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University of Toronto
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GUIDE DU PRÊTRE
DANS
SES PRÉDICATIONS
hqiy KOE^gjtffltfft. mmson
BERCHE et TRALIN, Éditeurs, 69, rue de Rennes, Paris.
MÉDITATIONS SUR LES MYSTÈRES DE LA FOI
COMPOSÉES EX ESPAGNOL
Par le R. P. Louis DUPONT, de la Compagnie de Jésus.
TRADUCTION FRANÇAISE, AVEC. NOTES, PAR UNE SOCIÉTÉ D'ECCLÉSIASTIQUES
10e édition. — 4 volumes in-12. Prix, franco. . 12 fr.
Tout le bien qu'on peut dire du P. Du-
pont serait au-dessous de la vérité. Ses
écrits sont l'image de sa vie, et sa plume
n'a jamais exprimé que les sentiments de
son cœur. Il avait reçu du ciel un don
extraordinaire d'oraison, et cette grande
connaissance qu'il a eue des choses spiri-
tuelles n'était que l'effet de ses communi-
cations avec Dieu. On le consultait de
toutes parts, et ses décisions étaient re-
çues comme des oracles. Il passe comme
un des meilleurs interprètes de l'Evan-
gile, non seulement pour le sens mysti-
que, mais même pour le sens littéral. Il
est exact et savant et de plus divinement
pieux. Rien de meilleur que ces Médita
tions qui ont été traduites dans toutes les
langues et qui ne sont que le développe-
ment et l'explication des Exercices d»
saint Ignace : même matière, même or
dre et même but. La fin de ces Méditation:
est de gagner et d'attacher une àme i
Dieu : si c'est un pécheur, de le retire,
du vice ; si c'est un juste, de lui donnei
les moyens d'avancer de plus en plus dam
la piété.
Tous y trouveront une source abon
dante dans leurs pieux exercices, et h
modicité du prix leur permettra d'en faire
l'acquisition.
PRATIQUE DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE
Du R. P. Alphonse RODRIGUEZ, de la O de Jésus. — Traduit de l'espagnol,
par Régkier-Desmahais de l'Académie française.
3e édition, revue et corrigée. — 4 vol. in-12, franco 6 fr.
Il est superflu de louer un livre dont la
réputation a traversé tous les âges. Le
P. Rodriguez a fait un admirable usage
de l'Ecriture sainte et des Pérès. Ce n'est
pas en vain qu'il s'adresse à toutes sortes
de personnes : car aux grands esprits,
il expose les grandes maximes et les
grandes vérités du christianisme : ceu:
qui préfèrent les mouvements d'une dé
votion tendre et affectueuse, trouveron
en lui ce qui peut émouvoir leur cœur
et il offre aux âmes les plus simples nm
infinité d'enseignements et d'exemple
très bien à leur portée.
LE MISSIONNAIRE DE L'ORATOIRE
Sermons pour l'Avent, le Carême et les Fêtes
Par le P. LE JEUNE, prêtre de l'Oratoire.
Troisième édition, revue et enrichie de plus de cent notes biographiques,
6 forts volumes in-8, franco 24 fr.
Assurément les serinons du P. Le Jeune
ne brillent pas par un style élégant et
poli; mais pour trouver des instructions
plus util. '.s et plus solides, des homélies
plus élégantes, il non existe pas. Tous
ermons mit un cachet d'originalité et
contiennent tant de pensées pratiques que
Le même ouvrage, 12 volumes petit in-8 . 24 fi
tout prêtre, tout prédicateur, peut en ti
rer son profit. Le P. Lamy en faisait se
délices; Massillon le conseillait sans cess
et toujours et Mgr Mermillod considérai
encore ses <»'uvres comme un livre d'o
que les prêtres ne connaissent pas assez
SAINT JEAN
ÉTUDE SUR LE
Rar l'Abbé PLANUS.de la Société de SU
précède en forme de Préface, d'une lett
:;p édition, un beau vol. in-12, franco
livré s'est répanda sans bruit <•(
continue du se répandre, ce n'est point
une œuvre de critique et d'exégète, c'est
» i « j • - étude d'âme. L'auti appli-
qué, d'après les textes tenus pour authen-
tiques, ;'i mettre en relief les sentiments
et les dispositions du Précurseur otfvera
Jésus, sa i'"i profonde, son humilité Bin-
■ ■ re, -un désiul p- ement absolu et son
-BAPTISTE
PRÉCURSEUR
renée de Lyon, vicaire général d'Autun.
p' de Mgr Perraud, évéque d'Autun.
3 fr. 50
attachement parfait. Et de chacune de se
vertus exemplaires, il tire pour le prétrt
même pour le simple chrétien les plu
utiles enseignements. Mgr Perraud, ôv(
qui' d'Autun. dans une lettre qui sert d
préface à l'ouvrage reconnaît nautemen
la valeur cl la portée de ce travail et d
l'inspiration qui l'anime.
GUIDE DU PRÊTRE
DANS SES PRÉDICATIONS
CHOIX ET DÉVELOPPEMENTS DES SUJETS
M. L'ABBÉ DOUBLET
Chanoine d'Arras,
Auteur de Saint Paul, Jésus-Christ, les Psaumes étudiés en vue de la Prédication,
Conférences aux Dames du Monde, Elude complète du Christianisme, etc., etc.
QUATRIEME EDITION
TOME QUATRIEME
PARIS
BERGHE ET TRALIN, LIBRAIRES-ÉDITEURS
69, RUE DE RENNES, 69
189 6
Propriété des Éditeurs. Tous droits réservés.
LES APPELS DE LA GRACE
LES APPELS DE LA GRACE
Xjus apprécierons comme il convient ce qu'est le don de la
grâce et la grandeur du bienfait qui nous y appelle, quand
nous connaîtrons ce qu'est la grâce en elle-même, combien
grande, combien divine, combien précieuse.
Etudions la grâce en elle-même. — La grâce est, d'une
part, sous le nom de grâce habituelle ou sanctifiante, une élé-
vation surnaturelle, une transfiguration toute divine de notre
être. — C'est ensuite, sous le nom de grâce actuelle la série
infinie des secours surnaturels que Dieu ne cesse de répandre
à profusion sur nous.
1° C'est une élévation surnaturel. — Dieu pouvait borner sa
munificence au bienfait de la création. Bienfaiteur généreux
alors qu'il nous comblait des dons de la nature et nous assi-
gnait pour fin dernière un bonheur naturel: là se serait arrêté
l'effort de sa bonté.
Nous l'eussions connu, adoré et aimé, mais en lui restant
étrangers, sans nulle participation à sa nature divine. — Or
Dieu, dans un incompréhensible conseil de sa sagesse et de
son amour, a voulu pour nous cette mystérieuse participa-
tion (l). Il nous élève jusqu'à Lui, il nous fait participants de
(1) Benedictus Deus et Pater Domini nostri Jesu Christi, qui be-
nedixit nos in ornni benedictione spirituali in cœlestibus in Ghristo ;
Sicut ei,egit nos in ipso ante mundi constitutionem, ut essemus
sancti et imrnaculati in conspectu ejus in caritate.
T. IV I
2 LES APPELS DE LA GRACE
son être: « Initium aliquod creaturœ ejus. » 11 est Dieu par
nature: nous voici, par participation, devenus des êtres di-
vins. Intelligence, cœur, volonté, tout en nous s'imprègne de
divinité. — Ainsi, surnaturalisés et déifiés, nous devenons
capables de connaître, d'aimer, de posséder Dieu en lui-même.
Nous avons accès jusqu'à 1' « inaccessible lumière; » nous
sommes aptes à jouir éternellement de Lui: « Accessum ha-
bemus ad Patrem. » — Dieu, dans le Baptême et les Sacre-
ments nous donne le signe extérieur et visible de l'invisible
merveille accomplie en nous (1).
2° C'e$t uue assistance surnaturelle. — Déifiés par la grâce,
faits participants de la nature divine, c'est désormais des ac-
tes divins que nous devons accomplir. — Mais comment une
Qui praedestinavit nos in adoptionem iiliorum per Jesum Chris-
tum in ipsum, secundum propositum voluntatis suœ,
In laudem gloriae gratiae suas, in qua gratificavit nos in dilecto
Filio suo ;
In quo habemus redemptionem per sanguinem ejus, remissio-
nem peccatorum, secundum divitias gratiae ejus.
Quse superabundavit in nobis in omni sapientia et prudentia ;
Ut notum faceret nobis sacramentum voluntatis suae, secundum
beneplacitum ejus quod proposuitin eo.
In dispensatione plenitudinis temporum, instaurare omnia in
Christo.Eratisillo in tempore sineChristo,alienati a conversati.me
Israël, et hospites testamentorum, promissionis spem non haben-
tes, et sine Deo, in hoc mundo.
Nunc autem in Christo Jesu vos, qui aliquando eratis longe,
facti estis prope in sanguine Ghristi.
Ipse enim est pax nostra, qui fecit utraque unum, et médium
parietem maceriae solvens, inimicitias in carne sua ;
Legem mandatorum decretis evacuans, ut duos condal in se-
metipso in unum novum hominem, faciens pacem.
Et reconciliet ambos in uno corpore Deo percrucem, interûciens
inimicitias in semeripso.
Et veniens evangelizavit pacem vobisqui longe fuistis, et pacem
ils qui prope ;
Quoniam per ipsum habemus accessum ambo in uno spiritu ad
Patrem.
Ergo jam non estis hospites et advenae, sed estis cives sancto-
rum, et domestici Dei. (Ephes. I, II.)
(1) Quotquot autem receperunt eum, dédit eis potestatem fîlios
Deifieri, his qui credunt in nomine ejus ;
Qui non ex sanguinibus, neque ex voluntate carnis, neque ex
voluntate viri, sed ex Deo nati sunt.
Et Verbum caro factum est, et habitavit in nobis ; et vidimus
gloriam ejus, gloriani quasi unigeniti a Pâtre, plénum gratiae et
veritatis. (Joan. I.)
LES APPELS DE LA GIUCE 3
nature si frêle et qui ressent si profondément les influences
d'une chute antique pourra-t-elle soutenir l'effort d'actes
semblables ? Une grâce appropriée, une grâce surnaturelle,
vient à nous, nous élève et nous soutient dans les hauteurs
divines qui nous sont assignées (4).
Tel est l'état grandiose voulu et réalisé par Dieu en nous.
Voilà la prodigieuse élévation où il veut nous voir. En nous
contemplant il dira de nous : « Dii estis et filii Excelsi om-
nes. » — Mais, remarquons-le, si la fin qui nous est assignée
est sublime, elle est obligatoire. Malheur à la créature, qui
se jouera de son Dieu, alors qu'il l'appelle aux bienfaits d'une
destinée surnaturelle et divine (2) !
(1) Lauda, anima niea, Dominum! Laudabo Dominum in vita
mea; psallam Deo meo quandiu fuero.
Nolite confldere in priucipibus.
In filiis hominum, in quibus non est sa^,
Exibit spiritus ejus, et reverteturf^^rarJaè^ ^ai§§inpns|.die
(ribunt omnes cogitationes eoru^^^A^v-^-' * H[
Beatus cujus Deus Jacob ad j u^$i e^ak, spos^eJAis in.Dçft?àino Deo
peribunt omnes cogitationes eoruu^-^'^
ipsius, f/<£y •o\Tî-
Qui fecit cadum et terrain, ma/vet oujrÂâ^qTiaiiirejkSnêunt
Qui custodit veritatem in s^uWn^.fa^iJ^i^tcïtfm injujiam pa-
tientibus; dat escam esurientÉjbus. ^"0° vt^
Dominus solvit compeditos*^ ^^~-
Dominus illuminât cœcos. \^ kt^v'^' ^fc\)«
Dominus erigit elisos; DorninTry^kligit iu^flfe^î
Dominus custodit advenas : pupnMB5*a*v^auam suscipiet, et
vias peccatorum disperdet.
Regnabit Dominus in secula; Deus tuus, Sion, in generationem
et generationem (Psal. CXLV.)
(2) Accedamus cum v.to corde in plenitudine fidei, aspersicoida
a conscienlia mala, et abluti corpus aqua munla.
Teneamus spei nostrae confessionemindeclinabilem (fidelis enim
est qui repromisit).
Et consideremus invicem in provocaticnem caritatis et bono-
rum operum;
Non deserentes collectionem nostram, sicut consuetudinis est qui-
busdam, sed consolantes, et tanto magis quanto videritis appro-
pinquantem diem.
Voluntarie enim peccantibns nobis post acceptam notitiam ve-
ritatis, jam non relinquitur pro peccatis hostia,
Terribilis autem quœdam exspectatio judicii, et ignis sernulatio
quse consumptura est adversarios.
Irritam quis faciens legem Moysi, sine ulla miseratione duobus
vel tribus testibus moritur :
Quanto magis putatis détériora mereri supplicia qui Filium Dei
conculcaverit, et sanguinem testamenti pollutum duxerit, in quo
sanctificatus est, et spiritui gratise contumeliam fecerit?
4 LES APPELS DE LA GRACE
Etudions la grâce dans ses appels. — Si, comme il est juste,
nous personnifions la grâce on Celui qui en est l'Auteur, en
Jésus-Christ, son histoire nous apparaîtra plus saisissante ;
son appel plus invariable et plus sacré.
1° La grâce nous a visités. — Etonnante révélation que
nous fait l'Ecriture! Dieu nous aime. Du haut des cieux le
Verbe s'éprendpour nousd'unamour incompréhensible : « Ca-
ritate perpétua dilexi te. » « Deliciae meœ esse cum filiis
hominum. » Il descend des cieux, il s'en vient sur la terre,
il vit au milieu de nous : « Visus est in terris et cum homi-
nibus conversatus. » Quoi! Il revêt notre nature; il entre,
comme frère, dans la famille humaine, il est nôtre absolu-
ment: « formam servi accipiens. » — C'est là l'ineffable mys-
tère de la grâce et de notre élévation à la vie divine (i). Cette
vie, il nous la communique, il en fait couler en nous la sève
surnaturelle. Entés sur ce tronc divin, ce sont désormais,
par Lui, des fruits divins que nous produirons, — Hélas ! Que
dire de l'insolente créature qui éconduira un pareil visiteur
et repoussera un pareil don? « Quomodo effugiernus si tan-
tam salutem neglexerimus ? »
2° La grâce nous a délivrés. — La venue du Verbe incarné
et l'élévation divine que cette venue nous procure sont rendues
plus merveilleuses, plus ineffables, si nous considérons en
Scimus enim qui dixit : Mihi vindicta, et ego retribuam. Et ite-
rum : Quia judicabit Dominas populum suum.
Horrendum est incidere in manus Dei viventis.
(Hœbr. X.)
(1) Quis mihi det te fratrem meum, sugentem ubera matris meaî,
ut inveniam te foris, et deosculer te et jam me nemo despiciat?
Apprehendam te, et ducam in domum matris meœ; ibi me doce-
bis, et dabo tibi poculum ex vino condito, et mustum malorum
granatorum meorum.
Laeva ejus sub capite meo, et dextera illius amplexabitur me.
Adjuro vos, filiœ Jérusalem, nesuscitetis, nequeevigilarefaciatis
dilectam, donec ipsa velit.
Quae est ista quse ascendit de deserto, deliciis affluens innixa su-
per dilectuuLSuum?
Sub arbore malo suacitavi te; ibi corrupta est mater tua; ibi
violata. est genùtrix tua.
Pone me ut signaculum super cor tuum, ut siguaculum. super
bracliium tuum, quia fortis est ut mors dilectio, dura sicut infer-
nus aemulatio : lampades ejus lampades ignis atque flammarum.
Aquœ. multaeaon, potuorunt exstinguere charitatena, nec ilumina
obruent illam. S doderit homo omnem substantiam domus sua?
pro dilectiene, quasi nihil despiciet eam. (Gantiq. VIII.)
LES APPELS DE LA GRACE
quelle circonstance elles se sont produites. Nous étions dans
l'abîme du péché, et, par lui, dans l'abîme d'une inexpiable
perdition. Pour nous sauver il fallait que le Christ nous ob-
tînt la grâce à jamais perdue. Pour obtenir la grâce, expier
nos crimes. Pour expier nos crimes, verser son sang et
mourir. — Qu'est-ce que la grâce? C'est le prix du sang d'un
Dieu. Autant vaut un sacrifice infini, autant vaut la grâce qui
en a jailli (1).
3° La grâce nous a sollicités. — Incompréhensible mystère 1
cette humanité rachetée, sauvée, déifiée, eût dû se jeter,
dans l'ivresse de sa reconnaissance et de son amour, aux
pieds de son Libérateur. Hélas! elle le repousse; elle se dé-
bat contre sa paternelle étreinte, et nous assistons à une lutte
douloureusement étrange entre la grâce qui nous sollicite
et notre perversité qui la rejette. Que de fois, de combien de
manières, avec quelle suavité et quelle force, Jésus-Christ
nous sollicite! Que de fois il fait briller sa vérité sur nos
âmes! « Quoties volui congregare ! » « Qu'ai-je dû faire à
ma vigne, dit le Seigneur, que je n'ai point fait (2) ? »
Jésus nous subjugue par ses charmes. Sa beauté est vic-
torieuse; la grâce est répandue sur ses lèvres (3). Lui seul
(1) Qui traditus est propter delicta nostra, et resurrexit propter
justificationem nostram. (Rom. IV.)
Empti estis pretio magno. (I Cor. VI.)
(2) Cantabo dilecto meo canticum patruelis mei vineœ suse. Vi-
nea facta est dilecto meo in cornu filio olei.
Et sepivit earn, et lapides elegit ex illa, et plantavit eam elec-
tam; et sedificavit turrim in medio ejus, et torcular exstruxit in ea
et exspectavit ut faceret uvas, et fecit labruscas.
Nunc ergo, habitatores Jérusalem, et viri Juda, judieate inter
me et vineam meam.
Quid est quod debui ultra facere vineœ mese, et non feci ei? An
quod exspectavi ut faceret uvas, et fecit labruscas?
(Isaï. III.)
(3) Speciosus forma prœ filiis hominum, diffusa est gratia in la-
biis tuis ; propterea benedixit te Deus in œternum.
Accingere gladio tuo super fémur tuum, potentissime.
Specie tua et pulchritudine tua intende, prospère procède, et ré-
gna,
Propter veritatem, et mansuetudinem, et justitiam; et deducet
te mirabiliter dextera tua.
Sagittœ tuœ acutœ, populi sub te cadent, in corda inimicorum ré-
gis.
Sedes tua, Deus, in seculum seculi; virga directionis virga re-
gni tui.
6 LES APPELS DE LA GRACE
est le bonheur de la vie, l'apaisement du cœur. Lui seul
donne aux aspirations de notre être l'aliment convenable.
Jésus vient à nous avec à! ineffables promesses. Oh 1 >•. si scires
donum Dei! » « Il a les promesses de la vie présente et celles
delà vie future, » car l'Apôtre le nomme « Sacramentum pie-
tatis. »
Jésus nous réveille même par ses menaces. C'est la der-
nière ressource de l'amour aux abois. Si nos cœurs dénatu-
rés ne tiennent nul compte de ses bienfaits, restent insensi-
bles à ses charmes, méprisent le magnifique avenir qu'il nous
assure : tremblons au moins à la pensée des châtiments qui
attendent ceux qui se seront joués d'une telle Rédemption,
qui auront foulé aux pieds une telle grâce (1).
Dilexisti justitiam, et odisti iniquitatem ; propterea unxit te Deus,
Deus tuus, oleo lsetitiœ, pras consortibustuis.
Myrrha, et gutta, et casia a vestiinentis tuis, a domibus ebur-
neis ; ex quibus delectaverunt te
Filia3 regum in honore tuo. (Psal. XLIV.l
Qualis est dilectus tuus ex dilecto, o pulcherrima mulierum?
Qualis est dilectus tuus ex dilecto, quia sic adjurasti nos ?
Dilectus meus candidus et rubicundus ; electus ex millibus.
Caput ejus aurum optimum. Coma? ejus sicut elatœ palmarum,
nigrœ quasi corvus.
Oculi ejus sicut columbœ super rivulos aquarum, quœ lacté sunt
lotse, et résident juxta fluenta plenissima.
Genœ illius sicut areolae aromatum consitae a pigmentariis. La-
bia ejuslilia distillantia myrrliam primam.
Manus illius tornatiles, aurese, pleme hyacinthis. Venter ejus
eburneus, distinctus sapphiris.
Crura illius columme marmoreœ quaî fundatœ sunt super bases
aureas. Spocies ejus ut Libani, electus ut cedri.
Guttur illius suavissinium, et tutus desiderabilis Talis est dilec-
tus meus, et ipse est amicus meus, filia; Jérusalem.
Quo abiit dilectus tuus, o pulcherrima mulierum? quo déclina-
vit dilectus tuus? et qiueremus eum tecum. (Gantiq. V.)
(î) Dixit ergo eis Jésus: Adhuc modicum tempus vobiscum sum;
et vado ad eum qui me misit.
Ou l'ietis me, et non invenietis ; et ubi egosum, vos non potestis
venire.
Dixerunt ergo Judaei ad semetipsos: Quo hic iturus est, quia
non inveniemus eum? numquid in dispersionem gentium iturus
est, et docturus gentes?
Quis est hic sermo quem dixit : Quœretis me, et non invenietis
et ul)i sum ego, vos non potestis venire?
In novissimo autem die magno festivitatis stabat Jésus et clama-
bat, dicens : Si quis sitit, veniat ad me et bibat.
(Joan. VII.)
LES APPELS DE LA GRACE
II
LES DÉLAISSEMENTS DE LA GRACE
Contemplons-les dans une image, avant de les étudier en
eux-mêmes.
Etudions-les dans une image. — Peu avant de mourir
pour nous, l'Homme-Dieu jette sur Jérusalem infidèle des
veux qui s'emplissent de larmes. « Flevit super illam. » L'his-
toire de la cité déicide se déroule devant lui: comment elle a
été suppliée, pressée, conjurée : comment elle a opiniâtre-
ment repoussé la grâce : comment fatigué enfin de ses refus
le cœur de Dieu s'est fermé sur elle et comment les châti-
ments et la désolation définitive se sont étendus sur la cité
rebelle (1).
Jérusalem c'est l'âme chrétienne, et dans les châtiments
qui l'accablent et que nous détaille l'évangeliste Saint Luc
reconnaissons ce qui nous attend nous-mêmes alors que nous
aurons exaspéré et découragé la grâce divine.
•1° Premier signe du délaissement. — La perte de Jérusa-
lem s'annonce quand surgissent en elle les faux prophètes.
« Surgent pscudoprophetae. » Ils la trompent, la détournent
de la vérité et la poussent vers l'erreur. Ame chrétienne,
prends garde quand des voix décevantes, des prophètes d'er-
reur, se feront entendre à loi (2).
2° Deuxième signe du délaissement. — « Refrigescetcaritas»(3).
(1) Et egressus Jésus de templo, ibat. Et accesserunt discipuli
ejus, ut ostenderent ei se lificationes templi.
lpse autemrespondensdixitillis: Videtis hsecomnia? Amen dico
vobis, non relinquetur hic lapis super lapidera, qui non destruatur.
(Matth. XXIV.)
(2) Prophetœ prophetabant mendaciura, et sacerdotes applaude-
bant manibus suis, et populus meus dilexit talia. Quid igitur fiet
in Dovissimo ^JU5* (Jerem. V.)
(3) Mattli. XXIV.
LES APPELS DE LA GRACE
Ce ne sont plus les jours des Rameaux, où Jérusalem se sou-
levait tout entière, conduisant en triomphe son Sauveur,
l'acclamant, ivre de reconnaissance et d'amour : les voix
sont muettes, les cœurs sont refroidis, la piété est morte. —
Ame chrétienne, quand ta prière aura expiré, que l'eau di-
vine des Sacrements ne coulera plus en toi, et que Celui qui
est le « Pain vivant » ne sera plus ton habituelle nourriture;
quand les glaces de l'indifférence et de l'oubli t'enchaîneront
dans un inerte hiver, les jours de ton délaissement se font
proches (1).
3° Troisième signe du délaissement. — « Cum videritis cir-
cumdari ab exercitu Jérusalem, tune scitote quia appropin-
quavit desolatio ejus. » Jérusalem est sans force, sans se-
cours, sans lumière, sans vie; c'est l'heure choisie par l'en-
nemi pour faire avancer ses phalanges, l'investir, l'enserrer
dans de formidables lignes de circonvallation. — N'est-ce pas
quand nos âmes, à force d'abuser des grâces en ont vu la-
mentablement diminuer le nombre; quand nos forces surna-
turelles sont épuisées, quand la foi est vacillante et incer-
taine, quand la volonté est mouvante et fragile, quand, en
un mot, il ne nous reste plus qu'un souffle de vie chrétienne,
n'est-ce pas alors que le démon nous circonvient, dresse ses
pièges, fait surgir quelque dangereuse occasion, noue quel-
que liaison désastreuse, pour achever d'étouffer en nous ce
qui reste de lumière et de bonne volonté?
(1) Quihabet aurem, audiat quid Spiritus dicat ecclesiis.
Et angelo Laodiciœ ecclesiaj scribe: Hœc dicit : Amen, testis fi-
delis et verus, qui est principium creaturœ Dei;
Scio opéra tua: quia neque frigidus es, neque calidus: utinam
frigidus esses, aut calidus!
Sed quia tepiduses, et nec frigidus nec calidus, incipiam te evo-
mere ex ore meo.
Quia dicis : Quod dives sum, et locupletatus, et nullius egeo;et
nescis quia tu es miser, et miserabilis, et pauper, et csecus, et nu-
dus.
Suadeo tibi emere a me aurum ignitum probatum, ut locuples
fias, et vestimentis albis induaris, et non appareat confusio nudi-
tatis tuœ, et collyrio inunge oculos tuos ut videas.
Ego quos amo, arguo et castigo. /Einulare ergo, et pœnitentiam
âge.
Ecce sto ad ostium, etpulso: si quis audierit voce m nieam, et
aperuerit mihi januam, intrabo ad illum, et cœnabo cum illo, et
ipse mecum.
Qui vicerit, dabo ei sedere mecum in tbrono. (Apoc. 111.)
LES APPELS DE LA GRACE 9
4° Quatrième signe du délaissement . — « Cadentin ore gla-
dii et captivi ducentur et Jérusalem calcabitur. » Nous som-
mes à cette heure terrible, prophétisée naguère sur Jéru-
salem par Ezéchiel : « Yenit finis! venit finis! fac conclusio-
nem. » A force de repousser Dieu, Dieu se retire. A force de
se voir refusée, la grâce se refuse. A force de fouler aux pieds
le Sang Rédempteur, ce sang retombe sur Jérusalem en pluie
de vengeance et de feu. — C'est l'état de l'âme abandonnée
de Dieu et déjà frappée de sa sentence : « Jamjudicatus est. »
Un glaive mystérieux la transperce et elle perd son sang, sa
grâce, ses bonnes inspirations, ses volontés généreuses, ses
désirs de retour. « Cadent in ore gladii... » Un inexplicable
engourdissement la captive. « Captivi ducentur, » — Comme
ces cités ouvertes, démantelées, en ruines, tous y entrent,
tous la foulent, tous achèvent sa destruction, n'y laissant
bientôt plus pierre sur pierre (1).
Etudions-les en eux-mêmes. — i° Sachons d'abord que la
grâce est limitée. — Nous apprenons cette vérité formidable
par des textes formels de l'Ecriture. Puis par d'effrayants
{{) Quomodo sedet sola civitas plena populo: facta est quasi vi-
dua domina gentium : princeps provinciarum facta estsubtributo.
Plorans ploravit in nocte, et lacrymœ ejus in maxillis ejus: non
est qui consoletur eam ex omnibus charis ejus: omnes amici ejus
spreverunt eam, et facti sunt ei inimici.
Migravit Judas propter afilictionem, et multitudinem servitutis:
babitavit inter gentes, nec invenit requiem: omnes persecutores
ejus apprebenderunt eam inter angustias.
Via Sionlugent eo quod non sint qui veniant ad solemnitatem:
omnes porta; ejus destructa?: sacerdotes ejus gementes: virgines
ejus squalidœ, et ipsa oppressa amaritudine.
Facti sunt hostes ejus in capite, inimici ejus locupletati sunt:
quia Dominus locutus est super eam propter multitudinem ini-
quitatum ejus: parvuli ejus ducti sunt in captivitatem ante faciem
tribulantis.
Et egressus est a filia Sion omnis décor ejus: facti sunt princi-
pes ejus velut arietes non invenientes pascua: et abierunt absque
fortitudine ante faciem subsequentis.
Recordata est Jérusalem dierum afflictionis suae, et prsevarica-
tionis omnium desiderabilium suorum quae habuerat a diebus an-
tiquis. cum caderet populusejus in manu hostili,et nonessetauxi.
liator : viderunt eam hostes, et deriserunt sabbata ejus.
Peccatum peccavit Jérusalem, propterea instabilis facta est:
omnes, qui glorificabant eam, spreverunt illam, quia viderunt igno-
miniam eius: ipsa autem geniens conversa est retrorsum.
(Tren.)
10 LES APPELS DE LA GRACE
exemples. — Des textes. Par exemple : « marchez tant qu'il
vous reste encore de la lumière; » « viendra le jour où
vous me chercherez et ne me trouverez plus. » Des exem-
ples. Le monde au déluge abuse des appels de la grâce et
l'eau vengeresse l'engloutit. Israël abuse, une dernière fois,
d'un dernier appel, et la réprobation lui survient. Judas abuse
d'un dernier baiser et c'est pour lui le signe d'une réproba-
tion éternelle.
2° Rendons nous compte ensuite comment nous arriverons à
la perdre. — Deux voies infaillibles nous mèneront à cette
ruine. — Ou bien nous obligerons la sagesse et la justice de
Dieu à nous la refuser. — Ou bien, si d'inépuisables miséri-
cordes nous la dispensaient encore, c'est nous qui, opiniâtre-
ment endurcis, nous obstinerons jusqu'au dernier jour à la
repousser.
LA CRAINTE DE DIEU
En Dieu les attributs ni ne se confondent, ni surtout ne
s'absorbent. Dieu, qui est Bonté, ne cesse pas pour cela
d'être Justice. Sa prodigieuse condescendance envers nous
ne saurait voiler ni amoindrir sa souveraine Majesté. Si
le Dieu de la Rédemption est insatiable de dévouement et de
miséricorde, c'est Lui encore qui règne au plus haut des
cieux et « devant qui tout genou fléchit au ciel, sur la terre
et dans les enfers. »
De là, en ce qui nous touche, une double conséquence. À
l'amour que la bonté divine réclame de nous, il faut joindre
la crainte respectueuse à laquelle nous obligent une grandeur
infinie, une autorité souveraine, une immuable Justice (1).
Gardons-nous donc d'oublier et de négliger l'un des plus
essentiels devoirs du chrétien, qui est de craindre Dieu. Par-
tout nous retrouvons cette crainte, qui est la dette sacrée,
l'essentiel devoir, la plus haute garantie d'obéissance. — Au
ciel les anges tremblent. — A l'homme déchu apparaît, au
jardin de l'Eden, un ange à l'épée flamboyante. — Dans les
régions maudites de l'expiation le dernier hommage des dé-
mons c'est la crainte : «. Credunt et contremiscunt. » — Où
donc que nous allions nous rencontrons la crainte de Dieu.
(i) Timor Domini gloria, et gloriatio, et lsetitia, et corona exul-
tationis. Timor Domini delectabit cor, et dabit lœtitiam, et gau-
dium, et longitudinem dierum. Timenti Dominum bene erit in ex-
tremis, et in die defunctionis suœ benedicetur. Dilectio Dei hono-
rabilis sapientia. Quibus autem apparuerit in visu, diligunt eam
in visione, et in agnitione magnalium suorum. Initium sapientia?
timor Domini, et cum fidelibus in vulva concreatus est.
(Eccli. IL)
12 LA CRAINTE DE DIEU
I
NÉCESSITE ET IMPORTANCE DE LA CRAINTE
DE DIEU
L'histoire humaine tout entière nous apparaît sous l'égide
de cette crainte sainte et bienfaisante. — C'est par elle que
s'ouvrent les destinées du genre humain. — C'est elle qui se
poursuit à travers tous les siècles. — C'est d'elle encore que
relève le sort de chaque âme chrétienne en particulier.
Au Paradis terrestre elle décida du sort de l'humanité.
■ — Autant notre innocence avait été confiée à la garde de
cette crainte filiale, autant le démon tentateur mit de soins à
ébranler et à détruire cette crainte chez nos premiers pa-
rents.
i° Dieu avait tout remis à la garde de la crainte. — Au mi-
lieu des délices de cette première existence, au sein des ri-
chesses et des splendeurs d'un paradis, Dieu avait dressé l'i-
mage de la crainte. — Un arbre présentait à l'homme un fruit
mystérieux, une formidable parole avait été dite par le Très-
Haut: « Morte morieris ». Une menace planait sur l'homme
et Dieu, qui se montrait à lui si condescendant et si bon, n'en
conservait pas moins la domination du maître et les rigueurs
du Juge. — Telle fut donc la situation première: la crainte
était la sauvegarde de l'innocence; c'est de la crainte que
pour Adam et sa postérité devait sortir le salut (1).
2° La tactique du démon fut de détruire cette crainte. —
Satan se rendit parfaitement compte de la force que donne-
rait à l'homme la crainte de Dieu solidement fixée dans son
(t) Tulit ergo Dominus Deus homincm, et posuit eum in para-
diso voluptatis, ut operaretur et custodiret illum;
Prœcei>it<iue ei dicens: Ex omni ligno paradisi comede;
De li^no autem scienti® boni et mali ne corne Jas; inquoeumque
enim die comederis ex eo, morte morieris. (Gènes. II.)
LA CRAINT* DE DIEU 13
cœur. Aussi tous ses efforts tendirent-ils à ébranler cette
crainte. — Dieu avait dit: « Du jour où vous mangerez ce
fruit vous mourrez de mort. » Et une crainte mystérieuse
restait au fond de l'âme humaine, crainte salutaire qui main-
tenait l'obéissance. — A l'affirmation divine Satan oppose
une perfide négation, il tranquillise nos premiers parents, il
fait ce que fera éternellement le monde, il étouffe les me-
naces divines et la crainte que ces menaces suscitent : « Ne-
quaquam moriemini. »
Durant tous les siècles elle est le pivot du salut. — La
crainte de Dieu, qui au début de l'histoire humaine a décidé
de nos destinées, ne cessera plus d'en être l'arbitre tout-
puissant. Les deux paroles: l'une de Dieu: « Morte morie-
mini », l'autre de Satan: « Nequaquam moriemini, » se-
ront à jamais la devise des chrétiens fidèles et des pécheurs
apostats, séparant l'humanité en deux parts distinctes, les
élus et les damnés.
1° Les chrétiens fidèles se sanctifient par cette crainte. —
Parcourons leurs rangs, étudions toutes ces âmes dans les
péripéties diverses et les divers degrés de leur sainteté, par-
tout et toujours le rôle prépondérant de la crainte nous ap-
paraîtra.
Voici les âmes saintes(i). Ce sont les vrais enfants de Dieu,
remplis d'amour mais aussi de crainte. L'idée seule de dé-
plaire à Dieu les terrifie ; le souvenir de ses grandeurs les
maintient dans un respect immense, la vue des divines jus-
tices les glace d'effroi, elles trouvent dans la pensée des châ-
timents éternels la constante rénovation de leurs vertus et
(1) BenedixitqueDominusdomui.Egyptii propter Joseph, etmul-
iiplicavittam in aedibus quam in agris cunctam ejus substantiam;
Nec quidquam aliud noverat, nisi panem quo vescebatur. Erat
autem Joseph pulchra facie, et decorus aspectu.
Post multos itaque dies injecit domina sua oculos suos in Joseph
et ait: Dormi mecura.
Qui nequaquam acquiescens operi nefario, dixit ad eam: Ecce
dominus meus, omnibus mihitraditis, ignorât quid habeatin domo
■sua;
Nec quidquam est quod non in mea sit potestate, vel non tra-
diderit mihi, praeter te, quae uxor ejus es; quo modo ergo possum
hoc malum facere, et peccare in Deum meum?
Hujuscemodi verbJw|er singulos dies et mulier molesta erat ado-
lescent^ et ille recusafcàtstuprum. (Gènes. XXIX.)
14 LA CRAINTE DE DIEU
ainsi selon le mot énergique du Psalmiste : « Elles plongent
leurs mains dans le sang des pécheurs » (1).
Voici les âmes pénitentes. Elles s'étaient éloignées de Dieu,
elles s'étaient livrées au monde, au péché, au démon; peut-
être dormaient-elles tranquilles sur le bord de l'abîme...
Mais, à ce moment, l'ange du salut, sousl'aspectd'une crainte
poignante, lésa brusquement réveillées; elles ont tremblé
comme David adultère, au souvenir des jugements de Dieu
et ce souvenir a été leur salut (2).
Voici les âmes héroïques. Celles-ci franchissent les frontiè-
res de la vertu et elles s'élèvent au sommet de la sainteté.
Elles ne reviennent, comme Saint Paul, du troisième ciel,
(1) Deus coûteret dentés eorum in ore ipsorum: molas leonum
confringet Dominus.
Ad nihilum devenient tanquamaqua decurrens: intendit arcum
suum donec infîrmentur.
Sicut cera, quœ fluit, auferentur: supercecidit ignis, et non vi-
derunt solem.
Priusquam intelligerent spinœ vestrre rhamnum: sicut viventes.
sic in ira absorbet eos.
Lœtabitur justus cum viderit vindictam: manus suas lavabit in
sanguine peccatoris.
Et dicet homo: Si utique est fructus justo: utique est Deus ju-
dicans eos in terra. (Psal. LVII.)
Dixit autem Nathan ad David: Tu es ille vir. Hœc dicit Do-
minus Deus Israël: Ego unxi le in regem super Israël, et ego erui
te de manu Saul.
Et dedi tibi domum domini tui, et uxores domini tui in sinu tuo,
dedique tibi domum Israël et Juda;et siparvasunt ista, adjiciam
tibi multo majora.
Quare ergo contempsisti verbum Domini ut faceres malum in
conspectu meo? Uriam Hethœum percussisti gladio, et uxorem
illius accepisti in uxorem tibi, et interfecisti eu m gladio filiorum
Ammon.
Quamobrem non recedet gladius de domo tua usque in sempi-
ternum, eo quoi despexeris me, et tuleris uxorem Uriœ Hethœi
ut esset uxor tua.
Itaque hœc dicit Dominus: Ecce ego suscitabo super te malum
de domo tua; et tollam uxores tuas in oculis tuis etdabo proximo
tuo, et dormiet cum uxoribus tuis in oculis solis huius.
Tu oui m fecisti abscondite, ego autem faciam verbum istud in
conspectu omnis Israël et in conspectu solis.
Et dixit David al Nathan: Peccavi Domino. Dixitque Nathan ad
David: Dominus quoque transtulit peccatum tuum; non morieris;
Verumtainen quoniam blasphemare fecisti inimicos Domini,
nropter verbum hoc filius qui natus est tibi morte morietur.
(II Reg. XII.)
LA CRAINTE DE DIEU 15
que pour embrasser la terre dans l'étreinte de la charité et
pour étonner les peuples du spectacle de leurs héroïsmes. —
Qui les soutiendra à ces hauteurs vertigineuses, d'où l'ange
déchu fut précipité ? La crainte de Dieu. Et quand elles au-
ront atteint les limites extrêmes de la sainteté, elles s'écrie-
ront avec Sakit Paul : « Vereor ! » « Vereor ne ipse repro-
bus efficiar. »
2° Les pécheurs se perdent en perdant cette crainte. — Le
Psalmiste en deux mots révèle le secret de celte perdition :
« Illic trepidaverunt timoré ubi non erat timor. » Puis :
« Non est timor Dei ante oculos eorum. » — Etrange ren-
versement! Le même homme qui tremble devant des dan-
gers chimériques, reste impassible en face d'un péril éternel.
Devant quoi ne tremblent ils pas, ces pécheurs orgueilleux
qui font profession de se rire de Dieu et de ses justices ? —
Ils tremblent devant le regard humain et se font les escla-
ves des caprices frivoles et vains de l'opinion. — Ils tremblent
devant la faveur et la fortune. — Ils tremblent en face du
tombeau. Ils tremblent pour moins que cela, et sitôt qu'un
nuage menace de voiler leurs plaisirs ou d'assombrir leur
prospérité, la crainte les envahit et les paralyse.
Insensés ! et si Dieu tient en ses mains leur sort éternel,
ils se rient de Dieu ! — Si un pas les sépare de l'abîme, si
dans un instant ils peuvent être précipités dans les tortures
d'une éternelle expiation, ils n'ont pour cette crainte, aussi
véritable qu'elle est extrême, que le sourire du dédain ou la
stupide sécurité de l'oubli.
Elle est le secret de notre propre histoire. — Replions-
nous sur nous-mêmes. L'histoire de notre âme, de ses défail-
lances et de ses chutes, est liée étroitement à la crainte de Dieu.
1° C'est l'affaiblissement de cette crainte qui norts a fait tom-
ber. — Rappelons à nos souvenirs les péripéties de chacune
de nos chutes. Au fond de toutes nous trouverons la pré-
somption. — Au jour de notre (idélitô lacrainte de déplaire
à Dieu était vive... Selon le mot du sage, « Nous fuyions à
la vue du péché comme à la vue du serpent. » Le Décalogue
se dressait devant nous entouré, comme le Sinaï, des foudres
divines et des éclats de la suprême Justice. — Mais, à me-
sure que nous faiblissions et que la vue du fruit tentateur
nous fascinait, nous effacions en nous la vision protectrice
de la crainte. Craindre nous eût sauvés: mais hélas ! nous ces-
sâmes de craindre.
46 LA CRAINTE DE DIEU
Il fallait nous craindre nous-mêmes, notre faiblesse, les
premiers pas tentés vers le mal, les premières blessures
que nous avait faites le péché. — Par un fatal renversement
de toutes choses, plus nous faiblissions, moins nous conser-
vions d'appréhension et de crainte : « Impavidus ad peri-
cuia, » dit Saint Bernard.
Il fallait craindre, tout autour de nous, la perversion du
monde qui nous circonvenait... Les occasions dangereuses
qui s'offraient ànous... Les liaisons mauvaisesqui se nouaient
furtivement... Les tentations vives et profondes qui nous
remuaient de fond en comble. — La crainte de Dieu, en nous
faisant fuir, nous eût sauvés; la présomption nous retint et
nous perdit.
Plus que tout le reste, plus que nous-mêmes, le monde,
le démon, il nous eût fallu craindre Dieu. — Le fils devait
redouter le déplaisir de son père. — Le serviteur devait
craindre le courroux de son maître. — Le coupable devait
pâlir devant la sentence de son juge. — Le soldat devait
éprouver, devant la trahison et la dégradation qu'elle en-
traîne, une salutaire horreur (1).
(I) Timor Domini gloria, et gloriatio, etlaetitia, et corona exsul-
tationis.
Timor Domini delectabit cor; et dab'.t Laetitia n, et gaudium, et
longitudinem dierum.
Timenti Dorainum bene erit in extremis, ut in die defuuctionis
suae benedicetur.
Dilectio Dei bonorabilis sapientia.
Quibus autem appartient in visu diligunt eain in visione, et in
agnitione magnalium suoriun.
Initium sapientia' timor Domini; et cum fidelibus in vulva con-
creatus e-t; cum electis feminis graditur, et cum jualis et lidelibus
agnoscitur.
Timor Domini scientiae religiositas.
Religiositas custodiet et justificabit corjucunditatem atquegau-
dium dabit.
Timenti Dominum bene erit, et in diebus consummationis illius
benedice-tur.
Plenitudo sapientiaî est timere Deum, et plenitudo a fructibus
illius.
O m ne ni domum illius implebit a generationibus, et receptacula
a thesauris illius.
Gorona sapientiie timor Domini, replens pacem et sahitis fruc-
tum ;
Ht vidit, et dinumeravit eam; utraque autem sunt doua Dei.
Scientiam et intellectum prudentiiu sapientia cotnpartietur, et
gloriam tenentium se exaltât.
LA CRAINTE DE DIEU 17
2° C'est la perte de la crainte qui nous mènerait à l'habitude
du péché et de l'habitude du péché à l impénitence finale. —
C'est par cet enchaînement internai que la victime sera menée
peu à peu à son éternelle perdition. — Premier degré : la
conscience s'en turcit, la voix du remords se fait de plus en
plus faible. — Bientôt l'oubli des justices de Dieu tombe
coninu un voile épais sur les yeux du pécheur. Le Psalmiste
nous fait entendre son langage à la fois sacrilège et insensé :
« Quis noster Dominas est ? »... Peceavi et quid mihi accidit
triste? »... « quis vi lebit ? » — Troisième degré : cest l'in-
sensibilité absolue, c'est le sommeil, c'est la mort. Un pro-
phète vit ces pécheurs misérables couchés dans leur invinci-
ble assoupissement. « Dormierunt somnum. » Ils meurent
comme ils ont vécu, tranquilles dans leur inconcevable et in-
vincible sécurité : « ^on esttimor Deiante oculos eorum (I). »
Radix sapientiie est tiuiere Dorninum, et rami illius longœvi.
In tLesauris sapienthe iutellectus et scientise religiositas; exse-
cratio autem peccatoribus sapientia.
Timor Domini expellit peocatum;
Nam qui sine timoré est non poterit justiûcari; iracundia enim
animositatis illius subversio illius est.
Usque in tempus sustinebit patiens, et postea redditio jucundi-
tatis. (Eccli. I.)
(\) Ne ergo timuerilis eos: nihil enim est opertum, quod non
revelabitur; et occultum, quod non seietur.
Quod dicovobisin tenebris, dicite inlumine: et quod in aure au-
ditis, praedicate super tecta.
Et nolite timere eos qui occidunt corpus, animam autem non
possunt occidere: sed potius timete eum qui potest et animam et
corpus perdere in gehennam.
Nonne duo passeres asse vœneunt: et unus ex iilis non cadet
super terrain sine Pâtre vestro?
Vestri autem capilli capitis omnes numerati sunt.
Nolite ergo timere: multis passeribus meliores estis vos.
Omnis ergo qui confitebitur me coram hominibus, confitebor et
ego eum coram Pater meo, qui in cœlis est.
Qui autem negaverit me coram hominibus, negabo et ego eum
coram Pâtre meo, qui in cœlis est. (Matth. X.)
I. IV
18 LA CRAINTE DE DIEU
II
NATURE ET OBJET DE LA CRAINTE DE DIEU
11 est une crainte de Dieu fausse et dangereuse que le fidèle
doit à tout prix dépouiller. — Il est une crainte de Dieu vraie
et salutaire que le iidèle doit à tout prix nourrir et développer.
Fausse crainte dont il faut se dépouiller. — Signalons les
diverses manières dont nous devons soigneusement nous
garder de craindre Dieu.
1° // nous faut évite?' toute crainte désespérée. — Le piège
du démon est invariable, et la tactique, inaugurée au paradis
terrestre et qui lui réussit si admirablement, il ne cesse d'en
user auprès de chacun de nous. — Avant la faute il endort
soigneusement notre conscience, il nous dissimule le péril,
il nous cache l'énormité de l'offense, il nous persuade de la
facilité du pardon et comment, après le plaisir goûté, il nous
sera loisible de rentrer en grâce... Nous voici tombés. La
perfidie infernale revêt une forme toute nouvelle. C'est main-
tenant la fausse crainte de Dieu, la sombre désespérance
qu'il s'efforce de nous insinuer.
Le prodigue fut sauvé par cette seule parole qu'il se dit à
lui-même : « lbo ad patrem »... C'est à de tout autres sen-
timents que le démon va pousser sa victime. Adam sous
l'empire d'une crainte mauvaise fuit Dieu sous l'épaisseur du
feuillage : « Timui »... Caïn, au lieu d'implorer un pardon
qu'il eût obtenu, s'enfuit sous le mortel aiguillon de la crainte :
« Mon crime est trop grand! » (1)... Une larme, un cri de
(1) Dixitque Gain ad Dominuni : Major est iniquitas mea, quam
ut veniam merear.
Ecce ejicis me hodie a facie terrae, et a facie tua jJ^condar, et
ero vagus et profugus in terra; omnis igitur qiu^^Jmt me, oc-
cidet me.
Dixitque ei Dominus: Nequaquam ita ûcjfl |Pmnis qui occi-
/
LA CRAINTE DE DIEU
repentir, une prière humiliée, eût sauvé jusqu'au malheu-
reux Judas. Mais le démon le tient oppressé sous l'effort
d'une crainte impie et sacrilège et Judas se perd par le dé-
sespoir (1).
2° // nous faut éviter toute crainte serviie. — La différence
entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance ne cesse de nous
être inculquée par nos divines Ecritures : « Non enim acce-
pistis spiritum servitutis iterum in timoré, sed accepistis spi-
ritum adoptionis filiorum in quo clamamus : Abha, Pater;
ipse enim Spiritus testimonium reddit spiritui nostro quod
sumus filii Dei » (2;. Si nous traitons Dieu comme un fils
aimant traite un père, au respect de son autorité, à la crainte
de ses châtiments, nous joindrons dans une bien plus large
mesure le dévouement, la confiance et l'amour. — Sans doute
l'attrition théologique admet comme partie intégrante, prin-
cipale même, si on veut, la crainte de la Justice divine et des
peines de l'enfer, mais, ne l'oublions pas, l'amour doit y
mêler son arôme divin. — Professons avant tout cette crainte
douce et filiale qui nous rejette bien loin de tout ce qui peut
déplaire à Dieu.
3° // nous faut éviter toute crainte superstitieuse (3). —
derit Caïn, septuplurn punietur. Posuitque Dominus Gain signum,
ut non interfieeret eum omnis qui invenisset eum.
Egressusque Gain a facie Domini, habitavit profugus in terra
ad orientalern plagam Eden. (Gènes. IV.)
({) Mane autem facto, consilium inierunt omnes principes sacer-
dotum et seniores populi adversus Jesura, ut eum morti traderent.
Et vinctum adduxerunt eum, et tradiderunt Pontio Pilato prse-
sidi.
Tune videns Judas, qui eum tradidit, quod damnatus esset, pee-
nitentia ductus retulit triginta argenteos principibus sacerdotum
et senioribus,
Dicens: Peccavi, tradens sanguinem justum. At illi dixerunt:
Quid ad nos? tu videris.
Et projectis argenteis in templo, recessit : et abiens laqueo se
suspendit. (Matth. XXVII.)
(2) Rom. VIII.
(3) Et vidit Saul castra Philisthiim, et timuit, et expavit cor ejus
nimis.
Consuluitque Dominum;et non respondit ei, neque per somnia,
neque per sacerdotes, neque per prophetas.
Dixitque Saul servis suis: Quaerite mihi mulierem habentem
pythonem, et vadam ad eam, et sciscitabor per illam. Et dixerunt
servi ejus ad eum: Est mulier pythonem habens in Endor.
Mutavit ergo habitum suum, vestitusque est aliis vestimentis,
20 LA CRAIXTE DE DIEU
Allons droit au but, c'est-à-dire allons droit au cœur de Dieu.
Souvenons-nous de ce vers du poète :
Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte.
Fuvons ces faiblesses ridicules de certaines âmes, bien plus
préoccupées de fuir des dangers imaginaires, des rigueurs
chimériques, qu'elles ne sont touchées de l'offense et du dé-
plaisir de Dieu.
4° Il nous faut éviter toute crainte janséniste. — On sait la
perfidie et les résultats désastreux de cette hérésie du der-
nier siècle. Le Jansénisme, sous prétexte de respecter la sain-
teté de Dieu et de sauvegarder sa grandeur infinie, écartait
avec une piété sacrilège les âmes faibles et blessées qui cher-
et abiit ipse, et duo viri cum eo, veneruntque ad mulierem nocte,
et ait illi : Divina mihi in pythone, et suscita mihi quem dixero tibi .
Et ait mulier ad eum: Ecce tu nosti quanta fecerit Saul, etquo-
modo erascrit magos et ariolos de terra; quare ergo insidiaris
animée mese ut occidar ?
Et juravit ei Saul in Domino, dicens : Vivit Dominus! quia non
eveniet tibi quidquarn mali propter hanc rem.
Dixitque ei mulier: Quem suscitabo tibi? Qui ait: Samuelem mihi
suscita.
Cum autem vidisset mulier Samuelem, exclamavit voce magna
et dixit ad Saul: Quare imposuisti mihi? tu es enim Saul.
Dixitque ei rex : Xoli timere. Quid vidisti ? Et ait mulier ad Saul :
Deos vidi ascendentes de terra.
Dixitque ei : Qualis est forma ejus ? Qaae ait: Vir senex ascen-
dit, et ipse amictus est pallio. Et intellexit Saul quod Samuel es-
set, et inclinavit se super faciem suam in terra, et adoravit.
Dixit autem Samuel ad Saul: Quare inquietasti me ut suscïta-
rer? Et ait Saul: Goarctor nimis; siquidem Philisthiim pugnant
adversum me, et Deus recessit a me, et exaudire me noluit neque
in manu prophetarum, neque per somnia; vocavi ergo te ut osten-
deres mihi quid faciam.
Etait Samuel: Quid interrogas me, cum Dominus recesserit a
te, et transierit ad œmulurn tuum ?
Faciet enim tibi Dominus sicut locutus est in manu mea, etscin-
det regnum tuum de manu tua, et dabit illud proximo tuo David,
Quia non obedisti voci Domini, neque feci>ti iram furoris ejus
in Amalec; idcirco quod pateris fecit tibi Dominus hodie.
Et dabit Dominus etiam Israël tecum in manus Philisthiim ; cras
autem tu et filii tui mecum eritis, sed et castra Israël tradet Do-
minus in manus Philisthiim.
Statimque Saul cecidit porrectus in terrain; extimuerat enim
verba Samuelis, et robur non erat in eo quia non comederat pa-
uem tota dia illa. (I Reg. XXVIII.)
LA CRAINTE DE DIEU 21
chaient dans nos sacrements catholiques la rénovation et la
vie. — N'ayons peur ni du confessionnal ni de la Table sainte.
— Ne tremblons ni devant l'abîme de la prédestination, ni
devant les incertitudes de l'avenir, ou, si nous tremblons,
que ce soit en nous jetant aveuglément dans les bras de la
bonté divine.
Vraie et salutaire crainte qu'il faut entretenir. — Ce qui
précède nous a presque entièrement instruits de ce qu'est la
véritable crainte de Dieu.
■1° C'est une crainte filiale. — En Dieu nous devons tou-
jours voir un père tendre et vénéré. Et à ce père nous devons
sans cesse craindre de déplaire. — En Dieu nous devons
voir une Majesté infinie et cette Majesté nous devons la res-
pecter et la vénérer. — En Dieu nous devons voir une Sou-
veraine Justice dont nous devons avec sollicitude prévenir
les arrêts.
2" C'est une crainte sanctifiante . — Dans les Psaumes Da-
vid nous apprend les emplois salutaires de la crainte de
Dieu. Sans cesse cette crainte, en lui remettant devant les
yeux ses faiblesses et ses chutes, l'élève à tous les héroïsmes
du repentir et de la sainteté.
3° C'est une crainte de préservation et de prudence. — Il
marche avec sécurité ce voyageur qui interroge sa route,
scrute l'obscurité de la nuit, a l'oreille ouverte au bruit du
danger et se tient prêt à toutes les surprises et à toutes les
attaques.
LES REPRÉSAILLES
DU DIYR AMOUR
Vox Dilecti mei pulsantis. « Apcri, soror mea, arnica mea,
columba mea, immaculata mea, quia caput meum plénum est
rare et cincinni mei guttis noctium. — Exspoliavi me tunica
mea, quomodo induar Ma? Lavi pedes meos, quomodo inqui-
nabo illos?
Dilectus meus misit manum suam per foramen, et venter
meus intremnit ad tactum ejus. Surrexi ut aperircm Dilecto
meo. Manus meœ distillaverunt myrrham et digiti mei pleni
myrrha probatissima. Pessulum ostii mei aperui Dilecto meo :
al Ille declinaverat atque transieral. Anima mea liquefacta
est. Quœsivi et non inverti Illum. Vocavi et non respondit
mihi. Invenerunt me custodes qui circumeunt civitatem. Per-
cusserunt me et vnlneraverunt me. Tulerunt pallium ?7\eum
mihi custodes murorum. Adjuro vos, Filise Jérusalem, si inve-
neritis Dilectum meum ut nuntietis ci quia amore lanouco. »
(Cantiq. V.)
Caractère étrange de l'amour! Fermé et presque insensible
aux injures venues de l'ennemi, il est, en face du plus léger
délaissement, de la plus passagère froideur, d'une incroyable
sensibilité, quand ces blessures lui sont faites par l'objet
aimé (1). — Judas trahit, Pilate condamne à mort, les Juifs
hurlent des cris de haine, les bourreaux s'arment de leurs
fouets, la croix se préparc avec ses mortelles horreurs : Jésus
(\) Quoniam si inimicus meus maledixisset mihi, sustinuissem
utique.
Et si is qui oderat me super me magna locutus fuisset, abscon-
dissem me forsitan ad eo.
Tu vero homo unanimis, dux meus, et notus meus;
Qui siniul mecum dulces capiebas cibos, in domo Doi ambulavi-
mus cura consensu. (Psal. LIV.)
LES REPRÉSAILLES DU DIVIN AMOUR 23
est ferme et supporte intrépidement ces chocs furieux : « Si
inimicus fecisset, sustinuissem utique... » Mais que l'ami, que
l'apôtre, que l'àme bien-aimée abandonne et trahisse son
amour, Jésus exhale la plus déchirante des plaintes et dé-
clare qu'il reçoit la plus douloureuse des blessures : « Tu au-
tem homo unanimis!... »
N'avons-nous pas blessé de même notre Jésus? Cette bles-
sure qui déchire son cœur, n'appelle t-elle pas sur nous de
redoutables représailles? — En suivant mot à mot le Can-
tique des Cantiques, étudions à la fois la faute, le châtiment,
le remède.
CE QU'EST LA FAUTE
Pour la bien apprécier voyons ce que nous est Jésus, ce
que nous sommes nous-mêmes à Jésus.
Ce que nous est Jésus. — Oh! que nous apprécierons bien
vite quel crime contre l'amour nous font commettre nos dé-
laissements, nos froideurs, nos oublis, nos fautes, nos trahi-
sons, quand nous aurons contemplé ce Jésus que nous trai-
tons si indignement!
1° Jésus daigne veîiir à ?ious. — « Vox Dilecti mei pulsan-
tis »... Ce Fils de Dieu, qui règne dans sa gloire, qui habite
les cieux, dont les Anges font leurs délices, que le ciel et la
terre acclament avec ivresse : c'est Lui qui vient à moi, ché-
tive, impure, ingrate créature. L'Etre Suprême vient au
néant, le Très-Haut vient à l'imperceptible atome (1)...
(1) Benedictus Doininus Deus Israël, quia visitavit, et fecit re-
demptionem plebis suae.
Et erexit cornu salutis nobis, in dorao David pueri sui.
Sicut locutus est per os sanctorum, qui a sœculo sunt, prophe-
tarum ejus :
Salutem ex inimicis nostris, et de manu omnium qui oderunt
nos:
24 LE> REPRÉSAILLES DU DIVIN AMOUR
2° Jésus vient à nous à titre de Bien-aimé. — « Vox Di-
lecli »... Ce sera l'éternel élonnement des mondes, voir ce
Fils de Dieu s'éprendre pour sa pauvre créature d'un aussi
extraordinaire amour.
A cct'e pensée Saint Paul tressaillait de stupéfaction et
de joie: « Dilcxit me! » (1). Le Sérapliique Saint François
éperdu, s'en allait errant dans la campagne, interpellant
tous les êtres, adjurant la création entière de lui dire le
secret d'un tel amour (2 .
3° Jésus vient à nous assiégeant notre cime pour en obtenir
Centrée. — « Dileclus meus raisit manum suam per fora-
Ad fàciendam misericordiam cum patribus nostris, et memorari
testameati sui sancti :
Jusjurandum, quod juravit ad Abraham patrem nostrum, da-
turum se nobis:
Ut sine timoré de manu inimicorum nostrorum liberati, servia-
mus illi,
Ad dandam scientiam salulis plebi ejus, in remissionem pecca-
torum eorum:
Per viseeramisericordiaeDei nostri, inquibus visitavit nos,oriens
ex alto:
Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent; ad di-
rigendos pedes nostros in viam pacis. (Luc. [.)
(1) Si quis non araat Dominum nostrum Jesum Christum, sit
anathema : Alaran Atha.
Gratia Domini nostri Jesu Ghristi vobiscum.
Caritas mea cum omnibus vobis in Ghristo Jesu.
(I Cor. XVI.)
(2) Mémento dierum antiquorum: cogita generationes singulas;
interroga patrem tuum, et annuntiabit tibi; majores tuos, et di-
cent tibi.
Quando dividebat Altissimus gentes, quando separabat filios
Adam, constituit terminos populorurn juxta numerum illiorum
Israël ;
Pars autem Domini, populusejus, Jacob funiculus heredil
ejus.
Invenit eum in terra déserta, in loco horroris, et vastae solitu-
dinis; circumduxit eum, et docuit; et custodivit quasi pupillam
oculi sui.
Sicut aquiia provocans ad volandum pull super eos
volitans, expandit alas suas, et as&umpsit eum, atque portavitin
humer is suis.
Dominua solus dux ejus fuit; et non er.it cum aliénas.
Constituit eum super excelsam terrain, ut comedi ret fructua
agrorum, ut sugeref mel de petra, oleumque de saxo durissimo;
I'. ityrum <\enxjjmȱ^A lac de ovibus cum adipe agnorum, et
arietura :'\':^:^Ê Bfcliireos ••uni medulla tritici, et sangui-
nern uvœ bijfl ■imum. (Deut. XXXII )
LES REPRESAILLES DU DIVIN AMOUR 25
mcn. » Rien ne Lui a coûté pour obtenir une issue dans
notre âme. Nous étions pour Lui des étrangers : il nous tit
devenir de sang royal : « Soror mea. » — Nous étions de mi-
sérables ennemis: il nous réconcilia: « Arnica mea(l). » —
La déchéance avait déformé hideusement notre être et nous
n'étions plus aux regards divins que des créatures souillées
et repoussantes : par la grâce jaillie de sa Rédemption Jé-
sus-Christ nous revêt d'une nouvelle et plus délicieuse
beauté : « Columba mea, i m macula ta mea » (2).
4° Jésus vient à nous comme Sauveur. — Il lui reste un
dernier titre à notre amour et il le fait valoir en ces touchants
et poignants souvenirs : « Aperi .. caput meum plénum est
rore et cincinni mei guttis noctium. » Nuit effroyable, nuit
sanglante, que celle qu'il vient de passer! Il l'ouvre par les
angoisses mortelles de Gethsémani; il la continue dans les
tortures de sa passion, alors que les coups pleuvent sur sa
chair innocente, que son sang se répand à flots, inondant
sous sa couronne d'épines sa tète d'une rosée douloureuse;
il la clôt dans l'obscurité du sépulcre.
Tel est Celui qui vient à nous plein de condescendance,
d'amour, de bienfaits, de sacrifices (3). — Hélas! et nous-
mêmes, comment l'accueillons nous?
(1) Nolite itaque errare, fratres mei dileetissimi .
Orane datum optimum, et orane donum perfectum desursumest,
descendent a Pâtre luminum, apud quem non est transmutatio,
nec vicissitudinis obumbratio.
Voluntario enim genuit nos verbo veritatis, ut simus initium
aliquod crealurse ejus. (Jacob. I )
(2) Jérusalem, Jérusalem, quœ occidis prophetas, et lapidas eos
qui mittuntur ad te, quoties volui congregare filios tuos, quemad-
modum avis, nidum suum sub pennis, et noluisti!
(Lu;. III.)
(3) Induam caelos tenebris, et saccum ponam operimentum eorum.
Dominus dédit mihilinguam eruditam, ut sciam sustentare eum
qui lassus est verbo. Erigit mane, mane erigit mihi aurem, ut au-
diam quasi magistrum.
Dominus Deus aperuit mihi aurem, ego autem non contradico;
retrorsum non abii.
Corpus meum dedi percutientibus, et gênas meas vellentibus ;
faciem meam non averti ab increpantibuset conspuentibus in me.
Dominus Deus auxiliator meus, ideo non sum confusus; ideo
posui faciem meam ut petram durissimam, et scio quoniam non
confundar.
Juxta est quijustifleat me; quisconlrj^ |jtemus simul
qnis est adversarius meus? accédât ad<
26 LES REPRÉSAILLES DU DIVIN AMOUR
Ce que nous avons été à Jésus. — Loin de l'accueillir
nous lui refusons obstinément l'entrée de notre cœur :
« Obstupescite cœli!... Quis audivit talia horribilia quœ fecit
nimis virgo Israël? » Ce Dieu Bienfaiteur et. Sauveur, ce Dieu
tout amour, nous réconduisons outrageusement.
1° Comment nous reconduisons. — Hélas! nos moyens ne
sont que trop nombreux. Parfois nous résistons aux inspira-
tions de sa grâce qui nous pressent intérieurement de revenir
à Lui. — Parfois, après Lui être revenus un instant, nous
rompons avec Lui, sans autre cause que d'inexplicables ca-
prices. — Parfois le monde obtient toutes nos faveurs et nous
lui accordons un dévouement refusé au Fils de Dieu. — Par-
fois nos passions hurlent au dedans de nous-mêmes, le cri
des Juifs : « Toile! toile! » — Parfois une cause toute futile
met à nu notre incompréhensible insensibilité. C'est l'appli-
cation exagérée aux choses terrestres, l'entraînement des
affaires, qui nous font éconduire Jésus. « Non erat locus. »
2° Pourquoi nous reconduisons. — Le Cantique des canti-
ques va nous répondre. — C'est d'abord par nonchalance, par
mollesse que l'âme infidèle repousse son Bien-aimé. Le Texte
sacré nous la représente trop mollement endormie sur sa
couche de repos. La vigilance l'abandonne, l'énergie est
morte, le courage de la piété est éteint : « Ego dormio. » —
C'est ensuite par illusion : « In lectulo meo quœsivi quem
diligit anima mea, quaesivi illum et non inveni. » Quoi! elle
cherche son Jésus dans une vie de bien-être, de jouissance?
Xe sait-elle pas que ce Maître, ce Sauveur, ce Bien-aimé,
délaissant les régions du plaisir, n'habite que l'austère con-
trée de l'expiation? Il est où « se distille la myrrhe. » Jamais
on ne le trouve là où les efféminés « se couronnent de ro-
ses. » — C'est enfin par insensibilité et par tiédeur. Ecoutez
l'Epouse du Cantique : « Exspoliavi me tunica mea, quornodo
induar illa? Lavi pedes meos, quornodo inquinabo illos? »
Quand nous avons dépouillé notre ferveur première, que la
prière a expiré sur nos lèvres, que nos pieds paresseux ne
nous portent plus à l'église, que les sacrements ont cessé de
Ecce Dominus Deus auxiliator meus; quis est qui condemnet me?
Ecce omnes quasi vestimentum conterentur; tinea eoniedet eos.
Quis ex vobis timens Domiuum, audiens vocem servi sui?Qui
ambulavit in tenebris, et non est lumen ei, speret in nomine Do-
mini, et innitatur super Deus suum. (Isaï. L.)
LES REPRÉSAILLES DU DIVIN AMOUR 27
nous revêtir de la grâce : alors s'accomplit en nous un dou-
loureux phénomène. Nous devenons sourds aux appels divins,
insensibles aux touchantes avances de son amour, ingrats
pour ses bienfaits, téméraires devant ses menaces (1).
II
CE QU'EST LE CHATIMENT
« Manus meœ stillaverunt myrrham pessulum ostii mei
aperui dilectomeoat ille declinaverat atque transieral ». Voilà
le châtiment : Absence de Jésus, soustraction des grâces de
Jésus, vie triste et sans consolation loin de Jésus.
C'est l'absence de Jésus. — 1° Parfois, sans doute cette ab-
sence peut n'être qu'une épreuve. — Quand Jésus s'échappe
des mains de sa mère et de Saint Joseph et demeure dans le
Temple, les douloureuses recherches de Marie, ses torturan-
tes désolations ne sont qu'une épreuve (2).
(i) Erat lux vera, quae illuminât omnem hominem venientem in
hune mundum.
In mundo erat, et mundus per ipsum factus est, et munduseum
non cognovit. (Joan. I.)
(2) Puer autem crescebat et confortabatur, plenus sapientia; et
gratia Dei erat in illo.
Et ibant parentes ejus per omnes annos in Jérusalem, in die so-
lemni Pascha?.
Et quum factus esset annorum duodecim, ascendentibus illis
JerosoLymam, secundum consuetudinem diei festi.
Consummatisque diebus, quum redirent, remansit puer Jérusa-
lem, et non cognoverunt parentes ejus.
Existimantes autem illum esse in comitatu, venerunt iter diei,
et requirebant eum inter cognatos et notos.
Et non invenientes, regressi sunt in Jérusalem, requirentes eum.
Et factum est post triduum invenerunt illum in templo, seden-
tem in medio doctorum, audientem illos, et interrogantem eos.
Stupebant autem omnes, qui eum audiebant, super prudentia
et responsis ejus.
Et videntes admirati sunt. Et dixit mater ejus ad illum: Fili,
28 LES REPRÉSAILLES DU DIVIN AMOUR
2° Mais nous par loris ici d'une absence qui est un châti-
ment. — Absence de peu de durée, si nos taules envers Jé-
sus n'ont été que légères. Parfois, pour un manque de zèle
de ses apôtres ou de ses disciples, Jésus se retire d'eux du-
rant un peu de temps (I). — Absence plus longue, châtiment
plus à craindre, si nos fautes ont été plus graves. — Absence
définitive, châtiment sans espoir, si, à force de repousser Jé-
sus, de fatiguer son amour, nous l'éloignons définitivement.
C'est le châtiment du malheureux peuple juif, qui, à
force de se montrer infidèle et indocile, a retiré de lui le
bienfait de la Rédemption, selon la menace que leur en fai-
sait le Sauveur : « Vous me chercherez et vous ne me trou-
verez pas. » « Tremblez, dit Saint Bernard, que Jésus s'en
aille loin de vous, qu'il s'en aille sans retour (2). »
quid fecisti nobis sic? ecce pater tuus et ego dolentes quœrebamus
te.
Et ait ad illos : Quid est quod me quœrebatis ? nesciebatis quia
in his, quœ patris mei sunt, oportet me esse ?
Et ipsi non intellexerunt verbum quod locutus est ad eos.
Et descendit cum eis, et venit Nazareth : et erat subditus illis.
Et mater ejus conservabat omnia verba hœc in corde suo.
(Luc. II.)
(1) Quuin ergo vidisset turba quia Jésus non esset ibi, neque
discipuli ejus, ascenderunt in naviculas, et venerunt Capharnaum
quœrentes Jesum.
Et quuin invenisseut eum trans mare, dixerunt ei : Rabin- quando
hue venisti?
Kespondit eis Jésus et dixit: Amen, amen dico vobis : quœritis
me, non quia vidistis signa, sed quia rnanducasti ex panibus, et
saturati estis.
Operamini non cibum qui périt, se«l qui permanet invitam œter-
nam, quem Filius hominis dabit vobis. Ilunc enim Pater signavit
Deus.
Dixerunt ergo ad eum : Quid faciemus ut operemur opéra Dei?
Illiergo homines quum vidissent quod Jésus fecerat signum, di-
cebant : Quia hic est vere propheta qui venturus est in mundum.
Jésus ergo, quum cognovisset quia venturi essent ut râpèrent
eum, et facerent eum regem, fugit iterum in montem ipse solus.
Respondit Jésus et dixit eis : Hoc est opus Dei, ut credatis in
eum que in misit ille. (Joan. VI.)
(2) Quœfebant ergo eum apprehendere, et nenio misit in illum
manus, guia nondum venerat liora ejus.
Deturli.i autem multi crediderunt in eum, et dicebant: Christua
quum venerit, numquid plura signa faciel quam quœ hic facit?
Audierunt Pharissei turbain murmurantem de illohaec; et mise-
ruut principes et Pharissei ministros ut appréhendèrent eum.
LES REPRÉSAILLES DU DIVIN AMOUR 29
C'est la soustraction des grâces. — Que devient une terre
sur laquelle ne se lèvent plus les rayons d'un vivifiant so-
leil ? Tout languit, tout se dessèche, tout est mort. Que de-
vient la plante que la pluie n'arrose plus? Adieu pour elle
la parure de ses fleurs et l'espérance de ses fruits. Que de-
vientl'âme chrétienne sur laquelle Dieu ne verse plus ces quo-
tidiennes inspirations ? Tout en elle devient terrestre et la
vie du ciel n'y habile bientôt plus.
Que sont nos vertus sans la présence et l'action de Jésus?
Après une nuit d'un labeur infructueux les Pêcheurs de Ga-
lilée disent tristement : « Tota nocte laborantes nihil eepi-
nus. »
C'est la vie sans consolation. — Privée de son bien-aimé
l'Epouse des Cantiques nous découvre son martyre. Son
âme se fond de tristesse; sa vie ne distille plus que l'amer-
tume; elle est seule dans le désert des choses humaines!
III
OU EST LE REMÈDE ?
Apprenons-le de notre Texte sacré. L'âme, infidèle un ins-
tant, se ressaisit, court au remède, retrouve le Dieu perdu et
avec Lui la sécurité, la joie, la vie.
C'est de recourir à une sérieuse direction. — a Invene-
runt custodes. » Un sage et pieux directeur la trouve dans ce
Dix.it ergo eis Jésus : Adhuc moJicum tempus vobiscum sum;
et vado ad eum qui me misit.
Quseretis me, et non invenietis; et ubi ego sum, vos non potes-
tis venire.
Dixerunt ergo Judsei ad semetipsos : Quo hic iturus est, quia
non inveniemus eum? numquid in dispersionem gentium iturus
est, et docturus gentes?
Quis est hic sermoquem dixit : Quseretis me, et non invenistis : et
ubi sum ego, vos non potestis venire? (Joan. VU.)
30 LES REPRÉSAILLES DU DIVIN AMOUR
délaissement et la mène, peu à peu, par les voies où l'ou
rencontre Jésus. — Mais ce directeur ne connaîtra pas les
lâches complaisances ; il sera ferme : « percusserunt me et
vulnaraverunt me. » 11 lui arrachera ses illusions, ses er-
reurs, ses faiblesses. « Tulerunt pallium meum (1). »
C'est de reprendre ses exercices de piété. — C'est à l'é-
glise, dans le recueillement de la prière, sous les rayons de
la parole sainte, au sein des ardeurs divines des Sacrements
que l'on retrouve Jésus (2). C'est encore dans les lectures
(T) Fili mi, si susceperis sermones meos, et mandata mea abs-
conderis pênes te.
Ut audiat sapientiam auris tua; inclina cor tuum ad cognos-
cendam prudentiam.
Si enim sapientiam invocaveris, et inclinaveris cor tuum pru-
dentia?;
Si quœsieris eam quasi pecuniam, et sicut thesauros effoderis
illam ;
Tune intelliges timorem Domini, et scientiam Dei invenies,
Quia Dominus dat sapientiam ; et ex ore ejus prudentia et
scientia.
'lustodiet rectorum salutem, et proteget gradientes simpliciter.
Servans semitas justitiae, et vias sanctorum custodiens.
Tune intelliges justitiam, et judicium, et œquitatem, et omnem
semitam bonam.
si intraveritsapientiacor tuum, et scientia animai tua? placuerit;
Consilium eustodiet te, et prudentia servabit te,
Ut eruaris a via mala, et ab homine qui perversa loquitur;
Qui relinquunt iter rectum, et ambulant per vias tenebrosas :
Qui lœtantur cum malefeceriut, et exsultant in rébus pessimis;
Quorum via? perversa? sunt, et infâmes gressus eorum.
Ut eruaris a muliere aliéna, et ab extranea qua? mollit sermo-
nes suos,
Et relinquit ducem pubertatis sua?,
Et pacti Dei sui oblita est. Inclinata est enim ad mortem domus
ejus, et ad inferos semit;e ipsius. (Prov. II.)
(2) Clamavi in loto corde meo : Exaudi me, Domine; justifica-
tiones tuas requiram.
Clamavi ad te; salvum me fac, ut custodiam mandata tua.
Prœveni in maturitate, et clamavi, quia in verba tua superspe-
ravi.
l'r;evenerunt oculi mei ad te diluculo, ut meditarer eloquia tua,
Vocem rneam audi secundum misericordiam tuam, Domine, et
indum judicium tuum vivifica me.
•>ties in die lau'lem dixi tibi, super judicia justitia? tua?.
l'ax multa diligentibus legem tuam; et non est illis scandalum.
Kxspectabam salutare tuum, Domine; et mandata tua dilexi.
Gustodivit anima mea testimonia tua, et dilexit ea vehementer.
LES REPRÉSAILLES DU DIVIN AMOUR 31
pieuses, dans les entretiens sanctifiants que parfois il se fera
de nouveau reconnaître à nous. « Adjuro vos, filiae Jérusa-
lem, si inveneritis Dilectum meuin ut nuntietis. »
C'est de multiplier les actes d'amour. — Mais voici de
tous les chemins qui nous ramènent à Jésus le plus court,
le plus rapide et le plus sur. Cest, avant tout, l'oubli qui
nous a éloignés de Dieu : c'est donc le souvenir qui nous y
reportera. « Arrêtez-vous, s'écriait le Psalmiste, goûtez et
voyez combien le Seigneur est doux. » Arrêtons-nous. Fai-
sons trêve à nos quotidiennes dissipations. Songeons à Dieu.
Faisons notre étude de ses beautés ineffables, de ses perfec-
tions infinies, parfois encore du ses infinis bienfaits. Voyez
l'Epouse dus Cantiques. Dès que, par ses efforts persévérants,
elle a retrouvé son Bien-aimé, sa pensée ne la quitte plus,
ses yeux le contemplent, sa mémoire s'en remplit, son ima-
gination s'en enflamme, et, délicieusement, son cœur s'en
nourrit. Dilectus meus candidus et rubicundus, electus ex
millibus. Caput ejus aurum optimum. Cornai ejus sicut elata'
palmarum, nigrœ quasi corvus. Oculi ejus sicut columbœ su-
per rivulos aquarum, qu;c lacté sunt lotœ et résident juxta
fluenta plenissima. Gêna? illius sicut areoke aromatum comitae
a pigmentariis. Labia ejus lilia distillantia myrrham pri-
mant... Speciem ejus ut Libani, electus ut cedri. Guttur illius
suavissimum et totus desiderabilis : talis est dilectus meus.
(Cantiq. V )
Servavi mandata tua et testimonia tua, quia omnes vise in con-
speetu tuo.
Appropinquet deprecatio niea in conspectu tuo, Domine juxta
eloquium tuum da mihi intellectum.
Intret postulatio mea in conspectu tuo; secundum eloquium
tuum eripe me.
Eructabunt labia mea hymnum, cum docueris me justificationes
tuas.
Pronuntiabit lingua mea eloquium tuum, quia omnia mandata
tua eequitas.
Fiat manus tua ut salvet me, quoniam mandata tua elegi.
Goncupivi salutare tuum, Domine; et lex meditatio mea est.
Vivet anima mea, et laudabit te; et judicia tua adjuvabunt me,
Erravi sicut ovis quae periit ; quatre servum tuum, quia man-
data tua non sum oblitus. (Psal. GXIIVI.)
LE SALUT
Quand le Divin Maître a sur une âme des vues de miséri-
corde et d'amour, quand il la visite, et que dans un intérieur
tumultueux il la trouve agitée et distraite par les sollicitudes
de la vie ou les exigences de la mondanité, il lui adresse ces
saisissantes paroles : « Martha, Martha, sollicita es circa plu-
rima : porro unum est necessariuin » 1 .
« Unum necessarium ! » Voilà le grand mot, voilà la révé-
lation essentielle. Ni les affaires du temps ne sont rien, ai
les préoccupations de la vie présente ne sont rien : seule
l'éternité, la vie future, la destinée qui suit le tombeau, sont
pour nous la grande aifaire; seul nuire salut éternel mérite
nos réflexions, nos résolutions et nos efforts. — L'affaire du
salut est pour nous l'affaire capitale. — La 'Faire du salut esi
pour nous l'affaire urgente.
(1) Factura est autem, Jum irent, et ip.se iutravit in quoddam
castellum; et mulier quaelam, Martha nouiiue, excepit illum in
domum suara ;
Et huic erat soror noaiine Maria, quae etiam sedens secus pedes
Domini, audiebat verbum illius.
Martha autem satagebat circa frequens ministerium ; quœ stetit
et ait: Domine, non est tibi curœ, quod soror mea reliquit me &o-
lam ministrare ? die ergo illi ut me adjuvet.
Et respondens, dixit illi Dominus: Martha, Martha, sollicita
es, et turbaris erga plurima.
Porro unum est necessarium. Maria optimam partem elegit,
quae non auferetur ab ea. ' (Luc X.)
LE SALUT 33
L'AFFAIRE DU SALUT AFFAIRE CAPITALE
Elle est capitale parce qu'elle est unique; — parce qu'elle
engage d'immenses intérêts; — parce que toute mauvaise
issue y est irréparable.
Capitale, car elle est unique. — Tout nous l'affirme.
1° Notre être entier l'atteste. — Si la vie présente était notre
vie définitive, nous nous y sentirions dans le calme, dans la
paix, clans une immuable fixité : or c'est le contraire que nous
expérimentons. — Une force inconnue nous entraîne; nos
jours sont plus mobiles qu'une eau fugitive; nos pas ù tra-
vers la vie sont plus hâtifs que ceux du voyageur le plus
empressé; nous fuyons vers la mort (1). — Et, en même
temps qu'une force nous entraine, une autre force nous ar-
rache aux objets qui nous captivent et que nous croyons pos-
séder (2). — Enfin nous sentons dans notre être intime un
(1) Existimo ergo hoc bonum esse propter instantem necessita-
tein, quoniam bonum est ho mini sic esse.
Alligatusesuxorifnoliquâereresolutionem. Solutus esabuxore?
noli quserere uxorem.
Si autem acceperis uxorem, non peccasti Et si nupserit virgo,
non peccavit ; tribulationem tamen carnis habebunt hujusmodi.
Ego autem vobis parco.
Hoc itaque dico, fratres : tempus brève est : reliquum est, ut et
qui habent uxores, tanquam non habentes sint :
Et qui fient, tanquam non fientes ; et qui gaudent, tanquam non
gaudentes ; et qui emunt, tanquam non possidentes;
Et qui ut untur hoc mundo, tanquam non utantur : prœterit enim
figura hujus mundi.
Volo autem vos sine sollicitudine esse. Qui sine uxore est, solli-
citus est quœ Domini sunt, quomodo placeat Deo.
(I Cor. VII.)
(2) Gonlemnat autem justus mortuus vivos impios, et juventus
celerius consummata longam vitam injusti.
T. IV 3
34 LE SALUT
mvstérieux élan vers une autre patrie : « Scientes quoniam
dum sumus in corpore percgrinamur a Domino, audemus et
bonam voluntatem liabemus magis peregrinari a corpore et
présentes esse ad Dominum. » Ajoutons avec Saint Augus-
tin : « Est unum aliquid quo tendamus quando in bujus sœ-
culi multitudine laboramus : tendimus adhuc, peregrinantes
adhuc in via. »
Mais s'il en est ainsi; si la vie présente n'est qu'un clie-
min rapide vers une vie supérieure et définitive; si, après
quelques jours tout nous abandonne ici-bas et nous-mêmes
abandonnons tout, il est trop évident que ce provisoire ne
mérite qu'une attention médiocre et que l'éternité seule nous
doit absorber (1).
Videbunt enim finem sapientis, et non intelligent quid cogita-
verit de illo Deus, et quare munierit illum Dominus.
Videbunt, et contemnent eum ; illos autem Dominus irridebit.
Et erunt post hsec decidentes sine honore, et in contumelia in-
ter mortuos in perpetuum; quoniam disrumpet illos iutlatos sine
voce, et commovebit illos. (Sap. IV.)
(i) (Jmnis vallis implebitur, et omnis mons et eollis humiliabi-
tur ; et erunt prava in directa, et aspera in vias planas ;
Et videbit omnis caro salutare Dei.
Dicebat ergo ad turbas quas exibant ut baptizarentur ab ipso :
Genirnina viperarum, quis ostendit vobis fugere a ventura ira ?
Faciteergo fructus dignos pœnitentiœ, et ne cœperitis dicere :
Patrem habemus Abraham. Dico enim vobis quia potens est Deus
de lapidibus istis suscitare filios Abralue.
Jam enim securis ad radicem arborum posita est. Omnis ergo
arbor non faciens fructum bonum, excidetur et in ignemmittetur.
Et interrogabant eum turbas, dicentes : Quid ergo faciemus ?
Respondens autem dicebat illis: Qui habet duas tunicas, det non
habenti ; et qui habet escas, similiter faciat.
Venerunt autem et publicani ut baptizarentur, et dixerunt ad
illum : Magister, quid faciemus ?
At ille dixit ad eos : Nibil amplius, quam quod constitutum est
vobis, faeiatis.
Interrogabant autem eum et milites, dicentes: quid faciemus et
ii >s ? Et ait illis : Xeminem concutiatis, neque calumniam faeiatis;
et contenti estote stipendiis vestris.
Existimante autem populo, et cogitantibus omnibus, et in cor-
dibus suis de Joanne, ne forte ipse esset Ghristus ;
Respondit Joannes, <licens omnibus : Ego quldem aqua baptizo
vos ; veniet autem fortior me, cujus non sum (lignas solvere cor-
rigiam calceameûtorum ejus; ipse vos baptizabit in Spiritu sancto
et i„rui ;
Cujus ventilabrum in manu ejus, etpurgabit aream suam, et con-
LE SALUT 35
2° L'ordre de l'univers l'atteste. — Dieu, dans les créatures
inférieures, a voulu rappeler à l'homme la mobililé de son
existence. Rien n'est au repos dans l'univers. Les grands
astres du ciel sont emportés dans une course vertigineuse;
les grands fleuves entraînent leurs eaux vers l'immensité où
elles vont se perdre. Saisissante est dans la nature la repré-
sentation de notre vie humaine. Après les quelques jours de
vigueur et de charmes printaniers, la maturité se montre,
mais pour disparaître plus rapide encore; puis la lumière
s'incline, la nature épuisée se fane et se décolore, les frimas
se hâtent, tout se dessèche et tout meurt. — Mais cette même
nature qui nous proclame si haut la rapidité et la décadence
de nos jours terrestres nous donne aussi la magnifique révé-
lation de nos éternelles espérances, car nous, comme elle,
nous ne mourons que pour ressusciter (1).
3° Les créatures l'attestent. — Sachons les interroger et les
comprendre : elles nous avertissent que notre patrie n'est
pas au milieu d'elles et qu'elles ne sont pas faites pour nous.
— Elles l'attestent par leurs refus. Dans notre illusion invin-
cible, nous allons à elles, nous les aimons, nous y attachons
avidement notre pensée et notre cœur, nous les voulons pos-
séder à tout prix. Hélas! combien rapidement elles nous
chassent de nos espérances et nous font sortir de nos rêves
de bonheur! Dieu a fait notre nature immense et insatiable :
or les créatures sont faibles, étroites et bornées. Dieu nous
a donné l'instinct et le besoin de l'immortalité dans la jouis-
sance : or les créatures sont fugitives et changeantes : « Pra>
terit figura hujus mundi. » Dieu a mis en nous l'aspiration
gregabit triticum in horreuin suum, paleas autem comburet igni
inextinguibili.
Multa quidem et alia exhortans evangelizabat populo.
(Luc. III.)
(1) Sed dicet aliquis : Quomodo resurgunt mortui? qualive cor-
pore venient ?
Insipiens, tu quod seminas non vivifleatur, nisi prius moriatur.
Et quod seminas, non corpus quod futurum est, seminas, sed
nudum granum, ut puta tritici, aut alicujus cseterorum.
Deus autem dat illi corpus sicutvult ; etunicuique seminum pro-
prium corpus.
Non omnis caro, eadem caro ; sed alia quidem hominum, alia
vero pecorum, alia volucrum, alia autem piscium.
Et corpora cœlestia, et corpora terrestria ; sed alia quidem cœ-
lestium gloria, alia autem terrestrium. (I Cor. XV.)
36 LE SALCT
et la volonté d'un bonheur plein, immense, infini : or les
créatures ne s'offrent à nous qu'amoindries, déformées, plei-
nes de défauts et de mécomptes : « Dixi in corde meo vadam
et affluam deliciis et fruar bonis... supergressus sum opibus
omnes... omnia quae desideraverunt oculi non negavi eis. »
Et quelle sera la fin de cette expérimentation? « Yanitas va-
nitatum et omnia vanitas! »
Capitale, car elle engage d'immenses intérêts. — Pour
juger sainement de l'affaire du salut et bien voir comment
elle est unique, quittons les agitations du monde, recueillons-
nous, penchés sur un tombeau.
1° Là un immense problème se pose. — Qu'est devenue
l'immortelle créature qui vient d'y disparaître? Ce corps est
sous mes yeux, proie de la pourriture et des vers et attendant
dans le sillon du trépas la floraison nouvelle de la résurrec-
tion. — Mais l'àme où est-elle? Sortie de la mobilité terrestre,
elle est entrée dans ce que l'Apôtre nomme « le royaume
immobile. » Or dans cette région éternelle où nous vivrons
sans fin, où tout est définitif, où plus rien ne se modifie ni
ne change, deux contrées tout opposées s'étendent devant
nous. L'une, terre radieuse, patrie des justes, centre imma-
culé du bonheur. Là l'on vit heureux pour toujours, plongé
dans lea délices mêmes de la vie de Dieu. Une autre est sé-
parée par un infranchissable abîme, c'est la terre de la souf-
france et des larmes (1). « Obi sempiternus horror inhabitat. »
(l)Factum est autem ut moreretur mendicus, et portarelur ab
angelis in sinum Abrahœ. Mortuus est autem et dives, et sepultus
est in inferno.
Elevans autem oculos suos, cum esset in tormentis, vidit Abra-
ham a longe, et Lazarum in sinu ejus ;
Et ips3 damans dix.it: Pater Abraham, miserere mei, et mitte
Lazarum, ut intingat extremum digiti sui in aquam, ut refrige-
ret linguam mearn, quia crucior in bac flamma.
Et dixit illi Abraham : Fili, recordare quia recepisti bona in
vita tua, et Lazarus similiter mala; nunc autem hic consolatur,
tu vero cruciaris.
Et in his omnibus, internos et vos chaos magnum firmatum est.
ut hi qui volunt hinc transire ad vos, non possint, nequeinde hue
transmeare.
Et ait : Rogo ergo te, pater, ut mittas eum in domum patris
mei ;
Habeo enim quinque fratres, ut testetur illis, ne et ipsi veniant
in hune locum tormentorum.
Et ait illi Abraham: Habent Moysen et prophetas ; audiant illos.
LE SALUT 37
C'est le lieu Je l'éternelle expiation. Là, sans fin, on s'éloigne
de Dieu, on vit sans Dieu, on hait Dieu et sans fin aussi on
expie dans la douleur cette inexpiable haine.
2° Problème devant lequel le reste n'est rien. — Que met-
trons-nous en parallèle avec cette éternité qui ne paraisse in-
signifiant et méprisable? Qu'est-ce qu'une longue vie?... (1)
Qu'est-ce qu'un rapide plaisir? (2) Que sont les fugitifs éclairs
de la réputation et de la gloire? Qu'est-ce encore que la for-
tune et ses jouissances d'un jour? « Unum est necessarium.
Quid prodest homini si universurn mundum lucretur, anima?
vero suae detrimentum patiatur? » Qu'importe que ce navire
se soit balancé sur des flots limpides et sous un ciel serein,
s'il doit tout à l'heure se perdre et disparaître pour toujours
dans quelque abîme? Qu'importe à ce voyageur les fleurs du
chemin, s'il ne doit pas toucher le but et revoir la patrie? —
D'autre part, qu'importent les souffrances d'un jour, les sacri-
fices d'une heure, quand il s'agit de conquérir un bien infini
et immuable? « Id cnim quod in prœsenti est inomentaneum
et levé tribulationis nostrai supra modum in subiimitate
At ille dixit : Non, pater Abraham ; sed si quis ex mortuis ierit
ad eos, pœnitentiam agent.
Ait autem illi : Si Moysen et prophetas non audiunt, neque si
quis ex mortuis resurrexerit, credent. (Luc. XVI.)
(i) Ego dixi : In dimidio dierum meorum vadam ad portas in-
feri.
Quaesivi residuum annorum meorum : dixi : Non videbo Domi-
num Deum in terra viventium.
Non aspiciam hominem ultra, et habitatorem quietis.
(Isai XXXVIII.)
(2) Adjuravit autem Saul populum,
Porro Jonathas non audierat cum adjuraret pater ejus popu-
lum ; extenditque summitatem virgse quam habebat in manu, et
intinxit in favum mellis ; et convertit manum suam ad os suum,
et illuminati sunt oculi ejus.
Et dixit Saul ad Dominum Deum Israël : Domine Deus Israël,
da indicium : quid est quod non responderis servo tuo hodie? Si
in me, autin Jonatha tilio meo, est iniquitas hœc, da ostensionem
aut si liEec iniquitas est in populo tuo, da sanctitatem. Et depre-
hensus est Jonathas et Saul ; populus autem exivit.
Et ait Saul : Mittite sortem inter me et inter Jonatham filium
meum. Et captus est Jonathas.
Dixit autem Saul ad Jonatham : Indica mihi quid feceris. Et in-
dicavit ei Jonathas, et ait: Gustans gustavi, in summitate virgse
erat in manu mea, paululum mellis : et ecce ego morior !
Et ait Saul : Hsec faciat mihi Deus, et hœe addat, quia morte
morieris, Jonatha ! (I Reg. XIV.)
38 LE SALUT
aeternum gloriœ pondus operatur in nobis; non contemplan-
tibus nobis quœ vidcntur, sed quœ non videntur; qua? enim
videntur temporalia sunt, quœ autem non videntur œterna
sunt. »
Capitale, car la perte y est irréparable. — Seule l'autre
vie, définitive et immobile, entraîne de définitifs et immua-
bles conséquences.
1° Ici-bas l'espoir nous demeure toujours. — Comme rien
n'est éternel et que tout est sujet au changement, un retour
de fortune reste toujours comme objet d'espérance. — Pour
notre âme, autant elle s'est éloignée de Dieu, autant il lui
est facile d'y revenir. Une distance rapidement franchie
sépare pour le Prodigue son triste exil des richesses et du
bonheur de la maison paternelle (1). Pour nos affaires tem-
porelles : avec l'énergie nous referons une fortune écroulée...
La puissance de la vertu ramènera la splendeur d'une répu-
tation tachée... Aux jours de maladie succédera la santé
reconquise. Bref toute souffrance de ce monde, toute journée
froide et triste peut voir se lever l'aube brillante d'un len-
demain.
2° Seule le salut, conquis ou perdu, l'est sans retour. — Tel
est le plan divin. — Soumettre à une épreuve toute créature
intelligente et libre. — Durant ce temps d'épreuve, combler
cette créature de tous les témoignages d'amour; l'entourer
de secours de toutes sortes, lui rendre douce et facile sa car-
i i i In se autem reversus dixit : Quanti mercenarii in domo pa-
tris mei abundant panibus, ego autem hic famé pereo !
Surgam, et ibo ad pat rem raeura, et dicam ei : Pater, peccavi in
cœlum, et coram te.
Jam non sum dignus vocari fîlius tuus : fac me sicut unum de
mercenariis tnis
Et surgens venit ad patrem suum. Quum autem adhuc longe es-
set, vidit illum pater ipsius, et misericordia motus est; et accur-
rens cecidit super collum ejus, et osculatus est eum.
Dixitque ei filins: Pater, peccavi in cœlum, et coram te : jam
non sum dignus vocari filius tuus.
Dixit autem pater ad servossuos: f.ito profertestolam primam,
et induite illum, et date annulum in manum ejus, et calceamenta
in pedes ejus ;
Et adducite vitulum snginatum, et occidite, et manducemus, et
epulemur :
Quia hic filius meus inortuus erat, et revixit : perierat, et inven-
tas est. Et cœperunt epulari. (Luc. X\'. )
LE SALUT 39
rière de luîtes et d'e 'Torts. — Mais cette épreuve sera uni-
que, le temps qui lui est donné ne reviendra plus. — Le
résultat do l'épreuve demeure acquis pour jamais (1).
II
L'AFFAIRE DU SALUT AFFAIRE PRESSANTE
Elle est urgente parce que Dieu se montre pressé : la
mort est pressée : l'Eglise de Dieu est pressée.
Dieu se montre pressé. — Ses œuvres nous pressent; sa
justice nous presse; son amour nous presse.
1° Ses œuvres nous pressent. — Inconcevable opposition
entre nous et Dieu sur cette question du salut ! — Tandis
que nous, les premiers intéressés, nous nous montrons hé-
sitants, lâches, tardifs, pleins d'indifférence et d'oubli, retar-
(I) Quapropter sicut dicit Spiritus sanctus : Hodie si vocera ejus
audieritis,
Nolite obdurare corda vestra, sicut in exacerbatione, secundum
diem tentationis in deserto,
Ubi tentaverunt me patres vestri,probaverunt,et viderunt opéra
mea
Quadraginta annis; propter quod infensus fui generationi huic,
et dixi : Semper errant corde ; ipsi autem non cognoverunt vias
raeas ;
Sicut juravi in ira mea : Si introibunt in requiem raeam.
Videte, fratres, ne forte sit in aliquo vestrum cor malum incre-
dulitatis, discedendi a Deo vivo ;
Sed adhortamini vosmetipsos per singulos dies, donec Hodie co-
gnominatur, ut non obduretur quis ex vobis fallacia peccati.
Timeamus ergo ne forte relicta pollicitatione introeundi in re-
quiem ejus, existimetur aliquis ex vobis déesse.
Etenim et nobis nuntiatum est, quemadmodum et illis : sed non
profuit illis sermo auditus, non admistus fidei ex iis quse audie-
runt.
Ingrediemur enim in requiem, qui credidimus, quemadmodum
dixit : Sicut juravi in ira mea : Si introibunt in requiem raeam.
(HfBbr. III, IV.)
40 LE SALUT
dant Je jour en jour l'œuvre sérieuse de notre retour à la
vie chrétienne et à la sanctification (1) : vovez Dieu, voyez
l'activité infinie qu'il déploie, les efforts extraordinaires qu'il
tente. Dans l'œuvre de notre salut rien ne l'arrête, rien ne
lui a coûté. Voici que descend vers nous le Fils de Dieu, qu'il
vit, qu'il expire, qu'il meurt, qu'il fonde son Eglise, qu'il
multiplie jusqu'à l'infini les secours dispensés aux âmes (2).
Ecoutez sortir brûlantes de son cœur les invitations qu'il
nous adresse « Oh ! si scires donum Dei.... Oh ! quoties
volui congregare filios... Desiderio desideravi... et quomodo
coarctor ? »
2° Sa justice nous presse. — Ouvrez l'Evangile, parcourez
les Paraboles : presque toutes nous montrent un Dieu pressé,
un Dieu impatient de notre retour, un Dieu irrité de nos
trop longs délais. Le maître jette un regard indigné sur l'ar
bre qu'il a si patiemment cultivé et qui s'obstine à lui re-
fuser son fruit : « Utquid terrain occupât » (3) ? « Terrain
super se bibens imbrem et generans herbam opportunam
(1) Simile factura est regnumcœlorum homini régi, qui fecit nup-
tias filio suo.
Et misit servos suos vocare invitatos ad nuptias ; et nolebant
venire.
Iterum misit alios servos, dicens : Dicite invitatis : Ecce pran-
dium meum paravi, tauri mei et altilia oecisa sunt, et omnia pa-
rata : venite ad nuptias.
Illi autem neglexerunt; et abierunt. alius in villam suam, alius
vero ad negotiationem suam ;
Reliqui vero tenuerunt servos ejus, et contumeliis affectos occi-
derunt.
Rex autem cum audisset, iratus est : et missis exercitibus suis,
perdidit homicidas illos, et civitatem illorum succendit.
(Matth. XXII.)
(2) Benedixit nos in omni benedictione ccelesti in Ghristo.
(Ephes. I.)
(3) Dicebat autem et hanc similitudinem : Arborem fici liabebat
quidam plantatam in vinea sua, et venit quœrens fructum inilla,
et non invenit.
Dixit autem ad cultorem vinea? : Ecce anni très sunt ex quo
venio quœrens fructum in ficulnea hac, et non invenio; succide
ergo illam ; ut quid etiam terrain occupât?
At ille respondens, dicit illi : Domine, dimitte illam et hoc
anno, usque dum fodiam circa illam, etniittam stercora ;
Et si qui. loin fecerit fructum ; sin autem, in futurum succides
eam. (Luc. XIII.)
LE S.VLUT 41
illis a quibus colilur accipit benediclionem a Deo ; proferens
autem spinas ac tribulos reproba est » (I).
3° Son amour nous presse. — Nous en voyons dans l'Ecri-
ture Jes exigences impérieuses. « Voici, dit-il, que je me
tiens à la porte de ton cœur et je frappe. » Que de fuis, si
nous nous déroulons à nous-mêmes l'histoire de nos jours,
Dieu a ainsi frappé à notre cœur ! Que de fois il nous a mé-
nagé les ressources et les facilités du salut! Que de fois il
s'est monfré pressé de reconquérir notre amour !
Et ce ne sont pas ses seules tendresses qui vont à ce but,
ses rigueurs elles-mêmes y tendent avec une égale puis-
sance. Les délaissements, les vides douloureux, les commo-
tions de l'âme, les mécomptes et les infortunes de la vie, les
cris do la conscience, les aspirations du ciel, tout n'a qu'un
but : nous amener à Dieu et nous y amener promptement.
La mort se montre pressée. — « Tempus brève est », dit
l'Apôtre. C'est dire que la mort nous harcelle, s'approche,
dévore rapidement notre temps d'épreuve. — Notre vie, fût-
elle longue, sera bien courte en réalité!
Et que dire des surprises de la mort (2) ? De nos faux cal-
culs de vie, de nos illusions qu'un rapide trépas déchire d'un
seul coup? « Eccenunc qui dicitis: hodie aut crastino ibimus
in illam civitatem et faciemus ibi quidem annum et merca-
(1) Omnis ergo, qui audit verba mea hrec, et facit ea, assimila-
bitur viro sapienti, qui œdificavit domum suam supra petram.
Et descendit pluvia, et venerunt flumina, et flaverunt venti, et
irruerunt in domum illam, et non cecidit ; fundata enim erat su-
per petram.
Et omnis, qui audit verba mea hrec, et non facit ea, similis erit
viro stulto, qui œdificavit domuin suam super arenam.
Et descendit pluvia, et venerunt flumina, et flaverunt venti, et
irruerunt in domum illam, et cecidit, et fuit ruina illius magna.
Et faclum est : cum consumm.isset Jésus verba hrec, admira-
bantur turbœ super doclrina ejus
Erat enim docens eos sicut potestatem habens, et non sicut
scribse eorum et pharisœi. (Matth. VII.)
(2) Attendite autem vobis, ne forte gravenlur corda vestra in
crapula, et ebrietate, et curis hujus vitte, et superveniat in vos re-
pentina dies illa ;
Tanquamlaqueus enim superveniet in omnes, qui sedent super
faciem omnis terrœ.
Vigilate itaque, omni tempore orantes, ut digni habeamini fu-
gere ista omnia, qure futura sunt, et stare ante Filium bominis.
(Lue. XXI.)
42 LE SALUT
bimur etlucrum faciemus, qui ignoratis quiderit in crastino,
quid est enim vita vestra? vapor est ad modicum parens. »
L'Eglise de Dieu se montre pressée. — Elle est pressée
comme mère; oh! qu'une mère est pressée de revoir ses en-
fants! — Elle est pressée comme auxiliaire du salut. Dieu
l'a chargée de nos âmes et elle ne se donnera nul repos qu'elle
ne les ait conquises. — Elle est pressée comme opprimée par
ses innombrables ennemis. Que lui faut-il sinon, en grand
nombre, de vrais enfants?
LE JUGEMENT
L'homme, créature libre et responsable, sera, au sortir Je
cette vie jugé par son Créateur, sur les actes bons ou mau-
vais dont se sera composée sa vie. — Aucun dogme n'a,
dans la conscience humaine, dans les traditions du genre
humain tout entier, dans les affirmations divines et les ré-
vélations de la foi, de plus profondes racines ni une plus
absolue certitude.
DEVANT QUI SERAI-JE JUGE?
Je serai jugé devant Dieu, son Christ, la cour céleste tout
entière. — Je serai jugé en présence d'incorruptibles témoins.
— Je serai jugé sous un tel éclat d'évidence que toute dé-
fense me deviendra impossible si je suis coupable.
Jésus-Christ est devenu mon Juge (1). — L'Ecriture nous
parle sans cesse d'un temps de miséricorde et d'un temps de
rigoureuse justice.
(1) Nemo enim nostrum sibi vivit, et nemo sibi moritur.
Sive enim vivimus, Domino vivimus ; sive morimur, Domino
morimur. Sive ergo vivimus, sive morimur, Domini sumus.
In hoc enim Christus mortuus est et resurrexit, ut et mortuorum
et vivorum dominetur.
Tu autemquicl judicas fratrem tuum?aut tu quare spernis fra-
trem tuum ? Omnes enim stabimus ante tribunal Ghristi.
Seriptum est enim : Vivo ego, dicit Dominus, quoniam mihi
flectetur omne genu, et omnis lingua confitebitur Deo.
Itaque unusquisque nostrum pro se rationem reddet Deo.
(Rom. XII.)
44 LE JUGEMENT
1° Je nai connu jusqu'ici que le temps de la miséricorde, le
Jésus de l'amour et du pardon. — Le changement, aussi brus-
que que formidable, qui me met en présence d'une Justice
inflexible sera au tribunal de Dieu ma première épouvante
et ma première douleur. — Jusqu'ici c'est le Jésus « doux
et humble de cœur » que je connais : « Yox turturis audita
est. » — Jésus est silencieux, Jésus n'a, sur les lèvres, ja-
mais un reproche amer, jamais une menace terrifiante. — Il
semble que Jésus ne sache, ne puisse qu'aimer. Oh ! « quo-
ties volui congregare! »... « Venite ad me... » Oh! « si scires
donum Dei ! »... « Aperi soror mea sponsa »... « sto ad ostium
et pulso » — C'est encore le Jésus condescendant et facile
que je connais: « Spes pœnitentibus. » Une larme de mes
yeux, un soupir de mon cœur, un cri de mon repentir, le
désarme et l'apaise. Je lui confesse ma misère: il m'amène
à son prêtre et m'en fait absoudre. — Tel est le Jésus des
temps de miséricorde (1).
2° Mais quel sera le Jésus de la justice ? — « Omnes, dit
l'Apôtre, stabimus ante tribunal Christi. » C'est maintenant
l'heure de la justice ; la stricte reddition des comptes. Tout
est vu, examiné, jugé à la seule lumière delà vérité: «Cuncta
stricte discussurus. » « Iota unum aut unus apex non prœ-
teribit a loge. »
« Toile quod tuum est et vade. » 0 terrible parole! terrible
pour nous habitués à faire si bon marché des préceptes di-
vins, à accommoder l'Evangile aux caprices de nos passions, à
nous tromper nous-mêmes par les fausses maximes du monde.
Devant le tribunal de Dieu plus rien que justice, vérité,
stricte discussion de nos actes, confrontation de notre vie
entière avec l'Evangile de Jésus-Christ (2).
En vain l'âme pécheresse se tourne-t-elle éplorée vers la
(1) Memoriamabundantiœsuavitatis tute eructabunt; et justitia
tua exultabunt.
Miserator et misericors Dominus : patiens, et multum miseri-
cora.
Suavis Dominus universis : et miserationes ejus super omnia
opéra ejus. (Psal. GXLIV.)
(2) Esto consentiens adversario tuo cito dum es in via cum eo ;
ne forte fcradat te adversarius judici, et judex tradat te ministro,
et in carcerem mittari*.
Amen dico tibi, non exies inde, donec reddas novissimum qua-
drantem. (Matth. V.)
LE JUGEMENT 45
Vierge si tendre, les Anges si secourables, les Saints na-
guère si accessibles et si protecteurs : le mot de la Justice
s'échappe de leurs lèvres: « Redde quod debes » (1)!
Là sont d'incorruptibles témoins. — Comme devant tout
tribunal des témoins sont là, qui accablent le pécheur.
C'est l'univers, c'est l'Eglise, ce sont les âmes, c'est le dé-
mon.
1° C'est F univers. — Le pécheur a fait servir aux outrages,
dont il abreuvait son Créateur, les propres œuvres, la propre
création de ce Dieu suprême ; il a fait servir la créature à ses
passions, et elle a gémi sous sa tyrannie honteuse: « Omnis
creatura ingemiscit... subjecta vanitati » Le soleil de Dieu lui
a prêté sa lumière, la nuit ses voiles, la terre l'a porté et
nourri. — A cette heure de la justice toutes les créatures
viennent témoigner à l'envi : « Pugnabit Orbis terne contra
insensatos » (2).
(1) Et Jixit Dominus ad me : Si steterit Moyes et Samuelcoram
me, non est anima mea ad populum istum ; ejice illosa facie mea,
et egrediantur.
Quod si dixerint ad te : Quo egrediemur ? dices ad eos : Haec oi-
cit Dominus : Qui ad mortem, ad mortem; et qui ad gladium, ad
gladium ; et qui ad famem, ad famé m ; et qui ad captivitatem,
adcaptivitatem.
Et visitabo super eos quatuor species, dicit Dominus : gladium
ad occisionem, et canes ad lacerandum, et volatilia cœli et bes-
tias terrse ad devorandum et dissipandum.
Et dabo eos in fervorem universis regnis terrae, propter Manas-
sen, filium Ezechia?, régis Juda, super omnibus quœ fecit in Jeru-
S 3.1 6 ni
Quis enim miserebitur tui, Jérusalem ! aut quis contristabitur
pro te ? aut quis ibit ad rogandum pro pace tua ?
Tu reliquisti me, dicit Dominus, retrorsum abiisti : et extendam
manum meam super te, et interficiam te ; laboravi rogans.
Et dispergam eos ventilabro in portis terrœ; interfeciet disper-
didi populum meum, et tamen a viis suis non sunt reversi. _ _
Multiplicatse sunt mihi viduœ ejus super arenam maris; niduxi
eis super matrem adolescentis vastatorem mendie; misi super
civitates repente terrorem. . . . , .
Infirmata est quœ peperit septem, defecit anima ejus ; occidit ei
sol cum adhuc esset dies; confusa est, et erubuit; et residuos ejus
in gladium dabo in eonspectu inimicorum, ait Dominus.
Vse mihi, mater ! (Jerem. XV.)
(2) Deus deorum Dominus locutus est, et vocavit terrain.
A solis ortu usque ad oceasum: ex Sion species decons ejus.
Deus manifeste veniet : Deus noster, et non silebit.
46 LE JUGEMENT
2° C'est l'Eglise. — Si pleine pour le pécheur de mater-
nelles sollicitudes, l'Eglise lui a fait tant de fois entendre la
vérité divine, lui a si longtemps versé la grâce, tenu ouvert
le refuge des Sacrements, sans cesse, à toute heure, jusqu'au
dernier instant offert, dans la pénitence et l'Eucharistie,
le pardon et le baiser de Dieu... et le malheureux a repoussé
une mère si tendre, une si puissante libératrice (1)!
3° Ce sont les âmes. — Les âmes que ce grand coupable
devait protéger, sanctifier, sauver et qu'il a perdues, les en-
traînant dans les mêmes défections religieuses, dans la même
ignorance du salut, dans la communauté des mêmes fau-
tes, dans la malédiction d'une même opiniâtreté. — 0 mo-
ment terrible pour ce père dont l'irréligion a fait irréligieuse
toute une famille ! — Terrible pour cette épouse qui au
lieu de sanctifier l'âme qui lui était unie l'a laissée se pré-
cipiter dans le gouffre ! — Terrible pour cette mère qui
eut donné son sang pour ses fils et qui ne sût point leur don-
ner le salut ! — Terrible pour ces corrupteurs publics dont
les écrits, ou impies ou immondes, ont perdu les âmes par
milliers (2)1
Ignis in conspectu ejus exardescet : et in circuitu ejus tempes-
tas valida.
Advocabit cœlum desursum, et terram discernere populum suum.
Congregate illi sanctos ejus, qui ordinant testamentumejus su-
per sacrihcia.
Et annuntiabunt cœli justitiam ejus, quoniam Deusjudex est.
Audi, populus meus, et loquar, Israël, et testificabor tibi, Deus,
Deus tuus ego sura,
Arguam te, et statuam contra faciem tuam.
Intelligite bœc, qui obliviscimini Deura. (Psal. XLIX.)
(i) Xovissime recumbentibus illis undecim apparuit ; et expro-
bravit incredulitatem eorum et duritiam cordis; quia iis qui vide-
rant eum resurrexisse, non crediderunt.
Et dixit eis: Euntes in mundum universum, prœdicate Evange-
lium omni creaturœ.
nui crediderit, et baptizatus fuerit, salvus erit ; qui vero non
crediderit, condemnabitur. (Marc. XVI.)
(2) Et factuin est prœlium magnum in cœlo : Michael et angeli
ejus prceliabantur cum dracone, et draco pugnabat,et angeli ejus;
Et non valuerunt, neque locus inventus est eorum amplius in
cœlo.
Et projectus est draco ille magnus, serpens antiquus, qui voca-
tur diabolus et satanas, qui seducit universum orbem ; et projec-
tus in terram, et angcdi ejus cum illo missi sunt.
Et audivi vocem magnam in cœlo dicentem : Nunc facta est sa-
lus et virtus, et regnum Dei nostri, et potestas Christi ejus, quia
LE JUGEMENT 47
4° C'est le démon. — Ce perfide, qui nous a voilé si habi-
lement l'horreur de nos fautes et l'épouvante de l'expiation,
élève maintenant contre nous des accusations furieuses...
« Dieu juste, qui m'as frappé pour ma révolte, ta justice L'in-
terdit d'épargner l'homme aussi coupable que moi; plus cou-
pable, puisqu'il a plus que moi foulé aux pieds le Sang de la
Rédemption (1). »
Une défense est devenue impossible. — « Quid sum, mi-
ser, tune dicturus? » — Ici bas nous sommes d'une habileté
incroyable à voiler nos fautes, à en excuser la perversité. —
Le monde d'ailleurs, par ses fausses maximes, ses atténua-
tions mensongères, ne nous aide que trop bien dans cette
œuvre d'erreur. — Nos illusions s'accordent à nous dissi-
muler les secours que Dieu multiplie sous nos pas...
Sous les feux de l'éternelle lumière ces illusions s'éva-
nouissent, ces excuses disparaissent, notre défense devient
impossible. — La foi, Dieu nous la versait à flots comme les
rayons de son soleil. — Sa loi, Dieu n'a cessé de nous la
promulguer. — La force pour éviter tout mal et pratiquer
tout bien, la religion, avec ses prières et ses Sacrements,
nous la communiquait inépuisable (2).
projectus e^t accusator fratrum nostrorum, qui accusabat illos ante
conspectum Dei iiostri die ac nocte. (Apoc. XII.)
(t) Quadamautem die,cum venissentfiliiDeiut assistereut coram
Domino, affuit inter eos etiam Satan.
Cui dixit Dominus : Unde venis ? Qui respondens, ait : Circuivi
terrain, et perambulavi eam.
Dixitque Dominus ad eum: Xumquid considerastiservum meuin
Job,, quod non sit ei simiiis in terra, homo simplex et rectus, ac
timens Deum, et recedens a malo ?
Cui respondens Satan, ait : Numquid Job frustra timet Deum?
Nonne tu vallasti eum, ac domum ejus, universamque substan-
tiam per circuitum, operibus manuum ejus benedixisti, et posses-
sio ejus crevit in terra ?
Sed extende paululum manum tuam, et tange cuncta quœ pos-
sidet, nisi in faciem benedixerit tibi. (Job. I.)
(2) Populi autem videntes, et non intelligentes, nec ponentes in
prascordiis talia : quoniam gratia Dei et misericordia est in sanc-
tos ejus, et respectus in electos illius. Condemnat autem justus.
mortuus vivos impios, et juventus celerius consummata longam
vitam injusti. Videbunt enim finem sapientis, et non intelligent
quid cogitaverit de illo Deus, et quare munierit illum Dominus.
Videbunt et contemnent eum : illos autem Dominus irridebit. Et
erunt posthaec decidentes sine honore, et in contumelia inter mor-
tuos in perpetuum, quoniam disrumpet illos inflatos sine voce,.
48 LE JUGEMENT
II
SUR QUOI SERAI-JE JUGÉ ?
Je serai jugé sur les grâces reçues, les dépôts confiés, les
actes accomplis.
Les grâces remues. — Sans parler ici des bienfaits géné-
raux de Dieu(l'), songeons aux grâces particulières dont nos
âmes sont favorisées. — A nous le bienfait de la foi (2). —
A nous l'entrée bienheureuse dans le divin sanctuaire de la
et cominovebit illos a fundamentis, et usque ad supremum deso-
labuatur. (Sap. IV, V.)
(1) Cantabo dilecto meo canticum patruelis mei vineae suae. Vi-
nea facta est dilecto meo in cornu filio olei.
Et sepivit eam, et lapides elegit ex illa, et plantavit eam electam ;
et sediticai'it turrim in medio ejus, et torcular exstruxit in ea; et
exspectavit ut faceret uvas, et fecit labruscas.
Nuncergo, babitatores Jérusalem, et viri Juda, judicateinter me
et vineam meam.
Quid est quod debui ultra facere vineae rnese, et non feci ei? An
quod exspectavi ut faceret uvas, et fecit labruscas ?
Et nunc ostendam vobis quid ego faciam vineae meœ : auferam
sepem ejus, et erit in direptionem; diruam maceriam ejus, et erit
in conculcationem.
Et ponam eam desertam ; non putabitur et non fodietur; et as-
cendent vêpres et spinœ, et nubibus mandabo ne pluant super eam
imbrem.
Vinea enim Domini exercituum domus Israël est ; et vir Juda
germen ejus delectabile; et exspectavi ut faceret judicium.et ecce
iniquitas; et justitiam, et ecce clamor. (Isai. V.)
(2) Gratia Domini nostri Jesu Christi cum omnibus vobis. Amen.
Ei autem qui potens est vos confirmare juxtaevangelium meum
et praedicationem Jesu Christi, secundum revelationem mysterii
temporibus œternis taciti,
(Quod nunc patefactum est per Scripturas prophetarum secun-
dum praeceptum œterni Dei, ad obeditionem ûdei) in cunctis gen-
libus cogniti, . .
Soli sapienti Deo, per Jesum Ghristum, cui honor et glona in
saecula aaeculorum. Amen. (Rom. X\ I.)
LE JCGEMEXT 49
vraie Eglise (1), et par celte Eglise, dans les trésors inflnis
que l'Homme-Dieu y a déposés. — Que dire des grâces qui
nous sont toutes personnelles? Que de fois Dieu a parlé à nos
cœurs ! — Que d'occasions nous furent ménagées d'arriver
à la pleine connaissance de la vérité! Que de protections re-
çues, que de périls évités, que d'événements, dans notre vie,
qui n'eurent d'autre but que de nous approcher du salut !
« Redde rationem. » C'est l'heure de rendre compte de
ces grâces.
Les dépôts confiés. — Un mot retentit terrible à l'origine
du monde « Gain, qu'as-tu fait de ton frère? Le sang
d'Abel crie vers moi de la terre » (2). Que de fois ce même
mot a dû retentir au Tribunal de Jésus-Christ ! Car non
seulement Dieu nous a donné notre âme en dépôt, mais que
d'autres dépôts nous furent confiés ! Tous nous recevons,
en naissant à la vie, quelque mission spéciale à accomplir ;
(i) Accessistis ad Sion montem, et civitatem Dei viventis, Jéru-
salem cœleslem, et multorum niillium angelorum frequentiam.
Et ecclesiam primitivorum qui conscripti sunt in cœlis, et judi-
cem omnium Deum, et spiritus justorum perfectorum,
Et testamenti novi mediatorem Jesum, et sanguinis aspersionem
melius loquentem quam Abel.
Videte ne recusetis loquentem. Si enim illi non effugerunt, ré-
cusantes eum qui super terramloquebatur, multo magis nos, qui
de cœlis loquentem nobis avertimus.
Gujus vox movit terram tune : nunc autem repromittit, dicens :
Adhuc semel ; et ego movebo non solum terram, sed et cœlum.
Quod autem, Adhuc semel, dicit, déclarât mobilium translatio-
nem tanquam factorum, ut maneant ea quae sunt immobilia.
Itaque regnum immobile suscipkntes, habemus gratiam ; per
quam serviamus placentes Deo, cum metu et reverentia.
Etenim Deus noster ignis consumens est. (Hsebr. XII.)
(2) Dixitque Cain ad Abel, fratrem suum: Egrediamur foras.
Gumque essent in agro, consurrexit Gain adversus fratrem suum
Abel, et interfecit eum. Et ait Dominus ad Gain: Ubi est Abel,
frater tuus? Qui respondit: Nescio ; num custos fratris mei sum
ego? Dixitque ad eum: Quid fecisti?Vox sanguinis fratris tui cla-
mât ad me de terra. Nunc igitur maledictus eris super terram, quae
aperuit os suum, et suscepit sanguinem fratris tui de manu tua.
Gum operatus fueris eam, non dabit tibi fructus suos: vagus et
profugus eris super terram.
Dixitque Cain ad Dominum: Major est iniquitas mea, quam ut
veniam merear. Ecce ejicis me hodie a facie terrae, et a facie tua
abscondar, et ero vagus et profugus in terra; omnis igitur qui in-
venerit me, occidet me. (Gènes. IV.)
T. IV 4
50 LE JUGEMENT
un poste nous est confié, des intérêts sacrés sont mis sous
notre garde. — Malheur au magistrat qui trahit la justice et
livre la cause delà veuve et de l'orphelin (l)t — Malheur au
prêtre qui, au lieu d'être « le bon pasteur, » n'aura plus été
pour son troupeau que le « Mercenaire » (2) ! — Malheur
au riche qui aura fermé sur les misères du pauvre sa bourse
(i) Viduce et pupillo non nocebitis.
Si laeseritis eos, vociferabuntur ad me et ego audiani clamorem
eorum ;
Et indignabitur furor meus, percutiamque vos gladio, et erunt
uxores vestrœ viduœ, et filii vestri pupilli. (Exod. XXII.)
Qnomodo facta est meretrix civitas fidelis, plena judicii"? Justi-
tia babitavit in ea, nunc autem homicidœ.
Argentum tuum versum est in scoriam, vinum tuum mixtum
est aqua.
Principes tui infidèles, socii furum. Omnes diligunt mimera, se-
quuntur retributiones. Pupillo non judicant, et causa viduœ non
ingreditur ad illos.
Propter hoc ait Dominus, Deus exercituum, Fortis Israël: Heu!
consolabor super hostibus meis, et vindicabor deinimicis meis.
Et convertam manum meam ad te, et excoquam ad purum sco-
riam tuam, et auferam omne stannum tuum.
Et restituam judices tuos ut fuerunt prius, et consiliarios tuos
sicut antiquitus; post hœc vocaberis civitas justi, urbs fidelis.
Sion in judicio redimetur, et reducent eam in justitia.
Et conteret scelestos, et peccatores simul; et qui dereliquerunt
Dominum consumentur. (Isaï. I.)
(2) Et factus est sermo Domini ad me, dicens:
Fili hominis, vaticinare ad prophetas Israël, qui prophetant, et
dices prophetantibus de corde suo: Audite verbum Domini;
Hœc dicit Dominus Deus: Vœ prophetis insipientibus, qui se-
quuntur spiritum suura, et nihil vident!
Quasi vulpes in desertis prophetœ tui, Israël! erant.
Non ascendistis ex adverso, neque opposuistis murum pro domo
Israël, ut staretis in prœlio in die Domini.
Vident vana, et divinant mendacium, dicentes: Ait Dominus,
cum Dominus non miserit eos; et perseveraverunt confirmare ser-
monern.
Numquid non visionem cassam vidistis, et divinationem menda-
cem locuti estis? et dicitis : Ait Dominus, cum ego non sim locutus !
Propterea hœc dicit Dominus Deus: Quia locuti estis vana, et
vidistis mendacium, ideo ecce ego ad vos, dicit Dominus Deus.
Et erit manusmea super prophetas qui vident vana, et divinant
mendacium: in consilio populi mei non erunt, et in scriptum do-
mus Israël non scribentur, nec in terram Israël ingredientur; et
scietis quia ego Dominus Deus;
Eo quod deceperint populum meum, dicentes: Pax, et non est
pax; et ipse œdificabat parietem, illi autem liniebant eum luto
absque paleis. (Kzec XIII.)
LE JUGEMENT 51
son cœur (1) ! — Malheur aux parents qui auront par leur
ite laissé se perdre l'âme de leurs enfants (2) !
et
faute
Ainsi, au Jugement de Dieu, les missions trahies, les de-
voirs d'état repoussés, deviennent matière de rigoureuses
condamnations.
Les actes accomplis. — « Chacun de nous, dit l'Apôtre,
rendra compte de tout ce qu'il aura fait durant sa vie mor-
telle. » Tous nos actes, toutes nos paroles, nos pensées même
et nos désirs, passent à la lumière divine. — Le Décalogue
se dresse devant nous et chacune de nos actions est confron-
tée avec chacun de ses préceptes.
(1) Agite nunc, divites, plorate ululantes in miseriis vestris quse
advenient vobis.
Divitiœ vestrse putrefactae sunt; et vestimenta vestra a tineis
comesta sunt.
Aurum et argentum vestrum œruginavit: etaerugo eorum in tes-
timonium vobis erit, et manducabit carnes vestras siout ignis. The-
saurizastis vobis iram in novissimis diebus.
Ecce merces operariorum qui messuerunt regiones vestras, qua?
fraudât a est a vobis, clamât; et clamor eorum in aures Domini
sabaoth introivit.
Epulati estis super terrain, et in luxuriis enutristis corda vestra
in die occisionis.
Adduxistis et occidistis justum, et non restitit vobis.
(Jacob. V.)
(2) Et venit Dominus, et stetit; et vocavit, sicut vocaverat se-
cundo: Samuel, Samuel! Et ait Samuel: Loquere, Domine, quia
audit servus tuus.
Et dixit Dominus ad Samuelem: Ecce ego facioverbum in Israël,
quod quicumque audierit, tinnient ambse aures ejus.
In die illa suscitabo adversum Heli omnia quse locutus sum super
domum ejus; incipiam, et complebo.
Prsedixienimei quod judicaturus essem domum ejus inœternum,
propter iniquitatem, eo quod noverat indigne agere filios suos, et
non corripuerit eos.
Idcirco juravi domui Heli, quod non expietur iniquitas domus
ejus victimis et muneribus usque in aeternum.
Dormivit autem Samuel usque mane, aperuitque ostia domus
Domini. Et Samuel timebat indicare visionem Heli.
(I Reg. III.)
52 LE JUGEMENT
IJI
QUELLE SERA L'ISSUE DE CE JUGEMENT?
Deux seules issues sont possibles; deux sentences seules
sont rendues. — Jésus -Christ, en nous avertissant de notre
jugement futur, nous a annoncé de même quelle double sen-
tence nous est réservée.
L'une est délicieuse. — Venite, benedicti! En ces deux
mots sont renfermées toutes nos béatitudes futures. — « Be-
nedicti » : c'est l'élu, c'est l'enfant de Dieu, c'est le triom-
phateur. Désormais le bonheur l'environne, la bénédiction
divine l'introduit dans la splendeur d'un royaume éternel (i).
Venite. Dieu l'appelle à une vie qui ne finira plus, à un
bonheur qui n'a pas de mesure, à des gloires qui ne con-
naîtront pas de déclin. — Venite: c'est au partage de la for-
tune d'un Dieu, c'est à la possession de tous les biens à la
fois, que l'élu est appelé par la bienheureuse sentence: In-
ira in qaudium Domini tut (2).
(1) Ecce venio cito, etmerces mea raecum est, reddere unicuique
secundum opéra sua.
Ego sum a et », primus et novissimus, principium et finis.
Beati qui lavant stolas suas in sanguine Agni; ut sit potestas
eorura in ligno vitœ, et per portas intrent in civitatem.
Foris canes, et venefici, et impudici, et homicidœ, et idolis ser-
vientes, et omnis qui amat et facit mendacium.
Ego Jésus misi angelum raeum testificari vobis hœc in ecclesiis.
Ego sum radix et genus David, Stella splendida et matutina.
Et spiritus et sponsa dicunt: Veni. Et qui audit, dicat: Veni.
Et qui sitit, veniat: et qui vult, accipiat aquam vitœ gratis.
(Apoc.XXII.)
(2) Id enim qnod in praesenti est momentaneum et levé tribula-
tionis nostrœ, supra modurain sublimitate œternum gloriœ pon-
dus operatur in nobis,
Non contemplantibus nobis quœ videntur, sed quœ non viden-
tur. Quœ enim videntur, temporalia sunt; quœ autem non viden-
tur, œterna sunt. (II Gorinth. IV.)
LE JUGEMENT 53
L'autre est effroyable. — Qu'est-ce à dire : maudits*!
C'est ici l'annonce de toutes les douleurs, la réunion funeste
de tous les maux, la formule de tous les désespoirs. — C'est
le déshonneur suprême, la note à jamais infamante, le sceau
de réprobation marqué sur le damné. — C'est l'affirmation
d'une haine universelle où le misérable impénitent se trouve
plongé. — C'est l'éternelle solitude, l'effroyable exil, où Caïn
est poussé sous le souffle de la vengeance.
Maledicti. Maudits par qui? — Par la suprême Justice.
Le damné acquiesce éternellement à la Justice qui le frappe.
Il se révolte, mais il comprend qu'il n'est que très justement
frappé et c'est là le « ver rongeur » qui ne cessera plus de
le déchirer. — Maudit par qui? Par le suprême amour.
Nous touchons ici au fond même de l'abîme. Si la Justice
seule l'avait condamné, peut-être quelque espoir lui resterait
encore. Mais c'est l'amour, l'amour trahi, trompé, tourné
maintenant en fureur implacable, qui s'acharne contre le
misérable qui s'est joué de lui. Un Dieu nous a aimés, aimés
jusqu'aux larmes, jusqu'au sang, jusqu'au gibet... et ce Dieu
a été méprisé, délaissé, foulé aux pieds, traîné aux gémonies.
C'est ce Dieu qui réclame contre son insulteur le prix d'un
infini amour t
Maudit par la création tout entière, — par le ciel et la
terre, et, sous le poids d'une universelle colère, précipité
dans le gouffre ouvert à toutes les hontes et à tous les for-
faits (li.
(1) Et dabo prodigia|in ctelo et in terra, sanguinem, et ignem,
et vaporem fumi.
Sol convertetur in tenebras, et luna in sanguinem, antequam
veniat dies Domini rnagnus et horribilis.
Et erit: Omnis qui invocaverit nomen Domini, salvus erit; quia
in monte Sion et in Jérusalem erit salvatio, sicut dixit Dominus,
et in residuis quos Dominus vocaverit. (Joël. II.)
LA PÉNITENCE CHRÉTIENNE
NECESSITE DE LA PENITENCE
C'est à la fois le raisonnement et l'autorité qui nous affir-
ment chez le chrétien la nécessité de la pénitence.
Etablissons-la par le raisonnement. — La pénitence s'im-
pose à nous par nécessité: de position, de précaution, de
sanctification.
i° De position. — Nous sommes pécheurs. — Par notre
origine nous appartenons aune race primitivement déchue,
prévaricatrice, soumise, pour avoir outragé Dieu, aux rigueurs
de la suprême justice (1). — N'eussions-nous pas à notre
charge les péchés de notre race, nous-mêmes suffisons par
nos péchés quotidiens à armer contre nous le hras de Dieu.
(\) Propterea sicut per unum hominem peccatum in hune mun-
dum intravit, et per peccatum mors, et ita in omneshomines mors
pertransiit, in quo omnes peccaverunt:
Usque adlegemenim peccatum erat in mundo; peccatum autem
non imputabatur quum lex non esset;
Sed regnavit mors ab Adam usque ad Moysen etiam in eos qui
non peccaverunt in similitudinem prrevaricationis Adœ, qui est
forma futuri. (Rom. V.)
Et vos quum essetis mortui delictis et peccatis vestris,
In quibus aliquando ambulastis secundum sœculum mundihu-
jus, secundum principem potestatis aeris hujus, spiritus quinunc
operatur in filios diffidentiœ,
In quibus et nos omnes aliquando conversati sumus in deside-
riis carnis nostrœ. facientes voluntatem carnis et cogitationum,
et eramua natura iilii irae, sicut et cœteri. (Ephes. II.)
LA PÉNITENCE CHRÉTIENNE 55
— Or remarquons-le, tout outrage à Dieu entraîne l'expiation,
et toute expiation entraîne la douleur.
Cette expiation nécessaire, Dieu par une miséricordieuse
rigueur, ne cesse de nous y ramener. Il a flétri les magnifi-
cences et empoisonné les délices de l'antique Eden. Il a
rempli de misères la vie de l'homme (I). Il l'a rendue courte
et besoigneuse; il y a étendu l'ombre de la mort; chaque jouis-
sance elle-même finit par renfermer une douleur (2).
Hélas ! que nous comprenons peu cette conduite providen-
(1) Quare non in vulva mortuus surn? egressus ex utero non sta-
tini perii?
Quare exceptus genibus? cur lactatus uberibus?
Nunc enim dormiens silereni, et somno meo requiescerem
Gum regibus et consulibus terra?, qui œdificant sibi solitudiues;
Autcum principibus qui possident aurum, et replent domossuas
argento;
Aut sicut abortivum absconditum non subsisterem, vel qui con-
cepti non viderunt lucem.
Ibi impii cessaverunt atumultu, etibi requieverunt fessirobore.
Et quondam vincti pari ter sine molestia, non audierunt vocem
exactoris.
Parvus et magnus ibi sunt, et servus liber a domino suo.
Quare misero data est lux, et vita bis qui inamaritudine animae
sunt;
Qui exspectant mortem, et non venit, quasi effodientes thesau-
rum;
Gaudentque vehementcr cum invenerint sepulcrum?
Viro cujus abscondita est via et circumdedit eum Deus tenebris?
Antequam comedam, suspiro ; ettanquam inundantes aquae, sic
rugitus meus;
Quia timor quemtimebamevenit mihi, et quod verebar accidit.
Xonne dissimulavi? nonne silui, nonne quievi? et venit super
m? indignatio. (Job. III.)
(2) Et idcirco taeduit me vitae mes, videntem mala universa esse
sub sole, et cuncta vanitatem et afilictionem spiritus.
Rursus detestatus sum omnem industriam meamquamsub sole
studiosissime laboravi, habiturus heredem post me,
Quem ignoro utrum sapiens an stultus futurus sit, et domina-
bitur in laboribus meis, quibus desudavi et sollicitus fui; et est
quidquam tam vanum'?
Unde cessavi, renuntiavitque cor meum ultra laboraresub sole.
Nam cum aliuslaboret insapientia, et doctrina, et sollicitudine,
homini otioso qusesita dimittit. Et hoc ergo vanitas et magnum
malum.
Quid enim proderit homini de universo labore suo, et afflictione
spiritus, qua sub sole cruciatus est?
Cuncti dies ejus doloribus et serumnis pleni sunt, nec per noc-
tem mente requiescit. Et hoc nonne vanitas est? (Eccle. IL)
56 LA PÉNITENCE CHRÉTIENNE
tielle et comment Dieu, sans cesse, sans fin nous ramène à
l'obligation delà pénitence! Oh! qu'il nous importerait de ré-
pondre aux nécessités pressantes de notre position de pé-
cheurs (1) !
Mais, outre que nous sommes pécheurs, nous sommes des
exilés, exilés loin de notre famille et de notre patrie. Les fol-
les joies nous sont messéantes, la tristesse nous convient et
l'austérité de la pénitence peut seule s'harmoniser avec no-
tre état actuel (2).
2° De précaution. — De notre déchéance originelle nous
sont restés des ferments de concupiscence et de péché. Chaque
phase du drame antique de l'iîden a, en chacun de nous, son
prolongement. L'orgueil, l'esprit d'indépendance, l'insatiable
ambition, la volupté ardente du fruit défendu, sont toujours
au fond de notre âme avec leurs fascinations et leurs sollicita-
tions dangereuses. — Malheur à nous si nous n'imposons pas
à ces concupiscences désordonnées le frein d'une vie péni-
tente! C'est en ce sens que le divin Maître s'écriait: « Mal-
heur à vous, âmes rieuses et folâtres! » Et encore: « Si vous
ne faites pénitence vous périrez tous (3). »
(1) Siiniquitates nostrœ responderint nobis, Domine, fac propter
nomen tuum; quoniam multœ sunt aversiones nostrœ, tibi pecca-
vimus.
Exspectatio Israël, Salvator ejus in tempore tribulationis ! quare
quasi colonus fatums es in terra, et quasi viator declinans ad
manendum?
Quare futur us es velut vir vagus, ut fortis qui non potest sal-
vare? Tu autem in nobis es, Domine, et nomen tuum invocatum
est super nos, ne derelinquas nos.
Hœc dicit Dominus populo huic qui dilexit movere pedes suos,
et non quievit, et Domino non placuit: Nunc recordabitur iniqui-
tatum eorum, et visitavit peccata eorum. (Jerem. XIV.)
(2) Super flumina Babylonis, illic sedimus et llevimus; cum re-
cordareinur Sion:
In salicibus in inedio ejus; suspendimus organa nostra.
Quia illic interrogaverunt nos, qui captivos duxerunt nos, verba
cantionum:
Et qui abduxerunt nos : Hymnum cantate nobis de canticis Sien:
Quomolo c intabimus canticum Domini in terra aliéna?
Si oblitus fuero tui, Jérusalem, oblivioni detur dextera mea.
Adhœreat lingua mea faucibus mois, si non meminero tui :
Si non proposuero Jérusalem, in principio laetitise mese.
(Psal. CXXXVI.)
(3) Dico autem: Spiritu ambulate, et desideria carnis non perfi-
cietis.
LA PÉNITENCE CHRÉTIENNE 57
3° De sanctification. — Qu'est-ce que la sanctification, si-
non la répudiation de tous les vices et l'accomplissement de
toutes les vertus? — Or s'il est clair que, sans la vie péni-
tente, il nous devient impossible de triompher de nos vices,
il ne l'est pas moins que sans elle, toute vertu nous est im-
possible à pratiquer. — Prenons à part chaque vertu et voyons
si l'effort, la mortification, c'est-à-dire la pénitence, ne se
retrouve pas au fond de chacune d'elles.
Etablissons-la par l'autorité. — L'autorité nous en con-
vainc par deux voies différentes: Elle nous montre de saisis-
sants spectacles ; elle fait retentir de vibrantes paroles.
1° De grandioses spectacles. — J'aperçois d'abord les péni-
tents volontaires. Partis des pentes ensanglantées du Calvaire,
ils traversent les siècles en innombrables multitudes (1). —
Caro enim concupiscit ad versus spiritum; spiritus autem adver-
sus carnem; hsec enim sibi invicem adversantur, ut non quaecum-
que vultis, illa faciatis.
Quod si spiritu ducimini, non estis sub lege.
Manifesta sunt autem opéra carnis, qua? sunt, fornicatio, im-
munditia, impudicitia, luxuria,
Idolorum servitus, veneficia, inimicitire, contentiones, œmulatio-
neSjira-, rixse, dissensiones, sectae,
Invidise, homicidia, ebrietates, comessationes, et his similia; quse
prsedico vobis, sicut praedixi, quoniam qui talia agunt, regnum
Dei non consequentur.
Fructus autem Spiritus est: caritas, gaudium, pax, patientia,
benignitas, bonitas, longanimitas,
Mansuetudo, fides, modestia. Adversus hujusmodi non est lex.
Qui autem sunt Ghristi, carnem suam crucifixerunt cum vitiis
et concupiscentiis.
Si spiritu vivimus, spiritu et ambulemus.
Non efficiamur inanis gloria- cupidi, invicem provocantes, invi-
cem invidentes. (Galat. V.)
(1) Alii autem distenti sunt non suscipientes redemptionem, ut
meliorem invenirent resurrectionem.
Alii vero ludibria et verbera experti, insuper et vincula et car-
ceres :
Lapidati sunt, secti sunt, tentati sunt, in occisione gladiimortui
sunt, circuierunt in melotis, in pellibus caprinis, egentes, angus-
tiati, aftlicti:
Quibus dignus non erat mundus; in solitudinibus errantes, in
montibus, et speluncis, et in cavernis terrae.
Et hi omnes testimonio fidei probati, non acceperunt repromis-
sionem.
Deo pro nobis melius aliquid providente, ut non sine nobis con-
summarentur. (Hœbr. XI.)
58 LA PÉNITENCE CHRÉTIENNE
Les uns, avec les martyrs, portent d'un seul coup la « mor-
tification du Christ » tout entière. — Les autres fournissent
une longue carrière de macérations, d'austérités, de péniten-
ces. — Jamais, dans l'Eglise, la vision sombre et bienfaisante
de la pénitence n'a cessé d'apparaître.
2° De vibrantes paroles. — A vrai dire, c'est du Paradis
terrestre lui-même que partent les premières, et c'est Dieu
qui les prononce à nos premiers parents coupables et châtiés.
— A chaque grande prévarication du genre humain les voix
de la pénitence se font entendre. Noé les fait retentir, Sodome
en est pleine, Ninive en tressaille, les prophètes s'en font
les organes puissants, Jean-Baptiste, sur les rives de Jour-
dain, est le prédicateur intrépide de la pénitence. L'Homme-
Dieu apporte à ce précepte souverain sa souveraine autorité
et après lui les Apôtres, les Docteurs, les Saints, l'Eglise, ne
cessent de nous la rappeler (1).
(0 Vae provocatrix, et redempta civitas, columba!
Non audivit vocem, et non suscepit disciplinam; in Domino
non est confisa, ad Deum suum non appropinquavit.
Principes ejus in medio ejus quasi leones rugientes; judices ejus
lnpi vespere, non relinquebant in mane.
Prophetce ejus vesani, viri infidèles; sacerdotes ejus polluerunt
sanctum, injuste egerunt contra legem.
Dominus justus in medio ejus non faciet iniquitatem ; mane mane
judicium suum dabit in lucem, et non abscondetur ; nescivit au-
tem iniquus confusionem.
Disperdidi gentes, et dissipati sunt angeli earum; désertas feci
vias eorum, dum non est qui transeat; desolatse sunt civitates
eorum, non rémanente viro, neque ullo habitatore.
Dixi: Attamen timebis me, suscipies disciplinamj et non peribit
habitaculum ejus, propter omnia in quibus visitavi eam: verum-
tamen diluculo surgentes corruperunt omnes cogitationes suas.
Quapropter exspecta me, dicit Dominus, in die resurrectionis
meae in futurum; quia judicium m eu m ut congregem gentes, et
colligam régna, et elïundam super eos indignationem meam, om-
nem iram furoris mei; in igné enim zeli mei devorabitur omnis
terra. (Sopli. III.)
LA PÉNITENCE CHRÉTIENNE 59
II
NOTRE CONDUITE EN FACE DE LA PÉNITENCE
Ce grave précepte partage les hommes en trois classes dif-
férentes, soit qu'ils le nient orgueilleusement, soit qu'ils le
méprisent au gré de leur fantaisie et de leur vie jouisseuse,
soit que, l'acceptant et le prétendant pratiquer, ils le faussent
par d'hypocritescompromis, soit que, généreux etintelligents,
ils l'adoptent dans la croyance. — Telles sont les vicissitudes
de la Pénitence : il en est qui n'en font aucune. Il en est qui la
font mal. Il en est qui la pratiquent saintement et fructueu-
sement.
Ceux qui n'en font aucune. — Combien d'hommes, alors
même que le sceau du baptême les marque parmi les fidèles
du Dieu Crucifié, qui, à aucun prix, ne veulent entendre par-
ler de pénitence!
1° Les uns la ment effrontément. — Comment l'admet-
traient-ils, puisqu'ils rejettent même la déchéance de l'hu-
manité? Pour eux, alors que tout contredit leurs négations
insensées, le péché n'existe pas. La déchéance originelle
est un mythe. L'humanité est dans l'état de justice et de
bonheur qui lui convient. D'expiation et de pénitence il ne
peut être question, et ces tristes sophistes sont broyés par
une douleur qu'ils ont le désespoir de ne point comprendre
et l'extravagance de nier.
2° Les autres la rejettent dédaigneusement. — Sans même
prendre la peine de raisonner, de contredire, de nier. Les
mondains, tout entiers à leurs jouissances et à leurs plaisirs,
témoignent pour la pénitence chrétienne plus encore le dé-
dain que l'horreur. — Au livre de la Sagesse nous les enten-
dons parler. <c La vie est courte, hâtons-nous de jouir, cou-
ronnons-nous de roses, que pas une fleur de la prairie n'é-
chappe à notre main. » Ces misérables sont destinés à la mort,
comme le vil bétail qu'on engraisse est destiné à l'abattoir.
60 LA PÉNITENCE CHRÉTIENNE
Jjsus-Christ voyait et dramatisait leur folie. C'est l'un d'eux
qui se disait à lui-même: « Tu as des biens en abondance :
mange, bois, fais bonne chère Insensé, dit Jésus-Christ,
et cette nuit même on te redemandera ton âme. » N'est-ce
pas dans les flammes d'une éternelle expiation que le mau-
vais riche paie son mépris insolent de la pénitence?
3° Les troisièmes paraissent l'accepter: en réalité ils la ré-
pudient comme les autres. — Reconnaissons là ces étranges
catholiques, dont la conduite est en perpétuelle contradiction
avec la croyance. « Ce sont ces hommes, disait Saint Paul, sur
lesquels je pleure; qui marchent en ennemis de la croix du
Christ, ces hommes qui de leur ventre "font leur Dieu. » Quelle
pratique de pénitence adoptent ces chrétiens abusés? Devant
quelle obligation de pénitence, si légère qu'elle puisse être,
ne les voyons nous pas fuir en se récriant?
Hélas! ces mêmes gens du monde qui accepteront pour leur
ambition, leur cupidité et leurs plaisirs, les plus écrasantes
obligations, sont ceux-là mêmes que Dieu et l'Eglise ne con-
traindront jamais à la plus légère mortification.
Ceux qui la font mal. — Dieu, nous voyant si rebelles
aux indispensables obligations de la pénitence, prend soin
directement et par lui-même de nous y ramener. De nous-
mêmes jamais nous n'irions à la mortification; par l'ordre de
Dieu elle franchit, sous des noms très divers, le seuil de notre
demeure et elle serait longue à dresser la liste de ces péniten-
ces providentielles. — Dieu nous frappe dans nos biens. Dieu
nous arrache les idoles de notre cœur. La mort frappe des
coups prématurés. Les mille péripéties de l'existence nous
jettent en de perpétuelles alarmes. Aux angoisses de l'âme,
aux infortunes de la famille s'ajoutent bien souvent les tor-
tures de la chair. « De toutes les parties de notre être nous
reviennent, dit l'Apôtre, des réponses de mort. » « Tout le
jour nous sommes mortifiés » (1). — Plaise à Dieu que, ré-
(!) Ecce clamabo, vim patiens et nemo audiet ; vociferabor, et
non est qui judicet.
Semitam meam circumsepit,et transire non possum ; et incalle
meo tenebras posuit.
Spoliavit me gloria mîa, et abstulit coronam de capite meo.
Destruxit me undique, et perto ; et quasi evulsœ arbori abstulit
epem meam.
Iratus est contra me furor ejus, et sic me habuit quasi hostem
suum.
LA PÉNITENCE CHRÉTIENNE 61
pondant à ces vues providentielles, nous fassions de ces dou-
leurs communes notre patrimoine particulier de pénitence.
— Mais combien parmi nous qui n'en savent point profiter 1
i° Ils souffrent, mais sans rien sur naturaliser . — Est-ce assez
de souffrir pour mériter l'éternelle couronne? Non, le sur-
naturel et le divin doivent transfigurer la souffrance. — C'est
de Dieu, de l'obéissance à Dieu, du désir de lui plaire, de la
volonté de satisfaire à sa justice, d'un élan d'amour, d'un
acte de soumission filiale, que notre souilrance tirera son
prix (1). — C'est de Jésus-Christ, de notre union à Jésus-
Christ, de la conformité de sa vie et de sa mort, de l'intime
liaison entre sa douleur et la nôtre, que notre pénitence de-
viendra méritoire pour le ciel.
2° Ils souffrent, mais en murmurant. — Gardons-nous ici
Simul venerunt latrones ejus, et fecerunt sibi viam per me, et
obsederunt in gyro tabernaculum meum.
Fratres meos longe fecit a me, et noti mei quasi alieni recesse-
runt a me.
Dereliquerunt me propinqui mei, et qui menoverant obliti sunt
mei.
Inquilini domus meœ, et ancillae mese, sicut alienum habuerunt
me, et quasi peregrinus fui in oculis eorum,
Servum meum vocavi, et non respondit ; ore proprio depreca-
bar illum.
Halitum meum exhorruit uxor mea, et orabam filios uteri mei.
Stulti quoque despiciebant me ; et cum ab eis recessissem, detra-
hebant mihi.
Abominati sunt me quondam consiliarii mei; et quem maxime
diligebam, aversatus est me.
Pelli meae, consumptis carnibus, adhsesit os meum ; et derelicta
sunt tantummodo labia circa dentés meos.
Miseremini mei. miseremini mei, saltem vos, amici mei, quia
manus Domini tetigit me.
Quare persequimini me sicut Deus, et carnibus meis saturamini ?
(Job. XIX.)
(1) Firmamentum est Dominus timentibus eum, et testamentum
ipsius ut manifestetur illis.
Oculi mei semper ad Dominum, quoniam ipse evellet de laqueo
pedes meos.
Respice in me, et miserere mei, quia unicus et pauper sura ego»
Tribulationes cordis mei multiplicatœ sunt : de necessitatibus
meis erue me.
Vide humilitatem meam et laborem meum, et dimitte universa
delicta mea.
Respice inimicos meos, quoniam multiplicati sunt, et odio ini-
quo oderunt me. (Psal. XXIV.)
62 LA PÉNITENCE CHRÉTIENNE
d'une exagération. La plainte filiale d'un cœur meurtri (1),
l'amertume et l'abondance des larmes, une certaine explo-
sion de douleur soumise, ne sauraient être interdites à ceux
qui souffrent. — Entendez Job maudire avec véhémence le
jour de sa naissance... Voyez Paul suppliant Dieu de le déli-
vrer des «soufflets » de Satan... Voyez surtout Jésus-Christ
l'exemplaire divin des pénitents, il recule à la vue du calice
de sa passion, il le veut détourner, il conjure son Père de
l'éloigner de ses lèvres (2)... Ce qui est interdit, c'est la dé-
(1) Nunc autem in uiemetipso marcescit anima mea, et possident
me dies afflictionis.
Nocte os meum perforatur doloribus; et qui me comedunt, non
dormiunt.
In multitudine eorum consumitur vestimentum meum, et quasi
capitio tunicse succinxerunt me.
Comparatus suin luto, et assimilatus sum favillse et cineri.
Clamo ad te, et non exaudis me; sto, et non respicis me.
Mutatus es mini in crudelem, et in duritiamanus tuœ adversaris
mini.
Elevasti me, et quasi super ventum ponens elisisti me valide.
Scio quia morti trades me, ubi constituta est domus omni vi-
venti.
Verumtamen non ad consumptionem eorum emittis manum tuam
et si corruerint, ipse salvabis.
Flebam quondam super eo qui afilictus erat, et compatiebatur
anima meapauperi.
Exspectabam bona, et venerunt mihi mata; prsestolabar lucem,
et eruperunt tenebrae.
Interiora meaefferbuerunt absque ulla requie; prsevenerunt me
dies afflictionis.
Mœrens incedebam sine furore ; consurgens, in turba clamabam.
Frater fui draconum, et socius struthionum.
Cutis mea denigrata est super me, et ossa mea aruerunt prœ
caumate.
Versa est in luctum cithara mea, et organum meum in vocem
flentium. (Job. XXX.)
(2) Et egressus ibat secundum consuetudinem in montem Oliva-
rum. Secuti sunt autem illum et discipuli.
Et quum pervenisset ad locuin, dixit illis : Orate, ne intretis in
tentationem.
Et ipse avulsus est ab eis quantum jactus est lapidis : et positis-
genibus orabat,
Dicens : Pater, si vis, transfer calicem istum a me : verumta-
men non mea voluntas, sed tua fiât.
Apparuit autem illi angélus de cœlo, confortans eum. Et factus
in agonia, prolixius orabat.
Et factus est sudor cjus, sicut guttaî sanguinis decurrentis in
terrain. (Luc. XXII.)
LA PÉNITENCE CHRÉTIENNE 63
fiance envers Dieu, la mise en accusation de sa providence,
l'abandon de la piété, l'ébranlement de la foi. — Qu'elles se
reconnaissent dans la femme de Job, ou la femme de Tobie,
ces âmes que la douleur irrite et ferait aisément blasphé-
mer.
3° Ils souffrent, mais avec ostentation et orgueil. — S'il s'a-
git des douleurs que la Providence nous envoie et que nous
subissons malgré nous, tenons-nous dans une humble et mo-
deste attitude; parlons peu de nos douleurs et gardons-nous
de la secrète avidité d'y être admirés et d'en être plaints.
S'il s'agit de pénitences et d'œuvres expiatrices que nous
nous imposons volontairement, gardons-nous d'en perdre le
mérite en succombant aux sollicitations de la vaine gloire.
« Quand vous jeûnez, dit le Fils de l'homme, gardez-vous
d'apparaître sous les traits de l'abattement, semblables à ces
hypocrites qui font tout pour être nus de la foule. » — Nuls
ne furent habiles comme les hérétiques à jouer, pour trom-
per le peuple, l'austérité et la pénitence. — On se rappelle
ces Pharisiens de l'Evangile qui jeûnant et se macérant :
« dévoraient la substance de la veuve et de l'orphelin. » —
Défions-nous toujours d'une ostentation de pénitence.
Ceux qui la font saintement et fructueusement. — Ceux-
là trouveront leur salut et une incomparable gloire éter-
nelle, qui sortiront de ce monde sous les stigmates d'une
vraie pénitence.
1° Ceux qui la font saintement. — Quel admirable type de
vrai pénitent que ce roi David!
Comme sa douleur est intime! Aux souffrances qui l'as-
saillent au dehors se joignent les angoisses de son âme; le
souvenir de son péché le torture ; la vue de la divine Justice
l'épouvante; il ne sait plus goûter ni repos, ni plaisir, au sein
des délices d'une cour.
Comme sa douleur est extérieure ! Ses larmes coulent, sa
chair est desséchée, le brisement de ses membres le retient
sur une couche douloureuse; tout à l'heure les tribulations
de toutes sortes fondront sur lui, sans déconcerter sa péni-
tence, ni ébranler sa soumission.
Comme sa douleur est priante! La supplication est pour
lui de la nuit et du jour, son âme est sans cesse aux pieds
de Dieu et sans cesse elle exhale tous les sentiments de la
vraie pénitence.
2° Ceux qui la font fructueusement. — Les « dignes fruits de
64 LA PÉNITENCE CHRÉTIENN.E
pénitence » enrichiront notre vie chrétienne si nous prenons
garde aux trois points suivants.
Soumettons-nous d'abord de bon cœur aux pénitences que
nous impose l'Eglise. Elles sont légères et très disproportion-
nées avec nos fautes. Trouvons dans leur légèreté même un
motif plus pressant de ne nous y point soustraire.
Acceptons en esprit de pénitence les peines ordinaires de
la vie. — Ces peines jaillissent de nos devoirs... Elles s'accu-
mulent à notre foyer domestique, elles interceptent chacun
de nos pas...
Grandissons l'héroïsme de la pénitence, au jour marqué par
Dieu où quelque grande douleur nous vient assaillir.
LES LARMES
« Vox in Rama audita est ploratus et ululatus »... Sous la
figure de cette Rachel en larmes c'est l'humanité tout
entière que nous pouvons entendre. Dans « la vallée des lar-
mes, » jamais les larmes ne cesseront de couler et elles mon-
teront au cœur et aux yeux de mille sources différentes.
Il y a un mystère des larmes. Mystère profond que le pa-
ganisme entrevoyait sans le comprendre, quand il disait par
la bouche du poète : « Au fond de chaque chose il y a des lar-
mes. »
Ce mystère, le christianisme seul nous l'a révélé. Il y a les
larmes bienheureuses dont Jésus-Christ disait: « Bienheu-
reux ceux qui pleurent. »
Il y a les larmes stériles et maudites dont il est écrit : « Vœ
vobis... quia plorabitis. »
C'est donc un beau et pratique sujet de méditation que l'é-
tude de nos larmes. — Voyons ce que sont les larmes des
enfants de Dieu. — Etudions ensuite le triste mystère des
larmes que répandent les gens du monde.
LES LARMES DES ENFANTS DE DIEU
Les enfants de Dieu, sous l'empire de diverses causes
versent des larmes, qui toutes, à des titres et des degrés diffé-
rents, sont bénies de Dieu. Il y a les larmes d'une mysté-
rieuse tristesse. Il y a les larmes de l'infortune et de la dou-
leur. Il y a les larmes de la sainteté.
T. IV 5
66 LES LARMES
Les larmes d'une mystérieuse tristesss. — Ces larmes
sont inévitables, ces larmes sont à redouter, ces larmes peu-
vent devenir précieuses.
1° Ces larmes sont inévitables. — Elles tiennent à la fois à
des causes qu'il nous sera à jamais impossible de modifier.
Elle ; sont un souvenir de la Patrie perdue. Elles sont un té-
moignage d'une antique ruine. Elles sortent de tout notre être
meurtri, et les amertumes de la vie présente ne sont que trop
puissantes à les alimenter.
Tant que nous habiterons la terre, la terre sera pour nous
« une vallée de larmes » (1).
Là j imais entière allégresse;
L'âme y souffre de ses plaisirs;
Les jours de joie ont leur tristesse
Et les voluptés leurs soupirs.
2" Ces larmes sont à redouter. — Rien ne briserait les res-
sorts de notre énergie autant que ces tristesses vagues, ces
mélancolies profondes, ces désenchantements douloureux,
auxquels nous nous abandonnerions. — De pareilles larmes
agissent sur l'imagination pour la remplir de fantômes et de
visions décourageantes. — Ces larmes agissent sur la vo-
lonté pour l'amollir, la rendre incertaine et inconsistante. —
Ces larmes voilent le regard de l'intelligence, qui n'aperçoit
plus aucun objet dans ses proportions exactes et sa réalité
vivante. — Ces larmes brisent notre activité et nous amè-
nent à une paresse invincible et une coupable inaction. —
Qui nous dira les malaises ou plutôt les désastres que peu-
ventcauser,au foverdomestique, ceslristesses intempérantes,
ces humeurs sombres, ces mélancolies qui rendent insuppor-
table à soi-même et aux autres?
3° Ces larmes peuvent devenir précieuses. — Comme toutes
les choses naturelles les larmes sont un poison qui tue, ou
un remède qui vivifie. Quand la foi s'en empare, elle les
change en diamants précieux. — Ce sont alors les larmes
d'un chrétien désenchantement. Sous leur influence l'âme
se détache des frivolités du monde et aspire aux biens solides
(f) Dixi ego in corde meo : Vadam, et afflua m deliciis, et fruar
bonis; et vidi quod hoc quoque esset vanitas.
Risum reputavi errorem. (Eccle. I.)
LES LARMES 67
de la Patrie. —Ce sont les larmes de la solitude. L'âme qui
les verse pleure la famille céleste à laquelle il ne lui est pas
donné encore de se réunir (1). — Ce sont les larmes des as-
pirations saintes qui appellent Dieu.
Les larmes de l'infortune et de la douleur. — Si les lar-
mes qui précèdent sont mystérieuses dans leurs causes, cel-
les-ci coulent sous l'influence de douleurs trop précises et trop
connues.
Que de sources diverses ouvrent à nos larmes les infortu-
nes,les ruines, lesdeuils, les persécutions, les mécomptes, les
tortures de l'âme et du corps, dont la vie présente est remplie!
Ne pouvons-nous pas dire que l'heure des larmes est la plus
fréquente comme la plus douloureuse?
Mais cette heure des larmes deviendra pour le chrétien
l'heure de la moisson la plus riche: « lbant et flebant mit-
tentessemina sua; venientesautem venient cumexultatione,
portantes manipulos suos. » — Tous les Saints ont trouvé
dans les larmes, ou bien l'eau salutaire qui lavait leurs fau-
tes, ou bien la rosée féconde qui mûrissait leurs vertus —
Qui pleura de plus abondantes larmes que David le saint pé-
nitent (2)? — Quelles larmes plus divines et plus puissantes
que celles dont fut baigné Jésus-Christ (3)?
Et si nous voulons rendre compte du victorieux effet des
larmes de la douleur, disons qu'elles produisent sur Dieu deux
grands effets. — D'abord elles apaisent sa justice. L'âme qui
souffre devient à ses yeux comme innocente; il avoue à son
(1) Surrexi ut aperirem dilecto meo; manus mese stillaverunt
myrrham, et digiti mei pleni myrrha probatissima.
Pessulum ostii mei aperui dilecto meo; at ille declinaverat, at-
que transierat. Anima mea liquefacta est, ut locutus est; quaesivi,
et non inveni illum ; vocavi, et non respondit mihi.
Invenerunt me custodes qui circumeunt civitatem; percusserunt
me, et vulneraverunt me. Tulerunt pallium meum mihi custodes
murorum.
Adjuro vos, filise Jérusalem, si inveneritis dilectum meum, ut
nuntietis ei quia amore langueo.
Qualis est dilectus tuus ex dilecto, o pulcherrima mulierum ?
Qualis est dilectus tuus ex dilecto, quia sic adjurasti nos ?
Dilectus meus candidus et rubicundus; electus ex millibus.
(Cantiq. II.)
(2) Lavabo per singulas noctes lectum meum; lacrymis stratum
meum rigabo. (Psal. V.)
(3) Videns civitatem flevit super illam. (Luc. XIX.)
68 LES LARMES
Prophète que les larmes où il trouve baigné Achab, le roi
impie, désarme sa justice (1). — Ces larmes ravissent le cœur
de Dieu par leurs mystérieux attraits. N'est-ce pas quand il
vit son Fils baigné de larmes, plongé dans les tristesses de
sa vie mortelle que Dieu s'écria: « Voici mon Fils bien-aimé
dans lequel j'ai mis toutes mes complaisances? » Autant Dieu
nous prend en pitié et en dégoût, quand il nous voit nous li-
vrer aux folles joies du monde, aux rires bruyants et désor-
donnés: « Vœ vobis qui ridetis! » autant notre âme a pour
lui de charmes quand elle lui apparaît sous la parure de la
douleur.
Les nobles larmes de la sainteté. — Si les larmes de la
douleur ont déjà cette beauté et cette puissance que dirons-
(1) Factus est igitur sermo Domini ad Eliam Thesbiten, dicens:
Surge, et descende in occursum Achab, régis Israël, qui est in
Samaria; ecce ad vineatn Xaboth descendit ut possideat eam;
Et loqueris ad eum, dicens: Hœc dicit Dominus: Occidisti, in-
super et possedisti. Et post hcec addes : Hsec dicit Dominus : In loco
hoc in quo linxerunt canes sanguinein Naboth, lambent quoque
sanguineni tuum.
Et ait Achab ad Eliam: Num invenisti me inimicum tibi? Qui
dixit: Inveni eo quod venumdatus sis ut faceres malum in cons-
pectu Domini.
Ecce ego inducam super te malum, et demetam posteriora tua,
et interficiam de Achab mingentem ad parietem, et clausum et ul-
timum in Israël.
Et dabo domura tuam sicut domum Jéroboam, filii Xabat, et si-
cut domum Baasa, filii Ahia, quia egistiut me adiracundiam pro-
vocares, et peccare fecisti Israël.
Sed et de Jezabel locutus est Dominus, dicens: Canes comedent
Jezabel in agro Jezrahel.
Si mortuus fuerit Achab in civitate, comedent eum canes; si
autem mortuus fuerit in agro, comedent eum volucres coeli.
Igitur non fuit alter talis sicut Achab, qui venumdatus est ut
faceret malum in conspectu Domini; concitavit enim eum Jezabel
uxor sua.
Et abominabilis factus est, in tantum ut sequeretur idola quœ
fédérant Amorrhœi, quos consumpsit Dominus a facie filiorum
lsrad.
Itaque eum audisset Achab sermones istos, scidit vestimenta sua,
et operuit cilicio carnem suara, jejunavitque et dormivit in sacco,
et ambulavit demisso capite.
Et factus est sermo Domini ad Eliam Thesbiten, dicens:
Nonne vidisti humiliatum Achab coram me? Quia igitur humi-
liatus est mei causa, non inducam malum in diebus ejus, sed in
diebus fdii sui inferam malum domui ejus. (III Reg. XXI.)
LES LARMES 69
nous des larmes que forment dans les profondeurs de l'âme
les pensées et les sentiments de la sainteté? Nul ne pleure et
ne sait pleurer comme le saint. Qui a pleuré comme Jésus-
Christ?
Si l'Evangile ne nous le montre baigné de larmes que dans
trois ou quatre circonstances, Saint Paul nous apprend que,
sans cesse, sans fin, elles accompagnaient ses méditations et
ses prières, mouillaient le sable du rivage ou le rocher de la
montagne quand il y priait solitaire. « Cum lacrymis et cla-
more valido exauditusest. » — Saint Paul versait sur lui-même
et sur les autres d'intarissables larmes: « Ex multa tribula-
tione et angustia cordis scripsi vobis, per multas lacrymas. »
— A leur exemple tous les Saints ont trouvé dans les larmes
l'expression des sentiments qui oppressaient leur âme.
1° Ce sont les larmes des saints regrets. — Quand l'âme sainte
repasse ses jours anciens, où elle rencontre les traces vives
du péché; quand elle songe à un Dieu outragé, à un Christ
trahi, « foulé aux pieds et crucifié de nouveau; » quand elle
rapproche du baiser de Judas la mansuétude, les bienfaits et
l'amour d'un si bon maître, elle pleure et elle cherche dans
ses larmes à décharger la plus légitime et la plus sainte des
douleurs (1). — Elle pleure sur elle-même comme sur une
(1) Quomodo sedet sola civitas plena populo! facta est quasi vi-
dua domina gentium; princeps provinciarum facta est sub tributo.
Plorans ploravit in nocte, etlacrymee ejus in maxillis ejus; non
est qui consoletur eam, ex omnibus charis ejus; omnes amici ejus
spreverunt eam, et facti sunt ei inimici.
Migravit Judas propter aftlictionem,et multitudinem servitutis;
habitavit inter gentes, nec invenit requiem; omnes persecutores
ejus apprehenderunt eam inter angustias.
Vise Sionlugent, eoquod non sintqui veniant ad solemnitatem;
omnes portse ejus destructee, sacerdotes ejus gementes; virgines
ejus squalidse, et ipsa oppressa amaritudine.
Defixse sunt in terra portœ ejus, perdidit et contrivit vectes ejus;
regem ejus et principes ejus in gentibus; non est lex, et propheta?.
ejus non invenerunt visionem a Domino.
Sederuntin terra, conticuerunt senes filise Sion; consperserunt
cinere capita sua, accincti sunt ciliciis; abjecerunt in terram ca-
pita sua virgines Jérusalem.
Defecerunt prse lacrymis oculi mei,conturbata sunt visceramea;
effusum est in terra jecur ineum super contritione filiae populi mei,
cum deficeret parvulus etlactensin plateis oppidi.
Glamavit cor eorum ad Dominum super muros filise Sion: Deduc
quasi torrentem lacrymas per diem et noctem; non des requiem
tibi, neque taceat pupilla oculi tui,
70 LES LARMES
Jérusalem déicide.... Elle pleure comme sur un Lazare au
tombeau.... Elle pleure ces larmes dont le Prophète avait dit:
« On pleurera comme sur la mort d'un premier né (1). »
2° Ce sont les larmes du saint zèle. — Larmes bénies, lar-
mes fécondes, larmes nécessaires, qui inonderont une Moni-
que devant les excès d'un Augustin.... Qui couleront intaris-
sables des yeux de ce père qui attend le retour de son Pro-
digue. — Elle doit pleurer aussi, pleurer sans cesse, cette
épouse dont le mari, ni n'aime, ni ne connaît, ni ne sert Dieu.
— Et celle-là est maudite qui au, lieu de pleurer, se livre
aux folles joies du monde.
Le prêtre lui aussi, lui surtout, devra connaître la vivifiante
amertume des larmes (2). « Plorabunt sacerdotes. » Celui-là
est-il « le bon pasteur » qui voit d'un œil sec, d'un cœur tran-
quille ses brebis qu'envahissent et dévorent les loups? Ah!
tel n'était pas ce Paul qui s'écriait transporté d'indignation
et de douleur. « Quis infirmatur et ego non infirmor, quis
scandalizatur et ego non uror... veritatem dico in Christo,
Gonsurge, lauda in nocte in principio vigiliarum; effunde sicut
aquam cor tuurn ante conspectum Domini; leva ad eum manns
tuas pro anima parvulorum tuorum, qui defecerunt in famé in
capite omnium compitorum.
Vide, Domine, quoniam tribulor; conturbatus est venter meus,
subversum est cor meum in memetipsa, quoniam amaritudine
plena sum. Foris interlicit gladius, et domi mors similis est.
Audierunt quia ingemisco ego, et non est qui consoletur me;
omnes inimici mei audierunt malum meum, lœtati sunt quoniam
tu fecisti; adduxisti diem consolationis, et fient similes mei.
Ingrediatur omne malum eorum coram te; et vindemia eos, sicut
vindemiasti me propter omnes îniquitates meas; multi enim ge-
mitus mei, et cor meum mœrens. (Tren.)
(1) Et effundam super domum David et super habitatores Jéru-
salem spiritum gratiœ ef precum; et aspicient admequem confixe-
runt; et plangent eum planctu quasi super unigenitum, et dole-
bunt super eum, ut doleri solet in morte primogeniti.
In die illa magnus erit planctus in Jérusalem, sicut planctus
Adadremmon in campo Mageddon.
Et planget terra; familiae et familiœ seorsum; familiœ domus
David seorsum. et mulieres eorum seorsum;
Familiœ domus Nathan seorsum, et mulieres eorum seorsum ;
familiœ domus Levi seorsum, et mulieres eorum seorsum; familiœ
Semei seorsum, et mulieres eorum seorsum ;
Omnes familiœ reliquœ, familiœ et familiœ seorsum, et mulieres
eorum seorsum. (Zacli. XII.)
(2) Inter vestibulum et altare plorabunt sacerdotes.
(Joël. II.)
LES LARMES 71
non mentior, testimonium mihi perhibente conscientia mea
in Spiritu sancto, quoniam tristitia mihi magna est et con-
tinuus dolor cordi meo. »
3° Ce sont les larmes du saint amour. — Que dire de ces
larmes? comment les entendre? comment en percer le déli-
cieux mystère? — D'où jaillissent-elles? De la grâce, d'une
opération divine, d'une action secrète de l'Esprit de Dieu. —
Où couleront-elles? Du sein d'une méditation fervente...
Parfois elles mouilleront délicieusement la Table sainte....
Souvent encore elles monteront inopinément à notre cœur,
sans cause connue que de Dieu qui la fait naître.
II
LES LARMES DES GENS DU MONDE
Il en est de honteuses, il en est d'inexplicables, il en est
de mortelles.
Les honteuses larmes des passions. — Quand l'une quel-
conque de nos passions s'est satisfaite, un abîme s'est creusé
en nous, une source de douleurs vives a jailli; là où nous
cherchions le rassasiement, la faim se montre, là où nous
poursuivions une volupté, les larmes font irruption (1).
1° Il y a les larmes de C orgueil. — Nous prétendions domi-
ner ; il nous fallait à tout prix l'encens de la louange, la ser-
vilité de l'adulation; tout devait s'incliner devant nous et
nous adorer: « Si cadens adoraveris. » — Or. au lieu de
(i) Et postquam omnia consummasset, facta est famés valida
in regione illa, et ipse cœpit egere.
Et abiit, et adhaesit uni civium regionis illius. Et misit illum in
villam suara, ut pasceret porcos.
Et cupiebat implere ventrem suum de siliquis quas porci rnan-
ducabant; et nemo illi dabat,
In se autem reversus, dixit : Quanti mercenarii in domo patris
mei abundant panibus, ego autem hic famé pereo!
(Luc. XV.)
72 LES LARMES
l'hommage rêvé, du règne convoité avidement, nous avons
rencontré l'indifférence et le dédain. La médisance nous a
dénudés, la calomnie nous a couverts d'opprobres, nous pleu-
rons, sur les ruines d'un honneur écroulé, des larmes brû-
lantes.
2° Il y a les larmes de la colère. — Après l'âpre volupté de
la vengeance l'âme retombe sur elle-même. En face du ca-
davre d'Abel, Caïn se prend d'épouvante. Rien ne fait jaillir
des larmes aussi amères que la vue des ruines accumulées
par la colère.
3° Il y a les larmes de la volupté. — Qui croirait qu'un objet
aussi séduisant que le plaisir, une ivresse aussi délicieuse
que celle de la volupté, dût se résoudre en larmes ? Telle
est cependant l'inévitable issue du plaisir des sens. Aux
tressaillements de la chair correspondent les désenchante-
ments de l'âme, les vides douloureux du cœur, les dégoûts
insurmontables, parfois même d'invincibles désespoirs. Il
avait goûté tous les plaisirs et il en avait épuisé le calice
jusqu'à la lie, celui qui s'écriait, baigné de larmes : « J'ai
dit au rire: Tu es un imposteur; et à la volupté: Pourquoi
m'as-tu trompé ?» Il n'avait rien refusé à ses sens ce Roi
d'Israël qui finissait dans les larmes la fête de ses plaisirs :
« Vanitas vanitatum et omnia vanitas » (1).
4° Il y a les larmes de l'ambition. — Le cœur les verse tout
le temps qu'il désire les dignités, les charges, les honneurs,
avec une ardeur fiévreuse. — Il les verse plus abondantes,
quand, pour parvenir au sommet de la grandeur, il doit
ramper servilement, dévorer mille affronts, subir des dé-
convenues poignantes, être accablé sous le ridicule et le mé-
pris. — Il les verse encore, quand, l'honneur acquis, la di-
(i) Lustravi universa animo meo, ut scirem, et considerarem, et
quœrerem sapientiam, et rationem, et ut cognoscerem impietatem
stulti, et errorem imprudentium;
Et inveni amariorem morte mulierem, quse laqueus venatorum
est, et sagena cor ejus, vincula sunl matins illius. Qui placet Deo
effugiet ilîam; qui autem peccator est capietur ab illa.
Ecce hoc inveni, dixit Ecclesiastes, unum et alterum nt inveni-
rem rationem,
Quam adhuc qua'rit anima mea, et non inveni. Vimm de mille
unum reperij mulierem ex omnibus non Luveni.
Solummoilo hoc inveni, quod fecerit Deus hominem rectum, et
ipse se intinitis misenerit quœstionibus. Quis talis ut sapiens est?
et qui- cognovit solutionem verbi? (Eccle. VII.)
LES LARMES 73
gnité reçue, il en voit le vide et il en comprend la fragilité.
5° Il y a les larmes de l'avarice. — Ne sont-elles pas les
plus honteuses ? Ce misérable qui a vu d'un œil sec les na-
vrantes détresses de ses frères pleurera lâchement des larmes
ridicules, quand il verra quelque catastrophe entamer son
trésor, ou la mort le lui ravir tout entier.
Les étranges larmes des heureux du monde. — Pour-
quoi pleurent-ils ces privilégiés de la fortune, ces folâtres
amateurs du plaisir? Tout leur a souri; leur vie est un
tissu de jouissances; il semble que le monde entier se soit
mis à leur service pour accumuler les charmes et les biens
de l'existence.
Or, au fond de leur cœur, il y a des larmes. Sans qu'ils
la puissent expliquer, la tristesse les poursuit, et le monde,
qui s'efforce de leur sourire, n'obtient d'eux qu'un mépris
douloureux. — Qu'ils le sachent : ces larmes inexplicables
pour eux ont Dieu pour auteur. Elles sont un châtiment s'ils
s'obstinent à méconnaître leur destinée véritable et à courir,
le dos tourné au ciel, après les illusions du plaisir. Elles se-
ront une miséricorde, si elles commencent un désenchante-
ment salutaire et une féconde pénitence.
Les larmes maudites des désespérés. — Ces larmes ont
je ne sais quoi de sombre et de satanique. C'est pour ainsi
parler le prolongement des larmes qui coulent en enfer.
1° Voici les désespérés de l'infortune. — Les douleurs com-
munes les ont atteints ; les tempêtes qui brisent toute for-
tune ont brisé la leur; ils souffrent comme souffre tout
homme qui traverse la « vallée des larmes ». — Mais tan-
dis que l'âme chrétienne souffre en Dieu et trouve dans l'as-
piration aux biens célestes ce qui la console de la perte des
biens d'ici-bas, eux, n'ayant plus d'espérance verseront des
larmes que nulle consolation ne pourra tarir.
2° Voici les désespérés de ^incroyance. — Si la foule gros-
sière se rend à l'expiation éternelle comme la bête se rend
à l'abattoir, dans l'insouciance et la sécurité, il est des âmes
d'élite. Celles-là, après s'être égarées dans la solitude morne
et désolée de l'incrovance, ne voyant plus autour d'elles au-
cun horizon éclairé, s'épouvantent de ieur abandon, s'attris-
tent affreusement de la perte de tout idéal supérieur. — Des
recueils ont été faits, pour redire, à notre époque, les plaintes
déchirantes de ces désesnérés.
74 LES LARME;
3° Voici les désespérés de la grâce. — Ces larmes sont les
plus infernales de toutes et elles inaugurent « le pleur et
le grincement de dents » qui font l'épouvante du lieu d'ex-
piation. Quand une âme a tellement abusé de la grâce qu'elle
arrive à n'y plus croire, ses larmes demeurent sans efficacité
et sans vertu. « Esau qui propter escam vendidit primitiva
sua... postea, cupiens hereditare benedictiunem, reprobatus
est. Non enim invenit pœnitentiœ locum, quanquam cum la-
crymis inquisissut cum. »
LA PENSÉE DE L'ÉTERNITÉ
Elle est mémorable cette parole du Psalmiste : « Annos
aeteraos in mente habui. » Il est grand et solennel, noble et
fécond, le moment où rame, recevant cette illumination d'En-
haut, se dit à elle-même: « Non moriar sed vivam. » Là est
toute noblesse. Ma vie future, mon immortalité me font plus
grand que tout ce qui m'entoure, plus grand que les cieux
« qui passeront. » Là est ma sécurité délicieuse. Je vois sans
crainte tomber, lambeau par lambeau, mon être terrestre (1):
que m'importe si je suis immortel? Là est pour moi toute ac-
tivité, toute fécondité, toute vie. Cette immortalité est ma
conquête et c'est avec une infatigable ardeur que je travaille
à me l'assurer.
Oht combien salutaire, combien nécessaire aussi la pensée
de l'éternité.
Elle est une lumière;
Elle est une force;
Elle est une joie.
(i) Ergo mors in nobis operatur, vita autem in volpis.
Habentes autem eumdem spiritum fidei,sicut scriptum est : Cre-
dicli, propter quod locutus sum : et nos credimus. propter quod et
loquimur;
Propter quod non deficimus : sed licet his qui foris est noster
homo corrumpatur, tamen is qui intus est renovatur de die in
diem.
Id enim quod in prassentiest rnomentaneum et ieve tribulationis
nostrae, supra modum in sublimitate œternum gloriœ pondus ope-
ratur in nobis.
Non contemplantibus nobis quse videntur, sed quse non videntur.
Quse enim videntur, temporalia sunt ; quœ autem non videntur,
aelerna suut. (II Corin'h. IV.)
76 LA PENSÉE DE L'ÉTERNITÉ
ELLE EST UNE LUMIERE
Cette lumière, après nous avoir illuminés nous-mêmes, se
projette sur le monde, puis éclaire les pages mystérieuses
de l'Evangile.
Lumière projetée sur nous-mêmes. — Sans le dogme d'une
vie future, d'une immortalité d'outre-tombe, notre être en-
tier nous resterait une insoluble énigme. Les œuvres de nos
mains, les aspirations de nos âmes, les transcendantes gran-
deurs de notre nature, demeureraient sans but et sans ex-
plication.
1° Nos œuvres. — Nous sommes doués d'activité, souvent
d'une activité dévorante. Nous nous sentons appelés au tra-
vail; nos labeurs sont fiévreux, nos œuvres se multiplient,
soit que nous luttioris pour la conquête du pain de chaque
jour, soit que nous élevions l'édifice de quelque splendide
fortune.
Mais voici le phénomène étrange. Nos œuvres croulent, nos
édifices tombent en ruine, notre vie elle-même se ruine avant
eux(l); tout nous échappe, tout nous fuit, et bientôt il ne
nous reste d'une activité longue et douloureuse que l'étroite
enceinte d'un tombeau (2)!
(l)Glorietur autem frater humilis in exaltatione sua:
Dives autem in humilitatesua: quoniamsicutflos foeni transitât:
Exortus est enim sol cuni ardore, et arefecit fœnum, et flos ejus
decidit, et décor vultus ejus deperiit: ita et dives itineribus suis
marceseet. (Jacob. I.)
(2) Generalio mea ablata est, et convoluta est a me, quasi taber-
nacuhim pastorum.
Prsecisa est velut a texente vita mea: dum adhuc ordirer, succi-
dit me : de mane usquead vesperam finies me.
Sperabam usque ad mane: quasi leo sic contrivit omnia ossa
mea.
LA PENSÉE DE L'ÉTERNITÉ 77
« Quid est homo »? Aux yeux d'une raison sans révélation
que sommes-nous que d'indéchiffrables énigmes, nous dont
la vie et les œuvres viennent aboutir au sépulcre? — Mais la
lumière divine se lève, le chaos s'illumine: « annosœternos in
mente habui. » — Ce n'était pas pour la terre mais pour le
ciel, ni non plus pour l'heure présente mais pour une éter-
nité à venir, que je travaillais (1)
2° Nos aspirations. — Même énigme insoluble, si nous plon-
geons en nous-mème notre regard. Tout meurt en nous,
alors que nous n'aspirons qu'à vivre. — Tout est humiliation
et défaite, alors qu'une voix secrète nous appelle à de mysté-
rieuses splendeurs. — Le néant nous fait horreur et le tom-
beau restera toujours, de quelques fleurs qu'on le pare, un
objet de répulsion et d'épouvante (2).
Que signifient ces aspirations chez un être destiné au néant ?
D'où viennent ces instincts de vie et d'immortalité chez un
enfant de la mort? — Cette énigme, le dogme de l'éternité
la dénoue magnifiquement. Le Créateur n'a déposé en nous
ces aspirations véhémentes queparce que l'immortalité future
les doit rassasier à jamais (3).
De mane usque ad vesperam finies me : sicut pullus hirundinis
sic clarnabOj meditabor ut columba.
Attenuati sunt oculi mei, suspicientes in excelsum.
Domine, vim patior, responde pro me. Quid dicam, aut quid
respondebit mihi, cum ipse fecerit ?
Recogitabo tibi ornnes annos meos in amaritudine anima? meae.
Domine, si sic vivitur, et in talibus vita spiritus mei, çorripies
me, et vivificabis me. Ecce in pace amaritudo mea amarissima.
(Isai. XXXVIII.)
(1) Verumtamen qualité primum regnum Dei, et justitiamejus;
et haec omnia adjicientur vobis.
Nolite timere, pusillus grex, quia complacuit Patri vestro dare
vobis regnum.
Vendite quae possidetis, et date eleemosynam, Facite vobis sac-
culos qui non veterascunt, thesaurum non deficientem in ccelis ;
quo fur non appropial, neque tinea corrumpit. (Luc. XII.)
(2) Numquid non paucitas dierum meorum finietur brevi ? di-
mitte ergo me ut plangam paupulum dolorem meum,
Antequam vadam, et non revertar, ad terrain tenebrosam, et
opertam mortis caligine,
Terram miserioe et tenebrarum,ubi umbra mortis et nullus ordo
sed sempiternus horror inhabitat. (Job. X.)
(3) Circumdederunt me sicut apes, et exarserunt sicut ignis in
spinis: et in nornine Domini quia ultus sum in eos.
Impulsus eversus sum ut caderem, et Dominus suscepit me.
78 LA PENSÉE DE L'ÉTERNITÉ
3° Les splendeurs de notre nature. — Celles de l'intelligence,
du cœur, de la volonté, de la responsabilité et de la conscience
t'ont de l'homme le roi incontesté de l'univers. Sa pensée est
plus haute que les cieux. Un battement de son cœur est plus
noble que l'évolution des grands astres. Une sentence de sa
conscience, décidant du bien et du mal, du vrai et du faux,
est un phénomène plus sublime que tous ceux de la nature.
Eh quoi! Et c'est cet être, le plus grand de tous, qui aurait
le plus pitoyable des sorts? Plus inconsistant que le flot de
l'océan, plus fragile que la plante, plus éphémère que la fleur?
La nature refleurirait sans cesse, quand lui-même ne connaî-
trait que l'anéantissement? — Non! A ce roi de la création
Dieu a donné des années plus longues, une plus impérissable
vie: « Non moriar sed vivam. »
Lumière projetée |sur le monde. — A qui jette, sans la
révélation divine, un regard sur le monde, le désordre, l'in-
justice, l'incohérence seuls apparaissent. — Une étrange
inégalité des biens et des maux le frappe (1) — Le plus sou-
vent le mal audacieux et triomphant écrase la vertu désar-
mée (2). — De longues existences vouées au bien s'en vont,
Fortitudo mea, et laus mea Dominus : et factus est mihi in sa-
lutem.
Vox exultationis et salutis in tabernaculisjustorum.
Dextera Domini fecit virtutem : dextera Domini exaltavit me :
dextera Domini fecit virtutem.
Non moriar, sed vivam, et narrabo opéra Domini.
Castigans castigavit me Dominus, et morti non tradidit me.
Aperite mihi portas justitiee : ingressus in eas,confitebor Domino
hœc porta Domini, justi intrabunt in eam. (Psal. CXVII.)
(1) Mei autem pêne moti sunt pedes, pêne effusi suut gressus mei.
Quia zelavi super iniquos, pacem peccatorum videns.
Quia non est respectus morti eorum, et firmamentum in plaga
eorum.
In labore hominum non sunt, et cum hominibus non flagella-
buntur.
Iieo tenuit eos superbia operti sunt iniquitate et impietatesua.
Prodiit quasi ex adipe iniquitas eorum : transierunt in affectum
(nrdis.
Cogitaverunt et locuti sunt nequitiam : iniquitatem in excelso
locutisunt.
Posuerunt in cœlum os suum : et lingua eorum transivit in terra.
Ideo convertetur populus meus hic : et dies pleni invenientur
in eis. (Psal. LXXII.)
(•2) Exacerbavit Dominum peccator: secundum multitudinem
ir;e suoe non quœret.
LA PENSÉE DE L'ÉTERNITÉ 79
ou méconnues ou outragées; la gloire et la fortune semblent
l'apanage du vice, presque toujours heureux. — Il en est qui
outragent Dieu et l'homme; il en est d'autres dont la vie en-
tière est un hommage à Dieu et un bienfait à leurs sembla-
bles.
Quoi ! une même tombe sans espérance les recueillera tous
indistinctement (1)? Non; une éternité s'ouvre au delà,
où chaque chose entre dans l'ordre (2). Le moment actuel
Non est Deusin conspectu ejus : inquinatœ sunt vioe illius in
omni tempore.
Auferuntur judicia tua a facie ejus : omnium inimicorum suo-
rum dominabitur.
Dixit enim in corde suo : Non movebor a generatione in gene-
rationem sine malo.
Gujus maledictioue os plénum est, et amaritudine, et dolo : sub
lingua ejus labor et dolor.
Sedet in insidiis cum divitibus in occultis, ut interficiat inno-
centera.
Oculi ejus in pauperem respiciunt : insidiatur in abscondito quasi
leo in spelunca sua.
Insidiatur ut rapiat pauperem : rapere pauperem, dum attra-
hit eum.
In laqueo suo humiliabit eum : inclinabit se, et cadet, cum do-
minatus fuerit pauperum.
Dixit enim in corde suo : Oblitus est Deus: avertit faciem suam
ne videat in finem. (Psal. X.)
(t) Sive enim ego, sive illi ; sic prœdicamus et sic credidistis.
Si autem Ghristus prœdicatur quod resurrexit a mortuis, quo-
modo quidam dicunt in vobis quoniam resurrectio mortuorum
non est ?
Si autem resurrectio mortuorum non est, neque Ghristus resur-
rexit.
Si autem Ghristus non resurrexit, inanisest ergo prœdicatio nos-
tra, inanis est et fides vestra ;
Invenimur autem et falsi testes Dei : quoniam testimonium di-
ximus adversus Deum quod suscitaverit Ghristum, quem non sus-
citavit, si mortui non resurgunt.
Nam si mortui non resurgunt, neque Ghristus resurrexit.
Quod si Ghristus non resurrexit, vana est fides vestra ; adhuc
enim estis in peccatis vestris.
Ergo et qui dormierunt in Ghristo, perierunt.
Si in bac vita tantum in Ghristo sperantes sumus, miserabilio-
res sumus omnibus hominibus.
Nunc autem Christus resurrexit a mortuis, primitise dormientium :
(2) Verti me ad alia, et vidi calumnias quae sub sole geiuntur,
et lacrymas innocentium, et neminem consolatorem, nec posse
resistere eorum violentiœ, cunctorum auxilio destitutos;
Vidi sub sole in loco judicii impietatem et in loco justitise ini-
80 LA PENSÉE DE L'ÉTERNITÉ
n'est qu'un étroit passage conduisant à une immortelle et dé-
finitive vie.
Lumière projetée sur l'Evangile. — Un Dieu est venu sur
terre nous apporter les révélations d'en haut et nous promul-
guer des lois souveraines. L'Evangile est notre code en même
temps que le foyer de nos croyances.
Mais que serait l'Evangile sans la pensée de l'éternité :'
Quel intolérable joug! Quelle homicide pression, et dans quel
état de victimes et de dupes ses sectateurs seraient consti-
tués: « Miserabiliores omnibus hominibus ! » L'Evangile nous
enlève toutes les douceurs de la vie(l).... L'Evangile nous com-
mande les plus durs sacrifices(2) L'Evangile nous charge
de la croix et nous fait gagner le chemin de la tombe sous
le faix sanglant de la douleur.
Sans tau delà que signifie celte toiture ? Sans l'aurore
d'une autre et splendide vie que signifie cette nuit doulou-
reuse d'une vertu sans cesse expiatriee '?
Au contraire, à la lueur de l'éternité, l'Evangile de Jésus-
Christ resplendit. Ce qu'il nous enlève de terrestre et de péris-
sable, Dieu nous le rend immortel et divin (3). — Lesprécep-
quitatem. Et dix! in corde meo : justum et impium judicabit Deus,
et tenipus ornais rei tune erit. (Eecle. III.)
(i) Vie mundo a scandalis.Necesseest enim ut veniant scandala :
verumtamen v» homini illi per quem scandaluiu venit.
Si autem manus tua vel pes tuus scandalizat te, abscide eum, et
projice abs te : bonuui tibi est ad vitam ingredi debilem vel elau-
dum, quam duas manus vel duos pedes habentem initti in ignem
se ter n uni.
Et si oculus tuus scandalizat te, erue eum, et projice abs te: bo-
num tibi est eum uno oculo in vitam intrare, quam duos oculos
habentem mitti in gehennam ignis. (Mattli. XVIII.)
(2) INIultis autem turbis eircumstantibus, ita ut se invicem con-
culearent, cœpit dicere al discipulos suos : Attendite a fermento
Phari;eorum, quod est hypocrisis.
Nihil autem opertum est, quod non reveletur : neque abscondi-
tum, quod non sciatur.
Quoniam quœ in tenebris dixistis, in lumine dicentur ; et quod
in aurem locuti estis in cubiculis, praedicabitur in tectis.
Dico autem vobis amicis meis : Ne terreamini ab lus, (j:ii occi-
dunt corpus, et post haec non habent ampliua quid faciant.
Oatendam autem vobis quem timeatis : timete eum, qui, post-
quam occiderit, habet potestatem mittere in gehennam. Ita dico
vobis : hune timete. (Luc. XII.)
(3) Quam magna multitudo dulcedinis tuœ, Domine, quam abs-
condisti timentibua te 1 (Psal. XXX.)
LA PENSÉE DE L 'ÉTERNITÉ 84
tes qui nous meurtrissent sont les coups de ciseau qui nous
taillent en immortels chefs-d'œuvre (1). — La croix dont on
nous voit chargés se transforme pour nous en un trône étin-
celant de gloire.
II
ELLE EST UNE FORCE
L'humanité se divise manifestement en deux classes: ceux
qui triomphent du mal, ceux qui en sont les vaincus. Or, si
nous les étudions les uns et les autres, nous ne tardons pas
à nous assurer que la croyance à l'immortalité future fait
seule la différence de la victoire à la défaite, de l'inébranla-
ble constance des uns au lâche abandon des autres.
La notion de l'Eternité est tout dans l'histoire humaine. —
1° Une race sainte, noble, conquérante, invincible, s'est le-
vée et elle parcourt les siècles multipliant ses héroïsmes
comme ses triomphes (2). — Lt's martyrs chrétiens, et ils
(1)0 sorte nupta prospéra,
Dotata Patris gloria;
Respersa Sponsi gratia,
Regina formosissima,
Christo jugata Principi,
Coeli corusca Civitas !
Hic raargaritis emicant,
Patentque cunctis ostia :
Yirtute namque prœvia,
Mortalis illuc ducitur,
Amore Ghristi percitus
Tormenta quisquis sustinet.
Scalpri salubris ictibus,
Et tunsione plurima,
Fabri polita malleo,
Hanc saxa raolem construunt,
Aptisque juncta nexibus
Locantur in fastigio. (Off. Dedic)
(2) Fortes facti surit in bello, castra verterunt exterorum.
Acceperunt mulieres de resurrectione mortuos suos. Alii autem
T. IV 6
82 LA PENSÉE DE L 'ÉTERNITÉ
sont multitude, ont affronté toutes les luttes, se sont mesurés
avec toutes les puissances, ont vaincu tous les oppresseurs.
Ils confessaient leur foi au seind'eifroyables tortures, or cette
foi quelle était-elle? La foi en une vie future (1). Ils se dé-
pouillaient joveusement de leur chair mortelle pour s'en aller
vivre avec le Christ d'une immortelle vie. — Voici les saints
délaissant les voies faciles d'une vie chrétienne ordinaire,
s'élevant au-dessus des préceptes jusqu'à la perfection des con-
seils: ils ont pratiqué toutes les vertus, étouffé en eux tous
les germes de la déchéance; ils se sont revêtus de l'éblouis-
sante tunique de la sainteté; — quelle force les a soutenus
durant une telle carrière ? La force que répand dans une âme
la pensée des « années éternelles. »L'un de ces héros s'écriait:
« Ad seterna natus suml » Et, à ce cri, il s'élançait jusqu'aux
cimes k-s plus hautes de la perfection (2).
distenti sunt non suscipientes redemptionem, ut nieliorem inve-
nirent resurrectionem.
Alii vero ludibria et verbera experti, insuper et vincula et car-
ceres :
Lapidati sunt, secti sunt, tentati sunt, in occisione gladii mor-
tui sunt, circuierunt in nielotis, in pellibus caprinis, egentes, an-
gustati, afllicti :
Quibus dignus non erat mundus;in solitudinibus errantes, in
montibus, et speluncis, et in cavernis terrae.
Et hi omnes testimonio lidei probati, non acceperunt repromis-
sionein,
Deo pro nobis melius aliquid providente, ut non sine nobis con-
suminarentur. (Hœbr. XI.)
(1) Et, cum jam esset ad mortem, sic ait: Potius est ab hoinini-
bus morti datos spem exspectare a Deo, iterum ab ipso resusci-
tandos; tibi enim resurrectio ad vitam non erit.
Et cum admovissent quintum, vexabant eum. At ille respiciens
in eum, dixit:
Potestatem inter homines habens, cum sis corruptibilis, facis
quod vis; noli autem putaregenus nostrumaDeo esse derelictum.
Tu autem patienter sustine, et videbis magnam potestatem ip-
sius, qualiter te et semen tuum torquebit.
Post hune ducebant sextum, et is, mori incipiens, sic ait: Noli
frustra errare; nos enim propter nosmetipsos haec patimur, pec-
cantes in Deum nostrum, et digna admiratione facta sunt in no-
bis. (II Macchab. VII.)
(2) Etenim benedictionem dabit legislator: ibunt de virtute in
virtutem : videbitur Deus deornm in Sion.
Domine Deus virtutum, exaudi orationem meam: auribus per-
cipe, Deus Jacob.
Protector noster, aspice, Deus, et respice in faciem Ghristi tui.
Quia melior est dies una in atriis tuis super millia.
LA PENSÉE DE L'ÉTERNITÉ 83
Regardons autour de nous. La race des saints s'épanouit
encore. Quelle force pousse ce jeune missionnaire à s'en aller,
loin des siens, exilé de sa patrie, mourir au milieu des peu-
ples sauvages? La pensée de l'éternité. — Qui soutient cet au-
tre dans d'ingrats ministères? La pensée de l'éternité. — Qui
retient au chevet des plus repoussantes douleurs, dans l'asile
où l'enfance, la pauvreté, la vieillesse, viennent accumuler
leur sordide misère, cette jeune fille, sortie du monde dès ses
années printanières et destinée par le monde au plus riant
avenir? La pensée de l'éternité. Elle se dépouille de ses char-
mes terrestres pour conquérir son immortelle beauté (1).
2° Une autre multitude est sous nos yeux: ce sont les vain-
cus ou du vice ou de la douleur.
Il en est qui se sont trouvés faibles et désarmés en face
de leurs passions frémissantes. Celui-ci s'est laissé vaincre
par les saillies désordonnées de son orgueil. A celui-là l'ava-
rice a présenté son or comme le seul Dieu à adorer et à ser-
vir. Cet autre a dépensé dans les orgies des sens les doubles
richesses du corps et de l'âme. Tous ont été terrassés parle
mal victorieux. Aucun ne s'est trouvé la force de réagir et de
vaincre. — Saint Paul nous donne le mot de ces lâchetés et
de ces défaites: « Desperantes tradiderunt se. » Ils n'avaient
foi en aucun avenir; ils s'étaient enfermés dans l'étroit ho-
rizon de la vie présente, ne voulant rien apercevoir au delà
des biens et des jouissances de ce monde : dès lors, à ce
monde ils se sont livrés fiévreusement, ne réclamant de la
vie que ses voluptés passagères. — Voici maintenant la triste
et misérable troupe des vaincus de la douleur. Ils ne croyaient
pas ou ils ne croyaient plus à une vie future. Comment le
Elegi abjectus esse in domo Dei mei, magis quam habitare in
tabernaculis peccatorum. (Psal. LXXXIII.)
(1) Audi, filia, et vide, et inclina aurem tuam: et obliviscere po-
pulum tuum, et domum patris tui.
Et concupiscet Rex decorem tuum : quoniam ipse est Dominus
Deus tuus, et adorabunt eum.
Et filia? Tyri in muneribus vultum tuum deprecabuntur : omnes
divites plebis.
Omnis gloria ejus filise Régis abintus, in fimbriis aureis circum-
amicta varietatibus.
Adducentur Régi virgines post eam : proximae ejus afferentur tibi.
Afferentur in lœtitia et exultatione : adducentur in templum Régis-
Pro patribus tuis nati sunt tibi filii: constitues eos principes su-
per omnem terram. (Psal. XL1 V.)
LA PENSEE DE L ETERNITE
désespoir ne les eùl-il pas envahis quand le bonheur présent
s'effondrait sous eux (1)?
III
ELLE EST UNE JOIE
La pensée de l'Eternité est une joie dans la prospérité ;
elle est une joie dans l'épreuve.
Elle est une joie dans la prospérité. — Je puis me faire
la brillante peinture de la prospérité. La fortune me comble;
les honneurs m'illustrent; une famille florissante sourit au-
tour de moi; tout réussit à mon gré et la douleur ne se mon-
tre chez moi à aucune heure ni sous aucun aspect.
Hélas, si je n'ai pour me rassurer que ce fragile édifice, si
je me trouve à la merci des incertitudes, des mécomptes, des
tempêtes de demain, que mon sort, en dépit des apparences,
reste misérable (2)!
(1) Aspicientes in auctorem fidei et consummatorem Jesum, qui
proposito sibi gaudio sustinuit crucem, confusione contempta, at-
que in dextera sedis Dei sedet.
Recogitate enim eum qui talem sustinuit a peccatoribus adver-
sum semetipsum contradictionem; ut ne fatigemini, animis ves-
tris déficientes.
Nondum enim usque ad sanguinern restitistis, adversus peccatuni
répugnantes;
Et obliti estis consolationis quae vobis tanquam filiis loquitur,
dicens : Fili mi, nobi negligere disciplinam Doinini ; neque fatigeris,
dum ab eo argueris.
Quem enim diligit Dominus, castigat: flagellât autem omnem
filium quem reoipit.
In disciplina perseverate. Tanquam filiis vobis offert se Deus:
quis enim films quem non corripit pater? (Haebr. XII.)
(2) Hominis cujusdam divitis uberes fructus ager attulit;
Et cogitabat intra se dicens: Quid faciam, quia non habeo quo
congregem fructus meos?
Et dixit: Hoc faciam : destruam horrea mea, et majora faciam;
et illuc congregabo omnia quce nata sunt mihi, et bona mea;
LA PENSEE DE L ETERNITE
85
Elle est une joie dans l'infortune. — Mais l'infortune est
venue. Tout est sombre et désespéré. — Si j'ai foi en l'Eter-
nité, le désespoir ne saura n'atteindre, la tristesse même ne
m'envahira pas; je dirai joyeusement: « Adveniat regnum
tuum. »
Et dicam animœ mese: Anima, habes multa bona posita in an-
nos plurimos: requiesce, comede, bibe, epulare.
Dixit autem illi Deus: Stulte, hac nocte animam tuam repetunt
a te; quse autem parasti, cujus erunt?
Sic est qui sibi tbesaurizat, et non est in Deum dives.
Dixitque ad discipulos suos: Ideo dico vobis: nolite solliciti esse
anima? vestrse quid manducetis, neque corpori quid induamini.
Anima plus est quam esca, el corpus plus quam vestimentum.
(Luc. XII.)
LA PENSÉE DU CIEL
Les nombreux passages de l'Ancien Testament où l'Esprit-
Saint flétrit l'insensibilité et l'ingratitude d'Israël en face des
splendeurs et des charmes de la Terre promise, « Terram
desiderabilem, » doivent nous servir, à nous les enfants de
la Nouvelle Alliance, de grave enseignement. Nous aussi,
non plus devant une patrie terrestre, mais devant l'Eternelle
Patrie des Cieux, nous ne montrons qu'indifférence, oubli
et dédain. — Dieu s'en irrite justement, et avec quelle sai-
sissante vérité cette indignation se fait jour dans la para-
bole du banquet, successivement délaissé par les invités du
Père de famille (1)1 Ravivons notre foi, nos aspirations gé-
néreuses au ciel, véritable et unique Patrie.
(1) Et cœperunt sirnul o innés excusare. Primus dixit ei: Villam
emi, et necesse habeo exire et videre illarn; rego te, habe nieexcu-
saturn.
Et alter dixit: Juga boum emi quinque, eteo probare illa: rogo
te, habe me excusatum.
Et alius dixit: Uxorem duxi, et ideo non possum venire.
Etreversus servus nuntiavit hœc domino suo. Tune iratus pa-
terfamilias, dixit servo suo: Exi cito in plateas et vicos civitatis;
et pauperes, ac débiles, et csecos, et claudos introduc hue.
Etait servus: Domine, factum est ut imperasti, et adhuclocusest.
Et ait Dorninus servo: Exi in vias et sepes; et compelle intrare,
ut impleatur domus mea.
Dico autem vobis, quod nemo virorum illorum qui vocati sunt,
gustabit cœnam meam. (Luc. XIV.)
LA PENSÉE DU CIEL 87
LA SPLENDEUR DU CIEL
Sans doute « l'œil n'a point vu, l'oreille n'a point entendu
ni le cœur ne pourra jamais comprendre ce que Dieu réserve
de délices à ses élus. » Parler du ciel, c'est parler d'un inac-
cessible inconnu; vouloir le décrire serait une naïveté pué-
rile. — Essayons plutôt, par quelques raisonnements solides,
de nous faire quelque idée de la grandeur de notre future
récompense.
Le ciel est fait par un Dieu. — Le ciel est fait pour un
Dieu. — Le ciel, c'est Dieu.
Le ciel est fait par un Dieu. — Le ciel est le terme dernier,
la consommation et le couronnement de toutes les œuvres
de Dieu. « Omnia propter electos. »
1° Jugeons du ciel par les apprêts qui le précèdent. — A l'é-
tendue et la solidité des fondements on préjuge de l'édifice.
Quels fondements! quelles préparations! que d'œuvres su-
blimes! quels extraordinaires efforts n'auront été, durant le
cours des siècles, que la préparation du ciel (1)1 — Quand
Dieu créait l'univers avec ses immensités et ses splendeurs,
Ce n'était dans sa pensée qu'une ébauche des « nouveaux
cieux et de la nouvelle terre » (2) qu'il doit faire resplendir
(1) Hujus rei gratia flecto genua rnea ad Patrem Domini nostri
Jesu Christi,
Ex quo omnis paternitas in cœlis et in terra nominatur,
Ut det vobis secundum divitias gloriae sua? virtute corroborari
per Spiritum ejus ininteriorem hominem,
Gbristum habitare per fidem in eordibus vestris, in caritate ra-
dicati et fundati,
Ut possitis comprehendere cum omnibus sanctis quae sit lati-
tude» et longitudo et sublimitas et profundum:
Scire etiam supereminentem scientiœ caritatem Christi, ut im-
pleamini in omnem plenitudinem Dei. (Ephes. III.)
(2) Et vidi cœlum novum et terram novam. (Apoc. XXI.)
LA PENSEE DU CIEL
au jour de la glorification de ses élus. — Sur cette terre de
l'homme voici venir le Fils de Dieu. Merveille plus étonnante
que cette venue elle-même, PHomme-Dieu supporte le faix
des douleurs humaines et meurt sur une croix pour sauver
le monde en le purifiant. — La postérité du Christ se lève
innombrable, étincelante de gloire, invincible dans sa force;
l'Eglise se forme, traverse les âges, multipliant les prodiges,
versant à flots la grâce divine, transfigurant les âmes, cons-
truisant partout ses édifices de science et de charité, conqué-
rant les peuples et renversant un à un les obstacles qui
arrêtent sa marche vers ses éternelles destinées. Pour-
quoi celte Eglise et que fait-elle? Sa mission unique est de
préparer le Ciel en recueillant partout les élus qui le doivent
composer. — Que serait ce si nous décrivions les merveilles
de la grâce dans chacune des âmes chrétiennes? Que serait-
ce surtout si nous contemplions les grandes œuvres de Dieu
dans chacun de ses Saints (1)?
(1) Et absterget Deus omnem lacrymam ab oculis eorum, et mors
ultra non erit, neque luctus, neque clamor, neque dolor erit ultra,
quia prima abierunt.
Et clixit qui sedebat in throno: Ecce nova facio omnia. Et dixit
mihi : Scribe, quia hœc verba fidelissima sunt, et vera.
Et dixit mihi: Factum est. Ego sura « et «, initium et finis. Ego
sitienti dabo de fonte aquœ vitse, gratis.
Qui vicerit, possidebit hsec, et ero illi Deus, etille erit mihi filius.
Timidis autem, et incredulis, et exsecratis, et homicidis, et for-
nicatoribus, et veneficis, et idololatris, et omnibus mendacibus,
parsillorum erit instagno ardenti igné et sulphure: quod est mors
secunda.
Et venitunus de septem angelis habentibus phialas plenas sep-
tem plagis novissimis; et locutus est mecum, dicens: Veni, et os-
tendam tibi sponsam, uxorem Agni.
Et sustulit me in spirituin montein magnum et altum, et osten-
dit mihi civitatem, sanctani Jérusalem, descendentem de cœlo a
Deo,
Ilabentem claritatem Doi, et lumen ejus simile lapidi pretioso
tanquani lapidi jaspidis, sicut crystallum.
Et habebat niurun. magnum et altum, habentem portas duode-
cim, et in portis angelos duodecim; et Domina inscripta, quœ sunt
noiniua duodecim tribuum filiorum Israël.
Ab oriente poituetres, et abaquilone portas très, et abaustro portas
très, et -4}) occasu portai très.
Et mu rus civitatis babens fundamenta duodecim, et in ipsis duo-
decim Domina duodecim apostolorum Agni.
Et qui loquebatur mecum, habebat mensuram arundineam au-
ream, ut metiretur civitatem, et portas ejus, et murum.
LA PENSÉE Dl" CIEL 89
Que sera ce couronnement, quand la préparation et l'ébau-
che sont d'une telle splendeur? Car jusqu'ici l'opération di-
vine est étrangement entravée par trois obstacles : notre
faiblesse et l'étroitesse de nos âmes ; nos préoccupations in-
cessantes, absorbés que nous sommes par le monde; enfin nos
continuels péchés. Sans cesse le torrent de la grâce divine
est refoulé par cette triple barrière. Au ciel il n'en est plus
ainsi 1 .
Et civitas in quadro positaest, el longitude» ejus tanta est quanta
et latitudo; et mensus est eivitatem de arundine aurea per stadia
duodecim millia; et longitudo; et altitude», et latitude» ejus, aequa-
lia sunt.
Et mensus est murum ejus centum quadraginta quatuor cubi-
torum, luensura hominis, quaeest angeli.
Et erat structura mûri ejus ex lapide jaspide; ipsa vero civitas,
aurum mundum simile vitro mundo.
Et fundamenta mûri eivitatis, omni lapide pretioso ornata. Fun-
damentum primum, jaspis; secundum, sapphirus; tertium, chal-
cedonius; quartum. smaragdus;
Quintum, sardonyx; sextum, sardius; septimum, chrysolithus;
octavum, berylliis; nonum, topazius; decimum, chrysoprasus;
undecimum, hyacinthus; duodecimum, amethystus.
Et duodecim portas, duodecim margaritae sunt, per singulas; et
singulœ portas erant ex singulis margaritis; et platea eivitatis au-
rum mundum, tanquam vitrum perlucidum.
Et templum non vidi in ea, Dominus enim, Deus omnipotens,
templum illius est, et Agnus.
Et civitas non eget sole, neque luna, ut luceant in ea, nam cl i-
ritas Dei illuminavit eam, et lucerna ejus est Agnus.
Et ambulabunt gentes in lumine ejus, et reges terrae afférent
gloriam suam et honorem in illam.
Et porta? ejus non claudentur per diem, nox enim non erit illic.
Et afférent gloriam et honorem gentium in illam.
Non intrabit in eam aliquod coinquinatum, aut abominationem
faciens et mendacium, nisi qui scripti sunt in libro vitee Agni.
(Apoc.XXI.)
(1)Mihi autem nimis honorificati sunt amici tui, Daus: nimis
confortatus est principatus eorum.
Dinumerabo eos, et super arenam multiplicabuntur: exsurrexi,
et adhuc sum tecum. (Psal. CXXXY1II.)
Quurn venerit glorificari in sanctis suis, et admirabilis fieri in
omnibus qui crediderunt, quia creditum est testimonium nostrum
super vos in die illo.
In quo etiam oramus semper pro vobis, ut dignetur vos voca-
tione sua Deus noster, et impleat omnem voluntatem bonitatis, et
opus fi'lei in virtute,
Ut clarificetur nomen Domini nostri Jesu Christi in vobis, et vos
in illo secundum gratiam Dei nostri, et Domini Jesu Christi.
(II Thess. I.)
90 LA PENSÉE DU CIEL
2° Jugeons du ciel par son achèvement . — Les jours d'é-
preuve sont clos; le péché est détruit; la mortalité n'est
plus; rien désormais ne s'oppose à l'immense et invincible
expansion du Souverain Bien dans les Elus. « Bonum sui
diffusivum. *» Dieu agit à l'aise, sans obstacles, et il laisse
s'étendre jusqu'à l'intini sa puissance et son amour I — Pour
ses Elus il refait sur un plan nouveau et une incomparable
splendeur « la terre et les cieux » (1). « Omnia facio nova. »
— Ces Elus eux-mêmes sont transfigurés. Leur intelligence
est vaste comme l'océan (2); leur cœur est pur et fort jus-
qu'à pouvoir s'enivrer de l'amour divin. L'immortalité est
devenue leur vie. Un inamissible bonheur est leur patrie. —
La voilà cette glorieuse Eglise du ciel, Société royale, cor-
tège divin, assemblée de princes, « Jérusalem nouvelle »
que l'apôtre Jean aperçut sous les traits de la fiancée même
de l'Homme-Dieu (3). Résumons tout en ce magnifique mot
de Saint Paul : la vie divine, avec ses lumières, ses voluptés
et ses gloires, coule à pleins bords dans la cité des cieux:
« Ut impleamini in omnem pleniludinem Dei. »
Le ciel est fait pour un Homme-Dieu. — Ce que nous ve-
nons de dire est peu de chose, car s'il ne s'agissait que de
nous et que le ciel fût premièrement fait pour nous, mesu-
rant l'œuvre à nos mérites, l'édifice à notre petitesse, nous
aurions mille sujets de nous défier. — Il n'en est rien. Le
ciel fait par un Dieu a été fait pour un Homme-Dieu. Le ciel
(1) Nostra autem conversatio in coelis est ; uiule eliam salvato-
rem exspectamus Dominum nostrum Jesum Christum.
Qui reformabit corpus humilitatis nostrœ, conûguratum corpori
claritatis suai secundum operationem, qua etiam possit subjicere
sibi omnia. (Philip. III.)
(2) Ex parte enim cognoscimus, et ex parte prophetamus.
Quum autem venerit quod perfectum est, evacuabitur quod ex
parte est.
Quum essem parvulus, loquebar ut parvulus, sapiebam ut par-
rains, eogitabam ut parvulus. Quando autem factussum vir,eva-
cuavi qiue erant parvuli.
Videmus nunc per spéculum in œnigmate; tune autem facie ad
faciem. Nunc cognosco ex parte : tune autem cognoscam ut co-
gnitus sum. (I Corinth. XIII.)
(3) Et vidi cœluin novum et terrain novam.Primum enim cœlum
et prima terra abiit, et mare jam non est.
ht ego Joannes vidi sanctam civitatem Jérusalem novam des-
cendenteiri de cœlo a Deo, paratam sicut sponsam ornatam viro
suo. (Apoc. XXI.)
LA PENSÉE DU CIEL 91
c'est la Cité du Christ, son domaine, son héritage, le prix de
ses travaux, de ses victoires, de ses mérites. — Il nous y
appelle ; il nous en fait les heureux conquérants (1). Mais ce
ciel, avant tout, est à Lui.
1° // a été fait pour Jésus-Christ par V Amour. — Figurons-
nous une mère penchée sur le berceau d'un fils unique et
lui composant, dans sa pensée et dans son désir, les plus
brillantes destinées. Rien ne sera trop beau, trop opulent,
trop illustre, pour ce bien-aiméde son cœur. — Ainsi le Père,
au moment où son bien-aimé Fils travaillait, souffrait et
mourait sur la terre, lui préparait les délices incompréhen-
sibles, les gloires inconnues de sa future récompense (2).
2° // a été fait pour Jésus-Christ par la Justice. — Dans
un mystérieux dialogue dont l'Evangile nous a conservé
l'écho, le Fils, s'adressant au Père, lui dit amoureusement:
« Pater clarificavi nomen tuum. » Et le Père lui répond :
« Clarificavi et clarificabo » (3). Le Verbe incarné n'a vécu
que pour la gloire de son Père ; pour elle il travaillait, pour
elle il fondait le royaume des âmes ; pour elle il recueillait
les Elus et les purifiait de son Sang (4). — N'est-ce pas jus-
(1) Verumtamen quaerite primum regnum Dei,et justitiam ejus;
et hsec omnia adjicientur vobis.
Nolite timere, pusillus grex, quia complacuit Patri vestro dare
vobis regnum. (Luc. XII.)
(2) Dixit Dominus Domino meo : Sede a dextris meis,
Donec ponam inimicos tuos scabellum pedum tuorum.
Virgam virtutis tuse emittet Dominus ex Sion : dominare inme-
dio inimicorum tuorum.
Tecumprincipium in die virtutis tuae in splendoribus sanctorum :
ex utero ante luciferum genui te. (Psal. CIX.)
(3j Joan. XII, 28, XVII, 4.
(4) Manifestavi nomen tuum hominibus quos dedisti mini de
mundo. Tui erant, et mihi eos dedisti ; et sermonem tuum serva-
verunt.
Nunc cognoverunt quia omnia quse dedisti mihi abs te sunt ;
Quia verba quae dedisti mihi, dedi eis; et ipsi acceperunt, et co-
gnoverunt vere quia a te exivi, et crediderunt quia tu me misisti.
Ego pro eis rogo ; non pro mundo rogo, sed pro his quos dedisti
mihi : quia tui sunt.
Et mea omnia tua sunt, et tua mea sunt ; et clarificatus sum in
eis.
Et jam non sum in mundo, et hi in mundo sunt, et ego ad te ve-
nio. Pater sancte, serva eos in nomine tuo quos dedisti mihi: ut
sint unum sicut et nos.
Quum essem cura eis, ego servabam eos in nomine tuo. Quos de-
92 LA PENSÉE DU CIEL
tice que son Père, en retour, le couronne d'une incomparable
gloire ? « Deus clarificatus est in eo. Si Deus clarificatus est
in eo et Deus clarificabit eum. »
3° Il a été fait pour Jésus-Christ par la Sagesse. — Tout
est proportion et mesure dans les ceu/res de Dieu. Si donc
l'Incarnation et la Rédemption du Verbe sont choses d'une
infinie valeur : d'une infinie valeur en sera très assurément
la récompense. — Voyez le Christ, à cette heure étrange où
l'angoisse de souffrir l'envahit et semble l'abattre. Il met
alors en parallèle sa passion douloureuse, son ciel radieux : la
gloire de celui-ci l'emporte sur les douleurs de celle-là. «Pro-
posito sibi gaudio sustinuit crucem, confusione contempta. »
4° lia été fait pour Jésus- Christ par la Miséricorde. — Avec
un indicible amour le Christ réclame ses élus à ses côtés. Il
ne veut pas, ce semble, du ciel, s'il n'y règne au milieu des
siens: « Ubi ego sum ibi et minister meus crit. » Notre for-
tune il l'associe à la sienne. Comprenons dès lors avec Saint
Paul la magnificence de ce ciel partagé avec Lui. « Sciatis
quae sit spes vacationis Ejus et qua? divitiae gloriœ hœreditatis
Ejus in Sanctis et quœ sit supereminens magnitude virtutis
Ejus in nos qui credimus secundum operalionem potentiœ
virtutis Ejus quam operatus est in Christo, suscitans illum a
mortuis et constituens ad dexteram suam in cœlestibus > (1).
disti mihi, custodivi ; et neino ex eis periit, nisi filins perditionis,
ut Scriptura impleatur.
Nunc autem ad te venio ; et ha?c loquor in mundo, ut habeant
gaudium meura impletum in semetipsis.
Ego dedi eis sermonem tuum, et mundus eos odio babuit quia
non sunt de mundo, sicut et ego non sum de mundo.
Non rogo ut tollas eos de mundo, sed ut serves eos a malo.
De mundo non sunt, sicut et ego non sum de mundo.
Sanctifica eos in veritate. Sermo tuus veritas est.
Sicut tu me misisti in mundum, et ego misi eos in mundum.
Et pro eis ego sanctifico me ipsum, ut sintet ipsi sanctificati in
veritate.
Non pro eis autem rogo tantuin ; sed et pro eis qui crédit uri sunt
per verbum eorum in me ;
Ut omnes unum sint, sicut tu, Pater, in me, et ego in te, ut et
Lpai in nobis unum >int ; ut credat mundus quia tu me misisti.
Et ego claritatem quam dedisti mihi, dedi eis; ut sint unum si-
cut et nos unum sumus.
Ego in eis, et lu in me : ut sint consummati in unum, et cognos-
cat mundus quia tu me misisti, et dilexisti eos sicut et medilexisti.
(Joan. XVII.)
(l)Ephes. I.
LA PENSÉE DU CIEL 93
Le ciel; c'est Dieu. — Ici l'intelligence s'abime dans le
mystère et la voix est muette.
1° A peine soulevons-nous quelque peu ce voile. — Etre
transportés dans le sein de Dieu; vivre en Dieu; « entrer
dans la joie de son Seigneur » : c'est assurément dépouiller
toute mortalité pour se revêtir de toute vie. C'est vivre de
toute la plénitude de la vie. — Vivre en Dieu et de Dieu,
c'est, sans nul doute, être exempt de toute souffrance: « Do-
]or non erit ultra. » — Mais vivre en Dieu c'est mille fois
plus encore, c'est jouir, d'un coup, de toutes délices, de toutes
voluptés à la fois; c'est être rassasié (1), dans toutes les as-
pirations de son être; «c'est boire au torrent du bonheur. » —
Vivre en Dieu, c'est vivre dans la douce et illustre société
des Elus de Dieu, « In splendoribus Sanctorum. »
2° Tout le reste nous est inaccessible. — « Ni l'œil n'a vu,
ni l'oreille n'a entendu, ni le cœur n'a compris » ce que c'est
que de voir Dieu, de le posséder et d'en jouir.
II
LA POSSESSION DU CIEL
L'attente du ciel est sur la terre notre seul vrai bien. —
L'oubli du ciel, l'indifférence à l'égard de cette destinée glo-
rieuse constitue, parmi nos malheurs d'ici-bas, notre plus
grand malheur.
L'attente du ciel est notre seul vrai bien. — La pensée
du ciel, objet d'ineffable joie, objet de noble émulation, objet
d'anxiété salutaire.
1° Objet d'ineffable joie. — Si nous avons compris notre
(1) Domine, a paucis de terra divide eos in vita eorum ; de abs-
conditis tuis adimpletus est venter eorum.
Saturati sunt filiis, et dimiserunt reliquias suas parvulis suis.
Ego autem in justitia apparebo conspectui tuo ; satiabor cum
apparuerit gloria tua. (Psal. VXI.)
94 LA PENSÉE DU CIEL
situation d'exilé, quelle joie de songer à la Patrie absente (1).
— Si notre âme s'est meurtrie aux aspérités de l'existence,
si elle est affamée de bonheur, quelle joie de songer à cette
bienheureuse et éternelle vie du ciel t — Si notre corps s'é-
puise et que notre chair flétrie tombe en lambeaux, quelle
joie de songer à sa printanière reviviscence et aux splen-
deurs de sa résurrection (2) ! Si la fortune nous trahit et que
la détresse nous opprime, quelle joie de songer « au trésor
qui s'accumule pour nous dans les cieux » !
2° Objet de noble émulation. — C'est le grand spectacle
que nous présente l'Eglise. Noble exilée, combattante intré-
pide, martyre ensanglantée, elle ne compte pour rien l'ef-
fusion de ses larmes et de son sang pourvu qu'elle parvienne
à ses éternelles destinées (3). — A sa suite voyez avec quelle
(1) Lsetatus sum in his quœ dicta sunt mihi : In domum Domini
ibimus.
Stantes erant pedes nostri in atriis tuis, Jérusalem.
Jérusalem, quœ œdifioatur ut civitas: cujus participatio ejus in
idipsum.
Illuc enim ascenderunt tribus, tribus Domini : testimonium
Israël ad confitendum nomini Domini. (Psal. CXXI.)
(2) Mihi enim vivere Ghristus est, et mori lucrum.
Quod si vivere in carne, hic mihi fructus operis est, et quid eli-
gam ignoro.
Goarctor autem e duobus ; desiderium habens dissolvi, et esse
cum Christo, inulto magis melius ;
Permanere autem in carne, necessarium propter vos.
Et hoc conûdens scio quia manebo et permanebo omnibus vobis
ad profectum vestrum, et gaudium fidei ;
Ut gratulatio vestra abundet in Christo Jesu in me per raeum
adventum iterum ad vos.
(3) Vos scitis, a prima die qua ingressus sum in Asiam qualiter
vobiscum per omne tempus fuerim.
Serviens Domino cum omni humilitate, et lacrymis, et tenta-
tionibus quœ mihi acciderunt ex insidiis Judœorum ;
Quoinodo nihil subtraxerim utilium quominus annuntiarem vo-
bis, et docerem vos publiée et per domos.
Testificans Judœis atque gentilibus in Deum pcenitentiam, et
filem in Dominum nostrum Jesum Ghristum.
Et nunc ecce alligatus ego spiritu vado in Jérusalem, quœ iu ea
ventura sint mihi ignorans.
Xisi quod Spiritus sanctus per omnes civitates mihi protestatur,
dicens quoniam vincula et tribulationes Jerosolymis me manent.
Sed nihil horum vereor, nec facio animam meam pretiosiorem
quam me, dummodo consummem cursum meura, et ministerium
verbi quod accepi a Domino Jesu, testificari Evangelium gratiœ
Dei. (Act. XX.)
LA PE.NSÉE DU CIEL 95
ardeur les Saints se précipitent dans la carrière de tous les
héroïsmes. Tous iis n'ont qu'un cri, une aspiration véhé-
mente: parvenir à l'éternelle récompense: « omnia detri-
mentum feci et arbitror ut stercora ut Christum lucrit'aciam. »
3° Objet d'anxiété salutaire. — « Yereor ne reprobus effi-
ciar ! » telle sera la devise des âmes chrétiennes. « Elles
opéreront leur salut avec crainte et tremblement. » Regar-
dant le ciel elles se demanderont avec anxiété si elles en
seront un jour les hôtes, « si leurs noms y sont inscrits , » si,
comme « les vierges folles, » n'ayant pas entretenu dans
leur lampe la double lumière de la foi et des œuvres, elles
ne se verront pas exclues des fêles nuptiales de l'Agneau (1).
— Ainsi cette crainte deviendra féconde; elle sera le mo-
teur puissant de toute la vie chrétienne ; elle maintiendra
incorruptibles les vertus; elle fera jaillir les larmes de la
pénitence, elle commandera les plus douloureux sacrifices;
pour le ciel on « arrachera son œil droit, on retranchera sa
main droite » (2).
(\) Tune simile erit regnura cœlorum decem virginibus, qute ac-
cipientes lampades suas, exierunt obviam sponso et sponsœ.
Quinque autem ex eis erant fatute, et quinque prudentes.
Sedquinque fatuae, acceptis lampadibus, nonsumpserunt oleum
suum:
Prudentes vero acceperunt oleum in vasis suis cum lampadibus.
Moram autem faciente sponso, dormitaverunt omnes et dormie-
runt.
Media autem nocte, clamor factusest : Ecce sponsus venit : exite
obviam ei.
Tune surrexerunt omnes virgines illse, et ornaverunt lampades
suas.
Fatuse autem sapientibus dixerunt : Date nobis de oleo vestro,
quia lampades nostrse extinguuntur.
Responderunt prudentes, dicentes : Ne forte non sufficiat nobis
et vobis, ite potius ad vendentes, et emite vobis.
Dum autem irent emere, venit sponsus ; et quae paratœ erant,
intraverunt cum eo ad nuptias ; et clausa est janua.
Novissime vero veniuut et reliquat virgines, dicentes : Domine,
Domine, aperi nobis.
At ille respondens, ait : Amen dico vobis, nescio vos.
Vigilate itaque, quia nescitis diem, neque horam.
(Matth. XXV.)
(2) Quod si oculus tuus dexter scandalizatte, erue eum, et projice
abs te : expedit enim tibi ut pereat unum membrorum tuorum,
quam totum corpus tuum mittatur in gehennam.
Et si dextra manus tua scandalizat te abscinde eam, et projice
96 LA PEXSÉE DU CIEL
L'oubli du ciel est notre plus grand mal. — L'oubli du
ciel est un étrange et douloureux mystère. Et quand, dans
l'ancien peuple d'Israël, nous le voyons représenté en ima-
ges, l'indignation nous saisit et le dégoût nous écœure.
Ces malheureux Juifs, les voici sous le joug d'un Pha-
raon. Leurs impitoyables maîtres les tiennent courbés sous
d'écrasants labeurs. La faim les presse, la misère les abat,
et leurs plaintes n'ont d'autre issue que de nouvelles tortures
et l'aggravation de leur martyre.
Tout à coup une lueur divine se lève sur eux, un Sauveur
leur est envoyé, Moïse s'offre à les recueillir, à briser le
joug de leurs tyrans, à leur ouvrir un passage vers l'affran-
chissement et. la liberté. Ils soi.t hors de l'Egypte; ils ont
devant eux la vision radieuse d'une patrie, d'une terre dé-
bordante de délices... Que font-ils .' Insensés et ingrats, tous
leurs regrets sont pour l'Egypte, tous leurs dédains sent pour
la Terre de promission (1) !
abs te; expedit enim tibi ut pereat unum membrorum tuoruin,
quam toturu corpus tuum eat iii gehennam. (Mattb. II.)
(1) Dispersusque est populus per omnem terrain .Egypti ad col-
ligeudas paleas.
Prsefecti quoque operum instabant, dietntes: Complète opus
vestrum quotidie, ut prius facere solebatis quando dabantur vobis
paleae.
Flagellatique sunt qui prseerant operibus filiorum Israël, ab
exactoribus Pharaonis, dicentibus : Quare non impletis mensuram
laterum sicut prius, nec beri, nec hodie ?
Veneruntque preepositi filiorum Israël, et vociferati sunt ad
Pharaonem, dicentes : Gur ita agis contra servos tuos ?
Palete non dautur nobis, et lateres siiniliter imperantur; en fa-
uli tui flagelliscajdimur, et injuste agitur contrapopulumtuum.
Qui ait ; Vacatis otio ; et ideirco dicitis : Eamus, et sacrificemus
Domino.
Ite ergo, et operamini ; palece non dabuntur vobis, et reddeiis
consuetum numerum laterum.
Videbantque se praepositi filiorum Israël in malo, eo quod dice-
retur eis : Non minuetur quidquamde lateribus per singulos dies.
Occurreruntque Moysi et Aaron, qui stabant ex adverso, egre-
dientibusa Pharaone ;
Et dixerunt ad eos: Videat Dominus et julicet, quoniain fœtere
fecistis odorem nostrum coram Pbaraone et servis ejus, et prse-
buistis ei gladium, ut occideret nos.
Reversusque est Moyses ad Dominum. et ait: Domine, cur af-
llixisti populum istum ? Quare misisti me ?
Ex eo enim quo ingressussum ad Pharaonem ut loquerer in no-
mine tuo, afllixit populum tuum ; et non liber asti eos.
(Exod. V.)
LA PENSEE DU CIEL
97
Le châtiment suit le crime. Leur monstrueuse ingratitude,
leur brutale insouciance les rend indignes de cette patrie
que Dieu leur préparait: « Neque murmuraveritis sicut qui-
dam eorum murmuraverunt et perierunt ab exterminatore.
ïïœc autem omnia in figura contingebant illis ; scripta sunt
autem ad correptionem nostram (1).
Ainsi sommes-nous gravement prévenus par l'Apôtre. Ce
que l'Egypte était à Israël, le monde l'est à nous. — Notre
Terre promise, c'est notre ciel éternel. — Nous complaire en
l'Egypte, refuser notre Patrie d'En haut, c'est nous en exclure,
c'est nous en fermer à jamais les splendeurs.
1 1) Et salvavit eos de manu odientium : et rederait eos de manu
inimici.
Et operuit aqua tribulantes eos : unus ex eis non remansit.
Et crediderunt vernis ejus: et laudaverunt laudem ejus.
Gito fecerunt, obliti sunt operum ejus: et non sustinuerunt con-
cupiscentiarn in deserto : et tentaverunt Deum in inaquoso.
Et dédit eis petitionem ipsorum : et misit saturitatem in animas
eorum.
Et irritaverunt Moysen in castris, Aaron, sanctum Domini.
(Psal. GV.)
V
T. IV
BESOIN QU'A TOUT HOMME
DE LA RELIGION
Avant d'étudier la nécessité pour l'homme d'être religieux,
entendons-nous sur ce mot lui-même. Etre religieux com-
porte les quatre points suivants. S'élever à Dieu par la foi,
l'adoration et l'amour. — Servir Dieu par un culte, non pas
seulement intime, mais extérieur, mais public. L'homme
n'est pas seulement âme, il est corps et doit à Dieu l'hom-
mage de ses facultés corporelles comme des autres (1). —
Servir Dieu, non pas à sa guise, suivant ses fantaisies per-
sonnelles, mais le servir comme Dieu veut être servi, dans
la religion vraie dont lui-même est l'Auteur. — Servir Dieu,
non pas seulement dans les hommages de la piété, mais dans
la pratique des vertus qui s'harmonisent avec lacroyance (2).
(1) Quid ergo ? peccabiraus, quoniam non sumus sub lege, sed
sub gratia ? Absit.
Nescitis quoniam cui exhibetisvos servos ad obediendum, servi
estis ejus cui obeditis, sive peccati ad mortem, sive obeditionis ad
justitiam?
Gratias autem Deo» quod fuistis servi peccati, obedistis autem
ex corde in earn formam doctrinœ, in quam traditi estis.
Liberati autem a peccato, servi facti estis justitiae.
Humanum dico, propter infirmitatem carnis vestra? : sicut enim
exhibuistis membra vestra servire immunditiœ, et iniquitati ad
iniquitatem, ita nunc exhibete membra vestra servire justitiae in
sanctificationem.
Quum enim servi essetis peccati, liberi fuistis justitiae.
Quem ergo fructum habuistis tune in illis, in quibus nunc eru-
bescitis ? nam finis illorum mors est. (Rom. VI.)
(2) Quid proderit, fratres mei, si fidem quis dicat se habere,
opéra autem non habeat ? Numquid poterit fides salvare eum ?
Si autem frater et soror midi sint, et indigeant victu quoti-
diano.
Dicat autem aliquis ex vobi-s illis: Ite in pace, calcfacimini et
saturamini; non dederitis autem eis quae necessaria sunt corpori,
quid proderit ?
BESOIN QU'A TOUT HOMME DE LA RELIGION 99
C'est cette religion ainsi entendue qui est le premier et le
plus indispensable besoin de l'homme ici-bas.
ELLE EST UNE NECESSITE DE SA CONDITION
L'homme est tout à la fois le sujet de Dieu, le roi et le
pontife de la création, le membre de la grande famille hu-
maine : à ces trois titres l'homme doit être religieux.
L'homme est le sujet de Dieu. — Dieu est trois fois no-
tre maître : comme Suprême Autorité, comme Suprême Bien-
faisance, comme Suprême Justice.
1° Dieu, suprême dominateur. — Il le serait déjà par la
création, puisque tout être, toute vie découle de lui, et que
nous n'avons rien, soit de notre àme, soit de notre corps qui
ne lui appartienne comme créateur (1). — Dieu nous possède
Sic et fides, si non habeat opéra, mortua est in semetipsa.
Sed dicet quis : Tu fidem habes, et ego opéra habeo; ostende
mini fidein tuam sine operibus ; et ego ostendam tibi ex operibus
fidem meam.
Tu credis quoniam unus est Deus; bene facis : et dsemones cre-
dunt, et contremiscunt.
Vis autem scire, ô bomo inanis, quoniam fides sine operibus mor-
tua est?
Abraham pater noster nonne ex operibus justificatus est offerens
ïsaac filium suum super altare?
Vides quoniam fides cooperabatur operibus illius ; et ex operi-
bus fides consummata est?
Et suppleta est Scriptura, dicens: Credidit Abraham Deo;etre-
putatum est illi ad justitiam, et amicus Dei appellatus est.
Videtis quoniam ex operibus justificatur homo, et non ex fide
tantum ?
Similiter et Rahab meretrix, nonne ex operibus justificata est,
suscipiens nuntios, et alia via ejiciens ?
Sicut enim corpus sine spiritu mortuum est, ita et fide3 sine
operibus mortua est. (Jacob. II.)
(1) Nemo enim nostrum sibi vivit, et nemo sibi moritur.
100 BESOIN QU'A TOUT HOMME DE LA RELIGION
donc tout entiers et bien plus que l'œuvre n'appartient à l'ou-
vrier. — Enfin Dieu est Providence, il régit souverainement
les êtres qu'il a tirés du néant. Cette direction souveraine
ne peut aller sans la soumission de ceux qui en sont les ob-
jets (i).
2° Dieu, suprême bienfaiteur. — Entre Dieu et nous un
nouveau lien est créé, de nouveaux devoirs découlent, de-
voirs qui touchent à ce que l'âme humaine a de plus délicat,
de plus fort, de plus impérieux. La reconnaissance nous lie
inviolablement à Dieu (2).
3° Dieu, suprême justice. — Sous un Dieu saint et parfait,
aucun désordre ne peut régner dans son empire, aucun crime
ne doit rester impuni. — Or, parmi les crimes de l'homme,
qui ne voit que l'irréligion, c'est-à-dire le refus insultant
des hommages auxquels Dieu a droit, est le plus considéra-
ble (3)?
Sive enim vivimus, Domino vivimus ; sive morimur, Domino
morimur. Sive ergo vivimus, sive morimur, Domini sumus.
In hoc enim Christus mortuus est et resurrexit, ut et mortuo-
rura et vivorum dominetur. (Rom. XIV.)
(1) 0 homo, tu quis es qui respondeas Deo ? Numquid dicit fîg-
mentum ei qui se finxit : quid me fecisti sic? An non habet po-
testatem figulus luti ex eadem massa facere aliud vas in honorem,
aliud vero in contumeliam ? (Rom. IX.)
(2) Pars autem Domini populus ejus; Jacob, funiculus hœredi-
tatis ejus.
Invenit eum in terra déserta, in loco horroris et vastse solitu-
dinis :
Circumduxit eum, et docuit : et custodivit quasi pupillam oculi
sui.
Sicut aquila provocans ad volandum pullos suos, et super eos
volitans.
Expandit alas suas, et assumpsit eum, atque portavit in hume-
ris suis.
Dominus solus dux ejus fuit : et non erat eum eo deus alienus.
Gonstituit eum super excelsam terram : ut comederet fructus
agrorum,
Ut sugeret mel de petra, oleumque de saxo durissimo.
(Deut. XXXII.)
(3) Scimus enim quoniam judicium Dei est secundum veritatem
in eos qui talia agunt.
Existimas autem hoc, o homo qui judicas eos qui talia agunt,
et facis ea, quia tu effugies judicium Dei?
An divitias honitatis ejus et patientiœ et longanimitatis con-
temnis ? ignoras quoniam benignitas Dei ad pœnitentiam te ad-
ducit?
BESOIN QU'A TOUT HOMME DE LA RELIGION 101
L'homme estle roi et lepontife de la Création. — Parlant de
l'homme, le Psalmiste chantait : « Vous l'avez, ô Dieu, cou-
vert d'honneur et de gloire, vous avez mis toute la création
à ses pieds » (1). L'homme est le roi de l'univers, et c'est par
l'homme que l'univers s'élève jusqu'à Dieu, pour célébrer sa
louange. De là cette double conséquence que le premier de-
voir de l'homme est d'honorer Dieu, que le premier crime de
l'homme est de lui refuser l'hommage de la religion.
V* L'homme aie devoir de tout élever jusqyï à Dieu. — L'homme
est, pour ainsi parler, le pontife, le prêtre, de la création, Il
lui prête son intelligence, son cœur, sa voix, afin que, par
lui, elle célèbre les louanges du Très-Haut (2).
2° Le crime multiple de l'homme sera de vivre sans religion.
— Nous disons « multiple » car s'isoler de Dieu, refuser de
le reconnaître, de l'adorer, de le servir, c'est trahir cette
haute mission, dont nous venons de parler. — De plus,
quelle insolence à cet homme de vivre en plein domaine de
Secundum autem duritiam tuam et impœnitens cor, thesaurizas
tibi iram in die irse et revelationis justi judicii Dei.
Qui reddet unicuique secundum opéra ejus;
lis quidem qui secundum patientiam boni operis, gloriam et ho-
norem et incorruptionem quserunt, vitam œternam.
(Rom. IL)
(1) Quid est homo, quod memor es ejus? aut filius hominis,
quoniam visitas eum ?
Minuisti eum paulo minus ab Angelis, gloria et honore coronasti
eum : et constituisti eum super opéra manum tuarum.
Omnia subjecisti sub pedibus ejus, oves et boves universas, in-
super et pecora campi:
Volucres cœli, et pisces maris, qui perambulant semitas ma-
ris.
Domine Dominus noster, quam admirabile est nomen tuum in
universa terra ! (Psal. VIII.)
(2) Benedicite, omnia opéra Domini, Domino: laudate et super-
exaltate eum in ssecula.
Benedicite, Angeli Domini, Domino : benedicite, cœli, Domino.
Benedicite, aquse omnesquœ super coelos sunt, Domino: benedi-
cite, omnes virtutes Domini, Domino.
Benedicite, sol et luna, Domino: benedicite, stellse cœli, Do-
mino
Benedicite, omnes bestiœ et pecora, Domino : benedicite, filii
hominum, Domino.
Benedicat Israël Dominum : laudet et superexaltet eum in sse-
cula.
Benedicite, sacerdotes Domini, Domino : benedicite, servi Do-
mini, Domino. (Dan. III.)
102 BESOIN QU'A TOUT HOMME DE LA RELIGION"
Dieu d'user de tout ce qui appartient à Dieu, sans dai-
gner, ni élever un regard, ni balbutier un merci à Celui
auquel tout appartient et de qui tout relève ! — Inso-
lence plus grande encore. L'homme sans religion, se refu-
sant à connaître Dieu, pour voir en soi-même le seul maître
de toute chose, détourne ainsi les créatures de leur but,
s'attribue à des honneurs qui ne sont dus qu'à Dieu et prive
Dieu, par un vol audacieux, des hommages auxquels seul
il a droit.
L'homme est membre de la famille humaine. — S'il est
vrai que la religion, aussi ancienne que le monde, se soit éten-
due sur tous les siècles et chez tous les peuples, il est évi-
dent que vivre sans religion c'est s'exclure du genre humain
tout entier.
1° Partout se retrouve la religion. — L'homme a pu l'alté-
rer; certains siècles, certains peuples n'en ont eu qu'une
déformation hideuse; des divinités ridicules ou indignes ont
usurpé l'autel trois fois saint (1). Mais, remarquons-le, l'ab-
(1) Justitia enim Dei in eo revelatur ex fide in fidem, sicut scrip-
lum est : Justus autem ex fide vivit.
Revelatur enim ira Dei de coelo super omnem impietatem et in-
justitiam hominum eorum qui veritatem Dei in injustitia deti-
nent :
Quia quod notum est Dei, manifestum est in illis; Deus enim
illis manifestavit.
Invisibilia enim ipsius, a creatura mundi, per ea quse facta
.-mit, intellecta, conspiciuntur ; sempiterna quoque ejus virtus, et
divinitas : ita ut sint inexcusabiles.
Quia quumcognovissent Deum, non sicut Deum glorificaverunt,
aut gratias egerunt; sed evanuerunt in cogitationibus suis, et
nbscuratum est insipiens cor eorum:
Dieentes enim se esse sapientes, stulti facti sunt.
Et mutaverunt gloriam incorruptibilis Dei in similitudinem
imaginis corruptibilis hominis, et volucrum, et quadrupedum, et
Ber pentium.
Propter quel tradidit illos Deus in desideria cordis eorum, in
immunditiam; ut contumeliis afficiant corpora sua in semetip-
sis ;
Qui commutaverunt veritatem Dei in mendacium ; et coluerunt,
et servierunt creaturaa potius quam Greatori, qui est benedictus
in Bascula. Amen.
Propterea tradidit illos Deus in passiones Ignominies. Nam fe-
minae eorum ira mutaverunt naturalem usum in eum usum qui est
contra na' uram.
Si militer autem et maseuli, rclicto naturali usufeminœ, exarse-
BESOIN QU'A TOUT HOMME DE LA RELIGION 103
sence de la religion elle-même nous ne la pourrons constater
chez aucun peuple du monde.
Quand Jésus-Christ Fils de Dieu vint sur la terre fonder le
culte véritable, bâtir la vraie Eglise de Dieu, réunir les âmes
dans l'unité d'un royaume céleste, son œuvre fut parfois
amoindrie et lacérée; le schisme rompit le lien de l'unité,
l'hérésie nia certains de ses dogmes et se refusa à certaines
de ses prescriptions; les passions humaines brisèrent parfois
son joug : mais ce que ne firent jamais ni l'idolâtrie, ni l'hé-
tésie, ni le schisme, c'est d'isoler, absolument l'homme do
Dieu, de nier leurs rapports, d'anéantir en un mot la religion.
2° L'homme sans religion est donc exclu de la grande famille
humaine. — Le sauvage qui, au fond de ses forêts, adore le
Grand Esprit le répudierait avec horreur, Rome idolâtre l'eût
chassé de son sein, il est tombé plus bas que le schisme ou
l'hérésie.
II
ELLE EST LA SOLUTION DE SA DESTINÉE
Notre destinée future est le tout de notre existence. — La
religion est le tout de cette destinée.
runt in desideriis suis in invicem, masculi inmaseulos turpitudi-
nem opérantes, et mercedem quam oportuit erroris sui in semet-
ipsis recipientes.
Et sicut non probaverunt Deum habere in notitia, tradidit
illos Deus in reprobum sensum, ut faeiant ea qiue non conve-
niunt.
Repletos omni iniquitate, malitia, fornicatione, avaritia, ne-
quitia: plenos invidia, homicidio, contentione, dolo, malignitate,
susurrones.
Detractores, Deo odibiles, cantumeliosos, superbos, elatos inven-
tores malorum, parentibus non obedientes.
Insipientes, incompositos, sine affeetione, absque fœdere, sine
misericordia :
QuiquumjustitiamDeicognovissent,nonintellexerunt quoniam
qui talia- agunt digni sunt morte; et non solum qui ea faeiunt,
sed etiam qui consentiunt faoientibus. (Rom. I.)
104 BBSOIN QU'A TOUT HOMME DE LA RELIGION
Notre destinée est le tout de notre existence. — Nous ne
cheminons paslongtemps surla terre sans heurter une tombe:
arrêtons-nous, car ici se pose le plus grave et le plus effrayant
problème : celui de la destinée.
Qu'importe ce qu'a été cet homme; si sa vie fut glorieuse
ou obscure, s'il a brillé de la flamme du génie, ou si l'igno-
rance l'a enveloppé de ses ombres ? qu'importe qu'il ait tra-
versé de longs jours ou ait rencontré prématurément sa fin?
— Toutes ces circonstances deviennent insignifiantes, ces pé-
ripéties ne comptent plus, en face du sépulcre (1).
La destinée véritable est celle qui s'étend par delà la tombe.
Qu'était véritablement celui qui vient d'y être déposé?
C'était une créature de Dieu, un être immortel; c'était l'hôte
d'une patrie supérieure, exilé un moment sur cette terre. Sa
destinée était de rejoindre les siens dans sa famille des cieux.
Il était de Dieu, il était à Dieu, il devait retrouver Dieu dans
la splendeur delà gloire (2 .
Voilà la seule et véritable destinée.
La religion est le tout de notre destinée. — Et si telle est
notre destinée, il nous est aisé de comprendre qu'à la reli-
gion seule il appartient de la dénouer victorieusement.
1° Notre destinée est de nous unir à Dieu éternellement. — Or
que fait dès ici-bas la religion? Quel est son but ? Quelles sont
ses préoccupations constantes? La religion n'en a d'autres
que de commencer cette union bienheureuse. La religion nous
(1) Exultabo in salutari tuo : infixse sunt gentes in interitu quem
fecerunt.
In laqueo isto quem absconderunt, comprehensus est pes eo-
rum.
Gognoscetur Dominus judicia faciens: in operibus nianuum sua
rura comprehensus est peccator.
Gonvertantur peccatores in infernum, omnes gentes quaî obli-
viscuntur Deum.
Quoniam non in finem oblivio erit pauperis. (Psal. IX.)
(2) Quoniam per ipsum habemus accessum ambo in uno Spiritù
ad Patrem.
Ergo jam non estis hospites, et advenœ; sed estis cives sancto-
rum, et domestici Dei;
Superœdificati super fundamentum apostolorum et prophetarum,
ipso summo angulari lapide, Christo Jcsu ;
In quo omnis œdificatio constructa crescit in templum sanctum
in Domino;
In quo et vos coœdiûcaninii in habitaculum Dei in Spiritu.
(Ephes. II.)
BESOIN QU'A TOUT HOMME DE LA RELIGION 105
met dans l'intelligence les clartés qui nous découvrent Dieu
et le monde supérieur (1). Elle fait couler dans nos cœurs
le mystérieux amour qui nous élève à Dieu. Elle dépose sur
nos lèvres d'incessantes prières, et ses Sacrements nous mar-
quent tous d'un sceau divin.
2° Notre destinée est de nous revêtir d'une incomparable
gloire. — Nous sommes les heureux invités d'une fêle éter-
nelle (2); nous sommes des princes qu'attendent le sceptre
et la couronne : « Placuil Deo dare vobis regnum. » De là ces
paraboles, ces images, ces ligures si continuelles dans l'Ecri-
ture, mais surtout si frappantes et si pressées sur les lèvres
de Jésus-Christ. Là nous est représentée l'incomparable splen-
deur qui nous attend au ciel. — Mais quoi! pensons-nous
revêtir cette splendeur inopinément et sans préparation?
Nullement. Le temps de la vie nous est laissé par Dieu afin
que nous fassions les apprêts de notre destinée glorieuse (3),
et c'est la religion qui à son tour se chargera de ces apprêts.
Si notre intelligence doit s'élever plus tard aux visions su-
blimes de la vérité, la religion nous y prépare par la foi. Si
notre cœur doit connaître au ciel les inénarrables ivresses où
nous plongera l'amour de la beauté infinie, dès ici -bas la re-
ligion purifie ce coeur, le vide de l'amour désordonné des
créatures, pour le donner à Dieu tout entier. Si notre vie au
ciel doit être la vie desan"-es, dès maintenant la religion nous
(1) Est autem fides sperandarum substantia rerum, argumen-
tum non apparentium.
In hac enim testimonium consecuti sunt senes.
Fide intelligimus aptata esse saecula verbo Dei; ut ex invisibi-
libus visibilia fièrent. (Hœbr. XI.)
(2) Et respondens Jésus, dixit iterum in parabolis eis, dicens:
Simile factum est regnum cœlorum homini régi, qui fecit nup-
tias filio suo.
Et misit servos suos vocare invitatos ad nuptias ; et nolebant
venire.
Iterum misit alios servos, dicens: Dicile invitatis : Ecce pran-
dium meum paravi, tauri mei et altilia occisa sunt, et omnia pa-
rata : venite ad nuptias. (Matth XII.)
(3) Tune simile erit regnum cœlorum decem virginibus, quae
accipientes lampades suas, exierunt obviam sponso et sponsae.
Quinque autem ex eis erant fatuae, et quinque prudentes.
Sed quinque fatuœ, acceptislampadibus, non sumpserunt oleum
secum :
Prudentes vero acceperunt oleum in vasis suis cumlampadibus.
(Matth. XXV.)
106
BESOIN QU A TOCT HOMME DE LA RELIGION
revêt de la robe nuptiale des vertus. Si enfin notre corps lui-
même doit être l'éternel possesseur des voluptés divines, la
religion, par les Sacrements qui le touchent, par les sacrifices
qui l'angélisent, par les actes saints qui le glorifient, le dis-
pose à sa haute et magnifique fortune (1).
3° Notre destinée est d'obtenir le ciel à titre de conquête. —
Dieu nous honore assez pour faire de nous ses auxiliaires de
telle sorte que nous avec Lui combattons et triomphons (2).
Et quel sera le rôle de la religion durant notre carrière de
lutteurs et de conquérants? La religion nous découvrira nos
ennemis. La religion nous apprendra les règles de cette
guerre difficile, de cette stratégie céleste (3). La religion par
la grâce, la prière, les Sacrements, soutiendra nos forces et
réparera nos vigueurs affaiblies. Enfin la religion pansera
nos blessures; elle viendra, secourab'e et maternelle, nous
relever sur le champ de bataille, où elle nous trouvera gi-
(1) Hoc autem dico, fratres: Quia caro et sanguis regnum Dei
possidere non possunt, neque corruptio incorruptelam possidebit.
Ecce mysterium vobis dico : Omnes quidem resurgemus, sed
non omnes immutabimur.
In mouiento, inictuoculi, in novissima tuba (canet enim tuba),
et mortui résurgent incorrupti, et nos immutabimur.
Oportet enim corruptibile hoc induere incorruptionem, et mor-
tale hoc induere immortalitatem.
Quum autem mortale hoc induerit immortalitatem, tune fiet
sermo qui scriptus est : Absorpta est mors in Victoria.
Ubi est, mors, Victoria tua? ubi est, mors, stimulus tuus ?
Stimulus autem mortis peccatum est : virtus vero peccati,
lex.
Deo autem gratias qui dédit nobis victoriam per Dominum nos-
trum Jesuiu Christum.
Itaque, fratres mei dilecti, stabile- esl
(•2i Cœpit Jésus dic^r.- ad turbas de Jeanne
sertum vi 1ère ? arun linem vento agitatam ?
Sed quid existis videre? hominem mollibus vestitum ? Ecce qui
mollibus vestiuntur, in domibus regum sunt.
Sel quid existis videre ? prophetam? Etiam dico vobis, et plus
quam prophet . ni.
Hic est enim de quo scriptum est : Ecce ego mitto angelum
meum ante faciem tuam, qui prteparabit viam tuam ante te.
Amen dico vobis: Non surrexit inter uatos mulierum major
Joanne Baptista : qui autem minor est in regno cœlorum, major
est illo.
A diebus autem Joaunis Baptista* usque nunc, regnum cœlo-
rum vim patitur, et violenti rapiunt il t u 1. (Matth. XI.)
(3)Psal. GXIII.
(I Cor. XV.)
i |uid existis in de-
BESOIN QU'A TOUT HOMME DE LA RELIGION i07
sants. Et eussions-nous reçu de nos ennemis le coup de la
mort, elle nous ressuscitera pour de nouvelles luttes et nous
conduira à de définitifs triomphes.
III
ELLE EST LA SATISFACTION DE SON PLUS
IMPÉRIEUX BESOIN
Quel est le triple besoin de l'homme ici-bas? Le besoin
d'une carrière noblement remplie et d'une conscience en paix.
— Le besoin d'un soutien et d'une consolation durant sa rude
existence. — Surtout le besoin d'une espérance qui s'étende
au delà du tombeau.
Nous avons besoin d'une conscience en paix. — Nous le
savons, hélas! l'homme, entraîné dans le tourbillon d'une vie
matérielle, plongé dans ses affaires ou dans ses plaisirs, livré
tout entier aux charmes de vivre, l'homme peut si complète-
ment s'isoler de Dieu et de sa destinée supérieure que son ir-
réligion ne lui donne plus ni étonnement ni remords. Il vit
tranquille sans Dieu, tranquille il mourra sans Dieu.
Mais c'est là, hâtons-nous de le dire, une exception. Il est,
dans la plupart des existences de ceux qui vivent sans reli-
gion, des heures de réveil; heures bénies et fécondes, où l'âme
se sent prise d'inquiétudes vagues, de pressentiments dou-
loureux, de remords pesants. Alors elle entrevoit comment
la religion lui devrait être la noble compagne de la vie.
D'ailleurs il est des natures d'élite, affamées d'idéal, mal à
l'aise dans l'étroite enceinte des choses créées, et qui aspi-
rent, avant même de le connaître ou d'en vouloir, vers ce
monde supérieur dont la religion seule ouvre l'accès.
Nous avons besoin de force et de soutien. — Que de lut-
tes à affronter et quelles luttes! Luttes généreuses, luttes
que réclament la conscience et la vertu. Luttes contre les
entraînements de l'exemple. Luttes contre les déceptions et
108 BESOIN' QU'A TOUT HOMME DE LA RELIGION
les désespoirs de la vie. — Cherchons où nous trouverons des
forces : nul auxiliaire puissant que la religion ne s'offrira à
nous.
Nous avons besoin d'espérance. — La vie n'est qu'un
songe. D'un pas rapide la carrière est franchie; nous voici au
terme, nous allons mourir. — 0 bienheureuse messagère que
nous est alors la religion! Cette religion qui nous fait appa-
raître, au delà de la sombre nuit du tombeau, l'aube blan-
chissante de l'éternité (1).
(1) Nolumus autem vos ignorare, fratres, de dormientibus, ut
non contrislemini sicut et cœteri qui speru non habent.
Si enim credirnus quod Jésus mortuus est et resurrexit, ita et
Deus eos qui dormierunt per Jesum adducet cura eo.
Hoc eirim vobis dicimus in verbo Domini, quia nos, qui vivi-
mus, qui residui sumus in adventum Domini, non prseveniemus
eos qui dormierunt.
Quoniam ipse Dominus in jussu, et in voce archangeli, et in
tuba Dei descendet de cœlo ; et mortui qui in Christo sunt, ré-
surgent primi.
Deinde nos, qui vivimus, qui relinquimur, simul rapiemur
curn illis in nubibus obviam Christo in aéra, et sic semper cum
Domino erimus.
Itaque consolamini invicem in verbis istis.
(I Thess. IV.)
LA RELIGION DANS SES RAPPORTS
AVEC LA QUESTION SOCIALE
La Religion a pour premier but de venir à nous dans notre
exil, de nous réapprendre la route de nos destinées éternelles,
de nous la faire suivre d'un pas sûr et énergique, puis enfin,
après une existence toute dévouée à Dieu, de nous ouvrir
l'accès des divines récompenses (1).
Si essentiel que soit ce but, il n'est pas unique. La religion
qui assure notre avenir est seule aussi à garantir notre pré-
sent. Elle est au monde moral ce que le soleil est au monde
physique: sans elle tout se déconcerte et se trouble, se désor-
ganise et périt; individu, famille, Société trouvent en elle
seule leur orientation, leur force, leur garantie de prospérité.
Un peuple d'où la religion se retire est mûr pour la déca-
dence, et il s'achemine fatalement vers la mort. Ce malheu-
reux peuple non seulement se trouve sans vigueur en face
des ennemis du dehors, mais encore est, au dedans, travaillé
par des ferments de dissolution. — C'est cette dernière vérité
capitale que nous voulons mettre en lumière (2).
(1) Nolite ergo solliciti esse, dicentes : Quid manducabimus, aut
quid bibemus, aut quo operiemur ?
Hsec enim omnia gentes inquirunt. Scit enim Pater vester quia
his omnibus indigetis.
Quaerite ergo primum regnuin Dei, et justitiam ejus : et hsec om-
nia adjicientur vobis.
Nolite ergo solliciti esse in crastiuum. Crastinusenim dies solli-
citus eritsibi ipsi. Sufûcit diei malitia sua. (Matth. VI.)
(2) Timor Domini odit malum. Arrogantiam, et superbiam, et
viam pravam, et os bilingue detestor.
Meum est consilium, et eequitas ; mea est prudentia, mea est
fortitudo.
Per me reges régnant, et legum conditores justa decernunt ;
Per me principes imperant, et potentes decernunt justitiam.
Ego diligentes me diligo ; et qui mane vigilant ad me, invenient
me.
110 LA RELIGION DANS SES RAPPORTS AVEC LA QUESTION SOCIALE
TOUTE SOCIETE SE COMPOSE DE DEUX CLASSES
Ces deux classes existent. — Elles existent toujours. —
Elles existent nécessairement.
Deux classes existent. — La nature physique nous repré-
sente bien ce que sont au moral les Sociétés humaines. Il est
des régions heureuses, inondées de soleil, d'une fécondité
que chaque saison renouvelle, inépuisables dans leurs riches-
ses ainsi que délicieuses par leur charme. — Il est des terres
ingrates et douloureuses, que recouvrent les glaces du pôle
ou que brûle un soleil sans pitié. — Ainsi retrouvons-nous
dans chaque Société ces deux régions si diverses, régions
opulentes, régions besoigneuses, régions qu'habitent les heu-
reux de ce monde, régions où souffrent les déshérités (1).
1° Il est une classe élevée. — A celle-là l'instruction, la cul-
ture, le développement harmonieux des facultés. — Tout la
désigne à devenir ce que le langage usuel nomme la classe
dirigeante. Une organisation mystérieuse plus puissante que
les volontés humaines la maintient sur un trône d'où elle
fait planer autour d'elle d'invincibles influences.
Mecum sunt, divitiœ et gloria, opes superbœ et justitia.
Melior est enini fructus meus auro et lapide pretioso, et geni-
mina mea argento electo.
In viis justitiœ ambulo, in raedio semitarum judicii,
Ut ditem diligentes me, et thesauros eorum repleam.
(Frov.VIII.) ,
(1) Dicis itaque mihi : Quid adhuc queritur ? voluntati enim ejus
quis resistit ?
0 homo, tu quis es, qui respondeas Deo? Numquid dicitfigmen-
tum ei qui se linxit : Quid me fecisti sic ?
An non habet potestatem figulus luti ex eadem massa facere
aliud quidem vas in honorem, aliud vero in contumeliam ?
(Rom. IX.)
LA RELIGION DANS SES RAPPORTS AVEC LA QUESTION SOCIALE 111
2° // est une classe inférieure, pour celle-là la culture s'est
trouvée amoindrie. — Les sollicitudes de l'existence, la lutte
pour le pain de chaque jour, par suite un labeur incessant
et des travaux matériels, l'écartent à jamais du gouverne-
ment des choses. — Nécessairement aussi elle se trouve,
sous bien des rapports et par bien des côtés, soumise à la
précédente.
Elles ont toujours existé. — 1° Aussi loin que notre re-
gard peut reculer dans les Sociétés humaines, cette coexis-
tence des deux classes riche et pauvre, dirigeante et dirigée,
nous apparaît.
2° Phénomène étrange ! Jamais ce fait n'a été accepté pa-
cifiquement et jamais les luttes pour le détruire n'ont abouti.
La pensée humaine a pu raisonner, les passions se soulever,
les haines rugir (i) : aucune tentative de bouleversement
et de destruction n'a laissé autre chose que de fugitives em-
preintes, et, en dépit des théories comme des coups de main,
les deux classes ont subsisté partout et toujours. C'est donc
nécessairement qu'elles existent.
Elles existent nécessairement. — A qui en demanderait
la raison, il est aisé de répondre: il est une cause humaine:
il est une cause divine.
(I) Judicentur gentes in conspectu tuo.
Constitue, Domine, legislatorem super eos, ut sciant gentes quo-
niam homines sunt.
Ut quid, Domine, recessisti longe, despicis in opportunitatibus,
in tribulatione?
Dum superbit impius, incenditur pauper : comprehenduntur in
consiliis quibus cogitant.
Quoniam laudatur peccator in desideriis animse suae, et iniquus
benedicitur.
Exurge, Domine Deus, exaltetur manus tua : ne obliviscarispau-
perum.
Propter quid irritavit impius Deum ? dixit enim in corde suo :
Non requiret.
Vides quoniam tulaborem et dolorem considéras: ut tradas eos
in manus tuas.
Tibi derelictus est pauper : orphano tu eris adjutor.
Gontere brachium peccatoris et maligni : quœretur peccatum
illius, et non invenietur.
Dominus regnabit in œternum, et in saeculum sseculi : peribitis,
gentes, de terra illius.
Desiderium pauperum exaudivit Dominus: prœparationemcor-
dis eorum audivit auris tua.
Judicare pupillo et humili.
112 LA RELIGION DANS SES RAPPORTS AVEC LA QUESTION SOCIALE
1° Il estime cause humaine. — Xous la trouvons dans une
triple inégalité. — Il est une égalité d'intelligence et de ta-
lent. Pour l'un, une intelligence trop courte et des facultés
trop bornées interdiront toute place supérieure et réclame-
ront l'humble mais toujours noble outil de l'ouvrier. L'autre
ayant en partage l'activité et le génie prendra son essor vers
les carrières élevées (1). — Il est une inégalité de vertu. Cet
homme probe, laborieux, fidèle à tous ses devoirs, amè-
nera l'aisance, la fortune, l'honneur au foyer domestique (2).
L'autre jetant au vice les trésors de sa vie comme les ri-
chesses de son patrimoine, recueillera bientôt pour lui et les
siens la misère et la honte (3). — Il est enfin une inégalité
de circonstance. Des courants mystérieux emportent les exis-
(i) Sicut euim homo peregre proâciscens, vocavit servos suos,
et Lradidit illis bona sua ;
lit uni dédit quinque talenta, alii autem duo, alii vero niium,
uuicuique secuudum propriam virtutem, et profectus est statim.
Abiit autem qui quinque talenta acceperat, et operatus est in
eis, et lucratus est alia quinque.
Similiter et qui duo acceperat, lucratus est alia duo.
Qui autem unum acceperat, abiens fodit in terram, et abscondit
pecuniam domini sui.
Post multum vero temporis, venit do mi nus servorum illorum,
et posuit rationem cumeis. (Matth. XXV.)
(2) Beati omnes qui timent Dominum, qui ambulant in viisejus.
Labores manuum tuarum quia manducabis : beatus es, et bene
tibi erit.
Uxor tua sicut vitis abundans in lateribus domus tuœ.
Filii tui sicut novellœ olivarum in circuitu inensœ tuœ.
Ecce sic benedicetur homo qui timet Dominum.
Benedicat tibi Dominas ex Sion : et viûeas bona Jérusalem om-
nibus diebus vitœ tuœ.
Et videas filios liliorum tuorum, pacem super Israël.
(Psal. CXXV. i
(3) Ait autem : Homo quidam habuit duos filios ;
Et dixit adolescentior ex illis patri : Pater, da inilii portionem
substantise quae me contingit. Et divisit illis substantiam.
Et non post multos dies, congregatis omnibus, adolescentior
filius peregre profectus est in regionem longinquam, et ibi dissi-
pavit substantiam suam vivendo luxuriose.
Et postquam omnia consummasset, facta est famés valida in
regione illa, et ipse cœpit egere.
Et abiit, et adhiesit uni civium regionis illius. Et misit illumin
villam suam, ut pasceret porcos.
Et cupiebat implere ventrem suum de siliquis quas porci man-
ducabant ; et nemo illi dabat. (Luc. XV.)
LA RELIGION DANS SES RAPPORTS AVEC LA QUESTION SOCIALE 113
tences, les unes vers des régions sereines et fortunées, les
autres vers les tempêtes et les abîmes.
2° Il est une cause divine. C'est la plus invincible. — Dieu,
ayant fait l'homme sociable, a voulu que des nécessités mu-
tuelles et de réciproques services nous liassent les uns aux
autres. Il a voulu par conséquent l'inégalité des situations
et des besoins (1). — Que si la pauvreté et les souffrances
qu'elle entraîne nous restent un douloureux mystère; si la
terrible question nous oppresse: Pourquoi des pauvres? Il
est une réponse d'une effrayante profondeur. Dans un inonde
déchu et coupable l'expiation doit être permanente, et Dieu
charge toute une classe de la représenter. Sans doute Dieu
maintiendra la douleur commune aux riches et aux pauvres ;
on pleurera dans la demeure opulente comme dans le réduit
de la misère ; néanmoins, dans des vues mystérieuses que
nous n'avons pas à scruter, Dieu a bâti sur les versants du
Calvaire la cité des pauvres et des déshérités (2).
(1) In sedificationem corporis Ghristi ;
Donec occurramus omnes in unitatera fidei, et agnitionis Filii
Dei, in virum perfectum, in mensuram aetatis plenitudinis Christi;
Ut jam non simus parvuli fluctuantes, et circumferamur omni
vento doctrinse in nequitia hominum, in astutia ad circumventio-
nera erroris.
Veritatem autem facientes in caritate, crescamus in illo per
omnia, qui est caput Ghristus.
Ex quo totum corpus compactum et connexum per omnera junc-
turam subministrationis, secundum operationem in mensuram
uniuscujusque membri, augmentum corporis facit in sedificatio-
nem sui in caritate. (Ephes. VI.)
(2) Videns autem Jésus turbas, ascendit in montem, et cum se-
disset, accesserunt ad eum discipuli ejus.
Et aperiens os suum docebat eos, dicens :
Beati pauperes spiritu, quoniam ipsorum est regnum cselorum.
Beati mites, quoniam ipsi possidebunt terram.
Beati qui lugent, quoniam ipsi consolabuntur.
Beati qui esuriunt et sitiunt justitiam, quoniam ipsi saturabun-
tur.
Beati miséricordes, quoniam ipsi misericordiam consequentur.
Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt.
Beati pacifici, quoniam filii Dei vocabuntur.
Beati qui persecutionen patiuntur propter justitiam, quoniam
ipsorum est regnum cœlorum. (Matth. VI.)
T. IV
114 LA RELIGION DANS SES RAPPORTS AVEC LA QUESTION SOCIALE
II
COMMENT CES DEUX CLASSES
DOIVENT COEXISTER
Il y faut une hiérarchie. — Il y faut une réciprocité de ser-
vices. — Le tout sous peine de commotions formidables.
Il y faut une hiérarchie. — Il est trop évident que, sans
l'élévation et le commandement chez les uns, l'infériorité
et la soumission chez les autres, tout serait désordre et con-
fusion. Avant de former la société, Dieu en a esquissé dans le
corps humain l'organisation essentielle. Admirable société
que celle du corps humain ! Ecoutons Saint Paul. « Le corps
est un et ce corps se compose de membres divers, et bien
que multiples ces membres ne forment qu'un seul corps. Si
le pied disait: parce que je ne suis pas la main je n'appar-
tiens pas au corps, serait-ce vrai? et si l'oreille disait : puis-
que je ne suis pas l'œil, je n'appartiens pas au corps, serait-
ce vrai? Si tout le corps n'était qu'œil, où serait l'ouïe? Et
si tout le corps était ouïe, où serait l'odorat?... Et si tout n'é-
tait qu'un membre, où serait le corps ? »
Ce qui revient à dire: si dans la Société humaine tous
avaient le même rang et les mêmes attributions, que devien-
drait le fonctionnement général ?
Il y faut une réciprocité de services. — Mais autant la
coexistence des riches et des pauvres, des supérieurs et des
inférieurs est de l'essence d'une société, autant il est néces-
saire qu'un ciment mystérieux unisse entre elles ces deux
pierres de l'édifice (1).
(1) Et quîe putamus ignobiliora membra esse corporis, his hono-
rem abundantiorem circumdamus ; et quœ inhonesta sunt nostra,
abundantiorem honestatein habent.
LA RELIGION DANS SES RAPPORTS AVEC LA QUESTION SOCIALE 115
1° // faudra donc des services réciproques. — Si le pauvre
travaille au bien-être et à la fortune du riche, il est d'absolue
nécessité que le riche se dévoue aux nécessités du pauvre (1).
2° Il faudra une justice réciproque. — Si la classe ouvrière
n'a aucun droit sur le patrimoine du riche, si elle doit à ses
patrons la loyale redevance d'un labeur quotidien: ceux-ci
ne sont pas moins tenus à traiter leurs inférieurs selon tou-
tes les règles de l'équité (2). Celui-là est abominable devant
Honesta autem nostra nullius egent; sed Deus temperavit cor-
pus, ei cui deerat, abundantiorem tribuendo honorem,
Ut non sit schisma in corpore, sed idipsum pro invicem sollicita
sint niembra.
Et si quid patitur unum membrum, compatiuntur omnia niem-
bra; sive gloriatur unum membrum, congaudent omnia membra.
Vos autem estis corpus Christi, et membra de membro.
Et quosdam quidem posuit Deus in ecclesia primum apostolos,
secundo prophetas, tertio doctores. deinde virtutes, exinde gratias
curationum, opitulationes, gubernationes, gênera linguarum, in-
terpretationes sermonum. (I Corinth. XII.)
(1) Sed sicut in omnibus abundatisfide et sermone et scientia et
omni sollicitudine, insuper et caritate vestra in nos, ut et in hac
gratia abundetis.
Non quasi imperans dico : sedper aliorum sollicitudinem, etiam
vestrse caritatis ingenium bonum comprobans.
Scitis enim gratiam Domini nostri Jesu Christi, quoniam prop-
ter vos egenus factus est, quum esset dives, ut illius inopia vos
divites essetis.
Et consiliumin hoc do : hoc enim vobis utile est; qui non solum
facere, sed et velle cœpistis ab anno priore;
Nunc vero et facto perficite '; ut quemadmodum promptus est
animus voluntatis, ita sit et perficiendi ex eo quod habetis.
Si enim voluntas prompta est, secundum id quod habet, accepta
est; non secundum id quod non habet.
Non enim ut aliis sit remissio, vobis autem tribulatio ; sed ex
sequalitate.
In prsesenti tempore vestra abundantia illorum inopiam sup-
pléât, ut et illorum abundantia vestrse inopia? sit supplementum,
ut fiât sequalitas, sicut scriptum est :
Qui multum, non abundavit; et qui modicum, non minoravit.
(II Cor. VIII.)
(2) Servi, obedite per omnia dominis carnalibus, non ad oculum
servientes ; quasi hpminibus placentes, sed in simplicitate cordis,
timentes Deum.
Quodcumque facitis, ex animo operamini, sicut Domino, et non
hominibus:
Scientes quod a Domino accipietis retributionem haereditatis.
Domino Ghristo servite.
Qui enim injuriam facit, recipiet id quod inique gessit; et non
est personarum acceptio apud Deum. (Goloss. III.)
H6 LA RELIGION DANS SES RAPPORTS AVEC LA QUESTION SOCIALE
Dieu et devant les hommes qui spécule sur la faiblesse désar-
mée du pauvre pour amoindrir son salaire, et qui trafique de
ses sueurs (1).
3° Il faudra une compénétration réciproque. — Dieu n'a pas
fait les deux classes pour qu'elles vivent isolées l'une de
Vautre, séparées par les fallacieuses barrières de l'opulence
et de la pauvreté. — Sans doute les distances sociales seront
respectées: « Reddite omnibus débita, cui tributum tribulum,
cui vectigal vectigal, cui timoré m timoré m, cui honorem ho-
norem. » — Mais ce qui sera respecté mieux encore que les
distances ce sera la charité, qui fait descendre le riche vers
le pauvre et qui élève avec confiance le pauvre jusqu'au
riche (2). L'Apùtre ajoute: « Nemini quidquam debeatis nisi
invicem diligatis. »
(1) Agite nunc, divites, picrate ululantesinmiseriis vestris, quae
advenient vobis.
Divitiae vestrse putrefactae sunt ; et vestimenta vestra a tineis
comesta sunt.
Aurum et argentum vestrum aeruginavit, et œrugo eoruinin tes-
timoniuui vobis erit, et manducabit carnes vestras sicut ignis.
Thesaurizastis vobis iram in novissimis diebus.
Ecce mercesoperariorum,qui rnessuerunt regiones vestras, quae
fraudata est a vobis, clamât, et clamor eorum in aures Domini
sabaoth introivit.
Epulati estis super terram, et in luxuriis enutristis corda vestra,
in die occisionis.
Addixistis, et occidistis justum, et non restitit vobis.
(Jacob. V. |
(2) Fratres mei, nolite in personarum acceptione babere lidem
Domini nostri Jesu Ghristi gloriae.
Etenim si introierit in conventum vestrum vir aureumannulum
habens in veste candida,introierit autem et pauper in sordidohabitu;
Et intendatis in eum qui indutus est veste prseclara, et dixeritis
ei : Tu sede hic bene ; pauperi autem dicatis : Tu sta illic, aut sede
sub scabello pedum meorum;
Nonne judioatis apud vosmetipsos, et facti estis judices cogita-
tionum iniquarum ?
Audite, fratres mei dilectissimi, nonne Deus elegit pauperes in
hoc mundo, divites in fide, et heredesregni quod repromisit Deus
diligentibus se ?
Vos autem exhonorastis pauperem. Nonne divites per potentiam
opprimuut vos, et ipsi trahunt vos ad judicia ?
Nonne ipsi blasphémant bonum nomen, quod invocatum est su-
per vos ?
Si tamen legem perflcitis regalem secundum Scripturas : Diliges
proxiinum tuum sicut teipsum, benc facitis ;
LA RELIGION DANS SES RAPPORTS AVEC LA QUESTION SOCIALE 117
Le tout sous peine de commotions formidables. — Tout
raisonnement est ici superflu tant les faits eux-mêmes appa-
raissent dans leur effrayante réalité. La Société antique, en
Grèce comme à Rome, de l'Orient à l'Occident, n'a cessé d'être
bouleversée par la lutte du prolétariat contre la richesse.
.-1 l'heure présente c'est l'imminent danger de notre So-
ciété déchristianisée. — Les conditions d'harmonie que nous
venons de signaler ont été méconnues; Fégoïsme des uns,
les appétits furieux des autres rendent imminentes les plus
sanglantes mêlées.
III
COMMENT LA RELIGION SEULE Y MAINTIENT
L'HARMONIE
Avant de nous rendre compte du rôle social de la religion
démontrons-nous bien l'insuffisance et l'inefficacité de tout
ce qui n'est pas elle.
Où l'on aboutit sans la religion. — 1° Enlevez de la classe
riche les sentiments de justice, de générosité, de dévouement
que la Religion inculque (1); laissez les âmes fermées aux
Si autem personas accipitis, peccatum operamini, redarguti a
lege quasi transgressores. (Jacob. II.)
(1) Factum est autem ut moreretur mendicus, et portaretur ab
Angelis in sinum Abrahœ. Mortuus est autem et dives, et sepultus
est in inferno.
Elevans autem oculos suos, quuni essetintormentis, vidit Abra-
ham alonge, et Lazarum insinu ejus;
Et ipse damans dixit : Pater Abraham, miserere mei, et mitte
Lazarum ut intingat extremum digiti sui in aquam, ut refrigeret
linguam meam; quia crucior in hac flamma.
Et dixit illi Abraham : Fili, recordare quia recepisti bona in
vita tua, et Lazarus similiter mala ; nunc autem hic consolatur,
tu vero cruciaris.
Et in his omnibus inter nos et vos chaos magnum firmatum est;
ut hi qui volunt bine transire ad vos, non possint, neque inde
hue transmeare. (Luc. XV.)
i 18 LA. RELIGION DANS SES RAPPORTS AVEC LA QUESTION SOCIALE
redoutables terreurs d'un jugement à subir, fermez-les sur"
tout aux aspirations d'un ciel à mériter, conônez-les dans les
jouissances de la vie présente, vous verrez surgir un mons-
trueux égoïsme et pour ainsi parler le mépris féroce de ce
qui travaille et souffre (1).
2° En dehors du Christianisme. — Le monde vit les théories
abominables de la philosophie païenne, qui n'assignait au
pauvre et à l'esclave qu'à peine un rang plus élevé que la
bête. — Par contre, de nos jours, surgissent de toutes parts
les revendications socialistes, qui nient jusqu'à la propriété
et aspirent au sac universel de la richesse.
3° Restera, dit-on, l'emploi de la force. — L'équilibre so-
cial sera donc sous la garde de la baïonnette. — Sans doute
cette protection est nécessaire et nous ne la pouvons mépri-
ser. — Mais qui ne sait combien, à certains moments, cette
digue est fragile sous l'effort du flot populaire?
4° Nous touchons peut-être aux profondeurs de l'abîme. —
Un peuple sans Dieu, sans foi, sans espérance, fermé à toute
aspiration supérieure, à toute attente divine, hurle des cris
de mort contre la Société; il en veut le renversement, et
quand ses bombes meurtrières se reposent le poignard les
remplace.
Comment la Religion résout la question sociale. — [°Elte
la résout par ses grands dogmes. — Elle fait apparaître au
riche comme au pauvre leur destinée immortelle. Elle dresse
solidement l'autel du Dieu qu'il faut honorer. Elle promulgue
les lois divines et humaines auxquelles il faut obéir.
2° Elle la résout par son Homme Dieu, — par son Christ,
qui est tout ensemble le dominateur du riche et le frère du
pauvre (2).
3° Elle la résout par son égalité surnaturelle. — Pour Elle
toute âme est semblable, et si elle se permet une dilférence
(1) Homo quidam erat dives, qui induebatur purpura et bysso ;
et epulabatur quotidie splendide.
Et erat quidam mendicus, nomine Lazarus, qui jacebat ad ja-
nuam ejus, ulceribus plenus,
Gupiens saturari demicis quae cadebantde mensa divitis,otnemo
il 1 i dabat ; sed et canes veniebant, et lingebant ulcéra ejus.
(Luc. XV.)
(2) Scitis enim gaatiam Domini nostri Jesu Christi, quoniam
proplcr vos egenus factus est, quum esset dives, ut illius inopia
vosdivites essetis. (II Cor. VIII.)
LA RELIGION DANS SES RAPPORTS AVEC LA QUESTION SOCIALE 119
de dévouement et d'amour, c'est en faveur du pauvre. D'ail-
leurs sa foi, ses temples, ses autels, son Eucharistie, sont des
biens communs à tous (1).
4° Elle la résout par la confraternité — Elle, traite le riche
comme son 01s aîné qu'elle charge de pourvoir aux besoins du
plus jeune, c'est-à-dire du pauvre. Aux pieds du pauvre elle
a abaissé les rois; pour le pauvre elle a multiplié tous les
services de la charité catholique; en faveur du pauvre elle a
fait surgir les héroïsmes delà Vie Religieuse.
(1) Sicut enim corpus unum est, et membra habet multa, orania
autem membra corporis quum siut multa, unum tamen corpus
sunt : ita et Ghristus.
Etenimin uno Spiritu omnes nos in unum corpus baptizati su-
mus, sive Judœi sive gentiles, sive servi sive liberi ; et omnes in
uno Spiritu potati sumus.
Nam et corpus non est unum membrum, sed multa.
(I Cor. XII.)
UNE IMAGE DU CHRISTIANISME
ET DE LA VIE CHRÉTIENNE
Simile est regnum Dei grano sinapis qaod accipiens homo
seminavit in agro suo. Quod cum seminatum fuerit in terra
minus est omnibus seminibus quse simt in terra. Et cnm semi-
natum fuerit, accendit et fit majus oleribus et crevit et factum
est in arborent magnam et facil ramos magnos ita nt possint
sub timbra e jus aves cœli habitare. (Matth. xm, 31. — Marc, iv,
31, Luc. xm, 19.)
Fréquemment dans l'Ecriture nous retrouvons cette image
de l'arbre, soit pour nous décrire l'histoire entière de la re-
ligion, soit pour nous dépeindre la vie et les actes de l'âme
juste. — Le prophète Isaïe voyait l'ancien Israël comme un
arbre dont la cime portait au ciel, dont les rameaux immen-
ses couvraient la terre. — David, pour nous représenter le
Juste dans la riche floraison de ses vertus, nous fait voir
« l'arbre planté sur le bord des eaux, dont le feuillage est
toujours vert et que couvrent chaque saison des fruits opu-
lents. » — Jésus-Christ revint souvent à celte figure. C'est
tantôt la vigne, tantôt le figuier qui lui servenl à peindre
l'âme chrétienne. — Ici, sous la figure duc grain t\<> sénevé, »
devenu un arbre aux rameaux étendus, au tronc solide, aux
racines profondes, c'est le Christianisme dans son histoire
entière qu'il nous veut représenter.
Suivons L'idée divine, et dans celte parabole étudions à la
fois l'histoire du christianisme et l'histoire de l'âme chré-
tienne.
UNE IMAGE DU CHRISTIANISME ET DE LA VIE CHRÉTIENNE 121
HUMBLES DEBUTS DU CHRISTIANISME
ET DE L'AME CHRÉTIENNE
« Cum seminatum fuerit in terra minus est omnibus semini-
bus quœ sunt in terra. »
Tel est le premier aspect sous lequel nous apparaissent et
le christianisme et l'âme chrétienne. Rien de plus humble, de
plus petit, de plus imperceptible : « Ea quœ non sunt elegit
Deus.... Contemptibilia, ignobilia elegit Deus. »
Que fut le Christianisme à sa naissance? — Reportons-
nous au temps de sa première apparition sur la terre. Qu'était
la Société païenne? Que fut en regard le christianisme nais-
sant?
1° Tableau dît monde païen (1). — Toutes les forces y sont
(1) Et factum est in anno undecimo, tertio mense, una mensis,
factum est ver bu m Domini ad me, dicens :
Fili hominis, die Pharaoni, régi JEgypti, et populo ejus: Gui
similis factus es in magnitudine tua ?
Ecce Assur quasi cedrus in Libano, pulcher ramis, et frondibus
nemorosus, excelsusque altitudine, et inter condensas frondes
elevatum est cacumen ejus.
Aquœ nutrierunt illum, abyssus exaltavit illum ; flumina ejus
manabant in circuitu radicum ejus, et rivos suos emisit ad uni-
versa ligna regionis.
Propterea elevata est altitudo ejus super ornnia ligna regionis;
et multiplicata sunt arbusta ejus, et elevati sunt rami ejus prœ
aquis multis.
Gumque extendisset umbram suam, in ramis ejus fecerunt ni-
dos omnia volatilia cœli ; et sub frondibus ejus genuerunt omnes
bestise saltuum, et sub umbraculo illius habitabat cœtus gentium
plurimaruin.
Eratque pulcherrimus in magnitudine sua, et in dilatatione ar-
bustorum suorum, erat enim radix illius juxta aquas multas.
Cedri non fuerunt altiores illo in paradiso Dei ; abietes non
adspquaverunt snmmitatem ejus, et platani non fuerunt sequse
122 UNE IMAGE DU CHRISTIANISME ET DE LA VIE CHRÉTIENNE
réunies, toutes les gloires y étincellent. Le monde païen, l'i-
dolâtrie, c'est Rome victorieuse qui, après avoir conquis tous
les peuples connus, s'en est fait la plus vaste domination.
Rome est maîtresse du monde; sa force, à laquelle rien n'a
résisté, maintient dans une aveugle obéissance les nations
domptées. Nul ne pense, n'agit, ne respire, qu'à son bon
plaisir. — A sa force matérielle l'Empire ajoute une extra-
ordinaire puissance d'organisation et de gouvernement. —
Riche des dépouilles de la terre entière, Rome idolâtre s'est
revêtue d'une incomparable splendeur. — Enfin le paga-
nisme romain tient en son pouvoir la conscience humaine.
frondibus illius : orane lignura paradisi Dei non est assimilatum
illi, et pulchritudirii ejus.
Quoniamspeciosum feci eum,et multis condensisque frondibus,
et semulata sunt eum omnia ligna voluptatis, quae erant in para-
diso Dei.
Propterea hœc dicit Dorainus Deus : Pro eo quod sublimatus est
in altitudine, et dédit summitatem suam virentem atque conden-
sam, et elevatum est cor ejus in altitudine sua;
Tradidi eum in manu for tissimi gentium, faciensfacietei; juxta
impietatem ejus ejeci eum.
Et succident eum alieni, et crudelissimi nationum, et projicient
eum super montes ; et in cunctis convallibus corruent rami ejus,
et confringentur arbusta ejus in universis rupibus terrse, et recè-
dent de umbraculo ejus omnes populi terrse, et relinquent eum.
In ruina ejus habitaverunt omnia volatilia caeli et in ramis ejus
fuerunt universse bestiae regionis.
Quamobrem non elevabuntur in altitudine suaomnia ligna aqua-
rum, nec ponent sublimitatem suam inter nemorosa atque fron-
dosa; nec stabunt in sublimitate sua omnia <{uoe irriganturaquis,
quia omnes traditi sunt in mortem ad terrain ultimam, in modio
filiorum hominum, ad eos qui descendunt in lacum.
Hase dicit Dominus Deus : In die quando descendit ad inferos,
induxi luctum ; operui eum abysso, et prohibui flumina ejus, et
coercui aquas multas : contristatus est super eum Libanus,et omnia
ligna agri concussa sunt.
A sonitu ruinas ejus commovi gentes, eum deducerem eum ad
infernum eum his qui descendebant in lacum ; et consolata sunt
in terra intima omnia ligna voluptatis egregia atque proeclara in
Libano, universa quœ irrigabantur aquis.
Nam et ipsi eum eo descendent in infernum ad interfectos gla-
dio ; et brachium uniuscujusque sedebit sub umbraculo ejus in
medio nationum.
Gui assimilatus es, o inclyte atque sublimis inter ligna volup-
tatis? Ecce deductuses eum lignis voluptatis ad terrain ultimam ;
in medio incircumeisorum dormies, eum eis qui interfecti sunt
gladio : ipse est Pbarao, et omnis multitudo ejus, dicit Dominus
Deus. (Ezech. XXXI.)
UNE IMAGE DU CHRISTIANISME ET DE LA VIE CHRÉTIENNE 123
L'Etat s'est fait Dieu, et si les âmes doivent se prosterner
devant les autels des divinités, c'est bien plus au César qu'aux
dieux de l'Olympe que l'adoration obligatoire est adressée.
Une autre force immense du paganisme est celle de sa lit-
térature et de sa civilisation. Les œuvres du génie païen ont
fondé le règne d'une admiration universelle. Les beaux es-
prits, les écrivains illustres d'Athènes et de Rome, détiennent
à eux seuls la dictature de la pensée.
Sur leurs modèles s'est faite la civilisation païenne tout en-
tière. Coutumes, mœurs publiques, idées régnantes, opinions
reçues, tout relève du génie païen.
2° Tableau du christianisme naissant. — Dieu n'envoyait
son Messie et ne fondait le Testament Nouveau que pour
renverser et anéantir l'idolâtrie antique. L'immense domi-
nation païenne devait disparaître et faire place, sur toute la
surface du monde, à la religion du vrai Dieu. — Mais, ô ren-
versement des pensées humaines ! 0 merveille du plan divin!
Ce qui jettera bas le colosse romain c'est l'atome le plus im-
perceptible, c'est le rien, c'est le néant : « Ea quœ non sunt
elegit Deus ut ea quse sunt destrueret » (1). i
Représentons-nous la première apparition du Christanisme
(1 ) Sed est Deus in cœlo revelans mysteria, qui indicavit tibi,
rexNabuchodonosor, quœ ventura sunt in novissiniis temporibus.
Somnium tuum, et visiones capitis tui in cubili tuo hujuscemodi
sunt :
Tu, rex, cogitare cœpisti in strato tuo, quid esset futurura post
haec ; qui révélât mysteria, ostendit tibi quœ ventura sunt.
Mini quoque non in sapientia, quœ est in me plus quam in
cunctis viventibus, sacramentum hoc revelatum est, sed ut inter-
pretatio régi manifesta fieret, et cogitationes mentis tuœ scires.
Tu, rex, videbas, et ecce quasi statua una grandis : statua illa
magna, et statura sublimis, stabat contra te, et Intuitus ejus erat
terribilis.
Hujus statuas caput ex auro optimo erat, pectus autem et bra-
chia de argento, porro venter et femora ex œre ;
Tibiœ autem ferreœ, pedum quœdam pars erat ferrea, quœdam
autem fictilis.
Videbas ita, donec abscissus est lapis de monte sine manibus,
et percussit statuam in pedibus ejus ferreis et fictilibus, et com-
minuit eos.
Tune contrita sunt pariter ferrum, testa, ses, argentum, et au-
rum, et redacta quasi in favillam œstivœ arese, quœ rapta sunt
vento, nullusque locus inventus est eis ; lapis autem, qui percus-
serat statuam, factus est mons magnus, et implevit universam
terram. (Dan. II.)
124 UNE IMAGE DU CHRISTIANISME ET DE LA VIE CHRÉTIENNE
dans le monde païen. On y apprend qu'en un coin étroit et
méprisé, dans cette Judée, objet des railleries des beaux
esprits de Rome, un Juif vient de périr sur une croix. —
Ceux qui annoncent cette insignifiante nouvelle ce sont douze
étrangers, douze pauvres, hommes grossiers et sans lettres.
— Ceux qui adhèrent les premiers à cet étrange Evangile
sont des pauvres et des esclaves. — Et qu'annonce-t-on au
monde? Une inaccessible doctrine, faite d'incompréhensibles
mystères; une morale toute hérissée de préceptes odieux à la
nature: un culte dépourvu de splendeur, une religion enfin
en opposition flagrante avec les mœurs publiques et les idées
reçues.
0 Dieu ! quel est donc le plan que vous poursuivez?... Dieu,
en privant son œuvre des ressources humaines, en la desti-
tuant de tout prestige et de toute force, veut montrer que, dans
la victoire du Christianisme sur le monde païen, Lui seul
agit, et que la religion nouvelle est manifestement son œuvre.
Et c'est ainsi que le miracle de la naissance, de l'extension,
du triomphe, du règne définitif de l'Eglise de Jésus-Christ
demeurera à jamais l'inébranlable preuve de sa divinité (1).
Qu'est le chrétien ici-bas? — La même merveille se re-
trouve en petit dans chaque àme chrétienne. « Curn semina-
tum fuerit in terra minus est omnibus seminibus. »
1° Ce que doit être l àme chrétienne dam F épanouissement
de sa gloire future, ce quelle est actuellement dans les divines
réalités de la grâce. — Nul que Dieu ne saurait l'exprimer.
Créature divine, enfant de Dieu, destinée à des splendeurs
éternelles, devant l'âme chrétienne s'ouvre un règne qui
n'aura pas de tin. La vie de Dieu est son domaine, les ri-
cin sses de Dieu deviennent son patrimoine, les pensées de
Dieu illuminent son intelligence, la béatitude de Dieu coule
(li Habemus autem thesaurum istum in vasis fictilibus ; ut su-
blimitas sit virtutis Dei, et non ex n
In omnibus tribulationem patimur, sed non angustiamur ; apo-
riamur, sed non destituimur ;
Persec itionem patimur, sed non derelinquimur : dejicimur,
non perimus :
S nper mortificationein Jesu in corpore nostro circumferentes,
ut el vit a Jesu manifestetur in corporibus nostris.
ipcr on i m nos qui vivimus, in mortem tradimur propter Je-
sum ; ut et vita Jesu manifestetur in carne nostra morlali.
(II. Cor. IV.)
UNE IMAGE DU CHRISTIANISME ET DE LA VIE CHRÉTIENNE 125
dans son cœur comme un impétueux torrent... Mais cessons
de balbutier et disons avec l'Apôtre : « Ce que l'œil n'a point
vu, ni l'oreille entendu, ni le cœur compris, c'est ce que Dieu
a préparé à ses Elus (1). »
2° Or autant est divine la destinée de Vâme chrétienne, au-
tant est humble et infime l'aspect sous lequel elle nous appa-
raît. — Aux yeux du monde l'âme chrétienne est dénuée de
prestige; la religion est une faiblesse, la croyance une chi-
mère, l'espérance future une duperie misérable. Ceux-là seuls
ont l'âme haute, la pensée puissante, le génie transcendant,
qui répudient l'humble religion des foules. — Et non seule-
ment l'âme chrétienne est dans le monde inconnue et inap-
prôciée (2), mais elle est et doit être petite et infime à ses
propres yeux (3). Tel est l'ordre, tel est le commandement
fondamental. Le chef de notre race fut pauvre, se fît artisan,
et de lui il disait : « Apprenez de moi que je suis humble. »
Son existence mortelle et sa mort sur la Croix sont la suprême
expression de l'humilité.
Ainsi se vérifient pour le christianisme et l'âme chrétienne
les premières paroles du texte sacré : « Le Royaume des cieux
est semblable au grain de sénevé qu'un homme prit et sema
(1) Sed loquimur Dei sapientiam in mysterio, quœ abscondita
est, qnara prœdestinavit Deus ante saîcula in gloriam nostram,
Quam nemo principum hujus sœculi cognovit : si enim cogno-
vissent, nunquam Doiuinum gloriaj crucifixissent.
Sed sicut scriptuni est : Quod oculus non vidit, nec auris audi-
vit, nec in cor hominis accendit, quœ prœparavit Deus iis qui
diligunt illum ;
Nobis autem revelavit Deus per Spiritum suum : Spiritus enim
omnia scrutatur etiam profunda Dei. (I Cor. II.)
(2) Amen, amen dico vobis, quia plorabitis et flebitis vos, mun-
dus autem gaudebit ; vos autem contristabimini, sed tristitia ves-
tra vertetur in gaudium.
Mulier quum parit, tristitiam habet, quia venit hora ejus :
quum autem pepererit puerum, jam non meminit pressurae prop-
ter gaudium: quia natus est homo in mundum. (Joan. XVI.)
(3) Inilla hora acces~erunt discipuli ad Jesum, dicentes . Quis,
putas, major est in regno cœlorum ?
Et advocans Jésus parvulum, statuit eum in medio eorum,
Et dixit : Nisiconversi fueritis, et efficiamini sicut parvuli, non
intrabitis in regnum cœlorum.
Quicumque ergo humiliaverit se sicut parvulus iste, hic est ma-
jor in regno cœlorum.
Et qui susceperit unum parvulum talem in nomine meo, me
suscipit. (Joan. XVIII.)
126 UNE IMAGE DU CHRISTIANISME ET DE LA VIE CHRÉTIENNE
dans son champ. Et, quand ce grain est mis en terre, il est
plus petit que toute autre semence. »
M
MERVEILLEUSE PUISSANCE DU CHRISTIANISME
ET DE L'AME CHRÉTIENNE
Nous avons vu l'imperceptible semence : contemplons l'ar-
bre. La merveille est accomplie. De puissantes racines plon-
gent dans le sol profondément. Un tronc vigoureux s'est élevé
vers le ciel, d'immenses rameaux s'étendent de toutes parts.
Une sève, qui jamais ne tarit, monte des racines jusqu'au
dernier feuillage. Les tempêtes ont passé, les torrents se sont
déchaînés, l'arbre a résisté à leurs assauts les plus furieux.
— Et tel est le christianisme, telle est l'âme chrétienne.
Merveilleuse puissance du Christianisme. — Alui, comme
à l'arbre, des racines profondes. C'est dans un sol divin que
plonge le christianisme. La sève qui circule en lui n'a d'autre
origine que Dieu, et c'est de Dieu, de Jésus-Christ, des tré-
sors de la grâce, des vitales influences de la Rédemption que
viennent à l'Eglise ces indestructibles forces que les siècles
n'ont pu entamer.
« Ascendit et fit majus oleribus et crevit et factum est in ar-
borcm magnam... et ramos magnas. » Considérez le christia-
nisme, arbre immense qui couvre la terre. Etudiez son mer-
veilleux empire; voyez-le s'emparer des âmes, dominer les
intelligences, enchaîner les cœurs, régler les existences, fa-
çonner la société comme la famille, dominer les mœurs
publiques, faire pénétrer partout ses divines influences (1).
(i) Pro iniquitate vidi tentoria .Ethiopie : turbabuntur pelles
terra; Madian.
Numquid in fluminibus iratus es, Domine ? aut in fluminibus
furor tuus ? vel in mari indignatio tua ?
Qui ascendes super equos tuos : et quadrigœ tuœ salvatio.
UNE IMAGE DU CHRISTIANISME ET DE LA VIE CHRÉTIENNE 127
Depuis dix-huit siècles le grand arbre divin est battu des plus
furieuses tempêtes; chaque siècle a vu leurs assauts destruc-
teurs; l'arbre est demeuré inébranlable; son tronc dix-huit
fois séculaire est debout et jamais sa sève n'a tari.
Merveilleuse puissance du chrétien. — Ces caractères de
force, d'étendue, d'immuable durée qui marquent le chris-
tianisme, nous les retrouvons dans l'âme chrétienne.
1° Le chrétien, lui aussi, est puissamment enraciné. — Les
choses humaines, les plus brillantes, les plus illustres, celles
qui en apparence sont les plus fortes et les plus durables,
passent sur la terre comme uue poussière chassée du vent :
rien ne reste de ce qui est purement humain. Le génie laisse
à peine une légère empreinte, les fortunes tombent en ruine,
les familles s'éteignent, les dynasties disparaissent, le monde
n'est devant nous qu'un sol mouvant, une terre de ruines. ..
Seule, au sein de ces débris épars, se dresse une réalité im-
muable. Survivante des choses humaines, l'âme chrétienne
a pour elle l'immortalité. — Là où tout le reste périt elle
inaugure une vie immuable; la tombe où toute chose hu-
maine prend fin est pour elle le commencement de son im-
mortelle vie. Et quand, après l'évolution des siècles, « le ciel
et la terre passeront, » l'âme chrétienne, plus résistante que
le ciel et la terre, chantera sur les ruines de l'univers l'hymne
de son immortalité (4).
Suscitans suscitabis arcum tuum : juramenta tribubus quse lo
cutus.
Fluvios scindes terrœ : viderunt te, et doluerunt montes: gurges
aquarum transiit.
Dédit abyssus vocem suam : altitudo manus suas levavit.
Sol et luna steterunt in habitaculo suo, in luce sagittarum tua-
rum, ibunt in splendore fulgurantis hastse tuae.
In fremitu conculcabis terrain : etinfurore obstupefacies gentes.
Egressus es in salutem populitui: in salutem cum Christo tuo.
Percussisti caput de domo impii : denudasti fundamentum ejus
usque ad collum.
Maledixisti sceptris ejus, capiti bellatorum ejus, venitntibus ut
turbo ad dispergendum me.
Exultatio eorum, sicut ejus qui dévorât pauperem in abscondito.
Yiam fecisti in mari equistuis, in luto aquarum multarum.
Audivi, et conturbatus est venter meus: a voce contremuerunt
labia mea. (Habac. III.)
(1) Beatus vir, qui non abiitin consilio impiorum, et in via pec-
catorum non stetit, et in cathedra pestilentice non sedit :
123 UNE IMAGE DU CHRISTIANISME ET DE LA VIE CHRÉTIENNE
2° Le chrétien, lui aussi, est protégé par un luxuriant feuil-
lage. — Devenu un grand arbre le grain de sénevé étend au
loin, dit l'Evangile, son opulent feuillage. Quand un soleil
dévorant brûle la terre : sous l'abri de l'arbre se conservera
la fraîcheur. — Dans le monde, en dehors de l'abri religieux,
les passions sont brûlantes, les douleurs desséchent les âmes,
tout se fait désolation et aridité. — Seule alors l'âme chré-
tienne, à l'abri sous l'épais feuillage de sa piété et de sa foi,
brave les feux dont les autres sont dévorés.
III
MISSION DIVINE DU CHRISTIANISME
ET DE L'AME CHRÉTIENNE
Un dernier trait de la parabole est aussi gracieux qu'il est
profond. « Ita, dit le texte, ut possint sub umbra ejus aves
coeli habitare. »
L'arbre n'est pas seulement ce tronc vigoureux, ces vastes
branches qui s'étendent au loin et résistent à l'orage, l'arbre
est cet être charmant qui se couvre de feuillage et de fleurs,
où chantent les oiseaux du ciel, où résonnent jour et nuit
mille mélodies délicieuses.
Sed in lege Domini voluntas ejus, et in lege ejus meditabitur
die ac nocte.
Et erit tanquam lignum, quod plantatum est secus decursus
aquarum, quod fructum suura dabit in tempore suo :
Et folium ejus non defluet : et omnia <iu;ccu nique faciet, pros-
perabuntur.
Non sicimpii, non sic : sed tanquam pulvis, quem projicit ven-
tus a facie terrse.
Ideo non résurgent impii in judicio : neque peccatores in conci-
lio justoruni.
Quoniam novit Dominus viam justorum : et iter impiorum pe-
ribit. (l'sal. I.)
UNE IMAGE DU CHRISTIANISME ET DE LA VIE CHRÉTIENNE 129
Telle sera la nouvelle image du Christianisme et de l'âme
chrétienne.
Mission divine du Christianisme. — Le christianisme est
un chant. De son sein s'élèvent jusqu'au ciel les voix mélo-
dieuses, les hymnes saints, qui redisent perpétuellement les
louanges du Très-Haut (J).
1° Entendons le chant des vertus chrétiennes. — Aux cla-
meurs discordantes, aux cris impurs de l'idolâtrie, succédèrent
les voix célestes de la perfection chrétienne. A la gloire de
Dieu la timide humilité, la chasteté virginale, la charité brù-
lante, le martyre empourpré, ont élevé jusqu'au ciel leurs
voix gracieuses et éclatantes.
2° Entendons le chant des institutions et des œuvres chré-
tiennes. — Quel concert s'élève ainsi de la surface du monde
catholique! Des œuvres de toutes sortes, des institutions de
tout but et de tout nom, ont couvert le sol chrétien de leurs
merveilles, et tous chantent à leur manière l'hymne saint.
3° Entendons le chant de la Sainteté. — Si la voix de l'âme
chrétienne est mélodieuse, si l'hymne que redisent les Ins-
titutions chrétiennes est éclatant : plus mélodieux, plus écla-
tant encore est léchant qui s'échappe de la Sainteté. Vierges
et confesseurs, anachorètes et martyrs, Saints de l'Eglise
primitive, Saints des siècles qui ont suivi, Saints qui vivent
et chantent au milieu de nous : de toutes ces Saintetés, de
tous ces héroïsmes , s'échappent vers Dieu d'inénarrables
mélodies.
Mission divine du chrétien. — Si l'arbre entier, si le
Christianisme, dans son ensemble, vibre ainsi à la louange de
Dieu : ne méprisons pas la mélodie plus humble, mais si belle
et si pure encore, de chaque âme chrétienne en particulier.
— Quelle est ici-bas notre mission? Elle est unique, elle est
(1) Et audivi vocem de cœlo, tanquam vocem de aquarum mul-
tarum, et tanquam vocem tonitrui magni ; et vocem quam audivi,
sicut citharoedorum citharizantium in citharis suis.
Et cantabant quasi canticum novum ante sedem, et ante quatuor
animalia, et seniores ; et nemo poterat dicere canticum, nisi illa
centum quadraginta quatuor millia qui empti sunt de terra.
Hi sunt, qui cum mulieribus non sunt coinquinati : virgines
enim sunt. Hi sequuntur Agnum quocumque ierit. Hi empti sunt
ex hominibus primitiœ Deo, et Agno.
Et in ore eorum non est inventum mendacium ; sine macula
enim sunt ante thronum Dei. (Apoc. XIV.)
T. IV 9
130 UNE IMAGE DU CHRISTIANISME ET DE LA VIE CHRÉTIENNE
essentielle : nous glorifions Dieu. De là, chez le Psalmiste,
cette continuelle invitation à chanter la divine louange :
« Cantate Domino »... Et ce mot de l'Apôtre : « Glorificate
Deum. »
Tout chante dans le chrétien. Son âme est une mélodie
suave. Son corps lui-même doit vibrer pour Dieu dans un
harmonieux ensemble. — De son intelligence s'élèvera
l'hymne de la foi. — Son cœur chantera l'amour. De ses lè-
vres s'échapperont les voix de la prière. Tous les actes de
sa vie rediront les louanges du Très-Haut.
LA RÉDEMPTION PAR LE SANG
Pour qui médite le mystère de la Rédemption et s'engage
dans les profondeurs de la pensée divine, le mot du Psal-
miste se vérifie de la plus saisissante manière : L'abîme ap-
pelle l'abîme. — La nature humaine était devenue préva-
ricatrice, insolente envers son Créatenr, révoltée, pleine pour
Dieu d'éloignement, de haine et de mépris. Dieu, au lieu de
délaisser cette indigne, la prend en pitié et se résout au par-
don. C'est là un premier abîme. — Mais qui négociera ce
pardon? Qui donnera à Dieu la satisfaction qu'il exige pour
l'injure reçue? 0 « abîme »! c'est le Fils de Dieu même qui
se charge du salut du monde. — Et voici qu'une profondeur
nouvelle s'ouvre devant nous et la plus insondable. Ce Verbe
Incarné, qui d'un mot, d'une parole, d'un désir, eût sauvé
mille mondes, entreprend une tout extraordinaire carrière
d'humiliations, de douleurs, de larmes et de sang. C'est du
haut d'un gibet que, livide de coups, broyé dans le creuset
de toutes les douleurs, il arrache à la Justice Eternelle le
salut de l'humanité.
Saint Paul nous dit ici, en face de la croix où un Homme-
Dieu expire, un de ces mots qui terrifient : Decebat Auctorem
salutis per passionem comummare. Il convenais Grand Dieu!
il convenait qu'un Dieu mourût pour l'homme sa créature?
« Decebat, » répond l'apôtre, et si nous entendons bien sa
doctrine nous trouverons à ce mode sanglant de Rédemp-
tion une triple convenance. L'œuvre de la Rédemption était
une œuvre : i° de paix; 2° de lumière; 3° à' amour. — A ces
trois œuvres la douleur et la mort seront de naturels et puis-
sants auxiliaires. .
132 LA RÉDEMPTION PAR LE SANG
C'EST UNE ŒUVRE DE PAIX
L'œuvre à accomplir est avant tout la réconciliation de
Dieu avec l'homme et de l'homme avec Dieu. Telle est l'œu-
vre. Comment l'Homme-Dieu la pourra-t-il accomplir?
L'œuvre formidable à accomplir. — Formidable en effet,
car elle est entravée par deux insurmontables obstacles.
1° Dieu s'est éloigné de V homme. — Il aimait cette créa-
ture, sortie si belle et si pure de ses mains. Mais maintenant
la nature humaine ne lui offre plus que des sujets de haine
et de dégoût. En elle désormais se trouve réuni tout ce qui
est le plus propre à irriter Dieu : sensualisme, orgueil, ré-
volte, impiété; liste fatale que l'Apôtre dresse dans ses pre-
miers chapitres aux Romains. — Ainsi sommes-nous devenus
pour Dieu des « ennemis », des « vases de colère », des « (ils
de géhenne et de perdition. » — Les paroles de l'Ecriture
sont terribles : « Pœnitet me »... « Deus abomiuabitur vi-
rum »... « perdam »... « nunc rétribuant »...
2° L'homme s'est éloigné de Dieu (1). La postérité d'Adam
a suivi son ancêtre dans une fuite que rien n'a pu ralentir.
(1) Audite, cœli; et auribuspercipe terra, quoniam Donunus lo-
cutus est: Filios enutrivi, et exaltavi; ipsi autem spreverunt me.
Cognovit bos possessorem suum, et asinus prœsepe domini sui;
Israël autem me non cognovit, et populus meus non intellexit.
Vœ genti peccatrici, populo gravi iniquitate, semini nequam,
filiis sceleratis! dereliquerunt Dominuin, blasphemaverunt Sanc-
tum Israël, abalienati sunt retrorsum.
Super quo percutiam vos ultra, addentespra3varicationem?Omne
caput languidum, et omne cor mœrens.
A planta pedis usque ad verticem, non est in eo sanitas ; vulnus
et livor, et plaga tumens, non est circumligata, nec curata medi-
camine, neque fota oleo.
Terra vestra déserta, civitates vestrœ succensœ igni : regionem
LA RÉDEMPTION PAR LE SANG 133
L'homme pécheur, l'humanité prévaricatrice, n'a plus pour
Dieu ni une pensée, ni un regard, ni même un lointain sou-
venir. — Durant quatre mille ans la miséricorde essaie de
ramener le coupable, mais en vain. — L'homme renie Dieu
au Paradis terrestre. — Oublieuse des bienfaits comme des
châtiments, la gentilité se précipite dans tous les excès (1), et
vestram coram vobis alieni dévorant, et desolabitur sicut in vas-
titate hostili.
Et derelinquetur filia Sion ut umbraculum in vinea, et sicut tu-
gurium in cucumerario, et sicut civitas quae vastatur.
Nisi Dominus exercituum reliquisset nobis semen, quasi Sodoma
fuissemus, et quasi Gomorrha similes essemus.
Auditeverbum Domini, principes Sodomorum;percipite auribus
legem Dei nostri, populus Gomorrhae.
Quo rnihi multitudinem victimarum vestrarum? dicit Dominus.
Plenus sum. Holocausta arietum, etadipem pinguium, et sangui-
nem vitulorum, et agnorum, et hircorum, nolui.
Gum veniretis ante conspectum meum, quis qusesivit hase de
manibus vestris, ut ambularetis in atriis meis?
Ne offeratis ultra sacrificium frustra, incensum abominatio est
niihi. Neomeniam et sabbatum, et festivitates alias, non feram;
iniqui sunt cœtus vestri.
Galendas vestras, et solemnitates vestras, odivit anima mea;
facta sunt mihi molesta, laboravi sustinens.
Et cum extenderitis manus vestras, avertam oculos meos a vo-
bis; et cum multiplicaveritis orationem, non exaudiam, manus
enim vestrœ sanguine plense sunt. (Isaï. I.)
(1) Justitia enim Dei in eo revelatur ex flde in fidem, sicut scrip-
tum est: Justus autem ex flde vivit.
Revelatur enim ira Dei de cœlo super omnem impietatem et in-
justitiam hominum eorum qui veritatem Dei in injustitia deti-
nent :
Quia quod notum est Dei, manifestum est in illis; Deus enim
illis manifestavit.
Invisibilia enim ipsius, a creatura mundi per ea quse facta sunt,
intellecta, conspiciuntur; stmpiterna quoque ejus virtus, et divi-
nitas: ita ut sint inexcusabiles.
Quia quum cognovissent Deum, non sicut Deum glorificaverunt,
aut gratias egerunt; sed evanuerunt in cogitationibus suis, et obs-
curatum est insipiens cor eorum:
Dicentes enim se esse sapientes, stulti facti sunt.
Et mutaverunt gloriam incorruptibilis Dei in similitudinem ima-
ginis corruptibilis hominis, et volucrum, et quadrupedum, et ser-
pentium.
Propter quod tradidit illos Deus in desideria cordis eorum, in
immunditiam; ut contumeliis afficiant corpora sua in semetipsis ;
Qui commutaverunt veritatem Dei inmendacium; et coluerunt,
et servierunt creatura? potius quam Creatori, qui est benedictus in
ssecula. Amen.
134 LA RÉDEMPTION PAR LE SANG
quand Dieu lui envoie des Sages pour éclairer ses ténèbres,
ces Sages eux-mêmes deviennent plus vicieux et plus impies
que la foule : « Non probaverunt habere Deum in notitia ».
— Dieu tente un nouvel effort. Il se choisit un peuple; il le
sépare des autres nations; il l'illumine et le remplit de ses
grâces (1). Et ce peuple se tourne contre lui avec la même
opiniâtreté et la même ingratitude (2 .
La terre entière est donc en révolte ; la terre entière est
l'ennemi de Dieu : « Non est qui faciat bonum, non est usque
ad unum. »... « Conclusit Deus omnia in incredulitate. »
Propterea tradidit illos Deus in passiones ignominise. Nam fe-
minœ eorum immutaverunt naturalem usum in eum usum qui est
contra naturam.
Similiter autem et masculi, relicto naturali usu feminœ, exar-
serunt in desideriis suis in invicem, masculi in masculos turpitu-
dinem opérantes, et mercedem quam oportuit erroris sui in se-
raetipsis recipientes.
Et sicut non probaverunt Deum habere in notitia, tradidit illos
Deus in reprobum sensum, ut faciant ea quœ non conveniunt,
Repletos omni iniquitate, malitia, fornicatione, avaritia, nequi-
tia: plenos invidia, homicidio, contentione, dolo, malignitate, su-
surrones,
Detractores, Deo odibiles, contumeliosos, superbos, elatos inven-
tores malorum, parentibus non obedientes,
lnsipientes, incompositos, sine affectione, absque fœdere, sine
misericordia:
Qui quum justitiam Dei cognovissent, non intellexerunt quo>
niam qui talia agunt digni sunt morte; et non solum qui ea fa-
ciunt, sed etiam qui consentiunt facientibus. (Rom. I.)
Verbum enim crucis, pereuntibus quidem stultitia est; iis autem,
qui salvi iiunt, id est, nobis, Dei virtus est.
Scriptum est enim: Perdam sapientiam sapieutium, et pruden
tiaro prudentium reprobabo.
Ubi sapiens? ubi scriba? ubi conquisitor hujus sœculi? Nonne
stultam fecit Deus sapientiam hujus mundi?
Nam quia in Deisapientia noncognovit mundus per sapientiam
Deum. placuit Deo per stultitiam prœdicationissalvos facere cre-
dent (I Cor. I.)
(I) Quid ergo amplius Judœo est? Aut qua3 utilitas Gircumcisio-
nis? Multum per omnem modum. (Rom. III.)
3 II lelis, et absque ulla iniquitate, justus et reclus. Pec-
caveruut ei, et non filîi ejus in sordibus.
Generatio prava atque perversa. Haîccine reddis Domino, po-
pule Btulte et insipiens?
Numquid non ipse est pater tuus, qui possedit te, et fecit, et
creavit te? (Deut. XXXII.)
LA RÉDEMPTION PAR LE SANG 135
Comment Jésus-Christ l'opéra. — La première œuvre du
Verbe Incarné, qui est d'opérer la réconciliation du monde,
comment s'accomplira- t-elle? Son dessein profond, Jésus nous
le révèle. « Cum exaltatus fuero omnia ad me traham. » Il
choisit donc la douleur et la mort, on le meurtrira, on le
couvrira de sang, on l'exténuera de coups ; on l'élèvera mou-
rant sur une croix, et c'est là que vainqueur tout à la fois
et de Dieu et de l'homme il les réconciliera l'un à l'autre (1).
1° Par son sang Jésus-Christ apaise Dieu. — La Croix est
dressée; l'Homme-Dieu y expire; le Très-Haut regarde, s'é-
meut, est vaincu. — Qu'a-t-il tout d'abord devant les yeux?
La nature humaine repentante, l'Homme Xouveau baigné de
larmes et de sang, réclamant son pardon à grands cris : « Cum
clamore valido » (2). — Qu'a-t-il encore? Une Victime brisée
et douloureuse. Et comment son cœur, mille fois plus tendre
que le nôtre, résisterait-il au spectacle d'inénarrables souf-
frances ? — Mais Celui qui souffre et qui meurt sous son re-
gard, c'est « le Fils engendré de son sein, » « l'objet de ses
complaisances, » le Bien-aimé de son cœur. — 0 Jésus, de-
mandez notre grâce et nous sommes assurés du salut: «exau-
ditus pro sua reverentia » (3).
(1) Et nemo ascendit in coelum, nisi qui descendit de cœlo, Filius
hoininis, qui est in cœlo.
Et sicut Moyses exaltavit serpentem in deserto, itaexaltariopor-
tet Filiuni hominis;
Ut omnis qui crédit in ipsum non pereat,sedhabeat vitam Eeter-
nam.
Sic enim Deus dilexit mundum, ut Filiuni suum unigenitum
daret; ut omnis qui crédit in eum non pereat, sed habeat vitam
œternam.
Non enim misit Deus Filium suum in mundum ut judicet mun-
dum, sed ut salvetur mundus per ipsum. (Joan. III.)
(2) Deus, Deus meus, respice in me : quare me dereliquisti?
longe a salute mea verba delictorum meorum.
Deus meus, clamabo per diem, et non exaudies ; et nocte, et
non ad insipientiam mini.
Tu autem in sancto habitas, laus Israël.
In te speraverunt patres nostri: speraverunt, et liberasti eos.
Ad te clamaverunt, et salvi facti sunt : in te speraverunt, et non
sunt confusi.
Ego autem sum vermis, et non homo : opprobrium hominum,
et abjectio plebis.
Omnes videntes me deriserunt me: locuti sunt labiis, et move-
runt caput. (Psal. XXI.)
(3) Nunc anima mea turbata est. Etquid dicam? Pater, salvifica
me ex hac hora. Sed propterea veni in horam hanc.
136 LA RÉDEMPTION PAR LE SANG
2° Par son sang Jésus-Christ convertit le monde. — Apaiser
la Justice divine n'était que la première partie de l'œuvre,
il fallait toucher le cœur endurci de l'homme. Jésus le fait à
la croix. Selon l'annonce du Prophète, à peine le Sang di-
vin eut coulé, les divines blessures furent ouvertes : la terre
entière, émue d'un repentir immense, s'en vint contempler
Celui que son péché venait d'ensanglanter et de faire mou-
rir : « Videbunt in quem transfîxerunt. » « Aspicient ad me
quem contixerunt et plangent planctu quasi super unigeni-
tum. » « Dolebunt super eum ut doleri solet in morte primo-
geniti (1). — Ces larmes n'ont plus cessé de couler, cette
douleur du repentir chrétien remplira désormais tous les
siècles de ses accents; les générations chrétiennes passeront
toutes par le Calvaire, pour y déposer leurs impiétés et re-
trouver dans le Sang de l'Homme-Dieu l'innocence perdue.
Par milliers, chaque jour, les âmes chrétiennes referont le
chemin douloureux de la Croix, mêlant leurs larmes aux
larmes divines, leur sang au Sang du Dieu Sauveur.
« Le mur d'inimitié est tombé, » la réconciliation est faite.
Dieu et l'homme régénéré s'aimeront d'un éternel amour.
Pater, clarifica nomen tuum. Venit ergo vox de cœlo: Et clarifi-
cavi, et iterum clarificabo.
Turba ergo, quœ stabat et audierat, dicebnt tonitruum esse fac-
tum. Alii dicebant: Angélus ei locutus est.
Respondit Jésus, et dixit: Non propter me hœc vox venit, sed
propter vos.
Nunc judicium est mundi ; nunc princeps hujus mundi ejicietur
foras.
Et ego si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad me ipsum.
Hoc autem dicebat, significans qua morte esset moriturus.
(Joan. XII.)
(I) Et effundam super domum David et super habitatores Jéru-
salem spiritum gratiœ et precum ; et aspicient ad me quem confixe-
runt; et plangent eum planctu quasi super unigenitum, et dole-
bunt super eum, ut doleri solet in morte primogeniti.
In die illa magnus erit planctus in Jérusalem, sicut planctus
Adadremmon in campo Mageddon.
Et planget terra; familiœ et familiœ seorsum; familiœ domus
David seorsum, et rnulieres eorum seorsum;
Familiœ domus Nathan seorsum, et rnulieres eorum seorsum;
familial domus Levi seorsum, et rnulieres eorum seorsum: familiœ
Semei seorsum, et rnulieres eorum seorsum ;
Omnes familiœ reliquat, familiœ et familiœ seorsum, et rnulieres
eorum seorsum. (Zach. XII.)
LA RÉDEMPTION PAR LE SANG 437
« Reconciliet ambos in uno corpore Deo, per crucem, inter-
fîciens inimicitias in semetipso » (1).
II
C'EST UNE ŒUVRE DE LUMIÈRE
L'un des effets les plus désastreux de la chute originelle,
fut d'obscurcir notre intelligence et d'y étouffer la vérité. —
Le grand œuvre de la Rédemption devra être d'illuminer ces
funestes ténèbres.
Obscurcissement de la vérité dans l'humanité déchue.
— Saint Jean Chrysostôme, dans une image saisissante, nous
fait comprendre l'horreur et les dangers de la nuit profonde
où gît notre âme.
i° Les effets désastreux des ténèbres dans la nature. — Au
sein de la nuit, toute vie se retire, toute végétation s'arrête.
— « Facta est nox, exibunt omnes bestial sylvae. » — La
nuit, c'est l'heure de la confusion et des plus funestes mépri-
ses. Le malheureux qui s'avance sans crainte vers un abîme
(t) Quia eratis illo in tempore sine Ghristo, alienati a conversa-
tione Israël, et hospites testamentorum, promissionis spem non
nabentes, et sine Deo, in hoc mundo!
Nunc autem in Ghristo Jesu vos, qui aliquando eratis longe,
facti estis prope in sanguine Ghristi.
Ipse enim est pax nostra, qui fecit utraque unum, et médium pa-
rietem macerise solvens, inimicitias in carne sua;
Legem mandatorum decretis evacuans, ut duoscondat in seme-
tipso in unum novum hominem, faciens pacem,
Et reconciliet ambos in uno corpore Deo per crucem, interficiens
inimicitias in semetipso.
Et veniens evangelizavit pacem vobis qui longe f ..istis, et pacem
iis qui prope;
Quoniam per ipsum habemus accessum ambo in uno spiritu ad
Patrem.
Ergo jam non estis hospites et advense, sed estis cives sancto-
rum, et domestici Dei. (Ephes. I.)
138 LA RÉDEMPTION PAR LE SANG
est le même qui tremblera aux frissonnements d'une feuille.
— Trompé par les ténèbres, le voyageur se donnera en toute
confiance à un ennemi et l'ami qui le recherche il le frappera
comme un agresseur.
2° Effets réalisés dans l'âme chrétienne. — Ainsi devint,
au sein de ses ténèbres, l'humanité malheureuse : « Habentes
intellectum tenebris obscuratum » (1). Elle perdit la notion
de ses dangers comme de son salut. — Reniant Dieu, elle se
livra au démon (2). — Sereine devant d'effroyables périls,
elle trembla où n'était aucun sujet de crainte « Timuerunt
ubi non erat timor. » — Tout entière aux visions des créa-
tures, elle n'aperçut plus nulle part le Dieu véritable (3).
(1) Hoc igitur dico et testificor in Domino, ut jamnon ambuletis
sicut et gentes ambulant in vanitate sensus sui,
Tenebris obscuratum habentes intellectum, alienati a vita Dei
per ignorantiam quœ est in illis, propter csecitatem cordis ipsorum;
Qui desperantes semetipsos tradiderunt impudicitiœ, in opera-
tionem immunditise omnis, in avaritiam. (Ephes. IV.)
(2) Scitis quoniam quum gentes essetis, ad simulacra muta prout
ducebamini euntes. (I Corinth. XII.)
(3) In omnibus habitationibus vestris urbes déserta? erunt, et
excelsa demolientur et dissipabuntur ; et interibunt arae vestrœ,
et confringentur ; et cessabunt idola vestra, et conterentur delu-
bra vestra, et delebuntur opéra vestra;
Et cadet interfectus in medio vestri, et scietis quia ego sum
Dominus.
Et relinquamin vobis eosqui fugerint gladiumin gentibus,cum
dispersero vos in terris ;
Et recordabuntur mei liberati vestri in gentibus ad quas cap-
tivi ducti sunt, quia contrivi cor eorum fornicans et recedens a
me, et oculus eorum foruicantes post idola sua ; et displicebunt
si))imet super malis qua3 fecerunt in universis abominationibus
suis ;
Et scient quia ego, Dominus, non frustra locutus sum, ut fa-
cerem eis malum hoc. (Ezech. VI.)
Omnes enim insipientes, et infelices supra modum animœ su-
perbi, sunt inimici populi tui, et imperantes illi,
Quoniam omnia idola nationum deos restimaverunt, quibus ne-
que oculorum usus est ad videndum, neque nares ad percipiendum
spiritum, neque auresad audiendum, neque digiti manuum adtrac-
tandum, sed etpedeseorum pigri ad ambulandum.
Homo enim fecit illos ; et qui spiritum mutuatus est is finxit
illos. Nemo enim sibi similem homo poterit deum fingere,
Gum enim sit mortalis, mortuum fingit manibus iniquis. Melior
enim est ipse his quos colit, quia ipse quidem vixit, cum esset
mortalis, illi autem nunquam.
Sed et animalia miserrima colunt; insensata enim comparata
his, illis sunt détériora. (Sap. XV)
LA RÉDEMPTION PAR LE SANG 139
Illumination de la vérité à l'apparition de la Croix. —
A peine le Sang- divin eut-il coulé et l'aube de la résurrection
se fut-elle levée sur le monde, une immense lumière envahit
les âmes. La venue, la souffrance, l'expiation sanglante d'un
Homme-Dieu devint pour le monde une victorieuse révéla-
tion (1).
1° A la croix nous comprimes la profondeur de notre
chute. — Dans quel abîme étions-nous tombés! Quelle impuis-
sance à nous relever était la nôtre puisqu'un Homme-Dieu tout
seul, par l'effusion de son sang, était capable d'effacer notre
crime et nous réhabiliter devant Dieu!
2° A la croix nous comprimes la valeur de notre réhabilita-
tion (2). — Ce fut du même coup comprendre le prix de no-
tre âme, le prix de notre éternité, le prix du sang auquel
nous redevions nos éternelles espérances.
3° A la croix nous retrouvâmes le vrai chemin dit ciel. —
Nous nous obstinions à le chercher dans notre ancien jardin
de délices. — Désormais, c'est la voie du Calvaire, la voie
douloureuse, la voie étroite, le chemin de la pénitence, de la
mortification et des vertus qui nous peut conduire à nos fu-
tures destinées (3).
(1) Et hanc vocem nos audivimus de cœlo allatam, quum esse-
mus cum ipso in monte sancto.
Et habemus firmiorem propheticum sermonem; cui benefacitis
attendentes quasi lucernse lucenti in caliginoso loco donec dies
elucescat, et Lucifer oriatur in cordibus vestris. (II Petr. I.)
(2) Fugite fornicationem. Orane peccatum quodcumque fecerit
homo, extra corpus est ; qui autem fornicatur, in corpus suum
peccat.
An nescitis quoniam membra vestra templum sunt Spiritus
sancti, qui in vobis est, quera habetis a Deo, et non estis vestri ?
Empti enim estis pretio magno. Glorificate et portate Deum in
corpore vestro. (IGorinth. VI.)
(3) Non est discipulus super magistrum, nec servus super do-
minum suum.
Sufficit discipulo ut sit sicut magister ejus, et servo, sicut do-
minus ejus. Si patrem familias Beelzebub vocaverunt, quanto ma-
gis domesticos ejus?
Ne ergo timueritis eos : nibil enim est opertum, quod non re-
velabitur ; et occultum, quod non scietur. (Matth. X.)
140 LA RÉDEMPTION PAR LE SANG
III
C'EST UNE ŒUVRE D'AMOUR
Quelle touchante doctrine de l'Apôtre et comme elle jette
sur le mode sanglant choisi pour notre rédemption une vive
lumière! « Debuit per omnia fratribus similari. » Sauveur
d'une humanité devenue rebelle à l'amour, sans cesse justi-
ciable du tribunal de Dieu, sans cesse courbée sous le faix de
la souffrance, Jésus-Christ voulut, par le spectacle de ses dou-
leurs et de son sang, tout à la fois, nous mieux montrer qu'il
nous aimait, plus puissamment nous défendre, plus efficace-
ment nous consoler. Il se montre à nous sous le diadème de
la douleur :
Pour mieux prouver son amour. — « Personne, disait-il
ne prouve mieux son amour qu'en mourant pour ceux qu'il
aime. » — Saint Paul de son côté: « Maintenant qu'il est mort
pour nous quand nous étions ses ennemis, une fois réconci-
liés, comment nous refuserait-il la vie et le salut » (1)? Ce fut
donc la preuve suprême de l'amour de Dieu pour nous, que,
aux temps marqués et alors que nous étions tous pécheurs le
Christ consentît à mourir pour nous. — Comment désormais
désespérer? Comment craindre? Comment nous défier de
(t) Ut quid enim Ghristus, quum adhuc inflrmi essemus, secun-
dum tempus pro impiis mortuus est ?
Vix enim pro justo quis raoritur ; nam pro bono forsitan quis
audeat mori ?
Commendat autem caritatem suara Deus in nobis : quoniam
quum adhuc peccatores essemus, secundum tempus,
Christus pro nobis mortuus est : multo igitur magis nunc justi-
ficati in sanguine ipsius, salvi erimus ab ira per ipsum.
Si enim, quum inimici essemus, reconciliati sumus Deo per mor-
tem Filii ejus, multo magis reconciliati, salvi erimus in vita ipsius.
Non Bolum autem : sed et gloriamur in Deo per Dominum nos-
trum JesumChristum, per quem nuncreconciliationem accepimus.
(Rom. V.)
LA RÉDEMPTION PAR LE SANG 441
l'amour quand devant nos yeux Celui qui nous aime meurt
pour nous prouver cet amour (1).
Pour nous mieux défendre. — Si jamais nous n'avons à
nous défier de Dieu, il nous reste à nous défier sans cesse de
nous-mêmes. Nous pécherons, nous trahirons nos serments,
nous outragerons de nouveau la Majesté divine, et de nouveau
les foudres de la justice s'apprêteront à nous frapper. — Entre
nous et cette justice s'élèvera notre Victime sanglante. A tout
instant, Jésus-Christ montrera les cicatrices de ses plaies;
sans cesse « L'Agneau s'offrira comme immolé. » — La Messe
nous protège ainsi; le sacrifice de l'Autel apaise, à chaque
heure, dans toute l'étendue du monde, la divine Justice irri-
tée par le péché (2).
Pour nous mieux consoler. — Dieu en nous rendant l'in-
nocence n'a pas voulu, dans sa miséricordieuse sagesse, nous
en rendre les antiques joies. L'Eden n'est plus; le jardin de
délices est détruit; les ronces de la douleur couvrent la terre
et l'homme ne mange plus son pain qu'à la sueur de son
front(3). « Omnis creatura ingemiscit (4)... » « ingemiscimus
gravati (S). » — Que fera notre Jésus? Il se montrera à nous
sous les mêmes douleurs, portant la même croix et élevé sur
le même Calvaire: « Tentatum per omnia » « Portans co-
ronam spineam et vestimentum purpuratum (6). »
(1) Neque altitudo neque profundum, neque creatura alia pote-
rit nos separare a caritate Dei, quse est in Christo Jesu Domino
nostro. (Rom. VIII.)
(2) Sic et Christus semel oblatus est ad multorum exhaurienda
peccata ; secundo sine peccato apparebit exspectantibus se, in sa-
lutem. (Haebr. IX.)
(3) Gènes. III.
(4) Rom. VIII— II Corinth. V
(5) II Corinth. V.
(6) O vos omnes qui transitis per viam, attendite, et videte si
est dolor sicut dolor meus ! quoniam vindemiavit me, ut locutus
est Dominus, in die furoris sui.
De excelso misit ignem in ossibus meis, et erudivit me; expan-
dit rete pedibus meis, convertit me retrorsum; posuit me desola-
tam, tota die mœrore confectam.
Vigilavit jugum iniquitatum mearum ; in manu ejus convolutœ
sunt et impositse collo meo ; infirmata est virtus mea ; dédit me
Dominus in manu de qua non potero surgere.
Abstulit omnes magniflcos meos Dominus de medio mei ; vocavit
adversum me tempus ut contereret electos meos. Torcular calca-
vit Dominus virgini, filise Juda. (Tren. I.)
LES MYSTÉRIEUSES DESTINEES
DU PEUPLE JUIF
L'histoire de ce peuple étrange et qui ne ressemble à
aucun, vivant dans sa mort, impérissable dans sa ruine,
victorieux dans ses revers, cette histoire ne peut s'étudier
comme celle des autres nations, elle ne suit pas les mêmes
règles, elle n'est pas soumise aux mêmes lois, elle n'offre
pas les mêmes aspects. — Il est clair qu'un mystère profond
plane sur cette histoire et qu'Israël est un peuple que l'on
pourrait appeler « miraculeux. » Ce peuple est manifeste-
ment sous la main de Dieu. C'est dans la Révélation seule
que l'on peut trouver la solution des anomalies et des énigmes
dont est remplie l'existence de ce peuple qui s'est toujours
nommé « le peuple de Dieu. »
Si nous jetons sur lui un regard d'ensemble, il nous appa-
raît, à travers ses quarante siècles, sous deux aspects diffé-
rents. — Tout d'abord nous le voyons l'élu de Dieu, inondé
de clartés, prévenu de grâces, trouvant, chaque fois qu'il
pèche et se repent, une surabondance de bénédictions. — Un
crime épouvantable est commis par lui, le crime du déicide.
Jérusalem est renversée, le temple est en ruine et Israël
plus en ruine encore. Une justice implacable s'abat sur lui,
il erre à travers les peuples comme un nouveau Caïn.
Nouvelle et plus étonnante énigme ! En même temps que
le peuple juif est marqué d'un sceau de réprobation, il porte
en lui des espérances de salut, des certitudes d'un repentir
et d'un pardon futurs.
Qui n'étudie pas Israël sous ces deux aspects : de répro-
bation actuelle et de conversion future, n'aura de lui qu'une
notion incomplète et faussée.
LES MYSTÉRIEUSES DESTINÉES DU PEUPLE JUIF 143
LES LONGS JOURS DE LA REPROBATION
Depuis dix-huit siècles que le peuple juif est réprouvé,
son histoire offre deux particularités saisissantes : sa ruine
qui ne ressemble à aucune autre ruine : sa vie dont les ma-
nifestations et les emplois sont tout providentiels.
Aspect étrange delà Nation réprouvée. — C'est une mort,
c'est une mort vivante, c'est un mystérieux et incompréhen-
sible aveuglement.
1° C'est une mort. — Chassé de son sol, dispersé aux quatre
vents du ciel, sans lien visible, sans patrie, sans autel, sans
culte, sans croyance précise, sans ralliement et sans dra-
peau, Israël n'a plus rien de ce qui fait un peuple. Il n'est
plus, selon le mot du prophète qu'« une poussière chassée
du vent. » Il eût dû, ou périr ou être absorbé par les nations
qui recueillirent ses débris (1).
2° Cest une mort vivante et immortelle. — Une force, que
l'on ne doit pas hésiter à nommer miraculeuse, soutient ce
peuple dans sa dispersion. Rien n'a pu l'entamer, aucune vi-
cissitude n'a de prise sur lui, aucune des persécutions que
trop souvent lui ont values son insolence et ses crimes, n'a pu
(i) Si autem aversi fueritis, et dereliqueritis justitias meas et
prsecepta mea, quse proposui vobis, et abeuntes servieritis diis
alienis, et adoraveritis eos.
Evellam vos de terra mea, quam dedi vobis ; et domum hanc
quam sanctificavi nomini meo projiciam a facie mea, et tradam
eam in parabolam, et in exemplum cunctis populis ;
Et domus ista erit in proverbium universis transeuntibus, et
dicent stupentes : Quare fecit Dominus sic terrai huic, et domui
huic?
Respondebuntque: Quia dereliquerunt Dominum,D3umpatrum
suorum, qui eduxit eos de terra iEgypti et apprehenderunt deos
alienos, et adoraverunt eos, et coluerunt ; idcirco venerunt super
eos universa hsec mala. (Parai. Vil.)
144 LES MYSTÉRIEUSES DESTINÉES DU PEUPLE JUIF
tarir son étrange vitalité. Israël subsiste en dehors des con-
ditions même de la vie. Edifice merveilleux qui se soutient
en l'air sans colonne et sans fondements (1).
3° C'est un incompréhensible aveuglement. — Aussi étrange
que cette étrange mort, aussi incompréhensible que cette
étonnante vie, est l'aveuglement dont le peuple juif est la
victime volontaire : Saint Paul dit de lui : « Cum legitur
Moïses velamen positum est super cor eorum. » Là est le
prodige. Dans les Ecritures divines qu'il porte partout avec
lui, dont il est, à travers les siècles, l'incorruptible gardien,
tout lui a été révélé, tout lui reste prédit. De son sang de-
vait naître le Messie, il le sait. Ce Messie n'est autre que le
Fils de Dieu, il le lit sans cesse dans ses prophètes. Ce Mes-
sie, mis à mort par lui, devait entraîner sa ruine et le jeter
dans de longs siècles de réprobation, cette ruine il la voit
gisante, cette réprobation il en sent tout le poids.
Et, chose incompréhensible! inondé de telles lumières, le
Juif s'obstine à demeurer dans la plus épaisse des nuits (2).
A quelles fins Dieu la fait servir. — En voyant passer
cet aveugle et ce réprouvé, une question s'impose. A quoi
sert, au milieu des peuples, ce vivant cadavre ? Nous le di-
rons tout à l'heure, Israël, destiné aux gloires et aux béné-
dictions d'un repentir et d'un pardon, reste dans le monde
comme la semence dans le sillon, germe obscur, pourriture
(1) Quia dies multos sedebunt filii Israël sine rege, et sine prin-
cipe, et sine sacrificio, et sine altari, et sine ephod, et sine thera-
phim ;
Et post hsec revertentur filii Israël, etquœrent Douiinum Deurn
suum, et David, regem suum ; et pavebunt ad Dominum, et ad
bonum ejus, in novissimo dierum. (Osée. III.)
(2) Sicut scriptum est : Quia non est justus quisquam.
Non esl intelligens, non est requirens Deum.
Omnes declinaverunt, simul inutiles facti sunt : non est qui
faciat bonum, non est usque ad unum.
Sepulcruni patens est guttur eorum; linguis suis dolose age-
bant; venenurn aspidum sub labiis eorum:
Quorum os maledictione et amarituline plénum est:
Veloces pedes eorum ad effundendum sanguinem.
Çontritio et infelicitas in viis eorum:
Et viain pacis non cognoverunt.
Non est timor Dei ante oculos eorum.
Scimus autem, quoniam quœcumque lex loquitur, iis qui in
lege sunt loquitur; ut omne os obstruatur. (Rom. III.)
LES MYSTÉRIEUSES DESTINÉES DU PEUPLE JUIF 145
prédestinée. — Mais en attendant?... En attendant Dieu s'en
sert à des fins justes et sages.
1° Posons un principe général. — Encore que leur utilité
nous échappe, il n'est pas d'êtres dans la nature qui demeu-
rent sans utilité et sans emploi. — Il en est des nations
comme des individus, ils peuvent, en se révoltant, se sous-
traire aux volontés divines et aux missions que la Providence
leur destinait, mais cette émancipation n'est qu'apparente,
ces révoltés du devoir, Dieu les ramène au devoir, et, alors
qu'ils trahissent une mission première, Dieu leur en impose
une seconde qu'il leur interdit de déserter. — Jamais cette
loi providentielle n'eut, plus que dans la nation juive, sa
saisissante application. — Israël devait être la bénédiction
des peuples : forcément il en est devenu la malédiction. Sa
mission glorieuse était de répandre la vie par toute la terre :
il n'y répandra plus que des germes de mort. Il était le sa-
lut : le voici devenu le châtiment.
2° Application au peuple juif de cette loi providentielle. —
Un Prophète nous a révélé le plan de Dieu. Israël, réprouvé
pour son déicide, chassé, dispersé au milieu des peuples par
un vent de malédiction, servira entre les mains de Dieu de
fléau pour châtier toute nation chrétienne prévaricatrice.
— Depuis dix-huit siècles, cet ordre providentiel est impla-
cablement suivi. Dès que la foi s'éteint dans un peuple chré-
tien, dès qu'une apostasie progressive chasse Dieu, moleste
son Eglise, persécute ses saints, renverse son souverain do-
maine, le Juif se montre, racine empoisonnée, ver rongeur,
dévastateur sans pitié. Le Juif s'insinue, le Juif s'impose, le
Juif bâtit sur les ruines de la foi et du devoir la plus inso-
lente fortune et la plus insupportable des tyrannies.
Restreignons à la France contemporaine cette féconde et
grave doctrine. Non seulement, nous y voyons le Juif devenu
d'une façon générale le châtiment de nos fautes, mais Dieu
l'a interposé comme malédiction à chacun de nos péchés.
Quels ont été les péchés de la France ?
Un matérialisme grossier a envahi notre Société tout en-
tière. Lesaspirationssurnaturelles s'y sont peuà peu éteintes,
le vol des âmes vers de célestes destinées s'est brisé miséra-
blement. L'ivresse des jouissances, la folie du plaisir, la re-
cherche fiévreuse de l'or, dont s'alimente un insatiable bien-
être, la répulsion de tout devoir austère, la répudiation d'un
christianisme gênant: tels sont les premiers traits sous les-
T. IV 10
446 LES MYSTÉRIEUSES DESTINÉES DU PEUPLE JUIF
quels se présente notre décadence. — Voici venir le Juif.
Dieu lui donne, par un retour de sa justice, droit sur ces
biens qui ont absorbé et matérialisé nos âmes. Le Juif nous
prendra notre or, le Juif ruinera nos entreprises, le Juif,
engraissé de notre substance, installera son luxe insolent
dans nos plus beaux domaines, Sa fortune au milieu de nous
sera colossale, dans la proportion de notre croissante pau-
vreté.
>>"otre second crime a été un crime contre la lumière et la
vérité. Depuis Voltaire jusqu'au dernier de nos incrédules
contemporains, que de mensonges! que de sophismes! que
d'erreurs ! que d'injurieuses négations! Quelles criminelles
insultes aux vérités divines! — Voici venir le Juif, plus astu-
cieux, plus menteur, plus négateur, que tous les autres.
Maître de la presse, instigateur de la plupart de nos Revues,
mêlé aux évolutions de la science, insinué dans toutes les
parties du haut enseignement, le Juif a mille fois plus cor-
rompu toutes vérités que ne l'avaient fait, en cent ans, nos
sophistes (1).
Notre troisième crime a été un crime de révolte. Notre folie
révolutionnaire n'a cessé de nier les droits de Dieu, de briser
son joug et de le chasser lui-même de partout. Où est Dieu
dans nos institutions, dans nos lois, dans notre organisme
social, dans notre vie domestique, dans notre enseignement
officiel, dans notre littérature, dans nos arts et nos sciences?
— Voici venir le Juif. Par une juste représaille de la Justice
divine, ayant refusé Dieu pour maître, pour maitre Dieu nous
impose le Juif. En même temps que nous devons dire: Où
est Dieu dans notre France? nous devons dire: Où n'est pas
le Juif, le Juif influent, prépondérant, tyrannique?
(1) Eratis maledictio in gentibus. (Zach. VIII.)
Onus verbi Domini super Israël. Dicit Dominus extendens coe-
lum, et fundans terrain, et fingens spiritum ho mi nia in eo :
Ecce ego ponam Jérusalem superliminare crapulœ omnibus po-
pulis in circuitu; sed et Juda erit in obsidione contra Jérusa-
lem.
Et erit: In die illa ponam Jérusalem lapidem oneris cunctis po-
pulis : omnes qui levabunt eam concisione lacerabuntur ; et col-
ligentur adversus eam omnia régna terra?. (Zach. XII.)
LES MYSTÉRIEUSES DESTINÉES DU PEUPLE JUIF 447
II
LE REPENTIR ET LE PARDON
Un jour, où il fut donné au Prophète Ezéchiel de voir son
peuple sous le désolant symbole d'ossements desséchés ré-
pandus sur une plaine aride, le Seigneur lui dit : « Fils de
l'homme, ces ossements revivront-ils un jour? Et le Prophète:
« Vous seul, Seigneur, le savez. » — Et Dieu, sous les yeux
d'Ezéchiel fit revivre ces ossements épars et la multitude des
enfants d'Israël se trouva debout.
Ainsi en doit-il être du peuple présentement réprouvé. Les
siècles de la malédiction ne circonscrivent pas son histoire. —
Il doit se convertir, il doit revenir à Dieu, il doit se jeter,
pénitent inondé de larmes, aux pieds de ce Jésus qu'il a au-
trefois crucifié. — De ce retour futur du peuple juif, nous
avons une garantie divine, des prophéties précises, bien
que, sur le temps et le mode de cette conversion, plane une
profonde obscurité.
La garantie divine du retour. — Le Christ allait mourir.
Du haut de la croix où il agonise, il élève à Dieu une suprême
prière: « Pater, dimitte illis. » Le vœu de son cœur est donc
qu'il soit pardonné aux Juifs. Qui osera dire qu'un vœu, jailli
du cœur d'un Fils de Dieu, soit un vœu stérile et à jamais
repoussé? Il prie, il demande la grâce du coupable, qui osera
dire qu'une prière venue d'une pareille bouche, sortie d'une
aussi haute volonté, formulée à un pareil moment, soit une
prière que Dieu accueille avec dédain?
Les prophéties du retour. — A bien entendre une foule de
passages de l'Ancien Testament, la conversion finale et défi-
nitive du peuple juif se montre clairement insinuée. — A
côté de ces lueurs, vagues encore, brillent des prophéties
absolument précises et lumineuses. — Puis, voici Saint Paul,
le prophète désigné par Dieu pour annoncer le retour de son
148 LES MYSTÉRIEUSES DESTINÉES DU PEUPLE JUIF
peuple, sans qu'il soit désormais possible J'en révoquer en
doute la réalité. Aux Corinthiens Saint Paul avait affirmé que
« le voile, posé sur le cœur d'Israël et qui lui cache son Mes-
sie venu, serait un jour pleinement enlevé. » — Aux Romains,
ce n'est plus une phrase fugitive, c'est une prophétie longue,
précise, absolue, que Saint Paul fait de ce grand mystère.
« Nolo vos ignorare, fratres, mysterium hoc, quia cœcitas ex
parte contigit in Israël, donec plenitudogentium intraret. Et
sic omnis Israël salvus fieret. » Et, durant trois chapitres,
l'Apôtre développe, commente, explique sa grande pro-
phétie.
Le mystère du retour. — Autant Dieu a mis de précision
à nous annoncer la conversion future de son peuple, autant
il nous en a caché l'époque et les circonstances. — Croyons
seulement que ce retour deviendra pour l'Eglise l'objet d'une
immense joie et l'élément d'une immense force.
UNUM EST NECESSARIUM
Juravi in ira me a : Si introibunt in requiem meam. (Ha?br.
111,11.)
Ce sont les paroles de Dieu irrité. Sur qui tombent ces
foudres? Sur un peuple bien insensé vraiment, sur le peuple
juif. Il est exilé, il est captif et esclave ; et sous la verge
sanglante des Pharaons, il s'épuise en des travaux stériles,
dont il ne recueille qu'indigence et mauvais traitements. —
Dieu s'est ému au spectacle de ses maux ; il prête à ses cris
plaintifs une oreille de miséricorde et à ce peuple opprimé,
il envoie un Libérateur. Il lui annonce sa délivrance, il lui
montre de loin une patrie, où tous les biens seront réunis
sous la garde d'une glorieuse liberté. Lève-toi, Israël, peuple
aimé de Dieu, brise tes fers, marche à la délivrance, au re-
pos, au bonheur!... Que croyons-nous que va faire ce peuple?
Ce peuple murmure contre son sauveur; il refuse d'enten-
dre sa parole, prétextant que les travaux de la servitude ab-
sorbent toutes ses heures ! Et si on l'arrache de cette Egypte
où il souffre et où il meurt sans espérance ni soutien, il se
prend à regretter ses viandes grossières et ses plaisirs cor-
rompus.
Hélas ! Ne méprisons pas trop ces insensés. Leur histoire
est, trait pour trait, notre histoire. Après quarante siècles,
les choses n'ont point changé. Comme ils souffraient, nous
souffrons. Comme ils s'épuisaient en d'ingrats et inutiles la-
beurs, nous nous épuisons. Et le sceptre dont un tyran meur-
trissait leurs épaules, ce même sceptre, cette môme tyrannie
de la douleur qui pèse sur le monde, nous couvre des mê-
mes blessures et nous brise des mêmes coups. On nous dit :
Ames chrétiennes, levez-vous ; sortez de ce monde où vous
150 DNUM EST NECESSARIUM
souffrez, de ce temps qui dévore toutes vos œuvres; mettez-
vous en marche pour l'Eternité. Que faisons-nous? Ce que
faisait Israël. Pro nihilo habuerunt tenam desiderabilem.
Le salut, c'est pour nous chose secondaire et comme de
surérogation : voilà notre premier mal, puisque le salut de
notre âme est la seule chose importante. — Non seulement
Dieu nous appelle, mais de suite, mais sans délai. Et nous?
Nous avons toujours aux lèvres et dans le cœur un mot fatal :
plus tard ! Voilà notre second mal, puisque le salut de notre
âme est une affaire pressante et qu'un retard peut perdre
sans retour.
LE SALUT SEULE CHOSE IMPORTANTE
D'un mot Jésus-Christ brise toute illusion, illumine tout
devoir, fonde toute espérance, en substituant aux visions
décevantes, la seule grande réalité, en plaçant l'Eternité
sur les ruines des choses humaines : L-num est, unum est !
0 homme, une seule chose, une seule chose est nécessaire !
L'/tum est necessarium. — Mais le monde n'a jamais voulu
de ce mot-là. Une seule chose?... Il en a mille, dix mille
qui le préoccupent et l'absorbent ! Et comme on voit les
petits ruisseaux se rejoindre, se réunir pour former à la
lin des fleuves larges et impétueux, ainsi des mille affaires
du monde se forment comme deux vastes courants où les
âmes sont emportées et se perdent : l'ardente acquisition
de la fortune; l'ardente jouissance du bien acquis. Acquérir,
jouir : voilà l'existence, voilà l'homme, voilà le monde. Tout
s'absorbe là : pensées, désirs, soucis dévorants, rêve du dé-
lire, volonté ardente, tout, depuis le trône jusqu'à la chau-
mière ; depuis l'homme entassant l'or et remplissant le monde
du tumulte de l'industrie, jusqu'à l'homme disputant à l'in-
digence un pain rare et trempé de sueurs. Voyez passer ces
foules : parlez-leur de l'Eternité. Ah ! elles n'ont pas le temps
d'entendre. Acquérir et jouir : pour elles, tout est là. Et tant
UNUM EST XECESSARIUM 151
que ces deux obstacles sont debout, tant que ces deux illusions
ne sont pas détruites, la parole du salut n'a plus de sens.
Avant tout donc examinons de près et cette fortune et ces
jouissances qui nous tiennent si enchaînés.
Où ne sont pas les choses importantes. — Donc on ne
se sauve pas, parce que le temps manque; et le temps manque
parce que les affaires l'absorbent et que des affaires à éten-
dre, une fortune à construire, un avenir à assurer, voilà le
grand et unique objet des efforts de l'homme : 0 illusion !
1° Posséder et acquérir n'est pas chose importante. — Si nous
comptions tous les rêves évanouis et les espoirs déçus, tous
les mécomptes, tous les renversements subits de fortune;
si nous recueillions toutes les larmes, si nous réunissions
toutes les ruines, si nous suivions pas à pas le temps qui
sans pitié dévaste nos biens, déroute nos projets et ne laisse
bientôt plus de notre vie entière qu'un froid et méconnaissa-
ble débris: que resterait-il de nos illusions? Mais allons à
de plus vastes démonstrations et à de plus saisissants spec-
tacles.
2° Devenir grand et illustre n'est pas chose importante. —
Dieu, de temps en temps, réveille le monde par le bruit d'im-
menses écroulements, et de l'un de ces écroulements gigan-
tesques notre génération perçoit encore les derniers échos.
Au début de ce siècle sortit d'une petite île de la Méditerra-
née l'une des plus étonnantes fortunes que la terre ait jamais
vues, et, pour la construire, l'un de ces hommes à qui la Pro-
vidence jette sans compter tous les dons. Conception du gé-
nie, coup d'œil immense, hardiesse, prudence, intrépidité :
Bonaparte avait tout, et la fortune qu'il rêvait n'était pas une
fortune vulgaire; il rêvait un empire bâti sur les ruines de
toutes les royautés conquises. Il lui fallait la France, l'Eu-
rope, le monde. Il prit à sa suite ces formidables démolisseurs
qui, le marteau révolutionnaire à la main, achevaient de
briser le vieux trône de nos Rois, et, avec eux, s'élançant
sur le monde, il cria : « Le monde est à moi ! » Vraiment oui,
le monde était à lui. L'on voyait avec stupeur s'élever et
grandir ce vaste empire qui devait enserrer la terre dans ses
contours. Certes, le héros pouvait croire à la fortune et à
l'avenir ! Et il y croyait bien en effet; il plaçait bien là son
espoir et comptait bien abriter sous sa pourpre impériale ses
derniers jours et léguera son sang une œuvre respectée des
siècles. Il disait comme le Très-Haut : « Là j'habiterai » !
152 U-NUil EST NECESSARIUM
Conquérant, tu t'abuses; tu n'as pas vu que tu bâtissais
sur d'antiques décombres et que, dans notre terre, remuée
depuis six mille ans, les ouvrages de main d'homme ne tien-
nent pas ? Prince, ton œuvre ne tiendra pas ! Et elle ne tint
pas. Toutes les parties s'en détachèrent une à une, et après
ce grand tumulte et ces vastes bruits, rentré dans le silence,
le monde n'entendit plus que le faible murmure de la vague
contre un écueil. Sur cet écueil était creusée une tombe, où
les cendres de tant et de si grandes choses bien à l'aise pou-
vaient tenir. Et afin que nul ne s'y pût méprendre, le grand
homme lui-même, dans sa longue agonie de Sainte-Hélène,
jeta sur le néant des fortunes humaines d'éloquentes plaintes
que recueillera la postérité.
Concluons. Quand des plus gigantesques œuvres il ne reste
que ce qu'il faut de cendres pour remplir un tombeau, qu'en
sera-t-il des œuvres vulgaires et des fortunes privées ? Non,
non, o homme, quand tu couvrirais l'océan de tes navires,
et la terre de tes moissons, de tes usines ou de tes palais :
sois sur : rien n'est fait! Vient le jour où l'on te voit passer,
traînant après toi la longue chaîne de tes espérances trom-
pées et de tes biens anéantis, n'ayant plus à toi que ce der-
nier domaine dont quatre pas mesurent l'étendue!
3° Jouir ri est pas chose importante. — Acquérir fortune,
gloire, honneurs, n'est pour nous qu'un moyen. — Jouir, voilà
le but. — Ah ! jouir ! Si nous pouvions jouir à l'aise et de longs
jours, que nous importerait le salut? Mais l'homme est-il
plus heureux en poursuivant la jouissance qu'en donnant
ses sueurs au travail ? C'est à voir. Tout à l'heure, dédai-
gnant le détail de nos mécomptes et des effondrements qui
nous troublent dans la possession de nos biens, nous nous
arrêtions à une grande ruine. Faisons de même pour dissi-
per les lèves illusoires du plaisir. C'est Dieu même qui dai-
gne ici nous instruire ; c'est l'Ecriture sainte qui va parler.
Et de qui ? Du mauvais riche, opulent, vêtu de pourpre et
d'or, passant sa vie dans les fêtes et s'asseyanl Ions les jours
à des banquets somptueux; puis saisi brusquement par la
mort, englouti dans une tombe, traîné vif dans les horreurs
d'une indigence éternelle et remplissant de ses cris l'immen-
sité muette qui le sépare du pauvre Lazare.
Assurément un tel dénouement du plaisir pourrait déjà des-
siller les veux les plus trompés. M.iis on pourrait dire : le
plaisir finit mal, soit; mais ici-bas du moins et pendant son
ONUM EST >"ECESSARIUM 153
règne, il couvre de ses enchantements la vie qui s'en peut
remplir. Or cela même est une illusion.
Un homme fut qui rassembla tous les éléments du plaisir.
Il était riche, il était Roi, il était libre, et tenait tout soumis aux
moindres caprices de sa volonté. Pour jouir, il faut de l'or, il
faut des honneurs, il faut la santé florissante, il faut une exis-
tence à l'abri des douleurs; achevons, parlons comme le monde
il faut des sens flattés par toutes les complaisances, plongés
dans toutes les ivresses, livrés à tous les tressaillements de
la volupté. Il avait tout, et, avec les moyens de jouir, il en
avait la plus véhémente volonté. C'est lui qui parle, écoutez :
« J'ai dit clans mon cœur : je m'en irai, je parcourrai toutes
les jouissances, pour les goûter une à une : Dixi ego in corde
meo : vadam. Je m'en veux remplir et qu'elles débordent :
Affîuam deliciis. Je goûterai l'opulence, le luxe, l'orgueil ;
j'aurai des tables somptueuses et de vastes domaines, et pas
une volupté ne sera refusée ni à mon cœur ni à mes sens.
Et Salomon fit ainsi.
Oh ! sans doute nous épions les voix enchanteresses, les
cris du plaisir qui sortent des palais du roi Salomon ? Illu-
sion ! Prêtons l'oreille ! — il n'en sort que le cri de la plainte
et du désespoir ! «J'ai vu que le plaisir, lui aussi, est vanité »,
Vidi quod hoc quoque esset vanitas. La joie, j'ai vu qu'elle
n'était qu'illusion décevante, et au plaisir j'ai dit : Imposteur,
pourquoi m'as-tu trompé ! Risum reputavi errorem, et gau-
dio dixi : quid frustra aeciperis ?
Cette voix n'est pas éteinte, ces plaintes sont les plaintes
de tous les siècles, c'est toujours par la tristesse, le dégoût,
un vide affreux que se termine le drame du plaisir. L'âme
humaine se jette sur la jouissance avec frénésie, croyant y
trouver l'apaisement de la faim de bonheur dont elle est dé-
vorée. Bientôt l'enchantement s'évanouit; l'insuffisance et le
néant se montrent, l'âme tombe dans une tristesse profonde,
et toute l'histoire du plaisir est en ces trois mots : « La dou-
leur se mêle à nos rires, et le jour qu'a ouvert le plaisir, le
deuil le finira : Risus dolore miscebitur, et extrema gaudii luc-
tus occupât.
Où est la chose importante. — Impossible à l'homme de
jouir, impossible à l'homme de posséder. La douleur empoi-
sonne les plaisirs; le temps dévore ses biens. Que reste-t-il?
Que reste-t-il à l'homme ? Tout est tombé, tout est évanoui,
tout est échappé. Que reste-t-il ? Une seule chose, celle que
154 UNUM EST NECESSARIUM
nous disions, celle que prêchait Jésus-Christ, celle que, dans
la suite des siècles n'a plus cessé de proclamer l'Eglise :
Unum est, une seule chose, Eternité. Tout ce qui s'est passé
n'était qu'un songe : voici la réalité. C'était le chemin, le
passage, la course rapide : voici la demeure définitive, voici
« l'immobile royaume », où tout désormais, le bonheur comme
la souffrance, l'indigence comme la fortune, l'infamie comme
la gloire, tout est immortalisé.
Vous me montrez vos fêtes, vos joies de tous les jours, vos
gracieuses parures, vos amusements, et toute cette molle
existence, où tous les plaisirs se sont donné rendez-vous ?...
Mais moi, une autre pensée m'obsède et me terrifie. Me
voici devant vous, et je médite dans la frayeur de mon àme.
Si vous me demandez quelle est ma formidable méditation?
La voici. Ce front, si épanoui et si pur, est-il destiné aux stig-
mates de l'éternelle infamie, ou au rayonnement éternel
des Elus de Dieu ? Ah ! voilà la question et la seule qui im-
porte ? — Ce cœur si folâtre et si avide de réjouissances,
sera-t-il enivré éternellement des délices du ciel, ou éternel-
lement dévoré de ce ver qui ne meurt point. — Ces yeux
verront-ils la gloire de la Patrie et la Beauté éternelle, — ou
pleureront-ils ce pleur affreux du damné ? — Tout cet être
enfin, sera-t-il plongé dans l'éternelle béatitude ou dans l'é-
ternel tourment ? — Ah ! voilà la question, n'en posez pas
d'autre; voilà la seule qui mérite d'être posée.
Vous montrez des affaires florissantes, des industries pros-
pères, des capitaux sûrs et féconds, des domaines princiers,
des titres, de l'opulence ? J'admire peut-être de rares talents,
un vaste savoir, des dons que la nature a prodigués?... Mais
si, dans quelques années, quelques mois, tout à l'heure, jeté
brusquement dans l'Eternité, vous n'y trouvez plus, ni amis,
ni famille, ni fortune, ni demeure, mais si, là, une détresso
inénarrable vous arrache « ces pleurs, ces hurlements de la
rage, ce grincement du désespoir », dont J.-C. a parlé ? En
vérité, est-il un intérêt autre que celui-là? Une affaire autre
que cette affaire ?
Faut-il insister encore, et fortifier ces pensées par une au-
tre aussi formidable ? Dire : l'Eternité, c'est enlever toute es-
pérance, c'est parler d'une perte à jamais irrémédiable. Ici-
bas l'espoir se mêle à toutes nos misères pour les adoucir.
Cette maladie me torture, mais je jette un œil rassuré sur
l'avenir : on me promet la convalescence. Un coup subit a
UNUM EST NECESSARIUM 155
jeté bas ma fortune : mais il me reste la force de mon bras
et le coup d'ceil de mon génie. L'exil m'a chassé loin des
miens : mais le chemin de l'exil peut être aussi le chemin du
retour. Ainsi, toujours appuyé sur l'espérance, l'homme
échappe à ce que la douleur a de plus terrible : le désespoir.
— Mais perdre son àme ? Mais être chassé de la Patrie de
là-haut ? Voilà le malheur sans ressource ; voilà le statuta dé-
sola Ho.
II
LE SALUT SEULE CHOSE PRESSANTE
Pour des biens impossibles à retenir et des jouissances
impossibles à goûter, perdre sans remède une félicité éter-
nelle et tomber dans un éternel malheur ; c'est folie. — Voilà
qui est sans doute bien convenu. — Par suite, travailler au
salât de son âme, c'est la grande affaire de l'homme, le but
de son existence et l'objet unique de ses préoccupations. Il
faut sauver son âme, et, pour la sauver, se convertir. Mais
quand ? Ah! demain, de grâce demain :« audiemus te crasde
hoc. » Xon pas! C'est de suite; l'affaire est pressante et ne
souffre pas de délai. Travaillons à nous en bien convaincre.
Toute âme est sujette de Jésus-Christ. Et tel est l'empire
que ce Divin Roi des âmes exerce sur elles, qu'il est impos-
sible, à quelque heure que ce soit de la vie, de s'y soustraire
jamais : «Oportet Christum regnare. » Or cet empire absolu et
inévitable s'exerce de deux manièresdifférentes. Sommes-nous
dévoués et soumis? Jésus-Christ règne comme Sauveur. Som-
mes-nous rebelles? Jésus-Christ règne commejuge. « Christo
subjiciuntur dupliciter: Voluntarie tanquam Salvatori invite
tanquam judici. » (D. Thom. in Ephes. lect. 8 ch. 1.) Mais s'il
en est ainsi impossible de remettre. Pourquoi? Parce que le rè-
gne de Jésus-Christ doit s'exercer de suite. Tu tardes, ô âme,
tu refuses, tu veux des délais? impossible. Ton Roi est pressé,
il est pressé de t'étreindre dans ton amour. Tu le repousses?
Il est pressé de te soumettre par sa justice et ses rigueurs.
156 DNUM EST RECESSÀRIUM
Jésus-Christ est pressé comme Sauveur. — Il était dans
la gloire de son éternité au moment où nous périssions sur
la terre. Il est venu, non pas avec les lenteurs d'un service
accordé à regret, mais avec l'impétuosité de l'amour, mais
de toute la force du dévouement, « bondissant dans la carrière
comme un géant, » dit l'Ecriture : exultavit ut gigas. Ecou-
tez comme il est pressé. « Je dois, dit-il, les sauver au prix de
ma vie et comme je me sens pressé d'achever mon œuvre!
« quomodo coarctor usque du m perficiam : » — L'Ecriture
nous le montre à la porte de chaque âme, le tendre, le pas-
sionné Jésus. Il est là, et il frappe, et il fait entendre une
suppliante voix: « Vox dilecti pulsantis. » 0 àme, devenue
une sœur pour moi, ouvre-moi, ouvre-moi, ma sœur! « aperi
soror mea. » L'àme est sourde et insensible : Jésus fera
mille efforts pour pénétrer; il usera tour à tour de tous les
moyens et tentera toutes les ouvertures : « dilectus misit
manum suam per foramen. » — Il nous prend par toutes les
aspirations de notre être, il se fait Beauté ravissante pour
captiver notre cœur; il nous couvre d'honneurs pour tenter
notre ambition; il se répand en offres magnifiques: c'est un
trône, c'est un palais, c'est une félicité éternelle, ce sont des
torrents de délices, tout un avenir dont ni l'œil, ni l'oreille,
ni le cœur de l'homme, n'ont pu comprendre la béatitude
et les splendeurs.
Hélas l'homme aime mieux la terre et ses biens grossiers
et fragiles. 0 Dieu, reprenez votre amour et vos richesses,
l'homme n'en a que faire et n'en veut pas! L'amour sera-t-il
enfin vaincu? non, pas encore. L'amour a des ressources iné-
puisables, il a d'étonnants désespoirs. Ce Dieu, qui a pris no-
tre chair, qui est venu à nous pour se laisser voir et toucher,
qui nous a parlé la langue de l'amour, qui a pleuré sur nos
maux, qui a touché nos blessures, qui a étendu vers nous
ses bras qu'ouvrait une inénarrable tendresse, ce Dieu écon-
duit, ce Dieu repoussé, fait un dernier effort: il prend cette
chair qu'il nous avait empruntée, il la prend, il la livre aux
injures, aux coups ; il se laisse exposer tout sanglant sur les
marches d'un tribunal, battre de verges, meurtrir de soufflets,
• •ouvrir de toutes les ignominies et de toutes les douleurs,
clouer enfin à une croix, et, du haut de cette croix, durant
une agonie affreuse, il nous donne Bes dernières larmes,
sa dernière goutte de sang, sa dernière prière et son dernier
soupir! — 0 âme, ô âme, l'heure est solennelle le moment
IWUM EST NECESSARIUM 157
est décisif. Veux-tu de ce Dieu-là pour Roi'? — non? Alors
voici un autre règne.
Jésus est pressé comme juge. — Xous pourrions nous
rassurer en nous disant que le jugement, la sentence et l'ex-
piation sont des éventualités d'outre tombe, des pouvoirs
exercés par Jésus-Christ dans les régions de l'Eternité. Xous
pourrions dire comme les Juifs. « Ces terreurs sont lointaines
encore. » Eh bien! il en est d'autres et celles-là sont actuel-
les, et nous les subissons à cette heure même.
1° D'abord notre Roi nous regarde : c'est une première ri-
gueur. Il nous suit de son regard souverain et chaque péché
est inscrit au Livre de sa mémoire. Ah! parce qu'il nous plaît
d'oublier Dieu, parce que nous aurons dit : « non volumus hune
regnare super nos, » nous penserons que Dieu nous oublie ou
abdique? Insensés! nous sommes sous ses yeux et dans sa
main: notre cause s'instruit; notre procès se juge; il n'y aura
plus bientôt que la sentence à proclamer.
2° Et voici une seconde manifestation du règne de la rigueur;
la menace. Comme ces menaces, venues coup sur coup, m'an-
noncent que la justice est pressée d'en finir ! Voici une pre-
mière : « jam securis ad radicem; facite fructum dignum
pœnitentiae. » — 0 âme, on commence à te frapper à la ra-
cine, prends garde. Entends-tu ces remords secrets? ces an-
goisses mystérieuses? Ces craintes poignantes de l'éternité?
Ce malheur qui t'a frappé, cette maladie qui t'a mis aux por-
tes du tombeau, cet exemple de la Justice divine que tu as
peut-être contemplé, ce sont là premiers avertissements. —
Les autres suivent. Jésus-Christ fulmine un arrêt. « Aujour-
d'hui vous me méprisez ; eh bien, je pars, je vous abandonne;
demain vous me chercherez, et vous ne me trouverez plus,
et vous mourrez dans votre péché. » « Quœretis me et non
invenietis et in peccato vestro moriemini. » — Après Jésus-
Christ, son Apôtre, nous montre la miséricorde épuisée, la
malédiction prête à fondre, et commençant à envahir nos
âmes. « Que si, dit-il, après avoir bu chaque jour la rosée du
ciel, la terre reste stérile, ne rendant au laboureur que ron-
ces et épines, elle est toute prête d'être frappée de malédic-
tion, « reproba, maledicto proxima. »
3° Dernière rigueur du règne de Jésus-Christ. Voyez ces chré-
tiens obstinés à refuser à Dieu, la réciprocité de l'amour, per-
dant même toute crainte de sa justice. Tout est paisible en
eux: « dixerumt pax. » La conscience acessé ses plaintes, rien
158 0NUM EST NECESSARIUM
ne trouble plus ces vies joyeuses et fortunées. Où se montrent
les traces de la justice de Dieu? Ici même. Quand l'âme n'a
plus ni crainte, ni désirs, ni remords, ni aucun sentiment de
la présence et du règne, de Dieu sur elle, c'est la dernière
rigueur de ce règne et son dernier châtiment. Etat terrible !
ces âmes ne sentent plus rien, ne prévoient plus rien, se
rendent à l'abîme d'un pied tranquille et enjoué. Voyez leur
image dans l'Ecriture. Ce Roi Balthazar, assis au dernier ban-
quet, dans une nuit fatale, où d'invisibles ennemis minent
ses murailles et s'introduisent dans Babylone endormie. La
joie est à son comble et à son comble aussi le crime et la pro-
fanation. On boit dans les vases sacrés volés au temple, le vin
de l'orgie. Chrétien, tu as bu ce vin profanateur, ce vin du
péché, tu en as rempli la coupe sacrée, c'est-à-dire ce corps
sanctifié par l'eau baptismale, et oint de l'huile qui marque
les fils de Dieu. Cependant la justice plane sur cette trom-
peuse sécurité, sa main trace la sentence, des clameurs enne-
mies se font entendre et Balthazar, saisi à l'improviste, tombe
sous les coups des vengeurs de Dieu. Pauvre frère, insensi-
ble et impénitent, ta sentence se trace, un coup subit t'abat,
une maladie foudroyante te renverse, la main fatale te saisit
et t'emporte du milieu même de tes crimes et du sein de ta
fatale sécurité!
PERFECTION CHRETIENNE
SA NÉCESSITÉ
NOUS LA DEVONS A DIEU COMME NOTRE
ÉDUCATEUR
Si un Dieu daigne nous instruire Lui-même, faire, dans le
temps, pour l'Eternité, notre éducation divine, jugeons ce
qu'exigera de nous un pareil honneur !
Dieu Lui-même s'est fait notre Educateur. — « Dieu, dit
l'Apôtre, nous a parlé continuellement et de diverses ma-
nières. »
1° 77 est une parole intime de Dieu. — C'est d'elle que
parle l'Evangile quand il dit de Dieu : « Erat lux vera qua3
illuminât omnem hominem venientem in hune mundum. »
C'est la parole intime de Dieu ; c'est la Loi qu'il grave au
fond de nos consciences cest la lumière naturelle qu'il
allume en nous, c'est l'instinct divin, les aspirations no-
bles et élevées, les pensées grandes et immortelles dont il
jette les germes sacrés dans notre intelligence et dans notre
cœur.
2° 77 est une parole officielle de Dieu. — Elle fut dite au
premier homme dans le Paradis terrestre. C'est là qu'eut
lieu la première Révélation divine. — Quand l'écho s'en
affaiblit et se perdit dans les tumultes du péché, Dieu, du
sommet du Sinaï enflammé, donna de sa loi une promulga-
tion plus solennelle et plus éclatante. — Mais qu'est-ce
160 FERFECTR'N CHRÉTIENNE, SA NÉCESSITÉ
que la Loi quand elle est seule ? Il fallut que Dieu nous par-
lât sans cesse, sans fin, pour nous instruire, nous remémo-
rer des vérités anciennes, nous révéler de nouveaux mys-
tères, nous encourager, nous consoler, nous avertir, nous
menacer, et rappeler au droit chemin cette inconsistante na-
ture humaine toujours portée à suivre l'erreur. Tels furent
les prophètes et les auteurs inspirés de l'Ancienne Alliance.
— 0 prodige ! quand vint « la plénitude des temps, » ce ne
fut plus par l'homme, c'est par Lui-même, c'est en personne
que Dieu daigna faire notre éducation. « Visus est in terris
et cum hominibus conversatus. » Durant des années, ce Dieu
fait Ilomme nous éclaira sur toutes les vérités du salut, nous
illumina tous les problèmes de l'existence, donna à nos dou-
tes poignants, à nos questions anxieuses, les réponses lumi-
neuses de la vérité. Après une telle école, que nous reslc-t-il
à apprendre et quelle vérité supérieure pouvons-nous igno-
rer ? — « Je vous ai tout dit : » Tel est le mot du Christ no-
tre divin éducateur, mot magnifique qui faisait pousser à
Saint Paul ce cri de triomphe : « Nos scimus ! » A d'autres
d'ignorer, à nous de tout savoir. A d'autres le doute misé-
rable, la douloureuse incertitude, la mortelle ignorance, à
nous, instruits par Dieu même, la plénitude de la lumière et
de la vérité.
Ce qu'exige de nous cette divine Education. — Mais si
avoir Dieu même pour éducateur est une suprême gloire; de
cette gloire jaillit un suprême devoir et aussi une formida-
ble responsabilité. « Propterea abundantius oportet obser-
varc nos ca quae audivimus ne forte pereffluamus... Quo-
modo nos effugiemus si tantam neglexerimus salutem, quae,
cum initium accepisset enarrari per Dominum, ab eis qui au-
dierunt in nos confirmata est, contestante Deo signis et por-
tentis. »
1° Nous écoulerons Dieu. — Nous l'écouterons des oreilles
du corps. Combien de fidèles qui traitent avec nonchalance
et dédain la parole de Dieu !... Combien qui l'écoutent mal?...
Combien qui la fuient ? — Nous l'écouterons des oreilles de
Y âme. Notre cœur aimera les enseignements divins... Notre
mémoire nous les rendra sans cesse présents... Notre vo-
lonté y aspirera de toute son énergie.
2° Nous appliquerons les enseignements de Dieu. — « Non
auditores sed factores verbi, » dit l'Apôtre. — Lisons les pa-
raboles ; toutes nous rappellent à l'obligation de faire fructi-
PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NÉCESSITÉ 461
fier en nous les enseignements divins. — Dès lors, quel sera
le code du chrétien? Quelle sera la règle de sa conduite dans
chacune des circonstances qu'il traverse ? Ce sera le pré-
cepte, la vérité évangélique, l'oracle divin. Voulons-nous le
détail de cet enseignement?
Lisons, entre autres leçons, le Sermon sur la Montagne et
les Béatitudes.
II
NOUS LE DEVONS A DIEU COMME NOTRE
SOUVERAIN MAITRE
Dieu est pour nous un Maître. — Dieu est un Maître bien-
faisant. — Dieu est un Maître riche en avenir.
Dieu nous est un Maître. — Quel maître a plus de titres
à l'objet qu'il possède ? — Nous tenons tout de Dieu. Ni l'u-
nivers que nous habitons, ni les objets qui nous servent, ni
notre être entier, ne nous appartiennent. « Quid habes quod
non accepisti ? Si autem accepisti quid gloriaris quasi non
acceperis? » — Nous sommes sous la main de Dieu dépen-
dant en tout de sa volonté souveraine. « Ecce, Domine, tu
formasti me et posuisti super me manum tuam... quo ibo a
Spiritu tuo et quo a facie tua fugiam ?» — Si Dieu nous pos-
sède à ce point, si nous sommes à lui mille fois plus que le
marbre est au sculpteur et la toile au peintre, et les maté-
riaux à l'architecte, qu'avons-nous à opposer aux vues que
Dieu a sur nous, à la direction qu'il prétend donner à notre
vie? « 0 homo, tu quis es qui respondeas Deo ? Numquid
dicit ligmentum ei qui se finxit : « Quid me fecisti sic? »
Dieu nous est un Maître Bienfaisant. — Mais quoi ! nous
plaindrions-nous de cette suprême domination de Dieu ? Que
nous est-elle, après tout, sinon un immense bienfait ? —
Etendons nos regards autour de nous, ils ne rencontreront
que des bienfaits. Concentrons-les sur nous mêmes, notre être
entier n'est qu'un tissu de bienfaits. — Notre passé? Que nous
T. IV 11
i62
PERFECTION CHRETIENNE, SA NECESSITE
rappelle-t-il sinon des bienfaits ? En quoi se signale notre
présent ? Il n'est marqué que par la longue série des bien-
faits de Dieu. Que sera notre avenir? L'épanouissement
dernier de cette suprême bienfaisance. — Quoi 1 Lorsque
Dieu ne signale sa puissance sur nous que par la profusion de
ses bienfaits, comment oserions-nous prétendre que « son
joug n'est pas doux et son fardeau léger? » — D'ailleurs, ne
l'oublions pas, notre docilité aux enseignements divins décide
de tout notre avenir.
Dieu nous est un Maître riche en avenir. — Le même
Dieu, qui se charge comme un Père tendre de notre éduca-
tion ici-bas, se charge comme un Père magnifique de notre
splendide, éternel avenir. — Prenons, une à une, les Pa-
raboles Évangéliques ; toutes nous rappellent à cette vé-
rité : que nos splendeurs de l'autre vie sont attachées à notre
éducation d'ici-bas. — « Quis ascendet in montem Domini? »
Celui-là seul qui, instruit de Dieu, formé par Dieu, se pré-
sentera comme « la créature nouvelle », « l'homme cé-
leste », « l'image de Dieu », « la copie vivante du Christ-
Jésus ».
III
NOUS LE DEVONS A DIEU GOMME NOTRE FIN
DERNIÈRE
Quelle perfection trop haute peut être exigée de moi si je
songe quelle est ma destinée et quelle est ma lin dernière ?
Ma destinée future est de posséder Dieu. — Ma destinée
future est d'aller à Dieu. — Plus encore : de vivre éternel-
lement avec Dieu. — Plus encore : de me confondre avec
Dieu en tant que cela peut se faire en conservant ma person-
nalité ; « Qui adhœret Domino unus spiritus est. » — Plus
encore : de me transfigurer en Dieu : « Contemplantes glo-
riam Dei in eamdcm imaginem transformamur. »
PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NÉCESSITÉ 163
Ma destinée présente est de m'en rendre digne. — Or,
c'est ici qu'apparaît l'indispensable nécessité de la perfection
chrétienne. — Cette vie divine qui doit s'épanouir en moi
dans les splendeurs éternelles, je dois l'entretenir en moi
dès ici-bas. — Cette beauté divine en laquelle je dois être
transfiguré au ciel, il me faut, sur la terre, en composer pa-
tiemment tous les traits. — Cette Sainteté divine, à laquelle
je dois m'unir un jour, exige de moi que je m'en revête préa-
lablement ici-bas. « Estote perfecti sicut Pater vester cceles-
tis perfectus est. » — En un mot, à chaque trait de ma béa-
titude éternelle correspondent un devoir accompli, une vertu
pratiquée, une perfection acquise, durant le temps de l'é-
preuve.
IV
NOUS LE DEVONS A DIEU COMME CHEF
DE L'ÉGLISE
Ce n'est pas moi seul, c'est la famille céleste à laquelle
j'appartiens qu'il me faut aussi considérer.
Je suis de la famille des Saints. — Eux ont pratiqué tou-
tes les vertus et se sont revêtus de la magnih'que parure de
la perfection.
Je dois être digne de ma céleste famille. — Sans doute
il me sera impossible de m'élever jusqu'à l'héroïsme des
Saints. — Mais j'imiterai chacune de leurs vertus au degré'
possible à ma faiblesse.
PERFECTION CHRÉTIENNE
SA NÉCESSITÉ (Suite)
JE LA DOIS A MON BONHEUR FUTUR
Dans sa solitude de Xazianze, l'illustre théologien Saint
Grégoire s'animait à la perfection en se répétant sans cesse
à lui-même : « Opus habes, anima, et magnum si vclis ! »
— Que ce soit notre mot de ralliement, quand les puissances
de notre âme et les sens de notre corps ou se révoltent, ou
négligent, ou défaillent, ou s'irritent. Sans cesse, disons-nous:
a Je suis né pour une grande œuvre; » — je suis né pour un
grand avenir; — suis-je digne de ces grandes choses ?
Je suis né pour une grande œuvre. — Quelle est cette
œuvre ? — Qu'exige de moi cette œuvre ?
i° Quelle est cette œuvre ? — Dieu m'en donne dans son œu-
vre des six jours, dans la création, l'organisation, l'orne-
mentation do l'univers, une idée grandiose et précise. Voyons
Dieu àl'œuvre. — Cette matière informe, désordonnée, chao-
tique qu'il a fait surgir du néant, Dieu l'organise ; il sépare
les eaux, il partage leurs masses tumultueuses, il règle les
saillies d'une nature en désordre, il fixe en haut le firmament
que tout à l'heure il rendra étincelant de lumière. Après l'hor-
reur des ténèbres, Dieu dira: « Que la lumière soit 1 » — Sor-
tie du chaos, voici maintenant que sous l'azur du firmament,
sous le feu des astres, la terre se couvre de radieuses paru-
res. La vie organique y fait son entrée, les êtres se multi-
plient et enfin apparaît l'homme, sublime créature à laquelle
est destiné ce beau domaine.
PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NÉCESSITÉ 165
Ce qu'a fait Dieu, tout chrétien doit le faire. Et cette œu-
vre n'est autre que celle de la perfection. — D'une nature en
désordre, où bouillonnent les passions, où règne la concupis-
cence, où tout est désordre et saillies furieuses, le chrétien
doit faire un être réglé, soumis, humanisé. — Après l'orga-
nisation qui refoule le mal et assure au bien un empire so-
lide, viendra la floraison des vertus, les riches parures de la
perfection. — Dans cette nature, devenue limpide et brillante
î' « Homme » fera son entrée. L'Homme c'est Jésus-Christ,
c'est la grâce, c'est l'Esprit de Dieu.
2° Qu'exige de moi cette œuvre f — Je ne puis rien par
moi-même : les paroles créatrices n'appartiennent qu'à Dieu.
Si je tends à la perfection, mon premier soin sera donc, par
la prière et les sacrements, de me revêtir de la puissance de
Dieu : « Omnia possum in eo qui me confortât ». — Puis,
je m'assurerai un empire sérieux et constant sur mes pas-
sions, sur ma concupiscence, sur ma chair, sur mes sens. —
Enfin, sans me lasser jamais, je ferai croître et s'épanouir
par une culture de tous les jours, les fleurs des vertus.
Je suis né pour un grand avenir. — Cet avenir, deux
choses me l'assurent : mon être surnaturel et mon immorta-
lité. Or ce sont précisément ces deux grandes choses qui récla-
ment de moi avec le plus d'empire le travail de la perfection.
1° Mon grand avenir vieîit de mon être surnaturel. — Que
suis-je par mon être surnaturel ? Une transformation mer-
veilleuse s'est opérée en moi, que l'Apôtre formule ainsi :
« Vivo ego, jam non ego ; vivit vero in me Christus. » La
grâce du Christ on me pénétrant me divinise. J'ai un aspect
divin, mon être entier rend des sons divins, je suis à ce point
uni à Dieu qu'un Apôtre a bien osé dire cette extraordinaire
parole qu'il y a en nous: « Initium aliquod substantiœ ejus. »
— Mais une créaturo devenue si céleste, quelle sera sa pa-
trie sinon le ciel ? Une créature si divine, quelle sera sa
demeure sinon le sein de Dieu ? Une créature, sœur des an-
ges, née de la race des Saints, à qui se réunira t-elle, sinon
aux anges et aux Elus de Dieu ? — Tel est donc mon ave-
nir, avenir dont « ni l'œil n'a vu les splendeurs, ni l'oreille
n'a perçu les harmonies, ni le cœur n'a compris les délices. »
— Mais que faire dans un milieu si divin avec une nature
terrestre et grossière? Comment habiter la sainteté du ciel,
après s'être couvert des immondices de la terre ?
Mon avenir est donc étroitement lié avec la perfection.
i66 PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NÉCESSITÉ
2° Mon grand avenir vient de mon immortalité. — Oh ! que
je suis grand par mon immortalité ! le monde passe comme
un flot mobile, les siècles s'épuiseront, l'univers ne sera un
jour qu'un monceau de ruines... Sur ces ruines mon immor-
talité régnera. — Mais que dire si cette immortalité est
aussi grande par les gloires et les délices qu'elle renferme
que par son invincible durée ? Je prononce deux grandes pa-
roles. La première : « Non moriar sed vivam. » La seconde :
« Gloria et honore coronasti eum. »
Mais grave est l'obligation que me crée mon immortalité. —
Premier devoir : lever les yeux, fixer le ciel, élever en haut
les aspirations ardentes de mon âme. « Ingemiscimus habi-
tationem nostram quœ de ccelo est superindui cupientes...
audentes semper, scientes quoniam dum sumus in corpore
peregrinamur a Domino... audemus autem et bonam volun-
tatem habemus magis peregrinari a corpore et présentes
esse ad Dominum. — Second devoir: N'abaisser nos regards
sur la terre que pour la trouver indigne de nous. Là n'est
pas notre patrie, ni notre famille, ni notre héritage, ni
notre définitif séjour. Nous sommes d'une race divine; nous
traversons rapidement cet exil pour aller au rendez-vous
éternel... 0 monde, que m'importent tes fausses gloires, tes
plaisirs trompeurs, tes liens fragiles, à moi qui suis né pour
l'immortalité des cieux?
Suis-je digne de ces grandes choses? — Hélas ! tels de-
vraient être mes sentiments. Mais, tout au contraire, que
suis-je, quels sont mes pensées, mes désirs, mes volontés, ma
conduite entière ? Je constate que, tournant le dos au ciel, je
ne chemine plus que vers la terre. Au lieu de m'élever, je
m'abaisse ; au lieu d'aller à Dieu, je me donne aux créatu-
res ; au lieu de songer à ma fortune éternelle, je me con-
sume en travaux insensés pour acquérir les biens de la vie
présente. — En moi sont deux parties qui composent mon
être. Voici mon âme. Elle est la reine, l'héritière, la fille de
Dieu, la glorieuse fiancée du Christ. C'est pour elle que la
Rédemption a répandu ses magnificences; c'est elle que la
grâce revêt d'une beauté divine ; c'est pour elle que les cieux
déroulent leurs splendeurs. Voici mon corps. C'est sur lui
qu'a été prononcée la formidable parole : « Pulvis es et in
pulverem reverteris. » Et l'Apôtre : « Corpus quidem mor-
tuum est propter peccatum... Scimus enim quoniam si terres-
tris domus nostra hujus habitalionis dissolvatur »... Après
PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NÉCESSITÉ 167
quelques jours ce corps s'en ira à sa destinée qui est la pour-
riture du tombeau....
Et moi que fais-je? Tous mes soins sont pour le corps qui
est « poussière. » Tout mon dédain et tous mes oublis sont
pour l'àme qui est immortelle. — Je dois après un moment
rapide quitter cette terre, et par une inconcevable folie, j'en
fais ma demeure permanente. — Ma patrie, c'est le ciel;
d'inénarrables délices sont mon avenir. Le ciel et ses déli-
ces, je les repousse avec mépris ; je les sacrifie de gaîté de
cœur, je les vends pour la plus misérable satisfaction du pé-
ché.
TI
JE LE DOIS A MON BONHEUR PRÉSENT
Sans doute, c'est en vue de l'avenir que nous devons avant
tout accomplir le noble travail de la perfection. — Cepen-
dant, par une merveilleuse conduite de Dieu, cette même per-
fection qui garantit notre avenir, assure encore notre pré-
sent. De telle sorte que ceux-là seuls sont vraiment heureux
qui vivent de la vie chrétienne.
Le vrai bonheur est dans la perfection chrétienne. — Nous
avons pour cette démonstration deux voies différentes. En ef-
fet, que nous jetions nos regards sur l'homme sans reli-
gion et sans vertu, ou que nous considérions le chrétien di-
gne de ce nom et solidement vertueux, nous revenons de
ces deux spectacles également convaincus que le honneur,
même ici-bas, est dans la pratique delà perfection.
1° Voyez l'homme sans religion et sans vertu. — Sans re-
ligion. Il vit donc sans Dieu, sans âme, sans espérance, sans
avenir. Mais alors, de deux choses l'une: ou bien la vie
matérielle, l'ignoble enfouissement de tout son être dans les
préoccupations terrestres ont éteint en lui tout regard élevé,
toute flamme pure et noble, « Animalis homo non percipit »:
alors en quoi diffère-t-il de la brute, sinon par la profanation
sacrilège d'une divine nature? — Ou bien, cette nature,
168 PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NÉCESSITÉ
grande et sublime, n'est pas morte en lui ; alors quel ma-
laise profond 1 quel poignant retour! Quelles inquiétudes
mortelles !
L'homme sans vertu*! — Mais alors nul frein à ses passions.
Elles ravagent furieusement tout son être; et, comme en dé-
pit d'un fallacieux plaisir, leurs morsures sont toujours dou-
loureuses, l'homme, sans vertu, ne sera jamais l'homme
heureux. — Que l'orgueil l'agite, que la volupté le ronge,
que l'ambition l'épuisé, que la haine et la colère creusent en
lui des abîmes d'amertume : le malheureux peut dire un
adieu éternel à la paix, à la joie, au bonheur.
2° Voyez le chrétien qui tend sérieusement à la perfection.
— Quelle paix dans cet homme, mù par l'esprit de Dieu
et aidé par la grâce. Il a dompté ses passions; son âme,
comme une région paisible, ne connaît plus le ravage des
incursions ennemies. — Quelle liberté dans cet homme I II
plane au-dessus des régions terrestres. Les choses humaines,
ni n'arrêtent sa pensée, ni n'enlacent son cœur, ni ne pro-
voquent ses angoisses. Lui seul, au milieu des mille péripé-
ties douloureuses qui étreignent les mondains, demeure li-
bre et joyeux : « inter mortuos, liber. » — Quelle sécurité'
dans cet homme! Sa fortune est en lieu sûr, « là où la rouille
ne la ronge pas, où les voleurs ne la ravissent pas. » Le
monde entier s'écroulerait qu'il pourrait se rire de ses
ruines. — Quel rassasiement divin dans cet homme! Dieu,
qui nous a faits pour des grandeurs et des délices célestes,
ne permet pas à notre nature de trouver sur la terre le ras-
sasiement. De là le vide, le malaise, les tristesses mystérieu-
ses qui saisissent si fréquemment l'âme mondaine. Donnez
à cette fleur divine son ciel, son air pur, son soleil : elle s'é-
panouira joyeuse et brillante.
La vraie force est dans la perfection chrétienne. — Si nous
poursuivions le parallèle entre l'homme sans religion et le
vrai chrétien, nous serions frappés de la différence de puis-
sance et de force qui les sépare. — Esclave de ses passions,
ou de son bien-être, ou de son ambition, que l'homme est
faible ! — qu'il est faible encore quand, à la merci des cho-
ses humaines, il nous apparaît comme ces barques désempa-
rées que les flots poussent et repoussent sans fin sur l'océan
désert. — Qu'il est faible et désarmé contre la douleur!...
qu'il l'est plus encore en face de la mort!
Voyez maintenant le chrétien véritable, l'homme dont la
PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NÉCESSITÉ 169
foi est sûre, la religion sincère, la vertu solide et éprouvée.
1° Le vrai chrétien est fort sur Dieu. — L'Ecriture abonde
en pages étonnantes, où elle montre comment Dieu aime à se
laisser vaincre par ses serviteurs et par ses amis. C'est Da-
vid, c'est Moïse, c'est Abraham, c'est la Cananéenne, ce sont
toutes les âmes pieuses : toutes ont entendu cette parole :
« fac sicut vis ! »... Et ce n'est pas seulement du banquet
de la vie éternelle mais dès ici-bas qu'il est dit que « le
maître se ceindra et servira ses serviteurs assis à sa table. »
2° Le vrai chrétien est fort sur ses semblables. — « Christi bo-
nus odor sumus Deo in iis qui salvi flunt et in iis qui pereunt :
aliis quidem odor mortis in mortem, aliis autem odor vitae
in vitam. » — Aussi le vrai chrétien étend sur tous ses sem-
blables une double domination. — Il règne sur les bons par
l'édiGcation, l'influence vitale, l'entraînement de ses vertus.
— Les pécheurs, les méchants, les persécuteurs de Dieu et
des âmes, ne pourront jamais, eux-mêmes, se soustraire à
sa mystérieuse royauté. Ecoutons le psaume: « Peccator vi-
debit et irascetur ; dentibus suis fremet. » Fureur impuis-
sante ! le monde finira toujours par être le vaincu : « Tabes-
cet, desiderium peccatorum peribit. »
LA PERFECTION CHRÉTIENNE
SA FACILITÉ
I
PEU NOUS EST DEMANDÉ
En même temps que Dieu nous demande peu, combien de
choses dont il nous abandonne l'usage et où il nous laisse
notre liberté ; semblable en cela à ce qu'il exigeait de l'homme
innocent au Paradis terrestre. Tous les fruits étaient
permis au premier homme, un seul arbre, en lui demeurant
interdit, limitait sa liberté et sauvegardait le souverain do-
maine de Dieu.
Dieu nous demande peu. — Nos refus, nos défaillances,
nos prétextes, que nous opposons à Dieu, nous feraient rou-
gir, si nous faisions un loyal inventaire des obligations que
son service nous impose. — 1° Combien peu. — Quelques
courtes prières. — Un jour de repos après nos jours de tra-
vail. — Est-il donc bien pénible de purifier son âme dans
les eaux sacramentelles ? — Est-il donc si dur de s'approcher
de son Dieu? Quant aux vertus à pratiquer, aux passions à
vaincre, au mal à éviter, que fait Dieu sinon protéger, or-
ner, anoblir notre vie?
2° Non seulement ce que Dieu nous demande est peu en soi,
mais peu aussi en comparaison de ce que Dieu a daigné faire
Lui-même. — Pratiquer aux vertus, obéir aux préceptes, n'est
autre chose qu'opérer notre salut éternel. — Or, pour ce sa-
lut qu'est-ce que Dieu n'a pas lui-même daigné faire ? Voyez
ce Dieu descendre du ciel, revêtir notre nature, vivre de
LA PERFECTION CHRÉTIENNE, SA FACILITÉ 171
notre vie, partager nos misères, ou plutôt prendre sur Lui-
même nos douleurs, pleurer nos crimes, et, pour les expier,
suivre une voie douloureuse qui le menait à la mort de la
croix. — Qui de nous a sacrifié ce qu'il sacrifiait?.... Qui
de nous a prié comme Lui?.... travaillé comme Lui.... souf-
fert comme Lui?
3° Peu, en comparaison de la récompense qu'il nous assure.
— Pour quelques années d'efforts une éternité de délices
nous attend. — Pour quelques légers sacrifices une im-
mense fortune. — Pour quelques faciles combats la plus
brillante des couronnes. — Pour un travail fugitif un re-
pos sans fin : « Quod in prœsenti est momentaneum et levé
tribulationis nostrœ, supra modum in sublimitate œternum
gloriee pondus operatur in nobis. »
4° Peu, en comparaison de ce que Dieu a exigé de ses Saints.
— Jésus-Christ disait: « Il y a beaucoup de demeures diffé-
rentes dans la maison de mon Père. » Ne nous attristons pas,
car n'eussions-nous que la dernière de ces demeures elle
nous serait splendide et bienheureuse encore. — Mais quels
héroïsmes, quels combats, quels martyres, quels gigantes-
ques efforts, a coûté aux Saints leur céleste demeure! — Con-
templez-les tous gravir les cimes de la perfection, les uns à
travers une vie de solitude et de pénitence, les autres dans
les tumultueux et écrasants labeurs de l'apostolat, ceux-ci
dans les veilles de l'étude et de la prière ; ceux-là dans les
effrayantes privations, l'immolation perpétuelle qu'exige
d'eux le service des pauvres. D'autres n'arrivent à la cou-
ronne qu'en traversant les sanglantes tortures du martyre.
— Et nous? Osons nous plaindre de notre vie chrétienne si
douce, si limpide, si tranquille!
Dieu nous laisse beaucoup. — Combien encore le fardeau
de la perfection nous semblera plus léger, si, en regard des
sacrifices exigés, nous plaçons les latitudes que Dieu nous
laisse.
1° Dieu, en toute chose, ne nous enlève que l'excès. — Voici
les biens de ce monde. A la plupart d'entre nous Dieu les
abandonne, ne nous en refusant que l'excès ou le mauvais
usage. — S'il est pour nous des plaisirs défendus, combien
d'autres que la Loi divine tolère, ou même auxquels elle nous
convie ? — Notre nature est-elle insatiable de gloire ? La vie
chrétienne, avec son relief divin, s'offre à nous en couvrir.
— Notre cœur réclame-t-il l'affection? N'est-ce pas au ciment
172 LA PERFECTION' CHRÉTIENNE, SA FACILITÉ
de la charité que l'édifice de nos amitiés devient inébranlable ?
2° Dieu, eu tout, remplace le moins par le plus. — Si Dieu,
en nous privant de ce qui peut plaire à notre nature, ne
laissait en nous qu'un vide douloureux, peut-être nos plain-
tes auraient quelque objet. Mais, tout au contraire, chaque
chose terrestre qu'il nous ravit, Dieu la remplace par un bien
tout céleste.
Si, par la prière et les pratiques de religion, il nous enlève
à la terre, n'est-ce pas pour nous préparer à notre éternel
séjour? — La gloire humaine, fragile et trompeuse, il la rem-
place par d'indicibles honneurs: « iEternum gloriœ pondus; »
« gloria et honore coronasti eum. » — Aux plaisirs des sens
qui n'entraînent qu'amertume et dégoût, Dieu oppose les dé-
lices de l'âme dont la saveur est aussi durable que vive. —
S'il nous défend toute colère et toute vengeance, il nous pro-
met d'être lui-même notre vengeur. — En un mot si Dieu
nous dépouille, ce n'est que pour mieux nous enrichir.
3° Dieu ne nous prive que de ce qui nous nuit. — Ne res-
semblons-nous pas à l'enfant dont nous entendons les cris
perçants et les tumultueuses colères ? Voyez l'enfant. Il
crie et trépigne parceque sa mère lui a enlevé des mains
l'objet qui allait le blesser grièvement et a brusquement
arrêté des ébats où l'imprudent allait trouver la mort. —
Ainsi faisons-nous: ainsi Dieu agit envers nous avec une
miséricordieuse rigueur. « Quem enim diligit Dominus cas-
tigat, flagellât autem omnem fîlium quem recipit. In disciplina
perseverate. Tanquam filiis vobis offert se Deus. Quis enim
filius quem non corripit pater? »
II
DANS CE PEU NOUS SOMMES PUISSAMMENT
AIDÉS
Dieu nous entoure à la fois de secours naturels et de se-
cours surnaturels et ainsi enlève à nos plaintes sur les diffi-
LA PERFECTION CHRÉTIENNE, SA FACILITÉ 173
cultes de la perfection chrétienne leur dernier argument.
Nos secours naturels. — Si Dieu nous voulait à lui et à la
sainteté, s'il nous a créés pour une conquête éternelle, assu-
rément ce Dieu sage nous a pourvus de tous les moyens
d'action.
1° Notre être tout entier nous est un secours. — Libre à
nous, sans doute, « de faire de nos membres, comme le dit
l'Apôtre, des membres d'iniquité, » et de tourner au mal nos
puissances corporelles, mais c'est là dégrader l'œuvre divine.
Dans l'idée de Dieu si nos yeux s'ouvrent, c'est pour con-
templer les merveilles qui le révèlent. Si nos oreilles per-
çoivent les bruits du dehors, c'est pour recueillir les exhor-
tations saintes, les paroles vivifiantes, les chastes mélodies
de la piété. Si notre langue se meut, c'est pour entretenir
le charme réconfortant des conversations sérieuses et édi-
fiantes.
2° Les facultés de notre âme nous sont un secours. — Quel
noble et saint usage nous pouvons faire de notre intelligence,
l'élevant aux perspectives célestes! De notre cœur, en le
tournant aux forts et généreux héroïsmes.... De notre ima-
gination en l'obligeant à nous créer des images pures.... De
notre mémoire en la remplissent dco souvenirs divins....
3° Nos différents caractères nous sont un secours. — Sommes-
nous paisibles et timides? Combien nous sera facile la dou-
ceur chrétienne!... Sommes-nous impétueux? Comme nous
voilà prêts aux fortes émotions et aux œuvres puissantes!...
Sommes-nous portés à la joie? Quelles ressources contre les
tristesses de la vie, les déceptions du monde, les défaillances
de la nature !... Sommes-nous au contraire d'un caractère triste
et mélancolique? Quelle pente facile vers la sainte componc-
tion!.... Sommes-nous loquaces? Tournons l'impétuosité de
notre langue au service des causes saintes et des besoins du
prochain.... Sommes-nous taciturnes? Devenons les amants
de la solitude et du recueillement. — En tout ceci nous réa-
liserons le vœu de l'Apôtre: « Neque exhibeatis membra ves-
tra arma iniquitatis peccato, sed exhibete vos Deo tanquam
ex mortuis viventes et membra vestra arma justice Deo. »
Nos secours surnaturels. — 1° Quels secours nous offre la
foi! — Nos difficultés naissent dès que l'ombre de l'incroyance
ou de l'oubli descend sur notre âme. Mais, dit l'Ecriture, « le
soleil se lève à l'horizon: l'homme se rend à son travail jus-
174 LA PERFECTION' CHRÉTIENNE, SA FACILITÉ
qu'au soir. » La lumière l'excite et le dirige. Quel élan, quelle
émotion vivifiante dans les spectacles de la foi!.... Quand la
foi me découvre les merveilles de l'Homme-Dieu,... la présence
en moi de l'Homme-Dieu,... les promesses de vie et de bon-
heur éternels de l'Homme-Dieu.
2° Quels secours nous donne la grâce ! — La grâce sancti-
fiante, qui ajoute à notre être naturel de toutes divines facul-
tés. — La grâce actuelle qui nous accompagne dans chaque
action, dans chaque effort, dans chaque difficulté, dans cha-
que danger, dans chaque chute. — Combien elle est vraie et
saisissante cette affirmation de l'Apôtre : « gratia Dei sum id
quod sum : » Et encore : « Omnia possum in eo qui me
confortât ».
3° Quels secours nous viennent de laprière\ — Comment pour-
rions-nous arguer des faiblesses de notre nature et des dif-
ficultés de la perfection alors que Dieu met à notre disposition
toutes les ressources de sa puissance? — Une seule condition
y est mise : que nous demandions à Dieu. — Nous fallût-il le
miracle qui déplace les montagnes, que Dieu l'accorderait à
notre prière : « Petite et dabitur vobis ».
4° Quels secours nous versent les Sac?*ements ! — Chacun
d'eux renferme des forces spéciales ; chacun d'eux nous arme
contre les difficultés de la perfection. — Prenons le plus di-
vin de tous, l'Eucharistie. Quel labeur et quel combat seront
impossibles à celui qui porte Dieu en lui-même ? — N'est-ce
pas parce qu'il est « plein de toute la plénitude de Dieu »
que l'Apôtre porte à toute chose, au ciel comme à la terre, à
toutes les créatures, à l'univers tout entier son triomphal
défi: « Quis me separabit a caritate Christi ? »
III
INANITÉ DES OBJECTIONS ET DES PRÉTEXTES
Ces objections pour être nombreuses n'en sont pas moins
vaincs et fragiles.
LA. PERFECTION CHRÉTIENNE, SA FACILITÉ 175
Nous disons : c'est pénible. — 1° Sans doute, ?nais c'est jus-
tice. N'avons-nous pas offensé Dieu ?.... Abusé des créatu-
res ?.... fait servir au péché notre être entier?... cheminé
loin de Dieu par les routes du plaisir défendu? — C'est jus-
tice que, chassés du paradis terrestre, nous regagniions par
un âpre chemin notre patrie perdue.
2° Sans doute, mais c'est miséricorde . — Puisque le bien-être,
l'orgueil, les satisfactions de la nature, le repos, la noncha-
lance, nous ont perdus: il est sage, il est juste, que l'austé-
rité de la perfection y succède.
3° Sans doute, mais c'est douceur et facilité. — Si la prati-
que de la perfection chrétienne nous est parfois douloureuse,
sachons que c'est à elle que nous devons d'échapper aux vé-
ritables et cuisantes tortures.
Nous disons : je n'ai pas la force. — L'objection serait
équitable si Dieunouslaissait à nous-mêmes. Mais écoutons le
magnifique langage de l'Ecriture : « Sicut aquila provocans
ad volandum pullos suos et super eos volitans expandit alas
suas et assumpsit atque portavit in humeris suis. »
Nous disons : je n'ai pasle loisir.— Oh I combien fallacieuse
et inique est cette objection ! — Que d'objets terrestres nous
absorbent! que de futilités dévorent nos heures ! Quels misé-
rables riens nous éloignent de nos vraies sollicitudes !
U PERFECTION CHRÉTIENNE
SA NATURE
I
ASPECT PLUS GÉNÉRAL DE LA PERFECTION
CHRÉTIENNE
Commençons par étudier cette perfection chrétienne dans
l'une de ses plus saisissantes images. — Dieu, avant de réa-
liser la perfection dernière qu'il réclamait de l'homme sa
créature, après que le Christ l'eut régénéré, commença par
la faire apparaître en images et pour ainsi dire en esquisses,
dans la vie de son peuple d'Israël.
C'est ainsi que Saint Paul a pu dire que l'Ancien Peuple
était l'esquisse du second et que les traits divers qui marquent
son histoire étaient des figures de ce que la grâce, dans sa
plénitude, réalise pour nous. « Omnia in figura contingebant
illis. » — Or, ici, nous prenons Israël depuis sa servitude
d'EgypIe jusqu'à la conquête de la Terre promise. L'Egypte,
c'est l'état de péché, de déchéance, de servitude. La Terre
promise, c'est l'état de grâce et de perfection. — Comment
nous élevons-nous des misères et des péchés de l'Egypte
jusqu'aux sublimités de la Terre promise? Suivons, pas à
pas, pour le comprendre, Israël tour à tour esclave, libre,
conquérant, victorieux.
Image dans la sortie d'Egypte. — Quel est notre premier
état ? Où la grâce, qui nous portera tout à l'heure à la per-
fection, nous vient-elle prendre?
1° Quelle est notre Egypte? — C'est d'abord, pour le peu-
ple figuratif, une terre de sensualité impure, une terre d'i-
LA PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NATDRE 177
dolatrie sacrilège, une terre de fallacieuses délices et d'amè-
res déceptions. — Tel est notre état; notre Egypte, c'est
notre nature déchue, portée au mal, grossière et sensuelle...
Et nos hommages, en même temps que nous les ravissons
à Dieu, à combien d'idoles diverses les prodiguons-nous? —
Notre Egypte, c'est encore le monde avec ses faux plaisirs,
ses fallacieux honneurs, sa servitude trop véritable.
2° Quel est notre Pharaon ? — Dans un prophète l'Esprit
de Dieu nous montre le démon sous la sanglante image d'un
Pharaon, entouré des victimes de sa cruauté et se rassasiant
d'affreux carnages. — Hélas I tel est le maître ignoble et cruel
auquel, par le péché, nous nous sommes vendus.
3° Quel est dans cette Egypte notre genre de vie ? — Voyez
les Juifs, esclaves de Pharaon. Les travaux les plus durs les
accablent. Leur vie s'épuise au service d'autrui ; l'Egypte,
sans leur rien donner, dévore leurs heures, leurs forces, leur
vie. — Et quelle est notre existence à nous-mêmes, alors
que, loin de Dieu, nous nous épuisons en des travaux qui ne
nous valent à la fin que l'inanité du sépulcre?
4° Quelle est notre folie ? — La folie des Juifs, l'Ecriture
nous la représente. Ces malheureux, quand Dieu leur envoie
Moïse pour les délivrer, préfèrent à une liberté si noble et si
douce, leur dur et dégradant esclavage. — Nous en som-
mes là ! Jésus-Christ est venu nous disant : « Celui que dé-
livre le Fils de l'Homme sera libre désormais. » Et nous, qui
pourrions nous élever d'un coup à la noble « liberté des en-
fants de Dieu, » nous que la prière, la piété, l'état de grâce,
les œuvres saintes, porteraient jusqu'aux sublimités de la
perfection, nous choisissons pour partage la stérile et dégra-
dante servitude du péché.
Image dans la marche vers la Terre promise. — Mais,
dit Saint Paul, « où le péché a abondé la grâce surabonde; »
Dieu domine la malice de l'homme; Moïse l'emporte sur l'i-
nertie grossière d'Israël. Le peuple figuratif se lève en masse,
traverse la mer Rouge et se met en marche résolument vers
sa sainte Patrie. — C'est l'âme chrétienne, désabusée du
monde, fatiguée d'elle-même, avide de Dieu et de la perfec-
tion qui y mène, l'âme qu'un souffle de grâce emporte au
travers des eaux du péché jusqu'aux régions bénies des ver-
tus. — Mais cette perfection chrétienne gardons-nous d'en
croire la conquête aisée, sans fatigue, sans sacrifice, sans
douleur.
T. IV 12
178 Là PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NATURE
1° Il nous faut affronter un désert aride. — Tout à l'heure,
quanti la vertu nous sera familière, la piété affermie, « le joug
devenu doux et léger, » ce ne sera plus qu'une terre promise,
une région sereine et bénie où coulent à flots « le lait et le
miel. » — Mais, pour arriver à cette perfection, des efforts
douloureux, des délaissements, des tristesses, un inexprima-
ble vide, peut-être des désolations poignantes, s'étendront
devant nous comme un effrayant désert.
2° // nous faut affronter des privations. — Notre nature
tient à la chair, au péché, au monde, par des liens d'une
étonnante force. Comment briser ces liens ? Comment nous
priver de ces jouissances? Comment « arracher son œil droit,
couper sa main droite, » sans que la douleur de ces sacrifi-
ces fasse pousser à la nature des cris de douleur et de ré-
volte? — Suivons, dans sa marche au désert, le peuple figu-
ratif. Chacun de ses murmures n'a-t-il pas en nous-mêmes
un écho vibrant?
3° II nous faut affronter des labeurs. — Chaque vertu,
dont l'acquisition sera un triomphe, exige d'abord de nous
de pénibles efforts. — Chaque vice, dont l'abandon nous ob-
tiendra bientôt une liberté si délicieuse, ne cédera qu'à de
continuels et héroïques labeurs.
4° 77 nous faut affronter des terreurs vaines. — Rappelons-
nous le naïf effroi des Juifs, quand ses explorateurs lui re-
vinrent faisant, des difficultés de la conquête, une effrayante
peinture. — Quels sont ces explorateurs menteurs ou lâ-
ches ? c'est notre chair, c'est le démon, c'est le monde. S'ils
ne peuvent pas étouffer en nous le désir de la perfection chré-
tienne, ils cherchent à l'ébranler pas de vaines appréhensions.
Comment me vaincre? comment pratiquer ces vertus ? Com-
ment persévérer dans la prière et dans les Sacrements ?...
Insensé ! n'est-ce pas Dieu qui vous mène ? n'est-ce pas sa grâce
qui assure vos pas? n'est-ce pas à coups de miracles que Cha-
naan fut vaincu et la terre promise possédée?
Image dans la conquête de la Terre promise. — La per-
fection chrétienne, véritable terre promise, s'offre à tous
comme brillante et riche conquête. L'obtenir, c'est notre
éternel salut; la perdre, notre éternelle ruine. — Ici encore
dans le peuple figuratif est écrite notre propre histoire. En Is-
raël beaucoup perdirent cette noble conquête, tandis que d'au-
tres y parvinrent. Combien, chez nous, d'âmes infidèles qui
abandonnent la perfection tandis que d'autres la conquièrent?
LA PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NATURE 179
Gomment périssent les uns ? Comment triomphent les
autres?
1° Comment périssent les uns"! — Saint Paul au dixième
chapitre de son épître aux Corinthiens nous énumère les
causes diverses de cette ruine. Tous, dit-il, avaient été
inondés des flots de la grâce, mais bientôt ils se prosternè-
rent devant des idoles, ils s'abaissèrent aux sensualités, ils
se livrèrent aux vains plaisirs, ils se couvrirent des souillu-
res de la volupté, ils perdirent la foi, ils blasphémèrent, ils
murmurèrent, ils abandonnèrent Dieu et la vertu.
2° Comment les autres triomphent ? — Le même Saint
Paul nous donne dans son Epitre aux Hébreux le secret de la
force et des triomphes des âmes chrétiennes, qui conquièrent
la perfection, et, par la perfection, la vie éternelle. — Ce
secret c'est leur foi. — Ces âmes ont une foi ardente, iné-
branlable, lumineuse. Par la foi, dit l'Apôtre, elles abandon-
nent l'Egypte, traversent la mer Rouge, font tomber les mu-
railles de Jéricho, triomphent des Puissances ennemies,
accomplissent toutes les vertus, remportent tous les triom-
phes.
Il
ETUDE PLUS SPECIALE DE LA PERFECTION
CHRÉTIENNE
Ce que nous venons d'étudier, sous le voile de l'image, étu-
dions-le de plus près et directement. Qu'est-ce que la perfec-
tion? Elle est la complète rénovation de notre vie; elle en
est le juste et saint gouvernement.
La perfection chrétienne est une rénovation de notre vie.
— Quelle est et en quoi consiste cette rénovation ?
1° Rénovation intime. — Pour l'âme qui a quitté le monde et
s'est donnée à Dieu, une lumière nouvelle se lève, de nou-
velles perspectives s'étendent, des jugements nouveaux, des
appréciations toutes différentes sont portés sur chaque ob-
480 LA PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NATURE
jet: « Nos, dit l'Apôtre, sensum Christi habemus. » Et encore
« Spiritualis homo omnia judicat. » — D'autre part, le monde
qui vit en dehors de la foi et de la lumière révélée a sa fa-
çon à lui de juger et d'apprécier chaque chose. — Ces deux
esprits, l'esprit de bien et l'esprit du monde, sont diamé-
tralement opposés. — Dès lors quand, abandonnant la vie mon-
âaine, nous nous consacrons à la vie des enfants de Dieu qui
est la perfection, il nous faut, avant toute chose, modifier ou
plutôt renouveler nos idées d'autrefois : « Renovaminispiritu
mentis vestrae ».
Cette âme doit, en second lieu, renouveler son cœur ai ses
affections. Rénovation capitale, sans laquelle la perfection se-
rait à jamais impossible. « Le cœur, dit Saint Augustin, est le
poids de l'âme. » Le cœur entraîne tout et rien ne lui résiste.
— Quand nous avons vécu d'une vie sans perfection, notre
cœur, se détachant des hauts sommets, s'est incliné vers l'a-
mour des choses terrestres. — Aux âmes qui aspirent à la
perfection, l'Eglise crie sans cesse, sans fin: « Sursum corda! »
Cette âme doit se renouveler en troisième lieu dans ses
aversions. — Ce mot de « haine », nous le retrouvons dans
l'Evangile, dans le cœur et sur les lèvres du Christ-Jésus.
Nous le retrouvons encore dans le langage et les sentiments
de Dieu. — Gardons-nous donc de croire que cette haine ne
nous est pas indispensable. — Comment aimer Dieu sans
haïr le mal ?... Comment nous éprendre des charmes de la
vertu sans haïr le péché '?... Comment prendre ardemment
parti pour Jésus-Christ sans haïr son ennemi mortel le démon?
2° Rcnovatioji extérieure. — Nous comprendrons quelle
doit être la sanctification de nos corps, si nous nous rappelons
à la fois leur dignité, leur devoir, leur espérance. — Leur
dignité: « Portate Deum in corpore vestro. » — Leur devoir :
» Mortui estis »; « Exhibete corpora vestra hostiam » « Mor-
lificationem Jesu circumferentes in corpore nostro. » — Leur
espérance: « Vivificabit corpora.»
La perfection est un bon gouvernement de notre vie.
— On pourrait définir la perfection chrétienne : le rétablis-
sement de l'œuvre divine en nous. La perfection restaure
un chef d'œuvre qu'avait dégradé le péché.
1° Quelle fut l œuvre primitive. — Cette œuvre était toute
paix et harmonie. Dieu dominait en souverain notre âme.
— Cette âme, soumise à Dieu, dominait en souveraine notre
torps. — De là l'ordre et la paix.
LA PERFECTION CHRÉTIENNE, SA NATURE 18£
2° Quelle fut la dégradation du péché ? — L'œuvre du pé-
ché fut d'amener la rupture universelle. — Notre âme se ré-
volta contre Dieu et prétendit se soustraire à son empire. —
Notre corps, à son tour, se révolta contre l'âme, et bien loin
de lui obéir prétendit la dominer.
3° Quelle est la complète innovations — Par la perfection chré-
tienne, perfection douloureuse, fruit du Calvaire, toutes cho-
ses sont remises en leur primitif état. La souveraineté de Dieu
est rétablie. — L'âme ne reconnaît plus que la Loi divine. —
Nos sens, à leur tour, n'agissent plus qu'à l'ordre et sous la
domination de l'âme.
LA MÉDITATION
ET L'AME CHRÉTIENNE
Prétendre que la méditation est essentielle à la vie chré-
tienne et qu'elle seule ouvre au fidèle l'accès des cieux serait
une exagération et une erreur. Dieu accueille tous ses en-
fants, à quelque degré de spiritualité et de vertu que se soit
élevée leur âme.
Mais, d'autre part, qu'une âme, dédaigneuse des routes
communes, veuille s'élever plus rapidement et plus haut;
qu'elle aspire à une foi plus vigoureuse, à une espérance
plus enflammée, à un amour plus tendre et plus fort; qu'elle
s'arme plus puissamment contre ses ennemis, qu'elle s'orne
de plus brillantes et de plus solides vertus : — alors la mé-
ditation devient indispensable.
Aussi considérons la méditation comme la plus haute
gloire, comme la plus complète et la plus luxuriante vitalité
de l'âme chrétienne.
LA MEDITATION GLOIRE DE LAME
Gloire de l'âme parce qu'elle en est Yascension glorieuse
et la divine transfiguration.
Elle est une ascension glorieuse. — Cette âme, bien que
chrétienne encore, ne médito pas. De fugitives prières s'é-
chappent rapidement de ses lèvres. Sans être absente des
cérémonies saintes, elle n'y paraît qu'aux jours obligatoires.
LA MÉDITATION ET L'AME CHRÉTIENNE 183
Cette âme est enfermée presque entière dans la vie terres-
tre; jamais un essor ne l'élève jusqu'à la vie des cieux. —
Considérez d'autre part l'âme chrétienne qui médite.
1° Lame qui médite quitte la terre pour le ciel. — A peine
s'est-elle fermée au bruit du dehors et ouverte aux contem-
plations divines, que quatre merveilles se déroulent en elle.
— Le monde surnaturel se découvre. Elle s'y élève, elle y
pénètre, elle en contemple les visions sacrées, elle se repaît
de ses suavités et de ses splendeurs, c'est Dieu, c'est le Christ-
Jésus, c'est la bienheureuse Vierge, les Anges et les Saints,
qui lui apparaissent. Les mystères profonds, les œuvres di-
vines, les surnaturelles destinées, les dogmes qui en parlent,
les préceptes qui y conduisent, les récompenses qui les cou-
ronnent : c'est dans ce monde illustre et saint que vit, pour
un moment, l'âme qui médite. « Conversatio nostra in
cœlis est. » — La vue de ces objets sublimes en fait naître
le désir et l'amour. La méditation n'est pas seulement une
lumière, c'est un feu qui enflamme le cœur. « In meditatione
mea exardescit ignis ». — Eprise du ciel, cette âme se dé-
senchantera de la terre. Elle subira son exil sans l'aimer, et,
peu à peu, les liens qui tiennent si fortement enchaînés les
gens du monde se briseront en elle. — Quatrième merveille.
La vue des sublimités célestes ne sera pas fugitive; l'âme
en gardera une élévation de sentiments, une sublimité et
une force, que les autres, qui ne méditent pas, ne posséde-
ront jamais.
2° Lame qui médite communie en Dieu. — C'est là même le
plus direct et le plus magnifique effet de la méditation. Par
elle nous entrons dans les pensées de Dieu, nous pénétrons
dans les profondeurs de ses révélations. Nous scrutons ses
volontés, nous épions ses désirs, nous surprenons ses secrets.
Qu'est-ce cela, sinon devenir une même âme, un même es-
prit, un même cœur avec Dieu? « Qui adheret Domino unus
spiritus est ». — Quels sont les objets qui absorbent Dieu?
Son être même et ses perfections, son Verbe, l'Incarnation,
les œuvres, les triomphes de ce Verbe fait Homme, la for-
mation, le recueillement de ses fidèles, la vie de son Eglise,
la génération de ses Elus, la perfection et la beauté de son
ciel éternel, sa justice, sarevenche sur le mal et l'écrasement
de ses ennemis... Or, n'est-ce pas de ces objets même dont
la méditation a rempli notre ârne? Et quand l'Apôtre contem-
ple cette âme en méditation, il prononce sur elle ces magni-
184 LA MÉDITATION ET L'AME CHRÉTIENNE
fiques paroles: « Gloriam Dei spéculantes in eamdem imagi-
nem transformamur a claritate in claritatem. »
Elle opère une divine transfiguration. — Ce qui précède
nous laisse déjà entrevoir le changement, la transfiguration
merveilleuse que la méditation opère dans une âme.
1° Transfiguration de tout notre être. — Revenu de ses
colloques avec Dieu sur la cime du Sinaï Moïse apparaissait
à Israël radieux et couronné d'un diadème de lumière. Sa
face revêtait l'éblouissant éclat du soleil, à ce point que l'œil
humain n'en supportait pas la vue. Durant sa prière au
Thabor, l'Homme-Dieu, raconte l'Evangéliste, fut tout à coup
transfiguré; son visage devint lumineux et ses vêtements
furent d'une blancheur de neige.
Ainsi en est-il de l'âme que la méditation emporte fré-
quemment dans le sein de Dieu. Considérez ce chrétien. Sans
que vous l'ayez appris encore, il vous est facile de savoir
qu'il s'est fait de la méditation une habitude. Son langage
s'est empreint d'une suavité, d'une sagesse, d'une élévation
qui ne sont pas de la terre. Sa personne entière, sa marche,
son maintien, revêtent, je ne sais quoi de surnaturel et de
céleste. A toute sa conduite vous verrez qu'il obéit à des
mobiles, qu'il suit des inspirations que la vie terrestre ne
saurait donner. — Mais, en y regardant de plus près, nous
verrons aisément que les influences de la méditation sont
plus profondes encore et plus étendues.
2° Ces influences s* étendent au dehors. — Rien autant que la
méditation habituelle ne nous rend aptes à nos devoirs d'é-
tat, ne nous prépare aux luttes de la vie chrétienne, ne nous
arme contre les redoutables assauts de la douleur. — N'allons
pas bien loin chercher nos obligations et les triomphes de
notre vertu : ils ressortent de nos devoirs d'état, ils s'atta-
chent à notre vie quotidienne. Comment le génie dévelop-
pera-t-il ces ressources et le savan! se maintiendra-t-il dans
les hauteurs d'une science orthodoxe? Comment l'homme de
travail conservera-t-il, au sein d'écrasants labeurs, la fraî-
cheur de son âme? Comment le magistrat sera-t-il intègre, le
patron juste et paternel à ses ouvriers, le soldat chevaleres-
que et intrépide, le père de famille dévoué jusqu'au martyre
{tour les siens? Le Psalmiste répond : « en méditant votre
oi, ô mon Dieu ». — Aux devoirs d'état s'ajoute la lutte.
Lutte incessante, lutte acharnée, dont l'enjeu est l'éternité,
dont le théâtre est notre âme, dont les adversaires sont, à la
LA MÉDITATION ET L'AME CHRÉTIENNE 185
fois, notre nature déchue, le monde et l'enfer. Dans cette
lutte, d'où viennent nos défaites et d'où viendront nos triom-
phes? Nos défaites sont dues aune foi endormie, à une piété
expirante, à une vigilance en défaut, à une volonté amollie.
Rendons-nous compte d'après cela comment, après la défaite,
nous ramènerons à nous la victoire. A l'irréflexion succédera
la pensée. La méditation deviendra tout ensemble le réveil de
notre foi et de notre piété. Par elle nous ouvrirons les yeux
sur les dangers qui nous environnent et la vigilance nous si-
gnalera la présence de l'ennemi. Du même coup notre volonté
s'affermira et nos armes mieux trempées porteront des coups
plus sûrs et plus efficaces. — Aux devoirs et aux luttes,
notre condition présente surajoute la douleur. Aux âmes qui
se ferment aux idées de la foi, la douleur est terrible, car
rien ne l'explique, rien ne l'amortit ni ne la console. Mais la
victime de la douleur est-ce une âme qui médite? Des visions
fortifiantes lui apparaissent; l'ange de Gethsémani vient à
elle pour la relever et la soutenir.
II
LA MÉDITATION VIE ET FORGE DE L'AME
Elle l'est dans les sublimités de cette vie, dans les sacri-
fices de cette vie, dans les dangers de cette vie.
Dans les sublimités de la vie chrétienne. — Arrêtons-nous
à trois principales: la table sainte, le tribunal de la pénitence,
les œuvres de la charité.
1° Les sublimités de la table sainte. — Que la communion
nous soit nécessaire, voulue de Dieu, indispensable à l'adulte,
nous n'avons pas à nous y arrêter ici. Notre condition c'est
de nous unir, âme à âme, cœur à cœur. C'est pour cette
union béatifique que nous fûmes créés; et, en dehors d'elle,
nous restons sans direction et sans but. Or cette union,
complète dans le ciel, s'inaugure dans l'Eucharistie. —
Donc il nous faut communier. Mais pour communier digne-
486 LA MÉDITATION ET l'aME CHRÉTIENNE
ment, il nous faut une âme attentive, une âme élevée, une
foi vive, une dilection tendre, une pureté reconquise. Com-
ment sans la réflexion, sans la méditation, parvenir à cette
nécessaire préparation?
2° Les sublimités du saint Tribunal. — Quelle sera l'âme dont
les confessions seront toujours sérieuses, loyales, efficaces?
Trois choses sont nécessaires, trois choses que procure ex-
cellemment l'habitude de la méditation. — Il faut que l'âme
ait d'elle-même une juste connaissance. Si une perpétuelle
irréflexion a fait qu'elle s'ignore; si la dissipation de sa vie
lui voile à la fois le péché commis, les défauts qui y mènent,
les occasions qui y précipitent, comment s'armer contre les
dangers de confessions imparfaites ? — Il faut que l'âme ap-
précie sainement le péché. Comment en avoir le regret et
l'horreur, comment se résoudre à le fuir, comment briser
avec les habitudes qui nous enchaînent ou les occasions qui
nous y portent, si quelques réflexions sérieuses ne nous ont
pas découvert la perversité de sa nature, les désastres qu'il
cause en nous, les châtiments qu'il mérite ? Il pouvait dire
en toute lovauté ce roi des pénitents: « Confitebor advcrsum
me peccata". » Pourquoi? Parce qu'il avaitlonguement médité
sur les laideurs et les désastres du péché : « Mane astabo
Tibi et videbo quoniam Deus non volens iniquitatem tu es. »
— Puis encore, le péché nous sera-t-il remis sans un sin-
cère propos de ne le plus commettre ? Et cette résolution gé-
néreuse, à qui la devrons-nous sinon à une volonté que la
grâce, dans de fortes réflexions, aura illuminée et affermie?
3° Les sublimités de la charité et de ses œuvres. — Etendez
un regard d'admiration et d'étonnement sur l'immense Eglise
catholique. Comptez ses Institutions ; dénombrez les Asiles
où elle recueille la douleur; suivez, pas à pas, par tous les
chemins, à travers tous les obstacles, au sein de toutes les
souffrances, l'héroïsme catholique, qui n'atteint que par le
martyre au comble de ses aspirations véhémentes. Où s'ali-
mente cette charité catholique? Avant tout, sachons-le, dans
la méditation, là où est rompu le pain de la parole de Dieu :
« Non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod procedit
de ore Dei. »
Dans les exigences de la vie chrétienne. — Tant est su-
blime la récompense de la vie chrétienne, tant sera rude le
combat qui la lui mérite. Ouvrons l'Ecriture, entendons les
paroles du divin maître. Partout les labeurs de la vertu, les
LA MÉDITATION ET L'AME CHRÉTIENNE 187
privations qu'elle entraîne, les sacrifices qu'elle impose, les
martyres auxquels elle condamne nous sont représentés.
— Or celui-là seul qui aura profondément médité les vérités
saintes: une âme, un Dieu, une destinée, un ciel, un enfer,
un Calvaire ensanglanté, une résurrection radieuse, saura
supporter longtemps la croix qui pèse auxépauleset les pier-
res de la voie douloureuse qui meurtrissent les pieds.
Dans les dangers de la vie chrétienne. — Parmi ces dan-
gers il en est qui nous sont intimes, une concupiscence enflam-
mée, des passions tyranniques, un affaiblissement lamentable
de nos facultés. — Il en est qui nous viennent du debors : de
désastreuses sociétés nous perdent, de dangereuses occasions
nous entraînent, l'esprit du monde nous déforme...
MARTHE ET MARIE
LES DEUX PARTS DE LA VIE CHRÉTIENNE
Sous la gracieuse image des deux Sœurs qui reçoivent le
divin Maître, qui s'empressent de lui témoigner un égal
amour mais non d'une égale manière; dont l'une, Marthe,
s'occupe fiévreusement des apprêts de la réception, dont l'au-
tre, Marie, s'abreuve à longs traits des paroles du Céleste
Visiteur : — nos saints Docteurs ont vu, symbolisée, la vie
chrétienne.
Le but de la vie chrétienne n'est autre que de recevoir
Jésus. L'âme, comme l'aimante et contemplative Marie, ne
3uitte pas les pieds divins, répandant tour à tour les parfums
e sa prière, puis écoutant les oracles qui s'échappent des
lèvres du Bien-aimé. — Est-ce à dire que la vie chrétienne
soit une vie inactive et immobilisée dans la prière? non, car
il est écrit : « Ibit homo ad operationem usque ad vesperam. »
La prière de Marie et l'activité de Marthe s'uniront har-
monieusement pour former la vie du chrétien sur la terre.
QUEL SERAIT LE MAL D'UNE VIE DE TRAVAIL
SANS PRIÈRE
Ce mal serait profond; et quand même l'homme, dans une
activité prodigieuse, remuerait et bouleverserait des mondes :
MARTHE ET MARIE 189
« Quid prodest ? »... Une vie de travail sans prière est à la
fois jugée et condamnée par Dieu; jugée et condamnée par
le raisonnement et l'expérience.
La vie de travail sans prière jugée par Dieu. — Dieu, les
Apôtres, les Saints, l'Eglise, nous donnent le saisissant ensei-
gnement d'une vie d'action unie à une vie de prière.
1° Voyez l'Homme-Dieu, durant sa vie mortelle. — Lui-
même fait annoncer par un prophète qu'il mènera sur la
terre la vie du travailleur : « Ego in iaboribus a juventute
mea ». — « A juventute ». Dès que ses mains enfantines
peuvent supporter l'outil de l'artisan, Jésus travaille; il rem-
plit trente années de ses rudes et continuels travaux. — Du-
rant sa vie publique, courses incessantes, prédications inin-
terrompues, œuvres de charité, accomplissementd'innombra-
bles miracles. Parfois un labeur écrasant brise ses membres
et nous le trouvons, exténué, sur la pierre du puits de Jacob :
« Sedisti lassus. »
La prière, dans la vie mortelle de l'Homme-Dieu, n'occupe
pas une moins large place que le travail. Les montagnes so-
litaires, les rivages écartés, les nuits silencieuses, sont les
témoins de ses ardentes prières : « Erat pernoctans in ora-
tione Dei. » — La souffrance elle-même, la souffrance jusqu'à
F « agonie » bien loin d'arrêter prolongera sa prière « Factus
in agonia prolixius orabat. »
2° Voyez les Apôtres. — Quel labeur que le leur ! Ils sont
chargés de bouleverser, de détruire, de refaire un monde !
Nous les contemplons sur la surface de la terre, pionniers
infatigables, invincibles conquérants, répandant la parole
sainte avec leur sueur et leur sang, jamais une heure de re-
pos, jamais un jour tranquille. — Mais quoi ! le grand devoir
de la prière est-il absorbé par celui de l'action ? A Dieu ne
plaise ! « Erant persévérantes in oratione Dei. »
3° Voyez les samts, les Saints, imitateurs de l'Homme-Dieu,
continuateurs et émules des Apôtres. Leur vie est prodi-
gieuse d'activité, leurs œuvres sont innombrables; les champs
qu'ils ensemencent, les moissons qu'ils recueillent sont vas-
tes comme le monde ; le regard a peine à suivre un Saint
Vincent-de-Paul à travers tous les sillons de la charité, un
Saint Ignace, un Saint François Xavier et mille autres au mi-
lieu de leurs travaux apostoliques. — Or contemplez un
Saint en prière. Le monde n'existe plus pour lui; sa prière
le porte dans un ciel tranquille et pur où Dieu seul est de-
190 MARTHE ET MARIE
vant lui. A Marthe qui s'agitait tout à l'heure a succédé
Marie immobile aux pieds de Jésus.
4° Voyez l'Eglise. — Etendons inGniment la scène. Ce n'est
plus un infatigable ouvrier de l'Eglise, c'est l'Eglise même,
ouvrière plus infatigable encore, que nous avons sous les
yeux. Depuis dix-huit siècles, sans une heured'interruption,
elle travaille, elle lutte, elle étend son règne, elle relève des
ruines, elle affermit des conquêtes, elle subjugue les peuples,
elle recueille une à une les âmes, elle fonde les innombrables
services de la charité ; impossible à la plume humaine de
compter et de décrire ses œuvres.
Et cependant où fait sa demeure cette Epouse du Christ?
Où la chercher? Où la découvrir? Dans ses Sanctuaires, dans
le secret d'une prière et d'un chant d'amour. L'Eglise est la
grande et perpétuelle Orante; son culte, sa liturgie, son
quotidien Sacrifice, l'incessante prière de son Sacerdoce, la
voix de ses fidèles, tout annonce, tout respire la prière.
La vie de travail sans prière jugée par l'expérience. —
Travailler sans prier, s'agiter en des labeurs sans trêve,
être brisé pour un travail que n'entrecoupe jamais la prière,
c'est là un mal doublement funeste : funeste à l'âme, funeste
au travail lui-même.
■1° Funeste à l'âme. — Rien ne fait tomber plus tristement
une âme des hauteurs de sa destinée surnaturelle qu'un tra-
vail sans prière. L'âme ne tarde pas à perdre la vision des
deux, la saveur des choses saintes, l'espérance et même
l'idée d'une récompense future. Les Juifs en Egypte repous-
saient Moïse et le salut pour se mieux absorber dans leurs
vils (et écrasants travaux. — U endurcissement du cœur ne
tarde pas à suivre l'obscurcissement de la foi. Laissons parler
Saint Bernard. « Vereor ne in mediis occupationibus, quo-
niam multée sunt, frontem dures et ita sensim te ipsum
quadammodo sensu prives et paliaro trahi ab ipsis et duci
paulatim quo tu non vis. Qmeris quo ? Ad cor durum... Cor
durum quod semetipsum non exhorret quia non sentit... En
quo trahere te habent hœ occupationes malcdictae, si tamem
pergis, ut ccepisti, ita te dare totum illis nihil tibe relin-
qucns ». — A l'extinction de la foi à l'endurcissement du
cœur, une vie de travail sans prière ajoute pour l'âme la
plus désolante stérilité. Si Dieu contemple avec faveur le Ira
vail do nos mains, combien se montre-t-il plus avide de
l'activité de nos âmes : « Deus autem intuetur cor »? Les.
MARTHE ET MARIE 191
accents de l'amour, les émotions de la piété, les résolutions
saintes, les pensées divines, les volontés aimantes, tout ce
dont est pleine la vie intime de nos âmes, voilà ce qui arrête
et ravit le cœur de Dieu, et c'est là ce qu'étouffe et détruit en
nous une activité extérieure, que ne corrige pas la prière :
« Quid prodest homini si mundum universum lucretur animas
vero suœ detrimentum paliatur? » Et Saint Bernard : « Si
totus vis esse omnium, laudo humanitatem, sed si plena sit.
Quomodo autem plena, te excluso? Et tu homo es. Colligat
et te sinus qui omnes recipit. Quid solus fraudaris munere
tui ? »
2° Funeste au travail lui-même. — Sans la prière mêlée
au travail, peu de mérite devant Dieu. Sans doute, pour
l'œil humain, les chefs-d'œuvre du génie, les conquêtes de
la science, les vastes entreprises de l'industrie, les brillan-
tes fascinations de la fortune, ou même la lutte magnanime
de l'obscur ouvrier à la conquête de son morceau de pain, se-
ront des objets d'attention et de respect : — Mais pour l'œil
de Dieu? Mais, pour le juste Juge qui seul apprécie tout au
poids de l'éternité, que vaudront ces œuvres humaines où
rien de céleste ne resplendit '? A Balthazar, Daniel disait de
la part de Dieu : « Tes œuvres ont été pesées et tu as été
trouvé trop léger ».
Sans la prière mêlée au travail le travail lui-même de-
meure sans force et sans excitation. — Sans doute une inexo-
rable nécessité ou des succès attachants pourront soutenir
le courage de l'homme, mais aux heures de tristesse, de
désillusion, de désespoir; quand la vie apparaît sans but, le
travaillui-mêmesansespéranceetsansissue,quel danger que
nos forces tombent et que notre activité s'éteigne ! — Jamais,
au contraire, l'inertie du désespoir n'engourdira celui dont
une prière fervente réveille et soutient les forces. Celui qui
espère en Dieu travaillera toujours sans lassitude ni décou-
ragement.
D'ailleurs la vraie question restera toujours celle-ci : « Dieu
bénit-il mon travail » ? S'il le bénit : ma vie fût-elle pauvre
et besoigneuse, ma vie s'écoulera en paix. Mais que Dieu se
retire de mes labeurs, à quoi puis je aboutir qu'à l'univer-
selle ruine du tombeau ? — D'un travail sa?is Dieu le Psal-
miste prononce : « Vanum est vobis ante lucem surgere ;
surgite postquam sederitis qui manducatis panem doloris ».
— Du travail que Dieu bénit la même Ecriture fait cette des-
192 MARTHE ET MARIE
cription charmante : «Labores manuum tuarum quiamandu-
cabis beatus es et bene tibi erit. Uxor tua sicut vitis abun-
dans in lateribus domus tuae. Filii tui sicut novellae olivarum
in circuitu mensœ tuae ».
II
EXCELLENCE D'UNE VIE DE TRAVAIL
OÙ UNE LARGE PLACE EST LAISSÉE A LA PRIÈRE
Entrons, à la suite de Jésus, dans l'hospitalière demeure
de Lazare, de Marthe et de Marie. Au spectacle qui est sous
nos yeux s'ajoutent lesparoles que perçoivent nos oreilles; la
scène entière ne nous laisse plus aucun doute sur l'excellence
d'une vie de travail que la prière relève et vivifie.
Noblesse d'une pareille vie. — Après qu'une parole de
Marthe nous fera réfuter une accusation calomnieuse, une
autre parole de Jésus nous révélera la noblesse du travail
uni à la prière.
1° // estune accusation calomnieuse. — Le monde s'empare
volontiers d'une parole de Marthe et la tourne, contre la
prière, en une accusation sans justice. « Soror mea reliquit
me solam ministrare. » A côté des centres d'une activité
sans repos, en face de familles et de sociétés livrées à des la-
beurs sans trêve, se sont bâtis des asiles de contemplation et
de prière, cloîtres silencieux, refuges fermés, où les âmes
mortes à la terre prennent vers lescieux un continuel essor.
— C'est d'un œil méchant que le monde regarde cette vie
d'exclusive prière ; comme si appeler sur notre terre aride la
rosée des divines bénédictions, lléchir Dieu, prier pour les
pécheurs, apportera ses semblables le secours d'en haut, vivi-
fier par 1 a grâce le travail d'autrui, n'était pas une œuvre sa-
lutaire autant qu'éminente. — ?s'était-cepas Moïse en prière
sur la montagne qui soutenait l'ardeur des guerriers de Jo-
sué?
Si, quittant cette grande thèse de la vie religieuse contem-
MARTHE ET MARIE 193
plative, nous nous replions sur notre vie à nous-mêmes et
ses deux partiesde prière et d'actionné permettons jamais au
travail d'accuser la prière: « Soror meareliquit me solammi-
nistrare. » Ne considérons jamais nos heures de prières, nos
séjours à l'Eglise comme un temps perdu ou sacrifié par
nous. Si Marthe travaille, c'est Marie en prières qui luiobtien-
dra la force, le courage et le succès.
2° Excellence réelle d'une vie où la prière s'unit au travail.
— C'est là une vie plus noble, c'est Dieu qui l'affirme : « Ma-
ria optimam partem elegit qua3 non auferetur abea. » Pesons
ces deux paroles « Optimam partem. » Par la prière l'âme a
quitté un instant la terre ; elle s'est dégagée du lien des
choses matérielles; la voilà aux pieds du trône de Dieu en-
tourée des Anges, préludant, dès l'exil, à sa vie future de
gloire et d'immortalité. Quand elle redescendra dans son
champ d'action, elle sera comme Moïse, au retour du Sinaï,
couronnée de splendeur. Est-ce donc peu de chose que
d'avoir parlé à Dieu et d'en avoir reçu de suaves et mysté-
rieuses réponses? « Sedens secus pedes Domini audiebat ver-
bum illius. » — Une seconde parole du divin Maître nous
révèle une seconde noblesse : « Non auferetur ab ea. » Les
choses terrestres passeront, le temps emportera jusqu'à la
dernière empreinte de notre travail, mais la piété gardera
pour l'éternité entière les fruits qu'elle a fait mûrir.
C'est là une vie plus magnanime. Si nous regardions la sur-
face du monde catholique, les innombrables dévouements
qui s'y déploient, les héroïsmes qui s'y déroulent, les œu-
vres de magnanime charité qui s'y fonclent, nous demeure-
rions stupéfaits des trésors enfermés dans l'Eglise.
Or qui soutient la Petite Sœur des pauvres, le Frère de
Saint-Jean-de-Dieu,le missionnaire dans les régions dévoran-
tes qu'il évangélise, le martyr au milieu des supplices, l'in-
nombrable phalange des travailleurs de Dieu, au sein de
leurs labeurs et de leurs souffrances? La prière. Sans elle
l'idée même des dévouements catholiques s'évanouirait. —
S'il en est ainsi pour le grandiose ensemble dont se compose
l'Eglise de Dieu, il en sera de même pour chacune de nos exis-
tences particulières. Les soins multiples d'une épouse et
d'une mère, les travaux d'un père de famille, les œuvres
d'un citoyen utile à sa patrie, puiseront dans la prière leur
vigueur et leur constance.
T. IV 13
194 MARTHE ET MARIE
Bonheur d'une pareille vie. — Marthe témoignait, par son
activité, de l'amour et du dévouement qui remplissait son
âme ; mais combien cette activité même lui devenait une
source de peine, d'inquiétude etdesoucis! « Martha, Martha,
sollicita es et turbaris. » Voilà l'image de notre vie de tra-
vail. La fatigue, la surcharge, les soucis l'assombrissent, les
mécomptes la ruinent. — Quelle sera pour nous la consolation,
le réconfort et la joie ? Nous deviendrons Marie, nous nous
échapperons du tumulte de notre activité pour nous refaire,
aux pieds du divin Maître, dans la contemplation et la prière.
LA LOI DU TRAVAIL
Nulle prédication plus nécessaire que celle qui rappelle à
la loi du travail. Nulle plus universelle et qui s'adresse à
plus d'âmes, à la fois. — Voici les travailleurs, armée sombre,
souvent désespérée, oh ! qu'il importe de leur apprendre le
prix de leurs sueurs, la noblesse de leur travail ; et comment
ils sont les images vives d'un Homme-Dieu, et comment l'es-
time du Très-Haut les couvre, et comment leurs fatigues
sont riches d'éternelles espérances ! — Voici les heureux de
ce monde, ceux auxquels la fortune enlève ce que l'existence
humaine a de poignant et de dur : « In labore hominum non
sunt et cum hominibus non flagellabuntur. » Oh ! qu'il leur
importe de bien savoir qu'ils rendront compte d'une oisiveté
que Dieu condamne, et combien, quoique à un degré et sous
des formes différentes, ils sont, par la loi divine, obligés de
donner à leurs heures un utile emploi. — Mais voici la dan-
gereuse et inique ivresse du moment : obtenir des jeux du
hasard, ou des coups malhonnêtes de la Bourse, des gains sans
travail, une opulence sans fatigue. — Rappelons enfin à cette
aristocratie de l'or, à ces princes de la finance qu'ils ne peu-
vent pas bâtir sur l'usure de monstrueuses fortunes. — A
tous rappelons que Dieu a condamné l'homme au travail.
GRAVITE DE CETTE LOI
Cette loi est grave : sa noblesse, son urgence, ses redou-
tables sanctions, nous en font foi.
196 LA LOI DU TRAVAIL
Noblesse et urgence de la loi du travail. — Aucune des
Lois divines n'est plus ancienne, aucune ne nous apparaît
plus sainte et plus haute.
1° C'est un Dieu Créateur qui l'inaugure. — Que voyons-nous
à l'origine des choses ? Dieu même travaillant, durant les six
jours d'une mystérieuse semaine, à créer et à organiser l'uni-
vers. Qui doute que Dieu pût d'un mot, d*un acte de sa vo-
lonté faire jaillir, dans leur perfection dernière, l'ensemble
des choses ? — Or Dieu s'y prend tout autrement. Il divise
en six parties successives son acte créateur; il travaille six
jours et le septième il rentre dans son repos. — Quel est
le but d'un aussi extraordinaire spectacle ? Dieu promulgue
en sa personne la double loi du travail des six jours et du re-
pos du septième.
2° L homme y est soumis dès le jour desacréation. — L'huma-
nité a traversé deux phases toutes diverses. La première est
celle de son innocence. Il est heureux, il habite un paradis de
délices et il y jouit de tous les biens de la création. Mais Dieu,
là même, ne lui permet pas l'oisiveté, et la Loi du travail
s'impose à son bonheur. La Genèse nous marque un double
but à ce travail du premier homme. Il travaille pour garder
son domaine; il travaille pour en achever l'organisation et
la parure. Pour garder. La Genèse nous insinue ainsi que le
travail était pour l'homme primitif la garantie de son inno-
cence. Il était de plus associé à l'œuvre divine pour en ache-
ver la perfection.
Viennent les jours douloureux de la chute. La loi du tra-
vail devient pour l'homme coupable plus urgente et plus
lourde.
C'est désormais au travail qu'il demandera l'expiation et
la pénitence. C'est par le travail qu'il obtiendra la vie. La
terre lui devient ennemie. Son sol empoisonné et durci ne
produira plus que la ronce et l'épine, et le travail seul, le
travail jusqu'à la sueur et le brisement, en arrachera le
pain de chaque jour.
3° L'Homme-Dieu à soii tour subit cette même loi. — Dieu
avait, aux jours antiques, consacré glorieusement la Loi du
travail. Le Dieu Rédempteur en porte maintenant l'écrasant
fardeau. De Nazareth au Calvaire Jésus-Christ parcourt, pour
les sanctifier, les carrières diverses du travail humain. Ses
plus longues années il les donne au travail manuel, puis il
est docteur, il est apôtre, il est prédicateur des vérités divi-
LA LOI DU TRAVAIL 197
nés, bientôt au fardeau du travail il joint celui de la douleur
et il meurt épuisé sur la croix.
Sanctions redoutables à la loi du travail. — Il est à la fois
une sanction divine et une sanction humaine.
1° // est une sanction divine. — Que Dieu se montre sévère
aux oisifs et aux paresseux ! Il les accable à la fois de mé-
pris, décolère, de châtiments. — De mépris. Les expressions
de ce mépris divin sont à peine traduisibles. Au Livre des
Proverbes le paresseux est condamné à être lapidé. Mais la
pierre est trop noble pour ce lâche déserteur du devoir; on
le lapidera avec l'ordure et le fumier I — De colère. L'E-
vangile dans plusieurs Paraboles nous fait entendre l'éclat de
ce redoutable courroux. Le Maître est sans pitié pour l'Eco-
nome infidèle, pour le serviteur paresseux qui a dissipé, sans
le faire produire le trésor qu'on lui avait confié. — De châti-
ments. Au mépris, à la colère, Dieu ajoute la plus terrible
des punitions. Dieu dépouille le paresseux et il le réduit à
une détresse universelle: privation de la grâce ici-bas, pri-
vation de la gloire là-haut.
2° // est une sanction humaine. — N'eussions-nous pas à
redouter la vengeance que Dieu exerce par lui-même sur une
oisiveté coupable, cette oisiveté porterait déjà en elle-même
son châtiment. L'oisiveté est à la fois: la ruine de l'individu,
de la famille, de la Société.
Ruine de l'individu. — Qui nous dira combien de natures
admirablement organisées se sont desséchées et ont péri
dans une ignominieuse oisiveté? — Qu'elle était haute et vi-
goureuse cette intelligence dont on voyait, dès le premier
âge, étinceler les rayons i Qu'elle était riche d'espérances
cette vie où la Providence s'était complu à rassembler toutes
les ressources! Cet homme pouvait étendre au loin l'influence
de son génie. Son activité, en lui ouvrant les hautes carriè-
res, lui assignait parmi ses semblables de fécondes et de puis-
santes missions. « Voici, dit l'Ecriture, que j'ai passé par le
champ du paresseux. » Tout y est ruine et désolation; la
moisson d'espérances n'a pas mûri ; les jours sont vides; cette
existence s'évanouira tout entière dans une odieuse et mé-
prisable inanité.
Ruine de la famille. — Les désastres de l'oisiveté nous
apparaissent dans un relief plus navrant encore quand nous
franchissons le seuil de la famille. — Ce père était l'espé-
rance et le soutien du foyer domestique. A lui s'attachait la
i98
LA LOI DU TRAVAIL
gloire dont rayonne la Providence divine elle-même : « Tu
das escam in' tempore opportuno.... aperiente te manum
tuam omnia implebuntur bonitate... » Hélas, la paresse a
remplacé le labeur, d'où la vie s'écoulait féconde. La famille
entière dépérira dans la nudité et la faim. — Si ce père de
famille eût été un homme de labeur, ses fils l'eussent suivi
dans d'honorables carrières, ses filles eussent, dans des unions
assorties, perpétué la noblesse de son nom et les traditions
de la famille. La paresse a tout ruiné. — Cette mère, au lieu
d'être la femme attentive, vigilante et laborieuse que nous
retrouvons dans la peinture de la « femme forte, » est de
celles que nous représente Saint Paul, honteusement livrées
au désœuvrement, à la dissipation, aux courses intempesti-
ves, aux malsaines recherches de la curiosité. Elle sera la
désolation du foyer domestique.
Inutile, après ce qui précède, de montrer quelles luttes in-
trépides les parents doivent engager contre la paresse et l'oi-
siveté chez leurs enfants.
Ruine de la Société. — Saint Paul nous montre la Société
providentiellement organisée à l'instar du corps humain.
En elle comme dans le corps deux parties distinctes se re-
marquent. La classe élevée et dirigeante, c'est le front, où
s'agite la pensée, c'est l'œil qui prolonge son regard, c'est
l'oreille qui recueille les bruits du dehors. — Puis, au-dessous
de cette aristocratie nécessaire, les travailleurs, plus hum-
bles, mais dont le concours est indispensable à la vie univer-
selle : c'est la main, c'est le pied.
Or l'activité, dans l'une et l'autre de ces deux classes, est
l'unique condition de la prospérité et du salut. — Si le tra-
vail de la classe inférieure s'arrête des troubles profonds,
une atonie mortelle amèneront la Société à sa ruine. —
Mais d'autre part, quel désastre suivra l'oisiveté et l'incapa-
cité des hautes classes ? Alors que, la paresse rendant inaptes
au gouvernement et au maniement de l'autorité ceux que la
Providence v appelait, la nation reste sans chefs, ou ne trouve
que ce que l'Ecriture appelle « Tyranni ridiculi. »
LA LOI DU TRAVAIL 499
IJ
AVANTAGES DE CETTE LOI
Par un de ces contrastes dont Dieu a seul le secret, ce
même travail, qui nous écrase et parfois nous irrite, devient
notre bien le plus précieux. Il est à la fois la condition de no-
tre bonheur, la condition de notre sécurité, la condition de
notre avenir.
Il est la condition du bonheur. — Il l'est pendant, il l'est
après.
1° 77 l'est 'pendant. — Autant le travail qui met en acti-
vité tout notre être et nourrit nos facultés, porte au dedans de
nous la joie, la noble fierté, le contentement universel; autant
l'oisiveté, qui détend tous les ressorts de notre âme et étiole
les organes de notre corps, amène avec elle la tristesse, les
dégoûts, les ennuis, les mystérieux désenchantements. Nul
n'est habituellement triste comme le désœuvré.
2° Il test surtout après. — L'Ecriture est intarissable dans
la double peinture de l'homme actif et du paresseux. — La
maison du premier resplendit de bonheur, les biens y af-
fluent, la sécurité du lendemain y apporte sa profonde paix,
la bénédiction de Dieu y plane: « Cet homme est heureux qui
mange le pain de son labeur. » — Mais que dit l'Ecriture du
paresseux ! Sous quelles sombres couleurs ne nous représente-
t-elle pas l'angoisse de son dénuement et les souffrances de
sa ruine!
Il est la condition de la sécurité présente. — Des points
de vue plus larges et plus hauts nous réclament. Au delà
du corps, voyons l'âme; au-dessus de la vie présente, voyons
la grâce et la gloire surnaturelles. Or les dangers que court
notre âme, ou la sécurité de ses voies, dépendent en grande
partie de la fidélité au travail ou de son lâche abandon.
1° Peinture de l'âme oisive. — L'Ecriture, sous une sai-
200 LA LOI DU TRAVAIL
sissante image nous représente l'état de l'âme du paresseux.
« Sous les feux du soleil qui se lève l'homme s'est rendu à
son travail : » là sera la fécondité, la sécurité, la fortune. —
« La nuit tombe, ajoute l'Ecriture, toutes les bêtes de la fo-
rêt errent en liberté et se répandent partout. » Voilà l'état
d'une âme paresseuse. La lumière s'est retirée d'elle, la vie
et l'activité avec la lumière. Au sein d'un morne silence,
quand tout semble endormi et mort, quand plus rien ne se
garde et ne veille, les vices accourent, les passions hurlent,
« les bêtes se donnent libre carrière. » L'oisif vivra dans
des tentations mortelles et succombera à des chutes hon-
teuses.
2° Peinture de lame active. — Quelle place y est laissée
aux tentations dangereuses, aux sollicitations du mal? — Les
heures sont remplies. — L'être entier est absorbé : l'âme
dans la pensée qui dirige, le corps dans les mouvements qui
obéissent. C'est une armée toujours en marche, toujours en
armes, que nul adversaire ne peut surprendre.
Il est la condition de l'avenir. — Nous entendons notre
éternel avenir. Or c'est du travail qu'il dépend. — Si nous
raisonnons il nous sera aisé de voir que chaque être reçoit de
Dieu une mission à remplir et que de cette mission accomplie
ou trahie dépend la récompense ou le châtiment.
LE DEVOIR
Le devoir!.... C'est le mot le plus noble et le plus saint qui
se prononce sur la terre; et, oserons-nous le dire? qui se
prononce au ciel.
Au ciel, c'est Dieu même qui nous apprend à le prononcer.
— A^rès chaque partie de son œuvre, à la fin de chacune
des mystérieuses journées de la création, Dieu rend témoi-
gnage à l'excellence de son travail: « Viditque Deus cuncta
quse fecerat et erant valde hona. » — Quand l'Homme-Dieu
s'en vient sur la terre entreprendre son grand œuvre de Ré-
demption, le devoir accompli lui fait prononcer le même
mot: « Opus consummavi quod dedisti mihi. » Et sur la
Croix, avant de clore sa rude journée rédemptrice, il pousse
le cri triomphal du devoir accompli: « Consummatum est! »
— Les Saints nous redonnent au bout de leur carrière l'écho
de cette divine parole. SainiPaul, en leur nom à tous, trouve
la paix de sa conscience et la gloire de sa vie dans l'assu-
rance qu'il a fait son devoir: « Cursum consummavi. »
Si des sommets célestes nous descendons sur la terre, nous
y saluons la même gloire et la même fécondité du devoir ac-
compli. — Là où a régné le devoir tout est vivant, tout est
prospère. — Là où il a été lâchement déserté, le sol est en
friche, les ronces le recouvrent, les ruines s'y sont amonce-
lées.
LE DEVOIR EST L'ARTISAN DE LA SAINTETE
Il n'en saurait être autrement puisque le devoir refrène la
nature déchue, soutient la partie noble et élevée de notre
202 LE DEVOIR
être, nous fait remplir notre mission expiatrice et nous unit
excellemment à Jésus-Christ.
Le devoir refrène la nature déchue. — L'une des plus
merveilleuses œuvres du devoir c'est qu'il pénètre dans notre
nature déchue, pour y combattre et y détruire le mal qu'y
introduit la chute originelle.
1° Quel mal a introduit en nous la chute originelle ? — L'é-
goïsme est le premier mal. Nous nous recherchons en tout
et il faudrait, ce semble, que l'univers entier condescendit
à nos volontés et à nos caprices. — Le péché d'origine ayant
été un péché de révolte, il nous en est resté un ferment d'or-
gueil et d'indépendance. C'est avec une peine extrême que
nous nous condamnons à une obéissance quelconque. —
Ajoutons dans la nature déchue un violent instinct de jouis-
sance et de sensualité. Le plaisir nous emporte, la gène la
plus légère nous irrite, notre éternel idéal c'est de jouir.
2° Effet du devoir sur le mal originel. — Le devoir héroï-
quement accompli nous apparaît comme un admirable anti-
dote au péché d'origine. — Si le péché se replie en lui-même
pour ne songer qu'à sa jouissance propre : l'accomplissement
du devoir nous fait sortir de nous-mêmes et nous force au
sacrifice. — Si dans le péché se retrouve l'orgueil de l'indé-
pendance; rien autant que le noble esclavage au devoir n'est
propre à l'enchaîner et à le dompter. — Enfin comme le de-
voir renferme nécessairement en lui de durs labeurs et de
sanglantes immolations, il nous prêtera contre la sensualité
nos armes les mieux trempées.
Le devoir soutient la partie noble et élevée de notre être.
— Mais nous ne sommes pas seulement des êtres déchus, nous
sommes aussi des grandeurs tombées, des rois découronnés.
« L'homme est un Dieu tombé qui se souvient des cieux. »
Au sein de la cité en ruines reste, debout et majestueux,
le temple; dans les parties hautes de l'âme sont encore les
nobles instincts d'une nature primitivement grande et di-
vine. Or ce bien qui demeure en nous réclame un appui; cet
appui sera l'habitude du devoir.
1° Sans le devoir les plus nobles élans retombent. — Par-
fois notre âme fatiguée de la terre retrouve dans des aspira-
tions saintes le chemin de ses divines destinées; une lumière
LE DEVOIR 203
soudaine nous luit, un feu ardent s'allume, un souffle nous
emporte vers la pensée et le désir de Dieu. — Parfois notre
cœur se réveille, ses instincts de bonté se font jour de tou-
tes parts, nous voici prêts pour tous les dévouements. — Par-
fois nos défauts nous pèsent, notre vie sans vertu, sans idéal
divin, nous est à charge, nous voulons rompre nos chaînes
terrestres et nous élever vers la vie des élus de Dieu.
Germes précieux, s'ils trouvaient une main activo qui les
ensemence et les cultive ! Laissés à eux-mêmes ils se dessé-
cheront et périront. — Qu'a-t-il manqué à cette âme pour
qu'elle devienne l'àme d'un saint ? Le courage de réaliser, le
courage du devoir accompli.
2° Comment avec le devoir tout en nous se tient. — Cette
âme est devenue pieuse, mais avec combien d'efforts ! en
dépit de quelle résistance! en triomphant de quelle noncha-
lance et de quelle paresse ! C'est que la piété est devenue
pour elle, non pas un vague idéal, non pas une efferves-
cence éphémère, mais un devoir sacré et divin qu'elle s'est
condamnée héroïquement à remplir. — De même pour l'ac-
complissement des vertus. — De même pour le combat des
défauts. — De même pour le travail si fatigant et si difficile
qu'imposent les obligations de la vie. — Tout a été fortement
et harmonieusement réglé dans cette existence, grâce à l'ha-
bitude du devoir.
Le devoir nous fait accomplir notre mission expiatrice.
— N'espérons pas atteindre sans l'expiation à notre récom-
pense éternelle. N'espérons pas expier sans le courageux ac-
complissement du devoir.
1° Nous devons expier. — Jetons un rapide regard sur l'his-
toire de notre race.
Le péché l'a viciée dès l'origine, il l'a pénétrée tout en-
tière, il a circulé dans ses veines et chacun de nous en subit
à son tour la mortelle contagion: « Peccatum in hune mun-
dum intravit... » Or, là où est le péché, c'est-à-dire l'outrage
de Dieu, là doit se trouver l'expiation : « Sine sanguinis ef-
fusione non fit remissio. » — De là la longue et vibrante pré-
dication de la pénitence. Cette prédication s'inaugure dans
la terrible sentence de Dieu au paradis terrestre. Elle se
traduit dans les gigantesques expiations du Déluge et de So-
dome. Elle retentit sur les lèvres des Prophètes. Elle prend
dans la bouche du Précurseur un éclat nouveau : « Faites pé-
nitence » ! Enfin l'Homme-Dieu, et après Lui ses apôtres, et
204 LE DEVOIR
après eux l'Eglise catholique, ne cessent de rappeler nos âmes
efféminées et nos existences mondaines à l'immuable loi de
l'expiation: «Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous. »
2° L'accomplissement du devoir est la meilleure des expia-
tions. — D'abord le devoir y prédispose nos âmes. Il leur en-
lève ce qu'elles ont de lâche et de sensuel, pour y faire péné-
trer l'énergie et le sacrifice. — Ensuite comme le devoir est
par lui-même une intarissable source de fatigues, de souf-
frances, d'immolations, il est évident que dans ce perpétuel
et glorieux martyre nous trouverons ample matière à expier.
Le devoir nous unit excellemment à Jésus-Christ. —
A un autre point de vue aussi élevé l'accomplissement du
devoir nous est un acheminement certain à la sainteté. Cette
sainteté, quelle est-elle dans sa vraie et fondamentale es-
sence ? Elle consiste avant tout dans notre union avec Jésus-
Christ. Or cette union elle-même réclamera toujours de nous
le devoir accompli.
1° Nous devons nous unir à Jésus-Christ. — C'est le décret
même de notre création:*» Elegit nos in Ipso ut essemus
sancti. » — C'est la condition même de la sainteté. Dieu
seul est Saint. La sainteté de Dieu est descendue sur le Christ
pour le pénétrer tout entier: « Unxitte Deus, Deus tuus oleo
lœtitice.... diffusa est gratia. » Du Christ, qui en a la pléni-
tude, la sainteté descend et se répand en nous. — Et ainsi,
uni à Jésus-Christ sur la terre par une même sainteté c'est
par Jésus-Christ encore que je serai introduit dans la gloire
éternelle.
2° Or, c'est par le devoir accompli que notre unio?i avec Jé-
sus-Christ est possible. — Ce n'est pas Dieu qui se paiera de
mots et sera trompé par de vaines protestations ! Si le Christ
n'est saint que par la pratique des vertus, par la pleine obéis-
sance à son Père, par la patience au travail, l'achemine-
ment douloureux vers le Calvaire sous le fardeau des dou-
leurs: n'espérons pas nous unir au Christ, ces austères et
sanglantes choses étant répudiées par nous. — Mais qui nous
donnera le courage de cette union à Jésus-Christ ainsi en-
tendue ? Certainement l'habitude du devoir. '
D'ailleurs, scrutons les Paraboles... Etudions un à un
les préceptes ôvangéliques.... Suivons pas à pas les Saints
dans leur héroïque carrière: partout nous verrons la perfec-
tion chrétienne sortir de quelque mission bien acceptée, de
quelque devoir bien rempli.
LE DEVOIR 205
II
LE DEVOIR EST LA GRANDE PUISSANCE
DE LA VIE
Si de ces points de vue plus divins nous descendons au
milieu des choses terrestres, nous verrons comment le de-
voir accompli ou déserté décide seul de la prospérité ou de
la décadence.
Sans le devoir tout est ruine. — Tout est ruine dans l'in-
dividu, dans la famille, dans la société.
1° Tout est ruine dans l'individu. — Par quoi vaut l'homme?
Qu'est-ce qui en fait la force? Qui donnera à l'existence hu-
maine sa puissance et sa fécondité? — Trois choses: la recti-
tude de la conscience. C'est par elle que l'homme jugera sai-
nement de toutes choses, distinguera clairement sa route,
atteindra à sa destinée avec sécurité et puissance. Or, de même
que la fidélité au devoir cultive admirablement la conscience,
la trahison du devoir la fausse et l'amoindrit. — L'homme
vaut par la volonté. Dès que cette volonté devient molle et
inconsistante, incertaine et troublée, l'action tombe avec elle
et toute puissance tombe avec l'action.
2° Tout est ruine dans la famille. — Gonsidérez-y un père
devenu infidèle au devoir. Le travail, qui devait amener la
vie au foyer domestique, s'est peu à peu ralenti pour cesser
tout à fait. — Ce roi déchu a abdiqué les devoirs de sa cou-
ronne; son autorité est en ruine, sa vigilance est évanouie,
sa présence même fait défaut aux siens... Prononcez, non
seulement le malaise douloureux de cet intérieur, prédisez-
en hardiment la déchéance et la ruine.
Est-ce la mère qui a abdiqué le devoir, qui, mondaine ou
désœuvrée, paresseuse au dedans, ou livrée aux dissipations
du dehors, a renoncé au fécond labeur, aux vivifiantes souf-
frances de l'éducation de ses enfants, de la tenue de sa mai-
206 LE DEVOIR
son, de la sauvegarde des intérêts, du bon ordre ? Les
désastres sont plus prochains encore.
3° Tout est ruine dans la société. — Pour faire comprendre
comment vit du devoir, est fondée sur le devoir, la Société
tout entière, il nous faudrait contempler le triste et repous-
sant le spectacle d'un peuple en décadance. Qu'est-ce que ce
peuple? Qu'est-ce que ce moribond? Qa'est-ce que cette So-
ciété qui, morte en réalité, n'a plus que l'aspect trompeur de
l'activité et de la vie: « Nomen habcs quod vivas et mortua
es. » C'est un peuple où le consciencieux et héroïque devoir
n'est plus connu. Le pouvoir public abdique, dans l'égoïsme
et les ambitions personnelles, le noble désintéressement de
l'autorité. — Les magistratures sont vénales. — Les carrières
n'ont plus d'autre idéal que le rassasiement de l'orgueil ou
de la cupidité. — La classe riche est plongée dans d'égoïstes
jouissances, sans songer au devoir qui l'attache aux classes la-
borieuses et pauvres.
Chez celles-ci, à la place d'une héroïque mission confiée par
Dieu, d'une noble pauvreté prolongement de celle du Dieu
pauvre, d'un travail subi à l'imitation du Dieu artisan, l'on
ne trouve plus que l'aspiration brûlante vers la fortune d'au-
trui, la rage d'en être privé, la sauvage résolution de tout ren-
verser pour la conquérir.
Là où le devoir cesse le désordre et le chaos commencent.
Avec le devoir tout prospère. — Les raisons en sont aussi
simples que victorieuses. L'habitude du devoir entretient mer-
veilleusement dans l'âme humaine l'énergie. — Celle-ci est
l'élément le plus essentiel, la condition la plus indispensable
des vertus. — Et là où les vertus font défaut, quelle prospé-
rité peut-on attendre? Là où le vice a miné le sol, quel édifice
restera debout?
La prospérité d'une Société ou d'une famille dépend assu-
rément de la fidélité avec laquelle chaque emploi sera occupé,
chaque mission sera remplie. — Or de quoi dépendra cette
fidélité elle-même sinon ae l'habitude du devoir? — Ajou-
tons que toute mission, que toute charge, ne se remplit qu'à
la sueur du front, à l'angoisse de l'âme, au brisement dos
membres, et qui se condamnera à subir le martyre, autre que
le généreux esclave du devoir?
Enfin disons le mot vrai. La prospérité d'une famille ou d'un
Etat dépend avant tout de la bénédiction de Dieu. « Nisi Do-
minus a)dificavorit domum, in vanumlaboraverunt qui œdifi-
LE DEVOIR 207
cant eam. » — Or cette bénédiction ne fait jamais que suivre
l'obéissance au devoir.
III
CE QU'EXIGE LA PRATIQUE DU DEVOIR
Il faut surnaturaliser le devoir. — Celui-là est digne du
devoir qui dans le devoir aperçoit un Dieu qui commande, —
un Dieu qui surveille, — un Dieu qui juge, récompense ou
punit.
Il faut tout sacrifier au devoir. — Celui-là seul demeurera
fidèle au devoir qui saura répudier: — les détestables maxi-
mes d'un monde traître au devoir; — les sollicitations lâches
et basses d'une nature sensuelle et égoïste; — les perfides
suggestions du calcul et de l'intérêt.
Il faut se former dès l'enfance au devoir. — C'est donc
à une mère chrétienne, c'est à un éducateur de la jeunesse,
que reviennent la plus noble des œuvres, la plus formidable
des responsabilités: former l'enfant à la pratique du devoir.
— Ce qu'est l'enfant l'homme le sera plus tard, ou fidèle ou
traître au devoir.
IMPORTANCE CHRÉTIENNE
DES PETITES CHOSES
IMPORTANCE DES PETITES CHOSES
Ce que nous entendons par ce mot de « petites choses »
c'est la trame de nos journées, la série continue de nos actions
ordinaires, de nos devoirs d'état; en un mot, tout ce qui sort
de notre activité quotidienne. C'est ce trésor, si ignoré par-
fois, même si méprisé, dont nous avons à apprécier l'impor-
tance et la valeur.
Jugeons-en par leur continuité. — 1° Quand le divin Maî-
tre disait: « Faites-vous un trésor dans le ciel, » il formulait
cette grave vérité que si l'éternité bienheureuse est avant
tout un don gratuit de Dieu, elle est aussi le prix de nos œu-
vres; nous l'achetons, et la monnaie dont nous l'achetons
n'est autre que la série de nos œuvres.
2° Or de quelles œuvres s' agit-il? — Si elles sont le prix du ciel,
il est capital de les connaître. — Remarquons-le, le commun
des hommes n'accomplit que des œuvres obscures et petites;
ils ne font, durant leur vie entière, que ce que l'on nomme
« de petites choses. » — L'élite elle-même, ceux qui remuent
le monde par quelques œuvres d'éclat, n'en remplissent pas
moins par d'innombrables « petites choses » l'intervalle de
ces œuvres. — Pour tous également la conséquence c'est que
pour gagner le ciel il faut être fidèle dans les petites choses:
« In pauca fidelis ».
IMPORTANCE CHRÉTIENNE DES PETITES CHOSES 209
Jugeons-en par leur valeur réelle. — Si, sans plus nous
arrêter au nombre des petites choses, nous voulons découvrir
en elles une très réelle valeur, formulons ainsi.
1° Les grandes choses peuvent être bien petites. — Voici
une œuvre éclatante, des succès brillants, de grands triom-
phes du génie, de la fortune, de la valeur guerrière. La foule
a battu des mains; des acclamations ont retenti de toute part...
De près, qui ne proclamera pas grandes de pareilles choses?
— Mais des hauteurs du ciel? Mais contemplées du lointain
de l'éternité? Mais aperçues par le regard infini de Dieu? Que
sont-eiles? Si l'univers n'est devant Dieu qu'un atome; si le
temps n'est devant l'éternité que l'imperceptible éclair: que
seront-elles? « Aspexit et dissolvit gentes; dixit : ubinam
sunt? »
2° Les petites choses peuvent être bien grandes. — Rien n'est
grand que Dieu; rien n'a de valeur que ce qui est marqué du
sceau divin. Si Dieu, daignant condescendre jusqu'à l'homme,
se mêle à sa créature, entre en elle pour la pénétrer tout
entière, pour la déifier, pour lui faire rendre des sons divins:
alors chaque pensée, chaque parole, chaque action, fût-elle
cachée aux hommes, devient grande, se l'ait éclatante aux
yeux du ciel. — Qu'un verre d'eau soit donné à un pauvre,
que l'humble obole de la veuve soit offerte au tronc du Sanc-
tuaire, que l'enfant murmure sa prière, que la pauvre ba-
layeuse des rues s'acquitte de sa besogne méprisée : si la grâce,
la splendeur surnaturelle, fait étinceler ces imperceptibles
choses, elles brillent devant Dieu d'un merveilleux éclat.
Jugeons-en par leur difficulté et leur labeur. — Dans
l'œuvre grande et difficile, dans l'action d'éclat, qui d'ailleurs
est bien rare, nous sommes soutenus par l'effort pasager que
nous sentons nécessaire. L'espoir et la nécessité du succès
nous emportent. D'ailleurs dans nos grandes œuvres Dieu
proportionne le secours à la difficulté. « Si, chante le Psal-
miste, je prends mon vol dès l'aurore pour me transporter au
delàdesmers, c'est, 6 mon Dieu, votre droite quimesoutient ».
— Au contraire dans les « petites choses, » Dieu, nous aban-
donnant davantage à nous-mêmes, nous en laisse supporter
plus péniblement l'effort. — Si la mère porte son enfant quand
il faut franchir un passage difficile, elle le force à marcher
seul quand la route est ouverte et sans danger.
Or Dieu, juste juge, n'apprécie nos œuvres que selon le de-
gré de générosité et de courage que nous y aurons apporté.
T. IV a
210 IMPORTANCE CHRÉTIENNE DES PETITES CHOSES
Un léger sacriflce, une simple victoire sur nos penchants mau-
vais, une parole charitable, un pardon généreusement ac-
cordé, la persévérante patience dans nos devoirs d'état, la
régularité dans nos dévotions : voilà qui est petit aux yeux du
monde, grand et très grand aux yeux de Dieu.
Jugeons-en sur de divins exemples. — L'exemple qui
frappe nos regards, qui fait tomber nos illusions et nous ré-
vèle, mieux que tout le reste, l'importance et la valeur des
petites choses, cet exemple nous vient de Dieu lui-même.
C'est Dieu qui, faisant « les petites choses » avec une per-
fection divine, nous montre comment nous-mêmes devons les
accomplir.
1° Le Dieu créateur a fait avec une perfection infinie les
petites choses. — Saint Augustin éclate en admiration devant
la perfection divine des œuvres les plus imperceptibles de
Dieu : « Fecit angelos, fecit et vermiculos : nec major in il-
lis, nec minor in istis. » Fénelon a dans son traité « de l'exis-
tence de Dieu » écrit d'admirables pages sur les merveilles
des « infiniment petits. » Arrêtons au passage l'impercepti-
ble vermisseau, l'insecte ailé à peine visible : quelle délica-
tesse ! quelle finesse de ses membres! quelle élégance de ses
contours ! Dieu prodigue l'or et la pourpre pour peindre la
cuirasse du scarabée. Avec quelle grâce la main divine dé-
pose sur le calice de la fleur la goutte de rosée qui y brille
comme un diamant. Et cette fleur elle-même, quel chef-
d'œuvre de délicatesse et de coloris!... Mais nous serions in-
fini si, parcourant le domaine des « petites choses, » nous y
voulions relever la perfection qu'y déploya le Créateur. »
2° Le Dieu Rédempteur a fait avec une perfection infinie les
petites choses. — Qui, en entendant la grande prophétie de
la venue d'un Dieu sur la terre : « Yisus est in terris et cum
hominibus conversatus. » ne porterait son regard sur des
magnificences divines et de grandioses spectacles? Quelle
majesté déploiera ce grand Dieu ? quelle scène d'incompara-
bles splendeurs se dérouleront à son passage? quelles actions
d'éclat, quelles œuvres retentissantes il multipliera durant
son séjour au milieu de nous... ?
0 pensée humaine, comme tu t'égares ! que tu es loin des
pensées de Dieu !
Ton rédempteur ne vient pas rapprendre à faire de gran-
des choses, mais à faire divinement bien les petites. — Quand
l'Homme-Dieu naîtra, ce sera « la goutte de rosée qui tombe
IMPORTANCE CHRÉTIENNE DES PETITES CHOSES 211
silencieusement au sein de la nuit, « Sicut stillicidia stillan-
tia super terram. » — L'Homme-Dieu, après une enfance qui
fut la toute « petite chose » inaugure une adolescence et un
âge mûr plus petits encore. 0 Adèle, ne cherche pas ton Dieu
dans la splendeur des grandes œuvres; pénètre dans la bour-
gade obscure, dans l'étroit atelier, où le Fils de Dieu, le per-
pétuel faiseur de « petites choses, » met sa sagesse et sa
force à accomplir les travaux du plus humble artisan. —
Mais le voici absorbé dans unoimme?ise entreprise : il prépare
la conquête du monde, il dispose les matériaux du vaste et
inébranlable édifice qu'il nomme son Eglise : le règne de la
« petite chose » a-t-il pris fin ? Nullement. Plus les ré-
sultats seront immenses, plus les apprêts sont petits. Plus
l'Océan se fait vaste et ses flots tumultueux, plus Dieu met
sa force dans le grain de sable, qui lui servira de rivage et
arrêtera l'impétuosité de ses flots. Douze pauvres, douze
inconnus, douze riens, sont appelés : voilà les fondateurs et
les colonnes de l'Eglise ! « Videte enim vocationem vestram,
fratres, quia non multi sapientes secundum carnem, non
multi potentes, non multi nobiles, sed quae stulta sunt mundi
elegit Deus ut confundat sapientes ; et infirma mundi elegit
Deus ut confundat fortia et ignobilia mundi et contemptibi-
lia elegitDeuseteaquœnonsuntuteaqucesunt destrueret. » —
L'Eglise est fondée; elle parle, elle répand la grâce, elle ad-
ministre les sacrements, elle enseigne les vertus, elle sanc-
tifie et déifie les âmes : or en tout cela je n'aperçois qu'une
continuité d'humbles et petites choses. Combien est frêle et
petite l'Hostie de l'Autel, qui sous son infime apparence ren-
ferme un Dieu! Combien frêle et petite la goutte d'eau qui
d'un enfant des hommes fait un enfant de Dieu et un Elu
du Ciel! Combien frêle et petite la goutte d'huile qui sacre
le chrétien pour les splendeurs d'un trône et les illustres
combats de la sainteté ! Parcourez toute la suite des choses
saintes; vous verrez partout réalisé le mot de l'Apôtre: « ea
quœ non sunt elegit Deus. »
Un autre mot qu'ajoute l'Apôtre nous découvre admirable-
ment le plan de Dieu, selon lequel tout repose ici-bas sur la
« petite chose. » « Ut non, dit l'apôtre, glorietur omnis caro
in conspectu Ejus. » L'homme s'est perdu par l'orgueil, par
l'ardente fascination de la gloire; l'homme a rêvé de chimé-
riques grandeurs, poussant son ambition sacrilège jusqu'à
revêtir la splendeur même de Dieu ! « Eritis sicut Dii. » —
212 IMPORTANCE CHRÉTIENNE DES PETITES CHOSES
Quel remède Dieu opposera-t-il au faste extravagant de sa
créature ? Il circonscrira sa vie entière dansla « petite chose. »
« Ea quee non sunt elegit Deus. »
3° Le Dieu sanctificateur fait avec une infi?iie perfection les
petites choses. — Si nous voulons quelques images des opé-
rations de l'Esprit Sanctificateur dans nos âmes, regardons
cette mère qui condescend aux faiblesses de son petit enfant.
Elle parle son langage; avec lui elle balbutie; avec lui elle
joue, se prêtant à ses caprices enfantins et rapetissant ses
idées à la mesure de cette frêle raison naissante. — Ainsi,
dit l'Apôtre, fait l'Esprit saint dans nos âmes. Il abaisse jus-
qu'à nos idées d'enfant sa sagesse infinie; il proportionne à
notre faiblesse ses enseignements: avec nous il balbutie la
langue des cieux : « Similiter Spiritus adjuvat infirmitalem
nostram; postulat pro nobis gemitibusinenarrabilibus. ^''est-
ce pas le triomphe de la petite chose que cette suite ininter-
rompue de pensées saintes, de volontés généreuses, d'illu-
minations secrètes, de résistances triomphantes, dont l'Esprit
de Dieu se fait le principe dans nos âmes ? Et ce grand Dieu
ne récusera pas cet humble rôle, dùt-il le remplir dans l'âme
du pauvre et de l'enfant !
4° Dieu le juge souverain jugera le monde sur les petites
choses. — Un contraste étrange marquera la scène du der-
nier jour et du jugement général. — Rien d'imposant, rien
de formidable comme la pompe du second avènement.
L'Homme-Dieu apparaît « en grande pompe et en grande Ma-
jesté ! » La cour céleste l'environne, les Anges lui font cor-
tège, l'univers s'ébranle à sa vue. « Le ciel et la terre pas-
sent, » et, renouvelés par un feu mystérieux, réapparaissent
« nouvelle terre et nouveaux cieux » dans un incomparable
éclat Les grandes assises sont ouvertes et le genre hu-
main attend des lèvres de Dieu son éternelle sentence. —
Or sur quoi reposera cette sentence ? Qui fixera l'éternelle
destinée du monde humain ? 0 incompréhensibles voies de
Dieu, ô inscrutable conseil ! Au Jugement dernier le triomphe
est à la « petite chose. » C'est le morceau de pain, c'est le
verre d'eau, c'est le vêtement donné au pauvre.... Et quand
l'élu reçoit sa couronne c'est qu' « il a été fidèle en de peti-
tes choses; » « Quia in pauca fuisti fidelis. » — Et quand le
réprouvé est exclu de la récompense, c'est parce que « en
de petites choses il s'est montré infidèle. »
IMPORTANCE CHRÉTIENNE DES PETITES CHOSES 213
II
DANGER DE LA NEGLIGENCE DES PETITES
CHOSES
Après ce qui précède, il est à peine besoin de développer
cette deuxième partie de la doctrine des petites choses. N'a-
joutons donc que ces simples mots.
La négligence des petites choses c'est la ruine future. —
Notre vie chrétienne se passe, selon l'Apôtre, à construire
notre édifice éternel, « cette permanente demeure que nous
habiterons dans les cieux. » A tout édifice il faut d'abord une
fondation ; puis ensuite des matériaux. Le seul fondement
possible de la vie chrétienne c'est Jésus-Christ: « Fundamen-
tum aliud nemo potest ponere prœtèr id quod positum est
quod est Christus Jésus. » Etre en état de grâce est donc la
première et essentielle condition de notre édifice éternel.
Mais avec quoi bâtirons-nous ? L'Apôtre répond, avec des ac-
tions ordinaires bien faites, « avec l'or, l'argent, les pierres
précieuses. » — Mais ces actions ordinaires nous les faisons
mal ? Elles deviennent alors « le bois et la paille » qui n'of-
frent plus au feu du jugement qu'une matière inconsistante.
Hélas ! notre vie entière, composée de petites choses mal ac-
complies, s'évanouit en fumée et en néant I « Et nihil inve-
nerunt in manibus viri divitiarum. » «Et tu nescis quia tu es
pauper et miserabilis et caecus et nudus. »
La négligence des petites choses c'est la perte de la vie
surnaturelle. — L'Esprit Saint a prononcé un oracle qui
suffit à lui seul à montrer, dans la négligence des petites
choses, la ruine de notre vie spirituelle tout entière. — Cette
négligence nous mène droit à l'endurcissement du cœur. —
Dans la vie spirituelle la petite chose négligée, c'est la prière,
ou mal faite, ou omise, la négligence volontaire, l'intermit-
tence coupable de nos pratiques de dévotion. La petite chose,
214 IMPORTANCE CHRÉTIENNE DES PETITES CHOSES
c'est la confession légère, l'aveu sans loyauté, le ferme pro-
pos sans précision. La petite chose, c'est le défaut négligé,
l'imprudence commise, le danger méconnu. La petite chose,
c'est l'omission, le désordre, la négligence laissée dans nos
devoirs d'état. — La petite chose, enfin, c'est la déformation
progressive de notre être surnaturel entier.
La négligence des petites choses c'est le danger de
chutes graves. — Un nouvel oracle de l'Esprit Saint achève
de nous dessiller les yeux. — « Qui spernit modica paulatim
decidet... qui in minori iniquus est, in majori iniquus erit :
« Voyez, dit Saint Augustin, ce navire qui s'élance en bondis-
sant vers la haute mer ; son sort est funeste, il périra. —
Or deux sortes de ruines peuvent lui être réservées ; ou bien
subitement, d'un seul coup, il sera brisé par la tempête, ou
bien lentement, dans une mortelle agonie, il s'enfoncera peu
à peu dans les flots ; une imperceptible fissure s'est faite à
sa carène, cette « petite chose » négligée par d'imprudents
matelots, a fini par causer irrémédiablement sa perte.
LA DIGNITÉ DE NOS CORPS
LES GLOIRES DIVINES DE NOS CORPS
Pour peu que nous creusions nos mystères chrétiens, nous
voyons nos corps associés à toutes les grandes œuvres de
Dieu. Ils ont une large part aux merveilles de la création. Au
jour de l'Incarnation un éclat divin les illumine ; Dieu même
vient dans la chair pour la sanctifier et l'onction de la grâce
sacre nos corps dans la sainteté et dans la gloire.
Gloire de nos corps dans la Création. — Cette gloire jaillit
à la fois de l'œuvre elle-même, de l'Ouvrier qui l'a faite, du
plan sur lequel l'œuvre est accomplie.
1° L'œuvre elle-même. — Si nous écartions toute vue surnatu-
relle, toute lumière révélée sur ce que sont nos corps, pour
les étudier seulement en eux-mêmes, un merveilleux chef-
d'œuvre nous apparaîtrait, et, voyant la beauté de l'ensem-
ble, le fini des détails, l'harmonie des proportions, le fonc-
tionnement si puissant et si doux des organes qui les com-
posent, nous comprendrions le mot d'un Ancien. Il venait
d'étudier le corps humain et, saisi d'admiration : « C'est là,
dit-il, chanter un hymne à la divinité. » — Mais une plus
haute merveille nous attire.
2° L 'Ouvrier. — L'ouvrier c'est Dieu. C'est Dieu qui daigna
appliquer sa sagesse et sa puissance à la formation de nos
corps. « Manus tuae plasmaverunt me totum in circuitu. »
Tandis qu'il nous apparaît jetant avec profusion les mondes
dans l'espace et faisant de tant de créations diverses « un jeu
de ses doigts, » quand il façonne le corps humain il s'y appli-
216 LA DIGNITÉ DE NOS CORPS
que, il s'y absorbe, il s'y recueille tout entier; chaque partie
de l'ouvrage, chaque organe du corps, représente visible-
ment pour lui les idées les plus hautes, les intérêts les plus
graves.
3° Leplan. — Cetteattitude de Dieu, absorbé dans lacréation
de l'homme, nous est expliquée par le plan qu'il poursuit. —
L'Homme-Dieu, le Verbe fait chair, « le premier-né de tou-
tes créatures, » était déjà réalisé dans sa pensée et dans son
cœur. L'Homme-Dieu précède toute création, dès avant tou-
tes créatures le Verbe fait chair est le centre mystérieux au-
quel tout le reste se rapportera, l'exemplaire divin sur lequel
Dieu, en créant l'homme, aura les yeux fixés. — Si donc
nous voyons ce grand Dieu si appliqué au corps du « Pre-
mier Adam, » c'est que celui-ci n'est que la reproduction de
« l'Homme véritable, » du « second Adam » « de l'Homme
Céleste », « homo crelestis. »
Ainsi se révèle à nous le plan sublime de Dieu. Les deux
créations, spirituelle et matérielle, se donneront rendez-vous
dans l'homme. L'homme deviendra un univers en raccourci,
et l'on voit dans ce plan divin quelle large part échoit au
corps.
Gloire de nos corps dans la Rédemption. — C'est au jour
de l'Incarnation que nous devient surtout visible la gloire
du corps humain. La divinité y entre, Elle le pénètre, Elle
s'y unit de la plus étroite manière, jusqu'à ce point que
l'Apôtre a pu dire : « In ipso inhabitat omnis plenitudo divi-
nitatis corporaliter. »
Jetons avec le respect de l'adoration, avec l'immense émo-
tion de nos cœurs, les yeux sur ce Jésus qui traverse notre
terre, partage notre exil, subit nos misères, est devenu no-
tre semblable et notre frère: « Participavit eisdem. » Quelle
consécration magnifique de nos corps! Quelle incomparable
gloire 1 Ces yeux de l'homme, Dieu môme s'en sert pour con-
templer le monde qu'il vient de sauver. — Cette bouche de
l'homme s'entr'ouvre pour nous faire entendre les vérités
même de Dieu. — Ces oreilles s'ouvrent au récit de nos mi-
sères. — Ce cœur bat pour y compatir. — Quand cette main
que le Verbe rend divine touche la création, elle en fait jail-
lir de merveilleuses puissances. — Ce voyageur, ce pèlerin,
cet apôtre qui se hâte, c'est un Dieu accourant à nos cris de
détresse ; ce sont des pieds divins qui portent vers nous le
Dieu Sauveur.
LA DIGNITÉ DE NOS CORPS 217
Et, après les œuvres rédemptrices, le corps de l'homme de-
venu le corps de Dieu s'élèvera jusqu'au plus haut sommet de
la gloire. « Assis à la droite même du Très-Haut », il devient
l'objet d'une universelle adoration. « Tout genou doit fléchir
devant lui, au ciel, sur la terre, dans les enfers. »
Ce n'est point tout encore : Dieu a résolu de déifier ses créa-
tures raisonnables ; il veut les pénétrer de Lui-même et que,
par une merveille de gloire, elles se transfigurent en Lui. —
Comment s'opérera un pareil prodige? — Le corps du Christ,
le corps de l'homme, devenu le corps d'un Dieu, servira de
nourriture à l'humanité régénérée. L'Homme-Dieu dira :
« Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, celui-là vi-
vra de moi, » se transfigurera en moi, deviendra un avec
moi, comme moi-même je suis un avec mon Père. — Ainsi
s'accomplira la magnifique parole de Saint Paul : « Ut im-
pleamini in omnem plenitudinem Dei ».
Si maintenant nous allions recueillant dans les divines
Epîtres tous les mots qui formulent cet incomparable mys-
tère, à chaque page nous trouverions des expressions comme
celle-ci : « Vous êtes le corps du Christ. » « Dans votre corps
vous portez Dieu. » « Glorifiez Dieu dans vos corps ». « Vous
êtes les Tabernacles, les temples de Dieu », etc.
Gloire de nos corps dans la Sanctification. — Le Père a
commencé, dans l'œuvre de la création, la gloire de nos
corps. Le Verbe en s'y unissant a continué cette glorification
magnifique. L'Esprit-Saint la porte à son comble dans l'œuvre
de la sanctification.
Parcourons un à un nos Sacrements, tous versent sur notre
corps leur divine onction. C'est le corps qui reçoit l'eau baptis-
male. — C'est le corps qui est oint de l'huile de la Confirma-
tion. Aux jours de prévarication et de repentir, c'est sur nos
fronts courbés que se lève la main qui nous absout et nous
ressuscite à la grâce. — Où repose avant tout l'Hostie sainte
et quel est le premier témoin des merveilles eucharistiques?
Notre bouche s'entr'ouvre, notre langue devient un autel
mystérieux et notre poitrine le tabernacle du Dieu vivant. —
Si ce Dieu se réserve quelques-uns d'entre nous pour les éle-
ver aux honneurs du Sacerdoce, c'est sur nos membres que
seront faites lesonctions qui les consacrent à jamais. — Enfin,
quand Dieu nous rappelle au seuil de l'éternité, l'Eglise pu-
rifie chacun de nos organes en y imprimant le sceau de son
dernier Sacrement.
218 LA DIGNITÉ DE NOS CORPS
II
LABEURS ET HEROISMES EXIGES
DE NOS CORPS
De nos corps Dieu demande l'héroïsme de l'obéissance ; il
demande l'héroïsme du labeur.
Nos corps sont les serviteurs de nos âmes. — Dieu qui a
soumis l'univers entier à des lois si précises et l'a constitué
dans une si belle harmonie, n'a eu garde de laisser dans l'in-
soumission et le désordre son principal chef-d'œuvre.
1° // a créé en nous une âme souveraine. — Tel est l'ordre.
Lui-même sera le dominateur souverain de l'âme, lui inti-
mant ses ordres, lui révélant ses volontés, lui exprimant ses
désirs. — L'âme à son tour sera la dominatrice souveraine
du corps, lui transmettant ses ordres qui ne sont autres que
les ordres de Dieu. — Ainsi tout est ramené à une admira-
ble unité : Dieu règne sur l'âme et, par l'âme, sur le corps.
2° // a créé en nous un corps assujetti. — Tel sera le pre-
mier héroïsme commandé à nos corps; ils sont sujets, ils sont
serviteurs, ils sont aux ordres d'un pouvoir qui règle leurs
mouvements, comprime leurs saillies désordonnées, châtie
leur désobéissance et leurs révoltes.
Nos corps sont les associés de nos âmes. — Mais le corps
est bien plus le frère et l'associé de l'âme que son serviteur.
Il est du même père ; il a la même mission temporaire, une
même destinée éternelle lui est assignée. Pas un acte de la
vie, pas une vertu, pas un héroïsme dont le corps ne prenne
une large part et n'assume souvent le plus glorieux fardeau.
1° Large part dans les défenses intimées. — Si Dieu parle,
s'il impose à l'homme les sévérités du Décalogue.... Si, à l'hu-
manité déchue, le divin Législateur retranche les superflui-
tés dangereuses, les douceurs énervantes, les plaisirs mor-
tels, les ivresses damnables : sans doute une concupiscence
LA DIGNITÉ DE NOS CORPS 219
irritée imposera à l'âme de dures obligations, mais n'est-ce
pas le corps qui portera pour une plus large part le fardeau de
la soumission ? — S'il est interdit à l'homme d'être sensuel et
voluptueux, de demeurer oisif et inutile; s'il lui est ordonné
de fouler aux pieds un luxe orgueilleux, de cheminer par la
voie étroite, « de porter la croix du Christ » « de se marquer
du sceau de la mort du Christ » et « de se parer des stig-
mates de la passion » : qui deviendra la première victime de
ces obligations souveraines ?
2° Large part dans les œuvres prescrites. — Si les défenses
divines sont onéreuses au corps, les œuvres exigées ne le
lui seront pas moins. — Sans doute c'est l'âme qui, prenant
son vol dans la prière planera par dessus les cieux; c'est
l'âme qui conversera avec Dieu; mais que fera-t-elle si le
corps ne s'harmonise pas, par son attitude humble et recueil-
lie, à cette fonction sainte? — Suivez l'âme dans chacune de
ses œuvres de zèle et de bienfaisance : comment s'y livrerait-
elle si le corps ne l'y portait fidèlement? C'est la bouche qui
s'ouvrira aux paroles d'édification, c'est la main qui s'ouvrira
pour l'aumône, c'est le pied qui franchira le seuil de l'indi-
gence. — L'homme n'est, ici-bas, qu'un pauvre pécheur con-
damné à l'humiliation de la pénitence. Cette pénitence, cette
mortification, ces jeûnes austères, ces pèlerinages fatigants,
cette série d'œuvres expiatoires, qui en soutiendra la
charge, sinon le corps ?
3° Large part dans Vliêroisme de la sainteté. — La sanctifi-
cation commune ne suffit pas toujours ni à tous. El dans le
monde, tout aussi bien que dans la solitude des cloîtres, une
heure sonne où un héroïsme quelconque devient la garantie
du salut. — Voyez cette mère qui veut au prix d'inexprima-
bles douleurs, au prix d'une mort trop certaine, procurer au
fruit de ses entrailles l'éternelle régénération : n'est-ce pas
son corps qui prendra sur lui la charge et l'honneur de l'im-
molation ? — Ce père de famille ne donnera aux siens le
pain de chaque jour qu'au prix d'exténuations douloureuses;
ses membres se briseront, son front ruissellera de sueur,
son corps se flétrira dans une vieillesse prématurée ; c'est
le corps qui remportera pour une large part ce triomphe
de l'héroïsme. — Au chevet du pauvre qui se meurt, voyez
cette sœur do charité flétrie avant l'âge, comme une fleur
touchée par un vent d'automne : elle a livré son corps aux
héroïsmes de la charité. — Aux plages lointaines, dans les
LA DIGNITE DE NOS CORPS
steppes de la barbarie, le missionnaire consume en quelques
mois ses forces vives : Où est la victime de cette glorieuse
immolation? N'est-ce pas le corps? — Et quand Dieu, pour la
cenfession de sa foi et la gloire de sa vérité, demande l'hé-
roïsme du martyre, qui s'offre à l'affronter, sinon le corps ?
III
IMMORTELLE DESTINÉE DE NOS CORPS
Il nous faudrait, pour compléter l'histoire de nos corps,
franchir le temps et aborder à l'éternité. — L'heure de la
glorification a sonné. Dieu dépouille le corps de l'homme de
ses habits de travail, des souillures de sa marche pénible,
et il le revêt pour toujours des splendeurs de la résurrection ?
« Qui suscitavit Jesum Christum a mortuis vivificabit et mor-
talia corpora vestra. »
« Sic et resurrectio mortuorum : seminatur in corruptione,
surget in incorruptione; seminatur in ignobilitale, surget in
gloria; seminatur in inhrmitate, surget in virtute; seminatur
corpus animale, surget corpus spiritale. »
LA DIGNITÉ DE NOS AMES
L'époque actuelle n'est pas bonne à l'âme, ni favorable à
la juste appréciation que nous en devons faire. — Le maté-
rialisme, sous toutes les formes et par toutes les issues, nous
a envahis. Un voile épais a été jeté sur l'ordre spirituel ;
nous ne comptons plus guère qu'avec ce qui se voit, se tou-
che, se pèse. Esclaves des choses visibles, nous nous habi-
tuons à ne plus considérer qu'elles: nous nous arrêtons fol-
lement à admirer l'écrin sans songer au diamant d'inestima-
ble prix que l'écrin renferme.
Comment apprécier notre âme ? — Comment employer no-
tre âme ? — Comment déshonorer notre âme ?
COMMENT APPRECIER NOTRE AME
Sa grandeur nous apparaît, soit que nous retournions en
arrière au jour de sa création, soit que nous étudiions sa na-
ture, soit que nous plongions le regard dans ses futures des-
tinées.
Grandeur de notre âme dans sa création. — A voir Dieu
tirer coup sur coup du néant les merveilles de l'univers, le
Psalmiste juge que ce n'est là encore que la préparation et
l'annonce d'un plus grand ouvrage. Ces milliers de mondes
qui étincellent, ce firmament, splendide de force et d'éclat,
cette terre qui apparaît sous sa luxuriante parure, ces mon-
tagnes qui se couvrent de forêts : tout cela, chante David,
« n'est, ô mon Dieu, qu'un jeu de vos doigts ».
222 LA DIGNITÉ DE NOS AMES
Voici Dieu appliqué à façonner lecorps de l'homme. Déjà il
s'est recueilli; déjà s'est tenu entre les trois Personnes Divi-
nes le conseil mystérieux que nous révèle la Genèse et que
rappelle Saint Paul: « Faisons l'homme. » Ce grand Dieu ap-
plique sa sagesse et toute sa puissance à former notre corps:
« Manus tuae fecerunt me et plasmaverunt me. »
Mais que dire quand Dieu arrive à la création de l'àme ?
Pesons les mots de la Genèse. « Insufflavit, » dit-elle. — Notre
âme vient donc d'un souffle de Dieu. Expression merveilleuse!
Le souffle n'est pas de nous, il n'est pas notre substance.
Mais combien il nous est intime ! Comme il sort des profon-
deurs de notre être ! comme il a touché à notre poitrine et
s'est échauffé à la flamme de notre cœur ! — Tel est ce « souf-
fle » mystérieux de Dieu, telle est notre âme. Elle n'est pas
de substance divine assurément, mais le mot de la Genèse
nous fait entendre qu'elle est sortie toute radieuse et toute
brûlante des profondeurs de la pensée et du cœur de Dieu.
Grandeur de notre âme dans sa nature. — Elle est spiri-
tuelle comme Dieu, elle est reine avec Dieu, elle est créatrice
par Dieu.
1° Elle est spirituelle comme Dieu. — Elle se sépare donc
à jamais des pesanteurs, des défaillances, des décompositions
mortelles de la matière, exempte de toute fragilité, supé-
rieure au siècle, dominant la nature, plus forte à elle seule
que l'univers tout entier. — Pur esprit, notre âme n'est pas
soumise aux décadences du temps, elle ne connaît pas les ca-
ducités de la vieillesse. Elle semble, dit Saint Paul, « alors
que l'homme du dehors, la chair, se corrompt, prendre de
nouvelles forces et se revêtir d'une beauté plus prinlanière. »
« Is qui intus est renovatur de die in diem. » — Pur esprit,
notre âme est immortelle. Il est écrit que « le ciel et la terre
périront. » Un jour viendra où l'univers ne sera plus qu'un
amas de gigantesques ruines. Sur ces ruines l'âme humaine
chantera l'hymne de son immortalité ! — Que serait-ce main-
tenant si nous développions cette idée sublime, que notre
âme est un reflet, une image de Dieu ? Chaque perfection de
Dieu, chaque puissance, a dans l'âme humaine sa visible em-
preinte.
2° Elle est reine avec Dieu. — Dieu règne au plus haut des
cieux. Il règne sur les mondes, il règne sur la terre qui est
son domaine et « l'escabeau de ses pieds. » Lui seul anime
et fait mouvoir cet immense ensemble: « Portansomnia verbo
LA DIGN'ITÉ DE NOS AMES 223
virtutis suae. » Lui seul règle la marche, dirige les mouve-
ments, conduit dans ses mille détails la vie des êtres. — Telle
est la mission et la gloire de notre âme. Elle est reine, elle
anime, elle règle, elle soutient le corps. Pas un mouvement
qui ne vienne d'elle, pas un effet dont elle ne soit l'origine.
3° Elle est créatrice par Dieu. — Il est dit de Dieu : « Di-
xit et facta sunt. » Il est dit encore: « Faciamus hominem. »
— Telle sera la puissance de l'âme. Elle aussi disposera du
mystérieux trésor de la vie. A son ordre le néant sera évo-
qué et la vie jaillira « Grescite et multiplicamini... » « ex
voluntate carnis, ex voluntate viri. »
Grandeur de notre âme dans sa destinée. — Déjà si grande
quand nous la considérons durant son obscur pèlerinage ici-
bas, enfermée sous l'enveloppe grossière d'une chair qui se
corrompt, hôte ou plutôt esclave de la matière qui l'oppresse
et la tyrannise, que sera notre âme, quand elle sortira
toute radieuse, toute puissante, du tombeau des choses pré-
sentes ? N'est-ce pas elle qu'aperçoivent les Anges, qui sont
ses frères et dont ils disent avec ravissement: « Qua3 est
ista quœ ascendit de deserto deliciis affluens » ? Comment
apprécier notre âme ? Comment oser scruter ses incompré-
hensibles grandeurs ?
Comment oser jeter un imprudent regard sur « ce que
le cœur de l'homme n'a pu comprendre? »
1° Durant l'éternité de sa gloire l'âme est faite pour pos-
séder Dieu, pour voir Dieu, pour jouir de Dieu. — Voir Dieu !
Quelle puissance de vie divine, de vue surnaturelle, lui a
donc été donnée pour qu'elle soutienne l'éclat de la Lu-
mière Incréée ! Quel essor, quel élan à jamais ineffable l'em-
porte jusque dans les profondeurs de ce Dieu, « qui habite
une inaccessible lumière »? — Posséder Dieu ! Elle est donc
agrandie et dilatée comme à l'infini pour qu'elle soit devenue
capable d'une si infinie possession ? Que sera le lit où un
pareil océan se verse ? Quel sera le foyer où le soleil divin
vient rayonner ? Que sera le calice d'or, « le vase d'élec-
tion », où se répand la divinité tout entière, l'Intelligence
infinie, la Puissance infinie, la Gloire infinie, la Vie infinie,
l'Amour infini, la Béatitude infinie ? — Goûter Dieu. Il y a
donc dans nos âmes de merveilleuses ressources de délica-
tesse et de saveur pour qu'elles soient capables de décou-
vrir les charmes de la Beauté Incréée et de s'y enivrer éter-
nellement ?
224 LA DIGNITÉ DE NOS AMES
F 2° Non seulement notre âme, durant l'éternité, voit et pos-
sède Dieu, mais en quelque manière elle se transfigure en
Dieu. « Qui adhœret Domino unus spiritus est. » Unie à Dieu,
plongée en Dieu, comme le fer dans la fournaise, comme la
goutte d'eau dans le vase rempli d'un vin généreux, notre
âme, sans se confondre, sans perdre sa personnalité, devient
néanmoins une avec Dieu: « Ego dixi: dii estis et filii excelsi
omnes ».
3° Une troisième magnificence est réservée à notre âme
durant l'éternité. De même que Dieu, en la pénétrant, la
transfigure, elle à son tour communique au corps une immor-
talité glorieuse. — De même que Dieu se reflète sur l'âme et
que chacune de ses excellences y marque son empreinte, de
môme l'âme fait le corps participant de ses propres préroga-
tives. Sous son influence souveraine la chair s'est dépouillée
de ce qu'elle avait de lourd, d'obscur, de caduc, de corrupti-
ble, pour revêtir l'éclat, la force, l'agilité, l'immortalité.
En attendant ces splendeurs d'outre tombe quels seront,
dès ici-bas, les emplois glorieux de notre âme?
II
GOMMENT EMPLOYER NOTRE AME
Notre âme doit servir tout à la fois à Dieu, au prochain,
à nous-mêmes.
Nous devons l'employer pour Dieu. — 1° Elle sert de
terme à l'amour de Dieu. — Dieu est amour, « Deus caritas
est ». Le propre de l'amour, comme de la lumière, est de
se répandre, de vivifier, d'illuminer. Plus le soleil rencontre
une substance pénétrablc, plus il y étincelle. — Plus l'a-
mour rencontre de réciprocité et de correspondance, plus il
B'épanche et se satisfait en s'épanchant. Dieu aime la créa-
tion tout entière, mais les êtres sans raison répondent peu et
mal aux flammes de son cœur. L'âme, au contraire, apte à
lui rendre amour pour amour, devient son sanctuaire, sa
LA DIGNITÉ DE NOS AMES 225
demeure de prédilection, et, comme il le dit dans l'Ecriture,
« le lieu de son repos. »
2° Elle sert de séjour à la visite de Dieu. — Dans l'E-
criture les expressions les plus brillantes, les descriptions
les plus grandioses, servent à représenter la visite de Dieu
aux parties diverses de sa création. — Mais dans l'être ma-
tériel et sans raison, la nature divine reste toujours comme
étrangère et exilée. — Tout au contraire elle est chez elle
dans l'âme humaine, où tout est capable de la comprendre
et de converser avec elle.
3° Elle sert aux opérations de Dieu. — L'àme est comme
l'ambassadeur et le chargé d'aifaires entre Dieu et la créa-
tion. Elle promulgue au corps les lois divines, elle guide le
corps vers les destinées fixées par Dieu. Elle est comme le
prêtre mystérieux, comme le pontife agréé du ciel pour éle-
ver jusqu'au trône suprême l'hommage des créations infé-
rieures.
Nous devons l'employer pour le prochain. — Au pro-
chain, l'àme donne l'amour, première dette sacrée qu'elle a
à lui payer. De ce trésor toujours ouvert doivent s'épandre
larges et inépuisables les sentiments de bonté, de patience,
de commisération, de dévouement, de miséricorde. — C'est
l'âme encore qui députera le corps vers les services que ré-
clame le besoin du prochain. Elle ouvrira nos lèvres aux pa-
roles de justice, de secours, de pardon... C'est par elle que
notre main se tendra pour l'aumône vers l'indigence. C'est
elle qui portera nos pieds vers le réduit du pauvre. C'est
l'âme, en un mot, qui organisera tous les services de la
charité.
Nous devons l'employer pour nous-mêmes. — Dans l'or-
dre naturel, comme dans l'ordre surnaturel, tout part de
notre âme, comme les rayons partent du foyer.
À ne considérer que l'ordre naturel, quelle merveilleuse
puissance, quelles œuvres, quels prodiges jaillissent de l'in-
telligence... de la volonté... du cœur!
Mais dans l'ordre surnaturel combien autres sont les ma-
gnificences dont l'âme est le théâtre et dont ensuite elle de-
vient le moteur!
T. IV 13
226 LA DIGNITÉ DE NOS AMES
III
GOMMENT DÉSHONORER NOTRE AME
Comment déshonorons-nous notre âme?
D'abord nous n'y avons pas foi. Nous Ja méconnaissons;
elle reste pour nous une inconnue, une étrangère, une dé-
laissée.
Ensuite nous négligeons l'éducation de notre âme : l'édu-
cation intellectuelle, quand nous la privons de toute instruc-
tion religieuse : l'éducation morale, quand nous n'élevons
pas en elle le niveau des vertus.
Nous défigurons, nous tuons notre âme par l'indifférence,
la frivolité de la vie, la tiédeur, nos mille défauts, nos péchés.
LA MISSION DU CŒUR
DANS LA VIE CHRÉTIENNE
IMPORTANCE DE LA SAINTE EDUCAION
DU CŒUR
Deux réponses nous viendront, l'une de la terre, l'autre du
ciel, sur l'importance immense du cœur, par suite sur l'im-
portance de la saine éducation du cœur.
Ce que nous en dit la terre. — Sur la terre : la grande
voix de l'Eglise, l'expérience de la famille.
1° L'Eglise nous révèle le rôle et la mission du cœur. —
Quand l'IIomme-Dieu fonda son Eglise et quand, lui-même, se
retirant dans la gloire, il la laissa sur la terre sa représen-
tante et son mandataire, il lui confia l'œuvre la plus colos-
sale, la plus impossible : détruire un monde et le recons-
truire tout nouveau, tout opposé.
Figurons-nous ce monde Romain, embrassant les contrées
connues de l'univers, régnant sur les lois, les coutumes, les
mœurs publiques, les religions, maître de tout, dominateur
des âmes comme des corps... Sur quoi est fondée cette do-
mination? Sur les passions humaines, sur tous les penchants
pervers de l'humanité. Dans ce paganisme, au dehors si bril-
lant, les âmes sont effroyablement abaissées; la conscience
est morte, les idées sont perverties, la volupté la plus bes-
tiale est érigée en divinité triomphante, l'orgueil romain ne
reconnaît plus aucune autorité supérieure; une cruauté inouïe
228 LA MISSION DU CŒUR DANS LA VIE CHRÉTIENNE
verse à flots le sang des esclaves et des vaincus : Société plon-
gée tout entière dans le luxe, le plaisir, la volupté et le sang.
Que fera l'Eglise^ — Comment transfigurera- t-elle cette
pourriture? Comment en fera-t-elle une Sociétéjeune, chaste,
et virile? Comment surgira le monde chrétien?
Avec une sagesse qui lui venait de Dieu l'Eglise prit dans
ses mains le cœur de l'homme et elle le refit à nouveau. Si
bien que, étudiant l'immense rénovation du monde païen,
c'est dans le cœur que nous en trouvons le secret et que nous
en voyons déposer le principe. — L'Eglise fît le cœur élevé.
L'homme qui n'avait d'aspiration que pour les biens et les
voluptés terrestres sentit naître en son cœur de vastes espoirs,
de célestes et éternelles ambitions; le « sursum corda » pé-
nétra jusqu'aux dernières profondeurs de son cœur. — L'E-
glise créa le cœur chaste. Là où la volupté avait tout souillé
de sa fange, où le plaisir avait accumulé les ruines, l'Eglise,
armée du cœur chaste, refit tout un monde, fort de sa pureté,
jeune de son innocence. Le cœur pur donna à la famille un
sang nouveau; il façonna la paternité chrétienne, il créa la
mère dans l'héroïsme de ses dévouements. La jeune vierge
apparut, diamant du plus limpide éclat. L'enfant lui-même,
le jeune homme, connurent les vivifiantes lois de la pureté.
— L'Eglise créa le cœur bon. A l'antique cruauté qui avait
envahi le monde païen, le bon cœur substitua les suavités
de l'amour, les magnanimités de la miséricorde, les services
et les dévouements de la charité.
C'est donc, après tout, le cœur dont l'Eglise, pour régéné-
rer le monde, fit son auxiliaire et son instrument. — Ecoutons
maintenant une voix moins éclatante, mais décisive encore.
2° La famille nous révèle l'importance de la mission du
cœur. — Ne prenons pas la famille dans ses jours de prospé-
rité et de joie ; visitons-la quand les désolations l'envahissent
et que les larmes brûlantes coulent des yeux.
Est-ce une mère qui pleure sur les égarements d'un fils?
Une épouse sur l'inconduite d'un époux? Peu importe; mais
à cet instant de douleur profonde, c'est le cœur qui seul va
décider.
Si la victime peut prononcer sur le coupable cette simple
parole : « 11 a commis de bien grandes fautes... néanmoins
j'espère, car il a du cœur; » si cette parole est dite, des jours
meilleurs apparaissent à l'horizon. Mais qu'au contraire la
même douleur, devant les mêmes fautes, soit réduite à mur-
LA MISSION DU COEUR DANS LA VIE CHRÉTIENNE 229
murer: « Il n'a pas de cœur! »... C'est là une ruine sans es-
pérances; c'est là une douleur sans allégement.
Rien n'est donc perdu là où est le cœur. — Tout s'effondre
sans ressource là où le cœur n'est plus.
Ce que nous en dit le ciel. — Au ciel on ne juge pas autre-
ment que sur la terre de la décisive influence du cœur.
1° Ecoutons les affirmations divines. — Le Prophète nous
représente Dieu plongeant sur le monde son regard scruta-
teur: « Respexit super filios hominum. » Juge souverain de
ses créatures, Dieu veut en apprécier le mérite et en con-
naître le prix. Est-ce à l'intelligence, au génie, à la fortune,
aux œuvres éclatantes, qu'il regarde? Non, le regard divin
va droit au cœur. « Deus autem intuetur cor. » — Dieu est
maître souverain de l'homme; l'homme lui appartient tout
entier et Dieu revendique son bien, Dieu réclame sa chose:
or que veut-il en nous. Qu'exige-t-il de nous? le cœur :
« Fili, praebe cor tuum mihi. » — Parfois ce Dieu si tendre,
ce père si avide du cœur de ses enfants, est cruellement déçu;
une plainte s'échappe des lèvres divines: de cette plainte quel
est l'objet? Nous lui avons refusé notre cœur : « Cor longe
est a me. »
2° Contemplons les exemples divins. — Qu'il fait bon voir
Dieu lui-même nous donner, dans de saisissants exemples
sur la valeur et le rôle du cœur, la plus victorieuse lumière 1
— Un grand coupable, l'impie Achab, a fatigué sa patience,
exaspéré sa justice : Dieu va frapper un grand coup, mais le
cœur du coupable tombe dans la tristesse et la désolation ;
ces larmes du cœur suffisent pour le désarmer, et rendant
compte à son prophète de cette étrange miséricorde; « Vois,
dit-il, comme Achab est triste. » — Qui sauvera David ? Qui
d'un adultère et d'un homicide en fera un prophète illustre
et un saint? « Cor contritum et humiliatum, Deus, non despi-
cies. » — Qu'elle est coupable aussi cette Madeleine\ celle
que dans la Cité on nomme la « pécheresse. » Mais que peu-
vent ses fautes devant les ardeurs et les chastes élans d'un
cœur transfiguré? « Vois cette femme, dit le Maître à l'or-
gueilleux pharisien; beaucoup lui est pardonné parce qu'elle
a beaucoup aimé. » — Si la pécheresse est sauvée par son
cœur, c'est par son cœur encore que le juste reçoit le couron-
nement et la récompense de sa vertu. L'Apôtre Jean, délicieu-
sement, repose sur la poitrine de Jésus. L'Évangile dit tout
en ce simple mot: « C'est le disciple que Jésus aimait. » —
230 LA MISSION DU COEUR DANS LA VIE CHRÉTIENNE
Nous voici devant un grand spectacle. Dieu propose à un
faible mortel, à Pierre, de devenir le chef, le soutien, le fon-
dement de son Eglise, pour la durée des siècles. Et quelle
garantie unique Dieu exige-t-il de Pierre, avant de lui con-
fier de si divins intérêts? Dieu exige le cœur : « Petre, amas
me? »
II
LE BON ET LE MAUVAIS EMPLOI DU CŒUR
La conséquence de ce qui précède c'est donc que dans la
vie chrétienne le cœur jouera un rôle prépondérant. — A
lui presque seul d'édifier l'œuvre de notre salut. A lui pres-
que seul de nous entraîner à notre ruine spirituelle et de
nous perdre sans ressource.
Le bon emploi du cœur. — A quoi donc ferons-nous servir
notre cœur? Quel aliment lui donnerons-nous? Quelle direc-
tion lui ferons-nous prendre? Sur quel objet, arrêtant ses di-
vagations dangereuses, le fixerons-nous ?
1° Nous emploierons notre cœur à aimer Dieu. — Rien de
naturel et d'indispensable pour nous comme cet emploi de
notre cœur. — Pour n'aimer pas Dieu, il faudrait chez nous
une totale impuissance d'aimer. Or de nous l'amour déborde;
3'amour est notre loi ; il est notre vie, il est le principe,
le moteur universel de tous nos actes, et nous ne faisons pas
un pas dans la vie sans aimer. — Dans l'enceinte où notre vie
s'écoule notre cœur s'est arrêté, notre cœur s'est donné; cet
amour décidera de la direction de nos jours. — Moins que
cela. Dans une course fugitive quelque objet s'est offert ànous
et nous y avons attaché notre cœur. — Quoi ! les richesses
du cœur seront en nous si inépuisables, si impérieuse la loi
d'aimer, que nous nous pencherons avec de mystérieuses
tendresses vers les êtres bien au-dessous do nous; nous ca-
resserons avec amour l'animal, nous échangerons avec la
fleur un regard d'amour I Osons dire que pour Dieu seul pour
la Suavité infinie, la Beauté suprême, le foyer incandescent
LA MISSION DU COEUR DANS LA VIE CHRÉTIENNE 231
Je l'amour, le cenlre de toutes les perfections réunies, il ne
nous reste plus de cœur à donner I Osons dire que, aimant
tout le long de notre chemin rapide, nous sommes impuis-
sants à aimer le suprême et éternel Amour?
D'ailleurs, tout nous rappelle à la nécessité d'aimer Dieu.
Insatiable, douloureuse faim, celle qui torture notre cœur,
quand, ayant aimé les créatures, nous n'avons jamais trouvé
en elles de quoi apaiser notre besoin d'aimer ! — Que
dire encore de cette main mystérieuse et invisible qui brise
nos liens les plus doux, à mesure qu'ils se forment, et qui
jette au vent de la mort nos fleurs les plus embaumées de
l'amour. « Irrequietum est cor nostrum donec requiescat in
te. »
2° Nous emploierons notre cœur à aimer nos semblables. —
Gombienest délicieuse l'histoire d'un bon cœur! Elle s'ouvre dès
l'enfance. Les leçons maternelles ont façonné de bonne heure
le jeune enfant aux jouissances de la charité. Aimer et ré-
pandre autour de lui les fruits précoces d'un bon cœur est
déjà sa préoccupation enfantine. Il a refoulé l'égoïsme; déjà
il se donne ; tout à l'heure il saura se sacrifier.
Les années ont fui. Au lieu de ce petit ange au cœur si
bon, voici le jeune homme, déjà aux prises avec les efferves-
cences, les dangers, les tempêtes de l'adolescence. Le mortel
attrait du monde, les fascinations du plaisir, les revendica-
tions de la liberté, l'entraînent loin des siens. Heureux alors
si un bon cœur s'est formé en lui, s'il aime avec une chaste
passion une mère, des frères et des sœurs ! heureux encore si,
fidèle aux traditions de sa première enfance, il connaît les
émotions de la bienfaisance, les plaisirs de l'aumône, si de
son cœur les belles larmes de la compassion pour tout ce qui
souffre se sont échappées !
Suivons encore le cours des années. Le bon cœur nous ap-
paraît dans son âge viril, au milieu de sa plus glorieuse fé-
condité. Les premiers trésors de l'amour il les répandra au
foyer domestique, et tous les siens trouveront en lui le charme
de leurs jours et l'assurance de leur bonheur. — Le bon cœur
franchira l'enceinte de la famille pour se répandre au dehors ;
il sera un gage de réconciliation et de paix au sein des dis-
cordes; il saura compatir au malheur des uns, pardonner aux
fautes des autres. Le bon cœur sera le ciment divin qui re-
tiendra unies les pierres de l'édifice social. — Les pauvres
de la Cité connaîtront sa demeure. — Des serviteurs de la
232 LA MISSION" DU COEUR DANS LA VIE CHRÉTIENNE
maison il se fera plus que des amis, il se fera d'autres en-
fants. Si le rang et la fortune lui ont assigné de vastes do-
maines, si de florissantes industries lui ont amené tout un
peuple d'ouvriers, le bon cœur fera couler à flots la paix, la
joie, les bienfaits d'une divine paternité.
Sous les glaces de l'âge le bon cœur gardera les charmes
de son premier printemps. Si la vieillesse est morose, si elle
se retranche volontiers dans l'égoïsme, s'aimant elle-même
dans la proportion où elle se croit délaissée, le bon cœur sait
triompher de ces décadences de l'âge, et, continuant à tou-
jours aimer, oblige ce qui l'approche aux représailles de
l'amour.
Xe serons-nous pas inGnis si nous recueillons les devises
de la charité, les préceptes de l'amour accumulés par l'Es-
prit de Dieu dans nos Ecritures? Résumons-les tous par ce
trait charmant consigné dans les Annales de l'Eglise nais-
sante. Saint Jean, le disciple de l'amour, brisé par l'âge et
plus encore par les labeurs d'un long apostolat, se faisait por-
ter dans l'assemblée des fidèles. Là une seule parole, toujours
la même, sortait de ses lèvres: « Mes petits enfants, aimez-
vous les uns les autres. » La continuité du précepte fati-
guant l'auditoire et faisant désirer quelque autre prédica-
tion : « Non, disait le vieillard, c'est là le précepte du Sei-
gneur et il suffit à qui s'y rend fidèle ».
Le mauvais emploi du cœur. — Si le cœur chrétiennement
formé fait la richesse de toute une vie, que dire des désola-
tions, de la stérilité et des désastres qu'amènera un cœur
laissé sans culture et méconnaissable sous les défauts et les
vices qui l'ont déformé ?
1° Voici le cœur frivole. — Si l'onétait tenté d'indulgence pour
ce charmant coupable, considérons de suite à quelle consé-
quence grave mène la frivolité du cœur. — Un cœur frivole
est d'abord rebelle à toute effusion de la piété chrétienne. —
De plus, nous le verrons courir en insensé au milieu des
fleurs qui s'épanouissent, et, voltigeant toujours, ne se fixer
nulle part. Quelle épouse constante, quelle mère de famille
sérieuse, quel père dévoué, quel ami secourable, espérera-
t-on trouver dans le cœur frivole ?
2° Voici le cœur romanesque. — Cœur étrange, toujours af-
famé d'un idéal mystérieux et toujours absent du lieu où se
déroulent ses véritables devoirs. — D'où vient ce cœur? Par-
fois d'une disposition naturelle que l'on n'a pas pris soin de
LA MISSION DU COEUR DANS LA VIE CHRÉTIENNE 233
combattre. Souvent de la lecture immodérée des romans.
Souvent aussi de milieux et de fréquentations trop frivoles.
Qu'attendre de ce cœur? Rien que des émotions stériles,
des pleurs sans objet, des mélancolies ridicules. — Pour
toutes les affections vitales, pour tous les essentiels devoirs,
un pareil cœur n'offre que sécheresse et stérilité.
3° Voici le cœur vicieux. — C'est le cœur déserteur effronté
du devoir; le cœur qui, trahissant non seulement ses desti-
nées surnaturelles mais encore la mission reçue ici-bas,
trahit ce que le ciel et la terre ont de plus vénérable et de
plus sacré. — Si ces époux ont jeté aux hontes du divorce
l'honneur et la sécurité de la famille, c'est qu'un cœur vi-
eieux s'est substitué au chaste amour conjugal. — Si ce père
a déserté les siens et rempli de désolation et de larmes le
foyer domestique, c'est le cœur vicieux qui a accumulé ces
désastres. Si ce jeune homme a dévoré par avance toutes les
ressources de son être, pour ne plus devenir qu'une ruine
sans honneur et sans force, c'est que le cœur vicieux l'a mené
par les chemins maudits de la débauche.
LA FEMME CHRÉTIENNE
« Mulierem fortem quis invenietf Procul et de uîtimis
fînibus pretiurn ejus. » Ainsi parle l'Ecriture de la femme à
laquelle la vertu a donné son prestige et son prix. Elle est
riche de sens cette comparaison de la femme avec l'or et la
pierre précieuse. — L'or et la pierre précieuse ont en eux-
mêmes leur valeur. — Néanmoins ils tirent d'une prépara-
tion préalable le prix de leur éclat et de leur beauté. L'or
resplendit au sortir du creuset; le diamant sous le ciseau
du lapidaire. La femme revêt toute sa splendeur, quand une
solide éducation l'a façonnée au dévouement et aux vertus.
— Quand l'Ecriture la compare aux trésors que l'on rapporte
des plus lointaines régions, elle insinue sans doute que Dieu,
pour en faire le trésor que nous connaissons, l'est allé pren-
dre dans le lointain de la déchéance et de la douleur. —
Conquise par Dieu, la femme deviendra le trésor dans lequel
puiseront largement la famille, l'Eglise, la Société.
Concevons donc tout d'abord quelle est la valeur de la
femme chrétienne. — Voyons ensuite quelles sont les mis-
sions spéciales que Dieu lui confie.
INESTIMABLE VALEUR DE LA FEMME
CHRÉTIENNE
Pour reconnaître cette inestimable valeur, interrogeons
tour à tour Dieu, l'Eglise, nos ennemis.
Interrogeons Dieu. — Que nous pénétrions, dans une
parole divine, l'idée profonde du Créateur, ou bien que nous
LA FEMME CHRÉTIENNE 235
contemplions, durant le cours des siècles l'idée divine réali-
sée : la valeur de la femme nous apparaît également.
i° Pénétrons Vidée divine. — Nous voici au jour de la créa-
tion. A mesure qu'il développe chaque partie de l'Univers
Dieu proclame excellente l'œuvre qu'il vient d'achever. —
Mais quand il a créé l'homme, son silence indique assez que
l'œuvre est imparfaite et manque de son couronnement. —
Bientôt voyant solitaire dans les délices de l'Eden l'homme
qui en a été fait le roi, Dieu prononce cette mystérieuse pa-
role: « Il n'est pas bon que l'homme soit seul, faisons-lui
une auxiliaire qui lui soit semblable. »
Entrons dans les magnificences du plan divin.
Même aux jours de son innocence et de son bonheur,
l'homme ne doit pas rester seul, il lui faut une compagne,
une aide qui soit le charme de sa vie et le complément de
son être. Dieu le décide ainsi. Sans elle l'homme est incom-
plet; il demeurera impuissant et solitaire ; l'épanouissement
de son être sera dû à celle que Dieu lui aura donnée comme
« auxiliaire. » — Mais le regard de Dieu franchit l'Eden et
traverse la vallée de larmes, où l'homme coupable et expia-
teur traînera la longue chaîne de ses misères. Oh ! c'est alors
qu' « il ne sera pas bon que l'homme soit seul! » C'est alors
qu'une douce el compatissante compagne lui deviendra né-
cessaire, alors qu'un cœur aimant, un dévouement héroïque,
un amour délicat et fort, devront le recueillir, comme l'hos-
pitalier rivage recueille le naufragé. — Le regard divin
porte infiniment plus loin encore, et voici l'entière et ma-
gnifique extension de l'idée divine. L'Homme, le seul et vé-
ritable Homme, c'est le Verbe incarné, « premier-né de tou-
tes les créatures ». Cet Homme divin habitera notre exil,
traversera nos douleurs , sera baigné de nos larmes, et
mourra sur la couche dure et sanglante du Calvaire. Oh nonl
« Il n'est pas bon que l'Homme soit seul! » Le Christ expia-
teur trouvera dans la « femme bénie entre toutes les fem-
mes » le repos de son cœur, le seul charme de sa vie, le
magnanime soutien de sa douleur. — Telle est la femme
dans la pensée divine.
2° Voyons l'idée divine réalisée. — Dieu avait dit, parlant
de l'homme : « Faisons-lui une aide qui lui soit semblable. »
Cette parole n'a plus cessé de se réaliser sur la terre. Là où
la femme déchoit de sa mission et est rejetée par les pas-
sions de l'homme au rang d'esclave : un désordre profond,
236 LA FEMME CHRÉTIENNE
un vide immense, se fait dans la famille et la Société. — Là
où la femme, ressuscilée à sa gloire et à sa mission, se re-
trouve à la place que Dieu lui a faite, l'homme, pourvu de
son appui, de son « auxiliaire, » accomplit puissamment de
grandes choses. — Voulez-vous les œuvres du génie? Une
Monique les préparera dans un Augustin. — Au pied des
trônes, à la base des grandeurs royales, vous trouverez les
ClotiJde. — Dans les désastres de la Patrie, Dieu nous don-
nera des Jeanne d'Arc. — Dans l'Eglise la femme n'a cessé
de remplir une mission haute et féconde. L'Homme-Dieu est
suivi de ce que le langage chrétien a nommé « les saintes
femmes. » Les apôtres trouvent comme Lui dans les hé-
roïsmes de la femme chrétienne l'appui de leurs œuvres, le
complément de leur apostolat. — Et chaque siècle chrétien
enregistre, auprès de chaque grande entreprise, l'influence
bénie de la femme.
Interrogeons l'Eglise. — La réponse qu'elle nous fera
sera double : car elle nous dira d'abord dans quelle désola-
tion et quelle déchéance elle alla prendre la femme; puisa
quel degré de splendeur et de puissance elle laGt monter.
1° Dans quel état l'Eglise trouva la femme. — Si la chute
originelle fut terrible à l'homme, il semble que tout le poids
de l'expiation retomba sur la femme. L'homme fut cruel
envers celle que Dieu lui avait donnée pour compagne; il
l'écrasa sous la force, il la souilla de toutes les fanges de
sespassions, il en fit son jouet, il en fit son esclave, et bien-
tôt, privée de tous droits, abandonnée de toute justice, foulée
sous toutes les tyrannies, la femme antique, la femme païenne,
ne fut plus qu'un rebut méprisé. — Fille, il appartient à son
père de la faire périr. Epouse, elle est sous l'entière, l'ab-
solue domination de son époux. Mère, elle est privée de tous
les privilèges et de tous les droits maternels. — Et c'est à la
fois de par les lois, les mœurs publiques, les idées régnantes,
les coutumes universelles, que la femme est rejetée à ce de-
gré d'ignominie et d'impuissance.
2° Ce que l'Eglise fit de la femme. — Arrêtons- nous de-
vant la plus extraordinaire et la plus magnifique des œuvres
de l'Eglise. Plus cette œuvre était difficile ou plutôt impos-
sible, plus le triomphe est divin. Que fit l'Eglise pour relever
la femme des abaissements et des infamies du paganisme?
Elle commença par saisir le monde en le plaçant en face
du plus nouveau et du plus extraordinaire spectacle. Devant
LA FEMME CHRÉTIENNE 237
la femme devenue mère de Dieu, voici le ciel et la terre pros-
ternés! — L'auréole de la virginité volontaire fit bientôt de
la femme un être céleste, une inaccessible splendeur. —
Puis, quand, sous les noms d'Agathe, d'Agnès, de Luce, de
Cécile, la femme apparut plus grande que la grandeur ro-
maine, plus puissante que la puissance des Césars, resplen-
dissante de sa foi, empourprée de son martyre, conquérant
dans l'arène son trône et sa liberté : la révolution fut opérée
aux trois quarts : la femme avait repris dans le monde le
rang que Dieu lui avait assigné. — Bientôt les cloîtres s'éle-
vèrent, la vie religieuse mit entre les passions humaines et
la vierge chrétienne d'infranchissables barrières. La femme,
désormais, n'était plus l'objet libre et facile de toute lubricité.
— Ainsi purifiée et ennoblie, l'Eglise appela la femme à tous
les postes du dévouement, l'initia à ses œuvres, la façonna à
ses ministères.
Ainsi la femme, devenue grande et héroïque, se concilia
toutes les vénérations et tous les respects. Il fut convenu,
dans notre Société chrétienne, que la femme ne marcherait
plus qu'entourée des égards d'une courtoisie chevaleresque et
les mœurs publiques lui assignèrent partout la place d'hon-
neur.
Interrogeons nos ennemis. — Ce rang et cette puissance
de la femme, régénérée par le Christianisme, n'ont été que
trop bien appréciés par nos ennemis. Conjurés contre Dieu
et l'Eglise, leur but avoué est de ruiner dans les âmes, dans
la famille et dans la Société, tout élément surnaturel, toute
croyance, tout culte, toute religion.
Les progrès de ces sectaires juifs et francs-maçons sont
effrayants à l'époque actuelle. Ils ont franchi les marches du
pouvoir, se sont emparés des charges publiques, occupent
tous les postes, sont maîtres de toutes les influences, font
mouvoir une innombrable armée de subordonnés et de fonc-
tionnaires... Qui les arrêtera désormais sur le chemin du
définitif triomphe? Ils l'ont compris : c'est la femme chré-
tienne.
1° La femme chrétienne les arrête dans l'exécution de leur
plan. — La femme chrétienne, ils la trouvent à chaque pas
devant eux; elle est là devant chacune de leurs entreprises,
après chacune de leurs victoires. — Ils font l'assaut de cette
âme d'adolescent, ils comptent bien la conquérir : mais ce
jeune homme a une mère et il l'aime et il l'écoute et il la
238 LA FEMME CHRÉTIENNE
suivra... Voici l'homme dans sa maturité, engagé dans les
voies de l'incroyance, enrôlé dans l'armée des ennemis :
mais une épouse chrétienne étend sur lui à son insu des in-
fluences d'autant plus fortes qu'il s'en méfie moins... Même
sous les glaces de l'âge et les glaces plus mortelles encore
d'une longue incrédulité, le vieillard aura sous son regard
éteint la vision du passé, la radieuse figure d'une mère qui
lui enseignait Dieu autrefois. Xon vraiment! Tant qu'ils
n'auront pas fait disparaître la femme chrétienne, les enne-
mis de Dieu et de l'Eglise ne triompheront pas. Aussi, c'est
contre elle que maintenant se tournent leurs machinations
et leurs efforts.
2° Leurs assauts furieux contre la femme chrétienne. — De
trois côtés à la fois ils s'efforcent d'envahir et de renverser
la foi chrétienne de la femme. — Ils le tentent par l'ensei-
gnement. Ils ont ouvert pour elle l'Ecole et le Lycée, d'où
est hanni soigneusement l'enseignement religieux, d'où sont
bannies plus soigneusement encore idée et pratique de la
piété chrétienne. A la femme ainsi élevée ils prodigueront
les lectures corruptrices; ils la traîneront à nos théâtres, où
elle ne verra plus que les spectacles dont Rome païenne eût
rougi. — Seconde tentative. On s'efforcera d'isoler la femme
de tout milieu où le christianisme règne encore. Si elle est
riche on l'emportera dans le tourbillon de la vie mondaine,
vie de plaisirs, de dissipation incessante, où les choses de la
religion et de l'âme n'ont plus môme un dernier souvenir. Si
elle est pauvre, l'usine dévorera plus encore sa vertu que
ses forces, et l'aumône officielle se fermera pour elle si elle
croit en Dieu.
Enfin quand la femme déchristianisée sera mûre pour tou-
tes les dégradations, les associations antireligieuses l'enrôle-
ront, la franc-maçonnerie la souillera dans ses orgies.
LA FEMME CHRÉTIENNE 239
IJ
LES MISSIONS DIVERSES DE LA FEMME
CHRÉTIENNE
La première mission de la femme chrétienne s'accomplit
dans son intérieur. — Mais bientôt, pour une seconde mission,
le soin des pauvres, Dieu l'appelle au dehors.
Mission de la femme chrétienne dans son intérieur. —
Elle est multiple, traverse plusieurs phases, se déroule sous
des aspects divers.
1° C'esf d'abord une œuvre de maternelle autorité. — Au
foyer domestique, au milieu de ses jeunes enfants, la mère
est une puissance incontestée. Son influence est souveraine,
ses leçons deviennent la règle unique; seule, elle est la pre-
mière éducatrice de l'enfant. — Et, remarquons-le, cette pre-
mière mission, qu'elle soit réussie ou manquée, aura pour
toute la durée de la vie une incalculable portée. — Alors
même que, une fois la première enfance écoulée, le choix de
la pension s'offre aux délibérations de la famille, les désirs,
la volonté, la parole d'une Epouse et d'une mère garderont
une exceptionnelle puissance.
2° C'est une œuvre de douce insinuation. — Voici l'adoles-
cent dans ses désirs indomptables de liberté et les premières
effervescences des passions. Il regimbe sous l'aiguillon, il a
horreur du joug, toute autorité trop rude, toute parole trop
cassante, l'irriterait sans le faire fléchir. — Dieu a donné à
la femme une merveilleuse puissance d'insinuation. Et là où
cesse forcément pour elle le commandement absolu commence
le triomphe d'une douce et patiente influence. — Ainsi retien-
dra-t-elle ou ramènera-t-elle un fils dans l'étreinte de son
amour et de sa vertu. — Ainsi deviendra-t-elle à son époux
une conseillère précieuse, une modératrice écoutée, une voix
victorieuse, un appui toujours recherché.
240 LA FEMME CHRÉTIENNE
3° C'est une œuvre de perpétuelle vigilance. — Là où un
mari et des fils, ni ne soupçonnent, ni n'évitent le danger,
l'épouse et la mère tient en éveil sa vigilance; elle écartera
de l'enfant les périls du premier âge. — Avec adresse elle
éloignera du jeune homme tout ce qui altérerait sa foi et ten-
terait sa vertu. — Maîtresse de maison, armée de la même
vigilance, elle Saura faire régner,, avec l'ordre et l'harmonie,
les vigoureuses traditions d'un vrai christianisme.
Mission de la femme chrétienne auprès des pauvres. —
Dieu qui a donné à la femme un cœur plus tendre, un dé-
vouement toujours prêt, une parole caressante ctdouce, Dieu
la réserve, au dehors, pour la plus noble des missions chré-
tiennes, le soulagement et la consolation des pauvres. — Or
jamais, à aucune époque, les précieuses qualités de la femme
ne se sont mieux harmonisées avec les détresses de la classe
indigente.
1° Le pauvre souffre. — Il souffre dans son corps, auquel
l'indigence refuse jusqu'à la nourriture et le vêtement. Qui
nous dira quels drames douloureux se déroulent dans ces ré-
duits glacés de la misère, surtout de la misère honteuse? Ali
qu'il fait bon aux pauvres recevoir, avec le pain et le vête-
ment, la douce parole qui console, l'exhortation qui relève,
l'espérance qui rend à !a vie 1
2° Le pauvre est humilié. — Nous nous habituons trop à no
voir dans le pauvre qu'une bouche qui réclame le pain et
des entrailles que la faim torture. Le pauvre est une âme. Et
dans cette âme sont toutes les aspirations de l'âme humaine.
Comme tous les autres le pauvre veut sa place au rang de la
considération et de l'honneur. Et quand sa misère le ravale,
le pauvre porte au cœur une saignante blessure. — Entrez
dans son réduit, dame élégante et riche, vous y apporterez
l'illumination et le relèvement.
3° Le pauvre est aigri. — C'est là le comble de sa misère et
le fond de son abîme. Il maudit Dieu et les hommes; il est
armé de haine et de vengeance contre la Société qu'il accuse
de ses souffrances et de son abandonnement. — Que si la
classe élevée s'en vient à lui, fraternellement, si la dame as-
sociée de nos œuvres catholiques sait le comprendre et être
comprise de lui, la paix régnera sur la terre et le salut des
âmes s'opérera dans le ciel.
EXCELLENCES DE LA PRIÈRE
La prière est la noblesse de l'homme ; — elle est sa puis-
sance ; — elle est sa joie.
LA NOBLESSE DE LA PRIERE
La prière est la noblesse de toute âme humaine. — Elle
est la suprême noblesse d'une âme que la grâce déifie.
Noblesse de rame humaine en prière. — Quand même
nous n'aurions devant nous qu'une âme privée de la vérité et
exilée du christianisme, sa prière, qui resterait, toujours «une
élévation à Dieu, » aurait une étonnante noblesse.
1° Mais d'abord comprenons où riest pas la noblesse de
l'homme. — Elle ne peut être dans les biens de la fortune
qui se distribuent au hasard, que le vice possède et dont
l'emploi immodéré abaisse et dégrade. — Elle n'est pas
dans l'élévation du rang. Quelle bassesse d'âme et quelle nul-
lité de vie peut couvrir un blason doré t — Elle n'est pas
dans les avantages du corps qui reste fatalement la proie du
tombeau.
2° Comprenons maintenant où la noblesse de l' homme réside.
— Elle réside en son âme, elle jaillit de sa pensée. — Quand
l'homme, prenant son essor au dessus de la région des sens,
se livre à quelque méditation solitaire, sa vraie grandeur
commence à se révéler. — Si cette méditation devient prière;
si, au travers des choses et plus grand qu'elles, l'homme
s'élève jusqu'au Créateur de l'univers, pour lui rendre ses
hommages : c'est là la plus sublime des œuvres de l'être créé.
T. IV 15
242 EXCELLENCES DE LA PRIÈRE
Noblesse plus grande de l'âme chrétienne en prière. —
Si toute prière, de quelque part qu'elle vienne, est l'acte no-
ble par excellence, quand l'âme d'où elle jaillit est devenue
l'âme chrétienne, laprière revêt de toutes particulières splen-
deurs.
1° La prière est une audience divine. — Voyez cet étranger,
cet inconnu, ce pauvre franchir, à la stupéfaction de tous,
un seuil royal, percer la foule des courtisans qui s'écartent,
prendre rang parmi les princes, être reçu par le roi avec
amour, conférer avec lui, se voir couvrir de ses faveurs et
s'en retourner avec la richesse de ses grâces: voilà le chrétien
en prière, renversant tout obstacle, franchissant toute immen-
sité, dépassant les rangs glorieux des anges, reçu parle Très-
Haut, conférant avec Lui, se couvrant des splendeurs pa-
ternelles, et ne quittant la cour céleste qu'enrichi de dons les
plus précieux : « Elevatio mentis ad Deum ».
2° La prière estime communication divine. — Elle opère une
sorte de transfusion mystérieuse de l'âme avec la divinité.
Saint Paul nous a rendu cette merveille dans son magnifique
langage. « Nos autem gloriam Domini spéculantes in eam-
dem imagineni transformamur, a claritate in claritatem. »
Les pensées de Dieu deviennent les nôtres, les vertus de Dieu
s'imprègnent en nous, et un reflet de ses perfections nous
illumine. — Quand l'Iïomme-Dieu se transfigure au Thabor
l'Evangéliste note ce détail : « Resplenduit faciès ejus sicut
sol; vestimenta autem ejus facta sunt alba sicut nix. » A
peine le Christ s'était mis en prière qu'il fut ainsi élevé,
transfiguré, resplendissant : image saisissante de l'âme en
prière.
3° La prière est un divin holocauste. — Elle est de Saint
Jean Chrysostome cette pensée sublime : L'âme chrétienne
en prière est un pontife saint, élevant vers le Très-Haut un
encens qui embaume le ciel et la terre. Le feu du sacrifice
c'est notre ferveur ; l'autel c'est notre langue ; la victime
sainte c'est la prière qui s'y dépose ; le temple c'est le sein
de Dieu.
Noblesse suprême de l'âme déifiée en prière. — Quelque
sublimes que soient les doctrines qui précèdent, une autre
les surpasse toutes. L'âme chrétienne jouissant de la grâce
n'est plus, pour ainsi dire, elle-même, elle est toute en Dieu :
« Jo vis, s'écriait Saint Paul, mais non, ce n'est plus moi qui
vis c'est Jésus-Christ qui vit en moi. » Et encore : « Tous
EXCELLENCES DE LA PRIÈRE 243
ceux que meut l'Esprit de Dieu ce sont là ses vrais fils. »
Et encore : « C'est l'Esprit de Dieu lui-même qui prie pour
nous et en nous ».
Voilà la grande parole ! Voilà la sublime révélation ! Quand
nous prions ce n'est plus notre faible voix, ni l'imperceptible
accent de l'atome qui se fait entendre, c'est l'éclatante et ir-
résistible voix de Dieu : « Vox Domini in virtute, vox Domini
in magnificentia ».
II
PUISSANCE DE LA PRIÈRE
Pour le chrétien tout est impossible sans la prière. — Tout
est possible avec elle.
Pour le chrétien tout est impossible sans la prière. —
Un problème étrange, une énigme qui semble insoluble s'of-
fre à nous.
1° Le chrétien nous apparaît dénué de tout. — Dieu saisit sa
créature et il la jette, sans secours, sans défense, sans arme,
à travers tous les obstacles, au sein de tous les dangers. C'est
le matelot laissé au milieu d'une mer furieuse, au sein d'un
immense océan, avec une barque fracassée, sans voile, sans
gouvernail et sans rames; c'est le soldat désarmé au milieu
d'une mêlée furieuse.
2° Et en même temps le chrétien nous apparaît obligea tout.
— Avec sa nature viciée, ses défaillances mortelles, ses im-
puissances désastreuses, fils de la déchéance, tributaire du
péché, on lui jette cette effroyable parole : « Soyez parfait
comme votre Père céleste est parfait. » A cet être chétif on
demande donc un effort absolument impossible! On le pré-
cipite dans un insondable abîme; on l'oblige à un vol au tra-
vers d'incompréhensibles immensités.
Quel est le mot de cette étrange situation? Et puisque
Dieu fait tout avec sagesse qu'a-t-il réservé à l'homme comme
remède à son universelle impuissance, comme contre-poids
244 EXCELLENCES DE LA PRIÈRE
à son néant? A l'aigle il a donné des ailes, au lion du désert
la griffe et le rugissement; au plus petit des êtres il a mé-
nagé les ressources appropriées à chacun de ses besoins. A
l'homme qu'a t-il donné ?
Pour le chrétien tout devient possible par la prière. —
Puisque le chrétien a tout ensemble d'immenses détresses,
d'immenses obligations et que la prière lui est donnée par
Dieu, comme unique et universelle ressource, la prière sera
donc d'une puissance incalculable, d'une absolue efficacité.
1° Par la prière tout est possible sur Dieu. — Dans d'innom-
brables scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament la puis-
sance de la prière sur Dieu nous est révélée. — Cette puissance
va jusqu'à ce point que Dieu la redoute. Scène délicieuse !
Moïse, l'homme de la prière, est aux pieds du Très-Haut; il
supplie pour le peuple prévaricateur que le châtiment va at-
teindre, car Dieu, lassé des ingratitudes et des révoltes d'Israël,
le veut enfin anéantir. Mais que fera Dieu si la prière s'inter-
pose entre sa colère et le coupable? « Laisse-moi, dit Dieu à
son serviteur Moïse, ne prie pas pour ce peuple. » Et si Moïse
continue sa supplication, c'est bien dire que Dieu en demeu-
rera le vaincu. — Ces défaites mystérieuses de la Justice
divine, combien d'autres pages saintes nous les font contem-
pler ! Abraham eut désarmé cette Justice en faveur de So-
dome, si Sodome eût pu compter dix justes. — Suivre les pas
de Jésus-Christ à travers sa carrière publique, au sein des
foules qui l'assiègent, c'est contempler les magnifiques vic-
toires de la prière sur le cœur de Dieu.
Par la prière les infirmités sont guéries, le sépulcre rend
ses morts, lésâmes sortent de la tombe plus profonde du vice
et du péché, les justes s'illuminent, le ciel s'ouvre sur
eux.
2° Par la prière tout est possible sur nous. — La prière
écarte nos maux. L'âme sans prière, a chanté le Psalmiste,
est une terre desséchée et sans eau; tout y languit, tout y
meurt. « J'ai passé, dit le Sage, par le champ du paresseux :
tout y était en ruine; la muraille en était renversée, les
ronces recouvraient le sol. » Telle est l'âme devenue paros-
seuse à prier. D'une part les défauts, les vices, les péchés de
toute sorte ont remplacé la divine lloraison dos vertus.
D'autre part la « muraille » renverséo donne accès, par uno
brèche funeste, au monde, au démon, à la naturo corrom-
pue.
EXCELLENCES DE LA PRIÈRE 241
3° Par la prière tout est possible contre nos ennemis. — C'est
en face de nos innombrables et tout-puissants ennemis que
notre faiblesse apparaît lamentable. Nous les trouvons par-
tout; ils obstruent tous nos chemins, ils envahissent tout no-
tre être. — Gomment contenir nos ennemis intimes : ces sail-
lies désordonnées d'une nature en révolte? Saint Paul épou-
vanté de cette lutte supplie Dieu de l'en délivrer. Dieu néan-
moins l'y laisse, lui indiquant comme son salut la grâce, et,
pour obtenir la grâce, la prière. — Le démon, si redoutable
aux âmes sans prières, fuit terrifié au premier accent d'une
sincère et fervente supplication. La prière est une forteresse
que les phalanges, infernales ne forceront jamais. Cherchons
donc dans la tiédeur, l'oubli de la prière, le secret de nos
honteuses défaites et des sanglants triomphes de l'enfer sur
nous. — Victorieuse de Dieu, de nous-mêmes, du démon,
comment la prière ne le serait-elle pas du monde ? Si le
monde nous fascine ou nous terrorise, la prière dissipera ses
charmes et brisera son joug. — Suivons une à une les phases
de la vie de l'Eglise. Qu'at-elle opposé à ses persécuteurs ?
Comment est elle sortie triomphante des prisons où la violence
la tenait enfermée ? Elle prie et voici, qu'un ange s'en vient
délivrer Pierre. — Par la prière Paul enchaîné ébranle
jusqu'aux fondements les murs de son cachot, et à chaque
prière de l'Eglise, a correspondu, durant le cours des siècles,
la chute et le brisement de quelque ennemi de Dieu, de quel-
que illustre et tout-puissant oppresseur.
Si l'Eglise entière trouve dans la prière ses délivrances les
plus inespérées, que pourrait craindre une âme chrétienne,
qui possède dans la même arme la certitude d'un égal triom-
phe ?
III
CONSOLATION DE LA PRIÈRE
La prière qui est la noblesse et la force de l'homme ici-bas,
lui est encore sa seule vraie consolation. — Sans elle l'homme
246 EXCELLENCES DE LA PRIÈRE
ressentie malaise d'un devoir trahi. — Sans elle l'âme hu-
maine s'isole douloureusement. — Sans elle la souffrance
reste aux prises avec tous les désespoirs.
Sans la prière l'homme ressent le malaise d'un devoir
trahi. — Je veux bien qu'entraîné dans les tumultes d'une
vie d'affaires et de plaisirs l'homme puisse étouffer longtemps
les voix intimes qui s'élèvent de son âme ; il devient alors cet
« animalis homo qui non percipit quœ sunt Spiritus. »
L'homme peut tomber si bas que, détaché du firmament des
pensées supérieures, il reste gisant sur la matière dont il
fait sa proie. — Mais il est des heures où, pour tout homme,
l'âme, la conscience, l'instinct d'une destinée supérieure,
reprennent quelque empire. — D'ailleurs, tous ne s'enfoncent
pas également dans l'ignominie d'une vie matérielle.
Or, quand elle se réveille à ses instincts supérieurs, que
devient l'âme qui a cessé de prier ? Quand Saint Paul veut
peindre l'horreur de l'irréligion : ces malheureux, dit-il,
« vivent en ce monde sans Christ et sans Dieu. » — Dieu est
un Maître Souverain : ils refusent de le reconnaître. — Dieu
est un bienfaiteur magnifique : ils ne lui opposent qu'ingra-
titude et oubli. — Dieu est un père tendre : ils trahissent en-
vers lui tous les devoirs de l'amour filial.
Quoi que fasse l'âme humaine, les lois de sa création prédo-
mineront toujours. La trahison du plus sacré des devoirs, qui
est pour l'homme de communiquer avec Dieu, laissera tou-
jours après elle le vide, le malaise, l'inquiétude et une mys-
térieuse souffrance.
Sans la prière l'âme humaine s'isole douloureusement. —
Nous parlons de supplice pour l'homme qui a cessé de prier.
Quel plus grand supplice que celui de l'isolement? Supplice
du prisonnier, oublié sans espoir dans une prison profonde...
Supplice du naufragé abandonné, au milieu d'un incommen-
surable océan, sur un îlot désert. Supplice d'un exilé auquel
on refuse sans pitié de rendre famille et patrie.
Sans plus aucune communication avec le ciel, l'homme n'est
plus sur la terre, qu'un misérable exilé. L'existence peut le
torturer à l'aise, les tristesses de la vie l'envahir, les choses
terrestres le meurtrir et l'ensanglanter: il ne lui reste plus
que l'horizon de la tombe et l'affreuse espérance du néant.
Sans la prière la douleur est sans contrepoids. — Un Dieu
bon n'a pu décréter la souffrance comme expiation et comme
EXCELLENCES DE LA PRIÈHE 247
mérite, sans que, en même temps, il n'ait préparé le remède
au mal, le baume à la blessure.
Pour l'âme qui souffre, la prière est une lueur céleste qui
lui fait entrevoir les splendeurs de la Résurrection au travers
de la vision sanglante du Calvaire.
Pour le coeur qui souffre, la prière estl'ange que le ciel dé-
puta à Getbsémani auprès du Christ oppressé et défaillant.
La prière en un mot renferme en elle, pour tous ceux qui
souffrent, des suavités et des forces, des espérances et des
clartés.
LES OBJECTIONS FAITES A LA PRIÈRE
L'on n'a pas dit toute l'horreur d'un naufrage, quand on a
dépeint les malheureux luttant au milieu des flots soulevés.
Si, alors que les secours leur arriveront, ils sont exténués et
défaillants au point de ne pouvoir saisir le câble qui leur est
tendu, s'ils périssent sous les yeux même de leurs sauveurs
devenus impuissants : voilà assurément le comble de leur
infortune et la suprême catastrophe.
Ainsi en est-il de l'homme ici-bas. Etre tombé dans l'abîme
du péché, se débattre en desespéré au milieu des Ilots furieux
de quelque passion, n'est pour lui ni le danger le plus terri-
ble, ni la situation la plus perdue. — Qu'il prie, il sera sauvé.
— Mais si, par incroyance, par désespoir, par oubli funeste et
par légèreté, il a éteint dans son âme la supplication à Dieu,
l'humble et ardente prière, il est irrémédiablement perdu.
Concevons, contre la prière, trois sortes d'objections : celles
qui viennent de l'incrédulité ; celles qui viennent du décou-
ragement ; celles qui viennent d'une mondanité dissipée et
frivole.
LES OBJECTIONS DE L'INCROYANCE
L'incrédule passe devant nous qui, à genoux devant Dieu,
lui élevons nos âmes et nos prières et l'incrédule murmure:
« insensés! Gomme si Dieu s'occupait d'êtres aussi chétifs;
comme si Dieu ne savait pas d'avance l'objet de leurs prières ! »
Pour l'incrédule, ou bien Dieu ne nous écoute pas, ou bien
Dieu n'a nul besoin de nous écouter.
Dieu ne nous écoute pas. — Dire de nous, les créatures de
Dieu, les fidèles de Dieu, que nous sommes de si impercep-
LES OBJECTIONS FAITES A LA PRIÈRE 249
tibles atomes, que notre voix jamais ne franchira l'immensité
qui nous sépare de Dieu, c'est méconnaître à la fois et la na-
ture divine et notre propre élévation.
1° C'est méconnaître la nature de Dieu. — Assurément Dieu
est infini, « Dieu habite une inaccessible lumière, » rien ne
l'égale, rien ne l'approche; entre l'Etre incréé et les êtres
créés quelque parfaits qu'on les suppose, s'étendra toujours
l'abîme de l'infini. — Mais en Dieu c'est précisément cet in-
fini qui nous le rend accessible. Son infinie bonté condescend
au plus humble des êtres « Il vêt le lis des champs, » il sou-
tient le vol du passereau. Jésus-Christ ajoutait: « Combien
plus serez-vous dignes de celte condescendance, hommes de
peu de foi I »
D'ailleurs, Dieu, Sagesse infinie, ne laissera pas en proie
aux désordres et aux jeux du hasard cette création qu'il a
daigné faire jaillir du néant. Il s'occupera d'elle, il entendra
les cris de ses besoins. « 11 ouvrira la main et tous les êtres
seront remplis de sa munificence ».
2° C'est méconnaître notre propre élévation. — Laissons l'in-
crédule parler de notre imperceptible néant. Nous chrétiens,
nous savons notre triple grandeur et comment par l'effet de
trois merveilleuses œuvres, Dieu donne à notre prière un es-
sort sublime et lui prête des accents tout divins. — Dieu
d'abord, par l'Incarnation de son Fils, a relevé magnifique-
ment la nature humaine. Si par notre bassesse native nous
appartenons à la terre, par une seconde naissance nous
sommes des cieux : « primus Adam de terra terrenus, se-
cundus Adam de cœlo cœlestis. » L'Apôtre ajoute : «. porte-
mus imaginem cœlestis. » Quand donc nous nous présen-
tons à Dieu pour la prière, c'est sous des traits divins, c'est
avec une grandeur divine. Dieu nous donne audience comme
à d'autres Jésus-Christ: « per Ipsum habemus accessum ad
Patrem. » — Non seulement le chrétien en prière est vêtu
d'une grandeur divine, mais encore c'est Dieu même qui
met sur ses lèvres le langage qu'il doit tenir et dans le cœur
les sentiments qu'il doit exprimer. « Spiritus adjuvat infir-
mitatem nostram. Nam quid oremus sicut oportet nescimus,
sed.... qui scrutatur corda scit quid desideret Spiritus. » —
Révélons une troisième sublimité de la prière chrétienne. Par
la grâce sanctifiante Dieu est en nous; nous devenons sa de-
meure et c'est lui, nous dit l'Apôtre, qui daigne prier au de-
dans de nous et pour nous :« Spiritus Ipse postulat prosanctis...
250 LES OBJECTIONS FAITES A LA PRIÈRE
Ipse Spiritus postulat pro nobis gemitibus inenarrabilibus. »
Dieu n'a nul besoin de nous écouter. — A quoi bon, dit
l'incrédule, prier Dieu? Dieu ne sait-ihpas d'avance et infini-
ment ce que l'on désire de lui? — Admirons la courte vue de
l'incrédule, la pauvreté de ses raisonnements, l'exiguïté de
sa science. Il ne comprend pas qu'il nous faut prier d'abord à
cause de Dieu, ensuite à cause de nous mêmes.
1° A cause de Dieu. — Dieu est Père; Dieu est souverain;
Dieu est juge. Il est père et quel père tolérera longtemps l'in-
grat et insolent mutisme de son enfant?.... Dieu estSouverain.
Je lui dois donc mes hommages, mes remerciments pour ses
bienfaits, mes adorations pour sa grandeur infinie, mes de-
mandes pour mes multiples besoins Dieu est mon Juge
et c'est à son tribunal redoutable que tout être intelligent
et libre rendra compte de ses œuvres. J'ai donc à fléchir sa
justice et trop souvent à apaiser son courroux.
2° A cause de nous mêmes. — Quand même j'accorderais à
l'incrédule que Dieu connaît trop mes détresses pour qu'il me
faille les lui expliquer; c'est moi-même qui, avant tout, ai
besoin de ma propre prière. J'ai besoin de quitter fréquem-
ment la terre pour m'élever jusqu'au ciel, ma vraie patrie,
et c'est sur les ailes de la prière que mon âme s'y envolera.
— Mille causes funestes m'éloignent perpétuellement de Dieu.
C'est la prière qui ramène à Dieu mon âme fugitive, c'est par la
prière que mon esprit se souvient, que mon cœur se réchauffe,
que ma volonté vacillante se raffermit. — Futur habitant des
cieux, il me faut, dès ici-bas, m'initier aux idées, aux senti-
ments, aux perfections, aux sublimités de ma Patrie à venir.
Or c'est surtout par la prière que se fera cette initiation cé-
leste.
II
LES OBJECTIONS DU DÉCOURAGEMENT
Je prie et n'obtiens rien : objection d'autant plus redouta-
ble qu'elle ne s'élève pas comme l'autre du milieu des in-
LES OBJECTIONS FAITES A LA PRIÈRE 251
croyants, mais du sein de la propre famille de Dieu. S'il est
une doctrine importante à connaître et qui puisse nous rele-
ver des découragements qui éteignent nos prières, c'est bien
celle-ci.
Supposons que notre prière soit restée sans effet. — Si
vous n'avez rien obtenu de ce que réclamaient d'instantes
prières, la raison et la foi unies ensemble vous imposent les
réflexions suivantes.
1° Dieu n'a pu vous refuser que ce ne soit par une vue de
miséricorde . — La supposition que Dieu serait resté sourd à
notre prière par oubli, par indifférence, par aversion, serait
une absurdité plus encore qu'un blasphème. La création en-
tière portée sur le sein de Dieu plus doucement qu'une mère
porte son fils, inondée de ses biens, enveloppée de sa provi-
dence, assaillie pour ainsi dire des plus délicates attentions
de son amour, la création protesterait indignée. Non! âme
chrétienne, Dieu ne peut agir avec vous que par bonté, et son
refus actuel ne peut être qu'une preuve de plus de sa sollici-
tude maternelle.
2° C'est par l'effet de son amour que vous avez été refusé. —
Vous êtes, je le suppose ici, une âme sainte et fervente. —
Mais alors qu'est-ce que Dieu veut? qu'est-ce que son cœur
désire et sollicite ? Oh! sans doute que vous lui soyez assidu;
que sans cesse il vous trouve à ses pieds. Que désire un
père sinon de se voir entouré sans cesse de ses enfants? Que
réclame une mère sinon la présence, la voix, les cris d'a-
mour, les épanchements de tendresse de son enfant? — Dieu
vous refuse comme Jésus-Christ refusa longtemps à la Cana-
néenne, comptant que vos désirs inassouvis et votre attente
trompée, vous ramèneront sans cesse à ses pieds.
3° C'est par l effet de sa sagesse que Dieu n'a point exaucé
votre prière. — Sainte et fervente êtes- vous, je le veux bien;
mais terrestre encore, trompée par l'ardeur immodérée d'un
bien temporel, vous avez supplié Dieu pour cette douleur
trop longue, cette épreuve trop continue, ce succès qui vous
semblait si nécessaire, cette guérison qui vous paraissait si
utile... Mais Dieu, qui ne juge des choses qu'à la lueur de
l'éternité, a compris que ces faveurs terrestres vous devien-
draient un obstacle au salut, qu'elles amoindriraient votre
gloire éternelle, qu'elles mettraient peut-être votre âme en
péril : Dieu vous les a refusées.
4° C'est par une nécessité pressante que Dieu vous a re-
252 LES OBJECTIONS FAITES A LA PRIÈRE
fusé. — Tel est parfois notre aveuglement dans les choses
du salut, telles sont nos désastreuses méprises, que nos plus
ardentes prières s'appliquent à des objets qui nous perdraient
infailliblement. La mère remettra-t-elle entre les mains de
son jeune enfant l'arme meurtrière qu'il réclame d'elle avec
des larmes et des cris? Le sage médecin écartera-t-il d'une
plaie purulente le fer et le feu qui doivent y ramener la vi-
gueur et la vie? « Et si vous autres, disait Jésus-Christ, qui
êtes mauvais, donnez de bonnes choses à vos enfants, que
ne fera pas pour les siens votre père qui est dans les cieux? »
Mais en réalité aucune de nos prières ne reste sans ef-
fet. — Pas une prière, pas un élan du cœur, pas un cri vers
Dieu qui n'ait son effet; pas une demande qui soit jamais
infructueuse.
1° Mais l'effet de nos prières nous est souvent cache'. — Le
grand don de Dieu, celui que le monde depuis quatre mille
ans appelait de ses cris et de ses prières, le Verbe fait chair,
descend imperceptiblement au milieu de nous, « Sicut stilli-
cidia stillantia super terram ». Ainsi tombent sur notre âme,
comme prix de nos prières, les grâces et les faveurs de Dieu.
2° Mais l'effet de nos prières est un effet libre. — Dieu agit
en maître ; Dieu est pour nous un distributeur indépendant
de ses faveurs et de ses dons. Dieu nous traitera toujours
avec une munificence incomparable, mais restera libre dans
l'effusion de ses richesses.
3° Mais l effet de la prière est un effet approprié. — Dans
les grâces qu'il nous verse Dieu a égard à l'état de nos âmes,
à nos besoins plus pressants, aux détresses ignorées de nous,
aux dangers courus sans le savoir.
Pour être inconnus de nous et inappréciés, ces fruits de
nos prières n'en sont que plus opulents et plus précieux.
LES OBJECTIONS FAITES A LA PRIÈRE 253
III
LES OBJECTIONS DE LA MONDANITÉ
Comment l'âme mondaine, frivole, tumultueuse, affairée,
prierait-elle? Il lui manque pour prier deux choses indispen-
sables : le désir, le loisir.
L'âme mondaine n'a pas de désirs. — Tout entière à la
vie présente, enchaînée dans les sens, n'ayant plus un re-
gard vers les choses célestes, l'âme mondaine n'a rien à de-
mander à Dieu. « Pro nihilo habuerunt terrain desiderabi-
lem... Tu dicis quia dives sum et nihil egeo... » — N'ayant
« ni la faim ni la soif de la justice, » comment crierait-elle :
« Pater, da nobis...? »
L'âme mondaine n'a pas de loisir. — Toutes ses heures
sont au monde, aucune au sanctuaire. — Parcourez la jour-
née du mondain : quelle place y est laissée à Dieu?
LES CONDITIONS DE LA PRIÈRE
« Domine, doce nos orare. » — La déchéance nous a donc
tellement exténués que le langage môme de la prière n'est
plus sur nos lèvres. — Fuyant Dieu, nous nous sommes donc
à ce point éloignés de lui; Dieu est si loin de nos pensées et
de notre cœur, que, jusqu'à l'idée de revenir à lui, de lui
exposer notre détresse, de réclamer son secours, s'est per-
due. — Tel est ce malade, si brisé, si mourant, qu'il n'a plus
même la force de prendre la potion qu'on lui présente. — Tel
est ce pauvre, si découragé, tombé dans un si morne déses-
poir, qu'il mourra, sans que le courage lui revienne d'implo-
rer assistance.
Ne plus prier : tel est le dernier mal, le fond de l'abîme,
l'irrémédiable maladie de nos âmes. — Et si cette maladie
est à ce point mortelle, combien il nous importe d'en recher-
cher les causes, afin d'en pouvoir arrêter le cours.
IL NOUS FAUT LA FOI POUR PRIER
Apprenons-le de l'Evangile. — Apprenons-le du simple
raisonnement.
Apprenons-le de l'Evangile. — Que nous parcourions tou-
tes les pages du livre sacré, ou que nous nous arrêtions à
quelque scène saisissante, partout la foi nous y apparaît
comme l'inséparable compagne d'une efficace prière.
1° A chaque page de l'Evangile. — Dès que le Christ Sau-
LES CONDITIONS DE LA. PRIÈRE 255
veur se montre à la foule, les malheureux s'attachent à ses
pas, le suivent dans un élan invincible, réclament à grands
cris son secours. N'est-ce pas déjà là l'acte implicite de la
foi? — Mais de cette foule d'admirables ligures se détachent:
c'est le centurion, c'est la Cananéenne, c'est le paralytique,
ce sont les aveugles de Jéricho etc. Tous, à leurs supplica-
tions, joignent leur foi ardente. — D'ailleurs jamais prière
n'est agréée de l'Homme-Dieu si elle ne jaillit des entrailles
mêmes de la foi : son mot est le même toujours « Si potes
credere ».
2° Dans une scène plus particulière. — Scène frappante, où
la nécessité de la foi dans la prière nous est plus clairement
que jamais révélée. A un moment où Jésus est entouré,
pressé par la foule: « Quelqu'un, s'ôcrie-t-il, vient de me tou-
cher. » — Mais, maître, lui observent les Apôtres, tous vous
touchent! — Jésus répond: « J'ai senti qu'une vertu s'échap-
pait de moi. » Scène mystérieuse! Tant que c'est la foule,
foule indifférente, matérielle, sans foi, qui s'empresse autour
de lui, « aucune vertu ne s'échappe de sa divine personne. »
Mais dès qu'une pauvre femme, aussi ardente dans sa foi que
humble dans sa prière, a touché le bord de son vêtement,
elle se trouve soudainement guérie.
D'où vient, se demande Saint Ambroise, cette différence
entre une foule qui presse Jésus sans en rien obtenir et une
malade qui se voit aussitôt guérie qu'elle implore ? « Fide
tangitur Christus, » répond-il.
C'est la foi seule qui, en touchant Jésus, en obtient tout
l'effet de la prière.
Apprenons-le du simple raisonnement. — Nous deman-
derons-nous comment la prière réclame ainsi la foi pour de-
venir possible et efficace?
1° C'est la foi qui nous rend attentifs. — Que l'âme en prière,
que le suppliant qui s'avance jusqu'au trône d'une majesté
infinie doivent avant tout témoigner de leur profond respect:
c'est là une vérité assez claire par elle-même. Parler à un
grand monarque, l'inattention dans l'âme, la dissipation dans
le regard, l'incohérence sur les lèvres, c'est mériter d'être
chassé honteusement.
Mais d'où nous viendra, quand nous parlons à Dieu, ce res-
pect profond, cette attention soutenue? De la foi. Voyez en-
trer dans le temple ces deux personnes. Quel recueillement
dans la première ! Absorbée tout entière dans une vision
256 LES CONDITIONS DE LA PRIÈRE
supérieure, le monde a disparu pour elle, le ciel s'entr'ouvre,
le tabernacle devient éblouissant, le Dieu qui y réside se
découvre à elle dans sa douce et terrifiante majesté. « Invi-
sibilem tanquam videns. » La seconde, l'âme mondaine et
dissipée, l'âme sans foi, elle aussi est en la présence du Très-
Haut; mais c'est d"elle qu'a dit le Prophète: « Non est timor
Dei aute oculos. » Pour elle le temple est vide de Dieu et il
se remplit des objets de sa curiosité. Son regard est vague
comme sa pensée; le monde avec ses vanités la remplit tout
entière; elle sortira de sa prière comme elle y est entrée,
sans songer un instant au Dieu qu'elle prétendait honorer.
2° C'est la foi qui nous rend confiants. — Voyez cet enfant.
Il prie sa mère, et les refus de cette mère ni ne le déconcertent
ni ne refroidissent sa supplication. Jamais vous ne lui per-
suaderez qu'il puisse être repoussé. — Telle est l'àme de
foi en face de Dieu. La foi lui montre si clairement la
puissance, la bonté, l'inépuisable bienfaisance de ce « Père
qui est dans les cieux » que jamais l'idée d'un refus n'altéra
sa confiance. « Contra spem in spem. » — Son acte de foi par
excellence sera l'acte d'une inébranlable confiance : « Nos
credimus carilati quam habet in nos Deus. »
3° C'est la foi qui allume nos ardeurs. — Prier froidement,
avec une insouciance incurable, sans désirs, sans élan, est-ce
prier? « 0 âme, s'écrie un de nos Docteurs, pourquoi veux-tu
que Dieu te prête une attention que tu n'as pas toi-même et
t'accorde ce que tu ne désires même pas? » Indigent insensé
qui frappes au seuil de l'opulence d'une main si distraite, d'un
air si insouciant que tu repousses l'aumône bien loin de l'ap-
peler. Partout dans l'Evangile les suppliantsnous apparaissent
dans leurs prières, pleins de cris déchirants, de supplications
qu'on cherche vainement à étouffer. — Quand lo Psalmiste
entre en prière c'est avec des cris « Clamavi ad Dominum. »
« Clamabo ad Dominum. » — Et Saint Paul, qui nous ouvre
le mystère des supplications de l'Homme-Dieu, nous parle
« des cris véhéments » de sa prière « cum clamore valido. »
Mais où s'allumeront ces ardeurs? D'où jaillira ce « cri
véhément » de la prière? Assurément de la foi, de cette foi
vive qui, déchirant tous les voiles, nous montre nos détres-
ses, nos dangers, l'immense besoin que nous avons des se-
cours d'en haut.
LES CONDITIONS DE LA PRIÈRE 257
II
IL NOUS FAUT LE COURAGE POUR PRIER
Ce courage doit 1° assurer l'eiïet de notre prière. 11 doit 2°
écarter les obstacles qui s'opposent à sa perfection.
Courage pour coopérer aux effets de la prière. — Nous
avons prié. Dans nos prières nous avons demandé, ou bien les
forces nécessaires à notre âme dans les luttes de la vertu, ou
bien, plongés dans quelque ai'lliction, nous avons réclamé des
secours de délivrance ou de soumission. — Tenons pour cer-
tain que, en retour de notre prière, la grâce divine est tombée
sur nous. Le sillon que nous avons ensemencé a fidèlement
rendu sa moisson : reste maintenant à mettre en œuvre nos
secours et à ne point dissiper nos richesses obtenues.
1° Coopérer à la grâce dans les lattes de la vertu. — Les tenta-
tions vous assaillent, les pièges du monde vous circonviennent,
les occasions dangereuses s'entr'ouvrent sous vos pas comme
des abîmes.... Tenez pour certain qu'en retour de vos prières
Dieu vous tient en réserve les grâces de lumière et d'éner-
gie. Des armes vous sont données, de puissants auxiliaires
vous arrivent; engagez vaillamment la lutte, Dieu y est avec
vous, vous serez vainqueur.
Mais que dire si, après une prière exaucée, vous-même
quittez le combat et vous abandonnez lâchement? Si vos
imprudences rendent vain le secours de Dieu? Si votre mol-
lesse trahit une cause que la grâce s'apprêtait à rendre vic-
torieuse/ — Que de fois nous rendons ainsi par notre faute
nos prières inefficaces ! Ce pauvre a crié à Dieu : « Donnez-
nous notre pain »; le pain est donné et voilà que l'insensé
se détourne, et jette loin de lui l'aliment de ses forces et l'es-
pérance de sa vie! — « Utamur Salvatore », nous dit Saint
Augustin.
2° Coopérer à la grâce dans les afflictions de la vie. — En
retour des prières de cette âme meurtrie par la douleur, Dieu
T. iv 17
258 LES CONDITIONS DE LA PRIÈRE
lui verse les baumes de ses consolations, lui insinue les éner-
gies de la patience, lui entr'ouvre les perspectives d'un bon-
heur éternel; Dieu souffre et pleure avec elle; merveilleuse
condescendance! « Dieu, dit le Psalmiste, dispose lui-même
la couche de sa douleur. » « Yersasti lectum suum in infirmi-
tate. » La prière a eu son effet, tout est prêt pour adoucir
et faire fructifier ce martyre. Mais voici que, oublieux des
effets de sa prière, le patient dissipe en irritations, en mur-
mures, en impatiences, peut-être en blasphèmes et en déses-
poir, la riche moisson de grâces que sa prière avait fait ger-
mer : « Utamur Salvatore » !
Courage pour écarter les obstacles. — Les obstacles qui,
en entravant nos prières arrêtent le cours de la grâce, sont
de différentes espèces. Nous prions, mais sans esprit chrétien.
— Nous prions mais sans régularité ni persévérance. — Nous
prions, mais sans loyauté.
1° Nous prions, mais sa?is esprit chrétien. — L'esprit de
Dieu met dans nos demandes comme dans nos désirs un or-
dre parfait, cet ordre qui nous est si clairement marqué dans
l'Oraison dominicale. — Nous devons prier, avant tout, comme
« fils de Dieu », héritiers éternels de Dieu, serviteurs de Dieu.
Nos prières doivent avoir pour premier objet, après la glori-
fication de Dieu, le bien spirituel de nos âmes.
Hélas! que faisons-nous? Nous intervertissons cet ordre. Les
biens spirituels n'obtiennent de nous qu'une préoccupation
fugitive et de languissants désirs. — Tout au contraire, les
faveurs temporelles, les biens d'un jour, souvent les inutiles
ou même dangereuses faveurs remplissent notre prière. —
Semblables en cela à ces Juifs grossiers qui ne poursuivaient
le Sauveur que pour en obtenir le pain matériel, sans se sou-
cier en aucune manière du « Pain descendu du ciel » qu'on
leur faisait entrevoir. — Que de fois il nous est arrivé de de-
mander à Dieu les dons les plus dangereux, les plus homici-
des faveurs? Que prétendons-nous avec de semblables priè-
res?
2° Nous prions, mais sans régularité et sans persévérance. —
Pourquoi cette âme, si fervente naguère, hôte si assidue de
l'église, qui de la Table Sainte faisait si bien ses délices,
s'est-elle éloignée peu à peu? Pourquoi ne la trouve-t on plus
parmi les vrais enfants du Père céleste ? Pourquoi ces lèvres
sont-elles muettes et ce cœur s'cst-il fermé?
Dieu est resté le même « Fidelis Deus », toujours aussi
LES CONDITIONS DE LA PRIÈRE 259
accueillant et aussi bon, mais c'est nous qui avons changé. —
L'esprit mondain s'est emparé de notre àme.... Les sollici-
tudes de la vie ont absorbé et circonscrit nos pensées et nos
désirs.... Les afflictions, au lieu de nous porter à Dieu, nous
en ont détournés Le « fardeau du péché », dont parle
l'Apôtre, a surchargé et alourdi notre àme Parfois, moins
que tout cela, un simple caprice, un changement d'humeur,
une fantaisie, une frivolité, ont suffi à nous faire déserter la
prière.
3° Nous prions, mais sans loyauté. — Nous réalisons ce mot
de l'Ecriture : « Ce peuple m'honore des lèvres, mais son cœur
est loin de moi. » Nous n'avons plus gardé que les dehors
de la piété ; en réalité la piété est absente. Nos exercices
de dévotion sont maintenus, mais ils sont accomplis sans at-
tention, sans essor, sans âme.
Ainsi priaient ces Juifs, dont Dieu repoussait les prières. —
Ainsi prient tant de chrétiens, qui n'ont plus retenu de la
religion qu'une routine inconsciente et des pratiques sans
lumière et sans cœur.
LES EFFETS DE LA PRIÈRE
Quand le Psalmisle veut nous peindre l'état d'une âme qui
trop longtemps a délaissé la prière : < Mon âme, dit-il, est
comme une région déserte, sans chemin, sans eau » « Terra
déserta et invia et inaquosa, sic in sancto apparui. » — Région
déserte. Les choses saintes, les pensées célestes, les aspirations
surnaturelles ne s'y retrouvent plus. — Région sans roule,
sans horizon, sansfssue. Del'àme fervente qui prie, l'Ecriture
a dit qu'elle a tracé en elle-même des routes qui se dirigent
en montant vers le ciel; « Ascensiones disposuit. » Mais l'âme
sans prière ne correspond plus avec Dieu, et aucun chemin
désormais ne l'y ramène. — Région desséchée et aride. La
pluie du ciel, la "rosée de la grâce n'y tomhant plus, plantes
et fleurs ont péri, les fruits ont disparu, les moissons sont
absentes, tout s'y revêt des désolations de la mort.
Sous de très différentes images l'Ecriture nous fait appa-
raître une tout autre réalité. Voici l'âme qui prie. « C'est, dit
le Psalmiste, un bel arbre planté sur le cours des eaux, arbre
que la saison trouve toujours chargé de fruits, dont le feuil-
lage n'est jamais flétri, dont la richesse n'est jamais trom-
peuse. »
Les effets de la prière dans l'âme sont aussi nombreux que
magnifiques: résumons-les dans les quatre suivants.
La prière vivifie,
La prière purifie,
La prière enrichit,
La prière console.
LES EFFETS DE LA PRIÈRE 261
LA PRIERE VIVIFIE
Pour bien comprendre la reviviscence d'une âme par la
prière, sachons d'abord comment une âme dépérit.
Comment une âme peut dépérir. — Notre vie spirituelle
est sujette aux mêmes vicissitudes de force et d'abattement,
de santé et de maladie, de vie et de mort, que notre être cor-
porel.
1° Notre âme dépérit par une mauvaise alimentation. —
« Aruit, disait le Psalmiste, virtus mea, quia oblitus sum co-
medere panem meum. » Au lieu du pain substantiel, du pain
céleste que nous dispense la vie chrétienne, nous nous som-
mes laissés aller à deux causes différentes de dépérissement:
l'une intime, l'autre extérieure. — Intime. Peu à peu nous
nous sommes éloignés de Dieu. Sa pensée, étouffée sous les
aspirations terrestres, nous est devenue importune. « Il n'a
plus été sous notre regard. » Ses temples, ses sacrements, les
pratiques pieuses qui l'honorent nous sont devenues indiffé-
rentes; puis, à la fin, presque odieuses En même temps,
le tourbillon du monde nous a chassés loin de notre piété
première. Plaisirs ou affaires, surcharges du travail ou frivo-
lités de la vie ont pris en nous la place que Dieu laissait
vide Enfin notre nature déchue se faisant jour de tou-
tes parts, le péché faisant irruption dans nos âmes, nous nous
sommes trouvés en rupture avec Dieu, « Alienati a vita
Dei, sine Christo, sine Deo, in hoc mundo » . — D'autres causes
extérieures. Nous avons subi les déformations du monde; ses
maximes antichrétiennes nous ont émus; ses exemples nous
ont entraînés; son joug s'est appesanti sur nous; les milieux
où nous nous sommes trouvés nous ont peu à peu façonnés
à une existence matérielle d'où l'on bannissait toute vue
supérieure, tout essor vers d'éternelles destinées. — Ainsi
dépérit une âme, ainsi de pieuse qu'elle était une mor-
262 LES EFFETS DE LA PRIÈRE
telle indifférence s'est étendue sur elle comme un linceul.
2° Notre âme dépérit sous l'effort du temps et de la lassitude. —
En dehors même des causes morbides que nous venons d'énu-
mérer, une âme si elle n'y veille, peut subir l'action désas-
treuse du temps. — Tout s'use, tout dépérit, tout incline vers
son néant parmi les choses créées. De Dieu seul il est dit : « Tu
semper idem ipse es et anni tui non déficient. » De tout le
reste la même Ecriture ajoute: « Sicut vestimentum veteras-
cent. » Au ciel, après le plus éblouissant éclat, le soleil tombe
et s'éteint; l'été va se perdre dans les frimas de l'hiver, le
chêne finit par dépérir dans la forêt, notre corps naguère si
printanier et si vigoureux, s'affaiblit et laisse, par ses déca-
dences successives, prévoir sa définitive ruine.
Et l'âme seule échapperait à la loi commune? Ne le croyons
pas. Comme tout le reste, elle est sujette à de fatals dépéris-
sements. Les âmes les plus saintes connaissent ce douloureux
phénomène. « Currebatis bene, dit l'Apôtre aux chrétiens de
Galatie, quis vos impedivit? » Ce voyageur est parti d'un pas
si leste, d'une allure si joyeuse, la distance ne semblait rien
à son impétueuse ardeur Et maintenant nous le retrou-
vons alourdi et se traînant à peine ; la fatigue seule a brisé
sa marche. — Fatigue étrange qui saisit les âmes les plus
spirituelles. C'est la paresse, un mystérieux dégoût, un désen-
chantement, un ennui, qui se sont abattus sur elles brisant
leur volonté et comprimant leur essor.
3° Notre âme dépérit par la maladie. — Cause plus ordinaire,
plus grave aussi. Une passion s'est éveillée, une occasion dan-
gereuse a surgi, une chute nous a précipités hors de la grâce ;
nous traînons maintenant ce que l'Apôtre nomme « Pondus
eircumstans peccati ».
Comment une âme ressuscite. — Elle ressuscite avant
tout par la prière. La prière, pour toute âme affaiblie, ou
mourante, ou morte, restera toujours le premier mouvement
vers la vie.
1° La prière est un retour au ciel. — Par quelque cause que
notre âme soit tombée, sa chute est toujours un éloignement
de sa fin dernière qui est Dieu. Une âme ne dépérit qu'à pro-
portion qu'elle s'éloigne de Dieu: « Qui elongant se a te, pe-
ribunt. » — Qui ne voit dès lors quel sera, dans cette âme,
le rôle de la prière. « Elevatio mentis ad Deum? » Par la
prière cette âme s'échappe du monde, brise les chaînes du
péché, retrouve le ciel, prend son vol vers Dieu. Ses pensées,
LES EFFETS DE LA PRIÈRE 263
ses affections redeviennent célestes; sa volonté se retrempe
dans le bien. Heureuse âme! elle a respiré l'air natal; la vue
de sa patrie, le commerce des siens, lui ont fait oublier les lai-
deurs et les hontes de l'exil.
2° La prière est un sommeil réparateur. — Nous pouvons
appliquer à l'âme qui, après de longs oublis et de mortels
dépérissements, se remet avec courage aux exercices de la
piété chrétienne, ces paroles du Psalmiste: « In idipsum dor-
miam et requiescam... Ego dormio cor autem vigilat. » Dans
le sommeil mystérieux de la prière, oublieuse du inonde et
d'elle-même, elle a réparé ses forces divines, et la voici toute
prête à fournir la noble carrière d'une vie de prédestinée.
3° La prière est un appel à Dieu. — Ne cherchons pas d'au-
tres causes de résurrection pour notre âme. A peine avons-
nous prié: Dieu vient à nous; il y vient comme autrefois au
sépulcre de Lazare emmenant avec lui toutes les forces d'mne
vie nouvelle: « Lazare, veni foras! » — Si Jésus-Christ nous
a dit: « Sine me nihil potestisfacere; »il a dit aussi: « Petite
et accipietis ; pulsate et aperietur vobis. »
Ainsi est solidement fixée la certitude de notre salut. D'une
part ce salut vient uniquement de Dieu, d'autre part la prière
amène Dieu dans notre âme et l'y fixe à jamais.
II
LA PRIÈRE PURIFIE
Elle nous purifie de nos fautes passées. — Elle nous dispose
au pardon des fautes présentes. — Elle nous préserve des fau-
tes à venir.
La prière purifie l'âme des fautes passées. — Nos fautes
passées, bien que le sacrement nous en ait enlevé le lourd
fardeau, ne laissent pas moins de profondes traces dans nos
âmes. D'ailleurs l'offense d'un Dieu ne doit jamais être reje-
tée par nous dans un injurieux oubli. Dès lors que ferons-
nous ? Nous prierons.
264 LES EFFETS DE LA PRIÈRE
La prière réveillera sans cesse les saints regrets, la puri-
tiante douleur. Sur l'aile de la prière nous serons portés vers
ce Dieu outragé par nous et qui maintenant daigne sourire à
nos regrets renouvelés. — Ouvrons le livre des Psaumes. Sans
cesse, sans fin, David, le malheureux adultère, le cruel homi-
cide, purifie dans d'insatiables prières son âme déjà pardon-
née, achève d'eiFacer la trace de ses iniquités déjà remises.
Quelle œuvre désastreuse opéra en nous le péché. Il étouffa
l'amour divin, il nous sépara violemment d'un père, il nous
rejeta du cœur d'un ami. — Or, le grand effet de la prière
est de rallumer en nous le feu de l'amour.
Que fit encore en nous le péché? Il effaça les traits divins
imprimés par Dieu sur notre âme. Il déchira la céleste image
pour y substituer les traits hideux du démon. — Avec une
admirable puissance la prière refait en nous la divine ressem-
blance. Elle imprime dans notre intelligence les vérités sain-
tes jaillies de Dieu; elle insinue dans nos cœurs la charité
« qui est Dieu », elle prête à notre volonté l'énergie et la
force qui viennent de Dieu.
La prière aide à purifier l'âme des fautes présentes. —
Voici une âme obstinément muette et qui se refuse à prier.
Elle ne paraît plus dans nos temples, elle n'est plus rassasiée
de l'Eucharistie, elle ne s'unit plus aux anges du ciel et aux
saints de la terre pour la louange et l'adoration de Dieu. La
raison qu'elle en donne c'est que, enchaînée dans le péché,
exilée de Dieu et morte à la vie divine, il ne lui est plus ni
possible ni utile de prier.
Déplorable erreur! Etait-il entré en grâce ce Prodigue qui,
de la terre lointaine où l'enchaînaient ses fautes, commen-
çait à faire retentir en lui-même les accents de la prière?
N'est-ce pas quand elle est tombée sous les coups et qu'elle
saigne et qu'elle râle que la victime appelle au secours ?
N'est-ce pas quand la faim le torture et qu'il se voit mourir
d'inanition que le pauvre réclame le morceau de pain au-
quel il devra la vie? — C'est précisément dans l'état du pé-
ché que l'âme a un besoin plus urgent de prière : « De
profundis clamavi ad te ». N'est-ce pas quand Lazare est au
tombeau, proie de la corruption, dénué de toute espérance,
que les larmes de ses sœurs deviennent plus brûlantes et
plus ardentes leurs supplications?
Pauvres âmes pécheresses, c'est à vous avant toutes les
autres de crier au Seigneur. « Clama, ne cesses. »
LES EFFETS DE LA PRIÈUE £65
La prière prémunit l'âme contre les fautes à venir. —
La prière est pour l'âme chrétienne l'imprenable forteresse,
d'où elle défie les efforts de l'ennemi. Invincibles sommes-
nous par la prière. — D'abord parce que appelé par nos cris
Dieu est là. — Ensuite parce que la prière est une cla-
meur guerrière qui fait fuir le démon épouvanté. — Enfin
parce que dans la prière nous retrouvons toutes les éner-
gies et toutes les ressources qui nous sont nécessaires contre
le péché.
III
LA PRIÈRE ENRICHJT
Trois grands biens de l'existence : la joie, l'honneur, la
fortune. « Sans la joie, nous dit le Docteur Angélique, le
salut ne peut s'opérer. » Or si nous entrons dans l'âme des
Saints, hommes de prières incessantes, nous y voyons dé-
border la joie. — Quelque affliction qui les presse, quel-
que souffrance qui les torture, les Saints renouvellent dans
la prière leurs intarissables joies : « Surabundo gaudio. »
Comment l'honneur jaillit de la prière, non pas l'honneur
fragile et mélangé de ce monde, mais l'immuable honneur
divin : l' Apôtre nous l'apprend dans ces mots qu'il adresse à
l'âme, au retour de la prière. « Accessistis ad Sion montem et
civitatem Dei viventis, Jérusalem céclestem et multorum mil-
lium Angelorum frequentiam, etc. »
Comment toute fortune ne nous viendrait-elle pas par la
prière puisque d'elle il est dit : « Promissiones habens vitœ
qua3 nunc est et futurœ »?
266
LES EFFETS DE LA PRIÈRE
IV
LA PRIÈRE CONSOLE
Que de fois la douleur viendra nous assaillir et de combien
décotes elle surgira !... Que pourra le monde sur notre âme
•v!iSee, ?-nA c^ heure de la souffrance, à cette heure ter-
rible de Gethsemani, un seul ange nous viendra du ciel
nous apportant consolation et réconfort : c'est l'ange de là
prière. c
LE PATER
Voyez la marche de cet exilé, qui chemine loin de sa pa-
trie, sur un sol étranger.
Il est pour lui des heures do joie et de gloire. Il s'arrête
un instant, il médite, c'est un fils de rois, il a la perspective
d'un trône, les siens l'attendent avec l'impatience de l'amour.
— Il est pour lui des heures douloureuses. Le retour dans
son royaume, la jouissance de ses glorieuses destinées sont
lointains encore ; maintenant c'est l'exil, et, dans l'exil, la
pauvreté, et, dans la pauvreté, l'angoisse de la faim.
Il est pour lui des heures terribles. Le sol qu'il foule n'est
pas inhospitalier seulement, il est infesté d'ennemis redou-
tables.
Voilà en trois mots l'histoire du chrétien, momentanément
exilé loin du ciel. — A lui d'incomparables gloires futures.
— A lui le dénuement et la faim, durant l'heure présente.
— Autour de lui de dangereux et implacables adversaires.
C'est pour lui que PHomme-Dieu compose le « Pater, »
prière divine, qui est tout ensemble : la confession de nos
grandeurs : la supplication de notre indigence : l'appel de
nos dangers.
I
LE PATER EST LA CONFESSION
DE NOS GRANDEURS
Pour mieux voir comment le début de l'Oraison domini-
cale nous révèle nos vraies grandeurs, concevons ce qu'est
ici-bas l'homme qui renie le « Pater »; qui se détachant de
ses espérances divines reste confiné à la terre.
268 LE PATER
Ce qu'est l'homme sans le « Pater ». — Fausses gran-
deurs: réalités navrantes.
1° Cet homme ri a plus à lui qu'une fausse grandeur. —
Accumulons sur lui tous les titres, tous les honneurs, tou-
tes les dignités ; faisons de lui ou le génie rayonnant, ou le
conquérant superbe. — Qu'est-il en réalité, sous ces paru-
res d'emprunt et au milieu de ces grandeurs fugitives?...
2° Cet homme a à lui des réalités navrantes. — Un être
qui s'amoindrit, se dissout, tombe rapidement en poussière.
— Une vie que les joies n'illuminent qu'un moment, et que
les déceptions ravagent. — Une tin qui se montre prochaine
et dont la perspective assombrit tout. — Enfin un tombeau
où se précipite d'un seul coup et se brise toute fortune hu-
maine.
Ce qu'est l'homme glorifié par le « Pater ». — A rencon-
tre de cette navrante misère, voyez lagloire du chrétien, telle
que le « Pater » la lui révèle.
1° Gloire dans les réalités actuelles. — Un mot vient de
s'échapper de ses lèvres, mot prodigieux qui jette le ciel et
la terre dans la stupéfaction. Cet atome, ce ver de terre, ce
rien, s'adressant à Dieu, à la Majesté infinie, lui dit : Pater.
— Rappelons-nous tout ce qu'il a fallu de merveilles de
création, de rédemption, d'adoption, pour que nous puis-
sions dire à Dieu: Pater! — Rappelons-nous de plus quelle
magnificence renferme ce titre « d'enfant de Dieu. » « Ut
filii Dei nominemur et simus. »
2° Gloire dans les espérances futures. — Nous disons :
« Qui êtes dans les cieux. » Le ciel est donc la demeure pa-
ternelle ; c'est notre chez nous ; là, au-dessus de toute gran-
deur humaine, s'étend, radieux d'une éternelle gloire, ce
beau Royaume, qui est à nous comme fils, comme héri-
tiers de « notre Père. » « H.eredes Dei, cohœredes quidem
Christi. »
3° Gloire dans les devoirs que le Pater nous fait rendre à
Dieu, — Nous disons : Pater, rappelant ainsi que nos devoirs
envers Dieu sont des devoirs d'enfants, les douces obli-
gations de l'amour, le glorieux dévouement du fils à un
tel Père. — Nous ajoutons : « Sanctificetur nomen tuum. »
Quelle glorieuse carrière s'ouvre devant nous ! Nous n'aurons,
ici-bas, d'autre mission que celle de faire rayonner la gloire
divine. Dans cet immense concert de louanges, que fait re-
tentir le ciel, qui se prolonge dans tous les échos do l'uni-
LE PATER
269
vers, notre voix est entendue, notre voix est éclatante. —
« Que votre règne, disons-nous, arrive, ô Père qui êtes dans
les cieux. » Ici encore quelle gloire pour le chrétien, con-
quérant magnanime, dont la vie entière n'a d'autre but que
d'étendre les frontières du Royaume, — Quand enfin nous
ajoutons : « Que votre volonté soit faite, » nous nous consti-
tuons les serviteurs du Très-Haut. Mais n'est-il pas écrit :
« Servire Deo regnare est » ? Servir Dieu, c'est se rendre
maître de soi-même et des autres ; c'est planer au-dessus des
choses terrestres, c'est se faire dominateur du monde entier.
— « Comme au ciel. » Servir Dieu sur la terre, c'est donc
participer aux splendeurs de l'obéissance des Anges et des
élus.
II
LE PATER EST LA SUPPLICATION DE NOTRE
INDIGENCE
« Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour. »
C'est là un cri de détresse. Pourquoi l'homme le doit-il pous-
ser ? — C'est un cri d'espérance, quelle réponse Dieu daigne-
t-il y faire .'
Pourquoi l'homme a faim. — Histoire navrante que celle
de cette faim !
1° L'homme a faim parce qu'il a déserté la maison pater-
nelle. — Créé dans l'innocence et le bonheur, placé au sein
des délices de l'Eden, l'homme ne devait connaître ni l'an-
goisse ni les douleurs de la faim. — Mais l'homme ingrat et
insensé abandonna son père et la maison paternelle; il se fit
le Prodigue, désertant sa patrie, s'éloignant d'elle jusque
dans un honteux exil, dépensant son riche patrimoine dans
une vie sans Dieu. — Puis la ruine est venue, la faim s'est
fait sentir; l'homme infortuné, cherchant, en dehors de sa
nature et de sa destinée, une pâture dégradante, a mis le
comble à son dénuement.
270 LE PATER
2° L'homme a faim parce qu'il s'est cherché d'illusoires ali-
ments. — Ayant reçu de Dieu une nature toute céleste, res-
sentant une faim que seules de célestes satiétés devaient as-
souvir, l'homme a demandé à la terre d'impossibles pâtu-
res ; il a cherché la gloire, il s'est jeté dans les bras de la
volupté, il s'est assouvi d'ambition... Ces aliments terrestres
n'ont fait qu'irriter sa faim, et nous l'entendons pousser ce
cri de douleur : « Famé pereo! » Alors s'écrie le Psalmiste,
au soir de sa vie, après de longues illusions ils s'en revien-
nent torturés par la faim : « ad vesperum convertcntur, fa-
mem patientur. »
3° L'homme désabusé revient au pain véritable. — Après
que le Prodigue a longtemps et cruellement souffert de la
faim, il se souvient de la maison paternelle et de l'heureuse
abondance qui ne cesse d'y régner « quanti in domo patris
abundant panibus! » Heureux moment pour l'âme chrétienne
que celui, où, après de longs éloignements et de longs ou-
blis, se souvenant enfin et de son « Père qui est dans les
cieux » et du « pain » que ce bon Père prodigue à ses en-
fants, elle s'écrie: « Donnez-nous aujourd'hui notre pain »!
De quoi l'homme a faim. — Quel est le sens de la de-
mande que nous faisons à Dieu du « pain de chaque jour? »
1° Il nous faut le pain du corps. — Voyageurs exilés, en
marche pour notre patrie éternelle, qu'avons-nous besoin
sinon du pain qui soutiendra nos forces? Le luxe, le bien-
être, la fortune, qu'est-ce autre chose qu'un bagage encom-
brant, un obstacle à une marche rapide ? — Si nous ne de-
mandons notre pain que pour un jour, c'est que Dieu nous
maintient sous sa dépendance souveraine. Souviens-toi, ô
homme, que pas un jour, pas môme une heure de ton exis-
tence, ne t'appartient. Les longs approvisionnements sont
choses vaines pour qui n'a pas un seul jour assuré. —
D'ailleurs souvenons-nous que c'est au Père le plus tendre
que nous demandons notre pain et tenons pour assuré qu'il
ne nous le refusera jamais.
2° // nous faut le pain de V âme. — Elle est de Jésus-Christ
cette belle et lumineuse sentence : « L'homme ne vit pas
seulement de pain. » Etre immortel, créaturo céleste, âme
crééo à l'image de Dieu, l'homme a besoin d'un aliment ap-
proprié à sa nature spirituelle, à son travail d'ici-bas, à ses
destinées supérieures. — L'homme vit de foi, d'espérance et
d'amour. Sans le pain do la vérité l'intelligenco dépérit et
LE PATER 271
meurt. Sans espérance nous vivons sans but, sans direction,
sans consolation. Mais de toutes les parties de notre être c'est
le cœur, dont la faim est le plus torturante. Or le pain du
cœur c'est l'amour.
3° // rious faut le « pain de vie. » — Le pain de vie c'est
Dieu même, c'est le Verbe fait chair, c'est l'Homme-Dieu. Le
plan divin, plan d'une incompréhensible magnificence, est
que, transfigurés, divinisés, nous devenions d'autres Jésus-
Christ, saints de sa sainteté, rayonnants de sa gloire. — Or
comment s'opérera la merveille? Comment achèverons-nous
de devenir des êtres divins ? — Merveille qui n'est que le
prolongement et la consommation de toutes les autres, l'Eu-
charistie nous nourrira de la propre substance du Verbe In-
carné. Nous mangerons le « Pain de vie, » « Xous vivrons
de Lui. » Ainsi, par le contact de sa chair sacrée, devenant
un avec lui, âme à âme, cœur à cœur, chair à chair, nous
accomplirons la parole : « Ut impleamini in omnem plenitu-
dinem Dei ». — Heureuses mille fois les âmes qui « ont faim
et soif de la Justice! » Heureuses celles qui, après avoir crié
à Dieu : « Donnez-nous notre, pain, » s'en vont le prendre là
où chaque jour l'Eglise catholique le distribue !
III
LE PATER EST L'APPEL DE NOS DANGERS
L'homme, ici-bas, n'a pas seulement à se prémunir contre
la faim, mais encore contre des dangers formidables.
Notre premier danger vient de la Justice divine. — J'ai
irrité Dieu : comment l'apaiserai-je ?
1° J'ai irrité Dieu. — Malheur à moi, si j'ai perdu le sen-
timent des terreurs divines et si le cri de mon péché ne
s'élève plus contre moi! — D'une extrémité à l'autre des
temps retentit une clameur d'angoisse, c'est le cri de l'homme
coupable en face de la divine justice. Ecoutez les plaintes dé-
chirantes des Patriarches et des prophètes de l'Ancienne et
272 LE PATER
de la nouvelle Loi, d'un David et d'un Saint Paul... Ecoutez
plutôt les avertissements formidables que vous donne, dans
l'Evangile le Fils de Dieu...
2° Comment V apaiser. — L'oraison dominicale va pourvu.
« Dimilte nobis débita nostra. » — Demande de pardon, de-
mande toujours victorieuse, pour qui ajoute avec pleine
loyauté : « Dimitlimus debitoribus nostris. »
Notre deuxième danger vient de nos ennemis. — Ils
interceptent notre marche vers les cieux; ils s'efforcent de
nous détourner du vrai chemin, pour nous précipiter aux
abîmes. C'est le démon, c'est le inonde, c'est la nature dé-
chue... En face de ces ennemis nous crions à Dieu : « Libéra
nos a malo. »
Notre troisième danger vient de la tentation. — La ten-
tation est nécessaire; nous devons passer par elle, puisque
le ciel est le prix d'un triomphe. Que demandons-nous ;
Dieu? Qu'il nous y accompagne, qu'il nous y soutienne, qu'il
ne nous y laisse jamais succomber.
L'INVOCATION DE LA T. S. TRINITÉ
Accusons gravement notre manque d'esprit de foi. Nous
mettons une légèreté et une imperfection inconcevables
dans la plus grande et la plus divine de nos invocations.
— La plus grande : son objet c'est Dieu même, dans l'au-
guste mystère de son Essence. — La plus grande : elle ren-
ferme les plus ineffables souvenirs du christianisme. — La
plus grande: elle est, dans l'Eglise, d'un usage solennel. —
La plus grande: elle inaugure, elle remplit, elle clôt la vie
humaine.
Hélas I Et cette invocation est la plus négligée. Que nous la
fassions dans nos signes de croix ou dans le cours de nos
prières, ce mot de l'Ecriture ne s'applique que trop bien à
nous: « Posuerunt signa et non cognoverunt. » Manque d'es-
prit de foi, légèreté, ignorance : voilà pour l'àme. Imperfec-
tion, inconvenance, même dans le signe extérieur: voilà pour
le corps.
Afin de renouveler cette foi et cette piété, connaissons la
grandeur et les fruits de l'Invocation à la T. S. Trinité.
CE QUE NOUS RAPPELLE CETTE INVOGATIOxN
Si elle a retenti partout à nos oreilles sans réveiller notre
âme, entendons-la à un moment solennel entre tous. Nous
voici à une couche de mort. L'àme chrétienne, détachée de
la terre, va prendre son vol vers l'éternité. C'est en lui fai-
sant entendre la grande Invocation que l'Eglise lui ouvre
l'accès à la Patrie d'en Haut.
T. IV 18
274 l'invocation de la TRÈS SAINTE TRINITÉ
In nomine Patris qui te creavit.
In nomine Filii qui pro te passus est.
In nomine Spiritus qui in te effusus est.
Premier grand souvenir : notre création. — « In nomine
Patris » Par ce seul mot nous rappelons à notre âme le
mystère de notre création: mystère ineffablement beau et
touchant. — Saint Paul revient sans cesse sur un mystérieux
conseil qui se tient entre les Personnes Divines et dont la
création de l'homme était l'objet. Aucune création n'existait
encore: rien n'était que Dieu, « A temporibus œternis »....
ante tempora sœcularia.. » ... « ante mundi constitutionem »
« mysterii temporibus seternis »... Ce grand conseil était ca-
ché en Dieu: « Dispensatio sacramenti absconditi in Deo »...
« sacramentum voluntalis. » — C'est de ce conseil mystérieux
que sortit la parole créatrice: « Faciamus hominem ad ima-
ginent et simililudinem nostram. »
1° Nous créer était un acte de bonté gratuite. — Quel be-
soin Dieu avait-il de nous? « Bonorum meorum non eges »...
Dieu, Gloire et Béatitude infinies, infiniment se suffit à Lui-
même, et, s'il tire du néant des êtres, il ne le peut faire que
par une pure bonté.... En quoi pouvais-je attirer son regard
et comment le néant peut-il fixer sa pensée et attirer son
cœur ?
2° Nous créer était un acte de bonté héroïque. — Quand Dieu
décréta notre création, son regard s'étendait tout le long des
âges. Or sur quoi ce regard se reposait-il sur autre chose que
des ingratitudes et des crimes? L'Ange avait prévariqué;
Adam le devait suivre dans sa révolte; des confins du monde
n'arrivaient à Dieu que les échos provocateurs du péché. La
terre corrumpue tout entière, la gentilité aux pieds des ido-
les, le peuple juif apostat etdéicide 0 Dieu, s'écrie lePsal-
miste, « Quid est homo quia apponis erga eum cor tuum? »
3° Nous créer était un acte de munificence infinie . — Derrière
l'homme il y avait l'Homme-Dieu. Derrière Adam il y avait
Jésus-Christ. Et quand Dieu nous créait, il fixait son regard
sur son Verbe incarné dont il nous faisait les images vivan-
tes. — La grandeur de notre création ne vient pas de la
splendeur de notre âme, de la beauté et de la perfection de
notre corps; elle vient excellemment de ce que nous re-
flétons l'Homme-Dieu : « Prœdestinavit nos in adoptionem
filiorum per Jesum Christum in ipsum.... Pnedestinavit, con-
formes fieri imaginis filii sui. » — Le même apôtre Saint Paul
l'invocation de LA TRÈS SAINTE TRINITÉ 275
renferme d'un mot les glorieuses conséquences de ce décret
de notre création : « Car, dit-il, si Dieu nous a donné Jésus-
Christ, que nous refusera-t-il après un pareil don? »
Deuxième grand souvenir ; notre Rédemption. — « In no-
mine Filii qui pro te passusest. » Ces mots, rendons-les toujours
présents à notre àme dans nos signes de croix, dans nos in-
vocations à la Très Sainte Trinité. En ces trois mots s'ouvrent
trois abîmes, se déroulent trois incompréhensibles mystères.
1° Premier mystère: Qui adaigné souffrir? — J'étais tombé,
j'étais perdu sans ressource, je gisais sur une terre maudite, au
milieu des ruines de ma gloire et de ma fortune écroulées...
Qui a jeté sur moi un regard de pitié? Ce ne fut pas l'Ange....
Ce ne fut pas l'homme, mon frère. Tous deux d'ailleurs étaient
impuissants à me secourir. — Alors, à la stupéfaction du ciel
et de la terre le Verbe Fils de Dieu se déclara mon Sauveur,
descendit de sa gloire, vint à ma misère et entreprit l'œuvre
de mon salut.
2° Deuxième mystère: Pour qui le Fils de Dieu a-t il dai-
gné souffrir ? — Ce serait peu de répondre : pour un être
chétif, un atome, un néant Ce serait peu de dire comment
l'Etre intini s'est dévoué pour la plus frêle de ses créatures;
comment le Roi magnifique s'est dévoué pour l'esclave. —
C'est dit l'Apôtre, pour son mortel ennemi, pour son ignoble
insulteur, que Dieu s'est sacrifié. « Commendat caritatem
suam Deus in nobis quoniam cum adhuc peccatores esse-
mus, secundum tempus, Christus pro nobis mortuus est....
cum inimici essemus reconciliati sumus Deoper mortem Filii
ejus. »
3° Troisième mystère. Qu'a-t-il daigné souffrir? — IN 'était-
ce pas, de la part du Fils de Dieu une merveille de bonté de
songer à notre misère? — Cette bonté ne s'élevait-elle pas
jusqu'à l'infini, alors que ce Fils de Dieu venait en personne
opérer le salut du monde? — Mais, c'est ici que l'abîme de-
vient insondable. Pour nous sauver le Verbe prend notre na-
ture ; il la prend « dans la ressemblance du péché; » il la
prend déchue et misérable, « sans aspect, sans beauté »; il la
prend comme un vêtement d'esclave, « formam servi acci-
piens. » — Et le Verbe de Dieu, ainsi réduit, ainsi défiguré,
parcourt notre carrière de déshonneur et de souffrance. Il
est pauvre, il est inconnu, il est exilé, il est chassé du milieu
de ses frères, « Sui eum non receperunt » Il boira, avait
chanté le Psalmiste, aux eaux du torrent, » torrent des in-
276 l'invocation de la TRÈS SAINTE TRINITÉ
fortunes humaines. — Et comment finira le drame de notre
Rédemption ? Ne l'indiquons-nous pas clairement dans nos
signes de croix ? Pour apaiser son père, pour fléchir l'homme,
pour opérer enfin la réconciliation du monde, le Verbe prit
cette chair à laquelle il s'était uni. Il la prit et il la livra à
tous les outrages et à tous les coups. Elle fut ensanglantée, elle
fut déchirée, elle fut livide, et les bourraux clouèrent à la croix-
la grande Victime : « In nomine Filii qui pro te passus est.
Troisième grand souvenir : notre régénération. — Corn-
mencé par le Père qui nous livre son Fils, continué par l'im-
molation de ce Fils de Dieu, notre salut est achevé par la
Troisième Personne de l'Auguste Trinité, objet de notre in-
vocation « In nomine Spiritus qui in te effusus est. — Quels
magnifiques souvenirs se pressent dans i'âme chrétienne au
seul nom de l'Esprit-Saintl
i° L'Esprit-Saint est l'hôte de notre âme. — La grâce
sanctifiante le répand en nous: « Garitas diffusa est in cor-
dibus nostris. » Les Sacrements nous le communiquent par
d'ineffables opérations. — Entré en nous, devenu notre hôte,
l'Esprit-Saint fait de nous une demeure divine, un « temple, »
dit l'Apôtre. De l'àme l'effusion mystérieuse se répandant sur
nos corps, c'est de notre être entier que l'Apôtre a pu dire:
« Membra vestra templum sunt Spiritus. » « Ut impleamini
in omnem plenitudinem Dei. »
2° L Esprit-Saint est en nous un principe d'actes divins. —
Pénétrés que nous sommes de la Divinité elle-même, mys-
térieusement déifiés par la grâce, devenus, comme l'avait
dit le Psalmiste, « des dieux, des enfants du Très-Haut, » que
pourrons-nous désormais accomplir sinon des actes divins?
— Ces actes l'Esprit-Saint, qui réside en nous, en devient le
principe. Il incline notre volonté, il émeut notre cneur, il il-
lumine notre intelligence, il ouvre nos yeux à la foi, il met
en action pour les œuvres saintes notre être tout entier. »
« Qui Spiritu Dei aguntur hi sunt filii Dei. »
3° L' Esprit-Saint est en nous un principe d'amour. — Sou-
venons-nous ici de ce mot de l'Evangile : « Ce qui est impos-
sible à l'homme devient possible par Dieu. » Comment aimer
Dieu? Comment aimer l'invisible, l'inaccessible? Comment
l'atome s'élève-t-il jusqu'à l'Etre infini? Comment l'homme
fragile et charnel s'épurera-t-il assez pour s'éprendre de la
Beauté immatérielle et incréée? Sans doute tout cela est
« impossible à l'homme » mais voici l'Esprit Saint, voici l'A-
l'invocation' de LA TRÈS SAINTE TRINITÉ 277
mour substantiel, voici la charité vivante. L'Esprit-Saint il-
lumine la foi, purifie, grandit, exalte, le cœur, et il le rend
capable des divines émotions de l'amour. « Spiritus adjuvat
intirmitatem nostram. Non enim accepistis Spiritum servi-
titutis iterum in timoré sed accepistis Spiritum adoptionis
filiornm in quo clamamus: Abba, (Pater). Ipse enim Spiritus
testimonium reddit Spiritui nostro quod sumus filii Dei. »
4° L'Esprit-Saint devient en ?ious principe de prière. —
Comment l'imperceplible insecte fera-t-il pénétrer jusqu'au
trône de l'Eternel sa voix chétive, son bourdonnement sans
valeur? N'est-ce pas là la grande objection du rationalisme
contre la prière chrétienne? Gomment croire, insensé, que
l'Etre infini t'écoute?... Le rationalisme ignore le grand mys-
tère de la présence en nous et de l'action du Saint-Esprit :
« Spiritus adjuvat infirmitatem nostram, nam quid oremus,
sicut oportet, nescimus, sed Ipse Spiritus postulat pro nobis
gemitibus inenarrabilibus... Secundum Deum postulat pro
sanctis ».
5° L'Esprit -Saint devient en nous principe de résurrection.
— Il sacre notre chair de son onction divine; il jette en elle
de mystérieuses semences d'immortalité. — Désormais la
mort n'est plus à craindre; la pourriture du tombeau n'a
plus pour nous ni horreur, ni désespoir. L'Esprit de Dieu
nous a remplis de plus de vie que le péché ne nous avait
remplis de mort. « Quod si spiritus Ejus qui suscitavit Jesum
a mortuis habitat in vobis qui suscitavit Jesum Christum a
mortuis vivificabit et mortalia corpora vestra propter inhabi-
tantem Spiritum ejus in vobis ».
II
CE A QUOI NOUS EXCITE CETTE INVOCATION
Cette invocation nous élève aux sublimités de la foi. — Elle
alimente plus continuellement notre piété. — Elle nous porte
à une plus généreuse imitation de Dieu.
278 l'invocation de la TRÈS SAINTE TRINITÉ
Elle nous excite à la foi la plus sublime. — 1° V objet de
cette invocation est le plus sublime. Xous ne nous élevons plus
seulement au Dieu de la création, rendu visible par ses oeu-
vres du dehors, c'est jusqu'au Dieu « invisible », jusqu'à
h l'inaccessible » que pénètre notre âme; c'est Dieu, en lui-
même, dans son Essence, dans sa vie intime, que nous re-
connaissons et adorons.
2° Cet acte de foi est le plus entravé. — Que d'hérésies, que
d'erreurs, que de négations, que de blasphèmes, ont été vomis
durant le cours des siècles contre le dogme sacré d'un Dieu
en Trois Personnes!
3° C'est donc l'acte de foi le plus méritoire. — C'est celui
dont il semble que Dieu nous tienne compte davantage. Au
lit de mort de chacun de nous l'Eglise nous l'affirme solen-
nellement. « Licet enim, dit-elle, peccaverit : tamen Patrem
et Filium et Spiritum sanctum non negavit sed credidit ».
Que de faiblesses, que de péchés, cet acte de foi aura la puis-
sance de faire oublier! — Quel accueil bienveillant vaudra
même à un coupable touché de la grâce la générosité de sa
foi!
Elle nous excite à la piété la plus continue. — 1° Vin-
vocation à la Trinité adorable est la plus continuelle dans tE-
glise. — Ses Sacrements s'administrent avec cette Invocation.
— Chacune de ses oraisons se termine par elle. — Qu'elle
élève vers Dieu la voix enflammée de ses cantiques, ou qu'elle
redise les chants du Psalmiste, l'invocation à la Très Sainte
Trinité finit toujours sa prière. — Disons mieux. L'Eglise ni
ne parle ni n'agit que ce ne soit en invoquant le Dieu un en
Trois Personnes.
2° L' invocation à la Très Sainte Trinité doit être la plus
continuelle dans le chrétien. — Comment s'alimente en nous
la vie du corps? Do temps à autre nous réparons notre être
défaillant par la nourriture, mais sans cesse, sans interrup-
tion, presque à chaque seconde, nous réparons notre vie
par la respiration. — Les grands actes religieux, la réception
des Sacrements sont à notre âme comme sa nourriture; sa
continuelle respiration ce sera ses invocations incessantes,
ses oraisons jaculatoires, et, parmi elles toutes, la plus excel-
lente, la plus substantielle, qui est l'Invocation à la Trinité
adorable.
l'invocation de LA TRÈS SAINTE TRINITÉ 279
Elle nous excite à l'imitation la plus noble. — 1° Nous
n'invoquerons jamais les Trois Personnes divines sans songer
au flot infini de charité qui déborde en elles, à l'union, à la
paix, à l'harmonie qui y régnent.
2° Nous n'invoquerons jamais les Trois Personnes divines
sans songer au concours que chacune nous a prêté.
LA POSSESSION DE JÉSUS
Quid mihi est in cœlo, et a te quid volui super terram?
(Psal. 72). Indica mihi quem diligit anima mea; ubi pascas,
ubi cubes in meridie? ne vagari incipiam post grèges. (Can-
tiq. I.)
Omnia detrimentum feci et arbitrer ut stercora, ut Chris-
tum lucrifaciam. (Philip. III, 8 )
COMBIEN ELLE EST NECESSAIRE
Indica mihi !...
C'est à la fois le cri du monde, le cri de nos âmes, le cri des
Saints. — Le cri du monde affamé sans Jésus; — le cri de
nos âmes, douloureuses pour avoir trop négligé cette céleste
conquête; — le cri des Saints dont la vie et le bonheur sont
de rechercher et de trouver Jésus.
Le monde, nos âmes, les Saints, proclament à l'envi com-
bien est nécessaire la possession de Jésus.
Le monde qui s'en est exclu le proclame. — Quand l'A-
pôtre veut d'un mot nous peindre, dissimulée sous les dehors
du plaisir et de la fortune, la détresse véritable des gens du
monde « Ils vivent, dit-il, sans Christ. » — Qu'est-ce à dire
« vivre sans Christ »? — Dieu a fait un chef-d'œuvre pour
lequel il a dépensé les trésors infinis de sa sagesse et de sa
puissance. Il a fait un Homme-Dieu ; il a fait que « la divinité
habite corporellement au milieu de nous; » il a donc créé
une beauté qui surpasse toute beauté, une splendeur qui
efface toute splendeur. — La conséquence, qui ne la voit? Le
LA POSSESSION DE JÉSUS 281
Christ c'est « la perle précieuse » qui à elle seule est toute
fortune. Dans le Christ-Jésus « sont renfermés à la fois tous
les trésors ». Le posséder, c'est tout posséder, et celui-là qui
le perd demeurera fatalement plongé dans une suprême dé-
tresse.
■1° Le mondain est triste au sein des richesses. — Accordons-
lui tous les biens, toutes les jouissances de la vie, puis écou-
tons ses tristes cris de détresse. « Dixi ego in corde meo :
vadam et affluam deliciis et fruar bonis et vidi quod hoc
esset vanitas... quid habet amplius homo de universo labore
suo?... » — Et d'où vient à la richesse ce caractère trompeur?
— D'abord elle est disproportionnée. Elle n'est qu'un atome,
un grain de sable, avec lequel nous voudrions combler un
abîme. Car tel est le cœur humain : abîme large et profond,
que seuls les biens éternels suffisent à remplir. — Ensuite
elle est mélangée. A elle se joignent les mécomptes et les
souffrances de toute vie, ainsi que le sable se mêle à l'or, les
scories au diamant. — Enfin elle est fragile, elle est périssa-
ble. Si elle ne nous quitte pas par quelque brusque trahison,
par quelque catastrophe imprévue, c'est nous-mêmes qui l'a-
bandonnons bientôt pour ne plus posséder qu'un sépulcre.
2° Le mondain est triste an milieu des plaisirs. — Aux
premiers feux du jour la nature rayonne : quelques heures
après, elle nous apparaît morne et fatiguée. Ainsi l'âme hu-
maine au milieu des voluptés du monde. Que si nous de-
mandons la raison de ce phénomène, nous la trouvons dans
la délicatesse exquise, dans la noblesse et l'élévation d'une
nature créée, non pas pour les ivresses grossières d'ici-bas,
mais pour les délices et les voluptés du ciel. — Image sai-
sissante des tristesses intimes de l'âme mondaine. Le Pro-
digue de l'Evangile a rassemblé sur sa terre lointaine les joies
du plaisir. A ce bonheur d'un jour il a dépensé son brillant
patrimoine et le voici triste, abattu, découragé. Au lieu du
bonheur, il ne ressent que la torture d'une faim dévorante :
« Famé pereo ».
Infortuné ! il fallait ne pas quitter la maison paternelle; ni
abandonner celui qui est à la fois toute joie, toute fortune,
toute volupté, tout amour.
3° Le mondain est tourmenté au sein des honneurs. — La
gloire : tel est l'un des besoins les plus impérieux de l'âme
humaine. Nous nous sentons faits pour elle, nous sommes
des fils de roi qu'attendent les splendeurs du diadème. — Que
282 LA POSSESSION DE JÉSUS
nous faut-il pour combler ce besoin ? Assurément il nous
faut le Christ « Roi immortel de gloire ». — Hélas! que faisons-
nous? Nous nous tournons vers les fallacieux mirages d'une
gloire humaine, où nous ne trouvons que mécomptes et dé-
convenues.
4° Le mondain est aveugle an sein de ses prétendues lu-
mières. — Si la foule des âmes vulgaires se précipite sur la
fortune, le plaisir, les honneurs, il en est d'autres que tour-
mente noblement le besoin de la vérité. Elles creusent la
science humaine; elles multiplient leurs exploits et leurs
conquêtes... Puis bientôt, effr^ées de leur néant, accablées
sous leur propre faiblesse, elles s'aperçoivent qu'au sein de
tant de vérités secondaires, la grande et essentielle vérité
elles ne la possèdent pas! Elles s'ignorent elles-mêmes; leur
destinée leur est cachée; l'avenir se ferme; le berceau comme
la tombe restent plongés dans une impénétrable nuit.
C'est du milieu de tous ces cœurs trompés que s'échappe
le cri du cantique des cantiques : « Die mihi ubi cubes in
meridie ?» 0 fortune véritable ! ô plaisir sans mélange ! ô
gloire sans déclin! ô lumière vive! dites, où vous chercher?
où vous découvrir? « ubi cubes in meridie? »
Hélas! l'homme du monde sans religion, s'obstinant à cher-
cher le bonheur en dehors de Dieu qui seul le possède, n'en-
tendra jamais aucune voix libératrice répondre à son cri.
Nos âmes tièdes qui s'en écartent le proclament. — A
côté de l'homme sans religion qui refuse la glorieuse et
suave possession du Christ-Jésus, sont nos âmes chrétiennes,
âmes croyantes mais faibles, mais trop souvent infidèles au
céleste Bien-Aimé. Nous faisons profession « de ne connaî-
tre, de ne vouloir, de ne posséder que Jésus-Christ, » mais
trop souvent le triple amour et de nous-mêmes et des créa-
tures et du monde nous éloigne de Lui, nous prive de ses
délices, et, par un juste retour, nous fait pousser le cri de
détresse : « Die mihi ubi cubes in meridie ? m
1° Nos âmes souffrent loin de Jésus quand elles se recher-
chent elles-mêmes. — Notre Ami céleste s'offrait à nous plein
d'amour; il assiégeait notre seuil, il réclamait l'entrée de
notre cœur : « Sto ad ostium et pulso. » « Apcri, soror mea
sponsa »... Mais voici que la demeure intime est obstruée;
l'amour-propre avec ses mille caprices, ses fantaisies inces-
santes, ses revendications impérieuses, en refuse l'entrée :
c'est la nonchalance et la paresse spirituelles qui se déro-
LA POSSESSION DE JÉSUS 283
bent à la prière... c'est la sensualité quiahorreur delà croix...
C'est l'orgueil qui rougit de l'Evangile... c'est la dissipation
qui ne se résigne pas à l'austère vie chrétienne. — Ainsi
écartons-nous Jésus, et, pour ne vouloir point des vivifian-
iiantes obligations de la piété, nous nous condamnons aux
tristesses et aux désolations d'une vie sans Dieu.
2° Nos âmes souffrent loin de Jésus quand elles recherchent
les créatures. — 11 nous semblait que leurs charmes nous
pouvaient suffire... que leurs protestations et leurs paroles
nous étaient de leur fidélité une garantie inébranlable... que
les jouissances goûtées en elles seraient interminables... et
voici que, après quelques jours, ces fragiles fleurs se fanent,
ces affections tombent, ce charme s'évanouit, et, au sein des
ruines de nos affections déçues, notre cœur pousse ce cri de
détresse: « Die mihi ubi cubes in meridie? » 0 amour sub-
stantiel et permanent! 0 Beauté sans déclin et sans ombre I
ô charme d'une dilection sans mélange! dites, où vous dé-
couvrir?
3° Nos âmes souffrent loin de Jésus quand elles se livrent
trop au dehors. — Des deux Sœurs, dont l'une demeurait
suavement aux pieds du Maître et dont l'autre se laissait
entraîner loin de lui au tumulte d'une activité fiévreuse, la-
quelle possédait Jésus?... Sans doute les exigences de notre
vie terrestre, l'accomplissement de nos devoirs d'état, l'in-
cessant labeur que réclame le pain de chaque jour, dévoreront
nos heures les plus nombreuses ; mais quelle folie à nous
d'abandonner pour ces tumultes éphémères l'immuable pos-
session d'un Dieu ! Et « que sert à l'homme de gagner l'uni-
vers s'il vient à perdre son âme » en perdant la possession
du Christ-Jésus? — Sachons donc allier les devoirs du de-
hors avec les devoirs intimes plus nécessaires et tout céles-
tes de la piété.
Les Saints qui en jouissent le proclament. — Que la pos-
session de Jésus soit l'affaire capitale de notre vie : les Saints
le proclament deux fois victorieusement.
1° Les Saints le proclament par ce qu'il ont fait. — Les
Saints ont quitté tout pour faire la conquête de Jésus.
Tous se sont écriés avec l'Apôtre : « Omnia detrimentum feci
et arbitror ut stercora ut Christum lucrifaciam, », et comme
le psalmiste « Quid volui a te super terram »? — Voyez l'a-
nachorète poursuivre dans la solitude du désert sa divine
conquête; le martyr affronter pour elle les sanglants tumul-
284 LA POSSESSION DE JÉSUS
tes de l'arène, la vierge renoncer pour ce Bien-Aimé à toute
union terrestre, s'attacher à Lui, puis le suivre, ou bien dans
le sanctuaire fermé de la prière, ou bien dans l'asile désolé
de toutes les douleurs. Voyez en plein milieu du monde les
vrais chrétiens renoncer aux joies défendues comme aux cal-
culs illicites, choisir plutôt la pauvreté, l'ombre et le silence
que de trahir et perdre leur Jésus. — Les Saints quittent
tout pour conquérir Jésus, mais surtout ils se quittent eux-
mêmes. Ils s'interrogent : tout ce qui en eux doit déplaire
au Bien-Aimé, ils l'arrachent sans pitié et le font disparaître;
nul défaut, nulle passion, nul vice, quelque doux et aimés
qu'ils puissent être ne trouveront grâce; « l'œil droit sera
arraché » si c'est nécessaire; « la main droite sera coupée et
jetée au feu. »
La sagesse transcendante du Saint consiste à savoir que,
devant la conquête d'un Dieu et d'une Eternité, toute dé-
pense est peu de chose, toute immolation compte pour
rien.
2° Les Saints le proclament par ce dont ils jouissent. — Si
la lutte engagée pour la possession du Christ est parfois san-
glante et douloureuse, le triomphe et la conquête sont pleins
d'ineffables ravissements. S'il est dur d'ensemencer à la sueur
du front et dans les larmes de la fatigue, il est délicieux de
recueillir la moisson : « Euntes ibant et flebant ; venientes
autem venient cum exultalione. » — Le Psalmiste ne tarit
pas dans l'expression des surnaturelles délices qui l'inon-
dent... Saint Paul déclare que, quelles que soient les souf-
frances qu'il traverse, « il surabonde de joie »... Un Saint
François d'Assise, pauvre et nu, poursuivi comme un fou,
errant dans la campagne, laisse échapper en accents enthou-
siastes les mystérieuses voluptés du saintamour... Entendons
une Sainte Thérèse supplier son Jésus d'arrêter le cours des
délices dont il l'inonde, car son cœur n'y peut plus suffire...
Moins éclatants mais vibrants encore, sortent de toutes les
âmes chrétiennes les cris d'une joie inconnue au monde et
que Dieu sait donner.
LA POSSESSION DE JÉSUS 285
II
COMMENT ELLE EST ACQUISE
A nos questions anxieuses : « Die mihi ubi cubes in me-
ridie? » Où trouver Jésus? comment entretenir en nous sa
divine présence? Comment remplir de Lui toute notre âme?
— La piété chrétienne fait les réponses suivantes.
Par l'Eucharistie de Jésus Où chereher ailleurs, quand
Lui-même nous déclare qu'il reste au milieu de nous, dissimulé
sous les voiles de son grand Sacrement? « Je ne vous laisse-
rai pas orphelins »; et encore : « Voici que je suis avec vous
jusqu'à la consommation des siècles. » — Où donc vous trou-
verai-je, ô Jésus ? — « Je suis le Pain de vie; celui qui mange
ma chair et qui boit mon sang, celui-là aura la vie en lui...
En vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils
de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas
la vie en vous. » 0 Jésus, que ces paroles sont formelles, et
qu'elles sont claires, et comme je comprends ce que vous
avez dit ailleurs parlant de votre disciple : « Je viendrai à
lui et je ferai ma demeure en lui. » — Je découvre d'un
coup tout le plan divin : comment l'Eucharistie est la con-
sommation splendide et logique de l'Incarnation. Quand le
monde entier, quard tout le genre humain réclama son Ré-
dempteur, le Verbe Incarné vint des cieux, trésor universel,
patrimoine de tous, richesse des Anges et des hommes, de la
terre et du ciel, centre unique où aboutissent et se rencon-
trent tous les êtres créés. Telle est la première venue de
l'Homme-Dieu. — Mais il en est une autre. Ce que la terre
entière réclamait et obtint, chaque âme chrétienne l'obtien-
dra à son tour, et la visite que l'Homme-Dieu lit à tous au
jour de son Incarnation, il l'accorde maintenant à chacun
de ses fidèles par son Eucharistie.
Par la Parole de Jésus. — Saint Augustin aimait la
telle doctrine que voici. Le Verbe Incarné vient en nous de
286 LA POSSESSION DE JÉSUS
deux manières : 1° par la communion, quand il daigne nous
nourrir de sa propre chair et de son propre sang; 2° par sa
parole, quand il a daigné nous la faire entendre dans les
Ecritures.
Si donc nous voulons connaître Jésus, le rendre familier à
la pensée et au cœur, cherchons-le dans les pages savoureu-
ses de l'Evangile. — Cherchons-y son ineffable beauté, beauté
de l'intelligence et du cœur. — Cherchons-y sa bonté misé-
ricordieuse. Dès les premiers pas, nous le découvrirons dans
l'expansion de son amour, la profusion de ses bienfaits, la
magnanimité de ses amnisties. — Cherchons-le dans l'hé-
roïsme de ses souffrances, quand, meurtri et livide, il meurt
pour nous. — Cherchons le dans le resplendissement de la
gloire, quand il se transfigure ou ressuscite à nos yeux.
L'incurie des lidèles à lire et à méditer l'Evangile est de-
venue lamentable de nos jours. — Plaignons de même l'in-
souciance, la légèreté, le dédain et les dégoûts que les fidè-
les opposent trop souvent à l'audition de la parole de Dieu.
Par la mortification de Jésus. — « J'ai fait profession, s'é-
criait l'Apôtre, de ne savoir qu'une chose : Jésus- Christ et
Jésus-Christ crucifié. » Au Cantique des Cantiques la Bien-
aimée, la mystérieuse Epouse de Jésus, s'écrie de même :
« Mon Bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe. » Ainsi,
jamais la croix, jamais la mortification chrétienne n'est ab-
sente de la recherche et de la possession de Jésus. L'E-
criture, en un autre endroit, avait dit de même : « On ne le
trouvera pas dans la terre qu'habitent les voluptueux. »
LA. CONQUÊTE DE JÉSUS-CHRIST
Pour qui scrute les divines Ecritures un trait frappe entre
tous. Jésus-Christ est le centre de la Révélation entière; à lui
se rapportent les Livres de l'ancien comme du nouveau Tes-
tament. Dès la genèse il apparaît. Les patriarches se trans-
mettent comme un patrimoine sacré la promesse de sa venue-
Moïse trace à grands traits l'histoire de son Avènement. Le
peuple juif, avec sa Loi Ancienne, se remplit des figures et
des symboles qui le représentent. A mesure que s'avancent
les siècles, la physionomie de l'Honime-Dieu se précise. Les
prophètes la décrivent dans ses traits les plus spéciaux; ils
font d'avance, de la crèche au Calvaire, toute l'histoire du
Verbe Incarné. L' .vangile n'est que l'histoire de ses jours
mortels. Le fond des prédications comme des Lettres Apos-
toliques n'est jamais que Jésus-Christ. Aux premières lignes
de la genèse Jésus-Christ nous est montré dans la promesse
de son premier Avènement : V Apocalypse se ferme sur le
formidable éclat de sa seconde Venue en pleine majesté el
en pleine puissance.
Les rayons, concentrés en Israël, se sont répandus sur tous
les peuples. Chez tous, durant tous les siècles, nous retrou-
vons la croyance au Dieu qui doit descendre, vivre, au mi-
lieu de nous, pour nous relever et nous ennoblir.
Dès ce préambule nous avons à conclure que Jésus-Christ,
qui est le tout de ce monde, doit être le tout de notre vie à
chacun. Lui seul est notre espérance. A Lui seul se rattache
notre destinée. Pour Lui seul nous devons vivre, et le con-
quérir est pour nous le seul vrai bien.
288 LA CONQUÊTE DE JÉSUS-CHRIST
NÉCESSITE DE CETTE CONQUETE
Avant de songer à nous et de nous replier sur nos plus
graves intérêts, démontrons que, par rapport à l'univers tout
entier, au ciel et à la terre, Jesus-Christ est le centre unique
d'où tout part et où tout vient aboutir.
Jésus-Christ est le tout du monde. — Un seul grand évé-
nement, une seule immense chose, aura été vue au ciel et sur
la terre: un Dieu fait Homme, le Verbe Fils de Dieu devenu
le semblable, le frère de l'homme.
1° Le grand événement des âges c'est un Dieu se résolvant
à descendre sur la terre. — Si, avec Saint Paul, nous osons
pénétrer, durant les siècles éternels, dans le mystère de la
pensée divine, nous trouvons notre grand Dieu absorbé dans
l'idée de l'Incarnation de son Fils. « Prœdicatio Jésus Chrisli
secundum revelationem mysterii temporibus esterais taciti...
Dispensatio Sacramcnti absconditi a s;eculis in Deo. . . . In spem
vitœ aeternae quam promisit qui non mentitur, Deus, ante
tempora saîcularia. » — A peine les Anges sont- ils créés que
Dieu leur fait apparaître par avance le mystère de son Verbe
fait cbair. — C'est pour lui que l'Univers est créé, comme
son patrimoine et son empire. — Quand Dieu forme le pre-
mier homme c'est sur le modèle de son Verbe incarné. — Si
bien que, dans la pensée de Dieu, Jésus-Christ est le type, la
raison d'être, le modèle, la fin, de la création tout entière:
« IJrimogenitus omnis creatura). »
2° Le grand événement des âges c'est un Dieu vivant et
agissant sur la terre. — Le Fils de Dieu fait Homme n'est plus
seulement parmi nous dans les annonces de la prophétie, la
grande œuvre divine est accomplie, la divine réalité est de-
vant nous: Jésus-Christ, vrai Fils de Dieu, vrai Fils de l'homme,
s'empare de la création pour la refaire à son gré. — Il s'em-
pare des âmes pour les purifier, chasser leurs ténèbres, les
LA CONQUÊTE DE JÉSUS-CHRIST 289
rétablir sur un modèle divin. — Il s'empare de la famille
pour la retirer de l'abîme fangeux où le paganisme l'a plon-
gée depuis de longs siècles. De lui comme d'un creuset mys-
térieux sortent ces chefs-d'œuvre que nous nommons le père,
la mère, l'enfant, sacrés de l'onction des vertus et élevés
jusqu'à l'héroïsme des devoirs. — Déroulons son œuvre; elle
est plus vaste encore. Jésus-Christ n'a pas seulement pétri
les âmes dans la sainteté, il n'a pas seulement refait la fa>
mille, il s'est emparé de la Société elle-même, pour lui donner
une physionomie différente, une vie qu'elle ne connaissait
pas. — A embrasser l'histoire humaine dans son entier, il
est manifeste que Jésus-Christ en est le point culminant. Il
la sépare en deux versants, absolument dissemblables. A
partir de Lui et par son action unique l'histoire humaine,
affreusement déformée par l'idolâtrie, rèvet tout à coup les
splendeurs de la vérité, les parures étincelantes du bien.
3° Le grand événement des âges c'est un Dieu attirant
tout à Lui. — Peu importe que l'on jette sur ce fait extra-
ordinaire un regard d'incrédule ou le regard du croyant,
le fait est là, défiant par son inébranbable masse tout effort
de la négation. — Comme il sépare en deux portions l'his-
toire des siècles, Jésus-Christ divise en deux classes la mul-
titude des hommes. Depuis dix-huit siècles un immense cor-
tège s'attache à ses pas, vit de son amour, respire de son
souffle, n'a de pensées que les siennes, de désirs que les siens,
d'ambition que de vivre et de mourir pour lui. — D'autre
part, sans que jamais l'oubli puisse descendre sur le Christ,
la haine s'est armée contre lui. Disparu du monde depuis
dix-huit siècles, Jésus-Christ y est vivant dans les colères
qu'il suscite, les persécutions qu'il allume, les guerres dont
il est l'enjeu.
Comment ne serait-il pas notre tout à nous-mêmes ? —
Le tout du monde, Jésus-Christ concentre en lui notre exis-
tence à nous-mêmes. Lui seul doit être l'objet de nos solli-
citudes ardentes, comme il est seul le terme de notre es-
poir.
1° Jésus-Christ est au début de notre destinée. — C'est par
lui que la vie nous est donnée, c'est par lui qu'elle nous a
été rendue.
Apprenons de Saint Paul ce beau mystère. C'est pour Jésus-
Christ, pour lui servir de cortège d'honneur, de patrimoine
et de famille, que nous avons été créés par Dieu. La splen-
T. IV 19
290 LA CONQUÊTE DE JÉSUS-CHRIST
deur du Christ, l'ineffable beauté d'un Dieu-Homme doit être
reproduite dans des milliers d'images.
L'éternité aura pour parure, pour astres et pour diamants
ces innombrables êtres transfigurés à la ressemblance de
Jésus-Christ. Tout le christianisme se rattache à ce plan
grandiose. C'est pour réaliser en nous la ressemblance du
Verbe Incarné, pour nous faire vivre de sa vie et resplendir de
son éclat, que la foi nous illumine, que les vertus nous ornent,
que les Sacrements nous signent, que l'Eucharistie nous
remplit des gloires et des énergies de l'IIomme-Dieu.
Cette vie glorieuse, cette divine ressemblance, que Saint
Paul nous affirme avoir été la raison première, le décret pri-
mordial de notre création : « Elegit nos in ipso, ante mundi
constitutionem ut essemus sancti et immaculati in cons-
pectu ejus in caritate, » cette vie et cette ressemblance nous
la perdîmes par la faute originelle. — Qui nous les rendit?
A qui devons-nous d'avoir été replacés dans une vie déifiée?
— A ce môme Jésus Christ. Lui par qui et sur le modèle de
qui nous avions été créés, Lui-même, en souffrant, en ex-
piant, en effaçant nos crimes par l'effusion de son sang, nous
rendit nos biens éternels. Jésus-Christ est donc deux fois
notre créateur.
2° Jésus-Christ nous suit durant le cours de toute notre ex-
istence. — Etres divins, créatures immortelles, hôtes des
cieux, nous n'avons d'autre destinée ici-bas que de nous
rendre, à travers les choses terrestres, à notre patrie d'en
haut. — Mais que ces choses terrestres nous sont redoutables !
Combien difficile ou plutôt combien impossible à nos seules
forces est ce voyage ! Si un guide, un soutien, une consola-
tion, ne nous sont pas donnés, infailliblement nous périrons
en chemin. — C'est encore durant le cours de cette péril-
leuse existence que Jésus-Christ deviendra notre tout, comme
lumière, comme force, comme consolation.
Comme lumière. — « Habentes intcllectum tenebris obs-
curatum. » Ainsi sommes-nous dans une obscurité profonde,
sans plus apercevoir notre chemin. — Au dehors de nous le
doute, les négations, l'incrédulité nous assaillent ; le mot
tentateur résonne de toutes parts à nos oreilles: « Nequa-
quam. » — Non! tout cela n'est pas vrai! Celte divinité du
Christ, cette révélation, ce culte ces sacrements cette sur-
naturelle espérance: « Nequaquam. » Ténèbres audedansde
nous. L'orgueil do la pensée, l'indépendance de l'esprit, les
LA CONQUÊTE DE JÉSUS-CHRIST 291
clameurs des passions irritées, les fatigues de la vertu, tout
nous écarte du chemin, tout le voile d'obscurité. — 0 Jésus,
Fils de Dieu, Soleil étincelant, Vérité immuable, immuable
réalité, tant que nous aurons le regard intrépidement fixé
sur Vous, sur vos œuvres, sur vos miracles, sur les preuves
de votre divinité, ni l'indécision, ni le doute, ni la négation
ne monteront à notre àme.
Comme force. — Le même Christ qui nous illumine est en
nous pour nous soutenir. Voyez dans ce Prophète Elie, affaissé
sur la route, vaincu par la fatigue et la faim, l'image saisis-
sante de la nature humaine. Elle aussi, succombant aux fati-
gues du voyage, s'arrête dans l'immobilité de l'indifférence et
tomb^ dans le funeste sommeil de l'insensibilité. Ni Dieu,
ni son àme, ni ses intérêts éternels ne sont plus rien à ce
malheureux endormi, ou plutôt à ce mort, à ce Lazare entouré
des bandelettes de son suaire, écrasé sous la pierre de son
sépulcre. — Mais voici le Christ, le « Dieu fort, » le thauma-
turge, qui crie d'une voix victorieuse: « Lazare, veni foras! »
... « Surge qui dormis et illuminabit te Christus. » La prière
au Christ, l'onction mystérieuse du Christ, l'Autel du Christ,
deviendront pour nous d'inépuisables sources de force et de
vitalité.
Comme consolation. — La douleur, le travail ingrat, les
charges accablantes, la lutte contre de quotidiennes détres-
ses, formeront le troisième obstacle qui interceptera pour
nous la route du ciel. Mais le Christ vient à nous tour à tour
« Homme de douleur » et splendide ressuscité. A son Calvaire,
où il agonise, nous apprenons les gloires et les suavités d'une
douleur supportée en commun. La radieuse vision du Christ
ressuscité nous apprend quelle est la fécondité et les éter-
nelles espérances de la douleur.
3° Je 'sus- Christ est au terme de notre destinée. — Cette des-
tinée, c'est le bonheur sans mélange, la vie sans fin, et, comme
parle le prophète : « Le torrent des délices inondant l'àme
humaine. » Or ces biens ne sont autres que Dieu même se
communiquant à sa créature. Le ciel c'est Dieu vu, goûté et
possédé.
Mais, s'écrie lé prophète : « Quis ascendit in montem Do-
mini? » — Le ciel moins que la terre peut nous apparte-
nir. Le ciel est à Jésus-Christ. Il a été fait pour Jésus-Christ,
c'est son domaine inaliénable. Laconséquence c'est que ceux-
là seuls en jouiront auxquels Jésus Christ en fera part. —
292 LA CONQUÊTE DE JÉSUS-CHRIST
ISous disions que le ciel c'est Dieu même possédé par l'homme.
Or il est écrit : « Nul ne va au Père que par le Fils. » Notre
seul Introducteur possible dans la vie éternelle c'est donc
Jésus-Christ.
II
CONDITIONS DE CETTE CONQUÊTE
Jamais sans doute nous ne nous convaincrons assez de la
miséricorde de Dieu. Jamais nous ne grandirons notre con-
fiance à la mesure de sa bonté. Nos défauts, nos défaillances,
nos faiblesses, le trouvent compatissant ; nos écarts et nos
fautes sont effacés par ses pardons. Il étend des bras di-
latés par l'amour, quand le Prodigue vient s'y réfugier.
11 reçoit à ses pieds la Madeleine repentante. Dans son ago-
nie sur la croix il ouvre au misérable larron les portes du
ciel.
Mais, en Dieu, un attribut ne saurait détruire l'autre ; la
condescendance n'efface pas la majesté ; la miséricorde ne
détruit pas la justice ; s'il est facile autant que doux de con-
quérir le cœur de l'Homme-Dieu, cette glorieuse conquête
n'est pas néanmoins vulgaire; cette' richesse divine n'est
point banale. N'aime pas qui veut ; ne possède pas qui veut
Jésus-Christ. C'est là le « diamant » de l'Evangile, dont l'ac-
quisition réclame des efforts sérieux et de généreux sacrifices.
Jésus-Christ n'est pas au premier venu. — 1° Ceux-là ne
posséderont jamais Jésus-Christ qui se laissent enfler par l'or-
gueil et qui poussent cet orgueil, jusqu'aux négations d'une
incrédulité opiniâtre. Jésus-Christ n'a exigé la soumission de
notre esprit, l'amour de notre cœur, les sacrifices de notre
vertu, qu'après avoir multiplié à profusion les preuves de
sa divinité. Que l'homme, enflé de son prétendu savoir,
refuse de s'incliner : c'en est fait. Jésus-Christ méprise bien
plus encore qu'il n'est méprisé : « "Vœ qui spernis, nonne et
tu spernaberis? »
2° Ceux-là ne posséderont pas Jésus-Christ, qui vivent de
LA CONQUÊTE DE JÉSUS-CHRIST 293
la vie de ce monde maudit par Jésus-Christ, qui se règlent sur
son esprit, fléchissent à ses maximes, participent à ses ré-
voltes contre Dieu: « Qui in carne sunt placere Deo non pos-
sunt. »
3° Ceux-là ne posséderont pas Jésus-Christ qui par des abus
sa?is fin de sa grâce, se sont fait un jeu de sa miséricorde, et,
pardonnes toujours, toujours reviennent à leurs prévarica-
tions. La miséricorde divine, pour infinie qu'elle soit, a néan-
moins un terme, que l'opiniâtreté humaine ne franchit pas
impunément : « terra sœpe venientem super se bibons im-
brem.... proferens spinas ac tribulos reproba est et maledic-
to proxima. »
Conditions requises. — Mais, d'autre part, ceux-là trouveront
toujours Jésus-Christ qui, après des éloignements et des aban-
dons reviennent à lui dans la sincérité de leur cœur. — Ceux-
là ne perdront pas Jésus-Christ qui, vaincus dans la lutte,
se relèvent et retournent au combat. — Ceux-là feront sûre-
ment la conquête de son cœur qui lui soumettront finalement
leur intelligence par la foi, leur cœur par le désir de l'aimer,
leur vie par la soumission aux préceptes de son Evangile.
LE BON PASTEUR
Fili hominis, propheta de pastoribus Israël; propheta, et
dices pastoribus : Haie dicit Dominus Deus : Vœ pastoribus
Israël, qui pascebant semetipsos! nonne grèges a pastoribus
pascuntur ?
Lac comedebatis, et lanis operiebamini ; et quod crassum
erat occidebatis; gregem autem meum non pascebatis.
Quod infirmum fuit non consolidastis, et quod œgrotum
non sanastis ; quod confractum est non alligastis, et quod ab-
jectum est non reduxistis, et quod perierat non quœsistis ;
sed cum austeritate imperabatis eis, et cum potentia.
Et dispersœ sunt oves meae, eo quod non esset pastor; et
factœ sunt in devorationem omnium bestiarum agri, et dis-
persée sunt.
Erraverunt grèges mei in cunctis montibus, et in universo
colle excelso;et super omuem faciem terra? dispersi sunt grè-
ges mei, et non erat qui requireret, non erat, inquam, qui
requireret.
Propterea, pastores ! audite verbum Domini :
Vivo ego, dicit Dominus Deus, quia pro eo quod facti sunt
grèges mei in rapinam, et oves mcae in devorationem om-
nium bestiarum a^ri, eo quod non esset pastor: neque enim
jn l'sierunt pastores mei gregem meum, sed pascebant pas-
tores semetipsos, et grèges meos non pascebant ;
Propterea, pastores ! audite verbum Domini :
Hœc dicit Dominus Deus : Ecce ego ipse super pastores; re-
quiram gregem meum de manu eorum, et cessare faciam
eos, ut ultra non pascant gregem, nec pascant amplius pas-
tores semetipsos ; et liberabo gregem meum de ore eorum,
et non erit ultra eis in escam,
Quia haec dicit Dominus Deus : Ecce Ego ipse requiram oves
meas, et visitabo eas.
Sicut visitât pastor gregem suum, in die quando fuerit in
medio ovium suarum dissipatarum ; sic visitabo oves meas,
LE BON PASTEUR 295
et liberabo eas de omnibus locis in quibus dispersœ fuerant
in die nubis et caliginis.
Et educam eas de populis, et congregabo eas de terris, et
inducam eas in terrain suam, et pascam eas in montibus
Israël, in rivis, et in cunctis sedibus terrœ.
In pascuis uberrimis pascam eas; et in montibus excelsis
Israël eruntpascua earum; ibi requiescent in herbis virenti-
bus, et in pascuis pinguibus pascentur super montes Israël.
Ego pascam oves meas; et ego eas accubare faciam, dicit
Dominus Deus.
Quod perierat requiram, et quod abjectum erat reducam,
et quod confractum fuerat alligabo, et quod infirmum fuerat
consolidabo, et quod pinguc et forte cuslodiam; et pascam
illas in judicio.
Vos autem, grèges mei, haec dicit Dominus Deus : Ecce ego
judico inter pecus et pecus, arietum et hircorum.
Nonne satis vobis erat pascua boua depasci ? insuperet re-
liquias pascuarum vestrarum conculcastis pedibus vestris; et
cum purissimam aquam biberetis, reliquam pedibus vestris
turbabatis.
Et oves mead his quœ conculcata pedibus vestris fuerant,
pascebantur; et qua3 pedes vestri turbaverant, hœcbibebant.
Proptcrea hœc dicit Dominus Deus ad vos : Ecce ego ipse
inter pecus pingue et macilentum :
Pro eo quodlateribus et humeris impingebatis, et cornibus
vestris ventilabatis omnia infirma pecora, donec disperge-
rentur foras,
Salvabo gregem meum, et non erit ultra in rapinam, et ju-
dicabo inter pecus et pecus.
Et suscitabo super eas Pastorem unum, qui pascat eas, ser-
vum meum David; ipse pascet eas, et ipse erit eis in pas-
torem.
Ego autem Dominus ero eis in Deum ; et servus meus
David princeps in medio eorum : ego Dominus locutus sum.
Et faciam cum eis pactum pacis, et cessare faciam bestias
pessimas de terra ; et qui habitant in deserto, securi dor-
mient in saltibus.
Et ponam eos in circuitu collis mei benedictionem; et de-
ducam imbrem in tempore suo; pluviœ benedictionis erunt.
Et dabit lignum agri fructum suum, et terra dabit germen
sutira, et erunt in terra sua absque timoré; et scient quia ego
296 LE BON PASTEUR
Dominus, cum contrivero catenas jugi eorum, et eruero eos
de manu imperantium sibi.
Et non erunt ultra in rapinam in gentibus, neque bestiae
terrœ devorabunt eos; sed habitabunt confidenterabsqueullo
terrore.
Et suscitabo eis germen nominatum; et non erunt ultra
imminuti famé in terra, neque portabunt ultra opprobrium
gentium.
Et scient quia ego Dominus Deus eorum cum eis, et ipsi
populus meus domus Israël, ait Dominus Deus.
Vos autem, grèges mei, grèges pascuœ meae, homines
estis; et ego Dominus Deus vester, dicit Dominus Deus.
(Ezech. XXXIV).
CE QUE NOUS EST LE BON PASTEUR
Le bon Pasteur c'est Celui qui s'est révélé à nous dans le
dévouement et l'amour; Celui, qui ému de pitié sur nos mi-
sères, vint du ciel pour les guérir; Celui qui pleura sur nos
tombes, qui dit, en nous voyant égarés sans ressource dans
le désert de la vie : « Misereor super turbam ; » Celui enfin
qui, venu pour réunir un bercail dispersé, prononça ces su-
prêmes paroles de la dilection. « Le bon Pasteur donne sa
vie pour ses brebis. »
Regardons à l'œuvre le bon Pasteur. Comment il acquiert
son troupeau. Comment il l'aime. Comment il le forme et le
régit.
Comment il acquiert son troupeau. — A qui étions-nous?
Comment avons-nous été rachetés par l'Homme-Dieu et ac-
quis à son amour?
1° A qui étions-nous? — Le propre du péché, celui d'Adam
et les nôtres, c'est l'abandon de Dieu, le choix sacrilège que
notre volonté libre fait de l'ennemi de Dieu, du démon. La
suite qui ne la voit ? Dieu abandonné se retire et nous laisse
au maître que nous nous sommes choisi. Notre histoire est
LE BON PASTEUR 297
celle du prodigue, qui n'abandonne un tendre père que pour
se faire, dans une région maudite, l'esclave d'un maître sans
pitié qui l'affame et le déshonore. — Esclaves du démon,
parqués dans l'infernale bergerie, destinés à d'éternelles im-
molations, qui nous sauvera de cette affreuse destinée que
nous nous sommes faite à nous-mêmes ? — Un seul le peut,
un seul le voudra, c'est le Fils de Dieu.
2° Comment avons-nous été rachetés et acquis? — Deux
merveilles se déroulent devant nous. — La première c'est
que le Verbe éternel, le Fils de Dieu, au sein de sa gloire,
dans le rayonnement de sa béatitude infinie, dans l'infini
lointain de sa Divinité, ait jeté sur de misérables atomes,
sur d'ignobles révoltés, sur des êtres hideusement déformés,
un regard de pitié et un sentiment d'amour : « Cum inimici
essemus »... Seconde merveille plus étonnante peut-être que
la première : ce Verbe ne viendra nous recueillir, nous ra-
cheter, nous sauver, qu'au prix d'inénarrables douleurs.
Notre rançon payée à la Justice divine ne sera autre que son
sang, et c'est par une suite infinie d'humiliations et de tor-
tures qu'il soldera la suite infinie de nos forfaits. Mais
autant son immolation aura été complète, autant son triom-
phe deviendra parfait. Dieu est apaisé, le péché n'est plus,
l'enfer est à jamais vaincu; la bergerie divine fermée au
loup ravisseur ne s'ouvre plus qu'au Pasteur divin.
Comment il aime son troupeau. — Trois actes d'amour du
bon pasteur pour son troupeau : Il connaît, il garde, il enri-
chit ses brebis.
1° Jésus-Christ nous connaît. — A côté de Lui voici le
monde. Lui aussi veut nous voir, nous connaître, s'entrete-
nir avec nous. Malheur aux brebis mondaines I C'est avec
malignité que le monde nous connaît; il nous connaît tour
à tour pour mettre en lumière nos défauts et pour nous
humilier de ses impitoyables mépris. S'il connaît nos qua-
lités, nos vertus, nos bonnes œuvres, ce n'est guère que
pour y jeter l'insinuation perfide et les tuer sous de cruels
dénigrements. Il nous connaît dans la prospérité pour
exploiter notre fortune. Il nous connaît dans l'adversité pour
nous tourner le dos avec un froid dédain.
0 bon Pasteur ! Connaissez-nous. Vous seul pouvez nous
connaître, nous regarder avec des yeux d'amour : « Cognosco
oves meas, » dites-vous. Vous connaissez en nous le bien
que vous y produisez vous-même, et ce bien, qui est de vous,
298 LE BON PASTEUR
vous daignez l'exalter et le récompenser comme s'il était
nôtre. — Vous connaissez nos misères, nos prévarications,
nos chutes sans fin. Mais c'est pour les prendre en pitié, pour
les secourir, que vous les connaissez. — Vous connaissez
nos besoins, vous seul êtes le chemin qui mène aux fertiles
pâturages, au rassasiement de notre nature, aux divines sa-
tiétés que notre faim réclame.
2° Jésus-Christ nous garde. — Est ce que le monde lui
aussi ne prétend pas nous garder ? Mais que garde-t-il, le
malheureux? que fait-il autre chose que tout perdre, que
tout dissiper, que me mener à une éternelle ruine? S'il me
prend mon intelligence, c'est pour la remplir de ses creuses
et désolantes incrédulités. S'il me prend mon cœur, c'est pour
l'abaisser et l'exténuer dans de frivoles et éphémères amours.
S'il me prend ma chair, c'est pour la flétrir dans des hontes
innommées. S'il me prend ma fortune, c'est pour la jeter en
proie au néant. S'il me prend mon âme, c'est pour la livrer
sans défense à la perdition.
Il est un Pasteur, un seul, qui me garde et me puisse gar-
der. — Celui là me signale l'ennemi... Celui-là me rend in-
vincible contre l'ennemi... Celui-là désarme l'ennemi. —
Telle est l'œuvre de Jésus-Christ le Suprême Pasteur. Sa
parole, son Evangile, ses Apôtres, son Eglise, ont dessillé
mes yeux. Par eux j'ai vu où étaient mes vrais ennemis et
où étaient mes vrais sauveurs — Connaître l'ennemi serait
peu si de puissants secours n'accompagnaient sa connais-
sance. Ces secours, Jésus-Christ nous lésa multipliés : prière,
grâce, Sacrements, ressources de toute sorte, le Chrétien
possède contre le démon, le monde, soi-même, d'invincibles
armes — Ce serait peu encore que nos forces personnelles con-
tre l'inouïe puissance de nos ennemis, mais c'est Jésus-Christ
même qui entre en lice, qui engage le combat, qui terrasse
l'enfer et qui pousse ce grand cri de triomphe : « confidite,
Ego vici mundum. » Il est le Fort armé, devant lequel nos
adversaires fuient épouvantés.
3° Jésus-Christ nous enrichit. — De lui il est dit que « toutes
les richesses sont en Lui renfermées. » Ces richesses il nous
les donne. Son divin patrimoine est à nous. « Nous héritons,
dit Saint Paul, de tous les biens d'un Dieu, et nous sommes
les cohéritiers de Jésus-Christ. » De là ce mot de l'Apôtre:
« La piété renferme tous les biens de la vie présente et ceux
de la vie future ».
LE BOX PASTEUR 299
Comment il forme son troupeau. — Nous connaissons le
bon Pasteur. Apprenons à connaître aussi son bercail.
1° Jésus-Christ le forme de toute classe, de tout rang, de
tout degré de mérite. Nul n'est exclu. La bergerie est ouverte
à tous. Ceux qui y veulent entrer, riches et pauvres, rois et
esclaves, savants et ignorants, privilégiés de la fortune ou vic-
times sanglantes du malheur, tous sont accueillis, tous peu-
vent devenir des brebis fidèles. — Particularité remarquable.
Le discernement des boucs et des brebis ne se fera qu'au
dernier jour, l'ivraie et le bon grain resteront mélangés jus-
qu'à la moisson, un môme coup de filet prend les poissons à
garder et ceux que l'on rejette. Les pécheurs dont Dieu attend
la conversion resteront dans la bergerie.
2° Jésus-Christ le forme de conque tes lointaines. — L'Eglise
de Jésus-Christ est catholique, universelle. La bergerie du
Christ est aussi vaste que le monde et le zèle de ses apôtres
lui amène sans cesse des brebis nouvelles des extrémités de
la terre.
3° Jésus- Christ le forme d'admirables conversions. — A ce si-
gne même il est aisé de reconnaître la vraie Eglise. Comp-
tez le nombre infime de catholiques qui se font ou païens ou
musulmans ou schismatiques. Tandis que sans cesse des ré-
gions du vice, de celles de l'incrédulité, de celles de l'erreur
d'admirables conversions lui amènent de nouvelles recrues.
4° Jésus-Christ le forme d'héroïques saintetés. — Si votre re-
gard, embrassant le monde, se fixe quelque part sur un en-
semble dix-huit fois séculaire de vertus, d'héroïsmes, de
martyrs, d'immolations complètes de soi, d'absolus dévoue-
ments pour les autres : dites que c'est là le bercail de l'Homme-
Dieu.
II
CE QUE NOUS DEVONS ETRE NOUS-MEMES
AU BON PASTEUR
Nous devons Lui être des brebis croyantes, des brebis ai-
mantes, des brebis prudentes.
300 LE BON PASTEUR
Nous devons lui être des brebis croyantes. — « Cognos-
cunt me meœ. » « La vie éternelle, dit encore le bon Pasteur,
consiste à vous connaître, ô mon Père, et à connaître Celui
que vous avez envoyé. » — Croyons la divinité du Christ, la
réalité de son œuvre, de sa rédemption, de ses promesses
éternelles. — Croyons son Evangile. — Croyons son Eglise.
Nous devons lui être des brebis aimantes. — Par trois
issues différentes le divin amour s'insinuera dans nos cœurs.
— Il nous viendra de la séduction de sabeauté divine, des char-
mes infinis de sa Personne, des célestes entraînements de
sa dilection. — Ce sera en second lieu un amour de recon-
naissance. C'est un Bienfaiteur magnifique, c'est un Ami dé-
voué jusqu'à la mort, que nous aimerons en Jésus-Christ.
Nous devons lui être des brebis prudentes. — 1° Pru-
dentes à profiter des opulents pâturages, des multiples moyens
de sanctification qui s'offrent à nous. 2° Prudentes à fuir les
dangers, à nous séparer du mercenaire, à nous éloigner du
loup ravisseur. 3° Prudentes à suivre pas à pas le Bon Pasteur,
sa doctrine, ses exemples.
LE RÈGNE SOCIAL DE JÉSUS-CHRIST
A côté de cette géographie qui trace les frontières, suit le
cours des fleuves et le rivage des océans, décrit les régions
diverses, les régions fortunées qu'un soleil pur, un sol fécond,
vouent à la richesse et au bonheur, les régions ingrates et
désolées dont les habitants malheureux ne retirent que pau-
vreté et souffrance : — à côté de cette géographie toute ma-
térielle et physique, une autre pourrait nous dessiner les
deux régions qui se partagent l'humanité déchue.
Il est un pays de la fortune et de la félicité. Ceux qui l'ha-
bitent ne connaissent de la vie que ses charmes. Au fond
d'opulentes demeures, les plaisirs et les fêtes se déroulent sans
fin, et jamais l'austère visage de l'expiation ne semble y ap-
paraître. — Il est un pays de la pauvreté, région doulou-
reuse, patrie de l'angoisse sombre, rendez-vous de toules les
misères et de toutes les douleurs.
Roi du monde, conquérant de l'humanité, Jésus-Christ s'est
emparé à la fois de ces deux régions si différentes. Il en a
formé son empire, et, pour les rendre dignes de sa Rédemp-
tion, il les a transfigurées l'une et l'autre.
JESUS-CHRIST ROI DES RICHES
La conquête de ces terres trop fortunées fut pour le Roi
Rédempteur la plus difficile et la plus longue. Il fallut pu-
rifier la. richesse, utiliser la richesse, éterniser la richesse.
Jésus-Christ purifia la richesse. — Livrée à elle-même et
aux séductions du monde, la richesse se déshonore par son
302 LE RÈGNE SOCIAL DE JÉSUS-CHRIST
égoïsme et se souille au contact des passions. Elle est vite
orgueilleuse. La jouissance est sa loi, la volupté son attrait
irrésistible. Son seul culte c'est l'or; sa seule religion est
d'amasser davantage pour davantage jouir.
1° Jésus- Christ la purifia par son exemple. — Il la fallait
tout d'abord désillusionner. Et comme l'illusion de sa propre
valeur, de ses splendeurs fausses, était profonde, ce fut par
un extraordinaire spectacle qu'il lui ouvrit les yeux. Le voici
pauvre, le voici dénué. Il naît, il vit, il meurt dans la plus
absolue détresse. Des pauvres et des déshérités de ce monde
il forme sa cour. Les princes de son empire sont comme lui
dépouillés de tout. 0 richesse, ne te targue plus de tes avan-
tages ; tu n'es rien, puisque le Roi de gloire l'a répudiée!
2° Jésus-Christ la purifia par sa doctrine. — Suivons le
Maître, prêtons l'oreille à ses enseignements : tous, toujours,
se réunissent en un point unique : le mépris des biens de ce
monde, l'héroïque attente des biens éternels. — Ainsi enseigne-
t-il sur la Montagne des Béatitudes : « Beati pauperes spiritu. »
— Ainsi compose-t-il la plusgrande partie de ses Paraboles. —
Et quand de ses lèvres, d'ordinaire si douces, sortent des
éclats de tonnerre, c'est la richesse orgueilleuse, voluptueuse
et impie qu'il flétrit et condamne.
3° Jésus-Christ la purifia par tordre établi dans son Eglise.
— Oh ! certainement, il n'en exclura pas les riches. La Ré-
demption est pour tous et l'Eglise esl la commune mère du
genre humain. Mais tout d'abord ce sont les pauvres que Dieu
y appelle. Ce sont les enfants de la maison; dans l'Eglise, ils
sont chez eux. Au Dieu pauvre il faut des pauvres comme
serviteurs, courtisans et sujets. — Après les pauvres vien-
dront les riches, les voici : princes et rois, empereurs et po-
tentats, génies, illustrations, couvriront l'Eglise d'or et de
diamants : « Circumdata varietate. » Les voici tous. L'Eglise
les accueille, mais à une condition : c'est que, d'une part,
ils prendront l'esprit de la pauvreté et, d'autre part, ils se
feront les pourvoyeurs des pauvres.
Jésus-Christ utilisa la richesse. — Aux passions qu'elle
fomente la richesse ajoute une seconde malédiction : celle de
la stérilité. Oublieuse de son rôle, elle se renferme en elle-
même, se corrompt dans ses propres entrailles, et finit misé-
rablement dans d'ignominieux tombeaux. Mais voici que le
Clirist la conquiert, la féconde et la place aux postes les
plus illustres et lui confie les plus belles missions.
LE RÈGNE SOCIAL DE JÉSUS-CHRIST 303
1° Jésus-Christ fait du riche le guide du pauvre. — Placée
plus haut, comme la cité sur la montagne, comme le phare
sur le rivage, comme le soleil au firmament, la richesse dis-
pose premièrement de l'influence de Y exemple. Que la classe
élevée et dirigeante soit probe, active, honnête, pieuse, le
peuple suivra. Mais, d'autre part, que la richesse soit impie
et corruptrice, le peuple se pervertira. Quelles influences bé-
nies se répandraient sur nos vastes industries modernes, si
ceux qui les dirigent donnaient l'exemple du bien ! — La
richesse deuxièmement dispose de la puissance. Elle com-
mande et peut se faire obéir. Ses sujets sont innombrables,
ses clients sont obséquieux. Que ne pourra-t-elle pas pour le
bien, quand ses ordres, émanés de la vertu, conduiront à la
vertu ? — Troisième influence plus victorieuse que les au-
tres : l'influence du bienfait. Selon l'idée divine et le plan de
la Rédemption, la richesse est la consolatrice, la mère tendre,
le soutien du pauvre.
2° Jésus-Christ fait du riche le secours du pauvre. — Trois
détresses désolent la pauvreté : l'humiliation, la désespé-
rance, la faim. Et, quand la richesse s'en vient au pauvre,
elle dissipe ces trois détresses, aussi puissamment que le so-
leil déchire les plus noires et les plus menaçantes nuées. Au
contact du riche bienfaiteur, le pauvre sent l'honneur lui re-
venir, l'espérance lui renaître, la faim qui dévore ses en-
trailles s'apaiser.
Jésus-Christ éternisa la richesse. — C'est là pour elle le
plus magnifique comme le plus nécessaire des bienfaits de
la rédemption. Elle pouvait être splendide ; Je bien-être
qu'elle procurait, les plaisirs qu'elle accumulait, les honneurs
et les dignités dont elle savait se couvrir pouvaient enivrer
l'homme. Les fleurs pouvaient dissimuler l'abîme, mais l'a-
bîme était béant et jamais la richesse ne mena qu'aux désil-
lusions poignantes du sépulcre.
1° Par trois côtés différents la richesse confine au néant. —
Supposons-la sans mélange d'infortunes, tout entière aux
plaisirs, c'est Salomon dans sa gloire, roi magnifique qui ne
refuse rien à ses convoitises et dont l'immense richesse as-
souvit les immenses désirs. Or de ce palais du plus riche des
rois s'échappe cette lamentation dont les siècles ont retenti :
« Vanitas vanitatum. » — Mais la richesse est-elle donc si as-
surée d'elle-même? Combien de fois disparaît-elle dans ces
écroulements subits, dans ces renversements inattendus qui
304 LR RÈGNE SOCIAL DE JÉSUS-CHRIST
montrent aux yeux sa caducité lamentable. — En tout cas
faut-il qu'elle se heurte et se brise à la pierre du tombeau.
2° Comment Jésus-Christ éternisa la richesse. — Livrée au
monde la richesse périt misérablement, mais Jésus-Christ
s'offre à elle pour un placement et des bénéfices éternels.
Les pauvres sont ses caissiers, la bienfaisance est sa banque
éternelle. 0 riche, place là tes fonds, éternise entre les mains
du Christ tes biens périssables, ton or que ronge la rouille
et que te ravissent les voleurs. Chaque aumône, chaque
somme jetée dans le sein des pauvres vaut au riche une éter-
nelle opulence.
A la fin des temps quand Hïomme-Dieu revenant en ce
monde dans l'appareil de sa puissance et de sa gloire couronne
ses élus sous les regards de l'univers assemblé, c'est à la
richesse bienfaisante qu'il décerne les plus éclatants hon-
neurs.
II
JÉSUS-CHRIST ROI DES PAUVRES
Contempler un Dieu pauvre, c'est pour les mondains, dit
Saint Paul, « un scandale et une folie, » « pour les enfant,
de la foi, » c'est une splendeur d'harmonie et de sagesses
C'est en plein cœur de cette région si longtemps maudite
que Jésus-Christ engage, en faveur de la pauvreté, un com-
bat où elle trouvera son salut.
Dans quel lamentable état Jésus-Christ trouva le pauvre.
— Qu'était le pauvre dans la Société Antique ? — Que de-
vient-il en dehors de Jésus-Christ dans notre Société moderne?
i° Le pauvre dans l'antiquité. — Ceux qui s'instruisent des
lettres humaines et compulsent les annales des vieux siècles
ont peine à comprendre comment le pauvre put tomber dans
l'abîme d'une aussi épouvantable misère. — Quelle appré-
ciation fait-on de lui ? Les esprits cultivés, les génies, les
philosophes, un Aristote, un Socrate, un Platon, refusent de
LE RÈGNE SOCIAL DE JÉSUS-CHRIST 305
voir un homme dans le pauvre. C'est une sorte d'intermé-
diaire entre l'homme et la bète. Il est mis ainsi hors l'hu-
manité. Il n'y possède aucun droit, il n'y mérite aucun égard.
— Comment traite-t-on le pauvre? Moins bien beaucoup que
l'animal, dont le Grec et le Romain font un objet de luxe ou
d'utilité. Le pauvre et l'esclave naissent dans l'infect ergas-
tulum, se consument dans des labeurs incessants, sous le
fouet qui les ensanglante. Vieux ou infirme, on tue l'esclave
comme objet encombrant et inutile. Vivant il doit servir au
plaisir cruel de ses maîtres. A chaque fête de famille, ou à
chaque solennité de l'Etat, il en périt des milliers dans les
amphithéâtres. — Comment le pauvre s'appréciait-il et se
traitait-il lui-même ? Avili, dégradé à ce point qu'il ne rêvait
plus même aux charmes et aux honneurs de la délivrance.
2° Le pauvre dans nos Sociétés modernes. — Là où baisse
l'influence chrétienne, le pauvre redevient rapidement l'es-
clave d'autrefois. — Sans doute cette influence mystérieuse
s'est tellement insinuée dans le corps social que, en dépit des
apostasies contemporaines, elle règle encore nos rapports
domestiques et sociaux, et arrête le paupérisme sur la pente
d'une entière dégradation. — Voyez néanmoins dans quel
oubli, dans quel mépris, la classe jouisseuse tient le pauvre.
— Voyez l'exploitation éhontée du pauvre par la richesse
sans entrailles. — Voyez surtout la guerre atroce faite à
i'âme du pauvre par l'Etat devenu antichrétien et athée.
Comment Jésus-Christ transfigura le pauvre. — Au sein
de ces misères, laissons venir l'Homme-Dieu Rédempteur. Jé-
sus-Christ illumina la pauvreté. Jésus-Christ glorifia la pau-
vreté.
i° Jésus-Christ illumina la pauvreté. — Triple splendide
illumination. — Jésus-Christ lui découvrit sa mission. Elle
n'est plus la souffrance stérile, la détresse maudite qu'elle se
figurait. Dieu lui confie, dans le grand combat qui a pour
théâtre le monde, pour belligérante l'humanité, pour durée
les siècles, le poste de bravoure et d'honneur. Il lui met en
main la croix pour étendard et la charge de briser contre son
intrépide phalange les voluptés meurtrières, les orgueils
maudits, les jouissances mortelles. — Jésus-Christ lui décou-
vrit sa parenté divine. Elle est Sœur et Epouse du Christ;
elle est princesse du sang, elle est reine et la bien-aimée du
Très-Haut. — Jésus-Christ lui découvrit son avenir éternel.
Si pour elle le combat est plus rude, les souffrances plus ai-
T. IV 20
306 LE RÈGNE SOCIAL DE JÉSUS-CHRIST
guës, le triomphe sera aussi plus magnifique. Quand aux lè-
vres de l'Ange sonnera la charge, quand l'armée du Christ
se rangera pour la pompe triomphale du dernier jour, les
pauvres recueilleront les lauriers les plus glorieux.
2° Jésus-Christ glorifia la pauvreté. — Ces gloires futures
sont précédées de gloires actuelles. — Jésus-Christ glorifia la
pauvreté dans sa législation. Tout, dans le code Evangéli-
que, dans les Lois, les idées, les coutumes de l'Eglise, con-
verge vers la glorification du pauvre. — Jésus-Christ glorifia
la pauvreté dans ses Institutions. Il répandit sur tous ses
fidèles indistinctement un esprit obligatoire de pauvreté.
Il choisit les plus héroïques pour en constituer des pauvres
volontaires. Il fit des autres les serviteurs assidus des pau-
vres. Enfin, dans son Evangile, il réserve ses condamnations
les plus dures aux contempteurs des pauvres.
SUR LE MYSTÈRE DE LA CROIX
LA CROIX FOYER DE LUMIERE
Nous parlons des lumières qui jaillissent de la Croix, n'est-
ce pas le contraire qu'il faut dire? Quel mystère plus impéné-
trable ? Quelle obscurité plus profonde ? Quel bouleversement
plus complet de notre raison éperdue? Un Dieu qui meurt,
une Majesté Suprême engloutie dans l'humiliation, une force
infinie devenue une infinie faiblesse. Nouveau mystère. Cette
faiblesse résume en elle toutes les puissances, cette défaite
remporte tous les triomphes. — En un mot, la croix impéné-
trable mystère. Par une étonnante antithèse, la croix unique
lumière, victorieuse clarté.
La croix profond mystère. — Qu'une obscurité profonde
plane sur le Calvaire et déconcerte la raison humaine, nous en
avons pour témoins le monde entier et la raison elle-même.
•1° L'attitude du inonde entier en fait foi. — Nous voici au
Calvaire, au moment où l'Homme-Dieu y expire. Tout un
peuple se tient debout et contemple. Croyons-nous qu'il
comprenne le mystère qui s'accomplit? Nullement. Les uns
ne voient en celui qui expire qu'un vaincu; ils branlent la
tête en signe de mépris. Pour d'autres Jésus de Nazareth
n'est qu'un imposteur. Les pharisiens trahissent une joie fé-
roce ; les soldats romains torturent la Victime avec indiffé-
rence ; pour les meilleurs accorder un peu de compassion
leur semble plus que suffisant. Nul dans cette foule, dans
ce peuple entier, n'a compris le plan et l'œuvre de Dieu.
Derrière le Juif voici Rome, voici la Grèce, voici le monde.
Quand on leur prêchera le Supplicié du Golgotha, ils répon-
308 SUR LE MYSTÈRE DE LA CROIX
dront par le rire du plus profond mépris. « Gentibus stulti-
tia. »
2° L'attitude de la raison humaine en fait foi. — Comme
la voilà éperdue ! comme toutes ses idées sont bouleversées
de fond en comble! — On lui eûtpeut-êlre aisément persuadé
que Dieu, venu dans le monde, allait se soumettre le monde,
y fonder le vaste et glorieux empire de ses Elus, répandre
sur les intelligences des torrents de lumière, sur les cœurs
des torrents d'amour, fléchir les volontés, attirer les âmes,
se faire le centre où toutes les créatures viendraient se rallier.
— Oui, mais alors la raison humaine demande, par une natu-
relle logique, que des dogmes accessibles soient prêches, que
des préceptesaisés, une législation attrayante, tout ce qui plaît,
tout ce qui attire l'homme, soit mis au service de l'œuvre
divine projetée. Que tout y serve, même la puissance et le
glaive des Césars, le génie des philosophes, l'or des classes
opulentes. — Mais quoi? Voici le contraire. Pour étendard
une croix sanglante, pour chef et pour conquérant une vic-
time expirée, pour credo d'impénétrables mystères, pour code
des prescriptions crucifiantes, pour appui la faiblesse, pour
secours la persécution et la mort !
La croix seule vraie illumination. — La croix est donc le
centre des mystères de Dieu. Mais, par un de ces miracles
dont Dieu seul a le secret, ce qui nous est obscurité nous de-
vient notre seule lumière : « Nox illuminatio. » Sans la croix
rien ne se fait plus dans le monde. Par elle s'explique admi-
rablement ce que Dieu y est venu opérer.
1° Le mystère de la croix éclaire l homme sur son état pré-
sent.— Etat d'orgueilleux rationalisme. Etatde honteux sen-
sualisme.
L'incrédule me demande que je lui explique la croix et
pourquoi le mystère et pourquoi Dieu nous le donne comme
loi de notre intelligence? — Je lui réponds que nous imposer le
mystère de la croix est pour Dieu l'œuvre triomphale et bien-
faisante par excellence. — Par là un frein salutaire est im-
posé aux orgueils et aux audaces de la raison humaine. Rai-
son superbe, tu as voulu ravir la science même de Dieu : Dieu
par le mystère te ramène à ta faiblesse native. — Le mystère
de la croix sera en même temps la gloire de la raison. Si je
sens Dieu au delà du mystère, si la victoire de cette croix ne
peut être attribuable qu'à Dieu, c'est doncDieu qui m'instruit,
c'est Dieu qui me dirige, c'est Dieu qui me glorifie. — Enfin
SUR LE MYSTÈRE DE LA CHOIX 309
le mystère de la croix est le point de départ de mes mérites.
Je m'incline, je me soumets, j'adore. Dieu qui est glorifié par
moi, m3 glorifiera magnifiquement à son tour.
Mais je ne suis pas seulement orgueilleux, je suis sensuel.
La chair me domine, les plaisirs m'enchantent; aisément
je m'attarderais dans les fascinations de la jouissance, ou-
bliant que je chemine vers les cieux. — Devant moi la
croix se dresse. Si j'y jette fidèlement mon regard, le S.ing
qui coule des plaies ouvertes de la Victime éteindra le feu de
mes plus violentes passions. — Si, emporté à tous les excès
du vice, je deviens insensible aux charmes de l'amour divin,
la croix me devient un objet de salutaire épouvante. — Mais
surtout si je demeure intrépidement au Calvaire, si j'en
médite assidûment les douloureux mystères, si je me laisse
attirer parles charmes dont s'empreint le Sauveur expirant,
je sentirai naître en moi la componction tendre, l'amour vé-
hément, le dévouement intrépide. Bientôt un seul objet plus
délicieux remplacera tous les autres et je m'écrierai avee
Saint Paul : « Omnia detrimentum feci ut Christum lucrifa-
ciam. »
2° Le mystère de la croix éclaire l'homme sur son état futur.
— Ma destinée éternelle est de posséder un royaume, de
m'enivrer de délices, de posséder Dieu et sa béatitude infinie.
Or, pour arriver à cette destinée, les lumières jaillies de la
Croix doivent éclairer mon chemin.
La croix m'apprend que mon bonheur éternel est l'enjeu
d'une guerre, le butin d'une victoire chèrement acquise, le
prix du sang, le fruit empourpré du martyre. La croix me
crie « Oportuit Christum pati ut intraret in gloriam. »
La croix m'apprend que mon bonheur éternel exige de moi
un absolu changement, une rénovation entière. L'homme
antique, l'homme du péché, l'homme tel que l'a fait la chute
originelle, doit périr, doit être à son tour cloué à la croix,
afin que mort il ressuscite, expiré et mis au tombeau il
reparaisse dans les splendeurs d'une résurrection.
La croix m'apprend que mon bonheur éternel dépend d'une
séparation généreuse d'avec le monde. Je laisse les bas fonds
d'une vie terrestre, pour gravir la cime du Calvaire. Je laisse
la terre pour être suspendu dans les cieux. — Je laisse la so-
ciété des hommes pour entrer dans le sépulcre, où est ense-
veli mon Sauveur : « Consepulti in similitudinem mortis Ejus. »
310 SUR LE MYSTÈRE DE LA CROIX
II
LA CROIX SIGNE DE PUISSANCE
Que nous suivions les triomphes de la croix à travers le
monde ou dans nos âmes, elle nous apparaît revêtue d'une
toute divine puissance.
Glorieuse histoire de la croix à travers le monde.
1° Les conquêtes de la croix. — A peine apparut-elle au vieux
monde, qu'elle y multiplia les plus prodigieusesœuvres. Après
s'être arrêtée un moment au sein du peuple déicide pour ral-
lier ses malheureux restes, elJe franchit les limites de la Ju-
dée, elle s'avance à la conquête de l'Orient et de lOccident.
L'Orient tombe à ses pieds. Rome s'émeut tout entière; le
vaste empire est ébranlé dans ses fondements. Les fidèles du
Christ sont bientôt une armée envahissante et plus le glaive
de la persécution l'entame, plus ses phalanges se font nom-
breuses et serrées. — L'empire romain s'écroule, vaincu par
la croix. — Au devant des Barbares qui viennent se partager
ses dépouilles, la croix se montre, la croix triomphe, la croix
subjugue bientôt ces sauvages enfants de la Barbarie. — C'est
à l'ombre de la croix que se forment les nations chrétiennes.
C'est la croix qui ne cessera plus d'être leur signe et leur
étendard.
2° Les gloires de la croix. — A quelques siècles seulement
de la scène du Calvaire, où la croix disparaissait sous des
flots d'ignominie, la croix brille partout d'une incomparable
gloire. — Elle est au front des rois. — Elle préside aux re-
doutables assises de la justice humaine. Elle surmonte les
édifices, elle orne les sanctuaires. Chaque demeure la re-
trouve. Les foules se prosternent devant Elle. Le voyageur
la salue à la tête de beaucoup de ses routes. — D'ailleurs
l'Eglise catholique ne fait plus rien sans Elle. C'est par elle
que l'homme est régénéré au baptême. C'est elle dont l'abso-
lution marque le signe sur le front coupable. C'est par elle
que l'âme, quittant ce monde, se rend à son éternité.
SUR LE MYSTÈRE DE LA CROIX 311
3° V apothéose finale de la croix. — Pleine de gloire du-
rant le cours des siècles, la croix doit résumer tous ses triom-
phes au dernier jour. Les temps sont accomplis; l'histoire
humaine est close; voici que s'ouvre l'immobile éternité. Le
Fils de l'homme préside l'immense solennité de la tin des
temps. 11 apparaît dans les nuées du ciel, plein de gloire et
de majesté, son « signe, » son étendard, à la main, c'est-à-
dire sa croix.
Glorieuse histoire de la croix dans nos âmes. — Victo-
rieuse dans le monde, comment la croix serait-elle sans vertu
au dedans de nous ?
1° La croix est en nous un signe de puissance. — Nos Saints
Docteurs nous ont tous recommandé de l'opposer à nos dan-
gers, de combattre par elle nos ennemis, de terrifier par
son signe les puissances infernales.
2° La croix est en nous un signe de protection. — Partout où
elle apparaît entre nous et Dieu, sa justice s'apaise, ses fou-
dres tombent, son cœur s'émeut, sa miséricorde jaillit. Voyez
au désert Moïse élever aux yeux du peuple prévaricateur la
croix fugurative, où s'enlace le serpent d'airain. — Voyez
l'ange exterminateur respecter chaque seuil que marque le
sang fuguratif de l'Agneau.
3° La croix est en nous un signe de piété et de componction.
— En le formant sur nos poitrines, l'amour, le dévouement, le
sacrifice de l'Homme-Dieu se retrace dans une vivante réalité.
Se signer de la croix, c'est se signer de souvenir, de recon-
naissance et d'amour.
III
LA CROIX MONUMENT DE MISÉRICORDE
Mémorial d'une miséricorde gratuite. — Une croix qui se
dresse, un Fils de Dieu qui y expire, nous prêche éloquem-
ment et combien l'homme était impuissant à se racheter et
comment son rachat par le Sang d'un Dieu est l'effet d'une
miséricorde toute gratuite.
312 SUR LE MYSTÈRE DE LA CROIX
Mémorial d'une Rédemption surabondante. — Qu'un Dieu
consente à de pareilles souffrances et à une pareille mort,
concluons-en que son sacriflce aura une valeur infinie et
qu'infinies seront les grâces qui, jaillies de la croix, inonde-
ront le ciel et la terre.
Mémorial d'un inépuisable pardon. — Contemplons un
Crucifix. Le Rédempteur y demeure attaché : marque d'une
attente perpétuelle. Il y étend les bras : marque d'une récon-
ciliation assurée. Il y est « tota die : » marque d'une grâce
de toute la vie.
LES LEÇONS DE LA CRÈCHE
Rappelons-nous, pour mieux comprendre les leçons que
nous donne la crèche si pauvre et si douloureuse du Sauveur
naissant, que le décret de notre création nous lie intimement
à l'Homme-Dieu. Gréés pour Lui, nous n'avons d'autre excel-
lence que celle que sa ressemblance nous communique. Dieu
qui n'aime que son Fils et « ne met qu'en Lui seul ses com-
plaisances, » ne nous accueille nous-mêmes que lorsque
nous lui apparaissons copies vivantes de son Verbe incarné :
« Praedestinavit conformes fieri imaginis Filii Ejus. »
La conséquence Saint Paul la tire ainsi : « Non judicavi me
scire aliquid nisi Jesum. » Sans cesse nos regards serontdonc
fixés sur Jésus-Christ. Notre vie entière ne doit être que la
reproduction de la sienne. Partout où nous le contemplons,
Jésus est notre modèle : à la crèche il l'est excellemment.
LES LEÇONS DE LA VERTU
Comptons trois vertus sublimes dont la crèche nous an-
nonce l'urgence et nous proclame le prix : la pauvreté, la
mansuétude, la patience.
La crèche nous donne une leçon de pauvreté. — Plus
tard, en ouvrant sa vie publique l'Homme-Dieu jettera cette
parole au monde étonné : « Beati pauperes. » — Dès mainte-
nant cette parole s'échappe saisissante de la crèche de Jésus.
1° Mais d'abord qu'est ce qu'un pauvre? — Trois caractères
marquent la pauvreté , trois infortunes s'y attachent. Le
314 LES LEÇONS DE LA CRÈCHE
pauvre c'est le dénué. Les biens de ce monde, les facilités
de la vie, les douceurs du bien-être, lui sont inconnus ; sa
vie est faite de privations; son âme est dans l'angoisse, incer-
tain qu'il est si demain lui apportera le pain nécessaire et si
le toit qui l'abrite ne lui sera pas violemment ravi. — Le pau-
vre est le grand délaissé. Parcourez ces foules joyeuses, en-
trez dans ces demeures en fête : le pauvre ne s'y rencontre
pas ; le pauvre n'a de place nulle part, et ses haillons sordi-
des sont toujours et de partout repoussés. Honneurs, digni-
tés, rang, fortune : le pauvre est l'éternel exilé de ces bril-
lantes choses. — Enfin le pauvre c'est l'être frêle et craintif.
Nulle part son pied ne se pose avec assurance; il nous aborde
avec une humilité, hélas! que notre orgueil et notre dureté
ne savent que trop bien entretenir!
2° Jésus est ce pauvre. — A sa crèche apparaissent dans leur
saisissante réalité les trois caractères de la pauvreté. « Ego
sum pauper. »
A la crèche Jésus est le suprême dénué. Abandonné sur le
grand chemin, ayant trouvé à peine un réduit réservé aux
animaux, il naît plus pauvre que ne naissent jamais les pau-
vres. Un peu de paille est son chevet et quelques langes re-
couvrent mal ses membres grelottants et glacés. — Jésus est
le suprême délaissé. Jérusalem n'en a que faire, Bethléem l'a
rejeté : « non erat his locus in diversorio. » Plus tard, rap-
pelant cette navrante solitude, l'Evangéliste écrira : « In
propria venit et sui non receperunt. » — Jésus-Christ est
craintif ci tremblant. Oh! mystère de cette Sainte Ame du
Rédempteur ! L'expiation commence ; le péché l'enveloppe,
Jésus ne donne pas à ses premières larmes d'autre significa-
tion que celle de la terreur et du repentir. Déjà, comme à
Gethsémani, il tremble devant la Justice divine : « Ego sum
vermis et non homo. »
3° Quel est ennous-même l'esprit de pauvreté? — Avons-
nous compris la grande leçon de la crèche, et le Dieu pauvre
est-il en nous continué et reproduit? — Quoi ! il nous faut,
non plus le nécessaire, mais le luxe, mais les superfluités do
la vie. Ni notre table n'est trop succulente, ni nos vêtements
trop riches, ni nos demeures trop vastes et trop splendides !
Nous ne concevons l'existence que comme le rendez-vous
de toutes les jouissances et le centre de tous les plaisirs !...
« Non ita didicistis Christum. » — Puis, au bien-être il nous
faut sans cesse joindre les satisfactions de l'orgueil. Nos ro-
LES LEÇONS DE LA CRÈCHE 315
lations seront nombreuses et illustres; il nous faut le monde
avec ses fêtes tumultueuses, ses réunions brillantes, ses tour-
billons insensés. La solitude nous fait horreur et jamais nous
n'accordons à notre âme une heure de recueillement et de
silence : « Non ita didicistis Christum. » — îSTous, enfin, les
véritables pécheurs, les insulteurs de la Majesté divine, nous
que pressent de trop justes condamnations et qu'attendent
des châtiments trop certains, nous marchons avec assurance
et jamais la crainte des jugements de Dieu n'effleure même
notre âme : « Non ita didicistis Christum. »
La crècbe nous donne une leçon de charité. — De la crè-
che sortent, suaves et vibrantes, ces autres paroles : « Beati
pacifici, » ... « Beati miséricordes. » C'est un petit enfant,
frêle et inoffensive créature, qui les prononce. Et pourquoi
un petit enfant ? pourquoi cette faiblesse et cette mansué-
tude ? Là sans doute est un profond mystère qu'il nous im-
porte de scruter.
1° Dieu est annoncé et attendu. — Ce n'est pas la venue de
Dieu sur la terre qui nous doit surprendre. Depuis quatre
mille ans elle est connue de nous. Au berceau du monde en
retentit, dans la solennité du premier péché et du premier
pardon, la prophétie bienheureuse. Tous les peuples, en se
séparant, en emportent le souvenir. Les Patriarches se la
transmettent. Israël en est fait le gardien et l'infatigable
prédicateur. Les prophètes la précisent en y ajoutant chaque
jour quelques traits plus saisissants. Enfin la grande voix
du Précurseur fait retentir les rives du Jourdain de la gran-
diose nouvelle : « Ecce Agnus Dei. »
Mais ce que le monde n'attendait pas, ce que le monde ne
put comprendre, ce que le Juif repoussa comme un scandale
et le Grec comme une folie, c'est un Dieu refoulant sa gloire,
dissimulant sa majesté souveraine sous l'apparence frêle et
méprisée d'un petit pauvre. Ces vagissements enfantins,
cette douceur inoffensive d'un Nouveau-Né lui demeurent
cachés et profondément mystérieux. Là, pourtant, dit Saint
Paul, « là sera tout le triomphe de la sagesse et de la puissance
de Dieu ». Et voici comment.
2° Dieu vient à l'homme, mais combien l'homme en sera ter-
rifié. — Supposons que l'homme n'ait, comme sujet de crainte,
que sa faiblesse et son néant. L'apparition subite d'une Ma-
jesté infinie, le rayonnement d'une gloire suprême, ne suf-
fira que trop à le terrifier et à le mettre en fuite. — Mais
316 LES LEÇONS DE LA CRÈCHE
combien plusfuira-t-il, maintenant qu'il sesent coupable? On
lui annonce la venue de Dieu : ah ! il se souvient des antiques
éclats de foudre qui l'ont frappé. Adam a fui sous le feuillage.
Caïn a fui errant sur la terre. L'humanité tout entière n'a
plus compris Dieu que comme un être irrité et armé de ven-
geance. L'homme n'a connu qu'un seul effort : échapper à
la présence et aux étreintes de Dieu.
3° 0 crèche de Bethléem, rassure cette humanité tremblante ,
fais revenir à toi ces fugitifs affolés. Comprenons-nous main-
tenant pourquoi Dieu qui venait nous recueillir, a laissé le
terrifiant appareil de sa gloire, pour revêtirl'apparence suave
et douce du petit enfant? Quitremble devant l'enfant? Qui re-
doute ses coups? Tout au contraire, qui n'aime la limpidité de
son regard et le charme de ses caresses? « Parvulus natus est
nobis. »
4° Profitons-nous de cette leçon de la crèche ? — La crèche
nous forme à la douceur. Pourquoi donc reste en nous ce
ferment de colère, cette humeur chagrine et violente, cette
parole aiguë et emportée? — La crèche est le gage de l'univer-
selle réconciliation, et les Anges qui planent sur elle chan-
tent un cantique de paix. D'où viennent, parmi nous, ces mé-
sintelligences, ces perpétuelles désunions? D'où vient que le
moindre intérêt nous divise et que la plus insignifiante injure
nous laisse implacables dans nos rancunes? — La crèche re-
tentit de cette troisième parole: « Beati miséricordes. » Mais
nous, si prompts à nous venger de toute injure, nous n'ac-
cordons le pardon à autrui qu'avec lenteur et mauvaise grâce :
« Non ita didicistis Ghristum. »
La crèche nous donne une leçon de patience. — 1° A la
crèche se réalise la prophétie d'haïe : « Emitte Agnum domi-
natorem. » Un agneau dominateur I Antithèse étrange, di-
vine anomalie. V agneau : ce qu'il y a de plus inoffensif et de
plus faible.... Dominateur, ce qu'il y a de plus victorieux, de
plus inflexible et de plus fort.
2° Tel est à la crèche l Enfant-Dieu : tels devons-nous être
nous-mêmes. — L'Enfant-Dieu est dans la faiblesse, c'est un
agneau : mais cette faiblesso Dieu la revêt d'une invincible
force : c'est un « agneau dominateur » — Où croyons-nous
que résidera notre puissance etcommont pensons-nous triom-
pher du prochain ? Par la colère et la violence? Jamais. Par
la douceur et la patience toujours.
LES LEÇONS DE LA CRÈCHE SU
II
LES LEÇONS DE LA SOUFFRANCE
Venu en ce monde pour expier, Jésus-Christ devait souffrir,
souffrir de tous. Pécheur universel, il sera l'universel martyr.
— Ce rôle « d'homme de douleur », il l'inaugure à la crèche où
son cœur reçoit trois blessures aiguës. Il est méconnu, il est
repoussé, il est persécuté.
Jésus méconnu. — 1° Jésus méconnu dès sa naissance. Pour
comprendre la douleur de cette blessure, il nous faudrait
tout d'abord comprendre avec quelles ardeurs de désir et d'a-
mour le Verbe Incarné venait à nous. Quand un cœur est
brûlant, que les bras s'ouvrent avec d'indicibles aspirations
et que l'on est froidement repoussé, c'est là pour le cœur
une suprême amertume. — 11 nous faudrait en second lieu
comprendre le cynisme de nos dédains et de nos refus.
A la crèche le ciel chante, les anges planent, Dieu invite la
création tout entière. Hélas ! tout y reste froid, rien ne s'y re-
mue ; l'humanité ingrate et insensible ne semble pas même
se douter de la venue de son Dieu : « Extraneus factus sum
filiis matris meae. »
2° Jésus méconnu dans le cours des siècles. — Sans doute
une élite glorieuse, les nobles intelligences et les grands
cœurs comprendront Jésus, s'attacheront à lui et formeront
l'Église. — Mais la foule, mais les Juifs négateurs, mais l'hé-
résie qui altère le dogme, mais le schisme qui déchire l'unité,
mais les mauvais catholiques qui souillent et outragent la
splendeur de leur baptême ?
3° Jésus méconnu à l'heure présente. — « Viendront, dit
l'Apôtre, des temps plus difficiles et plus calamiteux, » où la
méconnaissance du Christ se fera plus universelle et plus pro-
fonde. — Nous sommes à l'un de ces siècles.
4° Bélas\ Jésus est méconnu même parmi ses fidèles. — L'es-
prit du monde nous envahit, l'esprit du christianisme s'éteint
318 LES LEÇONS DE LA CRÈCHE
peu à peu dans notre âme, les leçons de la crèche s'affaiblis-
sent et l'Apôtre prononce en pleurant ces paroles désolées :
« Multi ambulant quos sœpe dicebam vobis, (nunc autem et
flens dico,) inimicos crucis Christi... »
Jésus repoussé. — 1° Avec quelle impétuosité de dévoue-
ment et d'amour Jésus venait à nous! — Véhément et éter-
nel désir: « Deliciœ mese esse cum filiis hominum »... « Quo-
modo coarctor »... — Actes extraordinaires : se faire homme,
se faire pauvre, se faire expiateur, vivre dans la douleur,
mourir sur une croix, descendre au sépulcre.. — Dons mer-
veilleux: « Dédit dona hominibus : » adoption divine, gloire
future, grâces actuelles innombrables
2° A vec quelle opiniâtreté le monde lerepousse. — D'ordinaire
c'est l'indifférent qui, sans même opposer un motif, se dé-
tourne de Jésus avec dédain. — D'autres seront les hypo-
crites, affectant de l'exalter mais ne tenant compte ni de ses
désirs ni de ses ordres.
Jésus persécuté. — Jérusalem se dresse menaçante. Hé-
rode aiguise ses glaives et l'Enfant-Dieu, pour fuir, traverse
des flots de sang. — Ainsi subira-t-il le choc des passions
humaines. — Ainsi son Eglise le subira-t-elle après lui.
JÉSUS-CHRIST L'HOMME DE DOULEUR
A lire les Epîtres du grand Apôtre et à les pénétrer dans
leur sens le plus profond, nous comprenons que la Rédemp-
tion sanglante opérée par l'Homme-Dieu est le centre de l'his-
toire humaine entière. Tout s'y rattache ; tout y vient abou-
tir. Dieu, l'homme, le passé, le présent, l'avenir. Le bien et
le mal, la déchéance originelle comme la divine restauration,
trouvent dans les sanglantes péripéties du Calvaire leur ex-
plication et leur raison d'être.
De là cette conséquence tirée par l'Apôtre : Une seule vraie
science est la nôtre, celle qui a pour objet la divine Passion :
« Non judicavi me scire aliquid inter vos nisi Jesum et hune
cruciflxum. » — C'est donc cette science sublime que nous
essaierons de pénétrer, commençant par contempler les dou-
leurs rédemptrices, puis après tirant d'elles les plus prati-
ques enseignements.
LA VUE DES DIVINES DOULEURS
Deux abîmes s'ouvrent devant nous. « Abyssus abyssum
invocat : » douleurs de l'âme, douleurs du corps.
Les douleurs de l'âme. — Elles doiventêtre d'une effrayante
intensité, car, au moment où la Passion commence, où, par
une mystérieuse opération de sa puissance, le Christ refoule,
pour ainsi parler, sa nature divine, afin de laisser sa nature
humaine à sa mortalité et à sa faiblesse naturelle, à ce mo-
ment, un extraordinaire, changement se fait voir en l'Homme-
Dieu. 11 pâlit, il chancelle; un trouble effroyable l'envahit,
320 JÉSUS-CHRIST l'homme de douleur
l'épouvante le secoue, une mortelle tristesse le brise, un dé-
goût insurmontable l'abat : « Ccepit pavere, mœstus esse...
cœpit taedere. » — Ces divers sentiments se nient sur son
âme comme les flots d'une violente tempête. Et ils eussent
sufti à eux seuls pour le faire mourir. « Tristis usque admor-
tem. » — Aussi, quand, sous leur impulsion violente, nous
vovons Jésus-Christ étendu, sanglant, sur le rocher de Geth-
sémani, c'est « d'agonie » que nous parle Saint Luc.
Chercherons-nous à pénétrer les causes de cette agonie
effroyable ?
1° Jésus se voit comme coupable. — Là est tout le plan
de la Rédemption. Les iniquités de tous reposent sur un
seul. Un seul est l'universel expiateur. Un seul, par consé-
quent, est l'universel pécheur. — Ne parions plus d'innocence
en Jésus, ne parlons plus de sainteté... « Eum qui non no-
verat peccatum pro nobis peccatum fecit ». (II Cor. v, 21.)
— Quel regard douloureux et épouvanté Jésus jette sur
lui-même ! Et, s'il nous est permis de parler ainsi, quel
insurmontable dégoût il s'inspire ! Alors il s'écrie : « Ego
sum vermis et non homo, opprobrium hominum et abjectio
plebis. » Le Prophète, bien des siècles auparavant, l'avait
nommé « le dernier des hommes, » « Novissimum virurum. »
2° Jésus se voit délaissé. — Au ciel, dans le sein du Père,
le Verbe jouit d'une gloire infinie. Il est l'objet « des com-
plaisances » éternelles du Très-Haut. Au ciel les anges
l'acclament et font de sa vue leur suprême béatitude : § Ad
quem desiderant Angeli prospicerc. » Au ciel tout ce qui
respire ne vit que de sa lumière et de son amour. — Hélas,
à cette heure suprême de son expiation, le ciel se ferme
sur la grande Victime; l'amour est muet, la justice seule se
dresse implacable.
Sur la terre même délaissement. — Où sont les foules qui
le suivaient en l'acclamant? Où sont les milliers de malheu-
reux touchés et guéris de sa main ? — Où sont même ses
Apôtres qui juraient naguère « de mourir avec Lui. » « Ea-
mus et moriamur eu m illo ? » Où est Pierre? Où est Jean, le
bien-aimé ? Les uns ont fui, les autres s'endorment, tous dé-
laissent.
3° Jésus se voit liai. — Il se voit haï en Lui-même. Renverse-
ment inouï! inexplicable prodige! Quand le Verbe divin, la
Beauté par essence, l'Amour et le Bienfait s'incarnant en-
semble, descendit vers la chélive et misérable humanité.
JÉSUS-CHRIST L'HOMME DE DOULEUR 321
quand un Dieu, brûlant pour nous d'une incompréhensible
tendresse, vint au milieu de nous pour nous relever, nous
guérir, nous couvrir de gloire, nous assurer le plus brillant,
le plus divin avenir : qu'attendre sinon que, se jetant à ses
pieds, l'homme lui rendit amour pour amour, dévouement
pour dévouement '?... Or le ciel et la terre épouvantés virent
le Christ chargé de nos haines, poursuivi par nos cris de mort,
chassé vers le gibet par d'insatiables colères et recevant ainsi
en plein cœur la plus profonde et la plus cuisante des bles-
sures.
Et cette haine dont l'âme du Christ est torturée le suivra
durant tous les siècles; elle s'acharnera contre son Eglise;
elle s'efforcera de détruire son œuvre et de disperser ses fidè-
les. — Ce n'est donc pas une haine passagère mais une haine
éternelle, dont le cœur si délicat et si tendre de l'Homme-
Dieu ressentit l'épouvantable amertume.
4° Jésus se voit inutile à un grand nombre. — Dieu voulait
bien souffrir et mourir pour nous et nous donner ainsi de
toutes extraordinaires facilités de salut; mais il ne pouvait
vouloir que la liberté fût détruite en nous. Libres, et nous
devons l'être pour notre gloire et pour notre mérite, il nous
reste l'effroyable possibilité de nous rire d'un Homme-Dieu
qui meurt, de fouler aux pieds le Sang de la Rédemption. —
Or c'est sur la foule de ces misérables, qui s'exilent volon-
tairement du salut pour s'offrir aux coups de la justice, que
Jésus répand ses larmes les plus brûlantes.
Les douleurs du corps. — L'âme conçoit tout d'abord le
péché, mais c'est le corps qui, la plupart du temps, l'exécute.
Aux douleurs de l'âme durent être ajoutées les douleurs du
corps. Et c'est le Christ broyé sous toutes les tortures à la
fois, dont le spectacle a épouvanté les Prophètes.
1° Jésus meurtri de coups. — Durant de longues heures nous
le voyons assailli par la troupe furieuse des bourreaux qui ne
font plus de lui qu'une plaie livide.
2° Jésus abreuvé d'outrages. — Chaque blessure est accom-
pagnée de moqueries blasphématoires. Chacune des scènes
de la Passion unit à la cruauté la dérision, aux blessures
l'avanie, au sang l'ignominieuse honte.
3° Jésus soumis à tous, foulé sous les pieds de tous. — Ses
meurtrissures expient nos voluptés, ses outrages expient no-
tre orgueil. Reste maintenant à payer la dette de nos révol-
tes. Suivez les scènes de la Passion. Le Christ enchaîné, li-
T. IV 21
32'2 JÉSUS-CHRIST l'homme de douleur
vré sans défense, aux plus infimes des bourreaux, obéissant
aux ordres sanguinaires des Pouvoirs, se livrant à tous les
caprices cruels d'un Caïphe, d'un Hérode d'un Pilate: c'est le
Christ dont l'obéissance nous a sauvés : « Per obeditionera
unius. »
II
LA LOGIQUE DES DIVINES DOULEURS
« La science de Jésus et de Jésus crucifié » étant pour nous
l'unique et universelle science, elle s'applique aux trois ob-
jets que nous avons, avant tout, besoin de connaître et d'ap-
précier: le péché, le monde, la vie chrétienne.
Conséquence logique par rapport au péché. — Oserons-
nous bien le dire ? .Votre plus grand mal n'est pas de com-
mettre le péché; mais, le péché commis, de n'en concevoir ni
fraveur, ni dégoût, ni regret. Ce qui faisait pousser au Psal-
miste cette exclamation : « Delicta quis intelligit ? » Nous ou-
trageons un Dieu infini; nous méprisons un infini amour;
nous bravons une infinie justice; tout cela avec une quiétude
imbécile.
Il faut à tout prix nous réveiller de ces illusions décevan-
tes et de cette mortelle torpeur. — Dieu le fait par le Cal-
vaire, par la victime sanglante qui y expire, par le drame
inouï des souffrances et de la mort de son propre Fils.
Par trois effrayants spectacles le Calvaire nous illumine
sur la gravité du péché. — Là, c'est un Dieu qui poursuit,
avec une volonté implacable, une invincible justice, Celui qui,
restant en lui-même immaculé et innocent, s'est chargé des
péchés du monde. — C'est un Père faisant retomber sur son
Fils les foudres d'une effroyable vengeance, parce que ce
Fils s'est substitué au vrai coupable.
Là, c'est un Fils de Dieu qui juge qu'un tel amas de dou-
leurs, une semblable suite d'ignominies et de tortures, n'est
que la nécessaire et juste caution pour les péchés commis. —
JÉSUS-CHRIST L HOMME DE DOULEUR 323
Mais cet Homme-Dieu, frappé quoique innocent, prend soin
de nous révéler quel sort attend les vrais coupables, car « s'il
en est fait ainsi du bois vert que réserve-t-on au bois mort
et desséché ? »
Là enfin est l'enfer victorieux et tout-puissant. Qu'est ce
prodige ? Gomment expliquer ce mot du Sauveur : « C'est ici
l'heure de la puissance des ténèbres? » Gomment voir sans
stupéfaction et épouvante les puissances infernales se ruer
sur le Christ pour le torturer ? — Telle est cependant la loi
suprême du péché. Là où est le péché le démon est vain-
queur.
Conséquence logique par rapport au monde. — Si le monde
nous séduit par ses apparences menteuses, s'il nous enchante
en nous cachant avec soin ses laideurs, levons les yeux vers
le Calvaire. L'esprit du monde y règne, les œuvres du monde
s'y étalent, les perversités du monde s'y épanouissent. Après
les furieux, viennent les hypocrites, avec eux les traîtres, à
leur suite les indifférents et les rieurs, plus loin, en foule in-
nombrable, les lâches.
Conséquence logique par rapport à la vie chrétienne. —
i° La vie chrétienne, c'est la vie de Jésus-Christ en nous. — Les
textes abondent dans l'Ecriture qui nous font foi de ce dogme
fondamental. Dieu n'aimant que son Fils ne peut nous aimer
et nous accueillir qu'à raison de notre union avec ce Fils. —
D'autre part, Jésus-Christ étant l'homme de l'universelle dou-
leur, la vie chrétienne ne se peut concevoir sans cet aspect
douloureux et sanglant.
2° Les adversaires de la vie chrétienne rc poussés par les di-
vines douleurs. — Les flots de l'orgueil se brisent au Cal-
vaire.— La volupté y perd ses ardeurs infâmes. — L'ambition
y est désarmée. — Le péché sous toutes les formes y est à
jamais vaincu.
L'ÉGLISE
Ce qu'est l'Eglise.
Ce que fait l'Eglise.
Ce qu'exige de nous l'Eglise.
CE QU'EST L'EGLTSE
Plusieurs définitions peuvent être données de l'Eglise. Elle
est l'empire de Dieu sur la terre, le royaume des âmes, la
grande famille des enfants de Dieu, l'Arche sainte qui réu-
nit, pour les sauver de l'éternel naufrage, les justes et les
élus. L'Eglise est une sociétécomplète, parfaite, indépendante
des choses humaines, puisqu'elle est divine, et, néanmoins,
en perpétuel contact avec ces choses qu'elle illumine et
sanctifie.
Mais voici que l'Apôtre nous donne de l'Eglise une mysté-
rieuse et sublime définition: « L'Eglise du Dieu vivant, dit-il,
c'est manifestement le Sacrement de piété qui s'est révélé
dans la chair. »
Idée magnifique! C'est dans les profondeurs de l'Incarna-
tion elle-même que nous devons chercher la première idée,
le germe divin dont s'est formée l'Eglise.
L'Église est le corps mystique de Jésus-Christ. — Le
Verbe, Fils de Dieu, commence par s'unir la nature humaine. —
Puis bientôt, après ses années mortelles, l'IIomme-Dieu s'u-
nit u no société entière, dont il faituncorps mystique. Ce corps
mystique c'est l'Eglise.
l'église 325
1° Première naissance de l'Eglise : l'Incarnation. — Dès
avant la chute, le Verbe s'est épris pour la nature humaine
d'un éternel amour : « Garitate perpétua dilexit. » — Après la
chute, et quand cette humanité est gisante sous les malédic-
tions divines, blessée à mort, condamnée par une implaca-
ble justice, au premier amour qu'il avait pour elle, leYerbejoint
une incompréhensible compassion. Il la voit hideuse et dé-
formée, il la sait perdue sans ressource, son cœur s'émeut,
sa pensée s'élève, une volonté magnanime jaillit de Lui : il
viendra à cette infortunée, il la prendra pour sœur, pour
épouse; à son divin contact elle se trouvera purifiée, enno-
blie, déiliée. — Il se servira d'elle pour opérer de merveil-
leuses œuvres; il en fera l'encens de la prière, la victime de
l'holocauste, le pontife de la louange, l'éternel et infini glo-
riflcateur du Très-Haut.
2° Formation dernière de l'Eglise : le corps mystique de Jé-
sus-Christ. — Cette Eglise première « ce Sacrement de piété
révélé dans la chair » ne devait pas rester dans l'étroite
frontière de la Judée, ni, non plus, dans les impuissances
d'une vie mortelle. Le Christ ne s'unira plus seulement la
chair de l'homme, c'est une société, c'est un corps immense,
c'est l'humanité régénérée tout entière, dont il fait son corps
mystique.
Alors tout le plan divin s'exécute. Quel est ce plan?
Une vie divine s'écoulera dans le monde entier, à tra-
vers des générations infinies, et c'est là l'Eglise. Le Verbe In-
carné se fait l'âme de cette innombrable multitude ; il est sa
tête, elle devient ses membres; de lui s'écoule à flots sur
elle la vie même de Dieu. — De plus le Verbe Incarné doit
continuer tout le long des siècles, sur toute la surface du
monde, la vie qu'il a menée durant trente-trois années en
Judée. Par l'Eglise, dont il fait son vaste organe, ce plan
grandiose se réalise. Par l'Eglise le Christ fait entendre sa
voix d'une extrémité à l'autre du monde.... Par elle, il offre
« En tout lieu », comme l'avait prédit Malachie, l'holocauste
de la Nouvelle Alliance... Par elle il est le Pasteur Universel,
rassemblant de partout ses brebis.... Par elle il court à toute
détresse, guérit toute infirmité... Par elle, en un mot, il est
Roi, Pontife, Docteur, Thaumaturge Sanctificateur et Sauveur,
sur toute la surface du globe. Nous pouvons dire ainsi que
l'Eglise catholique n'est autre que la continuation, l'exten-
sion vivante, de l'Incarnation ; Jésus-Christ lui-même vivant
326 l'église
et agissant dans le monde, à travers les âges, jusqu'au jour
de l'éternité.
Conséquences de cette sublime doctrine. — Cette notion
de l'Eglise n'est pas seulement sublime et profonde, elle est
encore d'une admirable portée pratique. Aucune autre défi-
nition ne nous rend mieux compte des phénomènes, des
droits, des prérogatives, sous lesquels se montre sa vie au
milieu du monde.
1° L'Eglise est divino-humaine. — Deux éléments la com-
posent, l'un divin qui est le Christ, l'autre humain qui est
nous-mêmes. — Jésus-Christ la pénètre et la remplit tout
entière. Ne nous étonnons donc plus des merveilles de sa
sainteté, de l'éclat de ses miracles, de la puissance de ses
œuvres, des triomphes de ses conquêtes, de son invincible
et immuable vitalité. — Mais elle est humaine. C'est l'huma-
nité déchue qui forme ce corps dont le Christ s'est fait le
chef. A la lumière se joindra l'ombre, à la sainteté le désor-
dre, à la puissance la faiblesse, au triomphe la défaite, à la
vie la mort. — Ainsi nous est expliquée l'énigme, insoluble
sans cette notion. Par son chef l'Eglise est toute divine, par
nous elle traîne la longue chaîne des misères de l'humanité
déchue.
2° L'Eglise est indépendante. — Sans doute, traversant la
terre, passant à travers les peuples, elle ne peut éviter le
contact des choses humaines, ni se soustraire au légitime
tribut de César. — Mais si elle paie ce tribut, jamais elle ne
subit les chaînes d'aucun esclavage. Aucun pouvoir public ne
peut poser sur elle une main dominatrice. Elle est plus haute
que la terre, elle est de Dieu, elle va à Dieu, en un sens elle
est l'iïomme-Dieu.
3° L'Eglise est Reine. — Dans l'enceinte de ses frontières
l'Eglise exerce de très réels pouvoirs. Elle fait des lois. —
Elle donne à ses loisles sanctions qu'elle juge nécessaires. —
Comme toute société elle punit les rebelles, elle chasse de
son sein les indignes, elle garde contre les incursions enne-
mies le dépôt sacré qui lui a été confié. — Elle sortira même
de ses frontières. Elle a droit à la conquête du monde, attendu
que tous les peuples ont étépar Dieu donnés au Christ comme
héritage.
4° L'Eglise est persécutée. — A ceux qui s'étonneraient
de voir assaillie par la haine celte insigne Bienfaitrice de
l'humanité, nous révélons cette profonde doctrine. Corps du
l'église 327
Christ, sorte de mystérieuse Incarnation du Fils de Dieu,
l'Eglise doit continuer jusqu'au triomphe du second Avène-
ment les années douloureuses de son Chef. — Comme Jésus-
Christ elle est expiatrice, et le Calvaire dressé devant elle
est l'Autel de son perpétuel holocauste. — Elle est rédemp-
trice : le mystère de solidarité, qui lui fait sauver le monde
par la souffrance, la regarde comme il regarde son chef. —
Elle est divine, donc étrangère, et les peuples la traiteront
comme ils traitent l'exilé. — Elle est surtout dominatrice.
Ses dogmes qu'elle impose, sa législation crucifiante qu'elle
promulgue, susciteront partout et toujours des oppositions
frémissantes.
5° L'Eglise est visible et reconnaissable. — Jamais la Per-
sonne du Messie n'a pu être méconnue, tant les signes qui
marquaient sa divinité et sa mission furent éclatants. —
Ainsi en est-il de la vraie Eglise. Ses traits de ressemblance
lavec Jésus-Christ son chef sont à ce point saisissants que
'erreur, que l'indécision même est impossible. Qui voit Jé-
sus-Christ voit l'Eglise. Sa sainteté, son unicité, son univer-
salité, son apostolicité, ne sont que les reflets tout vifs de ce
qui nous est apparu dans le Christ.
II
CE QUE FAIT L'ÉGLISE
L'Eglise est sur la terre le fondement de la vérité, la dis-
pensatrice delà charité, la donatrice de i'élcr lité.
L'Eglise est le fondement de la vérité. - Le besoin
qu'a l'homme de la vérité. — L'âme hunitc se sent ainsi
faite qu'elle en poursuit la conquête, sous toutes les formes,
par tous les chemins divers, avec une incroyable énergie.
Que faire ici-bas sans la lumière de la vérité? Que devenir
si l'on n'a sur tous les problèmes de l'existence, des solutions
lumineuses et assurées?
2° Bêlas! navrante histoire de la vérité. — Si l'esprit hu-
328 l'église
main a semé de merveilles le champ de la science naturelle ;
si sa raison revient triomphante des combats qu'elle a livrés
sur la terre que dire de ses défaites, de son impuissance,
de son absolu dénuement, en face des vérités supérieures,
des données transcendantes? — Dès qu'il a voulu prendre
son vol, seul et sans secours d'en haut, à travers les régions
supérieures, l'esprit humain nous épouvante par la profon-
deur de ses chutes.
3° Refuge et salut de la vérité dans l'Eglise. — Mais Dieu a
pris en pitié la frêle raison de l'homme. Lui-même a daigné
l'instruire, jetant à profusion sur tous les problèmes de l'exis-
tence de lumineuses révélations. — Puis, ses paroles dites
au monde, ses révélations faites à la terre, il en a conlié la
garde, il en a donné le trésor toujours ouvert, à sa Sainte
Eglise. Que toute âme anxieuse, que toute ignorance désolée,
que toute incrédulité lasse et effrayée d'elle-même, aille à
l'Eglise, interroge l'Eglise : elle apprendra d'elle, selon la
promesse du Christ, « toute vérité. »
L'Eglise est la dispensatrice de la charité. — Continua-
tion et, pour ainsi parler incarnation du Christ sur la terre,
l'Eglise a pour mission d'être secourable à toute détresse et
de guérir toute infirmité. Aussi qu'elle est splendide cette
histoire de la charité dans l'Eglise! Traversons le monde,
parcourons-en les parties diverses, étudions une à une les
histoires des peuples, depuis dix-huit siècles: chaque insti-
tution bienfaisante, chaque secours aux pauvres et aux dés-
hérités, nous apparaîtra marqué au sceau de l'Eglise. Depuis
dix-huit siècles elle n'a pas cessé de dispenser à nos âmes et
à nos corps les plus maternelles assistances. — N'est-ce pas
elle qui, brisant les législations païennes, changeant les
mœurs, transfigurant les idées, bouleversant les coutumes
du monde antique, a pétri de charité les nations nouvelles?
N'est-ce pas à son ordre que se sont levers innombrables les
armées de la bienfaisance catholique? N'est-ce pas elle qui,
à chaque douleur humaine, a député, quelque spécial secours:'
Mais si nos corps, avec leur détresse, ont ému la charité
de l'Eglise, combien plus nos âmes et les maux, qui les tra-
vaillent et les exténuent? C'est l'Eglise qui répand sur l'âme
pécheresse les premières influences du repentir. C'est l'E-
glise à qui Dieu a donné les magnifiques pouvoirs de l'abso-
lution. C'est l'Eglise qui dresse pour l'âme réconciliée le
banquet divin.
l'église 329
Cette charité de l'Eglise enveloppe notre vie tout entière,
s'attache à chacun de nos pas, pose son empreinte bénie sur
chacun des grands actes dont s'emplit notre existence. Elle
sacre nos berceaux, elle oint notre virilité, elle sanctilîe nos
unions, elle réserve pour nos derniers combats ses onctions
suprêmes.
L'Eglise est la donatrice de l'Eternité. — Que serait le
chemin de la vie s'il menait, soit au néant, soit aux som-
bres abîmes d'une éternelle douleur? Que serions-nous sans
l'ange béni venant à nous pour nous conduire au bonheur
où tendent si impérieusement les aspirations de notre être?
Cet ange, introducteur dans les régions d'une félicité éter-
nelle, c'est l'Eglise qui, par sa foi, sa grâce, ses sacrements,
ses Lois, même ses rigueurs, nous rend dignes d'être pré-
sentés à Dieu et de jouir des gloires d'outre tombe.
III
CE QU'EXIGE L'ÉGLISE
L'Eglise est révélatrice, elle est reine, elle est bienfaitrice,
donc:
i° Elle exige notre foi. — Elle vient à nous au nom de
Dieu : notre premier devoir est d'adhérer à sa parole.
2° Elle exige notre obéissance. — Quand elle légifère, quand
elle punit, elle a un droit égal à notre soumission.
3° Elle exige notre concours. — Elle l'exige pour ses œuvres.
— Elle l'exige contre ses ennemis.
LA VIE SACERDOTALE
LE PRÊTRE
Parlant du Prêtre, Saint Paul disait : « Speclaculum facti su-
mus mundo. » Elle est étrange en effet cette figure du prê-
tre! Mêlé au monde « il n'est pas du monde. » Se dévouant
aux hommes ses frères, il professe avoir pour famille et pour
patrie le ciel: « Ex hominibus constituitur. » — Les péripé-
ties de sa vie sur la terre sont étranges comme lui-même :
tantôt béni, tantôt exécré, tantôt accueilli comme un bien-
faiteur, tantôt éloigné comme un ennemi. — Si, quittant
les dehors nous pénétrons dans l'intime de cet être mysté-
rieux, une vie divine y coule à pleins bords. Néant par lui-
même, faible, infirme et blessé comme tous les fils d'Adam,
le prêtre, par son caractère, sa mission, les grâces dont il
est fait dépositaire, les dons qu'il est chargé de répandre
s'élève au-dessus des autres de la hauteur des cieux.
Pour nous rendre bien compte des sublimités du Sacer-
doce, considérons le prêtre comme richesse du monde, comme
puissance, comme amour.
COMME RICHESSE
Il est un bien, bien essentiel et unique, que le monde ré-
clame et recherche et que seul le prêtre lui peut communi-
quer dans sa perfection et dans sa plénitude.
LA VIE SACERDOTALE 331
Le seul bien que réclame l'humanité c'est la vie. — La
vie dans ses jouissances, la vie dans sa durée, la vie dans
sa sécurité sereine et son opulente fécondité.
1° Elle-même nous le montre. — Que l'homme ici-bas s'at-
tache à la vie, pour en faire jaillir les biens dont il se sent
affamé; qu'il la recherche avec frénésie, qu'il l'exploite avec
passion, l'histoire humaine entière en fait foi. Que l'on s'at-
tache à la fortune, aux honneurs, aux- plaisirs infimes ou
aux nobles jouissances du savoir : c'est la vie sous son as-
pect le plus saisissant. Combien s'épuisent à cette conquête?
— Cette attache à la vie qui se montre dans l'avidité des as-
pirations ne se laisse pas moins entrevoir dans les amertu-
mes de la désillusion. Quand ces rêves de vie et de bonheur
s'évanouissent, l'homme tombe dans un marasme doulou-
reux. — Voyez encore l'horreur instinctive que produit sur
nous l'approche, la certitude, ou même une vague appréhen-
sion de la mort.
2° L'Ecriture nous en fait foi. — Lisez les pages saintes
avec quelle énergie la Bible nous fait apparaître l'homme
dans sa vivante réalité. Quel triomphe quand il s'écrie: « Non
moriar sed vivam! » Quel sombre désespoir quand il jette à
sa vie brisée, à ses espérances évanouies des malédictions ou
des plaintes déchirantes! Avec Saint Paul nous nous élevons
aux joies des pensées éternelles. Avec tous les Ecrivains Sa-
crés nous aspirons à une vie immuable....
Cette vie, objet de ses désirs, l'humanité ne la possède
pas. — Si tel est l'homme; s'il a de la vie une aspiration si
irrésistible et si véhémente, trouve-t-il lui-même et sur la
terre l'objet de cet unique désir?
1° La mort apparaît partout. — Si nous étendons notre
regard sur l'histoire humaine, qu'est-elle autre chose qu'un
amoncellement de ruines? — Si nous fouillons le sol qui nous
porte, qu'est-il qu'un champ de mort? — Et nous-mêmes,
avec nos décadences successives, nos irrémédiables caduci-
tés, que faisons-nous selon le mot de l'Apôtre que rendre de
toutes parts des sons de mort?
2° La vie véritable ne se montre nulle part. — L'homme
veut vivre, il veut jouir, il a horreur de tout ce qui limite,
altère, finit, cette vie qu'il convoite. — Et, chose étrange,
rien ici-bas ne lui donne la vie; il en possède une ombre fu-
gitive. Rien, ni la puissance, ni la fortune, ni les trouvailles
de la science, ni les dévouements de l'amour, ne lui en assu-
rent la réalité.
332 LA VIE SACERDOTALE
Le prêtre seul la lui peut communiquer. — 0 humanité,
tu veux la vie, la vie immuable, la vie bienheureuse, la vie
sans mélange et sans fin, la vie que ne troublent ni les dé-
cadences de tes jours, ni l'écroulement du sépulcre : cette vie
un seul homme au monde te la peut donner : c'est le prêtre,
le prêtre qui l'enfante, l'entretient, la défend.
1° Le prêtre l'enfante. — Comme prêtre il la possède en
lui-même. Il est l'homme de la vie éternelle. Avant qu'il
la répande sur le monde, Dieu l'a versée à flots sur lui. —
Comme Sacrificateur, le prêtre, par le plus sublime des pou-
voirs, l'ait descendre sur l'Autel celui qui s'est nommé « le
Pain de vie. » — Comme Apôtre, le prêtre répand cette vie
par la parole: « Vita erat lux hominum. »
2° Le prêtre l'entretient. — Cette vie divine, mystérieuse
semence d'une vie béatilique et éternelle, le prêtre et lui
seul a la puissance de la conserver dans l'humanité. Lui
seul ouvre le canal des sacrements par où elle s'échappe à
grands Ilots. — Lui seul l'augmente en nos âmes par les
vertus qu'il a la charge de cultiver. — Lui seul, quand le pé-
ché l'a étouffée en nous, peut, au Saint Tribunal, nous la ren-
dre. — Lui seul, au chevet d'un mourant, ouvre l'accès à l'é-
ternelle et céleste vie.
3° Le prêtre la défend. — C'est sa mission périlleuse et hé-
roïque. Le prêtre combat jusqu'au martyre les innombrables
ennemis qui nous veulent arracher la vie. Le prêtre nous
protège contre nous-mêmes, contrôle monde, contrel'enfer. —
Contre nous-mêmes. Car la concupiscence, les illusions, les er-
reurs, les passions brûlantes, les convoitises tendent sans
cesse à nous la ravir. — Au milieu du ??ionde, le prêtre
rencontre, dans les puissances, dans les pouvoirs publics,
dans la richesse insolente, dans le vice triomphant, de formi-
dables adversaires. — N'est-ce pas lui encore qui, par
ses prières et la puissance échappée de l'autel, terrifie et dé-
sarme l'enfer1?
LA VIE SACERDOTALE 333
II
COMME PUISSANCE
Richesse du monde, il est incontestable que le prêtre en
dépit de sa faiblesse apparente en est la grande et invincible
puissance.
Par la nature de son règne 1° Le prêtre sans jamais
s'arrêter au seuil comme sont réduits à le faire les domina-
tions terrestres, pénètre au plus profond de l'être humain. —
C'est l'intelligence qu'il courbe sous le joug de la foi ; c'est
le cœur dont il comprime le saillies désordonnées, pour le
placer sous la domination d'un céleste amour; c'est la volonté
dont il arrête les révoltes, c'est le corps lui-même et les
sens qu'il réduit à la plus douloureuse des servitudes.
2° C'est le règne le plus fécond. — Par la grâce dont Dieu
le remplit, le prêtre, et lui seul, a pu accomplir la plus pro-
digieuse des œuvres: celle de transfigurer, de purifier, d'af-
fermir, de remplir de noblesse, de sainteté, de divin idéal,
l'individu, la famille, la Société. — Si, sans nous borner aux
temps chrétiens, nous embrassons dans son ensemble l'his-
toire entière du sacerdoce, une vérité nous apparaît saisis-
sante : où le Sacerdoce est en honneur et digne de l'être, les
Sociétés sont florissantes. Où un sacerdoce dégradé ne mérite
et n'inspire plus que le mépris, les Sociétés s'approchent de
leur ruine.
Par l'universalité de son règne. — Que l'incrédulité
explique si elle le peut ce phénomène : jamais, en aucun siè-
cle, dans aucune partie du monde, l'humanité n'a vécu, ni
voulu vivre sans prêtre. Civilisés ou barbares, idolâtres ou
chrétiens, hommes des anciens âges ou citoyens des patries
nouvelles, tous ont rgclamé comme leur bien le plus inalié-
nable, comme leur besoin le plus essentiel, le prêtre. — L'ex-
plication de ce fait est d'ailleurs aussi victorieuse que simple :
l'humanité croit en Dieu, à un Dieu Très-haut, très Saint,
334 LA VIE SACERDOTALE
parfois trop justement irrité, et l'humanité veut, entre elle
et lui, un intermédiaire et un chargé de pouvoir.
Par l'inamissibilité de son règne. — Qu'ici encore l'incré-
dulité en prenne son parti. Elle subira toujours les deux
faits suivants.
1° Le prêtre sera toujours persécuté. — Il le sera par la na-
ture môme de sa mission, qui est d'imposer à l'esprit de
l'homme le joug du mystère, au cœur de l'homme le frein
détesté des vertus, à la volonté de l'homme l'infranchissable
barrière de la loi, à la richesse et au pouvoir de l'homme la
noble égalité de l'Evangile et l'invincible arrêt du « Non
possumus. »
2° Le prêtre triomphera toujours des persécutions. — 11
survit, après tant d'assauts furieux, tant d'hécatombes san-
glantes. — Non seulement la persécution n'a pas raison de
lui, mais par elle il se retrempe dans la vertu et s'affermit
dans sa divine vitalité.
III
GOMME AMOUR
Besoin qu'a le monde d'un cœur de prêtre. — Sous une
gracieuse image, Saint Jean Chrysostome nous rend ce besoin
de l'humanité. Si dans la nature Dieu a semé d'oasis le désert
brûlant, si l'homme a, dans chaque cité, ouvert quelque jar-
din public frais et délicieux, trouvons là l'image de ce qu'est
pour lesâmesun amour et un dévouement de prêtre. Dans cette
oasis, les voyageurs fatigués se reposeront. Dans ce cœur sa-
cerdotal, les déshérités de la vie, les victimes gémissantes du
malheur, les brebis momentanément égarées loin du bercail,
ceux qui, sans la rencontrer, ont besoin d'une affection douce,
sainte, profonde: pour eux, Dieu a créé le cœur du prêtre.
Comment Dieu a fait un cœur de prêtre. — Pour servir à
cette mission sublime, Dieu a fait jaillir des trésors de son
amour ce chef-d'œuvre d'amour.
LA VIE SACERDOTALE 335
i° Il l'a fait libre. — Le prêtre est à tous, asile toujours
ouvert à ceux qui y frappent. Le célibat, brisant pour lui des
liens trop particuliers, lui fait répandre sur tous un cœur
dont il est resté le maître.
2° // Pa fait désintéressé. — Le prêtre ne doit ni se mê-
ler aux intrigues du monde, ni aspirer à ses honneurs, ni
épouser ses querelles. Le bon pasteur aime et est aimé.
3° // Va fait martyr. — Le prêtre aime avec support cha-
ritable, avec dévouement, avec patience, avec mansuétude,
avec force invincible : « Durus ut mors dilectio. »
L'APPEL DE DIEU
Benedictus qui venu innpmine Domini... Ainsi apparut au
monde le véritable et unique Prêtre, Jésus Christ. Pontife
d'une nouvelle Loi, Médiateur entre le ciel et la terre, cen-
tre du Sacerdoce universel, Jésus-Christ entre dans ses
fonctions sublimes sous l'éclat de cette bénédiction. — Il est
béni par son Père qui l'ordonne Prèlre. — Il est béni par les
multitudes qui s'attachent à ses pas sur toutes les routes de
la Galilée et de la Judée. — Il est béni par tous les siècles;
par cette immense, universelle Eglise, qui couvre le monde.
— Cette bénédiction du temps a pour écho éternel la bénédic-
tion des cieux.
Ainsi apparaît le vrai Prêtre, c'est-à-dire celui qu'un ap-
pel divin, une vocation véritable et sérieuse, a placé dans le
Sacerdoce. — Quant au malheureux, qui, sans appel de
Dieu, sans vocation, usurperait des fonctions aussi célestes,
il est à la fois repoussé des hommes et repoussé de Dieu.
NECESSITE DE CET APPEL
Tout nous la montre cette nécessité: le raisonnnement
comme l'expérience, Dieu comme les hommes.
La raison montre que Dieu a ses choix. — 1° Dans nulle
carrière profane n'entre qui veut. — Le sanctuaire de la fa-
mille, resté fermé à la foule, ne s'ouvre qu'aux amis. — Les
plus humbles fonctions elles-mêmes réclament un appel et
ne s'y immisce pas qui veut. — La Société garde avec un soin
LA VIE SACERDOTALE 337
jaloux l'accès des carrières et de scrupuleux examens per-
mettent seuls de le franchir. — Partout, clans chaque état,
pour chaque industrie, un choix préside au personnel.
2° Combien moins encore dans une carrière divine. — Quoi!
l'homme choisirait son élu pour les plus terrestres emplois,
et Dieu serait seul exclu de ce pouvoir discrétionnaire ? —
Quand il s'agirait du Sacerdoce tout serait assez bon pour
Dieu et il aurait à se contenter des rebuts que le monde vou-
drait bien lui laisser ? — Le sanctuaire est par excellence la
maison de Dieu : « Domus mea; » « hœc est requies mea: »
et sans y être convié le premier venu pourrait à son gré en
franchir le seuil et s'y imposer de force? — D'ailleurs dans
le Sacerdoce tout est divin, tout relève du ciel. Comment
supposer que l'homme puisse impunément usurper les fonc-
tions d'une sublimité aussi formidable ?
Les faits montrent que Dieu a ses choix. — Ce que la rai-
son affirme, les faits l'ont perpétuellement consacré.
1° Durant l'ère patriarcale. — Ce n'est pas au hasard, mais
à travers des choix précis que se transmettent les grands
dogmes et la sublime promesse. D'Abraham à Moïse, Dieu ne
cesse d'intervenir dans ce Sacerdoce primitif.
2° Durant la loi écrite. — Moïse est choisi. Aaron l'est de
même. Après eux chacun des Juges. Après eux chacun des
Rois. Nulle autre tribu que la tribu Lévitique n'usurpe les
fonctions sacerdotales. Le téméraire qui le tente est frappé
de Dieu comme Oza.
3° Durant la Loi Nouvelle les fondateurs de l'Eglise sont
nommément choisis par Dieu. A Judas prévaricateur le choix
divin fait succéder Mathias. Paul reçoit son appel sur le che-
min de Damas. C'est l'Esprit de Dieu qui le sépare pour l'at-
tribuer à la gentilité: « Segregate mihi Salum et Barna-
bam. »
Un tout divin exemple montre que Dieu a ses choix. —
Mais quoi! Que nous arrêtons-nous à ces choix secondaires?
Voici que le Pontife Suprême, le Prêtre par excellence, Jé-
sus-Christ, n'a pu de lui-même et sans l'appel de son Père
entrer dans le sacerdoce: « Christus non semetipsum clarifî-
cavit ut Pontifex fîeret. »
T. IV 22
338 LA VIE SACERDOTALE
II
NECESSITE DE NE PAS ENTREPRENDRE
SUR CET APPEL
Violer l'entrée du Sacerdoce est un crime. — C'est un
crime à triple titre, car c'est une usurpation, c'est un vol sa-
crilège, c'est une persécution.
1° C'est une usurpation. — Nous l'avons suffisamment mon-
tré plus haut, en exposant la perpétuelle conduite de Dieu
dans le choix de ses ministres, dans son opposition formelle
à l'entrée des téméraires qu'il n'a pas appelés, dans la sévé-
rité qu'il déploie à châtier les faux prophètes, les profanes,
qui, sans appel et sans mandat, osent usurper les fonctions
sacerdotales.
2° C'est un vol sacrilège. — Ceux-là encourent la réproba-
tion universelle et s'exposent à de légitimes répressions qui
usurpent, dans le monde, des emplois auxquels ils ne sont
ni aptes, ni préparés. — Que dirons-nous de cet audacieux
qui de lui-môme franchit le Sanctuaire, monte à l'autel, pose
une main sacrilège sur les joyaux de la couronne, les trésors
les plus précieux du Très-haut. De quel front ce malheureux
entre-t-il dans de pareilles sublimités ? Par quelle audace se
présente t-il à Dieu sans en être l'élu?
3° C'est une persécution. — L'homme, entré sans vocation
dans le Sacerdoce, violente à la fois Dieu et l'Eglise. — Il les
violente dans les saints mystères qu'il accomplit mal, sans
foi, sans respect, sans goût. — Il les violente dans 1rs fidè-
les, au milieu desquels il n'est plus qu'un mercenaire, ou
même, hélas I trop souvent un loup ravisseur. — Il les vio-
lente dans leur prestige et leur gloire. Si les vrais prêtres,
qu'une vocation appelle et qui se rendent dignes de cette vo-
cation, projettent sur Dieu et sur l'Eglise l'éclal de leur science,
de leur zèle, de leur sainteté, le prêtre dénué de vocation ne
répandra autour de lui que la clarté terne et monotone de
LA VIE SACERDOTALE 339
sa tiédeur, ou plutôt les épaisses et mortelles ténèbres d'une
vie sans vertu.
Violer l'entrée du Sacerdoce est un malheur. — Si, fran-
chissant les années, nous supposons ce prêtre au tribunal du
souverain Juge, répondant alors de toute une vie de sacri-
lège audace, quel malheur comparable? Quel plus irrémédia-
ble désastre nous peut être montré ?
Mais restons dans les limites du temps présent. Les mal-
heurs accumulés sur la vie d'un prêtre sans vocation ne sont
déjà que trop complets.
1° C'est un fardeau que le prêtre n'a pas la force de por-
ter. — 11 est lourd, il est écrasant, même pour le prêtre le
plus saint, le fardeau du sacerdoce ! Mais au moins que de
grâces le soutiennent ! Quelle onction divine lui en adoucit
les fatigues ! — Quant au téméraire usurpateur, Dieu, qui ne
lui doit que colère et mépris, de quelles grâces espérons-
nous qu'il le soutienne ?
2° Ce sont des fonctions saintes, sans goût ni aptitude pour
les remplir. — Repassons avec une terreur trop justiûée les
fonctions sacerdotales. Cette Hostie divine, ce Sacrifice à of-
frir, ce Tribunal où il faut siéger comme juge, cette chaire
d'où il faut, comme organe de Dieu, répandre les divines vé-
rités, ce soin des âmes, ce zèle du salut, cette charité sans li-
mites.... « Quis tam idoneus :' »
3° Ce sont des dangers terribles, sans grâce pour les éviter.
— Le prêtre, étreint par une législation rigoureuse, enchaîné
à des devoirs surhumains, meurtri par des privations dou-
loureuses, le prêtre est en outre, le but désigné aux haines
de l'enfer comme aux persécutions du monde. — D'ailleurs,
comme tous ses frères, il ne trouve en soi que faiblesse, en-
traînement au mal, mortelles concupiscences. — Sans une
grâce proportionnée au péril, comment rester debout et vic-
torieux? — Mais cette grâce, assurée au bon prêtre, quel
droit peut y avoir le profane usurpateur ?
4° Ce sont des privations, sans que rien les compense. — Fi-
gurons-nous la situation du Prodigue, dans sa région loin-
taine. Le malheureux! Il n'a plus ni la paix, ni les joies, ni
les honneurs, ni les fêtes de la maison paternelle. — Puis
.quand, abaissé jusqu'aux plus ignobles appétits, il demande
la nourriture des pourceaux, il ne la peut obtenir ! « Xemo
illi dabat. » — Ainsi un prêtre sans vocation se trouve à la
fois exilé du ciel et de la terre, de Dieu et du monde. Ni Dieu
340 LA VIE SACERDOTALE
ne lui donne part aux joies célestes, ni le monde ne l'admet
à ses fêtes et à ses plaisirs.
III
NÉCESSITÉ DE RÉPONDRE A CET APPEL
Dieu a à ce point honoré sa créature qu'il ne veut pas, sans
elle, sans sa libre coopération, sans le mérite de ses eiforts
personnels, l'élever à la gloire. — Ainsi fait-il pour le sacer-
doce. Sans doute c'est lui qui désigne, qui choisit, qui ap-
pelle, qui sacre son prêtre, et nul, sans cet appel et ce sacre,
ne sera jamais prêtre selon son cœur. Mais, d'autre part,
l'élu ne franchira légitimement les marches du Sanctuaire
qu'après avoir coopéré à son appel et fécondé sa vocation.
Voyons donc ici quelle est la part de Dieu, quelle est la
part de l'homme.
La part de Dieu dans cet appel. — Trois actes dans la
préparation divine d'une vocation.
1° Dieu la prépare par des dons spéciaux, de spéciales ap-
titudes. — Celui qu'il honorera du sacerdoce il l'ornera tout
d'abord de dons particuliers : nature plus haute, dévotion
plus tendre, foi plus lumineuse, goûts précoces pour les cho-
ses saintes, facilités de les accomplir.
2° Dieu la prépare par une action mystérieuse de sa grâce.
— L'âme choisie entend au dedans d'elle-même des voix in-
times qui l'appellent à Dieu. Puis, c'est un mystérieux dé-
senchantement du monde. Puis, c'est un attrait de plus en
plus irrésistible vers le sanctuaire. Dans ces carrières profa-
nes, que les autres considèrent et ambitionnent, le futur prê-
tre ne trouve que fatigues et dégoûts. Aux lettres profanes
il préfère les Lettres Divines, il sent d'instinct que sa patrie
c'est le ciel.
3° Dieu la prépare par des circonstances providentielles. —
Le plus souvent il ménage à la fleur sacerdotale le sol, la ro-
sée, le ciel serein, les chauds rayons du soleil qui la fassent
LA VIE SACERDOTALE 341
s'épanouir naturellement. — D'autres fois cependant il abat-
tra brusquement Saul sur le chemin de Damas. Celui qu'il
veut pour prêtre s'engageait par des routes opposées, en de
lointaines régions : Dieu, par quelque coup providentiel, le
ramène au Sanctuaire.
La part de l'homme dans est appel. — Ainsi Dieu agit en
maître, sans toutefois nous laisser perdre de vue qu'il ré-
clame de nous une libre et généreuse coopération.
1° Ce que fait l'Eglise pour l'élu. — C'est ici la force, la
sécurité, l'honneur du Sacerdoce catholique. Le prêtre n'est
pas un enfant isolé, une sentinelle perdue, un combattant
sans appui : l'Eglise est sa mère, elle l'enfante, elle le nour-
rit, elle le dirige, elle le soutient, elle le réprimande, au be-
soin elle le châtie; jamais elle ne le laisse à sa faiblesse native.
2° Ce que l'élu doit faire lui-même. — L'élu de Dieu doit
travailler à affermir et à féconder sa vocation. Il le doit dans la
proportion même de la sublimité d'un pareil état. — Il le doit
parce que les obstacles qu'il rencontre en lui-même et au de-
hors sont plus formidables. — Il le doit parce que les respon-
sabilités qu'il assume sont plus terribles.
L'APPEL DE DIEU
CONSIDÉRÉ EN JÉSUS-CHRIST
Rien ne montre combien sacré, divin, inviolable est l'état
du Sacerdoce comme l'appel de Jésus-Christ. Un Fils de Dieu
Incarné n'avait-il pas tous les titres : sainteté, grandeur,
science, puissance, pour franchir de lui-même le seuil du Sanc-
tuaire? — Nonl — Il a attendu l'appel de Dieu son Père.
JÉSUS-CHRIST A ÉTÉ APPELE
Considérons tout d'abord le fait. — Rendons-nous compte,
après, de tout ce que comporte un appel au Sacerdoce.
L'appel lui-même. — Il est formel; il est établi en cent
endroits de nos divines Ecritures; il fut l'objet des plus an-
tiques prophéties. « Juravit Dominus et non pcenitebit eum:
tu es sacerdosin œternum »... Et Saint Paul, résumant l'E-
criture, a formulé en ces termes précis l'appel du Verbe In-
carné au Sacerdoce. « Christus non semetipsum clarilicavit
ut Ponlifex fieret, sed qui locutus est ad eum: Filius meus es
tu, Ego hodie genui te. Quemadmodum et in alio l«»co dicit:
tu es sacerdos in sternum. » — Et pour que cet appel fût
plus solennel, Dieu le fait en y ajoutant la formule du ser-
ment. « Hic autem eum jurejurando. » « Airandantius volens
Deus ostendere pollicitationis haeredibus immobilitatem con-
silii sui interposuit jusjurandum. »
LA VIE SACERDOTALE 343
Ce que renfermait cet appel. — En même temps que Dieu
appelait au Sacerdoce le Verbe Incarné, il lui conférait tout
ce que comportait ce glorieux appel.
i° Dieu lui donnait l 'onction sacrée. Le Prêtre estl' « oint du
Seigneur: » « Oleo sancto meo unxi eam >:. — C'est l'onction
royale: le prêtre est dominateur et roi; il gouverne, il ad-
ministre; il légifère, il sanctionne. — C'est l'onction du pro-
phète. Le Prêtre révèle au monde les secrets de Dieu, il dé-
chire le voile des destinées éternelles. Il est dépositaire des
promesses de la miséricorde et des menaces de la Justice.
— C'est l'onction du combattant. Le Prêtre engage « le bon
combat; » il « se pose comme un mur d'airain » devant les
ennemis qui assaillent la cité sainte, l'Eglise, le peuple chré-
tien, les âmes Grâce au prêtre de Dieu, grâce à l'invinci-
ble force que Dieu lui prête, Satan et le monde sont vaincus,
et les « portes de l'enfer ne prévalent pas. » « Manus mea
auxiliabitur ei.... Inimicus non prœvalebit adversus eum. »
2° Dieu lui donnait les pouvoirs divins. Pouvoirs extra-
ordinaires, pouvoirs sans limites. — Il lui donnait pouvoir
sur sa justice, sur sa miséricorde, sur son cœur I — Il lui
donnait pouvoir sur le peuple Angélique: « Et cum introdu-
it Primogenitum in orbem terrarum dicit: adorent eum om-
nes Angeli. » — Il lui donnait pouvoir sur toutes les nations:
« Tibi dabo gentes... Reges eos. » — Il lui donnait pouvoir
sur l'enfer: « Egredietur diabolus ante pedes Ejus. » — Il
lui donnait pouvoir sur le jugement. « Omnes stabimus ante
tribunal Christi. » — Il lui donnait pouvoir sur l'enseigne-
ment: « Ego autem constitutus sum Rexabeo... prœdicans
prœceptum ejus. »
TI
GOMMENT JÉSUS CHRIST A REPONDU A SON
APPEL
« Tout Prêtre, dit l'Apôtre, pris du milieu des hommes,
est constitué pour les hommes en ce qui regarde le service
de Dieu. »
344 LA VIE SACERDOTALE
De là 1° vie détachée; 2° vie dévouée, 3° vie priante. —
Telle fut la triple vie que mena Jésus-Christ pour correspon-
dre à l'appel divin.
Il mena une vie détachée. — Suivez-le de la crèche au
Calvaire, à travers Nazareth et la vie publique.... partout vous
trouverez notre Souverain Prêtre, caché, solitaire, dépouillé....
Nulle part vous ne saisirez aucun train de la vie mondaine.
Il est tout entier « de cœlo cœlestis. »
Il mena une vie immolée. — Immolée à Dieu... Immolée
aux hommes Immolée dans tous les actes de la vie....
Immolée en holocauste expiateur et rédempteur sur la croix.
Il mena une vie priante. — Jésus Christ pria partout et
toujours. — Jésus-Christ mena cette vie de prière comme
Adorateur.... comme Médiateur comme Modèle.
LES DEUX SACERDOCES
Si nous nous attachons au vrai sens de la plupart des Pa-
raboles proposées par le Sauveur, nous acquérons cette certi-
tude que l'Eglise, jusqu'au Jugement général, est composée
de deux éléments très divers: un élément saint, immaculé,
céleste, divin ; un autre portant en soi les faiblesses de l'hu-
manité déchue. — Tous sont invités au banquet du Père de
famille; un s'y trouve sans la robe nuptiale. — Le même
coup de filet ramène les poissons recherchés et ceux qui,
sans valeur, sont rejetés à la mer. — Le même champ se
couvre de bons grains et d'ivraie. — La raison en est simple
et péremptoire : Jésus-Christ la donne en ces mots : « Je suis
venu appeler les pécheurs. »
Ce double élément dont se compose l'ensemble des fiièles,
nous le retrouvons forcément dans le Sacerdoce. — Parmi
les serviteurs qui exploitent les biens du Maître un est trouvé
infidèle, un autre paresseux, un autre dissipateur. — Il y
aura des mercenaires, dissimulés sous l'aspect du bon pas-
teur ; il y aura même des loups sous la toison de la brebis. —
Des douze premiers prêtres, l'un est traître et prévaricateur.
— Ainsi passe, à travers les siècles, le Sacerdoce catholique,
vertueux et immaculé dans sa très grande partie, mais gar-
dant toujours dans les fautes de quelques-uns les vestiges de
la déchéance commune. « Quoniam et ipse circumdatus est
infirmitate. » — De là deux sortes de prêtres, deux différents
sacerdoces, qui s'offrent à nous et qu'il nous importe d'étu-
dier.
346 LA VIE SACERDOTALE
LE SACERDOCE REPROUVE
Elle est terrible mais elle est absolument certaine cette
affirmation : plusieurs prêtres, en dépit de leur gloire et de
leurs œuvres présentes seront éternellement rejetés de Dieu. —
Il est un sacerdoce que Dieu réprouve. N'entendons-nous pas
les Prophètes fulminer contre les prêtres vicieux? — Jésus-
Christ couvrir de ses anathèmes ceux qu'il trouve assis sur la
chaire de Moïse ? — L'Eglise ne verse-t-elle pas, dans le cours
des siècles, des larmes brûlantes sur ceux de ses prêtres
qu'elle trouve indignes de leur mission ? — Quels sont les
motifs ordinaires de cette condamnation et de ces larmes?
Réprouvé parce qu'il n'est pas céleste. — Pour en juger,
considérons d'abord ce qu'est un vrai prêtre.
1° Ce que doit être un 'prêtre. — L'Ecriture l'appelle « homo
ccelestis. » Elle le nomme encore « homo Dei. » Elle ajoute
qu'il doit « vivre et converser, non sur la terre mais dans
les cieux. » « Gonversatio nostra in ccelis est. » — Le prêtre
est « céleste » d'abord dans sa vocation. Il est fait pour Dieu,
il est fait pour les âmes et sa mission de médiateur, d'inter-
médiaire entre la terre et le ciel, entre les hommes et Dieu,
l'oblige à une perpétuelle présence au pied du trône de l'E-
ternel. — Le prêtre est céleste dans ses fonctions. Suivez-le
dans chacune d'elles; dans ses longues prières, dans ses mé-
ditations, dans ses études, à l'autel où il offre le grand Sa-
crifice de la nouvelle Loi, au confessionnal où il éclaire, affer-
mit, sanctifie les âmes, dans la chaire d'où il laisse tomber les
paroles de la vie éternelle, dans l'administration de ces Sa-
crements d'où jaillissent sur les fidèles les torrents de la vie
divine... Partout, toujours, en tout, le prêtre vous apparaî-
tra un homme célesle. — Le prêtre est céleste enfin par
son genre de vie. Il n'est pas de la terre : « Non estis de hoc
mundo. » Il n'y fonde point de famille, il n'y dissipe pas son
LA VIE SACERDOTALE 347
cœur, il n'y attarde pas ses jours. Dieu et les âmes : voilà sa
seule famille et son unique amour. Pour être heureux dans
cette solitude, dans cet isolement, il doit être céleste et vi-
vre bien plutôt au ciel que sur la terre.
2° Ce qu'est devenu un prêtre réprouvé de Dieu. — Comme
un astre tombé, comme un soleil errant, il s'est détaché du
firmament divin. Il erre dans les ténèbres terrestres: « hi
sunt in epulis suis maculœ convivantes sine timoré, semetip-
sos pascentes, nubes sine aqua quœ a ventis circumferuntur,
arbores autumnales, infructuosœ, bis mortute, eradicatae,
fluctus feri maris despumantes suas confusiones, sidéra erran-
tia. » L'Apôtre Saint Paul pleurait de môme sur ces anges dé-
chus qui, détachés de leur vie divine, se jetaient sur les pâ-
tures d'ici-bas : « Quos (tiens dico) video inimicos crucis. »
Malheur au prêtre dissipé, que le prière n'abrite plus dans
ses féconds et vivifiants recueillements !... Malheur aussi,
s'il prend les goûts, les allures, les habitudes du inonde ; si
on le retrouve sans cesse au milieu des mondains sans qu'un
zèle d'apôtre explique et légitime cette fréquentation!... Mal-
heur encore s'il laisse son cœur s'amollir aux charmes d'ici-
bas, aux affections do la terre, ou bien si son orgueil et son
ambition ne se mettent en quête que de postes éminents et
de dignités lucratives! L'avarice, qui veut posséder et accroî-
tre ce qu'elle possède, détache, elle aussi, de la vie céleste
les prêtres qui s'y laissent gagner.
Réprouvé parce qu'il n'est pas sanctificateur. — 1° Si par
une vie toute céleste le prêtre réside habituellement dans les
cieux, il en descend quand le bien de ses frères réclame les
secours de ses diverses fonctions. — « Pro hominibus consti-
tuitur in his quai sunt ad Deum. » Le zèle actif, l'esprit de
sacrifice, le travail incessant, les efforts intrépides caractérise-
ront toujours le vrai sacerdoce. Le prêtre digne de ce nom
va aux âmes, recherche la misère, court sur les traces des
pécheurs, et, dût-il dépenser de longues heures et supporter
des dangers et des fatigues, il ramène avec joie sur ses épau-
les la brebis égarée.
2° Que sera en regard le sacerdoce réprouvé? — Ici sont les
prêtres égoïstes amis de leurs aises, rebelles au travail, igno-
rants du sacrifice. Pour eux le mot de Saint Paul : « Impen-
dametsuperimpendar ipse» est un mot étrange et inconnu. —
Qu'importe à de tels prêtres que l'ignorance reste sans lu-
mière, la douleur sans consolation, le péché sans pardon, le
348 LA VIE SACERDOTALE
désespoir sans lueur d'espérance ? — Jésus les peint au vif
dans le portrait qu'il fait du mercenaire. — D'ailleurs leur
restât-il quelques vestiges du zèle sacerdotal, leur àme sans
prière est vide de grâce, leur parole est sans force, parce que
leur exemple est sans vigueur.
Réprouvé parce qu'il n'est pas victime. — Ici encore met-
tons le véritable prêtre en regard de l'autre. 1° Le vrai prê-
tre est une victime immolée à Dieu pour le salut des âmes. —
D'où vient le sacerdoce catholique? Où a-t-il ses racines?
Quel est son chef et son fondateur? C'est Jésus-Christ, c'est
la grande Victime, c'est l'Immolé du Calvaire, c'est, par une
extension et un prolongement du calvaire, l'Hostie de l'Au-
tel. A sa suite les Apôtres, les martyrs de tous les siècles ont
versé leur sang, mêlé au sang du Christ, pour la Rédemption
du monde. — Suivant leurs traces, le prêtre digne de son
sacerdoce aura une instinctive horreur de la jouissance, du
bien-être, du plaisir. Il aimera à se nourrir, comme le Psal-
miste, d'un pain de larmes. Il cherchera dans les labeurs du
ministère une première immolation. Si les persécutions s'y
ajoutent, il dira avec Saint Paul : « In hoc positi sumus. » —
Telle est l'éternelle gloire du clergé catholique. Lui seul, lui
toujours, lui dans toutes les parties du monde, est persécuté. —
11 l;est, car c'est à ce trait même que le Divin Fondateur de
l'Eglise fait reconnaître son véritable et légitime clergé, le
clergé qui vient de Lui et n'est pas de fabrique humaine:
« Pressuram habebitis in hoc mundo. »
2° Ce que devient le prêtre indigne du sacerdoce catholi-
que, — Celui-là n'entend souffrir, ni jamais, ni nulle part,
ni de rien. — Il ne souffre pas de son sacerdoce lui-même,
dont il fait mollement les œuvres, dont il répudie les labeurs
trop pénibles, dont il fuit les austères mortifications. — Ce
n'est pas un tel prêtre que vous trouverez défenseur intré-
pide de la vérité. Si les Pouvoirs publics deviennent oppres-
seurs, il courbe la tète; si le troupeau déconcerté s'apprête à
fuir devant le loup, eux-mêmes sauvegardent lâchement leur
bien-être et leur vie I
Réprouvé parce qu'il demeure stérile. — 1° Tout le pro-
gramme du sacerdoce catholique est dans ces mots du Sau-
veur : Posui vos ut eatis et fructum a/feralis. Quelle splen-
dide réalisation de cette parole divine nous offre, durant le
cours de son histoire l'Eglise catholique ! Douze Apôtres con-
LA VIE SACERDOTALE 349
quièrent le monde, le subjuguent, le renouvellent. Trois siè-
cles ne nous séparent pas du Calvaire que le monde païen
jonche le sol de ses ruines, et que, au milieu de ces ruines,
une floraison de vertus célestes, d'héroïsmes sublimes, s'é-
lève vers les cieux. Comptez les institutions qui se sont fon-
dées, les œuvres qui se sont accomplies; comptez les milliers
de Saints qui ont rempli le monde des héroïsmes de leurs
vertus. Plus nombreux que les étoiles du ciel sont les fruits
que l'Eglise catholique a produits sur toute la surface du
globe. « Posui vos ut eatis et fructum afferatis. »
2° Jugeons par là du contraste douloureux que nous offre la
vie d'un prêtre devenu le srl affadi et la lumière éteinte.
Ce prêtre est stérile pour les âmes qui lui sont confiées.
Parfois celle stérilité pourrait sembler étrange, tant ces ou-
vriers montrent en apparence d'activité, tant ils sont en
mouvement, tant ils répandent parfois d'éclat...
Mais ils n'ont pas tenu compte de ce qui fait la vraie force
sacerdotale ; ils ont oublié ce mot du Sauveur : « Sine me
niliil potestis facere », et ces autres de Saint Augustin : « Ma-
gni passus sed extra viam. »
Il leur fallait la méditation, la prière, l'étude profonde et
silencieuse, l'éloignement du monde, la conservation fidèle
delà grâce, l'onction divine qui jaillit de la piété, les lumières
qui découlent de Celui que l'Ecriture nomme « Pater lumi-
num », en un mot il leur fallait Dieu, il ne s'est trouvé que
l'homme.
II
LE SACERDOCE BÉNI
Quel est ce sacerdoce vraiment béni de Dieu ? L'Evangile
va nous répondre. « Assimilabitur viro sapienti qui œdificavit
domum suam supra petram. Et descendit pluvia et venerunt
flumina et flaverunt venti et irruerunt in domum illam et
non cecidit, fundata enim erat super petram. » Ainsi le sa-
cerdoce béni est : 1° un sacerdoce solidement édifié;
350 LA VIE SACERDOTALE
2° Un sacerdoce qui résiste aux tentations, aux dangers,
aux épreuves.
Le sacerdoce béni est le sacerdoce solidement édifié. —
1° Assimilabitur viro sapienli. — Le prêtre c'est l'homme
posé, sage, méditatif, dont la vie entière se passe à scruter
les dictâmes divins, à se nourrir de l'Ecriture, à s'illuminer
de l'éclat jailli des entretiens de Dieu.
2° -Edificavit clomum. — C'est ici le travail quotidien, la
sollicitude incessante, l'application courageuse à tous les de-
voirs du Sacerdoce. Ne cherchez pas le véritable prêtre au
milieu des distractions dissipantes du monde ; vous ne le
trouvez qu'en deux endroits différents : ou bien dans la so-
litude de sun presbytère, ou bien là où le réclament les be-
soins des lidèles.
3° Mdificavit supra petram.— Qu'est-ce que cette «pierre »
immuable ? Saint Paul nous apprend que la pierre c'est le
Christ. Le fondement du sacerdoce catholique sera donc l'u-
nion du prêtre avec Jésus-Christ. Le prêtre est saint, il est
puissant en œuvres, à proportion qu'il vit avec Jésus-Chrisl ,
qu'il se nourrit d'une sève divine et reproduit de divines
vertus.
Le sacerdoce béni est celui qui résiste aux épreuves. —
1° Descendit pluvia. — Ce sont les petites choses, les devoirs
légers, les obligations menues, les difficultés quotidiennes.
2° Venerunt flumina. Fleuves terribles, torrents impétueux
de la nature déchue, passions diverses, dont le prêtre doit
triompher.
3° Flaverunt vend. — Le monde se dresse, les persécutions
sévissent, le vrai prêtre demeure inébranlable.
PROVIDENCE DIVINE SUR LE PRÊTRE
Si la Providence divine enveloppe la création entière, si
tous les êtres, jusqu'aux plus infimes, reçoivent d'Elle la di-
rection, ne pouvons-nous pas affirmer que plus ils s'élèvent
en dignité plus Dieu les couve sous son aile, les revêt de sa
grâce, les dirige dans ses voies, et, seul, décide de leur exis-
tence entière ? — Mais que dire du Prêtre ? qu'affirmer de
cet être sublime entre tous ? — Ah ! sans doute que Dieu,
mille fois plus qu'aux autres créatures, lui prodigue ses
sollicitudes et met à son service toutes les ressources de sa
Providence.
Providence dans la vocation du Prêtre.
Providence dans la formation du Prêtre.
Providence dans l'action du Prêtre.
PROVIDENCE DANS L'APPEL DU PRETRE
Que Dieu le retire de la classe modeste des travailleurs,
ou bien qu'il le fasse sortir des rangs de la classe opulente,
sa Providence se manifeste dans un égal éclat.
Surgi des rangs du peuple. — N'avait-elle pas devant
Elle de redoutables obstacles cette Providence de Dieu dans
l'œuvre de la vocation ?
1° L'appel en lui-même. — A côté d'autres, en apparence
mieux doués, un privilégié et le plus humble a été l'élu de la
Providence. Une scène de l'Ecriture, au Ier livre des Rois
(chap. xvi), exprime d'une façon saisissante ce que la Pro-
352 LA VIE SACERDOTALE
vidence a de merveilleux dans l'appel des Prêtres. Samuel
vient dans la demeure d'Isaï pour y chercher le Roi d'Israël,
l'Elu de Dieu. Tous les fils d'Isaï passent sous son regard;
tous, avec leur haute et majestueuse stature, avec les char-
mes et les grâces viriles de leur extérieur : pas un n'est
choisi... Seul, le pâtre délaissé, le plus jeune, le plus faible,
celui auquel nul ne songe, David, voilà l'Elu, voilà celui que
Dieu choisit et que sacre le Prophète.
2° Les obstacles qu'il y a eu à renverser. — Au sein de préoc-
cupations matérielles elle insinue à celui qui sera prêtre un
jour des aspirations plus nobles, des vues plus hautes, un
mystérieux besoin d'idéal saint et pur. — Au sein de la pau-
vreté de la famille entière la même Providence éveille dans
chacun des membres la volonté du sacrifice : tous uniront
leurs efforts, mêleront leurs sueurs quotidiennes, pour pro-
curer à l'élu l'éducation nécessaire. — Au sein de l'égoïsïae
universel, Dieu suscitera des Bienfaiteurs dont les largesses
combleront, par son ordre, l'insuffisance des ressources fa-
miliales.
Surgi des rangs d.3 la classa riche. — Quand Dieu prend
ses prêtres dans les milieux opulents, sa Providence n'est ni
moins admirable ni moins puissante.
1° Dieu déroge, en faveur de ces élus, à sa mystérieuse
loi. — Quelle est cette loi? Ecoutez Saint Paul : « Aon mult'
potentes, non multi nobiles... infirma niuiidi elogit Deus..
ut non glorietur omnis caro in conspectu Ejus. » Avant tout
Dieu veut que son Sacerdoce apparaisse divin, que son Eglise
se montre dans le miracle de sa surnaturalité. Aussi il lu
enlève les soutiens que réclament les œuvres purement hu
maines;il écarte le prestige qui donnerait le change et ferait
attribuer aux ressources de l'homme ce qui n'est dû qu'à la
force de Dieu. — Puis Dieu a en horreur l'orgueil mondain ;
là où il le trouve, il s'éloigne; là où le faste se dresse, Dieu le
méprise et le dédaigne. — Puis, enfin, dans le pauvre, dans
le fils de l'artisan, Dieu trouve plus de simplicité, plus de
renoncement, plus d'austérité, plus de force.
Dieu donc recrute généralement son sacerdoce parmi les
humbles et les petits. Quand sa Providence franchit un seuil
opulent pour y chercher un prêtre, que ce prêtre admire da-
vantage son élection, rende grâce pour sa vocation sainte, se
répande en actions de reconnaissance et de louange pour
l'honneur qui lui est fait.
LA VIE SACERDOTALE 353
2° Dieu, en faveur de ces élus, a triomphé de plus d'obsta-
cles intimes. — Ces obstacles, qui ne les connaît ? Qui ne sait
comment, dans la société opulente, le monde s'est assuré sa
plus solide et sa plus universelle domination? — Dieu donc a
secrètement étouffé dans ces âmes privilégiées ce que l'on
nomme l'esprit du monde, fait de frivolité, de vanité, de dis-
sipation, de mollesse, de sensualité et d'orgueil. — A ces
âmes si délicatement élevées, dans cette « terre de la molle
suavité, » « in terra suaviter viventium», il a fait pénétrer, par
de mystérieuses issues, la sévère austérité des vertus sacer-
dotales. Là où tout est dissipation, entraînement du plaisir,
il a jeté le dégoût des joies mondaines. Là où tout est « con-
cupiscence des yeux et orgueil de la vie », il a fait apparaître
la rude vie sacerdotale. En un mot, où tout s'opposait à la
vertu cléricale, Dieu a fait naître, croître, triompher cette
vertu.
3° Dieu, en faveur de ces élus, a triomphé de plus d'obstacles
extérieurs. — Il est écrit du inonde : « Animalis homo non
percipit quae sunt Spiritus Dei. » Le inonde ne comprend rien
aux gloires et aux beautés du Sacerdoce catholique. L'aus-
térité .l'effraie, le dévouement froisse son égoïsme, une vie
humble, pauvre, dévouée aux petits, sans lucre, sans hon-
neur, sans avenir, déroute sa sagesse. Le monde combattra
donc à outrance la vocation au Sacerdoce. — Trop souvent la
famille, esclave des préjugés mondains, poussée par des vues
d'ambition, trompée dans ses calculs humains, entravera les
aspirations vers le Sacerdoce ou la vie religieuse. — Enfin la
vie que l'opulence crée aux privilégiés de la fortune est elle-
même le plus redoutable adversaire d'une vocation.
Mais quand Dieu parle, qui lui résiste ? « Quis resistit
Deo » ? Quand sa Providence négocie la délicate et difficile
affaire d'une vocation, qui pourra vaincre son action victo-
rieuse ?
T. IV 23
354 LA VIE SACERDOTALE
II
PROVIDENCE DANS LA FORMATION DU PRÊTRE
S'il est vrai que le naturaliste demeure en admiration de-
vant l'éclosion, la formation, l'épanouissement d'une fleur,
voyant comment l'univers entier se remue pour cet être si
frêle, le ciel et la terre , le soleil et la rosée, la sérénité
comme la tempête, la tiède effluve du printemps comme le
frimas glacé de l'hiver... de quelle admiration ne serons-nous
pas saisis en contemplant les forces divines mises en œuvre
pour la formation d'une âme et d'une vie de prêtre ?
Grâces spéciales. — 1° Grâces des voix intimes. De mysté-
rieuses sollicitations se sont fait entendre. « Dieu a parlé au
cœur »; « Dieu a mené à l'écart » cet élu, et peu à peu, dans
un suave langage, il l'a persuadé de quitter le monde et de
se diriger vers la terre lointaine de Sacerdoce. « Dixit autem
Dominus : egredere de terra tua, et de domo patris tui et veni
in terram quam monstrabo tibi. »
2° Grâces de préservation. — Son élu a traversé la flamme
de Sodome; il a erré parmi les fils de Chanaan, il a connu les
agitations brûlantes « du démon du midi, » il a vu « mille
tomber à gauche, dix mille à droite, » et lui n'a pas été tou-
ché. D'où lui est venue cette sécurité au sein de dangers si
formidables? Le Prophète le lui révèle : « Nisi quia Dominus
erat in nobis, dicat nunc Israël!... »
3° Grâces de réparation. — Parfois cette maternelle Provi-
dence s'est penchée sur l'abîme même où le futur prêtre se
laissait choir imprudemment. Ah I souvenez- vous des an-
ciens jours! Rappelez à votre mémoire ces occasions dange-
reuses, ces milieux décevants, ces heures terribles de fascina-
tion et de vertige... Mais Dieu était là. « Laqueus contritus
est et nos liberati sumus. »
4° Grâces de renouvellement. — Peut-être l'abîme s'est en-
tr'ouvert et la chute a été complète... Pour tant d'autres cette
LA VIE SACERDOTALE 355
chute a été définitive : « Statuta desolatio. » Pour l'élu de
Dieu, pour celui qui, malgré tout, voulait « aimer Dieu » et
lui rester fidèle, la chute elle-même est devenue l'excitation
à la vertu, le point de départ d'une sanctification solido :
« Omnia cooperantur in bonum. »
Grâces communes. — Quelle suite, quelle série de grâces
concourent à former un prêtre !
Une solitude pieuse s'ouvre à lui, et là, loin du monde, tout
près de Dieu, durant des années bénies, la grâce ne cessera
de couler à longs flots sur son âme. — 1° Grâces de science et
d'illumination. C'est là que se vérifie pour lui la divine parole :
« omnia dixi vobis; » « Nos autem gloriam Domini spécu-
lantes, in eamdem imaginem transformamur a claritate in
claritatem. » — 2° Grâces de piété. Elle s'offre à lui sous mille
formes, elle s'incarne, pour ainsi parler, en des exercices de
toute sorte; elle le poursuit, elle le réveille, elle le pousse
aux pieds et sur le cœur de Dieu. Sans cesse, à toute heure,
elle lui répète : « Magister adest et vocat te. » 3° Grâces dé-
ducation céleste. Tout l'y élève, tout l'y soutient, tout réalise
la parole du grand Apôtre : « Portemus imaginem Cœlestis. »
III
PROVIDENCE DANS L'ACTION DU PRÊTRE
Le soleil et la rosée de la Providence ont fait éclore la
Heur : l'onction sacerdotale a transfiguré en « Prince du peu-
ple, » en « Dieu, » cette frêle créature, fille de la terre. La
grande parole est prononcée : « Tu es Sacerdos in œternum »
et cette autre : « Ego dixi : dii estis! »
La Providence se retirera-t-elle, comme devant uneœuvre
faite, une tâche accomplie? A Dieu ne plaise ! Elle devient,
tout au contraire, plus attentive, plus prévoyante, plus bien-
faitrice.
Elle lui désigne son poste. — Devant cette affirmation deux
esprits se dressent : l'esprit charnel, l'esprit de foi.
356 LA VIE SACBRDOTALE
1° L'esprit charnel « ne comprend rien à ces choses de
Dieu », « non percipit. » Pour lui il n'y a de poste que le
poste commode, opulent, illustre. Il lui faut « la terre cou-
lante de lait et de miel; » c'est la « graisse de la terre » qu'il
réclame 1... Va, mercenaire misérable, fais-toi nourrir par le
troupeau que tu trahis et affames !
2° L'esprit de Dieu, l'esprit de foi, seul, sait comprendre
cette vérité : à savoir que la Providence elle-même lui ouvre
ses voies et lui désigne son bercail... Il y a des âmes qui l'at-
tendent, comme devant recevoir de lui le salut, et dans leur
détresse elles crient à Dieu : « Mitte quem missurus es »... Il
y a des œuvres qui l'attendent. Ce sol est dénudé peut-être;
peut-être ravagé; peut-être infructueux depuis des années
déjà longues. C'est lui, l'homme de la Providence, qui aura
le don d'ensemencer cette terre et de la couvrir bientôt do
moissons... Il y a des combats qui l'attendent.
Elle lui ménage ses triomphes, — Ses triomphes ici-bas.
« Virobediens loqueturvictorias. » — Ses triomphes éternels.
« Euge, serve bone et fidelis, quia in pauca fuisti fîdelis, supra
multa te constituam... »
LE ZÈLE DES ÂMES
[
SA NÉCESSITÉ
Trois pressants motifs poussent le prêtre au zèle et lui in-
terdisent à jamais l'indifférence et l'inertie : la grandeur des
intérêts engagés, l'exemple des trois Personnes divines, les
terreurs de l'avenir.
Grandeur des intérêts engagés. — C'est Dieu, ce sont les
âmes, dont l'intérêt se trouve intimement lié au zèle du
prêtre.
1° C'est Dieu. — Dieu, sans doute, qui trouve en soi-même
sa joie et sa gloire infinies, n'a nul besoin des œuvres du de-
hors et de la glorification qui en peut jaillir; Dieu se suffit
infiniment à lui-même. — Mais Dieu est le Bien Suprême, et
le propre du bien est de se communiquer et de se répandre.
Dieu l'a fait, il l'a fait avec une intensité d'amour infinie. Il
a tiré du néant des êtres qu'il comble maintenant des magni-
ficences de sa grâce, et telle est l'ardeur qu'il déploie et les
ressources de sagesse et de puissance mises en oeuvre, qu'il
semble attacher à la glorification de ses élus sa propre gloire
et à leur bonheur son propre bonheur. « Omnia propter elec-
tos. » Voyez ce grand Dieu dans l'œuvre de la création des
mondes, de l'Incarnation, de la rédemption, de l'Eglise : « in
brachio extento », dit l'Ecriture. Aussi exigera-t-il dans les
ouvriers qu'il emploie, dans les ambassadeurs qu'il députe
vers les âmes, dans les coopérateurs qu'il s'adjoint, l'activité
dévorante de la flamme: « fecit ministros ignem urentem. »
Tout retard l'irrite, toute paresse l'exaspère, toute noncha-
358 LA VIE SACERDOTALE
lance dans le ministère des âmes provoque jusqu'à ses malé-
dictions: « maledictus qui facit opus Dei fraudulenter. »
2° Ce sont les âmes — Est-il possible qu'un prêtre soit né-
gligent et paresseux., s'il réfléchit à ce qu'est une âme? La
dignité de son origine ? les splendeurs divines de sa rédemp-
tion ? son avenir éternel? .es luttes et ses dangers formida-
bles de l'heure présente? Pesez ces deux mots: un élu éter-
nellement heureux dans le ciel; un réprouvé jeté pour
toujours dans les flammes de l'enfer. 0 prêtre, si, par ta
faute, une âme p* rd le ciel, n'entendras-tu pas retentir sur
ta tète ces paroles vengeresses: « Qu'as-tu fait de ton frère?
le sang d'Abel crie vers moi. »
Exemple des trois Personnes Divines. — Quel spectacle
s'ollre à nous ! C'est Dieu tout entier, ce sont les trois Per-
sonnes divines qui, tour à tour, s'emploient à la glorification
des élus, au sclut des âmes.
1° C'est Dieu le Père. — Pour l'homme, il crée l'univers et
ne ménage aucune splendeur quand il orne cette demeure.
— Sa Providence est sans cesse en éveil, et, pour l'homme,
il tient en harmonie ces vastes constructions qui forment le
monde. Du ciel à la terre, des astres qui étincellent au fir-
mament jusqu'au brin d'herbe qui s'emplit de rosée, tous les
êtres s'emploient par son ordre au bien être et à la conser-
vation de l'homme, le favori de son amour. — Mais quoi !
alors que pour sauver l'homme, pour le racheter et le glori-
fier, le sacrifice de son propre Fils fut réclamé de sa justice,
il l'abandonna aux exigences d'une sanglante expiation.
2° C'est Dieu le Fils. — Quand le Cantique nous dépeint
le Bien-Aimé franchissant les abîmes, gravissant les monta-
gnes, renversant tout obstacle, il nous montre quel chemin
dut parcourir le Verbe pour venir jusqu'à nous. Quelle ar-
deurdans ce Verbe! Quellesflammes dans ce suprême Amour!
Rien ne l'arrête: ni notre néant, ni notre déchéance, ni nos
crimes. Rien ne le décourage: ni nos froideurs, ni nos refus
obstinés. Suive/, le tout le long de sa carrière mortelle, par-
tout il apparaît dévoré de zèle, ardent à l'œuvre de sa ré-
demption. Prédications et miracles, courses à travers la Ju-
dée, faligues de toute sorte, le Verbe Incarné mettra toul au
service de nos âmes: « Fccit multa, dixit plura, tulil indi-
gna ». — Il ira jusqu'aux limites suprêmes du zèle. Après
avoir vécu et travaillé pour les âmes, pour elles il répandra
son sang et donnera sa vie.
LA VIE SACERDOTALE 359
3° C'est Dieu l'Esprit-Saint. — Pour le salut du monde le
Père avait livré son Fils, le Fils lui-même s'était donné tout
entier à l'œuvre de la Rédemption; cette œuvre, l'Esprit-
Saint l'achève magnifiquement. Lui aussi déploie l'ardeur
du zèle et embrase le monde des flammes de son amour. Si,
au Cénacle, il descend sur l'Eglise en langues de feu, s'il se
manifeste dans les rafales de la tempête, c'est assurément
qu'il veut nous faire entendre quelle sera l'impétuosité de
son action et l'énergie de sa grâce. N'est-ce pas lui qui fait
mouvoir avec une puissance extraordinaire son Eglise ca-
tholique ? et n'est-ce pas sous son impulsion qu'elle déploie
toutes les ressources du salut ?
Quelle conclusion reste-t-il à tirer, sinon que celui-là est
indigne de coopérer à l'œuvre divine qui n'apporte que froi-
deur et nonchalance au ministère des âmes ?
Les terreurs de l'avenir. — Mais, si le prêtre tiède et pa-
resseux se rend indigne d'un pareil ministère, attendons-
nous pour lui à de dures représailles et à d'impitoyables con-
damnations.
1° Le sort du pasteur est intimement lié au sort du trou-
peau. — Déjà entre simples fidèles, Dieu a établi une telle
solidarité et de si nécessaires rapports que nul ne peut, sans
s'attirer Panimadversion divine, se désintéresser du salut
éternel d'autrui. — Mais que sera-ce du Pasteur? Qu'ad-
viendra-t il du prêtre auquel Dieu confie des âmes? Le Sou-
verain Pasteur, Jésus-Christ, déclarait solennellement avant
de mourir qu'il n'avait perdu aucune des brebis que son Père
lui avait confiées. Dans cette même parole est renfermée la
sécurité de tout pasteur.
2° Quelle est la conséquence. — C'est assurément que, lié
au sort des âmes qui lui ont été confiées, le pasteur n'attein-
dra pas à la récompense éternelle, s'il en perd quelqu'une
par le fait de sa nonchalance et de sa torpeur.
3° Inanité des objections et des prétextes. — Quelles raisons
le prêtre donnera-t-il de son défaut de zèle ? Objectera-t-il la
grossière insensibilité, la rusticité et l'ignorance de ses ouail-
les? Mais, n'est-ce pas « vers les brebis perdues de la mai-
son d'Israël » qu'il était envoyé ? — Mettra-t il en avant,
pour excuser son silence et son inertie, la précédente stéri-
lité de son ministère? Dira-t-il comme Saint Pierre : « Ayant
jeté le filet toute la nuit, nous n'avons pris aucun poisson »?
N'est-ce pas précisémeut alors que le divin Maître commande
360 LA. VIE SACERDOTALE
au pêcheur de nouvelles tentatives et un nouveau travail? —
Le prêtre n'est-il au milieu de populations hostiles et mé-
chantes que l'objet des mépris et la victime des vexations ?
Son zèle alors doit se tourner en larmes et en prières. Sur
le flanc de la montagne des Oliviers, il jettera sur une Jéru-
salem infldèle et déicide un douloureux regard et il pleurera
sur elle. Larmes puissantes, douleur victorieuse, silencieuse
rédemption, qui saura dire vos triomphes cachés, votre puis-
sance auprès de Dieu, le nombre des âmes que vous parvien-
drez enfin à sauver de l'enfer ? — Tous les bons prêtres ont
connu ces heures de désespérance et d'abandon; mais tous
ont suivi les voies de cette charité apostolique dont parle
l'Apôtre, « qui croit tout, espère tout, souffre tout » sans
défaillir jamais. Comme le Psalmiste, « ils jettent en pleurant
leur semence » de zèle et de salut, plus tard, sous les béné-
dictions inespérées de Dieu, « ils recueilleront joyeusement
leur moisson opulente. »
II
SA PRATIQUE
Distinguons trois actes principaux du zèle sacerdotal. Le
prêtre doit: 1° Souffrir pour les âmes; 2° prier pour les âmes;
3° instruire assidûment les âmes.
Le prêtre doit souffrir pour les âmes. — Le plan conçu
par Dieu dans la Rédemption du monde est un plan univer-
sel, invariable. C'est par la souffrance que le monde a élé
racheté. C'est par l'immolation de ladivine Victime que l'en-
fer s'est fermé et que le ciel s'est rouvert. — Or, selon la
mystérieuse et profonde doctrine de Saint Paul, la passion
du Christ Rédempteur ne s'achève et ne devient parfaite que
par les souffrances que le Sacerdoce catholique y ajoute. 0
prêtre ! 0 pasteur des âmes! Comment espérez-vous sans la
souffrance rendre votre ministère fécond au milieu des fidè
les? — Or sous quelle forme cette souffrance sacerdotale se
LA. VIE SACERDOTALE 361
produira -t-ellc le plus ordinairement? D'abord en supportant
puis en corrigeant.
1° Le prêtre doit souffrir en supportant. — Si, au moin-
dre défaut des fidèles, à leurs plus légères vexations, nous
opposions une impatience irritée, que ferions nous de l'a-
vertissement du Sauveur; « voici que je vous envoie comme
des brebis au milieu des loups? »
2° Le prêtre doit souffrir en corrigeant. — Comment a été
consommé le déicide? Comment les hommes, que le Fils de
Dieu venait sauver, se sont-ils portés au plus épouvantable
des forfaits? Les hommes étaient pécheurs; Jésus-Christ dut
déclarer à leurs vices une guerre magnanime. De là la haine,
la résolution funeste, le crime. — De quoi Saint Paul a-t-il
souffert perpétuellement ? De la nécessité où le jetaient les
vices des premiers fidèles? — Qui souffrira, parmi les prê-
tres ? Ceux-là seuls qui, fidèles à leur mission, sauront re-
prendre courageusement les pécheurs.
Le prêtre doit prier pour les âmes. — 1° Parce que le prê-
tre est médiateur. A lui de traiter, au pied du trône de Dieu,
les intérêts de ses frères. — A lui d'apaiser la justice di-
vine. — A lui d'appeler sur les âmes, par d'incessantes sup-
plications, les faveurs célestes.
2° Parce que le prêtre est apôtre. — Il sauve les âmes par
un labeur incessant, par une prédication ininterrompue. Or
n'a-til pas recueilli des lèvres de l'Homme-Dieu cette décisive
parole: « Sans moi vous ne pouvez rien faire? » — Et s'il ne
peut rien sans la grâce, comment le prêtre se peut-il dis-
penser de la demander? — N'est-ce pas dans le défaut de
prière qu'il nous faut chercher la cause de la stérilité du
ministère, chez beaucoup de prêtres?
INFLUENCE DÉCISIVE DU PRETRE
EDUCATEUR DE LA JEUNESSE
« Positus est in ruinam aut in resurrectionem multorum. »
Tout prêtre peut s'appliquer cette parole, quoique dans
un sens différent. Le prêtre ne passe pas sur la terre sans
y laisser une profonde empreinte. S'il n'est pas le salut des
âmes, il en est la ruine; s'il n'est pas pour elles « un parfum
de vie », il est « une odeur de mort »; s'il n'édilie pas par sa
doctrine et ses exemples, il devient pour beaucoup une cause
de chute et de scandale.
Si cela est vrai de tout prêtre, c'est plus vrai encore du
prêtre dans l'éducation. Educateur de la jeunesse, maître de
ces âmes tendres, dociles, impressionnables, il peut aisément
les façonner au bien; mais toute impression du mal qu'il
leur laisserait serait fatalement ineffaçable.
Qu'est au milieu des jeunes gens, le prêtre saint et zélé:
« positus in resurrectionem? » — Quel est, au milieu des
jeunes gens le prêtre dépourvu de la sainteté sacerdotale :
« positus in ruinam? »
L\ RESUIIUECTIONEM
Si nous étudions le prêtre au milieu des foules, dans un
ministère paroissial, sans doute son œuvre est grande et
fructueuse. — Mais nous la trouvons désastreusement en-
travée.— Quant au prêtre chargé de l'éducation de la jeu-
LA VIE SACERDOTALE 363
nesse, son œuvre, plus libre, est incontestablement plus
puissante et plus durable.
Il est beau sans doute le ministère paroissial. — Il est
beau si, d'un seul coup d'œil, nous embrassons la dignité et
la mission du prêtre. — Il est beau surtout, si nous contem-
plons son œuvre en détail.
1° Qu est-ce que le prêtre et sa mission dans une vue d'en-
semble ? — Le monde et les siècles n'auront vu qu'un seul
événement immense : la visite de Dieu sous les traits et dans
la réalité de la nature humaine. Quelle gloire ! quelle splen-
deur ! quelles œuvres ! Dieu parle à l'homme, Dieu guérit
l'homme coupable et blessé en prenant sur sa propre chair
les douleurs de l'expiation. Dieu offre un tout divin Sacrifice,
Dieu élève l'homme jusqu'au sommet de sa propre gloire.
Incarnation, Rédemption, Résurrection, déification : quels
mots! quelles réalités ! quels triomphes 1
Or tout prêtre est continuateur de PIIomme-Dicu ; tout
prêtre est revêtu de ses pouvoirs, perpétue ses merveilles,
achève et complète sa Rédemption.
2° Qu'est-ce que le prêtre considéré dans le détail de son saint
ministère! — Dans une seule parole, un prophète nous donne
du ministère sacerdotal la plus sublime idée : « Sicut os
meum erit », dit le Seigneur.
« Os meum! » Et qu'est-elle donc cette bouche de Dieu?
quelles sont les merveilles de sa parole? quelle est l'effica-
cité du mot qu'il prononce? — Dieu parle au néant, et la
vie jaillit de ses inertes profondeurs. — Dieu parle à la ma-
tière informe encore et chaotique et la matière s'organise
et se pare d'ornements. — Un mot de Dieu, et le firmament
s'étend, la lumière apparaît, les océans se forment, la terre
se couvre de ses multiples et brillantes floraisons. Un mot
de Dieu, et l'homme, le roi de ce bel empire, fait son entrée
dans la vie.
« Sicut os meum erit »... N'est-ce pas l'incomparable
gloire du prêtre de faire jaillir dans les âmes les mêmes
merveilles que la parole divine accomplit dans la création?
— Le prêtre parle, et le néant humain laisse place à une vie
divine; puis, dans celte âme divinisée, voyez le prêtre, par
sa parole, étendre le firmament de la foi, faire resplendir le
soleil de la vérité, refouler les grandes eaux des passions,
faire naître les mille fleurs, mûrir les mille fruits des vertus
chrétiennes.
364 LA VIE SACERDOTALE
Mais combien entravé au milieu du monde. — Nous avons
esquissé l'œuvre du prêtre dans le ministère paroissial. Ad-
mirons-en la beauté et la richesse, mais gémissons aussi sur
les entraves dont le monde l'amoindrit et parfois même le
ruine.
1° Première entrave : ïàge des fidèles. — Quand le prêtre re-
çoit de l'Eglise ses ouailles, les années ont déjà causé bien
des déformations et bien des ravages ; les habitudes mauvai-
ses se sont fortifiées, les passions ont reçu du temps une con-
sécration funeste et le péché a conquis d'invincibles pouvoirs.
2° Seconde entrave : la rareté des communications. — Quel-
que zélé que soit un pasteur, ce n'estjamais qu'à de trop longs
intervalles qu'il peut instruire, exhorter, corriger, éloigner
du mal, former au bien, les fidèles dont il a la garde.
3° Troisième entrave : les influences perverses. — Que de fois
le pasteur désolé voit s'écrouler dans les âmes l'édifice de
vertus qu'il y avait élevé ! Ces âmes imprudentes et malheu-
reuses se sont répandues dans le monde; elles en ont vu les
scandales, elles en ont écouté les voix perfides, elles en ont
goûté les charmes mortels... Autre Jérémie, le pasteur n'a
plus qu'à pleurer sur des Jérusalem en ruines.
Plus fructueux est le ministère de l'Education. — Toute
autre est la situation du prêtre dans le ministère de l'éduca-
tion. Aux trois entraves qui compromettent l'œuvre des pas-
teurs correspondent pour lui trois facilités admirables.
i° Facilité de l'âge. — Ce qui lui est confié, c'est une âme
et un cœur d'enfant. Or l'enfant vient au prêtre avec con-
fiance, docilité, pureté. — Avec confiance, car Dieu a mis au
cœur de l'enfant avec un immense besoin de savoir, un im-
mense désir d'apprendre. En même temps qu'il interroge
sans cesse, l'enfant reçoit sans opposition, ni méfiance la vé-
rité qui lui est enseignée. Et cette vérité, à mesure qu'on la
lui découvre, restera inelfaçablement gravée dans sa mémoire.
— Avec docilité. L'intelligence de l'enfant n'a pas été, comme
celle de l'adulte, sollicitée à la révolte par les mille perfides
suggestions du monde. — Le cœur de l'enfant n'est pas sou-
levé encore par les tempêtes des passions; l'enfant s'attache
d'instinct à l'autorité qui le mène, il suit docilement le che-
min qu'on lui fait prendre.
2° Facilité des rapports. — Tandis que le prêtre dans le
ministère paroissial n'a, au pied de sa chaire, que des foules
fugitives qui consentent à peine à l'écouter un moment, le
LA VIB SACERDOTALE 365
prêtre dans l'éducation vit au milieu de ses jeunes disciples
sans les quitter jamais. Sa voix se fait sans cesse entendre
et ses leçons, pour prendre des formes diverses, n'en con-
servent pas moins une égale eflicacitc. Du Sanctuaire à la
classe, de la classe aux lieux des récréations, l'enfant re-
trouve toujours l'ange tutélaire qui ne varie ses enseigne-
ments que pour les mieux graver dans l'esprit et le cœur.
3° Facilité de l'isolement. — Qu'elle est frappante de vé-
rité la Parabole du Semeur et qu'elle s'applique bien au
ministère paroissial I Le pasteur a parlé; peut-être a-t-il,
pour un instant, remué profondément les âmes, touché les
cœurs, suscité les résolutions généreuses, mais le monde
passe sur ces triomphes de la grâce et les change bientôt en
défaites. C'est le chemin pierreux, ce sont les oiseaux qui dé-
vorent la graine, ce sont les épines et les ronces qui l'étouf-
fent. — Tout autre sera le sort des enseignements du prêtre
éducateur. L'enfant, séquestré du monde, isolé des milieux
pervers, lui reste attentif et soumis. Le vent de destruction
qui passe sur l'édiQco paroissial pour le renverser pierre par
pierre, respecte le sien et il peut, sans entrave, l'élever soli-
dement depuis le fondement jusqu'au sommet.
II
LN ruinam
Si elle est puissante, durable, décisive, l'œuvre du prêtre dans
l'éducation, quand ce prêtre est plein de foi, de zèle et de
vertu, cette œuvre est désastreusement ruinée, quand le prê-
tre éducateur n'est plus, selon le mot de l'Evangile, qu'une
lumière éteinte et un « sel aifadi. » — Disons plus : la ruine,
ici, n'est pas une ruine ordinaire, c'est une ruine plus com-
plète, plus désolante, plus désespérée. L'enfant, déformé par
des mains indignes, l'est hélas! pour toujours. Son intelli-
gence comme son cœur resteront blessés et inguérissables.
Gomment le prêtre, qui devait opérer dans l'enfant une
transformation chrétienne merveilleuse nelaisse-t-il sortir de
366 LA VIE SVCERDOTALE
ses mains qu'an être amoindri et vicié ? Comment, au lieu
d'édifier, a-t-il ébranlé et détruit ? Etudions ce douloureux
mystère.
Un tel éducateur est sans prestige. — 1° Voyez d'abord
la peinture que Saint Paul nous fait du saint prêtre. — Il est
possédé, il est enivré d'amour. L'amour de Jésus-Christ le
presse, l'aiguillonne, ne lui laisse aucun repos ; il dit, comme
Saint Bernard: Toute lecture m'est insipide où n'est pas Jé-
sus-Christ. Où n'est pas Jésus-Christ, nulle conversation n'a
de charmes. A ses élèves, partout, toujours, il saura, sous
mille formes, prêcher Jésus-Christ. — 11 est brûlant de zèle.
Sans doute la culture profane de ses élèves l'absorbera, mais
sans jamais lui faire perdre de vue que son œuvre essen-
tielle est d'en faire des élus pour le ciel. — Dans sa vertu,
il puisera une douceur patiente, une fermeté paternelle, une
inflexible justice, une insatiable charité.
2° Tel n'est pas, hélas ! le prêtre sans foi, sans piété, sans
vertu. — Lisez dans l'Evangile le portrait du Mercenaire.
Chaque trait lui convient avec une vérité sanglante : même
abandon, même défaillance, même fuite honteuse. — Peut-
être, les Lettres humaines le compteront-elles comme leur
représentant illustre, peut-être aura-t-il conquis le renom de
brillant professeur : Dieu le rejette comme un serviteur inu-
tile, comme un mercenaire coupable... peut-être, hélas ! aussi
comme un loup ravisseur.
Un tel éducateur est sans initiative. — N'ayant ni l'amour
de Dieu ni l'amour des âmes dans le cœur, comment songe-
rait-il aux choses célestes, au monde surnaturel ? Il est muet,
il est de glace pour ce qui regarde la piété. — Il n'a d'action
que pour les succès terrestres et les lauriers de la science.
Un tel éducateur est sans édification. — Nul n'est plus
observateur et plus perspicace que l'enfant. Nul non plus ne
copie mieux les modèles et ne suit plus docilement les
exemples.
DU MINISTÈRE DE IA PRÉDICATION
i
SA iNÉGESSITÉ
Cette nécessité esl double, car si l'une des plus essentielles
obligations du prêtre est d'annoncer la parole de Dieu, une
seconde s'y rattache étroitement, celle de se former à ce
grave, difficile et indispensable ministère.
Nécessité pour le prêtre de prêcher. — Que le prêtre
ouvre l'Ecriture, consulte les théologiens et les casuistes, ou
bien écoute simplement sa raison : de ces trois côtés les plus
formelles affirmations lui viendront à l'envi.
1° Qu il ouvre l'Ecriture. — Dès les jours de l'Ancienne
Alliance, Dieu proclamait les grands devoirs du Sacerdoce.
Lui-même y appelait et y formait les Prophètes. Puis, par
eux, réveillait dans de vibrantes exhortations ou de sanglants
reproches le zèle endormi des prêtres. Isaïe, Ezéchiel, Jéré-
mie, deviennent terribles quand ils dénoncent en Israël le
silence ou pusillanime ou paresseux des prêtres. — La nou-
velle loi s'ouvre par l'éclatante prédication du Précurseur. Le
Christ, qui s'intitule « Celui qui parle », Ego qui loquor,
consacre à enseigner les foules, à prêcher partout, dans les
villes et les bourgades, les années de sa Vie publique. Quand
il députe au monde son Sacerdoce, quelle mission première
et essentielle lui confère-t-il ? La prédication. C'est la grande
voix de Dieu, dont avait parlé le Psalmiste, qui éclate au mi-
lieu du monde. — Lisez les Epîtres de Saint Paul. Quelles
pressantes objurgations ! Quel appel formidable au Tribunal
de Dieu à l'adresse des prêtres rebelles au plus grave de leurs
devoirs !
368 LA VIE SACERDOTALE
2° Qu'il consulte les théologiens. — Les moins exigeants e t
les plus larges affirment, pour le prêtre qui a charge d'âmes,
l'obligation d'instruire les fidèles. Un silence quelque peu
prolongé n'entraînera pas moins que la faute grave. — Com-
bien de Conciles et plus que tous celui de Trente ont rappelé
aux Pasteurs sous quelles formidables responsabilités Dieu
et l'Eglise leur confiaient le ministère de la parole !
3° Qu'il écoute la simple raison. — Rien ne remplace la
prédication. Si la foi est l'unique fondement du salut, la pré-
dication est l'unique fondement de la foi: « fides ex auditu. »
Si l'âme humaine conquiert par la vertu, par la fuite du mal,
son immortelle couronne, c'est la Parole sainte qui fera ger-
mer, croître, s'épanouir en elle la céleste floraison du bien. —
Si rien ne la remplace, on pourrait presque dire que la pré-
dication remplacerait à elle seule tout le reste, puisqu'elle
est la lumière de l'intelligence, la flamme du cœur, l'aiguil-
lon de la volonté.
Guide sûr, sentinelle vigilante, défenseur intrépide, la
parole de Dieu fraie la route du chrétien, écarte l'obstacle,
refoule les ennemis. Elle est, dit Saint Jean Chrysostome,
l'invincible glaive qui suffit à protéger les enfants de Dieu
contre tous leurs adversaires.
Nécessité de se former à la prédication — Le prêtre doit
s'y former. xVjoutons qu'il doit s'y former jeune encore.
1° Le prêtre doit s y former. — Seule une étude sérieuse et
approfondie des diverses sources rendra le pièlr^ apte à la
prédication. — Si une préparation, éloignée d'abord, pro-
chaine ensuite, ne précède, en vain et bien témérairement
le prêtre se liera sur sa vivacité d'intelligence ou sa facilité
de parole. Quelque chaleur et quelque éclat qu'il apporte dans
la chaire, il n'y sera jamais que l'airain sonnant ou la cym-
bale retentissante, dont parle Saint Paul. — Sans l'étude, les
elforts persévérants, le travail assidu, le prêtre aboutira fa-
talement aux trois conséquences suivantes: ou bien il ne
donnera aux âmes qu'une parole sans fond, un pain sans
substance, et l'inanité do sa prédication n'aboutira qu'à la
plus lamentable disette de vérité ; ou bien il se laissera peu
à peu gagner a la frivolité des auditoires mondains. Diseur
de riens, misérable amuseur des foules, il deviendra peut-
être ce qu'on appelle un prédicateur à la mode, mais il no
sera plus l'apôtre de Jésus-Christ. Ou bien enfin, son défaut
d'étude et de préparation lui rendant trop pénible la prédica-
LA VIE SACERDOTALE 369
tion, il tombera dans le découragement et du découragement
dans un funeste silence.
2° Le prêtre doit s' y former jeune . — lien est de nous comme
de la nature. Nous avons l'un et l'autre notre printemps. Au
printemps toute germination est puissante et facile: une sève
inépuisable circule à flots, le sol est tiède, le soleil est chaud,
la vie bouillonne. Mais, laissez venir les jours ternes de l'au-
tomne : une nature fatiguée, un sol inerte, ne répondent plus
que par la stérilité aux efforts qui voudraient leur arracher
quelque vertu. — Au jeune homme l'intelligence ouverte, la
mémoire puissante, la brillante imagination, l'émotion géné-
reuse. Mais, ce printemps de l'âge une fois perdu, nos facul-
tés se refroidissent et une triste stérilité répond seule à nos
trop tardifs efforts.
II
SA PRATIQUE
Pour prêcher fructueusement, il faut 1° étudier, 2° écouter;
3* pratiquer.
Il faut étudier. — Distinguons une étude première, essen-
tielle, fondamentale, puis une étude secondaire quoique in-
dispensable encore.
1° // est une étude première et fondamentale. — C'est, on le
comprend, celle de l'Ecriture sainte. Dieu seul a parlé au
monde et Dieu seul pouvait lui parler: « scientiam habet vo-
cis. » Dieu seul est la lumière qui éclaire tout homme venant
en ce monde, Dieu seul est autorité et puissance, Dieu seul
a droit à la soumission de l'intelligence et à l'hommage du
cœur. — Il s'ensuivra que la seule prédication légitime est
celle de Dieu ; que le prêtre n'est que l'écho prolongé des en-
seignements divins, que toute parole purement humaine de-
vient, dans la chaire chrétienne, une parole adultère et con-
damnée.— S'il en est ainsi, si le prêtre ne peut prêcher que
la parole de Dieu et si cette parole est renfermée dans l'E-
T. IT 24
370 LA VIE SACERDOTALE
criture, il s'ensuit évidemment que l'étude de l'Ecriture sera
pour le prêtre assidue, perpétuelle, approfondie.
2° Il est une étude secondaire, mais indispensable encore. —
Celle des Docteurs, de l'Eglise. Dieu, après la sanglante mer-
veille des persécutions, a fait surgir l'étincelante phalange des
Docteurs comme une seconde merveille. — Les Docteurs ont
non seulement interprété l'Ecriture, mais leurs œuvres ren-
ferment les plus admirables modèles de l'éloquence de la
chaire. — Si l'étude des Docteurs semble trop étendue et trop
impraticable, que le jeune prêtre, abandonnant de trop absor-
bantes richesses, se borne à un seul des Pères de l'Eglise;
mais qu'il l'étudié profondément. — L'éblouissant éclat des
Docteurs nous parvient adouci et atténué par l'intermédiaire
de nos orateurs catholiques. L'étude de l'un ou de plusieurs
de ces orateurs sera grandement profitable au prêtre. — Par-
lerons-nous des « Cours d'instruction religieuse? » Oui, mais
seulement pour les prêtres qu'un ministère trop chargé ou de
trop humbles moyens écarteraient des grandes études. Qu'ils
fuient néanmoins les recueils trop légèrement et trop mal
composés, les sujets vaguement esquissés dans les Revues,
les Panoramas plus vagues et plus creux encore. Cependant
s'ils découvrent quelque part de riches filons, des mines opu-
lentes, ils pourront s'y attacher non sans fruit.
Il faut écouter. — Deux sortes de prédicateurs serviront
au prêtre, qui les écoute dans le but de su former lui -nié me
à la prédication : les bons, les mauvais.
1° Qu'il écoule attentivement les bons. — Le premier objet de
son attention serale fond mêmede la doctrine : si elle est juste,
si elle est suffisamment profonde, si elle est puisée aux bonnes
sources, si elle est exemple de toute erreur, de toute inexacti-
tude, de toute exagération. — Ce fond acquis, il ne laissera
pas de remarquer la diction, le geste, l'attitude, tout ce que,
en éloquence, on nomme mœurs oratoires.
2° Qu'il écoute avec tact et intelligence les mauvais, — Ceux-
ci, par elfet de contraste, pourront aussi lui offrir un ensei-
gnement précieux. 11 s'attristera ou s'irritera de les trouver,
dans la chaire divine, déclamaleurs profanes, parleurs creux
ou insipides, sans substance, sans émotion s vraies, sans même,
ce semble, de conviction. Si leurs voix se partagent ridicu-
lement en cris désordonnés et en sourdines imperceptibles,
si leurs gestes, dépourvus de grâce et de naturel, ne suivent
jamais la pensée mais la heurtent toujours, si leur pronon-
LA VIE SACERDOTALE 371
cialion elle-même est vicieuse et qu'ils meurtrissent la lan-
gue dans d'impardonnables fautes : que ces écarts divers, ce*
manquements de tout genre leur servent à s'en préserver.
Il faut pratiquer. — Ce serait trop peu d'étudier et d'écou-
ter, si l'on ne pratiquait pas. Si jamais l'adage : « fabricando
fit faber » fut de mise, c'est assurément en ce qui touche
l'orateur sacré.
1° 77 doit pratiquer par esprit de foi. — La chaire chré-
tienne exige un dur travail; ceux qui en gravissent les marches
sont exposés à des appréhensions pénibles, à des terreurs
qui les glacent, àdes dégoûts qui les énervent. Le prêtre ne
surmontera ces obstacles que parl'amourdeDieuet desâmes,
['estime de son divin ministère, le sentiment de sa responsa-
bilité, la juste terreur du jugement qu'il aura à subir.
2° Il doit pratiquer par une juste et légitime pudeur. —
Quoi! les orateurs profanes, un Démoslhène, par exemple,
dépensera des jours, des mois, des années, à sa formation ;
il se condamnera à une réclusion sévère, à d'héroïques ef-
forts, pour corriger jusqu'aux défauts de sa diction, et don-
ner à sa parole des charmes et un éclat victorieux. Et le prê-
tre, l'Ambassadeur du Très-Haut, le salut des âmes, la co-
lonne de l'Eglise, traitera avec une légèreté lamentable son
plus divin et son plus indispensable ministère?
3° // doit pratiquer par amour des âmes. — Elles attendent
le pain de la vérité. Si elles en sont affamées, qu'il est cruel
do. le leur refuser! Si une longue privation les a rendues insen-
sibles, quelle raison plus pressante encore de le leur distri-
buer largement! — Que le prêtre se souvienne de cette La-
mentation de Jérémie : « Les enfants demandaient du pain, et
nul n'était là pour le leur rompre. » Qu'il entende le Sau-
veur des hommes pousser ce tendre gémissement : « J'ai pi-
tié de cette foule. Si elle reste sans nourriture, elle tombera
en chemin. » — 0 prêtre! que d'âmes, éclairées et ranimées,
eussent trouvé le salut dansla Parole Sainte, si tu la leur eus-
ses annoncée ! Privées, par ta faute, de ce secours, elles se
sont perdues.
4° Il doit pratiquer avec persévérance. — Se décourager, se
négliger, se ralentir, céder aux dégoûts, se rassurer sur de fal-
lacieux prétextes : c'est tout perdre, et soi-même et le trou-
peau confié.
SAINTETÉ NÉCESSAIRE AU PRÊTRE
Jésus-Christ dit de ses prêtres qu'ils sont « la lumière du
monde ». Ils sont aux âmes ce que le soleil est à la terre.
Voyez ce soleil qui se lève au firmament; tant qu'il est ra-
dieux et que les nuées, en l'obscurcissant, ne lui ravissent
pas sa lumière et sa chaleur, il réjouit, féconde, vivifie la
terre. Mais, si, dans un ciel d'hiver, il devient froid etobscur,
la nature attristée reste sans force et sans vie.
Tel est le prêtre. Tant que la sainteté le fait resplendir
d'un éclat divin, il vivifie, console, sanctifie les âmes ; il est
la gloire de l'Eglise, il est le salut du monde, il est le bien-
aimé de Dieu. Apparaît-il dans la vulgaire obscurité d'une
vie séculière et mondaine, il n'est plus qu'un soleil éteint,
ou, selon une autre comparaison du Sauveur, « un sel affadi ».
La sainteté est donc indispensable au prêtre; sans elle il
rit sans but, sans joie, sans sécurité.
LA SAINTETE EST LE BUT DU SACERDOCE
Le but du sacerdoce est double. Le prêtre est constitué
prêtre pour Dieu d'abord, pour les âmes ensuite.
Un Dieu à glorifier : premier but du Sacerdoce. — En
créant le monde et surtout en le rachetant par le sang de
son Fils, Dieu n'a pu agir sans but. Or ce but, qui est do se
communiquer, de se répandre et de transfigurer les âmes,
Dieu l'atteint pleinement dans le saint prêtre.
i° Ailleurs Dieu a été trop souvent déçu. — Elle est triste
LA YIE SACERDOTALE 373
et honteuse l'histoire des ingratitudes et des refus obstinés
de l'homme. Dieu vient à lui, l'homme le repousse; Dieu lui
oifre son amour, l'homme n'en a que faire : les siècles sont
remplis de cette lutte étrange et navrante entre l'amour
d'un Dieu et l'insensibilité d'un monde pécheur. — Aux pre-
miers jours, il appelle Adam et le comble : Adam l'insulte
et le fuit. — Dieu supporte avec une intinie patience l'huma-
nité pécheresse, mais ses crimes se font si intolérables que les
eaux vengeresses du déluge la peuvent seules purifier. — Du
milieu des nations devenues idolâtres, Dieu choisit Israël pour
v répandre son amour et ses bienfaits. Israël le repousse,
l'insulte, le liait, le fait mourir. — Et nous, trop fidèles imi-
tateurs des Juifs, nous désolons par nos refus et notre fuite
éternelle la patience et la tendresse de Dieu. Contemplez le
monde, jetez les yeux sur ces foules qui se pressent : qui
pense à Dieu? qui aime Dieu ? qui répond aux avances de
Dieu?
2* Dieu trouvera son repos et sa joie dans le saint prêtre. —
Là, Dieu est à l'aise; son cœur est au large, sa lumière se
répand, sa grâce coule sans qu'aucun obstacle n'en arrête le
cours. — Aux trois besoins du cœur de Dieu, le saint prêtre
répond pleinement. Dieu est amour, l'amour réclame Yunion,
l'union elle-même exige la piété, le recueillement, l'éloigne-
ment du monde. Le saint prêtre, par sa vie de prière, de
solitude, de silence, oifre à Dieu un cœur tout préparé aux
célestes communications. — Mais, de plus, Dieu accomplit
dans le monde de vastes œuvres ; il les a commencées par
son Fils, il les continue et les achève par son Eglise. Mais où
sera la force de l'Eglise, sinon dans la sainteté du Sacerdoce?
— Le troisième besoin du cœur de Dieu est le plus ineffa-
ble. Dieu a conçu le dessein de transfigurer l'homme en son
propre éclat, de rendre l'homme si semblable à lui-même,
qu'il se puisse écrier arec la joie d'un chef-d'œuvre accom-
pli : « Ego dixi: dii eslis ». Or nulle créature au monde ne
remplit mieux que le saint prêtre ce plan magnifique de Dieu.
3° Ces merveilles ne s' accomplissent que dans le saint prêtre.
— Quant à l'autre, au prêtre mondain, dissipé, indévot, sans
zèle, sans charité, sans vertu, Jésus-Christ le déclare : il
n'est bon à rien : « ad nihilum valet ultra. » — Il n'est bon
ni à la prière, ou qu'il omet ou dont il s'acquitte mal, ni à
l'autel qu'il profane par sa légèreté et son indévotion, ni à
la chaire qu'il déshonore par l'inanité de sa parole, ni au
374 LA VIE SACERDOTALE
confessionnal dont il ignore les graves devoirs et les respon-
sabilités redoutables.
Des âmes à sanctifier: second but du Sacerdoce. — Sem-
blable à Moïse qui ne descendait du Sinaï que pour se prodi-
guer au peuple, le prêtre ne quitte Dieu que pour aller aux
âmes. Or de même que la sainteté seule le rend agréable à
Dieu, la sainteté seule le rend utile au peuple chrétien.
i° Sa?is la sainteté, le prêtre ne travaillera pas. — La foi qui
s'est obscurcie en lui ne lui montre plus la gravité et l'ur-
gence du labeur sacerdotal. Ses heures sont données au
monde ou bien la paresse les dévore misérablement. Les re-
cherches du bien-être, les calculs de l'ambition, les préoccu-
pations de la vaine gloire l'absorberont tout entier; le salut
des âmes n'obtiendra plus de lui qu'une pensée vague et fu-
gitive.
2° Sans la sainteté, s'il travaille, son travail demeurera in-
fructueux. — Jésus-Christ l'a déclaré: « Sans moi, vous ne
pouvez rien faire. » Saint Paul : « Ce n'est pas de courir et
de s'agiter ; car tout vient de Dieu qui fait miséricorde ».
Quel est l'étonnant secret de la stérilité du ministère chez
ce prêtre qui parait si actif et si appliqué ? 11 travaille seul,
il compte pour rien la grâce. La sainteté de la vie, la puis-
sance de l'exemple ni ne soutiennent ni ne vivifient sa
parole et son action.
II
LA SAINTETÉ EST LA JOIE DU SACERDOCE
Que la joie soit nécessaire et qu'elle devienne un élément
indispensable au salut: l'insistance del'Hcrituro, les exhorta-
tions répétées de Saint l'aul, une profonde doctrine de Saint
Thomas nous en font foi. « C'est la joie, dit Saint Thomas,
qui maintient L'homme dans un état de santé et do vigueur ».
Sans la joie, l'âme est douloureusement comprimée; elle
l'affaisse et retombe, le découragement s'en empare, ses
LA VIE SACERDOTALE 375
forces s'éteignent et un mortel engourdissement la retient
dans l'inertie.
La joie est nécessaire et deux sortes de joies sont possi-
bles. — Deux sortes de joie existent pour l'homme ici- bas.
L'une qui vient d'en bas et que le monde s'elïbrce de pro-
duire. Sans doute cette joie est fausse, elle est malsaine, elle
est mortelle, elle naît des passions, elle a pour racine em-
poisonnée la triple concupiscence. Néanmoins elle est vive,
elle est enivrante, ses charmes sont tels qu'elle séduit et
captive la multitude des mondains.
11 est une autre joie qui vient du ciel, que Dieu répand dans
les âmes saintes : joie mystérieuse, joie ineifable, dont un
seul rayon suflit à illuminer toute une âme, dont une seule
goutte peut remplir tout un cœur.
Sans la sainteté le prêtre n'en peut goûter aucune. — De
quelle joie pourrait jouir un prêtre qui n'est pleinement nia
Dieu, ni au monde?
1° Sans la sainteté le prêtre n'est pas à Dieu. — Les joies
divines ne peuvent donc pas devenir son patrimoine. Loin
de là 1 Sa vocation lui pèse, ses fonctions saintes ne lui ins-
pirentque fatigue etdégoùt. Sous quelle image pouvons-nous
le représenter ? Sans doute, sous l'image du Prodigue qui,
loin de son père, se trouve privé de ses seules vraies joies,
celles de la maison paternelle.
2° Par son sacerdoce le prêtre ne peut être au monde. — 0
sort lamentable ! Ce même Prodigue que les joies de la fa-
mille ne réconfortent plus, n'obtient plus même les grossiers
plaisirs que le monde s'obstine à lui refuser. Malheureux fa-
mélique, il réclame pour sa pâture la pâture des pourceaux
et nulle main ne s'offre à la lui donner. — Tel est le prêtre
qui, exilé des joies divines, réclame du monde des jouissan-
ces et des plaisirs qui ne sont pas faits pour lui.
376 LA VIE SACERDOTALE
III
LA SAINTETE EST LA SECURITE
DU SACERDOCE
Le prêtre a tout d'abord à se garder d'une illusion funeste,
puis ensuite à se persuader que la sainteté seule lui donne
la sécurité de l'avenir.
Une illusion funeste paut voiler son état. — Illusion facile,
illusion dangereuse! Le prêtre est par son état un objet de
respect et de vénération. La sainteté de l'Eglise le couronne,
ses fonctions saintes sont comme un vêtement de splendeur.
S'il n'y prend garde, cette sainteté du dehors et qui lui est
étrangère, il la prendra pour la sienne propre, il s'y com-
plaira, il s'y reposera. — Ce fut l'illusion de cet évoque auquel
l'Ange dans l'Apocalypse donne de si sévères avertisse-
ments.
Mais l'état du prêtre sans la sainteté est désastreux. —
En réalité, si le prêtre déchoit de la sainteté exigée de lui,
il vit sans sécurité et se prépare un terrible avenir.
1° 77 est condamné par toutes ses fonctions. — De l'autel
s'élèvent contre lui des voix accusatrices; car il célèbre sans
piété, peut-être, hélas! avec une conscience ou embarrassée
ou impure. — S'il confesse, l'Evangile lui dit : « Medice, cura
te ipsum. » — S'il prêche, Dieu lui reproche les paroles de
justice et de sainteté qu'il prononce.
2° // est condamne à chaque page de l'Ecriture. — Partout
Dieu y poursuit le prêtre inlidèle. Dans l'Evangile, de nom-
breuses Paraboles n'ont pour objet que lui.
3° Il est condamné dans chaque région <!<■ l'Eglise. — Voici
les Apôtres qui ont conquis le monde par La puissance de
leur sainteté. Voici les Martyrs qui oui versé leur sang.
Voici les Anachorètes qui ont fui le inonde. Voici les Vierges,
voici les Docteurs, voici les Pénitents.... Où le prêtre infidèle
LA VIE SACERDOTALE 377
trouve ra-t-il asile ? A quelle place, dans quel rang pourra-t-il
être compté ?
La Sainteté lui eût donné le zèle des âmes, et ce zèle eût
reproduit au milieu des fidèles dont il avait la garde les mer-
veilles des temps apostoliques. Hélas ! son insouciance et sa
paresse ont laissé l'ivraie croître et étouffer le bon grain. —
La sainteté lui eût fait généreusement « porter les stigmates
du Christ, » il eût, dans les labeurs et les croix du ministère
sacerdotal, participé aux lauriers empourprés des martyrs.
Hélas! sa vie sensuelle, ses perpétuelles recherches du bien-
être, l'ont rangé parmi les mondains « ennemis de la croix
de Jésus-Christ. » — La sainteté lui eût donné l'amour de
la solitude, le culte d'une demeure fermée aux dissipations
du siècle. Hélas ! ces dissipations l'ont perpétuellement em-
porté dans leurs tourbillons. — En un mot la sainteté lui eût
ouvert l'accès du ciel: sans la sainteté, sans la « robe nup-
tiale, » quelle place lui reste au banquet de l'éternité?
DU BON EXEMPLE
QUE DOIT DONNER LE PRÊTRE
Quand Jésus-Christ dit à ses prêtres : « Vous êtes la lumière
du monde, » il rappelle au Sacerdoce catholique, en même
temps que son plus éclatant honneur, son plus essentiel de-
voir et sa plus grave responsabilité. Sans la lumière, toute
activité s'arrête, toute vie s'éteint, le désordre et la terreur
envahissent une terre d'où tout travail est banni. Mais que la
lumière s'élève à l'horizon, la vie, le mouvement, l'harmo-
nie, l'activité féconde reparaissent avec elle. — Ainsi est, au
milieu de la Société chrétienne, le prêtre de Jésus-Christ.
Quand sa vie est sainte, ses exemples salutaires; quand de
tout lui-même jaillit l'éclat d'une vie parfaite, les âmes sont
éclairées, l'entraînement au bien les arrache à leur torpeur
naturelle et les porte vers Dieu.
Telle est donc la nécessité du bon exemple que les prêtres
doivent donner aux fidèles.
NECESSITE
Le bon exemple donné par le prêtre c'est tout à la fois
l'honneur de Dieu, la force de l'Eglise, le salut des âmes.
C'est l'honneur de Dieu. — C'est l'honneur de Dieu consi-
déré comme Dominateur et Roi, considéré comme Législateur
et Justice.
1° C'est l honneur de Dieu considéré tomme Dominateur. --
LA VIE SACERDOTALE 379
Ecoutons comme parle l'Ecriture, comme parle l'Histoire,
comme parle l'expérience. — Quand Dieu envoie au monde
son sacerdoce, quand il lui confère sa mission et ses pou-
voirs, quel est son but ? Apprenons-le de sa bouche : « Je
vous ai envoyés pour que vous alliez par le monde et que vous
y rapportiez du fruit. » Quel fruit? Ecoutons encore: « Que
vos bonnes œuvres soient aperçues et qu'ainsi soit glorifié
votre Père qui est dans les cieux. m Quand ie prophète Ha-
bacuc décrit magnifiquement le char triomphal de Dieu par-
courant la terre, répandant partout, bien plus le salut que la
terreur, subjuguant les peuples et entraînant après lui la
multitude des vaincus, quel est ce char? quels sont ces triom-
phes? Le char qui porte Dieu, dit Saint Jérôme, c'est l'Apos-
tolat, c'est le Sacerdoce. Quand le prêtre de Jésus-Christ appa-
raît au milieu des fidèles rayonnant de vertu, c'est la course
triomphale de Dieu à travers les âmes. — L'Histoire rend à
son tour, sur la nécessité de la vie sainte des prêtres, un ir-
réfragable témoignage. Elle enregistre, pour les nations chré-
tiennes, des siècles de décadence, des époques calamiteuses
où la foi s'obcurcit, la charité s'éteint, les mœurs tombent,
l'édifice saint s'écroule pierre par pierre comme un temple
ruiné. D'où est venue cette décadence ? Ces grands ébranle-
ments, où ont-ils leur point de départ? Comment l'Orient
est-il devenu un sol de désolation et de mort? Comment
l'Angleterre a-t elle apostasie son antique foi ? Comment l'Al-
lemagne s'est-elle précipitée dans les excès de la révolte lu-
thérienne? Une seule cause nous apparaît. L'astre sacerdo-
tal a pâli, le clergé ne soutient plus de ses exemples la foi
et la vertu des fidèles. Privée de la vue et de l'excitation de
ses chefs, l'armée du Christ est restée sans force et s'est lais-
sée vaincre. — En dehors de ces vastes considérations, l'ex-
périence quotidienne suffirait à nous persuader. Partout où
se montre un prêtre saint, c'est Dieu même qui apparaît sous
ses traits. Un prêtre saint c'est l'Evangile parlant, la Reli-
gion vivante, la vertu devenue visible et palpable.
2° C'est l'honneur de Dieu considéré comme Législateur. —
Dieu n'a pas laissé le monde en proie au désordre, ni le cœur
humain à la merci de ses passions désordonnées. Une légis-
lation sainte, mais rigoureuse, parfaite, dure à nos volontés
révoltées et pusillanimes, règle la vieentière du chrétien. —
Or l'entraînement de l'exemple, donné par le prêtre est ici
plus indispensable que partout ailleurs. Ce bon exemple dé-
380 LA VIE SACERDOTALE
truit en effet chez les fidèles les deux causes les plus ordi-
naires de leur désobéissance. La première est l'ignorance
dont la sainteté du prêtre devient la puissante illumination.
La seconde est la faiblesse de la volonté. Facilement le fidèle
se retranche dans une impossibilité prétendue d'observer la
loi divine. Que le prêtre se montre, qu'aux yeux de tous il
se fasse le ; crupuleux observateur des préceptes de Dieu :
quelle excuse restera au peuple ? Comment objectera-t-il
l'impossibilité?
C'est la forc9 de l'Eglise. — Considérons tour à tour l'E-
glise comme l'Epouse de Jésus-Christ, comme le salut du
monde, comme la dominatrice de l'enfer.
1° L'Eglise, Epouse de Jésus-Christ. — Rappelons-nous un
ineffable mystère: du haut du ciel, des splendeurs de son éter-
nité, le Fils de Dieu s'éprit d'amour pour cette Eglise. Pour
elle, il descendit des cieux. Il la purifia dans son sang. Il l'é-
leva jusqu'à son trône. Il la revêtit de sa beauté et dépensa
tous les trésors de sa sagesse et de sa puissance à en faire
une Epouse digne de lui. — Quelle est la première et la plus
essentielle mission du Sacerdoce auquel est confiée l'Eglise?
Sans doute de lui conserver son innocence, sa beauté, son
éclat. D'autre part, qui peut mieux qu'un prêtre indigne voi-
ler cet éclat et maculer cette blanche innocence?
2° L'Eglise, salut du monde. — Sauver les âmes, recueillir
les élus, former pour les splendeurs éternelles le cortège de
Jésus-Christ: telle est l'unique mission de l'Eglise à travers
les siècles. Cette mission l'Eglise l'aime et elle aspire de toutes
ses forces à la remplir victorieusement. Pour celte mission,
elle donne ses forces, ses sueurs, son sang. Or, un obstacle
invincible s'est dressé devant elle, un destructeur de son œu-
vre renverse à mesure l'édifice qu'elle s'efforce d'élever : ce
destructeur, cet adversaire, c'est le prêtre indigne.
3° L'Eglise, dominatrice de l'enfer. — Si nous nous res-
souvenons de la captivité honteuse et cruelle où son péché
avait jeté le genre humain, nous apprécierons à sa valeur
l'immense bienfait d'une délivrance opérée par Jésus-Christ
et son Eglise. — Mais sur qui repose avant tout la guerre
déclarée aux puissances infernales? Qui dispose de pleins
pouvoirs contre l'enfer ? Qui achève, après la divine Vierge,
d'écraser la tète du serpent ? Lo prêtre sans aucun doute.
— Mais hélas ! voici que lui-même, au lieu d'être triompha-
teur, n'est plus qu'un misérable vaincu. Que deviendra le
LA YIE SACERDOTALE 381
peuple quand ses chefs, au lieu de soutenir la lutte, et de
gagner la victoire, se laissent eux-mêmes vaincre et enchaî-
ner ?
C'est le salut des âmes. — Ce salut le prêtre le procure
par une quadruple intervention. Le prêtre soutient et fortifie
les âmes ; il les avertit et les corrige; il les juge et au hesoin
les punit ; enfin il les arme et les prémunit contre les dan-
gers.
■1° Comment soutenu' les âmes sans le bon exemple ? — Le
prêtre parlera. Assis sur la chaire de Moïse, il dictera au
peuple les volontés divines; pour rendre sa parole plus vic-
torieuse, il fera retentir les menaces de Dieu contre les pré-
varicateurs de sa Loi... Quelle force aura cette prédication
du prêtre, dont la vie coupable scandalise les fidèles ? De
quel crédit peut-il jouir au milieu de ceux qui lui disent :
« Medice, cura teipsum »?
2° Comment avertir les âmes sajis le bon exemple. — Elle
est aussi difficile et dangereuse qu'essentielle pour le prêtre
la mission d'avertir. Dans Ezéchiel nous voyons le prêtre
rejeté par Dieu pour n'avoir pas, avec courage et entière
liberté, averti le pécheur de ses égarements et des châti-
ments qui l'attendent. Malheur au prêtre qui laisse, sans
les avertir, les fidèles se précipiter dans toutes les voies de
la perdition! — Mais de quel front le prêtre dénoncera-t-il
les excès du peuple quand lui-même n'est pas exempt de ces
excès ?
3° Comment juger les âmes sans le bon exemple7! — Le
prêtre est juge en Israël. A lui d'évoquer les âmes à son
tribunal souverain. Devant lui se déroulera le procès des
consciences. C'est lui qui porte ces sentences redoutables
dont l'écho se prolonge dans l'éternité. — Mais, combien,
hélas I cette fonction est redoutable, combien elle lui ménage
les représailles de la justice, si lui qui juge les autres n'est
lui-même qu'un malheureux coupable! Sans doute, ses fau-
tes ne brisent pas son sceptre et n'interrompent pas le cours
de ses pouvoirs, mais néanmoins, quelles honteuses séances
il fera au saint Tribunal le prêtre qui ne soutient pas de l'é-
clat de ses vertus sa haute puissance judiciaire?
4° Comment prémunir les âmes sans le bon exemple. — L'A-
pôtre déroulait sans cesse aux yeux des fidèles les dangers
que leur font courir leurs nombreux ennemis, les pièges
dressés sous leurs pas, les séductions perfides qui les envi-
382 LA VIE SACERDOTALE
ronnent, par suite, la prudence à déployer, les précautions à
prendre, les sacrifices, les privations, s'il le faut les martyres,
à consentir généreusement. Mais quand l'Apôtre parlait
ainsi, lui-même en appelait à sa propre vie et se donnait
aux fidèles comme leur vivant exemple. — Imprudent dans
sa conduite, relâché dans ses mœurs, léger dans son langage,
âpre dans ses convoitises, dur et sans charité envers ses
semblables, comment le prêtre servirait-il de phare pro-
tecteur devant l'imminence des naufrages?
II
PRATIQUE
C'est dans sa personne, dans son langage, dans toute sa
conduite, que le prêtre doit se donner aux fidèles comme
l'exemplaire et le modèle de la vie chrétienne.
Dans sa personne et son extérieur. — // est un extérieur
que la dignité sacerdotale repousse. — D'une part, un exté-
rieur élégant jusqu'à la mondanité. Un extérieur léger. Un
extérieur elféminô. — D'autre part, un extérieur négligé
jusqu'à la malpropreté. Extérieur fruste. Extérieur dur sans
dignité, sans bénignité, sans grâce.
Dans son langage. — i° // est des sujets dont le prêtre ne
doit jamais parler. — 11 lui est messéant de connaître le
monde, d'en parler la langue, de paraître initié à ses moeurs,
à ses amusements, à ses frivolités, à ses modes. — Il lui est
plus messéant encore de tomber dansée que l'Apôtre appelle
le « turpiloquium, scurillitas, etc. »
2" // est des sujets dont le prêtre doit toujours parler. —
Partout, quoique avec tact et discrétion, le prêtre doit, dans
ses entretiens, prêcher « le royaume de Dieu. »
Dans ses procédés. — Charité, humilité condescendance,
prudence, gravité, chasteté.
LES DANGERS DU SACERDOCE
Qu'il est étrange dans la bouche de Saint Paul ce mol :
« Arereor ne, cum aliis praedicaverim, ipse reprobus efficiar! »
Si un Samt Paul, conGrmé en grâce, hôte du troisième ciel,
tremble pour son salut que ne fera pas le prêtre exposé cha-
que jour à de si formidables dangers:'
Ces dangers sont multiples; réduisons-les ici à trois prin-
cipaux. i° Insensibilité dans les fonctions saintes. 2° Recher-
che de soi-même dans le ministère des âmes. 3° Illusion dans
les jugements de la conscience.
INSENSIBILITE DANS LES CHOSES SAINTES
D'où naît cette insensibilité? Quels traits la caractérisent?
Combien la guérison en est difficile.
D'où naît cette insensibilité. — Laissons ici parler l'ad-
mirable Saint Bernard. « Ne vous fiez pas, dit-il, aux pre-
miers sentiments de ferveur qui vous animent. Rien ne
semble si solide que le temps et la négligence ne parvien-
nent à la fin à ébranler. »
1° Le temps. — Redoutable puissance que celle du temps!
Il passe en vainqueur à travers les choses humaines; rien ne
lui résiste et les ruines s'accumulent sous ses pas. Nos corps
fléchissent sous le poids des années et gardons-nous de croire
que nos âmes échappent à cette inexorable loi; elle aussi,
comme tout le reste, se fatigue et s'exténue. Si donc le prêtre
384 LA VIE SACERDOTALE
n'y prend garde, s'il n'a soin de se renouveler dans l'esprit
de sa vocation, sa ferveur première tombe peu à peu, ses
forces spirituelles s'amoindrissent ; il pourrait succomber
tout à fait à cette première cause de destruction.
2° Les négligences. — « Tout d'abord, dit Saint Bernard,
ces négligences semblent graves et insupportables à la cons-
cience; puis, peu à peu, si elles se renouvellent, l'âme n'en
conçoit plus la même crainte. Bientôt, elles paraîtront légères;
de légères, elles deviendront excusables; à la fin, elles pas-
seront inaperçues. » Pauvre prêtre! Sa vie sacerdotale est
tout entière tombée en ruines. Rien ne s'y soutient plus; la
méditation s'est évanouie ; la messe n'est plus qu'un acte
vulgaire, dont il s'acquitte avec une nonchalance ou une ra-
pidité scandaleuse. Le soin des âmes ne le touche plus ; de
négligence en négligence, il en est venu à ne plus voir en
elles que doà étrangères et des inconnues. C'est le mercenaire
de l'Evangile qui ne connaît plus ses brebis. Ni l'étude sacrée
ne l'absorbe, ni les labeurs de la parole sainte ne le capti-
vent. Hélas I bientôt, nous n'aurons plus devant les yeux que
le serviteur paresseux dont Jésus-Christ nous dépeint le
crime et les châtiments.
Quels traits la caractérisent. — Aux traits suivants, Saint
Bernard reconnaît le prêtre qui a succombé au mal désas-
treux de l'insensibilité.
i° Ncc compunctione scinditur. — Qu'elle est belle! qu'elle
est pleine de noblesse et de sécurité la conscience délicate!
L'ombre même du mal l'inquiète. La vue du péché la fait
fuir. Telle est la force- que donne à une àme fervente l'a-
mour divin qu'elle se condamne à tous les sacrifices pour ne
point offenser Dieu. — Hélas! tel n'est plus le prêtre insensi-
ble. Le péché glisse sur son âme sans y laisser la moindre
empreinte de regret et de douleur. S'approche-t-il du sa-
crement de la pénitence, un coup d'ceil trop rapide et trop
distrait sur ses fautes ne les lui fait plus apercevoir; d'une
conscience endurcie ne jaillit plus ni contrition, ni horreur.
Un cœur trop insensible ne lui fait plus pleurer ses péchés.
2° Nec pietale mollilur. — Voyez ce saint prêtre. Son âme
se fond d'amour à la seule pensée de Dieu. Son séjour chéri
est le sanctuaire; son occupation délicieuse la prière et la
méditation. Sa vie entière est dans ce mot de l'Imitation :
« Vivre sans Jésus est un cruel enfer. » — Mais qu'il est loin
de sentiments semblables le prêtre devenu insensible! Sa
LA VIE SACERDOTALE 385
foi, obscurcie et presque éteinte, ne lui révèle plus les mer-
veilles du monde divin. Le tabernacle est vide. Le Sanctuaire
est muet. Plus aucunes voix célestes ne se font entendre à
son âme; rien n'est aride comme sa prière; rien n'est dessé-
ché comme la récitation de l'Office divin, et les paroles les
plus enflammées de la grande Prière officielle éteignent sur
ses lèvres leur plus beau feu.
3° Temerarium ad divina. — Ici nous nous avançons jus-
qu'au bord de l'abîma. Devenu peu à peu insensible, le prêtre
n'est plus qu'un malheureux téméraire. — Téméraire à l'au-
tel. Il y traite les plus redoutables mystères avec une légèreté
impie; il n'y tient aucun compte de la présence du Fils de
Dieu; il joue avec le sang divin! — Téméraire au confession-
nal. Il n'en connaît plus les graves devoirs; il n'y conserve
plus la céleste attitude; il n'en porte plus le dur fardeau; il
n'en recherche plus les fructueux résultais. Le confessionnal
n'a plus pour lui que de rebutantes fatiguas dont il se dé-
charge, ou de sacrilèges recherches où il se complaît. — Té-
méraire en face de Dieu. Le tribunal de Dieu se dressera
pour lui comme pour tous les autres; sa vie entière de fau-
tes, de négligences, d'insensibilité, y sera jugée rigoureuse-
ment : malheureux téméraire, il n'y songe même pas.
4° Impavidum ad pericula. — C'est la fin, c'est le terme
lamentable de l'insensibilité. Mieux vaudraient les tumultes
du remords, les agitations et les terreurs de la conscience.
Ici c'est le calme, c'est la sécurité trompeuse, et si Dieu dans
sa miséricorde no prévient pas de quelque réveil puissant le
prêtre devenu insensible, il mourra dans la plus elfrayante
tranquillité.
Combien difficile est sa guérison. — Le mal de l'insen-
sibilité est d'une guérison étrangement difficile. Le même
Saint Bernard nous en donne les deux raisons suivantes.
1° C'est un mal aggravé par le temps. — S'il est vrai qu'une
brusque perturbation, un accident fortuit, quels que soient
les ravages qu'ils causent à la santé, seront néanmoins rapi-
dement guéris, un mal qui mine le corps depuis de longues
années laissera bien peu d'espoir et finira toujours par un dé-
nouement fatal. Ainsi en est-il de l'insensibilité chronique,
de la tiédeur incurable, du prêtre. Cette tiédeur lui est de-
venue comme une seconde nature.
2° C'est un mal que ne sentent pas ceux qui en sont atteints.
— Un grand Décheur pourra tomber foudroyé par un éclat
T. IV l 26
386 LA VIE SACERDOTALE
de la grâce divine. La douleur alors le pénètre, le regret le
brise, la terreur des jugements de Dieu le secoue victo-
rieusement. Son état qu'il ressent vivement lui est insuppor-
table. — Du prêtre insensible, n'attendez aucune de ces véhé-
mentes émotions. Il est devenu l'idole dont parle David :
« qui a des veux et ne voit point, des oreilles et no peut en-
tendre. »
II
RECHERCHE DE SOI-MEME DANS LE MINISTÈRE
DES AMES
Par une pente fatale, l'insensibilité mène à la recherche
de soi. Si Dieu n'est plus l'objet unique de notre amour, de
nos désirs, de nos recherches, que reste-t-il sinon le « moi? »
N'aimant plus que soi, n'agissant plus que pour soi, le
prêtre prostituera son ministère des trois manières suivantes.
Recherche de la vaine gloire. — Suivons ce prêtre dans
tout le cours de sa vie sacerdotale. Son mobile unique c'est
la vaine gloire, il lui faut toujours la louange, les satisfac-
tions de l'ambition, les postes les plus en vue, les missions
les plus retentissantes.
Cette vaine gloire a t-elle subi quelque échec? l'amour-pro-
pre s'est-il trouvé meurtri ? une obscurité monotone enve-
loppe-t-elle son ministère? Le prêtre intéressé devient triste,
découragé, inerte.
A un troisième trait, reconnaissons-le. Les succès d'autrui
le rongent de chagrin et de dépit. Hélas ! quels désastres
n'ont pas causés dans la famille sacerdotale et au milieu des
fidèles ces jalousies de la chaire, du confessionnal, des œu-
vres, des relations?
Recherche du bien-être. — L'amour de soi dans le prê-
tre conduit à un autre mal, mal vulgaire et bas : la recher-
che du bien-être.
LA VIE SACERDOTALE 387
Le vrai prêtre, le prêtre selon le cceur de Dieu, usera sa
vie dans le travail, ne comptera pour rien fatigues et dan-
gers. — Le prêtre dégénéré reculera devant la moindre peine
et ne cherchera dans le ministère sacerdotal que ce qui peut
alimenter son bien-être.
Les recherches du cœur. — Il est un amour de soi moins
grossier mais en réalité plusdangereux et plus funeste. Tan-
dis que le saint Prêtre se donne à tous, aimant surtout les
pauvres, se prodiguantsurtout aux déshérités, faisant de son
cœur l'asile où tous ont également droit de cité et de refuge,
le prêtre sensuel fixe son regard et son coeur sur les seules
brebis où il se complaît. Il appelle à lui celles-là seules qui
le charment, il leur prodigue des soins funestes et les enve-
loppe d'une affection qui les tue.
III
ILLUSIONS DE LA CONSCIENCE
Ces illusions constituent un très réel danger. — Que le
danger de l'illusion existe, nous n'aurions, pour nous en con-
vaincre, qu'à lire dans les prophètes, dans l'Evangile, dans
Saint Paul, la peinture que Dieu lui-même en a tracée.
Comment s'entretiennent ces illusions. — Gomment un
prêtre, d'ailleurs absolument dégénéré des vertus de son sa-
cerdoce, en arrive-t-il à se croire irréprochable ?
1° Ses fonctions le trompent. — Le voici à l'Autel. Du haut
de la chaire, il instruit les fidèles. Au confessionnal, il les
juge, au chevet des mourants, il répand à flots la grâce du
salut. Cette sainteté de son ministère le jette dans l'illusion,
il se croit saint par cela seul qu'il dispose de la sainteté.
2° La vue des autres le trompe. — Si, dans les régions su-
périeures, il contemple les saints, c'est avec la persuasion
qu'un tel éclat ne lui peut convenir.
Si, au-dessous de lui, dans les régions vicieuses du monde,
388 LA VIE SACERDOTALE
il regarde les pécheurs : lui-même, comme l'orgueilleux pha-
risien, se juge irrépréhensible.
Dans aucun cas, ce pauvre prêtre abusé ne songera à se
convertir.
L'ESPRIT DE PAUVRETÉ
DANS LE PRÊTRE
L'INSTITUTION. DU SACERDOCE LE PROCLAME
Premiers choix que fait de ses prêtres le Pontife suprême
Jésus-Christ. — Premières instructions qu'il donne à son sa-
cerdoce. — Premiers héros de la pauvreté que ce sacerdoce
produit dans son sein.
Les premiers choix. — Jésus-Christ rassemble pour la
conquête du monde sa première armée. Douze prêtres, douze
conquérants se partageront la terre, triompheront de la
puissance, de la richesse, de l'éclat que le Paganisme leur op-
posera. Or, que sont-ils ces hommes prodigieux, qui ont con-
quis le monde et construit, sur l'ordre de leur Maître, l'E-
glise catholique? Ce sont douze pauvres. Jésus-Christ est allé
les prendre dans la région de la pauvreté. — Le peu qu'ils
avaient encore : une chaumière, une barque et quelques fi-
lets, ils ont dû l'abandonner; et maintenant à la suite du Dieu
pauvre, ils disent triomphalement : « voici que nous avons
tout laissé. »
Les premières leçons. — Telle était l'absolue volonté du
Maître. Pauvre entre tous les pauvres, Jésus-Christ n'admet-
tait comme compagnons de sa vie et coopérateurs de son œu-
vre que des hommes détachés des ambitions humaines et ca-
pables de supporter les dures privations du dénùment. A
chaque page de l'Evangile, nous voyons Jésus-Christ préoc-
cupé d'inculquer à ses premiers prêtres l'esprit de pau-
390 LA VIE SACERDOTALE
vreté. Il les envoie prêcher sans leur laisser ni argent, ni
ressources, ni même le bâton du voyageur, ni même un vê-
tement de rechange. — Comme lui ses prêtres n'ont pas où
reposer la tète. La solitude des déserts les surprend sans
vivres — et parfois, le long du chemin, une suprême détresse
les oblige à froisser dans leurs mains quelques épis pour s'en
nourrir. — Voici venir un riche qui, touché de la grâce, ré-
clame, à la suite du Sauveur, les labeurs de l'Apostolat. Obs-
tacle insurmontable, sa richesse, qu'il se refuse à abandon-
ner, l'écartera à jamais d'une vocation si sublime.
Les premiers héros. — Ainsi formés les premiers prêtres
furent tous d'admirables héros de la sainte pauvreté. Pierre,
au mendiant qui lui tend la main, faute d'argent, lui donne
un grand miracle. — Paul pousse ce cri de triomphe de la
pauvreté apostolique : « n'ayant rien, nous possédons tout. »
Il montre ses mains durcies par le travail ; elles lui sont
comme un trophée glorieux de sa pauvreté. — Ailleurs, rap-
pelant aux fidèles qu'il aurait le droit de vivre de l'Evangile
et d'exiger de ceux qui l'évangélisent sa nourriture et son
entretien, il atteste qu'il préfère le dénûment aux honoraires
qu'ils lui doivent, et que ce dénûment il en fait l'honneur de
son apostolat. — A la suite de ces premiers héros, combien
d'autres ont surgi dans l'Eglise ? Et c'est d'eux, c'est du mi-
lieu des cloîtres pauvres, que sont sortis par milliers prêtres,
missionnaires et évêques.
II
L'EXERCICE DU SACERDOCE L'EXIGE
A bien comprendre le sacerdoce catholique, il apparaît clai-
rement que Jésus-Christ l'a fondé sur la pauvreté, que son
institution se dénature et son fonctionnement devient impas-
sible sans la pauvreté.
La vie du prêtre est une vie de séparation du monde. —
Lu parole est formelle: « vous n'êtes pas du monde, » vont
LA VIE SACERDOTALE 391
n'appartenez ni à son luxe, ni à sa richesse, ni à son bien-
être. Vous lui laissez ses folles ambitions, ses rires malsains,
ses prodigalités impures, ses joies désordonnées. — Où cher-
chera-t-on le prêtre, où ledevra-t-on découvrir? Jamais dans
la demeure somptueuse, dans le palais des rois. « Qu'ètes-
vous allé voir au désert, » dans la campagne retirée, dans
l'étroit village, dans l'humble et pauvre presbytère0 Ah! sans
doute, le vrai prêtre de Jésus-Christ, l'homme de son cœur
et de sa droite, le légitime successeur des Apôtres.
Au contraire, rencontrez-vous le prêtre dans les recher-
ches du luxe, dans les amollissements du bien-être, dans la
société des mondains? Passez, ce n'est plus là le prêtre de
Jésus-Christ.
La vie du prêtre est une vie de noble indépendance. —
L'indépendance est la plus essentielle, condition du ministère.
Il la faut au prêtre qui monte dans la chaire de la vérité, afin
qu'il y proclame avec une liberté apostolique la loi de Dieu
avec ses formidables sanctions. — Il la lui faut au saint Tri-
bunal, là où, sans acception de personne, sans complaisance
sacrilège, sans lâche timidité, il doit, comme le Dieu qu'il
représente, rendre à chacun selon ses œuvres. — Il la lui faut
dans chacune des autres fonctions de son ministère, dont le
désintéressement fait la gloire et maintient la dignité.
Mais, qui ne voit combien cette indépendance est liée à
l'esprit de pauvreté? Qu'il se laisse dominer par les préoccu-
pations du lucre, c'en est fait pour le prêtre de sa liberté. Il
se donnera autant de tyrans insupportables qu'il comptera
d'artisans d'une sacrilège fortune. Saint Paul lui décrit les
hontes, les dangers, la perdition finale d'un tel esclavage.
La vie du prêtre est une vie céleste. — Quand Jésus-
Christ rendait compte de sa pauvreté, il le faisait en ce sim-
ple mot : « vado ad Patrem. » Je vais, à mon Père, du sein
duquel je suis sorti. Je ne suis pas du monde; mon royaume
n'en est pas. Je suis du ciel, je suis l'homme céleste, sans
attache aux choses d'ici-bas.
Tel est le Maître, tel sera le disciple, tel sera le prêtre ca-
tholique. A lui qui se rend au ciel, qui va à son Père, qui
n'est pas du monde, dont le sacerdoce a fait un homme cé-
leste et divin, l'Apôtre fait entendre, qu' « ayant la nourri-
ture et le vêtement, il se doit tenir satisfait. » — Veut-il da-
rantage, entretient-il avec la terre des relations de luxe,
M92 LA VIE SACERDOTALE
d'ambition, de bien-être? Il n'est plus l'homme céleste qu'avait
sacré l'onction sacerdotale; il est l'homme terrestre. Et plaise
à Dieu qu'il ne devienne pas Y « homme animal dont l'intel-
ligence et le cœur se sont fermés aux choses d'en-haut. »
La vie du prêtre est une vie de sécurité. — Par consé-
quent, toute ambition, toute avarice, toute recherche désor-
donnée du lucre enlèvera au piètre la paix de l'âme, la sé-
curité de la conscience, la noblesse calme et tranquille de la
vie. — Saint Paul ne cessait de rappeler au prêtre cette fon-
damentale vérité. « Ceux, dit-il, qui convoitent la richesse
se jettent dans toute sorte de tentations, tombent dans les
filets du démon, sont en proie à une foule d'aspirations inu-
tiles et perverses qui plongent l'homme dans la mort et la
perdition . » — Ailleurs, le même Saint Paul nous montre
des prêtres intéressés et cupides allant de maisons en mai-
sons pour recueillir au prix de lâches concessions, parfois
même en trahissant la pure doctrine, une fortune maudite
de Dieu. — N'est-ce pas l'amour du monde cl de ses biens
qui détachait de l'Apôtre un de ses plus chers disciples et lui
faisait dire douloureusement : « Demas qui aimait le monde,
m'a abandonné ? »
La vie du prêtre est une vie de mortification. — C'est
même là le premier et le plus essentiel caractère de la vie
sacerdotale. Qui dit sacerdoce dit immolation, puisque le
Pontife souverain n'est descendu du ciel que comme une vie-
lime immolée et que l'holocauste fait le fond du culte tout
entier. Venu en ce monde pour sauver le monde par la dou-
leur, il fallut donc que le Christ souffrit el que, de la Crèche
au Calvaire, sa carrière sacerdotale fût une Longue suite de
souffrances et d'immolations.
Mais l'immolation exigée pour le rachat du monde se ter-
mine-t-elle à la Personne sacrée de l'Homme-Dieu? Nulle-
ment. « J'achève, dit Saint Paul, en mon corps ce qui man-
que à la Passion «I»' Jésus-Christ. » Telle est donc l'indispen-
sable mission du prêtre catholique. Il souffre, il est victime,
on doit retrouver dans sa vie entière les stigmates et l'em-
preinte du Christ immolé. — Cette mission, je la conçois dans
le prêtre pauvre et qui souffre de sa pauvreté. Mais le prê-
tre, homme d'opulen e et de bien-être, en quoi me repré-
senlc-t-il la Grande Victime du salut du monde? •
LA VIE SACERDOTALE 393
La vie du prêtre est une vie de combats. — Le prêtre a
pour adversaire le monde dont il doit sans cesse dénoncer
la perversité et flageller les vices. Oli ! que le monde lui fera
payer cher son apostolique langage. De quel délaissement,
de quelles persécutions il paiera ce zèle sacerdotal qui l'ir-
rite ! Prêtre zélé et énergique, résigne-toi aux plus dures
privations, mange un pain rare et amer, car jamais les at-
tentions et les faveurs du monde ne seront pour toi.
La vie du prêtre est une vie d'édification. — Quand le
prêtre saura dans une modeste demeure mener une vie sim-
ple, frugale et pauvre, il donnera aux Gdèles une double édi-
fication. — Le riche, en contemplant cette vie de perpétuel-
les privations, comprendra le « Beati pauperes » de l'Evan-
gile. — Le pauvre, en contemplant cette vie de perpétuelles
privations, comprendra le « Beati pauperes » de l'Evangile.
III
L'HISTOIRE DU SACERDOCE NOUS INSTRUIT
Ici nous quittons les vues de détail pour d'immenses pers-
pectives. — Quelles leçons que celles de l'Histoire I quelles
vastes expériences le clergé a faites, durant les siècles, de la
pauvreté et de la richesse !
Puissant en œuvres, dominateur, conquérant, triompha-
teur tant qu'il reste pauvre; amolli, sans force, sans vertu,
sans prestige; — bientôt prévaricateur, traître à sa mission,
châtié implacablement par Dieu, quand il se laisse envahir
par l'amour et la possession des biens de ce monde : tel est le
double spectacle que déroulent, à travers les âges, les An-
nales Ecclésiastiques.
LE PRÊTRE ET LA FAMILLE
Quand le Verbe daigna descendre sur la terre, ce ne fut
pas une simple visite qu'il lit à l'homme, sa créature. Le
mystère est bien autrement ineffable. Le Fils de Dieu vient
à nous, dans la réalité de la nature bumaine. Il est frère
de l'homme. Sans doute, il n'entrera pas dans la vie par l'i-
gnominieuse issue du péché, mais il y entrera comme nous;
il aura une mère. Par elle et par Joseph, son père adoptif,
il a, comme nous, des ancêtres, des proches, une famille.
Prêtre et Chef du Sacerdoce, Jésus Christ, dans ses rap-
ports avec la famille que sa naissance humaine lui a donnée,
deviendra l'instruction et le modèle des prêtres. Ce qu'il rend
d'amour, de respect, de dévouement, ses prêtres le rendront
après lui. Ce qu'il montre de sainte indépendance en face
de la famille, ses prêtres le montreront après lui.
RESPECT, AMOUR, DÉVOUEMENT
Dans ce tribut qu'un bon prêtre saura rendre aux siens, il
aura comme guides sa propre raison, puis les divins exemples
de Jésus-Christ.
Ce que la raison dit au prêtre. — Elle lui rappelle la loi
générale, le quatrième précepte du Décalogue. Llle lui mon-
tre que sa vocation même l'oblige à des devoirs spéciaux.
1° Le prêtre est soumis à la loi générale. — Cette loi, for-
mulée dans le quatrième précepte, est grave, et Dieu s'en
LA VIE SACERDOTALE 395
est fait dans tout le cours des âges l'attentif et inflexible gar-
dien. — Comme tous ses frères, quelles que soient l'émi-
nence de sa dignité et la supériorité de ses lumières, le prê-
tre ne se départira pas de la déférence et du respect qu'il
doit à un père et à une mère. — Au souvenir des bienfaits
qu'il en a reçus, du dévouement dont il en a été comblé, il
sentira son cœur s'ouvrir largement aux sentiments de la
reconnaissance. — Il a été aimé tendrement, tendrement
à son tour il aimera. Jamais les sollicitudes du ministère
ou l'obstacle de l'éloignement n'étoufferont en lui cet amour
premier et essentiel. — Il leur doit plus qu'un simple
amour, il leur doit l'assistance. Sans doute, le patrimoine de
l'Eglise est sacré, et dans la dispensation des biens qui vien-
nent du sanctuaire le prêtre ne peut agir qu'avec pru-
dence et réserve; mais si tout nécessiteux adroit d'y puiser,
combien plus les propres parents nécessiteux du prêtre?
2° Le prêtre est plus spécialement que les autres soumis au
quatrième commandement. — Une première raison c'est que,
élevé par la sollicitude, le travail, souvent les durs sacrifices
des siens, jusqu'aux gloires du sacerdoce, ayant reçu plus, le
prêtre doit rendre plus. — Une seconde raison, c'est que, ici,
comme dans les autres points de la vie chrétienne, le prêtre
est l'exemplaire vivant de la loi et le modèle du peuple. Si
le fils ingrat, oublieux, dénaturé, est pour tous un objet d'in-
dignation et de dégoût, quel scandale plus grand, si ce fils
n'était autre qu'un prêtre de Jésus-Christ?
Ce que l'exemple divin dit au prêtre. — 1° Renfermons-
nous, pour en contempler les merveilles, dans l'humble de-
meure de Nazareth. — Quel mystère! quelle incompréhen-
sible conduite ! Celui que nous voyons obéir à Joseph et à
Marie, vivre soumis à leur autorité, les entourer de dévoue-
ment, les combler d'amour, leur consacrer ses sueurs et son
dur travail de chaque jour, c'est le Dieu de gloire, le Fils de
l'Eternel, le Créateur des mondes, le Dominateur du ciel et
de la terre !
2° Après leur avoir obéi, Jésus Christ les a glorifiés. — Ce
qu'il fit pour eux durant sa vie mortelle n'est que le prélude
des prodiges de grâce et de gloire dont il les favorise dans
le cours des âges et les favorisera durant l'éternité. — A quel
sommet d'honneur, sur quel trône, au sein de quelle domina-
tion a-t-il placé sa Mère? Le ciel et la terre sont aux pieds
de Marie, les Anges la servent, l'Eglise l'acclame, l'enfer
396 LA VIE SACERDOTALE
même lui doit son tribut de rage impuissante et de terreur.
— Saint Joseph, qui ne fut pour lui qu'un père adoptif, voyez-
le salué par les hommages réunis des trois Eglises, du ciel,
de la terre, du purgatoire.
S'il est ineffablement beau de voir Jésus-Christ, le Prêtre
Souverain, entourer sur la terre un père et une mère de sa
sollicitude et de son amour, combien plus beau encore est le
spectacle dont jouissent les Bienheureux dans le ciel, quand
ils voient ce Fils mettre sa gloire et sa joie à exaucer les priè-
res, à remplir les volontés de ceux qu'il nomme, comme ici-
bas, son père et sa mère ?
11
SAINTE INDÉPENDANCE
Par une conduite opposée, mais non illogique, le prêtre, en
même temps qu'il se montre pour ses parents fils respectueux,
soumis et aimant, doit savoir, quand son ministère l'exige,
revendiquer vis-à-vis d'eux une sainte et inflexible indépen-
dance. « Quos, dit Saint Grégoire le Grand, adversarios pati-
mur aesciamus. *>
Indépendance au seuil du Sacerdoce. — Contemplons une
scène évangélique, nous en tirerons de décisives conclusions.
1° Contemplons une scène évangélique. — .lôsus a terminé sa
vie cachée cl il ouvre, par l'éclat des miracles et la profusion
des bienfaits, sa vie publique. Ses proches regardent grandir
et s'élever le Thaumaturge et ils comptent bâtir sur sa puis-
sance et sa gloire leur propre fortune. Qu'il aille dune à Jé-
rusalem, (|u il se montre aux foules, qu'il se fasse acclamer
d'elles, qu'il ravisse 1^ pouvoir, qu'il fonde une dynastie illustre,
qu'il étende et affermisse un splendide empire Où ne s'ar-
rêtent pas les rêves intéressés d'une famille ambitieuse? —
Q ie fait Jésus-Chrisl .' D'un mot, il écarte ces ambitions mal-
saines e[ ces cupidités sacrilèges. Grande leçon pour ceux qui
LA VIE SACERDOTALE 397
ont l'imprudence de pousser aveuglément leur fils au sacer-
doce.
2° Faisojxs l'application de cette scène évangélique. — C'est
parfois dès l'entance, presque dès le berceau, que des parents
jettent leur regard imprudent sur le Sanctuaire. Dieu sera-t-il
consulté? La conscience de l'enfant sera t-elle respectée? Sa
liberté elle-même ne sera-t-elle pas soumise à une pression
sacrilège? — Voici le jeune homme au séminaire. Ses goûts.,
ses aptitudes, ses secrets penchants, ses fautes, ses ambitions,
ses rêves d'avenir, tout l'écarté du Sacerdoce. Les guides
spirituelss'inquiètent, l'Eglise est tout entière dans l'anxiété...
0 désastreuse influence de la famille ! C'est elle que le jeune
Lévite croira, à elle qu'il obéira, malgré les oppositions de
sa nature et les reproches de sa conscience. Sa famille pré-
tend faire de lui le soutien de sa vie, le lustre de son nom,
la source de son bien-être: le malheureux, par amour ou par
crainte, se laissera élever à ces cimes redoutables du sacer-
doce, d'où leschutes entraînent de si irrémédiables malheurs.
.N'est-ce pas pour donner à ses prêtres une solennelle
leçon que Jésus Christ consentit à jeter sa sainte Mère et Saint
Joseph dans un étonnement douloureux ? Il s'était échappé de
leurs mains et en vain le cherchaient-ils depuis trois mortel-
les journées. « Ut quid me quœrebatis? » leur dit-il. — 0
parents! laissez Dieu seul, maître de la vocation de vos fils
et n'influencez pas de si graves décisions par une inopportune
ingérence.
Indépendance dans le cours du ministère. — Le prêtre,
légitimement appelé, a franchi les marches du sanctuaire.
Dieu l'applique à son œuvre; le voici au milieu des fidèles,
préposé au ministère pastoral. — La question de la famille
devient pour lui plus grave, plus décisive que jamais, et la
sauvegarde de son indépendance décidera seule des succès
ou des échecs de son administration.
1° Indépendance quand sa famille s'immisce dans son yninis-
tère. — Ce danger est déjà redoutable et le prêtre doit à tout
prix l'écarter. — Une première raison c'est que lui seul et
non sa famille a reçu de Dieu les lumières pour diriger les
fidèles et gouverner une paroisse. Qu'il tienne donc ferme-
ment son sceptre sacerdotal. S'il cède à des influences sécu-
lières, l'esprit de Dieu l'abandonne. — Une seconde raison,
c'est que sa famille, n'ayant ni vocation, ni grâce, ni esprit
sacerdotal, ne pourra qu'indiquer des voies dangereuses et
398 LA VIE SACERDOTALE
suggérer d'imprudentes démarches. Si de plus, elle apporte
dans ses conseils ses passions propres, ses calculs intéressés,
ses griefs personnels, elle jettera le prêtre dans de véritables
abîmes. — Une troisième raison, c'est que toute ingérence de
la famille dans le ministère du prêtre le déconsidère, l'affai-
blit en lui ravissant le double prestige de la dignité et de la
liberté.
2° Indépendance quand sa famille prétend imposer au prêtre
ses idées personnelles. — Ce dernier danger est de beaucoup
le plus redoutable. S'il prête l'oreille à ces voix séculières, s'il
adopte ces vues terrestres et mondaines, il perdra bientôt à
ce funeste contact la rectitude de l'esprit sacerdotal, la vigueur
du sens divin. Il dira donc aux siens: « Cogitationes meœ non
sunt vestrae », mes pensées ne sont pas vos pensées. — Indé-
pendance quand sa famille lui insinue des vues ambitieuses,
des aspirations vers les dignités et les honneurs. — Indépen-
dance quand sa famille le pousse au lucre, au bien être, à
l'avarice. Il doit savoir lui opposer ces mots de l'Apôtre : « Quaes-
tus magnus pietas cum sufficientia. » — Indépendance, quand,
par des sollicitudes mal entendues, sa famille comprime les
saintes audaces de son zèle et le pousse aux douceurs d'un
repos défendu. — Indépen lence, quand, sous prétexte de sa-
gesse et de prudence, sa famille voudrait étouffer les éclats
d'une voix tout apostolique.
DE L'ESPRIT PENITENT
CHEZ LE PRÊTRE
Si nous contemplons l'œuvre entière de la Rédemption du
inonde, c'est la pénitence qui en rejaillit de toute part. Un
cri de pénitence l'annonce à la terre quand apparaît le Rédemp-
teur. Lui-même, c'est sous les traits de la plus sanglante
immolation qu'il se montre, et, afin que l'effusion de son Sang
divin ne tarît jamais, de l'autel catholique les flots de ce Sang
se répandent dans le monde et les siècles.
Si la pénitence est le fond même du christianisme, elle sera
nécessairement de l'essence du Sacerdoce. Comme le Pontife
éternel, le prêtre sera, sur la terre, un expiateur et un pé-
nitent; et c'est dans son sacerdoce même que nous en trou-
vons les trois solides raisons. — Prêtre, il doit être immaculé,
il doit être orné de toutes les vertus, il doit être la repro-
duction vivante de Jésus-Christ. Or cette triple exigence de
son sacerdoce ne peut se trouver remplie sans l'esprit de
pénitence.
NECESSITE D'EXPIATION
Trois raisons nous apparaissent de cette nécessité d'expia-
tion : l'innocence exigée, la mission imposée, la législation
proclamée.
Première raison : l'innocence exigée. — 1° Cette inno-
cence il la faut ; la vocation entière du prêtre la réclame. Le
400 LA VIE SACERDÛTALK
prêtre est l'homme de Dieu, séparé Je la foule, mis en ré-
serve pour le culte saint. — Sa mission la réclame. Le prêtre
est médiateur, obligé sans cesse de se présenter au trône de
Dieu pour obtenir le pardon de ses frères. — Ses fonctions la
réclament. Aucune d'elles ne se suppose légitimement accom-
plie sans la sainteté.
2° Cette innocence comment la posséder? — Ils sont rares
ceux qui ont gardé immaculée l'innocence du baptême. Tous
nous souillons cette robe nuptiale, tous nous nous couvrons
des souillures du péché; et, selon le mot effrayant du Psal-
miste, « nous devenons abominables à Dieu. » — Obligé à
l'innocence le prêtre n'a donc qu'une voie pour y atteindre,
c'est d'en refaire la conquête. Or cette conquête n'est possible
que par la douloureuse immolation de la pénitence.
Deuxième raison : la mission expiatrice. — Mais le prêtre
n'apas à implorer pour lui seul la pilié divine; il est comme
l' Homme-Dieu l'universel expiateur; il est chargé des pécbés
du peuple ; c'est donc, la couronne d'épines sur la tète et la
croix sur l'épaule, que le monde doit le voir passer et se
rendre à son Calvaire. — Si l'Apôtre a pu prononcer sur rame
d'un simple fidèle que, « repue de bien-être et vivant dans les
délices, elle est morte toute vive » que ne dira-t-il pas du
prêtre, qui, répudiant la pénitence, se déclare « l'ennemi
de la croix du Christ? »
Troisième raison : la pratique de l'Eglise. — D'ailleurs,
étudions la conduite de l'Eglise catholique sur la formation et
la direction de son clergé.
1° Que fait-elle quand elle admet? — Elle imite Jésus-Christ
choisissant ses apôtres. Appelés à l'apostolat, ces premiers
prêtres sont séparés du monde, dépouillés de tout, formés à
fa vie la plus dure et tous ils terminent une vie de pénitence
par l'immolation et le martyre. — Elle imite Saint Paul qui
trace au Sacerdoce tout un douloureux programme de vertus
el do souffrances. — Ainsi persévéra l'Eglise dans de longs
siècles de ferveur. N'est-ce pas des cloîtres les plus austères
que sortaient ses missionnaires et ses évêques qu'elle en-
voyait à la conquête des nations? — Ainsi continue à faire
l'Eglise au milieu de nous. Si le Séminaire a remplacé l'an-
cien cloître, c'est à la même école de pénitence et de labeur
que le Sacerdoce esl soumis.
2° Que fait-elle quand elle écarte et expulse 7 — L'Eglise,
LA VIE SACERDOTALE 401
mère si charitable et si tendre, n'en revendique pas moins
ses pleins pouvoirs de coercition. Elle a des peines canoni-
ques, elle a des censures rigoureuses, elle fait rentrer dans
la sainteté ceux qui s'en écartent par de sévères et longues
pénitences. — Et quand le prêtre indigne rejette obstinément
là pénitence, elle l'oxpulse à la fin sans pitié.
II
NÉCESSITÉ DE SANCTIFICATION
Il est inutile d'établir la nécessité de cette sanctiiication :
un mot de Dieu tranche à jamais cette question capitale.
« Mes prêtres, dit-il dans l'Ecriture, seront des saints. »
Or, qu'est-ce que la sainleté et quelle voie nous reste pour
y atteindre? Une seule, l'immolation de soi, la mortification, la
pénitence.
Idée générale de la sanctification. — 1° A vrai dire et pour
tout renfermer en un mot, la sanctification consiste dans
une mort. Devenir saint c'est mourir. — N'est-ce pas cette
vérité mystérieuse et profonde que Jésus-Christ essayait de
faire pénétrer dans l'âme étonnée et défiante de Nicodème ?
Comment serait possible une seconde naissance si elle n'était
précédée d'une première mort? A chaque page de ses di-
vines Epitres Saint Paul ne nous parle que de cette nécessité
de mourir. Mourir pour renaître, être crucifié, être enseveli
dans la mort pour renaître à une vie nouvelle. Cette doc-
trine n'est que l'écho d'une antique et solennelle parole :
« delebo hominem ! » Au déluge, cette parole ouvre les cata-
ractes du ciel et couvre la terre des eaux vengeresses. Au Cal-
vaire, elle ouvre les profondeurs de la miséricorde et couvre
le monde du sang rédempteur. Mais châtiment ou pardon,
rigueur ou pitié, la même parole reste debout toujours : « de-
lebo hominem! »
2° En quoi consistera cette mort7? — L'Apôtre ne cesse de
T. TV 26
402 LA VIE SACERDOTALE
nous le faire entendre. « Sachons le, dit-il, le vieil homme
(jui est en nous est crucifié; » ce qui est en nous corps de
péché doit être détruit. Voyez cet arbre, dont la pourriture
emplit le tronc, arrête la sève, comprime et flétrit la vie :
voulons-nous que la racine produise une floraison nouvelle?
Le tronc pourri doit être abattu.
Considérons ce que le péché a fait de nous : combien con-
traires aux lois .saintes, combien rebelles à toute vertu céleste,
combien ennemis el adversaires de Dieu, « sapienlia carnis
iuimica est Deo. » C'est lace qui doit mourir. C'est celte op-
position qui doit prendre Un, c'est l'être souillé et maudit que
le glaive de la pénitence doit immoler. Sans cette mort, im-
possible au prêtre, plus encore qu'aux simples fidèles, de
renaître à la vie des enfants de Dieu. — Le détail des vertus
nous le persuadera mieux encore.
Détail de la sanctification. — 1° Quelles sont les ver fus
principales dont se compose la sainteté du prêtre? — Au prê-
tre, il faut {'humilité. Si le monde s'est perdu dans les excès
d'une orgueilleuse révolte, si le monde n'a trouvé son salut
que dans les suprêmes humiliations de l'Homme-Dieu, il est
évident que le prêtre, coopérateur de la Rédemption, conti-
nuateur de Jésus-Christ, ne peut apparaître au ciel et à la
terre que revêtu des livrées de l'humilité, « formam servi
accipiens. » Le prêtre orgueilleux ne sera plus, au lieu du
médiateur demandé, qu'un provocateur des divines colères.
— Il faut au prêtre la chasteté el non pas la chasteté com-
mune, mais une chasteté exquise qui ne fait plus de lui qu'un
ange dans la chair. Non seulement le prêtre catholique se
gardera pur des immondices du péché, mais il répudiera la
chair dans ses usages légitimes. — Il faut au prêtre la charité.
Cette charité multiple dont l'Apôtre nous décrit les diverses
manifestations. — Il faut au prêtre le zèle. Il n'est prêtre que
pour le salut de ses frères. Il n'est soldat du Christ que pour
la conquête du monde. Il n'est apôtre que pour le triomphe
de l'Evangile.
2° Chacune de ces vertus exige l'esprit de pénitence. —
Comment demeurer humble, soumis, patient dans la contra-
diction, calme sous l'injure, vainqueur des plus odieuses
vexations, si l'on n'a pas fait mourir l'orgueil naturel sous
les coups d'une continuelle mortification? Si l'on n'a pas dans
un douloureux martyre exténué l'amour -propre, réduit au
néant toute colère, toute aigreur, toute susceptibilité? —
LA VIE SACERDOTALE 403
Comment demeurer chaste sans réduire ses sens en une dure
et impitoyable servitude, sans répudier les douceurs d'une
vie molle et sensuelle, sans fuir de dangereuses mais atta-
chantes liaisons, sans s'arracher aux fascinations du monde,
sans, en un mot, « couper et jeter loin de soi sa main droite ? »
— ISe sera doux et charitable, sans doute, que celui dont une
longue et généreuse mortification aura assoupli la raideur
naturelle et étouffé les querelles, les rancunes, les vengean-
ces de l'amour-propre. — Qui ne sait, enfin, à combien de
labeurs exténuants et, souvent, à combien de persécutions
cruelles le zèle des âmes condamne le prêtre? Qui ne sait,
d'autre part, combien douce et tranquille peut devenir la vie
d'un prêtre iodifférent et inactif?
III
NÉCESSITÉ D'IMITATION
Si, d'une part, le prêtre n'est que le continuateur et la re-
production vivante de Jésus-Christ; si, d'autre part, Jésus-
Christ n'a été parmi nous qu'un « Homme de douleurs » il est
manifeste que 1 esprit de pénitence est le premier et le plus
essentiel élément de la vie sacerdotale.
Jésus-Christ doit être reproduit par le prêtre. — C'est
la raison d'être du prêtre. — Pour apaiser Dieu, réveiller le
monde, attirer et sauver les âmes, vaincre le péché, refouler
l'enfer, il fallut l'apparition du Juste, du Saint, du Fils de
Dieu. — En le contemplant, Dieu est ravi; sa colère tombe,
ses miséricordes s'échappent à flots de son cœur apaisé. —
En jetant sur lui des regards de repentir et d'amour, l'homme
trouve en Jésus-Christ sa permanente Rédemption.
Or, quand Jésus-Christ eut dérobé à la terre le secours de
sa présence visible, il se substitua le prêtre. Quand Dieu re-
garde le prêtre, c'est son Fils même qu'il veut apercevoir. —
Quand les âmes regardent le prêtre, c'est Jésus-Christ même
qu'elles veulent et qu'elles ont besoin de retrouver.
404 LA VIE SACERDOTALE
Or Jésus-Christ c'est l'Homme de douleurs. — Voir Jé-
sus-Christ, c'est voir la douleur vivante, l'expiation incarnée,
l'éternelle pénitence, « tota vita Ghristi crux fuit ac mar-
tyrium. » — 0 prêtre I que deviendras-tu, si tu n'es, toi aussi,
homme de pénitence et de douleur?
L'AMOUR DU PRETRE
POUR JÉSUS-CHRIST
AIMER JESUS-CHRIST EST UN RESOIN
DE SON CŒUR
Ge qu'est le cœur au milieu du monde. — 1° Loin de nous
de prétendre que le cœur qui se donne au monde jouisse cfwi
bonheur parfait. — En réalité, il y est trop souvent meurtri
par les aspérités des choses humaines, déçu dans ses espé-
rances, trompé dans ses plus ardentes aspirations. Vaste
comme le ciel, rien ici-bas ne le peut remplir; délicat comme
une fleur céleste, il subit douloureusement le contact des cho-
ses humaines.
2° Néanmoins le cœur qui se donne au monde y peut trou-
ver de légitimes et vives jouissances. — Il se donne et il reçoit
en échange des affections suaves et généreuses; il se répand
dans une famille qu'il tient de Dieu et qui lui rend au cen-
tuple l'amour. Les plaisirs permis, les réjouissances honnê-
tes alternent avec le tumulte laborieux des affaires. L'homme
du monde, sans atteindre jamais au bonheur parfait, trompe
néanmoins la faim qu'il en éprouve.
Ce qu'est le cœur du prêtre. — Mais le prêtre ? Quelle est
sa situation ici-bas? Que deviendra ce cœur qui n'est, au
milieu du monde, qu'un royal exilé? « La terre est aux en-
fants des hommes; » l'enceinte d'un foyer domestique est
fermée pour lui. Ni l'affection d'une compagne, ni de joyeux
406 LA VIE SACERDOTALE
sourires d'enfants n'égaieront son existence. « non eatis de
hoc mundo. » — Dès lors voici sa double histoire.
1° Si le prêtre 7iaime plus les biens célestes. — Le malheu-
reux s'est détourné de Dieu pour se donner aux affections
terrestres. Il voudrait, comme les autres, jouir des biens et
des douceurs du monde. Mais le monde estpour lui un royaume
fermé, une région interdite; s'il en franchit la frontière, sa
vocation l'en repousse; il y est déplacé, son assiduité semble
odieuse; il ne sera jamais dans un milieu qui n'est pas fait
pour lui qu'un hôte importun ou même ridicule.
2° Si le prêtre répudie la terre pour posséder le ciel. — C'est
le vrai, le saint prêtre, qui a compris la splendeur et les
charmes de sa divine vocation. La Beauté suprême s'est révé-
lée à lui; il aime de toutes les ardeurs de son âme le Christ,
Fils de Dieu. En un seul amour, il retrouve les ivresses de
tous les autres. Dieu remplace infiniment pour lui les joies
de ce monde. Et du faîte où le place l'amour divin, il jette,
comme Saint Paul, à toute créature le plus sublime défi.
Ne plaignons pas le prêtre d'une solitude que le ciel vient
remplir. Son cœur est tout entier captivé par des charmes
divins, et l'amour qui le transporte, n'étant sujet à aucune
déception et à aucun mélange, son bonheur n'est lui-même
exposé à aucune vicissitude et à aucun retour.
II
AIMER JESUS-CHRIST EST UN DEVOIR
DE SA GRATITUDE
S'il considère ce qu'il a reçu de Jésus Christ &\ ce qu'il
doit rendre à Jésus-Christ, le prêtre comprendra combien est
sacrée pour lui la dette de l'amour.
Ce que le prêtre a reçu de Jésus-Christ. — Comptons trois
objets de cette dette.
LA VIE SACERDOTALE 40"
in Le choix dont Jésus-Christ l'a honore. — Au milieu des
foules, parmi des milliers de ses semblables, dont un grand
nombre étaient peut-être mieux doués et plus méritants que
lui, Jésus-Christ est venu le prendre. Choisi par ce Maître di-
vin, le prêtre s'est trouvé élevé sur le plus beau trône après
celui de Dieu. Ou plutôt, osons le dire, c'est la puissance de
Dieu même qui lui a été conférée; ce sont les œuvres même
de Dieu qu'il accomplit, c'est la gloire même de Dieu qui le
couronne: « sacerdos alter Christus. »
2° L'amour dont Jésus-Christ l'a comblé. — Oh ! comme Jésus
Christ aime son prêtre! Il le veut sans cesse avec lui; jamais
il ne s'en sépare; son repos, ainsi qu'il le déclare, il le trouve
dans un c sur sacerdotal. La tète de son disciple reposera
sur sa poitrine. Par trois fois, il provoquera Pierre à l'aimer.
Toute froideur venue du cœur de ses prêtres le torture cruelle-
ment. Facilement, di!-il, il supporte l'injure de ses ennemis;
mais il est blessé au cœur des moindres délaissements de ses
prèlres.
3° Les dons que Jésus-Christ lui a conférés. — S'il partage
aux fidèles les dons de sa grâce, au prêtre il les prodigue tous
à la fois. Au prêtre la garde de ses trésors. Au prêtre il fait
resplendir sa vérité tout entière; au prêtre il confie l'achève-
ment de sa rédemption. Des lèvres du prêtre s'échappent des
paroles puissantes comme celles de Dieu; et quand la main
du prêtre se lève pour absoudre Dieu ratifie sa sentence du
haut du ciel.
Ce que le prêtre doit rendre à Jésus-Christ. — Redisons
avec le Psalmiste: « Quid retribuam ? m L'amour du prêtre
pour Jésus-Christ sera l'unique et obligatoire paiement de la
dette, et ce' amour suivra pas à pas le chemin suivi par le
Christ qui l'a aimé.
lù Ce sera un amour de choix. — Le prêtre, comme Saint
Paul, renoncera à tout, se dépouillera de tout, pour ne pos-
séder plus que Jésus-Christ Ni les biens de la fortune, ni
l'ivr ,'ss ■ de l'ambition et des honneurs, ni les fascinations du
plaisir ne diront plus rien à son cœur. Comme il ne veut sa-
voir qu'une chose il ne veut non plus posséder qu'une chose:
« Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié. »
2° Ce sera un amour de dévouement. — L'égoïsme refroidit
et tue l'amour. Le prèlre ne connaîtra jamais l'égoïsme et il
entendra toujours se sacrifier à l'amour; il aimera tout ce
qu'aime Jésus-Christ : l'Eglise, les âmes, les pécheurs, les
408 LA VIE SACERDOTALE
pauvres et les humbles, les malheureux et les déshérités .
Comme Saint Paul « il donnera tout et se donnera lui-même »
en témoignage de l'amour qu'il porte à Jésus-Christ.
3* Ce sera un amour de complet sacrifice. — Tel est l'amour
véritable, tel a été lamour de Dieu pour les hommes, et c'est
au Calvaire, dans l'héroïsme de la mort, que l'Amour s'est
révélé à nous. — C'est aussi dans le complet sacrifice de soi-
même, de son temps, de ses forces, de son corps, de son âme,
de sa vie entière, que le prêtre donnera le témoignage d'un
amour reconnaissant.
III
AIMER JÉSUS-CHRIST EST UNE NÉCESSITÉ
DE SA SANCTIFICATION
Tout est saint dans le prêtre. Sainte est sa vocation, saintes
sont ses fonctions. La conséquence rigoureuse sera que sa vie
doit être sainte. Or cette sainteté, s'il aime Jésus-Christ, lui
deviendra à la fois douce et aisée.
Sa vocation est sainte. — 1° La sanctification chez le prê-
tre est une sanctification indispensable. Inutile ici d'insister
tant l'Ecriture se prononce formellement, tant la raison en
fournit de motifs, tant les exemples des saints nous en donnent
de resplendissantes affirmations.
2° La sanctification du prêtre rst une sanctification entra-
vée. — Tout prêtre doit être un saint. Mais, ht' las! que les
difficultés se multiplient 1 que d'abîmes s'entr'ouvrent ! que
d'obstacles se dressent! que d'ennemis se lèvent implacables
et furieux devant cette sainteté sacerdotale! — Ennemis du
dehors. C'est le monde, c'est l'enfer. Le monde qui ofi'ro à la
vertu du prêtre tant d'occasions dangereuses, tant de sollici-
tations perfides, parfois tant de haines et de persécutions
cruelles. C'est l'enfer que la chaste beauté, la divine éléva-
tion, les merveilleux pouvoirs, les puissantes œuvres du sa-
cerdoce catholique, exaspèrent et poussent à d'implacables
LA VIE SACERDOTALE 409
guerres. — Ennemis du dedans. Le prêtre n'est pas pris d'une
région supérieure et céleste. Il n'est pas un ange des cieux,
il est un fils de la terre. Le péché originel coule dans ses vei-
nes, la triple concupiscence bouillonne on lui, ses passions
sont frémissantes. « C'est, dit l'Apôtre, dans de fragiles vases
de terre » que sont renfermés les dons les plus magnifiques
du sacerdoce.
Epouvanté de sa faiblesse, en face de si nombreux et de si
puissants adversaires, l'Apôtre s'écrie: « Quis meliberabit? »
Il répond : « Jésus-Christ ». Jésus-Christ seul préservera le
prêtre et lui rendra possible la sanctification exigée de lui.
3° La sanctification du prêtre n'est possible que s'il aime Jé-
sus-Christ. — A Dieu ne plaise que nous rejetions les autres
freins donnés aux passions frémissantes. Sans cesse le prê-
tre se remettra devant les yeux la sublimité de sa vocation,
la grandeur de ses pouvoirs, le ; formidables responsabilités
qu'il encourt. 11 jettera à l'approche de l'ennemi, aux pre-
miers bruissements de la tempête, des cris de détresse sin-
cères et profonds. — Il tremblera en face des divines justi-
ces, il éteindra dans les terreurs du jugement futur les feux
dévorants de ses passions.
Mais combien plus efficace encore lui sera l'amour de Jé-
sus-Christ! Comment outrager Celui qu'on aime? Comment
trahir le plus sacré et le plus doux de tous les serments d'a-
mour? Comment se condamner à perdre' Celui qui vaut et
renferme à Lui Seul tous les trésors ? — Que Jésus-Christ
s'offre à nous sous les étincelantes parures de sa résurrec-
tion, sous la douce et suave humilité de sa vie mortelle, sous
les sanglantes visions du Calvaire : partout et toujours, ra-
vissant notre âme, captivant notre cœur, il imposera à nos
plus véhémentes passions un joug victorieux. — Si la prati-
que quotidienne de ses austères vertus fatigue le prêtre,
l'Imitation lui répète: « Ubi amatur non laboratur. » Si de
sanglants sacrifices sont imposés à sa vertu, c'est dans l'amour
plus puissant de Jésus-Christ qu'il trouvera la force de les
accomplir. Il répétera avec Saint Paul : « Je puis tout en Ce-
lui qui est ma force. »
Ses fonctions sont saintes . — Est-ce à l'Autel, au confession-
nal, dans la chaire, au chevet du moribond, dans la demeure
du pauvre, dans le palais du riche, qu'il nous plaît de con-
templer le prêtre? Partout, à chacun de ses pas, dans cha-
cune de ses fonctions, la sainteté doit briller en lui.
410 LA VIE SACERDOTALE
Or cette sainteté ne saurait avoir Je plus efficace excita-
tion, de plus puissant auxiliaire, que l'amour de Jésus- Christ.
S'il aime, sa messe sera fervente, sa parole enflammée, ses
sentences charitables et courageuses, son contact sanctifiant
et béni.
LE CÉLIBAT ECCLÉSIASTIQUE :
SON EXCELLENCE
Le sacerdocede Jésus-Christdevait ètreun sacerdoce vierge.
Lui-même le fait pressentirpar la manière dont il fait son en-
trée dans ce monde. Vierge, c'est d'une Mère vierge qu'il
veut naître, et il le veut ainsi pour trois raisons. — Sa gran-
deur l'exige. Il vient en ce monde pour triompher du péché,
dominer la chair, terrasser l'enfer. Or, comme la chute de
l'homme et le triomphe du démon ont eu pour point de dé-
part une volupté coupahlo, la complète victoire du Christ, il
l'obtiendra dansla virginité volontaire. — Sa mission l'exige.
Il vient inaugurer sur la terre la vie des cieux. Or, la plus
brillante et la plus pure expression de cette vie, c'est assu-
rément dans la virginité volontaire qu'il nous la faut trou-
ver. — Son cœur l'exige, ce cœur tout immaculé, qui s'est
épris pour la virginité d'un si véhément amour.
I
SUBLIMITÉ ET HÉROÏSME DU CELIBAT
ECCLÉSIASTIQUE
Nous le comprendrons si nous nous rappelons à la fois son
histoire, les vertus qu'il suppose, les combats qu'il a affron-
tés.
Son histoire nous les révèle. — 1° Quels longs siècles Dieu
mit à le produire \ Les vertus les plus hautes, les héroïsmes
412 LA VIE SACERDOTALE
les plus éclatants brillent déjà sur la terre, que la virginité
volontaire n'ose encore y apparaître. Les Patriarches: un Abra-
ham, un Isaac, un Jacob, reçoivent de Dieu les commande-
ments les plus durs et ils y sont fidèles. Moïse, abandonnant les
délices d'une cour, « se charge de la croix du Christ ». Saint
Paul nous fait l'effrayante peinture des souffrances qu'ont en-
durées ces Justes de l'Ancienne Alliance et des combats qu'ils
ont livrés. — Une seule vertu, un seul sacrifice, une seule
immolation, fait reculer Dieu : la virginité volontaire.
2° Dans quels termes Jésus-Christ la propose. — L'Homme-
Dieu est venu. Son sang arrosera et fera épanouir la divine
virginité, et cette vertu, impossible sans lui, émaillerade ses
mille fleurs le jardin de l'Eglise. — Mais, remarquons avec
quelle crainte, quelles précautions, quelle timidité mysté-
rieuse, Jésus-Christ propose le glorieux héroïsme du célibat
volontaire! — Son organe et son porte-voix, Saint Paul, fait
de même ne présentant aux fidèles cette immolation qu'avec
la plus extrême réserve. L'Eglise ne tient pas d'autre con-
duite, n'admettant ses religieux et ses lévites au vœu re-
doutable qu'après une longue probation et les plus sérieuses
épreuves.
3° Quelles ont été les péripéties sanglantes de son histoire'! —
C'est pour elle, pour l'imposer, la faire renaître, la mainte-
nir, que l'Eglise a reçu ses plus cruelles blessures. N'est-ce
pas aux sombres jours où son Clergé méconnaissait l'austère
immolation du célibat que les révoltes violentes, les ruptu-
res, les schismes, les hérésies se sont fait jour? N'est-ce pas
un moine sacrilègement marié, un impur Luther, qui lui
arrache l'Allemagne? N'est-ce pas sous un clergé dégénéré
que l'Angleterre se sépare d'elle? Et l'Orient, à quoi doit-il
attribuer l'état de profonde dégradation où il est tombé, sinon
à l'incontinence de son clergé?
Les vertus qu'il suppose nous le révèlent. — Si « aux
fruits on connaît l'arbre », elle sera assurément d'une extra-
ordinaire valeur cette virginité du prêtre, puisque, pour la
produire, toutes les vertus doivent se réunir et s'employer.
1° La réunion des vertus lui est jiécessairc : humilité, morti-
fication, piété. — L'orgueilleux ne sera point continent, car
la vertu de Dieu l'abandonne, le démon a sur lui tout empire,
la chair n'obéit plus à l'esprit. Comme Eve, après avoir cédé
aux folles espérances de la gloire, il se jette avec frénésie
sur la pâture d'un fruit défondu. — L'immortifié ne sera point
LA VIE SACERDOTALE 413
continent, lui qui déchaîne ses sens et donne à sa concupis-
cence de perpétuels aliments; lui qui oublie que la plus divine
des fleurs s'épanouit sur un Calvaire, arrosée du sang de l'im-
molation? — Le prêtre sans piété comment resterait-il conti-
nent? N'est-il pas écrit : « nemo continens nisi Deus det? »
La continence est la plus vigoureuse et la plus indispensable
des grâces de Dieu. C'est au pied du Tabernacle, des mains
de la piété, que le prêtre peut la recevoir.
2° La garde des sens lui est nécessaire. — C'est, dit l'Ecri-
ture, par les fenêtres, c'est-à-dire par les sens que la mort
entre dans l'âme. C'est donc au prix de la perpétuelle immo-
lation de nos sens que nous sauvegarderons le plus délicat
des trésors. — Job fait un pacte avec ses yeux. — Saint Paul
terme nos oreilles à tout bruit dangereux; nos lèvres à toute-
parole impure, et sur notre chair entière il fait peser la croix
de Jésus-Christ. Avec quelle énergie n'est-il pas exigé que
nous nous coupions la main, que nous nous arrachions l'œil,
et, pénétrant jusque dans l'intime de l'être, que nous refou-
lions jusqu'à la pensée, jusqu'à l'image du mal?
3° La vigilance la plus sévère lui est nécessaire. — La Cité
ne résistera aux assaillants que si, sûre d'elle-même à l'inté-
rieur, elle garde les issues contre les incursions du dehors.
Au dehors est le monde avec ses amollisements et ses fasci-
nations, avec ses maximes perverses, ses joies empoisonnées,
ses spectacles corrupteurs. — Au dehors sont les liaisons
dangereuses, les rencontres funestes, les occasions mortel-
les.
Malheureux David! Tu ne veillais plus sur l'ennemi du
dehors, quand, vaincu par tes regards, tu tombais dans l'a-
dultère, de l'adultère dans l'homicide, de l'homicide dans de
longs mois d'impénitcnce et d'endurcissement.
Les luttes qu'ils nécessitent nous les révèlent. — Nulle
vertu ne demandera jamais du prêtre plus de vigueur, de
force et d'héroïsme que sa virginité.
1° La lutte contre la chair est toujours et pour tous une
lutte terrible. — Jetez les yeux à travers les siècles sur l'his-
toire humaine, quels sont ces innombrables vaincus qui gi-
sent sur un sol déshonoré ? Qui a frappé ces victimes? Qui
a creusé ces tombes ignominieuses? Qui a fait ces cadavres?
Qui a renversé ces dynasties et perdu ces grands peuples ?
Vraiment, il semble que la nature humaine n'ait jamais
connu qu'un seul implacable vainqueur: le vice de la chair. —
414 LA VIE SACERDOTALE
N'est-ce pas contre lui et ses mortelles révoltes que Saint
Paul poussait ses cris de détresse les plus déchirants?
2° Dans cette lutte, combien de facilité et de ressources sont
laissées au laïque. — Suivons une expressive image de Saint
Jean Chrysostome comparant l'état du mariage à celui de
la virginité volontaire. Pour le laïque lui aussi la lutte
existe. Lui aussi sera violemment secoué par les flots de la
tempête. Mais, quelle différence! Quand sa barque, trop fai-
ble pour lutter contre les flots, le menacera de quelque nau-
frage, il abandonnera la haute mer et cherchera dans le
port, qui lui est toujours ouvert, l'apaisement des orages trop
violents pour sa vertu: « revertimini in idipsum. »
3° Ces ressources, le prêtre en demeure à jamais privé. —
A lui, un océan sans borne, une navigation sans fin. Quels
que soient les orages qui l'assaillent, les flots qui l'envahis-
sent, aucun refuge ne s'ouvre à lui et il doit garder la haute
mer.
II
iNÉGESSITÉ ET AVANTAGES DU CELIBAT
ECCLÉSIASTIQUE
Cette nécessité du célibat ecclésiastique est double, regar-
dant à la fois le culte divin et le ministère des âmes.
Nécessité tirée du culte divin. — Saint Paul dit du prê-
tre que, « retiré du milieu des hommes, il est préposé au
culte de Dieu ». D'où le même Saint Paul appelle le prêtre
(( l'homme de Dieu ». Sans cesse le prêtre fait retentir la di-
vine louange. Ses fonctions saintes le réclament perpétuelle-
ment auprès de Dieu. Sa demeure est le ciel bien plus que
la terre et quand il offre le grand sacrifice de la Loi Nouvelle,
quand il immole mystiquement la Victime du Calvaire, est ce
un houime ou plutôt un ange et plus qu'un ange que nous
avons sous les yeux ? — Or, de pareilles fonctions réclament
La virginité.
LA VIE SACERDOTALE 415
1° Le prêtre vierge est plus pur. — Dégagé des liens de la
chair, il adore, comme le veut la Loi nouvelle, « en esprit et
en vérité ». Si le prêtre de la Loi Mosaïque n'obtenait que
d'une continence momentanée le droit d'offrir les victimes
figuratives, comment, sans une continence perpétuelle, le
prêtre de la loi nouvelle, offrirait-il cliaque jour le véritable
et divin holocauste ?
2° Le prêtre vierge est plus libre. — Quelle liberté d'âme,
quels loisirs du temps lui resteraient pour ses fonctions sain-
tes, si le mariage le jetait dans ses embarras quotidiens,
l'emportait dans son tourbillon de sollicitudes et d'angois-
ses ?
3° Le prêtre vierge est plus recueilli. — Lisez dans Saint
Paul la différence qui, sous ce rapport, sépare le célibat du
mariage. Là, un calme profond, une solitude silencieuse,
une facilité ininterrompue de se livrer à la méditation et à la
prière, un cœur sans partage, une pensée sans entrave, un
ciel sans obscurcissements. — Ici, une existence entrecoupée
de soins, de soucis, d'œuvres, de labeurs de toute sorte; une
âme que mille agitations bouleversent, un cœur que des af-
fections, légitimes sans doute mais absorbantes, se partagent.
Nécessité tirée du ministère des âmes. — Ces âmes il les
faut aimer, il les faut former, il les faut régir. — Or sans
le célibat jamais le prêtre ne sera assez à elles pour fournir
à cette triple mission.
[° Il les faut aimer. — Continuateur de Jésus-Christ; comme
Jésus-Christ les aimait, le prêtre doit aimer les âmes. Les
aimer sans partage du cœur. Les aimer en se livrant à elles
sans réserve. — Voyez Jésus-Christ aimant l'Eglise. Il vient
à elle, et pour elle il quitte sa gloire et se dépouille de ses
splendeurs. Pour elle il vit, il travaille, il souffre, il meurt.
Ses richesses sont à elle; tout ce qu'il est, tout ce qu'il a lui
appartient. Ses douleurs il les fait siennes, ses larmes cou-
lent sur elle amèrement. Et quand l'heure de la résurrection
et de la gloire est venue, il ne retourne au ciel que pour y
préparer aux âmes leur demeure. El que fait-il de son Eu-
charistie? De quoi remplit-il les heures de sa silencieuse et
solitaire vie mystique? De l'amour des âmes.
Tel sera le prêtre. Comme Jésus-Christ, comme Saint Paulson
imitateur fidèle, il sera dévoré de l'amour des âmes, et cet
amour lui deviendra un ineffable martyre. Ce sera le feu dont
il se sentira embrasé, ce sera l'aspiration véhémente dont
416 LA VIE SACERDOTALE
son cœur sera sans cesse, sans relâche, remué : « os patet ad
vos, oCorinthii! » — Mais supposons le prêtre sans le célibat.
Il a juré sa foi à une compagne, il lui a donné son cœur, il
est devenu père et tout son être va se partageant entre ces
objets aimables et chéris. Qu'en restera-t-il pour les âmes0
Qu'en obtiendront les malheureux et les déshérités ?
2° Il faut former les âmes. — « Filioli, disait l'Apôtre, quos
ego parturio donec formetur in vobis Christus. » Voilà tout le
programme d'une vie sacerdotale. Plus esclave qu'une mère
tendre et passionnée, le piètre enfante, nourrit, élève, instruit,
protège, défend, guérit, ressuscite s'il le faut, les élus de
Dieu. C'est là sa glorieuse mais aussi sa laborieuse tâche. Ses
heures s'y consacrent, savie s'y dépense, ses forces s'y usent.
Et malheur à lui s'il défaille, s'il rejette les devoirs de sa cé-
leste paternité! — Or quelles heures et quelles forces lui
resteront pour une famille spirituelle, si, père à la façon des
autres, il doit, comme eux, au prix d'un quotidien et écra-
sant labeur, nourrir et élever les enfants que le mariage lui
aura donnés? Saura-t-il livrer sa vie pour les âmes, celui
qui la doit avant tout à sa propre famille? Laissera-t il errer
sans soins, sans pain, sans amour, ses propres enfants, ce
prêtre marié, pour se prodiguer sans réserve à un troupeau
qui n'est plus son unique et exclusif héritage ?
3° // faut régir les âmes. — Troisième ministère, et si
impérieux que, sans cette domination, sans ce règne, tout
le reste deviendra infructueux. — Or où s'exerce avant tout
ce règne? Assurément au saint Tribunal. Là est la grande
force du prêtre catholique. Là il s'empare des âmes pour les
arracher à l'enfer et les donner au ciel. Mais qui ne sait, qui
ne sent, que le prêtre vierge peut seul demander et obtenir
l'entrée du sanctuaire intime de l'âme?
LA VIE SACERDOTALE 447
J II
GLOIRES ET RECOMPENSES DU CELIBAT
ECCLÉSIASTIQUE
Ces récompenses sont doubles. On goûte les unes dès ici-
bas. Les autres sont tenues en réserve pour l'Eternité.
Dès ici-bas. — N'y eut-il que la beauté d'une vie angéli-
que. N'y eut-il que le bonheur et la gloire de régner en
maître absolu sur sa chair. De n'en pas connaître les bril-
lantes et honteuses avidités. De ne pas éprouver l'intermit-
tence de ses dégoûts et de ses ignominieuses lassitudes. —
Mais le célibat prépare au prêtre d'autres biens encore, ces
biens qui se nomment : liberté, tranquillité, indépendance,
loisirs saints, solitude douce et pure, exemption des mille
soucis de la vie ordinaire. Lisez dans Saint Paul l'énuméra-
tion de ces biens. — Mais voici le bien suprême : être aimé
de Dieu plus que tous les autres; plus que tous les autres lui
plaire et avoir accès jusqu'à Lui.
Dans l'Eternité. — Une place à part; une gloire plus haute,
une béatitude plus profonde, une intimité plus étroite avec
l'Agneau: « Sequuntur quocumque ierit. »
T. IV 27
LE CÉLIBAT ECCLÉSIASTIQUE
SES EXIGENCES
COMMENT IL SE MAINTIENT
Le prêtre restera fidèle et intrépide dans son angélique
existence, s'il se souvient de cette parole de Saint Paul que
«nous portons le trésor de notre virginité dans de fragiles vases
de terre ». Plus donc le trésor est précieux et l'enveloppe
délicate, plus les précautions doivent être grandes et la vigi-
lance incessante. C'est par beaucoup de foi, beaucoup de grâce,
beaucoup de vertu, que le prêtre restera digne de son angé-
lique célibat.
Par beaucoup de foi. — Que ses yeux s'ouvrent, qu'ils
soient illuminés des clartés surnaturelles et que, à cette lu-
mière, la sublimité de sa vie lui apparaisse et, en elle, la
beauté toute spéciale de son célibat.
1° Qu'il ait foi en sa divine grandeur. — 0 foi protectrice,
fais briller aux yeux du prêtre le plus divin de tous les dons
qu'il ait reçus. — De cette virginité sacerdotale, Dieu est à
la fois la source, le but, le modèle, la récompense. — La source.
Quand, dans une vision sublime, Isaïe voyait l'ange détacher
de l'autel un charbon enflammé, lui en toucher les lèvres et
les purifier à ce contact mystérieux: c'était la saisissante
image de la virginité apportée au prêtre du haut des cienx. —
Le but. C'est pour Dieu, l'honneur de son nom, la louange
de sa puissance, la glorification de son Eglise, que le prêtre
demeurera vierge. Dans cette virginité ne trouvons-nous pas
LA VIE SACERDOTALE 419
tout ensemble une immolation et un holocausto, un combat
et une victoire, une union ineffable avec Dieu? « Qui adhaeret
Domino unus spiritus est. » — Le modèle. Parmi les créatu-
res qui sont celles dont la nature reflétera plus parfaitement
l'Etre divin? Au ciel ce sont les Anges, sur la terre ce sont
les vierges. Pour l'homme vierge comme pour l'ange, la chair,
refoulée et comme anéantie, laisse à l'âme son plein essor
vers Dieu. — La récompense. Pour le prêtre, elle se réalise
dans sa plénitude cette parole dite par Dieu à Abraham: « Moi-
même je serai ta récompense immense à l'excès. » — Tandis
que l'union avec Dieu se trouve dans la vie du monde en-
travée par mille obstacles, cette union, dans la virginité, ne
connaît ni séparation ni entrave. « Non divisus est, » dit
l'Apôtre. Pour l'homme vierge, rien ne l'éloigné de Dieu, ni
dans son âme, ni dans son corps, ni dans ses devoirs, ni dans
le partage de son temps, ni dans les sollicitudes de sa vie.
2° Qu'il ait foi en ses redoutables danger*. — L'Apôtre pro-
nonce sur le prêtre la plus redoutable parole qu'une oreille
humaine puisse entendre: « Teipsum castum custodi. » —
Rester chaste, chaste jusqu'à la complète immolation de ses
sens, qui l'a pu, qui a accompli cette merveille? Durant qua-
tre mille ans. Dieu n'ose pas en parler à la terre. Quand le
Verbe, Fils de Dieu, a purifié cette terre, transfiguré les âmes,
fondé un tout céleste et tout divin empire, c'est à peine s'il
convie les plus héroïques de ses élus à gravir la redoutable
cime du célibat volontaire. — Rester chaste et jusqu'où? Jus-
qu'aux suprêmes limites de ses jours. Jusqu'à la plus complète
immolation de tout soi-même, jusqu'à la privation éternelle
de toute pensée, de tout désir, de toute émotion du cœur, de
tout tressaillement des sens. — Rester chaste et malgré quels
obstacles? Malgré les révoltes d'une concupiscence enflam-
mée, malgré les revendications d'une chair de péché, malgré
les assauts terribles du démon du midi. — Rester chaste,
quand? Quand le sang de l'adolescence bouillonne encore
dans les veines, quand les passions toutes jeunes poussent
leurs lascifs hennissements. — Rester chaste, où? Au milieu
même de Sodome. dans un monde corrompu et corrupteur,
en face des mille excitations du plaisir.
3° Qu il ait foi on son indispensable nécessité.— Ce célibat,
Dieu le veut. Jésus-Christ en a doté son sacerdoce. C'est le
triomphe de sa grâce, la merveille de sa puissance, la source
la plus féconde de l'extension et des triomphes de son évan-
420 LA VIE SACERDOTALE
gile; plus que tout le reste, c'est le désir et le besoin de son
cœur. — L'Eglise le veut. Depuis les temps apostoliques, l'E-
glise n'a cessé d'appeler le sacerdoce aux sublimités du céli-
bat, de l'y maintenir par une forte et sévère discipline; de l'y
ramener quand, aux époques de trouble et de décadence, il en
avait méconnu la loi. — Les fonctions sacerdotales le veulent,
fonctions toutes saintes, toutes célestes qui font du ciel l'ha-
bituelle demeure du prêtre et du trône de Dieu son ordinaire
séjour. — Les âmes le veulent. Sans lui, elles ne trouvent,
plus dans le prêtre qu'un homme vulgaire, à la ressemblance
de tous les autres. Sans le célibat, la mystérieuse paternité
du prêtre n'existe plus, et sa famille temporelle éconduit tris-
tement la famille céleste que Dieu lui avait donnée. — Les
ennemis de l'Eglise le veulent en ce sens qu'ils le rendent
indispensable. C'est grâce à sa virginité que les ennemis du
prêtre trouvent en lui ce que l'Apùtre appelle: « operariuni
inconfusibilern. » De là son auréole et son prestige. De là son
infatigable action. De là son intrépidité invincible.
Par beaucoup de grâce. — La virginité sacerdotale, en-
fantée, maintenue, protégée, triomphante, est une œuvre ab-
solument divine. Dieu ne l'a opérée qu'une fois, il n'en a doté
que sa vraie Eglise. Elle est si bien son œuvre qu'on peut la
donner comme l'une des marques les plus sures pour recon-
naître où est sa vraie Eglise. — L'homme pourra essayer de
contrefaire la Religion véritable ; l'hérésie se bâtira des
temples, le schisme se constituera des pouvoirs usurpés, les
églises dissidentes imiteront en tout l'Eglise véritable: un
trait les séparera à jamais, car jamais, ni le schisme, ni l'hé-
résie, ni aucune secte humaine, n'olfrira aux hommages el
à l'admiration du monde un clergé vierge.
Mais s'il en est ainsi, si le célibat ecclésiastique est une
fleur qui ne croît et s'épanouit que sous le soleil et la rosée
de la grâce, cette grâce le prêtre doit l'attirer et la mainte-
nir en lui par d'incessantes supplications ; une vie de virgi-
nité ne se conçoit que par une vie de prière.
Par beaucoup de vertu. — La prière donne au prêtre la
force et la force l'appelle au combat. Ce combat, généreux
entre tous, regarde à la fois le passé, le présent et l'avenir.
1° Le passé. — Nul ne peut affronter les devoirs et les
dangers du célibat volontaire, s'il n'a préalablement vaincu
ses sens et, par une longue suite de triomphes sur sa chair,
LA. VIE SACERDOTALE 421
établi solidement l'empire do la vertu. Tout, jusqu'au sou-
venir, jusqu'aux impressions dernières des fautes passées,
doit être éteint dans celui qui gravit la montagne sainte du
sacerdoce.
2° Le présent. — Que nul ne se fie sur sa vertu acquise
ou ses fautes anciennes effacées. Le danger reste toujours
formidable; les ennemis de la vertu sacerdotale sont tou-
jours en armes. Si l'esprit est prompt, la chair est faible.
Sans une piété solide, une humilité profonde, une fuite
constante du monde, un travail assidu, une vigilance, une
prudence, une circonspection de tous les moments, le prêtre
bien difficilement portera avec noblesse et sécurité le glo-
rieux fardeau de son célibat.
3° L'avenir. — Pourra-t-il au moins déposer les armes
après les longues années de son sacerdoce, le prêtre qui
sera resté jusque-là digne de sa royauté virginale ? Hélas !
non. Le combat ne doit finir qu'avec sa vie. N'étaient-ils
pas des vieillards ceux qu'une ignominieuse passion poussait
à perdre Suzanne ? David n'avait-il pas franchi victorieuse-
ment l'adolescence, n'élait-il pas mûri par une longue expé-
rience et consommé dans l'exercice des vertus, quand le
péché le foudroya à l'improviste ?
II
COMMENT IL EST TRAHI
Il faudrait les larmes d'un Jérémie pour donner aux rui-
nes d'une vertu sacerdotale le tribut de douleur qui leur
convient. — Mais pleurer serait peu, demandons-nous plutôt
comment surviennent ces écroulements terribles, comment
s'est trouvé renversée et détruite la glorieuse cité de Dieu :
« Quomodo stet sola civitas? »
Par la ruine de la vie spirituelle. — Sans doute, il ne
faut qu'un moment, une tempête, pour renverser quelque
superbe édifice. Sa ruine néanmoins n'est jamais possible
422 LA VIE SACERDOTALE
quo par un vice de sa construction ou bien un long ot pro-
gressif amoindrissement de sa solidité première. Sans doute,
une occasion dangereuse peut faire tomber la vertu. Mais ne
croyons pas cette chute imprévue, ni cette ruine imprépa-
rée. — En réalité, la ruine de la piété précède et prépare
toujours celle de la vertu. Qu'un prêtre est fort par la mé-
ditation, la Messe, la Communion, l'ofiice divin! que c'est
bien là pour lui « la cuirasse et le bouclier » dont parle Saint
Paul ! — Mais, s'il abandonne ces armes, il est perdu.
Par l'abandon de l'étude. — N'y eût-il, dans l'étude, que
les heures employées, le presbytère gardé, le monde fui,
toute issue au démon interdite: quelle puissante sauvegarde
déjà I — Mais il y beaucoup plus : l'étude, pour le prêtre qui
s'y adonne, devient sa compagne, son amie, sa consolatrice.
EÎle lui est « douce plus que le miel; » Elle remplit son être
entier de satiétés délicieuses. Quel attrait garderont pour lui
les voluptés terrestres, « quand il boit au torrent des volup-
tés divines? »
Par les liaisons dangereuses. — Elles commencent par
l'esprit et finissent par la chair. Qui ne connaît la fascina-
tion qu'elles opèrent ? Qui n'a su où elles mènent ?
Par l'intempérance. — « Luxuriosa res vinum ».... « Im-
piniruatus, incrassatus recalcitravit. »
Suivons, dans nos divines Ecritures, le travail de démora-
lisation, de honteuse elï'ervescence, d'aveuglement et de
luxure produit par la bonne chère et le vin.
Vœ\ s'écrie Isaïf* , qui conmrç/itis ad ebrietatem... ad potan-
dum usque ad vesperam... iitvino aestuetis\ — Voyez comment
descend peu à peu sur l'homme sensuel, sur le prêtre intem-
pérant, la malédiction du Prophète.
Vino œstuetis Dès lors s'éteignent tout ensemble
la raison et la foi. L'intelligence s'obscurcit, le cœur perd sa
noblesse, les sentiments leur hauteur. Tout se matérialise
dans ce malheureux; il est bientôt 1' « animalis homo qui
non percipit quaî sunt Spiritus Dei. » La chair usurpe l'em-
pire que l'âme abandonne ignominieusement. — Quelle sera
l'infaillible conclusion? « Opus Domini non respicitis. » Dans
l'homme de bonne chère et devin ne cherchez plus le prêtre,
il n'y est plus !
Propterea captivus duc tus est.... Incurvabitw homo.... hu-
miliabitur vir. Sous l'empire de l'intempéranco la volonté
LA VIE SACERDOTALE 423
s'affaiblit, la résolution la plus sincère perd sa vigueur, la
conscience se cautérise. L'occasion seule manque au crime.
Quand elle s'offrira, elle n'aura plus qu'à mener à la perdi-
tionun «captif » sans défense. — Ainsisera abattu «l'homme,»
celui que l'Ecriture appelle si magnifiquement « l'Homme de
Dieu. » — Ainsi sera humilié, dans la plus dégradante des
chutes, celui dont la vocation faisait le héros, le « vir » par
excellence : « humiliabitur vir. »
Propterea dilatavil infemus animant suam et aperuit os
suum absque ullo termino. 0 suite désastreuse t 0 terme ef-
froyable ! De l'intempérance dans l'ivrognerie, de l'ivrognerie
dans l'impureté, de l'impureté dans l'endurcissement, dans
l'impénitence tinale, dans la mort des réprouvés. Hélas! hé-
las ! Combien sont-elles ces victimes de la bonne chère et du
vin ? Quel est leur nombre ? « Infernus aperuit os suum
absque ullo termino. »
DE IA VIRGINITÉ DU CŒUR
DANS LE PRÊTRE
« Gloriosa dicta sunt de te, Givitas Dei. » Ce texte n'aurait pas
sa dernière et profonde signification, si nous l'appliquions
seulement au temple de Salomon. U était splendide sans doute
ce temple tout vêtu d'or, tout resplendissant de richesses. Dieu
daignait le remplir de sa majesté redoutable et la fumée des
sacrifices montait incessamment vers son trône. — Mais ce
temple n'était lui-même que la figure d'un autre sanctuaire
bien autrement radieux. Quel est-il? Disons hardiment que
c'est le cœur virginal du prêtre. C'est de ce sanctuaire plus
vaste, plus saint, plus resplendissant que Dieu dit: « Ici sera
le lieu de mon repos, ici je ferai ma demeure. » C'est de ce
temple mystérieux que parle magnifiquement Saint Paul en
ces mots: « Dieu lui-même resplendit dans nos cœurs. » —
Si donc le prêtre vierge doit « glorifier et porter Dieu dans
son corps, » s'il doit tenir ses sens exempts de toute souil-
lure, c'est bien plus encore de son cœur dont il doit faire, se-
lon le mot du Cantique: « un jardin fermé. » Fermé atout au-
tre amour que celui de Dieu, jardin rempli de fleurs, parfumé
de l'odeur des lis, chargé des fruits des vertus.
EXCELLENCE DU CŒUR VIERGE
Nous nous convaincrons de celte excellence, si nous con-
sidérons tout à la fois que le cœur du prêtre est de création
LA VIE SACERDOTALE 425
divine, qu'il appartient à une divine patrie, qu'il lui est confié
de divines missions.
Ce cœur est de création divine. — L'homme n'eût jamais
pu créer un cœur virginal de prêtre, et, quand Dieu l'a lait,
c'a été entre ses mains un tout nouveau et tout extraordi-
naire chef-d'œuvre.
i° L'homme ne l'eût jamais pu créer. — En fait, nous ne
le trouvons nulle part, nous ne le rencontrons dans aucun
des siècles qui précédèrent Jésus Christ. Ah ! ne le cherchons
pas dans la Gentilité ! Le sacerdoce n'y est plus qu'une école
de luxure, et la prostitution du cœur comme des sens fait
partie intégrante du culte. Le trouverons-nous en Israël? Si
le culte y est majestueux et pur, Dieu néanmoins n'a point
encore fait surgir de la tribu de Lévi des prêtres au cœur
vierge. Chose remarquable ! — Dès que le sacerdoce, par
l'hérésie ou le schisme, se détache de Jésus-Christ il perd
ses droits au cœur vierge. Détaché de Dieu, il n'a plus ni la
volonté, ni la puissance de créer ce chef-d'œuvre. D'ail-
leurs comment le pourrait-il, puisque aucune force humaine
ne s'est trouvée efficace contre les entraînements des sens et
que Dieu lui-même, pour créer un cœur vierge, dépense
toutes ses ressources et emploie tous ses dons?
2° Dieu seul a pu créer le cœur virginal. — Admirons com-
ment, pour faire naître et épanouir une simple fleur, Dieu
doit mettre en œuvre les forces de la création tout entière,
faire descendre en rosée et en pluie les nuées du ciel,
darder son soleil, appeler même les frimas et les brumes
de l'hiver. — Combien plus dépensera-t-il de forces pour
produire une autre fleur, fleur divine, qui est un cœur
vierge? Pour qu'elle puisse éclore,il a fallu que le Verbe fit
briller ses purs rayons et que le Sang du Calvaire se répan-
dit en viviliantë rosée. Si une force divine ne dompte pas la
nature, ne comprime pas la révolte des sens, n'élève pas
le cœur jusqu'au plus haut sommet de la vie surnaturelle,
jamais un cœur vierge n'apparaîtra aux admirations et aux
hommages de la terre et du ciel : « Xemo continens nisi
Deus det. »
Ce cœur habite une divine patrie. — Le eœur virginal
n'est vraiment plus des régions inférieures de ce monde; il
plane, il s'élève, il habite par avance la patrie des cieux. Ne
lui cherchez pas de demeure, ne nommez pas de famille ter-
426 LA. VIE SACERDOTALB
resire: un cœur de prêtre n'a trouvé qu'en Dieu son refuge
et son repos.
Plus haut que la terre, le cœur vierge dépasse aussi la
mesure ordinaire des vertus ; sa foi est plus lumineuse et plus
puissante, son espérance plus enflammée, sa charité plus
passionnée et plus tendre, son humilité plus profonde, sa
modification pius généreuse, son empire sur soi même plus
complet.
Que dire plus? Le cœur vierge vit de la vie même des anges;
la chair et le sang ne le souillent plus de leur contact; au-
cune beauté sensuelle ne le captive, aucun amour terrestre
n'a plus d'attrait pour lui. Comme Saint Paul, « il est crucifié
au monde comme le monde lui est crucifié » et il traverse les
choses humaines en n'y jetant qu'un froid mépris.
Ce cœur est destiné à de divins usages. — Le cœur vir-
ginal du prêtre est fait pour Dieu ; il est fait pour Jésus-
Christ, il est fait pour les âmes.
1° Le cœur vierge du prêtre est fait pour Dieu. — Dieu
laisse échapper dans l'Ecriture celte plainte mystérieuse :
« Quaesivi qui adjuvaret et non inveni. » Dieu est lumière,
Dieu est grâce, Dieu est amour, Dieu est l'Océan immense,
infini, de tous les biens à la fois. Et que veut-il, sinon se ré-
pandre, se donner, se verser à flots impétueux? Telle est sa
nature et, pour ainsi parler, la loi impérieuse de son cœur.
Il cherche, il appelle, il réclame avec l'impétuosité de l'a-
mour le cœur qui vomira s'ouvrir à lui et le recevoir. Hélas!
tous se détournent, Ions le fuient pour se repaître des biens
terrestres; les impies l'inveclivent, les indifférents passent
sans lever la tête, les chrétiens eux-mêmes, livrés aux mille
dissipations du siècle, murmurent des prétextes, mais ne
se rendent pas aux appels divins. — Dieu sera-t-il vaincu?
Non certes 1 Dieu se créera le cœur virginal du prêtre; cœur
libre de toute attache, vide de toute affection humaine, cœur
ouvert aux seuls épanchements du divin amour. Dieu est
lumière : il resplendira dans le cœur vierge. Dieu est pu-
reté : il fera ses délices des parfums de la virginité. Dieu est.
amour : sans ombre, sans mélange, sans partage, il se don-
nera au cœur qui ne possède que lui.
2° Le cœur vierge, du prêtre est fait pour Jésus-Christ. —
N'est-ce pas pour son divin Cœur, bien plus que pour tout le
reste, que l'Homme Dieu exhalait celle plainte désolée : « les
renards ont leurs tanières, les oiseaux du ciel leurs nids.
LA V1K SACERDOTALE 427
mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tète? » Il est
tout brûlant d'amour, c'est l'amour qui l'amène; « ses déli-
ces, dit-il, sont d'être avec les enfants des hommes. » Mais,
hélas! « il est venu chez les siens et les siens ne l'ont point
reçu. » Levez les yeux sur le monde et voyez Jésus en par-
courir les régions diverses. Les demeures se ferment devant
lui et les cœurs lui sont plus fermés encore ; que trouve-t-il
partout qu'indifférence et oubli, insensibilité et froideur?
S'il est au milieu de ce monde quelques âmes croyantes,
quelques cœurs accessibles aux attraits de Jésus-Christ, en-
core sont-ils absorbés par leurs sollicitudes terrestres, en-
chaînés dans les affections d'ici-bas.
0 Jésus! il vous reste les cœurs vierges de vos prêtres.
Ceux-là vous comprennent, ceux-là vous aspirent, ont tout
rejeté pour votre céleste conquête, font profession de ne
connaître et de n'aimer que vous. — Vous-même, dans ces
cœurs, trouverez l'apaisement de vos flammes, l'allégement
de vos tristesses, l'expansion de vos dons, l'oubli de la cruelle
indifférence des foules qui vous repoussent.
3° Le cœur vierge du prêtre est fait pour les âmes. — Si
l'âme mondaine, enivrée de jouissances, emportée dans le
tourbillon éternel de ses plaisirs, n'a que faire d'un cœur
saint et pur qui la recueille et la console, en est-il ainsi de
ceux qui souffrent, des déshérités de ce monde, des victimes
gémissantes et des blessés de la vie? Ceux-là, qui s'offre à les
aimer? Quel cœur s'ouvre à leur détresse? Quel guide se pré-
sente pour les mener au bien par toutes les voies de la cha-
rité? Un seul cœur deviendra le patrimoine des malheureux,
c'est le cœur virginal du prêtre. Si Dieu a sevré ce cœur de
toute affection, s'il lui interdit de se poser sur aucune fleur
terrestre, ni de s'ouvrir à aucun amour humain, c'est qu'il
le réclame tout entier pour l'immense famille de ceux qui
souffrent et qui pleurent. — Absorbé par une affection hu-
maine, obligé de se verser sur une famille que des liens
terrestres lui auraient créés, que resterait il d'un cœur sa-
cerdotal pour les besoins et les détresses des fils de l'Eglise et
des élus de Dieu?
428 LA VIE SACERDOTALE
II
PROSTITUTION DU CŒUR VIERGE
Ce mal est-il possible? S'il est possible, quels en sont les
caractères?
Possibilité de ce mal. — Le mot de Saint Paul ne doit
cesser de retentir au cœur du prêtre, pour éveiller sa foi, et
ranimer sa vigilance: «Et ipse circumdatus est infirmilate, »
« lui aussi est enveloppé de la faiblesse commune, » lui aussi
est fils de la déchéance originelle, lui aussi, comme Adam,
son ancêtre, peut être séduit. Ecoutons l'Ecriture; écoutons
les Saints Docteurs, écoutons l'expérience.
1° Ce que dit V Ecriture. — Elle semble intarissable quand,
dans les Proverbes, dans la Sagesse, dans l'Ecclésiastique,
elle nous rappelle les dangers que court un cœur vierge, les
occasions qui s'offrent à lui, les tentations qui l'assaillent,
l'abîme qui s'enlr'ouvre, si peu qu'il se prête aux facilités de
la séduction. — Puis l'Ecriture nous fait contempler d'illus-
tres et terribles chutes, dont le point de dépari est, invaria-
blement, la séduction du cœur. La terre se corrompt et les
cataractes vengeresses s'entr'ouvrent pour l'abîmer sous les
eaux, quand « les (ils de Dieu ont vu les filles des hommes »
et ont laissé prendre leur cœur à de profanes amours. Qui
perd l'un des juges d'Israël ? La séduction de Dalila, dont il
contemple la beauté et qui lui ravit, avec son cœur, la force
de son bras et la sagesse de sa pensée. David n'était-il pas un
prophète aimé de Dieu? Il se perd en se laissant entraîner à
d'adultères amours Salomon, plus qu'aucun autre, avait reçu
en don la sagesse : jusqu'à quel degré d'apostasie se laisse-
t-il choir, quand son cœur s'estouverl à d'illégitimes passions?
Jésus-Christ n'exige-t-il pas le sacrifice sanglant de l'œil et
de la main, s'ils deviennent une occasion do chute .' Comment
s'annonce la destruction de Jérusalem? Jérusalem, c'est la
<iilé Sainte, c'est la demeure de Dieu, c'est par excellence le
LA VIE SACEKDOTALE 429
cœur du prêtre. Et comment s'inaugurera la ruine de cette
Cité, de ce cœur, de ce prêtre? « Quand vous verrez l'abo-
mination de la désolation pénétrer dans le Lieu Saint. »
C'est l'idole que Jésus-Christ veut dire. C'est la créature dont
l'amour sacrilège usurpe dans un cœur de prêtre la place du
vrai Dieu.
2* Ce que disent les saints docteurs. — Qu'ils sont sévères,
qu'ils sont énergiques, dans leurs recommandations au prêtre !
C'est Saint Jérôme, c'est Saint Augustin, c'est Saint Ambroise,
c'est Saint Jean Chrysostôme, qui tous adjurent le ministre de
l'Autel, l'homme de Dieu, de fermer ses sens, de fermer sur-
tout son coeur, aux séductions du monde et aux molles fas-
cinations d'un amour qui, sous l'aspect de la piété, n'est ja-
mais qu'une sacrilège prostitution.
3° Ce que dit l'expérience. — X'est-elle pas, à elle seule,
plus forte que les instructions venues du dehors ! Qui n'a
ressenti dans son cœur les premières atteintes de la séduc-
tion? qui n'a entrevu l'abîme? qui ne s'y est pas senti en-
traîné ? c'est à la vue des chutes et des ruines journalières
que Saint Paul crie aux prêtres: « Qui crédit se stare, videat
ne cadat. »
Caractères de ce mal. — Hélas ! le mal est fait. Le cœur
du prêtre a laissé entrer « l'idole ». Il aime la créature, et,
dans son cœur, elle vient de détrôner Dieu. Quel est ce mal?
Combien divers ? Combien profond ?
1° C'est un mal ignominieux. — 0 cœur sacerdotal, tu es
trop grand, tu es trop vaste, tu es trop absorbé, tu es trop puis-
sant, pour rabaisser aux charmes frivoles de la terre. — Trop
grand: dans ton origine, dans tes pouvoirs, dans tes missions.
— Trop vaste. Ne dois-tu pas servir de demeure au Très Haut?
N'es-tu pas plus élevé que les cieux ? plus large que l'im-
mensité ? Ne dois-tu pas enfermer en toi la famille entière
des Élus de Dieu? — Trop absorbé. 0 soldat lâche ! tu res-
tes dans l'inaction quand se livre la grande bataille! — Trop
puissant. Tu es né pour dominer le monde, terrasser l'enfer,
conquérir le ciel.
Quoi I et c'est ce cœur sacerdotal si grand qui s'arrête à de
si misérables bagatelles?
2° C'est un mal douloureux. — Il l'est pour tous. Car, dit
Saint Augustin, « irrequietum est cor nostrum donec requies-
cat in Te. » Aux affections terrestres sont attachées trop de
cruelles épines pour que le cœur n'en soit pas meurtri. —
430 LA VIE SACERDOTALE
Mais lePrètre! Comment jouirait-il, quand le remords le trans-
perce, quand la faim le torture, quand l'impuissance de jouir
est son quotidien supplice ?
3° C'est toi mal désastreux. — Désastreux pour le troupeau
tout entier. — Pour les brebis trop aimées. Le scandale leur
pèse; l'amour dont elles sont l'objet les arrache au bien et
à Dieu. — Pour les brebis délaissées. Celles-là, abandonnées
par celui qui n'est plus pour elles qu'un mercenaire, meu-
rent faute de nourriture, de conduite, de soins.
LE PRÊTRE MONDAIN
CE QU'EST UN PRETRE MONDAIN
Deux traits le caractérisent : on ne le trouve pas dans le
Sanctuaire; c'est dans le monde qu'il le faut aller chercher.
On ne le trouve guère à l'église. — On ne l'y trouve pa>
au sens matériel du mot; on le trouve moins encore si l'on
entend le Sanctuaire tout spirituel et tout intime d'une voca-
tion sacerdotale.
1° Il est peu à l Eglise. — Qu'y ferait-il? Ses aspirations et
ses goûts sont ailleurs. La solitude et le silence du Sanc-
tuaire lui pèsent. La prière est sans charme et sa foi obs-
curcie, comme un soleil d'hiver, par les pensées, les désirs,
les préoccupations du monde ne lui découvre plus, dans le
secret du Tabernacle, l'objet ravissant qui y réside. Sa messe,
qu'il expédie avec une rapidité scandaleuse, l'a à peine re-
tenu quelques instants au pied de l'autel, qu'il sort d'une
église où aucun attrait ne le retient. Il y reviendra peut-être,
si quelque fonction du ministère le réclame d'urgence, mais
la rapidité et la mauvaise grâce de ces apparitions furtives ne
montrent que mieux combien le monde le charme et son
église l'ennuie.
2° En un second sens plus profond, le sanctuaire ri est pas sa
vraie demeure. — Entendons sa vocation, sa mission, l'esprit
et les sublimes obligations de son sacerdoce. Qu'a-t-il fait, le
prêtre mondain, de sa vocation sacrée? — N'est-il pas l'en-
voyé de Dieu, le médiateur entre le ciel et la terre? Mais
alors, n'est-ce pas au pied du trône de Dieu, « entre le vesti-
bule et l'autel, » qu'il doit vivre dans la supplication et la
432 LA VIE SACERDOTALE
prière? Et s'il revient à ses frères, est-ce à d'autre fin que de
leur apporter les ordres, les consolations, les grâces, les lu-
mières qu'il a puisés au ciel? — Il est sacrificateur. C'est lui
qui, en tenant élevée vers le ciel la grande Victime, arrache
à la justice les coupables qu'elle allait frapper. Mais alors
quels sentiments doivent l'animer et quel sera son langage,
sinon celui du Psalmiste : « 0 Dieu, à moi sont vos autels,
là est ma demeure et le lieu de mon repos? » — Le prêtre
est intercesseur. Si ses frères, courbés sous leurs durs tra-
vaux, n'élèvent vers Dieu que de trop rapides et de trop in-
suffisantes prières, n'est-ce pas lui qui est chargé d'office du
grand devoir de la louange et de l'adoration? — Le prêtre
est sanctificateur. Obligé de sanctifier les autres, il doit être
lui-même le premier illuminé de l'éclat des vertus. Mais
quand Moïse apparaissait au peuple étincelant d'éclat, c'est
qu'il avait résidé avec Dieu sur le Sinaï.
On le trouve toujours dans le monde. — A rencontre du
prêtre saint et sanctificateur, nous n'avons devant les yeux
qu'un prêtre, déserteur du Sanctuaire, hôte assidu du monde.
1° // le montre dans toute sa personne. — Pénétrons-nous
dans son âme? Elle est pleine de pensées étrangères, de sou-
venirs frivoles, de sollicitudes profanes, de désirs et de pro-
jets d'ambition et plus encore peut-être d'aspirations malsai-
nes de plaire et d'être aimé. Ses fonctions sacerdotales les
plus sacrées ne lui serviront elles-mêmes que de moyens
pour se produire au dehors. — Son extérieur ne reflète que
trop bien la mondanité de son Ame. Reconnaissez-vous la
chaste austérité du Sacerdoce dans celte recherche du luxe,
cette élégance profane, ces airs dégagés, cette dissipation,
cette pétulance, cette tenue ou efféminée ou folâtre? — Que
ce langage fait peine à entendre, tellement il est vide d'i-
dées chrétiennes et saturé des idées du monde! — Pénétrez
dans la demeure de ce prêtre mondain, ce n'est pas seule-
ment l'excès du luxe qui vous scandalisera, mais surtout
l'ordonnance toute profane de son ameublement et de ses
parures.
2° // le montre dans ses fréquentations. — Ni le zèle sacer-
dotal, ni les obligations du ministère, ni la sanctification des
âmes, mais le seul attrait terrestre, le seul égoïste plaisir, en
dirigent le cours et en expliquent l'excès. Saint Paul, en
flétrissant les courses oiseuses, les causeries frivoles, les diva-
gations incessantes de quelques fidèles oublieux de la gravité
LA VIE SACERDOTALE 433
de leurs devoirs ne fait que trop fidèlement la peinture du
prêtre mondain.
3° // le montre dans ses récréations et ses plaisirs. — Ce n<^
sont pas les légitimes et convenables délassements, dont le
saint prêtre sait remplir ses heures de repos, qui pourront
satisfaire le prêtre mondain. C'est au milieu même du inonde
et, autant qu'il le peut, en participant, à ses fêtes, que le
prêtre mondain entend se délasser. Les tables somptueuses,
le jeu continué avec passion, les soirées qui se prolongent
avant dans la nuit, les ris et les chants profanes : voilà où ce
triste prêtre cherche et trouve son plaisir.
i° // le montre dans ses directions. — Car le prêtre mon-
dain, quelque incapable qu'il soit de le bien faire, entend lui
aussi diriger les âmes. Direction pitoyable!
L'esprit de Dieu ne la pénètre point, le zèle du salut n'en
saurait faire le fond : elle tourne tout. entière en amusement
sacrilège(l). — Direction exclusive, domaine tout privé, d'où
sont exclus les humbles, les pauvres, les déshérités de ce
monde, les âmes dont les détresses et les souffrances ne pré-
sentent plus à un directeur qu'une aumône de charité à faire
et un fardeau à porter.
(1) Hoc autem scito quod in novissimis diebus instabunt teni-
pora periculosa :
Erunt hornines se ipsos amantes, cupidi, elati, superbi, blas-
phemi, parentibus non obedientes, ingrati, scelesti,
Sine affectione, sine pace, criminatores, incontinentes, immites,
sine benignitate.
Proditores, protervi, tumidi, et volnptatum amatores magis
quam Dei;
Habentes speciem quidem pietatis, virtutem autem ejus abne-
gantes. Et hos devita;
Ex his enim sunt qui pénétrant domos, et captivas ducunt mu-
lierculas oneratas peccatis, quae ducuntur variis desideriis;
Semper discentes, et nunquam ad scientiam veritatis pervenien-
tes. (Tim.)
T. IV 28
434 LA VIE SACERDOTALE
II
LES DÉSASTRES D'UNE VIE MONDAINE
DANS LE PRÊTRE
Déjà la simple peinture d'une vie mondaine dans le prêtre
nous montrerait suffisamment le désastre d'un pareil état,
complétons néanmoins la peinture et achevons de révéler le
désastre.
C'est une vie messéante à sa vocation. — 1 ° Elle est en
complète contradiction avec Jésus-Christ. Jésus-Christ est Pon-
tife suprême. Il est le chef et en même temps le type sacré
du Sacerdoce. Tout prêtre dont la vie n'est pas conforme à la
vie du Christ ne sera plus pour Dieu qu'un prêtre indigne et
rejeté. — Mais quelle dissemblance plus flagrante peut se
rencontrer qu'entre le prêtre mondain et Jésus-Christ ? Ici
fuite du monde, solitude, larmes et prières : là frivolité,
joies impures, mélange sacrilège de la sainteté sacerdotale
avec les vices du dehors. Ici componction et douleur : là dis-
sipation et réjouissance. Ici haine du monde et malédiction
sur cet infernal adversaire; là amour du monde et faveurs
ardemment recherchées.
2° Elle est inutile, préjudiciable à l'Eglise. — Alors même
que le prêtre mondain brillerait par ses dons naturels, au-
rait acquis au dehors une considérable influence, jouirait
d'une vaste et puissante popularité, ce n'est là qu'un mirage
dissimulant l'aridité du désert. « Cymbale retentissante »,
dit Saint Paul, le bruit qu'il élève, l'attention qu'il captive,
les applaudissements qu'il excite ont beau être grands, il
ne reste bientôt plus que ce qui reste d'une fugitive cla-
meur (1).
(t) Omnis victima sale salietur.
Bonurn est sal : quod si sal insulsum fuerit, in quo illud con-
dietis ? Habete in vobis sal, et pacem habete inter vos.
(Marc. IX.)
LA. VIS SACERDOTALE 43§
3° Elle est déplacée dans chacune des fonctions sacerdota-
les — Qu'il monte à l'autel, qu'il apparaisse dans la chaire,
qu'il siège au Saint Tribunal, qu'il essaie, entre deux folâ-
tres fréquentations du monde, de trouver au chevet du mori-
bond les graves et solennels accents de l'éternité: le prêtre
mondain sera toujours également déplacé. Entre sa vie dis-
sipée et sa mission sainte, une discordante opposition ne ces-
sera d'apparaître, qui tuera son prestige et écartera de lui-
même le respect (l). C'est un homme de bien que les âmes
réclament; quand Dieu ne leur apparaît plus dans le prêtre,
<dles s'écartent en disant tristement : « homines imposuisti
super capita nostra ! »
C'est une vie funeste à sa sanctification. — Qu'elle est
rude au saint prêtre lui-même la montée des cimes sacerdo-
tales! « Quis ascendet in montem Domini? » Il faut à réclu-
sion de la sainteté sacerdotale des conditions essentielles.
1° // lui faut la solitude. — N'est-ce pas à l'écart, dans la
profondeur des déserts, le long des rivages solitaires, sur la
cime écartée des montagnes, que Jésus-Christ se plaisait à
former à leur vie sainte ses premiers prêtres? Dans la soli-
tude, la vie sacerdotale prospère : dans les bruyantes dissi-
pations du monde, elle dépérit et s'éteint.
2° Il lui faut la prière. — Le Pontife suprême Jésus-Christ
priait, priait sans cesse, « priait, dit Saint Paul, avec un
Ilot de larmes et un cri perçant. » Et c'est par ces larmes
et par ce cri qu'il méritait la rédemption du monde et obte-
nait la vie pour son Corps mystique. Le prêtre lui aussi ne
(1) Si enim propter cibura frater tuus contristatur, jam non se-
eundum caritatem ambulas. Noli cibo tuo illum perdere pro quo
Christus mortuus est.
Non ergo blasphernatur bonum nostrum,
Non est enim regnum Dei esca et potus, se<i justitia et pax et
gaudium in Spiritu sancto :
Qui enim in hoc servit Ghristo, placet Deo, et probatus est ho-
minibus.
Itaque quœ pacis sunt, sectemur ; et quœ aedificationis sunt, in
invicem custodiamus.
Noli propter escam destruere opus Dei. Omnia quidem sunt
munda : sed malum est homini qui per offundiculum manducat.
Bonum est non manduiare carnem, et non bibere vinum neque
in quo frater tuus offenditur, aut scandalizatur, aut infirmatur.
Tu fidem habes ? pênes temetipsum habe coram Deo. Beatus qui
non judicat semetipsum in eo quod probat. (Rom.)
436 LA VIE SACERDOTALE
devra qu'à ses continuelles et ardentes prières cette même
rédemption et ce même salut.
3° // lui faut l'étude. — 11 la lui faut pour les âmes, car
c'est des lèvres du prêtre que les peuples recueilleront la
science. Sans un travail assidu, une préparation longue et
profonde, le prêtre ne peut affronter ni le saint Tribunal, ni
la chaire. — Il lui faut l'étude pour lui-même et sa propre
sanctification. Par elle ses heures se font pleines et heureu-
ses. Par elle ses facultés se nourrissent et se fortitient poul-
ie bien. Par elle les tentations s'émoussent, et le démon ne
trouve aucune issue pour entrer.
C'est une vie mortelle à son ministère. — D'abord parce
qu'il le prend en dégoût. — Ce n'est plus chez lui qu'affaire de
commande, obligation pleine d'ennui, odieuse servitude dont
il se délivre le plus souvent et le plus qu'il peut. — Ensuite
parce que les âmes, ne voyant plus en lui qu'un homme du
monde et un profane, lui refusent leur confiance, quand elles
ne marchandent pas le respect. — Enfin parce que lui-même,
eût-il la régularité extérieure du saint ministère, et les âmes
eussent-elles par vigueur de foi conservé respect et confiance,
la grâce divine ne féconde plus une vie que le monde a déta-
chée de Dieu.
CONDUITE DU PRÊTRE DANS LE MONDE
CE QUE DOIT RESTER L'AME DU PRETRE
Que le prêtre se rappelle, pour les concilier ensemble, deux
paroles de Jésus-Christ. La première : « Mon Père, je ne de-
mande pas que vous les retiriez du monde. » La seconde :
« Vous n'êtes pas du monde. » — Ainsi, d'une part, le prèlre
habite au milieu du monde, et d'autre part, il n'en est pas.
Il y est comme un ambassadeur réside dans une contrée loin-
taine, sans en être le citoyen, sans y faire autre chose que
traiter les affaires de son Maître.
Vous n'êtes pas de ce monde, car ce monde est mauvais,
perverti, incorrigible. Vous n'y êtes que pour y recueillir mes
Elus : « Vous êtes la lumière du monde, » « vous êtes le sel
de la terre. » Gardez-vous donc de devenir ténèbres, et, au
lieu de corriger la corruption, de devenir corruption vous-
mêmes. — Trois choses seront soigneusement évitées par le
prêtre : 1° L'estime et l'amour du monde; 2° la conformité
avec le monde; 3Û la participation à l'esprit du monde.
Estime et amour du monde. — L'estime d'abord, ensuite
l'amour.
1° Le prêtre se gardera d 'estimer le inonde. — Comment le
pourrait-il, si la lumière de la foi brille en lui et l'éclairé ?
Le monde est né du péché, il est lui-même le péché vivant,
prolongé à travers tous les siècles, « tolus in maligno posi-
tus. » Il a pour chef le prince des ténèbres dont il suit en tout
les inspirations et accomplit les volontés. C'est ce monde qui
poursuit le Christ Rédempteur de son inextinguible haine et
438 LA VIE SACERDOTALE
dont il détruit autant qu'il le peut l'œuvre divine. Aussi en-
tre Dieu et le monde, s'est creusé un abîme que nul ne peut
ni combler, ni franchir. Ce monde, Jésus-Christ l'a couvert
de son mépris, de sa colère, de ses malédictions (1).
2° Le prêtre se gardera d'aimer le monde. — La tentation
d'aimer le monde est donc bien forte pour que Jésus-Christ
ait si continuellement prémuni ses prêtres contre ce sacri-
lège et pernicieux amour? Les Apôtres reprennent avec une
force nouvelle les exhortations du Maître. C'est Saint Jean
qui nous adjure de n'aimer point le monde, ni rien de ce
que renferme le monde. C'est Saint Paul qui, dans chacune
de ses épîtres, nous arme contre le monde. — Ne nous éton-
nons pas d'une pareille insistance. C'est qu'un amour secret
du monde est au fond de toute âme humaine. Qu'est-ce que le
monde? C'est, dit Saint Jean, tout ce qui est orgueil, volupté,
avarice. Eh bien ! n'est-ce pas à ces trois traits que nous nous
devons reconnaître nous-mêmes? Aussi n'est ce que par une
lut:e incessante et des déchirements profonds que nous en-
lèverons de notre cœur l'amour du monde.
Conformité au monde. — Ennemi du monde dans le fond
de son âme, il est juste et logique que le prêtre s'en éloigne
dans sa conduite. Il évitera donc tout ce qu'il voit faire aux
mondains (2).
1° // évitera les habitudes, les manières a l'être du monde. —
Il en évitera la frivolité. Il est l'homme de Dieu, l'ambassa-
deur du Très-Haut, le représentant d'un monde supérieur ;
tout en lui doit être grave, sérieux, profond, digne de son
(1) Dixit ergo iterum eis Jésus : Ego vado, et quaeretis me. et in
peccato vestro moriemini. Quo ego vado, vos non potestis von ire.
Dicebant ergo Judsei : Numquid interficiet semetipsum, quia
<lixit : Quo ego vado, vos non pote>ti^ venire?
Et dicebat eis : Vos de deorsum estis, ego de supernis sum. \ os
de inundo hoc estis, ego non sum de hoc mundo.
Dixi ergo vobis quia moriemini in peccatia vestris : si enim non
credMeritis quia ego sum, moriemini in peccato veslro.
(Joan. VIII.)
(2) Obsecro itaque vo<=, fratres, per misericordiam Dei, ut exlii-
be:itis corpora vestra hostiam viventem, sanctam, Deo placentem,
rationabile obsequium vestrum.
Kl nolite conformait huic saeculo, sed reformamini in novitate
sens us vestri, ut probetis quœ sit voluntas Dei bona, el benepla-
et perfecta. (Rom. XII.)
LA VIE SACERDOTALE 439
caractère et de sa mission. Qu'y a-t-il de plus répugnant dans
un prêtre que la légèreté? — Le prêtre s'éloignera même de
tout ce qui est profane. Que lui importe ce qui se fait, ce
qui se dit dans le monde à lui qui n'en est pas 9 Etrange
prêtre que celui dont les bruits du monde, ses nouvelles,
ses chroniques si souvent scandaleuses, franchissent la
demeure et assiègent la pensée ! — Mille fois moins encore
le prêtre ne participera à ce que les conversations, les habi-
tudes, les lois du monde ont de vicieux.
2° Par une conséquence logique, le prêtre s'interdira les
mauvais livres qui font l'habituelle nourriture des gens du
monde. — Leurs productions lascives, leurs journaux libres
jusqu'au scandale, ne déshonoreront pas sa demeure et ne
souilleront pas son âme que de célestes choses doivent seules
remplir.
3° Dans ses amusements et ses récréations, le prêtre ne suivra
pas le monde. — Il est une continuité d'amusements que le
prêtre laborieux ne peut se permettre. — Il est un genre
d'amusements messéant au caractère et à l'habit du prêtre. —
Il est des lieux d'amusements dont le prêtre ne doit jamais
franchir l'enceinte.
Participation à l'esprit du monde. — Il en est du monde
comme de ces climats malsains, deees régionsempoisonnôes,
dont l'air lui-même est morbide et qui altère, par des in-
fluences imperceptibles, les plus robustes constitutions. Ce
n'est pas seulement du contact direct que l'âme sacerdotale
doit se préserver, c'est môme, c'est surtout de l'esprit sub-
til autant qu'empesté qui se dégage du monde que le prêtre
doit se préserver.
1° L'esprit du monde est un esprit d'opposition et de fausse
liberté. — Cet esprit, dit Saint Paul, est l'ennemi-né des lois
divines; sans cesse le monde les juge, les critique, les altère,
les restreint. C'est au prêtre à les garder dsns leur sévère
et intangible intégrité. Qu'il se garde donc de ce laxisme in-
solent, dont se targuent les gens du monde et qui leur fait
enfreindre avec une légère' ô si déplorable les plus graves et
les plus formels préceptes de Dieu et de son Eglise.
2° L'esprit du monde est un esprit d'orgueil et d'ambition. —
A quel titre le prêtre imiterait il son luxe et son faste, lui
qui se donne comme le disciple du Dieu de la crèche, de Na-
zareth et du Calvaire? — Si le mondain se travaille et s'é-
puise à la recherche des dignités, à la conquête des hon-
440 LA VIE SACERDOTALE
neurs, qu'importe au prêtre, l'homme d'une gloire éternelle,
les hochets des entants du siècle (1) ?
3° L'esprit du monde est un esprit de sensualisme. — Que le
prêtre se prémunisse soigneusement contre les maximes
mondaines. Travailler, souffrir, mener la rude vie de Jésus-
Ghrist et des Apôtres, déclarer la guerre à ses sens, fuir les
amollissantes douceurs du bien-être : tel est le devoir, telle
est la gloire et aussi la sécurité du prêtre. — Quand Saint
Paul en aperçoit quelqu'un engraissé à des tables luxueuses,
dans des demeures ornées comme celles des gens du monde,
quand il l'aperçoit comme une contradiction vivante de la
croix du Christ, il verse ses pleurs les plus intarissables et
les plus amers sur ce malheureux (2).
4° L'esprit du monde est un esprit d'indépendance. — Dans
sa partie follement et grossièrement pervertie, le monde en
est venu à pousser ce suprême cri de révolte : « ni Dieu, ni
maître! » — Entre ces furieux et l'obéissance orthodoxe se
déroulent les revendications diverses d'une indépendance
interdite à tout homme, plus interdite encore au prêtre.
Dans le prêtre se personnifient le respect de l'Autorité, la
soumission aux lois, l'obéissance à tout précepte juste et lé-
gitime. — A l'encontre d'une Presse révolutionnaire et ar-
mée contre tout pouvoir et toute autorité, le prêtre ne s'é-
cartera jamais de la parole divine qui l'oblige à « rendre à
César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »
(1) Et vos inllati estis; et non niagis luctum habuistis, ut tolla-
tur de medio vestrurn qui hoc opus fecit.
Ego quidein absena cor pore, prsesens autem spiritu, jam judicavi,
ut praesens, eum qui sic operatus est. (I Cor )
(2) Fratres, debitores sumus non carni, ut secunduiu carnem
vivamus. Si enim secunduiu carnem vixeritis, moriemini : si au-
rera spiritu facta carnia mortificaveritis, vivetis. Quicumque enim
spiritu Dei aguntur. ii sunt filii Dei. Non enim accepistis spiritum
servitutis iterum in timoré, sed accepistis spiritum adoptionis li-
liorum, in quo clamamus : Abba (Pater), [pse enim Spiritus t
înonium reddit Bpiritui nostro, quod sumus filii Dei. si autem li^
lii, et hseredea : haeredes quidem Dei, cohaeredes autem Cbristi : si
tamen compatimur, ut et conglorificemur. Exiatimo enim quod
non sunt cmidignse passions bujus temporis ad futur am Kloriam,
quae revela)>itur in nobis. (Rom. VIII.)
LA VIE SACERDOTALE 441
II
CE QUE DOIT RESTER L'EXTÉRIEUR DU PRÊTRE
Deux choses sont à régler sous ce rapport, les démarches,
l'extérieur.
Ce que doivent être les démarches du prêtre. — i° Le
prêtre doit converser avec le monde. — Lui interdire l'entrée
dn monde et lui en fermer les demeures serait une exagéra-
tion désastreuse à son œuvre et dont profiteraient trop aisé-
ment la nonchalance, la paresse ou la timidité. Qu'il fasse
comme Moïse, quittant, pour se répandre parmi le peuple,
la cime du Sinaï. Qu'il imite les Anges qui, sans perdre ja-
mais la vue de Dieu, s'emploient auprès de nous aux divers
ministères du zèle et de la charité (1).
2° Mais quels motifs amèneront le prêtre dans le monde"! —
De ces motifs, les uns sont coupables, les autres sont saints.
— Ce prêtre que l'on voit si constamment dans la demeure
et à la table des gens du monde, n'est-ce pas l'ennui de sa
solitude, le dégoût de sa vie sacerdotale qui l'amènent? S'il
(1) Igitur egressus Jacob de Bersabee, pergebat Haran.
Cumque venisset ad quemdam locum, et vellet in eo requiescere
post solis occubitum, tulit de lapidibus qui jacebant, et suppo-
nens capiti suo, dormivit in eodem loco.
Viditque in somnis scalara stantem super terram, et cacumen il-
lius tangens cœlum; angelos quoque Dei ascendenteset descenden-
tes per eam;
Et Dominum innixum scalse dieentem sibi : Ego sura Dominus
Deus Abraham patris tui, et Deus Isaac; terram, in qua dormis,
tibi dabo et semini tuo.
Eritque semen tuum quasi put vis terra?; dilataberis ad Occiden-
tem, et Orientem, et Septentrionem, et Meridiem; et BENEDICKN-
TUR IN TE, et in semine tuo, cunctse tribus terrae.
Et ero custos tuus quocumque perrexeris,et reducam te in terram
hanc; nec dimittam nisi complevero universa quae dixi.
Cumque evigilasset Jacob de somno, ait : Vere Dominus est in
loco isto, et ego nesciebam. (Gènes. XXVIII.)
442 LA VIE SACERDOTALE
a de si interminables heures à donner aux fréquentations du
dehors, n'est-ce pas que ces heures ne sont que trop parci-
monieusement accordées à la méditation et à la prière et trop
complètement refusées à l'étude? D'autres motifs pourraient
être plus coupables encore, si c'étaient la fascination du
inonde, l'avide recherche de ses jouissances ou même quel-
que secret entraînement du cœur qui fissent abandonner au
prêtre sa sainte et protectrice solitude.
S'il sort parmi les hommes, que ce soit comme son maître
pour y passer « en faisant le bien. » S'il est des demeures
en deuil, des cœurs brisés par la souffrance, des chevets de
maladie ou de mort; si des conseils le réclament, si des minis-
tères attendent son intervention, si des détresses sollicitent
de lui consolation et. obole : qu'il sorte, qu'il aille aux bre-
bis perdues, qu'il dise: « misereor super turbam; » il revien-
dra béni des âmes et chéri de Dieu
3° Mais de quelle manière le prêtre fréquentera- (-il dans le
mondée — Ses fréquentations ne seront pas trop assidues.
Autrement il perdrait le sentiment et le goût de la solitude.
Que lui resterait il de ses heures pour la prière et l'étude, si
Je monde les dévorait toutes? — Ses fréquentations ne se-
ront pas trop intimes. Son prestige se dissiperait; ses défauts
apparaîtraient à nu; les âmes se détacheraient de lui; peut-
être sa vertu courrait d'imminents dangers. — Ses fréquen-
tations ne seront jamais sans but. Ce n'est que pour consoler,
édifier et guérir que le prêtre doit sortir de sa retraite,
Ce que doivent être les manières du prêtre. — Exemptes
de recherche affectée et mondaine ; de rusticité rebutante,
de raideur orgueilleuse, de familiarité déplacée.
Que son langage soit grave et doux dans la forme; —
saint et édifiant dans le fond.
LE PRÊTRE ET LE MONDE
Deux paroles, appliquées à l'Homme-Dieu et qui semble-
raient inconciliables, définissent admirablement l'attitude du
prêlre en face du monde et les seuls rapports qu'il puisse
entretenir avec lui. — Du Verbe incarné il est dit: « Mes dé-
lices sont d'être avec les enfants des hommes. » Puis, quand
nous suivons l'Homme-Dieu à travers le monde, nous lui en-
tendons dire: « Jusques à quand aurai-jeà vous supporter? »
Et dans les Psaumes : « Que mon exil est long à moi qui ha-
bite parmi les habitants de Cédar! » Tant que Jésus-Christ
se répand dans la foule des petits, des malheureux, des pau-
vres (-1); tant qu'il console, guérit, instruit, « ses délices sont
d'être avec les enfants des hommes. » — Mais s'il franchit
ces frontières aimées pour entrer dans un monde frivole, in-
crédule, enivré de bien-être et de plaisir, celte vue irrite sa
sainte àme, ce séjour lui devient insupportable: « usque-
quo ? »....
Tel sera le prêtre, telles seront ses dispositions et sa con-
duite. Se donnant aux humbles et aux pauvres, ce seront là
les délices de sa vie. — Mais le monde, ce monde frivole,
impur, sans piété, sans foi, le prêtre n'aura pour lui que la
tentation du dégoût : « Usquequo patiar ? »
Dans le monde, le prêtre est tout ensemble un étranger
qui y souffre, un envoyé qui y traite intrépidement les af-
(i) Et factum est cura consummasset Jésus, prœcipiens duode-
cim discipulis suis, transiit inde ut doceret el prsedicaret in civi-
tatibus eorum.
Joannes autem cum audisset in vinculis opéra Christi, mittens
duos de discipulis suis,
Ait illi : Tu es qui venturus es, an alium exspectamus?
Et respondens Jésus, ait illis : Eunles renuntiale Joanni quœ
audistis, et vidistis.
Caeci vident, claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt
mortui resurgunt, pauperes evangelizantur.
Et beatus est, qui non fuerit scandalizatus in me.
(Matth. XI.)
444 LA VIE SACERDOTALE
faires divines, une victime qui, à l'exemple de son Maître,
s'y laisse haïr, poursuivre et immoler.
LE PRETRE Y EST UN ÉTRANGER
Etranger par dégoût, étranger par prudence, étranger par
amour des âmes.
Etranger par dégoût. — Comment en serait-il autrement,
puisque le monde est pour le prêtre une région étrangère,
un soi ennemi, un tyran et un oppresseur.
i° Le monde est pour le prêtre une région étrangère. — Il
y entre comme entrait à Babylone Israël traîné captif. Tout
est nouveau, insolite, incommode dans cette terre étrangère.
La langue qu'on y parle, Israël ne la comprend pas. Mœurs,
coutumes, habitudes, tout lui est inconnu et tout lui répugne.
Ohl qu'il est loin de sa Jérusalem bien-aimée! Après elle,
il aspire et son séjour sur ces rives étrangères lui est un
exil insupportable.
Mais que dirons-nous du prêtre qui fait de Babylono une
nouvelle patrie? Qui aime le monde, qui s'y complaît, qui le
recherche, qui en adopte les idées, qui en prend le langage,
qui en admire les spectacles, qui en savoure les délices? Hé-
las! pour ce transfuge que la Jérusalem céleste est loin! que
son sacerdoce est oublié, que ses gloires divines sont mécon-
nues, que ses devoirs sont outrageusement trahis!
2° Le monde est pour le prêtre un sol ennemi. — Certes!
c'était, pour les vaincus que Rome amenait chez elle et traî-
nait derrière le char triomphal de ses consuls, un indicible
martyre d"assisler à leur propre houle, d'écouler les hym-
nes de la victoire, d'apercevoir partout, dans les trophées
élevés, les marques de leur défaite, les monuments de leur
nationalité détruite.
Oh! que c'est bien là le martyro du prêtre, quand il entre
LA VJE SACERDOTALE 445
dans le monde. Qu'y voit-il sinon les trophées du démon, les
pompes odieusement triomphales des ennemis du Christ?
Qu'y entend-il sinon ces chants où la foi comme la vertu
chrétienne sont audacieusemcnt insultées? — Le bon prêtre,
s'il ne demande pas comme les Apôtres que le feu du ciel
tombe sur la Cité coupable, ne cherche au moins que l'issue
la plus rapide pour échapper à ce milieu ennemi (1).
Mais voici un prêtre qui, non seulement, ne fuit pas la so-
ciété des ennemis de son Dieu, mais qui, au contraire, y
cherche sa récréation la plus douce, son repos le plus ordi-
naire. Malheureux 1 tu veux donc faire mentir la Vérité, qui
a dit que « nul ne pouvait servir deux maîtres à la fois, » et
Saint Paul, qui ajoute: « quelle union possible entre le
Christ et Bélial? »
3° Le monde est pour le prêtre un tyran et un oppresseur . —
Y eut-il un temps où le peuple encore plein de toi, des famil-
les profondément pénétrées de l'esprit du christianisme, re-
cevuient le prêtre avec religion et honneur comme l'ambas-
sadeur du ciel et le ministre de Dieu? Peut être. Encore
eût il fallu même en ces époques heureuses, déconseiller au
prêlre de trop longues et de trop continuelles fréquentations.
— En tous cas, ces temps ne sont plus et nous touchons à
ces siècles que Saint Paul déclare « périlleux » et dont le
Christ disait : « Trouverai-je encore de la foi quand je re-
viendrai sur la terre » ? Notre monde à nous est déchris-
tianisé; dès lors, s'il attire, s'il accueille le prêtre, s'il lui
ouvre ses salons, s'il le fait asseoir à ses banquets, s'il l'i-
nitie à ses plaisirs et l'introduit dans ses fêtes, ce ne peut
être qu'aux plus dures et aux plus ignominieuses conditions.
Le prêtre abdiquera la rigidité de ses principes, il voilera l'o-
dieuse nudité de la croix, il ira plus loin, il fera fléchir le
(i) Dirigatur oratio mea sicut incensum in conspectu tuo : ele-
vatio manuum raearum sacrificium vespertinum.
Pone, Domine, custodiam ori meo, et ostium circumstantiœ la-
biis nieis.
Non déclines cor meum in verba malitise, ad excusandas excusa-
tiones in peccatis.
Gum hominibus operantibus iniquitatem : et non communicabo
cum el?ctis eorum.
Corripiet me justus in misericordia, et increpabit me : oleum
autem peccatoris non impinguet caput meum.
Quoniam adhuc et oratio mea in beneplacitis eorum : absorpti
sunt juncti petrse judices eorum, (Psal.)
446 LA VIE SACERDOTALE
dogme et atténuera sacrilègement la vérité divine: « adulté-
rantes verbum Dei. » 0 prêtre ! 0 « Lion de Judas, » lion
magnifique, dont la voix retentit au désert pour en ébranler
les profondeurs, « vox clamautis in deserto, » rentre tes on-
des, étouffe tes rugissements : dans ces sociétés rieuses et
folâtres, tu n'es plus qu'un objet de curiosité et d'amusement!
Hélas! ils seront éternellement la honte de l'Eglise et le
désastre du ministère ces prêtres mondains qui, déshabituent
les âmes des austérités du christianisme, ne leur montrent
plus en leur personne qu'une foi maladive et une morale
émoussée.
Etranger par prudence. — Mais s'il doit fuir le monde
par respect pour sa dignité sacerdotale, le prêtre le doit fuir
bien plus encore par crainte pour son propre salut. Elle est
formelle, elle est décisive, cette parole de Saint Paul: « Si je
devenais pour le monde un objet de complaisance, je ces-
serais d'être le serviteur de Jésus-Christ. » — Et d'où vien-
drait cette déchéance? Comment s'accomplirait cette lamen-
ble ruine?
1° Le contact du monde affaiblit la foi. — N'entendre plus
que de fausses maximes, subir longtemps l'oppression des
mensonges, la tyrannie des erreurs, et, d'autre part, s'habi-
tuer à taire la vérité ou seulement à l'amoindrir, fait courir
au prêtre le danger signalé par Saint Paul, « de faire le nau-
frage de la foi(l). »
(1) Sicut rogavi te ut remaneres Ephesi cura iremin Macedoniam,
ut denuntiares quibusdam ne aliter docerent,
Neque intenderent fabulis, et genealogiis interminatis : quœ quaes-
tiones praestant magis quam œdificationem Dei, quœ est in fide.
Finis autem prsecepti est charitas de corde puro, et conscientia
bona, et fido non ficta.
A qtiibus quidam aberrantes, conversi sunt in vaniloquium,
Volentes esse l^gis doctores, non intelligentes neque qua> loquun-
tur, neque de quibus affirmant.
Scimus autem quia bona est lex, si quis ea légitime utatur :
Sciens hoc quia lex justo non est posita, sed injustis, et non
subditis, impiis, et peccatoribus, sceleratis, et contaminatis, par-
ricidis, et matricidis, homicidis,
Fornicariis, masculorum concubitoribus, plagiariis, mendacibus,
Hoc prœceptum commendo tibi, fdi Timothee. secundum proece-
dentes in te prophetias, ut milites in illis bonam militiam,
Habens fidem, et bonam conscientiatn, quam quidam repellen-
tes, circa fidem naufragaverunt :
LA VIE SACERDOTALE 447
2° Le contact du monde affaiblit la volonté. — Comme le
monde n'admet de vérités qae celles qui lui plaisent, ainsi
ne veut-il de préceptes que ceux qui le laissent, à l'aise, jouir
de ses vices. Le monde n'entend pas qu'on le trouble dans sa
fausse paix et son commerce ne peut reposer que sur de per-
pétuelles concessions. — Ainsi s'altère la vigueur sacerdo-
tale, ainsi se brise peu à peu le ressort de la volonté.
3° Le contact du monde flétrit l'innocence. — Qu'elle est
délicate dans le prêtre la fleur divine de cette innocence! Un
souffle la ternit, un spectacle la souille, un mot la déshonore. —
Mais le monde? N'est-ce pas le vice habilement voilé, ou s'y
montrant dans sa nudité cynique, que le prêtre devra quoti-
diennement subir? Est-ce donc impunément qu'il habituera ses
yeux à des visions dangereuses, ses oreilles à des paroles li-
bres et à des chants voluptueux? Si un Saint Jérôme, cassé
de vieillesse, exténué de veilles et de jeûnes, se frappait la
poitrine et luttait éperdu contre d'anciens souvenirs, que
sera-ce du prêtre jeté tout vif dans des réalités enchanteres-
ses?
Etranger par amour des âmes. — i° Un mystérieux ju-
gement des foules sur le Messie. — « Quand viendra le Mes-
sie, disaient-elles, nul ne saura d'où il est. » Ce jugement,
erroné pour une part, cachait cependant une vérité pro-
fonde. D'où venait en effet le Verbe incarné, Sauveur du
monde, sinon de l'inaccessible région de l'inlini, sinon de
l'invisible lumière que Dieu habite ? Venu sur la terre des
profondeurs du ciel, le Verbe incarné était étranger parmi les
hommes et Salomon avait prophétisé de lui : « Generationem
ejus quis enarrabit? »
2° Un jugement identique sera porté sur le prêtre. — Son
prestige lui viendra de son éloignement mystérieux. S'il
vient du monde aux mondains, il y vient sans force, parce
qu'il est comme un d'entre eux. Il ne sera un vrai Messie
pour les âmes que s'il descend vers elles des régions supé-
rieures. — L'expérience ne confirme que trop cette vérité.
Jamais le prêtre qu'ils auront vu, compagnon de leurs fêtes,
gai convive à leurs banquets, ne sera pour les gens du monde
un véritable Messie. Aux jours de leur conversion ou au
Ex quibus est Hymenœus, et Alexander : quos tradidi satanae,
ut discant non blasphemare. (I Tim )
448 LA VIE SACERDOTALE
chevet de leur maladie dernière, c'est quelque prêtre ignoré,
quelque saint inconnu du monde, à qui ils demanderont la
grâce et le salut.
II
LE PRÊTRE Y EST UN ENVOYÉ
Le même prêtre qui doit fuir le monde dans le sens d'une
fréquentation inutile et prolongée, doit l'affronter chaque fois
que sa mission d'envoyé de Dieu l'y oblige. « Le prêlre dil
l'Apôtre, choisi du milieu des hommes, est constitué pour les
hommes en fout ce qui touche les choses de Dieu. » — S'il est
fait prêtre « pour les hommes », il est clair qu'il doit vivre
parmi eux. Aussi, dans la suprême prière de la Gène, Jésus-
Christ disait : « Je ne vous demande pas, mon Père, que vous
les retiriez du monde, mais que vous les préserviez du mal. »
Dans les églises qu'il fondait, nous voyons Saint Paul pour-
voir à un douhle ministère : celui de la parole publique, celui
du contact et des entreliens privés. « Vos scitis... quomodo
nihilsubtraxerim utilium, quominusannunliarem vobis et do-
cerem vos publiée et per domos. »
i° La parole publique serait insuffisante. — Elle serait vic-
torieuse, elle serait toute-puissante : «■ Sermo vivus et efli-
rax », dit Saint Paul. Mais combien qui désertent la chaire
chrétienne? — Combien qui n'y prêtent que la légèreté de
l'esprit, la sécheresse du cœur, les révoltes de la volonté? —
Combien qui n'en rapportent que des impressions fugitives,
et l'abandonnent aussitôt à tous les vents de la dissipation?
2° Le prêtre ajoutera une seconde prédication. — Il sera lui-
même un évangile vivant et parlant : « facti forma gregis. »
Etcet évangile du salut se transportera dans lademeure desfi-
dèles pour y faire luire la lumière des enseignements divins.
Et qui saura dire la puissance d'une telle prédication ? —
Voyez Dieu dans ses œuvres. Il a crée le soleil. Mais de com-
bien de manières Dieu lui fait verser sur la nature son fécon-
dant éclat? Si l'astre onflammé restait toujours à son midi,
LA VIE SACERDOTALE 449
ses rayons trop brûlants dessécheraient la terre. Dieu l'adou-
cit par son déclin ; ilJe revêt de nuées, il le cache sous
d'épaisses brumes. — Voyez les grandes eaux. Rarement elles
tombent sur la terre en pluie torrentielle. Le plus souvent
c'est avec mesure, lentement, que Dieu nous les distribue;
et la rosée silencieuse et imperceptible de la nuit en est la
plus vivifiante effusion. Ainsi du Verbe divin. Descendet sicut
stillicidia stillcuitia super terram. — C'est goutte à goutte, im-
perceptiblement, par un contact lent et continu, par de longs
exemples, par des entretiens réitérés, qu'un saint prêtre forme
peu à peu son peuple à la vertu. Tout prêche en lui ; tout an-
nonce Dieu, tout mène àla sainteté : maintien, regard, parole,
conduite. Et qui ne se sent meilleur au sortir de la demeure
et de l'entretien d'un prêtre fervent ?
Suivez-le dans le cours d'une journée pastorale. Comme son
Maître, « il a passé en faisant le bien.»
I J I
LE PRÊTRE Y EST VICTIME
Rien ne serait étonnant comme Pétonnement d'un prêtre
à la vue des persécutions dont il est l'objet. — N'est-il pas
le disciple du Dieu crucifié ? N'est-il pas lui-même « envoyé
comme la brebis au milieu des loups. ? »
Jésus-Christ, Pontife suprême, victime du monde. —
Dans ses prophéties il l'annonce. — Dans ses paraboles il en
donne la raison. Dans tout le cours de sa vie publique il en
déroule la douloureuse histoire. Il souffre de tous, il souffre
en tout, il souffre partout. — La haine s'abat sur lui. — La
calomnie le déchire. — L'incrédulité le repousse et le nie. —
Les contradictions dénaturent sa parole etsa mission. — L'en-
vie implacable conjure sa mort, et n'est assouvie que par la
vue de son suprême supplice (1).
(i) Erant autem in via ascendentes in Jerosolymarn; et praecede-
T. IY 29
4S0 LA VIE SACERDOTALE
Ses ministres, comme Lui, victimes du monde. — Ecou-
tez-en la prophétie redoutable. — Scrutez-en les raisons
multiples. — Réjouissez-vous d'un aussi royal privilège, et
d'une aussi inépuisable source de triomphe.
Malheur au prêtre, qui, par orgueil et ambition, mollesse
et bien-être, nonchalance et insensibilité, ne saitplusètre une
victime au milieu du monde; mais tourne le dos à la croix
de son Maître <• quos video inimicos crucis Chrisli. »
bat illos Jésus et stupebant, et sequentes timebant. Et assumens
iterum duodecim, cœpit illis dicere quse essent ei eventura.
Quia ecce ascendimus Jerosol3rmam, et Filius hominis tradetur
principil* dotum, et scribis, et senioribus, et damnabunt
eum morte, et tradent eu m gentibus;
Et illudent ei, et conspuent eum, et flagellabunt eum, et interfi-
cient eum; et tertia die resurget. (Marc. X.)
i
LÀ TIEDEUR
DANS LA VIE SACERDOTALE
Angeio Ecclesise Laodiceœ scribe. {Apoc. ni, 4.)
Que devait écrire à cet Evêque le prophète de Palmos?
Qu'attendez- vous que Dieu mande à cet Ange de l'Eglise de
Laodicée, « Angeio Laodiceae? » C'est l'Evèque d'un grand
siège. Il gouverne avec la plénitude des pouvoirs divins.
L'Autel le voit chaque jour accomplir les merveilles eucha-
ristiques. Sa grande voix retentit partout; sa main distribue
les plus puissantes bénédictions; c'est l'ange du Très Haut;
l'Eglise le contemple dans sa majesté; le monde s'incline
devant lui : quelles glorieuses paroles lui seront donc annon-
cées de la part de Dieu ?
Ah! de même que parfois, au milieu des splendeurs d'un
beau jour et dans un ciel pur, se forme tout à coup un orage,
et qu'alors, où l'on cherchait la sérénité, on ne rencontre plus
que tumultueuses secousses, où l'on admirait la splendide
lumière, plane une elfrayante obscurité : ainsi nous arrive-
t i! dans cette page de l'Apocalypse. Nous nous attendions à
des bénédictions : c'est une foudroyante parole qui retentit
C'est un Evêque couronné des splendeurs du sacerdoce : sous
cet éclat Dieu nous montre la misère avec sa triste nudité,
la maladie avec son dépérissement, la mort avec son irrémé-
diable chute : « miser et miserabilis, et pauper et caecus ei
nudus; nomen habes quod vivis : et mortuus es! »
Qu'est-ce que cette énigme? qu'est-ce que cet effrayant
état sous de si rassurants dehors? C'est l'état du prêtre tiède.
Etat effrayant! maladie terrible! terrible aux autres âmes,
plus terrible mille fois chez le prêtre. Etudions celte dange-
reuse maladie.
1° Dangereuse par ses profondes illusions.
2° Dangereuse par ses formidables réalités.
3a Dangereuse comme plus difficile à guérir.
452 LA VIE SACERDOTALE
DANGEREUSE A CAUSE DE SES ILLUSIONS
L'illusion ! Rien n'est terrible comme l'illusion. Ce voya-
geur se trompe de route, il marche aux abîmes... Mais il s'en
aperçoit, il le sait, il comprend quels dangers il court, il
s'arrête, il regarde, il interroge, il sera sauvé. — Que de-
viendra-t-il, au eontraire, si l'illusion lui fait continuer un
chemin funeste?
Ce malade est dans une situation grave. Mais il la connaît,
il s'en préoccupe, il en conçoit de salutaires terreurs. Ses
eiforts, les traitements énergiques auxquels il se soumet lui
rendront la santé. — Qu'adviendra-t-il si. victime de l'illu-
sion, il méprise toute précaution et repousse tout remède?
Cet homme d'affaires a subi des pertes considérables. S'il
les méconnaît, c'est la ruine. S'il sait au contraire les cons-
tater, s'il met sa comptabilité en règle, s'il étudie par quelles
voies dangereuses la ruine a failli l'entraîner, bientôt il refera
par la prudence une prospérité que de téméraires opérations
avaient compromise.
Si dans toutes les choses terrestres l'illusion est la cause
la plus active de la ruine : que sera-t-elle dans l'ordre spiri-
tuel? que sera-t-ellc pour l'âme? que sera-t-elle par rapport
au salut?
Et si l'illusion perd assurément les simples fidèles, quels
ravages causera-t-elle dans la vie du prêtre?
Ces ravages étudions-les.
L'iilusion, chez le prêtre tombé dans la tiédeur, s'attache
à la fois à ses devoirs d'état, aux grâces divines, aux exigences
d'une sanctification sacerdotale.
L'illusion par rapport à ses devoirs d'état. — Il ne con-
naît ni l'importance des petites choses, ni l'importance des
devoirs journaliers
1* Ni limportanee des petites choses. — Dieu les veut ce-
LA VIE SACERDOTALE 453
pendant! Il les veut à ce point qu'il en a fait le tissu de la
vie mortelle de son Verbe Incarné; qu'il en fait le pivot du
salut. — Or entendez s'expliquer sur les petites choses le
prêtre tiède! Ah ! les petites choses! Gomme il les traite!
Bien plus : de ce mépris il s'enorgueillit comme d'une gran-
deur d'âme et les prêtres fidèles sont pour lui des esprits
étroits.
2° Ni l'importance des œuvres journalières. — « Manifes-
tari oportet ante Tribunal... ut référât uuusquisque prout
gessit. Uniuscujusque opus manifestum erit. » Les œuvres
journalières sont donc, ou les matériaux glorieux de notre
demeure éternelle, ou la vile pâture du feu du dernier jour (1).
(1) Ministri ejus, cui crediJistis, et unicuique sicut Dominus dé-
dit.
Ego plantavi, Apollo rigavit : sed Deus incrementum dédit.
ltaque neque qui plantât est aliquid, neque qui rigat : sed, qui
incrementum dat, Deus.
Qui autem plantât, et qui rigat, unum sunt. Unusquisque au-
tem propriam mercedem accipiet secundum suum laborem.
Dei enim sumus adjutores : Dei agricultura estis, Dei œdificatio
estis.
Secundum gratiam Dei, quae data est mini, ut sapiens architec-
tus fundamentum posui : alius autem superœdificat. Unusquisque
autem videat quomodo superœditicet.
Fundamentum enim aliud nemo potest ponere prseter id, quod
positum est, quod est Ghristus Jésus.
Si quis autem superaedificat super fundamentum hoc, aurum,
argentum, lapides pretiosos, ligna, fœnum, stipulam,
Uniuscujusque opus manifestum erit : dies enim Domini decla-
rabit, quia in igné revelabitur : et uniuscujusque opus quale sit,
ignis probabit.
Sicujusopus manserit quod superaedificavit, mercedem accipiet.
Si cujus opus arserit, detrimentum patietur : ipse autem salvus
erit : sic tamen quasi per ignem.
Nescitis quia templum Dei estis, et Spiritus Dei habitat in vo-
bis?
Si quis autem templum Dei violaverit disperdet illum Deus.
Templum enim Dei sanctum est, quod estis vos.
Nemo se seducat : si quis videtur inter vos sapiens esse in hoc
saeculo, stultus fiât ut sit sopiens.
Sapientia enim hujus mundi, stultitia est apud Deum. Scriptum
est enim : Comprehendam sapientes in astutia eorum.
Et iterum : Dominus novit cogitationes sapientium, quoniam
ranas sunt.
Nemo itaque glorietur in hominibus.
Omniaenim vestra sunt, sive Panliis, sive Apollo, sive Gephas,
4S4 LA VIE SACERDOTALE
— Or je regarde le prêtre tiède. Pas une œuvre pure et solide I
La négligence les altère, le défaut d'intention les matérialise,
îa paresse les laisse perdre, la routine les corrompt, tout y
est « paille, » tout y est herbe misérable, tout y est « bois »
desséché et inutile: « Superaedificat ligna, fcenum, stipulam. »
— Ah l'insensé! il est tranquille. Et, apercevant du haut des
cieux toutes ces œuvres creuses et imparfaites, le Maître
fulmine cette terrible décision qui lui prépare une si extrême
indigence : « non invenio opéra tua plena. » Hélas! Ange
de Laodicée, « nescis quia tu es miser, et pauper, et nu-
ius! »
L'illusion par rapport aux grâces divines. — Il ne nous
est pas loisible de la perdre ou de la faire valoir. La grâce,
Bien divin, appelle notre concours. Nous sommes la terre et
les fermiers de Dieu : « agricultura Dei estis. » Dieu tire
l'homme du néant. Le voilà muni de tous les dons naturels
et surnaturels. Mais pourquoi? « posuiteum ut operaretur. »
Dieu crée le Sacerdoce; il le comble de grâces. Mais pour-
quoi? « misi vos ut eatis et fructum afferatis. » Dieu cultive
assidûment sa vigne. Mais à quelle charge? « Expectavi ut
faceret uvas. » Il distribue des sommes d'argent à ses servi-
teurs. Mais que prétend-il et qu'advient-il au paresseux qui
les laisse sans intérêt? « serve maie et piger sciebas... opor-
tuit ergo te committere pecuniam meam numulariis. Inuti-
îem servum ejicite in tenebras exteriores (I). »
aive mundus, sive vita, sive mors, sive prœsentia, sive futura :
omnia enim vestra sunt :
Vos autem Ghristi : Christus autem Dei.
Sic nos existimet homo ut ministros Ghristi, et dispensatores
mysteriorum Dei.
Hic jam quaîritur inter dispensatores, ut fidelis quis inveniatnr.
(IGor.)
(1) Vigilate itaque, quia nescitis diem, neque horam.
Sicut enim homo peregre proliscens, vocavit servos suos, et tra-
didit il lis bona sua.
Et uni dédit quinque talenta, alii autem duo, alii vero unum,
unicuique secundum propriam virtutem, et profectus est statim.
Abiit autem qui quinque talenta acceperat, et operatus est in
eis, et lucratus est alia quinque.
Similiter et qui duo acceperat, lucratus est alia duo.
Qui autem unum acceperat, abiens fodit in terrain, et abscondit
pecuniiim domini sui.
Post multum vero temporis venit Dominus servorum, illorum
et posuit rationem cum eis.
LA VIE SACERDOTALB 455
Voilà Jonc l'ordre formel et inébranlable posé par Dieu.
Voyez comme le prêtre tiède s'y heurte audacieusement. —
De grâces, il en est couvert, il en est comblé. Lumières vives,
continuelles voix de l'Esprit Saint, oracles de l'Ecriture, doc-
trine qu'il étudie et proclame lui-même, foyer d'amour, Autel,
Saint Sacrifice, Victime qu'il immole, fonctions qui sans cesse
et malgré lui l'élèvent au Ciel et le replacent auprès de
Dieu... Malheureux! De ces diamants que Dieu détache ainsi
de sa couronne, pour l'en orner, de toutes ces innombrables
et précieuses grâces, que fait-il ? Il n'y jette pas même un
regard! Il ne les touche pas du bout du doigt! Elles tombent,
elles se perdent. Il ne fait pas plus attention' à leur perte,
qu'à leur effusion. — Et que deviennent ces grâces? Mystère
terrible! Comme ces imperceptibles vapeurs qui, se déta-
chant des eaux, s'élèvent au Ciel et se forment en menaçants
nuages : ainsi toutes ces grâces remontent, planent sur sa
tète et de leur sein partira le tonnerre qui plus tard le doit
écraser. Qui parle ici? Ecoutez l'Apôtre. « Terra saepe ve-
nientem super se bibens imbrem... « Sa>pe. » ^N'est-ce pas
Et accedens qui quinque talenta acceperat, obtulit alia quinque
talenta, dicens : Domine, quinque talenta tradidisti mini, ecee
alia quinque superlucratus sum.
Ait illi dominus ejus : Eu<?e, serve bone et fidelis, quia super
pauca fuisti fidelis, super multa te constituam, intra in gaudium
domini tui.
Accessit autem et qui duo talenta acceperat, et ait : Domine, duo
talenta tradidisti mini, ecce alia duo lucratus sum.
Ait illi dominus ejus : Euge, serve bone et fidelis, quia super
pauca fuisti fidelis, super multa te constituam, intra in gaudium
domini tui.
Accedens autem et qui unum talentum acceperat, ait : Domine,
scio quia homo durus es, métis ubi non seminasti, et congregas
ubi non sparsisti :
Et timens abii, et abscondi talentum tuum in terra : ecce habes
quod tuu n est.
Respondens autem dominus ejus, dixit ei : Serve maie, et piger,
sciebas quia meto ubi non semino, et congrego ubi non sparsi :
Oportuit ergo te committere pecuniam meam numulariis, et ve-
niens ego recepissem utique quod meum est cum usura.
Tollite itaque ab eo talentum, et date ei, qui habet decem ta-
lenta.
Omni enim habenti dabitur, et abundabit : ei autem qui non
habet, et quod videtur habere, auferetur ab eo.
Et inutilem servum ejicite in tenebras exteriores : illic erit fte-
tus, et stridor dentium. (Matth. XXV.)
45G LA VIE SACERDOTALE
bien du prêtre qu'il s'agit? — Et la suite : « generans her-
bam opportunam accepit benedictionem. » Mais l'âme pares-
seuse, le prêtre tiède? v proférons autem spinas et tribulos
reproba est et ma'edicto proxima. » Dieu disait à l'Evêque
tiède : « incipiam te evomere. » Ici : « maledicto proxima. »
C'est le même mot, c'est le même sort (1).
L'illusion par rapport à la sanctification sacerdotale. —
Sanctification toute spéciale. Que Dieu fait grands ses prê-
tres! 11 en fait d'étincelants soleils : « vos estislux. » — C'est
lui-même qui darde en eux ses propres rayons: « ipse illuxit
in cordibus no s tri s. » — Il en fait son organe, sa grande et
formidable voix, qui retentit par les siècles, et le monde :
« exivit sonus eorum. » — Il en fait sescliarsde triomphe, et,
porté par eux, il court à la conquête de l'univers : « ascen-
disti equos et quadrigœ tuae salvatio. » — Il en fait des dieux :
« ego dixi : Vos dii estis. »
Mais ce qu'il exige est absolu. — « Sancti mini erilis. »
Ailleurs: Mes prêtres seront saints : « sacerdotes mei sancti
erunt. » — Ils ne le sont pas? Ils sont remplis de défauts; rien
chez eux, n'est droit, intègre, parfait! Ali! je n'en veux pasl
« homo qui habuerit maculam non accedet ad ministerium
ejus (2). »
(1) Impossibile est enim eos qui semel sunt illuminati, gustave-
runt etiam donum coeleste, et participes facti sunt Spiritus sancti,
Gustaverunt nihilominus bonum Dei verbuui, virtutesque sa^culi
venturi,
Et prolapsi sunt, rursus renovari ad pœnitentiani, rursum cru-
cifigentes sibimetipsis Filium Dei, et ostentui habentes.
Terra enim saepe venientem super se bibens imbrem, et generans
herbam oportunam illia a quibus colitur3 accipit benedictionem
a Deo:
Proferens autem spinas ac tribulos, reproba est et maledicto
proxima; eujis consummatio in combustionem.
Confidimus autem de vobis, dilectissimi, meliora, et viciniora
saluti, tametsi ita loquimur. (Hsebr. VI )
(1) Intelligite parvuli astutiam, et insipientes animadvertite.
Audite, quoniam de r<jbus magnis locutura snm: et aperientur
labia mea, ut recta prœdicent.
Veritatem meditabitur guttur meum, et labia mea detestabun-
tur impium
Jus!i sunt oinnes s^rmones mei, non est in eis pravum qnid,
neque perversum.
Recti sunt intelligentibus, et œqui invenientibus scientiam.
LA VI B SACERDOTALE 457
Cet ordre do Dieu, qu'en fait le prêtre tiède ? Dieu veut
l'esprit de componction et de prière : il est tout dissipation
et indévotion. — Dieu veut l'exactitude et la règle : sa vie
est un perpétuel désordre. — Dieu veut le zèle : il est
tout de glace et de torpeur. — Dieu veut la mortification :
il ne connaît que ses aises. — Dieu veut une conscience pure
et une vie innocente : il est criblé de ces péchés qu'il se
plaît à trouver légers, et dont il n'a ni souci ni repentir. —
Et ce malheureux se sauvera ? Qui l'oserait dire ? Il tourne
le dos au chemin du ciel, qu'il croit suivre !
Effrayant état ! Effrayant surtout par sa profonde insensi-
bilité et sa sécurité fatale. — Rien n'éclaire le prêtre tiède et
tout le trompe. Voici ce qui achève d'épaissir le voile de
cette déplorable illusion. 1° C'est d'abord, si je puis parler
ainsi, l'appareil du sacerdoce. Depuis qu'il csttiède, rien n'est
changé : Messe, confessionnal, chaire de vérité. Même res-
pect du peuple — Même vêtement. — Même vie : « nomen
habes quod vivis. » 2° C'est ensuite l'absence de correction et
de réprimande : « si sal infatuatum fuerit, in quo salietur? »
Il se confesse. Oui, mais préparation nulle, aveux nuls, et
Accipite disciplinant meam, et non pecuniam: doctrinam magis
quam aurum eligite.
Melior est enim sapientia cunctis pretiosissimis: et omne desi-
rabile ei non potest comparari.
Ego sapientia habito in consilio, et eruditis intersum cogitatio-
nibus.
Timor Domini odit malum; arrogantiam, et superbiam, et viam
pravam, et os bilingue detestor.
Meum est consilium,et aequitas: rnea est prudentia, mea est for-
titudo.
Per me reges régnant, et legum conditores justa décernant:
Per nie principes imperant et potentes decemunt justitiam.
Ego diligentes me diligo: et qui mane vigilant ad me, invenient
me.
Mecum sunt divitiœ, et gloria, opes superbae, et justitia.
Melior est enim fructus meus auro, et lapide pretioso, et geni-
mina mea argento electo.
In viis justitiœ ambulo, in medio semitarum judicii,
Ut ditem diligente^ me, et thesauros eorum repleam.
Dominus possedit me in initio viarum suarum, antequam quid-
quam faceret a principio.
Ab seterno ordinata sum, et ex antiquis antequam terra fleret.
Nondum erant abyssi, et ego jam concepta eram : necdum fontes
aquaruoi eruperant. (Sap.)
458 LA VIE SACERDOTALE
hélas! de la part du confesseur même,, légèreté et faiblesse
trop souvent.
Le voilà donc, le prêtre tiède. Et où va-t-il? Où peut-il abou-
tir, marchant ainsi en dehors de la voie divine, des lois di-
vines, de la vie divine? Hélas! il marche à sa perte, et il ne
s'en doute pas! « Obtusi sunt sensus eorum; velamen positum
est super cor eorum. » Achevons de déchirer ce triste voile.
L'illusion lui cache sa lamentable misère, et toute cette mi-
sère, en voici la suite et le complément.
II
DANGEREUSE A CAUSE DE SES RÉALITÉS
« Dicis quoddivessum et locupletalus, et nullius egeo : et
nescisquia tues miser et miserabilis. » Eh bien! parcourons
les trop réelles misères de ce misérable état. — Misères du
présent : misères ou plutôt terreurs de l'avenir.
Misères du présent. — Le prèlre tiède est à charge à
Dieu, à charge à l'Eglise, à charge à lui-même.
i° A charge à Dieu. — Gomment être à charge à Dieu ?
Tout est recueilli dans ce sein immense de la divine miséri-
corde, tout, jusqu'au larron, jusqu'à la pécheresse, jusqu'au
Lazare dévoré par le tombeau. Les méchants reçoivent son
soleil, les pécheurs voient tomber sur eux sa féconde rosée.
Tous les êtres tressaillent sous l'abri de ses ailes : « in teg-
mine alarum tuaruin sperabunt. »
Mais l'âme tiède? Elle lui pèse, elle luiest insupportable. Ah!
dit-il, mon cœur n'en peut plus! il va te rejeter, tu le fais
bondir de fatigue et de dégoût: « incipiam te evomere de ore
meo. » Et pourquoi cet immense dégoût de Dieu? Parce que
la tiédeur est l'opposé de sa nature. Dieu, c'est, dit l'Ecriture,
« l'or en feu », « aurum ignitum: » le tiède étouffe et contra-
rie ces ardeurs. — Dieu, c'est le Soleil de Justice qui veut
étincelerà l'aise: qu'a-t-ilà faire de ces brumes, de ces lourds
et froids brouillards, qu'il s'irrite de ne pouvoir porter? « Qiue
LA VIE SACERDOTALE 459
societas luci ad tenebras? » — Dieu est toute énergie, toute
vie, « actus purus », comme dit admirablement l'Ecole : la
tiédeur, c'est l'engourdissement, c'est la pesanteur, c'est l'oi-
siveté, c'est la plus désolante inertie. Tout cela suffirait bien
à inspirer ces dégoûts de Dieu; mais la tiédeur renferme de
plus un indigne mépris de Dieu. Dieu s'épuise en chaleureu-
ses avances : l'âme tiède ne s'en remue ni n'en prend souci.
— Quoi! Ame grossière, âme insensible, Dieu vient de faire
la longue route des cieux à la terre, et tu ne feras pas un pas
vers Lui I Ton Dieu cherche à t'étreindre de ses amoureux
embrassements,et tu restesàdistance, glacée et immobile(l)!
— Ton Dieu te presse de ses tendres demandes, et tu n'as
pas un mot d'amour I Ah! je comprends, mon Dieu, vos dé-
goûts et vos terribles vomissements.
2° A charge à l'Eglise. — Qu'en faire? où esl-il bon? « Si
sal inlatuatum fuerit, ad nihilum valet ultra ». En ferez-vous
le ministre de Jésus-Christ, « Ministros Christi? » Mais il con-
naît à peine Jésus-Christ. — En ferez-vous l'intercesseur des
âmes? Mais Dieu qui le rejette, comment le recevra-t-il? — Il
monte à l'autel. Et que vient faire dans le feu divin ce morceau
de glace? dans les embrassements de l'Agneau si pur, cette
conscience si tachée et si obscurcie? — Il parle au peuple ?
Ah! que sortira-t-il de ce cœur distrait et glacé que des pa-
roles e convention et de froides palinodies? Le voilà au con-
fessionnal. Ah I qu'elles se retirent sans vie ni émotion les
pauvres âmes qui n'ont trouvé là qu'un rocher sans eau, et
qu'une parole sans vertu. « Ad nihilum valet ultra. »
3° A charge enfin à lui-même. — Si Pierre et les Apôtres
et les prêtres fervents, effrayés de leur dépouillement et avi-
des des joies du cœur, posent au Maître cette question: Mais
nous donc, qui avons tout quitté, qui avons renoncé aux agré-
ments, aux douceurs, aux facilités delà vie du monde, « Ecce
(0 Speciosus forma prse filiis hominum : diffusa est gratia in
labiis tuis: propterea benedixit te Deus in aeternum.
Accingere gladio tuo super fémur tuum, potentissime.
Specie tua et pulchritudine tua intende, prospère procède, et
régna.
Propter veritatem, et mansuetudinem, et justitiam: et deducet
te mirabiliter dextera tua.
Sagittse tuse acutse, populi sub te cadent: in corda inimicorum
régis. (Psal. XLIV.)
460 LA VIE SACERDOTALE
nos reliquimus omnia, » où trouverons-nons les joies qui font
vivre l'âme et sans lesquelles la vie est un insupportable far-
deau? « Quia1 ergoerit nobis? » Jésus leur répond en versant
dans leur âme des flots délicieux, de paix, d'amour, de joie,
d'espérance: « ïorrente voluplatis potatis eos ». Et Paul, dé-
laissé, mendiant, brisé de labeurs et de coups, criera dans de
mystérieux tressaillements: « Surabundo gaudio in omnibus
tribulationibus meis. » — Mais que le prêtre tiède, un regard
tourné vers le monde, un autre fixé vers Dieu, pose la même
question : « quid ergo erit nobis »... Ah! malheureux, rien,
absolument rien. Le monde ne te reconnaît plus et te chasse
de ses plaisirs. Dieu t'a vomi de sa bouche. Où iras-tu? —
Je les vois, je les vois, ces âmes sans joie, errer dans le froid
de leur obscure vie, « ad vesperam convertentur. » Elles er-
rent, affamées autour de la Jérusalem spirituelle, où les vrais
fils de Dieu sont inondés des délices de la vie fervente : « cir-
cuibunt civitatem, famem patientur ut canes. » Et dans leur
triste existence, gênée dans les obligations du sacerdoce,
sans être jamais dilatée par ses joies, ils n'ont plus qu'un cri
intérieur de désolation : « famé pereo! » Et plût à Dieu que
tout se terminât à des ennuis et à des dégoûts I Mais voici les
terreurs de l'Avenir.
Terreurs de l'avenir. — N'entr'ouvronspas les plus profonds
abîmes delà réprobation consommée. Ne faisons pas rouler les
torrents de feu où expient les Judas perdus à jamais. Arrê-
tons-nous aux terreurs du péché mortel et affirmons, avec
tout ce que l'Eglise a de théologiens et de docteurs, que la
tiédeur y fait comme infailliblement tomber.
Saint Bernard place devant lui un religieux tiède. — 0 tiède,
que prétends-tu? Veux-tu avancer ? —Non. — Veux-tu donc
reculer? — Non plus. — Ali! tu veux rester où tu es, immo-
bile et immuable? — Tu veux l'impossible, pauvre insensé!
C'est cependant l'éternelle prétention du tiède. — Est- elle
bien fondée? Jugez-en.
1° D'abord est -on sûr de la grâce, de cette grâce sur la dis-
tribution de laquelle régnent de si formidables mystères ?
— Le prêtre tiède poursuit sa route. Qui l'assure de la
grâce, cette grâce qui « tire au Père » et qui sauve? — Il
abuse des efforts de Dieu : qui répond que Dieu en fera de
nouveaux?— Il commet encore ce péché, léger tant que vous
voudrez : mais qui peut dire que là n'est point le mo-
ment fatal où Dieu « vomit de sa boucho » le tiède. N'est-ce
LA VIE SACERDOTALE 461
point par an dernier péché que Saiïl inaugura sa perte ?
2° Nest-onpas sûr des affirmations divines^ — La certitude
est absolue, Dieu affirme: qui osera mettre en doute? « Inci-
piam te evomere de ore meo. » — Faut- il expliquer? « Qui
modica spernit, paulatim decidet. » Jusqu'où? « In majori ini-
quus erit. » Est-ce clair? Est-ce absolu? Est-ce décisif?
3° Puis enfin raisonnons. Comment n'arriverait-elle pas à
la tin, cette atfreuse chute du prêtre tiède dans l'abîme du
péché grave? Il avait horreur du péché mortel : mais le voilà
peu à peu familiarisé avec le monstre. Il ne veut pas la mort,
mais il n'a plus peur de sesblessures. Gomment frissonnerait-il
devant les occasions plus délicates, lui qui tant de fois a cédé
aux pareilles, quand la légèreté de la matière le rassurait ?
— Mais quoi? Il compte pouvoir toujours dire aux flots sans
cesse grossissants d'une concupiscence alimentée par tant de
légers ruisseaux, à ces flots rendus bouillonnants et irrésis-
tibles, à cette mer tumultueuse qui envahit jusqu'aux âmes
fortes et vertueuses : Tu iras jusque-là! « Usque hue ve-
nies? » — Le prêtre, tiède se rassure sur la haine qu'il a du
péché grave : crainte servile et honteuse, soit, mais au moins,
crainte protectrice. — Protectrice? non, et je lui enlève ce
trompeur espoir. — Le grand mot du tiède, le voici : « Ce n'est
pas grave ». Quand il a dit ce mot, il passe tranquillement et
se rassure... Moi je frémis I Car enfin, àme tiède, qui donc t'a
rendue si infaillible dans ces sentences où tu t'endors? Eh!
quoi? Dans les plus délicates matières, dans les plus épineuses
rencontres, là où chancellerait le plus docte théologien, toi,
tu prononces sans hésitation? Et tu prononces dans l'entraî-
nement d'une jouissance? Et tu prononces à travers les brouil-
lards d'une conscience mal en ordre et indélicate? Et qui donc
t'assure que, pressant ainsi un fer si aigu, lu n'as pas atteint
quelque fibre du coeur! Ah! les voilà, les voilà, ces tristes
consciences! consciences embarrassées, consciences qui re-
fusent d'éclaircir de terribles mystères !
462 LA VIE SACERDOTALE
III
DANGEREUSE A CAUSE DES DIFFICULTES
DE SA GUÉRISON
Nous connaissons les caractères du mal funeste de la tié-
deur, y a-t-il un traitement à cette maladie redoutable? y
a-t-il des remèdes? oui, sans doute, puisque Dieu lui-même
les énumère à ce mèm i • •• [u i de Laodicée, à qui il venait
de dévoiler les terribles dangers de son étal. — Pour les bien
connaître rappelons-nous ce qu'est la tiédeur.
Cette maladie de l'âme a son frappant symbole dans une
maladie de nos corps, la plus désespérante de toutes, la lan-
gueur et l'épuisement, qui, peu à peu, heure par heure, in-
sensiblement, mène au tombeau sa victime abusée. Or voici
le seul traitement possible.
1° C'est ut} épuisement total des forces. — Il faut de fortes
nourritures, un régime puissant. Donc : Exercices spirituels,
nombreux, bien faits. « Aruit virtusmea.» pourquoi? « Obli-
tus surn comedere panem meum. »
2° C'est un état d'illusions. — l'ar suite, défaut continuel de
précautions. Voyez l'âme qui expire de tiédeur. Elle malade?
Allons donc! N'agit-ello pas comme agit tout le monde? Elle
n'a peur de rien. Elle ne s'observe sur rien. Elle fait li des
remèdes; que lui faut-il? de sérieux examens, détaillés, éner-
giques. Des communications franches, profondes, avec son
confesseur.
3° C'est m, état de passions déchaînées. — Voyez ce phtisi-
que Si les passions viennent ajouter leur épuisement et leurs
-"'•uiissrs au mal qui déjà l'exténue, il est perdu. Donc pri-
vations; régime sévère, éloignement de toute jouissance mor-
telle (1). Ah! vraiment! sans mortification, jamais de guérison
(\) Hoc scientes quia vêtus homo noster simul crucifixus est, ut
destruatur corpus peccati, et ultra non serviamus peccato.
LA VIE SACERDOTALE 463
possible pour l'âme tiède. La mollesse l'a tuée : seule l'éner-
gie la fera revivre.
Qui enim mortuus est, justitlcatus est a peccato.
Si autem mortui sumus eum Ghristo, credimusquia simul etiara
vivemus cum Ghristo;
Scientes quod Ghristus resurgens ex rnortuis jam non moritur,
mors illi ultra non dominabitur.
Quod enim mortuus est peccato, mortuus est semel; quod autem
vivit, vivit Deo.
Ita et vos existirnate, vos mortuos quidem esse peccato, viventes
autem Deo in Ghristo Jesu Domino nostro.
Non ergo regnet peccatum in vestro mortali corpore ut obedia-
tis concupiscentiis ejus.
Sed neque exhibeatis membra vestra arma iniquitatis peccato;
sed exhibete vos Deo, tanquam ex rnortuis viventes, et membra
vestra arma justice Deo.
Peccatum enim Vobis non dominabitur. (Rom.")
DE LA PUSILLANIMITE
DANS LE PRÊTRE
Douterions-nous de la gravité de ce mal dans le prêtre ?
Assistons à un grand spectacle : Israël abattu et sanglant ;
une vaste plaine retentissante des clameurs furieuses de l'en-
nemi et des cris douloureux di>>. victimes expirantes; — trente-
quatre mille cadavres jonchant la campagne, les fils du Grand-
Prêtre misérablement massacrés ; le vieux piètre expirant
foudroyé à d'aussi affreuses nouvelles : par dessus tout, l'Ar-
che de l'Alliance, gage des promesses de Dieu, espoir uni-
que et unique défense de tout un peuple, tombée aux mains
impures de l'ennemi, emmenée captive et déshonorée, lais-
sant le malheureux Israël dans la consternation et la douleur.
Quels crimes ont donc fait éclater tous ces tonnerres ? —
Qui donc les a attirés sur Israël? — Un prêtre. — Est-ce un
prêtre souillé et apostat? Nullement. Quarante années de la-
beurs font sa couronne. Je pénètre dans son âme : quelle
sainte résignation! — Quel amour de son Dieu? Quelle ai-
mable douceur dans ses fonctions ! — Mais alors que signifie
cette énigme? — Ce prêtre, ce pieux et vénérable Héli, a
manqué de force pour reprendre le vice et Dieu lui impute les
crimes dont sa faiblesse a favorisé le cours.
Quelle leçon pour le prêtre pusillanime ! En face de ces
éclats terribles de la colère de Dieu, qu'il se rende bien compte
de la gravité qu'acquièrent, dans le prêtre, la faiblesse, la
lâche condescendance, le mutisme et la coupable compro-
mission.
Combien la pusillanimité est contraire à sa mission. —
Combien elle est funeste dans ses suites. — Combien elle est
coupable dans ses sources.
LA. Mm ëACtHUO'tALJS 46S
COMBIEN ELLE EST CONTRAIRE A SA MISSION
« Vos estis sal terrae. » Pourquoi ce sel? pourquoi cette ac-
tion mordante et cette âcreté? « Acerbe acriterque agentes
sicut sal? » (S. Chrys. de Sacerd. lib. 6.) Ce prêtre n'est-il pas
l'huile si douce, la colombe si inoffensive, l'agneau si immolé?
Sans doute ; néanmoins le mot reste : « Vos estis sal terra). »
Et Saint Jean Chrysostome l'explique. Le monde corrompu
fut guéri, par Jésus-Christ. Mais il reste malade, il est tou-
jours exposé à se corrompre de nouveau. Il lui faut « le sel, »
le prêtre énergique.
La raison et l'expérience le démontrent. — Où ira? Que
fera le prêtre sans cette rude énergie ? — Dans le monde
voici les endormis, les furieux, les fidèles.
1° Voici les endormis. — C'est la masse, c'est la Société,
Société légère et polie, même bienveillante. On n'y hait pas
le prêtre, les cercles s'ouvrent devant lui ; les réunions l'ac-
cueilleront volontiers... Mais des conditions lui sont posées.
Le monde l'arrête au seuil et lui donne des instructions. 0
prêtre, il te faut ici changer d'allure et de langage. Rien, ici
de tes sombres dires, rien de tes intraitables maximes. Il faut
ici de demi-vérités, de demi-préceptes, une moitié de Jésus-
Christ(i)!
(1) Nunc ergo ingressus scribe ei super buxum, et in libro dili-
genter exara illud, et erit in die novissirao in testimonium usque
in œternum.
Populus enim ad iracundiam provocans est; et filii mendaces,
filii nolentes audire legem Dei;
Qui dicunt videntibus : Nolite videre; et aspicientibus: Nolite
aspicere nobis ea quse recta sunt ; loquimini nobis placentia ; videte
nobis errores.
Auferte a me viani; declinate a me semitam; cesset a facie nos-
tra Sanctus Israël.
T. IV 30
46G LA VIE SACERDOTALE
Oh! s'écrie Saint Jean Chrysostome, quelle âme il faut au
prêtre pour rester prêtre, c'est à-dire « le sel » acre et mor-
dant, l'homme de la vraie doctrine, de la vraie morale, des
vrais préceptes, « magnanimitate quis est! » — Sans l'éner-
gie il atténue, il pactise, il trahit la vraie et rude prédication
de l'Evangile : « sal infatuatum. » Il ne fait plus rien dans le
monde : « ad nihilum valet ultra »; il y est sans caractère,
il y est déplacé et sans majesté : « conculcetur ab homini-
bus. »
2° Voici les furieux — Belle pensée de Saint Léon. Le Sacer-
doce, dit ce grand Docteur, entra dans le monde comme dans
un océan dont les tempêtes soulèvent les profondeurs : « tur-
bulentissimae profunditatis oceanum; » ou bien encore, comme
dans ces épaisses forêts, toutes retentissantes des hurlements
des bêtes : « Silvam frementium bestiarum. » Et de même
qu'en une tempête le navire est entouré de ces flots furieux et
le voyageur, dans la forêt, de ces bêtes rugissantes : de même
le Sacerdoce poursuit sa marche vers les Cieux, au milieu
d'audacieuses et continuelles attaques. Ils sont partout ces ad-
versaires avoués et opiniâtres de l'Evangile et de l'Eglise.
On les rencontre à tous les postes; ils font tout retentir de
leurs cris. Nos œuvres les irritent; et jusqu'à nos plus sain-
tes fonctions, ils combattent tout en nous. — Ah ! c'est ici
que l'énergie devient indispensable (1). Et que faire?
Propterea hœcdicit Sanctus Israël: Proeo quod reprobastis ver-
bum hoc, et sperastis in calumnia et in tumultu, et innixi estis
super eo;
Propterea erit vobis iniquitas hœc sicut interruptio cadens.
(Ezec.)
(1) Audituri enim estis praelia, et opinionos praeliorum. Videte
ne turbemini : oportet enim hœc fieri; sed nondum est finis.
Consurget enim gens in gentem, et regnum in regnum, et erunt
pestilentiœ et famés, et terrae motus per loca.
H;jec autem omnia initia sunt dolorum.
Tune tradent vos intribulationem, et occident vos: et eritisodio
omnibus gentibus propter nomen meum.
Et tune scandalizabuntur multi, et invicem tradent, et odio ha-
bebunt invicem.
Et multi pseudoprophetœ surgent, et seducent multos.
Kt quoniam abundavit iniquitas, refrigescet caritas multorum.
Qui autem perseveraverit usque in finem, hic salvus erit.
Kt prœdicabitur hoc Evangelium regni in universo orbe, in tes-
timouium omnibus gentibus : et tune veniet consummatio.
(Matth. XXIV.)
LA VIE SACERDOTALE 467
Que faire ? — Ce que fait l'Eglise, la Reine, l'Epouse, de-
puis dix-huit cents ans. — Elle descendit du Calvaire, avec
l'ordre de traverser le monde et les siècles, jusqu'aux confins
de l'éternité. Ali ! venez apprendre l"énergie I — Elle ren-
contra Rome et les Césars. Rome frémissante, ivre de colère
et de sang. Et que fit-elle? 0 César, tu peux frapper, mais
m'arrèter, jamais ! — La raison humaine, les sages, les sa-
vants, arrivent à elle : 0 Eglise, dissimule ta croix; on en a
peur, on en rit. — 0 Eglise, dit Arius, dit Nestorius, dit Ju-
lien, accommode lesdogmes à nos pensées, à notre science
De siècle en siècle la céleste voyageuse marche assaillie par
les bêtes de la forêt, « silvam frementium bestiarum. » —
Ce qu'on appelle « le monde moderne » l'arrête en ce mo-
ment. On la contredit, on la nie, on la persécute. A t-elle
cédé? A-t elle cédé un principe, un dogme, un « point et un
iota » (1)?
3° Voici les fidèles. — Au moins ici nul prêtre n'échappera
à l'urgence de l'intrépidité. Si vous dites : dans le monde et
chez ces endormis nous n'irons pas; quant à ces furieux
l'attaque en est rare et passagère; combien d'existences de
prêtre écoulées paisiblement, loin de ces luttes, sans conniître
ces dangers ? Mais voici les troisièmes occasions; tout prêtre
s'y trouve et elles réclament impérieusement l'énergie ; il
s'agit de la direction des âmes
(1) Quam nemo principurn hujus seculi cognovit, sienimeogno-
yissent, nunquam Domiaum gloriae crucifixissent ;
Sed sicut scriptum est : Quod oculas non vidit, nec auris audi-
Tit, nec in cor hominis ascendit, quse prgeparavit Deus iis qui di-
ligunt illura ;
Nobis autem revelavit Deus per Spiritum suum, Spiritus enira
omnia scrutatur, etiatn profunda Dei.
Quis enim hominum scit quse sunt hominis, nisi spiritus homi-
nis, qui in ipso est ? Ita et quge Dei sunt, nemo cognovit, nisi Spi-
ritus Dei.
Nos autem non spiritum hujus mundi accepimus, sed Spiritum
qui ex Deo est, ut sciamus quae a Deo donata sunt nobis ;
Qu» et loquimur non in doctis humanœ sapientia? vernis, sed in
doctrina spiritus, spiritualibus spiritualia comparantes.
Animalis autem homo non percipit ea quae sunt Spiritus Dei;
stultitia enim est illi, et non potest intelligere, quia spiritualiter
examinatur.
Spiritualis autem iudicat omnia, et ipse a nemine judicatur.
Quis enim cognovit sensum Domini, qui instruat eum? Nos au-
tem sensum Ghristi habemu3. (I Cor.)
468 LA Y1E SACERD0TAL1
Entre le prêtre et l'âme dirigée, une maternité divine et
mystérieuse se forme : « fîlioli, quos parturio; quasi nutrix
Sbveat filios. » De là un amour vif, une tendresse exquise. C'est
le danger! Il faudrait corriger ces défauts.... se montrer sé-
vère pour ces occasions... Mais parler, tailler dans les chairs
yives, exciter des cris de douleur : ce directeur pusillanime
ae l'ose; il se tait, il ferme les yeux. Ah! Saint Paul frappait
în pleurant, mais il frappait.
L'Ecriture le démontre.
Est-ce bien dans ces idées de force et de sainte intrépidité
que Jésus-Christ nourrissait ses prêtres? Donne-t-il si bien
la force comme condition du Sacerdoce que l'on est autorisé
à dire que la faiblesse est une flagrante opposition du carac
1ère sacerdotal?
Jugeons-en.
« Non veni pacem mittere, sed gladium, » Ah! je les vois,
je les vois, ces prêtres pusillanimes: « dixerunt pax, pax. »
Non! dit Jésus, « non erat pax »! prends, ô prêtre, le glaive et
engage la lutte avec le péché, le démon, le monde ; « mm
yeni pacem mittere (i). »
A quels terribles assauts, il les préparait ! Quels formida-
bles tableaux il aimait à leur faire passer devant les yeux !
Le monde entier soulevé et frémissant, les Lois furieuses,
les tribunaux déchaînés, la trahison et les supplices, les
fouets et les chaînes, les tortures et la mort. Voilà quels ré-
cits bercèrent l'enfance de l'Eglise, voilà où s'affermissait
î'audace de nos aïeux.
Et si l'apôtre se retranchait dans les tendresses intimes,
■Jans les affections innocentes de l'intérieur, s'il se faisait
H) Ecce ego mitto vos sicut oves inmedio luporum. Estote ergo
prudentes sicut serpentes, et simplices sicut columbœ.
Cavete autem ab hominibus; tradent enim vos in conciliis, et
m synagogis suis llagellabunt vos.
Et ad présides et ad reges ducemini propter me, in testimonial*
rllis et gentibus.
Quum autem tradent vos, nolite cogitare quomodo aut quid lo-
aamini : dabitur enim vobis in illa hora quid loquamini.
Non enim vos estis qui loquimini, sed Spiritus Patris vestri qui
toquitur in vobis.
Tradet autem frater fratrem in mortem, et pater filium; et in-
>nt filii in parentes, et morte eos afficient.
Ht eritis odio omnibus propter nomen meum : qui autem perse-
xeraverit usque in finem, hic salvus erit. (Matth. X.)
LA VIE SACERDOTALE 46t
la peinture des joies sensibles, goûtées parmi les enfant*
spirituels qu'allait enfanter l'Evangile : Jésus-Christ les dé-
trompait : « Si quis non odit patrem, et matrem, et fratres, et
sorores... » Paul, le lidèle interprète, savait dire : Non, ces
tendresses ou ces faiblesses du cceur, nous ne les connais-
sons pas : « Non deficimus. »
L'exemple des Saints le démontre. — L'admirable Paul
les précède tous pour l'intrépidité. En lui elle se personnifie-
en lui elle triomphe. Où ne lutte-t-il pas? Si nous voulions
énumérer ses combats, la matière serait infinie. Voyez-le de-
vant César etle colossal empire. Entendez-le s'écrier: « Non
erubescoEvangeliuml » Le voici devant la science et la sagesse
humaine : n'est-il pas à l'aise au milieu des rires et des néga-
tions de l'Aréopage alhénien? Suivez-le dans les tumultes
populaires, quand la grande Ephèse se remue contre lui.
Assistons à deux luttes plus illustres encore: d'abord la lutU
contre son cœur. Il fond en larmes : « per mulfas lacrymas »,
Le cœur est resserré dans d'incroyables angoisses : « ex
multa tribulatione et angustia, » l'âme est plongée dans une
tristesse de mort : « gravati, ita ut tœderet nos vivere.... »
Et pourquoi cette profonde douleur et ces déchirantes appré-
hensions? Il devait reprendre, il devait corriger, il devait
saisir, comme il le dit, la verge du blâme et du châtiment;
il devait contrister ses fils. Et son cœur défaillait. Mais quelle
force contre ce cœur I Et quels foudres il savait au besoift
lancer sur des têtes chéries 1
Voici la lutte contre la lassitude et le dégoût. Qu'elles
étaient lourdes à porter ces églises d'Orient, toujours éclai-
rées et toujours obscurcies, guéries toujours et toujours ma-
lades de mollesse et d'orgueil ! A qui comparer l'Apôtre 7
A ces intrépides architectes qui cent fois jettent à la mer
des fondations de digues que cent fois enlèvent et dispersent
l'inconstance et la révolte des flots.
Que sera le prêtre pusillanime? Il est faible? Il est muet?
Ah ! il ment à son caractère sacerdotal.
470 LA VIE SACERO.'TALE
II
COMBIEN ELLE EST FUNESTE DANS SES SUITES
Où était Héli, le prêtre vertueux mais faible ? Quels effets
ressorlaicut de sa négligence? Trois effets des plus graves :
i° Une trahison ; 2° Une cruauté; 3° D'effrayants désastres.
Il trahissait Dieu. Il sacrifiait les âmes. 11 s'attirait les plus
grands malheurs.
C'est une trahison. — Que fait ce prêtre? Il abandonne
un poste contié à sa bravoure.
Saint Chrysostome nous peint ainsi l'état de l'Eglise et du
monde. Entre le ciel et l'enfer, sur toute la terre, jusqu'aux
jours de l'éternité, une vaste bataille est engagée. <>r à cha-
que prêtre Dieu confie un poste: « milita sicut bonus miles Chris-
ti. » Combats bravement! Que l'ennemi ne force pas l'entrée,
que les âmes ne tombent pas en sa puissance: « Depositum
custodi. » Quel dritôl ? La vérité, la vertu, l'Église. — Mais
ce prêtre laisse le vice s'introduire et s'implanter ; l'ennemi
a envahi lésâmes : il y règne en maître. Qu'est-ce là sinon
trahir ? Prêtre, il ne fallait pas faiblir, il fallait combattre !
Mais le mal est plusprofond encore. Le prêtre faible arrête, et
déconcerte 1 élan des autres. Il leur devient un funeste obsta-
cle. Les prophètes s'en plaignaient au Seigneur. Saint Paul
y brisait parfois scsarmes(l). Tel piètre ferme les yeux sur
(i) Timeo vos, ne forte sine causa laboraverim in vobis.
Estote sicut ego, quia et ego sicut vos. Fratres, obsecro vos.Ni-
hil me laesistis.
Scitisautemquia por infirmitatem carnisevangelizavi vobis jam-
pridem ; et tentationem vestram in carne mea.
Non sprevistis, neque respuistis : sed sicut augelum Dei exce-
pistis me, sicut Christum Jesum.
Obi est ergo beatitudo vestra ? Testimonium enim pprhibeo
vobis, quia, si fieri posset, oculos vestros eruissetis, et dedisst tis
mihi.
LA VIE SACERDOTALE 471
tout, reste impassible, reste muet: qu'arrive-t-il ? Le fidèle
ministre, le prêtre énergique, voit son action brisée. Que
faire ? sévir ? On compare, on juge, on cric à l'exagération.
Voilà l'heure fatale, voilà « les temps périlleux » par excel-
lence, ceux où les faibles et les lâches ont amolli les oreilles
du peuple chrétien: « erittempus cumsanam doctrinam non
sustinebunt. » Que faire? Xous montrons la voie, nous faisons
retentir les menaces divines, nous prêchons l'Evangile: Us ne
croient point, ils nous traitent d'exagérés et de violents.
On leur a trop bien appris à fermer l'oreille et le cœur aux
saintes terreurs, aux rigueurs indispensables de la vie chré-
tienne : « sicutaspidis surdse, oblurantis aures ? C'est l'œuvre
des prêtres sans parole, sans force : « dicunt bis qui blasphé-
mant: pax erit vobis, non veniet super vos mahim. » — Hé-
las! Ce sont les prêtres courus, les prêtres réputés hommes
d'intelligence, comprenant leur siècle. Le monde les trouve
commodes « coacervabunt sibi magistros prurientes auribus. »
Mais la vraie doctrine, les austères enseignements, la vérité
pure et sincère, ce ne sera plus qu'exagération d'esprits étroits
et ignorants des besoins du monde : « veritati quidem audi-
tum averlant.
C'est une cruauté. — Qu'est-ce qu'un prêtre pusillanime?
Sous ces airs si accommodants, sous cette toison si douce, se
dissimule, dit l'Évangile, la cruauté du loup : « sunt lupi ra-
paces.» Où sera la cruauté? Oh I sans doute le prêtre doit
toucher les plaies avec une douceur et une habileté excessi-
ves. Nos plaies sont cuisantes ; la vérité nous blesse étrange-
ment, tout reproche nous irrite, toute réprimande nous tou-
che au vif et douloureusement. Mais est-ce une raison pour
rester inerte ? Quoi I ce membre est dévoré par un chancre
rongeant. Le médecin se relire sans faire l'amputation et pour
cela vous l'appellerez bon et compatissant ? Moi je l'appelle
cruel ! Ce voyageur est endormi dans les neiges, au bord des
Ergo inimicus*vobis factus sum, verum dicens vobis ?
/Emulantur vos non bene;sed excludere vos volunt, ut illos
aemulemini.
Bonum autem semulamini in bono semper, et non tantum cum
praesens sum apud vos.
Filioli mei, quos iterum parturio, donec formetur Ghristus in
vobis ;
Vellem autem esse apud vos modo, et mutare voce ni meam,
quoniam confundor in vobis. (Galat.)
472 LA VIE SA.CERDOTALE
abîmes. Ah ! gardez-vous de le réveiller ! Il désire le repos
et ce réveil l'irritera; laissez-le, laissez-le. Est-ce là de la dou-
ceur ? N'est-ce pas de la cruauté ? Oui, certes ! une cruauté
coupable et détestée de Dieu. Une cruauté qui coûte cher au
prêtre !
C'est la source de grands malheurs. — Dieu s'en explique
en termes formidables dans Ezéchiel. « Quod sispeculator vi-
dent gladium venientem et non sonuerit buccina : et popu-
lussenon custodierit : veneritque gladiuset tulerit de eis ani-
mam : ille quidem in iniquitate sua captus est : sanguinem
autem ejus de manu speculatoris. m 0 providence de Dieu !
0 désastreuse incurie du prêtre ! 0 châtiment effroyable
qui la suit ! La miséricordieuse Providence de Dieu, voyez-la.
Il sait que son peuple est une nation obstinée, provocatrice,
exaspérante : « gens exasperans » ; il sait qu'à chaque ins-
tant, il devra faire marcher contre elle les sombres exécu-
teurs de sa justice et de ses vengeances : « gladium venien-
tem ». Que fait-il ? Il aposte des sentinelles, qui avertiront
son peuple : « cum viderunt gladium venientem, etannuntia-
verit populo. » Grâce à leurs cris, le peuple se prémunira par
la pénitence et Dieu pourra pardonner.
Mais, ô fatale négligence! la sentinelle, d'où dépend le
salut du peuple, se tait et s'endort. Voilà le peuple sans pré-
voyance ni sûreté; le glaive delà vengeance l'atteint et l'im-
mole : « si non insonuerit buccina et populus se non custo-
dierit... » Et le sang des blessés ne criera pas vengeance
contre le prêtre? Ah! certes, le peuple est coupable; c'est
avec justice qu'Israël expie ses crimes par sa défaite; c'est
avec justice qu'Ophni et Phinées sont massacrés : « ille qui-
dem in iniquitate sua captus est. » Mais Héli périra miséra-
blement, foudroyé par cet anathème du Seigneur : « Sangui-
nem autrui ejus nV manu speculatoris requiram. »
LA VIB SACERDOTALE 473
III
COMBIEN ELLE EST COUPABLE
DANS SON ORIGINE
Cette origine est triple : c'est la mollesse; c'est l'amour-
propre; c'est la peur.
C'est la mollesse. — Qu'on glisse aisément dans une vie
douce, commode, remplie par les faciles devoirs d'un minis-
tère superficiel et inollensif ! Car reprendre, corriger, redres-
ser, nous condamne à un triple martyre.
1° A quoi se condamne le prêtre actif, généreux, intrépide?
— D'abord à une anxiété sainte, à un regard attentif. Son
âme sera perpétuellement dans l'angoisse qui ronge et sans
laquelle on ne fait pas un pasteur : « instantia quotidiana,
continuusdolor cordi, tristitia magna, intus timorés. »I1 éprou-
vera l'indignation brûlante quand une âme est scandalisée :
« Quis scandalizatur et ego nonuror? » Il connaîtra d'intimes
et douloureuses désolations : « quis infin.iatur, et ego non
infirmor? » — Puis ensuite il faudra le travail incessant de
l'intelligence qui examine le mal, étudie les moments, com-
bine les moyens, en un mot s'use à méditer sur le difficile
traitement des innombrables maladies des âmes. Rude et fa-
tigant labeur! « Sciendum est quod aliquando subjectorum
vitia prudenter dissimulanda, sed, quia dissimulantur indi-
canda. Aliquando et aperte cognita mature toleranda. Ali-
quando vero subtiliter et occulta perscrutanda. Aliquando
leniter arguenda. Aliquando autem vehementer increpanda
(Saint Greg. Magn. Pastoral).
2° Que sera le prêtre indolent et pusillanime? — Héli se
retirera au fond du sanctuaire, pendant que les abus et les
vices circuleront à l'aise au dehors. Héli apaisera quelque peu
sa conscience, il gémira sans efficacité. Peut-être Héli fera
plus : il parlera; mais sans force, sans persistance, sans au-
torilé.
474 LA VIE SACERD0TAL8
C'est l'amour de soi. — Il est un mot que nous entendons
bien souvent, mais dont rarement nous pénétrons l'entière
profondeur: «Si quis vult post venire, » — il s'agit ici des re-
ligieux et des prêtres, — « abneget semetipsum. » Ainsi l'a-
mour de soi, la recherche de son intérêt et de ses satisfactions
personnelles, mettent entre le Sacerdoce et le prêtre un in-
franchissable mur de séparation. Vouloir les deux c'est
nous heurter à un impossible. Nous nous aimons? Donc
nous serons faibles. Comment cela? Le voici. Ce prêtre
aime mais d'une affection sensible, disons sensuelle. — Ce
qu'il aime dans cette personne aimée ce n'est pas le règne de
Dieu, c'est soi-même, c'est son plaisir. Ah! il sera faible; il
n'osera contrister, il n'osera corriger. — Ce prêtre est am-
bitieux, il lui faut la foule, un corîège d'honneur, une maison
fréquentée, un confessionnal assiégé, des relations illustres,
des sociétés influentes... Ah! comme il faut compter avec
cette popularité!... Comme on sacrifiera tout et l'Apôtre avait
raison de dire : « si adhuc hominibus placerem, Christi ser-
vus non essem. » — Ce prêtre recherche la faveur des audi-
toires? Il sera faible et inoffensif : « sal infatuatum » « Canes
muti non valentes latrare. » — Ce prêtre a peur du danger,
de la lutte, du dommage? Son souci sera de ménager le vice.
Les voilà ces prêtres dont Saint Grégoire trace le portrait.
«Examore suo mens Rectorisin mollitiem vertitur. Quia, cum
peccantes subditos respicit, ne erga seipsum eorum dilectio
torpescat, corripere non pra3sumit. Unde per prophctam dici-
tur : « Yaehisquiconserunt pulvillos sub omni cubito inanus ! »
« Rectores qui semetipsos diligunt, haec proculdubio exhi-
bent, a quibus se noceri posse in studio gloriae temporalis
timent. »
C'est la peur. — 0 prêtre, vous tremblez? Vous reculez
devant cet avertissement, devant cette mesure à prendre...
Mais pourquoi? Qu'av( z-vous à redouter.'
1° Redoutez- vous l'issue? — Mais, de deux choses l'une.
Ou vous réussirez : et alors pourquoi craindre? Ou vous
échouerez : alors, « odor mortisin mortein. » Vous aurez con-
vaincu le monde de sa perversité et glorifié la justice de
Dieu. Ce fut un des glorieux rôles du Messie : « ut appareal
peccatum... ut fiât supra modum peccans peccatum. »
2° Redouiez vous volve faiblesse, comme Moïse (1), comme
(1 ) Gui ait Dominus : Vidi ufllictionem populi mei in ASgypto ;
LA VIE SACERDOTALE -475
Jérémie? Mais écoutez ce que leur dit le Seigneur. Paul est
invincible (1), mais pourquoi? « omniapossum in eo qui me
confortât. Cum infirmor, tune potens sum. »
3° Redoutez-vous votre propre sort ? — Mais d'abord :
« bonus pastor dat animam. » Ensuite, quel mal vous fera-
t-on ? Allons jusqu'à l'extrême. On vous fait payer d'une
persécution votre zèle et votre liberté apostolique. C'est
i'beure du triomphe; c'est la manifestation de votre force
qui est la force de Dieu. Allez au Calvaire : le Calvaire c'est
le Tliabor. Appliquez vous ce mot : « Cum exaltatus fuero, »
quand, élevé au-dessus de toute chose terrestre, élevé sur
mon trône sacerdotal, élevé au-dessus de toute pusillanimité,
je saurai être ferme, alors je serai invincible : « Omnia ad
me traham. » Je serai roi sur la terre; je serai plus roi encore
dans l'éternelle récompense des Cieux : « qui vicerit, dabo
ei sedere in throno meo. »
et clamorem ejus audivi propter duritiani eorumqui prsesunt ope-
ribu.s ;
Et sciens dolorem ejus, descendi ut liberem eum de manibus
.Egyptiorum, eteducam de terra ilia in terram bonam, et spatio-
sam ; in terram quaefluit lacté et melle, ad loca Chanansei, et He-
thseij Amorrhsei, et Pherezad, et Hevœi, et Jebusœi.
Clamor ergo Gliorum Israël venit ad me; vidique afflictionem
eorum, qua ab JEgyptiis opprimuntur.
Sed veni, et mittam teadPharaonem, uteducas populum meura
filios Israël, de JDgypto.
Dixitque Moyses ad Deum : Quis sum ego ut vadam ad Pharao-
nem, et edacam filios Israël de .Egypto ?
Qui dixit ei : Ego ero tecum ; et hoc habebis signum, quod mi-
serim te : Cum eduxeris populum meum de iEgypto, immolabis
Deo super montem istuin. (Exod.)
(1)In carne enim ambulantes, non secundumearnem militanius.
Nam arma militise nostrae non carnalia sunt, sed potentia Deo
ad destructionem munitionum, consilia destruentes,
Etomnem altitudinem extollentem se adversus scientiam Dei,
et in captivitatem redigentes omnem intellectum in obsequium
Ghristi,
El in promptu habentes ulcisci omnem inobedientiam, cum im-
pleta fuerit vestra obedientia
Ipse autem ego Paulus obsecro vos, per mansuetudinem et mo-
destiam Ghristi. qui in facie quidem humilis sum inter vos, ab-
aens autem confido invobis.
Rogo autem vos ne prsesens audeam per eam confidentiam qua
existi. (II Cor.)
L'OISIVETÉ CHEZ LE PRÊTRE
SES FACILITES
Loin que le ministère sacerdotal soit exempt des tentations
de l'oisiveté, disons que trois motifs rendent pour le prêtre
ces tentations plus inévitables et plus dangereuses. — Le tra-
vail du prêtre rencontre une plus forte opposition de sa na-
ture. — Les mobiles qui poussent les autres au travail sont
presque nuls pour lui. — Enfin les obstacles extérieurs sont
pour lui plus nombreux.
Le prêtre a plus d'opposition naturelle. — 1° Chez tous
les hommes sans doute le travail répugne à la nature. —
Il empo te avec lui je ne sais quelle impression de peine,
quel souvenir de condamnation. Si, au Paradis terrestre, le
travail de l'homme n'était que noblesse, charme, distraction
heureuse: après la chute, il n'en fut plus de même. Une ri-
goureuse sentence s'est abattue sur l'homme coupable, son
travail lui est devenu un châtiment et c'est désormais à la
sueur de son front qu'il mangera son pain do chaque jour(l).
2° Pour le prêtre, la nature même de son travail le lui rend
(l)Tulit Domiuus hominem, posuit eumin paradiso voluptatis,
ut operaretur, et custodiret illum.
A<ke dixit : Quia audisti vocem uxoris tuae, et comedisti de ligno
ex <juo praeceperam tibi ne comederes : maledicta terra in oper»
tuo :in laboribus comedes ex ea cunctis diebus vitœ tua).
Spinaset tribulos germinabit tibi ; et comedes herbam terrae.
In sudore vultus tui vesceris pane, donc revertaris in terram,
de qua sumptuses. (Gènes.)
LA VIE SACERDOTALB 477
plus pénible. — Son travail est surnaturel et nous savons
avec quelle peine l'homme s'élève à ce sommet. — C'est un
travail intellectuel et nous savons que les labeurs de l'es-
prit, plus ardus et plus protonds, obligent aussi à de plus
grands efforts. — C'est un travail souvent ingrat. Un mot
de Jésus-Christ ne nous le fait que trop bien comprendre :
« Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des
loups. » Le champ que doit défricher le prêtre, n'est couvert
la plupart du temps que de ronces et d'épines (1).
Le prêtre a moins de mobiles. — Les autres hommes ont
pour les pousser au travail trois puissants motifs dont le prê-
tre est généralement privé.
i° Il y a la coaction extérieure. — L'immense multitude
des travailleurs n'est à elle-même ni son maître, ni son juge.
Un œil est sans cesse ouvert, une punition est sans cesse
imminente, et ce n'est jamais impunément que la paresse
peut diminuer la somme du travail requis. — Pour le prêtre
où est cette coaction? Durant les heures silencieusesdu pres-
bytère, il se livre au noble travail de l'étude, ses catéchismes,
ses prônes, sont soigneusement préparés : qui lra vu sinon
l'œil de Dieu? tout au contraire, la paresse a dévoré ces heu-
res inconnues du monde: qui s'offre à lui en faire des repro-
ches trop mérités?
(1) Dulcis est somnus operanti, sive parum, sive multum corne-
dut : saturitas autem divitis non sinit eumdormire.
Sicut egressus est nudus de utero matris suae, sic revertetur, et
nihil auferet secum de labore suo.
Quid ergo prodest ei quod laboravit in ventum ?
Gunctis diebus vitae suse comedit in tenebris et in curis multis,
et in œrumna atque tristitia.
Hoc itaque visum est mihi bonum, ut comedat quis, et bibat, et
fruatur laetitia ex labore suo, quo laboravit ipse sub sole numéro
dierum vitse suse, quos dédit ei Deus, et hsec est pars illius.
Non oderis laboriosa opéra, et rusticationem creatam ab Altis-
simo.
Noli extollere te in faciendo opère tuo, et noli cunctari in tem-
pore angustiae.
Melior est qui operatur, et abundat in omnibus, quam qui glo-
riatur, et eget pane.
Fili, ne in multis sint actuslui : et si dives fueris, non eris im-
munis a delicto. Si enim secutus fueris, non appréhendes : et non
effugies si prsecucurreris.
Est homo laborans, et festinans, et dolens impius, et tanto non
abundabit.
478 LA VIE SACERDOTALE
2° Il y a la lutte pour la vie. — Car tel est pour le grand
nombre l'ordre providentiel; selon le mot de l'Ecriture, la
vie de l'homme ici-bas est une lutte éternelle. Ah! sans doute,
il travaillera ce père de famille dont les enfants affamés at-
tendent le pain du jour; il travaillera jusqu'au brisement de
ses forces; il travaillera mémo alors que ses membres raidis
par la vieillesse lui refusent l'usage. Elle travaillera cette
pauvre veuve qu'un deuil récent a laissée sans ressources.
Elle travaillera cette frêle enfant dont le labeur du jour et de
la nuit soutient des parents infirmes.
Quant au prêtre, celte lutte terrible contre le besoin n'est
que trop atténuée. L'autel ne le nourrira-t-il pas, soit qu'il
mange un pain noblement acquis par le travail, soit que l'oi-
siveté le rende indigne de le manger ? Qu'il travaille ou non,
il est assuré de la vie.
3° Il y a le ressort des passions. — Aucun maître n'est dur
à l'homme autant que l'ambition. Sans trêve, sans repos,
jusqu'à l'épuisement, elle le pousse, elle l'aiguillonne. —
Qui ne sait à quel travail l'avarice condamne sa victime? —
11 est des passions nobles, telles que l'amour de la science
qui suffisent à remplir la vie d'œuvres fécondes et d'infati-
gables efforts.
Le prêtre, lui, ne doit chercher dans aucune des passions
humaines Le mobile de son travail, et il reste ainsi privé de
l'un des plus puissants mobiles qui y poussent les autres.
Le prêtre rencontre plus d'occasions. — Oh! sans doute,
le saint prêtre, le prêtre sérieux et esclave do sa vocation,
sait multiplier, dans un presbylère silencieux et désert, les
heures de la méditation, de la prière et de l'étude. Les heures
du jour lui sont même trop courtes pour le travail dont il
s'est fait une impérieuse Joi.
Mais, d'autre part, s'il le veut, n'esl-il pas maître de livrer
sa vieàde porpctuellesdistractions? Qui empêchera, qui même
contrôlera, ses longues sorties au dehors, ses heures dévo-
rées dans des amusements frivoles, dans des visites sans but,
dans des repas sans fin?
LA TIB SACERDOTALE 479
II
SA GRAVITÉ
Gravité toute exceptionnelle, car la paresse chez le prêtre
c'est tout à la fois le gaspillage d'un grand trésor, la trahison
d'une grande cause, le déshonneur d'une grande famille, la
matière d'une rigoureuse condamnation.
Gaspillage d'un grand trésor. — Pour tout homme, letemps
est un incomparable trésor. Il est le prix d'une éternité, il est
l'arbitre d'un bonheur suprême, ou d'une effroyable infor-
tune. 11 est d'ailleurs court, fugitif, incertain, irréparable(l).
— Mille fois plus que tout cela, le temps est d'acquisition di-
vine; il est le prix du sang de Jésus-Christ. Celui-là donc qui
le perd, jette par une folie sacrilège un divin et incompara-
ble trésor.
Mais si tel est pour le commun le prix du temps, que dirons-
nous de celui du prêtre? 0 crime trop véritable! Ces heures
étaient destinées au salut éternel des âmes; par elles, le prê-
(l)Propter frigus piger arare noluit ; mendicabit ergoœstate, et
non dabitur illi.
Cogitationes robusti semper in abundantia; omnis autem piger
«emper in egestate est.
Desideria occidunt pigrum : noluerunt enim quidquam manus
ejus operari :
Tota die concupiscit et desiderat.
Dicit piger : Léo est foris, in medio platearutnoccidendus sum.
Per agrum hominis pigri transivi, et pervineam viri stulti :
Et ecce totum repleverant urticœ, et operuerant superficiem ejus
spinae, et maceria lapidum destructaerat.
Quod cum vidissem, posui in corde meo, et exemplo didici dis-
ciplinam.
* Paruin, inquam, dormies, modicum donnitabis. pauxillum ma-
nus conseres, ut quiescas :
Et veniet tibi quasi cursor egestas, et mendicitas quasi vir ar-
matus. (Eccli.)
480 LA VIE SACERDOTALB
tre devait continuer et parfaire la Rédemption du monde,
glorifier Dieu, exalter Jésus-Christ, réjouir l'Eglise, peupler
le ciel d'élus radieux. Hélas I à quoi aboutira la longue exis-
tence d'un prêtre oisif, sinon à une stérilité honteuse et impie?
Trahison d'une grande cause. — i° C'est d'abord une trahi-
son. L'homme s'est otï'ert librement au labeur sacerdotal, et
l'Eglise, au seuil même du sanctuaire, et quand il demandait
à le franchir, lui a déroulé l'étendue de ses devoirs et la gra-
vité de ses promesses: « Ultro appetitis onus. » — Elle lui a
dit: A mes prêtres, je veux la science; « les lèvres du prêtre
en seront les gardiennes. » Le prêtre s'est donc engagé au
travail perpétuel et ardu de l'étude. — Elle lui a dit: A mes
prêtres, je veux le zèle. Le prêtre s'est donc engagé aux efforts,
aux initiatives pénibles, aux recherches difficiles, aux luttes,
aux œuvres. — Elle lui a dit : A mes prêtres, je veux une vie
dure et sans bien-être, sans mollesse, sans repos. — Promettre
tout cela et mener une vie oisive, qu'est-ce autre chose qu'une
trahison (1)?
2° C'est la trahison d'une grande cause. — Le propre de
l'homme, préposé à un service public est d'assurer une vaste
tranquillité ou d'entraîner à d'immenses désastres. L'incurie
du pilote brise le navire. Une heure de paresse chez le géné-
ral qui préside au combat, change en déroule une victoire
assurée. L'ignorance du guide entraînera les voyageurs jus-
qu'aux abîmes.
Mais qui dira les suites bien autrement désastreuses de
l'oisiveté et de l'incurie chez le prêtre? Autant des désastres
éternels l'emportent sur les catastrophes d'ici-bas, autant l'oi-
siveté du prêtre est plus grave que celle des autres. — Son
oisiveté l'éloigné de la chaire? Voilà pour une population
entière un danger imminent de perdre la foi. — Son igno-
rance, suite de sa paresse, l'accompagne au saint tribunal?
Voilà les ârncs sans direction. — Son temps se perd en frivo-
lités? voilà son ministère entier compromis.
Le déshonneur d'une grande famille. — N'est-il pas l'objet
d'un trop juste mépris le (ils qui déshonore, dans une inutilité
(\) In lapide luteo lapidatus est piger ; et omnes loquentur SU*
per aspernationem illius.
De stercore boum lapidai us e»t piger ; et omnis qui tetigerit
eum exculiet manus. (^Eccli. XXII).
LA VIE SACERDOTALE 481
honteuse, une incapacité révoltante, les glorieux exploits de
ses ancêtres?
Mais, ô grand Dieu! Quels sont les ancêtres, quelle est la
noble famille du prêtre? Comptez, depuis les Apôtres, les tra-
vailleurs infatigables de l'Evangile, qui, depuis dix-huit siè-
cles, ont rempli le monde de leurs travaux.
La matière d'une rigoureuse condamnation. — Trois de-
grés dans cette formidable condamnation. 1° Dieu méprise le
prêtre oisif, et les termes de ce mépris sont étranges et pres-
que intraduisibles dans nos Ecritures. — 2° Dieu hait le prê-
tre oisif. Les paraboles de l'Evangile ne nous laissent aucun
doute. — 3* Dieu châtie le prêtre oisif. Le pourrons-nous
croire? C'est « dans les ténèbres extérieures » que le servi-
teur paresseux est jeté (1).
III
SES REMEDES
Ces remèdes seront les suivants. — 1° Le prêtre, se dépouil-
lant de l'esprit du monde, réveillera son goût pour les fonc-
ii) Testiûcor coram Deo, et Jesu Christo qui judicaturus est vi-
vos et mortuos, per adventum ipsius, et regnum ejus :
Praedica verbum, insta opportune, importune ; argue, obsecra,
increpa in ornai patientia et doctrina.
I^rit enim tempus quumsanam doctrinam non sustinebunt, sed
ad sua desideriacoacervabunt sibi magistros, prudentes auribus;
Et a veritate quidem auditum avertent, ad fabulas autem con-
vertentur.
Tu vero vigila, in omnibus labora, opus fac evangelistae, minis-
teriumtuum impie. Sobrius esto.
Ego enim jam delibor, et tempus resolutionis meie instat.
Bonutn certamen certavi, curs-um consummavi, fidem servavi.
In reliquo reposita est mihi corona justitiae quam reddet mibi
Dominus in illa die justus judex : non solum autem mihi, sed et
iis qui diligunt adventum ejus. Festina ad me venire cito.
(II Tim. III.)
T. IV 31
482 LA VIE SACERDOTALE
tions sacerdotales. — 2° Le prêtre réglera sévèrement son
temps et s'interdira des divagations inutiles. — 3° Le prêtre
surtout reviendra à la connaissance et à la pratique de la mor-
tification sacerdotale.
L'AMBITION DANS LE PRÊTRE
L'ambition est chez tout homme une passion furieuse et
tenace. Gomment en. serait-il autrement ? L'ambition pousse
à la fois ses racines dans la partie haute et noble de notre
être et aussi, par suite du péché originel, dans le sol maudit
de la concupiscence. — Enfant de Dieu, noble héritier d'un
éternel royaume, fait pour de vastes avenirs, l'homme porte
invinciblement au cœur les aspirations de son origine. Né
pour un trône, Dieu lui a mis dans l'âme la magnanimité
d'un roi (1). — Mais le péché a vicié cette ambition première.
.Vu lieu de s'élever vers les grandeurs éternelles de sa des-
tinée l'homme s'est follement mépris, abaissant vers la terre
une ambition faite pour le ciel et s'att ic'iant avec une fré-
nésie insensée aux frivoles et éphémères dignités d'ici-bas(2).
Le prêtre échappera-t-il à la folie des grandeurs? Non.
L'Evangile dans un récit étrange nous dépeint l'ambition
sacerdotale. Au moment même de se plonger dans de suprê-
(i) Domine Do minus noster, quam admirabile est nomentuum
in universa terra !
Quoniam elevata est magniûcentia tua super coelos.
Ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem propter ini-
micos tuos, ut destruas inimicum et ultorem.
Quoniam videbo coelos tuos, opéra digitorum tuorum : lunam
et stellas.quse tu fundasti.
Quid est homo, quod memor es ejus? aut filius hominis, quo-
niam visitas eum?
Minuisti eum paulo minus ab angelis, gloria et honore coro-
nasti eum :
Et constituisti eum super opéra manuuni tuarum.
Omnia subjecisti sub pedibus ejus, oves et boves universas; in-
super et pecoracampi;
Volucres cœli, et pisces maris, qui perambulant semitas maris.
Domine Dominus noster, quam admirabile est nomen tuum in
universa terra ! (Psal. VIII.)
(2) Iterum assumpsit eum diabolus in montem excelsum valde :
et ostendit ei omnia régna mundi, et gloriam eorum :
Et dixit ei : Hseo omnia tibi dabo, si cadens adoraveris me.
(Math. IV.)
484 LA VIE SACERDOTALE
mes humiliations, l'Homme-Dieu se voit assailli par l'ambi-
tion de ses Apôtres. Lui marche à la. croix : eux rêvent les
splendeurs d'un royaume terrestre (i). Le Christ descend jus-
qu'au dernier degré du déshonneur : eux réclament les pre-
mières places 1 — Hélas ! celte ambition des Apôtres, encore
grossiers et charnels, le prêtre l'a Irop souvent ressentie
pour son propre malheur et au plus grave détriment de l'E-
glise.
Qu'il se pénètre donc de haine et de mépris pour l'ambi-
tion ; qu'il sache que l'ambition est tout à la fois un crime,
une honte, une torture.
L'AMBITION CHEZ LE PRÊTRE EST UN CRIME
Par elle, en effet, le prêtre se met en opposition avec la
Providence, en opposition avec l'esprit du christianisme.
C'est une opposition à la Providence de Dieu. — Et cet te
opposition est tout ensemble sacrilège par rapport à Dieu,
désastreuse par rapport aux âmes et au prêtre lui-même.
1° C'est une opposition sacrilège. — « Toute la terre, chan-
tait le Psalmiste, est au Seigneur. » Saint Paul, de son côté :
« Soit que nous vivions, soit que nous mourions, c'est au
Seigneur que nous appartenons. » Contemplons l'univers et
sa marche harmonieuse et puissante. Depuis les grands as-
tres, qui poursuivent dans l'immensité des routes si exacte-
ment tracées, jusqu'au vermisseau dont la vie, les mouve-
ments et l'instinct obéissent à des lois si précises, pas un
être dont Dieu n'ait disposé le rang, coordonné le but, assi-
gné la place, réglé l'existence. — Au-dessus de cette création
^1) lgitur qui convenerant.interrogabant eumdicentesi Domine,
si in tumpore hoc restitues regnum Israël?
Dixit auterneis: Non est vestrum B0886 iempora vel momenta
que Pater po-mit in sua potestate : (Act. I.)
LA VIB SACERDOTALE 485
inférieure, voici l'homme, voici la société des êtres intelli-
gents et libres. En dépit de désordres apparents, le monde
obéit à des lois providentielles, et alors même qu'un être
semble s'éloigner de son but, Dieu l'y ramène par des voies
mystérieuses et inconnues. — Au-dessus de tous voici le
prêtre. Comment croire que Dieu s'est, pour lui seul, départi
de sa providence; que seul le prêtre pourra choisir la place
et le rang qu'il lui plaira d'ambitionner? Plus son minis-
tère est haut et ses fonctions divines, plus Dieu entend régler
sa marche et lui assigner son rang. — Ouvrons l'Ecriture.
N'est ce pas Dieu qui, avec une souveraine indépendance, a
abaissé Joseph jusqu'aux horreurs de la prison et l'a élevé
jusqu'aux splendeurs du trône ? N'est-ce pas lui qui chasse
Saul et change pour David le bâton du pâtre en sceptre de
roi ? N'est-ce pas Lui qui fait de Pierre le chef suprême de
son Eglise (1) ?
Mais si Dieu revendique pour lui seul les nominations de
ses prêtres et leur élévation aux honneurs, celui-là sera un
usurpateur sacrilège, qui, sans Dieu et contre Dieu, choisit
des postes et intrigue pour s'élever aux honneurs.
2° C'est une opposition désastreuse. — Là où le prêtre am-
bitieux se croit maître du succès, assuré d'un triomphe, c'est
à un désastre qu'il a couru, c'est un abîme dans lequel il
roule croyant follement s'élever (2). — Le voici parvenu à ce
(1) Gonversus Petrus vidit illum discipulum quem diligebat Jé-
sus, sequentem, qui et recubuit incœnasuper pectusejus et dixit:
Domine, qui est qui tradet te ?
Hune ergo quum vidisset Petrus, dixit Jesu : Domine, hic au-
tem quid ?
Dicit ei Jésus : Sic eum volo manere donec veniam, quid ad te?
tu me sequere.
Exiit ergo sermo iste inter fratres quia diseipulus ille non mo-
ritur. Et non dixit ei Jésus : Non moritur, sed : Sic eum volo ma-
nere donec veniam, quid ad te ? (Joan. XXI.)
(%) Et in diebus, quibus erat Judas et Jonathas in terra Galaad,
et Simon frater ejus in Galilaea contra faciem Ptolemaïdis.
Audivit Josephus Zachariae filius, et Azarias princeps virtutis,
res bene gestas, et prœlia qu» facta sunt,
Et dixit : Faciamus et ipsi nobis nomen, et eamus pugnare ad-
versus gentes, quae in circuitu nostro sunt.
Et prsecepit his, qui erant in exercitu suo, et abierunt Jam-
niam.
Et exivit Gorgias de civitate, et viri ejus obviam illis in pu-
gnam.
486 LA VIE SACERDOTALE
poste honorifique qu'il convoitait. Dieu ne consacrera pas son
intrusion; Dieu le méprise, Dieu le délaisse, Dieu lui refuse
les grâces mises en réserve et dont il l'eût comblé au poste
que sa Providence lui assignait. Suite lamentable des am-
bitions sacerdotales ! Une foule d'âmes que le prêtre, mis à
sa vraie place, eût sanctifiées et sauvées resteront sans se-
cours et sans appui. Son ministère eût été fructueux dans le
poste plus humble où Dieu le voulait ; il sera stérile au rang
sacrilègement usurpé.
C'est une opposition à l'esprit du Christianisme. — As-
surément aucun autre esprit ne peut prévaloir dans l'Eglise
que celui qui ressort de la conduite et des enseignements de
PHomme-Dieu. « Ceux-là seuls, dit Saint Paul, sont les enfants
de Dieu, qui se meuvent sous l'impulsion de l'Esprit de
Dieu. » Et encore : « Nous autres nous comprenons toutes
choses comme les comprenait Jésus-Christ. »
1e Voyez la conduite de Jésus Christ. — Il est le Roi de
gloire, le Fils de l'Eternel; Il est Dieu égal en tout à son
Père. Mais quand il descend du ciel et vient vivre parmi
nous, quelle place se choisit-il? Quel rang lui est assigné par
la volonté de son Père? Ne le cherchons ni sur les marches
du trône, ni dans l'enceinte des palais, ni sous les vêlements
d'or des Pontifes suprêmes. Il est pauvre, il est inconnu,
il habite, dans une bourgade obscure, une maisonnette igno-
rée. Quand il en sort, c'est pour affronter les injures et les
haines de la Synagogue et s'en aller mourir dans la suprême
avanie d'un gibet! Et, si de la Croix, il disparaît dans les
profondeurs d'un sépulcre, c'est pour apprendre à son clergé
de tous les siècles que ceux-là seuls ressusciteront à la
gloire qui se seront laissés ensevelir dans l'humilité (I).
Et fugati sunt Josephus et Azarias usque in fines Judaeœ : et ce-
ciderunt illo die de populo Israël ad duo millia viri, et facta est
fuga magna in populo:
Quia non audierunt Judam, etfratresejus, exislimantes fortiter
se facturos.
Ipsi autem non erant de semine virorum illorum, per quoa sa-
lus facta est in Israël. (I Mac. V.)
(I) Ilumiliavit semetipsum factus obediens usque ad mortem,
mortem autem crucis.
Propter quod et Deus ex al ta vit illum, et donavit i 11 L nom en
quod est super omne nomen:
Ut in nomine Jesu omne genu flectatur cœlestium, terrestriuiu,
et infernorum:
LA VIE SACERDOTALE 487
2° Ecoutez la doctrine de Jésus-Christ. — Ce n'est pas furti-
vement et en passant qu'il forme ses Apôtres à un désinté-
ressement magnanime et à une fuite courageuse des hom-
mes terrestres; sa doctrine, en ce qui touche l'ambition des
prêtres, est par lui souvent renouvelée, persévéramment
suivie. — Aux premières saillies d'une ambition naissante,
Jésus-Christ place devant ses Apôtres un petit enfant (1). Là
sera le modèle du prêtre. Comme l'enfant le prêtre restera
sans attache, sans sollicitude, sans désirs d'aucune sorte. —
Invité à un banquet et voyant combien d'ambitieux y recher-
chent les premières places, Jésus-Christ apprend à ses Apô-
tres comment de l'orgueil naît l'humiliation et de l'humilité la
gloire. — De nouvelles sollicitations ambitieuses donnent su-
jet au divin Maître d'enseigner aux Apôtres la vraie manière
de remplir les places éminentes. Le supérieur se fera le ser-
viteur de tous, le maître ne cherchera dans l'honneur de son
rang que l'occasion de s'y rendre humble et serviable. — La
vue des ambitions sacerdotales ne lui suscitait pas seulement
des leçons calmes et douces; elle faisait parfois jaillir de ses
lèvres de formidables anathèmes (2).
Et omnis lirigua confiteatur, quia Dominus Jésus Ghristus in
gloria est Dei Patris. (Philip. II.)
(1) In illa hora accesserunt discipuli ad Jesurn, dicentes : Quis,
putas, major est in regno cœlorum?
Et aivocans Jésus parvulum, statuit eum in medio eorum,
Et dixit : Amen dico vobis : Nisi conversi fueritis, et efficiamini
sicut parvuli, non intrabitis in regnum cœlorum.
Quicumque ergo humiliaverit se sicut parvulus iste, hic est ma-
jor in regno cœlorum. (Math. XVIII.)
(2) Dicebat autem et ad invitatos parabolam, intendens quomo-
do primos accubitus eligerent, dicens ad illos:
Quum invitatus fueris ad nuptias, non discumbas inprimoloco,
ne forte honoratior sit invitatus ab illo.
Et veniens is qui te et illum vocavit, dicat tibi : Dahuic locum,
et tune incipiascum rubore novissimun locum tenere.
Sed quum vocatus fueris, vade, recumbe in novissimo loco, ut
quum venerit qui te invitavit, dicat tibi : Amice, ascende supe-
rius. Tune erit tibi gloria coram simul discumbentibus.
Quia omnis qui se exaltât, humiliabitur; et qui se humiliât,
exaltabitur.
Dicebat autem et ei qui se invitaverat : Quum facis prandium
aut cœnam, noli vocare amicos tuos, neque fratres tuos, neque
cognatos, neque vicinos divites, ne forte te et ipsi reinvitent, et
fiât tibi retributio.
Sed quum facis convivium, voca pauperes, débiles, claudos, et
caecos. (Luc. XIV.)
488 LA VIE SACERDOTALE
II
L'AMBITION CHEZ LE PRÊTRE EST UNE HONTE
C'est une honte puisque, en elle, est renfermée tout en-
semble une étroitesse de vues, une bassesse de cœur.
Là est une étroitesse de vues. — Le propre d'une vue
courte et faible est, sans pouvoir jeûnais embrasser de loin-
tains horizons et de vastes ensembles, de s'arrêter et de s'assou-
vir tout entière sur de menus détails. Qu'elle est grande,
qu'elle est divine, pour quia l'œil puissant, la dignité sacer-
dotale I Prêtre, je suis l'ambassadeur du Très-Haut, l'associé
de Jésus-Christ, la gloire et l'appui de l'Eglise, l'espérance et
le salut des âmes, l'organe des vérités saintes, la voix même
du Dieu qui parle à la terre. Mes pouvoirs sont élevés comme
les cieux, ma domination est plus vaste que le monde.
Qu est-ce y en regard, qu'un poste pins ou tnoins élevé? —
A côté de ma grandeur originelle, que m'importe un terri-
toire paroissial plus étendu, un nombre d'âmes plus considé-
rable, une appellation plus honorifique? N'a-t-il pas la vue
lamentablement bornée celui qui méconnaît de si vastes pers-
pectives pour de si insigniliants détails?
Là est une bassesse de cœur. — 1° Le prêtre ambitieux
n'échappe pas à la loi inexorable de l'ambition, qui est </<•
ramper avant d'arriver au faîte. Que de démarches furtives !
que d'inavouables intrigues! quelles promiscuités honteuses!
Et, en même temps, que d'affronts à dévorer avant d'en faire
subir aux autres! Qu'est-ce que tout cela si ce n'est de la bas-
sesse de cœur ?
2° Bassesse pour parvenir, bassesse quand on est parvenu. —
D'une grandeur usurpée naissent fatalement les jalousies
mesquines, les craintes lâches, les ruses et les machinations
pour se maintenir dans la dignité qu'on possède et écarter
de soi les mérites qui portent ombrage (1).
(t) Kyressus est itaque illo die Aman la-tus et alacer; cumque
LA. VIB SACERDOTALK 489
3° De là encore un esclavage dégradant. — Quel est le cœur
noble et haut, l'âme saintement indépendante, le caractère
ferme et juste ? Le désintéressement seul enfante ces ma-
gnanimes natures. L'ambitionne s'accommode que des cœurs
bas et faits pour être osclaves. Qui fut plus esclave qu'un
Aman, un Anliochus, un Simon le Mage ?
III
L'AMBITION DU PRÊTRE EST UNE TORTURE
Une torture s'il échoue. — Ce malheureux s'est épuisé en
efforts stériles. — 11 est rongé d'un amer dépit. — La vue
de ses concurrents heureux fait son supplice.
Torture s'il réussit. — Dieu le permet dans sa justice. —
11 le permet surtout dans sa miséricorde, afin d'épargner
éternellement le prêtre qu'il punit ici-bas par sa dignité
même.
vidisset Mardochaeuin sedentem ante fores palatii,et non solum
non assurrexisse sibi, seJ nec raotum quidem de loco sessionis
suœ, indignatus est valde:
Et dissimulata ira, reversus in domum suam, convocavit ad se
amicos suos, et Zares uxorem suam .
Et exposuit illismagnitudinemdivitiarum suarum, filiorumque
turbam, et quanta eum gloria super oranes principes et servos
suos rex elevaset.
Et post hase ait: Regina quoque Esther nullum alium vocavit
ad convivium cum rege, praeter me, apud quam etiam cras cura
rege pransurus sum :
Et cum hsec omnia habeam, nihil me habere puto, quamdiu vi-
dero Mardochaeum Judaeuni sedentem ante fores regias.
Responderuntque ei Zares, uxor ejus, et ceteri amici : Jubé pa-
rari excelsam trabem habentem altitudinis quinquaginta cubitos,
et die mane régi ut appendatur super eam Mardochœus; et sic
ibis cum rege luetus ad convivium. Placuit ei consilium, et jussit
excelsam parari crucem. (Esther.)
Llï VRAI PilÊfUE
Si, suivant des yeux les actes du Sauveur et toutes les scènes
dont le tissu forme sa vie publique; si, prêtant une oreille
attentive à ses paroles, et réunissant par ordre toute sa divine
conduite, nous voulons composer le portrait et la règle du
Sacerdoce: trois traits: — i° Union avec Dieu; 2° Haine du
monde; 3° Souffrance pour les âmes.
VIE D'UNION AVEC DIEU
Comment se présente à nous Jésus-Christ souverain prêtre
sinon uni intimement à Dieu son Père ? — Comme Dieu
cette union est à jamais ineffable (I). — a Ego et Pater unum
sumus. » — Comme Homme cette union est incessant'1.
(i) Dicit ei Thomas : Domine, nescimus quo vadis; et quomodo
possumus viam sein.' ?
Dicit ei Jésus : Ego sum via, et veritas, et vita. Nemo venit ad
Patrem, nisi per me.
Si cognovissetis me, et Patrem ni eu ni utique cognovissetis ; et
amodo cognoscetis eum, et vidistis eu m.
Dicit ei Philippus : Domine, ostende nobis Patrem, et sufficit
aobis.
Dicit ei Jésus : Tanto tempore vobiscum sum, et non cognovis-
tis me? Philippe, qui videt me, videt et Patrem. Quomodo tu di-
cis : Ostende nobis Patrem .'
Non creditie quia ego in Pâtre, et Pater in me est ? Verba quœ
ego loquor vobis, a me ipso non loquor. Pater autem in me ma-
liens, ipse facit opéra.
Non ereditis quia ego in Pâtre, et Pater in me est ?
LA VIE SACERDOTALE 491
Ainsi sera le prêtre digne de ce nom.
Le prêtre doit vivre en perpétuelle société avec Jésus-
Christ. — Voyez comme Jésus-Christ l'entend bien ainsi.
1° Jésus-Christ traitait différemment la foule. — Les fou-
les vont et viennent; ce sont les vagues battant le rocher :
« petra autem erat Ciinstus. » Les voici entourant le Sauveur,
avides, frémissantes, il le leur faut pour Roi ! puis tout fuit,
s'écoule, disparaît. Jésus-Christ même ne les veut pas sans
cesse avec lui... Pierre, chassez au large! Après ces lon-
gues heures passées au milieu de la foule Jésus-Christ veut de-
meurer seul(l). — Illes instruit, il les guérit, il les nourrit
Mais après il s'éloigne ou il les renvoie. — Quoi! même ses
amis, ce Lazare, cette Marie, cette Marthe, il les revoit, de
temps en temps : jamais sa demeure (ixe n'est au milieu d'eux.
2° Jésus-Christ traitait différemment ses prêtres. — Le choix
est arrêté; l'appel s'est fait entendre. Voyez-les tous quit-
Alioquin propter opéra ipsa crédite. Amen, amen dico vobis,
qui crédit in me, opéra quse ego facio, et ipse faciet. et majora ho-
rum faciet ; quia ego ad Patrem vado.
Et quodcumque petieritis Patrem in nomine meo, hoc faciam;
ut glorificetur Pater in Filio.
Si quid petieritis me in nomine meo, hoc faciam.
Si diligetis me, mandata mea servate.
Et ego rogabo Patrem, et alium Paracletum dabit vobis ut ma-
neat vobiscum in asternum.
Spiritum veritatis, quem mundus non potest accipere, quia non
videt eum, nec scit eum : vos autem cognoscetis eum; quia apud
vos manebit, et in vobis erit.
Non relinquam vos orphanos : veniam ad vos.
Adhuc modicum, et mundus me jam non videt. Vos autem vi-
detis me; quia ego vivo, et vos vivetis.
In illo die vos cognoscetis quia ego sum in Pâtre meo et vos in
me, et ego in vobis. (Joan. XIV.)
(1) Illi ergo homines quum vidissent quod Jésus fecerat si-
gnum, dicebant : Quia hic est vere propheta qui venturus est in
mundum.
Jésus ergo, quum cognovisset quia venturi essent ut râpèrent
eum, et facerent eum regem, fugit iterum in montem ipse solus.
Ut autem sero factum est, descenderunt discipuli ejus ad mare.
Et quum ascendissent navim, venerunt trans mare in Caphar-
naum; et tenebraejam factae erant; et non venerat ad eos Jésus.
Mare autem, vento magno fiante, exsurgebat.
Quum remigassent ergo quasi stadia viginti quinque aut tri-
ginta, vident Jesum ambulantem supra mare, et proximum navi
fieri, et timuerunt.
Ille autem dicit eis : Ego sum, nolite timere. (Joan. VI.)
492 LA VIE SACERDOTALB
tant, ceux-ci la barque et les filets et le vieux père, ceux-là
leur bourgade, celui-là son comptoir Tout est si bien
laissé qu'ils pourront dire naïvement: « Et nous qui avons tout
quitté, » nos qui reliquimus omnia? De plus, défense absolue
de s'éloigner. L'un demande « à ensevelir son père... » Oh !
ignorant des conditions du sacerdoce, laisse les choses mor-
telles: « Relinque hune miserum mundum. » (Imit.) Pierre ira
à sa belle-mère, mais avec Jésus. Toujours les disciples avec
le Maître, toujours les Apôtres avec Jésus. — Dans les dou-
ceurs et les fêtes, comme aux noces de Cana, comme chez
Simon le Lépreux. — Dans les instructions sublimes sur la
Montagne: « Turba non ascendit ad sublimia. » — Dans les
détresses de la pauvreté, quand, ensemble, ils froissent les épis
pour s'en nourrir. — Dans la voie douloureuse. Jésus dit :
« Ascendimus Jerosolymam » Ces souffrances les Apô-
tres ne les pénètrent pas: « Erat verbum absconditum. » Une
seule chose leur était claire: impossibilité de se séparer du
Maître; ils disent donc: « eamus et nos ! »
Etre prêtre c'est donc faire sa société de Jésus-Christ. Il en
est un dans l'Evangile rebelle à cette vérité. Il est pur ce
jeune homme, il est aimable; Jésus le contemple; Jésus
l'aime; le sacerdoce s'offre à lui; l'appel va être fait, Jésus
trace la marche : tu veux cet état de perfection ? « Si vis per-
fectus esse : » Eh! bien: « Veni, sequere me. » Tel est mon
sacerdoce; ainsi l'ai-je décrété : « Sint mecuml » Hélas! on
ne consent pas; on veut le monde et Jésus-Christ. Or de ce
partage Dieu ne veut pas ! « Adolescens abiit tristis (1) ».
(1) Qui dixit Mis : Non omnes capiunt verbum istud, sed quibus
datum est.
Sunt enim eunuchi, qui de matris utero sic nati sunt; et sunt
eunuchi, qui facti sunt ab bominibus; et sunt eunuchi, qui se ip-
sos castraverunt propter regnum cœlorum. Oui potest capere, ca-
piat.
Tune obla'i sunt ei parvuli, ut m anus eis imponeret, et ornret.
Discipuli auteni increpabant eos.
Jesu* vero ait eis : Sinite parvulos, et nolite eos prohibere ad
me venire : talium est enim regnum cœlorum.
Et quum imposuisset eis manus, abiit inde.
Et ecce unus accedens, ait illi : Mugister bone, quid boni fa-
ciam ut habeam vitam neternam?
Qui dixit ei. Quid me interrogas de bono ? Unus est bonus,
Dens. Si auteni vis ad vitam ingredi, serva mandata.
Dixit illi : Quœ? Jésus autem dixit : Non homicidium faciès :
LA VIE SACERDOTALE 49H
Voici donc le signe. Sommes-nous de vrais prêtres? Où vont
nos pensées? Où nos affections? Où reposent nos délices? Où
est la demeure ordinaire de notre âme ? Jésus-Christ? Les
choses saintes? Le salut? La perfection? Alors, nous som-
mes prêtres véritablement. Mais si le goût du monde, si les
occupations du monde nous absorbent, il n'y a plus rien en
nous du prêtre de Jésus-Christ.
Le prêtre doit s'identifier avec Jésus-Christ? (1) — En-
tendons cette capitale doctrine.
Non adulterabis : Non faciès furtum : Non falsuin testimoniurn
dices :
Honora patrem tuum et matrem tuam : et diliges proximum
tuum sicut te ipsum.
Dicit illi adolescens : Omnia haec custodivi a juventute roea :
quid adhuc mini deest ?
Ait illi Jésus : Si vis perfectus esse, vade, vende quse habes, et
da pauperibus, et habebis thesaurum in cœlo; et veni, sequere me.
Quum audisset autem adolescens verbum, abiit tristis : erat
enim habens multas possessiones.
Jésus autem dixit discipulis suis : Amen dico vobis, quia dives
difficile intrabit in regnum cœlorum.
Et iterum dico vobis : Facilius est camelum per foramen acus
transire, quain divitem intrare in regnum cœlorum.
Auditis autem his, discipuli mirabantur valde, dicentes : Quis
ergo poterit balvus esse ?
Aspiciens autem Jésus, dixit illis : Apud homines hoc impossi-
bile est : apud Deum autem omnia possibilia sunt.
Tune respondens Petrus dixit ei : Ecce nos reliquimus omnia et
seeuti sumus te ■ Quid ergo erit nobis?
Jésus autem dixit illis : Amen dico vobis, quod vos qui seeuti
estis me, in regeneratione, quum sederit Filius hominis in sede
majestatis suae, sedebitis et vos super sedes duodecim, judicantes
duodecim tribus Israël.
Et omnis qui reliquerit domum, vel fratres, aut sorores, aut pa-
trem, aut matrem, aut uxorem, aut filios, aut agros propter no-
men meum, centuplum accipiet, et vitam œternam possidebit.
Multi autem erunt primi novissimi, et novissimi primi.
(Matth. XIX.)
(1) Ego sum vitis vera : et Pater meus agricola est.
Omnem palmitem in me non ferentem fructum, tollet eum : et
omnem, qui fert fructum, purgabit eum, ut fructum plus afferat.
Jam vos mundi estis propter sermonem, quem locutus sum vo-
bis.
Manete in me : et ego in vobis. Sicut palmes non potest ferre
fructum a semetipso, nisi manserit in vite : sic nec vos, nisi in me
manseritis.
Ego sum vitis, vos palmites : qui manet in me, et ego in eo, hic
fert fructum multum : quia sine me nihil potestis facere.
494 LA VIE SACERDOTALE
1° Jésus-Christ livre tout ce qu'il a à ses prêtres. « Omnia
vestrasunt. » « Homo unanimis. » « Sacerdos, alter Christus. »
« Sicut misit me Pater, ego mitto vos. » Voilà le Christ et ses
prêtres mis au même pied : « Sicut. » Et comment apparut,
opéra Jésus-Christ ?
In plenitudine scientiœ. C'est le Verbe répandu, la lumière
se versant à flots. Or Jésus-Christ instruisit ses prêtres de
tout : « Omnia quœcumquaj audivi a Pâtre meo nota feci
vobis. » Tout, jusqu'aux dernières profondeurs, car « l'Es-
prit vous les découvrira : » « docebit vos omnem veritatem. »
In plenitudine gratige. Voyez-en la liste : (I Cor. xn, 4-11.)
Comme Jésus-Christ, le prêtre console, guérit, ressuscite,
sanctifie.
In plenitudine potenlix. Qui vous méprise me méprise.
Depuis dix-huit siècles les ébranlements des empires justi-
fient cette affirmation. Jamais une nation catholique n'a
méprisé le sacerdoce impunément.
2° Jésus-Christ exige tout ce qu'il est de sesprétres. — Ce qu'il
est, ils le doivent être. Ils continuent le travail d'un Dieu :
« Misi vos ut eatis, et fructum atferatis. » 0 prêtres, ù ouvriers,
ô conquérants, je vous ai donné tous les moyens, toutes les
armes: « dedi vobis poteslatem. » — Et que veux-je ? —
« Docete ! <>
Accepte-t-il la condition posée par Dieu ce prêtre dont la vie
est toute séculière, l'âme toute terrestre, les préoccupations
toutes mondaines, prêtre sans l'esprit ecclésiastique, prêtre
au langage frivole et séculier, au maintien peu modeste, ja-
mais recueilli? Voyez ce prêtre : à l'autel c'est l'ange de
Dieu ; dans le reste du jour c'est un frivole laïque! dès lors :
ministère mourant, fruits desséchés, stérilité effravante.
Si quis in me non manserit : mittetur foras sicut palmes, et ares-
cet, et colligent eum, et ignem mittent, et ardet. (Joan. XV.)
LA Y1E SACERDOTAL* 495
II
HAINE DU MONDE
Gc que doit être le prêtre, nous avons commencé de le voir:
Etre céleste, plein de Dieu : « In omnem plenitudiuem Dei; »
tout parfumé du Christ : « bonus odor sumus Christi; » tout
étincelant de Jésus-Christ : « Ipse illuxit in cordibus nostris; »
— portrait vivant et frappante reproduction de l'Uomme-
Dieu : « in eamdem transformamur imagine m. » — Mais le
voici au milieu du monde; les portes de Babylone se sont
ouvertes à ce fils de la terre promise... Comments'y conduira-
t-il ? Question infiniment délicate que nous allons débattre,
toujours l'Ecriture à la main :
Raisonnons la nécessité de cette haine :
1° Laissons parler la nature. — Détester, fuir, attaquer le
monde? Mais 1° le prêtre est homme comme les autres ; à lui
aussi il faut des fêtes, des joies, des jeux; il lui faut des char-
mes que ses yeux contemplent, que son âme savoure...
2* Mais le prêtre est chargé d'affaires auprès du monde :
arrière toute vertu intraitable ; une vertu facile, pliante, in-
sinuante, accommodante, est seule de mise au milieu du
monde. 3° Mais le prêtre, homme tout de charité, n'admet
donc jamais de ces blâmes, de ces réquisitoires, de ces sen-
tences sans pitié.
2° Maintenant écoutons Dieu. — Voici venir Jésus-Christ,
il décide. — Avant même qu'il porte des décrets, son altitude
tranche la question. Etrange attitude! Jésus-Christ, si doux, si
suave, partout, dans toutes les circonstances, comme le pro-
phète l'avait annoncé (Isaïe); à peine le nom et l'idée du monde
fui sont-elles offertes, il éclate en expressions de colère ; c'est
le grondement de la foudre, c'est l'explosion d'une immense
indignation : « Va3 mundo ! » Le souvenir lui en est insupporta-
ble: «siniteeos.... caeci, duces cœcorum.... » Voyez-leà la Cène.
Sa prièreest universelle, sauf pour le monde: « non pro mundo
496 LA VIE SACIRDOTALB
rogo. » — Et le monde le lui rendait bien! Calomnies, rail-
leries, mépris, insultes, machination, tout y est osé contre
lui... « Nonne fabri fîlius?... potator vini... amicus publica-
norum...unde sitscimus... daemonium habet... »0 Jésus, Mé-
diateur universel, vous voilà donc détesté, séparé du monde?...
Ah ! il le savait et il le voulait et la question est jugée.
Ecoutons ses ordres. Ses prêtres l'interrogent. — Seigneur,
comment devons-nous considérer le monde ? — « Non estis
de hoc mundo. » Voilà qui est formel. Le monde nous est
étranger. Que nous importe qu'il fasse ceci ou qu'il fasse
cela?... Qu'importe ? C'est pour nous une région lointaine ;
autre langue, autres idées, autres coutumes, autres intérêts.
« Non estis de mundo ». Après le maître le disciple. « Moi et lr
monde, crie Paul, sommes deux cadavres, l'un à côté de
l'autre. » Une complète insensibilité nous sépare ; lui ne sent
rien pour moi, moi je suis mort à lui: « crucilixus sum mundo,
mundus mihi crucitixus est. » Voilà la vérité; reste à l'appli-
quer. Comment nous conduire dans le inonde?
Quelle sera dans la pratique cette haine du monde ? —
Quel est le contact du monde qui nous est interdit ? A quelle
sorte do prêtre s'applique le mot" déshonorant de « prêtre
mondain. »
1° C'est le monde des trois concupiscences. — C'est le royaume
régi par l'antique législation dont voici les trois fameux ar-
ticles : satisfactions de la chair; satisfactions des yeux, or-
gueil de la vie: « quod est in mundo concupiscentia carnis
est, et concupiscentia oculorum, et superbia viUe. » Voyez d'a-
bord les mondains à l'œuvre. Préoccupations incessantes du
bien-être, tout y doit concourir... Regardons notre société :
« Venito, fruamur bonis quai sunt, utamur creatura, vino pre-
tioso et unguentis... nenio exsors luxuriae, ubique relinqua-
mus signa laititiœ. » — Et le prêtre mondain? — Pauvre prê-
tre! Comme ces mendiants qui regardent les festins du riche
à travers los vitres dessalons illuminés, lui il réclame sa
part. C'est l'homme de ses aises : pas de sacrilices, pas d'ef-
forts... Ni la ^cne de la vertu, ni la gène des devoirs accom-
plis, ni la gène des mortilications volontaires. Ah! ce prêtre-
là fait pleurer Saint Paul : « quos, tiens dico, inimicos crut sis
Christi. » — Hélas ! je les vois reçus, fêtés, chez les gens du
inonde. Chiens engraissés et. muets: *> Canes muti non valen-
tes lalrare! » Lions onchaînés, et qui, au lieu de régnerai! dé-
sert, ne sont plus que des jouets misérables et des objets d*
LA VIE SACERDOTALE 497
vaine curiosité au sein du monde! On trouvera ces prêtres
à de luxuriantes tables, y passant d'interminables heures,
prodiguant à ces vins dont ils devraient être sobres des élo-
ges déshonorants : « et gloria in confusione eorum ! »
2° C'est le monde d'une éternelle dissipation. — Dissipation
désastreuse qui, arrachant l'âme au monde invisible et supé-
rieur, la précipite dans toutes les distractions de celui-ci.
Jamais l'œil n'est plongé dans les choses éternelles, avide
sans cesse de parcourir les mille scènes de ce siècle fugitif:
<r Concupiscentiaoculorum .. » Siècle fiévreux, siècle étourdis-
sant, torrent qui emporte les âmes... Hélas! venez, au mi-
lieu de ces tumultueuses agitations: voici le prêtre mondain.
Oh ! qu'il sait de choses! qu'il fait do choses ! qu'il lit de cho-
ses I 11 sait parler de tout, il est mêlé à tout, il est de toutes
les réunions... Mais l'étude sainte ?... la prière ?... le minis-
tère ?... l'esprit de componction? la méditation solitaire ?
3° C'est le monde d'u?i universel orgueil. — 1° Orgueil de
l'intelligence: l'esprit fort. — 2° Orgueil de la fortune : am-
bition de s'élever. — 3° Orgueil des préséances. — 4° Orgueil
même du mal !
III
SOUFFRANCE POUR LES AMES
Pour sauver les âmes, le prêtre doit se condamner à souffrir
pour elles.
Dieu renverse Saiil au chemin de Damas (1) : — voici
(I) Et quum iter faceret, contigit ut appropinquaret Damasco ;
et subito circumfulsit eum lux de coelo.
Et cadens in terrain audivit vocem dicentem sibi: Saule, Saule,
<juid me persequeris?
Quidixit: Quis es, Domine? Et ille: Ego sum Jésus quem tu per-
•equeris. Durum est tibi contra stimulum calcitrare.
Et tremens ac stupens dixi: Domine, quid me vis facere?
Et Dominus ad eum: Surge, et ingredere civitatem, et ibi dice-
tur tibi quid te oporteat facere. Viri autem illi qui comitabantur
T. IV 32
493 LA. VIE SACERDOTALE
un grand spectacle et un grand dessein ! « Vas electionis ».
Quel est ce « vase précieux ? » Quel est cet or ? Quelles sont
ces pierreries? Qu'attendez-vous? Que Dieu vous retrace le
grandiose tableau des visions, des conquêtes, des exploits de
son Apôtre : « Vas electionis ? » Est-ce là pour Dieu le sens
de ce mol : <■ electionis? »0h, non! Ecoutez : « Ostendam i 11 i
quanta oporteat eum pati. » Voici donc deux choses insépara-
bles : l'apostolat et la souffrance. Le gain des âmes est le prix
de la morlilication (1). C'est la dernière des idées dont nous
devons nous convaincre, étudions-la avec soin. L'appel nous
renverse sur le grand chemin du monde; nous avons dit :
« Domine, quid me vis facere ? » « Seigneur, que faire? »
cuni eo stabant stupefacti audientes quidem vocem, neininem au-
tem violentes-.
Surrexit au te m Saulusde terra, apertisque oculis nihil videbat.
Ad manus autem illum trahentes, introduxerunt Damascum.
Et erat ibi tribus diebus non videns, et non manducavit nequ»
bibit
Respondit autem Ananias: Domine, audivi a multis de viro hoc
quanta mala î'eeerit sanctis tuis in Jérusalem;
Et hichabetpotestatemaprincipibussacerdotumalligandiornnes
qui invocant nomen tuum.
Dixit autem ad eum Dominus: Vade, quoniam vas electionis est
mihi iste, ut portet nomen meum coram gentibus et regibus et
filiis Israël.
Ego eniin ostendam illi quanta oporteat eum pro nomine meo
pati. (Act. IX.)
(1) Paulus apostolus Jesu Christi per voluntatem Dei, et Timo-
theus fratcr, ecclesia? Dei quœ est Gorinthi, cum omnibus sanctis
qui sunt in universa Achaia.
Gratiavobis et pax aDeo Pâtre nostro, et Domino Jesu Christo,
Benedictus Deua et Pater Dorniui nostri Jesu Christi, Pater mi-
sericordiarum, et Deus totius consolationis,
Qui consolatur nos in omni tribulatione nostra ut possimu> et
ipsi consolari eos qui in omni pressura sunt, per exhortationem
qua exhortamur et ipsi a Deo.
Quoniam sicut abuudant passiones Christi in nobis, ita et per
Christum abundat consolatio nostra.
Sive autem tribulamur pro vestra exhortatione et sainte, sive
consolamur pro vestra consolatione, sive exhorta mur pro vestra
exhortatione et salute, qua? operatur tolerantiam earumdem pas-
sionum quas et nos patiiuur:
Ut spes nostra firma sit pro vobis; scientes quod sicut socii pas-
sionum estis, sic eritis et consolationis.
Non enim volumus ignorare vos, fratres, de tribulatione nostra
quae facta est in Asia, quoniam supra moduin gravati sumus supra
virtutem, ita ut tœderet nos etiain vivere. (II Cor.)
LA. VIB SACERDOTALE 499
Comment travailler? — Dieu nous présente la souffrance
comme l'inséparable compagne du labeur sacerdotal. Nous en
demandons les raisons? En voici trois. 1* Dieu le veut ; 2*
Jésus-Christ le veut; 3* l'œuvre le veut.
Dieu le veut. — Quand Dieu créa le premier Adam, il le
créa son ouvrier : « posuit eum ut operaretur. » 0 le grand, è
le beau travail! L'homme devait ennoblir, embellir, spirilua-
liserla création, lui prêter sa voix, lui faire chanter l'hymne de
l'adoration etde l'amour. L'homme donc travaillait: mais où?
« In paradiso voluptatis. » Il travaillait sans la souffrance: il
se perdit : « impinguatus, incrassatusdilectus, recalcitravit. »
L'ouvrier tombé, l'œuvre tombe avec lui. Mais voici que
Dieu la reprend. — Un nouvel Ouvrier est appelé, Ouvrier
divin, c'est son Fils. L'Homme-Dieu vient reprendre les
habits de travail du premier Adam : « formam servi acci-
piens, habitu inventas ut homo. » Et quel est son travail? Le
défrichement de toute la terre... Mais que les conditions du
travail sont changées! Je regarde Jésus notre grand Ouvrier,
je le regarde avec douleur et effroi : « virum scientem infir-
mitatem... A planta pedis usque ad vertiecm non est in eo
sanitas. » Eh quoi ? est-ce donc là la condition du travail ?
Jésus répond : <• nisi granum frumenti cadens in terrain mor-
tuum fuerit, ipsum solum manet : si autem mortuum fuerit
multum fructum affert. » Voyez donc à quelle condition l'on
est le collaborateur du Christ. Vous voulez être son ouvrier ?
Ah! il faut souffrir, c'est la condition. Dieu le veut ainsi:
u 0 homo, tu quis es qui respondeas Deo?» Et voyez de quel
ton absolu il manifeste cette condition aux premiers prêtres,
au moment de les envoyer à son œuvre. Lisez-la dans l'Evan-
gile.
Jésus-Christ le veut. — Qu'est-ce que Jésus-Christ? « Ver-
bum Crucis. C'est-à-dire la personnification divine de la
souffrance, qui seule ramène au ciel l'humanité égarée par-
le plaisir. — Or quelle est la mission du prêtre? Apprendre Jé-
sus-Christ au monde. Et comment? Ecoutez l'Apôtre: « mor-
tiûcationem Christi in corpore nostro circumferentes. » Aht
prêtre, je veux lire en toi l'humilité. Montre-moi donc l'or-
gueil blessé et mourant: « mortificationem Christi. » Je veux
apprendre la piété. Montre-moi donc écrasée et expirante cett*
dissipation, cette légèreté, cette inattention... Je veux ap-
prendre la charité. Montre-moi toute colère blessée à mort dans
500 LA VIE SACERDOTALE
ton âme: « mortificationem Christi circumferenles. » Tu n'as
pas souffert la mort de l'humiliation, de la dévotion, de la
patience?... Ah ! tu n'es pas un continuateur du Christ ni l'ou-
vrier de Dieu t
L'œuvre le veut. — Que voulez-vous faire ? Où vous em-
ployer ? Examinez de près l'œuvre confiée aux prêtres. At-
taquer le monde. Mais quoi ? Le monde ne s'élèvera pas con-
tre vous?... Contraindre, tourmenter les âmes par vos objur-
gations : « argue, increpa... increpa eos dure. » Mais quoi ?
Elles se laisseront meurtrir sans mordre la main de l'opéra-
teur?... Ruiner le démon. Mais quoi? Il ne suscitera pas la
tempête des douleurs? Ah! si déjà Job lui était si à charge,
qu'est-ce donc qu'un bon Prêtre pour lui (1)?
Résumons. Si vous demandez : qu'est-ce qu'un prêtre ?
L'Ecriture vous fait ces trois réponses qui en embrassent
toute la définition. 1° Considéré en lui même, c'est l'homme
abîmé en Dieu : « Constituitur in his quai sunt ad Deum. » 2*
Si vous considérez le lieu où Dieu le place, c'est l'ennemi
acharné du monde : « perfecto odio oderam illos. » 3° Si vous
considérez son œuvre, c'est l'homme qui n'a de puissance
qu'autant qu'il sait souffrir: « Cum infirmor, tune potens
su m. »
(1) Quum autem immuudus spiritus exierit ab homine, ambulat
per loca arida, quaerens requiem, et non invenit.
Tune dicit: Revertar in doraum rneam, unde exivi. Et venions
invenit eam vacantem, scopis mundatam et ornatam.
Tune vadit, et assumit septem alios spiritus secum nequiores
se, et intrantes habitantibi;et fiunt novissimahominisillius pejora
prioribus. Sic erit et generationi huic pessiraae.
(Matth. XII.)
LES CÉRÉMONIES SAINTES
DIEU LES ORDONNE
Il les ordonne dans l'Ancienne Alliance; il les ordonne dans
la Nouvelle.
Les cérémonies dans l'Ancien culte. — Pour peu que l'on
soit initié aux divines Ecritures, un étonnement profond sai-
sit quand on voit Dieu s'occuper lui-même des cérémonies
de son culte. — Mais cet étonnement cesse quand on en pé-
nètre la raison.
1° Etonnante importance que Dieu y attache. — Non seule-
ment Dieu joint à l'observance des diverses parties de son
culte de formidables sanctions et tire des violations et des
négligences de solennelles représailles ; — non seulement il
charge ses prophètes de rappeler Israël aux observances et
aux cérémonies du culte (1); — mais de ce culte il a lui-même
I) Et irritaverunt me, nolueruntque me audire ; unusquisque
abominationes oculorum suorum non projecit, nec idola .Egypti
reliquerunt. Et dixi ut elTunderem indignationeni raeam super
eos, et implerem iram meam in eis, in me<lio terrse/Egypti.
Et feci propter nomen meum, ut non violaretur coram gentibus
in quarum medio erant, et inter quas :ipparui eis ut educerem
eos de terra .Egypti ;
Ejeciergo eos de terra JSgypti, et eduxi eos in desertum;
Et dedi eis prcecepta mea, et judiciamea ostendi eis, quaefaciens
homo vivet in eis;
Insuper sabbata mea dedieis, ut essent signum inter me et eos,
et scirent quia ego Dominus sanctificans eos.
Et irritaverunt me domus Israël in deserto; in prœceptis meis
502 LA VIE SACERDOTAL!
tracé tous les linéaments, réglé tous les détails, coordonné
les parties diverses. L'Arche d'Alliance a été par lui décrite
à Moïse dans le plus minutieux détail. Les sacrifices, les
fonctions des prêtres, jusqu'à leur vêtement et aux objets du
culte, tout est pour Dieu l'objet de prescriptions aussi cir-
constanciées qu'elles sont graves.
2° Raison profonde de cette importance . — Sans doute nous
pouvons et devons dire que l'Ancien Peuple, peuple grossier
et charnel, incapable qu'il était d'adorer Dieu en esprit et en
vérité, devait être enchaîné et retenu dans le réseau solide
et serré des prescriptions mosaïques. — Mais que nous som-
mes loin delà véritable raison et de quel accent l'Apôtre s'é-
crie : « Numquid de bobus cura est Deo ! » Non sans doute ce
culte matériel ne pouvait en lui-même ni attacher la pensée,
ni remplir le cœur de Dieu (1). Ce culte était figuratif, et s'il
non ambulaverunt, et judicia mea projecerunt, quse faciens homo
vivet in eis, et sabbata mea violaverunt vehementer. Dixi ergo
ut effunderem furorem meum super eos in deserto, et consume-
rem eos ;
Et feci propter nomen meum, ne violaretur coram gentibus dt
quibus ejeci eos in conspectu earum.
Ego igitur levavi manum meam super eos in deserto; ne indu-
ceretn eos in terram quam dedi eis, fluentem lacté et nielle, prce-
cipuam terrarum omnium,
(Juia judicia mea projecerunt, et in praeceptis meis non ambu-
laverunt, et sabbata mea violaverunt, post idola enim cor eorum
gradiebatur ;
Et pepercit oculus meus super eos. ut non inlerficerem eos, nec
consumpsi eos in deserto.
Dixi autem ad fllios eorum in solitudine : In praeceptis patrum
vestrorum nolite incedere; nec judicia eorum custodiatis, nec in
idolis eorum polluamini.
Ego Dominus Deus vester : in prœceptis meis ambulate, judicia
mea custodite, et facite ea.
Et sabbata mea sanctificate, ut sint signum inter me et vos, et
sciatis quia ego sum Dominus Deus vester. (Ezech. XX.)
(\) Audi, populus meus, et loquar; Israël, et testificabor tibi.
Deus, Deus tuus ego sum.
Non in sacrificiis tuis arguam te; holocausta autem tua in cons-
pectu meo sunt semper.
Non accipiain de domo tua vitulos, neque de gregibus tuis
hircos;
Quoniam meae sunt oranes ferae silvarum, jumentain montibus,
et boves.
Cognovi omnia volatilia cceli ; et pulchritudo agri mecum est.
Si esuriero, non dicam tibi ; meus est enim orbis terrée, et ple-
uitudo ejus.
LA VIE SACERDOTALB 503
n'était rien en soi, il devenait tout par l'idée qui y était em-
preinte et la Réalité auguste dont il était la prophétie et l'i-
mage. C'est son Fils, son Verbe incarné, le Rédempteur du
monde, Jésus-Christ, que Dieu fait apparaître sous le voile
du culte mosaïque. Chaque objet de ce culte le représente,
chaque cérémonie esquisse sa future existence. L'Arche sa-
crée, c'est lui-même. Lui-même encore apparaît, Pontife su-
prême, entr'ouvrant pour y pénétrer, l'intérieur du Saint des
Saints. Son sang coule en image dans les sacrifices qui ne
cessent de rougir l'Autel. — . pprenons-le.Si Dieu se montre,
pour l'exécution régulière et parfaite du culte mosaïque,
d'une si extraordinaire exigence, c'est qu'il veut par avance
faire rendre à son Verbe incarné les pluséminents honneurs.
Dès lors est fulminé l'oracle : « Maledictus qui facit opus Dei
fraudulenter. »
Importance plus grande du culte de la Nouvelle Loi. —
Si la ligure obtenait de Dieu une pareille sollicitude, que
sera-ce de la réalité 7 Si le sacerdoce mosaïque était puni im-
placablement de ses moindres négligences, alors qu'il ne fai-
sait que représenter dans un lointain prophétique la venue
et l'œuvre de l'Homme-Dieu, qu'en sera-t-il du prêtre catho-
lique, qui touche de ses mains le Verbe fait chair, l'Agneau
de la Nouvelle Alliance, qui termine dans une réalité divine
les figures antiques d'un culte purement provisoire? — Aussi
voyons avec quelle sollicitude l'Eglise a, dans tous les siècles,
pris la garde et la défense des saintes Cérémonies.
1° Apôtres et Docteurs. — Jésus-Christ, n'ayant donné lui-
même que le fond et pour ainsi dire les grandes lignes de la
Liturgie, laissa à son Eglise de donner aux cérémonies du
du culte leur forme dernière. De plusieurs des Apôtres nous
viennent nos liturgies. Les Docteurs et les Saints y mettent
l'empreinte de leur piété ardente, sous l'œil et la sanction
de l'Eglise.
2° Décrets apostoliques et Conciles. — Il n'est guère de ces
Assemblées saintes et solennelles qui n'ait donné ses soins
aux cérémonies du culte. Si des abus se sont glissés, si des
Numquid mandueabo carnes tauroruin? aut sanguinem hirco-
rum potabo?
Immola Deo sacrificium laudis, et redde Altissimo vota tua.
Et invoca me in die tribulationis; eruam te, et honoriûcabis me.
(Psal.)
504 LA VIE SACERDOTALE
négligences apparaissent, si l'évolution du temps rend quel-
ques modifications nécessaires, les saints Conciles élucident,
définissent, promulguent, sanctionnent.
3° Congrégation romaine. — Gardienne de la foi et de la
discipline dans le monde entier, Rome ne détourne pas ses
yeux des détails du culte, même les plus minimes. Rien,
dans nos cérémonies saintes, n'est laissé à l'indécision ou à
l'arbitraire. Une congrégation siège perpétuellement, incor-
ruptible gardienne de l'intégrité du culte. A elle, de toutes les
parties du monde catholique, on recourt pour élucider toute
question indécise, dissiper toute ignorance, corriger tout
abus.
De ces graves sollicitudes de Dieu et de l'Eglise, du soia ja-
loux qu'ils ont tous deux de maintenir le culte dans une di-
gnité et une perfection constantes, rapprochons la légèreté
de certains prêtres à juger ces cérémonies et leur négligence
à les accomplir. Se prétendent-ils plus sages que l'Eglise ou
plus puissants et plus maîtres que Dieu ?
II
JÉSUS-CHRIST EN EST L'OBJET
La foi en nos saints mystères doit nous soutenir; à défaut
de cette foi, l'exemple des mondains devrait nous confondre.
La foi en d'augustes mystères doit nous soutenir. —
Jésus-Christ, dont la divine ligure remplissait le culte ancien,
fait maintenant en Personne, dans la plus vivante réalité, le
fond du culte catholique. C'est autour de sa Personne sacrée
que s'accomplissent les cérémonies saintes et Lui-même est
le centre des mystères qui se déroulent dans nos temples 1
(\) Capitulum autem super ea quœ dicuntur: Talem habemus
pontificem qui consedit in dextera sedis magnitudinis in cœlis,
Sanctorum minister, et tabernaculi veri, quod ûxit Dominus,
et non horao.
LA VIE SACERDOTALE 505
— En faut-il plus pour rappeler le prêtre catholique au parfait
accomplissement de toutes les parties du culte, et lui com-
mander à la fois le respect, la reconnaissance et l'amour?
1° Le respect. — Qu'il songe donc, le prêtre catholique, à
Celui auquel les cérémonies du culte rendent hommage. —
C'est le Dieu de la création dont l'univers redit la louange,
dont tous les êtres chantent la gloire et la puissance infinies.
— Qu'il franchisse les limites de cet univers et qu'il prenne
son essor jusqu'au plus haut des d'eux. Là un sublime spec-
tacle s'oifre à ses yeux. La même Hostie, si cachée ici-bas
sous les voiles eucharistiques, rayonne au ciel sur un trône
de gloire à la droite de la Majesté de Dieu. Autour de « l'A-
gneau comme immolé, » les esprits célestes, la multitude des
Saints accomplissent dans une perfection ineffable les céré-
monies d'un culte mystérieux (I).
2° La reconnaissance. — Que de touchants souvenirs sont
laissés à la terre! Ce Jésus divin, que nos cérémonies saintes
servent et glorifient, est Celui même qui prononçait ces hum-
bles et douces paroles : « Je ne suis pas venu pour être servi,
Omnis enim pontifex ad offerendum munera et hostias consti-
tuitur; unde necesse est et hune habere aliquid quod offerat:
Si ergo esset super terram, nec esset sacerdos; quura essent qui
offerrent secundum legem munera,
Qui exemplariet umbrae deserviuntcœlestium: sicut responsum
est Moysi, quum consummaret tabernaculum: Vide inquit omnia
facito secundum exemplar quod tibi ostensum est in monte.
(Hsebr. VIII)
(1) Et cantabant canticum novum, dicentes: Dignuses, Domine,
accipere librum, et aperire signacula ejus: quoniam occisus es, et
redemisti nos Deo in sanguine tuo ex omni tribu, et lirgua, et po-
pulo, et natione:
Et fecisti nos Deo nostro regnum, et sacerdotes: et regnabimus
super terram.
Et vidi, et audivi vocem angelorum multorum in circuitu throni,
et animalium, et seniorum: eterat numerus eorum millia millium,
Dicentium voce magna: Dignus est Agnus, qui occisus est, ac-
cipere virtutem, et divinitatem, et sapientiam, et fortitudinem, et
honorem, et gloriam, et benedictionem.
Et omnem creaturam, quae in cœlo est, et super terram, et sub
terra, et quae sunt in mari, et quae in eo: omnes audivi dicentes:
Sedenti in throno, et Agno: benedictio, et honor, et gloria, et po-
testas in sœcula seeculorum.
Et quatuor animalia dicebant : Amen. Et viginti quatuor senio-
res ceciderunt in faciès suas: et adoraverunt viventem in saecula
srcculorum. (Apoc. V )
806 LA VIE SACERDOTALE
mais pour servir. » Ahl souvenons-nous comment il se jetait
à nos pieds pour les laver (1)1 Commenlil faisait reposer nos
têtes sur sa poitrine! Comment il nous entourait de plus de
soins que ne fit jamais la mère la plus tendre pour un fils
unique. — Le prêtre n'esl-il donc pas ravi de rendre à un
tel Maître, par~SOn assiduité aux devoirs du culte, quelque
peu des soins maternels qu'il en a reçus?
3° L'amour. — On sait aimer sur la terre et quand on
aime, aucun soin ne rebute, aucun travail n'arrête, aucune
délicate attention ne semble superflue. Oh! si notre foi était-
vive et si nous aimions ! Si la Personne sacrée de Jésus-Christ
nous était, au rayonnement de la foi, visible et palpable, et
si ce Dieu, nous l'aimions de toute l'ardeur de notre âme,
faudrait-il nous signaler l'inconvenance de notre tenue, de
nos manières, de notre langage, de notre laisser-aller, de
nos mille négligences, dans le cours des saintes cérémo-
nies?
Que sera-ce si de notre insensibilité nous rapprochons
l'ardent amour que Jésus porte à nos âmes (2).
{\) Ante diem festum Paschœ sciens Jésus quia venit hora ejus
ut transeat ex hoc mundo ad Patrem, quum dilexisset suos qui
erant in mundo, in iïnem dilexit eos.
Et cœna facta, quum diabolus jam misisset in cor ut traderet
eum Judas Simonis Iscariotse :
Sciens quia omnia dédit ei Pater in manus, et quia a Deo exivit,
et ad Deum vadit,
Surgit a cœna, et ponit vestimenta sua; et quum accepisset lin-
teum, prœcinxit se:
Deinde mittit aquam in pelvini, et cœpit lavare pedes discipu-
lorum, et extergere linteo quo erat priecinctus. (Joan. XIII.)
(2) Quam pulchra es, arnica mea! quain pulchra es! Oculi tui
columbarum, absque eo quod intrinsecus latet. Gapilli tui sicut
greg^s caprarum qua; ascenderunt de monte Galaad.
Dentés tui sicut grèges tonsarum quai ascenderunt de lavacro,
omnes gemellis fœtibus, et sterilis non est inter eas.
Sicut vitta coccinea labia tua; et eloquium tuum dulce. Sicut
fragnicn mali punici, ila genae tuae, absque eo quod intrinsecus
latet.
Sicut turris David collum tuum, quoi a^dificata est cum propu-
gnaculis: mille clypei pendent ex ea, omnis armatura fortium.
Duo ubera tua sicut duo hinnuli capreaj gemelli, qui pascuntur
in liliis.
Donec aspiret dies, et inclinentur umbrœ, vadain ad monte m
myrrh», et ad collem thuris.
Tota pulchra es, arnica mea, et macula non est in te.
Veni de Libano, sponsa mea, veni de Libano, veni coronaberis;
LA VIE SACERDOTALE 507
L'exemple des mondains doit nous confondre.— Hélas!
à défaut de cette foi et de cet amour, laissons-nous impres-
sionner et humilier par ce qui nous apparaît dans le monde.
i° Là est un cérémonial rigoureusement obligatoire. — Le
monde a ses règles de politesse et de bienséance. Il a pour la
tenue de chacun, pour les réceptions et les visites, pour les
fêtes et les banquets, pour les conversations et les correspon-
dances, des lois auxquelles nul ne se soustrait impunément.
— Si nous quittons ce monde de pure politesse pour nous
élever au monde ofiiciel, nous y trouvons un cérémonial bien
autrement précis et observé sous des peines bien plus ri-
goureuses. — 0 prêtre! va donc chez les mondains t'instruire
de l'importance à attacher à un cérémonial qui, pour toi, est
céleste et divin 1
2° Là sont des études obstinées et des efforts sans trêve. —
Hélas! jusqu'où ne ferons-nous pas descendre le prêtre léger
et négligent? A quels exemples honteusement infimes le
convierons-nous? Il est tout un monde d'histrions et de
chanteurs, amuseurs publics dont la vie se passe à débiter des
frivolités impures et à mendier des applaudissements plus
frivoles encore. Or, chez eux tous, quel travail opiniâtre!
Quelles études du jour et de la nuit, pour donner à leur voix,
à leur diction, à leurs gestes, à leurs manières, à toute leur
personne, la souplesse, la bonne grâce, le charme et la di-
gnité!
3° Là de riches ornements et de splendides parures . — Quels
navrants parallèles, ici encore, s'offrent à nous entre un
monde si soigné dans sa tenue, si étincelant sous ses paru-
res, et nos Autels, nos églises, nos saints sacrifices, laissés,
par l'incurie des prêtres, dans un état de pauvreté lamentable
de capite Amana, de vertice Sanir et Hermon, de cubilibus leonum,
de montibus pardorum.
Vulnerasti cor meum, soror mea, sponsa; vulnerasti cor meum
in uno oculorum tuorurn, et in uno crine colli tui.
Quam pulchrse sunt mammse tuse, soror mea, sponsa! Pulchriora
sunt ubera tua vino, et odor unguentorum tuorum super omnia
aromata.
Favus distillans labia tua, sponsa; mel et lac sub lingua tua;
et odor vestimentorum tuorum sicut odor thuris.
Hortus conclusus soror mea, sponsa, hortus conclusus, fons si-
gnatus.
Emissiones tuae paradisus malorum punicorum, cum pomorum
fructibus Gypri cum nardo. (Gantiq. IV.)
508 LA VIE SACERDOTALE
et de sordide malpropreté. 0 prêtre ! nos églises ne valent-
elles pas leurs théâtres? et nos grands drames divins ne
méritent-ils pas l'appareil et la pompe dont les mondains
revêtent leurs impures frivolités? — Notre Jésus a dépouillé
les haillons sanglants dont l'avaient revêtu ses bourreaux; il
est maintenant rayonnant de gloire (1); le Christ règne, le
Christ triomphe, il est l'adoration du ciel et de la terre. Par
quelle indignité le laissons nous, dans nos églises, sur nos
autels, au fond de nos Tabernacles, reposer sur des linges
déchirés et salis, revêtir des ornements qui ne sont plus que
des lambeaux dégoûtants?
(I) Post haec vidi: et ecce oslium apertum in coelo, et vox prima
quam audivi tanquam tubœloquentis mecura, dicens: Ascende hoc,
et ostendam tibi quœ oportet tieri post haec.
Et statim fui in spiritu : et ecce sedes posita erat in coelo, et su-
pra sedem sedens.
Et qui sedebat, similis erat aspectui lapidis jaspidis et sardinis ;
et iris erat in circuitu sedis, similis visioni smaragdinœ.
Et in circuitu sedis sedilia viginti quatuor: et super thronos vi-
^inti quatuor seniores sedentes, circumamicti vestimentis albis,
et in capitibus eorum coronœ aureœ.
Et dethrono procedebant fulgura et voces et tonitrua; et septem
lampades ardentes ante thronum, qui sunt septem spiritus Dei.
Sanctus, Sanctin, Sanctus Dominus Deus omnipotens, qui erat,
et qui est, et qui venturus est.
Et quum durent illa animalia gloriam et honorem et benedic-
tionern sedenti super thronum, viventi in saecula sœculorum.
Procidebant viginti quatuor seniores ante sedentem in throno,
et adojabant viventem in sœcula sœculorum, et mittebant coronas
suas ante thronum dicentes:
Dignus es, Domine Deus noster, accipere gloriam et honorem et
virtutem : quia tu creasti omnia, et propter voluntatem tuam ^rant,
et creata sunt. (Apoc. IV.)
LA YIE SACERDOTALE oOV)
III
LE PEUPLE CHRÉTIEN LES CONTEMPLE
Le peuple chrétien a deux grands besoins : ila besoin de s'é-
lever à Dieu ; il a besoin pour s'élever à Dieu de croire en ses
prêtres. Or le livre toujours ouvert, toujours accessible, où
le peuple apprend à la fois et ce qu'est Dieu et ce qu'est son
ministre, ce sont les cérémonies du culte faites avec dignité
par des prêtres de piété et de foi.
Par elles le peuple s'élève à Dieu. — Sur tous indistincte-
ment les cérémonies faites avec dignité et pompe laissent des
impressions profondes. Mais nulle part ces impressions ne
sont nécessaires comme dans le peuple. — L'âme cultivée,
l'âme d'élite, qui sait, dansle calme de la méditation, prendre
vers Dieu un sublime essor, pourrait peut-être se passer de
la pompe de nos cérémonies. Et encore I Mais le pauvre peu-
ple, mais l'ouvrier, l'enfant, les petits, les humbles, la mul-
titude de ceux pour qui les hautes spéculations de la piété
resteront à jamais lettre close ? Comment verront-ils la Ma-
jesté divine sinon à travers les pieuses et saintes beautés du
culte extérieur? Quel écho du ciel auront-ils que dans les
chants de l'église mélodieusement exécutés ? Quelle idée
grande et sainte se feront-ils de nos mystères sacrés autre-
ment que par la manière grave et solennelle dont le prêtre
les accomplit sous ses yeux? — Saint Paul nous révèle que
los magniûcences de l'univers visible n'ont d'autre but, dans
l'idée divine, que de saisir l'homme et de l'élever jusqu'à la
connaissance et l'adoration de l'Invisible. — Disons de même
du culte extérieur. C'est par lui que Dieu a voulu élever
l'intelligence et le cœur du peuple jusqu'à la contemplation
et l'amour de l'Incréé.
Mais quelle idée donneront de Dieu, des choses saintes, des
mystères de la religion, des cérémonies faites avec légèreté,
précipitation, gaucherie, sans soin, sans dignité, sans esprit
de foi ?
510 LA VIE SACERDOTALE
Par elles le peuple croit à ses prêtres. — i° Le prêtre n'est
rien s'il n'est l'homme de Dieu. — S'il a du génie, de l'élo-
quence, de la fortune, de hautes relations, s'il est en vue dans
un poste éminent, on pourra l'admirer, l'entourer d'homma-
ges, réclamer sa protection, attendre de lui de puissants se-
cours temporels. Mais la conviction seule qu'il est l'homme,
non de la terre mais du ciel, lui soumettra les âmes et lui
ouvrira les consciences.
2' Où le prêtre apparaît-il ï homme de Dieu ? — Partout et
toujours le prêtre doit exhaler les parfums célestes « bonus
odor Ghristi. » — Mais jamais il n'apparaîtra mieux dans sa
mission surnaturelle qu'au Sanctuaire, au pied de l'Autel,
durant les cérémonies saintes.
3° Comment le prêtre perd cette divine auréole. — Si, à la
légèreté et à la dissipation de sa tenue, à l'ignorance, à la
paresse qu'il montre dans ses divines fonctions, on n'a plus
devant les yeux qu'un homme sans piété, sans amour, sans
foi.
FUS DU TOME QUATRIÈME
TABLE DES MATIÈRES
Les appels de la grâce.
i Les appels de la grâce. — Eludions la grâce eu elle-même. — Etu-
dions la grâce dans ses appels.
II. Les délaissements de la grâce. — Etudions-les dans une image. —
Eludions-les en eux-mêmes t
La crainte de Dieu.
I y cessité et importance de la crainte de Dieu. — An Paradis terrestre
elle décida du sort de l'humanité. — Daraul les siècles elle est le
pivot du salut. — Elle est le secret de notre propre histoire.
II. Nature et objet de la crainte de Dieu. — Fausse crainte dont il faut
se dépouiller. — Vraie el salutaire crainte qu'il faut entretenir. . ti
Les représailles du divin Amour.
I. Ce qu'est la faute. — Ce que nous est Jésus. Ce que nous avons été
à Jésus.
II. Ce qu'est le châtiment. — C'est l'absence de Jésus. — C'est la sous-
traction des grâces. — C'est la vie sans consolation.
III. 0" est le remède'.' — C'est de recourir à une sérieuse direction.
C'est de reprendre ses exercices -de piété. — C'est de multiplier
les actes d'amour 22
Le salut
I. L'affaire du salut affaire capitale. — Capitaler car elle est unique.
— Capitale, car elle engage d'immenses intérêts. — Capitale, car
la perte y est irréparable.
II. L'affaire du salut affaire pressante. — Dieu se montre pressé. —
La mort se montre pressée. — L'Eglise de Dieu se montre
pressée 35
Le Jugement
I. Devant qui serai-je jugé.' — Jésus-Christ est devenu mou Juge. — A
ses côtés sont d'iuriumbrables témoins. — Lue défense est devenue
impossible.
512 TABLE DES MATIÈRES
II. Sur quoi serai- je jugé? — Sur les grâces reçues. — Sur les dépôts
confiés. — Sur les actes accomplis.
III. Quelle sera l'issue de ce jugement? — L'une est délicieuse. — L'au-
tre est effroyable 43
La Pénitence chrétienne.
1. Nécessité de la Pénitence. — Etablissons-la par le raisounement. —
Etablissons-la par l'autorité.
IL iïotre conduite à l'égard de la Pénitence. — Ceux qui n'eu font au-
cune. — Ceux qui la font mal. — Ceux qui la foui saintement et
fructueusement 54
Les larmes.
I. Les larmes des enfants de Dieu. — Les larmes d'une mystérieuse
tristesse. — Les larmes de l'infortune et de la douleur. — Les no-
bles larmes de la sainteté.
IL Les larmes des grns du monde. — Etranges larmes des heureux du
monde. — Les larmes maudites des désespérés 65
La pensée de l'Eternité
I. Elle est une lumière. — Lumière projetée sur nous-mêmes. — Lu-
mière projetée sur le monde. — Lumière projetée sur l'Evangile.
II. Elle est une force. — La notion de l'Eternité est tout dans l'histoire
humaine.
III. Elle est une joie. — Elle est une joie dans la prospérité. — Elle
est une joie dans l'infortune 7i>
La pensée du ciel.
I. La splendeur du ciel. — Le ciel est fait par un Dieu. — Le ciel
est fait pour un Homme-Dieu. — Le ciel c'est Dieu.
II. La possession du ciel. — L'attente du ciel est notre vrai bien. —
L'ouMi du ciel est notre grand mal 86
Besoin qu'a tout homme de la Religion.
I. Elle est une nécessité de sa condition. — L'homme est le roi et lr
pontife de la Création. — L'homme est membre de la famille hu-
maine.
IL Elle est la solution de sa destinée. — Notre destinée est le tout de
notre existence. — La Religion est le tout de notre destinée.
III. Elle est la satisfaction de son plus impérieux besoin. — Nous aTons
besoin d'une conscience en paix. — Nous avons besoin de force et
de soutien. — Nous avons besoin d'espérance 98
La Religion dans ses rapports avec la question sociale.
I. Toute Société se compose de deux classes. — Deux classes existent.
— Elles out toujours existé. — Elles existent nécessairement.
H. Comment ces deux classes doivent coexister. — Il j faut une hié-
TABLE DES MATIÈRES 513
rarcbie. — Il y faut une réciprocité de services. — Le tout sous
peine de commotions formidables.
III. Comment la Religion seule y maintient V harmonie. — Où Ton abou-
tit sans la Religion. — Comment la Religion résout la question
sociale 109
Une image du Christianisme et de la vie chrétienne. — Le
grain de sénevé.
I. Humbles débuts du christianisme et de V âme chrétienne. — Que fut le
Christianisme à sa naissance? — Qu'est le chrétien ici-bas ?
II. Merveilleuse puissance du christianisme et de l'âme chrétienne. —
Merveilleuse puissance du Christianisme. — Merveilleuse puissance
du Chrétien.
III. Mission divine du christianisme et de rame chrétienne. — Mission
du Christianisme. — Mission du Chrétien 120
La Rédemption par le Sang.
I. Cest une œuvre de paix. — OEuvre formidable à accomplir. —
Comment Jésus-Christ l'opéra.
II. C'est une œuvre de lumière. — Obscurcissement de la vérité dans
l'humanité déchue. — Illumination de la vérité à l'apparition de
la Croix.
III. C'est une o:uvre d'amour. — Le sang pour mieux prouver son
amour. — Le sang pour mieux nous défendre. — Le sang pour
mieux nous consoler 131
Les mystérieuses destinées du Peuple Juif.
I. Les longs jours de la réprobation. — Aspect étrange de la Nation
réprouvée. — A quelles lins Dieu la fait servir.
II. Le repentir et le pardon. — La garantie divine du retour. — Les
prophéties du retour. — Le mystère du retour 142
Unum est necessarium.
I. Le salut seule chose importante. — Où ne sont pas les choses im-
portantes. — Où est la chose importante.
II. Le salut seule chose pressante. — Jésus-Christ est pressé comme
Sauveur. — Jésus-Christ est pressé comme Juge 149
Perfection chrétienne.
1. Nous la devons à Dieu comme notre Educateur. — Dieu lui-même
s'est fait notre Educateur. — Ce qu'exige de nous cette divine
éducation.
IL Nous la devons à Dieu comme notre Souverain Maître. — Dieu nous
est un Maître. — Dieu nous est un Maître Bienfaisant. — Dieu nous
est un Maître riche eu avenir.
III. Nous la devons à Dieu comme notre fin dernière. — Notre destinée
T. IV 33
514 TABLE DES MATIÈRES
future est de posséder Dieu. — Notre destinée présente est de nous
en rendre dignes.
IV. Nous le devons à Jésus-Christ comme Chef de l'Eglise. — Nous
sommes de la famille des Saints. — Nous devons être dignes de
cette céleste famille 1S9
La perfection chrétienne : sa nécessité.
I. Je la dois à mon bonheur futur. — Je suis né pour une grande œu-
vre. — Je suis né pour uu grand avenir. — Suis-je digue de si
grandes choses ?
II. Je la dois à mon bonheur présent. — Le vrai bonheur est dans la
perfection chrétienne. — La vraie force est dans la perfection
chrétienue 164
La perfection chrétienne : sa facilité.
I. Peu nous est demandé. — Dieu nous demande peu. — Dieu nous
laisse beaucoup.
IL Dans ce peu nous sommes puissamment aidés. — Nos secours na-
turels. — Nos secours surnaturels.
III. Inanité des objections et des prétextes.— Nous disons: c'est péuible.
— Nous disons : je n'ai pas la force. — Nous disons : je n'ai pas
le loisir 170
La perfection chrétienne : sa nature.
[. Aspect plus général de la perfection chrétienne. — Image de la sortie
d'Egypte. — Image dans la marche vers la Terre promise. — Image
dans la conquête de la Terre promise.
II. Etude plus spéciale de la perfection chrétienne. — La perfection
chrétienne est une rénovation de notre vie. — La perfection chré-
tienne est uu bon gouvernement de notre vie 176
La Méditation et l'âme chrétienne.
I. La Méditation gloire de l'âme. — Elle est une ascension glorieuse.
— Elle opère une divine transfiguration.
IL La Méditation vie et force de l'âme. — Dans les exigences de la
vie chrétienne. — Dans les dangers de la vie chrétienne i82
Marthe et Marie.
I. Quel serait le mal d'une vie de travail sans prière. — La vie de tra-
vail sans prière jugée par Dieu. — La vie de travail sans prière
jugée par l'expérience.
IL Excellence d'une vie de travail où une large part est faite à la prière.
— Noblesse d'une pareille vie. — Bonheur d'une pareille vie. . . 188
La loi du travail.
I. Gravité de cette loi. — Noblesse et urgence de la loi du travail. —
Sanctions redoutables à la loi du travail.
TABLE DES MATIÈRES 51-5
II. Avantages de cette loi. — Elle esl la condition du bonheur. — Elle
est la condition de la sécurité présente. — Elle est la condition
de l'avenir 193
Le Devoir.
I. Le devoir est l'artisan de la sainteté. — Le devoir redresse la nature
déchue. — Le devoir soutient la partie noble et élevée de notre
être. — Le devoir nous l'ait accomplir notre mission expiatrice. —
Le devoir nous unit excellemment à Jésus-Christ.
II. Le devoir est la grande puissance de la vie. — Sans le devoir tout
est ruine. — Avec le dovoir tout prospère.
III. Ce qu'exige la pratique du devoir. — Il faut surnaturaliser le
dev»r. — Il faut tout sacrifier au devoir. — Il faut se former dès
l'enfance à la pratique du devoir 201
Importance chrétienne des petites choses.
1. Importance des petites choses. — Jugeons-en par leur continuité. —
Jugeons-en parleur valeur réelle. — Jugeons-en par leur difficulté
et leur labeur. — Jugeons-en sur de divins exemples.
IL Danger de la négligence des petites choses. — La négligence des
petites choses c'est la ruine future. — La négligence des petites
choses c'est la ^perte de la vie surnaturelle. — La négligence des
petites choses c'est le danger de chutes graves 208
La dignité de nos corps.
I. Les gloires divines de nos corps. — Gloire de nos corps dans la
création. — Gloire de nos corps dans la Rédemption. — Gloire de
nos corps dans la sanctification.
IL Labeurs et héroismes exigés de nos corps. — Nos corps sont les
serviteurs de nos âmes. — Nos corps sont les associés de nos âmes.
III. Immortelle destinée de nos corps. — Nos corps doivent ressusciter.
— Gloire de cette future résurrection 213
La dignité de nos âmes.
I. Comment apprécier notre âme. — Grandeur de notre âme dans sa
création. — Grandeur de notre âme dans sa nature. — Grandeur
de notre âme dans sa destinée.
IL Comment employer notre âme. — Nous devons l'employer pour
Dieu. — Nous devons l'employer pour le prochain. — Nous devons
l'employer pour nous-mêmes.
III. Comment déshonorer notre âme. — En n'y ayant pas foi. — En la
privant de son éducation divine. — En la défigurant par le péché. 221
La mission du cœur dans la vie chrétienne.
I. Importance de la saine éducation du cœur. — Ce que nous en dit la
terre. — Ce que nous en dit le ciel.
IL Le bon et le mauvais emploi du cœur. — Le bon emploi du cœur.
— Le mauvais emploi du cœur 227
516 TABLE DES MATIÈRES
La femme chrétienne.
I. Inestimable valeur de la femme chrétienne. — Interrogeons Dieu. —
Interrogeons l'Eglise. — Interrogeons nos ennemis.
II. Les missions diverses de la femme chrétienne. — Mission de la
femme chrétienne dans son intérieur. — Mission de la femme chré-
tienne auprès des pauvres. . . 234
Excellence de la prière.
I. Noblesse de la prière. — Noblesse de l'âme humaine en prière. —
Noblesse plus grande de l'âme chrétienne en prière. — Noblesse
suprême de l'âme déifiée en prière.
II. Puissance de la prière. — Pour le chrétien tout est impossible
sans la prière. — Pour le chrétien tout devient possible par la
prière.
III. Consolations de la prière. — Sans la prière l'homme ressent le
malaise d'un devoir trahi. — Sans la prière l'âme humaine s'isole
douloureusement. — Sans la prière la douleur est sans contrepoids. 2it
Les objections à la prière.
I. Les objections de V incroyance. — Dieu ne nous écoute pas. — Dieu
n'a nul besoin de nous écouter.
B. Les objections du découragement. — Supposons même que notre
prière soit restée sans effet. — En réalité aucune prière ne reste
sans effet.
III. Les objections de la mondanité. — L'âme mondaine n'a pas de
désirs. — L'âme mondaine n'a pas de loisirs 248
Les conditions de la prière.
I. H nous faut la foi pour prier. — Apprenons-le de l'Evangile. —
Apprenous-lc du simple raisonnement.
ÏI. Il nous faut le courage pour prier. — Courage pour coopérer aux
effets de la prière. — Courage pour écarter les obstacles 2.:i4
Les effets de la prière.
I. La prière vivifie. — Comment une âme peut dépérir. — Comment
une âme ressuscite par la prière.
H. La prière purifie. — La prière purifie l'âme «les fautes passées.
— La prière purifie l'âme des faules présentes: — La prière pré-
naunil l'âme contre les fautes à venir.
III. La prière enrichit. — Elle nous donne la joie. — Elle nous comble
d'honneurs. — Elle nous remplit de mérites.
IV. La prière console. — Combien souvent la douleur nous assaille.
— La prière seule console 26<>
Le Pater.
I. Le Vnh r pst lu confession de nos grandeurs. — Ce qu'est l'homme
s;uis le Pater. — Ce qu'est l'homme glorifié par le Pater.
TABLE DES MATIÈRES 517
II. Le Pater est la supplication de notre indigence. — Pourquoi l'homme
a faim. — De quoi l'homme a faim.
III. Le Pater est le cri de détresse de nos dangers. — Notre premier
danger vient de la justice divine. — Notre deuxième danger vient
de nos ennemis. — Notre troisième danger vient de la tentation. 267
L'Invocation de la T S. Trinité.
I. Ce que nous rappelle cette Invocation. — Premier grand souvenir :
notre création. — Deuxième grand souvenir : notre rédemption.
— Troisième grand souvenir : notre régénération.
II. Ce à quoi nous excite cette Invocation. — Elle nous excite à la foi
la plus sublime. — Elle nous excite à la piété la plus continue. —
Elle nous excite à l'imitation la plus noble 273
La possession de Jésus.
I. Combien elle est nécessaire. — Le monde, qui s'en est exclu, le pro-
clame. — Nos âmes tièdes qui s'en écartent le proclament. — Les
Saints qui en jouissent le proclament.
IL Comment elle est acquise. — Par l'Eucharistie de Jésus. — Par la
parole de Jésus. — Par la mortification de Jésus 280
La conquête de Jésus.
I. Nécessité de cette conquête. — Jésus-Christ est le tout du monde. —
Comment ne serait-il pas notre tout à nous-mêmes.
IL Conditions de cette conquête. — Jésus-Christ n'est pas au premier
venu. — Conditions essentielles à la conquête de Jésus-Christ . . 287
Le Bon Pasteur.
I. Ce que nous est le Bon Pasteur. — Comment il acquiert son trou-
peau. — Comment il aime son troupeau. — Comment il forme
son troupeau.
II. Ce que nous devons être nous-mêmes au Bon Pasteur. — • Nous de-
vons lui être des brebis croyantes. — Nous devons lui être des
brebis aimantes. — Nous devons lui être des brebis prudentes. . 29ï
Le règne social de Jésus-Christ.
I. Jésus-Christ Box des riches. — Jésus Christ purifia la richesse. —
Jésus-Christ utilisa la richesse. — Jésus-Christ éternisa la richesse.
II. Jésus-Christ Boi des pauvres. — Dans quel état lamentable Jésus -
Christ trouva le pauvre. — Comment Jésus-Christ transfigura le
pauvre . . . • 301
Sur le mystère de la Croix.
I. La Croix foyer de lumière. — La Croix profond mystère. — La
Croix seule vraie illumination.
II. La Croix signe de puissance. — Glorieuse histoire de la Croix à
518 TABLE DES MATIÈRES
travers le monde. — Glorieuse histoire de la Croix dans nos âmes.
III. La Croix monument de miséricorde. — Mémorial d'une miséri-
corde gratuite. — Mémorial d'une rédemption surabondante. —
Mémorial d'un inépuisable pardon 307
Les Leçons de la Crèche.
I. Les leçons de la vertu. — La Crèche nous donne une leçon de pau-
vreté. — La Crèche nous donne une leçon de charité. — La Crèche
nous donne une leçon de patience.
IL Les leçons de la souffrance. — Jésus méconnu. — Jésus repoussé.
— Jésus persécuté 313
Jésus-Christ l'Homme de douleur.
I. La vue des divines douleurs. — Les douleurs de l'âme. — Les dou-
leurs du corps.
IL La logique des divines douleurs. — Conséquence logique par rap-
port au péché. — Conséquence logique par rapport au monde. —
Conséquence logique par rapport à la vie chrétienne 319
L'Eglise.
L Ce qu'est l'Eglise. — L'Eglise est le Corps mystique de Jésus-Christ .
— Conséquence de cette sublime doctrine.
IL Ce que fait l'Eglise. — L'Eglise est le fondement de !a vérité. —
L'Eglise est la dispensatrice de la charité. — L'Eglise est la dona-
trice de l'Eternité.
III. Ce qu'exige l'Eglise. — Elle exige notre foi. — Elle exige notre
obéissance. — Elle exige notre concours 324
Le Prêtre.
I. Comme richesse. — Le seul bien que réclame l'Humanité c'est la
vie. — Cette vie, objet de ses désirs, l'Humanité ne la possède pas.
— Le prêtre seul la lui peut communiquer.
IL Comme puissance. — Par la nature de son règne. — Par l'univer-
salité de son règne. — Par l'inamissibilité de sou règne.
III. Comme amour. — Besoin qu'a le monde d'un cœur de prêtre. —
Comment Dieu a fait un cœur de prêtre 331
L'appel de Dieu.
I. Nécessité de cet appel. — La raison montre que Dieu a ses choix.
— Les faits montrent que Dieu a ses choix. — Un tout divin exem-
ple montre que Dieu a ses choix.
II. Nécessité de ne pas entreprendre sur cet appel. — Violer l'entrée
du Sacerdoce est un crime. — Violer l'entrée du Sacerdoce es1 un
malheur.
III. Nécessité de répondre à cet appel. — La part de Dieu dans cet
appel. — La pari de l'homme dans cet appel 336
TA.BLE DES MATIÈRES 519
L'appel de Dieu considéré en Jésus-Christ.
I. Jésus-Christ a été appel:. — L*appel lui-même. — Ce que renfermait
cet appel.
II. Comment Jésus-Christ a répondu à son appel. — Jésus-Christ a
mené une vie détachée. — Jésus-Christ a mené une vie immolée.
— Jésus-Christ a mené une vie de prière 342
Les deux Sacerdoces.
I. Le Sacerdoce réprouvé. — Réprouvé parce qu'il n'est pas céleste.
Réprouvé parce qu'il n'est pas sanctiûcateur. — Réprouvé parce
qu'il n'est pas victime. — Réprouvé parce qu'il demeure stérile.
II. Le S'icerdoce béni. — Le Sacerdoce béni est le Sacerdoce solide-
ment édifié. — Le Sacerdoce béni est celui qui résiste aux épreuves. 3 io
Providence divine sur le Prêtre.
I. Providence dans Y appel du Prêtre. — Surgi des rangs du peuple.
— Surgi des rangs de la classe riche.
II. Providence dans la formation du Prêtre. — Grâces spéciales. —
Grâces communes.
III. Providence dans faction du Prêtre. — Elle lui désigne son poste.
— Elle lui ménage ses triomphes 351
Le zélé des âmes.
I. Sa nécessité. — Grandeur des intérêts engagés. — Exemple des
Trois Personnes divines. — Les terreurs de l'avenir.
II. Sa pratique. — Le Prêtre doit souffrir pour les âmes. — Le Prêtre
doit prier pour les âmes 3b7
Influence décisive du Prêtre éducateur de la jeunesse.
I. Positus in resurrectionem. — Il est beau, sans doute, le ministère
paroissial. — Mais combien entravé au milieu du monde. — Plus
fructueux est le ministère de l'Education.
II. Positus in ruinant. — Un tel éducateur est sans prestige. — Un tel
éducateur est sans initiative. — Un tel éducateur est sans édifi-
cation 362
Du ministère de la Prédication.
I. Sa nécessité. — Nécessité pour le Prêtre de prêcher. — Comme
conséquence : nécessité de se former à la prédication.
H. Sa pratique. — Il faut étudier. — 11 faut écouter. — Il faut pra-
tiquer 367
Sainteté nécessaire aux prêtres.
I. La sainteté est le but du sacerdoce. — Un Dieu à glorifier : premier
but du sacerdoce. — Des âmes à sanctifier : second but du sacer-
doce.
520 TABLE DES MATIÈRES
II. La sainteté est la joie du sacerdoce. — La joie est nécessaire et
deux joies sont seules possibles. — Sans la sainteté le prêtre n'en
peut goûter aucune.
III. La sainteté est la sécurité du sacerdoce. — Une illusion funeste
peut voiler son état. — Mais l'état du prêtre sans sainteté est tou-
jours un état désastreux 372
Le bon exemple que doit donner le prêtre.
I. Nécessité. — C'est l'honneur de Dieu. — C'est la force de l'Eglise.
— c'est le salut des âmes.
II. Pratique. — Dans sa personne et son extérieur. — Dans son lan-
gage. — Dans ses procédés 378
Les dangers du sacerdoce.
I. Insensibilité dans les choses saintes. — D'où naît cette insensibilité.
— Quels faits la caractérisent. — Combien difficile est sa guérisou.
II. Recherche de soi-même dans le ministère des âmes. — Recberche de
la vaine gloire. — Rechercbe du bien-être. — Recbercbes du cœur.
III. lltusions de la conscience. — Ces illusions constituent un très
réel danger. — Comment s'entretiennent ces illusions 383
L'esprit de pauvreté dans le prêtre.
I. L'institution du sacerdoce le proclame. — Les premiers choix. —
Les premières leçons. — Les premiers héros.
II. L'exercice du sacerdoce l'exige. — La vie du prêtre est Une vie de
séparation du monde. — La vie du prêtre est une vie de mortifica-
tion. — La vie du prêtre est une vie de combat. — La vie du prêtre
est une vi^ d'édification.
III. L'histoire du sacerdoce nous instruit. — Le sacerdoce pauvre nous
apparaît toujours vigoureux, et puissant. — Le sacerdoce trop riche
nous apparaît amolli et dégénéré 389
Le prêtre et la famille.
I. Respect, amour, dévouement . — Ce que la raison dit au prêtre. — Ce
que l'exemple divin dit au prêtre.
II. Sainte ind>'\ endance. — Indépendance au seuil du sacerdoce. —
Indépendance dans le cours du ministère 39i
De l'esprit pénitent chez le prêtre.
^Nécessité d'expiation. — Première raison : l'innocence exigée. —
Deuxième raison : la mission expiatrice. — Troisième raison : la
pratique de l'Eglise.
M \>'ccssité de sanctification. —Idée générale de la sanctification. —
Détail d'v la sanctification.
III. Nécessité d'imitation. — Jésus-Chrisl doil être reproduit par le prê-
tre. — Or Jésus -Ghrisl c'est 1'" Homme de douleur. -
TABLE DES MATIÈRES 521
L'amour du prêtre pour Jésus-Christ.
I. Aimer Jésus-Christ est unbesoin de son cœur. — Ce qu'est le cœur
au milieu du monde. — Ce qu'est le cœur du prêtre.
II. Aimer Jêsus-ChHst est un devoir de sa gratitude. — Ce que le prêtre a
reçu de Jésus-Christ. — Ce que le prêtre doit rendre à Jésus-Ghrisi .
III. Aimer Jésus-Christ est une nécessité de sa sanctification. — Sa vo-
cation est sainte. Ses fonctions sont saintes 405
Le célibat ecclésiastique : son excellence.
I. Sublimité et héroïsme du célibat ecclésiastique. — Son histoire nous
le révêle. — ■ Les vertus qu'il suppose nous le révèlent.
II. Nécessité et avantages du célibat ecclésiastique. — Nécessité tirée
du culte divin. — Nécessité tirée du ministère des âmes.
III. Gloires et récompenses du célibat ecclésiastique. — Dès ici-bas. —
Dans l'éternité 411
Le célibat ecclésiastique : ses exigences.
I. Comment il se maintient. — Par beaucoup de foi. — Par beaucoup
de grâce. — Par beaucoup de vertu.
II. Comment il est trahi. — Par la ruine de la vie spirituelle. — Par
l'abandon de l'étude. — Par les liaisons dangereuses. — Par l'in-
tempérance 418
De la virginité du cœur dans le prêtre.
I. Excellence du cœur vierge. — Ce cœur est de création divine. — Ce
cœur habite une divine patrie. — Ce cœur est destiné à de divins
usages.
II. Prostitution du cœur vierge. —Possibilité de cernai. — Caractère
de ce mal 424
Le prêtre mondain.
I. Ce qu'est un prêtre mondain. — On ne le trouve guère à l'église. —
On le trouve dans le monde.
II. Les désastres d'une vie mondaine dans le 'prêtre. — C'est une vie
messéante à sa vocation. — C'est une vie funeste usa sauctification.
— C'est une vie mortelle à son ministère 431
Conduite du prêtre dans le monde.
1. Ce que doit rester l'âme du prêtre. — Eviter l'estime et l'amour du
monde. — Eviter toute conformité au monde. — Eviter toute par-
ticipation à l'esprit du monde.
III. Ce que doit rester l'extérieur du prêtre. — Ce que doivent être les
démarches du prêtre. — Ce que doivent être les manières du prêtre. 437
Le prêtre et le monde.
I. Le prêtre y est un étranger. — Etranger par dégoût. — Etrauger
par prudence. — Etranger par amour des âmes.
522 TABLE DES MATIÈRES
II. Le prêtre y est un envoyé. — S'il ne pénétrait pas daus les demeu-
res particulières, sa parole publique serait insuffisante. — Le prêtre
annoncera l'Evangile « publiée et per domos. »
III. Le prêtre y est victime. —Jésus-Christ, Pontife suprême, victime
du monde. — Ses ministres, comme Lui. victime, du monde . . . 4i3
La tiédeur dans la vie sacerdotale.
I. Danger; use à cause de ses illusions. —L'illusion par rapport aux de-
voirs d'état. — L'illusion par rapport aux grâces divines. — L'il-
lusion parrapport à la sanctification sacerdotale.
II. Dangereuse à cause de ses réalités. — Misères du présent. — Ter-
reurs de l'avenir 4ol
De la pusillanimité dans le prêtre.
I. Combien elle est contraire à samission. — La raison et l'expérience le
démontrent. — L'Lcriture le démontre. — L'exemple des saints
le démontre.
II. Combien elle est funeste dans ses suites. — C'est une trahison. —
C'est une cruauté — C'est la source de grands malheurs.
III. Combien elle est coupable dans son origine. — C'est la noblesse.
C'est l'amour de soi. — C'est la peur 464
L'oisiveté chez le prêtre.
I. Ses facilités. — Le prêtre a plus d'opposition naturelle. Le prêtre
amoins de mobiles naturels. — Le prêtre rencontre plus d'occasions
qui le détournent.
II. Sa gravité. — Gaspillage d'un grand trésor. — Trahison d'une
grande cause. — Déshonneur d'une grande famille. — Matière d'une
rigoureuse condamnation.
III. Ses remèdes. — Se dépouiller de l'esprit du monde. — S'astreindre
à une vie sévèrement réglée. — Pratiquer la mortification. . . . 476
L'ambition dans le prêtre.
I. L'ambition dans le prêtre est un crime. — C'est une opposition à la
Providence de Dieu. — C'est une opposition à l'esprit du christia-
nisme.
[f. L'ambition dans le prêtre est une honte. —Là esl un.' étroitesse
de vues. — Là est une bassesse de cœur.
III. L'ambition dans le prêtre estune torture. — Une torture s'il échoue.
— Une torture s'il réussil 483
I. Saute est une vie d'union avec Dieu. — Le prêtre doil vivre en per-
pétuelle société .i\.' ■ Jésus-Christ. — Leprêtredoil s'identifier avec
Jésus-Christ.
IL Sa vie estune vie éloignée du monde. — Nécessité. — Pratique.
III. Sa vie est une vie de souffrance pour les >iutcs. — Dieu le veul de
lui. — Sun oeuvre !<■ veut de lui 490
TABLE DES MATIÈRES 523
Les cérémonies saintes.
I. Dieu les ordonne. — Les cérémonies dans l'ancien culte. — Impor-
tance plus grande du culte de la Nouvelle Loi.
II. Jésus-Christ en est Vobjet. — La foi en d'augustes mystères doit
nous soutenir. — L'exemple des mondains doit nous confondre.
III. Le peuple chrétien les contemple. — Par elles le peuple s'élève à
Dieu. — Par elles le peuple croit à ses prêtres 501
FIN DE LA TABLE DES MATIERES
TABLE GENERALE
DES QUATRE VOLUMES
L'ambition dans le prêtre.
I. L'ambition dans le prêtre est un crime. — C'est une opposition
à la Providence de Dieu. — C'est une opposition à l'esprit du chris-
tianisme.
II. L'ambition dans le prêtre est une honte. — Là est une étroi-
tesse de vues. — Là est une bassesse de cœur.
III. L'ambition dans le prêtre est une torture. — Une torture s'il
échoue. — Une torture s'il réussit IV.. i83
Ame. — L'âme humaine est naturellement religieuse. Elle as-
pire :
1° A connaître Dieu. — Immense besoin de vérité. — La ques-
tion religieuse au fond de tout.
2° A posséder Dieu. — Nous aspirons à tout ce que Dieu est. —
Nous voulons tout ce que Dieu possède.
3° A craindre Dieu. — Toute l'histoire montre l'humanité saisie
de la crainte mystérieuse de Dieu I, 43
La dignité de nos âmes.
I. Comment apprécier notre âme. — Grandeur de notre àme dans
sa création. — Grandeur de notre àme dans sa nature. — Gran-
deur de notre àme dans sa destinée.
II. Comment employer notre âme. — Nous devons l'employer pour
526 TABLE GÉNÉRALE
Dieu. — Nous devons l'employer pour le prochain. — Nous devons
l'employer pour nous-mêmes.
III. Comment déshonorer notre âme. — En n'y ayant pas foi. —
En la privant de son éducation divine. — Eu la défigurant par le
péché IV, 221
Amour de Dieu.
Amour de Dieu. — Seul il rassasie notre nature dans ce qu'elle
a de sublime, de tendre, d'ambitieux I, 198
Amour de Dieu. — Obligation d'aimer Dieu. — Tout nous en fait
le plus pressant devoir. — Notre intérêt y est engagé. — Notre
salut en dépend. ■ — Rien n'est possible sans cet amour .... I, 202
Amour de Dieu. — Possible, facile, puissamment soutenu . . I, 201
Amour de Dieu. — Raison sublime de la nécessité de l'amour
prise de l'Essence Divine elle-même II, 136
Amour de Dieu. — Toutes les œuvres de Dieu n'ont eu qu'un but :
nous amener à l'aimer II, 137
Amour de Dieu. — Tout nous fait un devoir, tout nous rappelle
à la nécessité d'aimer Dieu.
1° Dieu est amour. — L'Essence divine est amour : « Deus cari-
tas. » L'amour fait toute la vie de Dieu. — L'amour dans les Per-
sonnes divines.
2° Dieu a tout fait par amour et pour l'amour. — L'incarnation
nous donne l'amour. — Elle nous invite merveilleusement à l'a-
mour. — Le calvaire met le sceau à toute l'œuvre de l'incarna-
tion et porte à son comble le saint amour. — L'Autel, l'Eucha-
ristie reste au milieu de nous l'ardent foyer de l'amour IL 136
Amour de Dieu : sa possibilité. — Oui, nous pouvons aimer Dieu.
1° L'amour de Dieu, seul rassasiement de notre nature. — Dans
re qu'elle a de haut et de sublime. — Dans ce qu'elle a de tendre
et de passionné. — Dans ce qu'elle a d'ambitieux et d'insatiable.
2° L'amour divin allumé par les charmes de l'Incarnation. —
Beauté de Jésus-Christ dans la chair. — Beauté de Jésus-Christ
dans la douleur. — Beauté de Jésus-Christ dans la gloire .... I, 198
Les représailles du divin Amour.
I. Ce qu'est la faute. — Ce que nous est Jésus. Ce que nous
avons été à Jésus.
II. Ce qu'est le châtiment. — C'est l'absence de Jésus. — C'est la
soustraction des grâces. — C'est la vie sans consolation.
III. Où est le remède ? — C'est de recourir à une sérieuse direc-
lion. C'est de reprendre ses exercices de piété. — C'est d<* mul-
tiplier les actes d'amour IV, 22
Amour du prochain.
Amour du prochain. — L'organisation du genre humain en fa-
mille dont Dieu est le Père nous y oblige absolument I, 209
TABLE GÉNÉRALE 527
Amour du prochain. — Ses magnifiques prérogatives. Sa prodi-
gieuse puissance. Son éternité I, 211
L'appel de Dieu.
I. Nécessité de cet appel. — La raison montre que Dieu a ses
choix. — Les faits montrent que Dieu a ses choix. — Un tout di-
vin exemple montre que Dieu a ses choix.
II. Nécessité de ne pas entreprendre à cet appel. — Violer l'entrée
du Sacerdoce est un crime. — Violer l'entrée du Sacerdoce est un
malheur.
III. Nécessité de répondre sur eet appel. — La part de Dieu dans
cet appel. — La part de l'homme dans cet appel IV, 336
Aumône. — Gomment Dieu nous en a magnifiquement donné
l'exemple en tout ce qu'il a fait pour ses pauvres I, 370
Aumône. — L'aumône bien faite est la plus sûre sauvegarde de
la Société I, 379
Aumône. — Grandeurs chrétiennes de l'aumône opposées à la
stérilité de l'aumône officielle et aux hontes de l'aumône mon-
daine I, 382
Aumône. — Comment doit se faire l'aumône chrétienne .... I, 389
Aumône. — Nécessité de l'aumône aussi bien pour le riche que
pour le pauvre „ I, 392
Aumône. — Les divines grandeurs de l'aumône.
1° Une sublime mission accomplie. — Mission toute de gran-
deur. — Mission toute de justice. — Mission toute de charité. Mis-
sion toute de salut.
2° Une grande noblesse acquise. — Le mystère d'un Dieu pauvre.
— Magnifiques conséquences de ce mystère sur ceux qui font de
l'aumône L 382
Aumône. — Nécessité de l'aumône. — Impossible au riche de
se sauver sans le pauvre.
\° Le pauvre est V honneur du riche. — Par elle-même, la ri-
chesse n'est nullement pour Dieu un titre d'honneur. — Elle s'ho-
nore seulement par le service des pauvres.
2° Le pauvre est la lumière du riche. — Décevantes ténèbres . . I, 391
Athéisme pratique. — C'est le grand mal de notre Société con-
temporaine — Elle refuse de voir Dieu. — Elle chasse obstiné-
ment Dieu L 454
Avènement (Le second Avènement).
Pourquoi ce retour glorieux de Jésus-Christ. — Quel sera ce re-
tour glorieux de Jésus-Christ I, 134
Second Avènement. — Une révélation explicite en a été faite. —
Des descriptions en ont été faites I, 182
528 TABLE GÉNÉRALE
B
Beati mites. — Un double règne leur est assuré.
1° Un premier régne sur la terre. — Les autres moyens de règne
se sont trouvés fragiles et impuissants. — Seule, la douceur a ma-
gnifiquement réussi à conquérir le règne sur toute la terre.
2° Un régne plus glorieux encore dans le ciel. — Règne sur le cœur
de Dieu, règne, qui à lui seul, renferme tous le- autres. — Or, il
est promis par le Père à ceux qui seront ses fils. — Or, la douceur
seule nous vaut le titre et la réalité d' « enfants de Dieu » . . . II- 328
C
Catholique -
Catholique. — Victoire du catholique sur l'incrédule. — Dans
l'ordre des vérités naturelles, le catholique est plus ferme, plus
assuré, plus profond. — Dans l'ordre des vérités surnaturelles, lui
Beul a la lumière; les autres gisent dans d'effrayautes ténèbres . I, W
Catholique. — En dépit des iniques sentences du monde, le vrai
catholique est admirable d'élévation, de force, de sagesse. ... Il, 231
Le célibat ecclésiastique : ses exigences.
I. Comment il se maintient. — Far beaucoup de foi. — Par
beaucoup de ^ràce. — Par beaucoup de vertu.
II. Comment il est trahi. — Par la ruine de la vie spirituelle.
Par l'abandon de l'étude. — Par les liaisons dangereuses. — Par
l'intempérance ,v> 4l8
Les cérémonies saintes.
I. Dieu les ordonne. — I^s cérémonies dans l'ancien culte. —
Importance plus grande du culte de la Nouvelle Loi.
TABLE GÉNÉRALE 529
II. Jésus-Christ en est l'objet. — La foi eu d'augustes mystères
doit nous soutenir. — L'exemple des mondains doit nous confon-
dre.
III. Le peuple chrétien les contemple. ■ - Par elles le peuple s'é-
lève à Dieu. — Par elles le peuple croit à ses prêtres IV. 301
Charité. — Renouvellement du monde par la charité.
1° Cette merveille au début du christianisme. — Jésus-Christ
donne à son Eglise pour armure la charité. — Comment la cha-
rité captivait le monde.
2° Cette merveille dans la suite des temps. — La charité hrise
tous les efforts des ennemis. — La charité est la grande séduc-
trice des âmes. — La charité eu transfigurant la famille, par la
famille transfigure la société I, 413
Châtiments du péché. — Les monuments de la justice divine
contre le péché sont formidables. — Dans lejiel. — Dans la créa-
tion. — Dans l'histoire humaine. — Sur l'être humain tout entier. —
Sur le Calvaire II, 408 II, iO
Importance chrétienne des petites choses.
I. Importance des petites choses. — Jugeons-en par leur conti-
nuité. — Jugeons-en par leur valeur réelle. Jugeons-en par leur
difficulté et leur labeur. — Jugeons-en sur de divins exemples.
II. Danger de la négligence des petites choses. — La négligence des
petites choses c'esi la ruine future. — La négligence des petites
choses c'est la perte de la vie surnaturelle. — La négligence des
petites choses c'est le danger de chutes graves IV, '208
Christianisme — (Etablissement du). — Combien immense et
prodigieuse fut la conquête du monde par le christianisme. —
Combien prodigieux fut le moyen employé pour accomplir cette
conquête. — Ce que fut cette conquête. — Empire visible du
Christ. — Conquête des âmes I, 128
Christianisme. — Lui seul protège et défend efficacement l'indi-
vidu, — la famille, — la patrie I. 169
Une image du Christianisme et de la vie chrétienne. — Le
grain de sénevé.
I. Humbles débuts du christianisme et de l'âme chrétienne. — Que
fut le christianisme à sa naissance ? — Qu'est le chrétien ici-bas?
IL Merveilleuse puissance du christianisme et de l'âme chrétienne. —
Merveilleuse puissance du Christianisme. — Merveilleuse puissance
du Chrétien.
III. Mission divine du christianisme et de l'âme chrétienne. — Mis-
sion du Christianisme. — Mission du Chrétien IV, 120
La pensée du ciel.
I. La splendeur du ciel. — Le ciel est fait par un Dieu. — Le ciel
est fait pour un Homme-Dieu. — Le ciel c'est Dieu.
T. IV 34
530 TABLE GÉNÉRALE
II. Lapossessiondu ciel. — L'attente du ciel est notre vrai bien. —
L'oubli du ciel est notre grand mal IV, 86
Cœur.
Cœur. — Importance du cœur dans notre vie ........ I. 404
Cœur. — Comment le monde égare, vicie, tue en nous le cœur.
Comment il l'affame et le martyrise I. 406
Cœur. — Magnificences, héroïsmes, suavité, puissance du cœur
chrétien I, 408
Cœur. — Puissance du cœur chrétien au sein de la famille . . I. 416
Sacré-Cœur. — Le Sacré-Cœur nous fait un don immense : un
don, bêlas ! méconnu: trop souvent un don repoussé II, 345
Sacré-Cœur. — Le Sacré-Cœur a de divines exigences, car il est
AmoQr, il est Royauté, il est Sainteté II. 352
La mission du cœur dans ia vie chrétienne.
I. Importance de la saine éducation du cœur. — Ce que nous en
dit la terre. — Ce que nous en dit le ciel.
II. Le bon et le mauvais emploi du cœur. — Le bon emploi du
cœur. — Le mauvais emploi du cœur IV, 227
De la colère.
I. La colère permise et salutaire. — Elle est l'auxiliaire de l'Au-
torité. — Elle est le soutien de l'héroïsme. — Elle est une garan-
tie de sécurité.
II. La colère mauvaise et condamnée. — Elle est un crime contre
Dieu. — Elle est nu (-rime contre nous-mêmes. — Elle est un
crime contre le prochain III. 4'26
Le combat contre le mal.
I. Le vrai catholique est intrépide dans la lutte. — Nécessité de
relie intrépidité. — Sources de cette intrépidité.
IL Le vrai catholique est plein de charité dans la lutte. — Celle
charité nous est indispensable. Où puiserons-nous cette charité? III. 365
La Communion.
I. Des dispositions sont nécessaires. — La charité. — La pureté. —
La piété.
II. Une préparation prochaine est nécessaire- — Pourquoi et com-
ut nécessaire. — Quels actes comprend celte préparation. . . III, 65
La communion fréquente.
Douceur et richesse spirituelle de la Fréquente communion. —
Combien elle est désirable.
I. Motifs tin:s de Dieu. — En nous éloignant de la communion
nous blessons Diou dans son œuvre. — Nous blessons Dieu dans
son cœur. — Nous ble^nn-, Dieu dans les plans de sa sagesse
TABLE GÉNÉRALE 531
II. — Motifs tirés de nous-mêmes. — Nous avons besoin do protec-
tion. — Nous avons besoin de force. — Nous avons besoin de con-
solation III, 7S
La communion trop fréquente.
I. Quand est-ce que la communion est trop fréquente? — Quand
nos motifs ne sont pas purs. — Quand notre état de conscience
n'est pas satisfaisant. — Quand notre préparation est négligée.
II. Quel mal est-ce qu'une communion trop fréquente ? — C'est
une injure faite à Dieu. — C'est un piège tendu à nos âmes. —
C'est un châtiment trop certain 111,8"
La Communion indigne.
I. Suprême outrage- à Dieu. — Outragea Dieu le Père. — Outrage
à Dieu le Fils. — Outrage à Dieu Esprit-Saint.
II. Suprême dommage à l'âme. — Son premier état, après une
communion indigne. — Son second état.
III. Suprême triomphe du démon. — La Communion indigne nous
livre au démon. — Maitre de notre âme, le démon y cause d'af-
freux ravages III, 99
Conduite du prêtre dans le monde.
I. Ce que doit rester Vâme du prêtre. — Eviter l'estime et l'a-
mour du monde. — Eviter toute conformité au monde. — Evi-
ter toute participation à l'esprit du monde.
III. Ce que doit rester l'extérieur du prêtre. — Ce que doivent
être les démarches du prêtre. — Ce que doivent être les manières
du prêtre IV. 437
Confession.
Confession. — Désastres causés par la vaine terreur de la confes-
sion IL 78
Confession. — Les qualités diverses d'une bonne confession . . II, 82
Confession. — Les preuves invincibles de la divinité de la con-
fession IL 87
Confession. — Ses bienfaits pour l'âme qui reçoit bien le Sacre-
ment de Pénitence H. 9-2
Confession. — Portée sociale de la Confession IL 96
Conquête du monde par Jésus-Christ. — Considérons :
1° Celui qui fit cette conquête. — C'est Jésus-Christ, homme de
douleurs... C'est Jésus-Christ, s'entourant de toutes les faiblesses,
s'enveloppaut de toutes les impossibilités, choisissant pour sceptre
une croix !
2° Ce qu'est cette conquête. — Conquête prodigieuse, soit que
nous la considérions dans son extérieur, soit que nous en étudiions
les éléments intimes. — Elle est prodigieuse dans son étendue,
dans son nombre, dans sa durée, dans sa force, dans son indestruc-
532 TABLE GÉNÉRALE
tibilité. — Elle nous apparait plus prodigieuse encore si nous étu-
dions ce qu'elle est au l'ond. Conquête des intelligences : Conquête
des cœurs : Conquête des volontés : Conquête sur les passions, les
aspirations, les instincts d'une nature déchue.
3° Comment se fit cette conquête. — Elle se fit et ne put se faire
que par une puissance divine. — Elle se lit par la force du mira-
cle. — Elle se fit par une Eglise continuant Jésus-Christ et ache-
vant son œuvre I, 128
Conscience. — Combien grande, combien divine est en nous la
conscience! — En elle la ressemblance divine. — En elle la puis-
sauce invincible. — En elle la permanence et la durée. — Eu elle
la fécondité des fruits II, 68
Contrition. — D'elle dépenlait le salut du genre humain. —
C'est elle que le genre humain refusait obstinément à Dieu. ... I, 139
Contrition. — Contrition de l'Homme-Dieu pleurant les pêches
du monde. — Douleur qui fut immense. — Douleur qui l'ut victo-
rieuse • I, 140
Contrition. — La mesure et la nature d'une bonne contrition. —
Sa loyauté. — Ses motifs Il, 82
Conversion.
Conversion. — Conversion du monde par la Charité I, i03
Extraordinaires héroïsmes de la Charité chrétienne qui triom-
phent de toutes les résistances.
Conversion. — Le délai de la conversion, mal le plus impie, dan-
ger le plus formidable II, iOi
Corps.
Corps. — Dignité merveilleuse de nos corps, démontrée dans
leur création : dans leur sanctification : dans leur résurrection . II, 383
Corps. — Le corps est l'associé de l'âme dans tous les labeurs
et les héroïsmes de la vertu II, 387
La dignité de nos corps.
I. Les gloires divines de nos corps. — Gloire de nos corps dans la
création. — Gloire de nos corps dans la Rédemption. — Cloire de
nos corps dans la sanctification.
IL Labeurs et liéroismcs exigés de nos corps. — Nos corps sont les
serviteurs de nus âmes. — .Nos corps sont les associés de nos âmes.
III. Immortelle destinée de nos corps. — Nos corps doivenJ ressus-
citer.— Gloire de cette future résurrection IV, *2is
La crainte de Dieu.
I. Nécessité et importance de la crainte de Dieu. — Au Paradis ter-
restre elle décida >lu sort de l'humanité. — Durant les siècles elle
est le pivot du salut. — Elle esi l'' secret de notre propre histoire.
II. Nature et objet de la crainte de Dieu. — Fausse crainte «huit il
TABLE GÉNÉRALE 533
faut se dépouiller. — Vraie et salutaire crainte qu'il faut entrete-
nir IV, li
Création.
Création. — Des idées et des sentiments de Dieu en créant le
monde I, 227
Les Leçons de la Crèche.
I. Les leçons cle la vertu. — La Crèche nous donne une leçon de
pauvreté. — La Crèche nous donne une leçon de charité. — La
Crèche nous donne une leçon de patience.
IL Les leçons de la souffrance. — Jésus méconnu. — Jésus re-
poussé. — Jésus persécuté IV, 313
Croix. — Jésus-Christ du haut de la croix remporte son graud
triomphe. — Du haut de la croix il triomphe de la Justice divine.
— Il triomphe de la perversité humaine I, 149
Croix. — C'est à la croix que nos biens spirituels nous ont été
donnés I, loi
C'est à la croix que les ennemis de Dieu ont été mis en fuite et
défaits honteusement I, 150
Sur le mystère de la Croix.
I. La Croix foyer de lumière. — La Croix profond mystère. — La
Croix seule vraie illumination.
IL La Croix signe de puissance. — Glorieuse histoire de la Croix
à travers le monde. — Glorieuse histoire de la Croix dans nos
âmes.
III. La Croix monument dé miséricorde. — Mémorial d'une misé-
ricorde gratuite. — Mémorial d'une rédemption surabondante. —
Mémorial d'un inépuisahle pardon IV, 307
Culte véritable. — Parmi tant de cultes, et si divers, où est le
véritable?
1° Il ne peut être dans les cultes impurs ou extravagants. — Il ne
pouvait être dans les immondes pratiques du paganisme. — Ni
dans les honteuses extravagances de l'Egypte. — Ni dans les im-
morales et ridicules cérémonies du Bouddhisme; etc.
■ 2° H ne peut être dans les mutilations de l'hérésie. — Le propre
de l'hérétique est de retrancher de la religion tout ce qui lui dé-
plaît. — De là, ces variations, ces contradictions éternelles qui
marquent l'erreur.
3° Le vrai culte est dans l'Eglise catholique. — Entre beaucoup
de preuves, celle du miracle, de la prodigieuse existence, de la
prodigieuse puissance, des œuvres, de l'inextinguible vitalité de
l'Eglise catholique sont plus que suffisantes à convaincre tout es-
prit de bonne foi I, 491
534 TABLE GÉNÉRALE
D
Déisme. — La prétendue religion idéale du déiste est inaccepta-
ble. — Elle ne repose sur aucun fondement. — Elle ne donne au-
cun fruit de vertu. — Elle est impossible en pratique I, 482
Devoir.
Devoir. — Comment il importe de considérer le devoir. — De
quelle manière nous devons être fidèles au devoir I, 237
Devoir. — L'accomplissement fidèle du devoir est l'honneur, le
besoin, la sécurité de l'homme ici-bas I, 420
Le Devoir.
I. Le devoir est l'artisan de la sainteté. — Le devoir redresse la
nature déchue. — Le devoir soutient la partie noble et élevée de
notre être. — Le devoir nous fait accomplir notre mission expia-
trice. — Le devoir nous unit excellemment à Jésus-Christ.
II. Le devoir est la grande puissance de la vie. — Sans le devoir
tout est ruine. — Avec le devoir tout prospère.
III. Ce qu'exige la pratique du devoir. — Il faut surnaturaliser le
devoir. — Il faut tout sacrifier au devoir. — Il faut se former dès
l'enfance à la pratique du devoir IV, 204
Dieu. — (Nécessité pour nous de l'aimer.)
\°ll nous en fait un commandement exprès. — Un commandement,
dans lequel et par lequel tout les autres sont accomplis.
2° Il y attache notre destinée entière. — Notre élevai ion divine est
liée à l'amour de Dieu. — Nos douleurs présentes supposent l'a-
mour de Dieu I, 202
Bonté de Dieu envers l'homme.
I. Dieu donne. — Dieu nous donne l'être. — Dieu nous donne
les splendeurs de l'être. — Dieu nous donne l'immortalité de l'être.
II. Dieu se donne. — Dieu s'est approché de l'homme. — Dieu
est entré en partage avec l'homme. — Dieu s'est uni à l'homme.
III. Dieu pardonne. — Dieu nous supporte. Dieu nous réserve
d'ineffables pardons III, 309
Dimanche.
Dimanche. — Grandeur, inviolabilité, promulgations, sanctions
de la Loi du Dimanche 1I> 394
TABLE GENERALE 535
Dimanche. — Mystérieuses grandeurs du Repos du Septième
jour " .' II, 391
Dimanche. — Bienfaits de la loi du Dimanche. — Bienfaits: pour
l'individu: la famille: la Société II, 397
Divorce.
Divorce. — Raisons pour lesquelles Dieu a toléré le Divorce et
raisons pour lesquelles Dieu a rétabli le mariage dans sa perfec-
tion primitive I, 257
Divorce. — Dieu a prohibé le divorce. — Dieu a tout droit sur
l'union de l'homme et de la femme. Lu; seul est Législateur sou-
verain I, 308
Divorce. — Inanité des raisons que les fauteurs du Divorce op-
posent pour le soutenir L 310
Divorce. — Origines honteuses: honteux patronages: honteuses
législations du Divorce I, 312
Divorce. — Désastreuses conséquences du Divorce sur les person-
nes, sur les familles, sur la Société I, 314
Divinité. — Divinité de notre Seigneur Jésus-Christ. Elle s'éta-
blit sur les plus irréfragables preuves. — Jésus-Christ se montre
à nous possesseur de toutes les puissances de Dieu. — Jésus-Christ
est éternel, comme Dieu. — Jésus-Christ est dominateur, comme
Dieu. — Jésus-Christ parle et agit comme Dieu I, 103
Divinité de notre Seigneur Jésus-Christ. Immenses conséquen-
ces qui découlent de ce dogme I, 112
Douceur.
Douceur. — H y a une fausse douceur dont les sources sont per-
verses et les fruits amers II, 316
Douceur. — La douceur chrétienne nait de l'immolation de tout
soi-même II, 318
Douceur. — La douceur chrétienne ne se peut soutenir que par
des motifs tout surnaturels II, 324
Douceur. — Merveilleuse puissance de domination de la douceur.
Elle triomphe partout: elle règne partout II, 328
Douleur.
Douleur. — Comment la douleur fut accueillie par Je- us. Marie
et Joseph. — Comment elle doit être accueillie dans la famille
chrétienne L 238
Douleur. — D'où vient la douleur? Pour quelle- oufïrons-
nous? — Dieu fait de la douleur l'expiation de nos fautes. — La
pratique de nos plus excellentes vertus. — La semence de notre
gloire éternelle II, 277
Douleur. — Dangers de la douleur. — Danger d'en négliger les
mérites. — Danger de nous laisser aller au découragement. —
Danger de tomber dans l'irritation IL 283
536 l'AELE GÉNÉRALE
De la droiture d'âme.
I. Avec quel soin nous devons la garder. — Quelle en est l'excel-
lence. — Quelle en doit être la culture.
II. Avec quel soin les parents doivent y former /ewrs enfants. — Ils
doivent éveiller la conscience. — Ils doivent diriger la conscience.
— Ils doivent souteuir la conscience III. 479
E
Ecole catholique. — Combien elle est nécessaire et pour quelles
raisons I; i 66
Ecole catholique. — Combien il importe aux catholiques de sou-
tenir leurs Ecoles. — Aquelles conditions y pourront-ils parvenir? I. 171
L'Ecole sans Dieu.
I. Elle est un attentat contre Dieu. — C'est l'attentat du déduiu.
— C'est l'attentat de la négation.
II. Elle est un attentat contre la famille. — Elle y met la contra-
diction. — Elle y amène la destruction. — Elle y sème la désunion.
III. Elle est un attentat contre la Société. — Une éducation sans Dieu
e<i une chimère. — Celte erreur est destructive de toute Société. III. 313
Ecriture sainte. — Objet des études continuelles du Prêtre.
Vraie et intarissable source de la Prédication. (T. I, pag. 5. 10-15.)
Education.
Education. — Dieu modèle des parents dans l'éducation de leurs
enfants I, 229
Education. — Elle doit préparer les enfants à affronter les de-
voirs de la vie I- 275
Education. — .Merveilleuses aptitudes que donne la vie religieuse
pour l'éducation de la jeunesse H, 272
Sur 1 œuvre de l'Education.
I. Eminence de celte œuvre. — C'est le salut d'une ame. — C'est
la prospérité de la famille. — C'est l'avenir de la Pairie.
II. Condition* actuelles de cette œuvre. — Il nous foui une géné-
ration instruite dans la foi. — 11 nous faut une génération mâle,
austère, sérieuse. — Il nous faut une génération combattaule . III. 280
TABLE GÉNÉRALE 537
Sur l'œuvre de l'Education.
I. Sublimité toute divine de cette œuvre. — Saisissants rapports
entre la parole éducatrice et la parole du Dieu Créateur. — La pa-
role éducatrice est une parole de force. — Cette force est persis-
tante, perpétuelle. — La parole éducatrice est d'une merveilleuse
fécondité.
IL Les conditions de succès dans cette œuvre. — Elle exige le dé-
vouement. — Elle a pour base essentielle la Religion III, 292
Influence décisive du Prêtre éducateur de la jeunesse.
I. Positus in resurrectionem. — Il est beau, sans doute, le minis-
tère paroissial. — Mais combien entravé au milieu du monde. —
Plus fructueux est le ministère de l'Education.
IL Positus in ruinant. — Lu tel éducateur est sans prestige. —
Un tel éducateur est sans initiative. — Un tel éducateur est sans
édification IV, 362
Eglise. — Définition sublime de l'Eglise, elle n'est autre que
Jésus-Cbrist continué, Jésus-Christ vivant au milieu de nous. . . I, 153
L'Eglise au milieu du monde. — Comme son divin Fondateur,
l'Eglise : — remue le monde ; — vivifie le monde ; — triomphe
du monde I, 155
L'Eglise, salut du monde : par la grâce : par sa doctrine ; par
ses œuvres I, 160
Eglise. — Sa plus sublime définition. Elle est le Corps mystique
du Christ. Elle est Jésus-Christ vivant et opérant dans le monde à
travers les siècles Il, 15
Eglise. — Belle et invincible preuve de la divinité de l'Eglise, sa
perpétuité, son indéfectibilité toute divine II, 18
Eglise. — Merveille de son premier établissement, de ses pre-
mières luttes, de ses premiers triomphes II, 20
Eglise. — Sa divinité lui assure les trois prérogatives suivantes :
l'unicité : l'infaillibilité; la domination II, 25
Eglise. — Merveilleuse force de l'Eglise daus ses luttes du début.
— Merveilleuse force le long des siècles IL 237
L'Eglise.
I. Ce qu'est l'Eglise. — L'Eglise est le Corps mystique de Jésus-
Christ. — Conséquence de cette sublime doctrine.
IL Ce que fait l'Eglise. — L'Eglise est le fondement de la vérité.
— L'Eglise est la dispensatrice de la charité. — L'Eglise est la
donatrice de l'Eternité.
III. Ce qu'exige l'Eglise. — Elle exige notre foi. — Elle exige
notre obéissance. — Elle exige notre concours IV, 324
Endurcissement.
1° Comment l'àme y tombe. — Le moment d'une chute grave est
terrible... Mais, néanmoins, combien il reste au pécheur de voies
au repentir et au pardon ! — Son irréparable malheur est de de-
53S TABLE GÉNÉRALE
meurer dans son état. — De s'y habituer. — D'y perdre tout re-
mords. — C'est l'endurcissement.
2° Comment Dieu le traite. — Dieu essaye d'abord de réveiller,
de remuer violemment cette âme endurcie. Ce sont ses châtiments
de miséricorde. — Puis, si le pécheur s'obstine, Dieu le châtie par
unt mystérieuse torpeur : <c Calicem soporis » II. 59
Energie chrétienne. — Sous de multiples et essentiels rapports,
elle est nécessaire.
1° Nécessité de vocation. — Dieu uous appelle à une destinée
dont la conquête est affaire d'énergie. — Dieu nous appelle aux
combats de cette vie.
2° Nécessité d'éducation. — L'éducation reçue de Jésus-Christ est
toute de force et d'énergie. — Toute semblable, l'éducation par
l'Eglise.
3° Nécessité de préservation. — Notre salut assailli de dangers.
— Dangers insurmontables sans l'énergie II, 298
Ennemis de Dieu. — Eu dépit de toute apparence, Jésus-Christ
devait avoir des ennemis. — Dieu les laisse triompher pour mar-
quer le libre arbitre de l'homme et aussi l'invincible puissance di-
vine I, 180
Ennemis. — Comment ils servent au plan de Dieu. — à la mis-
sion de Jésus-Christ, — au triomphe final de Jésus-Christ, de l'E-
glise, des Elus I, 180
Ennemis. — Quand les pécheurs sont devenus obstinés et impé-
nitents, Dieu les fait servir à la glorification de sa Puissance et
de sa Justice H. 307
De l'envie.
I. L'envie étudiée dans ses œuvres. — Etendue de ses destructions.
— Violence de ses haines. — Impiété de ses agissements. — téna-
cité de ses vengeances.
II. Venvie étudiée en elle-même. — Son origine. — Ses procéda s.
III. Venvie étudiée dans ses remèdes. — Nourrissons-nous d'ambi-
tions toutes divines. — Faisons taire les appétits déréglés. . . II!, 436
La pensée Ce lEternité.
I. Elle est une lumière. — Lumière projetée sur nous-mêmes. —
Lumière projetée sur le monde. — Lumière projetée sur l'Evangile.
II. Elle est une force. — La notion de l'Eternité esl tout dans
l'histoire humaine.
III. Elle est une joie. — Elle esl une joie dans la prospérité. —
Elle est une joie dans l'infortune IV, 75
Eucharistie.
Eucharistie. — L'Eucharistie merveille de la force de Dieu, à
quelque point que l'on se place pour la considérer II. 100
TABLE GÉNÉRALE 539
Eucharistie. — L'Eucharistie met le sceau à notre glorification.
— Glorification de nos âmes. Elle achève de faire de nous des êtres
divins. — La glorification de nos corps dont elle prépare la future
résurrection II, 108
Eucharistie. — La présence et l'action de Jésus-Christ au dedans
de nous par l'Eucharistie II, 107
Eucharistie. — L'Eucharistie Mémorial de la mort du Sauveur. II, 106
L'Eucharistie Sacrement de foi.
I. L'Eucharistie exige la foi. — Le plan divin : le salut par la foi.
— Comment Dieu exécute ce plan.
II. L' Eucharistie soutient la foi. — Le Credo catholique résumé
dans l'amour. — L'amour résumé dans l'Eucharistie III, 1
L'Eucharistie Sacrement d'espérance.
I. L'Eucharistie espérance de nos âmes. — La destinée de nos
âmes est de s'unir à Dieu. — Cette destinée entravée sans cesse
réclame le secours eucharistique.
IL L'Eucharistie espérance de nos corps. — Sort lamentable de nos
corps par le fait du péché. — Sort glorieux de nos corps par le
fait de l'Eucharistie M, 13
L'Eucharistie Sacrement d'amour.
I. V Eucharistie prodigue l'amour. — Là est la Beauté infinie. —
Là est la Bonté infinie. — Là est le dévouement infini. — Là est
l'Amour martyr.
II. L'Eucharistie réclame V amour. — Amour pieux et tendre. —
— Amour fort et généreux. — Amour délicat et craintif .... III, 27
L'Eucharistie Sacrement de piété.
I. Ce qu'est la piété. — D'où elle émane. — Ce qu'elle est. — Ce
qu'elle donne.
Ce que l'Eucharistie est à la piété. — L'Eucharistie en est le mo-
dèle.— L'Eucharistie en est la consommation III, 34
L'Eucharistie Sacrement de force.
I. V Eucharistie force contre le monde. — Le monde aux pre-
miers siècles de l'Eglise. — Le monde au temps actuel.
II. L'Eucharistie force contre le démon. — Ce qu'est le démon. —
Ce qu'est la guerre que nous livre le démon. — Ce qu'est l'Eucha-
ristie dans cette guerre.
III. L'Eucharistie force contre la divine Justice. — A quoi nous
exposent nos prévarications. — Comment intervient et nous sauve
l'Eucharistie HL 42
Examen de la conscience. — Sur quoi il doit porter. — Sur
les dangers spéciaux que court notre àme. — Sur nos devoirs d'é-
tat. — Sur nos défauts et nos chutes JI, 35
540 TABLE GÉNÉRALE
Examende la conscience. — Des diverses sortes de consciences.
— Scrupuleuse. — Indélicate. — Droite et sainte II. 74
Le bon exemple que doit donner le prêtre.
I. Nécessité. — C'est l'honneur de Dieu. — C'est la force de l'E-
glise. — C'est le salut des âmes.
II. Pratique. — Dans sa personne et son extérieur. — Dans son
langage. — Dans ses procédés • IV, 378
F
Famille.— Comment la famille a été constituée par Dieu sur
le type de l'Adorable Trinité I. 222
Famille. — L'amour comme fondement, comme devoir, comme
force et vie dans la famille 1, 225
Famille. — Dieu doit régner dans la famille. Il y doit être ensei-
gné, aimé, obéi, servi I, 233
Famille. — Les devoirs qui incombent aux parents dans la fa-
mille chrétienne. — Dieu se donne Lui-même comme modèle dans
l'exercice de ces devoirs I, 235
Famille. — Combien elle est grande, noble et puissante quand la I, 242
religion la pénètre et dirige ses actes et 350
Famille. — Triste et désolant tableau de la famille sans religion 1, 244
Famille. — L'inconduite amène la désolation et la ruine au sein
de la famille I. 353
Famille. — L'amour chrétien dans la famille I. 416
Famille (La Sainte). — Dans la sainte famille de Nazareth nous
trouvons les trois choses sacrées et fondamentales: le règne et la
présence de Dieu : — L'héroïque accomplissement du devoir : —
L'acceptation sainte de la tribulation I. 231
Famille. — (irandeur de la famille.
I ° Grandeur purement naturelle de la famille. — Elle est grande en
elle-même. — Elle est grande dans ses rapports avec la Société.
2° Grandeur surnaturelle de la famille. — En elle réside l'autorité
de Dieu. — En elle <■>! gravée l'image de Dieu en Trois Person-
nes. — Sar elle pèse la responsabilité imposée par Dion .... I. 350
Famille. — La Saint • Famille de Nazareth, modèle de la famille
chrétienne.
TABLE GÉNÉRALE 541
Les trois éléments de Sainteté dans la Sainte-Famille. — Il les
faut retrouver dans la famille chrétienne.
La présence de Dieu dans la famille. — L'Homme-Dieu à Naza-
reth. — Dieu dans la famille chrétienne. — Le devoir dans la fa-
mille. — Combien il fut sacré et héroïque à Nazareth! Il doit être
la règle de la vie dans la famille chrétienne. — La souffrance dans
la famille. Continuelle, universelle, sainte à Nazareth. Comment la
famille chrétienne la doit accueillir et sanctifier I, 231
Famille. — Vertus nécessaires à la famille.
1° Le sérieux. — Désastres de la dissipation. — L'époux homme
de plaisir. — L'épouse et la mère mondaine.
2° Le bon caractère. — Quels travers de caractère empoisonnent
la vie de famille. — Condition essentielle : la domination de soi.
3° L'assiduité. — Combien essentielle chez le père de famille.
— Combien essentielle chez l'épouse et la mère. — Combien elle
doit être exigée des enfants I, 275
Fécondité.
Fécondité. — Noblesse, sainteté, héroïsme qui doivent présider
à la fécondité dans le mariage. — Tvpe sacré dans l'Adorable Tri-
nité ! I, 227
Fécondité. — Comme honneur ; comme souffrance ; comme res-
ponsabilité. — Comme force I, 263
Femme.
Femme. — La femme est tout providentiellement vouée à la pra-
tique de la piété I, 59. — I. 290
Femme. — Admirable réciprocité de services et de secours entre
Jésus-Christ et la femme chrétienne I, 292
Femme. — Combien ivrannisée, combien avilie dans la société
païenne. — Cet avilissement reparait dès que la foi chrétienne
s'éteint II, 252
Femme. — Combien magnifiquement relevée, purifiée, ennoblie
par le christianisme. — Moyens multiples employés par Jésus-Christ
pour relever et ennoblir la femme II, 254
Femme. — A combien de missions nobles et fécondes Jésus-
Christ et l'église ont destiné la femme chrétienne II, 260
La femme chrétienne.
I. Inestimable valeur de la femme chrétienne. — Interrogeons Dieu.
— Interrogeons l'Eglise. — Interrogeons nos ennemis.
II. Les missions diverses de la femme chrétienne. — Mission de
la femme chrétienne dans son intérieur. — Mission de la femme
chrétienne auprès des pauvfes IV, 234
La Foi dans son double caractère.
I. Les obscurités de la foi. — Ces obscurités sont nécessaires. —
Ce que réclament de nous ces obscurités.
542 TABLE GÉNÉRALE
II. Les clartés de la foi. — La Foi s'illumine elle-même. — En
dehors d'elle la foi illumine tout RI, 232
Foi. — L'homme vit de foi.
L'homme naturel vit de foi. — La foi est au fond de toute chose
humaine. — Dès que cette foi naturelle est ruinée, une perturba-
tion profonde, un indicible malaise suit sa ruine I, 82
Foi. — L'homme surnaturalisé, le chrétien, vit loi aussi de foi,
d'uuc foi divine appropriée à sa divine nature I, 83-86
Foi. — La foi nous est donnée comme sauvegarde contre l'or-
gueil et la folle indépendance de notre raison. — Dieu la fait ser-
vir à un châtiment béni I, 87
Foi. — La foi constitue la principale épreuve de notre vie terres-
tre. Par elle nous donnons à Dieu l'hommage éminent de notre
être tout entier I, 89
Le rôle de la Foi dans la vie chrétienne.
I. La foi vivifie la prière. — Pour prier il faut connaître Dieu.
— Pour prier il faut se connaître soi-même.
II. La foi vivifie le travail. — La foi est l'honneur qui le relève.
La foi est la consolation qui le soutient. — La foi est le but qui
le féconde.
III. La foi vivifie la souffrance. — Ce qu'est la souffrance en de-
hors de la foi. — Ce qu'est la souffrance éclairée par la foi . . III, 240
Folie de l'homme sans religion. — Folie de rester sans lumière
sur la capitale question des tins dernières. — Folie plus lamenta-
ble de dédaigner les solutions religieuses. — Comble de la folie,
se faire de cette désastreuse ignorance un titre de gloire. ... II, 247
Force chrétienne. — La force vient à l'homme de sa conviction.
— Le secret de la force chrétienne c'est la foi I, 472
Force. — Combien la force est indispensable durant toute la
vie. — La force véritable ne nous vient que de la religion. ... II, tj
Force. — Triple force de l'âme chrétienne. — Force en face du
devoir à accomplir. — Force en face de l'infortune à supporter.
— Force en face des passions à combattre II, 238
Force. — La force est, chez le chrétien, nécessaire d'une triple
nécessité: de vocation : d'éducation: de préservation 11,299
Force. — Combien il est nécessaire de la demander à Dieu. —
Combien il est nécessaire d'en faire un continuel exercice. ... II, 304
Foyer domestique — Il faut à tout prix y faire réguer Dieu.
1° Athéisme •pratique de notre société contemporaine. — Il a été
précédé par un universel matérialisme. — Par là notre société n'a
plus été capable de comprendre, ni de goûter, ni de supporter, ni
de servie Dieu.
2° Hamener Dieu puissamment au foyer de la famille. — Enfanti-
nes révélations. — Après, instruction religieuse, solide. — Dieu
roi, conseil, consolation, force du foyer domestique I, SWS
TABLE GÉNÉRALE 543
Frivolité. — Elle nous découronne de nos vraies grandeurs. —
Elle est une honte pour le chrétien ~~ I. 327
Frivolité. — Portrait de la vie frivole. — Etude intime. — As-
pect extérieur. . . I. 330
Frivolité. — Elle méconnaît notre véritable situation ici-bas.—
Elle compromet nos intérêts du temps et ceux de l'Eternité . . I. 332
G
Les appels de la grâce.
I. Les appels de la grâce. — Etudions la grâce en elle-même. —
Etudions la grâce >l ms ses appels.
II. Les délaissements delà grâce. — Etudions-les dans une image.
Eludions-les en eux-mêmes IV. t
Grandeur d'àme. — Grandeur d'âme du chrétien manifestée par
le mépris qu'il fait des biens périssables.
Grandeur d*àme manifestée parles désirs des biens éternels, par
les aspirations magnanimes vers l'infini II. -31
H
Homme. — Dieu l'a traité magnifiquement dans sa création :
dan> sa destinée : dans sa sanctification I, 339
Homme. — Sa divine grandeur.
1° Dieu a créé l'homme. — Sublime perfection de l'être naturel
do l'homme. — Supériorité magnifique. — Reflet de Dieu.
1° Dieu a fait de l'homme un ('Ire divin. — Etre surnaturel eu
l'homme. — Divine élévation de toutes ses puissances : de tous
ses actes : de toute sa destinée.
3° Dieu traite divinement cet être divin. — Ce que Dieu l'ail pour
sou àme. — Ce que Dieu fait pour son corps I. 339
544 TABLE GÉNÉRALE
Homme. — Il doit être religieux.
1° 17 le doit. — Il le doit : à cause de sa position plus élevée
dans la famille : à cause des entraves plus grandes que lui ménage
la vie publique : à cause des dangers plus continuels qu'il ren-
contre dans le monde,
2° Trop souvent il le néglige. — Il le néglige sous de faux pré-
textes. — Il le néglige pour de misérables et honteux motifs. . . I. 60
L'humilité.
I. V humilité vertu divine. — Divine dans son modèle. — Divine
dans se? motifs.
II. L'humilité vtrtu bienfaitrice. — Elle nous donne la vérité. —
Elle nous donne la liberté. — Elle nous donne la charité.
III. L'humilité vertu heureuse. — Elle nous rend heureux dans
l'ordre naturel. — Elle nous rend heureux dans l'ordre surnatu-
rel III, 489
Imitation de Dieu. — Raisons multiples et profondes pour les-
quelles nous sommes obligés d'imiter Dieu. — Ea quoi «levons-
nous imiter Dieu ? I, 185
Imitation de Jésus-Christ. — Dans tout notre être nous devons
reproduire Jésus-Christ. — Dans tous les actes de nuire vie nous
devons imiter Jésus-Christ. — Dans lès vertus et les héroïsmes de
sa mort nous devous imiter Jésus-Chrisl I, 188
Immortification. — Elle est le contrepied du Christianisme.
I" Notre vie présente est une vie d'expiation. — Dieu exige du
chrétien une vie d'expiation. — La promulgation de cette vie fait
tout le fond de l'Evangile et des enseignements de l'Eglise.
Or l'immorlification contredit insolemment cette volonté et cette
promulgation divines.
■2° Notre vie présente est une vie de combat*. — Nous sommes
entourés d'ennemis. — I/immortification assure leur triomphe . II. 186
Impiété contemporaine. — Tins redoutable qu'une persécu-
tion sanglante.
1° Elle refuse de voir Dieu. — Elle ne veut le voir : — Ni dans
le spectacle de la création : — Ni dans les srienre* : Ni dans
l'histoire : Ni dans les péripéties de la vie ordinaire.
TABLE GÉNÉRALE 545
2° Elle s'efforce de chasser Dieu. — Après les criminelles ten-
dances signalées plus haut, sont venues les mesures violentes. —
Dieu a été chassé de la vie politique; — de la vie sociale; — de
l'enseignement : des institutions.
Désastreux résultats de cette impiété contemporaine I, 454
Impureté. — Elle détruit en l'homme toute l'œuvre de Dieu . I, 341
Impureté. — Elle accumule les ruines dans le corps et dans
l'âme de l'homme I, 344
Impureté. — Elle ravage les Sociétés et les l'ait périr honteuse-
ment I, 3o9
Incarnation.
Incarnation. — (Test par Elle que l'homme a eufm aimé Dieu. —
Les charmes infinis du Dieu-Homme I, 199
Incrédulité. — L'épouvantable habilité de l'homme a été de
se débarrasser de Dieu. — Là aboutirent, dans tous les siècles,
les tentatives de l'incrédulité.
1° Tentatives anci unes. — L'homme a Lente d'échapper à Dieu
enlui substituant de fausses et complaisantes divinités — L'homme
l'a tenté par I'odieu e et extravagante audace de l'athéisme. —
L'homme l'a tenté par les déloyales mutilations de l'hérésie.
2° Tentatives contemporaines. — Notre incrédulité moderne a
forgé un dieu inerte — Elle a forgé un Dieu-Tout. — Elle a
forgé un Dieu incapable de condescendre à l'homme sa créature. I. 502
Sur l'esprit d'indépendance.
I. Une indépendance mauvaise est interdite. — Nous en trouvons
en nous-mêmes le germe maudit. — Nous en voyons au dehors les
manifestations désastreuses. — Nous en entendons les rigoureuses
condamnations.
II. Vue indépendance sainte et noble est ordonnée. — Voyons Jé-
sus-Christ, les Apôtres. l'Eglise. — Gomment imiterons-nous
cette sainte indépendance III, 415
Indifférence religieuse. — Elle est un crime contre Dieu. — I, 37
Ses faux prétextes et ses vraies raisons et 61
Indifférence religieuse. — Elle est la violation du premier de
nos devoirs L 422
Indifférence religieuse. — Elle compromet tous nos intérêts du
présent. Plus encore ceux de l'avenir L 427
Indifférence religieuse. — Les causes les plus ordinaires de l'In-
différence religieuse sont les passions et les sollicitudes de la vie . I. 'i 1 1
L'Instruction religieuse dans l'Éducation.
I. Sa nécessité. — Nécessité prouvée par le bien à obtenir dans
l'enfant. — Nécessité prouvée par le mal à éviter dans l'enfant.
II. Sa pratique. — Les éducateurs mettront la religion à la base
T. IV 3o
546 TABLE GÉNÉRALE
• le leurs instructions. — Les éducateurs mettront le point de vue
religieux à la base de leurs corrections. Les éducateurs feront in-
tervenir la religion dans l'organisation et la marche quotidienne
du pensionnat M, 302
Inutilité. — Elle outrage Dieu dans son domaine : dans ses
don- : dans ses exemples. — Elle est un désastre pour l'Eglise et
pourlaSociMé I. 322
Irréligion. — Klle est tout à la fois une folie, um1 révolte, une
ingratitude I, 449
Jésus-Christ. — Divinité de Noire Seigneur Jésus-Christ. — Ses
preuves. — Jésus-Christ est de tous les temps comme Dieu. —
Jésus-Christ est dominateur comme Dieu. — Jésus-Christ est Créa-
teur comme Dieu
Divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ. — Immenses conséquen-
ces qui découlent de ce dogme
Royauté. — Cette royauté est nécessaire. L'origine: les œuvres:
la mission: les humiliations de l'Hornme-Dieu sont autant de titres
inviolables à la Royauté _.
Vie publique. — Jésus-Christ remua le monde. — Jésus-Christ
vivifia le monde. — Jésus-Christ triompha du monde
Vie publique. — Jésus-Christ y fut : Bienfaiteur, — Docteur. —
Sauveur
Vie mystique. — Jésus-Christ continue à vivre au milieu de nous:
il vit dans son Eglise. — Il accomplit invisiblemenl dans l'Eglise
tout ce qu'il accomplissait aux jours de sa vie passible
Vie douloureuse. — La Passion de Jésus-Christ se déroule :àGethsé-
mani: dans Jérusalem: au Calvaire
Jcsus doux et humble de cœur. — Jésus est doux toujours: dans
3 les milieux: dans toutes les circonstances : au sein des plus
effroyables provocations 1
Jésus- Christ Rédempteur.
1° Jésus Christ est Rédempteur par son sang. — Tel il est annoncé
dans [es prophéties. — Tel il esl préfiguré dans toute la loi an-
cienne. — Tel le monde entier, dans ses sacrifices sanglants, l'at-
tend ei l'annonce.
2° liaisons profondes. — Le Rédempteur devait être la rançon
•liés du monde. Le Rédempteur devait être prêtre, et par
103
112
115
154
15G
159
139
320
TADLE GÉNÉRALE 547
conséquent il devait offrir une victime digne de Dieu. —Le Rédemp-
teur devait être docteur et modèle, il devait nous illuminer et nous
soutenir au sein des douleurs de la vie I, 109
Jésus-Christ. — Corollaires de sa divinité. — La divinité de
Jésus-Christ tranche les trois plus vitales questions qui se posent
et tiennent en suspens l'humanité I, 112
Jésus-Christ l'Homme de douleur.
I. La vue des divines douleurs. — Les douleurs de l'àme. — Les
douleurs du corps.
II. La logique des divines douleurs. — Conséquence logique par
rapport au péché. — Conséquence logique par rapport au monde.
— Conséquence logique par rapport à la vie chrétienne .... IV, 319
Jésus-Christ, homme de douleur. — Douleurs dans la trahison
dont il est victime. — Douleurs dans le déshonneur de ses diverses
condamnations. — Douleurs dans le lâche abandon où le laissent ses
amis les plus chers. — Douleurs dans son inique condamnation à
mort et les circonstances qui l'accompagnent. — Douleurs dans les
divers et épouvantables supplices dont on exténue son corps. — Dou-
leurs dans les indicibles désolations de son âme I, 144
Jésus-Christ : son œuvre au milieu du monde.
1° Jésus-Christ remua le monde. — Il le remua aux jours de sa vie
mortelle. Il le remue plus encore depuis 18 siècles. — Jésus-Christ
objet d'un immense et inextinguible amour. — Jésus-Christ objet
d'une immense et inextinguible haine.
2° Jésus-Christ vivifia le monde. — Il le vivifia par ses bienfaits.
— Il le vivifia par sa doctrine. — Il le vivifia par la grâce de son
salut.
3° Jésus-Christ triompha du monde. De sa force. De sa haine . . I, 154
Le régne social de Jésus-Christ.
I. Jésus -Christ Roi des riches. — Jésus-Christ purifia la richesse.
— Jésus Christ utilisa la richesse. — Jésus-Christ éternisa la ri-
chesse.
II. Jésus-Christ Roi des pauvres. — Dans quel état lamentable Jésus-
Christ trouva le pauvre. — Comment Jésus-Christ transfigura le
pauvre • IV, 301
La conquête de Jésus.
I. Nécessité de cette conquête. — Jésus-Christ est le tout du monde.
— Comment ne serait-il pas notre tout à nous-mêmes.
II. Conditions de cette conquête. — Jésus-Christ n'est pas au pre-
miervenu. — Conditions essentielles à la conquête de Jésus-Christ. IV, 287
La possession de Jésus.
I. Combien elle est nécessaire. —Le monde, qui s'en est exclu, le
548 TABLE GÉNÉRALE
proclame. — Nos âmes tièdes qui s'en écartent le proclament. —
L( - Saints qui en jouissent le proclament.
II. Comment elle est acquise. — Par l'Eucharistie de Jésus. — Par
la parole de .lésus. — Par la mortification de Jésus IV: 280
Jésus. — Eloignement et retour de Jésus.
1° Comment nous forçons Jésus a s'éloigner (le nous. — Par dissi-
pation. — Par indifférence. — Par manque de foi. — Par paresse.
2° Combien il importe de rappeler Jésus. — C'esl facile': Jésus y
aspire. Jésus y travaille. — C'est urgent IT, 169
Jésus. — Jésus « doux et humble de cœur. »
1° Jésus, doux et humble, renverse nos objections contre la dou-
ceur. — Ces objections sont dangereuses, sont spécieuses, sont com-
munes. — Ces objections sont toutes renversées par un Dieu humble.
2° Jésus, doux et humble, nous éclaire sur la pratique de la douceur.
— La manière dont Jésus la pratique. — Les milieux. — Les cir-
constances. — La perpétuité II, 320
Le patronage de S. Joseph.
I. Combien est précieux un patronage. — Comment les gens du
monde l'apprécient. Comment Dieu le juge. CommenI en usent
l'Eglise i'l les Saints. — Hélas! combien nous le négligeons!
II. Combien êminent entre tous le Patronage de S. Joseph. — Quels
gages nous sont donnés de l'excellence de ce Patronage. — Quels
fruits merveilleux nous recueillons de ce Patronage III- '--'î
Le Jugement.
I. Devant qui serai-je jugé? — Jésus-Christ esl devenu mouJii-
— A ses celés sont d'innombrables témoins. — Une défense
devenue impossible.
II. Sur quoi serai-je jugé? — Sur li1- grâces reçues. — Sur les
dépôts confiés. — Sur les actes accomplis.
III. Quelle sera l'issue de ce jugement? — L'une esl délicieuse. —
L'autre est effroyable IV, (3
Langue.
Langue. — Grandeur el sublimité de la langue humaine révélées
dans sa création, dans sa mission, dans ses emplois divers ... II, 336
TABLE GÉNÉRALE 549
Lingue. — Formidable puissance de la langue. — Puissance pour
le bien : puissance pour le mal. — Puissance de vie, puissance de
mort II. 339
Langue. — Combien il est important de former chrétiennement
sa langue. — Règles de la parole et du silence chrétiens . . . . II, 3 H
Les larmes.
I. Les larmes des enfants cl Dieu. — Les larmes d'une mysté-
rieuse tristesse. — Les larmes de l'infortune et de la douleur. —
Les nobles larmes de la sainteté.
II. Les larmes des yens du monde. — Etranges larmes des heu-
reux du monde. — Les larmes maudites des désespérés IV. 6h
Les mauvaises lectures.
I. Ravages du mauvais livre sur Vesprit. — Notre plus essentiel
devoir : garder intacl le dépôt des vérités divines, — Comment le
mauvais livre détruit en nous ces vérités.
II. Ravages du mauvais livre sur le cœur. — Il vide le cœur de
tout amour de Dieu. — Il remplit le cœur d'illusions et d'émotions
honteuses. — Il surexcite les passions. — 11 énerve et atrophie le
cœur.
III. Ravages du mauvais livre sur la vie domestique. — Le mau-
vais livre la ravage dans ce qu'elle doit avoir de pieux. — Il la ra-
vage dans ce qu'elle doit avoir de chrétien. — Il la ravage dans ce
qu'elle doit avoir de sérieux III, 4o8
Littérature contemporaine.
Littérature contemporaine. — Ses multiples productions. — Sa
diffusion désastreuse. — Son œuvre néfaste. — Les ruines qu'elle
accumule L 25, 241
Littérature contemporaine. — Elle flétrit la famille dans chacun de
ses membres. — Elle fausse toutes les saines idées. — Elle reflète
et accentue la corruption régnante L 246
Loi chrétienne.
Pourquoi elle est stricte et rigoureuse : — Parce que le Dieu qui
la proclame est infiniment grand. — Parce qu'il est toute Vérité.
— Parce qu'il est tout Amour I, 123
550 TABLE GÉNÉRALE
M
Maîtresse de maison.
Ses devoirs sont multiples; ses devoirs sont graves. — La né-
gligence de ces devoirs entraîne des ruines II, 260
Mariage.
Mariage. — Grandeurs du mariage : Origine : type divin : élé-
vation sacramentelle : grande mission I. 250
Mariage. — Etudié dans sa divine législation. — Le mariage à
l'origine. — Le mariage au sein de la corruption du paganisme et
du peuple juif. — Le mariage relevé par Jésus-Christ. . . . . . I, 256
Mariage. — Ce qui ne peut à aucun titre appartenir à l'Etat. —
Où l'Etat peut intevenir I, 259
Les devoirs. — Ceux qui regardent le mariage lui-même. —
Ceux qui regardent les Epoux. — Ceux qui regardent l'enfant . . I, 263
Mariage. — Des conditions auxquelles est attaché le honheur dans
i'état du mariage I, 275
Mariage. — Le mariage en ce qu'il est sacrement I, 280
Mariage civil.
\° En quoi l'Etat est violateur dans le mariage civil. — Môme con-
sidéré comme contrat le .Mariage échappe à la domination de l'E-
tat. — Combien plus comme acte religieux. — Combien plus
comme sacrement.
2° En quoi l'Etat peut intervenir. — L'effet du mariage étant de
fonder au sein de l'Etat une famille et les membres de cette fa-
mille entrant nécessaireinrnt en rapport par plusieurs côtés avec
l'Etat, celui-ci peut intervenir dans les effets civils du mariage . . I, 251»
Marie.
Marie. — Marie, par son Immaculée Conception, écrase nos trois
plus pernicieuses erreurs contemporaines : la négation du péché
originel; la négation du Rédempteur; la négation des devoirs du
Christianisme IL 360
Marie. — Marie est le Triomphe du Père. — hutte gigantesque
entre le ciel et l'enfer, Dieu et Satan. Dans cette lutte, Dieu se sert
de Marie pour l'écrasement des puissances infernales II, 363
Marie. — Marie est l'amour et la joie du Fila. — Tristesses et dé-
solations de notre terre d'exil pour le Verbe Incarné. — Marie lui
est toute consolation et toute joie II, 361
TABLE GÉNÉRALE ">51
Marie. — Marie fut le chef-d'œuvre du Saint-Esprit. — Le Sainl-
Esprit fit. par Marie, son plus excellent ouvrage, par elle il donna
au monde la Sainte Humanité du Verbe. — L Esprit-Saint fit de
Marie la Vierge « pleine de grâces » II, 364
Marie Immaculée. — Ce qu'est en soi le Dogme de l'Immaculée
Conception de Marie. — Combien sa proclamation opportune en ce
siècle.
\a Ce qu'est ce Dogme. — Marie, exempte de tout péché est le
triomphe du Père. — Marie exempte de tout péché est l'amour et
le repos du Fils. — Marie exempte de tout péché est l'instrument du
Saint-Esprit.
2° Combien opportune sa proclamation en ce siècle. — Cette pro-
clamation écrase nos trois plus désastreuses erreurs. — Négation
de la déchéance originelle. — Négation de la nécessité d'un Ré- II, 363
dempteur. — Négation des vertus et de la pénitence chrétiennes, et 366
La gloire en Marie.
I. Le Miracle de cette gloire. — Contemplons la gloire de Marie.
— Rendons-nous compte de ce qu'elle a de prodigieux.
II. Les sources de cette gloire. — Marie associée à l'Incarnation.
— Marie associée à la Rédemption. — Marie associée à la Sancti-
fication.
III. Le bienfait de cette gloire. — Puissance toute extraordinaire
de Marie. — Marie la reçoit du Père. — Marie la reçoit du Fils. —
Marie la reçoit du Saint-Esprit III, 137
La doulenr en Marie.
I. C'est une douleur immense. — Immensité de cette douleur. —
Intensité de cette douleur. — Universalité de cette douleur.
II. C'est une douleur héroïque. — Marie l'accepta magnanime-
ment. — Marie la supporta héroïquement.
III. C'est une douleur féconde. — Marie associée, par sa douleur,
à la réconciliation du monde. — Marie associée par sa douleur a
l'enfantement de l'Eglise. — Marie puissante, par sa douleur, à
soulager nos douleurs III, 146
Mater amabilis.
I. L'amabilité dans son type divin. — L'amabilité infinie c'est
Dieu le Créateur. — L'amabilité Incarnée c'est l'Homme-Dieu. —
L'amabilité reflétée c'est la Vierge Marie.
II. L'amabilité dans rhéroismi de sa pratique. — Une comparai-
son. — Une application.
III. L'amabilité dans sa dominatim irrésistible. — Vains essais
d'une fausse domination — L'amabilité, base d'une domination vé-
ritable III, 164
Virgo clemens.
I. Marie nous est clémente. — C'est la clémence qui pardonne.
— C'est la clémence qui compatit.
552 TABLE GÉNÉHALE
II. De Mutie apprenons à être déments. — Le premier devoir de la
clémence chrétienne e^t de pardonner. — Le second devoir de la
clémence chrétienne est de secourir III, 174
Virgo fidelis.
La fidélité est, dans les choses divines comme dans les choses
humaines, l'essentielle condition du devoir.
I. La fidélité en Marie. — Marie a été fidèle à une dignité suré-
minenle. — Marie a été fidèle à un divin amour. — Marie a été
fidèle jusqu'au martyre.
IL La fidélité en nous-mêmes. — Soyons fidèles à la vérité. —
Soyons fidèles à la sainteté. — Soyons fidèles à l'amour .... III, 184
Virgo prudentissima.
1. Que fut la prudence en Marie? — Marie fut prudente en l'ace
du démon. — Marie fut prudente en face du monde. — Marie fut
prudente en l'ace d'elle-même.
IL Quelle sera la prudence en nous.' — Combien d'ordinaire nous
sommes imprudents eu face du démon. — Combien imprudents
en face du monde. — Combien imprudents en face de nous mê-
mes III, 194
L amour envers Marie.
[.Amour ardent. — Impossible de ne pas aimer Marie. — Im-
possible, l'aimant, de ne pas le lui montrer.
II: Amour docile. — Que veut de nous Marie ? — Que ferons-nous
pour satisfaire Marie '?
III. Amour suppliant. — Dans quel étal revenons-nous à notre
Mère? — De quelle manière, dans rfiacun de ces états, nous
courra Marie III. loo
Marie modèle de la femme chrétienne.
I. Marie coré lemptrice. — Rôle delà femme chrétienne. — Marie
au berceau du monde. — La femme chrétienne et la Société con-
temporaine.
II. Marie modèle de vie pour la femme chrétienne. — Marie mo-
dèle de la femme chrétienne dans sa vie au dedans. — Marie mo-
dèle de la femme chrétienne dans sa vie au dehors III, 205
La maternité chrétienne étudiée en Marie.
I. Comment fut préparée la mère d'un Dieu. — Elle le fui dai
la cloire. — Elle le l'ut dans les privilèges et les dons. — Elle te
lui dan- le martyre.
II. Comment est préparée la mère chrétienne. — Grandeur de la
mission d'une mère. - Comment Dieu prépare une mère a sa
mission III, 244
Marthe et Marie.
I. Quel serait le mal d'une rie de travail sans prière. — La vie
TABLE GÉNÉRALE 553
de travail sans prière jugée par Dieu. — La vie de travail sans
prière jugée par l'expérience.
II. Excellence d'une vie de travail où une large part est faite à la
prière. — Noblesse d'une pareille vie. — ■ Bonheur d'une pareille
vie IV. 188
Matèrialisms. — Nature et e lots désastreux de notre matéria-
lisme contemporain. — L'athéisme pratique a suivi I, 295
Méchants. — Conduite de Dieu envers les méchants.
1° Dieu les fait servir à ses pus. — A l'exaltation de sou Eter-
nité. — — Ala démonstration de sa Puissance et de sa Justice. —
Au triomphe final du Christ et de l'Eglise.
2° Dieu, auparavant, les appelle, les supplie, les supporte avec une
tout extraordinaire patience. — ■ Les pleurs de Jésus sur l'âme in-
fidèle : sur l'âme pécheresse : sur l'âme obstinée à périr. ... II, 307
La Méditation et l'âme chrétienne.
I. La Méditation gloire de l'âme. — Elle est uue ascension glo-
rieuse. — Elle opère une divine transfiguration .
II. La méditation vie et force de l'âme. — Dans les exigences de
la vie chrétienne. — Dans les dangers delà vie chrétienne. . . IV, 182
Mère.
Mère. — La maternité, dans ses grandeurs, ses vertus, ses souf-
frances, sa mission a sou type parfait en Jésus-Christ I, 286
Mère. — Elle doit s'efforcer de réagir contre les vices contem-
porains. — contre l'athéisme pratique, — contre le relâchement
des mœurs et l'abaiss :men1 des caractères I, 298
Mère. — ■ Combien il importe que, dans l'éducation des enfants,
elle rétablisse le principe d'autorité. . . .• 1, 304
Mère. — La mère doit être soigneuse de conserver son autorité.
— La mère doit rendre cette autorité douce et insinuante. — La
vigilance est le grand devoir de la mère II, 258
Messe (La Très Sainte).
Messe. — La Messe est le Sacrifice du corps et du sang de Jésus-
Christ.
Messe. — La messe est la consommation de toutes les œuvres
di Dieu. — La messe doit être la consommation de notre salut . II, 112
Mollesse. — La vie molle, paresseuse, nonchalante est un re-
doutable obstacle au salut.
1° Elle nous rend impossible toute élévation. — Notre destinée est
sublime. — Mais sublimes, ardus, pénibles, sont aussi les moyens
d'y atteindre.
2° Elle nous rend, impossible toute générosité. — Le salut consiste
en ce que Dieu se douue à nous, en ce que nous nous donnons à
Dieu. — Avec quelle impétueuse générosité Dieu s'est donné à
554 TABLE GÉNÉRALE
nous ! — Avec quel élan nous devons nous donnera Lui. — Com-
bien la mollesse est incapable d'une telle donation 11,180
Le monde.
I. // existe un monde réprouvé de Dieu. — L'appréciation divine
— Notre expérience prop
II. Ce que c'est que ce monde réprouvé de Dieu. — Ce qu'il n'est
pas. Ce qu'il est.
III. Comment se conduira le chrétien dans le monde. — Il ne croira
pas le monde. — Il ne subira pas le monde. — Ii n'imitera pas
le monde III, i*7
Monde.
Monde. — Comment Dieu traite le monde. Son mépris. Sabaine.
Sa sévérité • I, 194
Monde. — Les maux multiples et profonds que nous cause l'a-
mour et l'esprit du inonde I, 194
Mort. — Combien la mort est formidable. — Elle décide de
notre éternité. — Elle renferme des détresses, des impuissant 5,
des dangers • II. 124
Mort. — Combien il importe que notre mort soit sainte et hé-
roïque II, 127
Mort. — Surprises de la mort II, 418
Mystère. — Dieu impose à notre raison le mystère :
A titre d'expiation. — Révolte primitive de la raison humaine
contre Dieu. — Le Châtiment approprié sera dans l'aggravation du
mystère. — Lourde chaîne des mystères imposés par Dieu à la
raison révoltée III. 232
O
L'oisiveté chez le prêtre.
I. Sts facilité*. — Le prêtre a plus d'opposition naturelle. — Le
prêtre a moins de mobiles naturels. — Le prêtre rencontre plus
d'occasions qui le détournent.
II. Sa gravité. — Gaspillage d'un grand trésor. — Trahison d'une
grande cause. — Déshonneur d'une grandi' famille. — Malien»
d'uni! rigoureuse condamnation.
III. Ses remèdes. — Se dépouiller de L'esprit du monde. — S'as-
TABLE GÉNÉRALE 555
treindre à une vie sévèrement réglée. — Pratiquer la mortifica-
tion IV, 476
L'orgueil.
I. L'orgueil est une impiété. — Opposition impie de l'homme à
Dieu. — Opposition formidable de Dieu à l'homme.
II. L'orgueil est une honte. — Dans l'orgueil méprises ridicules.
Dans l'orgueil bassesse d'âme.
III. L'orgueil est une torture. — Torture en ce qu'il réclame sans
l'obtenir. — Torture en ce qu'il obtient III, 394
Oubli de Dieu. — Les mots et les désastres qu'il entraîne après
lui.
1° Les dêsastrts du présent. — Sans Dieu, l'homme est un néant
misérable. — Sans Dieu, l'homme est un exilé sans espoir. Sans
Dieu, l'homme est un être douloureusement inassouvi.
2° Les désastres de l'avenir. — Vérité absolument victorieuse de
tous les doutes et de toutes les négations : Dieu juge. Dieu punit
ceux qui l'ont méconnu et méprisé. — Terrible avenir que cette
vérité ouvre devant les contempteurs de Dieu I, 427
Papauté.
Papauté. — Son histoire est une perpétuelle merveille de la puis-
sance de Dieu II, 307
Papauté. — Sa domination, autre incomparable prodige. ... II, 371
Papauté. — Ses multiples et immenses bienfaits II, 372
Paresse. — Ce qu'est, par rapport à Dieu, la vie paresseuse et
inutile.
1° Elle outrage Dieu dans son domaine souverain. — Comme Maî-
tre. — Comme Ordonnateur. — Comme Fin dernière.
2° Elle outrage Dieu dans ses dons. — Elle l'outrage dans ses
dons naturels. — Elle l'outrage infiniment plus dans ses dons
surnaturels.
3° Elle l'outrage dans ses exemples. —Le travail sublime des Trois
Personnes de l'Adorable Trinité. Le travail incessant du Père. Le
labeur du Verbe incarné. L'œuvre de l'Esprit Sanctificateur.
4° Elle l'outrage dans l'Eglise et la société. — Comment la paresse
556 TABLE GÉNÉRALE
et L'inutilité des divers membres de la Société et de l'Eglise sont
un désastre véritable I. 3-2
Le pardon des injures.
1. Dans lt pardon c'est nous-mêmes qu'il faut considérer. — Les
objections qui nous déconcertent. — La splendide réalité qui nous
soutient.
If. Dans le -pardon c'est l'offenseur qu'il faut considérer. — T'est
un frère. — C'est un malheureux. — C'est l'objet d'une glorieuse
conquête.
III. Dans le pardon c'est Dieu qu'il faut considérer. — Refuser le
pardon c'est se mettre en opposition flagrante avec Dieu. — C'est
faire une insulte à Dieu. — C'est provoquer la colère et les châti-
ments de Dieu III. 500
La Parole de Dieu.
I. Origint et nature de la Parole Sainte. — Ce qu'est l'orateur pro-
fane. — Ce qu'est l'orateur sacré.
II. Sanction formidable attachée au mépris delà Parole Sainte. —
Etrange conduite du inonde. — Redoutable conduite de Dieu.
III. Effets puissants de la Parole Sainte. - La Parole Sainte chasse
toute erreur. — La Parole Sainte nourrit l'àme de toute vérité.
IV. Ce qu'exige de nous la Parole Sainte. — Elle veut être écou-
tée. — Elle veut être écoutée docilement. — Elle veut être écou-
tée fructueusement 111. 260
Sur l'inefficacité de la Parole Sainte.
I. Les causes de c>tte inefficacité. — Celte inefficacité ne saurait
venir de Dieu. — Cette inefficacité vient de nous.
il. Le crime de cettr inefficacité. — C'e'st le mépris du Dieu qui
nous parle. — C'esl le mépris de la vérité enseignée.
III. Les désastres de cette in fficacité. — Eli' esl un signe bien
inquiétant. — Elle esl une disette bien lamentable. — Elle est un
châtiment bien terrible III. 271
Passion. — Elle se [déroule ii Gethsémani : dans Jérusalem : au
Calvaire.
lethsém :: cle d'un Homme-Dieu p]
rant I" péché : broyé dans la douleur du péché, écrasé sous les
foudres de la justice divine.
Dans Jérusalem, le péché nous apparaît torturant l'IIomme-Dieu
île mille manières, s'acharnant à la Victime divine, et ne faisant
plus d'elle qu'un débris sanglant.
\u Calvaire, l' Homme-Dieu triomphe par la croix, par la dou-
leur. Triomphe sur Dieu : triomphe sur l'homme : triomphe sur
l'enfer 1, 137
Passion.
Passion. — L'offense de Dieu fui la cause des douleurs ■•! de la
I1' ïion de l'Homme-Dieu 11,286
TABLE GÉNÉRALE 557
Passion. — Fruits merveilleux de la divine Passion. — Fruits
par rapport à l'homme - II. 290
Passion. - Les plus grands héroïsmes de la vertu chrétienne
ont leur source dans la divine Passion II, 293
Passion. — La divine Passion est le miroir lucide où nous appa-
raît dans toutes ses terreurs la justice de Dieu, la nécessité de l'a-
paiser par la contrition - I, 139
Passion. — La divine Passion nous révèle, mieux que tout le
reste, ce qu'est le péché : son effroyable perversité, ses attentats,
sa puissance, ses désastres I. 144
Passion. — C'est la divine Passion qui a opéré l'œuvre de la ré-
conciliation du monde I. 1 i9
Passions. — Par un étrange renversement, nos passions qui
nous font de la religion un besoin absolu, nous en écartent et vio-
lemment et toujours.
Nos passions nous font de la religion un besoin pressant. — Nos
passions nous tyrannisent. — Nulle part aucun auxiliaire sérieux ne
se présente contre elles. — La Religion s'offre à nous en rendre
victorieux I, oll
Le Bon Pasteur.
I. Ce que nous est le Bon Pasteur. — Comment il acquiert son
troupeau. — Comment il aime son troupeau. — Comment il forme
son troupeau.
II. Ce que nous devons être nous-mêmes au Bon Pasteur. — Nous
devons lui être des brebis croyante?. — Nous devons lui être des
brebis aimantes. — Nous devons lui être des brebis prudentes . IV, 294
Le Pater.
I. Le Pater est la confession de nos grandeurs. — Ce qu'est
l'homme sans le Pater. — Ce qu'est l'homme glorifié par le
Pater.
IL Le Pater est la supplication de notre indigence. — Pourquoi
l'homme a faim. — De quoi l'homme a faim.
III. Le Pater est le cri de détresse de nos dangers. — Notre pre-
mier danger vient de la justice divine. — Notre deuxième danger
vient de iios ennemis. — Notre troisième dancer vient de la ten-
tation ^ IV, 267
La paternité chrétienne.
I. C'est une puissance déléguée. — Dieu source de toute paternité.
— Le père est l'associé et le mandataire de Dieu.
II. C'est une puissance supérieure. — La puissance paternelle est
supérieure à toute autre. — La puissance paternelle dans ses rap-
ports avec l'Etat.
III. C'est une puissance responsable. — Que sont les autres respon-
sabilités ? — La responsabilité du père de famille est plus grave
que toutes les autres NL 325
558 TABLE GÉNÉRALE
Les devoirs de la paternité chrétienne.
I. Il faut au père la valeur morale. — Il lui faut la religion. —
Il lui faut la vertu.
II. Il faut au père l'amour. — Il lui faut un amour pur. — Il lui
faut un amour héroïque. — Il lui faut un amour exclusif.
Ifl. Il faut nu père l'autorité. — Nécessité de l'autorité. — Con-
ditions de l'autorité.
IV. Il faut nu père la sollicitude de l'avenir. — Il le doit comme
père. Il le doit comme citoyen. — Il le doit comme chrétien. . III. 333
Les fléaux de la paternité chrétienne.
I. Premier fléau: la déformation. — Notre Société est vide de
principes.— Elle est frivole et voluptueuse. — Elle est matérialiste.
II. Deuxième fléau : l'abdication. — Le père abdique son œuvre
édueatrice. — Parfois même il la détruit.
III. Troisième fléau : la désertion. — Le père de famille s'isole
>{>■- ^ieus III. 3Î4
Pauvres.
Combien le pauvre a un pressant besoin de la religion. — Bien-
faits immenses de la religion sur le pauvre I, 65
Pauvre. — Combien la loi est nécessaire au pauvre. — Tout ce
que la foi lui donne et maintient en lui I. 166
Pauvre. — Les souffrances physiques : — la détresse morale du
pauvre. — ll.de odieux de l'impiété auprès de l'ouvrier et du pau-
vre I. 37 i
Pauvre. — Le pauvre trouve dans la fraternelle Charité du riche
sa lumière, son honneur, sa fortune I. 393
Pécheur. — Combien son étal est déplorable. — Etat de dis-
grâce. — Liât 'I • dépouillement et de détresse. — Etat de damna-
tion IL 47
/' eheur. — Avant de livrer enfin à sa justice un pécheur obstiné
et impénitent, Dieu fait mille efforts pour le sauver. — Quelles
larmes amères Jésus-Chris! a versées sur lui I IL 3fî
Péché.
Pèch'-. — Admirablement dépeint dans les scènes de la Passion
déroulée dans Jérusalem. — Attentats effroyables du péché con-
tre un Dieu. — Figures diverses représentant le péché sous ses
multiples aspects I. lit
Péché. — Affreuse malice du péché. — .Le péché s'attaque à un
Dieu. — Le péché se rend coupable d'attentats de toute sorte con-
tre Dieu IL r.
Pèch-. — Liai du péché, bien autrement grave que le péché lui-
même. — Comment on y tombe peu à peu. — Ce qu'est en lui-
même cet affreux état II, 61
hé. — Comment le péché mène à la damnation. — Quand le
pécheur refuse la grâce. — S'obstine dans le péché. — Tombe
• laiiN l'insensibilité. — De l'insensibilité dans l'endurcissement. —
[>'■ l,i dans l'impénitence finale II, 59
TABLE GÉNÉRALE 559
Péché. — La négligence du péché fait tomber l'âme dans une
mortelle insensibilité H, 402
Péché. — Affreux ravages du péché II, 408
Le péché mortel.
I. Il faut connaître et apprécier le péché — H le faut apprécier
en lui-mèine. — Il le faut apprécier dans ses effets.
II. Il faut se souvenir de ses péchés. — Souvenir nécessaire à
cause de Dieu. — Souvenir nécessaire à cause de nous-mêmes . III, 377
Le péché véniel.
I. Quel mal est le péché véniel. — 11 désorganise notre vie spiri-
tuelle. — Il débilite et exténue notre àme. — 11 nous voue aux ri-
gueurs de la justice divine. — Il nous mène au péché grave.
II. Quel est l'antidote du péché véniel. — La ferveur. — Le re-
pentir. — La vigilance III, 385
Pénitence — (Sacrement de). La confession est divine.
1° Dieu l'a toujours exigée. — Partout, dans tous les temps, chez
tous les peuples, nous retrouvons l'aveu, la supplication, la péni-
tence expiatoire.
2° Jésus-Christ en a fait un sacrement. — Impossible de ne pas
voir dans les paroles de Jésus-Christ le Sacrement de Pénitence.
3° Dieu t'impose par une force absolument surhumaine. — Un
Dieu seul a pu imposer et maintenir la confession II, 87
Pénitence (Sacrement de). — Les bienfaits de la confession.
\° Les bienfaits privés. — Le Sacrement de Pénitence nous rend
les biens de l'éternité. — Le Sacrement de Pénitence nous rend
les biens du temps.
2° Les bienfaits sociaux. — La confession maintient la vertu dans
un peuple. — Témoignage éclatant de l'Histoire. — Confirmation
victorieuse du raisonnement II, 92
La Pénitence chrétienne.
I. Nécessité de la Pénitence. — Etablissons-la par le raisonne-
ment. — Etablissons-la par l'autorité.
II. Notre conduite à l'égard delà Pénitence. — Ceux qui n'en font
aucune. — deux qui la font mal. — deux qui la foni saintementet
fructueusement IV, 34
Perfection chrétienne.
I. Nous la devons à Dieucomme notre Educateur. — Dieu lui-même
s'esl fait notre Educateur. — Ce qu'exige de nous cette divine
éducation.
II. Nous la devions à Dieu comme notre Souverain Maître. — Dieu
nous est un Maître. — Dieu nous est un Maître Bienfaisant. —
Dieu nous est un Maître riche en avenir.
III. Nous la devons « Dieu comme notre fin dernière. — Notre des-
560 TABLE GÉNÉRALE
tinée future est de posséder Dieu. — Notre destinée présente est
de uous en rendre dignes.
IV. Nous la devons à Jésus-Christ comme Chef de l'Eglise. — Nous
sommes de la famille des Saints. — Nous devons être dignes de
cette céleste famille IV, 159
La perfection chrétienne : sa nécessité.
I. Je la dois à mon bonheur futur. — Je suis né pour une grande
œuvre. — Je suis né pour un grand avenir. — Suis-je digne de si
grandes choses ?
II. Je la dois à mon bonheur présent. — Le vrai bonheur est dans
la perfection chrétienne. — La vraie force est dans la perfection
chrétienne IV. 164
La perfection chrétienne : sa nature.
I. Aspect ; lus général de la ] erfection chrétienne. — Image dans
la sortie d'Egyte. — [mage dans la marche vers la Terre promise.
— [mage dans la conquête de la Terre promise.
II. Etude plu* spéciale de la perfection chrétienne. — La perfec-
tion chrétienne est une rénovation de notre vie. — La perfection
chrétienne est un bon gouvernement de notre vie IV. 178
La perfection chrétienne: sa facilité.
I. Peu nous est demandé. — Dieu nous demande peu. — Dieu
nous laisse beaucoup.
IL Bans ce peu 7ious sommes puissamment ai<lé>. — Nos ''cours
naturels. — Nos secours surnaturels.
III. Inanité , les objections et des prétextes. — Nous disons : c'est
pénible. — Nous disons: je n'ai pas la force. — Nous disons: je
n'ai pas le loisir IV. I TU
Piété.
Piété. — La piété est letout del'homme ici-bas. — La piété met
le sceau à sa grandeur. — La piété est la bienfaitrice de toute son
existence. — La piété esl la seule consolatrice de ses douleurs. . li- l i<>
Piété. — Les illusions des Ame- pieuses sur la piété IL 145
Piété. — Les illusions des âmes mondaines sur la piété. ... IL il!'
Piété. — Droite et sainte. — Sou origine. — Son alimentation.
Ses œuvres IL Lit
Plaies sacrées du Sauveur.
1° Comment elles ont admirablement apaisé l<i Justice divine. —
L'offense commise, il fallait une réparation. — Cette réparation
Dieu la voulait infinie. — Dieu la voulait sanglante. —Gomment
les Plaies sacrées du Sauveur renferment, admirablement réunies,
toutes les conditions du pardon.
2° Comment elles ont admirablement converti l'homme. — Mlles
l'ont ouvert au repentir. — Elles lui sool un frein à ses passions.
— Elles l'élèvent aux béroïsmes de la vertu II, 285
TABLE GÉNÉRALE 561
Pratique religieuse. — Ceux qui s'imaginent servir Dieu en de-
hors de la pratique religieuse sont dans une déplorable illusion.
1° Lur prétendue religion idéale est sans fondement. — Dieu, en
prescrivant un culte, l'a renversée de tond en comble. — Le genre
humain proteste tout entier. — L'être humain s'y oppose.
.'Leur prétendue religion idéale est impraticable. — Elleest impra-
ticable à la multitude. — Elle est impraticable tout autant aux
esprits les plus cultivés.
3° L?w prétendue religion idéale est reconnue mauvaise à ses fruits.
— La grande voix de l'histoire le proclame. — L'expérience de
chaque jour en t'ait toi I, 482
Prédication.
Prédication. — Sou importance. — Ses fruits. — Ses qualités. —
léfauts. — Conditions essentielles de toute sainte Prédication.
— Ce que doit être, à l'heure présente et dans nos sociétés eu
décadence, la Prédication I, 1-3*2
Prédication. — ■ Raisons de sa trop ordinaire inutilité ..... IL 29
Prédication. — Sa merveilleuse et toute divine puissance. — Sur
toute notre âme. — Dans toute- les situations H, 32
Présence de Dieu. — L'exercice de la présence de Dieu comme
s irvatif contre l'impiété contemporaine qui chas<'> Dieu de
ai-, delà famille, de la Société.
t° Le catholique doit voir Dieu dans la Création. — Ce fui le des-
sein de Dieu de se faire apercevoir à travers le voile de- ehoses
créées. — La Création qui nous montre Dieu existant, nous lemon-
tre aussi Providence.
2° Le catholique doit voir Bien dans les gravi h actes de sajust'u .
— • • que nous dit la loi des grands châtiments donl Dieu punil
le temps en temps le- crimes des Sociétés. — Conduite à tenir.
3° Le catholique doit voir Dieu dans sa quotidienne bienfaisance. —
Valant le pauvre nous remercie de l'aumône reçue : — autant nous
levons voir et remercier Dieu dans les biens dont sa honte nous
comble tous les jours L 438
Présence de Dieu. — Enlace de l'athéisme pratique contempo-
rain le devoir des catholiques est de se rendre Dieu présent tou-
jours, partout, en tout. — Comment pratiquer cette présence de
Dieu. I, 4:>8
Le Prêtre.
I. Comme richesse. — Le seul bien que1 réclame l'Humanité c'esl
la vie. — Cette vie, objet de ses désirs. l'Humanité ne Ja possède
pas. — Le prêtre seul la lui peut communiquer.
IL Comme puissance. — Par la nature de son règne. — Parl'ui
versalité de son règne. — Par l'inamissibilité de son règne.
III. Comm<> amour. — Besoin qu'a le monde d'un cœur de prêtre.
— Comment Dieu a fait un cœur de prêtre IV, 331
T. IV 3fi
562 TABLE GÉNÉRALE
Le vrai prêtre.
I. Sa vie est une vie d'union avec Dieu. — Le prêtre doit vivre en
perpétuelle société avec Jésus-Christ. — Le prêtre doit s'identifier
avec Jésus-Christ.
II. Sa vie est une vie éloignée du monde. — Nécessité. — Pratique.
III. Sa vie est une vie de souffrance pour les âmes. — Dieu le veut
de lui. — Sou œuvre le veut de lui IV, 490
Providence divine sur le Prêtre.
I. Providence dans l'appel du Prêtre. — Surgi des rangs du peu-
ple. — Surgi des rangs de la classe riche.
IL Providence dans la formation du Prêtre. — Grâces spéciales. —
Grâces communes.
III. Providence dans l'action du Prêtre. — Elle lui désigne son
poste. — Elle lui ménage ses triomphes IV, 3ol
Sainteté dans le prêtre.
I. La sainteté est la joie du sacerdoce. — La joie est nécessaire et
deux joies sont seules possibles. — Sans la sainteté le prêtre n'eu
peut goûter aucune.
IL La sainteté est ta sécurité du sacerdoce. — Une illusion funeste
peut voiler son état. — Mais l'état du prêtre sans sainteté est tou-
jours un état désastreux IV, 372
Sainteté nécessaire aux prêtres.
I . La sainteté est le but du sacerdoce. — Un Dieu à glorifier : premier
butdu sacerdoce. —Des âmes à sanctifier: second but du sacerdoce.
IL La sainteté est la joie du sacerdoce. — La joie est nécessaire
et ileux joies sont seules possibles. — Sans la sainteté le prêtre
D'en peut goûter aucune.
III. La sainteté est la sécurité du sacerdoce. — Une illusion funeste
("Mit voiler son état. — Mais l'état du prêtre sans sainteté est tou-
jours un état désastreux IV, 372
Du ministère de la Prédication.
L Sa nécessité. — Nécessité pour le prêtre de prêcher. — Comme
conséquence : nécessité de se former à la prédication.
IL Sa pratique. — Il faut étudier. — Il faut écouler. — Il faut
pratiquer IV, 3C7
Le prêtre et la famille.
I. Iiespect, amour, dévoûment. — Ce que la raison dit au prêtre.
— Ce que l'exemple divin dit au prêtre.
IL Sainte indépendance. — Indépendance au seuil du sacerdoce.
— Indépendance dans le cours du ministère IV, 394-
Le prêtre et le monde.
I. Le prêtre y est un étranger. — Etranger par dégoût. — Etran-
ger par prudence. — Etranger par amour des âmes.
TABLE GÉNÉRALE 563
II. Le prêtre y est un envoyé. — S'il ne pénétrait pas dans les de-
meures particulières, sa parole publique serait insuffisante. — Le
prêtre annoncera l'Evangile « publiée et per domos. »
III. Le prêtre y est victime. — Jésus-Christ, Pontife suprême,
victime du monde. — Ses ministres, comme Lui. victimes du
monde IV, 443
Le prêtre mondain.
I. Ce qu'est un prêtre mondain. — On ne le trouve guère à l'é-
glise. — On le trouve dans le monde.
II. Les désastres d'une vie mondain" dans le prêtre. — C'est une
vie messéante à sa vocation. — C'est une vie funeste à sa sancti-
fication. — C'est une vie mortelle à son ministère . IV. 431
De l'esprit pénitent chez le prêtre.
I. Nécessité d'expiation. — Première raison: l'innocence exigée.
— Deuxième raison: la mission expiatrice. — Troisième raison:
la pratique de l'Eglise.
II. Nécessité de sanctification. — Idée générale de la sanctifica-
tion. — Détail de la sanctification.
III. Nécessité d'imitation. — .Ié>us-Christ doit être reproduit par
le prêtre. — Or .Jésus-Cbrist c'est 1' « Homme de douleur. » . . IV, 399
L'esprit de pauvreté dans le prêtre.
I. L'institution du sacerdoce le proclame. — Les premiers choix.
— Les premières leçons. — Les premiers héros.
II. L'exercice du sacerdoce l'exige. — La vie du prêtre est une vie de
séparation du monde. — La vie du prêtre est une vie de mortiliea-
tiou. — La vie du prêtre est une vie de combat. — La vie du prêtre
est une vie d'édification.
III. L'histoire du sacerdoce nous instruit. — Le sacerdoce pauvre
nous apparaît toujours vigoureux et puissant. — Le sacerdoce trop
riche nous apparaît amolli et dégénéré IV, 389
De la pusillanimité dans le prêtre.
I. Combien elle est contraire à sa mission. — La raison et l'expé-
rience le démontrent. — L'Ecriture le démontre. — L'exemple des
saints le démontre.
IL Combien elle est funeste dans ses suites. — C'est une trahison.
— C'est une cruauté. — C'est la source de grands malbeurs.
III. Combien elle est coupable dans son origine. — C'est la mollesse.
— C'est l'amour de soi. — C'est la peur IV, 464
Prière.
Rrière. — Excellence de la prière en tant qu'elle est une éléva-
tion de notre âme vers Dieu IL 155
Prière. — La prière est la grande, l'essentielle condition du salut.
— L'expérience et l'exemple des Saints II, 157
Prière. — La prière est l'unique vraie consolation de nos infor-
tunes • II, 159
564 TABLE GÉNÉRALE
Prière. — D'où viennent les difficultés des âmes pieuses dans la
prière. — D'où viennent les difficultés des âmes mondaines dans
la prière II. 162
Excellence de la prière.
I. Noblesse de la prière. — Noblesse de l'âme humaine en prière.
— Noblesse plus grande de l'âme chrétienne en prière. — No-
• suprême de l'âme déifiée en prière.
II. Puissance de la prière. — Pour le chrétien tout est impossi-
ble sans la prière. — Pour le chrétien tout devient possible par la
prière
III. Consolations de la prière. — Sans la prière l'homme ressent
le malaise d'un devoir trahi. — Sans la prière l'âme humaine s'i-
sole douloureusement. — Sans la prière la douleur est sans con-
trepoids. IV. 241
Les conditions de la prière.
I. // nous faut la fui pour prier. — Apprenons-le de l'Evangile.
— Apprenons-le du simple raisonnement.
II. // nous faut le courage pour prier. — Courage pour coopérer
■ fets de Ja prière. — Courage pour écarter les obstacles. . IV. 254
Les effets de la prière.
I. L'i prière vivifie. — CommenI une âme peul dépérir. — Corn-
aient une âme ressuscite par la prière.
II. La prière purifie. — La prière purifie l'âme dès fautes passées.
— La prière purifie l'âme des fautes présentes. — La prière pré-
munit l'âme contre les fautes à venir.
III. La pri> r> enrichit. — Elle nous donne la joie. — Elle no -
comble d'honneurs. — Elle nous remplit de mérj
IV. La prier* console. — Combien souvenl la douleur nous as-
saille. — La prière seule console IV, 2(
Les objections à la prière.
I. Les objections de l'incroyance — Dieu ne nous écoute pas. —
Dieu n'a nul besoin de nous écouter.
II. Les objections du découragement. — Supp ne que
noire prière -"il restée sans effet. — En réalité aucune prière ne
reste sans effel .
III Les objections de la mondanité. — L'âme mondaine n'a
de désirs. — L'âme mondaine n'a pas de loisirs IV, 248
Parabole de l'enfant prodigue.
I. Désertion coupabb . — Le <-ii du prodigue. Les causes de c ■
crime.
II. I lissipation* — Le désastre d'une vie sans Dieu. —
I.'' désastre d'une vie de passions.
III. misère. — Le prodigue es! affamé. — Le prodigue
TABLE GÉNÉRALE 565
se veud, — Le pro ligue descend aux plus vils emplois. — Le pro-
digue est misérablement délaissé.
IV. Retour à Dieu et au bonheur. — L'aurore d'une conversion.
— La marche d'une conversion. — La fin d'une conversion. . . III, 531
Le culte public du T. S. Sacrement : les Processions.
I. Une procession du T. S. Sacrement est un triomphe. — Dans ce
triomphe une partie éclate aux yeux. — Dans ce triomphe une
partie reste invisible.
II. Une procession du T. S. Sacrement est un bienfait. — La Pro-
cession est en elle-même un premier bienfait. — Elle devient la
source de nombreux bienfaits III, 1 12
Providence divine.
I. Il existe un gouvernement providentiel. — Nous le savons par
le raisonnement et la foi — Nous le savons par une expérience
personnelle.
II. Le gouvernement providentiel est tout d'amour et de bienfaits.
— Nous en avons pour garant Dieu lui-même. — Nous en avons
pour garant la nature entière. — Nous en avons pour garant les
paroles de Jésus-Christ.
III. Les caractères du gouvernement providentiel. — Le gouverne-
ment providentiel est inaccessible dans ses secrets. — Le gouver-
nement providentiel est lumineux dans son terme final.
IV. Nos devoirs envers le gouvernement providentiel. — Nous lui
devons un acte de foi. — Nous lui devons un acte de soumission.
— Nous lui devons un acte de correspondance III, 520
R
Raison.
Il reste à la raison eu dehors d'une lumière révélée, d'infran-
chissables barrières L 469
Rédemption.
Rédemption. — Adorable mystère de notre Rédemption par le
Verbe Incarné. — Causes multiples de la venue sur la terre du
Dieu-Rédempteur.
Il venait comme rançon pour les péchés du monde. — Il venait
comme Pontife et Holocauste. — Il venait comme Illuminatcur de
nos ténèbres, et comme modèle de notre vie I, 109
566 table générale
La Rédemption par le Sang.
I. C'est une œuvre de paix. — ÛEuvre formidable à accomplir.
— Gomment Jésus-Christ l'opéra.
II. C'est une œuvre de lumière. — Obscurcissement de la vérité
dans l'humanité déchue. — Illumination de la vérité à l'apparition
de la Croix.
III. C'est une œuvre d'amour. —Le sang pour mieux prouver son
amour. — Le sang pour mieux nous défendre. — Le sane pour
mieux nous consoler IV. \Zi
Religion. —.Nécessité, à tous les titres, pour l'homme d'être re-
ligieux. — Crime de l'iudifférence religieuse I, 37-iO
Religion. —La religion seule assouvit lesbesoins les plus nobles
et les plus impérieux de la nature humaine I, 43
Religion. — Comment la religion est la sauvegarde, la seule sûre
et la seule puissante de la Société • .... I, 52-56
Religion. — Elle est la seule force efficace contre nos passions . I, 443
Religion. — Considérée comme principe de force. — Sources mul-
tiples d'où coule la force dans la Religion II, 8
Religion. — Considérée comme principe de consolation et de joie.
— Effets terribles de la douleur. — Effets délicieux des consola-
tions religieuses sur la douleur IL 10
Religion. — Elle est pour l'homme, ici-bas, la source de ses
seules véritables joies . . • I. 478
Religion. — Au milieu de toutes les religions fausses, il y a une
religion vraie. — Cette religion véritable se fait reconnaître à des I. 491
signes absolument certains et 501
Besoin qu'a tout homme de la Religion.
I. Elle est une nécessité de sa condition. — L'homme est le roi et
le pontife de la Création. — L'homme est membre de la famille
bumaine.
IL Elle est la solution de sadestinée.— Notre destinée esl le tout
de notre existence. — La Religion est le tout de notre destinée.
III. Elle est la satisfaction de son plus hyipéricux besoin. — Nous
avons besoin d'une conscience en paix. — Nous avons besoin de
force et de soutien. — Nous avons besoin d'espérance IV, 98
La Religion dans ses rapports avec la question sociale.
I. Toute Société se compose de deux classes. — Deux classes exis-
tent. — Elles ont toujours existé. — Elles existent nécessairement.
II. Comment ces deux classes doivent coexister. — Il y faut une
hiérarchie. — Il y faut une réciprocité de services. — Le tout sous
peine de commotions formidables.
III. Comment la Religion seule y maintient l'harmonie. — Où l'on
aboutit ^nns la Religion. — Comment la Religion résout la ques-
tion sociale IV, 109
Religieux. — Suréminence de la vie religieuse considérée dans
ses rapports avec Dieu II, 264
TABLE GÉNÉRALE 567
Religieux. — La vie religieuse est une glorieuse transfigura-
tion. — La vie religieuse est une glorieuse immolation II, 266
Religieux. — Bienfaits immenses que les religieux répandent dans
la Société II, 271
Réprobation. — Gomment elle se prépare : comment elle se con-
somme.
1° Comment elle se prépare. — Par quelque passion nou combat-
tue. — Par la perte de toute piété. — Par les milieux pervers et
les liaisons dangereuses. — Une dernière imprudence.
2° Comment elle se consomme. — Après une première chute, que
la conversion serait facile! — Mais l'âme s'obstine. — Maisl'àme
perd peu à peu le remords. — Mais l'àme tombe dansl'endur isse-
ment II, 51
Résurrection de la chair. — Fondements inébranlables sur les-
quels elle repose II, 377
Résurrection de la chair. — Comment elle est liée à la Résurrection
de Jésus-Christ II, 380
Retraite.
Retraite. — La réflexion sérieuse doit précéder toute grave entre-
prise. Or quelle plus grave affaire que celle du salut? II, 169
Retraite. — Biens multiples et immenses que produisent sur
l'âme les exercices d'une retraite II, 170
Révélation. — Nécessité pressante où était l'homme d'une Ré-
vélation. — Sans elle il dénature et corrompt même les vérités
naturelles. — Sans elle les vérités surnaturelles lui demeurent
inaccessibles I, 69
Révélation. — Nos devoirs envers les divines Révélations. — Il
faut les adorer : il faut y acquiescer : il faut, au dedans de nous et
au dehors de nous, les défendre I, 77
Révélation. — Sa magnifique universalité. Tandis que la Sa-
gesse humaine n'a pu fonder que des écoles, réunir quelques
rares disciples, la Révélation a su conquérir tous les lieux et tous
les temps. Elle a fondé un immense, un universel empire, une im-
périssable domination I, 96
Révélation. — Sans elle la raison naturelle demeure impuissante
devant de très nombreux problèmes IL 3
Riche. — Le riche aune obligation toute particulière d'être re-
ligieux. — Désastre s'il cesse de l'être . . . L 63
Riche. — Le riche doit faire l'aumône sous peine d'injustice. . I, 383
Riche. — Le riche trouve dans le contact du pauvre sa lumière,
sa gloire, sa richesse éternelle • L 391
Royauté de Jésus-Christ. — V quels titres Jésus-Christ est Roi.
i° De par son origine. — Jésus-Christ est Homme-Dieu. Comme
Dieu il est (rop évident n l'a '. '.'■ apparli i ;i;' • universel. —
568 TABLE GÉNÉRALE
Mais comme Homme, Dieu lui a remis tout reçue, tout jugement,
toute autorité.
2° De par sa Rédemption. — Eu retour des humiliations et des
douleurs de Jésus-Christ, sou Père lui donne le règne universel, et
tout. — au ciel, sur la terre, dans les enfers, — relève de Sun
sceptre.
3° De par sa mission. — Jésus-Christ est venu conquérir le monde
pour le transfigurer, cette missiou suppose un plein pouvoir de
gouvernement, de jugement, de coercition I, 414
S
Les dangers du sacerdoce.
I. Insensibilité dans les choses saintes. — D'où nait celte insensibi-
lité. — Quels faits la caractérisent. — Combien difficile est sa gué-
tison.
II. Recherche de soi-même dans le ministère des âmes. — Re-
cherche de la vaine gloire. — Recherche du bien-être. — Recher-
ches du cœur.
III. Illusions de la conscience. — Ces illusions constituent un
très réel danger. — Comment s"eutretieuuenl ces illusions. . . IV, 383
Sacrifice (Le T. S.).
i° Comment le Sacrifice, ï Holocauste, est le plus excellent hommage
à In divinité. — Si la voix, les acclamations, les prières de la créa-
ture sont un excellent hommage, — un autre beaucoup plus sublime
est son silence, son anéantissement, sou immolation.
2° Comment aucun holocauste n'était digne 'le In Divinité sinon
Vholocauste d'un Homme-Dieu. — Ni l'ange, ni l'homme, ni au-
cun êtrecréé ne pouvait devenir un holocauste digne de Dieu. —
Il fallut l'holocauste d'uu Homme-Dieu.
3° Comment le T. S. Sacrifice de la Messe n'est autre chose que
Vholocauste de l'Homme-Dieu. — Identité du Calvaire et de l'Autel. Il- 108
Sagesse chrétienne. — La sagi ssse consommée consiste à con-
naître sa lin : — les moyens d'y parvenir; — les obstacles àren-
rerser.
La sagesse consiste a régler sa vie entière d'après sa fin ... II. -43
Sainteté. — En quoi consiste, pour tous indistinctement! la
Saint été- ?
TABLE GÉNÉRALE 569
Pourêtre saiats, non- devons : — imiter Dieu: — uou> unir ù
Dieu: — nous séparer de l'esprit du monde ennemi de Dieu . . F, 185
Saints.
Saints. — Il nous importe d'étudier: d'apprécier, d'honorer, d'i-
miter les exemples des Saints Il- 209
Saints. — Dieu fait les Saints pour Lui-même. — Par eux il
- - sa gloire. — Par eux il triomphe de l'empire du mal. —
Par eux son cœur trouve ^a plus délicieuse demeure au milieu du
monde II, 2 H
Saints. — Les Saints reproduisent admirablement Jésus-Christ,
et Jésus-Christ tout entier, Jésus-Christ dans les différents traits
di - per i te et les diverses <ireonstances de sa vie mortelle . II, *2 1 9
Saints. — Dieu nous donne les'Saiuls comme de puissants auxi-
liaires. — Les Saiats sont notre lumière. — Les Saints sont no-
ir.' défense et notre appui. — Les Saints sont nos excitateurs . . IL 221
Salut. — Le salut à opérer est pour l'homme ici-ba-; l'affaire
capitale. — Le salut est l'affaire pressante. — Le salut est l'af-
faire aisée et douée I, 40
Le salut.
1. L'affaire du salut affaire capitale. — Capitale, ear elle est uni-
que. — Capitale., car elle engage d'immenses intérêts. — Capi-
tale, car la perte y es! irréparable.
IL L'affaire du salut affaire pressante. — Dieu se montre pre>-
— La mort se montre pressée. — L'Eglise de Dieu se montre pres-
IV, 32
Unum est necessarium.
I. Le salut seule cho*e importante. — Où ne sont pas les chos -
importantes. — Où est la chose importante.
IL Le salut seide ^hose pressante. — Jésus-Chris! est pressé
comme Sauveur. — Jésus-Christ est pressé comme Jug^. . . .IV
119
Sanctification. — Elle ne peut rester dans le vague et le géné-
ral. Elle doit s'attacher: à nos tentations spéciales: à nos devoirs
spéciaux: à nos sacrifices et à nos retranchements spéciaux ... IL 35
Le Précieux Sang.
I. C'est le Sang Expiateur. —L'effusion du sang était nécessaire.
— L'effusion du sang fut perpétuelle. — L'effusion du sang doit
être partagée.
IL C'esÙe Sang Testateur. — Un testament a été l'ait par Dieu en
notre faveur. — A quelle condition pouvons-nous jouir de ce testa-
ment ? — Autre essentielle condition pour jouir du testament.
III. C'est le Sang Protecteur. — Il nous protège contre nous-mê-
mes.— Il nous protège contre le démon.
IV. C'est le Sang Vengeur. — Terrible sort de ceux qui rendent
570 TABLE GÉNÉRALE
inutile le Sang divin. — Sort plus terrible de ceux qui le profa-
nent III, 126
Sensualisme.
Sensualisme. — 11 détruit toute l'œuvre de la Rédemption et de
la Glorification de l'homme II, 191
Sensualisme. — Il fait le malheur de l'homme en anéantissant
ses espérances futures et en dévastant même sa vie d' ici-bas. . II, 197
Sérieux. — La vie sérieuse est la seule vie que Dieu agrée. —
La seule qui soit digne du chrétien et sauvegarde ses plus hauts
intérêts. — La seule qui assure la prospérité de lafamilleet de la
Société Il, 501
Service de Dieu. — Il est facile et doux. — Jésus-Christ est fa-
cile à contenter. — Facile à apaiser. — Facile et bon à condes-
cendre I, 124
Société. — Triste état de la Société en France (t. I, p. 5). — In-
crédulité, fausse science, corruption, faiblesse et pusillanimité
chez les bons ; haines violentes chez les autres I, 2S
Société. — Dangers pressants que lui font courir en France et
en Europe les vices combinés de la classe élevée et de la classe
ouvrière I, 49
Société. — Plan sur lequel Dieu a constitué primitivement la So-
ciété.— Comment Jésus-Christ l'a restaurée 1,46
Société. — Ravages que cause à la Société l'inconduite dans les
hautes classes ; — l'inconduite dans la classe ouvrière I, 361
Société. — Nécessité, pour qu'une Société soit florissante, de la
Religion et de la vertu L 367
Surnaturel.
Surnaturel. — Une destinée surnaturelle est assignée à l'homme.
— Celle idévat ion rend seule compte de ce qu'est l'homme, des
phénomènes de sa nature, de sa situation ici-bas I, 433
Surnaturel. — Repousser cette destinée surnaturelle est tout
ensemble folie, révolte audacieuse, monstrueuse ingratitude. . . 1. 149
Symbole catholique.
Symbole catholique. — Il a élé remis entier, seeilé. définitif par
Jésus-Christ entre les mains de sou Eglise. — Il se compose de
louiez les vérités révélées par Dieu à la terre II. 357
Symbole catholique. — L'Eglise qui l'a reçu complet dès la pre-
mière heure, le développe à travers les siècles. — Dans ce déve-
1 oppemenl des dogmes définis de fui. l'Eglise agil d'après l'oppor-
tunité des temps et les besuins divers .le la Société catholique . II, 338
TABLE GÉNÉRALE 571
Sur les tentations.
I. Nécessité des tentations. — Nécessité tirée de la nature de l'ê-
tre libre. — Nécessité tirée de notre destinée glorieuse. — Néces-
sité tirée de l'expresse volonté de Dieu.
II. Nature des tentations. — Parfois c'est Dieu qui nous éprouve.
— Parfois la tentation vient de nos ennemis.
III. La pratique des tentations. — Il nous faut la vigilance. — Il
nous faut la mortification. — Il nous faut la prière III, 3o3
Théâtre. — Entre autres méfaits du théâtre contemporain, il
abaisse indignement et flétrit la famille.
1° II flétrit chaque membre de la famille. — Il donne le continuel
spectacle de l'adultère etde l'infidélité. Par là il amollit les carac-
tères. 11 fait tomber la pudeur. Il familiarise avec le vice. Il pré-
pare les plus déplorables chutes:
2° Il flétrit les idées droites et les nobles sentiments. — Il pare le
vice de tous les attraits. — Il ridiculise de toutes manières la vertu.
Il a tour à tour flétri la paternité, la maternité, le légitime ma-
riage.
3° Il se fait le fauteur des plus détestables doctrines. — Sans cesse
il combat l'unité, l'indissolubilité du mariage I, 2't6
Tiédeur. — Ravages de la tiédeur dans une âme.
1° Elle y affaiblit la foi. — Admirables visions qui remplissent
et enflamment l'âme sainte et fervente. — Là où ces clartés s'é-
teignent, immobilité, silence, inertie.
2° Elle brise les forces spirituelles. — L'âme tiède, âme sans gé-
nérosité, sans essor, sans héroïsme. Tout lui coûte : elleabandonne
tout, elle n'accorde plus rien à Dieu II, 165
Sur la tiédeur dans le service de Dieu.
I. Description de l'état de tiédeur. — Aspect général d'une âme
tiède. — Etude plus particulière d'une âme tiède. — Formation
en l'âme de l'état de tiédeur.
II. Appréciation de Vétat de tiédeur. — La tiédeur el Dieu. — La
tiédeur et l'àme.
III. Remèdes à l'état de tiédeur. — Guérison difficile. — Trois re-
mèdes opposés aux trois maux de la tiédeur 111,469
572 TABLE GÉNÉRALE
La tiédeur dans la vie sacerdotale.
I. Dangereuse à cause de ses illusions. — L'illusion par rapport
aux devoirs d'état. — L'illusion par rapport aux grâces divines.
— L'illusion par rapport ;i la sanctification sacerdotale.
IL Dangereuse à cause de ses réalité*. — Misères du présent. —
Terreurs de l'avenir IV. 4bl
La loi du travail.
I. G cette loi. — Noblesse et urgence de la loi du tra-
vail. — Sanctions redoutables à la loi du travail IV, 195
Trinité — (Très Siiute).
Sainte Trinité. — Dieu est un en trois Personnes distinctes. —
Cuiou ineffable des Trois Personnes. — ■ Incompréhensible amour
des Trois divine-; Personnes. — Les «Missions» dans l'Adorable
Trinité I. 223
Trinité. — La T. S. Trinité type de la famille.
1° Type sacré dans son essence. — Pour représenter la mysté-
rieuse Procession des divines Personnes. Dieu crée les membres de
la famille en les faisant sortir d'un principe unique.
2° Tyre sacré dans son union. — Ineffable union des Personnes
divines entre Elle-;. — Union dont les membres d'une même famille
doivent reproduire les traits différents.
3° Type sacré dans son amour. — La vie intime de Dieu c'est
l'amour. — La vie de la famille c'est l'amour.
4° Type dans sa hiérarchie. — Comment l'entendre en Dieu ? —
Ce qu'elle doit être dans la famille I, 222
L'Invocation de la T. S. Trinité.
I. Ce que nous rappelle cette Invocation. — Premier grand souve-
nir : notre création. — Deuxième grand souvenir : notre rédemp-
tion. — Troisième grand souvenir: notre régénération.
IL Ce à quoi nous excite celte Invocation. — Elle nous excite à la
foi la plus sublime. — Elle nous excite à la piété la plus continue.
— Elle nous excite & l'imitation la plus noble IV, 273
u
Union à Dieu. — Comment toutes les œuvres de Dieu n'ont
TABLE GÉNÉRALE 573
qu'un but, aboutissent à un terme unique: unir à Lui sa créature
intelligente I, 190
Union à Dieu. — La coopération de l'homme est exigée de Dieu
pour consommer cette union. — A quelles conditions le chrétien
peut vivre d'une vie d'union à Dieu 1, 192
Union dans le mariage.
1° L'union dans le mariage. — Cette union étudiée : Dans son type
divin. Dans ses applications diverses.
2° La désunion dans le mariage. — Les unions mal préparées. —
Les unions mal subies I, 268
3° Les causes ordinaires de désunion L 279
La vaine gloire.
I. La vaine gloire est un mal. — La vaine gloire est une folie. —
La vainc gloire est une honte. — La vainc gloire est une source de
péchés.
II. Comment se guérit le mal de la vaine gloire. — Contemplons
les exemples des Saints. — Replions-nous sur nos fins dernières. IIL 105
La vérité catholique.
I. La vérité comme besoin de l'homme. — Nos vérités naturelles
sont, sans doute, nombreuses et 1res riches. Néanmoins nos véri-
tés naturelles sont insuffisantes et de plus Irop souvent ébranlée-.
— 11 nous faut donc une vérité transcendante et complète. — Cette
vérité transcendante et complète existe.
IL La vérité comme richesse de l'homme. — C'est la richesse de
son intelligence. — C'est la richesse de son cœur IIL 250
Vérité catholique. — Ses caractères.
1° Elle est universelle. — Elle embrasse tous les temps. — Elle
embrasse toute la terre. — Elle confond en une même domination
toutes les intelligences.
2° Elle est indestructible. — Elle a résisté à toutes les attaques
de ses ennemis. — ('.es ennemis elle les a tous, tour à loùr, ren-
versés.
3° Elle est féconde. — Elle seule fait mouvoir tous les ressorts
de notre sanctification. — • Elle seule enfante en nous tous les bé-
574 TABLE GÉNÉRALE
roïsmes. — Elle seule a couvert le monde catholique d'innombra-
bles et merveilleuses institutions I, 96-101
Vérités (Les grandes). — Dieu nous a révélé des vérités splen-
di des sur Lui., sur nous, sur le monde, sur l'avenir. — Dieu nous
a révélé des vérités formidables : le jugement : l'enfer. — Dieu
nous a révélé des vérités délicieuses II. 402. — 1,72
Viatique (Le Saint.)
Le S tint Viatique. — Quel besoin pressant, nous en avons dans
dos maladies mortelles II, 124
Le Saint Viatique. — Quels effets admirables produit en nous le
Saint Viatique dignement reçu II, 127
Vie chrétienne. — Jésus-Christ la fait connaître dans un gracieux
symbole. — Elle est précieuse dès le temps. — Elle est mille fois
plus pré.cieuse en vue de l'éternité I, 317
Vie sérieuse.
\° Elle est nécessaire. — Seule elle rentre dans le plan divin. —
Seule elle s'adapte au christiauisme. — Seule elle nous fait attein-
dra notre destinée. — Seule elle nous assure le bonheur.
2° Elle est commandée. — Jésus-Christ est venu promulguer la
vie sérieuse. — Jésus-Christ maudit et repousse toute vie qui eu
'■-I la négation et la ruine II. 20!
Vie sérieuse.
1° Elle est le salut de V individu. — Peinture de l'homme dans la
noblesse féconde, dans la virilité de la vie sérieuse. — Peinture de
l'homme de la décadence actuelle.
2° Elle est le salut de la famille. — La famille florissante par le
i\ accomplissement des devoirs. — La famille ruinée par la
vie de dissipation et de plaisir.
3° Elle est le salut de la société. — Dangers sociaux de l'heure
sente. — Dangers dus avant tout ;i l'abandon de h vie sé-
rieuse IL 207
Vie sensuelle. — Elle est un attentat contre le vrai bien de
l'homme.
1° Elle anéantit ses destinées futures. — Elle les contredit : elle
rend l'homme absolument incapable d'y atteindre, même d'y aspi-
rer.
2° Elle ravage sa vie présente. — Quelle que soif cette rie : soit
celle de l'honnêteté naturelle; — soit celle des passions j >oit celle
de l'infortune IL 196
Vie inutile. — Les phases honteuses de la vie inutile.
1° La lie inutile commencée dés l'enfance. — C'est l'éducation
TABLE GÉNÉRALE 575
première manquée. — C'est l'initiation précoce à la paresse. —
C'est l'habitude de la frivolité et de l'amusement.
2° La vie inutile envahissant l'âge mûr. — Elle détrait le devoir.
— Elle ruine la vie domestique. — La vie iuutile dans le père,
dans la mère, daus la maîtresse de maison.
3° La vie inutile détruisant la vie chrétienne. — Elle n'est propre
à aucune des conditions du salut; elle les méconnaît et les néglige
toutes. — Elle est odieuse à Dieu qui lui refuse toute grâce, tout
secours, toute promesse, toute bénédiction I, 320
Vie molle.
Vie molle. — Elle est entièrement opposée à li Sauetilication
chrétienne. — Elle nous empêche de nous élever jusqu'à Dieu. —
Elle nous empêche de uous donner à Dieu. — Elle nous empêche
de nous purifier pour aller à Dieu. — Elle nous empêche de ren-
verser les obstacles qui nous séparent de Dieu II, 179
Vie mystique de Jésus-Christ. — Quelle est la vie que Jésus-
Christ mène au milieu de nous jusqu'à sou seeou 1 avènement?
1° Voilée. — 11 le faul parce que Jésus-Chrisl vit au sein de no-
tre épreuve. — Parce qu'il partage en quelque sorte cette épreuve.
— Parce qu'il continue a être hostie pour le péché. — Parce qu'il
est juge.
2° Puissante. — Le règne de Jésus-Chrisl, quoique caché, a une
tout extraordinaire puissance. Ces! un règne absolu. — Un tel
règne est exigé : parce que Jésus-Chrisl esl : vérité, noblesse, amour.
3° Suave. — On'- Jésus-Christ est facile: à contenter, à apaiser,
à condescendre ' I, 120
De la virginité du cœur du prêtre.
I. Excellence du cœur vierye. — Ce cœur esl de création divine.
— Ce cœur habile une divine patrie. — Ce cœur est destiné à de
divins usages.
II. Prostitution du cœur vierge. — Possibilité de ce mal. — Ca-
ractère de ce mal IV, 424
Le zélé des âmes.
I. Sa nécessit*'. — Crandeur des intérêts engagés. — Exemple
des Trois Personnes divines. — Les terreurs de l'avenir.
1 y ti U U L:
576 TABLE GÉNÉRALE
II. Sa pratique. — Le Prêtre doit souffrir pour les Ames. — Le
Prêtre doit prier pour les âmes IV. 3*57
Zèle des âmes.
Zèle des 'Unes. — Il a amené l'Incarnation. — Il pénètre l'E-
glise. — Il fail le fond de sa vie. — Il esl le ressort de sa pro-
digieuse activité I. 2i(t
Zèle des âmes. — 11 doit pénétrer l'âme chrétienne et il lui fait
trouver mille moyens de convertir et de sanctifier le prochain.
Rien n'est aussi richement récompensé par Dieu que le zèle des
âmes I, 219
FIN DE LA TABLE GENERALE
rmprimerie Générale de Chatillon-siir-Smiit'. — Picuai m Pcpin.
BX 1756 .A1D68 1895
v.4 snc
Doublet, Jules,
1833-1910.
Guide du prj'tre dans
ses pr/'dications choix
BAN-5903 (mcsk)