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Full text of "Guide du prêtre dans ses prédications choix et développements des sujets"

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in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/guideduprtreda04doub 


GUIDE  DU  PRÊTRE 


DANS 


SES  PRÉDICATIONS 


hqiy  KOE^gjtffltfft.  mmson 


BERCHE  et  TRALIN,  Éditeurs,  69,  rue  de  Rennes,  Paris. 


MÉDITATIONS   SUR   LES   MYSTÈRES   DE   LA   FOI 

COMPOSÉES   EX    ESPAGNOL 

Par  le  R.  P.  Louis  DUPONT,  de  la  Compagnie  de  Jésus. 

TRADUCTION   FRANÇAISE,    AVEC.   NOTES,    PAR    UNE    SOCIÉTÉ    D'ECCLÉSIASTIQUES 

10e  édition.  —  4  volumes  in-12.  Prix,  franco.    .      12  fr. 


Tout  le  bien  qu'on  peut  dire  du  P.  Du- 
pont serait  au-dessous  de  la  vérité.  Ses 
écrits  sont  l'image  de  sa  vie,  et  sa  plume 
n'a  jamais  exprimé  que  les  sentiments  de 
son  cœur.  Il  avait  reçu  du  ciel  un  don 
extraordinaire  d'oraison,  et  cette  grande 
connaissance  qu'il  a  eue  des  choses  spiri- 
tuelles n'était  que  l'effet  de  ses  communi- 
cations avec  Dieu.  On  le  consultait  de 
toutes  parts,  et  ses  décisions  étaient  re- 
çues comme  des  oracles.  Il  passe  comme 
un  des  meilleurs  interprètes  de  l'Evan- 
gile, non  seulement  pour  le  sens  mysti- 
que, mais  même  pour  le  sens  littéral.  Il 
est  exact  et  savant  et  de  plus  divinement 


pieux.  Rien  de  meilleur  que  ces  Médita 
tions  qui  ont  été  traduites  dans  toutes  les 
langues  et  qui  ne  sont  que  le  développe- 
ment et  l'explication  des  Exercices  d» 
saint  Ignace  :  même  matière,  même  or 
dre  et  même  but.  La  fin  de  ces  Méditation: 
est  de  gagner  et  d'attacher  une  àme  i 
Dieu  :  si  c'est  un  pécheur,  de  le  retire, 
du  vice  ;  si  c'est  un  juste,  de  lui  donnei 
les  moyens  d'avancer  de  plus  en  plus  dam 
la  piété. 

Tous  y  trouveront  une  source  abon 
dante  dans  leurs  pieux  exercices,  et  h 
modicité  du  prix  leur  permettra  d'en  faire 
l'acquisition. 


PRATIQUE  DE  LA   PERFECTION   CHRÉTIENNE 

Du  R.  P.  Alphonse  RODRIGUEZ,  de  la  O  de  Jésus.  —  Traduit  de  l'espagnol, 
par  Régkier-Desmahais  de  l'Académie  française. 
3e  édition,  revue  et  corrigée.  —  4  vol.  in-12,  franco 6  fr. 


Il  est  superflu  de  louer  un  livre  dont  la 
réputation  a  traversé  tous  les  âges.  Le 
P.  Rodriguez  a  fait  un  admirable  usage 
de  l'Ecriture  sainte  et  des  Pérès.  Ce  n'est 
pas  en  vain  qu'il  s'adresse  à  toutes  sortes 
de  personnes  :  car  aux  grands  esprits, 
il    expose   les  grandes    maximes   et    les 


grandes  vérités  du  christianisme  :  ceu: 
qui  préfèrent  les  mouvements  d'une  dé 
votion  tendre  et  affectueuse,  trouveron 
en  lui  ce  qui  peut  émouvoir  leur  cœur 
et  il  offre  aux  âmes  les  plus  simples  nm 
infinité  d'enseignements  et  d'exemple 
très  bien  à  leur  portée. 


LE  MISSIONNAIRE  DE  L'ORATOIRE 

Sermons    pour    l'Avent,    le    Carême    et    les    Fêtes 

Par  le  P.  LE  JEUNE,  prêtre  de  l'Oratoire. 

Troisième  édition,  revue  et  enrichie  de  plus  de  cent  notes  biographiques, 

6  forts  volumes  in-8,  franco 24  fr. 

Assurément  les  serinons  du  P.  Le  Jeune 
ne  brillent  pas  par  un  style  élégant  et 
poli;  mais  pour  trouver  des  instructions 
plus  util. '.s  et  plus  solides,  des  homélies 
plus  élégantes,  il  non  existe  pas.  Tous 
ermons  mit  un  cachet  d'originalité  et 
contiennent  tant  de  pensées  pratiques  que 

Le  même  ouvrage,  12  volumes  petit  in-8 .     24  fi 


tout  prêtre,  tout  prédicateur,  peut  en  ti 
rer  son  profit.  Le  P.  Lamy  en  faisait  se 
délices;  Massillon  le  conseillait  sans  cess 
et  toujours  et  Mgr  Mermillod  considérai 
encore  ses  <»'uvres  comme  un  livre  d'o 
que  les  prêtres  ne  connaissent  pas  assez 


SAINT  JEAN 

ÉTUDE  SUR  LE 

Rar  l'Abbé  PLANUS.de  la  Société  de  SU 
précède  en  forme  de  Préface,  d'une  lett 
:;p  édition,  un  beau  vol.  in-12,  franco 
livré   s'est   répanda  sans   bruit  <•( 
continue  du  se   répandre,  ce  n'est   point 
une  œuvre  de  critique  et  d'exégète,  c'est 
»  i  «  j  •  -  étude  d'âme.    L'auti  appli- 

qué, d'après  les  textes  tenus  pour  authen- 
tiques, ;'i  mettre  en  relief  les  sentiments 
et  les  dispositions  du  Précurseur  otfvera 
Jésus,  sa  i'"i  profonde,  son  humilité  Bin- 
■  ■  re,  -un  désiul  p-    ement  absolu  et  son 


-BAPTISTE 

PRÉCURSEUR 

renée  de  Lyon,  vicaire  général  d'Autun. 

p'  de  Mgr  Perraud,  évéque  d'Autun. 

3  fr.  50 

attachement  parfait.  Et  de  chacune  de  se 
vertus  exemplaires,  il  tire  pour  le  prétrt 
même  pour  le  simple  chrétien  les  plu 
utiles  enseignements.  Mgr  Perraud,  ôv( 
qui'  d'Autun.  dans  une  lettre  qui  sert  d 
préface  à  l'ouvrage  reconnaît  nautemen 
la  valeur  cl  la  portée  de  ce  travail  et  d 
l'inspiration  qui  l'anime. 


GUIDE  DU  PRÊTRE 

DANS  SES  PRÉDICATIONS 

CHOIX  ET  DÉVELOPPEMENTS  DES  SUJETS 


M.  L'ABBÉ  DOUBLET 

Chanoine  d'Arras, 

Auteur  de  Saint  Paul,  Jésus-Christ,  les  Psaumes  étudiés  en  vue  de  la  Prédication, 
Conférences  aux  Dames  du  Monde,  Elude  complète  du  Christianisme,  etc.,  etc. 


QUATRIEME  EDITION 


TOME    QUATRIEME 


PARIS 
BERGHE  ET  TRALIN,   LIBRAIRES-ÉDITEURS 

69,  RUE    DE    RENNES,    69 

189  6 
Propriété  des  Éditeurs.  Tous  droits  réservés. 


LES  APPELS  DE  LA  GRACE 


LES  APPELS  DE  LA  GRACE 


Xjus  apprécierons  comme  il  convient  ce  qu'est  le  don  de  la 
grâce  et  la  grandeur  du  bienfait  qui  nous  y  appelle,  quand 
nous  connaîtrons  ce  qu'est  la  grâce  en  elle-même,  combien 
grande,  combien  divine,  combien  précieuse. 

Etudions  la  grâce  en  elle-même.  —  La  grâce  est,  d'une 
part,  sous  le  nom  de  grâce  habituelle  ou  sanctifiante,  une  élé- 
vation surnaturelle,  une  transfiguration  toute  divine  de  notre 
être.  —  C'est  ensuite,  sous  le  nom  de  grâce  actuelle  la  série 
infinie  des  secours  surnaturels  que  Dieu  ne  cesse  de  répandre 
à  profusion  sur  nous. 

1°  C'est  une  élévation  surnaturel.  —  Dieu  pouvait  borner  sa 
munificence  au  bienfait  de  la  création.  Bienfaiteur  généreux 
alors  qu'il  nous  comblait  des  dons  de  la  nature  et  nous  assi- 
gnait pour  fin  dernière  un  bonheur  naturel:  là  se  serait  arrêté 
l'effort  de  sa  bonté. 

Nous  l'eussions  connu,  adoré  et  aimé,  mais  en  lui  restant 
étrangers,  sans  nulle  participation  à  sa  nature  divine.  —  Or 
Dieu,  dans  un  incompréhensible  conseil  de  sa  sagesse  et  de 
son  amour,  a  voulu  pour  nous  cette  mystérieuse  participa- 
tion (l).  Il  nous  élève  jusqu'à  Lui,  il  nous  fait  participants  de 


(1)  Benedictus  Deus  et  Pater  Domini  nostri  Jesu  Christi,  qui  be- 
nedixit  nos  in  ornni  benedictione  spirituali  in  cœlestibus  in  Ghristo  ; 

Sicut  ei,egit  nos  in  ipso  ante  mundi  constitutionem,  ut  essemus 
sancti  et  imrnaculati  in  conspectu  ejus  in  caritate. 

T.  IV  I 


2  LES  APPELS  DE  LA  GRACE 

son  être:  «  Initium  aliquod  creaturœ  ejus.  »  11  est  Dieu  par 
nature:  nous  voici,  par  participation,  devenus  des  êtres  di- 
vins. Intelligence,  cœur,  volonté,  tout  en  nous  s'imprègne  de 
divinité.  —  Ainsi,  surnaturalisés  et  déifiés,  nous  devenons 
capables  de  connaître,  d'aimer,  de  posséder  Dieu  en  lui-même. 
Nous  avons  accès  jusqu'à  1'  «  inaccessible  lumière;  »  nous 
sommes  aptes  à  jouir  éternellement  de  Lui:  «  Accessum  ha- 
bemus  ad  Patrem.  »  —  Dieu,  dans  le  Baptême  et  les  Sacre- 
ments nous  donne  le  signe  extérieur  et  visible  de  l'invisible 
merveille  accomplie  en  nous  (1). 

2°  C'e$t  uue  assistance  surnaturelle.  —  Déifiés  par  la  grâce, 
faits  participants  de  la  nature  divine,  c'est  désormais  des  ac- 
tes divins  que  nous  devons  accomplir.  —  Mais  comment  une 


Qui  praedestinavit  nos  in  adoptionem  iiliorum  per  Jesum  Chris- 
tum  in  ipsum,  secundum  propositum  voluntatis  suœ, 

In  laudem  gloriae  gratiae  suas,  in  qua  gratificavit  nos  in  dilecto 
Filio  suo  ; 

In  quo  habemus  redemptionem  per  sanguinem  ejus,  remissio- 
nem  peccatorum,  secundum  divitias  gratiae  ejus. 

Quse  superabundavit    in  nobis  in  omni  sapientia  et  prudentia  ; 

Ut  notum  faceret  nobis  sacramentum  voluntatis  suae,  secundum 
beneplacitum  ejus  quod  proposuitin  eo. 

In  dispensatione  plenitudinis  temporum,  instaurare  omnia  in 
Christo.Eratisillo  in  tempore  sineChristo,alienati  a  conversati.me 
Israël,  et  hospites  testamentorum,  promissionis  spem  non  haben- 
tes,  et  sine  Deo,  in  hoc  mundo. 

Nunc  autem  in  Christo  Jesu  vos,  qui  aliquando  eratis  longe, 
facti  estis  prope  in  sanguine  Ghristi. 

Ipse  enim  est  pax  nostra,  qui  fecit  utraque  unum,  et  médium 
parietem  maceriae  solvens,  inimicitias  in  carne  sua  ; 

Legem  mandatorum  decretis  evacuans,  ut  duos  condal  in  se- 
metipso  in  unum  novum  hominem,  faciens  pacem. 

Et  reconciliet  ambos  in  uno  corpore  Deo  percrucem,  interûciens 
inimicitias  in  semeripso. 

Et  veniens  evangelizavit  pacem  vobisqui  longe  fuistis,  et  pacem 
ils  qui  prope  ; 

Quoniam  per  ipsum  habemus  accessum  ambo  in  uno  spiritu  ad 
Patrem. 

Ergo  jam  non  estis  hospites  et  advenae,  sed  estis  cives  sancto- 
rum,  et  domestici  Dei.  (Ephes.  I,  II.) 

(1)  Quotquot  autem  receperunt  eum,  dédit  eis  potestatem  fîlios 
Deifieri,  his  qui  credunt  in  nomine  ejus  ; 

Qui  non  ex  sanguinibus,  neque  ex  voluntate  carnis,  neque  ex 
voluntate  viri,  sed  ex  Deo  nati  sunt. 

Et  Verbum  caro  factum  est,  et  habitavit  in  nobis  ;  et  vidimus 
gloriam  ejus,  gloriani  quasi  unigeniti  a  Pâtre,  plénum  gratiae  et 
veritatis.  (Joan.  I.) 


LES  APPELS   DE  LA  GIUCE  3 

nature  si  frêle  et  qui  ressent  si  profondément  les  influences 
d'une  chute  antique  pourra-t-elle  soutenir  l'effort  d'actes 
semblables  ?  Une  grâce  appropriée,  une  grâce  surnaturelle, 
vient  à  nous,  nous  élève  et  nous  soutient  dans  les  hauteurs 
divines  qui  nous  sont  assignées  (4). 

Tel  est  l'état  grandiose  voulu  et  réalisé  par  Dieu  en  nous. 
Voilà  la  prodigieuse  élévation  où  il  veut  nous  voir.  En  nous 
contemplant  il  dira  de  nous  :  «  Dii  estis  et  filii  Excelsi  om- 
nes.  »  —  Mais,  remarquons-le,  si  la  fin  qui  nous  est  assignée 
est  sublime,  elle  est  obligatoire.  Malheur  à  la  créature,  qui 
se  jouera  de  son  Dieu,  alors  qu'il  l'appelle  aux  bienfaits  d'une 
destinée  surnaturelle  et  divine  (2)  ! 

(1)  Lauda,  anima  niea,  Dominum!  Laudabo  Dominum  in  vita 
mea;  psallam  Deo  meo  quandiu  fuero. 
Nolite  confldere  in  priucipibus. 
In  filiis  hominum,  in  quibus  non  est  sa^, 

Exibit  spiritus  ejus,  et  reverteturf^^rarJaè^  ^ai§§inpns|.die 
(ribunt  omnes  cogitationes  eoru^^^A^v-^-'  *  H[ 

Beatus  cujus  Deus  Jacob  ad j  u^$i  e^ak,  spos^eJAis  in.Dçft?àino  Deo 


peribunt  omnes  cogitationes  eoruu^-^'^ 

ipsius,  f/<£y  •o\Tî- 

Qui  fecit  cadum  et  terrain,  ma/vet  oujrÂâ^qTiaiiirejkSnêunt 


Qui  custodit  veritatem  in  s^uWn^.fa^iJ^i^tcïtfm  injujiam  pa- 
tientibus;  dat  escam  esurientÉjbus.       ^"0°  vt^ 

Dominus  solvit  compeditos*^  ^^~- 

Dominus  illuminât  cœcos.    \^    kt^v'^'     ^fc\)« 

Dominus  erigit  elisos;  DorninTry^kligit  iu^flfe^î 

Dominus  custodit  advenas  :  pupnMB5*a*v^auam  suscipiet,  et 
vias  peccatorum  disperdet. 

Regnabit  Dominus  in  secula;  Deus  tuus,  Sion,  in  generationem 
et  generationem  (Psal.  CXLV.) 

(2)  Accedamus  cum  v.to  corde  in  plenitudine  fidei,  aspersicoida 
a  conscienlia  mala,  et  abluti  corpus  aqua  munla. 

Teneamus  spei  nostrae  confessionemindeclinabilem  (fidelis  enim 
est  qui  repromisit). 

Et  consideremus  invicem  in  provocaticnem  caritatis  et  bono- 
rum  operum; 

Non deserentes  collectionem  nostram,  sicut  consuetudinis  est  qui- 
busdam,  sed  consolantes,  et  tanto  magis  quanto  videritis  appro- 
pinquantem  diem. 

Voluntarie  enim  peccantibns  nobis  post  acceptam  notitiam  ve- 
ritatis,  jam  non  relinquitur  pro  peccatis  hostia, 

Terribilis  autem  quœdam  exspectatio  judicii,  et  ignis  sernulatio 
quse  consumptura  est  adversarios. 

Irritam  quis  faciens  legem  Moysi,  sine  ulla  miseratione  duobus 
vel  tribus  testibus  moritur  : 

Quanto  magis  putatis  détériora  mereri  supplicia  qui  Filium  Dei 
conculcaverit,  et  sanguinem  testamenti  pollutum  duxerit,  in  quo 
sanctificatus  est,  et  spiritui  gratise  contumeliam  fecerit? 


4  LES  APPELS  DE  LA  GRACE 

Etudions  la  grâce  dans  ses  appels. —  Si,  comme  il  est  juste, 
nous  personnifions  la  grâce  on  Celui  qui  en  est  l'Auteur,  en 
Jésus-Christ,  son  histoire  nous  apparaîtra  plus  saisissante  ; 
son  appel  plus  invariable  et  plus  sacré. 

1°  La  grâce  nous  a  visités.  —  Etonnante  révélation  que 
nous  fait  l'Ecriture!  Dieu  nous  aime.  Du  haut  des  cieux  le 
Verbe  s'éprendpour  nousd'unamour  incompréhensible  :  «  Ca- 
ritate  perpétua  dilexi  te.  »  «  Deliciae  meœ  esse  cum  filiis 
hominum.  »  Il  descend  des  cieux,  il  s'en  vient  sur  la  terre, 
il  vit  au  milieu  de  nous  :  «  Visus  est  in  terris  et  cum  homi- 
nibus  conversatus.  »  Quoi!  Il  revêt  notre  nature;  il  entre, 
comme  frère,  dans  la  famille  humaine,  il  est  nôtre  absolu- 
ment: «  formam  servi  accipiens.  »  —  C'est  là  l'ineffable  mys- 
tère de  la  grâce  et  de  notre  élévation  à  la  vie  divine  (i).  Cette 
vie,  il  nous  la  communique,  il  en  fait  couler  en  nous  la  sève 
surnaturelle.  Entés  sur  ce  tronc  divin,  ce  sont  désormais, 
par  Lui,  des  fruits  divins  que  nous  produirons,  —  Hélas  !  Que 
dire  de  l'insolente  créature  qui  éconduira  un  pareil  visiteur 
et  repoussera  un  pareil  don?  «  Quomodo  effugiernus  si  tan- 
tam  salutem  neglexerimus  ?  » 

2°  La  grâce  nous  a  délivrés.  —  La  venue  du  Verbe  incarné 
et  l'élévation  divine  que  cette  venue  nous  procure  sont  rendues 
plus  merveilleuses,  plus  ineffables,  si  nous  considérons  en 

Scimus  enim  qui  dixit  :  Mihi  vindicta,  et  ego  retribuam.  Et  ite- 
rum  :  Quia  judicabit  Dominas  populum  suum. 

Horrendum  est  incidere  in  manus  Dei  viventis. 

(Hœbr.  X.) 

(1)  Quis  mihi  det  te  fratrem  meum,  sugentem  ubera  matris  meaî, 
ut  inveniam  te  foris,  et  deosculer  te  et  jam  me  nemo  despiciat? 

Apprehendam  te,  et  ducam  in  domum  matris  meœ;  ibi  me  doce- 
bis,  et  dabo  tibi  poculum  ex  vino  condito,  et  mustum  malorum 
granatorum  meorum. 

Laeva  ejus  sub  capite  meo,  et  dextera  illius  amplexabitur  me. 

Adjuro  vos,  filiœ  Jérusalem,  nesuscitetis,  nequeevigilarefaciatis 
dilectam,  donec  ipsa  velit. 

Quae  est  ista  quse  ascendit  de  deserto,  deliciis  affluens  innixa  su- 
per dilectuuLSuum? 

Sub  arbore  malo  suacitavi  te;  ibi  corrupta  est  mater  tua;  ibi 
violata.  est  genùtrix  tua. 

Pone  me  ut  signaculum  super  cor  tuum,  ut  siguaculum.  super 
bracliium  tuum,  quia  fortis  est  ut  mors  dilectio,  dura  sicut  infer- 
nus  aemulatio  :  lampades  ejus  lampades  ignis  atque  flammarum. 

Aquœ.  multaeaon,  potuorunt  exstinguere  charitatena,  nec  ilumina 
obruent  illam.  S  doderit  homo  omnem  substantiam  domus  sua? 
pro  dilectiene,  quasi  nihil  despiciet  eam.  (Gantiq.  VIII.) 


LES  APPELS   DE   LA  GRACE 


quelle  circonstance  elles  se  sont  produites.  Nous  étions  dans 
l'abîme  du  péché,  et,  par  lui,  dans  l'abîme  d'une  inexpiable 
perdition.  Pour  nous  sauver  il  fallait  que  le  Christ  nous  ob- 
tînt la  grâce  à  jamais  perdue.  Pour  obtenir  la  grâce,  expier 
nos  crimes.  Pour  expier  nos  crimes,  verser  son  sang  et 
mourir.  —  Qu'est-ce  que  la  grâce?  C'est  le  prix  du  sang  d'un 
Dieu.  Autant  vaut  un  sacrifice  infini,  autant  vaut  la  grâce  qui 
en  a  jailli  (1). 

3°  La  grâce  nous  a  sollicités.  —  Incompréhensible  mystère  1 
cette  humanité  rachetée,  sauvée,  déifiée,  eût  dû  se  jeter, 
dans  l'ivresse  de  sa  reconnaissance  et  de  son  amour,  aux 
pieds  de  son  Libérateur.  Hélas!  elle  le  repousse;  elle  se  dé- 
bat contre  sa  paternelle  étreinte,  et  nous  assistons  à  une  lutte 
douloureusement  étrange  entre  la  grâce  qui  nous  sollicite 
et  notre  perversité  qui  la  rejette.  Que  de  fois,  de  combien  de 
manières,  avec  quelle  suavité  et  quelle  force,  Jésus-Christ 
nous  sollicite!  Que  de  fois  il  fait  briller  sa  vérité  sur  nos 
âmes!  «  Quoties  volui  congregare  !  »  «  Qu'ai-je  dû  faire  à 
ma  vigne,  dit  le  Seigneur,  que  je  n'ai  point  fait  (2)  ?  » 

Jésus  nous  subjugue  par  ses  charmes.  Sa  beauté  est  vic- 
torieuse; la  grâce  est  répandue  sur  ses   lèvres  (3).  Lui   seul 


(1)  Qui  traditus  est  propter  delicta  nostra,  et  resurrexit  propter 
justificationem  nostram.  (Rom.  IV.) 

Empti  estis  pretio  magno.  (I  Cor.  VI.) 

(2)  Cantabo  dilecto  meo  canticum  patruelis  mei  vineœ  suse.  Vi- 
nea  facta  est  dilecto  meo  in  cornu  filio  olei. 

Et  sepivit  earn,  et  lapides  elegit  ex  illa,  et  plantavit  eam  elec- 
tam;  et  sedificavit  turrim  in  medio  ejus,  et  torcular  exstruxit  in  ea 
et  exspectavit  ut  faceret  uvas,  et  fecit  labruscas. 

Nunc  ergo,  habitatores  Jérusalem,  et  viri  Juda,  judieate  inter 
me  et  vineam  meam. 

Quid  est  quod  debui  ultra  facere  vineœ  mese,  et  non  feci  ei?  An 
quod  exspectavi  ut  faceret  uvas,  et  fecit  labruscas? 

(Isaï.  III.) 

(3)  Speciosus  forma  prœ  filiis  hominum,  diffusa  est  gratia  in  la- 
biis  tuis  ;  propterea  benedixit  te  Deus  in  œternum. 

Accingere  gladio  tuo  super  fémur  tuum,  potentissime. 

Specie  tua  et  pulchritudine  tua  intende,  prospère  procède,  et  ré- 
gna, 

Propter  veritatem,  et  mansuetudinem,  et  justitiam;  et  deducet 
te  mirabiliter  dextera  tua. 

Sagittœ  tuœ  acutœ,  populi  sub  te  cadent,  in  corda  inimicorum  ré- 
gis. 

Sedes  tua,  Deus,  in  seculum  seculi;  virga  directionis  virga  re- 
gni  tui. 


6  LES  APPELS  DE  LA  GRACE 

est  le  bonheur  de  la  vie,  l'apaisement  du  cœur.  Lui  seul 
donne  aux  aspirations  de  notre  être  l'aliment  convenable. 

Jésus  vient  à  nous  avec  à!  ineffables  promesses.  Oh  1  >•.  si  scires 
donum  Dei!  »  «  Il  a  les  promesses  de  la  vie  présente  et  celles 
delà  vie  future,  »  car  l'Apôtre  le  nomme  «  Sacramentum  pie- 
tatis.  » 

Jésus  nous  réveille  même  par  ses  menaces.  C'est  la  der- 
nière ressource  de  l'amour  aux  abois.  Si  nos  cœurs  dénatu- 
rés ne  tiennent  nul  compte  de  ses  bienfaits,  restent  insensi- 
bles à  ses  charmes,  méprisent  le  magnifique  avenir  qu'il  nous 
assure  :  tremblons  au  moins  à  la  pensée  des  châtiments  qui 
attendent  ceux  qui  se  seront  joués  d'une  telle  Rédemption, 
qui  auront  foulé  aux  pieds  une  telle  grâce  (1). 


Dilexisti  justitiam,  et  odisti  iniquitatem  ;  propterea  unxit  te  Deus, 
Deus  tuus,  oleo  lsetitiœ,  pras  consortibustuis. 

Myrrha,  et  gutta,  et  casia  a  vestiinentis  tuis,  a  domibus  ebur- 
neis  ;  ex  quibus  delectaverunt  te 

Filia3  regum  in  honore  tuo.  (Psal.  XLIV.l 

Qualis  est  dilectus  tuus  ex  dilecto,  o  pulcherrima  mulierum? 
Qualis   est  dilectus  tuus  ex  dilecto,  quia  sic  adjurasti  nos  ? 

Dilectus  meus  candidus  et  rubicundus  ;  electus  ex  millibus. 

Caput  ejus  aurum  optimum.  Coma?  ejus  sicut  elatœ  palmarum, 
nigrœ  quasi  corvus. 

Oculi  ejus  sicut  columbœ  super  rivulos  aquarum,  quœ  lacté  sunt 
lotse,  et  résident  juxta  fluenta  plenissima. 

Genœ  illius  sicut  areolae  aromatum  consitae  a  pigmentariis.  La- 
bia  ejuslilia  distillantia  myrrliam  primam. 

Manus  illius  tornatiles,  aurese,  pleme  hyacinthis.  Venter  ejus 
eburneus,  distinctus  sapphiris. 

Crura  illius  columme  marmoreœ  quaî  fundatœ  sunt  super  bases 
aureas.  Spocies  ejus  ut  Libani,  electus  ut  cedri. 

Guttur  illius  suavissinium,  et  tutus  desiderabilis  Talis  est  dilec- 
tus meus,  et  ipse  est  amicus  meus,  filia;  Jérusalem. 

Quo  abiit  dilectus  tuus,  o  pulcherrima  mulierum?  quo  déclina- 
vit  dilectus  tuus?  et  qiueremus  eum  tecum.  (Gantiq.  V.) 

(î)  Dixit  ergo  eis  Jésus:  Adhuc  modicum  tempus  vobiscum  sum; 
et  vado  ad  eum  qui  me  misit. 

Ou  l'ietis  me,  et  non  invenietis  ;  et  ubi  egosum,  vos  non  potestis 
venire. 

Dixerunt  ergo  Judaei  ad  semetipsos:  Quo  hic  iturus  est,  quia 
non  inveniemus  eum?  numquid  in  dispersionem  gentium  iturus 
est,  et  docturus  gentes? 

Quis  est  hic  sermo  quem  dixit  :  Quœretis  me,  et  non  invenietis 
et  ul)i  sum  ego,  vos  non  potestis  venire? 

In  novissimo  autem  die  magno  festivitatis  stabat  Jésus  et  clama- 
bat,  dicens  :  Si  quis  sitit,  veniat  ad  me  et  bibat. 

(Joan.  VII.) 


LES  APPELS   DE  LA  GRACE 


II 

LES  DÉLAISSEMENTS  DE  LA  GRACE 


Contemplons-les  dans  une  image,  avant  de  les  étudier  en 
eux-mêmes. 

Etudions-les  dans  une  image.  —  Peu  avant  de  mourir 
pour  nous,  l'Homme-Dieu  jette  sur  Jérusalem  infidèle  des 
veux  qui  s'emplissent  de  larmes.  «  Flevit  super  illam.  »  L'his- 
toire de  la  cité  déicide  se  déroule  devant  lui:  comment  elle  a 
été  suppliée,  pressée,  conjurée  :  comment  elle  a  opiniâtre- 
ment repoussé  la  grâce  :  comment  fatigué  enfin  de  ses  refus 
le  cœur  de  Dieu  s'est  fermé  sur  elle  et  comment  les  châti- 
ments et  la  désolation  définitive  se  sont  étendus  sur  la  cité 
rebelle  (1). 

Jérusalem  c'est  l'âme  chrétienne,  et  dans  les  châtiments 
qui  l'accablent  et  que  nous  détaille  l'évangeliste  Saint  Luc 
reconnaissons  ce  qui  nous  attend  nous-mêmes  alors  que  nous 
aurons  exaspéré  et  découragé  la  grâce  divine. 

•1°  Premier  signe  du  délaissement.  —  La  perte  de  Jérusa- 
lem s'annonce  quand  surgissent  en  elle  les  faux  prophètes. 
«  Surgent  pscudoprophetae.  »  Ils  la  trompent,  la  détournent 
de  la  vérité  et  la  poussent  vers  l'erreur.  Ame  chrétienne, 
prends  garde  quand  des  voix  décevantes,  des  prophètes  d'er- 
reur, se  feront  entendre  à  loi  (2). 

2°  Deuxième signe du  délaissement. — «  Refrigescetcaritas»(3). 

(1)  Et  egressus  Jésus  de  templo,  ibat.  Et  accesserunt  discipuli 
ejus,  ut  ostenderent  ei  se  lificationes  templi. 

lpse  autemrespondensdixitillis:  Videtis  hsecomnia?  Amen  dico 
vobis,  non  relinquetur  hic  lapis  super  lapidera,  qui  non  destruatur. 

(Matth.  XXIV.) 

(2)  Prophetœ  prophetabant  mendaciura,  et  sacerdotes  applaude- 
bant  manibus  suis,  et  populus  meus  dilexit  talia.  Quid  igitur  fiet 
in  Dovissimo  ^JU5*  (Jerem.  V.) 

(3)  Mattli.  XXIV. 


LES  APPELS   DE    LA  GRACE 


Ce  ne  sont  plus  les  jours  des  Rameaux,  où  Jérusalem  se  sou- 
levait tout  entière,  conduisant  en  triomphe  son  Sauveur, 
l'acclamant,  ivre  de  reconnaissance  et  d'amour  :  les  voix 
sont  muettes,  les  cœurs  sont  refroidis,  la  piété  est  morte.  — 
Ame  chrétienne,  quand  ta  prière  aura  expiré,  que  l'eau  di- 
vine des  Sacrements  ne  coulera  plus  en  toi,  et  que  Celui  qui 
est  le  «  Pain  vivant  »  ne  sera  plus  ton  habituelle  nourriture; 
quand  les  glaces  de  l'indifférence  et  de  l'oubli  t'enchaîneront 
dans  un  inerte  hiver,  les  jours  de  ton  délaissement  se  font 
proches  (1). 

3°  Troisième  signe  du  délaissement.  —  «  Cum  videritis  cir- 
cumdari  ab  exercitu  Jérusalem,  tune  scitote  quia  appropin- 
quavit  desolatio  ejus.  »  Jérusalem  est  sans  force,  sans  se- 
cours, sans  lumière,  sans  vie;  c'est  l'heure  choisie  par  l'en- 
nemi pour  faire  avancer  ses  phalanges,  l'investir,  l'enserrer 
dans  de  formidables  lignes  de  circonvallation.  —  N'est-ce  pas 
quand  nos  âmes,  à  force  d'abuser  des  grâces  en  ont  vu  la- 
mentablement diminuer  le  nombre;  quand  nos  forces  surna- 
turelles sont  épuisées,  quand  la  foi  est  vacillante  et  incer- 
taine, quand  la  volonté  est  mouvante  et  fragile,  quand,  en 
un  mot,  il  ne  nous  reste  plus  qu'un  souffle  de  vie  chrétienne, 
n'est-ce  pas  alors  que  le  démon  nous  circonvient,  dresse  ses 
pièges,  fait  surgir  quelque  dangereuse  occasion,  noue  quel- 
que liaison  désastreuse,  pour  achever  d'étouffer  en  nous  ce 
qui  reste  de  lumière  et  de  bonne  volonté? 


(1)  Quihabet  aurem,  audiat  quid  Spiritus  dicat  ecclesiis. 

Et  angelo  Laodiciœ  ecclesiaj  scribe:  Hœc  dicit  :  Amen,  testis  fi- 
delis  et  verus,  qui  est  principium  creaturœ  Dei; 

Scio  opéra  tua:  quia  neque  frigidus  es,  neque  calidus:  utinam 
frigidus  esses,  aut  calidus! 

Sed  quia  tepiduses,  et  nec  frigidus  nec  calidus,  incipiam  te  evo- 
mere  ex  ore  meo. 

Quia  dicis  :  Quod  dives  sum,  et  locupletatus,  et  nullius  egeo;et 
nescis  quia  tu  es  miser,  et  miserabilis,  et  pauper,  et  csecus,  et  nu- 
dus. 

Suadeo  tibi  emere  a  me  aurum  ignitum  probatum,  ut  locuples 
fias,  et  vestimentis  albis  induaris,  et  non  appareat  confusio  nudi- 
tatis  tuœ,  et  collyrio  inunge  oculos  tuos  ut  videas. 

Ego  quos  amo,  arguo  et  castigo.  /Einulare  ergo,  et  pœnitentiam 
âge. 

Ecce  sto  ad  ostium,  etpulso:  si  quis  audierit  voce  m  nieam,  et 
aperuerit  mihi  januam,  intrabo  ad  illum,  et  cœnabo  cum  illo,  et 
ipse  mecum. 

Qui  vicerit,  dabo  ei  sedere  mecum  in  tbrono.        (Apoc.  111.) 


LES  APPELS   DE  LA   GRACE  9 

4°  Quatrième  signe  du  délaissement .  —  «  Cadentin  ore  gla- 
dii  et  captivi  ducentur  et  Jérusalem  calcabitur.  »  Nous  som- 
mes à  cette  heure  terrible,  prophétisée  naguère  sur  Jéru- 
salem par  Ezéchiel  :  «  Yenit  finis!  venit  finis!  fac  conclusio- 
nem.  »  A  force  de  repousser  Dieu,  Dieu  se  retire.  A  force  de 
se  voir  refusée,  la  grâce  se  refuse.  A  force  de  fouler  aux  pieds 
le  Sang  Rédempteur,  ce  sang  retombe  sur  Jérusalem  en  pluie 
de  vengeance  et  de  feu.  —  C'est  l'état  de  l'âme  abandonnée 
de  Dieu  et  déjà  frappée  de  sa  sentence  :  «  Jamjudicatus  est.  » 
Un  glaive  mystérieux  la  transperce  et  elle  perd  son  sang,  sa 
grâce,  ses  bonnes  inspirations,  ses  volontés  généreuses,  ses 
désirs  de  retour.  «  Cadent  in  ore  gladii...  »  Un  inexplicable 
engourdissement  la  captive.  «  Captivi  ducentur,  »  —  Comme 
ces  cités  ouvertes,  démantelées,  en  ruines,  tous  y  entrent, 
tous  la  foulent,  tous  achèvent  sa  destruction,  n'y  laissant 
bientôt  plus  pierre  sur  pierre  (1). 

Etudions-les  en  eux-mêmes.  —  i°  Sachons  d'abord  que  la 
grâce  est  limitée.  —  Nous  apprenons  cette  vérité  formidable 
par  des  textes  formels   de  l'Ecriture.  Puis  par  d'effrayants 


{{)  Quomodo  sedet  sola  civitas  plena  populo:  facta  est  quasi  vi- 
dua  domina gentium :  princeps  provinciarum  facta  estsubtributo. 

Plorans  ploravit  in  nocte,  et  lacrymœ  ejus  in  maxillis  ejus:  non 
est  qui  consoletur  eam  ex  omnibus  charis  ejus:  omnes  amici  ejus 
spreverunt  eam,  et  facti  sunt  ei  inimici. 

Migravit  Judas  propter  afilictionem,  et  multitudinem  servitutis: 
babitavit  inter  gentes,  nec  invenit  requiem:  omnes  persecutores 
ejus  apprebenderunt  eam  inter  angustias. 

Via  Sionlugent  eo  quod  non  sint  qui  veniant  ad  solemnitatem: 
omnes  porta;  ejus  destructa?:  sacerdotes  ejus  gementes:  virgines 
ejus  squalidœ,  et  ipsa  oppressa  amaritudine. 

Facti  sunt  hostes  ejus  in  capite,  inimici  ejus  locupletati  sunt: 
quia  Dominus  locutus  est  super  eam  propter  multitudinem  ini- 
quitatum  ejus:  parvuli  ejus  ducti  sunt  in  captivitatem  ante  faciem 
tribulantis. 

Et  egressus  est  a  filia  Sion  omnis  décor  ejus:  facti  sunt  princi- 
pes ejus  velut  arietes  non  invenientes  pascua:  et  abierunt  absque 
fortitudine  ante  faciem  subsequentis. 

Recordata  est  Jérusalem  dierum  afflictionis  suae,  et  prsevarica- 
tionis  omnium  desiderabilium  suorum  quae  habuerat  a  diebus  an- 
tiquis.  cum  caderet  populusejus  in  manu  hostili,et  nonessetauxi. 
liator  :  viderunt  eam  hostes,  et  deriserunt  sabbata  ejus. 

Peccatum  peccavit  Jérusalem,  propterea  instabilis  facta  est: 
omnes,  qui  glorificabant  eam,  spreverunt  illam,  quia  viderunt  igno- 
miniam  eius:  ipsa  autem  geniens  conversa  est  retrorsum. 

(Tren.) 


10  LES  APPELS   DE   LA  GRACE 

exemples.  —  Des  textes.  Par  exemple  :  «  marchez  tant  qu'il 
vous  reste  encore  de  la  lumière;  »  «  viendra  le  jour  où 
vous  me  chercherez  et  ne  me  trouverez  plus.  »  Des  exem- 
ples. Le  monde  au  déluge  abuse  des  appels  de  la  grâce  et 
l'eau  vengeresse  l'engloutit.  Israël  abuse,  une  dernière  fois, 
d'un  dernier  appel,  et  la  réprobation  lui  survient.  Judas  abuse 
d'un  dernier  baiser  et  c'est  pour  lui  le  signe  d'une  réproba- 
tion éternelle. 

2°  Rendons  nous  compte  ensuite  comment  nous  arriverons  à 
la  perdre.  —  Deux  voies  infaillibles  nous  mèneront  à  cette 
ruine.  —  Ou  bien  nous  obligerons  la  sagesse  et  la  justice  de 
Dieu  à  nous  la  refuser.  —  Ou  bien,  si  d'inépuisables  miséri- 
cordes nous  la  dispensaient  encore,  c'est  nous  qui,  opiniâtre- 
ment endurcis,  nous  obstinerons  jusqu'au  dernier  jour  à  la 
repousser. 


LA  CRAINTE  DE  DIEU 


En  Dieu  les  attributs  ni  ne  se  confondent,  ni  surtout  ne 
s'absorbent.  Dieu,  qui  est  Bonté,  ne  cesse  pas  pour  cela 
d'être  Justice.  Sa  prodigieuse  condescendance  envers  nous 
ne  saurait  voiler  ni  amoindrir  sa  souveraine  Majesté.  Si 
le  Dieu  de  la  Rédemption  est  insatiable  de  dévouement  et  de 
miséricorde,  c'est  Lui  encore  qui  règne  au  plus  haut  des 
cieux  et  «  devant  qui  tout  genou  fléchit  au  ciel,  sur  la  terre 
et  dans  les  enfers.  » 

De  là,  en  ce  qui  nous  touche,  une  double  conséquence.  À 
l'amour  que  la  bonté  divine  réclame  de  nous,  il  faut  joindre 
la  crainte  respectueuse  à  laquelle  nous  obligent  une  grandeur 
infinie,  une  autorité  souveraine,  une  immuable  Justice  (1). 

Gardons-nous  donc  d'oublier  et  de  négliger  l'un  des  plus 
essentiels  devoirs  du  chrétien,  qui  est  de  craindre  Dieu.  Par- 
tout nous  retrouvons  cette  crainte,  qui  est  la  dette  sacrée, 
l'essentiel  devoir,  la  plus  haute  garantie  d'obéissance.  —  Au 
ciel  les  anges  tremblent.  —  A  l'homme  déchu  apparaît,  au 
jardin  de  l'Eden,  un  ange  à  l'épée  flamboyante.  —  Dans  les 
régions  maudites  de  l'expiation  le  dernier  hommage  des  dé- 
mons c'est  la  crainte  :  «.  Credunt  et  contremiscunt.  »  —  Où 
donc  que  nous  allions  nous  rencontrons  la  crainte  de  Dieu. 


(i)  Timor  Domini  gloria,  et  gloriatio,  et  lsetitia,  et  corona  exul- 
tationis.  Timor  Domini  delectabit  cor,  et  dabit  lœtitiam,  et  gau- 
dium,  et  longitudinem  dierum.  Timenti  Dominum  bene  erit  in  ex- 
tremis, et  in  die  defunctionis  suœ  benedicetur.  Dilectio  Dei  hono- 
rabilis  sapientia.  Quibus  autem  apparuerit  in  visu,  diligunt  eam 
in  visione,  et  in  agnitione  magnalium  suorum.  Initium  sapientia? 
timor  Domini,  et  cum  fidelibus  in  vulva  concreatus  est. 

(Eccli.  IL) 


12  LA  CRAINTE  DE  DIEU 


I 


NÉCESSITE  ET  IMPORTANCE  DE  LA  CRAINTE 

DE  DIEU 


L'histoire  humaine  tout  entière  nous  apparaît  sous  l'égide 
de  cette  crainte  sainte  et  bienfaisante.  —  C'est  par  elle  que 
s'ouvrent  les  destinées  du  genre  humain.  —  C'est  elle  qui  se 
poursuit  à  travers  tous  les  siècles.  —  C'est  d'elle  encore  que 
relève  le  sort  de  chaque  âme  chrétienne  en  particulier. 

Au  Paradis  terrestre  elle  décida  du  sort  de  l'humanité. 
■ —  Autant  notre  innocence  avait  été  confiée  à  la  garde  de 
cette  crainte  filiale,  autant  le  démon  tentateur  mit  de  soins  à 
ébranler  et  à  détruire  cette  crainte  chez  nos  premiers  pa- 
rents. 

i°  Dieu  avait  tout  remis  à  la  garde  de  la  crainte.  —  Au  mi- 
lieu des  délices  de  cette  première  existence,  au  sein  des  ri- 
chesses et  des  splendeurs  d'un  paradis,  Dieu  avait  dressé  l'i- 
mage de  la  crainte.  —  Un  arbre  présentait  à  l'homme  un  fruit 
mystérieux,  une  formidable  parole  avait  été  dite  par  le  Très- 
Haut:  «  Morte  morieris  ».  Une  menace  planait  sur  l'homme 
et  Dieu,  qui  se  montrait  à  lui  si  condescendant  et  si  bon,  n'en 
conservait  pas  moins  la  domination  du  maître  et  les  rigueurs 
du  Juge.  —  Telle  fut  donc  la  situation  première:  la  crainte 
était  la  sauvegarde  de  l'innocence;  c'est  de  la  crainte  que 
pour  Adam  et  sa  postérité  devait  sortir  le  salut  (1). 

2°  La  tactique  du  démon  fut  de  détruire  cette  crainte.  — 
Satan  se  rendit  parfaitement  compte  de  la  force  que  donne- 
rait à  l'homme  la  crainte  de  Dieu  solidement  fixée  dans  son 


(t)  Tulit  ergo  Dominus  Deus  homincm,  et  posuit  eum  in  para- 
diso  voluptatis,  ut  operaretur  et  custodiret  illum; 

Prœcei>it<iue  ei  dicens:  Ex  omni  ligno  paradisi  comede; 

De  li^no  autem  scienti®  boni  et  mali  ne  corne Jas;  inquoeumque 
enim  die  comederis  ex  eo,  morte  morieris.  (Gènes.  II.) 


LA  CRAINT*  DE  DIEU  13 

cœur.  Aussi  tous  ses  efforts  tendirent-ils  à  ébranler  cette 
crainte.  —  Dieu  avait  dit:  «  Du  jour  où  vous  mangerez  ce 
fruit  vous  mourrez  de  mort.  »  Et  une  crainte  mystérieuse 
restait  au  fond  de  l'âme  humaine,  crainte  salutaire  qui  main- 
tenait l'obéissance.  —  A  l'affirmation  divine  Satan  oppose 
une  perfide  négation,  il  tranquillise  nos  premiers  parents,  il 
fait  ce  que  fera  éternellement  le  monde,  il  étouffe  les  me- 
naces divines  et  la  crainte  que  ces  menaces  suscitent  :  «  Ne- 
quaquam  moriemini.  » 

Durant  tous  les  siècles  elle  est  le  pivot  du  salut.  —  La 
crainte  de  Dieu,  qui  au  début  de  l'histoire  humaine  a  décidé 
de  nos  destinées,  ne  cessera  plus  d'en  être  l'arbitre  tout- 
puissant.  Les  deux  paroles:  l'une  de  Dieu:  «  Morte  morie- 
mini »,  l'autre  de  Satan:  «  Nequaquam  moriemini,  »  se- 
ront à  jamais  la  devise  des  chrétiens  fidèles  et  des  pécheurs 
apostats,  séparant  l'humanité  en  deux  parts  distinctes,  les 
élus  et  les  damnés. 

1°  Les  chrétiens  fidèles  se  sanctifient  par  cette  crainte.  — 
Parcourons  leurs  rangs,  étudions  toutes  ces  âmes  dans  les 
péripéties  diverses  et  les  divers  degrés  de  leur  sainteté,  par- 
tout et  toujours  le  rôle  prépondérant  de  la  crainte  nous  ap- 
paraîtra. 

Voici  les  âmes  saintes(i).  Ce  sont  les  vrais  enfants  de  Dieu, 
remplis  d'amour  mais  aussi  de  crainte.  L'idée  seule  de  dé- 
plaire à  Dieu  les  terrifie  ;  le  souvenir  de  ses  grandeurs  les 
maintient  dans  un  respect  immense,  la  vue  des  divines  jus- 
tices les  glace  d'effroi,  elles  trouvent  dans  la  pensée  des  châ- 
timents éternels  la  constante  rénovation  de  leurs  vertus  et 


(1)  BenedixitqueDominusdomui.Egyptii  propter  Joseph,  etmul- 
iiplicavittam  in  aedibus  quam  in  agris  cunctam  ejus  substantiam; 

Nec  quidquam  aliud  noverat,  nisi  panem  quo  vescebatur.  Erat 
autem  Joseph  pulchra  facie,  et  decorus  aspectu. 

Post  multos  itaque  dies  injecit  domina  sua  oculos  suos  in  Joseph 
et  ait:  Dormi  mecura. 

Qui  nequaquam  acquiescens  operi  nefario,  dixit  ad  eam:  Ecce 
dominus  meus,  omnibus  mihitraditis,  ignorât  quid  habeatin  domo 
■sua; 

Nec  quidquam  est  quod  non  in  mea  sit  potestate,  vel  non  tra- 
diderit  mihi,  praeter  te,  quae  uxor  ejus  es;  quo  modo  ergo  possum 
hoc  malum  facere,  et  peccare  in  Deum  meum? 

Hujuscemodi  verbJw|er  singulos  dies  et  mulier  molesta  erat  ado- 
lescent^ et  ille  recusafcàtstuprum.  (Gènes.  XXIX.) 


14  LA   CRAINTE  DE  DIEU 

ainsi  selon  le  mot  énergique  du  Psalmiste  :  «  Elles  plongent 
leurs  mains  dans  le  sang  des  pécheurs  »  (1). 

Voici  les  âmes  pénitentes.  Elles  s'étaient  éloignées  de  Dieu, 
elles  s'étaient  livrées  au  monde,  au  péché,  au  démon;  peut- 
être  dormaient-elles  tranquilles  sur  le  bord  de  l'abîme... 
Mais,  à  ce  moment,  l'ange  du  salut, sousl'aspectd'une  crainte 
poignante,  lésa  brusquement  réveillées;  elles  ont  tremblé 
comme  David  adultère,  au  souvenir  des  jugements  de  Dieu 
et  ce  souvenir  a  été  leur  salut  (2). 

Voici  les  âmes  héroïques.  Celles-ci  franchissent  les  frontiè- 
res de  la  vertu  et  elles  s'élèvent  au  sommet  de  la  sainteté. 
Elles  ne  reviennent,  comme  Saint   Paul,  du  troisième   ciel, 


(1)  Deus  coûteret  dentés  eorum  in  ore  ipsorum:  molas  leonum 
confringet  Dominus. 

Ad  nihilum  devenient  tanquamaqua  decurrens:  intendit  arcum 
suum  donec  infîrmentur. 

Sicut  cera,  quœ  fluit,  auferentur:  supercecidit  ignis,  et  non  vi- 
derunt  solem. 

Priusquam  intelligerent  spinœ  vestrre  rhamnum:  sicut  viventes. 
sic  in  ira  absorbet  eos. 

Lœtabitur  justus  cum  viderit  vindictam:  manus  suas  lavabit  in 
sanguine  peccatoris. 

Et  dicet  homo:  Si  utique  est  fructus  justo:  utique  est  Deus  ju- 
dicans  eos  in  terra.  (Psal.  LVII.) 

Dixit  autem  Nathan  ad  David:  Tu  es  ille  vir.  Hœc  dicit  Do- 
minus Deus  Israël:  Ego  unxi  le  in  regem  super  Israël,  et  ego  erui 
te  de  manu  Saul. 

Et  dedi  tibi  domum  domini  tui,  et  uxores  domini  tui  in  sinu  tuo, 
dedique  tibi  domum  Israël  et  Juda;et  siparvasunt  ista,  adjiciam 
tibi  multo  majora. 

Quare  ergo  contempsisti  verbum  Domini  ut  faceres  malum  in 
conspectu  meo?  Uriam  Hethœum  percussisti  gladio,  et  uxorem 
illius  accepisti  in  uxorem  tibi,  et  interfecisti  eu  m  gladio  filiorum 
Ammon. 

Quamobrem  non  recedet  gladius  de  domo  tua  usque  in  sempi- 
ternum,  eo  quoi  despexeris  me,  et  tuleris  uxorem  Uriœ  Hethœi 
ut  esset  uxor  tua. 

Itaque  hœc  dicit  Dominus:  Ecce  ego  suscitabo  super  te  malum 
de  domo  tua;  et  tollam  uxores  tuas  in  oculis  tuis  etdabo  proximo 
tuo,  et  dormiet  cum  uxoribus  tuis  in  oculis  solis  huius. 

Tu  oui  m  fecisti  abscondite,  ego  autem  faciam  verbum  istud  in 
conspectu  omnis  Israël  et  in  conspectu  solis. 

Et  dixit  David  al  Nathan:  Peccavi  Domino.  Dixitque  Nathan  ad 
David:  Dominus  quoque  transtulit  peccatum  tuum;  non  morieris; 

Verumtainen  quoniam  blasphemare  fecisti  inimicos  Domini, 
nropter  verbum  hoc  filius  qui  natus  est  tibi  morte  morietur. 

(II  Reg.  XII.) 


LA   CRAINTE    DE   DIEU  15 

que  pour  embrasser  la  terre  dans  l'étreinte  de  la  charité  et 
pour  étonner  les  peuples  du  spectacle  de  leurs  héroïsmes.  — 
Qui  les  soutiendra  à  ces  hauteurs  vertigineuses,  d'où  l'ange 
déchu  fut  précipité  ?  La  crainte  de  Dieu.  Et  quand  elles  au- 
ront atteint  les  limites  extrêmes  de  la  sainteté,  elles  s'écrie- 
ront avec  Sakit  Paul  :  «  Vereor  !  »  «  Vereor  ne  ipse  repro- 
bus  efficiar.  » 

2°  Les  pécheurs  se  perdent  en  perdant  cette  crainte.  —  Le 
Psalmiste  en  deux  mots  révèle  le  secret  de  celte  perdition  : 
«  Illic  trepidaverunt  timoré  ubi  non  erat  timor.  »  Puis  : 
«  Non  est  timor  Dei  ante  oculos  eorum.  »  —  Etrange  ren- 
versement! Le  même  homme  qui  tremble  devant  des  dan- 
gers chimériques,  reste  impassible  en  face  d'un  péril  éternel. 

Devant  quoi  ne  tremblent  ils  pas,  ces  pécheurs  orgueilleux 
qui  font  profession  de  se  rire  de  Dieu  et  de  ses  justices  ?  — 
Ils  tremblent  devant  le  regard  humain  et  se  font  les  escla- 
ves des  caprices  frivoles  et  vains  de  l'opinion.  — Ils  tremblent 
devant  la  faveur  et  la  fortune.  —  Ils  tremblent  en  face  du 
tombeau.  Ils  tremblent  pour  moins  que  cela,  et  sitôt  qu'un 
nuage  menace  de  voiler  leurs  plaisirs  ou  d'assombrir  leur 
prospérité,  la  crainte  les  envahit  et  les  paralyse. 

Insensés  !  et  si  Dieu  tient  en  ses  mains  leur  sort  éternel, 
ils  se  rient  de  Dieu  !  —  Si  un  pas  les  sépare  de  l'abîme,  si 
dans  un  instant  ils  peuvent  être  précipités  dans  les  tortures 
d'une  éternelle  expiation,  ils  n'ont  pour  cette  crainte,  aussi 
véritable  qu'elle  est  extrême,  que  le  sourire  du  dédain  ou  la 
stupide  sécurité  de  l'oubli. 

Elle  est  le  secret  de  notre  propre  histoire.  —  Replions- 
nous  sur  nous-mêmes.  L'histoire  de  notre  âme,  de  ses  défail- 
lances et  de  ses  chutes,  est  liée  étroitement  à  la  crainte  de  Dieu. 

1°  C'est  l'affaiblissement  de  cette  crainte  qui  norts  a  fait  tom- 
ber. —  Rappelons  à  nos  souvenirs  les  péripéties  de  chacune 
de  nos  chutes.  Au  fond  de  toutes  nous  trouverons  la  pré- 
somption. —  Au  jour  de  notre  (idélitô  lacrainte  de  déplaire 
à  Dieu  était  vive...  Selon  le  mot  du  sage,  «  Nous  fuyions  à 
la  vue  du  péché  comme  à  la  vue  du  serpent.  »  Le  Décalogue 
se  dressait  devant  nous  entouré,  comme  le  Sinaï,  des  foudres 
divines  et  des  éclats  de  la  suprême  Justice.  —  Mais,  à  me- 
sure que  nous  faiblissions  et  que  la  vue  du  fruit  tentateur 
nous  fascinait,  nous  effacions  en  nous  la  vision  protectrice 
de  la  crainte.  Craindre  nous  eût  sauvés:  mais  hélas  !  nous  ces- 
sâmes de  craindre. 


46  LA   CRAINTE   DE   DIEU 

Il  fallait  nous  craindre  nous-mêmes,  notre  faiblesse,  les 
premiers  pas  tentés  vers  le  mal,  les  premières  blessures 
que  nous  avait  faites  le  péché.  —  Par  un  fatal  renversement 
de  toutes  choses,  plus  nous  faiblissions,  moins  nous  conser- 
vions d'appréhension  et  de  crainte  :  «  Impavidus  ad  peri- 
cuia,  »  dit  Saint  Bernard. 

Il  fallait  craindre,  tout  autour  de  nous,  la  perversion  du 
monde  qui  nous  circonvenait...  Les  occasions  dangereuses 
qui  s'offraient  ànous...  Les  liaisons  mauvaisesqui  se  nouaient 
furtivement...  Les  tentations  vives  et  profondes  qui  nous 
remuaient  de  fond  en  comble.  —  La  crainte  de  Dieu,  en  nous 
faisant  fuir,  nous  eût  sauvés;  la  présomption  nous  retint  et 
nous  perdit. 

Plus  que  tout  le  reste,  plus  que  nous-mêmes,  le  monde, 
le  démon,  il  nous  eût  fallu  craindre  Dieu.  —  Le  fils  devait 
redouter  le  déplaisir  de  son  père.  —  Le  serviteur  devait 
craindre  le  courroux  de  son  maître.  —  Le  coupable  devait 
pâlir  devant  la  sentence  de  son  juge.  —  Le  soldat  devait 
éprouver,  devant  la  trahison  et  la  dégradation  qu'elle  en- 
traîne, une  salutaire  horreur  (1). 

(I)  Timor  Domini  gloria,  et  gloriatio,  etlaetitia,  et  corona  exsul- 
tationis. 

Timor  Domini  delectabit  cor;  et  dab'.t Laetitia  n,  et  gaudium,  et 
longitudinem  dierum. 

Timenti  Dorainum  bene  erit  in  extremis,  ut  in  die  defuuctionis 
suae  benedicetur. 

Dilectio  Dei  bonorabilis  sapientia. 

Quibus  autem  appartient  in  visu  diligunt  eain  in  visione,  et  in 
agnitione  magnalium  suoriun. 

Initium  sapientia'  timor  Domini;  et  cum  fidelibus  in  vulva  con- 
creatus  e-t;  cum  electis  feminis  graditur,  et  cum  jualis  et  lidelibus 
agnoscitur. 

Timor  Domini  scientiae  religiositas. 

Religiositas  custodiet  et  justificabit  corjucunditatem  atquegau- 
dium  dabit. 

Timenti  Dominum  bene  erit,  et  in  diebus  consummationis  illius 
benedice-tur. 

Plenitudo  sapientiaî  est  timere  Deum,  et  plenitudo  a  fructibus 
illius. 

O  m  ne  ni  domum  illius  implebit  a  generationibus,  et  receptacula 
a  thesauris  illius. 

Gorona  sapientiie  timor  Domini,  replens  pacem  et  sahitis  fruc- 
tum  ; 

Ht  vidit,  et  dinumeravit  eam;  utraque  autem  sunt  doua  Dei. 

Scientiam  et  intellectum  prudentiiu  sapientia  cotnpartietur,  et 
gloriam  tenentium  se  exaltât. 


LA   CRAINTE   DE    DIEU  17 

2°  C'est  la  perte  de  la  crainte  qui  nous  mènerait  à  l'habitude 
du  péché  et  de  l'habitude  du  péché  à  l  impénitence  finale.  — 
C'est  par  cet  enchaînement  internai  que  la  victime  sera  menée 
peu  à  peu  à  son  éternelle  perdition.  —  Premier  degré  :  la 
conscience  s'en  turcit,  la  voix  du  remords  se  fait  de  plus  en 
plus  faible.  —  Bientôt  l'oubli  des  justices  de  Dieu  tombe 
coninu  un  voile  épais  sur  les  yeux  du  pécheur.  Le  Psalmiste 
nous  fait  entendre  son  langage  à  la  fois  sacrilège  et  insensé  : 
«  Quis  noster  Dominas  est  ?  »...  Peceavi  et  quid  mihi  accidit 
triste?  »...  «  quis  vi  lebit  ?  »  —  Troisième  degré  :  cest  l'in- 
sensibilité absolue,  c'est  le  sommeil,  c'est  la  mort.  Un  pro- 
phète vit  ces  pécheurs  misérables  couchés  dans  leur  invinci- 
ble assoupissement.  «  Dormierunt  somnum.  »  Ils  meurent 
comme  ils  ont  vécu,  tranquilles  dans  leur  inconcevable  et  in- 
vincible sécurité  :  «  ^on  esttimor  Deiante  oculos  eorum  (I).  » 


Radix  sapientiie  est  tiuiere  Dorninum,  et  rami  illius  longœvi. 
In  tLesauris  sapienthe  iutellectus  et  scientise  religiositas;  exse- 
cratio  autem  peccatoribus  sapientia. 
Timor  Domini  expellit  peocatum; 

Nam  qui  sine  timoré  est  non  poterit  justiûcari;  iracundia  enim 
animositatis  illius  subversio  illius  est. 

Usque  in  tempus  sustinebit  patiens,  et  postea  redditio  jucundi- 
tatis.  (Eccli.  I.) 

(\)  Ne  ergo  timuerilis  eos:  nihil  enim  est  opertum,  quod  non 
revelabitur;  et  occultum,  quod  non  seietur. 

Quod  dicovobisin  tenebris,  dicite  inlumine:  et  quod  in  aure  au- 
ditis,  praedicate  super  tecta. 

Et  nolite  timere  eos  qui  occidunt  corpus,  animam  autem  non 
possunt  occidere:  sed  potius  timete  eum  qui  potest  et  animam  et 
corpus  perdere  in  gehennam. 

Nonne  duo  passeres  asse  vœneunt:  et  unus  ex  iilis  non  cadet 
super  terrain  sine  Pâtre  vestro? 

Vestri  autem  capilli  capitis  omnes  numerati  sunt. 

Nolite  ergo  timere:  multis  passeribus  meliores  estis  vos. 

Omnis  ergo  qui  confitebitur  me  coram  hominibus,  confitebor  et 
ego  eum  coram  Pater  meo,  qui  in  cœlis  est. 

Qui  autem  negaverit  me  coram  hominibus,  negabo  et  ego  eum 
coram  Pâtre  meo,  qui  in  cœlis  est.  (Matth.  X.) 


I.  IV 


18  LA  CRAINTE  DE   DIEU 


II 

NATURE  ET  OBJET  DE  LA  CRAINTE  DE  DIEU 


11  est  une  crainte  de  Dieu  fausse  et  dangereuse  que  le  fidèle 
doit  à  tout  prix  dépouiller.  —  Il  est  une  crainte  de  Dieu  vraie 
et  salutaire  que  le  iidèle  doit  à  tout  prix  nourrir  et  développer. 

Fausse  crainte  dont  il  faut  se  dépouiller.  —  Signalons  les 
diverses  manières  dont  nous  devons  soigneusement  nous 
garder  de  craindre  Dieu. 

1°  //  nous  faut  évite?'  toute  crainte  désespérée.  —  Le  piège 
du  démon  est  invariable,  et  la  tactique,  inaugurée  au  paradis 
terrestre  et  qui  lui  réussit  si  admirablement,  il  ne  cesse  d'en 
user  auprès  de  chacun  de  nous.  —  Avant  la  faute  il  endort 
soigneusement  notre  conscience,  il  nous  dissimule  le  péril, 
il  nous  cache  l'énormité  de  l'offense,  il  nous  persuade  de  la 
facilité  du  pardon  et  comment,  après  le  plaisir  goûté,  il  nous 
sera  loisible  de  rentrer  en  grâce...  Nous  voici  tombés.  La 
perfidie  infernale  revêt  une  forme  toute  nouvelle.  C'est  main- 
tenant la  fausse  crainte  de  Dieu,  la  sombre  désespérance 
qu'il  s'efforce  de  nous  insinuer. 

Le  prodigue  fut  sauvé  par  cette  seule  parole  qu'il  se  dit  à 
lui-même  :  «  lbo  ad  patrem  »...  C'est  à  de  tout  autres  sen- 
timents que  le  démon  va  pousser  sa  victime.  Adam  sous 
l'empire  d'une  crainte  mauvaise  fuit  Dieu  sous  l'épaisseur  du 
feuillage  :  «  Timui  »...  Caïn,  au  lieu  d'implorer  un  pardon 
qu'il  eût  obtenu,  s'enfuit  sous  le  mortel  aiguillon  de  la  crainte  : 
«  Mon  crime  est  trop  grand!  »  (1)...  Une  larme,  un  cri  de 


(1)  Dixitque  Gain  ad  Dominuni  :  Major  est  iniquitas  mea,  quam 
ut  veniam  merear. 

Ecce  ejicis  me  hodie  a  facie  terrae,  et  a  facie  tua  jJ^condar,  et 
ero  vagus  et  profugus  in  terra;  omnis  igitur  qiu^^Jmt  me,  oc- 
cidet  me. 

Dixitque  ei  Dominus:  Nequaquam  ita  ûcjfl     |Pmnis  qui  occi- 


/ 


LA  CRAINTE  DE  DIEU 


repentir,  une  prière  humiliée,  eût  sauvé  jusqu'au  malheu- 
reux Judas.  Mais  le  démon  le  tient  oppressé  sous  l'effort 
d'une  crainte  impie  et  sacrilège  et  Judas  se  perd  par  le  dé- 
sespoir (1). 

2°  //  nous  faut  éviter  toute  crainte  serviie.  —  La  différence 
entre  l'Ancienne  et  la  Nouvelle  Alliance  ne  cesse  de  nous 
être  inculquée  par  nos  divines  Ecritures  :  «  Non  enim  acce- 
pistis  spiritum  servitutis  iterum  in  timoré,  sed  accepistis  spi- 
ritum  adoptionis  filiorum  in  quo  clamamus  :  Abha,  Pater; 
ipse  enim  Spiritus  testimonium  reddit  spiritui  nostro  quod 
sumus  filii  Dei  »  (2;.  Si  nous  traitons  Dieu  comme  un  fils 
aimant  traite  un  père,  au  respect  de  son  autorité,  à  la  crainte 
de  ses  châtiments,  nous  joindrons  dans  une  bien  plus  large 
mesure  le  dévouement,  la  confiance  et  l'amour.  —  Sans  doute 
l'attrition  théologique  admet  comme  partie  intégrante,  prin- 
cipale même,  si  on  veut,  la  crainte  de  la  Justice  divine  et  des 
peines  de  l'enfer,  mais,  ne  l'oublions  pas,  l'amour  doit  y 
mêler  son  arôme  divin.  —  Professons  avant  tout  cette  crainte 
douce  et  filiale  qui  nous  rejette  bien  loin  de  tout  ce  qui  peut 
déplaire  à  Dieu. 

3°  //  nous  faut  éviter  toute  crainte   superstitieuse  (3).  — 


derit  Caïn,  septuplurn  punietur.  Posuitque  Dominus  Gain  signum, 
ut  non  interfieeret  eum  omnis  qui  invenisset  eum. 

Egressusque  Gain  a  facie  Domini,  habitavit  profugus  in  terra 
ad  orientalern  plagam  Eden.  (Gènes.  IV.) 

({)  Mane  autem  facto,  consilium  inierunt  omnes  principes  sacer- 
dotum  et  seniores  populi  adversus  Jesura,  ut  eum  morti  traderent. 

Et  vinctum  adduxerunt  eum,  et  tradiderunt  Pontio  Pilato  prse- 
sidi. 

Tune  videns  Judas,  qui  eum  tradidit,  quod  damnatus  esset,  pee- 
nitentia  ductus  retulit  triginta  argenteos  principibus  sacerdotum 
et  senioribus, 

Dicens:  Peccavi,  tradens  sanguinem  justum.  At  illi  dixerunt: 
Quid  ad  nos?  tu  videris. 

Et  projectis  argenteis  in  templo,  recessit  :  et  abiens  laqueo  se 
suspendit.  (Matth.  XXVII.) 

(2)  Rom.  VIII. 

(3)  Et  vidit  Saul  castra  Philisthiim,  et  timuit,  et  expavit  cor  ejus 
nimis. 

Consuluitque  Dominum;et  non  respondit  ei,  neque  per  somnia, 
neque  per  sacerdotes,  neque  per  prophetas. 

Dixitque  Saul  servis  suis:  Quaerite  mihi  mulierem  habentem 
pythonem,  et  vadam  ad  eam,  et  sciscitabor  per  illam.  Et  dixerunt 
servi  ejus  ad  eum:  Est  mulier  pythonem  habens  in  Endor. 

Mutavit  ergo  habitum  suum,   vestitusque  est  aliis  vestimentis, 


20  LA   CRAIXTE   DE    DIEU 

Allons  droit  au  but,  c'est-à-dire  allons  droit  au  cœur  de  Dieu. 
Souvenons-nous  de  ce  vers  du  poète  : 

Je  crains  Dieu,  cher  Abner,  et  n'ai  point  d'autre  crainte. 

Fuvons  ces  faiblesses  ridicules  de  certaines  âmes,  bien  plus 
préoccupées  de  fuir  des  dangers  imaginaires,  des  rigueurs 
chimériques,  qu'elles  ne  sont  touchées  de  l'offense  et  du  dé- 
plaisir de  Dieu. 

4°  Il  nous  faut  éviter  toute  crainte  janséniste.  —  On  sait  la 
perfidie  et  les  résultats  désastreux  de  cette  hérésie  du  der- 
nier siècle.  Le  Jansénisme,  sous  prétexte  de  respecter  la  sain- 
teté de  Dieu  et  de  sauvegarder  sa  grandeur  infinie,  écartait 
avec  une  piété  sacrilège  les  âmes  faibles  et  blessées  qui  cher- 

et  abiit  ipse,  et  duo  viri  cum  eo,  veneruntque  ad  mulierem  nocte, 
et  ait  illi  :  Divina  mihi  in  pythone,  et  suscita  mihi  quem  dixero  tibi . 

Et  ait  mulier  ad  eum:  Ecce  tu  nosti  quanta  fecerit  Saul,  etquo- 
modo  erascrit  magos  et  ariolos  de  terra;  quare  ergo  insidiaris 
animée  mese  ut  occidar  ? 

Et  juravit  ei  Saul  in  Domino,  dicens  :  Vivit  Dominus!  quia  non 
eveniet  tibi  quidquarn  mali  propter  hanc  rem. 

Dixitque  ei  mulier:  Quem suscitabo  tibi? Qui  ait:  Samuelem  mihi 
suscita. 

Cum  autem  vidisset  mulier  Samuelem,  exclamavit  voce  magna 
et  dixit  ad  Saul:  Quare  imposuisti  mihi?  tu  es  enim  Saul. 

Dixitque  ei  rex  :  Xoli  timere.  Quid  vidisti  ?  Et  ait  mulier  ad  Saul  : 
Deos  vidi  ascendentes  de  terra. 

Dixitque  ei  :  Qualis  est  forma  ejus  ?  Qaae  ait:  Vir  senex  ascen- 
dit,  et  ipse  amictus  est  pallio.  Et  intellexit  Saul  quod  Samuel  es- 
set,  et  inclinavit  se  super  faciem  suam  in  terra,  et  adoravit. 

Dixit  autem  Samuel  ad  Saul:  Quare  inquietasti  me  ut  suscïta- 
rer?  Et  ait  Saul:  Goarctor  nimis;  siquidem  Philisthiim  pugnant 
adversum  me,  et  Deus  recessit  a  me,  et  exaudire  me  noluit  neque 
in  manu  prophetarum,  neque  per  somnia;  vocavi  ergo  te  ut  osten- 
deres  mihi  quid  faciam. 

Etait  Samuel:  Quid  interrogas  me,  cum  Dominus  recesserit  a 
te,  et  transierit  ad  œmulurn  tuum  ? 

Faciet  enim  tibi  Dominus  sicut  locutus  est  in  manu  mea,  etscin- 
det  regnum  tuum  de  manu  tua,  et  dabit  illud  proximo  tuo  David, 

Quia  non  obedisti  voci  Domini,  neque  feci>ti  iram  furoris  ejus 
in  Amalec;  idcirco  quod  pateris  fecit  tibi  Dominus  hodie. 

Et  dabit  Dominus  etiam  Israël  tecum  in  manus  Philisthiim  ;  cras 
autem  tu  et  filii  tui  mecum  eritis,  sed  et  castra  Israël  tradet  Do- 
minus in  manus  Philisthiim. 

Statimque  Saul  cecidit  porrectus  in  terrain;  extimuerat  enim 
verba  Samuelis,  et  robur  non  erat  in  eo  quia  non  comederat  pa- 
uem  tota  dia  illa.  (I  Reg.  XXVIII.) 


LA  CRAINTE   DE   DIEU  21 

chaient  dans  nos  sacrements  catholiques  la  rénovation  et  la 
vie.  —  N'ayons  peur  ni  du  confessionnal  ni  de  la  Table  sainte. 
—  Ne  tremblons  ni  devant  l'abîme  de  la  prédestination,  ni 
devant  les  incertitudes  de  l'avenir,  ou,  si  nous  tremblons, 
que  ce  soit  en  nous  jetant  aveuglément  dans  les  bras  de  la 
bonté  divine. 

Vraie  et  salutaire  crainte  qu'il  faut  entretenir.  —  Ce  qui 
précède  nous  a  presque  entièrement  instruits  de  ce  qu'est  la 
véritable  crainte  de  Dieu. 

■1°  C'est  une  crainte  filiale.  —  En  Dieu  nous  devons  tou- 
jours voir  un  père  tendre  et  vénéré.  Et  à  ce  père  nous  devons 
sans  cesse  craindre  de  déplaire.  —  En  Dieu  nous  devons 
voir  une  Majesté  infinie  et  cette  Majesté  nous  devons  la  res- 
pecter et  la  vénérer.  —  En  Dieu  nous  devons  voir  une  Sou- 
veraine Justice  dont  nous  devons  avec  sollicitude  prévenir 
les  arrêts. 

2"  C'est  une  crainte  sanctifiante .  —  Dans  les  Psaumes  Da- 
vid nous  apprend  les  emplois  salutaires  de  la  crainte  de 
Dieu.  Sans  cesse  cette  crainte,  en  lui  remettant  devant  les 
yeux  ses  faiblesses  et  ses  chutes,  l'élève  à  tous  les  héroïsmes 
du  repentir  et  de  la  sainteté. 

3°  C'est  une  crainte  de  préservation  et  de  prudence.  —  Il 
marche  avec  sécurité  ce  voyageur  qui  interroge  sa  route, 
scrute  l'obscurité  de  la  nuit,  a  l'oreille  ouverte  au  bruit  du 
danger  et  se  tient  prêt  à  toutes  les  surprises  et  à  toutes  les 
attaques. 


LES  REPRÉSAILLES 

DU  DIYR  AMOUR 


Vox  Dilecti  mei  pulsantis.  «  Apcri,  soror  mea,  arnica  mea, 
columba  mea,  immaculata  mea,  quia  caput  meum  plénum  est 
rare  et  cincinni  mei  guttis  noctium.  —  Exspoliavi  me  tunica 
mea,  quomodo  induar  Ma?  Lavi pedes  meos,  quomodo  inqui- 
nabo  illos? 

Dilectus  meus  misit  manum  suam  per  foramen,  et  venter 
meus  intremnit  ad  tactum  ejus.  Surrexi  ut  aperircm  Dilecto 
meo.  Manus  meœ  distillaverunt  myrrham  et  digiti  mei  pleni 
myrrha  probatissima.  Pessulum  ostii  mei  aperui  Dilecto  meo  : 
al  Ille  declinaverat  atque  transieral.  Anima  mea  liquefacta 
est.  Quœsivi  et  non  inverti  Illum.  Vocavi  et  non  respondit 
mihi.  Invenerunt  me  custodes  qui  circumeunt  civitatem.  Per- 
cusserunt  me  et  vnlneraverunt  me.  Tulerunt  pallium  ?7\eum 
mihi  custodes  murorum.  Adjuro  vos,  Filise  Jérusalem,  si  inve- 
neritis  Dilectum  meum  ut  nuntietis  ci  quia  amore  lanouco.  » 
(Cantiq.  V.) 

Caractère  étrange  de  l'amour!  Fermé  et  presque  insensible 
aux  injures  venues  de  l'ennemi,  il  est,  en  face  du  plus  léger 
délaissement,  de  la  plus  passagère  froideur,  d'une  incroyable 
sensibilité,  quand  ces  blessures  lui  sont  faites  par  l'objet 
aimé  (1).  —  Judas  trahit,  Pilate  condamne  à  mort,  les  Juifs 
hurlent  des  cris  de  haine,  les  bourreaux  s'arment  de  leurs 
fouets,  la  croix  se  préparc  avec  ses  mortelles  horreurs  :  Jésus 


(\)  Quoniam  si  inimicus  meus  maledixisset  mihi,  sustinuissem 
utique. 

Et  si  is  qui  oderat  me  super  me  magna  locutus  fuisset,  abscon- 
dissem  me  forsitan  ad  eo. 

Tu  vero  homo  unanimis,  dux  meus,  et  notus  meus; 

Qui  siniul  mecum dulces capiebas  cibos,  in  domo  Doi  ambulavi- 
mus  cura  consensu.  (Psal.  LIV.) 


LES  REPRÉSAILLES  DU  DIVIN  AMOUR  23 

est  ferme  et  supporte  intrépidement  ces  chocs  furieux  :  «  Si 
inimicus  fecisset,  sustinuissem  utique...  »  Mais  que  l'ami,  que 
l'apôtre,  que  l'àme  bien-aimée  abandonne  et  trahisse  son 
amour,  Jésus  exhale  la  plus  déchirante  des  plaintes  et  dé- 
clare qu'il  reçoit  la  plus  douloureuse  des  blessures  :  «  Tu  au- 
tem  homo  unanimis!...  » 

N'avons-nous  pas  blessé  de  même  notre  Jésus?  Cette  bles- 
sure qui  déchire  son  cœur,  n'appelle  t-elle  pas  sur  nous  de 
redoutables  représailles?  —  En  suivant  mot  à  mot  le  Can- 
tique des  Cantiques,  étudions  à  la  fois  la  faute,  le  châtiment, 
le  remède. 


CE  QU'EST  LA  FAUTE 


Pour  la  bien  apprécier  voyons  ce  que  nous  est  Jésus,  ce 
que  nous  sommes  nous-mêmes  à  Jésus. 

Ce  que  nous  est  Jésus.  —  Oh!  que  nous  apprécierons  bien 
vite  quel  crime  contre  l'amour  nous  font  commettre  nos  dé- 
laissements, nos  froideurs,  nos  oublis,  nos  fautes,  nos  trahi- 
sons, quand  nous  aurons  contemplé  ce  Jésus  que  nous  trai- 
tons si  indignement! 

1°  Jésus  daigne  veîiir  à  ?ious.  —  «  Vox  Dilecti  mei  pulsan- 
tis  »...  Ce  Fils  de  Dieu,  qui  règne  dans  sa  gloire,  qui  habite 
les  cieux,  dont  les  Anges  font  leurs  délices,  que  le  ciel  et  la 
terre  acclament  avec  ivresse  :  c'est  Lui  qui  vient  à  moi,  ché- 
tive,  impure,  ingrate  créature.  L'Etre  Suprême  vient  au 
néant,  le  Très-Haut  vient  à  l'imperceptible  atome  (1)... 


(1)  Benedictus  Doininus  Deus  Israël,  quia  visitavit,  et  fecit  re- 
demptionem  plebis  suae. 

Et  erexit  cornu  salutis  nobis,  in  dorao  David  pueri  sui. 

Sicut  locutus  est  per  os  sanctorum,  qui  a  sœculo  sunt,  prophe- 
tarum  ejus  : 

Salutem  ex  inimicis  nostris,  et  de  manu  omnium  qui  oderunt 
nos: 


24  LE>   REPRÉSAILLES   DU   DIVIN  AMOUR 

2°  Jésus  vient  à  nous  à  titre  de  Bien-aimé.  —  «  Vox  Di- 
lecli  »...  Ce  sera  l'éternel  élonnement  des  mondes,  voir  ce 
Fils  de  Dieu  s'éprendre  pour  sa  pauvre  créature  d'un  aussi 
extraordinaire  amour. 

A  cct'e  pensée  Saint  Paul  tressaillait  de  stupéfaction  et 
de  joie:  «  Dilcxit  me!  »  (1).  Le  Sérapliique  Saint  François 
éperdu,  s'en  allait  errant  dans  la  campagne,  interpellant 
tous  les  êtres,  adjurant  la  création  entière  de  lui  dire  le 
secret  d'un  tel  amour  (2  . 

3°  Jésus  vient  à  nous  assiégeant  notre  cime  pour  en  obtenir 
Centrée.  —  «  Dileclus  meus   raisit   manum   suam  per  fora- 

Ad  fàciendam  misericordiam  cum  patribus  nostris,  et  memorari 
testameati  sui  sancti  : 
Jusjurandum,   quod  juravit  ad  Abraham  patrem  nostrum,  da- 

turum  se  nobis: 

Ut  sine  timoré  de  manu  inimicorum  nostrorum  liberati,  servia- 
mus  illi, 

Ad  dandam  scientiam  salulis  plebi  ejus,  in  remissionem  pecca- 
torum  eorum: 

Per  viseeramisericordiaeDei  nostri,  inquibus  visitavit  nos,oriens 
ex   alto: 

Illuminare  his  qui  in  tenebris  et  in  umbra  mortis  sedent;  ad  di- 
rigendos  pedes  nostros  in  viam  pacis.  (Luc.  [.) 

(1)  Si  quis  non  araat  Dominum  nostrum  Jesum  Christum,  sit 
anathema  :  Alaran  Atha. 

Gratia  Domini  nostri  Jesu  Ghristi  vobiscum. 
Caritas  mea  cum  omnibus  vobis  in  Ghristo  Jesu. 

(I  Cor.  XVI.) 

(2)  Mémento  dierum  antiquorum:  cogita  generationes  singulas; 
interroga  patrem  tuum,  et  annuntiabit  tibi;  majores  tuos,  et  di- 
cent  tibi. 

Quando  dividebat  Altissimus  gentes,  quando  separabat  filios 
Adam,  constituit  terminos  populorurn  juxta  numerum  illiorum 
Israël  ; 

Pars  autem  Domini,  populusejus,  Jacob  funiculus  heredil 
ejus. 

Invenit  eum  in  terra  déserta,  in  loco  horroris,  et  vastae  solitu- 
dinis;  circumduxit  eum,  et  docuit;  et  custodivit  quasi  pupillam 
oculi  sui. 

Sicut  aquiia    provocans  ad  volandum  pull  super  eos 

volitans,  expandit  alas  suas,  et  as&umpsit  eum,  atque  portavitin 
humer  is  suis. 

Dominua  solus  dux  ejus  fuit;  et  non  er.it  cum  aliénas. 

Constituit  eum  super  excelsam  terrain,  ut  comedi  ret  fructua 
agrorum,  ut  sugeref  mel  de  petra,  oleumque  de  saxo  durissimo; 

I'.  ityrum  <\enxjjmȱ^A  lac  de  ovibus  cum  adipe  agnorum,  et 
arietura  :'\':^:^Ê  Bfcliireos  ••uni  medulla  tritici,  et  sangui- 

nern  uvœ  bijfl  ■imum.  (Deut.  XXXII  ) 


LES   REPRESAILLES  DU  DIVIN  AMOUR  25 

mcn.  »  Rien  ne  Lui  a  coûté  pour  obtenir  une  issue  dans 
notre  âme.  Nous  étions  pour  Lui  des  étrangers  :  il  nous  tit 
devenir  de  sang  royal  :  «  Soror  mea.  »  —  Nous  étions  de  mi- 
sérables ennemis:  il  nous  réconcilia:  «  Arnica  mea(l).  »  — 
La  déchéance  avait  déformé  hideusement  notre  être  et  nous 
n'étions  plus  aux  regards  divins  que  des  créatures  souillées 
et  repoussantes  :  par  la  grâce  jaillie  de  sa  Rédemption  Jé- 
sus-Christ nous  revêt  d'une  nouvelle  et  plus  délicieuse 
beauté  :  «  Columba  mea,  i  m  macula  ta  mea  »  (2). 

4°  Jésus  vient  à  nous  comme  Sauveur.  —  Il  lui  reste  un 
dernier  titre  à  notre  amour  et  il  le  fait  valoir  en  ces  touchants 
et  poignants  souvenirs  :  «  Aperi  ..  caput  meum  plénum  est 
rore  et  cincinni  mei  guttis  noctium.  »  Nuit  effroyable,  nuit 
sanglante,  que  celle  qu'il  vient  de  passer!  Il  l'ouvre  par  les 
angoisses  mortelles  de  Gethsémani;  il  la  continue  dans  les 
tortures  de  sa  passion,  alors  que  les  coups  pleuvent  sur  sa 
chair  innocente,  que  son  sang  se  répand  à  flots,  inondant 
sous  sa  couronne  d'épines  sa  tète  d'une  rosée  douloureuse; 
il  la  clôt  dans  l'obscurité  du  sépulcre. 

Tel  est  Celui  qui  vient  à  nous  plein  de  condescendance, 
d'amour,  de  bienfaits,  de  sacrifices  (3).  —  Hélas!  et  nous- 
mêmes,  comment  l'accueillons  nous? 


(1)  Nolite  itaque  errare,  fratres  mei  dileetissimi . 

Orane  datum  optimum,  et  orane  donum  perfectum  desursumest, 
descendent  a  Pâtre  luminum,  apud  quem  non  est  transmutatio, 
nec  vicissitudinis  obumbratio. 

Voluntario  enim  genuit  nos  verbo  veritatis,  ut  simus  initium 
aliquod  crealurse  ejus.  (Jacob.  I  ) 

(2)  Jérusalem,  Jérusalem,  quœ  occidis  prophetas,  et  lapidas  eos 
qui  mittuntur  ad  te,  quoties  volui  congregare  filios  tuos,  quemad- 
modum  avis,  nidum  suum  sub  pennis,  et  noluisti! 

(Lu;.  III.) 

(3)  Induam  caelos  tenebris,  et  saccum  ponam  operimentum  eorum. 
Dominus  dédit  mihilinguam  eruditam,  ut  sciam  sustentare  eum 

qui  lassus  est  verbo.  Erigit  mane,  mane  erigit  mihi  aurem,  ut  au- 
diam  quasi  magistrum. 

Dominus  Deus  aperuit  mihi  aurem,  ego  autem  non  contradico; 
retrorsum  non  abii. 

Corpus  meum  dedi  percutientibus,  et  gênas  meas  vellentibus  ; 
faciem  meam  non  averti  ab  increpantibuset  conspuentibus  in  me. 

Dominus  Deus  auxiliator  meus,  ideo  non  sum  confusus;  ideo 
posui  faciem  meam  ut  petram  durissimam,  et  scio  quoniam  non 
confundar. 

Juxta  est  quijustifleat  me;  quisconlrj^  |jtemus  simul 

qnis  est  adversarius  meus?  accédât  ad< 


26  LES  REPRÉSAILLES   DU  DIVIN  AMOUR 

Ce  que  nous  avons  été  à  Jésus.  —  Loin  de  l'accueillir 
nous  lui  refusons  obstinément  l'entrée  de  notre  cœur  : 
«  Obstupescite  cœli!...  Quis  audivit  talia  horribilia  quœ  fecit 
nimis  virgo  Israël?  »  Ce  Dieu  Bienfaiteur  et.  Sauveur,  ce  Dieu 
tout  amour,  nous  réconduisons  outrageusement. 

1°  Comment  nous  reconduisons.  —  Hélas!  nos  moyens  ne 
sont  que  trop  nombreux.  Parfois  nous  résistons  aux  inspira- 
tions de  sa  grâce  qui  nous  pressent  intérieurement  de  revenir 
à  Lui.  —  Parfois,  après  Lui  être  revenus  un  instant,  nous 
rompons  avec  Lui,  sans  autre  cause  que  d'inexplicables  ca- 
prices. —  Parfois  le  monde  obtient  toutes  nos  faveurs  et  nous 
lui  accordons  un  dévouement  refusé  au  Fils  de  Dieu.  —  Par- 
fois nos  passions  hurlent  au  dedans  de  nous-mêmes,  le  cri 
des  Juifs  :  «  Toile!  toile!  »  —  Parfois  une  cause  toute  futile 
met  à  nu  notre  incompréhensible  insensibilité.  C'est  l'appli- 
cation exagérée  aux  choses  terrestres,  l'entraînement  des 
affaires,  qui  nous  font  éconduire  Jésus.  «  Non  erat  locus.  » 

2°  Pourquoi  nous  reconduisons.  —  Le  Cantique  des  canti- 
ques va  nous  répondre.  —  C'est  d'abord  par  nonchalance,  par 
mollesse  que  l'âme  infidèle  repousse  son  Bien-aimé.  Le  Texte 
sacré  nous  la  représente  trop  mollement  endormie  sur  sa 
couche  de  repos.  La  vigilance  l'abandonne,  l'énergie  est 
morte,  le  courage  de  la  piété  est  éteint  :  «  Ego  dormio.  »  — 
C'est  ensuite  par  illusion  :  «  In  lectulo  meo  quœsivi  quem 
diligit  anima  mea,  quaesivi  illum  et  non  inveni.  »  Quoi!  elle 
cherche  son  Jésus  dans  une  vie  de  bien-être,  de  jouissance? 
Xe  sait-elle  pas  que  ce  Maître,  ce  Sauveur,  ce  Bien-aimé, 
délaissant  les  régions  du  plaisir,  n'habite  que  l'austère  con- 
trée de  l'expiation?  Il  est  où  «  se  distille  la  myrrhe.  »  Jamais 
on  ne  le  trouve  là  où  les  efféminés  «  se  couronnent  de  ro- 
ses. »  —  C'est  enfin  par  insensibilité  et  par  tiédeur.  Ecoutez 
l'Epouse  du  Cantique  :  «  Exspoliavi  me  tunica  mea,  quornodo 
induar  illa?  Lavi  pedes  meos,  quornodo  inquinabo  illos?  » 
Quand  nous  avons  dépouillé  notre  ferveur  première,  que  la 
prière  a  expiré  sur  nos  lèvres,  que  nos  pieds  paresseux  ne 
nous  portent  plus  à  l'église,  que  les  sacrements  ont  cessé  de 


Ecce  Dominus  Deus  auxiliator  meus;  quis  est  qui  condemnet  me? 
Ecce  omnes  quasi  vestimentum  conterentur;  tinea  eoniedet  eos. 

Quis  ex  vobis  timens  Domiuum,  audiens  vocem  servi  sui?Qui 
ambulavit  in  tenebris,  et  non  est  lumen  ei,  speret  in  nomine  Do- 
mini,  et  innitatur  super  Deus  suum.  (Isaï.  L.) 


LES  REPRÉSAILLES  DU   DIVIN  AMOUR  27 

nous  revêtir  de  la  grâce  :  alors  s'accomplit  en  nous  un  dou- 
loureux phénomène.  Nous  devenons  sourds  aux  appels  divins, 
insensibles  aux  touchantes  avances  de  son  amour,  ingrats 
pour  ses  bienfaits,  téméraires  devant  ses  menaces  (1). 


II 
CE  QU'EST  LE  CHATIMENT 


«  Manus  meœ  stillaverunt  myrrham pessulum  ostii  mei 

aperui  dilectomeoat  ille  declinaverat  atque  transieral  ».  Voilà 
le  châtiment  :  Absence  de  Jésus,  soustraction  des  grâces  de 
Jésus,  vie  triste  et  sans  consolation  loin  de  Jésus. 

C'est  l'absence  de  Jésus.  —  1°  Parfois,  sans  doute  cette  ab- 
sence peut  n'être  qu'une  épreuve.  —  Quand  Jésus  s'échappe 
des  mains  de  sa  mère  et  de  Saint  Joseph  et  demeure  dans  le 
Temple,  les  douloureuses  recherches  de  Marie,  ses  torturan- 
tes désolations  ne  sont  qu'une  épreuve  (2). 


(i)  Erat  lux  vera,  quae  illuminât  omnem  hominem  venientem  in 
hune  mundum. 

In  mundo  erat,  et  mundus  per  ipsum  factus  est,  et  munduseum 
non  cognovit.  (Joan.  I.) 

(2)  Puer  autem  crescebat  et  confortabatur,  plenus  sapientia;  et 
gratia  Dei  erat  in  illo. 

Et  ibant  parentes  ejus  per  omnes  annos  in  Jérusalem,  in  die  so- 
lemni  Pascha?. 

Et  quum  factus  esset  annorum  duodecim,  ascendentibus  illis 
JerosoLymam,  secundum  consuetudinem  diei  festi. 

Consummatisque  diebus,  quum  redirent,  remansit  puer  Jérusa- 
lem, et  non  cognoverunt  parentes  ejus. 

Existimantes  autem  illum  esse  in  comitatu,  venerunt  iter  diei, 
et  requirebant  eum  inter  cognatos  et  notos. 

Et  non  invenientes,  regressi  sunt  in  Jérusalem,  requirentes  eum. 

Et  factum  est  post  triduum  invenerunt  illum  in  templo,  seden- 
tem  in  medio  doctorum,  audientem  illos,  et  interrogantem  eos. 

Stupebant  autem  omnes,  qui  eum  audiebant,  super  prudentia 
et  responsis  ejus. 

Et  videntes  admirati  sunt.  Et  dixit  mater  ejus  ad  illum:  Fili, 


28  LES  REPRÉSAILLES   DU  DIVIN  AMOUR 

2°  Mais  nous  par  loris  ici  d'une  absence  qui  est  un  châti- 
ment. —  Absence  de  peu  de  durée,  si  nos  taules  envers  Jé- 
sus n'ont  été  que  légères.  Parfois,  pour  un  manque  de  zèle 
de  ses  apôtres  ou  de  ses  disciples,  Jésus  se  retire  d'eux  du- 
rant un  peu  de  temps  (I).  —  Absence  plus  longue,  châtiment 
plus  à  craindre,  si  nos  fautes  ont  été  plus  graves.  —  Absence 
définitive,  châtiment  sans  espoir,  si,  à  force  de  repousser  Jé- 
sus, de  fatiguer  son  amour,  nous  l'éloignons  définitivement. 
C'est  le  châtiment  du  malheureux  peuple  juif,  qui,  à 
force  de  se  montrer  infidèle  et  indocile,  a  retiré  de  lui  le 
bienfait  de  la  Rédemption,  selon  la  menace  que  leur  en  fai- 
sait le  Sauveur  :  «  Vous  me  chercherez  et  vous  ne  me  trou- 
verez pas.  »  «  Tremblez,  dit  Saint  Bernard,  que  Jésus  s'en 
aille  loin  de  vous,  qu'il  s'en  aille  sans  retour  (2).  » 


quid  fecisti  nobis  sic?  ecce  pater  tuus  et  ego  dolentes  quœrebamus 
te. 

Et  ait  ad  illos  :  Quid  est  quod  me  quœrebatis  ?  nesciebatis  quia 
in  his,  quœ  patris  mei  sunt,  oportet  me  esse  ? 

Et  ipsi  non  intellexerunt  verbum  quod  locutus  est  ad  eos. 

Et  descendit  cum  eis,  et  venit  Nazareth  :  et  erat  subditus  illis. 
Et  mater  ejus  conservabat  omnia  verba  hœc  in  corde  suo. 

(Luc.  II.) 

(1)  Quuin  ergo  vidisset  turba  quia  Jésus  non  esset  ibi,  neque 
discipuli  ejus,  ascenderunt  in  naviculas,  et  venerunt  Capharnaum 
quœrentes  Jesum. 

Et  quuin  invenisseut  eum  trans  mare,  dixerunt  ei  :  Rabin-  quando 
hue  venisti? 

Kespondit  eis  Jésus  et  dixit:  Amen,  amen  dico  vobis  :  quœritis 
me,  non  quia  vidistis  signa,  sed  quia  rnanducasti  ex  panibus,  et 
saturati  estis. 

Operamini  non  cibum  qui  périt,  se«l  qui  permanet  invitam  œter- 
nam,  quem  Filius  hominis  dabit  vobis.  Ilunc  enim  Pater  signavit 
Deus. 

Dixerunt  ergo  ad  eum  :  Quid  faciemus  ut  operemur  opéra  Dei? 

Illiergo  homines  quum  vidissent  quod  Jésus  fecerat  signum,  di- 
cebant  :  Quia  hic  est  vere  propheta  qui  venturus  est  in  mundum. 

Jésus  ergo,  quum  cognovisset  quia  venturi  essent  ut  râpèrent 
eum,  et  facerent  eum  regem,  fugit  iterum  in  montem  ipse  solus. 

Respondit  Jésus  et  dixit  eis  :  Hoc  est  opus  Dei,  ut  credatis  in 
eum  que  in  misit  ille.  (Joan.  VI.) 

(2)  Quœfebant  ergo  eum  apprehendere,  et  nenio  misit  in  illum 
manus,  guia  nondum  venerat  liora  ejus. 

Deturli.i  autem  multi  crediderunt in  eum,  et  dicebant:  Christua 
quum  venerit,  numquid  plura  signa  faciel  quam  quœ  hic  facit? 

Audierunt  Pharissei  turbain  murmurantem  de  illohaec;  et  mise- 
ruut  principes  et  Pharissei  ministros  ut  appréhendèrent  eum. 


LES  REPRÉSAILLES  DU   DIVIN  AMOUR  29 

C'est  la  soustraction  des  grâces.  —  Que  devient  une  terre 
sur  laquelle  ne  se  lèvent  plus  les  rayons  d'un  vivifiant  so- 
leil ?  Tout  languit,  tout  se  dessèche,  tout  est  mort.  Que  de- 
vient la  plante  que  la  pluie  n'arrose  plus?  Adieu  pour  elle 
la  parure  de  ses  fleurs  et  l'espérance  de  ses  fruits.  Que  de- 
vientl'âme  chrétienne  sur  laquelle  Dieu  ne  verse  plus  ces  quo- 
tidiennes inspirations  ?  Tout  en  elle  devient  terrestre  et  la 
vie  du  ciel  n'y  habile  bientôt  plus. 

Que  sont  nos  vertus  sans  la  présence  et  l'action  de  Jésus? 
Après  une  nuit  d'un  labeur  infructueux  les  Pêcheurs  de  Ga- 
lilée disent  tristement  :  «  Tota  nocte  laborantes  nihil  eepi- 
nus.  » 

C'est  la  vie  sans  consolation.  —  Privée  de  son  bien-aimé 
l'Epouse  des  Cantiques  nous  découvre  son  martyre.  Son 
âme  se  fond  de  tristesse;  sa  vie  ne  distille  plus  que  l'amer- 
tume; elle  est  seule  dans  le  désert  des  choses  humaines! 


III 
OU  EST  LE  REMÈDE  ? 


Apprenons-le  de  notre  Texte  sacré.  L'âme,  infidèle  un  ins- 
tant, se  ressaisit,  court  au  remède,  retrouve  le  Dieu  perdu  et 
avec  Lui  la  sécurité,  la  joie,  la  vie. 

C'est  de  recourir  à  une  sérieuse  direction.  —  a  Invene- 
runt  custodes.  »  Un  sage  et  pieux  directeur  la  trouve  dans  ce 


Dix.it  ergo  eis  Jésus  :  Adhuc  moJicum  tempus  vobiscum  sum; 
et  vado  ad  eum  qui  me  misit. 

Quseretis  me,  et  non  invenietis;  et  ubi  ego  sum,  vos  non  potes- 
tis  venire. 

Dixerunt  ergo  Judsei  ad  semetipsos  :  Quo  hic  iturus  est,  quia 
non  inveniemus  eum?  numquid  in  dispersionem  gentium  iturus 
est,  et  docturus  gentes? 

Quis  est  hic  sermoquem  dixit  :  Quseretis  me,  et  non  invenistis  :  et 
ubi  sum  ego,  vos  non  potestis  venire?  (Joan.  VU.) 


30  LES  REPRÉSAILLES  DU  DIVIN   AMOUR 

délaissement  et  la  mène,  peu  à  peu,  par  les  voies  où  l'ou 
rencontre  Jésus.  —  Mais  ce  directeur  ne  connaîtra  pas  les 
lâches  complaisances  ;  il  sera  ferme  :  «  percusserunt  me  et 
vulnaraverunt  me.  »  11  lui  arrachera  ses  illusions,  ses  er- 
reurs, ses  faiblesses.  «  Tulerunt  pallium  meum  (1).  » 

C'est  de  reprendre  ses  exercices  de  piété. —  C'est  à  l'é- 
glise, dans  le  recueillement  de  la  prière,  sous  les  rayons  de 
la  parole  sainte,  au  sein  des  ardeurs  divines  des  Sacrements 
que  l'on  retrouve  Jésus  (2).  C'est  encore  dans  les  lectures 


(T)  Fili  mi,  si  susceperis  sermones  meos,  et  mandata  mea  abs- 
conderis  pênes  te. 

Ut  audiat  sapientiam  auris  tua;  inclina  cor  tuum  ad  cognos- 
cendam  prudentiam. 

Si  enim  sapientiam  invocaveris,  et  inclinaveris  cor  tuum  pru- 
dentia?; 

Si  quœsieris  eam  quasi  pecuniam,  et  sicut  thesauros  effoderis 
illam  ; 

Tune  intelliges  timorem  Domini,  et  scientiam  Dei  invenies, 

Quia  Dominus  dat  sapientiam  ;  et  ex   ore   ejus   prudentia    et 
scientia. 

'lustodiet  rectorum  salutem,  et  proteget  gradientes  simpliciter. 

Servans  semitas  justitiae,  et  vias  sanctorum  custodiens. 

Tune  intelliges  justitiam,  et  judicium,  et  œquitatem,  et  omnem 
semitam  bonam. 

si  intraveritsapientiacor  tuum,  et  scientia  animai  tua?  placuerit; 

Consilium  eustodiet  te,  et  prudentia  servabit  te, 

Ut  eruaris  a  via  mala,  et  ab  homine  qui  perversa  loquitur; 

Qui  relinquunt  iter  rectum,  et  ambulant  per  vias  tenebrosas  : 

Qui  lœtantur  cum  malefeceriut,  et  exsultant  in  rébus  pessimis; 

Quorum  via?  perversa?  sunt,  et  infâmes  gressus  eorum. 

Ut  eruaris  a  muliere  aliéna,  et  ab  extranea  qua?  mollit  sermo- 
nes suos, 

Et  relinquit  ducem  pubertatis  sua?, 

Et  pacti  Dei  sui  oblita  est.  Inclinata  est  enim  ad  mortem  domus 
ejus,  et  ad  inferos  semit;e  ipsius.  (Prov.  II.) 

(2)  Clamavi  in  loto  corde  meo  :  Exaudi  me,  Domine;  justifica- 
tiones  tuas  requiram. 

Clamavi  ad  te;  salvum  me  fac,  ut  custodiam  mandata  tua. 

Prœveni  in  maturitate,  et  clamavi,  quia  in  verba  tua  superspe- 
ravi. 

l'r;evenerunt  oculi  mei  ad  te  diluculo,  ut  meditarer  eloquia  tua, 

Vocem  rneam  audi  secundum  misericordiam  tuam,  Domine,  et 
indum  judicium  tuum  vivifica  me. 
•>ties  in  die  lau'lem  dixi  tibi,  super  judicia  justitia?  tua?. 

l'ax  multa  diligentibus  legem  tuam;  et  non  est illis  scandalum. 

Kxspectabam  salutare  tuum,  Domine;  et  mandata  tua  dilexi. 

Gustodivit  anima  mea  testimonia  tua,  et  dilexit  ea  vehementer. 


LES   REPRÉSAILLES   DU    DIVIN   AMOUR  31 

pieuses,  dans  les  entretiens  sanctifiants  que  parfois  il  se  fera 
de  nouveau  reconnaître  à  nous.  «  Adjuro  vos,  filiae  Jérusa- 
lem, si  inveneritis  Dilectum  meuin  ut  nuntietis.  » 

C'est  de  multiplier  les  actes  d'amour.  —  Mais  voici  de 
tous  les  chemins  qui  nous  ramènent  à  Jésus  le  plus  court, 
le  plus  rapide  et  le  plus  sur.  Cest,  avant  tout,  l'oubli  qui 
nous  a  éloignés  de  Dieu  :  c'est  donc  le  souvenir  qui  nous  y 
reportera.  «  Arrêtez-vous,  s'écriait  le  Psalmiste,  goûtez  et 
voyez  combien  le  Seigneur  est  doux.  »  Arrêtons-nous.  Fai- 
sons trêve  à  nos  quotidiennes  dissipations.  Songeons  à  Dieu. 
Faisons  notre  étude  de  ses  beautés  ineffables,  de  ses  perfec- 
tions infinies,  parfois  encore  du  ses  infinis  bienfaits.  Voyez 
l'Epouse  dus  Cantiques.  Dès  que,  par  ses  efforts  persévérants, 
elle  a  retrouvé  son  Bien-aimé,  sa  pensée  ne  la  quitte  plus, 
ses  yeux  le  contemplent,  sa  mémoire  s'en  remplit,  son  ima- 
gination s'en  enflamme,  et,  délicieusement,  son  cœur  s'en 
nourrit.  Dilectus  meus  candidus  et  rubicundus,  electus  ex 
millibus.  Caput  ejus  aurum  optimum.  Cornai  ejus  sicut  elata' 
palmarum,  nigrœ  quasi  corvus.  Oculi  ejus  sicut  columbœ  su- 
per rivulos  aquarum,  qu;c  lacté  sunt  lotœ  et  résident  juxta 
fluenta  plenissima.  Gêna?  illius  sicut  areoke  aromatum  comitae 
a  pigmentariis.  Labia  ejus  lilia  distillantia  myrrham  pri- 
mant... Speciem  ejus  ut  Libani,  electus  ut  cedri.  Guttur  illius 
suavissimum  et  totus  desiderabilis  :  talis  est  dilectus  meus. 
(Cantiq.  V  ) 


Servavi  mandata  tua  et  testimonia  tua,  quia  omnes  vise  in  con- 
speetu  tuo. 

Appropinquet  deprecatio  niea  in  conspectu  tuo,  Domine  juxta 
eloquium  tuum  da  mihi  intellectum. 

Intret  postulatio  mea  in  conspectu  tuo;  secundum  eloquium 
tuum  eripe  me. 

Eructabunt  labia  mea  hymnum,  cum  docueris  me  justificationes 
tuas. 

Pronuntiabit  lingua  mea  eloquium  tuum,  quia  omnia  mandata 
tua  eequitas. 

Fiat  manus  tua  ut  salvet  me,  quoniam  mandata  tua  elegi. 

Goncupivi  salutare  tuum,  Domine;  et  lex  meditatio  mea  est. 

Vivet  anima  mea,  et  laudabit  te;  et  judicia  tua  adjuvabunt  me, 

Erravi  sicut  ovis  quae  periit  ;  quatre  servum  tuum,  quia  man- 
data tua  non  sum  oblitus.  (Psal.  GXIIVI.) 


LE  SALUT 


Quand  le  Divin  Maître  a  sur  une  âme  des  vues  de  miséri- 
corde et  d'amour,  quand  il  la  visite,  et  que  dans  un  intérieur 
tumultueux  il  la  trouve  agitée  et  distraite  par  les  sollicitudes 
de  la  vie  ou  les  exigences  de  la  mondanité,  il  lui  adresse  ces 
saisissantes  paroles  :  «  Martha,  Martha,  sollicita  es  circa  plu- 
rima  :  porro  unum  est  necessariuin  »    1  . 

«  Unum  necessarium  !  »  Voilà  le  grand  mot,  voilà  la  révé- 
lation essentielle.  Ni  les  affaires  du  temps  ne  sont  rien,  ai 
les  préoccupations  de  la  vie  présente  ne  sont  rien  :  seule 
l'éternité,  la  vie  future,  la  destinée  qui  suit  le  tombeau,  sont 
pour  nous  la  grande  aifaire;  seul  nuire  salut  éternel  mérite 
nos  réflexions,  nos  résolutions  et  nos  efforts.  —  L'affaire  du 
salut  est  pour  nous  l'affaire  capitale.  —  La 'Faire  du  salut  esi 
pour  nous  l'affaire  urgente. 


(1)  Factura  est  autem,  Jum  irent,  et  ip.se  iutravit  in  quoddam 
castellum;  et  mulier  quaelam,  Martha  nouiiue,  excepit  illum  in 
domum  suara  ; 

Et  huic  erat  soror  noaiine  Maria,  quae  etiam  sedens  secus  pedes 
Domini,  audiebat  verbum  illius. 

Martha  autem  satagebat  circa  frequens  ministerium  ;  quœ  stetit 
et  ait:  Domine,  non  est  tibi  curœ,  quod  soror  mea  reliquit  me  &o- 
lam  ministrare  ?  die  ergo  illi  ut  me  adjuvet. 

Et  respondens,  dixit  illi  Dominus:  Martha,  Martha,  sollicita 
es,  et  turbaris  erga  plurima. 

Porro  unum  est  necessarium.  Maria  optimam  partem  elegit, 
quae  non  auferetur  ab  ea.  '    (Luc  X.) 


LE   SALUT  33 


L'AFFAIRE  DU  SALUT  AFFAIRE  CAPITALE 


Elle  est  capitale  parce  qu'elle  est  unique;  —  parce  qu'elle 
engage  d'immenses  intérêts;  —  parce  que  toute  mauvaise 
issue  y  est  irréparable. 

Capitale,  car  elle  est  unique.  —  Tout  nous  l'affirme. 

1°  Notre  être  entier  l'atteste.  —  Si  la  vie  présente  était  notre 
vie  définitive,  nous  nous  y  sentirions  dans  le  calme,  dans  la 
paix,  clans  une  immuable  fixité  :  or  c'est  le  contraire  que  nous 
expérimentons.  —  Une  force  inconnue  nous  entraîne;  nos 
jours  sont  plus  mobiles  qu'une  eau  fugitive;  nos  pas  ù  tra- 
vers la  vie  sont  plus  hâtifs  que  ceux  du  voyageur  le  plus 
empressé;  nous  fuyons  vers  la  mort  (1).  —  Et,  en  même 
temps  qu'une  force  nous  entraine,  une  autre  force  nous  ar- 
rache aux  objets  qui  nous  captivent  et  que  nous  croyons  pos- 
séder (2).  —  Enfin  nous  sentons  dans  notre  être  intime  un 


(1)  Existimo  ergo  hoc  bonum  esse  propter  instantem  necessita- 
tein,  quoniam  bonum  est  ho  mini  sic  esse. 

Alligatusesuxorifnoliquâereresolutionem.  Solutus  esabuxore? 
noli  quserere  uxorem. 

Si  autem  acceperis  uxorem,  non  peccasti  Et  si  nupserit  virgo, 
non  peccavit  ;  tribulationem  tamen  carnis  habebunt  hujusmodi. 
Ego  autem  vobis  parco. 

Hoc  itaque  dico,  fratres  :  tempus  brève  est  :  reliquum  est,  ut  et 
qui  habent  uxores,  tanquam  non  habentes  sint  : 

Et  qui  fient,  tanquam  non  fientes  ;  et  qui  gaudent,  tanquam  non 
gaudentes  ;  et  qui  emunt,  tanquam  non  possidentes; 

Et  qui  ut  untur  hoc  mundo,  tanquam  non  utantur  :  prœterit  enim 
figura  hujus  mundi. 

Volo  autem  vos  sine  sollicitudine  esse.  Qui  sine  uxore  est,  solli- 
citus  est  quœ  Domini  sunt,  quomodo  placeat  Deo. 

(I  Cor.  VII.) 

(2)  Gonlemnat  autem  justus  mortuus  vivos  impios,  et  juventus 
celerius  consummata  longam  vitam  injusti. 

T.  IV  3 


34  LE   SALUT 

mvstérieux  élan  vers  une  autre  patrie  :  «  Scientes  quoniam 
dum  sumus  in  corpore  percgrinamur  a  Domino,  audemus  et 
bonam  voluntatem  liabemus  magis  peregrinari  a  corpore  et 
présentes  esse  ad  Dominum.  »  Ajoutons  avec  Saint  Augus- 
tin :  «  Est  unum  aliquid  quo  tendamus  quando  in  bujus  sœ- 
culi  multitudine  laboramus  :  tendimus  adhuc,  peregrinantes 
adhuc  in  via.  » 

Mais  s'il  en  est  ainsi;  si  la  vie  présente  n'est  qu'un  clie- 
min  rapide  vers  une  vie  supérieure  et  définitive;  si,  après 
quelques  jours  tout  nous  abandonne  ici-bas  et  nous-mêmes 
abandonnons  tout,  il  est  trop  évident  que  ce  provisoire  ne 
mérite  qu'une  attention  médiocre  et  que  l'éternité  seule  nous 
doit  absorber  (1). 


Videbunt  enim  finem  sapientis,  et  non  intelligent  quid  cogita- 
verit  de  illo  Deus,  et  quare  munierit  illum  Dominus. 

Videbunt,  et  contemnent  eum  ;  illos  autem  Dominus  irridebit. 

Et  erunt  post  hsec  decidentes  sine  honore,  et  in  contumelia  in- 
ter  mortuos  in  perpetuum;  quoniam  disrumpet  illos  iutlatos  sine 
voce,  et  commovebit  illos.  (Sap.  IV.) 

(i)  (Jmnis  vallis  implebitur,  et  omnis  mons  et  eollis  humiliabi- 
tur  ;  et  erunt  prava  in  directa,  et  aspera  in  vias  planas  ; 

Et  videbit  omnis  caro  salutare  Dei. 

Dicebat  ergo  ad  turbas  quas  exibant  ut  baptizarentur  ab  ipso  : 
Genirnina  viperarum,  quis  ostendit  vobis  fugere  a  ventura  ira  ? 

Faciteergo  fructus  dignos  pœnitentiœ,  et  ne  cœperitis  dicere  : 
Patrem  habemus  Abraham.  Dico  enim  vobis  quia  potens  est  Deus 
de  lapidibus  istis  suscitare  filios  Abralue. 

Jam  enim  securis  ad  radicem  arborum  posita  est.  Omnis  ergo 
arbor  non  faciens  fructum  bonum,  excidetur  et  in  ignemmittetur. 

Et  interrogabant  eum  turbas,  dicentes  :  Quid  ergo  faciemus  ? 

Respondens  autem  dicebat  illis:  Qui  habet  duas  tunicas,  det  non 
habenti  ;  et  qui  habet  escas,  similiter  faciat. 

Venerunt  autem  et  publicani  ut  baptizarentur,  et  dixerunt  ad 
illum  :  Magister,  quid  faciemus  ? 

At  ille  dixit  ad  eos  :  Nibil  amplius,  quam  quod  constitutum  est 
vobis,  faeiatis. 

Interrogabant  autem  eum  et  milites,  dicentes:  quid  faciemus  et 
ii  >s  ?  Et  ait  illis  :  Xeminem  concutiatis,  neque  calumniam  faeiatis; 
et  contenti  estote  stipendiis  vestris. 

Existimante  autem  populo,  et  cogitantibus  omnibus,  et  in  cor- 
dibus  suis  de  Joanne,  ne  forte  ipse  esset  Ghristus  ; 

Respondit  Joannes,  <licens  omnibus  :  Ego  quldem  aqua  baptizo 
vos  ;  veniet  autem  fortior  me,  cujus  non  sum  (lignas  solvere  cor- 
rigiam  calceameûtorum  ejus;  ipse  vos  baptizabit  in  Spiritu  sancto 
et  i„rui  ; 

Cujus  ventilabrum  in  manu  ejus,  etpurgabit  aream  suam,  et  con- 


LE  SALUT  35 

2°  L'ordre  de  l'univers  l'atteste.  —  Dieu,  dans  les  créatures 
inférieures,  a  voulu  rappeler  à  l'homme  la  mobililé  de  son 
existence.  Rien  n'est  au  repos  dans  l'univers.  Les  grands 
astres  du  ciel  sont  emportés  dans  une  course  vertigineuse; 
les  grands  fleuves  entraînent  leurs  eaux  vers  l'immensité  où 
elles  vont  se  perdre.  Saisissante  est  dans  la  nature  la  repré- 
sentation de  notre  vie  humaine.  Après  les  quelques  jours  de 
vigueur  et  de  charmes  printaniers,  la  maturité  se  montre, 
mais  pour  disparaître  plus  rapide  encore;  puis  la  lumière 
s'incline,  la  nature  épuisée  se  fane  et  se  décolore,  les  frimas 
se  hâtent,  tout  se  dessèche  et  tout  meurt.  —  Mais  cette  même 
nature  qui  nous  proclame  si  haut  la  rapidité  et  la  décadence 
de  nos  jours  terrestres  nous  donne  aussi  la  magnifique  révé- 
lation de  nos  éternelles  espérances,  car  nous,  comme  elle, 
nous  ne  mourons  que  pour  ressusciter  (1). 

3°  Les  créatures  l'attestent.  —  Sachons  les  interroger  et  les 
comprendre  :  elles  nous  avertissent  que  notre  patrie  n'est 
pas  au  milieu  d'elles  et  qu'elles  ne  sont  pas  faites  pour  nous. 
—  Elles  l'attestent  par  leurs  refus.  Dans  notre  illusion  invin- 
cible, nous  allons  à  elles,  nous  les  aimons,  nous  y  attachons 
avidement  notre  pensée  et  notre  cœur,  nous  les  voulons  pos- 
séder à  tout  prix.  Hélas!  combien  rapidement  elles  nous 
chassent  de  nos  espérances  et  nous  font  sortir  de  nos  rêves 
de  bonheur!  Dieu  a  fait  notre  nature  immense  et  insatiable  : 
or  les  créatures  sont  faibles,  étroites  et  bornées.  Dieu  nous 
a  donné  l'instinct  et  le  besoin  de  l'immortalité  dans  la  jouis- 
sance :  or  les  créatures  sont  fugitives  et  changeantes  :  «  Pra> 
terit  figura  hujus  mundi.  »  Dieu  a  mis  en  nous  l'aspiration 


gregabit  triticum  in  horreuin  suum,  paleas  autem  comburet  igni 
inextinguibili. 

Multa  quidem  et  alia  exhortans  evangelizabat  populo. 

(Luc.  III.) 

(1)  Sed  dicet  aliquis  :  Quomodo  resurgunt  mortui?  qualive  cor- 
pore  venient  ? 

Insipiens,  tu  quod  seminas  non  vivifleatur,  nisi  prius  moriatur. 

Et  quod  seminas,  non  corpus    quod  futurum  est,  seminas,  sed 
nudum  granum,  ut  puta  tritici,  aut  alicujus  cseterorum. 

Deus  autem  dat  illi  corpus  sicutvult  ;  etunicuique  seminum  pro- 
prium  corpus. 

Non  omnis  caro,  eadem  caro  ;  sed  alia  quidem  hominum,  alia 
vero  pecorum,  alia  volucrum,  alia  autem  piscium. 

Et  corpora  cœlestia,  et  corpora  terrestria  ;  sed  alia  quidem  cœ- 
lestium  gloria,  alia  autem  terrestrium.  (I  Cor.  XV.) 


36  LE   SALCT 

et  la  volonté  d'un  bonheur  plein,  immense,  infini  :  or  les 
créatures  ne  s'offrent  à  nous  qu'amoindries,  déformées,  plei- 
nes de  défauts  et  de  mécomptes  :  «  Dixi  in  corde  meo  vadam 
et  affluam  deliciis  et  fruar  bonis...  supergressus  sum  opibus 
omnes...  omnia  quae  desideraverunt  oculi  non  negavi  eis.  » 
Et  quelle  sera  la  fin  de  cette  expérimentation?  «  Yanitas  va- 
nitatum  et  omnia  vanitas!  » 

Capitale,  car  elle  engage  d'immenses  intérêts.  —  Pour 
juger  sainement  de  l'affaire  du  salut  et  bien  voir  comment 
elle  est  unique,  quittons  les  agitations  du  monde,  recueillons- 
nous,  penchés  sur  un  tombeau. 

1°  Là  un  immense  problème  se  pose.  —  Qu'est  devenue 
l'immortelle  créature  qui  vient  d'y  disparaître?  Ce  corps  est 
sous  mes  yeux,  proie  de  la  pourriture  et  des  vers  et  attendant 
dans  le  sillon  du  trépas  la  floraison  nouvelle  de  la  résurrec- 
tion. —  Mais  l'àme  où  est-elle?  Sortie  de  la  mobilité  terrestre, 
elle  est  entrée  dans  ce  que  l'Apôtre  nomme  «  le  royaume 
immobile.  »  Or  dans  cette  région  éternelle  où  nous  vivrons 
sans  fin,  où  tout  est  définitif,  où  plus  rien  ne  se  modifie  ni 
ne  change,  deux  contrées  tout  opposées  s'étendent  devant 
nous.  L'une,  terre  radieuse,  patrie  des  justes,  centre  imma- 
culé du  bonheur.  Là  l'on  vit  heureux  pour  toujours,  plongé 
dans  lea  délices  mêmes  de  la  vie  de  Dieu.  Une  autre  est  sé- 
parée par  un  infranchissable  abîme,  c'est  la  terre  de  la  souf- 
france et  des  larmes  (1).  «  Obi  sempiternus  horror  inhabitat.  » 

(l)Factum  est  autem  ut  moreretur  mendicus,  et  portarelur  ab 
angelis  in  sinum  Abrahœ.  Mortuus  est  autem  et  dives,  et  sepultus 
est  in  inferno. 

Elevans  autem  oculos  suos,  cum  esset  in  tormentis,  vidit  Abra- 
ham a  longe,  et  Lazarum  in  sinu  ejus  ; 

Et  ips3  damans  dix.it:  Pater  Abraham,  miserere  mei,  et  mitte 
Lazarum,  ut  intingat  extremum  digiti  sui  in  aquam,  ut  refrige- 
ret  linguam  mearn,  quia  crucior  in  bac  flamma. 

Et  dixit  illi  Abraham  :  Fili,  recordare  quia  recepisti  bona  in 
vita  tua,  et  Lazarus  similiter  mala;  nunc  autem  hic  consolatur, 
tu  vero  cruciaris. 

Et  in  his  omnibus,  internos  et  vos  chaos  magnum  firmatum  est. 
ut  hi  qui  volunt  hinc  transire  ad  vos,  non  possint,  nequeinde  hue 
transmeare. 

Et  ait  :  Rogo  ergo  te,  pater,  ut  mittas  eum  in  domum  patris 
mei  ; 

Habeo  enim  quinque  fratres,  ut  testetur  illis,  ne  et  ipsi  veniant 
in  hune  locum  tormentorum. 

Et  ait  illi  Abraham:  Habent  Moysen  et  prophetas  ;  audiant  illos. 


LE  SALUT  37 

C'est  le  lieu  Je  l'éternelle  expiation.  Là,  sans  fin,  on  s'éloigne 
de  Dieu,  on  vit  sans  Dieu,  on  hait  Dieu  et  sans  fin  aussi  on 
expie  dans  la  douleur  cette  inexpiable  haine. 

2°  Problème  devant  lequel  le  reste  n'est  rien.  —  Que  met- 
trons-nous en  parallèle  avec  cette  éternité  qui  ne  paraisse  in- 
signifiant et  méprisable?  Qu'est-ce  qu'une  longue  vie?...  (1) 
Qu'est-ce  qu'un  rapide  plaisir?  (2)  Que  sont  les  fugitifs  éclairs 
de  la  réputation  et  de  la  gloire?  Qu'est-ce  encore  que  la  for- 
tune et  ses  jouissances  d'un  jour?  «  Unum  est  necessarium. 
Quid  prodest  homini  si  universurn  mundum  lucretur,  anima? 
vero  suae  detrimentum  patiatur?  »  Qu'importe  que  ce  navire 
se  soit  balancé  sur  des  flots  limpides  et  sous  un  ciel  serein, 
s'il  doit  tout  à  l'heure  se  perdre  et  disparaître  pour  toujours 
dans  quelque  abîme?  Qu'importe  à  ce  voyageur  les  fleurs  du 
chemin,  s'il  ne  doit  pas  toucher  le  but  et  revoir  la  patrie?  — 
D'autre  part,  qu'importent  les  souffrances  d'un  jour,  les  sacri- 
fices d'une  heure,  quand  il  s'agit  de  conquérir  un  bien  infini 
et  immuable?  «  Id  cnim  quod  in  prœsenti  est  inomentaneum 
et  levé   tribulationis    nostrai   supra   modum   in    subiimitate 


At  ille  dixit  :  Non,  pater  Abraham  ;  sed  si  quis  ex  mortuis  ierit 
ad  eos,  pœnitentiam  agent. 

Ait  autem  illi  :  Si  Moysen  et  prophetas  non  audiunt,  neque  si 
quis  ex  mortuis  resurrexerit,  credent.  (Luc.  XVI.) 

(i)  Ego  dixi  :  In  dimidio  dierum  meorum  vadam  ad  portas  in- 
feri. 

Quaesivi  residuum  annorum  meorum  :  dixi  :  Non  videbo  Domi- 
num  Deum  in  terra  viventium. 

Non  aspiciam  hominem  ultra,  et  habitatorem  quietis. 

(Isai  XXXVIII.) 

(2)  Adjuravit  autem  Saul  populum, 

Porro  Jonathas  non  audierat  cum  adjuraret  pater  ejus  popu- 
lum ;  extenditque  summitatem  virgse  quam  habebat  in  manu,  et 
intinxit  in  favum  mellis  ;  et  convertit  manum  suam  ad  os  suum, 
et  illuminati  sunt  oculi  ejus. 

Et  dixit  Saul  ad  Dominum  Deum  Israël  :  Domine  Deus  Israël, 
da  indicium  :  quid  est  quod  non  responderis  servo  tuo  hodie?  Si 
in  me,  autin  Jonatha  tilio  meo,  est  iniquitas  hœc,  da  ostensionem 
aut  si  liEec  iniquitas  est  in  populo  tuo,  da  sanctitatem.  Et  depre- 
hensus  est  Jonathas  et  Saul  ;  populus  autem  exivit. 

Et  ait  Saul  :  Mittite  sortem  inter  me  et  inter  Jonatham  filium 
meum.  Et  captus  est  Jonathas. 

Dixit  autem  Saul  ad  Jonatham  :  Indica  mihi  quid  feceris.  Et  in- 
dicavit  ei  Jonathas,  et  ait:  Gustans  gustavi,  in  summitate  virgse 
erat  in  manu  mea,  paululum  mellis  :  et  ecce  ego  morior  ! 

Et  ait  Saul  :  Hsec  faciat  mihi  Deus,  et  hœe  addat,  quia  morte 
morieris,  Jonatha  !  (I  Reg.  XIV.) 


38  LE  SALUT 

aeternum  gloriœ  pondus  operatur  in  nobis;  non  contemplan- 
tibus  nobis  quœ  vidcntur,  sed  quœ  non  videntur;  qua?  enim 
videntur  temporalia  sunt,  quœ  autem  non  videntur  œterna 
sunt.  » 

Capitale,  car  la  perte  y  est  irréparable.  —  Seule  l'autre 
vie,  définitive  et  immobile,  entraîne  de  définitifs  et  immua- 
bles conséquences. 

1°  Ici-bas  l'espoir  nous  demeure  toujours.  —  Comme  rien 
n'est  éternel  et  que  tout  est  sujet  au  changement,  un  retour 
de  fortune  reste  toujours  comme  objet  d'espérance.  —  Pour 
notre  âme,  autant  elle  s'est  éloignée  de  Dieu,  autant  il  lui 
est  facile  d'y  revenir.  Une  distance  rapidement  franchie 
sépare  pour  le  Prodigue  son  triste  exil  des  richesses  et  du 
bonheur  de  la  maison  paternelle  (1).  Pour  nos  affaires  tem- 
porelles :  avec  l'énergie  nous  referons  une  fortune  écroulée... 
La  puissance  de  la  vertu  ramènera  la  splendeur  d'une  répu- 
tation tachée...  Aux  jours  de  maladie  succédera  la  santé 
reconquise.  Bref  toute  souffrance  de  ce  monde,  toute  journée 
froide  et  triste  peut  voir  se  lever  l'aube  brillante  d'un  len- 
demain. 

2°  Seule  le  salut,  conquis  ou  perdu,  l'est  sans  retour.  —  Tel 
est  le  plan  divin.  —  Soumettre  à  une  épreuve  toute  créature 
intelligente  et  libre.  —  Durant  ce  temps  d'épreuve,  combler 
cette  créature  de  tous  les  témoignages  d'amour;  l'entourer 
de  secours  de  toutes  sortes,  lui  rendre  douce  et  facile  sa  car- 


i  i  i  In  se  autem  reversus  dixit  :  Quanti  mercenarii  in  domo  pa- 
tris  mei  abundant  panibus,  ego  autem  hic  famé  pereo  ! 

Surgam,  et  ibo  ad  pat  rem  raeura,  et  dicam  ei  :  Pater,  peccavi  in 
cœlum,  et  coram  te. 

Jam  non  sum  dignus  vocari  fîlius  tuus  :  fac  me  sicut  unum  de 
mercenariis  tnis 

Et  surgens  venit  ad  patrem  suum.  Quum  autem  adhuc  longe  es- 
set,  vidit  illum  pater  ipsius,  et  misericordia  motus  est;  et  accur- 
rens  cecidit  super  collum  ejus,  et  osculatus  est  eum. 

Dixitque  ei  filins:  Pater,  peccavi  in  cœlum,  et  coram  te  :  jam 
non  sum  dignus  vocari  filius  tuus. 

Dixit  autem  pater  ad  servossuos:  f.ito  profertestolam  primam, 
et  induite  illum,  et  date  annulum  in  manum  ejus,  et  calceamenta 
in  pedes  ejus  ; 

Et  adducite  vitulum  snginatum,  et  occidite,  et  manducemus,  et 
epulemur  : 

Quia  hic  filius  meus  inortuus  erat,  et  revixit  :  perierat,  et  inven- 
tas est.  Et  cœperunt  epulari.  (Luc.  X\'.  ) 


LE   SALUT  39 


rière  de  luîtes  et  d'e 'Torts.  —  Mais  cette  épreuve  sera  uni- 
que, le  temps  qui  lui  est  donné  ne  reviendra  plus.  —  Le 
résultat  do  l'épreuve  demeure  acquis  pour  jamais  (1). 


II 
L'AFFAIRE  DU  SALUT  AFFAIRE  PRESSANTE 


Elle  est  urgente  parce  que  Dieu  se  montre  pressé  :  la 
mort  est  pressée  :  l'Eglise  de  Dieu  est  pressée. 

Dieu  se  montre  pressé.  —  Ses  œuvres  nous  pressent;  sa 
justice  nous  presse;  son  amour  nous  presse. 

1°  Ses  œuvres  nous  pressent.  —  Inconcevable  opposition 
entre  nous  et  Dieu  sur  cette  question  du  salut  !  —  Tandis 
que  nous,  les  premiers  intéressés,  nous  nous  montrons  hé- 
sitants, lâches,  tardifs,  pleins  d'indifférence  et  d'oubli,  retar- 


(I)  Quapropter  sicut  dicit  Spiritus  sanctus  :  Hodie  si  vocera  ejus 
audieritis, 

Nolite  obdurare  corda  vestra,  sicut  in  exacerbatione,  secundum 
diem  tentationis  in  deserto, 

Ubi  tentaverunt  me  patres  vestri,probaverunt,et  viderunt  opéra 
mea 

Quadraginta  annis;  propter  quod  infensus  fui  generationi  huic, 
et  dixi  :  Semper  errant  corde  ;  ipsi  autem  non  cognoverunt  vias 
raeas  ; 

Sicut  juravi  in  ira  mea  :  Si  introibunt  in  requiem  raeam. 

Videte,  fratres,  ne  forte  sit  in  aliquo  vestrum  cor  malum  incre- 
dulitatis,  discedendi  a  Deo  vivo  ; 

Sed  adhortamini  vosmetipsos  per  singulos  dies,  donec  Hodie  co- 
gnominatur,  ut  non  obduretur  quis   ex  vobis  fallacia  peccati. 

Timeamus  ergo  ne  forte  relicta  pollicitatione  introeundi  in  re- 
quiem ejus,  existimetur  aliquis  ex  vobis  déesse. 

Etenim  et  nobis  nuntiatum  est,  quemadmodum  et  illis  :  sed  non 
profuit  illis  sermo  auditus,  non  admistus  fidei  ex  iis  quse  audie- 
runt. 

Ingrediemur  enim  in  requiem,  qui  credidimus,  quemadmodum 
dixit  :  Sicut  juravi  in  ira  mea  :  Si  introibunt  in  requiem  raeam. 

(HfBbr.  III,  IV.) 


40  LE    SALUT 

dant  Je  jour  en  jour  l'œuvre  sérieuse  de  notre  retour  à  la 
vie  chrétienne  et  à  la  sanctification  (1)  :  vovez  Dieu,  voyez 
l'activité  infinie  qu'il  déploie,  les  efforts  extraordinaires  qu'il 
tente.  Dans  l'œuvre  de  notre  salut  rien  ne  l'arrête,  rien  ne 
lui  a  coûté.  Voici  que  descend  vers  nous  le  Fils  de  Dieu,  qu'il 
vit,  qu'il  expire,  qu'il  meurt,  qu'il  fonde  son  Eglise,  qu'il 
multiplie  jusqu'à  l'infini  les  secours  dispensés  aux  âmes  (2). 
Ecoutez  sortir  brûlantes  de  son  cœur  les  invitations  qu'il 
nous  adresse  «  Oh  !  si  scires  donum  Dei....  Oh  !  quoties 
volui  congregare  filios...  Desiderio  desideravi...  et  quomodo 
coarctor  ?  » 

2°  Sa  justice  nous  presse.  —  Ouvrez  l'Evangile,  parcourez 
les  Paraboles  :  presque  toutes  nous  montrent  un  Dieu  pressé, 
un  Dieu  impatient  de  notre  retour,  un  Dieu  irrité  de  nos 
trop  longs  délais.  Le  maître  jette  un  regard  indigné  sur  l'ar 
bre  qu'il  a  si  patiemment  cultivé  et  qui  s'obstine  à  lui  re- 
fuser son  fruit  :  «  Utquid  terrain  occupât  »  (3)  ?  «  Terrain 
super  se  bibens  imbrem  et   generans  herbam   opportunam 


(1)  Simile  factura  est  regnumcœlorum  homini  régi,  qui  fecit  nup- 
tias  filio  suo. 

Et  misit  servos  suos  vocare  invitatos  ad  nuptias  ;  et  nolebant 
venire. 

Iterum  misit  alios  servos,  dicens  :  Dicite  invitatis  :  Ecce  pran- 
dium  meum  paravi,  tauri  mei  et  altilia  oecisa  sunt,  et  omnia  pa- 
rata  :  venite  ad  nuptias. 

Illi  autem  neglexerunt;  et  abierunt.  alius  in  villam  suam,  alius 
vero  ad  negotiationem  suam  ; 

Reliqui  vero  tenuerunt  servos  ejus,  et  contumeliis  affectos  occi- 
derunt. 

Rex  autem  cum  audisset,  iratus  est  :  et  missis  exercitibus  suis, 
perdidit  homicidas  illos,  et  civitatem  illorum  succendit. 

(Matth.  XXII.) 

(2)  Benedixit  nos  in  omni  benedictione  ccelesti  in  Ghristo. 

(Ephes.  I.) 

(3)  Dicebat  autem  et  hanc  similitudinem  :  Arborem  fici  liabebat 
quidam  plantatam  in  vinea  sua,  et  venit  quœrens  fructum  inilla, 
et  non  invenit. 

Dixit  autem  ad  cultorem  vinea?  :  Ecce  anni  très  sunt  ex  quo 
venio  quœrens  fructum  in  ficulnea  hac,  et  non  invenio;  succide 
ergo  illam  ;  ut  quid  etiam  terrain  occupât? 

At  ille  respondens,  dicit  illi  :  Domine,  dimitte  illam  et  hoc 
anno,  usque  dum  fodiam  circa  illam,  etniittam  stercora  ; 

Et  si  qui. loin  fecerit  fructum  ;  sin  autem,  in  futurum  succides 
eam.  (Luc.  XIII.) 


LE    S.VLUT  41 

illis  a  quibus  colilur  accipit  benediclionem  a  Deo  ;  proferens 
autem  spinas  ac  tribulos  reproba  est  »  (I). 

3°  Son  amour  nous  presse.  —  Nous  en  voyons  dans  l'Ecri- 
ture Jes  exigences  impérieuses.  «  Voici,  dit-il,  que  je  me 
tiens  à  la  porte  de  ton  cœur  et  je  frappe.  »  Que  de  fuis,  si 
nous  nous  déroulons  à  nous-mêmes  l'histoire  de  nos  jours, 
Dieu  a  ainsi  frappé  à  notre  cœur  !  Que  de  fois  il  nous  a  mé- 
nagé les  ressources  et  les  facilités  du  salut!  Que  de  fois  il 
s'est  monfré  pressé  de  reconquérir  notre  amour  ! 

Et  ce  ne  sont  pas  ses  seules  tendresses  qui  vont  à  ce  but, 
ses  rigueurs  elles-mêmes  y  tendent  avec  une  égale  puis- 
sance. Les  délaissements,  les  vides  douloureux,  les  commo- 
tions de  l'âme,  les  mécomptes  et  les  infortunes  de  la  vie,  les 
cris  do  la  conscience,  les  aspirations  du  ciel,  tout  n'a  qu'un 
but  :  nous  amener  à  Dieu  et  nous  y  amener  promptement. 

La  mort  se  montre  pressée.  —  «  Tempus  brève  est  »,  dit 
l'Apôtre.  C'est  dire  que  la  mort  nous  harcelle,  s'approche, 
dévore  rapidement  notre  temps  d'épreuve.  —  Notre  vie,  fût- 
elle  longue,  sera  bien  courte  en  réalité! 

Et  que  dire  des  surprises  de  la  mort  (2)  ?  De  nos  faux  cal- 
culs de  vie,  de  nos  illusions  qu'un  rapide  trépas  déchire  d'un 
seul  coup?  «  Eccenunc  qui  dicitis:  hodie  aut  crastino  ibimus 
in  illam  civitatem  et  faciemus  ibi  quidem  annum  et  merca- 


(1)  Omnis  ergo,  qui  audit  verba  mea  hrec,  et  facit  ea,  assimila- 
bitur  viro  sapienti,  qui  œdificavit  domum  suam  supra  petram. 

Et  descendit  pluvia,  et  venerunt  flumina,  et  flaverunt  venti,  et 
irruerunt  in  domum  illam,  et  non  cecidit  ;  fundata  enim  erat  su- 
per petram. 

Et  omnis,  qui  audit  verba  mea  hrec,  et  non  facit  ea,  similis  erit 
viro  stulto,  qui  œdificavit  domuin  suam  super  arenam. 

Et  descendit  pluvia,  et  venerunt  flumina,  et  flaverunt  venti,  et 
irruerunt  in  domum  illam,  et  cecidit,  et  fuit  ruina  illius  magna. 

Et  faclum  est  :  cum  consumm.isset  Jésus  verba  hrec,  admira- 
bantur  turbœ  super  doclrina  ejus 

Erat  enim  docens  eos  sicut  potestatem  habens,  et  non  sicut 
scribse  eorum  et  pharisœi.  (Matth.  VII.) 

(2)  Attendite  autem  vobis,  ne  forte  gravenlur  corda  vestra  in 
crapula,  et  ebrietate,  et  curis  hujus  vitte,  et  superveniat  in  vos  re- 
pentina  dies  illa  ; 

Tanquamlaqueus  enim  superveniet  in  omnes,  qui  sedent  super 
faciem  omnis  terrœ. 

Vigilate  itaque,  omni  tempore  orantes,  ut  digni  habeamini  fu- 
gere  ista  omnia,  qure  futura  sunt,  et  stare  ante  Filium  bominis. 

(Lue.  XXI.) 


42  LE    SALUT 

bimur  etlucrum  faciemus,  qui  ignoratis  quiderit  in  crastino, 
quid  est  enim  vita  vestra?  vapor  est  ad  modicum  parens.  » 

L'Eglise  de  Dieu  se  montre  pressée.  —  Elle  est  pressée 
comme  mère;  oh!  qu'une  mère  est  pressée  de  revoir  ses  en- 
fants! —  Elle  est  pressée  comme  auxiliaire  du  salut.  Dieu 
l'a  chargée  de  nos  âmes  et  elle  ne  se  donnera  nul  repos  qu'elle 
ne  les  ait  conquises.  —  Elle  est  pressée  comme  opprimée  par 
ses  innombrables  ennemis.  Que  lui  faut-il  sinon,  en  grand 
nombre,  de  vrais  enfants? 


LE  JUGEMENT 


L'homme,  créature  libre  et  responsable,  sera,  au  sortir  Je 
cette  vie  jugé  par  son  Créateur,  sur  les  actes  bons  ou  mau- 
vais dont  se  sera  composée  sa  vie.  —  Aucun  dogme  n'a, 
dans  la  conscience  humaine,  dans  les  traditions  du  genre 
humain  tout  entier,  dans  les  affirmations  divines  et  les  ré- 
vélations de  la  foi,  de  plus  profondes  racines  ni  une  plus 
absolue  certitude. 


DEVANT  QUI  SERAI-JE  JUGE? 


Je  serai  jugé  devant  Dieu,  son  Christ,  la  cour  céleste  tout 
entière.  —  Je  serai  jugé  en  présence  d'incorruptibles  témoins. 
—  Je  serai  jugé  sous  un  tel  éclat  d'évidence  que  toute  dé- 
fense me  deviendra  impossible  si  je  suis  coupable. 

Jésus-Christ  est  devenu  mon  Juge  (1).  —  L'Ecriture  nous 
parle  sans  cesse  d'un  temps  de  miséricorde  et  d'un  temps  de 
rigoureuse  justice. 

(1)  Nemo  enim  nostrum  sibi  vivit,  et  nemo  sibi  moritur. 

Sive  enim  vivimus,  Domino  vivimus  ;  sive  morimur,  Domino 
morimur.  Sive  ergo  vivimus,  sive  morimur,  Domini  sumus. 

In  hoc  enim  Christus  mortuus  est  et  resurrexit,  ut  et  mortuorum 
et  vivorum  dominetur. 

Tu  autemquicl  judicas  fratrem  tuum?aut  tu  quare  spernis  fra- 
trem  tuum  ?  Omnes  enim  stabimus  ante  tribunal  Ghristi. 

Seriptum  est  enim  :  Vivo  ego,  dicit  Dominus,  quoniam  mihi 
flectetur  omne  genu,  et  omnis  lingua  confitebitur  Deo. 

Itaque  unusquisque  nostrum  pro  se  rationem  reddet  Deo. 

(Rom.  XII.) 


44  LE   JUGEMENT 

1°  Je  nai  connu  jusqu'ici  que  le  temps  de  la  miséricorde,  le 
Jésus  de  l'amour  et  du  pardon.  —  Le  changement,  aussi  brus- 
que que  formidable,  qui  me  met  en  présence  d'une  Justice 
inflexible  sera  au  tribunal  de  Dieu  ma  première  épouvante 
et  ma  première  douleur.  —  Jusqu'ici  c'est  le  Jésus  «  doux 
et  humble  de  cœur  »  que  je  connais  :  «  Yox  turturis  audita 
est.  »  —  Jésus  est  silencieux,  Jésus  n'a,  sur  les  lèvres,  ja- 
mais un  reproche  amer,  jamais  une  menace  terrifiante.  —  Il 
semble  que  Jésus  ne  sache,  ne  puisse  qu'aimer.  Oh  !  «  quo- 
ties  volui  congregare!  »...  «  Venite  ad  me...  »  Oh!  «  si  scires 
donum  Dei  !  »...  «  Aperi  soror  mea  sponsa  »...  «  sto  ad  ostium 
et  pulso  »  —  C'est  encore  le  Jésus  condescendant  et  facile 
que  je  connais:  «  Spes  pœnitentibus.  »  Une  larme  de  mes 
yeux,  un  soupir  de  mon  cœur,  un  cri  de  mon  repentir,  le 
désarme  et  l'apaise.  Je  lui  confesse  ma  misère:  il  m'amène 
à  son  prêtre  et  m'en  fait  absoudre.  —  Tel  est  le  Jésus  des 
temps  de  miséricorde  (1). 

2°  Mais  quel  sera  le  Jésus  de  la  justice  ?  —  «  Omnes,  dit 
l'Apôtre,  stabimus  ante  tribunal  Christi.  »  C'est  maintenant 
l'heure  de  la  justice  ;  la  stricte  reddition  des  comptes.  Tout 
est  vu,  examiné,  jugé  à  la  seule  lumière  delà  vérité:  «Cuncta 
stricte  discussurus.  »  «  Iota  unum  aut  unus  apex  non  prœ- 
teribit  a  loge.  » 

«  Toile  quod  tuum  est  et  vade.  »  0  terrible  parole!  terrible 
pour  nous  habitués  à  faire  si  bon  marché  des  préceptes  di- 
vins, à  accommoder  l'Evangile  aux  caprices  de  nos  passions,  à 
nous  tromper  nous-mêmes  par  les  fausses  maximes  du  monde. 
Devant  le  tribunal  de  Dieu  plus  rien  que  justice,  vérité, 
stricte  discussion  de  nos  actes,  confrontation  de  notre  vie 
entière  avec  l'Evangile  de  Jésus-Christ  (2). 

En  vain  l'âme  pécheresse  se  tourne-t-elle  éplorée  vers  la 


(1)  Memoriamabundantiœsuavitatis  tute  eructabunt;  et  justitia 
tua  exultabunt. 

Miserator  et  misericors  Dominus  :  patiens,  et  multum  miseri- 
cora. 

Suavis  Dominus  universis  :  et  miserationes  ejus  super  omnia 
opéra  ejus.  (Psal.  GXLIV.) 

(2)  Esto  consentiens  adversario  tuo  cito  dum  es  in  via  cum  eo  ; 
ne  forte  fcradat  te  adversarius  judici,  et  judex  tradat  te  ministro, 
et  in  carcerem  mittari*. 

Amen  dico  tibi,  non  exies  inde,  donec  reddas  novissimum  qua- 
drantem.  (Matth.  V.) 


LE  JUGEMENT  45 

Vierge  si  tendre,  les  Anges  si  secourables,  les  Saints  na- 
guère si  accessibles  et  si  protecteurs  :  le  mot  de  la  Justice 
s'échappe  de  leurs  lèvres:  «  Redde  quod  debes  »  (1)! 

Là  sont  d'incorruptibles  témoins.  —  Comme  devant  tout 
tribunal  des  témoins  sont  là,  qui  accablent  le  pécheur. 
C'est  l'univers,  c'est  l'Eglise,  ce  sont  les  âmes,  c'est  le  dé- 
mon. 

1°  C'est  F univers.  —  Le  pécheur  a  fait  servir  aux  outrages, 
dont  il  abreuvait  son  Créateur,  les  propres  œuvres,  la  propre 
création  de  ce  Dieu  suprême  ;  il  a  fait  servir  la  créature  à  ses 
passions,  et  elle  a  gémi  sous  sa  tyrannie  honteuse:  «  Omnis 
creatura  ingemiscit...  subjecta  vanitati  »  Le  soleil  de  Dieu  lui 
a  prêté  sa  lumière,  la  nuit  ses  voiles,  la  terre  l'a  porté  et 
nourri.  —  A  cette  heure  de  la  justice  toutes  les  créatures 
viennent  témoigner  à  l'envi  :  «  Pugnabit  Orbis  terne  contra 
insensatos  »  (2). 


(1)  Et  Jixit  Dominus  ad  me  :  Si  steterit  Moyes  et  Samuelcoram 
me,  non  est  anima  mea  ad  populum  istum  ;  ejice  illosa  facie  mea, 
et  egrediantur. 

Quod  si  dixerint  ad  te  :  Quo  egrediemur  ?  dices  ad  eos  :  Haec  oi- 
cit  Dominus  :  Qui  ad  mortem,  ad  mortem;  et  qui  ad  gladium,  ad 
gladium  ;  et  qui  ad  famem,  ad  famé  m  ;  et  qui  ad  captivitatem, 
adcaptivitatem. 

Et  visitabo  super  eos  quatuor  species,  dicit  Dominus  :  gladium 
ad  occisionem,  et  canes  ad  lacerandum,  et  volatilia  cœli  et  bes- 
tias  terrse  ad  devorandum  et  dissipandum. 

Et  dabo  eos  in  fervorem  universis  regnis  terrae,  propter  Manas- 
sen,  filium  Ezechia?,  régis  Juda,  super  omnibus  quœ  fecit  in  Jeru- 

S  3.1 6  ni 

Quis  enim  miserebitur  tui,  Jérusalem  !  aut  quis  contristabitur 
pro  te  ?  aut  quis  ibit  ad  rogandum  pro  pace  tua  ? 

Tu  reliquisti  me,  dicit  Dominus,  retrorsum  abiisti  :  et  extendam 
manum  meam  super  te,  et  interficiam  te  ;  laboravi  rogans. 

Et  dispergam  eos  ventilabro  in  portis  terrœ;  interfeciet  disper- 
didi  populum  meum,  et  tamen  a  viis  suis  non  sunt  reversi.  _  _ 

Multiplicatse  sunt  mihi  viduœ  ejus  super  arenam  maris;  niduxi 
eis  super  matrem  adolescentis  vastatorem  mendie;  misi  super 
civitates  repente  terrorem.  .  .  . ,       . 

Infirmata  est  quœ  peperit  septem,  defecit  anima  ejus  ;  occidit  ei 
sol  cum  adhuc  esset  dies;  confusa  est,  et  erubuit;  et  residuos  ejus 
in  gladium  dabo  in  eonspectu  inimicorum,  ait  Dominus. 

Vse  mihi,  mater  !  (Jerem.  XV.) 

(2)  Deus  deorum  Dominus  locutus  est,  et  vocavit  terrain. 

A  solis  ortu  usque  ad  oceasum:  ex  Sion  species  decons  ejus. 

Deus  manifeste  veniet  :  Deus  noster,  et  non  silebit. 


46  LE  JUGEMENT 

2°  C'est  l'Eglise.  —  Si  pleine  pour  le  pécheur  de  mater- 
nelles sollicitudes,  l'Eglise  lui  a  fait  tant  de  fois  entendre  la 
vérité  divine,  lui  a  si  longtemps  versé  la  grâce,  tenu  ouvert 
le  refuge  des  Sacrements,  sans  cesse,  à  toute  heure,  jusqu'au 
dernier  instant  offert,  dans  la  pénitence  et  l'Eucharistie, 
le  pardon  et  le  baiser  de  Dieu...  et  le  malheureux  a  repoussé 
une  mère  si  tendre,  une  si  puissante  libératrice  (1)! 

3°  Ce  sont  les  âmes.  —  Les  âmes  que  ce  grand  coupable 
devait  protéger,  sanctifier,  sauver  et  qu'il  a  perdues,  les  en- 
traînant dans  les  mêmes  défections  religieuses,  dans  la  même 
ignorance  du  salut,  dans  la  communauté  des  mêmes  fau- 
tes, dans  la  malédiction  d'une  même  opiniâtreté.  —  0  mo- 
ment terrible  pour  ce  père  dont  l'irréligion  a  fait  irréligieuse 
toute  une  famille  !  —  Terrible  pour  cette  épouse  qui  au 
lieu  de  sanctifier  l'âme  qui  lui  était  unie  l'a  laissée  se  pré- 
cipiter dans  le  gouffre  !  —  Terrible  pour  cette  mère  qui 
eut  donné  son  sang  pour  ses  fils  et  qui  ne  sût  point  leur  don- 
ner le  salut  !  —  Terrible  pour  ces  corrupteurs  publics  dont 
les  écrits,  ou  impies  ou  immondes,  ont  perdu  les  âmes  par 
milliers  (2)1 

Ignis  in  conspectu  ejus  exardescet  :  et  in  circuitu  ejus  tempes- 
tas  valida. 

Advocabit  cœlum  desursum,  et  terram  discernere  populum  suum. 

Congregate  illi  sanctos  ejus,  qui  ordinant  testamentumejus  su- 
per sacrihcia. 

Et  annuntiabunt  cœli  justitiam  ejus,  quoniam  Deusjudex  est. 

Audi,  populus  meus,  et  loquar,  Israël,  et  testificabor  tibi,  Deus, 
Deus  tuus  ego  sura, 

Arguam  te,  et  statuam  contra  faciem  tuam. 

Intelligite  bœc,  qui  obliviscimini  Deura.  (Psal.  XLIX.) 

(i)  Xovissime  recumbentibus  illis  undecim  apparuit  ;  et  expro- 
bravit incredulitatem  eorum  et  duritiam  cordis;  quia  iis  qui  vide- 
rant  eum  resurrexisse,  non  crediderunt. 

Et  dixit  eis:  Euntes  in  mundum  universum,  prœdicate  Evange- 
lium  omni  creaturœ. 

nui  crediderit,  et  baptizatus  fuerit,  salvus  erit  ;  qui  vero  non 
crediderit,  condemnabitur.  (Marc.  XVI.) 

(2)  Et  factuin  est  prœlium  magnum  in  cœlo  :  Michael  et  angeli 
ejus  prceliabantur  cum  dracone,  et  draco  pugnabat,et  angeli  ejus; 

Et  non  valuerunt,  neque  locus  inventus  est  eorum  amplius  in 
cœlo. 

Et  projectus  est  draco  ille  magnus,  serpens  antiquus,  qui  voca- 
tur  diabolus  et  satanas,  qui  seducit  universum  orbem  ;  et  projec- 
tus in  terram,  et  angcdi  ejus  cum  illo  missi  sunt. 

Et  audivi  vocem  magnam  in  cœlo  dicentem  :  Nunc  facta  est  sa- 
lus  et  virtus,  et  regnum  Dei  nostri,  et  potestas  Christi  ejus,  quia 


LE  JUGEMENT  47 

4°  C'est  le  démon.  —  Ce  perfide,  qui  nous  a  voilé  si  habi- 
lement l'horreur  de  nos  fautes  et  l'épouvante  de  l'expiation, 
élève  maintenant  contre  nous  des  accusations  furieuses... 
«  Dieu  juste,  qui  m'as  frappé  pour  ma  révolte,  ta  justice  L'in- 
terdit d'épargner  l'homme  aussi  coupable  que  moi;  plus  cou- 
pable, puisqu'il  a  plus  que  moi  foulé  aux  pieds  le  Sang  de  la 
Rédemption  (1).  » 

Une  défense  est  devenue  impossible.  —  «  Quid  sum,  mi- 
ser, tune  dicturus?  »  —  Ici  bas  nous  sommes  d'une  habileté 
incroyable  à  voiler  nos  fautes,  à  en  excuser  la  perversité. — 
Le  monde  d'ailleurs,  par  ses  fausses  maximes,  ses  atténua- 
tions mensongères,  ne  nous  aide  que  trop  bien  dans  cette 
œuvre  d'erreur.  —  Nos  illusions  s'accordent  à  nous  dissi- 
muler les  secours  que  Dieu  multiplie  sous  nos  pas... 

Sous  les  feux  de  l'éternelle  lumière  ces  illusions  s'éva- 
nouissent, ces  excuses  disparaissent,  notre  défense  devient 
impossible.  —  La  foi,  Dieu  nous  la  versait  à  flots  comme  les 
rayons  de  son  soleil.  —  Sa  loi,  Dieu  n'a  cessé  de  nous  la 
promulguer.  —  La  force  pour  éviter  tout  mal  et  pratiquer 
tout  bien,  la  religion,  avec  ses  prières  et  ses  Sacrements, 
nous  la  communiquait  inépuisable  (2). 

projectus  e^t  accusator  fratrum  nostrorum,  qui  accusabat  illos  ante 
conspectum  Dei  iiostri  die  ac  nocte.  (Apoc.  XII.) 

(t)  Quadamautem  die,cum  venissentfiliiDeiut  assistereut  coram 
Domino,  affuit  inter  eos  etiam  Satan. 

Cui  dixit  Dominus  :  Unde  venis  ?  Qui  respondens,  ait  :  Circuivi 
terrain,  et  perambulavi  eam. 

Dixitque  Dominus  ad  eum:  Xumquid  considerastiservum  meuin 
Job,,  quod  non  sit  ei  simiiis  in  terra,  homo  simplex  et  rectus,  ac 
timens  Deum,  et  recedens  a  malo  ? 

Cui  respondens  Satan,  ait  :  Numquid  Job  frustra  timet  Deum? 

Nonne  tu  vallasti  eum,  ac  domum  ejus,  universamque  substan- 
tiam  per  circuitum,  operibus  manuum  ejus  benedixisti,  et  posses- 
sio  ejus  crevit  in  terra  ? 

Sed  extende  paululum  manum  tuam,  et  tange  cuncta  quœ  pos- 
sidet,  nisi  in  faciem  benedixerit  tibi.  (Job.  I.) 

(2)  Populi  autem  videntes,  et  non  intelligentes,  nec  ponentes  in 
prascordiis  talia  :  quoniam  gratia  Dei  et  misericordia  est  in  sanc- 
tos  ejus,  et  respectus  in  electos  illius.  Condemnat  autem  justus. 
mortuus  vivos  impios,  et  juventus  celerius  consummata  longam 
vitam  injusti.  Videbunt  enim  finem  sapientis,  et  non  intelligent 
quid  cogitaverit  de  illo  Deus,  et  quare  munierit  illum  Dominus. 
Videbunt  et  contemnent  eum  :  illos  autem  Dominus  irridebit.  Et 
erunt  posthaec  decidentes  sine  honore,  et  in  contumelia  inter  mor- 
tuos  in  perpetuum,  quoniam    disrumpet  illos  inflatos  sine    voce,. 


48  LE   JUGEMENT 


II 

SUR  QUOI  SERAI-JE  JUGÉ  ? 


Je  serai  jugé  sur  les  grâces  reçues,  les  dépôts  confiés,  les 
actes  accomplis. 

Les  grâces  remues.  —  Sans  parler  ici  des  bienfaits  géné- 
raux de  Dieu(l'),  songeons  aux  grâces  particulières  dont  nos 
âmes  sont  favorisées.  —  A  nous  le  bienfait  de  la  foi  (2).  — 
A  nous  l'entrée  bienheureuse  dans  le  divin  sanctuaire  de  la 


et  cominovebit  illos  a  fundamentis,  et  usque  ad  supremum  deso- 
labuatur.  (Sap.  IV,  V.) 

(1)  Cantabo  dilecto  meo  canticum  patruelis  mei  vineae  suae.  Vi- 
nea  facta  est  dilecto  meo  in  cornu  filio  olei. 

Et  sepivit  eam,  et  lapides  elegit  ex  illa,  et  plantavit  eam  electam  ; 
et  sediticai'it  turrim  in  medio  ejus,  et  torcular  exstruxit  in  ea;  et 
exspectavit  ut  faceret  uvas,  et  fecit  labruscas. 

Nuncergo,  babitatores  Jérusalem, et  viri  Juda,  judicateinter  me 
et  vineam  meam. 

Quid  est  quod  debui  ultra  facere  vineae  rnese,  et  non  feci  ei?  An 
quod  exspectavi  ut  faceret  uvas,  et  fecit  labruscas  ? 

Et  nunc  ostendam  vobis  quid  ego  faciam  vineae  meœ  :  auferam 
sepem  ejus,  et  erit  in  direptionem;  diruam  maceriam  ejus,  et  erit 
in  conculcationem. 

Et  ponam  eam  desertam  ;  non  putabitur  et  non  fodietur;  et  as- 
cendent  vêpres  et  spinœ,  et  nubibus  mandabo  ne  pluant  super  eam 
imbrem. 

Vinea  enim  Domini  exercituum  domus  Israël  est  ;  et  vir  Juda 
germen  ejus  delectabile;  et  exspectavi  ut  faceret  judicium.et  ecce 
iniquitas;  et  justitiam,  et  ecce  clamor.  (Isai.  V.) 

(2)  Gratia  Domini  nostri  Jesu  Christi  cum  omnibus  vobis.  Amen. 
Ei  autem  qui  potens  est  vos  confirmare  juxtaevangelium  meum 

et  praedicationem  Jesu  Christi,  secundum  revelationem  mysterii 
temporibus  œternis  taciti, 

(Quod  nunc  patefactum  est  per  Scripturas  prophetarum  secun- 
dum praeceptum  œterni  Dei,  ad  obeditionem  ûdei)  in  cunctis  gen- 
libus  cogniti,  .     . 

Soli  sapienti  Deo,  per  Jesum  Ghristum,  cui  honor  et  glona  in 
saecula  aaeculorum.  Amen.  (Rom.  X\  I.) 


LE   JCGEMEXT  49 

vraie  Eglise  (1),  et  par  celte  Eglise,  dans  les  trésors  inflnis 
que  l'Homme-Dieu  y  a  déposés.  —  Que  dire  des  grâces  qui 
nous  sont  toutes  personnelles?  Que  de  fois  Dieu  a  parlé  à  nos 
cœurs  !  —  Que  d'occasions  nous  furent  ménagées  d'arriver 
à  la  pleine  connaissance  de  la  vérité!  Que  de  protections  re- 
çues, que  de  périls  évités,  que  d'événements,  dans  notre  vie, 
qui  n'eurent  d'autre  but  que  de  nous  approcher  du  salut  ! 

«  Redde  rationem.  »  C'est  l'heure  de  rendre  compte  de 
ces  grâces. 

Les  dépôts  confiés.  —  Un  mot  retentit  terrible  à  l'origine 
du  monde  «  Gain,  qu'as-tu  fait  de  ton  frère?  Le  sang 
d'Abel  crie  vers  moi  de  la  terre  »  (2).  Que  de  fois  ce  même 
mot  a  dû  retentir  au  Tribunal  de  Jésus-Christ  !  Car  non 
seulement  Dieu  nous  a  donné  notre  âme  en  dépôt,  mais  que 
d'autres  dépôts  nous  furent  confiés  !  Tous  nous  recevons, 
en  naissant  à  la  vie,  quelque  mission  spéciale  à  accomplir  ; 


(i)  Accessistis  ad  Sion  montem,  et  civitatem  Dei  viventis,  Jéru- 
salem cœleslem,  et  multorum  niillium  angelorum  frequentiam. 

Et  ecclesiam  primitivorum  qui  conscripti  sunt  in  cœlis,  et  judi- 
cem  omnium  Deum,  et  spiritus  justorum  perfectorum, 

Et  testamenti  novi  mediatorem  Jesum,  et  sanguinis  aspersionem 
melius  loquentem  quam  Abel. 

Videte  ne  recusetis  loquentem.  Si  enim  illi  non  effugerunt,  ré- 
cusantes eum  qui  super  terramloquebatur,  multo  magis  nos,  qui 
de  cœlis  loquentem  nobis  avertimus. 

Gujus  vox  movit  terram  tune  :  nunc  autem  repromittit,  dicens  : 
Adhuc  semel  ;  et  ego  movebo  non  solum  terram,  sed  et  cœlum. 

Quod  autem,  Adhuc  semel,  dicit,  déclarât  mobilium  translatio- 
nem  tanquam  factorum,  ut  maneant  ea  quae  sunt  immobilia. 

Itaque  regnum  immobile  suscipkntes,  habemus  gratiam  ;  per 
quam  serviamus  placentes  Deo,  cum  metu  et  reverentia. 

Etenim  Deus  noster  ignis  consumens  est.  (Hsebr.  XII.) 

(2)  Dixitque  Cain  ad  Abel,  fratrem  suum:  Egrediamur  foras. 
Gumque  essent  in  agro,  consurrexit  Gain  adversus  fratrem  suum 
Abel,  et  interfecit  eum.  Et  ait  Dominus  ad  Gain:  Ubi  est  Abel, 
frater  tuus?  Qui  respondit:  Nescio  ;  num  custos  fratris  mei  sum 
ego?  Dixitque  ad  eum:  Quid  fecisti?Vox  sanguinis  fratris tui  cla- 
mât ad  me  de  terra.  Nunc  igitur  maledictus  eris  super  terram,  quae 
aperuit  os  suum,  et  suscepit  sanguinem  fratris  tui  de  manu  tua. 
Gum  operatus  fueris  eam,  non  dabit  tibi  fructus  suos:  vagus  et 
profugus  eris  super  terram. 

Dixitque  Cain  ad  Dominum:  Major  est  iniquitas  mea,  quam  ut 
veniam  merear.  Ecce  ejicis  me  hodie  a  facie  terrae,  et  a  facie  tua 
abscondar,  et  ero  vagus  et  profugus  in  terra;  omnis  igitur  qui  in- 
venerit  me,  occidet  me.  (Gènes.  IV.) 

T.  IV  4 


50  LE   JUGEMENT 

un  poste  nous  est  confié,  des  intérêts  sacrés  sont  mis  sous 
notre  garde.  —  Malheur  au  magistrat  qui  trahit  la  justice  et 
livre  la  cause  delà  veuve  et  de  l'orphelin  (l)t  —  Malheur  au 
prêtre  qui,  au  lieu  d'être  «  le  bon  pasteur,  »  n'aura  plus  été 
pour  son  troupeau  que  le  «  Mercenaire  »  (2)  !  —  Malheur 
au  riche  qui  aura  fermé  sur  les  misères  du  pauvre  sa  bourse 


(i)  Viduce  et  pupillo  non  nocebitis. 

Si  laeseritis  eos,  vociferabuntur  ad  me  et  ego  audiani  clamorem 
eorum  ; 

Et  indignabitur  furor  meus,  percutiamque  vos  gladio,  et  erunt 
uxores  vestrœ  viduœ,  et  filii  vestri  pupilli.  (Exod.  XXII.) 

Qnomodo  facta  est  meretrix  civitas  fidelis,  plena  judicii"?  Justi- 
tia  babitavit  in  ea,  nunc  autem  homicidœ. 

Argentum  tuum  versum  est  in  scoriam,  vinum  tuum  mixtum 
est  aqua. 

Principes  tui  infidèles,  socii  furum.  Omnes  diligunt  mimera,  se- 
quuntur  retributiones.  Pupillo  non  judicant,  et  causa  viduœ  non 
ingreditur  ad  illos. 

Propter  hoc  ait  Dominus,  Deus  exercituum,  Fortis  Israël:  Heu! 
consolabor  super  hostibus  meis,  et  vindicabor  deinimicis  meis. 

Et  convertam  manum  meam  ad  te,  et  excoquam  ad  purum  sco- 
riam  tuam,  et  auferam  omne  stannum  tuum. 

Et  restituam  judices  tuos  ut  fuerunt  prius,  et  consiliarios  tuos 
sicut  antiquitus;  post  hœc  vocaberis  civitas  justi,  urbs  fidelis. 

Sion  in  judicio  redimetur,  et  reducent  eam  in  justitia. 

Et  conteret  scelestos,  et  peccatores  simul;  et  qui  dereliquerunt 
Dominum  consumentur.  (Isaï.  I.) 

(2)  Et  factus  est  sermo  Domini  ad  me,  dicens: 

Fili  hominis,  vaticinare  ad  prophetas  Israël,  qui  prophetant,  et 
dices  prophetantibus  de  corde  suo:  Audite  verbum  Domini; 

Hœc  dicit  Dominus  Deus:  Vœ  prophetis  insipientibus,  qui  se- 
quuntur  spiritum  suura,  et  nihil  vident! 

Quasi  vulpes  in  desertis  prophetœ  tui,  Israël!  erant. 

Non  ascendistis  ex  adverso,  neque  opposuistis  murum  pro  domo 
Israël,  ut  staretis  in  prœlio  in  die  Domini. 

Vident  vana,  et  divinant  mendacium,  dicentes:  Ait  Dominus, 
cum  Dominus  non  miserit  eos;  et  perseveraverunt  confirmare  ser- 
monern. 

Numquid  non  visionem  cassam  vidistis,  et  divinationem  menda- 
cem  locuti  estis?  et  dicitis  :  Ait  Dominus,  cum  ego  non  sim  locutus  ! 

Propterea  hœc  dicit  Dominus  Deus:  Quia  locuti  estis  vana,  et 
vidistis  mendacium,  ideo  ecce  ego  ad  vos,  dicit  Dominus  Deus. 

Et  erit  manusmea  super  prophetas  qui  vident  vana,  et  divinant 
mendacium:  in  consilio  populi  mei  non  erunt,  et  in  scriptum  do- 
mus  Israël  non  scribentur,  nec  in  terram  Israël  ingredientur;  et 
scietis  quia  ego  Dominus  Deus; 

Eo  quod  deceperint  populum  meum,  dicentes:  Pax,  et  non  est 
pax;  et  ipse  œdificabat  parietem,  illi  autem  liniebant  eum  luto 
absque  paleis.  (Kzec  XIII.) 


LE  JUGEMENT  51 


son  cœur  (1)  !  —  Malheur  aux  parents  qui  auront  par  leur 
ite  laissé  se  perdre  l'âme  de  leurs  enfants  (2)  ! 


et 
faute 

Ainsi,  au  Jugement  de  Dieu,  les  missions  trahies,  les  de- 
voirs d'état  repoussés,  deviennent  matière  de  rigoureuses 
condamnations. 

Les  actes  accomplis.  —  «  Chacun  de  nous,  dit  l'Apôtre, 
rendra  compte  de  tout  ce  qu'il  aura  fait  durant  sa  vie  mor- 
telle. »  Tous  nos  actes,  toutes  nos  paroles,  nos  pensées  même 
et  nos  désirs,  passent  à  la  lumière  divine.  —  Le  Décalogue 
se  dresse  devant  nous  et  chacune  de  nos  actions  est  confron- 
tée avec  chacun  de  ses  préceptes. 


(1)  Agite  nunc,  divites,  plorate  ululantes  in  miseriis  vestris  quse 
advenient  vobis. 

Divitiœ  vestrse  putrefactae  sunt;  et  vestimenta  vestra  a  tineis 
comesta  sunt. 

Aurum  et  argentum  vestrum  œruginavit:  etaerugo  eorum  in  tes- 
timonium  vobis  erit,  et  manducabit  carnes  vestras  siout  ignis.  The- 
saurizastis  vobis  iram  in  novissimis  diebus. 

Ecce  merces  operariorum  qui  messuerunt  regiones  vestras,  qua? 
fraudât  a  est  a  vobis,  clamât;  et  clamor  eorum  in  aures  Domini 
sabaoth  introivit. 

Epulati  estis  super  terrain,  et  in  luxuriis  enutristis  corda  vestra 
in  die  occisionis. 

Adduxistis  et  occidistis  justum,  et  non  restitit  vobis. 

(Jacob.  V.) 

(2)  Et  venit  Dominus,  et  stetit;  et  vocavit,  sicut  vocaverat  se- 
cundo: Samuel,  Samuel!  Et  ait  Samuel:  Loquere,  Domine,  quia 
audit  servus  tuus. 

Et  dixit  Dominus  ad  Samuelem:  Ecce  ego  facioverbum  in  Israël, 
quod  quicumque  audierit,  tinnient  ambse  aures  ejus. 

In  die  illa  suscitabo  adversum  Heli  omnia  quse  locutus  sum  super 
domum  ejus;  incipiam,  et  complebo. 

Prsedixienimei  quod  judicaturus  essem  domum  ejus  inœternum, 
propter  iniquitatem,  eo  quod  noverat  indigne  agere  filios  suos,  et 
non  corripuerit  eos. 

Idcirco  juravi  domui  Heli,  quod  non  expietur  iniquitas  domus 
ejus  victimis  et  muneribus  usque  in  aeternum. 

Dormivit  autem  Samuel  usque  mane,  aperuitque  ostia  domus 
Domini.  Et  Samuel  timebat  indicare  visionem  Heli. 

(I  Reg.  III.) 


52  LE   JUGEMENT 


IJI 

QUELLE  SERA  L'ISSUE  DE  CE  JUGEMENT? 


Deux  seules  issues  sont  possibles;  deux  sentences  seules 
sont  rendues.  —  Jésus  -Christ,  en  nous  avertissant  de  notre 
jugement  futur,  nous  a  annoncé  de  même  quelle  double  sen- 
tence nous  est  réservée. 

L'une  est  délicieuse.  —  Venite,  benedicti!  En  ces  deux 
mots  sont  renfermées  toutes  nos  béatitudes  futures.  —  «  Be- 
nedicti »  :  c'est  l'élu,  c'est  l'enfant  de  Dieu,  c'est  le  triom- 
phateur. Désormais  le  bonheur  l'environne,  la  bénédiction 
divine  l'introduit  dans  la  splendeur  d'un  royaume  éternel  (i). 

Venite.  Dieu  l'appelle  à  une  vie  qui  ne  finira  plus,  à  un 
bonheur  qui  n'a  pas  de  mesure,  à  des  gloires  qui  ne  con- 
naîtront pas  de  déclin.  —  Venite:  c'est  au  partage  de  la  for- 
tune d'un  Dieu,  c'est  à  la  possession  de  tous  les  biens  à  la 
fois,  que  l'élu  est  appelé  par  la  bienheureuse  sentence:  In- 
ira  in  qaudium  Domini  tut  (2). 


(1)  Ecce  venio  cito,  etmerces  mea  raecum  est,  reddere  unicuique 
secundum  opéra  sua. 

Ego  sum  a  et  »,  primus  et  novissimus,  principium  et  finis. 

Beati  qui  lavant  stolas  suas  in  sanguine  Agni;  ut  sit  potestas 
eorura  in  ligno  vitœ,  et  per  portas  intrent  in  civitatem. 

Foris  canes,  et  venefici,  et  impudici,  et  homicidœ,  et  idolis  ser- 
vientes,  et  omnis  qui  amat  et  facit  mendacium. 

Ego  Jésus  misi  angelum  raeum  testificari  vobis  hœc  in  ecclesiis. 
Ego  sum  radix  et  genus  David,  Stella  splendida  et  matutina. 

Et  spiritus  et  sponsa  dicunt:  Veni.  Et  qui  audit,  dicat:  Veni. 
Et  qui  sitit,  veniat:  et  qui  vult,  accipiat  aquam  vitœ  gratis. 

(Apoc.XXII.) 

(2)  Id  enim  qnod  in  praesenti  est  momentaneum  et  levé  tribula- 
tionis  nostrœ,  supra  modurain  sublimitate  œternum  gloriœ  pon- 
dus operatur  in  nobis, 

Non  contemplantibus  nobis  quœ  videntur,  sed  quœ  non  viden- 
tur. Quœ  enim  videntur,  temporalia  sunt;  quœ  autem  non  viden- 
tur, œterna  sunt.  (II  Gorinth.  IV.) 


LE  JUGEMENT  53 

L'autre  est  effroyable.  —  Qu'est-ce  à  dire  :  maudits*! 
C'est  ici  l'annonce  de  toutes  les  douleurs,  la  réunion  funeste 
de  tous  les  maux,  la  formule  de  tous  les  désespoirs.  —  C'est 
le  déshonneur  suprême,  la  note  à  jamais  infamante,  le  sceau 
de  réprobation  marqué  sur  le  damné.  —  C'est  l'affirmation 
d'une  haine  universelle  où  le  misérable  impénitent  se  trouve 
plongé.  —  C'est  l'éternelle  solitude,  l'effroyable  exil,  où  Caïn 
est  poussé  sous  le  souffle  de  la  vengeance. 

Maledicti.  Maudits  par  qui?  —  Par  la  suprême  Justice. 
Le  damné  acquiesce  éternellement  à  la  Justice  qui  le  frappe. 
Il  se  révolte,  mais  il  comprend  qu'il  n'est  que  très  justement 
frappé  et  c'est  là  le  «  ver  rongeur  »  qui  ne  cessera  plus  de 
le  déchirer.  —  Maudit  par  qui?  Par  le  suprême  amour. 
Nous  touchons  ici  au  fond  même  de  l'abîme.  Si  la  Justice 
seule  l'avait  condamné,  peut-être  quelque  espoir  lui  resterait 
encore.  Mais  c'est  l'amour,  l'amour  trahi,  trompé,  tourné 
maintenant  en  fureur  implacable,  qui  s'acharne  contre  le 
misérable  qui  s'est  joué  de  lui.  Un  Dieu  nous  a  aimés,  aimés 
jusqu'aux  larmes,  jusqu'au  sang,  jusqu'au  gibet...  et  ce  Dieu 
a  été  méprisé,  délaissé,  foulé  aux  pieds,  traîné  aux  gémonies. 
C'est  ce  Dieu  qui  réclame  contre  son  insulteur  le  prix  d'un 
infini  amour  t 

Maudit  par  la  création  tout  entière,  —  par  le  ciel  et  la 
terre,  et,  sous  le  poids  d'une  universelle  colère,  précipité 
dans  le  gouffre  ouvert  à  toutes  les  hontes  et  à  tous  les  for- 
faits (li. 


(1)  Et  dabo  prodigia|in  ctelo  et  in  terra,  sanguinem,  et  ignem, 
et  vaporem  fumi. 

Sol  convertetur  in  tenebras,  et  luna  in  sanguinem,  antequam 
veniat  dies  Domini  rnagnus  et  horribilis. 

Et  erit:  Omnis  qui  invocaverit  nomen  Domini,  salvus  erit;  quia 
in  monte  Sion  et  in  Jérusalem  erit  salvatio,  sicut  dixit  Dominus, 
et  in  residuis  quos  Dominus  vocaverit.  (Joël.  II.) 


LA  PÉNITENCE  CHRÉTIENNE 


NECESSITE  DE  LA  PENITENCE 


C'est  à  la  fois  le  raisonnement  et  l'autorité  qui  nous  affir- 
ment chez  le  chrétien  la  nécessité  de  la  pénitence. 

Etablissons-la  par  le  raisonnement.  —  La  pénitence  s'im- 
pose à  nous  par  nécessité:  de  position,  de  précaution,  de 
sanctification. 

i°  De  position.  —  Nous  sommes  pécheurs.  —  Par  notre 
origine  nous  appartenons  aune  race  primitivement  déchue, 
prévaricatrice,  soumise,  pour  avoir  outragé  Dieu,  aux  rigueurs 
de  la  suprême  justice  (1).  —  N'eussions-nous  pas  à  notre 
charge  les  péchés  de  notre  race,  nous-mêmes  suffisons  par 
nos  péchés   quotidiens  à  armer  contre  nous  le  hras  de  Dieu. 


(\)  Propterea  sicut  per  unum  hominem  peccatum  in  hune  mun- 
dum  intravit,  et  per  peccatum  mors,  et  ita  in  omneshomines  mors 
pertransiit,  in  quo  omnes  peccaverunt: 

Usque  adlegemenim  peccatum  erat  in  mundo;  peccatum autem 
non  imputabatur  quum  lex  non  esset; 

Sed  regnavit  mors  ab  Adam  usque  ad  Moysen  etiam  in  eos  qui 
non  peccaverunt  in  similitudinem  prrevaricationis  Adœ,  qui  est 
forma  futuri.  (Rom.  V.) 

Et  vos  quum  essetis  mortui  delictis  et  peccatis  vestris, 

In  quibus  aliquando  ambulastis  secundum  sœculum  mundihu- 
jus,  secundum  principem  potestatis  aeris  hujus,  spiritus  quinunc 
operatur  in  filios  diffidentiœ, 

In  quibus  et  nos  omnes  aliquando  conversati  sumus  in  deside- 
riis  carnis  nostrœ.  facientes  voluntatem  carnis  et  cogitationum, 
et  eramua  natura  iilii  irae,  sicut  et  cœteri.  (Ephes.  II.) 


LA  PÉNITENCE  CHRÉTIENNE  55 

—  Or  remarquons-le,  tout  outrage  à  Dieu  entraîne  l'expiation, 
et  toute  expiation  entraîne  la  douleur. 

Cette  expiation  nécessaire,  Dieu  par  une  miséricordieuse 
rigueur,  ne  cesse  de  nous  y  ramener.  Il  a  flétri  les  magnifi- 
cences et  empoisonné  les  délices  de  l'antique  Eden.  Il  a 
rempli  de  misères  la  vie  de  l'homme  (I).  Il  l'a  rendue  courte 
et  besoigneuse;  il  y  a  étendu  l'ombre  de  la  mort;  chaque  jouis- 
sance elle-même  finit  par  renfermer  une  douleur  (2). 

Hélas  !  que  nous  comprenons  peu  cette  conduite  providen- 


(1)  Quare  non  in  vulva  mortuus  surn?  egressus  ex  utero  non  sta- 
tini  perii? 

Quare  exceptus  genibus?  cur  lactatus  uberibus? 

Nunc  enim  dormiens  silereni,  et  somno  meo  requiescerem 

Gum  regibus  et  consulibus  terra?,  qui  œdificant  sibi  solitudiues; 

Autcum  principibus  qui  possident  aurum,  et  replent  domossuas 
argento; 

Aut  sicut  abortivum  absconditum  non  subsisterem,  vel  qui  con- 
cepti  non  viderunt  lucem. 

Ibi  impii  cessaverunt  atumultu,  etibi  requieverunt  fessirobore. 

Et  quondam  vincti  pari  ter  sine  molestia,  non  audierunt  vocem 
exactoris. 

Parvus  et  magnus  ibi  sunt,  et  servus  liber  a  domino  suo. 

Quare  misero  data  est  lux,  et  vita  bis  qui  inamaritudine  animae 
sunt; 

Qui  exspectant  mortem,  et  non  venit,  quasi  effodientes  thesau- 
rum; 

Gaudentque  vehementcr  cum  invenerint  sepulcrum? 

Viro  cujus  abscondita  est  via  et  circumdedit  eum  Deus  tenebris? 

Antequam  comedam,  suspiro  ;  ettanquam  inundantes  aquae,  sic 
rugitus  meus; 

Quia  timor  quemtimebamevenit  mihi,  et  quod  verebar  accidit. 

Xonne  dissimulavi?  nonne  silui,  nonne  quievi?  et  venit  super 
m?  indignatio.  (Job.  III.) 

(2)  Et  idcirco  taeduit  me  vitae  mes,  videntem  mala  universa  esse 
sub  sole,  et  cuncta  vanitatem  et  afilictionem  spiritus. 

Rursus  detestatus  sum  omnem  industriam  meamquamsub  sole 
studiosissime  laboravi,  habiturus  heredem  post  me, 

Quem  ignoro  utrum  sapiens  an  stultus  futurus  sit,  et  domina- 
bitur  in  laboribus  meis,  quibus  desudavi  et  sollicitus  fui;  et  est 
quidquam  tam  vanum'? 

Unde  cessavi,  renuntiavitque  cor  meum  ultra  laboraresub  sole. 

Nam  cum  aliuslaboret  insapientia,  et  doctrina,  et  sollicitudine, 
homini  otioso  qusesita  dimittit.  Et  hoc  ergo  vanitas  et  magnum 
malum. 

Quid  enim  proderit  homini  de  universo  labore  suo,  et  afflictione 
spiritus,  qua  sub  sole  cruciatus  est? 

Cuncti  dies  ejus  doloribus  et  serumnis  pleni  sunt,  nec  per  noc- 
tem  mente  requiescit.  Et  hoc  nonne  vanitas  est?        (Eccle.  IL) 


56  LA  PÉNITENCE  CHRÉTIENNE 

tielle  et  comment  Dieu,  sans  cesse,  sans  fin  nous  ramène  à 
l'obligation  delà  pénitence!  Oh!  qu'il  nous  importerait  de  ré- 
pondre aux  nécessités  pressantes  de  notre  position  de  pé- 
cheurs (1)  ! 

Mais,  outre  que  nous  sommes  pécheurs,  nous  sommes  des 
exilés,  exilés  loin  de  notre  famille  et  de  notre  patrie.  Les  fol- 
les joies  nous  sont  messéantes,  la  tristesse  nous  convient  et 
l'austérité  de  la  pénitence  peut  seule  s'harmoniser  avec  no- 
tre état  actuel  (2). 

2°  De  précaution.  —  De  notre  déchéance  originelle  nous 
sont  restés  des  ferments  de  concupiscence  et  de  péché.  Chaque 
phase  du  drame  antique  de  l'iîden  a,  en  chacun  de  nous,  son 
prolongement.  L'orgueil,  l'esprit  d'indépendance,  l'insatiable 
ambition,  la  volupté  ardente  du  fruit  défendu,  sont  toujours 
au  fond  de  notre  âme  avec  leurs  fascinations  et  leurs  sollicita- 
tions dangereuses.  —  Malheur  à  nous  si  nous  n'imposons  pas 
à  ces  concupiscences  désordonnées  le  frein  d'une  vie  péni- 
tente! C'est  en  ce  sens  que  le  divin  Maître  s'écriait:  «  Mal- 
heur à  vous,  âmes  rieuses  et  folâtres!  »  Et  encore:  «  Si  vous 
ne  faites  pénitence  vous  périrez  tous  (3).  » 


(1)  Siiniquitates  nostrœ  responderint  nobis,  Domine,  fac  propter 
nomen  tuum;  quoniam  multœ  sunt  aversiones  nostrœ,  tibi  pecca- 
vimus. 

Exspectatio  Israël,  Salvator  ejus  in  tempore  tribulationis  !  quare 
quasi  colonus  fatums  es  in  terra,  et  quasi  viator  declinans  ad 
manendum? 

Quare  futur  us  es  velut  vir  vagus,  ut  fortis  qui  non  potest  sal- 
vare?  Tu  autem  in  nobis  es,  Domine,  et  nomen  tuum  invocatum 
est  super  nos,  ne  derelinquas  nos. 

Hœc  dicit  Dominus  populo  huic  qui  dilexit  movere  pedes  suos, 
et  non  quievit,  et  Domino  non  placuit:  Nunc  recordabitur  iniqui- 
tatum  eorum,  et  visitavit  peccata  eorum.  (Jerem.  XIV.) 

(2)  Super  flumina  Babylonis,  illic  sedimus  et  llevimus;  cum  re- 
cordareinur  Sion: 

In  salicibus  in  inedio  ejus;  suspendimus  organa  nostra. 
Quia  illic  interrogaverunt  nos,  qui  captivos  duxerunt  nos,  verba 
cantionum: 
Et  qui  abduxerunt  nos  :  Hymnum  cantate  nobis  de  canticis  Sien: 
Quomolo  c  intabimus  canticum  Domini  in  terra  aliéna? 
Si  oblitus  fuero  tui,  Jérusalem,  oblivioni  detur  dextera  mea. 
Adhœreat  lingua  mea  faucibus  mois,  si  non  meminero  tui  : 
Si  non  proposuero  Jérusalem,  in  principio  laetitise  mese. 

(Psal.  CXXXVI.) 

(3)  Dico  autem:  Spiritu  ambulate,  et  desideria  carnis  non  perfi- 
cietis. 


LA  PÉNITENCE  CHRÉTIENNE  57 

3°  De  sanctification.  —  Qu'est-ce  que  la  sanctification,  si- 
non la  répudiation  de  tous  les  vices  et  l'accomplissement  de 
toutes  les  vertus?  —  Or  s'il  est  clair  que,  sans  la  vie  péni- 
tente, il  nous  devient  impossible  de  triompher  de  nos  vices, 
il  ne  l'est  pas  moins  que  sans  elle,  toute  vertu  nous  est  im- 
possible à  pratiquer.  —  Prenons  à  part  chaque  vertu  et  voyons 
si  l'effort,  la  mortification,  c'est-à-dire  la  pénitence,  ne  se 
retrouve  pas  au  fond  de  chacune  d'elles. 

Etablissons-la  par  l'autorité.  —  L'autorité  nous  en  con- 
vainc par  deux  voies  différentes:  Elle  nous  montre  de  saisis- 
sants spectacles  ;  elle  fait  retentir  de  vibrantes  paroles. 

1°  De  grandioses  spectacles.  —  J'aperçois  d'abord  les  péni- 
tents volontaires.  Partis  des  pentes  ensanglantées  du  Calvaire, 
ils  traversent  les  siècles  en  innombrables  multitudes  (1).  — 


Caro  enim  concupiscit  ad  versus  spiritum;  spiritus  autem  adver- 
sus  carnem;  hsec  enim  sibi  invicem  adversantur,  ut  non  quaecum- 
que  vultis,  illa  faciatis. 

Quod  si  spiritu  ducimini,  non  estis  sub  lege. 

Manifesta  sunt  autem  opéra  carnis,  qua?  sunt,  fornicatio,  im- 
munditia,  impudicitia,  luxuria, 

Idolorum  servitus,  veneficia,  inimicitire,  contentiones,  œmulatio- 
neSjira-,  rixse,  dissensiones,  sectae, 

Invidise,  homicidia,  ebrietates,  comessationes,  et  his  similia;  quse 
prsedico  vobis,  sicut  praedixi,  quoniam  qui  talia  agunt,  regnum 
Dei  non  consequentur. 

Fructus  autem  Spiritus  est:  caritas,  gaudium,  pax,  patientia, 
benignitas,  bonitas,  longanimitas, 

Mansuetudo,  fides,  modestia.  Adversus  hujusmodi  non  est  lex. 

Qui  autem  sunt  Ghristi,  carnem  suam  crucifixerunt  cum  vitiis 
et  concupiscentiis. 

Si  spiritu  vivimus,  spiritu  et  ambulemus. 

Non  efficiamur  inanis  gloria-  cupidi,  invicem  provocantes,  invi- 
cem invidentes.  (Galat.  V.) 

(1)  Alii  autem  distenti  sunt  non  suscipientes  redemptionem,  ut 
meliorem  invenirent  resurrectionem. 

Alii  vero  ludibria  et  verbera  experti,  insuper  et  vincula  et  car- 
ceres : 

Lapidati  sunt,  secti  sunt,  tentati  sunt,  in  occisione  gladiimortui 
sunt,  circuierunt  in  melotis,  in  pellibus  caprinis,  egentes,  angus- 
tiati,  aftlicti: 

Quibus  dignus  non  erat  mundus;  in  solitudinibus  errantes,  in 
montibus,  et  speluncis,  et  in  cavernis  terrae. 

Et  hi  omnes  testimonio  fidei  probati,  non  acceperunt  repromis- 
sionem. 

Deo  pro  nobis  melius  aliquid  providente,  ut  non  sine  nobis  con- 
summarentur.  (Hœbr.  XI.) 


58  LA  PÉNITENCE   CHRÉTIENNE 

Les  uns,  avec  les  martyrs,  portent  d'un  seul  coup  la  «  mor- 
tification du  Christ  »  tout  entière.  —  Les  autres  fournissent 
une  longue  carrière  de  macérations,  d'austérités,  de  péniten- 
ces. —  Jamais,  dans  l'Eglise,  la  vision  sombre  et  bienfaisante 
de  la  pénitence  n'a  cessé  d'apparaître. 

2°  De  vibrantes  paroles.  —  A  vrai  dire,  c'est  du  Paradis 
terrestre  lui-même  que  partent  les  premières,  et  c'est  Dieu 
qui  les  prononce  à  nos  premiers  parents  coupables  et  châtiés. 
—  A  chaque  grande  prévarication  du  genre  humain  les  voix 
de  la  pénitence  se  font  entendre.  Noé  les  fait  retentir,  Sodome 
en  est  pleine,  Ninive  en  tressaille,  les  prophètes  s'en  font 
les  organes  puissants,  Jean-Baptiste,  sur  les  rives  de  Jour- 
dain, est  le  prédicateur  intrépide  de  la  pénitence.  L'Homme- 
Dieu  apporte  à  ce  précepte  souverain  sa  souveraine  autorité 
et  après  lui  les  Apôtres,  les  Docteurs,  les  Saints,  l'Eglise,  ne 
cessent  de  nous  la  rappeler  (1). 


(0  Vae  provocatrix,  et  redempta  civitas,  columba! 

Non  audivit  vocem,  et  non  suscepit  disciplinam;  in  Domino 
non  est  confisa,  ad  Deum  suum  non  appropinquavit. 

Principes  ejus  in  medio  ejus  quasi  leones  rugientes;  judices  ejus 
lnpi  vespere,  non  relinquebant  in  mane. 

Prophetce  ejus  vesani,  viri  infidèles;  sacerdotes  ejus  polluerunt 
sanctum,  injuste  egerunt  contra  legem. 

Dominus  justus  in  medio  ejus  non  faciet  iniquitatem  ;  mane  mane 
judicium  suum  dabit  in  lucem,  et  non  abscondetur  ;  nescivit  au- 
tem  iniquus  confusionem. 

Disperdidi  gentes,  et  dissipati  sunt  angeli  earum;  désertas  feci 
vias  eorum,  dum  non  est  qui  transeat;  desolatse  sunt  civitates 
eorum,  non  rémanente  viro,  neque  ullo  habitatore. 

Dixi:  Attamen  timebis  me,  suscipies  disciplinamj  et  non  peribit 
habitaculum  ejus,  propter  omnia  in  quibus  visitavi  eam:  verum- 
tamen  diluculo  surgentes  corruperunt  omnes  cogitationes  suas. 

Quapropter  exspecta  me,  dicit  Dominus,  in  die  resurrectionis 
meae  in  futurum;  quia  judicium  m  eu  m  ut  congregem  gentes,  et 
colligam  régna,  et  elïundam  super  eos  indignationem  meam,  om- 
nem  iram  furoris  mei;  in  igné  enim  zeli  mei  devorabitur  omnis 
terra.  (Sopli.  III.) 


LA    PÉNITENCE   CHRÉTIENNE  59 


II 

NOTRE  CONDUITE  EN  FACE  DE  LA  PÉNITENCE 


Ce  grave  précepte  partage  les  hommes  en  trois  classes  dif- 
férentes, soit  qu'ils  le  nient  orgueilleusement,  soit  qu'ils  le 
méprisent  au  gré  de  leur  fantaisie  et  de  leur  vie  jouisseuse, 
soit  que,  l'acceptant  et  le  prétendant  pratiquer,  ils  le  faussent 
par  d'hypocritescompromis,  soit  que,  généreux  etintelligents, 
ils  l'adoptent  dans  la  croyance.  —  Telles  sont  les  vicissitudes 
de  la  Pénitence  :  il  en  est  qui  n'en  font  aucune.  Il  en  est  qui  la 
font  mal.  Il  en  est  qui  la  pratiquent  saintement  et  fructueu- 
sement. 

Ceux  qui  n'en  font  aucune.  —  Combien  d'hommes,  alors 
même  que  le  sceau  du  baptême  les  marque  parmi  les  fidèles 
du  Dieu  Crucifié,  qui,  à  aucun  prix,  ne  veulent  entendre  par- 
ler de  pénitence! 

1°  Les  uns  la  ment  effrontément.  —  Comment  l'admet- 
traient-ils,  puisqu'ils  rejettent  même  la  déchéance  de  l'hu- 
manité? Pour  eux,  alors  que  tout  contredit  leurs  négations 
insensées,  le  péché  n'existe  pas.  La  déchéance  originelle 
est  un  mythe.  L'humanité  est  dans  l'état  de  justice  et  de 
bonheur  qui  lui  convient.  D'expiation  et  de  pénitence  il  ne 
peut  être  question,  et  ces  tristes  sophistes  sont  broyés  par 
une  douleur  qu'ils  ont  le  désespoir  de  ne  point  comprendre 
et  l'extravagance  de  nier. 

2°  Les  autres  la  rejettent  dédaigneusement.  —  Sans  même 
prendre  la  peine  de  raisonner,  de  contredire,  de  nier.  Les 
mondains,  tout  entiers  à  leurs  jouissances  et  à  leurs  plaisirs, 
témoignent  pour  la  pénitence  chrétienne  plus  encore  le  dé- 
dain que  l'horreur. —  Au  livre  de  la  Sagesse  nous  les  enten- 
dons parler.  <c  La  vie  est  courte,  hâtons-nous  de  jouir,  cou- 
ronnons-nous de  roses,  que  pas  une  fleur  de  la  prairie  n'é- 
chappe à  notre  main.  »  Ces  misérables  sont  destinés  à  la  mort, 
comme  le  vil  bétail  qu'on  engraisse  est  destiné  à  l'abattoir. 


60  LA  PÉNITENCE  CHRÉTIENNE 

Jjsus-Christ  voyait  et  dramatisait  leur  folie.  C'est  l'un  d'eux 
qui  se  disait  à  lui-même:  «  Tu  as  des  biens   en  abondance  : 

mange,  bois,  fais  bonne  chère Insensé,  dit  Jésus-Christ, 

et  cette  nuit  même  on  te  redemandera  ton  âme.  »  N'est-ce 
pas  dans  les  flammes  d'une  éternelle  expiation  que  le  mau- 
vais riche  paie  son  mépris  insolent  de  la  pénitence? 

3°  Les  troisièmes  paraissent  l'accepter:  en  réalité  ils  la  ré- 
pudient comme  les  autres.  —  Reconnaissons  là  ces  étranges 
catholiques,  dont  la  conduite  est  en  perpétuelle  contradiction 
avec  la  croyance.  «  Ce  sont  ces  hommes,  disait  Saint  Paul,  sur 
lesquels  je  pleure;  qui  marchent  en  ennemis  de  la  croix  du 
Christ,  ces  hommes  qui  de  leur  ventre  "font  leur  Dieu.  »  Quelle 
pratique  de  pénitence  adoptent  ces  chrétiens  abusés?  Devant 
quelle  obligation  de  pénitence,  si  légère  qu'elle  puisse  être, 
ne  les  voyons  nous  pas  fuir  en  se  récriant? 

Hélas!  ces  mêmes  gens  du  monde  qui  accepteront  pour  leur 
ambition,  leur  cupidité  et  leurs  plaisirs,  les  plus  écrasantes 
obligations,  sont  ceux-là  mêmes  que  Dieu  et  l'Eglise  ne  con- 
traindront jamais  à  la  plus  légère  mortification. 

Ceux  qui  la  font  mal.  —  Dieu,  nous  voyant  si  rebelles 
aux  indispensables  obligations  de  la  pénitence,  prend  soin 
directement  et  par  lui-même  de  nous  y  ramener.  De  nous- 
mêmes  jamais  nous  n'irions  à  la  mortification;  par  l'ordre  de 
Dieu  elle  franchit,  sous  des  noms  très  divers,  le  seuil  de  notre 
demeure  et  elle  serait  longue  à  dresser  la  liste  de  ces  péniten- 
ces providentielles.  —  Dieu  nous  frappe  dans  nos  biens.  Dieu 
nous  arrache  les  idoles  de  notre  cœur.  La  mort  frappe  des 
coups  prématurés.  Les  mille  péripéties  de  l'existence  nous 
jettent  en  de  perpétuelles  alarmes.  Aux  angoisses  de  l'âme, 
aux  infortunes  de  la  famille  s'ajoutent  bien  souvent  les  tor- 
tures de  la  chair.  «  De  toutes  les  parties  de  notre  être  nous 
reviennent,  dit  l'Apôtre,  des  réponses  de  mort.  »  «  Tout  le 
jour  nous  sommes  mortifiés  »  (1).  —  Plaise  à  Dieu  que,  ré- 

(!)  Ecce  clamabo,  vim  patiens  et  nemo  audiet  ;  vociferabor,  et 
non  est  qui  judicet. 

Semitam  meam  circumsepit,et  transire  non  possum  ;  et  incalle 
meo  tenebras  posuit. 

Spoliavit  me  gloria  mîa,  et  abstulit  coronam  de  capite  meo. 

Destruxit  me  undique,  et  perto  ;  et  quasi  evulsœ  arbori  abstulit 
epem  meam. 

Iratus  est  contra  me  furor  ejus,  et  sic  me  habuit  quasi  hostem 
suum. 


LA  PÉNITENCE  CHRÉTIENNE  61 

pondant  à  ces  vues  providentielles,  nous  fassions  de  ces  dou- 
leurs communes  notre  patrimoine  particulier  de  pénitence. 
—  Mais  combien  parmi  nous  qui  n'en  savent  point  profiter  1 

i°  Ils  souffrent,  mais  sans  rien  sur  naturaliser .  — Est-ce  assez 
de  souffrir  pour  mériter  l'éternelle  couronne?  Non,  le  sur- 
naturel et  le  divin  doivent  transfigurer  la  souffrance.  —  C'est 
de  Dieu,  de  l'obéissance  à  Dieu,  du  désir  de  lui  plaire,  de  la 
volonté  de  satisfaire  à  sa  justice,  d'un  élan  d'amour,  d'un 
acte  de  soumission  filiale,  que  notre  souilrance  tirera  son 
prix  (1).  —  C'est  de  Jésus-Christ,  de  notre  union  à  Jésus- 
Christ,  de  la  conformité  de  sa  vie  et  de  sa  mort,  de  l'intime 
liaison  entre  sa  douleur  et  la  nôtre,  que  notre  pénitence  de- 
viendra méritoire  pour  le  ciel. 

2°  Ils  souffrent,  mais  en  murmurant.  —  Gardons-nous  ici 


Simul  venerunt  latrones  ejus,  et  fecerunt  sibi  viam  per  me,  et 
obsederunt  in  gyro  tabernaculum  meum. 

Fratres  meos  longe  fecit  a  me,  et  noti  mei  quasi  alieni  recesse- 
runt  a  me. 

Dereliquerunt  me  propinqui  mei,  et  qui  menoverant  obliti  sunt 
mei. 

Inquilini  domus  meœ,  et  ancillae  mese,  sicut  alienum  habuerunt 
me,  et  quasi  peregrinus  fui  in  oculis  eorum, 

Servum  meum  vocavi,  et  non  respondit  ;  ore  proprio  depreca- 
bar  illum. 

Halitum  meum  exhorruit  uxor  mea,  et  orabam  filios  uteri  mei. 

Stulti  quoque  despiciebant  me  ;  et  cum  ab  eis  recessissem,  detra- 
hebant  mihi. 

Abominati  sunt  me  quondam  consiliarii  mei;  et  quem  maxime 
diligebam,  aversatus  est  me. 

Pelli  meae,  consumptis  carnibus,  adhsesit  os  meum  ;  et  derelicta 
sunt  tantummodo  labia  circa  dentés  meos. 

Miseremini  mei.  miseremini  mei,  saltem  vos,  amici  mei,  quia 
manus  Domini  tetigit  me. 

Quare  persequimini  me  sicut  Deus,  et  carnibus  meis  saturamini  ? 

(Job.  XIX.) 

(1)  Firmamentum  est  Dominus  timentibus  eum,  et  testamentum 
ipsius  ut  manifestetur  illis. 

Oculi  mei  semper  ad  Dominum,  quoniam  ipse  evellet  de  laqueo 
pedes  meos. 

Respice  in  me,  et  miserere  mei,  quia  unicus  et  pauper  sura  ego» 

Tribulationes  cordis  mei  multiplicatœ  sunt  :  de  necessitatibus 
meis  erue  me. 

Vide  humilitatem  meam  et  laborem  meum,  et  dimitte  universa 
delicta  mea. 

Respice  inimicos  meos,  quoniam  multiplicati  sunt,  et  odio  ini- 
quo  oderunt  me.  (Psal.  XXIV.) 


62  LA  PÉNITENCE   CHRÉTIENNE 

d'une  exagération.  La  plainte  filiale  d'un  cœur  meurtri  (1), 
l'amertume  et  l'abondance  des  larmes,  une  certaine  explo- 
sion de  douleur  soumise,  ne  sauraient  être  interdites  à  ceux 
qui  souffrent.  —  Entendez  Job  maudire  avec  véhémence  le 
jour  de  sa  naissance...  Voyez  Paul  suppliant  Dieu  de  le  déli- 
vrer des  «soufflets  »  de  Satan...  Voyez  surtout  Jésus-Christ 
l'exemplaire  divin  des  pénitents,  il  recule  à  la  vue  du  calice 
de  sa  passion,  il  le  veut  détourner,  il  conjure  son  Père  de 
l'éloigner  de  ses  lèvres  (2)...  Ce  qui  est  interdit,  c'est  la  dé- 


(1)  Nunc  autem  in  uiemetipso  marcescit  anima  mea,  et  possident 
me  dies  afflictionis. 

Nocte  os  meum  perforatur  doloribus;  et  qui  me  comedunt,  non 
dormiunt. 

In  multitudine  eorum  consumitur  vestimentum  meum,  et  quasi 
capitio  tunicse  succinxerunt  me. 

Comparatus  suin  luto,  et  assimilatus  sum  favillse  et  cineri. 

Clamo  ad  te,  et  non  exaudis  me;  sto,  et  non  respicis  me. 

Mutatus  es  mini  in  crudelem,  et  in  duritiamanus  tuœ  adversaris 
mini. 

Elevasti  me,  et  quasi  super  ventum  ponens  elisisti  me  valide. 

Scio  quia  morti  trades  me,  ubi  constituta  est  domus  omni  vi- 
venti. 

Verumtamen  non  ad  consumptionem  eorum  emittis  manum  tuam 
et  si  corruerint,  ipse  salvabis. 

Flebam  quondam  super  eo  qui  afilictus  erat,  et  compatiebatur 
anima  meapauperi. 

Exspectabam  bona,  et  venerunt  mihi  mata;  prsestolabar  lucem, 
et  eruperunt  tenebrae. 

Interiora  meaefferbuerunt  absque  ulla  requie;  prsevenerunt  me 
dies  afflictionis. 

Mœrens  incedebam  sine  furore  ;  consurgens,  in  turba  clamabam. 

Frater  fui  draconum,  et  socius  struthionum. 

Cutis  mea  denigrata  est  super  me,  et  ossa  mea  aruerunt  prœ 
caumate. 

Versa  est  in  luctum  cithara  mea,  et  organum  meum  in  vocem 
flentium.  (Job.  XXX.) 

(2)  Et  egressus  ibat  secundum  consuetudinem  in  montem  Oliva- 
rum.  Secuti  sunt  autem  illum  et  discipuli. 

Et  quum  pervenisset  ad  locuin,  dixit  illis  :  Orate,  ne  intretis  in 
tentationem. 

Et  ipse  avulsus  est  ab  eis  quantum  jactus  est  lapidis  :  et  positis- 
genibus  orabat, 

Dicens  :  Pater,  si  vis,  transfer  calicem  istum  a  me  :  verumta- 
men non  mea  voluntas,  sed  tua  fiât. 

Apparuit  autem  illi  angélus  de  cœlo,  confortans  eum.  Et  factus 
in  agonia,  prolixius  orabat. 

Et  factus  est  sudor  cjus,  sicut  guttaî  sanguinis  decurrentis  in 
terrain.  (Luc.  XXII.) 


LA  PÉNITENCE  CHRÉTIENNE  63 

fiance  envers  Dieu,  la  mise  en  accusation  de  sa  providence, 
l'abandon  de  la  piété,  l'ébranlement  de  la  foi.  —  Qu'elles  se 
reconnaissent  dans  la  femme  de  Job,  ou  la  femme  de  Tobie, 
ces  âmes  que  la  douleur  irrite  et  ferait  aisément  blasphé- 
mer. 

3°  Ils  souffrent,  mais  avec  ostentation  et  orgueil.  —  S'il  s'a- 
git des  douleurs  que  la  Providence  nous  envoie  et  que  nous 
subissons  malgré  nous,  tenons-nous  dans  une  humble  et  mo- 
deste attitude;  parlons  peu  de  nos  douleurs  et  gardons-nous 
de  la  secrète  avidité  d'y  être  admirés  et  d'en  être  plaints. 

S'il  s'agit  de  pénitences  et  d'œuvres  expiatrices  que  nous 
nous  imposons  volontairement,  gardons-nous  d'en  perdre  le 
mérite  en  succombant  aux  sollicitations  de  la  vaine  gloire. 
«  Quand  vous  jeûnez,  dit  le  Fils  de  l'homme,  gardez-vous 
d'apparaître  sous  les  traits  de  l'abattement,  semblables  à  ces 
hypocrites  qui  font  tout  pour  être  nus  de  la  foule.  »  —  Nuls 
ne  furent  habiles  comme  les  hérétiques  à  jouer,  pour  trom- 
per le  peuple,  l'austérité  et  la  pénitence.  —  On  se  rappelle 
ces  Pharisiens  de  l'Evangile  qui  jeûnant  et  se  macérant  : 
«  dévoraient  la  substance  de  la  veuve  et  de  l'orphelin.  »  — 
Défions-nous  toujours  d'une  ostentation  de  pénitence. 

Ceux  qui  la  font  saintement  et  fructueusement.  —  Ceux- 
là  trouveront  leur  salut  et  une  incomparable  gloire  éter- 
nelle, qui  sortiront  de  ce  monde  sous  les  stigmates  d'une 
vraie  pénitence. 

1°  Ceux  qui  la  font  saintement.  —  Quel  admirable  type  de 
vrai  pénitent  que  ce  roi  David! 

Comme  sa  douleur  est  intime!  Aux  souffrances  qui  l'as- 
saillent au  dehors  se  joignent  les  angoisses  de  son  âme;  le 
souvenir  de  son  péché  le  torture  ;  la  vue  de  la  divine  Justice 
l'épouvante;  il  ne  sait  plus  goûter  ni  repos,  ni  plaisir,  au  sein 
des  délices  d'une  cour. 

Comme  sa  douleur  est  extérieure  !  Ses  larmes  coulent,  sa 
chair  est  desséchée,  le  brisement  de  ses  membres  le  retient 
sur  une  couche  douloureuse;  tout  à  l'heure  les  tribulations 
de  toutes  sortes  fondront  sur  lui,  sans  déconcerter  sa  péni- 
tence, ni  ébranler  sa  soumission. 

Comme  sa  douleur  est  priante!  La  supplication  est  pour 
lui  de  la  nuit  et  du  jour,  son  âme  est  sans  cesse  aux  pieds 
de  Dieu  et  sans  cesse  elle  exhale  tous  les  sentiments  de  la 
vraie  pénitence. 

2°  Ceux  qui  la  font  fructueusement.  —  Les  «  dignes  fruits  de 


64  LA   PÉNITENCE   CHRÉTIENN.E 

pénitence  »  enrichiront  notre  vie  chrétienne  si  nous  prenons 
garde  aux  trois  points  suivants. 

Soumettons-nous  d'abord  de  bon  cœur  aux  pénitences  que 
nous  impose  l'Eglise.  Elles  sont  légères  et  très  disproportion- 
nées avec  nos  fautes.  Trouvons  dans  leur  légèreté  même  un 
motif  plus  pressant  de  ne  nous  y  point  soustraire. 

Acceptons  en  esprit  de  pénitence  les  peines  ordinaires  de 
la  vie.  — Ces  peines  jaillissent  de  nos  devoirs...  Elles  s'accu- 
mulent à  notre  foyer  domestique,  elles  interceptent  chacun 
de  nos  pas... 

Grandissons  l'héroïsme  de  la  pénitence,  au  jour  marqué  par 
Dieu  où  quelque  grande  douleur  nous  vient  assaillir. 


LES  LARMES 


«  Vox  in  Rama  audita  est  ploratus  et  ululatus  »...  Sous  la 
figure  de  cette  Rachel  en  larmes  c'est  l'humanité  tout 
entière  que  nous  pouvons  entendre.  Dans  «  la  vallée  des  lar- 
mes, »  jamais  les  larmes  ne  cesseront  de  couler  et  elles  mon- 
teront au  cœur  et  aux  yeux  de  mille  sources  différentes. 

Il  y  a  un  mystère  des  larmes.  Mystère  profond  que  le  pa- 
ganisme entrevoyait  sans  le  comprendre,  quand  il  disait  par 
la  bouche  du  poète  :  «  Au  fond  de  chaque  chose  il  y  a  des  lar- 
mes. » 

Ce  mystère,  le  christianisme  seul  nous  l'a  révélé.  Il  y  a  les 
larmes  bienheureuses  dont  Jésus-Christ  disait:  «  Bienheu- 
reux ceux  qui  pleurent.  » 

Il  y  a  les  larmes  stériles  et  maudites  dont  il  est  écrit  :  «  Vœ 
vobis...  quia  plorabitis.  » 

C'est  donc  un  beau  et  pratique  sujet  de  méditation  que  l'é- 
tude de  nos  larmes.  —  Voyons  ce  que  sont  les  larmes  des 
enfants  de  Dieu.  —  Etudions  ensuite  le  triste  mystère  des 
larmes  que  répandent  les  gens  du  monde. 


LES  LARMES  DES  ENFANTS  DE  DIEU 


Les  enfants  de  Dieu,  sous  l'empire  de  diverses  causes 
versent  des  larmes,  qui  toutes,  à  des  titres  et  des  degrés  diffé- 
rents, sont  bénies  de  Dieu.  Il  y  a  les  larmes  d'une  mysté- 
rieuse tristesse.  Il  y  a  les  larmes  de  l'infortune  et  de  la  dou- 
leur. Il  y  a  les  larmes  de  la  sainteté. 

T.  IV  5 


66  LES   LARMES 

Les  larmes  d'une  mystérieuse  tristesss.  —  Ces  larmes 
sont  inévitables,  ces  larmes  sont  à  redouter,  ces  larmes  peu- 
vent devenir  précieuses. 

1°  Ces  larmes  sont  inévitables.  —  Elles  tiennent  à  la  fois  à 
des  causes  qu'il  nous  sera  à  jamais  impossible  de  modifier. 
Elle  ;  sont  un  souvenir  de  la  Patrie  perdue.  Elles  sont  un  té- 
moignage d'une  antique  ruine.  Elles  sortent  de  tout  notre  être 
meurtri,  et  les  amertumes  de  la  vie  présente  ne  sont  que  trop 
puissantes  à  les  alimenter. 

Tant  que  nous  habiterons  la  terre,  la  terre  sera  pour  nous 
«  une  vallée  de  larmes  »  (1). 

Là  j  imais  entière  allégresse; 
L'âme  y  souffre  de  ses  plaisirs; 
Les  jours  de  joie  ont  leur  tristesse 
Et  les  voluptés  leurs  soupirs. 

2"  Ces  larmes  sont  à  redouter.  —  Rien  ne  briserait  les  res- 
sorts de  notre  énergie  autant  que  ces  tristesses  vagues,  ces 
mélancolies  profondes,  ces  désenchantements  douloureux, 
auxquels  nous  nous  abandonnerions.  —  De  pareilles  larmes 
agissent  sur  l'imagination  pour  la  remplir  de  fantômes  et  de 
visions  décourageantes.  —  Ces  larmes  agissent  sur  la  vo- 
lonté pour  l'amollir,  la  rendre  incertaine  et  inconsistante.  — 
Ces  larmes  voilent  le  regard  de  l'intelligence,  qui  n'aperçoit 
plus  aucun  objet  dans  ses  proportions  exactes  et  sa  réalité 
vivante.  —  Ces  larmes  brisent  notre  activité  et  nous  amè- 
nent à  une  paresse  invincible  et  une  coupable  inaction.  — 
Qui  nous  dira  les  malaises  ou  plutôt  les  désastres  que  peu- 
ventcauser,au  foverdomestique,  ceslristesses  intempérantes, 
ces  humeurs  sombres,  ces  mélancolies  qui  rendent  insuppor- 
table à  soi-même  et  aux  autres? 

3°  Ces  larmes  peuvent  devenir  précieuses.  —  Comme  toutes 
les  choses  naturelles  les  larmes  sont  un  poison  qui  tue,  ou 
un  remède  qui  vivifie.  Quand  la  foi  s'en  empare,  elle  les 
change  en  diamants  précieux.  —  Ce  sont  alors  les  larmes 
d'un  chrétien  désenchantement.  Sous  leur  influence  l'âme 
se  détache  des  frivolités  du  monde  et  aspire  aux  biens  solides 


(f)  Dixi  ego  in  corde  meo  :  Vadam,   et  afflua  m  deliciis,  et  fruar 
bonis;  et  vidi  quod  hoc  quoque  esset  vanitas. 
Risum  reputavi  errorem.  (Eccle.  I.) 


LES  LARMES  67 

de  la  Patrie.  —Ce  sont  les  larmes  de  la  solitude.  L'âme  qui 
les  verse  pleure  la  famille  céleste  à  laquelle  il  ne  lui  est  pas 
donné  encore  de  se  réunir  (1).  —  Ce  sont  les  larmes  des  as- 
pirations saintes  qui  appellent  Dieu. 

Les  larmes  de  l'infortune  et  de  la  douleur.  —  Si  les  lar- 
mes qui  précèdent  sont  mystérieuses  dans  leurs  causes,  cel- 
les-ci coulent  sous  l'influence  de  douleurs  trop  précises  et  trop 
connues. 

Que  de  sources  diverses  ouvrent  à  nos  larmes  les  infortu- 
nes,les  ruines,  lesdeuils,  les  persécutions,  les  mécomptes,  les 
tortures  de  l'âme  et  du  corps,  dont  la  vie  présente  est  remplie! 
Ne  pouvons-nous  pas  dire  que  l'heure  des  larmes  est  la  plus 
fréquente  comme  la  plus  douloureuse? 

Mais  cette  heure  des  larmes  deviendra  pour  le  chrétien 
l'heure  de  la  moisson  la  plus  riche:  «  lbant  et  flebant  mit- 
tentessemina  sua;  venientesautem  venient  cumexultatione, 
portantes  manipulos  suos.  »  —  Tous  les  Saints  ont  trouvé 
dans  les  larmes,  ou  bien  l'eau  salutaire  qui  lavait  leurs  fau- 
tes, ou  bien  la  rosée  féconde  qui  mûrissait  leurs  vertus  — 
Qui  pleura  de  plus  abondantes  larmes  que  David  le  saint  pé- 
nitent (2)?  —  Quelles  larmes  plus  divines  et  plus  puissantes 
que  celles  dont  fut  baigné  Jésus-Christ  (3)? 

Et  si  nous  voulons  rendre  compte  du  victorieux  effet  des 
larmes  de  la  douleur,  disons  qu'elles  produisent  sur  Dieu  deux 
grands  effets.  —  D'abord  elles  apaisent  sa  justice.  L'âme  qui 
souffre  devient  à  ses  yeux  comme  innocente;  il  avoue  à  son 


(1)  Surrexi  ut  aperirem  dilecto  meo;  manus  mese  stillaverunt 
myrrham,  et  digiti  mei  pleni  myrrha  probatissima. 

Pessulum  ostii  mei  aperui  dilecto  meo;  at  ille  declinaverat,  at- 
que  transierat.  Anima  mea  liquefacta  est,  ut  locutus  est;  quaesivi, 
et  non  inveni  illum  ;  vocavi,  et  non  respondit  mihi. 

Invenerunt  me  custodes  qui  circumeunt  civitatem;  percusserunt 
me,  et  vulneraverunt  me.  Tulerunt  pallium  meum  mihi  custodes 
murorum. 

Adjuro  vos,  filise  Jérusalem,  si  inveneritis  dilectum  meum,  ut 
nuntietis  ei  quia  amore  langueo. 

Qualis  est  dilectus  tuus  ex  dilecto,  o  pulcherrima  mulierum  ? 
Qualis  est  dilectus  tuus  ex  dilecto,  quia  sic  adjurasti  nos  ? 

Dilectus  meus  candidus  et  rubicundus;  electus  ex  millibus. 

(Cantiq.  II.) 

(2)  Lavabo  per  singulas  noctes  lectum  meum;  lacrymis  stratum 
meum  rigabo.  (Psal.  V.) 

(3)  Videns  civitatem  flevit  super  illam.  (Luc.  XIX.) 


68  LES   LARMES 

Prophète  que  les  larmes  où  il  trouve  baigné  Achab,  le  roi 
impie,  désarme  sa  justice  (1).  —  Ces  larmes  ravissent  le  cœur 
de  Dieu  par  leurs  mystérieux  attraits.  N'est-ce  pas  quand  il 
vit  son  Fils  baigné  de  larmes,  plongé  dans  les  tristesses  de 
sa  vie  mortelle  que  Dieu  s'écria:  «  Voici  mon  Fils  bien-aimé 
dans  lequel  j'ai  mis  toutes  mes  complaisances?  »  Autant  Dieu 
nous  prend  en  pitié  et  en  dégoût,  quand  il  nous  voit  nous  li- 
vrer aux  folles  joies  du  monde,  aux  rires  bruyants  et  désor- 
donnés: «  Vœ  vobis  qui  ridetis!  »  autant  notre  âme  a  pour 
lui  de  charmes  quand  elle  lui  apparaît  sous  la  parure  de  la 
douleur. 

Les  nobles  larmes  de  la  sainteté.  —  Si   les  larmes   de  la 
douleur  ont  déjà  cette  beauté  et  cette  puissance  que  dirons- 


(1)  Factus  est  igitur  sermo  Domini  ad  Eliam  Thesbiten,  dicens: 

Surge,  et  descende  in  occursum  Achab,  régis  Israël,  qui  est  in 
Samaria;  ecce  ad  vineatn  Xaboth  descendit  ut  possideat  eam; 

Et  loqueris  ad  eum,  dicens:  Hœc  dicit  Dominus:  Occidisti,  in- 
super et  possedisti.  Et  post  hcec  addes  :  Hsec  dicit  Dominus  :  In  loco 
hoc  in  quo  linxerunt  canes  sanguinein  Naboth,  lambent  quoque 
sanguineni  tuum. 

Et  ait  Achab  ad  Eliam:  Num  invenisti  me  inimicum  tibi?  Qui 
dixit:  Inveni  eo  quod  venumdatus  sis  ut  faceres  malum  in  cons- 
pectu  Domini. 

Ecce  ego  inducam  super  te  malum,  et  demetam  posteriora  tua, 
et  interficiam  de  Achab  mingentem  ad  parietem,  et  clausum  et  ul- 
timum  in  Israël. 

Et  dabo  domura  tuam  sicut  domum  Jéroboam,  filii  Xabat,  et  si- 
cut  domum  Baasa,  filii  Ahia,  quia  egistiut  me  adiracundiam  pro- 
vocares,  et  peccare  fecisti  Israël. 

Sed  et  de  Jezabel  locutus  est  Dominus,  dicens:  Canes  comedent 
Jezabel  in  agro  Jezrahel. 

Si  mortuus  fuerit  Achab  in  civitate,  comedent  eum  canes;  si 
autem  mortuus  fuerit  in  agro,  comedent  eum  volucres  coeli. 

Igitur  non  fuit  alter  talis  sicut  Achab,  qui  venumdatus  est  ut 
faceret  malum  in  conspectu  Domini;  concitavit  enim  eum  Jezabel 
uxor  sua. 

Et  abominabilis  factus  est,  in  tantum  ut  sequeretur  idola  quœ 
fédérant  Amorrhœi,  quos  consumpsit  Dominus  a  facie  filiorum 
lsrad. 

Itaque  eum  audisset  Achab  sermones  istos,  scidit  vestimenta  sua, 
et  operuit  cilicio  carnem  suara,  jejunavitque  et  dormivit  in  sacco, 
et  ambulavit  demisso  capite. 

Et  factus  est  sermo  Domini  ad  Eliam  Thesbiten,  dicens: 

Nonne  vidisti  humiliatum  Achab  coram  me?  Quia  igitur  humi- 
liatus  est  mei  causa,  non  inducam  malum  in  diebus  ejus,  sed  in 
diebus  fdii  sui  inferam  malum  domui  ejus.         (III  Reg.  XXI.) 


LES  LARMES  69 

nous  des  larmes  que  forment  dans  les  profondeurs  de  l'âme 
les  pensées  et  les  sentiments  de  la  sainteté?  Nul  ne  pleure  et 
ne  sait  pleurer  comme  le  saint.  Qui  a  pleuré  comme  Jésus- 
Christ? 

Si  l'Evangile  ne  nous  le  montre  baigné  de  larmes  que  dans 
trois  ou  quatre  circonstances,  Saint  Paul  nous  apprend  que, 
sans  cesse,  sans  fin,  elles  accompagnaient  ses  méditations  et 
ses  prières,  mouillaient  le  sable  du  rivage  ou  le  rocher  de  la 
montagne  quand  il  y  priait  solitaire.  «  Cum  lacrymis  et  cla- 
more  valido  exauditusest.  »  — Saint  Paul  versait  sur  lui-même 
et  sur  les  autres  d'intarissables  larmes:  «  Ex  multa  tribula- 
tione  et  angustia  cordis  scripsi  vobis,  per  multas  lacrymas.  » 
—  A  leur  exemple  tous  les  Saints  ont  trouvé  dans  les  larmes 
l'expression  des  sentiments  qui  oppressaient  leur  âme. 

1°  Ce  sont  les  larmes  des  saints  regrets.  —  Quand  l'âme  sainte 
repasse  ses  jours  anciens,  où  elle  rencontre  les  traces  vives 
du  péché;  quand  elle  songe  à  un  Dieu  outragé,  à  un  Christ 
trahi,  «  foulé  aux  pieds  et  crucifié  de  nouveau;  »  quand  elle 
rapproche  du  baiser  de  Judas  la  mansuétude,  les  bienfaits  et 
l'amour  d'un  si  bon  maître,  elle  pleure  et  elle  cherche  dans 
ses  larmes  à  décharger  la  plus  légitime  et  la  plus  sainte  des 
douleurs  (1).  —  Elle  pleure  sur  elle-même  comme  sur  une 


(1)  Quomodo  sedet  sola  civitas  plena  populo!  facta  est  quasi  vi- 
dua  domina  gentium;  princeps  provinciarum  facta  est  sub  tributo. 

Plorans  ploravit  in  nocte,  etlacrymee  ejus  in  maxillis  ejus;  non 
est  qui  consoletur  eam,  ex  omnibus  charis  ejus;  omnes  amici  ejus 
spreverunt  eam,  et  facti  sunt  ei  inimici. 

Migravit  Judas  propter  aftlictionem,et  multitudinem  servitutis; 
habitavit  inter  gentes,  nec  invenit  requiem;  omnes  persecutores 
ejus  apprehenderunt  eam  inter  angustias. 

Vise  Sionlugent,  eoquod  non  sintqui  veniant  ad  solemnitatem; 
omnes  portse  ejus  destructee,  sacerdotes  ejus  gementes;  virgines 
ejus  squalidse,  et  ipsa  oppressa  amaritudine. 

Defixse  sunt  in  terra  portœ  ejus,  perdidit  et  contrivit  vectes  ejus; 
regem  ejus  et  principes  ejus  in  gentibus;  non  est  lex,  et  propheta?. 
ejus  non  invenerunt  visionem  a  Domino. 

Sederuntin  terra,  conticuerunt  senes  filise  Sion;  consperserunt 
cinere  capita  sua,  accincti  sunt  ciliciis;  abjecerunt  in  terram  ca- 
pita  sua  virgines  Jérusalem. 

Defecerunt  prse  lacrymis  oculi  mei,conturbata  sunt  visceramea; 
effusum  est  in  terra  jecur  ineum  super  contritione  filiae  populi  mei, 
cum  deficeret  parvulus  etlactensin  plateis  oppidi. 

Glamavit  cor  eorum  ad  Dominum  super  muros  filise  Sion:  Deduc 
quasi  torrentem  lacrymas  per  diem  et  noctem;  non  des  requiem 
tibi,  neque  taceat  pupilla  oculi  tui, 


70  LES  LARMES 

Jérusalem  déicide....  Elle  pleure  comme  sur  un  Lazare  au 
tombeau....  Elle  pleure  ces  larmes  dont  le  Prophète  avait  dit: 
«  On  pleurera  comme  sur  la  mort  d'un  premier  né  (1).  » 

2°  Ce  sont  les  larmes  du  saint  zèle.  —  Larmes  bénies,  lar- 
mes fécondes,  larmes  nécessaires,  qui  inonderont  une  Moni- 
que devant  les  excès  d'un  Augustin....  Qui  couleront  intaris- 
sables des  yeux  de  ce  père  qui  attend  le  retour  de  son  Pro- 
digue. —  Elle  doit  pleurer  aussi,  pleurer  sans  cesse,  cette 
épouse  dont  le  mari,  ni  n'aime,  ni  ne  connaît,  ni  ne  sert  Dieu. 
—  Et  celle-là  est  maudite  qui  au,  lieu  de  pleurer,  se  livre 
aux  folles  joies  du  monde. 

Le  prêtre  lui  aussi,  lui  surtout,  devra  connaître  la  vivifiante 
amertume  des  larmes  (2).  «  Plorabunt  sacerdotes.  »  Celui-là 
est-il  «  le  bon  pasteur  »  qui  voit  d'un  œil  sec,  d'un  cœur  tran- 
quille ses  brebis  qu'envahissent  et  dévorent  les  loups?  Ah! 
tel  n'était  pas  ce  Paul  qui  s'écriait  transporté  d'indignation 
et  de  douleur.  «  Quis  infirmatur  et  ego  non  infirmor,  quis 
scandalizatur  et  ego  non  uror...  veritatem  dico  in  Christo, 


Gonsurge,  lauda  in  nocte  in  principio  vigiliarum;  effunde  sicut 
aquam  cor  tuurn  ante  conspectum  Domini;  leva  ad  eum  manns 
tuas  pro  anima  parvulorum  tuorum,  qui  defecerunt  in  famé  in 
capite  omnium  compitorum. 

Vide,  Domine,  quoniam  tribulor;  conturbatus  est  venter  meus, 
subversum  est  cor  meum  in  memetipsa,  quoniam  amaritudine 
plena  sum.  Foris  interlicit  gladius,  et  domi  mors  similis  est. 

Audierunt  quia  ingemisco  ego,  et  non  est  qui  consoletur  me; 
omnes  inimici  mei  audierunt  malum  meum,  lœtati  sunt  quoniam 
tu  fecisti;  adduxisti  diem  consolationis,  et  fient  similes  mei. 

Ingrediatur  omne  malum  eorum  coram  te;  et  vindemia  eos,  sicut 
vindemiasti  me  propter  omnes  îniquitates  meas;  multi  enim  ge- 
mitus  mei,  et  cor  meum  mœrens.  (Tren.) 

(1)  Et  effundam  super  domum  David  et  super  habitatores  Jéru- 
salem spiritum  gratiœ  ef  precum;  et  aspicient  admequem  confixe- 
runt;  et  plangent  eum  planctu  quasi  super  unigenitum,  et  dole- 
bunt  super  eum,  ut  doleri  solet  in  morte  primogeniti. 

In  die  illa  magnus  erit  planctus  in  Jérusalem,  sicut  planctus 
Adadremmon  in  campo  Mageddon. 

Et  planget  terra;  familiae  et  familiœ  seorsum;  familiœ  domus 
David  seorsum.  et  mulieres  eorum  seorsum; 

Familiœ  domus  Nathan  seorsum,  et  mulieres  eorum  seorsum  ; 
familiœ  domus  Levi  seorsum,  et  mulieres  eorum  seorsum;  familiœ 
Semei  seorsum,  et  mulieres  eorum  seorsum  ; 

Omnes  familiœ  reliquœ,  familiœ  et  familiœ  seorsum,  et  mulieres 
eorum  seorsum.  (Zacli.  XII.) 

(2)  Inter  vestibulum  et  altare  plorabunt  sacerdotes. 

(Joël.  II.) 


LES   LARMES  71 

non  mentior,  testimonium  mihi  perhibente  conscientia  mea 
in  Spiritu  sancto,  quoniam  tristitia  mihi  magna  est  et  con- 
tinuus  dolor  cordi  meo.  » 

3°  Ce  sont  les  larmes  du  saint  amour.  —  Que  dire  de  ces 
larmes?  comment  les  entendre?  comment  en  percer  le  déli- 
cieux mystère?  —  D'où  jaillissent-elles?  De  la  grâce,  d'une 
opération  divine,  d'une  action  secrète  de  l'Esprit  de  Dieu.  — 
Où  couleront-elles?  Du  sein  d'une  méditation  fervente... 
Parfois  elles  mouilleront  délicieusement  la  Table  sainte.... 
Souvent  encore  elles  monteront  inopinément  à  notre  cœur, 
sans  cause  connue  que  de  Dieu  qui  la  fait  naître. 


II 
LES  LARMES  DES  GENS  DU  MONDE 


Il  en  est  de  honteuses,  il  en  est  d'inexplicables,  il  en  est 
de  mortelles. 

Les  honteuses  larmes  des  passions.  —  Quand  l'une  quel- 
conque de  nos  passions  s'est  satisfaite,  un  abîme  s'est  creusé 
en  nous,  une  source  de  douleurs  vives  a  jailli;  là  où  nous 
cherchions  le  rassasiement,  la  faim  se  montre,  là  où  nous 
poursuivions  une  volupté,  les  larmes  font  irruption  (1). 

1°  Il  y  a  les  larmes  de  C  orgueil.  — Nous  prétendions  domi- 
ner ;  il  nous  fallait  à  tout  prix  l'encens  de  la  louange,  la  ser- 
vilité de  l'adulation;  tout  devait  s'incliner  devant  nous  et 
nous  adorer:    «  Si  cadens    adoraveris.  » —  Or.   au  lieu  de 

(i)  Et  postquam  omnia  consummasset,  facta  est  famés  valida 
in  regione  illa,  et  ipse  cœpit  egere. 

Et  abiit,  et  adhaesit  uni  civium  regionis  illius.  Et  misit  illum  in 
villam  suara,  ut  pasceret  porcos. 

Et  cupiebat  implere  ventrem  suum  de  siliquis  quas  porci  rnan- 
ducabant;  et  nemo  illi  dabat, 

In  se  autem  reversus,  dixit  :  Quanti  mercenarii  in  domo  patris 
mei  abundant  panibus,  ego  autem  hic  famé  pereo! 

(Luc.  XV.) 


72  LES  LARMES 

l'hommage  rêvé,  du  règne  convoité  avidement,  nous  avons 
rencontré  l'indifférence  et  le  dédain.  La  médisance  nous  a 
dénudés,  la  calomnie  nous  a  couverts  d'opprobres,  nous  pleu- 
rons, sur  les  ruines  d'un  honneur  écroulé,  des  larmes  brû- 
lantes. 

2°  Il  y  a  les  larmes  de  la  colère.  —  Après  l'âpre  volupté  de 
la  vengeance  l'âme  retombe  sur  elle-même.  En  face  du  ca- 
davre d'Abel,  Caïn  se  prend  d'épouvante.  Rien  ne  fait  jaillir 
des  larmes  aussi  amères  que  la  vue  des  ruines  accumulées 
par  la  colère. 

3°  Il  y  a  les  larmes  de  la  volupté.  —  Qui  croirait  qu'un  objet 
aussi  séduisant  que  le  plaisir,  une  ivresse  aussi  délicieuse 
que  celle  de  la  volupté,  dût  se  résoudre  en  larmes  ?  Telle 
est  cependant  l'inévitable  issue  du  plaisir  des  sens.  Aux 
tressaillements  de  la  chair  correspondent  les  désenchante- 
ments de  l'âme,  les  vides  douloureux  du  cœur,  les  dégoûts 
insurmontables,  parfois  même  d'invincibles  désespoirs.  Il 
avait  goûté  tous  les  plaisirs  et  il  en  avait  épuisé  le  calice 
jusqu'à  la  lie,  celui  qui  s'écriait,  baigné  de  larmes  :  «  J'ai 
dit  au  rire:  Tu  es  un  imposteur;  et  à  la  volupté:  Pourquoi 
m'as-tu  trompé  ?»  Il  n'avait  rien  refusé  à  ses  sens  ce  Roi 
d'Israël  qui  finissait  dans  les  larmes  la  fête  de  ses  plaisirs  : 
«  Vanitas  vanitatum  et  omnia  vanitas  »  (1). 

4°  Il  y  a  les  larmes  de  l'ambition.  —  Le  cœur  les  verse  tout 
le  temps  qu'il  désire  les  dignités,  les  charges,  les  honneurs, 
avec  une  ardeur  fiévreuse.  —  Il  les  verse  plus  abondantes, 
quand,  pour  parvenir  au  sommet  de  la  grandeur,  il  doit 
ramper  servilement,  dévorer  mille  affronts,  subir  des  dé- 
convenues poignantes,  être  accablé  sous  le  ridicule  et  le  mé- 
pris. —  Il  les  verse  encore,  quand,  l'honneur  acquis,  la  di- 


(i)  Lustravi  universa  animo  meo,  ut  scirem,  et  considerarem,  et 
quœrerem  sapientiam,  et  rationem,  et  ut  cognoscerem  impietatem 
stulti,  et  errorem  imprudentium; 

Et  inveni  amariorem  morte  mulierem,  quse  laqueus  venatorum 
est,  et  sagena  cor  ejus,  vincula  sunl  matins  illius.  Qui  placet  Deo 
effugiet  ilîam;  qui  autem  peccator  est  capietur  ab  illa. 

Ecce  hoc  inveni,  dixit  Ecclesiastes,  unum  et  alterum  nt  inveni- 
rem  rationem, 

Quam  adhuc  qua'rit  anima  mea,  et  non  inveni.  Vimm  de  mille 
unum  reperij  mulierem  ex  omnibus  non  Luveni. 

Solummoilo  hoc  inveni,  quod  fecerit  Deus  hominem  rectum,  et 
ipse  se  intinitis  misenerit  quœstionibus.  Quis  talis  ut  sapiens  est? 
et  qui-  cognovit  solutionem  verbi?  (Eccle.  VII.) 


LES  LARMES  73 

gnité  reçue,  il  en  voit  le  vide  et  il  en  comprend  la  fragilité. 
5°  Il  y  a  les  larmes  de  l'avarice.  —  Ne  sont-elles  pas  les 
plus  honteuses  ?  Ce  misérable  qui  a  vu  d'un  œil  sec  les  na- 
vrantes détresses  de  ses  frères  pleurera  lâchement  des  larmes 
ridicules,  quand  il  verra  quelque  catastrophe  entamer  son 
trésor,  ou  la  mort  le  lui  ravir  tout  entier. 

Les  étranges  larmes  des  heureux  du  monde.  —  Pour- 
quoi pleurent-ils  ces  privilégiés  de  la  fortune,  ces  folâtres 
amateurs  du  plaisir?  Tout  leur  a  souri;  leur  vie  est  un 
tissu  de  jouissances;  il  semble  que  le  monde  entier  se  soit 
mis  à  leur  service  pour  accumuler  les  charmes  et  les  biens 
de  l'existence. 

Or,  au  fond  de  leur  cœur,  il  y  a  des  larmes.  Sans  qu'ils 
la  puissent  expliquer,  la  tristesse  les  poursuit,  et  le  monde, 
qui  s'efforce  de  leur  sourire,  n'obtient  d'eux  qu'un  mépris 
douloureux.  —  Qu'ils  le  sachent  :  ces  larmes  inexplicables 
pour  eux  ont  Dieu  pour  auteur.  Elles  sont  un  châtiment  s'ils 
s'obstinent  à  méconnaître  leur  destinée  véritable  et  à  courir, 
le  dos  tourné  au  ciel,  après  les  illusions  du  plaisir.  Elles  se- 
ront une  miséricorde,  si  elles  commencent  un  désenchante- 
ment salutaire  et  une  féconde  pénitence. 

Les  larmes  maudites  des  désespérés.  —  Ces  larmes  ont 
je  ne  sais  quoi  de  sombre  et  de  satanique.  C'est  pour  ainsi 
parler  le  prolongement  des  larmes  qui  coulent  en  enfer. 

1°  Voici  les  désespérés  de  l'infortune.  —  Les  douleurs  com- 
munes les  ont  atteints  ;  les  tempêtes  qui  brisent  toute  for- 
tune ont  brisé  la  leur;  ils  souffrent  comme  souffre  tout 
homme  qui  traverse  la  «  vallée  des  larmes  ».  —  Mais  tan- 
dis que  l'âme  chrétienne  souffre  en  Dieu  et  trouve  dans  l'as- 
piration aux  biens  célestes  ce  qui  la  console  de  la  perte  des 
biens  d'ici-bas,  eux,  n'ayant  plus  d'espérance  verseront  des 
larmes  que  nulle  consolation  ne  pourra  tarir. 

2°  Voici  les  désespérés  de  ^incroyance.  —  Si  la  foule  gros- 
sière se  rend  à  l'expiation  éternelle  comme  la  bête  se  rend 
à  l'abattoir,  dans  l'insouciance  et  la  sécurité,  il  est  des  âmes 
d'élite.  Celles-là,  après  s'être  égarées  dans  la  solitude  morne 
et  désolée  de  l'incrovance,  ne  voyant  plus  autour  d'elles  au- 
cun horizon  éclairé,  s'épouvantent  de  ieur  abandon,  s'attris- 
tent affreusement  de  la  perte  de  tout  idéal  supérieur.  —  Des 
recueils  ont  été  faits,  pour  redire,  à  notre  époque,  les  plaintes 
déchirantes  de  ces  désesnérés. 


74  LES  LARME; 


3°  Voici  les  désespérés  de  la  grâce.  —  Ces  larmes  sont  les 
plus  infernales  de  toutes  et  elles  inaugurent  «  le  pleur  et 
le  grincement  de  dents  »  qui  font  l'épouvante  du  lieu  d'ex- 
piation. Quand  une  âme  a  tellement  abusé  de  la  grâce  qu'elle 
arrive  à  n'y  plus  croire,  ses  larmes  demeurent  sans  efficacité 
et  sans  vertu.  «  Esau  qui  propter  escam  vendidit  primitiva 
sua...  postea,  cupiens  hereditare  benedictiunem,  reprobatus 
est.  Non  enim  invenit  pœnitentiœ  locum,  quanquam  cum  la- 
crymis  inquisissut  cum.  » 


LA  PENSÉE  DE  L'ÉTERNITÉ 


Elle  est  mémorable  cette  parole  du  Psalmiste  :  «  Annos 
aeteraos  in  mente  habui.  »  Il  est  grand  et  solennel,  noble  et 
fécond,  le  moment  où  rame,  recevant  cette  illumination  d'En- 
haut,  se  dit  à  elle-même:  «  Non  moriar  sed  vivam.  »  Là  est 
toute  noblesse.  Ma  vie  future,  mon  immortalité  me  font  plus 
grand  que  tout  ce  qui  m'entoure,  plus  grand  que  les  cieux 
«  qui  passeront.  »  Là  est  ma  sécurité  délicieuse.  Je  vois  sans 
crainte  tomber,  lambeau  par  lambeau,  mon  être  terrestre  (1): 
que  m'importe  si  je  suis  immortel?  Là  est  pour  moi  toute  ac- 
tivité, toute  fécondité,  toute  vie.  Cette  immortalité  est  ma 
conquête  et  c'est  avec  une  infatigable  ardeur  que  je  travaille 
à  me  l'assurer. 

Oht  combien  salutaire,  combien  nécessaire  aussi  la  pensée 
de  l'éternité. 

Elle  est  une  lumière; 

Elle  est  une  force; 

Elle  est  une  joie. 


(i)  Ergo  mors  in  nobis  operatur,  vita  autem  in  volpis. 

Habentes  autem  eumdem  spiritum  fidei,sicut  scriptum  est  :  Cre- 
dicli,  propter  quod  locutus  sum  :  et  nos  credimus.  propter  quod  et 
loquimur; 

Propter  quod  non  deficimus  :  sed  licet  his  qui  foris  est  noster 
homo  corrumpatur,  tamen  is  qui  intus  est  renovatur  de  die  in 
diem. 

Id  enim  quod  in  prassentiest  rnomentaneum  et  ieve  tribulationis 
nostrae,  supra  modum  in  sublimitate  œternum  gloriœ  pondus  ope- 
ratur in  nobis. 

Non  contemplantibus  nobis  quse  videntur,  sed  quse  non  videntur. 
Quse  enim  videntur,  temporalia  sunt  ;  quœ  autem  non  videntur, 
aelerna  suut.  (II  Corin'h.  IV.) 


76  LA  PENSÉE   DE  L'ÉTERNITÉ 


ELLE  EST  UNE  LUMIERE 


Cette  lumière,  après  nous  avoir  illuminés  nous-mêmes,  se 
projette  sur  le  monde,  puis  éclaire  les  pages  mystérieuses 
de  l'Evangile. 

Lumière  projetée  sur  nous-mêmes.  —  Sans  le  dogme  d'une 
vie  future,  d'une  immortalité  d'outre-tombe,  notre  être  en- 
tier nous  resterait  une  insoluble  énigme.  Les  œuvres  de  nos 
mains,  les  aspirations  de  nos  âmes,  les  transcendantes  gran- 
deurs de  notre  nature,  demeureraient  sans  but  et  sans  ex- 
plication. 

1°  Nos  œuvres.  —  Nous  sommes  doués  d'activité,  souvent 
d'une  activité  dévorante.  Nous  nous  sentons  appelés  au  tra- 
vail; nos  labeurs  sont  fiévreux,  nos  œuvres  se  multiplient, 
soit  que  nous  luttioris  pour  la  conquête  du  pain  de  chaque 
jour,  soit  que  nous  élevions  l'édifice  de  quelque  splendide 
fortune. 

Mais  voici  le  phénomène  étrange.  Nos  œuvres  croulent,  nos 
édifices  tombent  en  ruine,  notre  vie  elle-même  se  ruine  avant 
eux(l);  tout  nous  échappe,  tout  nous  fuit,  et  bientôt  il  ne 
nous  reste  d'une  activité  longue  et  douloureuse  que  l'étroite 
enceinte  d'un  tombeau  (2)! 


(l)Glorietur  autem  frater  humilis  in  exaltatione  sua: 

Dives  autem  in humilitatesua:  quoniamsicutflos  foeni transitât: 

Exortus  est  enim  sol  cuni  ardore,  et  arefecit  fœnum,  et  flos  ejus 

decidit,  et  décor  vultus  ejus  deperiit:  ita  et  dives  itineribus  suis 

marceseet.  (Jacob.  I.) 

(2)  Generalio  mea  ablata  est,  et  convoluta  est  a  me,  quasi  taber- 

nacuhim  pastorum. 
Prsecisa  est  velut  a  texente  vita  mea:  dum  adhuc  ordirer, succi- 

dit  me  :  de  mane  usquead  vesperam  finies  me. 
Sperabam  usque  ad  mane:  quasi  leo  sic  contrivit  omnia  ossa 

mea. 


LA   PENSÉE  DE  L'ÉTERNITÉ  77 

«  Quid  est  homo  »?  Aux  yeux  d'une  raison  sans  révélation 
que  sommes-nous  que  d'indéchiffrables  énigmes,  nous  dont 
la  vie  et  les  œuvres  viennent  aboutir  au  sépulcre?  —  Mais  la 
lumière  divine  se  lève,  le  chaos  s'illumine:  «  annosœternos  in 
mente  habui.  »  —  Ce  n'était  pas  pour  la  terre  mais  pour  le 
ciel,  ni  non  plus  pour  l'heure  présente  mais  pour  une  éter- 
nité à  venir,  que  je  travaillais  (1) 

2°  Nos  aspirations.  —  Même  énigme  insoluble,  si  nous  plon- 
geons en  nous-mème  notre  regard.  Tout  meurt  en  nous, 
alors  que  nous  n'aspirons  qu'à  vivre.  —  Tout  est  humiliation 
et  défaite,  alors  qu'une  voix  secrète  nous  appelle  à  de  mysté- 
rieuses splendeurs.  —  Le  néant  nous  fait  horreur  et  le  tom- 
beau restera  toujours,  de  quelques  fleurs  qu'on  le  pare,  un 
objet  de  répulsion  et  d'épouvante  (2). 

Que  signifient  ces  aspirations  chez  un  être  destiné  au  néant  ? 
D'où  viennent  ces  instincts  de  vie  et  d'immortalité  chez  un 
enfant  de  la  mort?  —  Cette  énigme,  le  dogme  de  l'éternité 
la  dénoue  magnifiquement.  Le  Créateur  n'a  déposé  en  nous 
ces  aspirations  véhémentes  queparce  que  l'immortalité  future 
les  doit  rassasier  à  jamais  (3). 


De  mane  usque  ad  vesperam  finies  me  :  sicut  pullus  hirundinis 
sic  clarnabOj  meditabor  ut  columba. 

Attenuati  sunt  oculi  mei,  suspicientes  in  excelsum. 

Domine,  vim  patior,  responde  pro  me.  Quid  dicam,  aut  quid 
respondebit  mihi,  cum  ipse  fecerit  ? 

Recogitabo  tibi  ornnes  annos  meos  in  amaritudine  anima?  meae. 

Domine,  si  sic  vivitur,  et  in  talibus  vita  spiritus  mei,  çorripies 
me,  et  vivificabis  me.  Ecce  in  pace  amaritudo  mea  amarissima. 

(Isai.  XXXVIII.) 

(1)  Verumtamen  qualité  primum  regnum  Dei,  et  justitiamejus; 
et  haec  omnia  adjicientur  vobis. 

Nolite  timere,  pusillus  grex,  quia  complacuit  Patri  vestro  dare 
vobis  regnum. 

Vendite  quae  possidetis,  et  date  eleemosynam,  Facite  vobis  sac- 
culos  qui  non  veterascunt,  thesaurum  non  deficientem  in  ccelis  ; 
quo  fur  non  appropial,  neque  tinea  corrumpit.        (Luc.  XII.) 

(2)  Numquid  non  paucitas  dierum  meorum  finietur  brevi  ?  di- 
mitte  ergo  me  ut  plangam  paupulum  dolorem  meum, 

Antequam  vadam,  et  non  revertar,  ad  terrain  tenebrosam,  et 
opertam  mortis  caligine, 

Terram  miserioe  et  tenebrarum,ubi  umbra  mortis  et  nullus  ordo 
sed  sempiternus  horror  inhabitat.  (Job.  X.) 

(3)  Circumdederunt  me  sicut  apes,  et  exarserunt  sicut  ignis  in 
spinis:  et  in  nornine  Domini  quia  ultus  sum  in  eos. 

Impulsus  eversus  sum  ut  caderem,  et  Dominus  suscepit  me. 


78  LA   PENSÉE   DE  L'ÉTERNITÉ 

3°  Les  splendeurs  de  notre  nature.  —  Celles  de  l'intelligence, 
du  cœur,  de  la  volonté,  de  la  responsabilité  et  de  la  conscience 
t'ont  de  l'homme  le  roi  incontesté  de  l'univers.  Sa  pensée  est 
plus  haute  que  les  cieux.  Un  battement  de  son  cœur  est  plus 
noble  que  l'évolution  des  grands  astres.  Une  sentence  de  sa 
conscience,  décidant  du  bien  et  du  mal,  du  vrai  et  du  faux, 
est  un  phénomène  plus  sublime  que  tous  ceux  de  la  nature. 

Eh  quoi!  Et  c'est  cet  être,  le  plus  grand  de  tous,  qui  aurait 
le  plus  pitoyable  des  sorts?  Plus  inconsistant  que  le  flot  de 
l'océan,  plus  fragile  que  la  plante,  plus  éphémère  que  la  fleur? 
La  nature  refleurirait  sans  cesse,  quand  lui-même  ne  connaî- 
trait que  l'anéantissement?  —  Non!  A  ce  roi  de  la  création 
Dieu  a  donné  des  années  plus  longues,  une  plus  impérissable 
vie:  «  Non  moriar  sed  vivam.  » 

Lumière  projetée  |sur  le  monde.  —  A  qui  jette,  sans  la 
révélation  divine,  un  regard  sur  le  monde,  le  désordre,  l'in- 
justice, l'incohérence  seuls  apparaissent.  —  Une  étrange 
inégalité  des  biens  et  des  maux  le  frappe  (1)  —  Le  plus  sou- 
vent le  mal  audacieux  et  triomphant  écrase  la  vertu  désar- 
mée (2).  —  De  longues  existences  vouées  au  bien  s'en  vont, 


Fortitudo  mea,  et  laus  mea  Dominus  :  et  factus  est  mihi  in  sa- 
lutem. 

Vox  exultationis  et  salutis  in  tabernaculisjustorum. 

Dextera  Domini  fecit  virtutem  :  dextera  Domini  exaltavit  me  : 
dextera  Domini  fecit  virtutem. 

Non  moriar,  sed  vivam,  et  narrabo  opéra  Domini. 

Castigans  castigavit  me  Dominus,  et  morti  non  tradidit  me. 

Aperite  mihi  portas  justitiee  :  ingressus  in eas,confitebor  Domino 
hœc  porta  Domini,  justi  intrabunt  in  eam.        (Psal.  CXVII.) 

(1)  Mei  autem  pêne  moti  sunt  pedes,  pêne  effusi  suut  gressus  mei. 

Quia  zelavi  super  iniquos,  pacem  peccatorum  videns. 

Quia  non  est  respectus  morti  eorum,  et  firmamentum  in  plaga 
eorum. 

In  labore  hominum  non  sunt,  et  cum  hominibus  non  flagella- 
buntur. 

Iieo  tenuit  eos  superbia  operti  sunt  iniquitate  et  impietatesua. 

Prodiit  quasi  ex  adipe  iniquitas  eorum  :  transierunt  in  affectum 
(nrdis. 

Cogitaverunt  et  locuti  sunt  nequitiam  :  iniquitatem  in  excelso 
locutisunt. 

Posuerunt  in  cœlum  os  suum  :  et  lingua eorum  transivit  in  terra. 

Ideo  convertetur  populus  meus  hic  :  et  dies  pleni  invenientur 
in  eis.  (Psal.  LXXII.) 

(•2)  Exacerbavit  Dominum  peccator:  secundum  multitudinem 
ir;e  suoe  non  quœret. 


LA   PENSÉE   DE  L'ÉTERNITÉ  79 

ou  méconnues  ou  outragées;  la  gloire  et  la  fortune  semblent 
l'apanage  du  vice,  presque  toujours  heureux.  —  Il  en  est  qui 
outragent  Dieu  et  l'homme;  il  en  est  d'autres  dont  la  vie  en- 
tière est  un  hommage  à  Dieu  et  un  bienfait  à  leurs  sembla- 
bles. 

Quoi  !  une  même  tombe  sans  espérance  les  recueillera  tous 

indistinctement  (1)? Non;  une  éternité  s'ouvre  au  delà, 

où  chaque  chose  entre  dans  l'ordre  (2).  Le  moment  actuel 


Non  est  Deusin  conspectu  ejus  :  inquinatœ  sunt  vioe  illius  in 
omni  tempore. 

Auferuntur  judicia  tua  a  facie  ejus  :  omnium  inimicorum  suo- 
rum  dominabitur. 

Dixit  enim  in  corde  suo  :  Non  movebor  a  generatione  in  gene- 
rationem  sine  malo. 

Gujus  maledictioue  os  plénum  est,  et  amaritudine,  et  dolo  :  sub 
lingua  ejus  labor  et  dolor. 

Sedet  in  insidiis  cum  divitibus  in  occultis,  ut  interficiat  inno- 
centera. 

Oculi  ejus  in  pauperem  respiciunt  :  insidiatur  in  abscondito  quasi 
leo  in  spelunca  sua. 

Insidiatur  ut  rapiat  pauperem  :  rapere  pauperem,  dum  attra- 
hit  eum. 

In  laqueo  suo  humiliabit  eum  :  inclinabit  se,  et  cadet,  cum  do- 
minatus  fuerit  pauperum. 

Dixit  enim  in  corde  suo  :  Oblitus  est  Deus:  avertit  faciem  suam 
ne  videat  in  finem.  (Psal.  X.) 

(t)  Sive  enim  ego,  sive  illi  ;  sic  prœdicamus  et  sic  credidistis. 

Si  autem  Ghristus  prœdicatur  quod  resurrexit  a  mortuis,  quo- 
modo  quidam  dicunt  in  vobis  quoniam  resurrectio  mortuorum 
non  est  ? 

Si  autem  resurrectio  mortuorum  non  est,  neque  Ghristus  resur- 
rexit. 

Si  autem  Ghristus  non  resurrexit,  inanisest  ergo  prœdicatio  nos- 
tra,  inanis  est  et  fides  vestra  ; 

Invenimur  autem  et  falsi  testes  Dei  :  quoniam  testimonium  di- 
ximus  adversus  Deum  quod  suscitaverit  Ghristum,  quem  non  sus- 
citavit,  si  mortui  non  resurgunt. 

Nam  si  mortui  non  resurgunt,  neque  Ghristus  resurrexit. 

Quod  si  Ghristus  non  resurrexit,  vana  est  fides  vestra  ;  adhuc 
enim  estis  in  peccatis  vestris. 

Ergo  et  qui  dormierunt  in  Ghristo,  perierunt. 

Si  in  bac  vita  tantum  in  Ghristo  sperantes  sumus,  miserabilio- 
res  sumus  omnibus  hominibus. 

Nunc  autem  Christus  resurrexit  a  mortuis,  primitise  dormientium  : 

(2)  Verti  me  ad  alia,  et  vidi  calumnias  quae  sub  sole  geiuntur, 
et  lacrymas  innocentium,  et  neminem  consolatorem,  nec  posse 
resistere  eorum  violentiœ,  cunctorum  auxilio  destitutos; 

Vidi  sub  sole  in  loco  judicii  impietatem  et  in  loco  justitise  ini- 


80  LA  PENSÉE  DE  L'ÉTERNITÉ 

n'est  qu'un  étroit  passage  conduisant  à  une  immortelle  et  dé- 
finitive vie. 

Lumière  projetée  sur  l'Evangile.  —  Un  Dieu  est  venu  sur 
terre  nous  apporter  les  révélations  d'en  haut  et  nous  promul- 
guer des  lois  souveraines.  L'Evangile  est  notre  code  en  même 
temps  que  le  foyer  de  nos  croyances. 

Mais  que  serait  l'Evangile  sans  la  pensée  de  l'éternité  :' 

Quel  intolérable  joug!  Quelle  homicide  pression,  et  dans  quel 
état  de  victimes  et  de  dupes  ses  sectateurs  seraient  consti- 
tués: «  Miserabiliores  omnibus  hominibus  !  »  L'Evangile  nous 
enlève  toutes  les  douceurs  de  la  vie(l)....  L'Evangile  nous  com- 
mande les  plus  durs  sacrifices(2) L'Evangile  nous  charge 

de  la  croix  et  nous  fait  gagner  le  chemin  de  la  tombe  sous 
le  faix   sanglant  de  la  douleur. 

Sans  tau  delà  que  signifie  celte  toiture  ?  Sans  l'aurore 
d'une  autre  et  splendide  vie  que  signifie  cette  nuit  doulou- 
reuse d'une  vertu  sans  cesse  expiatriee  '? 

Au  contraire,  à  la  lueur  de  l'éternité,  l'Evangile  de  Jésus- 
Christ  resplendit.  Ce  qu'il  nous  enlève  de  terrestre  et  de  péris- 
sable, Dieu  nous  le  rend  immortel  et  divin  (3).  —  Lesprécep- 

quitatem.  Et  dix!  in  corde  meo  :  justum  et  impium  judicabit  Deus, 
et  tenipus  ornais  rei  tune  erit.  (Eecle.  III.) 

(i)  Vie  mundo  a  scandalis.Necesseest  enim  ut  veniant scandala : 
verumtamen  v»  homini  illi  per  quem  scandaluiu  venit. 

Si  autem  manus  tua  vel  pes  tuus  scandalizat  te,  abscide  eum,  et 
projice  abs  te  :  bonuui  tibi  est  ad  vitam  ingredi  debilem  vel  elau- 
dum,  quam  duas  manus  vel  duos  pedes  habentem  initti  in  ignem 
se  ter  n  uni. 

Et  si  oculus  tuus  scandalizat  te,  erue  eum,  et  projice  abs  te:  bo- 
num  tibi  est  eum  uno  oculo  in  vitam  intrare,  quam  duos  oculos 
habentem  mitti  in  gehennam  ignis.  (Mattli.  XVIII.) 

(2)  INIultis  autem  turbis  eircumstantibus,  ita  ut  se  invicem  con- 
culearent,  cœpit  dicere  al  discipulos  suos  :  Attendite  a  fermento 
Phari;eorum,  quod  est  hypocrisis. 

Nihil  autem  opertum  est,  quod  non  reveletur  :  neque  abscondi- 
tum,  quod  non  sciatur. 

Quoniam  quœ  in  tenebris  dixistis,  in  lumine  dicentur  ;  et  quod 
in  aurem  locuti  estis  in  cubiculis,  praedicabitur  in  tectis. 

Dico  autem  vobis  amicis  meis  :  Ne  terreamini  ab  lus,  (j:ii  occi- 
dunt  corpus,  et  post  haec  non  habent  ampliua  quid  faciant. 

Oatendam  autem  vobis  quem  timeatis  :  timete  eum,  qui,  post- 
quam  occiderit,  habet  potestatem  mittere  in  gehennam.  Ita  dico 
vobis  :  hune  timete.  (Luc.  XII.) 

(3)  Quam  magna  multitudo  dulcedinis  tuœ,  Domine,  quam  abs- 
condisti  timentibua  te  1  (Psal.  XXX.) 


LA  PENSÉE  DE  L 'ÉTERNITÉ  84 

tes  qui  nous  meurtrissent  sont  les  coups  de  ciseau  qui  nous 
taillent  en  immortels  chefs-d'œuvre  (1).  —  La  croix  dont  on 
nous  voit  chargés  se  transforme  pour  nous  en  un  trône  étin- 
celant  de  gloire. 


II 
ELLE  EST  UNE  FORCE 


L'humanité  se  divise  manifestement  en  deux  classes:  ceux 
qui  triomphent  du  mal,  ceux  qui  en  sont  les  vaincus.  Or,  si 
nous  les  étudions  les  uns  et  les  autres,  nous  ne  tardons  pas 
à  nous  assurer  que  la  croyance  à  l'immortalité  future  fait 
seule  la  différence  de  la  victoire  à  la  défaite,  de  l'inébranla- 
ble constance  des  uns  au  lâche  abandon  des  autres. 

La  notion  de  l'Eternité  est  tout  dans  l'histoire  humaine.  — 
1°  Une  race  sainte,  noble,  conquérante,  invincible,  s'est  le- 
vée et  elle  parcourt  les   siècles   multipliant   ses    héroïsmes 
comme   ses  triomphes  (2).   —  Lt's  martyrs  chrétiens,  et  ils 


(1)0  sorte  nupta  prospéra, 
Dotata  Patris  gloria; 
Respersa  Sponsi  gratia, 
Regina  formosissima, 
Christo  jugata  Principi, 
Coeli  corusca  Civitas  ! 

Hic  raargaritis  emicant, 
Patentque  cunctis  ostia  : 
Yirtute  namque  prœvia, 
Mortalis  illuc  ducitur, 
Amore  Ghristi  percitus 
Tormenta  quisquis  sustinet. 

Scalpri  salubris  ictibus, 
Et  tunsione  plurima, 
Fabri  polita  malleo, 
Hanc  saxa  raolem  construunt, 
Aptisque  juncta  nexibus 

Locantur  in  fastigio.  (Off.  Dedic) 

(2)  Fortes  facti  surit  in  bello,  castra  verterunt  exterorum. 
Acceperunt  mulieres  de  resurrectione  mortuos  suos.  Alii  autem 
T.  IV  6 


82  LA  PENSÉE   DE  L 'ÉTERNITÉ 

sont  multitude,  ont  affronté  toutes  les  luttes,  se  sont  mesurés 
avec  toutes  les  puissances,  ont  vaincu  tous  les  oppresseurs. 
Ils  confessaient  leur  foi  au  seind'eifroyables  tortures, or  cette 
foi  quelle  était-elle?  La  foi  en  une  vie  future  (1).  Ils  se  dé- 
pouillaient joveusement  de  leur  chair  mortelle  pour  s'en  aller 
vivre  avec  le  Christ  d'une  immortelle  vie.  —  Voici  les  saints 
délaissant  les  voies  faciles  d'une  vie  chrétienne  ordinaire, 
s'élevant  au-dessus  des  préceptes  jusqu'à  la  perfection  des  con- 
seils: ils  ont  pratiqué  toutes  les  vertus,  étouffé  en  eux  tous 
les  germes  de  la  déchéance;  ils  se  sont  revêtus  de  l'éblouis- 
sante tunique  de  la  sainteté;  —  quelle  force  les  a  soutenus 
durant  une  telle  carrière  ?  La  force  que  répand  dans  une  âme 
la  pensée  des  «  années  éternelles.  »L'un  de  ces  héros  s'écriait: 
«  Ad  seterna  natus  suml  »  Et,  à  ce  cri,  il  s'élançait  jusqu'aux 
cimes  k-s  plus  hautes  de  la  perfection  (2). 


distenti  sunt  non  suscipientes  redemptionem,  ut  nieliorem  inve- 
nirent  resurrectionem. 

Alii  vero  ludibria  et  verbera  experti,  insuper  et  vincula  et  car- 
ceres : 

Lapidati  sunt,  secti  sunt,  tentati  sunt,  in  occisione  gladii  mor- 
tui  sunt,  circuierunt  in  nielotis,  in  pellibus  caprinis,  egentes,  an- 
gustati,  afllicti  : 

Quibus  dignus  non  erat  mundus;in  solitudinibus  errantes,  in 
montibus,  et  speluncis,  et  in  cavernis  terrae. 

Et  hi  omnes  testimonio  lidei  probati,  non  acceperunt  repromis- 
sionein, 

Deo  pro  nobis  melius  aliquid  providente,  ut  non  sine  nobis  con- 
suminarentur.  (Hœbr.  XI.) 

(1)  Et,  cum  jam  esset  ad  mortem,  sic  ait:  Potius  est  ab  hoinini- 
bus  morti  datos  spem  exspectare  a  Deo,  iterum  ab  ipso  resusci- 
tandos;  tibi  enim  resurrectio  ad  vitam  non  erit. 

Et  cum  admovissent  quintum,  vexabant  eum.  At  ille  respiciens 
in  eum,  dixit: 

Potestatem  inter  homines  habens,  cum  sis  corruptibilis,  facis 
quod  vis;  noli  autem  putaregenus  nostrumaDeo  esse  derelictum. 

Tu  autem  patienter  sustine,  et  videbis  magnam  potestatem  ip- 
sius,  qualiter  te  et  semen  tuum  torquebit. 

Post  hune  ducebant  sextum,  et  is,  mori  incipiens,  sic  ait:  Noli 
frustra  errare;  nos  enim  propter  nosmetipsos  haec  patimur,  pec- 
cantes  in  Deum  nostrum,  et  digna  admiratione  facta  sunt  in  no- 
bis. (II  Macchab.  VII.) 

(2)  Etenim  benedictionem  dabit  legislator:  ibunt  de  virtute  in 
virtutem  :  videbitur  Deus  deornm  in  Sion. 

Domine  Deus  virtutum,  exaudi  orationem  meam:  auribus  per- 
cipe,  Deus  Jacob. 
Protector   noster,  aspice,  Deus,  et  respice  in  faciem  Ghristi  tui. 
Quia  melior  est  dies  una  in  atriis  tuis  super  millia. 


LA   PENSÉE   DE  L'ÉTERNITÉ  83 

Regardons  autour  de  nous.  La  race  des  saints  s'épanouit 
encore.  Quelle  force  pousse  ce  jeune  missionnaire  à  s'en  aller, 
loin  des  siens,  exilé  de  sa  patrie,  mourir  au  milieu  des  peu- 
ples sauvages?  La  pensée  de  l'éternité.  —  Qui  soutient  cet  au- 
tre dans  d'ingrats  ministères?  La  pensée  de  l'éternité.  —  Qui 
retient  au  chevet  des  plus  repoussantes  douleurs,  dans  l'asile 
où  l'enfance,  la  pauvreté,  la  vieillesse,  viennent  accumuler 
leur  sordide  misère,  cette  jeune  fille,  sortie  du  monde  dès  ses 
années  printanières  et  destinée  par  le  monde  au  plus  riant 
avenir?  La  pensée  de  l'éternité.  Elle  se  dépouille  de  ses  char- 
mes terrestres  pour  conquérir  son  immortelle  beauté  (1). 

2°  Une  autre  multitude  est  sous  nos  yeux:  ce  sont  les  vain- 
cus ou  du  vice  ou  de  la  douleur. 

Il  en  est  qui  se  sont  trouvés  faibles  et  désarmés  en  face 
de  leurs  passions  frémissantes.  Celui-ci  s'est  laissé  vaincre 
par  les  saillies  désordonnées  de  son  orgueil.  A  celui-là  l'ava- 
rice a  présenté  son  or  comme  le  seul  Dieu  à  adorer  et  à  ser- 
vir. Cet  autre  a  dépensé  dans  les  orgies  des  sens  les  doubles 
richesses  du  corps  et  de  l'âme.  Tous  ont  été  terrassés  parle 
mal  victorieux.  Aucun  ne  s'est  trouvé  la  force  de  réagir  et  de 
vaincre.  —  Saint  Paul  nous  donne  le  mot  de  ces  lâchetés  et 
de  ces  défaites:  «  Desperantes  tradiderunt  se.  »  Ils  n'avaient 
foi  en  aucun  avenir;  ils  s'étaient  enfermés  dans  l'étroit  ho- 
rizon de  la  vie  présente,  ne  voulant  rien  apercevoir  au  delà 
des  biens  et  des  jouissances  de  ce  monde  :  dès  lors,  à  ce 
monde  ils  se  sont  livrés  fiévreusement,  ne  réclamant  de  la 
vie  que  ses  voluptés  passagères.  — Voici  maintenant  la  triste 
et  misérable  troupe  des  vaincus  de  la  douleur.  Ils  ne  croyaient 
pas  ou  ils  ne  croyaient  plus  à  une  vie  future.  Comment  le 


Elegi  abjectus  esse  in  domo  Dei  mei,  magis  quam  habitare  in 
tabernaculis  peccatorum.  (Psal.  LXXXIII.) 

(1)  Audi,  filia,  et  vide,  et  inclina  aurem  tuam:  et  obliviscere  po- 
pulum  tuum,  et  domum  patris  tui. 

Et  concupiscet  Rex  decorem  tuum  :  quoniam  ipse  est  Dominus 
Deus  tuus,  et  adorabunt  eum. 

Et  filia?  Tyri  in  muneribus  vultum  tuum  deprecabuntur  :  omnes 
divites  plebis. 

Omnis  gloria  ejus  filise Régis  abintus,  in  fimbriis  aureis  circum- 
amicta  varietatibus. 

Adducentur  Régi  virgines  post  eam  :  proximae  ejus  afferentur  tibi. 

Afferentur  in  lœtitia  et  exultatione  :  adducentur  in  templum  Régis- 

Pro  patribus  tuis  nati  sunt  tibi  filii:  constitues  eos  principes  su- 
per omnem  terram.  (Psal.  XL1 V.) 


LA  PENSEE   DE   L  ETERNITE 


désespoir  ne  les  eùl-il  pas  envahis  quand  le  bonheur  présent 
s'effondrait  sous  eux  (1)? 


III 
ELLE  EST  UNE  JOIE 


La  pensée  de  l'Eternité  est  une  joie  dans  la  prospérité  ; 
elle  est  une  joie  dans  l'épreuve. 

Elle  est  une  joie  dans  la  prospérité.  —  Je  puis  me  faire 
la  brillante  peinture  de  la  prospérité.  La  fortune  me  comble; 
les  honneurs  m'illustrent;  une  famille  florissante  sourit  au- 
tour de  moi;  tout  réussit  à  mon  gré  et  la  douleur  ne  se  mon- 
tre chez  moi  à  aucune  heure  ni  sous  aucun  aspect. 

Hélas,  si  je  n'ai  pour  me  rassurer  que  ce  fragile  édifice,  si 
je  me  trouve  à  la  merci  des  incertitudes,  des  mécomptes,  des 
tempêtes  de  demain,  que  mon  sort,  en  dépit  des  apparences, 
reste  misérable  (2)! 


(1)  Aspicientes  in  auctorem  fidei  et  consummatorem  Jesum,  qui 
proposito  sibi  gaudio  sustinuit  crucem,  confusione  contempta,  at- 
que  in  dextera  sedis  Dei  sedet. 

Recogitate  enim  eum  qui  talem  sustinuit  a  peccatoribus  adver- 
sum  semetipsum  contradictionem;  ut  ne  fatigemini,  animis  ves- 
tris  déficientes. 

Nondum  enim  usque  ad  sanguinern  restitistis,  adversus  peccatuni 
répugnantes; 

Et  obliti  estis  consolationis  quae  vobis  tanquam  filiis  loquitur, 
dicens  :  Fili  mi,  nobi  negligere  disciplinam  Doinini ;  neque  fatigeris, 
dum  ab  eo  argueris. 

Quem  enim  diligit  Dominus,  castigat:  flagellât  autem  omnem 
filium  quem  reoipit. 

In  disciplina  perseverate.  Tanquam  filiis  vobis  offert  se  Deus: 
quis  enim  films  quem  non  corripit  pater?  (Haebr.  XII.) 

(2)  Hominis  cujusdam  divitis  uberes  fructus  ager  attulit; 

Et  cogitabat  intra  se  dicens:  Quid  faciam,  quia  non  habeo  quo 
congregem  fructus  meos? 

Et  dixit:  Hoc  faciam  :  destruam  horrea  mea,  et  majora  faciam; 
et  illuc  congregabo  omnia  quce  nata  sunt  mihi,  et  bona  mea; 


LA  PENSEE   DE  L  ETERNITE 


85 


Elle  est  une  joie  dans  l'infortune.  —  Mais  l'infortune  est 
venue.  Tout  est  sombre  et  désespéré.  —  Si  j'ai  foi  en  l'Eter- 
nité, le  désespoir  ne  saura  n'atteindre,  la  tristesse  même  ne 
m'envahira  pas;  je  dirai  joyeusement:  «  Adveniat  regnum 
tuum.  » 


Et  dicam  animœ  mese:  Anima,  habes  multa  bona  posita  in  an- 
nos  plurimos:  requiesce,  comede,  bibe,  epulare. 

Dixit  autem  illi  Deus:  Stulte,  hac  nocte  animam  tuam  repetunt 
a  te;  quse  autem  parasti,  cujus  erunt? 

Sic  est  qui  sibi  tbesaurizat,  et  non  est  in  Deum  dives. 

Dixitque  ad  discipulos  suos:  Ideo  dico  vobis:  nolite  solliciti  esse 
anima?  vestrse  quid  manducetis,  neque  corpori  quid  induamini. 

Anima  plus  est  quam  esca,  el  corpus  plus  quam  vestimentum. 

(Luc.  XII.) 


LA  PENSÉE  DU  CIEL 


Les  nombreux  passages  de  l'Ancien  Testament  où  l'Esprit- 
Saint  flétrit  l'insensibilité  et  l'ingratitude  d'Israël  en  face  des 
splendeurs  et  des  charmes  de  la  Terre  promise,  «  Terram 
desiderabilem,  »  doivent  nous  servir,  à  nous  les  enfants  de 
la  Nouvelle  Alliance,  de  grave  enseignement.  Nous  aussi, 
non  plus  devant  une  patrie  terrestre,  mais  devant  l'Eternelle 
Patrie  des  Cieux,  nous  ne  montrons  qu'indifférence,  oubli 
et  dédain.  —  Dieu  s'en  irrite  justement,  et  avec  quelle  sai- 
sissante vérité  cette  indignation  se  fait  jour  dans  la  para- 
bole du  banquet,  successivement  délaissé  par  les  invités  du 
Père  de  famille  (1)1  Ravivons  notre  foi,  nos  aspirations  gé- 
néreuses au  ciel,  véritable  et  unique  Patrie. 


(1)  Et  cœperunt  sirnul  o  innés  excusare.  Primus  dixit  ei:  Villam 
emi,  et  necesse  habeo  exire  et  videre  illarn;  rego  te,  habe  nieexcu- 
saturn. 

Et  alter  dixit:  Juga  boum  emi  quinque,  eteo  probare  illa:  rogo 
te,  habe  me  excusatum. 

Et  alius  dixit:  Uxorem  duxi,  et  ideo  non  possum  venire. 

Etreversus  servus  nuntiavit  hœc  domino  suo.  Tune  iratus  pa- 
terfamilias,  dixit  servo  suo:  Exi  cito  in  plateas  et  vicos  civitatis; 
et  pauperes,  ac  débiles,  et  csecos,  et  claudos  introduc  hue. 

Etait  servus:  Domine,  factum  est  ut  imperasti,  et  adhuclocusest. 

Et  ait  Dorninus  servo:  Exi  in  vias  et  sepes;  et  compelle  intrare, 
ut  impleatur  domus  mea. 

Dico  autem  vobis,  quod  nemo  virorum  illorum  qui  vocati  sunt, 
gustabit  cœnam  meam.  (Luc.  XIV.) 


LA   PENSÉE   DU   CIEL  87 


LA  SPLENDEUR  DU  CIEL 


Sans  doute  «  l'œil  n'a  point  vu,  l'oreille  n'a  point  entendu 
ni  le  cœur  ne  pourra  jamais  comprendre  ce  que  Dieu  réserve 
de  délices  à  ses  élus.  »  Parler  du  ciel,  c'est  parler  d'un  inac- 
cessible inconnu;  vouloir  le  décrire  serait  une  naïveté  pué- 
rile. —  Essayons  plutôt,  par  quelques  raisonnements  solides, 
de  nous  faire  quelque  idée  de  la  grandeur  de  notre  future 
récompense. 

Le  ciel  est  fait  par  un  Dieu.  —  Le  ciel  est  fait  pour  un 
Dieu.  —  Le  ciel,  c'est  Dieu. 

Le  ciel  est  fait  par  un  Dieu.  —  Le  ciel  est  le  terme  dernier, 
la  consommation  et  le  couronnement  de  toutes  les  œuvres 
de  Dieu.  «  Omnia  propter  electos.  » 

1°  Jugeons  du  ciel  par  les  apprêts  qui  le  précèdent.  —  A  l'é- 
tendue et  la  solidité  des  fondements  on  préjuge  de  l'édifice. 
Quels  fondements!  quelles  préparations!  que  d'œuvres  su- 
blimes! quels  extraordinaires  efforts  n'auront  été,  durant  le 
cours  des  siècles,  que  la  préparation  du  ciel  (1)1  —  Quand 
Dieu  créait  l'univers  avec  ses  immensités  et  ses  splendeurs, 
Ce  n'était  dans  sa  pensée  qu'une  ébauche  des  «  nouveaux 
cieux  et  de  la  nouvelle  terre  »  (2)  qu'il  doit  faire  resplendir 

(1)  Hujus  rei  gratia  flecto  genua  rnea  ad  Patrem  Domini  nostri 
Jesu  Christi, 

Ex  quo  omnis  paternitas  in  cœlis  et  in  terra  nominatur, 

Ut  det  vobis  secundum  divitias  gloriae  sua?  virtute  corroborari 
per  Spiritum  ejus  ininteriorem  hominem, 

Gbristum  habitare  per  fidem  in  eordibus  vestris,  in  caritate  ra- 
dicati  et  fundati, 

Ut  possitis  comprehendere  cum  omnibus  sanctis  quae  sit  lati- 
tude» et  longitudo  et  sublimitas  et  profundum: 

Scire  etiam  supereminentem  scientiœ  caritatem  Christi,  ut  im- 
pleamini  in  omnem  plenitudinem  Dei.  (Ephes.  III.) 

(2)  Et  vidi  cœlum  novum  et  terram  novam.      (Apoc.  XXI.) 


LA    PENSEE   DU   CIEL 


au  jour  de  la  glorification  de  ses  élus.  —  Sur  cette  terre  de 
l'homme  voici  venir  le  Fils  de  Dieu.  Merveille  plus  étonnante 
que  cette  venue  elle-même,  PHomme-Dieu  supporte  le  faix 
des  douleurs  humaines  et  meurt  sur  une  croix  pour  sauver 
le  monde  en  le  purifiant.  —  La  postérité  du  Christ  se  lève 
innombrable,  étincelante  de  gloire,  invincible  dans  sa  force; 
l'Eglise  se  forme,  traverse  les  âges,  multipliant  les  prodiges, 
versant  à  flots  la  grâce  divine,  transfigurant  les  âmes,  cons- 
truisant partout  ses  édifices  de  science  et  de  charité,  conqué- 
rant les  peuples  et  renversant  un  à  un  les  obstacles  qui 
arrêtent  sa  marche  vers  ses  éternelles  destinées.  Pour- 
quoi celte  Eglise  et  que  fait-elle?  Sa  mission  unique  est  de 
préparer  le  Ciel  en  recueillant  partout  les  élus  qui  le  doivent 
composer.  —  Que  serait  ce  si  nous  décrivions  les  merveilles 
de  la  grâce  dans  chacune  des  âmes  chrétiennes?  Que  serait- 
ce  surtout  si  nous  contemplions  les  grandes  œuvres  de  Dieu 
dans  chacun  de  ses  Saints  (1)? 


(1)  Et  absterget  Deus  omnem  lacrymam  ab  oculis  eorum,  et  mors 
ultra  non  erit,  neque  luctus,  neque  clamor,  neque  dolor  erit  ultra, 
quia  prima  abierunt. 

Et  clixit  qui  sedebat  in  throno:  Ecce  nova  facio  omnia.  Et  dixit 
mihi  :  Scribe,  quia  hœc  verba  fidelissima  sunt,  et  vera. 

Et  dixit  mihi:  Factum  est.  Ego  sura  «  et  «,  initium  et  finis.  Ego 
sitienti  dabo  de  fonte  aquœ  vitse,  gratis. 

Qui  vicerit,  possidebit  hsec,  et  ero  illi  Deus,  etille  erit  mihi  filius. 

Timidis  autem,  et  incredulis,  et  exsecratis,  et  homicidis,  et  for- 
nicatoribus,  et  veneficis,  et  idololatris,  et  omnibus  mendacibus, 
parsillorum  erit  instagno  ardenti  igné  et  sulphure:  quod  est  mors 
secunda. 

Et  venitunus  de  septem  angelis  habentibus  phialas  plenas  sep- 
tem  plagis  novissimis;  et  locutus  est  mecum,  dicens:  Veni,  et  os- 
tendam  tibi  sponsam,  uxorem  Agni. 

Et  sustulit  me  in  spirituin  montein  magnum  et  altum,  et  osten- 
dit  mihi  civitatem,  sanctani  Jérusalem,  descendentem  de  cœlo  a 
Deo, 

Ilabentem  claritatem  Doi,  et  lumen  ejus  simile  lapidi  pretioso 
tanquani  lapidi  jaspidis,  sicut  crystallum. 

Et  habebat  niurun.  magnum  et  altum,  habentem  portas  duode- 
cim,  et  in  portis  angelos  duodecim;  et  Domina  inscripta,  quœ  sunt 
noiniua  duodecim  tribuum  filiorum  Israël. 

Ab  oriente  poituetres,  et  abaquilone  portas  très,  et  abaustro  portas 
très,  et  -4})  occasu  portai  très. 

Et  mu  rus  civitatis  babens  fundamenta  duodecim,  et  in  ipsis  duo- 
decim Domina  duodecim  apostolorum  Agni. 

Et  qui  loquebatur  mecum,  habebat  mensuram  arundineam  au- 
ream,  ut  metiretur  civitatem,  et  portas  ejus,  et  murum. 


LA   PENSÉE    Dl"   CIEL  89 

Que  sera  ce  couronnement,  quand  la  préparation  et  l'ébau- 
che sont  d'une  telle  splendeur?  Car  jusqu'ici  l'opération  di- 
vine est  étrangement  entravée  par  trois  obstacles  :  notre 
faiblesse  et  l'étroitesse  de  nos  âmes  ;  nos  préoccupations  in- 
cessantes, absorbés  que  nous  sommes  par  le  monde;  enfin  nos 
continuels  péchés.  Sans  cesse  le  torrent  de  la  grâce  divine 
est  refoulé  par  cette  triple  barrière.  Au  ciel  il  n'en  est  plus 
ainsi    1  . 

Et  civitas  in  quadro  positaest,  el  longitude»  ejus  tanta  est  quanta 
et  latitudo;  et  mensus  est  eivitatem  de  arundine  aurea  per  stadia 
duodecim  millia;  et  longitudo;  et  altitude»,  et  latitude»  ejus,  aequa- 
lia  sunt. 

Et  mensus  est  murum  ejus  centum  quadraginta  quatuor  cubi- 
torum,  luensura  hominis,  quaeest  angeli. 

Et  erat  structura  mûri  ejus  ex  lapide  jaspide;  ipsa  vero  civitas, 
aurum  mundum  simile  vitro  mundo. 

Et  fundamenta  mûri  eivitatis,  omni  lapide  pretioso  ornata.  Fun- 
damentum  primum,  jaspis;  secundum,  sapphirus;  tertium,  chal- 
cedonius;  quartum.  smaragdus; 

Quintum,  sardonyx;  sextum,  sardius;  septimum,  chrysolithus; 
octavum,  berylliis;  nonum,  topazius;  decimum,  chrysoprasus; 
undecimum,  hyacinthus;  duodecimum,  amethystus. 

Et  duodecim  portas,  duodecim  margaritae  sunt,  per  singulas;  et 
singulœ  portas  erant  ex  singulis  margaritis;  et  platea  eivitatis  au- 
rum mundum,  tanquam  vitrum  perlucidum. 

Et  templum  non  vidi  in  ea,  Dominus  enim,  Deus  omnipotens, 
templum  illius  est,  et  Agnus. 

Et  civitas  non  eget  sole,  neque  luna,  ut  luceant  in  ea,  nam  cl  i- 
ritas  Dei  illuminavit  eam,  et  lucerna  ejus  est  Agnus. 

Et  ambulabunt  gentes  in  lumine  ejus,  et  reges  terrae  afférent 
gloriam  suam  et  honorem  in  illam. 

Et  porta?  ejus  non  claudentur  per  diem,  nox  enim  non  erit  illic. 

Et  afférent  gloriam  et  honorem  gentium  in  illam. 

Non  intrabit  in  eam  aliquod  coinquinatum,  aut  abominationem 
faciens  et  mendacium,  nisi  qui  scripti  sunt  in  libro  vitee  Agni. 

(Apoc.XXI.) 

(1)Mihi  autem  nimis  honorificati  sunt  amici  tui,  Daus:  nimis 
confortatus  est  principatus  eorum. 

Dinumerabo  eos,  et  super  arenam  multiplicabuntur:  exsurrexi, 
et  adhuc  sum  tecum.  (Psal.  CXXXY1II.) 

Quurn  venerit  glorificari  in  sanctis  suis,  et  admirabilis  fieri  in 
omnibus  qui  crediderunt,  quia  creditum  est  testimonium  nostrum 
super  vos  in  die  illo. 

In  quo  etiam  oramus  semper  pro  vobis,  ut  dignetur  vos  voca- 
tione  sua  Deus  noster,  et  impleat  omnem  voluntatem  bonitatis,  et 
opus  fi'lei  in  virtute, 

Ut  clarificetur  nomen  Domini  nostri  Jesu  Christi  in  vobis,  et  vos 
in  illo  secundum  gratiam  Dei  nostri,  et  Domini  Jesu  Christi. 

(II  Thess.  I.) 


90  LA  PENSÉE   DU  CIEL 

2°  Jugeons  du  ciel  par  son  achèvement .  —  Les  jours  d'é- 
preuve sont  clos;  le  péché  est  détruit;  la  mortalité  n'est 
plus;  rien  désormais  ne  s'oppose  à  l'immense  et  invincible 
expansion  du  Souverain  Bien  dans  les  Elus.  «  Bonum  sui 
diffusivum.  *»  Dieu  agit  à  l'aise,  sans  obstacles,  et  il  laisse 
s'étendre  jusqu'à  l'intini  sa  puissance  et  son  amour  I  —  Pour 
ses  Elus  il  refait  sur  un  plan  nouveau  et  une  incomparable 
splendeur  «  la  terre  et  les  cieux  »  (1).  «  Omnia  facio  nova.  » 
—  Ces  Elus  eux-mêmes  sont  transfigurés.  Leur  intelligence 
est  vaste  comme  l'océan  (2);  leur  cœur  est  pur  et  fort  jus- 
qu'à pouvoir  s'enivrer  de  l'amour  divin.  L'immortalité  est 
devenue  leur  vie.  Un  inamissible  bonheur  est  leur  patrie.  — 
La  voilà  cette  glorieuse  Eglise  du  ciel,  Société  royale,  cor- 
tège divin,  assemblée  de  princes,  «  Jérusalem  nouvelle  » 
que  l'apôtre  Jean  aperçut  sous  les  traits  de  la  fiancée  même 
de  l'Homme-Dieu  (3).  Résumons  tout  en  ce  magnifique  mot 
de  Saint  Paul  :  la  vie  divine,  avec  ses  lumières,  ses  voluptés 
et  ses  gloires,  coule  à  pleins  bords  dans  la  cité  des  cieux: 
«  Ut  impleamini  in  omnem  pleniludinem  Dei.  » 

Le  ciel  est  fait  pour  un  Homme-Dieu.  —  Ce  que  nous  ve- 
nons de  dire  est  peu  de  chose,  car  s'il  ne  s'agissait  que  de 
nous  et  que  le  ciel  fût  premièrement  fait  pour  nous,  mesu- 
rant l'œuvre  à  nos  mérites,  l'édifice  à  notre  petitesse,  nous 
aurions  mille  sujets  de  nous  défier.  —  Il  n'en  est  rien.  Le 
ciel  fait  par  un  Dieu  a  été  fait  pour  un  Homme-Dieu.  Le  ciel 

(1)  Nostra  autem  conversatio  in  coelis  est  ;  uiule  eliam  salvato- 
rem  exspectamus  Dominum  nostrum  Jesum  Christum. 

Qui  reformabit  corpus  humilitatis  nostrœ,  conûguratum  corpori 
claritatis  suai  secundum  operationem,  qua  etiam  possit  subjicere 
sibi  omnia.  (Philip.  III.) 

(2)  Ex  parte  enim  cognoscimus,  et  ex  parte  prophetamus. 
Quum  autem  venerit  quod  perfectum  est,  evacuabitur  quod  ex 

parte  est. 

Quum  essem  parvulus,  loquebar  ut  parvulus,  sapiebam  ut  par- 
rains, eogitabam  ut  parvulus.  Quando  autem  factussum  vir,eva- 
cuavi  qiue  erant  parvuli. 

Videmus  nunc  per  spéculum  in  œnigmate;  tune  autem  facie  ad 
faciem.  Nunc  cognosco  ex  parte  :  tune  autem  cognoscam  ut  co- 
gnitus  sum.  (I  Corinth.  XIII.) 

(3)  Et  vidi  cœluin  novum  et  terrain  novam.Primum  enim  cœlum 
et  prima  terra  abiit,  et  mare  jam  non  est. 

ht  ego  Joannes  vidi  sanctam  civitatem  Jérusalem  novam  des- 
cendenteiri  de  cœlo  a  Deo,  paratam  sicut  sponsam  ornatam  viro 
suo.  (Apoc.  XXI.) 


LA  PENSÉE  DU  CIEL  91 

c'est  la  Cité  du  Christ,  son  domaine,  son  héritage,  le  prix  de 
ses  travaux,  de  ses  victoires,  de  ses  mérites.  —  Il  nous  y 
appelle  ;  il  nous  en  fait  les  heureux  conquérants  (1).  Mais  ce 
ciel,  avant  tout,  est  à  Lui. 

1°  //  a  été  fait  pour  Jésus-Christ  par  V Amour.  —  Figurons- 
nous  une  mère  penchée  sur  le  berceau  d'un  fils  unique  et 
lui  composant,  dans  sa  pensée  et  dans  son  désir,  les  plus 
brillantes  destinées.  Rien  ne  sera  trop  beau,  trop  opulent, 
trop  illustre,  pour  ce  bien-aiméde  son  cœur.  —  Ainsi  le  Père, 
au  moment  où  son  bien-aimé  Fils  travaillait,  souffrait  et 
mourait  sur  la  terre,  lui  préparait  les  délices  incompréhen- 
sibles, les  gloires  inconnues  de  sa  future  récompense  (2). 

2°  //  a  été  fait  pour  Jésus-Christ  par  la  Justice.  —  Dans 
un  mystérieux  dialogue  dont  l'Evangile  nous  a  conservé 
l'écho,  le  Fils,  s'adressant  au  Père,  lui  dit  amoureusement: 
«  Pater  clarificavi  nomen  tuum.  »  Et  le  Père  lui  répond  : 
«  Clarificavi  et  clarificabo  »  (3).  Le  Verbe  incarné  n'a  vécu 
que  pour  la  gloire  de  son  Père  ;  pour  elle  il  travaillait,  pour 
elle  il  fondait  le  royaume  des  âmes  ;  pour  elle  il  recueillait 
les  Elus  et  les  purifiait  de  son  Sang  (4).  —  N'est-ce  pas  jus- 


(1)  Verumtamen  quaerite  primum  regnum  Dei,et  justitiam  ejus; 
et  hsec  omnia  adjicientur  vobis. 

Nolite  timere,  pusillus  grex,  quia  complacuit  Patri  vestro  dare 
vobis  regnum.  (Luc.  XII.) 

(2)  Dixit  Dominus  Domino  meo  :  Sede  a  dextris  meis, 
Donec  ponam  inimicos  tuos  scabellum  pedum  tuorum. 
Virgam  virtutis  tuse  emittet  Dominus  ex  Sion  :  dominare  inme- 

dio  inimicorum  tuorum. 

Tecumprincipium  in  die  virtutis  tuae  in  splendoribus  sanctorum  : 
ex  utero  ante  luciferum  genui  te.  (Psal.  CIX.) 

(3j  Joan.  XII,  28,  XVII,  4. 

(4)  Manifestavi  nomen  tuum  hominibus  quos  dedisti  mini  de 
mundo.  Tui  erant,  et  mihi  eos  dedisti  ;  et  sermonem  tuum  serva- 
verunt. 

Nunc  cognoverunt  quia  omnia  quse  dedisti  mihi  abs  te  sunt  ; 

Quia  verba  quae  dedisti  mihi,  dedi  eis;  et  ipsi  acceperunt,  et  co- 
gnoverunt vere  quia  a  te  exivi,  et  crediderunt  quia  tu  me  misisti. 

Ego  pro  eis  rogo  ;  non  pro  mundo  rogo,  sed  pro  his  quos  dedisti 
mihi  :  quia  tui  sunt. 

Et  mea  omnia  tua  sunt,  et  tua  mea  sunt  ;  et  clarificatus  sum  in 
eis. 

Et  jam  non  sum  in  mundo,  et  hi  in  mundo  sunt,  et  ego  ad  te  ve- 
nio.  Pater  sancte,  serva  eos  in  nomine  tuo  quos  dedisti  mihi:  ut 
sint  unum  sicut  et  nos. 

Quum  essem  cura  eis,  ego  servabam  eos  in  nomine  tuo.  Quos  de- 


92  LA   PENSÉE  DU  CIEL 

tice  que  son  Père,  en  retour,  le  couronne  d'une  incomparable 
gloire  ?  «  Deus  clarificatus  est  in  eo.  Si  Deus  clarificatus  est 
in  eo  et  Deus  clarificabit  eum.  » 

3°  Il  a  été  fait  pour  Jésus-Christ  par  la  Sagesse.  —  Tout 
est  proportion  et  mesure  dans  les  ceu/res  de  Dieu.  Si  donc 
l'Incarnation  et  la  Rédemption  du  Verbe  sont  choses  d'une 
infinie  valeur  :  d'une  infinie  valeur  en  sera  très  assurément 
la  récompense.  —  Voyez  le  Christ,  à  cette  heure  étrange  où 
l'angoisse  de  souffrir  l'envahit  et  semble  l'abattre.  Il  met 
alors  en  parallèle  sa  passion  douloureuse,  son  ciel  radieux  :  la 
gloire  de  celui-ci  l'emporte  sur  les  douleurs  de  celle-là.  «Pro- 
posito  sibi  gaudio  sustinuit  crucem,  confusione  contempta.  » 

4°  lia  été  fait  pour  Jésus- Christ  par  la  Miséricorde.  —  Avec 
un  indicible  amour  le  Christ  réclame  ses  élus  à  ses  côtés.  Il 
ne  veut  pas,  ce  semble,  du  ciel,  s'il  n'y  règne  au  milieu  des 
siens:  «  Ubi  ego  sum  ibi  et  minister  meus  crit.  »  Notre  for- 
tune il  l'associe  à  la  sienne.  Comprenons  dès  lors  avec  Saint 
Paul  la  magnificence  de  ce  ciel  partagé  avec  Lui.  «  Sciatis 
quae  sit  spes  vacationis  Ejus  et  qua?  divitiae  gloriœ  hœreditatis 
Ejus  in  Sanctis  et  quœ  sit  supereminens  magnitude  virtutis 
Ejus  in  nos  qui  credimus  secundum  operalionem  potentiœ 
virtutis  Ejus  quam  operatus  est  in  Christo,  suscitans  illum  a 
mortuis  et  constituens  ad  dexteram  suam  in  cœlestibus  >  (1). 


disti  mihi,  custodivi  ;  et  neino  ex  eis  periit,  nisi  filins  perditionis, 
ut  Scriptura  impleatur. 

Nunc  autem  ad  te  venio  ;  et  ha?c  loquor  in  mundo,  ut  habeant 
gaudium  meura  impletum  in  semetipsis. 

Ego  dedi  eis  sermonem  tuum,  et  mundus  eos  odio  babuit  quia 
non  sunt  de  mundo,  sicut  et  ego  non  sum  de  mundo. 

Non  rogo  ut  tollas  eos  de  mundo,  sed  ut  serves  eos  a  malo. 

De  mundo  non  sunt,  sicut  et  ego  non  sum  de  mundo. 

Sanctifica  eos  in  veritate.  Sermo  tuus  veritas  est. 

Sicut  tu  me  misisti  in  mundum,  et  ego  misi  eos  in  mundum. 

Et  pro  eis  ego  sanctifico  me  ipsum,  ut  sintet  ipsi  sanctificati  in 
veritate. 

Non  pro  eis  autem  rogo  tantuin  ;  sed  et  pro  eis  qui  crédit  uri  sunt 
per  verbum  eorum  in  me  ; 

Ut  omnes  unum  sint,  sicut  tu,  Pater,  in  me,  et  ego  in  te,  ut  et 
Lpai  in  nobis  unum  >int  ;  ut  credat    mundus  quia  tu   me  misisti. 

Et  ego  claritatem  quam  dedisti  mihi,  dedi  eis;  ut  sint  unum  si- 
cut et  nos  unum  sumus. 

Ego  in  eis,  et  lu  in  me  :  ut  sint  consummati  in  unum,  et  cognos- 
cat  mundus  quia  tu  me  misisti,  et  dilexisti  eos  sicut  et  medilexisti. 

(Joan.  XVII.) 

(l)Ephes.  I. 


LA   PENSÉE   DU  CIEL  93 

Le  ciel;  c'est  Dieu.  —  Ici  l'intelligence  s'abime  dans  le 
mystère  et  la  voix  est  muette. 

1°  A  peine  soulevons-nous  quelque  peu  ce  voile.  —  Etre 
transportés  dans  le  sein  de  Dieu;  vivre  en  Dieu;  «  entrer 
dans  la  joie  de  son  Seigneur  »  :  c'est  assurément  dépouiller 
toute  mortalité  pour  se  revêtir  de  toute  vie.  C'est  vivre  de 
toute  la  plénitude  de  la  vie.  —  Vivre  en  Dieu  et  de  Dieu, 
c'est,  sans  nul  doute,  être  exempt  de  toute  souffrance:  «  Do- 
]or  non  erit  ultra.  »  —  Mais  vivre  en  Dieu  c'est  mille  fois 
plus  encore,  c'est  jouir,  d'un  coup,  de  toutes  délices,  de  toutes 
voluptés  à  la  fois;  c'est  être  rassasié  (1),  dans  toutes  les  as- 
pirations de  son  être;  «c'est  boire  au  torrent  du  bonheur.  » — 
Vivre  en  Dieu,  c'est  vivre  dans  la  douce  et  illustre  société 
des  Elus  de  Dieu,  «  In  splendoribus  Sanctorum.  » 

2°  Tout  le  reste  nous  est  inaccessible.  —  «  Ni  l'œil  n'a  vu, 
ni  l'oreille  n'a  entendu,  ni  le  cœur  n'a  compris  »  ce  que  c'est 
que  de  voir  Dieu,  de  le  posséder  et  d'en  jouir. 


II 
LA  POSSESSION  DU  CIEL 


L'attente  du  ciel  est  sur  la  terre  notre  seul  vrai  bien.  — 
L'oubli  du  ciel,  l'indifférence  à  l'égard  de  cette  destinée  glo- 
rieuse constitue,  parmi  nos  malheurs  d'ici-bas,  notre  plus 
grand  malheur. 

L'attente  du  ciel  est  notre  seul  vrai  bien.  —  La  pensée 
du  ciel,  objet  d'ineffable  joie,  objet  de  noble  émulation,  objet 
d'anxiété  salutaire. 

1°  Objet  d'ineffable  joie.  —  Si  nous  avons  compris   notre 

(1)  Domine,  a  paucis  de  terra  divide  eos  in  vita  eorum  ;  de  abs- 
conditis  tuis  adimpletus  est  venter  eorum. 

Saturati  sunt  filiis,  et  dimiserunt  reliquias  suas  parvulis  suis. 

Ego  autem  in  justitia  apparebo  conspectui  tuo  ;  satiabor  cum 
apparuerit  gloria  tua.  (Psal.  VXI.) 


94  LA  PENSÉE   DU  CIEL 

situation  d'exilé,  quelle  joie  de  songer  à  la  Patrie  absente  (1). 
—  Si  notre  âme  s'est  meurtrie  aux  aspérités  de  l'existence, 
si  elle  est  affamée  de  bonheur,  quelle  joie  de  songer  à  cette 
bienheureuse  et  éternelle  vie  du  ciel  t  —  Si  notre  corps  s'é- 
puise et  que  notre  chair  flétrie  tombe  en  lambeaux,  quelle 
joie  de  songer  à  sa  printanière  reviviscence  et  aux  splen- 
deurs de  sa  résurrection  (2)  !  Si  la  fortune  nous  trahit  et  que 
la  détresse  nous  opprime,  quelle  joie  de  songer  «  au  trésor 
qui  s'accumule  pour  nous  dans  les  cieux  »  ! 

2°  Objet  de  noble  émulation.  —  C'est  le  grand  spectacle 
que  nous  présente  l'Eglise.  Noble  exilée,  combattante  intré- 
pide, martyre  ensanglantée,  elle  ne  compte  pour  rien  l'ef- 
fusion de  ses  larmes  et  de  son  sang  pourvu  qu'elle  parvienne 
à  ses  éternelles  destinées  (3).  —  A  sa  suite  voyez  avec  quelle 


(1)  Lsetatus  sum  in  his  quœ  dicta  sunt  mihi  :  In  domum  Domini 
ibimus. 

Stantes  erant  pedes  nostri  in  atriis  tuis,  Jérusalem. 

Jérusalem,  quœ  œdifioatur  ut  civitas:  cujus  participatio  ejus  in 
idipsum. 

Illuc  enim  ascenderunt  tribus,  tribus  Domini  :  testimonium 
Israël  ad  confitendum  nomini  Domini.  (Psal.  CXXI.) 

(2)  Mihi  enim  vivere  Ghristus  est,  et  mori  lucrum. 

Quod  si  vivere  in  carne,  hic  mihi  fructus  operis  est,  et  quid  eli- 
gam  ignoro. 

Goarctor  autem  e  duobus  ;  desiderium  habens  dissolvi,  et  esse 
cum  Christo,  inulto  magis  melius  ; 

Permanere  autem  in  carne,  necessarium  propter  vos. 

Et  hoc  conûdens  scio  quia  manebo  et  permanebo  omnibus  vobis 
ad  profectum  vestrum,  et  gaudium  fidei  ; 

Ut  gratulatio  vestra  abundet  in  Christo  Jesu  in  me  per  raeum 
adventum  iterum  ad  vos. 

(3)  Vos  scitis,  a  prima  die  qua  ingressus  sum  in  Asiam  qualiter 
vobiscum  per  omne  tempus  fuerim. 

Serviens  Domino  cum  omni  humilitate,  et  lacrymis,  et  tenta- 
tionibus  quœ  mihi  acciderunt  ex  insidiis  Judœorum  ; 

Quoinodo  nihil  subtraxerim  utilium  quominus  annuntiarem  vo- 
bis, et  docerem  vos  publiée  et  per  domos. 

Testificans  Judœis  atque  gentilibus  in  Deum  pcenitentiam,  et 
filem  in  Dominum  nostrum  Jesum  Ghristum. 

Et  nunc ecce alligatus  ego  spiritu  vado  in  Jérusalem,  quœ  iu  ea 
ventura  sint  mihi  ignorans. 

Xisi  quod  Spiritus  sanctus  per  omnes  civitates  mihi  protestatur, 
dicens  quoniam  vincula  et  tribulationes  Jerosolymis  me  manent. 

Sed  nihil  horum  vereor,  nec  facio  animam  meam  pretiosiorem 
quam  me,  dummodo  consummem  cursum  meura,  et  ministerium 
verbi  quod  accepi  a  Domino  Jesu,  testificari  Evangelium  gratiœ 
Dei.  (Act.  XX.) 


LA  PE.NSÉE  DU  CIEL  95 

ardeur  les  Saints  se  précipitent  dans  la  carrière  de  tous  les 
héroïsmes.  Tous  iis  n'ont  qu'un  cri,  une  aspiration  véhé- 
mente: parvenir  à  l'éternelle  récompense:  «  omnia  detri- 
mentum  feci  et  arbitror  ut  stercora  ut  Christum  lucrit'aciam.  » 
3°  Objet  d'anxiété  salutaire.  —  «  Yereor  ne  reprobus  effi- 
ciar  !  »  telle  sera  la  devise  des  âmes  chrétiennes.  «  Elles 
opéreront  leur  salut  avec  crainte  et  tremblement.  »  Regar- 
dant le  ciel  elles  se  demanderont  avec  anxiété  si  elles  en 
seront  un  jour  les  hôtes,  «  si  leurs  noms  y  sont  inscrits  ,  »  si, 
comme  «  les  vierges  folles,  »  n'ayant  pas  entretenu  dans 
leur  lampe  la  double  lumière  de  la  foi  et  des  œuvres,  elles 
ne  se  verront  pas  exclues  des  fêles  nuptiales  de  l'Agneau  (1). 
—  Ainsi  cette  crainte  deviendra  féconde;  elle  sera  le  mo- 
teur puissant  de  toute  la  vie  chrétienne  ;  elle  maintiendra 
incorruptibles  les  vertus;  elle  fera  jaillir  les  larmes  de  la 
pénitence,  elle  commandera  les  plus  douloureux  sacrifices; 
pour  le  ciel  on  «  arrachera  son  œil  droit,  on  retranchera  sa 
main  droite  »  (2). 


(\)  Tune  simile  erit  regnura  cœlorum  decem  virginibus,  qute  ac- 
cipientes  lampades  suas,  exierunt  obviam  sponso  et  sponsœ. 

Quinque  autem  ex  eis  erant  fatute,  et  quinque  prudentes. 

Sedquinque  fatuae,  acceptis  lampadibus,  nonsumpserunt  oleum 
suum: 

Prudentes  vero  acceperunt  oleum  in  vasis  suis cum  lampadibus. 

Moram  autem  faciente  sponso,  dormitaverunt  omnes  et  dormie- 
runt. 

Media  autem  nocte,  clamor  factusest  :  Ecce  sponsus  venit  :  exite 
obviam  ei. 

Tune  surrexerunt  omnes  virgines  illse,  et  ornaverunt  lampades 
suas. 

Fatuse  autem  sapientibus  dixerunt  :  Date  nobis  de  oleo  vestro, 
quia  lampades  nostrse  extinguuntur. 

Responderunt  prudentes,  dicentes  :  Ne  forte  non  sufficiat  nobis 
et  vobis,  ite  potius  ad  vendentes,  et  emite  vobis. 

Dum  autem  irent  emere,  venit  sponsus  ;  et  quae  paratœ  erant, 
intraverunt  cum  eo  ad  nuptias  ;  et  clausa  est  janua. 

Novissime  vero  veniuut  et  reliquat  virgines,  dicentes  :  Domine, 
Domine,  aperi  nobis. 

At  ille  respondens,  ait  :  Amen  dico  vobis,  nescio  vos. 

Vigilate  itaque,  quia  nescitis  diem,  neque  horam. 

(Matth.  XXV.) 

(2)  Quod  si  oculus  tuus  dexter  scandalizatte,  erue  eum,  et  projice 
abs  te  :  expedit  enim  tibi  ut  pereat  unum  membrorum  tuorum, 
quam  totum  corpus  tuum  mittatur  in  gehennam. 

Et  si  dextra  manus  tua  scandalizat  te  abscinde  eam,  et  projice 


96  LA  PEXSÉE  DU  CIEL 

L'oubli  du  ciel  est  notre  plus  grand  mal.  —  L'oubli  du 
ciel  est  un  étrange  et  douloureux  mystère.  Et  quand,  dans 
l'ancien  peuple  d'Israël,  nous  le  voyons  représenté  en  ima- 
ges, l'indignation  nous  saisit  et  le  dégoût  nous  écœure. 

Ces  malheureux  Juifs,  les  voici  sous  le  joug  d'un  Pha- 
raon. Leurs  impitoyables  maîtres  les  tiennent  courbés  sous 
d'écrasants  labeurs.  La  faim  les  presse,  la  misère  les  abat, 
et  leurs  plaintes  n'ont  d'autre  issue  que  de  nouvelles  tortures 
et  l'aggravation  de  leur  martyre. 

Tout  à  coup  une  lueur  divine  se  lève  sur  eux,  un  Sauveur 
leur  est  envoyé,  Moïse  s'offre  à  les  recueillir,  à  briser  le 
joug  de  leurs  tyrans,  à  leur  ouvrir  un  passage  vers  l'affran- 
chissement et.  la  liberté.  Ils  soi.t  hors  de  l'Egypte;  ils  ont 
devant  eux  la  vision  radieuse  d'une  patrie,  d'une  terre  dé- 
bordante de  délices...  Que  font-ils  .'  Insensés  et  ingrats,  tous 
leurs  regrets  sont  pour  l'Egypte,  tous  leurs  dédains  sent  pour 
la  Terre  de  promission  (1)  ! 

abs  te;  expedit  enim  tibi  ut  pereat  unum  membrorum  tuoruin, 
quam  toturu  corpus  tuum  eat  iii  gehennam.  (Mattb.  II.) 

(1)  Dispersusque  est  populus  per  omnem  terrain  .Egypti  ad  col- 
ligeudas  paleas. 

Prsefecti  quoque  operum  instabant,  dietntes:  Complète  opus 
vestrum  quotidie,  ut  prius  facere  solebatis  quando  dabantur  vobis 
paleae. 

Flagellatique  sunt  qui  prseerant  operibus  filiorum  Israël,  ab 
exactoribus  Pharaonis,  dicentibus  :  Quare  non  impletis  mensuram 
laterum  sicut  prius,  nec  beri,  nec  hodie  ? 

Veneruntque  preepositi  filiorum  Israël,  et  vociferati  sunt  ad 
Pharaonem,  dicentes  :  Gur  ita  agis  contra  servos  tuos  ? 

Palete  non  dautur  nobis,  et  lateres  siiniliter  imperantur;  en  fa- 

uli  tui  flagelliscajdimur,  et  injuste  agitur  contrapopulumtuum. 

Qui  ait  ;  Vacatis  otio  ;  et  ideirco  dicitis  :  Eamus,  et  sacrificemus 
Domino. 

Ite  ergo,  et  operamini  ;  palece  non  dabuntur  vobis,  et  reddeiis 
consuetum  numerum  laterum. 

Videbantque  se  praepositi  filiorum  Israël  in  malo,  eo  quod  dice- 
retur  eis  :  Non  minuetur  quidquamde  lateribus  per  singulos  dies. 

Occurreruntque  Moysi  et  Aaron,  qui  stabant  ex  adverso,  egre- 
dientibusa  Pharaone  ; 

Et  dixerunt  ad  eos:  Videat  Dominus  et  julicet,  quoniain  fœtere 
fecistis  odorem  nostrum  coram  Pbaraone  et  servis  ejus,  et  prse- 
buistis  ei  gladium,  ut  occideret  nos. 

Reversusque  est  Moyses  ad  Dominum.  et  ait:  Domine,  cur  af- 
llixisti  populum  istum  ?  Quare  misisti  me  ? 

Ex  eo  enim  quo  ingressussum  ad  Pharaonem  ut  loquerer  in  no- 
mine  tuo,  afllixit  populum  tuum  ;  et  non  liber  asti  eos. 

(Exod.  V.) 


LA   PENSEE   DU   CIEL 


97 


Le  châtiment  suit  le  crime.  Leur  monstrueuse  ingratitude, 
leur  brutale  insouciance  les  rend  indignes  de  cette  patrie 
que  Dieu  leur  préparait:  «  Neque  murmuraveritis  sicut  qui- 
dam eorum  murmuraverunt  et  perierunt  ab  exterminatore. 
ïïœc  autem  omnia  in  figura  contingebant  illis  ;  scripta  sunt 
autem  ad  correptionem  nostram  (1). 

Ainsi  sommes-nous  gravement  prévenus  par  l'Apôtre.  Ce 
que  l'Egypte  était  à  Israël,  le  monde  l'est  à  nous.  —  Notre 
Terre  promise,  c'est  notre  ciel  éternel.  —  Nous  complaire  en 
l'Egypte,  refuser  notre  Patrie  d'En  haut,  c'est  nous  en  exclure, 
c'est  nous  en  fermer  à  jamais  les  splendeurs. 


1 1)  Et  salvavit  eos  de  manu  odientium  :  et  rederait  eos  de  manu 
inimici. 

Et  operuit  aqua  tribulantes  eos  :  unus  ex  eis  non  remansit. 

Et  crediderunt  vernis  ejus:  et  laudaverunt  laudem  ejus. 

Gito  fecerunt,  obliti  sunt  operum  ejus:  et  non  sustinuerunt  con- 
cupiscentiarn  in  deserto  :  et  tentaverunt  Deum  in  inaquoso. 

Et  dédit  eis  petitionem  ipsorum  :  et  misit  saturitatem  in  animas 
eorum. 

Et  irritaverunt  Moysen  in  castris,  Aaron,  sanctum  Domini. 

(Psal.  GV.) 


V 


T.  IV 


BESOIN  QU'A  TOUT  HOMME 

DE  LA  RELIGION 


Avant  d'étudier  la  nécessité  pour  l'homme  d'être  religieux, 
entendons-nous  sur  ce  mot  lui-même.  Etre  religieux  com- 
porte les  quatre  points  suivants.  S'élever  à  Dieu  par  la  foi, 
l'adoration  et  l'amour.  —  Servir  Dieu  par  un  culte,  non  pas 
seulement  intime,  mais  extérieur,  mais  public.  L'homme 
n'est  pas  seulement  âme,  il  est  corps  et  doit  à  Dieu  l'hom- 
mage de  ses  facultés  corporelles  comme  des  autres  (1).  — 
Servir  Dieu,  non  pas  à  sa  guise,  suivant  ses  fantaisies  per- 
sonnelles, mais  le  servir  comme  Dieu  veut  être  servi,  dans 
la  religion  vraie  dont  lui-même  est  l'Auteur.  — Servir  Dieu, 
non  pas  seulement  dans  les  hommages  de  la  piété,  mais  dans 
la  pratique  des  vertus  qui  s'harmonisent  avec  lacroyance  (2). 


(1)  Quid  ergo  ?  peccabiraus,  quoniam  non  sumus  sub  lege,  sed 
sub  gratia  ?  Absit. 

Nescitis  quoniam  cui  exhibetisvos  servos  ad  obediendum,  servi 
estis  ejus  cui  obeditis,  sive  peccati  ad  mortem,  sive  obeditionis  ad 
justitiam? 

Gratias  autem  Deo»  quod  fuistis  servi  peccati,  obedistis  autem 
ex  corde  in  earn  formam  doctrinœ,  in  quam  traditi  estis. 

Liberati  autem  a  peccato,  servi  facti  estis  justitiae. 

Humanum  dico,  propter  infirmitatem  carnis  vestra?  :  sicut  enim 
exhibuistis  membra  vestra  servire  immunditiœ,  et  iniquitati  ad 
iniquitatem,  ita  nunc  exhibete  membra  vestra  servire  justitiae  in 
sanctificationem. 

Quum  enim  servi  essetis  peccati,  liberi  fuistis  justitiae. 

Quem  ergo  fructum  habuistis  tune  in  illis,  in  quibus  nunc  eru- 
bescitis  ?  nam  finis  illorum  mors  est.  (Rom.  VI.) 

(2)  Quid  proderit,  fratres  mei,  si  fidem  quis  dicat  se  habere, 
opéra  autem  non  habeat  ?  Numquid    poterit  fides  salvare  eum  ? 

Si  autem  frater  et  soror  midi  sint,  et  indigeant  victu  quoti- 
diano. 

Dicat  autem  aliquis  ex  vobi-s  illis:  Ite  in  pace,  calcfacimini  et 
saturamini;  non  dederitis  autem  eis  quae  necessaria  sunt  corpori, 
quid  proderit  ? 


BESOIN  QU'A  TOUT  HOMME   DE   LA  RELIGION  99 

C'est  cette  religion  ainsi  entendue  qui  est  le  premier  et  le 
plus  indispensable  besoin  de  l'homme  ici-bas. 


ELLE  EST  UNE  NECESSITE  DE  SA  CONDITION 


L'homme  est  tout  à  la  fois  le  sujet  de  Dieu,  le  roi  et  le 
pontife  de  la  création,  le  membre  de  la  grande  famille  hu- 
maine :  à  ces  trois  titres  l'homme  doit  être  religieux. 

L'homme  est  le  sujet  de  Dieu.  —  Dieu  est  trois  fois  no- 
tre maître  :  comme  Suprême  Autorité,  comme  Suprême  Bien- 
faisance, comme  Suprême  Justice. 

1°  Dieu,  suprême  dominateur.  —  Il  le  serait  déjà  par  la 
création,  puisque  tout  être,  toute  vie  découle  de  lui,  et  que 
nous  n'avons  rien,  soit  de  notre  àme,  soit  de  notre  corps  qui 
ne  lui  appartienne  comme  créateur  (1).  —  Dieu  nous  possède 


Sic  et  fides,  si  non  habeat  opéra,  mortua  est  in  semetipsa. 

Sed  dicet  quis  :  Tu  fidem  habes,  et  ego  opéra  habeo;  ostende 
mini  fidein  tuam  sine  operibus  ;  et  ego  ostendam  tibi  ex  operibus 
fidem  meam. 

Tu  credis  quoniam  unus  est  Deus;  bene  facis  :  et  dsemones  cre- 
dunt,  et  contremiscunt. 

Vis  autem  scire,  ô  bomo  inanis,  quoniam  fides  sine  operibus  mor- 
tua est? 

Abraham  pater  noster  nonne  ex  operibus  justificatus  est  offerens 
ïsaac  filium  suum  super  altare? 

Vides  quoniam  fides  cooperabatur  operibus  illius  ;  et  ex  operi- 
bus fides  consummata  est? 

Et  suppleta  est  Scriptura,  dicens:  Credidit  Abraham  Deo;etre- 
putatum  est  illi  ad  justitiam,  et  amicus  Dei  appellatus  est. 

Videtis  quoniam  ex  operibus  justificatur  homo,  et  non  ex  fide 
tantum  ? 

Similiter  et  Rahab  meretrix,  nonne  ex  operibus  justificata  est, 
suscipiens  nuntios,  et  alia  via  ejiciens  ? 

Sicut  enim  corpus  sine  spiritu  mortuum  est,  ita  et  fide3  sine 
operibus  mortua  est.  (Jacob.  II.) 

(1)  Nemo  enim  nostrum  sibi  vivit,  et  nemo  sibi  moritur. 


100  BESOIN  QU'A  TOUT  HOMME  DE  LA  RELIGION 

donc  tout  entiers  et  bien  plus  que  l'œuvre  n'appartient  à  l'ou- 
vrier. —  Enfin  Dieu  est  Providence,  il  régit  souverainement 
les  êtres  qu'il  a  tirés  du  néant.  Cette  direction  souveraine 
ne  peut  aller  sans  la  soumission  de  ceux  qui  en  sont  les  ob- 
jets  (i). 

2°  Dieu,  suprême  bienfaiteur.  —  Entre  Dieu  et  nous  un 
nouveau  lien  est  créé,  de  nouveaux  devoirs  découlent,  de- 
voirs qui  touchent  à  ce  que  l'âme  humaine  a  de  plus  délicat, 
de  plus  fort,  de  plus  impérieux.  La  reconnaissance  nous  lie 
inviolablement  à  Dieu  (2). 

3°  Dieu,  suprême  justice.  —  Sous  un  Dieu  saint  et  parfait, 
aucun  désordre  ne  peut  régner  dans  son  empire,  aucun  crime 
ne  doit  rester  impuni.  —  Or,  parmi  les  crimes  de  l'homme, 
qui  ne  voit  que  l'irréligion,  c'est-à-dire  le  refus  insultant 
des  hommages  auxquels  Dieu  a  droit,  est  le  plus  considéra- 
ble (3)? 


Sive  enim  vivimus,  Domino  vivimus  ;  sive  morimur,  Domino 
morimur.  Sive  ergo  vivimus,  sive  morimur,  Domini  sumus. 

In  hoc  enim  Christus  mortuus  est  et  resurrexit,  ut  et  mortuo- 
rura  et  vivorum  dominetur.  (Rom.  XIV.) 

(1)  0  homo,  tu  quis  es  qui  respondeas  Deo  ?  Numquid  dicit  fîg- 
mentum  ei  qui  se  finxit  :  quid  me  fecisti  sic?  An  non  habet  po- 
testatem  figulus  luti  ex  eadem  massa  facere  aliud  vas  in  honorem, 
aliud  vero  in  contumeliam  ?  (Rom.  IX.) 

(2)  Pars  autem  Domini  populus  ejus;  Jacob,  funiculus  hœredi- 
tatis  ejus. 

Invenit  eum  in  terra  déserta,  in  loco  horroris  et  vastse  solitu- 
dinis  : 

Circumduxit  eum,  et  docuit  :  et  custodivit  quasi  pupillam  oculi 
sui. 

Sicut  aquila  provocans  ad  volandum  pullos  suos,  et  super  eos 
volitans. 

Expandit  alas  suas,  et  assumpsit  eum,  atque  portavit  in  hume- 
ris  suis. 

Dominus  solus  dux  ejus  fuit  :  et  non  erat  eum  eo  deus  alienus. 

Gonstituit  eum  super  excelsam  terram  :  ut  comederet  fructus 
agrorum, 

Ut  sugeret  mel  de  petra,  oleumque  de  saxo  durissimo. 

(Deut.  XXXII.) 

(3)  Scimus  enim  quoniam  judicium  Dei  est  secundum  veritatem 
in  eos  qui  talia  agunt. 

Existimas  autem  hoc,  o  homo  qui  judicas  eos  qui  talia  agunt, 
et  facis  ea,  quia  tu  effugies  judicium  Dei? 

An  divitias  honitatis  ejus  et  patientiœ  et  longanimitatis  con- 
temnis  ?  ignoras  quoniam  benignitas  Dei  ad  pœnitentiam  te  ad- 
ducit? 


BESOIN  QU'A  TOUT  HOMME   DE   LA  RELIGION  101 

L'homme  estle  roi  et  lepontife  de  la  Création.  —  Parlant  de 
l'homme,  le  Psalmiste  chantait  :  «  Vous  l'avez,  ô  Dieu,  cou- 
vert d'honneur  et  de  gloire,  vous  avez  mis  toute  la  création 
à  ses  pieds  »  (1).  L'homme  est  le  roi  de  l'univers,  et  c'est  par 
l'homme  que  l'univers  s'élève  jusqu'à  Dieu,  pour  célébrer  sa 
louange.  De  là  cette  double  conséquence  que  le  premier  de- 
voir de  l'homme  est  d'honorer  Dieu,  que  le  premier  crime  de 
l'homme  est  de  lui  refuser  l'hommage  de  la  religion. 

V*  L'homme  aie  devoir  de  tout  élever  jusqyï  à  Dieu. — L'homme 
est,  pour  ainsi  parler,  le  pontife,  le  prêtre,  de  la  création,  Il 
lui  prête  son  intelligence,  son  cœur,  sa  voix,  afin  que,  par 
lui,  elle  célèbre  les  louanges  du  Très-Haut  (2). 

2°  Le  crime  multiple  de  l'homme  sera  de  vivre  sans  religion. 
—  Nous  disons  «  multiple  »  car  s'isoler  de  Dieu,  refuser  de 
le  reconnaître,  de  l'adorer,  de  le  servir,  c'est  trahir  cette 
haute  mission,  dont  nous  venons  de  parler.  —  De  plus, 
quelle  insolence  à  cet  homme  de  vivre  en  plein  domaine  de 


Secundum  autem  duritiam  tuam  et  impœnitens  cor,  thesaurizas 
tibi  iram  in  die  irse  et  revelationis  justi  judicii  Dei. 

Qui  reddet  unicuique  secundum  opéra  ejus; 

lis  quidem  qui  secundum  patientiam  boni  operis,  gloriam  et  ho- 
norem  et  incorruptionem  quserunt,  vitam  œternam. 

(Rom.  IL) 

(1)  Quid  est  homo,  quod  memor  es  ejus?  aut  filius  hominis, 
quoniam  visitas  eum  ? 

Minuisti  eum  paulo  minus  ab  Angelis,  gloria  et  honore  coronasti 
eum  :  et  constituisti  eum  super  opéra  manum  tuarum. 

Omnia  subjecisti  sub  pedibus  ejus,  oves  et  boves  universas,  in- 
super et  pecora  campi: 

Volucres  cœli,  et  pisces  maris,  qui  perambulant  semitas  ma- 
ris. 

Domine  Dominus  noster,  quam  admirabile  est  nomen  tuum  in 
universa  terra  !  (Psal.  VIII.) 

(2)  Benedicite,  omnia  opéra  Domini,  Domino:  laudate  et  super- 
exaltate  eum  in  ssecula. 

Benedicite,  Angeli  Domini,  Domino  :  benedicite,  cœli,  Domino. 

Benedicite,  aquse  omnesquœ  super  coelos  sunt,  Domino:  benedi- 
cite, omnes  virtutes  Domini,  Domino. 

Benedicite,  sol  et  luna,  Domino:  benedicite,  stellse  cœli,  Do- 
mino 

Benedicite,  omnes  bestiœ  et  pecora,  Domino  :  benedicite,  filii 
hominum,  Domino. 

Benedicat  Israël  Dominum  :  laudet  et  superexaltet  eum  in  sse- 
cula. 

Benedicite,  sacerdotes  Domini,  Domino  :  benedicite,  servi  Do- 
mini, Domino.  (Dan.  III.) 


102  BESOIN   QU'A  TOUT  HOMME  DE   LA  RELIGION" 

Dieu  d'user  de  tout  ce  qui  appartient  à  Dieu,  sans  dai- 
gner, ni  élever  un  regard,  ni  balbutier  un  merci  à  Celui 
auquel  tout  appartient  et  de  qui  tout  relève  !  —  Inso- 
lence plus  grande  encore.  L'homme  sans  religion,  se  refu- 
sant à  connaître  Dieu,  pour  voir  en  soi-même  le  seul  maître 
de  toute  chose,  détourne  ainsi  les  créatures  de  leur  but, 
s'attribue  à  des  honneurs  qui  ne  sont  dus  qu'à  Dieu  et  prive 
Dieu,  par  un  vol  audacieux,  des  hommages  auxquels  seul 
il  a  droit. 

L'homme  est  membre  de  la  famille  humaine.  —  S'il  est 
vrai  que  la  religion,  aussi  ancienne  que  le  monde,  se  soit  éten- 
due sur  tous  les  siècles  et  chez  tous  les  peuples,  il  est  évi- 
dent que  vivre  sans  religion  c'est  s'exclure  du  genre  humain 
tout  entier. 

1°  Partout  se  retrouve  la  religion.  —  L'homme  a  pu  l'alté- 
rer; certains  siècles,  certains  peuples  n'en  ont  eu  qu'une 
déformation  hideuse;  des  divinités  ridicules  ou  indignes  ont 
usurpé  l'autel  trois  fois  saint  (1).  Mais,  remarquons-le,  l'ab- 


(1)  Justitia  enim  Dei  in  eo  revelatur  ex  fide  in  fidem,  sicut  scrip- 
lum  est  :  Justus  autem  ex  fide  vivit. 

Revelatur  enim  ira  Dei  de  coelo  super  omnem  impietatem  et  in- 
justitiam  hominum  eorum  qui  veritatem  Dei  in  injustitia  deti- 
nent  : 

Quia  quod  notum  est  Dei,  manifestum  est  in  illis;  Deus  enim 
illis  manifestavit. 

Invisibilia  enim  ipsius,  a  creatura  mundi,  per  ea  quse  facta 
.-mit,  intellecta,  conspiciuntur  ;  sempiterna  quoque  ejus  virtus,  et 
divinitas  :  ita  ut  sint  inexcusabiles. 

Quia  quumcognovissent  Deum,  non  sicut  Deum  glorificaverunt, 
aut  gratias  egerunt;  sed  evanuerunt  in  cogitationibus  suis,  et 
nbscuratum  est  insipiens  cor  eorum: 

Dieentes  enim  se  esse  sapientes,  stulti  facti  sunt. 

Et  mutaverunt  gloriam  incorruptibilis  Dei  in  similitudinem 
imaginis  corruptibilis  hominis,  et  volucrum,  et  quadrupedum,  et 
Ber  pentium. 

Propter  quel  tradidit  illos  Deus  in  desideria  cordis  eorum,  in 
immunditiam;  ut  contumeliis  afficiant  corpora  sua  in  semetip- 
sis  ; 

Qui  commutaverunt  veritatem  Dei  in  mendacium  ;  et  coluerunt, 
et  servierunt  creaturaa  potius  quam  Greatori,  qui  est  benedictus 
in  Bascula.  Amen. 

Propterea  tradidit  illos  Deus  in  passiones  Ignominies.  Nam  fe- 
minae  eorum  ira  mutaverunt  naturalem  usum  in  eum  usum  qui  est 
contra  na'  uram. 

Si  militer  autem  et  maseuli,  rclicto  naturali  usufeminœ,  exarse- 


BESOIN  QU'A  TOUT   HOMME   DE   LA  RELIGION  103 

sence  de  la  religion  elle-même  nous  ne  la  pourrons  constater 
chez  aucun  peuple  du  monde. 

Quand  Jésus-Christ  Fils  de  Dieu  vint  sur  la  terre  fonder  le 
culte  véritable,  bâtir  la  vraie  Eglise  de  Dieu,  réunir  les  âmes 
dans  l'unité  d'un  royaume  céleste,  son  œuvre  fut  parfois 
amoindrie  et  lacérée;  le  schisme  rompit  le  lien  de  l'unité, 
l'hérésie  nia  certains  de  ses  dogmes  et  se  refusa  à  certaines 
de  ses  prescriptions;  les  passions  humaines  brisèrent  parfois 
son  joug  :  mais  ce  que  ne  firent  jamais  ni  l'idolâtrie,  ni  l'hé- 
tésie,  ni  le  schisme,  c'est  d'isoler,  absolument  l'homme  do 
Dieu,  de  nier  leurs  rapports,  d'anéantir  en  un  mot  la  religion. 

2°  L'homme  sans  religion  est  donc  exclu  de  la  grande  famille 
humaine.  —  Le  sauvage  qui,  au  fond  de  ses  forêts,  adore  le 
Grand  Esprit  le  répudierait  avec  horreur,  Rome  idolâtre  l'eût 
chassé  de  son  sein,  il  est  tombé  plus  bas  que  le  schisme  ou 
l'hérésie. 


II 
ELLE  EST  LA  SOLUTION  DE  SA  DESTINÉE 


Notre  destinée  future  est  le  tout  de  notre  existence.  — La 
religion  est  le  tout  de  cette  destinée. 


runt  in  desideriis  suis  in  invicem,  masculi  inmaseulos  turpitudi- 
nem  opérantes,  et  mercedem  quam  oportuit  erroris  sui  in  semet- 
ipsis  recipientes. 

Et  sicut  non  probaverunt  Deum  habere  in  notitia,  tradidit 
illos  Deus  in  reprobum  sensum,  ut  faeiant  ea  qiue  non  conve- 
niunt. 

Repletos  omni  iniquitate,  malitia,  fornicatione,  avaritia,  ne- 
quitia:  plenos  invidia,  homicidio,  contentione,  dolo,  malignitate, 
susurrones. 

Detractores,  Deo  odibiles,  cantumeliosos,  superbos,  elatos  inven- 
tores  malorum,  parentibus  non  obedientes. 

Insipientes,  incompositos,  sine  affeetione,  absque  fœdere,  sine 
misericordia  : 

QuiquumjustitiamDeicognovissent,nonintellexerunt  quoniam 
qui  talia-  agunt  digni  sunt  morte;  et  non  solum  qui  ea  faeiunt, 
sed  etiam  qui  consentiunt  faoientibus.  (Rom.  I.) 


104  BBSOIN   QU'A  TOUT  HOMME  DE   LA  RELIGION 

Notre  destinée  est  le  tout  de  notre  existence. —  Nous  ne 
cheminons  paslongtemps  surla  terre  sans  heurter  une  tombe: 
arrêtons-nous,  car  ici  se  pose  le  plus  grave  et  le  plus  effrayant 
problème  :  celui  de  la  destinée. 

Qu'importe  ce  qu'a  été  cet  homme;  si  sa  vie  fut  glorieuse 
ou  obscure,  s'il  a  brillé  de  la  flamme  du  génie,  ou  si  l'igno- 
rance l'a  enveloppé  de  ses  ombres  ?  qu'importe  qu'il  ait  tra- 
versé de  longs  jours  ou  ait  rencontré  prématurément  sa  fin? 
—  Toutes  ces  circonstances  deviennent  insignifiantes,  ces  pé- 
ripéties ne  comptent  plus,  en  face  du  sépulcre  (1). 

La  destinée  véritable  est  celle  qui  s'étend  par  delà  la  tombe. 

Qu'était  véritablement  celui  qui  vient  d'y  être  déposé? 
C'était  une  créature  de  Dieu,  un  être  immortel;  c'était  l'hôte 
d'une  patrie  supérieure,  exilé  un  moment  sur  cette  terre.  Sa 
destinée  était  de  rejoindre  les  siens  dans  sa  famille  des  cieux. 
Il  était  de  Dieu,  il  était  à  Dieu,  il  devait  retrouver  Dieu  dans 
la  splendeur  delà  gloire (2  . 

Voilà  la  seule  et  véritable  destinée. 

La  religion  est  le  tout  de  notre  destinée.  — Et  si  telle  est 
notre  destinée,  il  nous  est  aisé  de  comprendre  qu'à  la  reli- 
gion seule  il  appartient  de  la  dénouer  victorieusement. 

1°  Notre  destinée  est  de  nous  unir  à  Dieu  éternellement.  —  Or 
que  fait  dès  ici-bas  la  religion?  Quel  est  son  but  ?  Quelles  sont 
ses  préoccupations  constantes?  La  religion  n'en  a  d'autres 
que  de  commencer  cette  union  bienheureuse.  La  religion  nous 


(1)  Exultabo  in  salutari  tuo  :  infixse  sunt  gentes  in  interitu  quem 
fecerunt. 

In  laqueo  isto  quem  absconderunt,  comprehensus  est  pes  eo- 
rum. 

Gognoscetur  Dominus  judicia  faciens:  in  operibus  nianuum  sua 
rura  comprehensus  est  peccator. 

Gonvertantur   peccatores  in  infernum,  omnes  gentes  quaî  obli- 
viscuntur  Deum. 

Quoniam  non  in  finem  oblivio  erit  pauperis.         (Psal.  IX.) 

(2)  Quoniam  per  ipsum  habemus  accessum  ambo  in  uno  Spiritù 
ad  Patrem. 

Ergo  jam  non  estis  hospites,  et  advenœ;  sed  estis  cives  sancto- 
rum,  et  domestici  Dei; 

Superœdificati  super  fundamentum  apostolorum  et  prophetarum, 
ipso  summo  angulari  lapide,  Christo  Jcsu  ; 

In  quo  omnis  œdificatio  constructa  crescit  in  templum  sanctum 
in  Domino; 

In  quo  et  vos  coœdiûcaninii  in  habitaculum  Dei  in  Spiritu. 

(Ephes.  II.) 


BESOIN  QU'A   TOUT  HOMME   DE  LA  RELIGION  105 

met  dans  l'intelligence  les  clartés  qui  nous  découvrent  Dieu 
et  le  monde  supérieur  (1).  Elle  fait  couler  dans  nos  cœurs 
le  mystérieux  amour  qui  nous  élève  à  Dieu.  Elle  dépose  sur 
nos  lèvres  d'incessantes  prières,  et  ses  Sacrements  nous  mar- 
quent tous  d'un  sceau  divin. 

2°  Notre  destinée  est  de  nous  revêtir  d'une  incomparable 
gloire.  —  Nous  sommes  les  heureux  invités  d'une  fêle  éter- 
nelle (2);  nous  sommes  des  princes  qu'attendent  le  sceptre 
et  la  couronne  :  «  Placuil  Deo  dare  vobis  regnum.  »  De  là  ces 
paraboles,  ces  images,  ces  ligures  si  continuelles  dans  l'Ecri- 
ture, mais  surtout  si  frappantes  et  si  pressées  sur  les  lèvres 
de  Jésus-Christ.  Là  nous  est  représentée  l'incomparable  splen- 
deur qui  nous  attend  au  ciel.  —  Mais  quoi!  pensons-nous 
revêtir  cette  splendeur  inopinément  et  sans  préparation? 
Nullement.  Le  temps  de  la  vie  nous  est  laissé  par  Dieu  afin 
que  nous  fassions  les  apprêts  de  notre  destinée  glorieuse  (3), 
et  c'est  la  religion  qui  à  son  tour  se  chargera  de  ces  apprêts. 
Si  notre  intelligence  doit  s'élever  plus  tard  aux  visions  su- 
blimes de  la  vérité,  la  religion  nous  y  prépare  par  la  foi.  Si 
notre  cœur  doit  connaître  au  ciel  les  inénarrables  ivresses  où 
nous  plongera  l'amour  de  la  beauté  infinie,  dès  ici -bas  la  re- 
ligion purifie  ce  coeur,  le  vide  de  l'amour  désordonné  des 
créatures,  pour  le  donner  à  Dieu  tout  entier.  Si  notre  vie  au 
ciel  doit  être  la  vie  desan"-es,  dès  maintenant  la  religion  nous 


(1)  Est  autem  fides  sperandarum  substantia  rerum,  argumen- 
tum  non  apparentium. 

In  hac  enim  testimonium  consecuti  sunt  senes. 
Fide  intelligimus  aptata  esse  saecula  verbo  Dei;  ut  ex  invisibi- 
libus  visibilia  fièrent.  (Hœbr.  XI.) 

(2)  Et  respondens  Jésus,  dixit  iterum  in  parabolis  eis,  dicens: 
Simile  factum  est  regnum  cœlorum  homini  régi,  qui  fecit  nup- 

tias  filio  suo. 

Et  misit  servos  suos  vocare  invitatos  ad  nuptias  ;  et  nolebant 
venire. 

Iterum  misit  alios  servos,  dicens:  Dicile  invitatis  :  Ecce  pran- 
dium  meum  paravi,  tauri  mei  et  altilia  occisa  sunt,  et  omnia  pa- 
rata  :  venite  ad  nuptias.  (Matth  XII.) 

(3)  Tune  simile  erit  regnum  cœlorum  decem  virginibus,  quae 
accipientes  lampades  suas,  exierunt   obviam  sponso  et  sponsae. 

Quinque  autem  ex  eis  erant  fatuae,  et  quinque  prudentes. 
Sed  quinque  fatuœ,  acceptislampadibus,  non  sumpserunt  oleum 
secum  : 
Prudentes  vero  acceperunt  oleum  in  vasis  suis  cumlampadibus. 

(Matth.  XXV.) 


106 


BESOIN  QU  A  TOCT  HOMME  DE   LA   RELIGION 


revêt  de  la  robe  nuptiale  des  vertus.  Si  enfin  notre  corps  lui- 
même  doit  être  l'éternel  possesseur  des  voluptés  divines,  la 
religion,  par  les  Sacrements  qui  le  touchent,  par  les  sacrifices 
qui  l'angélisent,  par  les  actes  saints  qui  le  glorifient,  le  dis- 
pose à  sa  haute  et  magnifique  fortune  (1). 

3°  Notre  destinée  est  d'obtenir  le  ciel  à  titre  de  conquête.  — 
Dieu  nous  honore  assez  pour  faire  de  nous  ses  auxiliaires  de 
telle  sorte  que  nous  avec  Lui  combattons  et  triomphons  (2). 
Et  quel  sera  le  rôle  de  la  religion  durant  notre  carrière  de 
lutteurs  et  de  conquérants?  La  religion  nous  découvrira  nos 
ennemis.  La  religion  nous  apprendra  les  règles  de  cette 
guerre  difficile,  de  cette  stratégie  céleste  (3).  La  religion  par 
la  grâce,  la  prière,  les  Sacrements,  soutiendra  nos  forces  et 
réparera  nos  vigueurs  affaiblies.  Enfin  la  religion  pansera 
nos  blessures;  elle  viendra,  secourab'e  et  maternelle,  nous 
relever  sur  le  champ  de  bataille,  où  elle  nous  trouvera  gi- 


(1)  Hoc  autem  dico,  fratres:  Quia  caro  et  sanguis  regnum  Dei 
possidere  non  possunt,  neque  corruptio  incorruptelam  possidebit. 

Ecce  mysterium  vobis  dico  :  Omnes  quidem  resurgemus,  sed 
non  omnes  immutabimur. 

In  mouiento,  inictuoculi,  in  novissima  tuba  (canet  enim  tuba), 
et  mortui  résurgent  incorrupti,  et  nos  immutabimur. 

Oportet  enim  corruptibile  hoc  induere  incorruptionem,  et  mor- 
tale  hoc  induere  immortalitatem. 

Quum  autem  mortale  hoc  induerit  immortalitatem,  tune  fiet 
sermo  qui  scriptus  est  :  Absorpta  est  mors  in  Victoria. 

Ubi  est,  mors,  Victoria  tua?  ubi  est, mors,  stimulus  tuus  ? 

Stimulus  autem  mortis  peccatum  est  :  virtus  vero  peccati, 
lex. 

Deo  autem  gratias  qui  dédit  nobis  victoriam  per  Dominum  nos- 
trum  Jesuiu  Christum. 

Itaque,  fratres  mei  dilecti,  stabile-  esl 

(•2i  Cœpit  Jésus  dic^r.-  ad  turbas  de  Jeanne 
sertum  vi 1ère  ?  arun  linem  vento  agitatam  ? 

Sed  quid  existis  videre?  hominem  mollibus  vestitum  ?  Ecce  qui 
mollibus  vestiuntur,  in  domibus  regum  sunt. 

Sel  quid  existis  videre  ?  prophetam?  Etiam  dico  vobis,  et  plus 
quam  prophet .  ni. 

Hic  est  enim  de  quo  scriptum  est  :  Ecce  ego  mitto  angelum 
meum  ante  faciem  tuam,  qui  prteparabit  viam  tuam  ante  te. 

Amen  dico  vobis:  Non  surrexit  inter  uatos  mulierum  major 
Joanne  Baptista  :  qui  autem  minor  est  in  regno  cœlorum,  major 
est  illo. 

A  diebus  autem  Joaunis  Baptista*  usque  nunc,  regnum  cœlo- 
rum vim  patitur,  et  violenti  rapiunt  il t u  1.  (Matth.  XI.) 

(3)Psal.  GXIII. 


(I  Cor.  XV.) 
i  |uid  existis  in  de- 


BESOIN  QU'A   TOUT   HOMME   DE   LA  RELIGION  i07 

sants.  Et  eussions-nous  reçu  de  nos  ennemis  le  coup  de  la 
mort,  elle  nous  ressuscitera  pour  de  nouvelles  luttes  et  nous 
conduira  à  de  définitifs  triomphes. 


III 


ELLE  EST  LA  SATISFACTION  DE  SON  PLUS 
IMPÉRIEUX  BESOIN 


Quel  est  le  triple  besoin  de  l'homme  ici-bas?  Le  besoin 
d'une  carrière  noblement  remplie  et  d'une  conscience  en  paix. 
—  Le  besoin  d'un  soutien  et  d'une  consolation  durant  sa  rude 
existence.  —  Surtout  le  besoin  d'une  espérance  qui  s'étende 
au  delà  du  tombeau. 

Nous  avons  besoin  d'une  conscience  en  paix.  —  Nous  le 
savons,  hélas!  l'homme,  entraîné  dans  le  tourbillon  d'une  vie 
matérielle,  plongé  dans  ses  affaires  ou  dans  ses  plaisirs,  livré 
tout  entier  aux  charmes  de  vivre,  l'homme  peut  si  complète- 
ment s'isoler  de  Dieu  et  de  sa  destinée  supérieure  que  son  ir- 
réligion ne  lui  donne  plus  ni  étonnement  ni  remords.  Il  vit 
tranquille  sans  Dieu,  tranquille  il  mourra  sans  Dieu. 

Mais  c'est  là,  hâtons-nous  de  le  dire,  une  exception.  Il  est, 
dans  la  plupart  des  existences  de  ceux  qui  vivent  sans  reli- 
gion, des  heures  de  réveil;  heures  bénies  et  fécondes,  où  l'âme 
se  sent  prise  d'inquiétudes  vagues,  de  pressentiments  dou- 
loureux, de  remords  pesants.  Alors  elle  entrevoit  comment 
la  religion  lui  devrait  être  la  noble  compagne  de  la  vie. 

D'ailleurs  il  est  des  natures  d'élite,  affamées  d'idéal,  mal  à 
l'aise  dans  l'étroite  enceinte  des  choses  créées,  et  qui  aspi- 
rent, avant  même  de  le  connaître  ou  d'en  vouloir,  vers  ce 
monde  supérieur  dont  la  religion  seule  ouvre  l'accès. 

Nous  avons  besoin  de  force  et  de  soutien.  —  Que  de  lut- 
tes à  affronter  et  quelles  luttes!  Luttes  généreuses,  luttes 
que  réclament  la  conscience  et  la  vertu.  Luttes  contre  les 
entraînements  de  l'exemple.  Luttes  contre  les  déceptions  et 


108  BESOIN'  QU'A   TOUT   HOMME   DE  LA  RELIGION 

les  désespoirs  de  la  vie.  —  Cherchons  où  nous  trouverons  des 
forces  :  nul  auxiliaire  puissant  que  la  religion  ne  s'offrira  à 
nous. 

Nous  avons  besoin  d'espérance.  —  La  vie  n'est  qu'un 
songe.  D'un  pas  rapide  la  carrière  est  franchie;  nous  voici  au 
terme,  nous  allons  mourir.  —  0  bienheureuse  messagère  que 
nous  est  alors  la  religion!  Cette  religion  qui  nous  fait  appa- 
raître, au  delà  de  la  sombre  nuit  du  tombeau,  l'aube  blan- 
chissante de  l'éternité  (1). 


(1)  Nolumus  autem  vos  ignorare,  fratres,  de  dormientibus,  ut 
non  contrislemini  sicut  et  cœteri  qui  speru  non  habent. 

Si  enim  credirnus  quod  Jésus  mortuus  est  et  resurrexit,  ita  et 
Deus  eos  qui  dormierunt  per  Jesum  adducet  cura  eo. 

Hoc  eirim  vobis  dicimus  in  verbo  Domini,  quia  nos,  qui  vivi- 
mus,  qui  residui  sumus  in  adventum  Domini,  non  prseveniemus 
eos  qui  dormierunt. 

Quoniam  ipse  Dominus  in  jussu,  et  in  voce  archangeli,  et  in 
tuba  Dei  descendet  de  cœlo  ;  et  mortui  qui  in  Christo  sunt,  ré- 
surgent primi. 

Deinde  nos,  qui  vivimus,  qui  relinquimur,  simul  rapiemur 
curn  illis  in  nubibus  obviam  Christo  in  aéra,  et  sic  semper  cum 
Domino  erimus. 

Itaque  consolamini  invicem  in  verbis  istis. 

(I  Thess.  IV.) 


LA  RELIGION  DANS  SES  RAPPORTS 

AVEC  LA  QUESTION  SOCIALE 


La  Religion  a  pour  premier  but  de  venir  à  nous  dans  notre 
exil,  de  nous  réapprendre  la  route  de  nos  destinées  éternelles, 
de  nous  la  faire  suivre  d'un  pas  sûr  et  énergique,  puis  enfin, 
après  une  existence  toute  dévouée  à  Dieu,  de  nous  ouvrir 
l'accès  des  divines  récompenses  (1). 

Si  essentiel  que  soit  ce  but,  il  n'est  pas  unique.  La  religion 
qui  assure  notre  avenir  est  seule  aussi  à  garantir  notre  pré- 
sent. Elle  est  au  monde  moral  ce  que  le  soleil  est  au  monde 
physique:  sans  elle  tout  se  déconcerte  et  se  trouble,  se  désor- 
ganise et  périt;  individu,  famille,  Société  trouvent  en  elle 
seule  leur  orientation,  leur  force,  leur  garantie  de  prospérité. 

Un  peuple  d'où  la  religion  se  retire  est  mûr  pour  la  déca- 
dence, et  il  s'achemine  fatalement  vers  la  mort.  Ce  malheu- 
reux peuple  non  seulement  se  trouve  sans  vigueur  en  face 
des  ennemis  du  dehors,  mais  encore  est,  au  dedans,  travaillé 
par  des  ferments  de  dissolution.  —  C'est  cette  dernière  vérité 
capitale  que  nous  voulons  mettre  en  lumière  (2). 


(1)  Nolite  ergo  solliciti  esse,  dicentes  :  Quid  manducabimus,  aut 
quid  bibemus,  aut  quo  operiemur  ? 

Hsec  enim  omnia  gentes  inquirunt.  Scit  enim  Pater  vester  quia 
his  omnibus  indigetis. 

Quaerite  ergo  primum  regnuin  Dei,  et  justitiam  ejus  :  et  hsec  om- 
nia adjicientur  vobis. 

Nolite  ergo  solliciti  esse  in  crastiuum.  Crastinusenim  dies  solli- 
citus  eritsibi  ipsi.  Sufûcit  diei  malitia  sua.  (Matth.  VI.) 

(2)  Timor  Domini  odit  malum.  Arrogantiam,  et  superbiam,  et 
viam  pravam,  et  os  bilingue  detestor. 

Meum  est  consilium,  et  eequitas  ;  mea  est  prudentia,  mea  est 
fortitudo. 

Per  me  reges  régnant,  et  legum  conditores  justa  decernunt  ; 

Per  me  principes  imperant,  et  potentes  decernunt  justitiam. 

Ego  diligentes  me  diligo  ;  et  qui  mane  vigilant  ad  me,  invenient 
me. 


110       LA  RELIGION    DANS   SES  RAPPORTS  AVEC   LA   QUESTION    SOCIALE 


TOUTE  SOCIETE  SE  COMPOSE  DE  DEUX  CLASSES 


Ces  deux  classes  existent.  —  Elles  existent  toujours.  — 
Elles  existent  nécessairement. 

Deux  classes  existent.  —  La  nature  physique  nous  repré- 
sente bien  ce  que  sont  au  moral  les  Sociétés  humaines.  Il  est 
des  régions  heureuses,  inondées  de  soleil,  d'une  fécondité 
que  chaque  saison  renouvelle,  inépuisables  dans  leurs  riches- 
ses ainsi  que  délicieuses  par  leur  charme.  —  Il  est  des  terres 
ingrates  et  douloureuses,  que  recouvrent  les  glaces  du  pôle 
ou  que  brûle  un  soleil  sans  pitié.  —  Ainsi  retrouvons-nous 
dans  chaque  Société  ces  deux  régions  si  diverses,  régions 
opulentes,  régions  besoigneuses,  régions  qu'habitent  les  heu- 
reux de  ce  monde,  régions  où  souffrent  les  déshérités  (1). 

1°  Il  est  une  classe  élevée.  —  A  celle-là  l'instruction,  la  cul- 
ture, le  développement  harmonieux  des  facultés.  —  Tout  la 
désigne  à  devenir  ce  que  le  langage  usuel  nomme  la  classe 
dirigeante.  Une  organisation  mystérieuse  plus  puissante  que 
les  volontés  humaines  la  maintient  sur  un  trône  d'où  elle 
fait  planer  autour  d'elle  d'invincibles  influences. 


Mecum  sunt,  divitiœ  et  gloria,  opes  superbœ  et  justitia. 

Melior  est  enini  fructus  meus  auro  et  lapide  pretioso,  et  geni- 
mina  mea  argento  electo. 

In  viis  justitiœ  ambulo,  in  raedio  semitarum  judicii, 

Ut  ditem  diligentes  me,  et  thesauros  eorum  repleam. 

(Frov.VIII.)  , 

(1)  Dicis  itaque  mihi  :  Quid  adhuc  queritur  ?  voluntati  enim  ejus 
quis  resistit  ? 

0  homo,  tu  quis  es,  qui  respondeas  Deo?  Numquid  dicitfigmen- 
tum  ei  qui  se  linxit  :  Quid  me  fecisti  sic  ? 

An  non  habet  potestatem   figulus  luti   ex  eadem  massa  facere 
aliud  quidem  vas  in  honorem,  aliud  vero  in  contumeliam  ? 

(Rom.  IX.) 


LA  RELIGION   DANS   SES   RAPPORTS  AVEC   LA  QUESTION   SOCIALE       111 

2°  //  est  une  classe  inférieure,  pour  celle-là  la  culture  s'est 
trouvée  amoindrie.  —  Les  sollicitudes  de  l'existence,  la  lutte 
pour  le  pain  de  chaque  jour,  par  suite  un  labeur  incessant 
et  des  travaux  matériels,  l'écartent  à  jamais  du  gouverne- 
ment des  choses.  —  Nécessairement  aussi  elle  se  trouve, 
sous  bien  des  rapports  et  par  bien  des  côtés,  soumise  à  la 
précédente. 

Elles  ont  toujours  existé.  —  1°  Aussi  loin  que  notre  re- 
gard peut  reculer  dans  les  Sociétés  humaines,  cette  coexis- 
tence des  deux  classes  riche  et  pauvre,  dirigeante  et  dirigée, 
nous  apparaît. 

2°  Phénomène  étrange  !  Jamais  ce  fait  n'a  été  accepté  pa- 
cifiquement et  jamais  les  luttes  pour  le  détruire  n'ont  abouti. 
La  pensée  humaine  a  pu  raisonner,  les  passions  se  soulever, 
les  haines  rugir  (i)  :  aucune  tentative  de  bouleversement 
et  de  destruction  n'a  laissé  autre  chose  que  de  fugitives  em- 
preintes, et,  en  dépit  des  théories  comme  des  coups  de  main, 
les  deux  classes  ont  subsisté  partout  et  toujours.  C'est  donc 
nécessairement  qu'elles  existent. 

Elles  existent  nécessairement.  —  A  qui  en  demanderait 
la  raison,  il  est  aisé  de  répondre:  il  est  une  cause  humaine: 
il  est  une  cause  divine. 


(I)  Judicentur  gentes  in  conspectu  tuo. 

Constitue,  Domine,  legislatorem  super  eos,  ut  sciant  gentes  quo- 
niam  homines  sunt. 

Ut  quid,  Domine,  recessisti  longe,  despicis  in  opportunitatibus, 
in  tribulatione? 

Dum  superbit  impius,  incenditur  pauper  :  comprehenduntur  in 
consiliis  quibus  cogitant. 

Quoniam  laudatur  peccator  in  desideriis  animse  suae,  et  iniquus 
benedicitur. 

Exurge,  Domine  Deus,  exaltetur  manus  tua  :  ne  obliviscarispau- 
perum. 

Propter  quid  irritavit  impius  Deum  ?  dixit  enim  in  corde  suo  : 
Non  requiret. 

Vides  quoniam  tulaborem  et  dolorem  considéras:  ut  tradas  eos 
in  manus  tuas. 

Tibi  derelictus  est  pauper  :  orphano  tu  eris  adjutor. 

Gontere  brachium  peccatoris  et  maligni  :  quœretur  peccatum 
illius,  et  non  invenietur. 

Dominus  regnabit  in  œternum,  et  in  saeculum  sseculi  :  peribitis, 
gentes,  de  terra  illius. 

Desiderium  pauperum  exaudivit  Dominus:  prœparationemcor- 
dis  eorum  audivit  auris  tua. 

Judicare  pupillo  et  humili. 


112      LA  RELIGION  DANS   SES  RAPPORTS  AVEC  LA   QUESTION   SOCIALE 

1°  Il  estime  cause  humaine.  —  Xous  la  trouvons  dans  une 
triple  inégalité.  —  Il  est  une  égalité  d'intelligence  et  de  ta- 
lent. Pour  l'un,  une  intelligence  trop  courte  et  des  facultés 
trop  bornées  interdiront  toute  place  supérieure  et  réclame- 
ront l'humble  mais  toujours  noble  outil  de  l'ouvrier.  L'autre 
ayant  en  partage  l'activité  et  le  génie  prendra  son  essor  vers 
les  carrières  élevées  (1).  —  Il  est  une  inégalité  de  vertu.  Cet 
homme  probe,  laborieux,  fidèle  à  tous  ses  devoirs,  amè- 
nera l'aisance,  la  fortune,  l'honneur  au  foyer  domestique  (2). 
L'autre  jetant  au  vice  les  trésors  de  sa  vie  comme  les  ri- 
chesses de  son  patrimoine,  recueillera  bientôt  pour  lui  et  les 
siens  la  misère  et  la  honte  (3).  —  Il  est  enfin  une  inégalité 
de  circonstance.  Des  courants  mystérieux  emportent  les  exis- 


(i)  Sicut  euim  homo  peregre  proâciscens,  vocavit  servos  suos, 
et  Lradidit  illis  bona  sua  ; 

lit  uni  dédit  quinque  talenta,  alii  autem  duo,  alii  vero  niium, 
uuicuique  secuudum   propriam  virtutem,  et  profectus  est  statim. 

Abiit  autem  qui  quinque  talenta  acceperat,  et  operatus  est  in 
eis,  et  lucratus  est  alia  quinque. 

Similiter  et  qui  duo  acceperat,  lucratus  est  alia  duo. 

Qui  autem  unum  acceperat,  abiens  fodit  in  terram,  et  abscondit 
pecuniam  domini  sui. 

Post  multum  vero  temporis,  venit  do  mi  nus  servorum  illorum, 
et  posuit  rationem  cumeis.  (Matth.  XXV.) 

(2)  Beati  omnes  qui  timent  Dominum,  qui  ambulant  in  viisejus. 
Labores  manuum  tuarum  quia  manducabis  :  beatus  es,  et  bene 

tibi  erit. 

Uxor  tua  sicut  vitis  abundans  in  lateribus  domus  tuœ. 

Filii  tui  sicut  novellœ  olivarum  in  circuitu  inensœ  tuœ. 

Ecce  sic  benedicetur  homo  qui  timet  Dominum. 

Benedicat  tibi  Dominas  ex  Sion  :  et  viûeas  bona  Jérusalem  om- 
nibus diebus  vitœ  tuœ. 

Et  videas  filios  liliorum  tuorum,  pacem  super  Israël. 

(Psal.  CXXV.  i 

(3)  Ait  autem  :  Homo  quidam  habuit  duos  filios  ; 

Et  dixit  adolescentior  ex  illis  patri  :  Pater,  da  inilii  portionem 
substantise  quae  me  contingit.  Et  divisit  illis  substantiam. 

Et  non  post  multos  dies,  congregatis  omnibus,  adolescentior 
filius  peregre  profectus  est  in  regionem  longinquam,  et  ibi  dissi- 
pavit  substantiam  suam  vivendo  luxuriose. 

Et  postquam  omnia  consummasset,  facta  est  famés  valida  in 
regione  illa,  et  ipse  cœpit  egere. 

Et  abiit,  et  adhiesit  uni  civium  regionis  illius.  Et  misit  illumin 
villam  suam,  ut  pasceret  porcos. 

Et  cupiebat  implere  ventrem  suum  de  siliquis  quas  porci  man- 
ducabant  ;  et  nemo  illi  dabat.  (Luc.  XV.) 


LA  RELIGION  DANS  SES  RAPPORTS  AVEC   LA  QUESTION  SOCIALE       113 

tences,  les  unes  vers  des  régions  sereines   et  fortunées,  les 
autres  vers  les  tempêtes  et  les  abîmes. 

2°  Il  est  une  cause  divine.  C'est  la  plus  invincible.  —  Dieu, 
ayant  fait  l'homme  sociable,  a  voulu  que  des  nécessités  mu- 
tuelles et  de  réciproques  services  nous  liassent  les  uns  aux 
autres.  Il  a  voulu  par  conséquent  l'inégalité  des  situations 
et  des  besoins  (1).  —  Que  si  la  pauvreté  et  les  souffrances 
qu'elle  entraîne  nous  restent  un  douloureux  mystère;  si  la 
terrible  question  nous  oppresse:  Pourquoi  des  pauvres?  Il 
est  une  réponse  d'une  effrayante  profondeur.  Dans  un  inonde 
déchu  et  coupable  l'expiation  doit  être  permanente,  et  Dieu 
charge  toute  une  classe  de  la  représenter.  Sans  doute  Dieu 
maintiendra  la  douleur  commune  aux  riches  et  aux  pauvres  ; 
on  pleurera  dans  la  demeure  opulente  comme  dans  le  réduit 
de  la  misère  ;  néanmoins,  dans  des  vues  mystérieuses  que 
nous  n'avons  pas  à  scruter,  Dieu  a  bâti  sur  les  versants  du 
Calvaire  la  cité  des  pauvres  et  des  déshérités  (2). 


(1)  In  sedificationem  corporis  Ghristi  ; 

Donec  occurramus  omnes  in  unitatera  fidei,  et  agnitionis  Filii 
Dei,  in  virum  perfectum,  in  mensuram  aetatis  plenitudinis  Christi; 

Ut  jam  non  simus  parvuli  fluctuantes,  et  circumferamur  omni 
vento  doctrinse  in  nequitia  hominum,  in  astutia  ad  circumventio- 
nera  erroris. 

Veritatem  autem  facientes  in  caritate,  crescamus  in  illo  per 
omnia,  qui  est  caput  Ghristus. 

Ex  quo  totum  corpus  compactum  et  connexum  per  omnera  junc- 
turam  subministrationis,  secundum  operationem  in  mensuram 
uniuscujusque  membri,  augmentum  corporis  facit  in  sedificatio- 
nem sui  in  caritate.  (Ephes.  VI.) 

(2)  Videns  autem  Jésus  turbas,  ascendit  in  montem,  et  cum  se- 
disset,  accesserunt  ad  eum  discipuli  ejus. 

Et  aperiens  os  suum  docebat  eos,  dicens  : 

Beati  pauperes  spiritu,  quoniam  ipsorum  est  regnum  cselorum. 

Beati  mites,  quoniam  ipsi  possidebunt  terram. 

Beati  qui  lugent,  quoniam  ipsi  consolabuntur. 

Beati  qui  esuriunt  et  sitiunt  justitiam,  quoniam  ipsi  saturabun- 
tur. 

Beati  miséricordes,  quoniam   ipsi   misericordiam  consequentur. 

Beati  mundo  corde,  quoniam  ipsi  Deum  videbunt. 

Beati  pacifici,  quoniam  filii  Dei  vocabuntur. 

Beati  qui  persecutionen  patiuntur  propter  justitiam,  quoniam 
ipsorum  est  regnum  cœlorum.  (Matth.  VI.) 


T.  IV 


114      LA   RELIGION   DANS   SES   RAPPORTS   AVEC   LA   QUESTION  SOCIALE 


II 


COMMENT  CES  DEUX  CLASSES 
DOIVENT  COEXISTER 


Il  y  faut  une  hiérarchie.  —  Il  y  faut  une  réciprocité  de  ser- 
vices. —  Le  tout  sous  peine  de  commotions  formidables. 

Il  y  faut  une  hiérarchie.  —  Il  est  trop  évident  que,  sans 
l'élévation  et  le  commandement  chez  les  uns,  l'infériorité 
et  la  soumission  chez  les  autres,  tout  serait  désordre  et  con- 
fusion. Avant  de  former  la  société,  Dieu  en  a  esquissé  dans  le 
corps  humain  l'organisation  essentielle.  Admirable  société 
que  celle  du  corps  humain  !  Ecoutons  Saint  Paul.  «  Le  corps 
est  un  et  ce  corps  se  compose  de  membres  divers,  et  bien 
que  multiples  ces  membres  ne  forment  qu'un  seul  corps.  Si 
le  pied  disait:  parce  que  je  ne  suis  pas  la  main  je  n'appar- 
tiens pas  au  corps,  serait-ce  vrai?  et  si  l'oreille  disait  :  puis- 
que je  ne  suis  pas  l'œil,  je  n'appartiens  pas  au  corps,  serait- 
ce  vrai?  Si  tout  le  corps  n'était  qu'œil,  où  serait  l'ouïe?  Et 
si  tout  le  corps  était  ouïe,  où  serait  l'odorat?...  Et  si  tout  n'é- 
tait qu'un  membre,  où  serait  le  corps  ?  » 

Ce  qui  revient  à  dire:  si  dans  la  Société  humaine  tous 
avaient  le  même  rang  et  les  mêmes  attributions,  que  devien- 
drait le  fonctionnement  général  ? 

Il  y  faut  une  réciprocité  de  services.  —  Mais  autant  la 
coexistence  des  riches  et  des  pauvres,  des  supérieurs  et  des 
inférieurs  est  de  l'essence  d'une  société,  autant  il  est  néces- 
saire qu'un  ciment  mystérieux  unisse  entre  elles  ces  deux 
pierres  de  l'édifice  (1). 


(1)  Et  quîe  putamus  ignobiliora  membra  esse  corporis,  his  hono- 
rem  abundantiorem  circumdamus  ;  et  quœ  inhonesta  sunt  nostra, 
abundantiorem  honestatein  habent. 


LA  RELIGION   DANS   SES  RAPPORTS   AVEC   LA   QUESTION   SOCIALE       115 

1°  //  faudra  donc  des  services  réciproques.  —  Si  le  pauvre 
travaille  au  bien-être  et  à  la  fortune  du  riche,  il  est  d'absolue 
nécessité  que  le  riche  se  dévoue  aux  nécessités  du  pauvre  (1). 

2°  Il  faudra  une  justice  réciproque.  —  Si  la  classe  ouvrière 
n'a  aucun  droit  sur  le  patrimoine  du  riche,  si  elle  doit  à  ses 
patrons  la  loyale  redevance  d'un  labeur  quotidien:  ceux-ci 
ne  sont  pas  moins  tenus  à  traiter  leurs  inférieurs  selon  tou- 
tes les  règles  de  l'équité  (2).  Celui-là  est  abominable  devant 

Honesta  autem  nostra  nullius  egent;  sed  Deus  temperavit  cor- 
pus, ei  cui  deerat,  abundantiorem  tribuendo  honorem, 

Ut  non  sit  schisma  in  corpore,  sed  idipsum  pro  invicem  sollicita 
sint  niembra. 

Et  si  quid  patitur  unum  membrum,  compatiuntur  omnia  niem- 
bra; sive  gloriatur  unum  membrum,  congaudent  omnia  membra. 

Vos  autem  estis  corpus  Christi,  et  membra  de  membro. 

Et  quosdam  quidem  posuit  Deus  in  ecclesia  primum  apostolos, 
secundo  prophetas,  tertio  doctores.  deinde  virtutes,  exinde  gratias 
curationum,  opitulationes,  gubernationes,  gênera  linguarum,  in- 
terpretationes  sermonum.  (I  Corinth.  XII.) 

(1)  Sed  sicut  in  omnibus  abundatisfide  et  sermone  et  scientia  et 
omni  sollicitudine,  insuper  et  caritate  vestra  in  nos,  ut  et  in  hac 
gratia  abundetis. 

Non  quasi  imperans  dico  :  sedper  aliorum  sollicitudinem,  etiam 
vestrse  caritatis  ingenium  bonum  comprobans. 

Scitis  enim  gratiam  Domini  nostri  Jesu  Christi, quoniam  prop- 
ter  vos  egenus  factus  est,  quum  esset  dives,  ut  illius  inopia  vos 
divites  essetis. 

Et  consiliumin  hoc  do  :  hoc  enim  vobis  utile  est;  qui  non  solum 
facere,  sed  et  velle  cœpistis  ab  anno  priore; 

Nunc  vero  et  facto  perficite ';  ut  quemadmodum  promptus  est 
animus  voluntatis,  ita  sit  et  perficiendi  ex  eo  quod  habetis. 

Si  enim  voluntas  prompta  est,  secundum  id  quod  habet,  accepta 
est;  non  secundum  id  quod  non  habet. 

Non  enim  ut  aliis  sit  remissio,  vobis  autem  tribulatio  ;  sed  ex 
sequalitate. 

In  prsesenti  tempore  vestra  abundantia  illorum  inopiam  sup- 
pléât, ut  et  illorum  abundantia  vestrse  inopia?  sit  supplementum, 
ut  fiât  sequalitas,  sicut  scriptum  est  : 

Qui   multum,  non  abundavit;  et  qui  modicum,  non  minoravit. 

(II  Cor.  VIII.) 

(2)  Servi,  obedite  per  omnia  dominis  carnalibus,  non  ad  oculum 
servientes  ;  quasi  hpminibus  placentes,  sed  in  simplicitate  cordis, 
timentes  Deum. 

Quodcumque  facitis,  ex  animo  operamini,  sicut  Domino,  et  non 
hominibus: 

Scientes  quod  a  Domino  accipietis  retributionem  haereditatis. 
Domino  Ghristo  servite. 

Qui  enim  injuriam  facit,  recipiet  id  quod  inique  gessit;  et  non 
est  personarum  acceptio  apud  Deum.  (Goloss.  III.) 


H6      LA  RELIGION   DANS  SES  RAPPORTS  AVEC  LA  QUESTION    SOCIALE 

Dieu  et  devant  les  hommes  qui  spécule  sur  la  faiblesse  désar- 
mée du  pauvre  pour  amoindrir  son  salaire,  et  qui  trafique  de 
ses  sueurs  (1). 

3°  Il  faudra  une  compénétration  réciproque.  —  Dieu  n'a  pas 
fait  les  deux  classes  pour  qu'elles  vivent  isolées  l'une  de 
Vautre,  séparées  par  les  fallacieuses  barrières  de  l'opulence 
et  de  la  pauvreté.  —  Sans  doute  les  distances  sociales  seront 
respectées:  «  Reddite  omnibus  débita,  cui  tributum  tribulum, 
cui  vectigal  vectigal,  cui  timoré  m  timoré  m,  cui  honorem  ho- 
norem.  »  —  Mais  ce  qui  sera  respecté  mieux  encore  que  les 
distances  ce  sera  la  charité,  qui  fait  descendre  le  riche  vers 
le  pauvre  et  qui  élève  avec  confiance  le  pauvre  jusqu'au 
riche  (2).  L'Apùtre  ajoute:  «  Nemini  quidquam  debeatis  nisi 
invicem  diligatis.  » 


(1)  Agite  nunc,  divites,  picrate  ululantesinmiseriis  vestris,  quae 
advenient  vobis. 

Divitiae  vestrse  putrefactae  sunt  ;  et  vestimenta  vestra  a  tineis 
comesta  sunt. 

Aurum  et  argentum  vestrum  aeruginavit,  et  œrugo  eoruinin  tes- 
timoniuui  vobis  erit,  et  manducabit  carnes  vestras  sicut  ignis. 
Thesaurizastis  vobis  iram  in  novissimis  diebus. 

Ecce  mercesoperariorum,qui  rnessuerunt  regiones  vestras,  quae 
fraudata  est  a  vobis,  clamât,  et  clamor  eorum  in  aures  Domini 
sabaoth  introivit. 

Epulati  estis  super  terram,  et  in  luxuriis  enutristis  corda  vestra, 
in  die  occisionis. 

Addixistis,  et  occidistis  justum,  et  non  restitit  vobis. 

(Jacob.  V.  | 

(2)  Fratres  mei,  nolite  in  personarum  acceptione  babere  lidem 
Domini  nostri  Jesu  Ghristi  gloriae. 

Etenim  si  introierit  in  conventum  vestrum  vir  aureumannulum 
habens  in  veste  candida,introierit  autem  et  pauper  in  sordidohabitu; 

Et  intendatis  in  eum  qui  indutus  est  veste  prseclara,  et  dixeritis 
ei  :  Tu  sede  hic  bene  ;  pauperi  autem  dicatis  :  Tu  sta  illic,  aut  sede 
sub  scabello  pedum  meorum; 

Nonne  judioatis  apud  vosmetipsos,  et  facti  estis  judices  cogita- 
tionum  iniquarum  ? 

Audite,  fratres  mei  dilectissimi,  nonne  Deus  elegit  pauperes  in 
hoc  mundo,  divites  in  fide,  et  heredesregni  quod  repromisit  Deus 
diligentibus  se  ? 

Vos  autem  exhonorastis  pauperem.  Nonne  divites  per  potentiam 
opprimuut  vos,  et  ipsi  trahunt  vos  ad  judicia  ? 

Nonne  ipsi  blasphémant  bonum  nomen,  quod  invocatum  est  su- 
per vos  ? 

Si  tamen  legem  perflcitis  regalem  secundum  Scripturas  :  Diliges 
proxiinum  tuum  sicut  teipsum,  benc  facitis  ; 


LA  RELIGION  DANS   SES  RAPPORTS  AVEC  LA  QUESTION  SOCIALE       117 

Le  tout  sous  peine  de  commotions  formidables.  —  Tout 
raisonnement  est  ici  superflu  tant  les  faits  eux-mêmes  appa- 
raissent dans  leur  effrayante  réalité.  La  Société  antique,  en 
Grèce  comme  à  Rome,  de  l'Orient  à  l'Occident,  n'a  cessé  d'être 
bouleversée  par  la  lutte  du  prolétariat  contre  la  richesse. 

.-1  l'heure  présente  c'est  l'imminent  danger  de  notre  So- 
ciété déchristianisée.  —  Les  conditions  d'harmonie  que  nous 
venons  de  signaler  ont  été  méconnues;  Fégoïsme  des  uns, 
les  appétits  furieux  des  autres  rendent  imminentes  les  plus 
sanglantes  mêlées. 


III 


COMMENT  LA  RELIGION  SEULE  Y  MAINTIENT 
L'HARMONIE 


Avant  de  nous  rendre  compte  du  rôle  social  de  la  religion 
démontrons-nous  bien  l'insuffisance  et  l'inefficacité  de  tout 
ce  qui  n'est  pas  elle. 

Où  l'on  aboutit  sans  la  religion.  —  1°  Enlevez  de  la  classe 
riche  les  sentiments  de  justice,  de  générosité,  de  dévouement 
que  la  Religion  inculque  (1);  laissez  les  âmes  fermées  aux 

Si  autem  personas  accipitis,  peccatum  operamini,  redarguti  a 
lege  quasi  transgressores.  (Jacob.  II.) 

(1)  Factum  est  autem  ut  moreretur  mendicus,  et  portaretur  ab 
Angelis  in  sinum  Abrahœ.  Mortuus  est  autem  et  dives,  et  sepultus 
est  in  inferno. 

Elevans  autem  oculos  suos,  quuni  essetintormentis,  vidit  Abra- 
ham alonge,  et  Lazarum  insinu    ejus; 

Et  ipse  damans  dixit  :  Pater  Abraham,  miserere  mei,  et  mitte 
Lazarum  ut  intingat  extremum  digiti  sui  in  aquam,  ut  refrigeret 
linguam  meam;  quia  crucior  in  hac  flamma. 

Et  dixit  illi  Abraham  :  Fili,  recordare  quia  recepisti  bona  in 
vita  tua,  et  Lazarus  similiter  mala  ;  nunc  autem  hic  consolatur, 
tu  vero  cruciaris. 

Et  in  his  omnibus  inter  nos  et  vos  chaos  magnum  firmatum  est; 
ut  hi  qui  volunt  bine  transire  ad  vos,  non  possint,  neque  inde 
hue  transmeare.  (Luc.  XV.) 


i  18      LA.  RELIGION  DANS  SES   RAPPORTS   AVEC  LA   QUESTION   SOCIALE 

redoutables  terreurs  d'un  jugement  à  subir,  fermez-les  sur" 
tout  aux  aspirations  d'un  ciel  à  mériter,  conônez-les  dans  les 
jouissances  de  la  vie  présente,  vous  verrez  surgir  un  mons- 
trueux égoïsme  et  pour  ainsi  parler  le  mépris  féroce  de  ce 
qui  travaille  et  souffre  (1). 

2°  En  dehors  du  Christianisme.  —  Le  monde  vit  les  théories 
abominables  de  la  philosophie  païenne,  qui  n'assignait  au 
pauvre  et  à  l'esclave  qu'à  peine  un  rang  plus  élevé  que  la 
bête.  —  Par  contre,  de  nos  jours,  surgissent  de  toutes  parts 
les  revendications  socialistes,  qui  nient  jusqu'à  la  propriété 
et  aspirent  au  sac  universel  de  la  richesse. 

3°  Restera,  dit-on,  l'emploi  de  la  force.  —  L'équilibre  so- 
cial sera  donc  sous  la  garde  de  la  baïonnette.  —  Sans  doute 
cette  protection  est  nécessaire  et  nous  ne  la  pouvons  mépri- 
ser. —  Mais  qui  ne  sait  combien,  à  certains  moments,  cette 
digue  est  fragile  sous  l'effort  du  flot  populaire? 

4°  Nous  touchons  peut-être  aux  profondeurs  de  l'abîme.  — 
Un  peuple  sans  Dieu,  sans  foi,  sans  espérance,  fermé  à  toute 
aspiration  supérieure,  à  toute  attente  divine,  hurle  des  cris 
de  mort  contre  la  Société;  il  en  veut  le  renversement,  et 
quand  ses  bombes  meurtrières  se  reposent  le  poignard  les 
remplace. 

Comment  la  Religion  résout  la  question  sociale. —  [°Elte 
la  résout  par  ses  grands  dogmes.  — Elle  fait  apparaître  au 
riche  comme  au  pauvre  leur  destinée  immortelle.  Elle  dresse 
solidement  l'autel  du  Dieu  qu'il  faut  honorer.  Elle  promulgue 
les  lois  divines  et  humaines  auxquelles  il  faut  obéir. 

2°  Elle  la  résout  par  son  Homme  Dieu,  —  par  son  Christ, 
qui  est  tout  ensemble  le  dominateur  du  riche  et  le  frère  du 
pauvre  (2). 

3°  Elle  la  résout  par  son  égalité  surnaturelle.  —  Pour  Elle 
toute  âme  est  semblable,  et  si  elle  se  permet  une  dilférence 


(1)  Homo  quidam  erat  dives,  qui  induebatur  purpura  et  bysso  ; 
et  epulabatur  quotidie  splendide. 

Et  erat  quidam  mendicus,  nomine  Lazarus,  qui  jacebat  ad  ja- 
nuam  ejus,  ulceribus  plenus, 

Gupiens  saturari  demicis  quae  cadebantde  mensa  divitis,otnemo 
il  1  i  dabat  ;  sed  et  canes  veniebant,  et  lingebant  ulcéra  ejus. 

(Luc.  XV.) 

(2)  Scitis  enim  gaatiam  Domini  nostri  Jesu  Christi,  quoniam 
proplcr  vos  egenus  factus  est,  quum  esset  dives,  ut  illius  inopia 
vosdivites  essetis.  (II  Cor.  VIII.) 


LA  RELIGION  DANS  SES  RAPPORTS  AVEC   LA  QUESTION  SOCIALE      119 

de  dévouement  et  d'amour,  c'est  en  faveur  du  pauvre.  D'ail- 
leurs sa  foi,  ses  temples,  ses  autels,  son  Eucharistie,  sont  des 
biens  communs  à  tous  (1). 

4°  Elle  la  résout  par  la  confraternité  —  Elle,  traite  le  riche 
comme  son  01s  aîné  qu'elle  charge  de  pourvoir  aux  besoins  du 
plus  jeune,  c'est-à-dire  du  pauvre.  Aux  pieds  du  pauvre  elle 
a  abaissé  les  rois;  pour  le  pauvre  elle  a  multiplié  tous  les 
services  de  la  charité  catholique;  en  faveur  du  pauvre  elle  a 
fait  surgir  les  héroïsmes  delà  Vie  Religieuse. 


(1)  Sicut  enim  corpus  unum  est,  et  membra  habet  multa,  orania 
autem  membra  corporis  quum  siut  multa,  unum  tamen  corpus 
sunt  :  ita  et  Ghristus. 

Etenimin  uno  Spiritu  omnes  nos  in  unum  corpus  baptizati  su- 
mus,  sive  Judœi  sive  gentiles,  sive  servi  sive  liberi  ;  et  omnes  in 
uno  Spiritu  potati  sumus. 

Nam  et  corpus  non  est  unum  membrum,  sed  multa. 

(I  Cor.  XII.) 


UNE  IMAGE  DU  CHRISTIANISME 

ET  DE  LA  VIE  CHRÉTIENNE 


Simile  est  regnum  Dei  grano  sinapis  qaod  accipiens  homo 
seminavit  in  agro  suo.  Quod  cum  seminatum  fuerit  in  terra 
minus  est  omnibus seminibus  quse  simt  in  terra.  Et  cnm  semi- 
natum fuerit,  accendit  et  fit  majus  oleribus  et  crevit  et  factum 
est  in  arborent  magnam  et  facil  ramos  magnos  ita  nt  possint 
sub  timbra  e jus  aves  cœli  habitare.  (Matth.  xm,  31.  —  Marc,  iv, 
31,  Luc.  xm,  19.) 

Fréquemment  dans  l'Ecriture  nous  retrouvons  cette  image 
de  l'arbre,  soit  pour  nous  décrire  l'histoire  entière  de  la  re- 
ligion, soit  pour  nous  dépeindre  la  vie  et  les  actes  de  l'âme 
juste.  —  Le  prophète  Isaïe  voyait  l'ancien  Israël  comme  un 
arbre  dont  la  cime  portait  au  ciel,  dont  les  rameaux  immen- 
ses couvraient  la  terre.  —  David,  pour  nous  représenter  le 
Juste  dans  la  riche  floraison  de  ses  vertus,  nous  fait  voir 
«  l'arbre  planté  sur  le  bord  des  eaux,  dont  le  feuillage  est 
toujours  vert  et  que  couvrent  chaque  saison  des  fruits  opu- 
lents. »  —  Jésus-Christ  revint  souvent  à  celte  figure.  C'est 
tantôt  la  vigne,  tantôt  le  figuier  qui  lui  servenl  à  peindre 
l'âme  chrétienne.  —  Ici,  sous  la  figure  duc  grain  t\<>  sénevé,  » 
devenu  un  arbre  aux  rameaux  étendus,  au  tronc  solide,  aux 
racines  profondes,  c'est  le  Christianisme  dans  son  histoire 
entière  qu'il  nous  veut  représenter. 

Suivons  L'idée  divine,  et  dans  celte  parabole  étudions  à  la 
fois  l'histoire  du  christianisme  et  l'histoire  de  l'âme  chré- 
tienne. 


UNE  IMAGE  DU  CHRISTIANISME   ET  DE   LA  VIE  CHRÉTIENNE         121 


HUMBLES  DEBUTS  DU  CHRISTIANISME 
ET  DE  L'AME  CHRÉTIENNE 


«  Cum  seminatum  fuerit  in  terra  minus  est  omnibus  semini- 
bus  quœ  sunt  in  terra.  » 

Tel  est  le  premier  aspect  sous  lequel  nous  apparaissent  et 
le  christianisme  et  l'âme  chrétienne.  Rien  de  plus  humble,  de 
plus  petit,  de  plus  imperceptible  :  «  Ea  quœ  non  sunt  elegit 
Deus....  Contemptibilia,  ignobilia  elegit  Deus.  » 

Que  fut  le  Christianisme  à  sa  naissance?  —  Reportons- 
nous  au  temps  de  sa  première  apparition  sur  la  terre.  Qu'était 
la  Société  païenne?  Que  fut  en  regard  le  christianisme  nais- 
sant? 

1°  Tableau  dît  monde  païen  (1).  —  Toutes  les  forces  y  sont 


(1)  Et  factum  est  in  anno  undecimo,  tertio  mense,  una  mensis, 
factum  est  ver  bu  m  Domini  ad  me,  dicens  : 

Fili  hominis,  die  Pharaoni,  régi  JEgypti,  et  populo  ejus:  Gui 
similis  factus  es  in  magnitudine  tua  ? 

Ecce  Assur  quasi  cedrus  in  Libano,  pulcher  ramis,  et  frondibus 
nemorosus,  excelsusque  altitudine,  et  inter  condensas  frondes 
elevatum  est  cacumen  ejus. 

Aquœ  nutrierunt  illum,  abyssus  exaltavit  illum  ;  flumina  ejus 
manabant  in  circuitu  radicum  ejus,  et  rivos  suos  emisit  ad  uni- 
versa  ligna  regionis. 

Propterea  elevata  est  altitudo  ejus  super  ornnia  ligna  regionis; 
et  multiplicata  sunt  arbusta  ejus,  et  elevati  sunt  rami  ejus  prœ 
aquis  multis. 

Gumque  extendisset  umbram  suam,  in  ramis  ejus  fecerunt  ni- 
dos  omnia  volatilia  cœli  ;  et  sub  frondibus  ejus  genuerunt  omnes 
bestise  saltuum,  et  sub  umbraculo  illius  habitabat  cœtus  gentium 
plurimaruin. 

Eratque  pulcherrimus  in  magnitudine  sua,  et  in  dilatatione  ar- 
bustorum  suorum,  erat  enim  radix  illius  juxta  aquas  multas. 

Cedri  non  fuerunt  altiores  illo  in  paradiso  Dei  ;  abietes  non 
adspquaverunt  snmmitatem  ejus,  et    platani   non    fuerunt  sequse 


122         UNE   IMAGE    DU   CHRISTIANISME    ET   DE   LA    VIE   CHRÉTIENNE 

réunies,  toutes  les  gloires  y  étincellent.  Le  monde  païen,  l'i- 
dolâtrie, c'est  Rome  victorieuse  qui,  après  avoir  conquis  tous 
les  peuples  connus,  s'en  est  fait  la  plus  vaste  domination. 
Rome  est  maîtresse  du  monde;  sa  force,  à  laquelle  rien  n'a 
résisté,  maintient  dans  une  aveugle  obéissance  les  nations 
domptées.  Nul  ne  pense,  n'agit,  ne  respire,  qu'à  son  bon 
plaisir.  —  A  sa  force  matérielle  l'Empire  ajoute  une  extra- 
ordinaire puissance  d'organisation  et  de  gouvernement.  — 
Riche  des  dépouilles  de  la  terre  entière,  Rome  idolâtre  s'est 
revêtue  d'une  incomparable  splendeur.  —  Enfin  le  paga- 
nisme romain  tient  en   son  pouvoir  la  conscience  humaine. 

frondibus  illius  :  orane  lignura  paradisi  Dei  non  est  assimilatum 
illi,  et  pulchritudirii  ejus. 

Quoniamspeciosum  feci  eum,et  multis  condensisque  frondibus, 
et  semulata  sunt  eum  omnia  ligna  voluptatis,  quae  erant  in  para- 
diso  Dei. 

Propterea  hœc  dicit  Dorainus  Deus  :  Pro  eo  quod  sublimatus  est 
in  altitudine,  et  dédit  summitatem  suam  virentem  atque  conden- 
sam,  et  elevatum  est  cor  ejus  in  altitudine  sua; 

Tradidi  eum  in  manu  for  tissimi  gentium,  faciensfacietei;  juxta 
impietatem  ejus  ejeci  eum. 

Et  succident  eum  alieni,  et  crudelissimi  nationum,  et  projicient 
eum  super  montes  ;  et  in  cunctis  convallibus  corruent  rami  ejus, 
et  confringentur  arbusta  ejus  in  universis  rupibus  terrse,  et  recè- 
dent de  umbraculo  ejus  omnes  populi  terrse,  et  relinquent  eum. 

In  ruina  ejus  habitaverunt  omnia  volatilia  caeli  et  in  ramis  ejus 
fuerunt  universse  bestiae  regionis. 

Quamobrem  non  elevabuntur  in  altitudine  suaomnia  ligna  aqua- 
rum,  nec  ponent  sublimitatem  suam  inter  nemorosa  atque  fron- 
dosa;  nec  stabunt  in  sublimitate  sua  omnia  <{uoe  irriganturaquis, 
quia  omnes  traditi  sunt  in  mortem  ad  terrain  ultimam,  in  modio 
filiorum  hominum,  ad  eos  qui  descendunt  in  lacum. 

Hase  dicit  Dominus  Deus  :  In  die  quando  descendit  ad  inferos, 
induxi  luctum  ;  operui  eum  abysso,  et  prohibui  flumina  ejus,  et 
coercui  aquas  multas  :  contristatus  est  super  eum  Libanus,et  omnia 
ligna  agri  concussa  sunt. 

A  sonitu  ruinas  ejus  commovi  gentes,  eum  deducerem  eum  ad 
infernum  eum  his  qui  descendebant  in  lacum  ;  et  consolata  sunt 
in  terra  intima  omnia  ligna  voluptatis  egregia  atque  proeclara  in 
Libano,  universa  quœ  irrigabantur  aquis. 

Nam  et  ipsi  eum  eo  descendent  in  infernum  ad  interfectos  gla- 
dio  ;  et  brachium  uniuscujusque  sedebit  sub  umbraculo  ejus  in 
medio  nationum. 

Gui  assimilatus  es,  o  inclyte  atque  sublimis  inter  ligna  volup- 
tatis? Ecce  deductuses  eum  lignis  voluptatis  ad  terrain  ultimam  ; 
in  medio  incircumeisorum  dormies,  eum  eis  qui  interfecti  sunt 
gladio  :  ipse  est  Pbarao,  et  omnis  multitudo  ejus,  dicit  Dominus 
Deus.  (Ezech.  XXXI.) 


UNE   IMAGE  DU  CHRISTIANISME  ET   DE   LA   VIE   CHRÉTIENNE         123 

L'Etat  s'est  fait  Dieu,  et  si  les  âmes  doivent  se  prosterner 
devant  les  autels  des  divinités,  c'est  bien  plus  au  César  qu'aux 
dieux  de  l'Olympe  que  l'adoration  obligatoire  est  adressée. 

Une  autre  force  immense  du  paganisme  est  celle  de  sa  lit- 
térature et  de  sa  civilisation.  Les  œuvres  du  génie  païen  ont 
fondé  le  règne  d'une  admiration  universelle.  Les  beaux  es- 
prits, les  écrivains  illustres  d'Athènes  et  de  Rome,  détiennent 
à  eux  seuls  la  dictature  de  la  pensée. 

Sur  leurs  modèles  s'est  faite  la  civilisation  païenne  tout  en- 
tière. Coutumes,  mœurs  publiques,  idées  régnantes,  opinions 
reçues,  tout  relève  du  génie  païen. 

2°  Tableau  du  christianisme  naissant.  —  Dieu  n'envoyait 
son  Messie  et  ne  fondait  le  Testament  Nouveau  que  pour 
renverser  et  anéantir  l'idolâtrie  antique.  L'immense  domi- 
nation païenne  devait  disparaître  et  faire  place,  sur  toute  la 
surface  du  monde,  à  la  religion  du  vrai  Dieu.  —  Mais,  ô  ren- 
versement des  pensées  humaines  !  0  merveille  du  plan  divin! 
Ce  qui  jettera  bas  le  colosse  romain  c'est  l'atome  le  plus  im- 
perceptible, c'est  le  rien,  c'est  le  néant  :  «  Ea  quœ  non  sunt 
elegit  Deus  ut  ea  quse  sunt  destrueret  »  (1).  i 

Représentons-nous  la  première  apparition  du  Christanisme 


(1  )  Sed  est  Deus  in  cœlo  revelans  mysteria,  qui  indicavit  tibi, 
rexNabuchodonosor,  quœ  ventura  sunt  in  novissiniis  temporibus. 
Somnium  tuum,  et  visiones  capitis  tui  in  cubili  tuo  hujuscemodi 
sunt  : 

Tu,  rex,  cogitare  cœpisti  in  strato  tuo,  quid  esset  futurura  post 
haec  ;  qui  révélât  mysteria,  ostendit  tibi  quœ  ventura  sunt. 

Mini  quoque  non  in  sapientia,  quœ  est  in  me  plus  quam  in 
cunctis  viventibus,  sacramentum  hoc  revelatum  est,  sed  ut  inter- 
pretatio  régi  manifesta  fieret,  et  cogitationes  mentis  tuœ  scires. 

Tu,  rex,  videbas,  et  ecce  quasi  statua  una  grandis  :  statua  illa 
magna,  et  statura  sublimis,  stabat  contra  te,  et  Intuitus  ejus  erat 
terribilis. 

Hujus  statuas  caput  ex  auro  optimo  erat,  pectus  autem  et  bra- 
chia  de  argento,  porro  venter  et  femora  ex  œre  ; 

Tibiœ  autem  ferreœ,  pedum  quœdam  pars  erat  ferrea,  quœdam 
autem  fictilis. 

Videbas  ita,  donec  abscissus  est  lapis  de  monte  sine  manibus, 
et  percussit  statuam  in  pedibus  ejus  ferreis  et  fictilibus,  et  com- 
minuit  eos. 

Tune  contrita  sunt  pariter  ferrum,  testa,  ses,  argentum,  et  au- 
rum,  et  redacta  quasi  in  favillam  œstivœ  arese,  quœ  rapta  sunt 
vento,  nullusque  locus  inventus  est  eis  ;  lapis  autem,  qui  percus- 
serat  statuam,  factus  est  mons  magnus,  et  implevit  universam 
terram.  (Dan.  II.) 


124        UNE   IMAGE  DU   CHRISTIANISME   ET  DE  LA   VIE   CHRÉTIENNE 

dans  le  monde  païen.  On  y  apprend  qu'en  un  coin  étroit  et 
méprisé,  dans  cette  Judée,  objet  des  railleries  des  beaux 
esprits  de  Rome,  un  Juif  vient  de  périr  sur  une  croix.  — 
Ceux  qui  annoncent  cette  insignifiante  nouvelle  ce  sont  douze 
étrangers,  douze  pauvres,  hommes  grossiers  et  sans  lettres. 
—  Ceux  qui  adhèrent  les  premiers  à  cet  étrange  Evangile 
sont  des  pauvres  et  des  esclaves.  —  Et  qu'annonce-t-on  au 
monde?  Une  inaccessible  doctrine,  faite  d'incompréhensibles 
mystères;  une  morale  toute  hérissée  de  préceptes  odieux  à  la 
nature:  un  culte  dépourvu  de  splendeur,  une  religion  enfin 
en  opposition  flagrante  avec  les  mœurs  publiques  et  les  idées 
reçues. 

0  Dieu  !  quel  est  donc  le  plan  que  vous  poursuivez?...  Dieu, 
en  privant  son  œuvre  des  ressources  humaines,  en  la  desti- 
tuant de  tout  prestige  et  de  toute  force,  veut  montrer  que,  dans 
la  victoire  du  Christianisme  sur  le  monde  païen,  Lui  seul 
agit,  et  que  la  religion  nouvelle  est  manifestement  son  œuvre. 

Et  c'est  ainsi  que  le  miracle  de  la  naissance,  de  l'extension, 
du  triomphe,  du  règne  définitif  de  l'Eglise  de  Jésus-Christ 
demeurera  à  jamais  l'inébranlable  preuve  de  sa  divinité  (1). 

Qu'est  le  chrétien  ici-bas?  —  La  même  merveille  se  re- 
trouve en  petit  dans  chaque  àme  chrétienne.  «  Curn  semina- 
tum  fuerit  in  terra  minus  est  omnibus  seminibus.  » 

1°  Ce  que  doit  être  l  àme  chrétienne  dam  F  épanouissement 
de  sa  gloire  future,  ce  quelle  est  actuellement  dans  les  divines 
réalités  de  la  grâce.  —  Nul  que  Dieu  ne  saurait  l'exprimer. 
Créature  divine,  enfant  de  Dieu,  destinée  à  des  splendeurs 
éternelles,  devant  l'âme  chrétienne  s'ouvre  un  règne  qui 
n'aura  pas  de  tin.  La  vie  de  Dieu  est  son  domaine,  les  ri- 
cin sses  de  Dieu  deviennent  son  patrimoine,  les  pensées  de 
Dieu  illuminent  son   intelligence,  la  béatitude  de  Dieu  coule 


(li  Habemus  autem  thesaurum  istum  in  vasis  fictilibus ;  ut  su- 
blimitas sit  virtutis  Dei,  et  non  ex  n 

In  omnibus  tribulationem  patimur,  sed  non  angustiamur  ;  apo- 
riamur,  sed  non  destituimur  ; 

Persec  itionem  patimur,  sed  non  derelinquimur  :  dejicimur, 
non  perimus  : 

S    nper  mortificationein  Jesu  in  corpore   nostro  circumferentes, 
ut  el  vit  a  Jesu  manifestetur  in  corporibus  nostris. 

ipcr  on i m  nos  qui  vivimus,  in  mortem  tradimur  propter  Je- 
sum  ;  ut  et  vita  Jesu  manifestetur  in  carne  nostra  morlali. 

(II.  Cor.  IV.) 


UNE   IMAGE  DU   CHRISTIANISME  ET  DE   LA   VIE  CHRÉTIENNE        125 

dans  son  cœur  comme  un  impétueux  torrent...  Mais  cessons 
de  balbutier  et  disons  avec  l'Apôtre  :  «  Ce  que  l'œil  n'a  point 
vu,  ni  l'oreille  entendu,  ni  le  cœur  compris,  c'est  ce  que  Dieu 
a  préparé  à  ses  Elus  (1).  » 

2°  Or  autant  est  divine  la  destinée  de  Vâme  chrétienne,  au- 
tant est  humble  et  infime  l'aspect  sous  lequel  elle  nous  appa- 
raît. —  Aux  yeux  du  monde  l'âme  chrétienne  est  dénuée  de 
prestige;  la  religion  est  une  faiblesse,  la  croyance  une  chi- 
mère, l'espérance  future  une  duperie  misérable.  Ceux-là  seuls 
ont  l'âme  haute,  la  pensée  puissante,  le  génie  transcendant, 
qui  répudient  l'humble  religion  des  foules.  —  Et  non  seule- 
ment l'âme  chrétienne  est  dans  le  monde  inconnue  et  inap- 
prôciée  (2),  mais  elle  est  et  doit  être  petite  et  infime  à  ses 
propres  yeux  (3).  Tel  est  l'ordre,  tel  est  le  commandement 
fondamental.  Le  chef  de  notre  race  fut  pauvre,  se  fît  artisan, 
et  de  lui  il  disait  :  «  Apprenez  de  moi  que  je  suis  humble.  » 
Son  existence  mortelle  et  sa  mort  sur  la  Croix  sont  la  suprême 
expression  de  l'humilité. 

Ainsi  se  vérifient  pour  le  christianisme  et  l'âme  chrétienne 
les  premières  paroles  du  texte  sacré  :  «  Le  Royaume  des  cieux 
est  semblable  au  grain  de  sénevé  qu'un  homme  prit  et  sema 


(1)  Sed  loquimur  Dei  sapientiam  in  mysterio,  quœ  abscondita 
est,  qnara  prœdestinavit  Deus  ante  saîcula  in  gloriam  nostram, 

Quam  nemo  principum  hujus  sœculi  cognovit  :  si  enim  cogno- 
vissent,  nunquam  Doiuinum  gloriaj  crucifixissent. 

Sed  sicut  scriptuni  est  :  Quod  oculus  non  vidit,  nec  auris  audi- 
vit,  nec  in  cor  hominis  accendit,  quœ  prœparavit  Deus  iis  qui 
diligunt  illum  ; 

Nobis  autem  revelavit  Deus  per  Spiritum  suum  :  Spiritus  enim 
omnia  scrutatur  etiam  profunda  Dei.  (I  Cor.  II.) 

(2)  Amen,  amen  dico  vobis,  quia  plorabitis  et  flebitis  vos,  mun- 
dus  autem  gaudebit  ;  vos  autem  contristabimini,  sed  tristitia  ves- 
tra  vertetur  in  gaudium. 

Mulier  quum  parit,  tristitiam  habet,  quia  venit  hora  ejus  : 
quum  autem  pepererit  puerum,  jam  non  meminit  pressurae  prop- 
ter  gaudium:  quia  natus  est  homo  in  mundum.      (Joan.  XVI.) 

(3)  Inilla  hora  acces~erunt  discipuli  ad  Jesum,  dicentes  .  Quis, 
putas,  major  est  in  regno  cœlorum  ? 

Et  advocans  Jésus  parvulum,  statuit  eum  in  medio  eorum, 

Et  dixit  :  Nisiconversi  fueritis,  et  efficiamini  sicut  parvuli,  non 
intrabitis  in  regnum  cœlorum. 

Quicumque  ergo  humiliaverit  se  sicut  parvulus  iste,  hic  est  ma- 
jor in  regno  cœlorum. 

Et  qui  susceperit  unum  parvulum  talem  in  nomine  meo,  me 
suscipit.  (Joan.  XVIII.) 


126        UNE   IMAGE   DU  CHRISTIANISME   ET   DE  LA   VIE   CHRÉTIENNE 

dans  son  champ.  Et,  quand  ce  grain  est  mis  en  terre,  il  est 
plus  petit  que  toute  autre  semence.  » 


M 


MERVEILLEUSE  PUISSANCE  DU  CHRISTIANISME 
ET  DE  L'AME  CHRÉTIENNE 


Nous  avons  vu  l'imperceptible  semence  :  contemplons  l'ar- 
bre. La  merveille  est  accomplie.  De  puissantes  racines  plon- 
gent dans  le  sol  profondément.  Un  tronc  vigoureux  s'est  élevé 
vers  le  ciel,  d'immenses  rameaux  s'étendent  de  toutes  parts. 
Une  sève,  qui  jamais  ne  tarit,  monte  des  racines  jusqu'au 
dernier  feuillage.  Les  tempêtes  ont  passé,  les  torrents  se  sont 
déchaînés,  l'arbre  a  résisté  à  leurs  assauts  les  plus  furieux. 
—  Et  tel  est  le  christianisme,  telle  est  l'âme  chrétienne. 

Merveilleuse  puissance  du  Christianisme.  —  Alui,  comme 
à  l'arbre,  des  racines  profondes.  C'est  dans  un  sol  divin  que 
plonge  le  christianisme.  La  sève  qui  circule  en  lui  n'a  d'autre 
origine  que  Dieu,  et  c'est  de  Dieu,  de  Jésus-Christ,  des  tré- 
sors de  la  grâce,  des  vitales  influences  de  la  Rédemption  que 
viennent  à  l'Eglise  ces  indestructibles  forces  que  les  siècles 
n'ont  pu  entamer. 

«  Ascendit  et  fit  majus  oleribus  et  crevit  et  factum  est  in  ar- 
borcm  magnam...  et  ramos  magnas.  »  Considérez  le  christia- 
nisme, arbre  immense  qui  couvre  la  terre.  Etudiez  son  mer- 
veilleux empire;  voyez-le  s'emparer  des  âmes,  dominer  les 
intelligences,  enchaîner  les  cœurs,  régler  les  existences,  fa- 
çonner la  société  comme  la  famille,  dominer  les  mœurs 
publiques,  faire  pénétrer  partout  ses  divines  influences  (1). 

(i)  Pro  iniquitate  vidi  tentoria  .Ethiopie  :  turbabuntur  pelles 
terra;  Madian. 

Numquid  in  fluminibus  iratus  es,  Domine  ?  aut  in  fluminibus 
furor  tuus  ?  vel  in  mari  indignatio  tua  ? 

Qui  ascendes  super  equos  tuos  :  et  quadrigœ  tuœ  salvatio. 


UNE  IMAGE   DU  CHRISTIANISME   ET  DE  LA  VIE  CHRÉTIENNE        127 

Depuis  dix-huit  siècles  le  grand  arbre  divin  est  battu  des  plus 
furieuses  tempêtes;  chaque  siècle  a  vu  leurs  assauts  destruc- 
teurs; l'arbre  est  demeuré  inébranlable;  son  tronc  dix-huit 
fois  séculaire  est  debout  et  jamais  sa  sève  n'a  tari. 

Merveilleuse  puissance  du  chrétien.  —  Ces  caractères  de 
force,  d'étendue,  d'immuable  durée  qui  marquent  le  chris- 
tianisme, nous  les  retrouvons  dans  l'âme  chrétienne. 

1°  Le  chrétien,  lui  aussi,  est  puissamment  enraciné.  —  Les 
choses  humaines,  les  plus  brillantes,  les  plus  illustres,  celles 
qui  en  apparence  sont  les  plus  fortes  et  les  plus  durables, 
passent  sur  la  terre  comme  uue  poussière  chassée  du  vent  : 
rien  ne  reste  de  ce  qui  est  purement  humain.  Le  génie  laisse 
à  peine  une  légère  empreinte,  les  fortunes  tombent  en  ruine, 
les  familles  s'éteignent,  les  dynasties  disparaissent,  le  monde 
n'est  devant  nous  qu'un  sol  mouvant,  une  terre  de  ruines.  .. 
Seule,  au  sein  de  ces  débris  épars,  se  dresse  une  réalité  im- 
muable. Survivante  des  choses  humaines,  l'âme  chrétienne 
a  pour  elle  l'immortalité.  —  Là  où  tout  le  reste  périt  elle 
inaugure  une  vie  immuable;  la  tombe  où  toute  chose  hu- 
maine prend  fin  est  pour  elle  le  commencement  de  son  im- 
mortelle vie.  Et  quand,  après  l'évolution  des  siècles,  «  le  ciel 
et  la  terre  passeront,  »  l'âme  chrétienne,  plus  résistante  que 
le  ciel  et  la  terre,  chantera  sur  les  ruines  de  l'univers  l'hymne 
de  son  immortalité  (4). 


Suscitans  suscitabis  arcum  tuum  :  juramenta  tribubus  quse  lo 
cutus. 

Fluvios  scindes  terrœ  :  viderunt  te,  et  doluerunt  montes:  gurges 
aquarum  transiit. 

Dédit  abyssus  vocem  suam  :  altitudo  manus  suas  levavit. 

Sol  et  luna  steterunt  in  habitaculo  suo,  in  luce  sagittarum  tua- 
rum,  ibunt  in  splendore  fulgurantis  hastse  tuae. 

In  fremitu  conculcabis  terrain  :  etinfurore  obstupefacies  gentes. 

Egressus  es  in  salutem  populitui:  in  salutem   cum  Christo  tuo. 

Percussisti  caput  de  domo  impii  :  denudasti  fundamentum  ejus 
usque  ad  collum. 

Maledixisti  sceptris  ejus,  capiti  bellatorum  ejus,  venitntibus  ut 
turbo  ad  dispergendum  me. 

Exultatio  eorum,  sicut  ejus  qui  dévorât  pauperem  in  abscondito. 

Yiam  fecisti  in  mari  equistuis,  in  luto  aquarum  multarum. 

Audivi,  et  conturbatus  est  venter  meus:  a  voce  contremuerunt 
labia  mea.  (Habac.  III.) 

(1)  Beatus  vir,  qui  non  abiitin  consilio  impiorum,  et  in  via  pec- 
catorum  non  stetit,  et  in  cathedra  pestilentice  non  sedit  : 


123        UNE   IMAGE  DU   CHRISTIANISME  ET  DE   LA  VIE  CHRÉTIENNE 

2°  Le  chrétien,  lui  aussi,  est  protégé  par  un  luxuriant  feuil- 
lage. —  Devenu  un  grand  arbre  le  grain  de  sénevé  étend  au 
loin,  dit  l'Evangile,  son  opulent  feuillage.  Quand  un  soleil 
dévorant  brûle  la  terre  :  sous  l'abri  de  l'arbre  se  conservera 
la  fraîcheur.  —  Dans  le  monde,  en  dehors  de  l'abri  religieux, 
les  passions  sont  brûlantes,  les  douleurs  desséchent  les  âmes, 
tout  se  fait  désolation  et  aridité.  —  Seule  alors  l'âme  chré- 
tienne, à  l'abri  sous  l'épais  feuillage  de  sa  piété  et  de  sa  foi, 
brave  les  feux  dont  les  autres  sont  dévorés. 


III 


MISSION  DIVINE  DU  CHRISTIANISME 
ET  DE  L'AME  CHRÉTIENNE 


Un  dernier  trait  de  la  parabole  est  aussi  gracieux  qu'il  est 
profond.  «  Ita,  dit  le  texte,  ut  possint  sub  umbra  ejus  aves 
coeli  habitare.  » 

L'arbre  n'est  pas  seulement  ce  tronc  vigoureux,  ces  vastes 
branches  qui  s'étendent  au  loin  et  résistent  à  l'orage,  l'arbre 
est  cet  être  charmant  qui  se  couvre  de  feuillage  et  de  fleurs, 
où  chantent  les  oiseaux  du  ciel,  où  résonnent  jour  et  nuit 
mille  mélodies  délicieuses. 


Sed  in  lege  Domini  voluntas  ejus,  et  in  lege  ejus  meditabitur 
die  ac  nocte. 

Et  erit  tanquam  lignum,  quod  plantatum  est  secus  decursus 
aquarum,  quod  fructum  suura  dabit  in  tempore  suo  : 

Et  folium  ejus  non  defluet  :  et  omnia  <iu;ccu  nique  faciet,  pros- 
perabuntur. 

Non  sicimpii,  non  sic  :  sed  tanquam  pulvis,  quem  projicit  ven- 
tus  a  facie  terrse. 

Ideo  non  résurgent  impii  in  judicio  :  neque  peccatores  in  conci- 
lio  justoruni. 

Quoniam  novit  Dominus  viam  justorum  :  et  iter  impiorum  pe- 
ribit.  (l'sal.  I.) 


UNE  IMAGE  DU  CHRISTIANISME   ET  DE  LA   VIE   CHRÉTIENNE        129 

Telle  sera  la  nouvelle  image  du  Christianisme  et  de  l'âme 
chrétienne. 

Mission  divine  du  Christianisme.  —  Le  christianisme  est 
un  chant.  De  son  sein  s'élèvent  jusqu'au  ciel  les  voix  mélo- 
dieuses, les  hymnes  saints,  qui  redisent  perpétuellement  les 
louanges  du  Très-Haut  (J). 

1°  Entendons  le  chant  des  vertus  chrétiennes.  —  Aux  cla- 
meurs discordantes,  aux  cris  impurs  de  l'idolâtrie,  succédèrent 
les  voix  célestes  de  la  perfection  chrétienne.  A  la  gloire  de 
Dieu  la  timide  humilité,  la  chasteté  virginale,  la  charité  brù- 
lante,  le  martyre  empourpré,  ont  élevé  jusqu'au  ciel  leurs 
voix  gracieuses  et  éclatantes. 

2°  Entendons  le  chant  des  institutions  et  des  œuvres  chré- 
tiennes. —  Quel  concert  s'élève  ainsi  de  la  surface  du  monde 
catholique!  Des  œuvres  de  toutes  sortes,  des  institutions  de 
tout  but  et  de  tout  nom,  ont  couvert  le  sol  chrétien  de  leurs 
merveilles,  et  tous  chantent  à  leur  manière  l'hymne  saint. 

3°  Entendons  le  chant  de  la  Sainteté.  —  Si  la  voix  de  l'âme 
chrétienne  est  mélodieuse,  si  l'hymne  que  redisent  les  Ins- 
titutions chrétiennes  est  éclatant  :  plus  mélodieux,  plus  écla- 
tant encore  est  léchant  qui  s'échappe  de  la  Sainteté.  Vierges 
et  confesseurs,  anachorètes  et  martyrs,  Saints  de  l'Eglise 
primitive,  Saints  des  siècles  qui  ont  suivi,  Saints  qui  vivent 
et  chantent  au  milieu  de  nous  :  de  toutes  ces  Saintetés,  de 
tous  ces  héroïsmes ,  s'échappent  vers  Dieu  d'inénarrables 
mélodies. 

Mission  divine  du  chrétien.  —  Si  l'arbre  entier,  si  le 
Christianisme,  dans  son  ensemble,  vibre  ainsi  à  la  louange  de 
Dieu  :  ne  méprisons  pas  la  mélodie  plus  humble,  mais  si  belle 
et  si  pure  encore,  de  chaque  âme  chrétienne  en  particulier. 
—  Quelle  est  ici-bas  notre  mission?  Elle  est  unique,  elle  est 

(1)  Et  audivi  vocem  de  cœlo,  tanquam  vocem  de  aquarum  mul- 
tarum,  et  tanquam  vocem  tonitrui  magni  ;  et  vocem  quam  audivi, 
sicut  citharoedorum  citharizantium  in  citharis  suis. 

Et  cantabant  quasi  canticum  novum  ante  sedem,  et  ante  quatuor 
animalia,  et  seniores  ;  et  nemo  poterat  dicere  canticum,  nisi  illa 
centum  quadraginta  quatuor  millia  qui  empti  sunt  de  terra. 

Hi  sunt,  qui  cum  mulieribus  non  sunt  coinquinati  :  virgines 
enim  sunt.  Hi  sequuntur  Agnum  quocumque  ierit.  Hi  empti  sunt 
ex  hominibus  primitiœ  Deo,  et  Agno. 

Et  in  ore  eorum  non  est  inventum  mendacium  ;  sine  macula 
enim  sunt  ante  thronum  Dei.  (Apoc.  XIV.) 

T.  IV  9 


130        UNE   IMAGE   DU  CHRISTIANISME   ET   DE   LA  VIE   CHRÉTIENNE 

essentielle  :  nous  glorifions  Dieu.  De  là,  chez  le  Psalmiste, 
cette  continuelle  invitation  à  chanter  la  divine  louange  : 
«  Cantate  Domino  »...  Et  ce  mot  de  l'Apôtre  :  «  Glorificate 
Deum.  » 

Tout  chante  dans  le  chrétien.  Son  âme  est  une  mélodie 
suave.  Son  corps  lui-même  doit  vibrer  pour  Dieu  dans  un 
harmonieux  ensemble.  —  De  son  intelligence  s'élèvera 
l'hymne  de  la  foi.  —  Son  cœur  chantera  l'amour.  De  ses  lè- 
vres s'échapperont  les  voix  de  la  prière.  Tous  les  actes  de 
sa  vie  rediront  les  louanges  du  Très-Haut. 


LA  RÉDEMPTION  PAR  LE  SANG 


Pour  qui  médite  le  mystère  de  la  Rédemption  et  s'engage 
dans  les  profondeurs  de  la  pensée  divine,  le  mot  du  Psal- 
miste  se  vérifie  de  la  plus  saisissante  manière  :  L'abîme  ap- 
pelle l'abîme.  —  La  nature  humaine  était  devenue  préva- 
ricatrice, insolente  envers  son  Créatenr,  révoltée,  pleine  pour 
Dieu  d'éloignement,  de  haine  et  de  mépris.  Dieu,  au  lieu  de 
délaisser  cette  indigne,  la  prend  en  pitié  et  se  résout  au  par- 
don. C'est  là  un  premier  abîme.  —  Mais  qui  négociera  ce 
pardon?  Qui  donnera  à  Dieu  la  satisfaction  qu'il  exige  pour 
l'injure  reçue?  0  «  abîme  »!  c'est  le  Fils  de  Dieu  même  qui 
se  charge  du  salut  du  monde.  —  Et  voici  qu'une  profondeur 
nouvelle  s'ouvre  devant  nous  et  la  plus  insondable.  Ce  Verbe 
Incarné,  qui  d'un  mot,  d'une  parole,  d'un  désir,  eût  sauvé 
mille  mondes,  entreprend  une  tout  extraordinaire  carrière 
d'humiliations,  de  douleurs,  de  larmes  et  de  sang.  C'est  du 
haut  d'un  gibet  que,  livide  de  coups,  broyé  dans  le  creuset 
de  toutes  les  douleurs,  il  arrache  à  la  Justice  Eternelle  le 
salut  de  l'humanité. 

Saint  Paul  nous  dit  ici,  en  face  de  la  croix  où  un  Homme- 
Dieu  expire,  un  de  ces  mots  qui  terrifient  :  Decebat  Auctorem 
salutis  per  passionem  comummare.  Il  convenais  Grand  Dieu! 
il  convenait  qu'un  Dieu  mourût  pour  l'homme  sa  créature? 
«  Decebat,  »  répond  l'apôtre,  et  si  nous  entendons  bien  sa 
doctrine  nous  trouverons  à  ce  mode  sanglant  de  Rédemp- 
tion une  triple  convenance.  L'œuvre  de  la  Rédemption  était 
une  œuvre  :  i°  de  paix;  2°  de  lumière;  3°  à' amour.  —  A  ces 
trois  œuvres  la  douleur  et  la  mort  seront  de  naturels  et  puis- 
sants auxiliaires.  . 


132  LA  RÉDEMPTION  PAR  LE  SANG 


C'EST  UNE  ŒUVRE  DE  PAIX 


L'œuvre  à  accomplir  est  avant  tout  la  réconciliation  de 
Dieu  avec  l'homme  et  de  l'homme  avec  Dieu.  Telle  est  l'œu- 
vre. Comment  l'Homme-Dieu  la  pourra-t-il  accomplir? 

L'œuvre  formidable  à  accomplir.  —  Formidable  en  effet, 
car  elle  est  entravée  par  deux  insurmontables  obstacles. 

1°  Dieu  s'est  éloigné  de  V homme.  —  Il  aimait  cette  créa- 
ture, sortie  si  belle  et  si  pure  de  ses  mains.  Mais  maintenant 
la  nature  humaine  ne  lui  offre  plus  que  des  sujets  de  haine 
et  de  dégoût.  En  elle  désormais  se  trouve  réuni  tout  ce  qui 
est  le  plus  propre  à  irriter  Dieu  :  sensualisme,  orgueil,  ré- 
volte, impiété;  liste  fatale  que  l'Apôtre  dresse  dans  ses  pre- 
miers chapitres  aux  Romains.  —  Ainsi  sommes-nous  devenus 
pour  Dieu  des  «  ennemis  »,  des  «  vases  de  colère  »,  des  «  (ils 
de  géhenne  et  de  perdition.  »  —  Les  paroles  de  l'Ecriture 
sont  terribles  :  «  Pœnitet  me  »...  «  Deus  abomiuabitur  vi- 
rum  »...  «  perdam  »...  «  nunc  rétribuant  »... 

2°  L'homme  s'est  éloigné  de  Dieu  (1).  La  postérité  d'Adam 
a  suivi  son  ancêtre  dans  une  fuite  que  rien  n'a  pu  ralentir. 


(1)  Audite,  cœli;  et  auribuspercipe  terra,  quoniam  Donunus  lo- 
cutus  est:  Filios  enutrivi,  et  exaltavi;  ipsi  autem  spreverunt  me. 

Cognovit  bos  possessorem  suum,  et  asinus  prœsepe  domini  sui; 
Israël  autem  me  non  cognovit,  et  populus  meus  non  intellexit. 

Vœ  genti  peccatrici,  populo  gravi  iniquitate,  semini  nequam, 
filiis  sceleratis!  dereliquerunt  Dominuin,  blasphemaverunt  Sanc- 
tum  Israël,  abalienati  sunt  retrorsum. 

Super  quo  percutiam  vos  ultra,  addentespra3varicationem?Omne 
caput  languidum,  et  omne  cor  mœrens. 

A  planta  pedis  usque  ad  verticem,  non  est  in  eo  sanitas  ;  vulnus 
et  livor,  et  plaga  tumens,  non  est  circumligata,  nec  curata  medi- 
camine,  neque  fota  oleo. 

Terra  vestra  déserta,  civitates  vestrœ  succensœ  igni  :  regionem 


LA  RÉDEMPTION  PAR  LE  SANG  133 

L'homme  pécheur,  l'humanité  prévaricatrice,  n'a  plus  pour 
Dieu  ni  une  pensée,  ni  un  regard,  ni  même  un  lointain  sou- 
venir. —  Durant  quatre  mille  ans  la  miséricorde  essaie  de 
ramener  le  coupable,  mais  en  vain.  —  L'homme  renie  Dieu 
au  Paradis  terrestre.  —  Oublieuse  des  bienfaits  comme  des 
châtiments,  la  gentilité  se  précipite  dans  tous  les  excès  (1),  et 


vestram  coram  vobis  alieni  dévorant,  et  desolabitur  sicut  in  vas- 
titate  hostili. 

Et  derelinquetur  filia  Sion  ut  umbraculum  in  vinea,  et  sicut  tu- 
gurium  in  cucumerario,  et  sicut  civitas  quae  vastatur. 

Nisi  Dominus  exercituum  reliquisset  nobis  semen,  quasi  Sodoma 
fuissemus,  et  quasi  Gomorrha  similes  essemus. 

Auditeverbum  Domini,  principes  Sodomorum;percipite  auribus 
legem  Dei  nostri,  populus  Gomorrhae. 

Quo  rnihi  multitudinem  victimarum  vestrarum?  dicit  Dominus. 
Plenus  sum.  Holocausta  arietum,  etadipem  pinguium,  et  sangui- 
nem  vitulorum,  et  agnorum,  et  hircorum,  nolui. 

Gum  veniretis  ante  conspectum  meum,  quis  qusesivit  hase  de 
manibus  vestris,  ut  ambularetis  in  atriis  meis? 

Ne  offeratis  ultra  sacrificium  frustra,  incensum  abominatio  est 
niihi.  Neomeniam  et  sabbatum,  et  festivitates  alias,  non  feram; 
iniqui  sunt  cœtus  vestri. 

Galendas  vestras,  et  solemnitates  vestras,  odivit  anima  mea; 
facta  sunt  mihi  molesta,  laboravi  sustinens. 

Et  cum  extenderitis  manus  vestras,  avertam  oculos  meos  a  vo- 
bis; et  cum  multiplicaveritis  orationem,  non  exaudiam,  manus 
enim  vestrœ  sanguine  plense  sunt.  (Isaï.  I.) 

(1)  Justitia  enim  Dei  in  eo  revelatur  ex  flde  in  fidem,  sicut  scrip- 
tum  est:  Justus  autem  ex  flde  vivit. 

Revelatur  enim  ira  Dei  de  cœlo  super  omnem  impietatem  et  in- 
justitiam  hominum  eorum  qui  veritatem  Dei  in  injustitia  deti- 
nent  : 

Quia  quod  notum  est  Dei,  manifestum  est  in  illis;  Deus  enim 
illis  manifestavit. 

Invisibilia  enim  ipsius,  a  creatura  mundi  per  ea  quse  facta  sunt, 
intellecta,  conspiciuntur;  stmpiterna  quoque  ejus  virtus,  et  divi- 
nitas:  ita  ut  sint  inexcusabiles. 

Quia  quum  cognovissent  Deum,  non  sicut  Deum  glorificaverunt, 
aut  gratias  egerunt;  sed  evanuerunt  in  cogitationibus  suis,  et  obs- 
curatum  est  insipiens  cor  eorum: 

Dicentes  enim  se  esse  sapientes,  stulti  facti  sunt. 

Et  mutaverunt  gloriam  incorruptibilis  Dei  in  similitudinem  ima- 
ginis  corruptibilis  hominis,  et  volucrum,  et  quadrupedum,  et  ser- 
pentium. 

Propter  quod  tradidit  illos  Deus  in  desideria  cordis  eorum,  in 
immunditiam;  ut  contumeliis  afficiant  corpora  sua  in  semetipsis  ; 

Qui  commutaverunt  veritatem  Dei  inmendacium;  et  coluerunt, 
et  servierunt  creatura?  potius  quam  Creatori,  qui  est  benedictus  in 
ssecula.  Amen. 


134  LA  RÉDEMPTION  PAR  LE   SANG 

quand  Dieu  lui  envoie  des  Sages  pour  éclairer  ses  ténèbres, 
ces  Sages  eux-mêmes  deviennent  plus  vicieux  et  plus  impies 
que  la  foule  :  «  Non  probaverunt  habere  Deum  in  notitia  ». 
—  Dieu  tente  un  nouvel  effort.  Il  se  choisit  un  peuple;  il  le 
sépare  des  autres  nations;  il  l'illumine  et  le  remplit  de  ses 
grâces  (1).  Et  ce  peuple  se  tourne  contre  lui  avec  la  même 
opiniâtreté  et  la  même  ingratitude  (2  . 

La  terre  entière  est  donc  en  révolte  ;  la  terre  entière  est 
l'ennemi  de  Dieu  :  «  Non  est  qui  faciat  bonum,  non  est  usque 
ad  unum.  »...  «  Conclusit  Deus  omnia  in  incredulitate.  » 


Propterea  tradidit  illos  Deus  in  passiones  ignominise.  Nam  fe- 
minœ  eorum  immutaverunt  naturalem  usum  in  eum  usum  qui  est 
contra  naturam. 

Similiter  autem  et  masculi,  relicto  naturali  usu  feminœ,  exar- 
serunt  in  desideriis  suis  in  invicem,  masculi  in  masculos  turpitu- 
dinem  opérantes,  et  mercedem  quam  oportuit  erroris  sui  in  se- 
raetipsis  recipientes. 

Et  sicut  non  probaverunt  Deum  habere  in  notitia,  tradidit  illos 
Deus  in  reprobum  sensum,  ut  faciant  ea  quœ  non  conveniunt, 

Repletos  omni  iniquitate,  malitia,  fornicatione,  avaritia,  nequi- 
tia:  plenos  invidia,  homicidio,  contentione,  dolo,  malignitate,  su- 
surrones, 

Detractores,  Deo  odibiles,  contumeliosos,  superbos,  elatos  inven- 
tores  malorum,  parentibus  non  obedientes, 

lnsipientes,  incompositos,  sine  affectione,  absque  fœdere,  sine 
misericordia: 

Qui  quum  justitiam  Dei  cognovissent,  non  intellexerunt  quo> 
niam  qui  talia  agunt  digni  sunt  morte;  et  non  solum  qui  ea  fa- 
ciunt,  sed  etiam  qui  consentiunt  facientibus.  (Rom.  I.) 

Verbum enim crucis,  pereuntibus  quidem  stultitia  est;  iis  autem, 
qui  salvi  iiunt,  id  est,  nobis,  Dei  virtus  est. 

Scriptum  est  enim:  Perdam  sapientiam  sapieutium,  et  pruden 
tiaro  prudentium  reprobabo. 

Ubi  sapiens?  ubi  scriba?  ubi  conquisitor  hujus  sœculi?  Nonne 
stultam  fecit  Deus  sapientiam  hujus  mundi? 

Nam  quia  in  Deisapientia  noncognovit  mundus  per  sapientiam 
Deum.  placuit  Deo  per  stultitiam  prœdicationissalvos  facere  cre- 
dent  (I  Cor.  I.) 

(I)  Quid  ergo  amplius  Judœo  est?  Aut  qua3  utilitas  Gircumcisio- 
nis?  Multum  per  omnem  modum.  (Rom.  III.) 

3  II  lelis,  et  absque  ulla  iniquitate,  justus  et  reclus.  Pec- 
caveruut  ei,  et  non  filîi  ejus  in  sordibus. 

Generatio  prava  atque  perversa.  Haîccine  reddis  Domino,  po- 
pule  Btulte  et  insipiens? 

Numquid  non  ipse  est  pater  tuus,  qui  possedit  te,  et  fecit,  et 
creavit  te?  (Deut.  XXXII.) 


LA  RÉDEMPTION  PAR  LE   SANG  135 

Comment  Jésus-Christ  l'opéra.  —  La  première  œuvre  du 
Verbe  Incarné,  qui  est  d'opérer  la  réconciliation  du  monde, 
comment  s'accomplira- t-elle?  Son  dessein  profond,  Jésus  nous 
le  révèle.  «  Cum  exaltatus  fuero  omnia  ad  me  traham.  »  Il 
choisit  donc  la  douleur  et  la  mort,  on  le  meurtrira,  on  le 
couvrira  de  sang,  on  l'exténuera  de  coups  ;  on  l'élèvera  mou- 
rant sur  une  croix,  et  c'est  là  que  vainqueur  tout  à  la  fois 
et  de  Dieu  et  de  l'homme  il  les  réconciliera  l'un  à  l'autre  (1). 

1°  Par  son  sang  Jésus-Christ  apaise  Dieu.  —  La  Croix  est 
dressée;  l'Homme-Dieu  y  expire;  le  Très-Haut  regarde,  s'é- 
meut, est  vaincu.  —  Qu'a-t-il  tout  d'abord  devant  les  yeux? 
La  nature  humaine  repentante,  l'Homme  Xouveau  baigné  de 
larmes  et  de  sang,  réclamant  son  pardon  à  grands  cris  :  «  Cum 
clamore  valido  »  (2).  —  Qu'a-t-il  encore?  Une  Victime  brisée 
et  douloureuse.  Et  comment  son  cœur,  mille  fois  plus  tendre 
que  le  nôtre,  résisterait-il  au  spectacle  d'inénarrables  souf- 
frances ?  —  Mais  Celui  qui  souffre  et  qui  meurt  sous  son  re- 
gard, c'est  «  le  Fils  engendré  de  son  sein,  »  «  l'objet  de  ses 
complaisances,  »  le  Bien-aimé  de  son  cœur.  —  0  Jésus,  de- 
mandez notre  grâce  et  nous  sommes  assurés  du  salut:  «exau- 
ditus  pro  sua  reverentia  »  (3). 

(1)  Et  nemo  ascendit  in  coelum,  nisi  qui  descendit  de  cœlo,  Filius 
hoininis,  qui  est  in  cœlo. 

Et  sicut  Moyses  exaltavit  serpentem  in  deserto,  itaexaltariopor- 
tet  Filiuni  hominis; 

Ut  omnis  qui  crédit  in  ipsum  non  pereat,sedhabeat  vitam  Eeter- 
nam. 

Sic  enim  Deus  dilexit  mundum,  ut  Filiuni  suum  unigenitum 
daret;  ut  omnis  qui  crédit  in  eum  non  pereat,  sed  habeat  vitam 
œternam. 

Non  enim  misit  Deus  Filium  suum  in  mundum  ut  judicet  mun- 
dum, sed  ut  salvetur  mundus  per  ipsum.  (Joan.  III.) 

(2)  Deus,  Deus  meus,  respice  in  me  :  quare  me  dereliquisti? 
longe  a  salute  mea  verba  delictorum  meorum. 

Deus  meus,  clamabo  per  diem,  et  non  exaudies  ;  et  nocte,  et 
non  ad  insipientiam  mini. 

Tu  autem  in  sancto  habitas,  laus  Israël. 

In  te  speraverunt  patres  nostri:  speraverunt,  et  liberasti  eos. 

Ad  te  clamaverunt,  et  salvi  facti  sunt  :  in  te  speraverunt,  et  non 
sunt  confusi. 

Ego  autem  sum  vermis,  et  non  homo  :  opprobrium  hominum, 
et  abjectio  plebis. 

Omnes  videntes  me  deriserunt  me:  locuti  sunt  labiis,  et  move- 
runt  caput.  (Psal.  XXI.) 

(3)  Nunc  anima  mea  turbata  est.  Etquid  dicam?  Pater,  salvifica 
me  ex  hac  hora.  Sed  propterea  veni  in  horam  hanc. 


136  LA  RÉDEMPTION   PAR  LE  SANG 

2°  Par  son  sang  Jésus-Christ  convertit  le  monde.  —  Apaiser 
la  Justice  divine  n'était  que  la  première  partie  de  l'œuvre, 
il  fallait  toucher  le  cœur  endurci  de  l'homme.  Jésus  le  fait  à 
la  croix.  Selon  l'annonce  du  Prophète,  à  peine  le  Sang  di- 
vin eut  coulé,  les  divines  blessures  furent  ouvertes  :  la  terre 
entière,  émue  d'un  repentir  immense,  s'en  vint  contempler 
Celui  que  son  péché  venait  d'ensanglanter  et  de  faire  mou- 
rir :  «  Videbunt  in  quem  transfîxerunt.  »  «  Aspicient  ad  me 
quem  contixerunt  et  plangent  planctu  quasi  super  unigeni- 
tum.  »  «  Dolebunt  super  eum  ut  doleri  solet  in  morte  primo- 
geniti  (1).  —  Ces  larmes  n'ont  plus  cessé  de  couler,  cette 
douleur  du  repentir  chrétien  remplira  désormais  tous  les 
siècles  de  ses  accents;  les  générations  chrétiennes  passeront 
toutes  par  le  Calvaire,  pour  y  déposer  leurs  impiétés  et  re- 
trouver dans  le  Sang  de  l'Homme-Dieu  l'innocence  perdue. 
Par  milliers,  chaque  jour,  les  âmes  chrétiennes  referont  le 
chemin  douloureux  de  la  Croix,  mêlant  leurs  larmes  aux 
larmes  divines,  leur  sang  au  Sang  du  Dieu  Sauveur. 

«  Le  mur  d'inimitié  est  tombé,  »  la  réconciliation  est  faite. 
Dieu  et  l'homme  régénéré   s'aimeront  d'un  éternel  amour. 


Pater,  clarifica  nomen  tuum.  Venit  ergo  vox  de  cœlo:  Et  clarifi- 
cavi,  et  iterum  clarificabo. 

Turba  ergo,  quœ  stabat  et  audierat,  dicebnt  tonitruum  esse  fac- 
tum.  Alii  dicebant:  Angélus  ei  locutus  est. 

Respondit  Jésus,  et  dixit:  Non  propter  me  hœc  vox  venit,  sed 
propter  vos. 

Nunc  judicium  est  mundi  ;  nunc  princeps  hujus  mundi  ejicietur 
foras. 

Et  ego  si  exaltatus  fuero  a  terra,  omnia  traham  ad  me  ipsum. 

Hoc  autem  dicebat,  significans  qua  morte  esset  moriturus. 

(Joan.  XII.) 

(I)  Et  effundam  super  domum  David  et  super  habitatores  Jéru- 
salem spiritum  gratiœ  et  precum  ;  et  aspicient  ad  me  quem  confixe- 
runt;  et  plangent  eum  planctu  quasi  super  unigenitum,  et  dole- 
bunt super  eum,  ut  doleri  solet  in  morte  primogeniti. 

In  die  illa  magnus  erit  planctus  in  Jérusalem,  sicut  planctus 
Adadremmon  in  campo  Mageddon. 

Et  planget  terra;  familiœ  et  familiœ  seorsum;  familiœ  domus 
David  seorsum,  et  rnulieres  eorum  seorsum; 

Familiœ  domus  Nathan  seorsum,  et  rnulieres  eorum  seorsum; 
familial  domus Levi  seorsum,  et  rnulieres  eorum  seorsum:  familiœ 
Semei  seorsum,  et  rnulieres  eorum  seorsum  ; 

Omnes  familiœ  reliquat,  familiœ  et  familiœ  seorsum,  et  rnulieres 
eorum  seorsum.  (Zach.  XII.) 


LA  RÉDEMPTION  PAR  LE  SANG  437 

«  Reconciliet  ambos  in  uno  corpore  Deo,  per  crucem,  inter- 
fîciens  inimicitias  in  semetipso  »  (1). 


II 
C'EST  UNE  ŒUVRE  DE  LUMIÈRE 


L'un  des  effets  les  plus  désastreux  de  la  chute  originelle, 
fut  d'obscurcir  notre  intelligence  et  d'y  étouffer  la  vérité.  — 
Le  grand  œuvre  de  la  Rédemption  devra  être  d'illuminer  ces 
funestes  ténèbres. 

Obscurcissement  de  la  vérité  dans   l'humanité   déchue. 

—  Saint  Jean  Chrysostôme,  dans  une  image  saisissante,  nous 
fait  comprendre  l'horreur  et  les  dangers  de  la  nuit  profonde 
où  gît  notre  âme. 

i°  Les  effets  désastreux  des  ténèbres  dans  la  nature.  —  Au 
sein  de  la  nuit,  toute  vie  se  retire,  toute  végétation  s'arrête. 

—  «  Facta  est  nox,  exibunt  omnes  bestial  sylvae.  »  —  La 
nuit,  c'est  l'heure  de  la  confusion  et  des  plus  funestes  mépri- 
ses. Le  malheureux  qui  s'avance  sans  crainte  vers  un  abîme 


(t)  Quia  eratis  illo  in  tempore  sine  Ghristo,  alienati  a  conversa- 
tione  Israël,  et  hospites  testamentorum,  promissionis  spem  non 
nabentes,  et  sine  Deo,  in  hoc  mundo! 

Nunc  autem  in  Ghristo  Jesu  vos,  qui  aliquando  eratis  longe, 
facti  estis  prope  in  sanguine  Ghristi. 

Ipse  enim  est  pax  nostra,  qui  fecit  utraque  unum,  et  médium  pa- 
rietem  macerise  solvens,  inimicitias  in  carne  sua; 

Legem  mandatorum  decretis  evacuans,  ut  duoscondat  in  seme- 
tipso in  unum  novum  hominem,  faciens  pacem, 

Et  reconciliet  ambos  in  uno  corpore  Deo  per  crucem,  interficiens 
inimicitias  in  semetipso. 

Et  veniens  evangelizavit  pacem  vobis  qui  longe  f  ..istis,  et  pacem 
iis  qui  prope; 

Quoniam  per  ipsum  habemus  accessum  ambo  in  uno  spiritu  ad 
Patrem. 

Ergo  jam  non  estis  hospites  et  advense,  sed  estis  cives  sancto- 
rum,  et  domestici  Dei.  (Ephes.  I.) 


138  LA  RÉDEMPTION  PAR  LE   SANG 

est  le  même  qui  tremblera  aux  frissonnements  d'une  feuille. 
—  Trompé  par  les  ténèbres,  le  voyageur  se  donnera  en  toute 
confiance  à  un  ennemi  et  l'ami  qui  le  recherche  il  le  frappera 
comme  un  agresseur. 

2°  Effets  réalisés  dans  l'âme  chrétienne.  —  Ainsi  devint, 
au  sein  de  ses  ténèbres,  l'humanité  malheureuse  :  «  Habentes 
intellectum  tenebris  obscuratum  »  (1).  Elle  perdit  la  notion 
de  ses  dangers  comme  de  son  salut.  —  Reniant  Dieu,  elle  se 
livra  au  démon  (2).  —  Sereine  devant  d'effroyables  périls, 
elle  trembla  où  n'était  aucun  sujet  de  crainte  «  Timuerunt 
ubi  non  erat  timor.  »  —  Tout  entière  aux  visions  des  créa- 
tures, elle  n'aperçut  plus  nulle  part  le  Dieu  véritable  (3). 

(1)  Hoc  igitur  dico  et  testificor  in  Domino,  ut  jamnon  ambuletis 
sicut  et  gentes  ambulant  in  vanitate  sensus  sui, 

Tenebris  obscuratum  habentes  intellectum,  alienati  a  vita  Dei 
per  ignorantiam  quœ  est  in  illis,  propter  csecitatem  cordis  ipsorum; 

Qui  desperantes  semetipsos  tradiderunt  impudicitiœ,  in  opera- 
tionem  immunditise  omnis,  in  avaritiam.  (Ephes.  IV.) 

(2)  Scitis  quoniam  quum  gentes  essetis,  ad  simulacra  muta  prout 
ducebamini  euntes.  (I  Corinth.  XII.) 

(3)  In  omnibus  habitationibus  vestris  urbes  déserta?  erunt,  et 
excelsa  demolientur  et  dissipabuntur  ;  et  interibunt  arae  vestrœ, 
et  confringentur  ;  et  cessabunt  idola  vestra,  et  conterentur  delu- 
bra  vestra,  et  delebuntur  opéra  vestra; 

Et  cadet  interfectus  in  medio  vestri,  et  scietis  quia  ego  sum 
Dominus. 

Et  relinquamin  vobis  eosqui  fugerint  gladiumin  gentibus,cum 
dispersero  vos  in  terris  ; 

Et  recordabuntur  mei  liberati  vestri  in  gentibus  ad  quas  cap- 
tivi  ducti  sunt,  quia  contrivi  cor  eorum  fornicans  et  recedens  a 
me,  et  oculus  eorum  foruicantes  post  idola  sua  ;  et  displicebunt 
si))imet  super  malis  qua3  fecerunt  in  universis  abominationibus 
suis  ; 

Et  scient  quia  ego,  Dominus,  non  frustra  locutus  sum,  ut  fa- 
cerem  eis  malum  hoc.  (Ezech.  VI.) 

Omnes  enim  insipientes,  et  infelices  supra  modum  animœ  su- 
perbi,  sunt  inimici  populi  tui,  et  imperantes  illi, 

Quoniam  omnia  idola  nationum  deos  restimaverunt,  quibus  ne- 
que  oculorum  usus  est  ad  videndum,  neque  nares  ad  percipiendum 
spiritum,  neque  auresad  audiendum,  neque  digiti  manuum  adtrac- 
tandum,  sed  etpedeseorum  pigri  ad ambulandum. 

Homo  enim  fecit  illos  ;  et  qui  spiritum  mutuatus  est  is  finxit 
illos.  Nemo  enim  sibi  similem  homo  poterit  deum  fingere, 

Gum  enim  sit  mortalis,  mortuum  fingit  manibus  iniquis.  Melior 
enim  est  ipse  his  quos  colit,  quia  ipse  quidem  vixit,  cum  esset 
mortalis,  illi  autem  nunquam. 

Sed  et  animalia  miserrima  colunt;  insensata  enim  comparata 
his,  illis  sunt  détériora.  (Sap.  XV) 


LA   RÉDEMPTION   PAR  LE   SANG  139 

Illumination  de  la  vérité  à  l'apparition  de  la  Croix.  — 
A  peine  le  Sang-  divin  eut-il  coulé  et  l'aube  de  la  résurrection 
se  fut-elle  levée  sur  le  monde,  une  immense  lumière  envahit 
les  âmes.  La  venue,  la  souffrance,  l'expiation  sanglante  d'un 
Homme-Dieu  devint  pour  le  monde  une  victorieuse  révéla- 
tion (1). 

1°  A  la  croix  nous  comprimes  la  profondeur  de  notre 
chute.  —  Dans  quel  abîme  étions-nous  tombés!  Quelle  impuis- 
sance à  nous  relever  était  la  nôtre  puisqu'un  Homme-Dieu  tout 
seul,  par  l'effusion  de  son  sang,  était  capable  d'effacer  notre 
crime  et  nous  réhabiliter  devant  Dieu! 

2°  A  la  croix  nous  comprimes  la  valeur  de  notre  réhabilita- 
tion (2).  —  Ce  fut  du  même  coup  comprendre  le  prix  de  no- 
tre âme,  le  prix  de  notre  éternité,  le  prix  du  sang  auquel 
nous  redevions  nos  éternelles  espérances. 

3°  A  la  croix  nous  retrouvâmes  le  vrai  chemin  dit  ciel.  — 
Nous  nous  obstinions  à  le  chercher  dans  notre  ancien  jardin 
de  délices.  —  Désormais,  c'est  la  voie  du  Calvaire,  la  voie 
douloureuse,  la  voie  étroite,  le  chemin  de  la  pénitence,  de  la 
mortification  et  des  vertus  qui  nous  peut  conduire  à  nos  fu- 
tures destinées  (3). 


(1)  Et  hanc  vocem  nos  audivimus  de  cœlo  allatam,  quum  esse- 
mus  cum  ipso  in  monte  sancto. 

Et  habemus  firmiorem  propheticum  sermonem;  cui  benefacitis 
attendentes  quasi  lucernse  lucenti  in  caliginoso  loco  donec  dies 
elucescat,  et  Lucifer  oriatur  in  cordibus  vestris.      (II  Petr.  I.) 

(2)  Fugite  fornicationem.  Orane  peccatum  quodcumque  fecerit 
homo,  extra  corpus  est  ;  qui  autem  fornicatur,  in  corpus  suum 
peccat. 

An  nescitis  quoniam  membra  vestra  templum  sunt  Spiritus 
sancti,  qui  in  vobis  est,  quera  habetis  a  Deo,  et  non  estis   vestri  ? 

Empti  enim  estis  pretio  magno.  Glorificate  et  portate  Deum  in 
corpore  vestro.  (IGorinth.  VI.) 

(3)  Non  est  discipulus  super  magistrum,  nec  servus  super  do- 
minum  suum. 

Sufficit  discipulo  ut  sit  sicut  magister  ejus,  et  servo,  sicut  do- 
minus  ejus.  Si  patrem  familias  Beelzebub  vocaverunt,  quanto  ma- 
gis  domesticos  ejus? 

Ne  ergo  timueritis  eos  :  nibil  enim  est  opertum,  quod  non  re- 
velabitur  ;  et  occultum,  quod  non  scietur.  (Matth.  X.) 


140  LA  RÉDEMPTION  PAR  LE  SANG 


III 

C'EST  UNE  ŒUVRE  D'AMOUR 


Quelle  touchante  doctrine  de  l'Apôtre  et  comme  elle  jette 
sur  le  mode  sanglant  choisi  pour  notre  rédemption  une  vive 
lumière!  «  Debuit  per  omnia  fratribus  similari.  »  Sauveur 
d'une  humanité  devenue  rebelle  à  l'amour,  sans  cesse  justi- 
ciable du  tribunal  de  Dieu,  sans  cesse  courbée  sous  le  faix  de 
la  souffrance,  Jésus-Christ  voulut,  par  le  spectacle  de  ses  dou- 
leurs et  de  son  sang,  tout  à  la  fois,  nous  mieux  montrer  qu'il 
nous  aimait,  plus  puissamment  nous  défendre,  plus  efficace- 
ment nous  consoler.  Il  se  montre  à  nous  sous  le  diadème  de 
la  douleur  : 

Pour  mieux  prouver  son  amour.  —  «  Personne,  disait-il 
ne  prouve  mieux  son  amour  qu'en  mourant  pour  ceux  qu'il 
aime.  »  —  Saint  Paul  de  son  côté:  «  Maintenant  qu'il  est  mort 
pour  nous  quand  nous  étions  ses  ennemis,  une  fois  réconci- 
liés, comment  nous  refuserait-il  la  vie  et  le  salut  »  (1)?  Ce  fut 
donc  la  preuve  suprême  de  l'amour  de  Dieu  pour  nous,  que, 
aux  temps  marqués  et  alors  que  nous  étions  tous  pécheurs  le 
Christ  consentît  à  mourir  pour  nous.  —  Comment  désormais 
désespérer?    Comment  craindre?  Comment  nous  défier  de 

(t)  Ut  quid  enim  Ghristus,  quum  adhuc  inflrmi  essemus,  secun- 
dum  tempus  pro  impiis  mortuus  est  ? 

Vix  enim  pro  justo  quis  raoritur  ;  nam  pro  bono  forsitan  quis 
audeat  mori  ? 

Commendat  autem  caritatem  suara  Deus  in  nobis  :  quoniam 
quum  adhuc  peccatores  essemus,  secundum  tempus, 

Christus  pro  nobis  mortuus  est  :  multo  igitur  magis  nunc  justi- 
ficati  in  sanguine  ipsius,  salvi  erimus  ab  ira  per  ipsum. 

Si  enim,  quum  inimici  essemus,  reconciliati  sumus  Deo  per  mor- 
tem  Filii  ejus,  multo  magis  reconciliati,  salvi  erimus  in  vita  ipsius. 

Non  Bolum  autem  :  sed  et  gloriamur  in  Deo  per  Dominum  nos- 
trum  JesumChristum,  per  quem  nuncreconciliationem  accepimus. 

(Rom.  V.) 


LA   RÉDEMPTION   PAR  LE   SANG  441 

l'amour  quand  devant  nos  yeux  Celui  qui   nous  aime  meurt 
pour  nous  prouver  cet  amour  (1). 

Pour  nous  mieux  défendre.  —  Si  jamais  nous  n'avons  à 
nous  défier  de  Dieu,  il  nous  reste  à  nous  défier  sans  cesse  de 
nous-mêmes.  Nous  pécherons,  nous  trahirons  nos  serments, 
nous  outragerons  de  nouveau  la  Majesté  divine,  et  de  nouveau 
les  foudres  de  la  justice  s'apprêteront  à  nous  frapper.  —  Entre 
nous  et  cette  justice  s'élèvera  notre  Victime  sanglante.  A  tout 
instant,  Jésus-Christ  montrera  les  cicatrices  de  ses  plaies; 
sans  cesse  «  L'Agneau  s'offrira  comme  immolé.  »  —  La  Messe 
nous  protège  ainsi;  le  sacrifice  de  l'Autel  apaise,  à  chaque 
heure,  dans  toute  l'étendue  du  monde,  la  divine  Justice  irri- 
tée par  le  péché  (2). 

Pour  nous  mieux  consoler.  —  Dieu  en  nous  rendant  l'in- 
nocence n'a  pas  voulu,  dans  sa  miséricordieuse  sagesse,  nous 
en  rendre  les  antiques  joies.  L'Eden  n'est  plus;  le  jardin  de 
délices  est  détruit;  les  ronces  de  la  douleur  couvrent  la  terre 
et  l'homme  ne  mange  plus  son  pain  qu'à  la  sueur  de  son 
front(3).  «  Omnis  creatura  ingemiscit (4)...  »  «  ingemiscimus 
gravati  (S).  »  —  Que  fera  notre  Jésus?  Il  se  montrera  à  nous 
sous  les  mêmes  douleurs,  portant  la  même  croix  et  élevé  sur 

le  même  Calvaire:  «  Tentatum  per  omnia »  «  Portans  co- 

ronam  spineam  et  vestimentum  purpuratum  (6).  » 

(1)  Neque  altitudo  neque  profundum,  neque  creatura  alia  pote- 
rit  nos  separare  a  caritate  Dei,  quse  est  in  Christo  Jesu  Domino 
nostro.  (Rom.  VIII.) 

(2)  Sic  et  Christus  semel  oblatus  est  ad  multorum  exhaurienda 
peccata  ;  secundo  sine  peccato  apparebit  exspectantibus  se,  in  sa- 
lutem.  (Haebr.  IX.) 

(3)  Gènes.  III. 

(4)  Rom.  VIII—  II  Corinth.  V 

(5)  II  Corinth.  V. 

(6)  O  vos  omnes  qui  transitis  per  viam,  attendite,  et  videte  si 
est  dolor  sicut  dolor  meus  !  quoniam  vindemiavit  me,  ut  locutus 
est  Dominus,  in  die  furoris  sui. 

De  excelso  misit  ignem  in  ossibus  meis,  et  erudivit  me;  expan- 
dit rete  pedibus  meis,  convertit  me  retrorsum;  posuit  me  desola- 
tam,  tota  die  mœrore  confectam. 

Vigilavit  jugum  iniquitatum  mearum  ;  in  manu  ejus  convolutœ 
sunt  et  impositse  collo  meo  ;  infirmata  est  virtus  mea  ;  dédit  me 
Dominus  in  manu  de  qua  non  potero  surgere. 

Abstulit  omnes  magniflcos  meos  Dominus  de  medio  mei  ;  vocavit 
adversum  me  tempus  ut  contereret  electos  meos.  Torcular  calca- 
vit  Dominus  virgini,  filise  Juda.  (Tren.  I.) 


LES  MYSTÉRIEUSES  DESTINEES 

DU    PEUPLE   JUIF 


L'histoire  de  ce  peuple  étrange  et  qui  ne  ressemble  à 
aucun,  vivant  dans  sa  mort,  impérissable  dans  sa  ruine, 
victorieux  dans  ses  revers,  cette  histoire  ne  peut  s'étudier 
comme  celle  des  autres  nations,  elle  ne  suit  pas  les  mêmes 
règles,  elle  n'est  pas  soumise  aux  mêmes  lois,  elle  n'offre 
pas  les  mêmes  aspects.  —  Il  est  clair  qu'un  mystère  profond 
plane  sur  cette  histoire  et  qu'Israël  est  un  peuple  que  l'on 
pourrait  appeler  «  miraculeux.  »  Ce  peuple  est  manifeste- 
ment sous  la  main  de  Dieu.  C'est  dans  la  Révélation  seule 
que  l'on  peut  trouver  la  solution  des  anomalies  et  des  énigmes 
dont  est  remplie  l'existence  de  ce  peuple  qui  s'est  toujours 
nommé  «  le  peuple  de  Dieu.  » 

Si  nous  jetons  sur  lui  un  regard  d'ensemble,  il  nous  appa- 
raît, à  travers  ses  quarante  siècles,  sous  deux  aspects  diffé- 
rents. —  Tout  d'abord  nous  le  voyons  l'élu  de  Dieu,  inondé 
de  clartés,  prévenu  de  grâces,  trouvant,  chaque  fois  qu'il 
pèche  et  se  repent,  une  surabondance  de  bénédictions.  —  Un 
crime  épouvantable  est  commis  par  lui,  le  crime  du  déicide. 
Jérusalem  est  renversée,  le  temple  est  en  ruine  et  Israël 
plus  en  ruine  encore.  Une  justice  implacable  s'abat  sur  lui, 
il  erre  à  travers  les  peuples  comme  un  nouveau  Caïn. 

Nouvelle  et  plus  étonnante  énigme  !  En  même  temps  que 
le  peuple  juif  est  marqué  d'un  sceau  de  réprobation,  il  porte 
en  lui  des  espérances  de  salut,  des  certitudes  d'un  repentir 
et  d'un  pardon  futurs. 

Qui  n'étudie  pas  Israël  sous  ces  deux  aspects  :  de  répro- 
bation actuelle  et  de  conversion  future,  n'aura  de  lui  qu'une 
notion  incomplète  et  faussée. 


LES  MYSTÉRIEUSES  DESTINÉES  DU  PEUPLE  JUIF  143 


LES  LONGS  JOURS  DE  LA  REPROBATION 


Depuis  dix-huit  siècles  que  le  peuple  juif  est  réprouvé, 
son  histoire  offre  deux  particularités  saisissantes  :  sa  ruine 
qui  ne  ressemble  à  aucune  autre  ruine  :  sa  vie  dont  les  ma- 
nifestations et  les  emplois  sont  tout  providentiels. 

Aspect  étrange  delà  Nation  réprouvée.  —  C'est  une  mort, 
c'est  une  mort  vivante,  c'est  un  mystérieux  et  incompréhen- 
sible aveuglement. 

1°  C'est  une  mort.  — Chassé  de  son  sol,  dispersé  aux  quatre 
vents  du  ciel,  sans  lien  visible,  sans  patrie,  sans  autel,  sans 
culte,  sans  croyance  précise,  sans  ralliement  et  sans  dra- 
peau, Israël  n'a  plus  rien  de  ce  qui  fait  un  peuple.  Il  n'est 
plus,  selon  le  mot  du  prophète  qu'«  une  poussière  chassée 
du  vent.  »  Il  eût  dû,  ou  périr  ou  être  absorbé  par  les  nations 
qui  recueillirent  ses  débris  (1). 

2°  Cest  une  mort  vivante  et  immortelle.  —  Une  force,  que 
l'on  ne  doit  pas  hésiter  à  nommer  miraculeuse,  soutient  ce 
peuple  dans  sa  dispersion.  Rien  n'a  pu  l'entamer,  aucune  vi- 
cissitude n'a  de  prise  sur  lui,  aucune  des  persécutions  que 
trop  souvent  lui  ont  values  son  insolence  et  ses  crimes,  n'a  pu 

(i)  Si  autem  aversi  fueritis,  et  dereliqueritis  justitias  meas  et 
prsecepta  mea,  quse  proposui  vobis,  et  abeuntes  servieritis  diis 
alienis,  et  adoraveritis  eos. 

Evellam  vos  de  terra  mea,  quam  dedi  vobis  ;  et  domum  hanc 
quam  sanctificavi  nomini  meo  projiciam  a  facie  mea,  et  tradam 
eam  in  parabolam,  et  in  exemplum  cunctis  populis  ; 

Et  domus  ista  erit  in  proverbium  universis  transeuntibus,  et 
dicent  stupentes  :  Quare  fecit  Dominus  sic  terrai  huic,  et  domui 
huic? 

Respondebuntque:  Quia  dereliquerunt  Dominum,D3umpatrum 
suorum,  qui  eduxit  eos  de  terra  iEgypti  et  apprehenderunt  deos 
alienos,  et  adoraverunt  eos,  et  coluerunt  ;  idcirco  venerunt  super 
eos  universa  hsec  mala.  (Parai.  Vil.) 


144  LES   MYSTÉRIEUSES   DESTINÉES   DU  PEUPLE  JUIF 

tarir  son  étrange  vitalité.  Israël  subsiste  en  dehors  des  con- 
ditions même  de  la  vie.  Edifice  merveilleux  qui  se  soutient 
en  l'air  sans  colonne  et  sans  fondements  (1). 

3°  C'est  un  incompréhensible  aveuglement.  —  Aussi  étrange 
que  cette  étrange  mort,  aussi  incompréhensible  que  cette 
étonnante  vie,  est  l'aveuglement  dont  le  peuple  juif  est  la 
victime  volontaire  :  Saint  Paul  dit  de  lui  :  «  Cum  legitur 
Moïses  velamen  positum  est  super  cor  eorum.  »  Là  est  le 
prodige.  Dans  les  Ecritures  divines  qu'il  porte  partout  avec 
lui,  dont  il  est,  à  travers  les  siècles,  l'incorruptible  gardien, 
tout  lui  a  été  révélé,  tout  lui  reste  prédit.  De  son  sang  de- 
vait naître  le  Messie,  il  le  sait.  Ce  Messie  n'est  autre  que  le 
Fils  de  Dieu,  il  le  lit  sans  cesse  dans  ses  prophètes.  Ce  Mes- 
sie, mis  à  mort  par  lui,  devait  entraîner  sa  ruine  et  le  jeter 
dans  de  longs  siècles  de  réprobation,  cette  ruine  il  la  voit 
gisante,  cette  réprobation  il  en  sent  tout  le  poids. 

Et,  chose  incompréhensible!  inondé  de  telles  lumières,  le 
Juif  s'obstine  à  demeurer  dans  la  plus  épaisse  des  nuits  (2). 

A  quelles  fins  Dieu  la  fait  servir.  —  En  voyant  passer 
cet  aveugle  et  ce  réprouvé,  une  question  s'impose.  A  quoi 
sert,  au  milieu  des  peuples,  ce  vivant  cadavre  ?  Nous  le  di- 
rons tout  à  l'heure,  Israël,  destiné  aux  gloires  et  aux  béné- 
dictions d'un  repentir  et  d'un  pardon,  reste  dans  le  monde 
comme  la  semence  dans  le  sillon,  germe  obscur,  pourriture 


(1)  Quia  dies  multos  sedebunt  filii  Israël  sine  rege,  et  sine  prin- 
cipe, et  sine  sacrificio,  et  sine  altari,  et  sine  ephod,  et  sine  thera- 
phim  ; 

Et  post  hsec  revertentur  filii  Israël,  etquœrent  Douiinum  Deurn 
suum,  et  David,  regem  suum  ;  et  pavebunt  ad  Dominum,  et  ad 
bonum  ejus,  in  novissimo  dierum.  (Osée.  III.) 

(2)  Sicut  scriptum  est  :  Quia  non  est  justus  quisquam. 
Non  esl  intelligens,  non  est  requirens  Deum. 

Omnes  declinaverunt,  simul  inutiles  facti  sunt  :  non  est  qui 
faciat  bonum,  non  est  usque  ad  unum. 

Sepulcruni  patens  est  guttur  eorum;  linguis  suis  dolose  age- 
bant;  venenurn  aspidum  sub  labiis  eorum: 

Quorum  os  maledictione  et  amarituline  plénum  est: 

Veloces  pedes  eorum  ad  effundendum  sanguinem. 

Çontritio  et  infelicitas  in  viis  eorum: 

Et  viain  pacis  non  cognoverunt. 

Non  est  timor  Dei  ante  oculos  eorum. 

Scimus  autem,  quoniam  quœcumque  lex  loquitur,  iis  qui  in 
lege  sunt  loquitur;  ut  omne  os  obstruatur.  (Rom.  III.) 


LES  MYSTÉRIEUSES  DESTINÉES  DU  PEUPLE  JUIF  145 

prédestinée.  —  Mais  en  attendant?...  En  attendant  Dieu  s'en 
sert  à  des  fins  justes  et  sages. 

1°  Posons  un  principe  général.  —  Encore  que  leur  utilité 
nous  échappe,  il  n'est  pas  d'êtres  dans  la  nature  qui  demeu- 
rent sans  utilité  et  sans  emploi.  —  Il  en  est  des  nations 
comme  des  individus,  ils  peuvent,  en  se  révoltant,  se  sous- 
traire aux  volontés  divines  et  aux  missions  que  la  Providence 
leur  destinait,  mais  cette  émancipation  n'est  qu'apparente, 
ces  révoltés  du  devoir,  Dieu  les  ramène  au  devoir,  et,  alors 
qu'ils  trahissent  une  mission  première,  Dieu  leur  en  impose 
une  seconde  qu'il  leur  interdit  de  déserter.  —  Jamais  cette 
loi  providentielle  n'eut,  plus  que  dans  la  nation  juive,  sa 
saisissante  application.  —  Israël  devait  être  la  bénédiction 
des  peuples  :  forcément  il  en  est  devenu  la  malédiction.  Sa 
mission  glorieuse  était  de  répandre  la  vie  par  toute  la  terre  : 
il  n'y  répandra  plus  que  des  germes  de  mort.  Il  était  le  sa- 
lut :  le  voici  devenu  le  châtiment. 

2°  Application  au  peuple  juif  de  cette  loi  providentielle.  — 
Un  Prophète  nous  a  révélé  le  plan  de  Dieu.  Israël,  réprouvé 
pour  son  déicide,  chassé,  dispersé  au  milieu  des  peuples  par 
un  vent  de  malédiction,  servira  entre  les  mains  de  Dieu  de 
fléau  pour  châtier  toute  nation  chrétienne  prévaricatrice. 
—  Depuis  dix-huit  siècles,  cet  ordre  providentiel  est  impla- 
cablement suivi.  Dès  que  la  foi  s'éteint  dans  un  peuple  chré- 
tien, dès  qu'une  apostasie  progressive  chasse  Dieu,  moleste 
son  Eglise,  persécute  ses  saints,  renverse  son  souverain  do- 
maine, le  Juif  se  montre,  racine  empoisonnée,  ver  rongeur, 
dévastateur  sans  pitié.  Le  Juif  s'insinue,  le  Juif  s'impose,  le 
Juif  bâtit  sur  les  ruines  de  la  foi  et  du  devoir  la  plus  inso- 
lente fortune  et  la  plus  insupportable  des  tyrannies. 

Restreignons  à  la  France  contemporaine  cette  féconde  et 
grave  doctrine.  Non  seulement,  nous  y  voyons  le  Juif  devenu 
d'une  façon  générale  le  châtiment  de  nos  fautes,  mais  Dieu 
l'a  interposé  comme  malédiction  à  chacun  de  nos  péchés. 
Quels  ont  été  les  péchés  de  la  France  ? 

Un  matérialisme  grossier  a  envahi  notre  Société  tout  en- 
tière. Lesaspirationssurnaturelles  s'y  sont  peuà  peu  éteintes, 
le  vol  des  âmes  vers  de  célestes  destinées  s'est  brisé  miséra- 
blement. L'ivresse  des  jouissances,  la  folie  du  plaisir,  la  re- 
cherche fiévreuse  de  l'or,  dont  s'alimente  un  insatiable  bien- 
être,  la  répulsion  de  tout  devoir  austère,  la  répudiation  d'un 
christianisme  gênant:  tels  sont  les  premiers  traits  sous  les- 
T.  IV  10 


446  LES  MYSTÉRIEUSES  DESTINÉES  DU  PEUPLE   JUIF 

quels  se  présente  notre  décadence.  —  Voici  venir  le  Juif. 
Dieu  lui  donne,  par  un  retour  de  sa  justice,  droit  sur  ces 
biens  qui  ont  absorbé  et  matérialisé  nos  âmes.  Le  Juif  nous 
prendra  notre  or,  le  Juif  ruinera  nos  entreprises,  le  Juif, 
engraissé  de  notre  substance,  installera  son  luxe  insolent 
dans  nos  plus  beaux  domaines,  Sa  fortune  au  milieu  de  nous 
sera  colossale,  dans  la  proportion  de  notre  croissante  pau- 
vreté. 

>>"otre  second  crime  a  été  un  crime  contre  la  lumière  et  la 
vérité.  Depuis  Voltaire  jusqu'au  dernier  de  nos  incrédules 
contemporains,  que  de  mensonges!  que  de  sophismes!  que 
d'erreurs  !  que  d'injurieuses  négations!  Quelles  criminelles 
insultes  aux  vérités  divines!  —  Voici  venir  le  Juif,  plus  astu- 
cieux, plus  menteur,  plus  négateur,  que  tous  les  autres. 
Maître  de  la  presse,  instigateur  de  la  plupart  de  nos  Revues, 
mêlé  aux  évolutions  de  la  science,  insinué  dans  toutes  les 
parties  du  haut  enseignement,  le  Juif  a  mille  fois  plus  cor- 
rompu toutes  vérités  que  ne  l'avaient  fait,  en  cent  ans,  nos 
sophistes  (1). 

Notre  troisième  crime  a  été  un  crime  de  révolte.  Notre  folie 
révolutionnaire  n'a  cessé  de  nier  les  droits  de  Dieu,  de  briser 
son  joug  et  de  le  chasser  lui-même  de  partout.  Où  est  Dieu 
dans  nos  institutions,  dans  nos  lois,  dans  notre  organisme 
social,  dans  notre  vie  domestique,  dans  notre  enseignement 
officiel,  dans  notre  littérature,  dans  nos  arts  et  nos  sciences? 
—  Voici  venir  le  Juif.  Par  une  juste  représaille  de  la  Justice 
divine,  ayant  refusé  Dieu  pour  maître,  pour  maitre  Dieu  nous 
impose  le  Juif.  En  même  temps  que  nous  devons  dire:  Où 
est  Dieu  dans  notre  France?  nous  devons  dire:  Où  n'est  pas 
le  Juif,  le  Juif  influent,  prépondérant,  tyrannique? 


(1)  Eratis  maledictio  in  gentibus.  (Zach.  VIII.) 

Onus  verbi  Domini  super  Israël.  Dicit  Dominus  extendens  coe- 
lum,  et  fundans  terrain,  et  fingens  spiritum  ho  mi  nia  in  eo  : 

Ecce  ego  ponam  Jérusalem  superliminare  crapulœ  omnibus  po- 
pulis  in  circuitu;  sed  et  Juda  erit  in  obsidione  contra  Jérusa- 
lem. 

Et  erit:  In  die  illa  ponam  Jérusalem  lapidem  oneris  cunctis  po- 
pulis  :  omnes  qui  levabunt  eam  concisione  lacerabuntur  ;  et  col- 
ligentur  adversus  eam  omnia  régna  terra?.  (Zach.  XII.) 


LES  MYSTÉRIEUSES  DESTINÉES  DU  PEUPLE   JUIF  447 


II 

LE  REPENTIR  ET  LE  PARDON 


Un  jour,  où  il  fut  donné  au  Prophète  Ezéchiel  de  voir  son 
peuple  sous  le  désolant  symbole  d'ossements  desséchés  ré- 
pandus sur  une  plaine  aride,  le  Seigneur  lui  dit  :  «  Fils  de 
l'homme,  ces  ossements  revivront-ils  un  jour?  Et  le  Prophète: 
«  Vous  seul,  Seigneur,  le  savez.  »  —  Et  Dieu,  sous  les  yeux 
d'Ezéchiel  fit  revivre  ces  ossements  épars  et  la  multitude  des 
enfants  d'Israël  se  trouva  debout. 

Ainsi  en  doit-il  être  du  peuple  présentement  réprouvé.  Les 
siècles  de  la  malédiction  ne  circonscrivent  pas  son  histoire.  — 
Il  doit  se  convertir,  il  doit  revenir  à  Dieu,  il  doit  se  jeter, 
pénitent  inondé  de  larmes,  aux  pieds  de  ce  Jésus  qu'il  a  au- 
trefois crucifié.  —  De  ce  retour  futur  du  peuple  juif,  nous 
avons  une  garantie  divine,  des  prophéties  précises,  bien 
que,  sur  le  temps  et  le  mode  de  cette  conversion,  plane  une 
profonde  obscurité. 

La  garantie  divine  du  retour.  —  Le  Christ  allait  mourir. 
Du  haut  de  la  croix  où  il  agonise,  il  élève  à  Dieu  une  suprême 
prière:  «  Pater,  dimitte  illis.  »  Le  vœu  de  son  cœur  est  donc 
qu'il  soit  pardonné  aux  Juifs.  Qui  osera  dire  qu'un  vœu,  jailli 
du  cœur  d'un  Fils  de  Dieu,  soit  un  vœu  stérile  et  à  jamais 
repoussé?  Il  prie,  il  demande  la  grâce  du  coupable,  qui  osera 
dire  qu'une  prière  venue  d'une  pareille  bouche,  sortie  d'une 
aussi  haute  volonté,  formulée  à  un  pareil  moment,  soit  une 
prière  que  Dieu  accueille  avec  dédain? 

Les  prophéties  du  retour.  —  A  bien  entendre  une  foule  de 
passages  de  l'Ancien  Testament,  la  conversion  finale  et  défi- 
nitive du  peuple  juif  se  montre  clairement  insinuée.  —  A 
côté  de  ces  lueurs,  vagues  encore,  brillent  des  prophéties 
absolument  précises  et  lumineuses.  —  Puis,  voici  Saint  Paul, 
le  prophète  désigné  par  Dieu  pour  annoncer  le  retour  de  son 


148  LES  MYSTÉRIEUSES  DESTINÉES  DU  PEUPLE  JUIF 

peuple,  sans  qu'il  soit  désormais  possible  J'en  révoquer  en 
doute  la  réalité.  Aux  Corinthiens  Saint  Paul  avait  affirmé  que 
«  le  voile,  posé  sur  le  cœur  d'Israël  et  qui  lui  cache  son  Mes- 
sie venu,  serait  un  jour  pleinement  enlevé.  »  —  Aux  Romains, 
ce  n'est  plus  une  phrase  fugitive,  c'est  une  prophétie  longue, 
précise,  absolue,  que  Saint  Paul  fait  de  ce  grand  mystère. 
«  Nolo  vos  ignorare,  fratres,  mysterium  hoc,  quia  cœcitas  ex 
parte  contigit  in  Israël,  donec  plenitudogentium  intraret.  Et 
sic  omnis  Israël  salvus  fieret.  »  Et,  durant  trois  chapitres, 
l'Apôtre  développe,  commente,  explique  sa  grande  pro- 
phétie. 

Le  mystère  du  retour.  —  Autant  Dieu  a  mis  de  précision 
à  nous  annoncer  la  conversion  future  de  son  peuple,  autant 
il  nous  en  a  caché  l'époque  et  les  circonstances.  —  Croyons 
seulement  que  ce  retour  deviendra  pour  l'Eglise  l'objet  d'une 
immense  joie  et  l'élément  d'une  immense  force. 


UNUM  EST  NECESSARIUM 


Juravi  in  ira  me  a  :  Si  introibunt  in  requiem  meam.  (Ha?br. 

111,11.) 


Ce  sont  les  paroles  de  Dieu  irrité.  Sur  qui  tombent  ces 
foudres?  Sur  un  peuple  bien  insensé  vraiment,  sur  le  peuple 
juif.  Il  est  exilé,  il  est  captif  et  esclave  ;  et  sous  la  verge 
sanglante  des  Pharaons,  il  s'épuise  en  des  travaux  stériles, 
dont  il  ne  recueille  qu'indigence  et  mauvais  traitements.  — 
Dieu  s'est  ému  au  spectacle  de  ses  maux  ;  il  prête  à  ses  cris 
plaintifs  une  oreille  de  miséricorde  et  à  ce  peuple  opprimé, 
il  envoie  un  Libérateur.  Il  lui  annonce  sa  délivrance,  il  lui 
montre  de  loin  une  patrie,  où  tous  les  biens  seront  réunis 
sous  la  garde  d'une  glorieuse  liberté.  Lève-toi,  Israël,  peuple 
aimé  de  Dieu,  brise  tes  fers,  marche  à  la  délivrance,  au  re- 
pos, au  bonheur!...  Que  croyons-nous  que  va  faire  ce  peuple? 
Ce  peuple  murmure  contre  son  sauveur;  il  refuse  d'enten- 
dre sa  parole,  prétextant  que  les  travaux  de  la  servitude  ab- 
sorbent toutes  ses  heures  !  Et  si  on  l'arrache  de  cette  Egypte 
où  il  souffre  et  où  il  meurt  sans  espérance  ni  soutien,  il  se 
prend  à  regretter  ses  viandes  grossières  et  ses  plaisirs  cor- 
rompus. 

Hélas  !  Ne  méprisons  pas  trop  ces  insensés.  Leur  histoire 
est,  trait  pour  trait,  notre  histoire.  Après  quarante  siècles, 
les  choses  n'ont  point  changé.  Comme  ils  souffraient,  nous 
souffrons.  Comme  ils  s'épuisaient  en  d'ingrats  et  inutiles  la- 
beurs, nous  nous  épuisons.  Et  le  sceptre  dont  un  tyran  meur- 
trissait leurs  épaules,  ce  même  sceptre,  cette  môme  tyrannie 
de  la  douleur  qui  pèse  sur  le  monde,  nous  couvre  des  mê- 
mes blessures  et  nous  brise  des  mêmes  coups.  On  nous  dit  : 
Ames  chrétiennes,  levez-vous  ;  sortez  de  ce  monde  où  vous 


150  DNUM  EST  NECESSARIUM 

souffrez,  de  ce  temps  qui  dévore  toutes  vos  œuvres;  mettez- 
vous  en  marche  pour  l'Eternité.  Que  faisons-nous?  Ce  que 
faisait  Israël.  Pro  nihilo  habuerunt  tenam  desiderabilem. 
Le  salut,  c'est  pour  nous  chose  secondaire  et  comme  de 
surérogation  :  voilà  notre  premier  mal,  puisque  le  salut  de 
notre  âme  est  la  seule  chose  importante.  —  Non  seulement 
Dieu  nous  appelle,  mais  de  suite,  mais  sans  délai.  Et  nous? 
Nous  avons  toujours  aux  lèvres  et  dans  le  cœur  un  mot  fatal  : 
plus  tard  !  Voilà  notre  second  mal,  puisque  le  salut  de  notre 
âme  est  une  affaire  pressante  et  qu'un  retard  peut  perdre 
sans  retour. 


LE  SALUT  SEULE  CHOSE  IMPORTANTE 


D'un  mot  Jésus-Christ  brise  toute  illusion,  illumine  tout 
devoir,  fonde  toute  espérance,  en  substituant  aux  visions 
décevantes,  la  seule  grande  réalité,  en  plaçant  l'Eternité 
sur  les  ruines  des  choses  humaines  :  L-num  est,  unum  est  ! 
0  homme,  une  seule  chose,  une  seule  chose  est  nécessaire  ! 
L'/tum  est  necessarium.  —  Mais  le  monde  n'a  jamais  voulu 
de  ce  mot-là.  Une  seule  chose?...  Il  en  a  mille,  dix  mille 
qui  le  préoccupent  et  l'absorbent  !  Et  comme  on  voit  les 
petits  ruisseaux  se  rejoindre,  se  réunir  pour  former  à  la 
lin  des  fleuves  larges  et  impétueux,  ainsi  des  mille  affaires 
du  monde  se  forment  comme  deux  vastes  courants  où  les 
âmes  sont  emportées  et  se  perdent  :  l'ardente  acquisition 
de  la  fortune;  l'ardente  jouissance  du  bien  acquis.  Acquérir, 
jouir  :  voilà  l'existence,  voilà  l'homme,  voilà  le  monde.  Tout 
s'absorbe  là  :  pensées,  désirs,  soucis  dévorants,  rêve  du  dé- 
lire, volonté  ardente,  tout,  depuis  le  trône  jusqu'à  la  chau- 
mière ;  depuis  l'homme  entassant  l'or  et  remplissant  le  monde 
du  tumulte  de  l'industrie,  jusqu'à  l'homme  disputant  à  l'in- 
digence un  pain  rare  et  trempé  de  sueurs.  Voyez  passer  ces 
foules  :  parlez-leur  de  l'Eternité.  Ah  !  elles  n'ont  pas  le  temps 
d'entendre.  Acquérir  et  jouir  :  pour  elles,  tout  est  là.  Et  tant 


UNUM  EST  XECESSARIUM  151 

que  ces  deux  obstacles  sont  debout,  tant  que  ces  deux  illusions 
ne  sont  pas  détruites,  la  parole  du  salut  n'a  plus  de  sens. 
Avant  tout  donc  examinons  de  près  et  cette  fortune  et  ces 
jouissances  qui  nous  tiennent  si  enchaînés. 

Où  ne  sont  pas  les  choses  importantes.  —  Donc  on  ne 
se  sauve  pas,  parce  que  le  temps  manque;  et  le  temps  manque 
parce  que  les  affaires  l'absorbent  et  que  des  affaires  à  éten- 
dre, une  fortune  à  construire,  un  avenir  à  assurer,  voilà  le 
grand  et  unique  objet  des  efforts  de  l'homme  :  0  illusion  ! 

1°  Posséder  et  acquérir  n'est  pas  chose  importante.  —  Si  nous 
comptions  tous  les  rêves  évanouis  et  les  espoirs  déçus,  tous 
les  mécomptes,  tous  les  renversements  subits  de  fortune; 
si  nous  recueillions  toutes  les  larmes,  si  nous  réunissions 
toutes  les  ruines,  si  nous  suivions  pas  à  pas  le  temps  qui 
sans  pitié  dévaste  nos  biens,  déroute  nos  projets  et  ne  laisse 
bientôt  plus  de  notre  vie  entière  qu'un  froid  et  méconnaissa- 
ble débris:  que  resterait-il  de  nos  illusions?  Mais  allons  à 
de  plus  vastes  démonstrations  et  à  de  plus  saisissants  spec- 
tacles. 

2°  Devenir  grand  et  illustre  n'est  pas  chose  importante.  — 
Dieu,  de  temps  en  temps,  réveille  le  monde  par  le  bruit  d'im- 
menses écroulements,  et  de  l'un  de  ces  écroulements  gigan- 
tesques notre  génération  perçoit  encore  les  derniers  échos. 
Au  début  de  ce  siècle  sortit  d'une  petite  île  de  la  Méditerra- 
née l'une  des  plus  étonnantes  fortunes  que  la  terre  ait  jamais 
vues,  et,  pour  la  construire,  l'un  de  ces  hommes  à  qui  la  Pro- 
vidence jette  sans  compter  tous  les  dons.  Conception  du  gé- 
nie, coup  d'œil  immense,  hardiesse,  prudence,  intrépidité  : 
Bonaparte  avait  tout,  et  la  fortune  qu'il  rêvait  n'était  pas  une 
fortune  vulgaire;  il  rêvait  un  empire  bâti  sur  les  ruines  de 
toutes  les  royautés  conquises.  Il  lui  fallait  la  France,  l'Eu- 
rope, le  monde.  Il  prit  à  sa  suite  ces  formidables  démolisseurs 
qui,  le  marteau  révolutionnaire  à  la  main,  achevaient  de 
briser  le  vieux  trône  de  nos  Rois,  et,  avec  eux,  s'élançant 
sur  le  monde,  il  cria  :  «  Le  monde  est  à  moi  !  »  Vraiment  oui, 
le  monde  était  à  lui.  L'on  voyait  avec  stupeur  s'élever  et 
grandir  ce  vaste  empire  qui  devait  enserrer  la  terre  dans  ses 
contours.  Certes,  le  héros  pouvait  croire  à  la  fortune  et  à 
l'avenir  !  Et  il  y  croyait  bien  en  effet;  il  plaçait  bien  là  son 
espoir  et  comptait  bien  abriter  sous  sa  pourpre  impériale  ses 
derniers  jours  et  léguera  son  sang  une  œuvre  respectée  des 
siècles.  Il  disait  comme  le  Très-Haut  :  «  Là  j'habiterai  »  ! 


152  U-NUil  EST   NECESSARIUM 

Conquérant,  tu  t'abuses;  tu  n'as  pas  vu  que  tu  bâtissais 
sur  d'antiques  décombres  et  que,  dans  notre  terre,  remuée 
depuis  six  mille  ans,  les  ouvrages  de  main  d'homme  ne  tien- 
nent pas  ?  Prince,  ton  œuvre  ne  tiendra  pas  !  Et  elle  ne  tint 
pas.  Toutes  les  parties  s'en  détachèrent  une  à  une,  et  après 
ce  grand  tumulte  et  ces  vastes  bruits,  rentré  dans  le  silence, 
le  monde  n'entendit  plus  que  le  faible  murmure  de  la  vague 
contre  un  écueil.  Sur  cet  écueil  était  creusée  une  tombe,  où 
les  cendres  de  tant  et  de  si  grandes  choses  bien  à  l'aise  pou- 
vaient tenir.  Et  afin  que  nul  ne  s'y  pût  méprendre,  le  grand 
homme  lui-même,  dans  sa  longue  agonie  de  Sainte-Hélène, 
jeta  sur  le  néant  des  fortunes  humaines  d'éloquentes  plaintes 
que  recueillera  la  postérité. 

Concluons.  Quand  des  plus  gigantesques  œuvres  il  ne  reste 
que  ce  qu'il  faut  de  cendres  pour  remplir  un  tombeau,  qu'en 
sera-t-il  des  œuvres  vulgaires  et  des  fortunes  privées  ?  Non, 
non,  o  homme,  quand  tu  couvrirais  l'océan  de  tes  navires, 
et  la  terre  de  tes  moissons,  de  tes  usines  ou  de  tes  palais  : 
sois  sur  :  rien  n'est  fait!  Vient  le  jour  où  l'on  te  voit  passer, 
traînant  après  toi  la  longue  chaîne  de  tes  espérances  trom- 
pées et  de  tes  biens  anéantis,  n'ayant  plus  à  toi  que  ce  der- 
nier domaine  dont  quatre  pas  mesurent  l'étendue! 

3°  Jouir  ri  est  pas  chose  importante.  —  Acquérir  fortune, 
gloire,  honneurs,  n'est  pour  nous  qu'un  moyen.  —  Jouir,  voilà 
le  but.  —  Ah  !  jouir  !  Si  nous  pouvions  jouir  à  l'aise  et  de  longs 
jours,  que  nous  importerait  le  salut?  Mais  l'homme  est-il 
plus  heureux  en  poursuivant  la  jouissance  qu'en  donnant 
ses  sueurs  au  travail  ?  C'est  à  voir.  Tout  à  l'heure,  dédai- 
gnant le  détail  de  nos  mécomptes  et  des  effondrements  qui 
nous  troublent  dans  la  possession  de  nos  biens,  nous  nous 
arrêtions  à  une  grande  ruine.  Faisons  de  même  pour  dissi- 
per les  lèves  illusoires  du  plaisir.  C'est  Dieu  même  qui  dai- 
gne ici  nous  instruire  ;  c'est  l'Ecriture  sainte  qui  va  parler. 

Et  de  qui  ?  Du  mauvais  riche,  opulent,  vêtu  de  pourpre  et 
d'or,  passant  sa  vie  dans  les  fêtes  et  s'asseyanl  Ions  les  jours 
à  des  banquets  somptueux;  puis  saisi  brusquement  par  la 
mort,  englouti  dans  une  tombe,  traîné  vif  dans  les  horreurs 
d'une  indigence  éternelle  et  remplissant  de  ses  cris  l'immen- 
sité muette  qui  le  sépare  du  pauvre  Lazare. 

Assurément  un  tel  dénouement  du  plaisir  pourrait  déjà  des- 
siller les  veux  les  plus  trompés.  M.iis  on  pourrait  dire  :  le 
plaisir  finit  mal,  soit;  mais  ici-bas  du  moins  et  pendant  son 


ONUM  EST  >"ECESSARIUM  153 

règne,  il  couvre  de  ses  enchantements  la  vie  qui  s'en  peut 
remplir.  Or  cela  même  est  une  illusion. 

Un  homme  fut  qui  rassembla  tous  les  éléments  du  plaisir. 
Il  était  riche,  il  était  Roi,  il  était  libre,  et  tenait  tout  soumis  aux 
moindres  caprices  de  sa  volonté.  Pour  jouir,  il  faut  de  l'or,  il 
faut  des  honneurs,  il  faut  la  santé  florissante,  il  faut  une  exis- 
tence à  l'abri  des  douleurs;  achevons,  parlons  comme  le  monde 
il  faut  des  sens  flattés  par  toutes  les  complaisances,  plongés 
dans  toutes  les  ivresses,  livrés  à  tous  les  tressaillements  de 
la  volupté.  Il  avait  tout,  et,  avec  les  moyens  de  jouir,  il  en 
avait  la  plus  véhémente  volonté.  C'est  lui  qui  parle,  écoutez  : 
«  J'ai  dit  clans  mon  cœur  :  je  m'en  irai,  je  parcourrai  toutes 
les  jouissances,  pour  les  goûter  une  à  une  :  Dixi  ego  in  corde 
meo  :  vadam.  Je  m'en  veux  remplir  et  qu'elles  débordent  : 
Affîuam  deliciis.  Je  goûterai  l'opulence,  le  luxe,  l'orgueil  ; 
j'aurai  des  tables  somptueuses  et  de  vastes  domaines,  et  pas 
une  volupté  ne  sera  refusée  ni  à  mon  cœur  ni  à  mes  sens. 
Et  Salomon  fit  ainsi. 

Oh  !  sans  doute  nous  épions  les  voix  enchanteresses,  les 
cris  du  plaisir  qui  sortent  des  palais  du  roi  Salomon  ?  Illu- 
sion !  Prêtons  l'oreille  !  —  il  n'en  sort  que  le  cri  de  la  plainte 
et  du  désespoir  !  «J'ai  vu  que  le  plaisir,  lui  aussi,  est  vanité  », 
Vidi  quod  hoc  quoque  esset  vanitas.  La  joie,  j'ai  vu  qu'elle 
n'était  qu'illusion  décevante,  et  au  plaisir  j'ai  dit  :  Imposteur, 
pourquoi  m'as-tu  trompé  !  Risum  reputavi  errorem,  et  gau- 
dio  dixi  :  quid  frustra  aeciperis  ? 

Cette  voix  n'est  pas  éteinte,  ces  plaintes  sont  les  plaintes 
de  tous  les  siècles,  c'est  toujours  par  la  tristesse,  le  dégoût, 
un  vide  affreux  que  se  termine  le  drame  du  plaisir.  L'âme 
humaine  se  jette  sur  la  jouissance  avec  frénésie,  croyant  y 
trouver  l'apaisement  de  la  faim  de  bonheur  dont  elle  est  dé- 
vorée. Bientôt  l'enchantement  s'évanouit;  l'insuffisance  et  le 
néant  se  montrent,  l'âme  tombe  dans  une  tristesse  profonde, 
et  toute  l'histoire  du  plaisir  est  en  ces  trois  mots  :  «  La  dou- 
leur se  mêle  à  nos  rires,  et  le  jour  qu'a  ouvert  le  plaisir,  le 
deuil  le  finira  :  Risus  dolore  miscebitur,  et  extrema  gaudii  luc- 
tus  occupât. 

Où  est  la  chose  importante.  —  Impossible  à  l'homme  de 
jouir,  impossible  à  l'homme  de  posséder.  La  douleur  empoi- 
sonne les  plaisirs;  le  temps  dévore  ses  biens.  Que  reste-t-il? 
Que  reste-t-il  à  l'homme  ?  Tout  est  tombé,  tout  est  évanoui, 
tout  est  échappé.  Que  reste-t-il  ?  Une  seule  chose,   celle  que 


154  UNUM  EST  NECESSARIUM 

nous  disions,  celle  que  prêchait  Jésus-Christ,  celle  que,  dans 
la  suite  des  siècles  n'a  plus  cessé  de  proclamer  l'Eglise  : 
Unum  est,  une  seule  chose,  Eternité.  Tout  ce  qui  s'est  passé 
n'était  qu'un  songe  :  voici  la  réalité.  C'était  le  chemin,  le 
passage,  la  course  rapide  :  voici  la  demeure  définitive,  voici 
«  l'immobile  royaume  »,  où  tout  désormais,  le  bonheur  comme 
la  souffrance,  l'indigence  comme  la  fortune,  l'infamie  comme 
la  gloire,  tout  est  immortalisé. 

Vous  me  montrez  vos  fêtes,  vos  joies  de  tous  les  jours,  vos 
gracieuses  parures,  vos  amusements,  et  toute  cette  molle 
existence,  où  tous  les  plaisirs  se  sont  donné  rendez-vous  ?... 
Mais  moi,  une  autre  pensée  m'obsède  et  me  terrifie.  Me 
voici  devant  vous,  et  je  médite  dans  la  frayeur  de  mon  àme. 
Si  vous  me  demandez  quelle  est  ma  formidable  méditation? 
La  voici.  Ce  front,  si  épanoui  et  si  pur,  est-il  destiné  aux  stig- 
mates de  l'éternelle  infamie,  ou  au  rayonnement  éternel 
des  Elus  de  Dieu  ?  Ah  !  voilà  la  question  et  la  seule  qui  im- 
porte ?  —  Ce  cœur  si  folâtre  et  si  avide  de  réjouissances, 
sera-t-il  enivré  éternellement  des  délices  du  ciel,  ou  éternel- 
lement dévoré  de  ce  ver  qui  ne  meurt  point.  —  Ces  yeux 
verront-ils  la  gloire  de  la  Patrie  et  la  Beauté  éternelle,  —  ou 
pleureront-ils  ce  pleur  affreux  du  damné  ?  —  Tout  cet  être 
enfin,  sera-t-il  plongé  dans  l'éternelle  béatitude  ou  dans  l'é- 
ternel tourment  ?  —  Ah  !  voilà  la  question,  n'en  posez  pas 
d'autre;  voilà  la  seule  qui  mérite  d'être  posée. 

Vous  montrez  des  affaires  florissantes,  des  industries  pros- 
pères, des  capitaux  sûrs  et  féconds,  des  domaines  princiers, 
des  titres,  de  l'opulence  ?  J'admire  peut-être  de  rares  talents, 
un  vaste  savoir,  des  dons  que  la  nature  a  prodigués?...  Mais 
si,  dans  quelques  années,  quelques  mois,  tout  à  l'heure,  jeté 
brusquement  dans  l'Eternité,  vous  n'y  trouvez  plus,  ni  amis, 
ni  famille,  ni  fortune,  ni  demeure,  mais  si,  là,  une  détresso 
inénarrable  vous  arrache  «  ces  pleurs,  ces  hurlements  de  la 
rage,  ce  grincement  du  désespoir  »,  dont  J.-C.  a  parlé  ?  En 
vérité,  est-il  un  intérêt  autre  que  celui-là?  Une  affaire  autre 
que  cette  affaire  ? 

Faut-il  insister  encore,  et  fortifier  ces  pensées  par  une  au- 
tre aussi  formidable  ?  Dire  :  l'Eternité,  c'est  enlever  toute  es- 
pérance, c'est  parler  d'une  perte  à  jamais  irrémédiable.  Ici- 
bas  l'espoir  se  mêle  à  toutes  nos  misères  pour  les  adoucir. 
Cette  maladie  me  torture,  mais  je  jette  un  œil  rassuré  sur 
l'avenir  :  on  me  promet  la  convalescence.  Un  coup  subit  a 


UNUM  EST   NECESSARIUM  155 

jeté  bas  ma  fortune  :  mais  il  me  reste  la  force  de  mon  bras 
et  le  coup  d'ceil  de  mon  génie.  L'exil  m'a  chassé  loin  des 
miens  :  mais  le  chemin  de  l'exil  peut  être  aussi  le  chemin  du 
retour.  Ainsi,  toujours  appuyé  sur  l'espérance,  l'homme 
échappe  à  ce  que  la  douleur  a  de  plus  terrible  :  le  désespoir. 
—  Mais  perdre  son  àme  ?  Mais  être  chassé  de  la  Patrie  de 
là-haut  ?  Voilà  le  malheur  sans  ressource  ;  voilà  le  statuta  dé- 
sola Ho. 


II 
LE  SALUT  SEULE  CHOSE  PRESSANTE 


Pour  des  biens  impossibles  à  retenir  et  des  jouissances 
impossibles  à  goûter,  perdre  sans  remède  une  félicité  éter- 
nelle et  tomber  dans  un  éternel  malheur  ;  c'est  folie.  —  Voilà 
qui  est  sans  doute  bien  convenu.  —  Par  suite,  travailler  au 
salât  de  son  âme,  c'est  la  grande  affaire  de  l'homme,  le  but 
de  son  existence  et  l'objet  unique  de  ses  préoccupations.  Il 
faut  sauver  son  âme,  et,  pour  la  sauver,  se  convertir.  Mais 
quand  ?  Ah!  demain,  de  grâce  demain  :«  audiemus  te  crasde 
hoc.  »  Xon  pas!  C'est  de  suite;  l'affaire  est  pressante  et  ne 
souffre  pas  de  délai.  Travaillons  à  nous  en  bien  convaincre. 
Toute  âme  est  sujette  de  Jésus-Christ.  Et  tel  est  l'empire 
que  ce  Divin  Roi  des  âmes  exerce  sur  elles,  qu'il  est  impos- 
sible, à  quelque  heure  que  ce  soit  de  la  vie,  de  s'y  soustraire 
jamais  :  «Oportet  Christum  regnare.  »  Or  cet  empire  absolu  et 
inévitable  s'exerce  de  deux  manièresdifférentes.  Sommes-nous 
dévoués  et  soumis?  Jésus-Christ  règne  comme  Sauveur.  Som- 
mes-nous rebelles?  Jésus-Christ  règne  commejuge.  «  Christo 
subjiciuntur  dupliciter:  Voluntarie  tanquam  Salvatori  invite 
tanquam  judici.  »  (D.  Thom.  in  Ephes.  lect.  8  ch.  1.)  Mais  s'il 
en  est  ainsi  impossible  de  remettre.  Pourquoi?  Parce  que  le  rè- 
gne de  Jésus-Christ  doit  s'exercer  de  suite.  Tu  tardes,  ô  âme, 
tu  refuses,  tu  veux  des  délais?  impossible.  Ton  Roi  est  pressé, 
il  est  pressé  de  t'étreindre  dans  ton  amour.  Tu  le  repousses? 
Il  est  pressé  de  te  soumettre  par  sa  justice  et  ses  rigueurs. 


156  DNUM  EST   RECESSÀRIUM 

Jésus-Christ  est  pressé  comme  Sauveur.  —  Il  était  dans 
la  gloire  de  son  éternité  au  moment  où  nous  périssions  sur 
la  terre.  Il  est  venu,  non  pas  avec  les  lenteurs  d'un  service 
accordé  à  regret,  mais  avec  l'impétuosité  de  l'amour,  mais 
de  toute  la  force  du  dévouement,  «  bondissant  dans  la  carrière 
comme  un  géant,  »  dit  l'Ecriture  :  exultavit  ut  gigas.  Ecou- 
tez comme  il  est  pressé.  «  Je  dois,  dit-il,  les  sauver  au  prix  de 
ma  vie  et  comme  je  me  sens  pressé  d'achever  mon  œuvre! 
«  quomodo  coarctor  usque  du  m  perficiam  :  »  —  L'Ecriture 
nous  le  montre  à  la  porte  de  chaque  âme,  le  tendre,  le  pas- 
sionné Jésus.  Il  est  là,  et  il  frappe,  et  il  fait  entendre  une 
suppliante  voix:  «  Vox  dilecti  pulsantis.  »  0  àme,  devenue 
une  sœur  pour  moi,  ouvre-moi,  ouvre-moi,  ma  sœur!  «  aperi 
soror  mea.  »  L'àme  est  sourde  et  insensible  :  Jésus  fera 
mille  efforts  pour  pénétrer;  il  usera  tour  à  tour  de  tous  les 
moyens  et  tentera  toutes  les  ouvertures  :  «  dilectus  misit 
manum  suam  per  foramen.  »  —  Il  nous  prend  par  toutes  les 
aspirations  de  notre  être,  il  se  fait  Beauté  ravissante  pour 
captiver  notre  cœur;  il  nous  couvre  d'honneurs  pour  tenter 
notre  ambition;  il  se  répand  en  offres  magnifiques:  c'est  un 
trône,  c'est  un  palais,  c'est  une  félicité  éternelle,  ce  sont  des 
torrents  de  délices,  tout  un  avenir  dont  ni  l'œil,  ni  l'oreille, 
ni  le  cœur  de  l'homme,  n'ont  pu  comprendre  la  béatitude 
et  les  splendeurs. 

Hélas  l'homme  aime  mieux  la  terre  et  ses  biens  grossiers 
et  fragiles.  0  Dieu,  reprenez  votre  amour  et  vos  richesses, 
l'homme  n'en  a  que  faire  et  n'en  veut  pas!  L'amour  sera-t-il 
enfin  vaincu?  non,  pas  encore.  L'amour  a  des  ressources  iné- 
puisables, il  a  d'étonnants  désespoirs.  Ce  Dieu,  qui  a  pris  no- 
tre chair,  qui  est  venu  à  nous  pour  se  laisser  voir  et  toucher, 
qui  nous  a  parlé  la  langue  de  l'amour,  qui  a  pleuré  sur  nos 
maux,  qui  a  touché  nos  blessures,  qui  a  étendu  vers  nous 
ses  bras  qu'ouvrait  une  inénarrable  tendresse,  ce  Dieu  écon- 
duit,  ce  Dieu  repoussé,  fait  un  dernier  effort:  il  prend  cette 
chair  qu'il  nous  avait  empruntée,  il  la  prend,  il  la  livre  aux 
injures,  aux  coups  ;  il  se  laisse  exposer  tout  sanglant  sur  les 
marches  d'un  tribunal,  battre  de  verges,  meurtrir  de  soufflets, 
•  •ouvrir  de  toutes  les  ignominies  et  de  toutes  les  douleurs, 
clouer  enfin  à  une  croix,  et,  du  haut  de  cette  croix,  durant 
une  agonie  affreuse,  il  nous  donne  Bes  dernières  larmes, 
sa  dernière  goutte  de  sang,  sa  dernière  prière  et  son  dernier 
soupir!  —  0  âme,  ô  âme,  l'heure  est  solennelle  le  moment 


IWUM  EST   NECESSARIUM  157 

est  décisif.  Veux-tu  de  ce  Dieu-là  pour  Roi'?  —  non?  Alors 
voici  un  autre  règne. 

Jésus  est  pressé  comme  juge.  —  Xous  pourrions  nous 
rassurer  en  nous  disant  que  le  jugement,  la  sentence  et  l'ex- 
piation sont  des  éventualités  d'outre  tombe,  des  pouvoirs 
exercés  par  Jésus-Christ  dans  les  régions  de  l'Eternité.  Xous 
pourrions  dire  comme  les  Juifs.  «  Ces  terreurs  sont  lointaines 
encore.  »  Eh  bien!  il  en  est  d'autres  et  celles-là  sont  actuel- 
les, et  nous  les  subissons  à  cette  heure  même. 

1°  D'abord  notre  Roi  nous  regarde  :  c'est  une  première  ri- 
gueur. Il  nous  suit  de  son  regard  souverain  et  chaque  péché 
est  inscrit  au  Livre  de  sa  mémoire.  Ah!  parce  qu'il  nous  plaît 
d'oublier  Dieu,  parce  que  nous  aurons  dit  :  «  non  volumus  hune 
regnare  super  nos,  »  nous  penserons  que  Dieu  nous  oublie  ou 
abdique?  Insensés!  nous  sommes  sous  ses  yeux  et  dans  sa 
main:  notre  cause  s'instruit;  notre  procès  se  juge;  il  n'y  aura 
plus  bientôt  que  la  sentence  à  proclamer. 

2°  Et  voici  une  seconde  manifestation  du  règne  de  la  rigueur; 
la  menace.  Comme  ces  menaces,  venues  coup  sur  coup,  m'an- 
noncent que  la  justice  est  pressée  d'en  finir  !  Voici  une  pre- 
mière :  «  jam  securis  ad  radicem;  facite  fructum  dignum 
pœnitentiae.  »  —  0  âme,  on  commence  à  te  frapper  à  la  ra- 
cine, prends  garde.  Entends-tu  ces  remords  secrets?  ces  an- 
goisses mystérieuses?  Ces  craintes  poignantes  de  l'éternité? 
Ce  malheur  qui  t'a  frappé,  cette  maladie  qui  t'a  mis  aux  por- 
tes du  tombeau,  cet  exemple  de  la  Justice  divine  que  tu  as 
peut-être  contemplé,  ce  sont  là  premiers  avertissements.  — 
Les  autres  suivent.  Jésus-Christ  fulmine  un  arrêt.  «  Aujour- 
d'hui vous  me  méprisez  ;  eh  bien,  je  pars,  je  vous  abandonne; 
demain  vous  me  chercherez,  et  vous  ne  me  trouverez  plus, 
et  vous  mourrez  dans  votre  péché.  »  «  Quœretis  me  et  non 
invenietis  et  in  peccato  vestro  moriemini.  »  —  Après  Jésus- 
Christ,  son  Apôtre,  nous  montre  la  miséricorde  épuisée,  la 
malédiction  prête  à  fondre,  et  commençant  à  envahir  nos 
âmes.  «  Que  si,  dit-il,  après  avoir  bu  chaque  jour  la  rosée  du 
ciel,  la  terre  reste  stérile,  ne  rendant  au  laboureur  que  ron- 
ces et  épines,  elle  est  toute  prête  d'être  frappée  de  malédic- 
tion, «  reproba,  maledicto  proxima.  » 

3°  Dernière  rigueur  du  règne  de  Jésus-Christ.  Voyez  ces  chré- 
tiens obstinés  à  refuser  à  Dieu,  la  réciprocité  de  l'amour,  per- 
dant même  toute  crainte  de  sa  justice.  Tout  est  paisible  en 
eux:  «  dixerumt  pax.  »  La  conscience  acessé ses  plaintes, rien 


158  0NUM  EST  NECESSARIUM 

ne  trouble  plus  ces  vies  joyeuses  et  fortunées.  Où  se  montrent 
les  traces  de  la  justice  de  Dieu?  Ici  même.  Quand  l'âme  n'a 
plus  ni  crainte,  ni  désirs,  ni  remords,  ni  aucun  sentiment  de 
la  présence  et  du  règne,  de  Dieu  sur  elle,  c'est  la  dernière 
rigueur  de  ce  règne  et  son  dernier  châtiment.  Etat  terrible  ! 
ces  âmes  ne  sentent  plus  rien,  ne  prévoient  plus  rien,  se 
rendent  à  l'abîme  d'un  pied  tranquille  et  enjoué.  Voyez  leur 
image  dans  l'Ecriture.  Ce  Roi  Balthazar,  assis  au  dernier  ban- 
quet, dans  une  nuit  fatale,  où  d'invisibles  ennemis  minent 
ses  murailles  et  s'introduisent  dans  Babylone  endormie.  La 
joie  est  à  son  comble  et  à  son  comble  aussi  le  crime  et  la  pro- 
fanation. On  boit  dans  les  vases  sacrés  volés  au  temple,  le  vin 
de  l'orgie.  Chrétien,  tu  as  bu  ce  vin  profanateur,  ce  vin  du 
péché,  tu  en  as  rempli  la  coupe  sacrée,  c'est-à-dire  ce  corps 
sanctifié  par  l'eau  baptismale,  et  oint  de  l'huile  qui  marque 
les  fils  de  Dieu.  Cependant  la  justice  plane  sur  cette  trom- 
peuse sécurité,  sa  main  trace  la  sentence,  des  clameurs  enne- 
mies se  font  entendre  et  Balthazar,  saisi  à  l'improviste,  tombe 
sous  les  coups  des  vengeurs  de  Dieu.  Pauvre  frère,  insensi- 
ble et  impénitent,  ta  sentence  se  trace,  un  coup  subit  t'abat, 
une  maladie  foudroyante  te  renverse,  la  main  fatale  te  saisit 
et  t'emporte  du  milieu  même  de  tes  crimes  et  du  sein  de  ta 
fatale  sécurité! 


PERFECTION  CHRETIENNE 

SA  NÉCESSITÉ 


NOUS  LA  DEVONS  A  DIEU  COMME  NOTRE 
ÉDUCATEUR 


Si  un  Dieu  daigne  nous  instruire  Lui-même,  faire,  dans  le 
temps,  pour  l'Eternité,  notre  éducation  divine,  jugeons  ce 
qu'exigera  de  nous  un  pareil  honneur  ! 

Dieu  Lui-même  s'est  fait  notre  Educateur.  —  «  Dieu,  dit 
l'Apôtre,  nous  a  parlé  continuellement  et  de  diverses  ma- 
nières. » 

1°  77  est  une  parole  intime  de  Dieu.  —  C'est  d'elle  que 
parle  l'Evangile  quand  il  dit  de  Dieu  :  «  Erat  lux  vera  qua3 
illuminât  omnem  hominem  venientem  in  hune  mundum.  » 
C'est  la  parole  intime  de  Dieu  ;  c'est  la  Loi  qu'il  grave  au 
fond  de  nos  consciences  cest  la  lumière  naturelle  qu'il 
allume  en  nous,  c'est  l'instinct  divin,  les  aspirations  no- 
bles et  élevées,  les  pensées  grandes  et  immortelles  dont  il 
jette  les  germes  sacrés  dans  notre  intelligence  et  dans  notre 
cœur. 

2°  77  est  une  parole  officielle  de  Dieu.  —  Elle  fut  dite  au 
premier  homme  dans  le  Paradis  terrestre.  C'est  là  qu'eut 
lieu  la  première  Révélation  divine.  —  Quand  l'écho  s'en 
affaiblit  et  se  perdit  dans  les  tumultes  du  péché,  Dieu,  du 
sommet  du  Sinaï  enflammé,  donna  de  sa  loi  une  promulga- 
tion plus  solennelle   et   plus   éclatante.    —    Mais   qu'est-ce 


160  FERFECTR'N    CHRÉTIENNE,    SA   NÉCESSITÉ 

que  la  Loi  quand  elle  est  seule  ?  Il  fallut  que  Dieu  nous  par- 
lât sans  cesse,  sans  fin,  pour  nous  instruire,  nous  remémo- 
rer des  vérités  anciennes,  nous  révéler  de  nouveaux  mys- 
tères, nous  encourager,  nous  consoler,  nous  avertir,  nous 
menacer,  et  rappeler  au  droit  chemin  cette  inconsistante  na- 
ture humaine  toujours  portée  à  suivre  l'erreur.  Tels  furent 
les  prophètes  et  les  auteurs  inspirés  de  l'Ancienne  Alliance. 
—  0  prodige  !  quand  vint  «  la  plénitude  des  temps,  »  ce  ne 
fut  plus  par  l'homme,  c'est  par  Lui-même,  c'est  en  personne 
que  Dieu  daigna  faire  notre  éducation.  «  Visus  est  in  terris 
et  cum  hominibus  conversatus.  »  Durant  des  années,  ce  Dieu 
fait  Ilomme  nous  éclaira  sur  toutes  les  vérités  du  salut,  nous 
illumina  tous  les  problèmes  de  l'existence,  donna  à  nos  dou- 
tes poignants,  à  nos  questions  anxieuses,  les  réponses  lumi- 
neuses de  la  vérité.  Après  une  telle  école,  que  nous  reslc-t-il 
à  apprendre  et  quelle  vérité  supérieure  pouvons-nous  igno- 
rer ?  —  «  Je  vous  ai  tout  dit  :  »  Tel  est  le  mot  du  Christ  no- 
tre divin  éducateur,  mot  magnifique  qui  faisait  pousser  à 
Saint  Paul  ce  cri  de  triomphe  :  «  Nos  scimus  !  »  A  d'autres 
d'ignorer,  à  nous  de  tout  savoir.  A  d'autres  le  doute  misé- 
rable, la  douloureuse  incertitude,  la  mortelle  ignorance,  à 
nous,  instruits  par  Dieu  même,  la  plénitude  de  la  lumière  et 
de  la  vérité. 

Ce  qu'exige  de  nous  cette  divine  Education.  —  Mais  si 
avoir  Dieu  même  pour  éducateur  est  une  suprême  gloire;  de 
cette  gloire  jaillit  un  suprême  devoir  et  aussi  une  formida- 
ble responsabilité.  «  Propterea  abundantius  oportet  obser- 
varc  nos  ca  quae  audivimus  ne  forte  pereffluamus...  Quo- 
modo  nos  effugiemus  si  tantam  neglexerimus  salutem,  quae, 
cum  initium  accepisset  enarrari  per  Dominum,  ab  eis  qui  au- 
dierunt  in  nos  confirmata  est,  contestante  Deo  signis  et  por- 
tentis.   » 

1°  Nous  écoulerons  Dieu.  —  Nous  l'écouterons  des  oreilles 
du  corps.  Combien  de  fidèles  qui  traitent  avec  nonchalance 
et  dédain  la  parole  de  Dieu  !...  Combien  qui  l'écoutent  mal?... 
Combien  qui  la  fuient  ?  —  Nous  l'écouterons  des  oreilles  de 
Y  âme.  Notre  cœur  aimera  les  enseignements  divins...  Notre 
mémoire  nous  les  rendra  sans  cesse  présents...  Notre  vo- 
lonté y  aspirera  de  toute  son  énergie. 

2°  Nous  appliquerons  les  enseignements  de  Dieu.  —  «  Non 
auditores  sed  factores  verbi,  »  dit  l'Apôtre.  —  Lisons  les  pa- 
raboles ;  toutes  nous  rappellent  à  l'obligation  de  faire  fructi- 


PERFECTION  CHRÉTIENNE,  SA   NÉCESSITÉ  461 

fier  en  nous  les  enseignements  divins.  —  Dès  lors,  quel  sera 
le  code  du  chrétien?  Quelle  sera  la  règle  de  sa  conduite  dans 
chacune  des  circonstances  qu'il  traverse  ?  Ce  sera  le  pré- 
cepte, la  vérité  évangélique,  l'oracle  divin.  Voulons-nous  le 
détail  de  cet  enseignement? 

Lisons,  entre  autres  leçons,  le  Sermon  sur  la  Montagne  et 
les  Béatitudes. 


II 


NOUS  LE  DEVONS  A  DIEU  COMME  NOTRE 
SOUVERAIN  MAITRE 


Dieu  est  pour  nous  un  Maître.  —  Dieu  est  un  Maître  bien- 
faisant. —  Dieu  est  un  Maître  riche  en  avenir. 

Dieu  nous  est  un  Maître.  —  Quel  maître  a  plus  de  titres 
à  l'objet  qu'il  possède  ?  —  Nous  tenons  tout  de  Dieu.  Ni  l'u- 
nivers que  nous  habitons,  ni  les  objets  qui  nous  servent,  ni 
notre  être  entier,  ne  nous  appartiennent.  «  Quid  habes  quod 
non  accepisti  ?  Si  autem  accepisti  quid  gloriaris  quasi  non 
acceperis?  »  —  Nous  sommes  sous  la  main  de  Dieu  dépen- 
dant en  tout  de  sa  volonté  souveraine.  «  Ecce,  Domine,  tu 
formasti  me  et  posuisti  super  me  manum  tuam...  quo  ibo  a 
Spiritu  tuo  et  quo  a  facie  tua  fugiam  ?»  —  Si  Dieu  nous  pos- 
sède à  ce  point,  si  nous  sommes  à  lui  mille  fois  plus  que  le 
marbre  est  au  sculpteur  et  la  toile  au  peintre,  et  les  maté- 
riaux à  l'architecte,  qu'avons-nous  à  opposer  aux  vues  que 
Dieu  a  sur  nous,  à  la  direction  qu'il  prétend  donner  à  notre 
vie?  «  0  homo,  tu  quis  es  qui  respondeas  Deo  ?  Numquid 
dicit  ligmentum  ei  qui  se  finxit  :  «  Quid  me  fecisti  sic?  » 

Dieu  nous  est  un  Maître  Bienfaisant.  —  Mais  quoi  !  nous 
plaindrions-nous  de  cette  suprême  domination  de  Dieu  ?  Que 
nous  est-elle,  après  tout,  sinon  un  immense  bienfait  ?  — 
Etendons  nos  regards  autour  de  nous,  ils  ne  rencontreront 
que  des  bienfaits.  Concentrons-les  sur  nous  mêmes,  notre  être 
entier  n'est  qu'un  tissu  de  bienfaits.  —  Notre  passé?  Que  nous 
T.  IV  11 


i62 


PERFECTION  CHRETIENNE,   SA  NECESSITE 


rappelle-t-il  sinon  des  bienfaits  ?  En  quoi  se  signale  notre 
présent  ?  Il  n'est  marqué  que  par  la  longue  série  des  bien- 
faits de  Dieu.  Que  sera  notre  avenir?  L'épanouissement 
dernier  de  cette  suprême  bienfaisance.  —  Quoi  1  Lorsque 
Dieu  ne  signale  sa  puissance  sur  nous  que  par  la  profusion  de 
ses  bienfaits,  comment  oserions-nous  prétendre  que  «  son 
joug  n'est  pas  doux  et  son  fardeau  léger?  »  —  D'ailleurs,  ne 
l'oublions  pas,  notre  docilité  aux  enseignements  divins  décide 
de  tout  notre  avenir. 

Dieu  nous  est  un  Maître  riche  en  avenir.  —  Le  même 
Dieu,  qui  se  charge  comme  un  Père  tendre  de  notre  éduca- 
tion ici-bas,  se  charge  comme  un  Père  magnifique  de  notre 
splendide,  éternel  avenir.  —  Prenons,  une  à  une,  les  Pa- 
raboles Évangéliques  ;  toutes  nous  rappellent  à  cette  vé- 
rité :  que  nos  splendeurs  de  l'autre  vie  sont  attachées  à  notre 
éducation  d'ici-bas.  —  «  Quis  ascendet  in  montem  Domini?  » 
Celui-là  seul  qui,  instruit  de  Dieu,  formé  par  Dieu,  se  pré- 
sentera comme  «  la  créature  nouvelle  »,  «  l'homme  cé- 
leste »,  «  l'image  de  Dieu  »,  «  la  copie  vivante  du  Christ- 
Jésus  ». 


III 


NOUS  LE  DEVONS  A  DIEU  GOMME  NOTRE  FIN 
DERNIÈRE 


Quelle  perfection  trop  haute  peut  être  exigée  de  moi  si  je 
songe  quelle  est  ma  destinée  et  quelle  est  ma  lin  dernière  ? 

Ma  destinée  future  est  de  posséder  Dieu.  —  Ma  destinée 
future  est  d'aller  à  Dieu.  —  Plus  encore  :  de  vivre  éternel- 
lement avec  Dieu.  —  Plus  encore  :  de  me  confondre  avec 
Dieu  en  tant  que  cela  peut  se  faire  en  conservant  ma  person- 
nalité ;  «  Qui  adhœret  Domino  unus  spiritus  est.  »  —  Plus 
encore  :  de  me  transfigurer  en  Dieu  :  «  Contemplantes  glo- 
riam  Dei  in  eamdcm  imaginem  transformamur.  » 


PERFECTION  CHRÉTIENNE,  SA  NÉCESSITÉ  163 

Ma  destinée  présente  est  de  m'en  rendre  digne.  —  Or, 

c'est  ici  qu'apparaît  l'indispensable  nécessité  de  la  perfection 
chrétienne.  —  Cette  vie  divine  qui  doit  s'épanouir  en  moi 
dans  les  splendeurs  éternelles,  je  dois  l'entretenir  en  moi 
dès  ici-bas.  —  Cette  beauté  divine  en  laquelle  je  dois  être 
transfiguré  au  ciel,  il  me  faut,  sur  la  terre,  en  composer  pa- 
tiemment tous  les  traits.  —  Cette  Sainteté  divine,  à  laquelle 
je  dois  m'unir  un  jour,  exige  de  moi  que  je  m'en  revête  préa- 
lablement ici-bas.  «  Estote  perfecti  sicut  Pater  vester  cceles- 
tis  perfectus  est.  »  —  En  un  mot,  à  chaque  trait  de  ma  béa- 
titude éternelle  correspondent  un  devoir  accompli,  une  vertu 
pratiquée,  une  perfection  acquise,  durant  le  temps  de  l'é- 
preuve. 


IV 


NOUS  LE  DEVONS  A  DIEU  COMME  CHEF 
DE  L'ÉGLISE 


Ce  n'est  pas  moi  seul,  c'est  la  famille  céleste  à  laquelle 
j'appartiens  qu'il  me  faut  aussi  considérer. 

Je  suis  de  la  famille  des  Saints.  —  Eux  ont  pratiqué  tou- 
tes les  vertus  et  se  sont  revêtus  de  la  magnih'que  parure  de 
la  perfection. 

Je  dois  être  digne  de  ma  céleste  famille.  —  Sans  doute 
il  me  sera  impossible  de  m'élever  jusqu'à  l'héroïsme  des 
Saints.  —  Mais  j'imiterai  chacune  de  leurs  vertus  au  degré' 
possible  à  ma  faiblesse. 


PERFECTION  CHRÉTIENNE 

SA  NÉCESSITÉ  (Suite) 


JE  LA  DOIS  A  MON  BONHEUR  FUTUR 


Dans  sa  solitude  de  Xazianze,  l'illustre  théologien  Saint 
Grégoire  s'animait  à  la  perfection  en  se  répétant  sans  cesse 
à  lui-même  :  «  Opus  habes,  anima,  et  magnum  si  vclis  !  » 
—  Que  ce  soit  notre  mot  de  ralliement,  quand  les  puissances 
de  notre  âme  et  les  sens  de  notre  corps  ou  se  révoltent,  ou 
négligent,  ou  défaillent,  ou  s'irritent.  Sans  cesse,  disons-nous: 
a  Je  suis  né  pour  une  grande  œuvre;  »  —  je  suis  né  pour  un 
grand  avenir;  —  suis-je  digne  de  ces  grandes  choses  ? 

Je  suis  né  pour  une  grande  œuvre.  —  Quelle  est  cette 
œuvre  ?  —  Qu'exige  de  moi  cette  œuvre  ? 

i°  Quelle  est  cette  œuvre  ? —  Dieu  m'en  donne  dans  son  œu- 
vre des  six  jours,  dans  la  création,  l'organisation,  l'orne- 
mentation do  l'univers,  une  idée  grandiose  et  précise.  Voyons 
Dieu  àl'œuvre.  —  Cette  matière  informe,  désordonnée,  chao- 
tique qu'il  a  fait  surgir  du  néant,  Dieu  l'organise  ;  il  sépare 
les  eaux,  il  partage  leurs  masses  tumultueuses,  il  règle  les 
saillies  d'une  nature  en  désordre,  il  fixe  en  haut  le  firmament 
que  tout  à  l'heure  il  rendra  étincelant  de  lumière.  Après  l'hor- 
reur des  ténèbres,  Dieu  dira:  «  Que  la  lumière  soit  1  »  —  Sor- 
tie du  chaos,  voici  maintenant  que  sous  l'azur  du  firmament, 
sous  le  feu  des  astres,  la  terre  se  couvre  de  radieuses  paru- 
res. La  vie  organique  y  fait  son  entrée,  les  êtres  se  multi- 
plient et  enfin  apparaît  l'homme,  sublime  créature  à  laquelle 
est  destiné  ce  beau  domaine. 


PERFECTION  CHRÉTIENNE,  SA  NÉCESSITÉ  165 

Ce  qu'a  fait  Dieu,  tout  chrétien  doit  le  faire.  Et  cette  œu- 
vre n'est  autre  que  celle  de  la  perfection.  —  D'une  nature  en 
désordre,  où  bouillonnent  les  passions,  où  règne  la  concupis- 
cence, où  tout  est  désordre  et  saillies  furieuses,  le  chrétien 
doit  faire  un  être  réglé,  soumis,  humanisé.  — Après  l'orga- 
nisation qui  refoule  le  mal  et  assure  au  bien  un  empire  so- 
lide, viendra  la  floraison  des  vertus,  les  riches  parures  de  la 
perfection.  — Dans  cette  nature,  devenue  limpide  et  brillante 
î'  «  Homme  »  fera  son  entrée.  L'Homme  c'est  Jésus-Christ, 
c'est  la  grâce,  c'est  l'Esprit  de  Dieu. 

2°  Qu'exige  de  moi  cette  œuvre  f  —  Je  ne  puis  rien  par 
moi-même  :  les  paroles  créatrices  n'appartiennent  qu'à  Dieu. 
Si  je  tends  à  la  perfection,  mon  premier  soin  sera  donc,  par 
la  prière  et  les  sacrements,  de  me  revêtir  de  la  puissance  de 
Dieu  :  «  Omnia  possum  in  eo  qui  me  confortât  ».  —  Puis, 
je  m'assurerai  un  empire  sérieux  et  constant  sur  mes  pas- 
sions, sur  ma  concupiscence,  sur  ma  chair,  sur  mes  sens.  — 
Enfin,  sans  me  lasser  jamais,  je  ferai  croître  et  s'épanouir 
par  une  culture  de  tous  les  jours,  les  fleurs  des  vertus. 

Je  suis  né  pour  un  grand  avenir.  —  Cet  avenir,  deux 
choses  me  l'assurent  :  mon  être  surnaturel  et  mon  immorta- 
lité. Or  ce  sont  précisément  ces  deux  grandes  choses  qui  récla- 
ment de  moi  avec  le  plus  d'empire  le  travail  de  la  perfection. 

1°  Mon  grand  avenir  vieîit  de  mon  être  surnaturel.  —  Que 
suis-je  par  mon  être  surnaturel  ?  Une  transformation  mer- 
veilleuse s'est  opérée  en  moi,  que  l'Apôtre  formule  ainsi  : 
«  Vivo  ego,  jam  non  ego  ;  vivit  vero  in  me  Christus.  »  La 
grâce  du  Christ  on  me  pénétrant  me  divinise.  J'ai  un  aspect 
divin,  mon  être  entier  rend  des  sons  divins,  je  suis  à  ce  point 
uni  à  Dieu  qu'un  Apôtre  a  bien  osé  dire  cette  extraordinaire 
parole  qu'il  y  a  en  nous:  «  Initium  aliquod  substantiœ  ejus.  » 

—  Mais  une  créaturo  devenue  si  céleste,  quelle  sera  sa  pa- 
trie sinon  le  ciel  ?  Une  créature  si  divine,  quelle  sera  sa 
demeure  sinon  le  sein  de  Dieu  ?  Une  créature,  sœur  des  an- 
ges, née  de  la  race  des  Saints,  à  qui  se  réunira  t-elle,  sinon 
aux  anges  et  aux  Elus  de  Dieu  ?  —  Tel  est  donc  mon  ave- 
nir, avenir  dont  «  ni  l'œil  n'a  vu  les  splendeurs,  ni  l'oreille 
n'a  perçu  les  harmonies,  ni  le  cœur  n'a  compris  les  délices.  » 

—  Mais  que  faire  dans  un  milieu  si  divin  avec  une  nature 
terrestre  et  grossière?  Comment  habiter  la  sainteté  du  ciel, 
après  s'être  couvert  des  immondices  de  la  terre  ? 

Mon  avenir  est  donc  étroitement  lié  avec  la  perfection. 


i66  PERFECTION  CHRÉTIENNE,  SA  NÉCESSITÉ 

2°  Mon  grand  avenir  vient  de  mon  immortalité.  —  Oh  !  que 
je  suis  grand  par  mon  immortalité  !  le  monde  passe  comme 
un  flot  mobile,  les  siècles  s'épuiseront,  l'univers  ne  sera  un 
jour  qu'un  monceau  de  ruines...  Sur  ces  ruines  mon  immor- 
talité régnera.  —  Mais  que  dire  si  cette  immortalité  est 
aussi  grande  par  les  gloires  et  les  délices  qu'elle  renferme 
que  par  son  invincible  durée  ?  Je  prononce  deux  grandes  pa- 
roles. La  première  :  «  Non  moriar  sed  vivam.  »  La  seconde  : 
«  Gloria  et  honore  coronasti  eum.  » 

Mais  grave  est  l'obligation  que  me  crée  mon  immortalité.  — 
Premier  devoir  :  lever  les  yeux,  fixer  le  ciel,  élever  en  haut 
les  aspirations  ardentes  de  mon  âme.  «  Ingemiscimus  habi- 
tationem  nostram  quœ  de  ccelo  est  superindui  cupientes... 
audentes  semper,  scientes  quoniam  dum  sumus  in  corpore 
peregrinamur  a  Domino...  audemus  autem  et  bonam  volun- 
tatem  habemus  magis  peregrinari  a  corpore  et  présentes 
esse  ad  Dominum.  —  Second  devoir:  N'abaisser  nos  regards 
sur  la  terre  que  pour  la  trouver  indigne  de  nous.  Là  n'est 
pas  notre  patrie,  ni  notre  famille,  ni  notre  héritage,  ni 
notre  définitif  séjour.  Nous  sommes  d'une  race  divine;  nous 
traversons  rapidement  cet  exil  pour  aller  au  rendez-vous 
éternel...  0  monde,  que  m'importent  tes  fausses  gloires,  tes 
plaisirs  trompeurs,  tes  liens  fragiles,  à  moi  qui  suis  né  pour 
l'immortalité  des  cieux? 

Suis-je  digne  de  ces  grandes  choses?  —  Hélas  !  tels  de- 
vraient être  mes  sentiments.  Mais,  tout  au  contraire,  que 
suis-je,  quels  sont  mes  pensées,  mes  désirs,  mes  volontés,  ma 
conduite  entière  ?  Je  constate  que,  tournant  le  dos  au  ciel,  je 
ne  chemine  plus  que  vers  la  terre.  Au  lieu  de  m'élever,  je 
m'abaisse  ;  au  lieu  d'aller  à  Dieu,  je  me  donne  aux  créatu- 
res ;  au  lieu  de  songer  à  ma  fortune  éternelle,  je  me  con- 
sume en  travaux  insensés  pour  acquérir  les  biens  de  la  vie 
présente.  —  En  moi  sont  deux  parties  qui  composent  mon 
être.  Voici  mon  âme.  Elle  est  la  reine,  l'héritière,  la  fille  de 
Dieu,  la  glorieuse  fiancée  du  Christ.  C'est  pour  elle  que  la 
Rédemption  a  répandu  ses  magnificences;  c'est  elle  que  la 
grâce  revêt  d'une  beauté  divine  ;  c'est  pour  elle  que  les  cieux 
déroulent  leurs  splendeurs.  Voici  mon  corps.  C'est  sur  lui 
qu'a  été  prononcée  la  formidable  parole  :  «  Pulvis  es  et  in 
pulverem  reverteris.  »  Et  l'Apôtre  :  «  Corpus  quidem  mor- 
tuum  est  propter  peccatum...  Scimus  enim  quoniam  si  terres- 
tris  domus  nostra  hujus  habitalionis  dissolvatur  »...  Après 


PERFECTION  CHRÉTIENNE,  SA  NÉCESSITÉ  167 

quelques  jours  ce  corps  s'en  ira  à  sa  destinée  qui  est  la  pour- 
riture du  tombeau.... 

Et  moi  que  fais-je?  Tous  mes  soins  sont  pour  le  corps  qui 
est  «  poussière.  »  Tout  mon  dédain  et  tous  mes  oublis  sont 
pour  l'àme  qui  est  immortelle.  —  Je  dois  après  un  moment 
rapide  quitter  cette  terre,  et  par  une  inconcevable  folie,  j'en 
fais  ma  demeure  permanente.  —  Ma  patrie,  c'est  le  ciel; 
d'inénarrables  délices  sont  mon  avenir.  Le  ciel  et  ses  déli- 
ces, je  les  repousse  avec  mépris  ;  je  les  sacrifie  de  gaîté  de 
cœur,  je  les  vends  pour  la  plus  misérable  satisfaction  du  pé- 
ché. 


TI 
JE  LE  DOIS  A  MON  BONHEUR  PRÉSENT 


Sans  doute,  c'est  en  vue  de  l'avenir  que  nous  devons  avant 
tout  accomplir  le  noble  travail  de  la  perfection.  —  Cepen- 
dant, par  une  merveilleuse  conduite  de  Dieu,  cette  même  per- 
fection qui  garantit  notre  avenir,  assure  encore  notre  pré- 
sent. De  telle  sorte  que  ceux-là  seuls  sont  vraiment  heureux 
qui  vivent  de  la  vie  chrétienne. 

Le  vrai  bonheur  est  dans  la  perfection  chrétienne.  —  Nous 
avons  pour  cette  démonstration  deux  voies  différentes.  En  ef- 
fet, que  nous  jetions  nos  regards  sur  l'homme  sans  reli- 
gion et  sans  vertu,  ou  que  nous  considérions  le  chrétien  di- 
gne de  ce  nom  et  solidement  vertueux,  nous  revenons  de 
ces  deux  spectacles  également  convaincus  que  le  honneur, 
même  ici-bas,  est  dans  la  pratique  delà  perfection. 

1°  Voyez  l'homme  sans  religion  et  sans  vertu.  —  Sans  re- 
ligion. Il  vit  donc  sans  Dieu,  sans  âme,  sans  espérance,  sans 
avenir.  Mais  alors,  de  deux  choses  l'une:  ou  bien  la  vie 
matérielle,  l'ignoble  enfouissement  de  tout  son  être  dans  les 
préoccupations  terrestres  ont  éteint  en  lui  tout  regard  élevé, 
toute  flamme  pure  et  noble,  «  Animalis  homo  non  percipit  »: 
alors  en  quoi  diffère-t-il  de  la  brute,  sinon  par  la  profanation 
sacrilège   d'une  divine   nature?  —   Ou  bien,    cette  nature, 


168  PERFECTION   CHRÉTIENNE,   SA  NÉCESSITÉ 

grande  et  sublime,  n'est  pas  morte  en  lui  ;  alors  quel  ma- 
laise profond  1  quel  poignant  retour!  Quelles  inquiétudes 
mortelles  ! 

L'homme  sans  vertu*!  —  Mais  alors  nul  frein  à  ses  passions. 
Elles  ravagent  furieusement  tout  son  être;  et,  comme  en  dé- 
pit d'un  fallacieux  plaisir,  leurs  morsures  sont  toujours  dou- 
loureuses, l'homme,  sans  vertu,  ne  sera  jamais  l'homme 
heureux.  —  Que  l'orgueil  l'agite,  que  la  volupté  le  ronge, 
que  l'ambition  l'épuisé,  que  la  haine  et  la  colère  creusent  en 
lui  des  abîmes  d'amertume  :  le  malheureux  peut  dire  un 
adieu  éternel  à  la  paix,  à  la  joie,  au  bonheur. 

2°  Voyez  le  chrétien  qui  tend  sérieusement  à  la  perfection. 
—  Quelle  paix  dans  cet  homme,  mù  par  l'esprit  de  Dieu 
et  aidé  par  la  grâce.  Il  a  dompté  ses  passions;  son  âme, 
comme  une  région  paisible,  ne  connaît  plus  le  ravage  des 
incursions  ennemies.  —  Quelle  liberté  dans  cet  homme  I  II 
plane  au-dessus  des  régions  terrestres.  Les  choses  humaines, 
ni  n'arrêtent  sa  pensée,  ni  n'enlacent  son  cœur,  ni  ne  pro- 
voquent ses  angoisses.  Lui  seul,  au  milieu  des  mille  péripé- 
ties douloureuses  qui  étreignent  les  mondains,  demeure  li- 
bre et  joyeux  :  «  inter  mortuos,  liber.  »  —  Quelle  sécurité' 
dans  cet  homme!  Sa  fortune  est  en  lieu  sûr,  «  là  où  la  rouille 
ne  la  ronge  pas,  où  les  voleurs  ne  la  ravissent  pas.  »  Le 
monde  entier  s'écroulerait  qu'il  pourrait  se  rire  de  ses 
ruines.  —  Quel  rassasiement  divin  dans  cet  homme!  Dieu, 
qui  nous  a  faits  pour  des  grandeurs  et  des  délices  célestes, 
ne  permet  pas  à  notre  nature  de  trouver  sur  la  terre  le  ras- 
sasiement. De  là  le  vide,  le  malaise,  les  tristesses  mystérieu- 
ses qui  saisissent  si  fréquemment  l'âme  mondaine.  Donnez 
à  cette  fleur  divine  son  ciel,  son  air  pur,  son  soleil  :  elle  s'é- 
panouira joyeuse  et  brillante. 

La  vraie  force  est  dans  la  perfection  chrétienne.  —  Si  nous 
poursuivions  le  parallèle  entre  l'homme  sans  religion  et  le 
vrai  chrétien,  nous  serions  frappés  de  la  différence  de  puis- 
sance et  de  force  qui  les  sépare.  —  Esclave  de  ses  passions, 
ou  de  son  bien-être,  ou  de  son  ambition,  que  l'homme  est 
faible  !  —  qu'il  est  faible  encore  quand,  à  la  merci  des  cho- 
ses humaines,  il  nous  apparaît  comme  ces  barques  désempa- 
rées que  les  flots  poussent  et  repoussent  sans  fin  sur  l'océan 
désert.  —  Qu'il  est  faible  et  désarmé  contre  la  douleur!... 
qu'il  l'est  plus  encore  en  face  de  la  mort! 

Voyez  maintenant  le  chrétien  véritable,  l'homme  dont  la 


PERFECTION  CHRÉTIENNE,    SA   NÉCESSITÉ  169 

foi  est  sûre,  la  religion  sincère,  la  vertu  solide  et  éprouvée. 

1°  Le  vrai  chrétien  est  fort  sur  Dieu.  —  L'Ecriture  abonde 
en  pages  étonnantes,  où  elle  montre  comment  Dieu  aime  à  se 
laisser  vaincre  par  ses  serviteurs  et  par  ses  amis.  C'est  Da- 
vid, c'est  Moïse,  c'est  Abraham,  c'est  la  Cananéenne,  ce  sont 
toutes  les  âmes  pieuses  :  toutes  ont  entendu  cette  parole  : 
«  fac  sicut  vis  !  »...  Et  ce  n'est  pas  seulement  du  banquet 
de  la  vie  éternelle  mais  dès  ici-bas  qu'il  est  dit  que  «  le 
maître  se  ceindra  et  servira  ses  serviteurs  assis  à  sa  table.  » 

2°  Le  vrai  chrétien  est  fort  sur  ses  semblables.  —  «  Christi  bo- 
nus odor  sumus  Deo  in  iis  qui  salvi  flunt  et  in  iis  qui  pereunt  : 
aliis  quidem  odor  mortis  in  mortem,  aliis  autem  odor  vitae 
in  vitam.  »  —  Aussi  le  vrai  chrétien  étend  sur  tous  ses  sem- 
blables une  double  domination.  —  Il  règne  sur  les  bons  par 
l'édiGcation,  l'influence  vitale,  l'entraînement  de  ses  vertus. 
—  Les  pécheurs,  les  méchants,  les  persécuteurs  de  Dieu  et 
des  âmes,  ne  pourront  jamais,  eux-mêmes,  se  soustraire  à 
sa  mystérieuse  royauté.  Ecoutons  le  psaume:  «  Peccator  vi- 
debit  et  irascetur  ;  dentibus  suis  fremet.  »  Fureur  impuis- 
sante !  le  monde  finira  toujours  par  être  le  vaincu  :  «  Tabes- 
cet,  desiderium  peccatorum  peribit.  » 


LA  PERFECTION  CHRÉTIENNE 

SA  FACILITÉ 

I 
PEU  NOUS  EST  DEMANDÉ 


En  même  temps  que  Dieu  nous  demande  peu,  combien  de 
choses  dont  il  nous  abandonne  l'usage  et  où  il  nous  laisse 
notre  liberté  ;  semblable  en  cela  à  ce  qu'il  exigeait  de  l'homme 
innocent  au  Paradis  terrestre.  Tous  les  fruits  étaient 
permis  au  premier  homme,  un  seul  arbre,  en  lui  demeurant 
interdit,  limitait  sa  liberté  et  sauvegardait  le  souverain  do- 
maine de  Dieu. 

Dieu  nous  demande  peu.  —  Nos  refus,  nos  défaillances, 
nos  prétextes,  que  nous  opposons  à  Dieu,  nous  feraient  rou- 
gir, si  nous  faisions  un  loyal  inventaire  des  obligations  que 
son  service  nous  impose.  —  1°  Combien  peu.  —  Quelques 
courtes  prières.  —  Un  jour  de  repos  après  nos  jours  de  tra- 
vail. —  Est-il  donc  bien  pénible  de  purifier  son  âme  dans 
les  eaux  sacramentelles  ?  —  Est-il  donc  si  dur  de  s'approcher 
de  son  Dieu?  Quant  aux  vertus  à  pratiquer,  aux  passions  à 
vaincre,  au  mal  à  éviter,  que  fait  Dieu  sinon  protéger,  or- 
ner, anoblir  notre  vie? 

2°  Non  seulement  ce  que  Dieu  nous  demande  est  peu  en  soi, 
mais  peu  aussi  en  comparaison  de  ce  que  Dieu  a  daigné  faire 
Lui-même.  —  Pratiquer  aux  vertus,  obéir  aux  préceptes,  n'est 
autre  chose  qu'opérer  notre  salut  éternel.  —  Or,  pour  ce  sa- 
lut qu'est-ce  que  Dieu  n'a  pas  lui-même  daigné  faire  ?  Voyez 
ce  Dieu   descendre  du  ciel,  revêtir   notre   nature,  vivre  de 


LA  PERFECTION  CHRÉTIENNE,  SA  FACILITÉ  171 

notre  vie,  partager  nos  misères,  ou  plutôt  prendre  sur  Lui- 
même  nos  douleurs,  pleurer  nos  crimes,  et,  pour  les  expier, 
suivre  une  voie  douloureuse  qui  le  menait  à  la  mort  de  la 
croix.  —  Qui  de  nous  a  sacrifié  ce  qu'il  sacrifiait?....  Qui 
de  nous  a  prié  comme  Lui?....  travaillé  comme  Lui....  souf- 
fert comme  Lui? 

3°  Peu,  en  comparaison  de  la  récompense  qu'il  nous  assure. 

—  Pour  quelques  années  d'efforts  une  éternité  de  délices 
nous  attend.  —  Pour  quelques  légers  sacrifices  une  im- 
mense fortune.  —  Pour  quelques  faciles  combats  la  plus 
brillante  des  couronnes.  —  Pour  un  travail  fugitif  un  re- 
pos sans  fin  :  «  Quod  in  prœsenti  est  momentaneum  et  levé 
tribulationis  nostrœ,  supra  modum  in  sublimitate  œternum 
gloriee  pondus  operatur  in  nobis.  » 

4°  Peu,  en  comparaison  de  ce  que  Dieu  a  exigé  de  ses  Saints. 

—  Jésus-Christ  disait:  «  Il  y  a  beaucoup  de  demeures  diffé- 
rentes dans  la  maison  de  mon  Père.  »  Ne  nous  attristons  pas, 
car  n'eussions-nous  que  la  dernière  de  ces  demeures  elle 
nous  serait  splendide  et  bienheureuse  encore.  —  Mais  quels 
héroïsmes,  quels  combats,  quels  martyres,  quels  gigantes- 
ques efforts,  a  coûté  aux  Saints  leur  céleste  demeure!  —  Con- 
templez-les tous  gravir  les  cimes  de  la  perfection,  les  uns  à 
travers  une  vie  de  solitude  et  de  pénitence,  les  autres  dans 
les  tumultueux  et  écrasants  labeurs  de  l'apostolat,  ceux-ci 
dans  les  veilles  de  l'étude  et  de  la  prière  ;  ceux-là  dans  les 
effrayantes  privations,  l'immolation  perpétuelle  qu'exige 
d'eux  le  service  des  pauvres.  D'autres  n'arrivent  à  la  cou- 
ronne qu'en  traversant  les  sanglantes  tortures  du  martyre. 

—  Et  nous?  Osons  nous  plaindre  de  notre  vie  chrétienne  si 
douce,  si  limpide,  si  tranquille! 

Dieu  nous  laisse  beaucoup.  —  Combien  encore  le  fardeau 
de  la  perfection  nous  semblera  plus  léger,  si,  en  regard  des 
sacrifices  exigés,  nous  plaçons  les  latitudes  que  Dieu  nous 
laisse. 

1°  Dieu,  en  toute  chose,  ne  nous  enlève  que  l'excès.  —  Voici 
les  biens  de  ce  monde.  A  la  plupart  d'entre  nous  Dieu  les 
abandonne,  ne  nous  en  refusant  que  l'excès  ou  le  mauvais 
usage.  —  S'il  est  pour  nous  des  plaisirs  défendus,  combien 
d'autres  que  la  Loi  divine  tolère,  ou  même  auxquels  elle  nous 
convie  ?  —  Notre  nature  est-elle  insatiable  de  gloire  ?  La  vie 
chrétienne,  avec  son  relief  divin,  s'offre  à  nous  en  couvrir. 

—  Notre  cœur  réclame-t-il  l'affection?  N'est-ce  pas  au  ciment 


172  LA  PERFECTION'  CHRÉTIENNE,  SA  FACILITÉ 

de  la  charité  que  l'édifice  de  nos  amitiés  devient  inébranlable  ? 

2°  Dieu,  eu  tout,  remplace  le  moins  par  le  plus.  —  Si  Dieu, 
en  nous  privant  de  ce  qui  peut  plaire  à  notre  nature,  ne 
laissait  en  nous  qu'un  vide  douloureux,  peut-être  nos  plain- 
tes auraient  quelque  objet.  Mais,  tout  au  contraire,  chaque 
chose  terrestre  qu'il  nous  ravit,  Dieu  la  remplace  par  un  bien 
tout  céleste. 

Si,  par  la  prière  et  les  pratiques  de  religion,  il  nous  enlève 
à  la  terre,  n'est-ce  pas  pour  nous  préparer  à  notre  éternel 
séjour?  —  La  gloire  humaine,  fragile  et  trompeuse,  il  la  rem- 
place par  d'indicibles  honneurs:  «  iEternum  gloriœ  pondus;  » 
«  gloria  et  honore  coronasti  eum.  »  —  Aux  plaisirs  des  sens 
qui  n'entraînent  qu'amertume  et  dégoût,  Dieu  oppose  les  dé- 
lices de  l'âme  dont  la  saveur  est  aussi  durable  que  vive.  — 
S'il  nous  défend  toute  colère  et  toute  vengeance,  il  nous  pro- 
met d'être  lui-même  notre  vengeur.  —  En  un  mot  si  Dieu 
nous  dépouille,  ce  n'est  que  pour  mieux  nous  enrichir. 

3°  Dieu  ne  nous  prive  que  de  ce  qui  nous  nuit.  —  Ne  res- 
semblons-nous pas  à  l'enfant  dont  nous  entendons  les  cris 
perçants  et  les  tumultueuses  colères  ?  Voyez  l'enfant.  Il 
crie  et  trépigne  parceque  sa  mère  lui  a  enlevé  des  mains 
l'objet  qui  allait  le  blesser  grièvement  et  a  brusquement 
arrêté  des  ébats  où  l'imprudent  allait  trouver  la  mort.  — 
Ainsi  faisons-nous:  ainsi  Dieu  agit  envers  nous  avec  une 
miséricordieuse  rigueur.  «  Quem  enim  diligit  Dominus  cas- 
tigat,  flagellât  autem  omnem  fîlium  quem  recipit.  In  disciplina 
perseverate.  Tanquam  filiis  vobis  offert  se  Deus.  Quis  enim 
filius  quem  non  corripit  pater?  » 


II 


DANS  CE  PEU  NOUS  SOMMES  PUISSAMMENT 

AIDÉS 


Dieu  nous  entoure  à  la  fois  de  secours  naturels  et  de  se- 
cours surnaturels  et  ainsi  enlève  à  nos  plaintes  sur  les  diffi- 


LA  PERFECTION  CHRÉTIENNE,   SA  FACILITÉ  173 

cultes  de  la  perfection   chrétienne  leur  dernier  argument. 

Nos  secours  naturels.  —  Si  Dieu  nous  voulait  à  lui  et  à  la 
sainteté,  s'il  nous  a  créés  pour  une  conquête  éternelle,  assu- 
rément ce  Dieu  sage  nous  a  pourvus  de  tous  les  moyens 
d'action. 

1°  Notre  être  tout  entier  nous  est  un  secours.  —  Libre  à 
nous,  sans  doute,  «  de  faire  de  nos  membres,  comme  le  dit 
l'Apôtre,  des  membres  d'iniquité,  »  et  de  tourner  au  mal  nos 
puissances  corporelles,  mais  c'est  là  dégrader  l'œuvre  divine. 
Dans  l'idée  de  Dieu  si  nos  yeux  s'ouvrent,  c'est  pour  con- 
templer les  merveilles  qui  le  révèlent.  Si  nos  oreilles  per- 
çoivent les  bruits  du  dehors,  c'est  pour  recueillir  les  exhor- 
tations saintes,  les  paroles  vivifiantes,  les  chastes  mélodies 
de  la  piété.  Si  notre  langue  se  meut,  c'est  pour  entretenir 
le  charme  réconfortant  des  conversations  sérieuses  et  édi- 
fiantes. 

2°  Les  facultés  de  notre  âme  nous  sont  un  secours.  —  Quel 
noble  et  saint  usage  nous  pouvons  faire  de  notre  intelligence, 
l'élevant  aux  perspectives  célestes!  De  notre  cœur,  en  le 
tournant  aux  forts  et  généreux  héroïsmes....  De  notre  ima- 
gination en  l'obligeant  à  nous  créer  des  images  pures....  De 
notre  mémoire  en  la  remplissent  dco  souvenirs  divins.... 

3°  Nos  différents  caractères  nous  sont  un  secours.  —  Sommes- 
nous  paisibles  et  timides?  Combien  nous  sera  facile  la  dou- 
ceur chrétienne!...  Sommes-nous  impétueux?  Comme  nous 
voilà  prêts  aux  fortes  émotions  et  aux  œuvres  puissantes!... 
Sommes-nous  portés  à  la  joie?  Quelles  ressources  contre  les 
tristesses  de  la  vie,  les  déceptions  du  monde,  les  défaillances 
de  la  nature  !...  Sommes-nous  au  contraire  d'un  caractère  triste 
et  mélancolique?  Quelle  pente  facile  vers  la  sainte  componc- 
tion!.... Sommes-nous  loquaces?  Tournons  l'impétuosité  de 
notre  langue  au  service  des  causes  saintes  et  des  besoins  du 
prochain....  Sommes-nous  taciturnes?  Devenons  les  amants 
de  la  solitude  et  du  recueillement.  —  En  tout  ceci  nous  réa- 
liserons le  vœu  de  l'Apôtre:  «  Neque  exhibeatis  membra  ves- 
tra  arma  iniquitatis  peccato,  sed  exhibete  vos  Deo  tanquam 
ex  mortuis  viventes  et  membra  vestra  arma  justice  Deo.  » 

Nos  secours  surnaturels.  —  1°  Quels  secours  nous  offre  la 
foi! —  Nos  difficultés  naissent  dès  que  l'ombre  de  l'incroyance 
ou  de  l'oubli  descend  sur  notre  âme.  Mais,  dit  l'Ecriture,  «  le 
soleil  se  lève  à  l'horizon:  l'homme  se  rend  à  son  travail  jus- 


174  LA  PERFECTION'  CHRÉTIENNE,   SA  FACILITÉ 

qu'au  soir.  »  La  lumière  l'excite  et  le  dirige.  Quel  élan,  quelle 
émotion  vivifiante  dans  les  spectacles  de  la  foi!....  Quand  la 
foi  me  découvre  les  merveilles  de  l'Homme-Dieu,...  la  présence 
en  moi  de  l'Homme-Dieu,...  les  promesses  de  vie  et  de  bon- 
heur éternels  de  l'Homme-Dieu. 

2°  Quels  secours  nous  donne  la  grâce  !  —  La  grâce  sancti- 
fiante, qui  ajoute  à  notre  être  naturel  de  toutes  divines  facul- 
tés. —  La  grâce  actuelle  qui  nous  accompagne  dans  chaque 
action,  dans  chaque  effort,  dans  chaque  difficulté,  dans  cha- 
que danger,  dans  chaque  chute.  —  Combien  elle  est  vraie  et 
saisissante  cette  affirmation  de  l'Apôtre  :  «  gratia  Dei  sum  id 
quod  sum  :  »  Et  encore  :  «  Omnia  possum  in  eo  qui  me 
confortât  ». 

3°  Quels  secours  nous  viennent  de  laprière\  —  Comment  pour- 
rions-nous arguer  des  faiblesses  de  notre  nature  et  des  dif- 
ficultés de  la  perfection  alors  que  Dieu  met  à  notre  disposition 
toutes  les  ressources  de  sa  puissance?  — Une  seule  condition 
y  est  mise  :  que  nous  demandions  à  Dieu.  —  Nous  fallût-il  le 
miracle  qui  déplace  les  montagnes,  que  Dieu  l'accorderait  à 
notre  prière  :  «  Petite  et  dabitur  vobis  ». 

4°  Quels  secours  nous  versent  les  Sac?*ements  !  —  Chacun 
d'eux  renferme  des  forces  spéciales  ;  chacun  d'eux  nous  arme 
contre  les  difficultés  de  la  perfection.  —  Prenons  le  plus  di- 
vin de  tous,  l'Eucharistie.  Quel  labeur  et  quel  combat  seront 
impossibles  à  celui  qui  porte  Dieu  en  lui-même  ?  —  N'est-ce 
pas  parce  qu'il  est  «  plein  de  toute  la  plénitude  de  Dieu  » 
que  l'Apôtre  porte  à  toute  chose,  au  ciel  comme  à  la  terre,  à 
toutes  les  créatures,  à  l'univers  tout  entier  son  triomphal 
défi:  «  Quis  me  separabit  a  caritate  Christi  ?  » 


III 
INANITÉ  DES  OBJECTIONS  ET  DES  PRÉTEXTES 


Ces  objections  pour  être  nombreuses  n'en  sont  pas  moins 
vaincs  et  fragiles. 


LA.  PERFECTION    CHRÉTIENNE,    SA   FACILITÉ  175 

Nous  disons  :  c'est  pénible.  —  1°  Sans  doute,  ?nais  c'est  jus- 
tice. N'avons-nous  pas  offensé  Dieu  ?....  Abusé  des  créatu- 
res ?....  fait  servir  au  péché  notre  être  entier?...  cheminé 
loin  de  Dieu  par  les  routes  du  plaisir  défendu?  —  C'est  jus- 
tice que,  chassés  du  paradis  terrestre,  nous  regagniions  par 
un  âpre  chemin  notre  patrie  perdue. 

2°  Sans  doute,  mais  c'est  miséricorde .  —  Puisque  le  bien-être, 
l'orgueil,  les  satisfactions  de  la  nature,  le  repos,  la  noncha- 
lance, nous  ont  perdus:  il  est  sage,  il  est  juste,  que  l'austé- 
rité de  la  perfection  y  succède. 

3°  Sans  doute,  mais  c'est  douceur  et  facilité.  —  Si  la  prati- 
que de  la  perfection  chrétienne  nous  est  parfois  douloureuse, 
sachons  que  c'est  à  elle  que  nous  devons  d'échapper  aux  vé- 
ritables et  cuisantes  tortures. 

Nous  disons  :  je  n'ai  pas  la  force.  —  L'objection  serait 
équitable  si  Dieunouslaissait  à  nous-mêmes.  Mais  écoutons  le 
magnifique  langage  de  l'Ecriture  :  «  Sicut  aquila  provocans 
ad  volandum  pullos  suos  et  super  eos  volitans  expandit  alas 
suas  et  assumpsit  atque  portavit  in  humeris  suis.  » 

Nous  disons  :  je  n'ai  pasle  loisir.—  Oh  I  combien  fallacieuse 
et  inique  est  cette  objection  !  —  Que  d'objets  terrestres  nous 
absorbent!  que  de  futilités  dévorent  nos  heures  !  Quels  misé- 
rables riens  nous  éloignent  de  nos  vraies  sollicitudes  ! 


U  PERFECTION  CHRÉTIENNE 

SA  NATURE 


I 


ASPECT  PLUS  GÉNÉRAL  DE  LA  PERFECTION 
CHRÉTIENNE 


Commençons  par  étudier  cette  perfection  chrétienne  dans 
l'une  de  ses  plus  saisissantes  images.  —  Dieu,  avant  de  réa- 
liser la  perfection  dernière  qu'il  réclamait  de  l'homme  sa 
créature,  après  que  le  Christ  l'eut  régénéré,  commença  par 
la  faire  apparaître  en  images  et  pour  ainsi  dire  en  esquisses, 
dans  la  vie  de  son  peuple  d'Israël. 

C'est  ainsi  que  Saint  Paul  a  pu  dire  que  l'Ancien  Peuple 
était  l'esquisse  du  second  et  que  les  traits  divers  qui  marquent 
son  histoire  étaient  des  figures  de  ce  que  la  grâce,  dans  sa 
plénitude,  réalise  pour  nous.  «  Omnia  in  figura  contingebant 
illis.  »  —  Or,  ici,  nous  prenons  Israël  depuis  sa  servitude 
d'EgypIe  jusqu'à  la  conquête  de  la  Terre  promise.  L'Egypte, 
c'est  l'état  de  péché,  de  déchéance,  de  servitude.  La  Terre 
promise,  c'est  l'état  de  grâce  et  de  perfection.  —  Comment 
nous  élevons-nous  des  misères  et  des  péchés  de  l'Egypte 
jusqu'aux  sublimités  de  la  Terre  promise?  Suivons,  pas  à 
pas,  pour  le  comprendre,  Israël  tour  à  tour  esclave,  libre, 
conquérant,  victorieux. 

Image  dans  la  sortie  d'Egypte.  —  Quel  est  notre  premier 
état  ?  Où  la  grâce,  qui  nous  portera  tout  à  l'heure  à  la  per- 
fection, nous  vient-elle  prendre? 

1°  Quelle  est  notre  Egypte?  —  C'est  d'abord,  pour  le  peu- 
ple  figuratif,  une  terre  de  sensualité  impure,  une   terre  d'i- 


LA  PERFECTION  CHRÉTIENNE,  SA  NATDRE  177 

dolatrie  sacrilège,  une  terre  de  fallacieuses  délices  et  d'amè- 
res  déceptions.  —  Tel  est  notre  état;  notre  Egypte,  c'est 
notre  nature  déchue,  portée  au  mal,  grossière  et  sensuelle... 
Et  nos  hommages,  en  même  temps  que  nous  les  ravissons 
à  Dieu,  à  combien  d'idoles  diverses  les  prodiguons-nous?  — 
Notre  Egypte,  c'est  encore  le  monde  avec  ses  faux  plaisirs, 
ses  fallacieux  honneurs,  sa  servitude  trop  véritable. 

2°  Quel  est  notre  Pharaon  ?  —  Dans  un  prophète  l'Esprit 
de  Dieu  nous  montre  le  démon  sous  la  sanglante  image  d'un 
Pharaon,  entouré  des  victimes  de  sa  cruauté  et  se  rassasiant 
d'affreux  carnages.  —  Hélas  I  tel  est  le  maître  ignoble  et  cruel 
auquel,  par  le  péché,  nous  nous  sommes  vendus. 

3°  Quel  est  dans  cette  Egypte  notre  genre  de  vie  ?  —  Voyez 
les  Juifs,  esclaves  de  Pharaon.  Les  travaux  les  plus  durs  les 
accablent.  Leur  vie  s'épuise  au  service  d'autrui  ;  l'Egypte, 
sans  leur  rien  donner,  dévore  leurs  heures,  leurs  forces,  leur 
vie.  —  Et  quelle  est  notre  existence  à  nous-mêmes,  alors 
que,  loin  de  Dieu,  nous  nous  épuisons  en  des  travaux  qui  ne 
nous  valent  à  la  fin  que  l'inanité  du  sépulcre? 

4°  Quelle  est  notre  folie  ?  —  La  folie  des  Juifs,  l'Ecriture 
nous  la  représente.  Ces  malheureux,  quand  Dieu  leur  envoie 
Moïse  pour  les  délivrer,  préfèrent  à  une  liberté  si  noble  et  si 
douce,  leur  dur  et  dégradant  esclavage.  —  Nous  en  som- 
mes là  !  Jésus-Christ  est  venu  nous  disant  :  «  Celui  que  dé- 
livre le  Fils  de  l'Homme  sera  libre  désormais.  »  Et  nous,  qui 
pourrions  nous  élever  d'un  coup  à  la  noble  «  liberté  des  en- 
fants de  Dieu,  »  nous  que  la  prière,  la  piété,  l'état  de  grâce, 
les  œuvres  saintes,  porteraient  jusqu'aux  sublimités  de  la 
perfection,  nous  choisissons  pour  partage  la  stérile  et  dégra- 
dante servitude  du  péché. 

Image  dans  la  marche  vers  la  Terre  promise.  —  Mais, 
dit  Saint  Paul,  «  où  le  péché  a  abondé  la  grâce  surabonde;  » 
Dieu  domine  la  malice  de  l'homme;  Moïse  l'emporte  sur  l'i- 
nertie grossière  d'Israël.  Le  peuple  figuratif  se  lève  en  masse, 
traverse  la  mer  Rouge  et  se  met  en  marche  résolument  vers 
sa  sainte  Patrie.  —  C'est  l'âme  chrétienne,  désabusée  du 
monde,  fatiguée  d'elle-même,  avide  de  Dieu  et  de  la  perfec- 
tion qui  y  mène,  l'âme  qu'un  souffle  de  grâce  emporte  au 
travers  des  eaux  du  péché  jusqu'aux  régions  bénies  des  ver- 
tus. —  Mais  cette  perfection  chrétienne  gardons-nous  d'en 
croire  la  conquête  aisée,  sans  fatigue,  sans  sacrifice,  sans 
douleur. 

T.  IV  12 


178  Là  PERFECTION  CHRÉTIENNE,  SA  NATURE 

1°  Il  nous  faut  affronter  un  désert  aride.  —  Tout  à  l'heure, 
quanti  la  vertu  nous  sera  familière,  la  piété  affermie,  «  le  joug 
devenu  doux  et  léger,  »  ce  ne  sera  plus  qu'une  terre  promise, 
une  région  sereine  et  bénie  où  coulent  à  flots  «  le  lait  et  le 
miel.  »  —  Mais,  pour  arriver  à  cette  perfection,  des  efforts 
douloureux,  des  délaissements,  des  tristesses,  un  inexprima- 
ble vide,  peut-être  des  désolations  poignantes,  s'étendront 
devant    nous  comme  un  effrayant  désert. 

2°  //  nous  faut  affronter  des  privations.  —  Notre  nature 
tient  à  la  chair,  au  péché,  au  monde,  par  des  liens  d'une 
étonnante  force.  Comment  briser  ces  liens  ?  Comment  nous 
priver  de  ces  jouissances?  Comment  «  arracher  son  œil  droit, 
couper  sa  main  droite,  »  sans  que  la  douleur  de  ces  sacrifi- 
ces fasse  pousser  à  la  nature  des  cris  de  douleur  et  de  ré- 
volte? —  Suivons,  dans  sa  marche  au  désert,  le  peuple  figu- 
ratif. Chacun  de  ses  murmures  n'a-t-il  pas  en  nous-mêmes 
un  écho  vibrant? 

3°  II  nous  faut  affronter  des  labeurs.  —  Chaque  vertu, 
dont  l'acquisition  sera  un  triomphe,  exige  d'abord  de  nous 
de  pénibles  efforts.  —  Chaque  vice,  dont  l'abandon  nous  ob- 
tiendra bientôt  une  liberté  si  délicieuse,  ne  cédera  qu'à  de 
continuels  et  héroïques  labeurs. 

4°  77  nous  faut  affronter  des  terreurs  vaines.  —  Rappelons- 
nous  le  naïf  effroi  des  Juifs,  quand  ses  explorateurs  lui  re- 
vinrent faisant,  des  difficultés  de  la  conquête,  une  effrayante 
peinture.  —  Quels  sont  ces  explorateurs  menteurs  ou  lâ- 
ches ?  c'est  notre  chair,  c'est  le  démon,  c'est  le  monde.  S'ils 
ne  peuvent  pas  étouffer  en  nous  le  désir  de  la  perfection  chré- 
tienne, ils  cherchent  à  l'ébranler  pas  de  vaines  appréhensions. 
Comment  me  vaincre?  comment  pratiquer  ces  vertus  ?  Com- 
ment persévérer  dans  la  prière  et  dans  les  Sacrements  ?... 
Insensé  !  n'est-ce  pas  Dieu  qui  vous  mène  ?  n'est-ce  pas  sa  grâce 
qui  assure  vos  pas?  n'est-ce  pas  à  coups  de  miracles  que  Cha- 
naan  fut  vaincu  et  la  terre  promise  possédée? 

Image  dans  la  conquête  de  la  Terre  promise.  —  La  per- 
fection chrétienne,  véritable  terre  promise,  s'offre  à  tous 
comme  brillante  et  riche  conquête.  L'obtenir,  c'est  notre 
éternel  salut;  la  perdre,  notre  éternelle  ruine.  —  Ici  encore 
dans  le  peuple  figuratif  est  écrite  notre  propre  histoire.  En  Is- 
raël beaucoup  perdirent  cette  noble  conquête,  tandis  que  d'au- 
tres y  parvinrent.  Combien,  chez  nous,  d'âmes  infidèles  qui 
abandonnent  la  perfection  tandis  que  d'autres  la  conquièrent? 


LA  PERFECTION  CHRÉTIENNE,    SA   NATURE  179 

Gomment  périssent  les  uns  ?  Comment  triomphent  les 
autres? 

1°  Comment  périssent  les  uns"!  —  Saint  Paul  au  dixième 
chapitre  de  son  épître  aux  Corinthiens  nous  énumère  les 
causes  diverses  de  cette  ruine.  Tous,  dit-il,  avaient  été 
inondés  des  flots  de  la  grâce,  mais  bientôt  ils  se  prosternè- 
rent devant  des  idoles,  ils  s'abaissèrent  aux  sensualités,  ils 
se  livrèrent  aux  vains  plaisirs,  ils  se  couvrirent  des  souillu- 
res de  la  volupté,  ils  perdirent  la  foi,  ils  blasphémèrent,  ils 
murmurèrent,  ils  abandonnèrent  Dieu  et  la  vertu. 

2°  Comment  les  autres  triomphent  ?  —  Le  même  Saint 
Paul  nous  donne  dans  son  Epitre  aux  Hébreux  le  secret  de  la 
force  et  des  triomphes  des  âmes  chrétiennes,  qui  conquièrent 
la  perfection,  et,  par  la  perfection,  la  vie  éternelle.  —  Ce 
secret  c'est  leur  foi.  —  Ces  âmes  ont  une  foi  ardente,  iné- 
branlable, lumineuse.  Par  la  foi,  dit  l'Apôtre,  elles  abandon- 
nent l'Egypte,  traversent  la  mer  Rouge,  font  tomber  les  mu- 
railles de  Jéricho,  triomphent  des  Puissances  ennemies, 
accomplissent  toutes  les  vertus,  remportent  tous  les  triom- 
phes. 


Il 


ETUDE  PLUS  SPECIALE  DE  LA  PERFECTION 
CHRÉTIENNE 


Ce  que  nous  venons  d'étudier,  sous  le  voile  de  l'image,  étu- 
dions-le de  plus  près  et  directement.  Qu'est-ce  que  la  perfec- 
tion? Elle  est  la  complète  rénovation  de  notre  vie;  elle  en 
est  le  juste  et  saint  gouvernement. 

La  perfection  chrétienne  est  une  rénovation  de  notre  vie. 
—  Quelle  est  et  en  quoi  consiste  cette  rénovation  ? 

1°  Rénovation  intime.  —  Pour  l'âme  qui  a  quitté  le  monde  et 
s'est  donnée  à  Dieu,  une  lumière  nouvelle  se  lève,  de  nou- 
velles perspectives  s'étendent,  des  jugements  nouveaux,  des 
appréciations  toutes  différentes  sont  portés  sur  chaque  ob- 


480  LA  PERFECTION  CHRÉTIENNE,  SA  NATURE 

jet:  «  Nos,  dit  l'Apôtre,  sensum  Christi  habemus.  »  Et  encore 
«  Spiritualis  homo  omnia  judicat.  »  — D'autre  part,  le  monde 
qui  vit  en  dehors  de  la  foi  et  de  la  lumière  révélée  a  sa  fa- 
çon à  lui  de  juger  et  d'apprécier  chaque  chose.  —  Ces  deux 
esprits,  l'esprit  de  bien  et  l'esprit  du  monde,  sont  diamé- 
tralement opposés.  —  Dès  lors  quand,  abandonnant  la  vie  mon- 
âaine,  nous  nous  consacrons  à  la  vie  des  enfants  de  Dieu  qui 
est  la  perfection,  il  nous  faut,  avant  toute  chose,  modifier  ou 
plutôt  renouveler  nos  idées  d'autrefois  :  «  Renovaminispiritu 
mentis  vestrae  ». 

Cette  âme  doit,  en  second  lieu,  renouveler  son  cœur  ai  ses 
affections.  Rénovation  capitale,  sans  laquelle  la  perfection  se- 
rait à  jamais  impossible.  «  Le  cœur,  dit  Saint  Augustin,  est  le 
poids  de  l'âme.  »  Le  cœur  entraîne  tout  et  rien  ne  lui  résiste. 

—  Quand  nous  avons  vécu  d'une  vie  sans  perfection,  notre 
cœur,  se  détachant  des  hauts  sommets,  s'est  incliné  vers  l'a- 
mour des  choses  terrestres.  —  Aux  âmes  qui  aspirent  à  la 
perfection,  l'Eglise  crie  sans  cesse,  sans  fin:  «  Sursum  corda!  » 

Cette  âme  doit  se  renouveler  en  troisième  lieu  dans  ses 
aversions.  —  Ce  mot  de  «  haine  »,  nous  le  retrouvons  dans 
l'Evangile,  dans  le  cœur  et  sur  les  lèvres  du  Christ-Jésus. 
Nous  le  retrouvons  encore  dans  le  langage  et  les  sentiments 
de  Dieu.  —  Gardons-nous  donc  de  croire  que  cette  haine  ne 
nous  est  pas  indispensable.  —  Comment  aimer  Dieu  sans 
haïr  le  mal  ?...  Comment  nous  éprendre  des  charmes  de  la 
vertu  sans  haïr  le  péché  '?...  Comment  prendre  ardemment 
parti  pour  Jésus-Christ  sans  haïr  son  ennemi  mortel  le  démon? 

2°  Rcnovatioji  extérieure.  —  Nous  comprendrons  quelle 
doit  être  la  sanctification  de  nos  corps,  si  nous  nous  rappelons 
à  la  fois  leur  dignité,  leur  devoir,  leur  espérance.  —  Leur 
dignité:  «  Portate  Deum  in  corpore  vestro.  » —  Leur  devoir  : 
»  Mortui  estis  »;  «  Exhibete  corpora  vestra  hostiam  »  «  Mor- 
lificationem  Jesu  circumferentes  in  corpore  nostro.  »  — Leur 
espérance:  «  Vivificabit  corpora.» 

La  perfection  est  un  bon  gouvernement  de  notre  vie. 

—  On  pourrait  définir  la  perfection  chrétienne  :  le  rétablis- 
sement de  l'œuvre  divine  en  nous.  La  perfection  restaure 
un  chef  d'œuvre  qu'avait  dégradé  le  péché. 

1°  Quelle  fut  l œuvre  primitive.  —  Cette  œuvre  était  toute 
paix  et  harmonie.  Dieu  dominait  en  souverain   notre  âme. 

—  Cette  âme,  soumise  à  Dieu,  dominait  en  souveraine  notre 
torps.  —  De  là  l'ordre  et  la  paix. 


LA  PERFECTION   CHRÉTIENNE,    SA  NATURE  18£ 

2°  Quelle  fut  la  dégradation  du  péché  ?  —  L'œuvre  du  pé- 
ché fut  d'amener  la  rupture  universelle.  —  Notre  âme  se  ré- 
volta contre  Dieu  et  prétendit  se  soustraire  à  son  empire.  — 
Notre  corps,  à  son  tour,  se  révolta  contre  l'âme,  et  bien  loin 
de  lui  obéir  prétendit  la  dominer. 

3°  Quelle  est  la  complète  innovations  —  Par  la  perfection  chré- 
tienne, perfection  douloureuse,  fruit  du  Calvaire,  toutes  cho- 
ses sont  remises  en  leur  primitif  état.  La  souveraineté  de  Dieu 
est  rétablie.  —  L'âme  ne  reconnaît  plus  que  la  Loi  divine.  — 
Nos  sens,  à  leur  tour,  n'agissent  plus  qu'à  l'ordre  et  sous  la 
domination  de  l'âme. 


LA  MÉDITATION 

ET   L'AME   CHRÉTIENNE 


Prétendre  que  la  méditation  est  essentielle  à  la  vie  chré- 
tienne et  qu'elle  seule  ouvre  au  fidèle  l'accès  des  cieux  serait 
une  exagération  et  une  erreur.  Dieu  accueille  tous  ses  en- 
fants, à  quelque  degré  de  spiritualité  et  de  vertu  que  se  soit 
élevée  leur  âme. 

Mais,  d'autre  part,  qu'une  âme,  dédaigneuse  des  routes 
communes,  veuille  s'élever  plus  rapidement  et  plus  haut; 
qu'elle  aspire  à  une  foi  plus  vigoureuse,  à  une  espérance 
plus  enflammée,  à  un  amour  plus  tendre  et  plus  fort;  qu'elle 
s'arme  plus  puissamment  contre  ses  ennemis,  qu'elle  s'orne 
de  plus  brillantes  et  de  plus  solides  vertus  :  —  alors  la  mé- 
ditation devient  indispensable. 

Aussi  considérons  la  méditation  comme  la  plus  haute 
gloire,  comme  la  plus  complète  et  la  plus  luxuriante  vitalité 
de  l'âme  chrétienne. 


LA  MEDITATION  GLOIRE  DE  LAME 


Gloire  de  l'âme  parce  qu'elle  en  est  Yascension  glorieuse 
et  la  divine  transfiguration. 

Elle  est  une  ascension  glorieuse.  —  Cette  âme,  bien  que 
chrétienne  encore,  ne  médito  pas.  De  fugitives  prières  s'é- 
chappent rapidement  de  ses  lèvres.  Sans  être  absente  des 
cérémonies  saintes,  elle  n'y  paraît  qu'aux  jours  obligatoires. 


LA   MÉDITATION   ET  L'AME  CHRÉTIENNE  183 

Cette  âme  est  enfermée  presque  entière  dans  la  vie  terres- 
tre; jamais  un  essor  ne  l'élève  jusqu'à  la  vie  des  cieux.  — 
Considérez  d'autre  part  l'âme  chrétienne  qui  médite. 

1°  Lame  qui  médite  quitte  la  terre  pour  le  ciel.  —  A  peine 
s'est-elle  fermée  au  bruit  du  dehors  et  ouverte  aux  contem- 
plations divines,  que  quatre  merveilles  se  déroulent  en  elle. 
—  Le  monde  surnaturel  se  découvre.  Elle  s'y  élève,  elle  y 
pénètre,  elle  en  contemple  les  visions  sacrées,  elle  se  repaît 
de  ses  suavités  et  de  ses  splendeurs,  c'est  Dieu,  c'est  le  Christ- 
Jésus,  c'est  la  bienheureuse  Vierge,  les  Anges  et  les  Saints, 
qui  lui  apparaissent.  Les  mystères  profonds,  les  œuvres  di- 
vines, les  surnaturelles  destinées,  les  dogmes  qui  en  parlent, 
les  préceptes  qui  y  conduisent,  les  récompenses  qui  les  cou- 
ronnent :  c'est  dans  ce  monde  illustre  et  saint  que  vit,  pour 
un  moment,  l'âme  qui  médite.  «  Conversatio  nostra  in 
cœlis  est.  »  —  La  vue  de  ces  objets  sublimes  en  fait  naître 
le  désir  et  l'amour.  La  méditation  n'est  pas  seulement  une 
lumière,  c'est  un  feu  qui  enflamme  le  cœur.  «  In  meditatione 
mea  exardescit  ignis  ».  —  Eprise  du  ciel,  cette  âme  se  dé- 
senchantera de  la  terre.  Elle  subira  son  exil  sans  l'aimer,  et, 
peu  à  peu,  les  liens  qui  tiennent  si  fortement  enchaînés  les 
gens  du  monde  se  briseront  en  elle.  —  Quatrième  merveille. 
La  vue  des  sublimités  célestes  ne  sera  pas  fugitive;  l'âme 
en  gardera  une  élévation  de  sentiments,  une  sublimité  et 
une  force,  que  les  autres,  qui  ne  méditent  pas,  ne  posséde- 
ront jamais. 

2°  Lame  qui  médite  communie  en  Dieu.  —  C'est  là  même  le 
plus  direct  et  le  plus  magnifique  effet  de  la  méditation.  Par 
elle  nous  entrons  dans  les  pensées  de  Dieu,  nous  pénétrons 
dans  les  profondeurs  de  ses  révélations.  Nous  scrutons  ses 
volontés,  nous  épions  ses  désirs,  nous  surprenons  ses  secrets. 
Qu'est-ce  cela,  sinon  devenir  une  même  âme,  un  même  es- 
prit, un  même  cœur  avec  Dieu?  «  Qui  adheret  Domino  unus 
spiritus  est  ».  —  Quels  sont  les  objets  qui  absorbent  Dieu? 
Son  être  même  et  ses  perfections,  son  Verbe,  l'Incarnation, 
les  œuvres,  les  triomphes  de  ce  Verbe  fait  Homme,  la  for- 
mation, le  recueillement  de  ses  fidèles,  la  vie  de  son  Eglise, 
la  génération  de  ses  Elus,  la  perfection  et  la  beauté  de  son 
ciel  éternel,  sa  justice,  sarevenche  sur  le  mal  et  l'écrasement 
de  ses  ennemis...  Or,  n'est-ce  pas  de  ces  objets  même  dont 
la  méditation  a  rempli  notre  ârne?  Et  quand  l'Apôtre  contem- 
ple cette  âme  en  méditation,  il  prononce  sur  elle  ces  magni- 


184  LA   MÉDITATION   ET  L'AME   CHRÉTIENNE 

fiques  paroles:  «  Gloriam  Dei  spéculantes  in  eamdem  imagi- 
nem  transformamur  a  claritate  in  claritatem.  » 

Elle  opère  une  divine  transfiguration.  —  Ce  qui  précède 
nous  laisse  déjà  entrevoir  le  changement,  la  transfiguration 
merveilleuse  que  la  méditation  opère  dans  une  âme. 

1°  Transfiguration  de  tout  notre  être.  —  Revenu  de  ses 
colloques  avec  Dieu  sur  la  cime  du  Sinaï  Moïse  apparaissait 
à  Israël  radieux  et  couronné  d'un  diadème  de  lumière.  Sa 
face  revêtait  l'éblouissant  éclat  du  soleil,  à  ce  point  que  l'œil 
humain  n'en  supportait  pas  la  vue.  Durant  sa  prière  au 
Thabor,  l'Homme-Dieu,  raconte  l'Evangéliste,  fut  tout  à  coup 
transfiguré;  son  visage  devint  lumineux  et  ses  vêtements 
furent  d'une  blancheur  de  neige. 

Ainsi  en  est-il  de  l'âme  que  la  méditation  emporte  fré- 
quemment dans  le  sein  de  Dieu.  Considérez  ce  chrétien.  Sans 
que  vous  l'ayez  appris  encore,  il  vous  est  facile  de  savoir 
qu'il  s'est  fait  de  la  méditation  une  habitude.  Son  langage 
s'est  empreint  d'une  suavité,  d'une  sagesse,  d'une  élévation 
qui  ne  sont  pas  de  la  terre.  Sa  personne  entière,  sa  marche, 
son  maintien,  revêtent,  je  ne  sais  quoi  de  surnaturel  et  de 
céleste.  A  toute  sa  conduite  vous  verrez  qu'il  obéit  à  des 
mobiles,  qu'il  suit  des  inspirations  que  la  vie  terrestre  ne 
saurait  donner.  —  Mais,  en  y  regardant  de  plus  près,  nous 
verrons  aisément  que  les  influences  de  la  méditation  sont 
plus  profondes  encore  et  plus  étendues. 

2°  Ces  influences  s* étendent  au  dehors.  —  Rien  autant  que  la 
méditation  habituelle  ne  nous  rend  aptes  à  nos  devoirs  d'é- 
tat, ne  nous  prépare  aux  luttes  de  la  vie  chrétienne,  ne  nous 
arme  contre  les  redoutables  assauts  de  la  douleur.  —  N'allons 
pas  bien  loin  chercher  nos  obligations  et  les  triomphes  de 
notre  vertu  :  ils  ressortent  de  nos  devoirs  d'état,  ils  s'atta- 
chent à  notre  vie  quotidienne.  Comment  le  génie  dévelop- 
pera-t-il  ces  ressources  et  le  savan!  se  maintiendra-t-il  dans 
les  hauteurs  d'une  science  orthodoxe?  Comment  l'homme  de 
travail  conservera-t-il,  au  sein  d'écrasants  labeurs,  la  fraî- 
cheur de  son  âme?  Comment  le  magistrat  sera-t-il  intègre,  le 
patron  juste  et  paternel  à  ses  ouvriers,  le  soldat  chevaleres- 
que et  intrépide,  le  père  de  famille  dévoué  jusqu'au  martyre 
{tour  les  siens?  Le  Psalmiste  répond  :  «  en  méditant  votre 
oi,  ô  mon  Dieu  ».  —  Aux  devoirs  d'état  s'ajoute  la  lutte. 
Lutte  incessante,  lutte  acharnée,  dont  l'enjeu  est  l'éternité, 
dont  le  théâtre  est  notre  âme,  dont  les  adversaires  sont,  à  la 


LA  MÉDITATION  ET  L'AME  CHRÉTIENNE  185 

fois,  notre  nature  déchue,  le  monde  et  l'enfer.  Dans  cette 
lutte,  d'où  viennent  nos  défaites  et  d'où  viendront  nos  triom- 
phes? Nos  défaites  sont  dues  aune  foi  endormie,  à  une  piété 
expirante,  à  une  vigilance  en  défaut,  à  une  volonté  amollie. 
Rendons-nous  compte  d'après  cela  comment,  après  la  défaite, 
nous  ramènerons  à  nous  la  victoire.  A  l'irréflexion  succédera 
la  pensée.  La  méditation  deviendra  tout  ensemble  le  réveil  de 
notre  foi  et  de  notre  piété.  Par  elle  nous  ouvrirons  les  yeux 
sur  les  dangers  qui  nous  environnent  et  la  vigilance  nous  si- 
gnalera la  présence  de  l'ennemi.  Du  même  coup  notre  volonté 
s'affermira  et  nos  armes  mieux  trempées  porteront  des  coups 
plus  sûrs  et  plus  efficaces.  —  Aux  devoirs  et  aux  luttes, 
notre  condition  présente  surajoute  la  douleur.  Aux  âmes  qui 
se  ferment  aux  idées  de  la  foi,  la  douleur  est  terrible,  car 
rien  ne  l'explique,  rien  ne  l'amortit  ni  ne  la  console.  Mais  la 
victime  de  la  douleur  est-ce  une  âme  qui  médite?  Des  visions 
fortifiantes  lui  apparaissent;  l'ange  de  Gethsémani  vient  à 
elle  pour  la  relever  et  la  soutenir. 


II 
LA  MÉDITATION  VIE  ET  FORGE  DE  L'AME 


Elle  l'est  dans  les  sublimités  de  cette  vie,  dans  les  sacri- 
fices de  cette  vie,  dans  les  dangers  de  cette  vie. 

Dans  les  sublimités  de  la  vie  chrétienne.  —  Arrêtons-nous 
à  trois  principales:  la  table  sainte,  le  tribunal  de  la  pénitence, 
les  œuvres  de  la  charité. 

1°  Les  sublimités  de  la  table  sainte.  —  Que  la  communion 
nous  soit  nécessaire,  voulue  de  Dieu,  indispensable  à  l'adulte, 
nous  n'avons  pas  à  nous  y  arrêter  ici.  Notre  condition  c'est 
de  nous  unir,  âme  à  âme,  cœur  à  cœur.  C'est  pour  cette 
union  béatifique  que  nous  fûmes  créés;  et,  en  dehors  d'elle, 
nous  restons  sans  direction  et  sans  but.  Or  cette  union, 
complète  dans  le  ciel,  s'inaugure  dans  l'Eucharistie.  — 
Donc  il  nous  faut  communier.  Mais  pour  communier  digne- 


486  LA   MÉDITATION   ET   l'aME   CHRÉTIENNE 

ment,  il  nous  faut  une  âme  attentive,  une  âme  élevée,  une 
foi  vive,  une  dilection  tendre,  une  pureté  reconquise.  Com- 
ment sans  la  réflexion,  sans  la  méditation,  parvenir  à  cette 
nécessaire  préparation? 

2°  Les  sublimités  du  saint  Tribunal.  —  Quelle  sera  l'âme  dont 
les  confessions  seront  toujours  sérieuses,  loyales,  efficaces? 
Trois  choses  sont  nécessaires,  trois  choses  que  procure  ex- 
cellemment l'habitude  de  la  méditation.  —  Il  faut  que  l'âme 
ait  d'elle-même  une  juste  connaissance.  Si  une  perpétuelle 
irréflexion  a  fait  qu'elle  s'ignore;  si  la  dissipation  de  sa  vie 
lui  voile  à  la  fois  le  péché  commis,  les  défauts  qui  y  mènent, 
les  occasions  qui  y  précipitent,  comment  s'armer  contre  les 
dangers  de  confessions  imparfaites  ?  —  Il  faut  que  l'âme  ap- 
précie sainement  le  péché.  Comment  en  avoir  le  regret  et 
l'horreur,  comment  se  résoudre  à  le  fuir,  comment  briser 
avec  les  habitudes  qui  nous  enchaînent  ou  les  occasions  qui 
nous  y  portent,  si  quelques  réflexions  sérieuses  ne  nous  ont 
pas  découvert  la  perversité  de  sa  nature,  les  désastres  qu'il 
cause  en  nous,  les  châtiments  qu'il  mérite  ?  Il  pouvait  dire 
en  toute  lovauté  ce  roi  des  pénitents:  «  Confitebor  advcrsum 
me  peccata".  »  Pourquoi?  Parce  qu'il  avaitlonguement  médité 
sur  les  laideurs  et  les  désastres  du  péché  :  «  Mane  astabo 
Tibi  et  videbo  quoniam  Deus  non  volens  iniquitatem  tu  es.  » 
—  Puis  encore,  le  péché  nous  sera-t-il  remis  sans  un  sin- 
cère propos  de  ne  le  plus  commettre  ?  Et  cette  résolution  gé- 
néreuse, à  qui  la  devrons-nous  sinon  à  une  volonté  que  la 
grâce,  dans  de  fortes  réflexions,  aura  illuminée  et  affermie? 

3°  Les  sublimités  de  la  charité  et  de  ses  œuvres.  —  Etendez 
un  regard  d'admiration  et  d'étonnement  sur  l'immense  Eglise 
catholique.  Comptez  ses  Institutions  ;  dénombrez  les  Asiles 
où  elle  recueille  la  douleur;  suivez,  pas  à  pas,  par  tous  les 
chemins,  à  travers  tous  les  obstacles,  au  sein  de  toutes  les 
souffrances,  l'héroïsme  catholique,  qui  n'atteint  que  par  le 
martyre  au  comble  de  ses  aspirations  véhémentes.  Où  s'ali- 
mente cette  charité  catholique?  Avant  tout,  sachons-le,  dans 
la  méditation,  là  où  est  rompu  le  pain  de  la  parole  de  Dieu  : 
«  Non  in  solo  pane  vivit  homo,  sed  in  omni  verbo  quod  procedit 
de  ore  Dei.  » 

Dans  les  exigences  de  la  vie  chrétienne.  —  Tant  est  su- 
blime la  récompense  de  la  vie  chrétienne,  tant  sera  rude  le 
combat  qui  la  lui  mérite.  Ouvrons  l'Ecriture,  entendons  les 
paroles  du  divin  maître.  Partout  les  labeurs  de  la  vertu,  les 


LA   MÉDITATION   ET  L'AME   CHRÉTIENNE  187 

privations  qu'elle  entraîne,  les  sacrifices  qu'elle  impose,  les 
martyres  auxquels  elle  condamne  nous  sont  représentés. 
—  Or  celui-là  seul  qui  aura  profondément  médité  les  vérités 
saintes:  une  âme,  un  Dieu,  une  destinée,  un  ciel,  un  enfer, 
un  Calvaire  ensanglanté,  une  résurrection  radieuse,  saura 
supporter  longtemps  la  croix  qui  pèse  auxépauleset  les  pier- 
res de  la  voie  douloureuse  qui  meurtrissent  les  pieds. 

Dans  les  dangers  de  la  vie  chrétienne.  —  Parmi  ces  dan- 
gers il  en  est  qui  nous  sont  intimes,  une  concupiscence  enflam- 
mée, des  passions  tyranniques,  un  affaiblissement  lamentable 
de  nos  facultés.  —  Il  en  est  qui  nous  viennent  du  debors  :  de 
désastreuses  sociétés  nous  perdent,  de  dangereuses  occasions 
nous  entraînent,  l'esprit  du  monde  nous  déforme... 


MARTHE  ET  MARIE 

LES  DEUX  PARTS  DE  LA  VIE  CHRÉTIENNE 


Sous  la  gracieuse  image  des  deux  Sœurs  qui  reçoivent  le 
divin  Maître,  qui  s'empressent  de  lui  témoigner  un  égal 
amour  mais  non  d'une  égale  manière;  dont  l'une,  Marthe, 
s'occupe  fiévreusement  des  apprêts  de  la  réception,  dont  l'au- 
tre, Marie,  s'abreuve  à  longs  traits  des  paroles  du  Céleste 
Visiteur  :  —  nos  saints  Docteurs  ont  vu,  symbolisée,  la  vie 
chrétienne. 

Le  but  de  la  vie  chrétienne  n'est  autre  que  de  recevoir 
Jésus.  L'âme,  comme  l'aimante  et  contemplative  Marie,   ne 

3uitte  pas  les  pieds  divins,  répandant  tour  à  tour  les  parfums 
e  sa  prière,  puis  écoutant  les  oracles  qui  s'échappent  des 
lèvres  du  Bien-aimé.  —  Est-ce  à  dire  que  la  vie  chrétienne 
soit  une  vie  inactive  et  immobilisée  dans  la  prière?  non,  car 
il  est  écrit  :  «  Ibit  homo  ad  operationem  usque  ad  vesperam.  » 
La  prière  de  Marie  et  l'activité  de  Marthe  s'uniront  har- 
monieusement pour  former  la  vie  du  chrétien  sur  la  terre. 


QUEL  SERAIT  LE  MAL  D'UNE  VIE  DE  TRAVAIL 
SANS  PRIÈRE 


Ce  mal  serait  profond;  et  quand  même  l'homme,  dans  une 
activité  prodigieuse,  remuerait  et  bouleverserait  des  mondes  : 


MARTHE  ET  MARIE  189 

«  Quid  prodest  ?  »...  Une  vie  de  travail  sans  prière  est  à  la 
fois  jugée  et  condamnée  par  Dieu;  jugée  et  condamnée  par 
le  raisonnement  et  l'expérience. 

La  vie  de  travail  sans  prière  jugée  par  Dieu.  —  Dieu,  les 
Apôtres,  les  Saints,  l'Eglise,  nous  donnent  le  saisissant  ensei- 
gnement d'une  vie  d'action  unie  à  une  vie  de  prière. 

1°  Voyez  l'Homme-Dieu,  durant  sa  vie  mortelle.  —  Lui- 
même  fait  annoncer  par  un  prophète  qu'il  mènera  sur  la 
terre  la  vie  du  travailleur  :  «  Ego  in  iaboribus  a  juventute 
mea  ».  —  «  A  juventute  ».  Dès  que  ses  mains  enfantines 
peuvent  supporter  l'outil  de  l'artisan,  Jésus  travaille;  il  rem- 
plit trente  années  de  ses  rudes  et  continuels  travaux.  —  Du- 
rant sa  vie  publique,  courses  incessantes,  prédications  inin- 
terrompues, œuvres  de  charité,  accomplissementd'innombra- 
bles  miracles.  Parfois  un  labeur  écrasant  brise  ses  membres 
et  nous  le  trouvons,  exténué,  sur  la  pierre  du  puits  de  Jacob  : 
«  Sedisti  lassus.  » 

La  prière,  dans  la  vie  mortelle  de  l'Homme-Dieu,  n'occupe 
pas  une  moins  large  place  que  le  travail.  Les  montagnes  so- 
litaires, les  rivages  écartés,  les  nuits  silencieuses,  sont  les 
témoins  de  ses  ardentes  prières  :  «  Erat  pernoctans  in  ora- 
tione  Dei.  »  — La  souffrance  elle-même,  la  souffrance  jusqu'à 
F  «  agonie  »  bien  loin  d'arrêter  prolongera  sa  prière  «  Factus 
in  agonia  prolixius  orabat.  » 

2°  Voyez  les  Apôtres.  —  Quel  labeur  que  le  leur  !  Ils  sont 
chargés  de  bouleverser,  de  détruire,  de  refaire  un  monde  ! 
Nous  les  contemplons  sur  la  surface  de  la  terre,  pionniers 
infatigables,  invincibles  conquérants,  répandant  la  parole 
sainte  avec  leur  sueur  et  leur  sang,  jamais  une  heure  de  re- 
pos, jamais  un  jour  tranquille.  —  Mais  quoi  !  le  grand  devoir 
de  la  prière  est-il  absorbé  par  celui  de  l'action  ?  A  Dieu  ne 
plaise  !  «  Erant  persévérantes  in  oratione  Dei.  » 

3°  Voyez  les  samts,  les  Saints,  imitateurs  de  l'Homme-Dieu, 
continuateurs  et  émules  des  Apôtres.  Leur  vie  est  prodi- 
gieuse d'activité,  leurs  œuvres  sont  innombrables;  les  champs 
qu'ils  ensemencent,  les  moissons  qu'ils  recueillent  sont  vas- 
tes comme  le  monde  ;  le  regard  a  peine  à  suivre  un  Saint 
Vincent-de-Paul  à  travers  tous  les  sillons  de  la  charité,  un 
Saint  Ignace,  un  Saint  François  Xavier  et  mille  autres  au  mi- 
lieu de  leurs  travaux  apostoliques.  —  Or  contemplez  un 
Saint  en  prière.  Le  monde  n'existe  plus  pour  lui;  sa  prière 
le  porte  dans  un  ciel  tranquille  et  pur  où  Dieu  seul  est  de- 


190  MARTHE  ET  MARIE 

vant  lui.  A  Marthe  qui  s'agitait  tout  à  l'heure  a  succédé 
Marie  immobile  aux  pieds  de  Jésus. 

4°  Voyez  l'Eglise.  —  Etendons  inGniment  la  scène.  Ce  n'est 
plus  un  infatigable  ouvrier  de  l'Eglise,  c'est  l'Eglise  même, 
ouvrière  plus  infatigable  encore,  que  nous  avons  sous  les 
yeux.  Depuis  dix-huit  siècles,  sans  une  heured'interruption, 
elle  travaille,  elle  lutte,  elle  étend  son  règne,  elle  relève  des 
ruines,  elle  affermit  des  conquêtes,  elle  subjugue  les  peuples, 
elle  recueille  une  à  une  les  âmes,  elle  fonde  les  innombrables 
services  de  la  charité  ;  impossible  à  la  plume  humaine  de 
compter  et  de  décrire  ses  œuvres. 

Et  cependant  où  fait  sa  demeure  cette  Epouse  du  Christ? 
Où  la  chercher?  Où  la  découvrir?  Dans  ses  Sanctuaires,  dans 
le  secret  d'une  prière  et  d'un  chant  d'amour.  L'Eglise  est  la 
grande  et  perpétuelle  Orante;  son  culte,  sa  liturgie,  son 
quotidien  Sacrifice,  l'incessante  prière  de  son  Sacerdoce,  la 
voix  de  ses  fidèles,  tout  annonce,  tout   respire  la  prière. 

La  vie  de  travail  sans  prière  jugée  par  l'expérience.  — 

Travailler  sans  prier,  s'agiter  en  des  labeurs  sans  trêve, 
être  brisé  pour  un  travail  que  n'entrecoupe  jamais  la  prière, 
c'est  là  un  mal  doublement  funeste  :  funeste  à  l'âme,  funeste 
au  travail  lui-même. 

■1°  Funeste  à  l'âme.  —  Rien  ne  fait  tomber  plus  tristement 
une  âme  des  hauteurs  de  sa  destinée  surnaturelle  qu'un  tra- 
vail sans  prière.  L'âme  ne  tarde  pas  à  perdre  la  vision  des 
deux,  la  saveur  des  choses  saintes,  l'espérance  et  même 
l'idée  d'une  récompense  future.  Les  Juifs  en  Egypte  repous- 
saient Moïse  et  le  salut  pour  se  mieux  absorber  dans  leurs 
vils  (et  écrasants  travaux.  —  U endurcissement  du  cœur  ne 
tarde  pas  à  suivre  l'obscurcissement  de  la  foi.  Laissons  parler 
Saint  Bernard.  «  Vereor  ne  in  mediis  occupationibus,  quo- 
niam  multée  sunt,  frontem  dures  et  ita  sensim  te  ipsum 
quadammodo  sensu  prives  et  paliaro  trahi  ab  ipsis  et  duci 
paulatim  quo  tu  non  vis.  Qmeris  quo  ?  Ad  cor  durum...  Cor 
durum  quod  semetipsum  non  exhorret  quia  non  sentit...  En 
quo  trahere  te  habent  hœ  occupationes  malcdictae,  si  tamem 
pergis,  ut  ccepisti,  ita  te  dare  totum  illis  nihil  tibe  relin- 
qucns  ».  —  A  l'extinction  de  la  foi  à  l'endurcissement  du 
cœur,  une  vie  de  travail  sans  prière  ajoute  pour  l'âme  la 
plus  désolante  stérilité.  Si  Dieu  contemple  avec  faveur  le  Ira 
vail  do  nos  mains,  combien  se  montre-t-il  plus  avide  de 
l'activité  de  nos  âmes  :  «  Deus  autem  intuetur  cor  »?  Les. 


MARTHE  ET   MARIE  191 

accents  de  l'amour,  les  émotions  de  la  piété,  les  résolutions 
saintes,  les  pensées  divines,  les  volontés  aimantes,  tout  ce 
dont  est  pleine  la  vie  intime  de  nos  âmes,  voilà  ce  qui  arrête 
et  ravit  le  cœur  de  Dieu,  et  c'est  là  ce  qu'étouffe  et  détruit  en 
nous  une  activité  extérieure,  que  ne  corrige  pas  la  prière  : 
«  Quid  prodest  homini  si  mundum  universum  lucretur  animas 
vero  suœ  detrimentum  paliatur?  »  Et  Saint  Bernard  :  «  Si 
totus  vis  esse  omnium,  laudo  humanitatem,  sed  si  plena  sit. 
Quomodo  autem  plena,  te  excluso?  Et  tu  homo  es.  Colligat 
et  te  sinus  qui  omnes  recipit.  Quid  solus  fraudaris  munere 
tui  ?  » 

2°  Funeste  au  travail  lui-même.  —  Sans  la  prière  mêlée 
au  travail,  peu  de  mérite  devant  Dieu.  Sans  doute,  pour 
l'œil  humain,  les  chefs-d'œuvre  du  génie,  les  conquêtes  de 
la  science,  les  vastes  entreprises  de  l'industrie,  les  brillan- 
tes fascinations  de  la  fortune,  ou  même  la  lutte  magnanime 
de  l'obscur  ouvrier  à  la  conquête  de  son  morceau  de  pain,  se- 
ront des  objets  d'attention  et  de  respect  :  — Mais  pour  l'œil 
de  Dieu?  Mais,  pour  le  juste  Juge  qui  seul  apprécie  tout  au 
poids  de  l'éternité,  que  vaudront  ces  œuvres  humaines  où 
rien  de  céleste  ne  resplendit  '?  A  Balthazar,  Daniel  disait  de 
la  part  de  Dieu  :  «  Tes  œuvres  ont  été  pesées  et  tu  as  été 
trouvé  trop  léger  ». 

Sans  la  prière  mêlée  au  travail  le  travail  lui-même  de- 
meure sans  force  et  sans  excitation.  —  Sans  doute  une  inexo- 
rable nécessité  ou  des  succès  attachants  pourront  soutenir 
le  courage  de  l'homme,  mais  aux  heures  de  tristesse,  de 
désillusion,  de  désespoir;  quand  la  vie  apparaît  sans  but,  le 
travaillui-mêmesansespéranceetsansissue,quel  danger  que 
nos  forces  tombent  et  que  notre  activité  s'éteigne  !  —  Jamais, 
au  contraire,  l'inertie  du  désespoir  n'engourdira  celui  dont 
une  prière  fervente  réveille  et  soutient  les  forces.  Celui  qui 
espère  en  Dieu  travaillera  toujours  sans  lassitude  ni  décou- 
ragement. 

D'ailleurs  la  vraie  question  restera  toujours  celle-ci  :  «  Dieu 
bénit-il  mon  travail  »  ?  S'il  le  bénit  :  ma  vie  fût-elle  pauvre 
et  besoigneuse,  ma  vie  s'écoulera  en  paix.  Mais  que  Dieu  se 
retire  de  mes  labeurs,  à  quoi  puis  je  aboutir  qu'à  l'univer- 
selle ruine  du  tombeau  ?  —  D'un  travail  sa?is  Dieu  le  Psal- 
miste  prononce  :  «  Vanum  est  vobis  ante  lucem  surgere  ; 
surgite  postquam  sederitis  qui  manducatis  panem  doloris  ». 
—  Du  travail  que  Dieu  bénit  la  même  Ecriture  fait  cette  des- 


192  MARTHE  ET  MARIE 

cription  charmante  :  «Labores  manuum  tuarum  quiamandu- 
cabis  beatus  es  et  bene  tibi  erit.  Uxor  tua  sicut  vitis  abun- 
dans  in  lateribus  domus  tuae.  Filii  tui  sicut  novellae  olivarum 
in  circuitu  mensœ  tuae  ». 


II 


EXCELLENCE  D'UNE  VIE  DE  TRAVAIL 
OÙ  UNE  LARGE  PLACE  EST  LAISSÉE  A  LA  PRIÈRE 


Entrons,  à  la  suite  de  Jésus,  dans  l'hospitalière  demeure 
de  Lazare,  de  Marthe  et  de  Marie.  Au  spectacle  qui  est  sous 
nos  yeux  s'ajoutent  lesparoles  que  perçoivent  nos  oreilles;  la 
scène  entière  ne  nous  laisse  plus  aucun  doute  sur  l'excellence 
d'une  vie  de  travail  que  la  prière  relève  et  vivifie. 

Noblesse  d'une  pareille  vie.  —  Après  qu'une  parole  de 
Marthe  nous  fera  réfuter  une  accusation  calomnieuse,  une 
autre  parole  de  Jésus  nous  révélera  la  noblesse  du  travail 
uni  à  la  prière. 

1°  //  estune  accusation  calomnieuse.  —  Le  monde  s'empare 
volontiers  d'une  parole  de  Marthe  et  la  tourne,  contre  la 
prière,  en  une  accusation  sans  justice.  «  Soror  mea  reliquit 
me  solam  ministrare.  »  A  côté  des  centres  d'une  activité 
sans  repos,  en  face  de  familles  et  de  sociétés  livrées  à  des  la- 
beurs sans  trêve,  se  sont  bâtis  des  asiles  de  contemplation  et 
de  prière,  cloîtres  silencieux,  refuges  fermés,  où  les  âmes 
mortes  à  la  terre  prennent  vers  lescieux  un  continuel  essor. 
—  C'est  d'un  œil  méchant  que  le  monde  regarde  cette  vie 
d'exclusive  prière  ;  comme  si  appeler  sur  notre  terre  aride  la 
rosée  des  divines  bénédictions,  lléchir  Dieu,  prier  pour  les 
pécheurs,  apportera  ses  semblables  le  secours  d'en  haut,  vivi- 
fier par  1  a  grâce  le  travail  d'autrui,  n'était  pas  une  œuvre  sa- 
lutaire autant  qu'éminente.  —  ?s'était-cepas  Moïse  en  prière 
sur  la  montagne  qui  soutenait  l'ardeur  des  guerriers  de  Jo- 
sué? 

Si,  quittant  cette  grande  thèse  de  la  vie  religieuse  contem- 


MARTHE   ET  MARIE  193 

plative,  nous  nous  replions  sur  notre  vie  à  nous-mêmes  et 
ses  deux  partiesde  prière  et  d'actionné  permettons  jamais  au 
travail  d'accuser  la  prière:  «  Soror  meareliquit  me  solammi- 
nistrare.  »  Ne  considérons  jamais  nos  heures  de  prières,  nos 
séjours  à  l'Eglise  comme  un  temps  perdu  ou  sacrifié  par 
nous.  Si  Marthe  travaille,  c'est  Marie  en  prières  qui  luiobtien- 
dra  la  force,  le  courage  et  le  succès. 

2°  Excellence  réelle  d'une  vie  où  la  prière  s'unit  au  travail. 
—  C'est  là  une  vie  plus  noble,  c'est  Dieu  qui  l'affirme  :  «  Ma- 
ria optimam  partem  elegit  qua3  non  auferetur  abea.  »  Pesons 
ces  deux  paroles  «  Optimam  partem.  »  Par  la  prière  l'âme  a 
quitté  un  instant  la  terre  ;  elle  s'est  dégagée  du  lien  des 
choses  matérielles;  la  voilà  aux  pieds  du  trône  de  Dieu  en- 
tourée des  Anges,  préludant,  dès  l'exil,  à  sa  vie  future  de 
gloire  et  d'immortalité.  Quand  elle  redescendra  dans  son 
champ  d'action,  elle  sera  comme  Moïse,  au  retour  du  Sinaï, 
couronnée  de  splendeur.  Est-ce  donc  peu  de  chose  que 
d'avoir  parlé  à  Dieu  et  d'en  avoir  reçu  de  suaves  et  mysté- 
rieuses réponses?  «  Sedens  secus  pedes  Domini  audiebat  ver- 
bum  illius.  »  —  Une  seconde  parole  du  divin  Maître  nous 
révèle  une  seconde  noblesse  :  «  Non  auferetur  ab  ea.  »  Les 
choses  terrestres  passeront,  le  temps  emportera  jusqu'à  la 
dernière  empreinte  de  notre  travail,  mais  la  piété  gardera 
pour  l'éternité  entière  les  fruits  qu'elle  a  fait  mûrir. 

C'est  là  une  vie  plus  magnanime.  Si  nous  regardions  la  sur- 
face du  monde  catholique,  les  innombrables  dévouements 
qui  s'y  déploient,  les  héroïsmes  qui  s'y  déroulent,  les  œu- 
vres de  magnanime  charité  qui  s'y  fonclent,  nous  demeure- 
rions stupéfaits  des  trésors  enfermés  dans  l'Eglise. 

Or  qui  soutient  la  Petite  Sœur  des  pauvres,  le  Frère  de 
Saint-Jean-de-Dieu,le  missionnaire  dans  les  régions  dévoran- 
tes qu'il  évangélise,  le  martyr  au  milieu  des  supplices,  l'in- 
nombrable phalange  des  travailleurs  de  Dieu,  au  sein  de 
leurs  labeurs  et  de  leurs  souffrances?  La  prière.  Sans  elle 
l'idée  même  des  dévouements  catholiques  s'évanouirait.  — 
S'il  en  est  ainsi  pour  le  grandiose  ensemble  dont  se  compose 
l'Eglise  de  Dieu,  il  en  sera  de  même  pour  chacune  de  nos  exis- 
tences particulières.  Les  soins  multiples  d'une  épouse  et 
d'une  mère,  les  travaux  d'un  père  de  famille,  les  œuvres 
d'un  citoyen  utile  à  sa  patrie,  puiseront  dans  la  prière  leur 
vigueur  et  leur  constance. 

T.  IV  13 


194  MARTHE   ET   MARIE 

Bonheur  d'une  pareille  vie.  —  Marthe  témoignait,  par  son 
activité,  de  l'amour  et  du  dévouement  qui  remplissait  son 
âme  ;  mais  combien  cette  activité  même  lui  devenait  une 
source  de  peine,  d'inquiétude  etdesoucis!  «  Martha,  Martha, 
sollicita  es  et  turbaris.  »  Voilà  l'image  de  notre  vie  de  tra- 
vail. La  fatigue,  la  surcharge,  les  soucis  l'assombrissent,  les 
mécomptes  la  ruinent.  —  Quelle  sera  pour  nous  la  consolation, 
le  réconfort  et  la  joie  ?  Nous  deviendrons  Marie,  nous  nous 
échapperons  du  tumulte  de  notre  activité  pour  nous  refaire, 
aux  pieds  du  divin  Maître,  dans  la  contemplation  et  la  prière. 


LA  LOI  DU  TRAVAIL 


Nulle  prédication  plus  nécessaire  que  celle  qui  rappelle  à 
la  loi  du  travail.  Nulle  plus  universelle  et  qui  s'adresse  à 
plus  d'âmes,  à  la  fois. —  Voici  les  travailleurs,  armée  sombre, 
souvent  désespérée,  oh  !  qu'il  importe  de  leur  apprendre  le 
prix  de  leurs  sueurs,  la  noblesse  de  leur  travail  ;  et  comment 
ils  sont  les  images  vives  d'un  Homme-Dieu,  et  comment  l'es- 
time du  Très-Haut  les  couvre,  et  comment  leurs  fatigues 
sont  riches  d'éternelles  espérances  !  —  Voici  les  heureux  de 
ce  monde,  ceux  auxquels  la  fortune  enlève  ce  que  l'existence 
humaine  a  de  poignant  et  de  dur  :  «  In  labore  hominum  non 
sunt  et  cum  hominibus  non  flagellabuntur.  »  Oh  !  qu'il  leur 
importe  de  bien  savoir  qu'ils  rendront  compte  d'une  oisiveté 
que  Dieu  condamne,  et  combien,  quoique  à  un  degré  et  sous 
des  formes  différentes,  ils  sont,  par  la  loi  divine,  obligés  de 
donner  à  leurs  heures  un  utile  emploi.  —  Mais  voici  la  dan- 
gereuse et  inique  ivresse  du  moment  :  obtenir  des  jeux  du 
hasard,  ou  des  coups  malhonnêtes  de  la  Bourse,  des  gains  sans 
travail,  une  opulence  sans  fatigue.  — Rappelons  enfin  à  cette 
aristocratie  de  l'or,  à  ces  princes  de  la  finance  qu'ils  ne  peu- 
vent pas  bâtir  sur  l'usure  de  monstrueuses  fortunes.  —  A 
tous  rappelons  que  Dieu  a  condamné  l'homme  au  travail. 


GRAVITE  DE  CETTE  LOI 


Cette  loi  est  grave  :  sa  noblesse,  son  urgence,  ses  redou- 
tables sanctions,  nous  en  font  foi. 


196  LA  LOI  DU  TRAVAIL 

Noblesse  et  urgence  de  la  loi  du  travail.  —  Aucune  des 
Lois  divines  n'est  plus  ancienne,  aucune  ne  nous  apparaît 
plus  sainte  et  plus  haute. 

1°  C'est  un  Dieu  Créateur  qui  l'inaugure.  —  Que  voyons-nous 
à  l'origine  des  choses  ?  Dieu  même  travaillant,  durant  les  six 
jours  d'une  mystérieuse  semaine,  à  créer  et  à  organiser  l'uni- 
vers. Qui  doute  que  Dieu  pût  d'un  mot,  d*un  acte  de  sa  vo- 
lonté faire  jaillir,  dans  leur  perfection  dernière,  l'ensemble 
des  choses  ?  —  Or  Dieu  s'y  prend  tout  autrement.  Il  divise 
en  six  parties  successives  son  acte  créateur;  il  travaille  six 
jours  et  le  septième  il  rentre  dans  son  repos.  —  Quel  est 
le  but  d'un  aussi  extraordinaire  spectacle  ?  Dieu  promulgue 
en  sa  personne  la  double  loi  du  travail  des  six  jours  et  du  re- 
pos du  septième. 

2°  L  homme  y  est  soumis  dès  le  jour  desacréation.  —  L'huma- 
nité a  traversé  deux  phases  toutes  diverses.  La  première  est 
celle  de  son  innocence.  Il  est  heureux,  il  habite  un  paradis  de 
délices  et  il  y  jouit  de  tous  les  biens  de  la  création.  Mais  Dieu, 
là  même,  ne  lui  permet  pas  l'oisiveté,  et  la  Loi  du  travail 
s'impose  à  son  bonheur.  La  Genèse  nous  marque  un  double 
but  à  ce  travail  du  premier  homme.  Il  travaille  pour  garder 
son  domaine;  il  travaille  pour  en  achever  l'organisation  et 
la  parure.  Pour  garder.  La  Genèse  nous  insinue  ainsi  que  le 
travail  était  pour  l'homme  primitif  la  garantie  de  son  inno- 
cence. Il  était  de  plus  associé  à  l'œuvre  divine  pour  en  ache- 
ver la  perfection. 

Viennent  les  jours  douloureux  de  la  chute.  La  loi  du  tra- 
vail devient  pour  l'homme  coupable  plus  urgente  et  plus 
lourde. 

C'est  désormais  au  travail  qu'il  demandera  l'expiation  et 
la  pénitence.  C'est  par  le  travail  qu'il  obtiendra  la  vie.  La 
terre  lui  devient  ennemie.  Son  sol  empoisonné  et  durci  ne 
produira  plus  que  la  ronce  et  l'épine,  et  le  travail  seul,  le 
travail  jusqu'à  la  sueur  et  le  brisement,  en  arrachera  le 
pain  de  chaque  jour. 

3°  L'Homme-Dieu  à  soii  tour  subit  cette  même  loi.  —  Dieu 
avait,  aux  jours  antiques,  consacré  glorieusement  la  Loi  du 
travail.  Le  Dieu  Rédempteur  en  porte  maintenant  l'écrasant 
fardeau.  De  Nazareth  au  Calvaire  Jésus-Christ  parcourt,  pour 
les  sanctifier,  les  carrières  diverses  du  travail  humain.  Ses 
plus  longues  années  il  les  donne  au  travail  manuel,  puis  il 
est  docteur,  il  est  apôtre,  il  est  prédicateur  des  vérités  divi- 


LA  LOI  DU  TRAVAIL  197 

nés,  bientôt  au  fardeau  du  travail  il  joint  celui  de  la  douleur 
et  il  meurt  épuisé  sur  la  croix. 

Sanctions  redoutables  à  la  loi  du  travail.  — Il  est  à  la  fois 
une  sanction  divine  et  une  sanction  humaine. 

1°  //  est  une  sanction  divine.  —  Que  Dieu  se  montre  sévère 
aux  oisifs  et  aux  paresseux  !  Il  les  accable  à  la  fois  de  mé- 
pris, décolère,  de  châtiments.  —  De  mépris.  Les  expressions 
de  ce  mépris  divin  sont  à  peine  traduisibles.  Au  Livre  des 
Proverbes  le  paresseux  est  condamné  à  être  lapidé.  Mais  la 
pierre  est  trop  noble  pour  ce  lâche  déserteur  du  devoir;  on 
le  lapidera  avec  l'ordure  et  le  fumier  I  —  De  colère.  L'E- 
vangile dans  plusieurs  Paraboles  nous  fait  entendre  l'éclat  de 
ce  redoutable  courroux.  Le  Maître  est  sans  pitié  pour  l'Eco- 
nome infidèle,  pour  le  serviteur  paresseux  qui  a  dissipé,  sans 
le  faire  produire  le  trésor  qu'on  lui  avait  confié.  —  De  châti- 
ments. Au  mépris,  à  la  colère,  Dieu  ajoute  la  plus  terrible 
des  punitions.  Dieu  dépouille  le  paresseux  et  il  le  réduit  à 
une  détresse  universelle:  privation  de  la  grâce  ici-bas,  pri- 
vation de  la  gloire  là-haut. 

2°  //  est  une  sanction  humaine.  —  N'eussions-nous  pas  à 
redouter  la  vengeance  que  Dieu  exerce  par  lui-même  sur  une 
oisiveté  coupable,  cette  oisiveté  porterait  déjà  en  elle-même 
son  châtiment.  L'oisiveté  est  à  la  fois:  la  ruine  de  l'individu, 
de  la  famille,  de  la  Société. 

Ruine  de  l'individu.  —  Qui  nous  dira  combien  de  natures 
admirablement  organisées  se  sont  desséchées  et  ont  péri 
dans  une  ignominieuse  oisiveté?  —  Qu'elle  était  haute  et  vi- 
goureuse cette  intelligence  dont  on  voyait,  dès  le  premier 
âge,  étinceler  les  rayons  i  Qu'elle  était  riche  d'espérances 
cette  vie  où  la  Providence  s'était  complu  à  rassembler  toutes 
les  ressources!  Cet  homme  pouvait  étendre  au  loin  l'influence 
de  son  génie.  Son  activité,  en  lui  ouvrant  les  hautes  carriè- 
res, lui  assignait  parmi  ses  semblables  de  fécondes  et  de  puis- 
santes missions.  «  Voici,  dit  l'Ecriture,  que  j'ai  passé  par  le 
champ  du  paresseux.  »  Tout  y  est  ruine  et  désolation;  la 
moisson  d'espérances  n'a  pas  mûri  ;  les  jours  sont  vides;  cette 
existence  s'évanouira  tout  entière  dans  une  odieuse  et  mé- 
prisable inanité. 

Ruine  de  la  famille.  —  Les  désastres  de  l'oisiveté  nous 
apparaissent  dans  un  relief  plus  navrant  encore  quand  nous 
franchissons  le  seuil  de  la  famille.  —  Ce  père  était  l'espé- 
rance et  le  soutien  du  foyer  domestique.  A  lui  s'attachait  la 


i98 


LA   LOI   DU  TRAVAIL 


gloire  dont  rayonne  la  Providence  divine  elle-même  :  «  Tu 
das  escam  in' tempore  opportuno....  aperiente  te  manum 
tuam  omnia  implebuntur  bonitate...  »  Hélas,  la  paresse  a 
remplacé  le  labeur,  d'où  la  vie  s'écoulait  féconde.  La  famille 
entière  dépérira  dans  la  nudité  et  la  faim.  —  Si  ce  père  de 
famille  eût  été  un  homme  de  labeur,  ses  fils  l'eussent  suivi 
dans  d'honorables  carrières,  ses  filles  eussent,  dans  des  unions 
assorties,  perpétué  la  noblesse  de  son  nom  et  les  traditions 
de  la  famille.  La  paresse  a  tout  ruiné.  —  Cette  mère,  au  lieu 
d'être  la  femme  attentive,  vigilante  et  laborieuse  que  nous 
retrouvons  dans  la  peinture  de  la  «  femme  forte,  »  est  de 
celles  que  nous  représente  Saint  Paul,  honteusement  livrées 
au  désœuvrement,  à  la  dissipation,  aux  courses  intempesti- 
ves, aux  malsaines  recherches  de  la  curiosité.  Elle  sera  la 
désolation  du  foyer  domestique. 

Inutile,  après  ce  qui  précède,  de  montrer  quelles  luttes  in- 
trépides les  parents  doivent  engager  contre  la  paresse  et  l'oi- 
siveté chez  leurs  enfants. 

Ruine  de  la  Société.  —  Saint  Paul  nous  montre  la  Société 
providentiellement  organisée  à  l'instar  du  corps  humain. 
En  elle  comme  dans  le  corps  deux  parties  distinctes  se  re- 
marquent. La  classe  élevée  et  dirigeante,  c'est  le  front,  où 
s'agite  la  pensée,  c'est  l'œil  qui  prolonge  son  regard,  c'est 
l'oreille  qui  recueille  les  bruits  du  dehors.  — Puis,  au-dessous 
de  cette  aristocratie  nécessaire,  les  travailleurs,  plus  hum- 
bles, mais  dont  le  concours  est  indispensable  à  la  vie  univer- 
selle :  c'est  la  main,  c'est  le  pied. 

Or  l'activité,  dans  l'une  et  l'autre  de  ces  deux  classes,  est 
l'unique  condition  de  la  prospérité  et  du  salut.  —  Si  le  tra- 
vail de  la  classe  inférieure  s'arrête  des  troubles  profonds, 
une  atonie  mortelle  amèneront  la  Société  à  sa  ruine.  — 
Mais  d'autre  part,  quel  désastre  suivra  l'oisiveté  et  l'incapa- 
cité des  hautes  classes  ?  Alors  que,  la  paresse  rendant  inaptes 
au  gouvernement  et  au  maniement  de  l'autorité  ceux  que  la 
Providence  v  appelait,  la  nation  reste  sans  chefs,  ou  ne  trouve 
que  ce  que  l'Ecriture  appelle  «  Tyranni  ridiculi.  » 


LA  LOI   DU  TRAVAIL  499 


IJ 

AVANTAGES  DE  CETTE  LOI 


Par  un  de  ces  contrastes  dont  Dieu  a  seul  le  secret,  ce 
même  travail,  qui  nous  écrase  et  parfois  nous  irrite,  devient 
notre  bien  le  plus  précieux.  Il  est  à  la  fois  la  condition  de  no- 
tre bonheur,  la  condition  de  notre  sécurité,  la  condition  de 
notre  avenir. 

Il  est  la  condition  du  bonheur.  —  Il  l'est  pendant,  il  l'est 
après. 

1°  77  l'est  'pendant.  —  Autant  le  travail  qui  met  en  acti- 
vité tout  notre  être  et  nourrit  nos  facultés,  porte  au  dedans  de 
nous  la  joie,  la  noble  fierté,  le  contentement  universel;  autant 
l'oisiveté,  qui  détend  tous  les  ressorts  de  notre  âme  et  étiole 
les  organes  de  notre  corps,  amène  avec  elle  la  tristesse,  les 
dégoûts,  les  ennuis,  les  mystérieux  désenchantements.  Nul 
n'est  habituellement  triste  comme  le  désœuvré. 

2°  Il  test  surtout  après.  —  L'Ecriture  est  intarissable  dans 
la  double  peinture  de  l'homme  actif  et  du  paresseux.  —  La 
maison  du  premier  resplendit  de  bonheur,  les  biens  y  af- 
fluent, la  sécurité  du  lendemain  y  apporte  sa  profonde  paix, 
la  bénédiction  de  Dieu  y  plane:  «  Cet  homme  est  heureux  qui 
mange  le  pain  de  son  labeur.  »  —  Mais  que  dit  l'Ecriture  du 
paresseux  !  Sous  quelles  sombres  couleurs  ne  nous  représente- 
t-elle  pas  l'angoisse  de  son  dénuement  et  les  souffrances  de 
sa  ruine! 

Il  est  la  condition  de  la  sécurité  présente.  —  Des  points 
de  vue  plus  larges  et  plus  hauts  nous  réclament.  Au  delà 
du  corps,  voyons  l'âme;  au-dessus  de  la  vie  présente,  voyons 
la  grâce  et  la  gloire  surnaturelles.  Or  les  dangers  que  court 
notre  âme,  ou  la  sécurité  de  ses  voies,  dépendent  en  grande 
partie  de  la  fidélité  au  travail  ou  de  son  lâche  abandon. 

1°  Peinture  de  l'âme  oisive.  —  L'Ecriture,  sous  une  sai- 


200  LA  LOI  DU  TRAVAIL 

sissante  image  nous  représente  l'état  de  l'âme  du  paresseux. 
«  Sous  les  feux  du  soleil  qui  se  lève  l'homme  s'est  rendu  à 
son  travail  :  »  là  sera  la  fécondité,  la  sécurité,  la  fortune.  — 
«  La  nuit  tombe,  ajoute  l'Ecriture,  toutes  les  bêtes  de  la  fo- 
rêt errent  en  liberté  et  se  répandent  partout.  »  Voilà  l'état 
d'une  âme  paresseuse.  La  lumière  s'est  retirée  d'elle,  la  vie 
et  l'activité  avec  la  lumière.  Au  sein  d'un  morne  silence, 
quand  tout  semble  endormi  et  mort,  quand  plus  rien  ne  se 
garde  et  ne  veille,  les  vices  accourent,  les  passions  hurlent, 
«  les  bêtes  se  donnent  libre  carrière.  »  L'oisif  vivra  dans 
des  tentations  mortelles  et  succombera  à  des  chutes  hon- 
teuses. 

2°  Peinture  de  lame  active.  —  Quelle  place  y  est  laissée 
aux  tentations  dangereuses,  aux  sollicitations  du  mal? —  Les 
heures  sont  remplies.  —  L'être  entier  est  absorbé  :  l'âme 
dans  la  pensée  qui  dirige,  le  corps  dans  les  mouvements  qui 
obéissent.  C'est  une  armée  toujours  en  marche,  toujours  en 
armes,  que  nul  adversaire  ne  peut  surprendre. 

Il  est  la  condition  de  l'avenir.  —  Nous  entendons  notre 
éternel  avenir.  Or  c'est  du  travail  qu'il  dépend.  —  Si  nous 
raisonnons  il  nous  sera  aisé  de  voir  que  chaque  être  reçoit  de 
Dieu  une  mission  à  remplir  et  que  de  cette  mission  accomplie 
ou  trahie  dépend  la  récompense  ou  le  châtiment. 


LE  DEVOIR 


Le  devoir!....  C'est  le  mot  le  plus  noble  et  le  plus  saint  qui 
se  prononce  sur  la  terre;  et,  oserons-nous  le  dire?  qui  se 
prononce  au  ciel. 

Au  ciel,  c'est  Dieu  même  qui  nous  apprend  à  le  prononcer. 

—  A^rès  chaque  partie  de  son  œuvre,  à  la  fin  de  chacune 
des  mystérieuses  journées  de  la  création,  Dieu  rend  témoi- 
gnage à  l'excellence  de  son  travail:  «  Viditque  Deus  cuncta 
quse  fecerat  et  erant  valde  hona.  »  —  Quand  l'Homme-Dieu 
s'en  vient  sur  la  terre  entreprendre  son  grand  œuvre  de  Ré- 
demption, le  devoir  accompli  lui  fait  prononcer  le  même 
mot:  «  Opus  consummavi  quod  dedisti  mihi.  »  Et  sur  la 
Croix,  avant  de  clore  sa  rude  journée  rédemptrice,  il  pousse 
le  cri  triomphal  du  devoir  accompli:  «  Consummatum  est!  » 

—  Les  Saints  nous  redonnent  au  bout  de  leur  carrière  l'écho 
de  cette  divine  parole.  SainiPaul,  en  leur  nom  à  tous,  trouve 
la  paix  de  sa  conscience  et  la  gloire  de  sa  vie  dans  l'assu- 
rance qu'il  a  fait  son  devoir:  «  Cursum  consummavi.  » 

Si  des  sommets  célestes  nous  descendons  sur  la  terre,  nous 
y  saluons  la  même  gloire  et  la  même  fécondité  du  devoir  ac- 
compli. —  Là  où  a  régné  le  devoir  tout  est  vivant,  tout  est 
prospère.  —  Là  où  il  a  été  lâchement  déserté,  le  sol  est  en 
friche,  les  ronces  le  recouvrent,  les  ruines  s'y  sont  amonce- 
lées. 


LE  DEVOIR  EST  L'ARTISAN  DE  LA  SAINTETE 


Il  n'en  saurait  être  autrement  puisque  le  devoir  refrène  la 
nature  déchue,  soutient  la  partie  noble  et  élevée   de  notre 


202  LE  DEVOIR 

être,  nous  fait  remplir  notre  mission  expiatrice  et  nous  unit 
excellemment  à  Jésus-Christ. 

Le  devoir  refrène  la  nature  déchue.  —  L'une  des  plus 
merveilleuses  œuvres  du  devoir  c'est  qu'il  pénètre  dans  notre 
nature  déchue,  pour  y  combattre  et  y  détruire  le  mal  qu'y 
introduit  la  chute  originelle. 

1°  Quel  mal  a  introduit  en  nous  la  chute  originelle  ?  —  L'é- 
goïsme  est  le  premier  mal.  Nous  nous  recherchons  en  tout 
et  il  faudrait,  ce  semble,  que  l'univers  entier  condescendit 
à  nos  volontés  et  à  nos  caprices.  —  Le  péché  d'origine  ayant 
été  un  péché  de  révolte,  il  nous  en  est  resté  un  ferment  d'or- 
gueil et  d'indépendance.  C'est  avec  une  peine  extrême  que 
nous  nous  condamnons  à  une  obéissance  quelconque.  — 
Ajoutons  dans  la  nature  déchue  un  violent  instinct  de  jouis- 
sance et  de  sensualité.  Le  plaisir  nous  emporte,  la  gène  la 
plus  légère  nous  irrite,  notre  éternel  idéal  c'est  de  jouir. 

2°  Effet  du  devoir  sur  le  mal  originel.  —  Le  devoir  héroï- 
quement accompli  nous  apparaît  comme  un  admirable  anti- 
dote au  péché  d'origine.  —  Si  le  péché  se  replie  en  lui-même 
pour  ne  songer  qu'à  sa  jouissance  propre  :  l'accomplissement 
du  devoir  nous  fait  sortir  de  nous-mêmes  et  nous  force  au 
sacrifice.  —  Si  dans  le  péché  se  retrouve  l'orgueil  de  l'indé- 
pendance; rien  autant  que  le  noble  esclavage  au  devoir  n'est 
propre  à  l'enchaîner  et  à  le  dompter.  —  Enfin  comme  le  de- 
voir renferme  nécessairement  en  lui  de  durs  labeurs  et  de 
sanglantes  immolations,  il  nous  prêtera  contre  la  sensualité 
nos  armes  les  mieux  trempées. 

Le  devoir  soutient  la  partie  noble  et  élevée  de  notre  être. 
—  Mais  nous  ne  sommes  pas  seulement  des  êtres  déchus,  nous 
sommes  aussi  des  grandeurs  tombées,  des  rois  découronnés. 

«  L'homme  est  un  Dieu  tombé  qui  se  souvient  des  cieux.  » 

Au  sein  de  la  cité  en  ruines  reste,  debout  et  majestueux, 
le  temple;  dans  les  parties  hautes  de  l'âme  sont  encore  les 
nobles  instincts  d'une  nature  primitivement  grande  et  di- 
vine. Or  ce  bien  qui  demeure  en  nous  réclame  un  appui;  cet 
appui  sera  l'habitude  du  devoir. 

1°  Sans  le  devoir  les  plus  nobles  élans  retombent.  —  Par- 
fois notre  âme  fatiguée  de  la  terre  retrouve  dans  des  aspira- 
tions saintes  le  chemin  de  ses  divines  destinées;  une  lumière 


LE  DEVOIR  203 

soudaine  nous  luit,  un  feu  ardent  s'allume,  un  souffle  nous 
emporte  vers  la  pensée  et  le  désir  de  Dieu.  —  Parfois  notre 
cœur  se  réveille,  ses  instincts  de  bonté  se  font  jour  de  tou- 
tes parts,  nous  voici  prêts  pour  tous  les  dévouements.  —  Par- 
fois nos  défauts  nous  pèsent,  notre  vie  sans  vertu,  sans  idéal 
divin,  nous  est  à  charge,  nous  voulons  rompre  nos  chaînes 
terrestres  et  nous  élever  vers  la  vie  des  élus  de  Dieu. 

Germes  précieux,  s'ils  trouvaient  une  main  activo  qui  les 
ensemence  et  les  cultive  !  Laissés  à  eux-mêmes  ils  se  dessé- 
cheront et  périront.  —  Qu'a-t-il  manqué  à  cette  âme  pour 
qu'elle  devienne  l'àme  d'un  saint  ?  Le  courage  de  réaliser,  le 
courage  du  devoir  accompli. 

2°  Comment  avec  le  devoir  tout  en  nous  se  tient.  —  Cette 
âme  est  devenue  pieuse,  mais  avec  combien  d'efforts  !  en 
dépit  de  quelle  résistance!  en  triomphant  de  quelle  noncha- 
lance et  de  quelle  paresse  !  C'est  que  la  piété  est  devenue 
pour  elle,  non  pas  un  vague  idéal,  non  pas  une  efferves- 
cence éphémère,  mais  un  devoir  sacré  et  divin  qu'elle  s'est 
condamnée  héroïquement  à  remplir.  —  De  même  pour  l'ac- 
complissement des  vertus.  —  De  même  pour  le  combat  des 
défauts.  —  De  même  pour  le  travail  si  fatigant  et  si  difficile 
qu'imposent  les  obligations  de  la  vie.  —  Tout  a  été  fortement 
et  harmonieusement  réglé  dans  cette  existence,  grâce  à  l'ha- 
bitude du  devoir. 

Le  devoir  nous  fait  accomplir  notre  mission  expiatrice. 

—  N'espérons  pas  atteindre  sans  l'expiation  à  notre  récom- 
pense éternelle.  N'espérons  pas  expier  sans  le  courageux  ac- 
complissement du  devoir. 

1°  Nous  devons  expier.  —  Jetons  un  rapide  regard  sur  l'his- 
toire de  notre  race. 

Le  péché  l'a  viciée  dès  l'origine,  il  l'a  pénétrée  tout  en- 
tière, il  a  circulé  dans  ses  veines  et  chacun  de  nous  en  subit 
à  son  tour  la  mortelle  contagion:  «  Peccatum  in  hune  mun- 
dum  intravit...  »  Or,  là  où  est  le  péché,  c'est-à-dire  l'outrage 
de  Dieu,  là  doit  se  trouver  l'expiation  :  «  Sine  sanguinis  ef- 
fusione  non  fit  remissio.  »  —  De  là  la  longue  et  vibrante  pré- 
dication de  la  pénitence.  Cette  prédication  s'inaugure  dans 
la  terrible  sentence  de  Dieu  au  paradis  terrestre.  Elle  se 
traduit  dans  les  gigantesques  expiations  du  Déluge  et  de  So- 
dome.  Elle  retentit  sur  les  lèvres  des  Prophètes.  Elle  prend 
dans  la  bouche  du  Précurseur  un  éclat  nouveau  :  «  Faites  pé- 
nitence »  !  Enfin  l'Homme-Dieu,  et  après  Lui  ses  apôtres,  et 


204  LE  DEVOIR 

après  eux  l'Eglise  catholique,  ne  cessent  de  rappeler  nos  âmes 
efféminées  et  nos  existences  mondaines  à  l'immuable  loi  de 
l'expiation:  «Si  vous  ne  faites  pénitence,  vous  périrez  tous.  » 
2°  L'accomplissement  du  devoir  est  la  meilleure  des  expia- 
tions. —  D'abord  le  devoir  y  prédispose  nos  âmes.  Il  leur  en- 
lève ce  qu'elles  ont  de  lâche  et  de  sensuel,  pour  y  faire  péné- 
trer l'énergie  et  le  sacrifice.  —  Ensuite  comme  le  devoir  est 
par  lui-même  une  intarissable  source  de  fatigues,  de  souf- 
frances, d'immolations,  il  est  évident  que  dans  ce  perpétuel 
et  glorieux  martyre  nous  trouverons  ample  matière  à  expier. 

Le  devoir  nous  unit  excellemment  à  Jésus-Christ.  — 
A  un  autre  point  de  vue  aussi  élevé  l'accomplissement  du 
devoir  nous  est  un  acheminement  certain  à  la  sainteté.  Cette 
sainteté,  quelle  est-elle  dans  sa  vraie  et  fondamentale  es- 
sence ?  Elle  consiste  avant  tout  dans  notre  union  avec  Jésus- 
Christ.  Or  cette  union  elle-même  réclamera  toujours  de  nous 
le  devoir  accompli. 

1°  Nous  devons  nous  unir  à  Jésus-Christ.  —  C'est  le  décret 
même  de  notre  création:*»  Elegit  nos  in  Ipso  ut  essemus 
sancti.  »  —  C'est  la  condition  même  de  la  sainteté.  Dieu 
seul  est  Saint.  La  sainteté  de  Dieu  est  descendue  sur  le  Christ 
pour  le  pénétrer  tout  entier:  «  Unxitte  Deus,  Deus  tuus  oleo 
lœtitice....  diffusa  est  gratia.  »  Du  Christ,  qui  en  a  la  pléni- 
tude, la  sainteté  descend  et  se  répand  en  nous.  —  Et  ainsi, 
uni  à  Jésus-Christ  sur  la  terre  par  une  même  sainteté  c'est 
par  Jésus-Christ  encore  que  je  serai  introduit  dans  la  gloire 
éternelle. 

2°  Or,  c'est  par  le  devoir  accompli  que  notre  unio?i  avec  Jé- 
sus-Christ est  possible.  —  Ce  n'est  pas  Dieu  qui  se  paiera  de 
mots  et  sera  trompé  par  de  vaines  protestations  !  Si  le  Christ 
n'est  saint  que  par  la  pratique  des  vertus,  par  la  pleine  obéis- 
sance à  son  Père,  par  la  patience  au  travail,  l'achemine- 
ment douloureux  vers  le  Calvaire  sous  le  fardeau  des  dou- 
leurs: n'espérons  pas  nous  unir  au  Christ,  ces  austères  et 
sanglantes  choses  étant  répudiées  par  nous.  —  Mais  qui  nous 
donnera  le  courage  de  cette  union  à  Jésus-Christ  ainsi  en- 
tendue ?  Certainement  l'habitude  du  devoir.  ' 

D'ailleurs,  scrutons  les  Paraboles...  Etudions  un  à  un 
les  préceptes  ôvangéliques....  Suivons  pas  à  pas  les  Saints 
dans  leur  héroïque  carrière:  partout  nous  verrons  la  perfec- 
tion chrétienne  sortir  de  quelque  mission  bien  acceptée,  de 
quelque  devoir  bien  rempli. 


LE  DEVOIR  205 


II 


LE  DEVOIR  EST  LA  GRANDE  PUISSANCE 
DE  LA  VIE 


Si  de  ces  points  de  vue  plus  divins  nous  descendons  au 
milieu  des  choses  terrestres,  nous  verrons  comment  le  de- 
voir accompli  ou  déserté  décide  seul  de  la  prospérité  ou  de 
la  décadence. 

Sans  le  devoir  tout  est  ruine.  —  Tout  est  ruine  dans  l'in- 
dividu, dans  la  famille,  dans  la  société. 

1°  Tout  est  ruine  dans  l'individu.  —  Par  quoi  vaut  l'homme? 
Qu'est-ce  qui  en  fait  la  force?  Qui  donnera  à  l'existence  hu- 
maine sa  puissance  et  sa  fécondité?  —  Trois  choses:  la  recti- 
tude de  la  conscience.  C'est  par  elle  que  l'homme  jugera  sai- 
nement de  toutes  choses,  distinguera  clairement  sa  route, 
atteindra  à  sa  destinée  avec  sécurité  et  puissance.  Or,  de  même 
que  la  fidélité  au  devoir  cultive  admirablement  la  conscience, 
la  trahison  du  devoir  la  fausse  et  l'amoindrit.  —  L'homme 
vaut  par  la  volonté.  Dès  que  cette  volonté  devient  molle  et 
inconsistante,  incertaine  et  troublée,  l'action  tombe  avec  elle 
et  toute  puissance  tombe  avec  l'action. 

2°  Tout  est  ruine  dans  la  famille.  — Gonsidérez-y  un  père 
devenu  infidèle  au  devoir.  Le  travail,  qui  devait  amener  la 
vie  au  foyer  domestique,  s'est  peu  à  peu  ralenti  pour  cesser 
tout  à  fait.  —  Ce  roi  déchu  a  abdiqué  les  devoirs  de  sa  cou- 
ronne; son  autorité  est  en  ruine,  sa  vigilance  est  évanouie, 
sa  présence  même  fait  défaut  aux  siens...  Prononcez,  non 
seulement  le  malaise  douloureux  de  cet  intérieur,  prédisez- 
en  hardiment  la  déchéance  et  la  ruine. 

Est-ce  la  mère  qui  a  abdiqué  le  devoir,  qui,  mondaine  ou 
désœuvrée,  paresseuse  au  dedans,  ou  livrée  aux  dissipations 
du  dehors,  a  renoncé  au  fécond  labeur,  aux  vivifiantes  souf- 
frances de  l'éducation  de  ses  enfants,  de  la  tenue  de  sa  mai- 


206  LE   DEVOIR 

son,  de  la  sauvegarde  des  intérêts,  du  bon  ordre  ? Les 

désastres  sont  plus  prochains  encore. 

3°  Tout  est  ruine  dans  la  société.  —  Pour  faire  comprendre 
comment  vit  du  devoir,  est  fondée  sur  le  devoir,  la  Société 
tout  entière,  il  nous  faudrait  contempler  le  triste  et  repous- 
sant le  spectacle  d'un  peuple  en  décadance.  Qu'est-ce  que  ce 
peuple?  Qu'est-ce  que  ce  moribond?  Qa'est-ce  que  cette  So- 
ciété qui,  morte  en  réalité,  n'a  plus  que  l'aspect  trompeur  de 
l'activité  et  de  la  vie:  «  Nomen  habcs  quod  vivas  et  mortua 
es.  »  C'est  un  peuple  où  le  consciencieux  et  héroïque  devoir 
n'est  plus  connu.  Le  pouvoir  public  abdique,  dans  l'égoïsme 
et  les  ambitions  personnelles,  le  noble  désintéressement  de 
l'autorité.  —  Les  magistratures  sont  vénales.  —  Les  carrières 
n'ont  plus  d'autre  idéal  que  le  rassasiement  de  l'orgueil  ou 
de  la  cupidité.  —  La  classe  riche  est  plongée  dans  d'égoïstes 
jouissances,  sans  songer  au  devoir  qui  l'attache  aux  classes  la- 
borieuses et  pauvres. 

Chez  celles-ci,  à  la  place  d'une  héroïque  mission  confiée  par 
Dieu,  d'une  noble  pauvreté  prolongement  de  celle  du  Dieu 
pauvre,  d'un  travail  subi  à  l'imitation  du  Dieu  artisan,  l'on 
ne  trouve  plus  que  l'aspiration  brûlante  vers  la  fortune  d'au- 
trui,  la  rage  d'en  être  privé,  la  sauvage  résolution  de  tout  ren- 
verser pour  la  conquérir. 

Là  où  le  devoir  cesse  le  désordre  et  le  chaos  commencent. 

Avec  le  devoir  tout  prospère.  —  Les  raisons  en  sont  aussi 
simples  que  victorieuses.  L'habitude  du  devoir  entretient  mer- 
veilleusement dans  l'âme  humaine  l'énergie.  —  Celle-ci  est 
l'élément  le  plus  essentiel,  la  condition  la  plus  indispensable 
des  vertus.  —  Et  là  où  les  vertus  font  défaut,  quelle  prospé- 
rité peut-on  attendre?  Là  où  le  vice  a  miné  le  sol,  quel  édifice 
restera  debout? 

La  prospérité  d'une  Société  ou  d'une  famille  dépend  assu- 
rément de  la  fidélité  avec  laquelle  chaque  emploi  sera  occupé, 
chaque  mission  sera  remplie.  —  Or  de  quoi  dépendra  cette 
fidélité  elle-même  sinon  ae  l'habitude  du  devoir?  —  Ajou- 
tons que  toute  mission,  que  toute  charge,  ne  se  remplit  qu'à 
la  sueur  du  front,  à  l'angoisse  de  l'âme,  au  brisement  dos 
membres,  et  qui  se  condamnera  à  subir  le  martyre,  autre  que 
le  généreux  esclave  du  devoir? 

Enfin  disons  le  mot  vrai.  La  prospérité  d'une  famille  ou  d'un 
Etat  dépend  avant  tout  de  la  bénédiction  de  Dieu.  «  Nisi  Do- 
minus  a)dificavorit  domum,  in  vanumlaboraverunt  qui  œdifi- 


LE   DEVOIR  207 

cant  eam.  »  —  Or  cette  bénédiction  ne  fait  jamais  que  suivre 
l'obéissance  au  devoir. 


III 
CE  QU'EXIGE  LA  PRATIQUE  DU  DEVOIR 


Il  faut  surnaturaliser  le  devoir.  —  Celui-là  est  digne  du 
devoir  qui  dans  le  devoir  aperçoit  un  Dieu  qui  commande,  — 
un  Dieu  qui  surveille,  —  un  Dieu  qui  juge,  récompense  ou 
punit. 

Il  faut  tout  sacrifier  au  devoir.  —  Celui-là  seul  demeurera 
fidèle  au  devoir  qui  saura  répudier:  —  les  détestables  maxi- 
mes d'un  monde  traître  au  devoir;  —  les  sollicitations  lâches 
et  basses  d'une  nature  sensuelle  et  égoïste;  —  les  perfides 
suggestions  du  calcul  et  de  l'intérêt. 

Il  faut  se  former  dès  l'enfance  au  devoir.  —  C'est  donc 
à  une  mère  chrétienne,  c'est  à  un  éducateur  de  la  jeunesse, 
que  reviennent  la  plus  noble  des  œuvres,  la  plus  formidable 
des  responsabilités:  former  l'enfant  à  la  pratique  du  devoir. 
—  Ce  qu'est  l'enfant  l'homme  le  sera  plus  tard,  ou  fidèle  ou 
traître  au  devoir. 


IMPORTANCE  CHRÉTIENNE 

DES  PETITES  CHOSES 


IMPORTANCE  DES  PETITES  CHOSES 


Ce  que  nous  entendons  par  ce  mot  de  «  petites  choses  » 
c'est  la  trame  de  nos  journées,  la  série  continue  de  nos  actions 
ordinaires,  de  nos  devoirs  d'état;  en  un  mot,  tout  ce  qui  sort 
de  notre  activité  quotidienne.  C'est  ce  trésor,  si  ignoré  par- 
fois, même  si  méprisé,  dont  nous  avons  à  apprécier  l'impor- 
tance et  la  valeur. 

Jugeons-en  par  leur  continuité.  —  1°  Quand  le  divin  Maî- 
tre disait:  «  Faites-vous  un  trésor  dans  le  ciel,  »  il  formulait 
cette  grave  vérité  que  si  l'éternité  bienheureuse  est  avant 
tout  un  don  gratuit  de  Dieu,  elle  est  aussi  le  prix  de  nos  œu- 
vres; nous  l'achetons,  et  la  monnaie  dont  nous  l'achetons 
n'est  autre  que  la  série  de  nos  œuvres. 

2°  Or  de  quelles  œuvres  s' agit-il? —  Si  elles  sont  le  prix  du  ciel, 
il  est  capital  de  les  connaître.  —  Remarquons-le,  le  commun 
des  hommes  n'accomplit  que  des  œuvres  obscures  et  petites; 
ils  ne  font,  durant  leur  vie  entière,  que  ce  que  l'on  nomme 
«  de  petites  choses.  »  —  L'élite  elle-même,  ceux  qui  remuent 
le  monde  par  quelques  œuvres  d'éclat,  n'en  remplissent  pas 
moins  par  d'innombrables  «  petites  choses  »  l'intervalle  de 
ces  œuvres.  —  Pour  tous  également  la  conséquence  c'est  que 
pour  gagner  le  ciel  il  faut  être  fidèle  dans  les  petites  choses: 
«  In  pauca  fidelis  ». 


IMPORTANCE  CHRÉTIENNE  DES  PETITES  CHOSES  209 

Jugeons-en  par  leur  valeur  réelle.  —  Si,  sans  plus  nous 
arrêter  au  nombre  des  petites  choses,  nous  voulons  découvrir 
en  elles  une  très  réelle  valeur,  formulons  ainsi. 

1°  Les  grandes  choses  peuvent  être  bien  petites.  —  Voici 
une  œuvre  éclatante,  des  succès  brillants,  de  grands  triom- 
phes du  génie,  de  la  fortune,  de  la  valeur  guerrière.  La  foule 
a  battu  des  mains;  des  acclamations  ont  retenti  de  toute  part... 
De  près,  qui  ne  proclamera  pas  grandes  de  pareilles  choses? 

—  Mais  des  hauteurs  du  ciel?  Mais  contemplées  du  lointain 
de  l'éternité?  Mais  aperçues  par  le  regard  infini  de  Dieu?  Que 
sont-eiles?  Si  l'univers  n'est  devant  Dieu  qu'un  atome;  si  le 
temps  n'est  devant  l'éternité  que  l'imperceptible  éclair:  que 
seront-elles?  «  Aspexit  et  dissolvit  gentes;  dixit  :  ubinam 
sunt?  » 

2°  Les  petites  choses  peuvent  être  bien  grandes.  —  Rien  n'est 
grand  que  Dieu;  rien  n'a  de  valeur  que  ce  qui  est  marqué  du 
sceau  divin.  Si  Dieu,  daignant  condescendre  jusqu'à  l'homme, 
se  mêle  à  sa  créature,  entre  en  elle  pour  la  pénétrer  tout 
entière,  pour  la  déifier,  pour  lui  faire  rendre  des  sons  divins: 
alors  chaque  pensée,  chaque  parole,  chaque  action,  fût-elle 
cachée  aux  hommes,  devient  grande,  se  l'ait  éclatante  aux 
yeux  du  ciel.  —  Qu'un  verre  d'eau  soit  donné  à  un  pauvre, 
que  l'humble  obole  de  la  veuve  soit  offerte  au  tronc  du  Sanc- 
tuaire, que  l'enfant  murmure  sa  prière,  que  la  pauvre  ba- 
layeuse des  rues  s'acquitte  de  sa  besogne  méprisée  :  si  la  grâce, 
la  splendeur  surnaturelle,  fait  étinceler  ces  imperceptibles 
choses,  elles  brillent  devant  Dieu  d'un  merveilleux  éclat. 

Jugeons-en  par  leur  difficulté  et  leur  labeur.  —  Dans 
l'œuvre  grande  et  difficile,  dans  l'action  d'éclat,  qui  d'ailleurs 
est  bien  rare,  nous  sommes  soutenus  par  l'effort  pasager  que 
nous  sentons  nécessaire.  L'espoir  et  la  nécessité  du  succès 
nous  emportent.  D'ailleurs  dans  nos  grandes  œuvres  Dieu 
proportionne  le  secours  à  la  difficulté.  «  Si,  chante  le  Psal- 
miste,  je  prends  mon  vol  dès  l'aurore  pour  me  transporter  au 
delàdesmers,  c'est,  6  mon  Dieu,  votre  droite  quimesoutient  ». 

—  Au  contraire  dans  les  «  petites  choses,  »  Dieu,  nous  aban- 
donnant davantage  à  nous-mêmes,  nous  en  laisse  supporter 
plus  péniblement  l'effort.  —  Si  la  mère  porte  son  enfant  quand 
il  faut  franchir  un  passage  difficile,  elle  le  force  à  marcher 
seul  quand  la  route  est  ouverte  et  sans  danger. 

Or  Dieu,  juste  juge,  n'apprécie  nos  œuvres  que  selon  le  de- 
gré de  générosité  et  de  courage  que  nous  y  aurons  apporté. 
T.  IV  a 


210        IMPORTANCE  CHRÉTIENNE  DES  PETITES  CHOSES 

Un  léger  sacriflce,  une  simple  victoire  sur  nos  penchants  mau- 
vais, une  parole  charitable,  un  pardon  généreusement  ac- 
cordé, la  persévérante  patience  dans  nos  devoirs  d'état,  la 
régularité  dans  nos  dévotions  :  voilà  qui  est  petit  aux  yeux  du 
monde,  grand  et  très  grand  aux  yeux  de  Dieu. 

Jugeons-en  sur  de  divins  exemples.  —  L'exemple  qui 
frappe  nos  regards,  qui  fait  tomber  nos  illusions  et  nous  ré- 
vèle, mieux  que  tout  le  reste,  l'importance  et  la  valeur  des 
petites  choses,  cet  exemple  nous  vient  de  Dieu  lui-même. 
C'est  Dieu  qui,  faisant  «  les  petites  choses  »  avec  une  per- 
fection divine,  nous  montre  comment  nous-mêmes  devons  les 
accomplir. 

1°  Le  Dieu  créateur  a  fait  avec  une  perfection  infinie  les 
petites  choses.  —  Saint  Augustin  éclate  en  admiration  devant 
la  perfection  divine  des  œuvres  les  plus  imperceptibles  de 
Dieu  :  «  Fecit  angelos,  fecit  et  vermiculos  :  nec  major  in  il- 
lis,  nec  minor  in  istis.  »  Fénelon  a  dans  son  traité  «  de  l'exis- 
tence de  Dieu  »  écrit  d'admirables  pages  sur  les  merveilles 
des  «  infiniment  petits.  »  Arrêtons  au  passage  l'impercepti- 
ble vermisseau,  l'insecte  ailé  à  peine  visible  :  quelle  délica- 
tesse !  quelle  finesse  de  ses  membres!  quelle  élégance  de  ses 
contours  !  Dieu  prodigue  l'or  et  la  pourpre  pour  peindre  la 
cuirasse  du  scarabée.  Avec  quelle  grâce  la  main  divine  dé- 
pose sur  le  calice  de  la  fleur  la  goutte  de  rosée  qui  y  brille 
comme  un  diamant.  Et  cette  fleur  elle-même,  quel  chef- 
d'œuvre  de  délicatesse  et  de  coloris!...  Mais  nous  serions  in- 
fini si,  parcourant  le  domaine  des  «  petites  choses,  »  nous  y 
voulions  relever  la  perfection  qu'y  déploya  le  Créateur.   » 

2°  Le  Dieu  Rédempteur  a  fait  avec  une  perfection  infinie  les 
petites  choses.  —  Qui,  en  entendant  la  grande  prophétie  de 
la  venue  d'un  Dieu  sur  la  terre  :  «  Yisus  est  in  terris  et  cum 
hominibus  conversatus.  »  ne  porterait  son  regard  sur  des 
magnificences  divines  et  de  grandioses  spectacles?  Quelle 
majesté  déploiera  ce  grand  Dieu  ?  quelle  scène  d'incompara- 
bles splendeurs  se  dérouleront  à  son  passage?  quelles  actions 
d'éclat,  quelles  œuvres  retentissantes  il  multipliera  durant 
son  séjour  au  milieu  de  nous...  ? 

0  pensée  humaine,  comme  tu  t'égares  !  que  tu  es  loin  des 
pensées  de  Dieu  ! 

Ton  rédempteur  ne  vient  pas  rapprendre  à  faire  de  gran- 
des choses,  mais  à  faire  divinement  bien  les  petites.  —  Quand 
l'Homme-Dieu  naîtra,  ce  sera  «  la  goutte  de  rosée  qui  tombe 


IMPORTANCE  CHRÉTIENNE  DES  PETITES  CHOSES        211 

silencieusement  au  sein  de  la  nuit,  «  Sicut  stillicidia  stillan- 
tia  super  terram.  »  —  L'Homme-Dieu,  après  une  enfance  qui 
fut  la  toute  «  petite  chose  »  inaugure  une  adolescence  et  un 
âge  mûr  plus  petits  encore.  0  Adèle,  ne  cherche  pas  ton  Dieu 
dans  la  splendeur  des  grandes  œuvres;  pénètre  dans  la  bour- 
gade obscure,  dans  l'étroit  atelier,  où  le  Fils  de  Dieu,  le  per- 
pétuel faiseur  de  «  petites  choses,  »  met  sa  sagesse  et  sa 
force  à  accomplir  les  travaux  du  plus  humble  artisan.  — 
Mais  le  voici  absorbé  dans  unoimme?ise  entreprise  :  il  prépare 
la  conquête  du  monde,  il  dispose  les  matériaux  du  vaste  et 
inébranlable  édifice  qu'il  nomme  son  Eglise  :  le  règne  de  la 
«  petite  chose  »  a-t-il  pris  fin  ?  Nullement.  Plus  les  ré- 
sultats seront  immenses,  plus  les  apprêts  sont  petits.  Plus 
l'Océan  se  fait  vaste  et  ses  flots  tumultueux,  plus  Dieu  met 
sa  force  dans  le  grain  de  sable,  qui  lui  servira  de  rivage  et 
arrêtera  l'impétuosité  de  ses  flots.  Douze  pauvres,  douze 
inconnus,  douze  riens,  sont  appelés  :  voilà  les  fondateurs  et 
les  colonnes  de  l'Eglise  !  «  Videte  enim  vocationem  vestram, 
fratres,  quia  non  multi  sapientes  secundum  carnem,  non 
multi  potentes,  non  multi  nobiles,  sed  quae  stulta  sunt  mundi 
elegit  Deus  ut  confundat  sapientes  ;  et  infirma  mundi  elegit 
Deus  ut  confundat  fortia  et  ignobilia  mundi  et  contemptibi- 
lia  elegitDeuseteaquœnonsuntuteaqucesunt  destrueret.  »  — 
L'Eglise  est  fondée;  elle  parle,  elle  répand  la  grâce,  elle  ad- 
ministre les  sacrements,  elle  enseigne  les  vertus,  elle  sanc- 
tifie et  déifie  les  âmes  :  or  en  tout  cela  je  n'aperçois  qu'une 
continuité  d'humbles  et  petites  choses.  Combien  est  frêle  et 
petite  l'Hostie  de  l'Autel,  qui  sous  son  infime  apparence  ren- 
ferme un  Dieu!  Combien  frêle  et  petite  la  goutte  d'eau  qui 
d'un  enfant  des  hommes  fait  un  enfant  de  Dieu  et  un  Elu 
du  Ciel!  Combien  frêle  et  petite  la  goutte  d'huile  qui  sacre 
le  chrétien  pour  les  splendeurs  d'un  trône  et  les  illustres 
combats  de  la  sainteté  !  Parcourez  toute  la  suite  des  choses 
saintes;  vous  verrez  partout  réalisé  le  mot  de  l'Apôtre:  «  ea 
quœ  non  sunt  elegit  Deus.  » 

Un  autre  mot  qu'ajoute  l'Apôtre  nous  découvre  admirable- 
ment le  plan  de  Dieu,  selon  lequel  tout  repose  ici-bas  sur  la 
«  petite  chose.  »  «  Ut  non,  dit  l'apôtre,  glorietur  omnis  caro 
in  conspectu  Ejus.  »  L'homme  s'est  perdu  par  l'orgueil,  par 
l'ardente  fascination  de  la  gloire;  l'homme  a  rêvé  de  chimé- 
riques grandeurs,  poussant  son  ambition  sacrilège  jusqu'à 
revêtir  la  splendeur  même  de  Dieu  !  «  Eritis  sicut  Dii.  »  — 


212  IMPORTANCE  CHRÉTIENNE  DES  PETITES   CHOSES 

Quel  remède  Dieu  opposera-t-il  au  faste  extravagant  de  sa 
créature  ?  Il  circonscrira  sa  vie  entière  dansla  «  petite  chose.  » 
«  Ea  quee  non  sunt  elegit  Deus.  » 

3°  Le  Dieu  sanctificateur  fait  avec  une  infi?iie  perfection  les 
petites  choses.  —  Si  nous  voulons  quelques  images  des  opé- 
rations de  l'Esprit  Sanctificateur  dans  nos  âmes,  regardons 
cette  mère  qui  condescend  aux  faiblesses  de  son  petit  enfant. 
Elle  parle  son  langage;  avec  lui  elle  balbutie;  avec  lui  elle 
joue,  se  prêtant  à  ses  caprices  enfantins  et  rapetissant  ses 
idées  à  la  mesure  de  cette  frêle  raison  naissante.  —  Ainsi, 
dit  l'Apôtre,  fait  l'Esprit  saint  dans  nos  âmes.  Il  abaisse  jus- 
qu'à nos  idées  d'enfant  sa  sagesse  infinie;  il  proportionne  à 
notre  faiblesse  ses  enseignements:  avec  nous  il  balbutie  la 
langue  des  cieux  :  «  Similiter  Spiritus  adjuvat  infirmitalem 
nostram; postulat  pro  nobis  gemitibusinenarrabilibus.  ^''est- 
ce  pas  le  triomphe  de  la  petite  chose  que  cette  suite  ininter- 
rompue de  pensées  saintes,  de  volontés  généreuses,  d'illu- 
minations secrètes,  de  résistances  triomphantes,  dont  l'Esprit 
de  Dieu  se  fait  le  principe  dans  nos  âmes  ?  Et  ce  grand  Dieu 
ne  récusera  pas  cet  humble  rôle,  dùt-il  le  remplir  dans  l'âme 
du  pauvre  et  de  l'enfant  ! 

4°  Dieu  le  juge  souverain  jugera  le  monde  sur  les  petites 
choses.  —  Un  contraste  étrange  marquera  la  scène  du  der- 
nier jour  et  du  jugement  général.  —  Rien  d'imposant,  rien 
de  formidable  comme  la  pompe  du  second  avènement. 
L'Homme-Dieu  apparaît  «  en  grande  pompe  et  en  grande  Ma- 
jesté !  »  La  cour  céleste  l'environne,  les  Anges  lui  font  cor- 
tège, l'univers  s'ébranle  à  sa  vue.  «  Le  ciel  et  la  terre  pas- 
sent, »  et,  renouvelés  par  un  feu  mystérieux,  réapparaissent 
«  nouvelle  terre  et  nouveaux  cieux  »  dans  un  incomparable 
éclat Les  grandes  assises  sont  ouvertes  et  le  genre  hu- 
main attend  des  lèvres  de  Dieu  son  éternelle  sentence.  — 
Or  sur  quoi  reposera  cette  sentence  ?  Qui  fixera  l'éternelle 
destinée  du  monde  humain  ?  0  incompréhensibles  voies  de 
Dieu,  ô  inscrutable  conseil  !  Au  Jugement  dernier  le  triomphe 
est  à  la  «  petite  chose.  »  C'est  le  morceau  de  pain,  c'est  le 
verre  d'eau,  c'est  le  vêtement  donné  au  pauvre....  Et  quand 
l'élu  reçoit  sa  couronne  c'est  qu'  «  il  a  été  fidèle  en  de  peti- 
tes choses;  »  «  Quia  in  pauca  fuisti  fidelis.  »  —  Et  quand  le 
réprouvé  est  exclu  de  la  récompense,  c'est  parce  que  «  en 
de  petites  choses  il  s'est  montré  infidèle.  » 


IMPORTANCE   CHRÉTIENNE  DES   PETITES   CHOSES  213 


II 


DANGER  DE  LA  NEGLIGENCE  DES  PETITES 
CHOSES 


Après  ce  qui  précède,  il  est  à  peine  besoin  de  développer 
cette  deuxième  partie  de  la  doctrine  des  petites  choses.  N'a- 
joutons donc  que  ces  simples  mots. 

La  négligence  des  petites  choses  c'est  la  ruine  future.  — 
Notre  vie  chrétienne  se  passe,  selon  l'Apôtre,  à  construire 
notre  édifice  éternel,  «  cette  permanente  demeure  que  nous 
habiterons  dans  les  cieux.  »  A  tout  édifice  il  faut  d'abord  une 
fondation  ;  puis  ensuite  des  matériaux.  Le  seul  fondement 
possible  de  la  vie  chrétienne  c'est  Jésus-Christ:  «  Fundamen- 
tum  aliud  nemo  potest  ponere  prœtèr  id  quod  positum  est 
quod  est  Christus  Jésus.  »  Etre  en  état  de  grâce  est  donc  la 
première  et  essentielle  condition  de  notre  édifice  éternel. 
Mais  avec  quoi  bâtirons-nous  ?  L'Apôtre  répond,  avec  des  ac- 
tions ordinaires  bien  faites,  «  avec  l'or,  l'argent,  les  pierres 
précieuses.  »  —  Mais  ces  actions  ordinaires  nous  les  faisons 
mal  ?  Elles  deviennent  alors  «  le  bois  et  la  paille  »  qui  n'of- 
frent plus  au  feu  du  jugement  qu'une  matière  inconsistante. 
Hélas  !  notre  vie  entière,  composée  de  petites  choses  mal  ac- 
complies, s'évanouit  en  fumée  et  en  néant  I  «  Et  nihil  inve- 
nerunt  in  manibus  viri  divitiarum.  »  «Et  tu  nescis  quia  tu  es 
pauper  et  miserabilis  et  caecus  et  nudus.  » 

La  négligence  des  petites  choses  c'est  la  perte  de  la  vie 
surnaturelle.  —  L'Esprit  Saint  a  prononcé  un  oracle  qui 
suffit  à  lui  seul  à  montrer,  dans  la  négligence  des  petites 
choses,  la  ruine  de  notre  vie  spirituelle  tout  entière.  —  Cette 
négligence  nous  mène  droit  à  l'endurcissement  du  cœur.  — 
Dans  la  vie  spirituelle  la  petite  chose  négligée,  c'est  la  prière, 
ou  mal  faite,  ou  omise,  la  négligence  volontaire,  l'intermit- 
tence coupable  de  nos  pratiques  de  dévotion.  La  petite  chose, 


214        IMPORTANCE  CHRÉTIENNE  DES  PETITES  CHOSES 

c'est  la  confession  légère,  l'aveu  sans  loyauté,  le  ferme  pro- 
pos sans  précision.  La  petite  chose,  c'est  le  défaut  négligé, 
l'imprudence  commise,  le  danger  méconnu.  La  petite  chose, 
c'est  l'omission,  le  désordre,  la  négligence  laissée  dans  nos 
devoirs  d'état. —  La  petite  chose,  enfin,  c'est  la  déformation 
progressive  de  notre  être  surnaturel  entier. 

La  négligence  des  petites  choses  c'est  le  danger  de 
chutes  graves.  —  Un  nouvel  oracle  de  l'Esprit  Saint  achève 
de  nous  dessiller  les  yeux.  —  «  Qui  spernit  modica  paulatim 
decidet...  qui  in  minori  iniquus  est,  in  majori  iniquus  erit  : 
«  Voyez,  dit  Saint  Augustin,  ce  navire  qui  s'élance  en  bondis- 
sant vers  la  haute  mer  ;  son  sort  est  funeste,  il  périra.  — 
Or  deux  sortes  de  ruines  peuvent  lui  être  réservées  ;  ou  bien 
subitement,  d'un  seul  coup,  il  sera  brisé  par  la  tempête,  ou 
bien  lentement,  dans  une  mortelle  agonie,  il  s'enfoncera  peu 
à  peu  dans  les  flots  ;  une  imperceptible  fissure  s'est  faite  à 
sa  carène,  cette  «  petite  chose  »  négligée  par  d'imprudents 
matelots,  a  fini  par  causer  irrémédiablement  sa  perte. 


LA  DIGNITÉ  DE  NOS  CORPS 


LES  GLOIRES  DIVINES  DE  NOS  CORPS 


Pour  peu  que  nous  creusions  nos  mystères  chrétiens,  nous 
voyons  nos  corps  associés  à  toutes  les  grandes  œuvres  de 
Dieu.  Ils  ont  une  large  part  aux  merveilles  de  la  création.  Au 
jour  de  l'Incarnation  un  éclat  divin  les  illumine  ;  Dieu  même 
vient  dans  la  chair  pour  la  sanctifier  et  l'onction  de  la  grâce 
sacre  nos  corps  dans  la  sainteté  et  dans  la  gloire. 

Gloire  de  nos  corps  dans  la  Création.  —  Cette  gloire  jaillit 
à  la  fois  de  l'œuvre  elle-même,  de  l'Ouvrier  qui  l'a  faite,  du 
plan  sur  lequel  l'œuvre  est  accomplie. 

1° L'œuvre  elle-même.  —  Si  nous  écartions  toute  vue  surnatu- 
relle, toute  lumière  révélée  sur  ce  que  sont  nos  corps,  pour 
les  étudier  seulement  en  eux-mêmes,  un  merveilleux  chef- 
d'œuvre  nous  apparaîtrait,  et,  voyant  la  beauté  de  l'ensem- 
ble, le  fini  des  détails,  l'harmonie  des  proportions,  le  fonc- 
tionnement si  puissant  et  si  doux  des  organes  qui  les  com- 
posent, nous  comprendrions  le  mot  d'un  Ancien.  Il  venait 
d'étudier  le  corps  humain  et,  saisi  d'admiration  :  «  C'est  là, 
dit-il,  chanter  un  hymne  à  la  divinité.  »  —  Mais  une  plus 
haute  merveille  nous  attire. 

2°  L 'Ouvrier.  —  L'ouvrier  c'est  Dieu.  C'est  Dieu  qui  daigna 
appliquer  sa  sagesse  et  sa  puissance  à  la  formation  de  nos 
corps.  «  Manus  tuae  plasmaverunt  me  totum  in  circuitu.  » 
Tandis  qu'il  nous  apparaît  jetant  avec  profusion  les  mondes 
dans  l'espace  et  faisant  de  tant  de  créations  diverses  «  un  jeu 
de  ses  doigts,  »  quand  il  façonne  le  corps  humain  il  s'y  appli- 


216  LA  DIGNITÉ   DE   NOS   CORPS 

que,  il  s'y  absorbe,  il  s'y  recueille  tout  entier;  chaque  partie 
de  l'ouvrage,  chaque  organe  du  corps,  représente  visible- 
ment pour  lui  les  idées  les  plus  hautes,  les  intérêts  les  plus 
graves. 

3°  Leplan.  — Cetteattitude  de  Dieu,  absorbé  dans  lacréation 
de  l'homme,  nous  est  expliquée  par  le  plan  qu'il  poursuit.  — 
L'Homme-Dieu,  le  Verbe  fait  chair,  «  le  premier-né  de  tou- 
tes créatures,  »  était  déjà  réalisé  dans  sa  pensée  et  dans  son 
cœur.  L'Homme-Dieu  précède  toute  création,  dès  avant  tou- 
tes créatures  le  Verbe  fait  chair  est  le  centre  mystérieux  au- 
quel tout  le  reste  se  rapportera,  l'exemplaire  divin  sur  lequel 
Dieu,  en  créant  l'homme,  aura  les  yeux  fixés.  —  Si  donc 
nous  voyons  ce  grand  Dieu  si  appliqué  au  corps  du  «  Pre- 
mier Adam,  »  c'est  que  celui-ci  n'est  que  la  reproduction  de 
«  l'Homme  véritable,  »  du  «  second  Adam  »  «  de  l'Homme 
Céleste  »,  «  homo  crelestis.  » 

Ainsi  se  révèle  à  nous  le  plan  sublime  de  Dieu.  Les  deux 
créations,  spirituelle  et  matérielle,  se  donneront  rendez-vous 
dans  l'homme.  L'homme  deviendra  un  univers  en  raccourci, 
et  l'on  voit  dans  ce  plan  divin  quelle  large  part  échoit  au 
corps. 

Gloire  de  nos  corps  dans  la  Rédemption.  —  C'est  au  jour 
de  l'Incarnation  que  nous  devient  surtout  visible  la  gloire 
du  corps  humain.  La  divinité  y  entre,  Elle  le  pénètre,  Elle 
s'y  unit  de  la  plus  étroite  manière,  jusqu'à  ce  point  que 
l'Apôtre  a  pu  dire  :  «  In  ipso  inhabitat  omnis  plenitudo  divi- 
nitatis  corporaliter.  » 

Jetons  avec  le  respect  de  l'adoration,  avec  l'immense  émo- 
tion de  nos  cœurs,  les  yeux  sur  ce  Jésus  qui  traverse  notre 
terre,  partage  notre  exil,  subit  nos  misères,  est  devenu  no- 
tre semblable  et  notre  frère:  «  Participavit  eisdem.  »  Quelle 
consécration  magnifique  de  nos  corps!  Quelle  incomparable 
gloire  1  Ces  yeux  de  l'homme,  Dieu  môme  s'en  sert  pour  con- 
templer le  monde  qu'il  vient  de  sauver.  —  Cette  bouche  de 
l'homme  s'entr'ouvre  pour  nous  faire  entendre  les  vérités 
même  de  Dieu.  —  Ces  oreilles  s'ouvrent  au  récit  de  nos  mi- 
sères. —  Ce  cœur  bat  pour  y  compatir.  —  Quand  cette  main 
que  le  Verbe  rend  divine  touche  la  création,  elle  en  fait  jail- 
lir de  merveilleuses  puissances.  —  Ce  voyageur,  ce  pèlerin, 
cet  apôtre  qui  se  hâte,  c'est  un  Dieu  accourant  à  nos  cris  de 
détresse  ;  ce  sont  des  pieds  divins  qui  portent  vers  nous  le 
Dieu  Sauveur. 


LA  DIGNITÉ  DE   NOS   CORPS  217 

Et,  après  les  œuvres  rédemptrices,  le  corps  de  l'homme  de- 
venu le  corps  de  Dieu  s'élèvera  jusqu'au  plus  haut  sommet  de 
la  gloire.  «  Assis  à  la  droite  même  du  Très-Haut  »,  il  devient 
l'objet  d'une  universelle  adoration.  «  Tout  genou  doit  fléchir 
devant  lui,  au  ciel,  sur  la  terre,  dans  les  enfers.  » 

Ce  n'est  point  tout  encore  :  Dieu  a  résolu  de  déifier  ses  créa- 
tures raisonnables  ;  il  veut  les  pénétrer  de  Lui-même  et  que, 
par  une  merveille  de  gloire,  elles  se  transfigurent  en  Lui.  — 
Comment  s'opérera  un  pareil  prodige?  —  Le  corps  du  Christ, 
le  corps  de  l'homme,  devenu  le  corps  d'un  Dieu,  servira  de 
nourriture  à  l'humanité  régénérée.  L'Homme-Dieu  dira  : 
«  Celui  qui  mange  ma  chair  et  qui  boit  mon  sang,  celui-là  vi- 
vra de  moi,  »  se  transfigurera  en  moi,  deviendra  un  avec 
moi,  comme  moi-même  je  suis  un  avec  mon  Père.  —  Ainsi 
s'accomplira  la  magnifique  parole  de  Saint  Paul  :  «  Ut  im- 
pleamini  in  omnem  plenitudinem  Dei  ». 

Si  maintenant  nous  allions  recueillant  dans  les  divines 
Epîtres  tous  les  mots  qui  formulent  cet  incomparable  mys- 
tère, à  chaque  page  nous  trouverions  des  expressions  comme 
celle-ci  :  «  Vous  êtes  le  corps  du  Christ.  »  «  Dans  votre  corps 
vous  portez  Dieu.  »  «  Glorifiez  Dieu  dans  vos  corps  ».  «  Vous 
êtes  les  Tabernacles,  les  temples  de  Dieu  »,  etc. 

Gloire  de  nos  corps  dans  la  Sanctification.  —  Le  Père  a 
commencé,  dans  l'œuvre  de  la  création,  la  gloire  de  nos 
corps.  Le  Verbe  en  s'y  unissant  a  continué  cette  glorification 
magnifique.  L'Esprit-Saint  la  porte  à  son  comble  dans  l'œuvre 
de  la  sanctification. 

Parcourons  un  à  un  nos  Sacrements,  tous  versent  sur  notre 
corps  leur  divine  onction.  C'est  le  corps  qui  reçoit  l'eau  baptis- 
male. —  C'est  le  corps  qui  est  oint  de  l'huile  de  la  Confirma- 
tion. Aux  jours  de  prévarication  et  de  repentir,  c'est  sur  nos 
fronts  courbés  que  se  lève  la  main  qui  nous  absout  et  nous 
ressuscite  à  la  grâce.  —  Où  repose  avant  tout  l'Hostie  sainte 
et  quel  est  le  premier  témoin  des  merveilles  eucharistiques? 
Notre  bouche  s'entr'ouvre,  notre  langue  devient  un  autel 
mystérieux  et  notre  poitrine  le  tabernacle  du  Dieu  vivant.  — 
Si  ce  Dieu  se  réserve  quelques-uns  d'entre  nous  pour  les  éle- 
ver aux  honneurs  du  Sacerdoce,  c'est  sur  nos  membres  que 
seront  faites  lesonctions  qui  les  consacrent  à  jamais.  —  Enfin, 
quand  Dieu  nous  rappelle  au  seuil  de  l'éternité,  l'Eglise  pu- 
rifie chacun  de  nos  organes  en  y  imprimant  le  sceau  de  son 
dernier  Sacrement. 


218  LA  DIGNITÉ   DE   NOS    CORPS 


II 


LABEURS  ET  HEROISMES  EXIGES 
DE  NOS  CORPS 


De  nos  corps  Dieu  demande  l'héroïsme  de  l'obéissance  ;  il 
demande  l'héroïsme  du  labeur. 

Nos  corps  sont  les  serviteurs  de  nos  âmes.  —  Dieu  qui  a 
soumis  l'univers  entier  à  des  lois  si  précises  et  l'a  constitué 
dans  une  si  belle  harmonie,  n'a  eu  garde  de  laisser  dans  l'in- 
soumission et  le  désordre  son  principal  chef-d'œuvre. 

1°  //  a  créé  en  nous  une  âme  souveraine.  —  Tel  est  l'ordre. 
Lui-même  sera  le  dominateur  souverain  de  l'âme,  lui  inti- 
mant ses  ordres,  lui  révélant  ses  volontés,  lui  exprimant  ses 
désirs.  —  L'âme  à  son  tour  sera  la  dominatrice  souveraine 
du  corps,  lui  transmettant  ses  ordres  qui  ne  sont  autres  que 
les  ordres  de  Dieu.  —  Ainsi  tout  est  ramené  à  une  admira- 
ble unité  :  Dieu  règne  sur  l'âme  et,  par  l'âme,  sur  le  corps. 

2°  //  a  créé  en  nous  un  corps  assujetti.  —  Tel  sera  le  pre- 
mier héroïsme  commandé  à  nos  corps;  ils  sont  sujets,  ils  sont 
serviteurs,  ils  sont  aux  ordres  d'un  pouvoir  qui  règle  leurs 
mouvements,  comprime  leurs  saillies  désordonnées,  châtie 
leur  désobéissance  et  leurs  révoltes. 

Nos  corps  sont  les  associés  de  nos  âmes.  —  Mais  le  corps 
est  bien  plus  le  frère  et  l'associé  de  l'âme  que  son  serviteur. 
Il  est  du  même  père  ;  il  a  la  même  mission  temporaire,  une 
même  destinée  éternelle  lui  est  assignée.  Pas  un  acte  de  la 
vie,  pas  une  vertu,  pas  un  héroïsme  dont  le  corps  ne  prenne 
une  large  part  et  n'assume  souvent  le  plus  glorieux  fardeau. 

1°  Large  part  dans  les  défenses  intimées.  —  Si  Dieu  parle, 
s'il  impose  à  l'homme  les  sévérités  du  Décalogue....  Si, à  l'hu- 
manité déchue,  le  divin  Législateur  retranche  les  superflui- 
tés  dangereuses,  les  douceurs  énervantes,  les  plaisirs  mor- 
tels, les  ivresses  damnables  :  sans  doute  une  concupiscence 


LA  DIGNITÉ   DE   NOS   CORPS  219 

irritée  imposera  à  l'âme  de  dures  obligations,  mais  n'est-ce 
pas  le  corps  qui  portera  pour  une  plus  large  part  le  fardeau  de 
la  soumission  ?  —  S'il  est  interdit  à  l'homme  d'être  sensuel  et 
voluptueux,  de  demeurer  oisif  et  inutile;  s'il  lui  est  ordonné 
de  fouler  aux  pieds  un  luxe  orgueilleux,  de  cheminer  par  la 
voie  étroite,  «  de  porter  la  croix  du  Christ  »  «  de  se  marquer 
du  sceau  de  la  mort  du  Christ  »  et  «  de  se  parer  des  stig- 
mates de  la  passion  »  :  qui  deviendra  la  première  victime  de 
ces  obligations  souveraines  ? 

2°  Large  part  dans  les  œuvres  prescrites.  —  Si  les  défenses 
divines  sont  onéreuses  au  corps,  les  œuvres  exigées  ne  le 
lui  seront  pas  moins.  —  Sans  doute  c'est  l'âme  qui,  prenant 
son  vol  dans  la  prière  planera  par  dessus  les  cieux;  c'est 
l'âme  qui  conversera  avec  Dieu;  mais  que  fera-t-elle  si  le 
corps  ne  s'harmonise  pas,  par  son  attitude  humble  et  recueil- 
lie, à  cette  fonction  sainte?  —  Suivez  l'âme  dans  chacune  de 
ses  œuvres  de  zèle  et  de  bienfaisance  :  comment  s'y  livrerait- 
elle  si  le  corps  ne  l'y  portait  fidèlement?  C'est  la  bouche  qui 
s'ouvrira  aux  paroles  d'édification,  c'est  la  main  qui  s'ouvrira 
pour  l'aumône,  c'est  le  pied  qui  franchira  le  seuil  de  l'indi- 
gence. —  L'homme  n'est,  ici-bas,  qu'un  pauvre  pécheur  con- 
damné à  l'humiliation  de  la  pénitence.  Cette  pénitence,  cette 
mortification,  ces  jeûnes  austères,  ces  pèlerinages  fatigants, 
cette  série  d'œuvres  expiatoires,  qui  en  soutiendra  la 
charge,  sinon  le  corps  ? 

3°  Large  part  dans  Vliêroisme  de  la  sainteté.  —  La  sanctifi- 
cation commune  ne  suffit  pas  toujours  ni  à  tous.  El  dans  le 
monde,  tout  aussi  bien  que  dans  la  solitude  des  cloîtres,  une 
heure  sonne  où  un  héroïsme  quelconque  devient  la  garantie 
du  salut.  —  Voyez  cette  mère  qui  veut  au  prix  d'inexprima- 
bles douleurs,  au  prix  d'une  mort  trop  certaine,  procurer  au 
fruit  de  ses  entrailles  l'éternelle  régénération  :  n'est-ce  pas 
son  corps  qui  prendra  sur  lui  la  charge  et  l'honneur  de  l'im- 
molation ?  —  Ce  père  de  famille  ne  donnera  aux  siens  le 
pain  de  chaque  jour  qu'au  prix  d'exténuations  douloureuses; 
ses  membres  se  briseront,  son  front  ruissellera  de  sueur, 
son  corps  se  flétrira  dans  une  vieillesse  prématurée  ;  c'est 
le  corps  qui  remportera  pour  une  large  part  ce  triomphe 
de  l'héroïsme.  —  Au  chevet  du  pauvre  qui  se  meurt,  voyez 
cette  sœur  do  charité  flétrie  avant  l'âge,  comme  une  fleur 
touchée  par  un  vent  d'automne  :  elle  a  livré  son  corps  aux 
héroïsmes  de  la  charité.  —  Aux  plages  lointaines,  dans   les 


LA  DIGNITE   DE   NOS  CORPS 


steppes  de  la  barbarie,  le  missionnaire  consume  en  quelques 
mois  ses  forces  vives  :  Où  est  la  victime  de  cette  glorieuse 
immolation?  N'est-ce  pas  le  corps?  —  Et  quand  Dieu,  pour  la 
cenfession  de  sa  foi  et  la  gloire  de  sa  vérité,  demande  l'hé- 
roïsme du  martyre,  qui  s'offre  à  l'affronter,  sinon  le  corps  ? 


III 
IMMORTELLE  DESTINÉE  DE  NOS  CORPS 


Il  nous  faudrait,  pour  compléter  l'histoire  de  nos  corps, 
franchir  le  temps  et  aborder  à  l'éternité.  —  L'heure  de  la 
glorification  a  sonné.  Dieu  dépouille  le  corps  de  l'homme  de 
ses  habits  de  travail,  des  souillures  de  sa  marche  pénible, 
et  il  le  revêt  pour  toujours  des  splendeurs  de  la  résurrection  ? 
«  Qui  suscitavit  Jesum  Christum  a  mortuis  vivificabit  et  mor- 
talia  corpora  vestra.  » 

«  Sic  et  resurrectio  mortuorum  :  seminatur  in  corruptione, 
surget  in  incorruptione;  seminatur  in  ignobilitale,  surget  in 
gloria;  seminatur  in  inhrmitate,  surget  in  virtute;  seminatur 
corpus  animale,  surget  corpus  spiritale.  » 


LA  DIGNITÉ  DE  NOS  AMES 


L'époque  actuelle  n'est  pas  bonne  à  l'âme,  ni  favorable  à 
la  juste  appréciation  que  nous  en  devons  faire.  —  Le  maté- 
rialisme, sous  toutes  les  formes  et  par  toutes  les  issues,  nous 
a  envahis.  Un  voile  épais  a  été  jeté  sur  l'ordre  spirituel  ; 
nous  ne  comptons  plus  guère  qu'avec  ce  qui  se  voit,  se  tou- 
che, se  pèse.  Esclaves  des  choses  visibles,  nous  nous  habi- 
tuons à  ne  plus  considérer  qu'elles:  nous  nous  arrêtons  fol- 
lement à  admirer  l'écrin  sans  songer  au  diamant  d'inestima- 
ble prix  que  l'écrin  renferme. 

Comment  apprécier  notre  âme  ?  —  Comment  employer  no- 
tre âme  ?  —  Comment  déshonorer  notre  âme  ? 


COMMENT  APPRECIER  NOTRE  AME 


Sa  grandeur  nous  apparaît,  soit  que  nous  retournions  en 
arrière  au  jour  de  sa  création,  soit  que  nous  étudiions  sa  na- 
ture, soit  que  nous  plongions  le  regard  dans  ses  futures  des- 
tinées. 

Grandeur  de  notre  âme  dans  sa  création.  —  A  voir  Dieu 
tirer  coup  sur  coup  du  néant  les  merveilles  de  l'univers,  le 
Psalmiste  juge  que  ce  n'est  là  encore  que  la  préparation  et 
l'annonce  d'un  plus  grand  ouvrage.  Ces  milliers  de  mondes 
qui  étincellent,  ce  firmament,  splendide  de  force  et  d'éclat, 
cette  terre  qui  apparaît  sous  sa  luxuriante  parure,  ces  mon- 
tagnes qui  se  couvrent  de  forêts  :  tout  cela,  chante  David, 
«  n'est,  ô  mon  Dieu,  qu'un  jeu  de  vos  doigts  ». 


222  LA  DIGNITÉ  DE  NOS  AMES 

Voici  Dieu  appliqué  à  façonner  lecorps  de  l'homme.  Déjà  il 
s'est  recueilli;  déjà  s'est  tenu  entre  les  trois  Personnes  Divi- 
nes le  conseil  mystérieux  que  nous  révèle  la  Genèse  et  que 
rappelle  Saint  Paul:  «  Faisons  l'homme.  »  Ce  grand  Dieu  ap- 
plique sa  sagesse  et  toute  sa  puissance  à  former  notre  corps: 
«  Manus  tuae  fecerunt  me  et  plasmaverunt  me.  » 

Mais  que  dire  quand  Dieu  arrive  à  la  création  de  l'àme  ? 
Pesons  les  mots  de  la  Genèse.  «  Insufflavit,  »  dit-elle.  — Notre 
âme  vient  donc  d'un  souffle  de  Dieu.  Expression  merveilleuse! 
Le  souffle  n'est  pas  de  nous,  il  n'est  pas  notre  substance. 
Mais  combien  il  nous  est  intime  !  Comme  il  sort  des  profon- 
deurs de  notre  être  !  comme  il  a  touché  à  notre  poitrine  et 
s'est  échauffé  à  la  flamme  de  notre  cœur  !  —  Tel  est  ce  «  souf- 
fle »  mystérieux  de  Dieu,  telle  est  notre  âme.  Elle  n'est  pas 
de  substance  divine  assurément,  mais  le  mot  de  la  Genèse 
nous  fait  entendre  qu'elle  est  sortie  toute  radieuse  et  toute 
brûlante  des  profondeurs  de  la  pensée  et  du  cœur  de  Dieu. 

Grandeur  de  notre  âme  dans  sa  nature.  —  Elle  est  spiri- 
tuelle comme  Dieu,  elle  est  reine  avec  Dieu,  elle  est  créatrice 
par  Dieu. 

1°  Elle  est  spirituelle  comme  Dieu.  —  Elle  se  sépare  donc 
à  jamais  des  pesanteurs,  des  défaillances,  des  décompositions 
mortelles  de  la  matière,  exempte  de  toute  fragilité,  supé- 
rieure au  siècle,  dominant  la  nature,  plus  forte  à  elle  seule 
que  l'univers  tout  entier.  —  Pur  esprit,  notre  âme  n'est  pas 
soumise  aux  décadences  du  temps,  elle  ne  connaît  pas  les  ca- 
ducités de  la  vieillesse.  Elle  semble,  dit  Saint  Paul,  «  alors 
que  l'homme  du  dehors,  la  chair,  se  corrompt,  prendre  de 
nouvelles  forces  et  se  revêtir  d'une  beauté  plus  prinlanière.  » 
«  Is  qui  intus  est  renovatur  de  die  in  diem.  »  —  Pur  esprit, 
notre  âme  est  immortelle.  Il  est  écrit  que  «  le  ciel  et  la  terre 
périront.  »  Un  jour  viendra  où  l'univers  ne  sera  plus  qu'un 
amas  de  gigantesques  ruines.  Sur  ces  ruines  l'âme  humaine 
chantera  l'hymne  de  son  immortalité  !  —  Que  serait-ce  main- 
tenant si  nous  développions  cette  idée  sublime,  que  notre 
âme  est  un  reflet,  une  image  de  Dieu  ?  Chaque  perfection  de 
Dieu,  chaque  puissance,  a  dans  l'âme  humaine  sa  visible  em- 
preinte. 

2°  Elle  est  reine  avec  Dieu.  —  Dieu  règne  au  plus  haut  des 
cieux.  Il  règne  sur  les  mondes,  il  règne  sur  la  terre  qui  est 
son  domaine  et  «  l'escabeau  de  ses  pieds.  »  Lui  seul  anime 
et  fait  mouvoir  cet  immense  ensemble:  «  Portansomnia  verbo 


LA  DIGN'ITÉ  DE  NOS  AMES  223 

virtutis  suae.  »  Lui  seul  règle  la  marche,  dirige  les  mouve- 
ments, conduit  dans  ses  mille  détails  la  vie  des  êtres.  —  Telle 
est  la  mission  et  la  gloire  de  notre  âme.  Elle  est  reine,  elle 
anime,  elle  règle,  elle  soutient  le  corps.  Pas  un  mouvement 
qui  ne  vienne  d'elle,  pas  un  effet  dont  elle  ne  soit  l'origine. 
3°  Elle  est  créatrice  par  Dieu.  —  Il  est  dit  de  Dieu  :  «  Di- 
xit  et  facta  sunt.  »  Il  est  dit  encore:  «  Faciamus  hominem.  » 
—  Telle  sera  la  puissance  de  l'âme.  Elle  aussi  disposera  du 
mystérieux  trésor  de  la  vie.  A  son  ordre  le  néant  sera  évo- 
qué et  la  vie  jaillira  «  Grescite  et  multiplicamini...  »  «  ex 
voluntate  carnis,  ex  voluntate  viri.  » 

Grandeur  de  notre  âme  dans  sa  destinée.  — Déjà  si  grande 
quand  nous  la  considérons  durant  son  obscur  pèlerinage  ici- 
bas,  enfermée  sous  l'enveloppe  grossière  d'une  chair  qui  se 
corrompt,  hôte  ou  plutôt  esclave  de  la  matière  qui  l'oppresse 
et  la  tyrannise,  que  sera  notre  âme,  quand  elle  sortira 
toute  radieuse,  toute  puissante,  du  tombeau  des  choses  pré- 
sentes ?  N'est-ce  pas  elle  qu'aperçoivent  les  Anges,  qui  sont 
ses  frères  et  dont  ils  disent  avec  ravissement:  «  Qua3  est 
ista  quœ  ascendit  de  deserto  deliciis  affluens  »  ?  Comment 
apprécier  notre  âme  ?  Comment  oser  scruter  ses  incompré- 
hensibles grandeurs  ? 

Comment  oser  jeter  un  imprudent  regard  sur  «  ce  que 
le  cœur  de  l'homme  n'a  pu  comprendre?  » 

1°  Durant  l'éternité  de  sa  gloire  l'âme  est  faite  pour  pos- 
séder Dieu,  pour  voir  Dieu,  pour  jouir  de  Dieu.  —  Voir  Dieu  ! 
Quelle  puissance  de  vie  divine,  de  vue  surnaturelle,  lui  a 
donc  été  donnée  pour  qu'elle  soutienne  l'éclat  de  la  Lu- 
mière Incréée  !  Quel  essor,  quel  élan  à  jamais  ineffable  l'em- 
porte jusque  dans  les  profondeurs  de  ce  Dieu,  «  qui  habite 
une  inaccessible  lumière  »?  —  Posséder  Dieu  !  Elle  est  donc 
agrandie  et  dilatée  comme  à  l'infini  pour  qu'elle  soit  devenue 
capable  d'une  si  infinie  possession  ?  Que  sera  le  lit  où  un 
pareil  océan  se  verse  ?  Quel  sera  le  foyer  où  le  soleil  divin 
vient  rayonner  ?  Que  sera  le  calice  d'or,  «  le  vase  d'élec- 
tion »,  où  se  répand  la  divinité  tout  entière,  l'Intelligence 
infinie,  la  Puissance  infinie,  la  Gloire  infinie,  la  Vie  infinie, 
l'Amour  infini,  la  Béatitude  infinie  ?  —  Goûter  Dieu.  Il  y  a 
donc  dans  nos  âmes  de  merveilleuses  ressources  de  délica- 
tesse et  de  saveur  pour  qu'elles  soient  capables  de  décou- 
vrir les  charmes  de  la  Beauté  Incréée  et  de  s'y  enivrer  éter- 
nellement ? 


224  LA   DIGNITÉ  DE  NOS  AMES 

F  2°  Non  seulement  notre  âme,  durant  l'éternité,  voit  et  pos- 
sède Dieu,  mais  en  quelque  manière  elle  se  transfigure  en 
Dieu.  «  Qui  adhœret  Domino  unus  spiritus  est.  »  Unie  à  Dieu, 
plongée  en  Dieu,  comme  le  fer  dans  la  fournaise,  comme  la 
goutte  d'eau  dans  le  vase  rempli  d'un  vin  généreux,  notre 
âme,  sans  se  confondre,  sans  perdre  sa  personnalité,  devient 
néanmoins  une  avec  Dieu:  «  Ego  dixi:  dii  estis  et  filii  excelsi 
omnes  ». 

3°  Une  troisième  magnificence  est  réservée  à  notre  âme 
durant  l'éternité.  De  même  que  Dieu,  en  la  pénétrant,  la 
transfigure,  elle  à  son  tour  communique  au  corps  une  immor- 
talité glorieuse.  —  De  même  que  Dieu  se  reflète  sur  l'âme  et 
que  chacune  de  ses  excellences  y  marque  son  empreinte,  de 
môme  l'âme  fait  le  corps  participant  de  ses  propres  préroga- 
tives. Sous  son  influence  souveraine  la  chair  s'est  dépouillée 
de  ce  qu'elle  avait  de  lourd,  d'obscur,  de  caduc,  de  corrupti- 
ble, pour  revêtir  l'éclat,  la  force,  l'agilité,  l'immortalité. 

En  attendant  ces  splendeurs  d'outre  tombe  quels  seront, 
dès  ici-bas,  les  emplois  glorieux  de  notre  âme? 


II 
GOMMENT  EMPLOYER  NOTRE  AME 


Notre  âme  doit  servir  tout  à  la  fois  à  Dieu,  au  prochain, 
à  nous-mêmes. 

Nous  devons  l'employer  pour  Dieu.  —  1°  Elle  sert  de 
terme  à  l'amour  de  Dieu.  —  Dieu  est  amour,  «  Deus  caritas 
est  ».  Le  propre  de  l'amour,  comme  de  la  lumière,  est  de 
se  répandre,  de  vivifier,  d'illuminer.  Plus  le  soleil  rencontre 
une  substance  pénétrablc,  plus  il  y  étincelle.  —  Plus  l'a- 
mour rencontre  de  réciprocité  et  de  correspondance,  plus  il 
B'épanche  et  se  satisfait  en  s'épanchant.  Dieu  aime  la  créa- 
tion tout  entière,  mais  les  êtres  sans  raison  répondent  peu  et 
mal  aux  flammes  de  son  cœur.  L'âme,  au  contraire,  apte  à 
lui  rendre  amour   pour  amour,  devient    son  sanctuaire,  sa 


LA  DIGNITÉ   DE  NOS  AMES  225 

demeure  de  prédilection,  et,  comme  il  le  dit  dans  l'Ecriture, 
«  le  lieu  de  son  repos.  » 

2°  Elle  sert  de  séjour  à  la  visite  de  Dieu.  —  Dans  l'E- 
criture les  expressions  les  plus  brillantes,  les  descriptions 
les  plus  grandioses,  servent  à  représenter  la  visite  de  Dieu 
aux  parties  diverses  de  sa  création.  —  Mais  dans  l'être  ma- 
tériel et  sans  raison,  la  nature  divine  reste  toujours  comme 
étrangère  et  exilée.  —  Tout  au  contraire  elle  est  chez  elle 
dans  l'âme  humaine,  où  tout  est  capable  de  la  comprendre 
et  de  converser  avec  elle. 

3°  Elle  sert  aux  opérations  de  Dieu.  —  L'àme  est  comme 
l'ambassadeur  et  le  chargé  d'aifaires  entre  Dieu  et  la  créa- 
tion. Elle  promulgue  au  corps  les  lois  divines,  elle  guide  le 
corps  vers  les  destinées  fixées  par  Dieu.  Elle  est  comme  le 
prêtre  mystérieux,  comme  le  pontife  agréé  du  ciel  pour  éle- 
ver jusqu'au  trône  suprême  l'hommage  des  créations  infé- 
rieures. 

Nous  devons  l'employer  pour  le  prochain.  —  Au  pro- 
chain, l'àme  donne  l'amour,  première  dette  sacrée  qu'elle  a 
à  lui  payer.  De  ce  trésor  toujours  ouvert  doivent  s'épandre 
larges  et  inépuisables  les  sentiments  de  bonté,  de  patience, 
de  commisération,  de  dévouement,  de  miséricorde.  —  C'est 
l'âme  encore  qui  députera  le  corps  vers  les  services  que  ré- 
clame le  besoin  du  prochain.  Elle  ouvrira  nos  lèvres  aux  pa- 
roles de  justice,  de  secours,  de  pardon...  C'est  par  elle  que 
notre  main  se  tendra  pour  l'aumône  vers  l'indigence.  C'est 
elle  qui  portera  nos  pieds  vers  le  réduit  du  pauvre.  C'est 
l'âme,  en  un  mot,  qui  organisera  tous  les  services  de  la 
charité. 

Nous  devons  l'employer  pour  nous-mêmes.  —  Dans  l'or- 
dre naturel,  comme  dans  l'ordre  surnaturel,  tout  part  de 
notre  âme,  comme  les  rayons  partent  du  foyer. 

À  ne  considérer  que  l'ordre  naturel,  quelle  merveilleuse 
puissance,  quelles  œuvres,  quels  prodiges  jaillissent  de  l'in- 
telligence... de  la  volonté...  du  cœur! 

Mais  dans  l'ordre  surnaturel  combien  autres  sont  les  ma- 
gnificences dont  l'âme  est  le  théâtre  et  dont  ensuite  elle  de- 
vient le  moteur! 


T.  IV  13 


226  LA  DIGNITÉ   DE  NOS  AMES 


III 

GOMMENT  DÉSHONORER  NOTRE  AME 


Comment  déshonorons-nous  notre  âme? 

D'abord  nous  n'y  avons  pas  foi.  Nous  Ja  méconnaissons; 
elle  reste  pour  nous  une  inconnue,  une  étrangère,  une  dé- 
laissée. 

Ensuite  nous  négligeons  l'éducation  de  notre  âme  :  l'édu- 
cation intellectuelle,  quand  nous  la  privons  de  toute  instruc- 
tion religieuse  :  l'éducation  morale,  quand  nous  n'élevons 
pas  en  elle  le  niveau  des  vertus. 

Nous  défigurons,  nous  tuons  notre  âme  par  l'indifférence, 
la  frivolité  de  la  vie,  la  tiédeur,  nos  mille  défauts,  nos  péchés. 


LA  MISSION  DU  CŒUR 

DANS    LA   VIE    CHRÉTIENNE 


IMPORTANCE  DE  LA  SAINTE  EDUCAION 
DU  CŒUR 


Deux  réponses  nous  viendront,  l'une  de  la  terre,  l'autre  du 
ciel,  sur  l'importance  immense  du  cœur,  par  suite  sur  l'im- 
portance de  la  saine  éducation  du  cœur. 

Ce  que  nous  en  dit  la  terre.  —  Sur  la  terre  :  la  grande 
voix  de  l'Eglise,  l'expérience  de  la  famille. 

1°  L'Eglise  nous  révèle  le  rôle  et  la  mission  du  cœur.  — 
Quand  l'IIomme-Dieu  fonda  son  Eglise  et  quand,  lui-même,  se 
retirant  dans  la  gloire,  il  la  laissa  sur  la  terre  sa  représen- 
tante et  son  mandataire,  il  lui  confia  l'œuvre  la  plus  colos- 
sale, la  plus  impossible  :  détruire  un  monde  et  le  recons- 
truire tout  nouveau,  tout  opposé. 

Figurons-nous  ce  monde  Romain,  embrassant  les  contrées 
connues  de  l'univers,  régnant  sur  les  lois,  les  coutumes,  les 
mœurs  publiques,  les  religions,  maître  de  tout,  dominateur 
des  âmes  comme  des  corps...  Sur  quoi  est  fondée  cette  do- 
mination? Sur  les  passions  humaines,  sur  tous  les  penchants 
pervers  de  l'humanité.  Dans  ce  paganisme,  au  dehors  si  bril- 
lant, les  âmes  sont  effroyablement  abaissées;  la  conscience 
est  morte,  les  idées  sont  perverties,  la  volupté  la  plus  bes- 
tiale est  érigée  en  divinité  triomphante,  l'orgueil  romain  ne 
reconnaît  plus  aucune  autorité  supérieure;  une  cruauté  inouïe 


228  LA  MISSION  DU  CŒUR  DANS  LA  VIE   CHRÉTIENNE 

verse  à  flots  le  sang  des  esclaves  et  des  vaincus  :  Société  plon- 
gée tout  entière  dans  le  luxe,  le  plaisir,  la  volupté  et  le  sang. 

Que  fera  l'Eglise^  —  Comment  transfigurera- t-elle  cette 
pourriture?  Comment  en  fera-t-elle  une  Sociétéjeune,  chaste, 
et  virile?  Comment  surgira  le  monde  chrétien? 

Avec  une  sagesse  qui  lui  venait  de  Dieu  l'Eglise  prit  dans 
ses  mains  le  cœur  de  l'homme  et  elle  le  refit  à  nouveau.  Si 
bien  que,  étudiant  l'immense  rénovation  du  monde  païen, 
c'est  dans  le  cœur  que  nous  en  trouvons  le  secret  et  que  nous 
en  voyons  déposer  le  principe.  —  L'Eglise  fît  le  cœur  élevé. 
L'homme  qui  n'avait  d'aspiration  que  pour  les  biens  et  les 
voluptés  terrestres  sentit  naître  en  son  cœur  de  vastes  espoirs, 
de  célestes  et  éternelles  ambitions;  le  «  sursum  corda  »  pé- 
nétra jusqu'aux  dernières  profondeurs  de  son  cœur.  —  L'E- 
glise créa  le  cœur  chaste.  Là  où  la  volupté  avait  tout  souillé 
de  sa  fange,  où  le  plaisir  avait  accumulé  les  ruines,  l'Eglise, 
armée  du  cœur  chaste,  refit  tout  un  monde,  fort  de  sa  pureté, 
jeune  de  son  innocence.  Le  cœur  pur  donna  à  la  famille  un 
sang  nouveau;  il  façonna  la  paternité  chrétienne,  il  créa  la 
mère  dans  l'héroïsme  de  ses  dévouements.  La  jeune  vierge 
apparut,  diamant  du  plus  limpide  éclat.  L'enfant  lui-même, 
le  jeune  homme,  connurent  les  vivifiantes  lois  de  la  pureté. 
—  L'Eglise  créa  le  cœur  bon.  A  l'antique  cruauté  qui  avait 
envahi  le  monde  païen,  le  bon  cœur  substitua  les  suavités 
de  l'amour,  les  magnanimités  de  la  miséricorde,  les  services 
et  les  dévouements  de  la  charité. 

C'est  donc,  après  tout,  le  cœur  dont  l'Eglise,  pour  régéné- 
rer le  monde,  fit  son  auxiliaire  et  son  instrument.  —  Ecoutons 
maintenant  une  voix  moins  éclatante,  mais  décisive  encore. 

2°  La  famille  nous  révèle  l'importance  de  la  mission  du 
cœur.  —  Ne  prenons  pas  la  famille  dans  ses  jours  de  prospé- 
rité et  de  joie  ;  visitons-la  quand  les  désolations  l'envahissent 
et  que  les  larmes  brûlantes  coulent  des  yeux. 

Est-ce  une  mère  qui  pleure  sur  les  égarements  d'un  fils? 
Une  épouse  sur  l'inconduite  d'un  époux?  Peu  importe;  mais 
à  cet  instant  de  douleur  profonde,  c'est  le  cœur  qui  seul  va 
décider. 

Si  la  victime  peut  prononcer  sur  le  coupable  cette  simple 
parole  :  «  11  a  commis  de  bien  grandes  fautes...  néanmoins 
j'espère,  car  il  a  du  cœur;  »  si  cette  parole  est  dite,  des  jours 
meilleurs  apparaissent  à  l'horizon.  Mais  qu'au  contraire  la 
même  douleur,  devant  les  mêmes  fautes,  soit  réduite  à  mur- 


LA  MISSION  DU  COEUR  DANS  LA    VIE   CHRÉTIENNE  229 

murer:  «  Il  n'a  pas  de  cœur!  »...  C'est  là  une  ruine  sans  es- 
pérances; c'est  là  une  douleur  sans  allégement. 

Rien  n'est  donc  perdu  là  où  est  le  cœur.  —  Tout  s'effondre 
sans  ressource  là  où  le  cœur  n'est  plus. 

Ce  que  nous  en  dit  le  ciel.  —  Au  ciel  on  ne  juge  pas  autre- 
ment que  sur  la  terre  de  la  décisive  influence  du  cœur. 

1°  Ecoutons  les  affirmations  divines.  —  Le  Prophète  nous 
représente  Dieu  plongeant  sur  le  monde  son  regard  scruta- 
teur: «  Respexit  super  filios  hominum.  »  Juge  souverain  de 
ses  créatures,  Dieu  veut  en  apprécier  le  mérite  et  en  con- 
naître le  prix.  Est-ce  à  l'intelligence,  au  génie,  à  la  fortune, 
aux  œuvres  éclatantes,  qu'il  regarde?  Non,  le  regard  divin 
va  droit  au  cœur.  «  Deus  autem  intuetur  cor.  »  —  Dieu  est 
maître  souverain  de  l'homme;  l'homme  lui  appartient  tout 
entier  et  Dieu  revendique  son  bien,  Dieu  réclame  sa  chose: 
or  que  veut-il  en  nous.  Qu'exige-t-il  de  nous?  le  cœur  : 
«  Fili,  praebe  cor  tuum  mihi.  »  —  Parfois  ce  Dieu  si  tendre, 
ce  père  si  avide  du  cœur  de  ses  enfants,  est  cruellement  déçu; 
une  plainte  s'échappe  des  lèvres  divines:  de  cette  plainte  quel 
est  l'objet?  Nous  lui  avons  refusé  notre  cœur  :  «  Cor  longe 
est  a  me.  » 

2°  Contemplons  les  exemples  divins.  —  Qu'il  fait  bon  voir 
Dieu  lui-même  nous  donner,  dans  de  saisissants  exemples 
sur  la  valeur  et  le  rôle  du  cœur,  la  plus  victorieuse  lumière  1 
—  Un  grand  coupable,  l'impie  Achab,  a  fatigué  sa  patience, 
exaspéré  sa  justice  :  Dieu  va  frapper  un  grand  coup,  mais  le 
cœur  du  coupable  tombe  dans  la  tristesse  et  la  désolation  ; 
ces  larmes  du  cœur  suffisent  pour  le  désarmer,  et  rendant 
compte  à  son  prophète  de  cette  étrange  miséricorde;  «  Vois, 
dit-il,  comme  Achab  est  triste.  »  —  Qui  sauvera  David  ?  Qui 
d'un  adultère  et  d'un  homicide  en  fera  un  prophète  illustre 
et  un  saint?  «  Cor  contritum  et  humiliatum,  Deus,  non  despi- 
cies.  »  —  Qu'elle  est  coupable  aussi  cette  Madeleine\  celle 
que  dans  la  Cité  on  nomme  la  «  pécheresse.  »  Mais  que  peu- 
vent ses  fautes  devant  les  ardeurs  et  les  chastes  élans  d'un 
cœur  transfiguré?  «  Vois  cette  femme,  dit  le  Maître  à  l'or- 
gueilleux pharisien;  beaucoup  lui  est  pardonné  parce  qu'elle 
a  beaucoup  aimé.  »  —  Si  la  pécheresse  est  sauvée  par  son 
cœur,  c'est  par  son  cœur  encore  que  le  juste  reçoit  le  couron- 
nement et  la  récompense  de  sa  vertu.  L'Apôtre  Jean,  délicieu- 
sement, repose  sur  la  poitrine  de  Jésus.  L'Évangile  dit  tout 
en  ce  simple  mot:  «  C'est  le  disciple  que  Jésus  aimait.  »  — 


230  LA  MISSION  DU  COEUR  DANS  LA  VIE  CHRÉTIENNE 

Nous  voici  devant  un  grand  spectacle.  Dieu  propose  à  un 
faible  mortel,  à  Pierre,  de  devenir  le  chef,  le  soutien,  le  fon- 
dement de  son  Eglise,  pour  la  durée  des  siècles.  Et  quelle 
garantie  unique  Dieu  exige-t-il  de  Pierre,  avant  de  lui  con- 
fier de  si  divins  intérêts?  Dieu  exige  le  cœur  :  «  Petre,  amas 
me?  » 


II 
LE  BON  ET  LE  MAUVAIS  EMPLOI  DU  CŒUR 


La  conséquence  de  ce  qui  précède  c'est  donc  que  dans  la 
vie  chrétienne  le  cœur  jouera  un  rôle  prépondérant.  —  A 
lui  presque  seul  d'édifier  l'œuvre  de  notre  salut.  A  lui  pres- 
que seul  de  nous  entraîner  à  notre  ruine  spirituelle  et  de 
nous  perdre  sans  ressource. 

Le  bon  emploi  du  cœur.  —  A  quoi  donc  ferons-nous  servir 
notre  cœur?  Quel  aliment  lui  donnerons-nous?  Quelle  direc- 
tion lui  ferons-nous  prendre?  Sur  quel  objet,  arrêtant  ses  di- 
vagations dangereuses,  le  fixerons-nous  ? 

1°  Nous  emploierons  notre  cœur  à  aimer  Dieu.  —  Rien  de 
naturel  et  d'indispensable  pour  nous  comme  cet  emploi  de 
notre  cœur.  —  Pour  n'aimer  pas  Dieu,  il  faudrait  chez  nous 
une  totale  impuissance  d'aimer.  Or  de  nous  l'amour  déborde; 
3'amour  est  notre  loi  ;  il  est  notre  vie,  il  est  le  principe, 
le  moteur  universel  de  tous  nos  actes,  et  nous  ne  faisons  pas 
un  pas  dans  la  vie  sans  aimer.  —  Dans  l'enceinte  où  notre  vie 
s'écoule  notre  cœur  s'est  arrêté,  notre  cœur  s'est  donné;  cet 
amour  décidera  de  la  direction  de  nos  jours.  —  Moins  que 
cela.  Dans  une  course  fugitive  quelque  objet  s'est  offert  ànous 
et  nous  y  avons  attaché  notre  cœur.  —  Quoi  !  les  richesses 
du  cœur  seront  en  nous  si  inépuisables,  si  impérieuse  la  loi 
d'aimer,  que  nous  nous  pencherons  avec  de  mystérieuses 
tendresses  vers  les  êtres  bien  au-dessous  do  nous;  nous  ca- 
resserons avec  amour  l'animal,  nous  échangerons  avec  la 
fleur  un  regard  d'amour  I  Osons  dire  que  pour  Dieu  seul  pour 
la  Suavité  infinie,  la  Beauté  suprême,  le  foyer  incandescent 


LA  MISSION  DU  COEUR  DANS   LA  VIE  CHRÉTIENNE  231 

Je  l'amour,  le  cenlre  de  toutes  les  perfections  réunies,  il  ne 
nous  reste  plus  de  cœur  à  donner  I  Osons  dire  que,  aimant 
tout  le  long  de  notre  chemin  rapide,  nous  sommes  impuis- 
sants à  aimer  le  suprême  et  éternel  Amour? 

D'ailleurs,  tout  nous  rappelle  à  la  nécessité  d'aimer  Dieu. 
Insatiable,  douloureuse  faim,  celle  qui  torture  notre  cœur, 
quand,  ayant  aimé  les  créatures,  nous  n'avons  jamais  trouvé 
en  elles  de  quoi  apaiser  notre  besoin  d'aimer  !  —  Que 
dire  encore  de  cette  main  mystérieuse  et  invisible  qui  brise 
nos  liens  les  plus  doux,  à  mesure  qu'ils  se  forment,  et  qui 
jette  au  vent  de  la  mort  nos  fleurs  les  plus  embaumées  de 
l'amour.  «  Irrequietum  est  cor  nostrum  donec  requiescat  in 
te.  » 

2°  Nous  emploierons  notre  cœur  à  aimer  nos  semblables.  — 
Gombienest  délicieuse  l'histoire  d'un  bon  cœur!  Elle  s'ouvre  dès 
l'enfance.  Les  leçons  maternelles  ont  façonné  de  bonne  heure 
le  jeune  enfant  aux  jouissances  de  la  charité.  Aimer  et  ré- 
pandre autour  de  lui  les  fruits  précoces  d'un  bon  cœur  est 
déjà  sa  préoccupation  enfantine.  Il  a  refoulé  l'égoïsme;  déjà 
il  se  donne  ;  tout  à  l'heure  il  saura  se  sacrifier. 

Les  années  ont  fui.  Au  lieu  de  ce  petit  ange  au  cœur  si 
bon,  voici  le  jeune  homme,  déjà  aux  prises  avec  les  efferves- 
cences, les  dangers,  les  tempêtes  de  l'adolescence.  Le  mortel 
attrait  du  monde,  les  fascinations  du  plaisir,  les  revendica- 
tions de  la  liberté,  l'entraînent  loin  des  siens.  Heureux  alors 
si  un  bon  cœur  s'est  formé  en  lui,  s'il  aime  avec  une  chaste 
passion  une  mère,  des  frères  et  des  sœurs  !  heureux  encore  si, 
fidèle  aux  traditions  de  sa  première  enfance,  il  connaît  les 
émotions  de  la  bienfaisance,  les  plaisirs  de  l'aumône,  si  de 
son  cœur  les  belles  larmes  de  la  compassion  pour  tout  ce  qui 
souffre  se  sont  échappées  ! 

Suivons  encore  le  cours  des  années.  Le  bon  cœur  nous  ap- 
paraît dans  son  âge  viril,  au  milieu  de  sa  plus  glorieuse  fé- 
condité. Les  premiers  trésors  de  l'amour  il  les  répandra  au 
foyer  domestique,  et  tous  les  siens  trouveront  en  lui  le  charme 
de  leurs  jours  et  l'assurance  de  leur  bonheur.  —  Le  bon  cœur 
franchira  l'enceinte  de  la  famille  pour  se  répandre  au  dehors  ; 
il  sera  un  gage  de  réconciliation  et  de  paix  au  sein  des  dis- 
cordes; il  saura  compatir  au  malheur  des  uns,  pardonner  aux 
fautes  des  autres.  Le  bon  cœur  sera  le  ciment  divin  qui  re- 
tiendra unies  les  pierres  de  l'édifice  social.  —  Les  pauvres 
de  la  Cité  connaîtront  sa  demeure.  —  Des  serviteurs   de   la 


232  LA  MISSION"  DU  COEUR  DANS  LA   VIE  CHRÉTIENNE 

maison  il  se  fera  plus  que  des  amis,  il  se  fera  d'autres  en- 
fants. Si  le  rang  et  la  fortune  lui  ont  assigné  de  vastes  do- 
maines, si  de  florissantes  industries  lui  ont  amené  tout  un 
peuple  d'ouvriers,  le  bon  cœur  fera  couler  à  flots  la  paix,  la 
joie,  les  bienfaits  d'une  divine  paternité. 

Sous  les  glaces  de  l'âge  le  bon  cœur  gardera  les  charmes 
de  son  premier  printemps.  Si  la  vieillesse  est  morose,  si  elle 
se  retranche  volontiers  dans  l'égoïsme,  s'aimant  elle-même 
dans  la  proportion  où  elle  se  croit  délaissée,  le  bon  cœur  sait 
triompher  de  ces  décadences  de  l'âge,  et,  continuant  à  tou- 
jours aimer,  oblige  ce  qui  l'approche  aux  représailles  de 
l'amour. 

Xe  serons-nous  pas  inGnis  si  nous  recueillons  les  devises 
de  la  charité,  les  préceptes  de  l'amour  accumulés  par  l'Es- 
prit de  Dieu  dans  nos  Ecritures?  Résumons-les  tous  par  ce 
trait  charmant  consigné  dans  les  Annales  de  l'Eglise  nais- 
sante. Saint  Jean,  le  disciple  de  l'amour,  brisé  par  l'âge  et 
plus  encore  par  les  labeurs  d'un  long  apostolat,  se  faisait  por- 
ter dans  l'assemblée  des  fidèles.  Là  une  seule  parole,  toujours 
la  même,  sortait  de  ses  lèvres:  «  Mes  petits  enfants,  aimez- 
vous  les  uns  les  autres.  »  La  continuité  du  précepte  fati- 
guant l'auditoire  et  faisant  désirer  quelque  autre  prédica- 
tion :  «  Non,  disait  le  vieillard,  c'est  là  le  précepte  du  Sei- 
gneur et  il  suffit  à  qui  s'y  rend  fidèle  ». 

Le  mauvais  emploi  du  cœur.  —  Si  le  cœur  chrétiennement 
formé  fait  la  richesse  de  toute  une  vie,  que  dire  des  désola- 
tions, de  la  stérilité  et  des  désastres  qu'amènera  un  cœur 
laissé  sans  culture  et  méconnaissable  sous  les  défauts  et  les 
vices  qui  l'ont  déformé  ? 

1°  Voici  le  cœur  frivole.  —  Si  l'onétait  tenté  d'indulgence  pour 
ce  charmant  coupable,  considérons  de  suite  à  quelle  consé- 
quence grave  mène  la  frivolité  du  cœur.  —  Un  cœur  frivole 
est  d'abord  rebelle  à  toute  effusion  de  la  piété  chrétienne.  — 
De  plus,  nous  le  verrons  courir  en  insensé  au  milieu  des 
fleurs  qui  s'épanouissent,  et,  voltigeant  toujours,  ne  se  fixer 
nulle  part.  Quelle  épouse  constante,  quelle  mère  de  famille 
sérieuse,  quel  père  dévoué,  quel  ami  secourable,  espérera- 
t-on  trouver  dans  le  cœur  frivole  ? 

2°  Voici  le  cœur  romanesque.  —  Cœur  étrange,  toujours  af- 
famé d'un  idéal  mystérieux  et  toujours  absent  du  lieu  où  se 
déroulent  ses  véritables  devoirs.  — D'où  vient  ce  cœur?  Par- 
fois d'une  disposition  naturelle  que  l'on  n'a  pas  pris  soin  de 


LA   MISSION  DU   COEUR  DANS   LA  VIE   CHRÉTIENNE  233 

combattre.  Souvent  de  la  lecture  immodérée  des  romans. 
Souvent  aussi  de  milieux  et  de  fréquentations  trop  frivoles. 

Qu'attendre  de  ce  cœur?  Rien  que  des  émotions  stériles, 
des  pleurs  sans  objet,  des  mélancolies  ridicules.  —  Pour 
toutes  les  affections  vitales,  pour  tous  les  essentiels  devoirs, 
un  pareil  cœur  n'offre  que  sécheresse  et  stérilité. 

3°  Voici  le  cœur  vicieux.  —  C'est  le  cœur  déserteur  effronté 
du  devoir;  le  cœur  qui,  trahissant  non  seulement  ses  desti- 
nées surnaturelles  mais  encore  la  mission  reçue  ici-bas, 
trahit  ce  que  le  ciel  et  la  terre  ont  de  plus  vénérable  et  de 
plus  sacré.  —  Si  ces  époux  ont  jeté  aux  hontes  du  divorce 
l'honneur  et  la  sécurité  de  la  famille,  c'est  qu'un  cœur  vi- 
eieux  s'est  substitué  au  chaste  amour  conjugal.  —  Si  ce  père 
a  déserté  les  siens  et  rempli  de  désolation  et  de  larmes  le 
foyer  domestique,  c'est  le  cœur  vicieux  qui  a  accumulé  ces 
désastres.  Si  ce  jeune  homme  a  dévoré  par  avance  toutes  les 
ressources  de  son  être,  pour  ne  plus  devenir  qu'une  ruine 
sans  honneur  et  sans  force,  c'est  que  le  cœur  vicieux  l'a  mené 
par  les  chemins  maudits  de  la  débauche. 


LA  FEMME  CHRÉTIENNE 


«  Mulierem  fortem  quis  invenietf  Procul  et  de  uîtimis 
fînibus  pretiurn  ejus.  »  Ainsi  parle  l'Ecriture  de  la  femme  à 
laquelle  la  vertu  a  donné  son  prestige  et  son  prix.  Elle  est 
riche  de  sens  cette  comparaison  de  la  femme  avec  l'or  et  la 
pierre  précieuse.  —  L'or  et  la  pierre  précieuse  ont  en  eux- 
mêmes  leur  valeur.  —  Néanmoins  ils  tirent  d'une  prépara- 
tion préalable  le  prix  de  leur  éclat  et  de  leur  beauté.  L'or 
resplendit  au  sortir  du  creuset;  le  diamant  sous  le  ciseau 
du  lapidaire.  La  femme  revêt  toute  sa  splendeur,  quand  une 
solide  éducation  l'a  façonnée  au  dévouement  et  aux  vertus. 
—  Quand  l'Ecriture  la  compare  aux  trésors  que  l'on  rapporte 
des  plus  lointaines  régions,  elle  insinue  sans  doute  que  Dieu, 
pour  en  faire  le  trésor  que  nous  connaissons,  l'est  allé  pren- 
dre dans  le  lointain  de  la  déchéance  et  de  la  douleur.  — 
Conquise  par  Dieu,  la  femme  deviendra  le  trésor  dans  lequel 
puiseront  largement  la  famille,  l'Eglise,  la  Société. 

Concevons  donc  tout  d'abord  quelle  est  la  valeur  de  la 
femme  chrétienne.  —  Voyons  ensuite  quelles  sont  les  mis- 
sions spéciales  que  Dieu  lui  confie. 


INESTIMABLE  VALEUR  DE  LA  FEMME 
CHRÉTIENNE 


Pour    reconnaître    cette  inestimable  valeur,  interrogeons 
tour  à  tour  Dieu,  l'Eglise,  nos  ennemis. 

Interrogeons  Dieu.  —    Que   nous    pénétrions,    dans  une 
parole  divine,  l'idée  profonde  du  Créateur,  ou  bien  que  nous 


LA  FEMME  CHRÉTIENNE  235 

contemplions,  durant  le  cours  des  siècles  l'idée  divine  réali- 
sée :  la  valeur  de  la  femme  nous  apparaît  également. 

i°  Pénétrons  Vidée  divine.  —  Nous  voici  au  jour  de  la  créa- 
tion. A  mesure  qu'il  développe  chaque  partie  de  l'Univers 
Dieu  proclame  excellente  l'œuvre  qu'il  vient  d'achever.  — 
Mais  quand  il  a  créé  l'homme,  son  silence  indique  assez  que 
l'œuvre  est  imparfaite  et  manque  de  son  couronnement.  — 
Bientôt  voyant  solitaire  dans  les  délices  de  l'Eden  l'homme 
qui  en  a  été  fait  le  roi,  Dieu  prononce  cette  mystérieuse  pa- 
role: «  Il  n'est  pas  bon  que  l'homme  soit  seul,  faisons-lui 
une  auxiliaire  qui  lui  soit  semblable.  » 

Entrons  dans  les  magnificences  du  plan  divin. 

Même  aux  jours  de  son  innocence  et  de  son  bonheur, 
l'homme  ne  doit  pas  rester  seul,  il  lui  faut  une  compagne, 
une  aide  qui  soit  le  charme  de  sa  vie  et  le  complément  de 
son  être.  Dieu  le  décide  ainsi.  Sans  elle  l'homme  est  incom- 
plet; il  demeurera  impuissant  et  solitaire  ;  l'épanouissement 
de  son  être  sera  dû  à  celle  que  Dieu  lui  aura  donnée  comme 
«  auxiliaire.  »  —  Mais  le  regard  de  Dieu  franchit  l'Eden  et 
traverse  la  vallée  de  larmes,  où  l'homme  coupable  et  expia- 
teur  traînera  la  longue  chaîne  de  ses  misères.  Oh  !  c'est  alors 
qu'  «  il  ne  sera  pas  bon  que  l'homme  soit  seul!  »  C'est  alors 
qu'une  douce  el  compatissante  compagne  lui  deviendra  né- 
cessaire, alors  qu'un  cœur  aimant,  un  dévouement  héroïque, 
un  amour  délicat  et  fort,  devront  le  recueillir,  comme  l'hos- 
pitalier rivage  recueille  le  naufragé.  —  Le  regard  divin 
porte  infiniment  plus  loin  encore,  et  voici  l'entière  et  ma- 
gnifique extension  de  l'idée  divine.  L'Homme,  le  seul  et  vé- 
ritable Homme,  c'est  le  Verbe  incarné,  «  premier-né  de  tou- 
tes les  créatures  ».  Cet  Homme  divin  habitera  notre  exil, 
traversera  nos  douleurs ,  sera  baigné  de  nos  larmes,  et 
mourra  sur  la  couche  dure  et  sanglante  du  Calvaire.  Oh  nonl 
«  Il  n'est  pas  bon  que  l'Homme  soit  seul!  »  Le  Christ  expia- 
teur  trouvera  dans  la  «  femme  bénie  entre  toutes  les  fem- 
mes »  le  repos  de  son  cœur,  le  seul  charme  de  sa  vie,  le 
magnanime  soutien  de  sa  douleur.  —  Telle  est  la  femme 
dans  la  pensée  divine. 

2°  Voyons  l'idée  divine  réalisée.  —  Dieu  avait  dit,  parlant 
de  l'homme  :  «  Faisons-lui  une  aide  qui  lui  soit  semblable.  » 
Cette  parole  n'a  plus  cessé  de  se  réaliser  sur  la  terre.  Là  où 
la  femme  déchoit  de  sa  mission  et  est  rejetée  par  les  pas- 
sions de  l'homme  au  rang  d'esclave  :  un  désordre  profond, 


236  LA   FEMME  CHRÉTIENNE 

un  vide  immense,  se  fait  dans  la  famille  et  la  Société.  —  Là 
où  la  femme,  ressuscilée  à  sa  gloire  et  à  sa  mission,  se  re- 
trouve à  la  place  que  Dieu  lui  a  faite,  l'homme,  pourvu  de 
son  appui,  de  son  «  auxiliaire,  »  accomplit  puissamment  de 
grandes  choses.  —  Voulez-vous  les  œuvres  du  génie?  Une 
Monique  les  préparera  dans  un  Augustin.  —  Au  pied  des 
trônes,  à  la  base  des  grandeurs  royales,  vous  trouverez  les 
ClotiJde.  —  Dans  les  désastres  de  la  Patrie,  Dieu  nous  don- 
nera des  Jeanne  d'Arc.  —  Dans  l'Eglise  la  femme  n'a  cessé 
de  remplir  une  mission  haute  et  féconde.  L'Homme-Dieu  est 
suivi  de  ce  que  le  langage  chrétien  a  nommé  «  les  saintes 
femmes.  »  Les  apôtres  trouvent  comme  Lui  dans  les  hé- 
roïsmes  de  la  femme  chrétienne  l'appui  de  leurs  œuvres,  le 
complément  de  leur  apostolat.  —  Et  chaque  siècle  chrétien 
enregistre,  auprès  de  chaque  grande  entreprise,  l'influence 
bénie  de  la  femme. 

Interrogeons  l'Eglise.  —  La  réponse  qu'elle  nous  fera 
sera  double  :  car  elle  nous  dira  d'abord  dans  quelle  désola- 
tion et  quelle  déchéance  elle  alla  prendre  la  femme;  puisa 
quel  degré  de  splendeur  et  de  puissance  elle  laGt  monter. 

1°  Dans  quel  état  l'Eglise  trouva  la  femme.  —  Si  la  chute 
originelle  fut  terrible  à  l'homme,  il  semble  que  tout  le  poids 
de  l'expiation  retomba  sur  la  femme.  L'homme  fut  cruel 
envers  celle  que  Dieu  lui  avait  donnée  pour  compagne;  il 
l'écrasa  sous  la  force,  il  la  souilla  de  toutes  les  fanges  de 
sespassions,  il  en  fit  son  jouet,  il  en  fit  son  esclave,  et  bien- 
tôt, privée  de  tous  droits,  abandonnée  de  toute  justice,  foulée 
sous  toutes  les  tyrannies,  la  femme  antique,  la  femme  païenne, 
ne  fut  plus  qu'un  rebut  méprisé.  —  Fille,  il  appartient  à  son 
père  de  la  faire  périr.  Epouse,  elle  est  sous  l'entière,  l'ab- 
solue domination  de  son  époux.  Mère,  elle  est  privée  de  tous 
les  privilèges  et  de  tous  les  droits  maternels.  —  Et  c'est  à  la 
fois  de  par  les  lois,  les  mœurs  publiques,  les  idées  régnantes, 
les  coutumes  universelles,  que  la  femme  est  rejetée  à  ce  de- 
gré d'ignominie  et  d'impuissance. 

2°  Ce  que  l'Eglise  fit  de  la  femme.  —  Arrêtons- nous  de- 
vant la  plus  extraordinaire  et  la  plus  magnifique  des  œuvres 
de  l'Eglise.  Plus  cette  œuvre  était  difficile  ou  plutôt  impos- 
sible, plus  le  triomphe  est  divin.  Que  fit  l'Eglise  pour  relever 
la  femme  des  abaissements  et  des  infamies  du  paganisme? 

Elle  commença  par  saisir  le  monde  en  le  plaçant  en  face 
du  plus  nouveau  et  du  plus  extraordinaire  spectacle.  Devant 


LA   FEMME   CHRÉTIENNE  237 

la  femme  devenue  mère  de  Dieu,  voici  le  ciel  et  la  terre  pros- 
ternés! —  L'auréole  de  la  virginité  volontaire  fit  bientôt  de 
la  femme  un  être  céleste,  une  inaccessible  splendeur.  — 
Puis,  quand,  sous  les  noms  d'Agathe,  d'Agnès,  de  Luce,  de 
Cécile,  la  femme  apparut  plus  grande  que  la  grandeur  ro- 
maine, plus  puissante  que  la  puissance  des  Césars,  resplen- 
dissante de  sa  foi,  empourprée  de  son  martyre,  conquérant 
dans  l'arène  son  trône  et  sa  liberté  :  la  révolution  fut  opérée 
aux  trois  quarts  :  la  femme  avait  repris  dans  le  monde  le 
rang  que  Dieu  lui  avait  assigné.  —  Bientôt  les  cloîtres  s'éle- 
vèrent, la  vie  religieuse  mit  entre  les  passions  humaines  et 
la  vierge  chrétienne  d'infranchissables  barrières.  La  femme, 
désormais,  n'était  plus  l'objet  libre  et  facile  de  toute  lubricité. 
—  Ainsi  purifiée  et  ennoblie,  l'Eglise  appela  la  femme  à  tous 
les  postes  du  dévouement,  l'initia  à  ses  œuvres,  la  façonna  à 
ses  ministères. 

Ainsi  la  femme,  devenue  grande  et  héroïque,  se  concilia 
toutes  les  vénérations  et  tous  les  respects.  Il  fut  convenu, 
dans  notre  Société  chrétienne,  que  la  femme  ne  marcherait 
plus  qu'entourée  des  égards  d'une  courtoisie  chevaleresque  et 
les  mœurs  publiques  lui  assignèrent  partout  la  place  d'hon- 
neur. 

Interrogeons  nos  ennemis.  —  Ce  rang  et  cette  puissance 
de  la  femme,  régénérée  par  le  Christianisme,  n'ont  été  que 
trop  bien  appréciés  par  nos  ennemis.  Conjurés  contre  Dieu 
et  l'Eglise,  leur  but  avoué  est  de  ruiner  dans  les  âmes,  dans 
la  famille  et  dans  la  Société,  tout  élément  surnaturel,  toute 
croyance,  tout  culte,  toute  religion. 

Les  progrès  de  ces  sectaires  juifs  et  francs-maçons  sont 
effrayants  à  l'époque  actuelle.  Ils  ont  franchi  les  marches  du 
pouvoir,  se  sont  emparés  des  charges  publiques,  occupent 
tous  les  postes,  sont  maîtres  de  toutes  les  influences,  font 
mouvoir  une  innombrable  armée  de  subordonnés  et  de  fonc- 
tionnaires... Qui  les  arrêtera  désormais  sur  le  chemin  du 
définitif  triomphe?  Ils  l'ont  compris  :  c'est  la  femme  chré- 
tienne. 

1°  La  femme  chrétienne  les  arrête  dans  l'exécution  de  leur 
plan.  —  La  femme  chrétienne,  ils  la  trouvent  à  chaque  pas 
devant  eux;  elle  est  là  devant  chacune  de  leurs  entreprises, 
après  chacune  de  leurs  victoires.  —  Ils  font  l'assaut  de  cette 
âme  d'adolescent,  ils  comptent  bien  la  conquérir  :  mais  ce 
jeune  homme  a  une  mère  et  il  l'aime  et  il  l'écoute  et  il  la 


238  LA  FEMME   CHRÉTIENNE 

suivra...  Voici  l'homme  dans  sa  maturité,  engagé  dans  les 
voies  de  l'incroyance,  enrôlé  dans  l'armée  des  ennemis  : 
mais  une  épouse  chrétienne  étend  sur  lui  à  son  insu  des  in- 
fluences d'autant  plus  fortes  qu'il  s'en  méfie  moins...  Même 
sous  les  glaces  de  l'âge  et  les  glaces  plus  mortelles  encore 
d'une  longue  incrédulité,  le  vieillard  aura  sous  son  regard 
éteint  la  vision  du  passé,  la  radieuse  figure  d'une  mère  qui 
lui  enseignait  Dieu  autrefois.  Xon  vraiment!  Tant  qu'ils 
n'auront  pas  fait  disparaître  la  femme  chrétienne,  les  enne- 
mis de  Dieu  et  de  l'Eglise  ne  triompheront  pas.  Aussi,  c'est 
contre  elle  que  maintenant  se  tournent  leurs  machinations 
et  leurs  efforts. 

2°  Leurs  assauts  furieux  contre  la  femme  chrétienne.  —  De 
trois  côtés  à  la  fois  ils  s'efforcent  d'envahir  et  de  renverser 
la  foi  chrétienne  de  la  femme.  —  Ils  le  tentent  par  l'ensei- 
gnement. Ils  ont  ouvert  pour  elle  l'Ecole  et  le  Lycée,  d'où 
est  hanni  soigneusement  l'enseignement  religieux,  d'où  sont 
bannies  plus  soigneusement  encore  idée  et  pratique  de  la 
piété  chrétienne.  A  la  femme  ainsi  élevée  ils  prodigueront 
les  lectures  corruptrices;  ils  la  traîneront  à  nos  théâtres,  où 
elle  ne  verra  plus  que  les  spectacles  dont  Rome  païenne  eût 
rougi.  —  Seconde  tentative.  On  s'efforcera  d'isoler  la  femme 
de  tout  milieu  où  le  christianisme  règne  encore.  Si  elle  est 
riche  on  l'emportera  dans  le  tourbillon  de  la  vie  mondaine, 
vie  de  plaisirs,  de  dissipation  incessante,  où  les  choses  de  la 
religion  et  de  l'âme  n'ont  plus  môme  un  dernier  souvenir.  Si 
elle  est  pauvre,  l'usine  dévorera  plus  encore  sa  vertu  que 
ses  forces,  et  l'aumône  officielle  se  fermera  pour  elle  si  elle 
croit  en  Dieu. 

Enfin  quand  la  femme  déchristianisée  sera  mûre  pour  tou- 
tes les  dégradations,  les  associations  antireligieuses  l'enrôle- 
ront, la  franc-maçonnerie  la  souillera  dans  ses  orgies. 


LA   FEMME  CHRÉTIENNE  239 


IJ 


LES  MISSIONS  DIVERSES  DE  LA   FEMME 
CHRÉTIENNE 


La  première  mission  de  la  femme  chrétienne  s'accomplit 
dans  son  intérieur.  —  Mais  bientôt,  pour  une  seconde  mission, 
le  soin  des  pauvres,  Dieu  l'appelle  au  dehors. 

Mission  de  la  femme  chrétienne  dans  son  intérieur.  — 
Elle  est  multiple,  traverse  plusieurs  phases,  se  déroule  sous 
des  aspects  divers. 

1°  C'esf  d'abord  une  œuvre  de  maternelle  autorité.  —  Au 
foyer  domestique,  au  milieu  de  ses  jeunes  enfants,  la  mère 
est  une  puissance  incontestée.  Son  influence  est  souveraine, 
ses  leçons  deviennent  la  règle  unique;  seule,  elle  est  la  pre- 
mière éducatrice  de  l'enfant.  —  Et,  remarquons-le,  cette  pre- 
mière mission,  qu'elle  soit  réussie  ou  manquée,  aura  pour 
toute  la  durée  de  la  vie  une  incalculable  portée.  —  Alors 
même  que,  une  fois  la  première  enfance  écoulée,  le  choix  de 
la  pension  s'offre  aux  délibérations  de  la  famille,  les  désirs, 
la  volonté,  la  parole  d'une  Epouse  et  d'une  mère  garderont 
une  exceptionnelle  puissance. 

2°  C'est  une  œuvre  de  douce  insinuation.  —  Voici  l'adoles- 
cent dans  ses  désirs  indomptables  de  liberté  et  les  premières 
effervescences  des  passions.  Il  regimbe  sous  l'aiguillon,  il  a 
horreur  du  joug,  toute  autorité  trop  rude,  toute  parole  trop 
cassante,  l'irriterait  sans  le  faire  fléchir.  —  Dieu  a  donné  à 
la  femme  une  merveilleuse  puissance  d'insinuation.  Et  là  où 
cesse  forcément  pour  elle  le  commandement  absolu  commence 
le  triomphe  d'une  douce  et  patiente  influence.  —  Ainsi  retien- 
dra-t-elle  ou  ramènera-t-elle  un  fils  dans  l'étreinte  de  son 
amour  et  de  sa  vertu.  —  Ainsi  deviendra-t-elle  à  son  époux 
une  conseillère  précieuse,  une  modératrice  écoutée,  une  voix 
victorieuse,  un  appui  toujours  recherché. 


240  LA  FEMME  CHRÉTIENNE 

3°  C'est  une  œuvre  de  perpétuelle  vigilance.  —  Là  où  un 
mari  et  des  fils,  ni  ne  soupçonnent,  ni  n'évitent  le  danger, 
l'épouse  et  la  mère  tient  en  éveil  sa  vigilance;  elle  écartera 
de  l'enfant  les  périls  du  premier  âge.  — Avec  adresse  elle 
éloignera  du  jeune  homme  tout  ce  qui  altérerait  sa  foi  et  ten- 
terait sa  vertu.  —  Maîtresse  de  maison,  armée  de  la  même 
vigilance,  elle  Saura  faire  régner,,  avec  l'ordre  et  l'harmonie, 
les  vigoureuses  traditions  d'un  vrai  christianisme. 

Mission  de  la  femme  chrétienne  auprès  des  pauvres.  — 
Dieu  qui  a  donné  à  la  femme  un  cœur  plus  tendre,  un  dé- 
vouement toujours  prêt,  une  parole  caressante  ctdouce,  Dieu 
la  réserve,  au  dehors,  pour  la  plus  noble  des  missions  chré- 
tiennes, le  soulagement  et  la  consolation  des  pauvres.  —  Or 
jamais,  à  aucune  époque,  les  précieuses  qualités  de  la  femme 
ne  se  sont  mieux  harmonisées  avec  les  détresses  de  la  classe 
indigente. 

1°  Le  pauvre  souffre.  — Il  souffre  dans  son  corps,  auquel 
l'indigence  refuse  jusqu'à  la  nourriture  et  le  vêtement.  Qui 
nous  dira  quels  drames  douloureux  se  déroulent  dans  ces  ré- 
duits glacés  de  la  misère,  surtout  de  la  misère  honteuse?  Ali 
qu'il  fait  bon  aux  pauvres  recevoir,  avec  le  pain  et  le  vête- 
ment, la  douce  parole  qui  console,  l'exhortation  qui  relève, 
l'espérance  qui  rend  à  !a  vie  1 

2°  Le  pauvre  est  humilié.  —  Nous  nous  habituons  trop  à  no 
voir  dans  le  pauvre  qu'une  bouche  qui  réclame  le  pain  et 
des  entrailles  que  la  faim  torture.  Le  pauvre  est  une  âme.  Et 
dans  cette  âme  sont  toutes  les  aspirations  de  l'âme  humaine. 
Comme  tous  les  autres  le  pauvre  veut  sa  place  au  rang  de  la 
considération  et  de  l'honneur.  Et  quand  sa  misère  le  ravale, 
le  pauvre  porte  au  cœur  une  saignante  blessure.  —  Entrez 
dans  son  réduit,  dame  élégante  et  riche,  vous  y  apporterez 
l'illumination  et  le  relèvement. 

3°  Le  pauvre  est  aigri.  — C'est  là  le  comble  de  sa  misère  et 
le  fond  de  son  abîme.  Il  maudit  Dieu  et  les  hommes;  il  est 
armé  de  haine  et  de  vengeance  contre  la  Société  qu'il  accuse 
de  ses  souffrances  et  de  son  abandonnement.  —  Que  si  la 
classe  élevée  s'en  vient  à  lui,  fraternellement,  si  la  dame  as- 
sociée de  nos  œuvres  catholiques  sait  le  comprendre  et  être 
comprise  de  lui,  la  paix  régnera  sur  la  terre  et  le  salut  des 
âmes  s'opérera  dans  le  ciel. 


EXCELLENCES  DE  LA  PRIÈRE 


La  prière  est  la  noblesse  de  l'homme  ;  —  elle  est  sa  puis- 
sance ;  —  elle  est  sa  joie. 


LA  NOBLESSE  DE  LA  PRIERE 


La  prière  est  la  noblesse  de  toute  âme  humaine.  —  Elle 
est  la  suprême  noblesse  d'une  âme  que  la  grâce  déifie. 

Noblesse  de  rame  humaine  en  prière.  —  Quand  même 
nous  n'aurions  devant  nous  qu'une  âme  privée  de  la  vérité  et 
exilée  du  christianisme,  sa  prière,  qui  resterait,  toujours  «une 
élévation  à  Dieu,  »  aurait  une  étonnante  noblesse. 

1°  Mais  d'abord  comprenons  où  riest  pas  la  noblesse  de 
l'homme.  —  Elle  ne  peut  être  dans  les  biens  de  la  fortune 
qui  se  distribuent  au  hasard,  que  le  vice  possède  et  dont 
l'emploi  immodéré  abaisse  et  dégrade.  —  Elle  n'est  pas 
dans  l'élévation  du  rang.  Quelle  bassesse  d'âme  et  quelle  nul- 
lité de  vie  peut  couvrir  un  blason  doré  t  —  Elle  n'est  pas 
dans  les  avantages  du  corps  qui  reste  fatalement  la  proie  du 
tombeau. 

2°  Comprenons  maintenant  où  la  noblesse  de  l' homme  réside. 
—  Elle  réside  en  son  âme,  elle  jaillit  de  sa  pensée.  —  Quand 
l'homme,  prenant  son  essor  au  dessus  de  la  région  des  sens, 
se  livre  à  quelque  méditation  solitaire,  sa  vraie  grandeur 
commence  à  se  révéler.  —  Si  cette  méditation  devient  prière; 
si,  au  travers  des  choses  et  plus  grand  qu'elles,  l'homme 
s'élève  jusqu'au  Créateur  de  l'univers,  pour  lui  rendre  ses 
hommages  :  c'est  là  la  plus  sublime  des  œuvres  de  l'être  créé. 
T.  IV  15 


242  EXCELLENCES  DE   LA  PRIÈRE 

Noblesse  plus  grande  de  l'âme  chrétienne  en  prière.  — 
Si  toute  prière,  de  quelque  part  qu'elle  vienne,  est  l'acte  no- 
ble par  excellence,  quand  l'âme  d'où  elle  jaillit  est  devenue 
l'âme  chrétienne,  laprière  revêt  de  toutes  particulières  splen- 
deurs. 

1°  La  prière  est  une  audience  divine.  — Voyez  cet  étranger, 
cet  inconnu,  ce  pauvre  franchir,  à  la  stupéfaction  de  tous, 
un  seuil  royal,  percer  la  foule  des  courtisans  qui  s'écartent, 
prendre  rang  parmi  les  princes,  être  reçu  par  le  roi  avec 
amour,  conférer  avec  lui,  se  voir  couvrir  de  ses  faveurs  et 
s'en  retourner  avec  la  richesse  de  ses  grâces:  voilà  le  chrétien 
en  prière,  renversant  tout  obstacle,  franchissant  toute  immen- 
sité, dépassant  les  rangs  glorieux  des  anges,  reçu  parle  Très- 
Haut,  conférant  avec  Lui,  se  couvrant  des  splendeurs  pa- 
ternelles, et  ne  quittant  la  cour  céleste  qu'enrichi  de  dons  les 
plus  précieux  :  «  Elevatio  mentis  ad  Deum  ». 

2°  La  prière  estime  communication  divine.  —  Elle  opère  une 
sorte  de  transfusion  mystérieuse  de  l'âme  avec  la  divinité. 
Saint  Paul  nous  a  rendu  cette  merveille  dans  son  magnifique 
langage.  «  Nos  autem  gloriam  Domini  spéculantes  in  eam- 
dem  imagineni  transformamur,  a  claritate  in  claritatem.  » 
Les  pensées  de  Dieu  deviennent  les  nôtres,  les  vertus  de  Dieu 
s'imprègnent  en  nous,  et  un  reflet  de  ses  perfections  nous 
illumine.  —  Quand  l'Iïomme-Dieu  se  transfigure  au  Thabor 
l'Evangéliste  note  ce  détail  :  «  Resplenduit  faciès  ejus  sicut 
sol;  vestimenta  autem  ejus  facta  sunt  alba  sicut  nix.  »  A 
peine  le  Christ  s'était  mis  en  prière  qu'il  fut  ainsi  élevé, 
transfiguré,  resplendissant  :  image  saisissante  de  l'âme  en 
prière. 

3°  La  prière  est  un  divin  holocauste.  —  Elle  est  de  Saint 
Jean  Chrysostome  cette  pensée  sublime  :  L'âme  chrétienne 
en  prière  est  un  pontife  saint,  élevant  vers  le  Très-Haut  un 
encens  qui  embaume  le  ciel  et  la  terre.  Le  feu  du  sacrifice 
c'est  notre  ferveur  ;  l'autel  c'est  notre  langue  ;  la  victime 
sainte  c'est  la  prière  qui  s'y  dépose  ;  le  temple  c'est  le  sein 
de  Dieu. 

Noblesse  suprême  de  l'âme  déifiée  en  prière.  —  Quelque 
sublimes  que  soient  les  doctrines  qui  précèdent,  une  autre 
les  surpasse  toutes.  L'âme  chrétienne  jouissant  de  la  grâce 
n'est  plus,  pour  ainsi  dire,  elle-même,  elle  est  toute  en  Dieu  : 
«  Jo  vis,  s'écriait  Saint  Paul,  mais  non,  ce  n'est  plus  moi  qui 
vis  c'est  Jésus-Christ  qui  vit  en  moi.  »  Et  encore  :  «  Tous 


EXCELLENCES   DE   LA  PRIÈRE  243 

ceux  que  meut  l'Esprit  de  Dieu  ce  sont  là  ses  vrais  fils.  » 
Et  encore  :  «  C'est  l'Esprit  de  Dieu  lui-même  qui  prie  pour 
nous  et  en  nous  ». 

Voilà  la  grande  parole  !  Voilà  la  sublime  révélation  !  Quand 
nous  prions  ce  n'est  plus  notre  faible  voix,  ni  l'imperceptible 
accent  de  l'atome  qui  se  fait  entendre,  c'est  l'éclatante  et  ir- 
résistible voix  de  Dieu  :  «  Vox  Domini  in  virtute,  vox  Domini 
in  magnificentia  ». 


II 
PUISSANCE  DE  LA  PRIÈRE 


Pour  le  chrétien  tout  est  impossible  sans  la  prière.  —  Tout 
est  possible  avec  elle. 

Pour  le  chrétien  tout  est  impossible  sans  la  prière.  — 
Un  problème  étrange,  une  énigme  qui  semble  insoluble  s'of- 
fre à  nous. 

1°  Le  chrétien  nous  apparaît  dénué  de  tout.  —  Dieu  saisit  sa 
créature  et  il  la  jette,  sans  secours,  sans  défense,  sans  arme, 
à  travers  tous  les  obstacles,  au  sein  de  tous  les  dangers.  C'est 
le  matelot  laissé  au  milieu  d'une  mer  furieuse,  au  sein  d'un 
immense  océan,  avec  une  barque  fracassée,  sans  voile,  sans 
gouvernail  et  sans  rames;  c'est  le  soldat  désarmé  au  milieu 
d'une  mêlée  furieuse. 

2°  Et  en  même  temps  le  chrétien  nous  apparaît  obligea  tout. 
—  Avec  sa  nature  viciée,  ses  défaillances  mortelles,  ses  im- 
puissances désastreuses,  fils  de  la  déchéance,  tributaire  du 
péché,  on  lui  jette  cette  effroyable  parole  :  «  Soyez  parfait 
comme  votre  Père  céleste  est  parfait.  »  A  cet  être  chétif  on 
demande  donc  un  effort  absolument  impossible!  On  le  pré- 
cipite dans  un  insondable  abîme;  on  l'oblige  à  un  vol  au  tra- 
vers d'incompréhensibles  immensités. 

Quel  est  le  mot  de  cette  étrange  situation?  Et  puisque 
Dieu  fait  tout  avec  sagesse  qu'a-t-il  réservé  à  l'homme  comme 
remède  à  son  universelle  impuissance,  comme  contre-poids 


244  EXCELLENCES   DE    LA  PRIÈRE 

à  son  néant?  A  l'aigle  il  a  donné  des  ailes,  au  lion  du  désert 
la  griffe  et  le  rugissement;  au  plus  petit  des  êtres  il  a  mé- 
nagé les  ressources  appropriées  à  chacun  de  ses  besoins.  A 
l'homme  qu'a  t-il  donné  ? 

Pour  le  chrétien  tout  devient  possible  par  la  prière.  — 
Puisque  le  chrétien  a  tout  ensemble  d'immenses  détresses, 
d'immenses  obligations  et  que  la  prière  lui  est  donnée  par 
Dieu,  comme  unique  et  universelle  ressource,  la  prière  sera 
donc  d'une  puissance  incalculable,  d'une  absolue  efficacité. 

1°  Par  la  prière  tout  est  possible  sur  Dieu.  —  Dans  d'innom- 
brables scènes  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  la  puis- 
sance de  la  prière  sur  Dieu  nous  est  révélée.  —  Cette  puissance 
va  jusqu'à  ce  point  que  Dieu  la  redoute.  Scène  délicieuse  ! 
Moïse,  l'homme  de  la  prière,  est  aux  pieds  du  Très-Haut;  il 
supplie  pour  le  peuple  prévaricateur  que  le  châtiment  va  at- 
teindre, car  Dieu,  lassé  des  ingratitudes  et  des  révoltes  d'Israël, 
le  veut  enfin  anéantir.  Mais  que  fera  Dieu  si  la  prière  s'inter- 
pose entre  sa  colère  et  le  coupable?  «  Laisse-moi,  dit  Dieu  à 
son  serviteur  Moïse,  ne  prie  pas  pour  ce  peuple.  »  Et  si  Moïse 
continue  sa  supplication,  c'est  bien  dire  que  Dieu  en  demeu- 
rera le  vaincu.  —  Ces  défaites  mystérieuses  de  la  Justice 
divine,  combien  d'autres  pages  saintes  nous  les  font  contem- 
pler !  Abraham  eut  désarmé  cette  Justice  en  faveur  de  So- 
dome,  si  Sodome  eût  pu  compter  dix  justes.  —  Suivre  les  pas 
de  Jésus-Christ  à  travers  sa  carrière  publique,  au  sein  des 
foules  qui  l'assiègent,  c'est  contempler  les  magnifiques  vic- 
toires de  la  prière  sur  le  cœur  de  Dieu. 

Par  la  prière  les  infirmités  sont  guéries,  le  sépulcre  rend 
ses  morts,  lésâmes  sortent  de  la  tombe  plus  profonde  du  vice 
et  du  péché,  les  justes  s'illuminent,  le  ciel  s'ouvre  sur 
eux. 

2°  Par  la  prière  tout  est  possible  sur  nous.  —  La  prière 
écarte  nos  maux.  L'âme  sans  prière,  a  chanté  le  Psalmiste, 
est  une  terre  desséchée  et  sans  eau;  tout  y  languit,  tout  y 
meurt.  «  J'ai  passé,  dit  le  Sage,  par  le  champ  du  paresseux  : 
tout  y  était  en  ruine;  la  muraille  en  était  renversée,  les 
ronces  recouvraient  le  sol.  »  Telle  est  l'âme  devenue  paros- 
seuse  à  prier.  D'une  part  les  défauts,  les  vices,  les  péchés  de 
toute  sorte  ont  remplacé  la  divine  lloraison  dos  vertus. 
D'autre  part  la  «  muraille  »  renverséo  donne  accès,  par  uno 
brèche  funeste,  au  monde,  au  démon,  à  la  naturo  corrom- 
pue. 


EXCELLENCES  DE   LA  PRIÈRE  241 

3°  Par  la  prière  tout  est  possible  contre  nos  ennemis.  —  C'est 
en  face  de  nos  innombrables  et  tout-puissants  ennemis  que 
notre  faiblesse  apparaît  lamentable.  Nous  les  trouvons  par- 
tout; ils  obstruent  tous  nos  chemins,  ils  envahissent  tout  no- 
tre être.  —  Gomment  contenir  nos  ennemis  intimes  :  ces  sail- 
lies désordonnées  d'une  nature  en  révolte?  Saint  Paul  épou- 
vanté de  cette  lutte  supplie  Dieu  de  l'en  délivrer.  Dieu  néan- 
moins l'y  laisse,  lui  indiquant  comme  son  salut  la  grâce,  et, 
pour  obtenir  la  grâce,  la  prière.  —  Le  démon,  si  redoutable 
aux  âmes  sans  prières,  fuit  terrifié  au  premier  accent  d'une 
sincère  et  fervente  supplication.  La  prière  est  une  forteresse 
que  les  phalanges,  infernales  ne  forceront  jamais.  Cherchons 
donc  dans  la  tiédeur,  l'oubli  de  la  prière,  le  secret  de  nos 
honteuses  défaites  et  des  sanglants  triomphes  de  l'enfer  sur 
nous.  —  Victorieuse  de  Dieu,  de  nous-mêmes,  du  démon, 
comment  la  prière  ne  le  serait-elle  pas  du  monde  ?  Si  le 
monde  nous  fascine  ou  nous  terrorise,  la  prière  dissipera  ses 
charmes  et  brisera  son  joug.  —  Suivons  une  à  une  les  phases 
de  la  vie  de  l'Eglise.  Qu'at-elle  opposé  à  ses  persécuteurs  ? 
Comment  est  elle  sortie  triomphante  des  prisons  où  la  violence 
la  tenait  enfermée  ?  Elle  prie  et  voici,  qu'un  ange  s'en  vient 
délivrer  Pierre.  —  Par  la  prière  Paul  enchaîné  ébranle 
jusqu'aux  fondements  les  murs  de  son  cachot,  et  à  chaque 
prière  de  l'Eglise,  a  correspondu,  durant  le  cours  des  siècles, 
la  chute  et  le  brisement  de  quelque  ennemi  de  Dieu,  de  quel- 
que illustre  et  tout-puissant  oppresseur. 

Si  l'Eglise  entière  trouve  dans  la  prière  ses  délivrances  les 
plus  inespérées,  que  pourrait  craindre  une  âme  chrétienne, 
qui  possède  dans  la  même  arme  la  certitude  d'un  égal  triom- 
phe ? 


III 
CONSOLATION  DE  LA  PRIÈRE 


La  prière  qui  est  la  noblesse  et  la  force  de  l'homme  ici-bas, 
lui  est  encore  sa  seule  vraie  consolation.  —  Sans  elle  l'homme 


246  EXCELLENCES  DE  LA  PRIÈRE 

ressentie  malaise  d'un  devoir  trahi.  —  Sans  elle  l'âme  hu- 
maine s'isole  douloureusement.  —  Sans  elle  la  souffrance 
reste  aux  prises  avec  tous  les  désespoirs. 

Sans  la  prière  l'homme  ressent  le  malaise  d'un  devoir 
trahi.  —  Je  veux  bien  qu'entraîné  dans  les  tumultes  d'une 
vie  d'affaires  et  de  plaisirs  l'homme  puisse  étouffer  longtemps 
les  voix  intimes  qui  s'élèvent  de  son  âme  ;  il  devient  alors  cet 
«  animalis  homo  qui  non  percipit  quœ  sunt  Spiritus.  » 
L'homme  peut  tomber  si  bas  que,  détaché  du  firmament  des 
pensées  supérieures,  il  reste  gisant  sur  la  matière  dont  il 
fait  sa  proie.  —  Mais  il  est  des  heures  où,  pour  tout  homme, 
l'âme,  la  conscience,  l'instinct  d'une  destinée  supérieure, 
reprennent  quelque  empire.  —  D'ailleurs,  tous  ne  s'enfoncent 
pas  également  dans  l'ignominie  d'une  vie  matérielle. 

Or,  quand  elle  se  réveille  à  ses  instincts  supérieurs,  que 
devient  l'âme  qui  a  cessé  de  prier  ?  Quand  Saint  Paul  veut 
peindre  l'horreur  de  l'irréligion  :  ces  malheureux,  dit-il, 
«  vivent  en  ce  monde  sans  Christ  et  sans  Dieu.  »  —  Dieu  est 
un  Maître  Souverain  :  ils  refusent  de  le  reconnaître.  —  Dieu 
est  un  bienfaiteur  magnifique  :  ils  ne  lui  opposent  qu'ingra- 
titude et  oubli.  —  Dieu  est  un  père  tendre  :  ils  trahissent  en- 
vers lui  tous  les  devoirs  de  l'amour  filial. 

Quoi  que  fasse  l'âme  humaine,  les  lois  de  sa  création  prédo- 
mineront toujours.  La  trahison  du  plus  sacré  des  devoirs,  qui 
est  pour  l'homme  de  communiquer  avec  Dieu,  laissera  tou- 
jours après  elle  le  vide,  le  malaise,  l'inquiétude  et  une  mys- 
térieuse souffrance. 

Sans  la  prière  l'âme  humaine  s'isole  douloureusement.  — 
Nous  parlons  de  supplice  pour  l'homme  qui  a  cessé  de  prier. 
Quel  plus  grand  supplice  que  celui  de  l'isolement?  Supplice 
du  prisonnier,  oublié  sans  espoir  dans  une  prison  profonde... 
Supplice  du  naufragé  abandonné,  au  milieu  d'un  incommen- 
surable océan,  sur  un  îlot  désert.  Supplice  d'un  exilé  auquel 
on  refuse  sans  pitié  de  rendre  famille  et  patrie. 

Sans  plus  aucune  communication  avec  le  ciel,  l'homme  n'est 
plus  sur  la  terre,  qu'un  misérable  exilé.  L'existence  peut  le 
torturer  à  l'aise,  les  tristesses  de  la  vie  l'envahir,  les  choses 
terrestres  le  meurtrir  et  l'ensanglanter:  il  ne  lui  reste  plus 
que  l'horizon  de  la  tombe  et  l'affreuse  espérance  du  néant. 

Sans  la  prière  la  douleur  est  sans  contrepoids.  —  Un  Dieu 
bon  n'a  pu  décréter  la  souffrance  comme  expiation  et  comme 


EXCELLENCES   DE   LA  PRIÈHE  247 

mérite,  sans  que,  en  même  temps,  il  n'ait  préparé  le  remède 
au  mal,  le  baume  à  la  blessure. 

Pour  l'âme  qui  souffre,  la  prière  est  une  lueur  céleste  qui 
lui  fait  entrevoir  les  splendeurs  de  la  Résurrection  au  travers 
de  la  vision  sanglante  du  Calvaire. 

Pour  le  coeur  qui  souffre,  la  prière  estl'ange  que  le  ciel  dé- 
puta à  Getbsémani  auprès  du  Christ  oppressé  et  défaillant. 

La  prière  en  un  mot  renferme  en  elle,  pour  tous  ceux  qui 
souffrent,  des  suavités  et  des  forces,  des  espérances  et  des 
clartés. 


LES  OBJECTIONS  FAITES  A  LA  PRIÈRE 


L'on  n'a  pas  dit  toute  l'horreur  d'un  naufrage,  quand  on  a 
dépeint  les  malheureux  luttant  au  milieu  des  flots  soulevés. 
Si,  alors  que  les  secours  leur  arriveront,  ils  sont  exténués  et 
défaillants  au  point  de  ne  pouvoir  saisir  le  câble  qui  leur  est 
tendu,  s'ils  périssent  sous  les  yeux  même  de  leurs  sauveurs 
devenus  impuissants  :  voilà  assurément  le  comble  de  leur 
infortune  et  la  suprême  catastrophe. 

Ainsi  en  est-il  de  l'homme  ici-bas.  Etre  tombé  dans  l'abîme 
du  péché,  se  débattre  en  desespéré  au  milieu  des  Ilots  furieux 
de  quelque  passion,  n'est  pour  lui  ni  le  danger  le  plus  terri- 
ble, ni  la  situation  la  plus  perdue.  — Qu'il  prie,  il  sera  sauvé. 
—  Mais  si,  par  incroyance,  par  désespoir,  par  oubli  funeste  et 
par  légèreté,  il  a  éteint  dans  son  âme  la  supplication  à  Dieu, 
l'humble  et  ardente  prière,  il  est  irrémédiablement  perdu. 

Concevons,  contre  la  prière,  trois  sortes  d'objections  :  celles 
qui  viennent  de  l'incrédulité  ;  celles  qui  viennent  du  décou- 
ragement ;  celles  qui  viennent  d'une  mondanité  dissipée  et 
frivole. 


LES  OBJECTIONS  DE  L'INCROYANCE 


L'incrédule  passe  devant  nous  qui,  à  genoux  devant  Dieu, 
lui  élevons  nos  âmes  et  nos  prières  et  l'incrédule  murmure: 
«  insensés!  Gomme  si  Dieu  s'occupait  d'êtres  aussi  chétifs; 
comme  si  Dieu  ne  savait  pas  d'avance  l'objet  de  leurs  prières  !  » 
Pour  l'incrédule,  ou  bien  Dieu  ne  nous  écoute  pas,  ou  bien 
Dieu  n'a  nul  besoin  de  nous  écouter. 

Dieu  ne  nous  écoute  pas.  —  Dire  de  nous,  les  créatures  de 
Dieu,  les  fidèles  de  Dieu,  que  nous  sommes   de  si   impercep- 


LES  OBJECTIONS  FAITES  A  LA  PRIÈRE  249 

tibles  atomes,  que  notre  voix  jamais  ne  franchira  l'immensité 
qui  nous  sépare  de  Dieu,  c'est  méconnaître  à  la  fois  et  la  na- 
ture divine  et  notre  propre  élévation. 

1°  C'est  méconnaître  la  nature  de  Dieu.  —  Assurément  Dieu 
est  infini,  «  Dieu  habite  une  inaccessible  lumière,  »  rien  ne 
l'égale,  rien  ne  l'approche;  entre  l'Etre  incréé  et  les  êtres 
créés  quelque  parfaits  qu'on  les  suppose,  s'étendra  toujours 
l'abîme  de  l'infini.  —  Mais  en  Dieu  c'est  précisément  cet  in- 
fini qui  nous  le  rend  accessible.  Son  infinie  bonté  condescend 
au  plus  humble  des  êtres  «  Il  vêt  le  lis  des  champs,  »  il  sou- 
tient le  vol  du  passereau.  Jésus-Christ  ajoutait:  «  Combien 
plus  serez-vous  dignes  de  celte  condescendance,  hommes  de 
peu  de  foi  I  » 

D'ailleurs,  Dieu,  Sagesse  infinie,  ne  laissera  pas  en  proie 
aux  désordres  et  aux  jeux  du  hasard  cette  création  qu'il  a 
daigné  faire  jaillir  du  néant.  Il  s'occupera  d'elle,  il  entendra 
les  cris  de  ses  besoins.  «  11  ouvrira  la  main  et  tous  les  êtres 
seront  remplis  de  sa  munificence  ». 

2°  C'est  méconnaître  notre  propre  élévation.  —  Laissons  l'in- 
crédule parler  de  notre  imperceptible  néant.  Nous  chrétiens, 
nous  savons  notre  triple  grandeur  et  comment  par  l'effet  de 
trois  merveilleuses  œuvres,  Dieu  donne  à  notre  prière  un  es- 
sort  sublime  et  lui  prête  des  accents  tout  divins.  —  Dieu 
d'abord,  par  l'Incarnation  de  son  Fils,  a  relevé  magnifique- 
ment la  nature  humaine.  Si  par  notre  bassesse  native  nous 
appartenons  à  la  terre,  par  une  seconde  naissance  nous 
sommes  des  cieux  :  «  primus  Adam  de  terra  terrenus,  se- 
cundus  Adam  de  cœlo  cœlestis.  »  L'Apôtre  ajoute  :  «.  porte- 
mus  imaginem  cœlestis.  »  Quand  donc  nous  nous  présen- 
tons à  Dieu  pour  la  prière,  c'est  sous  des  traits  divins,  c'est 
avec  une  grandeur  divine.  Dieu  nous  donne  audience  comme 
à  d'autres  Jésus-Christ:  «  per  Ipsum  habemus  accessum  ad 
Patrem.  »  —  Non  seulement  le  chrétien  en  prière  est  vêtu 
d'une  grandeur  divine,  mais  encore  c'est  Dieu  même  qui 
met  sur  ses  lèvres  le  langage  qu'il  doit  tenir  et  dans  le  cœur 
les  sentiments  qu'il  doit  exprimer.  «  Spiritus  adjuvat  infir- 
mitatem  nostram.  Nam  quid  oremus  sicut  oportet  nescimus, 
sed....  qui  scrutatur  corda  scit  quid  desideret  Spiritus.  »  — 
Révélons  une  troisième  sublimité  de  la  prière  chrétienne.  Par 
la  grâce  sanctifiante  Dieu  est  en  nous;  nous  devenons  sa  de- 
meure et  c'est  lui,  nous  dit  l'Apôtre,  qui  daigne  prier  au  de- 
dans de  nous  et  pour  nous  :«  Spiritus  Ipse  postulat  prosanctis... 


250  LES  OBJECTIONS  FAITES  A  LA  PRIÈRE 

Ipse  Spiritus  postulat  pro  nobis  gemitibus  inenarrabilibus.  » 

Dieu  n'a  nul  besoin  de  nous  écouter.  —  A  quoi  bon,  dit 
l'incrédule,  prier  Dieu?  Dieu  ne  sait-ihpas  d'avance  et  infini- 
ment ce  que  l'on  désire  de  lui? —  Admirons  la  courte  vue  de 
l'incrédule,  la  pauvreté  de  ses  raisonnements,  l'exiguïté  de 
sa  science.  Il  ne  comprend  pas  qu'il  nous  faut  prier  d'abord  à 
cause  de  Dieu,  ensuite  à  cause  de  nous  mêmes. 

1°  A  cause  de  Dieu.  —  Dieu  est  Père;  Dieu  est  souverain; 
Dieu  est  juge.  Il  est  père  et  quel  père  tolérera  longtemps  l'in- 
grat et  insolent  mutisme  de  son  enfant?....  Dieu  estSouverain. 
Je  lui  dois  donc  mes  hommages,  mes  remerciments  pour  ses 
bienfaits,  mes  adorations  pour  sa  grandeur  infinie,  mes  de- 
mandes pour  mes  multiples  besoins Dieu  est  mon  Juge 

et  c'est  à  son  tribunal  redoutable  que  tout  être  intelligent 
et  libre  rendra  compte  de  ses  œuvres.  J'ai  donc  à  fléchir  sa 
justice  et  trop  souvent  à  apaiser  son  courroux. 

2°  A  cause  de  nous  mêmes.  —  Quand  même  j'accorderais  à 
l'incrédule  que  Dieu  connaît  trop  mes  détresses  pour  qu'il  me 
faille  les  lui  expliquer;  c'est  moi-même  qui,  avant  tout,  ai 
besoin  de  ma  propre  prière.  J'ai  besoin  de  quitter  fréquem- 
ment la  terre  pour  m'élever  jusqu'au  ciel,  ma  vraie  patrie, 
et  c'est  sur  les  ailes  de  la  prière  que  mon  âme  s'y  envolera. 
—  Mille  causes  funestes  m'éloignent  perpétuellement  de  Dieu. 
C'est  la  prière  qui  ramène  à  Dieu  mon  âme  fugitive,  c'est  par  la 
prière  que  mon  esprit  se  souvient,  que  mon  cœur  se  réchauffe, 
que  ma  volonté  vacillante  se  raffermit.  —  Futur  habitant  des 
cieux,  il  me  faut,  dès  ici-bas,  m'initier  aux  idées,  aux  senti- 
ments, aux  perfections,  aux  sublimités  de  ma  Patrie  à  venir. 
Or  c'est  surtout  par  la  prière  que  se  fera  cette  initiation  cé- 
leste. 


II 
LES  OBJECTIONS  DU  DÉCOURAGEMENT 


Je  prie  et  n'obtiens  rien  :  objection  d'autant  plus  redouta- 
ble qu'elle    ne  s'élève  pas  comme  l'autre  du  milieu  des  in- 


LES  OBJECTIONS   FAITES   A  LA  PRIÈRE  251 

croyants,  mais  du  sein  de  la  propre  famille  de  Dieu.  S'il  est 
une  doctrine  importante  à  connaître  et  qui  puisse  nous  rele- 
ver des  découragements  qui  éteignent  nos  prières,  c'est  bien 
celle-ci. 

Supposons  que  notre  prière  soit  restée  sans  effet.  —  Si 
vous  n'avez  rien  obtenu  de  ce  que  réclamaient  d'instantes 
prières,  la  raison  et  la  foi  unies  ensemble  vous  imposent  les 
réflexions  suivantes. 

1°  Dieu  n'a  pu  vous  refuser  que  ce  ne  soit  par  une  vue  de 
miséricorde .  —  La  supposition  que  Dieu  serait  resté  sourd  à 
notre  prière  par  oubli,  par  indifférence,  par  aversion,  serait 
une  absurdité  plus  encore  qu'un  blasphème.  La  création  en- 
tière portée  sur  le  sein  de  Dieu  plus  doucement  qu'une  mère 
porte  son  fils,  inondée  de  ses  biens,  enveloppée  de  sa  provi- 
dence, assaillie  pour  ainsi  dire  des  plus  délicates  attentions 
de  son  amour,  la  création  protesterait  indignée.  Non!  âme 
chrétienne,  Dieu  ne  peut  agir  avec  vous  que  par  bonté,  et  son 
refus  actuel  ne  peut  être  qu'une  preuve  de  plus  de  sa  sollici- 
tude maternelle. 

2°  C'est  par  l'effet  de  son  amour  que  vous  avez  été  refusé.  — 
Vous  êtes,  je  le  suppose  ici,  une  âme  sainte  et  fervente.  — 
Mais  alors  qu'est-ce  que  Dieu  veut?  qu'est-ce  que  son  cœur 
désire  et  sollicite  ?  Oh!  sans  doute  que  vous  lui  soyez  assidu; 
que  sans  cesse  il  vous  trouve  à  ses  pieds.  Que  désire  un 
père  sinon  de  se  voir  entouré  sans  cesse  de  ses  enfants?  Que 
réclame  une  mère  sinon  la  présence,  la  voix,  les  cris  d'a- 
mour, les  épanchements  de  tendresse  de  son  enfant?  —  Dieu 
vous  refuse  comme  Jésus-Christ  refusa  longtemps  à  la  Cana- 
néenne, comptant  que  vos  désirs  inassouvis  et  votre  attente 
trompée,  vous  ramèneront  sans  cesse  à  ses  pieds. 

3°  C'est  par  l effet  de  sa  sagesse  que  Dieu  n'a  point  exaucé 
votre  prière.  —  Sainte  et  fervente  êtes- vous,  je  le  veux  bien; 
mais  terrestre  encore,  trompée  par  l'ardeur  immodérée  d'un 
bien  temporel,  vous  avez  supplié  Dieu  pour  cette  douleur 
trop  longue,  cette  épreuve  trop  continue,  ce  succès  qui  vous 
semblait  si  nécessaire,  cette  guérison  qui  vous  paraissait  si 
utile...  Mais  Dieu,  qui  ne  juge  des  choses  qu'à  la  lueur  de 
l'éternité,  a  compris  que  ces  faveurs  terrestres  vous  devien- 
draient un  obstacle  au  salut,  qu'elles  amoindriraient  votre 
gloire  éternelle,  qu'elles  mettraient  peut-être  votre  âme  en 
péril  :  Dieu  vous  les  a  refusées. 

4°   C'est  par  une  nécessité  pressante   que  Dieu  vous  a  re- 


252  LES  OBJECTIONS  FAITES  A  LA  PRIÈRE 

fusé.  —  Tel  est  parfois  notre  aveuglement  dans  les  choses 
du  salut,  telles  sont  nos  désastreuses  méprises,  que  nos  plus 
ardentes  prières  s'appliquent  à  des  objets  qui  nous  perdraient 
infailliblement.  La  mère  remettra-t-elle  entre  les  mains  de 
son  jeune  enfant  l'arme  meurtrière  qu'il  réclame  d'elle  avec 
des  larmes  et  des  cris?  Le  sage  médecin  écartera-t-il  d'une 
plaie  purulente  le  fer  et  le  feu  qui  doivent  y  ramener  la  vi- 
gueur et  la  vie?  «  Et  si  vous  autres,  disait  Jésus-Christ,  qui 
êtes  mauvais,  donnez  de  bonnes  choses  à  vos  enfants,  que 
ne  fera  pas  pour  les  siens  votre  père  qui  est  dans  les  cieux?  » 

Mais  en  réalité  aucune  de  nos  prières  ne  reste  sans  ef- 
fet. —  Pas  une  prière,  pas  un  élan  du  cœur,  pas  un  cri  vers 
Dieu  qui  n'ait  son  effet;  pas  une  demande  qui  soit  jamais 
infructueuse. 

1°  Mais  l'effet  de  nos  prières  nous  est  souvent  cache'.  —  Le 
grand  don  de  Dieu,  celui  que  le  monde  depuis  quatre  mille 
ans  appelait  de  ses  cris  et  de  ses  prières,  le  Verbe  fait  chair, 
descend  imperceptiblement  au  milieu  de  nous,  «  Sicut  stilli- 
cidia  stillantia  super  terram  ».  Ainsi  tombent  sur  notre  âme, 
comme  prix  de  nos  prières,  les  grâces  et  les  faveurs  de  Dieu. 

2°  Mais  l'effet  de  nos  prières  est  un  effet  libre.  —  Dieu  agit 
en  maître  ;  Dieu  est  pour  nous  un  distributeur  indépendant 
de  ses  faveurs  et  de  ses  dons.  Dieu  nous  traitera  toujours 
avec  une  munificence  incomparable,  mais  restera  libre  dans 
l'effusion  de  ses  richesses. 

3°  Mais  l effet  de  la  prière  est  un  effet  approprié.  —  Dans 
les  grâces  qu'il  nous  verse  Dieu  a  égard  à  l'état  de  nos  âmes, 
à  nos  besoins  plus  pressants,  aux  détresses  ignorées  de  nous, 
aux  dangers  courus  sans  le  savoir. 

Pour  être  inconnus  de  nous  et  inappréciés,  ces  fruits  de 
nos  prières  n'en  sont  que  plus  opulents  et  plus  précieux. 


LES  OBJECTIONS  FAITES  A  LA  PRIÈRE  253 


III 

LES  OBJECTIONS  DE  LA  MONDANITÉ 


Comment  l'âme  mondaine,  frivole,  tumultueuse,  affairée, 
prierait-elle?  Il  lui  manque  pour  prier  deux  choses  indispen- 
sables :  le  désir,  le  loisir. 

L'âme  mondaine  n'a  pas  de  désirs.  —  Tout  entière  à  la 
vie  présente,  enchaînée  dans  les  sens,  n'ayant  plus  un  re- 
gard vers  les  choses  célestes,  l'âme  mondaine  n'a  rien  à  de- 
mander à  Dieu.  «  Pro  nihilo  habuerunt  terrain  desiderabi- 
lem...  Tu  dicis  quia  dives  sum  et  nihil  egeo...  »  —  N'ayant 
«  ni  la  faim  ni  la  soif  de  la  justice,  »  comment  crierait-elle  : 
«  Pater,  da  nobis...?  » 

L'âme  mondaine  n'a  pas  de  loisir.  —  Toutes  ses  heures 
sont  au  monde,  aucune  au  sanctuaire.  —  Parcourez  la  jour- 
née du  mondain  :  quelle  place  y  est  laissée  à  Dieu? 


LES  CONDITIONS  DE  LA  PRIÈRE 


«  Domine,  doce  nos  orare.  »  —  La  déchéance  nous  a  donc 
tellement  exténués  que  le  langage  môme  de  la  prière  n'est 
plus  sur  nos  lèvres.  —  Fuyant  Dieu,  nous  nous  sommes  donc 
à  ce  point  éloignés  de  lui;  Dieu  est  si  loin  de  nos  pensées  et 
de  notre  cœur,  que,  jusqu'à  l'idée  de  revenir  à  lui,  de  lui 
exposer  notre  détresse,  de  réclamer  son  secours,  s'est  per- 
due. —  Tel  est  ce  malade,  si  brisé,  si  mourant,  qu'il  n'a  plus 
même  la  force  de  prendre  la  potion  qu'on  lui  présente.  —  Tel 
est  ce  pauvre,  si  découragé,  tombé  dans  un  si  morne  déses- 
poir, qu'il  mourra,  sans  que  le  courage  lui  revienne  d'implo- 
rer assistance. 

Ne  plus  prier  :  tel  est  le  dernier  mal,  le  fond  de  l'abîme, 
l'irrémédiable  maladie  de  nos  âmes.  —  Et  si  cette  maladie 
est  à  ce  point  mortelle,  combien  il  nous  importe  d'en  recher- 
cher les  causes,  afin  d'en  pouvoir  arrêter  le  cours. 


IL  NOUS  FAUT  LA  FOI  POUR  PRIER 


Apprenons-le  de  l'Evangile.  —  Apprenons-le  du  simple 
raisonnement. 

Apprenons-le  de  l'Evangile.  —  Que  nous  parcourions  tou- 
tes les  pages  du  livre  sacré,  ou  que  nous  nous  arrêtions  à 
quelque  scène  saisissante,  partout  la  foi  nous  y  apparaît 
comme  l'inséparable  compagne  d'une  efficace  prière. 

1°  A  chaque  page  de  l'Evangile.  —  Dès  que  le  Christ  Sau- 


LES  CONDITIONS   DE  LA.  PRIÈRE  255 

veur  se  montre  à  la  foule,  les  malheureux  s'attachent  à  ses 
pas,  le  suivent  dans  un  élan  invincible,  réclament  à  grands 
cris  son  secours.  N'est-ce  pas  déjà  là  l'acte  implicite  de  la 
foi?  —  Mais  de  cette  foule  d'admirables  ligures  se  détachent: 
c'est  le  centurion,  c'est  la  Cananéenne,  c'est  le  paralytique, 
ce  sont  les  aveugles  de  Jéricho  etc.  Tous,  à  leurs  supplica- 
tions, joignent  leur  foi  ardente.  —  D'ailleurs  jamais  prière 
n'est  agréée  de  l'Homme-Dieu  si  elle  ne  jaillit  des  entrailles 
mêmes  de  la  foi  :  son  mot  est  le  même  toujours  «  Si  potes 
credere  ». 

2°  Dans  une  scène  plus  particulière.  —  Scène  frappante,  où 
la  nécessité  de  la  foi  dans  la  prière  nous  est  plus  clairement 
que  jamais  révélée.  A  un  moment  où  Jésus  est  entouré, 
pressé  par  la  foule:  «  Quelqu'un,  s'ôcrie-t-il,  vient  de  me  tou- 
cher. »  —  Mais,  maître,  lui  observent  les  Apôtres,  tous  vous 
touchent!  —  Jésus  répond:  «  J'ai  senti  qu'une  vertu  s'échap- 
pait de  moi.  »  Scène  mystérieuse!  Tant  que  c'est  la  foule, 
foule  indifférente,  matérielle,  sans  foi,  qui  s'empresse  autour 
de  lui,  «  aucune  vertu  ne  s'échappe  de  sa  divine  personne.  » 
Mais  dès  qu'une  pauvre  femme,  aussi  ardente  dans  sa  foi  que 
humble  dans  sa  prière,  a  touché  le  bord  de  son  vêtement, 
elle  se  trouve  soudainement  guérie. 

D'où  vient,  se  demande  Saint  Ambroise,  cette  différence 
entre  une  foule  qui  presse  Jésus  sans  en  rien  obtenir  et  une 
malade  qui  se  voit  aussitôt  guérie  qu'elle  implore  ?  «  Fide 
tangitur  Christus,  »  répond-il. 

C'est  la  foi  seule  qui,  en  touchant  Jésus,  en  obtient  tout 
l'effet  de  la  prière. 

Apprenons-le  du  simple  raisonnement.  —  Nous  deman- 
derons-nous comment  la  prière  réclame  ainsi  la  foi  pour  de- 
venir possible  et  efficace? 

1°  C'est  la  foi  qui  nous  rend  attentifs.  —  Que  l'âme  en  prière, 
que  le  suppliant  qui  s'avance  jusqu'au  trône  d'une  majesté 
infinie  doivent  avant  tout  témoigner  de  leur  profond  respect: 
c'est  là  une  vérité  assez  claire  par  elle-même.  Parler  à  un 
grand  monarque,  l'inattention  dans  l'âme,  la  dissipation  dans 
le  regard,  l'incohérence  sur  les  lèvres,  c'est  mériter  d'être 
chassé  honteusement. 

Mais  d'où  nous  viendra,  quand  nous  parlons  à  Dieu,  ce  res- 
pect profond,  cette  attention  soutenue?  De  la  foi.  Voyez  en- 
trer dans  le  temple  ces  deux  personnes.  Quel  recueillement 
dans  la  première  !    Absorbée  tout  entière   dans  une  vision 


256  LES  CONDITIONS  DE    LA  PRIÈRE 

supérieure,  le  monde  a  disparu  pour  elle,  le  ciel  s'entr'ouvre, 
le  tabernacle  devient  éblouissant,  le  Dieu  qui  y  réside  se 
découvre  à  elle  dans  sa  douce  et  terrifiante  majesté.  «  Invi- 
sibilem  tanquam  videns.  »  La  seconde,  l'âme  mondaine  et 
dissipée,  l'âme  sans  foi,  elle  aussi  est  en  la  présence  du  Très- 
Haut;  mais  c'est  d"elle  qu'a  dit  le  Prophète:  «  Non  est  timor 
Dei  aute  oculos.  »  Pour  elle  le  temple  est  vide  de  Dieu  et  il 
se  remplit  des  objets  de  sa  curiosité.  Son  regard  est  vague 
comme  sa  pensée;  le  monde  avec  ses  vanités  la  remplit  tout 
entière;  elle  sortira  de  sa  prière  comme  elle  y  est  entrée, 
sans  songer  un  instant  au  Dieu  qu'elle  prétendait  honorer. 

2°  C'est  la  foi  qui  nous  rend  confiants.  —  Voyez  cet  enfant. 
Il  prie  sa  mère,  et  les  refus  de  cette  mère  ni  ne  le  déconcertent 
ni  ne  refroidissent  sa  supplication.  Jamais  vous  ne  lui  per- 
suaderez qu'il  puisse  être  repoussé.  —  Telle  est  l'àme  de 
foi  en  face  de  Dieu.  La  foi  lui  montre  si  clairement  la 
puissance,  la  bonté,  l'inépuisable  bienfaisance  de  ce  «  Père 
qui  est  dans  les  cieux  »  que  jamais  l'idée  d'un  refus  n'altéra 
sa  confiance.  «  Contra  spem  in  spem.  »  —  Son  acte  de  foi  par 
excellence  sera  l'acte  d'une  inébranlable  confiance  :  «  Nos 
credimus  carilati  quam  habet  in  nos  Deus.  » 

3°  C'est  la  foi  qui  allume  nos  ardeurs.  —  Prier  froidement, 
avec  une  insouciance  incurable,  sans  désirs,  sans  élan,  est-ce 
prier?  «  0  âme,  s'écrie  un  de  nos  Docteurs,  pourquoi  veux-tu 
que  Dieu  te  prête  une  attention  que  tu  n'as  pas  toi-même  et 
t'accorde  ce  que  tu  ne  désires  même  pas?  »  Indigent  insensé 
qui  frappes  au  seuil  de  l'opulence  d'une  main  si  distraite,  d'un 
air  si  insouciant  que  tu  repousses  l'aumône  bien  loin  de  l'ap- 
peler. Partout  dans  l'Evangile  les  suppliantsnous  apparaissent 
dans  leurs  prières,  pleins  de  cris  déchirants,  de  supplications 
qu'on  cherche  vainement  à  étouffer.  —  Quand  lo  Psalmiste 
entre  en  prière  c'est  avec  des  cris  «  Clamavi  ad  Dominum.  » 
«  Clamabo  ad  Dominum.  »  —  Et  Saint  Paul,  qui  nous  ouvre 
le  mystère  des  supplications  de  l'Homme-Dieu,  nous  parle 
«  des  cris  véhéments  »  de  sa  prière  «  cum  clamore  valido.  » 

Mais  où  s'allumeront  ces  ardeurs?  D'où  jaillira  ce  «  cri 
véhément  »  de  la  prière?  Assurément  de  la  foi,  de  cette  foi 
vive  qui,  déchirant  tous  les  voiles,  nous  montre  nos  détres- 
ses, nos  dangers,  l'immense  besoin  que  nous  avons  des  se- 
cours d'en  haut. 


LES  CONDITIONS   DE    LA    PRIÈRE  257 


II 

IL  NOUS  FAUT  LE  COURAGE  POUR  PRIER 


Ce  courage  doit  1°  assurer  l'eiïet  de  notre  prière.  11  doit  2° 
écarter  les  obstacles  qui  s'opposent  à  sa  perfection. 

Courage  pour  coopérer  aux  effets  de  la  prière.  —  Nous 
avons  prié.  Dans  nos  prières  nous  avons  demandé,  ou  bien  les 
forces  nécessaires  à  notre  âme  dans  les  luttes  de  la  vertu,  ou 
bien,  plongés  dans  quelque  ai'lliction,  nous  avons  réclamé  des 
secours  de  délivrance  ou  de  soumission.  —  Tenons  pour  cer- 
tain que,  en  retour  de  notre  prière,  la  grâce  divine  est  tombée 
sur  nous.  Le  sillon  que  nous  avons  ensemencé  a  fidèlement 
rendu  sa  moisson  :  reste  maintenant  à  mettre  en  œuvre  nos 
secours  et  à  ne  point  dissiper  nos  richesses  obtenues. 

1°  Coopérer  à  la  grâce  dans  les  lattes  de  la  vertu.  —  Les  tenta- 
tions vous  assaillent,  les  pièges  du  monde  vous  circonviennent, 
les  occasions  dangereuses  s'entr'ouvrent  sous  vos  pas  comme 
des  abîmes....  Tenez  pour  certain  qu'en  retour  de  vos  prières 
Dieu  vous  tient  en  réserve  les  grâces  de  lumière  et  d'éner- 
gie. Des  armes  vous  sont  données,  de  puissants  auxiliaires 
vous  arrivent;  engagez  vaillamment  la  lutte,  Dieu  y  est  avec 
vous,  vous  serez  vainqueur. 

Mais  que  dire  si,  après  une  prière  exaucée,  vous-même 
quittez  le  combat  et  vous  abandonnez  lâchement?  Si  vos 
imprudences  rendent  vain  le  secours  de  Dieu?  Si  votre  mol- 
lesse trahit  une  cause  que  la  grâce  s'apprêtait  à  rendre  vic- 
torieuse/ —  Que  de  fois  nous  rendons  ainsi  par  notre  faute 
nos  prières  inefficaces  !  Ce  pauvre  a  crié  à  Dieu  :  «  Donnez- 
nous  notre  pain  »;  le  pain  est  donné  et  voilà  que  l'insensé 
se  détourne,  et  jette  loin  de  lui  l'aliment  de  ses  forces  et  l'es- 
pérance de  sa  vie!  —  «  Utamur  Salvatore  »,  nous  dit  Saint 
Augustin. 

2°  Coopérer  à  la  grâce  dans  les  afflictions  de  la  vie.  —  En 
retour  des  prières  de  cette  âme  meurtrie  par  la  douleur,  Dieu 
T.  iv  17 


258  LES   CONDITIONS  DE   LA  PRIÈRE 

lui  verse  les  baumes  de  ses  consolations,  lui  insinue  les  éner- 
gies de  la  patience,  lui  entr'ouvre  les  perspectives  d'un  bon- 
heur éternel;  Dieu  souffre  et  pleure  avec  elle;  merveilleuse 
condescendance!  «  Dieu,  dit  le  Psalmiste,  dispose  lui-même 
la  couche  de  sa  douleur.  »  «  Yersasti  lectum  suum  in  infirmi- 
tate.  »  La  prière  a  eu  son  effet,  tout  est  prêt  pour  adoucir 
et  faire  fructifier  ce  martyre.  Mais  voici  que,  oublieux  des 
effets  de  sa  prière,  le  patient  dissipe  en  irritations,  en  mur- 
mures, en  impatiences,  peut-être  en  blasphèmes  et  en  déses- 
poir, la  riche  moisson  de  grâces  que  sa  prière  avait  fait  ger- 
mer :  «  Utamur  Salvatore  »  ! 

Courage  pour  écarter  les  obstacles.  —  Les  obstacles  qui, 
en  entravant  nos  prières  arrêtent  le  cours  de  la  grâce,  sont 
de  différentes  espèces.  Nous  prions,  mais  sans  esprit  chrétien. 
—  Nous  prions  mais  sans  régularité  ni  persévérance.  —  Nous 
prions,  mais  sans  loyauté. 

1°  Nous  prions,  mais  sa?is  esprit  chrétien.  —  L'esprit  de 
Dieu  met  dans  nos  demandes  comme  dans  nos  désirs  un  or- 
dre parfait,  cet  ordre  qui  nous  est  si  clairement  marqué  dans 
l'Oraison  dominicale.  —  Nous  devons  prier,  avant  tout,  comme 
«  fils  de  Dieu  »,  héritiers  éternels  de  Dieu,  serviteurs  de  Dieu. 
Nos  prières  doivent  avoir  pour  premier  objet,  après  la  glori- 
fication de  Dieu,  le  bien  spirituel  de  nos  âmes. 

Hélas!  que  faisons-nous?  Nous  intervertissons  cet  ordre.  Les 
biens  spirituels  n'obtiennent  de  nous  qu'une  préoccupation 
fugitive  et  de  languissants  désirs.  —  Tout  au  contraire,  les 
faveurs  temporelles,  les  biens  d'un  jour,  souvent  les  inutiles 
ou  même  dangereuses  faveurs  remplissent  notre  prière.  — 
Semblables  en  cela  à  ces  Juifs  grossiers  qui  ne  poursuivaient 
le  Sauveur  que  pour  en  obtenir  le  pain  matériel,  sans  se  sou- 
cier en  aucune  manière  du  «  Pain  descendu  du  ciel  »  qu'on 
leur  faisait  entrevoir.  — Que  de  fois  il  nous  est  arrivé  de  de- 
mander à  Dieu  les  dons  les  plus  dangereux,  les  plus  homici- 
des faveurs?  Que  prétendons-nous  avec  de  semblables  priè- 
res? 

2°  Nous  prions,  mais  sans  régularité  et  sans  persévérance.  — 
Pourquoi  cette  âme,  si  fervente  naguère,  hôte  si  assidue  de 
l'église,  qui  de  la  Table  Sainte  faisait  si  bien  ses  délices, 
s'est-elle  éloignée  peu  à  peu?  Pourquoi  ne  la  trouve-t  on  plus 
parmi  les  vrais  enfants  du  Père  céleste  ?  Pourquoi  ces  lèvres 
sont-elles  muettes  et  ce  cœur  s'cst-il  fermé? 

Dieu  est  resté  le  même  «  Fidelis  Deus  »,  toujours  aussi 


LES  CONDITIONS  DE  LA  PRIÈRE  259 

accueillant  et  aussi  bon,  mais  c'est  nous  qui  avons  changé.  — 
L'esprit  mondain  s'est  emparé  de  notre  àme....  Les  sollici- 
tudes de  la  vie  ont  absorbé  et  circonscrit  nos  pensées  et  nos 
désirs....  Les  afflictions,  au  lieu  de  nous  porter  à  Dieu,  nous 

en  ont  détournés Le  «  fardeau  du  péché  »,  dont  parle 

l'Apôtre,  a  surchargé  et  alourdi  notre  àme Parfois,  moins 

que  tout  cela,  un  simple  caprice,  un  changement  d'humeur, 
une  fantaisie,  une  frivolité,  ont  suffi  à  nous  faire  déserter  la 
prière. 

3°  Nous  prions,  mais  sans  loyauté.  —  Nous  réalisons  ce  mot 
de  l'Ecriture  :  «  Ce  peuple  m'honore  des  lèvres,  mais  son  cœur 
est  loin  de  moi.  »  Nous  n'avons  plus  gardé  que  les  dehors 
de  la  piété  ;  en  réalité  la  piété  est  absente.  Nos  exercices 
de  dévotion  sont  maintenus,  mais  ils  sont  accomplis  sans  at- 
tention, sans  essor,  sans  âme. 

Ainsi  priaient  ces  Juifs,  dont  Dieu  repoussait  les  prières.  — 
Ainsi  prient  tant  de  chrétiens,  qui  n'ont  plus  retenu  de  la 
religion  qu'une  routine  inconsciente  et  des  pratiques  sans 
lumière  et  sans  cœur. 


LES  EFFETS  DE  LA  PRIÈRE 


Quand  le  Psalmisle  veut  nous  peindre  l'état  d'une  âme  qui 
trop  longtemps  a  délaissé  la  prière  :  <  Mon  âme,  dit-il,  est 
comme  une  région  déserte,  sans  chemin,  sans  eau  »  «  Terra 
déserta  et  invia  et  inaquosa,  sic  in  sancto  apparui.  »  — Région 
déserte.  Les  choses  saintes,  les  pensées  célestes,  les  aspirations 
surnaturelles  ne  s'y  retrouvent  plus.  —  Région  sans  roule, 
sans  horizon,  sansfssue.  Del'àme  fervente  qui  prie,  l'Ecriture 
a  dit  qu'elle  a  tracé  en  elle-même  des  routes  qui  se  dirigent 
en  montant  vers  le  ciel;  «  Ascensiones  disposuit.  »  Mais  l'âme 
sans  prière  ne  correspond  plus  avec  Dieu,  et  aucun  chemin 
désormais  ne  l'y  ramène.  —  Région  desséchée  et  aride.  La 
pluie  du  ciel,  la  "rosée  de  la  grâce  n'y  tomhant  plus,  plantes 
et  fleurs  ont  péri,  les  fruits  ont  disparu,  les  moissons  sont 
absentes,  tout  s'y  revêt  des  désolations  de  la  mort. 

Sous  de  très  différentes  images  l'Ecriture  nous  fait  appa- 
raître une  tout  autre  réalité.  Voici  l'âme  qui  prie.  «  C'est,  dit 
le  Psalmiste,  un  bel  arbre  planté  sur  le  cours  des  eaux,  arbre 
que  la  saison  trouve  toujours  chargé  de  fruits,  dont  le  feuil- 
lage n'est  jamais  flétri,  dont  la  richesse  n'est  jamais  trom- 
peuse. » 

Les  effets  de  la  prière  dans  l'âme  sont  aussi  nombreux  que 
magnifiques:  résumons-les  dans  les  quatre  suivants. 

La  prière  vivifie, 

La  prière  purifie, 

La  prière  enrichit, 

La  prière  console. 


LES    EFFETS    DE  LA  PRIÈRE  261 


LA  PRIERE  VIVIFIE 


Pour  bien  comprendre  la  reviviscence  d'une  âme  par  la 
prière,  sachons  d'abord  comment  une  âme  dépérit. 

Comment  une  âme  peut  dépérir.  —  Notre  vie  spirituelle 
est  sujette  aux  mêmes  vicissitudes  de  force  et  d'abattement, 
de  santé  et  de  maladie,  de  vie  et  de  mort,  que  notre  être  cor- 
porel. 

1°  Notre  âme  dépérit  par  une  mauvaise  alimentation.  — 
«  Aruit,  disait  le  Psalmiste,  virtus  mea,  quia  oblitus  sum  co- 
medere  panem  meum.  »  Au  lieu  du  pain  substantiel,  du  pain 
céleste  que  nous  dispense  la  vie  chrétienne,  nous  nous  som- 
mes laissés  aller  à  deux  causes  différentes  de  dépérissement: 
l'une  intime,  l'autre  extérieure.  —  Intime.  Peu  à  peu  nous 
nous  sommes  éloignés  de  Dieu.  Sa  pensée,  étouffée  sous  les 
aspirations  terrestres,  nous  est  devenue  importune.  «  Il  n'a 
plus  été  sous  notre  regard.  »  Ses  temples,  ses  sacrements,  les 
pratiques  pieuses  qui  l'honorent  nous  sont  devenues  indiffé- 
rentes; puis,  à  la  fin,  presque  odieuses En  même  temps, 

le  tourbillon  du  monde  nous  a  chassés  loin  de  notre  piété 
première.  Plaisirs  ou  affaires,  surcharges  du  travail  ou  frivo- 
lités de  la  vie  ont  pris  en  nous  la  place  que  Dieu  laissait 
vide Enfin  notre  nature  déchue  se  faisant  jour  de  tou- 
tes parts,  le  péché  faisant  irruption  dans  nos  âmes,  nous  nous 
sommes  trouvés  en  rupture  avec  Dieu,  «  Alienati  a  vita 
Dei,  sine  Christo,  sine  Deo,  in  hoc  mundo  » .  —  D'autres  causes 
extérieures.  Nous  avons  subi  les  déformations  du  monde;  ses 
maximes  antichrétiennes  nous  ont  émus;  ses  exemples  nous 
ont  entraînés;  son  joug  s'est  appesanti  sur  nous;  les  milieux 
où  nous  nous  sommes  trouvés  nous  ont  peu  à  peu  façonnés 
à  une  existence  matérielle  d'où  l'on  bannissait  toute  vue 
supérieure,  tout  essor  vers  d'éternelles  destinées.  —  Ainsi 
dépérit  une  âme,   ainsi  de   pieuse    qu'elle  était    une  mor- 


262  LES    EFFETS  DE  LA  PRIÈRE 

telle  indifférence  s'est  étendue  sur  elle  comme  un  linceul. 

2°  Notre  âme  dépérit  sous  l'effort  du  temps  et  de  la  lassitude.  — 
En  dehors  même  des  causes  morbides  que  nous  venons  d'énu- 
mérer,  une  âme  si  elle  n'y  veille,  peut  subir  l'action  désas- 
treuse du  temps.  —  Tout  s'use,  tout  dépérit,  tout  incline  vers 
son  néant  parmi  les  choses  créées.  De  Dieu  seul  il  est  dit  :  «  Tu 
semper  idem  ipse  es  et  anni  tui  non  déficient.  »  De  tout  le 
reste  la  même  Ecriture  ajoute:  «  Sicut  vestimentum  veteras- 
cent.  »  Au  ciel,  après  le  plus  éblouissant  éclat,  le  soleil  tombe 
et  s'éteint;  l'été  va  se  perdre  dans  les  frimas  de  l'hiver,  le 
chêne  finit  par  dépérir  dans  la  forêt,  notre  corps  naguère  si 
printanier  et  si  vigoureux,  s'affaiblit  et  laisse,  par  ses  déca- 
dences successives,  prévoir  sa  définitive  ruine. 

Et  l'âme  seule  échapperait  à  la  loi  commune?  Ne  le  croyons 
pas.  Comme  tout  le  reste,  elle  est  sujette  à  de  fatals  dépéris- 
sements. Les  âmes  les  plus  saintes  connaissent  ce  douloureux 
phénomène.  «  Currebatis  bene,  dit  l'Apôtre  aux  chrétiens  de 
Galatie,  quis  vos  impedivit?  »  Ce  voyageur  est  parti  d'un  pas 
si  leste,  d'une  allure  si  joyeuse,  la  distance  ne  semblait  rien 
à  son  impétueuse  ardeur Et  maintenant  nous  le  retrou- 
vons alourdi  et  se  traînant  à  peine  ;  la  fatigue  seule  a  brisé 
sa  marche.  —  Fatigue  étrange  qui  saisit  les  âmes  les  plus 
spirituelles.  C'est  la  paresse,  un  mystérieux  dégoût,  un  désen- 
chantement, un  ennui,  qui  se  sont  abattus  sur  elles  brisant 
leur  volonté  et  comprimant  leur  essor. 

3°  Notre  âme  dépérit  par  la  maladie.  —  Cause  plus  ordinaire, 
plus  grave  aussi.  Une  passion  s'est  éveillée,  une  occasion  dan- 
gereuse a  surgi,  une  chute  nous  a  précipités  hors  de  la  grâce  ; 
nous  traînons  maintenant  ce  que  l'Apôtre  nomme  «  Pondus 
eircumstans  peccati  ». 

Comment  une  âme  ressuscite.  —  Elle  ressuscite  avant 
tout  par  la  prière.  La  prière,  pour  toute  âme  affaiblie,  ou 
mourante,  ou  morte,  restera  toujours  le  premier  mouvement 
vers  la  vie. 

1°  La  prière  est  un  retour  au  ciel.  —  Par  quelque  cause  que 
notre  âme  soit  tombée,  sa  chute  est  toujours  un  éloignement 
de  sa  fin  dernière  qui  est  Dieu.  Une  âme  ne  dépérit  qu'à  pro- 
portion qu'elle  s'éloigne  de  Dieu:  «  Qui  elongant  se  a  te,  pe- 
ribunt.  »  —  Qui  ne  voit  dès  lors  quel  sera,  dans  cette  âme, 
le  rôle  de  la  prière.  «  Elevatio  mentis  ad  Deum?  »  Par  la 
prière  cette  âme  s'échappe  du  monde,  brise  les  chaînes  du 
péché,  retrouve  le  ciel,  prend  son  vol  vers  Dieu.  Ses  pensées, 


LES    EFFETS   DE  LA  PRIÈRE  263 

ses  affections  redeviennent  célestes;  sa  volonté  se  retrempe 
dans  le  bien.  Heureuse  âme!  elle  a  respiré  l'air  natal;  la  vue 
de  sa  patrie,  le  commerce  des  siens,  lui  ont  fait  oublier  les  lai- 
deurs et  les  hontes  de  l'exil. 

2°  La  prière  est  un  sommeil  réparateur.  —  Nous  pouvons 
appliquer  à  l'âme  qui,  après  de  longs  oublis  et  de  mortels 
dépérissements,  se  remet  avec  courage  aux  exercices  de  la 
piété  chrétienne,  ces  paroles  du  Psalmiste:  «  In  idipsum  dor- 
miam  et  requiescam...  Ego  dormio  cor  autem  vigilat.  »  Dans 
le  sommeil  mystérieux  de  la  prière,  oublieuse  du  inonde  et 
d'elle-même,  elle  a  réparé  ses  forces  divines,  et  la  voici  toute 
prête  à  fournir  la  noble  carrière  d'une  vie  de  prédestinée. 

3°  La  prière  est  un  appel  à  Dieu.  —  Ne  cherchons  pas  d'au- 
tres causes  de  résurrection  pour  notre  âme.  A  peine  avons- 
nous  prié:  Dieu  vient  à  nous;  il  y  vient  comme  autrefois  au 
sépulcre  de  Lazare  emmenant  avec  lui  toutes  les  forces  d'mne 
vie  nouvelle:  «  Lazare,  veni  foras!  »  —  Si  Jésus-Christ  nous 
a  dit:  «  Sine  me  nihil  potestisfacere;  »il  a  dit  aussi:  «  Petite 
et  accipietis  ;  pulsate  et  aperietur  vobis.  » 

Ainsi  est  solidement  fixée  la  certitude  de  notre  salut.  D'une 
part  ce  salut  vient  uniquement  de  Dieu,  d'autre  part  la  prière 
amène  Dieu  dans  notre  âme  et  l'y  fixe  à  jamais. 


II 
LA  PRIÈRE  PURIFIE 


Elle  nous  purifie  de  nos  fautes  passées.  —  Elle  nous  dispose 
au  pardon  des  fautes  présentes.  —  Elle  nous  préserve  des  fau- 
tes à  venir. 

La  prière  purifie  l'âme  des  fautes  passées.  —  Nos  fautes 
passées,  bien  que  le  sacrement  nous  en  ait  enlevé  le  lourd 
fardeau,  ne  laissent  pas  moins  de  profondes  traces  dans  nos 
âmes.  D'ailleurs  l'offense  d'un  Dieu  ne  doit  jamais  être  reje- 
tée par  nous  dans  un  injurieux  oubli.  Dès  lors  que  ferons- 
nous  ?  Nous  prierons. 


264  LES   EFFETS    DE   LA  PRIÈRE 

La  prière  réveillera  sans  cesse  les  saints  regrets,  la  puri- 
tiante  douleur.  Sur  l'aile  de  la  prière  nous  serons  portés  vers 
ce  Dieu  outragé  par  nous  et  qui  maintenant  daigne  sourire  à 
nos  regrets  renouvelés.  —  Ouvrons  le  livre  des  Psaumes.  Sans 
cesse,  sans  fin,  David,  le  malheureux  adultère,  le  cruel  homi- 
cide, purifie  dans  d'insatiables  prières  son  âme  déjà  pardon- 
née,  achève  d'eiFacer  la  trace  de  ses  iniquités  déjà  remises. 

Quelle  œuvre  désastreuse  opéra  en  nous  le  péché.  Il  étouffa 
l'amour  divin,  il  nous  sépara  violemment  d'un  père,  il  nous 
rejeta  du  cœur  d'un  ami.  —  Or,  le  grand  effet  de  la  prière 
est  de  rallumer  en  nous  le  feu  de  l'amour. 

Que  fit  encore  en  nous  le  péché?  Il  effaça  les  traits  divins 
imprimés  par  Dieu  sur  notre  âme.  Il  déchira  la  céleste  image 
pour  y  substituer  les  traits  hideux  du  démon.  —  Avec  une 
admirable  puissance  la  prière  refait  en  nous  la  divine  ressem- 
blance. Elle  imprime  dans  notre  intelligence  les  vérités  sain- 
tes jaillies  de  Dieu;  elle  insinue  dans  nos  cœurs  la  charité 
«  qui  est  Dieu  »,  elle  prête  à  notre  volonté  l'énergie  et  la 
force  qui  viennent  de  Dieu. 

La  prière  aide  à  purifier  l'âme  des  fautes  présentes.  — 
Voici  une  âme  obstinément  muette  et  qui  se  refuse  à  prier. 
Elle  ne  paraît  plus  dans  nos  temples,  elle  n'est  plus  rassasiée 
de  l'Eucharistie,  elle  ne  s'unit  plus  aux  anges  du  ciel  et  aux 
saints  de  la  terre  pour  la  louange  et  l'adoration  de  Dieu.  La 
raison  qu'elle  en  donne  c'est  que,  enchaînée  dans  le  péché, 
exilée  de  Dieu  et  morte  à  la  vie  divine,  il  ne  lui  est  plus  ni 
possible  ni  utile  de  prier. 

Déplorable  erreur!  Etait-il  entré  en  grâce  ce  Prodigue  qui, 
de  la  terre  lointaine  où  l'enchaînaient  ses  fautes,  commen- 
çait à  faire  retentir  en  lui-même  les  accents  de  la  prière? 
N'est-ce  pas  quand  elle  est  tombée  sous  les  coups  et  qu'elle 
saigne  et  qu'elle  râle  que  la  victime  appelle  au  secours  ? 
N'est-ce  pas  quand  la  faim  le  torture  et  qu'il  se  voit  mourir 
d'inanition  que  le  pauvre  réclame  le  morceau  de  pain  au- 
quel il  devra  la  vie?  —  C'est  précisément  dans  l'état  du  pé- 
ché que  l'âme  a  un  besoin  plus  urgent  de  prière  :  «  De 
profundis  clamavi  ad  te  ».  N'est-ce  pas  quand  Lazare  est  au 
tombeau,  proie  de  la  corruption,  dénué  de  toute  espérance, 
que  les  larmes  de  ses  sœurs  deviennent  plus  brûlantes  et 
plus  ardentes  leurs  supplications? 

Pauvres  âmes  pécheresses,  c'est  à  vous  avant  toutes  les 
autres  de  crier  au  Seigneur.  «  Clama,  ne  cesses.  » 


LES   EFFETS   DE   LA    PRIÈUE  £65 

La  prière  prémunit  l'âme  contre  les  fautes  à  venir.  — 
La  prière  est  pour  l'âme  chrétienne  l'imprenable  forteresse, 
d'où  elle  défie  les  efforts  de  l'ennemi.  Invincibles  sommes- 
nous  par  la  prière.  —  D'abord  parce  que  appelé  par  nos  cris 
Dieu  est  là.  —  Ensuite  parce  que  la  prière  est  une  cla- 
meur guerrière  qui  fait  fuir  le  démon  épouvanté.  —  Enfin 
parce  que  dans  la  prière  nous  retrouvons  toutes  les  éner- 
gies et  toutes  les  ressources  qui  nous  sont  nécessaires  contre 
le  péché. 


III 
LA  PRIÈRE  ENRICHJT 


Trois  grands  biens  de  l'existence  :  la  joie,  l'honneur,  la 
fortune.  «  Sans  la  joie,  nous  dit  le  Docteur  Angélique,  le 
salut  ne  peut  s'opérer.  »  Or  si  nous  entrons  dans  l'âme  des 
Saints,  hommes  de  prières  incessantes,  nous  y  voyons  dé- 
border la  joie.  —  Quelque  affliction  qui  les  presse,  quel- 
que souffrance  qui  les  torture,  les  Saints  renouvellent  dans 
la  prière  leurs  intarissables  joies  :  «  Surabundo  gaudio.  » 

Comment  l'honneur  jaillit  de  la  prière,  non  pas  l'honneur 
fragile  et  mélangé  de  ce  monde,  mais  l'immuable  honneur 
divin  :  l' Apôtre  nous  l'apprend  dans  ces  mots  qu'il  adresse  à 
l'âme,  au  retour  de  la  prière.  «  Accessistis  ad  Sion  montem  et 
civitatem  Dei  viventis,  Jérusalem  céclestem  et  multorum  mil- 
lium  Angelorum  frequentiam,  etc.  » 

Comment  toute  fortune  ne  nous  viendrait-elle  pas  par  la 
prière  puisque  d'elle  il  est  dit  :  «  Promissiones  habens  vitœ 
qua3  nunc  est  et  futurœ  »? 


266 


LES    EFFETS    DE  LA  PRIÈRE 


IV 


LA  PRIÈRE  CONSOLE 


Que  de  fois  la  douleur  viendra  nous  assaillir  et  de  combien 
décotes  elle  surgira  !...  Que  pourra  le  monde  sur  notre  âme 
•v!iSee, ?-nA  c^  heure  de  la  souffrance,  à  cette  heure  ter- 
rible de  Gethsemani,  un  seul  ange  nous  viendra  du  ciel 
nous  apportant  consolation  et  réconfort  :  c'est  l'ange  de  là 
prière.  c 


LE  PATER 


Voyez  la  marche  de  cet  exilé,  qui  chemine  loin  de  sa  pa- 
trie, sur  un  sol  étranger. 

Il  est  pour  lui  des  heures  do  joie  et  de  gloire.  Il  s'arrête 
un  instant,  il  médite,  c'est  un  fils  de  rois,  il  a  la  perspective 
d'un  trône,  les  siens  l'attendent  avec  l'impatience  de  l'amour. 

—  Il  est  pour  lui  des  heures  douloureuses.  Le  retour  dans 
son  royaume,  la  jouissance  de  ses  glorieuses  destinées  sont 
lointains  encore  ;  maintenant  c'est  l'exil,  et,  dans  l'exil,  la 
pauvreté,  et,  dans  la  pauvreté,  l'angoisse  de  la  faim. 

Il  est  pour  lui  des  heures  terribles.  Le  sol  qu'il  foule  n'est 
pas  inhospitalier  seulement,  il  est  infesté  d'ennemis  redou- 
tables. 

Voilà  en  trois  mots  l'histoire  du  chrétien,  momentanément 
exilé  loin  du  ciel.  —  A  lui  d'incomparables  gloires  futures. 

—  A  lui  le  dénuement  et  la  faim,  durant  l'heure   présente. 

—  Autour  de  lui  de  dangereux  et  implacables  adversaires. 
C'est  pour  lui   que  PHomme-Dieu   compose  le  «   Pater,  » 

prière  divine,  qui  est  tout  ensemble  :  la  confession  de  nos 
grandeurs  :  la  supplication  de  notre  indigence  :  l'appel  de 
nos  dangers. 


I 


LE  PATER  EST  LA  CONFESSION 
DE  NOS  GRANDEURS 


Pour  mieux  voir  comment  le  début  de  l'Oraison  domini- 
cale nous  révèle  nos  vraies  grandeurs,  concevons  ce  qu'est 
ici-bas  l'homme  qui  renie  le  «  Pater  »;  qui  se  détachant  de 
ses  espérances  divines  reste  confiné  à  la  terre. 


268  LE  PATER 

Ce  qu'est  l'homme  sans  le  «  Pater  ».  —  Fausses  gran- 
deurs: réalités  navrantes. 

1°  Cet  homme  ri  a  plus  à  lui  qu'une  fausse  grandeur.  — 
Accumulons  sur  lui  tous  les  titres,  tous  les  honneurs,  tou- 
tes les  dignités  ;  faisons  de  lui  ou  le  génie  rayonnant,  ou  le 
conquérant  superbe.  —  Qu'est-il  en  réalité,  sous  ces  paru- 
res d'emprunt  et  au  milieu  de  ces  grandeurs  fugitives?... 

2°  Cet  homme  a  à  lui  des  réalités  navrantes.  —  Un  être 
qui  s'amoindrit,  se  dissout,  tombe  rapidement  en  poussière. 

—  Une  vie  que  les  joies  n'illuminent  qu'un  moment,  et  que 
les  déceptions  ravagent.  —  Une  tin  qui  se  montre  prochaine 
et  dont  la  perspective  assombrit  tout.  —  Enfin  un  tombeau 
où  se  précipite  d'un  seul  coup  et  se  brise  toute  fortune  hu- 
maine. 

Ce  qu'est  l'homme  glorifié  par  le  «  Pater  ».  —  A  rencon- 
tre de  cette  navrante  misère,  voyez  lagloire  du  chrétien,  telle 
que  le  «  Pater  »  la  lui  révèle. 

1°  Gloire  dans  les  réalités  actuelles.  —  Un  mot  vient  de 
s'échapper  de  ses  lèvres,  mot  prodigieux  qui  jette  le  ciel  et 
la  terre  dans  la  stupéfaction.  Cet  atome,  ce  ver  de  terre,  ce 
rien,  s'adressant  à  Dieu,  à  la  Majesté  infinie,  lui  dit  :  Pater. 

—  Rappelons-nous  tout  ce  qu'il  a  fallu  de  merveilles  de 
création,  de  rédemption,  d'adoption,  pour  que  nous  puis- 
sions dire  à  Dieu:  Pater!  —  Rappelons-nous  de  plus  quelle 
magnificence  renferme  ce  titre  «  d'enfant  de  Dieu.  »  «  Ut 
filii  Dei  nominemur  et  simus.  » 

2°  Gloire  dans  les  espérances  futures.  —  Nous  disons  : 
«  Qui  êtes  dans  les  cieux.  »  Le  ciel  est  donc  la  demeure  pa- 
ternelle ;  c'est  notre  chez  nous  ;  là,  au-dessus  de  toute  gran- 
deur humaine,  s'étend,  radieux  d'une  éternelle  gloire,  ce 
beau  Royaume,  qui  est  à  nous  comme  fils,  comme  héri- 
tiers de  «  notre  Père.  »  «  H.eredes  Dei,  cohœredes  quidem 
Christi.  » 

3°  Gloire  dans  les  devoirs  que  le  Pater  nous  fait  rendre  à 
Dieu,  —  Nous  disons  :  Pater,  rappelant  ainsi  que  nos  devoirs 
envers  Dieu  sont  des  devoirs  d'enfants,  les  douces  obli- 
gations de  l'amour,  le  glorieux  dévouement  du  fils  à  un 
tel  Père.  —  Nous  ajoutons  :  «  Sanctificetur  nomen  tuum.  » 
Quelle  glorieuse  carrière  s'ouvre  devant  nous  !  Nous  n'aurons, 
ici-bas,  d'autre  mission  que  celle  de  faire  rayonner  la  gloire 
divine.  Dans  cet  immense  concert  de  louanges,  que  fait  re- 
tentir le  ciel,  qui  se  prolonge  dans  tous  les  échos  do  l'uni- 


LE   PATER 


269 


vers,  notre  voix  est  entendue,  notre  voix  est  éclatante.  — 
«  Que  votre  règne,  disons-nous,  arrive,  ô  Père  qui  êtes  dans 
les  cieux.  »  Ici  encore  quelle  gloire  pour  le  chrétien,  con- 
quérant magnanime,  dont  la  vie  entière  n'a  d'autre  but  que 
d'étendre  les  frontières  du  Royaume,  —  Quand  enfin  nous 
ajoutons  :  «  Que  votre  volonté  soit  faite,  »  nous  nous  consti- 
tuons les  serviteurs  du  Très-Haut.  Mais  n'est-il  pas  écrit  : 
«  Servire  Deo  regnare  est  »  ?  Servir  Dieu,  c'est  se  rendre 
maître  de  soi-même  et  des  autres  ;  c'est  planer  au-dessus  des 
choses  terrestres,  c'est  se  faire  dominateur  du  monde  entier. 
—  «  Comme  au  ciel.  »  Servir  Dieu  sur  la  terre,  c'est  donc 
participer  aux  splendeurs  de  l'obéissance  des  Anges  et  des 
élus. 


II 


LE  PATER  EST  LA  SUPPLICATION  DE  NOTRE 
INDIGENCE 


«  Donnez-nous  aujourd'hui  notre  pain  de  chaque  jour.  » 
C'est  là  un  cri  de  détresse.  Pourquoi  l'homme  le  doit-il  pous- 
ser ?  —  C'est  un  cri  d'espérance,  quelle  réponse  Dieu  daigne- 
t-il  y  faire  .' 

Pourquoi  l'homme  a  faim.  —  Histoire  navrante  que  celle 
de  cette  faim  ! 

1°  L'homme  a  faim  parce  qu'il  a  déserté  la  maison  pater- 
nelle. —  Créé  dans  l'innocence  et  le  bonheur,  placé  au  sein 
des  délices  de  l'Eden,  l'homme  ne  devait  connaître  ni  l'an- 
goisse ni  les  douleurs  de  la  faim.  —  Mais  l'homme  ingrat  et 
insensé  abandonna  son  père  et  la  maison  paternelle;  il  se  fit 
le  Prodigue,  désertant  sa  patrie,  s'éloignant  d'elle  jusque 
dans  un  honteux  exil,  dépensant  son  riche  patrimoine  dans 
une  vie  sans  Dieu.  —  Puis  la  ruine  est  venue,  la  faim  s'est 
fait  sentir;  l'homme  infortuné,  cherchant,  en  dehors  de  sa 
nature  et  de  sa  destinée,  une  pâture  dégradante,  a  mis  le 
comble  à  son  dénuement. 


270  LE  PATER 

2°  L'homme  a  faim  parce  qu'il  s'est  cherché  d'illusoires  ali- 
ments. —  Ayant  reçu  de  Dieu  une  nature  toute  céleste,  res- 
sentant une  faim  que  seules  de  célestes  satiétés  devaient  as- 
souvir, l'homme  a  demandé  à  la  terre  d'impossibles  pâtu- 
res ;  il  a  cherché  la  gloire,  il  s'est  jeté  dans  les  bras  de  la 
volupté,  il  s'est  assouvi  d'ambition...  Ces  aliments  terrestres 
n'ont  fait  qu'irriter  sa  faim,  et  nous  l'entendons  pousser  ce 
cri  de  douleur  :  «  Famé  pereo!  »  Alors  s'écrie  le  Psalmiste, 
au  soir  de  sa  vie,  après  de  longues  illusions  ils  s'en  revien- 
nent torturés  par  la  faim  :  «  ad  vesperum  convertcntur,  fa- 
mem  patientur.  » 

3°  L'homme  désabusé  revient  au  pain  véritable.  —  Après 
que  le  Prodigue  a  longtemps  et  cruellement  souffert  de  la 
faim,  il  se  souvient  de  la  maison  paternelle  et  de  l'heureuse 
abondance  qui  ne  cesse  d'y  régner  «  quanti  in  domo  patris 
abundant  panibus!  »  Heureux  moment  pour  l'âme  chrétienne 
que  celui,  où,  après  de  longs  éloignements  et  de  longs  ou- 
blis, se  souvenant  enfin  et  de  son  «  Père  qui  est  dans  les 
cieux  »  et  du  «  pain  »  que  ce  bon  Père  prodigue  à  ses  en- 
fants, elle  s'écrie:  «  Donnez-nous  aujourd'hui  notre  pain  »! 

De  quoi  l'homme  a  faim.  —  Quel  est  le  sens  de  la  de- 
mande que  nous  faisons  à  Dieu  du  «  pain  de  chaque  jour?  » 

1°  Il  nous  faut  le  pain  du  corps.  —  Voyageurs  exilés,  en 
marche  pour  notre  patrie  éternelle,  qu'avons-nous  besoin 
sinon  du  pain  qui  soutiendra  nos  forces?  Le  luxe,  le  bien- 
être,  la  fortune,  qu'est-ce  autre  chose  qu'un  bagage  encom- 
brant, un  obstacle  à  une  marche  rapide  ?  —  Si  nous  ne  de- 
mandons notre  pain  que  pour  un  jour,  c'est  que  Dieu  nous 
maintient  sous  sa  dépendance  souveraine.  Souviens-toi,  ô 
homme,  que  pas  un  jour,  pas  môme  une  heure  de  ton  exis- 
tence, ne  t'appartient.  Les  longs  approvisionnements  sont 
choses  vaines  pour  qui  n'a  pas  un  seul  jour  assuré.  — 
D'ailleurs  souvenons-nous  que  c'est  au  Père  le  plus  tendre 
que  nous  demandons  notre  pain  et  tenons  pour  assuré  qu'il 
ne  nous  le  refusera  jamais. 

2°  //  nous  faut  le  pain  de  V âme.  —  Elle  est  de  Jésus-Christ 
cette  belle  et  lumineuse  sentence  :  «  L'homme  ne  vit  pas 
seulement  de  pain.  »  Etre  immortel,  créaturo  céleste,  âme 
crééo  à  l'image  de  Dieu,  l'homme  a  besoin  d'un  aliment  ap- 
proprié à  sa  nature  spirituelle,  à  son  travail  d'ici-bas,  à  ses 
destinées  supérieures.  —  L'homme  vit  de  foi,  d'espérance  et 
d'amour.  Sans  le  pain  do  la  vérité  l'intelligenco  dépérit  et 


LE  PATER  271 

meurt.  Sans  espérance  nous  vivons  sans  but,  sans  direction, 
sans  consolation.  Mais  de  toutes  les  parties  de  notre  être  c'est 
le  cœur,  dont  la  faim  est  le  plus  torturante.  Or  le  pain  du 
cœur  c'est  l'amour. 

3°  //  rious  faut  le  «  pain  de  vie.  »  —  Le  pain  de  vie  c'est 
Dieu  même,  c'est  le  Verbe  fait  chair,  c'est  l'Homme-Dieu.  Le 
plan  divin,  plan  d'une  incompréhensible  magnificence,  est 
que,  transfigurés,  divinisés,  nous  devenions  d'autres  Jésus- 
Christ,  saints  de  sa  sainteté,  rayonnants  de  sa  gloire.  —  Or 
comment  s'opérera  la  merveille?  Comment  achèverons-nous 
de  devenir  des  êtres  divins  ?  —  Merveille  qui  n'est  que  le 
prolongement  et  la  consommation  de  toutes  les  autres,  l'Eu- 
charistie nous  nourrira  de  la  propre  substance  du  Verbe  In- 
carné. Nous  mangerons  le  «  Pain  de  vie,  »  «  Xous  vivrons 
de  Lui.  »  Ainsi,  par  le  contact  de  sa  chair  sacrée,  devenant 
un  avec  lui,  âme  à  âme,  cœur  à  cœur,  chair  à  chair,  nous 
accomplirons  la  parole  :  «  Ut  impleamini  in  omnem  plenitu- 
dinem  Dei  ».  —  Heureuses  mille  fois  les  âmes  qui  «  ont  faim 
et  soif  de  la  Justice!  »  Heureuses  celles  qui,  après  avoir  crié 
à  Dieu  :  «  Donnez-nous  notre,  pain,  »  s'en  vont  le  prendre  là 
où  chaque  jour  l'Eglise  catholique  le  distribue  ! 


III 
LE  PATER  EST  L'APPEL  DE  NOS  DANGERS 


L'homme,  ici-bas,  n'a  pas  seulement  à  se  prémunir  contre 
la  faim,  mais  encore  contre  des  dangers  formidables. 

Notre  premier  danger  vient  de  la  Justice  divine.  —  J'ai 
irrité  Dieu  :  comment  l'apaiserai-je  ? 

1°  J'ai  irrité  Dieu.  —  Malheur  à  moi,  si  j'ai  perdu  le  sen- 
timent des  terreurs  divines  et  si  le  cri  de  mon  péché  ne 
s'élève  plus  contre  moi!  —  D'une  extrémité  à  l'autre  des 
temps  retentit  une  clameur  d'angoisse,  c'est  le  cri  de  l'homme 
coupable  en  face  de  la  divine  justice.  Ecoutez  les  plaintes  dé- 
chirantes des  Patriarches  et  des  prophètes  de   l'Ancienne  et 


272  LE  PATER 

de  la  nouvelle  Loi,  d'un  David  et  d'un  Saint  Paul...  Ecoutez 
plutôt  les  avertissements  formidables  que  vous  donne,  dans 
l'Evangile  le  Fils  de  Dieu... 

2°  Comment  V apaiser.  — L'oraison  dominicale  va  pourvu. 
«  Dimilte  nobis  débita  nostra.  »  — Demande  de  pardon,  de- 
mande toujours  victorieuse,  pour  qui  ajoute  avec  pleine 
loyauté  :  «  Dimitlimus  debitoribus  nostris.  » 

Notre  deuxième  danger  vient  de  nos  ennemis.  —  Ils 
interceptent  notre  marche  vers  les  cieux;  ils  s'efforcent  de 
nous  détourner  du  vrai  chemin,  pour  nous  précipiter  aux 
abîmes.  C'est  le  démon,  c'est  le  inonde,  c'est  la  nature  dé- 
chue... En  face  de  ces  ennemis  nous  crions  à  Dieu  :  «  Libéra 
nos  a  malo.  » 

Notre  troisième  danger  vient  de  la  tentation.  —  La  ten- 
tation est   nécessaire;  nous  devons  passer  par  elle,  puisque 
le   ciel  est  le  prix  d'un  triomphe.    Que  demandons-nous   ; 
Dieu?  Qu'il  nous  y  accompagne,  qu'il  nous  y  soutienne,  qu'il 
ne  nous  y  laisse  jamais  succomber. 


L'INVOCATION  DE  LA  T.  S.  TRINITÉ 


Accusons  gravement  notre  manque  d'esprit  de  foi.  Nous 
mettons  une  légèreté  et  une  imperfection  inconcevables 
dans  la  plus  grande  et  la  plus  divine  de  nos  invocations. 
—  La  plus  grande  :  son  objet  c'est  Dieu  même,  dans  l'au- 
guste mystère  de  son  Essence.  —  La  plus  grande  :  elle  ren- 
ferme les  plus  ineffables  souvenirs  du  christianisme.  —  La 
plus  grande:  elle  est,  dans  l'Eglise,  d'un  usage  solennel.  — 
La  plus  grande:  elle  inaugure,  elle  remplit,  elle  clôt  la  vie 
humaine. 

Hélas  I  Et  cette  invocation  est  la  plus  négligée.  Que  nous  la 
fassions  dans  nos  signes  de  croix  ou  dans  le  cours  de  nos 
prières,  ce  mot  de  l'Ecriture  ne  s'applique  que  trop  bien  à 
nous:  «  Posuerunt  signa  et  non  cognoverunt.  »  Manque  d'es- 
prit de  foi,  légèreté,  ignorance  :  voilà  pour  l'àme.  Imperfec- 
tion, inconvenance,  même  dans  le  signe  extérieur:  voilà  pour 
le  corps. 

Afin  de  renouveler  cette  foi  et  cette  piété,  connaissons  la 
grandeur  et  les  fruits  de  l'Invocation  à  la  T.  S.   Trinité. 


CE  QUE  NOUS  RAPPELLE  CETTE  INVOGATIOxN 


Si  elle  a  retenti  partout  à  nos  oreilles  sans  réveiller  notre 
âme,  entendons-la  à  un  moment  solennel  entre  tous.  Nous 
voici  à  une  couche  de  mort.  L'àme  chrétienne,  détachée  de 
la  terre,  va  prendre  son  vol  vers  l'éternité.  C'est  en  lui  fai- 
sant entendre  la  grande  Invocation  que  l'Eglise  lui  ouvre 
l'accès  à  la  Patrie  d'en  Haut. 

T.  IV  18 


274  l'invocation  de  la  TRÈS  SAINTE  TRINITÉ 

In  nomine  Patris  qui  te  creavit. 

In  nomine  Filii  qui  pro  te  passus  est. 

In  nomine  Spiritus  qui  in  te  effusus  est. 

Premier  grand  souvenir  :  notre  création.  —  «  In  nomine 

Patris  » Par  ce  seul  mot  nous  rappelons  à  notre  âme  le 

mystère  de  notre  création:  mystère  ineffablement  beau  et 
touchant.  —  Saint  Paul  revient  sans  cesse  sur  un  mystérieux 
conseil  qui  se  tient  entre  les  Personnes  Divines  et  dont  la 
création  de  l'homme  était  l'objet.  Aucune  création  n'existait 
encore:  rien  n'était  que  Dieu,  «  A  temporibus  œternis  ».... 
ante  tempora  sœcularia..  »  ...  «  ante  mundi  constitutionem  » 
«  mysterii  temporibus  seternis  »...  Ce  grand  conseil  était  ca- 
ché en  Dieu:  «  Dispensatio  sacramenti  absconditi  in  Deo  »... 
«  sacramentum  voluntalis.  »  — C'est  de  ce  conseil  mystérieux 
que  sortit  la  parole  créatrice:  «  Faciamus  hominem  ad  ima- 
ginent et  simililudinem  nostram.  » 

1°  Nous  créer  était  un  acte  de  bonté  gratuite.  —  Quel  be- 
soin Dieu  avait-il  de  nous?  «  Bonorum  meorum  non  eges  »... 
Dieu,  Gloire  et  Béatitude  infinies,  infiniment  se  suffit  à  Lui- 
même,  et,  s'il  tire  du  néant  des  êtres,  il  ne  le  peut  faire  que 
par  une  pure  bonté....  En  quoi  pouvais-je  attirer  son  regard 
et  comment  le  néant  peut-il  fixer  sa  pensée  et  attirer  son 
cœur  ? 

2°  Nous  créer  était  un  acte  de  bonté  héroïque.  —  Quand  Dieu 
décréta  notre  création,  son  regard  s'étendait  tout  le  long  des 
âges.  Or  sur  quoi  ce  regard  se  reposait-il  sur  autre  chose  que 
des  ingratitudes  et  des  crimes?  L'Ange  avait  prévariqué; 
Adam  le  devait  suivre  dans  sa  révolte;  des  confins  du  monde 
n'arrivaient  à  Dieu  que  les  échos  provocateurs  du  péché.  La 
terre  corrumpue  tout  entière,  la  gentilité  aux  pieds  des  ido- 
les, le  peuple  juif  apostat  etdéicide 0  Dieu,  s'écrie  lePsal- 

miste,  «  Quid  est  homo  quia  apponis  erga  eum  cor  tuum?  » 

3°  Nous  créer  était  un  acte  de  munificence  infinie .  —  Derrière 
l'homme  il  y  avait  l'Homme-Dieu.  Derrière  Adam  il  y  avait 
Jésus-Christ.  Et  quand  Dieu  nous  créait,  il  fixait  son  regard 
sur  son  Verbe  incarné  dont  il  nous  faisait  les  images  vivan- 
tes. —  La  grandeur  de  notre  création  ne  vient  pas  de  la 
splendeur  de  notre  âme,  de  la  beauté  et  de  la  perfection  de 
notre  corps;  elle  vient  excellemment  de  ce  que  nous  re- 
flétons l'Homme-Dieu  :  «  Prœdestinavit  nos  in  adoptionem 
filiorum  per  Jesum  Christum  in  ipsum....  Pnedestinavit,  con- 
formes fieri  imaginis  filii  sui.  »  —  Le  même  apôtre  Saint  Paul 


l'invocation  de  LA  TRÈS  SAINTE  TRINITÉ  275 

renferme  d'un  mot  les  glorieuses  conséquences  de  ce  décret 
de  notre  création  :  «  Car,  dit-il,  si  Dieu  nous  a  donné  Jésus- 
Christ,  que  nous  refusera-t-il  après  un  pareil  don?  » 

Deuxième  grand  souvenir  ;  notre  Rédemption.  —  «  In  no- 
mine  Filii  qui  pro  te  passusest.  »  Ces  mots,  rendons-les  toujours 
présents  à  notre  àme  dans  nos  signes  de  croix,  dans  nos  in- 
vocations à  la  Très  Sainte  Trinité.  En  ces  trois  mots  s'ouvrent 
trois  abîmes,  se  déroulent  trois  incompréhensibles  mystères. 

1°  Premier  mystère:  Qui  adaigné  souffrir?  —  J'étais  tombé, 
j'étais  perdu  sans  ressource,  je  gisais  sur  une  terre  maudite,  au 
milieu  des  ruines  de  ma  gloire  et  de  ma  fortune  écroulées... 
Qui  a  jeté  sur  moi  un  regard  de  pitié?  Ce  ne  fut  pas  l'Ange.... 
Ce  ne  fut  pas  l'homme,  mon  frère.  Tous  deux  d'ailleurs  étaient 
impuissants  à  me  secourir.  —  Alors,  à  la  stupéfaction  du  ciel 
et  de  la  terre  le  Verbe  Fils  de  Dieu  se  déclara  mon  Sauveur, 
descendit  de  sa  gloire,  vint  à  ma  misère  et  entreprit  l'œuvre 
de  mon  salut. 

2°  Deuxième  mystère:  Pour  qui  le  Fils  de  Dieu  a-t  il  dai- 
gné souffrir  ?   —  Ce  serait  peu  de   répondre  :  pour   un   être 

chétif,  un  atome,  un  néant Ce  serait  peu  de  dire  comment 

l'Etre  intini  s'est  dévoué  pour  la  plus  frêle  de  ses  créatures; 
comment  le  Roi  magnifique  s'est  dévoué  pour  l'esclave.  — 
C'est  dit  l'Apôtre,  pour  son  mortel  ennemi,  pour  son  ignoble 
insulteur,  que  Dieu  s'est  sacrifié.  «  Commendat  caritatem 
suam  Deus  in  nobis  quoniam  cum  adhuc  peccatores  esse- 
mus,  secundum  tempus,  Christus  pro  nobis  mortuus  est.... 
cum  inimici  essemus  reconciliati  sumus  Deoper  mortem  Filii 
ejus.  » 

3°  Troisième  mystère.  Qu'a-t-il  daigné  souffrir?  —  IN 'était- 
ce  pas,  de  la  part  du  Fils  de  Dieu  une  merveille  de  bonté  de 
songer  à  notre  misère?  —  Cette  bonté  ne  s'élevait-elle  pas 
jusqu'à  l'infini,  alors  que  ce  Fils  de  Dieu  venait  en  personne 
opérer  le  salut  du  monde?  —  Mais,  c'est  ici  que  l'abîme  de- 
vient insondable.  Pour  nous  sauver  le  Verbe  prend  notre  na- 
ture ;  il  la  prend  «  dans  la  ressemblance  du  péché;  »  il  la 
prend  déchue  et  misérable,  «  sans  aspect,  sans  beauté  »;  il  la 
prend  comme  un  vêtement  d'esclave,  «  formam  servi  acci- 
piens.  »  —  Et  le  Verbe  de  Dieu,  ainsi  réduit,  ainsi  défiguré, 
parcourt  notre  carrière  de  déshonneur  et  de  souffrance.  Il 
est  pauvre,  il  est  inconnu,  il  est  exilé,  il  est  chassé  du  milieu 

de  ses  frères,  «  Sui  eum  non  receperunt »  Il  boira,  avait 

chanté  le  Psalmiste,  aux  eaux  du  torrent,  »  torrent  des  in- 


276  l'invocation  de  la  TRÈS  SAINTE  TRINITÉ 

fortunes  humaines.  —  Et  comment  finira  le  drame  de  notre 
Rédemption  ?  Ne  l'indiquons-nous  pas  clairement  dans  nos 
signes  de  croix  ?  Pour  apaiser  son  père,  pour  fléchir  l'homme, 
pour  opérer  enfin  la  réconciliation  du  monde,  le  Verbe  prit 
cette  chair  à  laquelle  il  s'était  uni.  Il  la  prit  et  il  la  livra  à 
tous  les  outrages  et  à  tous  les  coups.  Elle  fut  ensanglantée,  elle 
fut  déchirée,  elle  fut  livide,  et  les  bourraux  clouèrent  à  la  croix- 
la  grande  Victime  :  «  In  nomine  Filii  qui  pro  te  passus  est. 

Troisième  grand  souvenir  :  notre  régénération.  —  Corn- 
mencé  par  le  Père  qui  nous  livre  son  Fils,  continué  par  l'im- 
molation de  ce  Fils  de  Dieu,  notre  salut  est  achevé  par  la 
Troisième  Personne  de  l'Auguste  Trinité,  objet  de  notre  in- 
vocation «  In  nomine  Spiritus  qui  in  te  effusus  est.  —  Quels 
magnifiques  souvenirs  se  pressent  dans  i'âme  chrétienne  au 
seul  nom  de  l'Esprit-Saintl 

i°  L'Esprit-Saint  est  l'hôte  de  notre  âme.  —  La  grâce 
sanctifiante  le  répand  en  nous:  «  Garitas  diffusa  est  in  cor- 
dibus  nostris.  »  Les  Sacrements  nous  le  communiquent  par 
d'ineffables  opérations.  —  Entré  en  nous,  devenu  notre  hôte, 
l'Esprit-Saint  fait  de  nous  une  demeure  divine,  un  «  temple,  » 
dit  l'Apôtre.  De  l'àme  l'effusion  mystérieuse  se  répandant  sur 
nos  corps,  c'est  de  notre  être  entier  que  l'Apôtre  a  pu  dire: 
«  Membra  vestra  templum  sunt  Spiritus.  »  «  Ut  impleamini 
in  omnem  plenitudinem  Dei.  » 

2°  L Esprit-Saint  est  en  nous  un  principe  d'actes  divins.  — 
Pénétrés  que  nous  sommes  de  la  Divinité  elle-même,  mys- 
térieusement déifiés  par  la  grâce,  devenus,  comme  l'avait 
dit  le  Psalmiste,  «  des  dieux,  des  enfants  du  Très-Haut,  »  que 
pourrons-nous  désormais  accomplir  sinon  des  actes  divins? 
—  Ces  actes  l'Esprit-Saint,  qui  réside  en  nous,  en  devient  le 
principe.  Il  incline  notre  volonté,  il  émeut  notre  cneur,  il  il- 
lumine notre  intelligence,  il  ouvre  nos  yeux  à  la  foi,  il  met 
en  action  pour  les  œuvres  saintes  notre  être  tout  entier.  » 
«  Qui  Spiritu  Dei  aguntur  hi  sunt  filii  Dei.  » 

3°  L' Esprit-Saint  est  en  nous  un  principe  d'amour.  —  Sou- 
venons-nous ici  de  ce  mot  de  l'Evangile  :  «  Ce  qui  est  impos- 
sible à  l'homme  devient  possible  par  Dieu.  »  Comment  aimer 
Dieu?  Comment  aimer  l'invisible,  l'inaccessible?  Comment 
l'atome  s'élève-t-il  jusqu'à  l'Etre  infini?  Comment  l'homme 
fragile  et  charnel  s'épurera-t-il  assez  pour  s'éprendre  de  la 
Beauté  immatérielle  et  incréée?  Sans  doute  tout  cela  est 
«  impossible  à  l'homme  »  mais  voici  l'Esprit  Saint,  voici  l'A- 


l'invocation'  de  LA  TRÈS  SAINTE  TRINITÉ  277 

mour  substantiel,  voici  la  charité  vivante.  L'Esprit-Saint  il- 
lumine la  foi,  purifie,  grandit,  exalte,  le  cœur,  et  il  le  rend 
capable  des  divines  émotions  de  l'amour.  «  Spiritus  adjuvat 
intirmitatem  nostram.  Non  enim  accepistis  Spiritum  servi- 
titutis  iterum  in  timoré  sed  accepistis  Spiritum  adoptionis 
filiornm  in  quo  clamamus:  Abba,  (Pater).  Ipse  enim  Spiritus 
testimonium  reddit  Spiritui  nostro  quod  sumus  filii  Dei.  » 

4°  L'Esprit-Saint  devient  en  ?ious  principe  de  prière.  — 
Comment  l'imperceplible  insecte  fera-t-il  pénétrer  jusqu'au 
trône  de  l'Eternel  sa  voix  chétive,  son  bourdonnement  sans 
valeur?  N'est-ce  pas  là  la  grande  objection  du  rationalisme 
contre  la  prière  chrétienne?  Gomment  croire,  insensé,  que 
l'Etre  infini  t'écoute?...  Le  rationalisme  ignore  le  grand  mys- 
tère de  la  présence  en  nous  et  de  l'action  du  Saint-Esprit  : 
«  Spiritus  adjuvat  infirmitatem  nostram,  nam  quid  oremus, 
sicut  oportet,  nescimus,  sed  Ipse  Spiritus  postulat  pro  nobis 
gemitibus  inenarrabilibus...  Secundum  Deum  postulat  pro 
sanctis  ». 

5°  L'Esprit -Saint  devient  en  nous  principe  de  résurrection. 
—  Il  sacre  notre  chair  de  son  onction  divine;  il  jette  en  elle 
de  mystérieuses  semences  d'immortalité.  —  Désormais  la 
mort  n'est  plus  à  craindre;  la  pourriture  du  tombeau  n'a 
plus  pour  nous  ni  horreur,  ni  désespoir.  L'Esprit  de  Dieu 
nous  a  remplis  de  plus  de  vie  que  le  péché  ne  nous  avait 
remplis  de  mort.  «  Quod  si  spiritus  Ejus  qui  suscitavit  Jesum 
a  mortuis  habitat  in  vobis  qui  suscitavit  Jesum  Christum  a 
mortuis  vivificabit  et  mortalia  corpora  vestra  propter  inhabi- 
tantem  Spiritum  ejus  in  vobis  ». 


II 
CE  A  QUOI  NOUS  EXCITE  CETTE  INVOCATION 


Cette  invocation  nous  élève  aux  sublimités  de  la  foi.  —  Elle 
alimente  plus  continuellement  notre  piété.  —  Elle  nous  porte 
à  une  plus  généreuse  imitation  de  Dieu. 


278  l'invocation  de  la  TRÈS  SAINTE  TRINITÉ 

Elle  nous  excite  à  la  foi  la  plus  sublime.  —  1°  V objet  de 
cette  invocation  est  le  plus  sublime.  Xous  ne  nous  élevons  plus 
seulement  au  Dieu  de  la  création,  rendu  visible  par  ses  oeu- 
vres du  dehors,  c'est  jusqu'au  Dieu  «  invisible  »,  jusqu'à 
h  l'inaccessible  »  que  pénètre  notre  âme;  c'est  Dieu,  en  lui- 
même,  dans  son  Essence,  dans  sa  vie  intime,  que  nous  re- 
connaissons et  adorons. 

2°  Cet  acte  de  foi  est  le  plus  entravé.  —  Que  d'hérésies,  que 
d'erreurs,  que  de  négations,  que  de  blasphèmes,  ont  été  vomis 
durant  le  cours  des  siècles  contre  le  dogme  sacré  d'un  Dieu 
en  Trois  Personnes! 

3°  C'est  donc  l'acte  de  foi  le  plus  méritoire.  —  C'est  celui 
dont  il  semble  que  Dieu  nous  tienne  compte  davantage.  Au 
lit  de  mort  de  chacun  de  nous  l'Eglise  nous  l'affirme  solen- 
nellement. «  Licet  enim,  dit-elle,  peccaverit  :  tamen  Patrem 
et  Filium  et  Spiritum  sanctum  non  negavit  sed  credidit  ». 
Que  de  faiblesses,  que  de  péchés,  cet  acte  de  foi  aura  la  puis- 
sance de  faire  oublier!  —  Quel  accueil  bienveillant  vaudra 
même  à  un  coupable  touché  de  la  grâce  la  générosité  de  sa 
foi! 

Elle  nous  excite  à  la  piété  la  plus  continue.  —  1°  Vin- 
vocation  à  la  Trinité  adorable  est  la  plus  continuelle  dans  tE- 
glise.  —  Ses  Sacrements  s'administrent  avec  cette  Invocation. 
—  Chacune  de  ses  oraisons  se  termine  par  elle.  —  Qu'elle 
élève  vers  Dieu  la  voix  enflammée  de  ses  cantiques,  ou  qu'elle 
redise  les  chants  du  Psalmiste,  l'invocation  à  la  Très  Sainte 
Trinité  finit  toujours  sa  prière.  —  Disons  mieux.  L'Eglise  ni 
ne  parle  ni  n'agit  que  ce  ne  soit  en  invoquant  le  Dieu  un  en 
Trois  Personnes. 

2°  L' invocation  à  la  Très  Sainte  Trinité  doit  être  la  plus 
continuelle  dans  le  chrétien.  —  Comment  s'alimente  en  nous 
la  vie  du  corps?  Do  temps  à  autre  nous  réparons  notre  être 
défaillant  par  la  nourriture,  mais  sans  cesse,  sans  interrup- 
tion, presque  à  chaque  seconde,  nous  réparons  notre  vie 
par  la  respiration.  —  Les  grands  actes  religieux,  la  réception 
des  Sacrements  sont  à  notre  âme  comme  sa  nourriture;  sa 
continuelle  respiration  ce  sera  ses  invocations  incessantes, 
ses  oraisons  jaculatoires,  et,  parmi  elles  toutes,  la  plus  excel- 
lente, la  plus  substantielle,  qui  est  l'Invocation  à  la  Trinité 
adorable. 


l'invocation  de  LA  TRÈS  SAINTE  TRINITÉ  279 

Elle  nous  excite  à  l'imitation  la  plus  noble.  —  1°  Nous 
n'invoquerons  jamais  les  Trois  Personnes  divines  sans  songer 
au  flot  infini  de  charité  qui  déborde  en  elles,  à  l'union,  à  la 
paix,  à  l'harmonie  qui  y  régnent. 

2°  Nous  n'invoquerons  jamais  les  Trois  Personnes  divines 
sans  songer  au  concours  que  chacune  nous  a  prêté. 


LA  POSSESSION  DE  JÉSUS 


Quid  mihi  est  in  cœlo,  et  a  te  quid  volui  super  terram? 
(Psal.  72).  Indica  mihi  quem  diligit  anima  mea;  ubi  pascas, 
ubi  cubes  in  meridie?  ne  vagari  incipiam  post  grèges.  (Can- 
tiq.  I.) 

Omnia  detrimentum  feci  et  arbitrer  ut  stercora,  ut  Chris- 
tum  lucrifaciam.  (Philip.  III,  8  ) 


COMBIEN  ELLE  EST  NECESSAIRE 


Indica  mihi  !... 

C'est  à  la  fois  le  cri  du  monde,  le  cri  de  nos  âmes,  le  cri  des 
Saints.  —  Le  cri  du  monde  affamé  sans  Jésus;  —  le  cri  de 
nos  âmes,  douloureuses  pour  avoir  trop  négligé  cette  céleste 
conquête;  —  le  cri  des  Saints  dont  la  vie  et  le  bonheur  sont 
de  rechercher  et  de  trouver  Jésus. 

Le  monde,  nos  âmes,  les  Saints,  proclament  à  l'envi  com- 
bien est  nécessaire  la  possession  de  Jésus. 

Le  monde  qui  s'en  est  exclu  le  proclame.  —  Quand  l'A- 
pôtre veut  d'un  mot  nous  peindre,  dissimulée  sous  les  dehors 
du  plaisir  et  de  la  fortune,  la  détresse  véritable  des  gens  du 
monde  «  Ils  vivent,  dit-il,  sans  Christ.  »  —  Qu'est-ce  à  dire 
«  vivre  sans  Christ  »?  —  Dieu  a  fait  un  chef-d'œuvre  pour 
lequel  il  a  dépensé  les  trésors  infinis  de  sa  sagesse  et  de  sa 
puissance.  Il  a  fait  un  Homme-Dieu  ;  il  a  fait  que  «  la  divinité 
habite  corporellement  au  milieu  de  nous;  »  il  a  donc  créé 
une  beauté  qui  surpasse  toute  beauté,  une  splendeur  qui 
efface  toute  splendeur.  —  La  conséquence,  qui  ne  la  voit?  Le 


LA  POSSESSION  DE  JÉSUS  281 

Christ  c'est  «  la  perle  précieuse  »  qui  à  elle  seule  est  toute 
fortune.  Dans  le  Christ-Jésus  «  sont  renfermés  à  la  fois  tous 
les  trésors  ».  Le  posséder,  c'est  tout  posséder,  et  celui-là  qui 
le  perd  demeurera  fatalement  plongé  dans  une  suprême  dé- 
tresse. 

■1°  Le  mondain  est  triste  au  sein  des  richesses.  —  Accordons- 
lui  tous  les  biens,  toutes  les  jouissances  de  la  vie,  puis  écou- 
tons ses  tristes  cris  de  détresse.  «  Dixi  ego  in  corde  meo  : 
vadam  et  affluam  deliciis  et  fruar  bonis  et  vidi  quod  hoc 
esset  vanitas...  quid  habet  amplius  homo  de  universo  labore 
suo?...  »  —  Et  d'où  vient  à  la  richesse  ce  caractère  trompeur? 
—  D'abord  elle  est  disproportionnée.  Elle  n'est  qu'un  atome, 
un  grain  de  sable,  avec  lequel  nous  voudrions  combler  un 
abîme.  Car  tel  est  le  cœur  humain  :  abîme  large  et  profond, 
que  seuls  les  biens  éternels  suffisent  à  remplir.  —  Ensuite 
elle  est  mélangée.  A  elle  se  joignent  les  mécomptes  et  les 
souffrances  de  toute  vie,  ainsi  que  le  sable  se  mêle  à  l'or,  les 
scories  au  diamant.  —  Enfin  elle  est  fragile,  elle  est  périssa- 
ble. Si  elle  ne  nous  quitte  pas  par  quelque  brusque  trahison, 
par  quelque  catastrophe  imprévue,  c'est  nous-mêmes  qui  l'a- 
bandonnons bientôt  pour  ne  plus  posséder  qu'un  sépulcre. 

2°  Le  mondain  est  triste  an  milieu  des  plaisirs.  —  Aux 
premiers  feux  du  jour  la  nature  rayonne  :  quelques  heures 
après,  elle  nous  apparaît  morne  et  fatiguée.  Ainsi  l'âme  hu- 
maine au  milieu  des  voluptés  du  monde.  Que  si  nous  de- 
mandons la  raison  de  ce  phénomène,  nous  la  trouvons  dans 
la  délicatesse  exquise,  dans  la  noblesse  et  l'élévation  d'une 
nature  créée,  non  pas  pour  les  ivresses  grossières  d'ici-bas, 
mais  pour  les  délices  et  les  voluptés  du  ciel.  —  Image  sai- 
sissante des  tristesses  intimes  de  l'âme  mondaine.  Le  Pro- 
digue de  l'Evangile  a  rassemblé  sur  sa  terre  lointaine  les  joies 
du  plaisir.  A  ce  bonheur  d'un  jour  il  a  dépensé  son  brillant 
patrimoine  et  le  voici  triste,  abattu,  découragé.  Au  lieu  du 
bonheur,  il  ne  ressent  que  la  torture  d'une  faim  dévorante  : 
«  Famé  pereo  ». 

Infortuné  !  il  fallait  ne  pas  quitter  la  maison  paternelle;  ni 
abandonner  celui  qui  est  à  la  fois  toute  joie,  toute  fortune, 
toute  volupté,  tout  amour. 

3°  Le  mondain  est  tourmenté  au  sein  des  honneurs.  —  La 
gloire  :  tel  est  l'un  des  besoins  les  plus  impérieux  de  l'âme 
humaine.  Nous  nous  sentons  faits  pour  elle,  nous  sommes 
des  fils  de  roi  qu'attendent  les  splendeurs  du  diadème.  —  Que 


282  LA  POSSESSION  DE  JÉSUS 

nous  faut-il  pour  combler  ce  besoin  ?  Assurément  il  nous 
faut  le  Christ  «  Roi  immortel  de  gloire  ».  —  Hélas!  que  faisons- 
nous?  Nous  nous  tournons  vers  les  fallacieux  mirages  d'une 
gloire  humaine,  où  nous  ne  trouvons  que  mécomptes  et  dé- 
convenues. 

4°  Le  mondain  est  aveugle  an  sein  de  ses  prétendues  lu- 
mières. —  Si  la  foule  des  âmes  vulgaires  se  précipite  sur  la 
fortune,  le  plaisir,  les  honneurs,  il  en  est  d'autres  que  tour- 
mente noblement  le  besoin  de  la  vérité.  Elles  creusent  la 
science  humaine;  elles  multiplient  leurs  exploits  et  leurs 
conquêtes...  Puis  bientôt,  effr^ées  de  leur  néant,  accablées 
sous  leur  propre  faiblesse,  elles  s'aperçoivent  qu'au  sein  de 
tant  de  vérités  secondaires,  la  grande  et  essentielle  vérité 
elles  ne  la  possèdent  pas!  Elles  s'ignorent  elles-mêmes;  leur 
destinée  leur  est  cachée;  l'avenir  se  ferme;  le  berceau  comme 
la  tombe  restent  plongés  dans  une  impénétrable  nuit. 

C'est  du  milieu  de  tous  ces  cœurs  trompés  que  s'échappe 
le  cri  du  cantique  des  cantiques  :  «  Die  mihi  ubi  cubes  in 
meridie  ?»  0  fortune  véritable  !  ô  plaisir  sans  mélange  !  ô 
gloire  sans  déclin!  ô  lumière  vive!  dites,  où  vous  chercher? 
où  vous  découvrir?  «  ubi  cubes  in  meridie?  » 

Hélas!  l'homme  du  monde  sans  religion,  s'obstinant  à  cher- 
cher le  bonheur  en  dehors  de  Dieu  qui  seul  le  possède,  n'en- 
tendra jamais  aucune  voix  libératrice  répondre  à  son  cri. 

Nos  âmes  tièdes  qui  s'en  écartent  le  proclament.  —  A 
côté  de  l'homme  sans  religion  qui  refuse  la  glorieuse  et 
suave  possession  du  Christ-Jésus,  sont  nos  âmes  chrétiennes, 
âmes  croyantes  mais  faibles,  mais  trop  souvent  infidèles  au 
céleste  Bien-Aimé.  Nous  faisons  profession  «  de  ne  connaî- 
tre, de  ne  vouloir,  de  ne  posséder  que  Jésus-Christ,  »  mais 
trop  souvent  le  triple  amour  et  de  nous-mêmes  et  des  créa- 
tures et  du  monde  nous  éloigne  de  Lui,  nous  prive  de  ses 
délices,  et,  par  un  juste  retour,  nous  fait  pousser  le  cri  de 
détresse  :  «  Die  mihi  ubi  cubes  in  meridie  ?  m 

1°  Nos  âmes  souffrent  loin  de  Jésus  quand  elles  se  recher- 
chent elles-mêmes.  —  Notre  Ami  céleste  s'offrait  à  nous  plein 
d'amour;  il  assiégeait  notre  seuil,  il  réclamait  l'entrée  de 
notre  cœur  :  «  Sto  ad  ostium  et  pulso.  »  «  Apcri,  soror  mea 
sponsa  »...  Mais  voici  que  la  demeure  intime  est  obstruée; 
l'amour-propre  avec  ses  mille  caprices,  ses  fantaisies  inces- 
santes, ses  revendications  impérieuses,  en  refuse  l'entrée  : 
c'est  la  nonchalance  et   la  paresse  spirituelles  qui  se  déro- 


LA  POSSESSION  DE  JÉSUS  283 

bent  à  la  prière...  c'est  la  sensualité  quiahorreur  delà  croix... 
C'est  l'orgueil  qui  rougit  de  l'Evangile...  c'est  la  dissipation 
qui  ne  se  résigne  pas  à  l'austère  vie  chrétienne.  —  Ainsi 
écartons-nous  Jésus,  et,  pour  ne  vouloir  point  des  vivifian- 
iiantes  obligations  de  la  piété,  nous  nous  condamnons  aux 
tristesses  et  aux  désolations  d'une  vie  sans  Dieu. 

2°  Nos  âmes  souffrent  loin  de  Jésus  quand  elles  recherchent 
les  créatures.  —  11  nous  semblait  que  leurs  charmes  nous 
pouvaient  suffire...  que  leurs  protestations  et  leurs  paroles 
nous  étaient  de  leur  fidélité  une  garantie  inébranlable...  que 
les  jouissances  goûtées  en  elles  seraient  interminables...  et 
voici  que,  après  quelques  jours,  ces  fragiles  fleurs  se  fanent, 
ces  affections  tombent,  ce  charme  s'évanouit,  et,  au  sein  des 
ruines  de  nos  affections  déçues,  notre  cœur  pousse  ce  cri  de 
détresse:  «  Die  mihi  ubi  cubes  in  meridie?  »  0  amour  sub- 
stantiel et  permanent!  0  Beauté  sans  déclin  et  sans  ombre I 
ô  charme  d'une  dilection  sans  mélange!  dites,  où  vous  dé- 
couvrir? 

3°  Nos  âmes  souffrent  loin  de  Jésus  quand  elles  se  livrent 
trop  au  dehors.  —  Des  deux  Sœurs,  dont  l'une  demeurait 
suavement  aux  pieds  du  Maître  et  dont  l'autre  se  laissait 
entraîner  loin  de  lui  au  tumulte  d'une  activité  fiévreuse,  la- 
quelle possédait  Jésus?...  Sans  doute  les  exigences  de  notre 
vie  terrestre,  l'accomplissement  de  nos  devoirs  d'état,  l'in- 
cessant labeur  que  réclame  le  pain  de  chaque  jour,  dévoreront 
nos  heures  les  plus  nombreuses  ;  mais  quelle  folie  à  nous 
d'abandonner  pour  ces  tumultes  éphémères  l'immuable  pos- 
session d'un  Dieu  !  Et  «  que  sert  à  l'homme  de  gagner  l'uni- 
vers s'il  vient  à  perdre  son  âme  »  en  perdant  la  possession 
du  Christ-Jésus?  —  Sachons  donc  allier  les  devoirs  du  de- 
hors avec  les  devoirs  intimes  plus  nécessaires  et  tout  céles- 
tes de  la  piété. 

Les  Saints  qui  en  jouissent  le  proclament.  —  Que  la  pos- 
session de  Jésus  soit  l'affaire  capitale  de  notre  vie  :  les  Saints 
le  proclament  deux  fois  victorieusement. 

1°  Les  Saints  le  proclament  par  ce  qu'il  ont  fait.  —  Les 
Saints  ont  quitté  tout  pour  faire  la  conquête  de  Jésus. 
Tous  se  sont  écriés  avec  l'Apôtre  :  «  Omnia  detrimentum  feci 
et  arbitror  ut  stercora  ut  Christum  lucrifaciam,  »,  et  comme 
le  psalmiste  «  Quid  volui  a  te  super  terram  »?  —  Voyez  l'a- 
nachorète poursuivre  dans  la  solitude  du  désert  sa  divine 
conquête;  le  martyr  affronter  pour  elle  les  sanglants  tumul- 


284  LA  POSSESSION  DE   JÉSUS 

tes  de  l'arène,  la  vierge  renoncer  pour  ce  Bien-Aimé  à  toute 
union  terrestre,  s'attacher  à  Lui,  puis  le  suivre,  ou  bien  dans 
le  sanctuaire  fermé  de  la  prière,  ou  bien  dans  l'asile  désolé 
de  toutes  les  douleurs.  Voyez  en  plein  milieu  du  monde  les 
vrais  chrétiens  renoncer  aux  joies  défendues  comme  aux  cal- 
culs illicites,  choisir  plutôt  la  pauvreté,  l'ombre  et  le  silence 
que  de  trahir  et  perdre  leur  Jésus.  —  Les  Saints  quittent 
tout  pour  conquérir  Jésus,  mais  surtout  ils  se  quittent  eux- 
mêmes.  Ils  s'interrogent  :  tout  ce  qui  en  eux  doit  déplaire 
au  Bien-Aimé,  ils  l'arrachent  sans  pitié  et  le  font  disparaître; 
nul  défaut,  nulle  passion,  nul  vice,  quelque  doux  et  aimés 
qu'ils  puissent  être  ne  trouveront  grâce;  «  l'œil  droit  sera 
arraché  »  si  c'est  nécessaire;  «  la  main  droite  sera  coupée  et 
jetée  au  feu.  » 

La  sagesse  transcendante  du  Saint  consiste  à  savoir  que, 
devant  la  conquête  d'un  Dieu  et  d'une  Eternité,  toute  dé- 
pense est  peu  de  chose,  toute  immolation  compte  pour 
rien. 

2°  Les  Saints  le  proclament  par  ce  dont  ils  jouissent.  —  Si 
la  lutte  engagée  pour  la  possession  du  Christ  est  parfois  san- 
glante et  douloureuse,  le  triomphe  et  la  conquête  sont  pleins 
d'ineffables  ravissements.  S'il  est  dur  d'ensemencer  à  la  sueur 
du  front  et  dans  les  larmes  de  la  fatigue,  il  est  délicieux  de 
recueillir  la  moisson  :  «  Euntes  ibant  et  flebant  ;  venientes 
autem  venient  cum  exultalione.  »  —  Le  Psalmiste  ne  tarit 
pas  dans  l'expression  des  surnaturelles  délices  qui  l'inon- 
dent... Saint  Paul  déclare  que,  quelles  que  soient  les  souf- 
frances qu'il  traverse,  «  il  surabonde  de  joie  »...  Un  Saint 
François  d'Assise,  pauvre  et  nu,  poursuivi  comme  un  fou, 
errant  dans  la  campagne,  laisse  échapper  en  accents  enthou- 
siastes les  mystérieuses  voluptés  du  saintamour...  Entendons 
une  Sainte  Thérèse  supplier  son  Jésus  d'arrêter  le  cours  des 
délices  dont  il  l'inonde,  car  son  cœur  n'y  peut  plus  suffire... 
Moins  éclatants  mais  vibrants  encore,  sortent  de  toutes  les 
âmes  chrétiennes  les  cris  d'une  joie  inconnue  au  monde  et 
que  Dieu  sait  donner. 


LA  POSSESSION  DE  JÉSUS  285 


II 

COMMENT  ELLE  EST  ACQUISE 


A  nos  questions  anxieuses  :  «  Die  mihi  ubi  cubes  in  me- 
ridie?  »  Où  trouver  Jésus?  comment  entretenir  en  nous  sa 
divine  présence?  Comment  remplir  de  Lui  toute  notre  âme? 
—  La  piété  chrétienne  fait  les  réponses  suivantes. 

Par  l'Eucharistie  de  Jésus Où  chereher  ailleurs,  quand 

Lui-même  nous  déclare  qu'il  reste  au  milieu  de  nous,  dissimulé 
sous  les  voiles  de  son  grand  Sacrement?  «  Je  ne  vous  laisse- 
rai pas  orphelins  »;  et  encore  :  «  Voici  que  je  suis  avec  vous 
jusqu'à  la  consommation  des  siècles.  »  —  Où  donc  vous  trou- 
verai-je,  ô  Jésus  ?  —  «  Je  suis  le  Pain  de  vie;  celui  qui  mange 
ma  chair  et  qui  boit  mon  sang,  celui-là  aura  la  vie  en  lui... 
En  vérité,  je  vous  le  dis,  si  vous  ne  mangez  la  chair  du  Fils 
de  l'homme  et  si  vous  ne  buvez  son  sang,  vous  n'aurez  pas 
la  vie  en  vous.  »  0  Jésus,  que  ces  paroles  sont  formelles,  et 
qu'elles  sont  claires,  et  comme  je  comprends  ce  que  vous 
avez  dit  ailleurs  parlant  de  votre  disciple  :  «  Je  viendrai  à 
lui  et  je  ferai  ma  demeure  en  lui.  »  —  Je  découvre  d'un 
coup  tout  le  plan  divin  :  comment  l'Eucharistie  est  la  con- 
sommation splendide  et  logique  de  l'Incarnation.  Quand  le 
monde  entier,  quard  tout  le  genre  humain  réclama  son  Ré- 
dempteur, le  Verbe  Incarné  vint  des  cieux,  trésor  universel, 
patrimoine  de  tous,  richesse  des  Anges  et  des  hommes,  de  la 
terre  et  du  ciel,  centre  unique  où  aboutissent  et  se  rencon- 
trent tous  les  êtres  créés.  Telle  est  la  première  venue  de 
l'Homme-Dieu.  —  Mais  il  en  est  une  autre.  Ce  que  la  terre 
entière  réclamait  et  obtint,  chaque  âme  chrétienne  l'obtien- 
dra à  son  tour,  et  la  visite  que  l'Homme-Dieu  lit  à  tous  au 
jour  de  son  Incarnation,  il  l'accorde  maintenant  à  chacun 
de  ses  fidèles  par  son  Eucharistie. 

Par  la  Parole  de  Jésus.  —  Saint  Augustin  aimait  la 
telle  doctrine  que  voici.  Le  Verbe  Incarné  vient  en  nous  de 


286  LA  POSSESSION  DE  JÉSUS 

deux  manières  :  1°  par  la  communion,  quand  il  daigne  nous 
nourrir  de  sa  propre  chair  et  de  son  propre  sang;  2°  par  sa 
parole,  quand  il  a  daigné  nous  la  faire  entendre  dans  les 
Ecritures. 

Si  donc  nous  voulons  connaître  Jésus,  le  rendre  familier  à 
la  pensée  et  au  cœur,  cherchons-le  dans  les  pages  savoureu- 
ses de  l'Evangile.  —  Cherchons-y  son  ineffable  beauté,  beauté 
de  l'intelligence  et  du  cœur.  —  Cherchons-y  sa  bonté  misé- 
ricordieuse. Dès  les  premiers  pas,  nous  le  découvrirons  dans 
l'expansion  de  son  amour,  la  profusion  de  ses  bienfaits,  la 
magnanimité  de  ses  amnisties.  —  Cherchons-le  dans  l'hé- 
roïsme de  ses  souffrances,  quand,  meurtri  et  livide,  il  meurt 
pour  nous.  —  Cherchons  le  dans  le  resplendissement  de  la 
gloire,  quand  il  se  transfigure  ou  ressuscite  à  nos  yeux. 

L'incurie  des  lidèles  à  lire  et  à  méditer  l'Evangile  est  de- 
venue lamentable  de  nos  jours.  —  Plaignons  de  même  l'in- 
souciance, la  légèreté,  le  dédain  et  les  dégoûts  que  les  fidè- 
les opposent  trop  souvent  à  l'audition  de  la  parole  de  Dieu. 

Par  la  mortification  de  Jésus.  —  «  J'ai  fait  profession,  s'é- 
criait l'Apôtre,  de  ne  savoir  qu'une  chose  :  Jésus- Christ  et 
Jésus-Christ  crucifié.  »  Au  Cantique  des  Cantiques  la  Bien- 
aimée,  la  mystérieuse  Epouse  de  Jésus,  s'écrie  de  même  : 
«  Mon  Bien-aimé  est  pour  moi  un  bouquet  de  myrrhe.  »  Ainsi, 
jamais  la  croix,  jamais  la  mortification  chrétienne  n'est  ab- 
sente de  la  recherche  et  de  la  possession  de  Jésus.  L'E- 
criture, en  un  autre  endroit,  avait  dit  de  même  :  «  On  ne  le 
trouvera  pas  dans  la  terre  qu'habitent  les  voluptueux.  » 


LA.  CONQUÊTE  DE  JÉSUS-CHRIST 


Pour  qui  scrute  les  divines  Ecritures  un  trait  frappe  entre 
tous.  Jésus-Christ  est  le  centre  de  la  Révélation  entière;  à  lui 
se  rapportent  les  Livres  de  l'ancien  comme  du  nouveau  Tes- 
tament. Dès  la  genèse  il  apparaît.  Les  patriarches  se  trans- 
mettent comme  un  patrimoine  sacré  la  promesse  de  sa  venue- 
Moïse  trace  à  grands  traits  l'histoire  de  son  Avènement.  Le 
peuple  juif,  avec  sa  Loi  Ancienne,  se  remplit  des  figures  et 
des  symboles  qui  le  représentent.  A  mesure  que  s'avancent 
les  siècles,  la  physionomie  de  l'Honime-Dieu  se  précise.  Les 
prophètes  la  décrivent  dans  ses  traits  les  plus  spéciaux;  ils 
font  d'avance,  de  la  crèche  au  Calvaire,  toute  l'histoire  du 
Verbe  Incarné.  L'  .vangile  n'est  que  l'histoire  de  ses  jours 
mortels.  Le  fond  des  prédications  comme  des  Lettres  Apos- 
toliques n'est  jamais  que  Jésus-Christ.  Aux  premières  lignes 
de  la  genèse  Jésus-Christ  nous  est  montré  dans  la  promesse 
de  son  premier  Avènement  :  V Apocalypse  se  ferme  sur  le 
formidable  éclat  de  sa  seconde  Venue  en  pleine  majesté  el 
en  pleine  puissance. 

Les  rayons,  concentrés  en  Israël,  se  sont  répandus  sur  tous 
les  peuples.  Chez  tous,  durant  tous  les  siècles,  nous  retrou- 
vons la  croyance  au  Dieu  qui  doit  descendre,  vivre,  au  mi- 
lieu de  nous,  pour  nous  relever  et  nous  ennoblir. 

Dès  ce  préambule  nous  avons  à  conclure  que  Jésus-Christ, 
qui  est  le  tout  de  ce  monde,  doit  être  le  tout  de  notre  vie  à 
chacun.  Lui  seul  est  notre  espérance.  A  Lui  seul  se  rattache 
notre  destinée.  Pour  Lui  seul  nous  devons  vivre,  et  le  con- 
quérir est  pour  nous  le  seul  vrai  bien. 


288  LA  CONQUÊTE  DE  JÉSUS-CHRIST 


NÉCESSITE  DE  CETTE  CONQUETE 


Avant  de  songer  à  nous  et  de  nous  replier  sur  nos  plus 
graves  intérêts,  démontrons  que,  par  rapport  à  l'univers  tout 
entier,  au  ciel  et  à  la  terre,  Jesus-Christ  est  le  centre  unique 
d'où  tout  part  et  où  tout  vient  aboutir. 

Jésus-Christ  est  le  tout  du  monde.  —  Un  seul  grand  évé- 
nement, une  seule  immense  chose,  aura  été  vue  au  ciel  et  sur 
la  terre:  un  Dieu  fait  Homme,  le  Verbe  Fils  de  Dieu  devenu 
le  semblable,  le  frère  de  l'homme. 

1°  Le  grand  événement  des  âges  c'est  un  Dieu  se  résolvant 
à  descendre  sur  la  terre.  —  Si,  avec  Saint  Paul,  nous  osons 
pénétrer,  durant  les  siècles  éternels,  dans  le  mystère  de  la 
pensée  divine,  nous  trouvons  notre  grand  Dieu  absorbé  dans 
l'idée  de  l'Incarnation  de  son  Fils.  «  Prœdicatio  Jésus  Chrisli 
secundum  revelationem  mysterii  temporibus  esterais  taciti... 
Dispensatio  Sacramcnti  absconditi  a  s;eculis  in Deo. . . .  In  spem 
vitœ  aeternae  quam  promisit  qui  non  mentitur,  Deus,  ante 
tempora  saîcularia.  »  —  A  peine  les  Anges  sont- ils  créés  que 
Dieu  leur  fait  apparaître  par  avance  le  mystère  de  son  Verbe 
fait  cbair.  —  C'est  pour  lui  que  l'Univers  est  créé,  comme 
son  patrimoine  et  son  empire.  —  Quand  Dieu  forme  le  pre- 
mier homme  c'est  sur  le  modèle  de  son  Verbe  incarné.  —  Si 
bien  que,  dans  la  pensée  de  Dieu,  Jésus-Christ  est  le  type,  la 
raison  d'être,  le  modèle,  la  fin,  de  la  création  tout  entière: 
«  IJrimogenitus  omnis  creatura).  » 

2°  Le  grand  événement  des  âges  c'est  un  Dieu  vivant  et 
agissant  sur  la  terre.  —  Le  Fils  de  Dieu  fait  Homme  n'est  plus 
seulement  parmi  nous  dans  les  annonces  de  la  prophétie,  la 
grande  œuvre  divine  est  accomplie,  la  divine  réalité  est  de- 
vant nous:  Jésus-Christ,  vrai  Fils  de  Dieu,  vrai  Fils  de  l'homme, 
s'empare  de  la  création  pour  la  refaire  à  son  gré.  —  Il  s'em- 
pare des  âmes  pour  les  purifier,  chasser  leurs  ténèbres,  les 


LA  CONQUÊTE   DE  JÉSUS-CHRIST  289 

rétablir  sur  un  modèle  divin.  —  Il  s'empare  de  la  famille 
pour  la  retirer  de  l'abîme  fangeux  où  le  paganisme  l'a  plon- 
gée depuis  de  longs  siècles.  De  lui  comme  d'un  creuset  mys- 
térieux sortent  ces  chefs-d'œuvre  que  nous  nommons  le  père, 
la  mère,  l'enfant,  sacrés  de  l'onction  des  vertus  et  élevés 
jusqu'à  l'héroïsme  des  devoirs.  —  Déroulons  son  œuvre;  elle 
est  plus  vaste  encore.  Jésus-Christ  n'a  pas  seulement  pétri 
les  âmes  dans  la  sainteté,  il  n'a  pas  seulement  refait  la  fa> 
mille,  il  s'est  emparé  de  la  Société  elle-même,  pour  lui  donner 
une  physionomie  différente,  une  vie  qu'elle  ne  connaissait 
pas.  —  A  embrasser  l'histoire  humaine  dans  son  entier,  il 
est  manifeste  que  Jésus-Christ  en  est  le  point  culminant.  Il 
la  sépare  en  deux  versants,  absolument  dissemblables.  A 
partir  de  Lui  et  par  son  action  unique  l'histoire  humaine, 
affreusement  déformée  par  l'idolâtrie,  rèvet  tout  à  coup  les 
splendeurs  de  la  vérité,  les  parures  étincelantes  du  bien. 

3°  Le  grand  événement  des  âges  c'est  un  Dieu  attirant 
tout  à  Lui.  —  Peu  importe  que  l'on  jette  sur  ce  fait  extra- 
ordinaire un  regard  d'incrédule  ou  le  regard  du  croyant, 
le  fait  est  là,  défiant  par  son  inébranbable  masse  tout  effort 
de  la  négation.  —  Comme  il  sépare  en  deux  portions  l'his- 
toire des  siècles,  Jésus-Christ  divise  en  deux  classes  la  mul- 
titude des  hommes.  Depuis  dix-huit  siècles  un  immense  cor- 
tège s'attache  à  ses  pas,  vit  de  son  amour,  respire  de  son 
souffle,  n'a  de  pensées  que  les  siennes,  de  désirs  que  les  siens, 
d'ambition  que  de  vivre  et  de  mourir  pour  lui.  —  D'autre 
part,  sans  que  jamais  l'oubli  puisse  descendre  sur  le  Christ, 
la  haine  s'est  armée  contre  lui.  Disparu  du  monde  depuis 
dix-huit  siècles,  Jésus-Christ  y  est  vivant  dans  les  colères 
qu'il  suscite,  les  persécutions  qu'il  allume,  les  guerres  dont 
il  est  l'enjeu. 

Comment  ne  serait-il  pas  notre  tout  à  nous-mêmes  ?  — 
Le  tout  du  monde,  Jésus-Christ  concentre  en  lui  notre  exis- 
tence à  nous-mêmes.  Lui  seul  doit  être  l'objet  de  nos  solli- 
citudes ardentes,  comme  il  est  seul  le  terme  de  notre  es- 
poir. 

1°  Jésus-Christ  est  au  début  de  notre  destinée.  —  C'est  par 
lui  que  la  vie  nous  est  donnée,  c'est  par  lui  qu'elle  nous  a 
été  rendue. 

Apprenons  de  Saint  Paul  ce  beau  mystère.  C'est  pour  Jésus- 
Christ,  pour  lui  servir  de  cortège  d'honneur,  de  patrimoine 
et  de  famille,  que  nous  avons  été  créés  par  Dieu.  La  splen- 
T.  IV  19 


290  LA  CONQUÊTE  DE  JÉSUS-CHRIST 

deur  du  Christ,  l'ineffable  beauté  d'un  Dieu-Homme  doit  être 
reproduite  dans  des  milliers  d'images. 

L'éternité  aura  pour  parure,  pour  astres  et  pour  diamants 
ces  innombrables  êtres  transfigurés  à  la  ressemblance  de 
Jésus-Christ.  Tout  le  christianisme  se  rattache  à  ce  plan 
grandiose.  C'est  pour  réaliser  en  nous  la  ressemblance  du 
Verbe  Incarné,  pour  nous  faire  vivre  de  sa  vie  et  resplendir  de 
son  éclat,  que  la  foi  nous  illumine,  que  les  vertus  nous  ornent, 
que  les  Sacrements  nous  signent,  que  l'Eucharistie  nous 
remplit  des  gloires  et  des  énergies  de  l'IIomme-Dieu. 

Cette  vie  glorieuse,  cette  divine  ressemblance,  que  Saint 
Paul  nous  affirme  avoir  été  la  raison  première,  le  décret  pri- 
mordial de  notre  création  :  «  Elegit  nos  in  ipso,  ante  mundi 
constitutionem  ut  essemus  sancti  et  immaculati  in  cons- 
pectu  ejus  in  caritate,  »  cette  vie  et  cette  ressemblance  nous 
la  perdîmes  par  la  faute  originelle.  —  Qui  nous  les  rendit? 
A  qui  devons-nous  d'avoir  été  replacés  dans  une  vie  déifiée? 
—  A  ce  môme  Jésus  Christ.  Lui  par  qui  et  sur  le  modèle  de 
qui  nous  avions  été  créés,  Lui-même,  en  souffrant,  en  ex- 
piant, en  effaçant  nos  crimes  par  l'effusion  de  son  sang,  nous 
rendit  nos  biens  éternels.  Jésus-Christ  est  donc  deux  fois 
notre  créateur. 

2°  Jésus-Christ  nous  suit  durant  le  cours  de  toute  notre  ex- 
istence. —  Etres  divins,  créatures  immortelles,  hôtes  des 
cieux,  nous  n'avons  d'autre  destinée  ici-bas  que  de  nous 
rendre,  à  travers  les  choses  terrestres,  à  notre  patrie  d'en 
haut.  —  Mais  que  ces  choses  terrestres  nous  sont  redoutables  ! 
Combien  difficile  ou  plutôt  combien  impossible  à  nos  seules 
forces  est  ce  voyage  !  Si  un  guide,  un  soutien,  une  consola- 
tion, ne  nous  sont  pas  donnés,  infailliblement  nous  périrons 
en  chemin.  —  C'est  encore  durant  le  cours  de  cette  péril- 
leuse existence  que  Jésus-Christ  deviendra  notre  tout,  comme 
lumière,  comme  force,  comme  consolation. 

Comme  lumière.  —  «  Habentes  intcllectum  tenebris  obs- 
curatum.  »  Ainsi  sommes-nous  dans  une  obscurité  profonde, 
sans  plus  apercevoir  notre  chemin.  —  Au  dehors  de  nous  le 
doute,  les  négations,  l'incrédulité  nous  assaillent  ;  le  mot 
tentateur  résonne  de  toutes  parts  à  nos  oreilles:  «  Nequa- 
quam.  »  —  Non!  tout  cela  n'est  pas  vrai!  Celte  divinité  du 
Christ,  cette  révélation,  ce  culte  ces  sacrements  cette  sur- 
naturelle espérance:  «  Nequaquam.  »  Ténèbres  audedansde 
nous.  L'orgueil  do  la  pensée,  l'indépendance   de    l'esprit,  les 


LA  CONQUÊTE   DE  JÉSUS-CHRIST  291 

clameurs  des  passions  irritées,  les  fatigues  de  la  vertu,  tout 
nous  écarte  du  chemin,  tout  le  voile  d'obscurité.  — 0  Jésus, 
Fils  de  Dieu,  Soleil  étincelant,  Vérité  immuable,  immuable 
réalité,  tant  que  nous  aurons  le  regard  intrépidement  fixé 
sur  Vous,  sur  vos  œuvres,  sur  vos  miracles,  sur  les  preuves 
de  votre  divinité,  ni  l'indécision,  ni  le  doute,  ni  la  négation 
ne  monteront  à  notre  àme. 

Comme  force.  —  Le  même  Christ  qui  nous  illumine  est  en 
nous  pour  nous  soutenir.  Voyez  dans  ce  Prophète  Elie,  affaissé 
sur  la  route,  vaincu  par  la  fatigue  et  la  faim,  l'image  saisis- 
sante de  la  nature  humaine.  Elle  aussi,  succombant  aux  fati- 
gues du  voyage,  s'arrête  dans  l'immobilité  de  l'indifférence  et 
tomb^  dans  le  funeste  sommeil  de  l'insensibilité.  Ni  Dieu, 
ni  son  àme,  ni  ses  intérêts  éternels  ne  sont  plus  rien  à  ce 
malheureux  endormi,  ou  plutôt  à  ce  mort,  à  ce  Lazare  entouré 
des  bandelettes  de  son  suaire,  écrasé  sous  la  pierre  de  son 
sépulcre.  —  Mais  voici  le  Christ,  le  «  Dieu  fort,  »  le  thauma- 
turge, qui  crie  d'une  voix  victorieuse:  «  Lazare,  veni  foras!  » 
...  «  Surge  qui  dormis  et  illuminabit  te  Christus.  »  La  prière 
au  Christ,  l'onction  mystérieuse  du  Christ,  l'Autel  du  Christ, 
deviendront  pour  nous  d'inépuisables  sources  de  force  et  de 
vitalité. 

Comme  consolation.  —  La  douleur,  le  travail  ingrat,  les 
charges  accablantes,  la  lutte  contre  de  quotidiennes  détres- 
ses, formeront  le  troisième  obstacle  qui  interceptera  pour 
nous  la  route  du  ciel.  Mais  le  Christ  vient  à  nous  tour  à  tour 
«  Homme  de  douleur  »  et  splendide  ressuscité.  A  son  Calvaire, 
où  il  agonise,  nous  apprenons  les  gloires  et  les  suavités  d'une 
douleur  supportée  en  commun.  La  radieuse  vision  du  Christ 
ressuscité  nous  apprend  quelle  est  la  fécondité  et  les  éter- 
nelles espérances  de  la  douleur. 

3°  Je 'sus- Christ  est  au  terme  de  notre  destinée.  —  Cette  des- 
tinée, c'est  le  bonheur  sans  mélange,  la  vie  sans  fin,  et, comme 
parle  le  prophète  :  «  Le  torrent  des  délices  inondant  l'àme 
humaine.  »  Or  ces  biens  ne  sont  autres  que  Dieu  même  se 
communiquant  à  sa  créature.  Le  ciel  c'est  Dieu  vu,  goûté  et 
possédé. 

Mais,  s'écrie  lé  prophète  :  «  Quis  ascendit  in  montem  Do- 
mini?  »  —  Le  ciel  moins  que  la  terre  peut  nous  apparte- 
nir. Le  ciel  est  à  Jésus-Christ.  Il  a  été  fait  pour  Jésus-Christ, 
c'est  son  domaine  inaliénable.  Laconséquence  c'est  que  ceux- 
là  seuls  en  jouiront  auxquels  Jésus  Christ  en  fera  part.  — 


292  LA  CONQUÊTE  DE  JÉSUS-CHRIST 

ISous  disions  que  le  ciel  c'est  Dieu  même  possédé  par  l'homme. 
Or  il  est  écrit  :  «  Nul  ne  va  au  Père  que  par  le  Fils.  »  Notre 
seul  Introducteur  possible  dans  la  vie  éternelle  c'est  donc 
Jésus-Christ. 


II 
CONDITIONS  DE  CETTE  CONQUÊTE 


Jamais  sans  doute  nous  ne  nous  convaincrons  assez  de  la 
miséricorde  de  Dieu.  Jamais  nous  ne  grandirons  notre  con- 
fiance à  la  mesure  de  sa  bonté.  Nos  défauts,  nos  défaillances, 
nos  faiblesses,  le  trouvent  compatissant  ;  nos  écarts  et  nos 
fautes  sont  effacés  par  ses  pardons.  Il  étend  des  bras  di- 
latés par  l'amour,  quand  le  Prodigue  vient  s'y  réfugier. 
11  reçoit  à  ses  pieds  la  Madeleine  repentante.  Dans  son  ago- 
nie sur  la  croix  il  ouvre  au  misérable  larron  les  portes  du 
ciel. 

Mais,  en  Dieu,  un  attribut  ne  saurait  détruire  l'autre  ;  la 
condescendance  n'efface  pas  la  majesté  ;  la  miséricorde  ne 
détruit  pas  la  justice  ;  s'il  est  facile  autant  que  doux  de  con- 
quérir le  cœur  de  l'Homme-Dieu,  cette  glorieuse  conquête 
n'est  pas  néanmoins  vulgaire;  cette'  richesse  divine  n'est 
point  banale.  N'aime  pas  qui  veut  ;  ne  possède  pas  qui  veut 
Jésus-Christ.  C'est  là  le  «  diamant  »  de  l'Evangile,  dont  l'ac- 
quisition réclame  des  efforts  sérieux  et  de  généreux  sacrifices. 

Jésus-Christ  n'est  pas  au  premier  venu.  —  1°  Ceux-là  ne 
posséderont  jamais  Jésus-Christ  qui  se  laissent  enfler  par  l'or- 
gueil et  qui  poussent  cet  orgueil,  jusqu'aux  négations  d'une 
incrédulité  opiniâtre.  Jésus-Christ  n'a  exigé  la  soumission  de 
notre  esprit,  l'amour  de  notre  cœur,  les  sacrifices  de  notre 
vertu,  qu'après  avoir  multiplié  à  profusion  les  preuves  de 
sa  divinité.  Que  l'homme,  enflé  de  son  prétendu  savoir, 
refuse  de  s'incliner  :  c'en  est  fait.  Jésus-Christ  méprise  bien 
plus  encore  qu'il  n'est  méprisé  :  «  "Vœ  qui  spernis,  nonne  et 
tu  spernaberis?  » 

2°  Ceux-là  ne  posséderont  pas  Jésus-Christ,  qui  vivent  de 


LA  CONQUÊTE  DE  JÉSUS-CHRIST  293 

la  vie  de  ce  monde  maudit  par  Jésus-Christ,  qui  se  règlent  sur 
son  esprit,  fléchissent  à  ses  maximes,  participent  à  ses  ré- 
voltes contre  Dieu:  «  Qui  in  carne  sunt  placere  Deo  non  pos- 
sunt.  » 

3°  Ceux-là  ne  posséderont  pas  Jésus-Christ  qui  par  des  abus 
sa?is  fin  de  sa  grâce,  se  sont  fait  un  jeu  de  sa  miséricorde,  et, 
pardonnes  toujours,  toujours  reviennent  à  leurs  prévarica- 
tions. La  miséricorde  divine,  pour  infinie  qu'elle  soit,  a  néan- 
moins un  terme,  que  l'opiniâtreté  humaine  ne  franchit  pas 
impunément  :  «  terra  sœpe  venientem  super  se  bibons  im- 
brem....  proferens  spinas  ac  tribulos  reproba  est  et  maledic- 
to  proxima.  » 

Conditions  requises. — Mais,  d'autre  part,  ceux-là  trouveront 
toujours  Jésus-Christ  qui,  après  des  éloignements  et  des  aban- 
dons reviennent  à  lui  dans  la  sincérité  de  leur  cœur.  —  Ceux- 
là  ne  perdront  pas  Jésus-Christ  qui,  vaincus  dans  la  lutte, 
se  relèvent  et  retournent  au  combat.  —  Ceux-là  feront  sûre- 
ment la  conquête  de  son  cœur  qui  lui  soumettront  finalement 
leur  intelligence  par  la  foi,  leur  cœur  par  le  désir  de  l'aimer, 
leur  vie  par  la  soumission  aux  préceptes  de  son  Evangile. 


LE  BON  PASTEUR 


Fili  hominis,  propheta  de  pastoribus  Israël;  propheta,  et 
dices  pastoribus  :  Haie  dicit  Dominus  Deus  :  Vœ  pastoribus 
Israël,  qui  pascebant  semetipsos!  nonne  grèges  a  pastoribus 
pascuntur  ? 

Lac  comedebatis,  et  lanis  operiebamini  ;  et  quod  crassum 
erat  occidebatis;  gregem  autem  meum  non  pascebatis. 

Quod  infirmum  fuit  non  consolidastis,  et  quod  œgrotum 
non  sanastis  ;  quod  confractum  est  non  alligastis,  et  quod  ab- 
jectum  est  non  reduxistis,  et  quod  perierat  non  quœsistis  ; 
sed  cum  austeritate  imperabatis  eis,  et  cum  potentia. 

Et  dispersœ  sunt  oves  meae,  eo  quod  non  esset  pastor;  et 
factœ  sunt  in  devorationem  omnium  bestiarum  agri,  et  dis- 
persée sunt. 

Erraverunt  grèges  mei  in  cunctis  montibus,  et  in  universo 
colle  excelso;et  super  omuem  faciem  terra?  dispersi  sunt  grè- 
ges mei,  et  non  erat  qui  requireret,  non  erat,  inquam,  qui 
requireret. 

Propterea,  pastores  !  audite  verbum  Domini  : 

Vivo  ego,  dicit  Dominus  Deus,  quia  pro  eo  quod  facti  sunt 
grèges  mei  in  rapinam,  et  oves  mcae  in  devorationem  om- 
nium bestiarum  a^ri,  eo  quod  non  esset  pastor:  neque  enim 
jn  l'sierunt  pastores  mei  gregem  meum,  sed  pascebant  pas- 
tores  semetipsos,  et  grèges  meos  non  pascebant  ; 

Propterea,  pastores  !  audite  verbum  Domini  : 

Hœc  dicit  Dominus  Deus  :  Ecce  ego  ipse  super  pastores;  re- 
quiram  gregem  meum  de  manu  eorum,  et  cessare  faciam 
eos,  ut  ultra  non  pascant  gregem,  nec  pascant  amplius  pas- 
tores semetipsos  ;  et  liberabo  gregem  meum  de  ore  eorum, 
et  non  erit  ultra  eis  in  escam, 

Quia  haec  dicit  Dominus  Deus  :  Ecce  Ego  ipse  requiram  oves 
meas,  et  visitabo  eas. 

Sicut  visitât  pastor  gregem  suum,  in  die  quando  fuerit  in 
medio  ovium  suarum  dissipatarum  ;  sic   visitabo  oves  meas, 


LE  BON  PASTEUR  295 

et  liberabo  eas  de  omnibus  locis  in  quibus  dispersœ  fuerant 
in  die  nubis  et  caliginis. 

Et  educam  eas  de  populis,  et  congregabo  eas  de  terris,  et 
inducam  eas  in  terrain  suam,  et  pascam  eas  in  montibus 
Israël,  in  rivis,  et  in  cunctis  sedibus  terrœ. 

In  pascuis  uberrimis  pascam  eas;  et  in  montibus  excelsis 
Israël  eruntpascua  earum;  ibi  requiescent  in  herbis  virenti- 
bus,  et  in  pascuis  pinguibus  pascentur  super    montes  Israël. 

Ego  pascam  oves  meas;  et  ego  eas  accubare  faciam,  dicit 
Dominus  Deus. 

Quod  perierat  requiram,  et  quod  abjectum  erat  reducam, 
et  quod  confractum  fuerat  alligabo,  et  quod  infirmum  fuerat 
consolidabo,  et  quod  pinguc  et  forte  cuslodiam;  et  pascam 
illas  in  judicio. 

Vos  autem,  grèges  mei,  haec  dicit  Dominus  Deus  :  Ecce  ego 
judico  inter  pecus  et  pecus,  arietum  et  hircorum. 

Nonne  satis  vobis  erat  pascua  boua  depasci  ?  insuperet  re- 
liquias  pascuarum  vestrarum  conculcastis  pedibus  vestris;  et 
cum  purissimam  aquam  biberetis,  reliquam  pedibus  vestris 
turbabatis. 

Et  oves  mead  his  quœ  conculcata  pedibus  vestris  fuerant, 
pascebantur;  et  qua3  pedes  vestri  turbaverant,  hœcbibebant. 

Proptcrea  hœc  dicit  Dominus  Deus  ad  vos  :  Ecce  ego  ipse 
inter  pecus  pingue  et  macilentum  : 

Pro  eo  quodlateribus  et  humeris  impingebatis,  et  cornibus 
vestris  ventilabatis  omnia  infirma  pecora,  donec  disperge- 
rentur  foras, 

Salvabo  gregem  meum,  et  non  erit  ultra  in  rapinam,  et  ju- 
dicabo  inter  pecus  et  pecus. 

Et  suscitabo  super  eas  Pastorem  unum,  qui  pascat  eas,  ser- 
vum  meum  David;  ipse  pascet  eas,  et  ipse  erit  eis  in  pas- 
torem. 

Ego  autem  Dominus  ero  eis  in  Deum  ;  et  servus  meus 
David  princeps  in  medio  eorum  :  ego  Dominus  locutus  sum. 

Et  faciam  cum  eis  pactum  pacis,  et  cessare  faciam  bestias 
pessimas  de  terra  ;  et  qui  habitant  in  deserto,  securi  dor- 
mient  in  saltibus. 

Et  ponam  eos  in  circuitu  collis  mei  benedictionem;  et  de- 
ducam  imbrem  in  tempore  suo;  pluviœ  benedictionis  erunt. 

Et  dabit  lignum  agri  fructum  suum,  et  terra  dabit  germen 
sutira,  et  erunt  in  terra  sua  absque timoré;  et  scient  quia  ego 


296  LE   BON  PASTEUR 

Dominus,  cum  contrivero  catenas  jugi  eorum,  et  eruero  eos 
de  manu  imperantium  sibi. 

Et  non  erunt  ultra  in  rapinam  in  gentibus,  neque  bestiae 
terrœ  devorabunt  eos;  sed  habitabunt  confidenterabsqueullo 
terrore. 

Et  suscitabo  eis  germen  nominatum;  et  non  erunt  ultra 
imminuti  famé  in  terra,  neque  portabunt  ultra  opprobrium 
gentium. 

Et  scient  quia  ego  Dominus  Deus  eorum  cum  eis,  et  ipsi 
populus  meus  domus  Israël,  ait  Dominus  Deus. 

Vos  autem,  grèges  mei,  grèges  pascuœ  meae,  homines 
estis;  et  ego  Dominus  Deus  vester,  dicit  Dominus  Deus. 

(Ezech.  XXXIV). 


CE  QUE  NOUS  EST  LE  BON  PASTEUR 


Le  bon  Pasteur  c'est  Celui  qui  s'est  révélé  à  nous  dans  le 
dévouement  et  l'amour;  Celui,  qui  ému  de  pitié  sur  nos  mi- 
sères, vint  du  ciel  pour  les  guérir;  Celui  qui  pleura  sur  nos 
tombes,  qui  dit,  en  nous  voyant  égarés  sans  ressource  dans 
le  désert  de  la  vie  :  «  Misereor  super  turbam  ;  »  Celui  enfin 
qui,  venu  pour  réunir  un  bercail  dispersé,  prononça  ces  su- 
prêmes paroles  de  la  dilection.  «  Le  bon  Pasteur  donne  sa 
vie  pour  ses  brebis.  » 

Regardons  à  l'œuvre  le  bon  Pasteur.  Comment  il  acquiert 
son  troupeau.  Comment  il  l'aime.  Comment  il  le  forme  et  le 
régit. 

Comment  il  acquiert  son  troupeau.  —  A  qui  étions-nous? 
Comment  avons-nous  été  rachetés  par  l'Homme-Dieu  et  ac- 
quis à  son  amour? 

1°  A  qui  étions-nous?  —  Le  propre  du  péché,  celui  d'Adam 
et  les  nôtres,  c'est  l'abandon  de  Dieu,  le  choix  sacrilège  que 
notre  volonté  libre  fait  de  l'ennemi  de  Dieu,  du  démon.  La 
suite  qui  ne  la  voit  ?  Dieu  abandonné  se  retire  et  nous  laisse 
au  maître  que  nous  nous  sommes  choisi.  Notre  histoire  est 


LE  BON  PASTEUR  297 

celle  du  prodigue,  qui  n'abandonne  un  tendre  père  que  pour 
se  faire,  dans  une  région  maudite,  l'esclave  d'un  maître  sans 
pitié  qui  l'affame  et  le  déshonore.  —  Esclaves  du  démon, 
parqués  dans  l'infernale  bergerie,  destinés  à  d'éternelles  im- 
molations, qui  nous  sauvera  de  cette  affreuse  destinée  que 
nous  nous  sommes  faite  à  nous-mêmes  ?  —  Un  seul  le  peut, 
un  seul  le  voudra,  c'est  le  Fils  de  Dieu. 

2°  Comment  avons-nous  été  rachetés  et  acquis?  —  Deux 
merveilles  se  déroulent  devant  nous.  —  La  première  c'est 
que  le  Verbe  éternel,  le  Fils  de  Dieu,  au  sein  de  sa  gloire, 
dans  le  rayonnement  de  sa  béatitude  infinie,  dans  l'infini 
lointain  de  sa  Divinité,  ait  jeté  sur  de  misérables  atomes, 
sur  d'ignobles  révoltés,  sur  des  êtres  hideusement  déformés, 
un  regard  de  pitié  et  un  sentiment  d'amour  :  «  Cum  inimici 
essemus  »...  Seconde  merveille  plus  étonnante  peut-être  que 
la  première  :  ce  Verbe  ne  viendra  nous  recueillir,  nous  ra- 
cheter,  nous  sauver,  qu'au  prix  d'inénarrables  douleurs. 
Notre  rançon  payée  à  la  Justice  divine  ne  sera  autre  que  son 
sang,  et  c'est  par  une  suite  infinie  d'humiliations  et  de  tor- 
tures qu'il  soldera  la  suite  infinie  de  nos  forfaits.  Mais 
autant  son  immolation  aura  été  complète,  autant  son  triom- 
phe deviendra  parfait.  Dieu  est  apaisé,  le  péché  n'est  plus, 
l'enfer  est  à  jamais  vaincu;  la  bergerie  divine  fermée  au 
loup  ravisseur  ne  s'ouvre  plus  qu'au  Pasteur  divin. 

Comment  il  aime  son  troupeau.  —  Trois  actes  d'amour  du 
bon  pasteur  pour  son  troupeau  :  Il  connaît,  il  garde,  il  enri- 
chit ses  brebis. 

1°  Jésus-Christ  nous  connaît.  —  A  côté  de  Lui  voici  le 
monde.  Lui  aussi  veut  nous  voir,  nous  connaître,  s'entrete- 
nir avec  nous.  Malheur  aux  brebis  mondaines  I  C'est  avec 
malignité  que  le  monde  nous  connaît;  il  nous  connaît  tour 
à  tour  pour  mettre  en  lumière  nos  défauts  et  pour  nous 
humilier  de  ses  impitoyables  mépris.  S'il  connaît  nos  qua- 
lités, nos  vertus,  nos  bonnes  œuvres,  ce  n'est  guère  que 
pour  y  jeter  l'insinuation  perfide  et  les  tuer  sous  de  cruels 
dénigrements.  Il  nous  connaît  dans  la  prospérité  pour 
exploiter  notre  fortune.  Il  nous  connaît  dans  l'adversité  pour 
nous  tourner  le  dos  avec  un  froid  dédain. 

0  bon  Pasteur  !  Connaissez-nous.  Vous  seul  pouvez  nous 
connaître,  nous  regarder  avec  des  yeux  d'amour  :  «  Cognosco 
oves  meas,  »  dites-vous.  Vous  connaissez  en  nous  le  bien 
que  vous  y  produisez  vous-même,  et  ce  bien,  qui  est  de  vous, 


298  LE  BON  PASTEUR 

vous  daignez  l'exalter  et  le  récompenser  comme  s'il  était 
nôtre.  —  Vous  connaissez  nos  misères,  nos  prévarications, 
nos  chutes  sans  fin.  Mais  c'est  pour  les  prendre  en  pitié,  pour 
les  secourir,  que  vous  les  connaissez.  —  Vous  connaissez 
nos  besoins,  vous  seul  êtes  le  chemin  qui  mène  aux  fertiles 
pâturages,  au  rassasiement  de  notre  nature,  aux  divines  sa- 
tiétés que  notre  faim  réclame. 

2°  Jésus-Christ  nous  garde.  —  Est  ce  que  le  monde  lui 
aussi  ne  prétend  pas  nous  garder  ?  Mais  que  garde-t-il,  le 
malheureux?  que  fait-il  autre  chose  que  tout  perdre,  que 
tout  dissiper,  que  me  mener  à  une  éternelle  ruine?  S'il  me 
prend  mon  intelligence,  c'est  pour  la  remplir  de  ses  creuses 
et  désolantes  incrédulités.  S'il  me  prend  mon  cœur,  c'est  pour 
l'abaisser  et  l'exténuer  dans  de  frivoles  et  éphémères  amours. 
S'il  me  prend  ma  chair,  c'est  pour  la  flétrir  dans  des  hontes 
innommées.  S'il  me  prend  ma  fortune,  c'est  pour  la  jeter  en 
proie  au  néant.  S'il  me  prend  mon  âme,  c'est  pour  la  livrer 
sans  défense  à  la  perdition. 

Il  est  un  Pasteur,  un  seul,  qui  me  garde  et  me  puisse  gar- 
der. —  Celui  là  me  signale  l'ennemi...  Celui-là  me  rend  in- 
vincible contre  l'ennemi...  Celui-là  désarme  l'ennemi.  — 
Telle  est  l'œuvre  de  Jésus-Christ  le  Suprême  Pasteur.  Sa 
parole,  son  Evangile,  ses  Apôtres,  son  Eglise,  ont  dessillé 
mes  yeux.  Par  eux  j'ai  vu  où  étaient  mes  vrais  ennemis  et 
où  étaient  mes  vrais  sauveurs  —  Connaître  l'ennemi  serait 
peu  si  de  puissants  secours  n'accompagnaient  sa  connais- 
sance. Ces  secours,  Jésus-Christ  nous  lésa  multipliés  :  prière, 
grâce,  Sacrements,  ressources  de  toute  sorte,  le  Chrétien 
possède  contre  le  démon,  le  monde,  soi-même,  d'invincibles 
armes  —  Ce  serait  peu  encore  que  nos  forces  personnelles  con- 
tre l'inouïe  puissance  de  nos  ennemis,  mais  c'est  Jésus-Christ 
même  qui  entre  en  lice,  qui  engage  le  combat,  qui  terrasse 
l'enfer  et  qui  pousse  ce  grand  cri  de  triomphe  :  «  confidite, 
Ego  vici  mundum.  »  Il  est  le  Fort  armé,  devant  lequel  nos 
adversaires  fuient  épouvantés. 

3°  Jésus-Christ  nous  enrichit.  — De  lui  il  est  dit  que  «  toutes 
les  richesses  sont  en  Lui  renfermées.  »  Ces  richesses  il  nous 
les  donne.  Son  divin  patrimoine  est  à  nous.  «  Nous  héritons, 
dit  Saint  Paul,  de  tous  les  biens  d'un  Dieu,  et  nous  sommes 
les  cohéritiers  de  Jésus-Christ.  »  De  là  ce  mot  de  l'Apôtre: 
«  La  piété  renferme  tous  les  biens  de  la  vie  présente  et  ceux 
de  la  vie  future  ». 


LE   BOX  PASTEUR  299 

Comment  il  forme  son  troupeau.  —  Nous  connaissons  le 
bon  Pasteur.  Apprenons  à  connaître  aussi  son  bercail. 

1°  Jésus-Christ  le  forme  de  toute  classe,  de  tout  rang,  de 
tout  degré  de  mérite.  Nul  n'est  exclu.  La  bergerie  est  ouverte 
à  tous.  Ceux  qui  y  veulent  entrer,  riches  et  pauvres,  rois  et 
esclaves,  savants  et  ignorants,  privilégiés  de  la  fortune  ou  vic- 
times sanglantes  du  malheur,  tous  sont  accueillis,  tous  peu- 
vent devenir  des  brebis  fidèles.  —  Particularité  remarquable. 
Le  discernement  des  boucs  et  des  brebis  ne  se  fera  qu'au 
dernier  jour,  l'ivraie  et  le  bon  grain  resteront  mélangés  jus- 
qu'à la  moisson,  un  môme  coup  de  filet  prend  les  poissons  à 
garder  et  ceux  que  l'on  rejette.  Les  pécheurs  dont  Dieu  attend 
la  conversion  resteront  dans  la  bergerie. 

2°  Jésus-Christ  le  forme  de  conque  tes  lointaines.  —  L'Eglise 
de  Jésus-Christ  est  catholique,  universelle.  La  bergerie  du 
Christ  est  aussi  vaste  que  le  monde  et  le  zèle  de  ses  apôtres 
lui  amène  sans  cesse  des  brebis  nouvelles  des  extrémités  de 
la  terre. 

3°  Jésus-  Christ  le  forme  d'admirables  conversions.  —  A  ce  si- 
gne même  il  est  aisé  de  reconnaître  la  vraie  Eglise.  Comp- 
tez le  nombre  infime  de  catholiques  qui  se  font  ou  païens  ou 
musulmans  ou  schismatiques.  Tandis  que  sans  cesse  des  ré- 
gions du  vice,  de  celles  de  l'incrédulité,  de  celles  de  l'erreur 
d'admirables  conversions  lui  amènent  de  nouvelles  recrues. 

4°  Jésus-Christ  le  forme  d'héroïques  saintetés.  — Si  votre  re- 
gard, embrassant  le  monde,  se  fixe  quelque  part  sur  un  en- 
semble dix-huit  fois  séculaire  de  vertus,  d'héroïsmes,  de 
martyrs,  d'immolations  complètes  de  soi,  d'absolus  dévoue- 
ments pour  les  autres  :  dites  que  c'est  là  le  bercail  de  l'Homme- 
Dieu. 


II 


CE  QUE  NOUS  DEVONS  ETRE  NOUS-MEMES 
AU  BON  PASTEUR 


Nous  devons  Lui  être  des  brebis  croyantes,    des  brebis  ai- 
mantes, des  brebis  prudentes. 


300  LE  BON  PASTEUR 

Nous  devons  lui  être  des  brebis  croyantes.  —  «  Cognos- 
cunt  me  meœ.  »  «  La  vie  éternelle,  dit  encore  le  bon  Pasteur, 
consiste  à  vous  connaître,  ô  mon  Père,  et  à  connaître  Celui 
que  vous  avez  envoyé.  »  —  Croyons  la  divinité  du  Christ,  la 
réalité  de  son  œuvre,  de  sa  rédemption,  de  ses  promesses 
éternelles.  —  Croyons  son  Evangile.  —  Croyons  son  Eglise. 

Nous  devons  lui  être  des  brebis  aimantes.  —  Par  trois 
issues  différentes  le  divin  amour  s'insinuera  dans  nos  cœurs. 
—  Il  nous  viendra  de  la  séduction  de  sabeauté  divine,  des  char- 
mes infinis  de  sa  Personne,  des  célestes  entraînements  de 
sa  dilection.  —  Ce  sera  en  second  lieu  un  amour  de  recon- 
naissance. C'est  un  Bienfaiteur  magnifique,  c'est  un  Ami  dé- 
voué jusqu'à  la  mort,  que  nous  aimerons  en  Jésus-Christ. 

Nous  devons  lui  être  des  brebis  prudentes.  —  1°  Pru- 
dentes à  profiter  des  opulents  pâturages,  des  multiples  moyens 
de  sanctification  qui  s'offrent  à  nous.  2°  Prudentes  à  fuir  les 
dangers,  à  nous  séparer  du  mercenaire,  à  nous  éloigner  du 
loup  ravisseur.  3°  Prudentes  à  suivre  pas  à  pas  le  Bon  Pasteur, 
sa  doctrine,  ses  exemples. 


LE  RÈGNE  SOCIAL  DE  JÉSUS-CHRIST 


A  côté  de  cette  géographie  qui  trace  les  frontières,  suit  le 
cours  des  fleuves  et  le  rivage  des  océans,  décrit  les  régions 
diverses,  les  régions  fortunées  qu'un  soleil  pur,  un  sol  fécond, 
vouent  à  la  richesse  et  au  bonheur,  les  régions  ingrates  et 
désolées  dont  les  habitants  malheureux  ne  retirent  que  pau- 
vreté et  souffrance  :  —  à  côté  de  cette  géographie  toute  ma- 
térielle et  physique,  une  autre  pourrait  nous  dessiner  les 
deux  régions  qui  se  partagent  l'humanité  déchue. 

Il  est  un  pays  de  la  fortune  et  de  la  félicité.  Ceux  qui  l'ha- 
bitent ne  connaissent  de  la  vie  que  ses  charmes.  Au  fond 
d'opulentes  demeures,  les  plaisirs  et  les  fêtes  se  déroulent  sans 
fin,  et  jamais  l'austère  visage  de  l'expiation  ne  semble  y  ap- 
paraître. —  Il  est  un  pays  de  la  pauvreté,  région  doulou- 
reuse, patrie  de  l'angoisse  sombre,  rendez-vous  de  toules  les 
misères  et  de  toutes  les  douleurs. 

Roi  du  monde,  conquérant  de  l'humanité,  Jésus-Christ  s'est 
emparé  à  la  fois  de  ces  deux  régions  si  différentes.  Il  en  a 
formé  son  empire,  et,  pour  les  rendre  dignes  de  sa  Rédemp- 
tion, il  les  a  transfigurées  l'une  et  l'autre. 


JESUS-CHRIST  ROI  DES  RICHES 


La  conquête  de  ces  terres  trop  fortunées  fut  pour  le  Roi 
Rédempteur  la  plus  difficile  et  la  plus  longue.  Il  fallut  pu- 
rifier la.  richesse,  utiliser  la  richesse,  éterniser  la  richesse. 

Jésus-Christ  purifia  la  richesse.  —  Livrée  à  elle-même  et 
aux  séductions  du  monde,  la  richesse  se  déshonore  par  son 


302  LE   RÈGNE   SOCIAL  DE   JÉSUS-CHRIST 

égoïsme  et  se  souille  au  contact  des  passions.  Elle  est  vite 
orgueilleuse.  La  jouissance  est  sa  loi,  la  volupté  son  attrait 
irrésistible.  Son  seul  culte  c'est  l'or;  sa  seule  religion  est 
d'amasser  davantage  pour  davantage  jouir. 

1°  Jésus- Christ  la  purifia  par  son  exemple.  —  Il  la  fallait 
tout  d'abord  désillusionner.  Et  comme  l'illusion  de  sa  propre 
valeur,  de  ses  splendeurs  fausses,  était  profonde,  ce  fut  par 
un  extraordinaire  spectacle  qu'il  lui  ouvrit  les  yeux.  Le  voici 
pauvre,  le  voici  dénué.  Il  naît,  il  vit,  il  meurt  dans  la  plus 
absolue  détresse.  Des  pauvres  et  des  déshérités  de  ce  monde 
il  forme  sa  cour.  Les  princes  de  son  empire  sont  comme  lui 
dépouillés  de  tout.  0  richesse,  ne  te  targue  plus  de  tes  avan- 
tages ;  tu  n'es  rien,  puisque  le  Roi  de  gloire  l'a    répudiée! 

2°  Jésus-Christ  la  purifia  par  sa  doctrine.  —  Suivons  le 
Maître,  prêtons  l'oreille  à  ses  enseignements  :  tous,  toujours, 
se  réunissent  en  un  point  unique  :  le  mépris  des  biens  de  ce 
monde,  l'héroïque  attente  des  biens  éternels.  —  Ainsi  enseigne- 
t-il  sur  la  Montagne  des  Béatitudes  :  «  Beati  pauperes  spiritu.  » 

—  Ainsi  compose-t-il  la  plusgrande  partie  de  ses  Paraboles.  — 
Et  quand  de  ses  lèvres,  d'ordinaire  si  douces,  sortent  des 
éclats  de  tonnerre,  c'est  la  richesse  orgueilleuse,  voluptueuse 
et  impie  qu'il  flétrit  et  condamne. 

3°  Jésus-Christ  la  purifia  par  tordre  établi  dans  son  Eglise. 

—  Oh  !  certainement,  il  n'en  exclura  pas  les  riches.  La  Ré- 
demption est  pour  tous  et  l'Eglise  esl  la  commune  mère  du 
genre  humain.  Mais  tout  d'abord  ce  sont  les  pauvres  que  Dieu 
y  appelle.  Ce  sont  les  enfants  de  la  maison;  dans  l'Eglise, ils 
sont  chez  eux.  Au  Dieu  pauvre  il  faut  des  pauvres  comme 
serviteurs,  courtisans  et  sujets.  —  Après  les  pauvres  vien- 
dront les  riches,  les  voici  :  princes  et  rois,  empereurs  et  po- 
tentats, génies,  illustrations,  couvriront  l'Eglise  d'or  et  de 
diamants  :  «  Circumdata  varietate.  »  Les  voici  tous.  L'Eglise 
les  accueille,  mais  à  une  condition  :  c'est  que,  d'une  part, 
ils  prendront  l'esprit  de  la  pauvreté  et,  d'autre  part,  ils  se 
feront  les  pourvoyeurs  des  pauvres. 

Jésus-Christ  utilisa  la  richesse.  —  Aux  passions  qu'elle 
fomente  la  richesse  ajoute  une  seconde  malédiction  :  celle  de 
la  stérilité.  Oublieuse  de  son  rôle,  elle  se  renferme  en  elle- 
même,  se  corrompt  dans  ses  propres  entrailles,  et  finit  misé- 
rablement dans  d'ignominieux  tombeaux.  Mais  voici  que  le 
Clirist  la  conquiert,  la  féconde  et  la  place  aux  postes  les 
plus  illustres  et  lui  confie  les  plus  belles  missions. 


LE  RÈGNE   SOCIAL   DE  JÉSUS-CHRIST  303 

1°  Jésus-Christ  fait  du  riche  le  guide  du  pauvre.  —  Placée 
plus  haut,  comme  la  cité  sur  la  montagne,  comme  le  phare 
sur  le  rivage,  comme  le  soleil  au  firmament,  la  richesse  dis- 
pose premièrement  de  l'influence  de  Y  exemple.  Que  la  classe 
élevée  et  dirigeante  soit  probe,  active,  honnête,  pieuse,  le 
peuple  suivra.  Mais,  d'autre  part,  que  la  richesse  soit  impie 
et  corruptrice,  le  peuple  se  pervertira.  Quelles  influences  bé- 
nies se  répandraient  sur  nos  vastes  industries  modernes,  si 
ceux  qui  les  dirigent  donnaient  l'exemple  du  bien  !  —  La 
richesse  deuxièmement  dispose  de  la  puissance.  Elle  com- 
mande et  peut  se  faire  obéir.  Ses  sujets  sont  innombrables, 
ses  clients  sont  obséquieux.  Que  ne  pourra-t-elle  pas  pour  le 
bien,  quand  ses  ordres,  émanés  de  la  vertu,  conduiront  à  la 
vertu  ?  —  Troisième  influence  plus  victorieuse  que  les  au- 
tres :  l'influence  du  bienfait.  Selon  l'idée  divine  et  le  plan  de 
la  Rédemption,  la  richesse  est  la  consolatrice,  la  mère  tendre, 
le  soutien  du  pauvre. 

2°  Jésus-Christ  fait  du  riche  le  secours  du  pauvre.  —  Trois 
détresses  désolent  la  pauvreté  :  l'humiliation,  la  désespé- 
rance, la  faim.  Et,  quand  la  richesse  s'en  vient  au  pauvre, 
elle  dissipe  ces  trois  détresses,  aussi  puissamment  que  le  so- 
leil déchire  les  plus  noires  et  les  plus  menaçantes  nuées.  Au 
contact  du  riche  bienfaiteur,  le  pauvre  sent  l'honneur  lui  re- 
venir, l'espérance  lui  renaître,  la  faim  qui  dévore  ses  en- 
trailles s'apaiser. 

Jésus-Christ  éternisa  la  richesse.  —  C'est  là  pour  elle  le 
plus  magnifique  comme  le  plus  nécessaire  des  bienfaits  de 
la  rédemption.  Elle  pouvait  être  splendide  ;  Je  bien-être 
qu'elle  procurait,  les  plaisirs  qu'elle  accumulait,  les  honneurs 
et  les  dignités  dont  elle  savait  se  couvrir  pouvaient  enivrer 
l'homme.  Les  fleurs  pouvaient  dissimuler  l'abîme,  mais  l'a- 
bîme était  béant  et  jamais  la  richesse  ne  mena  qu'aux  désil- 
lusions poignantes  du  sépulcre. 

1°  Par  trois  côtés  différents  la  richesse  confine  au  néant.  — 
Supposons-la  sans  mélange  d'infortunes,  tout  entière  aux 
plaisirs,  c'est  Salomon  dans  sa  gloire,  roi  magnifique  qui  ne 
refuse  rien  à  ses  convoitises  et  dont  l'immense  richesse  as- 
souvit les  immenses  désirs.  Or  de  ce  palais  du  plus  riche  des 
rois  s'échappe  cette  lamentation  dont  les  siècles  ont  retenti  : 
«  Vanitas  vanitatum.  »  —  Mais  la  richesse  est-elle  donc  si  as- 
surée d'elle-même?  Combien  de  fois  disparaît-elle  dans  ces 
écroulements  subits,  dans  ces  renversements  inattendus  qui 


304  LR  RÈGNE  SOCIAL  DE  JÉSUS-CHRIST 

montrent  aux  yeux  sa  caducité  lamentable.  —  En  tout  cas 
faut-il  qu'elle  se  heurte  et  se  brise  à  la  pierre  du  tombeau. 

2°  Comment  Jésus-Christ  éternisa  la  richesse.  —  Livrée  au 
monde  la  richesse  périt  misérablement,  mais  Jésus-Christ 
s'offre  à  elle  pour  un  placement  et  des  bénéfices  éternels. 
Les  pauvres  sont  ses  caissiers,  la  bienfaisance  est  sa  banque 
éternelle.  0  riche,  place  là  tes  fonds,  éternise  entre  les  mains 
du  Christ  tes  biens  périssables,  ton  or  que  ronge  la  rouille 
et  que  te  ravissent  les  voleurs.  Chaque  aumône,  chaque 
somme  jetée  dans  le  sein  des  pauvres  vaut  au  riche  une  éter- 
nelle opulence. 

A  la  fin  des  temps  quand  Hïomme-Dieu  revenant  en  ce 
monde  dans  l'appareil  de  sa  puissance  et  de  sa  gloire  couronne 
ses  élus  sous  les  regards  de  l'univers  assemblé,  c'est  à  la 
richesse  bienfaisante  qu'il  décerne  les  plus  éclatants  hon- 
neurs. 


II 
JÉSUS-CHRIST  ROI  DES  PAUVRES 


Contempler  un  Dieu  pauvre,  c'est  pour  les  mondains,  dit 
Saint  Paul,  «  un  scandale  et  une  folie,  »  «  pour  les  enfant, 
de  la  foi,  »  c'est  une  splendeur  d'harmonie  et  de  sagesses 
C'est  en  plein  cœur  de  cette  région  si  longtemps  maudite 
que  Jésus-Christ  engage,  en  faveur  de  la  pauvreté,  un  com- 
bat où  elle  trouvera  son  salut. 

Dans  quel  lamentable  état  Jésus-Christ  trouva  le  pauvre. 
—  Qu'était  le  pauvre  dans  la  Société  Antique  ?  —  Que  de- 
vient-il en  dehors  de  Jésus-Christ  dans  notre  Société  moderne? 

i°  Le  pauvre  dans  l'antiquité.  —  Ceux  qui  s'instruisent  des 
lettres  humaines  et  compulsent  les  annales  des  vieux  siècles 
ont  peine  à  comprendre  comment  le  pauvre  put  tomber  dans 
l'abîme  d'une  aussi  épouvantable  misère.  —  Quelle  appré- 
ciation fait-on  de  lui  ?  Les  esprits  cultivés,  les  génies,  les 
philosophes,  un  Aristote,  un  Socrate,  un  Platon,  refusent  de 


LE  RÈGNE   SOCIAL  DE  JÉSUS-CHRIST  305 

voir  un  homme  dans  le  pauvre.  C'est  une  sorte  d'intermé- 
diaire entre  l'homme  et  la  bète.  Il  est  mis  ainsi  hors  l'hu- 
manité. Il  n'y  possède  aucun  droit,  il  n'y  mérite  aucun  égard. 

—  Comment  traite-t-on  le  pauvre?  Moins  bien  beaucoup  que 
l'animal,  dont  le  Grec  et  le  Romain  font  un  objet  de  luxe  ou 
d'utilité.  Le  pauvre  et  l'esclave  naissent  dans  l'infect  ergas- 
tulum,  se  consument  dans  des  labeurs  incessants,  sous  le 
fouet  qui  les  ensanglante.  Vieux  ou  infirme,  on  tue  l'esclave 
comme  objet  encombrant  et  inutile.  Vivant  il  doit  servir  au 
plaisir  cruel  de  ses  maîtres.  A  chaque  fête  de  famille,  ou  à 
chaque  solennité  de  l'Etat,  il  en  périt  des  milliers  dans  les 
amphithéâtres.  —  Comment  le  pauvre  s'appréciait-il  et  se 
traitait-il  lui-même  ?  Avili,  dégradé  à  ce  point  qu'il  ne  rêvait 
plus  même  aux  charmes  et  aux  honneurs  de  la  délivrance. 

2°  Le  pauvre  dans  nos  Sociétés  modernes.  —  Là  où  baisse 
l'influence  chrétienne,  le  pauvre  redevient  rapidement  l'es- 
clave d'autrefois.  —  Sans  doute  cette  influence  mystérieuse 
s'est  tellement  insinuée  dans  le  corps  social  que,  en  dépit  des 
apostasies  contemporaines,  elle  règle  encore  nos  rapports 
domestiques  et  sociaux,  et  arrête  le  paupérisme  sur  la  pente 
d'une  entière  dégradation.  —  Voyez  néanmoins  dans  quel 
oubli,  dans  quel  mépris,  la  classe  jouisseuse  tient  le  pauvre. 

—  Voyez  l'exploitation  éhontée  du  pauvre  par  la  richesse 
sans  entrailles.  —  Voyez  surtout  la  guerre  atroce  faite  à 
i'âme  du  pauvre  par  l'Etat  devenu  antichrétien  et  athée. 

Comment  Jésus-Christ  transfigura  le  pauvre.  —  Au  sein 
de  ces  misères,  laissons  venir  l'Homme-Dieu  Rédempteur.  Jé- 
sus-Christ illumina  la  pauvreté.  Jésus-Christ  glorifia  la  pau- 
vreté. 

i°  Jésus-Christ  illumina  la  pauvreté.  —  Triple  splendide 
illumination.  —  Jésus-Christ  lui  découvrit  sa  mission.  Elle 
n'est  plus  la  souffrance  stérile,  la  détresse  maudite  qu'elle  se 
figurait.  Dieu  lui  confie,  dans  le  grand  combat  qui  a  pour 
théâtre  le  monde,  pour  belligérante  l'humanité,  pour  durée 
les  siècles,  le  poste  de  bravoure  et  d'honneur.  Il  lui  met  en 
main  la  croix  pour  étendard  et  la  charge  de  briser  contre  son 
intrépide  phalange  les  voluptés  meurtrières,  les  orgueils 
maudits,  les  jouissances  mortelles.  —  Jésus-Christ  lui  décou- 
vrit sa  parenté  divine.  Elle  est  Sœur  et  Epouse  du  Christ; 
elle  est  princesse  du  sang,  elle  est  reine  et  la  bien-aimée  du 
Très-Haut.  —  Jésus-Christ  lui  découvrit  son  avenir  éternel. 
Si  pour  elle  le  combat  est  plus  rude,  les  souffrances  plus  ai- 
T.  IV  20 


306  LE  RÈGNE  SOCIAL  DE   JÉSUS-CHRIST 

guës,  le  triomphe  sera  aussi  plus  magnifique.  Quand  aux  lè- 
vres de  l'Ange  sonnera  la  charge,  quand  l'armée  du  Christ 
se  rangera  pour  la  pompe  triomphale  du  dernier  jour,  les 
pauvres  recueilleront  les  lauriers  les  plus  glorieux. 

2°  Jésus-Christ  glorifia  la  pauvreté. —  Ces  gloires  futures 
sont  précédées  de  gloires  actuelles.  —  Jésus-Christ  glorifia  la 
pauvreté  dans  sa  législation.  Tout,  dans  le  code  Evangéli- 
que,  dans  les  Lois,  les  idées,  les  coutumes  de  l'Eglise,  con- 
verge vers  la  glorification  du  pauvre.  —  Jésus-Christ  glorifia 
la  pauvreté  dans  ses  Institutions.  Il  répandit  sur  tous  ses 
fidèles  indistinctement  un  esprit  obligatoire  de  pauvreté. 
Il  choisit  les  plus  héroïques  pour  en  constituer  des  pauvres 
volontaires.  Il  fit  des  autres  les  serviteurs  assidus  des  pau- 
vres. Enfin,  dans  son  Evangile,  il  réserve  ses  condamnations 
les  plus  dures  aux  contempteurs  des  pauvres. 


SUR  LE  MYSTÈRE  DE  LA  CROIX 


LA  CROIX  FOYER  DE  LUMIERE 


Nous  parlons  des  lumières  qui  jaillissent  de  la  Croix,  n'est- 
ce  pas  le  contraire  qu'il  faut  dire?  Quel  mystère  plus  impéné- 
trable ?  Quelle  obscurité  plus  profonde  ?  Quel  bouleversement 
plus  complet  de  notre  raison  éperdue?  Un  Dieu  qui  meurt, 
une  Majesté  Suprême  engloutie  dans  l'humiliation,  une  force 
infinie  devenue  une  infinie  faiblesse.  Nouveau  mystère.  Cette 
faiblesse  résume  en  elle  toutes  les  puissances,  cette  défaite 
remporte  tous  les  triomphes.  —  En  un  mot,  la  croix  impéné- 
trable mystère.  Par  une  étonnante  antithèse,  la  croix  unique 
lumière,  victorieuse  clarté. 

La  croix  profond  mystère.  —  Qu'une  obscurité  profonde 
plane  sur  le  Calvaire  et  déconcerte  la  raison  humaine,  nous  en 
avons  pour  témoins  le  monde  entier  et  la  raison  elle-même. 

•1°  L'attitude  du  inonde  entier  en  fait  foi.  —  Nous  voici  au 
Calvaire,  au  moment  où  l'Homme-Dieu  y  expire.  Tout  un 
peuple  se  tient  debout  et  contemple.  Croyons-nous  qu'il 
comprenne  le  mystère  qui  s'accomplit?  Nullement.  Les  uns 
ne  voient  en  celui  qui  expire  qu'un  vaincu;  ils  branlent  la 
tête  en  signe  de  mépris.  Pour  d'autres  Jésus  de  Nazareth 
n'est  qu'un  imposteur.  Les  pharisiens  trahissent  une  joie  fé- 
roce ;  les  soldats  romains  torturent  la  Victime  avec  indiffé- 
rence ;  pour  les  meilleurs  accorder  un  peu  de  compassion 
leur  semble  plus  que  suffisant.  Nul  dans  cette  foule,  dans 
ce  peuple  entier,  n'a  compris  le  plan  et  l'œuvre  de  Dieu. 

Derrière  le  Juif  voici  Rome,  voici  la  Grèce,  voici  le  monde. 
Quand  on  leur  prêchera  le  Supplicié  du  Golgotha,  ils  répon- 


308  SUR   LE   MYSTÈRE   DE   LA  CROIX 

dront  par  le  rire  du  plus  profond  mépris.  «  Gentibus  stulti- 
tia.  » 

2°  L'attitude  de  la  raison  humaine  en  fait  foi.  —  Comme 
la  voilà  éperdue  !  comme  toutes  ses  idées  sont  bouleversées 
de  fond  en  comble!  — On  lui  eûtpeut-êlre  aisément  persuadé 
que  Dieu,  venu  dans  le  monde,  allait  se  soumettre  le  monde, 
y  fonder  le  vaste  et  glorieux  empire  de  ses  Elus,  répandre 
sur  les  intelligences  des  torrents  de  lumière,  sur  les  cœurs 
des  torrents  d'amour,  fléchir  les  volontés,  attirer  les  âmes, 
se  faire  le  centre  où  toutes  les  créatures  viendraient  se  rallier. 
—  Oui,  mais  alors  la  raison  humaine  demande,  par  une  natu- 
relle logique,  que  des  dogmes  accessibles  soient  prêches,  que 
des  préceptesaisés,  une  législation  attrayante,  tout  ce  qui  plaît, 
tout  ce  qui  attire  l'homme,  soit  mis  au  service  de  l'œuvre 
divine  projetée.  Que  tout  y  serve,  même  la  puissance  et  le 
glaive  des  Césars,  le  génie  des  philosophes,  l'or  des  classes 
opulentes.  —  Mais  quoi?  Voici  le  contraire.  Pour  étendard 
une  croix  sanglante,  pour  chef  et  pour  conquérant  une  vic- 
time expirée,  pour  credo  d'impénétrables  mystères,  pour  code 
des  prescriptions  crucifiantes,  pour  appui  la  faiblesse,  pour 
secours  la  persécution  et  la  mort  ! 

La  croix  seule  vraie  illumination.  —  La  croix  est  donc  le 
centre  des  mystères  de  Dieu.  Mais,  par  un  de  ces  miracles 
dont  Dieu  seul  a  le  secret,  ce  qui  nous  est  obscurité  nous  de- 
vient notre  seule  lumière  :  «  Nox  illuminatio.  »  Sans  la  croix 
rien  ne  se  fait  plus  dans  le  monde.  Par  elle  s'explique  admi- 
rablement ce  que  Dieu  y  est  venu  opérer. 

1°  Le  mystère  de  la  croix  éclaire  l  homme  sur  son  état  pré- 
sent.—  Etat  d'orgueilleux  rationalisme.  Etatde  honteux  sen- 
sualisme. 

L'incrédule  me  demande  que  je  lui  explique  la  croix  et 
pourquoi  le  mystère  et  pourquoi  Dieu  nous  le  donne  comme 
loi  de  notre  intelligence?  —  Je  lui  réponds  que  nous  imposer  le 
mystère  de  la  croix  est  pour  Dieu  l'œuvre  triomphale  et  bien- 
faisante par  excellence.  —  Par  là  un  frein  salutaire  est  im- 
posé aux  orgueils  et  aux  audaces  de  la  raison  humaine.  Rai- 
son superbe,  tu  as  voulu  ravir  la  science  même  de  Dieu  :  Dieu 
par  le  mystère  te  ramène  à  ta  faiblesse  native.  —  Le  mystère 
de  la  croix  sera  en  même  temps  la  gloire  de  la  raison.  Si  je 
sens  Dieu  au  delà  du  mystère,  si  la  victoire  de  cette  croix  ne 
peut  être  attribuable  qu'à  Dieu,  c'est  doncDieu  qui  m'instruit, 
c'est  Dieu  qui  me  dirige,  c'est  Dieu  qui  me  glorifie.  —  Enfin 


SUR  LE  MYSTÈRE  DE   LA  CHOIX  309 

le  mystère  de  la  croix  est  le  point  de  départ  de  mes  mérites. 
Je  m'incline,  je  me  soumets,  j'adore.  Dieu  qui  est  glorifié  par 
moi,  m3  glorifiera  magnifiquement  à  son  tour. 

Mais  je  ne  suis  pas  seulement  orgueilleux,  je  suis  sensuel. 
La  chair  me  domine,  les  plaisirs  m'enchantent;  aisément 
je  m'attarderais  dans  les  fascinations  de  la  jouissance,  ou- 
bliant que  je  chemine  vers  les  cieux.  —  Devant  moi  la 
croix  se  dresse.  Si  j'y  jette  fidèlement  mon  regard,  le  S.ing 
qui  coule  des  plaies  ouvertes  de  la  Victime  éteindra  le  feu  de 
mes  plus  violentes  passions.  —  Si,  emporté  à  tous  les  excès 
du  vice,  je  deviens  insensible  aux  charmes  de  l'amour  divin, 
la  croix  me  devient  un  objet  de  salutaire  épouvante.  —  Mais 
surtout  si  je  demeure  intrépidement  au  Calvaire,  si  j'en 
médite  assidûment  les  douloureux  mystères,  si  je  me  laisse 
attirer  parles  charmes  dont  s'empreint  le  Sauveur  expirant, 
je  sentirai  naître  en  moi  la  componction  tendre,  l'amour  vé- 
hément, le  dévouement  intrépide.  Bientôt  un  seul  objet  plus 
délicieux  remplacera  tous  les  autres  et  je  m'écrierai  avee 
Saint  Paul  :  «  Omnia  detrimentum  feci  ut  Christum  lucrifa- 
ciam.  » 

2°  Le  mystère  de  la  croix  éclaire  l'homme  sur  son  état  futur. 
—  Ma  destinée  éternelle  est  de  posséder  un  royaume,  de 
m'enivrer  de  délices,  de  posséder  Dieu  et  sa  béatitude  infinie. 
Or,  pour  arriver  à  cette  destinée,  les  lumières  jaillies  de  la 
Croix  doivent  éclairer  mon  chemin. 

La  croix  m'apprend  que  mon  bonheur  éternel  est  l'enjeu 
d'une  guerre,  le  butin  d'une  victoire  chèrement  acquise,  le 
prix  du  sang,  le  fruit  empourpré  du  martyre.  La  croix  me 
crie  «  Oportuit  Christum  pati  ut  intraret  in  gloriam.  » 

La  croix  m'apprend  que  mon  bonheur  éternel  exige  de  moi 
un  absolu  changement,  une  rénovation  entière.  L'homme 
antique,  l'homme  du  péché,  l'homme  tel  que  l'a  fait  la  chute 
originelle,  doit  périr,  doit  être  à  son  tour  cloué  à  la  croix, 
afin  que  mort  il  ressuscite,  expiré  et  mis  au  tombeau  il 
reparaisse  dans  les  splendeurs  d'une  résurrection. 

La  croix  m'apprend  que  mon  bonheur  éternel  dépend  d'une 
séparation  généreuse  d'avec  le  monde.  Je  laisse  les  bas  fonds 
d'une  vie  terrestre,  pour  gravir  la  cime  du  Calvaire.  Je  laisse 
la  terre  pour  être  suspendu  dans  les  cieux.  — Je  laisse  la  so- 
ciété des  hommes  pour  entrer  dans  le  sépulcre,  où  est  ense- 
veli mon  Sauveur  :  «  Consepulti  in  similitudinem  mortis  Ejus.  » 


310  SUR  LE  MYSTÈRE  DE   LA   CROIX 

II 

LA  CROIX  SIGNE  DE  PUISSANCE 


Que  nous  suivions  les  triomphes  de  la  croix  à  travers  le 
monde  ou  dans  nos  âmes,  elle  nous  apparaît  revêtue  d'une 
toute  divine  puissance. 

Glorieuse  histoire  de  la  croix  à  travers  le  monde. 

1°  Les  conquêtes  de  la  croix.  —  A  peine  apparut-elle  au  vieux 
monde,  qu'elle  y  multiplia  les  plus  prodigieusesœuvres.  Après 
s'être  arrêtée  un  moment  au  sein  du  peuple  déicide  pour  ral- 
lier ses  malheureux  restes,  elJe  franchit  les  limites  de  la  Ju- 
dée, elle  s'avance  à  la  conquête  de  l'Orient  et  de  lOccident. 
L'Orient  tombe  à  ses  pieds.  Rome  s'émeut  tout  entière;  le 
vaste  empire  est  ébranlé  dans  ses  fondements.  Les  fidèles  du 
Christ  sont  bientôt  une  armée  envahissante  et  plus  le  glaive 
de  la  persécution  l'entame,  plus  ses  phalanges  se  font  nom- 
breuses et  serrées.  —  L'empire  romain  s'écroule,  vaincu  par 
la  croix.  —  Au  devant  des  Barbares  qui  viennent  se  partager 
ses  dépouilles,  la  croix  se  montre,  la  croix  triomphe,  la  croix 
subjugue  bientôt  ces  sauvages  enfants  de  la  Barbarie.  —  C'est 
à  l'ombre  de  la  croix  que  se  forment  les  nations  chrétiennes. 
C'est  la  croix  qui  ne  cessera  plus  d'être  leur  signe  et  leur 
étendard. 

2°  Les  gloires  de  la  croix.  —  A  quelques  siècles  seulement 
de  la  scène  du  Calvaire,  où  la  croix  disparaissait  sous  des 
flots  d'ignominie,  la  croix  brille  partout  d'une  incomparable 
gloire.  —  Elle  est  au  front  des  rois.  —  Elle  préside  aux  re- 
doutables assises  de  la  justice  humaine.  Elle  surmonte  les 
édifices,  elle  orne  les  sanctuaires.  Chaque  demeure  la  re- 
trouve. Les  foules  se  prosternent  devant  Elle.  Le  voyageur 
la  salue  à  la  tête  de  beaucoup  de  ses  routes.  —  D'ailleurs 
l'Eglise  catholique  ne  fait  plus  rien  sans  Elle.  C'est  par  elle 
que  l'homme  est  régénéré  au  baptême.  C'est  elle  dont  l'abso- 
lution marque  le  signe  sur  le  front  coupable.  C'est  par  elle 
que  l'âme,  quittant  ce  monde,  se  rend  à  son  éternité. 


SUR  LE  MYSTÈRE   DE   LA   CROIX  311 

3°  V apothéose  finale  de  la  croix.  —  Pleine  de  gloire  du- 
rant le  cours  des  siècles,  la  croix  doit  résumer  tous  ses  triom- 
phes au  dernier  jour.  Les  temps  sont  accomplis;  l'histoire 
humaine  est  close;  voici  que  s'ouvre  l'immobile  éternité.  Le 
Fils  de  l'homme  préside  l'immense  solennité  de  la  tin  des 
temps.  11  apparaît  dans  les  nuées  du  ciel,  plein  de  gloire  et 
de  majesté,  son  «  signe,  »  son  étendard,  à  la  main,  c'est-à- 
dire  sa  croix. 

Glorieuse  histoire  de  la  croix  dans  nos  âmes.  —  Victo- 
rieuse dans  le  monde,  comment  la  croix  serait-elle  sans  vertu 
au  dedans  de  nous  ? 

1°  La  croix  est  en  nous  un  signe  de  puissance.  — Nos  Saints 
Docteurs  nous  ont  tous  recommandé  de  l'opposer  à  nos  dan- 
gers, de  combattre  par  elle  nos  ennemis,  de  terrifier  par 
son  signe  les  puissances  infernales. 

2°  La  croix  est  en  nous  un  signe  de  protection.  —  Partout  où 
elle  apparaît  entre  nous  et  Dieu,  sa  justice  s'apaise,  ses  fou- 
dres tombent,  son  cœur  s'émeut,  sa  miséricorde  jaillit.  Voyez 
au  désert  Moïse  élever  aux  yeux  du  peuple  prévaricateur  la 
croix  fugurative,  où  s'enlace  le  serpent  d'airain.  —  Voyez 
l'ange  exterminateur  respecter  chaque  seuil  que  marque  le 
sang  fuguratif  de  l'Agneau. 

3°  La  croix  est  en  nous  un  signe  de  piété  et  de  componction. 
—  En  le  formant  sur  nos  poitrines,  l'amour,  le  dévouement,  le 
sacrifice  de  l'Homme-Dieu  se  retrace  dans  une  vivante  réalité. 
Se  signer  de  la  croix,  c'est  se  signer  de  souvenir,  de  recon- 
naissance et  d'amour. 


III 
LA  CROIX  MONUMENT  DE  MISÉRICORDE 


Mémorial  d'une  miséricorde  gratuite.  —  Une  croix  qui  se 
dresse,  un  Fils  de  Dieu  qui  y  expire,  nous  prêche  éloquem- 
ment  et  combien  l'homme  était  impuissant  à  se  racheter  et 
comment  son  rachat  par  le  Sang  d'un  Dieu  est  l'effet  d'une 
miséricorde  toute  gratuite. 


312  SUR  LE  MYSTÈRE  DE  LA   CROIX 

Mémorial  d'une  Rédemption  surabondante.  —  Qu'un  Dieu 
consente  à  de  pareilles  souffrances  et  à  une  pareille  mort, 
concluons-en  que  son  sacriflce  aura  une  valeur  infinie  et 
qu'infinies  seront  les  grâces  qui,  jaillies  de  la  croix,  inonde- 
ront le  ciel  et  la  terre. 

Mémorial  d'un  inépuisable  pardon.  —  Contemplons  un 
Crucifix.  Le  Rédempteur  y  demeure  attaché  :  marque  d'une 
attente  perpétuelle.  Il  y  étend  les  bras  :  marque  d'une  récon- 
ciliation assurée.  Il  y  est  «  tota  die  :  »  marque  d'une  grâce 
de  toute  la  vie. 


LES  LEÇONS  DE  LA  CRÈCHE 


Rappelons-nous,  pour  mieux  comprendre  les  leçons  que 
nous  donne  la  crèche  si  pauvre  et  si  douloureuse  du  Sauveur 
naissant,  que  le  décret  de  notre  création  nous  lie  intimement 
à  l'Homme-Dieu.  Gréés  pour  Lui,  nous  n'avons  d'autre  excel- 
lence que  celle  que  sa  ressemblance  nous  communique.  Dieu 
qui  n'aime  que  son  Fils  et  «  ne  met  qu'en  Lui  seul  ses  com- 
plaisances, »  ne  nous  accueille  nous-mêmes  que  lorsque 
nous  lui  apparaissons  copies  vivantes  de  son  Verbe  incarné  : 
«  Praedestinavit  conformes  fieri  imaginis  Filii  Ejus.  » 

La  conséquence  Saint  Paul  la  tire  ainsi  :  «  Non  judicavi  me 
scire  aliquid  nisi  Jesum.  »  Sans  cesse  nos  regards  serontdonc 
fixés  sur  Jésus-Christ.  Notre  vie  entière  ne  doit  être  que  la 
reproduction  de  la  sienne.  Partout  où  nous  le  contemplons, 
Jésus  est  notre  modèle  :  à  la  crèche  il  l'est  excellemment. 


LES  LEÇONS  DE  LA  VERTU 


Comptons  trois  vertus  sublimes  dont  la  crèche  nous  an- 
nonce l'urgence  et  nous  proclame  le  prix  :  la  pauvreté,  la 
mansuétude,  la  patience. 

La  crèche  nous  donne  une  leçon  de  pauvreté.  —  Plus 
tard,  en  ouvrant  sa  vie  publique  l'Homme-Dieu  jettera  cette 
parole  au  monde  étonné  :  «  Beati  pauperes.  »  —  Dès  mainte- 
nant cette  parole  s'échappe  saisissante  de  la  crèche  de  Jésus. 

1°  Mais  d'abord  qu'est  ce  qu'un  pauvre?  —  Trois  caractères 
marquent  la   pauvreté ,   trois   infortunes  s'y   attachent.  Le 


314  LES  LEÇONS  DE  LA  CRÈCHE 

pauvre  c'est  le  dénué.  Les  biens  de  ce  monde,  les  facilités 
de  la  vie,  les  douceurs  du  bien-être,  lui  sont  inconnus  ;  sa 
vie  est  faite  de  privations;  son  âme  est  dans  l'angoisse,  incer- 
tain qu'il  est  si  demain  lui  apportera  le  pain  nécessaire  et  si 
le  toit  qui  l'abrite  ne  lui  sera  pas  violemment  ravi. — Le  pau- 
vre est  le  grand  délaissé.  Parcourez  ces  foules  joyeuses,  en- 
trez dans  ces  demeures  en  fête  :  le  pauvre  ne  s'y  rencontre 
pas  ;  le  pauvre  n'a  de  place  nulle  part,  et  ses  haillons  sordi- 
des sont  toujours  et  de  partout  repoussés.  Honneurs,  digni- 
tés, rang,  fortune  :  le  pauvre  est  l'éternel  exilé  de  ces  bril- 
lantes choses.  —  Enfin  le  pauvre  c'est  l'être  frêle  et  craintif. 
Nulle  part  son  pied  ne  se  pose  avec  assurance;  il  nous  aborde 
avec  une  humilité,  hélas!  que  notre  orgueil  et  notre  dureté 
ne  savent  que  trop  bien  entretenir! 

2°  Jésus  est  ce  pauvre.  —  A  sa  crèche  apparaissent  dans  leur 
saisissante  réalité  les  trois  caractères  de  la  pauvreté.  «  Ego 
sum  pauper.  » 

A  la  crèche  Jésus  est  le  suprême  dénué.  Abandonné  sur  le 
grand  chemin,  ayant  trouvé  à  peine  un  réduit  réservé  aux 
animaux,  il  naît  plus  pauvre  que  ne  naissent  jamais  les  pau- 
vres. Un  peu  de  paille  est  son  chevet  et  quelques  langes  re- 
couvrent mal  ses  membres  grelottants  et  glacés.  —  Jésus  est 
le  suprême  délaissé.  Jérusalem  n'en  a  que  faire,  Bethléem  l'a 
rejeté  :  «  non  erat  his  locus  in  diversorio.  »  Plus  tard,  rap- 
pelant cette  navrante  solitude,  l'Evangéliste  écrira  :  «  In 
propria  venit  et  sui  non  receperunt.  »  —  Jésus-Christ  est 
craintif  ci  tremblant.  Oh!  mystère  de  cette  Sainte  Ame  du 
Rédempteur  !  L'expiation  commence  ;  le  péché  l'enveloppe, 
Jésus  ne  donne  pas  à  ses  premières  larmes  d'autre  significa- 
tion que  celle  de  la  terreur  et  du  repentir.  Déjà,  comme  à 
Gethsémani,  il  tremble  devant  la  Justice  divine  :  «  Ego  sum 
vermis  et  non  homo.  » 

3°  Quel  est  ennous-même  l'esprit  de  pauvreté?  —  Avons- 
nous  compris  la  grande  leçon  de  la  crèche,  et  le  Dieu  pauvre 
est-il  en  nous  continué  et  reproduit? —  Quoi  !  il  nous  faut, 
non  plus  le  nécessaire,  mais  le  luxe,  mais  les  superfluités  do 
la  vie.  Ni  notre  table  n'est  trop  succulente,  ni  nos  vêtements 
trop  riches,  ni  nos  demeures  trop  vastes  et  trop  splendides  ! 
Nous  ne  concevons  l'existence  que  comme  le  rendez-vous 
de  toutes  les  jouissances  et  le  centre  de  tous  les  plaisirs  !... 
«  Non  ita  didicistis  Christum.  »  —  Puis,  au  bien-être  il  nous 
faut  sans  cesse  joindre  les  satisfactions  de  l'orgueil.  Nos  ro- 


LES  LEÇONS  DE  LA  CRÈCHE  315 

lations  seront  nombreuses  et  illustres;  il  nous  faut  le  monde 
avec  ses  fêtes  tumultueuses,  ses  réunions  brillantes,  ses  tour- 
billons insensés.  La  solitude  nous  fait  horreur  et  jamais  nous 
n'accordons  à  notre  âme  une  heure  de  recueillement  et  de 
silence  :  «  Non  ita  didicistis  Christum.  »  —  îSTous,  enfin,  les 
véritables  pécheurs,  les  insulteurs  de  la  Majesté  divine,  nous 
que  pressent  de  trop  justes  condamnations  et  qu'attendent 
des  châtiments  trop  certains,  nous  marchons  avec  assurance 
et  jamais  la  crainte  des  jugements  de  Dieu  n'effleure  même 
notre  âme  :  «  Non  ita  didicistis  Christum.  » 

La  crècbe  nous  donne  une  leçon  de  charité.  —  De  la  crè- 
che sortent,  suaves  et  vibrantes,  ces  autres  paroles  :  «  Beati 
pacifici,  »  ...  «  Beati  miséricordes.  »  C'est  un  petit  enfant, 
frêle  et  inoffensive  créature,  qui  les  prononce.  Et  pourquoi 
un  petit  enfant  ?  pourquoi  cette  faiblesse  et  cette  mansué- 
tude ?  Là  sans  doute  est  un  profond  mystère  qu'il  nous  im- 
porte de  scruter. 

1°  Dieu  est  annoncé  et  attendu.  —  Ce  n'est  pas  la  venue  de 
Dieu  sur  la  terre  qui  nous  doit  surprendre.  Depuis  quatre 
mille  ans  elle  est  connue  de  nous.  Au  berceau  du  monde  en 
retentit,  dans  la  solennité  du  premier  péché  et  du  premier 
pardon,  la  prophétie  bienheureuse.  Tous  les  peuples,  en  se 
séparant,  en  emportent  le  souvenir.  Les  Patriarches  se  la 
transmettent.  Israël  en  est  fait  le  gardien  et  l'infatigable 
prédicateur.  Les  prophètes  la  précisent  en  y  ajoutant  chaque 
jour  quelques  traits  plus  saisissants.  Enfin  la  grande  voix 
du  Précurseur  fait  retentir  les  rives  du  Jourdain  de  la  gran- 
diose nouvelle  :  «  Ecce  Agnus  Dei.  » 

Mais  ce  que  le  monde  n'attendait  pas,  ce  que  le  monde  ne 
put  comprendre,  ce  que  le  Juif  repoussa  comme  un  scandale 
et  le  Grec  comme  une  folie,  c'est  un  Dieu  refoulant  sa  gloire, 
dissimulant  sa  majesté  souveraine  sous  l'apparence  frêle  et 
méprisée  d'un  petit  pauvre.  Ces  vagissements  enfantins, 
cette  douceur  inoffensive  d'un  Nouveau-Né  lui  demeurent 
cachés  et  profondément  mystérieux.  Là,  pourtant,  dit  Saint 
Paul,  «  là  sera  tout  le  triomphe  de  la  sagesse  et  de  la  puissance 
de  Dieu  ».  Et  voici  comment. 

2°  Dieu  vient  à  l'homme,  mais  combien  l'homme  en  sera  ter- 
rifié. —  Supposons  que  l'homme  n'ait,  comme  sujet  de  crainte, 
que  sa  faiblesse  et  son  néant.  L'apparition  subite  d'une  Ma- 
jesté infinie,  le  rayonnement  d'une  gloire  suprême,  ne  suf- 
fira que  trop  à  le  terrifier  et  à  le  mettre   en  fuite.  —  Mais 


316  LES  LEÇONS  DE  LA  CRÈCHE 

combien  plusfuira-t-il,  maintenant  qu'il  sesent  coupable?  On 
lui  annonce  la  venue  de  Dieu  :  ah  !  il  se  souvient  des  antiques 
éclats  de  foudre  qui  l'ont  frappé.  Adam  a  fui  sous  le  feuillage. 
Caïn  a  fui  errant  sur  la  terre.  L'humanité  tout  entière  n'a 
plus  compris  Dieu  que  comme  un  être  irrité  et  armé  de  ven- 
geance. L'homme  n'a  connu  qu'un  seul  effort  :  échapper  à 
la  présence  et  aux  étreintes  de  Dieu. 

3°  0  crèche  de  Bethléem,  rassure  cette  humanité  tremblante , 
fais  revenir  à  toi  ces  fugitifs  affolés.  Comprenons-nous  main- 
tenant pourquoi  Dieu  qui  venait  nous  recueillir,  a  laissé  le 
terrifiant  appareil  de  sa  gloire,  pour  revêtirl'apparence  suave 
et  douce  du  petit  enfant?  Quitremble  devant  l'enfant?  Qui  re- 
doute ses  coups?  Tout  au  contraire,  qui  n'aime  la  limpidité  de 
son  regard  et  le  charme  de  ses  caresses?  «  Parvulus  natus  est 
nobis.  » 

4°  Profitons-nous  de  cette  leçon  de  la  crèche  ?  —  La  crèche 
nous  forme  à  la  douceur.  Pourquoi  donc  reste  en  nous  ce 
ferment  de  colère,  cette  humeur  chagrine  et  violente,  cette 
parole  aiguë  et  emportée?  —  La  crèche  est  le  gage  de  l'univer- 
selle réconciliation,  et  les  Anges  qui  planent  sur  elle  chan- 
tent un  cantique  de  paix.  D'où  viennent,  parmi  nous,  ces  mé- 
sintelligences, ces  perpétuelles  désunions?  D'où  vient  que  le 
moindre  intérêt  nous  divise  et  que  la  plus  insignifiante  injure 
nous  laisse  implacables  dans  nos  rancunes?  —  La  crèche  re- 
tentit de  cette  troisième  parole:  «  Beati  miséricordes.  »  Mais 
nous,  si  prompts  à  nous  venger  de  toute  injure,  nous  n'ac- 
cordons le  pardon  à  autrui  qu'avec  lenteur  et  mauvaise  grâce  : 
«  Non  ita  didicistis  Ghristum.  » 

La  crèche  nous  donne  une  leçon  de  patience.  —  1°  A  la 
crèche  se  réalise  la  prophétie  d'haïe  :  «  Emitte  Agnum  domi- 
natorem.  »  Un  agneau  dominateur  I  Antithèse  étrange,  di- 
vine anomalie.  V agneau  :  ce  qu'il  y  a  de  plus  inoffensif  et  de 
plus  faible....  Dominateur,  ce  qu'il  y  a  de  plus  victorieux,  de 
plus  inflexible  et  de  plus  fort. 

2°  Tel  est  à  la  crèche  l  Enfant-Dieu  :  tels  devons-nous  être 
nous-mêmes.  —  L'Enfant-Dieu  est  dans  la  faiblesse,  c'est  un 
agneau  :  mais  cette  faiblesso  Dieu  la  revêt  d'une  invincible 
force  :  c'est  un  «  agneau  dominateur  »  —  Où  croyons-nous 
que  résidera  notre  puissance  etcommont pensons-nous  triom- 
pher du  prochain  ?  Par  la  colère  et  la  violence?  Jamais.  Par 
la  douceur  et  la  patience  toujours. 


LES  LEÇONS  DE  LA  CRÈCHE  SU 


II 

LES  LEÇONS  DE  LA  SOUFFRANCE 


Venu  en  ce  monde  pour  expier,  Jésus-Christ  devait  souffrir, 
souffrir  de  tous.  Pécheur  universel,  il  sera  l'universel  martyr. 
—  Ce  rôle  «  d'homme  de  douleur  »,  il  l'inaugure  à  la  crèche  où 
son  cœur  reçoit  trois  blessures  aiguës.  Il  est  méconnu,  il  est 
repoussé,  il  est  persécuté. 

Jésus  méconnu.  —  1°  Jésus  méconnu  dès  sa  naissance.  Pour 
comprendre  la  douleur  de  cette  blessure,  il  nous  faudrait 
tout  d'abord  comprendre  avec  quelles  ardeurs  de  désir  et  d'a- 
mour le  Verbe  Incarné  venait  à  nous.  Quand  un  cœur  est 
brûlant,  que  les  bras  s'ouvrent  avec  d'indicibles  aspirations 
et  que  l'on  est  froidement  repoussé,  c'est  là  pour  le  cœur 
une  suprême  amertume.  —  11  nous  faudrait  en  second  lieu 
comprendre  le  cynisme  de  nos  dédains  et  de  nos  refus. 

A  la  crèche  le  ciel  chante,  les  anges  planent,  Dieu  invite  la 
création  tout  entière.  Hélas  !  tout  y  reste  froid,  rien  ne  s'y  re- 
mue ;  l'humanité  ingrate  et  insensible  ne  semble  pas  même 
se  douter  de  la  venue  de  son  Dieu  :  «  Extraneus  factus  sum 
filiis  matris  meae.  » 

2°  Jésus  méconnu  dans  le  cours  des  siècles.  —  Sans  doute 
une  élite  glorieuse,  les  nobles  intelligences  et  les  grands 
cœurs  comprendront  Jésus,  s'attacheront  à  lui  et  formeront 
l'Église.  —  Mais  la  foule,  mais  les  Juifs  négateurs,  mais  l'hé- 
résie qui  altère  le  dogme,  mais  le  schisme  qui  déchire  l'unité, 
mais  les  mauvais  catholiques  qui  souillent  et  outragent  la 
splendeur  de  leur  baptême  ? 

3°  Jésus  méconnu  à  l'heure  présente.  —  «  Viendront,  dit 
l'Apôtre,  des  temps  plus  difficiles  et  plus  calamiteux,  »  où  la 
méconnaissance  du  Christ  se  fera  plus  universelle  et  plus  pro- 
fonde. —  Nous  sommes  à  l'un  de  ces  siècles. 

4°  Bélas\  Jésus  est  méconnu  même  parmi  ses  fidèles.  —  L'es- 
prit du  monde  nous  envahit,  l'esprit  du  christianisme  s'éteint 


318  LES  LEÇONS  DE  LA  CRÈCHE 

peu  à  peu  dans  notre  âme,  les  leçons  de  la  crèche  s'affaiblis- 
sent et  l'Apôtre  prononce  en  pleurant  ces  paroles  désolées  : 
«  Multi  ambulant  quos  sœpe  dicebam  vobis,  (nunc  autem  et 
flens  dico,)  inimicos  crucis  Christi...  » 

Jésus  repoussé.  —  1°  Avec  quelle  impétuosité  de  dévoue- 
ment et  d'amour  Jésus  venait  à  nous!  —  Véhément  et  éter- 
nel désir:  «  Deliciœ  mese  esse  cum  filiis  hominum  »...  «  Quo- 
modo  coarctor  »...  —  Actes  extraordinaires  :  se  faire  homme, 
se  faire  pauvre,  se  faire  expiateur,  vivre  dans  la  douleur, 
mourir  sur  une  croix,  descendre  au  sépulcre..  —  Dons  mer- 
veilleux: «  Dédit  dona  hominibus  :  »  adoption  divine,  gloire 
future,  grâces  actuelles  innombrables 

2°  A  vec  quelle  opiniâtreté  le  monde  lerepousse.  —  D'ordinaire 
c'est  l'indifférent  qui,  sans  même  opposer  un  motif,  se  dé- 
tourne de  Jésus  avec  dédain.  —  D'autres  seront  les  hypo- 
crites, affectant  de  l'exalter  mais  ne  tenant  compte  ni  de  ses 
désirs  ni  de  ses  ordres. 

Jésus  persécuté.  —  Jérusalem  se  dresse  menaçante.  Hé- 
rode  aiguise  ses  glaives  et  l'Enfant-Dieu,  pour  fuir,  traverse 
des  flots  de  sang.  —  Ainsi  subira-t-il  le  choc  des  passions 
humaines.  — Ainsi  son  Eglise  le  subira-t-elle  après  lui. 


JÉSUS-CHRIST  L'HOMME  DE  DOULEUR 


A  lire  les  Epîtres  du  grand  Apôtre  et  à  les  pénétrer  dans 
leur  sens  le  plus  profond,  nous  comprenons  que  la  Rédemp- 
tion sanglante  opérée  par  l'Homme-Dieu  est  le  centre  de  l'his- 
toire humaine  entière.  Tout  s'y  rattache  ;  tout  y  vient  abou- 
tir. Dieu,  l'homme,  le  passé,  le  présent,  l'avenir.  Le  bien  et 
le  mal,  la  déchéance  originelle  comme  la  divine  restauration, 
trouvent  dans  les  sanglantes  péripéties  du  Calvaire  leur  ex- 
plication et  leur  raison  d'être. 

De  là  cette  conséquence  tirée  par  l'Apôtre  :  Une  seule  vraie 
science  est  la  nôtre,  celle  qui  a  pour  objet  la  divine  Passion  : 
«  Non  judicavi  me  scire  aliquid  inter  vos  nisi  Jesum  et  hune 
cruciflxum.  »  —  C'est  donc  cette  science  sublime  que  nous 
essaierons  de  pénétrer,  commençant  par  contempler  les  dou- 
leurs rédemptrices,  puis  après  tirant  d'elles  les  plus  prati- 
ques enseignements. 


LA  VUE  DES  DIVINES  DOULEURS 


Deux  abîmes  s'ouvrent  devant  nous.  «  Abyssus  abyssum 
invocat  :  »  douleurs  de  l'âme,  douleurs  du  corps. 

Les  douleurs  de  l'âme.  — Elles  doiventêtre  d'une  effrayante 
intensité,  car,  au  moment  où  la  Passion  commence,  où,  par 
une  mystérieuse  opération  de  sa  puissance,  le  Christ  refoule, 
pour  ainsi  parler,  sa  nature  divine,  afin  de  laisser  sa  nature 
humaine  à  sa  mortalité  et  à  sa  faiblesse  naturelle,  à  ce  mo- 
ment, un  extraordinaire,  changement  se  fait  voir  en  l'Homme- 
Dieu.  11  pâlit,  il  chancelle;  un  trouble   effroyable  l'envahit, 


320  JÉSUS-CHRIST  l'homme  de  douleur 

l'épouvante  le  secoue,  une  mortelle  tristesse  le  brise,  un  dé- 
goût insurmontable  l'abat  :  «  Ccepit  pavere,  mœstus  esse... 
cœpit  taedere.  »  —  Ces  divers  sentiments  se  nient  sur  son 
âme  comme  les  flots  d'une  violente  tempête.  Et  ils  eussent 
sufti  à  eux  seuls  pour  le  faire  mourir.  «  Tristis  usque  admor- 
tem.  »  —  Aussi,  quand,  sous  leur  impulsion  violente,  nous 
vovons  Jésus-Christ  étendu,  sanglant,  sur  le  rocher  de  Geth- 
sémani,  c'est  «  d'agonie  »  que  nous  parle  Saint  Luc. 

Chercherons-nous  à  pénétrer  les  causes  de  cette  agonie 
effroyable  ? 

1°  Jésus  se  voit  comme  coupable.  —  Là  est  tout  le  plan 
de  la  Rédemption.  Les  iniquités  de  tous  reposent  sur  un 
seul.  Un  seul  est  l'universel  expiateur.  Un  seul,  par  consé- 
quent, est  l'universel  pécheur. —  Ne  parions  plus  d'innocence 
en  Jésus,  ne  parlons  plus  de  sainteté...  «  Eum  qui  non  no- 
verat  peccatum  pro  nobis  peccatum  fecit  ».  (II  Cor.  v,  21.) 
—  Quel  regard  douloureux  et  épouvanté  Jésus  jette  sur 
lui-même  !  Et,  s'il  nous  est  permis  de  parler  ainsi,  quel 
insurmontable  dégoût  il  s'inspire  !  Alors  il  s'écrie  :  «  Ego 
sum  vermis  et  non  homo,  opprobrium  hominum  et  abjectio 
plebis.  »  Le  Prophète,  bien  des  siècles  auparavant,  l'avait 
nommé  «  le  dernier  des  hommes,  »  «  Novissimum  virurum.  » 

2°  Jésus  se  voit  délaissé.  —  Au  ciel,  dans  le  sein  du  Père, 
le  Verbe  jouit  d'une  gloire  infinie.  Il  est  l'objet  «  des  com- 
plaisances »  éternelles  du  Très-Haut.  Au  ciel  les  anges 
l'acclament  et  font  de  sa  vue  leur  suprême  béatitude  :  §  Ad 
quem  desiderant  Angeli  prospicerc.  »  Au  ciel  tout  ce  qui 
respire  ne  vit  que  de  sa  lumière  et  de  son  amour.  —  Hélas, 
à  cette  heure  suprême  de  son  expiation,  le  ciel  se  ferme 
sur  la  grande  Victime;  l'amour  est  muet,  la  justice  seule  se 
dresse  implacable. 

Sur  la  terre  même  délaissement.  —  Où  sont  les  foules  qui 
le  suivaient  en  l'acclamant?  Où  sont  les  milliers  de  malheu- 
reux touchés  et  guéris  de  sa  main  ?  —  Où  sont  même  ses 
Apôtres  qui  juraient  naguère  «  de  mourir  avec  Lui.  »  «  Ea- 
mus  et  moriamur  eu  m  illo  ?  »  Où  est  Pierre?  Où  est  Jean,  le 
bien-aimé  ?  Les  uns  ont  fui,  les  autres  s'endorment,  tous  dé- 
laissent. 

3°  Jésus  se  voit  liai.  —  Il  se  voit  haï  en  Lui-même.  Renverse- 
ment inouï!  inexplicable  prodige!  Quand  le  Verbe  divin,  la 
Beauté  par  essence,  l'Amour  et  le  Bienfait  s'incarnant  en- 
semble, descendit  vers  la   chélive  et   misérable    humanité. 


JÉSUS-CHRIST  L'HOMME  DE  DOULEUR  321 

quand  un  Dieu,  brûlant  pour  nous  d'une  incompréhensible 
tendresse,  vint  au  milieu  de  nous  pour  nous  relever,  nous 
guérir,  nous  couvrir  de  gloire,  nous  assurer  le  plus  brillant, 
le  plus  divin  avenir  :  qu'attendre  sinon  que,  se  jetant  à  ses 
pieds,  l'homme  lui  rendit  amour  pour  amour,  dévouement 
pour  dévouement  '?...  Or  le  ciel  et  la  terre  épouvantés  virent 
le  Christ  chargé  de  nos  haines,  poursuivi  par  nos  cris  de  mort, 
chassé  vers  le  gibet  par  d'insatiables  colères  et  recevant  ainsi 
en  plein  cœur  la  plus  profonde  et  la  plus  cuisante  des  bles- 
sures. 

Et  cette  haine  dont  l'âme  du  Christ  est  torturée  le  suivra 
durant  tous  les  siècles;  elle  s'acharnera  contre  son  Eglise; 
elle  s'efforcera  de  détruire  son  œuvre  et  de  disperser  ses  fidè- 
les. —  Ce  n'est  donc  pas  une  haine  passagère  mais  une  haine 
éternelle,  dont  le  cœur  si  délicat  et  si  tendre  de  l'Homme- 
Dieu  ressentit  l'épouvantable  amertume. 

4°  Jésus  se  voit  inutile  à  un  grand  nombre.  —  Dieu  voulait 
bien  souffrir  et  mourir  pour  nous  et  nous  donner  ainsi  de 
toutes  extraordinaires  facilités  de  salut;  mais  il  ne  pouvait 
vouloir  que  la  liberté  fût  détruite  en  nous.  Libres,  et  nous 
devons  l'être  pour  notre  gloire  et  pour  notre  mérite,  il  nous 
reste  l'effroyable  possibilité  de  nous  rire  d'un  Homme-Dieu 
qui  meurt,  de  fouler  aux  pieds  le  Sang  de  la  Rédemption.  — 
Or  c'est  sur  la  foule  de  ces  misérables,  qui  s'exilent  volon- 
tairement du  salut  pour  s'offrir  aux  coups  de  la  justice,  que 
Jésus  répand  ses  larmes  les  plus  brûlantes. 

Les  douleurs  du  corps.  —  L'âme  conçoit  tout  d'abord  le 
péché,  mais  c'est  le  corps  qui,  la  plupart  du  temps,  l'exécute. 
Aux  douleurs  de  l'âme  durent  être  ajoutées  les  douleurs  du 
corps.  Et  c'est  le  Christ  broyé  sous  toutes  les  tortures  à  la 
fois,  dont  le  spectacle  a  épouvanté  les  Prophètes. 

1°  Jésus  meurtri  de  coups.  —  Durant  de  longues  heures  nous 
le  voyons  assailli  par  la  troupe  furieuse  des  bourreaux  qui  ne 
font  plus  de  lui  qu'une  plaie  livide. 

2°  Jésus  abreuvé  d'outrages.  —  Chaque  blessure  est  accom- 
pagnée de  moqueries  blasphématoires.  Chacune  des  scènes 
de  la  Passion  unit  à  la  cruauté  la  dérision,  aux  blessures 
l'avanie,  au  sang  l'ignominieuse  honte. 

3°  Jésus  soumis  à  tous,  foulé  sous  les  pieds  de  tous.  —  Ses 
meurtrissures  expient  nos  voluptés,  ses  outrages  expient  no- 
tre orgueil.  Reste  maintenant  à  payer  la  dette  de  nos  révol- 
tes. Suivez  les  scènes  de  la  Passion.  Le  Christ  enchaîné,  li- 
T.  IV  21 


32'2  JÉSUS-CHRIST  l'homme  de  douleur 

vré  sans  défense,  aux  plus  infimes  des  bourreaux,  obéissant 
aux  ordres  sanguinaires  des  Pouvoirs,  se  livrant  à  tous  les 
caprices  cruels  d'un  Caïphe,  d'un  Hérode  d'un  Pilate:  c'est  le 
Christ  dont  l'obéissance  nous  a  sauvés  :  «  Per  obeditionera 
unius.  » 


II 
LA  LOGIQUE  DES  DIVINES  DOULEURS 


«  La  science  de  Jésus  et  de  Jésus  crucifié  »  étant  pour  nous 
l'unique  et  universelle  science,  elle  s'applique  aux  trois  ob- 
jets que  nous  avons,  avant  tout,  besoin  de  connaître  et  d'ap- 
précier: le  péché,  le  monde,  la  vie  chrétienne. 

Conséquence  logique  par  rapport  au  péché.  —  Oserons- 
nous  bien  le  dire  ?  .Votre  plus  grand  mal  n'est  pas  de  com- 
mettre le  péché;  mais,  le  péché  commis,  de  n'en  concevoir  ni 
fraveur,  ni  dégoût,  ni  regret.  Ce  qui  faisait  pousser  au  Psal- 
miste  cette  exclamation  :  «  Delicta  quis  intelligit  ?  »  Nous  ou- 
trageons un  Dieu  infini;  nous  méprisons  un  infini  amour; 
nous  bravons  une  infinie  justice;  tout  cela  avec  une  quiétude 
imbécile. 

Il  faut  à  tout  prix  nous  réveiller  de  ces  illusions  décevan- 
tes et  de  cette  mortelle  torpeur.  —  Dieu  le  fait  par  le  Cal- 
vaire, par  la  victime  sanglante  qui  y  expire,  par  le  drame 
inouï  des  souffrances  et  de  la  mort  de  son  propre  Fils. 

Par  trois  effrayants  spectacles  le  Calvaire  nous  illumine 
sur  la  gravité  du  péché.  —  Là,  c'est  un  Dieu  qui  poursuit, 
avec  une  volonté  implacable,  une  invincible  justice,  Celui  qui, 
restant  en  lui-même  immaculé  et  innocent,  s'est  chargé  des 
péchés  du  monde.  —  C'est  un  Père  faisant  retomber  sur  son 
Fils  les  foudres  d'une  effroyable  vengeance,  parce  que  ce 
Fils  s'est  substitué  au  vrai  coupable. 

Là,  c'est  un  Fils  de  Dieu  qui  juge  qu'un  tel  amas  de  dou- 
leurs, une  semblable  suite  d'ignominies  et  de  tortures,  n'est 
que  la  nécessaire  et  juste  caution  pour  les  péchés  commis.  — 


JÉSUS-CHRIST  L  HOMME   DE  DOULEUR  323 

Mais  cet  Homme-Dieu,  frappé  quoique  innocent,  prend  soin 
de  nous  révéler  quel  sort  attend  les  vrais  coupables,  car  «  s'il 
en  est  fait  ainsi  du  bois  vert  que  réserve-t-on  au  bois  mort 
et  desséché  ?  » 

Là  enfin  est  l'enfer  victorieux  et  tout-puissant.  Qu'est  ce 
prodige  ?  Gomment  expliquer  ce  mot  du  Sauveur  :  «  C'est  ici 
l'heure  de  la  puissance  des  ténèbres?  »  Gomment  voir  sans 
stupéfaction  et  épouvante  les  puissances  infernales  se  ruer 
sur  le  Christ  pour  le  torturer  ?  —  Telle  est  cependant  la  loi 
suprême  du  péché.  Là  où  est  le  péché  le  démon  est  vain- 
queur. 

Conséquence  logique  par  rapport  au  monde. — Si  le  monde 
nous  séduit  par  ses  apparences  menteuses,  s'il  nous  enchante 
en  nous  cachant  avec  soin  ses  laideurs,  levons  les  yeux  vers 
le  Calvaire.  L'esprit  du  monde  y  règne,  les  œuvres  du  monde 
s'y  étalent,  les  perversités  du  monde  s'y  épanouissent.  Après 
les  furieux,  viennent  les  hypocrites,  avec  eux  les  traîtres,  à 
leur  suite  les  indifférents  et  les  rieurs,  plus  loin,  en  foule  in- 
nombrable, les  lâches. 

Conséquence  logique  par  rapport  à  la  vie  chrétienne.  — 
i°  La  vie  chrétienne,  c'est  la  vie  de  Jésus-Christ  en  nous.  —  Les 
textes  abondent  dans  l'Ecriture  qui  nous  font  foi  de  ce  dogme 
fondamental.  Dieu  n'aimant  que  son  Fils  ne  peut  nous  aimer 
et  nous  accueillir  qu'à  raison  de  notre  union  avec  ce  Fils.  — 
D'autre  part,  Jésus-Christ  étant  l'homme  de  l'universelle  dou- 
leur, la  vie  chrétienne  ne  se  peut  concevoir  sans  cet  aspect 
douloureux  et  sanglant. 

2°  Les  adversaires  de  la  vie  chrétienne  rc poussés  par  les  di- 
vines douleurs.  —  Les  flots  de  l'orgueil  se  brisent  au  Cal- 
vaire.—  La  volupté  y  perd  ses  ardeurs  infâmes.  —  L'ambition 
y  est  désarmée.  —  Le  péché  sous  toutes  les  formes  y  est  à 
jamais  vaincu. 


L'ÉGLISE 


Ce  qu'est  l'Eglise. 

Ce  que  fait  l'Eglise. 

Ce  qu'exige  de  nous  l'Eglise. 


CE  QU'EST  L'EGLTSE 


Plusieurs  définitions  peuvent  être  données  de  l'Eglise.  Elle 
est  l'empire  de  Dieu  sur  la  terre,  le  royaume  des  âmes,  la 
grande  famille  des  enfants  de  Dieu,  l'Arche  sainte  qui  réu- 
nit, pour  les  sauver  de  l'éternel  naufrage,  les  justes  et  les 
élus.  L'Eglise  est  une  sociétécomplète,  parfaite,  indépendante 
des  choses  humaines,  puisqu'elle  est  divine,  et,  néanmoins, 
en  perpétuel  contact  avec  ces  choses  qu'elle  illumine  et 
sanctifie. 

Mais  voici  que  l'Apôtre  nous  donne  de  l'Eglise  une  mysté- 
rieuse et  sublime  définition:  «  L'Eglise  du  Dieu  vivant,  dit-il, 
c'est  manifestement  le  Sacrement  de  piété  qui  s'est  révélé 
dans  la  chair.  » 

Idée  magnifique!  C'est  dans  les  profondeurs  de  l'Incarna- 
tion elle-même  que  nous  devons  chercher  la  première  idée, 
le  germe  divin  dont  s'est  formée  l'Eglise. 

L'Église  est  le  corps  mystique  de  Jésus-Christ.  —  Le 
Verbe,  Fils  de  Dieu,  commence  par  s'unir  la  nature  humaine.  — 
Puis  bientôt,  après  ses  années  mortelles,  l'IIomme-Dieu  s'u- 
nit u  no  société  entière,  dont  il  faituncorps  mystique.  Ce  corps 
mystique  c'est  l'Eglise. 


l'église  325 

1°  Première  naissance  de  l'Eglise  :  l'Incarnation.  —  Dès 
avant  la  chute,  le  Verbe  s'est  épris  pour  la  nature  humaine 
d'un  éternel  amour  :  «  Garitate  perpétua  dilexit.  »  —  Après  la 
chute,  et  quand  cette  humanité  est  gisante  sous  les  malédic- 
tions divines,  blessée  à  mort,  condamnée  par  une  implaca- 
ble justice,  au  premier  amour  qu'il  avait  pour  elle,  leYerbejoint 
une  incompréhensible  compassion.  Il  la  voit  hideuse  et  dé- 
formée, il  la  sait  perdue  sans  ressource,  son  cœur  s'émeut, 
sa  pensée  s'élève,  une  volonté  magnanime  jaillit  de  Lui  :  il 
viendra  à  cette  infortunée,  il  la  prendra  pour  sœur,  pour 
épouse;  à  son  divin  contact  elle  se  trouvera  purifiée,  enno- 
blie, déiliée.  —  Il  se  servira  d'elle  pour  opérer  de  merveil- 
leuses œuvres;  il  en  fera  l'encens  de  la  prière,  la  victime  de 
l'holocauste,  le  pontife  de  la  louange,  l'éternel  et  infini  glo- 
riflcateur  du  Très-Haut. 

2°  Formation  dernière  de  l'Eglise  :  le  corps  mystique  de  Jé- 
sus-Christ. —  Cette  Eglise  première  «  ce  Sacrement  de  piété 
révélé  dans  la  chair  »  ne  devait  pas  rester  dans  l'étroite 
frontière  de  la  Judée,  ni,  non  plus,  dans  les  impuissances 
d'une  vie  mortelle.  Le  Christ  ne  s'unira  plus  seulement  la 
chair  de  l'homme,  c'est  une  société,  c'est  un  corps  immense, 
c'est  l'humanité  régénérée  tout  entière,  dont  il  fait  son  corps 
mystique. 

Alors  tout  le  plan  divin  s'exécute.  Quel  est  ce  plan? 

Une  vie  divine  s'écoulera  dans  le  monde  entier,  à  tra- 
vers des  générations  infinies,  et  c'est  là  l'Eglise.  Le  Verbe  In- 
carné se  fait  l'âme  de  cette  innombrable  multitude  ;  il  est  sa 
tête,  elle  devient  ses  membres;  de  lui  s'écoule  à  flots  sur 
elle  la  vie  même  de  Dieu.  —  De  plus  le  Verbe  Incarné  doit 
continuer  tout  le  long  des  siècles,  sur  toute  la  surface  du 
monde,  la  vie  qu'il  a  menée  durant  trente-trois  années  en 
Judée.  Par  l'Eglise,  dont  il  fait  son  vaste  organe,  ce  plan 
grandiose  se  réalise.  Par  l'Eglise  le  Christ  fait  entendre  sa 
voix  d'une  extrémité  à  l'autre  du  monde....  Par  elle,  il  offre 
«  En  tout  lieu  »,  comme  l'avait  prédit  Malachie,  l'holocauste 
de  la  Nouvelle  Alliance...  Par  elle  il  est  le  Pasteur  Universel, 
rassemblant  de  partout  ses  brebis....  Par  elle  il  court  à  toute 
détresse,  guérit  toute  infirmité...  Par  elle,  en  un  mot,  il  est 
Roi,  Pontife,  Docteur,  Thaumaturge  Sanctificateur  et  Sauveur, 
sur  toute  la  surface  du  globe.  Nous  pouvons  dire  ainsi  que 
l'Eglise  catholique  n'est  autre  que  la  continuation,  l'exten- 
sion vivante,  de  l'Incarnation  ;  Jésus-Christ  lui-même  vivant 


326  l'église 

et  agissant  dans  le  monde,  à  travers  les  âges,  jusqu'au  jour 
de  l'éternité. 

Conséquences  de  cette  sublime  doctrine.  —  Cette  notion 
de  l'Eglise  n'est  pas  seulement  sublime  et  profonde,  elle  est 
encore  d'une  admirable  portée  pratique.  Aucune  autre  défi- 
nition ne  nous  rend  mieux  compte  des  phénomènes,  des 
droits,  des  prérogatives,  sous  lesquels  se  montre  sa  vie  au 
milieu  du  monde. 

1°  L'Eglise  est  divino-humaine.  —  Deux  éléments  la  com- 
posent, l'un  divin  qui  est  le  Christ,  l'autre  humain  qui  est 
nous-mêmes.  —  Jésus-Christ  la  pénètre  et  la  remplit  tout 
entière.  Ne  nous  étonnons  donc  plus  des  merveilles  de  sa 
sainteté,  de  l'éclat  de  ses  miracles,  de  la  puissance  de  ses 
œuvres,  des  triomphes  de  ses  conquêtes,  de  son  invincible 
et  immuable  vitalité.  —  Mais  elle  est  humaine.  C'est  l'huma- 
nité déchue  qui  forme  ce  corps  dont  le  Christ  s'est  fait  le 
chef.  A  la  lumière  se  joindra  l'ombre,  à  la  sainteté  le  désor- 
dre, à  la  puissance  la  faiblesse,  au  triomphe  la  défaite,  à  la 
vie  la  mort.  —  Ainsi  nous  est  expliquée  l'énigme,  insoluble 
sans  cette  notion.  Par  son  chef  l'Eglise  est  toute  divine,  par 
nous  elle  traîne  la  longue  chaîne  des  misères  de  l'humanité 
déchue. 

2°  L'Eglise  est  indépendante.  —  Sans  doute,  traversant  la 
terre,  passant  à  travers  les  peuples,  elle  ne  peut  éviter  le 
contact  des  choses  humaines,  ni  se  soustraire  au  légitime 
tribut  de  César.  —  Mais  si  elle  paie  ce  tribut,  jamais  elle  ne 
subit  les  chaînes  d'aucun  esclavage.  Aucun  pouvoir  public  ne 
peut  poser  sur  elle  une  main  dominatrice.  Elle  est  plus  haute 
que  la  terre,  elle  est  de  Dieu,  elle  va  à  Dieu,  en  un  sens  elle 
est  l'iïomme-Dieu. 

3°  L'Eglise  est  Reine.  —  Dans  l'enceinte  de  ses  frontières 
l'Eglise  exerce  de  très  réels  pouvoirs.  Elle  fait  des  lois.  — 
Elle  donne  à  ses  loisles  sanctions  qu'elle  juge  nécessaires.  — 
Comme  toute  société  elle  punit  les  rebelles,  elle  chasse  de 
son  sein  les  indignes,  elle  garde  contre  les  incursions  enne- 
mies le  dépôt  sacré  qui  lui  a  été  confié.  —  Elle  sortira  même 
de  ses  frontières.  Elle  a  droit  à  la  conquête  du  monde,  attendu 
que  tous  les  peuples  ont  étépar  Dieu  donnés  au  Christ  comme 
héritage. 

4°  L'Eglise  est  persécutée.  —  A  ceux  qui  s'étonneraient 
de  voir  assaillie  par  la  haine  celte  insigne  Bienfaitrice  de 
l'humanité,  nous  révélons  cette  profonde  doctrine.  Corps  du 


l'église  327 

Christ,  sorte  de  mystérieuse  Incarnation  du  Fils  de  Dieu, 
l'Eglise  doit  continuer  jusqu'au  triomphe  du  second  Avène- 
ment les  années  douloureuses  de  son  Chef.  —  Comme  Jésus- 
Christ  elle  est  expiatrice,  et  le  Calvaire  dressé  devant  elle 
est  l'Autel  de  son  perpétuel  holocauste.  —  Elle  est  rédemp- 
trice :  le  mystère  de  solidarité,  qui  lui  fait  sauver  le  monde 
par  la  souffrance,  la  regarde  comme  il  regarde  son  chef.  — 
Elle  est  divine,  donc  étrangère,  et  les  peuples  la  traiteront 
comme  ils  traitent  l'exilé.  —  Elle  est  surtout  dominatrice. 
Ses  dogmes  qu'elle  impose,  sa  législation  crucifiante  qu'elle 
promulgue,  susciteront  partout  et  toujours  des  oppositions 
frémissantes. 

5°  L'Eglise  est  visible  et  reconnaissable.  —  Jamais  la  Per- 
sonne du  Messie  n'a  pu  être  méconnue,  tant  les  signes  qui 
marquaient  sa  divinité  et  sa  mission  furent  éclatants.  — 
Ainsi  en  est-il  de  la  vraie  Eglise.  Ses  traits  de  ressemblance 
lavec  Jésus-Christ  son  chef  sont  à  ce  point  saisissants  que 
'erreur,  que  l'indécision  même  est  impossible.  Qui  voit  Jé- 
sus-Christ voit  l'Eglise.  Sa  sainteté,  son  unicité,  son  univer- 
salité, son  apostolicité,  ne  sont  que  les  reflets  tout  vifs  de  ce 
qui  nous  est  apparu  dans  le  Christ. 


II 
CE  QUE  FAIT  L'ÉGLISE 


L'Eglise  est  sur  la  terre  le  fondement  de  la  vérité,   la  dis- 
pensatrice delà  charité,  la  donatrice  de  i'élcr  lité. 

L'Eglise  est  le  fondement  de  la  vérité.  -  Le  besoin 

qu'a  l'homme  de  la  vérité.  —  L'âme  hunitc  se  sent  ainsi 
faite  qu'elle  en  poursuit  la  conquête,  sous  toutes  les  formes, 
par  tous  les  chemins  divers,  avec  une  incroyable  énergie. 
Que  faire  ici-bas  sans  la  lumière  de  la  vérité?  Que  devenir 
si  l'on  n'a  sur  tous  les  problèmes  de  l'existence,  des  solutions 
lumineuses  et  assurées? 

2°  Bêlas!  navrante  histoire  de  la  vérité.  —  Si  l'esprit  hu- 


328  l'église 

main  a  semé  de  merveilles  le  champ  de  la  science  naturelle  ; 
si  sa  raison  revient  triomphante  des  combats  qu'elle  a  livrés 

sur  la  terre que  dire  de  ses  défaites,  de  son  impuissance, 

de  son  absolu  dénuement,  en  face  des  vérités  supérieures, 
des  données  transcendantes?  —  Dès  qu'il  a  voulu  prendre 
son  vol,  seul  et  sans  secours  d'en  haut,  à  travers  les  régions 
supérieures,  l'esprit  humain  nous  épouvante  par  la  profon- 
deur de  ses  chutes. 

3°  Refuge  et  salut  de  la  vérité  dans  l'Eglise.  —  Mais  Dieu  a 
pris  en  pitié  la  frêle  raison  de  l'homme.  Lui-même  a  daigné 
l'instruire,  jetant  à  profusion  sur  tous  les  problèmes  de  l'exis- 
tence de  lumineuses  révélations.  —  Puis,  ses  paroles  dites 
au  monde,  ses  révélations  faites  à  la  terre,  il  en  a  conlié  la 
garde,  il  en  a  donné  le  trésor  toujours  ouvert,  à  sa  Sainte 
Eglise.  Que  toute  âme  anxieuse,  que  toute  ignorance  désolée, 
que  toute  incrédulité  lasse  et  effrayée  d'elle-même,  aille  à 
l'Eglise,  interroge  l'Eglise  :  elle  apprendra  d'elle,  selon  la 
promesse  du  Christ,  «  toute  vérité.  » 

L'Eglise  est  la  dispensatrice  de  la  charité.  —  Continua- 
tion et,  pour  ainsi  parler  incarnation  du  Christ  sur  la  terre, 
l'Eglise  a  pour  mission  d'être  secourable  à  toute  détresse  et 
de  guérir  toute  infirmité.  Aussi  qu'elle  est  splendide  cette 
histoire  de  la  charité  dans  l'Eglise!  Traversons  le  monde, 
parcourons-en  les  parties  diverses,  étudions  une  à  une  les 
histoires  des  peuples,  depuis  dix-huit  siècles:  chaque  insti- 
tution bienfaisante,  chaque  secours  aux  pauvres  et  aux  dés- 
hérités, nous  apparaîtra  marqué  au  sceau  de  l'Eglise.  Depuis 
dix-huit  siècles  elle  n'a  pas  cessé  de  dispenser  à  nos  âmes  et 
à  nos  corps  les  plus  maternelles  assistances.  —  N'est-ce  pas 
elle  qui,  brisant  les  législations  païennes,  changeant  les 
mœurs,  transfigurant  les  idées,  bouleversant  les  coutumes 
du  monde  antique,  a  pétri  de  charité  les  nations  nouvelles? 
N'est-ce  pas  à  son  ordre  que  se  sont  levers  innombrables  les 
armées  de  la  bienfaisance  catholique?  N'est-ce  pas  elle  qui, 
à  chaque  douleur  humaine,  a  député,  quelque  spécial  secours:' 

Mais  si  nos  corps,  avec  leur  détresse,  ont  ému  la  charité 
de  l'Eglise,  combien  plus  nos  âmes  et  les  maux,  qui  les  tra- 
vaillent et  les  exténuent?  C'est  l'Eglise  qui  répand  sur  l'âme 
pécheresse  les  premières  influences  du  repentir.  C'est  l'E- 
glise à  qui  Dieu  a  donné  les  magnifiques  pouvoirs  de  l'abso- 
lution. C'est  l'Eglise  qui  dresse  pour  l'âme  réconciliée  le 
banquet  divin. 


l'église  329 

Cette  charité  de  l'Eglise  enveloppe  notre  vie  tout  entière, 
s'attache  à  chacun  de  nos  pas,  pose  son  empreinte  bénie  sur 
chacun  des  grands  actes  dont  s'emplit  notre  existence.  Elle 
sacre  nos  berceaux,  elle  oint  notre  virilité,  elle  sanctilîe  nos 
unions,  elle  réserve  pour  nos  derniers  combats  ses  onctions 
suprêmes. 

L'Eglise  est  la  donatrice  de  l'Eternité.  —  Que  serait  le 
chemin  de  la  vie  s'il  menait,  soit  au  néant,  soit  aux  som- 
bres abîmes  d'une  éternelle  douleur?  Que  serions-nous  sans 
l'ange  béni  venant  à  nous  pour  nous  conduire  au  bonheur 
où  tendent  si  impérieusement  les  aspirations  de  notre  être? 
Cet  ange,  introducteur  dans  les  régions  d'une  félicité  éter- 
nelle, c'est  l'Eglise  qui,  par  sa  foi,  sa  grâce,  ses  sacrements, 
ses  Lois,  même  ses  rigueurs,  nous  rend  dignes  d'être  pré- 
sentés à  Dieu  et  de  jouir  des  gloires  d'outre  tombe. 


III 
CE  QU'EXIGE  L'ÉGLISE 


L'Eglise  est  révélatrice,  elle  est  reine,  elle  est  bienfaitrice, 
donc: 

i°  Elle  exige  notre  foi.  —  Elle  vient  à  nous  au  nom  de 
Dieu  :  notre  premier  devoir  est  d'adhérer  à  sa  parole. 

2°  Elle  exige  notre  obéissance.  —  Quand  elle  légifère,  quand 
elle  punit,  elle  a  un  droit  égal  à  notre  soumission. 

3°  Elle  exige  notre  concours.  —  Elle  l'exige  pour  ses  œuvres. 
—  Elle  l'exige  contre  ses  ennemis. 


LA  VIE  SACERDOTALE 

LE  PRÊTRE 


Parlant  du  Prêtre,  Saint  Paul  disait  :  «  Speclaculum  facti  su- 
mus  mundo.  »  Elle  est  étrange  en  effet  cette  figure  du  prê- 
tre! Mêlé  au  monde  «  il  n'est  pas  du  monde.  »  Se  dévouant 
aux  hommes  ses  frères,  il  professe  avoir  pour  famille  et  pour 
patrie  le  ciel:  «  Ex  hominibus  constituitur.  »  —  Les  péripé- 
ties de  sa  vie  sur  la  terre  sont  étranges  comme  lui-même  : 
tantôt  béni,  tantôt  exécré,  tantôt  accueilli  comme  un  bien- 
faiteur, tantôt  éloigné  comme  un  ennemi.  —  Si,  quittant 
les  dehors  nous  pénétrons  dans  l'intime  de  cet  être  mysté- 
rieux, une  vie  divine  y  coule  à  pleins  bords.  Néant  par  lui- 
même,  faible,  infirme  et  blessé  comme  tous  les  fils  d'Adam, 
le  prêtre,  par  son  caractère,  sa  mission,  les  grâces  dont  il 
est  fait  dépositaire,  les  dons  qu'il  est  chargé  de  répandre 
s'élève  au-dessus  des  autres  de  la  hauteur  des  cieux. 

Pour  nous  rendre  bien  compte  des  sublimités  du  Sacer- 
doce, considérons  le  prêtre  comme  richesse  du  monde,  comme 
puissance,  comme  amour. 


COMME  RICHESSE 


Il  est  un  bien,  bien  essentiel  et  unique,  que  le  monde  ré- 
clame et  recherche  et  que  seul  le  prêtre  lui  peut  communi- 
quer dans  sa  perfection  et  dans  sa  plénitude. 


LA  VIE   SACERDOTALE  331 

Le  seul  bien  que  réclame  l'humanité  c'est  la  vie.  —  La 
vie  dans  ses  jouissances,  la  vie  dans  sa  durée,  la  vie  dans 
sa  sécurité  sereine  et  son  opulente  fécondité. 

1°  Elle-même  nous  le  montre.  —  Que  l'homme  ici-bas  s'at- 
tache à  la  vie,  pour  en  faire  jaillir  les  biens  dont  il  se  sent 
affamé;  qu'il  la  recherche  avec  frénésie,  qu'il  l'exploite  avec 
passion,  l'histoire  humaine  entière  en  fait  foi.  Que  l'on  s'at- 
tache à  la  fortune,  aux  honneurs,  aux-  plaisirs  infimes  ou 
aux  nobles  jouissances  du  savoir  :  c'est  la  vie  sous  son  as- 
pect le  plus  saisissant.  Combien  s'épuisent  à  cette  conquête? 
—  Cette  attache  à  la  vie  qui  se  montre  dans  l'avidité  des  as- 
pirations ne  se  laisse  pas  moins  entrevoir  dans  les  amertu- 
mes de  la  désillusion.  Quand  ces  rêves  de  vie  et  de  bonheur 
s'évanouissent,  l'homme  tombe  dans  un  marasme  doulou- 
reux. —  Voyez  encore  l'horreur  instinctive  que  produit  sur 
nous  l'approche,  la  certitude,  ou  même  une  vague  appréhen- 
sion de  la  mort. 

2°  L'Ecriture  nous  en  fait  foi.  —  Lisez  les  pages  saintes 
avec  quelle  énergie  la  Bible  nous  fait  apparaître  l'homme 
dans  sa  vivante  réalité.  Quel  triomphe  quand  il  s'écrie:  «  Non 
moriar  sed  vivam!  »  Quel  sombre  désespoir  quand  il  jette  à 
sa  vie  brisée,  à  ses  espérances  évanouies  des  malédictions  ou 
des  plaintes  déchirantes!  Avec  Saint  Paul  nous  nous  élevons 
aux  joies  des  pensées  éternelles.  Avec  tous  les  Ecrivains  Sa- 
crés nous  aspirons  à  une  vie  immuable.... 

Cette  vie,  objet  de  ses  désirs,  l'humanité  ne  la  possède 
pas.  —  Si  tel  est  l'homme;  s'il  a  de  la  vie  une  aspiration  si 
irrésistible  et  si  véhémente,  trouve-t-il  lui-même  et  sur  la 
terre  l'objet  de  cet  unique  désir? 

1°  La  mort  apparaît  partout.  —  Si  nous  étendons  notre 
regard  sur  l'histoire  humaine,  qu'est-elle  autre  chose  qu'un 
amoncellement  de  ruines?  —  Si  nous  fouillons  le  sol  qui  nous 
porte,  qu'est-il  qu'un  champ  de  mort? —  Et  nous-mêmes, 
avec  nos  décadences  successives,  nos  irrémédiables  caduci- 
tés, que  faisons-nous  selon  le  mot  de  l'Apôtre  que  rendre  de 
toutes  parts  des  sons  de  mort? 

2°  La  vie  véritable  ne  se  montre  nulle  part.  —  L'homme 
veut  vivre,  il  veut  jouir,  il  a  horreur  de  tout  ce  qui  limite, 
altère,  finit,  cette  vie  qu'il  convoite.  —  Et,  chose  étrange, 
rien  ici-bas  ne  lui  donne  la  vie;  il  en  possède  une  ombre  fu- 
gitive. Rien,  ni  la  puissance,  ni  la  fortune,  ni  les  trouvailles 
de  la  science,  ni  les  dévouements  de  l'amour,  ne  lui  en  assu- 
rent la  réalité. 


332  LA   VIE   SACERDOTALE 

Le  prêtre  seul  la  lui  peut  communiquer.  —  0  humanité, 
tu  veux  la  vie,  la  vie  immuable,  la  vie  bienheureuse,  la  vie 
sans  mélange  et  sans  fin,  la  vie  que  ne  troublent  ni  les  dé- 
cadences de  tes  jours,  ni  l'écroulement  du  sépulcre  :  cette  vie 
un  seul  homme  au  monde  te  la  peut  donner  :  c'est  le  prêtre, 
le  prêtre  qui  l'enfante,  l'entretient,  la  défend. 

1°  Le  prêtre  l'enfante.  —  Comme  prêtre  il  la  possède  en 
lui-même.  Il  est  l'homme  de  la  vie  éternelle.  Avant  qu'il 
la  répande  sur  le  monde,  Dieu  l'a  versée  à  flots  sur  lui.  — 
Comme  Sacrificateur,  le  prêtre,  par  le  plus  sublime  des  pou- 
voirs, l'ait  descendre  sur  l'Autel  celui  qui  s'est  nommé  «  le 
Pain  de  vie.  »  —  Comme  Apôtre,  le  prêtre  répand  cette  vie 
par  la  parole:  «  Vita  erat  lux  hominum.  » 

2°  Le  prêtre  l'entretient.  —  Cette  vie  divine,  mystérieuse 
semence  d'une  vie  béatilique  et  éternelle,  le  prêtre  et  lui 
seul  a  la  puissance  de  la  conserver  dans  l'humanité.  Lui 
seul  ouvre  le  canal  des  sacrements  par  où  elle  s'échappe  à 
grands  Ilots.  —  Lui  seul  l'augmente  en  nos  âmes  par  les 
vertus  qu'il  a  la  charge  de  cultiver.  —  Lui  seul,  quand  le  pé- 
ché l'a  étouffée  en  nous,  peut,  au  Saint  Tribunal,  nous  la  ren- 
dre. —  Lui  seul,  au  chevet  d'un  mourant,  ouvre  l'accès  à  l'é- 
ternelle et  céleste  vie. 

3°  Le  prêtre  la  défend.  —  C'est  sa  mission  périlleuse  et  hé- 
roïque. Le  prêtre  combat  jusqu'au  martyre  les  innombrables 
ennemis  qui  nous  veulent  arracher  la  vie.  Le  prêtre  nous 
protège  contre  nous-mêmes,  contrôle  monde,  contrel'enfer.  — 
Contre  nous-mêmes.  Car  la  concupiscence,  les  illusions,  les  er- 
reurs, les  passions  brûlantes,  les  convoitises  tendent  sans 
cesse  à  nous  la  ravir.  —  Au  milieu  du  ??ionde,  le  prêtre 
rencontre,  dans  les  puissances,  dans  les  pouvoirs  publics, 
dans  la  richesse  insolente,  dans  le  vice  triomphant,  de  formi- 
dables adversaires.  —  N'est-ce  pas  lui  encore  qui,  par 
ses  prières  et  la  puissance  échappée  de  l'autel,  terrifie  et  dé- 
sarme l'enfer1? 


LA  VIE   SACERDOTALE  333 


II 

COMME  PUISSANCE 


Richesse  du  monde,  il  est  incontestable  que  le  prêtre  en 
dépit  de  sa  faiblesse  apparente  en  est  la  grande  et  invincible 
puissance. 

Par  la  nature  de  son  règne 1°  Le  prêtre  sans  jamais 

s'arrêter  au  seuil  comme  sont  réduits  à  le  faire  les  domina- 
tions terrestres, pénètre  au  plus  profond  de  l'être  humain.  — 
C'est  l'intelligence  qu'il  courbe  sous  le  joug  de  la  foi  ;  c'est 
le  cœur  dont  il  comprime  le  saillies  désordonnées,  pour  le 
placer  sous  la  domination  d'un  céleste  amour;  c'est  la  volonté 
dont  il  arrête  les  révoltes,  c'est  le  corps  lui-même  et  les 
sens  qu'il  réduit  à  la  plus  douloureuse  des  servitudes. 

2°  C'est  le  règne  le  plus  fécond.  —  Par  la  grâce  dont  Dieu 
le  remplit,  le  prêtre,  et  lui  seul,  a  pu  accomplir  la  plus  pro- 
digieuse des  œuvres:  celle  de  transfigurer,  de  purifier,  d'af- 
fermir, de  remplir  de  noblesse,  de  sainteté,  de  divin  idéal, 
l'individu,  la  famille,  la  Société.  —  Si,  sans  nous  borner  aux 
temps  chrétiens,  nous  embrassons  dans  son  ensemble  l'his- 
toire entière  du  sacerdoce,  une  vérité  nous  apparaît  saisis- 
sante :  où  le  Sacerdoce  est  en  honneur  et  digne  de  l'être,  les 
Sociétés  sont  florissantes.  Où  un  sacerdoce  dégradé  ne  mérite 
et  n'inspire  plus  que  le  mépris,  les  Sociétés  s'approchent  de 
leur  ruine. 

Par  l'universalité  de  son  règne.  —  Que  l'incrédulité 
explique  si  elle  le  peut  ce  phénomène  :  jamais,  en  aucun  siè- 
cle, dans  aucune  partie  du  monde,  l'humanité  n'a  vécu,  ni 
voulu  vivre  sans  prêtre.  Civilisés  ou  barbares,  idolâtres  ou 
chrétiens,  hommes  des  anciens  âges  ou  citoyens  des  patries 
nouvelles,  tous  ont  rgclamé  comme  leur  bien  le  plus  inalié- 
nable, comme  leur  besoin  le  plus  essentiel,  le  prêtre.  —  L'ex- 
plication de  ce  fait  est  d'ailleurs  aussi  victorieuse  que  simple  : 
l'humanité   croit  en  Dieu,  à  un  Dieu  Très-haut,  très  Saint, 


334  LA  VIE   SACERDOTALE 

parfois  trop  justement  irrité,  et  l'humanité  veut,  entre  elle 
et  lui,  un  intermédiaire  et  un  chargé  de  pouvoir. 

Par  l'inamissibilité  de  son  règne.  —  Qu'ici  encore  l'incré- 
dulité en  prenne  son  parti.  Elle  subira  toujours  les  deux 
faits  suivants. 

1°  Le  prêtre  sera  toujours  persécuté.  —  Il  le  sera  par  la  na- 
ture môme  de  sa  mission,  qui  est  d'imposer  à  l'esprit  de 
l'homme  le  joug  du  mystère,  au  cœur  de  l'homme  le  frein 
détesté  des  vertus,  à  la  volonté  de  l'homme  l'infranchissable 
barrière  de  la  loi,  à  la  richesse  et  au  pouvoir  de  l'homme  la 
noble  égalité  de  l'Evangile  et  l'invincible  arrêt  du  «  Non 
possumus.  » 

2°  Le  prêtre  triomphera  toujours  des  persécutions.  —  11 
survit,  après  tant  d'assauts  furieux,  tant  d'hécatombes  san- 
glantes. —  Non  seulement  la  persécution  n'a  pas  raison  de 
lui,  mais  par  elle  il  se  retrempe  dans  la  vertu  et  s'affermit 
dans  sa  divine  vitalité. 


III 
GOMME  AMOUR 


Besoin  qu'a  le  monde  d'un  cœur  de  prêtre.  —  Sous  une 
gracieuse  image,  Saint  Jean  Chrysostome  nous  rend  ce  besoin 
de  l'humanité.  Si  dans  la  nature  Dieu  a  semé  d'oasis  le  désert 
brûlant,  si  l'homme  a,  dans  chaque  cité,  ouvert  quelque  jar- 
din public  frais  et  délicieux,  trouvons  là  l'image  de  ce  qu'est 
pour  lesâmesun  amour  et  un  dévouement  de  prêtre.  Dans  cette 
oasis,  les  voyageurs  fatigués  se  reposeront.  Dans  ce  cœur  sa- 
cerdotal, les  déshérités  de  la  vie,  les  victimes  gémissantes  du 
malheur,  les  brebis  momentanément  égarées  loin  du  bercail, 
ceux  qui,  sans  la  rencontrer,  ont  besoin  d'une  affection  douce, 
sainte,  profonde:  pour  eux,  Dieu  a  créé  le  cœur  du  prêtre. 

Comment  Dieu  a  fait  un  cœur  de  prêtre.  —  Pour  servir  à 
cette  mission  sublime,  Dieu  a  fait  jaillir  des  trésors  de  son 
amour  ce  chef-d'œuvre  d'amour. 


LA   VIE   SACERDOTALE  335 

i°  Il  l'a  fait  libre.  —  Le  prêtre  est  à  tous,  asile  toujours 
ouvert  à  ceux  qui  y  frappent.  Le  célibat,  brisant  pour  lui  des 
liens  trop  particuliers,  lui  fait  répandre  sur  tous  un  cœur 
dont  il  est  resté  le  maître. 

2°  //  Pa  fait  désintéressé.  —  Le  prêtre  ne  doit  ni  se  mê- 
ler aux  intrigues  du  monde,  ni  aspirer  à  ses  honneurs,  ni 
épouser  ses  querelles.  Le  bon  pasteur  aime  et  est  aimé. 

3°  //  Va  fait  martyr.  —  Le  prêtre  aime  avec  support  cha- 
ritable, avec  dévouement,  avec  patience,  avec  mansuétude, 
avec  force  invincible  :  «  Durus  ut  mors  dilectio.  » 


L'APPEL  DE  DIEU 


Benedictus  qui  venu  innpmine  Domini...  Ainsi  apparut  au 
monde  le  véritable  et  unique  Prêtre,  Jésus  Christ.  Pontife 
d'une  nouvelle  Loi,  Médiateur  entre  le  ciel  et  la  terre,  cen- 
tre du  Sacerdoce  universel,  Jésus-Christ  entre  dans  ses 
fonctions  sublimes  sous  l'éclat  de  cette  bénédiction.  —  Il  est 
béni  par  son  Père  qui  l'ordonne  Prèlre.  —  Il  est  béni  par  les 
multitudes  qui  s'attachent  à  ses  pas  sur  toutes  les  routes  de 
la  Galilée  et  de  la  Judée.  —  Il  est  béni  par  tous  les  siècles; 
par  cette  immense,  universelle  Eglise,  qui  couvre  le  monde. 
—  Cette  bénédiction  du  temps  a  pour  écho  éternel  la  bénédic- 
tion des  cieux. 

Ainsi  apparaît  le  vrai  Prêtre,  c'est-à-dire  celui  qu'un  ap- 
pel divin,  une  vocation  véritable  et  sérieuse,  a  placé  dans  le 
Sacerdoce.  —  Quant  au  malheureux,  qui,  sans  appel  de 
Dieu,  sans  vocation,  usurperait  des  fonctions  aussi  célestes, 
il  est  à  la  fois  repoussé  des  hommes  et  repoussé  de  Dieu. 


NECESSITE  DE  CET  APPEL 


Tout  nous  la  montre  cette  nécessité:  le  raisonnnement 
comme  l'expérience,  Dieu  comme  les  hommes. 

La  raison  montre  que  Dieu  a  ses  choix.  —  1°  Dans  nulle 
carrière  profane  n'entre  qui  veut.  —  Le  sanctuaire  de  la  fa- 
mille, resté  fermé  à  la  foule,  ne  s'ouvre  qu'aux  amis.  —  Les 
plus  humbles  fonctions  elles-mêmes  réclament  un  appel  et 
ne  s'y  immisce  pas  qui  veut.  —  La  Société  garde  avec  un  soin 


LA    VIE  SACERDOTALE  337 

jaloux  l'accès  des  carrières  et  de  scrupuleux  examens  per- 
mettent seuls  de  le  franchir.  —  Partout,  clans  chaque  état, 
pour  chaque  industrie,  un  choix  préside  au  personnel. 

2°  Combien  moins  encore  dans  une  carrière  divine.  — Quoi! 
l'homme  choisirait  son  élu  pour  les  plus  terrestres  emplois, 
et  Dieu  serait  seul  exclu  de  ce  pouvoir  discrétionnaire  ?  — 
Quand  il  s'agirait  du  Sacerdoce  tout  serait  assez  bon  pour 
Dieu  et  il  aurait  à  se  contenter  des  rebuts  que  le  monde  vou- 
drait bien  lui  laisser  ?  —  Le  sanctuaire  est  par  excellence  la 
maison  de  Dieu  :  «  Domus  mea;  »  «  hœc  est  requies  mea:  » 
et  sans  y  être  convié  le  premier  venu  pourrait  à  son  gré  en 
franchir  le  seuil  et  s'y  imposer  de  force?  —  D'ailleurs  dans 
le  Sacerdoce  tout  est  divin,  tout  relève  du  ciel.  Comment 
supposer  que  l'homme  puisse  impunément  usurper  les  fonc- 
tions d'une  sublimité  aussi  formidable  ? 

Les  faits  montrent  que  Dieu  a  ses  choix.  —  Ce  que  la  rai- 
son affirme,  les  faits  l'ont  perpétuellement  consacré. 

1°  Durant  l'ère  patriarcale.  —  Ce  n'est  pas  au  hasard,  mais 
à  travers  des  choix  précis  que  se  transmettent  les  grands 
dogmes  et  la  sublime  promesse.  D'Abraham  à  Moïse,  Dieu  ne 
cesse  d'intervenir  dans  ce  Sacerdoce  primitif. 

2°  Durant  la  loi  écrite.  —  Moïse  est  choisi.  Aaron  l'est  de 
même.  Après  eux  chacun  des  Juges.  Après  eux  chacun  des 
Rois.  Nulle  autre  tribu  que  la  tribu  Lévitique  n'usurpe  les 
fonctions  sacerdotales.  Le  téméraire  qui  le  tente  est  frappé 
de  Dieu  comme  Oza. 

3°  Durant  la  Loi  Nouvelle  les  fondateurs  de  l'Eglise  sont 
nommément  choisis  par  Dieu.  A  Judas  prévaricateur  le  choix 
divin  fait  succéder  Mathias.  Paul  reçoit  son  appel  sur  le  che- 
min de  Damas.  C'est  l'Esprit  de  Dieu  qui  le  sépare  pour  l'at- 
tribuer à  la  gentilité:  «  Segregate  mihi  Salum  et  Barna- 
bam.  » 

Un  tout  divin  exemple  montre  que  Dieu  a  ses  choix.  — 

Mais  quoi!  Que  nous  arrêtons-nous  à  ces  choix  secondaires? 
Voici  que  le  Pontife  Suprême,  le  Prêtre  par  excellence,  Jé- 
sus-Christ, n'a  pu  de  lui-même  et  sans  l'appel  de  son  Père 
entrer  dans  le  sacerdoce:  «  Christus  non  semetipsum  clarifî- 
cavit  ut  Pontifex  fîeret.  » 


T.  IV  22 


338  LA   VIE   SACERDOTALE 


II 


NECESSITE  DE  NE  PAS  ENTREPRENDRE 
SUR  CET  APPEL 


Violer  l'entrée  du  Sacerdoce  est  un  crime.  —  C'est  un 
crime  à  triple  titre,  car  c'est  une  usurpation,  c'est  un  vol  sa- 
crilège, c'est  une  persécution. 

1°  C'est  une  usurpation.  — Nous  l'avons  suffisamment  mon- 
tré plus  haut,  en  exposant  la  perpétuelle  conduite  de  Dieu 
dans  le  choix  de  ses  ministres,  dans  son  opposition  formelle 
à  l'entrée  des  téméraires  qu'il  n'a  pas  appelés,  dans  la  sévé- 
rité qu'il  déploie  à  châtier  les  faux  prophètes,  les  profanes, 
qui,  sans  appel  et  sans  mandat,  osent  usurper  les  fonctions 
sacerdotales. 

2°  C'est  un  vol  sacrilège.  —  Ceux-là  encourent  la  réproba- 
tion universelle  et  s'exposent  à  de  légitimes  répressions  qui 
usurpent,  dans  le  monde,  des  emplois  auxquels  ils  ne  sont 
ni  aptes,  ni  préparés.  —  Que  dirons-nous  de  cet  audacieux 
qui  de  lui-môme  franchit  le  Sanctuaire,  monte  à  l'autel,  pose 
une  main  sacrilège  sur  les  joyaux  de  la  couronne,  les  trésors 
les  plus  précieux  du  Très-haut.  De  quel  front  ce  malheureux 
entre-t-il  dans  de  pareilles  sublimités  ?  Par  quelle  audace  se 
présente  t-il  à  Dieu  sans  en  être  l'élu? 

3°  C'est  une  persécution.  —  L'homme,  entré  sans  vocation 
dans  le  Sacerdoce,  violente  à  la  fois  Dieu  et  l'Eglise.  —  Il  les 
violente  dans  les  saints  mystères  qu'il  accomplit  mal,  sans 
foi,  sans  respect,  sans  goût.  —  Il  les  violente  dans  1rs  fidè- 
les, au  milieu  desquels  il  n'est  plus  qu'un  mercenaire,  ou 
même,  hélas  I  trop  souvent  un  loup  ravisseur.  —  Il  les  vio- 
lente dans  leur  prestige  et  leur  gloire.  Si  les  vrais  prêtres, 
qu'une  vocation  appelle  et  qui  se  rendent  dignes  de  cette  vo- 
cation, projettent  sur  Dieu  et  sur  l'Eglise  l'éclal  de  leur  science, 
de  leur  zèle,  de  leur  sainteté,  le  prêtre  dénué  de  vocation  ne 
répandra  autour  de  lui  que  la  clarté  terne  et  monotone  de 


LA  VIE   SACERDOTALE  339 

sa  tiédeur,  ou  plutôt  les  épaisses  et  mortelles  ténèbres  d'une 
vie  sans  vertu. 

Violer  l'entrée  du  Sacerdoce  est  un  malheur.  —  Si,  fran- 
chissant les  années,  nous  supposons  ce  prêtre  au  tribunal  du 
souverain  Juge,  répondant  alors  de  toute  une  vie  de  sacri- 
lège audace,  quel  malheur  comparable?  Quel  plus  irrémédia- 
ble désastre  nous  peut  être  montré  ? 

Mais  restons  dans  les  limites  du  temps  présent.  Les  mal- 
heurs accumulés  sur  la  vie  d'un  prêtre  sans  vocation  ne  sont 
déjà  que  trop  complets. 

1°  C'est  un  fardeau  que  le  prêtre  n'a  pas  la  force  de  por- 
ter. —  11  est  lourd,  il  est  écrasant,  même  pour  le  prêtre  le 
plus  saint,  le  fardeau  du  sacerdoce  !  Mais  au  moins  que  de 
grâces  le  soutiennent  !  Quelle  onction  divine  lui  en  adoucit 
les  fatigues  !  —  Quant  au  téméraire  usurpateur,  Dieu,  qui  ne 
lui  doit  que  colère  et  mépris,  de  quelles  grâces  espérons- 
nous  qu'il  le  soutienne  ? 

2°  Ce  sont  des  fonctions  saintes,  sans  goût  ni  aptitude  pour 
les  remplir.  —  Repassons  avec  une  terreur  trop  justiûée  les 
fonctions  sacerdotales.  Cette  Hostie  divine,  ce  Sacrifice  à  of- 
frir, ce  Tribunal  où  il  faut  siéger  comme  juge,  cette  chaire 
d'où  il  faut,  comme  organe  de  Dieu,  répandre  les  divines  vé- 
rités, ce  soin  des  âmes,  ce  zèle  du  salut,  cette  charité  sans  li- 
mites.... «  Quis  tam  idoneus  :'  » 

3°  Ce  sont  des  dangers  terribles,  sans  grâce  pour  les  éviter. 
—  Le  prêtre,  étreint  par  une  législation  rigoureuse,  enchaîné 
à  des  devoirs  surhumains,  meurtri  par  des  privations  dou- 
loureuses, le  prêtre  est  en  outre,  le  but  désigné  aux  haines 
de  l'enfer  comme  aux  persécutions  du  monde.  —  D'ailleurs, 
comme  tous  ses  frères,  il  ne  trouve  en  soi  que  faiblesse,  en- 
traînement au  mal,  mortelles  concupiscences.  —  Sans  une 
grâce  proportionnée  au  péril,  comment  rester  debout  et  vic- 
torieux? —  Mais  cette  grâce,  assurée  au  bon  prêtre,  quel 
droit  peut  y  avoir  le  profane  usurpateur  ? 

4°  Ce  sont  des  privations,  sans  que  rien  les  compense.  —  Fi- 
gurons-nous la  situation  du  Prodigue,  dans  sa  région  loin- 
taine. Le  malheureux!  Il  n'a  plus  ni  la  paix,  ni  les  joies,  ni 
les  honneurs,  ni  les  fêtes  de  la  maison  paternelle.  —  Puis 
.quand,  abaissé  jusqu'aux  plus  ignobles  appétits,  il  demande 
la  nourriture  des  pourceaux,  il  ne  la  peut  obtenir  !  «  Xemo 
illi  dabat.  »  —  Ainsi  un  prêtre  sans  vocation  se  trouve  à  la 
fois  exilé  du  ciel  et  de  la  terre,  de  Dieu  et  du  monde.  Ni  Dieu 


340  LA   VIE    SACERDOTALE 

ne  lui  donne  part  aux  joies  célestes,  ni  le  monde  ne  l'admet 
à  ses  fêtes  et  à  ses  plaisirs. 


III 
NÉCESSITÉ  DE  RÉPONDRE  A  CET  APPEL 


Dieu  a  à  ce  point  honoré  sa  créature  qu'il  ne  veut  pas,  sans 
elle,  sans  sa  libre  coopération,  sans  le  mérite  de  ses  eiforts 
personnels,  l'élever  à  la  gloire.  —  Ainsi  fait-il  pour  le  sacer- 
doce. Sans  doute  c'est  lui  qui  désigne,  qui  choisit,  qui  ap- 
pelle, qui  sacre  son  prêtre,  et  nul,  sans  cet  appel  et  ce  sacre, 
ne  sera  jamais  prêtre  selon  son  cœur.  Mais,  d'autre  part, 
l'élu  ne  franchira  légitimement  les  marches  du  Sanctuaire 
qu'après  avoir  coopéré  à  son  appel  et  fécondé  sa  vocation. 

Voyons  donc  ici  quelle  est  la  part  de  Dieu,  quelle  est  la 
part  de  l'homme. 

La  part  de  Dieu  dans  cet  appel.  —  Trois  actes  dans  la 
préparation  divine  d'une  vocation. 

1°  Dieu  la  prépare  par  des  dons  spéciaux,  de  spéciales  ap- 
titudes. —  Celui  qu'il  honorera  du  sacerdoce  il  l'ornera  tout 
d'abord  de  dons  particuliers  :  nature  plus  haute,  dévotion 
plus  tendre,  foi  plus  lumineuse,  goûts  précoces  pour  les  cho- 
ses saintes,  facilités  de  les  accomplir. 

2°  Dieu  la  prépare  par  une  action  mystérieuse  de  sa  grâce. 
—  L'âme  choisie  entend  au  dedans  d'elle-même  des  voix  in- 
times qui  l'appellent  à  Dieu.  Puis,  c'est  un  mystérieux  dé- 
senchantement du  monde.  Puis,  c'est  un  attrait  de  plus  en 
plus  irrésistible  vers  le  sanctuaire.  Dans  ces  carrières  profa- 
nes, que  les  autres  considèrent  et  ambitionnent,  le  futur  prê- 
tre ne  trouve  que  fatigues  et  dégoûts.  Aux  lettres  profanes 
il  préfère  les  Lettres  Divines,  il  sent  d'instinct  que  sa  patrie 
c'est  le  ciel. 

3°  Dieu  la  prépare  par  des  circonstances  providentielles.  — 
Le  plus  souvent  il  ménage  à  la  fleur  sacerdotale  le  sol,  la  ro- 
sée, le  ciel  serein,  les  chauds  rayons  du  soleil  qui  la  fassent 


LA  VIE   SACERDOTALE  341 

s'épanouir  naturellement.  —  D'autres  fois  cependant  il  abat- 
tra brusquement  Saul  sur  le  chemin  de  Damas.  Celui  qu'il 
veut  pour  prêtre  s'engageait  par  des  routes  opposées,  en  de 
lointaines  régions  :  Dieu,  par  quelque  coup  providentiel,  le 
ramène  au  Sanctuaire. 

La  part  de  l'homme  dans  est  appel.  —  Ainsi  Dieu  agit  en 
maître,  sans  toutefois  nous  laisser  perdre  de  vue  qu'il  ré- 
clame de  nous  une  libre  et  généreuse  coopération. 

1°  Ce  que  fait  l'Eglise  pour  l'élu.  —  C'est  ici  la  force,  la 
sécurité,  l'honneur  du  Sacerdoce  catholique.  Le  prêtre  n'est 
pas  un  enfant  isolé,  une  sentinelle  perdue,  un  combattant 
sans  appui  :  l'Eglise  est  sa  mère,  elle  l'enfante,  elle  le  nour- 
rit, elle  le  dirige,  elle  le  soutient,  elle  le  réprimande,  au  be- 
soin elle  le  châtie;  jamais  elle  ne  le  laisse  à  sa  faiblesse  native. 

2°  Ce  que  l'élu  doit  faire  lui-même.  —  L'élu  de  Dieu  doit 
travailler  à  affermir  et  à  féconder  sa  vocation.  Il  le  doit  dans  la 
proportion  même  de  la  sublimité  d'un  pareil  état.  —  Il  le  doit 
parce  que  les  obstacles  qu'il  rencontre  en  lui-même  et  au  de- 
hors sont  plus  formidables.  —  Il  le  doit  parce  que  les  respon- 
sabilités qu'il  assume  sont  plus  terribles. 


L'APPEL  DE  DIEU 

CONSIDÉRÉ  EN  JÉSUS-CHRIST 


Rien  ne  montre  combien  sacré,  divin,  inviolable  est  l'état 
du  Sacerdoce  comme  l'appel  de  Jésus-Christ.  Un  Fils  de  Dieu 
Incarné  n'avait-il  pas  tous  les  titres  :  sainteté,  grandeur, 
science,  puissance,  pour  franchir  de  lui-même  le  seuil  du  Sanc- 
tuaire? —  Nonl  —  Il  a  attendu  l'appel  de  Dieu  son  Père. 


JÉSUS-CHRIST  A  ÉTÉ  APPELE 


Considérons  tout  d'abord  le  fait.  —  Rendons-nous  compte, 
après,  de  tout  ce  que  comporte  un  appel  au  Sacerdoce. 

L'appel  lui-même.  —  Il  est  formel;  il  est  établi  en  cent 
endroits  de  nos  divines  Ecritures;  il  fut  l'objet  des  plus  an- 
tiques prophéties.  «  Juravit  Dominus  et  non  pcenitebit  eum: 
tu  es  sacerdosin  œternum  »...  Et  Saint  Paul,  résumant  l'E- 
criture, a  formulé  en  ces  termes  précis  l'appel  du  Verbe  In- 
carné au  Sacerdoce.  «  Christus  non  semetipsum  clarilicavit 
ut  Ponlifex  fieret,  sed  qui  locutus  est  ad  eum:  Filius  meus  es 
tu,  Ego  hodie  genui  te.  Quemadmodum  et  in  alio  l«»co  dicit: 
tu  es  sacerdos  in  sternum.  »  —  Et  pour  que  cet  appel  fût 
plus  solennel,  Dieu  le  fait  en  y  ajoutant  la  formule  du  ser- 
ment. «  Hic  autem  eum  jurejurando.  »  «  Airandantius  volens 
Deus  ostendere  pollicitationis  haeredibus  immobilitatem  con- 
silii  sui  interposuit  jusjurandum.  » 


LA  VIE  SACERDOTALE  343 

Ce  que  renfermait  cet  appel.  —  En  même  temps  que  Dieu 
appelait  au  Sacerdoce  le  Verbe  Incarné,  il  lui  conférait  tout 
ce  que  comportait  ce  glorieux  appel. 

i°  Dieu  lui  donnait  l 'onction  sacrée. Le  Prêtre  estl'  «  oint  du 
Seigneur:  »  «  Oleo  sancto  meo  unxi  eam  >:.  —  C'est  l'onction 
royale:  le  prêtre  est  dominateur  et  roi;  il  gouverne,  il  ad- 
ministre; il  légifère,  il  sanctionne.  —  C'est  l'onction  du  pro- 
phète. Le  Prêtre  révèle  au  monde  les  secrets  de  Dieu,  il  dé- 
chire le  voile  des  destinées  éternelles.  Il  est  dépositaire  des 
promesses  de  la  miséricorde  et  des  menaces  de  la  Justice. 
—  C'est  l'onction  du  combattant.  Le  Prêtre  engage  «  le  bon 
combat;  »  il  «  se  pose  comme  un  mur  d'airain  »  devant  les 
ennemis  qui  assaillent  la  cité  sainte,  l'Eglise,  le  peuple  chré- 
tien, les  âmes Grâce  au  prêtre  de  Dieu,  grâce  à  l'invinci- 
ble force  que  Dieu  lui  prête,  Satan  et  le  monde  sont  vaincus, 
et  les  «  portes  de  l'enfer  ne  prévalent  pas.  »  «  Manus  mea 
auxiliabitur  ei....  Inimicus  non  prœvalebit  adversus  eum.  » 

2°  Dieu  lui  donnait  les  pouvoirs  divins.  Pouvoirs  extra- 
ordinaires, pouvoirs  sans  limites.  —  Il  lui  donnait  pouvoir 
sur  sa  justice,  sur  sa  miséricorde,  sur  son  cœur  I  —  Il  lui 
donnait  pouvoir  sur  le  peuple  Angélique:  «  Et  cum  introdu- 
it Primogenitum  in  orbem  terrarum  dicit:  adorent  eum  om- 
nes  Angeli.  » — Il  lui  donnait  pouvoir  sur  toutes  les  nations: 
«  Tibi  dabo  gentes...  Reges  eos.  »  —  Il  lui  donnait  pouvoir 
sur  l'enfer:  «  Egredietur  diabolus  ante  pedes  Ejus.  »  —  Il 
lui  donnait  pouvoir  sur  le  jugement.  «  Omnes  stabimus  ante 
tribunal  Christi.  »  —  Il  lui  donnait  pouvoir  sur  l'enseigne- 
ment: «  Ego  autem  constitutus  sum  Rexabeo...  prœdicans 
prœceptum  ejus.  » 


TI 


GOMMENT  JÉSUS  CHRIST  A  REPONDU  A  SON 

APPEL 


«  Tout  Prêtre,  dit  l'Apôtre,  pris  du  milieu  des  hommes, 
est  constitué  pour  les  hommes  en  ce  qui  regarde  le  service 
de  Dieu.  » 


344  LA   VIE  SACERDOTALE 

De  là  1°  vie  détachée;  2°  vie  dévouée,  3°  vie  priante.  — 
Telle  fut  la  triple  vie  que  mena  Jésus-Christ  pour  correspon- 
dre à  l'appel  divin. 

Il  mena  une  vie  détachée.  —  Suivez-le  de  la  crèche  au 
Calvaire,  à  travers  Nazareth  et  la  vie  publique....  partout  vous 
trouverez  notre  Souverain  Prêtre, caché,  solitaire,  dépouillé.... 
Nulle  part  vous  ne  saisirez  aucun  train  de  la  vie  mondaine. 
Il  est  tout  entier  «  de  cœlo  cœlestis.  » 

Il  mena  une  vie  immolée.  —  Immolée  à  Dieu...  Immolée 

aux  hommes Immolée  dans  tous  les  actes  de  la  vie.... 

Immolée  en  holocauste  expiateur  et  rédempteur  sur  la  croix. 

Il  mena  une  vie  priante. —  Jésus  Christ  pria  partout  et 
toujours.  —  Jésus-Christ  mena  cette  vie  de  prière  comme 
Adorateur....  comme  Médiateur comme  Modèle. 


LES  DEUX  SACERDOCES 


Si  nous  nous  attachons  au  vrai  sens  de  la  plupart  des  Pa- 
raboles proposées  par  le  Sauveur,  nous  acquérons  cette  certi- 
tude que  l'Eglise,  jusqu'au  Jugement  général,  est  composée 
de  deux  éléments  très  divers:  un  élément  saint,  immaculé, 
céleste,  divin  ;  un  autre  portant  en  soi  les  faiblesses  de  l'hu- 
manité déchue.  —  Tous  sont  invités  au  banquet  du  Père  de 
famille;  un  s'y  trouve  sans  la  robe  nuptiale.  —  Le  même 
coup  de  filet  ramène  les  poissons  recherchés  et  ceux  qui, 
sans  valeur,  sont  rejetés  à  la  mer.  —  Le  même  champ  se 
couvre  de  bons  grains  et  d'ivraie.  —  La  raison  en  est  simple 
et  péremptoire  :  Jésus-Christ  la  donne  en  ces  mots  :  «  Je  suis 
venu  appeler  les  pécheurs.  » 

Ce  double  élément  dont  se  compose  l'ensemble  des  fiièles, 
nous  le  retrouvons  forcément  dans  le  Sacerdoce.  —  Parmi 
les  serviteurs  qui  exploitent  les  biens  du  Maître  un  est  trouvé 
infidèle,  un  autre  paresseux,  un  autre  dissipateur.  —  Il  y 
aura  des  mercenaires,  dissimulés  sous  l'aspect  du  bon  pas- 
teur ;  il  y  aura  même  des  loups  sous  la  toison  de  la  brebis.  — 
Des  douze  premiers  prêtres,  l'un  est  traître  et  prévaricateur. 
—  Ainsi  passe,  à  travers  les  siècles,  le  Sacerdoce  catholique, 
vertueux  et  immaculé  dans  sa  très  grande  partie,  mais  gar- 
dant toujours  dans  les  fautes  de  quelques-uns  les  vestiges  de 
la  déchéance  commune.  «  Quoniam  et  ipse  circumdatus  est 
infirmitate.  »  — De  là  deux  sortes  de  prêtres,  deux  différents 
sacerdoces,  qui  s'offrent  à  nous  et  qu'il  nous  importe  d'étu- 
dier. 


346  LA   VIE   SACERDOTALE 


LE  SACERDOCE  REPROUVE 


Elle  est  terrible  mais  elle  est  absolument  certaine  cette 
affirmation  :  plusieurs  prêtres,  en  dépit  de  leur  gloire  et  de 
leurs  œuvres  présentes  seront  éternellement  rejetés  de  Dieu.  — 
Il  est  un  sacerdoce  que  Dieu  réprouve.  N'entendons-nous  pas 
les  Prophètes  fulminer  contre  les  prêtres  vicieux?  —  Jésus- 
Christ  couvrir  de  ses  anathèmes  ceux  qu'il  trouve  assis  sur  la 
chaire  de  Moïse  ?  —  L'Eglise  ne  verse-t-elle  pas,  dans  le  cours 
des  siècles,  des  larmes  brûlantes  sur  ceux  de  ses  prêtres 
qu'elle  trouve  indignes  de  leur  mission  ?  —  Quels  sont  les 
motifs  ordinaires  de  cette  condamnation  et  de  ces  larmes? 

Réprouvé  parce  qu'il  n'est  pas  céleste.  —  Pour  en  juger, 
considérons  d'abord  ce  qu'est  un  vrai  prêtre. 

1°  Ce  que  doit  être  un 'prêtre.  — L'Ecriture  l'appelle  «  homo 
ccelestis.  »  Elle  le  nomme  encore  «  homo  Dei.  »  Elle  ajoute 
qu'il  doit  «  vivre  et  converser,  non  sur  la  terre  mais  dans 
les  cieux.  »  «  Gonversatio  nostra  in  ccelis  est.  »  —  Le  prêtre 
est  «  céleste  »  d'abord  dans  sa  vocation.  Il  est  fait  pour  Dieu, 
il  est  fait  pour  les  âmes  et  sa  mission  de  médiateur,  d'inter- 
médiaire entre  la  terre  et  le  ciel,  entre  les  hommes  et  Dieu, 
l'oblige  à  une  perpétuelle  présence  au  pied  du  trône  de  l'E- 
ternel. —  Le  prêtre  est  céleste  dans  ses  fonctions.  Suivez-le 
dans  chacune  d'elles;  dans  ses  longues  prières,  dans  ses  mé- 
ditations, dans  ses  études,  à  l'autel  où  il  offre  le  grand  Sa- 
crifice de  la  nouvelle  Loi,  au  confessionnal  où  il  éclaire,  affer- 
mit, sanctifie  les  âmes,  dans  la  chaire  d'où  il  laisse  tomber  les 
paroles  de  la  vie  éternelle,  dans  l'administration  de  ces  Sa- 
crements d'où  jaillissent  sur  les  fidèles  les  torrents  de  la  vie 
divine...  Partout,  toujours,  en  tout,  le  prêtre  vous  apparaî- 
tra un  homme  célesle.  —  Le  prêtre  est  céleste  enfin  par 
son  genre  de  vie.  Il  n'est  pas  de  la  terre  :  «  Non  estis  de  hoc 
mundo.  »  Il  n'y  fonde  point  de  famille,  il  n'y  dissipe  pas  son 


LA   VIE   SACERDOTALE  347 

cœur,  il  n'y  attarde  pas  ses  jours.  Dieu  et  les  âmes  :  voilà  sa 
seule  famille  et  son  unique  amour.  Pour  être  heureux  dans 
cette  solitude,  dans  cet  isolement,  il  doit  être  céleste  et  vi- 
vre bien  plutôt  au  ciel  que  sur  la  terre. 

2°  Ce  qu'est  devenu  un  prêtre  réprouvé  de  Dieu.  —  Comme 
un  astre  tombé,  comme  un  soleil  errant,  il  s'est  détaché  du 
firmament  divin.  Il  erre  dans  les  ténèbres  terrestres:  «  hi 
sunt  in  epulis  suis  maculœ  convivantes  sine  timoré,  semetip- 
sos  pascentes,  nubes  sine  aqua  quœ  a  ventis  circumferuntur, 
arbores  autumnales,  infructuosœ,  bis  mortute,  eradicatae, 
fluctus  feri  maris  despumantes  suas  confusiones,  sidéra  erran- 
tia.  »  L'Apôtre  Saint  Paul  pleurait  de  môme  sur  ces  anges  dé- 
chus qui,  détachés  de  leur  vie  divine,  se  jetaient  sur  les  pâ- 
tures d'ici-bas  :  «  Quos  (tiens  dico)  video  inimicos  crucis.  » 

Malheur  au  prêtre  dissipé,  que  le  prière  n'abrite  plus  dans 
ses  féconds  et  vivifiants  recueillements  !...  Malheur  aussi, 
s'il  prend  les  goûts,  les  allures,  les  habitudes  du  inonde  ;  si 
on  le  retrouve  sans  cesse  au  milieu  des  mondains  sans  qu'un 
zèle  d'apôtre  explique  et  légitime  cette  fréquentation!...  Mal- 
heur encore  s'il  laisse  son  cœur  s'amollir  aux  charmes  d'ici- 
bas,  aux  affections  do  la  terre,  ou  bien  si  son  orgueil  et  son 
ambition  ne  se  mettent  en  quête  que  de  postes  éminents  et 
de  dignités  lucratives!  L'avarice, qui  veut  posséder  et  accroî- 
tre ce  qu'elle  possède,  détache,  elle  aussi,  de  la  vie  céleste 
les  prêtres  qui  s'y  laissent  gagner. 

Réprouvé  parce  qu'il  n'est  pas  sanctificateur.  —  1°  Si  par 
une  vie  toute  céleste  le  prêtre  réside  habituellement  dans  les 
cieux,  il  en  descend  quand  le  bien  de  ses  frères  réclame  les 
secours  de  ses  diverses  fonctions.  —  «  Pro  hominibus  consti- 
tuitur  in  his  quai  sunt  ad  Deum.  »  Le  zèle  actif,  l'esprit  de 
sacrifice,  le  travail  incessant,  les  efforts  intrépides  caractérise- 
ront toujours  le  vrai  sacerdoce.  Le  prêtre  digne  de  ce  nom 
va  aux  âmes,  recherche  la  misère,  court  sur  les  traces  des 
pécheurs,  et,  dût-il  dépenser  de  longues  heures  et  supporter 
des  dangers  et  des  fatigues,  il  ramène  avec  joie  sur  ses  épau- 
les la  brebis  égarée. 

2°  Que  sera  en  regard  le  sacerdoce  réprouvé?  —  Ici  sont  les 
prêtres  égoïstes  amis  de  leurs  aises,  rebelles  au  travail,  igno- 
rants du  sacrifice.  Pour  eux  le  mot  de  Saint  Paul  :  «  Impen- 
dametsuperimpendar  ipse»  est  un  mot  étrange  et  inconnu. — 
Qu'importe  à  de  tels  prêtres  que  l'ignorance  reste  sans  lu- 
mière, la  douleur  sans  consolation,  le  péché  sans  pardon,  le 


348  LA  VIE  SACERDOTALE 

désespoir  sans  lueur  d'espérance  ?  —  Jésus  les  peint  au  vif 
dans  le  portrait  qu'il  fait  du  mercenaire.  —  D'ailleurs  leur 
restât-il  quelques  vestiges  du  zèle  sacerdotal,  leur  àme  sans 
prière  est  vide  de  grâce,  leur  parole  est  sans  force,  parce  que 
leur  exemple  est  sans  vigueur. 

Réprouvé  parce  qu'il  n'est  pas  victime.  — Ici  encore  met- 
tons le  véritable  prêtre  en  regard  de  l'autre.  1°  Le  vrai  prê- 
tre est  une  victime  immolée  à  Dieu  pour  le  salut  des  âmes.  — 
D'où  vient  le  sacerdoce  catholique?  Où  a-t-il  ses  racines? 
Quel  est  son  chef  et  son  fondateur?  C'est  Jésus-Christ,  c'est 
la  grande  Victime,  c'est  l'Immolé  du  Calvaire,  c'est,  par  une 
extension  et  un  prolongement  du  calvaire,  l'Hostie  de  l'Au- 
tel. A  sa  suite  les  Apôtres,  les  martyrs  de  tous  les  siècles  ont 
versé  leur  sang,  mêlé  au  sang  du  Christ,  pour  la  Rédemption 
du  monde.  —  Suivant  leurs  traces,  le  prêtre  digne  de  son 
sacerdoce  aura  une  instinctive  horreur  de  la  jouissance,  du 
bien-être,  du  plaisir.  Il  aimera  à  se  nourrir,  comme  le  Psal- 
miste,  d'un  pain  de  larmes.  Il  cherchera  dans  les  labeurs  du 
ministère  une  première  immolation.  Si  les  persécutions  s'y 
ajoutent,  il  dira  avec  Saint  Paul  :  «  In  hoc  positi  sumus.  »  — 
Telle  est  l'éternelle  gloire  du  clergé  catholique.  Lui  seul,  lui 
toujours,  lui  dans  toutes  les  parties  du  monde,  est  persécuté. — 
11  l;est,  car  c'est  à  ce  trait  même  que  le  Divin  Fondateur  de 
l'Eglise  fait  reconnaître  son  véritable  et  légitime  clergé,  le 
clergé  qui  vient  de  Lui  et  n'est  pas  de  fabrique  humaine: 
«  Pressuram  habebitis  in  hoc  mundo.  » 

2°  Ce  que  devient  le  prêtre  indigne  du  sacerdoce  catholi- 
que, —  Celui-là  n'entend  souffrir,  ni  jamais,  ni  nulle  part, 
ni  de  rien.  —  Il  ne  souffre  pas  de  son  sacerdoce  lui-même, 
dont  il  fait  mollement  les  œuvres,  dont  il  répudie  les  labeurs 
trop  pénibles,  dont  il  fuit  les  austères  mortifications.  —  Ce 
n'est  pas  un  tel  prêtre  que  vous  trouverez  défenseur  intré- 
pide de  la  vérité.  Si  les  Pouvoirs  publics  deviennent  oppres- 
seurs, il  courbe  la  tète;  si  le  troupeau  déconcerté  s'apprête  à 
fuir  devant  le  loup,  eux-mêmes  sauvegardent  lâchement  leur 
bien-être  et  leur  vie  I 

Réprouvé  parce  qu'il  demeure  stérile.  —  1°  Tout  le  pro- 
gramme du  sacerdoce  catholique  est  dans  ces  mots  du  Sau- 
veur :  Posui  vos  ut  eatis  et  fructum  a/feralis.  Quelle  splen- 
dide  réalisation  de  cette  parole  divine  nous  offre,  durant  le 
cours  de  son  histoire  l'Eglise  catholique  !  Douze  Apôtres  con- 


LA    VIE   SACERDOTALE  349 

quièrent  le  monde,  le  subjuguent,  le  renouvellent.  Trois  siè- 
cles ne  nous  séparent  pas  du  Calvaire  que  le  monde  païen 
jonche  le  sol  de  ses  ruines,  et  que,  au  milieu  de  ces  ruines, 
une  floraison  de  vertus  célestes,  d'héroïsmes  sublimes,  s'é- 
lève vers  les  cieux.  Comptez  les  institutions  qui  se  sont  fon- 
dées, les  œuvres  qui  se  sont  accomplies;  comptez  les  milliers 
de  Saints  qui  ont  rempli  le  monde  des  héroïsmes  de  leurs 
vertus.  Plus  nombreux  que  les  étoiles  du  ciel  sont  les  fruits 
que  l'Eglise  catholique  a  produits  sur  toute  la  surface  du 
globe.  «  Posui  vos  ut  eatis  et  fructum  afferatis.  » 

2°  Jugeons  par  là  du  contraste  douloureux  que  nous  offre  la 
vie  d'un  prêtre  devenu  le  srl  affadi  et  la  lumière  éteinte. 

Ce  prêtre  est  stérile  pour  les  âmes  qui  lui  sont  confiées. 
Parfois  celle  stérilité  pourrait  sembler  étrange,  tant  ces  ou- 
vriers montrent  en  apparence  d'activité,  tant  ils  sont  en 
mouvement,  tant  ils  répandent  parfois  d'éclat... 

Mais  ils  n'ont  pas  tenu  compte  de  ce  qui  fait  la  vraie  force 
sacerdotale  ;  ils  ont  oublié  ce  mot  du  Sauveur  :  «  Sine  me 
niliil  potestis  facere  »,  et  ces  autres  de  Saint  Augustin  :  «  Ma- 
gni  passus  sed  extra  viam.  » 

Il  leur  fallait  la  méditation,  la  prière,  l'étude  profonde  et 
silencieuse,  l'éloignement  du  monde,  la  conservation  fidèle 
delà  grâce,  l'onction  divine  qui  jaillit  de  la  piété,  les  lumières 
qui  découlent  de  Celui  que  l'Ecriture  nomme  «  Pater  lumi- 
num  »,  en  un  mot  il  leur  fallait  Dieu,  il  ne  s'est  trouvé  que 
l'homme. 


II 

LE  SACERDOCE  BÉNI 


Quel  est  ce  sacerdoce  vraiment  béni  de  Dieu  ?  L'Evangile 
va  nous  répondre.  «  Assimilabitur  viro  sapienti  qui  œdificavit 
domum  suam  supra  petram.  Et  descendit  pluvia  et  venerunt 
flumina  et  flaverunt  venti  et  irruerunt  in  domum  illam  et 
non  cecidit,  fundata  enim  erat  super  petram.  »  Ainsi  le  sa- 
cerdoce béni  est  :  1°  un  sacerdoce  solidement  édifié; 


350  LA   VIE  SACERDOTALE 

2°  Un  sacerdoce  qui  résiste  aux  tentations,  aux  dangers, 
aux  épreuves. 

Le  sacerdoce  béni  est  le  sacerdoce  solidement  édifié.  — 
1°  Assimilabitur  viro  sapienli.  —  Le  prêtre  c'est  l'homme 
posé,  sage,  méditatif,  dont  la  vie  entière  se  passe  à  scruter 
les  dictâmes  divins,  à  se  nourrir  de  l'Ecriture,  à  s'illuminer 
de  l'éclat  jailli  des  entretiens  de  Dieu. 

2°  -Edificavit  clomum.  —  C'est  ici  le  travail  quotidien,  la 
sollicitude  incessante,  l'application  courageuse  à  tous  les  de- 
voirs du  Sacerdoce.  Ne  cherchez  pas  le  véritable  prêtre  au 
milieu  des  distractions  dissipantes  du  monde  ;  vous  ne  le 
trouvez  qu'en  deux  endroits  différents  :  ou  bien  dans  la  so- 
litude de  sun  presbytère,  ou  bien  là  où  le  réclament  les  be- 
soins des  lidèles. 

3°  Mdificavit  supra  petram.—  Qu'est-ce  que  cette  «pierre  » 
immuable  ?  Saint  Paul  nous  apprend  que  la  pierre  c'est  le 
Christ.  Le  fondement  du  sacerdoce  catholique  sera  donc  l'u- 
nion du  prêtre  avec  Jésus-Christ.  Le  prêtre  est  saint,  il  est 
puissant  en  œuvres,  à  proportion  qu'il  vit  avec  Jésus-Chrisl , 
qu'il  se  nourrit  d'une  sève  divine  et  reproduit  de  divines 
vertus. 

Le  sacerdoce  béni  est  celui  qui  résiste  aux  épreuves.  — 
1°  Descendit  pluvia.  — Ce  sont  les  petites  choses,  les  devoirs 
légers,  les  obligations  menues,  les  difficultés  quotidiennes. 

2°  Venerunt  flumina.  Fleuves  terribles,  torrents  impétueux 
de  la  nature  déchue,  passions  diverses,  dont  le  prêtre  doit 
triompher. 

3°  Flaverunt  vend.  —  Le  monde  se  dresse,  les  persécutions 
sévissent,  le  vrai  prêtre  demeure  inébranlable. 


PROVIDENCE  DIVINE  SUR  LE  PRÊTRE 


Si  la  Providence  divine  enveloppe  la  création  entière,  si 
tous  les  êtres,  jusqu'aux  plus  infimes,  reçoivent  d'Elle  la  di- 
rection, ne  pouvons-nous  pas  affirmer  que  plus  ils  s'élèvent 
en  dignité  plus  Dieu  les  couve  sous  son  aile,  les  revêt  de  sa 
grâce,  les  dirige  dans  ses  voies,  et,  seul,  décide  de  leur  exis- 
tence entière  ?  —  Mais  que  dire  du  Prêtre  ?  qu'affirmer  de 
cet  être  sublime  entre  tous  ?  —  Ah  !  sans  doute  que  Dieu, 
mille  fois  plus  qu'aux  autres  créatures,  lui  prodigue  ses 
sollicitudes  et  met  à  son  service  toutes  les  ressources  de  sa 
Providence. 

Providence  dans  la  vocation  du  Prêtre. 

Providence  dans  la  formation  du  Prêtre. 

Providence  dans  l'action  du  Prêtre. 


PROVIDENCE  DANS  L'APPEL  DU  PRETRE 


Que  Dieu  le  retire  de  la  classe  modeste  des  travailleurs, 
ou  bien  qu'il  le  fasse  sortir  des  rangs  de  la  classe  opulente, 
sa  Providence  se  manifeste  dans  un  égal  éclat. 

Surgi  des  rangs  du  peuple.  —  N'avait-elle  pas  devant 
Elle  de  redoutables  obstacles  cette  Providence  de  Dieu  dans 
l'œuvre  de  la  vocation  ? 

1°  L'appel  en  lui-même.  —  A  côté  d'autres,  en  apparence 
mieux  doués,  un  privilégié  et  le  plus  humble  a  été  l'élu  de  la 
Providence.  Une  scène  de  l'Ecriture,  au  Ier  livre  des  Rois 
(chap.  xvi),  exprime  d'une  façon  saisissante  ce  que  la  Pro- 


352  LA  VIE  SACERDOTALE 

vidence  a  de  merveilleux  dans  l'appel  des  Prêtres.  Samuel 
vient  dans  la  demeure  d'Isaï  pour  y  chercher  le  Roi  d'Israël, 
l'Elu  de  Dieu.  Tous  les  fils  d'Isaï  passent  sous  son  regard; 
tous,  avec  leur  haute  et  majestueuse  stature,  avec  les  char- 
mes et  les  grâces  viriles  de  leur  extérieur  :  pas  un  n'est 
choisi...  Seul,  le  pâtre  délaissé,  le  plus  jeune,  le  plus  faible, 
celui  auquel  nul  ne  songe,  David,  voilà  l'Elu,  voilà  celui  que 
Dieu  choisit  et  que  sacre  le  Prophète. 

2°  Les  obstacles  qu'il  y  a  eu  à  renverser.  —  Au  sein  de  préoc- 
cupations matérielles  elle  insinue  à  celui  qui  sera  prêtre  un 
jour  des  aspirations  plus  nobles,  des  vues  plus  hautes,  un 
mystérieux  besoin  d'idéal  saint  et  pur.  — Au  sein  de  la  pau- 
vreté de  la  famille  entière  la  même  Providence  éveille  dans 
chacun  des  membres  la  volonté  du  sacrifice  :  tous  uniront 
leurs  efforts,  mêleront  leurs  sueurs  quotidiennes,  pour  pro- 
curer à  l'élu  l'éducation  nécessaire.  — Au  sein  de  l'égoïsïae 
universel,  Dieu  suscitera  des  Bienfaiteurs  dont  les  largesses 
combleront,  par  son  ordre,  l'insuffisance  des  ressources  fa- 
miliales. 

Surgi  des  rangs  d.3  la  classa  riche.  —  Quand  Dieu  prend 
ses  prêtres  dans  les  milieux  opulents,  sa  Providence  n'est  ni 
moins  admirable  ni  moins  puissante. 

1°  Dieu  déroge,   en  faveur  de  ces    élus,   à  sa    mystérieuse 
loi.  —  Quelle  est  cette  loi?  Ecoutez  Saint  Paul  :  «  Aon  mult' 
potentes,  non  multi  nobiles...  infirma   niuiidi  elogit   Deus.. 
ut  non  glorietur  omnis  caro  in  conspectu  Ejus.  »  Avant  tout 
Dieu  veut  que  son  Sacerdoce  apparaisse  divin,  que  son  Eglise 
se  montre  dans  le  miracle  de  sa  surnaturalité.  Aussi  il  lu 
enlève  les  soutiens  que  réclament  les  œuvres  purement  hu 
maines;il  écarte  le  prestige  qui  donnerait  le  change  et  ferait 
attribuer  aux  ressources  de  l'homme  ce  qui  n'est  dû  qu'à  la 
force  de  Dieu.  —  Puis  Dieu  a  en  horreur  l'orgueil  mondain  ; 
là  où  il  le  trouve,  il  s'éloigne;  là  où  le  faste  se  dresse,  Dieu  le 
méprise  et  le  dédaigne.  — Puis,  enfin,  dans  le  pauvre,  dans 
le  fils  de  l'artisan,  Dieu  trouve  plus   de  simplicité,   plus  de 
renoncement,  plus  d'austérité,  plus  de  force. 

Dieu  donc  recrute  généralement  son  sacerdoce  parmi  les 
humbles  et  les  petits.  Quand  sa  Providence  franchit  un  seuil 
opulent  pour  y  chercher  un  prêtre,  que  ce  prêtre  admire  da- 
vantage son  élection,  rende  grâce  pour  sa  vocation  sainte,  se 
répande  en  actions  de  reconnaissance  et  de  louange  pour 
l'honneur  qui  lui  est  fait. 


LA   VIE   SACERDOTALE  353 

2°  Dieu,  en  faveur  de  ces  élus,  a  triomphé  de  plus  d'obsta- 
cles intimes.  —  Ces  obstacles,  qui  ne  les  connaît  ?  Qui  ne  sait 
comment,  dans  la  société  opulente,  le  monde  s'est  assuré  sa 
plus  solide  et  sa  plus  universelle  domination? —  Dieu  donc  a 
secrètement  étouffé  dans  ces  âmes  privilégiées  ce  que  l'on 
nomme  l'esprit  du  monde,  fait  de  frivolité,  de  vanité,  de  dis- 
sipation, de  mollesse,  de  sensualité  et  d'orgueil.  —  A  ces 
âmes  si  délicatement  élevées,  dans  cette  «  terre  de  la  molle 
suavité,  »  «  in  terra  suaviter  viventium»,  il  a  fait  pénétrer,  par 
de  mystérieuses  issues,  la  sévère  austérité  des  vertus  sacer- 
dotales. Là  où  tout  est  dissipation,  entraînement  du  plaisir, 
il  a  jeté  le  dégoût  des  joies  mondaines.  Là  où  tout  est  «  con- 
cupiscence des  yeux  et  orgueil  de  la  vie  »,  il  a  fait  apparaître 
la  rude  vie  sacerdotale.  En  un  mot,  où  tout  s'opposait  à  la 
vertu  cléricale,  Dieu  a  fait  naître,  croître,  triompher  cette 
vertu. 

3°  Dieu,  en  faveur  de  ces  élus,  a  triomphé  de  plus  d'obstacles 
extérieurs.  —  Il  est  écrit  du  inonde  :  «  Animalis  homo  non 
percipit  quae  sunt  Spiritus  Dei.  »  Le  inonde  ne  comprend  rien 
aux  gloires  et  aux  beautés  du  Sacerdoce  catholique.  L'aus- 
térité .l'effraie,  le  dévouement  froisse  son  égoïsme,  une  vie 
humble,  pauvre,  dévouée  aux  petits,  sans  lucre,  sans  hon- 
neur, sans  avenir,  déroute  sa  sagesse.  Le  monde  combattra 
donc  à  outrance  la  vocation  au  Sacerdoce.  — Trop  souvent  la 
famille,  esclave  des  préjugés  mondains,  poussée  par  des  vues 
d'ambition,  trompée  dans  ses  calculs  humains,  entravera  les 
aspirations  vers  le  Sacerdoce  ou  la  vie  religieuse.  —  Enfin  la 
vie  que  l'opulence  crée  aux  privilégiés  de  la  fortune  est  elle- 
même  le  plus  redoutable  adversaire  d'une  vocation. 

Mais  quand  Dieu  parle,  qui  lui  résiste  ?  «  Quis  resistit 
Deo  »  ?  Quand  sa  Providence  négocie  la  délicate  et  difficile 
affaire  d'une  vocation,  qui  pourra  vaincre  son  action  victo- 
rieuse ? 


T.  IV  23 


354  LA  VIE  SACERDOTALE 


II 

PROVIDENCE  DANS  LA  FORMATION  DU  PRÊTRE 


S'il  est  vrai  que  le  naturaliste  demeure  en  admiration  de- 
vant l'éclosion,  la  formation,  l'épanouissement  d'une  fleur, 
voyant  comment  l'univers  entier  se  remue  pour  cet  être  si 
frêle,  le  ciel  et  la  terre ,  le  soleil  et  la  rosée,  la  sérénité 
comme  la  tempête,  la  tiède  effluve  du  printemps  comme  le 
frimas  glacé  de  l'hiver...  de  quelle  admiration  ne  serons-nous 
pas  saisis  en  contemplant  les  forces  divines  mises  en  œuvre 
pour  la  formation  d'une  âme  et  d'une  vie  de  prêtre  ? 

Grâces  spéciales.  —  1°  Grâces  des  voix  intimes.  De  mysté- 
rieuses sollicitations  se  sont  fait  entendre.  «  Dieu  a  parlé  au 
cœur  »;  «  Dieu  a  mené  à  l'écart  »  cet  élu,  et  peu  à  peu,  dans 
un  suave  langage,  il  l'a  persuadé  de  quitter  le  monde  et  de 
se  diriger  vers  la  terre  lointaine  de  Sacerdoce.  «  Dixit  autem 
Dominus  :  egredere  de  terra  tua,  et  de  domo  patris  tui  et  veni 
in  terram  quam  monstrabo  tibi.  » 

2°  Grâces  de  préservation.  —  Son  élu  a  traversé  la  flamme 
de  Sodome;  il  a  erré  parmi  les  fils  de  Chanaan,  il  a  connu  les 
agitations  brûlantes  «  du  démon  du  midi,  »  il  a  vu  «  mille 
tomber  à  gauche,  dix  mille  à  droite,  »  et  lui  n'a  pas  été  tou- 
ché. D'où  lui  est  venue  cette  sécurité  au  sein  de  dangers  si 
formidables?  Le  Prophète  le  lui  révèle  :  «  Nisi  quia  Dominus 
erat  in  nobis,  dicat  nunc  Israël!...  » 

3°  Grâces  de  réparation.  —  Parfois  cette  maternelle  Provi- 
dence s'est  penchée  sur  l'abîme  même  où  le  futur  prêtre  se 
laissait  choir  imprudemment.  Ah  I  souvenez- vous  des  an- 
ciens jours!  Rappelez  à  votre  mémoire  ces  occasions  dange- 
reuses, ces  milieux  décevants,  ces  heures  terribles  de  fascina- 
tion et  de  vertige...  Mais  Dieu  était  là.  «  Laqueus  contritus 
est  et  nos  liberati  sumus.  » 

4°  Grâces  de  renouvellement.  —  Peut-être  l'abîme  s'est  en- 
tr'ouvert  et  la  chute  a  été  complète...  Pour  tant  d'autres  cette 


LA   VIE   SACERDOTALE  355 

chute  a  été  définitive  :  «  Statuta  desolatio.  »  Pour  l'élu  de 
Dieu,  pour  celui  qui,  malgré  tout,  voulait  «  aimer  Dieu  »  et 
lui  rester  fidèle,  la  chute  elle-même  est  devenue  l'excitation 
à  la  vertu,  le  point  de  départ  d'une  sanctification  solido  : 
«  Omnia  cooperantur  in  bonum.  » 

Grâces  communes.  —  Quelle  suite,  quelle  série  de  grâces 
concourent  à  former  un  prêtre  ! 

Une  solitude  pieuse  s'ouvre  à  lui,  et  là,  loin  du  monde,  tout 
près  de  Dieu,  durant  des  années  bénies,  la  grâce  ne  cessera 
de  couler  à  longs  flots  sur  son  âme.  —  1°  Grâces  de  science  et 
d'illumination.  C'est  là  que  se  vérifie  pour  lui  la  divine  parole  : 
«  omnia  dixi  vobis;  »  «  Nos  autem  gloriam  Domini  spécu- 
lantes, in  eamdem  imaginem  transformamur  a  claritate  in 
claritatem.  »  —  2°  Grâces  de  piété.  Elle  s'offre  à  lui  sous  mille 
formes,  elle  s'incarne,  pour  ainsi  parler,  en  des  exercices  de 
toute  sorte;  elle  le  poursuit,  elle  le  réveille,  elle  le  pousse 
aux  pieds  et  sur  le  cœur  de  Dieu.  Sans  cesse,  à  toute  heure, 
elle  lui  répète  :  «  Magister  adest  et  vocat  te.  »  3°  Grâces  dé- 
ducation  céleste.  Tout  l'y  élève,  tout  l'y  soutient,  tout  réalise 
la  parole  du  grand  Apôtre  :  «  Portemus  imaginem  Cœlestis.  » 


III 
PROVIDENCE  DANS  L'ACTION  DU  PRÊTRE 


Le  soleil  et  la  rosée  de  la  Providence  ont  fait  éclore  la 
Heur  :  l'onction  sacerdotale  a  transfiguré  en  «  Prince  du  peu- 
ple, »  en  «  Dieu,  »  cette  frêle  créature,  fille  de  la  terre.  La 
grande  parole  est  prononcée  :  «  Tu  es  Sacerdos  in  œternum  » 
et  cette  autre  :  «  Ego  dixi  :  dii  estis!  » 

La  Providence  se  retirera-t-elle,  comme  devant  uneœuvre 
faite,  une  tâche  accomplie?  A  Dieu  ne  plaise  !  Elle  devient, 
tout  au  contraire,  plus  attentive,  plus  prévoyante,  plus  bien- 
faitrice. 

Elle  lui  désigne  son  poste.  —  Devant  cette  affirmation  deux 
esprits  se  dressent  :  l'esprit  charnel,  l'esprit  de  foi. 


356  LA   VIE   SACBRDOTALE 

1°  L'esprit  charnel  «  ne  comprend  rien  à  ces  choses  de 
Dieu  »,  «  non  percipit.  »  Pour  lui  il  n'y  a  de  poste  que  le 
poste  commode,  opulent,  illustre.  Il  lui  faut  «  la  terre  cou- 
lante de  lait  et  de  miel;  »  c'est  la  «  graisse  de  la  terre  »  qu'il 
réclame  1...  Va,  mercenaire  misérable,  fais-toi  nourrir  par  le 
troupeau  que  tu  trahis  et  affames  ! 

2°  L'esprit  de  Dieu,  l'esprit  de  foi,  seul,  sait  comprendre 
cette  vérité  :  à  savoir  que  la  Providence  elle-même  lui  ouvre 
ses  voies  et  lui  désigne  son  bercail...  Il  y  a  des  âmes  qui  l'at- 
tendent, comme  devant  recevoir  de  lui  le  salut,  et  dans  leur 
détresse  elles  crient  à  Dieu  :  «  Mitte  quem  missurus  es  »...  Il 
y  a  des  œuvres  qui  l'attendent.  Ce  sol  est  dénudé  peut-être; 
peut-être  ravagé;  peut-être  infructueux  depuis  des  années 
déjà  longues.  C'est  lui,  l'homme  de  la  Providence,  qui  aura 
le  don  d'ensemencer  cette  terre  et  de  la  couvrir  bientôt  do 
moissons...  Il  y  a  des  combats  qui  l'attendent. 

Elle  lui  ménage  ses  triomphes,  —  Ses  triomphes  ici-bas. 
«  Virobediens  loqueturvictorias.  » —  Ses  triomphes  éternels. 
«  Euge,  serve  bone  et  fidelis,  quia  in  pauca  fuisti  fîdelis,  supra 
multa  te  constituam...  » 


LE  ZÈLE  DES  ÂMES 

[ 

SA  NÉCESSITÉ 


Trois  pressants  motifs  poussent  le  prêtre  au  zèle  et  lui  in- 
terdisent à  jamais  l'indifférence  et  l'inertie  :  la  grandeur  des 
intérêts  engagés,  l'exemple  des  trois  Personnes  divines,  les 
terreurs  de  l'avenir. 

Grandeur  des  intérêts  engagés.  —  C'est  Dieu,  ce  sont  les 
âmes,  dont  l'intérêt  se  trouve  intimement  lié  au  zèle  du 
prêtre. 

1°  C'est  Dieu.  —  Dieu,  sans  doute,  qui  trouve  en  soi-même 
sa  joie  et  sa  gloire  infinies,  n'a  nul  besoin  des  œuvres  du  de- 
hors et  de  la  glorification  qui  en  peut  jaillir;  Dieu  se  suffit 
infiniment  à  lui-même.  —  Mais  Dieu  est  le  Bien  Suprême,  et 
le  propre  du  bien  est  de  se  communiquer  et  de  se  répandre. 
Dieu  l'a  fait,  il  l'a  fait  avec  une  intensité  d'amour  infinie.  Il 
a  tiré  du  néant  des  êtres  qu'il  comble  maintenant  des  magni- 
ficences de  sa  grâce,  et  telle  est  l'ardeur  qu'il  déploie  et  les 
ressources  de  sagesse  et  de  puissance  mises  en  oeuvre,  qu'il 
semble  attacher  à  la  glorification  de  ses  élus  sa  propre  gloire 
et  à  leur  bonheur  son  propre  bonheur.  «  Omnia  propter  elec- 
tos.  »  Voyez  ce  grand  Dieu  dans  l'œuvre  de  la  création  des 
mondes,  de  l'Incarnation,  de  la  rédemption,  de  l'Eglise  :  «  in 
brachio  extento  »,  dit  l'Ecriture.  Aussi  exigera-t-il  dans  les 
ouvriers  qu'il  emploie,  dans  les  ambassadeurs  qu'il  députe 
vers  les  âmes,  dans  les  coopérateurs  qu'il  s'adjoint,  l'activité 
dévorante  de  la  flamme:  «  fecit  ministros  ignem  urentem.  » 
Tout  retard  l'irrite,  toute  paresse  l'exaspère,  toute  noncha- 


358  LA   VIE   SACERDOTALE 

lance  dans  le  ministère  des  âmes  provoque  jusqu'à  ses  malé- 
dictions: «  maledictus  qui  facit  opus  Dei  fraudulenter.  » 

2°  Ce  sont  les  âmes  —  Est-il  possible  qu'un  prêtre  soit  né- 
gligent et  paresseux.,  s'il  réfléchit  à  ce  qu'est  une  âme?  La 
dignité  de  son  origine  ?  les  splendeurs  divines  de  sa  rédemp- 
tion ?  son  avenir  éternel?  .es  luttes  et  ses  dangers  formida- 
bles de  l'heure  présente?  Pesez  ces  deux  mots:  un  élu  éter- 
nellement heureux  dans  le  ciel;  un  réprouvé  jeté  pour 
toujours  dans  les  flammes  de  l'enfer.  0  prêtre,  si,  par  ta 
faute,  une  âme  p*  rd  le  ciel,  n'entendras-tu  pas  retentir  sur 
ta  tète  ces  paroles  vengeresses:  «  Qu'as-tu  fait  de  ton  frère? 
le  sang  d'Abel  crie  vers  moi.  » 

Exemple  des  trois  Personnes  Divines.  —  Quel  spectacle 
s'ollre  à  nous  !  C'est  Dieu  tout  entier,  ce  sont  les  trois  Per- 
sonnes divines  qui,  tour  à  tour,  s'emploient  à  la  glorification 
des  élus,  au  sclut  des  âmes. 

1°  C'est  Dieu  le  Père.  —  Pour  l'homme,  il  crée  l'univers  et 
ne  ménage  aucune  splendeur  quand  il  orne  cette  demeure. 
—  Sa  Providence  est  sans  cesse  en  éveil,  et,  pour  l'homme, 
il  tient  en  harmonie  ces  vastes  constructions  qui  forment  le 
monde.  Du  ciel  à  la  terre,  des  astres  qui  étincellent  au  fir- 
mament jusqu'au  brin  d'herbe  qui  s'emplit  de  rosée,  tous  les 
êtres  s'emploient  par  son  ordre  au  bien  être  et  à  la  conser- 
vation de  l'homme,  le  favori  de  son  amour.  —  Mais  quoi  ! 
alors  que  pour  sauver  l'homme,  pour  le  racheter  et  le  glori- 
fier, le  sacrifice  de  son  propre  Fils  fut  réclamé  de  sa  justice, 
il  l'abandonna  aux  exigences  d'une  sanglante  expiation. 

2°  C'est  Dieu  le  Fils.  —  Quand  le  Cantique  nous  dépeint 
le  Bien-Aimé  franchissant  les  abîmes,  gravissant  les  monta- 
gnes, renversant  tout  obstacle,  il  nous  montre  quel  chemin 
dut  parcourir  le  Verbe  pour  venir  jusqu'à  nous.  Quelle  ar- 
deurdans  ce  Verbe!  Quellesflammes  dans  ce  suprême  Amour! 
Rien  ne  l'arrête:  ni  notre  néant,  ni  notre  déchéance,  ni  nos 
crimes.  Rien  ne  le  décourage:  ni  nos  froideurs,  ni  nos  refus 
obstinés.  Suive/,  le  tout  le  long  de  sa  carrière  mortelle,  par- 
tout il  apparaît  dévoré  de  zèle,  ardent  à  l'œuvre  de  sa  ré- 
demption. Prédications  et  miracles,  courses  à  travers  la  Ju- 
dée, faligues  de  toute  sorte,  le  Verbe  Incarné  mettra  toul  au 
service  de  nos  âmes:  «  Fccit  multa,  dixit  plura,  tulil  indi- 
gna ».  —  Il  ira  jusqu'aux  limites  suprêmes  du  zèle.  Après 
avoir  vécu  et  travaillé  pour  les  âmes,  pour  elles  il  répandra 
son  sang  et  donnera  sa  vie. 


LA  VIE  SACERDOTALE  359 

3°  C'est  Dieu  l'Esprit-Saint.  —  Pour  le  salut  du  monde  le 
Père  avait  livré  son  Fils,  le  Fils  lui-même  s'était  donné  tout 
entier  à  l'œuvre  de  la  Rédemption;  cette  œuvre,  l'Esprit- 
Saint  l'achève  magnifiquement.  Lui  aussi  déploie  l'ardeur 
du  zèle  et  embrase  le  monde  des  flammes  de  son  amour.  Si, 
au  Cénacle,  il  descend  sur  l'Eglise  en  langues  de  feu,  s'il  se 
manifeste  dans  les  rafales  de  la  tempête,  c'est  assurément 
qu'il  veut  nous  faire  entendre  quelle  sera  l'impétuosité  de 
son  action  et  l'énergie  de  sa  grâce.  N'est-ce  pas  lui  qui  fait 
mouvoir  avec  une  puissance  extraordinaire  son  Eglise  ca- 
tholique ?  et  n'est-ce  pas  sous  son  impulsion  qu'elle  déploie 
toutes  les  ressources  du  salut  ? 

Quelle  conclusion  reste-t-il  à  tirer,  sinon  que  celui-là  est 
indigne  de  coopérer  à  l'œuvre  divine  qui  n'apporte  que  froi- 
deur et  nonchalance  au  ministère  des  âmes  ? 

Les  terreurs  de  l'avenir.  —  Mais,  si  le  prêtre  tiède  et  pa- 
resseux se  rend  indigne  d'un  pareil  ministère,  attendons- 
nous  pour  lui  à  de  dures  représailles  et  à  d'impitoyables  con- 
damnations. 

1°  Le  sort  du  pasteur  est  intimement  lié  au  sort  du  trou- 
peau. —  Déjà  entre  simples  fidèles,  Dieu  a  établi  une  telle 
solidarité  et  de  si  nécessaires  rapports  que  nul  ne  peut,  sans 
s'attirer  Panimadversion  divine,  se  désintéresser  du  salut 
éternel  d'autrui.  —  Mais  que  sera-ce  du  Pasteur?  Qu'ad- 
viendra-t  il  du  prêtre  auquel  Dieu  confie  des  âmes?  Le  Sou- 
verain Pasteur,  Jésus-Christ,  déclarait  solennellement  avant 
de  mourir  qu'il  n'avait  perdu  aucune  des  brebis  que  son  Père 
lui  avait  confiées.  Dans  cette  même  parole  est  renfermée  la 
sécurité  de  tout  pasteur. 

2°  Quelle  est  la  conséquence.  —  C'est  assurément  que,  lié 
au  sort  des  âmes  qui  lui  ont  été  confiées,  le  pasteur  n'attein- 
dra pas  à  la  récompense  éternelle,  s'il  en  perd  quelqu'une 
par  le  fait  de  sa  nonchalance  et  de  sa  torpeur. 

3°  Inanité  des  objections  et  des  prétextes.  —  Quelles  raisons 
le  prêtre  donnera-t-il  de  son  défaut  de  zèle  ?  Objectera-t-il  la 
grossière  insensibilité,  la  rusticité  et  l'ignorance  de  ses  ouail- 
les? Mais,  n'est-ce  pas  «  vers  les  brebis  perdues  de  la  mai- 
son d'Israël  »  qu'il  était  envoyé  ?  —  Mettra-t  il  en  avant, 
pour  excuser  son  silence  et  son  inertie,  la  précédente  stéri- 
lité de  son  ministère?  Dira-t-il  comme  Saint  Pierre  :  «  Ayant 
jeté  le  filet  toute  la  nuit,  nous  n'avons  pris  aucun  poisson  »? 
N'est-ce  pas  précisémeut  alors  que  le  divin  Maître  commande 


360  LA.   VIE   SACERDOTALE 

au  pêcheur  de  nouvelles  tentatives  et  un  nouveau  travail?  — 
Le  prêtre  n'est-il  au  milieu  de  populations  hostiles  et  mé- 
chantes que  l'objet  des  mépris  et  la  victime  des  vexations  ? 
Son  zèle  alors  doit  se  tourner  en  larmes  et  en  prières.  Sur 
le  flanc  de  la  montagne  des  Oliviers,  il  jettera  sur  une  Jéru- 
salem infldèle  et  déicide  un  douloureux  regard  et  il  pleurera 
sur  elle.  Larmes  puissantes,  douleur  victorieuse,  silencieuse 
rédemption,  qui  saura  dire  vos  triomphes  cachés,  votre  puis- 
sance auprès  de  Dieu,  le  nombre  des  âmes  que  vous  parvien- 
drez enfin  à  sauver  de  l'enfer  ?  —  Tous  les  bons  prêtres  ont 
connu  ces  heures  de  désespérance  et  d'abandon;  mais  tous 
ont  suivi  les  voies  de  cette  charité  apostolique  dont  parle 
l'Apôtre,  «  qui  croit  tout,  espère  tout,  souffre  tout  »  sans 
défaillir  jamais.  Comme  le  Psalmiste,  «  ils  jettent  en  pleurant 
leur  semence  »  de  zèle  et  de  salut,  plus  tard,  sous  les  béné- 
dictions inespérées  de  Dieu,  «  ils  recueilleront  joyeusement 
leur  moisson  opulente.  » 


II 
SA  PRATIQUE 


Distinguons  trois  actes  principaux  du  zèle  sacerdotal.  Le 
prêtre  doit:  1°  Souffrir  pour  les  âmes;  2° prier  pour  les  âmes; 
3°  instruire  assidûment  les  âmes. 

Le  prêtre  doit  souffrir  pour  les  âmes.  —  Le  plan  conçu 
par  Dieu  dans  la  Rédemption  du  monde  est  un  plan  univer- 
sel, invariable.  C'est  par  la  souffrance  que  le  monde  a  élé 
racheté.  C'est  par  l'immolation  de  ladivine  Victime  que  l'en- 
fer s'est  fermé  et  que  le  ciel  s'est  rouvert.  —  Or,  selon  la 
mystérieuse  et  profonde  doctrine  de  Saint  Paul,  la  passion 
du  Christ  Rédempteur  ne  s'achève  et  ne  devient  parfaite  que 
par  les  souffrances  que  le  Sacerdoce  catholique  y  ajoute.  0 
prêtre  !  0  pasteur  des  âmes!  Comment  espérez-vous  sans  la 
souffrance  rendre  votre  ministère  fécond  au  milieu  des  fidè 
les?  —  Or  sous  quelle  forme  cette  souffrance   sacerdotale  se 


LA.  VIE  SACERDOTALE  361 

produira -t-ellc  le  plus  ordinairement?  D'abord  en  supportant 
puis  en  corrigeant. 

1°  Le  prêtre  doit  souffrir  en  supportant.  —  Si,  au  moin- 
dre défaut  des  fidèles,  à  leurs  plus  légères  vexations,  nous 
opposions  une  impatience  irritée,  que  ferions  nous  de  l'a- 
vertissement du  Sauveur;  «  voici  que  je  vous  envoie  comme 
des  brebis  au  milieu  des  loups?  » 

2°  Le  prêtre  doit  souffrir  en  corrigeant.  —  Comment  a  été 
consommé  le  déicide?  Comment  les  hommes,  que  le  Fils  de 
Dieu  venait  sauver,  se  sont-ils  portés  au  plus  épouvantable 
des  forfaits?  Les  hommes  étaient  pécheurs;  Jésus-Christ  dut 
déclarer  à  leurs  vices  une  guerre  magnanime.  De  là  la  haine, 
la  résolution  funeste,  le  crime.  —  De  quoi  Saint  Paul  a-t-il 
souffert  perpétuellement  ?  De  la  nécessité  où  le  jetaient  les 
vices  des  premiers  fidèles? — Qui  souffrira,  parmi  les  prê- 
tres ?  Ceux-là  seuls  qui,  fidèles  à  leur  mission,  sauront  re- 
prendre courageusement  les  pécheurs. 

Le  prêtre  doit  prier  pour  les  âmes.  —  1°  Parce  que  le  prê- 
tre est  médiateur.  A  lui  de  traiter,  au  pied  du  trône  de  Dieu, 
les  intérêts  de  ses  frères.  —  A  lui  d'apaiser  la  justice  di- 
vine. —  A  lui  d'appeler  sur  les  âmes,  par  d'incessantes  sup- 
plications, les  faveurs  célestes. 

2°  Parce  que  le  prêtre  est  apôtre.  —  Il  sauve  les  âmes  par 
un  labeur  incessant,  par  une  prédication  ininterrompue.  Or 
n'a-til  pas  recueilli  des  lèvres  de  l'Homme-Dieu  cette  décisive 
parole:  «  Sans  moi  vous  ne  pouvez  rien  faire?  »  — Et  s'il  ne 
peut  rien  sans  la  grâce,  comment  le  prêtre  se  peut-il  dis- 
penser de  la  demander?  —  N'est-ce  pas  dans  le  défaut  de 
prière  qu'il  nous  faut  chercher  la  cause  de  la  stérilité  du 
ministère,  chez  beaucoup  de  prêtres? 


INFLUENCE  DÉCISIVE  DU  PRETRE 

EDUCATEUR  DE  LA  JEUNESSE 


«  Positus  est  in  ruinam  aut  in  resurrectionem  multorum.  » 
Tout  prêtre  peut  s'appliquer  cette  parole,  quoique  dans 
un  sens  différent.  Le  prêtre  ne  passe  pas  sur  la  terre  sans 
y  laisser  une  profonde  empreinte.  S'il  n'est  pas  le  salut  des 
âmes,  il  en  est  la  ruine;  s'il  n'est  pas  pour  elles  «  un  parfum 
de  vie  »,  il  est  «  une  odeur  de  mort  »;  s'il  n'édilie  pas  par  sa 
doctrine  et  ses  exemples,  il  devient  pour  beaucoup  une  cause 
de  chute  et  de  scandale. 

Si  cela  est  vrai  de  tout  prêtre,  c'est  plus  vrai  encore  du 
prêtre  dans  l'éducation.  Educateur  de  la  jeunesse,  maître  de 
ces  âmes  tendres,  dociles,  impressionnables,  il  peut  aisément 
les  façonner  au  bien;  mais  toute  impression  du  mal  qu'il 
leur  laisserait  serait  fatalement  ineffaçable. 

Qu'est  au  milieu  des  jeunes  gens,  le  prêtre  saint  et  zélé: 
«  positus  in  resurrectionem?  »  —  Quel  est,  au  milieu  des 
jeunes  gens  le  prêtre  dépourvu  de  la  sainteté  sacerdotale  : 
«  positus  in  ruinam?  » 


L\  RESUIIUECTIONEM 


Si  nous  étudions  le  prêtre  au  milieu  des  foules,  dans  un 
ministère  paroissial,  sans  doute  son  œuvre  est  grande  et 
fructueuse.  —  Mais  nous  la  trouvons  désastreusement  en- 
travée.—  Quant   au  prêtre  chargé  de  l'éducation  de  la  jeu- 


LA  VIE   SACERDOTALE  363 

nesse,  son  œuvre,   plus   libre,   est  incontestablement  plus 
puissante  et  plus  durable. 

Il  est  beau  sans  doute  le  ministère  paroissial.  —  Il  est 
beau  si,  d'un  seul  coup  d'œil,  nous  embrassons  la  dignité  et 
la  mission  du  prêtre.  —  Il  est  beau  surtout,  si  nous  contem- 
plons son  œuvre  en  détail. 

1°  Qu  est-ce  que  le  prêtre  et  sa  mission  dans  une  vue  d'en- 
semble ?  —  Le  monde  et  les  siècles  n'auront  vu  qu'un  seul 
événement  immense  :  la  visite  de  Dieu  sous  les  traits  et  dans 
la  réalité  de  la  nature  humaine.  Quelle  gloire  !  quelle  splen- 
deur !  quelles  œuvres  !  Dieu  parle  à  l'homme,  Dieu  guérit 
l'homme  coupable  et  blessé  en  prenant  sur  sa  propre  chair 
les  douleurs  de  l'expiation.  Dieu  offre  un  tout  divin  Sacrifice, 
Dieu  élève  l'homme  jusqu'au  sommet  de  sa  propre  gloire. 
Incarnation,  Rédemption,  Résurrection,  déification  :  quels 
mots!  quelles  réalités  !  quels  triomphes  1 

Or  tout  prêtre  est  continuateur  de  PIIomme-Dicu  ;  tout 
prêtre  est  revêtu  de  ses  pouvoirs,  perpétue  ses  merveilles, 
achève  et  complète  sa  Rédemption. 

2°  Qu'est-ce  que  le  prêtre  considéré  dans  le  détail  de  son  saint 
ministère!  —  Dans  une  seule  parole,  un  prophète  nous  donne 
du  ministère  sacerdotal  la  plus  sublime  idée  :  «  Sicut  os 
meum  erit  »,  dit  le  Seigneur. 

«  Os  meum!  »  Et  qu'est-elle  donc  cette  bouche  de  Dieu? 
quelles  sont  les  merveilles  de  sa  parole?  quelle  est  l'effica- 
cité du  mot  qu'il  prononce?  —  Dieu  parle  au  néant,  et  la 
vie  jaillit  de  ses  inertes  profondeurs.  —  Dieu  parle  à  la  ma- 
tière informe  encore  et  chaotique  et  la  matière  s'organise 
et  se  pare  d'ornements.  —  Un  mot  de  Dieu,  et  le  firmament 
s'étend,  la  lumière  apparaît,  les  océans  se  forment,  la  terre 
se  couvre  de  ses  multiples  et  brillantes  floraisons.  Un  mot 
de  Dieu,  et  l'homme,  le  roi  de  ce  bel  empire,  fait  son  entrée 
dans  la  vie. 

«  Sicut  os  meum  erit  »...  N'est-ce  pas  l'incomparable 
gloire  du  prêtre  de  faire  jaillir  dans  les  âmes  les  mêmes 
merveilles  que  la  parole  divine  accomplit  dans  la  création? 
—  Le  prêtre  parle,  et  le  néant  humain  laisse  place  à  une  vie 
divine;  puis,  dans  celte  âme  divinisée,  voyez  le  prêtre,  par 
sa  parole,  étendre  le  firmament  de  la  foi,  faire  resplendir  le 
soleil  de  la  vérité,  refouler  les  grandes  eaux  des  passions, 
faire  naître  les  mille  fleurs,  mûrir  les  mille  fruits  des  vertus 
chrétiennes. 


364  LA   VIE    SACERDOTALE 

Mais  combien  entravé  au  milieu  du  monde.  —  Nous  avons 
esquissé  l'œuvre  du  prêtre  dans  le  ministère  paroissial.  Ad- 
mirons-en la  beauté  et  la  richesse,  mais  gémissons  aussi  sur 
les  entraves  dont  le  monde  l'amoindrit  et  parfois  même  le 
ruine. 

1°  Première  entrave  :  ïàge  des  fidèles.  —  Quand  le  prêtre  re- 
çoit de  l'Eglise  ses  ouailles,  les  années  ont  déjà  causé  bien 
des  déformations  et  bien  des  ravages  ;  les  habitudes  mauvai- 
ses se  sont  fortifiées,  les  passions  ont  reçu  du  temps  une  con- 
sécration funeste  et  le  péché  a  conquis  d'invincibles  pouvoirs. 

2°  Seconde  entrave  :  la  rareté  des  communications.  —  Quel- 
que zélé  que  soit  un  pasteur,  ce  n'estjamais  qu'à  de  trop  longs 
intervalles  qu'il  peut  instruire,  exhorter,  corriger,  éloigner 
du  mal,  former  au  bien,  les  fidèles  dont  il  a  la  garde. 

3°  Troisième  entrave  :  les  influences  perverses. —  Que  de  fois 
le  pasteur  désolé  voit  s'écrouler  dans  les  âmes  l'édifice  de 
vertus  qu'il  y  avait  élevé  !  Ces  âmes  imprudentes  et  malheu- 
reuses se  sont  répandues  dans  le  monde;  elles  en  ont  vu  les 
scandales,  elles  en  ont  écouté  les  voix  perfides,  elles  en  ont 
goûté  les  charmes  mortels...  Autre  Jérémie,  le  pasteur  n'a 
plus  qu'à  pleurer  sur  des  Jérusalem  en  ruines. 

Plus  fructueux  est  le  ministère  de  l'Education.  — Toute 
autre  est  la  situation  du  prêtre  dans  le  ministère  de  l'éduca- 
tion. Aux  trois  entraves  qui  compromettent  l'œuvre  des  pas- 
teurs correspondent  pour  lui  trois  facilités  admirables. 

i°  Facilité  de  l'âge.  —  Ce  qui  lui  est  confié,  c'est  une  âme 
et  un  cœur  d'enfant.  Or  l'enfant  vient  au  prêtre  avec  con- 
fiance, docilité,  pureté.  —  Avec  confiance,  car  Dieu  a  mis  au 
cœur  de  l'enfant  avec  un  immense  besoin  de  savoir,  un  im- 
mense désir  d'apprendre.  En  même  temps  qu'il  interroge 
sans  cesse,  l'enfant  reçoit  sans  opposition,  ni  méfiance  la  vé- 
rité qui  lui  est  enseignée.  Et  cette  vérité,  à  mesure  qu'on  la 
lui  découvre,  restera  inelfaçablement  gravée  dans  sa  mémoire. 
—  Avec  docilité.  L'intelligence  de  l'enfant  n'a  pas  été,  comme 
celle  de  l'adulte,  sollicitée  à  la  révolte  par  les  mille  perfides 
suggestions  du  monde.  —  Le  cœur  de  l'enfant  n'est  pas  sou- 
levé encore  par  les  tempêtes  des  passions;  l'enfant  s'attache 
d'instinct  à  l'autorité  qui  le  mène,  il  suit  docilement  le  che- 
min qu'on  lui  fait  prendre. 

2°  Facilité  des  rapports.  —  Tandis  que  le  prêtre  dans  le 
ministère  paroissial  n'a,  au  pied  de  sa  chaire,  que  des  foules 
fugitives  qui  consentent  à  peine  à  l'écouter  un  moment,   le 


LA   VIB   SACERDOTALE  365 

prêtre  dans  l'éducation  vit  au  milieu  de  ses  jeunes  disciples 
sans  les  quitter  jamais.  Sa  voix  se  fait  sans  cesse  entendre 
et  ses  leçons,  pour  prendre  des  formes  diverses,  n'en  con- 
servent pas  moins  une  égale  eflicacitc.  Du  Sanctuaire  à  la 
classe,  de  la  classe  aux  lieux  des  récréations,  l'enfant  re- 
trouve toujours  l'ange  tutélaire  qui  ne  varie  ses  enseigne- 
ments que  pour  les  mieux  graver  dans  l'esprit  et  le  cœur. 

3°  Facilité  de  l'isolement.  —  Qu'elle  est  frappante  de  vé- 
rité la  Parabole  du  Semeur  et  qu'elle  s'applique  bien  au 
ministère  paroissial I  Le  pasteur  a  parlé;  peut-être  a-t-il, 
pour  un  instant,  remué  profondément  les  âmes,  touché  les 
cœurs,  suscité  les  résolutions  généreuses,  mais  le  monde 
passe  sur  ces  triomphes  de  la  grâce  et  les  change  bientôt  en 
défaites.  C'est  le  chemin  pierreux,  ce  sont  les  oiseaux  qui  dé- 
vorent la  graine,  ce  sont  les  épines  et  les  ronces  qui  l'étouf- 
fent.  —  Tout  autre  sera  le  sort  des  enseignements  du  prêtre 
éducateur.  L'enfant,  séquestré  du  monde,  isolé  des  milieux 
pervers,  lui  reste  attentif  et  soumis.  Le  vent  de  destruction 
qui  passe  sur  l'édiQco  paroissial  pour  le  renverser  pierre  par 
pierre,  respecte  le  sien  et  il  peut,  sans  entrave,  l'élever  soli- 
dement depuis  le  fondement  jusqu'au  sommet. 


II 

LN  ruinam 


Si  elle  est  puissante,  durable,  décisive,  l'œuvre  du  prêtre  dans 
l'éducation,  quand  ce  prêtre  est  plein  de  foi,  de  zèle  et  de 
vertu,  cette  œuvre  est  désastreusement  ruinée,  quand  le  prê- 
tre éducateur  n'est  plus,  selon  le  mot  de  l'Evangile,  qu'une 
lumière  éteinte  et  un  «  sel  aifadi.  »  —  Disons  plus  :  la  ruine, 
ici,  n'est  pas  une  ruine  ordinaire,  c'est  une  ruine  plus  com- 
plète, plus  désolante,  plus  désespérée.  L'enfant,  déformé  par 
des  mains  indignes,  l'est  hélas!  pour  toujours.  Son  intelli- 
gence comme  son  cœur  resteront  blessés  et  inguérissables. 

Gomment  le  prêtre,  qui  devait  opérer  dans  l'enfant  une 
transformation  chrétienne  merveilleuse  nelaisse-t-il  sortir  de 


366  LA  VIE  SVCERDOTALE 

ses  mains  qu'an  être  amoindri  et  vicié  ?  Comment,  au  lieu 
d'édifier,  a-t-il  ébranlé  et  détruit  ?  Etudions  ce  douloureux 
mystère. 

Un  tel  éducateur  est  sans  prestige.  —  1°  Voyez  d'abord 
la  peinture  que  Saint  Paul  nous  fait  du  saint  prêtre.  —  Il  est 
possédé,  il  est  enivré  d'amour.  L'amour  de  Jésus-Christ  le 
presse,  l'aiguillonne,  ne  lui  laisse  aucun  repos  ;  il  dit,  comme 
Saint  Bernard:  Toute  lecture  m'est  insipide  où  n'est  pas  Jé- 
sus-Christ. Où  n'est  pas  Jésus-Christ,  nulle  conversation  n'a 
de  charmes.  A  ses  élèves,  partout,  toujours,  il  saura,  sous 
mille  formes,  prêcher  Jésus-Christ.  —  11  est  brûlant  de  zèle. 
Sans  doute  la  culture  profane  de  ses  élèves  l'absorbera,  mais 
sans  jamais  lui  faire  perdre  de  vue  que  son  œuvre  essen- 
tielle est  d'en  faire  des  élus  pour  le  ciel.  —  Dans  sa  vertu, 
il  puisera  une  douceur  patiente,  une  fermeté  paternelle,  une 
inflexible  justice,  une  insatiable  charité. 

2°  Tel  n'est  pas,  hélas  !  le  prêtre  sans  foi,  sans  piété,  sans 
vertu.  —  Lisez  dans  l'Evangile  le  portrait  du  Mercenaire. 
Chaque  trait  lui  convient  avec  une  vérité  sanglante  :  même 
abandon,  même  défaillance,  même  fuite  honteuse.  —  Peut- 
être,  les  Lettres  humaines  le  compteront-elles  comme  leur 
représentant  illustre,  peut-être  aura-t-il  conquis  le  renom  de 
brillant  professeur  :  Dieu  le  rejette  comme  un  serviteur  inu- 
tile, comme  un  mercenaire  coupable...  peut-être,  hélas  !  aussi 
comme  un  loup  ravisseur. 

Un  tel  éducateur  est  sans  initiative.  —  N'ayant  ni  l'amour 
de  Dieu  ni  l'amour  des  âmes  dans  le  cœur,  comment  songe- 
rait-il aux  choses  célestes,  au  monde  surnaturel  ?  Il  est  muet, 
il  est  de  glace  pour  ce  qui  regarde  la  piété.  —  Il  n'a  d'action 
que  pour  les  succès  terrestres  et  les  lauriers  de  la  science. 

Un  tel  éducateur  est  sans  édification.  —  Nul  n'est  plus 
observateur  et  plus  perspicace  que  l'enfant.  Nul  non  plus  ne 
copie  mieux  les  modèles  et  ne  suit  plus  docilement  les 
exemples. 


DU  MINISTÈRE  DE  IA  PRÉDICATION 


i 

SA  iNÉGESSITÉ 


Cette  nécessité  esl  double,  car  si  l'une  des  plus  essentielles 
obligations  du  prêtre  est  d'annoncer  la  parole  de  Dieu,  une 
seconde  s'y  rattache  étroitement,  celle  de  se  former  à  ce 
grave,  difficile  et  indispensable  ministère. 

Nécessité  pour  le  prêtre  de  prêcher.  —  Que  le  prêtre 
ouvre  l'Ecriture,  consulte  les  théologiens  et  les  casuistes,  ou 
bien  écoute  simplement  sa  raison  :  de  ces  trois  côtés  les  plus 
formelles  affirmations  lui  viendront  à  l'envi. 

1°  Qu  il  ouvre  l'Ecriture.  —  Dès  les  jours  de  l'Ancienne 
Alliance,  Dieu  proclamait  les  grands  devoirs  du  Sacerdoce. 
Lui-même  y  appelait  et  y  formait  les  Prophètes.  Puis,  par 
eux,  réveillait  dans  de  vibrantes  exhortations  ou  de  sanglants 
reproches  le  zèle  endormi  des  prêtres.  Isaïe,  Ezéchiel,  Jéré- 
mie,  deviennent  terribles  quand  ils  dénoncent  en  Israël  le 
silence  ou  pusillanime  ou  paresseux  des  prêtres.  —  La  nou- 
velle loi  s'ouvre  par  l'éclatante  prédication  du  Précurseur.  Le 
Christ,  qui  s'intitule  «  Celui  qui  parle  »,  Ego  qui  loquor, 
consacre  à  enseigner  les  foules,  à  prêcher  partout,  dans  les 
villes  et  les  bourgades,  les  années  de  sa  Vie  publique.  Quand 
il  députe  au  monde  son  Sacerdoce,  quelle  mission  première 
et  essentielle  lui  confère-t-il  ?  La  prédication.  C'est  la  grande 
voix  de  Dieu,  dont  avait  parlé  le  Psalmiste,  qui  éclate  au  mi- 
lieu du  monde.  —  Lisez  les  Epîtres  de  Saint  Paul.  Quelles 
pressantes  objurgations  !  Quel  appel  formidable  au  Tribunal 
de  Dieu  à  l'adresse  des  prêtres  rebelles  au  plus  grave  de  leurs 
devoirs  ! 


368  LA   VIE   SACERDOTALE 

2°  Qu'il  consulte  les  théologiens.  —  Les  moins  exigeants  e  t 
les  plus  larges  affirment,  pour  le  prêtre  qui  a  charge  d'âmes, 
l'obligation  d'instruire  les  fidèles.  Un  silence  quelque  peu 
prolongé  n'entraînera  pas  moins  que  la  faute  grave.  —  Com- 
bien de  Conciles  et  plus  que  tous  celui  de  Trente  ont  rappelé 
aux  Pasteurs  sous  quelles  formidables  responsabilités  Dieu 
et  l'Eglise  leur  confiaient  le  ministère  de  la  parole  ! 

3°  Qu'il  écoute  la  simple  raison.  —  Rien  ne  remplace  la 
prédication.  Si  la  foi  est  l'unique  fondement  du  salut,  la  pré- 
dication est  l'unique  fondement  de  la  foi:  «  fides  ex  auditu.  » 
Si  l'âme  humaine  conquiert  par  la  vertu,  par  la  fuite  du  mal, 
son  immortelle  couronne,  c'est  la  Parole  sainte  qui  fera  ger- 
mer, croître,  s'épanouir  en  elle  la  céleste  floraison  du  bien. — 
Si  rien  ne  la  remplace,  on  pourrait  presque  dire  que  la  pré- 
dication remplacerait  à  elle  seule  tout  le  reste,  puisqu'elle 
est  la  lumière  de  l'intelligence,  la  flamme  du  cœur,  l'aiguil- 
lon de  la  volonté. 

Guide  sûr,  sentinelle  vigilante,  défenseur  intrépide,  la 
parole  de  Dieu  fraie  la  route  du  chrétien,  écarte  l'obstacle, 
refoule  les  ennemis.  Elle  est,  dit  Saint  Jean  Chrysostome, 
l'invincible  glaive  qui  suffit  à  protéger  les  enfants  de  Dieu 
contre  tous  leurs  adversaires. 

Nécessité  de  se  former  à  la  prédication —  Le  prêtre  doit 
s'y  former.  xVjoutons  qu'il  doit  s'y  former  jeune  encore. 

1°  Le  prêtre  doit  s  y  former.  —  Seule  une  étude  sérieuse  et 
approfondie  des  diverses  sources  rendra  le  pièlr^  apte  à  la 
prédication.  —  Si  une  préparation,  éloignée  d'abord,  pro- 
chaine ensuite,  ne  précède,  en  vain  et  bien  témérairement 
le  prêtre  se  liera  sur  sa  vivacité  d'intelligence  ou  sa  facilité 
de  parole.  Quelque  chaleur  et  quelque  éclat  qu'il  apporte  dans 
la  chaire,  il  n'y  sera  jamais  que  l'airain  sonnant  ou  la  cym- 
bale retentissante,  dont  parle  Saint  Paul.  — Sans  l'étude,  les 
elforts  persévérants,  le  travail  assidu,  le  prêtre  aboutira  fa- 
talement aux  trois  conséquences  suivantes:  ou  bien  il  ne 
donnera  aux  âmes  qu'une  parole  sans  fond,  un  pain  sans 
substance,  et  l'inanité  do  sa  prédication  n'aboutira  qu'à  la 
plus  lamentable  disette  de  vérité  ;  ou  bien  il  se  laissera  peu 
à  peu  gagner  a  la  frivolité  des  auditoires  mondains.  Diseur 
de  riens,  misérable  amuseur  des  foules,  il  deviendra  peut- 
être  ce  qu'on  appelle  un  prédicateur  à  la  mode,  mais  il  no 
sera  plus  l'apôtre  de  Jésus-Christ.  Ou  bien  enfin,  son  défaut 
d'étude  et  de  préparation  lui  rendant  trop  pénible  la  prédica- 


LA    VIE   SACERDOTALE  369 

tion,  il  tombera  dans  le  découragement  et  du  découragement 
dans  un  funeste  silence. 

2°  Le  prêtre  doit  s' y  former  jeune .  —  lien  est  de  nous  comme 
de  la  nature.  Nous  avons  l'un  et  l'autre  notre  printemps.  Au 
printemps  toute  germination  est  puissante  et  facile:  une  sève 
inépuisable  circule  à  flots,  le  sol  est  tiède,  le  soleil  est  chaud, 
la  vie  bouillonne.  Mais,  laissez  venir  les  jours  ternes  de  l'au- 
tomne :  une  nature  fatiguée,  un  sol  inerte,  ne  répondent  plus 
que  par  la  stérilité  aux  efforts  qui  voudraient  leur  arracher 
quelque  vertu.  —  Au  jeune  homme  l'intelligence  ouverte,  la 
mémoire  puissante,  la  brillante  imagination,  l'émotion  géné- 
reuse. Mais,  ce  printemps  de  l'âge  une  fois  perdu,  nos  facul- 
tés se  refroidissent  et  une  triste  stérilité  répond  seule  à  nos 
trop  tardifs  efforts. 


II 
SA  PRATIQUE 


Pour  prêcher  fructueusement,  il  faut  1°  étudier,  2°  écouter; 
3*  pratiquer. 

Il  faut  étudier.  — Distinguons  une  étude  première,  essen- 
tielle, fondamentale,  puis  une  étude  secondaire  quoique  in- 
dispensable encore. 

1°  //  est  une  étude  première  et  fondamentale.  —  C'est,  on  le 
comprend,  celle  de  l'Ecriture  sainte.  Dieu  seul  a  parlé  au 
monde  et  Dieu  seul  pouvait  lui  parler:  «  scientiam  habet  vo- 
cis.  »  Dieu  seul  est  la  lumière  qui  éclaire  tout  homme  venant 
en  ce  monde,  Dieu  seul  est  autorité  et  puissance,  Dieu  seul 
a  droit  à  la  soumission  de  l'intelligence  et  à  l'hommage  du 
cœur.  —  Il  s'ensuivra  que  la  seule  prédication  légitime  est 
celle  de  Dieu  ;  que  le  prêtre  n'est  que  l'écho  prolongé  des  en- 
seignements divins,  que  toute  parole  purement  humaine  de- 
vient, dans  la  chaire  chrétienne,  une  parole  adultère  et  con- 
damnée.—  S'il  en  est  ainsi,  si  le  prêtre  ne  peut  prêcher  que 
la  parole  de  Dieu  et  si  cette  parole  est  renfermée  dans  l'E- 
T.  IT  24 


370  LA   VIE   SACERDOTALE 

criture,  il  s'ensuit  évidemment  que  l'étude  de  l'Ecriture  sera 
pour  le  prêtre  assidue,  perpétuelle,  approfondie. 

2°  Il  est  une  étude  secondaire,  mais  indispensable  encore.  — 
Celle  des  Docteurs,  de  l'Eglise.  Dieu,  après  la  sanglante  mer- 
veille des  persécutions,  a  fait  surgir  l'étincelante  phalange  des 
Docteurs  comme  une  seconde  merveille.  —  Les  Docteurs  ont 
non  seulement  interprété  l'Ecriture,  mais  leurs  œuvres  ren- 
ferment les  plus  admirables  modèles  de  l'éloquence  de  la 
chaire.  —  Si  l'étude  des  Docteurs  semble  trop  étendue  et  trop 
impraticable,  que  le  jeune  prêtre,  abandonnant  de  trop  absor- 
bantes richesses,  se  borne  à  un  seul  des  Pères  de  l'Eglise; 
mais  qu'il  l'étudié  profondément.  —  L'éblouissant  éclat  des 
Docteurs  nous  parvient  adouci  et  atténué  par  l'intermédiaire 
de  nos  orateurs  catholiques.  L'étude  de  l'un  ou  de  plusieurs 
de  ces  orateurs  sera  grandement  profitable  au  prêtre.  —  Par- 
lerons-nous des  «  Cours  d'instruction  religieuse?  »  Oui,  mais 
seulement  pour  les  prêtres  qu'un  ministère  trop  chargé  ou  de 
trop  humbles  moyens  écarteraient  des  grandes  études.  Qu'ils 
fuient  néanmoins  les  recueils  trop  légèrement  et  trop  mal 
composés,  les  sujets  vaguement  esquissés  dans  les  Revues, 
les  Panoramas  plus  vagues  et  plus  creux  encore.  Cependant 
s'ils  découvrent  quelque  part  de  riches  filons,  des  mines  opu- 
lentes, ils  pourront  s'y  attacher  non  sans  fruit. 

Il  faut  écouter.  —  Deux  sortes  de  prédicateurs  serviront 
au  prêtre,  qui  les  écoute  dans  le  but  de  su  former  lui -nié  me 
à  la  prédication  :  les  bons,  les  mauvais. 

1°  Qu'il  écoule  attentivement  les  bons.  — Le  premier  objet  de 
son  attention  serale  fond  mêmede  la  doctrine  :  si  elle  est  juste, 
si  elle  est  suffisamment  profonde,  si  elle  est  puisée  aux  bonnes 
sources,  si  elle  est  exemple  de  toute  erreur,  de  toute  inexacti- 
tude, de  toute  exagération.  —  Ce  fond  acquis,  il  ne  laissera 
pas  de  remarquer  la  diction,  le  geste,  l'attitude,  tout  ce  que, 
en  éloquence,  on  nomme  mœurs  oratoires. 

2°  Qu'il  écoute  avec  tact  et  intelligence  les  mauvais,  — Ceux- 
ci,  par  elfet  de  contraste,  pourront  aussi  lui  offrir  un  ensei- 
gnement précieux.  11  s'attristera  ou  s'irritera  de  les  trouver, 
dans  la  chaire  divine,  déclamaleurs  profanes,  parleurs  creux 
ou  insipides,  sans  substance,  sans  émotion  s  vraies,  sans  même, 
ce  semble,  de  conviction.  Si  leurs  voix  se  partagent  ridicu- 
lement en  cris  désordonnés  et  en  sourdines  imperceptibles, 
si  leurs  gestes,  dépourvus  de  grâce  et  de  naturel,  ne  suivent 
jamais  la  pensée  mais  la  heurtent  toujours,  si  leur  pronon- 


LA  VIE  SACERDOTALE  371 

cialion  elle-même  est  vicieuse  et  qu'ils  meurtrissent  la  lan- 
gue dans  d'impardonnables  fautes  :  que  ces  écarts  divers,  ce* 
manquements  de  tout  genre  leur  servent  à  s'en  préserver. 

Il  faut  pratiquer.  — Ce  serait  trop  peu  d'étudier  et  d'écou- 
ter, si  l'on  ne  pratiquait  pas.  Si  jamais  l'adage  :  «  fabricando 
fit  faber  »  fut  de  mise,  c'est  assurément  en  ce  qui  touche 
l'orateur  sacré. 

1°  77  doit  pratiquer  par  esprit  de  foi.  —  La  chaire  chré- 
tienne exige  un  dur  travail;  ceux  qui  en  gravissent  les  marches 
sont  exposés  à  des  appréhensions  pénibles,  à  des  terreurs 
qui  les  glacent,  àdes  dégoûts  qui  les  énervent.  Le  prêtre  ne 
surmontera  ces  obstacles  que  parl'amourdeDieuet  desâmes, 
['estime  de  son  divin  ministère,  le  sentiment  de  sa  responsa- 
bilité, la  juste  terreur  du  jugement  qu'il  aura  à  subir. 

2°  Il  doit  pratiquer  par  une  juste  et  légitime  pudeur.  — 
Quoi!  les  orateurs  profanes,  un  Démoslhène,  par  exemple, 
dépensera  des  jours,  des  mois,  des  années,  à  sa  formation  ; 
il  se  condamnera  à  une  réclusion  sévère,  à  d'héroïques  ef- 
forts, pour  corriger  jusqu'aux  défauts  de  sa  diction,  et  don- 
ner à  sa  parole  des  charmes  et  un  éclat  victorieux.  Et  le  prê- 
tre, l'Ambassadeur  du  Très-Haut,  le  salut  des  âmes,  la  co- 
lonne de  l'Eglise,  traitera  avec  une  légèreté  lamentable  son 
plus  divin  et  son  plus  indispensable  ministère? 

3°  //  doit  pratiquer  par  amour  des  âmes.  — Elles  attendent 
le  pain  de  la  vérité.  Si  elles  en  sont  affamées,  qu'il  est  cruel 
do.  le  leur  refuser!  Si  une  longue  privation  les  a  rendues  insen- 
sibles, quelle  raison  plus  pressante  encore  de  le  leur  distri- 
buer largement!  —  Que  le  prêtre  se  souvienne  de  cette  La- 
mentation de  Jérémie  :  «  Les  enfants  demandaient  du  pain,  et 
nul  n'était  là  pour  le  leur  rompre.  »  Qu'il  entende  le  Sau- 
veur des  hommes  pousser  ce  tendre  gémissement  :  «  J'ai  pi- 
tié de  cette  foule.  Si  elle  reste  sans  nourriture,  elle  tombera 
en  chemin.  »  —  0  prêtre!  que  d'âmes,  éclairées  et  ranimées, 
eussent  trouvé  le  salut  dansla  Parole  Sainte,  si  tu  la  leur  eus- 
ses annoncée  !  Privées,  par  ta  faute,  de  ce  secours,  elles  se 
sont  perdues. 

4°  Il  doit  pratiquer  avec  persévérance.  — Se  décourager,  se 
négliger,  se  ralentir,  céder  aux  dégoûts,  se  rassurer  sur  de  fal- 
lacieux prétextes  :  c'est  tout  perdre,  et  soi-même  et  le  trou- 
peau confié. 


SAINTETÉ  NÉCESSAIRE  AU  PRÊTRE 


Jésus-Christ  dit  de  ses  prêtres  qu'ils  sont  «  la  lumière  du 
monde  ».  Ils  sont  aux  âmes  ce  que  le  soleil  est  à  la  terre. 
Voyez  ce  soleil  qui  se  lève  au  firmament;  tant  qu'il  est  ra- 
dieux et  que  les  nuées,  en  l'obscurcissant,  ne  lui  ravissent 
pas  sa  lumière  et  sa  chaleur,  il  réjouit,  féconde,  vivifie  la 
terre.  Mais,  si,  dans  un  ciel  d'hiver,  il  devient  froid  etobscur, 
la  nature  attristée  reste  sans  force  et  sans  vie. 

Tel  est  le  prêtre.  Tant  que  la  sainteté  le  fait  resplendir 
d'un  éclat  divin,  il  vivifie,  console,  sanctifie  les  âmes  ;  il  est 
la  gloire  de  l'Eglise,  il  est  le  salut  du  monde,  il  est  le  bien- 
aimé  de  Dieu.  Apparaît-il  dans  la  vulgaire  obscurité  d'une 
vie  séculière  et  mondaine,  il  n'est  plus  qu'un  soleil  éteint, 
ou,  selon  une  autre  comparaison  du  Sauveur,  «  un  sel  affadi  ». 

La  sainteté  est  donc  indispensable  au  prêtre;  sans  elle  il 
rit  sans  but,  sans  joie,  sans  sécurité. 


LA  SAINTETE  EST  LE  BUT  DU  SACERDOCE 


Le  but  du  sacerdoce  est  double.  Le  prêtre  est  constitué 
prêtre  pour  Dieu  d'abord,  pour  les  âmes  ensuite. 

Un  Dieu  à  glorifier  :  premier  but  du  Sacerdoce.  —  En 
créant  le  monde  et  surtout  en  le  rachetant  par  le  sang  de 
son  Fils,  Dieu  n'a  pu  agir  sans  but.  Or  ce  but,  qui  est  do  se 
communiquer,  de  se  répandre  et  de  transfigurer  les  âmes, 
Dieu  l'atteint  pleinement  dans  le  saint  prêtre. 

i°  Ailleurs  Dieu  a  été  trop  souvent  déçu.  —   Elle  est  triste 


LA   YIE   SACERDOTALE  373 

et  honteuse  l'histoire  des  ingratitudes  et  des  refus  obstinés 
de  l'homme.  Dieu  vient  à  lui,  l'homme  le  repousse;  Dieu  lui 
oifre  son  amour,  l'homme  n'en  a  que  faire  :  les  siècles  sont 
remplis  de  cette  lutte  étrange  et  navrante  entre  l'amour 
d'un  Dieu  et  l'insensibilité  d'un  monde  pécheur.  —  Aux  pre- 
miers jours,  il  appelle  Adam  et  le  comble  :  Adam  l'insulte 
et  le  fuit.  —  Dieu  supporte  avec  une  intinie  patience  l'huma- 
nité pécheresse,  mais  ses  crimes  se  font  si  intolérables  que  les 
eaux  vengeresses  du  déluge  la  peuvent  seules  purifier.  —  Du 
milieu  des  nations  devenues  idolâtres,  Dieu  choisit  Israël  pour 
v  répandre  son  amour  et  ses  bienfaits.  Israël  le  repousse, 
l'insulte,  le  liait,  le  fait  mourir.  —  Et  nous,  trop  fidèles  imi- 
tateurs des  Juifs,  nous  désolons  par  nos  refus  et  notre  fuite 
éternelle  la  patience  et  la  tendresse  de  Dieu.  Contemplez  le 
monde,  jetez  les  yeux  sur  ces  foules  qui  se  pressent  :  qui 
pense  à  Dieu?  qui  aime  Dieu  ?  qui  répond  aux  avances  de 
Dieu? 

2*  Dieu  trouvera  son  repos  et  sa  joie  dans  le  saint  prêtre.  — 
Là,  Dieu  est  à  l'aise;  son  cœur  est  au  large,  sa  lumière  se 
répand,  sa  grâce  coule  sans  qu'aucun  obstacle  n'en  arrête  le 
cours.  —  Aux  trois  besoins  du  cœur  de  Dieu,  le  saint  prêtre 
répond  pleinement.  Dieu  est  amour,  l'amour  réclame  Yunion, 
l'union  elle-même  exige  la  piété,  le  recueillement,  l'éloigne- 
ment  du  monde.  Le  saint  prêtre,  par  sa  vie  de  prière,  de 
solitude,  de  silence,  oifre  à  Dieu  un  cœur  tout  préparé  aux 
célestes  communications.  —  Mais,  de  plus,  Dieu  accomplit 
dans  le  monde  de  vastes  œuvres  ;  il  les  a  commencées  par 
son  Fils,  il  les  continue  et  les  achève  par  son  Eglise.  Mais  où 
sera  la  force  de  l'Eglise,  sinon  dans  la  sainteté  du  Sacerdoce? 

—  Le  troisième  besoin  du  cœur  de  Dieu  est  le  plus  ineffa- 
ble. Dieu  a  conçu  le  dessein  de  transfigurer  l'homme  en  son 
propre  éclat,  de  rendre  l'homme  si  semblable  à  lui-même, 
qu'il  se  puisse  écrier  arec  la  joie  d'un  chef-d'œuvre  accom- 
pli :  «  Ego  dixi:  dii  eslis  ».  Or  nulle  créature  au  monde  ne 
remplit  mieux  que  le  saint  prêtre  ce  plan  magnifique  de  Dieu. 

3°  Ces  merveilles  ne  s' accomplissent  que  dans  le  saint  prêtre. 

—  Quant  à  l'autre,  au  prêtre  mondain,  dissipé,  indévot,  sans 
zèle,  sans  charité,  sans  vertu,  Jésus-Christ  le  déclare  :  il 
n'est  bon  à  rien  :  «  ad  nihilum  valet  ultra.  »  —  Il  n'est  bon 
ni  à  la  prière,  ou  qu'il  omet  ou  dont  il  s'acquitte  mal,  ni  à 
l'autel  qu'il  profane  par  sa  légèreté  et  son  indévotion,  ni  à 
la  chaire    qu'il  déshonore  par  l'inanité  de  sa  parole,  ni  au 


374  LA   VIE   SACERDOTALE 

confessionnal  dont  il  ignore  les  graves  devoirs  et  les  respon- 
sabilités redoutables. 

Des  âmes  à  sanctifier:  second  but  du  Sacerdoce.  —  Sem- 
blable à  Moïse  qui  ne  descendait  du  Sinaï  que  pour  se  prodi- 
guer au  peuple,  le  prêtre  ne  quitte  Dieu  que  pour  aller  aux 
âmes.  Or  de  même  que  la  sainteté  seule  le  rend  agréable  à 
Dieu,  la  sainteté  seule  le  rend  utile  au  peuple  chrétien. 

i°  Sa?is  la  sainteté,  le  prêtre  ne  travaillera  pas.  —  La  foi  qui 
s'est  obscurcie  en  lui  ne  lui  montre  plus  la  gravité  et  l'ur- 
gence du  labeur  sacerdotal.  Ses  heures  sont  données  au 
monde  ou  bien  la  paresse  les  dévore  misérablement.  Les  re- 
cherches du  bien-être,  les  calculs  de  l'ambition,  les  préoccu- 
pations de  la  vaine  gloire  l'absorberont  tout  entier;  le  salut 
des  âmes  n'obtiendra  plus  de  lui  qu'une  pensée  vague  et  fu- 
gitive. 

2°  Sans  la  sainteté,  s'il  travaille,  son  travail  demeurera  in- 
fructueux. —  Jésus-Christ  l'a  déclaré:  «  Sans  moi,  vous  ne 
pouvez  rien  faire.  »  Saint  Paul  :  «  Ce  n'est  pas  de  courir  et 
de  s'agiter  ;  car  tout  vient  de  Dieu  qui  fait  miséricorde  ». 
Quel  est  l'étonnant  secret  de  la  stérilité  du  ministère  chez 
ce  prêtre  qui  parait  si  actif  et  si  appliqué  ?  11  travaille  seul, 
il  compte  pour  rien  la  grâce.  La  sainteté  de  la  vie,  la  puis- 
sance de  l'exemple  ni  ne  soutiennent  ni  ne  vivifient  sa 
parole  et  son  action. 


II 
LA  SAINTETÉ  EST  LA  JOIE  DU  SACERDOCE 


Que  la  joie  soit  nécessaire  et  qu'elle  devienne  un  élément 
indispensable  au  salut:  l'insistance  del'Hcrituro,  les  exhorta- 
tions répétées  de  Saint  l'aul,  une  profonde  doctrine  de  Saint 
Thomas  nous  en  font  foi.  «  C'est  la  joie,  dit  Saint  Thomas, 
qui  maintient  L'homme  dans  un  état  de  santé  et  do  vigueur  ». 
Sans  la  joie,  l'âme  est  douloureusement  comprimée;  elle 
l'affaisse  et  retombe,    le    découragement   s'en  empare,   ses 


LA   VIE  SACERDOTALE  375 

forces  s'éteignent  et  un  mortel   engourdissement  la  retient 
dans  l'inertie. 

La  joie  est  nécessaire  et  deux  sortes  de  joies  sont  possi- 
bles. —  Deux  sortes  de  joie  existent  pour  l'homme  ici- bas. 
L'une  qui  vient  d'en  bas  et  que  le  monde  s'elïbrce  de  pro- 
duire. Sans  doute  cette  joie  est  fausse,  elle  est  malsaine,  elle 
est  mortelle,  elle  naît  des  passions,  elle  a  pour  racine  em- 
poisonnée la  triple  concupiscence.  Néanmoins  elle  est  vive, 
elle  est  enivrante,  ses  charmes  sont  tels  qu'elle  séduit  et 
captive  la  multitude  des  mondains. 

11  est  une  autre  joie  qui  vient  du  ciel,  que  Dieu  répand  dans 
les  âmes  saintes  :  joie  mystérieuse,  joie  ineifable,  dont  un 
seul  rayon  suflit  à  illuminer  toute  une  âme,  dont  une  seule 
goutte  peut  remplir  tout  un  cœur. 

Sans  la  sainteté  le  prêtre  n'en  peut  goûter  aucune.  —  De 
quelle  joie  pourrait  jouir  un  prêtre  qui  n'est  pleinement  nia 
Dieu,  ni  au  monde? 

1°  Sans  la  sainteté  le  prêtre  n'est  pas  à  Dieu.  —  Les  joies 
divines  ne  peuvent  donc  pas  devenir  son  patrimoine.  Loin 
de  là  1  Sa  vocation  lui  pèse,  ses  fonctions  saintes  ne  lui  ins- 
pirentque  fatigue  etdégoùt.  Sous  quelle  image  pouvons-nous 
le  représenter  ?  Sans  doute,  sous  l'image  du  Prodigue  qui, 
loin  de  son  père,  se  trouve  privé  de  ses  seules  vraies  joies, 
celles  de  la  maison  paternelle. 

2°  Par  son  sacerdoce  le  prêtre  ne  peut  être  au  monde.  —  0 
sort  lamentable  !  Ce  même  Prodigue  que  les  joies  de  la  fa- 
mille ne  réconfortent  plus,  n'obtient  plus  même  les  grossiers 
plaisirs  que  le  monde  s'obstine  à  lui  refuser.  Malheureux  fa- 
mélique, il  réclame  pour  sa  pâture  la  pâture  des  pourceaux 
et  nulle  main  ne  s'offre  à  la  lui  donner.  —  Tel  est  le  prêtre 
qui,  exilé  des  joies  divines,  réclame  du  monde  des  jouissan- 
ces et  des  plaisirs  qui  ne  sont  pas  faits  pour  lui. 


376  LA    VIE    SACERDOTALE 


III 


LA  SAINTETE  EST  LA  SECURITE 
DU  SACERDOCE 


Le  prêtre  a  tout  d'abord  à  se  garder  d'une  illusion  funeste, 
puis  ensuite  à  se  persuader  que  la  sainteté  seule  lui  donne 
la  sécurité  de  l'avenir. 

Une  illusion  funeste  paut  voiler  son  état.  —  Illusion  facile, 
illusion  dangereuse!  Le  prêtre  est  par  son  état  un  objet  de 
respect  et  de  vénération.  La  sainteté  de  l'Eglise  le  couronne, 
ses  fonctions  saintes  sont  comme  un  vêtement  de  splendeur. 
S'il  n'y  prend  garde,  cette  sainteté  du  dehors  et  qui  lui  est 
étrangère,  il  la  prendra  pour  la  sienne  propre,  il  s'y  com- 
plaira, il  s'y  reposera.  — Ce  fut  l'illusion  de  cet  évoque  auquel 
l'Ange  dans  l'Apocalypse  donne  de  si  sévères  avertisse- 
ments. 

Mais  l'état  du  prêtre  sans  la  sainteté  est  désastreux.  — 
En  réalité,  si  le  prêtre  déchoit  de  la  sainteté  exigée  de  lui, 
il  vit  sans  sécurité  et  se  prépare  un  terrible  avenir. 

1°  77  est  condamné  par  toutes  ses  fonctions.  —  De  l'autel 
s'élèvent  contre  lui  des  voix  accusatrices;  car  il  célèbre  sans 
piété,  peut-être,  hélas!  avec  une  conscience  ou  embarrassée 
ou  impure.  —  S'il  confesse,  l'Evangile  lui  dit  :  «  Medice,  cura 
te  ipsum.  »  —  S'il  prêche,  Dieu  lui  reproche  les  paroles  de 
justice  et  de  sainteté  qu'il  prononce. 

2°  //  est  condamne  à  chaque  page  de  l'Ecriture.  —  Partout 
Dieu  y  poursuit  le  prêtre  inlidèle.  Dans  l'Evangile,  de  nom- 
breuses Paraboles  n'ont  pour  objet  que  lui. 

3°  Il  est  condamné  dans  chaque  région  <!<■  l'Eglise.  —  Voici 
les  Apôtres  qui  ont  conquis  le  monde  par  La  puissance  de 
leur  sainteté.  Voici  les  Martyrs  qui  oui  versé  leur  sang. 
Voici  les  Anachorètes  qui  ont  fui  le  inonde.  Voici  les  Vierges, 
voici  les  Docteurs,  voici  les  Pénitents....  Où  le  prêtre  infidèle 


LA   VIE   SACERDOTALE  377 

trouve ra-t-il  asile  ?  A  quelle  place,  dans  quel  rang  pourra-t-il 
être  compté  ? 

La  Sainteté  lui  eût  donné  le  zèle  des  âmes,  et  ce  zèle  eût 
reproduit  au  milieu  des  fidèles  dont  il  avait  la  garde  les  mer- 
veilles des  temps  apostoliques.  Hélas  !  son  insouciance  et  sa 
paresse  ont  laissé  l'ivraie  croître  et  étouffer  le  bon  grain.  — 
La  sainteté  lui  eût  fait  généreusement  «  porter  les  stigmates 
du  Christ,  »  il  eût,  dans  les  labeurs  et  les  croix  du  ministère 
sacerdotal,  participé  aux  lauriers  empourprés  des  martyrs. 
Hélas!  sa  vie  sensuelle,  ses  perpétuelles  recherches  du  bien- 
être,  l'ont  rangé  parmi  les  mondains  «  ennemis  de  la  croix 
de  Jésus-Christ.  »  —  La  sainteté  lui  eût  donné  l'amour  de 
la  solitude,  le  culte  d'une  demeure  fermée  aux  dissipations 
du  siècle.  Hélas  !  ces  dissipations  l'ont  perpétuellement  em- 
porté dans  leurs  tourbillons.  —  En  un  mot  la  sainteté  lui  eût 
ouvert  l'accès  du  ciel:  sans  la  sainteté,  sans  la  «  robe  nup- 
tiale, »  quelle  place  lui  reste  au  banquet  de  l'éternité? 


DU  BON  EXEMPLE 

QUE  DOIT  DONNER  LE  PRÊTRE 


Quand  Jésus-Christ  dit  à  ses  prêtres  :  «  Vous  êtes  la  lumière 
du  monde,  »  il  rappelle  au  Sacerdoce  catholique,  en  même 
temps  que  son  plus  éclatant  honneur,  son  plus  essentiel  de- 
voir et  sa  plus  grave  responsabilité.  Sans  la  lumière,  toute 
activité  s'arrête,  toute  vie  s'éteint,  le  désordre  et  la  terreur 
envahissent  une  terre  d'où  tout  travail  est  banni.  Mais  que  la 
lumière  s'élève  à  l'horizon,  la  vie,  le  mouvement,  l'harmo- 
nie, l'activité  féconde  reparaissent  avec  elle.  —  Ainsi  est,  au 
milieu  de  la  Société  chrétienne,  le  prêtre  de  Jésus-Christ. 
Quand  sa  vie  est  sainte,  ses  exemples  salutaires;  quand  de 
tout  lui-même  jaillit  l'éclat  d'une  vie  parfaite,  les  âmes  sont 
éclairées,  l'entraînement  au  bien  les  arrache  à  leur  torpeur 
naturelle  et  les  porte  vers  Dieu. 

Telle  est  donc  la  nécessité  du  bon  exemple  que  les  prêtres 
doivent  donner  aux  fidèles. 


NECESSITE 


Le  bon  exemple  donné  par  le  prêtre  c'est  tout  à  la  fois 
l'honneur  de  Dieu,  la  force  de  l'Eglise,  le  salut  des  âmes. 

C'est  l'honneur  de  Dieu.  —  C'est  l'honneur  de  Dieu  consi- 
déré comme  Dominateur  et  Roi,  considéré  comme  Législateur 
et  Justice. 

1°  C'est  l honneur  de  Dieu  considéré  tomme  Dominateur.  -- 


LA  VIE  SACERDOTALE  379 

Ecoutons  comme  parle  l'Ecriture,  comme  parle  l'Histoire, 
comme  parle  l'expérience.  —  Quand  Dieu  envoie  au  monde 
son  sacerdoce,  quand  il  lui  confère  sa  mission  et  ses  pou- 
voirs, quel  est  son  but  ?  Apprenons-le  de  sa  bouche  :  «  Je 
vous  ai  envoyés  pour  que  vous  alliez  par  le  monde  et  que  vous 
y  rapportiez  du  fruit.  »  Quel  fruit?  Ecoutons  encore:  «  Que 
vos  bonnes  œuvres  soient  aperçues  et  qu'ainsi  soit  glorifié 
votre  Père  qui  est  dans  les  cieux.  m  Quand  ie  prophète  Ha- 
bacuc  décrit  magnifiquement  le  char  triomphal  de  Dieu  par- 
courant la  terre,  répandant  partout,  bien  plus  le  salut  que  la 
terreur,  subjuguant  les  peuples  et  entraînant  après  lui  la 
multitude  des  vaincus,  quel  est  ce  char?  quels  sont  ces  triom- 
phes? Le  char  qui  porte  Dieu,  dit  Saint  Jérôme,  c'est  l'Apos- 
tolat, c'est  le  Sacerdoce.  Quand  le  prêtre  de  Jésus-Christ  appa- 
raît au  milieu  des  fidèles  rayonnant  de  vertu,  c'est  la  course 
triomphale  de  Dieu  à  travers  les  âmes.  —  L'Histoire  rend  à 
son  tour,  sur  la  nécessité  de  la  vie  sainte  des  prêtres,  un  ir- 
réfragable témoignage.  Elle  enregistre,  pour  les  nations  chré- 
tiennes, des  siècles  de  décadence,  des  époques  calamiteuses 
où  la  foi  s'obcurcit,  la  charité  s'éteint,  les  mœurs  tombent, 
l'édifice  saint  s'écroule  pierre  par  pierre  comme  un  temple 
ruiné.  D'où  est  venue  cette  décadence  ?  Ces  grands  ébranle- 
ments, où  ont-ils  leur  point  de  départ?  Comment  l'Orient 
est-il  devenu  un  sol  de  désolation  et  de  mort?  Comment 
l'Angleterre  a-t  elle  apostasie  son  antique  foi  ?  Comment  l'Al- 
lemagne s'est-elle  précipitée  dans  les  excès  de  la  révolte  lu- 
thérienne? Une  seule  cause  nous  apparaît.  L'astre  sacerdo- 
tal a  pâli,  le  clergé  ne  soutient  plus  de  ses  exemples  la  foi 
et  la  vertu  des  fidèles.  Privée  de  la  vue  et  de  l'excitation  de 
ses  chefs,  l'armée  du  Christ  est  restée  sans  force  et  s'est  lais- 
sée vaincre.  —  En  dehors  de  ces  vastes  considérations,  l'ex- 
périence quotidienne  suffirait  à  nous  persuader.  Partout  où 
se  montre  un  prêtre  saint,  c'est  Dieu  même  qui  apparaît  sous 
ses  traits.  Un  prêtre  saint  c'est  l'Evangile  parlant,  la  Reli- 
gion vivante,  la  vertu  devenue  visible  et  palpable. 

2°  C'est  l'honneur  de  Dieu  considéré  comme  Législateur.  — 
Dieu  n'a  pas  laissé  le  monde  en  proie  au  désordre,  ni  le  cœur 
humain  à  la  merci  de  ses  passions  désordonnées.  Une  légis- 
lation sainte,  mais  rigoureuse,  parfaite,  dure  à  nos  volontés 
révoltées  et  pusillanimes,  règle  la  vieentière  du  chrétien.  — 
Or  l'entraînement  de  l'exemple,  donné  par  le  prêtre  est  ici 
plus  indispensable  que  partout  ailleurs.  Ce  bon  exemple  dé- 


380  LA  VIE   SACERDOTALE 

truit  en  effet  chez  les  fidèles  les  deux  causes  les  plus  ordi- 
naires de  leur  désobéissance.  La  première  est  l'ignorance 
dont  la  sainteté  du  prêtre  devient  la  puissante  illumination. 
La  seconde  est  la  faiblesse  de  la  volonté.  Facilement  le  fidèle 
se  retranche  dans  une  impossibilité  prétendue  d'observer  la 
loi  divine.  Que  le  prêtre  se  montre,  qu'aux  yeux  de  tous  il 
se  fasse  le  ;  crupuleux  observateur  des  préceptes  de  Dieu  : 
quelle  excuse  restera  au  peuple  ?  Comment  objectera-t-il 
l'impossibilité? 

C'est  la  forc9  de  l'Eglise.  —  Considérons  tour  à  tour  l'E- 
glise comme  l'Epouse  de  Jésus-Christ,  comme  le  salut  du 
monde,  comme  la  dominatrice  de  l'enfer. 

1°  L'Eglise,  Epouse  de  Jésus-Christ.  —  Rappelons-nous  un 
ineffable  mystère:  du  haut  du  ciel,  des  splendeurs  de  son  éter- 
nité, le  Fils  de  Dieu  s'éprit  d'amour  pour  cette  Eglise.  Pour 
elle,  il  descendit  des  cieux.  Il  la  purifia  dans  son  sang.  Il  l'é- 
leva  jusqu'à  son  trône.  Il  la  revêtit  de  sa  beauté  et  dépensa 
tous  les  trésors  de  sa  sagesse  et  de  sa  puissance  à  en  faire 
une  Epouse  digne  de  lui.  —  Quelle  est  la  première  et  la  plus 
essentielle  mission  du  Sacerdoce  auquel  est  confiée  l'Eglise? 
Sans  doute  de  lui  conserver  son  innocence,  sa  beauté,  son 
éclat.  D'autre  part,  qui  peut  mieux  qu'un  prêtre  indigne  voi- 
ler cet  éclat  et  maculer  cette  blanche  innocence? 

2°  L'Eglise,  salut  du  monde.  —  Sauver  les  âmes,  recueillir 
les  élus,  former  pour  les  splendeurs  éternelles  le  cortège  de 
Jésus-Christ:  telle  est  l'unique  mission  de  l'Eglise  à  travers 
les  siècles.  Cette  mission  l'Eglise  l'aime  et  elle  aspire  de  toutes 
ses  forces  à  la  remplir  victorieusement.  Pour  celte  mission, 
elle  donne  ses  forces,  ses  sueurs,  son  sang.  Or,  un  obstacle 
invincible  s'est  dressé  devant  elle,  un  destructeur  de  son  œu- 
vre renverse  à  mesure  l'édifice  qu'elle  s'efforce  d'élever  :  ce 
destructeur,  cet  adversaire,  c'est  le  prêtre  indigne. 

3°  L'Eglise,  dominatrice  de  l'enfer.  —  Si  nous  nous  res- 
souvenons de  la  captivité  honteuse  et  cruelle  où  son  péché 
avait  jeté  le  genre  humain,  nous  apprécierons  à  sa  valeur 
l'immense  bienfait  d'une  délivrance  opérée  par  Jésus-Christ 
et  son  Eglise.  —  Mais  sur  qui  repose  avant  tout  la  guerre 
déclarée  aux  puissances  infernales?  Qui  dispose  de  pleins 
pouvoirs  contre  l'enfer  ?  Qui  achève,  après  la  divine  Vierge, 
d'écraser  la  tète  du  serpent  ?  Lo  prêtre  sans  aucun  doute. 
—  Mais  hélas  !  voici  que  lui-même,  au  lieu  d'être  triompha- 
teur, n'est   plus  qu'un  misérable  vaincu.  Que  deviendra  le 


LA   YIE   SACERDOTALE  381 

peuple  quand  ses  chefs,  au  lieu  de  soutenir  la  lutte,  et  de 
gagner  la  victoire,  se  laissent  eux-mêmes  vaincre  et  enchaî- 
ner ? 

C'est  le  salut  des  âmes.  —  Ce  salut  le  prêtre  le  procure 
par  une  quadruple  intervention.  Le  prêtre  soutient  et  fortifie 
les  âmes  ;  il  les  avertit  et  les  corrige;  il  les  juge  et  au  hesoin 
les  punit  ;  enfin  il  les  arme  et  les  prémunit  contre  les  dan- 
gers. 

■1°  Comment  soutenu'  les  âmes  sans  le  bon  exemple  ?  —  Le 
prêtre  parlera.  Assis  sur  la  chaire  de  Moïse,  il  dictera  au 
peuple  les  volontés  divines;  pour  rendre  sa  parole  plus  vic- 
torieuse, il  fera  retentir  les  menaces  de  Dieu  contre  les  pré- 
varicateurs de  sa  Loi...  Quelle  force  aura  cette  prédication 
du  prêtre,  dont  la  vie  coupable  scandalise  les  fidèles  ?  De 
quel  crédit  peut-il  jouir  au  milieu  de  ceux  qui  lui  disent  : 
«  Medice,  cura  teipsum  »? 

2°  Comment  avertir  les  âmes  sajis  le  bon  exemple.  —  Elle 
est  aussi  difficile  et  dangereuse  qu'essentielle  pour  le  prêtre 
la  mission  d'avertir.  Dans  Ezéchiel  nous  voyons  le  prêtre 
rejeté  par  Dieu  pour  n'avoir  pas,  avec  courage  et  entière 
liberté,  averti  le  pécheur  de  ses  égarements  et  des  châti- 
ments qui  l'attendent.  Malheur  au  prêtre  qui  laisse,  sans 
les  avertir,  les  fidèles  se  précipiter  dans  toutes  les  voies  de 
la  perdition!  —  Mais  de  quel  front  le  prêtre  dénoncera-t-il 
les  excès  du  peuple  quand  lui-même  n'est  pas  exempt  de  ces 
excès  ? 

3°  Comment  juger  les  âmes  sans  le  bon  exemple7!  —  Le 
prêtre  est  juge  en  Israël.  A  lui  d'évoquer  les  âmes  à  son 
tribunal  souverain.  Devant  lui  se  déroulera  le  procès  des 
consciences.  C'est  lui  qui  porte  ces  sentences  redoutables 
dont  l'écho  se  prolonge  dans  l'éternité.  —  Mais,  combien, 
hélas  I  cette  fonction  est  redoutable,  combien  elle  lui  ménage 
les  représailles  de  la  justice,  si  lui  qui  juge  les  autres  n'est 
lui-même  qu'un  malheureux  coupable!  Sans  doute,  ses  fau- 
tes ne  brisent  pas  son  sceptre  et  n'interrompent  pas  le  cours 
de  ses  pouvoirs,  mais  néanmoins,  quelles  honteuses  séances 
il  fera  au  saint  Tribunal  le  prêtre  qui  ne  soutient  pas  de  l'é- 
clat de  ses  vertus  sa  haute  puissance  judiciaire? 

4°  Comment  prémunir  les  âmes  sans  le  bon  exemple.  —  L'A- 
pôtre déroulait  sans  cesse  aux  yeux  des  fidèles  les  dangers 
que  leur  font  courir  leurs  nombreux  ennemis,  les  pièges 
dressés  sous  leurs  pas,  les   séductions  perfides  qui  les  envi- 


382  LA  VIE   SACERDOTALE 

ronnent,  par  suite,  la  prudence  à  déployer,  les  précautions  à 
prendre,  les  sacrifices,  les  privations,  s'il  le  faut  les  martyres, 
à  consentir  généreusement.  Mais  quand  l'Apôtre  parlait 
ainsi,  lui-même  en  appelait  à  sa  propre  vie  et  se  donnait 
aux  fidèles  comme  leur  vivant  exemple.  —  Imprudent  dans 
sa  conduite,  relâché  dans  ses  mœurs,  léger  dans  son  langage, 
âpre  dans  ses  convoitises,  dur  et  sans  charité  envers  ses 
semblables,  comment  le  prêtre  servirait-il  de  phare  pro- 
tecteur devant  l'imminence  des  naufrages? 


II 
PRATIQUE 


C'est  dans  sa  personne,  dans  son  langage,  dans  toute  sa 
conduite,  que  le  prêtre  doit  se  donner  aux  fidèles  comme 
l'exemplaire  et  le  modèle  de  la  vie  chrétienne. 

Dans  sa  personne  et  son  extérieur.  —  //  est  un  extérieur 
que  la  dignité  sacerdotale  repousse.  —  D'une  part,  un  exté- 
rieur élégant  jusqu'à  la  mondanité.  Un  extérieur  léger.  Un 
extérieur  elféminô.  —  D'autre  part,  un  extérieur  négligé 
jusqu'à  la  malpropreté.  Extérieur  fruste.  Extérieur  dur  sans 
dignité,  sans  bénignité,  sans  grâce. 

Dans  son  langage.  —  i°  //  est  des  sujets  dont  le  prêtre  ne 
doit  jamais  parler.  —  11  lui  est  messéant  de  connaître  le 
monde,  d'en  parler  la  langue,  de  paraître  initié  à  ses  moeurs, 
à  ses  amusements,  à  ses  frivolités,  à  ses  modes.  —  Il  lui  est 
plus  messéant  encore  de  tomber  dansée  que  l'Apôtre  appelle 
le  «  turpiloquium,  scurillitas,  etc.  » 

2"  //  est  des  sujets  dont  le  prêtre  doit  toujours  parler.  — 
Partout,  quoique  avec  tact  et  discrétion,  le  prêtre  doit,  dans 
ses  entretiens,  prêcher  «  le  royaume  de  Dieu.  » 

Dans  ses  procédés.  —  Charité,  humilité  condescendance, 
prudence,  gravité,  chasteté. 


LES  DANGERS  DU  SACERDOCE 


Qu'il  est  étrange  dans  la  bouche  de  Saint  Paul  ce  mol  : 
«  Arereor  ne,  cum  aliis  praedicaverim,  ipse  reprobus  efficiar!  » 
Si  un  Samt  Paul,  conGrmé  en  grâce,  hôte  du  troisième  ciel, 
tremble  pour  son  salut  que  ne  fera  pas  le  prêtre  exposé  cha- 
que jour  à  de  si  formidables  dangers:' 

Ces  dangers  sont  multiples;  réduisons-les  ici  à  trois  prin- 
cipaux. i°  Insensibilité  dans  les  fonctions  saintes.  2°  Recher- 
che de  soi-même  dans  le  ministère  des  âmes.  3°  Illusion  dans 
les  jugements  de  la  conscience. 


INSENSIBILITE  DANS  LES  CHOSES  SAINTES 


D'où  naît  cette  insensibilité?  Quels  traits  la  caractérisent? 
Combien  la  guérison  en  est  difficile. 

D'où  naît  cette  insensibilité.  —  Laissons  ici  parler  l'ad- 
mirable Saint  Bernard.  «  Ne  vous  fiez  pas,  dit-il,  aux  pre- 
miers sentiments  de  ferveur  qui  vous  animent.  Rien  ne 
semble  si  solide  que  le  temps  et  la  négligence  ne  parvien- 
nent à  la  fin  à  ébranler.  » 

1°  Le  temps.  —  Redoutable  puissance  que  celle  du  temps! 
Il  passe  en  vainqueur  à  travers  les  choses  humaines;  rien  ne 
lui  résiste  et  les  ruines  s'accumulent  sous  ses  pas.  Nos  corps 
fléchissent  sous  le  poids  des  années  et  gardons-nous  de  croire 
que  nos  âmes  échappent  à  cette  inexorable  loi;  elle  aussi, 
comme  tout  le  reste,  se  fatigue  et  s'exténue.  Si  donc  le  prêtre 


384  LA   VIE   SACERDOTALE 

n'y  prend  garde,  s'il  n'a  soin  de  se  renouveler  dans  l'esprit 
de  sa  vocation,  sa  ferveur  première  tombe  peu  à  peu,  ses 
forces  spirituelles  s'amoindrissent  ;  il  pourrait  succomber 
tout  à  fait  à  cette  première  cause  de  destruction. 

2°  Les  négligences.  —  «  Tout  d'abord,  dit  Saint  Bernard, 
ces  négligences  semblent  graves  et  insupportables  à  la  cons- 
cience; puis,  peu  à  peu,  si  elles  se  renouvellent,  l'âme  n'en 
conçoit  plus  la  même  crainte.  Bientôt,  elles  paraîtront  légères; 
de  légères,  elles  deviendront  excusables;  à  la  fin,  elles  pas- 
seront inaperçues.  »  Pauvre  prêtre!  Sa  vie  sacerdotale  est 
tout  entière  tombée  en  ruines.  Rien  ne  s'y  soutient  plus;  la 
méditation  s'est  évanouie  ;  la  messe  n'est  plus  qu'un  acte 
vulgaire,  dont  il  s'acquitte  avec  une  nonchalance  ou  une  ra- 
pidité scandaleuse.  Le  soin  des  âmes  ne  le  touche  plus  ;  de 
négligence  en  négligence,  il  en  est  venu  à  ne  plus  voir  en 
elles  que  doà  étrangères  et  des  inconnues.  C'est  le  mercenaire 
de  l'Evangile  qui  ne  connaît  plus  ses  brebis.  Ni  l'étude  sacrée 
ne  l'absorbe,  ni  les  labeurs  de  la  parole  sainte  ne  le  capti- 
vent. Hélas I  bientôt,  nous  n'aurons  plus  devant  les  yeux  que 
le  serviteur  paresseux  dont  Jésus-Christ  nous  dépeint  le 
crime  et  les  châtiments. 

Quels  traits  la  caractérisent.  —  Aux  traits  suivants,  Saint 
Bernard  reconnaît  le  prêtre  qui  a  succombé  au  mal  désas- 
treux de  l'insensibilité. 

i°  Ncc  compunctione  scinditur.  —  Qu'elle  est  belle!  qu'elle 
est  pleine  de  noblesse  et  de  sécurité  la  conscience  délicate! 
L'ombre  même  du  mal  l'inquiète.  La  vue  du  péché  la  fait 
fuir.  Telle  est  la  force- que  donne  à  une  àme  fervente  l'a- 
mour divin  qu'elle  se  condamne  à  tous  les  sacrifices  pour  ne 
point  offenser  Dieu.  —  Hélas!  tel  n'est  plus  le  prêtre  insensi- 
ble. Le  péché  glisse  sur  son  âme  sans  y  laisser  la  moindre 
empreinte  de  regret  et  de  douleur.  S'approche-t-il  du  sa- 
crement de  la  pénitence,  un  coup  d'ceil  trop  rapide  et  trop 
distrait  sur  ses  fautes  ne  les  lui  fait  plus  apercevoir;  d'une 
conscience  endurcie  ne  jaillit  plus  ni  contrition,  ni  horreur. 
Un  cœur  trop  insensible  ne  lui  fait  plus  pleurer  ses  péchés. 

2°  Nec  pietale  mollilur.  —  Voyez  ce  saint  prêtre.  Son  âme 
se  fond  d'amour  à  la  seule  pensée  de  Dieu.  Son  séjour  chéri 
est  le  sanctuaire;  son  occupation  délicieuse  la  prière  et  la 
méditation.  Sa  vie  entière  est  dans  ce  mot  de  l'Imitation  : 
«  Vivre  sans  Jésus  est  un  cruel  enfer.  »  —  Mais  qu'il  est  loin 
de  sentiments  semblables  le   prêtre  devenu  insensible!  Sa 


LA    VIE   SACERDOTALE  385 

foi,  obscurcie  et  presque  éteinte,  ne  lui  révèle  plus  les  mer- 
veilles du  monde  divin.  Le  tabernacle  est  vide.  Le  Sanctuaire 
est  muet.  Plus  aucunes  voix  célestes  ne  se  font  entendre  à 
son  âme;  rien  n'est  aride  comme  sa  prière;  rien  n'est  dessé- 
ché comme  la  récitation  de  l'Office  divin,  et  les  paroles  les 
plus  enflammées  de  la  grande  Prière  officielle  éteignent  sur 
ses  lèvres  leur  plus  beau  feu. 

3°  Temerarium  ad  divina.  —  Ici  nous  nous  avançons  jus- 
qu'au bord  de  l'abîma.  Devenu  peu  à  peu  insensible,  le  prêtre 
n'est  plus  qu'un  malheureux  téméraire.  —  Téméraire  à  l'au- 
tel. Il  y  traite  les  plus  redoutables  mystères  avec  une  légèreté 
impie;  il  n'y  tient  aucun  compte  de  la  présence  du  Fils  de 
Dieu;  il  joue  avec  le  sang  divin!  —  Téméraire  au  confession- 
nal. Il  n'en  connaît  plus  les  graves  devoirs;  il  n'y  conserve 
plus  la  céleste  attitude;  il  n'en  porte  plus  le  dur  fardeau;  il 
n'en  recherche  plus  les  fructueux  résultais.  Le  confessionnal 
n'a  plus  pour  lui  que  de  rebutantes  fatiguas  dont  il  se  dé- 
charge, ou  de  sacrilèges  recherches  où  il  se  complaît.  —  Té- 
méraire en  face  de  Dieu.  Le  tribunal  de  Dieu  se  dressera 
pour  lui  comme  pour  tous  les  autres;  sa  vie  entière  de  fau- 
tes, de  négligences,  d'insensibilité,  y  sera  jugée  rigoureuse- 
ment :  malheureux  téméraire,  il  n'y  songe  même  pas. 

4°  Impavidum  ad  pericula.  —  C'est  la  fin,  c'est  le  terme 
lamentable  de  l'insensibilité.  Mieux  vaudraient  les  tumultes 
du  remords,  les  agitations  et  les  terreurs  de  la  conscience. 
Ici  c'est  le  calme,  c'est  la  sécurité  trompeuse,  et  si  Dieu  dans 
sa  miséricorde  no  prévient  pas  de  quelque  réveil  puissant  le 
prêtre  devenu  insensible,  il  mourra  dans  la  plus  elfrayante 
tranquillité. 

Combien  difficile  est  sa  guérison.  —  Le  mal  de  l'insen- 
sibilité est  d'une  guérison  étrangement  difficile.  Le  même 
Saint  Bernard  nous  en  donne  les  deux  raisons  suivantes. 

1°  C'est  un  mal  aggravé  par  le  temps.  — S'il  est  vrai  qu'une 
brusque  perturbation,  un  accident  fortuit,  quels  que  soient 
les  ravages  qu'ils  causent  à  la  santé,  seront  néanmoins  rapi- 
dement guéris,  un  mal  qui  mine  le  corps  depuis  de  longues 
années  laissera  bien  peu  d'espoir  et  finira  toujours  par  un  dé- 
nouement fatal.  Ainsi  en  est-il  de  l'insensibilité  chronique, 
de  la  tiédeur  incurable,  du  prêtre.  Cette  tiédeur  lui  est  de- 
venue comme  une  seconde  nature. 

2°  C'est  un  mal  que  ne  sentent  pas  ceux  qui  en  sont  atteints. 
—  Un  grand  Décheur  pourra  tomber  foudroyé  par  un  éclat 
T.  IV        l  26 


386  LA  VIE   SACERDOTALE 

de  la  grâce  divine.  La  douleur  alors  le  pénètre,  le  regret  le 
brise,  la  terreur  des  jugements  de  Dieu  le  secoue  victo- 
rieusement. Son  état  qu'il  ressent  vivement  lui  est  insuppor- 
table. —  Du  prêtre  insensible,  n'attendez  aucune  de  ces  véhé- 
mentes émotions.  Il  est  devenu  l'idole  dont  parle  David  : 
«  qui  a  des  veux  et  ne  voit  point,  des  oreilles  et  no  peut  en- 
tendre. » 


II 


RECHERCHE  DE  SOI-MEME  DANS  LE  MINISTÈRE 

DES  AMES 


Par  une  pente  fatale,  l'insensibilité  mène  à  la  recherche 
de  soi.  Si  Dieu  n'est  plus  l'objet  unique  de  notre  amour,  de 
nos  désirs,  de  nos  recherches,  que  reste-t-il  sinon  le  «  moi?  » 

N'aimant  plus  que  soi,  n'agissant  plus  que  pour  soi,  le 
prêtre  prostituera  son  ministère  des  trois  manières  suivantes. 

Recherche  de  la  vaine  gloire.  —  Suivons  ce  prêtre  dans 
tout  le  cours  de  sa  vie  sacerdotale.  Son  mobile  unique  c'est 
la  vaine  gloire,  il  lui  faut  toujours  la  louange,  les  satisfac- 
tions de  l'ambition,  les  postes  les  plus  en  vue,  les  missions 
les  plus  retentissantes. 

Cette  vaine  gloire  a  t-elle  subi  quelque  échec?  l'amour-pro- 
pre  s'est-il  trouvé  meurtri  ?  une  obscurité  monotone  enve- 
loppe-t-elle  son  ministère?  Le  prêtre  intéressé  devient  triste, 
découragé,  inerte. 

A  un  troisième  trait,  reconnaissons-le.  Les  succès  d'autrui 
le  rongent  de  chagrin  et  de  dépit.  Hélas  !  quels  désastres 
n'ont  pas  causés  dans  la  famille  sacerdotale  et  au  milieu  des 
fidèles  ces  jalousies  de  la  chaire,  du  confessionnal,  des  œu- 
vres, des  relations? 

Recherche  du  bien-être.  —  L'amour  de  soi  dans  le  prê- 
tre conduit  à  un  autre  mal,  mal  vulgaire  et  bas  :  la  recher- 
che du  bien-être. 


LA    VIE   SACERDOTALE  387 

Le  vrai  prêtre,  le  prêtre  selon  le  cceur  de  Dieu,  usera  sa 
vie  dans  le  travail,  ne  comptera  pour  rien  fatigues  et  dan- 
gers. —  Le  prêtre  dégénéré  reculera  devant  la  moindre  peine 
et  ne  cherchera  dans  le  ministère  sacerdotal  que  ce  qui  peut 
alimenter  son  bien-être. 

Les  recherches  du  cœur.  — Il  est  un  amour  de  soi  moins 
grossier  mais  en  réalité  plusdangereux  et  plus  funeste.  Tan- 
dis que  le  saint  Prêtre  se  donne  à  tous,  aimant  surtout  les 
pauvres,  se  prodiguantsurtout  aux  déshérités,  faisant  de  son 
cœur  l'asile  où  tous  ont  également  droit  de  cité  et  de  refuge, 
le  prêtre  sensuel  fixe  son  regard  et  son  coeur  sur  les  seules 
brebis  où  il  se  complaît.  Il  appelle  à  lui  celles-là  seules  qui 
le  charment,  il  leur  prodigue  des  soins  funestes  et  les  enve- 
loppe d'une  affection  qui  les  tue. 


III 
ILLUSIONS  DE  LA  CONSCIENCE 


Ces  illusions  constituent  un  très  réel  danger.  —  Que  le 
danger  de  l'illusion  existe,  nous  n'aurions,  pour  nous  en  con- 
vaincre, qu'à  lire  dans  les  prophètes,  dans  l'Evangile,  dans 
Saint  Paul,  la  peinture  que  Dieu  lui-même  en  a  tracée. 

Comment  s'entretiennent  ces  illusions.  —  Gomment  un 
prêtre,  d'ailleurs  absolument  dégénéré  des  vertus  de  son  sa- 
cerdoce, en  arrive-t-il  à  se  croire  irréprochable  ? 

1°  Ses  fonctions  le  trompent.  —  Le  voici  à  l'Autel.  Du  haut 
de  la  chaire,  il  instruit  les  fidèles.  Au  confessionnal,  il  les 
juge,  au  chevet  des  mourants,  il  répand  à  flots  la  grâce  du 
salut.  Cette  sainteté  de  son  ministère  le  jette  dans  l'illusion, 
il  se  croit  saint  par  cela  seul  qu'il  dispose  de  la  sainteté. 

2°  La  vue  des  autres  le  trompe.  —  Si,  dans  les  régions  su- 
périeures, il  contemple  les  saints,  c'est  avec  la  persuasion 
qu'un  tel  éclat  ne  lui  peut  convenir. 

Si,  au-dessous  de  lui,  dans  les  régions  vicieuses  du  monde, 


388  LA    VIE   SACERDOTALE 

il  regarde  les  pécheurs  :  lui-même,  comme  l'orgueilleux  pha- 
risien, se  juge  irrépréhensible. 

Dans  aucun  cas,  ce  pauvre  prêtre  abusé  ne  songera  à  se 
convertir. 


L'ESPRIT  DE  PAUVRETÉ 

DANS  LE  PRÊTRE 


L'INSTITUTION. DU  SACERDOCE  LE  PROCLAME 


Premiers  choix  que  fait  de  ses  prêtres  le  Pontife  suprême 
Jésus-Christ.  —  Premières  instructions  qu'il  donne  à  son  sa- 
cerdoce. —  Premiers  héros  de  la  pauvreté  que  ce  sacerdoce 
produit  dans  son  sein. 

Les  premiers  choix.  —  Jésus-Christ  rassemble  pour  la 
conquête  du  monde  sa  première  armée.  Douze  prêtres,  douze 
conquérants  se  partageront  la  terre,  triompheront  de  la 
puissance,  de  la  richesse,  de  l'éclat  que  le  Paganisme  leur  op- 
posera. Or,  que  sont-ils  ces  hommes  prodigieux,  qui  ont  con- 
quis le  monde  et  construit,  sur  l'ordre  de  leur  Maître,  l'E- 
glise catholique?  Ce  sont  douze  pauvres.  Jésus-Christ  est  allé 
les  prendre  dans  la  région  de  la  pauvreté.  —  Le  peu  qu'ils 
avaient  encore  :  une  chaumière,  une  barque  et  quelques  fi- 
lets, ils  ont  dû  l'abandonner;  et  maintenant  à  la  suite  du  Dieu 
pauvre,  ils  disent  triomphalement  :  «  voici  que  nous  avons 
tout  laissé.  » 

Les  premières  leçons.  —  Telle  était  l'absolue  volonté  du 
Maître.  Pauvre  entre  tous  les  pauvres,  Jésus-Christ  n'admet- 
tait comme  compagnons  de  sa  vie  et  coopérateurs  de  son  œu- 
vre que  des  hommes  détachés  des  ambitions  humaines  et  ca- 
pables de  supporter  les  dures  privations  du  dénùment.  A 
chaque  page  de  l'Evangile,  nous  voyons  Jésus-Christ  préoc- 
cupé  d'inculquer  à  ses  premiers  prêtres   l'esprit    de   pau- 


390  LA  VIE   SACERDOTALE 

vreté.  Il  les  envoie  prêcher  sans  leur  laisser  ni  argent,  ni 
ressources,  ni  même  le  bâton  du  voyageur,  ni  même  un  vê- 
tement de  rechange.  —  Comme  lui  ses  prêtres  n'ont  pas  où 
reposer  la  tète.  La  solitude  des  déserts  les  surprend  sans 
vivres  —  et  parfois,  le  long  du  chemin,  une  suprême  détresse 
les  oblige  à  froisser  dans  leurs  mains  quelques  épis  pour  s'en 
nourrir.  —  Voici  venir  un  riche  qui,  touché  de  la  grâce,  ré- 
clame, à  la  suite  du  Sauveur,  les  labeurs  de  l'Apostolat.  Obs- 
tacle insurmontable,  sa  richesse,  qu'il  se  refuse  à  abandon- 
ner, l'écartera  à  jamais  d'une  vocation  si  sublime. 

Les  premiers  héros.  —  Ainsi  formés  les  premiers  prêtres 
furent  tous  d'admirables  héros  de  la  sainte  pauvreté.  Pierre, 
au  mendiant  qui  lui  tend  la  main,  faute  d'argent,  lui  donne 
un  grand  miracle.  —  Paul  pousse  ce  cri  de  triomphe  de  la 
pauvreté  apostolique  :  «  n'ayant  rien,  nous  possédons  tout.  » 
Il  montre  ses  mains  durcies  par  le  travail  ;  elles  lui  sont 
comme  un  trophée  glorieux  de  sa  pauvreté.  —  Ailleurs,  rap- 
pelant aux  fidèles  qu'il  aurait  le  droit  de  vivre  de  l'Evangile 
et  d'exiger  de  ceux  qui  l'évangélisent  sa  nourriture  et  son 
entretien,  il  atteste  qu'il  préfère  le  dénûment  aux  honoraires 
qu'ils  lui  doivent,  et  que  ce  dénûment  il  en  fait  l'honneur  de 
son  apostolat.  —  A  la  suite  de  ces  premiers  héros,  combien 
d'autres  ont  surgi  dans  l'Eglise  ?  Et  c'est  d'eux,  c'est  du  mi- 
lieu des  cloîtres  pauvres,  que  sont  sortis  par  milliers  prêtres, 
missionnaires  et  évêques. 


II 
L'EXERCICE  DU  SACERDOCE  L'EXIGE 


A  bien  comprendre  le  sacerdoce  catholique,  il  apparaît  clai- 
rement que  Jésus-Christ  l'a  fondé  sur  la  pauvreté,  que  son 
institution  se  dénature  et  son  fonctionnement  devient  impas- 
sible sans  la  pauvreté. 

La  vie  du  prêtre  est  une  vie  de  séparation  du  monde.  — 
Lu  parole  est  formelle:  «  vous  n'êtes  pas  du  monde,  »  vont 


LA    VIE   SACERDOTALE  391 

n'appartenez  ni  à  son  luxe,  ni  à  sa  richesse,  ni  à  son  bien- 
être.  Vous  lui  laissez  ses  folles  ambitions,  ses  rires  malsains, 
ses  prodigalités  impures,  ses  joies  désordonnées.  —  Où  cher- 
chera-t-on  le  prêtre,  où  ledevra-t-on  découvrir?  Jamais  dans 
la  demeure  somptueuse,  dans  le  palais  des  rois.  «  Qu'ètes- 
vous  allé  voir  au  désert,  »  dans  la  campagne  retirée,  dans 
l'étroit  village,  dans  l'humble  et  pauvre  presbytère0  Ah!  sans 
doute,  le  vrai  prêtre  de  Jésus-Christ,  l'homme  de  son  cœur 
et  de  sa  droite,  le  légitime  successeur  des  Apôtres. 

Au  contraire,  rencontrez-vous  le  prêtre  dans  les  recher- 
ches du  luxe,  dans  les  amollissements  du  bien-être,  dans  la 
société  des  mondains?  Passez,  ce  n'est  plus  là  le  prêtre  de 
Jésus-Christ. 

La  vie  du  prêtre  est  une  vie  de  noble  indépendance.  — 
L'indépendance  est  la  plus  essentielle,  condition  du  ministère. 
Il  la  faut  au  prêtre  qui  monte  dans  la  chaire  de  la  vérité,  afin 
qu'il  y  proclame  avec  une  liberté  apostolique  la  loi  de  Dieu 
avec  ses  formidables  sanctions.  —  Il  la  lui  faut  au  saint  Tri- 
bunal, là  où,  sans  acception  de  personne,  sans  complaisance 
sacrilège,  sans  lâche  timidité,  il  doit,  comme  le  Dieu  qu'il 
représente,  rendre  à  chacun  selon  ses  œuvres.  — Il  la  lui  faut 
dans  chacune  des  autres  fonctions  de  son  ministère,  dont  le 
désintéressement  fait  la  gloire  et  maintient  la  dignité. 

Mais,  qui  ne  voit  combien  cette  indépendance  est  liée  à 
l'esprit  de  pauvreté?  Qu'il  se  laisse  dominer  par  les  préoccu- 
pations du  lucre,  c'en  est  fait  pour  le  prêtre  de  sa  liberté.  Il 
se  donnera  autant  de  tyrans  insupportables  qu'il  comptera 
d'artisans  d'une  sacrilège  fortune.  Saint  Paul  lui  décrit  les 
hontes,  les  dangers,  la  perdition  finale  d'un  tel  esclavage. 

La  vie  du  prêtre  est  une  vie  céleste.  —  Quand  Jésus- 
Christ  rendait  compte  de  sa  pauvreté,  il  le  faisait  en  ce  sim- 
ple mot  :  «  vado  ad  Patrem.  »  Je  vais,  à  mon  Père,  du  sein 
duquel  je  suis  sorti.  Je  ne  suis  pas  du  monde;  mon  royaume 
n'en  est  pas.  Je  suis  du  ciel,  je  suis  l'homme  céleste,  sans 
attache  aux  choses  d'ici-bas. 

Tel  est  le  Maître,  tel  sera  le  disciple,  tel  sera  le  prêtre  ca- 
tholique. A  lui  qui  se  rend  au  ciel,  qui  va  à  son  Père,  qui 
n'est  pas  du  monde,  dont  le  sacerdoce  a  fait  un  homme  cé- 
leste et  divin,  l'Apôtre  fait  entendre,  qu'  «  ayant  la  nourri- 
ture et  le  vêtement,  il  se  doit  tenir  satisfait.  »  —  Veut-il  da- 
rantage,   entretient-il  avec  la  terre  des  relations  de  luxe, 


M92  LA    VIE    SACERDOTALE 

d'ambition,  de  bien-être?  Il  n'est  plus  l'homme  céleste  qu'avait 
sacré  l'onction  sacerdotale;  il  est  l'homme  terrestre.  Et  plaise 
à  Dieu  qu'il  ne  devienne  pas  Y  «  homme  animal  dont  l'intel- 
ligence et  le  cœur  se  sont  fermés  aux  choses  d'en-haut.  » 

La  vie  du  prêtre  est  une  vie  de  sécurité.  —  Par  consé- 
quent, toute  ambition,  toute  avarice,  toute  recherche  désor- 
donnée du  lucre  enlèvera  au  piètre  la  paix  de  l'âme,  la  sé- 
curité de  la  conscience,  la  noblesse  calme  et  tranquille  de  la 
vie.  —  Saint  Paul  ne  cessait  de  rappeler  au  prêtre  cette  fon- 
damentale vérité.  «  Ceux,  dit-il,  qui  convoitent  la  richesse 
se  jettent  dans  toute  sorte  de  tentations,  tombent  dans  les 
filets  du  démon,  sont  en  proie  à  une  foule  d'aspirations  inu- 
tiles et  perverses  qui  plongent  l'homme  dans  la  mort  et  la 
perdition .  »  —  Ailleurs,  le  même  Saint  Paul  nous  montre 
des  prêtres  intéressés  et  cupides  allant  de  maisons  en  mai- 
sons pour  recueillir  au  prix  de  lâches  concessions,  parfois 
même  en  trahissant  la  pure  doctrine,  une  fortune  maudite 
de  Dieu.  —  N'est-ce  pas  l'amour  du  monde  cl  de  ses  biens 
qui  détachait  de  l'Apôtre  un  de  ses  plus  chers  disciples  et  lui 
faisait  dire  douloureusement  :  «  Demas  qui  aimait  le  monde, 
m'a  abandonné  ?  » 

La  vie  du  prêtre  est  une  vie  de  mortification.  —  C'est 
même  là  le  premier  et  le  plus  essentiel  caractère  de  la  vie 
sacerdotale.  Qui  dit  sacerdoce  dit  immolation,  puisque  le 
Pontife  souverain  n'est  descendu  du  ciel  que  comme  une  vie- 
lime  immolée  et  que  l'holocauste  fait  le  fond  du  culte  tout 
entier.  Venu  en  ce  monde  pour  sauver  le  monde  par  la  dou- 
leur, il  fallut  donc  que  le  Christ  souffrit  el  que,  de  la  Crèche 
au  Calvaire,  sa  carrière  sacerdotale  fût  une  Longue  suite  de 
souffrances  et  d'immolations. 

Mais  l'immolation  exigée  pour  le  rachat  du  monde  se  ter- 
mine-t-elle  à  la  Personne  sacrée  de  l'Homme-Dieu?  Nulle- 
ment. «  J'achève,  dit  Saint  Paul,  en  mon  corps  ce  qui  man- 
que à  la  Passion  «I»'  Jésus-Christ.  »  Telle  est  donc  l'indispen- 
sable mission  du  prêtre  catholique.  Il  souffre,  il  est  victime, 
on  doit  retrouver  dans  sa  vie  entière  les  stigmates  et  l'em- 
preinte du  Christ  immolé.  —  Cette  mission,  je  la  conçois  dans 
le  prêtre  pauvre  et  qui  souffre  de  sa  pauvreté.  Mais  le  prê- 
tre, homme  d'opulen  e  et  de  bien-être,  en  quoi  me  repré- 
senlc-t-il  la  Grande  Victime  du  salut  du  monde?  • 


LA   VIE   SACERDOTALE  393 

La  vie  du  prêtre  est  une  vie  de  combats.  —  Le  prêtre  a 
pour  adversaire  le  monde  dont  il  doit  sans  cesse  dénoncer 
la  perversité  et  flageller  les  vices.  Oli  !  que  le  monde  lui  fera 
payer  cher  son  apostolique  langage.  De  quel  délaissement, 
de  quelles  persécutions  il  paiera  ce  zèle  sacerdotal  qui  l'ir- 
rite !  Prêtre  zélé  et  énergique,  résigne-toi  aux  plus  dures 
privations,  mange  un  pain  rare  et  amer,  car  jamais  les  at- 
tentions et  les  faveurs  du  monde  ne  seront  pour  toi. 

La  vie  du  prêtre  est  une  vie  d'édification.  —  Quand  le 
prêtre  saura  dans  une  modeste  demeure  mener  une  vie  sim- 
ple, frugale  et  pauvre,  il  donnera  aux  Gdèles  une  double  édi- 
fication. —  Le  riche,  en  contemplant  cette  vie  de  perpétuel- 
les privations,  comprendra  le  «  Beati  pauperes  »  de  l'Evan- 
gile. —  Le  pauvre,  en  contemplant  cette  vie  de  perpétuelles 
privations,  comprendra  le  «  Beati  pauperes  »  de  l'Evangile. 


III 
L'HISTOIRE  DU  SACERDOCE  NOUS  INSTRUIT 


Ici  nous  quittons  les  vues  de  détail  pour  d'immenses  pers- 
pectives. —  Quelles  leçons  que  celles  de  l'Histoire  I  quelles 
vastes  expériences  le  clergé  a  faites,  durant  les  siècles,  de  la 
pauvreté  et  de  la  richesse  ! 

Puissant  en  œuvres,  dominateur,  conquérant,  triompha- 
teur tant  qu'il  reste  pauvre;  amolli,  sans  force,  sans  vertu, 
sans  prestige;  —  bientôt  prévaricateur,  traître  à  sa  mission, 
châtié  implacablement  par  Dieu,  quand  il  se  laisse  envahir 
par  l'amour  et  la  possession  des  biens  de  ce  monde  :  tel  est  le 
double  spectacle  que  déroulent,  à  travers  les  âges,  les  An- 
nales Ecclésiastiques. 


LE  PRÊTRE  ET  LA  FAMILLE 


Quand  le  Verbe  daigna  descendre  sur  la  terre,  ce  ne  fut 
pas  une  simple  visite  qu'il  lit  à  l'homme,  sa  créature.  Le 
mystère  est  bien  autrement  ineffable.  Le  Fils  de  Dieu  vient 
à  nous,  dans  la  réalité  de  la  nature  bumaine.  Il  est  frère 
de  l'homme.  Sans  doute,  il  n'entrera  pas  dans  la  vie  par  l'i- 
gnominieuse issue  du  péché,  mais  il  y  entrera  comme  nous; 
il  aura  une  mère.  Par  elle  et  par  Joseph,  son  père  adoptif, 
il  a,  comme  nous,  des  ancêtres,  des  proches,  une  famille. 

Prêtre  et  Chef  du  Sacerdoce,  Jésus  Christ,  dans  ses  rap- 
ports avec  la  famille  que  sa  naissance  humaine  lui  a  donnée, 
deviendra  l'instruction  et  le  modèle  des  prêtres.  Ce  qu'il  rend 
d'amour,  de  respect,  de  dévouement,  ses  prêtres  le  rendront 
après  lui.  Ce  qu'il  montre  de  sainte  indépendance  en  face 
de  la  famille,  ses  prêtres  le  montreront  après  lui. 


RESPECT,  AMOUR,   DÉVOUEMENT 


Dans  ce  tribut  qu'un  bon  prêtre  saura  rendre  aux  siens,  il 
aura  comme  guides  sa  propre  raison,  puis  les  divins  exemples 
de  Jésus-Christ. 

Ce  que  la  raison  dit  au  prêtre.  —  Elle  lui  rappelle  la  loi 
générale,  le  quatrième  précepte  du  Décalogue.  Llle  lui  mon- 
tre que  sa  vocation  même  l'oblige  à  des  devoirs  spéciaux. 

1°  Le  prêtre  est  soumis  à  la  loi  générale.  —  Cette  loi,  for- 
mulée dans  le  quatrième  précepte,  est   grave,    et  Dieu  s'en 


LA  VIE   SACERDOTALE  395 

est  fait  dans  tout  le  cours  des  âges  l'attentif  et  inflexible  gar- 
dien. —  Comme  tous  ses  frères,  quelles  que  soient  l'émi- 
nence  de  sa  dignité  et  la  supériorité  de  ses  lumières,  le  prê- 
tre ne  se  départira  pas  de  la  déférence  et  du  respect  qu'il 
doit  à  un  père  et  à  une  mère.  —  Au  souvenir  des  bienfaits 
qu'il  en  a  reçus,  du  dévouement  dont  il  en  a  été  comblé,  il 
sentira  son  cœur  s'ouvrir  largement  aux  sentiments  de  la 
reconnaissance.  —  Il  a  été  aimé  tendrement,  tendrement 
à  son  tour  il  aimera.  Jamais  les  sollicitudes  du  ministère 
ou  l'obstacle  de  l'éloignement  n'étoufferont  en  lui  cet  amour 
premier  et  essentiel.  —  Il  leur  doit  plus  qu'un  simple 
amour,  il  leur  doit  l'assistance.  Sans  doute,  le  patrimoine  de 
l'Eglise  est  sacré,  et  dans  la  dispensation  des  biens  qui  vien- 
nent du  sanctuaire  le  prêtre  ne  peut  agir  qu'avec  pru- 
dence et  réserve;  mais  si  tout  nécessiteux  adroit  d'y  puiser, 
combien  plus  les  propres  parents  nécessiteux  du  prêtre? 

2°  Le  prêtre  est  plus  spécialement  que  les  autres  soumis  au 
quatrième  commandement.  —  Une  première  raison  c'est  que, 
élevé  par  la  sollicitude,  le  travail,  souvent  les  durs  sacrifices 
des  siens,  jusqu'aux  gloires  du  sacerdoce,  ayant  reçu  plus,  le 
prêtre  doit  rendre  plus.  —  Une  seconde  raison,  c'est  que,  ici, 
comme  dans  les  autres  points  de  la  vie  chrétienne,  le  prêtre 
est  l'exemplaire  vivant  de  la  loi  et  le  modèle  du  peuple.  Si 
le  fils  ingrat,  oublieux,  dénaturé,  est  pour  tous  un  objet  d'in- 
dignation et  de  dégoût,  quel  scandale  plus  grand,  si  ce  fils 
n'était  autre  qu'un  prêtre  de  Jésus-Christ? 

Ce  que  l'exemple  divin  dit  au  prêtre.  —  1°  Renfermons- 
nous,  pour  en  contempler  les  merveilles,  dans  l'humble  de- 
meure de  Nazareth.  —  Quel  mystère!  quelle  incompréhen- 
sible conduite  !  Celui  que  nous  voyons  obéir  à  Joseph  et  à 
Marie,  vivre  soumis  à  leur  autorité,  les  entourer  de  dévoue- 
ment, les  combler  d'amour,  leur  consacrer  ses  sueurs  et  son 
dur  travail  de  chaque  jour,  c'est  le  Dieu  de  gloire,  le  Fils  de 
l'Eternel,  le  Créateur  des  mondes,  le  Dominateur  du  ciel  et 
de  la  terre  ! 

2°  Après  leur  avoir  obéi,  Jésus  Christ  les  a  glorifiés.  —  Ce 
qu'il  fit  pour  eux  durant  sa  vie  mortelle  n'est  que  le  prélude 
des  prodiges  de  grâce  et  de  gloire  dont  il  les  favorise  dans 
le  cours  des  âges  et  les  favorisera  durant  l'éternité.  —  A  quel 
sommet  d'honneur,  sur  quel  trône,  au  sein  de  quelle  domina- 
tion a-t-il  placé  sa  Mère?  Le  ciel  et  la  terre  sont  aux  pieds 
de  Marie,  les  Anges  la  servent,  l'Eglise  l'acclame,  l'enfer 


396  LA    VIE   SACERDOTALE 

même  lui  doit  son  tribut  de  rage  impuissante  et  de  terreur. 
—  Saint  Joseph,  qui  ne  fut  pour  lui  qu'un  père  adoptif,  voyez- 
le  salué  par  les  hommages  réunis  des  trois  Eglises,  du  ciel, 
de  la  terre,  du  purgatoire. 

S'il  est  ineffablement  beau  de  voir  Jésus-Christ,  le  Prêtre 
Souverain,  entourer  sur  la  terre  un  père  et  une  mère  de  sa 
sollicitude  et  de  son  amour,  combien  plus  beau  encore  est  le 
spectacle  dont  jouissent  les  Bienheureux  dans  le  ciel,  quand 
ils  voient  ce  Fils  mettre  sa  gloire  et  sa  joie  à  exaucer  les  priè- 
res, à  remplir  les  volontés  de  ceux  qu'il  nomme,  comme  ici- 
bas,  son  père  et  sa  mère  ? 


11 
SAINTE  INDÉPENDANCE 


Par  une  conduite  opposée,  mais  non  illogique,  le  prêtre,  en 
même  temps  qu'il  se  montre  pour  ses  parents  fils  respectueux, 
soumis  et  aimant,  doit  savoir,  quand  son  ministère  l'exige, 
revendiquer  vis-à-vis  d'eux  une  sainte  et  inflexible  indépen- 
dance. «  Quos,  dit  Saint  Grégoire  le  Grand,  adversarios  pati- 
mur  aesciamus.  *> 

Indépendance  au  seuil  du  Sacerdoce.  — Contemplons  une 
scène  évangélique,  nous  en  tirerons  de  décisives  conclusions. 

1°  Contemplons  une  scène  évangélique.  —  .lôsus  a  terminé  sa 
vie  cachée  cl  il  ouvre,  par  l'éclat  des  miracles  et  la  profusion 
des  bienfaits,  sa  vie  publique.  Ses  proches  regardent  grandir 
et  s'élever  le  Thaumaturge  et  ils  comptent  bâtir  sur  sa  puis- 
sance et  sa  gloire  leur  propre  fortune.  Qu'il  aille  dune  à  Jé- 
rusalem, (|u  il  se  montre  aux  foules,  qu'il  se  fasse  acclamer 
d'elles, qu'il  ravisse  1^  pouvoir,  qu'il  fonde  une  dynastie  illustre, 
qu'il  étende  et  affermisse  un  splendide  empire Où  ne  s'ar- 
rêtent pas  les  rêves  intéressés  d'une  famille  ambitieuse?  — 
Q  ie  fait  Jésus-Chrisl  .'  D'un  mot,  il  écarte  ces  ambitions  mal- 
saines  e[  ces  cupidités  sacrilèges.  Grande  leçon  pour  ceux  qui 


LA   VIE   SACERDOTALE  397 

ont  l'imprudence  de  pousser  aveuglément  leur  fils  au  sacer- 
doce. 

2°  Faisojxs  l'application  de  cette  scène  évangélique.  —  C'est 
parfois  dès  l'entance,  presque  dès  le  berceau,  que  des  parents 
jettent  leur  regard  imprudent  sur  le  Sanctuaire.  Dieu  sera-t-il 
consulté?  La  conscience  de  l'enfant  sera  t-elle  respectée?  Sa 
liberté  elle-même  ne  sera-t-elle  pas  soumise  à  une  pression 
sacrilège?  —  Voici  le  jeune  homme  au  séminaire.  Ses  goûts., 
ses  aptitudes,  ses  secrets  penchants,  ses  fautes,  ses  ambitions, 
ses  rêves  d'avenir,  tout  l'écarté  du  Sacerdoce.  Les  guides 
spirituelss'inquiètent,  l'Eglise  est  tout  entière  dans  l'anxiété... 
0  désastreuse  influence  de  la  famille  !  C'est  elle  que  le  jeune 
Lévite  croira,  à  elle  qu'il  obéira,  malgré  les  oppositions  de 
sa  nature  et  les  reproches  de  sa  conscience.  Sa  famille  pré- 
tend faire  de  lui  le  soutien  de  sa  vie,  le  lustre  de  son  nom, 
la  source  de  son  bien-être:  le  malheureux,  par  amour  ou  par 
crainte,  se  laissera  élever  à  ces  cimes  redoutables  du  sacer- 
doce, d'où  leschutes  entraînent  de  si  irrémédiables  malheurs. 

.N'est-ce  pas  pour  donner  à  ses  prêtres  une  solennelle 
leçon  que  Jésus  Christ  consentit  à  jeter  sa  sainte  Mère  et  Saint 
Joseph  dans  un  étonnement  douloureux  ?  Il  s'était  échappé  de 
leurs  mains  et  en  vain  le  cherchaient-ils  depuis  trois  mortel- 
les journées.  «  Ut  quid  me  quœrebatis?  »  leur  dit-il.  —  0 
parents!  laissez  Dieu  seul,  maître  de  la  vocation  de  vos  fils 
et  n'influencez  pas  de  si  graves  décisions  par  une  inopportune 
ingérence. 

Indépendance  dans  le  cours  du  ministère.  —  Le  prêtre, 
légitimement  appelé,  a  franchi  les  marches  du  sanctuaire. 
Dieu  l'applique  à  son  œuvre;  le  voici  au  milieu  des  fidèles, 
préposé  au  ministère  pastoral.  —  La  question  de  la  famille 
devient  pour  lui  plus  grave,  plus  décisive  que  jamais,  et  la 
sauvegarde  de  son  indépendance  décidera  seule  des  succès 
ou  des  échecs  de  son  administration. 

1°  Indépendance  quand  sa  famille  s'immisce  dans  son  yninis- 
tère.  —  Ce  danger  est  déjà  redoutable  et  le  prêtre  doit  à  tout 
prix  l'écarter.  —  Une  première  raison  c'est  que  lui  seul  et 
non  sa  famille  a  reçu  de  Dieu  les  lumières  pour  diriger  les 
fidèles  et  gouverner  une  paroisse.  Qu'il  tienne  donc  ferme- 
ment son  sceptre  sacerdotal.  S'il  cède  à  des  influences  sécu- 
lières, l'esprit  de  Dieu  l'abandonne.  —  Une  seconde  raison, 
c'est  que  sa  famille,  n'ayant  ni  vocation,  ni  grâce,  ni  esprit 
sacerdotal,  ne  pourra   qu'indiquer  des  voies  dangereuses  et 


398  LA    VIE    SACERDOTALE 

suggérer  d'imprudentes  démarches.  Si  de  plus,  elle  apporte 
dans  ses  conseils  ses  passions  propres,  ses  calculs  intéressés, 
ses  griefs  personnels,  elle  jettera  le  prêtre  dans  de  véritables 
abîmes.  —  Une  troisième  raison,  c'est  que  toute  ingérence  de 
la  famille  dans  le  ministère  du  prêtre  le  déconsidère,  l'affai- 
blit en  lui  ravissant  le  double  prestige  de  la  dignité  et  de  la 
liberté. 

2°  Indépendance  quand  sa  famille  prétend  imposer  au  prêtre 
ses  idées  personnelles.  —  Ce  dernier  danger  est  de  beaucoup 
le  plus  redoutable.  S'il  prête  l'oreille  à  ces  voix  séculières,  s'il 
adopte  ces  vues  terrestres  et  mondaines,  il  perdra  bientôt  à 
ce  funeste  contact  la  rectitude  de  l'esprit  sacerdotal,  la  vigueur 
du  sens  divin.  Il  dira  donc  aux  siens:  «  Cogitationes  meœ  non 
sunt  vestrae  »,  mes  pensées  ne  sont  pas  vos  pensées.  —  Indé- 
pendance quand  sa  famille  lui  insinue  des  vues  ambitieuses, 
des  aspirations  vers  les  dignités  et  les  honneurs.  — Indépen- 
dance quand  sa  famille  le  pousse  au  lucre,  au  bien  être,  à 
l'avarice.  Il  doit  savoir  lui  opposer  ces  mots  de  l'Apôtre  :  «  Quaes- 
tus  magnus  pietas  cum  sufficientia.  »  —  Indépendance,  quand, 
par  des  sollicitudes  mal  entendues,  sa  famille  comprime  les 
saintes  audaces  de  son  zèle  et  le  pousse  aux  douceurs  d'un 
repos  défendu.  —  Indépen  lence,  quand,  sous  prétexte  de  sa- 
gesse et  de  prudence,  sa  famille  voudrait  étouffer  les  éclats 
d'une  voix  tout  apostolique. 


DE  L'ESPRIT  PENITENT 

CHEZ  LE  PRÊTRE 


Si  nous  contemplons  l'œuvre  entière  de  la  Rédemption  du 
inonde,  c'est  la  pénitence  qui  en  rejaillit  de  toute  part.  Un 
cri  de  pénitence  l'annonce  à  la  terre  quand  apparaît  le  Rédemp- 
teur. Lui-même,  c'est  sous  les  traits  de  la  plus  sanglante 
immolation  qu'il  se  montre,  et,  afin  que  l'effusion  de  son  Sang 
divin  ne  tarît  jamais,  de  l'autel  catholique  les  flots  de  ce  Sang 
se  répandent  dans  le  monde  et  les  siècles. 

Si  la  pénitence  est  le  fond  même  du  christianisme,  elle  sera 
nécessairement  de  l'essence  du  Sacerdoce.  Comme  le  Pontife 
éternel,  le  prêtre  sera,  sur  la  terre,  un  expiateur  et  un  pé- 
nitent; et  c'est  dans  son  sacerdoce  même  que  nous  en  trou- 
vons les  trois  solides  raisons.  —  Prêtre,  il  doit  être  immaculé, 
il  doit  être  orné  de  toutes  les  vertus,  il  doit  être  la  repro- 
duction vivante  de  Jésus-Christ.  Or  cette  triple  exigence  de 
son  sacerdoce  ne  peut  se  trouver  remplie  sans  l'esprit  de 
pénitence. 


NECESSITE  D'EXPIATION 


Trois  raisons  nous  apparaissent  de  cette  nécessité  d'expia- 
tion :  l'innocence  exigée,  la  mission  imposée,  la  législation 
proclamée. 

Première  raison  :  l'innocence  exigée.  —  1°  Cette  inno- 
cence il  la  faut  ;  la  vocation  entière  du  prêtre  la  réclame.  Le 


400  LA   VIE  SACERDÛTALK 

prêtre  est  l'homme  de  Dieu,  séparé  Je  la  foule,  mis  en  ré- 
serve pour  le  culte  saint.  —  Sa  mission  la  réclame.  Le  prêtre 
est  médiateur,  obligé  sans  cesse  de  se  présenter  au  trône  de 
Dieu  pour  obtenir  le  pardon  de  ses  frères.  —  Ses  fonctions  la 
réclament.  Aucune  d'elles  ne  se  suppose  légitimement  accom- 
plie sans  la  sainteté. 

2°  Cette  innocence  comment  la  posséder?  —  Ils  sont  rares 
ceux  qui  ont  gardé  immaculée  l'innocence  du  baptême.  Tous 
nous  souillons  cette  robe  nuptiale,  tous  nous  nous  couvrons 
des  souillures  du  péché;  et,  selon  le  mot  effrayant  du  Psal- 
miste,  «  nous  devenons  abominables  à  Dieu.  »  —  Obligé  à 
l'innocence  le  prêtre  n'a  donc  qu'une  voie  pour  y  atteindre, 
c'est  d'en  refaire  la  conquête.  Or  cette  conquête  n'est  possible 
que  par  la  douloureuse  immolation  de  la  pénitence. 

Deuxième  raison  :  la  mission  expiatrice.  —  Mais  le  prêtre 
n'apas  à  implorer  pour  lui  seul  la  pilié  divine;  il  est  comme 
l' Homme-Dieu  l'universel  expiateur;  il  est  chargé  des  pécbés 
du  peuple  ;  c'est  donc,  la  couronne  d'épines  sur  la  tète  et  la 
croix  sur  l'épaule,  que  le  monde  doit  le  voir  passer  et  se 
rendre  à  son  Calvaire.  — Si  l'Apôtre  a  pu  prononcer  sur  rame 
d'un  simple  fidèle  que,  «  repue  de  bien-être  et  vivant  dans  les 
délices,  elle  est  morte  toute  vive  »  que  ne  dira-t-il  pas  du 
prêtre,  qui,  répudiant  la  pénitence,  se  déclare  «  l'ennemi 
de  la  croix  du  Christ?  » 

Troisième  raison  :  la  pratique  de  l'Eglise.  —  D'ailleurs, 
étudions  la  conduite  de  l'Eglise  catholique  sur  la  formation  et 
la  direction  de  son  clergé. 

1°  Que  fait-elle  quand  elle  admet?  —  Elle  imite  Jésus-Christ 
choisissant  ses  apôtres.  Appelés  à  l'apostolat,  ces  premiers 
prêtres  sont  séparés  du  monde,  dépouillés  de  tout,  formés  à 
fa  vie  la  plus  dure  et  tous  ils  terminent  une  vie  de  pénitence 
par  l'immolation  et  le  martyre.  —  Elle  imite  Saint  Paul  qui 
trace  au  Sacerdoce  tout  un  douloureux  programme  de  vertus 
el  do  souffrances.  —  Ainsi  persévéra  l'Eglise  dans  de  longs 
siècles  de  ferveur.  N'est-ce  pas  des  cloîtres  les  plus  austères 
que  sortaient  ses  missionnaires  et  ses  évêques  qu'elle  en- 
voyait à  la  conquête  des  nations?  —  Ainsi  continue  à  faire 
l'Eglise  au  milieu  de  nous.  Si  le  Séminaire  a  remplacé  l'an- 
cien cloître,  c'est  à  la  même  école  de  pénitence  et  de  labeur 
que  le  Sacerdoce  esl  soumis. 

2°  Que  fait-elle  quand  elle  écarte  et  expulse  7  —  L'Eglise, 


LA   VIE   SACERDOTALE  401 

mère  si  charitable  et  si  tendre,  n'en  revendique  pas  moins 
ses  pleins  pouvoirs  de  coercition.  Elle  a  des  peines  canoni- 
ques, elle  a  des  censures  rigoureuses,  elle  fait  rentrer  dans 
la  sainteté  ceux  qui  s'en  écartent  par  de  sévères  et  longues 
pénitences.  —  Et  quand  le  prêtre  indigne  rejette  obstinément 
là  pénitence,  elle  l'oxpulse  à  la  fin  sans  pitié. 


II 
NÉCESSITÉ  DE  SANCTIFICATION 


Il  est  inutile  d'établir  la  nécessité  de  cette  sanctiiication  : 
un  mot  de  Dieu  tranche  à  jamais  cette  question  capitale. 
«  Mes  prêtres,  dit-il  dans  l'Ecriture,  seront  des  saints.  » 

Or,  qu'est-ce  que  la  sainleté  et  quelle  voie  nous  reste  pour 
y  atteindre?  Une  seule,  l'immolation  de  soi,  la  mortification,  la 
pénitence. 

Idée  générale  de  la  sanctification.  —  1°  A  vrai  dire  et  pour 
tout  renfermer  en  un  mot,  la  sanctification  consiste  dans 
une  mort.  Devenir  saint  c'est  mourir.  —  N'est-ce  pas  cette 
vérité  mystérieuse  et  profonde  que  Jésus-Christ  essayait  de 
faire  pénétrer  dans  l'âme  étonnée  et  défiante  de  Nicodème  ? 
Comment  serait  possible  une  seconde  naissance  si  elle  n'était 
précédée  d'une  première  mort?  A  chaque  page  de  ses  di- 
vines Epitres  Saint  Paul  ne  nous  parle  que  de  cette  nécessité 
de  mourir.  Mourir  pour  renaître,  être  crucifié,  être  enseveli 
dans  la  mort  pour  renaître  à  une  vie  nouvelle.  Cette  doc- 
trine n'est  que  l'écho  d'une  antique  et  solennelle  parole  : 
«  delebo  hominem  !  »  Au  déluge,  cette  parole  ouvre  les  cata- 
ractes du  ciel  et  couvre  la  terre  des  eaux  vengeresses.  Au  Cal- 
vaire, elle  ouvre  les  profondeurs  de  la  miséricorde  et  couvre 
le  monde  du  sang  rédempteur.  Mais  châtiment  ou  pardon, 
rigueur  ou  pitié,  la  même  parole  reste  debout  toujours  :  «  de- 
lebo hominem!  » 

2°  En  quoi  consistera  cette  mort7?  —  L'Apôtre  ne  cesse  de 
T.  TV  26 


402  LA   VIE   SACERDOTALE 

nous  le  faire  entendre.  «  Sachons  le,  dit-il,  le  vieil  homme 
(jui  est  en  nous  est  crucifié;  »  ce  qui  est  en  nous  corps  de 
péché  doit  être  détruit.  Voyez  cet  arbre,  dont  la  pourriture 
emplit  le  tronc,  arrête  la  sève,  comprime  et  flétrit  la  vie  : 
voulons-nous  que  la  racine  produise  une  floraison  nouvelle? 
Le  tronc  pourri  doit  être  abattu. 

Considérons  ce  que  le  péché  a  fait  de  nous  :  combien  con- 
traires aux  lois  .saintes,  combien  rebelles  à  toute  vertu  céleste, 
combien  ennemis  el  adversaires  de  Dieu,  «  sapienlia  carnis 
iuimica  est  Deo.  »  C'est  lace  qui  doit  mourir.  C'est  celte  op- 
position qui  doit  prendre  Un,  c'est  l'être  souillé  et  maudit  que 
le  glaive  de  la  pénitence  doit  immoler.  Sans  cette  mort,  im- 
possible au  prêtre,  plus  encore  qu'aux  simples  fidèles,  de 
renaître  à  la  vie  des  enfants  de  Dieu.  —  Le  détail  des  vertus 
nous  le  persuadera  mieux  encore. 

Détail  de  la  sanctification.  —  1°  Quelles  sont  les  ver  fus 
principales  dont  se  compose  la  sainteté  du  prêtre?  —  Au  prê- 
tre, il  faut  {'humilité.  Si  le  monde  s'est  perdu  dans  les  excès 
d'une  orgueilleuse  révolte,  si  le  monde  n'a  trouvé  son  salut 
que  dans  les  suprêmes  humiliations  de  l'Homme-Dieu,  il  est 
évident  que  le  prêtre,  coopérateur  de  la  Rédemption,  conti- 
nuateur de  Jésus-Christ,  ne  peut  apparaître  au  ciel  et  à  la 
terre  que  revêtu  des  livrées  de  l'humilité,  «  formam  servi 
accipiens.  »  Le  prêtre  orgueilleux  ne  sera  plus,  au  lieu  du 
médiateur  demandé,  qu'un  provocateur  des  divines  colères. 
—  Il  faut  au  prêtre  la  chasteté  el  non  pas  la  chasteté  com- 
mune, mais  une  chasteté  exquise  qui  ne  fait  plus  de  lui  qu'un 
ange  dans  la  chair.  Non  seulement  le  prêtre  catholique  se 
gardera  pur  des  immondices  du  péché,  mais  il  répudiera  la 
chair  dans  ses  usages  légitimes.  —  Il  faut  au  prêtre  la  charité. 
Cette  charité  multiple  dont  l'Apôtre  nous  décrit  les  diverses 
manifestations.  —  Il  faut  au  prêtre  le  zèle.  Il  n'est  prêtre  que 
pour  le  salut  de  ses  frères.  Il  n'est  soldat  du  Christ  que  pour 
la  conquête  du  monde.  Il  n'est  apôtre  que  pour  le  triomphe 
de  l'Evangile. 

2°  Chacune  de  ces  vertus  exige  l'esprit  de  pénitence.  — 
Comment  demeurer  humble,  soumis,  patient  dans  la  contra- 
diction, calme  sous  l'injure,  vainqueur  des  plus  odieuses 
vexations,  si  l'on  n'a  pas  fait  mourir  l'orgueil  naturel  sous 
les  coups  d'une  continuelle  mortification?  Si  l'on  n'a  pas  dans 
un  douloureux  martyre  exténué  l'amour -propre,  réduit  au 
néant  toute  colère,  toute  aigreur,   toute   susceptibilité?  — 


LA  VIE   SACERDOTALE  403 

Comment  demeurer  chaste  sans  réduire  ses  sens  en  une  dure 
et  impitoyable  servitude,  sans  répudier  les  douceurs  d'une 
vie  molle  et  sensuelle,  sans  fuir  de  dangereuses  mais  atta- 
chantes liaisons,  sans  s'arracher  aux  fascinations  du  monde, 
sans,  en  un  mot,  «  couper  et  jeter  loin  de  soi  sa  main  droite  ?  » 
—  ISe  sera  doux  et  charitable,  sans  doute,  que  celui  dont  une 
longue  et  généreuse  mortification  aura  assoupli  la  raideur 
naturelle  et  étouffé  les  querelles,  les  rancunes,  les  vengean- 
ces de  l'amour-propre.  —  Qui  ne  sait,  enfin,  à  combien  de 
labeurs  exténuants  et,  souvent,  à  combien  de  persécutions 
cruelles  le  zèle  des  âmes  condamne  le  prêtre?  Qui  ne  sait, 
d'autre  part,  combien  douce  et  tranquille  peut  devenir  la  vie 
d'un  prêtre  iodifférent  et  inactif? 


III 
NÉCESSITÉ  D'IMITATION 


Si,  d'une  part,  le  prêtre  n'est  que  le  continuateur  et  la  re- 
production vivante  de  Jésus-Christ;  si,  d'autre  part,  Jésus- 
Christ  n'a  été  parmi  nous  qu'un  «  Homme  de  douleurs  »  il  est 
manifeste  que  1  esprit  de  pénitence  est  le  premier  et  le  plus 
essentiel  élément  de  la  vie  sacerdotale. 

Jésus-Christ  doit  être  reproduit  par  le  prêtre.  —  C'est 
la  raison  d'être  du  prêtre.  —  Pour  apaiser  Dieu,  réveiller  le 
monde,  attirer  et  sauver  les  âmes,  vaincre  le  péché,  refouler 
l'enfer,  il  fallut  l'apparition  du  Juste,  du  Saint,  du  Fils  de 
Dieu.  —  En  le  contemplant,  Dieu  est  ravi;  sa  colère  tombe, 
ses  miséricordes  s'échappent  à  flots  de  son  cœur  apaisé.  — 
En  jetant  sur  lui  des  regards  de  repentir  et  d'amour,  l'homme 
trouve  en  Jésus-Christ  sa  permanente  Rédemption. 

Or,  quand  Jésus-Christ  eut  dérobé  à  la  terre  le  secours  de 
sa  présence  visible,  il  se  substitua  le  prêtre.  Quand  Dieu  re- 
garde le  prêtre,  c'est  son  Fils  même  qu'il  veut  apercevoir.  — 
Quand  les  âmes  regardent  le  prêtre,  c'est  Jésus-Christ  même 
qu'elles  veulent  et  qu'elles  ont  besoin  de  retrouver. 


404  LA  VIE   SACERDOTALE 

Or  Jésus-Christ  c'est  l'Homme  de  douleurs.  —  Voir  Jé- 
sus-Christ, c'est  voir  la  douleur  vivante,  l'expiation  incarnée, 
l'éternelle  pénitence,  «  tota  vita  Ghristi  crux  fuit  ac  mar- 
tyrium.  » —  0  prêtre  I  que  deviendras-tu,  si  tu  n'es,  toi  aussi, 
homme  de  pénitence  et  de  douleur? 


L'AMOUR  DU  PRETRE 

POUR  JÉSUS-CHRIST 


AIMER  JESUS-CHRIST  EST  UN  RESOIN 
DE  SON  CŒUR 


Ge  qu'est  le  cœur  au  milieu  du  monde.  —  1°  Loin  de  nous 
de  prétendre  que  le  cœur  qui  se  donne  au  monde  jouisse  cfwi 
bonheur  parfait.  —  En  réalité,  il  y  est  trop  souvent  meurtri 
par  les  aspérités  des  choses  humaines,  déçu  dans  ses  espé- 
rances, trompé  dans  ses  plus  ardentes  aspirations.  Vaste 
comme  le  ciel,  rien  ici-bas  ne  le  peut  remplir;  délicat  comme 
une  fleur  céleste,  il  subit  douloureusement  le  contact  des  cho- 
ses humaines. 

2°  Néanmoins  le  cœur  qui  se  donne  au  monde  y  peut  trou- 
ver de  légitimes  et  vives  jouissances.  —  Il  se  donne  et  il  reçoit 
en  échange  des  affections  suaves  et  généreuses;  il  se  répand 
dans  une  famille  qu'il  tient  de  Dieu  et  qui  lui  rend  au  cen- 
tuple l'amour.  Les  plaisirs  permis,  les  réjouissances  honnê- 
tes alternent  avec  le  tumulte  laborieux  des  affaires.  L'homme 
du  monde,  sans  atteindre  jamais  au  bonheur  parfait,  trompe 
néanmoins  la  faim  qu'il  en  éprouve. 

Ce  qu'est  le  cœur  du  prêtre.  —  Mais  le  prêtre  ?  Quelle  est 
sa  situation  ici-bas?  Que  deviendra  ce  cœur  qui  n'est,  au 
milieu  du  monde,  qu'un  royal  exilé?  «  La  terre  est  aux  en- 
fants des  hommes;  »  l'enceinte  d'un  foyer  domestique  est 
fermée  pour  lui.  Ni  l'affection  d'une  compagne,  ni  de  joyeux 


406  LA    VIE   SACERDOTALE 

sourires  d'enfants  n'égaieront  son  existence.  «  non  eatis  de 
hoc  mundo.  »  —  Dès  lors  voici  sa  double  histoire. 

1°  Si  le  prêtre  7iaime  plus  les  biens  célestes.  —  Le  malheu- 
reux s'est  détourné  de  Dieu  pour  se  donner  aux  affections 
terrestres.  Il  voudrait,  comme  les  autres,  jouir  des  biens  et 
des  douceurs  du  monde.  Mais  le  monde  estpour  lui  un  royaume 
fermé,  une  région  interdite;  s'il  en  franchit  la  frontière,  sa 
vocation  l'en  repousse;  il  y  est  déplacé,  son  assiduité  semble 
odieuse;  il  ne  sera  jamais  dans  un  milieu  qui  n'est  pas  fait 
pour  lui  qu'un  hôte  importun  ou  même  ridicule. 

2°  Si  le  prêtre  répudie  la  terre  pour  posséder  le  ciel.  —  C'est 
le  vrai,  le  saint  prêtre,  qui  a  compris  la  splendeur  et  les 
charmes  de  sa  divine  vocation.  La  Beauté  suprême  s'est  révé- 
lée à  lui;  il  aime  de  toutes  les  ardeurs  de  son  âme  le  Christ, 
Fils  de  Dieu.  En  un  seul  amour,  il  retrouve  les  ivresses  de 
tous  les  autres.  Dieu  remplace  infiniment  pour  lui  les  joies 
de  ce  monde.  Et  du  faîte  où  le  place  l'amour  divin,  il  jette, 
comme  Saint  Paul,  à  toute  créature  le  plus  sublime  défi. 

Ne  plaignons  pas  le  prêtre  d'une  solitude  que  le  ciel  vient 
remplir.  Son  cœur  est  tout  entier  captivé  par  des  charmes 
divins,  et  l'amour  qui  le  transporte,  n'étant  sujet  à  aucune 
déception  et  à  aucun  mélange,  son  bonheur  n'est  lui-même 
exposé  à  aucune  vicissitude  et  à  aucun  retour. 


II 


AIMER  JESUS-CHRIST  EST  UN  DEVOIR 
DE  SA  GRATITUDE 


S'il  considère  ce  qu'il  a  reçu  de  Jésus  Christ  &\  ce  qu'il 
doit  rendre  à  Jésus-Christ,  le  prêtre  comprendra  combien  est 
sacrée  pour  lui  la  dette  de  l'amour. 

Ce  que  le  prêtre  a  reçu  de  Jésus-Christ.  —  Comptons  trois 
objets  de  cette  dette. 


LA    VIE    SACERDOTALE  40" 

in  Le  choix  dont  Jésus-Christ  l'a  honore.  —  Au  milieu  des 
foules,  parmi  des  milliers  de  ses  semblables,  dont  un  grand 
nombre  étaient  peut-être  mieux  doués  et  plus  méritants  que 
lui,  Jésus-Christ  est  venu  le  prendre.  Choisi  par  ce  Maître  di- 
vin, le  prêtre  s'est  trouvé  élevé  sur  le  plus  beau  trône  après 
celui  de  Dieu.  Ou  plutôt,  osons  le  dire,  c'est  la  puissance  de 
Dieu  même  qui  lui  a  été  conférée;  ce  sont  les  œuvres  même 
de  Dieu  qu'il  accomplit,  c'est  la  gloire  même  de  Dieu  qui  le 
couronne:  «  sacerdos  alter  Christus.  » 

2°  L'amour  dont  Jésus-Christ  l'a  comblé.  —  Oh  !  comme  Jésus 
Christ  aime  son  prêtre!  Il  le  veut  sans  cesse  avec  lui;  jamais 
il  ne  s'en  sépare;  son  repos,  ainsi  qu'il  le  déclare,  il  le  trouve 
dans  un  c  sur  sacerdotal.  La  tète  de  son  disciple  reposera 
sur  sa  poitrine.  Par  trois  fois,  il  provoquera  Pierre  à  l'aimer. 
Toute  froideur  venue  du  cœur  de  ses  prêtres  le  torture  cruelle- 
ment. Facilement,  di!-il,  il  supporte  l'injure  de  ses  ennemis; 
mais  il  est  blessé  au  cœur  des  moindres  délaissements  de  ses 
prèlres. 

3°  Les  dons  que  Jésus-Christ  lui  a  conférés.  —  S'il  partage 
aux  fidèles  les  dons  de  sa  grâce,  au  prêtre  il  les  prodigue  tous 
à  la  fois.  Au  prêtre  la  garde  de  ses  trésors.  Au  prêtre  il  fait 
resplendir  sa  vérité  tout  entière;  au  prêtre  il  confie  l'achève- 
ment de  sa  rédemption.  Des  lèvres  du  prêtre  s'échappent  des 
paroles  puissantes  comme  celles  de  Dieu;  et  quand  la  main 
du  prêtre  se  lève  pour  absoudre  Dieu  ratifie  sa  sentence  du 
haut  du  ciel. 

Ce  que  le  prêtre  doit  rendre  à  Jésus-Christ.  —  Redisons 
avec  le  Psalmiste:  «  Quid  retribuam  ?  m  L'amour  du  prêtre 
pour  Jésus-Christ  sera  l'unique  et  obligatoire  paiement  de  la 
dette,  et  ce'  amour  suivra  pas  à  pas  le  chemin  suivi  par  le 
Christ  qui  l'a  aimé. 

lù  Ce  sera  un  amour  de  choix.  —  Le  prêtre,  comme  Saint 
Paul,  renoncera  à  tout,  se  dépouillera  de  tout,  pour  ne  pos- 
séder plus  que  Jésus-Christ  Ni  les  biens  de  la  fortune,  ni 
l'ivr ,'ss  ■  de  l'ambition  et  des  honneurs,  ni  les  fascinations  du 
plaisir  ne  diront  plus  rien  à  son  cœur.  Comme  il  ne  veut  sa- 
voir qu'une  chose  il  ne  veut  non  plus  posséder  qu'une  chose: 
«  Jésus-Christ  et  Jésus-Christ  crucifié.  » 

2°  Ce  sera  un  amour  de  dévouement.  —  L'égoïsme  refroidit 
et  tue  l'amour.  Le  prèlre  ne  connaîtra  jamais  l'égoïsme  et  il 
entendra  toujours  se  sacrifier  à  l'amour;  il  aimera  tout  ce 
qu'aime  Jésus-Christ  :  l'Eglise,    les  âmes,   les  pécheurs,  les 


408  LA   VIE   SACERDOTALE 

pauvres  et  les  humbles,  les  malheureux  et  les  déshérités . 
Comme  Saint  Paul  «  il  donnera  tout  et  se  donnera  lui-même  » 
en  témoignage  de  l'amour  qu'il  porte  à  Jésus-Christ. 

3*  Ce  sera  un  amour  de  complet  sacrifice.  —  Tel  est  l'amour 
véritable,  tel  a  été  lamour  de  Dieu  pour  les  hommes,  et  c'est 
au  Calvaire,  dans  l'héroïsme  de  la  mort,  que  l'Amour  s'est 
révélé  à  nous.  —  C'est  aussi  dans  le  complet  sacrifice  de  soi- 
même,  de  son  temps,  de  ses  forces,  de  son  corps,  de  son  âme, 
de  sa  vie  entière,  que  le  prêtre  donnera  le  témoignage  d'un 
amour  reconnaissant. 


III 


AIMER  JÉSUS-CHRIST  EST  UNE  NÉCESSITÉ 
DE  SA  SANCTIFICATION 


Tout  est  saint  dans  le  prêtre.  Sainte  est  sa  vocation,  saintes 
sont  ses  fonctions.  La  conséquence  rigoureuse  sera  que  sa  vie 
doit  être  sainte.  Or  cette  sainteté,  s'il  aime  Jésus-Christ,  lui 
deviendra  à  la  fois  douce  et  aisée. 

Sa  vocation  est  sainte.  —  1°  La  sanctification  chez  le  prê- 
tre est  une  sanctification  indispensable.  Inutile  ici  d'insister 
tant  l'Ecriture  se  prononce  formellement,  tant  la  raison  en 
fournit  de  motifs,  tant  les  exemples  des  saints  nous  en  donnent 
de  resplendissantes  affirmations. 

2°  La  sanctification  du  prêtre  rst  une  sanctification  entra- 
vée. —  Tout  prêtre  doit  être  un  saint.  Mais,  ht' las!  que  les 
difficultés  se  multiplient  1  que  d'abîmes  s'entr'ouvrent  !  que 
d'obstacles  se  dressent!  que  d'ennemis  se  lèvent  implacables 
et  furieux  devant  cette  sainteté  sacerdotale!  —  Ennemis  du 
dehors.  C'est  le  monde,  c'est  l'enfer.  Le  monde  qui  ofi'ro  à  la 
vertu  du  prêtre  tant  d'occasions  dangereuses,  tant  de  sollici- 
tations perfides,  parfois  tant  de  haines  et  de  persécutions 
cruelles.  C'est  l'enfer  que  la  chaste  beauté,  la  divine  éléva- 
tion, les  merveilleux  pouvoirs,  les  puissantes  œuvres  du  sa- 
cerdoce catholique,  exaspèrent  et  poussent  à  d'implacables 


LA    VIE   SACERDOTALE  409 

guerres.  —  Ennemis  du  dedans.  Le  prêtre  n'est  pas  pris  d'une 
région  supérieure  et  céleste.  Il  n'est  pas  un  ange  des  cieux, 
il  est  un  fils  de  la  terre.  Le  péché  originel  coule  dans  ses  vei- 
nes, la  triple  concupiscence  bouillonne  on  lui,  ses  passions 
sont  frémissantes.  «  C'est,  dit  l'Apôtre,  dans  de  fragiles  vases 
de  terre  »  que  sont  renfermés  les  dons  les  plus  magnifiques 
du  sacerdoce. 

Epouvanté  de  sa  faiblesse,  en  face  de  si  nombreux  et  de  si 
puissants  adversaires,  l'Apôtre  s'écrie:  «  Quis  meliberabit?  » 
Il  répond  :  «  Jésus-Christ  ».  Jésus-Christ  seul  préservera  le 
prêtre  et  lui  rendra  possible  la  sanctification  exigée  de  lui. 

3°  La  sanctification  du  prêtre  n'est  possible  que  s'il  aime  Jé- 
sus-Christ. —  A  Dieu  ne  plaise  que  nous  rejetions  les  autres 
freins  donnés  aux  passions  frémissantes.  Sans  cesse  le  prê- 
tre se  remettra  devant  les  yeux  la  sublimité  de  sa  vocation, 
la  grandeur  de  ses  pouvoirs,  le  ;  formidables  responsabilités 
qu'il  encourt.  11  jettera  à  l'approche  de  l'ennemi,  aux  pre- 
miers bruissements  de  la  tempête,  des  cris  de  détresse  sin- 
cères et  profonds.  —  Il  tremblera  en  face  des  divines  justi- 
ces, il  éteindra  dans  les  terreurs  du  jugement  futur  les  feux 
dévorants  de  ses  passions. 

Mais  combien  plus  efficace  encore  lui  sera  l'amour  de  Jé- 
sus-Christ! Comment  outrager  Celui  qu'on  aime?  Comment 
trahir  le  plus  sacré  et  le  plus  doux  de  tous  les  serments  d'a- 
mour? Comment  se  condamner  à  perdre'  Celui  qui  vaut  et 
renferme  à  Lui  Seul  tous  les  trésors  ?  —  Que  Jésus-Christ 
s'offre  à  nous  sous  les  étincelantes  parures  de  sa  résurrec- 
tion, sous  la  douce  et  suave  humilité  de  sa  vie  mortelle,  sous 
les  sanglantes  visions  du  Calvaire  :  partout  et  toujours,  ra- 
vissant notre  âme,  captivant  notre  cœur,  il  imposera  à  nos 
plus  véhémentes  passions  un  joug  victorieux.  —  Si  la  prati- 
que quotidienne  de  ses  austères  vertus  fatigue  le  prêtre, 
l'Imitation  lui  répète:  «  Ubi  amatur  non  laboratur.  »  Si  de 
sanglants  sacrifices  sont  imposés  à  sa  vertu,  c'est  dans  l'amour 
plus  puissant  de  Jésus-Christ  qu'il  trouvera  la  force  de  les 
accomplir.  Il  répétera  avec  Saint  Paul  :  «  Je  puis  tout  en  Ce- 
lui qui  est  ma  force.  » 

Ses  fonctions  sont  saintes .  —  Est-ce  à  l'Autel,  au  confession- 
nal, dans  la  chaire,  au  chevet  du  moribond,  dans  la  demeure 
du  pauvre,  dans  le  palais  du  riche,  qu'il  nous  plaît  de  con- 
templer le  prêtre?  Partout,  à  chacun  de  ses  pas,  dans  cha- 
cune de  ses  fonctions,  la  sainteté  doit  briller  en  lui. 


410  LA   VIE   SACERDOTALE 

Or  cette  sainteté  ne  saurait  avoir  Je  plus  efficace  excita- 
tion, de  plus  puissant  auxiliaire,  que  l'amour  de  Jésus- Christ. 
S'il  aime,  sa  messe  sera  fervente,  sa  parole  enflammée,  ses 
sentences  charitables  et  courageuses,  son  contact  sanctifiant 
et  béni. 


LE  CÉLIBAT  ECCLÉSIASTIQUE  : 

SON  EXCELLENCE 


Le  sacerdocede  Jésus-Christdevait  ètreun  sacerdoce  vierge. 
Lui-même  le  fait  pressentirpar  la  manière  dont  il  fait  son  en- 
trée dans  ce  monde.  Vierge,  c'est  d'une  Mère  vierge  qu'il 
veut  naître,  et  il  le  veut  ainsi  pour  trois  raisons.  —  Sa  gran- 
deur l'exige.  Il  vient  en  ce  monde  pour  triompher  du  péché, 
dominer  la  chair,  terrasser  l'enfer.  Or,  comme  la  chute  de 
l'homme  et  le  triomphe  du  démon  ont  eu  pour  point  de  dé- 
part une  volupté  coupahlo,  la  complète  victoire  du  Christ,  il 
l'obtiendra  dansla  virginité  volontaire.  — Sa  mission  l'exige. 
Il  vient  inaugurer  sur  la  terre  la  vie  des  cieux.  Or,  la  plus 
brillante  et  la  plus  pure  expression  de  cette  vie,  c'est  assu- 
rément dans  la  virginité  volontaire  qu'il  nous  la  faut  trou- 
ver. —  Son  cœur  l'exige,  ce  cœur  tout  immaculé,  qui  s'est 
épris  pour  la  virginité  d'un  si  véhément  amour. 


I 


SUBLIMITÉ  ET  HÉROÏSME  DU  CELIBAT 
ECCLÉSIASTIQUE 


Nous  le  comprendrons  si  nous  nous  rappelons  à  la  fois  son 
histoire,  les  vertus  qu'il  suppose,  les  combats  qu'il  a  affron- 
tés. 

Son  histoire  nous  les  révèle.  —  1°  Quels  longs  siècles  Dieu 
mit  à  le  produire  \  Les  vertus  les  plus  hautes,  les  héroïsmes 


412  LA   VIE   SACERDOTALE 

les  plus  éclatants  brillent  déjà  sur  la  terre,  que  la  virginité 
volontaire  n'ose  encore  y  apparaître.  Les  Patriarches:  un  Abra- 
ham, un  Isaac,  un  Jacob,  reçoivent  de  Dieu  les  commande- 
ments les  plus  durs  et  ils  y  sont  fidèles.  Moïse,  abandonnant  les 
délices  d'une  cour,  «  se  charge  de  la  croix  du  Christ  ».  Saint 
Paul  nous  fait  l'effrayante  peinture  des  souffrances  qu'ont  en- 
durées ces  Justes  de  l'Ancienne  Alliance  et  des  combats  qu'ils 
ont  livrés.  —  Une  seule  vertu,  un  seul  sacrifice,  une  seule 
immolation,  fait  reculer  Dieu  :  la  virginité  volontaire. 

2°  Dans  quels  termes  Jésus-Christ  la  propose.  —  L'Homme- 
Dieu  est  venu.  Son  sang  arrosera  et  fera  épanouir  la  divine 
virginité,  et  cette  vertu,  impossible  sans  lui,  émaillerade  ses 
mille  fleurs  le  jardin  de  l'Eglise.  —  Mais,  remarquons  avec 
quelle  crainte,  quelles  précautions,  quelle  timidité  mysté- 
rieuse, Jésus-Christ  propose  le  glorieux  héroïsme  du  célibat 
volontaire!  —  Son  organe  et  son  porte-voix,  Saint  Paul,  fait 
de  même  ne  présentant  aux  fidèles  cette  immolation  qu'avec 
la  plus  extrême  réserve.  L'Eglise  ne  tient  pas  d'autre  con- 
duite, n'admettant  ses  religieux  et  ses  lévites  au  vœu  re- 
doutable qu'après  une  longue  probation  et  les  plus  sérieuses 
épreuves. 

3°  Quelles  ont  été  les  péripéties  sanglantes  de  son  histoire'!  — 
C'est  pour  elle,  pour  l'imposer,  la  faire  renaître,  la  mainte- 
nir, que  l'Eglise  a  reçu  ses  plus  cruelles  blessures.  N'est-ce 
pas  aux  sombres  jours  où  son  Clergé  méconnaissait  l'austère 
immolation  du  célibat  que  les  révoltes  violentes,  les  ruptu- 
res, les  schismes,  les  hérésies  se  sont  fait  jour?  N'est-ce  pas 
un  moine  sacrilègement  marié,  un  impur  Luther,  qui  lui 
arrache  l'Allemagne?  N'est-ce  pas  sous  un  clergé  dégénéré 
que  l'Angleterre  se  sépare  d'elle?  Et  l'Orient,  à  quoi  doit-il 
attribuer  l'état  de  profonde  dégradation  où  il  est  tombé,  sinon 
à  l'incontinence  de  son  clergé? 

Les  vertus  qu'il  suppose  nous  le  révèlent.  —  Si  «  aux 
fruits  on  connaît  l'arbre  »,  elle  sera  assurément  d'une  extra- 
ordinaire valeur  cette  virginité  du  prêtre,  puisque,  pour  la 
produire,  toutes  les  vertus  doivent  se  réunir  et  s'employer. 

1°  La  réunion  des  vertus  lui  est  jiécessairc  :  humilité,  morti- 
fication, piété.  —  L'orgueilleux  ne  sera  point  continent,  car 
la  vertu  de  Dieu  l'abandonne,  le  démon  a  sur  lui  tout  empire, 
la  chair  n'obéit  plus  à  l'esprit.  Comme  Eve,  après  avoir  cédé 
aux  folles  espérances  de  la  gloire,  il  se  jette  avec  frénésie 
sur  la  pâture  d'un  fruit  défondu.  — L'immortifié  ne  sera  point 


LA   VIE   SACERDOTALE  413 

continent,  lui  qui  déchaîne  ses  sens  et  donne  à  sa  concupis- 
cence de  perpétuels  aliments;  lui  qui  oublie  que  la  plus  divine 
des  fleurs  s'épanouit  sur  un  Calvaire,  arrosée  du  sang  de  l'im- 
molation? —  Le  prêtre  sans  piété  comment  resterait-il  conti- 
nent? N'est-il  pas  écrit  :  «  nemo  continens  nisi  Deus  det?  » 
La  continence  est  la  plus  vigoureuse  et  la  plus  indispensable 
des  grâces  de  Dieu.  C'est  au  pied  du  Tabernacle,  des  mains 
de  la  piété,  que  le  prêtre  peut  la  recevoir. 

2°  La  garde  des  sens  lui  est  nécessaire.  —  C'est,  dit  l'Ecri- 
ture, par  les  fenêtres,  c'est-à-dire  par  les  sens  que  la  mort 
entre  dans  l'âme.  C'est  donc  au  prix  de  la  perpétuelle  immo- 
lation de  nos  sens  que  nous  sauvegarderons  le  plus  délicat 
des  trésors.  —  Job  fait  un  pacte  avec  ses  yeux.  —  Saint  Paul 
terme  nos  oreilles  à  tout  bruit  dangereux;  nos  lèvres  à  toute- 
parole  impure,  et  sur  notre  chair  entière  il  fait  peser  la  croix 
de  Jésus-Christ.  Avec  quelle  énergie  n'est-il  pas  exigé  que 
nous  nous  coupions  la  main,  que  nous  nous  arrachions  l'œil, 
et,  pénétrant  jusque  dans  l'intime  de  l'être,  que  nous  refou- 
lions jusqu'à  la  pensée,  jusqu'à  l'image  du  mal? 

3°  La  vigilance  la  plus  sévère  lui  est  nécessaire.  —  La  Cité 
ne  résistera  aux  assaillants  que  si,  sûre  d'elle-même  à  l'inté- 
rieur, elle  garde  les  issues  contre  les  incursions  du  dehors. 
Au  dehors  est  le  monde  avec  ses  amollisements  et  ses  fasci- 
nations, avec  ses  maximes  perverses,  ses  joies  empoisonnées, 
ses  spectacles  corrupteurs.  —  Au  dehors  sont  les  liaisons 
dangereuses,  les  rencontres  funestes,  les  occasions  mortel- 
les. 

Malheureux  David!  Tu  ne  veillais  plus  sur  l'ennemi  du 
dehors,  quand,  vaincu  par  tes  regards,  tu  tombais  dans  l'a- 
dultère, de  l'adultère  dans  l'homicide,  de  l'homicide  dans  de 
longs  mois  d'impénitcnce  et  d'endurcissement. 

Les  luttes  qu'ils  nécessitent  nous  les  révèlent.  —  Nulle 
vertu  ne  demandera  jamais  du  prêtre  plus  de  vigueur,  de 
force  et  d'héroïsme  que  sa  virginité. 

1°  La  lutte  contre  la  chair  est  toujours  et  pour  tous  une 
lutte  terrible.  —  Jetez  les  yeux  à  travers  les  siècles  sur  l'his- 
toire humaine,  quels  sont  ces  innombrables  vaincus  qui  gi- 
sent sur  un  sol  déshonoré  ?  Qui  a  frappé  ces  victimes?  Qui 
a  creusé  ces  tombes  ignominieuses?  Qui  a  fait  ces  cadavres? 
Qui  a  renversé  ces  dynasties  et  perdu  ces  grands  peuples  ? 
Vraiment,  il  semble  que  la  nature  humaine  n'ait  jamais 
connu  qu'un  seul  implacable  vainqueur:  le  vice  de  la  chair. — 


414  LA  VIE   SACERDOTALE 

N'est-ce  pas  contre  lui  et  ses  mortelles  révoltes  que  Saint 
Paul  poussait  ses  cris  de  détresse  les  plus  déchirants? 

2°  Dans  cette  lutte,  combien  de  facilité  et  de  ressources  sont 
laissées  au  laïque.  —  Suivons  une  expressive  image  de  Saint 
Jean  Chrysostome  comparant  l'état  du  mariage  à  celui  de 
la  virginité  volontaire.  Pour  le  laïque  lui  aussi  la  lutte 
existe.  Lui  aussi  sera  violemment  secoué  par  les  flots  de  la 
tempête.  Mais,  quelle  différence!  Quand  sa  barque,  trop  fai- 
ble pour  lutter  contre  les  flots,  le  menacera  de  quelque  nau- 
frage, il  abandonnera  la  haute  mer  et  cherchera  dans  le 
port,  qui  lui  est  toujours  ouvert,  l'apaisement  des  orages  trop 
violents  pour  sa  vertu:  «  revertimini  in  idipsum.   » 

3°  Ces  ressources,  le  prêtre  en  demeure  à  jamais  privé.  — 
A  lui,  un  océan  sans  borne,  une  navigation  sans  fin.  Quels 
que  soient  les  orages  qui  l'assaillent,  les  flots  qui  l'envahis- 
sent, aucun  refuge  ne  s'ouvre  à  lui  et  il  doit  garder  la  haute 
mer. 


II 


iNÉGESSITÉ  ET  AVANTAGES  DU  CELIBAT 
ECCLÉSIASTIQUE 


Cette  nécessité  du  célibat  ecclésiastique  est  double,  regar- 
dant à  la  fois  le  culte  divin  et  le  ministère  des  âmes. 

Nécessité  tirée  du  culte  divin.  —  Saint  Paul  dit  du  prê- 
tre que,  «  retiré  du  milieu  des  hommes,  il  est  préposé  au 
culte  de  Dieu  ».  D'où  le  même  Saint  Paul  appelle  le  prêtre 
((  l'homme  de  Dieu  ».  Sans  cesse  le  prêtre  fait  retentir  la  di- 
vine louange.  Ses  fonctions  saintes  le  réclament  perpétuelle- 
ment  auprès  de  Dieu.  Sa  demeure  est  le  ciel  bien  plus  que 
la  terre  et  quand  il  offre  le  grand  sacrifice  de  la  Loi  Nouvelle, 
quand  il  immole  mystiquement  la  Victime  du  Calvaire,  est  ce 
un  houime  ou  plutôt  un  ange  et  plus  qu'un  ange  que  nous 
avons  sous  les  yeux  ?  —  Or,  de  pareilles  fonctions  réclament 
La  virginité. 


LA   VIE   SACERDOTALE  415 

1°  Le  prêtre  vierge  est  plus  pur.  —  Dégagé  des  liens  de  la 
chair,  il  adore,  comme  le  veut  la  Loi  nouvelle,  «  en  esprit  et 
en  vérité  ».  Si  le  prêtre  de  la  Loi  Mosaïque  n'obtenait  que 
d'une  continence  momentanée  le  droit  d'offrir  les  victimes 
figuratives,  comment,  sans  une  continence  perpétuelle,  le 
prêtre  de  la  loi  nouvelle,  offrirait-il  cliaque  jour  le  véritable 
et  divin  holocauste  ? 

2°  Le  prêtre  vierge  est  plus  libre.  —  Quelle  liberté  d'âme, 
quels  loisirs  du  temps  lui  resteraient  pour  ses  fonctions  sain- 
tes, si  le  mariage  le  jetait  dans  ses  embarras  quotidiens, 
l'emportait  dans  son  tourbillon  de  sollicitudes  et  d'angois- 
ses ? 

3°  Le  prêtre  vierge  est  plus  recueilli.  —  Lisez  dans  Saint 
Paul  la  différence  qui,  sous  ce  rapport,  sépare  le  célibat  du 
mariage.  Là,  un  calme  profond,  une  solitude  silencieuse, 
une  facilité  ininterrompue  de  se  livrer  à  la  méditation  et  à  la 
prière,  un  cœur  sans  partage,  une  pensée  sans  entrave,  un 
ciel  sans  obscurcissements.  —  Ici,  une  existence  entrecoupée 
de  soins,  de  soucis,  d'œuvres,  de  labeurs  de  toute  sorte;  une 
âme  que  mille  agitations  bouleversent,  un  cœur  que  des  af- 
fections, légitimes  sans  doute  mais  absorbantes,  se  partagent. 

Nécessité  tirée  du  ministère  des  âmes.  —  Ces  âmes  il  les 
faut  aimer,  il  les  faut  former,  il  les  faut  régir.  —  Or  sans 
le  célibat  jamais  le  prêtre  ne  sera  assez  à  elles  pour  fournir 
à  cette  triple  mission. 

[°  Il  les  faut  aimer.  —  Continuateur  de  Jésus-Christ;  comme 
Jésus-Christ  les  aimait,  le  prêtre  doit  aimer  les  âmes.  Les 
aimer  sans  partage  du  cœur.  Les  aimer  en  se  livrant  à  elles 
sans  réserve.  —  Voyez  Jésus-Christ  aimant  l'Eglise.  Il  vient 
à  elle,  et  pour  elle  il  quitte  sa  gloire  et  se  dépouille  de  ses 
splendeurs.  Pour  elle  il  vit,  il  travaille,  il  souffre,  il  meurt. 
Ses  richesses  sont  à  elle;  tout  ce  qu'il  est,  tout  ce  qu'il  a  lui 
appartient.  Ses  douleurs  il  les  fait  siennes,  ses  larmes  cou- 
lent sur  elle  amèrement.  Et  quand  l'heure  de  la  résurrection 
et  de  la  gloire  est  venue,  il  ne  retourne  au  ciel  que  pour  y 
préparer  aux  âmes  leur  demeure.  El  que  fait-il  de  son  Eu- 
charistie? De  quoi  remplit-il  les  heures  de  sa  silencieuse  et 
solitaire  vie  mystique?  De  l'amour  des  âmes. 

Tel  sera  le  prêtre.  Comme  Jésus-Christ,  comme  Saint  Paulson 
imitateur  fidèle,  il  sera  dévoré  de  l'amour  des  âmes,  et  cet 
amour  lui  deviendra  un  ineffable  martyre.  Ce  sera  le  feu  dont 
il  se  sentira  embrasé,  ce  sera  l'aspiration  véhémente  dont 


416  LA   VIE   SACERDOTALE 

son  cœur  sera  sans  cesse,  sans  relâche,  remué  :  «  os  patet  ad 
vos,  oCorinthii!  »  —  Mais  supposons  le  prêtre  sans  le  célibat. 
Il  a  juré  sa  foi  à  une  compagne,  il  lui  a  donné  son  cœur,  il 
est  devenu  père  et  tout  son  être  va  se  partageant  entre  ces 
objets  aimables  et  chéris.  Qu'en  restera-t-il  pour  les  âmes0 
Qu'en  obtiendront  les  malheureux  et  les  déshérités  ? 

2°  Il  faut  former  les  âmes.  —  «  Filioli,  disait  l'Apôtre,  quos 
ego  parturio  donec  formetur  in  vobis  Christus.  »  Voilà  tout  le 
programme  d'une  vie  sacerdotale.  Plus  esclave  qu'une  mère 
tendre  et  passionnée,  le  piètre  enfante,  nourrit,  élève,  instruit, 
protège,  défend,  guérit,  ressuscite  s'il  le  faut,  les  élus  de 
Dieu.  C'est  là  sa  glorieuse  mais  aussi  sa  laborieuse  tâche.  Ses 
heures  s'y  consacrent,  savie  s'y  dépense,  ses  forces  s'y  usent. 
Et  malheur  à  lui  s'il  défaille,  s'il  rejette  les  devoirs  de  sa  cé- 
leste paternité!  —  Or  quelles  heures  et  quelles  forces  lui 
resteront  pour  une  famille  spirituelle,  si,  père  à  la  façon  des 
autres,  il  doit,  comme  eux,  au  prix  d'un  quotidien  et  écra- 
sant labeur,  nourrir  et  élever  les  enfants  que  le  mariage  lui 
aura  donnés?  Saura-t-il  livrer  sa  vie  pour  les  âmes,  celui 
qui  la  doit  avant  tout  à  sa  propre  famille?  Laissera-t  il  errer 
sans  soins,  sans  pain,  sans  amour,  ses  propres  enfants,  ce 
prêtre  marié,  pour  se  prodiguer  sans  réserve  à  un  troupeau 
qui  n'est  plus  son  unique  et  exclusif  héritage  ? 

3°  //  faut  régir  les  âmes.  —  Troisième  ministère,  et  si 
impérieux  que,  sans  cette  domination,  sans  ce  règne,  tout 
le  reste  deviendra  infructueux.  —  Or  où  s'exerce  avant  tout 
ce  règne?  Assurément  au  saint  Tribunal.  Là  est  la  grande 
force  du  prêtre  catholique.  Là  il  s'empare  des  âmes  pour  les 
arracher  à  l'enfer  et  les  donner  au  ciel.  Mais  qui  ne  sait,  qui 
ne  sent,  que  le  prêtre  vierge  peut  seul  demander  et  obtenir 
l'entrée  du  sanctuaire  intime  de  l'âme? 


LA   VIE  SACERDOTALE  447 


J  II 


GLOIRES  ET  RECOMPENSES  DU  CELIBAT 
ECCLÉSIASTIQUE 


Ces  récompenses  sont  doubles.  On  goûte  les  unes  dès  ici- 
bas.  Les  autres  sont  tenues  en  réserve  pour  l'Eternité. 

Dès  ici-bas.  —  N'y  eut-il  que  la  beauté  d'une  vie  angéli- 
que.  N'y  eut-il  que  le  bonheur  et  la  gloire  de  régner  en 
maître  absolu  sur  sa  chair.  De  n'en  pas  connaître  les  bril- 
lantes et  honteuses  avidités.  De  ne  pas  éprouver  l'intermit- 
tence de  ses  dégoûts  et  de  ses  ignominieuses  lassitudes.  — 
Mais  le  célibat  prépare  au  prêtre  d'autres  biens  encore,  ces 
biens  qui  se  nomment  :  liberté,  tranquillité,  indépendance, 
loisirs  saints,  solitude  douce  et  pure,  exemption  des  mille 
soucis  de  la  vie  ordinaire.  Lisez  dans  Saint  Paul  l'énuméra- 
tion  de  ces  biens.  —  Mais  voici  le  bien  suprême  :  être  aimé 
de  Dieu  plus  que  tous  les  autres;  plus  que  tous  les  autres  lui 
plaire  et  avoir  accès  jusqu'à  Lui. 

Dans  l'Eternité.  —  Une  place  à  part;  une  gloire  plus  haute, 
une  béatitude  plus  profonde,  une  intimité  plus  étroite  avec 
l'Agneau:  «  Sequuntur  quocumque  ierit.  » 


T.  IV  27 


LE  CÉLIBAT  ECCLÉSIASTIQUE 

SES  EXIGENCES 


COMMENT  IL  SE  MAINTIENT 


Le  prêtre  restera  fidèle  et  intrépide  dans  son  angélique 
existence,  s'il  se  souvient  de  cette  parole  de  Saint  Paul  que 
«nous  portons  le  trésor  de  notre  virginité  dans  de  fragiles  vases 
de  terre  ».  Plus  donc  le  trésor  est  précieux  et  l'enveloppe 
délicate,  plus  les  précautions  doivent  être  grandes  et  la  vigi- 
lance incessante.  C'est  par  beaucoup  de  foi,  beaucoup  de  grâce, 
beaucoup  de  vertu,  que  le  prêtre  restera  digne  de  son  angé- 
lique célibat. 

Par  beaucoup  de  foi.  —  Que  ses  yeux  s'ouvrent,  qu'ils 
soient  illuminés  des  clartés  surnaturelles  et  que,  à  cette  lu- 
mière, la  sublimité  de  sa  vie  lui  apparaisse  et,  en  elle,  la 
beauté  toute  spéciale  de  son  célibat. 

1°  Qu'il  ait  foi  en  sa  divine  grandeur.  —  0  foi  protectrice, 
fais  briller  aux  yeux  du  prêtre  le  plus  divin  de  tous  les  dons 
qu'il  ait  reçus.  —  De  cette  virginité  sacerdotale,  Dieu  est  à 
la  fois  la  source,  le  but,  le  modèle,  la  récompense.  —  La  source. 
Quand,  dans  une  vision  sublime,  Isaïe  voyait  l'ange  détacher 
de  l'autel  un  charbon  enflammé,  lui  en  toucher  les  lèvres  et 
les  purifier  à  ce  contact  mystérieux:  c'était  la  saisissante 
image  de  la  virginité  apportée  au  prêtre  du  haut  des  cienx.  — 
Le  but.  C'est  pour  Dieu,  l'honneur  de  son  nom,  la  louange 
de  sa  puissance,  la  glorification  de  son  Eglise,  que  le  prêtre 
demeurera  vierge.  Dans  cette  virginité  ne  trouvons-nous  pas 


LA   VIE   SACERDOTALE  419 

tout  ensemble  une  immolation  et  un  holocausto,  un  combat 
et  une  victoire,  une  union  ineffable  avec  Dieu?  «  Qui  adhaeret 
Domino  unus  spiritus  est.  »  —  Le  modèle.  Parmi  les  créatu- 
res qui  sont  celles  dont  la  nature  reflétera  plus  parfaitement 
l'Etre  divin?  Au  ciel  ce  sont  les  Anges,  sur  la  terre  ce  sont 
les  vierges.  Pour  l'homme  vierge  comme  pour  l'ange,  la  chair, 
refoulée  et  comme  anéantie,  laisse  à  l'âme  son  plein  essor 
vers  Dieu. — La  récompense.  Pour  le  prêtre,  elle  se  réalise 
dans  sa  plénitude  cette  parole  dite  par  Dieu  à  Abraham:  «  Moi- 
même  je  serai  ta  récompense  immense  à  l'excès.  » —  Tandis 
que  l'union  avec  Dieu  se  trouve  dans  la  vie  du  monde  en- 
travée par  mille  obstacles,  cette  union,  dans  la  virginité,  ne 
connaît  ni  séparation  ni  entrave.  «  Non  divisus  est,  »  dit 
l'Apôtre.  Pour  l'homme  vierge,  rien  ne  l'éloigné  de  Dieu,  ni 
dans  son  âme,  ni  dans  son  corps,  ni  dans  ses  devoirs,  ni  dans 
le  partage  de  son  temps,  ni  dans  les  sollicitudes  de  sa  vie. 

2°  Qu'il  ait  foi  en  ses  redoutables  danger*.  —  L'Apôtre  pro- 
nonce sur  le  prêtre  la  plus  redoutable  parole  qu'une  oreille 
humaine  puisse  entendre:  «  Teipsum  castum  custodi.  »  — 
Rester  chaste,  chaste  jusqu'à  la  complète  immolation  de  ses 
sens,  qui  l'a  pu,  qui  a  accompli  cette  merveille?  Durant  qua- 
tre mille  ans.  Dieu  n'ose  pas  en  parler  à  la  terre.  Quand  le 
Verbe,  Fils  de  Dieu,  a  purifié  cette  terre,  transfiguré  les  âmes, 
fondé  un  tout  céleste  et  tout  divin  empire,  c'est  à  peine  s'il 
convie  les  plus  héroïques  de  ses  élus  à  gravir  la  redoutable 
cime  du  célibat  volontaire.  —  Rester  chaste  et  jusqu'où?  Jus- 
qu'aux suprêmes  limites  de  ses  jours.  Jusqu'à  la  plus  complète 
immolation  de  tout  soi-même,  jusqu'à  la  privation  éternelle 
de  toute  pensée,  de  tout  désir,  de  toute  émotion  du  cœur,  de 
tout  tressaillement  des  sens.  —  Rester  chaste  et  malgré  quels 
obstacles?  Malgré  les  révoltes  d'une  concupiscence  enflam- 
mée, malgré  les  revendications  d'une  chair  de  péché,  malgré 
les  assauts  terribles  du  démon  du  midi.  —  Rester  chaste, 
quand?  Quand  le  sang  de  l'adolescence  bouillonne  encore 
dans  les  veines,  quand  les  passions  toutes  jeunes  poussent 
leurs  lascifs  hennissements.  —  Rester  chaste,  où?  Au  milieu 
même  de  Sodome.  dans  un  monde  corrompu  et  corrupteur, 
en  face  des  mille  excitations  du  plaisir. 

3°  Qu  il  ait  foi  on  son  indispensable  nécessité.—  Ce  célibat, 
Dieu  le  veut.  Jésus-Christ  en  a  doté  son  sacerdoce.  C'est  le 
triomphe  de  sa  grâce,  la  merveille  de  sa  puissance,  la  source 
la  plus  féconde  de  l'extension  et  des  triomphes  de  son  évan- 


420  LA    VIE   SACERDOTALE 

gile;  plus  que  tout  le  reste,  c'est  le  désir  et  le  besoin  de  son 
cœur.  —  L'Eglise  le  veut.  Depuis  les  temps  apostoliques,  l'E- 
glise n'a  cessé  d'appeler  le  sacerdoce  aux  sublimités  du  céli- 
bat, de  l'y  maintenir  par  une  forte  et  sévère  discipline;  de  l'y 
ramener  quand,  aux  époques  de  trouble  et  de  décadence,  il  en 
avait  méconnu  la  loi. — Les  fonctions  sacerdotales  le  veulent, 
fonctions  toutes  saintes,  toutes  célestes  qui  font  du  ciel  l'ha- 
bituelle demeure  du  prêtre  et  du  trône  de  Dieu  son  ordinaire 
séjour.  —  Les  âmes  le  veulent.  Sans  lui,  elles  ne  trouvent, 
plus  dans  le  prêtre  qu'un  homme  vulgaire,  à  la  ressemblance 
de  tous  les  autres.  Sans  le  célibat,  la  mystérieuse  paternité 
du  prêtre  n'existe  plus,  et  sa  famille  temporelle  éconduit  tris- 
tement la  famille  céleste  que  Dieu  lui  avait  donnée.  —  Les 
ennemis  de  l'Eglise  le  veulent  en  ce  sens  qu'ils  le  rendent 
indispensable.  C'est  grâce  à  sa  virginité  que  les  ennemis  du 
prêtre  trouvent  en  lui  ce  que  l'Apùtre  appelle:  «  operariuni 
inconfusibilern.  »  De  là  son  auréole  et  son  prestige.  De  là  son 
infatigable  action.  De  là  son  intrépidité  invincible. 

Par  beaucoup  de  grâce.  —  La  virginité  sacerdotale,  en- 
fantée, maintenue,  protégée,  triomphante,  est  une  œuvre  ab- 
solument divine.  Dieu  ne  l'a  opérée  qu'une  fois,  il  n'en  a  doté 
que  sa  vraie  Eglise.  Elle  est  si  bien  son  œuvre  qu'on  peut  la 
donner  comme  l'une  des  marques  les  plus  sures  pour  recon- 
naître où  est  sa  vraie  Eglise.  —  L'homme  pourra  essayer  de 
contrefaire  la  Religion  véritable  ;  l'hérésie  se  bâtira  des 
temples,  le  schisme  se  constituera  des  pouvoirs  usurpés,  les 
églises  dissidentes  imiteront  en  tout  l'Eglise  véritable:  un 
trait  les  séparera  à  jamais,  car  jamais,  ni  le  schisme,  ni  l'hé- 
résie, ni  aucune  secte  humaine,  n'olfrira  aux  hommages  el 
à  l'admiration  du  monde  un  clergé  vierge. 

Mais  s'il  en  est  ainsi,  si  le  célibat  ecclésiastique  est  une 
fleur  qui  ne  croît  et  s'épanouit  que  sous  le  soleil  et  la  rosée 
de  la  grâce,  cette  grâce  le  prêtre  doit  l'attirer  et  la  mainte- 
nir en  lui  par  d'incessantes  supplications  ;  une  vie  de  virgi- 
nité ne  se  conçoit  que  par  une  vie  de  prière. 

Par  beaucoup  de  vertu.  —  La  prière  donne  au  prêtre  la 
force  et  la  force  l'appelle  au  combat.  Ce  combat,  généreux 
entre  tous,  regarde  à  la  fois  le  passé,  le  présent  et  l'avenir. 

1°  Le  passé.  —  Nul  ne  peut  affronter  les  devoirs  et  les 
dangers  du  célibat  volontaire,  s'il  n'a  préalablement  vaincu 
ses  sens  et,  par  une  longue  suite  de  triomphes  sur  sa  chair, 


LA.  VIE  SACERDOTALE  421 

établi  solidement  l'empire  do  la  vertu.  Tout,  jusqu'au  sou- 
venir, jusqu'aux  impressions  dernières  des  fautes  passées, 
doit  être  éteint  dans  celui  qui  gravit  la  montagne  sainte  du 
sacerdoce. 

2°  Le  présent.  —  Que  nul  ne  se  fie  sur  sa  vertu  acquise 
ou  ses  fautes  anciennes  effacées.  Le  danger  reste  toujours 
formidable;  les  ennemis  de  la  vertu  sacerdotale  sont  tou- 
jours en  armes.  Si  l'esprit  est  prompt,  la  chair  est  faible. 
Sans  une  piété  solide,  une  humilité  profonde,  une  fuite 
constante  du  monde,  un  travail  assidu,  une  vigilance,  une 
prudence,  une  circonspection  de  tous  les  moments,  le  prêtre 
bien  difficilement  portera  avec  noblesse  et  sécurité  le  glo- 
rieux fardeau  de  son  célibat. 

3°  L'avenir.  —  Pourra-t-il  au  moins  déposer  les  armes 
après  les  longues  années  de  son  sacerdoce,  le  prêtre  qui 
sera  resté  jusque-là  digne  de  sa  royauté  virginale  ?  Hélas  ! 
non.  Le  combat  ne  doit  finir  qu'avec  sa  vie.  N'étaient-ils 
pas  des  vieillards  ceux  qu'une  ignominieuse  passion  poussait 
à  perdre  Suzanne  ?  David  n'avait-il  pas  franchi  victorieuse- 
ment l'adolescence,  n'élait-il  pas  mûri  par  une  longue  expé- 
rience et  consommé  dans  l'exercice  des  vertus,  quand  le 
péché  le  foudroya  à  l'improviste  ? 


II 
COMMENT  IL  EST  TRAHI 


Il  faudrait  les  larmes  d'un  Jérémie  pour  donner  aux  rui- 
nes d'une  vertu  sacerdotale  le  tribut  de  douleur  qui  leur 
convient.  —  Mais  pleurer  serait  peu,  demandons-nous  plutôt 
comment  surviennent  ces  écroulements  terribles,  comment 
s'est  trouvé  renversée  et  détruite  la  glorieuse  cité  de  Dieu  : 
«  Quomodo  stet  sola  civitas?  » 

Par  la  ruine  de  la  vie  spirituelle.  —  Sans  doute,  il  ne 
faut  qu'un  moment,  une  tempête,  pour  renverser  quelque 
superbe  édifice.  Sa  ruine    néanmoins  n'est  jamais  possible 


422  LA   VIE   SACERDOTALE 

quo  par  un  vice  de  sa  construction  ou  bien  un  long  ot  pro- 
gressif amoindrissement  de  sa  solidité  première.  Sans  doute, 
une  occasion  dangereuse  peut  faire  tomber  la  vertu.  Mais  ne 
croyons  pas  cette  chute  imprévue,  ni  cette  ruine  imprépa- 
rée. —  En  réalité,  la  ruine  de  la  piété  précède  et  prépare 
toujours  celle  de  la  vertu.  Qu'un  prêtre  est  fort  par  la  mé- 
ditation, la  Messe,  la  Communion,  l'ofiice  divin!  que  c'est 
bien  là  pour  lui  «  la  cuirasse  et  le  bouclier  »  dont  parle  Saint 
Paul  !  —  Mais,  s'il  abandonne  ces  armes,  il  est  perdu. 

Par  l'abandon  de  l'étude.  —  N'y  eût-il,  dans  l'étude,  que 
les  heures  employées,  le  presbytère  gardé,  le  monde  fui, 
toute  issue  au  démon  interdite:  quelle  puissante  sauvegarde 
déjà  I  —  Mais  il  y  beaucoup  plus  :  l'étude,  pour  le  prêtre  qui 
s'y  adonne,  devient  sa  compagne,  son  amie,  sa  consolatrice. 
EÎle  lui  est  «  douce  plus  que  le  miel;  »  Elle  remplit  son  être 
entier  de  satiétés  délicieuses.  Quel  attrait  garderont  pour  lui 
les  voluptés  terrestres,  «  quand  il  boit  au  torrent  des  volup- 
tés divines?  » 

Par  les  liaisons  dangereuses.  —  Elles  commencent  par 
l'esprit  et  finissent  par  la  chair.  Qui  ne  connaît  la  fascina- 
tion qu'elles  opèrent  ?  Qui  n'a  su  où  elles  mènent  ? 

Par  l'intempérance.  —  «  Luxuriosa  res  vinum  »....  «  Im- 
piniruatus,  incrassatus  recalcitravit.  » 

Suivons,  dans  nos  divines  Ecritures,  le  travail  de  démora- 
lisation, de  honteuse  elï'ervescence,  d'aveuglement  et  de 
luxure  produit  par  la  bonne  chère  et  le  vin. 

Vœ\  s'écrie  Isaïf* , qui conmrç/itis  ad ebrietatem...  ad  potan- 
dum  usque ad  vesperam...  iitvino  aestuetis\  — Voyez  comment 
descend  peu  à  peu  sur  l'homme  sensuel,  sur  le  prêtre  intem- 
pérant, la  malédiction  du  Prophète. 

Vino    œstuetis Dès     lors    s'éteignent    tout    ensemble 

la  raison  et  la  foi.  L'intelligence  s'obscurcit,  le  cœur  perd  sa 
noblesse,  les  sentiments  leur  hauteur.  Tout  se  matérialise 
dans  ce  malheureux;  il  est  bientôt  1'  «  animalis  homo  qui 
non  percipit  quaî  sunt  Spiritus  Dei.  »  La  chair  usurpe  l'em- 
pire que  l'âme  abandonne  ignominieusement.  —  Quelle  sera 
l'infaillible  conclusion?  «  Opus  Domini  non  respicitis.  »  Dans 
l'homme  de  bonne  chère  et  devin  ne  cherchez  plus  le  prêtre, 
il  n'y  est  plus  ! 

Propterea  captivus  duc  tus  est....  Incurvabitw  homo....  hu- 
miliabitur  vir.  Sous  l'empire    de  l'intempéranco  la  volonté 


LA   VIE  SACERDOTALE  423 

s'affaiblit,  la  résolution  la  plus  sincère  perd  sa  vigueur,  la 
conscience  se  cautérise.  L'occasion  seule  manque  au  crime. 
Quand  elle  s'offrira,  elle  n'aura  plus  qu'à  mener  à  la  perdi- 
tionun  «captif  »  sans  défense.  —  Ainsisera abattu  «l'homme,» 
celui  que  l'Ecriture  appelle  si  magnifiquement  «  l'Homme  de 
Dieu.  »  —  Ainsi  sera  humilié,  dans  la  plus  dégradante  des 
chutes,  celui  dont  la  vocation  faisait  le  héros,  le  «  vir  »  par 
excellence  :  «  humiliabitur  vir.  » 

Propterea  dilatavil  infemus  animant  suam  et  aperuit  os 
suum  absque  ullo  termino.  0  suite  désastreuse  t  0  terme  ef- 
froyable !  De  l'intempérance  dans  l'ivrognerie,  de  l'ivrognerie 
dans  l'impureté,  de  l'impureté  dans  l'endurcissement,  dans 
l'impénitence  tinale,  dans  la  mort  des  réprouvés.  Hélas!  hé- 
las !  Combien  sont-elles  ces  victimes  de  la  bonne  chère  et  du 

vin  ?  Quel  est  leur  nombre  ? «  Infernus  aperuit  os  suum 

absque  ullo  termino.  » 


DE  IA  VIRGINITÉ  DU  CŒUR 

DANS  LE  PRÊTRE 


«  Gloriosa  dicta sunt  de  te,  Givitas  Dei.  »  Ce  texte  n'aurait  pas 
sa  dernière  et  profonde  signification,  si  nous  l'appliquions 
seulement  au  temple  de  Salomon.  U  était  splendide  sans  doute 
ce  temple  tout  vêtu  d'or,  tout  resplendissant  de  richesses.  Dieu 
daignait  le  remplir  de  sa  majesté  redoutable  et  la  fumée  des 
sacrifices  montait  incessamment  vers  son  trône.  —  Mais  ce 
temple  n'était  lui-même  que  la  figure  d'un  autre  sanctuaire 
bien  autrement  radieux.  Quel  est-il?  Disons  hardiment  que 
c'est  le  cœur  virginal  du  prêtre.  C'est  de  ce  sanctuaire  plus 
vaste,  plus  saint,  plus  resplendissant  que  Dieu  dit:  «  Ici  sera 
le  lieu  de  mon  repos,  ici  je  ferai  ma  demeure.  »  C'est  de  ce 
temple  mystérieux  que  parle  magnifiquement  Saint  Paul  en 
ces  mots:  «  Dieu  lui-même  resplendit  dans  nos  cœurs.  »  — 
Si  donc  le  prêtre  vierge  doit  «  glorifier  et  porter  Dieu  dans 
son  corps,  »  s'il  doit  tenir  ses  sens  exempts  de  toute  souil- 
lure, c'est  bien  plus  encore  de  son  cœur  dont  il  doit  faire,  se- 
lon le  mot  du  Cantique:  «  un  jardin  fermé.  »  Fermé  atout  au- 
tre amour  que  celui  de  Dieu,  jardin  rempli  de  fleurs,  parfumé 
de  l'odeur  des  lis,  chargé  des  fruits  des  vertus. 


EXCELLENCE  DU  CŒUR  VIERGE 


Nous  nous  convaincrons  de  celte  excellence,  si  nous  con- 
sidérons tout  à  la  fois  que  le  cœur  du  prêtre  est  de  création 


LA    VIE   SACERDOTALE  425 

divine,  qu'il  appartient  à  une  divine  patrie,  qu'il  lui  est  confié 
de  divines  missions. 

Ce  cœur  est  de  création  divine.  —  L'homme  n'eût  jamais 
pu  créer  un  cœur  virginal  de  prêtre,  et,  quand  Dieu  l'a  lait, 
c'a  été  entre  ses  mains  un  tout  nouveau  et  tout  extraordi- 
naire chef-d'œuvre. 

i°  L'homme  ne  l'eût  jamais  pu  créer.  —  En  fait,  nous  ne 
le  trouvons  nulle  part,  nous  ne  le  rencontrons  dans  aucun 
des  siècles  qui  précédèrent  Jésus  Christ.  Ah  !  ne  le  cherchons 
pas  dans  la  Gentilité  !  Le  sacerdoce  n'y  est  plus  qu'une  école 
de  luxure,  et  la  prostitution  du  cœur  comme  des  sens  fait 
partie  intégrante  du  culte.  Le  trouverons-nous  en  Israël?  Si 
le  culte  y  est  majestueux  et  pur,  Dieu  néanmoins  n'a  point 
encore  fait  surgir  de  la  tribu  de  Lévi  des  prêtres  au  cœur 
vierge.  Chose  remarquable  !  —  Dès  que  le  sacerdoce,  par 
l'hérésie  ou  le  schisme,  se  détache  de  Jésus-Christ  il  perd 
ses  droits  au  cœur  vierge.  Détaché  de  Dieu,  il  n'a  plus  ni  la 
volonté,  ni  la  puissance  de  créer  ce  chef-d'œuvre.  D'ail- 
leurs comment  le  pourrait-il,  puisque  aucune  force  humaine 
ne  s'est  trouvée  efficace  contre  les  entraînements  des  sens  et 
que  Dieu  lui-même,  pour  créer  un  cœur  vierge,  dépense 
toutes  ses  ressources  et  emploie  tous  ses  dons? 

2°  Dieu  seul  a  pu  créer  le  cœur  virginal.  —  Admirons  com- 
ment, pour  faire  naître  et  épanouir  une  simple  fleur,  Dieu 
doit  mettre  en  œuvre  les  forces  de  la  création  tout  entière, 
faire  descendre  en  rosée  et  en  pluie  les  nuées  du  ciel, 
darder  son  soleil,  appeler  même  les  frimas  et  les  brumes 
de  l'hiver.  —  Combien  plus  dépensera-t-il  de  forces  pour 
produire  une  autre  fleur,  fleur  divine,  qui  est  un  cœur 
vierge?  Pour  qu'elle  puisse  éclore,il  a  fallu  que  le  Verbe  fit 
briller  ses  purs  rayons  et  que  le  Sang  du  Calvaire  se  répan- 
dit en  viviliantë  rosée.  Si  une  force  divine  ne  dompte  pas  la 
nature,  ne  comprime  pas  la  révolte  des  sens,  n'élève  pas 
le  cœur  jusqu'au  plus  haut  sommet  de  la  vie  surnaturelle, 
jamais  un  cœur  vierge  n'apparaîtra  aux  admirations  et  aux 
hommages  de  la  terre  et  du  ciel  :  «  Xemo  continens  nisi 
Deus  det.  » 

Ce  cœur  habite  une  divine  patrie.  —  Le  eœur  virginal 
n'est  vraiment  plus  des  régions  inférieures  de  ce  monde;  il 
plane,  il  s'élève,  il  habite  par  avance  la  patrie  des  cieux.  Ne 
lui  cherchez  pas  de  demeure,  ne  nommez  pas  de  famille  ter- 


426  LA.   VIE  SACERDOTALB 

resire:  un  cœur  de  prêtre  n'a  trouvé  qu'en  Dieu  son  refuge 
et  son  repos. 

Plus  haut  que  la  terre,  le  cœur  vierge  dépasse  aussi  la 
mesure  ordinaire  des  vertus  ;  sa  foi  est  plus  lumineuse  et  plus 
puissante,  son  espérance  plus  enflammée,  sa  charité  plus 
passionnée  et  plus  tendre,  son  humilité  plus  profonde,  sa 
modification  pius  généreuse,  son  empire  sur  soi  même  plus 
complet. 

Que  dire  plus?  Le  cœur  vierge  vit  de  la  vie  même  des  anges; 
la  chair  et  le  sang  ne  le  souillent  plus  de  leur  contact;  au- 
cune beauté  sensuelle  ne  le  captive,  aucun  amour  terrestre 
n'a  plus  d'attrait  pour  lui.  Comme  Saint  Paul,  «  il  est  crucifié 
au  monde  comme  le  monde  lui  est  crucifié  »  et  il  traverse  les 
choses  humaines  en  n'y  jetant  qu'un  froid  mépris. 

Ce  cœur  est  destiné  à  de  divins  usages.  —  Le  cœur  vir- 
ginal du  prêtre  est  fait  pour  Dieu  ;  il  est  fait  pour  Jésus- 
Christ,  il  est  fait  pour  les  âmes. 

1°  Le  cœur  vierge  du  prêtre  est  fait  pour  Dieu.  —  Dieu 
laisse  échapper  dans  l'Ecriture  celte  plainte  mystérieuse  : 
«  Quaesivi  qui  adjuvaret  et  non  inveni.  »  Dieu  est  lumière, 
Dieu  est  grâce,  Dieu  est  amour,  Dieu  est  l'Océan  immense, 
infini,  de  tous  les  biens  à  la  fois.  Et  que  veut-il,  sinon  se  ré- 
pandre, se  donner,  se  verser  à  flots  impétueux?  Telle  est  sa 
nature  et,  pour  ainsi  parler,  la  loi  impérieuse  de  son  cœur. 
Il  cherche,  il  appelle,  il  réclame  avec  l'impétuosité  de  l'a- 
mour le  cœur  qui  vomira  s'ouvrir  à  lui  et  le  recevoir.  Hélas! 
tous  se  détournent,  Ions  le  fuient  pour  se  repaître  des  biens 
terrestres;  les  impies  l'inveclivent,  les  indifférents  passent 
sans  lever  la  tête,  les  chrétiens  eux-mêmes,  livrés  aux  mille 
dissipations  du  siècle,  murmurent  des  prétextes,  mais  ne 
se  rendent  pas  aux  appels  divins.  —  Dieu  sera-t-il  vaincu? 
Non  certes  1  Dieu  se  créera  le  cœur  virginal  du  prêtre;  cœur 
libre  de  toute  attache,  vide  de  toute  affection  humaine,  cœur 
ouvert  aux  seuls  épanchements  du  divin  amour.  Dieu  est 
lumière  :  il  resplendira  dans  le  cœur  vierge.  Dieu  est  pu- 
reté :  il  fera  ses  délices  des  parfums  de  la  virginité.  Dieu  est. 
amour  :  sans  ombre,  sans  mélange,  sans  partage,  il  se  don- 
nera au  cœur  qui  ne  possède  que  lui. 

2°  Le  cœur  vierge,  du  prêtre  est  fait  pour  Jésus-Christ.  — 
N'est-ce  pas  pour  son  divin  Cœur,  bien  plus  que  pour  tout  le 
reste,  que  l'Homme  Dieu  exhalait  celle  plainte  désolée  :  «  les 
renards  ont   leurs  tanières,   les  oiseaux  du   ciel  leurs  nids. 


LA    V1K    SACERDOTALE  427 

mais  le  Fils  de  l'homme  n'a  pas  où  reposer  sa  tète?  »  Il  est 
tout  brûlant  d'amour,  c'est  l'amour  qui  l'amène;  «  ses  déli- 
ces, dit-il,  sont  d'être  avec  les  enfants  des  hommes.  »  Mais, 
hélas!  «  il  est  venu  chez  les  siens  et  les  siens  ne  l'ont  point 
reçu.  »  Levez  les  yeux  sur  le  monde  et  voyez  Jésus  en  par- 
courir les  régions  diverses.  Les  demeures  se  ferment  devant 
lui  et  les  cœurs  lui  sont  plus  fermés  encore  ;  que  trouve-t-il 
partout  qu'indifférence  et  oubli,  insensibilité  et  froideur? 
S'il  est  au  milieu  de  ce  monde  quelques  âmes  croyantes, 
quelques  cœurs  accessibles  aux  attraits  de  Jésus-Christ,  en- 
core sont-ils  absorbés  par  leurs  sollicitudes  terrestres,  en- 
chaînés dans  les  affections  d'ici-bas. 

0  Jésus!  il  vous  reste  les  cœurs  vierges  de  vos  prêtres. 
Ceux-là  vous  comprennent,  ceux-là  vous  aspirent,  ont  tout 
rejeté  pour  votre  céleste  conquête,  font  profession  de  ne 
connaître  et  de  n'aimer  que  vous.  —  Vous-même,  dans  ces 
cœurs,  trouverez  l'apaisement  de  vos  flammes,  l'allégement 
de  vos  tristesses,  l'expansion  de  vos  dons,  l'oubli  de  la  cruelle 
indifférence  des  foules  qui  vous  repoussent. 

3°  Le  cœur  vierge  du  prêtre  est  fait  pour  les  âmes.  —  Si 
l'âme  mondaine,  enivrée  de  jouissances,  emportée  dans  le 
tourbillon  éternel  de  ses  plaisirs,  n'a  que  faire  d'un  cœur 
saint  et  pur  qui  la  recueille  et  la  console,  en  est-il  ainsi  de 
ceux  qui  souffrent,  des  déshérités  de  ce  monde,  des  victimes 
gémissantes  et  des  blessés  de  la  vie?  Ceux-là,  qui  s'offre  à  les 
aimer?  Quel  cœur  s'ouvre  à  leur  détresse?  Quel  guide  se  pré- 
sente pour  les  mener  au  bien  par  toutes  les  voies  de  la  cha- 
rité? Un  seul  cœur  deviendra  le  patrimoine  des  malheureux, 
c'est  le  cœur  virginal  du  prêtre.  Si  Dieu  a  sevré  ce  cœur  de 
toute  affection,  s'il  lui  interdit  de  se  poser  sur  aucune  fleur 
terrestre,  ni  de  s'ouvrir  à  aucun  amour  humain,  c'est  qu'il 
le  réclame  tout  entier  pour  l'immense  famille  de  ceux  qui 
souffrent  et  qui  pleurent.  —  Absorbé  par  une  affection  hu- 
maine, obligé  de  se  verser  sur  une  famille  que  des  liens 
terrestres  lui  auraient  créés,  que  resterait  il  d'un  cœur  sa- 
cerdotal pour  les  besoins  et  les  détresses  des  fils  de  l'Eglise  et 
des  élus  de  Dieu? 


428  LA   VIE   SACERDOTALE 


II 

PROSTITUTION  DU  CŒUR  VIERGE 


Ce  mal  est-il  possible?  S'il  est  possible,  quels  en  sont  les 
caractères? 

Possibilité  de  ce  mal.  —  Le  mot  de  Saint  Paul  ne  doit 
cesser  de  retentir  au  cœur  du  prêtre,  pour  éveiller  sa  foi,  et 
ranimer  sa  vigilance:  «Et  ipse  circumdatus  est  infirmilate,  » 
«  lui  aussi  est  enveloppé  de  la  faiblesse  commune,  »  lui  aussi 
est  fils  de  la  déchéance  originelle,  lui  aussi,  comme  Adam, 
son  ancêtre,  peut  être  séduit.  Ecoutons  l'Ecriture;  écoutons 
les  Saints  Docteurs,  écoutons  l'expérience. 

1°  Ce  que  dit  V Ecriture.  —  Elle  semble  intarissable  quand, 
dans  les  Proverbes,  dans  la  Sagesse,  dans  l'Ecclésiastique, 
elle  nous  rappelle  les  dangers  que  court  un  cœur  vierge,  les 
occasions  qui  s'offrent  à  lui,  les  tentations  qui  l'assaillent, 
l'abîme  qui  s'enlr'ouvre,  si  peu  qu'il  se  prête  aux  facilités  de 
la  séduction.  —  Puis  l'Ecriture  nous  fait  contempler  d'illus- 
tres et  terribles  chutes,  dont  le  point  de  dépari  est,  invaria- 
blement, la  séduction  du  cœur.  La  terre  se  corrompt  et  les 
cataractes  vengeresses  s'entr'ouvrent  pour  l'abîmer  sous  les 
eaux,  quand  «  les  (ils  de  Dieu  ont  vu  les  filles  des  hommes  » 
et  ont  laissé  prendre  leur  cœur  à  de  profanes  amours.  Qui 
perd  l'un  des  juges  d'Israël  ?  La  séduction  de  Dalila,  dont  il 
contemple  la  beauté  et  qui  lui  ravit,  avec  son  cœur,  la  force 
de  son  bras  et  la  sagesse  de  sa  pensée.  David  n'était-il  pas  un 
prophète  aimé  de  Dieu?  Il  se  perd  en  se  laissant  entraîner  à 
d'adultères  amours  Salomon,  plus  qu'aucun  autre,  avait  reçu 
en  don  la  sagesse  :  jusqu'à  quel  degré  d'apostasie  se  laisse- 
t-il  choir,  quand  son  cœur  s'estouverl  à  d'illégitimes  passions? 
Jésus-Christ  n'exige-t-il  pas  le  sacrifice  sanglant  de  l'œil  et 
de  la  main,  s'ils  deviennent  une  occasion  do  chute  .'  Comment 
s'annonce  la  destruction  de  Jérusalem?  Jérusalem,  c'est  la 
<iilé  Sainte,  c'est  la  demeure  de  Dieu,  c'est  par  excellence  le 


LA   VIE   SACEKDOTALE  429 

cœur  du  prêtre.  Et  comment  s'inaugurera  la  ruine  de  cette 
Cité,  de  ce  cœur,  de  ce  prêtre?  «  Quand  vous  verrez  l'abo- 
mination de  la  désolation  pénétrer  dans  le  Lieu  Saint.  » 
C'est  l'idole  que  Jésus-Christ  veut  dire.  C'est  la  créature  dont 
l'amour  sacrilège  usurpe  dans  un  cœur  de  prêtre  la  place  du 
vrai  Dieu. 

2*  Ce  que  disent  les  saints  docteurs.  —  Qu'ils  sont  sévères, 
qu'ils  sont  énergiques,  dans  leurs  recommandations  au  prêtre  ! 
C'est  Saint  Jérôme,  c'est  Saint  Augustin,  c'est  Saint  Ambroise, 
c'est  Saint  Jean  Chrysostôme,  qui  tous  adjurent  le  ministre  de 
l'Autel,  l'homme  de  Dieu,  de  fermer  ses  sens,  de  fermer  sur- 
tout son  coeur,  aux  séductions  du  monde  et  aux  molles  fas- 
cinations d'un  amour  qui,  sous  l'aspect  de  la  piété,  n'est  ja- 
mais qu'une  sacrilège  prostitution. 

3°  Ce  que  dit  l'expérience.  —  X'est-elle  pas,  à  elle  seule, 
plus  forte  que  les  instructions  venues  du  dehors  !  Qui  n'a 
ressenti  dans  son  cœur  les  premières  atteintes  de  la  séduc- 
tion? qui  n'a  entrevu  l'abîme?  qui  ne  s'y  est  pas  senti  en- 
traîné ?  c'est  à  la  vue  des  chutes  et  des  ruines  journalières 
que  Saint  Paul  crie  aux  prêtres:  «  Qui  crédit  se  stare,  videat 
ne  cadat.  » 

Caractères  de  ce  mal.  —  Hélas  !  le  mal  est  fait.  Le  cœur 
du  prêtre  a  laissé  entrer  «  l'idole  ».  Il  aime  la  créature,  et, 
dans  son  cœur,  elle  vient  de  détrôner  Dieu.  Quel  est  ce  mal? 
Combien  divers  ?  Combien  profond  ? 

1°  C'est  un  mal  ignominieux.  —  0  cœur  sacerdotal,  tu  es 
trop  grand,  tu  es  trop  vaste,  tu  es  trop  absorbé,  tu  es  trop  puis- 
sant, pour  rabaisser  aux  charmes  frivoles  de  la  terre.  —  Trop 
grand:  dans  ton  origine,  dans  tes  pouvoirs,  dans  tes  missions. 
—  Trop  vaste.  Ne  dois-tu  pas  servir  de  demeure  au  Très  Haut? 
N'es-tu  pas  plus  élevé  que  les  cieux  ?  plus  large  que  l'im- 
mensité ?  Ne  dois-tu  pas  enfermer  en  toi  la  famille  entière 
des  Élus  de  Dieu?  —  Trop  absorbé.  0  soldat  lâche  !  tu  res- 
tes dans  l'inaction  quand  se  livre  la  grande  bataille!  —  Trop 
puissant.  Tu  es  né  pour  dominer  le  monde,  terrasser  l'enfer, 
conquérir  le  ciel. 

Quoi  I  et  c'est  ce  cœur  sacerdotal  si  grand  qui  s'arrête  à  de 
si  misérables  bagatelles? 

2°  C'est  un  mal  douloureux.  —  Il  l'est  pour  tous.  Car,  dit 
Saint  Augustin,  «  irrequietum  est  cor  nostrum  donec  requies- 
cat  in  Te.  »  Aux  affections  terrestres  sont  attachées  trop  de 
cruelles  épines  pour  que  le    cœur  n'en   soit  pas  meurtri.  — 


430  LA   VIE   SACERDOTALE 

Mais  lePrètre!  Comment  jouirait-il,  quand  le  remords  le  trans- 
perce, quand  la  faim  le  torture,  quand  l'impuissance  de  jouir 
est  son  quotidien  supplice  ? 

3°  C'est  toi  mal  désastreux.  —  Désastreux  pour  le  troupeau 
tout  entier.  —  Pour  les  brebis  trop  aimées.  Le  scandale  leur 
pèse;  l'amour  dont  elles  sont  l'objet  les  arrache  au  bien  et 
à  Dieu.  —  Pour  les  brebis  délaissées.  Celles-là,  abandonnées 
par  celui  qui  n'est  plus  pour  elles  qu'un  mercenaire,  meu- 
rent faute  de  nourriture,  de  conduite,  de  soins. 


LE  PRÊTRE  MONDAIN 


CE  QU'EST  UN  PRETRE  MONDAIN 


Deux  traits  le  caractérisent  :  on  ne  le  trouve  pas  dans  le 
Sanctuaire;  c'est  dans  le  monde  qu'il  le  faut  aller  chercher. 

On  ne  le  trouve  guère  à  l'église.  —  On  ne  l'y  trouve  pa> 
au  sens  matériel  du  mot;  on  le  trouve  moins  encore  si  l'on 
entend  le  Sanctuaire  tout  spirituel  et  tout  intime  d'une  voca- 
tion sacerdotale. 

1°  Il  est  peu  à  l  Eglise.  —  Qu'y  ferait-il?  Ses  aspirations  et 
ses  goûts  sont  ailleurs.  La  solitude  et  le  silence  du  Sanc- 
tuaire lui  pèsent.  La  prière  est  sans  charme  et  sa  foi  obs- 
curcie, comme  un  soleil  d'hiver,  par  les  pensées,  les  désirs, 
les  préoccupations  du  monde  ne  lui  découvre  plus,  dans  le 
secret  du  Tabernacle,  l'objet  ravissant  qui  y  réside.  Sa  messe, 
qu'il  expédie  avec  une  rapidité  scandaleuse,  l'a  à  peine  re- 
tenu quelques  instants  au  pied  de  l'autel,  qu'il  sort  d'une 
église  où  aucun  attrait  ne  le  retient.  Il  y  reviendra  peut-être, 
si  quelque  fonction  du  ministère  le  réclame  d'urgence,  mais 
la  rapidité  et  la  mauvaise  grâce  de  ces  apparitions  furtives  ne 
montrent  que  mieux  combien  le  monde  le  charme  et  son 
église  l'ennuie. 

2°  En  un  second  sens  plus  profond,  le  sanctuaire  ri  est  pas  sa 
vraie  demeure.  — Entendons  sa  vocation,  sa  mission,  l'esprit 
et  les  sublimes  obligations  de  son  sacerdoce.  Qu'a-t-il  fait,  le 
prêtre  mondain,  de  sa  vocation  sacrée?  —  N'est-il  pas  l'en- 
voyé de  Dieu,  le  médiateur  entre  le  ciel  et  la  terre?  Mais 
alors,  n'est-ce  pas  au  pied  du  trône  de  Dieu,  «  entre  le  vesti- 
bule  et  l'autel,  »  qu'il  doit  vivre  dans  la  supplication  et  la 


432  LA   VIE   SACERDOTALE 

prière?  Et  s'il  revient  à  ses  frères,  est-ce  à  d'autre  fin  que  de 
leur  apporter  les  ordres,  les  consolations,  les  grâces,  les  lu- 
mières qu'il  a  puisés  au  ciel?  —  Il  est  sacrificateur.  C'est  lui 
qui,  en  tenant  élevée  vers  le  ciel  la  grande  Victime,  arrache 
à  la  justice  les  coupables  qu'elle  allait  frapper.  Mais  alors 
quels  sentiments  doivent  l'animer  et  quel  sera  son  langage, 
sinon  celui  du  Psalmiste  :  «  0  Dieu,  à  moi  sont  vos  autels, 
là  est  ma  demeure  et  le  lieu  de  mon  repos?  »  —  Le  prêtre 
est  intercesseur.  Si  ses  frères,  courbés  sous  leurs  durs  tra- 
vaux, n'élèvent  vers  Dieu  que  de  trop  rapides  et  de  trop  in- 
suffisantes prières,  n'est-ce  pas  lui  qui  est  chargé  d'office  du 
grand  devoir  de  la  louange  et  de  l'adoration?  —  Le  prêtre 
est  sanctificateur.  Obligé  de  sanctifier  les  autres,  il  doit  être 
lui-même  le  premier  illuminé  de  l'éclat  des  vertus.  Mais 
quand  Moïse  apparaissait  au  peuple  étincelant  d'éclat,  c'est 
qu'il  avait  résidé  avec  Dieu  sur  le  Sinaï. 

On  le  trouve  toujours  dans  le  monde.  —  A  rencontre  du 

prêtre  saint  et  sanctificateur,  nous  n'avons  devant  les  yeux 
qu'un  prêtre,  déserteur  du  Sanctuaire,  hôte  assidu  du  monde. 

1°  //  le  montre  dans  toute  sa  personne.  —  Pénétrons-nous 
dans  son  âme?  Elle  est  pleine  de  pensées  étrangères,  de  sou- 
venirs frivoles,  de  sollicitudes  profanes,  de  désirs  et  de  pro- 
jets d'ambition  et  plus  encore  peut-être  d'aspirations  malsai- 
nes de  plaire  et  d'être  aimé.  Ses  fonctions  sacerdotales  les 
plus  sacrées  ne  lui  serviront  elles-mêmes  que  de  moyens 
pour  se  produire  au  dehors.  —  Son  extérieur  ne  reflète  que 
trop  bien  la  mondanité  de  son  Ame.  Reconnaissez-vous  la 
chaste  austérité  du  Sacerdoce  dans  celte  recherche  du  luxe, 
cette  élégance  profane,  ces  airs  dégagés,  cette  dissipation, 
cette  pétulance,  cette  tenue  ou  efféminée  ou  folâtre?  —  Que 
ce  langage  fait  peine  à  entendre,  tellement  il  est  vide  d'i- 
dées chrétiennes  et  saturé  des  idées  du  monde!  —  Pénétrez 
dans  la  demeure  de  ce  prêtre  mondain,  ce  n'est  pas  seule- 
ment l'excès  du  luxe  qui  vous  scandalisera,  mais  surtout 
l'ordonnance  toute  profane  de  son  ameublement  et  de  ses 
parures. 

2°  //  le  montre  dans  ses  fréquentations.  —  Ni  le  zèle  sacer- 
dotal, ni  les  obligations  du  ministère,  ni  la  sanctification  des 
âmes,  mais  le  seul  attrait  terrestre,  le  seul  égoïste  plaisir,  en 
dirigent  le  cours  et  en  expliquent  l'excès.  Saint  Paul,  en 
flétrissant  les  courses  oiseuses,  les  causeries  frivoles,  les  diva- 
gations incessantes  de  quelques  fidèles  oublieux  de  la  gravité 


LA    VIE   SACERDOTALE  433 

de  leurs  devoirs  ne  fait  que  trop  fidèlement  la  peinture  du 
prêtre  mondain. 

3°  //  le  montre  dans  ses  récréations  et  ses  plaisirs.  —  Ce  n<^ 
sont  pas  les  légitimes  et  convenables  délassements,  dont  le 
saint  prêtre  sait  remplir  ses  heures  de  repos,  qui  pourront 
satisfaire  le  prêtre  mondain.  C'est  au  milieu  même  du  inonde 
et,  autant  qu'il  le  peut,  en  participant,  à  ses  fêtes,  que  le 
prêtre  mondain  entend  se  délasser.  Les  tables  somptueuses, 
le  jeu  continué  avec  passion,  les  soirées  qui  se  prolongent 
avant  dans  la  nuit,  les  ris  et  les  chants  profanes  :  voilà  où  ce 
triste  prêtre  cherche  et  trouve  son  plaisir. 

i°  //  le  montre  dans  ses  directions.  —  Car  le  prêtre  mon- 
dain, quelque  incapable  qu'il  soit  de  le  bien  faire,  entend  lui 
aussi  diriger  les  âmes.  Direction  pitoyable! 

L'esprit  de  Dieu  ne  la  pénètre  point,  le  zèle  du  salut  n'en 
saurait  faire  le  fond  :  elle  tourne  tout. entière  en  amusement 
sacrilège(l).  —  Direction  exclusive,  domaine  tout  privé,  d'où 
sont  exclus  les  humbles,  les  pauvres,  les  déshérités  de  ce 
monde,  les  âmes  dont  les  détresses  et  les  souffrances  ne  pré- 
sentent plus  à  un  directeur  qu'une  aumône  de  charité  à  faire 
et  un  fardeau  à  porter. 


(1)  Hoc  autem  scito  quod  in  novissimis  diebus  instabunt  teni- 
pora  periculosa  : 

Erunt  hornines  se  ipsos  amantes,  cupidi,  elati,  superbi,  blas- 
phemi,  parentibus  non  obedientes,  ingrati,  scelesti, 

Sine  affectione,  sine  pace,  criminatores,  incontinentes,  immites, 
sine  benignitate. 

Proditores,  protervi,  tumidi,  et  volnptatum  amatores  magis 
quam  Dei; 

Habentes  speciem  quidem  pietatis,  virtutem  autem  ejus  abne- 
gantes.  Et  hos  devita; 

Ex  his  enim  sunt  qui  pénétrant  domos,  et  captivas  ducunt  mu- 
lierculas  oneratas  peccatis,  quae  ducuntur  variis  desideriis; 

Semper  discentes,  et  nunquam  ad  scientiam  veritatis  pervenien- 
tes.  (Tim.) 


T.  IV  28 


434  LA  VIE  SACERDOTALE 


II 


LES  DÉSASTRES  D'UNE  VIE  MONDAINE 
DANS  LE  PRÊTRE 


Déjà  la  simple  peinture  d'une  vie  mondaine  dans  le  prêtre 
nous  montrerait  suffisamment  le  désastre  d'un  pareil  état, 
complétons  néanmoins  la  peinture  et  achevons  de  révéler  le 
désastre. 

C'est  une  vie  messéante  à  sa  vocation.  —  1  °  Elle  est  en 
complète  contradiction  avec  Jésus-Christ.  Jésus-Christ  est  Pon- 
tife suprême.  Il  est  le  chef  et  en  même  temps  le  type  sacré 
du  Sacerdoce.  Tout  prêtre  dont  la  vie  n'est  pas  conforme  à  la 
vie  du  Christ  ne  sera  plus  pour  Dieu  qu'un  prêtre  indigne  et 
rejeté.  —  Mais  quelle  dissemblance  plus  flagrante  peut  se 
rencontrer  qu'entre  le  prêtre  mondain  et  Jésus-Christ  ?  Ici 
fuite  du  monde,  solitude,  larmes  et  prières  :  là  frivolité, 
joies  impures,  mélange  sacrilège  de  la  sainteté  sacerdotale 
avec  les  vices  du  dehors.  Ici  componction  et  douleur  :  là  dis- 
sipation et  réjouissance.  Ici  haine  du  monde  et  malédiction 
sur  cet  infernal  adversaire;  là  amour  du  monde  et  faveurs 
ardemment  recherchées. 

2°  Elle  est  inutile,  préjudiciable  à  l'Eglise. —  Alors  même 
que  le  prêtre  mondain  brillerait  par  ses  dons  naturels,  au- 
rait acquis  au  dehors  une  considérable  influence,  jouirait 
d'une  vaste  et  puissante  popularité,  ce  n'est  là  qu'un  mirage 
dissimulant  l'aridité  du  désert.  «  Cymbale  retentissante  », 
dit  Saint  Paul,  le  bruit  qu'il  élève,  l'attention  qu'il  captive, 
les  applaudissements  qu'il  excite  ont  beau  être  grands,  il 
ne  reste  bientôt  plus  que  ce  qui  reste  d'une  fugitive  cla- 
meur (1). 

(t)  Omnis  victima  sale  salietur. 

Bonurn  est  sal  :  quod  si  sal  insulsum  fuerit,  in  quo  illud  con- 
dietis  ?  Habete  in  vobis  sal,  et  pacem  habete  inter  vos. 

(Marc.  IX.) 


LA.   VIS  SACERDOTALE  43§ 

3°  Elle  est  déplacée  dans  chacune  des  fonctions  sacerdota- 
les —  Qu'il  monte  à  l'autel,  qu'il  apparaisse  dans  la  chaire, 
qu'il  siège  au  Saint  Tribunal,  qu'il  essaie,  entre  deux  folâ- 
tres fréquentations  du  monde,  de  trouver  au  chevet  du  mori- 
bond les  graves  et  solennels  accents  de  l'éternité:  le  prêtre 
mondain  sera  toujours  également  déplacé.  Entre  sa  vie  dis- 
sipée et  sa  mission  sainte,  une  discordante  opposition  ne  ces- 
sera d'apparaître,  qui  tuera  son  prestige  et  écartera  de  lui- 
même  le  respect  (l).  C'est  un  homme  de  bien  que  les  âmes 
réclament;  quand  Dieu  ne  leur  apparaît  plus  dans  le  prêtre, 
<dles  s'écartent  en  disant  tristement  :  «  homines  imposuisti 
super  capita  nostra  !  » 

C'est  une  vie  funeste  à  sa  sanctification.  —  Qu'elle  est 
rude  au  saint  prêtre  lui-même  la  montée  des  cimes  sacerdo- 
tales! «  Quis  ascendet  in  montem  Domini?  »  Il  faut  à  réclu- 
sion de  la  sainteté  sacerdotale  des  conditions  essentielles. 

1°  //  lui  faut  la  solitude.  —  N'est-ce  pas  à  l'écart,  dans  la 
profondeur  des  déserts,  le  long  des  rivages  solitaires,  sur  la 
cime  écartée  des  montagnes,  que  Jésus-Christ  se  plaisait  à 
former  à  leur  vie  sainte  ses  premiers  prêtres?  Dans  la  soli- 
tude, la  vie  sacerdotale  prospère  :  dans  les  bruyantes  dissi- 
pations du  monde,  elle  dépérit  et  s'éteint. 

2°  Il  lui  faut  la  prière.  —  Le  Pontife  suprême  Jésus-Christ 
priait,  priait  sans  cesse,  «  priait,  dit  Saint  Paul,  avec  un 
Ilot  de  larmes  et  un  cri  perçant.  »  Et  c'est  par  ces  larmes 
et  par  ce  cri  qu'il  méritait  la  rédemption  du  monde  et  obte- 
nait la  vie  pour  son  Corps  mystique.  Le  prêtre  lui  aussi  ne 


(1)  Si  enim  propter  cibura  frater  tuus  contristatur,  jam  non  se- 
eundum  caritatem  ambulas.  Noli  cibo  tuo  illum  perdere  pro  quo 
Christus  mortuus  est. 

Non  ergo  blasphernatur  bonum  nostrum, 

Non  est  enim  regnum  Dei  esca  et  potus,  se<i  justitia  et  pax  et 
gaudium  in  Spiritu  sancto  : 

Qui  enim  in  hoc  servit  Ghristo,  placet  Deo,  et  probatus  est  ho- 
minibus. 

Itaque  quœ  pacis  sunt,  sectemur  ;  et  quœ  aedificationis  sunt,  in 
invicem  custodiamus. 

Noli  propter  escam  destruere  opus  Dei.  Omnia  quidem  sunt 
munda  :  sed  malum  est  homini  qui  per  offundiculum  manducat. 

Bonum  est  non  manduiare  carnem,  et  non  bibere  vinum  neque 
in  quo  frater  tuus  offenditur,  aut  scandalizatur,  aut  infirmatur. 

Tu  fidem  habes  ?  pênes  temetipsum  habe  coram  Deo.  Beatus  qui 
non  judicat  semetipsum  in  eo  quod  probat.  (Rom.) 


436  LA   VIE  SACERDOTALE 

devra  qu'à  ses  continuelles  et  ardentes  prières  cette  même 
rédemption  et  ce  même  salut. 

3°  //  lui  faut  l'étude.  —  11  la  lui  faut  pour  les  âmes,  car 
c'est  des  lèvres  du  prêtre  que  les  peuples  recueilleront  la 
science.  Sans  un  travail  assidu,  une  préparation  longue  et 
profonde,  le  prêtre  ne  peut  affronter  ni  le  saint  Tribunal,  ni 
la  chaire.  —  Il  lui  faut  l'étude  pour  lui-même  et  sa  propre 
sanctification.  Par  elle  ses  heures  se  font  pleines  et  heureu- 
ses. Par  elle  ses  facultés  se  nourrissent  et  se  fortitient  poul- 
ie bien.  Par  elle  les  tentations  s'émoussent,  et  le  démon  ne 
trouve  aucune  issue  pour  entrer. 

C'est  une  vie  mortelle  à  son  ministère.  —  D'abord  parce 
qu'il  le  prend  en  dégoût.  — Ce  n'est  plus  chez  lui  qu'affaire  de 
commande,  obligation  pleine  d'ennui,  odieuse  servitude  dont 
il  se  délivre  le  plus  souvent  et  le  plus  qu'il  peut.  —  Ensuite 
parce  que  les  âmes,  ne  voyant  plus  en  lui  qu'un  homme  du 
monde  et  un  profane,  lui  refusent  leur  confiance,  quand  elles 
ne  marchandent  pas  le  respect.  —  Enfin  parce  que  lui-même, 
eût-il  la  régularité  extérieure  du  saint  ministère,  et  les  âmes 
eussent-elles  par  vigueur  de  foi  conservé  respect  et  confiance, 
la  grâce  divine  ne  féconde  plus  une  vie  que  le  monde  a  déta- 
chée de  Dieu. 


CONDUITE  DU  PRÊTRE  DANS  LE  MONDE 


CE  QUE  DOIT  RESTER  L'AME  DU  PRETRE 


Que  le  prêtre  se  rappelle,  pour  les  concilier  ensemble,  deux 
paroles  de  Jésus-Christ.  La  première  :  «  Mon  Père,  je  ne  de- 
mande pas  que  vous  les  retiriez  du  monde.  »  La  seconde  : 
«  Vous  n'êtes  pas  du  monde.  »  —  Ainsi,  d'une  part,  le  prèlre 
habite  au  milieu  du  monde,  et  d'autre  part,  il  n'en  est  pas. 
Il  y  est  comme  un  ambassadeur  réside  dans  une  contrée  loin- 
taine, sans  en  être  le  citoyen,  sans  y  faire  autre  chose  que 
traiter  les  affaires  de  son  Maître. 

Vous  n'êtes  pas  de  ce  monde,  car  ce  monde  est  mauvais, 
perverti,  incorrigible.  Vous  n'y  êtes  que  pour  y  recueillir  mes 
Elus  :  «  Vous  êtes  la  lumière  du  monde,  »  «  vous  êtes  le  sel 
de  la  terre.  »  Gardez-vous  donc  de  devenir  ténèbres,  et,  au 
lieu  de  corriger  la  corruption,  de  devenir  corruption  vous- 
mêmes.  —  Trois  choses  seront  soigneusement  évitées  par  le 
prêtre  :  1°  L'estime  et  l'amour  du  monde;  2°  la  conformité 
avec  le  monde;  3Û  la  participation  à  l'esprit  du  monde. 

Estime  et  amour  du  monde.  —  L'estime  d'abord,  ensuite 
l'amour. 

1°  Le  prêtre  se  gardera  d 'estimer  le  inonde.  —  Comment  le 
pourrait-il,  si  la  lumière  de  la  foi  brille  en  lui  et  l'éclairé  ? 
Le  monde  est  né  du  péché,  il  est  lui-même  le  péché  vivant, 
prolongé  à  travers  tous  les  siècles,  «  tolus  in  maligno  posi- 
tus.  »  Il  a  pour  chef  le  prince  des  ténèbres  dont  il  suit  en  tout 
les  inspirations  et  accomplit  les  volontés.  C'est  ce  monde  qui 
poursuit  le  Christ  Rédempteur  de  son  inextinguible  haine  et 


438  LA   VIE  SACERDOTALE 

dont  il  détruit  autant  qu'il  le  peut  l'œuvre  divine.  Aussi  en- 
tre Dieu  et  le  monde,  s'est  creusé  un  abîme  que  nul  ne  peut 
ni  combler,  ni  franchir.  Ce  monde,  Jésus-Christ  l'a  couvert 
de  son  mépris,  de  sa  colère,  de  ses  malédictions  (1). 

2°  Le  prêtre  se  gardera  d'aimer  le  monde.  —  La  tentation 
d'aimer  le  monde  est  donc  bien  forte  pour  que  Jésus-Christ 
ait  si  continuellement  prémuni  ses  prêtres  contre  ce  sacri- 
lège et  pernicieux  amour?  Les  Apôtres  reprennent  avec  une 
force  nouvelle  les  exhortations  du  Maître.  C'est  Saint  Jean 
qui  nous  adjure  de  n'aimer  point  le  monde,  ni  rien  de  ce 
que  renferme  le  monde.  C'est  Saint  Paul  qui,  dans  chacune 
de  ses  épîtres,  nous  arme  contre  le  monde.  —  Ne  nous  éton- 
nons pas  d'une  pareille  insistance.  C'est  qu'un  amour  secret 
du  monde  est  au  fond  de  toute  âme  humaine.  Qu'est-ce  que  le 
monde?  C'est,  dit  Saint  Jean, tout  ce  qui  est  orgueil,  volupté, 
avarice.  Eh  bien  !  n'est-ce  pas  à  ces  trois  traits  que  nous  nous 
devons  reconnaître  nous-mêmes?  Aussi  n'est  ce  que  par  une 
lut:e  incessante  et  des  déchirements  profonds  que  nous  en- 
lèverons de  notre  cœur  l'amour  du  monde. 

Conformité  au  monde.  —  Ennemi  du  monde  dans  le  fond 
de  son  âme,  il  est  juste  et  logique  que  le  prêtre  s'en  éloigne 
dans  sa  conduite.  Il  évitera  donc  tout  ce  qu'il  voit  faire  aux 
mondains  (2). 

1°  //  évitera  les  habitudes,  les  manières  a l'être  du  monde.  — 
Il  en  évitera  la  frivolité.  Il  est  l'homme  de  Dieu,  l'ambassa- 
deur du  Très-Haut,  le  représentant  d'un  monde  supérieur  ; 
tout  en  lui  doit  être  grave,  sérieux,   profond,  digne  de  son 


(1)  Dixit  ergo  iterum  eis  Jésus  :  Ego  vado,  et  quaeretis  me.  et  in 
peccato  vestro  moriemini.  Quo  ego  vado,  vos  non  potestis  von  ire. 

Dicebant  ergo  Judsei  :  Numquid  interficiet  semetipsum,  quia 
<lixit  :  Quo  ego  vado,  vos  non  pote>ti^  venire? 

Et  dicebat  eis  :  Vos  de  deorsum  estis,  ego  de  supernis  sum.  \  os 
de  inundo  hoc  estis,  ego  non  sum  de  hoc  mundo. 

Dixi  ergo  vobis  quia  moriemini  in  peccatia  vestris  :  si  enim  non 
credMeritis  quia  ego  sum,  moriemini  in  peccato  veslro. 

(Joan.  VIII.) 

(2)  Obsecro  itaque  vo<=,  fratres,  per  misericordiam  Dei,  ut  exlii- 
be:itis  corpora  vestra  hostiam  viventem,  sanctam,  Deo  placentem, 
rationabile  obsequium  vestrum. 

Kl  nolite  conformait  huic  saeculo,  sed  reformamini  in  novitate 
sens  us  vestri,  ut  probetis  quœ  sit  voluntas  Dei  bona,  el  benepla- 
et  perfecta.  (Rom.  XII.) 


LA   VIE   SACERDOTALE  439 

caractère  et  de  sa  mission.  Qu'y  a-t-il  de  plus  répugnant  dans 
un  prêtre  que  la  légèreté?  —  Le  prêtre  s'éloignera  même  de 
tout  ce  qui  est  profane.  Que  lui  importe  ce  qui  se  fait,  ce 
qui  se  dit  dans  le  monde  à  lui  qui  n'en  est  pas  9  Etrange 
prêtre  que  celui  dont  les  bruits  du  monde,  ses  nouvelles, 
ses  chroniques  si  souvent  scandaleuses,  franchissent  la 
demeure  et  assiègent  la  pensée  !  —  Mille  fois  moins  encore 
le  prêtre  ne  participera  à  ce  que  les  conversations,  les  habi- 
tudes, les  lois  du  monde  ont  de  vicieux. 

2°  Par  une  conséquence  logique,  le  prêtre  s'interdira  les 
mauvais  livres  qui  font  l'habituelle  nourriture  des  gens  du 
monde. — Leurs  productions  lascives,  leurs  journaux  libres 
jusqu'au  scandale,  ne  déshonoreront  pas  sa  demeure  et  ne 
souilleront  pas  son  âme  que  de  célestes  choses  doivent  seules 
remplir. 

3°  Dans  ses  amusements  et  ses  récréations,  le  prêtre  ne  suivra 
pas  le  monde.  —  Il  est  une  continuité  d'amusements  que  le 
prêtre  laborieux  ne  peut  se  permettre.  —  Il  est  un  genre 
d'amusements  messéant  au  caractère  et  à  l'habit  du  prêtre.  — 
Il  est  des  lieux  d'amusements  dont  le  prêtre  ne  doit  jamais 
franchir  l'enceinte. 

Participation  à  l'esprit  du  monde.  —  Il  en  est  du  monde 
comme  de  ces  climats  malsains,  deees  régionsempoisonnôes, 
dont  l'air  lui-même  est  morbide  et  qui  altère,  par  des  in- 
fluences imperceptibles,  les  plus  robustes  constitutions.  Ce 
n'est  pas  seulement  du  contact  direct  que  l'âme  sacerdotale 
doit  se  préserver,  c'est  môme,  c'est  surtout  de  l'esprit  sub- 
til autant  qu'empesté  qui  se  dégage  du  monde  que  le  prêtre 
doit  se  préserver. 

1°  L'esprit  du  monde  est  un  esprit  d'opposition  et  de  fausse 
liberté.  —  Cet  esprit,  dit  Saint  Paul,  est  l'ennemi-né  des  lois 
divines;  sans  cesse  le  monde  les  juge,  les  critique,  les  altère, 
les  restreint.  C'est  au  prêtre  à  les  garder  dsns  leur  sévère 
et  intangible  intégrité.  Qu'il  se  garde  donc  de  ce  laxisme  in- 
solent, dont  se  targuent  les  gens  du  monde  et  qui  leur  fait 
enfreindre  avec  une  légère' ô  si  déplorable  les  plus  graves  et 
les  plus  formels  préceptes  de  Dieu  et  de  son  Eglise. 

2°  L'esprit  du  monde  est  un  esprit  d'orgueil  et  d'ambition.  — 
A  quel  titre  le  prêtre  imiterait  il  son  luxe  et  son  faste,  lui 
qui  se  donne  comme  le  disciple  du  Dieu  de  la  crèche,  de  Na- 
zareth et  du  Calvaire?  —  Si  le  mondain  se  travaille  et  s'é- 
puise à  la  recherche   des   dignités,  à  la  conquête  des  hon- 


440  LA   VIE   SACERDOTALE 

neurs,  qu'importe  au  prêtre,  l'homme  d'une  gloire  éternelle, 
les  hochets  des  entants  du  siècle  (1)  ? 

3°  L'esprit  du  monde  est  un  esprit  de  sensualisme.  —  Que  le 
prêtre  se  prémunisse  soigneusement  contre  les  maximes 
mondaines.  Travailler,  souffrir,  mener  la  rude  vie  de  Jésus- 
Ghrist  et  des  Apôtres,  déclarer  la  guerre  à  ses  sens,  fuir  les 
amollissantes  douceurs  du  bien-être  :  tel  est  le  devoir,  telle 
est  la  gloire  et  aussi  la  sécurité  du  prêtre.  —  Quand  Saint 
Paul  en  aperçoit  quelqu'un  engraissé  à  des  tables  luxueuses, 
dans  des  demeures  ornées  comme  celles  des  gens  du  monde, 
quand  il  l'aperçoit  comme  une  contradiction  vivante  de  la 
croix  du  Christ,  il  verse  ses  pleurs  les  plus  intarissables  et 
les  plus  amers  sur  ce  malheureux  (2). 

4°  L'esprit  du  monde  est  un  esprit  d'indépendance.  —  Dans 
sa  partie  follement  et  grossièrement  pervertie,  le  monde  en 
est  venu  à  pousser  ce  suprême  cri  de  révolte  :  «  ni  Dieu,  ni 
maître!  »  — Entre  ces  furieux  et  l'obéissance  orthodoxe  se 
déroulent  les  revendications  diverses  d'une  indépendance 
interdite  à  tout  homme,  plus  interdite  encore  au  prêtre. 
Dans  le  prêtre  se  personnifient  le  respect  de  l'Autorité,  la 
soumission  aux  lois,  l'obéissance  à  tout  précepte  juste  et  lé- 
gitime. —  A  l'encontre  d'une  Presse  révolutionnaire  et  ar- 
mée contre  tout  pouvoir  et  toute  autorité,  le  prêtre  ne  s'é- 
cartera jamais  de  la  parole  divine  qui  l'oblige  à  «  rendre  à 
César  ce  qui  est  à  César  et  à  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu.  » 


(1)  Et  vos  inllati  estis;  et  non  niagis  luctum  habuistis,  ut  tolla- 
tur  de  medio  vestrurn  qui  hoc  opus  fecit. 

Ego  quidein  absena  cor  pore,  prsesens  autem  spiritu,  jam  judicavi, 
ut  praesens,  eum  qui  sic  operatus  est.  (I  Cor  ) 

(2)  Fratres,  debitores  sumus  non  carni,  ut  secunduiu  carnem 
vivamus.  Si  enim  secunduiu  carnem  vixeritis,  moriemini  :  si  au- 
rera  spiritu  facta  carnia  mortificaveritis,  vivetis.  Quicumque  enim 
spiritu  Dei  aguntur.  ii  sunt  filii  Dei.  Non  enim  accepistis  spiritum 
servitutis  iterum  in  timoré,  sed  accepistis  spiritum  adoptionis  li- 
liorum,  in  quo  clamamus  :  Abba  (Pater),  [pse  enim  Spiritus  t 
înonium  reddit  Bpiritui  nostro,  quod  sumus  filii  Dei.  si  autem  li^ 
lii,  et  hseredea  :  haeredes  quidem  Dei,  cohaeredes  autem  Cbristi  :  si 
tamen  compatimur,  ut  et  conglorificemur.  Exiatimo  enim  quod 
non  sunt  cmidignse  passions  bujus  temporis  ad  futur am  Kloriam, 
quae  revela)>itur  in  nobis.  (Rom.  VIII.) 


LA    VIE   SACERDOTALE  441 

II 

CE  QUE  DOIT  RESTER  L'EXTÉRIEUR  DU  PRÊTRE 


Deux  choses  sont  à  régler  sous  ce  rapport,  les  démarches, 
l'extérieur. 

Ce  que  doivent  être  les  démarches  du  prêtre.  —  i°  Le 
prêtre  doit  converser  avec  le  monde.  —  Lui  interdire  l'entrée 
dn  monde  et  lui  en  fermer  les  demeures  serait  une  exagéra- 
tion désastreuse  à  son  œuvre  et  dont  profiteraient  trop  aisé- 
ment la  nonchalance,  la  paresse  ou  la  timidité.  Qu'il  fasse 
comme  Moïse,  quittant,  pour  se  répandre  parmi  le  peuple, 
la  cime  du  Sinaï.  Qu'il  imite  les  Anges  qui,  sans  perdre  ja- 
mais la  vue  de  Dieu,  s'emploient  auprès  de  nous  aux  divers 
ministères  du  zèle  et  de  la  charité  (1). 

2°  Mais  quels  motifs  amèneront  le  prêtre  dans  le  monde"!  — 
De  ces  motifs,  les  uns  sont  coupables,  les  autres  sont  saints. 
—  Ce  prêtre  que  l'on  voit  si  constamment  dans  la  demeure 
et  à  la  table  des  gens  du  monde,  n'est-ce  pas  l'ennui  de  sa 
solitude,  le  dégoût  de  sa  vie  sacerdotale  qui  l'amènent?  S'il 


(1)  Igitur  egressus  Jacob  de  Bersabee,  pergebat  Haran. 

Cumque  venisset  ad  quemdam  locum,  et  vellet  in  eo  requiescere 
post  solis  occubitum,  tulit  de  lapidibus  qui  jacebant,  et  suppo- 
nens  capiti  suo,  dormivit  in  eodem  loco. 

Viditque  in  somnis  scalara  stantem  super  terram,  et  cacumen  il- 
lius  tangens  cœlum;  angelos  quoque  Dei  ascendenteset  descenden- 
tes  per  eam; 

Et  Dominum  innixum  scalse  dieentem  sibi  :  Ego  sura  Dominus 
Deus  Abraham  patris  tui,  et  Deus  Isaac;  terram,  in  qua  dormis, 
tibi  dabo  et  semini  tuo. 

Eritque  semen  tuum  quasi  put  vis  terra?;  dilataberis  ad  Occiden- 
tem,  et  Orientem,  et  Septentrionem,  et  Meridiem;  et  BENEDICKN- 
TUR  IN  TE,  et  in  semine  tuo,  cunctse  tribus  terrae. 

Et  ero  custos  tuus  quocumque  perrexeris,et  reducam  te  in  terram 
hanc;  nec  dimittam  nisi  complevero  universa  quae  dixi. 

Cumque  evigilasset  Jacob  de  somno,  ait  :  Vere  Dominus  est  in 
loco  isto,  et  ego  nesciebam.  (Gènes.  XXVIII.) 


442  LA   VIE  SACERDOTALE 

a  de  si  interminables  heures  à  donner  aux  fréquentations  du 
dehors,  n'est-ce  pas  que  ces  heures  ne  sont  que  trop  parci- 
monieusement accordées  à  la  méditation  et  à  la  prière  et  trop 
complètement  refusées  à  l'étude?  D'autres  motifs  pourraient 
être  plus  coupables  encore,  si  c'étaient  la  fascination  du 
inonde,  l'avide  recherche  de  ses  jouissances  ou  même  quel- 
que secret  entraînement  du  cœur  qui  fissent  abandonner  au 
prêtre  sa  sainte  et  protectrice  solitude. 

S'il  sort  parmi  les  hommes,  que  ce  soit  comme  son  maître 
pour  y  passer  «  en  faisant  le  bien.  »  S'il  est  des  demeures 
en  deuil,  des  cœurs  brisés  par  la  souffrance,  des  chevets  de 
maladie  ou  de  mort;  si  des  conseils  le  réclament,  si  des  minis- 
tères attendent  son  intervention,  si  des  détresses  sollicitent 
de  lui  consolation  et.  obole  :  qu'il  sorte,  qu'il  aille  aux  bre- 
bis perdues,  qu'il  dise:  «  misereor  super  turbam;  »  il  revien- 
dra béni  des  âmes  et  chéri  de  Dieu 

3°  Mais  de  quelle  manière  le  prêtre  fréquentera- (-il  dans  le 
mondée  — Ses  fréquentations  ne  seront  pas  trop  assidues. 
Autrement  il  perdrait  le  sentiment  et  le  goût  de  la  solitude. 
Que  lui  resterait  il  de  ses  heures  pour  la  prière  et  l'étude,  si 
Je  monde  les  dévorait  toutes? —  Ses  fréquentations  ne  se- 
ront pas  trop  intimes.  Son  prestige  se  dissiperait;  ses  défauts 
apparaîtraient  à  nu;  les  âmes  se  détacheraient  de  lui;  peut- 
être  sa  vertu  courrait  d'imminents  dangers.  —  Ses  fréquen- 
tations ne  seront  jamais  sans  but.  Ce  n'est  que  pour  consoler, 
édifier  et  guérir  que  le  prêtre  doit  sortir  de  sa  retraite, 

Ce  que  doivent  être  les  manières  du  prêtre.  —  Exemptes 
de  recherche  affectée  et  mondaine  ;  de  rusticité  rebutante, 
de  raideur  orgueilleuse,  de  familiarité  déplacée. 

Que  son  langage  soit  grave  et  doux  dans  la  forme;  — 
saint  et  édifiant  dans  le  fond. 


LE  PRÊTRE  ET  LE  MONDE 


Deux  paroles,  appliquées  à  l'Homme-Dieu  et  qui  semble- 
raient inconciliables,  définissent  admirablement  l'attitude  du 
prêlre  en  face  du  monde  et  les  seuls  rapports  qu'il  puisse 
entretenir  avec  lui.  —  Du  Verbe  incarné  il  est  dit:  «  Mes  dé- 
lices sont  d'être  avec  les  enfants  des  hommes.  »  Puis,  quand 
nous  suivons  l'Homme-Dieu  à  travers  le  monde,  nous  lui  en- 
tendons dire:  «  Jusques  à  quand  aurai-jeà  vous  supporter?  » 
Et  dans  les  Psaumes  :  «  Que  mon  exil  est  long  à  moi  qui  ha- 
bite parmi  les  habitants  de  Cédar!  »  Tant  que  Jésus-Christ 
se  répand  dans  la  foule  des  petits,  des  malheureux,  des  pau- 
vres (-1);  tant  qu'il  console,  guérit,  instruit,  «  ses  délices  sont 
d'être  avec  les  enfants  des  hommes.  »  —  Mais  s'il  franchit 
ces  frontières  aimées  pour  entrer  dans  un  monde  frivole,  in- 
crédule, enivré  de  bien-être  et  de  plaisir,  celte  vue  irrite  sa 
sainte  àme,  ce  séjour  lui  devient  insupportable:  «  usque- 
quo  ?  ».... 

Tel  sera  le  prêtre,  telles  seront  ses  dispositions  et  sa  con- 
duite. Se  donnant  aux  humbles  et  aux  pauvres,  ce  seront  là 
les  délices  de  sa  vie.  —  Mais  le  monde,  ce  monde  frivole, 
impur,  sans  piété,  sans  foi,  le  prêtre  n'aura  pour  lui  que  la 
tentation  du  dégoût  :  «  Usquequo  patiar  ?  » 

Dans  le  monde,  le  prêtre  est  tout  ensemble  un  étranger 
qui  y  souffre,  un  envoyé  qui  y  traite   intrépidement  les  af- 


(i)  Et  factum  est  cura  consummasset  Jésus,  prœcipiens  duode- 
cim  discipulis  suis,  transiit  inde  ut  doceret  el  prsedicaret  in  civi- 
tatibus  eorum. 

Joannes  autem  cum  audisset  in  vinculis  opéra  Christi,  mittens 
duos  de  discipulis  suis, 

Ait  illi  :  Tu  es  qui  venturus  es,  an  alium  exspectamus? 

Et  respondens  Jésus,  ait  illis  :  Eunles  renuntiale  Joanni  quœ 
audistis,  et  vidistis. 

Caeci  vident,  claudi  ambulant,  leprosi  mundantur,  surdi  audiunt 
mortui  resurgunt,  pauperes  evangelizantur. 

Et  beatus  est,  qui  non  fuerit  scandalizatus  in  me. 

(Matth.  XI.) 


444  LA   VIE   SACERDOTALE 

faires  divines,  une  victime  qui,  à  l'exemple  de  son  Maître, 
s'y  laisse  haïr,  poursuivre  et  immoler. 


LE  PRETRE  Y  EST  UN  ÉTRANGER 


Etranger  par  dégoût,  étranger  par  prudence,  étranger  par 
amour  des  âmes. 

Etranger  par  dégoût.  —  Comment  en  serait-il  autrement, 
puisque  le  monde  est  pour  le  prêtre  une  région  étrangère, 
un  soi  ennemi,  un  tyran  et  un  oppresseur. 

i°  Le  monde  est  pour  le  prêtre  une  région  étrangère.  —  Il 
y  entre  comme  entrait  à  Babylone  Israël  traîné  captif.  Tout 
est  nouveau,  insolite,  incommode  dans  cette  terre  étrangère. 
La  langue  qu'on  y  parle,  Israël  ne  la  comprend  pas.  Mœurs, 
coutumes,  habitudes,  tout  lui  est  inconnu  et  tout  lui  répugne. 
Ohl  qu'il  est  loin  de  sa  Jérusalem  bien-aimée!  Après  elle, 
il  aspire  et  son  séjour  sur  ces  rives  étrangères  lui  est  un 
exil  insupportable. 

Mais  que  dirons-nous  du  prêtre  qui  fait  de  Babylono  une 
nouvelle  patrie?  Qui  aime  le  monde,  qui  s'y  complaît,  qui  le 
recherche,  qui  en  adopte  les  idées,  qui  en  prend  le  langage, 
qui  en  admire  les  spectacles,  qui  en  savoure  les  délices?  Hé- 
las! pour  ce  transfuge  que  la  Jérusalem  céleste  est  loin!  que 
son  sacerdoce  est  oublié,  que  ses  gloires  divines  sont  mécon- 
nues, que  ses  devoirs  sont  outrageusement  trahis! 

2°  Le  monde  est  pour  le  prêtre  un  sol  ennemi.  —  Certes! 
c'était,  pour  les  vaincus  que  Rome  amenait  chez  elle  et  traî- 
nait derrière  le  char  triomphal  de  ses  consuls,  un  indicible 
martyre  d"assisler  à  leur  propre  houle,  d'écouler  les  hym- 
nes de  la  victoire,  d'apercevoir  partout,  dans  les  trophées 
élevés,  les  marques  de  leur  défaite,  les  monuments  de  leur 
nationalité  détruite. 

Oh!  que  c'est  bien  là  le  martyro  du  prêtre,  quand  il  entre 


LA   VJE   SACERDOTALE  445 

dans  le  monde.  Qu'y  voit-il  sinon  les  trophées  du  démon,  les 
pompes  odieusement  triomphales  des  ennemis  du  Christ? 
Qu'y  entend-il  sinon  ces  chants  où  la  foi  comme  la  vertu 
chrétienne  sont  audacieusemcnt  insultées? —  Le  bon  prêtre, 
s'il  ne  demande  pas  comme  les  Apôtres  que  le  feu  du  ciel 
tombe  sur  la  Cité  coupable,  ne  cherche  au  moins  que  l'issue 
la  plus  rapide  pour  échapper  à  ce  milieu  ennemi  (1). 

Mais  voici  un  prêtre  qui,  non  seulement,  ne  fuit  pas  la  so- 
ciété des  ennemis  de  son  Dieu,  mais  qui,  au  contraire,  y 
cherche  sa  récréation  la  plus  douce,  son  repos  le  plus  ordi- 
naire. Malheureux  1  tu  veux  donc  faire  mentir  la  Vérité,  qui 
a  dit  que  «  nul  ne  pouvait  servir  deux  maîtres  à  la  fois,  »  et 
Saint  Paul,  qui  ajoute:  «  quelle  union  possible  entre  le 
Christ  et  Bélial?  » 

3°  Le  monde  est  pour  le  prêtre  un  tyran  et  un  oppresseur .  — 
Y  eut-il  un  temps  où  le  peuple  encore  plein  de  toi,  des  famil- 
les profondément  pénétrées  de  l'esprit  du  christianisme,  re- 
cevuient  le  prêtre  avec  religion  et  honneur  comme  l'ambas- 
sadeur du  ciel  et  le  ministre  de  Dieu?  Peut  être.  Encore 
eût  il  fallu  même  en  ces  époques  heureuses,  déconseiller  au 
prêlre  de  trop  longues  et  de  trop  continuelles  fréquentations. 
—  En  tous  cas,  ces  temps  ne  sont  plus  et  nous  touchons  à 
ces  siècles  que  Saint  Paul  déclare  «  périlleux  »  et  dont  le 
Christ  disait  :  «  Trouverai-je  encore  de  la  foi  quand  je  re- 
viendrai sur  la  terre  »  ?  Notre  monde  à  nous  est  déchris- 
tianisé; dès  lors,  s'il  attire,  s'il  accueille  le  prêtre,  s'il  lui 
ouvre  ses  salons,  s'il  le  fait  asseoir  à  ses  banquets,  s'il  l'i- 
nitie à  ses  plaisirs  et  l'introduit  dans  ses  fêtes,  ce  ne  peut 
être  qu'aux  plus  dures  et  aux  plus  ignominieuses  conditions. 
Le  prêtre  abdiquera  la  rigidité  de  ses  principes,  il  voilera  l'o- 
dieuse nudité  de  la  croix,  il  ira  plus  loin,  il  fera  fléchir  le 


(i)  Dirigatur  oratio  mea  sicut  incensum  in  conspectu  tuo  :  ele- 
vatio  manuum  raearum  sacrificium  vespertinum. 

Pone,  Domine,  custodiam  ori  meo,  et  ostium  circumstantiœ  la- 
biis  nieis. 

Non  déclines  cor  meum  in  verba  malitise,  ad  excusandas  excusa- 
tiones  in  peccatis. 

Gum  hominibus  operantibus  iniquitatem  :  et  non  communicabo 
cum  el?ctis  eorum. 

Corripiet  me  justus  in  misericordia,  et  increpabit  me  :  oleum 
autem  peccatoris  non  impinguet  caput  meum. 

Quoniam  adhuc  et  oratio  mea  in  beneplacitis  eorum  :  absorpti 
sunt  juncti  petrse  judices  eorum,  (Psal.) 


446  LA   VIE   SACERDOTALE 

dogme  et  atténuera  sacrilègement  la  vérité  divine:  «  adulté- 
rantes verbum  Dei.  »  0  prêtre  !  0  «  Lion  de  Judas,  »  lion 
magnifique,  dont  la  voix  retentit  au  désert  pour  en  ébranler 
les  profondeurs,  «  vox  clamautis  in  deserto,  »  rentre  tes  on- 
des, étouffe  tes  rugissements  :  dans  ces  sociétés  rieuses  et 
folâtres,  tu  n'es  plus  qu'un  objet  de  curiosité  et  d'amusement! 
Hélas!  ils  seront  éternellement  la  honte  de  l'Eglise  et  le 
désastre  du  ministère  ces  prêtres  mondains  qui,  déshabituent 
les  âmes  des  austérités  du  christianisme,  ne  leur  montrent 
plus  en  leur  personne  qu'une  foi  maladive  et  une  morale 
émoussée. 

Etranger  par  prudence.  —  Mais  s'il  doit  fuir  le  monde 
par  respect  pour  sa  dignité  sacerdotale,  le  prêtre  le  doit  fuir 
bien  plus  encore  par  crainte  pour  son  propre  salut.  Elle  est 
formelle,  elle  est  décisive,  cette  parole  de  Saint  Paul:  «  Si  je 
devenais  pour  le  monde  un  objet  de  complaisance,  je  ces- 
serais d'être  le  serviteur  de  Jésus-Christ.  »  —  Et  d'où  vien- 
drait cette  déchéance?  Comment  s'accomplirait  cette  lamen- 
ble  ruine? 

1°  Le  contact  du  monde  affaiblit  la  foi.  —  N'entendre  plus 
que  de  fausses  maximes,  subir  longtemps  l'oppression  des 
mensonges,  la  tyrannie  des  erreurs,  et,  d'autre  part,  s'habi- 
tuer à  taire  la  vérité  ou  seulement  à  l'amoindrir,  fait  courir 
au  prêtre  le  danger  signalé  par  Saint  Paul,  «  de  faire  le  nau- 
frage de  la  foi(l).  » 


(1)  Sicut  rogavi  te  ut  remaneres  Ephesi  cura  iremin  Macedoniam, 
ut  denuntiares  quibusdam  ne  aliter  docerent, 

Neque  intenderent  fabulis,  et  genealogiis  interminatis :  quœ quaes- 
tiones  praestant  magis  quam  œdificationem  Dei,  quœ  est  in  fide. 

Finis  autem  prsecepti  est  charitas  de  corde  puro,  et  conscientia 
bona,  et  fido  non  ficta. 

A  qtiibus  quidam  aberrantes,  conversi  sunt  in  vaniloquium, 

Volentes  esse  l^gis  doctores,  non  intelligentes  neque  qua>  loquun- 
tur,  neque  de  quibus  affirmant. 

Scimus  autem  quia  bona  est  lex,  si  quis  ea  légitime  utatur  : 

Sciens  hoc  quia  lex  justo  non  est  posita,  sed  injustis,  et  non 
subditis,  impiis,  et  peccatoribus,  sceleratis,  et  contaminatis,  par- 
ricidis,  et  matricidis,  homicidis, 

Fornicariis,  masculorum  concubitoribus,  plagiariis,  mendacibus, 

Hoc  prœceptum  commendo  tibi,  fdi  Timothee.  secundum  proece- 
dentes  in  te  prophetias,  ut  milites  in  illis  bonam  militiam, 

Habens  fidem,  et  bonam  conscientiatn,  quam  quidam  repellen- 
tes,  circa  fidem  naufragaverunt  : 


LA    VIE   SACERDOTALE  447 

2°  Le  contact  du  monde  affaiblit  la  volonté.  —  Comme  le 
monde  n'admet  de  vérités  qae  celles  qui  lui  plaisent,  ainsi 
ne  veut-il  de  préceptes  que  ceux  qui  le  laissent,  à  l'aise,  jouir 
de  ses  vices.  Le  monde  n'entend  pas  qu'on  le  trouble  dans  sa 
fausse  paix  et  son  commerce  ne  peut  reposer  que  sur  de  per- 
pétuelles concessions.  —  Ainsi  s'altère  la  vigueur  sacerdo- 
tale, ainsi  se  brise  peu  à  peu  le  ressort  de  la  volonté. 

3°  Le  contact  du  monde  flétrit  l'innocence.  —  Qu'elle  est 
délicate  dans  le  prêtre  la  fleur  divine  de  cette  innocence!  Un 
souffle  la  ternit,  un  spectacle  la  souille,  un  mot  la  déshonore. — 
Mais  le  monde?  N'est-ce  pas  le  vice  habilement  voilé,  ou  s'y 
montrant  dans  sa  nudité  cynique,  que  le  prêtre  devra  quoti- 
diennement subir?  Est-ce  donc  impunément  qu'il  habituera  ses 
yeux  à  des  visions  dangereuses,  ses  oreilles  à  des  paroles  li- 
bres et  à  des  chants  voluptueux?  Si  un  Saint  Jérôme,  cassé 
de  vieillesse,  exténué  de  veilles  et  de  jeûnes,  se  frappait  la 
poitrine  et  luttait  éperdu  contre  d'anciens  souvenirs,  que 
sera-ce  du  prêtre  jeté  tout  vif  dans  des  réalités  enchanteres- 
ses? 

Etranger  par  amour  des  âmes.  —  i°  Un  mystérieux  ju- 
gement des  foules  sur  le  Messie.  —  «  Quand  viendra  le  Mes- 
sie, disaient-elles,  nul  ne  saura  d'où  il  est.  »  Ce  jugement, 
erroné  pour  une  part,  cachait  cependant  une  vérité  pro- 
fonde. D'où  venait  en  effet  le  Verbe  incarné,  Sauveur  du 
monde,  sinon  de  l'inaccessible  région  de  l'inlini,  sinon  de 
l'invisible  lumière  que  Dieu  habite  ?  Venu  sur  la  terre  des 
profondeurs  du  ciel,  le  Verbe  incarné  était  étranger  parmi  les 
hommes  et  Salomon  avait  prophétisé  de  lui  :  «  Generationem 
ejus  quis  enarrabit?  » 

2°  Un  jugement  identique  sera  porté  sur  le  prêtre.  —  Son 
prestige  lui  viendra  de  son  éloignement  mystérieux.  S'il 
vient  du  monde  aux  mondains,  il  y  vient  sans  force,  parce 
qu'il  est  comme  un  d'entre  eux.  Il  ne  sera  un  vrai  Messie 
pour  les  âmes  que  s'il  descend  vers  elles  des  régions  supé- 
rieures. —  L'expérience  ne  confirme  que  trop  cette  vérité. 
Jamais  le  prêtre  qu'ils  auront  vu,  compagnon  de  leurs  fêtes, 
gai  convive  à  leurs  banquets,  ne  sera  pour  les  gens  du  monde 
un   véritable    Messie.  Aux  jours  de  leur  conversion   ou  au 


Ex  quibus  est  Hymenœus,  et  Alexander  :  quos  tradidi  satanae, 
ut  discant  non  blasphemare.  (I  Tim  ) 


448  LA   VIE  SACERDOTALE 

chevet  de  leur  maladie  dernière,  c'est  quelque  prêtre  ignoré, 
quelque  saint  inconnu  du  monde,  à  qui  ils  demanderont  la 
grâce  et  le  salut. 


II 
LE  PRÊTRE  Y  EST  UN  ENVOYÉ 


Le  même  prêtre  qui  doit  fuir  le  monde  dans  le  sens  d'une 
fréquentation  inutile  et  prolongée,  doit  l'affronter  chaque  fois 
que  sa  mission  d'envoyé  de  Dieu  l'y  oblige.  «  Le  prêlre  dil 
l'Apôtre,  choisi  du  milieu  des  hommes,  est  constitué  pour  les 
hommes  en  fout  ce  qui  touche  les  choses  de  Dieu.  »  —  S'il  est 
fait  prêtre  «  pour  les  hommes  »,  il  est  clair  qu'il  doit  vivre 
parmi  eux.  Aussi,  dans  la  suprême  prière  de  la  Gène,  Jésus- 
Christ  disait  :  «  Je  ne  vous  demande  pas,  mon  Père,  que  vous 
les  retiriez  du  monde,  mais  que  vous  les  préserviez  du  mal.  » 
Dans  les  églises  qu'il  fondait,  nous  voyons  Saint  Paul  pour- 
voir à  un  douhle  ministère  :  celui  de  la  parole  publique,  celui 
du  contact  et  des  entreliens  privés.  «  Vos  scitis...  quomodo 
nihilsubtraxerim  utilium,  quominusannunliarem  vobis  et  do- 
cerem  vos  publiée  et  per  domos.  » 

i°  La  parole  publique  serait  insuffisante.  —  Elle  serait  vic- 
torieuse, elle  serait  toute-puissante  :  «■  Sermo  vivus  et  efli- 
rax  »,  dit  Saint  Paul.  Mais  combien  qui  désertent  la  chaire 
chrétienne?  —  Combien  qui  n'y  prêtent  que  la  légèreté  de 
l'esprit,  la  sécheresse  du  cœur,  les  révoltes  de  la  volonté?  — 
Combien  qui  n'en  rapportent  que  des  impressions  fugitives, 
et  l'abandonnent  aussitôt  à  tous  les  vents  de  la  dissipation? 

2°  Le  prêtre  ajoutera  une  seconde  prédication.  —  Il  sera  lui- 
même  un  évangile  vivant  et  parlant  :  «  facti  forma  gregis.  » 
Etcet  évangile  du  salut  se  transportera  dans  lademeure  desfi- 
dèles pour  y  faire  luire  la  lumière  des  enseignements  divins. 

Et  qui  saura  dire  la  puissance  d'une  telle  prédication  ?  — 
Voyez  Dieu  dans  ses  œuvres.  Il  a  crée  le  soleil.  Mais  de  com- 
bien de  manières  Dieu  lui  fait  verser  sur  la  nature  son  fécon- 
dant éclat?  Si  l'astre  onflammé  restait  toujours  à  son   midi, 


LA   VIE   SACERDOTALE  449 

ses  rayons  trop  brûlants  dessécheraient  la  terre.  Dieu  l'adou- 
cit par  son  déclin  ;  ilJe  revêt  de  nuées,  il  le  cache  sous 
d'épaisses  brumes.  —  Voyez  les  grandes  eaux.  Rarement  elles 
tombent  sur  la  terre  en  pluie  torrentielle.  Le  plus  souvent 
c'est  avec  mesure,  lentement,  que  Dieu  nous  les  distribue; 
et  la  rosée  silencieuse  et  imperceptible  de  la  nuit  en  est  la 
plus  vivifiante  effusion.  Ainsi  du  Verbe  divin.  Descendet  sicut 
stillicidia  stillcuitia  super  terram.  —  C'est  goutte  à  goutte,  im- 
perceptiblement, par  un  contact  lent  et  continu,  par  de  longs 
exemples,  par  des  entretiens  réitérés,  qu'un  saint  prêtre  forme 
peu  à  peu  son  peuple  à  la  vertu.  Tout  prêche  en  lui  ;  tout  an- 
nonce Dieu,  tout  mène  àla  sainteté  :  maintien,  regard,  parole, 
conduite.  Et  qui  ne  se  sent  meilleur  au  sortir  de  la  demeure 
et  de  l'entretien  d'un  prêtre  fervent  ? 

Suivez-le  dans  le  cours  d'une  journée  pastorale.  Comme  son 
Maître,  «  il  a  passé  en  faisant  le  bien.» 


I J I 

LE  PRÊTRE  Y  EST  VICTIME 


Rien  ne  serait  étonnant  comme  Pétonnement  d'un  prêtre 
à  la  vue  des  persécutions  dont  il  est  l'objet.  —  N'est-il  pas 
le  disciple  du  Dieu  crucifié  ?  N'est-il  pas  lui-même  «  envoyé 
comme  la  brebis  au  milieu  des  loups.  ?  » 

Jésus-Christ,  Pontife  suprême,  victime  du  monde.  — 
Dans  ses  prophéties  il  l'annonce.  —  Dans  ses  paraboles  il  en 
donne  la  raison.  Dans  tout  le  cours  de  sa  vie  publique  il  en 
déroule  la  douloureuse  histoire.  Il  souffre  de  tous,  il  souffre 
en  tout,  il  souffre  partout.  —  La  haine  s'abat  sur  lui.  —  La 
calomnie  le  déchire. —  L'incrédulité  le  repousse  et  le  nie.  — 
Les  contradictions  dénaturent  sa  parole  etsa  mission.  —  L'en- 
vie implacable  conjure  sa  mort,  et  n'est  assouvie  que  par  la 
vue  de  son  suprême  supplice  (1). 

(i)  Erant  autem  in  via  ascendentes  in  Jerosolymarn;  et  praecede- 
T.  IY  29 


4S0  LA    VIE   SACERDOTALE 

Ses  ministres,  comme  Lui,  victimes  du  monde.  —  Ecou- 
tez-en la  prophétie  redoutable.  —  Scrutez-en  les  raisons 
multiples.  —  Réjouissez-vous  d'un  aussi  royal  privilège,  et 
d'une  aussi  inépuisable  source  de  triomphe. 

Malheur  au  prêtre,  qui,  par  orgueil  et  ambition,  mollesse 
et  bien-être,  nonchalance  et  insensibilité,  ne  saitplusètre  une 
victime  au  milieu  du  monde;  mais  tourne  le  dos  à  la  croix 
de  son  Maître     <•  quos  video  inimicos  crucis  Chrisli.  » 


bat  illos  Jésus  et  stupebant,  et  sequentes  timebant.  Et  assumens 
iterum  duodecim,  cœpit  illis  dicere  quse  essent  ei  eventura. 

Quia  ecce  ascendimus  Jerosol3rmam,  et  Filius  hominis  tradetur 
principil*  dotum,  et  scribis,  et  senioribus,  et  damnabunt 

eum  morte,  et  tradent  eu  m  gentibus; 

Et  illudent  ei,  et  conspuent  eum,  et  flagellabunt  eum,  et  interfi- 
cient  eum;  et  tertia  die  resurget.  (Marc.  X.) 


i 


LÀ  TIEDEUR 

DANS  LA  VIE  SACERDOTALE 

Angeio  Ecclesise  Laodiceœ  scribe.  {Apoc.  ni,  4.) 


Que  devait  écrire  à  cet  Evêque  le  prophète  de  Palmos? 
Qu'attendez- vous  que  Dieu  mande  à  cet  Ange  de  l'Eglise  de 
Laodicée,  «  Angeio  Laodiceae?  »  C'est  l'Evèque  d'un  grand 
siège.  Il  gouverne  avec  la  plénitude  des  pouvoirs  divins. 
L'Autel  le  voit  chaque  jour  accomplir  les  merveilles  eucha- 
ristiques. Sa  grande  voix  retentit  partout;  sa  main  distribue 
les  plus  puissantes  bénédictions;  c'est  l'ange  du  Très  Haut; 
l'Eglise  le  contemple  dans  sa  majesté;  le  monde  s'incline 
devant  lui  :  quelles  glorieuses  paroles  lui  seront  donc  annon- 
cées de  la  part  de  Dieu  ? 

Ah!  de  même  que  parfois,  au  milieu  des  splendeurs  d'un 
beau  jour  et  dans  un  ciel  pur,  se  forme  tout  à  coup  un  orage, 
et  qu'alors,  où  l'on  cherchait  la  sérénité,  on  ne  rencontre  plus 
que  tumultueuses  secousses,  où  l'on  admirait  la  splendide 
lumière,  plane  une  elfrayante  obscurité  :  ainsi  nous  arrive- 
t  i!  dans  cette  page  de  l'Apocalypse.  Nous  nous  attendions  à 
des  bénédictions  :  c'est  une  foudroyante  parole  qui  retentit 
C'est  un  Evêque  couronné  des  splendeurs  du  sacerdoce  :  sous 
cet  éclat  Dieu  nous  montre  la  misère  avec  sa  triste  nudité, 
la  maladie  avec  son  dépérissement,  la  mort  avec  son  irrémé- 
diable chute  :  «  miser  et  miserabilis,  et  pauper  et  caecus  ei 
nudus;  nomen  habes  quod  vivis  :  et  mortuus  es!  » 

Qu'est-ce  que  cette  énigme?  qu'est-ce  que  cet  effrayant 
état  sous  de  si  rassurants  dehors?  C'est  l'état  du  prêtre  tiède. 
Etat  effrayant!  maladie  terrible!  terrible  aux  autres  âmes, 
plus  terrible  mille  fois  chez  le  prêtre.  Etudions  celte  dange- 
reuse maladie. 

1°  Dangereuse  par  ses  profondes  illusions. 

2°  Dangereuse  par  ses  formidables  réalités. 

3a  Dangereuse  comme  plus  difficile  à  guérir. 


452  LA   VIE   SACERDOTALE 


DANGEREUSE  A  CAUSE  DE  SES  ILLUSIONS 


L'illusion  !  Rien  n'est  terrible  comme  l'illusion.  Ce  voya- 
geur se  trompe  de  route,  il  marche  aux  abîmes...  Mais  il  s'en 
aperçoit,  il  le  sait,  il  comprend  quels  dangers  il  court,  il 
s'arrête,  il  regarde,  il  interroge,  il  sera  sauvé.  —  Que  de- 
viendra-t-il,  au  eontraire,  si  l'illusion  lui  fait  continuer  un 
chemin  funeste? 

Ce  malade  est  dans  une  situation  grave.  Mais  il  la  connaît, 
il  s'en  préoccupe,  il  en  conçoit  de  salutaires  terreurs.  Ses 
eiforts,  les  traitements  énergiques  auxquels  il  se  soumet  lui 
rendront  la  santé.  —  Qu'adviendra-t-il  si.  victime  de  l'illu- 
sion, il  méprise  toute  précaution  et  repousse  tout  remède? 

Cet  homme  d'affaires  a  subi  des  pertes  considérables.  S'il 
les  méconnaît,  c'est  la  ruine.  S'il  sait  au  contraire  les  cons- 
tater, s'il  met  sa  comptabilité  en  règle,  s'il  étudie  par  quelles 
voies  dangereuses  la  ruine  a  failli  l'entraîner,  bientôt  il  refera 
par  la  prudence  une  prospérité  que  de  téméraires  opérations 
avaient  compromise. 

Si  dans  toutes  les  choses  terrestres  l'illusion  est  la  cause 
la  plus  active  de  la  ruine  :  que  sera-t-elle  dans  l'ordre  spiri- 
tuel? que  sera-t-ellc  pour  l'âme?  que  sera-t-elle  par  rapport 
au  salut? 

Et  si  l'illusion  perd  assurément  les  simples  fidèles,  quels 
ravages  causera-t-elle  dans  la  vie  du  prêtre? 

Ces  ravages  étudions-les. 

L'iilusion,  chez  le  prêtre  tombé  dans  la  tiédeur,  s'attache 
à  la  fois  à  ses  devoirs  d'état,  aux  grâces  divines,  aux  exigences 
d'une  sanctification  sacerdotale. 

L'illusion  par  rapport  à  ses  devoirs  d'état.  —  Il  ne  con- 
naît ni  l'importance  des  petites  choses,  ni  l'importance  des 
devoirs  journaliers 

1*  Ni  limportanee  des  petites  choses.  —  Dieu  les  veut  ce- 


LA    VIE  SACERDOTALE  453 

pendant!  Il  les  veut  à  ce  point  qu'il  en  a  fait  le  tissu  de  la 
vie  mortelle  de  son  Verbe  Incarné;  qu'il  en  fait  le  pivot  du 
salut.  —  Or  entendez  s'expliquer  sur  les  petites  choses  le 
prêtre  tiède!  Ah  !  les  petites  choses!  Gomme  il  les  traite! 
Bien  plus  :  de  ce  mépris  il  s'enorgueillit  comme  d'une  gran- 
deur d'âme  et  les  prêtres  fidèles  sont  pour  lui  des  esprits 
étroits. 

2°  Ni  l'importance  des  œuvres  journalières.  —  «  Manifes- 
tari  oportet  ante  Tribunal...  ut  référât  uuusquisque  prout 
gessit.  Uniuscujusque  opus  manifestum  erit.  »  Les  œuvres 
journalières  sont  donc,  ou  les  matériaux  glorieux  de  notre 
demeure  éternelle,  ou  la  vile  pâture  du  feu  du  dernier  jour  (1). 


(1)  Ministri  ejus,  cui  crediJistis,  et  unicuique  sicut  Dominus  dé- 
dit. 

Ego  plantavi,  Apollo  rigavit  :  sed  Deus  incrementum  dédit. 

ltaque  neque  qui  plantât  est  aliquid,  neque  qui  rigat  :  sed,  qui 
incrementum  dat,  Deus. 

Qui  autem  plantât,  et  qui  rigat,  unum  sunt.  Unusquisque  au- 
tem  propriam  mercedem  accipiet  secundum  suum  laborem. 

Dei  enim  sumus  adjutores  :  Dei  agricultura  estis,  Dei  œdificatio 
estis. 

Secundum  gratiam  Dei,  quae  data  est  mini,  ut  sapiens  architec- 
tus  fundamentum  posui  :  alius  autem  superœdificat.  Unusquisque 
autem  videat  quomodo  superœditicet. 

Fundamentum  enim  aliud  nemo  potest  ponere  prseter  id,  quod 
positum  est,  quod  est  Ghristus  Jésus. 

Si  quis  autem  superaedificat  super  fundamentum  hoc,  aurum, 
argentum,  lapides  pretiosos,  ligna,  fœnum,  stipulam, 

Uniuscujusque  opus  manifestum  erit  :  dies  enim  Domini  decla- 
rabit,  quia  in  igné  revelabitur  :  et  uniuscujusque  opus  quale  sit, 
ignis  probabit. 

Sicujusopus  manserit  quod  superaedificavit,  mercedem  accipiet. 

Si  cujus  opus  arserit,  detrimentum  patietur  :  ipse  autem  salvus 
erit  :  sic  tamen  quasi  per  ignem. 

Nescitis  quia  templum  Dei  estis,  et  Spiritus  Dei  habitat  in  vo- 
bis? 

Si  quis  autem  templum  Dei  violaverit  disperdet  illum  Deus. 
Templum  enim  Dei  sanctum  est,  quod  estis  vos. 

Nemo  se  seducat  :  si  quis  videtur  inter  vos  sapiens  esse  in  hoc 
saeculo,  stultus  fiât  ut  sit  sopiens. 

Sapientia  enim  hujus  mundi,  stultitia  est  apud  Deum.  Scriptum 
est  enim  :  Comprehendam  sapientes  in  astutia  eorum. 

Et  iterum  :  Dominus  novit  cogitationes  sapientium,  quoniam 
ranas  sunt. 

Nemo  itaque  glorietur  in  hominibus. 

Omniaenim  vestra  sunt,  sive  Panliis,  sive  Apollo,  sive  Gephas, 


4S4  LA   VIE  SACERDOTALE 

—  Or  je  regarde  le  prêtre  tiède.  Pas  une  œuvre  pure  et  solide  I 
La  négligence  les  altère,  le  défaut  d'intention  les  matérialise, 
îa  paresse  les  laisse  perdre,  la  routine  les  corrompt,  tout  y 
est  «  paille,  »  tout  y  est  herbe  misérable,  tout  y  est  «  bois  » 
desséché  et  inutile:  «  Superaedificat  ligna, fcenum,  stipulam.  » 

—  Ah  l'insensé!  il  est  tranquille.  Et,  apercevant  du  haut  des 
cieux  toutes  ces  œuvres  creuses  et  imparfaites,  le  Maître 
fulmine  cette  terrible  décision  qui  lui  prépare  une  si  extrême 
indigence  :  «  non  invenio  opéra  tua  plena.  »  Hélas!  Ange 
de  Laodicée,  «  nescis  quia  tu  es  miser,  et  pauper,  et  nu- 
ius!  » 

L'illusion  par  rapport  aux  grâces  divines.  —  Il  ne  nous 
est  pas  loisible  de  la  perdre  ou  de  la  faire  valoir.  La  grâce, 
Bien  divin,  appelle  notre  concours.  Nous  sommes  la  terre  et 
les  fermiers  de  Dieu  :  «  agricultura  Dei  estis.  »  Dieu  tire 
l'homme  du  néant.  Le  voilà  muni  de  tous  les  dons  naturels 
et  surnaturels.  Mais  pourquoi?  «  posuiteum  ut  operaretur.  » 
Dieu  crée  le  Sacerdoce;  il  le  comble  de  grâces.  Mais  pour- 
quoi? «  misi  vos  ut  eatis  et  fructum  afferatis.  »  Dieu  cultive 
assidûment  sa  vigne.  Mais  à  quelle  charge?  «  Expectavi  ut 
faceret  uvas.  »  Il  distribue  des  sommes  d'argent  à  ses  servi- 
teurs. Mais  que  prétend-il  et  qu'advient-il  au  paresseux  qui 
les  laisse  sans  intérêt?  «  serve  maie  et  piger  sciebas...  opor- 
tuit  ergo  te  committere  pecuniam  meam  numulariis.  Inuti- 
îem  servum  ejicite  in  tenebras  exteriores  (I).  » 

aive  mundus,  sive  vita,  sive  mors,  sive  prœsentia,  sive  futura  : 
omnia  enim  vestra  sunt  : 

Vos  autem  Ghristi  :  Christus  autem  Dei. 

Sic  nos  existimet  homo  ut  ministros  Ghristi,  et  dispensatores 
mysteriorum  Dei. 

Hic  jam  quaîritur  inter  dispensatores,  ut  fidelis  quis  inveniatnr. 

(IGor.) 

(1)  Vigilate  itaque,  quia  nescitis  diem,  neque  horam. 

Sicut  enim  homo  peregre  proliscens,  vocavit  servos  suos,  et  tra- 
didit  il  lis  bona  sua. 

Et  uni  dédit  quinque  talenta,  alii  autem  duo,  alii  vero  unum, 
unicuique  secundum  propriam  virtutem,  et  profectus  est  statim. 

Abiit  autem  qui  quinque  talenta  acceperat,  et  operatus  est  in 
eis,  et  lucratus  est  alia  quinque. 

Similiter  et  qui  duo  acceperat,  lucratus  est  alia  duo. 

Qui  autem  unum  acceperat,  abiens  fodit  in  terrain,  et  abscondit 
pecuniiim  domini  sui. 

Post  multum  vero  temporis  venit  Dominus  servorum,  illorum 
et  posuit  rationem  cum  eis. 


LA    VIE   SACERDOTALB  455 

Voilà  Jonc  l'ordre  formel  et  inébranlable  posé  par  Dieu. 
Voyez  comme  le  prêtre  tiède  s'y  heurte  audacieusement.  — 
De  grâces,  il  en  est  couvert,  il  en  est  comblé.  Lumières  vives, 
continuelles  voix  de  l'Esprit  Saint,  oracles  de  l'Ecriture,  doc- 
trine qu'il  étudie  et  proclame  lui-même,  foyer  d'amour,  Autel, 
Saint  Sacrifice,  Victime  qu'il  immole,  fonctions  qui  sans  cesse 
et  malgré  lui  l'élèvent  au  Ciel  et  le  replacent  auprès  de 
Dieu...  Malheureux!  De  ces  diamants  que  Dieu  détache  ainsi 
de  sa  couronne,  pour  l'en  orner,  de  toutes  ces  innombrables 
et  précieuses  grâces,  que  fait-il  ?  Il  n'y  jette  pas  même  un 
regard!  Il  ne  les  touche  pas  du  bout  du  doigt!  Elles  tombent, 
elles  se  perdent.  Il  ne  fait  pas  plus  attention' à  leur  perte, 
qu'à  leur  effusion.  —  Et  que  deviennent  ces  grâces?  Mystère 
terrible!  Comme  ces  imperceptibles  vapeurs  qui,  se  déta- 
chant des  eaux,  s'élèvent  au  Ciel  et  se  forment  en  menaçants 
nuages  :  ainsi  toutes  ces  grâces  remontent,  planent  sur  sa 
tète  et  de  leur  sein  partira  le  tonnerre  qui  plus  tard  le  doit 
écraser.  Qui  parle  ici?  Ecoutez  l'Apôtre.  «  Terra  saepe  ve- 
nientem  super  se  bibens  imbrem...    «  Sa>pe.   »  ^N'est-ce  pas 


Et  accedens  qui  quinque  talenta  acceperat,  obtulit  alia  quinque 
talenta,  dicens  :  Domine,  quinque  talenta  tradidisti  mini,  ecee 
alia  quinque  superlucratus  sum. 

Ait  illi  dominus  ejus  :  Eu<?e,  serve  bone  et  fidelis,  quia  super 
pauca  fuisti  fidelis,  super  multa  te  constituam,  intra  in  gaudium 
domini  tui. 

Accessit  autem  et  qui  duo  talenta  acceperat,  et  ait  :  Domine,  duo 
talenta  tradidisti  mini,  ecce  alia  duo  lucratus  sum. 

Ait  illi  dominus  ejus  :  Euge,  serve  bone  et  fidelis,  quia  super 
pauca  fuisti  fidelis,  super  multa  te  constituam,  intra  in  gaudium 
domini  tui. 

Accedens  autem  et  qui  unum  talentum  acceperat,  ait  :  Domine, 
scio  quia  homo  durus  es,  métis  ubi  non  seminasti,  et  congregas 
ubi  non  sparsisti  : 

Et  timens  abii,  et  abscondi  talentum  tuum  in  terra  :  ecce  habes 
quod  tuu  n  est. 

Respondens  autem  dominus  ejus,  dixit  ei  :  Serve  maie,  et  piger, 
sciebas  quia  meto  ubi  non  semino,  et  congrego  ubi  non  sparsi  : 

Oportuit  ergo  te  committere  pecuniam  meam  numulariis,  et  ve- 
niens  ego  recepissem  utique  quod  meum  est  cum  usura. 

Tollite  itaque  ab  eo  talentum,  et  date  ei,  qui  habet  decem  ta- 
lenta. 

Omni  enim  habenti  dabitur,  et  abundabit  :  ei  autem  qui  non 
habet,  et  quod  videtur  habere,  auferetur  ab  eo. 

Et  inutilem  servum  ejicite  in  tenebras  exteriores  :  illic  erit  fte- 
tus,  et  stridor  dentium.  (Matth.  XXV.) 


45G  LA   VIE   SACERDOTALE 

bien  du  prêtre  qu'il  s'agit?  —  Et  la  suite  :  «  generans  her- 
bam  opportunam  accepit  benedictionem.  »  Mais  l'âme  pares- 
seuse, le  prêtre  tiède?  v  proférons  autem  spinas  et  tribulos 
reproba  est  et  ma'edicto  proxima.  »  Dieu  disait  à  l'Evêque 
tiède  :  «  incipiam  te  evomere.  »  Ici  :  «  maledicto  proxima.  » 
C'est  le  même  mot,  c'est  le  même  sort  (1). 

L'illusion  par  rapport  à  la  sanctification  sacerdotale.  — 
Sanctification  toute  spéciale.  Que  Dieu  fait  grands  ses  prê- 
tres! 11  en  fait d'étincelants  soleils  :  «  vos  estislux.  »  —  C'est 
lui-même  qui  darde  en  eux  ses  propres  rayons:  «  ipse  illuxit 
in  cordibus  no  s  tri  s.  »  —  Il  en  fait  son  organe,  sa  grande  et 
formidable  voix,  qui  retentit  par  les  siècles,  et  le  monde  : 
«  exivit  sonus  eorum.  » —  Il  en  fait  sescliarsde  triomphe,  et, 
porté  par  eux,  il  court  à  la  conquête  de  l'univers  :  «  ascen- 
disti  equos  et  quadrigœ  tuae  salvatio.  »  —  Il  en  fait  des  dieux  : 
«  ego  dixi  :  Vos  dii  estis.  » 

Mais  ce  qu'il  exige  est  absolu.  —  «  Sancti  mini  erilis.  » 
Ailleurs:  Mes  prêtres  seront  saints  :  «  sacerdotes  mei  sancti 
erunt.  »  —  Ils  ne  le  sont  pas?  Ils  sont  remplis  de  défauts;  rien 
chez  eux,  n'est  droit,  intègre,  parfait!  Ali!  je  n'en  veux  pasl 
«  homo  qui  habuerit  maculam  non  accedet  ad  ministerium 
ejus  (2).  » 


(1)  Impossibile  est  enim  eos  qui  semel  sunt  illuminati,  gustave- 
runt  etiam  donum coeleste,  et  participes  facti  sunt  Spiritus  sancti, 

Gustaverunt  nihilominus  bonum  Dei  verbuui,  virtutesque  sa^culi 
venturi, 

Et  prolapsi  sunt,  rursus  renovari  ad  pœnitentiani,  rursum  cru- 
cifigentes  sibimetipsis  Filium  Dei,  et  ostentui  habentes. 

Terra  enim  saepe  venientem  super  se  bibens  imbrem,  et  generans 
herbam  oportunam  illia  a  quibus  colitur3  accipit  benedictionem 
a  Deo: 

Proferens  autem  spinas  ac  tribulos,  reproba  est  et  maledicto 
proxima;  eujis  consummatio  in  combustionem. 

Confidimus  autem  de  vobis,  dilectissimi,  meliora,  et  viciniora 
saluti,  tametsi  ita  loquimur.  (Hsebr.  VI  ) 

(1)  Intelligite  parvuli  astutiam,  et  insipientes  animadvertite. 

Audite,  quoniam  de  r<jbus  magnis  locutura  snm:  et  aperientur 
labia  mea,  ut  recta  prœdicent. 

Veritatem  meditabitur  guttur  meum,  et  labia  mea  detestabun- 
tur  impium 

Jus!i  sunt  oinnes  s^rmones  mei,  non  est  in  eis  pravum  qnid, 
neque  perversum. 

Recti  sunt  intelligentibus,  et  œqui  invenientibus  scientiam. 


LA   VI  B   SACERDOTALE  457 

Cet  ordre  do  Dieu,  qu'en  fait  le  prêtre  tiède  ?  Dieu  veut 
l'esprit  de  componction  et  de  prière  :  il  est  tout  dissipation 
et  indévotion.  —  Dieu  veut  l'exactitude  et  la  règle  :  sa  vie 
est  un  perpétuel  désordre.  —  Dieu  veut  le  zèle  :  il  est 
tout  de  glace  et  de  torpeur.  —  Dieu  veut  la  mortification  : 
il  ne  connaît  que  ses  aises.  —  Dieu  veut  une  conscience  pure 
et  une  vie  innocente  :  il  est  criblé  de  ces  péchés  qu'il  se 
plaît  à  trouver  légers,  et  dont  il  n'a  ni  souci  ni  repentir.  — 
Et  ce  malheureux  se  sauvera  ?  Qui  l'oserait  dire  ?  Il  tourne 
le  dos  au  chemin  du  ciel,  qu'il  croit  suivre  ! 

Effrayant  état  !  Effrayant  surtout  par  sa  profonde  insensi- 
bilité et  sa  sécurité  fatale.  —  Rien  n'éclaire  le  prêtre  tiède  et 
tout  le  trompe.  Voici  ce  qui  achève  d'épaissir  le  voile  de 
cette  déplorable  illusion.  1°  C'est  d'abord,  si  je  puis  parler 
ainsi,  l'appareil  du  sacerdoce.  Depuis  qu'il  csttiède,  rien  n'est 
changé  :  Messe,  confessionnal,  chaire  de  vérité.  Même  res- 
pect du  peuple  —  Même  vêtement.  —  Même  vie  :  «  nomen 
habes  quod  vivis.  »  2°  C'est  ensuite  l'absence  de  correction  et 
de  réprimande  :  «  si  sal  infatuatum  fuerit,  in  quo  salietur?  » 
Il  se  confesse.   Oui,  mais  préparation  nulle,  aveux  nuls,   et 


Accipite  disciplinant  meam,  et  non  pecuniam:  doctrinam  magis 
quam  aurum  eligite. 

Melior  est  enim  sapientia  cunctis  pretiosissimis:  et  omne  desi- 
rabile  ei  non  potest  comparari. 

Ego  sapientia  habito  in  consilio,  et  eruditis  intersum  cogitatio- 
nibus. 

Timor  Domini  odit  malum;  arrogantiam,  et  superbiam,  et  viam 
pravam,  et  os  bilingue  detestor. 

Meum  est  consilium,et  aequitas:  rnea  est  prudentia,  mea  est  for- 
titudo. 

Per  me  reges  régnant,  et  legum  conditores  justa  décernant: 

Per  nie  principes  imperant    et  potentes  decemunt  justitiam. 

Ego  diligentes  me  diligo:  et  qui  mane  vigilant  ad  me,  invenient 
me. 

Mecum  sunt  divitiœ,  et  gloria,  opes  superbae,  et  justitia. 

Melior  est  enim  fructus  meus  auro,  et  lapide  pretioso,  et  geni- 
mina  mea  argento  electo. 

In  viis  justitiœ  ambulo,  in  medio  semitarum  judicii, 

Ut  ditem  diligente^  me,  et  thesauros  eorum  repleam. 

Dominus  possedit  me  in  initio  viarum  suarum,  antequam  quid- 
quam  faceret  a  principio. 

Ab  seterno  ordinata  sum,  et  ex  antiquis  antequam  terra  fleret. 

Nondum  erant  abyssi,  et  ego  jam  concepta  eram  :  necdum  fontes 
aquaruoi  eruperant.  (Sap.) 


458  LA    VIE    SACERDOTALE 

hélas!  de  la  part  du  confesseur  même,,  légèreté  et  faiblesse 
trop  souvent. 

Le  voilà  donc,  le  prêtre  tiède.  Et  où  va-t-il?  Où  peut-il  abou- 
tir, marchant  ainsi  en  dehors  de  la  voie  divine,  des  lois  di- 
vines, de  la  vie  divine?  Hélas!  il  marche  à  sa  perte,  et  il  ne 
s'en  doute  pas!  «  Obtusi  sunt  sensus  eorum;  velamen  positum 
est  super  cor  eorum.  »  Achevons  de  déchirer  ce  triste  voile. 
L'illusion  lui  cache  sa  lamentable  misère,  et  toute  cette  mi- 
sère, en  voici  la  suite  et  le  complément. 


II 
DANGEREUSE  A  CAUSE  DE  SES  RÉALITÉS 


«  Dicis  quoddivessum  et  locupletalus,  et  nullius  egeo  :  et 
nescisquia  tues  miser  et  miserabilis.  »  Eh  bien!  parcourons 
les  trop  réelles  misères  de  ce  misérable  état.  —  Misères  du 
présent  :  misères  ou  plutôt  terreurs  de  l'avenir. 

Misères  du  présent.  —  Le  prèlre  tiède  est  à  charge  à 
Dieu,  à  charge  à  l'Eglise,  à  charge  à  lui-même. 

i°  A  charge  à  Dieu.  —  Gomment  être  à  charge  à  Dieu  ? 
Tout  est  recueilli  dans  ce  sein  immense  de  la  divine  miséri- 
corde, tout,  jusqu'au  larron,  jusqu'à  la  pécheresse,  jusqu'au 
Lazare  dévoré  par  le  tombeau.  Les  méchants  reçoivent  son 
soleil,  les  pécheurs  voient  tomber  sur  eux  sa  féconde  rosée. 
Tous  les  êtres  tressaillent  sous  l'abri  de  ses  ailes  :  «  in  teg- 
mine  alarum  tuaruin  sperabunt.  » 

Mais  l'âme  tiède?  Elle  lui  pèse,  elle  luiest  insupportable.  Ah! 
dit-il,  mon  cœur  n'en  peut  plus!  il  va  te  rejeter,  tu  le  fais 
bondir  de  fatigue  et  de  dégoût:  «  incipiam  te  evomere  de  ore 
meo.  »  Et  pourquoi  cet  immense  dégoût  de  Dieu?  Parce  que 
la  tiédeur  est  l'opposé  de  sa  nature.  Dieu,  c'est,  dit  l'Ecriture, 
«  l'or  en  feu  »,  «  aurum  ignitum:  »  le  tiède  étouffe  et  contra- 
rie ces  ardeurs.  —  Dieu,  c'est  le  Soleil  de  Justice  qui  veut 
étincelerà  l'aise:  qu'a-t-ilà  faire  de  ces  brumes,  de  ces  lourds 
et  froids  brouillards,  qu'il  s'irrite  de  ne  pouvoir  porter?  «  Qiue 


LA  VIE  SACERDOTALE  459 

societas  luci  ad  tenebras?  »  —  Dieu  est  toute  énergie,  toute 
vie,  «  actus  purus  »,  comme  dit  admirablement  l'Ecole  :  la 
tiédeur,  c'est  l'engourdissement,  c'est  la  pesanteur,  c'est  l'oi- 
siveté, c'est  la  plus  désolante  inertie.  Tout  cela  suffirait  bien 
à  inspirer  ces  dégoûts  de  Dieu;  mais  la  tiédeur  renferme  de 
plus  un  indigne  mépris  de  Dieu.  Dieu  s'épuise  en  chaleureu- 
ses avances  :  l'âme  tiède  ne  s'en  remue  ni  n'en  prend  souci. 

—  Quoi!  Ame  grossière,  âme  insensible,  Dieu  vient  de  faire 
la  longue  route  des  cieux  à  la  terre,  et  tu  ne  feras  pas  un  pas 
vers  Lui  I  Ton  Dieu  cherche  à  t'étreindre  de  ses  amoureux 
embrassements,et  tu  restesàdistance,  glacée  et  immobile(l)! 

—  Ton  Dieu  te  presse  de  ses  tendres  demandes,  et  tu  n'as 
pas  un  mot  d'amour I  Ah!  je  comprends,  mon  Dieu,  vos  dé- 
goûts et  vos  terribles  vomissements. 

2°  A  charge  à  l'Eglise.  —  Qu'en  faire?  où  esl-il  bon?  «  Si 
sal  inlatuatum  fuerit,  ad  nihilum  valet  ultra  ».  En  ferez-vous 
le  ministre  de  Jésus-Christ,  «  Ministros  Christi?  »  Mais  il  con- 
naît à  peine  Jésus-Christ.  —  En  ferez-vous  l'intercesseur  des 
âmes?  Mais  Dieu  qui  le  rejette,  comment  le  recevra-t-il?  —  Il 
monte  à  l'autel.  Et  que  vient  faire  dans  le  feu  divin  ce  morceau 
de  glace?  dans  les  embrassements  de  l'Agneau  si  pur,  cette 
conscience  si  tachée  et  si  obscurcie?  —  Il  parle  au  peuple  ? 
Ah!  que  sortira-t-il  de  ce  cœur  distrait  et  glacé  que  des  pa- 
roles e  convention  et  de  froides  palinodies?  Le  voilà  au  con- 
fessionnal. Ah  I  qu'elles  se  retirent  sans  vie  ni  émotion  les 
pauvres  âmes  qui  n'ont  trouvé  là  qu'un  rocher  sans  eau,  et 
qu'une  parole  sans  vertu.  «  Ad  nihilum  valet  ultra.  » 

3°  A  charge  enfin  à  lui-même.  —  Si  Pierre  et  les  Apôtres 
et  les  prêtres  fervents,  effrayés  de  leur  dépouillement  et  avi- 
des des  joies  du  cœur,  posent  au  Maître  cette  question:  Mais 
nous  donc,  qui  avons  tout  quitté,  qui  avons  renoncé  aux  agré- 
ments, aux  douceurs,  aux  facilités  delà  vie  du  monde,  «  Ecce 


(0  Speciosus  forma  prse  filiis  hominum  :  diffusa  est  gratia  in 
labiis  tuis:  propterea  benedixit  te  Deus  in  aeternum. 

Accingere  gladio  tuo  super  fémur  tuum,  potentissime. 

Specie  tua  et  pulchritudine  tua  intende,  prospère  procède,  et 
régna. 

Propter  veritatem,  et  mansuetudinem,  et  justitiam:  et  deducet 
te  mirabiliter  dextera  tua. 

Sagittse  tuse  acutse,  populi  sub  te  cadent:  in  corda  inimicorum 
régis.  (Psal.  XLIV.) 


460  LA  VIE   SACERDOTALE 

nos  reliquimus  omnia,  »  où  trouverons-nons  les  joies  qui  font 
vivre  l'âme  et  sans  lesquelles  la  vie  est  un  insupportable  far- 
deau? «  Quia1  ergoerit  nobis?  »  Jésus  leur  répond  en  versant 
dans  leur  âme  des  flots  délicieux,  de  paix,  d'amour,  de  joie, 
d'espérance:  «  ïorrente  voluplatis  potatis  eos  ».  Et  Paul,  dé- 
laissé, mendiant,  brisé  de  labeurs  et  de  coups,  criera  dans  de 
mystérieux  tressaillements:  «  Surabundo  gaudio  in  omnibus 
tribulationibus  meis.  »  —  Mais  que  le  prêtre  tiède,  un  regard 
tourné  vers  le  monde,  un  autre  fixé  vers  Dieu,  pose  la  même 
question  :  «  quid  ergo  erit  nobis  »...  Ah!  malheureux,  rien, 
absolument  rien.  Le  monde  ne  te  reconnaît  plus  et  te  chasse 
de  ses  plaisirs.  Dieu  t'a  vomi  de  sa  bouche.  Où  iras-tu?  — 
Je  les  vois,  je  les  vois,  ces  âmes  sans  joie,  errer  dans  le  froid 
de  leur  obscure  vie,  «  ad  vesperam  convertentur.  »  Elles  er- 
rent, affamées  autour  de  la  Jérusalem  spirituelle,  où  les  vrais 
fils  de  Dieu  sont  inondés  des  délices  de  la  vie  fervente  :  «  cir- 
cuibunt  civitatem,  famem  patientur  ut  canes.  »  Et  dans  leur 
triste  existence,  gênée  dans  les  obligations  du  sacerdoce, 
sans  être  jamais  dilatée  par  ses  joies,  ils  n'ont  plus  qu'un  cri 
intérieur  de  désolation  :  «  famé  pereo!  »  Et  plût  à  Dieu  que 
tout  se  terminât  à  des  ennuis  et  à  des  dégoûts I  Mais  voici  les 
terreurs  de  l'Avenir. 

Terreurs  de  l'avenir.  —  N'entr'ouvronspas  les  plus  profonds 
abîmes  delà  réprobation  consommée.  Ne  faisons  pas  rouler  les 
torrents  de  feu  où  expient  les  Judas  perdus  à  jamais.  Arrê- 
tons-nous aux  terreurs  du  péché  mortel  et  affirmons,  avec 
tout  ce  que  l'Eglise  a  de  théologiens  et  de  docteurs,  que  la 
tiédeur  y  fait  comme  infailliblement  tomber. 

Saint  Bernard  place  devant  lui  un  religieux  tiède.  —  0  tiède, 
que  prétends-tu?  Veux-tu  avancer  ?  —Non.  —  Veux-tu  donc 
reculer? —  Non  plus.  —  Ali!  tu  veux  rester  où  tu  es,  immo- 
bile et  immuable?  —  Tu  veux  l'impossible,  pauvre  insensé! 
C'est  cependant  l'éternelle  prétention  du  tiède.  —  Est- elle 
bien  fondée?  Jugez-en. 

1°  D'abord  est -on  sûr  de  la  grâce,  de  cette  grâce  sur  la  dis- 
tribution de  laquelle  régnent  de  si  formidables  mystères  ? 
—  Le  prêtre  tiède  poursuit  sa  route.  Qui  l'assure  de  la 
grâce,  cette  grâce  qui  «  tire  au  Père  »  et  qui  sauve?  —  Il 
abuse  des  efforts  de  Dieu  :  qui  répond  que  Dieu  en  fera  de 
nouveaux?—  Il  commet  encore  ce  péché,  léger  tant  que  vous 
voudrez  :  mais  qui  peut  dire  que  là  n'est  point  le  mo- 
ment fatal  où  Dieu  «  vomit  de  sa  boucho  »  le  tiède.  N'est-ce 


LA   VIE   SACERDOTALE  461 

point  par  an  dernier  péché  que  Saiïl  inaugura  sa  perte  ? 

2°  Nest-onpas  sûr  des  affirmations  divines^  —  La  certitude 
est  absolue,  Dieu  affirme:  qui  osera  mettre  en  doute?  «  Inci- 
piam  te  evomere  de  ore  meo.  »  —  Faut- il  expliquer?  «  Qui 
modica  spernit,  paulatim  decidet.  »  Jusqu'où?  «  In  majori  ini- 
quus  erit.  »  Est-ce  clair?  Est-ce  absolu?  Est-ce  décisif? 

3°  Puis  enfin  raisonnons.  Comment  n'arriverait-elle  pas  à 
la  tin,  cette  atfreuse  chute  du  prêtre  tiède  dans  l'abîme  du 
péché  grave?  Il  avait  horreur  du  péché  mortel  :  mais  le  voilà 
peu  à  peu  familiarisé  avec  le  monstre.  Il  ne  veut  pas  la  mort, 
mais  il  n'a  plus  peur  de  sesblessures.  Gomment  frissonnerait-il 
devant  les  occasions  plus  délicates,  lui  qui  tant  de  fois  a  cédé 
aux  pareilles,  quand  la  légèreté  de  la  matière  le  rassurait  ? 
—  Mais  quoi?  Il  compte  pouvoir  toujours  dire  aux  flots  sans 
cesse  grossissants  d'une  concupiscence  alimentée  par  tant  de 
légers  ruisseaux,  à  ces  flots  rendus  bouillonnants  et  irrésis- 
tibles, à  cette  mer  tumultueuse  qui  envahit  jusqu'aux  âmes 
fortes  et  vertueuses  :  Tu  iras  jusque-là!  «  Usque  hue  ve- 
nies?  »  —  Le  prêtre,  tiède  se  rassure  sur  la  haine  qu'il  a  du 
péché  grave  :  crainte  servile  et  honteuse,  soit,  mais  au  moins, 
crainte  protectrice.  —  Protectrice?  non,  et  je  lui  enlève  ce 
trompeur  espoir.  —  Le  grand  mot  du  tiède,  le  voici  :  «  Ce  n'est 
pas  grave  ».  Quand  il  a  dit  ce  mot,  il  passe  tranquillement  et 
se  rassure...  Moi  je  frémis  I  Car  enfin,  àme  tiède,  qui  donc  t'a 
rendue  si  infaillible  dans  ces  sentences  où  tu  t'endors?  Eh! 
quoi?  Dans  les  plus  délicates  matières,  dans  les  plus  épineuses 
rencontres,  là  où  chancellerait  le  plus  docte  théologien,  toi, 
tu  prononces  sans  hésitation?  Et  tu  prononces  dans  l'entraî- 
nement d'une  jouissance?  Et  tu  prononces  à  travers  les  brouil- 
lards d'une  conscience  mal  en  ordre  et  indélicate?  Et  qui  donc 
t'assure  que,  pressant  ainsi  un  fer  si  aigu,  lu  n'as  pas  atteint 
quelque  fibre  du  coeur!  Ah!  les  voilà,  les  voilà,  ces  tristes 
consciences!  consciences  embarrassées,  consciences  qui  re- 
fusent d'éclaircir  de  terribles  mystères  ! 


462  LA  VIE  SACERDOTALE 


III 


DANGEREUSE  A  CAUSE  DES  DIFFICULTES 
DE  SA  GUÉRISON 


Nous  connaissons  les  caractères  du  mal  funeste  de  la  tié- 
deur, y  a-t-il  un  traitement  à  cette  maladie  redoutable?  y 
a-t-il  des  remèdes?  oui,  sans  doute,  puisque  Dieu  lui-même 
les  énumère  à  ce  mèm  i  •  ••  [u  i  de  Laodicée,  à  qui  il  venait 
de  dévoiler  les  terribles  dangers  de  son  étal.  —  Pour  les  bien 
connaître  rappelons-nous  ce  qu'est  la  tiédeur. 

Cette  maladie  de  l'âme  a  son  frappant  symbole  dans  une 
maladie  de  nos  corps,  la  plus  désespérante  de  toutes,  la  lan- 
gueur et  l'épuisement,  qui,  peu  à  peu,  heure  par  heure,  in- 
sensiblement, mène  au  tombeau  sa  victime  abusée.  Or  voici 
le  seul  traitement  possible. 

1°  C'est  ut}  épuisement  total  des  forces.  —  Il  faut  de  fortes 
nourritures,  un  régime  puissant.  Donc  :  Exercices  spirituels, 
nombreux,  bien  faits.  «  Aruit  virtusmea.»  pourquoi?  «  Obli- 
tus  surn  comedere  panem  meum.  » 

2°  C'est  un  état  d'illusions.  —  l'ar  suite,  défaut  continuel  de 
précautions.  Voyez  l'âme  qui  expire  de  tiédeur.  Elle  malade? 
Allons  donc!  N'agit-ello  pas  comme  agit  tout  le  monde?  Elle 
n'a  peur  de  rien.  Elle  ne  s'observe  sur  rien.  Elle  fait  li  des 
remèdes;  que  lui  faut-il?  de  sérieux  examens,  détaillés,  éner- 
giques. Des  communications  franches,  profondes,  avec  son 
confesseur. 

3°  C'est  m,  état  de  passions  déchaînées.  —  Voyez  ce  phtisi- 
que Si  les  passions  viennent  ajouter  leur  épuisement  et  leurs 
-"'•uiissrs  au  mal  qui  déjà  l'exténue,  il  est  perdu.  Donc  pri- 
vations; régime  sévère,  éloignement  de  toute  jouissance  mor- 
telle (1).  Ah!  vraiment!  sans  mortification,  jamais  de  guérison 

(\)  Hoc  scientes  quia  vêtus  homo  noster  simul  crucifixus  est,  ut 
destruatur  corpus  peccati,  et  ultra  non  serviamus  peccato. 


LA   VIE   SACERDOTALE  463 


possible  pour  l'âme  tiède.  La  mollesse  l'a  tuée  :  seule  l'éner- 
gie la  fera  revivre. 


Qui  enim  mortuus  est,  justitlcatus  est  a  peccato. 

Si  autem  mortui  sumus  eum  Ghristo,  credimusquia  simul  etiara 
vivemus  cum  Ghristo; 

Scientes  quod  Ghristus  resurgens  ex  rnortuis  jam  non  moritur, 
mors  illi  ultra  non  dominabitur. 

Quod  enim  mortuus  est  peccato,  mortuus  est  semel;  quod  autem 
vivit,  vivit  Deo. 

Ita  et  vos  existirnate,  vos  mortuos  quidem  esse  peccato,  viventes 
autem  Deo  in  Ghristo  Jesu  Domino  nostro. 

Non  ergo  regnet  peccatum  in  vestro  mortali  corpore  ut  obedia- 
tis  concupiscentiis  ejus. 

Sed  neque  exhibeatis  membra  vestra  arma  iniquitatis  peccato; 
sed  exhibete  vos  Deo,  tanquam  ex  rnortuis  viventes,  et  membra 
vestra  arma  justice  Deo. 

Peccatum  enim  Vobis  non  dominabitur.  (Rom.") 


DE  LA  PUSILLANIMITE 

DANS  LE  PRÊTRE 


Douterions-nous  de  la  gravité  de  ce  mal  dans  le  prêtre  ? 
Assistons  à  un  grand  spectacle  :  Israël  abattu  et  sanglant  ; 
une  vaste  plaine  retentissante  des  clameurs  furieuses  de  l'en- 
nemi et  des  cris  douloureux  di>>.  victimes  expirantes;  —  trente- 
quatre  mille  cadavres  jonchant  la  campagne,  les  fils  du  Grand- 
Prêtre  misérablement  massacrés  ;  le  vieux  piètre  expirant 
foudroyé  à  d'aussi  affreuses  nouvelles  :  par  dessus  tout,  l'Ar- 
che de  l'Alliance,  gage  des  promesses  de  Dieu,  espoir  uni- 
que et  unique  défense  de  tout  un  peuple,  tombée  aux  mains 
impures  de  l'ennemi,  emmenée  captive  et  déshonorée,  lais- 
sant le  malheureux  Israël  dans  la  consternation  et  la  douleur. 

Quels  crimes  ont  donc  fait  éclater  tous  ces  tonnerres  ?  — 
Qui  donc  les  a  attirés  sur  Israël?  —  Un  prêtre.  —  Est-ce  un 
prêtre  souillé  et  apostat?  Nullement.  Quarante  années  de  la- 
beurs font  sa  couronne.  Je  pénètre  dans  son  âme  :  quelle 
sainte  résignation!  —  Quel  amour  de  son  Dieu?  Quelle  ai- 
mable douceur  dans  ses  fonctions  !  —  Mais  alors  que  signifie 
cette  énigme?  —  Ce  prêtre,  ce  pieux  et  vénérable  Héli,  a 
manqué  de  force  pour  reprendre  le  vice  et  Dieu  lui  impute  les 
crimes  dont  sa  faiblesse  a  favorisé  le  cours. 

Quelle  leçon  pour  le  prêtre  pusillanime  !  En  face  de  ces 
éclats  terribles  de  la  colère  de  Dieu,  qu'il  se  rende  bien  compte 
de  la  gravité  qu'acquièrent,  dans  le  prêtre,  la  faiblesse,  la 
lâche  condescendance,  le  mutisme  et  la  coupable  compro- 
mission. 

Combien  la  pusillanimité  est  contraire  à  sa  mission.  — 
Combien  elle  est  funeste  dans  ses  suites.  —  Combien  elle  est 
coupable  dans  ses  sources. 


LA.    Mm    ëACtHUO'tALJS  46S 


COMBIEN  ELLE  EST  CONTRAIRE  A  SA  MISSION 


«  Vos  estis  sal  terrae.  »  Pourquoi  ce  sel?  pourquoi  cette  ac- 
tion mordante  et  cette  âcreté?  «  Acerbe  acriterque  agentes 
sicut  sal?  »  (S.  Chrys.  de  Sacerd.  lib.  6.)  Ce  prêtre  n'est-il  pas 
l'huile  si  douce,  la  colombe  si  inoffensive,  l'agneau  si  immolé? 
Sans  doute  ;  néanmoins  le  mot  reste  :  «  Vos  estis  sal  terra).  » 
Et  Saint  Jean  Chrysostome  l'explique.  Le  monde  corrompu 
fut  guéri,  par  Jésus-Christ.  Mais  il  reste  malade,  il  est  tou- 
jours exposé  à  se  corrompre  de  nouveau.  Il  lui  faut  «  le  sel,  » 
le  prêtre  énergique. 

La  raison  et  l'expérience  le  démontrent.  —  Où  ira?  Que 
fera  le  prêtre  sans  cette  rude  énergie  ?  —  Dans  le  monde 
voici  les  endormis,  les  furieux,  les  fidèles. 

1°  Voici  les  endormis.  —  C'est  la  masse,  c'est  la  Société, 
Société  légère  et  polie,  même  bienveillante.  On  n'y  hait  pas 
le  prêtre,  les  cercles  s'ouvrent  devant  lui  ;  les  réunions  l'ac- 
cueilleront volontiers...  Mais  des  conditions  lui  sont  posées. 
Le  monde  l'arrête  au  seuil  et  lui  donne  des  instructions.  0 
prêtre,  il  te  faut  ici  changer  d'allure  et  de  langage.  Rien,  ici 
de  tes  sombres  dires,  rien  de  tes  intraitables  maximes.  Il  faut 
ici  de  demi-vérités,  de  demi-préceptes,  une  moitié  de  Jésus- 
Christ(i)! 


(1)  Nunc  ergo  ingressus  scribe  ei  super  buxum,  et  in  libro  dili- 
genter  exara  illud,  et  erit  in  die  novissirao  in  testimonium  usque 
in  œternum. 

Populus  enim  ad  iracundiam  provocans  est;  et  filii  mendaces, 
filii  nolentes  audire  legem  Dei; 

Qui  dicunt  videntibus  :  Nolite  videre;  et  aspicientibus:  Nolite 
aspicere  nobis  ea  quse  recta  sunt  ;  loquimini  nobis  placentia  ;  videte 
nobis  errores. 

Auferte  a  me  viani;  declinate  a  me  semitam;  cesset  a  facie  nos- 
tra  Sanctus  Israël. 

T.  IV  30 


46G  LA   VIE   SACERDOTALE 

Oh!  s'écrie  Saint  Jean  Chrysostome,  quelle  âme  il  faut  au 
prêtre  pour  rester  prêtre,  c'est  à-dire  «  le  sel  »  acre  et  mor- 
dant, l'homme  de  la  vraie  doctrine,  de  la  vraie  morale,  des 
vrais  préceptes,  «  magnanimitate  quis  est!  »  — Sans  l'éner- 
gie il  atténue,  il  pactise,  il  trahit  la  vraie  et  rude  prédication 
de  l'Evangile  :  «  sal  infatuatum.  »  Il  ne  fait  plus  rien  dans  le 
monde  :  «  ad  nihilum  valet  ultra  »;  il  y  est  sans  caractère, 
il  y  est  déplacé  et  sans  majesté  :  «  conculcetur  ab  homini- 
bus.  » 

2°  Voici  les  furieux  — Belle  pensée  de  Saint  Léon.  Le  Sacer- 
doce, dit  ce  grand  Docteur,  entra  dans  le  monde  comme  dans 
un  océan  dont  les  tempêtes  soulèvent  les  profondeurs  :  «  tur- 
bulentissimae profunditatis  oceanum;  »  ou  bien  encore,  comme 
dans  ces  épaisses  forêts,  toutes  retentissantes  des  hurlements 
des  bêtes  :  «  Silvam  frementium  bestiarum.  »  Et  de  même 
qu'en  une  tempête  le  navire  est  entouré  de  ces  flots  furieux  et 
le  voyageur,  dans  la  forêt,  de  ces  bêtes  rugissantes  :  de  même 
le  Sacerdoce  poursuit  sa  marche  vers  les  Cieux,  au  milieu 
d'audacieuses  et  continuelles  attaques.  Ils  sont  partout  ces  ad- 
versaires avoués  et  opiniâtres  de  l'Evangile  et  de  l'Eglise. 
On  les  rencontre  à  tous  les  postes;  ils  font  tout  retentir  de 
leurs  cris.  Nos  œuvres  les  irritent;  et  jusqu'à  nos  plus  sain- 
tes fonctions,  ils  combattent  tout  en  nous.  —  Ah  !  c'est  ici 
que  l'énergie  devient  indispensable  (1).  Et  que  faire? 


Propterea  hœcdicit  Sanctus  Israël:  Proeo  quod  reprobastis  ver- 
bum  hoc,  et  sperastis  in  calumnia  et  in  tumultu,  et  innixi  estis 
super  eo; 

Propterea  erit  vobis  iniquitas  hœc  sicut  interruptio  cadens. 

(Ezec.) 

(1)  Audituri  enim  estis  praelia,  et  opinionos  praeliorum.  Videte 
ne  turbemini  :  oportet  enim  hœc  fieri;  sed  nondum  est  finis. 

Consurget  enim  gens  in  gentem,  et  regnum  in  regnum,  et  erunt 
pestilentiœ  et  famés,  et  terrae  motus  per  loca. 

H;jec  autem  omnia  initia  sunt  dolorum. 

Tune  tradent  vos  intribulationem,  et  occident  vos:  et  eritisodio 
omnibus  gentibus  propter  nomen  meum. 

Et  tune  scandalizabuntur  multi,  et  invicem  tradent,  et  odio  ha- 
bebunt  invicem. 

Et  multi  pseudoprophetœ  surgent,  et  seducent  multos. 

Kt  quoniam  abundavit  iniquitas,  refrigescet  caritas  multorum. 

Qui  autem  perseveraverit  usque  in  finem,  hic  salvus  erit. 

Kt  prœdicabitur  hoc  Evangelium  regni  in  universo  orbe,  in  tes- 
timouium  omnibus  gentibus  :  et  tune  veniet  consummatio. 

(Matth.  XXIV.) 


LA    VIE  SACERDOTALE  467 

Que  faire  ?  —  Ce  que  fait  l'Eglise,  la  Reine,  l'Epouse,  de- 
puis dix-huit  cents  ans.  —  Elle  descendit  du  Calvaire,  avec 
l'ordre  de  traverser  le  monde  et  les  siècles,  jusqu'aux  confins 
de  l'éternité.  Ali  !  venez  apprendre  l"énergie  I  —  Elle  ren- 
contra Rome  et  les  Césars.  Rome  frémissante,  ivre  de  colère 
et  de  sang.  Et  que  fit-elle?  0  César,  tu  peux  frapper,  mais 
m'arrèter,  jamais  !  —  La  raison  humaine,  les  sages,  les  sa- 
vants, arrivent  à  elle  :  0  Eglise,  dissimule  ta  croix;  on  en  a 
peur,  on  en  rit.  —  0  Eglise,  dit  Arius,  dit  Nestorius,  dit  Ju- 
lien, accommode  lesdogmes  à  nos  pensées,  à  notre  science 

De  siècle  en  siècle  la  céleste  voyageuse  marche  assaillie  par 
les  bêtes  de  la  forêt,  «  silvam  frementium  bestiarum.  »  — 
Ce  qu'on  appelle  «  le  monde  moderne  »  l'arrête  en  ce  mo- 
ment. On  la  contredit,  on  la  nie,  on  la  persécute.  A  t-elle 
cédé?  A-t  elle  cédé  un  principe,  un  dogme,  un  «  point  et  un 
iota  »  (1)? 

3°  Voici  les  fidèles.  —  Au  moins  ici  nul  prêtre  n'échappera 
à  l'urgence  de  l'intrépidité.  Si  vous  dites  :  dans  le  monde  et 
chez  ces  endormis  nous  n'irons  pas;  quant  à  ces  furieux 
l'attaque  en  est  rare  et  passagère;  combien  d'existences  de 
prêtre  écoulées  paisiblement,  loin  de  ces  luttes,  sans  conniître 
ces  dangers  ?  Mais  voici  les  troisièmes  occasions;  tout  prêtre 
s'y  trouve  et  elles  réclament  impérieusement  l'énergie  ;  il 
s'agit  de  la  direction  des  âmes 


(1)  Quam  nemo  principurn  hujus  seculi  cognovit,  sienimeogno- 
yissent,  nunquam  Domiaum  gloriae  crucifixissent  ; 

Sed  sicut  scriptum  est  :  Quod  oculas  non  vidit,  nec  auris  audi- 
Tit,  nec  in  cor  hominis  ascendit,  quse  prgeparavit  Deus  iis  qui  di- 
ligunt  illura  ; 

Nobis  autem  revelavit  Deus  per  Spiritum  suum,  Spiritus  enira 
omnia  scrutatur,  etiatn  profunda  Dei. 

Quis  enim  hominum  scit  quse  sunt  hominis,  nisi  spiritus  homi- 
nis, qui  in  ipso  est  ?  Ita  et  quge  Dei  sunt,  nemo  cognovit,  nisi  Spi- 
ritus Dei. 

Nos  autem  non  spiritum  hujus  mundi  accepimus,  sed  Spiritum 
qui  ex  Deo  est,  ut  sciamus  quae  a  Deo  donata  sunt  nobis  ; 

Qu»  et  loquimur  non  in  doctis  humanœ  sapientia?  vernis,  sed  in 
doctrina  spiritus,  spiritualibus  spiritualia  comparantes. 

Animalis  autem  homo  non  percipit  ea  quae  sunt  Spiritus  Dei; 
stultitia  enim  est  illi,  et  non  potest  intelligere,  quia  spiritualiter 
examinatur. 

Spiritualis  autem  iudicat  omnia,  et  ipse  a  nemine  judicatur. 

Quis  enim  cognovit  sensum  Domini,  qui  instruat  eum?  Nos  au- 
tem sensum  Ghristi  habemu3.  (I  Cor.) 


468  LA   Y1E   SACERD0TAL1 

Entre  le  prêtre  et  l'âme  dirigée,  une  maternité  divine  et 
mystérieuse  se  forme  :  «  fîlioli,  quos  parturio;  quasi  nutrix 
Sbveat  filios.  »  De  là  un  amour  vif,  une  tendresse  exquise.  C'est 
le  danger!  Il  faudrait  corriger  ces  défauts....  se  montrer  sé- 
vère pour  ces  occasions...  Mais  parler,  tailler  dans  les  chairs 
yives,  exciter  des  cris  de  douleur  :  ce  directeur  pusillanime 
ae  l'ose;  il  se  tait,  il  ferme  les  yeux.  Ah!  Saint  Paul  frappait 
în  pleurant,  mais  il  frappait. 

L'Ecriture  le  démontre. 

Est-ce  bien  dans  ces  idées  de  force  et  de  sainte  intrépidité 
que  Jésus-Christ  nourrissait  ses  prêtres?  Donne-t-il  si  bien 
la  force  comme  condition  du  Sacerdoce  que  l'on  est  autorisé 
à  dire  que  la  faiblesse  est  une  flagrante  opposition  du  carac 
1ère  sacerdotal? 

Jugeons-en. 

«  Non  veni  pacem  mittere,  sed  gladium,  »  Ah!  je  les  vois, 
je  les  vois,  ces  prêtres  pusillanimes:  «  dixerunt  pax,  pax.  » 
Non!  dit  Jésus,  «  non  erat  pax  »!  prends,  ô  prêtre,  le  glaive  et 
engage  la  lutte  avec  le  péché,  le  démon,  le  monde  ;  «  mm 
yeni  pacem  mittere  (i).  » 

A  quels  terribles  assauts,  il  les  préparait  !  Quels  formida- 
bles tableaux  il  aimait  à  leur  faire  passer  devant  les  yeux  ! 
Le  monde  entier  soulevé  et  frémissant,  les  Lois  furieuses, 
les  tribunaux  déchaînés,  la  trahison  et  les  supplices,  les 
fouets  et  les  chaînes,  les  tortures  et  la  mort.  Voilà  quels  ré- 
cits bercèrent  l'enfance  de  l'Eglise,  voilà  où  s'affermissait 
î'audace  de  nos  aïeux. 

Et  si  l'apôtre  se  retranchait  dans  les  tendresses  intimes, 
■Jans  les  affections  innocentes  de   l'intérieur,    s'il  se  faisait 


H)  Ecce  ego  mitto  vos  sicut  oves  inmedio  luporum.  Estote  ergo 
prudentes  sicut  serpentes,  et  simplices  sicut  columbœ. 

Cavete  autem  ab  hominibus;  tradent  enim  vos  in  conciliis,  et 
m  synagogis  suis  llagellabunt  vos. 

Et  ad  présides  et  ad  reges  ducemini  propter  me,  in  testimonial* 
rllis  et  gentibus. 

Quum  autem  tradent  vos,  nolite  cogitare  quomodo  aut  quid  lo- 

aamini  :  dabitur  enim  vobis  in  illa  hora  quid  loquamini. 

Non  enim  vos  estis  qui  loquimini,  sed  Spiritus  Patris  vestri  qui 
toquitur  in  vobis. 

Tradet  autem  frater  fratrem  in  mortem,  et  pater  filium;  et  in- 
>nt  filii  in  parentes,  et  morte  eos  afficient. 

Ht  eritis  odio  omnibus  propter  nomen  meum  :  qui  autem  perse- 
xeraverit  usque  in  finem,  hic  salvus  erit.  (Matth.  X.) 


LA  VIE   SACERDOTALE  46t 

la  peinture  des  joies  sensibles,  goûtées  parmi  les  enfant* 
spirituels  qu'allait  enfanter  l'Evangile  :  Jésus-Christ  les  dé- 
trompait :  «  Si  quis  non  odit  patrem,  et  matrem,  et  fratres,  et 
sorores...  »  Paul,  le  lidèle  interprète,  savait  dire  :  Non,  ces 
tendresses  ou  ces  faiblesses  du  cceur,  nous  ne  les  connais- 
sons pas  :  «  Non  deficimus.  » 

L'exemple  des  Saints  le  démontre.  —  L'admirable  Paul 
les  précède  tous  pour  l'intrépidité.  En  lui  elle  se  personnifie- 
en  lui  elle  triomphe.  Où  ne  lutte-t-il  pas?  Si  nous  voulions 
énumérer  ses  combats,  la  matière  serait  infinie.  Voyez-le  de- 
vant César  etle  colossal  empire.  Entendez-le  s'écrier:  «  Non 
erubescoEvangeliuml  »  Le  voici  devant  la  science  et  la  sagesse 
humaine  :  n'est-il  pas  à  l'aise  au  milieu  des  rires  et  des  néga- 
tions de  l'Aréopage  alhénien?  Suivez-le  dans  les  tumultes 
populaires,  quand  la  grande  Ephèse  se  remue  contre  lui. 

Assistons  à  deux  luttes  plus  illustres  encore:  d'abord  la  lutU 
contre  son  cœur.  Il  fond  en  larmes  :  «  per  mulfas  lacrymas  », 
Le  cœur  est  resserré  dans  d'incroyables  angoisses  :  «  ex 
multa  tribulatione  et  angustia,  »  l'âme  est  plongée  dans  une 
tristesse  de  mort  :  «  gravati,  ita  ut  tœderet  nos  vivere....  » 
Et  pourquoi  cette  profonde  douleur  et  ces  déchirantes  appré- 
hensions? Il  devait  reprendre,  il  devait  corriger,  il  devait 
saisir,  comme  il  le  dit,  la  verge  du  blâme  et  du  châtiment; 
il  devait  contrister  ses  fils.  Et  son  cœur  défaillait.  Mais  quelle 
force  contre  ce  cœur  I  Et  quels  foudres  il  savait  au  besoift 
lancer  sur  des  têtes  chéries  1 

Voici  la  lutte  contre  la  lassitude  et  le  dégoût.  Qu'elles 
étaient  lourdes  à  porter  ces  églises  d'Orient,  toujours  éclai- 
rées et  toujours  obscurcies,  guéries  toujours  et  toujours  ma- 
lades de  mollesse  et  d'orgueil  !  A  qui  comparer  l'Apôtre  7 
A  ces  intrépides  architectes  qui  cent  fois  jettent  à  la  mer 
des  fondations  de  digues  que  cent  fois  enlèvent  et  dispersent 
l'inconstance   et  la  révolte  des  flots. 

Que  sera  le  prêtre  pusillanime?  Il  est  faible?  Il  est  muet? 
Ah  !  il  ment  à  son  caractère  sacerdotal. 


470  LA    VIE   SACERO.'TALE 


II 

COMBIEN  ELLE  EST  FUNESTE  DANS  SES  SUITES 


Où  était  Héli,  le  prêtre  vertueux  mais  faible  ?  Quels  effets 
ressorlaicut  de  sa  négligence?  Trois  effets  des  plus  graves  : 
i°  Une  trahison  ;  2°  Une  cruauté;  3°  D'effrayants  désastres. 
Il  trahissait  Dieu.  Il  sacrifiait  les  âmes.  11  s'attirait  les  plus 
grands  malheurs. 

C'est  une  trahison. — Que  fait  ce  prêtre?  Il  abandonne 
un  poste    contié  à  sa  bravoure. 

Saint  Chrysostome  nous  peint  ainsi  l'état  de  l'Eglise  et  du 
monde.  Entre  le  ciel  et  l'enfer,  sur  toute  la  terre,  jusqu'aux 
jours  de  l'éternité,  une  vaste  bataille  est  engagée.  <>r  à  cha- 
que prêtre  Dieu  confie  un  poste:  «  milita  sicut  bonus  miles  Chris- 
ti.  »  Combats  bravement!  Que  l'ennemi  ne  force  pas  l'entrée, 
que  les  âmes  ne  tombent  pas  en  sa  puissance:  «  Depositum 
custodi.  »  Quel  dritôl  ?  La  vérité,  la  vertu,  l'Église.  —  Mais 
ce  prêtre  laisse  le  vice  s'introduire  et  s'implanter  ;  l'ennemi 
a  envahi  lésâmes  :  il  y  règne  en  maître.  Qu'est-ce  là  sinon 
trahir  ?  Prêtre,  il  ne  fallait  pas  faiblir,  il  fallait  combattre  ! 
Mais  le  mal  est  plusprofond  encore.  Le  prêtre  faible  arrête,  et 
déconcerte  1  élan  des  autres.  Il  leur  devient  un  funeste  obsta- 
cle. Les  prophètes  s'en  plaignaient  au  Seigneur.  Saint  Paul 
y  brisait  parfois  scsarmes(l).  Tel  piètre  ferme  les  yeux  sur 


(i)  Timeo  vos,  ne  forte  sine  causa  laboraverim  in  vobis. 

Estote  sicut  ego,  quia  et  ego  sicut  vos.  Fratres,  obsecro  vos.Ni- 
hil  me  laesistis. 

Scitisautemquia  por  infirmitatem  carnisevangelizavi  vobis  jam- 
pridem  ;  et  tentationem  vestram  in  carne  mea. 

Non  sprevistis,  neque  respuistis  :  sed  sicut  augelum  Dei  exce- 
pistis  me,  sicut  Christum  Jesum. 

Obi  est  ergo  beatitudo  vestra  ?  Testimonium  enim  pprhibeo 
vobis,  quia,  si  fieri  posset,  oculos  vestros  eruissetis,  et  dedisst  tis 
mihi. 


LA   VIE   SACERDOTALE  471 

tout,  reste  impassible,  reste  muet:  qu'arrive-t-il  ?  Le  fidèle 
ministre,  le  prêtre  énergique,  voit  son  action  brisée.  Que 
faire  ?  sévir  ?  On  compare,  on  juge,  on  cric  à  l'exagération. 
Voilà  l'heure  fatale,  voilà  «  les  temps  périlleux  »  par  excel- 
lence, ceux  où  les  faibles  et  les  lâches  ont  amolli  les  oreilles 
du  peuple  chrétien:  «  erittempus  cumsanam  doctrinam  non 
sustinebunt.  »  Que  faire?  Xous  montrons  la  voie,  nous  faisons 
retentir  les  menaces  divines,  nous  prêchons  l'Evangile:  Us  ne 
croient  point,  ils  nous  traitent  d'exagérés  et  de  violents. 
On  leur  a  trop  bien  appris  à  fermer  l'oreille  et  le  cœur  aux 
saintes  terreurs,  aux  rigueurs  indispensables  de  la  vie  chré- 
tienne :  «  sicutaspidis  surdse, oblurantis  aures  ?  C'est  l'œuvre 
des  prêtres  sans  parole,  sans  force  :  «  dicunt  bis  qui  blasphé- 
mant: pax  erit  vobis,  non  veniet  super  vos  mahim.  »  —  Hé- 
las! Ce  sont  les  prêtres  courus,  les  prêtres  réputés  hommes 
d'intelligence,  comprenant  leur  siècle.  Le  monde  les  trouve 
commodes  «  coacervabunt  sibi  magistros  prurientes  auribus.  » 
Mais  la  vraie  doctrine,  les  austères  enseignements,  la  vérité 
pure  et  sincère,  ce  ne  sera  plus  qu'exagération  d'esprits  étroits 
et  ignorants  des  besoins  du  monde  :  «  veritati  quidem  audi- 
tum  averlant. 

C'est  une  cruauté.  —  Qu'est-ce  qu'un  prêtre  pusillanime? 
Sous  ces  airs  si  accommodants,  sous  cette  toison  si  douce,  se 
dissimule,  dit  l'Évangile,  la  cruauté  du  loup  :  «  sunt  lupi  ra- 
paces.»  Où  sera  la  cruauté?  Oh  I  sans  doute  le  prêtre  doit 
toucher  les  plaies  avec  une  douceur  et  une  habileté  excessi- 
ves. Nos  plaies  sont  cuisantes  ;  la  vérité  nous  blesse  étrange- 
ment, tout  reproche  nous  irrite,  toute  réprimande  nous  tou- 
che au  vif  et  douloureusement.  Mais  est-ce  une  raison  pour 
rester  inerte  ?  Quoi  I  ce  membre  est  dévoré  par  un  chancre 
rongeant.  Le  médecin  se  relire  sans  faire  l'amputation  et  pour 
cela  vous  l'appellerez  bon  et  compatissant  ?  Moi  je  l'appelle 
cruel  !  Ce  voyageur  est  endormi  dans  les  neiges,  au  bord  des 

Ergo  inimicus*vobis  factus  sum,  verum  dicens  vobis  ? 

/Emulantur  vos  non  bene;sed  excludere  vos  volunt,  ut  illos 
aemulemini. 

Bonum  autem  semulamini  in  bono  semper,  et  non  tantum  cum 
praesens  sum  apud  vos. 

Filioli  mei,  quos  iterum  parturio,  donec  formetur  Ghristus  in 
vobis ; 

Vellem  autem  esse  apud  vos  modo,  et  mutare  voce  ni  meam, 
quoniam  confundor  in  vobis.  (Galat.) 


472  LA    VIE   SA.CERDOTALE 

abîmes.  Ah  !  gardez-vous  de  le  réveiller  !  Il  désire  le  repos 
et  ce  réveil  l'irritera;  laissez-le,  laissez-le.  Est-ce  là  de  la  dou- 
ceur ?  N'est-ce  pas  de  la  cruauté  ?  Oui,  certes  !  une  cruauté 
coupable  et  détestée  de  Dieu.  Une  cruauté  qui  coûte  cher  au 
prêtre  ! 

C'est  la  source  de  grands  malheurs.  —  Dieu  s'en  explique 
en  termes  formidables  dans  Ezéchiel.  «  Quod  sispeculator  vi- 
dent gladium  venientem  et  non  sonuerit  buccina  :  et  popu- 
lussenon  custodierit  :  veneritque  gladiuset  tulerit  de  eis  ani- 
mam  :  ille  quidem  in  iniquitate  sua  captus  est  :  sanguinem 
autem  ejus  de  manu  speculatoris.  m  0  providence  de  Dieu  ! 
0  désastreuse  incurie  du  prêtre  !  0  châtiment  effroyable 
qui  la  suit  !  La  miséricordieuse  Providence  de  Dieu,  voyez-la. 
Il  sait  que  son  peuple  est  une  nation  obstinée,  provocatrice, 
exaspérante  :  «  gens  exasperans  »  ;  il  sait  qu'à  chaque  ins- 
tant, il  devra  faire  marcher  contre  elle  les  sombres  exécu- 
teurs de  sa  justice  et  de  ses  vengeances  :  «  gladium  venien- 
tem ».  Que  fait-il  ?  Il  aposte  des  sentinelles,  qui  avertiront 
son  peuple  :  «  cum  viderunt  gladium  venientem,  etannuntia- 
verit  populo.  »  Grâce  à  leurs  cris,  le  peuple  se  prémunira  par 
la  pénitence  et  Dieu  pourra  pardonner. 

Mais,  ô  fatale  négligence!  la  sentinelle,  d'où  dépend  le 
salut  du  peuple,  se  tait  et  s'endort.  Voilà  le  peuple  sans  pré- 
voyance ni  sûreté;  le  glaive  delà  vengeance  l'atteint  et  l'im- 
mole :  «  si  non  insonuerit  buccina  et  populus  se  non  custo- 
dierit... »  Et  le  sang  des  blessés  ne  criera  pas  vengeance 
contre  le  prêtre?  Ah!  certes,  le  peuple  est  coupable;  c'est 
avec  justice  qu'Israël  expie  ses  crimes  par  sa  défaite;  c'est 
avec  justice  qu'Ophni  et  Phinées  sont  massacrés  :  «  ille  qui- 
dem in  iniquitate  sua  captus  est.  »  Mais  Héli  périra  miséra- 
blement, foudroyé  par  cet  anathème  du  Seigneur  :  «  Sangui- 
nem  autrui  ejus  nV  manu  speculatoris  requiram.  » 


LA   VIB   SACERDOTALE  473 


III 


COMBIEN  ELLE  EST  COUPABLE 
DANS  SON  ORIGINE 


Cette  origine  est  triple  :  c'est  la  mollesse;  c'est  l'amour- 
propre;  c'est  la  peur. 

C'est  la  mollesse.  —  Qu'on  glisse  aisément  dans  une  vie 
douce,  commode,  remplie  par  les  faciles  devoirs  d'un  minis- 
tère superficiel  et  inollensif  !  Car  reprendre,  corriger,  redres- 
ser, nous  condamne  à  un  triple  martyre. 

1°  A  quoi  se  condamne  le  prêtre  actif,  généreux,  intrépide? 
—  D'abord  à  une  anxiété  sainte,  à  un  regard  attentif.  Son 
âme  sera  perpétuellement  dans  l'angoisse  qui  ronge  et  sans 
laquelle  on  ne  fait  pas  un  pasteur  :  «  instantia  quotidiana, 
continuusdolor  cordi, tristitia  magna,  intus  timorés.  »I1  éprou- 
vera l'indignation  brûlante  quand  une  âme  est  scandalisée  : 
«  Quis  scandalizatur  et  ego  nonuror?  »  Il  connaîtra  d'intimes 
et  douloureuses  désolations  :  «  quis  infin.iatur,  et  ego  non 
infirmor?  »  —  Puis  ensuite  il  faudra  le  travail  incessant  de 
l'intelligence  qui  examine  le  mal,  étudie  les  moments,  com- 
bine les  moyens,  en  un  mot  s'use  à  méditer  sur  le  difficile 
traitement  des  innombrables  maladies  des  âmes.  Rude  et  fa- 
tigant labeur!  «  Sciendum  est  quod  aliquando  subjectorum 
vitia  prudenter  dissimulanda,  sed,  quia  dissimulantur  indi- 
canda.  Aliquando  et  aperte  cognita  mature  toleranda.  Ali- 
quando vero  subtiliter  et  occulta  perscrutanda.  Aliquando 
leniter  arguenda.  Aliquando  autem  vehementer  increpanda 
(Saint  Greg.  Magn.  Pastoral). 

2°  Que  sera  le  prêtre  indolent  et  pusillanime?  —  Héli  se 
retirera  au  fond  du  sanctuaire,  pendant  que  les  abus  et  les 
vices  circuleront  à  l'aise  au  dehors.  Héli  apaisera  quelque  peu 
sa  conscience,  il  gémira  sans  efficacité.  Peut-être  Héli  fera 
plus  :  il  parlera;  mais  sans  force,  sans  persistance,  sans  au- 
torilé. 


474  LA    VIE   SACERD0TAL8 

C'est  l'amour  de  soi.  —  Il  est  un  mot  que  nous  entendons 
bien  souvent,  mais  dont  rarement  nous  pénétrons  l'entière 
profondeur:  «Si  quis  vult  post  venire,  » —  il  s'agit  ici  des  re- 
ligieux et  des  prêtres,  —  «  abneget  semetipsum.  »  Ainsi  l'a- 
mour de  soi,  la  recherche  de  son  intérêt  et  de  ses  satisfactions 
personnelles,  mettent  entre  le  Sacerdoce  et  le  prêtre  un  in- 
franchissable mur  de  séparation.  Vouloir  les  deux  c'est 
nous  heurter  à  un  impossible.  Nous  nous  aimons?  Donc 
nous  serons  faibles.  Comment  cela?  Le  voici.  Ce  prêtre 
aime  mais  d'une  affection  sensible,  disons  sensuelle.  —  Ce 
qu'il  aime  dans  cette  personne  aimée  ce  n'est  pas  le  règne  de 
Dieu,  c'est  soi-même,  c'est  son  plaisir.  Ah!  il  sera  faible;  il 
n'osera  contrister,  il  n'osera  corriger.  —  Ce  prêtre  est  am- 
bitieux, il  lui  faut  la  foule,  un  corîège  d'honneur,  une  maison 
fréquentée,  un  confessionnal  assiégé,  des  relations  illustres, 
des  sociétés  influentes...  Ah!  comme  il  faut  compter  avec 
cette  popularité!...  Comme  on  sacrifiera  tout  et  l'Apôtre  avait 
raison  de  dire  :  «  si  adhuc  hominibus  placerem,  Christi  ser- 
vus  non  essem.  »  —  Ce  prêtre  recherche  la  faveur  des  audi- 
toires? Il  sera  faible  et  inoffensif  :  «  sal  infatuatum  »  «  Canes 
muti  non  valentes  latrare.  »  —  Ce  prêtre  a  peur  du  danger, 
de  la  lutte,  du  dommage?  Son  souci  sera  de  ménager  le  vice. 

Les  voilà  ces  prêtres  dont  Saint  Grégoire  trace  le  portrait. 
«Examore  suo  mens  Rectorisin  mollitiem  vertitur.  Quia,  cum 
peccantes  subditos  respicit,  ne  erga  seipsum  eorum  dilectio 
torpescat,  corripere  non  pra3sumit.  Unde  per  prophctam  dici- 
tur  :  «  Yaehisquiconserunt  pulvillos  sub  omni  cubito  inanus  !  » 
«  Rectores  qui  semetipsos  diligunt,  haec  proculdubio  exhi- 
bent, a  quibus  se  noceri  posse  in  studio  gloriae  temporalis 
timent.  » 

C'est  la  peur.  —  0  prêtre,  vous  tremblez?  Vous  reculez 
devant  cet  avertissement,  devant  cette  mesure  à  prendre... 

Mais  pourquoi?  Qu'av(  z-vous  à  redouter.' 

1°  Redoutez- vous  l'issue?  —  Mais,  de  deux  choses  l'une. 
Ou  vous  réussirez  :  et  alors  pourquoi  craindre?  Ou  vous 
échouerez  :  alors,  «  odor  mortisin  mortein.  »  Vous  aurez  con- 
vaincu le  monde  de  sa  perversité  et  glorifié  la  justice  de 
Dieu.  Ce  fut  un  des  glorieux  rôles  du  Messie  :  «  ut  appareal 
peccatum...  ut  fiât  supra  modum  peccans  peccatum.  » 

2°  Redouiez  vous  volve  faiblesse,  comme  Moïse  (1),  comme 

(1  )  Gui  ait  Dominus  :  Vidi  ufllictionem  populi  mei  in  ASgypto  ; 


LA  VIE   SACERDOTALE  -475 

Jérémie?  Mais  écoutez  ce  que  leur  dit  le  Seigneur.  Paul  est 
invincible  (1),  mais  pourquoi?  «  omniapossum  in  eo  qui  me 
confortât.  Cum  infirmor,  tune  potens  sum.  » 

3°  Redoutez-vous  votre  propre  sort  ?  —  Mais  d'abord  : 
«  bonus  pastor  dat  animam.  »  Ensuite,  quel  mal  vous  fera- 
t-on  ?  Allons  jusqu'à  l'extrême.  On  vous  fait  payer  d'une 
persécution  votre  zèle  et  votre  liberté  apostolique.  C'est 
i'beure  du  triomphe;  c'est  la  manifestation  de  votre  force 
qui  est  la  force  de  Dieu.  Allez  au  Calvaire  :  le  Calvaire  c'est 
le  Tliabor.  Appliquez  vous  ce  mot  :  «  Cum  exaltatus  fuero,  » 
quand,  élevé  au-dessus  de  toute  chose  terrestre,  élevé  sur 
mon  trône  sacerdotal,  élevé  au-dessus  de  toute  pusillanimité, 
je  saurai  être  ferme,  alors  je  serai  invincible  :  «  Omnia  ad 
me  traham.  »  Je  serai  roi  sur  la  terre;  je  serai  plus  roi  encore 
dans  l'éternelle  récompense  des  Cieux  :  «  qui  vicerit,  dabo 
ei  sedere  in  throno  meo.  » 


et  clamorem  ejus  audivi  propter  duritiani  eorumqui  prsesunt  ope- 
ribu.s  ; 

Et  sciens  dolorem  ejus,  descendi  ut  liberem  eum  de  manibus 
.Egyptiorum,  eteducam  de  terra  ilia  in  terram  bonam,  et  spatio- 
sam  ;  in  terram  quaefluit  lacté  et  melle,  ad  loca  Chanansei,  et  He- 
thseij  Amorrhsei,  et  Pherezad,  et  Hevœi,  et  Jebusœi. 

Clamor  ergo  Gliorum  Israël  venit  ad  me;  vidique  afflictionem 
eorum,  qua  ab  JEgyptiis  opprimuntur. 

Sed  veni,  et  mittam  teadPharaonem,  uteducas  populum  meura 
filios  Israël,  de  JDgypto. 

Dixitque  Moyses  ad  Deum  :  Quis  sum  ego  ut  vadam  ad  Pharao- 
nem,  et  edacam  filios  Israël  de  .Egypto  ? 

Qui  dixit  ei  :  Ego  ero  tecum  ;  et  hoc  habebis  signum,  quod  mi- 
serim  te  :  Cum  eduxeris  populum  meum  de  iEgypto,  immolabis 
Deo  super  montem  istuin.  (Exod.) 

(1)In  carne  enim  ambulantes,  non  secundumearnem  militanius. 

Nam  arma  militise  nostrae  non  carnalia  sunt,  sed  potentia  Deo 
ad  destructionem  munitionum,  consilia  destruentes, 

Etomnem  altitudinem  extollentem  se  adversus  scientiam  Dei, 
et  in  captivitatem  redigentes  omnem  intellectum  in  obsequium 
Ghristi, 

El  in  promptu  habentes  ulcisci  omnem  inobedientiam,  cum  im- 
pleta  fuerit  vestra  obedientia 

Ipse  autem  ego  Paulus  obsecro  vos,  per  mansuetudinem  et  mo- 
destiam  Ghristi.  qui  in  facie  quidem  humilis  sum  inter  vos,  ab- 
aens  autem  confido  invobis. 

Rogo  autem  vos  ne  prsesens  audeam  per  eam  confidentiam  qua 
existi.  (II  Cor.) 


L'OISIVETÉ  CHEZ  LE  PRÊTRE 


SES  FACILITES 


Loin  que  le  ministère  sacerdotal  soit  exempt  des  tentations 
de  l'oisiveté,  disons  que  trois  motifs  rendent  pour  le  prêtre 
ces  tentations  plus  inévitables  et  plus  dangereuses.  —  Le  tra- 
vail du  prêtre  rencontre  une  plus  forte  opposition  de  sa  na- 
ture. —  Les  mobiles  qui  poussent  les  autres  au  travail  sont 
presque  nuls  pour  lui.  —  Enfin  les  obstacles  extérieurs  sont 
pour  lui  plus  nombreux. 

Le  prêtre  a  plus  d'opposition  naturelle.  —  1°  Chez  tous 
les  hommes  sans  doute  le  travail  répugne  à  la  nature.  — 
Il  empo  te  avec  lui  je  ne  sais  quelle  impression  de  peine, 
quel  souvenir  de  condamnation.  Si,  au  Paradis  terrestre,  le 
travail  de  l'homme  n'était  que  noblesse,  charme,  distraction 
heureuse:  après  la  chute,  il  n'en  fut  plus  de  même.  Une  ri- 
goureuse sentence  s'est  abattue  sur  l'homme  coupable,  son 
travail  lui  est  devenu  un  châtiment  et  c'est  désormais  à  la 
sueur  de  son  front  qu'il  mangera  son  pain  do  chaque  jour(l). 

2°  Pour  le  prêtre,  la  nature  même  de  son  travail  le  lui  rend 


(l)Tulit  Domiuus  hominem,  posuit  eumin  paradiso  voluptatis, 
ut  operaretur,  et  custodiret  illum. 

A<ke  dixit  :  Quia  audisti  vocem  uxoris  tuae,  et  comedisti  de  ligno 
ex  <juo  praeceperam  tibi  ne  comederes  :  maledicta  terra  in  oper» 
tuo  :in  laboribus  comedes  ex  ea  cunctis  diebus  vitœ  tua). 

Spinaset  tribulos  germinabit  tibi  ;  et  comedes  herbam  terrae. 

In  sudore  vultus  tui  vesceris  pane,  donc  revertaris  in  terram, 
de  qua  sumptuses.  (Gènes.) 


LA   VIE   SACERDOTALB  477 

plus  pénible.  —  Son  travail  est  surnaturel  et  nous  savons 
avec  quelle  peine  l'homme  s'élève  à  ce  sommet.  —  C'est  un 
travail  intellectuel  et  nous  savons  que  les  labeurs  de  l'es- 
prit, plus  ardus  et  plus  protonds,  obligent  aussi  à  de  plus 
grands  efforts.  —  C'est  un  travail  souvent  ingrat.  Un  mot 
de  Jésus-Christ  ne  nous  le  fait  que  trop  bien  comprendre  : 
«  Voici  que  je  vous  envoie  comme  des  brebis  au  milieu  des 
loups.  »  Le  champ  que  doit  défricher  le  prêtre,  n'est  couvert 
la  plupart  du  temps  que  de  ronces  et  d'épines  (1). 

Le  prêtre  a  moins  de  mobiles.  —  Les  autres  hommes  ont 
pour  les  pousser  au  travail  trois  puissants  motifs  dont  le  prê- 
tre est  généralement  privé. 

i°  Il  y  a  la  coaction  extérieure.  —  L'immense  multitude 
des  travailleurs  n'est  à  elle-même  ni  son  maître,  ni  son  juge. 
Un  œil  est  sans  cesse  ouvert,  une  punition  est  sans  cesse 
imminente,  et  ce  n'est  jamais  impunément  que  la  paresse 
peut  diminuer  la  somme  du  travail  requis.  —  Pour  le  prêtre 
où  est  cette  coaction?  Durant  les  heures  silencieusesdu pres- 
bytère, il  se  livre  au  noble  travail  de  l'étude,  ses  catéchismes, 
ses  prônes,  sont  soigneusement  préparés  :  qui  lra  vu  sinon 
l'œil  de  Dieu?  tout  au  contraire,  la  paresse  a  dévoré  ces  heu- 
res inconnues  du  monde:  qui  s'offre  à  lui  en  faire  des  repro- 
ches trop  mérités? 


(1)  Dulcis  est  somnus  operanti,  sive  parum,  sive  multum  corne- 
dut  :  saturitas  autem  divitis  non  sinit  eumdormire. 

Sicut  egressus  est  nudus  de  utero  matris  suae,  sic  revertetur,  et 
nihil  auferet  secum  de  labore  suo. 

Quid  ergo  prodest  ei  quod  laboravit  in  ventum  ? 

Gunctis  diebus  vitae  suse  comedit  in  tenebris  et  in  curis  multis, 
et  in  œrumna  atque  tristitia. 

Hoc  itaque  visum  est  mihi  bonum,  ut  comedat  quis,  et  bibat,  et 
fruatur  laetitia  ex  labore  suo,  quo  laboravit  ipse  sub  sole  numéro 
dierum  vitse  suse,  quos  dédit  ei  Deus,  et  hsec  est  pars  illius. 

Non  oderis  laboriosa  opéra,  et  rusticationem  creatam  ab  Altis- 
simo. 

Noli  extollere  te  in  faciendo  opère  tuo,  et  noli  cunctari  in  tem- 
pore  angustiae. 

Melior  est  qui  operatur,  et  abundat  in  omnibus,  quam  qui  glo- 
riatur,  et  eget  pane. 

Fili,  ne  in  multis  sint  actuslui  :  et  si  dives  fueris,  non  eris  im- 
munis a  delicto.  Si  enim  secutus  fueris,  non  appréhendes  :  et  non 
effugies  si  prsecucurreris. 

Est  homo  laborans,  et  festinans,  et  dolens  impius,  et  tanto  non 
abundabit. 


478  LA    VIE   SACERDOTALE 

2°  Il  y  a  la  lutte  pour  la  vie.  —  Car  tel  est  pour  le  grand 
nombre  l'ordre  providentiel;  selon  le  mot  de  l'Ecriture,  la 
vie  de  l'homme  ici-bas  est  une  lutte  éternelle.  Ah!  sans  doute, 
il  travaillera  ce  père  de  famille  dont  les  enfants  affamés  at- 
tendent le  pain  du  jour;  il  travaillera  jusqu'au  brisement  de 
ses  forces;  il  travaillera  mémo  alors  que  ses  membres  raidis 
par  la  vieillesse  lui  refusent  l'usage.  Elle  travaillera  cette 
pauvre  veuve  qu'un  deuil  récent  a  laissée  sans  ressources. 
Elle  travaillera  cette  frêle  enfant  dont  le  labeur  du  jour  et  de 
la  nuit  soutient  des  parents  infirmes. 

Quant  au  prêtre,  celte  lutte  terrible  contre  le  besoin  n'est 
que  trop  atténuée.  L'autel  ne  le  nourrira-t-il  pas,  soit  qu'il 
mange  un  pain  noblement  acquis  par  le  travail,  soit  que  l'oi- 
siveté le  rende  indigne  de  le  manger  ?  Qu'il  travaille  ou  non, 
il  est  assuré  de  la  vie. 

3°  Il  y  a  le  ressort  des  passions.  —  Aucun  maître  n'est  dur 
à  l'homme  autant  que  l'ambition.  Sans  trêve,  sans  repos, 
jusqu'à  l'épuisement,  elle  le  pousse,  elle  l'aiguillonne.  — 
Qui  ne  sait  à  quel  travail  l'avarice  condamne  sa  victime?  — 
11  est  des  passions  nobles,  telles  que  l'amour  de  la  science 
qui  suffisent  à  remplir  la  vie  d'œuvres  fécondes  et  d'infati- 
gables efforts. 

Le  prêtre,  lui,  ne  doit  chercher  dans  aucune  des  passions 
humaines  Le  mobile  de  son  travail,  et  il  reste  ainsi  privé  de 
l'un  des  plus  puissants  mobiles  qui  y  poussent  les  autres. 

Le  prêtre  rencontre  plus  d'occasions.  —  Oh!  sans  doute, 
le  saint  prêtre,  le  prêtre  sérieux  et  esclave  do  sa  vocation, 
sait  multiplier,  dans  un  presbylère  silencieux  et  désert,  les 
heures  de  la  méditation,  de  la  prière  et  de  l'étude.  Les  heures 
du  jour  lui  sont  même  trop  courtes  pour  le  travail  dont  il 
s'est  fait  une  impérieuse  Joi. 

Mais,  d'autre  part,  s'il  le  veut,  n'esl-il  pas  maître  de  livrer 
sa  vieàde  porpctuellesdistractions?  Qui  empêchera,  qui  même 
contrôlera,  ses  longues  sorties  au  dehors,  ses  heures  dévo- 
rées dans  des  amusements  frivoles,  dans  des  visites  sans  but, 
dans  des  repas  sans  fin? 


LA  TIB  SACERDOTALE  479 

II 

SA  GRAVITÉ 


Gravité  toute  exceptionnelle,  car  la  paresse  chez  le  prêtre 
c'est  tout  à  la  fois  le  gaspillage  d'un  grand  trésor,  la  trahison 
d'une  grande  cause,  le  déshonneur  d'une  grande  famille,  la 
matière  d'une  rigoureuse  condamnation. 

Gaspillage  d'un  grand  trésor.  —  Pour  tout  homme,  letemps 
est  un  incomparable  trésor.  Il  est  le  prix  d'une  éternité,  il  est 
l'arbitre  d'un  bonheur  suprême,  ou  d'une  effroyable  infor- 
tune. 11  est  d'ailleurs  court,  fugitif,  incertain,  irréparable(l). 
—  Mille  fois  plus  que  tout  cela,  le  temps  est  d'acquisition  di- 
vine; il  est  le  prix  du  sang  de  Jésus-Christ.  Celui-là  donc  qui 
le  perd,  jette  par  une  folie  sacrilège  un  divin  et  incompara- 
ble trésor. 

Mais  si  tel  est  pour  le  commun  le  prix  du  temps,  que  dirons- 
nous  de  celui  du  prêtre?  0  crime  trop  véritable!  Ces  heures 
étaient  destinées  au  salut  éternel  des  âmes;  par  elles,  le  prê- 


(l)Propter  frigus  piger  arare  noluit  ;  mendicabit  ergoœstate,  et 
non  dabitur  illi. 

Cogitationes  robusti  semper  in  abundantia;  omnis  autem  piger 
«emper  in  egestate  est. 

Desideria  occidunt  pigrum  :  noluerunt  enim  quidquam  manus 
ejus  operari  : 

Tota  die  concupiscit  et  desiderat. 

Dicit  piger  :  Léo  est  foris,  in  medio  platearutnoccidendus  sum. 

Per  agrum  hominis  pigri  transivi,  et  pervineam  viri  stulti  : 

Et  ecce  totum  repleverant  urticœ,  et  operuerant  superficiem  ejus 
spinae,  et  maceria  lapidum  destructaerat. 

Quod  cum  vidissem,  posui  in  corde  meo,  et  exemplo  didici  dis- 
ciplinam. 

*  Paruin,  inquam,  dormies,  modicum  donnitabis.  pauxillum  ma- 
nus conseres,  ut  quiescas  : 

Et  veniet  tibi  quasi  cursor  egestas,  et  mendicitas  quasi  vir  ar- 
matus.  (Eccli.) 


480  LA    VIE  SACERDOTALB 

tre  devait  continuer  et  parfaire  la  Rédemption  du  monde, 
glorifier  Dieu,  exalter  Jésus-Christ,  réjouir  l'Eglise,  peupler 
le  ciel  d'élus  radieux.  Hélas I  à  quoi  aboutira  la  longue  exis- 
tence d'un  prêtre  oisif,  sinon  à  une  stérilité  honteuse  et  impie? 

Trahison  d'une  grande  cause.  —  i°  C'est  d'abord  une  trahi- 
son. L'homme  s'est  otï'ert  librement  au  labeur  sacerdotal,  et 
l'Eglise,  au  seuil  même  du  sanctuaire,  et  quand  il  demandait 
à  le  franchir,  lui  a  déroulé  l'étendue  de  ses  devoirs  et  la  gra- 
vité de  ses  promesses:  «  Ultro  appetitis  onus.  »  —  Elle  lui  a 
dit:  A  mes  prêtres,  je  veux  la  science;  «  les  lèvres  du  prêtre 
en  seront  les  gardiennes.  »  Le  prêtre  s'est  donc  engagé  au 
travail  perpétuel  et  ardu  de  l'étude.  —  Elle  lui  a  dit:  A  mes 
prêtres,  je  veux  le  zèle.  Le  prêtre  s'est  donc  engagé  aux  efforts, 
aux  initiatives  pénibles,  aux  recherches  difficiles,  aux  luttes, 
aux  œuvres.  —  Elle  lui  a  dit  :  A  mes  prêtres,  je  veux  une  vie 
dure  et  sans  bien-être,  sans  mollesse,  sans  repos.  —  Promettre 
tout  cela  et  mener  une  vie  oisive,  qu'est-ce  autre  chose  qu'une 
trahison  (1)? 

2°  C'est  la  trahison  d'une  grande  cause.  —  Le  propre  de 
l'homme,  préposé  à  un  service  public  est  d'assurer  une  vaste 
tranquillité  ou  d'entraîner  à  d'immenses  désastres.  L'incurie 
du  pilote  brise  le  navire.  Une  heure  de  paresse  chez  le  géné- 
ral qui  préside  au  combat,  change  en  déroule  une  victoire 
assurée.  L'ignorance  du  guide  entraînera  les  voyageurs  jus- 
qu'aux abîmes. 

Mais  qui  dira  les  suites  bien  autrement  désastreuses  de 
l'oisiveté  et  de  l'incurie  chez  le  prêtre?  Autant  des  désastres 
éternels  l'emportent  sur  les  catastrophes  d'ici-bas,  autant  l'oi- 
siveté du  prêtre  est  plus  grave  que  celle  des  autres.  —  Son 
oisiveté  l'éloigné  de  la  chaire?  Voilà  pour  une  population 
entière  un  danger  imminent  de  perdre  la  foi.  —  Son  igno- 
rance, suite  de  sa  paresse,  l'accompagne  au  saint  tribunal? 
Voilà  les  ârncs  sans  direction.  —  Son  temps  se  perd  en  frivo- 
lités? voilà  son  ministère  entier  compromis. 

Le  déshonneur  d'une  grande  famille.  —  N'est-il  pas  l'objet 
d'un  trop  juste  mépris  le  (ils  qui  déshonore,  dans  une  inutilité 


(\)  In  lapide  luteo  lapidatus  est  piger  ;  et  omnes  loquentur  SU* 
per  aspernationem  illius. 

De  stercore  boum  lapidai  us  e»t  piger  ;  et  omnis  qui  tetigerit 
eum  exculiet  manus.  (^Eccli.  XXII). 


LA   VIE  SACERDOTALE  481 

honteuse,  une  incapacité  révoltante,  les  glorieux  exploits  de 
ses  ancêtres? 

Mais,  ô  grand  Dieu!  Quels  sont  les  ancêtres,  quelle  est  la 
noble  famille  du  prêtre?  Comptez,  depuis  les  Apôtres,  les  tra- 
vailleurs infatigables  de  l'Evangile,  qui,  depuis  dix-huit  siè- 
cles, ont  rempli  le  monde  de  leurs  travaux. 

La  matière  d'une  rigoureuse  condamnation.  —  Trois  de- 
grés dans  cette  formidable  condamnation.  1°  Dieu  méprise  le 
prêtre  oisif,  et  les  termes  de  ce  mépris  sont  étranges  et  pres- 
que intraduisibles  dans  nos  Ecritures.  —  2°  Dieu  hait  le  prê- 
tre oisif.  Les  paraboles  de  l'Evangile  ne  nous  laissent  aucun 
doute.  —  3*  Dieu  châtie  le  prêtre  oisif.  Le  pourrons-nous 
croire?  C'est  «  dans  les  ténèbres  extérieures  »  que  le  servi- 
teur paresseux  est  jeté  (1). 


III 
SES  REMEDES 


Ces  remèdes  seront  les  suivants.  —  1°  Le  prêtre,  se  dépouil- 
lant de  l'esprit  du  monde,  réveillera  son  goût  pour  les  fonc- 


ii)  Testiûcor  coram  Deo,  et  Jesu  Christo  qui  judicaturus  est  vi- 
vos  et  mortuos,  per  adventum  ipsius,  et  regnum  ejus  : 

Praedica  verbum,  insta  opportune,  importune  ;  argue,  obsecra, 
increpa  in  ornai  patientia  et  doctrina. 

I^rit  enim  tempus  quumsanam  doctrinam  non  sustinebunt,  sed 
ad  sua  desideriacoacervabunt  sibi  magistros,  prudentes  auribus; 

Et  a  veritate  quidem  auditum  avertent,  ad  fabulas  autem  con- 
vertentur. 

Tu  vero  vigila,  in  omnibus  labora,  opus  fac  evangelistae,  minis- 
teriumtuum  impie.  Sobrius  esto. 

Ego  enim  jam  delibor,  et  tempus  resolutionis  meie  instat. 

Bonutn  certamen  certavi,  curs-um  consummavi,  fidem   servavi. 

In  reliquo  reposita  est  mihi  corona  justitiae  quam  reddet  mibi 
Dominus  in  illa  die  justus  judex  :  non  solum  autem  mihi,  sed  et 
iis  qui  diligunt  adventum  ejus.  Festina  ad  me  venire  cito. 

(II  Tim.  III.) 
T.  IV  31 


482  LA   VIE  SACERDOTALE 

tions  sacerdotales.  —  2°  Le  prêtre  réglera  sévèrement  son 
temps  et  s'interdira  des  divagations  inutiles.  —  3°  Le  prêtre 
surtout  reviendra  à  la  connaissance  et  à  la  pratique  de  la  mor- 
tification sacerdotale. 


L'AMBITION  DANS  LE  PRÊTRE 


L'ambition  est  chez  tout  homme  une  passion  furieuse  et 
tenace.  Gomment  en.  serait-il  autrement  ?  L'ambition  pousse 
à  la  fois  ses  racines  dans  la  partie  haute  et  noble  de  notre 
être  et  aussi,  par  suite  du  péché  originel,  dans  le  sol  maudit 
de  la  concupiscence.  —  Enfant  de  Dieu,  noble  héritier  d'un 
éternel  royaume,  fait  pour  de  vastes  avenirs,  l'homme  porte 
invinciblement  au  cœur  les  aspirations  de  son  origine.  Né 
pour  un  trône,  Dieu  lui  a  mis  dans  l'âme  la  magnanimité 
d'un  roi  (1).  —  Mais  le  péché  a  vicié  cette  ambition  première. 
.Vu  lieu  de  s'élever  vers  les  grandeurs  éternelles  de  sa  des- 
tinée l'homme  s'est  follement  mépris,  abaissant  vers  la  terre 
une  ambition  faite  pour  le  ciel  et  s'att  ic'iant  avec  une  fré- 
nésie insensée  aux  frivoles  et  éphémères  dignités  d'ici-bas(2). 

Le  prêtre  échappera-t-il  à  la  folie  des  grandeurs?  Non. 
L'Evangile  dans  un  récit  étrange  nous  dépeint  l'ambition 
sacerdotale.  Au  moment  même  de  se  plonger  dans  de  suprê- 


(i)  Domine  Do  minus  noster,  quam  admirabile  est  nomentuum 
in  universa  terra  ! 

Quoniam  elevata  est  magniûcentia  tua  super  coelos. 

Ex  ore  infantium  et  lactentium    perfecisti  laudem  propter  ini- 
micos  tuos,  ut  destruas  inimicum  et  ultorem. 

Quoniam  videbo  coelos  tuos,  opéra   digitorum  tuorum  :  lunam 
et  stellas.quse  tu  fundasti. 

Quid  est  homo,  quod  memor   es  ejus?  aut  filius   hominis,  quo- 
niam visitas  eum? 

Minuisti  eum  paulo  minus   ab  angelis,    gloria  et  honore  coro- 
nasti  eum  : 

Et  constituisti  eum  super  opéra  manuuni  tuarum. 

Omnia  subjecisti  sub  pedibus  ejus,  oves  et  boves  universas;  in- 
super et  pecoracampi; 

Volucres  cœli,  et  pisces  maris,  qui  perambulant  semitas  maris. 

Domine  Dominus  noster,  quam  admirabile  est  nomen  tuum  in 
universa  terra  !  (Psal.  VIII.) 

(2)  Iterum  assumpsit  eum  diabolus  in  montem  excelsum  valde  : 
et  ostendit  ei  omnia  régna  mundi,  et  gloriam  eorum  : 

Et  dixit  ei  :  Hseo  omnia  tibi  dabo,  si  cadens  adoraveris  me. 

(Math.  IV.) 


484  LA    VIE   SACERDOTALE 

mes  humiliations,  l'Homme-Dieu  se  voit  assailli  par  l'ambi- 
tion de  ses  Apôtres.  Lui  marche  à  la.  croix  :  eux  rêvent  les 
splendeurs  d'un  royaume  terrestre  (i).  Le  Christ  descend  jus- 
qu'au dernier  degré  du  déshonneur  :  eux  réclament  les  pre- 
mières places  1  —  Hélas  !  celte  ambition  des  Apôtres,  encore 
grossiers  et  charnels,  le  prêtre  l'a  Irop  souvent  ressentie 
pour  son  propre  malheur  et  au  plus  grave  détriment  de  l'E- 
glise. 

Qu'il  se  pénètre  donc  de  haine  et  de  mépris  pour  l'ambi- 
tion ;  qu'il  sache  que  l'ambition  est  tout  à  la  fois  un  crime, 
une  honte,  une  torture. 


L'AMBITION  CHEZ  LE  PRÊTRE  EST  UN  CRIME 


Par  elle,  en  effet,  le  prêtre  se  met  en  opposition  avec  la 
Providence,  en  opposition  avec  l'esprit  du  christianisme. 

C'est  une  opposition  à  la  Providence  de  Dieu.  —  Et  cet  te 
opposition  est  tout  ensemble  sacrilège  par  rapport  à  Dieu, 
désastreuse  par  rapport  aux  âmes  et  au  prêtre  lui-même. 

1°  C'est  une  opposition  sacrilège.  —  «  Toute  la  terre,  chan- 
tait le  Psalmiste,  est  au  Seigneur.  »  Saint  Paul,  de  son  côté  : 
«  Soit  que  nous  vivions,  soit  que  nous  mourions,  c'est  au 
Seigneur  que  nous  appartenons.  »  Contemplons  l'univers  et 
sa  marche  harmonieuse  et  puissante.  Depuis  les  grands  as- 
tres, qui  poursuivent  dans  l'immensité  des  routes  si  exacte- 
ment tracées,  jusqu'au  vermisseau  dont  la  vie,  les  mouve- 
ments et  l'instinct  obéissent  à  des  lois  si  précises,  pas  un 
être  dont  Dieu  n'ait  disposé  le  rang,  coordonné  le  but,  assi- 
gné la  place,  réglé  l'existence.  —  Au-dessus  de  cette  création 

^1)  lgitur  qui  convenerant.interrogabant  eumdicentesi  Domine, 
si  in  tumpore  hoc  restitues  regnum  Israël? 

Dixit  auterneis:  Non  est  vestrum  B0886 iempora  vel  momenta 
que  Pater  po-mit  in  sua  potestate  :  (Act.  I.) 


LA    VIB   SACERDOTALE  485 

inférieure,  voici  l'homme,  voici  la  société  des  êtres  intelli- 
gents et  libres.  En  dépit  de  désordres  apparents,  le  monde 
obéit  à  des  lois  providentielles,  et  alors  même  qu'un  être 
semble  s'éloigner  de  son  but,  Dieu  l'y  ramène  par  des  voies 
mystérieuses  et  inconnues.  —  Au-dessus  de  tous  voici  le 
prêtre.  Comment  croire  que  Dieu  s'est,  pour  lui  seul,  départi 
de  sa  providence;  que  seul  le  prêtre  pourra  choisir  la  place 
et  le  rang  qu'il  lui  plaira  d'ambitionner?  Plus  son  minis- 
tère est  haut  et  ses  fonctions  divines,  plus  Dieu  entend  régler 
sa  marche  et  lui  assigner  son  rang.  —  Ouvrons  l'Ecriture. 
N'est  ce  pas  Dieu  qui,  avec  une  souveraine  indépendance,  a 
abaissé  Joseph  jusqu'aux  horreurs  de  la  prison  et  l'a  élevé 
jusqu'aux  splendeurs  du  trône  ?  N'est-ce  pas  lui  qui  chasse 
Saul  et  change  pour  David  le  bâton  du  pâtre  en  sceptre  de 
roi  ?  N'est-ce  pas  Lui  qui  fait  de  Pierre  le  chef  suprême  de 
son  Eglise  (1)  ? 

Mais  si  Dieu  revendique  pour  lui  seul  les  nominations  de 
ses  prêtres  et  leur  élévation  aux  honneurs,  celui-là  sera  un 
usurpateur  sacrilège,  qui,  sans  Dieu  et  contre  Dieu,  choisit 
des  postes  et  intrigue  pour  s'élever  aux  honneurs. 

2°  C'est  une  opposition  désastreuse.  —  Là  où  le  prêtre  am- 
bitieux se  croit  maître  du  succès,  assuré  d'un  triomphe,  c'est 
à  un  désastre  qu'il  a  couru,  c'est  un  abîme  dans  lequel  il 
roule  croyant  follement  s'élever  (2).  —  Le  voici  parvenu  à  ce 


(1)  Gonversus  Petrus  vidit  illum  discipulum  quem  diligebat  Jé- 
sus, sequentem,  qui  et  recubuit  incœnasuper  pectusejus  et  dixit: 
Domine,  qui  est  qui  tradet  te  ? 

Hune  ergo  quum  vidisset  Petrus,  dixit  Jesu  :  Domine,  hic  au- 
tem  quid  ? 

Dicit  ei  Jésus  :  Sic  eum  volo  manere  donec  veniam,  quid  ad  te? 
tu  me  sequere. 

Exiit  ergo  sermo  iste  inter  fratres  quia  diseipulus  ille  non  mo- 
ritur.  Et  non  dixit  ei  Jésus  :  Non  moritur,  sed  :  Sic  eum  volo  ma- 
nere donec  veniam,  quid  ad  te  ?  (Joan.  XXI.) 

(%)  Et  in  diebus,  quibus  erat  Judas  et  Jonathas  in  terra  Galaad, 
et  Simon  frater  ejus  in  Galilaea  contra  faciem  Ptolemaïdis. 

Audivit  Josephus  Zachariae  filius,  et  Azarias  princeps  virtutis, 
res  bene  gestas,  et  prœlia  qu»  facta  sunt, 

Et  dixit  :  Faciamus  et  ipsi  nobis  nomen,  et  eamus  pugnare  ad- 
versus  gentes,  quae  in  circuitu  nostro  sunt. 

Et  prsecepit  his,  qui  erant  in  exercitu  suo,  et  abierunt  Jam- 
niam. 

Et  exivit  Gorgias  de  civitate,  et  viri  ejus  obviam  illis  in  pu- 
gnam. 


486  LA   VIE    SACERDOTALE 

poste  honorifique  qu'il  convoitait.  Dieu  ne  consacrera  pas  son 
intrusion;  Dieu  le  méprise,  Dieu  le  délaisse,  Dieu  lui  refuse 
les  grâces  mises  en  réserve  et  dont  il  l'eût  comblé  au  poste 
que  sa  Providence  lui  assignait.  Suite  lamentable  des  am- 
bitions sacerdotales  !  Une  foule  d'âmes  que  le  prêtre,  mis  à 
sa  vraie  place,  eût  sanctifiées  et  sauvées  resteront  sans  se- 
cours et  sans  appui.  Son  ministère  eût  été  fructueux  dans  le 
poste  plus  humble  où  Dieu  le  voulait  ;  il  sera  stérile  au  rang 
sacrilègement  usurpé. 

C'est  une  opposition  à  l'esprit  du  Christianisme.  —  As- 
surément aucun  autre  esprit  ne  peut  prévaloir  dans  l'Eglise 
que  celui  qui  ressort  de  la  conduite  et  des  enseignements  de 
PHomme-Dieu.  «  Ceux-là  seuls,  dit  Saint  Paul,  sont  les  enfants 
de  Dieu,  qui  se  meuvent  sous  l'impulsion  de  l'Esprit  de 
Dieu.  »  Et  encore  :  «  Nous  autres  nous  comprenons  toutes 
choses  comme  les  comprenait  Jésus-Christ.  » 

1e  Voyez  la  conduite  de  Jésus  Christ.  —  Il  est  le  Roi  de 
gloire,  le  Fils  de  l'Eternel;  Il  est  Dieu  égal  en  tout  à  son 
Père.  Mais  quand  il  descend  du  ciel  et  vient  vivre  parmi 
nous,  quelle  place  se  choisit-il?  Quel  rang  lui  est  assigné  par 
la  volonté  de  son  Père?  Ne  le  cherchons  ni  sur  les  marches 
du  trône,  ni  dans  l'enceinte  des  palais,  ni  sous  les  vêlements 
d'or  des  Pontifes  suprêmes.  Il  est  pauvre,  il  est  inconnu, 
il  habite,  dans  une  bourgade  obscure,  une  maisonnette  igno- 
rée. Quand  il  en  sort,  c'est  pour  affronter  les  injures  et  les 
haines  de  la  Synagogue  et  s'en  aller  mourir  dans  la  suprême 
avanie  d'un  gibet!  Et,  si  de  la  Croix,  il  disparaît  dans  les 
profondeurs  d'un  sépulcre,  c'est  pour  apprendre  à  son  clergé 
de  tous  les  siècles  que  ceux-là  seuls  ressusciteront  à  la 
gloire  qui  se  seront  laissés  ensevelir  dans  l'humilité  (I). 

Et  fugati  sunt  Josephus  et  Azarias  usque  in  fines  Judaeœ  :  et  ce- 
ciderunt  illo  die  de  populo  Israël  ad  duo  millia  viri,  et  facta  est 
fuga  magna  in  populo: 

Quia  non  audierunt  Judam,  etfratresejus,  exislimantes  fortiter 
se  facturos. 

Ipsi  autem  non  erant  de  semine  virorum  illorum,  per  quoa  sa- 
lus  facta  est  in  Israël.  (I  Mac.  V.) 

(I)  Ilumiliavit  semetipsum  factus  obediens  usque  ad  mortem, 
mortem  autem  crucis. 

Propter  quod  et  Deus  ex  al  ta  vit  illum,  et  donavit  i  11 L  nom  en 
quod  est  super  omne  nomen: 

Ut  in  nomine  Jesu  omne  genu  flectatur  cœlestium,  terrestriuiu, 
et  infernorum: 


LA  VIE    SACERDOTALE  487 

2°  Ecoutez  la  doctrine  de  Jésus-Christ.  —  Ce  n'est  pas  furti- 
vement et  en  passant  qu'il  forme  ses  Apôtres  à  un  désinté- 
ressement magnanime  et  à  une  fuite  courageuse  des  hom- 
mes terrestres;  sa  doctrine,  en  ce  qui  touche  l'ambition  des 
prêtres,  est  par  lui  souvent  renouvelée,  persévéramment 
suivie.  —  Aux  premières  saillies  d'une  ambition  naissante, 
Jésus-Christ  place  devant  ses  Apôtres  un  petit  enfant  (1).  Là 
sera  le  modèle  du  prêtre.  Comme  l'enfant  le  prêtre  restera 
sans  attache,  sans  sollicitude,  sans  désirs  d'aucune  sorte.  — 
Invité  à  un  banquet  et  voyant  combien  d'ambitieux  y  recher- 
chent les  premières  places,  Jésus-Christ  apprend  à  ses  Apô- 
tres comment  de  l'orgueil  naît  l'humiliation  et  de  l'humilité  la 
gloire.  —  De  nouvelles  sollicitations  ambitieuses  donnent  su- 
jet au  divin  Maître  d'enseigner  aux  Apôtres  la  vraie  manière 
de  remplir  les  places  éminentes.  Le  supérieur  se  fera  le  ser- 
viteur de  tous,  le  maître  ne  cherchera  dans  l'honneur  de  son 
rang  que  l'occasion  de  s'y  rendre  humble  et  serviable.  —  La 
vue  des  ambitions  sacerdotales  ne  lui  suscitait  pas  seulement 
des  leçons  calmes  et  douces;  elle  faisait  parfois  jaillir  de  ses 
lèvres  de  formidables  anathèmes  (2). 

Et  omnis  lirigua  confiteatur,  quia  Dominus  Jésus  Ghristus  in 
gloria  est  Dei  Patris.  (Philip.  II.) 

(1)  In  illa  hora  accesserunt  discipuli  ad  Jesurn,  dicentes  :  Quis, 
putas,  major  est  in  regno  cœlorum? 

Et  aivocans  Jésus  parvulum,  statuit  eum  in  medio  eorum, 
Et  dixit  :  Amen  dico  vobis  :  Nisi  conversi  fueritis,  et  efficiamini 
sicut  parvuli,  non  intrabitis  in  regnum  cœlorum. 

Quicumque  ergo  humiliaverit  se  sicut  parvulus  iste,  hic  est  ma- 
jor in  regno  cœlorum.  (Math.  XVIII.) 

(2)  Dicebat  autem  et  ad  invitatos  parabolam,  intendens  quomo- 
do  primos  accubitus  eligerent,  dicens  ad  illos: 

Quum  invitatus  fueris  ad  nuptias,  non  discumbas  inprimoloco, 
ne  forte  honoratior  sit  invitatus  ab  illo. 

Et  veniens  is  qui  te  et  illum  vocavit,  dicat  tibi  :  Dahuic  locum, 
et  tune  incipiascum  rubore  novissimun  locum  tenere. 

Sed  quum  vocatus  fueris,  vade,  recumbe  in  novissimo  loco,  ut 
quum  venerit  qui  te  invitavit,  dicat  tibi  :  Amice,  ascende  supe- 
rius.  Tune  erit  tibi  gloria  coram  simul  discumbentibus. 

Quia  omnis  qui  se  exaltât,  humiliabitur;  et  qui  se  humiliât, 
exaltabitur. 

Dicebat  autem  et  ei  qui  se  invitaverat  :  Quum  facis  prandium 
aut  cœnam,  noli  vocare  amicos  tuos,  neque  fratres  tuos,  neque 
cognatos,  neque  vicinos  divites,  ne  forte  te  et  ipsi  reinvitent,  et 
fiât  tibi  retributio. 

Sed  quum  facis  convivium,  voca  pauperes,  débiles,  claudos,  et 
caecos.  (Luc.  XIV.) 


488  LA   VIE   SACERDOTALE 

II 

L'AMBITION  CHEZ  LE  PRÊTRE  EST  UNE  HONTE 


C'est  une  honte  puisque,  en  elle,  est  renfermée  tout  en- 
semble une  étroitesse  de  vues,  une  bassesse  de  cœur. 

Là  est  une  étroitesse  de  vues.  —  Le  propre  d'une  vue 
courte  et  faible  est,  sans  pouvoir  jeûnais  embrasser  de  loin- 
tains horizons  et  de  vastes  ensembles,  de  s'arrêter  et  de  s'assou- 
vir tout  entière  sur  de  menus  détails.  Qu'elle  est  grande, 
qu'elle  est  divine,  pour  quia  l'œil  puissant,  la  dignité  sacer- 
dotale I  Prêtre,  je  suis  l'ambassadeur  du  Très-Haut,  l'associé 
de  Jésus-Christ,  la  gloire  et  l'appui  de  l'Eglise,  l'espérance  et 
le  salut  des  âmes,  l'organe  des  vérités  saintes,  la  voix  même 
du  Dieu  qui  parle  à  la  terre.  Mes  pouvoirs  sont  élevés  comme 
les  cieux,  ma  domination  est  plus  vaste  que  le  monde. 

Qu  est-ce y  en  regard,  qu'un  poste  pins  ou  tnoins  élevé?  — 
A  côté  de  ma  grandeur  originelle,  que  m'importe  un  terri- 
toire paroissial  plus  étendu,  un  nombre  d'âmes  plus  considé- 
rable, une  appellation  plus  honorifique?  N'a-t-il  pas  la  vue 
lamentablement  bornée  celui  qui  méconnaît  de  si  vastes  pers- 
pectives pour  de  si  insigniliants  détails? 

Là  est  une  bassesse  de  cœur.  —  1°  Le  prêtre  ambitieux 
n'échappe  pas  à  la  loi  inexorable  de  l'ambition,  qui  est  </<• 
ramper  avant  d'arriver  au  faîte.  Que  de  démarches  furtives  ! 
que  d'inavouables  intrigues!  quelles  promiscuités  honteuses! 
Et,  en  même  temps,  que  d'affronts  à  dévorer  avant  d'en  faire 
subir  aux  autres!  Qu'est-ce  que  tout  cela  si  ce  n'est  de  la  bas- 
sesse de  cœur  ? 

2°  Bassesse  pour  parvenir,  bassesse  quand  on  est  parvenu.  — 
D'une  grandeur  usurpée  naissent  fatalement  les  jalousies 
mesquines,  les  craintes  lâches,  les  ruses  et  les  machinations 
pour  se  maintenir  dans  la  dignité  qu'on  possède  et  écarter 
de  soi  les  mérites  qui  portent  ombrage  (1). 

(t)  Kyressus  est  itaque  illo   die  Aman  la-tus  et  alacer;  cumque 


LA.   VIB   SACERDOTALK  489 

3°  De  là  encore  un  esclavage  dégradant.  —  Quel  est  le  cœur 
noble  et  haut,  l'âme  saintement  indépendante,  le  caractère 
ferme  et  juste  ?  Le  désintéressement  seul  enfante  ces  ma- 
gnanimes natures.  L'ambitionne  s'accommode  que  des  cœurs 
bas  et  faits  pour  être  osclaves.  Qui  fut  plus  esclave  qu'un 
Aman,  un  Anliochus,  un  Simon  le  Mage  ? 


III 
L'AMBITION  DU  PRÊTRE  EST  UNE  TORTURE 


Une  torture  s'il  échoue.  —  Ce  malheureux  s'est  épuisé  en 
efforts  stériles.  —  11  est  rongé  d'un  amer  dépit.  —  La  vue 
de  ses  concurrents  heureux  fait  son  supplice. 

Torture  s'il  réussit.  —  Dieu  le  permet  dans  sa  justice.  — 
11  le  permet  surtout  dans  sa  miséricorde,  afin  d'épargner 
éternellement  le  prêtre  qu'il  punit  ici-bas  par  sa  dignité 
même. 


vidisset  Mardochaeuin  sedentem  ante  fores  palatii,et  non  solum 
non  assurrexisse  sibi,  seJ  nec  raotum  quidem  de  loco  sessionis 
suœ,  indignatus  est  valde: 

Et  dissimulata  ira,  reversus  in  domum  suam,  convocavit  ad  se 
amicos  suos,  et  Zares  uxorem  suam  . 

Et  exposuit  illismagnitudinemdivitiarum  suarum,  filiorumque 
turbam,  et  quanta  eum  gloria  super  oranes  principes  et  servos 
suos  rex  elevaset. 

Et  post  hase  ait:  Regina  quoque  Esther  nullum  alium  vocavit 
ad  convivium  cum  rege,  praeter  me,  apud  quam  etiam  cras  cura 
rege  pransurus  sum  : 

Et  cum  hsec  omnia  habeam,  nihil  me  habere  puto,  quamdiu  vi- 
dero  Mardochaeum  Judaeuni  sedentem  ante  fores  regias. 

Responderuntque  ei  Zares,  uxor  ejus,  et  ceteri  amici  :  Jubé  pa- 
rari  excelsam  trabem  habentem  altitudinis  quinquaginta  cubitos, 
et  die  mane  régi  ut  appendatur  super  eam  Mardochœus;  et  sic 
ibis  cum  rege  luetus  ad  convivium.  Placuit  ei  consilium,  et  jussit 
excelsam  parari  crucem.  (Esther.) 


Llï  VRAI  PilÊfUE 


Si,  suivant  des  yeux  les  actes  du  Sauveur  et  toutes  les  scènes 
dont  le  tissu  forme  sa  vie  publique;  si,  prêtant  une  oreille 
attentive  à  ses  paroles,  et  réunissant  par  ordre  toute  sa  divine 
conduite,  nous  voulons  composer  le  portrait  et  la  règle  du 
Sacerdoce:  trois  traits:  —  i°  Union  avec  Dieu;  2°  Haine  du 
monde;  3°  Souffrance  pour  les  âmes. 


VIE  D'UNION  AVEC  DIEU 


Comment  se  présente  à  nous  Jésus-Christ  souverain  prêtre 
sinon  uni  intimement  à  Dieu  son  Père  ?  —  Comme  Dieu 
cette  union  est  à  jamais  ineffable  (I).  — a  Ego  et  Pater  unum 
sumus.  »  —  Comme  Homme  cette  union  est  incessant'1. 


(i)  Dicit  ei  Thomas  :  Domine,  nescimus  quo  vadis;  et  quomodo 
possumus  viam  sein.'  ? 

Dicit  ei  Jésus  :  Ego  sum  via,  et  veritas,  et  vita.  Nemo  venit  ad 
Patrem,  nisi  per  me. 

Si  cognovissetis  me,  et  Patrem  ni  eu  ni  utique  cognovissetis  ;  et 
amodo  cognoscetis  eum,  et  vidistis  eu  m. 

Dicit  ei  Philippus  :  Domine,  ostende  nobis  Patrem,  et  sufficit 
aobis. 

Dicit  ei  Jésus  :  Tanto  tempore  vobiscum  sum,  et  non  cognovis- 
tis  me?  Philippe,  qui  videt  me,  videt  et  Patrem.  Quomodo  tu  di- 
cis  :  Ostende  nobis  Patrem  .' 

Non  creditie  quia  ego  in  Pâtre,  et  Pater  in  me  est  ?  Verba  quœ 
ego  loquor  vobis,  a  me  ipso  non  loquor.  Pater  autem  in  me  ma- 
liens, ipse  facit  opéra. 

Non  ereditis  quia  ego  in  Pâtre,  et  Pater  in  me  est  ? 


LA  VIE  SACERDOTALE  491 

Ainsi  sera  le  prêtre  digne  de  ce  nom. 

Le  prêtre  doit  vivre  en  perpétuelle  société  avec  Jésus- 
Christ.  —  Voyez  comme  Jésus-Christ  l'entend  bien  ainsi. 

1°  Jésus-Christ  traitait  différemment  la  foule.  —  Les  fou- 
les vont  et  viennent;  ce  sont  les  vagues  battant  le  rocher  : 
«  petra  autem  erat  Ciinstus.  »  Les  voici  entourant  le  Sauveur, 

avides,  frémissantes,  il  le  leur  faut  pour  Roi  ! puis  tout  fuit, 

s'écoule,  disparaît.  Jésus-Christ  même  ne  les  veut  pas  sans 
cesse  avec  lui...  Pierre,  chassez  au  large! Après  ces  lon- 
gues heures  passées  au  milieu  de  la  foule  Jésus-Christ  veut  de- 
meurer seul(l). —  Illes  instruit,  il  les  guérit,  il  les  nourrit 

Mais  après  il  s'éloigne  ou  il  les  renvoie.  —  Quoi!  même  ses 
amis,  ce  Lazare,  cette  Marie,  cette  Marthe,  il  les  revoit,  de 
temps  en  temps  :  jamais  sa  demeure  (ixe  n'est  au  milieu  d'eux. 

2°  Jésus-Christ  traitait  différemment  ses  prêtres. — Le  choix 
est  arrêté;  l'appel  s'est  fait  entendre.  Voyez-les  tous  quit- 


Alioquin  propter  opéra  ipsa  crédite.  Amen,  amen  dico  vobis, 
qui  crédit  in  me,  opéra  quse  ego  facio,  et  ipse  faciet.  et  majora  ho- 
rum  faciet  ;  quia  ego  ad  Patrem  vado. 

Et  quodcumque  petieritis  Patrem  in  nomine  meo,  hoc  faciam; 
ut  glorificetur  Pater  in  Filio. 

Si  quid  petieritis  me  in  nomine  meo,  hoc  faciam. 

Si  diligetis  me,  mandata  mea  servate. 

Et  ego  rogabo  Patrem,  et  alium  Paracletum  dabit  vobis  ut  ma- 
neat  vobiscum  in  asternum. 

Spiritum  veritatis,  quem  mundus  non  potest  accipere,  quia  non 
videt  eum,  nec  scit  eum  :  vos  autem  cognoscetis  eum;  quia  apud 
vos  manebit,  et  in  vobis  erit. 

Non  relinquam  vos  orphanos  :  veniam  ad  vos. 

Adhuc  modicum,  et  mundus  me  jam  non  videt.  Vos  autem  vi- 
detis  me;  quia  ego  vivo,  et  vos  vivetis. 

In  illo  die  vos  cognoscetis  quia  ego  sum  in  Pâtre  meo  et  vos  in 
me,  et  ego  in  vobis.  (Joan.  XIV.) 

(1)  Illi  ergo  homines  quum  vidissent  quod  Jésus  fecerat  si- 
gnum,  dicebant  :  Quia  hic  est  vere  propheta  qui  venturus  est  in 
mundum. 

Jésus  ergo,  quum  cognovisset  quia  venturi  essent  ut  râpèrent 
eum,  et  facerent  eum  regem,   fugit  iterum  in  montem  ipse  solus. 

Ut  autem  sero  factum  est,  descenderunt  discipuli  ejus  ad  mare. 

Et  quum  ascendissent  navim,  venerunt  trans  mare  in  Caphar- 
naum;  et  tenebraejam  factae  erant;  et  non  venerat  ad  eos  Jésus. 

Mare  autem,  vento  magno  fiante,  exsurgebat. 

Quum  remigassent  ergo  quasi  stadia  viginti  quinque  aut  tri- 
ginta,  vident  Jesum  ambulantem  supra  mare,  et  proximum  navi 
fieri,  et  timuerunt. 

Ille  autem  dicit  eis  :  Ego  sum,  nolite  timere.        (Joan.  VI.) 


492  LA  VIE   SACERDOTALB 

tant,  ceux-ci  la  barque  et  les  filets  et  le  vieux  père,  ceux-là 

leur  bourgade,  celui-là   son  comptoir Tout  est  si   bien 

laissé  qu'ils  pourront  dire  naïvement:  «  Et  nous  qui  avons  tout 
quitté,  »  nos  qui  reliquimus  omnia?  De  plus,  défense  absolue 
de  s'éloigner.  L'un  demande  «  à  ensevelir  son  père...  »  Oh  ! 
ignorant  des  conditions  du  sacerdoce,  laisse  les  choses  mor- 
telles: «  Relinque  hune  miserum  mundum.  »  (Imit.)  Pierre  ira 
à  sa  belle-mère,  mais  avec  Jésus.  Toujours  les  disciples  avec 
le  Maître,  toujours  les  Apôtres  avec  Jésus.  —  Dans  les  dou- 
ceurs et  les  fêtes,  comme  aux  noces  de  Cana,  comme  chez 
Simon  le  Lépreux.  —  Dans  les  instructions  sublimes  sur  la 
Montagne:  «  Turba  non  ascendit  ad  sublimia.  »  —  Dans  les 
détresses  de  la  pauvreté,  quand,  ensemble,  ils  froissent  les  épis 
pour  s'en  nourrir.  —  Dans  la  voie  douloureuse.  Jésus  dit  : 
«  Ascendimus  Jerosolymam »  Ces  souffrances  les  Apô- 
tres ne  les  pénètrent  pas:  «  Erat  verbum  absconditum.  »  Une 
seule  chose  leur  était  claire:  impossibilité  de  se  séparer  du 
Maître;   ils  disent  donc:  «  eamus  et  nos  !  » 

Etre  prêtre  c'est  donc  faire  sa  société  de  Jésus-Christ.  Il  en 
est  un  dans  l'Evangile  rebelle  à  cette  vérité.  Il  est  pur  ce 
jeune  homme,  il  est  aimable;  Jésus  le  contemple;  Jésus 
l'aime;  le  sacerdoce  s'offre  à  lui;  l'appel  va  être  fait,  Jésus 
trace  la  marche  :  tu  veux  cet  état  de  perfection  ?  «  Si  vis  per- 
fectus  esse  :  »  Eh!  bien:  «  Veni,  sequere  me.  »  Tel  est  mon 
sacerdoce;  ainsi  l'ai-je  décrété  :  «  Sint  mecuml  »  Hélas!  on 
ne  consent  pas;  on  veut  le  monde  et  Jésus-Christ.  Or  de  ce 
partage  Dieu  ne  veut  pas  !  «  Adolescens  abiit  tristis  (1)  ». 


(1)  Qui  dixit  Mis  :  Non  omnes  capiunt  verbum  istud,  sed  quibus 
datum  est. 

Sunt  enim  eunuchi,  qui  de  matris  utero  sic  nati  sunt;  et  sunt 
eunuchi,  qui  facti  sunt  ab  bominibus;  et  sunt  eunuchi,  qui  se  ip- 
sos  castraverunt  propter  regnum  cœlorum.  Oui  potest  capere,  ca- 
piat. 

Tune  obla'i  sunt  ei  parvuli,  ut  m  anus  eis  imponeret,  et  ornret. 
Discipuli  auteni  increpabant  eos. 

Jesu*  vero  ait  eis  :  Sinite  parvulos,  et  nolite  eos  prohibere  ad 
me  venire  :  talium  est  enim  regnum  cœlorum. 

Et  quum  imposuisset  eis  manus,  abiit  inde. 

Et  ecce  unus  accedens,  ait  illi  :  Mugister  bone,  quid  boni  fa- 
ciam  ut  habeam  vitam  neternam? 

Qui  dixit  ei.  Quid  me  interrogas  de  bono  ?  Unus  est  bonus, 
Dens.  Si  auteni  vis  ad  vitam  ingredi,  serva  mandata. 

Dixit  illi  :  Quœ?  Jésus  autem  dixit  :  Non  homicidium  faciès  : 


LA  VIE  SACERDOTALE  49H 

Voici  donc  le  signe.  Sommes-nous  de  vrais  prêtres?  Où  vont 
nos  pensées?  Où  nos  affections?  Où  reposent  nos  délices?  Où 
est  la  demeure  ordinaire  de  notre  âme  ?  Jésus-Christ?  Les 
choses  saintes?  Le  salut?  La  perfection?  Alors,  nous  som- 
mes prêtres  véritablement.  Mais  si  le  goût  du  monde,  si  les 
occupations  du  monde  nous  absorbent,  il  n'y  a  plus  rien  en 
nous  du  prêtre  de  Jésus-Christ. 

Le  prêtre  doit  s'identifier  avec  Jésus-Christ?  (1)  —  En- 
tendons cette  capitale  doctrine. 

Non   adulterabis  :  Non  faciès  furtum  :  Non  falsuin  testimoniurn 
dices  : 

Honora  patrem  tuum  et  matrem  tuam  :  et  diliges  proximum 
tuum  sicut  te  ipsum. 

Dicit  illi  adolescens  :  Omnia  haec  custodivi  a  juventute  roea  : 
quid  adhuc  mini  deest  ? 

Ait  illi  Jésus  :  Si  vis  perfectus  esse,  vade,  vende  quse  habes,  et 
da  pauperibus,  et  habebis  thesaurum  in  cœlo;  et  veni,  sequere  me. 

Quum  audisset  autem  adolescens  verbum,  abiit  tristis  :  erat 
enim  habens  multas  possessiones. 

Jésus  autem  dixit  discipulis  suis  :  Amen  dico  vobis,  quia  dives 
difficile  intrabit  in  regnum  cœlorum. 

Et  iterum  dico  vobis  :  Facilius  est  camelum  per  foramen  acus 
transire,  quain  divitem  intrare  in  regnum  cœlorum. 

Auditis  autem  his,  discipuli  mirabantur  valde,  dicentes  :  Quis 
ergo  poterit  balvus  esse  ? 

Aspiciens  autem  Jésus,  dixit  illis  :  Apud  homines  hoc  impossi- 
bile  est  :  apud  Deum  autem  omnia  possibilia  sunt. 

Tune  respondens  Petrus  dixit  ei  :  Ecce  nos  reliquimus  omnia  et 
seeuti  sumus  te  ■  Quid  ergo  erit  nobis? 

Jésus  autem  dixit  illis  :  Amen  dico  vobis,  quod  vos  qui  seeuti 
estis  me,  in  regeneratione,  quum  sederit  Filius  hominis  in  sede 
majestatis  suae,  sedebitis  et  vos  super  sedes  duodecim,  judicantes 
duodecim  tribus  Israël. 

Et  omnis  qui  reliquerit  domum,  vel  fratres,  aut  sorores,  aut  pa- 
trem, aut  matrem,  aut  uxorem,  aut  filios,  aut  agros  propter  no- 
men  meum,  centuplum  accipiet,  et  vitam  œternam  possidebit. 

Multi  autem  erunt  primi  novissimi,  et  novissimi  primi. 

(Matth.  XIX.) 

(1)  Ego  sum  vitis  vera  :  et  Pater  meus  agricola  est. 

Omnem  palmitem  in  me  non  ferentem  fructum,  tollet  eum  :  et 
omnem,  qui  fert  fructum,  purgabit  eum,  ut  fructum  plus  afferat. 

Jam  vos  mundi  estis  propter  sermonem,  quem  locutus  sum  vo- 
bis. 

Manete  in  me  :  et  ego  in  vobis.  Sicut  palmes  non  potest  ferre 
fructum  a  semetipso,  nisi  manserit  in  vite  :  sic  nec  vos,  nisi  in  me 
manseritis. 

Ego  sum  vitis,  vos  palmites  :  qui  manet  in  me,  et  ego  in  eo,  hic 
fert  fructum  multum  :  quia  sine  me  nihil  potestis  facere. 


494  LA    VIE    SACERDOTALE 

1°  Jésus-Christ  livre  tout  ce  qu'il  a  à  ses  prêtres.  «  Omnia 
vestrasunt.  »  «  Homo  unanimis.  »  «  Sacerdos,  alter  Christus.  » 
«  Sicut  misit  me  Pater,  ego  mitto  vos.  »  Voilà  le  Christ  et  ses 
prêtres  mis  au  même  pied  :  «  Sicut.  »  Et  comment  apparut, 
opéra  Jésus-Christ  ? 

In  plenitudine  scientiœ.  C'est  le  Verbe  répandu,  la  lumière 
se  versant  à  flots.  Or  Jésus-Christ  instruisit  ses  prêtres  de 
tout  :  «  Omnia  quœcumquaj  audivi  a  Pâtre  meo  nota  feci 
vobis.  »  Tout,  jusqu'aux  dernières  profondeurs,  car  «  l'Es- 
prit vous  les  découvrira  :  »  «  docebit  vos  omnem  veritatem.  » 
In  plenitudine  gratige.  Voyez-en  la  liste  :  (I  Cor.  xn,  4-11.) 
Comme  Jésus-Christ,  le  prêtre  console,  guérit,  ressuscite, 
sanctifie. 

In  plenitudine  potenlix.  Qui  vous  méprise  me  méprise. 
Depuis  dix-huit  siècles  les  ébranlements  des  empires  justi- 
fient cette  affirmation.  Jamais  une  nation  catholique  n'a 
méprisé  le  sacerdoce  impunément. 

2°  Jésus-Christ  exige  tout  ce  qu'il  est  de  sesprétres.  —  Ce  qu'il 
est,  ils  le  doivent  être.  Ils  continuent  le  travail  d'un  Dieu  : 
«  Misi  vos  ut  eatis,  et  fructum  atferatis.  »  0  prêtres,  ù  ouvriers, 
ô  conquérants,  je  vous  ai  donné  tous  les  moyens,  toutes  les 
armes:  «  dedi  vobis  poteslatem.  »  —  Et  que  veux-je  ?  — 
«  Docete  !  <> 

Accepte-t-il  la  condition  posée  par  Dieu  ce  prêtre  dont  la  vie 
est  toute  séculière,  l'âme  toute  terrestre,  les  préoccupations 
toutes  mondaines,  prêtre  sans  l'esprit  ecclésiastique,  prêtre 
au  langage  frivole  et  séculier,  au  maintien  peu  modeste,  ja- 
mais recueilli?  Voyez  ce  prêtre  :  à  l'autel  c'est  l'ange  de 
Dieu  ;  dans  le  reste  du  jour  c'est  un  frivole  laïque!  dès  lors  : 
ministère  mourant,  fruits  desséchés,  stérilité  effravante. 


Si  quis  in  me  non  manserit  :  mittetur  foras  sicut  palmes,  et  ares- 
cet,  et  colligent  eum,  et  ignem  mittent,  et  ardet.  (Joan.  XV.) 


LA   Y1E    SACERDOTAL*  495 


II 

HAINE  DU  MONDE 


Gc  que  doit  être  le  prêtre,  nous  avons  commencé  de  le  voir: 
Etre  céleste,  plein  de  Dieu  :  «  In  omnem  plenitudiuem  Dei;  » 
tout  parfumé  du  Christ  :  «  bonus  odor  sumus  Christi;  »  tout 
étincelant  de  Jésus-Christ  :  «  Ipse  illuxit  in  cordibus  nostris;  » 
—  portrait  vivant  et  frappante  reproduction  de  l'Uomme- 
Dieu  :  «  in  eamdem  transformamur  imagine  m.  »  —  Mais  le 
voici  au  milieu  du  monde;  les  portes  de  Babylone  se  sont 
ouvertes  à  ce  fils  de  la  terre  promise...  Comments'y  conduira- 
t-il  ?  Question  infiniment  délicate  que  nous  allons  débattre, 
toujours  l'Ecriture  à  la  main  : 

Raisonnons  la  nécessité  de  cette  haine  : 

1°  Laissons  parler  la  nature.  —  Détester,  fuir,  attaquer  le 
monde?  Mais  1°  le  prêtre  est  homme  comme  les  autres  ;  à  lui 
aussi  il  faut  des  fêtes,  des  joies,  des  jeux;  il  lui  faut  des  char- 
mes que  ses  yeux  contemplent,  que  son  âme  savoure... 
2*  Mais  le  prêtre  est  chargé  d'affaires  auprès  du  monde  : 
arrière  toute  vertu  intraitable  ;  une  vertu  facile,  pliante,  in- 
sinuante, accommodante,  est  seule  de  mise  au  milieu  du 
monde.  3°  Mais  le  prêtre,  homme  tout  de  charité,  n'admet 
donc  jamais  de  ces  blâmes,  de  ces  réquisitoires,  de  ces  sen- 
tences sans  pitié. 

2°  Maintenant  écoutons  Dieu.  —  Voici  venir  Jésus-Christ, 
il  décide.  —  Avant  même  qu'il  porte  des  décrets,  son  altitude 
tranche  la  question.  Etrange  attitude!  Jésus-Christ,  si  doux,  si 
suave,  partout,  dans  toutes  les  circonstances,  comme  le  pro- 
phète l'avait  annoncé  (Isaïe);  à  peine  le  nom  et  l'idée  du  monde 
fui  sont-elles  offertes,  il  éclate  en  expressions  de  colère  ;  c'est 
le  grondement  de  la  foudre,  c'est  l'explosion  d'une  immense 
indignation  :  «  Va3  mundo  !  »  Le  souvenir  lui  en  est  insupporta- 
ble: «siniteeos....  caeci,  duces  cœcorum....  »  Voyez-leà  la  Cène. 
Sa  prièreest  universelle,  sauf  pour  le  monde:  «  non  pro  mundo 


496  LA  VIE  SACIRDOTALB 

rogo.  »  —  Et  le  monde  le  lui  rendait  bien!  Calomnies,  rail- 
leries, mépris,  insultes,  machination,  tout  y  est  osé  contre 
lui...  «  Nonne fabri  fîlius?...  potator  vini...  amicus  publica- 
norum...unde  sitscimus...  daemonium  habet...  »0  Jésus,  Mé- 
diateur universel,  vous  voilà  donc  détesté,  séparé  du  monde?... 
Ah  !  il  le  savait  et  il  le  voulait  et  la  question  est  jugée. 

Ecoutons  ses  ordres.  Ses  prêtres  l'interrogent.  —  Seigneur, 
comment  devons-nous  considérer  le  monde  ?  —  «  Non  estis 
de  hoc  mundo.  »  Voilà  qui  est  formel.  Le  monde  nous  est 
étranger.  Que  nous  importe  qu'il  fasse  ceci  ou  qu'il  fasse 
cela?...  Qu'importe  ?  C'est  pour  nous  une  région  lointaine  ; 
autre  langue,  autres  idées,  autres  coutumes,  autres  intérêts. 
«  Non  estis  de  mundo  ».  Après  le  maître  le  disciple.  «  Moi  et  lr 
monde,  crie  Paul,  sommes  deux  cadavres,  l'un  à  côté  de 
l'autre.  »  Une  complète  insensibilité  nous  sépare  ;  lui  ne  sent 
rien  pour  moi,  moi  je  suis  mort  à  lui:  «  crucilixus  sum  mundo, 
mundus  mihi  crucitixus  est.  »  Voilà  la  vérité;  reste  à  l'appli- 
quer. Comment  nous  conduire  dans  le  inonde? 

Quelle  sera  dans  la  pratique  cette  haine  du  monde  ?  — 
Quel  est  le  contact  du  monde  qui  nous  est  interdit  ?  A  quelle 
sorte  do  prêtre  s'applique  le  mot"  déshonorant  de  «  prêtre 
mondain.  » 

1°  C'est  le  monde  des  trois  concupiscences.  —  C'est  le  royaume 
régi  par  l'antique  législation  dont  voici  les  trois  fameux  ar- 
ticles :  satisfactions  de  la  chair;  satisfactions  des  yeux,  or- 
gueil de  la  vie:  «  quod  est  in  mundo  concupiscentia  carnis 
est,  et  concupiscentia  oculorum,  et  superbia  viUe.  »  Voyez  d'a- 
bord les  mondains  à  l'œuvre.  Préoccupations  incessantes  du 
bien-être,  tout  y  doit  concourir...  Regardons  notre  société  : 
«  Venito,  fruamur  bonis  quai  sunt,  utamur  creatura,  vino  pre- 
tioso  et  unguentis...  nenio  exsors  luxuriae,  ubique  relinqua- 
mus  signa  laititiœ.  »  —  Et  le  prêtre  mondain?  —  Pauvre  prê- 
tre! Comme  ces  mendiants  qui  regardent  les  festins  du  riche 
à  travers  los  vitres  dessalons  illuminés,  lui  il  réclame  sa 
part.  C'est  l'homme  de  ses  aises  :  pas  de  sacrilices,  pas  d'ef- 
forts... Ni  la  ^cne  de  la  vertu,  ni  la  gène  des  devoirs  accom- 
plis, ni  la  gène  des  mortilications  volontaires.  Ah!  ce  prêtre- 
là  fait  pleurer  Saint  Paul  :  «  quos,  tiens  dico,  inimicos  crut  sis 
Christi.  »  —  Hélas  !  je  les  vois  reçus,  fêtés,  chez  les  gens  du 
inonde.  Chiens  engraissés  et.  muets:  *>  Canes  muti  non  valen- 
tes  lalrare!  »  Lions  onchaînés,  et  qui,  au  lieu  de  régnerai!  dé- 
sert, ne  sont  plus  que  des  jouets  misérables  et  des  objets  d* 


LA   VIE   SACERDOTALE  497 

vaine  curiosité  au  sein  du  monde!  On  trouvera  ces  prêtres 
à  de  luxuriantes  tables,  y  passant  d'interminables  heures, 
prodiguant  à  ces  vins  dont  ils  devraient  être  sobres  des  élo- 
ges déshonorants  :  «  et  gloria  in  confusione  eorum  !   » 

2°  C'est  le  monde  d'une  éternelle  dissipation.  —  Dissipation 
désastreuse  qui,  arrachant  l'âme  au  monde  invisible  et  supé- 
rieur, la  précipite  dans  toutes  les  distractions  de  celui-ci. 
Jamais  l'œil  n'est  plongé  dans  les  choses  éternelles,  avide 
sans  cesse  de  parcourir  les  mille  scènes  de  ce  siècle  fugitif: 
<r  Concupiscentiaoculorum  ..  »  Siècle  fiévreux,  siècle  étourdis- 
sant, torrent  qui  emporte  les  âmes...  Hélas!  venez,  au  mi- 
lieu de  ces  tumultueuses  agitations:  voici  le  prêtre  mondain. 
Oh  !  qu'il  sait  de  choses!  qu'il  fait  do  choses  !  qu'il  lit  de  cho- 
ses I  11  sait  parler  de  tout,  il  est  mêlé  à  tout,  il  est  de  toutes 
les  réunions...  Mais  l'étude  sainte  ?...  la  prière  ?...  le  minis- 
tère ?...  l'esprit  de  componction?  la  méditation  solitaire  ? 

3°  C'est  le  monde  d'u?i  universel  orgueil.  —  1°  Orgueil  de 
l'intelligence:  l'esprit  fort.  —  2°  Orgueil  de  la  fortune  :  am- 
bition de  s'élever.  —  3°  Orgueil  des  préséances.  —  4°  Orgueil 
même  du  mal  ! 


III 
SOUFFRANCE  POUR  LES  AMES 


Pour  sauver  les  âmes,  le  prêtre  doit  se  condamner  à  souffrir 
pour  elles. 

Dieu    renverse  Saiil  au   chemin   de  Damas  (1)  :  —  voici 


(I)  Et  quum  iter  faceret,  contigit  ut  appropinquaret  Damasco  ; 
et  subito  circumfulsit  eum  lux  de  coelo. 

Et  cadens  in  terrain  audivit  vocem  dicentem  sibi:  Saule,  Saule, 
<juid  me  persequeris? 

Quidixit:  Quis  es,  Domine?  Et  ille:  Ego  sum  Jésus  quem  tu  per- 
•equeris.  Durum  est  tibi  contra  stimulum  calcitrare. 

Et  tremens  ac  stupens  dixi:  Domine,  quid  me  vis  facere? 

Et  Dominus  ad  eum:  Surge,  et  ingredere  civitatem,  et  ibi  dice- 
tur  tibi  quid  te  oporteat  facere.  Viri  autem  illi  qui  comitabantur 
T.  IV  32 


493  LA.  VIE  SACERDOTALE 

un  grand  spectacle  et  un  grand  dessein  !  «  Vas  electionis  ». 
Quel  est  ce  «  vase  précieux  ?  »  Quel  est  cet  or  ?  Quelles  sont 
ces  pierreries?  Qu'attendez-vous?  Que  Dieu  vous  retrace  le 
grandiose  tableau  des  visions,  des  conquêtes,  des  exploits  de 
son  Apôtre  :  «  Vas  electionis  ?  »  Est-ce  là  pour  Dieu  le  sens 
de  ce  mol  :  <■  electionis?  »0h,  non!  Ecoutez  :  «  Ostendam  i  11  i 
quanta  oporteat  eum  pati.  »  Voici  donc  deux  choses  insépara- 
bles :  l'apostolat  et  la  souffrance.  Le  gain  des  âmes  est  le  prix 
de  la  morlilication  (1).  C'est  la  dernière  des  idées  dont  nous 
devons  nous  convaincre,  étudions-la  avec  soin.  L'appel  nous 
renverse  sur  le  grand  chemin  du  monde;  nous  avons  dit  : 
«  Domine,  quid    me  vis   facere  ?  »  «  Seigneur,  que   faire?  » 


cuni  eo  stabant  stupefacti  audientes  quidem  vocem,  neininem  au- 
tem violentes-. 

Surrexit  au  te  m  Saulusde  terra,  apertisque  oculis  nihil  videbat. 
Ad  manus  autem  illum  trahentes,  introduxerunt  Damascum. 

Et  erat  ibi  tribus  diebus  non  videns,  et  non  manducavit  nequ» 
bibit 

Respondit  autem  Ananias:  Domine,  audivi  a  multis  de  viro  hoc 
quanta  mala  î'eeerit  sanctis  tuis  in  Jérusalem; 

Et  hichabetpotestatemaprincipibussacerdotumalligandiornnes 
qui  invocant  nomen  tuum. 

Dixit  autem  ad  eum  Dominus:  Vade,  quoniam  vas  electionis  est 
mihi  iste,  ut  portet  nomen  meum  coram  gentibus  et  regibus  et 
filiis  Israël. 

Ego  eniin  ostendam  illi  quanta  oporteat  eum  pro  nomine  meo 
pati.  (Act.  IX.) 

(1)  Paulus  apostolus  Jesu  Christi  per  voluntatem  Dei,  et  Timo- 
theus  fratcr,  ecclesia?  Dei  quœ  est  Gorinthi,  cum  omnibus  sanctis 
qui  sunt  in  universa  Achaia. 

Gratiavobis  et  pax  aDeo  Pâtre  nostro,  et  Domino  Jesu  Christo, 

Benedictus  Deua  et  Pater  Dorniui  nostri  Jesu  Christi,  Pater  mi- 
sericordiarum,  et  Deus  totius  consolationis, 

Qui  consolatur  nos  in  omni  tribulatione  nostra  ut  possimu>  et 
ipsi  consolari  eos  qui  in  omni  pressura  sunt,  per  exhortationem 
qua  exhortamur  et  ipsi  a  Deo. 

Quoniam  sicut  abuudant  passiones  Christi  in  nobis,  ita  et  per 
Christum  abundat  consolatio  nostra. 

Sive  autem  tribulamur  pro  vestra  exhortatione  et  sainte,  sive 
consolamur  pro  vestra  consolatione,  sive  exhorta  mur  pro  vestra 
exhortatione  et  salute,  qua?  operatur  tolerantiam  earumdem  pas- 
sionum  quas  et  nos  patiiuur: 

Ut  spes  nostra  firma  sit  pro  vobis;  scientes  quod  sicut  socii  pas- 
sionum  estis,  sic  eritis  et  consolationis. 

Non  enim  volumus  ignorare  vos,  fratres,  de  tribulatione  nostra 
quae  facta  est  in  Asia,  quoniam  supra  moduin  gravati  sumus  supra 
virtutem,  ita  ut  tœderet  nos  etiain  vivere.  (II  Cor.) 


LA.   VIB   SACERDOTALE  499 

Comment  travailler?  —  Dieu  nous  présente  la  souffrance 
comme  l'inséparable  compagne  du  labeur  sacerdotal.  Nous  en 
demandons  les  raisons?  En  voici  trois.  1*  Dieu  le  veut  ;  2* 
Jésus-Christ  le  veut;  3*  l'œuvre  le  veut. 

Dieu  le  veut.  —  Quand  Dieu  créa  le  premier  Adam,  il  le 
créa  son  ouvrier  :  «  posuit  eum  ut  operaretur.  »  0  le  grand,  è 
le  beau  travail!  L'homme  devait  ennoblir,  embellir,  spirilua- 
liserla  création,  lui  prêter  sa  voix,  lui  faire  chanter  l'hymne  de 
l'adoration  etde  l'amour.  L'homme  donc  travaillait:  mais  où? 
«  In  paradiso  voluptatis.  »  Il  travaillait  sans  la  souffrance:  il 
se  perdit  :  «  impinguatus,  incrassatusdilectus,  recalcitravit.  » 

L'ouvrier  tombé,  l'œuvre  tombe  avec  lui.  Mais  voici  que 
Dieu  la  reprend.  —  Un  nouvel  Ouvrier  est  appelé,  Ouvrier 
divin,  c'est  son  Fils.  L'Homme-Dieu  vient  reprendre  les 
habits  de  travail  du  premier  Adam  :  «  formam  servi  acci- 
piens,  habitu  inventas  ut  homo.  »  Et  quel  est  son  travail?  Le 
défrichement  de  toute  la  terre...  Mais  que  les  conditions  du 
travail  sont  changées!  Je  regarde  Jésus  notre  grand  Ouvrier, 
je  le  regarde  avec  douleur  et  effroi  :  «  virum  scientem  infir- 
mitatem...  A  planta  pedis  usque  ad  vertiecm  non  est  in  eo 
sanitas.  »  Eh  quoi  ?  est-ce  donc  là  la  condition  du  travail  ? 
Jésus  répond  :  <•  nisi  granum  frumenti  cadens  in  terrain  mor- 
tuum  fuerit,  ipsum  solum  manet  :  si  autem  mortuum  fuerit 
multum  fructum  affert.  »  Voyez  donc  à  quelle  condition  l'on 
est  le  collaborateur  du  Christ.  Vous  voulez  être  son  ouvrier  ? 
Ah!  il  faut  souffrir,  c'est  la  condition.  Dieu  le  veut  ainsi: 
u  0  homo,  tu  quis  es  qui  respondeas  Deo?»  Et  voyez  de  quel 
ton  absolu  il  manifeste  cette  condition  aux  premiers  prêtres, 
au  moment  de  les  envoyer  à  son  œuvre.  Lisez-la  dans  l'Evan- 
gile. 

Jésus-Christ  le  veut.  —  Qu'est-ce  que  Jésus-Christ?  «  Ver- 
bum  Crucis.  C'est-à-dire  la  personnification  divine  de  la 
souffrance,  qui  seule  ramène  au  ciel  l'humanité  égarée  par- 
le plaisir.  — Or  quelle  est  la  mission  du  prêtre?  Apprendre  Jé- 
sus-Christ au  monde.  Et  comment?  Ecoutez  l'Apôtre:  «  mor- 
tiûcationem  Christi  in  corpore  nostro  circumferentes.  »  Aht 
prêtre,  je  veux  lire  en  toi  l'humilité.  Montre-moi  donc  l'or- 
gueil blessé  et  mourant:  «  mortificationem  Christi.  »  Je  veux 
apprendre  la  piété.  Montre-moi  donc  écrasée  et  expirante  cett* 
dissipation,  cette  légèreté,  cette  inattention...  Je  veux  ap- 
prendre la  charité.  Montre-moi  toute  colère  blessée  à  mort  dans 


500  LA  VIE  SACERDOTALE 

ton  âme:  «  mortificationem  Christi  circumferenles.  »  Tu  n'as 
pas  souffert  la  mort  de  l'humiliation,  de  la  dévotion,  de  la 
patience?...  Ah  !  tu  n'es  pas  un  continuateur  du  Christ  ni  l'ou- 
vrier de  Dieu  t 

L'œuvre  le  veut.  —  Que  voulez-vous  faire  ?  Où  vous  em- 
ployer ?  Examinez  de  près  l'œuvre  confiée  aux  prêtres.  At- 
taquer le  monde.  Mais  quoi  ?  Le  monde  ne  s'élèvera  pas  con- 
tre vous?...  Contraindre,  tourmenter  les  âmes  par  vos  objur- 
gations :  «  argue,  increpa...  increpa  eos  dure.  »  Mais  quoi  ? 
Elles  se  laisseront  meurtrir  sans  mordre  la  main  de  l'opéra- 
teur?... Ruiner  le  démon.  Mais  quoi?  Il  ne  suscitera  pas  la 
tempête  des  douleurs?  Ah!  si  déjà  Job  lui  était  si  à  charge, 
qu'est-ce  donc  qu'un  bon  Prêtre  pour  lui  (1)? 

Résumons.  Si  vous  demandez  :  qu'est-ce  qu'un  prêtre  ? 
L'Ecriture  vous  fait  ces  trois  réponses  qui  en  embrassent 
toute  la  définition.  1°  Considéré  en  lui  même,  c'est  l'homme 
abîmé  en  Dieu  :  «  Constituitur  in  his  quai  sunt  ad  Deum.  »  2* 
Si  vous  considérez  le  lieu  où  Dieu  le  place,  c'est  l'ennemi 
acharné  du  monde  :  «  perfecto  odio  oderam  illos.  »  3°  Si  vous 
considérez  son  œuvre,  c'est  l'homme  qui  n'a  de  puissance 
qu'autant  qu'il  sait  souffrir:  «  Cum  infirmor,  tune  potens 
su  m.  » 


(1)  Quum  autem  immuudus  spiritus  exierit  ab  homine,  ambulat 
per  loca  arida,  quaerens  requiem,  et  non  invenit. 

Tune  dicit:  Revertar  in  doraum  rneam,  unde  exivi.  Et  venions 
invenit  eam  vacantem,  scopis  mundatam  et  ornatam. 

Tune  vadit,  et  assumit  septem  alios  spiritus  secum  nequiores 
se, et  intrantes  habitantibi;et  fiunt  novissimahominisillius  pejora 
prioribus.  Sic  erit  et  generationi  huic  pessiraae. 

(Matth.  XII.) 


LES  CÉRÉMONIES  SAINTES 


DIEU  LES  ORDONNE 


Il  les  ordonne  dans  l'Ancienne  Alliance;  il  les  ordonne  dans 
la  Nouvelle. 

Les  cérémonies  dans  l'Ancien  culte.  —  Pour  peu  que  l'on 
soit  initié  aux  divines  Ecritures,  un  étonnement  profond  sai- 
sit quand  on  voit  Dieu  s'occuper  lui-même  des  cérémonies 
de  son  culte.  —  Mais  cet  étonnement  cesse  quand  on  en  pé- 
nètre la  raison. 

1°  Etonnante  importance  que  Dieu  y  attache.  —  Non  seule- 
ment Dieu  joint  à  l'observance  des  diverses  parties  de  son 
culte  de  formidables  sanctions  et  tire  des  violations  et  des 
négligences  de  solennelles  représailles  ;  —  non  seulement  il 
charge  ses  prophètes  de  rappeler  Israël  aux  observances  et 
aux  cérémonies  du  culte  (1);  —  mais  de  ce  culte  il  a  lui-même 


I)  Et  irritaverunt  me,  nolueruntque  me  audire  ;  unusquisque 
abominationes  oculorum  suorum  non  projecit,  nec  idola  .Egypti 
reliquerunt.  Et  dixi  ut  elTunderem  indignationeni  raeam  super 
eos,  et  implerem  iram  meam  in  eis,  in  me<lio  terrse/Egypti. 

Et  feci  propter  nomen  meum,  ut  non  violaretur  coram  gentibus 
in  quarum  medio  erant,  et  inter  quas  :ipparui  eis  ut  educerem 
eos  de  terra  .Egypti  ; 

Ejeciergo  eos  de  terra  JSgypti,  et  eduxi  eos  in  desertum; 

Et  dedi  eis  prcecepta  mea,  et  judiciamea  ostendi  eis,  quaefaciens 
homo  vivet  in  eis; 

Insuper  sabbata  mea  dedieis,  ut  essent  signum  inter  me  et  eos, 
et  scirent  quia  ego  Dominus  sanctificans  eos. 

Et  irritaverunt  me  domus  Israël  in  deserto;  in  prœceptis  meis 


502  LA   VIE   SACERDOTAL! 

tracé  tous  les  linéaments,  réglé  tous  les  détails,  coordonné 
les  parties  diverses.  L'Arche  d'Alliance  a  été  par  lui  décrite 
à  Moïse  dans  le  plus  minutieux  détail.  Les  sacrifices,  les 
fonctions  des  prêtres,  jusqu'à  leur  vêtement  et  aux  objets  du 
culte,  tout  est  pour  Dieu  l'objet  de  prescriptions  aussi  cir- 
constanciées qu'elles  sont  graves. 

2°  Raison  profonde  de  cette  importance .  —  Sans  doute  nous 
pouvons  et  devons  dire  que  l'Ancien  Peuple,  peuple  grossier 
et  charnel,  incapable  qu'il  était  d'adorer  Dieu  en  esprit  et  en 
vérité,  devait  être  enchaîné  et  retenu  dans  le  réseau  solide 
et  serré  des  prescriptions  mosaïques.  —  Mais  que  nous  som- 
mes loin  delà  véritable  raison  et  de  quel  accent  l'Apôtre  s'é- 
crie :  «  Numquid  de  bobus  cura  est  Deo  !  »  Non  sans  doute  ce 
culte  matériel  ne  pouvait  en  lui-même  ni  attacher  la  pensée, 
ni  remplir  le  cœur  de  Dieu  (1).  Ce  culte  était  figuratif,  et  s'il 

non  ambulaverunt,  et  judicia  mea  projecerunt,  quse  faciens  homo 
vivet  in  eis,  et  sabbata  mea  violaverunt  vehementer.  Dixi  ergo 
ut  effunderem  furorem  meum  super  eos  in  deserto,  et  consume- 
rem  eos  ; 

Et  feci  propter  nomen  meum,  ne  violaretur  coram  gentibus  dt 
quibus  ejeci  eos  in  conspectu  earum. 

Ego  igitur  levavi  manum  meam  super  eos  in  deserto;  ne  indu- 
ceretn  eos  in  terram  quam  dedi  eis,  fluentem  lacté  et  nielle,  prce- 
cipuam  terrarum  omnium, 

(Juia  judicia  mea  projecerunt,  et  in  praeceptis  meis  non  ambu- 
laverunt, et  sabbata  mea  violaverunt,  post  idola  enim  cor  eorum 
gradiebatur  ; 

Et  pepercit  oculus  meus  super  eos.  ut  non  inlerficerem  eos,  nec 
consumpsi  eos  in  deserto. 

Dixi  autem  ad  fllios  eorum  in  solitudine  :  In  praeceptis  patrum 
vestrorum  nolite  incedere;  nec  judicia  eorum  custodiatis,  nec  in 
idolis  eorum  polluamini. 

Ego  Dominus  Deus  vester  :  in  prœceptis  meis  ambulate,  judicia 
mea  custodite,  et  facite  ea. 

Et  sabbata  mea  sanctificate,  ut  sint  signum  inter  me  et  vos,  et 
sciatis  quia  ego  sum  Dominus  Deus  vester.  (Ezech.  XX.) 

(\)  Audi,  populus  meus,  et  loquar;  Israël,  et  testificabor  tibi. 
Deus,  Deus  tuus  ego  sum. 

Non  in  sacrificiis  tuis  arguam  te;  holocausta  autem  tua  in  cons- 
pectu meo  sunt  semper. 

Non  accipiain  de  domo  tua  vitulos,  neque  de  gregibus  tuis 
hircos; 

Quoniam  meae  sunt  oranes  ferae  silvarum,  jumentain  montibus, 
et  boves. 

Cognovi  omnia  volatilia  cceli  ;  et  pulchritudo  agri  mecum  est. 

Si  esuriero,  non  dicam  tibi  ;  meus  est  enim  orbis  terrée,  et  ple- 
uitudo  ejus. 


LA    VIE   SACERDOTALB  503 

n'était  rien  en  soi,  il  devenait  tout  par  l'idée  qui  y  était  em- 
preinte et  la  Réalité  auguste  dont  il  était  la  prophétie  et  l'i- 
mage. C'est  son  Fils,  son  Verbe  incarné,  le  Rédempteur  du 
monde,  Jésus-Christ,  que  Dieu  fait  apparaître  sous  le  voile 
du  culte  mosaïque.  Chaque  objet  de  ce  culte  le  représente, 
chaque  cérémonie  esquisse  sa  future  existence.  L'Arche  sa- 
crée, c'est  lui-même.  Lui-même  encore  apparaît,  Pontife  su- 
prême, entr'ouvrant  pour  y  pénétrer,  l'intérieur  du  Saint  des 
Saints.  Son  sang  coule  en  image  dans  les  sacrifices  qui  ne 
cessent  de  rougir  l'Autel.  —  .  pprenons-le.Si  Dieu  se  montre, 
pour  l'exécution  régulière  et  parfaite  du  culte  mosaïque, 
d'une  si  extraordinaire  exigence,  c'est  qu'il  veut  par  avance 
faire  rendre  à  son  Verbe  incarné  les  pluséminents  honneurs. 
Dès  lors  est  fulminé  l'oracle  :  «  Maledictus  qui  facit  opus  Dei 
fraudulenter.  » 

Importance  plus  grande  du  culte  de  la  Nouvelle  Loi.  — 

Si  la  ligure  obtenait  de  Dieu  une  pareille  sollicitude,  que 
sera-ce  de  la  réalité  7  Si  le  sacerdoce  mosaïque  était  puni  im- 
placablement de  ses  moindres  négligences,  alors  qu'il  ne  fai- 
sait que  représenter  dans  un  lointain  prophétique  la  venue 
et  l'œuvre  de  l'Homme-Dieu,  qu'en  sera-t-il  du  prêtre  catho- 
lique, qui  touche  de  ses  mains  le  Verbe  fait  chair,  l'Agneau 
de  la  Nouvelle  Alliance,  qui  termine  dans  une  réalité  divine 
les  figures  antiques  d'un  culte  purement  provisoire? —  Aussi 
voyons  avec  quelle  sollicitude  l'Eglise  a,  dans  tous  les  siècles, 
pris  la  garde  et  la  défense  des  saintes  Cérémonies. 

1°  Apôtres  et  Docteurs.  —  Jésus-Christ,  n'ayant  donné  lui- 
même  que  le  fond  et  pour  ainsi  dire  les  grandes  lignes  de  la 
Liturgie,  laissa  à  son  Eglise  de  donner  aux  cérémonies  du 
du  culte  leur  forme  dernière.  De  plusieurs  des  Apôtres  nous 
viennent  nos  liturgies.  Les  Docteurs  et  les  Saints  y  mettent 
l'empreinte  de  leur  piété  ardente,  sous  l'œil  et  la  sanction 
de  l'Eglise. 

2°  Décrets  apostoliques  et  Conciles.  —  Il  n'est  guère  de  ces 
Assemblées  saintes  et  solennelles  qui  n'ait  donné  ses  soins 
aux  cérémonies  du  culte.  Si  des  abus  se  sont  glissés,   si  des 


Numquid  mandueabo  carnes  tauroruin?  aut  sanguinem  hirco- 
rum  potabo? 
Immola  Deo  sacrificium  laudis,  et  redde  Altissimo  vota  tua. 
Et  invoca  me  in  die  tribulationis;  eruam  te,  et  honoriûcabis  me. 

(Psal.) 


504  LA  VIE   SACERDOTALE 

négligences  apparaissent,  si  l'évolution  du  temps  rend  quel- 
ques modifications  nécessaires,  les  saints  Conciles  élucident, 
définissent,  promulguent,  sanctionnent. 

3°  Congrégation  romaine.  —  Gardienne  de  la  foi  et  de  la 
discipline  dans  le  monde  entier,  Rome  ne  détourne  pas  ses 
yeux  des  détails  du  culte,  même  les  plus  minimes.  Rien, 
dans  nos  cérémonies  saintes,  n'est  laissé  à  l'indécision  ou  à 
l'arbitraire.  Une  congrégation  siège  perpétuellement,  incor- 
ruptible gardienne  de  l'intégrité  du  culte.  A  elle,  de  toutes  les 
parties  du  monde  catholique,  on  recourt  pour  élucider  toute 
question  indécise,  dissiper  toute  ignorance,  corriger  tout 
abus. 

De  ces  graves  sollicitudes  de  Dieu  et  de  l'Eglise,  du  soia  ja- 
loux qu'ils  ont  tous  deux  de  maintenir  le  culte  dans  une  di- 
gnité et  une  perfection  constantes,  rapprochons  la  légèreté 
de  certains  prêtres  à  juger  ces  cérémonies  et  leur  négligence 
à  les  accomplir.  Se  prétendent-ils  plus  sages  que  l'Eglise  ou 
plus  puissants  et  plus  maîtres  que  Dieu  ? 


II 
JÉSUS-CHRIST  EN  EST  L'OBJET 


La  foi  en  nos  saints  mystères  doit  nous  soutenir;  à  défaut 
de  cette  foi,  l'exemple  des  mondains  devrait  nous  confondre. 

La  foi  en  d'augustes  mystères  doit  nous  soutenir.  — 
Jésus-Christ,  dont  la  divine  ligure  remplissait  le  culte  ancien, 
fait  maintenant  en  Personne,  dans  la  plus  vivante  réalité,  le 
fond  du  culte  catholique.  C'est  autour  de  sa  Personne  sacrée 
que  s'accomplissent  les  cérémonies  saintes  et  Lui-même  est 
le  centre  des  mystères  qui  se  déroulent  dans  nos  temples   1 

(\)  Capitulum  autem  super  ea  quœ  dicuntur:  Talem  habemus 
pontificem  qui  consedit  in  dextera  sedis  magnitudinis  in  cœlis, 

Sanctorum  minister,  et  tabernaculi  veri,  quod  ûxit  Dominus, 
et  non  horao. 


LA   VIE  SACERDOTALE  505 

—  En  faut-il  plus  pour  rappeler  le  prêtre  catholique  au  parfait 
accomplissement  de  toutes  les  parties  du  culte,  et  lui  com- 
mander à  la  fois  le  respect,  la  reconnaissance  et  l'amour? 

1°  Le  respect.  —  Qu'il  songe  donc,  le  prêtre  catholique,  à 
Celui  auquel  les  cérémonies  du  culte  rendent  hommage.  — 
C'est  le  Dieu  de  la  création  dont  l'univers  redit  la  louange, 
dont  tous  les  êtres  chantent  la  gloire  et  la  puissance  infinies. 

—  Qu'il  franchisse  les  limites  de  cet  univers  et  qu'il  prenne 
son  essor  jusqu'au  plus  haut  des  d'eux.  Là  un  sublime  spec- 
tacle s'oifre  à  ses  yeux.  La  même  Hostie,  si  cachée  ici-bas 
sous  les  voiles  eucharistiques,  rayonne  au  ciel  sur  un  trône 
de  gloire  à  la  droite  de  la  Majesté  de  Dieu.  Autour  de  «  l'A- 
gneau comme  immolé,  »  les  esprits  célestes,  la  multitude  des 
Saints  accomplissent  dans  une  perfection  ineffable  les  céré- 
monies d'un  culte  mystérieux  (I). 

2°  La  reconnaissance.  —  Que  de  touchants  souvenirs  sont 
laissés  à  la  terre!  Ce  Jésus  divin,  que  nos  cérémonies  saintes 
servent  et  glorifient,  est  Celui  même  qui  prononçait  ces  hum- 
bles et  douces  paroles  :  «  Je  ne  suis  pas  venu  pour  être  servi, 


Omnis  enim  pontifex  ad  offerendum  munera  et  hostias  consti- 
tuitur;  unde  necesse  est  et  hune  habere  aliquid  quod  offerat: 

Si  ergo  esset  super  terram,  nec  esset  sacerdos;  quura  essent  qui 
offerrent  secundum  legem  munera, 

Qui  exemplariet  umbrae  deserviuntcœlestium:  sicut  responsum 
est  Moysi,  quum  consummaret  tabernaculum:  Vide  inquit  omnia 
facito  secundum  exemplar  quod  tibi  ostensum  est  in  monte. 

(Hsebr.  VIII) 

(1)  Et  cantabant  canticum  novum,  dicentes:  Dignuses,  Domine, 
accipere  librum,  et  aperire  signacula  ejus:  quoniam  occisus  es,  et 
redemisti  nos  Deo  in  sanguine  tuo  ex  omni  tribu,  et  lirgua,  et  po- 
pulo, et  natione: 

Et  fecisti  nos  Deo  nostro  regnum,  et  sacerdotes:  et  regnabimus 
super  terram. 

Et  vidi,  et  audivi  vocem  angelorum  multorum  in  circuitu  throni, 
et  animalium,  et  seniorum:  eterat  numerus  eorum  millia  millium, 

Dicentium  voce  magna:  Dignus  est  Agnus,  qui  occisus  est,  ac- 
cipere virtutem,  et  divinitatem,  et  sapientiam,  et  fortitudinem,  et 
honorem,  et  gloriam,  et  benedictionem. 

Et  omnem  creaturam,  quae  in  cœlo  est,  et  super  terram,  et  sub 
terra,  et  quae  sunt  in  mari,  et  quae  in  eo:  omnes  audivi  dicentes: 
Sedenti  in  throno,  et  Agno:  benedictio,  et  honor,  et  gloria,  et  po- 
testas  in  sœcula  seeculorum. 

Et  quatuor  animalia  dicebant  :  Amen.  Et  viginti  quatuor  senio- 
res  ceciderunt  in  faciès  suas:  et  adoraverunt  viventem  in  saecula 
srcculorum.  (Apoc.  V  ) 


806  LA    VIE  SACERDOTALE 

mais  pour  servir.  »  Ahl  souvenons-nous  comment  il  se  jetait 
à  nos  pieds  pour  les  laver  (1)1  Commenlil  faisait  reposer  nos 
têtes  sur  sa  poitrine!  Comment  il  nous  entourait  de  plus  de 
soins  que  ne  fit  jamais  la  mère  la  plus  tendre  pour  un  fils 
unique.  —  Le  prêtre  n'esl-il  donc  pas  ravi  de  rendre  à  un 
tel  Maître,  par~SOn  assiduité  aux  devoirs  du  culte,  quelque 
peu  des  soins  maternels  qu'il  en  a  reçus? 

3°  L'amour.  —  On  sait  aimer  sur  la  terre  et  quand  on 
aime,  aucun  soin  ne  rebute,  aucun  travail  n'arrête,  aucune 
délicate  attention  ne  semble  superflue.  Oh!  si  notre  foi  était- 
vive  et  si  nous  aimions  !  Si  la  Personne  sacrée  de  Jésus-Christ 
nous  était,  au  rayonnement  de  la  foi,  visible  et  palpable,  et 
si  ce  Dieu,  nous  l'aimions  de  toute  l'ardeur  de  notre  âme, 
faudrait-il  nous  signaler  l'inconvenance  de  notre  tenue,  de 
nos  manières,  de  notre  langage,  de  notre  laisser-aller,  de 
nos  mille  négligences,  dans  le  cours  des  saintes  cérémo- 
nies? 

Que  sera-ce  si  de  notre  insensibilité  nous  rapprochons 
l'ardent  amour  que  Jésus  porte  à  nos  âmes  (2). 


{\)  Ante  diem  festum  Paschœ  sciens  Jésus  quia  venit  hora  ejus 
ut  transeat  ex  hoc  mundo  ad  Patrem,  quum  dilexisset  suos  qui 
erant  in  mundo,  in  iïnem  dilexit  eos. 

Et  cœna  facta,  quum  diabolus  jam  misisset  in  cor  ut  traderet 
eum  Judas  Simonis  Iscariotse  : 

Sciens  quia  omnia  dédit  ei  Pater  in  manus,  et  quia  a  Deo  exivit, 
et  ad  Deum  vadit, 

Surgit  a  cœna,  et  ponit  vestimenta  sua;  et  quum  accepisset  lin- 
teum,  prœcinxit  se: 

Deinde  mittit  aquam  in  pelvini,  et  cœpit  lavare  pedes  discipu- 
lorum,  et  extergere  linteo  quo  erat  priecinctus.    (Joan.  XIII.) 

(2)  Quam  pulchra  es,  arnica  mea!  quain  pulchra  es!  Oculi  tui 
columbarum,  absque  eo  quod  intrinsecus  latet.  Gapilli  tui  sicut 
greg^s  caprarum  qua;  ascenderunt  de  monte  Galaad. 

Dentés  tui  sicut  grèges  tonsarum  quai  ascenderunt  de  lavacro, 
omnes  gemellis  fœtibus,  et  sterilis  non  est  inter  eas. 

Sicut  vitta  coccinea  labia  tua;  et  eloquium  tuum  dulce.  Sicut 
fragnicn  mali  punici,  ila  genae  tuae,  absque  eo  quod  intrinsecus 
latet. 

Sicut  turris  David  collum  tuum,  quoi  a^dificata  est  cum  propu- 
gnaculis:  mille  clypei  pendent  ex  ea,  omnis  armatura  fortium. 

Duo  ubera  tua  sicut  duo  hinnuli  capreaj  gemelli,  qui  pascuntur 
in  liliis. 

Donec  aspiret  dies,  et  inclinentur  umbrœ,  vadain  ad  monte  m 
myrrh»,  et  ad  collem  thuris. 

Tota  pulchra  es,  arnica  mea,  et  macula  non  est  in  te. 

Veni  de  Libano,  sponsa  mea,  veni  de  Libano,  veni  coronaberis; 


LA   VIE    SACERDOTALE  507 

L'exemple  des  mondains  doit  nous  confondre.—  Hélas! 
à  défaut  de  cette  foi  et  de  cet  amour,  laissons-nous  impres- 
sionner et  humilier  par  ce  qui  nous  apparaît  dans  le  monde. 

i°  Là  est  un  cérémonial  rigoureusement  obligatoire.  —  Le 
monde  a  ses  règles  de  politesse  et  de  bienséance.  Il  a  pour  la 
tenue  de  chacun,  pour  les  réceptions  et  les  visites,  pour  les 
fêtes  et  les  banquets,  pour  les  conversations  et  les  correspon- 
dances, des  lois  auxquelles  nul  ne  se  soustrait  impunément. 
—  Si  nous  quittons  ce  monde  de  pure  politesse  pour  nous 
élever  au  monde  ofiiciel,  nous  y  trouvons  un  cérémonial  bien 
autrement  précis  et  observé  sous  des  peines  bien  plus  ri- 
goureuses. —  0  prêtre!  va  donc  chez  les  mondains  t'instruire 
de  l'importance  à  attacher  à  un  cérémonial  qui,  pour  toi,  est 
céleste  et  divin  1 

2°  Là  sont  des  études  obstinées  et  des  efforts  sans  trêve.  — 
Hélas!  jusqu'où  ne  ferons-nous  pas  descendre  le  prêtre  léger 
et  négligent?  A  quels  exemples  honteusement  infimes  le 
convierons-nous?  Il  est  tout  un  monde  d'histrions  et  de 
chanteurs,  amuseurs  publics  dont  la  vie  se  passe  à  débiter  des 
frivolités  impures  et  à  mendier  des  applaudissements  plus 
frivoles  encore.  Or,  chez  eux  tous,  quel  travail  opiniâtre! 
Quelles  études  du  jour  et  de  la  nuit,  pour  donner  à  leur  voix, 
à  leur  diction,  à  leurs  gestes,  à  leurs  manières,  à  toute  leur 
personne,  la  souplesse,  la  bonne  grâce,  le  charme  et  la  di- 
gnité! 

3°  Là  de  riches  ornements  et  de  splendides  parures .  —  Quels 
navrants  parallèles,  ici  encore,  s'offrent  à  nous  entre  un 
monde  si  soigné  dans  sa  tenue,  si  étincelant  sous  ses  paru- 
res, et  nos  Autels,  nos  églises,  nos  saints  sacrifices,  laissés, 
par  l'incurie  des  prêtres,  dans  un  état  de  pauvreté  lamentable 


de  capite  Amana,  de  vertice  Sanir  et  Hermon,  de  cubilibus  leonum, 
de  montibus  pardorum. 

Vulnerasti  cor  meum,  soror  mea,  sponsa;  vulnerasti  cor  meum 
in  uno  oculorum  tuorurn,  et  in  uno  crine  colli  tui. 

Quam  pulchrse  sunt  mammse  tuse,  soror  mea,  sponsa!  Pulchriora 
sunt  ubera  tua  vino,  et  odor  unguentorum  tuorum  super  omnia 
aromata. 

Favus  distillans  labia  tua,  sponsa;  mel  et  lac  sub  lingua  tua; 
et  odor  vestimentorum  tuorum  sicut  odor  thuris. 

Hortus  conclusus  soror  mea,  sponsa,  hortus  conclusus,  fons  si- 
gnatus. 

Emissiones  tuae  paradisus  malorum  punicorum,  cum  pomorum 
fructibus  Gypri  cum  nardo.  (Gantiq.  IV.) 


508  LA  VIE   SACERDOTALE 

et  de  sordide  malpropreté.  0  prêtre  !  nos  églises  ne  valent- 
elles  pas  leurs  théâtres?  et  nos  grands  drames  divins  ne 
méritent-ils  pas  l'appareil  et  la  pompe  dont  les  mondains 
revêtent  leurs  impures  frivolités?  —  Notre  Jésus  a  dépouillé 
les  haillons  sanglants  dont  l'avaient  revêtu  ses  bourreaux;  il 
est  maintenant  rayonnant  de  gloire  (1);  le  Christ  règne,  le 
Christ  triomphe,  il  est  l'adoration  du  ciel  et  de  la  terre.  Par 
quelle  indignité  le  laissons  nous,  dans  nos  églises,  sur  nos 
autels,  au  fond  de  nos  Tabernacles,  reposer  sur  des  linges 
déchirés  et  salis,  revêtir  des  ornements  qui  ne  sont  plus  que 
des  lambeaux  dégoûtants? 


(I)  Post  haec  vidi:  et  ecce  oslium  apertum  in  coelo,  et  vox  prima 
quam  audivi  tanquam  tubœloquentis  mecura,  dicens:  Ascende  hoc, 
et  ostendam  tibi  quœ  oportet  tieri  post  haec. 

Et  statim  fui  in  spiritu  :  et  ecce  sedes  posita  erat  in  coelo,  et  su- 
pra sedem  sedens. 

Et  qui  sedebat,  similis  erat  aspectui  lapidis  jaspidis  et  sardinis  ; 
et  iris  erat  in  circuitu  sedis,  similis  visioni  smaragdinœ. 

Et  in  circuitu  sedis  sedilia  viginti  quatuor:  et  super  thronos  vi- 
^inti  quatuor  seniores  sedentes,  circumamicti  vestimentis  albis, 
et  in  capitibus  eorum  coronœ  aureœ. 

Et  dethrono  procedebant  fulgura  et  voces  et  tonitrua;  et  septem 
lampades  ardentes  ante  thronum,  qui  sunt  septem  spiritus  Dei. 

Sanctus,  Sanctin,  Sanctus  Dominus  Deus  omnipotens,  qui  erat, 
et  qui  est,  et  qui  venturus  est. 

Et  quum  durent  illa  animalia  gloriam  et  honorem  et  benedic- 
tionern  sedenti  super  thronum,  viventi  in  saecula  sœculorum. 

Procidebant  viginti  quatuor  seniores  ante  sedentem  in  throno, 
et  adojabant  viventem  in  sœcula  sœculorum,  et  mittebant  coronas 
suas  ante  thronum  dicentes: 

Dignus  es,  Domine  Deus  noster,  accipere  gloriam  et  honorem  et 
virtutem  :  quia  tu  creasti  omnia,  et  propter  voluntatem  tuam  ^rant, 
et  creata  sunt.  (Apoc.  IV.) 


LA  YIE  SACERDOTALE  oOV) 

III 

LE  PEUPLE  CHRÉTIEN  LES  CONTEMPLE 


Le  peuple  chrétien  a  deux  grands  besoins  :  ila  besoin  de  s'é- 
lever à  Dieu  ;  il  a  besoin  pour  s'élever  à  Dieu  de  croire  en  ses 
prêtres.  Or  le  livre  toujours  ouvert,  toujours  accessible,  où 
le  peuple  apprend  à  la  fois  et  ce  qu'est  Dieu  et  ce  qu'est  son 
ministre,  ce  sont  les  cérémonies  du  culte  faites  avec  dignité 
par  des  prêtres  de  piété  et  de  foi. 

Par  elles  le  peuple  s'élève  à  Dieu.  —  Sur  tous  indistincte- 
ment les  cérémonies  faites  avec  dignité  et  pompe  laissent  des 
impressions  profondes.  Mais  nulle  part  ces  impressions  ne 
sont  nécessaires  comme  dans  le  peuple.  —  L'âme  cultivée, 
l'âme  d'élite,  qui  sait,  dansle  calme  de  la  méditation,  prendre 
vers  Dieu  un  sublime  essor,  pourrait  peut-être  se  passer  de 
la  pompe  de  nos  cérémonies.  Et  encore  I  Mais  le  pauvre  peu- 
ple, mais  l'ouvrier,  l'enfant,  les  petits,  les  humbles,  la  mul- 
titude de  ceux  pour  qui  les  hautes  spéculations  de  la  piété 
resteront  à  jamais  lettre  close  ?  Comment  verront-ils  la  Ma- 
jesté divine  sinon  à  travers  les  pieuses  et  saintes  beautés  du 
culte  extérieur?  Quel  écho  du  ciel  auront-ils  que  dans  les 
chants  de  l'église  mélodieusement  exécutés  ?  Quelle  idée 
grande  et  sainte  se  feront-ils  de  nos  mystères  sacrés  autre- 
ment que  par  la  manière  grave  et  solennelle  dont  le  prêtre 
les  accomplit  sous  ses  yeux?  —  Saint  Paul  nous  révèle  que 
los  magniûcences  de  l'univers  visible  n'ont  d'autre  but,  dans 
l'idée  divine,  que  de  saisir  l'homme  et  de  l'élever  jusqu'à  la 
connaissance  et  l'adoration  de  l'Invisible.  —  Disons  de  même 
du  culte  extérieur.  C'est  par  lui  que  Dieu  a  voulu  élever 
l'intelligence  et  le  cœur  du  peuple  jusqu'à  la  contemplation 
et  l'amour  de  l'Incréé. 

Mais  quelle  idée  donneront  de  Dieu,  des  choses  saintes,  des 
mystères  de  la  religion,  des  cérémonies  faites  avec  légèreté, 
précipitation,  gaucherie,  sans  soin,  sans  dignité,  sans  esprit 
de  foi  ? 


510  LA  VIE  SACERDOTALE 

Par  elles  le  peuple  croit  à  ses  prêtres.  —  i°  Le  prêtre  n'est 
rien  s'il  n'est  l'homme  de  Dieu.  —  S'il  a  du  génie,  de  l'élo- 
quence, de  la  fortune,  de  hautes  relations,  s'il  est  en  vue  dans 
un  poste  éminent,  on  pourra  l'admirer,  l'entourer  d'homma- 
ges, réclamer  sa  protection,  attendre  de  lui  de  puissants  se- 
cours temporels.  Mais  la  conviction  seule  qu'il  est  l'homme, 
non  de  la  terre  mais  du  ciel,  lui  soumettra  les  âmes  et  lui 
ouvrira  les  consciences. 

2'  Où  le  prêtre  apparaît-il  ï homme  de  Dieu  ?  —  Partout  et 
toujours  le  prêtre  doit  exhaler  les  parfums  célestes  «  bonus 
odor  Ghristi.  »  —  Mais  jamais  il  n'apparaîtra  mieux  dans  sa 
mission  surnaturelle  qu'au  Sanctuaire,  au  pied  de  l'Autel, 
durant  les  cérémonies  saintes. 

3°  Comment  le  prêtre  perd  cette  divine  auréole.  —  Si,  à  la 
légèreté  et  à  la  dissipation  de  sa  tenue,  à  l'ignorance,  à  la 
paresse  qu'il  montre  dans  ses  divines  fonctions,  on  n'a  plus 
devant  les  yeux  qu'un  homme  sans  piété,  sans  amour,  sans 
foi. 


FUS    DU    TOME   QUATRIÈME 


TABLE    DES    MATIÈRES 


Les  appels  de  la  grâce. 

i  Les  appels  de  la  grâce.  —  Eludions  la  grâce  eu  elle-même.  —  Etu- 
dions la  grâce  dans  ses  appels. 

II.  Les  délaissements  de  la  grâce.  —  Etudions-les  dans  une  image.  — 
Eludions-les  en  eux-mêmes t 

La  crainte  de  Dieu. 

I  y  cessité  et  importance  de  la  crainte  de  Dieu.  —  An  Paradis  terrestre 
elle  décida  du  sort  de  l'humanité.  —  Daraul  les  siècles  elle  est  le 
pivot  du  salut.  —  Elle  est  le  secret  de  notre  propre  histoire. 

II.  Nature  et  objet  de  la  crainte  de  Dieu.  —  Fausse  crainte  dont  il  faut 
se  dépouiller.  —  Vraie  el  salutaire  crainte  qu'il  faut  entretenir.  .       ti 

Les  représailles  du  divin  Amour. 

I.  Ce  qu'est  la  faute.  —  Ce  que  nous  est  Jésus.  Ce  que  nous  avons  été 
à  Jésus. 

II.  Ce  qu'est  le  châtiment.  —  C'est  l'absence  de  Jésus.  —  C'est  la  sous- 
traction des  grâces.  —  C'est  la  vie  sans  consolation. 

III.  0"  est  le  remède'.'  —  C'est  de  recourir  à  une  sérieuse  direction. 
C'est  de  reprendre  ses  exercices -de  piété.  —  C'est  de  multiplier 

les  actes  d'amour 22 

Le  salut 

I.  L'affaire  du  salut  affaire  capitale.  —  Capitaler  car  elle  est  unique. 
—  Capitale,  car  elle  engage  d'immenses  intérêts.  —  Capitale,  car 
la  perte  y  est  irréparable. 

II.  L'affaire  du  salut  affaire  pressante.  —  Dieu  se  montre  pressé.  — 
La  mort  se  montre  pressée.  —  L'Eglise  de  Dieu  se  montre 
pressée 35 

Le  Jugement 

I.  Devant  qui  serai-je  jugé.'  —  Jésus-Christ  est  devenu  mou  Juge.  — A 
ses  côtés  sont  d'iuriumbrables  témoins.  —  Lue  défense  est  devenue 
impossible. 


512  TABLE   DES   MATIÈRES 

II.  Sur  quoi  serai- je  jugé?  —  Sur  les  grâces  reçues.  —  Sur  les  dépôts 
confiés.  —  Sur  les  actes  accomplis. 

III.  Quelle  sera  l'issue  de  ce  jugement?  —  L'une  est  délicieuse.  —  L'au- 
tre est  effroyable 43 

La  Pénitence  chrétienne. 

1.  Nécessité  de  la  Pénitence.  —  Etablissons-la  par  le  raisounement.  — 
Etablissons-la  par  l'autorité. 

IL  iïotre  conduite  à  l'égard  de  la  Pénitence.  —  Ceux  qui  n'eu  font  au- 
cune. —  Ceux  qui  la  font  mal.  —  Ceux  qui  la  foui  saintement  et 
fructueusement 54 

Les  larmes. 

I.  Les  larmes  des  enfants  de  Dieu.  —  Les  larmes  d'une  mystérieuse 
tristesse.  —  Les  larmes  de  l'infortune  et  de  la  douleur.  —  Les  no- 
bles larmes  de  la  sainteté. 

IL  Les  larmes  des  grns  du  monde.  —  Etranges  larmes  des  heureux  du 
monde.  —  Les  larmes  maudites  des  désespérés 65 

La  pensée  de  l'Eternité 

I.  Elle  est  une  lumière.  —  Lumière  projetée  sur  nous-mêmes.  —  Lu- 
mière projetée  sur  le  monde.  —  Lumière  projetée  sur  l'Evangile. 

II.  Elle  est  une  force.  —  La  notion  de  l'Eternité  est  tout  dans  l'histoire 
humaine. 

III.  Elle  est  une  joie.  —  Elle  est  une  joie  dans  la  prospérité.  —  Elle 

est  une  joie  dans  l'infortune 7i> 

La  pensée  du  ciel. 

I.  La  splendeur  du  ciel.  —  Le  ciel  est  fait  par  un  Dieu.  —  Le  ciel 
est  fait  pour  un  Homme-Dieu.  —  Le  ciel  c'est  Dieu. 

II.  La  possession  du  ciel.  —  L'attente  du  ciel  est  notre  vrai  bien.  — 
L'ouMi  du  ciel  est  notre  grand  mal 86 

Besoin  qu'a  tout  homme  de  la  Religion. 

I.  Elle  est  une  nécessité  de  sa  condition.  —  L'homme  est  le  roi  et  lr 
pontife  de  la  Création.  —  L'homme  est  membre  de  la  famille  hu- 
maine. 

IL  Elle  est  la  solution  de  sa  destinée.  —  Notre  destinée  est  le  tout  de 
notre  existence.  —  La  Religion  est  le  tout  de  notre  destinée. 

III.  Elle  est  la  satisfaction  de  son  plus  impérieux  besoin.  —  Nous  aTons 
besoin  d'une  conscience  en  paix.  —  Nous  avons  besoin  de  force  et 

de  soutien.  —  Nous  avons  besoin  d'espérance 98 

La  Religion  dans  ses  rapports  avec  la  question  sociale. 

I.  Toute  Société  se  compose  de  deux  classes.  —  Deux  classes  existent. 

—  Elles  out  toujours  existé.  —  Elles  existent  nécessairement. 
H.  Comment  ces  deux  classes  doivent  coexister.  —  Il  j  faut  une  hié- 


TABLE   DES  MATIÈRES  513 

rarcbie.  —  Il  y  faut  une  réciprocité  de  services.  —  Le  tout  sous 
peine  de  commotions  formidables. 
III.  Comment  la  Religion  seule  y  maintient  V harmonie.  — Où  Ton  abou- 
tit sans  la  Religion.  —  Comment  la  Religion  résout  la  question 
sociale 109 

Une  image  du  Christianisme  et  de  la  vie  chrétienne.  —  Le 
grain  de  sénevé. 

I.  Humbles  débuts  du  christianisme  et  de  V âme  chrétienne.  —  Que  fut  le 
Christianisme  à  sa  naissance?  — Qu'est  le  chrétien  ici-bas  ? 

II.  Merveilleuse  puissance  du  christianisme  et  de  l'âme  chrétienne.  — 
Merveilleuse  puissance  du  Christianisme.  —  Merveilleuse  puissance 
du  Chrétien. 

III.  Mission  divine  du  christianisme  et  de  rame  chrétienne. —  Mission 

du  Christianisme.  —  Mission  du  Chrétien 120 

La  Rédemption  par  le  Sang. 

I.  Cest  une  œuvre  de  paix.  —  OEuvre  formidable  à  accomplir.  — 
Comment  Jésus-Christ  l'opéra. 

II.  C'est  une  œuvre  de  lumière.  —  Obscurcissement  de  la  vérité  dans 
l'humanité  déchue.  —  Illumination  de  la  vérité  à  l'apparition  de 
la  Croix. 

III.  C'est  une  o:uvre  d'amour.  —  Le  sang  pour  mieux  prouver  son 
amour.  —  Le  sang  pour  mieux  nous  défendre.  —  Le  sang  pour 
mieux  nous  consoler 131 

Les  mystérieuses  destinées  du  Peuple  Juif. 

I.  Les  longs  jours  de  la  réprobation.  —  Aspect  étrange  de  la  Nation 
réprouvée.  —  A  quelles  lins  Dieu  la  fait  servir. 

II.  Le  repentir  et  le  pardon.  —  La  garantie  divine  du  retour.  —  Les 
prophéties  du  retour.  —  Le  mystère  du  retour 142 

Unum  est  necessarium. 

I.  Le  salut  seule  chose  importante.  —  Où  ne  sont  pas  les  choses  im- 
portantes. —  Où  est  la  chose  importante. 

II.  Le  salut  seule  chose  pressante.  —  Jésus-Christ  est  pressé  comme 
Sauveur.  —  Jésus-Christ  est  pressé  comme  Juge 149 

Perfection  chrétienne. 

1.  Nous  la  devons  à  Dieu  comme  notre  Educateur.  —  Dieu  lui-même 

s'est  fait  notre   Educateur.  —  Ce  qu'exige  de  nous  cette  divine 

éducation. 
IL  Nous  la  devons  à  Dieu  comme  notre  Souverain  Maître.  —  Dieu  nous 

est  un  Maître.  —  Dieu  nous  est  un  Maître  Bienfaisant.  —  Dieu  nous 

est  un  Maître  riche  eu  avenir. 

III.  Nous  la  devons  à  Dieu  comme  notre  fin  dernière.  —  Notre  destinée 

T.  IV  33 


514  TABLE  DES  MATIÈRES 

future  est  de  posséder  Dieu.  —  Notre  destinée  présente  est  de  nous 
en  rendre  dignes. 
IV.  Nous  le  devons  à  Jésus-Christ  comme  Chef  de  l'Eglise.  —  Nous 
sommes  de  la  famille  des  Saints.  —  Nous  devons  être  dignes  de 
cette  céleste  famille 1S9 

La  perfection  chrétienne  :  sa  nécessité. 

I.  Je  la  dois  à  mon  bonheur  futur.  —  Je  suis  né  pour  une  grande  œu- 
vre. —  Je  suis  né  pour  uu  grand  avenir.  —  Suis-je  digue  de  si 
grandes  choses  ? 

II.  Je  la  dois  à  mon  bonheur  présent.  —  Le  vrai  bonheur  est  dans  la 
perfection  chrétienne.  —  La  vraie  force  est  dans  la  perfection 
chrétienue 164 

La  perfection  chrétienne  :  sa  facilité. 

I.  Peu  nous  est  demandé.  —  Dieu  nous  demande  peu.  —  Dieu  nous 
laisse  beaucoup. 

IL  Dans  ce  peu  nous  sommes  puissamment  aidés.  —  Nos  secours  na- 
turels. —  Nos  secours  surnaturels. 

III.  Inanité  des  objections  et  des  prétextes.— Nous  disons:  c'est  péuible. 

—  Nous  disons  :  je  n'ai  pas  la  force.  —  Nous  disons  :  je  n'ai  pas 

le  loisir 170 

La  perfection  chrétienne  :  sa  nature. 

[.  Aspect  plus  général  de  la  perfection  chrétienne.  —  Image  de  la  sortie 
d'Egypte.  —  Image  dans  la  marche  vers  la  Terre  promise.  —  Image 
dans  la  conquête  de  la  Terre  promise. 

II.  Etude  plus  spéciale  de  la  perfection  chrétienne.  —  La  perfection 
chrétienne  est  une  rénovation  de  notre  vie.  —  La  perfection  chré- 
tienne est  uu  bon  gouvernement  de  notre  vie 176 

La  Méditation  et  l'âme  chrétienne. 

I.  La  Méditation  gloire  de  l'âme.  —  Elle  est  une  ascension  glorieuse. 

—  Elle  opère  une  divine  transfiguration. 

IL  La  Méditation  vie  et  force  de  l'âme.  —  Dans  les  exigences  de  la 
vie  chrétienne.  —  Dans  les  dangers  de  la  vie  chrétienne i82 

Marthe  et  Marie. 

I.  Quel  serait  le  mal  d'une  vie  de  travail  sans  prière.  —  La  vie  de  tra- 
vail sans  prière  jugée  par  Dieu.  —  La  vie  de  travail  sans  prière 
jugée  par  l'expérience. 

IL  Excellence  d'une  vie  de  travail  où  une  large  part  est  faite  à  la  prière. 

—  Noblesse  d'une  pareille  vie.  —  Bonheur  d'une  pareille  vie.  .   .    188 

La  loi  du  travail. 

I.  Gravité  de  cette  loi.  —  Noblesse  et  urgence  de  la  loi  du  travail.  — 
Sanctions  redoutables  à  la  loi  du  travail. 


TABLE   DES  MATIÈRES  51-5 

II.  Avantages  de  cette  loi.  —  Elle  esl  la  condition  du  bonheur.  —  Elle 
est  la  condition  de  la  sécurité  présente.  —  Elle  est  la  condition 
de  l'avenir 193 

Le  Devoir. 

I.  Le  devoir  est  l'artisan  de  la  sainteté.  —  Le  devoir  redresse  la  nature 
déchue.  —  Le  devoir  soutient  la  partie  noble  et  élevée  de  notre 
être.  —  Le  devoir  nous  l'ait  accomplir  notre  mission  expiatrice.  — 
Le  devoir  nous  unit  excellemment  à  Jésus-Christ. 

II.  Le  devoir  est  la  grande  puissance  de  la  vie.  —  Sans  le  devoir  tout 
est  ruine.  —  Avec  le  dovoir  tout  prospère. 

III.  Ce  qu'exige  la  pratique  du  devoir.  —  Il  faut  surnaturaliser  le 
dev»r.  —  Il  faut  tout  sacrifier  au  devoir.  —  Il  faut  se  former  dès 
l'enfance  à  la  pratique  du  devoir 201 

Importance  chrétienne  des  petites  choses. 

1.  Importance  des  petites  choses.  — Jugeons-en  par  leur  continuité.  — 
Jugeons-en  parleur  valeur  réelle.  —  Jugeons-en  par  leur  difficulté 
et  leur  labeur.  —  Jugeons-en  sur  de  divins  exemples. 

IL  Danger  de  la  négligence  des  petites  choses.  —  La  négligence  des 
petites  choses  c'est  la  ruine  future.  —  La  négligence  des  petites 
choses  c'est  la  ^perte  de  la  vie  surnaturelle.  —  La  négligence  des 
petites  choses  c'est  le  danger  de  chutes  graves 208 

La  dignité  de  nos  corps. 

I.  Les  gloires  divines  de  nos  corps.  —  Gloire  de  nos  corps  dans  la 
création.  —  Gloire  de  nos  corps  dans  la  Rédemption.  —  Gloire  de 
nos  corps  dans  la  sanctification. 

IL  Labeurs  et  héroismes  exigés  de  nos  corps.  —  Nos  corps  sont  les 
serviteurs  de  nos  âmes.  — Nos  corps  sont  les  associés  de  nos  âmes. 

III.  Immortelle  destinée  de  nos  corps.  —  Nos  corps  doivent  ressusciter. 

—  Gloire  de  cette  future  résurrection 213 

La  dignité  de  nos  âmes. 

I.  Comment  apprécier  notre  âme.  —  Grandeur  de  notre  âme  dans  sa 

création.  —  Grandeur  de  notre  âme  dans  sa  nature.  —  Grandeur 

de  notre  âme  dans  sa  destinée. 
IL  Comment  employer  notre  âme.  —  Nous  devons  l'employer  pour 

Dieu.  —  Nous  devons  l'employer  pour  le  prochain.  —  Nous  devons 

l'employer  pour  nous-mêmes. 
III.  Comment  déshonorer  notre  âme.  —  En  n'y  ayant  pas  foi.  —  En  la 

privant  de  son  éducation  divine.  —  En  la  défigurant  par  le  péché.  221 

La  mission  du  cœur  dans  la  vie  chrétienne. 

I.  Importance  de  la  saine  éducation  du  cœur.  —  Ce  que  nous  en  dit  la 

terre.  —  Ce  que  nous  en  dit  le  ciel. 
IL  Le  bon  et  le  mauvais  emploi  du  cœur.  —  Le  bon  emploi  du  cœur. 

—  Le  mauvais  emploi  du  cœur 227 


516  TABLE  DES  MATIÈRES 

La  femme  chrétienne. 

I.  Inestimable  valeur  de  la  femme  chrétienne.  —  Interrogeons  Dieu.  — 
Interrogeons  l'Eglise.  —  Interrogeons  nos  ennemis. 

II.  Les  missions  diverses  de  la  femme  chrétienne.  —  Mission  de  la 
femme  chrétienne  dans  son  intérieur.  — Mission  de  la  femme  chré- 
tienne auprès  des  pauvres.  .   . 234 

Excellence  de  la  prière. 

I.  Noblesse  de  la  prière.  —  Noblesse  de  l'âme  humaine  en  prière.  — 
Noblesse  plus  grande  de  l'âme  chrétienne  en  prière.  —  Noblesse 
suprême  de  l'âme  déifiée  en  prière. 

II.  Puissance  de  la  prière.  —  Pour  le  chrétien  tout  est  impossible 
sans  la  prière.  —  Pour  le  chrétien  tout  devient  possible  par  la 
prière. 

III.  Consolations  de  la  prière.  —  Sans  la  prière  l'homme  ressent  le 
malaise  d'un  devoir  trahi.  —  Sans  la  prière  l'âme  humaine  s'isole 
douloureusement.  —  Sans  la  prière  la  douleur  est  sans  contrepoids.  2it 

Les  objections  à  la  prière. 

I.  Les  objections  de  V incroyance.  —  Dieu  ne  nous  écoute  pas.  —  Dieu 

n'a  nul  besoin  de  nous  écouter. 
B.  Les  objections  du  découragement.  —  Supposons  même  que  notre 

prière  soit  restée  sans  effet.  —  En  réalité  aucune  prière  ne  reste 

sans  effet. 
III.  Les  objections  de  la  mondanité.  —  L'âme  mondaine  n'a  pas  de 

désirs.  —  L'âme  mondaine  n'a  pas  de  loisirs 248 

Les  conditions  de  la  prière. 

I.  H  nous  faut  la  foi  pour  prier.  —  Apprenons-le  de  l'Evangile.  — 

Apprenous-lc  du  simple  raisonnement. 
ÏI.  Il  nous  faut  le  courage  pour  prier.  —  Courage  pour  coopérer  aux 

effets  de  la  prière.  —  Courage  pour  écarter  les  obstacles 2.:i4 

Les  effets  de  la  prière. 

I.  La  prière  vivifie.  —  Comment  une  âme  peut  dépérir.  —  Comment 

une  âme  ressuscite  par  la  prière. 
H.  La  prière  purifie.  —  La  prière  purifie  l'âme  «les  fautes  passées. 

—  La  prière  purifie  l'âme  des  faules  présentes:  —  La  prière  pré- 
naunil  l'âme  contre  les  fautes  à  venir. 

III.  La  prière  enrichit.  —  Elle  nous  donne  la  joie.  —  Elle  nous  comble 
d'honneurs.  —  Elle  nous  remplit  de  mérites. 

IV.  La  prière  console.  —  Combien  souvent  la  douleur  nous  assaille. 

—  La  prière  seule  console 26<> 

Le  Pater. 

I.  Le  Vnh r  pst  lu  confession  de  nos  grandeurs.  —  Ce  qu'est  l'homme 
s;uis  le  Pater.  —  Ce  qu'est  l'homme  glorifié  par  le  Pater. 


TABLE  DES  MATIÈRES  517 

II.  Le  Pater  est  la  supplication  de  notre  indigence.  —  Pourquoi  l'homme 
a  faim.  —  De  quoi  l'homme  a  faim. 

III.  Le  Pater  est  le  cri  de  détresse  de  nos  dangers.  —  Notre  premier 
danger  vient  de  la  justice  divine.  —  Notre  deuxième  danger  vient 

de  nos  ennemis.  —  Notre  troisième  danger  vient  de  la  tentation.  267 

L'Invocation  de  la  T    S.  Trinité. 

I.  Ce  que  nous  rappelle  cette  Invocation.  —  Premier  grand  souvenir  : 
notre  création.  —  Deuxième  grand  souvenir  :  notre  rédemption. 
—  Troisième  grand  souvenir  :  notre  régénération. 

II.  Ce  à  quoi  nous  excite  cette  Invocation.  —  Elle  nous  excite  à  la  foi 
la  plus  sublime.  —  Elle  nous  excite  à  la  piété  la  plus  continue.  — 
Elle  nous  excite  à  l'imitation  la  plus  noble 273 

La  possession  de  Jésus. 

I.  Combien  elle  est  nécessaire.  —  Le  monde,  qui  s'en  est  exclu,  le  pro- 
clame. —  Nos  âmes  tièdes  qui  s'en  écartent  le  proclament.  —  Les 
Saints  qui  en  jouissent  le  proclament. 

IL  Comment  elle  est  acquise.  —  Par  l'Eucharistie  de  Jésus.  —  Par  la 
parole  de  Jésus.  —  Par  la  mortification  de  Jésus 280 

La  conquête  de  Jésus. 

I.  Nécessité  de  cette  conquête.  —  Jésus-Christ  est  le  tout  du  monde.  — 

Comment  ne  serait-il  pas  notre  tout  à  nous-mêmes. 
IL  Conditions  de  cette  conquête.  —  Jésus-Christ  n'est  pas  au  premier 

venu.  —  Conditions  essentielles  à  la  conquête  de  Jésus-Christ  .   .    287 

Le  Bon  Pasteur. 

I.  Ce  que  nous  est  le  Bon  Pasteur.  —  Comment  il  acquiert  son  trou- 
peau. —  Comment  il  aime  son  troupeau.  —  Comment  il  forme 
son  troupeau. 

II.  Ce  que  nous  devons  être  nous-mêmes  au  Bon  Pasteur.  — •  Nous  de- 
vons lui  être  des  brebis  croyantes.  —  Nous  devons  lui  être  des 
brebis  aimantes.  — Nous  devons  lui  être  des  brebis  prudentes.  .    29ï 

Le  règne  social  de  Jésus-Christ. 

I.  Jésus-Christ  Box  des  riches.  —  Jésus  Christ  purifia  la  richesse.  — 
Jésus-Christ  utilisa  la  richesse.  —  Jésus-Christ  éternisa  la  richesse. 

II.  Jésus-Christ  Boi  des  pauvres.  —  Dans  quel  état  lamentable  Jésus - 
Christ  trouva  le  pauvre.  —  Comment  Jésus-Christ  transfigura  le 
pauvre  .    .    .  • 301 

Sur  le  mystère  de  la  Croix. 

I.  La  Croix  foyer  de  lumière.  —  La  Croix  profond  mystère.  —  La 
Croix  seule  vraie  illumination. 

II.  La  Croix  signe  de  puissance.  —  Glorieuse  histoire  de  la  Croix  à 


518  TABLE   DES  MATIÈRES 

travers  le  monde.  —  Glorieuse  histoire  de  la  Croix  dans  nos  âmes. 
III.  La  Croix  monument  de  miséricorde.   —  Mémorial  d'une  miséri- 
corde gratuite.  —  Mémorial  d'une  rédemption  surabondante.  — 
Mémorial  d'un  inépuisable  pardon 307 

Les  Leçons  de  la  Crèche. 

I.  Les  leçons  de  la  vertu.  —  La  Crèche  nous  donne  une  leçon  de  pau- 
vreté. —  La  Crèche  nous  donne  une  leçon  de  charité.  —  La  Crèche 
nous  donne  une  leçon  de  patience. 

IL  Les  leçons  de  la  souffrance.  —  Jésus  méconnu.  —  Jésus  repoussé. 

—  Jésus  persécuté 313 

Jésus-Christ  l'Homme  de  douleur. 

I.  La  vue  des  divines  douleurs.  —  Les  douleurs  de  l'âme.  —  Les  dou- 
leurs du  corps. 

IL  La  logique  des  divines  douleurs.  —  Conséquence  logique  par  rap- 
port au  péché.  —  Conséquence  logique  par  rapport  au  monde.  — 
Conséquence  logique  par  rapport  à  la  vie  chrétienne 319 

L'Eglise. 

L  Ce  qu'est  l'Eglise.  —  L'Eglise  est  le  Corps  mystique  de  Jésus-Christ . 

—  Conséquence  de  cette  sublime  doctrine. 

IL  Ce  que  fait  l'Eglise.  —  L'Eglise  est  le  fondement  de  !a  vérité.  — 
L'Eglise  est  la  dispensatrice  de  la  charité.  —  L'Eglise  est  la  dona- 
trice de  l'Eternité. 

III.  Ce  qu'exige  l'Eglise.  —  Elle  exige  notre  foi.  —  Elle  exige  notre 
obéissance.  —  Elle  exige  notre  concours 324 

Le  Prêtre. 

I.  Comme  richesse.  —  Le  seul  bien  que  réclame  l'Humanité  c'est  la 
vie.  —  Cette  vie,  objet  de  ses  désirs,  l'Humanité  ne  la  possède  pas. 

—  Le  prêtre  seul  la  lui  peut  communiquer. 

IL  Comme  puissance.  —  Par  la  nature  de  son  règne.  —  Par  l'univer- 
salité de  son  règne.  —  Par  l'inamissibilité  de  sou  règne. 

III.  Comme  amour.  —  Besoin  qu'a  le  monde  d'un  cœur  de  prêtre.  — 
Comment  Dieu  a  fait  un  cœur  de  prêtre 331 

L'appel  de  Dieu. 

I.  Nécessité  de  cet  appel.  —  La  raison  montre  que  Dieu  a  ses  choix. 

—  Les  faits  montrent  que  Dieu  a  ses  choix.  —  Un  tout  divin  exem- 
ple montre  que  Dieu  a  ses  choix. 

II.  Nécessité  de  ne  pas  entreprendre  sur  cet  appel.  —  Violer  l'entrée 
du  Sacerdoce  est  un  crime.  —  Violer  l'entrée  du  Sacerdoce  es1  un 
malheur. 

III.  Nécessité  de  répondre  à  cet  appel.  —  La  part  de  Dieu  dans  cet 
appel.  —  La  pari  de  l'homme  dans  cet  appel 336 


TA.BLE    DES  MATIÈRES  519 

L'appel  de  Dieu  considéré  en  Jésus-Christ. 

I.  Jésus-Christ  a  été  appel:.  —  L*appel  lui-même.  —  Ce  que  renfermait 
cet  appel. 

II.  Comment  Jésus-Christ  a  répondu  à  son  appel.  —  Jésus-Christ  a 
mené  une  vie  détachée.  —  Jésus-Christ  a  mené  une  vie  immolée. 

—  Jésus-Christ  a  mené  une  vie  de  prière 342 

Les  deux  Sacerdoces. 

I.  Le  Sacerdoce  réprouvé.  —  Réprouvé  parce  qu'il  n'est  pas  céleste. 
Réprouvé  parce  qu'il  n'est  pas  sanctiûcateur.  —  Réprouvé  parce 
qu'il  n'est  pas  victime.  —  Réprouvé  parce  qu'il  demeure  stérile. 

II.  Le  S'icerdoce  béni.  —  Le  Sacerdoce  béni  est  le  Sacerdoce  solide- 
ment édifié.  —  Le  Sacerdoce  béni  est  celui  qui  résiste  aux  épreuves.  3 io 

Providence  divine  sur  le  Prêtre. 

I.  Providence  dans  Y  appel  du  Prêtre.  —  Surgi  des  rangs  du  peuple. 

—  Surgi  des  rangs  de  la  classe  riche. 

II.  Providence  dans  la  formation  du  Prêtre.  —  Grâces  spéciales.  — 
Grâces  communes. 

III.  Providence  dans  faction  du  Prêtre.  —  Elle  lui  désigne  son  poste. 

—  Elle  lui  ménage  ses  triomphes 351 

Le  zélé  des  âmes. 

I.  Sa  nécessité.  —  Grandeur  des  intérêts  engagés.  —  Exemple  des 
Trois  Personnes  divines.  —  Les  terreurs  de  l'avenir. 

II.  Sa  pratique.  —  Le  Prêtre  doit  souffrir  pour  les  âmes.  —  Le  Prêtre 
doit  prier  pour  les  âmes 3b7 

Influence  décisive  du  Prêtre  éducateur  de  la  jeunesse. 

I.  Positus  in  resurrectionem.  —  Il  est  beau,  sans  doute,  le  ministère 
paroissial.  —  Mais  combien  entravé  au  milieu  du  monde.  —  Plus 
fructueux  est  le  ministère  de  l'Education. 

II.  Positus  in  ruinant.  —  Un  tel  éducateur  est  sans  prestige.  —  Un  tel 
éducateur  est  sans  initiative.  —  Un  tel  éducateur  est  sans  édifi- 
cation  362 

Du  ministère  de  la  Prédication. 

I.  Sa  nécessité.  —  Nécessité  pour  le  Prêtre  de  prêcher.  —  Comme 
conséquence  :  nécessité  de  se  former  à  la  prédication. 

H.  Sa  pratique.  —  Il  faut  étudier.  —  11  faut  écouter.  —  Il  faut  pra- 
tiquer   367 

Sainteté  nécessaire  aux  prêtres. 

I.  La  sainteté  est  le  but  du  sacerdoce.  —  Un  Dieu  à  glorifier  :  premier 
but  du  sacerdoce.  —  Des  âmes  à  sanctifier  :  second  but  du  sacer- 
doce. 


520  TABLE   DES   MATIÈRES 

II.  La  sainteté  est  la  joie  du  sacerdoce.  —  La  joie  est  nécessaire  et 
deux  joies  sont  seules  possibles.  —  Sans  la  sainteté  le  prêtre  n'en 
peut  goûter  aucune. 

III.  La  sainteté  est  la  sécurité  du  sacerdoce.  —  Une  illusion  funeste 
peut  voiler  son  état.  — Mais  l'état  du  prêtre  sans  sainteté  est  tou- 
jours un  état  désastreux 372 

Le  bon  exemple  que  doit  donner  le  prêtre. 

I.  Nécessité.  —  C'est  l'honneur  de  Dieu.  —  C'est  la  force  de  l'Eglise. 

—  c'est  le  salut  des  âmes. 

II.  Pratique.  —  Dans  sa  personne  et  son  extérieur.  —  Dans  son  lan- 
gage. —  Dans  ses  procédés 378 

Les  dangers  du  sacerdoce. 

I.  Insensibilité  dans  les  choses  saintes.  — D'où  naît  cette  insensibilité. 

—  Quels  faits  la  caractérisent.  — Combien  difficile  est  sa  guérisou. 

II.  Recherche  de  soi-même  dans  le  ministère  des  âmes.  —  Recberche  de 
la  vaine  gloire.  — Rechercbe  du  bien-être.  — Recbercbes  du  cœur. 

III.  lltusions  de  la  conscience.  —  Ces  illusions  constituent  un  très 
réel  danger.  —  Comment  s'entretiennent  ces  illusions 383 

L'esprit  de  pauvreté  dans  le  prêtre. 

I.  L'institution  du  sacerdoce  le  proclame.  —  Les  premiers  choix.  — 
Les  premières  leçons.  —  Les  premiers  héros. 

II.  L'exercice  du  sacerdoce  l'exige.  —  La  vie  du  prêtre  est  Une  vie  de 
séparation  du  monde.  —  La  vie  du  prêtre  est  une  vie  de  mortifica- 
tion. —  La  vie  du  prêtre  est  une  vie  de  combat.  —  La  vie  du  prêtre 
est  une  vi^  d'édification. 

III.  L'histoire  du  sacerdoce  nous  instruit.  — Le  sacerdoce  pauvre  nous 
apparaît  toujours  vigoureux,  et  puissant.  —  Le  sacerdoce  trop  riche 
nous  apparaît  amolli  et  dégénéré 389 

Le  prêtre  et  la  famille. 

I.  Respect,  amour,  dévouement .  —  Ce  que  la  raison  dit  au  prêtre.  —  Ce 
que  l'exemple  divin  dit  au  prêtre. 

II.  Sainte  ind>'\  endance.  —  Indépendance  au  seuil  du  sacerdoce.  — 
Indépendance  dans  le  cours  du  ministère 39i 

De  l'esprit  pénitent  chez  le  prêtre. 

^Nécessité  d'expiation.  —  Première  raison  :  l'innocence  exigée.  — 
Deuxième  raison  :  la  mission  expiatrice.  —  Troisième  raison  :  la 
pratique  de  l'Eglise. 

M  \>'ccssité  de  sanctification.  —Idée  générale  de  la  sanctification.  — 
Détail  d'v  la  sanctification. 

III.  Nécessité  d'imitation.  —  Jésus-Chrisl  doil  être  reproduit  par  le  prê- 
tre. —  Or  Jésus -Ghrisl  c'est  1'"  Homme  de  douleur.  - 


TABLE   DES  MATIÈRES  521 

L'amour  du  prêtre  pour  Jésus-Christ. 

I.  Aimer  Jésus-Christ  est  unbesoin  de  son  cœur.  —  Ce  qu'est  le  cœur 
au  milieu  du  monde.  —  Ce  qu'est  le  cœur  du  prêtre. 

II.  Aimer  Jêsus-ChHst  est  un  devoir  de  sa  gratitude.  —  Ce  que  le  prêtre  a 
reçu  de  Jésus-Christ.  —  Ce  que  le  prêtre  doit  rendre  à  Jésus-Ghrisi . 

III.  Aimer  Jésus-Christ  est  une  nécessité  de  sa  sanctification.  —  Sa  vo- 
cation est  sainte.  Ses  fonctions  sont  saintes 405 

Le  célibat  ecclésiastique  :  son  excellence. 

I.  Sublimité  et  héroïsme  du  célibat  ecclésiastique.  —  Son  histoire  nous 
le  révêle.  — ■  Les  vertus  qu'il  suppose  nous  le  révèlent. 

II.  Nécessité  et  avantages  du  célibat  ecclésiastique.  —  Nécessité  tirée 
du  culte  divin.  —  Nécessité  tirée  du  ministère  des  âmes. 

III.  Gloires  et  récompenses  du  célibat  ecclésiastique.  —  Dès  ici-bas.  — 
Dans  l'éternité 411 

Le  célibat  ecclésiastique  :  ses  exigences. 

I.  Comment  il  se  maintient.  —  Par  beaucoup  de  foi.  —  Par  beaucoup 
de  grâce.  —  Par  beaucoup  de  vertu. 

II.  Comment  il  est  trahi.  — Par  la  ruine  de  la  vie  spirituelle.  —  Par 
l'abandon  de  l'étude.  — Par  les  liaisons  dangereuses.  —  Par  l'in- 
tempérance   418 

De  la  virginité  du  cœur  dans  le  prêtre. 

I.  Excellence  du  cœur  vierge.  —  Ce  cœur  est  de  création  divine.  —  Ce 
cœur  habite  une  divine  patrie.  —  Ce  cœur  est  destiné  à  de  divins 
usages. 

II.  Prostitution  du  cœur  vierge.  —Possibilité de  cernai.  —  Caractère 

de  ce  mal 424 

Le  prêtre  mondain. 

I.  Ce  qu'est  un  prêtre  mondain.  —  On  ne  le  trouve  guère  à  l'église.  — 
On  le  trouve  dans  le  monde. 

II.  Les  désastres  d'une  vie  mondaine  dans  le  'prêtre.  —  C'est  une  vie 
messéante  à  sa  vocation.  —  C'est  une  vie  funeste  usa  sauctification. 

—  C'est  une  vie  mortelle  à  son  ministère 431 

Conduite  du  prêtre  dans  le  monde. 

1.  Ce  que  doit  rester  l'âme  du  prêtre.  —  Eviter  l'estime  et  l'amour  du 
monde.  —  Eviter  toute  conformité  au  monde.  —  Eviter  toute  par- 
ticipation à  l'esprit  du  monde. 

III.  Ce  que  doit  rester  l'extérieur  du  prêtre.  —  Ce  que  doivent  être  les 
démarches  du  prêtre.  —  Ce  que  doivent  être  les  manières  du  prêtre.  437 

Le  prêtre  et  le  monde. 

I.  Le  prêtre  y  est  un  étranger.  —  Etranger  par  dégoût.  —  Etrauger 
par  prudence.  —  Etranger  par  amour  des  âmes. 


522  TABLE   DES   MATIÈRES 

II.  Le  prêtre  y  est  un  envoyé.  —  S'il  ne  pénétrait  pas  daus  les  demeu- 
res particulières,  sa  parole  publique  serait  insuffisante.  —  Le  prêtre 
annoncera  l'Evangile  «  publiée  et  per  domos.  » 

III.  Le  prêtre  y  est  victime.  —Jésus-Christ,  Pontife  suprême,  victime 

du  monde.  —  Ses  ministres,  comme  Lui.  victime,  du  monde  .    .   .    4i3 

La  tiédeur  dans  la  vie  sacerdotale. 

I.  Danger; use  à  cause  de  ses  illusions.  —L'illusion  par  rapport  aux  de- 
voirs d'état.  —  L'illusion  par  rapport  aux  grâces  divines.  —  L'il- 
lusion parrapport  à  la  sanctification  sacerdotale. 

II.  Dangereuse  à  cause  de  ses  réalités.  —  Misères  du  présent.  —  Ter- 
reurs de  l'avenir 4ol 

De  la  pusillanimité  dans  le  prêtre. 

I.  Combien  elle  est  contraire  à  samission.  —  La  raison  et  l'expérience  le 
démontrent.  —  L'Lcriture  le  démontre.  —  L'exemple  des  saints 
le  démontre. 

II.  Combien  elle  est  funeste  dans  ses  suites.  —  C'est  une  trahison.  — 
C'est  une  cruauté  —  C'est  la  source  de  grands  malheurs. 

III.  Combien  elle  est  coupable  dans  son  origine.  —  C'est  la  noblesse. 
C'est  l'amour  de  soi.  —  C'est  la  peur 464 

L'oisiveté  chez  le  prêtre. 

I.  Ses  facilités.  —  Le  prêtre  a  plus  d'opposition  naturelle.  Le  prêtre 
amoins  de  mobiles  naturels.  —  Le  prêtre  rencontre  plus  d'occasions 
qui  le  détournent. 

II.  Sa  gravité.  —  Gaspillage  d'un  grand  trésor.  —  Trahison  d'une 
grande  cause.  —  Déshonneur  d'une  grande  famille.  —  Matière  d'une 
rigoureuse  condamnation. 

III.  Ses  remèdes.  —  Se  dépouiller  de  l'esprit  du  monde.  —  S'astreindre 

à  une  vie  sévèrement  réglée.  —  Pratiquer  la  mortification. .   .   .    476 

L'ambition  dans  le  prêtre. 

I.  L'ambition  dans  le  prêtre  est  un  crime.  —  C'est  une  opposition  à  la 
Providence  de  Dieu.  —  C'est  une  opposition  à  l'esprit  du  christia- 
nisme. 

[f.  L'ambition  dans  le  prêtre  est  une  honte.  —Là  esl  un.'  étroitesse 
de  vues.  —  Là  est  une  bassesse  de  cœur. 

III.  L'ambition  dans  le  prêtre  estune  torture.  —  Une  torture  s'il  échoue. 
—  Une  torture  s'il  réussil 483 


I.  Saute  est  une  vie  d'union  avec  Dieu.  —  Le  prêtre  doil  vivre  en  per- 
pétuelle société  .i\.'  ■  Jésus-Christ.  —  Leprêtredoil  s'identifier  avec 
Jésus-Christ. 

IL  Sa  vie  estune  vie  éloignée  du  monde.  —  Nécessité.  —  Pratique. 
III.  Sa  vie  est  une  vie  de  souffrance  pour  les  >iutcs.  —  Dieu  le   veul  de 
lui.  —  Sun  oeuvre  !<■  veut  de  lui 490 


TABLE  DES   MATIÈRES  523 

Les  cérémonies  saintes. 

I.  Dieu  les  ordonne. —  Les  cérémonies  dans  l'ancien  culte.  —  Impor- 
tance plus  grande  du  culte  de  la  Nouvelle  Loi. 

II.  Jésus-Christ  en  est  Vobjet.  —  La  foi  en  d'augustes  mystères   doit 
nous  soutenir.  —  L'exemple  des  mondains  doit  nous  confondre. 

III.  Le  peuple  chrétien  les   contemple.  —  Par  elles  le  peuple  s'élève  à 
Dieu. — Par  elles  le  peuple  croit  à  ses  prêtres 501 


FIN    DE    LA    TABLE    DES    MATIERES 


TABLE   GENERALE 

DES  QUATRE  VOLUMES 


L'ambition  dans  le  prêtre. 

I.  L'ambition  dans  le  prêtre  est  un  crime.  — C'est  une  opposition 
à  la  Providence  de  Dieu.  —  C'est  une  opposition  à  l'esprit  du  chris- 
tianisme. 

II.  L'ambition  dans  le  prêtre  est  une  honte.  —  Là  est  une  étroi- 
tesse  de  vues.  —  Là  est  une  bassesse  de  cœur. 

III.  L'ambition  dans  le  prêtre  est  une  torture.  —  Une  torture  s'il 
échoue.  —  Une  torture  s'il  réussit IV..  i83 

Ame.  —  L'âme  humaine  est  naturellement  religieuse.  Elle  as- 
pire : 

1°  A  connaître  Dieu.  —  Immense  besoin  de  vérité.  —  La  ques- 
tion religieuse  au  fond  de  tout. 

2°  A  posséder  Dieu.  —  Nous  aspirons  à  tout  ce  que  Dieu  est.  — 
Nous  voulons  tout  ce  que  Dieu  possède. 

3°  A  craindre  Dieu.  —  Toute  l'histoire  montre  l'humanité  saisie 
de  la  crainte  mystérieuse  de  Dieu I,  43 

La  dignité  de  nos  âmes. 

I.  Comment  apprécier  notre  âme.  —  Grandeur  de  notre  àme  dans 
sa  création.  —  Grandeur  de  notre  àme  dans  sa  nature.  —  Gran- 
deur de  notre  àme  dans  sa  destinée. 

II.  Comment  employer  notre  âme.  — Nous  devons  l'employer  pour 


526  TABLE  GÉNÉRALE 

Dieu.  —  Nous  devons  l'employer  pour  le  prochain.  —  Nous  devons 
l'employer  pour  nous-mêmes. 

III.  Comment  déshonorer  notre  âme.  —  En  n'y  ayant  pas  foi.  — 
En  la  privant  de  son  éducation  divine.  —  Eu  la  défigurant  par  le 
péché IV,  221 

Amour  de  Dieu. 

Amour  de  Dieu.  —  Seul  il  rassasie  notre  nature  dans  ce  qu'elle 
a  de  sublime,  de  tendre,  d'ambitieux I,  198 

Amour  de  Dieu.  —  Obligation  d'aimer  Dieu.  —  Tout  nous  en  fait 
le  plus  pressant  devoir.  —  Notre  intérêt  y  est  engagé.  —  Notre 
salut  en  dépend.  ■ —  Rien  n'est  possible  sans  cet  amour  ....    I,  202 

Amour  de  Dieu.  —  Possible,  facile,  puissamment  soutenu  .    .    I,  201 

Amour  de  Dieu.  —  Raison  sublime  de  la  nécessité  de  l'amour 
prise  de  l'Essence  Divine  elle-même II,  136 

Amour  de  Dieu.  — Toutes  les  œuvres  de  Dieu  n'ont  eu  qu'un  but  : 
nous  amener  à  l'aimer II,  137 

Amour  de  Dieu.  —  Tout  nous  fait  un  devoir,  tout  nous  rappelle 
à  la  nécessité  d'aimer  Dieu. 

1°  Dieu  est  amour.  —  L'Essence  divine  est  amour  :  «  Deus  cari- 
tas.  »  L'amour  fait  toute  la  vie  de  Dieu.  —  L'amour  dans  les  Per- 
sonnes divines. 

2°  Dieu  a  tout  fait  par  amour  et  pour  l'amour.  —  L'incarnation 
nous  donne  l'amour.  —  Elle  nous  invite  merveilleusement  à  l'a- 
mour. —  Le  calvaire  met  le  sceau  à  toute  l'œuvre  de  l'incarna- 
tion et  porte  à  son  comble  le  saint  amour.  —  L'Autel,  l'Eucha- 
ristie reste  au  milieu  de  nous  l'ardent  foyer  de  l'amour IL  136 

Amour  de  Dieu  :  sa  possibilité.  — Oui,  nous  pouvons  aimer  Dieu. 

1°  L'amour  de  Dieu,  seul  rassasiement  de  notre  nature.  —  Dans 
re  qu'elle  a  de  haut  et  de  sublime.  —  Dans  ce  qu'elle  a  de  tendre 
et  de  passionné.  —  Dans  ce  qu'elle  a  d'ambitieux  et  d'insatiable. 

2°  L'amour  divin  allumé  par  les  charmes  de  l'Incarnation.  — 
Beauté  de  Jésus-Christ  dans  la  chair.  —  Beauté  de  Jésus-Christ 
dans  la  douleur.  —  Beauté  de  Jésus-Christ  dans  la  gloire  ....    I,  198 

Les  représailles  du  divin  Amour. 

I.  Ce  qu'est  la  faute.  —  Ce  que  nous  est  Jésus.  Ce  que  nous 
avons  été  à  Jésus. 

II.  Ce  qu'est  le  châtiment.  —  C'est  l'absence  de  Jésus.  —  C'est  la 
soustraction  des  grâces.  —  C'est  la  vie  sans  consolation. 

III.  Où  est  le  remède  ?  —  C'est  de  recourir  à  une  sérieuse  direc- 
lion.  C'est  de  reprendre  ses  exercices  de  piété.  —  C'est  d<*  mul- 
tiplier les  actes  d'amour IV,  22 

Amour  du  prochain. 

Amour  du  prochain.  —  L'organisation  du  genre  humain  en  fa- 
mille dont  Dieu  est  le  Père  nous  y  oblige  absolument I,  209 


TABLE  GÉNÉRALE  527 

Amour  du  prochain.  —  Ses  magnifiques  prérogatives.  Sa  prodi- 
gieuse puissance.  Son  éternité I,  211 

L'appel  de  Dieu. 

I.  Nécessité  de  cet  appel.  —  La  raison  montre  que  Dieu  a  ses 
choix.  —  Les  faits  montrent  que  Dieu  a  ses  choix.  —  Un  tout  di- 
vin exemple  montre  que  Dieu  a  ses  choix. 

II.  Nécessité  de  ne  pas  entreprendre  à  cet  appel.  — Violer  l'entrée 
du  Sacerdoce  est  un  crime.  —  Violer  l'entrée  du  Sacerdoce  est  un 
malheur. 

III.  Nécessité  de  répondre  sur  eet  appel.  —  La  part  de  Dieu  dans 

cet  appel.  —  La  part  de  l'homme  dans  cet  appel IV,  336 

Aumône.  —  Gomment  Dieu  nous  en  a  magnifiquement  donné 
l'exemple  en  tout  ce  qu'il  a  fait  pour  ses  pauvres I,  370 

Aumône.  —  L'aumône  bien  faite  est  la  plus  sûre  sauvegarde  de 
la  Société I,  379 

Aumône.  —  Grandeurs  chrétiennes  de  l'aumône  opposées  à  la 
stérilité  de  l'aumône  officielle  et  aux  hontes  de  l'aumône  mon- 
daine  I,  382 

Aumône.  —  Comment  doit  se  faire  l'aumône  chrétienne  ....    I,  389 

Aumône.  —  Nécessité  de  l'aumône  aussi  bien  pour  le  riche  que 
pour  le  pauvre „ I,  392 

Aumône.  —  Les  divines  grandeurs  de  l'aumône. 

1°  Une  sublime  mission  accomplie.  —  Mission  toute  de  gran- 
deur. —  Mission  toute  de  justice.  —  Mission  toute  de  charité.  Mis- 
sion toute  de  salut. 

2°  Une  grande  noblesse  acquise.  —  Le  mystère  d'un  Dieu  pauvre. 
—  Magnifiques  conséquences  de  ce  mystère  sur  ceux  qui  font  de 
l'aumône L  382 

Aumône.  —  Nécessité  de  l'aumône.  —  Impossible  au  riche  de 
se  sauver  sans  le  pauvre. 

\°  Le  pauvre  est  V honneur  du  riche.  —  Par  elle-même,  la  ri- 
chesse n'est  nullement  pour  Dieu  un  titre  d'honneur.  —  Elle  s'ho- 
nore seulement  par  le  service  des  pauvres. 

2°  Le  pauvre  est  la  lumière  du  riche.  —  Décevantes  ténèbres .  .    I,  391 

Athéisme  pratique.  —  C'est  le  grand  mal  de  notre  Société  con- 
temporaine —  Elle  refuse  de  voir  Dieu.  —  Elle  chasse  obstiné- 
ment Dieu L  454 

Avènement  (Le  second  Avènement). 

Pourquoi  ce  retour  glorieux  de  Jésus-Christ.  —  Quel  sera  ce  re- 
tour glorieux  de  Jésus-Christ I,  134 

Second  Avènement.  —  Une  révélation  explicite  en  a  été  faite.  — 
Des  descriptions  en  ont  été  faites I,  182 


528  TABLE  GÉNÉRALE 


B 


Beati  mites.  —  Un  double  règne  leur  est  assuré. 

1°  Un  premier  régne  sur  la  terre.  —  Les  autres  moyens  de  règne 
se  sont  trouvés  fragiles  et  impuissants.  —  Seule,  la  douceur  a  ma- 
gnifiquement réussi  à  conquérir  le  règne  sur  toute  la  terre. 

2°  Un  régne  plus  glorieux  encore  dans  le  ciel.  —  Règne  sur  le  cœur 
de  Dieu,  règne,  qui  à  lui  seul,  renferme  tous  le-  autres.  —  Or,  il 
est  promis  par  le  Père  à  ceux  qui  seront  ses  fils.  —  Or,  la  douceur 
seule  nous  vaut  le  titre  et  la  réalité  d'  «  enfants  de  Dieu  »  .  .    .    II-  328 


C 


Catholique - 

Catholique.  —  Victoire  du  catholique  sur  l'incrédule.  —  Dans 
l'ordre  des  vérités  naturelles,  le  catholique  est  plus  ferme,  plus 
assuré,  plus  profond.  —  Dans  l'ordre  des  vérités  surnaturelles,  lui 
Beul  a  la  lumière;  les  autres  gisent  dans  d'effrayautes  ténèbres  .    I,  W 

Catholique.  —  En  dépit  des  iniques  sentences  du  monde,  le  vrai 
catholique  est  admirable  d'élévation, de  force,  de  sagesse.  ...    Il,  231 

Le  célibat  ecclésiastique  :  ses  exigences. 

I.  Comment  il  se  maintient.  —  Far  beaucoup  de  foi.  —  Par 
beaucoup  de  ^ràce. —  Par  beaucoup  de  vertu. 

II.  Comment  il  est  trahi.  —  Par  la  ruine  de  la  vie  spirituelle. 
Par  l'abandon  de  l'étude.  —  Par  les  liaisons  dangereuses.  —  Par 
l'intempérance ,v>  4l8 

Les  cérémonies  saintes. 

I.  Dieu  les  ordonne.  —  I^s  cérémonies  dans  l'ancien  culte.  — 
Importance  plus  grande  du  culte  de  la  Nouvelle  Loi. 


TABLE  GÉNÉRALE  529 

II.  Jésus-Christ  en  est  l'objet.  —  La  foi  eu  d'augustes  mystères 
doit  nous  soutenir.  —  L'exemple  des  mondains  doit  nous  confon- 
dre. 

III.  Le  peuple  chrétien  les  contemple.  ■  -  Par  elles  le  peuple  s'é- 
lève à  Dieu.  —  Par  elles  le  peuple  croit  à  ses  prêtres IV.  301 

Charité.  —  Renouvellement  du  monde  par  la  charité. 

1°  Cette  merveille  au  début  du  christianisme.  —  Jésus-Christ 
donne  à  son  Eglise  pour  armure  la  charité.  —  Comment  la  cha- 
rité captivait  le  monde. 

2°  Cette  merveille  dans  la  suite  des  temps.  —  La  charité  hrise 
tous  les  efforts  des  ennemis.  —  La  charité  est  la  grande  séduc- 
trice des  âmes.  —  La  charité  eu  transfigurant  la  famille,  par  la 
famille  transfigure  la  société I,  413 

Châtiments  du  péché.  —  Les  monuments  de  la  justice  divine 
contre  le  péché  sont  formidables.  —  Dans  lejiel.  —  Dans  la  créa- 
tion. —  Dans  l'histoire  humaine.  —  Sur  l'être  humain  tout  entier.  — 
Sur  le  Calvaire II,  408  II,   iO 

Importance  chrétienne  des  petites  choses. 

I.  Importance  des  petites  choses.  —  Jugeons-en  par  leur  conti- 
nuité. —  Jugeons-en  par  leur  valeur  réelle.  Jugeons-en  par  leur 
difficulté  et  leur  labeur. — Jugeons-en  sur  de  divins  exemples. 

II.  Danger  de  la  négligence  des  petites  choses. —  La  négligence  des 
petites  choses  c'esi  la  ruine  future.  —  La  négligence  des  petites 
choses  c'est  la  perte  de  la  vie  surnaturelle.  —  La  négligence  des 
petites  choses  c'est  le  danger  de  chutes  graves IV,  '208 

Christianisme  —  (Etablissement  du).  —  Combien  immense  et 
prodigieuse  fut  la  conquête  du  monde  par  le  christianisme.  — 
Combien  prodigieux  fut  le  moyen  employé  pour  accomplir  cette 
conquête.  —  Ce  que  fut  cette  conquête.  —  Empire  visible  du 
Christ.  —  Conquête  des  âmes I,  128 

Christianisme.  —  Lui  seul  protège  et  défend  efficacement  l'indi- 
vidu, —  la  famille,  —  la  patrie I.  169 

Une  image  du  Christianisme  et  de  la  vie  chrétienne.  —  Le 
grain  de  sénevé. 

I.  Humbles  débuts  du  christianisme  et  de  l'âme  chrétienne.  —  Que 
fut  le  christianisme  à  sa  naissance  ?  —  Qu'est  le  chrétien  ici-bas? 

IL  Merveilleuse  puissance  du  christianisme  et  de  l'âme  chrétienne. — 
Merveilleuse  puissance  du  Christianisme. — Merveilleuse  puissance 
du  Chrétien. 

III.  Mission  divine  du  christianisme  et  de  l'âme  chrétienne.  — Mis- 
sion du  Christianisme.  —  Mission  du  Chrétien IV,  120 

La  pensée  du  ciel. 

I.  La  splendeur  du  ciel.  —  Le  ciel  est  fait  par  un  Dieu. —  Le  ciel 
est  fait  pour  un  Homme-Dieu.  —  Le  ciel  c'est  Dieu. 

T.  IV  34 


530  TABLE  GÉNÉRALE 

II.  Lapossessiondu  ciel. —  L'attente  du  ciel  est  notre  vrai  bien.  — 
L'oubli  du  ciel  est    notre  grand  mal IV,  86 

Cœur. 

Cœur.  —  Importance  du  cœur  dans  notre   vie  ........    I.  404 

Cœur.  —  Comment  le  monde  égare,  vicie,  tue  en  nous  le  cœur. 
Comment  il  l'affame  et  le  martyrise I.  406 

Cœur.  —  Magnificences,  héroïsmes,  suavité,  puissance  du  cœur 
chrétien I,  408 

Cœur.  —  Puissance  du  cœur  chrétien  au  sein  de   la  famille  .   .   I.  416 

Sacré-Cœur.  —  Le  Sacré-Cœur  nous  fait  un  don  immense  :  un 
don,  bêlas  !  méconnu:  trop  souvent  un  don  repoussé II,  345 

Sacré-Cœur.  —  Le  Sacré-Cœur  a  de  divines  exigences,  car  il  est 
AmoQr,  il  est  Royauté,  il  est  Sainteté II.  352 

La  mission  du  cœur  dans  ia  vie  chrétienne. 

I.  Importance  de  la  saine  éducation  du  cœur.  —  Ce  que  nous  en 
dit  la  terre.  —  Ce  que  nous  en  dit  le  ciel. 

II.  Le  bon  et  le  mauvais  emploi  du  cœur.  —  Le  bon  emploi  du 
cœur.  —  Le  mauvais  emploi  du  cœur IV,  227 

De  la  colère. 

I.  La  colère  permise  et  salutaire.  —  Elle  est  l'auxiliaire  de  l'Au- 
torité. —  Elle  est  le  soutien  de  l'héroïsme.  —  Elle  est  une  garan- 
tie de  sécurité. 

II.  La  colère  mauvaise  et  condamnée.  —  Elle  est  un  crime  contre 
Dieu.  —  Elle  est  nu  (-rime  contre  nous-mêmes.  —  Elle  est  un 
crime  contre  le  prochain III.  4'26 

Le  combat  contre  le  mal. 

I.  Le  vrai  catholique  est  intrépide  dans  la  lutte.  —  Nécessité  de 
relie  intrépidité.  —  Sources  de  cette  intrépidité. 

IL  Le  vrai  catholique  est  plein  de  charité  dans  la  lutte.  —  Celle 
charité  nous  est  indispensable.  Où  puiserons-nous  cette  charité?  III.  365 

La  Communion. 

I.  Des  dispositions  sont  nécessaires.  —  La  charité.  —  La  pureté.  — 
La  piété. 

II.  Une  préparation  prochaine  est  nécessaire-  —  Pourquoi  et  com- 

ut  nécessaire.  —  Quels  actes  comprend  celte  préparation.  .   .    III,  65 

La  communion  fréquente. 

Douceur  et  richesse  spirituelle  de  la  Fréquente  communion. — 
Combien  elle  est  désirable. 

I.  Motifs  tin:s  de  Dieu.  —  En  nous  éloignant  de  la  communion 
nous  blessons  Diou  dans  son  œuvre.  —  Nous  blessons  Dieu  dans 
son  cœur.  —  Nous  ble^nn-,  Dieu  dans  les  plans  de  sa  sagesse 


TABLE  GÉNÉRALE  531 

II.  — Motifs  tirés  de  nous-mêmes.  — Nous  avons  besoin  do  protec- 
tion. —  Nous  avons  besoin  de  force.  —  Nous  avons  besoin  de  con- 
solation   III,  7S 

La  communion  trop  fréquente. 

I.  Quand  est-ce  que  la  communion  est  trop  fréquente?  —  Quand 
nos  motifs  ne  sont  pas  purs.  —  Quand  notre  état  de  conscience 
n'est  pas  satisfaisant.  —  Quand  notre  préparation  est  négligée. 

II.  Quel  mal  est-ce  qu'une  communion  trop  fréquente  ?  —  C'est 
une  injure  faite  à  Dieu.  —  C'est  un  piège  tendu  à  nos  âmes.  — 
C'est  un  châtiment  trop  certain 111,8" 

La  Communion  indigne. 

I.  Suprême  outrage-  à  Dieu.  —  Outragea  Dieu  le  Père.  — Outrage 
à  Dieu  le  Fils.  —  Outrage  à  Dieu  Esprit-Saint. 

II.  Suprême  dommage  à  l'âme.  —  Son  premier  état,  après  une 
communion  indigne.  —  Son  second  état. 

III.  Suprême  triomphe  du  démon.  — La  Communion  indigne  nous 
livre  au  démon.  —  Maitre  de  notre  âme,  le  démon  y  cause  d'af- 
freux ravages III,  99 

Conduite  du  prêtre  dans  le  monde. 

I.  Ce  que  doit  rester  Vâme  du  prêtre.  —  Eviter  l'estime  et  l'a- 
mour du  monde.  —  Eviter  toute  conformité  au  monde.  —  Evi- 
ter toute  participation  à  l'esprit  du  monde. 

III.  Ce  que  doit  rester  l'extérieur  du  prêtre.  —  Ce  que  doivent 
être  les  démarches  du  prêtre.  —  Ce  que  doivent  être  les  manières 
du  prêtre IV.  437 

Confession. 

Confession.  —  Désastres  causés  par  la  vaine  terreur  de  la  confes- 
sion   IL  78 

Confession.  —  Les  qualités  diverses  d'une  bonne  confession  .   .    II,  82 

Confession.  —  Les  preuves  invincibles  de  la  divinité  de  la  con- 
fession   IL  87 

Confession.  —  Ses  bienfaits  pour  l'âme  qui  reçoit  bien  le  Sacre- 
ment de  Pénitence H.  9-2 

Confession.  —  Portée  sociale  de  la  Confession IL  96 

Conquête  du  monde  par  Jésus-Christ.  —  Considérons  : 
1°   Celui  qui  fit  cette  conquête.  —  C'est  Jésus-Christ,  homme  de 
douleurs...  C'est  Jésus-Christ,  s'entourant  de  toutes  les  faiblesses, 
s'enveloppaut  de  toutes  les  impossibilités,  choisissant  pour  sceptre 
une  croix  ! 

2°  Ce  qu'est  cette  conquête.  —  Conquête  prodigieuse,  soit  que 
nous  la  considérions  dans  son  extérieur,  soit  que  nous  en  étudiions 
les  éléments  intimes.  —  Elle  est  prodigieuse  dans  son  étendue, 
dans  son  nombre,  dans  sa  durée,  dans  sa  force,  dans  son  indestruc- 


532  TABLE  GÉNÉRALE 

tibilité.  —  Elle  nous  apparait  plus  prodigieuse  encore  si  nous  étu- 
dions ce  qu'elle  est  au  l'ond.  Conquête  des  intelligences  :  Conquête 
des  cœurs  :  Conquête  des  volontés  :  Conquête  sur  les  passions,  les 
aspirations,  les  instincts  d'une  nature  déchue. 

3°  Comment  se  fit  cette  conquête.  —  Elle  se  fit  et  ne  put  se  faire 
que  par  une  puissance  divine.  —  Elle  se  lit  par  la  force  du  mira- 
cle. —  Elle  se  fit  par  une  Eglise  continuant  Jésus-Christ  et  ache- 
vant son  œuvre I,   128 

Conscience.  —  Combien  grande,  combien  divine  est  en  nous  la 
conscience!  —  En  elle  la  ressemblance  divine.  —  En  elle  la  puis- 
sauce  invincible.  —  En  elle  la  permanence  et  la  durée.  —  Eu  elle 
la  fécondité  des  fruits II,  68 

Contrition.  —  D'elle  dépenlait  le  salut  du  genre  humain.  — 
C'est  elle  que  le  genre  humain  refusait  obstinément  à  Dieu.  ...    I,    139 

Contrition.  —  Contrition  de  l'Homme-Dieu  pleurant  les  pêches 
du  monde.  —  Douleur  qui  fut  immense.  —  Douleur  qui  l'ut  victo- 
rieuse   • I,   140 

Contrition.  —  La  mesure  et  la  nature  d'une  bonne  contrition.  — 
Sa  loyauté.  —  Ses  motifs Il,  82 

Conversion. 

Conversion.  —  Conversion  du  monde  par  la  Charité I,   i03 

Extraordinaires  héroïsmes  de  la  Charité  chrétienne  qui  triom- 
phent de  toutes  les  résistances. 

Conversion.  — Le  délai  de  la  conversion,  mal  le  plus  impie,  dan- 
ger le  plus  formidable II,   iOi 

Corps. 

Corps.  —  Dignité  merveilleuse  de  nos  corps,  démontrée  dans 
leur  création  :  dans  leur  sanctification  :  dans  leur  résurrection  .    II,  383 

Corps.  —  Le  corps  est  l'associé  de  l'âme  dans  tous  les  labeurs 
et  les  héroïsmes  de  la  vertu II,  387 

La  dignité  de  nos  corps. 

I.  Les  gloires  divines  de  nos  corps.  —  Gloire  de  nos  corps  dans  la 
création.  —  Gloire  de  nos  corps  dans  la  Rédemption.  —  Cloire  de 
nos  corps  dans  la  sanctification. 

IL  Labeurs  et  liéroismcs  exigés  de  nos  corps.  —  Nos  corps  sont  les 
serviteurs  de  nus  âmes.  —  .Nos  corps  sont  les  associés  de  nos  âmes. 

III.  Immortelle  destinée  de  nos  corps. —  Nos  corps  doivenJ  ressus- 
citer.—  Gloire  de  cette  future  résurrection IV,  *2is 

La  crainte  de  Dieu. 

I.  Nécessité  et  importance  de  la  crainte  de  Dieu.  —  Au  Paradis  ter- 
restre elle  décida  >lu  sort  de  l'humanité.  —  Durant  les  siècles  elle 
est  le  pivot  du  salut.  —  Elle  esi  l''  secret  de  notre  propre  histoire. 

II.  Nature  et  objet  de  la  crainte  de  Dieu.  —  Fausse  crainte  «huit  il 


TABLE  GÉNÉRALE  533 

faut  se  dépouiller.  —  Vraie  et  salutaire  crainte  qu'il  faut  entrete- 
nir    IV,  li 

Création. 

Création.  —  Des  idées  et  des  sentiments  de  Dieu  en  créant  le 
monde I,  227 

Les  Leçons  de  la  Crèche. 

I.  Les  leçons  cle  la  vertu.  —  La  Crèche  nous  donne  une  leçon  de 
pauvreté.  —  La  Crèche  nous  donne  une  leçon  de  charité.  —  La 
Crèche  nous  donne  une  leçon  de  patience. 

IL  Les  leçons  de  la  souffrance.  —  Jésus  méconnu.  —  Jésus  re- 
poussé. —  Jésus  persécuté IV,  313 

Croix.  —  Jésus-Christ  du  haut  de  la  croix  remporte  son  graud 
triomphe.  —  Du  haut  de  la  croix  il  triomphe  de  la  Justice  divine. 
—  Il  triomphe  de  la  perversité  humaine I,  149 

Croix.  —  C'est  à  la  croix  que  nos  biens  spirituels  nous  ont  été 
donnés I,  loi 

C'est  à  la  croix  que  les  ennemis  de  Dieu  ont  été  mis  en  fuite  et 
défaits  honteusement I,   150 

Sur  le  mystère  de  la  Croix. 

I.  La  Croix  foyer  de  lumière.  —  La  Croix  profond  mystère.  —  La 
Croix  seule  vraie  illumination. 

IL  La  Croix  signe  de  puissance.  —  Glorieuse  histoire  de  la  Croix 
à  travers  le  monde.  —  Glorieuse  histoire  de  la  Croix  dans  nos 
âmes. 

III.  La  Croix  monument  dé  miséricorde.  —  Mémorial  d'une  misé- 
ricorde gratuite.  —  Mémorial  d'une  rédemption  surabondante.  — 
Mémorial  d'un  inépuisahle  pardon IV,  307 

Culte  véritable.  —  Parmi  tant  de  cultes,  et  si  divers,  où  est  le 
véritable? 

1°  Il  ne  peut  être  dans  les  cultes  impurs  ou  extravagants.  —  Il  ne 
pouvait  être  dans  les  immondes  pratiques  du  paganisme.  —  Ni 
dans  les  honteuses  extravagances  de  l'Egypte.  —  Ni  dans  les  im- 
morales et  ridicules  cérémonies  du  Bouddhisme;  etc. 
■  2°  H  ne  peut  être  dans  les  mutilations  de  l'hérésie.  —  Le  propre 
de  l'hérétique  est  de  retrancher  de  la  religion  tout  ce  qui  lui  dé- 
plaît. —  De  là,  ces  variations,  ces  contradictions  éternelles  qui 
marquent  l'erreur. 

3°  Le  vrai  culte  est  dans  l'Eglise  catholique.  —  Entre  beaucoup 
de  preuves,  celle  du  miracle,  de  la  prodigieuse  existence,  de  la 
prodigieuse  puissance,  des  œuvres,  de  l'inextinguible  vitalité  de 
l'Eglise  catholique  sont  plus  que  suffisantes  à  convaincre  tout  es- 
prit de  bonne  foi I,  491 


534  TABLE  GÉNÉRALE 


D 


Déisme.  —  La  prétendue  religion  idéale  du  déiste  est  inaccepta- 
ble. —  Elle  ne  repose  sur  aucun  fondement.  —  Elle  ne  donne  au- 
cun fruit  de  vertu.  —  Elle  est  impossible  en  pratique I,  482 

Devoir. 

Devoir.  —  Comment  il  importe  de  considérer  le  devoir.  —  De 
quelle  manière  nous  devons  être  fidèles  au  devoir I,  237 

Devoir.  —  L'accomplissement  fidèle  du  devoir  est  l'honneur,  le 
besoin,  la  sécurité  de  l'homme  ici-bas I,  420 

Le  Devoir. 

I.  Le  devoir  est  l'artisan  de  la  sainteté.  —  Le  devoir  redresse  la 
nature  déchue.  —  Le  devoir  soutient  la  partie  noble  et  élevée  de 
notre  être.  —  Le  devoir  nous  fait  accomplir  notre  mission  expia- 
trice.  —  Le  devoir  nous  unit  excellemment  à  Jésus-Christ. 

II.  Le  devoir  est  la  grande  puissance  de  la  vie.  —  Sans  le  devoir 
tout  est  ruine.  —  Avec  le  devoir  tout  prospère. 

III.  Ce  qu'exige  la  pratique  du  devoir.  —  Il  faut  surnaturaliser  le 
devoir.  —  Il  faut  tout  sacrifier  au  devoir.  —  Il  faut  se  former  dès 
l'enfance  à  la  pratique  du  devoir IV,  204 

Dieu.  —  (Nécessité  pour  nous  de  l'aimer.) 

\°ll  nous  en  fait  un  commandement  exprès.  —  Un  commandement, 
dans  lequel  et  par  lequel  tout  les  autres  sont  accomplis. 

2°  Il  y  attache  notre  destinée  entière.  —  Notre  élevai  ion  divine  est 
liée  à  l'amour  de  Dieu.  —  Nos  douleurs  présentes  supposent  l'a- 
mour de  Dieu I,  202 

Bonté  de  Dieu  envers  l'homme. 

I.  Dieu  donne.  —  Dieu  nous  donne  l'être.  —  Dieu  nous  donne 
les  splendeurs  de  l'être.  — Dieu  nous  donne  l'immortalité  de  l'être. 

II.  Dieu  se  donne.  —  Dieu  s'est  approché  de  l'homme.  —  Dieu 
est  entré  en  partage  avec  l'homme.  —  Dieu  s'est  uni  à  l'homme. 

III.  Dieu  pardonne.  —  Dieu  nous  supporte.  Dieu  nous  réserve 
d'ineffables  pardons III,  309 

Dimanche. 

Dimanche.  —  Grandeur,  inviolabilité,  promulgations,  sanctions 
de  la  Loi  du  Dimanche 1I>  394 


TABLE  GENERALE  535 

Dimanche.  —  Mystérieuses  grandeurs  du  Repos  du  Septième 
jour " .' II,  391 

Dimanche.  —  Bienfaits  de  la  loi  du  Dimanche.  —  Bienfaits:  pour 
l'individu:  la  famille:  la  Société II,  397 

Divorce. 

Divorce.  —  Raisons  pour  lesquelles  Dieu  a  toléré  le  Divorce  et 
raisons  pour  lesquelles  Dieu  a  rétabli  le  mariage  dans  sa  perfec- 
tion primitive I,  257 

Divorce.  —  Dieu  a  prohibé  le  divorce.  —  Dieu  a  tout  droit  sur 
l'union  de  l'homme  et  de  la  femme.  Lu;  seul  est  Législateur  sou- 
verain  I,  308 

Divorce.  —  Inanité  des  raisons  que  les  fauteurs  du  Divorce  op- 
posent pour  le  soutenir L  310 

Divorce.  —  Origines  honteuses:  honteux  patronages:  honteuses 
législations  du  Divorce I,  312 

Divorce.  —  Désastreuses  conséquences  du  Divorce  sur  les  person- 
nes, sur  les  familles,  sur  la  Société I,  314 

Divinité.  —  Divinité  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ.  Elle  s'éta- 
blit sur  les  plus  irréfragables  preuves.  —  Jésus-Christ  se  montre 
à  nous  possesseur  de  toutes  les  puissances  de  Dieu.  —  Jésus-Christ 
est  éternel,  comme  Dieu.  —  Jésus-Christ  est  dominateur,  comme 
Dieu.  —  Jésus-Christ  parle  et  agit  comme  Dieu I,  103 

Divinité  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ.  Immenses  conséquen- 
ces qui  découlent  de  ce  dogme I,  112 

Douceur. 

Douceur.  —  H  y  a  une  fausse  douceur  dont  les  sources  sont  per- 
verses et  les  fruits  amers II,  316 

Douceur.  —  La  douceur  chrétienne  nait  de  l'immolation  de  tout 
soi-même II,  318 

Douceur.  —  La  douceur  chrétienne  ne  se  peut  soutenir  que  par 
des  motifs  tout  surnaturels II,  324 

Douceur.  — Merveilleuse  puissance  de  domination  de  la  douceur. 
Elle  triomphe  partout:  elle  règne  partout II,  328 

Douleur. 

Douleur.  —  Comment  la  douleur  fut  accueillie  par  Je- us.  Marie 
et  Joseph.  —  Comment  elle  doit  être  accueillie  dans  la  famille 
chrétienne L  238 

Douleur.  — D'où  vient  la  douleur?  Pour  quelle-  oufïrons- 
nous?  —  Dieu  fait  de  la  douleur  l'expiation  de  nos  fautes.  —  La 
pratique  de  nos  plus  excellentes  vertus.  —  La  semence  de  notre 
gloire  éternelle II,  277 

Douleur.  —  Dangers  de  la  douleur.  — Danger  d'en  négliger  les 
mérites.  —  Danger  de  nous  laisser  aller  au  découragement.  — 
Danger  de  tomber  dans  l'irritation IL  283 


536  l'AELE  GÉNÉRALE 

De  la  droiture  d'âme. 

I.  Avec  quel  soin  nous  devons  la  garder.  —  Quelle  en  est  l'excel- 
lence. —  Quelle  en  doit  être  la  culture. 

II.  Avec  quel  soin  les  parents  doivent  y  former  /ewrs  enfants.  —  Ils 
doivent  éveiller  la  conscience.  —  Ils  doivent  diriger  la  conscience. 

—  Ils  doivent  souteuir  la  conscience III.  479 


E 


Ecole  catholique.  —  Combien  elle  est  nécessaire  et  pour  quelles 
raisons I;  i 66 

Ecole  catholique.  —  Combien  il  importe  aux  catholiques  de  sou- 
tenir leurs  Ecoles.  —  Aquelles  conditions  y  pourront-ils  parvenir?  I.  171 

L'Ecole  sans  Dieu. 

I.  Elle  est  un  attentat  contre  Dieu.  —  C'est  l'attentat  du  déduiu. 
—  C'est  l'attentat  de  la  négation. 

II.  Elle  est  un  attentat  contre  la  famille.  —  Elle  y  met  la  contra- 
diction. —  Elle  y  amène  la  destruction.  —  Elle  y  sème  la  désunion. 

III.  Elle  est  un  attentat  contre  la  Société.  —  Une  éducation  sans  Dieu 

e<i  une  chimère.  — Celte  erreur  est  destructive  de  toute  Société.  III.  313 

Ecriture  sainte.  —  Objet  des  études  continuelles  du  Prêtre. 
Vraie  et  intarissable  source  de  la  Prédication.  (T.  I,  pag.  5. 10-15.) 

Education. 

Education.  —  Dieu  modèle  des  parents  dans  l'éducation  de  leurs 
enfants I,  229 

Education.  —  Elle  doit  préparer  les  enfants  à  affronter  les  de- 
voirs de  la  vie I-  275 

Education.  —  .Merveilleuses  aptitudes  que  donne  la  vie  religieuse 
pour  l'éducation  de  la  jeunesse H,  272 

Sur  1  œuvre  de  l'Education. 

I.  Eminence  de  celte  œuvre.  —  C'est  le  salut  d'une  ame.  —  C'est 
la  prospérité  de  la  famille.  —  C'est  l'avenir  de  la  Pairie. 

II.  Condition*  actuelles  de  cette  œuvre.  —  Il  nous  foui  une  géné- 
ration instruite  dans  la  foi.  —  11  nous  faut  une  génération  mâle, 
austère,  sérieuse.  —  Il  nous  faut  une  génération  combattaule  .    III.  280 


TABLE   GÉNÉRALE  537 

Sur  l'œuvre  de  l'Education. 

I.  Sublimité  toute  divine  de  cette  œuvre.  —  Saisissants  rapports 
entre  la  parole  éducatrice  et  la  parole  du  Dieu  Créateur.  —  La  pa- 
role éducatrice  est  une  parole  de  force.  —  Cette  force  est  persis- 
tante, perpétuelle.  —  La  parole  éducatrice  est  d'une  merveilleuse 
fécondité. 

IL  Les  conditions  de  succès  dans  cette  œuvre.  —  Elle  exige  le  dé- 
vouement. —  Elle  a  pour  base  essentielle  la  Religion III,  292 

Influence  décisive  du  Prêtre  éducateur  de  la  jeunesse. 

I.  Positus  in  resurrectionem.  —  Il  est  beau,  sans  doute,  le  minis- 
tère paroissial.  — Mais  combien  entravé  au  milieu  du  monde.  — 
Plus  fructueux  est  le  ministère  de  l'Education. 

IL  Positus  in  ruinant.  —  Lu  tel  éducateur  est  sans  prestige.  — 
Un  tel  éducateur  est  sans  initiative.  — Un  tel  éducateur  est  sans 
édification IV,  362 

Eglise.  —  Définition  sublime  de  l'Eglise,  elle  n'est  autre  que 
Jésus-Cbrist  continué,  Jésus-Christ  vivant  au  milieu  de  nous.  .    .    I,  153 

L'Eglise  au  milieu  du  monde.  —  Comme  son  divin  Fondateur, 
l'Eglise  :  —  remue  le  monde  ;  —  vivifie  le  monde  ;  —  triomphe 
du  monde I,  155 

L'Eglise,  salut  du  monde  :  par  la  grâce  :  par  sa  doctrine  ;  par 
ses  œuvres I,  160 

Eglise.  —  Sa  plus  sublime  définition.  Elle  est  le  Corps  mystique 
du  Christ.  Elle  est  Jésus-Christ  vivant  et  opérant  dans  le  monde  à 
travers  les  siècles Il,  15 

Eglise.  —  Belle  et  invincible  preuve  de  la  divinité  de  l'Eglise,  sa 
perpétuité,  son  indéfectibilité  toute  divine II,   18 

Eglise.  —  Merveille  de  son  premier  établissement,  de  ses  pre- 
mières luttes,  de  ses  premiers  triomphes II,  20 

Eglise.  —  Sa  divinité  lui  assure  les  trois  prérogatives  suivantes  : 
l'unicité  :  l'infaillibilité;  la  domination II,  25 

Eglise.  —  Merveilleuse  force  de  l'Eglise  daus  ses  luttes  du  début. 

—  Merveilleuse  force  le  long  des  siècles IL  237 

L'Eglise. 

I.  Ce  qu'est  l'Eglise.  — L'Eglise  est  le  Corps  mystique  de  Jésus- 
Christ.  —  Conséquence  de  cette  sublime  doctrine. 

IL  Ce  que  fait  l'Eglise.  — L'Eglise  est  le  fondement  de  la  vérité. 

—  L'Eglise  est  la   dispensatrice   de  la  charité.  —  L'Eglise  est  la 
donatrice  de  l'Eternité. 

III.  Ce  qu'exige  l'Eglise.  —  Elle  exige  notre  foi.  — Elle  exige 
notre  obéissance.  —  Elle  exige  notre  concours IV,  324 

Endurcissement. 

1°  Comment  l'àme  y  tombe.  —  Le  moment  d'une  chute  grave  est 
terrible...  Mais,  néanmoins,  combien  il  reste  au  pécheur  de  voies 
au  repentir  et  au  pardon  !  —  Son  irréparable  malheur  est   de  de- 


53S  TABLE  GÉNÉRALE 

meurer  dans  son  état.  —  De  s'y  habituer.  —  D'y  perdre  tout  re- 
mords. —  C'est  l'endurcissement. 

2°  Comment  Dieu  le  traite.  —  Dieu  essaye  d'abord  de  réveiller, 
de  remuer  violemment  cette  âme  endurcie.  Ce  sont  ses  châtiments 
de  miséricorde.  —  Puis,  si  le  pécheur  s'obstine,  Dieu  le  châtie  par 
unt  mystérieuse  torpeur  :  <c  Calicem  soporis  » II.  59 

Energie  chrétienne.  —  Sous  de  multiples  et  essentiels  rapports, 
elle  est  nécessaire. 

1°  Nécessité  de  vocation.  —  Dieu  uous  appelle  à  une  destinée 
dont  la  conquête  est  affaire  d'énergie.  —  Dieu  nous  appelle  aux 
combats  de  cette  vie. 

2°  Nécessité  d'éducation.  —  L'éducation  reçue  de  Jésus-Christ  est 
toute  de  force  et  d'énergie.  —  Toute  semblable,  l'éducation  par 
l'Eglise. 

3°  Nécessité  de  préservation.  —  Notre  salut  assailli   de  dangers. 

—  Dangers  insurmontables  sans  l'énergie II,  298 

Ennemis  de  Dieu.  —  Eu  dépit  de  toute  apparence,  Jésus-Christ 
devait  avoir  des  ennemis.  —  Dieu  les  laisse  triompher  pour  mar- 
quer le  libre  arbitre  de  l'homme  et  aussi  l'invincible  puissance  di- 
vine   I,  180 

Ennemis.  —  Comment  ils  servent  au  plan  de  Dieu.  —  à  la  mis- 
sion de  Jésus-Christ,  —  au  triomphe  final  de  Jésus-Christ,  de  l'E- 
glise, des  Elus I,  180 

Ennemis.  —  Quand  les  pécheurs  sont  devenus  obstinés  et  impé- 
nitents, Dieu  les  fait  servir  à  la  glorification  de  sa  Puissance  et 
de  sa  Justice H.  307 

De  l'envie. 

I.  L'envie  étudiée  dans  ses  œuvres. —  Etendue  de  ses  destructions. 

—  Violence  de  ses  haines.  — Impiété  de  ses  agissements.  —  téna- 
cité de  ses  vengeances. 

II.  Venvie  étudiée  en  elle-même.  —  Son  origine.  —  Ses  procéda  s. 

III.  Venvie  étudiée  dans  ses  remèdes.  —  Nourrissons-nous  d'ambi- 
tions toutes  divines.  —  Faisons  taire  les  appétits  déréglés.   .   .    II!,  436 

La  pensée  Ce  lEternité. 

I.  Elle  est  une  lumière.  —  Lumière  projetée  sur  nous-mêmes.  — 
Lumière  projetée  sur  le  monde.  —  Lumière  projetée  sur  l'Evangile. 

II.  Elle  est  une  force.  —  La  notion  de  l'Eternité  esl  tout  dans 
l'histoire  humaine. 

III.  Elle  est  une  joie.  —  Elle  esl  une  joie  dans  la  prospérité.  — 

Elle  est  une  joie  dans  l'infortune IV,  75 

Eucharistie. 

Eucharistie. —  L'Eucharistie  merveille  de  la  force  de  Dieu,  à 
quelque  point  que  l'on  se  place  pour  la  considérer II.  100 


TABLE  GÉNÉRALE  539 

Eucharistie.  —  L'Eucharistie  met  le  sceau  à  notre  glorification. 

—  Glorification  de  nos  âmes.  Elle  achève  de  faire  de  nous  des  êtres 
divins.  —  La  glorification  de  nos  corps  dont  elle  prépare  la  future 
résurrection II,  108 

Eucharistie.  — La  présence  et  l'action  de  Jésus-Christ  au  dedans 

de  nous  par  l'Eucharistie II,  107 

Eucharistie.  —  L'Eucharistie  Mémorial  de  la  mort  du  Sauveur.    II,  106 

L'Eucharistie  Sacrement  de  foi. 

I.  L'Eucharistie  exige  la  foi.  — Le  plan  divin  :  le  salut  par  la  foi. 

—  Comment  Dieu  exécute  ce  plan. 

II.  L' Eucharistie  soutient  la  foi.  —  Le  Credo  catholique  résumé 
dans  l'amour.  — L'amour  résumé  dans  l'Eucharistie III,  1 

L'Eucharistie  Sacrement  d'espérance. 

I.  L'Eucharistie  espérance  de  nos  âmes.  —  La  destinée  de  nos 
âmes  est  de  s'unir  à  Dieu.  —  Cette  destinée  entravée  sans  cesse 
réclame  le  secours  eucharistique. 

IL  L'Eucharistie  espérance  de  nos  corps.  —  Sort  lamentable  de  nos 
corps  par  le  fait  du  péché.  —  Sort  glorieux  de  nos  corps  par  le 
fait  de  l'Eucharistie M,  13 

L'Eucharistie  Sacrement  d'amour. 

I.  V Eucharistie  prodigue  l'amour.  —  Là  est  la  Beauté  infinie.  — 
Là  est  la  Bonté  infinie.  —  Là  est  le  dévouement  infini.  —  Là  est 
l'Amour  martyr. 

II.  L'Eucharistie  réclame  V amour.  —  Amour  pieux  et  tendre.  — 

—  Amour  fort  et  généreux.  —  Amour  délicat  et  craintif  ....    III,  27 

L'Eucharistie  Sacrement  de  piété. 

I.  Ce  qu'est  la  piété.  —  D'où  elle  émane.  —  Ce  qu'elle  est.  —  Ce 
qu'elle  donne. 

Ce  que  l'Eucharistie  est  à  la  piété.  — L'Eucharistie  en  est  le  mo- 
dèle.—  L'Eucharistie  en  est  la  consommation III,  34 

L'Eucharistie  Sacrement  de  force. 

I.  V Eucharistie  force  contre  le  monde.  —  Le  monde  aux  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise.  —  Le  monde  au  temps  actuel. 

II.  L'Eucharistie  force  contre  le  démon.  —  Ce  qu'est  le  démon.  — 
Ce  qu'est  la  guerre  que  nous  livre  le  démon.  —  Ce  qu'est  l'Eucha- 
ristie dans  cette  guerre. 

III.  L'Eucharistie  force  contre  la  divine  Justice.  —  A  quoi  nous 
exposent  nos  prévarications.  —  Comment  intervient  et  nous  sauve 
l'Eucharistie HL  42 

Examen  de  la  conscience.  —  Sur  quoi  il  doit  porter.  —  Sur 
les  dangers  spéciaux  que  court  notre  àme.  —  Sur  nos  devoirs  d'é- 
tat. —  Sur  nos  défauts  et  nos  chutes JI,  35 


540  TABLE   GÉNÉRALE 

Examende  la  conscience.  —  Des  diverses  sortes  de  consciences. 
—  Scrupuleuse.  —  Indélicate.  —  Droite  et  sainte II.  74 

Le  bon  exemple  que  doit  donner  le  prêtre. 

I.  Nécessité.  —  C'est  l'honneur  de  Dieu.  —  C'est  la  force  de  l'E- 
glise. —  C'est  le  salut  des  âmes. 

II.  Pratique.  —  Dans  sa  personne  et  son  extérieur.  —  Dans  son 
langage.  —  Dans  ses  procédés • IV,  378 


F 


Famille.—  Comment  la  famille  a  été  constituée  par  Dieu  sur 
le  type  de  l'Adorable  Trinité I.  222 

Famille.  —  L'amour  comme  fondement,  comme  devoir,  comme 
force  et  vie  dans  la  famille 1,  225 

Famille.  —  Dieu  doit  régner  dans  la  famille.  Il  y  doit  être  ensei- 
gné, aimé,  obéi,  servi I,  233 

Famille.  —  Les  devoirs  qui  incombent  aux  parents  dans  la  fa- 
mille chrétienne.  —  Dieu  se  donne  Lui-même  comme  modèle  dans 
l'exercice  de   ces  devoirs I,  235 

Famille.  —  Combien  elle  est  grande,  noble  et  puissante  quand  la  I,  242 
religion  la  pénètre  et  dirige  ses  actes et  350 

Famille.  — Triste  et  désolant  tableau  de  la  famille  sans  religion  1,  244 

Famille.  —  L'inconduite  amène  la  désolation  et  la  ruine  au  sein 
de  la  famille I.  353 

Famille.  — L'amour  chrétien  dans  la  famille I.  416 

Famille  (La  Sainte).  —  Dans  la  sainte  famille  de  Nazareth  nous 
trouvons  les  trois  choses  sacrées  et  fondamentales:  le  règne  et  la 
présence  de  Dieu  :  —  L'héroïque  accomplissement  du  devoir  :  — 
L'acceptation  sainte  de  la  tribulation I.  231 

Famille.  —  (irandeur  de  la  famille. 

I  °  Grandeur  purement  naturelle  de  la  famille.  —  Elle  est  grande  en 
elle-même.  —  Elle  est  grande  dans  ses  rapports  avec  la  Société. 

2°  Grandeur  surnaturelle  de  la  famille.  —  En  elle  réside  l'autorité 
de  Dieu.  —  En  elle  <■>!  gravée  l'image  de  Dieu  en  Trois  Person- 
nes. —  Sar  elle  pèse  la  responsabilité   imposée  par  Dion  ....    I.  350 

Famille.  —  La  Saint  •  Famille  de  Nazareth,  modèle  de  la  famille 
chrétienne. 


TABLE    GÉNÉRALE  541 

Les  trois  éléments  de  Sainteté  dans  la  Sainte-Famille.  —  Il  les 
faut  retrouver  dans  la  famille  chrétienne. 

La  présence  de  Dieu  dans  la  famille.  —  L'Homme-Dieu  à  Naza- 
reth. —  Dieu  dans  la  famille  chrétienne.  —  Le  devoir  dans  la  fa- 
mille. —  Combien  il  fut  sacré  et  héroïque  à  Nazareth!  Il  doit  être 
la  règle  de  la  vie  dans  la  famille  chrétienne.  —  La  souffrance  dans 
la  famille.  Continuelle,  universelle,  sainte  à  Nazareth.  Comment  la 
famille  chrétienne  la  doit  accueillir  et  sanctifier I,  231 

Famille.  —  Vertus  nécessaires  à  la  famille. 

1°  Le  sérieux.  —  Désastres  de  la  dissipation.  —  L'époux  homme 
de  plaisir.  —  L'épouse  et  la  mère  mondaine. 

2°  Le  bon  caractère.  —  Quels  travers  de  caractère  empoisonnent 
la  vie  de  famille.  —  Condition  essentielle  :  la  domination  de  soi. 

3°  L'assiduité.  —  Combien  essentielle  chez  le  père  de  famille. 

—  Combien  essentielle  chez  l'épouse  et  la  mère.  —  Combien  elle 

doit  être  exigée  des  enfants I,  275 

Fécondité. 

Fécondité.  —  Noblesse,  sainteté,  héroïsme  qui  doivent  présider 
à  la  fécondité  dans  le  mariage.  —  Tvpe  sacré  dans  l'Adorable  Tri- 
nité   ! I,  227 

Fécondité.  —  Comme  honneur  ;  comme  souffrance  ;  comme  res- 
ponsabilité. —  Comme  force I,  263 

Femme. 

Femme.  —  La  femme  est  tout  providentiellement  vouée  à  la  pra- 
tique de  la  piété I,  59.  —  I.  290 

Femme.  —  Admirable  réciprocité  de  services  et  de  secours  entre 
Jésus-Christ  et  la  femme  chrétienne I,  292 

Femme.  —  Combien  ivrannisée,  combien  avilie  dans  la  société 
païenne.  —  Cet  avilissement  reparait  dès  que  la  foi  chrétienne 
s'éteint II,  252 

Femme.  —  Combien  magnifiquement  relevée,  purifiée,  ennoblie 
par  le  christianisme.  —  Moyens  multiples  employés  par  Jésus-Christ 
pour  relever  et  ennoblir  la  femme II,  254 

Femme.  —  A  combien  de  missions  nobles  et  fécondes  Jésus- 
Christ  et  l'église  ont  destiné  la  femme  chrétienne II,  260 

La  femme  chrétienne. 

I.  Inestimable  valeur  de  la  femme  chrétienne.  — Interrogeons  Dieu. 

—  Interrogeons  l'Eglise.  —  Interrogeons  nos  ennemis. 

II.  Les  missions  diverses  de  la  femme  chrétienne.  —  Mission  de 
la  femme  chrétienne  dans  son  intérieur.  —  Mission  de  la  femme 
chrétienne  auprès  des  pauvfes IV,  234 

La  Foi  dans  son  double  caractère. 

I.  Les  obscurités  de  la  foi.  —  Ces  obscurités  sont  nécessaires.  — 
Ce  que  réclament  de  nous  ces  obscurités. 


542  TABLE   GÉNÉRALE 

II.  Les  clartés  de  la  foi.  —  La  Foi  s'illumine  elle-même.  —  En 
dehors  d'elle  la  foi  illumine  tout RI,  232 

Foi.  —  L'homme  vit  de  foi. 

L'homme  naturel  vit  de  foi.  —  La  foi  est  au  fond  de  toute  chose 
humaine.  — Dès  que  cette  foi  naturelle  est  ruinée,  une  perturba- 
tion profonde,  un  indicible  malaise  suit  sa  ruine I,  82 

Foi.  —  L'homme  surnaturalisé,  le  chrétien,  vit  loi  aussi  de  foi, 
d'uuc  foi  divine  appropriée  à  sa  divine  nature I,  83-86 

Foi.  —  La  foi  nous  est  donnée  comme  sauvegarde  contre  l'or- 
gueil et  la  folle  indépendance  de  notre  raison.  —  Dieu  la  fait  ser- 
vir à  un  châtiment  béni I,  87 

Foi.  —  La  foi  constitue  la  principale  épreuve  de  notre  vie  terres- 
tre. Par  elle  nous  donnons  à  Dieu  l'hommage  éminent  de  notre 
être  tout  entier I,  89 

Le  rôle  de  la  Foi  dans  la  vie  chrétienne. 

I.  La  foi  vivifie  la  prière.  —  Pour  prier  il  faut  connaître  Dieu. 

—  Pour  prier  il  faut  se  connaître  soi-même. 

II.  La  foi  vivifie  le  travail.  — La  foi  est  l'honneur  qui  le  relève. 
La  foi  est  la  consolation  qui  le  soutient.  —  La  foi  est  le  but  qui 
le  féconde. 

III.  La  foi  vivifie  la  souffrance.  —  Ce  qu'est  la  souffrance  en  de- 
hors de  la  foi.  —  Ce  qu'est  la  souffrance  éclairée  par  la  foi  .   .   III,  240 

Folie  de  l'homme  sans  religion.  —  Folie  de  rester  sans  lumière 
sur  la  capitale  question  des  tins  dernières.  —  Folie  plus  lamenta- 
ble de  dédaigner  les  solutions  religieuses.  —  Comble  de  la  folie, 
se  faire  de  cette  désastreuse   ignorance  un  titre  de  gloire.  ...    II,  247 

Force  chrétienne.  — La  force  vient  à  l'homme  de  sa  conviction. 

—  Le  secret  de  la  force  chrétienne  c'est  la  foi I,  472 

Force.  —  Combien  la  force  est   indispensable  durant    toute  la 

vie.  —  La  force  véritable  ne  nous  vient   que  de  la  religion.    ...     II,  tj 

Force.  —  Triple  force  de  l'âme  chrétienne.  —  Force  en  face  du 
devoir  à    accomplir.  —  Force  en  face  de  l'infortune  à  supporter. 

—  Force  en  face  des  passions  à  combattre II,  238 

Force.  —  La  force  est,  chez  le  chrétien,  nécessaire  d'une  triple 

nécessité:  de  vocation  :  d'éducation:  de  préservation 11,299 

Force.  —  Combien  il  est  nécessaire  de  la  demander  à  Dieu.  — 
Combien  il  est  nécessaire  d'en  faire  un  continuel  exercice.  ...    II,  304 

Foyer  domestique  —  Il  faut  à  tout  prix  y  faire  réguer  Dieu. 

1°  Athéisme  •pratique  de  notre  société  contemporaine.  —  Il  a  été 
précédé  par  un  universel  matérialisme.  —  Par  là  notre  société  n'a 
plus  été  capable  de  comprendre,  ni  de  goûter,  ni  de  supporter,  ni 

de  servie  Dieu. 

2°  Hamener  Dieu  puissamment  au  foyer  de  la  famille.  —  Enfanti- 
nes révélations.  —  Après,  instruction  religieuse,  solide.  —  Dieu 
roi,  conseil,  consolation,   force  du  foyer  domestique I,  SWS 


TABLE  GÉNÉRALE  543 

Frivolité.  —  Elle  nous  découronne  de  nos  vraies  grandeurs.  — 
Elle  est  une  honte  pour  le  chrétien ~~ I.  327 

Frivolité.  —  Portrait  de  la  vie  frivole.  —  Etude  intime.  —  As- 
pect extérieur.  .    . I.  330 

Frivolité.  —  Elle  méconnaît  notre  véritable  situation  ici-bas.— 
Elle  compromet  nos  intérêts  du  temps  et   ceux  de  l'Eternité    .    .    I.  332 


G 


Les  appels  de  la  grâce. 

I.  Les  appels  de  la  grâce.  —  Etudions  la  grâce  en  elle-même.  — 
Etudions  la  grâce  >l  ms  ses  appels. 

II.  Les  délaissements  delà  grâce.  —  Etudions-les  dans  une  image. 
Eludions-les  en  eux-mêmes IV.   t 

Grandeur  d'àme.  —  Grandeur  d'âme  du  chrétien  manifestée  par 
le  mépris  qu'il  fait  des  biens  périssables. 

Grandeur  d*àme  manifestée  parles  désirs  des  biens  éternels,  par 
les  aspirations  magnanimes  vers  l'infini II.  -31 


H 


Homme.  —  Dieu  l'a  traité  magnifiquement  dans  sa  création  : 
dan>  sa  destinée  :  dans  sa  sanctification I,  339 

Homme.  —  Sa  divine  grandeur. 

1°  Dieu  a  créé  l'homme.  — Sublime  perfection  de  l'être  naturel 
do  l'homme.  —  Supériorité  magnifique.  —  Reflet  de  Dieu. 

1°  Dieu  a  fait  de  l'homme  un  ('Ire  divin.  —  Etre  surnaturel  eu 
l'homme.  —  Divine  élévation  de  toutes  ses  puissances  :  de  tous 
ses  actes  :  de  toute  sa  destinée. 

3°  Dieu  traite  divinement  cet  être  divin.  —  Ce  que  Dieu  l'ail  pour 
sou  àme.  —  Ce  que  Dieu  fait  pour  son  corps I.  339 


544  TABLE  GÉNÉRALE 

Homme.  —  Il  doit  être  religieux. 

1°  17  le  doit.  —  Il  le  doit  :  à  cause  de  sa  position  plus  élevée 
dans  la  famille  :  à  cause  des  entraves  plus  grandes  que  lui  ménage 
la  vie  publique  :  à  cause  des  dangers  plus  continuels  qu'il  ren- 
contre dans  le  monde, 

2°  Trop  souvent  il  le  néglige.  —  Il  le  néglige  sous  de  faux  pré- 
textes. —  Il  le  néglige  pour  de  misérables  et  honteux  motifs.  .    .    I.  60 

L'humilité. 

I.  V humilité  vertu  divine.  —  Divine  dans  son  modèle. —  Divine 
dans  se?  motifs. 

II.  L'humilité  vtrtu  bienfaitrice.  —  Elle  nous  donne  la  vérité.  — 
Elle  nous  donne  la  liberté.  —  Elle  nous  donne  la  charité. 

III.  L'humilité  vertu  heureuse.  —  Elle  nous  rend  heureux  dans 
l'ordre  naturel.  —  Elle  nous  rend  heureux  dans  l'ordre  surnatu- 
rel   III,  489 


Imitation  de  Dieu.  —  Raisons  multiples  et  profondes  pour  les- 
quelles nous  sommes  obligés  d'imiter  Dieu.  —  Ea  quoi  «levons- 
nous  imiter  Dieu  ? I,  185 

Imitation  de  Jésus-Christ.  —  Dans  tout  notre  être  nous  devons 
reproduire  Jésus-Christ.  —  Dans  tous  les  actes  de  nuire  vie  nous 
devons  imiter  Jésus-Christ.  — Dans  lès  vertus  et  les  héroïsmes  de 
sa  mort  nous  devous  imiter  Jésus-Chrisl I,   188 

Immortification.  —  Elle  est  le  contrepied  du  Christianisme. 

I"  Notre  vie  présente  est  une  vie  d'expiation.  —  Dieu  exige  du 
chrétien  une  vie  d'expiation.  —  La  promulgation  de  cette  vie  fait 
tout  le  fond  de  l'Evangile  et  des  enseignements  de  l'Eglise. 

Or  l'immorlification  contredit  insolemment  cette  volonté  et  cette 
promulgation  divines. 

■2°  Notre  vie  présente  est  une  vie  de  combat*.  —  Nous  sommes 
entourés  d'ennemis.  —  I/immortification  assure  leur  triomphe  .    II.  186 

Impiété  contemporaine.  —  Tins  redoutable  qu'une  persécu- 
tion sanglante. 

1°  Elle  refuse  de  voir  Dieu.  —  Elle  ne  veut  le  voir  :  —  Ni  dans 
le  spectacle  de  la  création  :  —  Ni  dans  les  srienre*  :  Ni  dans 
l'histoire  :  Ni  dans  les  péripéties  de  la  vie  ordinaire. 


TABLE   GÉNÉRALE  545 

2°  Elle  s'efforce  de  chasser  Dieu.  —  Après  les  criminelles  ten- 
dances signalées  plus  haut,  sont  venues  les  mesures  violentes.  — 
Dieu  a  été  chassé  de  la  vie  politique;  —  de  la  vie  sociale;  —  de 
l'enseignement  :  des  institutions. 

Désastreux  résultats  de  cette  impiété  contemporaine I,  454 

Impureté.  —  Elle  détruit  en  l'homme  toute  l'œuvre  de  Dieu  .    I,  341 
Impureté.  —  Elle  accumule   les    ruines   dans   le  corps  et  dans 

l'âme  de  l'homme I,  344 

Impureté.  —  Elle  ravage  les  Sociétés  et  les  l'ait  périr  honteuse- 
ment  I,  3o9 

Incarnation. 

Incarnation.  —  (Test  par  Elle  que  l'homme  a  eufm  aimé  Dieu.  — 
Les  charmes  infinis  du  Dieu-Homme I,  199 

Incrédulité.  —  L'épouvantable  habilité  de  l'homme  a  été  de 
se  débarrasser  de  Dieu.  — Là  aboutirent,  dans  tous  les  siècles, 
les  tentatives  de  l'incrédulité. 

1°  Tentatives  anci  unes.  —  L'homme  a  Lente  d'échapper  à  Dieu 
enlui  substituant  de  fausses  et  complaisantes  divinités — L'homme 
l'a  tenté  par  I'odieu  e  et  extravagante  audace  de  l'athéisme.  — 
L'homme  l'a  tenté  par   les   déloyales    mutilations    de    l'hérésie. 

2°  Tentatives  contemporaines.  —  Notre  incrédulité  moderne  a 
forgé  un  dieu  inerte  —  Elle  a  forgé  un  Dieu-Tout.  —  Elle  a 
forgé  un  Dieu  incapable  de  condescendre  à  l'homme  sa  créature.  I.  502 

Sur  l'esprit  d'indépendance. 

I.  Une  indépendance  mauvaise  est  interdite.  —  Nous  en  trouvons 
en  nous-mêmes  le  germe  maudit.  —  Nous  en  voyons  au  dehors  les 
manifestations  désastreuses.  —  Nous  en  entendons  les  rigoureuses 
condamnations. 

II.  Vue  indépendance  sainte  et  noble  est  ordonnée.  —  Voyons  Jé- 
sus-Christ, les  Apôtres.  l'Eglise.  —  Gomment  imiterons-nous 
cette  sainte  indépendance III,  415 

Indifférence  religieuse.  —  Elle  est    un   crime  contre   Dieu.  —    I,  37 
Ses  faux  prétextes  et  ses  vraies  raisons et  61 

Indifférence  religieuse.  —  Elle  est  la  violation  du  premier  de 
nos  devoirs L  422 

Indifférence  religieuse.  —  Elle  compromet  tous  nos  intérêts  du 
présent.  Plus  encore  ceux  de  l'avenir L  427 

Indifférence  religieuse.  —  Les  causes  les  plus  ordinaires  de  l'In- 
différence religieuse  sont  les  passions  et  les  sollicitudes  de  la  vie  .    I.   'i  1 1 

L'Instruction  religieuse  dans  l'Éducation. 

I.  Sa  nécessité.  —  Nécessité  prouvée  par  le  bien  à  obtenir  dans 
l'enfant.  —  Nécessité  prouvée  par  le  mal  à  éviter  dans  l'enfant. 

II.  Sa  pratique.  —  Les  éducateurs  mettront  la  religion  à  la  base 

T.   IV  3o 


546  TABLE  GÉNÉRALE 

•  le  leurs  instructions.  —  Les  éducateurs  mettront  le  point  de  vue 
religieux  à  la  base  de  leurs  corrections.  Les  éducateurs  feront  in- 
tervenir la  religion  dans  l'organisation  et  la  marche  quotidienne 
du  pensionnat M,  302 

Inutilité.  —  Elle  outrage  Dieu  dans  son  domaine  :  dans  ses 
don-  :  dans  ses  exemples.  —  Elle  est  un  désastre  pour  l'Eglise  et 
pourlaSociMé I.  322 

Irréligion.  —  Klle  est  tout  à  la  fois  une  folie,  um1  révolte,  une 
ingratitude I,  449 


Jésus-Christ.  —  Divinité  de  Noire  Seigneur  Jésus-Christ.  —  Ses 
preuves.  —  Jésus-Christ  est  de  tous  les  temps  comme  Dieu.  — 
Jésus-Christ  est  dominateur  comme  Dieu.  —  Jésus-Christ  est  Créa- 
teur comme  Dieu 

Divinité  de  Notre  Seigneur  Jésus-Christ.  —  Immenses  conséquen- 
ces qui  découlent  de  ce  dogme 

Royauté.  —  Cette  royauté  est  nécessaire.  L'origine:  les  œuvres: 
la  mission:  les  humiliations  de  l'Hornme-Dieu  sont  autant  de  titres 
inviolables  à  la  Royauté _. 

Vie  publique.  —  Jésus-Christ  remua  le  monde.  —  Jésus-Christ 
vivifia  le  monde. — Jésus-Christ  triompha  du  monde 

Vie  publique.  —  Jésus-Christ  y  fut  :  Bienfaiteur,  —  Docteur.  — 
Sauveur 

Vie  mystique.  — Jésus-Christ  continue  à  vivre  au  milieu  de  nous: 
il  vit  dans  son  Eglise.  —  Il  accomplit  invisiblemenl  dans  l'Eglise 
tout  ce  qu'il  accomplissait  aux  jours  de  sa  vie  passible 

Vie  douloureuse.  — La  Passion  de  Jésus-Christ  se  déroule  :àGethsé- 
mani:  dans  Jérusalem:  au  Calvaire 

Jcsus  doux  et  humble  de  cœur.  —  Jésus  est  doux  toujours:  dans 
3  les  milieux:  dans  toutes  les  circonstances  :  au  sein  des  plus 
effroyables  provocations 1 


Jésus- Christ  Rédempteur. 

1°  Jésus  Christ  est  Rédempteur  par  son  sang.  —  Tel  il  est  annoncé 
dans  [es  prophéties.  —  Tel  il  esl  préfiguré  dans  toute  la  loi  an- 
cienne.  —  Tel  le  monde  entier,  dans  ses  sacrifices  sanglants,  l'at- 
tend  ei  l'annonce. 

2°  liaisons  profondes.  —  Le  Rédempteur  devait  être  la  rançon 
•liés  du  monde.  Le    Rédempteur  devait  être   prêtre,  et  par 


103 
112 

115 
154 
15G 

159 

139 

320 


TADLE  GÉNÉRALE  547 

conséquent  il  devait  offrir  une  victime  digne  de  Dieu.  —Le  Rédemp- 
teur devait  être  docteur  et  modèle,  il  devait  nous  illuminer  et  nous 
soutenir  au  sein  des  douleurs  de  la  vie I,  109 

Jésus-Christ.  —  Corollaires  de  sa  divinité.  —  La  divinité  de 
Jésus-Christ  tranche  les  trois  plus  vitales  questions  qui  se  posent 
et  tiennent  en  suspens  l'humanité I,   112 

Jésus-Christ  l'Homme  de  douleur. 

I.  La  vue  des  divines  douleurs.  —  Les  douleurs  de  l'àme.  —  Les 
douleurs  du  corps. 

II.  La  logique  des  divines  douleurs.  —  Conséquence  logique  par 
rapport  au  péché.  —  Conséquence  logique  par  rapport  au  monde. 

—  Conséquence  logique  par  rapport  à  la  vie  chrétienne  ....    IV,  319 

Jésus-Christ,  homme  de  douleur.  —  Douleurs  dans  la  trahison 
dont  il  est  victime.  —  Douleurs  dans  le  déshonneur  de  ses  diverses 
condamnations.  —  Douleurs  dans  le  lâche  abandon  où  le  laissent  ses 
amis  les  plus  chers.  —  Douleurs  dans  son  inique  condamnation  à 
mort  et  les  circonstances  qui  l'accompagnent.  —  Douleurs  dans  les 
divers  et  épouvantables  supplices  dont  on  exténue  son  corps. —  Dou- 
leurs dans  les  indicibles  désolations  de  son  âme I,  144 

Jésus-Christ  :  son  œuvre  au  milieu  du  monde. 

1°  Jésus-Christ  remua  le  monde.  —  Il  le  remua  aux  jours  de  sa  vie 
mortelle.  Il  le  remue  plus  encore  depuis  18  siècles.  —  Jésus-Christ 
objet  d'un  immense  et  inextinguible  amour. —  Jésus-Christ  objet 
d'une  immense  et  inextinguible  haine. 

2°  Jésus-Christ  vivifia  le  monde.  —  Il  le  vivifia  par  ses  bienfaits. 

—  Il  le  vivifia  par  sa  doctrine.  —  Il  le  vivifia  par  la  grâce  de  son 
salut. 

3°  Jésus-Christ  triompha  du  monde.  De  sa  force.  De  sa  haine  .    .   I,  154 

Le  régne  social  de  Jésus-Christ. 

I.  Jésus -Christ  Roi  des  riches.  —  Jésus-Christ  purifia  la  richesse. 

—  Jésus  Christ  utilisa  la  richesse.  —  Jésus-Christ  éternisa  la  ri- 
chesse. 

II.  Jésus-Christ  Roi  des  pauvres. — Dans  quel  état  lamentable  Jésus- 
Christ  trouva  le  pauvre.  —  Comment  Jésus-Christ  transfigura  le 
pauvre • IV,  301 

La  conquête  de  Jésus. 

I.  Nécessité  de  cette  conquête.  —  Jésus-Christ  est  le  tout  du  monde. 

—  Comment  ne  serait-il  pas  notre  tout  à  nous-mêmes. 

II.  Conditions  de  cette  conquête.  —  Jésus-Christ  n'est  pas  au  pre- 
miervenu.  — Conditions  essentielles  à  la  conquête  de  Jésus-Christ.  IV,  287 

La  possession  de  Jésus. 

I.  Combien  elle  est  nécessaire.  —Le  monde,  qui  s'en  est  exclu,  le 


548  TABLE  GÉNÉRALE 

proclame.  —  Nos  âmes  tièdes  qui  s'en  écartent  le  proclament.  — 
L(  -  Saints  qui  en  jouissent  le  proclament. 

II.  Comment  elle  est  acquise.  —  Par  l'Eucharistie  de  Jésus.  —  Par 
la  parole  de  .lésus. — Par  la  mortification  de  Jésus IV:  280 

Jésus.  —  Eloignement  et  retour  de  Jésus. 

1°  Comment  nous  forçons  Jésus  a  s'éloigner  (le  nous.  —  Par  dissi- 
pation. —  Par  indifférence.  —  Par  manque  de  foi.  — Par  paresse. 

2°  Combien  il  importe  de  rappeler  Jésus.  —  C'esl  facile':  Jésus  y 
aspire.  Jésus  y  travaille.  —  C'est  urgent IT,  169 

Jésus.  —  Jésus  «  doux  et  humble  de  cœur.  » 

1°  Jésus,  doux  et  humble,  renverse  nos  objections  contre  la  dou- 
ceur. —  Ces  objections  sont  dangereuses,  sont  spécieuses,  sont  com- 
munes. —  Ces  objections  sont  toutes  renversées  par  un  Dieu  humble. 

2°  Jésus,  doux  et  humble,  nous  éclaire  sur  la  pratique  de  la  douceur. 

—  La  manière  dont  Jésus  la  pratique.  —  Les  milieux.  —  Les  cir- 
constances. —  La  perpétuité II,  320 

Le  patronage  de  S.  Joseph. 

I.  Combien  est  précieux  un  patronage.  —  Comment  les  gens  du 
monde  l'apprécient.  Comment  Dieu  le  juge.  CommenI  en  usent 
l'Eglise  i'l  les  Saints.  —  Hélas!  combien  nous  le  négligeons! 

II.  Combien  êminent  entre  tous  le  Patronage  de  S.  Joseph.  —  Quels 
gages  nous  sont  donnés  de  l'excellence  de  ce  Patronage.  —  Quels 
fruits  merveilleux  nous  recueillons  de  ce  Patronage III-  '--'î 

Le  Jugement. 

I.  Devant  qui serai-je  jugé?  —  Jésus-Christ  esl  devenu  mouJii- 

—  A  ses  celés  sont    d'innombrables  témoins.  —  Une   défense 
devenue  impossible. 

II.  Sur  quoi  serai-je  jugé?  —  Sur  li1-  grâces  reçues.  —  Sur  les 
dépôts  confiés.  —  Sur  les  actes  accomplis. 

III.  Quelle  sera  l'issue  de  ce  jugement? —  L'une  esl  délicieuse.  — 
L'autre  est  effroyable IV,  (3 


Langue. 

Langue.  —  Grandeur  el  sublimité  de  la  langue  humaine  révélées 
dans  sa  création,  dans  sa  mission,  dans  ses  emplois  divers  ...    II,  336 


TABLE   GÉNÉRALE  549 

Lingue.  —  Formidable  puissance  de  la  langue.  —  Puissance  pour 
le  bien  :  puissance  pour  le  mal.  —  Puissance  de  vie,  puissance  de 
mort II.  339 

Langue.  —  Combien  il  est  important  de  former  chrétiennement 
sa  langue.  —  Règles  de  la  parole  et  du  silence  chrétiens  .    .    .    .    II,  3 H 

Les  larmes. 

I.  Les  larmes  des  enfants  cl  Dieu.  —  Les  larmes  d'une  mysté- 
rieuse tristesse.  —  Les  larmes  de  l'infortune  et  de  la  douleur.  — 
Les  nobles  larmes  de  la  sainteté. 

II.  Les  larmes  des  yens  du  monde.  —  Etranges  larmes  des  heu- 
reux du  monde.  —  Les  larmes  maudites  des  désespérés IV.  6h 

Les  mauvaises  lectures. 

I.  Ravages  du  mauvais  livre  sur  Vesprit.  —  Notre  plus  essentiel 
devoir  :  garder  intacl  le  dépôt  des  vérités  divines,  —  Comment  le 
mauvais  livre  détruit  en  nous  ces  vérités. 

II.  Ravages  du  mauvais  livre  sur  le  cœur.  —  Il  vide  le  cœur  de 
tout  amour  de  Dieu.  —  Il  remplit  le  cœur  d'illusions  et  d'émotions 
honteuses.  —  Il  surexcite  les  passions.  —  11  énerve  et  atrophie  le 
cœur. 

III.  Ravages  du  mauvais  livre  sur  la  vie  domestique.  —  Le  mau- 
vais livre  la  ravage  dans  ce  qu'elle  doit  avoir  de  pieux.  —  Il  la  ra- 
vage dans  ce  qu'elle  doit  avoir  de  chrétien.  —  Il  la  ravage  dans  ce 
qu'elle  doit  avoir  de  sérieux III,  4o8 

Littérature  contemporaine. 

Littérature  contemporaine.  —  Ses  multiples  productions.  —  Sa 
diffusion  désastreuse.  —  Son  œuvre  néfaste.  —  Les  ruines  qu'elle 
accumule L  25,  241 

Littérature  contemporaine.  —  Elle  flétrit  la  famille  dans  chacun  de 
ses  membres.  —  Elle  fausse  toutes  les  saines  idées.  —  Elle  reflète 
et  accentue  la  corruption  régnante L  246 

Loi  chrétienne. 

Pourquoi  elle  est  stricte  et  rigoureuse  :  —  Parce  que  le  Dieu  qui 
la  proclame  est  infiniment  grand.  —  Parce  qu'il  est  toute  Vérité. 
—  Parce  qu'il  est  tout  Amour I,  123 


550  TABLE   GÉNÉRALE 


M 


Maîtresse  de  maison. 

Ses  devoirs  sont  multiples;  ses  devoirs  sont  graves.  —  La  né- 
gligence de  ces  devoirs  entraîne  des  ruines II,  260 

Mariage. 

Mariage.  —  Grandeurs  du  mariage  :  Origine  :  type  divin  :  élé- 
vation sacramentelle  :  grande  mission I.  250 

Mariage.  —  Etudié  dans  sa  divine  législation.  —  Le  mariage  à 
l'origine.  —  Le  mariage  au  sein  de  la  corruption  du  paganisme  et 
du  peuple  juif.  —  Le  mariage  relevé  par  Jésus-Christ.  .   .   .   .   .    I,  256 

Mariage.  —  Ce  qui  ne  peut  à  aucun  titre  appartenir  à  l'Etat.  — 
Où  l'Etat  peut  intevenir I,  259 

Les  devoirs.  —  Ceux  qui  regardent  le  mariage  lui-même.  — 
Ceux  qui  regardent  les  Epoux.  —  Ceux  qui  regardent  l'enfant  .    .    I,  263 

Mariage.  —  Des  conditions  auxquelles  est  attaché  le  honheur  dans 
i'état  du  mariage I,  275 

Mariage.  —  Le  mariage  en  ce  qu'il  est  sacrement I,  280 

Mariage  civil. 

\°  En  quoi  l'Etat  est  violateur  dans  le  mariage  civil.  —  Môme  con- 
sidéré comme  contrat  le  .Mariage  échappe  à  la  domination  de  l'E- 
tat. —  Combien  plus  comme  acte  religieux.  —  Combien  plus 
comme  sacrement. 

2°  En  quoi  l'Etat  peut  intervenir.  —  L'effet  du  mariage  étant  de 
fonder  au  sein  de  l'Etat  une  famille  et  les  membres  de  cette  fa- 
mille entrant  nécessaireinrnt  en  rapport  par  plusieurs  côtés  avec 
l'Etat,  celui-ci  peut  intervenir  dans  les  effets  civils  du  mariage  .    .   I,  251» 

Marie. 

Marie.  —  Marie,  par  son  Immaculée  Conception,  écrase  nos  trois 
plus  pernicieuses  erreurs  contemporaines  :  la  négation  du  péché 
originel;  la  négation  du  Rédempteur;  la  négation  des  devoirs  du 
Christianisme IL  360 

Marie.  —  Marie  est  le  Triomphe  du  Père. —  hutte  gigantesque 
entre  le  ciel  et  l'enfer,  Dieu  et  Satan.  Dans  cette  lutte,  Dieu  se  sert 
de  Marie  pour  l'écrasement  des  puissances  infernales II,  363 

Marie.  —  Marie  est  l'amour  et  la  joie  du  Fila.  —  Tristesses  et  dé- 
solations de  notre  terre  d'exil  pour  le  Verbe  Incarné.  —  Marie  lui 
est  toute  consolation  et  toute  joie II,  361 


TABLE   GÉNÉRALE  ">51 

Marie.  —  Marie  fut  le  chef-d'œuvre  du  Saint-Esprit.  —  Le  Sainl- 
Esprit  fit.  par  Marie,  son  plus  excellent  ouvrage,  par  elle  il  donna 
au  monde  la  Sainte  Humanité  du  Verbe.  —  L  Esprit-Saint  fit  de 
Marie  la  Vierge  «  pleine  de  grâces  » II,  364 

Marie  Immaculée.  —  Ce  qu'est  en  soi  le  Dogme  de  l'Immaculée 
Conception  de  Marie.  —  Combien  sa  proclamation  opportune  en  ce 
siècle. 

\a  Ce  qu'est  ce  Dogme.  —  Marie,  exempte  de  tout  péché  est  le 
triomphe  du  Père.  —  Marie  exempte  de  tout  péché  est  l'amour  et 
le  repos  du  Fils.  —  Marie  exempte  de  tout  péché  est  l'instrument  du 
Saint-Esprit. 

2°  Combien  opportune  sa  proclamation  en  ce  siècle.  —  Cette  pro- 
clamation écrase  nos  trois  plus  désastreuses  erreurs.  —  Négation 
de  la  déchéance  originelle.  —  Négation  de  la  nécessité  d'un  Ré- II,  363 
dempteur.  —  Négation  des  vertus  et  de  la  pénitence  chrétiennes,  et  366 

La  gloire  en  Marie. 

I.  Le  Miracle  de  cette  gloire.  —  Contemplons  la  gloire  de  Marie. 

—  Rendons-nous  compte  de  ce  qu'elle  a  de  prodigieux. 

II.  Les  sources  de  cette  gloire.  —  Marie  associée  à  l'Incarnation. 

—  Marie  associée  à  la  Rédemption.  —  Marie  associée  à  la  Sancti- 
fication. 

III.  Le  bienfait  de  cette  gloire.  —  Puissance  toute  extraordinaire 
de  Marie.  — Marie  la  reçoit  du  Père.  —  Marie  la  reçoit  du  Fils. — 
Marie  la  reçoit  du  Saint-Esprit III,  137 

La  doulenr  en  Marie. 

I.  C'est  une  douleur  immense.  —  Immensité  de  cette  douleur.  — 
Intensité  de  cette  douleur.  —  Universalité  de  cette  douleur. 

II.  C'est  une  douleur  héroïque.  —  Marie  l'accepta  magnanime- 
ment. —  Marie  la  supporta  héroïquement. 

III.  C'est  une  douleur  féconde.  — Marie  associée,  par  sa  douleur, 
à  la  réconciliation  du  monde.  —  Marie  associée  par  sa  douleur  a 
l'enfantement  de  l'Eglise.  —  Marie  puissante,  par  sa  douleur,  à 
soulager  nos  douleurs III,  146 

Mater  amabilis. 

I.  L'amabilité  dans  son  type  divin.  —  L'amabilité  infinie  c'est 
Dieu  le  Créateur.  —  L'amabilité  Incarnée  c'est  l'Homme-Dieu.  — 
L'amabilité  reflétée  c'est  la  Vierge  Marie. 

II.  L'amabilité  dans  rhéroismi  de  sa  pratique.  —  Une  comparai- 
son. —  Une  application. 

III.  L'amabilité  dans  sa  dominatim  irrésistible.  —  Vains  essais 
d'une  fausse  domination  —  L'amabilité,  base  d'une  domination  vé- 
ritable  III,  164 

Virgo  clemens. 

I.  Marie  nous  est  clémente.  —  C'est  la  clémence  qui  pardonne. 

—  C'est  la  clémence  qui  compatit. 


552  TABLE   GÉNÉHALE 

II.  De  Mutie  apprenons  à  être  déments.  —  Le  premier  devoir  de  la 
clémence  chrétienne  e^t  de  pardonner.  —  Le  second  devoir  de  la 
clémence  chrétienne  est  de  secourir III,  174 

Virgo  fidelis. 

La  fidélité  est,  dans  les  choses  divines  comme  dans  les  choses 
humaines,  l'essentielle  condition  du  devoir. 

I.  La  fidélité  en  Marie.  —  Marie  a  été  fidèle  à  une  dignité  suré- 
minenle.  —  Marie  a  été  fidèle  à  un  divin  amour.  —  Marie  a  été 
fidèle  jusqu'au  martyre. 

IL  La  fidélité  en  nous-mêmes.  —  Soyons  fidèles  à  la  vérité.  — 
Soyons  fidèles  à  la  sainteté.  —  Soyons  fidèles  à  l'amour  ....   III,  184 

Virgo  prudentissima. 

1.  Que  fut  la  prudence  en  Marie?  —  Marie  fut  prudente  en  l'ace 
du  démon.  —  Marie  fut  prudente  en  face  du  monde.  —  Marie  fut 
prudente  en  l'ace  d'elle-même. 

IL  Quelle  sera  la  prudence  en  nous.'  —  Combien  d'ordinaire  nous 
sommes  imprudents  eu  face  du  démon.  —  Combien  imprudents 
en  face  du  monde.  —  Combien  imprudents  en  face  de  nous  mê- 
mes  III,    194 

L  amour  envers  Marie. 

[.Amour  ardent.  —  Impossible  de  ne  pas  aimer  Marie.  —  Im- 
possible, l'aimant,  de  ne  pas  le  lui  montrer. 

II:  Amour  docile.  —  Que  veut  de  nous  Marie  ?  —  Que  ferons-nous 
pour  satisfaire  Marie  '? 

III.  Amour  suppliant.  — Dans  quel  étal  revenons-nous  à  notre 
Mère?  —  De  quelle  manière,  dans  rfiacun  de  ces  états,  nous 

courra  Marie III.    loo 

Marie  modèle  de  la  femme  chrétienne. 

I.  Marie  coré lemptrice.  —  Rôle  delà  femme  chrétienne.  —  Marie 
au  berceau  du  monde.  —  La  femme  chrétienne  et  la  Société  con- 
temporaine. 

II.  Marie  modèle  de  vie  pour  la  femme  chrétienne.  —  Marie  mo- 
dèle de  la  femme  chrétienne  dans  sa  vie  au  dedans.  —  Marie  mo- 
dèle de  la  femme  chrétienne  dans  sa  vie  au  dehors III,  205 

La  maternité  chrétienne  étudiée  en  Marie. 

I.  Comment  fut  préparée  la  mère  d'un   Dieu.  — Elle  le  fui  dai 
la  cloire.  —  Elle  le  l'ut  dans  les  privilèges  et  les  dons.  —  Elle  te 
lui  dan-  le  martyre. 

II.  Comment  est  préparée  la  mère  chrétienne.  —  Grandeur  de  la 
mission  d'une  mère.  -  Comment  Dieu  prépare  une  mère  a  sa 
mission III,  244 

Marthe  et  Marie. 

I.  Quel  serait  le  mal  d'une  rie  de  travail  sans  prière.  —  La  vie 


TABLE  GÉNÉRALE  553 

de  travail  sans  prière  jugée  par  Dieu.  —  La  vie   de  travail   sans 
prière  jugée  par  l'expérience. 

II.  Excellence  d'une  vie  de  travail  où  une  large  part  est  faite  à  la 
prière.  —  Noblesse  d'une  pareille  vie.  — ■  Bonheur  d'une  pareille 
vie IV.  188 

Matèrialisms.  —  Nature  et  e  lots  désastreux  de  notre  matéria- 
lisme contemporain.  —  L'athéisme  pratique  a  suivi I,  295 

Méchants.  —  Conduite  de  Dieu  envers  les  méchants. 

1°  Dieu  les  fait  servir  à  ses  pus.  —  A  l'exaltation  de  sou  Eter- 
nité. —  —  Ala  démonstration  de  sa  Puissance  et  de  sa  Justice.  — 
Au  triomphe  final  du  Christ  et  de  l'Eglise. 

2°  Dieu,  auparavant,  les  appelle,  les  supplie,  les  supporte  avec  une 
tout  extraordinaire  patience.  — ■  Les  pleurs  de  Jésus  sur  l'âme  in- 
fidèle :  sur  l'âme  pécheresse  :  sur  l'âme  obstinée  à  périr.  ...    II,  307 

La  Méditation  et  l'âme  chrétienne. 

I.  La  Méditation  gloire  de  l'âme.  —  Elle  est  uue  ascension  glo- 
rieuse. —  Elle  opère  une  divine  transfiguration . 

II.  La  méditation  vie  et  force  de  l'âme.  —  Dans  les  exigences  de 

la  vie  chrétienne.  —  Dans  les  dangers  delà  vie  chrétienne.  .    .    IV,  182 

Mère. 

Mère.  — La  maternité,  dans  ses  grandeurs,  ses  vertus,  ses  souf- 
frances, sa  mission    a  sou  type  parfait  en  Jésus-Christ I,  286 

Mère.  —  Elle  doit  s'efforcer  de  réagir  contre  les  vices  contem- 
porains. —  contre  l'athéisme  pratique,  —  contre  le  relâchement 
des  mœurs  et  l'abaiss  :men1   des  caractères I,  298 

Mère.  — ■  Combien  il  importe  que,  dans  l'éducation  des  enfants, 
elle  rétablisse  le  principe  d'autorité.  .    .    .• 1,  304 

Mère.  —  La  mère  doit  être  soigneuse  de  conserver  son  autorité. 
—  La  mère  doit  rendre  cette  autorité  douce  et  insinuante.  —  La 
vigilance  est  le  grand  devoir  de  la  mère II,  258 

Messe  (La  Très  Sainte). 

Messe.  —  La  Messe  est  le  Sacrifice  du  corps  et  du  sang  de  Jésus- 
Christ. 

Messe.  —  La  messe  est  la  consommation  de  toutes  les  œuvres 
di    Dieu.  —  La  messe  doit  être  la  consommation  de  notre  salut  .    II,  112 

Mollesse.  —  La  vie  molle,  paresseuse,  nonchalante  est  un  re- 
doutable obstacle  au  salut. 

1°  Elle  nous  rend  impossible  toute  élévation.  —  Notre  destinée  est 
sublime.  —  Mais  sublimes,  ardus, pénibles,  sont  aussi  les  moyens 
d'y  atteindre. 

2°  Elle  nous  rend,  impossible  toute  générosité.  — Le  salut  consiste 
en  ce  que  Dieu  se  douue  à  nous,  en  ce  que  nous  nous  donnons  à 
Dieu.   —  Avec  quelle  impétueuse   générosité   Dieu  s'est  donné    à 


554  TABLE   GÉNÉRALE 

nous  !  —  Avec  quel  élan  nous  devons  nous  donnera  Lui.  —  Com- 
bien la  mollesse  est  incapable  d'une  telle  donation 11,180 

Le  monde. 

I.  //  existe  un  monde  réprouvé  de  Dieu.  —  L'appréciation  divine 
—  Notre  expérience  prop 

II.  Ce  que  c'est  que  ce  monde  réprouvé  de  Dieu.  —  Ce  qu'il  n'est 
pas.  Ce  qu'il  est. 

III.  Comment  se  conduira  le  chrétien  dans  le  monde.  —  Il  ne  croira 
pas  le  monde.  —  Il   ne  subira  pas  le  monde.  —  Ii  n'imitera  pas 

le  monde III,  i*7 

Monde. 

Monde.  — Comment  Dieu  traite  le  monde.  Son  mépris.  Sabaine. 
Sa  sévérité • I,  194 

Monde.  —  Les  maux  multiples  et  profonds  que  nous  cause  l'a- 
mour et  l'esprit  du  inonde I,  194 

Mort.  —  Combien  la  mort  est  formidable.  —  Elle  décide  de 
notre  éternité.  —  Elle  renferme  des  détresses,  des  impuissant  5, 
des  dangers • II.  124 

Mort.  —  Combien  il  importe  que  notre  mort  soit  sainte  et  hé- 
roïque   II,  127 

Mort.  —  Surprises  de  la  mort II,  418 

Mystère.  —  Dieu  impose  à  notre  raison  le  mystère  : 
A   titre  d'expiation.  —  Révolte  primitive  de  la  raison  humaine 
contre  Dieu.  —  Le  Châtiment  approprié  sera  dans  l'aggravation  du 
mystère.  —  Lourde  chaîne  des  mystères  imposés  par  Dieu  à  la 
raison  révoltée III.  232 


O 


L'oisiveté  chez  le  prêtre. 

I.  Sts  facilité*.  —  Le  prêtre  a  plus  d'opposition  naturelle.  —  Le 
prêtre  a  moins  de  mobiles  naturels.  — Le  prêtre  rencontre  plus 
d'occasions  qui  le  détournent. 

II.  Sa  gravité.  —  Gaspillage  d'un  grand  trésor.  — Trahison  d'une 
grande  cause.  —  Déshonneur  d'une  grandi'  famille.  —  Malien» 
d'uni!  rigoureuse  condamnation. 

III.  Ses  remèdes.  — Se  dépouiller  de  L'esprit  du  monde.  —  S'as- 


TABLE  GÉNÉRALE  555 

treindre  à  une  vie  sévèrement  réglée.  —  Pratiquer  la  mortifica- 
tion  IV,  476 

L'orgueil. 

I.  L'orgueil  est  une  impiété.  —  Opposition  impie  de  l'homme  à 
Dieu.  —  Opposition  formidable  de  Dieu  à  l'homme. 

II. L'orgueil  est  une  honte.  —  Dans  l'orgueil  méprises  ridicules. 
Dans  l'orgueil  bassesse  d'âme. 

III.  L'orgueil  est  une  torture.  —  Torture  en  ce  qu'il  réclame  sans 
l'obtenir.  —  Torture  en  ce  qu'il  obtient III,  394 

Oubli  de  Dieu.  —  Les  mots  et  les  désastres  qu'il  entraîne  après 
lui. 

1°  Les  dêsastrts  du  présent.  —  Sans  Dieu,  l'homme  est  un  néant 
misérable.  —  Sans  Dieu,  l'homme  est  un  exilé  sans  espoir.  Sans 
Dieu,  l'homme  est  un  être  douloureusement  inassouvi. 

2°  Les  désastres  de  l'avenir.  —  Vérité  absolument  victorieuse  de 
tous  les  doutes  et  de  toutes  les  négations  :  Dieu  juge.  Dieu  punit 
ceux  qui  l'ont  méconnu  et  méprisé.  —  Terrible  avenir  que  cette 
vérité  ouvre  devant  les  contempteurs  de  Dieu I,  427 


Papauté. 

Papauté.  — Son  histoire  est  une  perpétuelle  merveille  de  la  puis- 
sance de  Dieu II,  307 

Papauté.  —  Sa  domination,  autre  incomparable  prodige.  ...    II,  371 

Papauté.  —  Ses  multiples  et  immenses  bienfaits II,  372 

Paresse.  —  Ce  qu'est,  par  rapport  à  Dieu,  la  vie  paresseuse  et 
inutile. 

1°  Elle  outrage  Dieu  dans  son  domaine  souverain.  —  Comme  Maî- 
tre. —  Comme  Ordonnateur.  —  Comme  Fin  dernière. 

2°  Elle  outrage  Dieu  dans  ses  dons.  —  Elle  l'outrage  dans  ses 
dons  naturels.  —  Elle  l'outrage  infiniment  plus  dans  ses  dons 
surnaturels. 

3°  Elle  l'outrage  dans  ses  exemples.  —Le  travail  sublime  des  Trois 
Personnes  de  l'Adorable  Trinité.  Le  travail  incessant  du  Père.  Le 
labeur  du  Verbe  incarné.  L'œuvre  de  l'Esprit  Sanctificateur. 

4°  Elle  l'outrage  dans  l'Eglise  et  la  société.  —  Comment  la  paresse 


556  TABLE    GÉNÉRALE 

et  L'inutilité  des   divers  membres  de  la  Société  et  de  l'Eglise  sont 

un  désastre  véritable I.  3-2 

Le  pardon  des  injures. 

1.  Dans  lt  pardon  c'est  nous-mêmes  qu'il  faut  considérer.  —  Les 
objections  qui  nous  déconcertent.  —  La  splendide  réalité  qui  nous 
soutient. 

If.  Dans  le  -pardon  c'est  l'offenseur  qu'il  faut  considérer.  —  T'est 
un  frère.  —  C'est  un  malheureux.  —  C'est  l'objet  d'une  glorieuse 
conquête. 

III.  Dans  le  pardon  c'est  Dieu  qu'il  faut  considérer.  —  Refuser  le 
pardon  c'est  se  mettre  en  opposition  flagrante  avec  Dieu.  —  C'est 
faire  une  insulte  à  Dieu.  —  C'est  provoquer  la  colère  et  les  châti- 
ments de  Dieu III.  500 

La  Parole  de  Dieu. 

I.  Origint  et  nature  de  la  Parole  Sainte.  —  Ce  qu'est  l'orateur  pro- 
fane.  —  Ce  qu'est  l'orateur  sacré. 

II.  Sanction  formidable  attachée  au  mépris  delà  Parole  Sainte.  — 
Etrange  conduite  du  inonde.  —  Redoutable  conduite  de  Dieu. 

III.  Effets  puissants  de  la  Parole  Sainte.  -  La  Parole  Sainte  chasse 
toute  erreur.  —  La  Parole  Sainte  nourrit  l'àme  de  toute  vérité. 

IV.  Ce  qu'exige  de  nous  la  Parole  Sainte.  —  Elle  veut  être  écou- 
tée.  —  Elle  veut  être  écoutée  docilement.  —  Elle  veut  être  écou- 
tée fructueusement 111.  260 

Sur  l'inefficacité  de  la  Parole  Sainte. 

I.  Les  causes  de  c>tte  inefficacité.  —  Celte  inefficacité  ne  saurait 
venir  de  Dieu.  —  Cette  inefficacité  vient  de  nous. 

il.  Le  crime  de  cettr  inefficacité.  —  C'e'st  le  mépris  du  Dieu  qui 
nous  parle.  —  C'esl  le  mépris  de  la  vérité  enseignée. 

III.  Les  désastres  de  cette  in  fficacité.  — Eli'  esl  un  signe  bien 
inquiétant.  —  Elle  esl  une  disette  bien  lamentable.  —  Elle  est  un 
châtiment  bien  terrible III.  271 

Passion.  —  Elle  se  [déroule  ii  Gethsémani  :  dans  Jérusalem  :  au 
Calvaire. 

lethsém  ::  cle  d'un  Homme-Dieu   p] 

rant  I"  péché  :  broyé  dans  la   douleur  du   péché,  écrasé  sous    les 
foudres  de  la  justice  divine. 

Dans  Jérusalem,  le  péché  nous  apparaît  torturant  l'IIomme-Dieu 
île  mille  manières,  s'acharnant  à  la  Victime  divine,  et  ne  faisant 
plus  d'elle  qu'un  débris  sanglant. 

\u  Calvaire,  l' Homme-Dieu  triomphe  par  la  croix,  par  la  dou- 
leur. Triomphe  sur  Dieu  :  triomphe  sur  l'homme  :  triomphe  sur 
l'enfer 1,  137 

Passion. 

Passion.  —  L'offense  de  Dieu  fui  la  cause  des  douleurs  ■•!  de  la 
I1'  ïion  de  l'Homme-Dieu 11,286 


TABLE   GÉNÉRALE  557 

Passion.  —  Fruits  merveilleux  de  la  divine  Passion.  —  Fruits 
par  rapport  à  l'homme - II.  290 

Passion.  -  Les  plus  grands  héroïsmes  de  la  vertu  chrétienne 
ont  leur  source  dans  la  divine  Passion II,  293 

Passion.  —  La  divine  Passion  est  le  miroir  lucide  où  nous  appa- 
raît dans  toutes  ses  terreurs  la  justice  de  Dieu,  la  nécessité  de  l'a- 
paiser par  la  contrition - I,    139 

Passion.  —  La  divine  Passion  nous  révèle,  mieux  que  tout  le 
reste,  ce  qu'est  le  péché  :  son  effroyable  perversité,  ses  attentats, 
sa  puissance,  ses  désastres I.   144 

Passion.  —  C'est  la  divine  Passion  qui  a  opéré  l'œuvre  de  la  ré- 
conciliation du  monde I.   1  i9 

Passions.  —  Par  un  étrange  renversement,  nos  passions  qui 
nous  font  de  la  religion  un  besoin  absolu,  nous  en  écartent  et  vio- 
lemment et  toujours. 

Nos  passions  nous  font  de  la  religion  un  besoin  pressant.  — Nos 
passions  nous  tyrannisent.  —  Nulle  part  aucun  auxiliaire  sérieux  ne 
se  présente  contre  elles.  —  La  Religion  s'offre  à  nous  en  rendre 
victorieux I,  oll 

Le  Bon  Pasteur. 

I.  Ce  que  nous  est  le  Bon  Pasteur.  —  Comment  il  acquiert  son 
troupeau.  —  Comment  il  aime  son  troupeau.  —  Comment  il  forme 
son  troupeau. 

II.  Ce  que  nous  devons  être  nous-mêmes  au  Bon  Pasteur.  —  Nous 
devons  lui  être  des  brebis  croyante?.  —  Nous  devons  lui  être  des 
brebis  aimantes.   —  Nous  devons  lui  être  des  brebis  prudentes  .    IV,  294 

Le  Pater. 

I.  Le  Pater  est  la  confession  de  nos  grandeurs.  —  Ce  qu'est 
l'homme  sans  le  Pater.  —  Ce  qu'est  l'homme  glorifié  par  le 
Pater. 

IL  Le  Pater  est  la  supplication  de  notre  indigence.  —  Pourquoi 
l'homme  a  faim.  —  De  quoi  l'homme  a  faim. 

III.  Le  Pater  est  le  cri  de  détresse  de  nos  dangers.  — Notre  pre- 
mier danger  vient  de  la  justice  divine.  —  Notre  deuxième  danger 
vient  de  iios  ennemis.  —  Notre  troisième  dancer  vient  de  la  ten- 
tation  ^ IV,  267 

La  paternité  chrétienne. 

I.  C'est  une  puissance  déléguée.  —  Dieu  source  de  toute  paternité. 
—  Le  père  est  l'associé  et  le  mandataire  de  Dieu. 

II.  C'est  une  puissance  supérieure.  —  La  puissance  paternelle  est 
supérieure  à  toute  autre.  —  La  puissance  paternelle  dans  ses  rap- 
ports avec  l'Etat. 

III.  C'est  une  puissance  responsable.  —  Que  sont  les  autres  respon- 
sabilités ?  —  La  responsabilité  du  père  de   famille  est  plus  grave 

que  toutes  les  autres NL  325 


558  TABLE  GÉNÉRALE 

Les  devoirs  de  la  paternité  chrétienne. 

I.  Il  faut  au  père  la  valeur  morale.  —  Il  lui  faut  la  religion.  — 
Il  lui  faut  la  vertu. 

II.  Il  faut  au  père  l'amour.  —  Il  lui  faut  un  amour  pur.  —  Il  lui 
faut  un  amour  héroïque.  —  Il  lui  faut  un  amour  exclusif. 

Ifl.  Il  faut  nu  père  l'autorité.  —  Nécessité  de  l'autorité. —  Con- 
ditions de  l'autorité. 

IV.  Il  faut  nu  père  la  sollicitude  de  l'avenir.  —  Il  le  doit  comme 
père.  Il  le  doit  comme  citoyen.  —  Il  le  doit  comme  chrétien.  .   III.  333 

Les  fléaux  de  la  paternité  chrétienne. 

I.  Premier  fléau:  la  déformation.  —  Notre  Société  est  vide  de 
principes.—  Elle  est  frivole  et  voluptueuse.  — Elle  est  matérialiste. 

II.  Deuxième  fléau  :  l'abdication.  —  Le  père  abdique  son  œuvre 
édueatrice.  —  Parfois  même  il  la  détruit. 

III.  Troisième  fléau  :  la  désertion.  —  Le    père  de    famille  s'isole 

>{>■-  ^ieus III.  3Î4 

Pauvres. 

Combien  le  pauvre  a  un  pressant  besoin  de  la  religion.  —  Bien- 
faits immenses  de  la  religion  sur  le  pauvre I,  65 

Pauvre.  —  Combien  la  loi  est  nécessaire  au  pauvre.  —  Tout  ce 
que  la  foi  lui  donne  et  maintient  en  lui I.  166 

Pauvre.  —  Les  souffrances  physiques  :  —  la  détresse  morale  du 
pauvre.  —  ll.de  odieux  de  l'impiété  auprès  de  l'ouvrier  et  du  pau- 
vre  I.  37  i 

Pauvre.  —  Le  pauvre  trouve  dans  la  fraternelle  Charité  du  riche 
sa  lumière,  son  honneur,  sa  fortune I.  393 

Pécheur.  —  Combien  son  étal  est  déplorable.  — Etat  de  dis- 
grâce.  —  Liât  'I  •  dépouillement  et  de  détresse.  —  Etat  de  damna- 
tion   IL  47 

/'  eheur.  —  Avant  de  livrer  enfin  à  sa  justice  un  pécheur  obstiné 
et  impénitent,  Dieu  fait  mille  efforts  pour  le  sauver.  —  Quelles 
larmes  amères  Jésus-Chris!  a  versées  sur  lui  I IL  3fî 

Péché. 

Pèch'-.  —  Admirablement  dépeint  dans  les  scènes  de  la  Passion 
déroulée  dans  Jérusalem.  —  Attentats  effroyables  du  péché  con- 
tre un  Dieu.  —  Figures  diverses  représentant  le  péché  sous  ses 
multiples  aspects I.  lit 

Péché.  —  Affreuse  malice  du  péché.  — .Le  péché  s'attaque  à  un 
Dieu.  —  Le  péché  se  rend  coupable  d'attentats  de  toute  sorte  con- 
tre Dieu IL  r. 

Pèch-.  —  Liai  du  péché,  bien  autrement  grave  que  le  péché  lui- 
même.  —  Comment  on  y  tombe  peu  à  peu.  —  Ce  qu'est  en  lui- 
même  cet  affreux  état II,  61 

hé.  —  Comment  le  péché  mène  à  la  damnation.  —  Quand  le 
pécheur  refuse  la  grâce.  —  S'obstine  dans  le  péché.  — Tombe 
•  laiiN  l'insensibilité.  —  De  l'insensibilité  dans  l'endurcissement.  — 
[>'■  l,i  dans  l'impénitence  finale II,  59 


TABLE   GÉNÉRALE  559 

Péché.  — La  négligence   du  péché  fait  tomber  l'âme  dans  une 

mortelle  insensibilité H,  402 

Péché.   —  Affreux  ravages  du  péché II,  408 

Le  péché  mortel. 

I.  Il  faut  connaître  et  apprécier  le  péché  —  H  le  faut  apprécier 
en  lui-mèine.  —  Il  le  faut  apprécier  dans  ses  effets. 

II.  Il  faut  se  souvenir  de  ses  péchés.  —  Souvenir  nécessaire  à 
cause  de  Dieu.  —  Souvenir  nécessaire  à  cause  de  nous-mêmes  .    III,  377 

Le  péché  véniel. 

I.  Quel  mal  est  le  péché  véniel.  —  11  désorganise  notre  vie  spiri- 
tuelle. —  Il  débilite  et  exténue  notre  àme.  —  11  nous  voue  aux  ri- 
gueurs de  la  justice  divine.  —  Il  nous  mène  au  péché  grave. 

II.  Quel  est  l'antidote  du  péché  véniel.  —  La  ferveur.  —  Le  re- 
pentir. —  La  vigilance III,  385 

Pénitence  —  (Sacrement  de).  La  confession  est  divine. 

1°  Dieu  l'a  toujours  exigée.  —  Partout,  dans  tous  les  temps,  chez 
tous  les  peuples,  nous  retrouvons  l'aveu,  la  supplication,  la  péni- 
tence expiatoire. 

2°  Jésus-Christ  en  a  fait  un  sacrement.  —  Impossible  de  ne  pas 
voir  dans  les  paroles  de  Jésus-Christ  le  Sacrement  de  Pénitence. 

3°  Dieu  t'impose  par  une  force  absolument  surhumaine.  —  Un 
Dieu  seul  a  pu  imposer  et  maintenir  la  confession II,  87 

Pénitence  (Sacrement  de).  —  Les  bienfaits  de  la  confession. 

\°  Les  bienfaits  privés.  —  Le  Sacrement  de  Pénitence  nous  rend 
les  biens  de  l'éternité.  —  Le  Sacrement  de  Pénitence  nous  rend 
les  biens  du  temps. 

2°  Les  bienfaits  sociaux.  —  La  confession  maintient  la  vertu  dans 
un  peuple.  —  Témoignage  éclatant  de  l'Histoire.  —  Confirmation 
victorieuse  du  raisonnement II,  92 

La  Pénitence  chrétienne. 

I.  Nécessité  de  la  Pénitence.  —  Etablissons-la  par  le  raisonne- 
ment. —  Etablissons-la  par  l'autorité. 

II.  Notre  conduite  à  l'égard  delà  Pénitence.  —  Ceux  qui  n'en  font 
aucune.  —  deux  qui  la  font  mal.  —  deux  qui  la  foni  saintementet 
fructueusement IV,  34 

Perfection  chrétienne. 

I.  Nous  la  devons  à  Dieucomme  notre  Educateur.  — Dieu  lui-même 
s'esl  fait  notre  Educateur.  —  Ce  qu'exige  de  nous  cette  divine 
éducation. 

II.  Nous  la  devions  à  Dieu  comme  notre  Souverain  Maître.  — Dieu 
nous  est  un  Maître.  —  Dieu  nous  est  un  Maître  Bienfaisant.  — 
Dieu  nous  est  un  Maître  riche  en  avenir. 

III.  Nous  la  devons  «  Dieu  comme  notre  fin  dernière.  —  Notre  des- 


560  TABLE  GÉNÉRALE 

tinée  future  est  de  posséder  Dieu.  — Notre   destinée  présente  est 
de  uous  en  rendre  dignes. 

IV.  Nous  la  devons  à  Jésus-Christ  comme  Chef  de  l'Eglise.  —  Nous 
sommes  de  la  famille  des  Saints.  —  Nous  devons  être  dignes  de 
cette  céleste  famille IV,  159 

La  perfection  chrétienne  :  sa  nécessité. 

I.  Je  la  dois  à  mon  bonheur  futur.  —  Je  suis  né  pour  une  grande 
œuvre.  —  Je  suis  né  pour  un  grand  avenir.  —  Suis-je  digne  de  si 
grandes  choses  ? 

II.  Je  la  dois  à  mon  bonheur  présent.  —  Le  vrai  bonheur  est  dans 
la  perfection  chrétienne.  —  La  vraie  force  est  dans  la  perfection 
chrétienne IV.  164 

La  perfection  chrétienne  :  sa  nature. 

I.  Aspect  ;  lus  général  de  la  ]  erfection  chrétienne.  —  Image  dans 
la  sortie  d'Egyte.  —  [mage  dans  la  marche  vers  la  Terre  promise. 

—  [mage  dans  la  conquête  de  la  Terre  promise. 

II.  Etude  plu*  spéciale  de  la  perfection  chrétienne.  —  La  perfec- 
tion chrétienne  est  une  rénovation  de  notre  vie.  —  La  perfection 
chrétienne  est  un  bon  gouvernement  de  notre  vie IV.  178 

La  perfection  chrétienne:  sa  facilité. 

I.  Peu  nous  est  demandé.  —  Dieu  nous  demande  peu.  —  Dieu 
nous  laisse  beaucoup. 

IL  Bans  ce  peu  7ious  sommes  puissamment  ai<lé>.  —  Nos  ''cours 
naturels.  —  Nos  secours  surnaturels. 

III.  Inanité  , les  objections  et  des  prétextes.  —  Nous  disons  :  c'est 
pénible.  —  Nous  disons:  je   n'ai  pas  la    force.  —  Nous  disons:  je 

n'ai  pas  le  loisir IV.  I  TU 

Piété. 

Piété.  —  La  piété  est  letout  del'homme  ici-bas.  —  La  piété  met 
le  sceau  à  sa  grandeur.  —  La  piété  est  la  bienfaitrice  de  toute  son 
existence.  —  La  piété  esl  la  seule  consolatrice  de  ses  douleurs.  .    li-  l  i<> 

Piété.  —  Les  illusions  des  Ame-  pieuses  sur  la  piété IL  145 

Piété.  —  Les  illusions  des  âmes  mondaines  sur  la  piété.  ...    IL    il!' 
Piété.  —  Droite  et  sainte.  —  Sou  origine.  —  Son  alimentation. 
Ses  œuvres IL  Lit 

Plaies  sacrées  du  Sauveur. 

1°  Comment  elles  ont  admirablement  apaisé  l<i  Justice  divine.  — 
L'offense  commise,  il  fallait  une  réparation.  — Cette  réparation 
Dieu  la  voulait  infinie.  —  Dieu  la  voulait  sanglante.  —Gomment 
les  Plaies  sacrées  du  Sauveur  renferment,  admirablement  réunies, 
toutes  les  conditions  du  pardon. 

2°  Comment  elles  ont  admirablement  converti  l'homme.  —  Mlles 
l'ont  ouvert  au  repentir.  —  Elles  lui  sool  un  frein  à  ses  passions. 

—  Elles  l'élèvent  aux  béroïsmes  de  la  vertu II,  285 


TABLE  GÉNÉRALE  561 

Pratique  religieuse.  —  Ceux  qui  s'imaginent  servir  Dieu  en  de- 
hors de  la  pratique  religieuse  sont  dans  une  déplorable  illusion. 

1°  Lur  prétendue  religion  idéale  est  sans  fondement.  —  Dieu,  en 
prescrivant  un  culte,  l'a  renversée  de  tond  en  comble.  —  Le  genre 
humain  proteste  tout  entier.  —  L'être  humain  s'y  oppose. 

.'Leur  prétendue  religion  idéale  est  impraticable.  — Elleest  impra- 
ticable à  la  multitude.  —  Elle  est  impraticable  tout  autant  aux 
esprits  les  plus  cultivés. 

3°  L?w  prétendue  religion  idéale  est  reconnue  mauvaise  à  ses  fruits. 

—  La  grande    voix  de  l'histoire  le  proclame.  —  L'expérience  de 
chaque  jour  en  t'ait  toi I,  482 

Prédication. 

Prédication.  —  Sou  importance.  — Ses  fruits.  —  Ses  qualités. — 
léfauts.  — Conditions  essentielles  de  toute  sainte  Prédication. 

—  Ce  que    doit    être,  à  l'heure  présente   et  dans  nos  sociétés  eu 
décadence,  la  Prédication I,  1-3*2 

Prédication.  — ■  Raisons  de  sa  trop  ordinaire  inutilité  .....    IL  29 
Prédication.  —  Sa  merveilleuse  et  toute  divine  puissance.  —  Sur 
toute  notre  âme.  —  Dans  toute-  les  situations H,  32 

Présence  de  Dieu.  —  L'exercice  de  la  présence  de  Dieu  comme 
s  irvatif  contre  l'impiété    contemporaine    qui   chas<'>     Dieu  de 
ai-,  delà  famille,  de  la  Société. 

t°  Le  catholique  doit  voir  Dieu  dans  la  Création.  —  Ce  fui  le  des- 
sein  de  Dieu  de  se  faire  apercevoir  à  travers  le  voile  de-  ehoses 
créées.  —  La  Création  qui  nous  montre  Dieu  existant, nous  lemon- 
tre  aussi  Providence. 

2°  Le  catholique  doit  voir  Bien  dans  les  gravi  h  actes  de  sajust'u   . 

—  •   •  que  nous  dit  la  loi  des   grands  châtiments  donl  Dieu  punil 
le  temps  en  temps  le-  crimes  des  Sociétés.  —  Conduite  à  tenir. 

3°  Le  catholique  doit  voir  Dieu  dans  sa  quotidienne  bienfaisance.  — 
Valant  le  pauvre  nous  remercie  de  l'aumône  reçue  :  —  autant  nous 
levons  voir  et  remercier  Dieu  dans  les  biens  dont  sa  honte  nous 
comble  tous  les  jours L  438 

Présence  de  Dieu.  — Enlace  de  l'athéisme  pratique  contempo- 
rain le  devoir  des  catholiques  est  de  se  rendre  Dieu  présent  tou- 
jours, partout,  en  tout.  —  Comment  pratiquer  cette  présence  de 
Dieu. I,  4:>8 

Le  Prêtre. 

I.  Comme  richesse.  —  Le  seul  bien  que1  réclame  l'Humanité  c'esl 
la  vie.  —  Cette  vie,  objet  de  ses  désirs.  l'Humanité  ne  Ja  possède 
pas.  —  Le  prêtre  seul  la  lui  peut  communiquer. 

IL  Comme  puissance.  —  Par  la  nature  de  son  règne.  —  Parl'ui 
versalité  de  son  règne.  —  Par  l'inamissibilité  de  son  règne. 

III.  Comm<>  amour.  —  Besoin  qu'a  le  monde  d'un  cœur  de  prêtre. 

—  Comment  Dieu  a  fait  un  cœur  de  prêtre IV,  331 

T.  IV  3fi 


562  TABLE  GÉNÉRALE 

Le  vrai  prêtre. 

I.  Sa  vie  est  une  vie  d'union  avec  Dieu.  —  Le  prêtre  doit  vivre  en 
perpétuelle  société  avec  Jésus-Christ.  —  Le  prêtre  doit  s'identifier 
avec  Jésus-Christ. 

II.  Sa  vie  est  une  vie  éloignée  du  monde.  —  Nécessité.  — Pratique. 

III.  Sa  vie  est  une  vie  de  souffrance  pour  les  âmes.  —  Dieu  le  veut 

de  lui.  —  Sou  œuvre  le  veut  de  lui IV,  490 

Providence  divine  sur  le  Prêtre. 

I.  Providence  dans  l'appel  du  Prêtre.  —  Surgi  des  rangs  du  peu- 
ple. —  Surgi  des  rangs  de  la  classe  riche. 

IL  Providence  dans  la  formation  du  Prêtre.  —  Grâces  spéciales.  — 
Grâces  communes. 

III.  Providence  dans  l'action  du  Prêtre.  —  Elle  lui  désigne  son 
poste.  —  Elle  lui  ménage  ses  triomphes IV,  3ol 

Sainteté  dans  le  prêtre. 

I.  La  sainteté  est  la  joie  du  sacerdoce.  —  La  joie  est  nécessaire  et 
deux  joies  sont  seules  possibles.  — Sans  la  sainteté  le  prêtre  n'eu 
peut  goûter  aucune. 

IL  La  sainteté  est  ta  sécurité  du  sacerdoce.  —  Une  illusion  funeste 
peut  voiler  son  état.  —  Mais  l'état  du  prêtre  sans  sainteté  est  tou- 
jours un  état  désastreux IV,  372 

Sainteté  nécessaire  aux  prêtres. 

I .  La  sainteté  est  le  but  du  sacerdoce.  —  Un  Dieu  à  glorifier  :  premier 
butdu  sacerdoce.  —Des  âmes  à  sanctifier:  second  but  du  sacerdoce. 

IL  La  sainteté  est  la  joie  du  sacerdoce.  —  La  joie  est  nécessaire 
et  ileux  joies  sont  seules  possibles.  —  Sans  la  sainteté  le  prêtre 
D'en  peut  goûter  aucune. 

III.  La  sainteté  est  la  sécurité  du  sacerdoce.  —  Une  illusion  funeste 
("Mit  voiler  son  état.  —  Mais  l'état  du  prêtre  sans  sainteté  est  tou- 
jours un  état  désastreux IV,  372 

Du  ministère  de  la  Prédication. 

L  Sa  nécessité.  —  Nécessité  pour  le  prêtre  de  prêcher.  —  Comme 
conséquence  :  nécessité  de  se  former  à  la  prédication. 

IL  Sa  pratique.  —  Il  faut  étudier.  —  Il  faut  écouler.  — Il  faut 
pratiquer IV,  3C7 

Le  prêtre  et  la  famille. 

I.  Iiespect,  amour,  dévoûment.  —  Ce  que  la  raison  dit  au  prêtre. 

—  Ce  que  l'exemple  divin  dit  au  prêtre. 

IL  Sainte  indépendance.  —  Indépendance  au  seuil  du  sacerdoce. 

—  Indépendance  dans  le  cours  du  ministère IV,  394- 

Le  prêtre  et  le  monde. 

I.  Le  prêtre  y  est  un  étranger.  —  Etranger  par  dégoût.  —  Etran- 
ger par  prudence.  —  Etranger  par  amour  des  âmes. 


TABLE  GÉNÉRALE  563 

II.  Le  prêtre  y  est  un  envoyé.  —  S'il  ne  pénétrait  pas  dans  les  de- 
meures particulières,  sa  parole  publique  serait  insuffisante.  —  Le 
prêtre  annoncera  l'Evangile  «  publiée  et  per  domos.  » 

III.  Le  prêtre  y  est  victime.  —  Jésus-Christ,  Pontife  suprême, 
victime  du  monde.  —  Ses  ministres,  comme  Lui.  victimes  du 
monde IV,  443 

Le  prêtre  mondain. 

I.  Ce  qu'est  un  prêtre  mondain.  —  On  ne  le  trouve  guère  à  l'é- 
glise. —  On  le  trouve  dans  le  monde. 

II.  Les  désastres  d'une  vie  mondain"  dans  le  prêtre.  —  C'est  une 
vie  messéante  à  sa  vocation.  —  C'est  une  vie  funeste  à  sa  sancti- 
fication. —  C'est  une  vie  mortelle  à  son  ministère .    IV.  431 

De  l'esprit  pénitent  chez  le  prêtre. 

I.  Nécessité  d'expiation.  —  Première  raison:  l'innocence  exigée. 

—  Deuxième  raison:   la  mission  expiatrice.  —  Troisième    raison: 
la  pratique  de  l'Eglise. 

II.  Nécessité  de  sanctification.  —  Idée  générale  de  la  sanctifica- 
tion. —  Détail  de  la  sanctification. 

III.  Nécessité  d'imitation.  —  .Ié>us-Christ  doit  être  reproduit  par 

le  prêtre.  —  Or  .Jésus-Cbrist  c'est  1'  «  Homme  de  douleur.  »   .    .    IV,  399 

L'esprit  de  pauvreté  dans  le  prêtre. 

I.  L'institution  du  sacerdoce  le  proclame.  —  Les  premiers  choix. 

—  Les  premières  leçons.  —  Les  premiers  héros. 

II.  L'exercice  du  sacerdoce  l'exige.  —  La  vie  du  prêtre  est  une  vie  de 
séparation  du  monde.  —  La  vie  du  prêtre  est  une  vie  de  mortiliea- 
tiou.  —  La  vie  du  prêtre  est  une  vie  de  combat.  — La  vie  du  prêtre 
est  une  vie  d'édification. 

III.  L'histoire  du  sacerdoce  nous  instruit.  —  Le  sacerdoce  pauvre 
nous  apparaît  toujours  vigoureux  et  puissant.  —  Le  sacerdoce  trop 
riche  nous  apparaît  amolli  et  dégénéré IV,  389 

De  la  pusillanimité  dans  le  prêtre. 

I.  Combien  elle  est  contraire  à  sa  mission.  —  La  raison  et  l'expé- 
rience le  démontrent.  —  L'Ecriture  le  démontre.  — L'exemple  des 
saints  le  démontre. 

IL  Combien  elle  est  funeste  dans  ses  suites.  —  C'est  une  trahison. 

—  C'est  une  cruauté.  —  C'est  la  source  de  grands  malbeurs. 

III.  Combien  elle  est  coupable  dans  son  origine.  —  C'est  la  mollesse. 

—  C'est  l'amour  de  soi.  —  C'est  la  peur IV,  464 

Prière. 

Rrière.  —  Excellence  de  la  prière  en  tant  qu'elle  est  une  éléva- 
tion de  notre  âme  vers  Dieu IL  155 

Prière.  —  La  prière  est  la  grande,  l'essentielle  condition  du  salut. 

—  L'expérience  et  l'exemple  des  Saints II,  157 

Prière.  —  La  prière  est  l'unique  vraie  consolation  de  nos  infor- 
tunes  • II,    159 


564  TABLE   GÉNÉRALE 

Prière.  —  D'où  viennent  les  difficultés  des  âmes  pieuses  dans  la 
prière.  —  D'où  viennent  les  difficultés  des  âmes  mondaines  dans 
la  prière II.   162 

Excellence  de  la  prière. 

I.  Noblesse  de  la  prière.  — Noblesse  de  l'âme  humaine  en  prière. 

—  Noblesse  plus    grande  de   l'âme   chrétienne   en  prière.  —  No- 

•  suprême  de  l'âme  déifiée  en  prière. 

II.  Puissance  de  la  prière.  —  Pour  le  chrétien  tout  est  impossi- 
ble sans  la  prière.  —  Pour  le  chrétien  tout  devient  possible  par  la 
prière 

III.  Consolations  de  la  prière.  —  Sans  la  prière  l'homme  ressent 
le  malaise  d'un  devoir  trahi.  —  Sans  la  prière  l'âme  humaine  s'i- 
sole douloureusement.  —  Sans  la  prière  la  douleur  est  sans  con- 
trepoids. IV.  241 

Les  conditions  de  la  prière. 

I.  //  nous  faut  la  fui  pour  prier.  —  Apprenons-le  de  l'Evangile. 

—  Apprenons-le  du  simple  raisonnement. 

II.  //  nous  faut  le  courage  pour  prier.  —  Courage  pour  coopérer 

■  fets  de  Ja  prière.  —  Courage  pour  écarter  les  obstacles.  .    IV.  254 

Les  effets  de  la  prière. 

I.  L'i  prière  vivifie.  —  CommenI  une  âme  peul  dépérir.  —  Corn- 
aient une  âme  ressuscite  par  la  prière. 

II.  La  prière  purifie.  —  La  prière  purifie  l'âme  dès  fautes  passées. 

—  La  prière  purifie  l'âme  des  fautes  présentes.  —  La  prière  pré- 
munit l'âme  contre  les  fautes  à  venir. 

III.  La  pri>  r>  enrichit.  —  Elle  nous  donne  la  joie.  —  Elle  no  - 
comble  d'honneurs.  —  Elle  nous  remplit  de  mérj 

IV.  La  prier*  console.  —  Combien  souvenl  la  douleur  nous  as- 
saille.  —  La  prière  seule  console IV,  2( 

Les  objections  à  la  prière. 

I.  Les  objections  de  l'incroyance  —  Dieu  ne  nous  écoute  pas.  — 
Dieu  n'a  nul  besoin  de  nous  écouter. 

II.  Les  objections  du  découragement.  —  Supp  ne  que 
noire  prière  -"il  restée  sans  effet.  —  En  réalité  aucune  prière  ne 
reste  sans  effel . 

III    Les  objections  de  la  mondanité.  —  L'âme  mondaine  n'a 
de  désirs.  —  L'âme  mondaine  n'a  pas  de  loisirs IV,  248 

Parabole  de  l'enfant  prodigue. 

I.  Désertion  coupabb  .  —  Le  <-ii du  prodigue.  Les  causes  de  c  ■ 

crime. 

II.  I  lissipation*  —  Le  désastre  d'une  vie  sans  Dieu.  — 
I.''  désastre  d'une  vie  de  passions. 

III.  misère.  —  Le  prodigue  es!  affamé.  —  Le  prodigue 


TABLE   GÉNÉRALE  565 

se  veud,  —  Le  pro  ligue  descend  aux  plus  vils  emplois.  —  Le  pro- 
digue est  misérablement  délaissé. 

IV.  Retour  à  Dieu  et    au  bonheur.  —  L'aurore  d'une  conversion. 

—  La  marche  d'une  conversion.  — La  fin  d'une  conversion.  .    .    III,  531 

Le  culte  public  du  T.  S.  Sacrement  :  les  Processions. 

I.  Une  procession  du  T.  S.  Sacrement  est  un  triomphe.  —  Dans  ce 
triomphe  une  partie  éclate  aux  yeux.  —  Dans  ce  triomphe  une 
partie  reste  invisible. 

II.  Une  procession  du  T.  S.  Sacrement  est  un  bienfait.  —  La  Pro- 
cession est  en  elle-même  un  premier  bienfait.  —  Elle  devient  la 
source  de  nombreux  bienfaits III,  1 12 

Providence  divine. 

I.  Il  existe  un  gouvernement  providentiel.  —  Nous  le  savons  par 
le  raisonnement  et  la  foi  —  Nous  le  savons  par  une  expérience 
personnelle. 

II.  Le  gouvernement  providentiel  est  tout  d'amour  et  de  bienfaits. 

—  Nous  en  avons  pour  garant  Dieu  lui-même.  —  Nous  en  avons 
pour  garant  la  nature  entière.  —  Nous  en  avons  pour  garant  les 
paroles  de  Jésus-Christ. 

III.  Les  caractères  du  gouvernement  providentiel.  —  Le  gouverne- 
ment providentiel  est  inaccessible  dans  ses  secrets.  —  Le  gouver- 
nement providentiel  est  lumineux  dans  son  terme  final. 

IV.  Nos  devoirs  envers  le  gouvernement  providentiel.  —  Nous  lui 
devons  un  acte  de  foi.  —  Nous  lui  devons  un  acte  de  soumission. 

—  Nous  lui  devons  un  acte  de  correspondance III,  520 


R 


Raison. 

Il  reste  à  la  raison  eu  dehors  d'une  lumière  révélée,  d'infran- 
chissables barrières L  469 

Rédemption. 

Rédemption.  —  Adorable  mystère  de  notre  Rédemption  par  le 
Verbe  Incarné.  —  Causes  multiples  de  la  venue  sur  la  terre  du 
Dieu-Rédempteur. 

Il  venait  comme  rançon  pour  les  péchés  du  monde.  —  Il  venait 
comme  Pontife  et  Holocauste.  —  Il  venait  comme  Illuminatcur  de 
nos  ténèbres,  et  comme  modèle  de  notre  vie I,  109 


566  table  générale 

La  Rédemption  par  le  Sang. 

I.  C'est  une  œuvre  de  paix.  —  ÛEuvre  formidable  à  accomplir. 

—  Gomment  Jésus-Christ  l'opéra. 

II.  C'est  une  œuvre  de  lumière.  —  Obscurcissement  de  la  vérité 
dans  l'humanité  déchue.  —  Illumination  de  la  vérité  à  l'apparition 
de  la  Croix. 

III.  C'est  une  œuvre  d'amour.  —Le  sang  pour  mieux  prouver  son 
amour.  —  Le  sang  pour  mieux  nous  défendre.  —  Le  sane  pour 
mieux  nous  consoler IV.  \Zi 

Religion.  —.Nécessité,  à  tous  les  titres,  pour  l'homme  d'être  re- 
ligieux. —  Crime  de  l'iudifférence  religieuse I,  37-iO 

Religion.  —La  religion  seule  assouvit  lesbesoins  les  plus  nobles 
et  les  plus  impérieux  de  la  nature  humaine I,  43 

Religion.  —  Comment  la  religion  est  la  sauvegarde,  la  seule  sûre 
et  la  seule  puissante  de  la  Société •    ....   I,  52-56 

Religion.  —  Elle  est  la  seule  force  efficace  contre  nos  passions  .    I,  443 

Religion.  —  Considérée  comme  principe  de  force.  —  Sources  mul- 
tiples d'où  coule  la  force  dans  la  Religion II,  8 

Religion.  —  Considérée  comme  principe  de  consolation  et  de  joie. 

—  Effets  terribles  de  la  douleur.  —  Effets  délicieux  des  consola- 
tions religieuses  sur  la  douleur IL  10 

Religion.  —  Elle  est  pour  l'homme,  ici-bas,  la  source  de  ses 
seules  véritables  joies  .    .  • I.  478 

Religion.  —  Au  milieu  de  toutes  les  religions  fausses,  il  y  a  une 
religion  vraie.  —  Cette  religion  véritable  se  fait  reconnaître  à  des  I.  491 
signes  absolument  certains et  501 

Besoin  qu'a  tout  homme  de  la  Religion. 

I.  Elle  est  une  nécessité  de  sa  condition. —  L'homme  est  le  roi  et 
le  pontife  de  la  Création.  — L'homme  est  membre  de  la  famille 
bumaine. 

IL  Elle  est  la  solution  de  sadestinée.—  Notre  destinée  esl  le  tout 
de  notre  existence.  —  La  Religion  est  le  tout  de   notre  destinée. 

III.  Elle  est  la  satisfaction  de  son  plus  hyipéricux  besoin.  —  Nous 
avons  besoin  d'une  conscience  en  paix.  —  Nous  avons  besoin  de 
force  et  de  soutien.  —  Nous  avons  besoin  d'espérance IV,  98 

La  Religion  dans  ses  rapports  avec  la  question  sociale. 

I.  Toute  Société  se  compose  de  deux  classes.  —  Deux  classes  exis- 
tent. —  Elles  ont  toujours  existé.  —  Elles  existent  nécessairement. 

II.  Comment  ces  deux  classes  doivent  coexister.  —  Il  y  faut  une 
hiérarchie.  —  Il  y  faut  une  réciprocité  de  services.  —  Le  tout  sous 
peine  de  commotions  formidables. 

III.  Comment  la  Religion  seule  y  maintient  l'harmonie.  — Où  l'on 
aboutit  ^nns  la  Religion.  —  Comment  la  Religion  résout  la  ques- 
tion sociale IV,  109 

Religieux.  —  Suréminence  de  la  vie  religieuse  considérée  dans 
ses  rapports  avec  Dieu II,  264 


TABLE  GÉNÉRALE  567 

Religieux.  —  La  vie  religieuse  est  une  glorieuse  transfigura- 
tion. —  La  vie  religieuse  est  une  glorieuse  immolation II,  266 

Religieux.  —  Bienfaits  immenses  que  les  religieux  répandent  dans 
la  Société II,  271 

Réprobation.  —  Gomment  elle  se  prépare  :  comment  elle  se  con- 
somme. 

1°  Comment  elle  se  prépare.  —  Par  quelque  passion  nou  combat- 
tue. —  Par  la  perte  de  toute  piété.  —  Par  les  milieux  pervers  et 
les  liaisons  dangereuses.  —  Une  dernière  imprudence. 

2°  Comment  elle  se  consomme.  —  Après  une  première  chute,  que 
la  conversion  serait  facile!  —  Mais  l'âme  s'obstine.  —  Maisl'àme 
perd  peu  à  peu  le  remords.  —  Mais  l'àme  tombe  dansl'endur  isse- 
ment II,  51 

Résurrection  de  la  chair.  —  Fondements  inébranlables  sur  les- 
quels elle  repose II,  377 

Résurrection  de  la  chair.  —  Comment  elle  est  liée  à  la  Résurrection 
de  Jésus-Christ II,  380 

Retraite. 

Retraite.  —  La  réflexion  sérieuse  doit  précéder  toute  grave  entre- 
prise. Or  quelle  plus  grave  affaire  que  celle  du  salut? II,  169 

Retraite.  —  Biens  multiples  et  immenses  que  produisent  sur 
l'âme  les  exercices  d'une  retraite II,  170 

Révélation.  —  Nécessité  pressante  où  était  l'homme  d'une  Ré- 
vélation. —  Sans  elle  il  dénature  et  corrompt  même  les  vérités 
naturelles.  —  Sans  elle  les  vérités  surnaturelles  lui  demeurent 
inaccessibles I,  69 

Révélation.  —  Nos  devoirs  envers  les  divines  Révélations.  —  Il 
faut  les  adorer  :  il  faut  y  acquiescer  :  il  faut,  au  dedans  de  nous  et 
au  dehors  de  nous,  les  défendre I,  77 

Révélation.  —  Sa  magnifique  universalité.  Tandis  que  la  Sa- 
gesse humaine  n'a  pu  fonder  que  des  écoles,  réunir  quelques 
rares  disciples,  la  Révélation  a  su  conquérir  tous  les  lieux  et  tous 
les  temps.  Elle  a  fondé  un  immense,  un  universel  empire,  une  im- 
périssable domination I,  96 

Révélation.  —  Sans  elle  la  raison  naturelle  demeure  impuissante 
devant  de  très  nombreux  problèmes IL  3 

Riche.  —  Le  riche  aune  obligation  toute  particulière  d'être  re- 
ligieux. —  Désastre  s'il  cesse  de  l'être  . .    .    L  63 

Riche.  —  Le  riche  doit  faire  l'aumône  sous  peine  d'injustice.  .    I,  383 
Riche.  —  Le  riche  trouve  dans  le  contact  du  pauvre  sa  lumière, 
sa  gloire,  sa  richesse  éternelle • L  391 

Royauté  de  Jésus-Christ.  —  V  quels  titres  Jésus-Christ  est  Roi. 

i°  De  par  son  origine.  —  Jésus-Christ  est  Homme-Dieu.  Comme 

Dieu  il  est  (rop  évident  n  l'a  '.  '.'■  apparli  i  ;i;'  •  universel.  — 


568  TABLE   GÉNÉRALE 

Mais  comme  Homme,  Dieu  lui  a  remis  tout  reçue,  tout  jugement, 
toute  autorité. 

2°  De  par  sa  Rédemption.  —  Eu  retour  des  humiliations  et  des 
douleurs  de  Jésus-Christ,  sou  Père  lui  donne  le  règne  universel,  et 
tout.  —  au  ciel,  sur  la  terre,  dans  les  enfers,  —  relève  de  Sun 
sceptre. 

3°  De  par  sa  mission.  — Jésus-Christ  est  venu  conquérir  le  monde 
pour  le  transfigurer,  cette  missiou  suppose  un  plein  pouvoir  de 
gouvernement,  de  jugement,  de  coercition I,  414 


S 


Les  dangers  du  sacerdoce. 

I.  Insensibilité  dans  les  choses  saintes.  —  D'où  nait  celte  insensibi- 
lité. —  Quels  faits  la  caractérisent.  —  Combien  difficile  est  sa  gué- 
tison. 

II.  Recherche  de  soi-même  dans  le  ministère  des  âmes.  —  Re- 
cherche de  la  vaine  gloire.  —  Recherche  du  bien-être.  —  Recher- 
ches du  cœur. 

III.  Illusions  de  la  conscience.   —    Ces   illusions  constituent  un 

très  réel  danger.  —  Comment  s"eutretieuuenl  ces  illusions.  .    .    IV,  383 

Sacrifice  (Le  T.  S.). 

i°  Comment  le  Sacrifice,  ï Holocauste,  est  le  plus  excellent  hommage 
à  In  divinité.  —  Si  la  voix,  les  acclamations,  les  prières  de  la  créa- 
ture sont  un  excellent  hommage,  —  un  autre  beaucoup  plus  sublime 
est  son  silence,  son  anéantissement,  sou  immolation. 

2°  Comment  aucun  holocauste  n'était  digne  'le  In  Divinité  sinon 
Vholocauste  d'un  Homme-Dieu.  —  Ni  l'ange,  ni  l'homme,  ni  au- 
cun êtrecréé  ne  pouvait  devenir  un  holocauste  digne  de  Dieu.  — 
Il  fallut  l'holocauste  d'uu  Homme-Dieu. 

3°  Comment  le  T.  S.  Sacrifice  de  la  Messe  n'est  autre  chose  que 
Vholocauste  de  l'Homme-Dieu.  —  Identité  du  Calvaire  et  de  l'Autel.  Il-  108 

Sagesse  chrétienne.  —  La  sagi ssse  consommée  consiste  à  con- 
naître sa  lin  :  —  les  moyens  d'y  parvenir;  —  les  obstacles  àren- 
rerser. 

La  sagesse  consiste  a  régler  sa  vie  entière  d'après  sa  fin  ...    II.  -43 

Sainteté.   — En  quoi   consiste,  pour    tous  indistinctement!  la 

Saint  été-  ? 


TABLE    GÉNÉRALE  569 

Pourêtre  saiats,  non-  devons  :  — imiter  Dieu:  —  uou>  unir  ù 
Dieu:  —   nous  séparer  de  l'esprit  du  monde  ennemi  de  Dieu  .    .     F,   185 

Saints. 

Saints.  —  Il  nous  importe  d'étudier:  d'apprécier,  d'honorer,  d'i- 
miter les  exemples  des  Saints Il-  209 

Saints.  —  Dieu  fait  les  Saints  pour  Lui-même.  —  Par  eux  il 
-  -  sa  gloire.  —  Par  eux  il  triomphe  de  l'empire  du  mal.  — 
Par  eux  son  cœur  trouve  ^a  plus  délicieuse  demeure  au  milieu  du 
monde II,  2  H 

Saints.  —  Les  Saints  reproduisent  admirablement  Jésus-Christ, 
et  Jésus-Christ  tout  entier,  Jésus-Christ  dans  les  différents  traits 
di    -     per      i  te  et  les  diverses  <ireonstances  de  sa  vie  mortelle  .    II,  *2 1 9 

Saints.  —  Dieu  nous  donne  les'Saiuls  comme  de  puissants  auxi- 
liaires. —  Les  Saiats  sont  notre  lumière.  —  Les  Saints  sont  no- 
ir.' défense  et  notre  appui.  —  Les  Saints  sont  nos  excitateurs  .    .    IL  221 

Salut.  —  Le  salut  à  opérer  est  pour  l'homme  ici-ba-;  l'affaire 
capitale. — Le  salut  est  l'affaire  pressante.  — Le  salut  est  l'af- 
faire aisée  et  douée I,  40 

Le  salut. 

1.  L'affaire  du  salut  affaire  capitale.  —  Capitale,  ear  elle  est  uni- 
que. —  Capitale.,  car  elle  engage  d'immenses  intérêts.  —  Capi- 
tale, car  la  perte  y  es!  irréparable. 

IL  L'affaire  du  salut  affaire  pressante.  —  Dieu  se  montre  pre>- 
—  La  mort  se  montre  pressée.  —  L'Eglise  de  Dieu  se  montre  pres- 

IV,  32 

Unum  est  necessarium. 

I.  Le  salut  seule  cho*e  importante.  —  Où  ne  sont  pas  les  chos  - 
importantes.  —  Où  est  la  chose  importante. 

IL  Le  salut  seide  ^hose  pressante.  —  Jésus-Chris!  est  pressé 
comme  Sauveur.  —  Jésus-Christ  est  pressé  comme  Jug^.  .    .   .IV 


119 


Sanctification.  —  Elle  ne  peut  rester  dans  le  vague  et  le  géné- 
ral. Elle  doit  s'attacher:  à  nos  tentations  spéciales:  à  nos  devoirs 
spéciaux:  à  nos  sacrifices  et  à  nos  retranchements  spéciaux  ...    IL  35 

Le  Précieux  Sang. 

I.  C'est  le  Sang  Expiateur.  —L'effusion  du  sang  était  nécessaire. 
—  L'effusion  du  sang  fut  perpétuelle.  —  L'effusion  du  sang  doit 
être  partagée. 

IL  C'esÙe  Sang  Testateur.  —  Un  testament  a  été  l'ait  par  Dieu  en 
notre  faveur.  —  A  quelle  condition  pouvons-nous  jouir  de  ce  testa- 
ment ?  —  Autre  essentielle  condition  pour  jouir  du  testament. 

III.  C'est  le  Sang  Protecteur.  —  Il  nous  protège  contre  nous-mê- 
mes.—  Il  nous  protège  contre  le  démon. 

IV.  C'est  le  Sang  Vengeur.  —  Terrible  sort  de  ceux  qui  rendent 


570  TABLE   GÉNÉRALE 

inutile  le    Sang  divin.  —  Sort  plus  terrible  de   ceux  qui  le  profa- 
nent   III,  126 

Sensualisme. 

Sensualisme.  —  11  détruit  toute  l'œuvre  de  la  Rédemption  et  de 
la  Glorification  de  l'homme II,  191 

Sensualisme.  —  Il  fait  le  malheur  de  l'homme  en  anéantissant 
ses  espérances  futures  et  en  dévastant  même  sa  vie  d' ici-bas.  .    II,  197 

Sérieux.  —  La  vie  sérieuse  est  la  seule  vie  que  Dieu  agrée.  — 
La  seule  qui  soit  digne  du  chrétien  et  sauvegarde  ses  plus  hauts 
intérêts.  —  La  seule  qui  assure  la  prospérité  de  lafamilleet  de  la 
Société Il,  501 

Service  de  Dieu.  — Il  est  facile  et  doux.  —  Jésus-Christ  est  fa- 
cile à  contenter.  —  Facile  à  apaiser.  —  Facile  et  bon  à  condes- 
cendre  I,  124 

Société.  —  Triste  état  de  la  Société  en  France  (t.  I,  p.  5).  —  In- 
crédulité, fausse  science,  corruption,  faiblesse  et  pusillanimité 
chez  les  bons  ;  haines  violentes  chez  les  autres I,  2S 

Société.  —  Dangers  pressants  que  lui  font  courir  en  France  et 
en  Europe  les  vices  combinés  de  la  classe  élevée  et  de  la  classe 
ouvrière I,  49 

Société.  —  Plan  sur  lequel  Dieu  a  constitué  primitivement  la  So- 
ciété.—  Comment  Jésus-Christ  l'a  restaurée 1,46 

Société.  —  Ravages  que  cause  à  la  Société  l'inconduite  dans  les 
hautes  classes  ;  —  l'inconduite  dans  la  classe  ouvrière I,  361 

Société.  —  Nécessité,  pour  qu'une  Société  soit  florissante,  de  la 
Religion  et  de  la  vertu L  367 

Surnaturel. 

Surnaturel.  —  Une  destinée  surnaturelle  est  assignée  à  l'homme. 
—  Celle  idévat ion  rend  seule  compte  de  ce  qu'est  l'homme,  des 
phénomènes  de  sa  nature,  de  sa  situation  ici-bas I,  433 

Surnaturel.  —  Repousser  cette  destinée  surnaturelle  est  tout 
ensemble  folie,  révolte  audacieuse,  monstrueuse  ingratitude.  .    .    1.   149 

Symbole  catholique. 

Symbole  catholique.  —  Il  a  élé  remis  entier,  seeilé.  définitif  par 
Jésus-Christ  entre  les  mains  de  sou  Eglise.  —  Il  se  compose  de 
louiez  les  vérités  révélées  par  Dieu  à  la  terre II.  357 

Symbole  catholique.  —  L'Eglise  qui  l'a  reçu  complet  dès  la  pre- 
mière heure,  le  développe  à  travers  les  siècles.  —  Dans  ce  déve- 
1  oppemenl  des  dogmes  définis  de  fui.  l'Eglise  agil  d'après  l'oppor- 
tunité des  temps  et  les  besuins  divers  .le  la  Société  catholique  .    II,  338 


TABLE   GÉNÉRALE  571 


Sur  les  tentations. 

I.  Nécessité  des  tentations.  —  Nécessité  tirée  de  la  nature  de  l'ê- 
tre libre.  —  Nécessité  tirée  de  notre  destinée  glorieuse.  —  Néces- 
sité tirée  de  l'expresse  volonté  de  Dieu. 

II.  Nature  des  tentations.  —  Parfois  c'est  Dieu  qui  nous  éprouve. 
—  Parfois  la  tentation  vient  de  nos  ennemis. 

III.  La  pratique  des  tentations.  —  Il  nous  faut  la  vigilance.  —  Il 
nous  faut  la  mortification.  — Il  nous  faut  la  prière III,  3o3 

Théâtre.  —  Entre  autres  méfaits  du  théâtre  contemporain,  il 
abaisse  indignement  et  flétrit  la  famille. 

1°  II  flétrit  chaque  membre  de  la  famille.  — Il  donne  le  continuel 
spectacle  de  l'adultère  etde  l'infidélité.  Par  là  il  amollit  les  carac- 
tères. 11  fait  tomber  la  pudeur.  Il  familiarise  avec  le  vice.  Il  pré- 
pare les  plus  déplorables  chutes: 

2°  Il  flétrit  les  idées  droites  et  les  nobles  sentiments.  —  Il  pare  le 
vice  de  tous  les  attraits.  —  Il  ridiculise  de  toutes  manières  la  vertu. 
Il  a  tour  à  tour  flétri  la  paternité,  la  maternité,  le  légitime  ma- 
riage. 

3°  Il  se  fait  le  fauteur  des  plus  détestables  doctrines.  —  Sans  cesse 
il  combat  l'unité,  l'indissolubilité  du  mariage I,  2't6 

Tiédeur.  —  Ravages  de  la  tiédeur  dans  une  âme. 

1°  Elle  y  affaiblit  la  foi.  —  Admirables  visions  qui  remplissent 
et  enflamment  l'âme  sainte  et  fervente.  —  Là  où  ces  clartés  s'é- 
teignent, immobilité,  silence,  inertie. 

2°  Elle  brise  les  forces  spirituelles.  —  L'âme  tiède,  âme  sans  gé- 
nérosité, sans  essor,  sans  héroïsme.  Tout  lui  coûte  :  elleabandonne 
tout,  elle  n'accorde  plus  rien  à  Dieu II,  165 

Sur  la  tiédeur  dans  le  service  de  Dieu. 

I.  Description  de  l'état  de  tiédeur.  —  Aspect  général  d'une  âme 
tiède.  —  Etude  plus  particulière  d'une  âme  tiède.  —  Formation 
en  l'âme  de  l'état  de  tiédeur. 

II.  Appréciation  de  Vétat  de  tiédeur.  —  La  tiédeur  el  Dieu.  —  La 
tiédeur  et  l'àme. 

III.  Remèdes  à  l'état  de  tiédeur.  —  Guérison  difficile.  —  Trois  re- 
mèdes   opposés  aux  trois  maux  de  la  tiédeur 111,469 


572  TABLE  GÉNÉRALE 

La  tiédeur  dans  la  vie  sacerdotale. 

I.  Dangereuse  à  cause  de  ses  illusions.  —  L'illusion  par  rapport 
aux  devoirs  d'état. —  L'illusion  par   rapport  aux  grâces  divines. 

—  L'illusion  par  rapport  ;i  la  sanctification  sacerdotale. 
IL  Dangereuse  à  cause    de  ses  réalité*.  —  Misères  du  présent.  — 

Terreurs  de  l'avenir IV.  4bl 

La  loi  du  travail. 

I.  G  cette  loi.  —  Noblesse  et  urgence  de  la  loi  du  tra- 
vail. —  Sanctions  redoutables  à  la  loi  du  travail IV,  195 

Trinité  —  (Très  Siiute). 

Sainte  Trinité.  — Dieu  est  un  en  trois  Personnes  distinctes.  — 
Cuiou  ineffable  des  Trois  Personnes.  — ■  Incompréhensible  amour 
des  Trois  divine-;  Personnes.  —  Les  «Missions»  dans  l'Adorable 
Trinité I.  223 

Trinité.  —  La  T.  S.  Trinité  type  de  la  famille. 

1°  Type  sacré  dans  son  essence.  —  Pour  représenter  la  mysté- 
rieuse Procession  des  divines  Personnes.  Dieu  crée  les  membres  de 
la  famille  en  les  faisant  sortir  d'un  principe  unique. 

2°  Tyre  sacré  dans  son  union.  —  Ineffable  union  des  Personnes 
divines  entre  Elle-;.  —  Union  dont  les  membres  d'une  même  famille 
doivent  reproduire  les  traits  différents. 

3°  Type  sacré  dans  son  amour.  —  La  vie  intime  de  Dieu  c'est 
l'amour.  —  La  vie  de  la  famille  c'est  l'amour. 

4°  Type  dans  sa  hiérarchie.  —  Comment  l'entendre  en  Dieu  ?  — 
Ce  qu'elle  doit  être  dans  la  famille I,  222 

L'Invocation  de  la  T.  S.  Trinité. 

I.  Ce  que  nous  rappelle  cette  Invocation.  —  Premier  grand  souve- 
nir :  notre  création.  —  Deuxième  grand  souvenir  :  notre  rédemp- 
tion. —  Troisième  grand  souvenir:  notre  régénération. 

IL  Ce  à  quoi  nous  excite  celte  Invocation.  —  Elle  nous  excite  à  la 
foi  la  plus  sublime.  —  Elle  nous  excite  à  la  piété  la  plus  continue. 

—  Elle  nous  excite  &  l'imitation  la  plus  noble IV,  273 


u 


Union  à  Dieu.  —  Comment   toutes   les  œuvres  de  Dieu  n'ont 


TABLE   GÉNÉRALE  573 

qu'un  but,  aboutissent  à  un  terme  unique:  unir  à  Lui  sa  créature 

intelligente I,  190 

Union  à  Dieu.  —  La  coopération  de  l'homme  est  exigée  de  Dieu 
pour  consommer  cette  union.  —  A  quelles  conditions  le  chrétien 
peut  vivre  d'une  vie  d'union  à  Dieu 1,  192 

Union  dans  le  mariage. 

1°  L'union  dans  le  mariage.  —  Cette  union  étudiée  :  Dans  son  type 
divin.  Dans  ses  applications  diverses. 

2°  La  désunion  dans  le  mariage.  —  Les  unions  mal  préparées.  — 
Les  unions  mal  subies I,  268 

3°  Les  causes  ordinaires  de  désunion L  279 


La  vaine  gloire. 

I.  La  vaine  gloire  est  un  mal.  —  La  vaine  gloire  est  une  folie.  — 
La  vainc  gloire  est  une  honte. —  La  vainc  gloire  est  une  source  de 
péchés. 

II.  Comment  se  guérit  le  mal  de  la  vaine  gloire.  —  Contemplons 

les  exemples  des  Saints.  —  Replions-nous  sur  nos  fins  dernières.  IIL  105 

La  vérité  catholique. 

I.  La  vérité  comme  besoin  de  l'homme.  —  Nos  vérités  naturelles 
sont,  sans  doute,  nombreuses  et  1res  riches.  Néanmoins  nos  véri- 
tés naturelles  sont  insuffisantes  et  de  plus  Irop  souvent  ébranlée-. 
—  11  nous  faut  donc  une  vérité  transcendante  et  complète.  —  Cette 
vérité  transcendante  et  complète  existe. 

IL  La  vérité  comme  richesse  de  l'homme.  —  C'est  la  richesse  de 
son  intelligence.  — C'est  la  richesse  de  son  cœur IIL  250 

Vérité  catholique.  —  Ses  caractères. 

1°  Elle  est  universelle.  —  Elle  embrasse  tous  les  temps.  —  Elle 
embrasse  toute  la  terre.  — Elle  confond  en  une  même  domination 
toutes  les  intelligences. 

2°  Elle  est  indestructible.  —  Elle  a  résisté  à  toutes  les  attaques 
de  ses  ennemis.  —  ('.es  ennemis  elle  les  a  tous,  tour  à  loùr,  ren- 
versés. 

3°  Elle  est  féconde.  —  Elle  seule  fait  mouvoir  tous  les  ressorts 
de  notre  sanctification.  — •  Elle  seule  enfante  en  nous  tous  les  bé- 


574  TABLE   GÉNÉRALE 

roïsmes.  —  Elle  seule  a  couvert  le  monde  catholique  d'innombra- 
bles et  merveilleuses  institutions I,  96-101 

Vérités  (Les  grandes).  —  Dieu  nous  a  révélé  des  vérités  splen- 
di des  sur  Lui.,  sur  nous,  sur  le  monde,  sur  l'avenir.  —  Dieu  nous 
a  révélé  des  vérités  formidables  :  le  jugement  :  l'enfer.  —  Dieu 
nous  a  révélé  des  vérités  délicieuses II.  402.  —  1,72 

Viatique  (Le  Saint.) 

Le  S  tint  Viatique.  —  Quel  besoin  pressant,  nous  en  avons  dans 
dos  maladies  mortelles II,  124 

Le  Saint  Viatique.  —  Quels  effets  admirables  produit  en  nous  le 
Saint  Viatique  dignement  reçu II,  127 

Vie  chrétienne.  — Jésus-Christ  la  fait  connaître  dans  un  gracieux 
symbole.  —  Elle  est  précieuse  dès  le  temps.  —  Elle  est  mille  fois 
plus  pré.cieuse  en  vue  de  l'éternité I,  317 

Vie  sérieuse. 

\°  Elle  est  nécessaire.  —  Seule  elle  rentre  dans  le  plan  divin.  — 
Seule  elle  s'adapte  au  christiauisme.  —  Seule  elle  nous  fait  attein- 
dra notre  destinée.  —  Seule  elle  nous  assure  le  bonheur. 

2°  Elle  est  commandée.  —  Jésus-Christ  est  venu  promulguer  la 
vie  sérieuse.  —  Jésus-Christ  maudit  et  repousse  toute  vie  qui  eu 
'■-I  la  négation  et  la  ruine II.  20! 

Vie  sérieuse. 

1°  Elle  est  le  salut  de  V individu.  —  Peinture  de  l'homme  dans  la 
noblesse  féconde,  dans  la  virilité  de  la  vie  sérieuse.  —  Peinture  de 
l'homme  de  la  décadence  actuelle. 

2°  Elle  est  le  salut  de  la  famille.  —  La  famille  florissante  par  le 
i\  accomplissement  des  devoirs.  —  La  famille  ruinée  par  la 
vie  de  dissipation  et  de  plaisir. 

3°  Elle  est  le  salut  de  la  société.  —  Dangers   sociaux  de  l'heure 
sente.  —  Dangers  dus  avant   tout  ;i  l'abandon  de  h  vie  sé- 
rieuse   IL  207 

Vie  sensuelle.  —  Elle  est  un  attentat  contre  le  vrai  bien  de 
l'homme. 

1°  Elle  anéantit  ses  destinées  futures.  —  Elle  les  contredit  :  elle 
rend  l'homme  absolument  incapable  d'y  atteindre,  même  d'y  aspi- 
rer. 

2°  Elle  ravage  sa  vie  présente.  —  Quelle  que  soif  cette  rie  :  soit 
celle  de  l'honnêteté  naturelle;  —  soit  celle  des  passions j  >oit  celle 
de  l'infortune IL   196 

Vie  inutile.  —  Les  phases  honteuses  de  la  vie  inutile. 

1°  La  lie  inutile  commencée  dés  l'enfance.   —  C'est  l'éducation 


TABLE  GÉNÉRALE  575 

première  manquée.  —  C'est  l'initiation  précoce  à  la  paresse.  — 
C'est  l'habitude  de  la  frivolité  et  de  l'amusement. 

2°  La  vie  inutile  envahissant  l'âge  mûr.  —  Elle  détrait  le  devoir. 

—  Elle  ruine  la  vie  domestique.  —  La  vie  iuutile  dans  le  père, 
dans  la  mère,  daus  la  maîtresse  de  maison. 

3°  La  vie  inutile  détruisant  la  vie  chrétienne.  —  Elle  n'est  propre 
à  aucune  des  conditions  du  salut;  elle  les  méconnaît  et  les  néglige 
toutes.  —  Elle  est  odieuse  à  Dieu  qui  lui  refuse  toute  grâce,  tout 
secours,  toute  promesse,  toute  bénédiction I,  320 

Vie  molle. 

Vie  molle.  —  Elle  est  entièrement  opposée  à  li  Sauetilication 
chrétienne.  —  Elle  nous  empêche  de  nous  élever  jusqu'à  Dieu.  — 
Elle  nous  empêche  de  uous  donner  à  Dieu.  —  Elle  nous  empêche 
de  nous  purifier  pour  aller  à  Dieu.  —  Elle  nous  empêche  de  ren- 
verser les  obstacles  qui  nous  séparent  de  Dieu II,  179 

Vie  mystique  de  Jésus-Christ.  —  Quelle  est  la  vie  que  Jésus- 
Christ  mène  au  milieu  de  nous  jusqu'à  sou  seeou  1  avènement? 

1°  Voilée.  —  11  le  faul  parce  que  Jésus-Chrisl  vit  au  sein  de  no- 
tre épreuve.  —  Parce  qu'il  partage  en  quelque  sorte  cette  épreuve. 

—  Parce  qu'il  continue  a  être  hostie  pour  le  péché.  —  Parce  qu'il 
est  juge. 

2°  Puissante.  —  Le  règne  de  Jésus-Chrisl,  quoique  caché,  a  une 
tout  extraordinaire  puissance.  Ces!  un  règne  absolu.  —  Un  tel 
règne  est  exigé  :  parce  que  Jésus-Chrisl  esl  :  vérité,  noblesse,  amour. 

3°  Suave.  —  On'-  Jésus-Christ  est  facile:  à  contenter,  à  apaiser, 
à  condescendre  ' I,  120 

De  la  virginité  du  cœur  du  prêtre. 

I.  Excellence  du  cœur  vierye.  —  Ce  cœur  esl  de  création  divine. 

—  Ce  cœur  habile  une  divine  patrie.  —  Ce  cœur  est  destiné  à  de 
divins  usages. 

II.  Prostitution  du  cœur  vierge.  —  Possibilité  de  ce  mal.  —  Ca- 
ractère de  ce  mal IV,  424 


Le  zélé  des  âmes. 

I.  Sa  nécessit*'.  —  Crandeur  des  intérêts  engagés.  —   Exemple 
des  Trois  Personnes  divines.  —  Les  terreurs  de  l'avenir. 


1  y  ti  U  U  L: 


576  TABLE  GÉNÉRALE 

II.  Sa  pratique.  —  Le  Prêtre  doit  souffrir  pour  les  Ames.  —  Le 
Prêtre  doit  prier  pour  les  âmes IV.  3*57 

Zèle  des  âmes. 

Zèle  des  'Unes.  —  Il  a  amené  l'Incarnation.  —  Il  pénètre  l'E- 
glise. —  Il  fail  le  fond  de  sa  vie.  —  Il  esl  le  ressort  de  sa  pro- 
digieuse activité I.  2i(t 

Zèle  des  âmes.  —  11  doit  pénétrer  l'âme  chrétienne  et  il  lui  fait 
trouver  mille  moyens  de  convertir  et  de  sanctifier  le  prochain. 

Rien  n'est  aussi  richement  récompensé  par  Dieu  que  le  zèle  des 
âmes I,  219 


FIN    DE    LA    TABLE    GENERALE 


rmprimerie  Générale  de  Chatillon-siir-Smiit'.   —  Picuai   m   Pcpin. 


BX  1756  .A1D68  1895 
v.4  snc 
Doublet,  Jules, 

1833-1910. 
Guide  du  prj'tre  dans 

ses    pr/'dications    choix 
BAN-5903    (mcsk)