moinsilsauoiët à leur volonté toutes lesrichcf-
fesqui eftoient en leurs Royaumes, tant d'ar-
gent & d'or , comme d'eftofre , de Cumbi & be-
ftiaux , enquoy ils eftoient tres-abondans, & la
plus grande richefle de toutes eftoit l'innumera-
ble multitude de vaflaux qui eftoienttous occu-
pez & attentifs à ce qui plaifoitau Roy. Ilsap-
portoict de chaque Prouince ce qu'il auoit choi-
fipour fon tribut. LesChicasluyenuoyoientdu
bois odoriférant & riche; les Lucanas des bran-
cars pour porter fa litière j les Chumbilbicas des
«lanceurs , & ainfi tout le refte des Prouinces luy
enuoy oit de ce qu'ils auoient en abondance,& ce
outre le tribut gênerai auquel tous contribuoict,
Les Indiens qui eftoient nommez pour cet efFcct,
trauailloient aux mines d'argct&cTor,qui eftoict
au Peru en grande abôdance, lefquels l'Ingua en-
DES INDES. LIV. VI. 178
tretenoit de ce qu'ils auoient de befoing pour
leurs defpens, & tout ce qu'ils tiroient d'or Se
d'argenteftoit pourluy. Par ce moyen il y a eu en
ce Royaume de fi grands chrefors,que c'eft l'opi-
nion de plufieursquece qui tôba entre les mains
des Efpagnols, combien que c'ait efté vn grand
nombre, comme nous fçauons,n'eftoit pas la di-
xieime partie de ce que les Indiens enfouyrent,
cV cachèrent, fans que l'on l'ayepeudefcouurir,
neantmoins toutes les diligences que l'auariccy
aenfeigneespourcefaire. Mais laplusgranderi-
ch^iTe de ces barbares , eftoit que leurs vaflaux e-
ftoien t tous leurs cfclaues , du trauail defquels ils
ioujiîoientà leurcontentement: &ce qui eft ad-
mirable, ils feferuoient d'eux d'vne telle façon,
que cela ne leur eftoit pas feruitude, mais plultoft
vne vie fort delicieufe. Or pour entendre l'ordre
àcs tributs que les Indiens payoient à leurs Sei-
gneurs, l'on doit feauoir que lors que l'Ingua cô-
queftoit quelques villes, il en diuifoit toutes les
terres en trois parties , la première d'icelles eftoit
pour la religion & cérémonies, de telle forte que
lePachayachaqui.qui eftleCreateur,& le Soleil,
le Chnquilla, qui eftle tonnerre, le Pachamama,
& les morts, & autres Guacas &fanc"hiaireseu£-
fènt chacun leurs propres terres, & Iefruiol: des-
quelles fe gaftoit ôc confommoit en fàcrificcs, &
en la nourriture des miniftres & p retires. Car ily
auoit des Indiens députez pour chaque Guaca,
Se /ân&uairc , & la plus grande partie de cercue-
nu fe deipenfoit cnCufco,où eftoit l'vniuerfel &
gênerai fan<5fcuaire,& l'autre en la mcfmeville,où
il (è cueilloir: pourecquà l'imitation de Cufco,
HISTOIRE NÀTVRELLE
il y anoit en chaque ville des Guacas & oratoires
dumcfmeordre&aueclesmefmesfunctions,qvii
eftoientferuisdelamefme façon & cérémonies
queceluy de Cufco,qui eftvnechofe admirable,
&dontroneftbiëinformé,commei'on l'atrou-
uéen plus de cent villes, & quelques vues diftan-
tes deux céts lieues de Cufco. Ce que l'on femoic
& recueilloit en ces terres, eftoit mis en des mai-
fons comme dépositaires, bafties pour cet effecl;
& eftoit cela vnegrande partie du tribut que les
Indiens payoient. le ne peux dire combien fe
montoitcefte partie , pource qu'elle eftoit plus
grande en des endroits qu'en autres , & en quel-
ques lieux cftoitprefque le tout , év'cefte partie
eftoit lapremiere que l'on mettoit à profit. La
féconde partie des terres & héritages eftoit pour
l'Ingua, de laquelle luy6c fa maifoneftoient fub-
ftantez,mcfmcs Tes pareus , les Seigneurs , les
garïiifons.&rfoldats. C'eft pourquoy c'eftoit la
plusgrande portion de ces tributs , ainri quil ap-
pert par la quantité de l'or , de l'argent , & autres
tributs qui eftoicnt es mai fons à ce députées ,lcf-
quelles font plus longues & plus larges que cel-
les où l'on garde les reuenus des Guacas. L'on
portoit ce tribut fort foigneufement en Cufco,
ou bien es lieux où il en eftoit de befoing pour
les foldats , & quand il y en auoit quantité, l'on
legardoitdix& douze ans, iufques au temps de
necefïité. Les Indiens cultiuoient Se approfitoicc
ces terres de l'Ingua, après celles des Guacas, pé-
dant lequel temps ilsviuoient&eftoientnourris
aux defpens de l'Inana, du Soleil, ou des Guacas,
félon les terres qu'ils labouroient. Mais les vieil»
géss
DES IN DES. L IV. VI. 279
lards, les femmes 8c les malades eftoientreferuez
&c exempts de ce tribut, & combien que ce que
l'on recueilloit en ces terres fuftpouri'Ingua,ou
pour le Soleil, ou Guàcas, neantmoins la pro-
priété en appartenoit aux Indiens, & leurs pre-
deceileurs. Latroifiefme partie des terres eftoic
donnée par i'lngua,pourla communauté, &n'a-
on point defeonuert fi cefte portion eftoit plus
grande ou moindre que celle de l'Ingua ou Guà-
cas : toutesfois il eft certain que l'on auoitefgard
icequ'cllefuftfurEfànte pour la fuftentation ôc
nourriture du peuple. Aucun particulier ne pof-
iedoit choie propre de cefte troifieime portion,
ny iamaisles Indicn$n'enpolTederent, fi cen'e-
ftok par grâce fpecialle de l'Ingua, ôc toutesfois
cela ne pouuoiteftre engagé ny diuifé entre les
héritiers. L'on departoit par chacun an ces terres
decommunaaté en baillant à vu chacun ce qui
luy eftoic de beioing pour la nourriture de fa per-
sonne, & famille. Par ainfi félon qu'augmentoic
ou diminuoit la famille, l'onhauitoit ouretran-
choic la part : car il y auoit des mefures détermi-
nées pour chaque perfonne . Les Indiens ne
payoient point de tribut de ce qui leur eftoit de-
party. Car tout leur tribut eftoit de cukiuer &
main tenir en bon eftatles terres de l'Ingua , ôc
des Guacas,& de mettre les frui&s d'icclles aux
depofitaires. Quad l'année eftoit fterilej'ondon-
noit de ces mefmes fruicfcs ainfi referuez aux ne-
cefîîteux, d'autant qu'il yen auoit touûours do
fuperabondant.L'Inguafaifoitladiftributiondu
beftial ainfi que des terres , qui eftoit dele conter
& diuiler , puis ordonner les pafturagcs Se limi*
HISTOIRE NATVRULE
tes pourlebeftial des Guacas , del'Ingua, ôcdc
chaque ville. C'eft pourquoy vnc partie du reue-
nvtelloit pour la religion,vne autre pour le Roy,
&: l'autre pour les meimes Indiens. Lemefmcor-
dre eftoit gardé entre les challeurs, n'eftant per-
mis d'enleuerny de tuer des femelles. Les trou-
peaux des Inguas ôc Çuacas, eftoient en grand
nombre, & fort féconds, pour celle caufe Us les
appelloient Capaellama , mais ceux du commun
& public edoient en petit nombre & de peu de
valeur , parquoy ils Iescippelloient Bacchallama.
L'Inguaprenoitvn grand foing pour laconier-
uationdubeftial , d'autant que ceftoit,& eft en-
cor toute la richclledece Royaume, ôc comme
ilacfté dit,ilsne iacrifioient point de femelles,
ne les tuoientpoinr,*!y ne les prenoient à la chai-
re. Si la clauellee ou rongne , qu'ils appellent ca-
rache , venoit à quelque befte , elle deuoit cftre à
l'inftant enterrée toute vifue, de peur qu'elle ne
baillait le mal à d'autres. Ils tondoient lebeftial
en leur faifon , & en diftribuoient à vn chacun
pourfiller, &: cilhe de la matière & eftophepour
le feruice de fa famille, y ayant des vifiteurs pour
f'enquerir ("ils l'accompliflbient , lefqueîs cha-
flioient lesnegligens. L'on tiifoit & faifoitdcs
ertofTes de lalainedubc{lialdel'Ingua,pr?iirluy
ôc peur les fiens ,1'vnefort fine, & a deux faces,
qu'ils appelloient Cumbi , Se l'autre grofliere&
moyenne, qu'ils appelloient Abafca. Il n'yauoit
aucun nombrexle ces eftoffes ou habits arrefté,(ï-
non ce que l'on departoit à vn chacun. Lalaine
qui reftoiteften nnfeaux rrugafins , dequoy les
Espagnols les trouueren teneur tout pleiusâ& de
DES INDES. LIV. VI. iSo
toutes les autres chofes neceflaires à la vie hu-
maine . Il y aura peu d'hommes d'entendement
quinefoientcfmerucillezd'vn fi n o table ôc bien
ordonne gouuernement , puis que les Indiens,
( fans cilre religieux ny Chreftiens ) gardoient en
leur façon celle perfection, de ne tenir aucune
chofè en propre, & de pouruoir à toutes leurs
nece(îitez,entretenans fi abondamment les cho-
fes de la religion, & celles de leur roy ôc feigneur.
Desttrfs & offices an exerçoient les Indiens,
c h A P. xvi.
Es Indiens du Peruauoientvne perfection
._.qui eftoit d'enfeigner à vn chacun des petits
enfans, tous les arts & meftiers qui eftoientne-
ceflaires pour la vie humaine ,pource qu'il n'y a-
uoit point entr'eux d'artifans particuliers , com-
me le font entre nous autres les coufturiers, cor-
donniers jtiiferans & autres , mais tous appre-
noient tout ce qu'ils auoiêt de befoing pour leurt
perfonnes ôc maifons , Ôc fe pouruoyoient à eux-
mcfmes.Tous fçauoict tiftre & faire leurs habits,
c'eft pourquoy l'Ingua les fournifsat de laine,leur
donnoit des habits. Tous fçauoient labourer la
terre, ôc rapprofîter,fans loiier d'autres ouuriers.
Tous baftillbient leurs maifons, ôc les femmes e-
ftoient celles qui en fçauoient le plus, Iefquelloe
n'eftoient point nourries en délices , mais fer-
uoient leurs maris fort foigneufement. Les au-
tres arts ôc meftiers qui n'eftoient point pour les
chofes comunes & ordinaires de la vie humaine,
auoiêt leurs propres côpagnons&raanufeâeurs,
- HISTOIRE NATVRELLE
comme elloicnt les orfcures , les peintres , les
potiers , les barquetiers , les conteurs , & les
ioiieursd'initruments. Ilyauoit aufîi des mef-
m Ci tiilcran's & architectes pour les œuures ex-
quiies,de(quels feieruoientles Seigneurs; mais
le commun peuple, comme il a elle dit , auoit
chez luy tout ce qui luy cftoit de befoing pour fa
maiion , ians qu'il luy conuint rien acheter . Ce
qui dure encor auiourd'huy , de forte que nul n'a
befoingd'aucruy pour leschofes neceilàirespour
ia perionne & pour fa maiion , comme eit de
chauileure,vellcment, & de maiion, de femer,
de recueillir ,& de faire les ferremens &inltru-
mensàcenecciraires. Les Indiens imitent prei-
queen cela les inftitutions des moines anciens,
defquelsii eft traittéen la vie des Pères. A la vé-
rité c'eftvn peuple peu auare cS^ peu délicieux, à
i .ni Ton dequoy ils le contentent de palfer le temps
aflez doucement , &c certes i'ils choiiitloient ce-
ftefaçon de viure pareflection , & non pas par
couftumeny par nature, nous dirons que ce fc-
roitvneviedegrand' perfection, veu qu'elle eft.
allez idoine pour reccuoir la doctrine du fainct
Euangile, iï contraire & fi ennemie de l'orgueil,
de l'auarice , de la volupté. Mais les prédicateurs
ne donnent pas toufiours bon exemple félon la
doctrine qu'ils prefehent aux Indiens. C'eftvne
chofe remarquable, que combien que les Indies
foientfi (impies en leur mode 6c habits , toutes-
fois l'on y voit vnc grande diuerfité entre les Pro-
uin ces, fpecialement en leur habit detefte : car
en quelques endroits ils portent vn long ùiïu,du«
quel ils font piufieius tours, en d'autres vn autre
tiflu
aiMÊaia
DES^ INDES. I1V. VI. 1$1
tifîu large, qui ne fait qu'vn tour , en d'autrescô-
mc de petits mortiers ou chapeaux : en quelques
endroits comme cks bônets hauts & ronds,& en
d'au très comme des fonds de facs , auec mil au-
tres différences. Ils auoient vne loy eftroitte &
inuiolable, qu'aucun ne peuft changer la mode
Se façon d'habits delà Prouince , encor qu'il f'en
allaftviure en vne autre, ce queringuaeftimoic
cftredegrar.de importance pour Tordre ôc bon
gouuernement de fon Royaume, & l'obferuenc
encor auiourd'huy, bien quecene Toit pas auec
vntel (oin qu'ils auoientaccouftumé.
Des poftis &■ Cbafqtus dont Icslngnas
Jcfcruotcnt.
C H A P. XVII.
gtëg L y auoic vn grad nombre de polies & cour-
&V2 riers donc l'Ingua fe feruoic en tout Ton
Royaume , lefquels ils appeliôient Chafquis , ôc
eftoient ceux qui portaient les mandemens aux
Gouuerneurs ,& rapportoient leurs aduis ôc ad-
uertiiïêmensàla Cour. Ces Chafquis cftoienc
mis & pofez à chacune courfe qui eftoit à lieu'è ÔC
demie î'vne de l'autre en deux petites maiions,où
ilseftoient quatre Indiens , lefquels on y coqi-
mettoit de chaque contrec,& eftoienc efchangez
de mois en mois.Ayansreccu lepacquet ou mçf-
fage, ils couroientde toute leur force fufquesa
ce qu'ils l'euflenc baillé à l'autre Chaiqui , eftans
toufiours appareillez & au guet ceux qui deuoiéc
courir,, Ils couroient en vn iour ôc vne nuiéfc cin-
quante lieues , combien que la plus-part de ce
HISTOIRE NATVRÇLLE
pays-là (bit fore afpre. Ils feruoientaulîi pourap-
portcrleschofcsqucringua vouloit auoir pro-
prement. C'eftpourquoy il y auoir toufioursen
Cufcodupoiiron de mer , frais de deuxiowrs ou
peu d'auantage,bien qu'il en futl efloigné de plus
de cent lieu'és. Depuis que les Efpagnols y font
entrez , l'on a encor vfé de ces Chafquis aux teps
des feditions , 6c en eftoit grand befoing. Le Vi-
ccroy Dom Martin les mit ordinaires à quatre
lieu'és l'vn de l'autre, pour porter Se rapporter
lesdepefches,quieft vne choie fort necellahe en
ce Royaume , encor qu'ils ne courent pas auec la
légèreté que faifoient les anciens , & qu'ils ne
foient pasenfigrand nombre , neantmoins ils
font bien payez, & feruent comme les ordinai-
res d'Efpagne,oùl'on donne les lettres qu'ils por-
tent à quatre ou cinq lieues.
De la iujiice , L oix & peines que les Ingua-s ont or-
donne^ ,&de leurs mariages.
C H A P. XVIII.
O vt ainfi comme ceux qui faifoient quel-
que bon feruice en guerre ou à l'adminiftra-
tion de la Republique, eftoient lionnorez & re-
compenfez de charges publiques, de terres qui
leur eftoient données en propre, d'armes & mar-
ques d'honneur , de mariages auec femmes du li-
gnage de l'Ingua: Ainfi donnoien t- ils de feueres
chaftimens à ceux qui eftoient defobeyflans &
coulpables. Ilspunilfoient de mort les homici-
des, les larcins, les adultères, & ceux qui com-
mettoientincefteauecles afeendans ou defeen-
dans en droite ligne,eftoient audi punis de mort.
DES INDES. LIV. VI. 2.8.1
Mais ils ne tenoient point pour adultère d'auoir
plusieurs femmes ou concubines, & elles n'en-
couroient point la peine de mortpoureftretrou-
uees auec d'autrcs,ains feulement celle qui eftoit
la vraye & légitime efpoule , auec laquelle pro-
prement ils contiacloient mariage. Car ils n'en
auoient point plus d'vne , laquelle ils cfpoufoiëc
&£ receuoient auec vue particulière lolemnitc &
cérémonie, qui elloit que l'efpoux fe tranipor-
toit à la maifon d'clle,&: de là la menoit auec luy,
lny ayant premièrement mis au pied vne ottoya.
Ils appellent ottoya la chaulleure dont ils vfent
par delà, qui eft vn cliaullon ou foulier ouuerc
comme ceux des frères de S. François. Si l'efpou-
fe eftoit pucclle, fon ottoyaeitoitdelaine,mais Ci
ellenefeftoit point,il eftoit fait de ionc. Toutes
les autres femmes ou concubines du mary hono-
roient & feruoien t celle là comme femme legiti-
me,qui feule aufïï après ledecezdumary portoit
le dueil denoir, refpaced'vnan , &rne(emarioic
point qu'après ce tëpspatïé, &eftoiccômunémët
plus ieuneq.uele mary. L'ingua donnoit de fa
main cette fémeà fes gouuerneurscV capitaines,
&les gouuerneurs cxrCaciques afsébioièt en leurs
villes tous lesieunes hommes êc ieunes filles en
vue pIaCe,cx: leur donnoiët à chacun fa fémeauee
la cérémonie fufdite,de luy chauffer cet ottoya, 5c
de cette façôcontra&oiét leurs mariages. Si cette
femme eftoit trouuee auec vn autre que le mary,
elle eftoit punie de njort,& l'adultère aufli,& biè*
que le mary leur pardonnait, elles ne lairtbict pas
d'eftre punies, mais elles eftoienc difpenfees de la
mordis donnoicc vne sëblablc peine à celuy qui
n ij
HISTOIRE NATVRELLE
commettent incefte auec fa mere,ayeullc, fille,ou
petite fille. Car.il n'eûoit point défendu entr'eux
defe marier, ny de concubiner aucc les autres
parentes, maisle premier degré feulement eiloit
derïendu. Ils ne permettoient point aufli que le
frereeuftcognoiflànceauec(afœur,cnquoy ceux
du Peru fe trompoient fort , croyans que les ïn-
guas&feigneurs pouuoient légitimement con-
tracter mariage auec leurs feeurs, voire de peie ôc
de mère : car à la vérité il a toufiours efté tenu
pour illicite entre les Indiens, & défendu de con-
tracter au premier degré : ce qui dura iufqucs au
temps de Topa Ingua Yupangui, père de Guay-
nacapa& aycul d'Atahualpa,au temps duquel
les Efpagnols entrèrent au Peru, pource quece
Topa Ingua Yupangui fut le premier qui rompit
cefte couftume , & fe maria auec Mamaoello fa
fœur du codé paternel, & ordonna que les Sci-
gneurslnguas fe peuvent marier auec leurs feeurs
de père & non point d'autres. Ce qu'il fit de la
part : & de ce mariage eut pour fils Guaynacapa,
&vne fille appellee Coya Cufîîllinay, fc Tentant
proche de la mort il commanda que (es enfans d.i
perc& demerefemariadentenlemble , & don-
na permiffion au relie des principaux de fon
Royaume defe pouuoir marier auec leurs fœurs
de perc. Et d'autant que ce mariage fut illicite ôc
contre la loy naturelle, Dieu voulut mettre fin
au Royaume des Inguas , pendant le règne de
Guafcar Ingua, & Atahualpa Ingua , qui eiloit le
fruicl: procréé de ce mariage. Qui voudra plut
exa&ement entendre la façon des mariagcs.entre
lesIndiensduPeiu,quilIifeie Traictc que Polo
' DES INDES. LIV. VI. 283
en a efcritàl'inftâcedcDomHierofme cîeLoai-
fa Archeuefquedes Rois, lequel Polo en fie vne
fort curieufe recherche , comme il a fait de plu-
sieurs autres chofes des Indiens. Ce qui importe
bien d'eftre cogneu pour euiter l'erreur Ôc incon-
uenientoù plufienrs tombent, qui ne fçachans
quelle femme entre les Indiens, eft refpoufe lé-
gitime ou la concubine , fon t marier l'Indien ba-
ptizcauec fa concubine, en lai (Tant là la légitime
efpoufe. Par là voit-on aufïï le peu de raifon
qu'ont eu quelques vns qui ont prétendu dire
que l'on deuoit ratifier le mariage de ceux qui fe
baptifoient,encor qu'ils fu fient frère &fœur.Le . .
contraire a efté déterminé par le Synode prouin- c°n".
cial de Lyma,auec beaucoup de raifon : puis qu'il
eft. ainfi qu'entre les Indiens mefme ce mariage
n'eftoitpas légitime.
De t origine des Initias feigneurs du Vertf^ù1 de leurs
conqueslcs ty vitloires.
c H A P. XIX.
S8« A r. le commandement de la majefté Ca-
<i£jL tholiquedu Roy Dom Philippe, Ion a fait
la plus diligente & exadte recherche qu'il a efté
pofïïble de l'origine, couftume, & priuilegej des
lnguas,cequelonn'apeu faire (i bien comme
l'oneuftdefiré, àcaufequeces Indiens n'auoienc
point d'efentures : toutesfois l'on enarecouuré
ce que i'en diray icy par leurs quipos & regiftres,
lefqueis comme i'ay dit,leur feruent de liurcs.En
premier lieu , il n'y auoit point anciennement au
Pcru aucun Royaume ny feigneur à qui tous
n iij
HISTOIRE NATVRELLE
obeyflentjmaiseftoieutcommunautez , comme
ilyaencorauiourd'huyau Royaume de Chillc,
&prefqucen toutes les Prouinces que les Efpa-
gnolsontconquifes en ces Indes Occidentales,
excepté le Royaume de Mexique. Parquoy l'on
doit fcauoir qu'il feft trouuéaux Indes trois gen-
res de gouuernement & façon de viure. Le pre-
mier, ôc meilleur a efte de Royaume ou Monar-
chie, comme fut celuy des Liguas, & celuy de
Motecuma,combien qu'ils fullcnt en la plus part
tyranniques. Le fécond efloit de communautez,
ôùiisfcgouuernoientpari'aduis ôc authoritéde
plu(ïeurs,qui font comme confeillers.Ccux là en
temps de guerreeflifoiët vu capitaine , à qui tou-
tevnenationou Prouinceobey(Ioit,& en temps
de paix chaque ville ou congrégation fe regilîoir,
& fegouuernoitfoy- mefme,y ayant quelques hc-
mes principaux que le vulgaire refpede, &quel-
quesfois,mais peu fûuuenr,aucuns d'eux i'adem-
blent pour les affaires qui font d'importâce,afîn
d'auiferce qui leur eftconuenable. Le troiîîefme
genre dcgouuernement eft du toutbarbare, qui
eft eompofe d'Indiens fans Loyjans Roy,& fans
lieu arreité, qui vont par trouppes comme bçftes
iauuages. A cequci'ay peu comprendre, les pre-
miers habicans des Indes edoient de ce genre,cô-
mclefontencor auiourd'huy vne grande partie
des BieHlliens, Chyraguanas, ChunchoSjYfcay-
cingss, Pilcoçones, &la plusgrande partie des
Floridiens, Se touslesChichimaquasen laneuf-
ue Efpagne. De ce genre fe forma l'autre forte de
gouuernement en commùuantez , par l'induftrie
&fçauoirde quelques principaux d'entr'cux3eA
DES INDES. LIV. VI. 2,84
quels ily a quelque peu plus d'ordre , Se qui tien-
nentvnlieu plusarrefté , comme lefontauiour-
d'huy ceux d'Auracano,& de Teucapel enChillé,
&c'eftoientau nouueau Royaume de Grenade
les Mofcas & les Ottomittes , en la neufue Efpa-
gne:&:en tous ceux- cy il y a moins de fierté &
beaucoup plus de raifon qu'es autres. De ce gen-
re par la vaillantife&fçauoir de quelques excel-
iens hommes fortit l'autre gouuernement plus
puifîànt,quiinftitua le Royaume Se la monar-
chie, que nous trouuafmes en Mexique Se au Pe-
ru , pource que les Inguas mirent toute cefte ter-
re en leur fubiection, Se y eftablirent leurs loix Ôc
gouuernements. Il fe trouue par leurs mémoires
que leur règne a duré plus de trois cents ans,mais
n'a pas atteint iufques à quatre cents , combien
que leur feigneurie ait efti vn long temps fans Pe-
ftendre plus auant que cinq ou fix lieues autour
de Cufco. Leur commencement Se originea efte
en la vallée de Cufco , d'où peu à peu ils conque-
fterent la terre que noHs appelions Peru,& panè-
rent plus outre queQuitto,iufques à la riuiere de
Pafto.vers le Nort^cVparuindrcnt iufques àChil-
lé vers le Sud, qui feroientprcfquemil lieues de
long. Il ('eftendoiten largeur iuiquesàlamerdu
Sud qui leureftau Ponant,&iufquesauxgrandes
câpagnes qui font de l'autre part de la chaîne des
Andes, où. 1 o voie encor auiourd'huy le chafteau
qui fe nome le Pucara del'Ingua, qui eft vne for-
tçrefle qu'il fitbaftir pour defence Se frontière
vers l'Orient. Les Inguas nefaduencerentpoinc
plus outre de cefte part , pour l'abondance des
«aux jmarefeages, lacs, & riuieres qui courent
n m 1
HISTOIRE NATVRELLE
en ces lieu'és,de forte que lalaïgeur de ce Royau-
me ne feroitpas droictementde cent lieues. Ces
Inguasfurparterent tontes les autres nations de
KAmcrique, en police &gouuernemcnt)& beau-
coup d'auantage en valeur , & en armes , com-
bien que les Canaris, qui efloient leurs mortels
ennemis,& qui fauoriferent les Efpagnols, n'ayét
iamais voulu recognoiftreny confeller cetauan-
tage fur eux, de telle façon que fi encor auiour-
d'huy ils viennctàtoberfurcedifcours , &com-
paraifons , 8c qu'ils foient vn peu inftiguez , 8c a-
nimez, ils fencretueront à milliers fur cefteclif-
pute , qui font les plus vaillans , ainfi qu'il eft ar-
riuéen Culco.L'artifice& coulcurdelaquellelcs
I nguas fe feruoient pour concjuefter & fe faire
Seigneurs de toute cède terre, fut en faignacque
depuis le Déluge vniuetfel, duquel tous les In-
diens ont cognoiffance, le monde auoit eftére-
ftauré'& repeuplé par ces Inguas , &quefeptd 'i-
ceuxfortirentdela cauerne de Pacaricambo, à
raifondequoy tout le refte des hommes leur de-
uoienttnbut 6c'valfellage , comme à leurs pro-
geniteurs : outre cela ils di foient ScarTermoient
qu'eux feuls tenoict la vraye religion, & fçauoict
comment Dieu deuoiteftre feruy 8c honoré , &
que pour cède occafion ik y deuoient inùVruire
tous les hommes. C'eftvnechofeinfinie que le
fondoment qu'ils donnent à leurs coudumes 8c
cérémonies, & y auoit en Cufco plus de quatre
cents oratoires, comme en vne terpcfùndte, 8c
tous les lieux y eftoient replis de leurs myfteres.
Comme ils alloicnc conqucftansles Prouinces,
auiîîailoict-iisincroduifa.nsles mefmes Guacas,
DES INDES. LIV. VI. 285
&couftumes. En tout ce Royaume leprincipal
idole qu'ils adoroicnt,eftoicnt le Viracocha, Pa-
chayachachic,qui fignifie Créateur du monde, &
après luy le Soleil. C'eft pourquoy ils difoi en t que
le Soleil receuoic fa vertu & foneftre du Crea-
teur,ain C\ que les autres Guacas , & qu'ils eftoient
intercefleurs enuersluv.
Dtt premier Ingua, & ciefesfuccejpurs.
CHAP. xx.
£t£>J E premier homme que les Indiens racontét
£$&' eftrelecommencementj&lepremierdesln-
guas.fut Mangocapa,duqnel ils feignent qu'après
le déluge îifortoit de lacauerne , ou feneftrede
Tâbo,qni eft efloignee d e Cu feo, enuiron de cinq
oufix lieues. Ils difentqueceftuy là donna com-
mencement à deux principaux lignages, & famil-
les d'Inguas , les vns defquels furent appeliez Ha-
nancufco,& les autres Vrincufco. Du premier li-
gnage vindrent les Seigneurs , qui conquefterent
& gouucrneret cefte prouince,&le premier qu'ils
font chef, & fouche du Iknaçe de ces Seigneurs
queiedisjs'appelloit Ingaroca , lequel fonda vne
famille,ou Aillo^u'ils appellent, nommée Viça-
qniquirao. Ceftuy là encor qu'il ne fuft pas grand
feigneurjleferuoitneantmoinsauecelelavaiflelle
d'or,& d'argent,& ordonna en mourant,que tout
fon trefor fuft deftinè pour le feruice de sÔ corps,
& pour la nourriture de fa famille: fon fucceffeur
en fit de mefrae , & fe tourna cefte façon de faire,
en couftume generale,comme i ay dit,que nul In-
gua ne peut hériter des blés & maifon de fon pre-
HISTOIRE NATVRELLE
decefleur,mais qu'il fondait vnenouuellemaifon.
Au temps de cet Inguaroça, les Indiens auoient
desidolcsd'or,&:luy fuccedaYaguarguaque, ho-
me délia vieil , Se diient qu'il eftoic appelle de ce
nom là , qui (ïgnifie larme de fang , pour ce que
ayant efté vue fois vaincu s & prins par Ces enne-
mis', de dueil & ennuy il en pleura du fang. Il tut
enterré en vn bourg appelle Paullo , qui eft au
chemin d'Omafuyo , & fonda la famille appellee
Aocaillipanaca. A ceftuy fucceda vn fïen fils V ira-
cocha, Ingua, qui fut fort riche, & fît faire beau-
coup devaifleilcd'orj&d'argentiil fondais ligna-
ge,ou famille de Coccopanaca. Gan/alles Pizarre
chercha lecorps de ceftuy cy , pour la renommée
du grand threfor qui eftoit enterré auec luy , &
après auoirdonné de cruels tourments à plusieurs
Indiés, en fin il le trouua en Xaquixaquana, où le
mefme Pizarre fut après vaincu en bataille, prins,
& fait exécuter par le prefident Guafca.Gonfalles
Pizarre fit brufler le corps de ce Viracochalngua.
& les Indiens prindrent depuis fescendres , lef-
quelles ils mirent en vn petit vaze , 6V les conlcr-
uerent,y faifans de grands lacrifices,iu<qu'à ce que
Polo y remedia,& aux autres idolâtries qu'ils fiai-
foient fur les corps des autres Inguas , lefquels
auec vne admirable addreffe& diligence , il tira
des mains des Indicns5les trouuans fort entiers, &
fortembaufmez,enquoyilefteignit vn grand no-
bre d'idolâtries , qu'ils y faifoient. Les Indiens
trouuctentmauuais,quecetIngua PinritulaftVi-
racocha , qui eft le nom de leur dieu , & luy pour
f'en excu il r; illeur fit entendre , que le mefme Vi-
racochaluy eftoit apparu en fange, qui luyauoit
DES INDES- LTV. VI. 286
commande de prendre Ion nom. A ceftuy fucceda
Pachacuti Ingua Yupangui , qui fut fort valeu-
reux conquérant, & grand politique, inuenteur
de la plus grande partie des coufturnes , & iupef-
ftitions de leur idolâtrie, comme ie diray inconti-
nant.
De Pachacuti Ingtta Yupangui 3 ejr de ce qui adttint
depuis [on temps tufques à Guaynacapa.
C H A P. XXI.
ÇrK3 Aehaçuti Ingua Yupangui reenafoixantec*:
QZX dix ans, & conquefta beaucoup de pays. Le
commencement de les coquettes fut par le moyc
cî'vn lien frère aifné, qui ayantduviuantde fon
petc tenu lafeigneurie, & de ion contentement
raifoitlagucrre,futdefconfit envne bataillequ'il
euft contre les Changuas , quieftla nation qui
pollcdoit la vallée d'Andaguayllas, diftante de
trente ou quarante lieues de Cufco,fur le che-
min de Lima. Ceft aifné ayant ainfieftédefeon-
fit, le retira auec peu d'hommes , ce que voyant
fon frère puifné, Ingua, Yugangui, pour fe faire
fcignçur , inuenta & mit en auant , qu'vn iour luy
eftanc feul & ennuyé,le Viracocha créât eur,auoit
parlé à luy, fe plaignant que conbien qu'il fuft
le feigneurvniuerfel, & créateur detoutéscho-
fes , & qu'il euft fait le Ciel, le Soleil ,lemonde
& les hommes, & que tout fuft fous fa puirîànce,
toutesfois ils ne luyrcndoient robeiflànce qu'ils
deuoient , au contraire ils honoroient & ado-
1 oient efgalement le Soleil, le Tonnerre,laTer-
re,& les autres chofes qui n'auoient aucune autre
HISTOIRE NATVRULE
vertu,que celle qu'il leur departoic ôc qu'il luy fai-
foie fçauoir,qu'au Ciel où il eftoit,l'on l'appelloit
Viracocha Pachayachachic, qui fignifie Créateur
vniuerfel , 8c afin que les Indiens creulïènt que
c'eftoitchofevraye,qu'il ne doutait, bien qu'il fuft
tout feul,de Ieuec des homes foubs ce tiltre , qu'il
luy donneroit la victoire contre les Changuas,
quoy qu'ils fuflent pour lors victorieux, & en fi
grand nombre , & le feroit Seigneur de ces Roy-
aumes , pource qu'il luy ennoyeroit des hommes
quiluyaideroientiànsefhe veus,& fit tanequefut
celle couleur &fantaifie , il commença d'affem-
bler vn grad nombre de peuple, dont il drefTa vne
puilfante armée , auec laquelle il obtint la victoi-
re, fefaifantfeigneurdn Royaume , oftantàfon
pere,&àfonfrerelafeigneurie. Puis après il con-
quefta,cVdefconfi*lesChanguas,&dcslorsilor-
dôna que leVirachocha feroit tenu pour feigneur
vniuerfel, & quelesftatuësdu Soleil & du Ton-
nerre , luy feroit reuerence , & honneur. Des ce
temps aulîi l'on commença de mettre la ftatu'é
du Virachocha plus haut que celle du Soleil,du
Tonnerre,&dureftedcsGuacas.Etiaçoitquecec
InguaYupanguieuftdonncdcs métairies, terres,
&beftiauxau Sôleil,auTonncrre,& autres Gua-
cas,il ne dédia toutesfois aucune chofe aux Vira-
cocha,donnant pour raifon,qu'il n'en auoit point
de befoing-par ce qu'il eftoNit ieigneur vniuerlel,&
créateur de toutes chofes. Il déclara à fes foldats
après l'ctiere victoire desChâguas,que ce n'auoict
point efté eux qui auoient vaincu , mais certains
nommes barbus , que le Virachocaluy auoit en-
uoyez , & que perfonne ne les auoit peu voir que
DES INDES. tIV. VI. 287
luy , lefqucls du depuis s'eftoient conuertis en
pierres , parquoy il côuanoit les chercher, & qu'il
les recognoiftroit bien,& par ce moyen alFembla
& ramaifa aux montagnes vne grande multitude
de pierves,qu'il choifir,& les mie pour Guacas,le£-
quels ils adoroiént ,& leur facrinoient, ils les ap-
pelèrent les Pururaucas, Se les portoient en la
guerre auec grande deuotion,tenans pour certain
qu'ils auoient obtenu la victoire par leur aide.
L'imagination & fiction de cet Ingua,euft tant de
puiflance,que par ce moyen il obtint de fort bel-
les vi&oirts.Ccftuy fonda la famille appellceYna-
capanaca,& fit vnc grade ftatue d'or, qu'il appella
Indullapa,laquelieilmitenvnbrancardd'or,fort
riche5cx: de grand prix , duquel or les Indies prin-
drent beaucoup pour porter à XaxamaIca,pour ta.
liberté & raçôd'AtahulpajquandleMarquisFrâ-
çois Pizarre le tintprifonmer. LeLicentiêPolo
trouua en Cufcodans (a maifon , Tes feruiteurs Se
Mamacomas,qui feruoict à fa mémoire, & trouua
que le corps auoit efté tranfportc de Patalla&a , à
Totocache,où depuis lesEipagnols ont fondeela
paioilieS. Blas. Cecorps eftoitfï entier, &bien
accommodc,auec certain betum , qu'il fembloit
eftretout vif. Il auoit les yeux faits d'vne petite
toille d'or,fi proprement agéeee, qu'ils fembloiet
des propres yeux naturels. Il auoitenlateftevn
voup de pierre qu'il euft en vne guerre , & eftoit
gris,& chenu,fans auoir perdu vn feul cheueu, no
plusqucf'ilnefuftmortquedeceiourlàmcfmc,
combien qu'il y euft plus de (bixante & dixhui&
ans qu'il eftoiedecedé. LefufdictPoloenuoyacc
corps auec ceux de quelques autres Inguas, en k
HISTOIRE NATVR.ELI, E
cité de Lirna,par le com mandement du Viceroy,
le Marquis de Canette , qui eltoitchofe fort ne-
celfaire, pour defrarinci" l'idolâtrie de Culco , &
pkifieurs El pagnols ont veu ce corps, auec les au-
tres en i'hoipital fàinct AndréjCptfronda ce Mar-
cjuiSjCombien qu'ils fu lient délia bié gaftez. Dora
Philippe Caritopa,quifutarriere -fils,ou bilarrie-
rc fils de cet Inçua,afTermoitque les richell'csque
celuy laifla à fa famille, eftoict grandes,& qu'elles
deuo*ëteftrcenlapui!fancedes Yanaconas,Ama-
ro&Toto, oc autres. A cet InguafuccedaTopain-
guaYupangui , auquel vn fien fils appelle de mei-
rne nom lucceda , qui fonda la famille appellee
Capac Aillo.
Lkt plus tn-and & plus illujlçe ïngua, appelle
Guaynackpa.
CH AP. XXII.
£W§ C e dernier Ingua,fucceda Guaynacapa,qui
'iëQà vaurautantàdirequeieune homme, riche
& valeureux, & fut tel à la vérité plus que nul de
les prcdcceUeurs , ny de l'es luccefleuis. Il tue
fort prudent, ôc mit vn fort bon ordre, par tous
les endroits de fon Royaume, fut homme hardy
cV déterminé , vaillant & fort heureux en guerre.
Parquoy il obrint de grandes vi&oires ,il eftendic
ion Royaume beaucoup plus que tousfesprede-
ceiTeutsenfêbien'auoient rait,& mourut au Roy-
aume de Qujtto, qu'il auoic conquetlé , eftant
efloigné de ia Cour de quatre cens lieues. Les in-
diens l'ou.u rirent après Ton decez,& enlaiderent
le coeur & ies entrailles en Quicco,& le côips fut
DES INDES. LIV. VI. 288
apporté en Cufco , lequel fut mis au renommé
Temple du Soleil. L'on voit encor auiourd'huy
plusieurs édifices, chauIîces3fortcreiïes,& ceuures
notables de ce Roy ,& fonda la famille de Terne
Bamba. Ce Guaynacapa futadoré des fiens pour
Dieu,eitant encor en vie , chofeque les vieillards
airerment,& qui nePeftoicpointfaide à l'endroit
d'aucun de fespredecelleurs. Quand il mourut,ils
tuèrent mil per formes de (à maifon , pour l'aller
fecuit en l'autre vie, Icfquels mouroientainfï fort
volontiers , pour aller à fon ieruicc. Tellemenc
que pluiîeurs fofïroient à la mort , pour le mefme
cff.*ct,ourre ceux qui y cftoientdeftinez. Eteftoit
vne cho(e admirable , que fa richeflc&ibn thre-
for. Et d'autant que peu de temps après fa mort,
les Efpagnols y encrèrent , les Indiens prirent
beaucoup de peine pour faire difparoiftre le tout,
combien qu'il y en eull vne grande partie qui fut
portée à Xamalca , pour la rançon de Atahulpa
ion fils. Quelques hommes dignes defoy^frer-
ment qu'il auoit en Cufco plus de trois cens fils,
& arrière fils. Sa mère appellee Mamaoello
fut entr'eux fort eûimec. Polo enuoya en Ly-
ma les corps d'icelle , & de Guaynacapa , fort
bien embaufmez, & defracina vne infinité d'i-
dolatrie, que l'on faifoit en cet endroit. A Guay-
nacapa fucceda en Cufco vnfien fils nommé Ti-
tocuiîigualpa , qui depuis Pappella Guafpar In-
gua , fon corps fut bruflépar les Capitaines de
Atahulpa , qui fut aufli fils de Guaynacapa, &
lequel fe rebella en Quitto contre Ion feerc , &
marcha contre luy auec vne puilTante armée.
Il arriua que Quifquics ôc Chilicuchi , Capi*
HISTOIRE NATVRELLE
tainesdc Atahulpaprindrenc Guafpat Ingua,cn
la cité de Cufco,apres qu' il eut efté receu pour feï~
gneur& Roy (carileftoitle légitime (uccefleur)
ce qui caufàen tout Ton Royaume *n grand ducil,
fpccialement en fa Cour. Et comme foufioursen
leurs neceiîitez ils auoient recours aux facrifices,
ne fe trouuaus alors allez puillans pour mettre
leur feigneur en liberté, tant pour les forets des
Capitaines qui le prindrët, comme pour la grofïe
armée qui venoit auec Atahulpa , ils délibérèrent
(voire quelques vns dilent que ce fut par le com-
mandement de cet Ingua)dc faire vn grand & fo-
lcmnel facrificeau Viracocha , Pachayachachic,
qui fi^nifie créateur vniuerfel,luy demandant que
puisqu'ils nepouuoient deliurerleuricigneur, il
enuoyaftdu Ciel des hommes qui ledehuraiient
depnfon. Et comme ils eftoient en grande efpe-
rancefurceiacrifice,illeur vintnouuellc,comme
vn certain peuple qui eftoit venu par mer, auoic
mis pied à terre , & ptins piifonnier Atahuïp33
pour celle occafionils appellerentles Efpagnols
Viracochas , croyans qu'ils eftoient hommes en-
uoyez de Dieu, tant pourlepetitnombrequ'ils
eftoient à prendre Atahulpa en XaxamalcajCom-
me pour ce que cela aduint incontinent après
leuriàcrificefufdit fait au Virachocha. Et de là
vint qu'ils commencèrent d'appeller les Efpa^
gnols V iracochaSjComme ils le font aniourd'huy.
Ecàla'veritë>finous leur cuiïîons donné vnbon
exemple, & tel que nous deuions, ces Indiens
auoient bien rencontré, difans que c'eftoienc ho-
mes cnuoy ez de Dieu. Et eft vne chofe confïdcra-
blc,quc la grandeur 5c prouidenec diuinc , côme
Udifpofe.
• rnur linM
DES INDES. IIV. VI. 289
il difpofa l'entrée des noftres auPeru,laquelle euft
eftc impolîîble, n'eulr efté ladiflenfiondesdeux
frètes, & de leurs partifans, & l'opinion fi grande
qu'ils eurét des ChreitienSjComme d'hommes du
Ciel, obligez certes en çaicrnant la terre des In-
des à prendre peine de faire gaigner beaucoup
d'amesauCicl.
D es derniers fucccflcur s des In^uAs.
ch A P. XXIII.
£ï£î E re^e ^e cciujeâ; eft allez amplemec traité
Sfe parlesaucheurs Efpagnols aux hiftoiresdes
lndes,& d'autant que cela elt outre laprefence in-
tention, iediiay feulement de la fuccefîion qu'il
y eut des Inguas. AtahulpaellantmortenXaxa-
malca , & Guafcar en Cufco , & François Pizarre
auec les iienSjfeftant emparé du Royaume, Man-
gocapa,fils de Guaynacapa, les afîïegea en Cufco,
&c les tint fort preiïez, mais en fin il quitta tout
lepays,cV fe retira en Vilca-bamba,auxmôtagnes
efquelles il fe maintint , à caufe de l'afpreré , ÔC
difficile accez d'icelles, & là demeurèrent les fuc-
celïeurs Inguas , iufques à Amaro,qui futprins &
exécuté en la place de Cufco,auecvne incroyable
douleur, & regret des Indiens, voyans publique»
ment faire iuftice de ecluy qu'ils tenoiet pour fsi-
gneur. Apres celal'on en emprifonna d'autres du
lignage de ces Inguasji'ay cogneu Dom Charles,
petit fils de Guaynacapa, & nlsdePolo,quifefic
baptifer, & fauorifa toufiours les Efpagnols con-
tre Mangocapa fon frère. Lors que le Marquis de
Canetregouuernoiten ce pays , Sarritopaingua
HISTOIRE NATVRELLI
fortitdc Vilcabamba , Se vint foubsafleurance à
lacitcdesRoys,où luy fut dônee la vallée Yucay,
& d'autres cho(es,à quoy fucceda vne fîenne fille.
"Voila lafucceffionqui eft auiourd'huy coc;neiïe
de cette fi grande &c riche famille des In^uas dei-
quels le règne dura plus de trois cens ans , où Ton
conte onzefucceflturs en ce Royaume, iuiques à
ce qu'il cefla du tout,en l'autre partiallitè & Vrin-
cuico,quicommcaeftéditcydeiîus, eut Ton ori-
gine mefme du premier Mangocapa , l'on conte
nuict fuccefleurs en cefte manière. A Mangocapa
fucceda Cinthoroca, à ceftny Capac Yupangui , à
ceftuy Lluqui Yupangui, àceftuy Maytacapaefte
Tarcogumam,auquel fucceda vn n'en fils, qu'ils ne
nomment point,à ce fils fucceda Dom lean Tam-
bo Maytapanaca.Celafuflife pour l'origine &iuc-
ceffion des Inguas , qui gouuernerent la terre du
Peru,auec ce qui a efté dit de leurs loix,gouueme-
ment,& manière de viure.
De U manière de Vyepubltejue quMtoient
les IttexiauAins .
CHAP. XXIII I.
5 O M b i e n que l'on pourra voir par l'hiftoire
S qui fera efente du Royaume, îucceflîon, &
origine des Mexiquains, leur manière de Repu-
blique &gouuernement,ficft-ce toutesfoisque
ie diray icy fommairement ce qui me femblera
plus remarquable en gênerai, dont il fera cy après
plus amplemct difeouru en l'hiftoire. La première
chofe par laquelle on peut iuger que legouuer-
ncment desMexiquains a efte fore politie,cft l'or-
DES INDES. IIV. VI. 290
drequ'ilsauoient , &gardoient inuiohblemenc
d'eflire vn Roy. Pour ce que depuis le premier
qu'ils €urent,appellé Acamapach, iufques au der-
nier qui fut Moçuma , fécond de ce nom> il n'y en
eutaucun qui vint au Royaume par droit de lue-
ceilion , ainsfeulementy venoient par vne légiti-
me nomination, & eflecrion. Cefteefledionau
commecement eftoitaux voix du commun,com-
bien que les principaux fuflent ceux qui condui-
f oient l'affaire. Du depuis au temps d'Yfcoalt
quatrief me Roy , par le conleil & ordre d'vn fage
cV valeureux homme, qu'ils auoient appelle Tla-
cael, il y eut quatre électeurs certains & arrêtiez,
ldqueîs auec deux feignons , ou Roys , fuje&sau
Mcxiquain , quieftoicntceluy deTcfcaco, &ce-
luy deTacuba, -luoicnt droit défaire cefte efle~
dion. lis eïliioient ordinairement pour Roys,
dçs ieunes hommes, pource que les Roys alloienC
toujours à la guerre, Se eftoitprefquelaprinci-
palle occafion pourquoy ils les vouloient. C'eft
pourquoy ils prenoienc garde qu'ils fuflent pro-
pres & idoines à la guerre , & qu'ils prinflent
plaifir , & iè glorifiallènten icelle. Apresl'efle-
dion ils faifoicnt deux manières de fcftes,Tvne
en prenant poflefïïon de l'eitat Royal , pour la-
quelle ils alloient au Temple , & faifoient de
grandes cérémonies, & facrifices fur le brafiec
appelle diuin, où il y auoittoufioursdu feude-
uant l'autel de l'idole , & après quelques rhe-
toriciensqui feftudioent en cela , faifoientplu-
fieurs oraifons & harangues. L'autre fefte & la
plus folemnelle , erloic de fon couronnements
pour laquelle il deuoic premièrement vaincre ea
o ij
sgmemm
HISTOIRE NATVRELLE
bataille,& amener vn certain nombre de captifs,
quei'ondeuoitfacrifieràleursdicux.&entroiten
triomphe auec vne grande pompe,luy faifans vue
fclcmnclle réception, tant ceux du Temple, lef-
quels alloient tous en proceffion , touchans &
ioiians de plufieurs fortes d'inftrumens,& cnccn-
fans & chan tans comme les (eculiers,& les Cour-
ti{àns,qui fortoient auec leurs jinuentions à rece-
uoirleRoy victorieux. La couronne &enfeigne
Royalle eftoit en façon de mitre pardeuant, êi
eftoit par derrière couppee, de forte qu'elle n'e-
ftoit pas toute ronde, car le deuâr eftoit plus haut,
Aralloiti^efleuant comme en pointe. Le Roy de
Tefcuco auoit le priuilege de couronner de fa
main le Roy de Mexique. Les Mexiquainsont
efté fort loyaux & obeiiîans à leurs Roys , & ne fe
trouue point qu'ils leucayent fait de trahifon.Les
hiftoires racontent feulement j qu'ils tafeherent
défaire mourirparpoifon, leur Roy appelle Ti-
cocic, pour auoir efté coiiard& de peu d'effed.
Mais il ne fe trouue point qu'il y ait euenti'eux
dediiTenfion, & partialitez par ambition, com-
bien que ce foit chofe allez ordinaire es commu -
nautez:au contraire elles racontent , comme l'on
verra en fon lieu , qu'vn homme le meilleur des
Mexiquains, refufa le Royaume , luy fcmblant
qu'il eftoit expédient à la Republique d'auoir vn
autre Roy. Au commencement que les Mexi-
quains cftoient encor pauures , & aflezpetits cô-
pagnôs,les Roys cftoient fort modérez à leur en-
tretien, & en leur cour,mais comme ils augmen-
tèrent en pouuoir,ils augmenteret aufli en appa-
reils & en magnifitcte,iufques ï paruenir à la gra-
DES INDES. LIV. VI. 2-91
deurde Moteçuma, lequel quand il n'eiîfl eu au-
tre chofe que la maifon des animaux, c'eftoit vnc
chofe allez fuperbe,& telle qu'ô n'en a iamais veu
d'autre femblable. Car il y auoiten cefte Tienne
maifon de toures fortes de poilïbns , d'oifeaux de
Xacamamas,& de beftes,comme en vneautte ar-
che de Noé. Pour les poiflos de mer il y auûij: des
cftangs d'eau'ë fallee,& pour ceux des riuieres, des
cftagsd'eauë douce. Lesoifeauxdeproyeyauoiét
leurs viandes,& les beftes ficres au(n en fort gran-
de abondance,& grand nombre d'Indiens eftoict
occupez à entretenir ces animaux. Quad il voyoit
qu'il n'eftoit paspofîîble d'entretenir ou nourrir
quelque forte depoilfo, d'oifeaux,oudebeftefau-
uage,il en faifoit faire l'image Se la femblance ri-
chement taillée en des pierres precieufes , en ar-
gct, en or,en marbres ou en pierre:& pour toutes
fortes d'entretiens , il auoitdes maifons Se palais
diuers , lesvnsdeplaifir,les autres de dueil&tri-
ftelîe, cVles autres pour y traitter les affaires du
Royaume.il y auoiten ces palais plu fleurs cham -
bres, félon laqualité des feigneurs qui le feruoient
auecvne eftrange ordre & diftindion.
De s filtres & dignité^ qui efloient entre
les Mexiquains.
c H A p. xx v.
EsMexiquains ont efté fort curieux de dé-
partir les grades & dignitez entre lesnobles
& les feigneurs,afin que Ton recogneuft ceux d e-
tr'cux ,aufquelsl'on deuoit faire plus d'honneur.
La dignité des quatre eflecteuis , eftoit celle qui
o iij
HISTOIRE NATVRELI. E
e&oitlaplus grande &laplus honorable, après le
Roy,&leselîifoit-on incontinent après l'ellediô
du Roy. Ils eftoient ordinairement frère ou fore
prochesparens du Roy,&: les appclloient Tlaco-
hccalçalt,qui lignifie Prince de laces .que l'on iette
ou darde, qui elt vne lorte d'armes, dont ils vloiet
fouuent. La dignité d'après eftoit celle de ceux
qu'ils appelloicnçTlacatecati, qui elt àdire,circo-
cifeur&au. coupeurs d'hommes. La rroillefmc di-
gnité citait de ceux qu'ils appelloipnt Ezuahua-
calr/q.uî lignifie efpandcur de fang par efgratigne-
ment. Tous lefquels .tiltres & dignitez eftoieat
exercez des hommes de guerre. Il y auoit vn autre
quattiefme intitulé Tlilancalqu', qui vaut autant
à dire, que feigneurde la maifon noire, ou de la
noirceur, à caufed'vn certain encre, duquel les
préfixes foignoient, 6y quiferuoitenlcurs idolâ-
tries., Toutes ces quatre dignitez eftoient du grâd
confeil,fans l'aduisdefquels le Roy ne faifoitny
pouuoitfaireaucunechofed'importâce,&: leRoy
eftant mort l'on en deuoit eflire en fa place vn qui
fuit en quclquvne de, ces quatre, dignitez. Il y
auoit aufli outre ceux là d'autres confeib , & au-
dience , & difent quelques vns qu'il y en auoit au-
tant comme en Elpagne,& qu'ily auoit diuers liè-
ges Sciurildiclionsauec leurs confeillers &' alca-
des de cour,& d'autres qui leur eftoient fouzmis,
comme corrigidors,alcades maieurs,Lieutenans
& Alguafits maicurs, & d'autres , qui eftoient en-
cor inférieurs & fouzmis à ceux-cyauecvnfort
bel ordre. Tous lefquels defpandoient des quatre
premiers Princes qui affift oient an Roy. Ces qua-
tre tant feulement auoient Iaiurifdicrion &puiC
DES INDES. L1V. VI. 1$2,
lance de condamner à la mort » & lesautreslcur
cnuoyoientdes mémoires des fentences qu'ils do"
noient : Au moyen dequoy en certain temps l'on
faifoit entendre au Roy tout ce quifcpalTbit en
ion Royaume. Il y auoitmefme vn bon ordre &
police eftablie fur le reuenu du Royaume: car il y
auoit des officiers départis par toutes les prouin-
ces,comme des Receueurs, 6c Treforiers , qui re-
cueilloient les tributs & rentes Royales.L'ô por-
toit le tribut en lacour pour le moins de mois en
mois, lequel tribut eftoit de tout ce qui croift &
f*engendreen la terre , 6c en la mer tant de loyaux-
ôc d'habits , que de viandes. Ils eftoient fort foi-
gneux de mettre vn bon ordre en ce qui touche
leur religion, fuperftiuon &: idolâtries : &pour
cefte occasion y auoit vn grand nombre de mini-
ftres qui auoict la charge d'enfeigner au peuple les
couftumes & cérémonies de leur Loy.C'eft pouc-
quoy fur ce qu'vn preftre Chreftié vn iour le plai-
gnoit que les Indiens n'eftoient pas bonsChre-
fliens,&neprofitoientpointàlaloyde Dieu:Vn
vieillard Indien luy refpondit fort àpropos en ces
termes: Que les prefircs (dit- il) emploient autant de foin
& de diligence a faire les Indiens Cbrejltens^ que les mi-
niftres des idoles emploient a enfermer leurs cérémonies:
car auec la moitié du foin qu'ils y prendront >tls nous ren-
dront les meilleurs Cbreftiensdu monde \pource quela loy
de lefus-Cbrifî efi beaucoup meilleure: mais les Indiens
ne îapprenent point a faute de cens qui la leur enfei-
gnent, Enquoy certainement il dift veritè,à noftre
grand'honte 6c confufion.
ni)
— mm n
Comment les TvlexifjUdins fùfoient U guerre, & dé
leurs ordres de Chemllcïic .
CH A p. xxvr.
Es Mexiquains donnoient le premier lieu
d'honneuràî'art &profem"on militaire.c'eft
pourquoy les nobles eftoient les principaux fol-
dats, & les autres qui n 'eftoient point nobles par
la valeur & reputatiôqu'ilsacqueroicten guerre,
parucnoientendesdignicezcV honneurs: de for-
te qu'ils eftoient tenus pour nobles. Ils donnoient
de belles recompenfes à ceux qui auoient fait va-
lcureufement,lefquels iouilloient de priuileges
quenul antrenepouuoitauoir : cequiles encou-
rageoit beaucoup. Leurs armes eftoient des ra-
foirs de caillous aigus & trenchans , qu'ils met-
toicntdesdeuxcoltczd'vn ballon, qui eftoirvne
armefifurieulè.qu'ilsaffermétquetl'vn feulcoup
ilscncoupoient lecolàvncheual. Ilsauoienr de
fortes & pelantes mafïucs, des lances en façon de
piques, & d'autres façons de dards à ietter, à quoy
ils eftoient fort adroi ts,& faifoient la plus-part de
leur combatauec des pierres. Ils auoient pour ar-
mes deffen fines de petites rondelles ou efeus , &
quelque façon dsfalladest^ morions enuironnez
déplumes. Ils fe veftoient de peaux detygresou
Jyons,6V d'autres animaux faunages. Ilsvcnoicnt
incontinent aux mains auec l'ennemy, & eftoient
rort exercez à courir & à luter. Car lcurprinci-
cipale façon de vaincre n'eftoit pas tant en tuant
comme en prenant des captifs , defquels ilsfe
lenioienc en leurs Sacrifices , comme il a elle dit.
DES INDES. LTV. VI. 293
Àloreçuma mit la cheuaîleric à Ton plus haut
poinct,en instituant certains ordres militaires,
commede commandeurs, auec certaines mar-
ques &: en feignes. Les plus honnorables d'entre
les Cheualierseftoient ceux qui portoiet lacou-
ronne de leurs cheueux attachée auec vn petitli-
7.ct rouge , & auec vn riche plumache , d'où pen-
doient fur leurs efpaulles des rameaux de plumes,
& des bourrelets de mefme. Ils portoient autant
de ces bourrelets corne ils auoient faitd'a&esfî-
gnalez en guerre. Le Roy mefme eftoit de ceft or-
dre de Cheuallerie , comme l'on peut voir en
Chapukcpec,oùeftoient Moteçuma & fon fils
necouftrez de ces façons deplumaches, taillez en
vne roche, qui eftehofe digne de voir. Ilyauoit
vn autre ordre de Cheuallerie, qu'ils appelloient
les lyons&:lestygres,lefquelse(loient commu-
nément les plus valureux, & qu'on remarquoit
le plus en guerre , où ils alloient portas toujours
leurs marques 6c armoiries. Il y auoit d'autres
Cheualiers, comme les Cheualiers Gris, qui n'e-
ftoient en telle eftime comme ceux-cy, lefquels
auoient les cheueux coupez en rond pardedus
l'oreille. Ils alloient à la guerre portans demef-
mes marques que les autres Cheualiers, toutes-
fois ils n'eftoient point armez que iufques àla
ceinture,mais les plus honorables f'armoient en-
tièrement. Tous les Cheualiers pouuoient por-
ter de l'or & de l'argent , & fe veftir de riche cot-
ron,feferuir de vafes peints Se dorez, & porter
des fouliers à leur modejmais le commun peuple
ne pouuoit fe feruir que de vafes de tette , neleur
eftant pas permis de porter des fouliers , &ne
HISTOIRE NATVRELLE
pouuoientfeveftirquedeNequen , qui eft vne
matière grofîïere. Chacun ordre de cesCheua-
liersauoitfon logis au Palais , marqué de leurs
marques, le premier cftoit appelle le logis des
Princes , le fécond des Aigles , le troifielme des
Lyons&tygres,& lequatiiefme des gris. Les au-
tres officiers communs , eftoient en bas , logez
en de moindres logis : & G quelqu'vn le logeoit
horsdefonlieu,ilencouroit peine de mort.
Dugrand ordre <& d/li^cncenue les Tïiexiqudinscm*
floyotcnt à nourrir la icunejft'.
CHAP, XXVIII.
WjftjS L n'y a choPe qui m'aye donné plus d'oecâ-
&&& fion d'admirer , ny quei'aye trowuee plus di-
gne de louange & de mémoire que Tordre & le
foing que les Mexiquains auoient à nourrir leurs
enfans. Car ils recognoilïoient bien que toute la
bonne efperanced'vne Republique , confifteen
la nourriture ôc inftitution de laieunelle , ce que
Platon traicle alïezamplement en fesliures,De
legibus. Etpourcefteoccafion ils i'eftudierent&
prindrent peine d'efloigner leurs enfans des de-
lices, & delà liberté, qui font les deux pelles de
cetaage,en lesoccïipans en des exercices hon-
nettes <3c profitables. Pour cet effect^ilyauoic
aux Temples vne maifon particulière d'enfans,
comme des efcholles, ou collèges, quieftoitfe-
paree de celles des ieunes hommes , & des filles
du Temple, dont nous auons amplement trai-
cté cy-deuant.Ily auoiten ces efcholles vn grand
nombre d'enfans^, que leurs pères y menoicntvo-
DES -INDES. LIV. VI. 194
lomairement,lefqi.icls auoient des pédagogues
& niaiilrcs qui les enfeignoient en tous louables
exercices,à.e,ure bien nourris , porter refpecl: aux
iupci ie,urs, à feruir ô$ à obeyr, leur donnans à cè-
de fin certains préceptes &enfeignements. Eta-
frn qu'ils fu lient aggreables aux Seigneurs,ils leur
app renoient à chanter & àdançei',&lesdre(ïoiët
aux exercices de la guerre s. qui à tirer vne flefche,
vu dard , ou baftonbru(léparlebout,&àbien
manier vnerpndelle& vueefpee. iLs-neleslaif-
ioient gueix&dormir, aiin qu'ils f'accouftumaf-
fen tau trauail dés l'enfance, Se qu'ils nefulïcnt
point hommes dedelice-s. Outre lenombreco-
mun decesenfanSjily auoit aux mefmes collè-
ges ci'autresenfans des Seigneurs , 8c nobles ,lef-
quelseftoient plus particulièrement traictez. On.
leur portoit leur manger & ordinaire de leurs
maifonSjiSc eftoient recommandez à des vieil-
lards Se anciens, pour anoir efgard fur eux, les-
quels continuellement les admoneftoient d'é-
lire vertueux, de viure chaftement, d'eftre fobics
au manger ,, de îeufner , Se de marcher pofement,
Se auec mefure. Ils auoient accouftumé de les
exercer au trauail , Se en des exercices laborieux:
5cquand ils les voyoietinftruits en tous ces exer-
cices, ils confideroientattentiuement leur incli^
nation ,& f'ils en voyoient quelques vns auoir
l'inclination à la guerre, après qu'ils auoient at-
teint l'aagefufhfant, ils reçherchoicnt l'occafion
de les efprouuer,en les enuoyant à la guerre, fous
couleur de porter des vluies &des munitios aux
(bldats,afin qu'ils veifset là ce qui C'y paffoit,& le
trauail que l'on y enduroit. Et afin qu'ils perdifset
HISTOIRE NÀTVRtLLE
la crainte, ilsleschargeoientauiïidepefânts fat-
deaux, afin que monftrans leur courage en cela,
ils fiillent plus facilement receusen la compagnie
desfoldats. Par ce moyen il auenoit à plusieurs
d'aller chargez à i'armee,& retournerCapitaines
auec marques d'honneur. Quelques vus d'ic«ux
fevouloient tellement faire paroiftre qu'ils de-
meuroient prins ou morts , Se tenoienc pour
moins honorable de demeurer prifonniers. Ceft
pourquoy ils fe faifoienc plulioft mettre par piè-
ces que de tomber ciptifs cntrelesmains de leurs
ennemis. Voila comment les en fans des Nobles
qui auoient l'inclination à la guerre y eftoient
employez. Les autres qui auoiet leur inclination
aux chofes du Temple, 6j pour le dire, ànoftre
mode,àeftre Ecclefîaftîqucs , après qu'ils auoiet
atteint l'aage furhfant ,eftoient tirez du collège,
Se les mettoit-on au logis du Temple, qui eftoit
pour les Religieux, Se leur donoit-on alorslcurs
ordres Se marques d'Ecclefiaftiques. Là ils auoiet
leurs prélats Se mafftres, qui leur enfeignoient ce
qui eftoit de la profe(ïïon,où ils deuoient demeu-
rer ,y ayans efté dédiez. Ces Mexiquainsprenoict
vn grand foing à nourrir les enfans, que fiau-
iourd'huyilsfuiuoient encor cet ordre, en fon-
dant des maifons&: collèges, pour l'inftrucîion
delaieunefTe, fans doute que la Chreftienté fto-
riroit beaucoup entre les I ndiens. Quelques per-
fonnes pieufes l'ont Commencé , Se le Roy Se fon
Confeil l'ont fauorifé,mais d'autant que c'eft vr.e
chofe où il n'y a point de profit , il Pauance bien
peUj Se y va-l'on a (fez froidement. Dieu nous
vueille efclaircir les yeux , afin que nous voyons
DES INDES. LIV. VI. 19$
quccelaeftànoftreconfufioiijveu que nous au-
tres Chreftiensnefaifons point cequclesenfans
des ténèbres faifoient à leur perdition , enquoy
n ous nous oublions de noftre deuoir.
Desfifîesy eir dctnccs des Indtens.
CHAP. XXV H I.
,'A vt a nt quec'eftvnechofequidefpend
en partie du bon gouuerncment, d'auoircn
la Republique quelques ieux& recreations,quad
il en eft temps ; il ne fera mal à propos que nous
racontions fur celle matière , ce que faifoient les
Indiens, principalement les Mexiquains. L'on
n'a point defcouuert es Indes aucune nation qui
viue en communautcz, qui n'ait (on entretien &
(à récréation , en ieux, dan ces , & exercices de
plaiiir. I'ay vcuauPcrudesieux qu'ils faifoient
en façon de combat } -auiquels les hommes des
deux codez fenflamboient quelquesfois d'vne "
telle façon que bien fonuét leur Paella (qui eftoit
le nom de cet exercice) venoit à eftre dangereule.
I'ay veu auilï pluficurs fortes de dançes , efquel-
les ils contre- faifoient,& reprefentoient certains
meftiers&: offices,comme de bergers,laboureurs,
pefcheurs, & cha{reurs,&: faifoient ordinairemec
toutes ces dançes auec vnfon& vn pas fort pe-
lant & fort graue. Il y auoit d'autres dançes ôc
maicarades,qu'iisappclloient guacones,dont les
mafques& les gpftes eftoient pures reprefenta-
tionsdu diable. Il y auoit mefme des hommes
qui dançoient fur les eipaulles les vnsdes autres
en la façon qu'ils portent en Portugal, ce qu'ils
■ s mnn i
HISTOIRE NATVRELLE
appellent les Paellas. La plus grande partie de ces
dances eftoient fuperftitions & efpeces d'idolâ-
trie , pourçe qu'ils honoroienc leurs idoles Se
GuacMS en cefte façon. Pour cefts occafion les
Prélats le font efforcez de leur oller le plus qu'ils
ont peu de ces dances, combien qu'ils les laiiîenc
àcaulequ'vncparrienefont que jeux de récréa-
tion , <ar rouuours ils dancenr , Se ballentàleur
mode. Ils vient en ces dances de plulîeurs fortes
d'indrumês jdont les vus font comme Heures ou
petits canons, les autres comme cornets entor-
tillez : mais communément ris y chantent tous à
la voix, Sey en a vu ou deux qui chantent premiè-
rement la chan Ion , puis tous les autres luyrei-
pondent. Quelques vues deceschanionseft.oiét
fortingenieufement compofees, Se contenants
des hiltoires : d'autres eftoient pleines de fuper-
ftitions , Se les autres n'eftoient que pures folies.
Les noftresquiconuedent entr'eux , ont elfayé
•S de mettre les choies de noftre faincte Foy en leur
façon dechant. Ce qui a afl'ez bien profité , d'au-
tant qu'ils emploient lesiours entiers à les chan-
ter Se reciier,pout le grand plaifir Se contente-
ment qu'ils prennent a ce chant. Ils ont mis mef-
mes à leur langue de nos compositions demuli-
que,commede huidains,chanfons,é\: rondeaux,
lelquels ils ont fort proprement tournez, qui eft
à la vérité vu beau Se fort neceiîaire moyen pour
inftruircle peuple. Ils appelloient communé-
ment au Peru des dances Tagui , es autres Pro-
uinces Areittos, Se en Mexique Mittotes. Ec
n'y a point eu en aucun autre lieu vnc telle cu-
ripiicc de ces icux Se dances , comme en laneufue
DES INDES. IIV. VI. Z96
Efpagne , où l'on voie encore auiourd'huy des
Indiens fi braues fauteurs , que c'eft vnechofè ad-
mirable. Lesvnsdancentfurvne corde, les au-
tres fur vn pieu haut &droict en mille façons.
Les autres auccla plante des pieds 5c desiarets,
manient, iettent en haut &c reçoiucnc vn tronc
fort pelant : ce qui femble incroyable , fi ce n'eft;
en le voyant. Ils font plufieurs autres demonftra-
tions de leur grande agilité, en fautant , volti"
géant, fatfant des fouples lauts,tantoft portans
vn grand & pefant faix , tantolt endurans des
coups qui feroient fuffifants pour rompre du fer.
Mais l'exercice de récréation le plusvfité entre
les Mexiqu.iins,eft\lefolemnel Mitotté ,qui efi:
vne forte de bal qu'ils eftimoient fi, braue & fi
honorable, que le Roy mefmey dançoit quel-
quesfois , non pas toutesfois par force , com-
me le Roy Dom Pedro d'Atragon , auec le Bar-
bier de Valence. Ccbalou Mittottéfefaifoic or-
dinairement es cours du Temple, & en celles des
maifonsRoyalles,qui eftoient les plus fpacieu-
ies. Ils pofoient au milieu de la court deuxdi-
uersinftruments, vnqui eftoiten façon de tam-
bour, & l'autre en façon d'vn baril fait tout d'v-
ne pièce , & creufé par dedans , lefquels ils mec-
toientfurvne figure d'homme, ou d'animal, ou
dcfïus vne colomne . Ces deux inftrumens e*
ftoient fi bien accordez enfemblc, qu'ils rendoict
en leur Ion vne afTczbône harmonie, &faifoienc
auec ces inftrumens plufieurs & diuerfes fortes
d'airs & de chanfons. Ils chantoient & bail oient
cous au fon& à la cadence de ces inftrumens,d'vn
ii bel ordre & dVn fi bel accort , une aux voix
iiiiiiiiiiiiiiiuiiiimiijliiiw
HISTOIRE NAT7RELLE
qu'au mouucment des pied* , que c'eftoit vnc
choie plaifante à voir. Ils faifoienc en cesdanecs
deux cercles ou roues , l'vn deiquels cftoit au
milieu, pioche des inftrumens, auquel les an-
ciens & ieigneurs chantoient & dançoient, /ans
prefque fe mouuoir : l'autre eftoie du refte du
peuple àl'entour, allez efloigné du premier,au-
quel ils dançoient deux à deux plus légèrement,
& faifoientdiuerfes façons de pas, nuec certains
fâuts à la cadence. Tous lefquels enlemble fai-
foientvn fort grand cercle. Ils fe veftoientpoui
ces daces de leurs plus précieux habics & loyaux,
félon le moyen &pouuoird'vn chacun,c(limans
cela vnechofe fort honorable : & pour celte oc-
cafion ils apprenoient ces dances dés leur enfan-
ce. Et combien que la plus grande part d'icelles
fefaifoient à l'honneur de leurs idoles , neant-
moins cela m'eftoit pas d'inftitution , mais com-
me il a efté dit, c'eftoit vne récréation ôc paile-
temps pour le peuple. C'ell pourquoy il n'eit pas
propre de les ofter du tout aux Indiens , mais on
doit bien prendre garde qu'ils n'y méfient parmy
quelques fuperftitions. I'ayveu faire ce oal eu
Mitotté en la court de l'Eglife de Topetzotlan,
qui cft vn bourg à lept lieues de Mexique , & me
iembla déilors que c'eftoitchofe bonne d'y occu-
per & entretenir les Indiens es iours de feftes,
puis qu'ils ont befoin de quelque récréation : ôc
d'autant plus que celle-là eft publique , & fans le
preiudiced'autruy,ily amoins d'inconuenienc
qu'en d'autres qu'ils pourroient faire eux feuls, iî
Ton leur ofloit celles-là. Ceft pourquoy il faut
conclure, iiuuantic Confcildu pape Grégoire,
que
DES INDES. LIV. VI. Z$J
que c'eft vnc chofe fort propre de laUfer aux In-
diens cequ'ils ont de couftume ôc vfages , pour-
ucu qu'ils ne foient point méfiez de leurs erreurs
anciens3& de faire en forte que ieursfeft.es & paf-
fc- temps l'acheminent à l'honneur de Dieu te
des Saindts , defquels ils célèbrent les fefts. Cecy
pourra fuffire en gênerai des moeurs Sccouftu-
mes politiques des Mexiquains. Etquantàleur
origine , accroillement & Empire 3 d'autant que
c'eft vne matière plus ample ,&: qui fera belle Se
plaifante d'entendre des fon commencement,
nous en traitterons au Hure fuiuant.
III J l I I J jiWiiMt
LIVRE SEPTIEME
DE L'HISTOIRE N A-
TVRL1E ET MORALE
des Indes.
Que c'eft y ne cbofe ytïle d'entendre les acJes &r geftes
des Indes s principalement ceux des
l\iexicjuains.
CHAPITRE PREMIER.
*f^\ Ovte hiftoire véritable bien
%^b cfcriteeft toufiours profitable au
Lecteur. Car comme dit le Sage:
ê^£ Ce qui a cflceft , & ce qui fera , cji ce
(juta ejiè. Les choies humaines
ont entr'elles beaucoup de relîemblance , &
les vns fe font fages , par ce qui arriueaux au-
tres. Il n'y a peuple fi barbare qui n'ait en foy
quelque chofe de bon & digne de louange , ny
République fi bien ordonnée, où il n'y ait quel-
que chofe à reprendre. C'eft pourquoy quand il
n'y auroit au rc ruiât en l'hiftoire & narration
des faits des Indiens, que cède commune vtilité
d'eftre vne hiftoire & relation des chofes , les-
quelles en effed de vérité font aduenuës, elle me
rite allez d'eftre receuë comme choie vtile, & ne
la doit-on pas rcictter, pourtant fi ce (ont choies
^M
DES INDES. IIV. VII. 20 8
des Indiens. Comme nous voyons que les au-
theurs qui traittent des ebofes naturelles , eferi-
uent non feulement des animaux généreux, des
plantes iignallees , & des pierres precieufes , mais
au (îî des animaux vils, des herbes communes, àcs
pierres &' choies vulgaires, d'autant qu'il y a toui-
îours en icellcs quelques proprietez dignes d'e-
ftre remarquées . Ainiï quand il n'y auroitautre
chofe en cecy que îe traitte , que d'eftre vne hi-
itoirecV non point des fables & fictions, c'eft
touiiours vn iuject qui n'eft pas indigne d'eftre ef-
crir n y d'élire leu. Il y a encor vne autre railon
plus particulière: c'eft que l'on doit d'auantage
eftimer en ceçy cec]uieftdignedemcmoire,d'aU'
rant que c'eft vue nation peu eftimee, & d'autant
m drue que c'eft vne matière dirFcrcntede celle de
noftre Europe, comme auilile font ces nations:
enquoy nous deuons prendre plus deplaifir&de
contentement d'entendre le fond dcleur origine,
leurfaçon de viurc, leurs heureufes & malheu-
reufesaduentures. Etn'eft pas cette matière feu-
lement plaifante & aggrcablc , mais auflï eft vtile
& profitable, principalement à ceux qui ont la
charge de les régir & gouuerner: caria coçnoif-
iance de leurs a£tes inuite a doncr crédit aux no-
iîres, & enfeigne en partie comment ilsdoiuent
cftretraittez, voire elleofte beaucoup du com-
mun & fol mefpris , auquel ceux de l'Europe les
ont , ne iugeans pas que ces peuples ayent aucu-
ne chofe de raifon. Car certainement on ne peut
mieux trouuer refclarciflcmentdeceÛe opinion,
que par la vraye narration des faits & geft.es de ce
peuple. le traifteray doc «use l'ayde du Seigneur,
P3j
BBBBBMBHMi WM
■
HISTOIRE NATURELLE
leplusbriefuementqueiepourray, de l'origine,
progrez,& faits notables des Mexiquains, par
où l'on pourra cognoiftre le temps & ladifpofi-
tion quels haut Dieu voulut choifir pour en-
uoyer à ces nations la lumière del'Euangilede
Iefus Chrift Ton fils vniquenoftre Seigneur , le-
quel icfupplie acheminer noftre petit trauail, de
forte qu'il puilfe rciïffir à la gloire de fa diurne
grandeur , & à quelque vtilité de ces peuples,auf
quels il a communiqué la faincle loy Euangeli-
que.
Des-ancicns babitans de lancufue Efpaçwe, & com-
ment les KaHdtiacasy yiiidrent.
c h a p. i r.
E s anciens & premiers habitans des Pro -
uinces,que nous appelions neufue Efpagne,
furent des hommes fort barbares Se fauuages,qui
viuoient ôc f entretenoient feulement de la chaf-
fe. A celle occafîoneftoient appeliez Chichime-
quas. Ilsnefemoient nynecultiuoient point la
terre, & ne viuoient point enfemble , d'autant
quetout leur exercice eftoitdechalfer ,enquoy
ils eftoient fort addroits. Ils habitoient aux plus
afpres lieux des montagnes viuantsbeftiallemét
fans nulle police, & alloient tous nuds. Ils fai-
foientla chade aux belles roufles, aux Heures,
connins,beliettes, taupes , chats launages , &
aux oyfeaux , voire aux belles immondes , com-
me aux cojHleuures,lezards,locuftes,& vers,dont
ils fenourriifoientauec quelques herbes ôc raci-
nes. Ils dormoiem aux montagnes, en de» caucr-
DES INDES. LIV. VI. 199
nés , ôc en des huilions: & les femmes mefmes al-
louent à la châtie auec leurs maris, lailTansleurs
petits en fans attachez aux rameaux d'vn arbre,
dans quelque petit pannierde ionc, qui fe paf-
foient d'eftre allaitiez iufques à ce qu'elles re-
tournaient delà challe. Ils n'auoient aucuns fu-
peneursj&nerccognoiflbient , ny n'adoroienc
aucuns dieux, & n'auoient point de couftumes
ny de religiô. Ilyaencorauiourd'huy en laneuf-
ue Elpagne de celle forte de gens qui viuentdc
leur arc & flefches , lefquels lbnt fort domma-
geables :pourautant qu'ils l'afTemblentpar com-
pagnies, pour faire quelque mal ou vollerie,&:
n'ont peu les Efpagnols par force ny fi nèfles , les
réduire à quelque police Se obeyllance.Car com-
me ils n'ont point villes, ny de refidences, com-
battre auec eux, eft proprement chalîer aux be-
lles fauuages , qui l'efeartent, Ôc fe cachent aux
lieux les plus afpres ôc couuerts de la Syerre. Tel-
ie eft la façô de viure encor auiourd' huy en beau-
coup de Prouinces des Indes , ôc eft traitté prin-
cipalement de celle forte d'Indiens, aux liurcs
Deprocuranda îndiorum falute. Au lieu où il eft dit,
qu'ils ont debefoing d'eftre contraints ôc alîu-
jettis par quelque force honnefte, & qu'il eft ne-
ceflaire de les enfeigner premièrement à cftre ho-
mes , puis après à élire Chreftiens. L'on veut dire
queceux qu'ils appellent en la neufue Efpagne,
Ottomies,eftoient de celle forte, lefquels corn-
munementfontdepauures Indiens habitansen
vne terre afpre ôc rude , ôc neantmoins font en
allez grand nombre , ôc viuent enfemble , ayants
entr'eux quelquepolice, Ôc ceux qui les cognoif-
P jiJ
HISTOIRE NATVRILLE
fènt,nelestrouuentpas moins idoines & capa-
bles es chofes de la Chreftienté que les autres,
qui font plus opulens , 6c que l'on tient pour
mieux policez. Venans donc ànoftre fujeft, les
ÇhichimecaSj&Ottomies, qui eftoient les pre-
miers habitans de la neufue Èfpagne , d'autant
qu'ils ne femoient ny labouroient la terte, laif-
ièrent le meilleur & le plus fertile de cède cotree
(ans le peupler, ce que les nations qui vindrent
de dehors occupèrent , lefquels ils appelloient
Nauatalcas^'autant quec'eftoit vue nation plus
ciuile & plus politique , & lignifie ce mot , peu-
ple qui parle bien , au refpecl des autres nations
barbares & fans rai (on. Ces féconds peupleurs
Nauatalcas,vindrent desautres terres efloignees
qui gifent vers le Nort,où l'on a maintenant def-
couuert vnR,oyaume,qu'iIs appellent le nouneau
Mexique. Il y a en cefte contrée deux Prouinces,
l'vne appellee Aztlan , qui veut dire lieu de hé-
rons , l'autre Tuculhuacan , qui fignifie terre de
ceux qui ont les ayeuls diuins. Les habitans de
ces Prouinces ont leurs maifons , leurs terres la-
bourables , dieux , couftumes , de cérémonies , a-
uec le mefme ord,re,& police que les Nauatalcas,
&font diuifez en fept lignages ou nations , &
pourcequ'ilyavn vfage en cefte Prouince, que
chacun de ces lignages a fon lieu , Se fon territoi-
re feparc, les Nauatlacas peignent leur origine,
& premier territoire en figure de cauetne, &di-
fent qu'ils fortirent de fept cauernes pour venir
peupler la terrede Mexique, dequoy ils font me-
tion en leur hiftoire, où ils peignent feptcai
tics 3 & les hommes qui en fortent. Par la fu^
DES INDES. LIV. VII. 3OO
cation de leurs liurcs , il y a plus de huict cens
ans que cesNauatlacas fortirent de leur pay s,qui
fcroitlereduifàntànoftreconte , l'année de no-
ftre Seigneur , huic~t cens vingt. Quand ils partie
rent de leur pays pour venir en Mexique, ils tar-
dèrent quatre vingts ans en chemin , & la caufe
qu'ils demeurèrent fi long temps en leur voyage,
fut que leurs dieux , ( lefquels ians doute eftoient
diables , qui parloient vifiblement à eux) leutfa-
uoient perfuadé qu'ils allaient recherchants de
nouuelles terres , qui euflent de certains lignes.
C'eftpourquoyils venoient recognoiflans toute
la terre,pour rechercher les fignes que leurs ido-
les leur auoien t donné,& es lieux qu'ils trouuoiec
de bonne habitation , ils peuploient 8c labou-
roient la terre,&xomme ils defcouuroient touf-
ioursde meilleures contrces,ils delaiflbient cel-
les qu'ils auoient ainfi premièrement peuplées, y
laiflans ncatmoins toufiours quelques vns,prin-
cipalemëtles vieillards malades,& fatiguez,me£
mcsyplaiuoient& baftiflbient , dont l'on voit
encor auiourd'huy des reftes par le chemin qu'ils
tindrcnt,& employèrent quatre vingts ans en ce-
lle façon de cheminer fi à loifir , ce qu'ils euflent
peu faire en vn mois , par ce moyen ils entrèrent
en la terre de Mexique, en l'année de^neuf cens
deux, félon noftre conte.
Comment lesfix lignages de NauatLcM peuplèrent
la terre de Mexique.
c H a P. 111.
| Es fept lignages que i'ay dir,ne fortirent pas^
tous cnfemble, les premiers furet les Suchi-
P "*j
■i
SES F
HISTOIRE NATVRELLE
milcos, qui fignifie gent de fcmences de fleurs.
Ceux-là peuplèrent le riuage du grand lac de Me-
xique,vers le Midy , & fondèrent vne cité de
leur nom & plufieurs bourgades. Long temps a-
presarriuerentceuxdu fécond lignage, appeliez
Chai cas , qui fignifie gent des bouches , lefquels
fondèrent auflï vne autre cite de leur nom, de-
partans leurs limites & territoire , auec les Su-
chimilcos. Les troillefmes furent les Tepanecas,
qui fignifie gent du pont , lefquels peuplèrent le
riuagedulac, vers l'Occident, Se faccreurent
tellement qu'ils appellerent le chef Se metropo -
litainede leur ProuinceAzcapuzalco ,qui vaut
autant àdirc que fourmilière, &furentvnlong
temps fort puillants. Apres ceux-là vindrent,
ceux qui peuplèrent Tezcuco, qui font ceux de
Culhua,qui veut dire gent courbée, pource qu'en
leur pays il y auoit vne motagne fort recou rbee.
Etdeceftefaçonfutcelacenuironné de ces qua-
tre nations , peuplans ceux-cy de l'Orient , & les
Tepanecas le Norc.Ceux de Tezcuco furent efti-
mez fort courtifans. Car leur langue Se pronon-
ciation eïl fort douce Se mignarde. Apres arriue-
Fent les Tlalluicas , qui fignifie gent de la Syerrc.
Ceux-là eftoiet les plus rudes Se groffiers de tous,
Se comme ils trouuercnt toutes les plaines occu-
pées autour du lac, iufquesauxSyerres^, ils payè-
rent de l'autre cofté de la Sycrre, où ils trouuercc
vne terre fortfertile,fpacieufe, Se chaude , en la-
quelle ils fondèrent Se peuplèrent plufieurs grads
bourgs,appellans la Métropolitaine de leur Pro-
uinceQuahunachua, qui vaut autant à dire que
lieu où fonuela voix del'aigle,quenoftre vulgaire
MflHM
DES IND ES. LI V. VII. 30I
appelle, & parcorruptiô,Quernauaca, & eftcefte
prouin ce celle que l'ô appelle auiourd'huy le Mar-
quizat. Ceux de la (ixielme génération, qui font
lesTlafcakecas , qui vaut autant à dire que genc
de pain , palîerent la Syerre vers l'Orient trauer-
lans toute la Syerre Menade,où eft le fameux Vul-
câ,entre Mexique & la cité des Anges5où il trou -
uerent debon pays, & C'y étendirent bien auanc
plufieurs édifices. Ils y fondèrent plufieurs villes,
& citez: dont la Métropolitaine Pappclla de leur
nomTlafcala. Cefte-cyeft la nation qui fauorifa
les Efpagnols à leur entrée , & par l'aydedefqucls
ils gagneret ce pays.,parquoy îufques auiourd'huy
ils ne payent point de tribut, & iouilïent d'vne
exemption générale. Lors que toutes ces nations
peuplèrent ces pays, les Chinchimecas, anciens
habitans ne leur firent aucune refiftance , mais ils
i'enfuioient,& comme tous efpouuentez ils feca-
choient au plus couuert des rochers. Mais ceux
qui habitoientde l'autre codé de la Sierre, où les
Tlafcaltecas fhabitucrent, ne permirent point ce
qnelereftedcs Chichimecas auoient permis : au
contraire ils fe mirent en deffence,pour conferuer
leur pays, & comme ils eftoientgeans, félon que
raconte leur hiftoire,ils voulurent ietter par force
les derniers venus , mais ils furent vaincus par la
rufe& finefle desTlafcaltecas,lefquels feignhec de
faire paix aucc eux, puis les conuieret en vn grand
banquet, & lors qu'ils eftoient occupez à leurs
yurongneries, il y eut des hommes qui ^uoiët elle'
mis en embufche à. cefte fin , qui leur defroberent
finement leurs armes,qui eftoient de grades maf-
fuès , des rondelles , tdes efpees de bois, & autres
HISTOIRE NATVRBLLE
telles forces d'armes. Cel3 fait ils feietterentà
l'impourucu fur eux,& les Chichimecas fe voulâs
mettre en deffenfe , & ne tr ouuans point leurs ar-
mes,s'enfuirét aux montagnes & forefts prochai-
nes,oùmettanslamainauxarbrcs5lcs rompoient
&arrachoient, comme fi c'eufîentefté fueillesde
laictucs. Mais en fin comme lesTlafcaltecasal-
loient armcZj&en ordre ils defhrent tous les geâs,
fans en laitier vn feul en vie. Ce qu'ô ne doit trou-
uer eftrangc , ny pour fable de ces geans , car on y
trouue encor auiourdhuy des os d'homes morts,
d'vne incroyable grandeur. Lors que i'eftois en
Mexique, en l'année de quatre vingts & fix , l'on-
trouua vn de ces geans enterré en vne de nos me-
tairies,que nous appelions Iefus du Mont,duquel
Ton nous apporta vne dent à voir , laquelle fans y
adioufter , eftoit auffi grande que le poignet d'vn
homme & félon cefte proportion tout le refte,le-
quelievey , &m'efmerueillayde cefte difforme
gradeur. Les Tlaical tecas donc par celle victoire,
demeurèrent paifibles,& tous les autres lignages
auflî. Ces fix lignages que i'ay dit, conferuerent
toufiours amitié entr'eux , mariîs leurs enfans les.
vnsauee les autres, &departans leurs limicespai-
fibiemet, puis s'eftudioient par vne hônefte emu-
latiÔd>accroi{lre& d'illuftrer leur republique. Les
barbares Chichimecas voyans ce qui paflbit , cô-
mfccerent deprehdre quelque police,& à fe veûir,
ayans honte de ce qu'auparauant,& infques alors
ils n'auoient efte hôteux,& ayans perdu la crainte
parlacommunicationdecesautrespeuplcSjCom-
mencerét d'apprendre d'eux plufieurschofes>&
faifoient défia leurs maifbnnectes , ayans quelque
DES INDES. II V. V II. 3 01
police & gouuerncmct. Ilsefleurentauilidesfei-
gneur$,qu'ils recognoiflbiwt pour chefs,& fupe-
rieurs.au moyen dequoy ils fortircnt prefque en-
tièrement de cefte vie bcftialle,toutesfois ils reft-
doient toufîoursauxmotagnes, 8c en laSierrefe-
parez des autres.Neantmoinsietiéspour certain
que cefte crainte eft prouenuë des autres nations,
&prouincesdes Indes, dont les premiers furent
hommes fauuages, lefquels ne viuâs que de chatte
entreient,penetrans les terres 8c pays fort afpres,
defcouurans vn nouueau monde , 8c habitansen
iceluy prefque côme belles fauuages, fans toi&s,
8c fans maifons , fans terres labourables , fans be-
ftial,fans Roy, loy, ny Dieu, ny raifon.Du depuis
quelques autres cherchans de meilleures 8c nou-
uellcs terres, peuplèrent le pays fertile , introdui-
fans vn ordre politic, & quelque façon deRepu-
blique , encor quelle fuft fort barbare. Par apres
ces mefme homes,où d'autres nations, qui eurent
plus d'entendement 8c d'induftriequeles autres,
Remployèrent à aiïubiectir 8c opprimer les moins
puitlans , iufques à fonder dts Royaumes , 8c des
grands Empires. Ainfî en aduint en Mexique , au
Petu, 8c en quelque endroit où fe trouuent des ci-
tez ,& des Republiques fondées parmy ces Bar-
bares. Ce qui me confirme en mon opinion , la-
quelle i'ay amplement defduitc au premier liure,
que les premiers habitans des Indes Occidenta-
les vindrent par terre, 8c que par confequent,tou-
tc la terre des Indes fe continue, auec celle d'A-
iîe, d'Europe, 8c d'Afrique, & le nouueau monde
auec le vieil, (côbienque l'on n'ait encor defeou-
uerc à prefent au^un pays qui touche 8c fe ioigne
HISTOIRE NATVRELLE
auec les autres mondes ) on que ('il y a mer entre
de»x,elle eft eftroite,que les beftes fieies & fauua-
ges la peuuent facilement palier à nàgc,& les ho-
mes en de mefehans bafteaux. Mais lai'.làns cefte
philofophie retournons à noftrehiftoire.
De Idfortie des Mexiquains , de leur chemin , & du
peuplement de ceux de jtfecbottdcan.
ch A p. i III.
*^>Rois cens deux ans après que les fix ligna-
■Ê.AJâ» ges lufdits furet fortis de leur pays pour peu-
pler là neuFue Elpagne, le pays eftant délia fort
peuplé & reduic à quelque forme de police , ceux
de là feptiGlmc cauerne , on lignée , y arriuerent,
qui eft la nation Mexiquaine,laquelle comme les
autres, fortit de la prouince de Aztlan & Teuc.ul-
huacan , nation politique,courtifane, & fortbel-
liqueufe. Ils adoroient l'idole Vitziliputzli, du-
quel a elle fait ample mention cy deuant,cx: le dia-
ble qui eftoit en cet idole parloit & regifToit allez
facilement cefte nation. Cefteidoledoncleurcô-
manda de fbrtir de leur pays,leur promenât qu'il
les feroit Princes & feigneurs de toures les pro-
uinces qu'auoient peuplé les autres fixnationsj
qu'il leur donneroit vne terre fort abondante ,
beaucoup d'or,d'argent, de pierres precieufes , de
plumes, Se de riches mantes,(biuantquoy ils for-
ment portans auec eux leur idole dans vn coffre
de ionc,qui eftoit porté par quatre des principauj
preftres, aufquels il fe communiquoit , & leur re-
ueloit en fecret le fuccez de leur chemin & voya
ge , les aduifant de ce qui leur deuoit aduenir.
DES INDES. II V. VII. 303
leur donnoit mefmes des loix , & leur enfeignoit
lescouftumes,ceremonies , &facr ifices qu'ils d e-
uoientobfcruer. Ilsn'aduançoientnynefemou-
uoient aucunement, (ans l'aduis Se commande-
ment de cet idole. Il leur difoit quand ils deuoiét
cheminer , & quand en queiquelieuiisdeuoient
s'arrefter , enquoyilsluyobeilioientdu tout. La
premierechofe qu'ils faifoiët,où que ce fuft qu'ils
arrîuaiïènt, eftoit d'édifier vne maifon, ou taber-
nacle,pour leur faux Dieu, qu'ils dreflbient touf-
iours au milieu du camp , & y mettoient l'arche
furvn autel ^elamcfmefaçon qu'on en vfe en la
fain&e Eglife Chrcfticnne. Cela fait ils faifoient
leurs iemencesdepain , &des légumes dont ils
vfoient Se eftoient fi addonnez à l'obeiffancede
leurs dieux,quei;il leur commandoit de recueillir
ils recueilloient,mais s'il leur commandoit de 1c-
uerle camp , tout demeuroit là, pour femence&
nourriture des vieillards , malades Se fatiguez ,
qu'ils alloient lailîans à tout propos de lieu en au-
trejafin qu'ils peuplaient. Pretédansparce moyé
que toute la terre demeureroit peuplée deleur na-
tion.Cette fortic Se peregrinatiô des Mexiquains,
fembleraparauanturefemblable à la fortie d'Egy-
pte^ au chemin que firent les enfans d'Ifrael,veu
que ceux là comme ceux cy, furent adrrioneftez
de fortir,& chercher la terre de promiiîion , Se les
vns,& les autres portoient pour guide leur Dieu,
confultoicntiarche,&luy faifoient tabernacle,&:
il les aduifoit , leurs donnant des loix & des céré-
monies ; Se les vns , &les autres confommerent
vn grand nombre d'années fur ce voyage de leur
terre promife,où l'on recogaoift delà renemblan-»
mmmm
HISTOIRE NATVRELI. E
cedepluficursautreschofes,en ce que les hiftoi-
res des Mexiquains racontent,&' ce que la diuine
elcriture rapporte des Iiraëiites. Ecrans doute
ceftvne choie ventable,que le diable prince d'or-
gueil,i3eft efforcé par les fupcrftitions de celle na-
tionale contrefaire &enluiureceque le tref-haur,
& vray Dieu fit auecfon peuple. Car comme il a
efté traitté cy dellus,Satan a vne çftrange enuie de
fe comparer & s'egaller à Dieu, d'où cet ennemy
mortel a prétendu faulfement vfurper la commu-
nication3& familiarité qu'il luyapleu auoiraucc
les hommes.S'eft il iamais veu diable,qui conuer -
fait ainfiauec les hommes, côme ce diable Vitzi-
lipuztli?L'on peut bien voir quel il eftoit, parce
que l'on n'a iamais veu, nyouy parler, decouftu-
mes plus iuperltiticufes , ny de facriflces plus
cruels &inhuroains,que ceux que ceftuy enftigua
aux liens.En fin elles furent inuentees par l'cnne-
my du genre humain. Le chef 6: capitaine que
ceux cyfuiuoient,auoit nom Mexi,d oùvincpar
après le nom de Mexique,& celuy de fanatiô Me-
xiquaine.Cc peuple donecheminant ainfî à loifir,
comme auoient rait les lïx autres nations,peuplas
& cultiuâs la terre en diuers endroits,dont y a en-
cor auiourd'huy des appareces,&: ruines , & après
auoir enduré beaucoup de trauaux & de dangers,
vindret en fin arriuer en la prouince de Mecnoa-
can , qui vaut autant à dire que terre de poilTbn,
pour ce qu'il y en agrand' abondance en de beaux
& grands lacs,où fe contentans de la fituation , &
fraifchenrdelatcrre, ilss'y voulurent repofer ÔC
arrefter. Toutesfois ayans confulté leur idole fur
ccpoittil,& yoyiùi qu'il n'ea eftoitpas cctent,il
DES INDES. LIV. VII. 304
luy demanderct qu'il leur permift à tout le moins
d'y laifTer de leurs hommes^quipeuplalfent vne iî
bonne terre,ce qu'il lcuraccordajleurenfeignant
le moyen commétilsleferoienr. Qui fut comme
les hommes & les femmes feroiententrez pour fe
ba+grierenvn lac fort beau , qui s'appelloit Paf-
cuaro, ceux qui refteroienc en terre leur defrobaf-
fent tous leurs habits, &incontinentleuafTcntlc
cap,& s'en allalTent fans faire aucun bruit. Ce qui
fut ainfi fait , & les autres qui ne oenfoient en la
tromperie, pour le contcntementqu'ils prenoict
àfe baigner , quand ils forment & fe trouuerent
deipouillcz de leurs habits,& ainfi moquez & de-
laillczde leurs compagnons,ils demeurèrent fort
mal contcs,& indignez de cela, de farte que pour
faire demo.nftration de la haine qu'ils conçeuf enc
contt*eux,ilsdifent qu'ils changerentdc faconde
viure,voire-de langage. A tout le moins c'eft: vne
choie certaine,que toufiours les Mechoacanes ont
cité ennemis des Mexiquains, c'eft pourquoy ils
vindrent congratuler le Marquis de Vallé,apres la
victoire obtennë,quand il gagna Mexique.
De ce qui arriua en lyîaîwdlc» , en TuU,
{? en Chdpidtepcc.
C H A P. V.
flflftg L y a de Mexouacquan en Mexique, plus de
SiS cinquate li eues, & fur le chemin cft Malinal-
co,où il leur aduint, que fesplaignans à leur idole
«Tvnefémc tref-gradeforcierc,qui venoiten leur
compagnie, portant le nom de fœur de leur Dieu,
pource que auec fes mauuais arts , elle leur faifoir
<ie grands danuges^pre tendît par certains moy es
HISTOIRE NATVRELLE
fe faire adorer d'eux^côme leur deeflc: l'idole par-
laen fongeà l'vnde ces vieillards quiportoient
l'arche, & luy commanda que de fa part il confo-
îaft le peuple , ieur faifant de nouueau de grandes
promeiîes,&qu'iIslaifiaiîetcefteficnnefœur,auec
la famille, comme cruelle &: mauuaiie,enleuanc
le cannp de nuict en grande tîlence, fans lailîer au-
cune apparence par où ils alloient.Iis le fiiéc ainfi,
& la forciere fe trouuât feule auec fa. famille , de-
laifïeede la façon , peupla là vne ville qui fut ap-
pellee Malinalco , & les habitans de laquelle font
tenus pour de grands forciers , eftans iflusd'vne
telle mère. Les Mexiquains,d'autat qu'ils s'efloiet
beaucoup diminuez par ces diuifions, & pourie
nombre dès malades , &r gens fatiguez qu'ils al-
loient laiflans, fe voulurent refaire , s'arreftans en
vn lieu appelle Tula , qui fignifie lieu de ioncies.
Là leur idole leur comanda qu'ils arreftafTent vne
grande riuiere,afin qu'elle fe refpandift dedas vne
grande plaine,&auec le moyc qu'il leur enfeigna,
ils enuironnerétd'eaiievnecolliueappelleeCoa-
tepec,&: en firent vn grand lacjequelils planteret
ton t à l'entour de faux, d'ormes , lapins , & autres
arbres. Il commença à s'y engendrer beaucoup de
poifïbn,&y venir plufieurs oifeaux, de forte qu'il
s'y fit vn lieu délicieux. C'eft pourquoy l'afîîete de
ce lieu,leurfemblanr allez agréable, & eftanslaf-
fez de tant cheminer, plufieurs parlèrent dépeu-
pler là,& nepafler plus outre, dequoy le diable fc
fafchafort,& menaçant les preftres de mort, leur
commanda qu'ils rémittent la riuiere à fon cours.
Et leur dit qu'il donneroit cefte nui6t le chaftimec
àceuxquiauoienteftè defbbeiflàns,, tel qu'ils le
meritoicnt.
DES INDES. L I V. VII. 30)'
rneritoient.O,t comme le mal faire eft iï propre au
diable, & que là milice diuîne permet bien louuct
une ceux là ioient mis entre les mains d'vn tel
bourreau, qui le choiliùét pour leur dieiuilarriua
que lut la minuiclilsoiiirent en certain endroie
du camp , vu grand bruit, Se au matin alrans celle
parc, us trouuerent morts ceux qui auoient parlé
de demeurer là. La façon comme ils auoient eue
occis/utqu'Ôleurauoit ouuertl'eftomach, & eu
«uoiton tiiélecceur. Et de là ce bô Dieu enfeigna
àçej pauures malheureux Jesfaçonsdcs iacrifiecs
qui luy ptâifojcnt,qùi edoit en ouurât l'euomach,
qi, leur tirer le cœur, ainfi qu'ils l'ont depuis prati-
qué eu leurs horribles lacrifices. Ayans veu ce
chaftiment ainfi rait , & que la campagne f'efloit
defechee , àcaufec]uelcIacs'eftoitvuide\ilscon-
lultereiu leur dieu de ia volomé,lequeIlcurcom-
n.anda de palier outre,cc qu'ils firent, & peu à peu
aduancerentjiufques à arriuer à Chapultepec, à
vne lieue de Mexique, lieu célèbre pour fa récréa-
tion^: fraifcheur.il s fe fortifièrent en ces monta-
gnes , pour crainte ;des nations qui habitoienc
ceûecontrecjlefqnelles leur elloient toutes con-
traires , principalement d'autant qu'vn nommé
Copil , fils de celle forciere lailfce en Malinalco,
auoit blafmé , & mal parlé des Mexiquains. Car
ce Copil,par le commandement de fa mère, quel-
que temps après vintà la fuite des Mexiquains,cV
s'efforça d'inciter contre eux les Tapanecas,& les
autres circonuifins , iuiques aux Chalchas,de for-
te qu'ils vindrent en main armée pour deftruire
les Mexiquains. Le Copil cependant femir en
vne colline qui eft au milieu du lac > appellee
R9SHHMMMMI
HISTOIRE NATVRELLE
Acopilco, attendant ladeftruftionde fes enne-
mis, & eux par l'aduis de leur idole allèrent con-
tre luy,& le prenans au defpourucu le tuèrent , Se
en apportèrent fe cœur à leur dieu , lequel com-
manda qu'on le iettaft au lac. Et feignent que de
là f'eft engendrée vne plante, appellee Tunal , où
du depuis fut fondée Mexique. Ilsvindrentaux
mains , auec lesChalcas, Ôc autres nations, &
auoient les Mexiquains efleu pour leur capitaine,
vn vaillant homme, appellcVitziloniliti,quien
vne charge fut prins & tué par les ennemis , mais
pour celales Mexiquains ne perdirent pas coura-
ge ,ains combatans valeureiement , malgré leurs
ennemis rompirent leurs eicadrons,&men;ms au
milieu & corps de la bataille les veillards, fem-
mes & petits enfans , palferent outre iufques à
Atlacuyauaya,ville desCulhuas,lefquels ilstrou-
uerent folemnifans vne fefte , auquel Heu ils le
fortifièrent. Les Chalcas ny les autres nations, ne
lesluiuirent plus, mais eftans defpitezde fevoir
deffaits parvn fi petit nombrede gens , eux qui
cftoient en fi grande multitude , fe retirèrent en
leurs villes.
De la guerre ejue les Mexicjuatns eurent contre
ceux de CulhuAcan.
CHAP. VI.
Es Mexiquains , par le confeil de l'idole en-
uoierent leurs meflagers,au feigneur de Cul-
huacan, luy demandans vn lieu pour habiter, le-
quel après enauoir communiqué auec les liens
leur accorda ie lieu de Tiçaapan,qui fignifie eaucs
DES INDES. LIV. VII. 306
blanches , en intention qu'ils fe petfdiflTent , Se y
mouruflent tous, pouÇ autant qu il y auoit[ence
lieu vn grand nombre de vipères, de couleuures,
& d'autres animaux venimeux,qui fen gcndroiét
en vne colline proche de là. Mais euxperfuadez,
&enfeignezde leur diable, receurenc de bonne
volon té , ce qui leur fu t offert , & adoucirent par
art diabolique , tous ces animaux , fans qu'ils leur
fiflTent aucun dommage,voire les conuertirenten
viande, & en mangeoient à leur contentement &
appetit.Cc que voyant le Seigneur de Culhuacan,
& qu'ils auoient femé & cultiué la terre,il fe refo-
lut de les reccuoir en fa cité, & de contracter ami-
tié auec eux. Mais le dieu que les Mexiquains
adoroient , (comme il a accouftuméde ne faire
aucun bien finonpouren tirer du mal) dift à fes
preftres , que ce n'eftoit là le lieu où il vouloit
qu'ils demeuralfent , & qu'ils en deuoientfortir
en faifant la guerre. C'eft pourquoy ils deuqient
chercher vne femme,qu'ils nommeroiét la deefle
dedifcorde,& pourtant ils aduiferent d'enuoier
demander au Roy de Culhuacan fa fille , pour
Roy ne des Mexiquains, & m ère de leurdieu,le-
quel receut volontiers cefte ambalTàdc , & incon-
tinent leur enuoya fa fille bien ornce&bienac-
compagn ce. La mefme nuiâ: qu'elle arriua , par
l'ordonnance de l'homicide qu'ils adoroient, ils
la tuèrent cruellement. Et après l'auoir efeor-
chee fort proprement comme ils fçauent faire,
ils en veftirent de la peau,vn ieune homme, qu'ils
couurirent par delîus des habillemens d'elle ,&
de cefte façon le poferent auprès de l'idole , le de-
dians pour dcefle & mère de leur Dieu , & touf-
HISTOIRE NATVRELLE
iours depuis l'adorerét,en failans vue idole , qu'ils
appelloicncToccy , qui v eut dire noftreayeule.
Non côntens de cefte cruauté ils inuiterent mali-
cieufemenc le Roy de Culhuacan.pcrede la ieune
ftlle,dc venir adorer (a fille, qui eltoit défia confa-
cree deeflTe lequel venant,aucc de grands prefens
& bien accompagné des liens , tue mené en vne
chappclle fort obicure, où eftoit leur idole , afin
qu'il, offrit lacrificeà fa fille, quieftoiten ce lieu.
Mais il arriua que l'encés,qui eftoit en vn brafier,
ôc foiïyer, félon leurcouftume, s'alluma de forte
que par cefte clarté, il recogne ut le poil de fa fille,
& ayant par ce moyen dcfcouuert la cruauté, & la
tromperie/ortitdelàs'efcriant hautement, puis
auec tous fes gens frapa finieufement fur les Me
xiquains,iufquesàlcs faire retirer au lac , tell cm et
quepeu s'en fallut qu'ils ne s'y noyaiïcit.Les Me-
xiquainsfe defTcndoicnt, icttans certaines dardil-
les,dont ils fefèruoient àiagucirejdel.quelsilsof-
fençoient beaucoup leuvs ennemis. Mais en fin ils
gaignerent terre, & delaiifans ce lieu là (en allcrcc
coftoyanslelac,fort harafîez& moui'lez,lcs ; fem-
mes & petits enfanspleurans & icttans de grands
cnsconcr'eux cV contre leur dieu , qui les auoic
mis en telles dcftrefiTcs. Ils furent contrains de
palFervne riuiere,qui ne le pouuoit gueyer, c'eft
pourquoyilss'aduiferentdefaicede leurs rondel-
les^ de ioncs certains petits bateaux, efqueis ils
palïerent.Puis après en tournoyant, eftans partis
de Culhuacan,arriuercnt à Iztacalco,&finalemét
au lieu, où eft auiourd'huy l'Hermitefainct An-
thoineà l'entrée de Mexique,& au quartier qu'ils
appellent auiourd'huy (aind l'aul^pcndant lequel
DES INDES. L IV. VIT. 3 OJ
temps leur idole les confoloit en leurs trauaux, 6c
les animoic , leur faifant promefles de grandes
chofes.
De la fondation de Mexique*. •
CH^P. VII.
fâtt E temps eftant défia venu,que le père de me-
GSâf fongedeuo;taccôplirlapromeflequ'ilauoit
faite àfon peuple , lequel ne pouuoit plus fuppor-
ter tant de tournoyement, de trauaux , & de dan-
gers, aduint que quelques vieillards preftres , ou
iorciers,eftas entrez dans vnlieu plein de glaïeuls
cfpais rencontrèrent vn cours d'eauë fort claire &
belle, qui fembloit argentée, & regardansàl'en-
tour,veirent que les arbres, le pre,ks poilfons, 6c
tout ce qu'ils regardoienteftoit fort blanc. Eftans
eimerueillez de cela, il leur fouuint d'vne prophé-
tie de leur dieu , par laquelle il leur auoit donné
cela pour fîgnal, du lieu oùilsfedeuoient repo-
fer,& fe faire Seigneurs des autres nations. Alors
pleurans de ioye,retournerent vers le peuple auec
ces bonnes nouuelles. La nuictenfuyuante Vitzi-
liruztîi (7apparuten fonge à vngreftrc ancien , &
lu y di(t,quJils cherchaient en ce lac vnTunal,qui
naiiîoit d'vne pierre ( qui eftoit à ce qu'il luy dift,
1-e lieu mefme, où par (on commandement , ils
auoient itté lecceur deCopil rils de la forcierc,
leurennemy.) Et que furceTunal,ils verroient
vn aigle fort beau, quifepaifïoitlà, de certains
beaux petits oifeaux,& que quad ils verroiet cela,
qu'ils creuffenc que c'eftoit le lieu où leur cité de-
uoit eftre baftie , laquelle deuoit furmenter les
q iij
HISTOIRE NATVRILLE
autres, & eftre remarquable au monde. Le matin
venu le vieillard afTembla tout le peuple, depuis
le plus grand , iufques au plus petit, & leur fie vne
longue harangue,fur le fuject de la grande obliga-
tion qu'ils auoient à leur dieu,& de la reuelation,
queluy indigne en auoit eue' cette nuic"ï, concluît
que tous deuoient fe mettre à rechercher ce
bien heureux qui leur eftoit promis. Ce qui cau-
fa telle deuotion , & allegrefle à tous, que fans di-
layer ils fe mirent incontinent à l'entreprife , & fe
diuifansen bandes commencèrent à rechercher,
fuiuant les fîgnes de la reuelation , ie lieu deiïré.
Parmy l'efpaifleur des iôcs & glaieuls de ce lac, ils
rencontrèrent ce iour là le cours d'eauë du iour de
deuant, fort différent toutesfois , d'autant qu'il
«'eftoit pas blanc , mais vermeil comme fang, le-
quel fe feparoit en deux ruilfeaux, dot il y en auoit
vn qui eftoit de couleur azurée fort obfcure,ce
qui les fit beaucoup efmerueiller , & dénota vn
grand myftere à ce qu'ils difoient. En fin après
auoir beaucoup cherché ça & là, apparut leTu-
nal , naiffant d'vne pierre , fur lequel il y auoit vn
Aigle Royal, ayant les aifles ouuertes & eften-
dué's , tourne deuers le Soleil , en receuant fa cha-
leur. Alentour de cet aigle, il y auoit beaucoup
de plumes riches blâches, rouges, jaulnes, bleues,
ôc vertes, de la mefme forte de celles dont ils font
des images, lequelaigle tenoit en fes griffes vn
fort bel oyfeau. Lefquels le veircnt,& recogneu-
rentquec'eftoit le lieu, qui leur auoit efté prédit
parloracle.ils f'agenoiïillerent tous faifans gran-
de veneratiô à l'aigle, laquelle leur inclina la tefte,
en regardant de tous coftez. Il y eutalors de gtads
-
DES INDES. LIV. VII. 308
cris & démonstrations, & actions de grâces au
createur,& à leur grand Dieu Vitzilipuztli,qui en
tout leur eftoit pere,&leur auoit toufiours dit vé-
rité. Ils appellerent pour cefte occafion la cité
qu'ils fondèrent là Tenoxtiltan , qui lignifie Tu-
nal en pierre , & iufques auiourdnuy ils portent
en leurs armes vn aigle fur vn Tunal , aucc vn oi .
feau en vne griffe , & affis de l'autre fur vn Tunal.
Le iour fuiuant par la commune opinion ils firent
vn hermitage ioignant le Tunal de l'aiglcafin que
l'arche de leur dieu y repofàft , iufques à ce qu'ils
euflentle moyen de luy faire vn fomptucux tem-
ple , cVainfi firent cet hermitage deguazons&
de mottes qu'ils couurirent de paille , puis a-
pres ayans confultè leur dieu , ils délibérèrent
d'acheter de leurs voifins de la pierre, du bois &
de la chaux, en troc de poifïbns , de grenouilles
& de cheurettes , mefme auffi de canards , poulies
d'eauë,courlieux &autres diuers genres d'oifèaux
marins. Toutes lefquelieschofesilspefchoient
& chaflbient auec grande diligence en ce lac , au-
quel il y en a en grande abondan ce. Ils alloient
auec ces chofes es marchez des villes & citez des
Tapancquas, & de ceux de Tezcuco leur circon-
uoifins, &auec beaucoup d'artifice aflemblerent
peu à peu ce qu'ils auoient de befoing pour l'é-
difice de leur cité : de forte qu'ils battirent de
pierre & de chauxvne meilleure chappelle pour
leur idoIc,& s'employeret à remplir auec des pio-
ches & du bloc , vne grande partie de ce lac. Cela
fait l'idole parla vne nuicl: à vn de Ces preftres en
ces termes : Dy aux Mexiquains que les feigneurs
fe ditrifent chacun atteefes parens & amis ,& qu'ils fe
Cj iiij
MHHHl
BUS msssss
■
HISTOIRE NATVUL'U
feparent en quatre quartiers principaux à l'entour de
la maifon que m'ayez faite pour won repos^ & que (ha -
que quartier édifie enjbn quartier félon fa volonté. C e
qui fut mis en exécution , &r ceux là l'ont les qua-
tre quartiers principaux de Mexiquc,que l'on ap-
pelle auiourd'huy Sainâ Ican , Safnaé Marie la
Ronde , SainctPaul, &. Saincl Sebaftien. Apres
celâtes Mcxiquainscftâsainfidiiiifezcn ces qua-
tre quartiers , leur Diçu coMinanda qu'ils repar-
tirent entt'cuxlcs dieux qu'il leur declâVêroît^ Se
qu'ils nommaient à chaque quartier principal
des quatre d'autres quartiers particuliers où. leurs
dieux fullent adorez. Par ai n ri fous'enacun de ces
quatre quartiers principaux ily en auoit plùiîcurs
petits qui eftoient comDrins félon le nombre des
idoIeSjqueleur dieu leur commanda d'adorerjej-
quels ils appellcrent Calpultetco, qui vaut autant
à dire que dieu des quartiers. En cefte manière la
cité de Mexique Tcnoxtiltan fut rondcc,& vint à
grande auïzmention.
D e lafedttiondc ceux de fin clulro^cjr duprunnr
B^oiqueles Mexiquatns e(l:urcnt .
c h A P. v i r r.
^ Este diuifion des quartiers eftantf.iiétc en
la l'ordre dcffufdit, quelques vieillards & an-
ciens curent opinion qu'au departemét des lieux,
l'on ne leur auoit pas porté le rcfpeir. qu'ils meri-
toient, pour cède occafîôn eux & laursparens fe
mutincret & allèrent rechercher vne nouuellc re-
iiuence:o\: comme ils alloient par le lac ils trouue-
rent vnc petite terre ou terràlîc qu'ils appellent
DES INDES. LIV. VII.
309
Tlotelolivoùilspeuplererir5luydonnanslenom
de Tlate'llulco , qui e(l à dire lieu de ter rafle. Ce-
lafut la troifiefme diuifion des Mexiquains , de-
puis qu'ils partirent delenr pays : celle de Me-
chouacan ayant efté la premiere,& celle Maimal-
co laieconde. Ceux-là qui (è feparerent-& l'en
allèrent en Tlatellulcoéftoient des hommes re-
nommez & d'vn mauuais naturel :parainfiilse-
xerçoient entiers les Mexiquains leursvotfins, le
pirevoifinagequ'ilspouuoient. Ils onteu touf-
iours des débats contr'eux , 5c iufques àuiour-
d'huy durent encor leurs inimitiez 8c liguesan-
ciennes. Voy'ans donc ceux de Tenoxtiltan , que
ceux de Tlatellulco leur eftoientfort contraires,
Se qu'ils altoient multiplians, euret crainte qu'a-
ucc le temps ils ne vinlfent aies furmOnter,& fur
cetlarïaire f'âfî'emblerent en confeil , où ilsadui-
ferent qu'il eitoitbon d'eflirevn Roy , auquel ils
obeyflent , &quifu(l craint de leurs ennemis,
d'autant que par ce moyen ils feroient plusvnis
8c plus forts entr eux, 8c les ennemis nefehazar-
deroient tant en leur endroict. Eftans ja délibé-
rez d'eflirevn Roy,ilsprindrent vn autre aduis
fort vtile& afleuré,de ne l'eflue point d'en tr'eux,
poureuiter les diiîèntions, 8c pour gagner auec
le nouueau Roy quelqu'vne des autres nations
voifîneSjdefquelles ils fe voyoient circuits, 8c eux
deftituez de tout fecours. Tout confiderc , tant
pourappaifer le Roy de Culhuacan, qu'ils auoiêt
grandement offenfé , ayans tué& efeorché la fil-
le de fon predecefleur , 8c luy ayans faitvne fî
lourde moquerie, commemefme pour auoirvn
Roy qui fuft de leur fàng Mexiquain , delà gène-
1
HISTOIRE N:ATVRELI, E
ration defquels il y en ai\oit beaucoup en Cul-
huacan ,' qui y reftoientencor du temps qu'ils
vefcurent eh paix auec eux , ils arrêtèrent defli-
m repour Roy vu ieune homme appelle Acama-
pixtli , filsd'vn grand Prince M exiquain,&dV-
ne Dame fille du Roy de Culhuacan. Inconti-
nent ils luy enuoycrent Amballadeurs auec vn
grand prefent pour demander ceft homme , les-
quels firent leur ambaiïade en ces termes : Grand
Seigneur y "Rous autres vos vaffiux & ferutteurs > les
"Mexiquains mis & reffere^ dedans les herbiers ejrre-
feaux du foc , feuht 0r de lut [fez; de toutes les nations du
monde ; mais feulement conduicis & acheminc\par no -
slrcDieuauheu oufommes , qui tombe en la iurifdi-
Fiion de vos limites d'^îfcapufalco & de Tefcuco : ores
que vous nousaue^ permis désire & de demeurer en
iceluy , nous ne voulons point ny ri eft pas raisonnable de
viuxcfanscbcfcjr fans Seigneur qui nous commande \
nous corrige <& gouuerne , nous injlruifant en n&Brc fa-
çon de viure, & nous deffende de nos ennemis. 'Partant
nous venons a vous , feacbans qu'en voflre Cour & mai-
fon il y a des enfans de noBre génération , apparente^ &
allier, auec la voflre , qui font fovtis de nos entrailles &
des voflrcs , de noflre fan<^ & du voflre , entre lefqucls
nous auons cognoifjance d'vn petit fils voftre& noflre,
appelle \sicamapixtli.Hous vous fup piton s donques vous
nouslcdonnie^ pour Seigneur , lequel nous eflimerons
comme il mente , puis qu'il efl de la lignée des Seigneurs
"Mexiquains ù4 des B^ois de Culhuacan. Le Roy ayant
mis l'affaire en délibération , ôc trouuant que ce
ne luy eftoit point chofe mal à propos de Pallier
auec les Mexiquains qui eftoient vaillas,leur ref-
pondit qu'ils menaient fon pcîitfilsa la bonne
DES INDES. LIV. VII. 310
heure, combien qu'il adioufta que fï c'euft efté v-
ne femme qu'il ne leur euft pas baillée , fignifiant
l'acte fi énorme raconté cydeflus, & acheuafon
difeours en difânt: S'en aille mon petit fils , qu'il férue
vo flre Dieu, & foitfon Lieutenant, qu'il régi fjè & gou-
tter ne les créatures de celuypour qui nota yiuos,feigneur
de la nutcl, du iour, <& des -vents , qu 'il aille &foit fei-
gneur de l'eauè & de la terre , <& qu'il poffede la nation
Tttcxiquatne , emmené^- le à la bonne heure , & *ye\ le
foing de le traitter comme fils & petit fils mien . Les
Mcxiquains luy rendirent grâces, Se tout enfern-
ble luy demandèrent qu'il le mariaft de fi main,à
raifon dequoy il luy donna pour femme vne Da-
me des plus nobles d'entr'eux. Ils menèrent le
nouueau Roy &la Royne auec tout l'honneur
qui leur eftoit poffible , & leur rirent vne folem-
nelle réception , fortans tous iufques aux plus
petits , à voir le Roy , lequel ils menèrent en des
Palais, qui pour lors eftoient allez pauures. Et les
ayans aUîs en leurs throfncsRoyaux,incontinent
fe leua vn de Tes vieillards & Rhctoriciens qu'ils
eftimoient beaucoup, qui leur parla en cette ma-
n i ère : M on fils ,feigneur & J{*y noBre , tu fois le bten
■venu a ccîlc panure maifon & Cité , entre ces herbiers
Cr fanges ou tes pauures pères , ayculs <& par eus endu-
rent ce quefeait le Seigneur des chofes créées. Regarde
fcigneur,quetu -viens icy pour eBre ladeffence, l'ombra-
ge & l'abry de cefte nation "Mexiqutine , 0e pour eflrc la.
reffemblance de nofire Dieu VitTJdipwzfli , ïToccafion
dequoy le commandement & iurifdiclion t'eB donné.
Tufçais que nous ne fommes point en nofire pays , puis
que la terre que nous poffedons auiouriïhuy efteTautruy,
&nefçano,s ce qui fer a de nom demain ou yn autre tour:
HSSSMB HHBHHH
■
HISTOIRE NATVRELLE
par ainficonjidere qtietu nvyiens point pour te rcpofèï
ny recréer , nuits plujfofl pbàr endurer va nouucau tra-
vail eh vue charge fi pefante , qui te doit 'toujtours faire
irauadler-.ef' .vit efiiiuc de toute cefle multitude qui t'ejt
tombée en fort , es de tout ce prit pie circonuoijin , lequel
in d'jil'S nu-tire peine de h- gratifier ,£■' lefttdr e cotïtctis,
pu: s que tu fiais que no}/ s xi iïorts en leur y terres , Ç? de
d.ms leurs' limites. Et achcua répétant ces mots:?"//
fois le bien venu , ïôy & lit /; o\ ne no'lre tnaiftrefjea et
fitty xonrcV\o*;aunie.Tz\\<: fût l'a harangue du vieil-
lard, lâ'q'uclle (^ les autres harangues que celé
brerit l'es Mexiqnaines}lesenransauoientaccou-
{luméd'nprendre p;ir coeur , & ainfi fe conferue-
rent par tradition , ex y en a quelques vnés d'i-
cellès'qtiimcncct bien d'eftre rapoi'tëes en leurs
propres termes-. Le Rôy leur refpondit en les re-
merciant, & leur offrant fa diligence, A" foucy à
les défendre, & ton ayde en tout ce qu'il pour-
roit. En après ils luy rirent le fer m eiVt ',& luy mi-
rent félon leurmodela couronne Royale fur la
t'eftc,qui eft femhiabl'c à la couronne de l'aie}
gneunede Veniic. Lé nom d'Acamixtli premier
Roy, figni fie poignée de rofeaux: c'eft pourquoy
ilsportenten leurs armes vue mairi tenant plu-
fîcuis fageues de ro'feau.
De tefîran^e tribut que h s 71 Icxiquains payaient a
ceux d\A\cap::7xa'uo. ■
c H A P. IX.
£r£tf Es Mexiquains rencontrèrent fi bien en
C^â'l'eilecliondeleurnouueau Roy, qu'en peu
ce temps ils commencèrent,} prendre forme c
u
DES INDES. LIV. VI. . 3 I 1
République, 6c à fe faire renommer parmy les
étrangers, à caufe dequoy leurs voifins meuz
d'ejnuje &" de crainte traiuerent dclesfubiuguer,
(pecia'emenr les Tapanecas , qui auoient pour
Cité Métropolitaine Azcapuzalco , aufquelsles
Mexiquains payoiem tribut comme hommes
venus de dehors, & demeuransen leur terre: car
le Roy d'Azcapuzalco craignant leur puilFance
qui alloitcroitîànt, voulut opprimer les Mexi-
quains, ÔY en ayant délibéré auec les liens enuoya
dire au Roy Acamixtli que c'eftoictrop peu de
choie que le tribut ordinaire qu'ils luy payoient,
ik que de Iàenauant ils luy deuoient aufïi appor-
ter des fa pins Se des faux pour les édifices de fa
cité , & outre cela qu'ils luy deuoient faire vn îar-
din en Teau'ë , femé dediuerlcs herbes cm de légu-
mes, & luy deuoient amener pareaue, ainu* ac-
commodé par chacun an ,fansy manquer : que
Cils y failloient , il les declareroit fes ennemi s,C\T
les.raferoit du tout. Les Mexiquains receurent
beaucoup d'ennuy & de fafcherie de ce comman-
dement, tenant pour choie impofïible ce qu'il
leur demandoit, & que ce n'eftoit autre chofe
que de chercher vue occafion pour les ruyner:
mais leur Dieu Vitzilipuzth les confola , ("appa-
roiffantceftenuiclià vn vieillard, auquel il com-
manda qu'il did de fa part au Roy Ton fils qu'il ne
fift point de difficulté d'accepter le tribut,& qu'il
leurayderoittScrendroit le tout facile: ccquiad-
uint depuis. Car edant venu le temps distribue,
les Mexiquains portèrent les arbres que l'on leur
auoit commandé , & qui pluseft,leiardinfaiten
l'cau'ë , & porté en icellc a auquel y auoit beau-
: 'HH HH
HISTOIRE NATVRELLI
coup demays , qui eft leur bled défia grenc auec
lesefpics. Il y auoit aufïïdu chilli ou axi , des
blettes,tomates3 frifolles, chias,courges,& beau-
coup d'autres choies toutes parcreuës ô\renleur
faifon. Ceux qui n'ont point veu lesiardinsqui
fe font au lac en Mexique au milieu de l'cauë , ne
croiront,& tiendront pour contes ce quei'efcris,
ou i'ils le croient , ils diront que c'eft vn enchan-
tement du diable qu'ils adoroient . Mais reale-
ment& défait ceftchofe fort faifable , Scafon
veu plufieurs fois faire de ces iardins mouuans en
i'eauë.Carilsiettentdelaterre deilus du ionc&
du glayeul,d'vne telle façon qu'elle ne fe défait
point en l'eau'ë , & fement & cultiuent cette ter-
re: de forte que le grain y croift Se meurit fort
bien. Puis après ilsTenleuentd vn lieu en autre.
Mais il eft bien vray que de faire facilement ce
iardingrand,& que les fruicts y croiflentbien,
eft chofe qui fait iuger qu'il y auoit du fait de Vit-
zilipuztli, lequel ils appellent autrement Patil-
las , principalement n'en ayant iamais fait ny veu
defemblables. Le Roy d'Azcapuzalco fefmer-
ueilla beaucoup quand il vcit accomply ce qu'il
auoit tenu pour impofïible , Se dift aux fiens que
ce peuple au oit vn grand Dieu qui leur rendoie
toutfacile,difantauxMexiquains que puisque
leur Dieu leur donnoit toutes choies parfaites,
qu'il vouloit que l'année enfuiuant au temps du
tribut , ilsluy apportaient dans le iardin vne ca-
ne &vn héron auec leurs oeufs couuez, qui de-
uoient eftre de telle forte qu'elles efclouillent
leurs petits en arriuant , fans y faillir aucune-
ment, iur peine d'encourir fon indignation. Les
DES INDES. LIV. VII. $lt
Mexiquains furent fore troublez & triftes d'vn fi
fuperbe &difficile commandement qu'illeui; fai-
foit: mais leur Dieu, comme il auoit accouftu-
mc , les conforta de nuict par vn des fiens, & leur
dift qu'il prenoit tout cela en (à charge , qu'ils ne
perdirent point courage, mais qu'ils creuflent
pour certain qu'il viendroit vn temps que les Az-
capuzalcospayeroientde leurs vies cesdefîrsde
nouueaux tributs. Le temps du tribut eftant ve-
nu , comme les Mexiquains portoient tout ce
que l'on leurauoitdemandcdeleurs iardinages,
l'on trouuaparmy les ioncs & glayeuls du iar-
ùin,fans fçauoir comme ils y eftoient demeurez,
vnecane& vn héron couuans leurs œufs, &che-
minans ,arriucrentàAzcapuzalco, où inconti-
nent leurs œufs furent efclos. DequoyleRoy
d'Azcapuzalco eftant efmerueillé outre mefure,
dift derechef, aux fiens que ces chofes eftoient
plus qu'humaines , & que les Mexiquains com-
mençoient comme pour fe faire Seigneurs de
toutes ces Prouinccs . Ncantmoins iïdiminua
aucunement l'ordre de ce tribut , Se les Mexi-
quains , pour ne fe trouuer aflez puiffans , endu-
rèrent & demeurèrent en cette fubieéfcion & fer-
uitude l'efpacc de cinquante ans . En ce temps
le Roy Acamapixtli mourut , ayant augmente
fa Cité de Mexique de piufieurs édifices, rues,
conduids d'eauës, & de grande abondance de
munitions , Il régna en paix & repos quaran-
te ans, ayant tounours efté zélateur dubien&
augmentation de fa Republique . Comme il
cftoit proche de fà fin , il fit vne ehofe mémo*
rable , qui fut qu'ayant des enfans légitimes ,
HISTOIRE .NATVmJiE
aufquelsileuftpculailîerlafucceiTîonclu Royau-
me, loeantmoins nele voulut pas faire, mais au
contraire, il dit librement à la Republique,que
comme ils l'auoient librement efleu, ainli qu'ils
efleulientceluy qui leur (embleioit cftre le plus
propre pourleur bon gouuernement, les admo-
neftant qu'en ce faifant ils eullcnt efgard au bien
de la Republique, & fe monftran t taichc de ne les
lai (1er libres du tribut & fubie&ion , trefpalfa,
leurayant recommandé fa femme & fesenfans,
ôc tailla tout Ton peuple defeonforté pour fa
mort.
Du fécond l{oi , &■ de ce qut admu: en
jon règne.
CHAT. x.
£3-£j E s obfeques du Roy defuncl: acheuces , les
Ç*& anciens, les principaux du Royaume , &c
quelque partie du peuple f'alîêmblerent pour e(-
lirevn Roy, où le plus ancien propola la necef
(îté en laquelle ils eftoient, & qu'il conuenoit ef-
hre pour chef de leur Cite vnepeifonnc quieuil
pitié des vieillards ,des femmes veufues , £■: des
orphelins , &quifuft père de la République,
pource qu'ils deuoient élire les plumes de fes ail-
les, les fourcils de fes yeux, & la barbe de fou vi
iàge : qu'il elloit necefTaire qu'il fuft. valeureux,
pource qu'ils auoientbefoing de bien-toftfepre-
ualoir de leurs bras, félon que leur auoit prophe-
tifé leur Dieu. Leurrefolution en fin fut d'eflire
pour Roy vn fils du prcdeceiîeur , vfans enuers
luy d'vn aufïï bon ofuce , en luy donnant Ton fils
pour
DES INDES. I1V. VII. 3 I 3
pourfuccefTeur, comme il fit enuers Ql Répu-
blique, fe confiant cnicelle. Ce ieune homme
f*apqelloit Vitzilouitli , qui fignifie plume riche,
ils luy mirent la couronne Royale & l'oignirent
commeils ont accouftumé de faire à tous leurs
Rois, auecvne onction qu'ils appelloient diui-
ne, d'autant que c'eftoit la mefmc onction , de
laquelle ils oignoient leur idole. Incontinent vn
Rhetoricien fit vne élégante harangue, l'exhor-
tant d'auoh bon courage pour les tirer des tra-
uaux , feruitude & mifere , efquelles ils viuoienr,
eftas opprimez des Azcapuzalcos, & icelleachc-
uee tous luy firent l'hommage #: la recognoiiTàn-
ce. Ce Roy n'eftoit point marié , & Ton Confeil
fut d'opinion qu'il ieroit bon de le marier auec la
fille du Roy d' Azcapuzalco , afin de l'auoir pour
amy , & d'obtenir par cefte alliance quelque di-
minution de la pefante charge des tributs qu'il
leurimpofoit, combien qu'ils eurent quelque
craindre qu'il ne defdaignaft de leur donner (à fil-
le, à caufe qu'ils eftoient les vaiïaux: toutesfoislc
Roy d'Azcapuzalco T'y accorda, après qu'ils luy
curent demande fort humblement, ôc auec des
paroles honneftes, lequel leur donna vne fienne
fille appellee Ayanchigual, laquelle ils menèrent
auec grande fefte & renouyflancc en Mexique,&
firent la cérémonie Se iolemnité du mariage , qui
eftoit d'attacher & noiier vn coing du manteau
de l'homme, auec vn autredu voile delà femme
en fîgne de lien de mariage. Cefte Royne engen-
dra vn fils, le nom duquel ils furent demader à Ton
ayeul, le Roy d'Azcapuzalco, & jettans les forts
comme ils auoient accouftumé , (pourec qu'ils
r
HISTOIRE NATVRHI, E
obfèruoient fort les Augures , principalement
fur le nom de leurs enfans) il voulut que fonpe-
titiîls fappellaftChimalpopoca,qui fignifie ron-
delle qui iette fumée. La Royne fa fille voyant le
contentement que le Roy d'Azcapuzalcomon-
ftra de ce petit fils , print de là occafion de luy dé-
nuder qu'il luy pleuft de foulager les Mexiquains
de la charge fi pefante des tributs,puis qu'il auoit
défia vn petit fils Mexiquain, ce que le Roy fit
de bonne volonté, parle Confeil des riens, leur
laiflànt au lieu du tribut qu'ils payoient vne fub-
iection de luy porter chacun an vne couple de ca-
nards & des poiflons, en recognoillance qu'ils e-
ftoient fes fubjedts , & qu'ils habitoient en fa ter-
re. Par ce moyen les Mexiquains demeurerct fort
foulagezcVcontens , mais le contentement leur
dura bien peu , pource que la Royne leur prote-
ctrice mourut peu de temps après, &" l'année en-
fumante mourut aufïi le Roy de Mexique,Vitzi-
Iouitli,lailîant fon fils Chimalpopoca,aagé de dix
ans. Il régna treizeans , & mourut aagé de trente
ans , ou peu plus. Il fut tenu pourvn bon Roy &
diligent au feruice de fes dieux,defquels ils auoièc
opinion que les rois eftoient les rehTemblances,&:
que l'honneur que l'on faifoit à leur dieu , fefai-
foit au roy,qui eftoit fa femblace.C'eft pourquoy
les rois ont efté fi affectionnez au feruice de leurs
dieux. Ce roy fut curieux de gaigner les volontez
de fes voifins, 6c de trafiquer auec eux, enquoy il
augmenta fa citc,faifant que les liens 9 exerçaient
en ch'»fesdeguerre,parmy le lac , préparants &
difpofans les homes, pource qu'ils pretendoient
obtenir, comme bien-tofl: l'on verra.
DES INDES. LIV. VII.
3*4
Du troificfmc J{oy Cbimalpopsca , de fa cruelle mi»t3
eydc'îoccafion de ht guerre que firent les
l)lexiquains.
C H A P. XI.
ft^Es Mexiquains pour fuccefleur du Roy
mort , efleurent ion fils Chimalpopoca,par
vnmeuraduis &c délibération commune, encor
qu'il ne futqu'vn entant de dix ans, ayans opinio
qu'il eftoit touliours neceflaire de conferuer la
grâce du roy d'Azcapuzalco , enfaifantfon petit
fils roy. Par ainfi ils le mirent en fon throfne, luy
donnant des enfeignes de guerre auecvnarc, ôc
desflefchesen vnemain , ôc vneefpeederafoirs
(dont ils ont accouftuméd'vfer) en la droicte,fi-
gnifians par cela, comme ilsdifent, que par les
armes ils pretendoient le mettre en liberté. Ceux
de Mexiqueauoient grande difette d'eauë, pour-
ce que celle dirlac eftoit bourbeufe& fangeufe,&
par confèquent mauuaifeà boire,pour à quoy re-
médier, ils firent que le roy enfant enuoyaft de-
mander à fon ayeul3le roy d'Azcapuzalco , l'eauë
de la motagne de Chapultepec, qui e(l à vne lieue
deMexique,commailaeftéditcy dellus,ce qu'ils
obtindrent facilement,&par leur diligence firent
vn aqueduc, de fafcines,glayeul , ôc gafoi^par le-
quel ils firent ven ir l'eauë en leur cité. Mais d'au-
tant que la cité eftoit fondée fur le lac,& que l'a-
queduc le trauerfoit,il fe ropoit en beaucoup d'é-
droi ts,& ne pouuoiet f'efiouir de l'eauë, eôme ils
dcfiroiët & auoient de befoing.Sur cefte occaiio
HISTOIRE NATVRELLE
foit qu'ils la recherchaient tout exprés , pour
quereller les Tapanecas , ou fuft qu'ils {"cimcuÊ-
fent fur peu d'occafion; en fin ils enuoyerent vne
embatfadeau Roy d'Àzcapuzalco , fort refolu'c,
difans qu'ils ne pouuoieut t5accômoder de l'eauë,
dont il leur auoit fait grâce, à caufc que le canal
f'eftoit rompu en beaucoup d'endroits, partant
luydcmandoient qu'il les pourueuft de bois , de
chaux & de pierre , Se qu'il leur enuoyaft Ces ou-
uriers , afin que par leur moyen ils fillent vn ca-
nal de pierre & de chaux qui ne Te peuft rompre.
Ce meffage ne pleut gueres au Roy , Se encor
moins aux fiens , leur lcmblant que c'eftoit vn
meflage outrecuidé , & des propos fort infolens,
pour des valîaux à l'endroit de leur Seigneur. Les
principaux du Confeil doneques eftans indignez
décela ,difoientque c'eftoit défia beaucoup de
hardiede , puis que ne fe contentansdeeeque
Ton leurauoit permis de demeurer en terre d'au-
truy, Se qu'on leur auoit donné de l'eaue* , ils vou-
loient d'auantage que Ton les allaft feruir. Quelle
chofeeftoit cela,&dequoy prefumoitvnenatiô
fugitiue& enferreeentre les bourbiers,qu'ils leur
feroient bien entendre i'ils eftoient propres pour
eftre ouuriers , Se que leur orgueil fabbaifleroit,
en leur oftant la terre Se la vie. Sur ces termes &
colère ils fortirentjlaillàns le Roy , lequel ils a-
uoientyn peu pour fufped , à caufe du petit fils.
Eteuxfèparement concilièrent de nouueau ce
qu'ils deuoient faire, où ils délibérèrent de faire
crier publiquement que nul Tapanecquaeuftà
trai&er , ny faire commerce auec aucun Mexi-
quain , qu'ils nallailcnt en leur Cité , &nc les
DES INDES. LIV. VII. 31?
receuflentenlaleur, fur peine de la vie. Par où
l'on peut entendre que le Roy ne commandoie
pas aDiblucment fur ce peuple, &r qu'il gouuer-
noit plus en façon de Conful ou de Duc , que de
Roy,combien que depuis auec la puiflfance f aug-
menta auflï le commandement des Rois,iufques
à deuenir Tyrans parfaicts , comme l'on verra
aux derniers Rois. Car ça efté toufîours vne cho-
fe ordinaire entre les barbares, que telle qu'a efté
la puifTance, tel a efté le commandement , voire
en nos hiftoires d'Efpagne fe trouue en quelques
Rois anciensla façon de régner, dont cesTapa-
necas vferent. Et les premiers Rois des Romains
furentdemefme,fauf que Rome ,des Rois dé-
clina aux confuls Se vn fenat , iufques à ce que du
depuis elle vint à la puilTànce des Empereurs.
Mais ces barbares de Rois modérez déclinèrent
à Tyrans. Et eftant l'vn & l'autre gouuernement,
le meilleur & plus feur , cft le règne modéré. Or
retournait* à noftre hiftoirc,le Roy d'Azcapu-
zalco voyant la délibération des fiens , qui eftoit
de tuer les Mexiquains, les pria que première-
ment ils defrobaffentfon petit fils leieuneRoy,
êc après qu'ils fifTent aux Mexiquains ce qu'ils
voudroient. Prefquetousfaccordcrent en cela
pour donner du contentement au Roy, &pour
la pitié qu'ils auoient de l'enfant,mais deux prin-
cipaux y contredirent bien fort , affermansque
c'eftoit vn mauuais confeil, poureeque Chimal-
popoca, bien qu'il fuft de fon fang,eftoit du cofté
de la mère, & que le cofté du père deuoit eftre
préféré. Parquoyils conclurent que le premier
qu'il conuenoit tuer > eftoit Chimalpopoca»
ï iij
HISTOIKE NATVRELLE
Roy de Mexique , & protefterent d'ainfi le faire.
Le Roy d' Azcapuzalco fut fi fafché de celle refi-
ftance qu'ils luy firent , & du confeil & refolu-
tionqu'iIsprindrent,quc de là à peu de temps,
de douleur & de defpit il tomba malade, dont il
mourut. Par lamortduquelles Tapanecas C'a.-
cheuans de refoudre, commirent vne grande tra-
hifon. Car vnenuiclle ieuneRoyde Mexique
dormant (ans garde & fans fe douter de rien, ceux
d'Azcapuzalco entrèrent en fon Palais ,& le tuè-
rent foudainement,f en retournans fans élire ap-
perceus. Le matin venu que les nobles de Mexi-
que furent faluerle Roy comme ils auoient ac-
coutumé, ils le trouuerent mortauec de cruel-
les blefleures, ôc lors ils feferierent , efleuans vn
pleur qui remplit toutelacité, & tousaueuglez
de colère fe mirent incontinent en armes , pour
venger la mort de leur Roy. Comme ils mar-
choientdefiapleinsdefureur&fans ordre, leur
lord t au denant vn des principaux Çheualiers
des leurs, tafehant de les appaifer par vne fage re-
monftrance. Quaïïe\vous (dit-il) oMcxiquainsjrc-
pofa vos cœurs , regarde^ que les ebofes qui font faites
fans confidcration , ne font pas bien conduittes, n'y n'ont
pointde bon. fucce^. I{eprime7[ vofîre douleur , conjide-
rans qu'encor que vofîre l{oy foit mort , tilluflre fang
des Mexiquains n'eftpas fîny en luy . "Kous auons des
en fan s des P^ois dejfun&s , par la condmtte defquelsfuc-
cedans au T\oyaume%vous fere-^ mieux ce que prétende^
ayans vn chef qui vous guide à vojlrc entreprife.U'aUe^
pas ain(îaueuglc\ , déport e^-vous , & eflife^ premier e-
ment yn V^oy , & feigneur quivous guide , & encoura-
ge contre vos ennemis. Cependant aifsimu\c\ diferette-
DES INDES. LIV. VII. 3 I 6"
mentyfaifans les obfeques de yoBre ?\oy mort, dont y eus
yoye% le corps prefent. Car par cy après tlfe trouuera yne
meilleure occafion d'en faire la, y engeance. Par ce moy e
les Mexiquains ne parlèrent point plus outre , ôc
farrefterent pour faire les obfeques de leur Roy.
Aquoy ils conuierent les feigneurs de Tefcuco,&:
ceux de Culhuacan , & leur racontèrent l'adte fi
énorme ôc fi cruel que les Tapanecas auoient co-
mis , les inuitans à auoir pitié d'eux , & à ('indi-
gner contre leurs ennemis : à quoy ilsadioufte-
rent que c'eftoit leur intentionaVmourir ou de
venger vne fi grande mefehanceté , leurdeman-
dans qu'ils ne fauorifaflentle party fi iniufte de
leurs contraires, & que de leur part ils ne Iesre-
queroient point qu'ils leur aydalfent de leurs ar-
mes, & hommes, mais feulement qu'ils fuflène
attentifs à regarder ce qui fe paflTeroit, Ôc qu'ils
defireroient pour leur entretien qu'ils ne leur
bouchalïcnt ny empefehaftent le commerce , co-
rne auoient fait les Tapanecas. A ces raifons ceux
deTefcuco,& Culhuacan , leur demonftrcrent
beaucoup de bonne volonté, & qu'ils en eftoient
fort fatisfaits , leur offrant leurs citez: & toutlc
commerce qu'ils en defireroient , afin qu'à leur
volonté ils fe pourueuflent de prouifions ôc de
munitions par terre, & par eauë. Apres cela ceux
de Mexique les prièrent qu'ils demeuraient auec
eux,& affiftallent à l'efle&ion du Roy qu'ils vou-
loient faire ce qu'ils accordèrent auflî pour leur
donner contentement.
rmj
V"Wj3Wïï^i>3jî>ÎSi3S'
■H- ■■■■
HISTOIRE NATYRELLE
D« quatrtefme Ej>y nommé I^coalt t &de la guerre
contre les Tapanccas.
c H a p. x ir.
3 Euxaui fe deuoiciu trouuer en l'eflcdion,
i eftans tous aiïemblez , fe leua vn vieillard,
tenu pour vn grand orateur , lequel félon que ra-
content les hiltoires , parla en cefte manière : La
lumière de y os yeux yous manque o "tAexïquains , mais
non pas celle du cœur , car pofè le cas que yous aue\ per-
du celuy qui ettoit la lumière £r le guide de cefle Répu-
blique Mexiquainc , celle du cœumeantmoms yotts eft
demeurée , pour confiderer que s'ils ont tué yn homme y
<£ autres [ont demeure-^ après luyqui pourront fupplcer
fort aduautageufement la faute que nous auons de luy.La
noblejfe dc~Mextque 7} csl pas finie pour cela , ny le fan?
%j>yal ejleint. Tourne^ les yeux & regarde^ autour de
youst<& yous yerre^ la Nobleffe Mcxiquaine mife en or-
dre,non point ynaleuxjnan plufieurs & excellens prin-
ces, fils du ï\py jlcamapaxtli , noflre yray & légitime
feigneur. ïcy yous pourrez cbbijtr à y ofirc volonté , di-
sant ie yeux ceHuy-cy, W non cet autre. Que fi yous a-
ucT^pcrdu ynpcrey icy i>ous trouuere^pere & mcre.Fai-
tes ejlat , o Mexiquains , que le Soleil s'e.fl cclipfé & ob-
feureyfur la terre pour yn peu de temps , & qutncontt-
nent retournera la lumière fur icelle.Siuexique a efiéob'
feurciepar la mort de yofire J{oyy forte bien tofi le Soleil,
eflifc\ yn autre I\oy. l{rgM'^eK ^ * 1U*> & f'*r 1U* yot4s
iettere^lesycux & enuers qui s incline yoslre coeur, car
cefiuy-là efi celuy que yofire dieu VitzjUpu\th a éleu.Et
dilatant encor ce difeours , cet orateur acheuaau
contencemetavn chacun. En finpar la refolutio
DES INDES. L IV. VII. $1/
«le ce côfeil,fut efleu Roy Ifcoalcqui fignifie cou-
leuure de rafoirs, lequel eftoit fils du premier rojf
Acamapixtlijqu'ilauoiteud'vnefienncefclaue.'ôC
bien qu'il ne fut pas légitimées le choifirét,pour-
ce qu'il eftoit plus auantageuxque lesaucres, en
moeurs, valeur & magnanimité de courage.Tous
montrèrent qu'ils en eftoient fort contens, oc fur
tous ceux de Tefcuco : pour autant que leur Roy
eftoit marié auecvne fœurd'Ilcoalc. Apres que ce
Roy fut couronné 8c mis en fon fiege Royal , fe
leua vn autre orateur qui traitta de l'obligatiô que
le Roy auoit à fa Republique, & du courage qu'il
deuoit monftrer aux trauaux, difant en autre cho-
fes : Regarde qu 'autour d'huy nou4 fommes dépendant de
toyyparauanturc laifferas-tu tomber la charge qui e(i fur
tes es~paulles , lai fjerxs tu périr le vieillard & la vieille,
l orphelin & laveufue ? *Aycs pitié des en fans qui y ont
grapinant parmy l'aire , lefquels périront Ji nos ennemis
nous fur montent. Or fus donc feigneur commence à def-
ployer & ejiendre ton manteau , pour prendre fur tes ef~
paullestes enfans qui font les pauures & commun popu-
laire Je fquels font affeurc\del ombrage de ton manteau,
& en lafraifeheur de ta bénignité. Continuant fur
ce fujed beaucoup d'autres paroles , lefquelles
(comme en fon lieu a efte dit) ils apprenoient par
cœur , pour l'exercice de leurs enfans,& après les
enfeignoien t comme vne leçon', à ceux qui com-
mençoient d'apprendre cette faculté d'orateurs:
Cependant les Tapanecas eftoient refolus de de-
ftr uire la nationMexiquaine,& pour cet efFect,ils
auoient dreffé beaucoup d'appareils. Parquoy le
nouueau Roy traitta de déclarer la guerre , & ve-
nir aux mains , auec ceux qui les auoient tellemct
BBB
HISTOIRE NATVR. ELLE
offenfez. Mais le commun peuple voyant que
leurs contraires les furpaffoient beau coup en nô-
bre d'hommes , & en machines de guerre , eftans
efoouuentezvindreritversleRoy, bc luy deman-
derentpar importunité , qu'il n'entreprinft point
vne guerre fi dangereufe, qui feroitdeftruire leur
pauure cité & nacion. Surquoy eftans interrogez
queladuisilconuenoitprendre,refpondnétque
le Roy d'Azcapuzalco eftoitfort piroyable,que
ils luy demandaient paix,& fofFriiïentleferuir
en les tirant hors de ces glaieuls,& qu'il leur don-
nait jdes maifons & des terres parmy les tiennes,
afin que par ce moyen ils defpendi (lent tous d'vn
feigneur. Et pour obtenir cecy ils portaient leur
dieu en fa litière, pourinterceiTeur. La clameur
du peuple eut tel pouuoir,'principalemét y ayans
quelques nobles, qui approuuoient leur opinion,
que l'on fit incontinent appeller les preftrcs & ap-
prefter la litière , & leur dieu , pour faire ce voya-
ge.Commecela s'appreftoit , & que tous confen-
toient à cet accord de paix , &de s'altujecl:iraux
Tapanecas,vnieune homme gaillard ,&debon-
neraçon,s'efleua parmy lepeuple,lequelauecvne
fort bonne grâce , parla ainfi : Qttefi-ce cy , o Trlext-
qiuinsjJles'VQUsfols y comment telle coùardife eft-ellc
entrée parmy nous ? nous deuon s nous aller rendre ainji
aux *Arxcaf>w^alcos ? Puis fe tournant vers le Roy,
luy dit : Comment fegneur, permet c% y ous tcllccbofe'î
parlc^ à ce peuple , & luy dites qu'il laijfe rechercher
y n moyen, pour noflre honneur , & pournoftrc deffenfe,
CT que nous ne nous mettions point fi follement & fi
honteufement entre les mains de nos ennemis. Ce ieu-
ne home f'appclloit Tlacaellcc, nep ucu du rnef-
DES INDES. LIV. VII. 31S
nie Roy, & fut le plus valeureux capitaine, & du
plus grand confeil que iamais les Mexiquains ont
eu, comme cy après Ton verra. Animédonclf-
coalt , par ce que Ton nepueu luy auoit di£r fi
prudemment, retint le peuple, en difantqu'ils
luy laiflTaffent premièrement efprouuervn autre
meilleur moyen. Et puis fe tournant vers la no-
blefledes liens, leur àxvVous esîcs uy tous qui efles
mes parens , <& le meilleur de Mexique , celuy qui dur*
le courage de porter yn meffage aux Tapanecas , quilfe
leue. Eux fe regardans les vns les autres, ne fe re-
muoient point , & n'y eut aucun qui vouluft s'of-
frir au coufteau. Alors ce ieune homme Tlacael-
lec fe leuant s'offrit à y aller , difant que puis qu'il
deuoit mourir , qu'il importoit peu , que ce fuft
auiourd'huy ou demain. Car pour quelle occafion
fe deuoit il tant conferuer ? qu'il eftoit toutpreft,
& qu'il luy commandaft ce qu'il luy plairoit.Et ia-
çoit que tous iugeaifent cet acte pour vue téméri-
té,neantmoins leRoy fe refolut de renuoyer,afin
qu'il cogneuftla volonté & difpofition du Roy
d'Azcapuzalco , & de Tes hommes, eftimant qu'il
eftoir meilleur d'aduanturer la vie de fon nepueu,
que l'honneur de fa Republique. Tlacaellec eftat
apprefté, print fon chemin ,&paruenu aux gar-
des qui auoient commandement de tuer quel-
conque Mexiquain qui vint vers eux , par artifice
ou autrement, leur perfuada qu'il le laiflaflent en-
trer vers le Roy , lequel s'efmerilla de le voir', &
ouyt fon ambaflTade , qui eftoit de luy demander
paixfouz honneftes conditions, lequel refpon-
dit qu'il le communiqueroit auec les fiens,& qu'il
retournait l'autre iour pour la refponfe : lors
!$&$£
WW^fWBBBBBBBBWBj SES 5SS3
HISTOIRE NATVKELLE
Tlacaellec demanda fcureté,mais il n'en peut ob-
tenir d'autre, finon qu'il vfaft de fa bonne delige-
Ce. Auec cela il retourna en Mexique,donnant pa-
role aux gardes de retourner. Le Roy de Mexique
le remerciâtde Ton bon courage, le renuoya,pour
auoir la reipôfe,& luy commâda , que fi elle eftoit
de gucrre,qu'il dônaft au Roy d'Afcapuzalco cer-
taines armes pourfe deffendre, & luy oignift &
amplumaft la tefte, comme ils faifoient aux hom-
mes morts , luy difant que puis qu'il ne vouloit
point la paix , qu'ils luy ofteroient la vie &aux
liens. Et encerque le Roy d'Azcapuzalco eut de-
ûïè la paix,pour eftre de bone conditionnes liens
neantmoins refguillonnerent de forte, que laref-
ponfe fut de guerre declaree.Ce qu'eftant ouy par
leroefïager , îlfift tout ce que fon Royluyauoit
commandé,declarant par cède cérémonie, de dô-
ner armes , & oindre le Roy auec l'on£tion des
morts,que de la parc de fon Roy il le deffioit.Par-
quoy ayant tout acheué , celuy de d'Azcapuzalco
fêlai (font oindre >& emplumer, donna au ména-
ger en payement de bonnes armes, Ôc ce pendant
faduifade ne retourner point par la porte du pa-
lais, pource que plulîeursl'attendoientlàpour le
mettre par pièces, mais qu'il fortiftenfecretpat
vne petite faulfe-porte qui eftoit ouuerte, eu vne
des cours de fon palais.Ceieunehomele fitainfi,
&tournoyancpardes chemins cachez, vint à fe
mettre en fauueté,à la veue des gardes , & 4e là les
derfia,di (a.nt:Tapanecasy& ^^capu^alcos^vo^ faites
mal -vofire office de carder , Ççacbe^ donc que vous dcue\
to* mourir y& <ju 'il ne demeurera ynTapaneca en yie.Cc
pendant les gardes le ietterent fur luy,&fe porta fi
DE5 INDU, t IV. Vif. %\f
valeureufcment en leur endroit,qu'il en tua quel-
ques- vus , & voyant qu'il y accouroit beaucoup
dépeuple, fe retira gaillardement à fà cité, où il
orta nouuelles que la guerre eftoit déclarée auec
es Tapanecas , & qu'il auoit défie leur Roy.
f«
Delà bataille que les~Mexiquains donnèrent aux
Tapanecas,& delà «randevi&oire
qu'ils obtindrent.
CH A P. X III.
Edefi entendu par le vulgaire de Mexique,
ils vindrent vers le Roy, auec leur coiïardife
accoutumée , luy demander congé detfortir de fà
cité, tenans pour certain leurperdition. Le Roy
les confola & anima , leur promettant qu'il leur
donneroit liberté, en furmontant leur ennemis,
& qu'ils ne doutailènt point d'eftre vaincus. Le
peuple tzp\iqua:Etfinousfommes vaincus ^que ferons
nous^Sinous fommes vaincus (refpondit le Roy ) des
maintenant nous nous obligeons de nous mettre en vos
mains 3afin que vous nousmcttic^àmorti& magic\ nos
chairs en des plats , & que vous vous vangic^ de nous
autres.llfera donc ainfi(dkent ï\s)fîvous perde^ la. vi-
Boire , que fi vous l 'obtenez , dés maintenant nous nous
offrons i efire vos t ribut aires , trauaiUer tn vos maiftns,
faire vos femences^ porter vos armes & bagage quand
vous ire% à la guerre^pottr touJtourst& à iamats nous au-
très & nos defeendans. Ces accords faicts entre le
peuple & les nobles(lefquelsils accomplirent de-
puis de gré ou par force entierement,comme ils le
promirent)le Roy nomma pour fon capitaine gê-
nerai Tlacaellec, & tout le camp cftant mis en or-
HISTOIRE NATVRELLE
dre,& par efcadrons,donna les charges de capitai-
nes aux plus valeureux de £es parais 6c amis : puis
Jeur fit vne belle harangue , par laquelle il ks ani-
ma êc leur accreut de beaucoup le courage , qu'ils
auoient défia bié préparé, & ordôna qu'ils obeyf-
fent tous au commandement du gênerai , qu'il
auoit eftably. Lequel lepara (es gens en deux , Se
commanda aux plus valeureux Ôc hardis , qu'en fa
compagnie ils alïailli(TentIespremiers,&quetout
le refte demeurait, arrefté auec le Roy Ilcoalt, iuf-
ques à ce qu'ils vcilTent les premiers donner fur
leur ennemis. Marchans donc en ordre , ils fu-
rent defcouuects de ceux d'Azcapuzalco,lcfquels
incontinent fortirent furieufement de leur cité,
portansde grandes richen,esd'or,dargent,& d'ar-
mes de beaucoup de valeur , comme ceux qui
auoient l'Empire de toute cefte contrée. Ifcoalt
donna le fignal de la bataille, auec vn petit tam-
bour qu'il portoit fur (es efpaules, & incontinent
efleuerentvn grand cry,s'efcrians, Mexique, Me-
xique , donnèrent fur les Tapanecas: & bien que
les Tapanecas fuilènt en bien plus grand nombre
qu'eux fans comparaifon,toutesfoisiInelaiiTeréc
de les rompre,& les firenc retirer en leur cité. Puis
venans ceux qui eftoient demeurez derrière, crias
Tlacaellec, victoire, vi&oire, tout d'vn coup en-
trèrent en la cité , où parle commandement du
Roy, ne pardonnèrent à homme, ny vieillard,
femme,ny enfans. Car ils les mirent tous au tren-
chantde l'efpee , pillèrent & faccagerent la cité,
quieftoit très riche. Et non contens décela, ils
fortirenràlapourfuite de ceux qui s'en eftoient
fuys& retirez en i'aipretédes Sierres ou monta-
DES INDES. LIV. VII. $ZO
gnes qui eftoient proches de là , frapans fur iceux,
dontils firent vnecruelleboucherie. Les Tapane-
cas d'vne montagne où ils s'eftoient retirez,iette-
rent les armes,& demandèrent les vies,s'ofFrans à
feruir les Mexiquains,leur dôner des terres ôc des
iardins3delapierre,dela chaux & dumefrain , ôc
de les tenir toufiours pour leurfeigneurs. A cefte
occafion Tlacaellec fit retirer Tes gens , Ôc cefler la
baraillc,Ieur donnant les vies fouz les conditions
delîufditeSjlcfquellesilsiurerentiolemnellemët.
Puis après ils retournèrent à Azcapuzalco,&auec
leurs defpoùilles tort riches ôc victorieufes à la
cité de Mexique. Leioureniuyuant, le Roy fitaf-
fembler les principaux, &le peupie,aufquels il re-
mit en auant l'accord qu'auoit /ait le commun,
leur demanda s'ils eftoientcontens d'y perfifter3le
commun dit qu'ils l'auoiet promis, & que les no-
bles l'auoient bien mérité , parquoy ilseftoient
contents de les feruir perpétuellement : dequoy
ilsfirentvn (ermentqu'iîs ont depuis gardé fans
y conireuenir.Cela fai&Jfcoalt retourna à Azca-
puzalco, cVparleconfeil des fiens départit tou-
tes les terres des vaincus , ôc leurs biens entre les
vainqueurs : la principalle partie tomba au Roy ,
puis à Tlacaellec,& après au refte des nobles , felo
qu'ils s'eftoient fignallez en la guerre. Ils donnerét
mefme des terres à quelques plébéiens , pour s'e-
ftre portez vaillamment, aux autres distribuèrent
du pillage,& en firentpeu d'eftat, comme de gens
couards. Ils dellinerent mefme des terres en com-
mun pour les quartiers de Mexique, & à chacun
les fiennes,afin qu auec icellcs ilsaidafsctaufcrui-
ce Ôc facrifices de leurs dieux.Ce futl'ordre qu'ils
I
HISTOIRE NATURELLE
gardèrent toufiours de là en auant,audepartemëc
des terres & defpoiïilles de ceux qu'ils auoient
vaincus & allujedtis. Par ce moyen ceux d'Azca-
puzalco demeurèrent fi pauures . qu'il ne leur re-
ftoitaucunes terres pour labourer , & lepirefut
que l'on leur ofta leur Roy, & le pouuoir d'en eiîi-
re d'autres que celuy de Mexique.
De la guerre kj victoire que les Mexiquains eurent
contre la (ité de Cuyoacan .
ch a P. Xi m.
O m b i e n que la principale cité des Tapa-
nelcoasfuft celle de Azcapuzalco, toutefois
ils en auoient d'autres qui auoient leurs feigneurs
particuliers,comme Tacuba,& Cuyoacan.j Ceux
là ayans veu l'efchec pafîe, euiïent bien voulu que
ceuxd'Azcapuzalco eufTent rcnouuellé la guerre
contre les Mexiquains,& voyans qu'ils ne iy pre-
paroientpoint , comme vne nation du tout rom-
pue & défaite, ceux de Cuyoacan délibérèrent de
faire à part foy la guerre, pour laquelle ils s'effor-
cèrent d'inciter les autres nations circonuoifines.
lefqueiles ne voulurét point fe mouuoir,ny que
relier les Mexiquains. Ce pendant croiflant la
hayne & enuie de leur profperité, ceux de Cuioa-
can commencèrent à mal traicter les femmes,qui
alloient à leurs marchez,fe moquans d'elles,& en
faifans autant aux hommes fur jefquelsilsauoiét j
ladomination. Pour laquelle occafion le Roy de ™
Mexique défendit qu'aucun des/ïens n'allaften
Cuyoacan,& qu'ils ne receuifent en Mexique au-
cuns d'eux. Ce^ui donna occafioa à ceux de Cu-
yoacan
DES INDES. L IV. VII. 3 21
yoacon de fe refoudre du tout à la guerre. Mais
premièrement ils les voulurent prouoquer par
quelque honteufe moquerie , qui Fut de les con-
uieren vne de leurs feftes folemnelles , où après
leurauoir fait vn beau banquet , & lesauoirfe-
ftoyezauec vnegrandedanceàleurmode^lsleur
cnuoyerent pour le deflert des habits de femmes,
& lescontraignirétdelesve{lir,& retourner ainil
veftus en femmes en leur cité , leur reprochans
qu'ils n'eftoict que des couards, & des effeminez,
de n'auoir ofé prendre les armes, y ayans eftéafsez
prouoquez. Ceux de Mexique difent,qu'en recô-
penfe ils leur firent vne autre lourde moquerie,cn
leur mettant aux portes de leur cité de Cuyoacan,
certaines chofes quifumoient , par le nom des-
quelles pluiieurs femmes auorterent, & plufîeurs
tombèrent malades.Enfinle tout vintiufquesau
poinct de guerre déclarée, de forte qu'ils le don-
nèrent vne bataille, où ils employèrent toute leur
puifsâcc de part & d'autre,& en icëlle Tlecaellec,
par fa magnanimité & rufe de guerre,obtint la vi-
ctoire. Car ayant laifTc le Roy Ifcoalt combatant
auec ceux de Cuyoacan,Palla mettre en embufea-
de auec quelque peu de vaillas foldats,& en tour-
noiant leur vint donner en queue , où chargeant
fur cux,illesfît retirer en leur cite. Mais voyant
qu'ils pretendoient fe retirer au temple,qui eftoit
bien fort,fe ietta fur eux accompagne de trois va-
leureux' foldats,& leur gaignale deuat,fe faifiiïant
du temple où il mit le feu, & les força de s'enfuir
parmy les champs, où faifant grand efchec fur les
vaincus, les fuiuirent deux lieues dans le pays,iuk
ques à vne colline,où les vaincus iettâs les armes,
f
HISTOIRE NATVR.ELLE
&croiians les bras fe rendirent aux Mexiquains,
& auee beaucoup de larmes,leur demanderetpar-
don de l'outrecuidance qu'ils auoienteuëenles
traidtant comme femmes,& foffroiét à eftre leurs
efclaueSjiî bien qu'en fin les Mexiquains leur par-
donnerent.DeceftevicloiielesMexiquains rem-
portèrent de très- riches deipoiiilles d'habus,d'ar-
mes,de l'or, de l'argent , des ioyaux & des pluma-
ches riches,auec vn grand nombre de captifs. En
celle bataille il y eut trois des principaux deCul-
huacan qui vindrentayder aux Mexiquains,pour
gaigner hôneur , lciquels furent remarquables fur
tous. Et du depuis eftans recoçncuz par Tlacael-
lec,& ayans fait preuuede leur ridclitc,leur donna
les deuifes Mexiquaines, & les eut toujours à Ton
cofte où ils corabatirent en tous lieux valeureufc-
ment. L'onrecogneut bien quetoute la victoire
dèbuoit «lire attribuée au général ÔV à ces trois.
Car entre tant de captifs qu'il y auoi t,il y en auoit
les deux tiers qui futét gaignez p.ir ces quatre, ce
quifeprouua facilement par larufe dont ils vle-
rentrcar en prenant vn captif, incontinent ils luy
coupoientvnpeudccheueux,&rlesbailloicntaux
autres. Ainfi il fe trouua que ceux qui auoient les
cheueux coupez reuenoient à ce nombre, d'où ils
aquirent vne grande réputation & renommée de
valeureux. Ils furent honorez comme vainqueurs,
en leur donnant de bonnes portions de defpoùil-
les , ÔV des terres, ainfi que les Mexiquains ont de
tout temps accouftumé de faire, qui donnoit oc
cafion à ceux qui combat t oient , de Te faire renô
mer,& gaigner de la réputation aux armes.
DES INDES. LIV, Vil. 322
De la guerre & ytctoireeiuc les "Mexiauains
eurent contre les Suchtmilcos.
CH A P. xv.
A nation desTapanecas eftanc fubiuguee,lcs
Mexiquains curent occafîond'cn faire autât
aux Suchiniilcos , leîqucls comme il a eftè dit, fu-
rent les premiers de ces fept caucines ou lignages
qui peuplèrent celte terre. Les Mexiquains tou-
teàfois ne recherchèrent pas l'occasion, combien
qu'ils pouuoient premmercomme vainqueurs de
paflerplusoutre,maislcs Suchimilcosles eimeu-
rent, pour leur malheur, comme ilarriue aux ho-
mes de peu de lç.uioir,&qui regardent de trop
pres,leiquels pournepreuoir le dommage qu'ils
imaginoyent,tombercnt en iceluy.LesSuchimiU
cos turent d'opinio que pour les victoires pafîees,
les Mexiquains entrepredroient de les alîùjeclir,
& dehbererét entr'eux ceft affairc.Il y en eut quel-
ques-vns qui dirent qu'il euft efté bon dés lorsde
les recognoiftrepour fuperieurs,& d'approuuet
leur bon heur,neâtmoins lecotrairefutrcfolu,&
f'aduancerenrpour leur doner bataille. Ce qu'en-
tendu par Ilcoalt Roy de Mexique , il enuoya
cotre eux fon gênerai Tlacacllec,auec fon armée,
& vindrent à donner bataille au mefme champ,
qui feparoient leurs limites, lefquelles deux ar-
mées eftoient aflezefgales en hommes & en ar-
mes, mais elles furent bien diuerfes en l'ordre &
manière de combattre. PourcequelesSuchimil-
cos chargèrent tous enfemblè en vn môceau fans
f u
HISTOIRE NATVREtLE
ordre, & TIacacllec diuifalesfiensparefcadrons
auecvn bclordre:par ainfi ils rompirent inconti-
nent leurs contraires, les rai fans retirer en leur
citc,en laquelle ils entrèrent alors, & les îuniiréc
iufques à les enfermer au temple, où ils muent le
feu, & les firent fuir aux montagnes, & en finies
reduifirent à ce poinct,qu'ils le rendirent les bras
croifez. Le capitaine TIacacllec retournant en
grand triomphe, lespreftres allèrent au deuantle
receuoir auec leur mufique de fleutes , en eneen-
iant deuant luy , les capitaines principaux [ai ans
d'autres cérémonies, & môLhesd'allegrclîe, qu'ils
auoientaccouftumé de faire, & le Roy auec eux,
s'en allèrent tous au temple, rendre grâces à leur
faux dieu. Car lediableatoufioursefté fort defi-
reux decela,cV de s'attribuer l'honneur de ce qu'il
n'a point mérité , attendu que c'eft le vray Dieu,
qui donne la vicloire , & qui fait régner ceux qu'il
luy plaift,&non pas luy.Le ioureniuiuant leRoy
IfcoaltfutenlacitédeSuchimilco, &là-fëfiftra-
rer Roy des Suchimilcos,cV pour les côfoler , leur
promitfairedu bien, en ligne dequoy il leur com-
manda qu'ils fiflènt vnc grande chauflec , qui tra-
uerfaftde Mexique à Suchimilco, qui font quatre
lieues, afin qu'il y eut plus de commerce excom-
munication entr'eux. Ce que rirent les Suchimil-
cos,& en peu de temps le gouuernementdes Me-
xiquains leur fcmbla lî bon , qu'ils s'eftimerent
heureux d'auoir chagé de Roy & de Republique,
& quelques circonuoifins pouffez d'enuie, ou de
crainte à la perdition, ne furent pas faiéts fages du
malheur de ces autres, comme ils deuoicnt.Cuit-
lauaca eftoit vnecité dans le lac, laquelle ( encor
DES INDES. LIV. VII. 32$
que le nom Se habitatiô foie changée) dure encor.
Ils eftoiét fort adroits à nauiger par le lac,& pour-
tant il leur fcmbla qu'ils pourroiet endommager
beaucoup lesMexiquains par eauc.Ce que le Roy
ayant entendu,il eult voulu y enuoyer incontinét
Ion armée pour combatre contr'eux: mais Tlaca-
elleceftimant peu cefte guerre, &reputantchofe
honteufe de mener vne armée contre ceux-là» il
s'offrit de les vaincre auec les enfâs feuls, & le mit
à efrecb.il l'en alla au tcple,& tira du conuent ceux
d'entre les enfans, qu'il trouua propres à cet affai-
re, aagez depuis dix ans iufques à dix- huict, les-
quels Içauoient guider Se mener des bateaux ou
canoës , Se leur enfeigna certaines rules. L'ordre
qu'ils tindrent à cefte guerre fut qu'il s'en alla en
Cuitlauacaauccfesenfas,où parfcsrufesil prefîa
fes ennemis en telle façon qu'il les fitfuyr , éco-
rne il les pourfuiuoit, lefeigneuc de Cuitlauaca
luy vintaudeuant, &fe rendit, luy, la cité, Se fon
>peuple:par cemoyêcellalapourfuite. Les enfans
rctournerët auec beaucoup de defpoiiilles Se plu-
fieurs captifs pour leurs facrifices,qui furet receuz
folemnellement auec vne grande proceffion, mu-
(ique Se parfums, & allèrent adorer leurs dieux en
prenant de la terre qu'ils mangeoient ,Se fe tirant
du fans du deuantdes iambes auec les lancettes
des preftres,& faifan s d'autres hiperftitions qu ils
auoient accouftumé de faire en telles folemnitez.
Les enfans furent fort honorez Se encouragez, &
le Roy les ambrafla & baifa, & fes parens Se alliez
les accompagnerét. Le bruit de cefte victoire cou-
rut par tout le pays,commeTlacaellecauoit fub-
iugue la cité de Cuitaluaca,auec des enfans,dot la
f iij
HISTOIRE NATVRELLE
nouuelle & confideratiô des chofespaffees ouuric
lesyeuxàceuxdeTezcuco , nation principale 3c
fort accorte, pour leur f.içon de viure. Tellement
que le Roy deTezcucofutie premier qui fut d'o-
pinion qu'ils fedeuoientaflujecrar au Roy de Me-
xique^ l'y cormier auec fa cùé. Parquoy de lad-
uis de fon confeil , ils enuoyeret des ambafladeurs
bons orateursauec des prefens honorables pour
l'offrir aux Mcxiquains comme fuje&s, Ieurde-
mandans paix Se amirie : cela fut accepté graticu-
fement,combien que par le confeil de Tiacaellec,
pour effectuer cela , il fît vne cérémonie que ceux
deTezcucofortiroiéten armes anec ceux de Me-
que,& qu'ils fe combatroient & rendroient incô-
tinét,quifut vn acte &: cérémonie de guerre, fans
qu'il y euft aucun fàng rtfpldu d'vne part ny d'au-
tre. Parquoy le Roy de Mexique demeura fouue-
rainfeigneurdeTezcuco,3r ne leurofta point leur
roy,maislefitde fon confeil priué,tellercct qu'ils
fefont tonfiours confejruez de cette façon mfques
au temps de Meteçuma fécond , durant le règne
duquclles Efpagnols y entrèrent. Ayans aifujecty
la terre & lacitedeTezcuco, Mexique demeura
d-imedetoutela terre & des villes qui font à l'en-
tour du lac où elle e(l fondée. Ifcoaltayantdonc
iouy decefte profpcrké, & régné douzeans, mou-
rut laiitant le Royaume que l'on luy auoit donné,
bien augmenté par la valeur & confeil de fon
nepuen Tlacaellec(comme a efte raconté) qui fut
d'aduis 6V trouua meilleur que l'on cfleut vn aune
Roy que luy, comme nous dirons cy après.
DES INDES. LIV. VII.
3*4
Du cinqmcfme Bjy de Mexique appelle Mote-
fuma premier de ce nom.
ch a p. xvr.
' A v t a m t que l'eflection du nouueau Roy
appartenoit aux quatre eflele&curs princi-
paux (comme il a cfté die) & aueceuxau Roy de
Tczcuco & au Roy de Tacuba , par fpecial priui-
lege,Xlacaelleca(rembla ces&x perfonnages,com-
meceluy quiauoitla fouueraincauthorité,auf-
quclsayans propofe l'affaire, fut efleu Moteçu-
nia premier de ce nom , nepueudu mefmeTla-
caellec. Son eflection fut fort agréable à tous, à
l'occafîon dequoy ils firent des feftes tres-folem-
nelles $c plus magnifiques que les précédentes.
Incontinent qu'ils l'eurent efleu , ils le menèrent
auec grande compagnie au temple , oudeuant le
foyer diuin qu'ils appelloient , ( où il y auoit touf-
iours du feu iour & nuict) le mirent en vne throf-
ne royal , le reueftans d'ornemens royaux. Et
eftantlà,le Royfe tira du fang des oreilles &c des
iarflbes, auec des ongles ou grififesde tigres, qui
eftqitle facrifice, auquel le diable feplaifoitd'e-
ftre honore. Les preftres, les ancien s & les capi~
taines luy firent leur harangue , lecongratulans
tous de fon eiledion. Ils auoieut accouftumé en
telles eileclions de faire de grands banquets Se
des danccs,où.ils confommoient beaucoup de lu-
minaires. Du temps de ce Roy fut introduite la
çouftume qu'ils auoient que le Roy deuoit aller
en perfonne faire la guerre à quelque prouin-
cc, d'où il amenaft des captifs pour fblemnifec
f iiij
HISTOIRE NATVUELLE
lafeftedefon couronnement,& pour les folénels
facrifices de ce iour là. Pour cefte caufe le Roy
Moteçumaalla en la prouince de Chalco, les ha-
bitans de laquelle s'eftoient déclarez Ces ennemis ,
où ayant combatuvaleureufemenc , il amena vn
grand nombre de captifs,defquels il offri t & célé-
bra vn notable facrificc le iour de Ton couronne-
ment, combien que pour lors ilnefubiuguapas
toutela prouince de Chalco,d'autant que c'eftoit
vne nation fort belliqueufe. Plufieurs venoient à
ce couronnement de diuerfes prouinces , tant
proches qu'efloignees pour voir cefte fcfte,en la -
quelle tous ceux qui y venoient eftoient abonda-
ment & magnifîquemet nourris & reueHus3prin-
cipalement les pauures , aufquels l'on donnoic
des habits neufs. Pour celle caufe l'on apportoit
ce iour là en la cité les tributs du Royauec vnbel
ordre Se appareil , qui confiftoit en deseftoffes
à faire des habits de toutes fortes, du Cacao, de
l'or , de l'argent , de riches plumaches , de grands
fardeaux de cotton,delacides concombres , de
plufieurs fortes de légumes , de plusieurs fortes
depoiflonsdemer , &deriuiere, d'vnequanti-
tede frui6h,& delà venaifon fans nombre, fans
faire compte d'vn nombreinfiny de prefents,que
les autres Rois &feigneursenuoioiet au nouueau
Roy. Tout ce tribut marchoitde rang félon les
ftrouinces , Se au deuant les maiftres d'hoftel , Se
esreceueurs auec diuerfes marques & enfeignes
d'vn fort bel ordre , tellement que c'eftoit yne
des plus belleschofes de la fefte, que de voir l'en-
trée des tributs. Le Roy eftant couronne , il
s'emplya à conquefter plufieurs prouinces , Se
DES INDES. L IV. VII. 325
d'autant qu'il eftoitf vaillant Se vertueux , il al-
la toufiours augmentant de plus en plus , & fe
leruoiten toutes fes affaires du confeil& del'in-
duftriedefon gênerai Tlacaellec, lequel il aima
Se eftima toufiours beaucoup, comme il en auoit
auflï bien occafion. La guerre où il ('occupa le
plus, & qui luy fut plus difficile fut celle de la
pronineede Chalco,en laquelle luy aduint de
grades chofes , dont il y en a vne entre autres fort
remaiquable,qui fut que les Chalchas ayas prins
en guerre vn freredeMotecuma,ils faduiferent
de le créer Se cflire pour leur Roy,parquoy ils luy
firent demander fort courtoifement fil vouloit
accepter cëfte charge. Il leur refpodit après qu'ils
l'en eurent fort4mportunc,& qu'ils y perfiftoient
toufiours , que Ci à bon efeient ils le vouloient
eflire pour Roy , qu'ils plantaient en la place vn
arbre ou pieu fort haut, auquel ils fiflent accom-
moder Se dreiTer comme vn petit théâtre au cou-
peau où l'on peuft monter. Les Chalchas pen-
fansque ce fuft quelque cérémonie pour fe faire
dauantage valoir, le mirent incontinent à effecl:,
Se luy afîemblant tous fes Mexiquains autour du
pieu, monta au coupeau, auec vn chapeau de
fleurs en fa main:& de là il parlaaux fiens en cefte
façon. 0 valeureux Mexiquains , ceux-cy me veulent
cflircpour leur T^oy , mais les Dieux ne veulent pas per-
mettre que pour cjlre B^pyie commette aucune trabifon
contre mon pays , au contraire , te veux que vous appre*
nie^ de moy, qu'il contient pluftqjt endurer la mort , que
d'aider à fes ennemis X)\fax\t cela, fe iettadu haut en
bas,febrifànt en mille pièces, duquel fpe&acle
les Chalchas eurent telle horreur &:deipit,qu'in.
HISTOIRE NATVRILLE
continent ils fe iettera fut les M cxiquains >qu'ils
mirent tous à mort à coups de lances.comme ho-
mes qu'ils eftimcrenttrop hautains , fuperbes&
inexorables,difans qu'ils auoientlcs cœurs endia-
blez. IladuintqueîanuicT: enfuiuancils ouyrent
deux chathuants qui cryoient de triftes cris: ce
qu'ils interprétèrent pour figue malheureux , 8c
pour vn prefage de leur prochaine deftruclion,
comme il aduint:carle Roy Moteçuma alla en
f)erfonnecontr'cuxauec toute Papuitfànccoù il
es vainquit, & ruina tout leur Royaume: 8c paf-
fanroucrc!aS;crre Mcnadc ,i{ailatoufiourscon-
queftantiufquesà la mer du Nort. Puis retour-
nant vers celles du Sud il gagna & aflujeclitplu-
fîeursprouinccs , tellement qu'ilfe fit tres-puif-
fant Roy , le tout auec l'aide & confeil de Tlaca-
ellec,quia prefque conquis tout l'Empire Mexi-
quain. Toutcsfoisilfut d'opinion (ce qui fut ac-
compfy) que l'on neconqueftaft point la prouin-
cedeTlafcalIa , afin que les Mexiquains euffent
vne frontière d'ennemis où ils exerçaffent &
tinfîent toufiours en allarmc la ieunelfe Mexi-
q'uairrér», & afin mefme qu'ils euffent quantité de
capeifs pour faire lesfacrificesàleurs idoles , ef-
quelscomme il a efté dit , ils confommoient vn
grand nombre d'hom mes qui deuoient eftre prins
en gucrrej&par force. L'honneur fe doit attribuer
à ce Moteçuma , ou pour mieux dire à ce Tlaca-
ellcc fon gênerai , du bel ordre & poliecqui eftoit
en ce Royaume Mexiquain3commeauffidescon-
ieiîs ôc belles entreprifes qui l'y font exécutées,
meimes du grand nombre des luges &magiftrats
qui y eftoienc autant bien ordonnez qu'en aucune
DES INDES. L IV. VII. $l6
Republique, voire qui fuft des plus florifïantes de
l'Europe. Ce mefme Royaugmentabeaucoupla
maifo n Royalle, ÔV: luy donna beaucoup d'autho-
rité, ordonnant plufieurs & diuers officiers , def-
Quelsilfe feruoit aucc vn grand appareil & céré-
monie. Il ne fut pas moins remarquable , tou-
chant la deuotion&: feruicedc Ces idoles, d'au-
tant qu'il accreut le nombre des miniftres, leur
inflituant de nouuelles cérémonies, aufquelles
il portoit vn grand refpedt II édifia ce grand tem-
ple dédié à leur dieu Vuzilipuztli,duquel il aefté
fait mention en l'autre Hure. Il facrifiaenlade-
dication de ce temple vn grand nombre d'hom-
mes qu'il auoitprins en diuerfes victoires. Fina-
lement iouylFant de fon Empire en grande pro-
fperité il tombamalade &c mourut , ayant régné
vingt hui&ans, bien autre que ne futfonfuc-
celïeurTicoçic, qui ne luy reflembla ny en va-
leur ny en bon- heur.
Comme Tlacaellec rcfufa d 'eîîrcT^oy, & detejle&ion
&gefles de Tkoçtc.
CHAP, XVII.
Es quatre députez faflfemblerent en con-
fèil auec les feigneurs de Tezcuco & de Ta-
cuba,où prefidoit Tlaellec,& procederët à Teflc-
ctio d'vn Roy,cn laquelle Tlacaellec fut efleu par
toutes les voix, côme méritât mieux cefte charge
que nul autre. Il la refufa pourtat , leur perfuadac
par raifonspertinentes,qu ils en dcuoiët eflirc vn
HISTOIRE NATVRELI. E
autre, pource qu'il difoit qu'il eftoit meilleur &
plus expédient qu'vn autre luft Roy , & queluy
fuit Ton exécuteur & coadmteur, comme il auoic
cfté infques nlors,quc non par, de le charger de
tout,puifquc fans eftre Roy , il ne le tenoit pas
moins obligé de trauailler pour fa République,
quel'iU'edoit.C'eft vnechofe fort rare de refufer
la principauté & le commandement, 6V de vou-
loir bien porter la peine & le foucy, fans en auoir
l'honneur & la puillànce. Et y en a bien peu qui
veulent quitter à vn autrela puilFance & l'autho-
rité qu'ils peuuent fculemet retenir en leur main,
encorque ce fuft. choie profitable à la Republi-
que. Ce barbare furpalîa en cela les plus figes
d'entreles Grecs cxles Romains, &eftvne leçon
qu'on peutfaireà Alexandre «Se à Iules Cefar,dcf
quels l'vn eftimoit peu de chofe de commander
à tout vu monde, & fit cruellement perdre lavie
à Tes plus chers & plus fidèles feruiteurs , pour
quelques légers foupçons, qu'ils vouloient ré-
gner: & l'autre fe déclara ennemy de fa patrie,
difant,que Pil eftoit permis à l'homme de faire
quelque choie contre le droit &: la railon , cede-
uoit eftre pour regnentclle eft. la foif&le defir
queles hommes ont décommander. Bien que
ceft acte de Tlacacllec pouuoit aufîi procéder
d'vne trop grande confiance de foy,luy Temblanc
cjuefans eftre Roy il l'eftoit allez, veu qu'il com-
mandoit preique aux Rois, & eux luv permet-
toient porter certaines enfeignes , côme vn tiare,
qu'il leur appartenoit de porter feulement. N eat-
moinsect ade mérite beaucoup de louange, 5c
d'cftrebienccnfidcic en ce qu'il auoit opinion
DES INDES. LIV. VII. 3 17
de pouuoir dauantagc aider à fa Republique,
eftant fubiect qu'eftant fouuerain Seigneur. Ec
tout ainfi qu'en vne comédie , celuy là mérite
plus de gloire, qui reprefente le perfonnagc qui
importe le plus , encor qu'il foit d'vn pafteur ou
d'vn payfan ,& laillè celuy du Roy & du Capi-
taine à celuy qui le Içait faire. Ainfi en bonne
Philofophie, les hommes doiuent auoir efgard
fur tout au bien public, & Rappliquer en l'office
& eftat qu'ils entendent le mieux. Mais cède
philofophie eft la plus cfloignee de ce qui fe pra-
tique auiourd'huy. Cependant venons à noftrc
diicours,& dilons qu'en recompenfe de fa mo-
deftie,& pour le refpect que ltiy portoient les
efiedeurs Mexiquains, ils demandèrent à Tla-
caellec, que puis qu'il ne vouloir tegner,qu'il difl:
celuy qui luy fembIoitpropre,& il donna fa voix
àvn fils du Roy defund, qui pour lors eftoit en-
cor fort ieuue,appellé Ticoçic , furquoy ils répli-
quèrent que Tes elpaules eftoienc bien foibles
pour vn fi grand fardeau. Tlacaellec refpondic
que les Tiennes cftoient- là pour luy aider à porter
la charge, comme il auoit faitauxdefunds. Au
moyen dequoy ils prindrent leur refolution , &
fut efieu Ticoçic, auquel furent faites toutes les
cérémonies accouttumees. Ils luy percèrent la
narine , & pour ornement ils y mirent vne efme-
raude,quieft lacaufepourquoyauxliures Mexi-
quains ce R oy eft dénoté par la narine percée. Il
fut fort différent de fon père & predeccfleur,ayât
efté remarqué pour homme couard & peu belli-
queux.Il allafairc la guerre pour fon Couronne-
ment en vne prouince qui reàoit rebellée, où il
HISTOIRE NATVRELLE
perdit beaucoup plus des liens, qu'il ne printde
captifs. Neantmoins il retourna , difant qu'il a-
menoitle nombre des captifs qu'il eftoit requis
pour les Sacrifices de leur couronnement, & ainfi
ilfuccouronnéauec vne grande folemnité. N4ais
les Mexiquains,mal contais d'auoirvn Roy fi
peu guerrier, traittereat de luy auancer la mort
parpoifon. Pour celle occafionil ne dura point
au Royaume plus de quatre ans, d'où l'on voie
bien que lesenfans ne fuiuent pas toufiours le
iang&la valeur de leurs peres, ôc que tant plus
grande a efté la gloire despredecefleurs, plus abo-
minable eft la lafeheté Se putîilanimite de ceux
qui leur fuccedent au commandement , & non
pas au mérite. Mais celle perte fut bien reftauree,
parvn frère du defunct,qui eftoit aufli fils du grad
Moteçuma , appelle Axayaca , & lequel fut efleu
par l'opinion de Tlacaellec,où il rencotra mieux
qu'auprecedent.
De la mort de Tlacacllccy & des acles d'^Axayaca,
7. }\oy des Mextqudtns.
c H a p. xviii.
N ce temps Tlacaellec eftoit defiafort vieil,
^|§&:àcaufedeiavieilleiie,roa leportoit en
vne chaire, fur les efpauIes,pour fc trouuer au
confeil& aux affaires qui fe prefentoient. En fin
il tomba malade,où le nouueau Roy,qui n'eftoit
pas encor couronné, le vifitoit fouuent,& ref-
pandoit beaucoup de larmes , d'autant qu'il luy
fembloit qu'il perdoit en luy fon pere, & le perc
de la patrie. Tlacaellec luy recommanda affe-
DES INDES. L1V. VII. 328
ctueufementfes cnfans, principalement l'aifnc*
qui feftoit môftré valeureux aux guerres paifeeSj
le Roy luy promit de l'auoir pour recommandé,
& pour confoler dauantage le vieillard, il luy
donna en fa prefencela charge & les enfeignes de
ion Capitaine gênerai, auec toutes les préémi-
nences de Ton pere,dequoy le vieillard demeura
tellement content, que fur ce contentement il
achcua fes iours. Que fils ne fuiïcnt patfez de
ceftevie en l'autre, ils eu fient peu fc tenir bien-
heurcux,attendu que d'vne fi petite , & Ci pau*
ute Citc,en laquelle il nafquit.il fît & eftablitpar
ia valeur & magnanimité vn fi grand, fî riche,
&fîpuifPant Royaume. Les Mexiquains luy fi-
rent des obfequcs, comme au fondateur de cet
Empire, plus iomptueufcs,&plus magnifiques
qu'ils n'auoient fait à aucun des Roys predecef-
feurs,& incontinent après Axayaca, pour ap-
paifer le dueil , que tout le peuple Mexiquain
portoit de la mort de fon capitaine, délibéra de
faire le voyage, comme il eftoitde befoinpour
fon couronnement- C'eft pourquoy il mena
fon armée auec grande diligence en la prouince
de Tcquantepec disante de Mexique de deux
cents lieues, (Se là il donna la bataille àvn puiC-
fànc exercice & nombre infiny d'hommes, qui
f'eftoient aiTemblez, tant de cette prouince com-
me des circonuoifines, pour foppofer aux Mexi-
quains. Le premier de fon camp qui s'aduança,
pour fe méfier au côbat, fut le mefme Roy deffiat
fes ennemis , defquels il faignit fuyr , lors qu'ils le
chargcrentjiufques à les attirer en vne embufche,
oùilyauoit plufieurs foldats cachez fouzde la
— — —
HISTOIRE NATVRELLE
paille, lefquels forcirent à l'impourueu ,& ceux
quialloient fuyants tournèrent tefte, tellement
qu'ils arrefterë1: au milieu d'eux ceux de Tequan-
tepec, & les chargèrent fort viuement, en faifant
d'eux vnecruelleboucherie.Etpourfuyuans leur
victoire, ils raferent leur Cité & leur Temple,
chaltierent rigourcufement tous les circonuoi-
fins,puis ils tirèrent outre, & fans f'arrefter aucu-
nement, allèrent conqueftansiufques à Guatul-
co,qui eft vnportauiourd'huy fortcogncuen la
mer du Sud. Axayaca retourna de ce voyage à
Mexique auec de grandes defpoiiilles& richef-
ies,où il fut honorablement couronné aueede
fo m peu eux '& magnifiques appareils de iacrift-
ces , de tributs, & autres chofes,où plufieurs vin-
drent voir ion courônement.Les Roys de Mexi-
que recêuoient la couronne de la main des Roys
de Tezcuco,qui auoientccftepreeminence.il fit
beaucoup d'autres entreprinfes, où il obtint de
grandes victoires,eftanttoufionrs le premier,qui
conduifoit ion armée, &rauaiiloit les ennemis,
d'où il acquit le nom de très- valeureux Capitai-
ne:& non conrent de fnbiuguet les eftrangérs ,ii
reprima & mit le frein aux fiens, qui f'eftoient
rebéllez,ce que iamais aucun de fes predecclFcurs
n'auoitpeu,ny ofé faire. Nousauons défia dite/
deuant comme quelques feditieux f'eftoient fe-
parez de la Republique Mextquaine, qui fondè-
rent vue Cité proche de Mexique, laquelle ils
appelèrent Tlatelulco,& fut à l'endroit où eft
auiourd'huy S. lacques. Ceux-là Peftans reuoltez
tindrent vn party àpart,& faccreurcntcx: multi-
plièrent beaucoup , ne voulans iamais recognoi-
ftreles
lA-^S^-'—'
DES INDES. LTV. VII. 327
ftreles Seigneurs de Mexique, ny leurprefter o-
beytïance. Le Roy Axayaca les enuoyadonc re-
quérir qu'ils ne fulîènt diuifez , mais que puis
qu'ils eftoiétd'vn melme fang&vn peuple,qu'ils
feioignifîcnt& rccogneuirent le Roy de Mexi-
que. Surquoy le Seigneut de Tlateluico fie vnc
refponce pleine de grand meipris 8c orgueil , dé-
fiant le Roy de Mexique à combattre en duel, 8c
incontinent aflTcmbla les hommes,commandanr
à vne partie d'iceux qu'ils allaflent fe cacher dans
les herbiers du lac, afin d'efUe mieux couuerts.
Où pour fe moquer d'auantage des Mexiquains,
il leur cômanda prendre des figures de corbeaux,
d'oyes , 8c d'autres animaux , corne des grenouil-
les, & autres femblables, penfans parce moyen
furprendie les Mexiquains , lors qu'ils parTeroiët
parles chemins &chaulïees du lac. Ayant enten-
du le défi & la 1 uze de Ion contraire , il partit fon
armée, donnant vne partie à fon gênerai fils de
Tlacaellec,& luy commanda de rompre & de
charger furcefte embuicade du lac, luy d'autre
cofté , auec le refte de (es gens par vn chem in qui
n'eftoit point hanté , s'alla camper deuant Tlate-
luico.Incontinent il fitappellerceluy quilaiioit
défié , afin qu'il accomplie fa parole , 8c comme
les deux Seigneurs de Mexique 8c de Tlateluico,
faduanecrent , ils commandèrent chacun aux
fiens, qu'ils ne fe remuaient iufques après auoir
veu lequel des deux feroit le vainqueur, ce qui
fut fait, & tout auflï-toft ces deux Seigneurs vin-
drentl'vn contre l'autre valeureufement, où ayas
longuement combattu, en fin celuy de Tlatelui-
co fut contraint tourner les elpaules, d'autant
c
HISTOIRE NATVRELLE
que celuy de Mexique le chargeoit plus furicufe-
ment qu'il ne pouuoitfupporter. Ceux de Tla-
telulco voyans fuir leur Capitaine,perdircc cou-
rage, & tournèrent auiïi le dos : mais les Mexi-
quainslesluyuantsdeprésleschargerentfurieu-
iement. Neantmoins le Seigneur de Tlatelulco
n'efchappa pas des mains d'Axayaca. Car le pen-
fântfauuer, il fe retira au haut du temple où A-
xayacalefuiuitdeprés, qui l'attaignit&lefaifit
d'vne grande force, puis lejettadu hautdu Tem-
ple en bas, & fît mettre le feu puis après au tem-
ple, & à la cité- Cependant quecelafepaiTbità
Tlatelulco, le gênerai Mexiquain eïtoit fortef
chauifé à la vengeance de ceux quil'auoientpre-
tendu défaire par ruze , & par tromperie,& après
les auoir forcez par armes de fe rendre , & de luy
demander mifericorde, le gênerai leur dift qu'il
neleurpardonneroitpoint , que premièrement
ils n'eulïènt fait les offices des figures qu'ils re-
prefentoient, parquoy il vouloit qu'ils criaflent
comme les grenouilles,& les corbeaux,&chacun
félon les figures qu'ils auoient p ri nfes, d'autant
qu'ils n'auroient point de compofition qu'en ce
faifant. Ce qu'il fift pour les affronter & moquer
de leur ruze. La crainte & neceffité enfeigne tou-
tes chofes, tellement qu'ils chantèrent &crierent
auec toutes les différences de voix que l'on leur
commanda,pour auoir leurs vies lauues , comblé
qu'ils fulTent fort defpitez du palTetemps que
leurs ennemis prenoiet d'eux. Iisdifent queiuf-
ques auiourd'huy durent encor les brocards des
Mexiquains enuers les Tlateluicos, qui le portée
impatiemment , lors que l'on leur ramentoit ces
DES INDES. LIV. VII. 328
chants & cris d'animaux. Le Roy Axayaca prie
plaifiràcefterifee, 5c incontinent après Fen re-
tournèrent en Mexique en grande refiouiiTance.
CeRoy fut eftimé pour vn des meilleurs qui avec
commandé en Mexique. Il régna vnze ans, & ïuy
fu cceda vn qui fut beaucoup moindre que luy en
valeur & vertus.
Dcsfxicis e-r actes d'^ut7xoly 8. l{oy deMexique.
chAP. xix.
SRgJ Ntreles quatre eile&eurs de Mexique, qui
B3$ comme il a efté dit, auoient le droicl: d'eflirc
au royaume celny qu'ilsvouloient,ily enauoit
vndoiié de plulieurs perfections, nommé Aut-,
zol. Ceftuy fut efleu des autres, & fut cefte cfle-
dion fort aggreable à tout le peuple, car outre ce
qu'il eftoit fort vaillant, tous l'eftimoient cour-
tois &officieux enuers vn chacun, qui eft vnc
des principales conditions requifes à ceux qui
gouuernent,pourfe faire aimer Ôc obéir. Or pour
célébrer la fefte de Ton couronnement , il faduifa
de faire le voyage , & aller chaftier l'outrecuidan-
ce de ceux de Quaxulatlan, prouince fort riche
ôc abondante, qui eft auiourd'huy la principale
-delaneufuetlpagnc. Ceux-là auoient voile les
officiers &c maiftres d'hollel qui apportoient le
tribut à Mexique,& auec cela i'eftoient rebellez.
Il eut de grandes difficultez à réduire cefte na-
tion, pource qu'ils feftoient mis en vn lieu où.
vn grand bias demerempefehoit lepaflageaux
Mexiquains. Pour lequel trauerfer Autzol fie
auec vn cftrangc trauail & induftric fonder en
reauë,comme vne îflette de fafeines , de terre , ôc
HISTOIRE NATVRELI, E
autres matériaux , par le moyen duquel ceuure il
peutluy&fes gens palier vers Tes ennemis,&: leur
donner bataille , où illes vainquit, <k chaftia à fa
volonté, puis l'en retourna à Mexique en triom-
phe, ik auec grandes richefles , pour eftrc cou-
ronne Roy , ielon leur couuume. Autzoi eften-
dit fon Royaume , par plufieurs conqueltes qu'il
fit,iufquesà paruenir à Guatimalla , qui eft à
trois cens lieu'ès de Mexique. Il ne fui pas moins
libéral que vaillant: car lorsque les tribiusarri-
uoient, (lefquels comme il a elle dit , venoient
auec vn grand appareil & abondance) ilfortoit
de fon palais, & faifoit atïembler en quelque lieu
toutlepeuple,puiscommandoitqueron appor-
tait là tous les tributs, lefquels il departoit à ceux
qui auoientneceflîté. Ildonnoit aux pauures des
eftofres à faire des habits , des viandes,& 4re tout
cequ'ilsauoientdebefoingen grande quantité,
& les chofesdeprix, comme l'or, l'argent, les
ioyaux,& les plumacheseftoient départis entre
les Capitaincs,foldats& feruiteursdelamaifon,
félon le mérite d'vn chacun. Cet Autzoi fut mel-
me grand politic,& fit abbattre les édifices mal
ordonnez , ôc en reedifier de nouueau d'autres
fortfomptueux.Illuy femblaquelacité de Me-
xique auoit trop peu d'eauë , & que le laceftoit
fort bourbeux, parquoyil fe délibéra d'y faire
venir vn gros cours d'eauë , dont fe feruoiet ceux
de Guyoacan. A cède fin il fît venir vers luy le
principaidecefte cité, qui eftoit vn fameux for-
cier, & luy ayant propoféfon intention, lefor-
cierluydilt qu'il regardait bien ce qu'il faifoit,
pource que cefte affaire eftoit de grande difficulté
DES INDES.. LIV. VII. 3*9
& qu'il entendift, que fil droit ce ruffèaudcfon
cours ordinaire, &lcfaifoitalleren Mexique, il
noyeroitlacité. Il fembla au Roy que ces excu-
fcs n'eftoient que pour euiterl'efFecl de Ton deC-
fcin , parquoy en eftantirritè le renuoya,& quel-
ques tours après enuoya à Cuyoacan vn preuoft
pour prendre le forcier , lequel ayant entendu
pour quelle occafîon venoient les miniftres du
Roy , les fit entrer en fa maifon , puis Te transfor-
ma & fe prefenta à eux en forme d'vn aigle terri-
ble, dequoy le preuoft & Ces gens efpouuentez,
C'en retournèrent fans le prendre. Autzcl irrite
enrenuoyad'aurres,aulquels il feprefentaen fi-
gure d'vn tigre trcs-furieiix , & ne luy oferent no
plus toucher. Les troifie(mesyfurenr,& letrou-
uerent en forme d'vn ferpent horrible , dont ils
eurent grande frayeur. LeRoyeimeud'auantage
de ces façôs de faire, enuoya dire à ceux de Cuyo-
acan , que fils ne luy amendent le lorcier lié, il
feroitrafer leur cité: pour craincte dequoy, ou
foit que luy de fa volonté, ou foit qu'il y euft efté
forcé des fiens, en fin fêlai (la emmener au Roy,
qui le fit incontinent eftrangler, puis après il ac-
complit fon dellein ,faifant cauervn canal , par
où cette eauë peut couler à Mcxique,par le moyé
duquel il fit venir vn gros cours d'eauë au lac, le-
quel ils conduirent auec de grandes cérémonies
& fuperftitions,oùily auoitdes preftres qui al -
loientencenfanslelongduriuage, les autres fa-
crifians des cailles du fangdefquelles ils oignoiet
les bords du canal , & les autres fonnans des cor-
nets accompagnoient l'eauë de leur mufique.
Vndcs principaux alloit veftu d'vn habit delà
t iij
HISTOIRE NATVRELLE
façon qu'ils attribuoient à ladeeiîede l'eaue, &
tous la faluoicntjluy difant qu'elle fu û la bien ve-
nue. Toutes lefquelles chofes font peintes & figu-
rées es annales de Mexique, le liure defquelles cfl:
auiourd'huy à Rome,quia eflémis enlafacreeBi*
bliotheque , ou librairie Vaticane 5 où vn pcre de
noftre côpagnie qui eltott venu deMexique le vid,
& les autres hiftoires lefquelles il expliquoit , &
faifoit entendre au Bibliothécaire de fa Saincteté,
qui fe plaifoit infiniment d'entendre ce liure, le-
quel il n'auoit iamais peu comprendre-Finalemét
l'eaue fut amenée en Mexique , mais elle yfourdit
en telle abondance, que peu f'en falluft qu'elle ne
noyaft la cité comme l'autreauoit prédit^ en ef-
fectelle ruina vne grande partie d'icelle, àquoy
incontinent ils remedierent,parrinduftried' Au t-
20I. D'autant qu'il fit faire vn canal &,iiruë, pour
en faire couler les eaux,au moyen dequoy il repa-
ra les baftimens qui eftoient tombez d'vn o mira-
ge exquis, eftans au parauant de mefchâs édifices.
Par ainfi il laiifa fa cité enuironnee d'eau*é,comme
vne autre Vcnifc , & fort bien baftie. Son reçue
dura onze ans , qui s'acheua au dernier Se plus
^randfucceilcurdetousles Mexiquains.
De l'cflecïion dit grand Moteçuma dernier l{oy
de Mexique.
c H A P. xx.
KMfè V temps que les Efpagnols entrèrent en la
?£&î neufue Elpagne,quifut en l'an du Seigneur
mil cinq cens dixhuict, Moteçuma fécond de ce
nom, & dernier Roy des Mexiquains, iedyder-
uicr,cariaçoit que ceux deMjxiqueripres fa mort
*cr*_WBw* y
DES INDES. L IV. VII. tfO
en efleurencvn autre, voire du viuantmefme de
Moteçuma,quils declarerct ennemy de la patrie,
comme 1 o verra cy après. Mais celuy quiluy fuc-
ceda,&celuyqui vint captif entre les mains du
Marquis de Vallé,n'eurent que le nom & tiltre de
rois, d'autant que le Royaume eftoit japrefquc
tout rendu aux Efpagnols. Tellement qu'auecrai-
fon nous cotons Moteçuma,pour le dernierRoy,
& comme tel il vint au période de lapuiffance&:
gradcur desMexiquains,ce qui eft admirable pour
eftrearriuë entrebarbares. Aceftecaufe,&que cel-
le là eftoit la faifon, que Dieu auoit choifie , pour
enuoyer la cognoiifance de Ton Euagile , & règne
de Iefus-Chrift, en cefte contrée ie racoteray plus
diftin&ement les actes de Moteçuma,que des au-
tres. Auparauant qu'il fuft Roy,il eftoit de Ton na-
turel fort graue , & fort pole,& parloit peu , telle-
ment que quand il opinoit au priuéconfeil, où il
afïiftoit, fes propos &difcours faifoient admirer
vn chacun, fi bien que deflors il eftoit craint, &
refpecté. Il feretiroitordinairementenvne cha-
pelle , qui luy eftoit deftinee au Temple de Vitzi-
lipuztli,où ils difoiént que leuridole parloit a*
uecluy,&àcefteoccafioneftoiteftimé fort reli-
gieux & deuot. Pour fes perfections donc , &
pour eftre tres-noble,& de grand courage, fon ef-
ledtion fut briefue & facile,comme d'vne perfon-
ne fur laquelle tous auoient les yeux fichez, pour
eftre digne d'vne telle charge. Ayant entendu fon
efle&ion, il fe'cachaau temple en cefte chapelle,
fuft. qu'il le fift par difcours , 8c qu'il apprehen-
daft vne charge fi ardue & difficile , comme eftoit
de régir vn tel peuple: ou fuft, comme ie croy,
t iiij
mm&tf^&m
$m$m£Wmfc
HISTOIRE NATVREI.LE
par hypoctifie , $i pour monftrcr qu'il ne defiroic
en rien l'Empire. En fin ils le trouuerent là, &le
prindrent &meneren ta fonconfiftoire, l'accom-
pagnant au se toute la refiouifTince qui leur fut
poïfible. Il msrchoit auecvne telle graukc,qn'ils
difoienç tous que le nom de Moteçuma luy
conuenoit fort bien, qui vautautant àdireque
îeigneui- courroucé. Les Eflecteurs luy firent
vne grande reuerence ,luy failans entendre qu'il
auoit, eÛé efleu. De là il fut mené deuant le
fouyerdes Dieux, pour encenier, où il leur offrit
facrifices en fe tirant du lang des oreilles , &
des mollets des jambes, félon ïcurcouftume.
Ils le reueftirent de les ornements Royaux, &
luyayans percé les narines par le cartilage, ils
y pendirent vnc clmeraude très riche, couftu-
me certes barbare eV fakheufe , maisledefir de
commander empefche de fentir telles chofes.
Apres qu'il fut alîis en fon throfne, il ouytles
oraifonsS<: harangues que l'on luy fit , lefquelies
aufïî, félon qu'ils auoient accouftumé , eftoient
élégantes, èVartificieufes. Lapremiere fut pro-
noncée parle Roy de Tefcuco , laquelle ayant
elle conicruee pour la fraifche mémoire, & eftanr
bien digne d'eftre ouy e:ie la réfère ray icy de mot
à mot, & dit ainfi : La concordance & vnité des voix
fur ton cflccium^ donne a/Jc^ à entendre (très- noble ddo-
Icfccnt) le grand heur que tout le ]\oyaume en doit rece-
noii\tant pour auoir meritê,& eflédr^ne que tu luy com-
manda ffc s que pour U rcfiouyfjance fi générale que tous
dtmonflrctyk caufe d"; celle. Enquoy a Li verit è ils ont bit
delà raifonuar défia l'Empire de Tvlcyiquefc va telinnet
dilatant, »uc peur gouucrner yn mor.de^cmnu il ifi ? gH
DES INDES. LIV. VII. $11
porter vnc cbargefi pefaute , il ri 'efl pas de befoingdvne
moindre dexteru c ',& magxdnimitésqued( celle oui refi-
dc en ton ferme & -Valeureux cœur,ny d'un entendement
moins repofé & dé moindre prudence que de la tienne. le
royey recr,<rpoy cUirement , que le Dieutout-puifjànt
aime cefle ciré, puis qu'il luy a donné la clart é , de choifir
ce qui luy eftott convenable .Car qui eft celuy qui ne croira
qu'vn Prince , qui atteint que de régner , auott pénètre les
neuf -voûtes du Ciel, nedoiue aufibien obtenir au-
iourd'buy les chofes qui font terriennes, pourfecourirfon
peuple,en soldant a, cejle fin defon entendement fi bon &
fi fubtil , yen qu ily eji obligé , par le deuoir & la ebarge
de î{py}Qui ne croira aufi} que le grand tour avenue tu as
tviifiours -valeureusement monjlré en affaires d'impor-
tance , ne te manquera point amour d'buy es ebofes oit tu
en as tant de befoinp. Oui pensera qu'en yne telle -valeur
puiffe defallir l'aide & lefecours à la yeufue,& à torpbe-
phelin} Oui nefepcrfaadera que l'Empire Irlcxiquain ne
fait paruenuaufommet de fonautboritê 3 puis que le Sei-
gneur des ebofes créées, t'a departy y ne telle & fi grande
grâce , que par tonfetd regard , tu fais efmerueiller ceux
qui te contemplent : V^efiouy toy donc , o terre beureufe , À
q m le créateur a donne yn Vrince , qui te fera yne colom-
ne ferme , fur laquelle tu feras appuyée, qui fer a ton père,
cjr ta deffence, duquel tu feras fecourue au befoing , qui
fera plus que frère enuers lesfiens, par pieté & fa clémen-
ce. Tu as yn Rj>y , qui à caufe defon cflat nefe donnera
point aux délices , & qui ne demeurera point ejlendu en
yn Uci occupé en yices,& en paffetemps-.au contraire , au
milieu defon plus doux & plus profond fomme ,fon cœur
treffaillira , & fe refuetllcra, pour le foucy qu'il doit
auoir de toy , & ne fentira point legoufl du plus fauou-
rcux mets defon difncr,ayant l'efpmfufpendu en l'ima-
HISTOIRE NATVRELLE
gination de ton bien. Dy moy donc Royaume bien heu-
reux Jiie rî typas raifon de dire que tu te refiottiJfes3cy
te recrée à prefen t,dauoir trouué vn tel F^ay : Et toy gé-
néreux adolefcen ty & trcf-puifjant feigneur nojire , 4yes
confiance & bon courage^que puifque le feigneur des cho-
fes créées t'a donne' ccjie chargeai te donera aufit laprou-
ejfeja magnanimité requife pour l 'exercer , & peux bien
efperer ,quc celuy qui an temps pafse a y fé de fi grandes
libéralité^ enuerstoy, ne te déniera point fes plus grands
donsjuis qu'il t'a mis en y ne charge fi grande, de laquel-
le puifse tu ioùir plufieurs annces.Le Roy Moteçuma
fut fort ententif à ce difeours , lequel eftant ache-
ué,ils difent qu'il fe troubla d'vne telle forte , que
voulant par trois fois refpondre il ne peut parîei,
eftant vaincu des larmes que laife & le contente-
ment a bien fouuent accouftumé de caufer,en de-
monftration de grande humilitè.En fin,eftantre-
uenu à foy,ildift brefuement: leferois trop aueuglè,
bon T^oy de I 'e\cttcofi te ne cognoifsoisi& entendois,quc
les chofes que vous m'aue\ditt es , font vnc pure faueur
' qu'il vousplaifl meprefler ipuis qu'entre tant d'hommes
fi nobles , & fi généreux , qWily a en ce Royaume , y oui
4uc?x efleu le moins fuffifant , qui cfi moy yzîr àla veritL
ic me fen s tellement incapable d'y ne charge de fi grande
importance , queienc fçay que faire, autre chofe que de
fupplier le Créateur des chofes créées ,qtf il me fauorifc,&
demande à tous qu'ils le fupplient pour moy. Ces paro-
les dites il recommença derechef à pleurer.
ES INDES. LIV. Vil. 332.
Continent "hlotccuma ordonna le feruicede funaiforiy
& de la guerre qu'il fit pour [on
couronnement.
CH A P. XXI.
| E l v y là qui en Ton efle&io fit vne telle de-
monftration d'humilitc,&douceur,fe voyât
Roy commeça incontinent à d efcouurir fes hau -
tespenfees. La première fut qu'il commada qu'il
n'y euft aucun Plebeian qui feruiftenfa maifon,
ny euft office Royale, ainfî que fes predecefleurs
en auoient vfé iufques alors, lefquels il blafma de
s'eftre feruis de gens de balîe condition , & vou-
lut que tous les (eigneursr&plusilluftresperfon-
nages de Ton Royaume , demeuraflent en fon pa-
lais,©^ exerça(let les offices de fa cour & de fa mai-
ion. A quoy f'oppofavn vieillard de grade autho-
ritc,qui auoit efté fon précepteur, luy difant qu'il
regardait bien à ce qu'il faifoit, & qu'il femettoit
en danger d'vn grand inconuenient', d'autant que
c eftoit feparer de foy & efloigner tout le vulgaire,
& gent populaire,tellement qu'ils ne l'ofèroiét rc-
garder en la face,(e voyas ainfi reietez deluy.il ré-
pliqua que c'eftoit ce qu'il entendoit raire,& qu'il
n e permettroit pas que les Plebeiés allaflcnt ainfi
mêliez parmy les nobles,come ils auoientjàit iuf-
ques alors, difât que le feruieequ'ils faifoict eftoit
félon leur condition, qui caufoitque les Rois ne
gagnoiét aucune reputation,& ainfi demeura fer-
me en fa refolution. Auflî toft il fit commander à
ceux de fon confeil,qu'iIs oftaflTent tous les Plébé-
iens des offices & charges, qu'ils exerçoient , tant
HISTOIRE NATVRELLE
en fa maifon qu'en fa cour, &: qu'ils en pourtieuf-
fenc des Cheualiers , ce qui fat fait. Apres il illa en
perfonne à l'entreprile neccffaire pourfon cou-
ronnement. En ce temps Peftoit reuolté contre la
couronne vnepuouince fortefloignee,vcrslamer
Occanedu Nort , où il mena aucc luy la fleur de
feshommes,fortleftes& bien accommodez. Il y
ht la guerre,auec vne telle valeur &c dexterité5qu'e
fin il fubiugatoutelaprouince , & chaftiarigou-
reuiement les rebelles , retonrnant auec vn grand
nombre de captifs pour les facrifices,& beaucoup
d'autres defpoiiillcs. Toutes les citezluy firentde
folenellcs réceptions à fon retour, & les feigneurs
d'icelles luy donnèrent l'eaue à lauer, luyfaifans
offices de feruiceurs , chofe nonencorvfiteepar
aucun de fes predccclTeurs. Telle eftoit la crain-
te cV le refpecl: qu'ils luy portaient. L'on fit en
Mexique les feftes de (on couronnement auec vn
tel appareil de dances, comédies, entremecs, lu-
minaires, & inuentions par plufieurs & diuers
jours : Etyarriuavnefigrande richelïe de tributs
apportes de tous fes Royaumes, qu'il y vint dzs
eltrangersincogneusà Mexique, &leursennemis
mefmey vindrenten grand nombre,en habit dif-
fimulé,pourvoir ces feftes, comme ceux de Tlaf-
ca)la,<!k ceuv de Mcchouacan. Ce qu'ayant efte
defcouuertpar Moteçuma , il commanda qu*on
leslogeaft & traictaft benignement, &honora-
blemenç , comme fà propre perfonne. Il leur fit
mefinc faire de belles galleries pareilles aux fien-
nes, defquelles ils peutfent voir & contempler les
feftes. Par ainfi ils encroientde nuid en ces feftes».
comme le Roy,faifans leur ieux Se mafearadss. Ec
t-f&ïSS.
DES INDES. L IV. VII. 333
pourcequci'ay fait mention de ces prouinces, il
ne fera mal à propos d'entendre , que iamais ceux
de Mechouacan, de Tlalcalla, & de Tapeaca,ne le
voulurent rendre aux Mexiquains , maisau con-
traire combatirent toujours valeureufement cô-
ct'eux, voire quelquesfois les Mcchouacans vain-
quirent ceux de Mexique , comme firétauffi ceux
de Tapeaca. Auqucllicule Marquis DomFcr-
nand Cottes,apres queluy &les Elpagnols curée
eftechalFezde Mexique, prétendit fonder la pre-
mière cite d'Efpagnols, qu'il appella fi bien m'en
iouuient, Segura de la Frontière , mais cefte peu-
plade dura peu de temps, parce que ayant depuis
reconquefté Mexique, tous les Efpagnolsy aile "
rent habiter. En tin ceux de Tapeaca,de Tlafcalla,
& de Mechouacan ont toufioursefté ennemis des
Mexqiuains , encor que Meteçuma dift à Cortes,
qu'il ne les auoit pas l'ubiuguez tout à propos,afin
dauoir en eux vn exercice de guerre , Se nombre
de captifs.
Des mœurs ejr grandeur de Ddotecuma.
CH A P. XXII.
£| E Roy s'adonna à fe faire refpe&er , voire
Sa quafi adorer commeDieu.Nul Plebeinnele
poutioit regarder en face,que»s'il le faifoir,il eftoic
puny de mort. Une mettoit iamais fes pieds en
terre, maiseftoittoufiours porté fur les elpaulle*
de quelques feigneurs,& s'il défi édoit,ils luy mec-
toientde riches tapis, fur lefquels ilmarchoit.
Quand il faifoit quelque voyage , luy & lesfei-
gneurs de fa compagnie ailoienc comme dansvn
WMMMl^^M
B
HISTOIRE NATVRELLE
parc ou circuit qui eitoit fait tout àpropos , & le
refte du peuple alloit hors du parc , ï'enuironnant
d'vn coftè & d'autre. Iamais il ne veftoit vn habit
deux fois, ny mangeoit, nybeuuoiten vn vafeou
plat plus d'vnefois,touty deuoiteltre touliours
neuf, &donnoità fesferuiteurscequiluyauoit
fetuy vnefois, de façon qu'ils eftoient ordinaire-
ment riches & magnifiques.il eftoitextrememer
diligent à faire obferuer lesloix,& quâd il retour-
noit victorieux de quelque guerre,ilfaignoit au-
cunesfois de l'aller esbatre , puis fe deguifoit pour
voir fi les fiens, penfans qu'il ne fuft prefent , laif-
foient& obmettoicntà faire quelque chofe de la
iefte ou réception : que fil y auoit quelque excez
ou quelque défaut, il enfailoitlapunition rigou-
rcuument.ttafin decognoiitre mefme commet
o
fesminiftres faifoient leurs offices, il fe defguiloit
bienfouuent,&enuoyoit offrir des dons& pre-
fens aux luges, les prouoquat à faire quelque cho-
fe de mal. Que s'ils tomboient en faute, ils eftoiet
incontinentpunis de mort fans remiffïon , & les
faifoit mourir, fans auoir efgard qu'ils fullènt fei-
gneurs ou fes parens,voire de Ces propres frères. Il
conuerfoit& lefamiliarifoitpeuaucclesfîens,&:
peu fouuent fe laiflbit voir , eftant ordinairemen t
retirépour penfer au gouuernement de fon Roy-
aume. Outre ce qu'il eftoit grand iufticier & fort
braue, il fut fort belliqueux & bien fortuné , au
moyen dequoy il obtint de grandes victoires , &c
paruint à cefte grandeur , quieftdefcrite aux ni*
ftoires d'Efpagne. De laquelle il me femble que ce
feroit chofe inutile d'eferire d'auantage: feulemet
i aura y foin de réciter, cy après ce que les Iiures &
DES INDES. LIV. VII. 334
hiftoires des Indiés racontent , & dequoy nos ef-
criuains Efpagnols ne font aucune mentio , pour
n'auoirfufhTamment entendu lesfecretsde celte
contrée, qui font choies fort dignes d'eftre co-
gneues, comme Ton verra cy après.
Des préfaces & prodiges effranges quiadmndrcnt en
Mexique auam que leur Empire print fin.
CH A P. xxm.
¥§Ombien que l'efcriture faincte nous def-
&S fende d'adioufterfoy aux augures&progno-
ftications vaines,& que S. Hieroimenousaduer-
tïflede ne craindre point les fignes du Ciel côme
fondes Gentils: Ncantmoinslamefmeefcriture
enfeigne, que les fignes môftrueux Se prodigieux,
ne font pas du tout à meiprifer,& que bien fouuéc
ils ont accouftumé de précéder quelques change-
mens vniuerfelsJ& les chaftiments que Dieu veut
faire , ainfi que le remarque fort bien Eufebc de
Cefaree , d'autant que le mefme feigneur du ciel,
& de la terre enuoye de els prodiges & nouueau-
tez au çiel,aux elemens,auxanimaux,& en fes au-
tres creatures,afin qu'en partie cela férue d'aduer-
tiflemétaux hommes,& en partie qu'ils foientvn
commencement de lapeine& duchaftiment,par
lapeur&l'eipouuenteraent quilsapportent.il eft
eferit au fécond liure des Machabees , qu'aupara- x.Mach.$
uant ce grand changement & perfecutiô du peu-
ple d'lfraél,qui fut caufee par la tyrannie d' Antio-
chusj'furnômé Epiphanes , lequel les fainctes let-
tres appellct racine de pechc,il arriua que par qua-
rante jours entiers Ton vidpar tout Hierufalem i.uacA*
Deut. 1 8.
Hierof.io
Lib. 9. de
demonft.
Euang.de-
monft. L.
s^.i-j.
T— — — — ^^— 1
HISTOIRE NATVRELLE
degrandseicadronsdecheualiersenl'airjlefquels
auec des armes doreesjeurs lances & efcus, & fur
des cheuaux furieux , ayants leurs efpees tirées le
frappoient & oifenfoient, efcarmouchanslcs vns
contre les autres , & difent que ceux de Hierufa-
lem voyansccla,fup|p!ioienc Dieu qu'il appaifaft
(onire,& que ce? prodiges tournaient en bien. Il
eft eferit mcfme au liure de Sapience , que quand
Dieu voulut tirer fon peuple d'Egypte & chaftier
les Egyptiens, quelques vifions terribles &: ef-
poupouuantables s'apparurent à eux , comme
des feux, qui furent veuz hors heure en formes
horribles. ïofephe au bure de la guerre des luifs,
raconte pluiïeurs & grands prodiges qui précède -
rentladeftructiondeHierufalem , & la dernière
captiuité de fon malheureux,peuple,queDieu eut
en horreur pour iufteoccafion, duquel Eufebe de
Eufih.hb. i cefaree & les autres racontent les melmes palFa-
' &es » authorifans (es prognoftics. Les Hiftoriens
font pleins de fcmblablcs obferuations aux grâds
changemensd'Eîtatsou Republiques,côme Paul
Orofe qui en raconteplufieurs,& fans doute cette
obferuation n'eft pas vaine ny inutile ; car iaçoit
que ce foit vanitc,voire luperftition deffendue par
la loy nodreDieu.de croire légèrement à ces pro-
gnoftics & iîgnesjtoutesfoiséschofes fort gran-
des, comme es changemens de nations , Royau-
mes & loix fort notables:cen'eft pas chofe vaine,
mais bie pluiloft certaine & bien affeuree de croi-
re que la fageffe du Très haut ordonne & vueille
permettre ces chofes , qui donnent quelque nou-
uellcoV prefagedeeequidoit arriuer , pourfer-
uirjCommei'ayditjd'aduertiiremctauxviw, & de
chaftiment
r$m
DES INDES. L IV. VII. 335
chaftiment aux autres, & à tous de tefmoignagc
que le Roy des Cieuxa foucy des affaires des ho-
mes , lequel toutainfi qu'il a ordonné de très-
grands & cfpouuennbles prefages pour le plus
grand changement du monde, qui feraleiourdu
iugement,ainfiluy plaiit-ilde donner de merueil-
leux prefages pour dénoter d'autres changemens
moindres en diuers endroits du monde , qui font
toutesfois remarquables, lefquels il dilpofe félon
la loy de fon éternelle fageiïc. L'on doit auflî en-
tendre , que combien que le diable foit père de
menfonge,neantmoins le Roy de gloire luy fait
bien fouuent confeflei la vérité contre fa volonté, %tattlu t.
laquelle il a déclarée plufieurs fois de pure crain- Lut. 4.
tecomme il fit au defert par la bouche des demo-
niaques.criantquel es v s eftoitle Savyevr,
qui eftoit venu pour le deftruire: Comme il fit par
laPythoni(fe,quidifoitqucPaulprefchoitlevray
Dieu.Comme quand il f'apparut& tourmenta la Aâ.iS,
fëmedePilate,laquelleilfit intercéder pour Ie-
s v s, homme iufte.Et comme plufieurs autres hi-
ftoires,outre les facrees, rapportet diuers tefmoi-
gnages des idoles , en approbation de la Religion
Chreftienne,dequoy Ladance, Profpere, & au-
tres font mention. Que l'on lifeEufebe aux liures
desla préparation Euangelique , ôc ceux de fa De-
monitration , où il eft traidé amplem en t de celle
matiere.I'ay dit cecy tout à ptopos , afin qu'aucun
ne mefprife ce que racontent les Hiftoires & An-
nales des Indiens touchant les prefages & prodi-
ges eftranges qu'ils eurent de la prochaine fin $£
ruyne-de leur Royaume , & du Royaume du dia-
ble qu'ils adoroient toutenfemble. Lefquels me
u
HISTOIRE NATVRELLE
jfcmblent dignes d'eftre creus,& que l'on y adiou-
ftefoy, tant pour eftre aduenusy apeu de temps,
& que la mémoire en eft encor toute fraiiche,que
Douiceque ceft vnechofe fortvray< (emblable,
quclc diable felamentaft d vn fi grand change-
ment,^' que Dieu parvn mefm^n oyen comme-
çaftà chaftierles idolâtres Ci cruels & abomina-
bles. Ceft pourquoy ie les raconreray icy comme
chofes vrayes. Il aduint donc que Moteçuma
ayant régné plufieurs années en grande proiperi-
té,& tellement efleué en fes fantafies , qu'il fefai-
foit feruir ôc craindre , votre adorer comme C'A
euftefté Dieir.le feigneui tout-puiflànt commen-
ça de le chaftier& del'aduertiraufïi, permettanc
que les mcfmes diables qu'il adoroitluyannon-
çartent les tnftesnouuelles de la perdition de fon
Royaume, & le tourrnentalîent par des progno-
ftics qui n'auoient iamais efté veuz,dequey il de-
meurai! trifte& fi troublé , qu'il endeuinttout
hors de fon Tés. L'idole de ceux de CholloIa,qu'ils
appelloient Quetzacoalt, annonça qu'il venoic
vne gent eftrange pourpoileder (es Royaumes.
Le Roy de Tezcuco,qui eftoit grand magicien &
auoit accord auec le diable , vintvn iour vifiter
Moteçuma à heure extraordinaire,&l arTeura que
fès dieux luy auoientdit,quily auoitdegrandes
pettes qui fappreftoient pour luy& pour tout
fon Royaume. Plufieurs forciers &: enchanteurs
luyenalloient dire autant, entre lefquelsilyen
eut vn qui luy annonça fort particulièrement ce
qui luy aduint du depuis. Et comme il eftoit auec
luy , l'aduertit que les poulces des pieds Ôc des
xnainsluy dsffailloieiu.Mcte^uina ennuyé de tel*
»^^-nJ* ***•■' *
DES INDES. L IV. VII. ^6
îcs nouuelles faifoic prcdre tous ces forciers:mais
incontinent ils difparoilïbicntenlaprifon , de-
quoy il prenoi t telle rage, que ne les pouuat tuer,
il faifoit mourir leurs femmes &c leurs enfans , ôc
deftruire leurs imitons ik leurs moyens. Or fc
voyant importuné & agité de ces aduertifTcméts,
il voulut appaifei : l'ire de les dieux, &pourcefte
caufe il ('efforça de faire apportcrvne grade pierre,
pour fur îcclle faire de grands facrifices. Pour en
venir à bout il enuoya grand nombre de peuple
pour l'amener aueedes engins & inftrumens, les-
quels ne la peurent aucunement mouuoir , bien
que l'y eftansobftinezilsy euilent ropu plufieurs
engins. Mais comme ils perfeueroient toufiours
de la vouloir enleuer , ils ouyrenn vne voix ioi-
gnant la pierre, qui diloit qu'ils ne trauaillaflenc
point en vain , & qu'ils ne la pourroient point
enleucr,pource que le Seigneur des chofes créées
ne vouloir plus que l'on fill ces chofes là. Mote-
çuma ayant entendu cela, commanda que l'on fift
les facrifices en ce lieu, & difent que la voix parla
derechef difant.Ne yousay ïepaf dit yque ce n'eji point
lavoloté du feigneur derebofes crcces,que ccUfefaJJet&
afin que vous croye^ qu'il eji ainfi^ te me Uijferay porter
quelque peu , puis après vou-s ne me pourre^ mouuoir.
Ce quiaduintainîï , car incontinent ils la menè-
rent quelque peu d'efpace , allez facilement , puis
après ils n'y peurent que faire iufquesà ce que par
beaucoup de prières, elle fe tailla porter iulques à
l'entrée de la cité de Mexique , où fubitemen t elle
tomba dans le lac,&la recherchans,ne la peurent
retrouuer, mais fut trouuee depuis au me (me heu
d'où ils l'auoieiu tirce , dequoy ils demeurèrent
m
HISTOIRE NATVRELLE
tous confus,& efpouucntez. En ce mclme temps
apparut au ciel vne flambe de feu tref-grande, Ôc
fort luifanteen façon dédira mide,laquellecom-
mençoit à apparoiftre à la minuid, & alloit touf-
iours montant, iufquesau matin ieuer du Soleil,
qu'elle demeuroit au Midy , où elle difparoiiroit.
Elle le mon lira de celle façon chafque nuiâ par
l'efpace d'vn an entier,& toutes les fois qu'elle ap-r
paroilïoit,le peuple iettoit de grands cris,comme
ils auoienr accoultumé,croyas que c'eftoit vn pre-
fage de grand malheur. Il aduint mefme que le feu
fe print au temple, fans qu'il y euft aucun au de-
dans, ny horsproche d'iceluy,ny qu'ily fuft tom-
bé aucun efclair ny tonnere. Surquoy les gardes
f'eftans efcriecs,il y accourut grand nôbre depeu-
f»leauecdereauë,maisrien ny peutremedier,tel
ementqu'ilfutdu toutcon(ommé,& difent qu'il
fembloit que le feufortift des mefmes pièces de
bois,& qu'il f'enflamboitd'auâtage par l'eauë que
l'on y iettoit. L'ôvidfortir vne Cornette en plein
iour,qui couroit du Ponant vers l'Orient, iettant
grande quantité d'eftincelles , 6V difent que fa fi-
gure eftoit comme d'vne queue fort longue , ayat
au commencement trois teftes. Le grand lac qui
eftoit entre Mexique, ôc Tezcuco,fansqu'ily euft
aucun vent, & fans tremblement de terre ou au-
cune autre caufeapparan te, commença foudaine-
ment à bouillir, & creurent tellement cesbouil-
lons,que tous les edifices,qui eftoient proches d'i-
celle,tomberent par terre. Ils difent que l'on ouit
en ce temps plufieurs voix comme d'vne femme
angoilTee , qui difoit quelques fois , o mes enfans ja
cji yenu le temps de yojirc deJirucHon , & d'autres fois
M
Mi
^j
DES INDES. LIV. VII. 337
difoif.o mes cnfans^ou yous porteray-ie, afin que "vout ne
-vous achcute\dc perdre du touttll apparut mefme di-
uersmonftresauecdeux teites, qui eftans portez
deuantleRoy difparoilfoient aullitoft. Tous ces
monftres furet furpatfez par deux autres fort eftra-
ges,dont l'vn fut,que les pefcheurs du lac prindret
vn oifeau grand comme vne grue,& de la couleur
mefme , mais d'vneeftrange façon , &nonia-
mais veiie. Ils le portèrent à Moteçuma,ciui pour
lors eftoït au palais qu'ils appelloient depleur , &
de dueil,lequel eftoit tout tendu de noir: d'autant
que côme il auoit plufieurs palais , pour la récréa-
tion, il en auoit aufli plufieurs pour le temps d'af-
fuclion, dont il eftoit alors afifez changée^ tour-
menté , à caufe des menaces que Tes dieux luy fai-
foient j par de fi triftes aduertifiTemens. Les pef-
cheurs arriuerent fur le poincl: de midy , & mirent
deuant luy cet oifeau, qui auoit au faizde latefte
vne choie comme luifante,è\: tranfparente,en fa-
çon de miroir,où Moteçuma veid les cieux^ & les
eftoilles , dequoyildemouratouteftonné , puis
tournant les yeux au ciel , 6V ne voyant point d'e-
ftoilles,recommença à regarder en ce miroir,où il
veid qu'il venoit vn peuple en guerre deuersl'O-
rient,& qu'il venoit armé combatant,& tuant. Il
fit appeller fes deuins, & pronoftiqueurs , dont il
en auoit vn grâd nobre, lefquels ayans veu toutes
chofes,&ne fçachans donner raifon de ce qui leur
eftoit demandé,incontinent l'oifeau difparut,tel-
lement qu'ils ne le veirent onques depuis , dont
Moteçuma demeura fort trifte ôc defeonforté*.
L'autreprodigequiluyaduint, fut qu'vn labou-
reur qui auoit le renom d'homme de bië , lçvint
n àij
HISTOIRE NATVR1LLE
trouuer,& luy raconta qu'eftant 1« iour de deuant
àfairelabourage,vn grand Aigle vint volant vers
luy,qui leprint en Tes grifFres,^ fans le bleflTer , le
porta vne certaine cauerne,où il le lai (^pronon-
çant cetaigle ces paroles. 7Ve.r -puiffant feigneur , t'ay
apporte celuy que tu m'as commande. Et l'Indien la-
boureur regarda de tous coftez à qui il parloir,
maisilneveid perfonne. Alors il ouit vne voix
quiluydit,cognois-tu cet homme, que tu vois là
eftendn en terre,& regardant enicelleveid vn ho-
me endormy& fort vaincu du fommeilaueclcs
cnfcignesroyallcSjdes fleurs en la main,& vn ba-
fton defenteurs & parfum ardant comme ils ont
accoutumé d'vfer en ce pays, lequel le laboureur
regardant recogneut que c'eftoit le gradRoy Mo-
teçuma:parquoy ilrelpondit incontinent, après
l'auoir regardé , grand feigneur cefluy-cy reffembleà
noflre ï\oyTrloteçuma. La voix recommença à dire,
tu dis vrayyregarde quel il eft,& comme tu le von endor*
my , & affoupy fins auoir fotngdcsgrands maux & de a
trauaux qui luy font prépare*, il e(l maintenant temps
au il paye le grand nobre des offenfes qu'il a fait es a dieu,
& qu'il reçoiuelapetnede [es tyrannies, &■ defon grand
orgueil , &■ neantmoinstu y ois comme il a fi peu defoucy
de cela,& qu'il efi fi ' aueuçlè en fes mi fer es, qu'il n'a défia
plus de fentiment . Triais afin que tu lepuifles mieux voir,
pren ce baflon defenteurs qu'il tient ardant en fa main,
£7 luy mets contre le vifage , & lors tu verras qu'Une le
fentira pas. Le paunre laboureur iv ofa approcher,
ny faire ce que l'ô luy difoit,pour la grand' crain-
te qu'ils auoien t tous de ce Roy , mais la voix re-
commença à dire, H'ayes point dccraintet carie fuis
fans tomparaifon plus que ce s\pyy te le puis defiruirc , &
DES INDES. II V. VII. 338
le défendre: pdrtjuoy fais ce que te te comancie.Sur ce co-
mandement le paifan prend cebafton dvodeurs,dc
la main du Roy,&luy mit ardent contre le nez,
mais il ne fe mouua,ny monftraaucun fentiment.
Cela fait la voixluy dift que puis qu'il voyoit,cô-
bien ceRov eftoitendormy , qu'il l'allaftreiueil-
lcr,& luy racontaftcequ'ilauoitveu.Alorsraigle
parle mefme commandement repiintl'hommç
en fes gn ffesje 1 émettant an propre lieu, où il l'a-
uoit prins,& pouraccompliirementdeccquiluy
auoitefté cl t, venoit-là pour l'en aduertir.Ils di-
fent qu'alors Moteçumn fe regarda au vifage,&
trouua qu'il l'an oit bruflé,ce qu'il n'auoit tutques
alors fenty,dequoy il demeura extrêmement tri-
fte & ennuyé. Il peut eftre que ce que le ruftique
raconta luy e(loitarnué}en imaginaire vifion , &
n'eft. pas incroyable , que Dieu ordonna par le
moyen d'vn bon Ange, ou permift par le moyen
dumauuais,qu'on donnaftceftaduertiirementau
ruftique,pourlechaftimentdu Roy, quoy qu'in-
fideiletvcu que nous liions en la diuine Efcriture,
que des hommes infidelles,& pécheurs, ont eu de
femblables apparitions, & rcuelations, comme D.j %
Nabuchodonofor,Balaam & la Pythonifle de mm^ it.
Saul. Et quand quelque chofe de ces apparitions 3.^-1*.
ne feroit arriuc ti exprelïement, à tout le moins il
il eft certain que Moteçumacut beaucoup de gra-
des triftelFes &c Fafcheries,pour plufieurs & diuer-
fcsrcuelations qu'il eut , que fon Royaume & là
loy fe deuoiciu bien toit acheuer.
u wj
«H
HISTOIRE NATVRELLE
De U nouuclle ejue Moteçuma reccut de l'ariuce des Ef-
pdgnols eufd terrcy & de Ï^Ambajjade
qutllcur enttoya,
CHAP. XXII II.
£jjj3 Vquacorziefmeandu règne de Motcçuma,
E^îy qui fut l'an de noftrc Sauueur mil cinq cens
dix-lept,apparurentenlamerdu Nottdes natu-
res^ des hommes defcendans,dequoy les fuje£ts
de Motcçuma furent beaucoup efmerueillez , &
voulans s'enquérir, &fe fatisfaired'auantagequi
ils eftoient, ils furent aux nauires dans des ca-
no*ës, portansplufieursrafraifchifTcmentsdevia-
des , & d'efto ffes à faire des habits, faignans de les
leur aller vendre. LesEfpagnols les recueillirent
en leurs nauires, & en payemens de leurs viandes,
& eftoffes qui leur furent aggreables, ils leur don-
nèrent des chaines de pierres fautes, rouges, azu-
rées, vertes, & iaulnes , que les Indiens croyoient
eftre pierres precieufes. Et les Efpagnols s'infor-
mans qui eftoit leur Roy, & de fa grande puiflàn-
ce,leur donnerët congé, en leur diiant qu'ils por-
taflfentees pierres à leur feigneur , & luydilFenc
que pour leprefentils ne pouuoientl'allervoir,
mais qu'incontinent ils retourneroient & le vifî-
teroient. Ceux de la code allèrent incontinent à
Mexique auec ce meifage , portans la reprefen ta-
lion de tout ce qu'ils auoient veu dépeinte en des
«draps qu'ils auoiét,tant des nauires,des hommes,
que des pierres qu'ils leur auoient données. Le
Roy Moteçuma demeura par cemdïàge fort pé-
fif,tV leur commanda qu'ils ne le diuulgaflènt, &
DES INDES. LTV. VII. 339
nelediiïent à perfonne. Leiour enfuiuantilaf-
femblafonconfeil,& leur ayant moftré les draps,
Se les chaines,mit en délibération ce qu'il deuoic
faire, 011 il fut refolu de donner ordre à toutes les
codes delà mer,que les habitas y fufTentauguet,
Se que quelque chofequ'ils veilïènc , ils en adui-
fafTent incontinent le Roy. L'année enfuiuante,
qui fat au commencement de l'an mil cinq cens
dix-huiéfc,ilsveirent paroiftrecnlamer la flotte
oùeftoitle Marquis del Vallé,Dô FernandeCor-
tes,auecfes compagnons , nouuelle qui troubla
beaucoup Moteçuma,&confultant auec les fies,
ils dirent tous que fans faute leur ancien 8c grand
feigneur Quetzalcoalt eftoitvenu , lequel leur
auoit dit qu'il retourneroic du cofté d'Orient,où.
il f en eftoit allé. Il y auoit entre les Indiens vne
opinion , qu'vn grand Prince les auoit au temps
palfé lai(Iez,& promis qu'il rctourncroit,de l'ori-
gine Se fondement de laquelle opinion fera dit en
vn autre lieu.C'eft pourquoy ils enuoycrent cinq
principaux Amba(îadeurs,auec des prefes riches,
pour le congratuler de fa venue, leur difans qu'ils
içauoient bien que leur grand feigneur Quetzal-
coalt venoitlà, &quefon feruiteur Moteçuma
l'enuoioitvifiter , fe tenant pour fon feruiteur.
Les Efpagnols entendiret ce meiïage par le moyé
de Marina Indienne qu'ils menoientaueceux > &
fçauoit la langue Mexiquaine,& Fernande Cor-
tes,trouuant que c'eftoit vne bonne occafio pour
leur entrée, commanda que l'on luyornaft fort
bien fachimbre, Se eftant aflîs auec grade autho-
rité.&ornementjfitentrerles ambauadeurs,le£-
quels n'obmirent rien de 0 humilier , finon de la»
Jt»m.n.
HISTOIRE NATVRULE
dorer pour leur Dieu. Ils luy firent leur ambauV
de,difans que Ton feruiteurMoteçumarenuoioic
vifiter , & qu'il tenoit le pays en Ton nom , com-
me Ton lieutenant , qu'il {çauoit bien que c'elloic
leTopilçin ,qui leurauq/it eftcpromis,ily auoit
plufieursans, lequel Iesdeuoitvenirreuoir. Par
aind qu'ils luy apportofent les habits qu'il auoit
accouftumé déporter, quand il conuerfoitauec
eux,le fupplians qu'il les receut pouraggreables,
en luy offrans pluficurs prefents de grande va-
leur. Cortes refpondit receuant les prefents, &
donnant à entendre, qu'il efloit celuy qu'ils di-
foient , dequoy ils demeurèrent fort con tens , ôc
fevoyans recensa: traitez de luyamiablemenc.
(car en cela^ufli bien qu'es autres chofes , ce va-
leureux capitainea efté digne de louange, ) que fi
l'entreprinfe euflf paflTé outre , qui eftoitdegai-
gncrparamiticcepeuple , il fem ble qu'il i'eftok
offert la meilleure occafio,que l'on pourroi t ima-
giner,pourab(ÎLije6tircefteterreà l'Euangilc par
paix , Se paramitié : mais les péchez de ces cruels
homicides & efclaucsde Satan, vouloienteftre
chafticzdu ciel, comme au (îî ceux de plufieurs Efc
pagnols,qui n'elloient pas en petit nombre. Ainfi
les hauts iugements de Dieu difpoferent lefalut
de ces peuples,ayans premièrement retranché les
racines endommagées^ comme ditl'Apoftrc, la
mauuaiftié &: auenglement des vns, futlafàluatio
des autres. En fin le iour d'après l'Ambafladefuf-
dite , tous les capitaines Se principaux de la flote
vindrent djnsrAdmiralle,& entendans l'affai-
re, Se combien ce Royaume de Moteçuma eftoic
puiirant,& riche 3 il leur fembla que c eftoit cho-
MlflMHHi
ï*££.
DES INDES. LTV. VII. 3 40
fe conuenable d'obtenir réputation d'hommes
braues & vaillans enuers ce peuple , & que par ce
moyen encorqu ils fuflentpeu,ilsferoict craints,
cVreceu; en Mexique. A certe finilsdefcharge-
rent toute l'artillerie des nauires , & comme c'e-
ftoit chofe qui iamais n'auoit efté ouye par les In-
diens, ils demeurèrent auflî efpouuantez que fi le
ciel fufl tombé fur eux. Apres les Efpagnols (émi-
rent aies deffier , afin qu'ils combattaient auec
eux,& les Indiens ne C'y ofans hazarder, il les bat-
tirent, & mal trottèrent , leur mpnftrans leurs
efpees, lances , pertuifanc*, $c autres armes , donc
ils les efpouuanterent beaucoup. Les pauures In-
diens furent pour cet effed fi craintifs & efpou-
uentez qu'ils changèrent d'opinion , difansque
leur fcigneur Topilcin ne venoit point en cette
troupe. Mais quec'etloicnt quelques dieux leurs
ennemis qui venoient là pour les deftruire. Quad
les Ambaffadeurs retournèrent en Mexique,Mo-
teçuma eftoit en la maifon de l'audicnce,& auant
qu'ils luydonnaflentl'ambafladeje mal- heureux
commanda dcfacrifier en fa prefencevn nombre
d'hommes, puis auec lefangdes facrirîezarrou-
fer les amba(Iadeurs,pen(ant par cette cérémonie
(qu'il auoient accouftumé défaire en dcfolem-
nelles ambalîàdes ) auoir bonne refponfe. Mais
ayant entendu le rapport & informatiô de la for-
me des nauires, hommes, & armes, il demeura
tout confus & perplex: puis ayant eu confeillà
de(Tus,netrouuaautremeilleurmoyen, que pro-
curer d'empefeher l'entrée à ces eftrangers,par les
arts magiqucs,& coniurations.Ilsauoientaccou-
ftumé fouucncde fe feruir de ces moyens ,dau-
HISTOIRE NATVRELLE
tantqu'ils auoient grande communication auec
le diable, par l'ayde duquel ils obtenoient quel*
quesfois des effe&s eftranges.Ils affèroblerent doc
tous les forciers,magiciens,&ench;"ïteurs, Scper-
fuadez de Moteçumaprindrent en leur charge de
faire retourner cesgens là à leurs pays. Pour cet
efFect ils furent en certain lieu , qui leur fembla
eftre propre,pour inuoquer le diables, 8c exercer
leurs arts,chole digne de confideration. Ils firent
tout ce qu'ils peurent, &fceurent, mais voyans
que nulle chofenepouuoit empefeher les Chre-
ftiens,ils furent vers le Roy . luy difans que ceux-
là eftoient plus qu'hommes , pource que rien ne
les endommageoit,pour toutes leurs coniuratiôs
& enchatements. Alors Moteçumafaduifad'vnc
autre rufe,quifut que feignant d'eftre fort contét
de leur venue , ilenuoya commander à tous Tes
Royanmes qu'ils feruiflent ces dieux celeftes qui
eftoient venus en leur terre. Tout le peuple cftoit
en grand triftclle & furfaut, &ven oient fouuent
nouuellesque les Efpagnols fenqueroient fou-
uent où eftoit le Roy, de fa faconde viure, de fa
maifon&defes moyens. Il cftoit extrêmement
fafchédecela,&luyconfeilloient les fics,& d'au-
tres Negromanciens qu'il fe cachaft , luy offrans
à cefte fin de le mettre en lieu , où créature ne le
pourroit iamais trouuer. Celaluy fembla chofe
vile,parquoy il fe détermina à les attendre , encor
que ce fuft en mourant.En fin il fortit de Tes mai-
fbns 8c palais Royaux pour loger en d'autres , les
laiflans pour loger ces dieux, comme ils difoient.
DES INDES. L IV. VII.
341
De l'entrée des EfpAgnoîs en Mexique.
c H a p. xxv.
&v<5 E nc pretens point traitter les faicts & geftes
SJkI des Efpagnolsqui conquefterent la neufue
Efpagne , ny les aduentures eftranges qui leur ar-
riuerenc , ny le courage Ôc valeur inuinciblede
leurcapicaine Dom Fernande Cortez, d'autant
que décela ilyabeaucoup d'hiftoires& relatiôs,
comme celles que le mefme Fernande Cortez ef-
criuit à lEmpereur Charles V. bien qu'elles foiet
d'vnftilerond& alFezeiloigné d'arrogance, lef-
quels donnent fufïïfànte cognoiiîànce de ce qui
paira,en quoy il fut digne de perpétuelle memoi-
re:mais feulement pour accomplir mon inten-
tion, il refte de dire ce que les Indiens racontent
de cet affaire, ce qui n'a eftéiufquesauiourd'huy
rédigé par eferit en noftre vulgaire. Moteçuma
donc ayant entendu les victoires du capitaine , &
qu'il venoit f'aduançantpourfâconquefte, qu'il
faltoit confédéré & ioint auecceux deTlafcalla
fes capitaux ennemis, & auoitchaftié rudement
ceux de Chollola fes amis , Pimagina de le trom-
per ou efprouuer,en luy enuoyant vn home prin-
cipal,veftu Se accommodé des mefmes ornemens
& enfeignes Royales , qui feignift eftrc Moteçu-
ma,laquelle fi ctiô ayant eftcdefcouuerte au Mar-
quis par ceux deTlafcalla qui l'accompagnoient,
le rcnuoya,apres l'auoir doucement & prudem-
ment reprins de l'auoir ainfî voulu tromper , de-
quoy Moteçuma demeura tellement confus, que
pour la crainte de cela il retournai fes première*
mê ■■■m
HISTOIRE MATVRELLE
imaginations de vouloir faire retirer les Chre-
ftiens,par le moyen & inuocation cies enchan-
teurs & forciers. Parquoy il alïcmbla vn plus
grâd nombre d'iceux qu'il n'auoit fait la premiè-
re fois, en les menaçant que s'ils reroinnoicr vers
luy (ans accomplir ion commandement , il n'en
reichapperoitvn feul,à quuy ils promirent d'ob-
tempérer. Et pour ceft erïect tous les officiers du
diable s'en alleret au chemin deChalco,qui eftoic
par où deuoient palier lesElpag!)ols,oùmontans
au faille d'vnecollejleur apparut TezcalipucàjVn
de leurs principaux dieux, comme venant deuers
le camp des Efpagnols,en l'habit de Chalcas, qui
auoit les tetins ceints aucc huid) tours d'vne cor-
de de ionc,ilvenoiccomrnehorsdefoy& comme
vn hommcinfen(c& ennyuré de rage & de furie,
Arriué qu'il fut àl'efeadron des negromancit s 5c
forciers, il f'arrefta & leur dift en grand colère.
"pourquoyvous autres reuene^-vous icy , qu'cft-ccquc
Tsiotecuma prêt ed faire par -voftrc moyen ? ïlefi s'efttr»p
tard adu/fé:car défia il eft déterminé \quc l'on luy oflefon
J{oyaume <&{on honneur \auec tout cetjutlpo/sedc,pour
punition des grandes tyrannies au ilacommijcs contre
fes yaJJ'auXyri ayant pas gouuernè comme fetgneur , mats
comme traijlre & tyran. Les enchanteurs alors oyas
ces paroles,cogneurent que c'eftoit leur idole,6c
s'humilians deuant luy,luy battirent à l'inftant au
mefmelieu vn autel depierre,qu'ilscouurirct de
fleurs qu'ils cueillirent à l'entour,luy au contraire
ne faifant point d'eftat de ceschofes cômença de-
rechef à les tancer,difant : Quefles-vou-s venu* faire
icy traiflresjetoHrneT^retourner^ incontinent & regar-
slcrTïîextque^fîn que nom entendte^ ce qui don aduenir
DES INDU. LIV. VII. 341
d'elle. Et difenc qu'ils fe retournèrent deuers Me-
xique pour la regarder3& qu'ils la virent bruflan-
te& touteenflâbeedeviuesflames. Alors le dia-
ble difparut,& eux n'ofans palier plus outre , fitee
fçauoir cela à Motcçuma.Cc qu'ayant entcndu,il
fut vn long temps fans parler,regardant penfif en
terre, puis dift,que ferons nous donc, files dieux
& nos amis nous delaiflent, & qu'au contraire ils
aident & fauorifent nos enncmis?Ie fuis défia rc-
foluj& nous d cuôs rous refoudre à ce poinc"t,quc
arriue ce qui pourra ai riuer , nous ne deuôspoint
fuir ny nous cacher , ny monftrer aucun figne de
coiiardife.ray feulcmentpitiédesvieillards& des
petits enfans qui n'oneny piedsny mainspourfe
derTendre,& difanteela fctent,pource qu'il com-
mençoit à fc tranfporter en ex tafe. En fin le Mar-
quis l'approchât deMexique,Moteçuma faduifa
de faire de neeeflîté vertu , & fortit pourlerece-
uoir comme à trois ou quatre lieues de la cité,al-
lantd'vne graue majefté,porté fur les efpaulles de
quatre feigneurs,& eftâc couuei t d'vn riche poel-
led'or&deplumeries. Lors qu'ils fentrerencon-
trerent Moteçuma delcendit , & tous deux fe fa-
luerentl'vn l'autre fort courtoifement; DoFer-
nande Cortez luy dift qu'il ne fe fouciaft de ric,&
qu'il n'eftoit là venu pour luy ofter fonRoyaume,
ny diminuer sôauthorité.Moteçuma logea Cor-
tez & fes compagnons enfon palais Royal, qui
cftoitforcmagninque,& luy f'c alla loger end'au-
tres maifons priuecs qu'il auoit.Lesfoldatds def-
chargerent cette nuicî làl'artillerrepar refiouik
fance,dequoy les Indiens Pefpouuanterent bc-
aucoup^n'eftans pas accouiiumcz d'ouyr vnc ul«
^■■■■■MMMiMMI
HISTOIRE NATVRELLE
lemufique. Leionr enluiuant Cortezfica(fem'
bler Moteçuma& lcsfeigncurs de fa cour en vne
grande fale,où luy eftantafïîs en vnehaute chaire,
leur dift qu'il eftoit fcruiteur d'vn grand Prince
qui les auoit enuoyezen ces pays pour faire de
bonnes œuuies,& qu'ayant trouué en iccluy ceux
de Tlafcalla qui eftoieiu Tes amis, lefquels fe plai-
gnoientfort des torts & griefs que ceux de Me-
xique leur faifoient continuellement , à cette oc-
canon il vouloit entendre lequel d'entr'cuxauoit
le tort, afin de les appointer enlemble , pour de là
en auant ne fe trauailler & guerroyer les vnsles
autres, & que cependant luy & l'es frères ( qui
eftoientles Efpagnols) demeureroient toujours
là fans le? endômager,au contraire les aidcroient
en ce qu'ils pourroient. Il mit peine de faire bien
entendre ce difcours à tous, feferuant de ces in-
terprètes & truchements. Ce qu'entendu parle
Roy & les autres feigncurs Mexiquains,ils furent
extrêmement contcns, &c monftrercnt grand (i-
gnes d'amitié à Cortez & aux liens. Plusieurs font
d'opinion que s'ils euflent fuiuy l'affaire comme
ils Pauoient commencé ceiour là, ils euflent peu
facilement ordôner du Roy & du Royaume pour
leur donner la loy deChrift fans grande effufîon
de fang. Mais les iugements de Dieu fontgrands,
& les péchez des deux parties eftoient en grand
nombre,parain(in'ayansfuiui leur pointe,! affai-
re fut différé , combien qu'en fin Dieu fitmiferi-
cordeàceftcnation,luycommuniquantlalumie-
redcfonfainct Euangile,apresauoirfaitiugemc?
ôc punition de ceux qui le mentoient , & qui
auoient trop énormément offenf é la diuine reue-
renec.
DES INDES. LIV. VII. 34$
ren ce. Tant y a que quelques occafions f'efmeu-
renc , donc plufieurs plaintes , griefs & foupçons
nafquirent d'vn codé & d'autre. Ce que voyant
Cortés, &que les volontez des Indiens com-
mençoientà (e diftraire d'eux, il luy femblane-'
cellaire de s'atleurer.en mettant la main fur le roy
Moteçuma, lequel fut faifi, & mis les fers aux
pieds,acte certes efpouuen table au nhonde,& qui
eft efgal à l'autre fien,d'auoir bruflé {es nauires,
& s'ettre enclos au milieu de les ennemis, pour
vaincre ou pour mourir- Le pire fut que à caufe
de la venue" inopinée d'vn Pamphilo Naruaes en
la -iw<*0»x,pour altérer & mutiner le pays fut de
befoin que Cortés s'abfentali de Mexique , ôc
qu'illaiflaû. lepauure Moteçuma entreles mains
de fes compagnons, qui nauoienc pasladifcre-
tion ny la modération telle que luy; par ainfi l'af-
faire vint à telle dillenfion, qu'il n'y eut plus au-
cun moyen de faire paix.
De U mort de Meteçuma , & fortte des
Efpagnols de Mexique.
en av. xxv.
Ors que Cortés cftoit abfent de Mexique,
celuy qui eftoit demeure fon lieutenant fut
d'opinion de donner vn rude chaftiement aux
Mexiquains, & fit tuer vn grand nombre delà
noblefle en vn bal qu'ils firent au palais,qui fut fi
exceffif,que tout le peuple femutina,& d'vnefu*
rieuferage prindrent les armes pour fe venger Se
tuer les Efpagnols. Par ainfi ilslesafliegerentau
palais^es preflans de fi près, que le dommage que
HISTOIRE NATVRELLE
les Efpagnols leur faifoienede leur artillerie & de
leurs arbalcftcs , ne les pouuoitdiftraire ,ny faire
retirer de leur entreprinfe,àquoy ilsperfiftercnt
par plutieurs iours, leur empefehas les viures, fans
permettre qu'il y entrait ou fortitl aucune creatu
re. Ilsfebattoient auec des pierres, des dards à
ictter, à leur façon , des efpeces de lances qui font
comme des Seiches , où il y a quatre ou ?fix raloirs
très- aigus, qui font telles , que les hiftoiresra-
cont, qu'en ces guerres vn Indien d'vn coup de
ces rafoirs emporta prefque toutlecold'vn che-
ual,& comme ilscombattoientvn îourcnccfte
refolution & furie , les Eipagnoispour les taire
celTer.flrentmonterMoreçuma auec vn autre des
principaux feigneurs Mexiquains , au haut d'vne
plattcformcdelamaifon, couuerts des rondelles
de deux foldats qui eftoient auec eux. Les Mexi
quainsvoyansleur Seigneur Moteçuma,l'arrcfte-
rent& firent grand filence. Alors Motcçuma leur
fit dire parce Seigneur principal , qu'ils fappai -
fafîcnt,& qu'ils ne fillènt la guerre aux Efpagnols,
puis qu'ils voyoient , que luy eitant pnionnier
cela ne leur pouuoitprofritcr. Ce qu'eftant en-
tendu par vn ieune homme appelle Quicuxte-
moc , lequel ils parloient dehad'eiîire pour leur
Roy, dit à haute voix à Moteçuma, qu'il fe reti-
rait comme vnvillain, que puis qu'il auoitefté (i
coiiard,que de fe laiilèr prendre.ils ne luy deuoiét
plus obeyr, mais pluftoll luy donner le chaftie-
ment qu'il meritoit ,1'appellant femme pour plus
grande ignominie, & commença alors à enfon-
cer fonarç, & à tirer contre luy, & le peuple re-
commença à ieiter des pierres, cVpourfuiure leur
DES INDES. LIV. VII. 344
combat. Plufieursdilent qu'alors MoteçumafuC
trappe d'vn coup de pierre,dont il mourùtjes In-
diens de Mexique affei ment le contraire , mais
qu'il mourut depuis de la façon queiediray incô-
tinent. Aluaro& le relie des Elpagnols levoyans
iipreliez,enuoycrent donner aduis au Capitaine
Coruz, du grand dangei où ils eftoienr, lequel
ayant auec vue- merueilleufedexterité& valeur,
donne ordic en l'affaire de Naruacs , &recueilly
pour iuy la plus grade partie de les hommes, vint
à grandes ioumees iecourir lesfiensen Mexique,
où attendant le temps que les Indiens fe repo-
ioient (car c'edoit leurvfageen la guerre, de Te
repofer de quatre iours en quatre iours ) ilf'ad-
uanc.i vn iour par grande ruze& magnanimité,
tellement que luy & les gens entrèrent au Palais,
où les Efpagnolsf'crloient fortifiez, parquoyils
monftrerent plufieurs lignes dere(iouillance,en
defchavgeant l'artillerie : mais comme la rage des
Mexiquains s'augmentoit, & qu'il n'y auoitniil
moyen de les appailcr, mefmesquelesviuresleui:
deffailloient du tout, fans qu'ils euflent efperance
depouuoirplus fedcffendre.le capitaine Cortcz
délibéra de forcir vne nuict fans bruit. Parquoy
ayant faitdes pots de bois , pour palier deuxgrâds
courants d'eaue for t dangereux, il lortit fur la mi-
nuici auec tout le plus grand filence qu'il peut, &c
ayant jàla plus part de (es gens palfé le premier
pont , ils furent apperceus d'vne Indienne auant
que de palier le fécond, qui s'en alla criant que
leurs ennemis s'entuioient, à laquelle voix s'af-
iembla, & accourut tout le peuple d'vne terrible
furie, tellement qucpallant le fécond pont, ils
x Y)
m
'MMMIHMP
■
HISTOIRE NATVRELLE
furent tellement chargez & prenez, qu'il demeu-
ra plus de trois cents hommes morts &. bleffez
en vn lieu , où eft auiourd'huy vn petit hermita-
ge,que fort mal à propos Ton appelle auiourd'hui
des martyrs.Plufieurs des Espagnols pour confer-
uer l'or & lesioyaux qu'ils auoient ne peurent ef-
chaper, & d'autres retardans pour le recueillir, &
apporter,furét prins par les Mexiquains,& cruel-
lement fàcrifiez deuant leurs idoles. Les Mexi-
quains trouuerent le roy Motecuma mort, &
blefle comme ils difent de coups depoignards,
qui eft leur opinion, que cefte nuict les Eipagnols
le tuèrent auec d'autres feigneurs. Le marquis en
la relation qu'il enuoya à T E mpereur du au con-
traire , & que les Mexiquains luy tuèrent celle
nui«5tvn fils de Motecuma, qu'il emmenoit auec
d'autres feigneurs , difant que toute la ncheîîe
d'or,pierres & d'argent qu'ils emportoient tom-
ba au lac, où iamais du depuis ne parut. Qupy
qu'il en foit , Motecuma finit mifcrablement , &
payaauiufte iugementdu Seigneur des deux ce
qu'il meritoit, pour fon grand orgueil & tyran-
nie:Car fon corps eftant venu en la puiiTance des
Indiens , ils ne voulurent luy faire les obieques
de roy,non pas d'homme commun , ains le jette-
renc par grand mefpris &c colère. Vn fien ferui-
teur ayant pitié du mal-heur de ce roy, qui auoit
eûé auparauant craint & adoré comme Dieu , luy
fit là vn feu, &mit ibs cendres où il peur, envn
lieu affez mefprilé. Retournant donc aux Espa-
gnols qui efchaperent , ils furent grandement fa-
tiguez Ôc trauaillez, pource que les Indiens les
faillirent obftinément deux ou trois iours, fans
mm^^
DES INDES. L IV. VII. 34 f
les laifler repofer vn moment , & alloient fi fati-
guez àcaufe du peu de viures, que bien peu de
grains de mays eftoient départis entr'eux pour
leur manger. Les relations des Efpagnols& des
Indiens s'accordent,que noftre Seigneur les deli-
ura en cet endroit miraculeufement la mère de
mifericorde, &royne des deux, Marie les défen-
dant en vne montagnette , où à trois lieues de
Mexique eft auiourd'huy fondée vne Eglife en
mémoire de cela, auec tiltre de noftre Dame de
fecours. Ils fe retirèrent vers leurs anciens amis de
Tlafcalla, où ils fe retirèrent par leur aide, & par
la valeur & rufe de Fernande Cortés, puis retour-
nèrent faire la guerre en Mexique par eaué,& par
terre , auec l'inuention des brigantins qu'ils mi-
rct dans lelac,& après plufieurs combats, & plus
de foixante dangereufes batailles, ils gaignecent
du tout la cité de Mexique le iour de fainct Hip-
poly te trezieime du mois d' Aouft,mil cinq cents
vingt & vn. Le dernier Roy des Mexiquains
ayant obftinémentfouftenu la guerre, en fin fut
prins en vne grande canoe,où il s'enfuyoit,lequel
eftat amené auec quelques autres des principaux
feigneurs deuant Fernande Cortés, le roitelet
d'vne effrange magnanimité faccant vne dague
s'approcha de Cortés, & luy dit: Iufjues autour*
d'buy i'ay fait ce que i'ay peu pour la defenfc des miens y
maintenant ie ne fuis plus obligé à faire d'auantagcque
de te donner cejie dague pour me tucrd'icelle. Certes
luy refpondit qu'il ne le vouloir pas tuer , & que
ce n'auoit point efté fon intention de les endom-
mager, mais que leur obftination fi folle eftoit
coulpable de tant de mal,&de la perfecuçiô qu'ils
x iij
HISTOIRE NATVRELLE
auoientfoufferte: qu'ils fçauoient bien combien
de fois il les auoit requis de paix,& d'amitié, puis
commanda qu'on les gardaft , & qu'on le traictaft
fort bien luy & lesautres, qui cftoient cfchappez.
Plufïeurs chofes aduindrenc en celle conquête
de Mexique eftrages& admirables, carie ne tiens
pointpourmenfonge,nypouraddiuoncequedi-
ientpluu"eurs,quie(criuentqueDieu fauonfa l'af-
faire des Elpagnols par plufieurs miracles, d'au-
tant qu'il leur eftoit impolfiblc de vaincre tant de
difficultez , fans la faueur du ciel, & de s'allujedir
au commencement cefte terre,auec G peu d'hom-
mes. Car combien que nous autres fuffions pé-
cheurs, & indignes de telle faueur, toutesfois la
caufedenoftre Dieu, la gloire de noftrcfoy, lebie
de tant de milliersd'ames, comme eftoient ces na-
tions, que le feigncurauoitpredeftinees , reque
roientque pour paruenir à ce changement que
nous voyons à prefent arriué , il y furuint des
moyens fupematurels , &c propres à celuy qui ap-
pelle à la cognoifîancede luy lesaueugles, & les
prifonniers , ÔY leur donne la lumière & liberté
parfon S. Euangile, &afin quel'onpuilîc mieux
entendre cecy , & y adioufter foy,ie raconteray
quelques exemples qui me femblent à propos de
cefte htftohe.
De antiques miracles que Dieu a )nonfire^ es Indes
en faueur de la foy , [ans le mérite de
ceux qui les firent.
DES INDES. LI V. VII.
34 ^
CH A P. XXVI I.
A 1 n c t e Croix delaSyerreeft vneprouin.
ce fort grande, & fort eflongnee , au Royau-
me du Peru^qui s'auoyfineauecdiuerfes nations
d'infidèles, lefquels n'ont point encor la lumière
de l'Euangile, fi depuis le temps que i'en fuis par
tyjes pères de noftrecompagnie,qui font là pour
cet effet ne leur ont enfeigné. Toutesfois cefte
prouincedefaincle Croix eftChieftienne,&: y a
plusieurs Efpagnols& Indiens baptifez en grand
nombre. La façon comment le Chnftianifmey
entra fut telle. Vn foldatde mauuaife vie.refident
en la ptouince deCharchas craignant la indice,
qui pour Ces delidts le recherchoit,ciura bien auat
dans lepays,& fut recueilly gratieufemec des bar-
baresde cefte contree,& voyant l'Efpagnol qu'ils
enduroient alors vne grande neceffite par faute
d'eaue , & que pour faire pleuuoir ils faifoient
beaucoup de cérémonies fuperftieufes , comme
ils ontaccouftumé, il leur dift que s'ils vouloient
faire ce qu'il leur diroit, qu'incontinent ils au-
roient de l'eauë , ce qu'ils s'offrirent de faire fort
volontairement. Alors le (oldat fit vne grande
Croix, qu'il planta en vn lieu eminentjeur di-
fant qu'ils fiflTent là leur adoration , & qu'ils de-
mandaient de l'auc , ce qu'ils firent. Chofe mer-
ueilleufc / incontinent tomba de l'eauë fi abon-
damment , que les Indiens prindrent telle deuo-
tion à lafaincte Croix, qu'ils auoient recours à
icelle , pour toutes leurs necefîîtez , &c obte-
noient tout ce qu'ils demandoient , tellement
x iiij
■ M I STOIR.E N AT VRELLE
qu'ils rompirent leurs idoles , & commencèrent
à porteries croix pour enfeignes>& à demander
des prédicateurs qui lesenfeignaflent&baptilâf-
fent. Pourcefteoccafiolaprouinceaeftéiufques
auiourd'huyappelleeSaincteCroixdela Sierre.
Mais afin que l'on voyepar qui Dieufaifoit ces
merueilles, il ne fera mal à propos de dire com-
ment ce foldat, après auoir quelques années fait
ces miracles d'Apoftre, n'ayant point toutesfois
amendé fa vie , fortit de la prouince des Charcas,
& continuant fes mauuaifes façons de faire, fut
mis publiquementau gibet en Pottofi. Polo qui
le cognoi{Toit,efcrit tout cecy comme chofe no-
toire^ qui arriua de fon temps. CabecadeVa-
ça,qui fut depuis gouuerneur au Paraguey, eferit
|| en la pérégrination eft range qui luy aduint en la
r Floride , auec deux ou trois autres compagnons,
qui relièrent feulsd'vnearmee, où ils paflerent
dix ans auec les barbares cheminas , & penetrans
iufques à la mer du Sud , & eft autheur digne de
foy, que les barbares les forçans de guarir certai-
nes maladies,les menaçans que fils ne le faifoiét,
qu'ils leur ofteroient la vie: d'autre-part ne fça-
chans aucune partie de médecine, &n'ayans au-
cuns appareils pour l'exercer, forcez delanecef-
ficé, fe firent médecins euangeliques,difans les
oraifonsderEglifej&faifanslefignedelacroix,
au moyen dequoy ils guarirent ces malades.
Pour le bruit & renommée dequoy , ils furent
contraints d'exercer celle office par toutes les
villes où ils pallbient, qui furent innumerables,
enquoy le Seigneur les aida miraculeufement,
DES INDES. LIV. VII. 347
de forte qu'ils eftoient eux-mefmes efmerueillez
poureftre de vie commune, voire l'vn d'eux vn
nègre. Lancero eftoit vn ioldat au Peru,duquel
Tonne fçait d'autres mérites, que d'eftre foldat:
il difoit fur les playes certainesbonnes parolcs,&
faifant lefigne de la croix les guarifïbit inconti-
nent, d'où l'on difoit comme par prouerbe le
pfàlmede Lancero. Eftant examiné par ceux qui
tiennent rang 5c ontauthorité en l'Eglife , fon
office &fesœuures furent approuuccs. Quel-
ques perfonnes dignes de foy racontent, & l'ay
ouy dire mefmes,qu'en la cité de Cufco, Jors que
les Efpagnols y eftoient afïiegez & preffezdc (î
prés , que ians l'aide du ciel il leur eftoit impoflï-
ble d'en pouuoir efchapper, les Indiens jettoienc
du feu fur les toi&s des maifons où feftoient re-
tirez les Efpagnols ,qui eft l'endroit où eft au-
îourd'huy baftie la grand' Eglife : & bien que le
toict fuft de certaine paille, qu'ils appellent là
chicho , & que les flambeaux qu'ilsyjettoient
defTus eftoient de bois de pin fortrameux& fore
gros, toutesfoisiamais aucune chofè ne printen
feu , ny ne fut bruflee, àcaufe qu'il y auoit vne
Dame en haut qui efteignoit le feu incontinent,
Se cela fut vifiblementapperceu des Indiens, qui
le référèrent du depuis , en eftans fort efmerueil-
lez. L'on fçait de certain par les relations de
plufieurs , & par les hiftoires qui en font eferites,
qu'en diuerfes batailles que les Efpagnols eu-
rent, tant en la neufue Efpagne qu'au Peru , les
Indiens contraires vei rent en l'air vn cheualicr,
monté fur vn cheual blanc, vne efpee en la mainf
combatantpour les Efpsgnols, d'où eft venue la
jl^_^jjjU
HISTOIRE NATVRELLE
grande vénération qu'ils portée aux Indes au glo-
rieux Apoftrc lainiîï laques. D'autresfois ils veirét
en quelques batailles l'image de noftte Dame, de
laquelle les Chrefticns ontreceu en ces parties
d'incomparables faneurs, & bénéfices .-que fi l'on
racontoit par le menu toutes les œuuiesduciei
commeclles fontaduenuës, ce feroitvndifcouts
fort long.ll fuffit d'au oir dit cecy à l'occafion de la
grâce que la Royne de gloire fitaux nollres, lors
qu'ils eftoient preHez & pourfuiuis des Mexi-
quains, ccquei'ay mis en auantafin de faire en-
tendre , que noftre feigneur a eu foucy de fauori-
ferla foy,& religion Chreilienne,defendantceux
qui la tenoient, encore que par aduantureils ne
meritalîènt pas par leurs œuures, de relies faueurs
& bénéfices du ciel. C'cft pourquoy l'on ne doit
pas condamner fi abfolucmcnt toutes ces chofes,
des premiers côquerans des Indes, ainfi que quel-
ques religienx,c\: hommes dodtes ont faid,par vn
bon zèle fans doute, mois par trop arTedté ; car cô-
bien qu'en la plus part ils furent hommes auares,
afpres,&fort ignoransde la façon de pioceder
que l'on deuoitobfeiucr entre les infidèles, qui
iamais n'auoient orïencélcs Chrcfticns, toutes-
fois l'on ne peut pas nier, que de la part des infidè-
les, il n'y ait eu beaucoup de mauuaiftié contre
Dieu, & contre les noures , ce qui les contraignit
vzerde rigueur , &dechauiement. Et ce qui eu:
d'auantage, le Seigneur de tous, encor que les fi-
dèles fulîent pécheurs, voulant fauorilerlcurcau-
ie & party , pour le bien des infidèles mcfmes,qui
depuis fe debuoient conuertir au faincl; Euangile
i -ï'àhs
DES INDES. 117. VII. 348
par cefte occafion : car les chemins de Dieu font
hauts,& leurs traces merueiileufes.
De la façon que h duùne prouidenee d'tfpofa les
Indes , ùoury donner entrée à la Ej-
li'ion Chrétienne.
C H A P. XXVIII.
&y<$ E mettray fin à cefte hiftoire des Indes de"
îUcî clarant le moyen admirable par lequel Dieu
difpofa, & prépara l'entrée de l'Euangile , en icel-
les,ce que l'on doit bien confidere^afin de louer
& recognoiftrelaprouidcnce & bonté du Créa-
teur. Chacun pourra entendre par la relation, &
difeours que i'ay eicrit en ces liures , cantau Peru,
commeenlaneurueEfpagne , lors que les Chre-
ftiensy mirentpremirementlepied, ces Royau-
mes & Monarchies eftoiêc paruenuës au fommec,
&periodede Ieurpuiffance ; veuqueles Inguas
polîedoicnt au Peru depuis le Royaume de Chil-
\c iufques plus outre que Quitto,qui soc mil lieues
de pays (iiiui.Eftans fi abondans en or &argent,so-
ptueux feruices, & autres chofes que rien plus,
comme en Mexique Moteçuma commandoitjde-
puis la mer Oceane, duNort , iufques à la mer du
^ud s eftantcraint,& adoré no pas comme hom-
me', mais pluftoft corne Dieu:Ce fut alors que le
très-haut Seigncuriugea, que cefte pierre de Da-
niel qui rompit les Royaumes , & Monarchies du
monde rompift auffi ceux de cet autre nouueau
monde. Et tout ainfi comme la loy de Chrift
■■■m
■
HISTOIRE NATVUELLE
vint quand la Monarchie Romaine eftoit parue-
nue à fonfommet,ain(î en aduintil es Indes Oc*
cidcntales, & vrayemetapperçoit-onencelavne
vrayeprouidence du Seigneur. Car n'y ayantau
monde, c'eftà dire en Europe, qu'vn chef & fei~
gneur temporel , ainfi quelesfacrez Docteurs le
rem irquent, cela fut caufe que l'Euangile fe peut
facilement communiquer à tant de peuples 8c
natios, ce qui eft aufïiarriué es Indes où/ayans dô-
né la coçnoiiïancc de Chrift aux chefs &. monar-
ques de tant de Royaumes, cela fut caufe que par
après plus facilement l'on communiqua l'Euan-
gile à tout le peuple, voire y a icy vne chofe parti-
culière à noter,que comme les feigneurs de Mexi-
que & de Culco, alloient conqueftansdenouuel-
les terres ils y alloient auiîîinrroduifans leur lan-
gue, car iaçoit qu'il y euft comme il y* encorde
prefent vne grande diuerfite' de langues particu-
lières &propres,neantmoins la langue courtifane
de Cufco courut & court encorauiourd'huy plus
de mil lieues, Se celle de Mexique , ne f'eftendoit
gueres moins , ce qui n'a pas elle de petite impor-
tance, mais a beaucoup profité pour faciliter la
prédication en ce temps que lespredicateuas n'ot
pas le don de plufieurs langues, comme ilsauoiét
anciennement. Qui voudra feauoir quelle ayde
c'a eftépour la prédication Se conuerfionde ces
peuples,quc la grandeur de ces deux Empires que
l'ay dit, pour la grande difficulté que l'on a expé-
rimentée , à réduire en Chrift les Indiens,qui ne
recognoilïoient point vn (eigncur,f'enailleenla
Floride,au Brefil,aux Andes,& en plufieurs autres
endroits,oùpar la prédication l'on n'a pas faict vn
S^KSàssi?- i^HSàîh.
DES INDES. L IV. VII. 349
teleffeft en cinquante ans, côme on a fait au Pe-
ru,& enlaneufue fcipagneen moins de cinq. S'ils
veulent dire que la richelFe de cefte terre en a efté
caufe,ienelcniepas du tout,tourcsfois ileftoit
impoflîble qu'il y euft tant de richelle , & qu'ils
l'eurent peu conferuer,s'il n'y cttft eu Monarchie.
Cela melme eft vn acheminpmentde Dieu, pour-
ce temps cy, auquel les prédicateurs de l'Euangile
fontiirroids& fipeuzdez, qu'il y aye des mar-
chands lefquels auec la chaleut de l'auarice , & le
defir du commandement, cherchent &dcfcou-
urent de nouucaux peuples,où nous pallions auec
noftre marchandiie. Car comme dit S. Auguftin, jfur.U. t.
laprophetie d'Efaye eft accomplie, en cequel'E- <&«».£«£
glife de Chrift l'eft dilattee , non feulement en la c- i6'
dextre, mais auflî en la feneftre , qui eft comme il
déclare s'acctoiltre par des moyens humains, &
terriens,quel'onchercheplusordinairementque
IefusChuft. C'a efté aufïï grande prouidence du
Seigneur, que quand les premiers Efpagnols y ar-
riuerent,ils trouuerent de l'aide entre les mefmes
Indiens, à caufe de leurs partialitez & grandes di-
lutions. Cela eft tout cogneu auPeru, que la diui-
fion d'entre les deux frères Atahulpa , & Guafca,
eftât nouuellemet decedé le grand Roy Guanaca-
pa leur pere,fuft caufe de donner l'entrée au Mar-
quis Dom Fraçois Pizarre & aux Efpagnols,d'au«
tant qu'vn chacun d'eux defiroit fon alliance, &
qu'ils eftoient occupez à fe faire la guerre l'vn à
l'autre. L'on n'a pas moins expérimenté en la
neufue Efpagne, que l'aide de ceux de laprouince
de Tlafcaîla , à caufe de la perpétuelle inimitié
qu'ils auoient contre les Mexiquains, caufa au
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HISTOIRE NATVRELI.E
Marquis Fernande Covtcz , & aux fiens la victoi-
re,& îeigneurie deMexique,& fans eux il leur euft
elle impoiïible de la g.iigner,voire feulement de Te
mainteniraupavs.Ceux là fe trompent beaucoup
quieltiment peu les Indiens , & quiiugentquc
par l'auanrage , que les Efpagnols ont fut eux, de
leurs perfonnes , chenaux Se armes ofïeniiues , ce
defTenimes, ils pourront conquefter quelconque
terre, & nation d'Indiens. Chillc cft encorlà, ou
pour mieux dire Aranco,& Teucapel, qui font
deux villes, fur lefquelles nos Efpagnols n'ont pas
fçeu gaignervn pied de terre, combien qu'ilyaye
plus de vingt cinq ans, qu'ils y font la guerre fans
l'y eipargner. Car ces barbares ayansvne fois per-
du la crainte des cheuaux & des arquebufes , Ôc
fçachans que l'Efpagnpl combe aum bien qu'vn
autre , d'vn coup de pierre où auec vne flefche, ils
fe hafardent ôc entrent dans les piques , faifans
leurs entreprinfes. Combien d'années y a il que
l'on leue des hommes en la netifueEfpagne', que
l'on menecontre les Chychymequos,qui font vn
petit nombre d'Indiens tous nuds , armez feule-
ment de leurs arcs, & flcfches,toutesfoisiufques
auiourd'huy ils n'ont peu eftre vaincus , au côtrai-
tede iour eniour ils deuiennent plus hazardeux
ôc déterminez. Mais quedirons nous des Chucos,
des Chyraguanas, & dcsPilcocones, & de tous
les autres peuples dts Andes ? toute la fleur du
Peru n'y a elle pas efté, menant auec foyfi grand
appareil d'armes & hommes comme nousauons
veu?que firçt ils?auec quel profit retournerec-ils^
Ils en reuindrét certainement bien heureux de n'y
^M
aatmm
DES INDES. LIV. VII. jjO
auoir laiiîc la vie , y ayans perdu leur bagage de
prefque cous leurs chenaux. Qujaucnn n'eftime
pas, qu'en parlant des Indiens, l'on doiue enten-
dre des hommes de rien , mais s'illepcnfe, qu'il
vienne, & en race l'efpicuue. lien faut donc at-
tribuer la gloire à qui elle appartient, qui eft prin-
cipallcmentà Dieu , de à ion admirable difpoii-
tion, car fi Moteçumaen Mexique, &l'Ingua nu
Pcru fe fuflent employez à refifter aux Espagnols,
& leur empeicher l'entrée 3 Cortez,&Pyzarrey
eulVenc peu profité , encor qu'ils fuiTent excel-
lents Capitaines, d'auoir mis feulement pied en
terre. C'a efté mcfme vn grand ayde pour faire
reeeuoiraux Indiens la loy deChrilt ,que la grad
iujeâion qu'ilsauoientà leurs Rois,&feigneurs,
& mefme la fujection, & feruitude qu'ils auoienc
au diable, à fes tyrannies , & à fon ioug fi pezant.
Ce fut vne excellente difpofition de la fapience
diuine , laquelle tire duprofit dumalpour vne
bonne fin;& reçoit fon biédu mal d'autruy qu'el-
le n'a pas femé. Il cit certain qu'il n'y a aucun peu-
ple des Indes Occidentales , qui ait efté plus idoi-
ne à l'Euangile , que ceux qui ont efté chargez de
plus grandes charges , tant de tributs & feruiecs,
c5medecouftumcs,&:vfagesfanguinolccs. Tout
ce que poftTederent lesRoys Mexiquains, & ceux
du Peru,e(l auiourd'huy le plus cultiué de IaChre-
ftienté , & où il y a moins de difficulté an gouuer-
nement , &" police Ecclefiaftique. Les Indiens
eftoient défia fi laiTez d'endurer le iougtres-pe-
fant,& infupportable des loix deSatan,dcs facrifi-
ces &ccr cmonies,dont nous auos parle cy-dellus,
H! m
HISTOIRE NATVRELI, E
qu'ils confultoiét entr'eux de chercher vne autre
loy,& vn autre Dieu, à qui ils feruiffét.C'-eft pour-
quoyla loyde ChrilUeur fembla,& leur iembîe
encorauiourd'huyiufte, douce, nette , bonne ,&
toute pleine de biens.Et cequieft difficile enno-
ftreloy , qui eft de croire Ges myfteres fi hauts Se
fouuerains,a efté bien facile entre eux,d'aiuât que
le diable leur auoit fait corn prendre d'autres cho-
fgsplus difficiles. Et ces mefmes chofes qu'il auoit
delrobees de noftreloy euangelique,comme leur
façon de communion,& confellion,leuradoratiô
de trois en vn, & telles autres choies femblables,
îefquels contre la volontcderennemy oncayde
à faire plus facilcmét receuoir la vérité à ceux qui
les auoient receus en la raenterie. Dieu en toutes
fesceuureseft fage,& admirable, lequeliurmon-
te l'aduerfaire auec ks propres armes , larrefte
auec fon lacs, & fefgorge auec fa propre cfpee.Fi-
nablemcntnoftre Dieu, (qui auoitereé ces peu-
ples,©^ qui fembloit fi long temps les auoir mis en
oubly)quand leur heure a efté venue a voulu faire
que les mefmes diables ennemis des homes qu'ils
tenoient faulfement pour dieux , donnaient tef-
moignage contre leur volonté de fa vraye loy , du
pouuoir de Chrift & du triomphe de fa Croix,
ainfi qu'il appert clairement par les prcfagcs,pro-
pheties,fignes,& prodiges cy de(Tusracôtez,auec
plusieurs autres qui font aduenus en diuecs en-
droits , & que les mefmes miniftres de fatan , for-
ciers, magiciens , & autres Indiens l'ont confefle.
Et ne peut-on nier (car c'eft choie très- euidente,
& notoire par tout le monde) que le diable n'ofe
fiffler,&que les pratiques , oracles, refponfes,&
apparitions
des montagnes
efloignez
DES INDES. L IV. VII. 3JI
apparitions vifibles , qui eftoiént fi ordinaires
en coûte cefte infidélité, ont celle es lieux où le
fignede la Croix a efté plante, où il y a des Egli-
ses, Ôc où l'on a confelîé le nom de Chrift. Que
i'il y aencor auiourd'huy quelque fien miniftre
maudit, qui participe encor de quelque chofe de
cela, ce n'eft que dedans les cauernes, fommets
& aux lieux cachez & du tout
du nom & communion des Chre-
ftiens. Le Seigneur fouuerain foit bénit, pour
Ces grandes miièricordcs, & pour la gloire de fon
fainct nom: & à la vérité, fi Ton gouuernoic&
regiffoit ce peuple , tant temporellement que
fpirituellement,de la façon que porte la loyde
lefus Chrift, auec vniougfi doux,& vne char-
ge Ci légère, & qu'on ne leur donnaft point plus
deppix & de charge que ce qu'ils peuuent por-
ter, ainfi qu'il eft porté &c commandé par les pa-
tentes du bon Empereur de bonne mémoire, &
qu'auec cela ils prinfTent la moitié du foucy qu'ils
employent à faire profit de leurs pauures fueurs
&trauaux,pour leur aider à leur falut , ce feroit
laChrcftienté lapluspaifible& heureufede tout
ie monde. Mais nos péchez bienfouuent font
occafion que Dieu ne départ pas Ces grâces fi a-
bondamment qu'il feroit. Toutesfoisiedy vne
chofe qui eft v raye , & le tiens pour certain, que
iaçoit que la première entrée de l'Euangile en
beaucoup d'endroits n'a pas efté accompagnée
defincerité, Se de moyens Chreftiens defqucls
on fe deuroit feruir, fi eft-ce que la bonté de Dieu
a tiré du bien de ce mal, & a fait que lafubiedion
y
' /HISTOIRE NATVRELLI
des Indiens, leuraye efté vn parfait remède, Se
iàluation. Que l'on confiderevn peu ce que de
noftre temps Ton a de nouueau conuerty en la
Chreftienté, tant en Orient qu'au Ponant, ôc
combien il yaeu entr'eux peu defeureté,&dc
perfeuerance en lafoy & religion Chreftienne,
es lieux où les nouueauxconuertisont eu entiè-
re liberté de diipofer de foy, félon leur libéral
arbitre. La Chrétienté fans doute va croiiTant
& augmentant , 6V rapporte chaque iour plus de
fruict entre les Indiens aflubiectis , & au contrai-
re va fe diminuant, & menaçant ruine es autres
qui ont eu des commencemens pins heureux: &
encor que les commencemens ayent efte labo-
rieux es Indes Occidentales, toutesfoisle Sei-
gneur n'a lailfé d'enuoyer incontinent de bons
ouuriers & fidèles miniftres fiés, hommes faùicts
&apoftoîiqucs, comme furent frère Martin de
Valence, del'ordre de fainct François ; frère Do-
minique de Getanços,de l'ordre de fainct Domi-
nique, frère Iean de Roa, del'ordre de fainct Au-
guftin , auec d'autres feruiteurs du Seigneur y qui
ont vefeu fainctement , & y ont ouuré des chofes
plus qu'humaines. Des Prélats mefmes fages , &c
desPreftres fort faincts, & dignes de mémoire,
defquels nous oyons des miracles remarquables,
& propres actes d'Apoftres,voire en noftre temps
enauonscogneu & communiqué de celle quali-
té. Maispource que mon intention n'a efté plus
outre que de traitter ce qui touche l'hiftoire pro-
pre des mefmes Indiens, & de venir iufques au
temps que le Père de noftre Seigneur IefusChrift
DES INDES. L IV. VII. 3J2,
voulut leur communiquer la lumière de fa paro-
le, ie ne pallcray plus outre,laiiranr pour vn autre
temps ,ou pourvu meilleur entendement, le dif-
cours de l'Euangiieaux Indes Occidentales, fup-
pliant le iouuerain Seigneur de tous, & priant
/es feruitcurs qu'ils iupplient humblement fa di-
uinemajeux qu'il piaiieàfabontévifitetfouuent
& augmenter par les dons du ciel, la nouuclle
Chreftienté,que les derniers fieclesontplantee
aux bornes de la terre. Soit au Roy des lîecles
gloire, honncur,& empire pour toufiours&àia-
mais. Amen.
F I N.
y >1
OBI
&?:?2
-
TABLE DES CHOSES
PLVS R E M A R Q^V A B L £ S CON-
tenuè's en cette Hiftoire naturelle
8>c moralle des Indes.
Bondance d'eaux
Tous la Zone
Torride. fol^.b
Abfurditezdcl'Iile At-
lantique de Platon.
44'a r
Abus des Eipagnolsau
Peru, prenansl'Efté
pourl'Hyuer. 53. a
Acamapach premier
Roy de Mexique.
29o.a
Accord fait entre le
Roy de Mexique &
fon peuple deuant
qu'entreprendre vne
guerre, 515?-»
Acllaguagi efpece de
monaftere de fem-
mes. 2Z2. a
Actes généreux de Fer-
nande Cortés. 3i7«a
Action de grâce fol em.
nelles après vne vi-
ctoire. 312. b
Adoration des morts
commencée & au-
gmentée. * 501
Adultères punis de
mort. 281. a
Agilité des guenons,, Se
de leurs traits pres-
que incroiables.
190. b
l'Aigle fur vn Tunal,
armoiries de Mexi-
que , & pourquoy.
307. b. 308. a
l'Ail fort eftimé des In-
diens. 157 .b
l'Air combien neceflâi-
reà la vie de l'hom-
me. 68.aub
l'Air efmeu de mouuie-'
ment celefte , fufrhc
fous la ligneEquin o-
cti aile pour condiui-
T A B
re vn nauire.83. a.84.b
Alco petits chiens doc
les Indiens ont vn
foinincroiable.i82.a
Ambafladeurs arrofèz
de sag humain. 340. a
Amaro Ingua exécuté
par les Efpagnols
dans Cufco. 289. a
Ambre efpece de gom-
me medicinalle , &
odoriférante. 173. b.
i74.a
Amandes croiiïàns das
les Cocos. i6y.b.
170.»
Amandes de Chaca-
poyas tenues pour le
plus rare fruict qui
foitau monde.iyo.a
les Anciens n'ont peu
faire vn voyage de
propos delibere,fau-
te d'efguille. 3j.b
les Anciens ne naui-
geoient qu'auec ra-
mes. 36.a
Anciens do&eurs plus
ftudieux des fain&es
lettres que des demô
ftrations de Philofo-
phie. i.b
Animaux venimeux cô-
L E.
uertispar art du dia-
ble, en bonnenour-
riture. 3o6.a
Animaux parfaits ne
peuuent eftre engen-
drez commelesim-
parfaits félon Tordre
dénature. 39. a
plufieurs elpeces d'A-
nimaux fe troiruenc
cz Indes , dont il n'y
en a point en l'Euro -
pe. iSj.b
Annona fruict appelle
par les Efpagnols
blanc manger à cau-
fe de quelquerelïem-
blance 168. a.b
l'An des Indiens diuife
endixhuict mois.
261. a
l'An des Perufiensplus
parfait &plus appro-
chant du noftre que
celuy des Mexi-
quains. 262. a
Apopanaca c'eftoit le
fuperintendant des
monafteres des fem-
mes. 222. a
Apachitas fommets de
montagnes adorez.
a
106. a
y »)
T A B
Arbre d'énorme çran-
dcur. ijô.b.ijj.a.
l'Arc du ciel auec deux
couleuures eftoient
les armes de l'Ingiu
RoyduPcru. 203. b
Arcades aux baftimens
inconnues aux In-
diens. Z76. a b
l'Argccpourquoyapres
l'or eftpriïcfur cous
les autres métaux.
130. a
l'Argent plus prife en
certains endroitsque
non pas l'or, ijo.a
l'Argent plus commun
ordinairement que
l'or. ibid.
commet on affinelAr-
gentparlefeu.i3o.b.
ôc comment auec le
vifargent. ibid.
&14.7.JL &b,
diuerfes fortes d'Argét.
i3?.b. 140.1
efTayde l'Argent com-
ment fe fait. i49.a
Arittote nonrefutépar
Laitance touchât le
lieu delà terre. i4.b
Armes desMexiquains.
iQi.b
L E.
Armée en l'air prefages
d'vne grande ruine.
334. a. b.
Ait militairefort hono-
re des Mexiquains.
291. b
Art de recognoiftre les
cftoilles inuenté par
les Phéniciens. 3 2.b
chafque Indien fçauoit
tous les Arts necef-
laires à la vie humai -
ne,fans qu'il luy fuft
befoin de fe ieruir
d'autruy. 28o.a.b
les Afl:res (elo quelques
Docteurs de l'Eglife
femeuuetdeux-mef-
mes. i.b
Auantage que lesChrc-
ftiens eurent aux In-
des pour y planter la
foy. ^34-b
S. Auguftin doute file
ciel circuit la terre
de toutes parts. 2
S. Auguftin beaucoup
plus fubtil que La-
etanec. i4-b
Auftericez exercées par
les Mexiquains pour
conferuerlcurpndi-
citc. 116. a. b
-
T A B
cupide Auarice d'va
certain Preftre pen-
fant tirer de l'or d'vn
Volcan. 117. a
Axi efpiceric d'Inde.
159.5.160. a
l' Aymant trace comme
vn chemin en l'eau.
33. b. 34. a
l' Aymar, communique
vne vertu au fer de
regarder toufiours
vers le Nort. 33.a.b
l'v fage de la pierre d'Ay
mant à nauigcrn'eft
ancien. 35.a
B
BAlfoIemnclenMe-
xique,où le Roy
mefmc daçoit. 196.3.
Balance terrible où le
diable faifoit confef-
fer les Iapponnois.
333-a
Balaine comment prife
par les Indiens , &
auec quelle induftrie
99. b. 100. a. comme
ils la mandent, ibid.
Barques des Indiés, ap-
pellees Canoës. 41. a
L E.
Bataille fans efpandre
fang,faite feulement
pour cérémonie à la
reddition deTefcu-
co. . 32-3-b
Baufme de PaJeftine de
celuy des Indes fore
difTerés. i72.b.ilfert
de chrefmeés Indes
aux Sacremés de Ba-
ptefmcConfirmatio
ôcautrcs.ibid.leblac
meilleur que le rou-
ge. 173. b
Belle occafion aux Ef-
pagnols d'aflùiectir
les Indiens par dou-
ceur fi leurs péchez
l'cuflènt permis. i5fa
Befaar pierre qui fetrou
ue en l'eftomac de
quelques animaux ,
treflbuueraine con-
tre le poifon. 195. b.
d'où elle naift.2o6.b.
comme elles l'appli-
quent & quelles font
les plus excellentes.
157. a. furquoy el-
les fe forment, ibid.
Beftial foigneufement
conferué parles In-
guas. 179. b
y "'j
y:^i*rwwteJi
^i'à'/iKi^fJ. WV4K
T A B
Belles fauuages adorées
par les Indiens , &
pourquoy. 206. b
Betum die Coppey en
Indien. 103. a
Bilïexte incognu auxln-
diens. 263.3
Bochas & Suches poif-
ions fi^nallez du lac
deTiticaca. ioi.a,b
Bonchos religieux du
diable éslndes. i-^z.a
Bourrelée marque du
roylngua côme fout
icy îefceptre&lacou
ronne. ziy.b.iy^.b
Bois rares 5c odoriferâs
qui naiilent es Indes.
176. b
Brancars d'or maiïïf.
n7.b
hs Brifes & vents d'a-
bas font deux noms
généraux qui com-
prennent les vents
d'vn cofté Se d'au-
tre. 80. b
Bruine fort profitable
aux Lanos du Peru.
iu.a
C
(■^Acao fruicl fort e-
-> ftimé es Indes>
L E.
ôc qui fert de mon-
noye. 163 .a.b
Cacaui, pain faitd'vnc
racine. ij5.a
Calabaliès ou citrouil-
les d'Inde, & de leur
grandeur. 159-b
Calcul des Indiens fort
ingénieux Se fort
prompt. 27i.a
Camey fecodmois des
Indiens. 24,9.3
Canards en grade abo-
dace au lacdeTki ca-
ca, & comme on les
chaire. ioi.a.b
Canes de fucre deçrïd
reuenu. 180. a
Canopus eftoilîcquife
voidau cieldunou-
ueau monde. $>.b
Cap de Comorni au*,
tresfois appelle le
Promontoire de Co-
ri. 22.. b
les Carthaginois def-
fendirent de naui-
çer aux terres inco-
gneuc'Sj&pourquoy.
22.a
Caufès des inondatios
du Nil, 52. a.b
Caufe aflTeuree de l'H y-
T A
uer&deI'Efté.53.b.
Caufe des trcmbiemës
de terre. n8.b.n^.
Caymas ou lefards, ref-
femblans auxCroco-
diles dont Pline par-
le. 5>8.b
Cendre iettee en abon-
dance parles Volcas.
nS.b
Cérémonie Mexiquai-
ne de fe tirer du fang
en diuers endroits.
^ 3i3,&53o.b
Cérémonie des Indiés
en la fepulture des
morts, no.b. 211. a
Cérémonies quifefai-
fbient aux facrifices
des hommes. 23o.b.
131.
Chachalmua premiers
Se fuprefmes Pre-
ftres , & des habits
donts ils vfoient aux
facrifices.23i.b. 23i.a
Charge des moutons
d'Inde combien gra-
de, & quelles iour-
nces ils font ainfi
chargez. 194. b
Chafquis polies des In-
L E.
diens qui portoient
les nouuelles par
tout.187. b. de leur
eftabliflement. 281
Chafîedes Iyonsvfitce
entre les Indiens.
183. a
Chemin des Efpagnols
pour aller aux Indes,
& leur retour. j6.h
Cheuauxbeaux& forts
fe trouuent es Indes.
182.
Cheueux des preftres
horriblement longs
& oincts de refine.
. H3-a
Chica boifïbn fort bo-
ne pour le mal de
reis. z54-a
Chichimequas anciens
habitas de laneufuc
Efpagne , & de leur
vie barbare. 25? 8. b
Chicocapote fruit ref-
femblât au cotignac.
i68.a
Chiens dangereux Se
auffi pernicieux que
les loups. iSi.a
Chiens dangereux en
Mile de Cuba Efpa-
gnolle&autres.42.a
c^y.yâ'.s
• T A
Chillé Royaume de
mefme température
que celuyd'Ëfpagne.
51. a
Chinchilies petits ani-
maux dot la peau eft
exquife. 189. b
Chocholate boifsôdes
Indiens dont ils font
grand cftat. i^.b
le Ciel eft rôd& fc tour-
ne fur les deux pôles.
3. a. prpuueplus par
expérience que par
dcmonftration. ibid.
le Ciel entoure la terre
félon les eferkures.
5.b.6.a
le Ciel de tous coftés eft
en haut. i+.a.b
le Ciel n'dîoignc pas
pi9 la terre dVn cofte
que d'autre. 10. b
Cinabre ouvermeillon
appelle parleslndie>
Lyrapi. i-H-b
Coca fruiâ: qui fcruoiL
demônoyeaux Mc-
xiquains. 116.1
Coca certaine fueilie
dont les Perufiensfe
feruoient pour mon-
noyé. ibid.
BLE.
Coca petite fueilie doc
leslndiensfontgrad
traffic. 171. a. il en-
courage & renforce.
164. a
Cocas Palmes desIndes
& de leurs rares pro-
prietez. i<pt>.b
Cochenille graine qui
croift en l'arbre de
Tunal. 16 6.a.
Cœur arraché aux ho-
mes iacrifiez,& d'où
vient laceremonie.
305^
Collèges de Mexique
ordonnez pour ap-
prendre des haran-
gues bien dittes aux
îeunescnfans. 169. a
Colomnes d'Hercules
limites de l'Empire
Romain & du m on-
de ancien. i6.a
Combat du Caymant
&d'vn Tigre. 5>8.b
Combat d'vn Indien
contre vn Caymant.
Combien de contente-
ment apporte la con-
templation des «eu-
ures de Dieu, au pris
T A
de celles du monde.
7,8 .
Combien chaque fa-
medy Pen-regilkoit
d'argent à Pottozi,
du temps du gouuer-
neur Polio. 135. a.
Polio. ibid.
Comédies fort freque-
tes à la Chine.
267. a
les Comètes en l'air fe
meuucnt de l'O-
rient en Occident.
81. b
Communio imiteepar
les efclaues de Satan.
256^.239 b
Comparaifon familière
pour prouucr l'effecl:
naturel des pluyes
en la Zone Torride.
58. b
Comparaifon du Roy-
aume de Mexique
auec celuy du Peru.
Concile de Lyma ropt
le mariage fait entre
lefrerc&lafœur, &
pourquoy. 283^
Concombre dinde.
BLE.
66.a.b
Confefïîon des Indiens.
240. a. b. Tlngua ne
fe confeflbic point.
240. a
péchez dontfe Confef-
foient les Indiens.
24.0. b. bain après la
Confelïiô de l'Inçua
241. a
Confitcor , comment fe
peuteferire eneferi-
ture de Mexique.
le Conte des Indiens
dont ils fé feruent
pour lettres ne peut
aller plus outre que
quatre cens ans.
48.a.b
le Cotton croift es ar-
bres. i<j6.b. ilfert
pour faire de la toille
ibid.
Corps mort extrême-
ment bien conferué.
287-a
Couronne de Mexique
femblable à celle de
la Seigneurie deVe-
nife* 510. a
Couronement desRois
imlfiHffiHliili HHHi
T A B
de Mexique fait en
grande folemnité,&:
auec effufion d'vnc
infinité de fan 2 hu-
main. 314.^0
Courriers desIndes fort
viftes, bie que ce fuf-
fent piétons. 271. a.
&281.
Coya,principalle fem-
me del'Inguajde la-
quelle le nls fucce-
doit au Royaume,
mais après l'oncle
feulement. 273. b.
274.» ^
auant la Création il n'y
auoit ny temps ny
lieu ,chofe difficile à
l'imagination. 14-b
il n'y a point eu dcCrea
tion depuis la pre-
mière. 39. a
Crimes punis de mort
parleslndiens.28i.b
282. a
Croifee eftoille nota-
ble dunouueau ciel.
9.b
Cruauté des Indiens en
leurs facnfices. ii5.a
Cruautez exécrables en
la tune à es hommes.
LE.
131.231.233.
Cruelleceremonie: d'ar-
rofer les ammafïa-
deursdefang , pen-
fant pour cela îauoir
meilleure refpconfe.
151.
Cu,giandtcple de Me-
xique,&defesfiingu-
laritez. 218.
Cugno certain paiinde
quelques Indiëisfait
de racines. mo.b
Cufchargui eft vne
chair fechee «dont
vfentleslndienss.
194. a
Cufco ancienne hiabi-
tation des Rois ede ce
payslà, nio. b
D
DAnfes & récréa-
tions publuquer.
neceiïaircs ento>utes
republiques. 2co3.b
Dantes animaux fàiuua-
ges, prefque femibla-
blesàdes muletas, 8c
de leurs cuirs.i8<9.a.b
Déluge allégué pair les
Indiens , dont il fe
void quelque aippa-
aence. 447 .b
M
TA B
Dent de Géant dvne
énorme grandeur.
301. b
Département des ter-
res d'Azcapuzalco
après Ta victoire ob-
tenue par ifcoalt.
3io.b.3zi.a
Defcouuerte des Indes
Occidentales pro-
phetifee parSeneque
2.1. b
Defcouuertes de nou-
uelles terres , faictes
plus par tempefte
qu'autrement. j6.b.
37. a
Dcilcin de faucheur.
70. b
Deltroit de Magellan
defcouuert par vn
gentilhomme Por-
tugais, qui portoit le
mefmenom. 91. a
DeftroitduPoleArdi-
que,qu'on s'imagine
en la Floride, no en-
core recognu. 94. a
Deltroit deGibaltar ap-
pelle anciennement
Colomnes d'Hercu-
les. 00. a
habitas d'autour le De-
L E.
droit de Magellan,
quels &c comment
veftus. 94.b. 95#a
le Diable ialoux contre
Dieu, hait les homes
à rnort.2oo.b.Idola-
trie diuifee en plu-
fieurs chefs. 20i.a.b
le Diableparloit ésGua
cas deslndiens.2i2,b
117. b
Différence de lettres
peintures & chara-
deres. 263^.164. a
Difficulté de fçauoir
d'où font venus les
Indies , à caufe qu'ils
n'ôt point vfédelet-
tres. 4<5.b.47.a
Difcoursde la defcou-
uerte du Magellapar
Sarmiento. 92.95
Diuifion du Peru ésLa-
nos , Sierras , & An-
des. 109. b
Durillon du peuple 275.
276.
Diuiilon de la ville de
Mexique en 4. quar-
tiers, fai&parlecô-
mandement de leur
dieu. }o8.b
Commet fc diuifoient
l^AffjSn> i'ii'j.<:!,L,.A'-'1j
T A
les terres coqueftces
par les Inguas.
Z7 8.a.b
Diuinations exercées
par les Indiens , &
commet. 24.3. b.244
Diuorces pratiquez
entre IesMtxiquains
& comment. 243. b
Diuorces pratiquez
entre IcsMcxiquains
& comment. 247. a
les S. Docteurs non à
reprendre pour eftre
«Jifïercns enopinios
Philofophiques. 2.b
Dorado grade terre in,
cognuc. 114. b
le DrachAnçlois deno-
ftretéps apaflelede-
ftroit de Magellan,
& d'autres depuis
luy. 5)1. b. 92. a
E .
EAuëde merrefiaif-
chit,bien qu'elle
Toit iallee. 64.a
Eaues deGuayaguiltres
fouucraines pour le
mal Napolitain.
i04>a
EclipfcdclaLunepreu-
ue certaine delà ron-
B L E.
deurduciel. 4. a
Effects naturels procé-
dez de caufes toutes
contraires. 56. b. 57.a
les Elcmens participent
mefmes du mouue-
métdu premier mo-
bile. ' 81. a
Enrans lacrifiez au So-
leil. 231.236. b. 293.
Enfans de l'Ingua dé-
diez pour eftre che-
ualiers. 248^
Entrée des Efpagnols
en la neufue Efpagnc
tut l'an 15 18. 32p. b
Entrée de Cortez en
Mexique. 342-0
Erreur des Antropo-
morphites. 92
Erreurs de l'imagina-
tion. 13
partage. d'Efaye expli-
qué pour l'amplifi-
cation del'Euan?,ile.
124. b
Efchellesde cuir de va-
che pour moter hors
des mines. 138. b
hiftoire d'Efdras apo-
cryphe. 46. b
les Electeurs du Roy
de Mexique efloienc
T A B
ordinairemct fes pa-
rens. 291. b
Eflection des Roys de
Mexique, & des fe-
ftcs qui fefaifoientà
leur eftablilîement.
290^.291. a
Ellection du premier
Roy de Mexique.
310. a
1 Efctiture des Chinois
eftoit du haut en bas,
ôc celle des Mexi-
quains du bas en
hauc. 271. b
es Efcritures fain#es
faut fuiure l'efpiit
qui viuiîie, nô la let-
tre que eue. $>.b
l'Efmcraude ancienne-
met plus prilé qu'au-
iourd'huy. 149. a. b
rare ioyau d'vn plat d'zC
meraude qu'ils ont à
Gennes. 150. b
les Mexiquains fç per-
çoient les narines ,
• pour y pendre des
Efmeraudes. 150. a
l'Efpagnol chafque an
l'vn portant l'autre
tirevn million d'ar-
gët dePottozi.i3<$.a
LE.
Efpagnols naiz aux In-
des appeliez Crol-
los. i68.a
Efpagnols tenus pour
dieux. 44.b.34-o.a
Efpagnols appeliez des
Indiés Vnacocasen-
fâsdedieu,& àquel-
leoccafion. 288. b
l'Efguille feulguidedu
nauire. 32.a
trois fortes d'Eftoffes
faite delaine.279.b
280. a
Eftoilles adorées desin-
diens pour diuerfes
raifons. 205.b.2O4.a
Eftrançe différence de
deux regios proches,
dont l'vn fait le Di-
manche quad l'autre
faitleSamedy.ii5.a.
ibid.b
l'Euangile enfeigné aux
Indies lors qu'ils ont
efté plus puiiïknSjCO-
me il fut aux Ro-
mains, leur Empire
eftant à fon plus haut
période. 348^
Euangile accreu à dex-
tre&àfeneftre,que
fignifie. 349,a
■■■■■■■■■■■I
T A B
Exercices aufquels on
apprenoit la ieunef-
fe. 25J4. a
Explication d'vn parta-
ge deS. Paulallegué
contre la rotondité
du ciel. 8.b
Explication du Pfalme
105 . fur le mefme iu-
je<5t. 9. a
F
FAmiliereraisopour
prouueràvn In-
dic que le Soleil neft
point Dieu. 207. a.b
Fertilité infertiles des
Iiles de la neufue Ef-
pagne. 113. a
Fersdecheual d'argent
àfautedefer. 117. b
Fefte de marchandsac-
compagnee de diuer-
fes fortes de icux.
tfjtf.157.1j*.
Fefte de l'idole Tlafcal
la. 215
Fefte pour demander
de l'eau. 251. b
Feftes ordinaires ^ex-
traordinaires des In-
diens. 26z.a.Feftes de
chafquemois. 250.3
Feuille du plane mer-
L E.
ueilleufement gran-
de. 162. a
Feuille de planepropre "
àeferire. 16$. a
Feu tiré de deuxfrnftôs
frottez l'vn contre
l'autre par les Indies.
7if
Feu d'enfer fort différée
dunoftre. 118. b
Feudu ciel qui con sôma
quelques Geas pour
leurs péchez. 37. b
Fontaine m erueilleufe,
iettant l'eau chaude
qui fe conuertit en
rocher. 103. a
Figuer admirable dont
la moitié porte fruit
en vne faifon,& l'au-
tre partie en L'autre.
i79.b
Fille du Roy de Chul-
huacâ» maflacree par
les Indiens , qui fut.
occafion de guerre.
306. b
Fleuuedela Magdelai-
ne , appelle grande
riuiere , entre fort
auant dans la mer
fans mefler fon eau.
embou-
TAB
emboucheuredu Fleu-
ue desAmazonesJar-
gedefoixante & dix
lieues. 105. a
grads Fleutiesje moin-
dre ilupafsât les plus
grands de l'Europe,
îbid. &b.
les Fleurs de l'Europe
viennent mieux aux
Indes qu'icymefme.
170. b
les Floridiens ont efté
fans cognoillàncedc
l'or. 124. a
leFlux& reflux n'eil pas
mouuement local ,
mais vne altération
<k ferueur des eaux.
97.»
diuerfîtéde Flux & re-
flux des mers. 96. a
Fontaine de betû. 103. a
Fontaine de Tel en Cuf-
co. 103. b
Foreft horriblement ef-
paiiïes éslndes. 175-b
Foreft d'orangers es In-
des. i77.b. 178. a. les
cerifes ont peu pro-
fité aux Indes , &
pourquoy. 178. a
Forme de ce qui eft def-
LE.
couuert en la terre
duPeru. 121. b
Fracois Hernandes au-
éteùr d'vn raieliure,
où toutes les plantes
racines , & liqueurs
medicinallcsdes In-
des sot pourtraicles.
Froidure de la Zone
Torride qui rend ai-
^ 2nc de moquerie l'o-
pinion d'Aiiftote.
6o.b
Fruicts d'Europe qui
ont tresbien multi-
plié es Indes. i77-b
GEans arriuez an-
ciennement au
Peru. 37-b
Gommes & huilles mc-
dicinalles& odorifé-
rantes auec leurs nos
173^.174..
GonzallésPiZarre vain,
eu & derTaid, où fon
auarice luy auoit fait
commettre tant de
cruautez fur les In-
diens. 285. b
z
■'"irvfvrtr^ ^^M
■■
T A B
Gouuerneurs des pro-
uinees commet efta-
blisparleslnguas.
^274.b
Guacas ou fànâuaires
fort bien entretenus.
278b
Guaca adoracoire des
Indiens. 205. a
Guaneos & Occunas
cheures fàuuages.
42. b *
Guayac appelle ligtium
fanffum. m.b
Guayaquil, chefhe d'In
de fort odoriférant.
176. b
Guayauos fruict d'Inde
aflezbon. 167. a
Guaynacapa grâd & va-
leureux Ingua,& de
fàvie. 287. b. 288. a.
il fut adoré comme
Dieu eftant encore
en vie. ibid.
Guayras , fourneaux
pour affiner. 140. b
Guerres des Mcxiquaïs
le plus fouucnt n'e-
ftoient qu'affin de
prendre des captifs
pour ficrifier. 230. b.
23i.a.234.a.
L E.
H
HAbit de tefte fort
diuersendiuer-
fesprouincesdes In-
des. 280. b. 2S1. a. vn
Indien ne pouuoit
changer l'habit de fa
prouince , encore
qu'il s'en allaftviure
en vne autre, ibid.
Harangue des Mexi-
quains au roy de Cul
huacan, demandans
fon petit fils pour
roy. 319b
Harague d'vn vieillard
faite à Acamapixtli,
premier roy de Me-
xique. 3io.a.b
Harangue d'vn Cheua-
lier Mexiquain,pour
retenir le peuple ir-
rité du cruel mafia -
cre de leur roy. 3 15. b
316. a
Harague d'vn vieillard
Mexiquain pour l'ef-
le&ion d'vn roy nou-
ueau. 31^. b
Harangue du Roy de
Tcfcuco faite à Mo-
teçuma fur fon éle-
ction. 330.b.35i.a
T A B
Hardiefle merueilleufe
des hommes au paf-
fage de Ponge 1 04..D
Hatuncufqui Aymorey
fixiefme mois des In-
diens refpondant à
May. H9-a
Hiftoire Indienne non
à meiprifer, & pour-
quoy. ijy.b.iyS.a.
Hiftoire de Mexique
mife pour fingulari-
cé en laBibliotheque
du Vatican. 325?. b
Hiftoire de Mexique
commet compofee.
269.
Hommes& femmes fa-
crifiez à la mort des
Inguas pour les aller
feruir en l'autre vie.
209.210.
Hommes faicts dieux,
puis facrifiez. 2 i-f.a.b
Hommes facrifiez raa-
gez par les Preftres.
231. b
Humeur des Iuifs con-
traire à celle des In-
diens. 4£. b.46.a
Hypocrifie de Mote-
çuma dernier roy de
Mexique. 3 30. a
L E.
IAloufie des Indiens
les vns contre les
autres pour le renom
de vaillantife. 284. b
Iardins portez fur l'eau
au milieu d'vnlac.
102. b
Iardins faicts fur l'eau
d'vn merueilleux ar-
tifice, & quifepeU'
uent mouuoir emme-
ner où on veut.
311. b
Idole porté par quatre
preftres, pour con-
duice,lors que lesMe-
xiquains cerchoienc
vne meilleure terre,
comme d'autres en-
fans d'Ifrael. 303. b.
3°3-a
Idoles des Roys Inguas
reuerees comme eux
mefme$. 2i5
leunenVfort foigneufe-
m et inftruite en Me-
xique. 25>4.a.b
Ieufnesdes Indiens do-
uant la fefte d'Y ta.
il G. b
zij
T A B
Icufnes des Indiens fe
faifoiécfans toucher
à leurs fcmmcs^o.b
zji.a
Ignorance doctrine des
Philofophes ancies.
Imagination vieille fol-
le. 13. b. 14. a
Immortalité de lame
creue" par leslndiens.
209. b
Indes,que fignifie, & ce
qu'entendons par vn
telmot. lô.b.iy.z
l'Inde Occidcntalle a
eftépour la plufpart
gouuernee par le peu
pie , êc n'y a eu en
tout que deux Roy-
aumes. 273. a.b
Indes comment fe font
peu peupler, ^j.z.
comment a efté pof-
fïbledç paflTeres In-
des. 3o.b
*cs Indes font terres lai-
des richçmct dotées
de Dieu , poureftre
mariées à l'Euangile.
125. a
Indiésfort peudefircux
de l'argent. 124.126^
L E.
leslndiens ont vefeu en
trouppes fans Répu-
blique, comme font
ceux de la Floride,
du Brefil & autres.
48. b
Indiens braues nageurs.
100. b
leslndiens en toutes fe-
ftes portent des bou-
quets. i7i.a
leslndiens n'ont point
eu de mot propre
pour direDieu.ioz.a
les Indiens (ont déplus
çrand entendement
qu'on ne les eftime.
26o.a
comment les Indiens
peuuenr defigner les
noms propres auec
leurs charaderes.
266. a
Inguas Roys du Peru
adorez après leur
mort. zoo.a
leslnguas eftoientmer-
ueilleufementrefpe-
dez du peuple , &
pourquoy. 281. b.
28i.a
le règne des Inguas a
duré plus de trois
TA
cens ans. 2.84-a
les Inguas efpoufoient
leurs fœurs. 273. b
ils n'heritoiet point
des meubles de leurs
predecefleurs, mais
faifoient vn mefna-
ge nouueau.i74.a.&:
z85-a.b
Inondatio duNi!,cho-
fe naturelle , quoy
qu'elle femble con-
tre nature. 52.D
Intégrité des femmes
fort honorée desMe
xiquains. 24-6.a
Inuentios fuperftitieu-
fes de Yupangui In-
gua,pour auoir occa-
iion d'ôfterle Roy-
aume à fon père & à
Ton frère. 286. b
Ioncs appeliez Totora
par les Indiens. 82. a
Ioiier le Soleil autant
qu'il naifle, Prouer-
be,&:d'oùileftvenu.
2i8.a.b
Iours & nuicts efgaux
toute l'année fous
l'Equinoxe. 45?.a.b
Iours d'Efté fort courts
au Peru. 62 .b
B LE.
cinq Iours de Tannée
fuperflus , aufquels
les Indiens ne fai-
foient rien. 26'i.a
Ifle de Sumatre , célé-
brée fous le nom de
Tabrobanè. 22. a
Ifle Atlantique de Pla-
ton , où elle fe peut
prendre. ' 24.a
Mile Atlantique de Pla-
ton n'eft qu'vne pu-
re fable , qùôy qu'il
femblel'auoir deferi-
te comme véritable.
44-a
Ifle de fafeines faite
auec vn travail excef-
fif pour palier vne ar-
mée fur mer. 328. a.b
Ifles fortunées pour-
quoy appellees Ca-
naries. 22.b
Iuftice par qui exercée
en Mexique; 29i.b
292. a
luftice fort exatle de
Motecuma dernier
*
Roy de Mexique.
333- b
L
LAc trefehaud a»
milieu d'vnctet-
z iij
■
■■■I
■■■
T A B
rc froide. 102. a
Lac de Mexique ayant
de deux fortes d'eau,
ibid.
rcuenu du lac de Mexi-
que, ibid.b
grads Lacs au haut des
montagnes, &d'où
ilsnaiffent. ioi.b.
101. a
Laitance fe rit de l'opi-
nion des Peripatcti-
eiens -touchât le cieh
ï. a
LacHce réfuté touchât
les Antipodes. i4.a.b
Langue Mandarine eft
referiture des Indies
qui n'eft que par cha-
racteres. 265. b
les Legiflateurs les plus
fameux ont erré.260. a
Libéralités d' Autzol,8.
roy de Mexique. 34
Liures des Indies com-
ment peutient eftre
faits fans lettres. 265.
b. i66.a
Lyonsdu Perufortdif-
femblables à ceux
d'Affrique 42.a
Lyons gris 8c fans crins
183.3
L E.
M
MAgievainecontre
lesChreftiens.
340.3. b. 341.
Maifon admirable , rc-
plie de toutes fortes
d'animaux , comme
vne féconde arche de
Noc. 291. a
Malaca autresfois ap-
pelle le doré Cher-
fonefe. 22.a. b
Mamacoroas eftoient
lesanciénes & com-
me mères des filles
renfermées. 211. b
222 a
Mameyes fruit refïem-
blant auxpcfches.
167. a. à quoyil fert.
ibid.
Manari moftrueux poif
fon qui paift aux
champs. 98. a. ilref-
séblefort eftre chair
lors qu'on en man-
ge. 5>8.a
Mandarins officiers In-
diens, auec combien
de difficulté fe peu-
uent rendre capables
de tels eftats. 265.3
Mango Capa premier
TABLE.
In
gin
& ce
qu
ils
feignent deluy. ^8.a
*S5-a
Martguey arbre de mer-
ueilles.iéj.a. comblé
de chofes il fournit.
127. a
Mariage illicite des In-
guas auec leur fœur.
281. b
Mariages des Indiens,
& comment ils fe cé-
lébraient. 246. b
Mariages entre les In-
diens défendus feu-
lement au premier
degré. 282. b
Marque certaine pour
diicerner ce quia e-
ûé porté aux Indes
depuis qu'elles font
defcouuertes , & dôt
il n'y en auoitpoint
auparauant. 183. a
Marques de quelques
nauigations des an-
ciens. 36^.37
le Matin plus aggrcable
en Europe, &leplus
ennuyeux auPeru.
6j. b.
Matines de minuit pra-
tiquées par les mini-
ftresdu diable. 22i.a
b.
Mays bled d'Inde. 152. b.
comme ils le man-
gent. 153. a. comme
ils f'en feruent à faire
leurboillbn. ijj.b.
154.*
le Mays &lebeftail fer-
uent de mille chofes
aux Indes. ibid.
Mechoacanes ennemis
des Mexiquains , &
pourquoy. 303 ,b.
504.3.
Médecins fort experts
autresfois es Indes.
i74.b
la Mer aux anciens te,
nuë pour non naui-
geable outre le de-
ftroitdeGibaltar.
16. a
le Mal qu'on endure fur
mer,d'où caufé.86. a.b
Mer Oceane Princelle
des eaux. po.a
Mers chaudes, & d'au-
tres froides. 66. b
deux grandes Mers pro-
ches de fept lieues.
90. b. prefomptu-
eux defleing de les
t iiij
^VK^^>%fâWi*^V^>„i'M';!-'^
■
T A B
faireioindre. ibid.
diuerfité des Mers, n.b
iamais laMer ne s'efloi-
gne de la cerre de plus
de mille lieiics. ibid.
Mefna^e des Indiens
pour la draperie.
i94.a
Métal pauure , & métal
riche quels. 150. b.
131. a
le Métal plus il cft pro-
che de la fuperfkie
de la terre, plus il cft
riche :8c plus profôd
il eft, au contraire.
138. a
les Métaux pourquoy
créez. 123. b
les Métaux ne Ce trou-
«ent qu'en terres dé-
nies , & pourquoy.
125. b
l'eau empefche fort la
traicte des Métaux.
i35.b.ï36.a
Mcuriers platezparles
Efpagnols enlaneu-
ue Efpagne ont mer-
neilleufèmcnt profi-
té pour les vers de
(oye. i79-b
Mexichef des peuples
L E.
qui vindrent peupler
la Mexique , duquel
ils ont tiré leur nom.
303. b
Mexique ville fondée
fur vn lac. 101. b
Miel d'Inde fort afpre,
&r comme il naift.
135. b
les Minéraux imitent
les plantes en leur
façon de croiftre.
121. a.b
Mines efgarees:d'autres
fixes. 130. b
richeffe de quelques Mi
nés anciennes qui
n'approch ? pourtant
à celle de Pocozi.
i55.a
trauail trop exceflif de*
Mines. 138. b
Mines de vif argent en
Efpagne. H?*3,
Moquerie plaifante des
Mexiquains contre
lesjTlatelulcos après
les auoir vaincus.
327.b
Moines de Mexique, de
leur vertement, offi-
ce , & difeipline.
n^.a.b
T A
Moys des Indiens de
vingts ioucs. 261. a.
Moulins i moudre les
métaux. 14.8. a
Monde nouueau félon
les anciens inhabita-
ble.i.a.imacnné d'eux
o
comme vne maifon
couuerte du ciel,
ibidem.
grande partie du Mon-
de encore à defcou-
urir. n.b
Mônoye mefure de tou
teschofes. iz^.a.
la Mort eftoit la puni-
tion des filles refer-
rees qui failloient.
223a
Xlort volotaire de plu-
sieurs Indiens pour
aller feruir leurs rois
en l'autre monde.
Mort de Chimalpopo-
caicune RoydeMe-
xiquetue'traiftreufe-
ment par les Tapa-
necas. 315. a.b
Mort de Moteçuma
dernier Roy de Me-
xique. 344-a.b
Moutons au Peru fer-
B L E.
uans d'ames à por-
ter des charges 42. b
Mourons d'Indes pro-
fitables fur tous au-
tres animaux. 193. b
troupes de Moutons
chargez de diuerfes
marchandifes , ainfi
que des mulets.i94.a
Moyenne regio de l'air
plus froide, & pour-
quoy. 6$.z
N
NArinc percée à vn
Mexiquain,pour
y pendre vne efme-
raude. 327^.330. b
laNature inférieure fert
roufiours d'entretien
à lafuperieure. 122. b
Nauatalcas peuples qui
policerent la neufue
Efpagne. 29 9 >.b
Nauire appclleeVicioi-
refit tout le tour de
la terre. j.b
Nauigario auiourd'huy
fort facile. 33. b
Nauigation deSalomo
quelle peut eftre.
3<î.a
v^s ^H
T A B
Nauires Efpagnols te-
nus des Indienspour
rochers à la première
veiie. 41. b
N eufue Efpagne q uelle
m.
le Nkre refroidit l'eau.
64. a
Noblefle Mexiquaine
mailacree en vn bal
par les Efpagnols.
343
Noix desIndes fort mal
plaifantes , font ap-
pelles par les In-
diens empoifonnees.
i68.b
Nortventfec & froid.
75-a
Noftre Dame fecourt
les Efpagnols pour-
fuiuis des Indiens.
345 -a
Nordeftcr que fignifie,
& Nortoefter. tf.a.
Nouueau monde pref-
que tout fitué fous
la Zone Torride.
49. a
au Nouueau monde ne
feft point defcou-
ucrt de mer Médi-
terranée. 90. a
L E.
Nuidts d'Efté fort fraif-
chcs au Peru au ref-
pecl: de celles de l'Eu,
rope. 6y. b
Nuicî: de fix mois en la
région Polaque. 17. a
la Nuictcomment cau-
fee. 4. a
O
OBie&ion contre
Arilîotefansfo-
lution. 6$.b
Occafion de guerre en-
tre les Tapanecas &
Mexiquains. 3H-b
l' Océan aux Jndes eft
diuifc en la mer du
Nort & la mer du
Sud. 90. a.
Oignement don t vfoiet
les Indiens pour fe
rendre capables de
parler au diable.
143. b. 244. a. ce
mefme oignement
armoit de cruauté
les Preftres, & leur
faifoit perdre toute
crainte. ibid.
On&io de Vitzilouitli
fécond Roy de Me-
TABLE.
xiquc. 313. a
Onguent fait depetites
beftes dont les Pre-
ftres Indiens eftoient
oings. M3-b
Ophir eft en l'Inde
Orientale. z6.z
Opinion d'aucuns que
le Paradis terreftre
eft fous l'Equinoxe,
non (ans raifon.66.a.
68. a
l'Or fe trouue en trois
façons, en paille, en
pépins, & en pierre.
118.4
l Or de Carauana le
plus célèbre du Peru.
ibid.b
l'Or & l'argent eftimé
par tout le monde.
114*
l'Or& l'arçrent ne fer-
o
uoit aux Indiens que
d'ornement. 126. a
les Indicsn'vfent point
d'autre monnoye
que d'Or & d'argent
126. b
l'Or pourquoy prift
fur tous les métaux.
uy.a
l'Or & l'argent en natu-
turc,combien de de*
grez au deflous de
l'homme. 22.b.u$.a
comme on rafine l'Or
en poudre. 128.D.
129. a
d'Orient au Ponant fur
mer on a toufîours
le vent en poupe, du
Ponant à l'Orient au
contraire , & pour-
quoy. 82.b
Ordres diflferens des
Preftres deMexique,
&de leur office ordi-
naire. 116.3.
Ordres de laCheualle-
rie Mexiquaine , Ôc
des marques qu'ils
auoient. 293
les Oyfeaux endurent
facilemet de demeu-
rer das l'eau,& pour-
quoy. i84«a
Oyieaux merueilleufe-
ment petits & d'au-
tres merueilleufemét
grands. i86.b.i87.a
Oyieaux extrêmement
bien variez en cou-
leurs. i87.a
images de plumes d'Oy
féaux faits d'vn artifi-
'.nk?<.- txfiri-f ^^H
TAB
ce'admirablc. i87-a.b
Oyfeaux laids à mer-
ucille, mais fort pro-
fitables pour leur
fiente, iSS.a.b
Oyfiueté chafTee corne
fort dangereufe par
les Inguas,pour con-
tenir plusfacilement
le peuple. -*74-b
PAchacamac grand
San&uaire des In-
diens. 2oi.b
Paios animaux opinia-
ftres , & comme on
lesgouueme. 195. a
Pain de Mays que les
Prcftrcs donnoient
folemnellement aux
eftrahgers , image de
la Communion.
2}6.a.b
Palais diuers de récréa-
tion & d'afflidtion.
3^7- a
PalIifTade horrible tou-
te de 'telle de morts.
219. b
Papas racines dot quel-
ques Indiens font de
L E.
certain pain qu'ils
appellent Cugno.
no.b
Papas cfpccc de pain.
1)6.3.
Papas en Mexique
eftoictles fouuerains
Preftres des idoles,
ncj.a.no.a
Paraçuey fteuue de l'A-
menque inonde co-
rne le Nil. $i.b
Paraguey fieuue grand
àmeruciile. 54-b
Palfage de Pariacaca
fort dangereux pour
le mal que le vent y
fait endurer. 87. a
Pariacaca vn dts plus
hauts endroits de la
terre. 88. a
Parole d'vn homme qui
auoit défia le cœur
arraché. *35«b
Patte de Mays appellee
par les Indiens chair
de leur dieu Vitzili-
puzli.238.b.cefte pa-
tte deuoit eftre man-
gée au point du iour,
& eftoit défendu de
ne manger rien autre
chofe iufques après
T A B
midy. z39-a
Pafturages communs
es Indes qui rendent
toutes chairs à bon
marché. iSo.b
Paltas fruict délicat &
boàl'eftomac.i57.b
Peintureliuredes idiots
264, a
Pénitences enioincles
parlcscôfcfleurs In-
diens. 241^
les Perdrix ne fe voyent
point au Peru. 4i.b
vn Perc perdantfes en-
fans eftoit tenu pour
grad pecheur.z40.b.
241.il tuoit (es enfas
pourfefauuerla vie.
ibid.
Pericoligero , animal
fort pe/ànt. 150. a
la Perle anciennement
plus prifee qu'auiour
d'huy.iji.b. combien
l'abondance rend les
choies viles. 149. b
les Perles l'engendrent
dans les huiftres.
151. a.b
Perles de diueries for-
tes, ibid.
Perroquets qui vôt par
L E.
bande. 42.b
Perroquets volants par
bandes comme pi-
geons. 184.8.
Peru abondant en vin.
ii2. a.b
Peru abondant en mi-
nes d'or & d'argent
plus que toute autre
terres des Indes.i25.a
Peru quelle partie du
monde c'eft. io$).a
le Peru, no deriué d'vn
fleuue du pays, non
pasd'Ophir comme
quelques vnseftimet
Perufiens fort foigneux
d'entretenir & con-
feruer leur hiftoire
par traditio, fans let-
tres , ny characteres.
269.^.270. a
le trauail excefîîf qu'il,
y a à Pefcher les p er-
les. 152.8
plaifante façon de Pef-
cher des Indies. yj.b
100. a
Pierres fupeftitieufe-
m et offertes aux paf-
fagespour auoir beau
chemin. 206. b
.;),^;^9^£-
fewy'^f*'
T A B
Pierre qui fe taille &
coupe côme bois.103.
Pierres my or & my-
pierres. n8.a
Pierres fignificatiues
auec lefquelles les
Indiens apprennent
quelque chofè par
cœur, ijo.b.zji.z
Pierres d'vne merueil-
leufe grandeur, & de
l'artifice des Indiens
àlesioindre en leurs
baftimens fans ci-
ment. 276. a.b
Pilotes pourquoy au-
iourd'huy font aiîis
fur la poupe, & non
pas fur la proue com-
me ancicnnemët.33.a
Pines ou pommes de
pain d'Inde. 158. a
Pinchao idole du So-
leil , & de l'artifice
dotileftoitpoie.218
la Plane produit fruicT:
toute l'annce. i6z.b
reiîemblance & diflèm-
blâce des Planes des
Indes aux Planes an-
ciens, iôi.a.b
Planètes ne fe mcuuent
4'eux mefmes en vn
L E.
corps corruptible.4.,5
nos Plantes pourquoy
profitent mieux aux
Indes, que celles de
de là en Europe.
i;7.a. b
Plébéiens exclus du fer-
uicedu Roy , & de
tout office public,
parMoteçuma 5 jz.a.
ils n'ofoient regar-
der le Roy en Face
fur peine de mort.
533.
pline meurt en vne trop
curieufe recherche.
n8.a
Pluyes caufees par la
chaleur en la Torri-
de. ^ 53
il ne Pleut, neige, tone,
ny ne grefle iamais
au Pcru. jo$>.b
Plufieurs chofes rares
en nature cogniies
plus par hazard que
par industrie. 38.3
Portions vollans. 5)8. b
le Pôle du Sud n'eft
marqué d'aucune
eftoille fixe. io.a
Pôles Arâiquc & An
taréJiquei.a.ceftuy-'
T A
cy reuoqué en cloute
par S. Auguftin.ibid.
aux deux pôles il y a ter-
re & mer. 13. a
pongo partage des plus
dangereux du mon-
de fur le flcuue des
Amazones. 104. b
pôtde padle fort alleu-
ré pour palFervn cou-
rait d'eau rapide. 55. b
plailant rraict d'vn por-
tugais , par lequel il
s'exempta d'eftie fa-
crifie. 210. a
portugais fort experts
enl'artdcnauiger.io.a
pottozi montagneeele-
bre pour les riches
mines.i;i.b. commet
fes mines furent def-
çouucrtescV: enregi-
ftrees. 154-a
poulies trouuees aux In
des à la ddeouuerte,
le/quelles ils appel-
JoiétGualpa,cV leuts
œufs ponto. 184, 185
prefages roenaçans la
ruinedes eftats ne sot
point à mefprifer co-
rne choies vaines.
3$ 4.0.335 .a
preftres comme aumof-
B L E.
niers près de chaque
feigneur Indien. 211
preftres des idoles co-
rnet côfultoicc leurs
dieux. 2i7.b.2i8.a
Prétexte des Inguas
pour agradir leur fei-
gncurie,futleur rcli-
giô qu'ils dilDÏentla
meilleure. 2g4-b
principes des vents in-
finiment cac.iez aux
hommes. 73
procédions des Indiens
237.^238. a
proceflïon penicentiel-
lefai&epourobtenir
pardo des pechez.235
prodiges horribles ôc
en grand n ombre ar-
ri u ez deuantla ruine
de Mexique. 337.
rrofits qui fepeuucc ti-
rer de la lecture de
ces exécrables fuper-
ftiôs Indiennes. 259
propriété plus rare de
l'aimant ignorée des
anciens. 32. a
Piouinceproch;deMe
xi que lairtee fans co-
que ft er,pour exercer
toufiours la leuneflc
à la guerre, 8c pour
iy.^ï'/,
T A B
auoir aufli où pren-
dre des captifs pour
facrifier. 3 25. b. 326a
Ptolomee& Auicenne
ont tenu la Torride
fort habitable. 61. a
Punas defert du Peru,
oùi'air tue les hom-
mes & les animaux
mcfme. 89. b
Pyramide de feu appa-
rue au ciel Teipace
d'vn an deuant la rui-
ne de l'Empire Mexi
cjuain. 336.
cl.
QValitez, fvmboles
& difîymboles
impreuuees. 68. b
Quantité d'or qui vient
tous les ans desIndes
en Efpagne. 11.9
Quatre principales vei-
nes à Potozi, &leur
profondité. i37.a
Quetzaalcoalt dieu des
marchands, & où il
eftoit adoré. 2i4.b
Quipos , rameaux fèr-
uans comme de regi-
stres pout mémoire
LE.
de ce qui Ce patlbit au
Peru. 27o.a
R
RAcinesqui Tôt fort
profitables es In-
des. i56.bij 7
Racines adorées parles
Indiens. 106.3.
noftre Raiion içiioran-
te mefme es chofes
naturelles. 35. b
Raymé premier mois
deslndiésj&fc rap-
porte au mois deDe-
cembre. 248
Regiôs fort delicieuies
des Indes. 6S
Relions fouz l'Equi-
°* c
noxerort tempérées.
6o.b
k Religion feruoit aux
Indiens de prétexte
pour faire la guerre,
/ 48.
Remède contre le châ-
gement que caufelc
vent en Pariacaca.
87. b
Rencontre de deux ri-
uieres des Indiens
par vn particulier re-
fpecl:.
T A
fpect. 229. a
Richeffe de quelques
ides de la neufue Ef-
pagne. 112. b
Richcllc incroyable ..tes
Peiufiens lois qu'ils
furent prins par les
Elpa^nols. 278.3
Ris fort commun es In-
des. 156. a
Riuiere des Amazones
nomee diuerfemét.
55. a. dicte monarque
des fleuues. ibid.
Riuieres admirables en
la Torride. )<f.b
Riuieie des Amazones,
dite Maraçnion.ioi.b
Roies commet venues
es Indes. 170.^171. a
Rotondité du Ciel in-
cogneu'ë à quelques
Docteurs de l'Edife.
1. &2. de meime le
mouuement. ibid.
Roué' des Indiens où
eftoict marquées les
années. 261. b. leur
opiniô que le mode
deuoic finir à la fin
de cette Roue. 262. a
Royauté' refufec par vn
Mexiquain , qui aima
BLE.
mieux fe précipiter
cruellemëtàlamort..
3M-
Rois des Indiens tenus
pour femblances des
Dieux. 313. b
Ruine efmerueillablc
d'vn gros bourg plein
d'enchanteurs. 120. b
S
SAcrifices des hom-
mes comment fe
faifoient. 220.3.231
Sacrifices diuersquefai
loicc les Indics pour
diuerfes occaiions.
228.b
Sacrifices fort couftu-
miecs aux Indiens en
leurs neccflitez. 288
Sageiîc dcceiïecle foi-
bie éschofesdiuines
&mefme es humai-
nes. 19
Sainos effranges ani-
maux de challe, 6c
comme on les peut
tuer. i88.b.i8.9.a
Salcepareille , herbe fa-
lutaire pour le mai
deNaples. 104.3
Sciences cogneuës des
Chinois.
Aa
2^.
T A B
la Seicherefle ne fuit
pas la proximité du
Soleil. 51. a
Sam&eCroixdela Sier
re,prouince deChar-
cas, comment con-
uertieàlafoy. 54.6.
Singeries du diable à
l'imitation deleius-
Chrift. 217. a
Soccobones dextreme'c
inuentees pour tirer
le métal plus facile-
ment. 138
Soing incroyable des
Mexiquains à faire
apprendre à leurs en-
fans leurs idolâtres
cérémonies. 191. a
Solanusvent deLeuat.
75. b
le Soleil plus il eft pro-
che de nous, plus il
efchauffe&brufle.
49. b
cotraires effects du So-
leil enlaZoneTor-
ride , & aux terres
hors les Tropiques.
p.a
la grande force du So-
leil caufe l'humidité
/bus l'Equinoxc.j^.b
L E.
Soleil adore fort corn-
munémet pat les In-
diens. i°5«
S orciere foeur de l'idole
qui fonda la ville de
Malinalco , où n'y a
rien que des forciers.
zOif.a
effects admirables d'vn
Sorcier. 529- a
Sorciers en srand nom-
bre,&del'empelche-
ment qu'ils ont don-
ne à l'amplification
del'Euangile. 245-b
Source du Nil recher-
chée par Cefar. iS
Source comme bleue,
autre rouge comme
fàng 104
Sources chaude & frui-
dc l'vnc contre l'au-
tre aux bains de l'In-
gua. jço3.b.i04.a
Suj dt du quatriefme li-
ure. i*3-a
Succhiles bouquets des
Indiens. 170. b.i7i.a
ils en (ont fott ama-
teurs , & en offrent
parhoneurauxgrads
&àleurshoftes.ibid-
Superftitions faites à la
T A B
conduite d'vneeaue
au trauers de Mexi-
que. 329. a
T
TAbaco , arbrifïeau
qui porte vncon-
trepoifon. 174.. b
Taches noires en la
voye Lactée du cofté
du Sud. io.a.b
Tharfis en quelques en
droits fignifie lapier-
feChryiolite ou Ia-
einthe,autresfois la
mer qui eft de cette
couleur à la reuerbe-
ratiô du Soleil. 27. b
Tharfis en TEfcriture
n'eftpas Tharfo ville
deCilicie. 17. a
Tharfis Se Ophir, mots
généraux en la fàin-
d:e Efcriture. iS.b
Tharfis 5c Ophir ente-
dus pour vne mefme
prouince en l'Efcri-
ture. 16. a.
Tlafcaltecas fixiéme ce-
heration des Naua-
talcas, & fut celle qui
donna entrée aux Es-
pagnols . 301. a. com-
ment ils vainquirent
L E.
lesgeansdelaSierre.
ibid.
Tlacaellec le plus vail-
lant Capitaine que
ayent eu les Mexi-
quains. Se de fa belle
refolution.318. b. fa
valeur & fa rufe guer
riere cotre les Cuyo-
cans. 310.^311. a
deffi de Tlacaellec fait
au roy d'Afcapuzal-
co.3i8.a. &b.fafub-
tilité pour remar-
quer le nombre des
prifonniers qu'il a-
uoit pris. 511. b. fa
conquefte d'vne vil-
le auec des enfans
feulement. 311. b.
comment ilrefufala
couronne. ji6.b
Tembos félon l'opinio
des Indics, race plus
ancienne des hom-
mes. 48. a
Trafficdes Indiens n'e-
ftoitqu'efchage fans
argent. 126
Tauaco herbe qui en-
dorrla chair. 24$-°
Température toute cô-
traire en moins de
A ij
»^.<.y'.ç».j''joxt'^ji
TA
cinquante lieues.
109. b. no.a
Temple de Cufco fem-
blablc au Panthéon
de Rome. 218. a
lieux maritimes plus
fubie&s aux Trem-
blemês,& pourquoi.
215. a
tremblemens de Terre
fort cftranges. 214
la Terre comment fou-
ftenue. 6.b
la Terre du Pôle Antar-
ctique n'eft pas toute
couucrte d'eaux, ir.b
la Terre en la longitude
eft toufîours de fem-
blable température,
mais en fa latitude
non. 17. a
Terre d'excellete tem-
pérature encores à
dcfcouurir. 19b
la Terre auec l'eau fait
vn globe. 60. b
le continent des Terres
Te ioint en quelque
endroit, ou pour le
moins s'auoiiîne de
fort près. 40. a
Terres encores à def-
couurir. ibid. b
BLE.
ifles fort efloignees de
la Terre ferme , ne
font point habitées.
41. a
Terres du Preftre-Ian
fort chaudes. 63. b
Terres encores inco-
gneues. n?.b.ii4.a
Tezcallipuca, Dieu des
jubilez de Mexique,
& defesornemens.
213. b.
Tiburon poiflbn mer-
ueilleulement gour
mand. 98a
Ticicaca, lac d'efmer-
ueillable grandeur.
84. b
Trinité imitée par le
diable,*& adorée par
les Indiens en trois
ftatucs du Soleil. 248
249.
la Torride peuplée Se
d'agréable demeure,
contre l'opinion des
Philofophes. 50. b
laTorride pourquoi té-
peree. 6i.6$.8c66.a.
en la Torride l'on naui-
ge facilemet de l'O-
rient en Occident,
non au contraire , &c
T A
pourquoy. 78. b
qu'en la Torride mefmc
la proximité du So-
leil ne caufe pas touf
iours cane d'humidi-
tez. 59. b
la Torridc fort habitée.
19.
quelques endroits de la
Torride extrememec
fecs,bien quelerefte
foit fort humide. 58
qui a mculesancicsde
croire la Torride in-
habitable. 10
la Torride eflpluuieufe
lors que le Soleil en
elt plus proche. 58
Trois fortes d'animaux
qui fc trouuent es
Indes. 20
Trois fortes de terres
es Indes. 106. b. leurs
qualitez. 107. a
Tozi, principale deeiïe
desMexiquains.215.
Trois chofes ordinaire,
met meflees en tou-
tes les cérémonies
des Indiens. 247. a
Trois çeres de çouuer-
nemens reconnus es
o
Indes.
285.b
B L E.
Tuual, arbre d'eftrange
forme. i6^.htid6.x.
de combien de fortes
il y en a. ibid.
Tygres au Peru plus
cruels enuersles In-
diens que les Efpa-
gnols. 42. a
Tygres peuuent palier
fept & hui£t lieues
de mer à nage. 43. a
Tygres furieux contre
les Indiens,non con-
tre les Efpagnols. 183
V
VAches recherchées
feulementpourle
cuir. 42.a
Vaches domeftiques 5c
fauuages, 181. a. de
ces Vaches fauuages
Ce tire vn grand reue-
nu en cuirs, ibid.b
troupeaux de Vaches
fans maiftre es iHc$
de Cuba, Iamaiquc,
& autres. 41. a
Valeurs des Indics.349.
Vallées plus chaudes
que les montagnes,
& pourquoy. 6^..b
Vallées , meilleures ha-
bitations du Petu.
•6/,#>&>i>ti---à'i<ï'Jn&i
T A B
no.a.b.
Variété de température
des terres Equino-
ctiales. 63. b
Vents d'abas contraires
aux versàfoye. 85. b
Ventdagereux qui tue
&conlerueIcs corps
fans corruptiô.89.a.b
le Vent du Ponant ne
fournie point en la
Torride. 75. b
Vents appeliez brifes
en la Torride vicnnét
d'Orient. 76. a
quatre Vents princi-
paux. 79. a
huict Vents en huicb
poinc"ts notables du
ciel A leurs noms.
75).b
les Vents de terre en la
Torride foufflét plu -
ftoftde nuidt que de
iour,& ceux de mer
âucontraire,&pour-
c|uoy. 84«b
le Vent cotrôpt mefmc
lefet. 8tf.a
propriété d'vnVctit qui
fourAît fait pleuùoir
des pulces. 71. b
le Vent du Sud rend la
L £.
cofte du Peru habita-
ble. 109
vn mefme Vent f'ac-
quiert diuerfes pro-
prictez félon le lieu
où il court. 7%, a
diuers Vents cnla terre
de la Torride. 84
trente deux Vêts pofei
par les pilotes. 79.a
trois principales caufes
de la différence &di-
uerfes proprietez des
Vents. 74
eilranges diuerfitez de
température caufees
par les Vents. 67
Victoire des Mexiquaxs
fur les Tapanecas.
310. a
Vicugnes , efpece de
moutons fauuages.
191. a. &b. Vertu de
leur laine. 191. a. leur
chair eft fort 'fouuc -
raine pout le mal des
yeux. ibid.
le Vif-afgent fuie les
autres métaux, horf-
rhis l'or 8c l'argent.
IcVif- argent fe tout-
ne en fumee,fe tour-
né en vif-argent. 141
■
T A B
le Vif-argent 5c lç Ver-
meillon naiirent en
vne mefme pierre,
ibid.b
le Vif-argent vray mé-
tal , & plus pefant
que tous autres. 143.4
propriété merucillcufe
du Vif argétàieioin
dre autour de l'or.
141. a. combien l'Es-
pagnol tare des mi-
nes du Vif- argent.
14.4. b. 145. a
Vignes fansfruictcnla
neufue Efpagne. ni
Vignes du Peru & de
Chillé portent de
tres-bonvin. 178. b
Vignes de la vallée d'Y-
ca qui viennent fans
élire iamais arrofecs
d'aucune pluye , &
comment il fe peut
faire. 179 a
Vignes qui portét fruit
tous les mois de l'an-
née, ibid.b
pourquoy l'on ne fait
point de Vin durai-
fin qui croift en la
neufue Efpagne.
J7*.a
L E.
Viracocha,nom que les
Indiens donnoient
au dieu fupreme, a-
uec d'autres excel-
lents & fîgnificatifs
d'vn grand pouuoir.
zoi.b.202.a
Vitzilipuztli principa-
le idole de Mexique,
& de tous Tes orne-
mens. 2l?.b
Viurcs pofez au tom-
beau des morts pour
les nourrir après leur
mort. 210
Voix entendue prefa-
geatlaruinede Mo-
teçuma. 336.»
Voracité desTiburons.
<>8.a
Volcan de Guatinda
plus admirable que
tout autre, 116
matière qui entretient
les Volcans. 118. b
Voyage d'Haimo Car-
thaginois admirable
en ion temps, n.b.
Voye La&ee, appellec
chemin S. laques. 5.»
Vros peuples brutaux
qui ne f'eftiraent pas
hommes. 56.»
•?&&; H
TAB
Vtilitc de route hiftoi-
re naturelle. 70
X
XAmabroispelerins
côtraints de cou-
fefler leurs péchez
iur vneiochc.241. b
Y
Ca& Arica, & leur
Y
façon de nauiçer
en des cuirs. 37. b
Yen grande felte des In-
diens qu'ils raifoient
en neceflite , & des
préparatifs à icelle.
150. b
Yupangui Ingua a eflc
L E.
en Mexique commet
vn autre Numa à i
Rome , pour l'efta-
bliffement des ioix,
237.0. £247. b.
Z
ZEphyre vent doux
& fain. 75. b
Zone Torride aux an-
ciens inhabitable, &
les raifonjpourquoy.
i7.a
la Zone Torride en des
endroits tempérée,
en d'autres rroide,en
d'autreschaude.éc.b
61. a.
ï I N.
•■i>.ù14'J>*';
* Il
MMMI
INDE?