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V
Guide Manuel
DtJ
Pr ati ci en- R el i eux
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
Traité théorique et pratique de Fart da
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hors texte et 17 fijB^ures. 19 fr. &0
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Guide Manuel
THÉORIQUE ET PRATIQUE DE L'OUVRIER
ou
Pr ati ci en - Rel i eur
CONTENANT DANS TOUTES LEURS PARTIES
La Brochure dans ses rapports avec la reliure,
La Reliure en tous genres, Le cartonnage à la Bradel,
Le cartonnage des livres classiques et autres,
L'Emboitage, etc., etc.
PAR
Em. ^OSQUET
Relieur- Doreur praticien
Auteur du Traité théorique et pratique de l*art du relieur,
et de divers ouvrages et notices sur la reliure etc.
Officier d'Académie
PARIS
LIBRAIRIE POLYTECHNIQUE CH. DÉRANGER, ÉDITEUR
Successeur de BAUDRY & O»
15, RUE DES SAINTS-PÈRES
Maison à Liège : 21, rue de la Régence
1903
Tous droits'Téservés
ICHOOL
A Monsieur
CHARLES MAGNIER
Ivi534^«
PREFACE
Comme notre titre l'indique, le petit ouvrage que
nous publions aujourd'hui, fruit d'une longue expé-
rience et d'études constantes, est destiné à venir en aide
à ceux qui, à un titre quelconque, entrent dans la car-
rière ou s'occupent de la reliure et des arts industriels
qui s'y rattachent.
A servir de vade-mecum usuel aux artisans attachés
à l'habillage du livre.
Aux ouvriers qui désirent s'instruire, s'assimiler les
méthodes les plus simples, les plus pratiques, en vue
de produire un ensemble aussi rapproché que possible
de la perfection, tout en tenant compte des exigences
du métier et du milieu dans lequel ils sont appelés à
exercer leur art ou industrie.
Dans un art qui, bien souvent, et pour des causes
faciles à saisir, ne peut que s'astreindre aux formules
les plus banales, mais qu'il importe toutefois d'appli-
quer avec intelligence ; qui, parfois, s'inspire d'un
sentiment assez élevé, disons dans certains cas^ même
très élevé, toujours il restera quelque chose à appren-
dre, tant par ceux qui se spécialisent dans telle ou telle
partie de la reliure, etc., que par ceux à qui leur situa-
tion permet ou oblige à embrasser Tensemble de Part
ou métier de relieur.
C'est aussi en vue de la spécialisation et afin de
mettre cet ouvrage à la portée du plus grand nombre,
BOSQUET — RELIURE 1
â 1>RËFAC£
disons de toutes les bourses, que nous nous sommes
décidés à le diviser en deux parties : Tune traitant de
la reliure proprement dite et formant un tout complet
à l'usage de l'ouvrier ou praticien relieur ; l'autre trai-
tant de la partie ornementale, à l'usage de l'ouvrier
doreur sur cuir ou sur tranches^ du marbreur, etc. Des
artisans et artistes s'occupant de la partie ornementale
ou décorative de la couverture du livre, relié ou car-
tonné. Spécialités qui, dans la pluralité des cas, s'exer-
cent en dehors des ateliers de reliure.
DÉFINITION DE LA RELIURE
L'art ou industrie du relieur consiste à assembler les
feuilles d'un livre en masse compacte, agencée sous
une couverture solide pour en faciliter l'usage et en
assurer la conservation.
Oo distingue divers genres de reliures, savoir : la
relium pleine, cousue sur nerfs ou à dos brisé, la
demi^reliure^ le reliure ou cartonnage à la Bradel et,
enfin, la reliure ou cartonnage emboîté {emboîtage).
On désigne sous le nom de reliure pleine celle dont
le dos et les plats de la couverture sont entièrement
recouverts en peau (il en est de fabriquées spécialement
pour cet usage) ou d'un tissu quelconque. On entend
par demi-'reliure celle dont le dos ainsi qu'une partie
des plats sont seuls recouverts soit en peau, en
toile, etc. ; la reliure genre Bradel ou cartonnage per-
fectionné ; puis Yembottage dont la couverture s'adapte
ensuite au volume agencé d*autre part selon les besoins
de la cause, et ce, en vue d'établir des reliures à des
prix relativement réduits.
Après rimpression, on fait sécher les feuilles en les
étendant par petites pincées à califourchon avec l'aide
d'uu /erlet ou étendoir, soit sur des ficelles, soit sur
des traverses ou tringles en bois, dans un endroit sec ou
chaud (séchage). On les satine en les mettant en presse
entre des cartons glacés, dits cartons de Lyon {sati'
4 DEFINITION DE LA RELIURE
nage). On plie ensuite les feuilles imprimées, selon
rimposition ou agencement des pag'es imprimées sur
la feuille (pliure) pour en faire des cahiers que Ton
assemble en volume (assemblage).
On bat les volumes à Taide d'un lourd marteau de
forme spéciale (battage) ou on les lamine entre des
plaques de zinc ou de cuivre (laminage). On les met
en presse entre des ais en carton ou en bois bien unis,
puis on collationne le livre à l'aide des chiffres, ou
signatures^ qui se trouvent au bas de la première page
de chaque cahier.
On procède ensuite à la couture, soit sur nerfs, telle
que la pratiquaient les anciens relieurs, soit sur rubans
ou, enfin, sur ficelles, à la grecque, telle qu'on la pra-
tique pour la plupart de nos jours. La grecqure con-
siste à entailler le dos du volume à l'aide d'une scie à
main (grecque) ou à la machine à grecquer ; ces entail-
les ou encoches, faites à des distances déterminées,
servent à enchâsser ou dissimuler les ficelles sur les-
quelles on coud le volume et à faciliter en même temps
le travail de la couture. Ce travail se fait sur un métier
à coudre (cousoir) sur lequel l'ouvrière tend les ficel-
les ; les fils de lin écru dont elle se sert et qu'elle enfile
dans les cahiers, en passant l'aiguille dans les encoches
qui lui servent de guide, y compriment en même temps
les ficelles qui, après l'opération, font corps avec le
volume et servent à y rattacher les cartons de la cou-
verture.
Le travail de Vendossure consiste à approprier les
cartons au volume et à donner à celui-ci la forme vou-
lue, la forme d'une reliure, à l'aide de presses de
divers genres affectées à cet usage. On égalise ensuite
les tranches du volume au moyen d'une presse à
rogner, sur laquelle glisse le fut ou rognoir, armé
DEFINITION DE LA RELIURE 5
d'un couteau affûté en fer de lance ; puis on procède à
la dorure ou au coloriage des tranches.
La couvrure forme un ensemble d'opérations dont
les préliminaires consistent dans le placement des
signets (rubans de soie ou ? que Ton fixe par un bout
au haut du volume et dont la partie restée mobile sert
à marquer telle pai^i^e du livre que le lecteur désire
retrouver) et des tranche-fils servant d'assise à la coiffe
de la reliure et que l'ouvrière agence, aux extrémités
du dos, à l'aide de fils de soie ou de lin (tranchefi-
lure) ou qui, fabriquées préalablement en bandes, se
fixent alors à la colle. A solidifier le dos du volume, à
l'aide de collages de bandes de peau ou vélin assoupli,
de toile ou de papier ; à l'appropriation des nerfs ou
faux-nerfs ; à la coupe et à la. parure des peaux de
maroquin, de chagrin ou chèvre, de veau, de basane
ou mouton, etc., fabriquées spécialement pour la
reliure ; à l'application de l'une d'elles sur la reliure
en cours, ce qui constitue la couvrure proprement
dite.
La partie artistique par excellence, et dont il sera
question dans la seconde partie du présent ouvrage,
consiste à empreindre en or, en gaufrures ou en cou-
leurs typographiques ou mosaïques, etc , sur la cou-
verture, soit à la main ou à l'aide de presses à balan-
cier, les pièces gravées sur bronze (fers à dorer), carac-
tères, etc., servant à l'ornementation de la couverture
du livre ou à désigner le titre de l'ouvrage. On achève
la reliure par le collage des gardes, la mise en presse
et le vernissage. N'oublions pas quelques travaux
intermédiaires, tels que le placement des gravures ou
planches, s'il y a lieu, qui se fait après la pliure ;
Yébarbage des tranches qui se fait aux livres d'ama-
teurs, et ce, avant de coudre le volume.
GUIDE MANUEL DE L'OUVRIER RELIEUR
CHAPITRE PREMIER
La brochure dans ses rapports avao la reliure
La brochure dont certaines parties servent de base et
Tensemble d'introduction à la reliure, mérite à plus
d'un titre de retenir l'attention des praticione relieurs.
Il n'entre pas dans notre cadre d'en donner une des-
cription approfondie, mais il importe que certaines
parties, celles se rattachant directement à la reliure,
soient rendues familières môme par la pratique aux
adeptes de notre art.
L'ensemble du travail du brocheur, consiste : à
sécher Us/êailles nouvellement sorties de presses litho
ou typographiques et destinées à former des volumes ;
à lei êatinërt puis à les couper* et plier selon l'im-
position ; à assembler cm feuilles dans leur ordre chro-
nologique ou numérique pour en former un ou des
volumes ; à coudre le volume, à le mettre en presse,
puis À y appliquer une couverture en papier uni ou
imprimé portant au dos et sur le plat le titre de Tou-
vrage. On ébarbe ensuite au moyen de ciseaux ou
cisailles, les feuillets qui dépassent l'ensemble, à seule
fin d'égaliserléstranches. Le brocheur se chargée, dans
certains cas, de glacer entre des plaques de zinc et
avant l'impression^ les papiers destinés aux éditions de
\^i^ ou À vignettes et gravures intercalées dans le texte.
8 GUIDE .IIANUBL DE L OUVniEII RELIEUR
Glaçage. -— Le glaçag'e a pour but d'enlever ce que
l'on nomme, le grain du papier, ainsi que les rugo-
sités provenant de certains défauts de fabrication. Lais-
ser subsister ces inégalités serait non seulement nuisible
à la netteté et A la beauté des tirages, mais encore à la
conservation des gravures et clichés employés. Le gla-
çage s'exécute de diverses façons, mais toujours après
que le papier a été humecté et préparé pour l'impres-
sion, ce dernier travail incombe à l'imprimeur qui,
lorsque le papier a atteint le degré de moiteur voulu,
confie les feuilles au glaceur.
Fig. t. — Laminoir pour le glaçage du papier.
Le travail du glaceur consiste, à placer chaque
feuille de papier, entre des feuilles de zinc bien uni.
GXllDB MANUEL DE L OUVRIKR
dit ziac à satiner, puis de les passer ealre les cyliodres
d'tiii laminoir actionné à bras ou au moteur. Les pla-
ques de zinc doivent être tenues dans un étal de pro-
preté parfaite : l'humidité déposée par le papier doit
être enlevée fréquemment afin d'éviter l'oxjdation du
zinc, ce qui serait nuisible même incompatible avec
l'exécution du travail.
Le glaçage entre des plaques de zinc peut, dans cer-
tains cas, être remplacé par le moyen de calandres à
trois, quatre, six cylindres et plus, fonctionnant à froid
ou chauffées à la vapeur.
Fig. 3. — Calandre pour le glaçage elle saliaage des papiers.
Séchage. — Le séchage des feuilles imprimées a
pour but d'enlever l'humidité du papier nécessitée par
l'impression et aussi de fixer les encres litho ou typo-
graphiques employées. Celles-ci, selon leur nature étant
sujettes k maculer plus ou moins les cartons à satiner
iO GUIDB MANUKL 0K L*OUVRIiR RELIEUR
et surtout les feuilles avoiëinantes pendant les opéra-
tions de la brochure et surtout de la reliure.
Le séchag'e se pratique de diverses façons; i*^dans
des fours ou chambres de chauffei dans lesquels on
fait circuler alternativement des courants d'air chaud
et froid, ce qui permet de presser, laminer ou battre
les livres le lendemain de Tirnpression* 2° Dans des
chambres ou salles où» en été, on laisse circuler lair
et la chaleur atmosphérique et que l'on chauffe pendant
rhiver et les temps humides au moyen de calorifères
ou poêles en fonte. Les feuilles sont g'énéralement éten-
dues aussi près que possible du plafond ; le meilleur
mode d'étendag'es consiste à placer les feuilles sur des
tringles en bois de 4^6 centimètres de large et de 2 cen
timètres d épaisseur. Ces tringles posées sur champ
et dont les angles supérieurs sont arrondis, permettent
d'étendre les feuilles en ligne droite sans crainte de les
déformer, ce qui n^est pas le cas si Tétendage se fait sur
des Çcelles ou cordes de chanvre qui fléchissent plus ou
moins sous le poids des feuilles et impriment à celles-ci
une courbe qui leur est plus ou moins préjudiciable.
Il est bon de laisser les feuilles étendues le plus long-
temps possible, afin de pouvoir les travailler sans avoir
à craindre le maculage. On s^assure si les encres sont
suffisamment sèches, en plaçant un morceau de papier
blanc sur une feuille étendue à plat sur une surface unie
et résistante, on frotte alors avec l'ongle sur le papier
qui se maculera d'un portion d'encre si celle-ci n'est
pas suffisamment sèche. Dès que les feuilles sont sèches
on les enlève des tringles en se servant toujours du
ferlet ou étendoir.
Satinage. — Voutillage ordinaire du satineur se
compose d'une presse à grande puissance. Celles que
[ MAHUIIL DB LOUVRIKH HBLIIUR
l'on emploie g^éaé raie méat sont des preitu hydrauli-
ques, plus ou moins fartes aelon l'étendua des feuîllas
à satiner, ou les besoins usuels du brocheur. On
Fig, 3. — Presse hydraulique.
emploie aussi les pressses en îvr à percussion, ainsi
que d'autres du même ^enre, actionnées par un volant
et une roue à eagroaaigea commandée par un pignon
avec vis sans fin, mais aucune de se» presses ne peu-
là GUIDE MlLNUBL DE L'UUVRIER HELIEUn
vent atteindre la puissance de la presse hydraulique
(fig'. 3). Ces presses sont actionnées au moyen de
pompes FonctionnaDt à bras ou au moteur. L'outillag:e
comprend en outre plusieurs séries de cartons de divers
formats. Ces cartons sont en pâte très dure et fortement
l^'lacés. Les feuilles imprimées se placent entre les car-
tons, qui enlèvent le foulage ou reliefs produits dans
le papier par les tirages typographiques; ils rendent
en outre au papier la forme lisse et plane qu'il avait
perdue par l'humidité nécessaire à l'impression; il aide
aussi à sécher les encres dont les parties trop grasses
sont absorbées par les cartons.
Ces cartons qui absorbent l'humidité du papier et les
surcharges d'encres, se salissent assez rapidement. On
a soin de les faire sécher entre des tringles placées dans
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 13
le sens vertical, et d'essuyer les encres au moyen de
tampons de papier ou de ling'e fin. Si le satinage a
opéré sur des feuilles imprimées au moyen d'encres de
mauvaise qualité, il faut faire usag'e de benzine ou
d'alcool pour nettoyer les cartons qu^Ton frotte ensuite
à sec à Taide de lingues fins, puis on les laisse bien
sécher avant de s'en servir pour d'autres ouvragées.
Outre les moyens indiqués ci-dessus, certaines grandes
maisons se servent également d'une calandre à deux
cylindres chauffés à la vapeur. Celle-ci prend la feuille
au sortir de la presse litho ou typographique, la sèche
et la satine en même temps, mais on a pu constater que
dans certains cas, elle fait pâlir plus ou moins les encres
ayant servi au tirage.
Pliure. — La pliure des feuilles destinées à la bro-
chure ne présente à première vue qu'une importance
relative. Le brocheur, ne rogne pas le livre ayant
quelque valeur et son travail peut toujours se modifier
et être corrigé par le relieur.
Il serait pourtant à souhaiter que même pour la bro-
chure, cette partie du travail fut faite avec soin. En
effet, si le brocheur ne rogne pas le livre pour en éga-
liser les tranches, le lecteur a toujours hâte de consulter,
de prendre connaissance de l'ouvrage avant de le con-
fier au relieur, il coupe les feuilles sur le devant et en
tête et de ce côté surtout si la pliure est mal faite, le
livre subit de ce chef une avarie parfois sensible que
l'on ne peut remettre en état qu'en prenant sur les
marges.
Les conséquences d'un mauvais pliage sont bien
autrement graves pour un volume relié. Celui-ci étant
rogné, le défaut se dénonce au premier coup d'oeil, et a
pour conséquences de déprécier complètement le travail
14 6UIDB MANUEL DB l'oUVRIBR RBLIBUIl
du relieur, quelque soin qu*ii ait pris dans l'exécution
des autres parties de la reliure. Il est donc de la plus
haute importance que le pliage des feuilles d'un livre
soit fait correctement, c'est-à-dire avec précision, de
façon à arriver À un partage exact des marges. Ce
serait facile si l'impression elle-même était toujours
correcte, et si la retiration, c'est-'à-dire le verso de la
feuille imprimée, correspondait exactement au recto, ce
n'est pas toujours le cas ! ce qui oblige l'ouvrière à
chercher des points de repère souvent difficiles à établir.
Ce qui rend la pliure réellement difficile, c'est la très
fâcheuse habitude que l'on a prise d'assembler les
feuilles d'un livre par exemplaire et avant la pliure.
Il serait de tous points préférable, que l'on abandonne
et ce dans l'intérêt et de la bonne marche du travail, un
système qui, à première vue, paraît des plus rassu-
rants au point de vue de la constatation du nombre
exact qu'un tirage a produit, mais qui, d'autre part, pré-
sente de très graves inconvénients et des pertes de temps
considérables (i).
Voyons tout d'abord ce qui se passe alors qu'il s'agit
d'ouvrages non assemblés avant la pliure ? L'ouvrière
une fois son point de repère établi, ce qu'elle fait sur la
première feuillç, n'a plus à chercher pour les suivantes,
de là une régularité en quelque sorte automatique dans
la formation des plis et une grande assurance dans
l'exécution de son travail qui peut en outre se faire avec
plus de rapidité.
Dans une partie de ôoo volumes composés de ao ou 3o
(i) Il est à notre avis, tout aussi rassurant, sinon plus, de for-
mer des ballots de loo exemplaires, ou plus de la même feuille,
après les avoir reconnus en bon état ; celle amenant le plus bas
total, sur l'ensemble, délin^it^ alors le tion^bre ^xact ({ue |e
tirage a produit.
GUIDE MANUEL DB L*OUVRIBR RELIBUR 15
feuilles chacun, que Ton distribue entre lo ou i5
plieuses, chacune ayant deux feuilles, cela ne fait que
deux points de repère à chercher, pour mille feuilles. Il
n'en est pas de même si les volumes sont assemblés
par exemplaire ; le livre étant composé de 20 ou 3o
feuilles, cela fait autant de points de repère à chercher
nous disons ao ou 3o par volume et c'est à recomman-
-cer à chaque volume tant qu'elle en ait fait un certain
nombre. Que L'on jug'e par là du temps perdu, et si l'ou-
vrière n'est pas d'une habileté consommée, du travail
plus ou moins défectueux qu'elle a du produire.
Ce qui n'empêche que, pour les ouvrag-es en nombre
contenant diverses planches ou gravures, on est forcé de
procéder au désassemblage après la pliure afin de
réunir les cahiers contenant les mêmes gravures, cartes
ou cartons à remplacer ou à placer ; puis d'assembler à
nouveau le volume une fois le travail fait.
Il en est de môme des premier et dernier cahiers du
volume nécessitant toujours un travail spécial qu'il y
ait ou non des gravures ou collages à exécuter et cela
à cause des g'ardes et sauve-gardes à placer.
Il est donc de tous points préférable que les volumes
ne soient pas assemblés avant la pliure ; nous nousper^
mettons d'émettre ce vœu sans grand espoir de le voir
se réaliser !
La pliure se divise en deux genres : en pliure simple
et en pliure composée. On entend par pliure simple
celle limitée au pliage d'une feuille en deux, en
quatre ou en huit; soit à un, deux ou trois plis sans
encartag'es, ni coupes d'aucune sorte. La pliure com-
posées est celle qui se complique d'une ou deux coupes,
avec pliage et encartage de la partie coupée pour en
former un gros cahier j telles sont les feuilles in-12 et
in-î8. Cette derûièrâ méthode a pour cause d'anciens
46 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
errements qui ne sont pas sans présenter de sérieux
inconvénients et que dans l'intérêt du travail autant
que dans l'intérêt de l'éditeur lui-même nous serions
heureux de voir disparaître, les papiers mécaniques se
prêtant à toutes les combinaisons.
Entre les deux genres indiqués ci-dessus, la pliure
se modifie selon le format des livres à plier. Pour bien
nous faire comprendre nous devons tout d'abord indi-
quer la manière de manœuvrer le plioir.
Manière de plier. — La plieuse saisit le plioir entre
le pouce et les trois doigts inférieurs de la main droite,
elle pose l'index sur le tranchant supérieur, de cette
façon le tranchant inférieur entièrement libre, se pose
sur la feuille et se trouve en contact direct avec elle.
L'ouvrière le penche légèrement en avant pour former
les plis de bas en haut, et vers elle pour les former du
haut en bas. Quant aux plis à faire dans le sens hori-
zontal, elle penche le plioir en avant pour former le pli
à partir du centre vers la gauche, en le posant sur la
feuille dans le sens oblique à droite. Elle lui fait en"
suite par un simple mouvement du poignet, exécuter
un demi-tour qui le pose dans le sens oblique à gauche,
ce qui lui permet de former le pli de gauche à droite,
en penchaot le plioir du côté droit, tout en remettant la
main dans une position rationnelle.
La plieuse se sert également du plioir pour couper
la feuille, en le maintenant de même, mais en l'intro-
duisant à plat entre les deux portions delà feuille pliée.
Elle presse alors le tranchant du plioir contre la partie
antérieure du pli, et elle fend la feuille de bas en haut
d'un seul trait. Il est de la plus haute importance que la
feuille soit pliée avant de la couper. Certaines ouvrières
ont la déplorable habitude de couper la feuille sans for-
mer le pli, et se contentent de maintenir la feuille avec
la main gauche. Ces coupes non seulentent ne sont pas
-Plinrj. L'ajusta^ poi
nettes, mais il arrive fréquemment que le tranchant
du plioir, plus ou moins mal dirige, déchire la feuille,
18 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUR
qui par ce fait est plus ou moins abîmée et parfois com^
plètemeat perdue On ne doit pas exposer l'éditeur à
perdre un exemplaire de son édition, et cela par le
défaut d'une feuill6 gâtée par une ouvrière peu cons-
ciencieuse.
GOttpe des feuilles. — Dans les grands ateliers où les
ouvrages se fabriquent en quantités, il est rare que la
plieuse soit appelée à couper les feuilles avant de procé-
der à la pliure. Ces coupes se font ordinairement par des
ouvriers qui exécutent ce travail par quantités au moyen
de la machine à rogner. Dans les ateliers qui n'ont pas
de semblables moyens d'action, Touvrière qui reçoit
son travail en grandes feuilles et par paquets, place
Tun de ceux-ci devant elle, l'ouvre avec la main droite
et, saisissant un grand plioir dont elle appuie le tran-
chant sur les feuilles, elle fait sur celles-ci quelques
passes de gauche à droite pour les étager de ce côté, ce
qui lui permet de les prendre une à une sans risque de
se tromper; elle saisit la première feuille par le coin
du bas à droite, elle reporte ce côté vers la gauche, en
couchant les deux côtés de la feuille Tun sur Tautre, et
et en les ajustant sur les eu'tétes des pages ou chiffres
de pagination, elle plie alors les feuilles depuis le cen-
tre jusqu'en tétci puis elle ramène le plioir vers elle en
appuyant sur la feuille, pour former le pli depuis le
centre jusqu'en bas. Elle introduit alors le plioir entre
les deux et elle fend la feuille de bas en haut, tout en
la maintenant avec la main gauche; elle saisit ensuite
la première demi-feuille qu'elle place à sa droite, et avec
la main gauche elle pose la seconde demi-feuille à sa
gauche, et ainsi de suite jusqu'à ce que le tas soit épuisé,
si la feuille doit être coupée en quatre. Elle procède de
même pour les demi-feuiljes,
GUtDB MANVBL DB l'oUVHIBR RBLIBUR 19
Pliage das in-fblio. *-^ Les grands in*folio se compo-
sefit ordinairement de feuilles à plier simplement en
deux. La plieuse tenant le pi loir avec la main droite
appuie celui-*ci sur le paquet de feuilles, dont les signa-
tures sont placées dessous, de façon à ce que l'ouvrière
ait devant elle et en tête les chiffres 2 et 3 de la feuille
à plier. Elle fait quelques passes de gauche à droite
.pour les étagper de ce côté; elle saisit entre le pouce et
rindex de la main droite le coin de la feuille qu'elle
soulève, elle la saisit alors avec la main gauche avec
laquelle elle prend la feuille par le milieu, pour coucher
la partie de droite sur celle de g-auche, en ajustant les
chiffres qui se trouvent en tète des pages. Elle appuie le
tranchant du plioir sur la feuille, et en deux mouve-
ments exercés de bas en haut et du haut en bas, elle
forme le pli et place la feuille à sa gauche, pendant
qu^avec la main droite elle soulève la seconde feuille^
et ainsi de suite, en plaçant les feuilles pliées les unes
sur les autres.
Ce pliage est le plus simple et le plus facile, mais il
arrive que l'imprimeur, pour éviter que l'ouvrage soit
formé de simples feuilles, ait fait l'imposition de façon
à pouvoir former des cahiers de deux feuilles. On plie
alors chacune isolément, et on les encarte ensuite l'une
dans Pautre, ce que Ton exécute en plaçant la feuille
intérieure, bien exactement au fond du dos de la feuille
extérieure, tout en les égalisant parfaitement en tête.
Le cahier se compose alors de huit pages comme les
in-4*^.
In-4''. Feuille pliée en quatre, ou cahier de huit pages.
■— La plieuse pose à plat sur la table, le paquet de
feuilles. Les signatures toujours au-^dessous, et de façon
A É^voir devant elle les pages a et -jf et à la partie supé-
20 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
rieure de la feuille les pages 3 et 6 qu'elle voit à l'envers.
Après avoir fait quelques passes avec le plioir de bas
en haut pour étager les feuilles de ce côté, elle saisit le
haut de la feuille entre le pouce et l'index de la maia
gauche, et elle la rabat vers elle en la couchant sur la
partie inférieure, elle prend son point de repère aux
extrémités des dernières lignes au bas des pages, et
elle forme le pli dans le sens horizontal en deux mouve.
ments, tels que nous l'avons indiqué plus haut. Elle
saisit ensuite le côté droit de la feuille doublée, et elle
le porte vivement vers la gauche où elle l'ajuste sur les
chiffres de tête, elle forme le pli en deux mouvements
de bas en haut et du haut en bas, et elle place la feuille
à sa gauche. On voit que pour former les deux plis la
feuille n'a pas bougé de place, et que le cahier une fois
plié, se trouve dans la position normale pour être posé
à la gauche de celle qui opère sans changer de position.
In-8^. Feuille pliée en huit ou cahier de 16 pages. —
L'ouvrière pose le paquet de feuilles devant elle, la
signature au-dessous à gauche. Dans cette position elle
voit devant elle les pages 2-i5-i4-3, et au-dessus, à
l'envers, les pages 6-11-10-7. Après avoir fait quelques
passes avec le plioir de gauche à droite pour étager les
feuilles de ce côté, elle soulève la feuille avec la main
droite par le coin inférieur, elle s'en empare de la main
gauche par le centre et la porte du côté gauche, en
ajustant le chiffre 3 sur le chiffre 2, et elle forme le pli
de bas en haut et du haut en bas. Elle saisit ensuite le
haut de la feuille, qu'elle rabat sur la partie inférieure,
tout en maintenant le plioir au centre de la feuille
pour l'empêcher de se plier à faux; elle ajuste les deux
parties de la feuille sur les lignes au bas des pages, et
elle forme le pli dans le sens horizontal ; puis, si le
GUIDE MANUEL DE L'oUVRIER RELIEUR 21
papier est un peu épais, et qu'elle craigne que le der-
nier pli à faire forme des plissures en tête, elle fend la
feuille de ce côté jusqu'au centre, elle porte alors la
partie de droite sur la g-auche, en ajustant le chiffre 9
sur le chiffre 8, et elle forme ce dernier pli de bas en
haut et de haut en bas, puis elle pose le cahier à sa
g-auche. On voit que, malgré les trois plis à faire, la
feuille n'a pas bougé de place et se trouve après la
pliure dans une position normale, ce qui est très impor-
tant à cause des mouvements qu'il faut toujours s'in-
génier à économiser.
L'in-12 ou format Charpentier. — S'imprime ordinai-
rement sur feuilles de raisin double, donnant deux
cahiers de même de vingt-quatre pages chacun, ou
quatre cahiers dont deux de seize et deux de huit
pages. L'ouvrière coupe ces feuilles en deux et laisse
les deux parties l'une sur l'autre en les plaçant à sa
gauche, si le volume n'est pas assemblé par deux
exemplaires. Dans le cas contraire, elle place une
partie à droite, l'autre à gauche pour séparer chacun
d'eux, puis elle place un exemplaire en travers devant
elle, la signature en haut, à gauche, la face contre la
table. Elle voit alors si le cahier de huit pages, qui se
trouve à sa droite, porte au-dessus les pages io-i5-
i4-ii. Dans ce cas, celui-ci est destiné à être encarté
dans le cahier qui se trouve à sa gauche, et porte éga-
lement au dessus les pages 2-7-23-i8-22-i4-3-6. Elle
forme un pli dans la marge qui sépare les deux par-
ties, puis elle coupe dans ce pli, elle plie ensuite le
cahier de huit pages en plaçant les chiffres 10 sur 11 ;
ce pli fait, les chiffres 12 et i3 se présentent devant
elle, elle ferme le cahier en les plaçant Tun sur l'autre.
Reste la seconde partie ou gros cahier ; elle forme le
'
^ GUIDE MANUEL DE L^OUVRIER RBLtfiUtt
premier pli en plaçant 3 sur a, puis le second pli en
plaçant ai sur ao, ensuite le troisième en plaçant 17
sur 8, puis elle encarte le petit cahier dans le gros.
Dans le cas où la feuille a été imposée dans le but de
séparer les cahiers, la partie qui doit former le cahier
de huit pages porte à droite de la plieuse les pages
i8>a3-aa-i9, elle le sépare du gros cahier comme ci-
dessus, elle le plie, puis elle en fait autant du gros et
elle les place à sa gauche à la suite Tun de l'autre.
L'in-i6, qui est la moitié de 14n-8^, s'imprime,
comme celui-ci, sur des papiers du même format. Il y
a rin-i6 jésus, rin-16 raisin, Tin-iô carré, etc. Le
pliage s'exécute comme pour les in-8®. Les cahiers sont
de seize pages, ces formats affectent une forme carrée.
L'in*i8 s'imprime également sur les mêmes formats
de papier^ pour former Tin-iS jésus, raisin, carré, etc.,
mais l'imposition est faite de façon à produire trois
cahiers de huit pages, avec encàrtement d'un petit
cahier de quatre pages. On coupe donc la feuille en
trois parti es> on les place devant soi, la signature du
côté de la table, on enlève alors de la première bande le
petit cahier de quatre pages, en ayant soin que la coupe
se rapporte exactement aux proportions des marges de
tôte du gros cahier, que l'on plie, et, une fois le pre-
mier pli formé, on place par-dessus la feuille de quatre
pages pour plier le tout en une fois. On imprime par-
fois rin-<i8 de façon à ne former que deux cahiers à la
feuille. L'un deux porte alors vingt-quatre pages. La
partie forte de ce cahier se plie alors comme l'in-S®, c'est-
à-dire en trois plis, de plus l'encart est double et se
compose d'une bande dans laquelle on fait deux plis.
Les autres formats se plient de la même façon que
ceux que nous venons de décrire, il n'y a de différence
que dans leurs proportions.
CtiDB MANUBL DB L*OUVRIBR RBLiBUti 23
PLIURB MÉOANIQUK
Les machines à plier, eu ég^ard aux perfectionne*
ments qui y ont été successivement apportés dans les
deux mondes, ont fini par rendre de très réels services,
surtout aux brocheurs. Elles produisent, certes, un tra-
vail parfait, subordonné à certaines conditions qui, il
faut le dire, ne sont pas toujours mises en pratique par
nos imprimeurs.
Si les machines à plier rendent des services aux bro-
cheurs, dont on est loin d'exiger un travail parfait, il
n'en est pas de môme pour les relieurs, dont la correc-
tion dans le pliage des feuilles est de toute première
nécessité. A cet effet, qu'il nous soit permis de consta-
ter que la plupart des impressions, en ce qui concerne
les livres destinés à la reliure, c'est-à-dire ayant une
certaine valeur, laissent parfois à désirer, tant sous le
rapport de la rectitude de Timpositition que du man-
que de repérage dans les retirations.
La main de Touvrière plieuse, jointe à un coup d'œil
exercé, est intelligente et flexible. Hedresser^ dans les
limites du possible, les défauts provenant de l'impres-
sion, fait en quelque sorte partie de son métier. Il
n'est pas possible d'en demander autant, et pour cause,
à une machine à plier, dont le travail ne peut qu'être
automatique, quel qu'en soit le réglage. // ne peut
être non plus question de s'en servir pour les ouvra^
ges préalablement assemblés.
L'emploi général des machines à pUer ne sera pos-
sible que sur des feuilles dont l'imposition sera de tous
pointa correcte et dont la retiration sera exécutée avec
la précision voulue. La machine Martini, construite à
Frauenfeld (Suisse), est celle qui, à notre avis, réunit
24 GUIDE MANUEL DE L^OUVRIER RELlEUH
les qualités indispensables à Texécution d'un travail
parfait ; donnons de celle-ci une description sommaire.
Un bâti en fonte servant d'assise et d'encadrement
aux diverses articulations de la machine, supporte une
table double, en fer, sur laquelle une ouvrière mar-
g-euse place une à une les feuilles préalablement
posées en tas à côté d'elle. Ces feuilles, ajustées sur
pointures correspondantes à celles établies sur la
feuille, ou simplement à l'équerre, sont entraînées dans
la machine par le premier plioir ou lame émoussée en
fer poli qui, la machine étant au repos, domine la table
dans le sens horizontal, et qui, une fois la machine en
mouvement, descend et entraîne la feuille sous la table
dans le sens vertical en la pliant exactement en deux,
c'est-à-dire au centre de la marge sur laquelle il a été
ajusté lors du rég-lag-e de la machine.
Ce premier plioir remonte immédiatement à son
point de départ, laissant la feuille debout, mais soute,
nue par des cordons en métal caoutchouté et en contact
avec une seconde lame ou plioir placé sous la table dans
le sens vertical et qui, prenant la feuille en flanc, la plie
en deux parties égales dans le sens horizontal. Cette
seconde opération laisse encore la feuille debout, cette
fois en contact avec le troisième plioir ; celui-ci, placé
dans le sens horizontal, mais avec la lame à plat, plie alors
la feuille en deux en la couchant à plat tout en la con-
duisant jusqu'à proximité d'une paire de cylindres que
l'on peut serrer à volonté et qui s'emparent de la feuille
pour la satiner, ou tout au moins accentuer les plis.
Le cahier plié et satiné est alors conduit au moyen
de cordons ou tringlettes jusqu'au baquet ou case en
équerre où il est déposé, et sur lequel d'autres viennent
régulièrement s'empiler au fur et à mesure qu'ils ont
subi les opérations décrites ci-dessus*
cUlDE MANUEL DE L'oUvniEK RBLlGDn ÎS
Daos la machine qui broche les feuilles eu mJïine
temps qu'elle les plie, la feuille est arrêtée un moment
après le second pli et un petit appareil passe à travers
elle le fil de lin, dont les bouts se trouveront en dehors
de chaque cahier et à la long'ueur voulue, soit pour les
nouer isolément, si c'est une simple piqilre, soit pour
être pris par la colle, s'ils sont destinés à la brochure.
Après cette piqûre, la machine exécute le troisième
pli, le cahier passe par les cj'lindres et vient s'empiler
Fig. 6. - Machine à plier (Duplei).
En dehors des machines à trois plis, il a été construit
depuis des machines pour faire un pli, deux plis et
même quatre plis. La maison Marlini construit égale
ment des machines doubles, c'est-à-dire pouvant être
desservies par deux margeuses. Les machines doubles
ou Duplex doivent être actionnées au moteur. Les deux
â6 GUIDE MANUBL de L^OUVRtBR RËLlfiUtt
marg'euses se placent de chaque côté de la machine,
ayant chacane leur tahle : elles présentent les feuilles
simultanément et, afin de simplifier autant que pos*
sible leur travail, on a placé à la machine une branche
à pince à laquelle il suffit de présenter les feuilles,
qui sont alors entratnées sous le premier plioir à la
place voulue. (Fig. 6).
PLAGEBfENT DES PLANCHES ET DES CARTONS
Après le pliage des feuilles, on procède au placement
des planches ou gravures, ou au remplacement des
pages défectueuses, au moyen des cartons fournis par
l'imprimeur. Ce travail se simplifie si les volumes
n'ont pas été assemblés avant la pliure. Dans le cas
contraire, et si le volume contient plusieurs planches
réparties dans divers cahiers, on retire ceux-ci ou on
procède au désassemblage. Ce travail, ainsi que le pla-
cement des planches, se fait par le relieur si les volu-
mes sont destinés à la reliure, et dans ce cas le travail
du brocheur s'arrête là. Il n*a plus qu'à former des
ballots avec les feuilles pliées et à les remettre au
relieur, qui est en même temps chargé de couper les
gravures au format du livre, ou de les redresser selon
le cas.
La plupart des volumes ne sont pas destinés à être
reliés immédiatement, et le brocheur reste chargé du
travail jusqu'à ce que le livre soit présentable pour la
vente. Il est du devoir du brocheur chargé de placer
des estampes ou des cartes dans un ouvrage, d'exécuter
ce travail de telle sorte qu'il n'y ait, non seulement
aucun danger pour celles-ci si le livre venait à être
rogné, mais encore de proportionner les coupes et le
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 27
placement, de façon à ce qu'elles s'harmonisent parfai-
tement avec le texte. Il faut autant que possible placer
les planches du côté droit, en belle page. Dans cette
position, la lumière, d'où qu'elle vienne, les éclaire
mieux que du côté g-auche. Elles sont aussi plus agréa-
bles à la vue et attirent mieux Tattention. Nous faisons
toutefois exception pour le frontispice qui, par la force
des choses, doit se placer en regard du titre, et aussi
pour les estampes dont l'explication se trouve sur le
recto de la feuille. Il faut surtout, pour les planches
dont le sujet se présente dans le sens horizontal, les
placer toutes dans le même sens, et, comme pour les
autres, autant que possible tournant le dos à la page
de droite ou recto, la légende du côté de la gouttière
ou devant du volume, ce qui est beaucoup plus agréable
pour le lecteur. S'il y avait impossibilité à le faire, et
que pour les motifs indiqués ci-dessus, il serait néces-
saire de les placer du côté gauche, il faut alors que la
légende se trouve du côté du dos, et jamais sur le
devant, ce qui obligerait le lecteur à renverser le
volume pour examiner la planche et à prendre une
position aussi gênante que désagréable.
Les estampes sur papier mince peuvent être fixées et
collées à même dans le dos sans inconvénient. Il n'en
est pas de même pour celles sur papier fort ; il faut
alors, ou les monter sur de petits onglets, ce qui est
parfois coûteux pour de simples brochures, ou faire un
. pli du côté du dos pour encarter la planche autour de
la feuille correspondante, afin qu'elle puisse être cou-
sue en même temps que celle-ci, le redressage et le
montage sur onglets pouvant se faire plus tard par Iç
relieur.
28 GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR
ASSEMBLAGE ET COLLATIONNEMENT
Les planches étant placées, on procède à rassem-
blage ; l'ouvrier place au bord d'une long-ue table, ou
tout autour de celle-ci si la circulation est libre, autant
de tas les uns à côté des autres que le volume contient
de cahiers, en suivant Tordre des signatures. Il com-
mence alors par la dernière feuille, qu'il place à plat
sur la main g'auche, puis il faitg-lisscr un cahier du tas
qui précède, et il le fait tomber sur celui par lequel il
a commencé, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il soit arrivé
au dernier tas, qui est la feuille première et qui se
trouve ainsi par-dessus. Puis, avec la main droite, il
saisit le volume par la tête, les doig'ts à l'arrière et la
paume par devant ; il place la main gauche sous le
volume du côté du dos, vers le bas, en plaçant le pouce
au dessus, il tord légèrement le volume de façon à
étaler les feuilles du côté du dos, il porte alors les
yeux au bas des cahiers pour voir de près les signa-
tures et, au fur et à mesure qu'il a reconnu la première,
puis la seconde et ainsi de suite, il lâche successive-
ment les cahiers qu'il maintenait avec le pouce. Arrivé
au dernier, et le volume étant reconnu complet, il le
remet à la couseuse.
COUTURE DE LA BROCHURE
Avant de procéder à la couture du volume, l'ouvrière
à qui on a remis des feuillets de papier blanc coupés
au format, ou simplement des bandes de papier plus
ou moins larges et de la hauteur du volume, prend ces
feuillets ou bandes par petites pincées, et forme à ceux-
ci, du côté du dos, des plis d'un centimètre de large,
qui servent à entourer le dos du premier et du dernier
GUIDE MANUEL' DE l'oUVIUER RELIEUR 29
cahier, pour être cousus eu môme temps que ceux-ci.
Ces feuillets servent de gpardes à la brochure, et c'est
sur ceux-ci que Ton colle une partie de la couverture
en la fixant au dos. Ensuite, elle se rend compte de
Tépaisseur des cahiers, qui doivent être cousus avec du
fil proportionné non seulement à cette épaisseur, mais
aussi à celle du volume. Les points ne se placent
jamais les uns sur les autres, mais Touvrière en fait
un, alternativement vers le haut, et un vers le bas afin
que le dos n'ait pas trop d'épaisseur. Si le volume est
gros et que les cahiers soient minces, elle partagée la
long'ueur du dos en trois points. Elle pique d'abord
dans le premier cahier un point vers la tête, puis elle
fait ressortir Taigcuille à 3 ou 4 centimètres plus bas,
elle pique dans le second cahier en face du trou par
lequel elle a fait sortir Taig-uille, puis elle la fait res-
sortir plus bas à peu près dans les mêmes proportions.
Elle pique alors dans le troisième cahier en observant
la même disposition, l'aiguille qu*elle fait sortir d'un
cahier en entraînant le fil doit entrer dans le cahier
qui suit, par un trou pratiqué immédiatement au-des-
sus, pour que l'attache entre les deux cahiers soit plus
ferme. Le troisième point se termine vers le bas du
dos ; elle pique ensuite dans le quatrième cahier, puis
elle remonte de façon à ce que le point fait au sixième
cahier soit en rapport direct avec le bout de fil qu'elle
a laissé pendre au premier cahier. Elle attache ce bout
à Taiguillée, et elle continue de même jusqu'au bout
du volume, elle attache le fil à la jointure qui se trouve
immédiatement sous la sortie du dernier point, puis
elle place les volumes en tas, en les posant tête-bêche,
c'est-à-dire le dos et la tête de Tun, en rapport avec le
devant et la queue de l'autre, afin de donner plus d'as-
sise à la pile de volumes.
2.
30 GUIDE MANUEL 0B l'OUYRIBR RfiLIBUR
MISE EN PRESSE^ GOUVRURE ET EBARBÀGE
Les volumes étant cousus» l'ouvrier les bat de tête et
de dos, et il les place les uns à côté des autres entre de
grands ais, dans la presse qu'il serre fortement (voir
fi^. 3) ; il laisse sous pression le plus long-temps pos-
sible, tout au moins cinq à six heures, puis il desserre
la presse.
On procède ensuite à la couvrure, l'ouvrier bat les
volumes de tétc et de dos et il en place une pile à plat
au bord de la table, il passe une couche de colle de
pâte sur'le dos» et il encolle de même le milieu de la
couverture, de façon à ce que rencollag^e soit sensible^
ment plus large que l'épaisseur du dos du volume,
mais moins large que la bande de papier que l'on a
cousu devant et derrière. Il n'en est pas de même en
hauteur qu'il faut encoller du haut en bas. Il place
ensuite un volume par-dessus, en l'ajustant d'après
l'impression du dos, qu'il voit à travers le papier
de la couverture. Il presse alors fortement sur le dos
avec la main gauche, il soulève ce qui reste de la cou-
verture, et il l'applique sur le dos et le second plat avec
la main droite. Il frotte sur le dos en se servant d'un
papier souple et solide, afin de bien faire adhérer la
couverture au dos du volume, puis il laisse sécher en
le chargeant. Il place ensuite les volumes tête-bêche les
uns sur les autres. Certains brocheurs encollent et
fixent les couvertures au dos à la colle forte. C'est plus
vite fait, mais cette méthode est très pernicieuse au
débrochage.
La couverture étant sèche, on procède à l'ébarbage..
soit avec des ciseailx oU à l'aide d'une cisaille, la bro*
chure est faite. On rogne parfois la brochure à la machine
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 31
pour en égaliser les tranches, mais cette dernière opé-
ration ne se pratique que sur des ouvrag'es de minime
valeur.
fig. 7. — Cisaille à ébarber.
Les manipulations que nous venons de décrire cons-
tituent ce que Ton nomme la brochure, le relieur étant
plus ou moins tributaire du brocheur, il lui est non
seulement utile mais indispensable d'en connaître les
éléments, les parties essentielles que, dans bien des cas,
il est appelé à exercer lui môme. Un relieur doit au
besoin savoir brocher un livre, il n'est même de bro-
chure parfaite que celle établie par un bon relieur.
CHAPITRE II
Reliure. — Définition de Fart du relieur et des
divers genres de reliure
La reliure^ telle que nous l'avons définie dans notre
traité de Tart du relieur auquel on peut avoir recours
pour certaines questions d'ordre g'énéral qui faute d'es-
pace n*ont pu prendre place ici, est Tart d'habiller un
livre selon son caractère, son mérite ou sa destination.
Le praticien comprenant son art et jaloux de sa réputa-
tion ne doit pas perdre de vue ces questions essen-
tielles.
Le livre a pris de nos jours une extension énorme
et tend de plus en plus à se populariser. Abstrac-
tion faite de certains spécimens d'art ou de curiosité.
Les connaissances en reliure se vulg-arisent de plus en
plus et l'on peut prévoir le moment où certains relieurs
auront fort à faire, s'ils ae cherchent,par tous les moyens
possibles, à acquérir les connaissances nécessaires à
notre art.
Une reliure doit être avant tout solide; cette solidité
n'exclut pas l'élég'ance, bien au contraire. Ce qu'il faut
éviter, quand il s'agit de confectionner des reliures
solides, c'est de les rendre grossières, il faut savoir pro-
portionner la couverture au sujet. Il convient de donner
à certains livres, tels que les dictionnaires, les missels,
etc. , etc. , une reliure d'apparence massi /e saps être gros-
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIFJI RELIEUR 33
sière : en reliure ce qui est i^rossier et lourd ne saurait
être solide. Tout dans l'ensemble doit être parfaitement
équilibré, ce n'est ni la masse de matières employées,
ni Tabsence du fini qui rendent une reliure solide.
Tout au contraire, une reliure où tout est bien com-
biné, bien ag'encé, dont le dos n*est pas surchargé de
colle, dont la parure faite à point pour dég'ag'er les
mors, leur permet de fonctionner librement (on peut
les g^arnir d'une charnière en toile ou en peau) et la
bonne qualité des fournitures aidant, cette reliure sera
solide : elle pourra de plus être très élégante, selon les
soins et le goût que le relieur aura apporté à son travail
Nous affirmons sans crainte d'être démenti, que plus
une reliure est soignée dans les détails, mieux elle
résistera à l'usage et à l'action du temps.
Les divers genres de reliure se divisent comme suit.
Reliure pleine. — On désigne sous ce nom^ toute
reliure dont la couverture est entièrement recouverte en
peau ou d'un tissu quelconque. La reliure pleine peut
être ou très soignée, même un objet d'art, ou être appli-
quée à un simple livre classique couvert en toile grise,
en passant par toute la gamme intermédiaire. Elle peut
être cousue sur nerfs, ou à dos brisé. Dans la reliure
cousue sur nerfs ou à dos plein, la peau qui recouvre
le volume est collée directement au dos des cahiers, ce
qui est beaucoup plus solide.
Les anciens relieurs cousaient généralement leurs
livres sur nerfs simples ou doubles. Les manuscrits sur
vélin étaient même cousus sur de véritables nerfs de
bœuf. Plus tard, et surtout après l'invention de l'im-
primerie, les nerfs de bœuf furent remplacés par des
ficelles de chanvre câblé. Ce genre de couture est encore
en grand boQoeur, il s'exécute géqéralen^ent de nos joi|rs
34 GUIDE MANUEL DE I^'oUVRIER RELIEUR
pour des reliures soig-néesi et sur celles qui réclament
une g'rande solidité.
La reliure à dos brisé est celle dont la préparation du
dos est faite de telle sorte, que les peaux ou les divers
tissus avec lesquels on recouvre les volumes sont indé-
pendants du dos, et ont pour intermédiaire une carte
souvent g'ar nie de faux nerfs. On désigne aussi ce genre
de reliure sous le nom de reliure à la grecque, à cause
des encoches pratiquées sur le dos à Taide d'une scie» et
dans lesquelles se logent les ficelles en cousant le volume.
On a prétendu que les reliures à dos brisé s'ouvrent
avec plus de facilité que les reliures cousues sur nerfs.
C'est lA une grave erreur; un volume cousu sur nerfs,
dont la peau qui recouvre le volume est convenablement
parée et assouplie, puis collée directement aux cahiers,
conserve au dos une souplesse telle qu'il serait impos-
sible à une reliure à dos brisé, quelque soignée qu'elle
puisse être, de se comparer à une reliure à dos plein,
tant sous le rapport de l'ouverture du volume que de la
solidité de la reliure. Les seuls avantages de la reliure
à la grecque ou à dos brisé, sont d^être plus économi-
ques et d'être beaucoup plus faciles à exécuter. Mais il
en est de la couture sur nerfs comme de bien d'autres
systèmes, qui, quelque supérieurs qu'ils soient, ne
valent que par leur application. Il y a ainsi en reliure
certaines méthodes, dont l'excellence a été reconnue
par les meilleurs praticiens, qui en ont retiré honneur
et profit, et qui mal comprises ou mal appliquées, par
des ouvriers routiniers et ennemis du progrès, restent
lettres mortes entre leurs mains, et n'ont jamais pu leur
rendre des services.
Demi-reliure. — Elle diffère de la précédente en ce
que le dos seul» et parfois le dos et les coins^sont seuls
CtlDE MANUEL DE L^OUVRIER RELiBUll 35
recouverts en peau ou d'un tissu quelconque. Les plats
sont alors couverts d*un papier marbré, approprié à la
qualité de la reliure, ainsi qu*à la nuance des peaux, etc.,
qui recouvrent le do«. Certaines demi-reliures sont
fabriquées de façon à imiter les reliures pleines. On
couvre le dos en peau de chagrin, et les plats en
toile imitant la peau. Un encadrement doré ou gau*
fré, qui cache la jointure faite toujours très près des
mors, donne à ce genre de demi-reliure l'apparence
d'une reliure pleine»
Cartonnage et embottage. -* Ce sont des reliures légè-
res que Ton applique principalement aux livres pour
étrennes, ou pour être donnés en prix. Dans l'emboî-
tage, la couture, Tendossure et les tranches se fabri-
quent d'une part, et la couverture de l'autre. On couvre
cette dernière d'ornements dorés ou en couleurs, puis
on emboîte l'un dans l'autre ; ces reliures sont plus ou
moins apparentes et se fabriquent à bon marché.
Les cartonnages classiques se font dans des ateliers
mixtes On couvre ordinairement le dos en toile et les
plats en papier, en utilisant parfois la couverture de la
brochure.
Les divers genres de reliure indiqués ci-dessus diffè-
rent sensiblement par Texécution. Il y a la reliure d'art,
la reliure d'amateur, la reliure de luxe, la reliure de
bibliothèque et la reliure usuelle.
Reliure d'art, reliure de luxe, reliure d'amateur. —
On confond assez souvent la reliure d'art avec la reliure
de luxe. Aux yeux des amateurs, cette différence est
pourtant fort sensible. Une reliure peut affecter une
grande richesse, être recouverte d'ornements et de
joyaux précieux dont le prix est parfois assez élevé,
36 GU1D£ MANUEL DE l'oUYIIIER RELIEUll
mais rester simplement ce qu*elle est^ une reliure de
luxe, sans avoir aucune attache avec Tart proprement
dit. Les merveilleux spécimens d'art que nous ont lég'ués
les anciens n'ont de luxueux qu'une ornementation
sag'ement comprise, une science approfondie des arts
du dessin, et une exécution qui, eu ég'ard aux moyens
dont disposaient nos pères, nous jettent parfois dans
un étonnement profond, devant les résultats auxquels
ils sont arrivés.
L'art et le luxe ne sont pourtant pas incompatibles.
Une reliure peut, par le luxe de son ornementation,
atteindre aux plus hauts sommets de Part. Il faut surtout
que le relieur ne perde jamais de vue son sujet, qui est
le livre. Tout g'enre d'ornementation qui s'en écarte ne
peut que lui nuire, et 1 art en reliure ne réside que dans
les moyens employés pour atteindre à la perfection.
Une reliure simple, très sobre d'ornements, peut être
une reliure d'art, à la condition que cette ornementa-
tion soit bien comprise et que l'exécution réponde au
sujet.
La reliure d'amateur se recrute dans les divers gen-
res. Il y a la reliure et la demi-reliure d'amateur. Il y a
même le cartonnage d'amateur. L'amateur est celui qui
choisit l'un de ces genres, pour l'appliquer à tel ouvrage
de sa bibliothèque, selon la valeur du livre, ou ses pré-
férences personnelles. C'est lui qui a remis en honneur
le cartonnage à la bradel, et qui de nos jours lui a fait
prendre les diverses transformations qui le font recher-
cher pour tous les ouvrages ne comportant pas une
grande dépense, ou une certaine solidité.
L'amateur a une influence énorme sur la reliure, qui
lui doit non seulement la plupart de ses perfectionne-
ments, mais aussi le cachet artistique qui la distingue
d'une foule d'autres arts industriels. Il se trompe par-
GUIDE iMANUËL DE l'oUVRIER RELIEUR 37
fois, mais comme il est assez g-énéralement homme de
sens et de goût, il se rend facilement aux objections
que lui oppose le relieur habile, qui par état doit être à
même de pouvoir le guidera son tour. La reliure d'ama-
teur est donc celle qui, un type étant donné, réunit
toutes les perfections qui lui sont relatives tant sous le
rapport du fini que sous le rapport du goût.
Reliure de bibliothèque. Reliure usuelle — On nomme
reliure de bibliothèque, celle qui, sans caractère défini,
s'applique généralement à tous les genres de livres, non
seulement en vue de les conserver, d'en permettre Tusage
sans s'exposer à les détériorer et de les préserver des
atteintes du temps, mais aussi dans le but de les faire
concourir à l'embellissement de l'intérieur dans lequel
ils sont destinés à prendre place.
La reliure usuelle est celle que l'on applique aux
ouvrages d'étude et de travail; ils doivent être, avant
tout, solides, sans recherche d'ornement d'aucune
sorte. Une simplicité absolue, jointe à une solidité à
toute épreuve, sont les conditions essentielles des livres
usuels. Les volumes de petit format peuvent être recou-
verts en toile anglaise, etc. Une bonne confection leur
assure une longue durée.
bOSQUET — RELIURE
CHAPITRE III
Matières premières employées pour la reliure
Outre les peaux de tous g-eores préparées pour la
reliure, on emploie également pour la couverture du
livre: le velours de diverses qualités, la soie, le satin^
les toiles de lin et de chanvre et surtout les percalines
unies et g'aufrées en toutes nuances, que Pon désigne
sous le nom de toiles françaises ou anglaises. On se
sert aussi d'or en feuilles de diverses qualités tant pour
la dorure des tranches que pour la couverture, il en est
de même du platine. Le cuivre et Taluminium en
feuilles s'emploient pour empreindre des ornements
sur des couvertures communes; un certain nombre de
couleurs, teintures et vernis, sont également employés
pour la reliure.
PEAUX
Les anciennes reliures étaient pour la plupart couver-
tes en veau naturel^ que le relieur teignait ensuite
lui-même, en couleur brune de diff'érentes nuances,
rarement en noir, à cause de l'action plus ou moins
mordante de cette teinture (Voir le chapitre Teinture
des peaux.) Ces peaux, dont un tannage consciencieux
assurait la solidité, ont été considérées comme étant les
plus solides et les plus propres à la conservation des
GtJlDE MANUBL DE L'oUVHIER RELIEUR 39
reliures. Le tannage aux acides, tel qu'on le pratique de
nos jours, a profondément modifié cet état de choses.
On trouve des peaux de veaux admirablement fabri-
quées etteintes en toutes nuances, mais on ne s'en sert
que pour les travaux de luxe, que l'on conserve dans
des étuis; les demi-reliures en veau fauve avec étiquet-
tes en couleur font très bon effet dans une bibliothèque,
mais on ne s'en sert plus pour des reliures usuelles.
Les anciens couvraient é;çalement les livres en peaux
de truie) elles étaient, comme le veau, d'un emploi
excellent et d'une g-rande solidité ; on les emploie natu-
relles. Ces peaux se prêtent mal à la teinture, qui, du
reste, leur enlèverait leur cachet et leur fraîcheur. On
s'en sert encore pour imiter les anciennes reliures et
surtout pour la sellerie de luxe.
Après le veau et la peau de truie, les auciens em-
ployaient surtout le parchemin^ ou plutôt le vélin,
dont ils tiraient le meilleur parti, et avec lequel on fai-
sait non seulement d'admirables reliures d'art, mais
aussi une énorme quantité de reliures usuelles. Le vélin,
tel qu'il se fabrique de nos jours, n'est pas très favora-
ble à la reli ure. Les anciens parcheminiers le préparaient
spécialement pour cet usagée. Nous donnons à la fin de
notre ouvrag-e, à l'article Préparation du vélin, une
recette excellente pour le rendre propre non seulement
au travail de la reliure, et à l'imitation des reliures an-
ciennes, mais aussi pour permettre de lui appliquer
les dorures délicates, tant recherchées par les amateurs.
On connaît deux sortes de parchemins, le plus beau se
fabrique avec de la peau de veau : on le nomme vélin.
L'autre, le parchemin proprement dit, est fabriqué
avec des peaux de chèvres, de moutons ou d'ag-neaux.
Ces dernières peaux sont de très petite taille, elles sont
à peu près aussi fines et aussi souples que le vélin.
40 GUIDE MANUEL DE L*OUVRlER RELIEUR
La fabricatiou du maroquin ou peau de chèvie, et
son application à la reliure est de date plus récente. Le
grain du maroquin n'avait pas anciennement la forme
qu'on lui a donnée de nos jours. Ce g*rain, qui n'existe
dans la peau qu'à l'état rudimentaire, se développe plus
ou moins sous l'action d'une paumelle, ou planchette en
liège avec laquelle on roule la peau, en la repliant sur
elle-même du côté de la fleur. Les anciens maroqui-
niers donnaient à ce|o;'rain une forme allongée en rou-
lant la peau à peu près dans le même sens. Ils faisaient
subir aux peaux certaines préparations, qui, tout en lis-
sant la surface de la fleur, leur permettait d'accentuer
plus ou moins leur grain selon la nature ou l'épaisseur
des peaux. Cette même préparation se pratique encore
de nos jours, et les peaux ainsi préparées se nomment
maroquins à grains longs.
Le maroquin le plus employé de nos jours est celui
dont le grain arrondi est obtenu par l'action de la pau-
melle que l'on fait agir en tous sens. Cette dernière forme
date du commencement de notre siècle. On le désigne
sous les noms de maroquin du Levant, maroquin à
gros grains et maroquin chagrin. La nature des peaux
de chèvre diffère sensiblement selon leur origine. Les
plus belles et les plus nourries nous viennent du Maroc
et surtout du Cap. Ces dernières sont très recherchées
à cause de leur taille qui est énorme, et aussi pour la
beauté et le relief de leur grain . Les chèvres d'Europe
sont plus petites, leurs peaux sont moins charnues, le
grain qu'on peut leur donner est en raison de la nature
de ces peaux; elles sont en général d'une grande solidité
et d'un bon emploi pour la reliure. On les teint en toutes
nuances; elles sont de plus très propices à la dorure.
Les basanes ou peaux de mouton sont employées
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 41
pour les reliures communes ; les peaux de mouton sont
très poreuses et peu solides, mais d'un emploi facile.
Les fabricants leur font prendre toutes les formes,
tantôt pour imiter le veau et le vélin, tantôt pour imiter
le maroquin chag'rin. On leur donne cette apparence
par les procédés employés par les maroquiniers. On
les emploie naturelles ou teintes en toutes nuances,
elles se dédoublent même avec facilité, permettant au
fabricant de faire deux et même jusqu'à trois peaux
d'une seule. On les nomme alors basanes fendues.
Dans cet état elles sont d'une faiblesse extrême, mais
le bon marché excuse jusqu'à un certain point ces
transformations. Elles servent dans cet état à couvrir
des reliures de petits volumes à bon marché, et pour
placer des étiquettes au dos des reliures en veau ou en
basane forte.
Le cuir de Russie doit son nom non seulement à son
orig'ine, mais au mode de tannag-e qui se fait générale-
ment avec l'écorce du bouleau. On emploie en reliure
le veau russe et la chèvre russe. On les fabrique sous
diverses formes^ soit en les laissant unies, en les cha-
grinant, ou en imprimant sur la fleur les quadrillages
qui sont le caractère distinctif par excellence du cuir de
Russie.
Ces peaux sont très recherchées à cause de leur
odeur pénétrante et pourtant très agréable. On les teint
en diverses nuances, principalement en grenat, en vert
foncé et en teinte fauve de divers tons. On les travaille
comme la peau de veau. La dorure et surtout les gauf-
frures font un très bel eftet sur le cuir de Russie.
TISSUS
Les velours de tous genres et en tputes nuances sont
employés pour la reliure, surtout pour les livres reli-
42 GUIDE MANUEL DE LOUVRIER RELIEUR
g'ieux. On l'applique assez souvent au dos des livres de
piété, dont les plais sont formés par des plaques en
ivoire, en nacre, en écaille et en bois durci ; les mis-
sels dont Torfèvrerie en arguent ou en cuivre doré con-
stitue le principal ornement se couvrent presque géné-
ralement en velours roug-e ou g'renat. On emploie le
velours de s(5ie, le velours soie trame coton^ le velours
de coton, puis la peluche pour fantaisies et albums
dont certains spécimens garnis en argent oxydé font
très bel effet.
La soie et le satin de diverses qualités et nuances
s'emploient également comme couvertures de livres, et
principalement comme gardes aux reliures de luxe. On
emploie surtout la moire antique et la moire fran-
çaise, certaines imitations de soies moirées sont em-
ployées pour les reliures communes.
Toiles et peroalioes. — On emploie divers genres de
toiles pour la reliure. Les toiles de lin ou de chanvre,
teintes en gris, en vert ou en noir, sont journellement
employées pour des livres usuels, tels que les diction-
naires, les lexiques, etc. La plupart des livres de
comptabilité commerciale sont recouverts de ces toiles,
dont la plupart sont d'une grande solidité. On les
nomme toiles à tabliers. Un autre genre de toile, dite
toile bisonne, s'emploie surtout pour les livres classi-
ques.
Papier, cartes et cartons. — On emploie pour la
reliure une quantité considérable de papiers de tous
genres, soit comme couvertures de livres, soit pour les
plats des demi-reliures, ainsi que pour les gardes des
reliures en général. On emploie pour les gardes d'em-
boîtage des papiers unis, les uns teintés d'un côté en
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 43
diverses nuances, d'autres en pâtes de couleurs plus
ou moins claires, le tout approprié au genre ou à l'im-
portance du sujet. Les teintes fauves et vert olive sont
les plus recherchées pour les volumes dorés sur tran-
ches, pour lesquels on emploie aussi le papier moiré
blanc^ ainsi que le peig'ne ordinaire. Les cartonnag'es
en demi-toile, ainsi que les cartonnagpes classiques,
reçoivent des g^ardes en papier blanc ordinaire, dit
papier d'impression ,
On varie les gardes des demi-reliures selon les gen-
res. On place* habituellement des gardes en papier
moiré blanc, ou en papier peigne aux volumes dorés
sur tranches, et des gardes en papier marbré ordinaire
de divers genres aux volumes à tranches blanches ou
jaspées. Il se fabrique une très grande variété de papiers
marbrés, tant sous le rapport des dessins que des cou«»
leurs, chacun les applique selon ses goûts ; les plus
recherchés sont les marbrés, veinés ou ombrés qui font
très bon effet. Les gardes étant la partie faible de la
reliure^ il est prudent d'employer des papiers de bonne
qualité ; il en est de môme des papiers pour plats dont
les qualités et la forme varient selon leur prix de
revient. La fantaisie est ici limitée par la nuance des
peaux ; il serait de mauvais goût de placer sur des
plats de livres des papiers dont la couleur ou tout au
moins le fond ne se confondrait pas avec la nuance de
la peau.
On emploie en reliure certaines qualités de cartes,
soit pour faux-dos ou pour doubler les cartons de
reliures soignées. Les cartes simples se fabriquent en
diverses épaisseurs, comme les cartons ; les cartes dou-
blées sont celles que Ton fabrique en collant plusieurs
feuilles de papier blanc ou teinté les unes sur les
^^tre^. On les désigne spps Je po|fn 4e cartes en deux,
44 GUIDE MANUEL DE L^OUVRIER RELIEUR
en trois, en quatre, etc , selon le nombre de feuilles de
papier dont se compose la carte, que le relieur doit pou-
voir se procurer eu diverses épaisseurs selon le format
et répaisseur des volumes auxquels il est appelé à les
appliquer.
Les cartons sont de divers g'enres et qualités ; on les
fabrique en divers formats. Les meilleurs sont ceux
que Ton fabrique avec de vieux cordag-es, tels certains
cartons ang'lais et aussi les cartons, dits de Lyon, géné-
ralement employés pour le satinage. On en fait aussi
avec de la pâte de vieux papiers, rognures, etc. Les
cartons de Paris, pâte rouge, sont excellents; il en est
à peu près de même de ceux en pâte bleue. Les pâtes
grises, bien que de qualité inférieure, deviennent, entre
les mains de certains fabricants, des cartons très conve-
nables pour les reliures ordinaires. Ce qu'il faut rejeter,
au moins pour les reliures, môme les plus communes,
ce sont les pâtes de pailles, qui se contractent et se dé-
forment, tout en déformant en môme temps les reliures.
LES COLLES, ET LEUR PREPARATION
Après les fournitures de tous genres employées pour
la reliure, ce qu'il y a de plus intéressant à connaître,
et au besoin à fabriquer ou à préparer par le relieur,
ce sont les colles de tous genres applicables à la reliure.
Leur préparation et leur mode d'emploi exercent une
influence capitale dans la réussite et la solidité du tra-
vail.
Colle d'amidon . — C'est l'auxiliaire par excellence
pour la reliure. On doit autant que possible l'employer
de préférence à la colle de farine, au mpins pour les
travaux essentiels, tels que le placement des gravures et
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 45
planches, le montag-e sur ong-lets, et surtout pour la
couvrure ou applicatioa des peaux, ainsi que pour la
préparation du veau et des basanes mates pour la
dorure.
Son mode de préparation est des plus simples: on
prend de l'amidon de riz ou de froment pur. Le pre-
mier surtout produit une pâte bien g-rasse et d'un em-
ploi excellent On en place une certaine quantité dans
un chaudron ou dans un vase en faïence, le récipient
ne devant pas se placer sur le feu. On triture Tamidon
à pleines mains, en versant par dessus et successive-
ment une certaine quantité d'eau fraîche sans trop
noyer la pâte. Celle ci étant parfaitement broyée, on
verse par-dessus, mais peu à peu, de Teau bouillante,
en remuant le tout, et toujours dans le môme sens à
Taide d*une cuiller en bois. On cesse de verser de Teau
dès que Ton a amené la pâte à la limpidité d'un lait de
chaux, puis on remue pendant un certain temps jusqu'à
ce qu'elle se soit suffisamment épaissie, puis on laisse
refroidir, et au fur et à mesure des besoins, on en
prend la quantité voulue et on la tord à travers un
linge à g-rosses mailles. Ainsi préparée, cette colle,
d'une blancheur parfaite, s'étend avec la plus grande
facilité.
Colle de farine. — Le relieur peut se procurer sur la
place de Paris de la colle de farine d'une bonne qualité|;.
les épiciers et surtout les marchands de couleurs en
ont constamment de toute préparée. Il n'en est pas de
même dans la plupart des villes de province où les
relieurs sont obligés et ont intérêt à pouvoir la fabri-
quer eux-mêmes. Voici, d'après nous, la meilleure
manière de s'y prendre.
On prend une certaine quantité de farine de froment
3.
46 GUIDB MANUEL OB l'oUVRIBR RELIEUR
pur, OU la place dans un chaudron en fer émaillé ou
en cuivre. On ajoute de Teau fraîche, mais en petite
quantité, pour en former une pâte épaisse, que Ton
triture au moyen d'une cuiller en bois ; la farine étant
bien délayée, on ajoute la quantité d'eau nécessaire et,
tout en remuant, on place le chaudron sur un feu qui
ne soit pas trop vif. Une fois là, il faut que la cuiller ne
quitte pas le fond du chaudron, avoir soin de remuer
toujours dans le môme sens, et d'accentuer le mouve»
ment au fur et à mesure de réchauffement de la pâte,
qui s'épaissit par l'action du feu jusqu'à produire un
ou deux bouillons. On retire alors le chaudron du feu,
et on continue à remuer pendant quelques instants; on
laisse ensuite refroidir la pâte, puis on la fait passer par
un tamis ou à travers un linge comme l'amidon, et l'on
obtient ainsi d'excellente colle, si la farine est de bonne
qualité? L'addition d'un peu d'alun en poudre pendant
la trituration est excellente, pour la colle de farine; elle
devient par ce moyen plus adhérente et se conserve plus
long'temps.
Colles fortes. — Le choix des colles fortes a une très
grande importance en reliure; leur qualité essentielle
doit être de con.server de la souplesse aux parties en-
collées. Il faut qu'elles soient en môuie temps très adhé-
rentes et présentent une certaine élasticité. Les colles
qui durcissent jusquà être cassantes, doivent être abso-
lument écartées du travail de la reliure, il faut surtout
se défier des colles à bon marché, charg'ées d'un tas de
matières inertes, et qui, tout compte fait, reviennent
plus cher que les colles de bonne qualité ; celles-ci pren-
nent une plus |a;-rande quantité d'eau, elles tiennent
malgré cela beaucoup mieux que d'autres qu'il faut
étaler en couches trop épaisses. Les mauvaises colles
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 47
s'écaillent et tombent en poussière, surtout après l'en-
collag'e des dos après la couture. L'endosseur est surtout
bien placé pour jug'er de la qualité de la colle. Celle-ci
doit résister et s'assouplir sous Taction du marteau en
arrondissant le dos du volume, ainsi qu'en battant ou
en roulant les mors. S*il se produit des cassures ou si
la colle s'écaille, il faut la rejeter et ne pas s'exposer, à
cause de sa mauvaise qualité, à produire un travail
défectueux.
Les colles de Lyon sont en gfénéral très convenables
pour la reliure, elles sont gommeuses et très adhé-
rentes.
Nous devons pourtant faire exception pour la fabri-
cation des couvertures en toile française et anglaise. Il
faut pour ce genre de travail une colle très adhérente
et qui sèche rapidement, la conservation des grains de
la toile et de sa fraîcheur est à ce prix ; les colles de
Givet remplissent ce double but (Voir Fabrication des
couvertures).
On prépare généralement les colles fortes de la
manière suivante : on commence par la casser en petits
morceaux, et on en place une certaine quantité dans
une marmite en fer, on ajoute de l'eau fraîche jusqu'à
ce que le tout soit parfaitement noyé ; on laisse macérer
pendant quelques heures, puis on fait foudre sur un
feu doux, en remuant surtout le fond. La dissolution
étant parfaite et le liquide prêt à bouillir, on retire du
feu et on verse la colle dans une bassine chauffée au
bain marie. Il ne faut pas se servir de colles trop chau-
des, mais simplement tièdes, c'est plus économique et
Ipur action est plus énergique.
Gélatine. — L'emploi de la gélatine devient presque
usuel en reliure et rend les plus grands services. On
48 GUIDE MANUEL DE L*OUVRlER RELIEUR
s'en sert surtout pour Tapplication des soies et satins,
ainsi que du vélin ; Tencollag'e des volumes lavés se fait
à la g'élatine» il en est de même des tranches destinées
à être dorées. On s*en sert également pour la prépara-
tion des peaux de veau et de basanes mates, de même
que pour le glairag-e des toiles anglaises, que Ton veut
dorer à l'or faux au balancier. La gélatine se prépare
comme les colles fortes, on la laisse bouillir légère-
ment au bain-marie, on l'emploie à chaud, il faut qu'elle
soit assez épaisse pour le collage de la soie et du vélin,
et très claire pour l'encollage du papier et le glairage
pour la dorure.
Gomme arabique, ou colle à froid. — On fait dissoudre
une certaine quantité de gomme arabique, que l'on
place dans un pot en grès ; cette dissolution peut se
faire à l'eau chaude, mais la gomme perd plus ou moins
de ses qualités et se conserve moins longtemps, il est
donc préférable d'opérer à l'eau froide, après avoir con-
cassé la gomme pour en activer la dissolution, qui
n'est parfaite qu'au bout de cinq à six jours. Il faut la
remuer de* temps en temps, pour Tempêcher de se con^
denserau fond du vase, la dissolution étant parfaite oa
la passe à travers un tamis. Cette colle est excellente
pour le placement des planches, le montage sur onglets»
le collage des photographies; enfin pour tous travaux
urgents, pour lesquels il ^est prudent d*en avoir cons-
tamment sous la main.
Colle chimique (ou colle Dornemann). ~ Cette colle,
d'invention récente et à laquelle l'inventeur a donné
son nom, constitue pour la reliure ainsi que pour les
industries du papier en général, un progrès énorme.
D'une blancheur parfaite, elle est, de plus, d'uae ^dhfr»
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 49
rence très supérieure à celles des colles de farine et
d'amidon, elle sèche aussi plus rapidement. Elle peut,
dans la pluralité des cas, remplacer la colle forte, notam-
ment pour l'encollage du dos après la couture du
volume. Elle est sans rivale pour le placement des gra-
vures, le montage sûr ong-lets, le placement des gar-
des etc. Elle donne, outre son adhérence parfaite et
rapide, une grande propreté dans ses diverses applica-
tions. Epaisse et très gluante à l'état naturel, elle se
liquéfie avec facilité à l'eau fraîche au degré voulu et se
conserve beaucoup plus longtemps que les colles de
farine et d'amidon. Néanmoins, en ce qui concerne la
couvrure des divers genres de peaux, il est préférable
d'employer les colles d'amidon ou de farine.
CHAPITRE IV
Outillage du relieur.
Bien que la figuration de Toutillage du relieur se
présente à la vue du lecteur du présent ouvrage et ce
afin d'appuyer plus clairement nos démonstrations,
nous croyons utile d*en établir tout d'abord ici la nomen-
clature. L'outillage usuel, de même que presses, machi-
nes, etc. à l'usage du relieur, se trouve aux meilleures
conditions dans certaines maisons de Paris, s'occupant
de la fabrication et de la vente de notre matériel ; il
se compose, en ce qui concerne la reliure proprement
dite, nous réservant de tracer d'autre part la nomencla-
ture du doreur sur cuir etc. (i) :
De plusieurs plioirs en os ou en buis, de formes et
dimensions diverses; — de ciseaux: pour la taille des
gravures, la couture, la couvrure etc. ; — d'une ou plu-
sieurs gamelles en bois pour la colle de pâte et pinceaux ;
— d'un lourd marteau à battre et d'une pierre en granit ;
— d'une scie à main dite scie àgrecquer; — d'uncousoir
ou métier à coudre ; — de plusieurs chevillettes en cuivre
ou en fer pour tendre les ficelles ; — d'un pot ou bassine
à colle forte chauffé au bain-marie, l'ensemble placé
sur un réchaud à gaz et que Ton peut remplacer par
(i) Dans notre « Guide manuel du praticien doreur sur cuir,
etc. ? à la main et au bal?incie|* », f^rmanf la secpnde partie du
présent ouvrage.
GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR 51
une chaufferette au charbon de bois (dans les gprands
ateliers on chauffe les bassines à colle au moyen de la
vapeur) ; — de marteaux en fer et maillets en bois ; —
de compas, règ'les etéquerres en fer de divers formats; —
de pointes à couper la peau, la carte ou le papier ; —
d'un poinçon à percer les trous dans les cartons etc. ; —
de presses en bois, dites presses à main avec clef à part
pour les serrer ; — d'un frottoir en fer pour Tendos-
sure ; — d'un ciseau de menuisier dont Tusag'e, en
reliure, est assez fréquent ; — d'un couteau et d'une
pierre servant à parer le cuir etc. ; — d'une pince à ner-
vures; — d'un troussequin, instrument dont on se sert
pour tracer l'emplacement des plats aux demi-reliu-
, res. — D'un trace-coins ou équerre mobile servant à
délimiter les coins en peau etc. aux demi- reliures ; —
d'une g'rille et d'une brosse à jasper les couleurs sur les
tranches ; — de brunissoirs d'agathe pour le brunis-
sage des tranches. — Voilà pour le petit outillage ; il
faut en outre et surtout :
Une presse à percussion d'une certaine force avec vis
en fer ; plus une ou plusieurs séries d'ais en bois pour
la mise en presse de volumes soit avant la couture, soit
après l'endossure ; des ais en carton de Lyon et des
platines en zinc de divers formats pour la mise en presse
des volumes reliés ;
Une cisaille à couper le,carton et la carte, soit en fer,
soit en bois et fer ;
Une presse à endosser à deux jumelles en bois, avec
ais ferrés servantà former ou battre des mors au volume.
La presse à endosser en bois a été remplacée avec avan-
tage par l'étau ou machine à endosser en fer. Il en est
de même du rouleau à endosser pour les cartonnages-
emboîtages ;
Une presse à rogner avec fût ou rognoir à main, le
52 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
tout placé sur un bâtis ou porte-presse. La machine à
rogner actionnée à bras ou au moteur dite massiquot,
du nom de son inventeur sert à rogner les volumes par
quantités; on s'en sert aussi avec avantage pour la
rognure de volumes endossés. Il faut aussi au relieur des
tables solides, des rayons et armoires pour placer les
ouvrages et les fournitures de tous genres : le tout à dis-
poser selon le local et les besoins de chaque partie. Tout
doit être rangé méthodiquement, afin d'avoir chaque
objet sous la main : Tordre économise le temps et les
bons soins produisent un travail parfait.
CHAPITRE V
Des formats
SOURCES, DENOMINATIONS ET DIMENSIONS
La connaissance des formats et de leurs dimensions
est d'une grande importance en reliure. La plupart
d'entre eux n'ayant pas de définitions suffisamment
connues ou établies, nous croyons être utile à nos
lecteurs en joig-nant à notre Guide-Manuel, un tableau
portant leurs dénominations et dimensions, en prenant
pour base les formats de papier en usage dans la librai-
rie française.
Ces dimensions sont basées non seulement sur les
feuilles imprimées et pliées selon leur imposition, ainsi
que sur le livre broché, ce qui nous exposait à des
mécomptes à cause des fausses marges résultant d'im-
positions assez souvent irrégulières, mais en prenant
les mesures sur les cartons de livres reliés, auxquels la
rognure avait conservé les témoins d'usage, établissant
la preuve que les fausses marges seules avaient été
enlevées, et que les marges réelles avaient été rigou-
sement respectées.
Les dénominations de formats de papiers ont pour
origine les formes de diverses dimensions affectées à
leur fabrication manuelle. On fabrique encore de nos
jours, et en très grandes quantités, des papiers à la
54 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
forme, tant pour Timpression des livres que pour tout
autre usage, les divers formats de papier et leurs
dimensions sont à ce point consacrés par Tusag-e, que
les papiers fabriqués à l'aide de machines sont ensuite
débités de façon à se rapporter aux formats usuels, dont
ils prennent alors les dénominations.
Les formats de papier g-énéralement en usagée dans la
librairie ou l'impression des livres sont : VEcu, le
Carré, le Cavalier, le Raisin, le grand Raisin, le
Jésus, le Soleil et le Colombier,
La feuille dont l'impression couvre toute la surface,
sans blancs intermédiaires de façon à ne former qu'une
seule page, se nomme in-plano, et prend également
la dénomination du format de papier sur lequel l'impres-
sion a été faite, soit in-plano écu, in piano carrée
in-plano cavalier, etc. Cette feuille ne contient qu'une
page si le recto seul a été imprimé et deux pages si elle
est imprimée des deux côtés.
La feuille dont l'impression divise la surface en deux
parties égales de façon à ce que l'on puisse la plier en
deux se nomme in-folio, soit in-folio écu — in-folio
carré, etc. Cette feuille imprimée des deux côtés con-
tient alors quatre pages ou deux feuillets.
La feuille dont l'impression divise la surface en
quatre parties, de façon à ce que l'on puisse la plier en
quatre se nomme in-quarto, soit inl^^ écu — in-l\!*
carré, etc. Elle contient quatre feuillets ou huit pages.
La feuille dont l'impression divise la surface en huit
parties, de façon à ce que l'on puisse la plier en huit,
se nomme in-octavo soit m-8° écu — in 8** carré,
in*S° cavalier, etc. Elle contient huit feuillets ou seize
pages.
Il en est de même des formats plus petits, Tm-iô a
sei^je feuillets ou trente-deux paçfes, et se nomrne (n-jQ
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 55
écu — in-i6 carré, etc.; Tm-iS a dix-huit feuillets ou
trente-six pag-es, et se nomme 1/1-18 écu — «7i-i8
carré, etc., et ainsi de suite.
Le nombre de feuillets ou pagpes dont se compose
une feuille d'impression ne se renferme pas toujours
dans un seul cahier. L'imprimeur a gprand soin, quand
il s'ag'it de formats de petite dimension, de faire l'im-
position ou mise en pagpes de façon à pouvoir diviser
la feuille en deux, en trois et même en quatre parties,
pour en/ormer deux, trois ou quatre cahiers, afin de
faciliter le travail de la pliure et de la reliure. Ces divi-
sions ne chang'ent en aucune façon la dénomination du
format, qui prend toujours le nom du format de papier
sur lequel l'impression a été faite.
La dénomination des papiers est d'autant plus insé-
parable de la désig-nation des formats, que l'on n'a pu
prendre pour bases de ces dési/^-nations que le nombre
de feuillets que donne chaque feuille d'impression. Un
g'rand nombre de relieurs désignent les formats par :
petit et i^rand in-folio petit, et grand in-4® — petit
in-80 — in-8® — grand in-S® et jusqu'à très grand
in-8° (?) sans pouvoir se mettre d'accord sur les limites
de chacun d'eux, par la raison bien simple que ces
dernières désignations manquent de bases précises, et
qu'il n'y a que la feuille d'impression qui puisse la
donner. Les in -8® comme les autres formats prenant
leur source dans les huit dimensions de papier en usage
dans la librairie, il en résulte, faute d'adjoindre h cha-
cun d'eux la dénomination de ces papiers, des mécomp-
tes et des discussions aussi embarrassantes que faciles
à éviter, si tout le monde se conformait aux règles éta-
blies par les éditeurs tant anciens que modernes.
L'in-i8 Jésus a remplacé dans la librairie française
rin-12 raisin, tous deux étant plies et brochés ont les
56 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
mêmes dimensions. On les désig'nes aussi sous le nom
de format Charpentier. C'est donc Tin-iS jésus qui
fîg'ure au tableau, conformément à la note que nous
avons placée au bas de celui-ci.
Il nous reste à parler des formats oblongSy dits à
l'italienne. On désig-ne ainsi les livres et albums qui
ont moins de hauteur que de largeur. On les emploie
assez fréquemment pour imprimer les atlas ou livres à
planches, etc.
Ces formats, pour lesquels on se sert des mêmes
dimensions de papier que pour les formats de livres
ordinaires, empruntent également à ces papiers leurs
dénominations et dimensions. On les désig'ne soit par
in-plano raisin oblong, qui mesure k% centimètres
de haut sur 64 de large ; — m-4® raisin oblong, qui
mesure 24 1/2 de haut sur 82 de large, etc., etc. ; ce
dernier contient également quatre feuillets ou huit
pages. Mais l'imposition en est faite de façon à ce que
Ton doive former le premier pli de la feuille dans le
sens de la longueur, le second pli que l'on fait ensuite
en largeur, place le dos du cahier in-4® oblong à la
place où se trouverait la tête des cahiers in-4® raisin
ordinaire, il en est de même des autres formats. Ceci
étant bien établi et bien compris, il nous a semblé inu-
tile de les faire figurer au tableau ci-contre, sur lequel
se trouvent également leurs dimensions en chiffres.
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CHAPITRE VI
Travail du relie ar
en ce qui concerne la reliure proprement dite
Nous avons décrit, au chapitre de la brochure, les
opérations préliminaires de la reliure, du moins en ce
qui concerne les livres en feuilles, c*est-àdire de ceux
que le relieur reçoit directement de l'éditeur, et qui
n'ont été ni brochés ni reliés antérieurement ; nous
n'avons donc plus à revenir sur'ce g-enre de prépara-
tions, qui se font de la même façon chez le relieur
comme chez le brocheur, sauf que le premier doit, par
la force des choses, apporter plus de soins et de préci-
sion dans la mise en train de son travail.
Nous n*avons donc à nous préoccuper dans ce chapi-
tre que du livre que le relieur reçoit broché ou revêtu
d'une reliure à renouveler. Nous établirons l'ensemble
de nos descriptions sur un volume à façonner en reliure
pleine, nous réservant de donner plus loin la descrip-
tion des divers genres de demi-reliure.
L'ensemble du travail du relieur ou la reliure propre-
ment dite, comprend les opérations suivantes :
Le débrochage^i le démontage des anciennes reliures.
La préparation k Idi couture, qui comprend aussi,
le repliage et le placement des gravures et planches ; le
montage sur onglets de certaines cartes, planches ou
gravures et le collationnement;
GtiDË MANUEL OE L'oUVBIER RELIEUR 59
Le battage et le laminage ; de même que la mise en
presse des volumes battus ou laminés.
La grecqure et le traçage pour la couture sur nerfs
et le collationnement ;
La couture en divers ijspenres ;
Uendossure et la rognure, que Ton désigne aussi
sous le nom de corps d'ouvragpe ;
Les tranches : leur coloriagpe, le travail de la tranche
qui n^est pas du ressort des spécialistes et se fait ordi-
nairement par le relieur ;
La tranchejîlure et la préparation à la couvrure ;
La coupe des peaux et la parure ;
La couvrure : le placement des charnières et des éti-
quettes ou pièces de titres ;
La finissure : qui comprend le nettoyag-e des mors,
le placement et le collage des gardes de couleurs ; la
mise en presse ; la cambrure ; le polissage et le yer-
nissage,
DU DÉBROCHAGE, OU REPLIAGE ET DE LA PRÉPARATION
A LA COUTURE
Les livres que Ton destine à la reliure se présentent
sous divers aspects; en feuilles pliées ou non pliées, en
brochures^ en reliures provisoires ou ayant cessé de
plaire ou encore en reliures fatiguées par le temps ou
par l'usage. Nous avons indiqué comment on s'y prend
pour plier les feuilles de divers formats il nous reste à
indiquer la manière de découdre les livres brochés et
aussi, les livres ayant déjà été reliés.
Le Débrochage consiste, à enlever la couverture du
livre broché, à le découdre, à l'approprier en enlevant
les parcelles de colle qui se trouvent sur le dos en même
temps que les débris de papier provenant de la couver-
60 GUIDE MANUEL DE l'oUVIUER RELIEUR
ture que Ton a arrachée, à retirer les bouts de fîl qui se
trouvent à l'intérieur des cahiers et à enlever les faux
plis qui se sont formés sur les coins du volume, opéra-
tions que Ton exécute de la manière suivante.
L'ouvrière, assise devant une table qu'elle domine
suffisamment, place le volume à plat devant elle comme
s'il s'agcissait de le lire. Elle soulève la couverture en
même temps que les premiers feuillets jusqu'au milieu
du cahier et elle coupe le fil qui se trouve à l'intérieur ;
cette précaution n'est pas inutile, surtout si ce premier
cahier se compose uniquement d^une feuille de titre.
Elle arrache alors la couverture, qu'elle tient entre le
pouce et l'index de la main ^^auche, en ayant soin de
ne pas la froisser : elle opère l'arrachag-e par une trac-
tion de droite à gauche et du haut en bas, de façon à
enlever le plus possible du papier collé sur le dos. Gela
fait, elle coupe avec des ciseaux en suivant la ligne net-
tement tracée par le pli, les barbes produites par l'arra-
chage au bord de cette partie de la couverture, qu'elle
place ensuite à sa gauche ; elle détache ensuite le titre,
s'il estseul,puis le premier cahier en ayant soin de tenir
les feuillets rapprochés les uns des autres, afin qu'en
détachant le premier cahier du second et ainsi de suite,
les feuillets extérieurs ne soient pas exposés à être déchi-
rés. En un mot les cahiers doivent être détachés les uns
des autres avec le plus de netteté possible, en ayant soin
de couper les fils dès qu'ils présentent quelque résis-
tance. Ce qui adhère au dos des cahiers doit être enlevé
très proprement sans fatiguer les feuillets extérieurs des
cahiers : arrivée à la fin, elle coupe le verso de la cou-
verture comme elle l'a fait au recto, elle redresse, s'il y
à lieu, les coins du volume en les repliant dans le sens
opposé, ou en cornet afin de leur faire reprendre leur
première forme.
GCIDË MANUEL DE l'oUVIUEH tlELIËUIt 6l
Les volumes brochés dont les dos ont été encollés et
leurs couvertures fixées à la colle de pâte, colle de farine
ou d'amidon, peuvent être facilement décousus; il n'en
est pas de même de ceux encollés et couverts à la colle
forte. L'opération dans ce cas présente de réelles difficul-
tés si on ne prend pas les précautions nécessaires.
Le premier moyen consiste, à battre le volume à laide
d'un marteau, sur l'arête vive du dos, afin de briser la
colle qui étant assez souvent de mauvaise qualité se
morcelle assez facilement et permet alors de détacher
les cahiers les uns des autres sans trop de difficultés.
Si ce moyen ne réussit pas, ou imparfaitement, il faut
alors mettre le livre en presse entre des ais en bois
placés à fleur du dos, et les serrer fortement, puis trem-
per le dos au moyen d'une couche épaisse de colle de
pâte comme on le fait pour l'endossure.
La colle détrempe le papier de la couverture ainsi que
la colle forte ayant servi à l'appliquer; on enlève alors
le tout à l'aide d'un frottoir en bois ou en fer, puis on
essuie les dos à l'aide d'une poig'née de rog-nures. On
retire les volumes de la presse; les cahiers dont les dos
ont été débarrassés de la colle se détachent alors très
facilement les uns des autres sans aucun risque de les
déchirer ce qui est le but à atteindre ainsi que d'écono-
miser du temps.
Le démontage des livres reliés présente un peu plus
de difficultés.
On commence par débarrasser le dos du volume de
la peau ou de la toile qui le recouvre, on enlève les tran-
chefiles ou imitation de celles-ci et on place le volume
en presse comme pour l'endossure (voir page 98). On
détrempe le dos à la colle de pâte et ce pendant deux ou
trois heures et, après avoir enlevé au frottoir ce qui se
trouve sur le dos. On essuie à sec, puis, avec une pointe
BOSQUET RELIURE 4
6â GUlbE MANUEL DE L*OUVRIfiR ttELlËU»
à couper on pratique une incision sur chaque ficelle en
suivant le contour du dos afin de couper à ces places,
les fils avec lesquels le livre a été cousu. On retire le
volume de la presse et on enlève les cartons en coupant
les ficelles d'attache et, pendant que le dos est encore
un peu humide, on détache les cahiers un à un comme
on le ferait d'un livre broché, en ayant soin d'enlever
les bouts de fil qui se trouvent à l'intérieur des cahiers.
On laisse bien sécher en étag-eant les cahiers du vo-
lume, puis on abat à petits coups de marteau, par trois
ou quatre cahiers à la fois, les mors (i) de l'ancienne
reliure afin de rendre au volume la forme plane sans
laquelle on ne pourrait le relier à nouveau.
Du repliage. — Nous avons indiqué : Chapitre I en
quoi consiste la pliure des feuilles dont se compose un
livre : ce travail, s'il était correctement exécuté par le
brocheur, permettrait au relieur d'exécuter son travail
sur des bases èg-alement correctes. Mais il n*en est,
malheureusement pas ainsi, et dans la pluralité des cas,
une révision attentive delà pliure s'impose à tout relieur,
ayant souci de son art et de sa renommée. Quoique le
livre broché ait été lu et que les cahiers en soient cou-
pés en lête et sur le devant, le redressag'e des feuilles est
indispensable: sans ce travail préliminaire une reliure
quel qu'en soit le genre ou la forme n^aura qu'une
valeur relative.
En effet, est-il rien de plus disgracieux qu'un livre
ouvert offrant à la vue du lecteur des pages dont le
texte se présente de travers par rapport aux marges, en
les supposant coupées à la rognure ou à l'ébarbage. De
(1) On donne le nom de Mors à la portion du dos des cahiers
qui se rabat au commencement et À la fin du volume, pour for-
mer à ces places les creux dans lesquels se logent les cartons.
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIEK RELIEUR 63
môme, la pliure étant correcte, de voir un volume relié
dontlete^te ou les cartons ne sont pas irréprochable-
ment coupés d'équerre. Les opérations du repliag-e ont
beaucoup d'analogie avec la pliure ; elles consistent à
rétablir dans la ligne droite les pages d'un livre qu'une
mauvaise pliure empêchent de concorder entre elles.
L'ouvrière, après avoir ouvert la feuille et Ta voir étendue
à plat sur la table, qu'il s'agisse d'un cahier in-folio —
in-4** — in-8° etc.^ répète selon le cas les diverses opéra-
tions que nous avons décrites, au chapitre précédent en
ajustant cette fois ces pages avec la correction voulue
tout en accentuant chaque pli afin que la feuille ne re-
prenne sa forme défectueuse. Si, comme nous l'avons
dit plus haut, les feuilles du livre broché ont été coupées
en tête et sur le devant, afin de pouvoir le lire, chacun
des cahiers se divise alors en feuillets doubles qu'il
iaut replier isolément et encarter ensuite l'un dans
l'autre ou les uns dans les autres selon qu'ils appartien-
nent à l'un ou à l'autre format.
L'ajustage se fait en plaçant exactement en regard
les uns des autres, les chiffres qui se trouvent en tête
des pages, tout en accentuant les plis à l'aide du
plioir et afin de maintenir les feuillets à la place voulue
on a soin de les fixer au moyen d'un petit filet de colle
de pâte étendu avec la plus grande réserve sur l'arête
vive du dos à la longueur d'un centimètre au plus. On
coupe ensuite, soit avec des ciseaux, soit avec une
pointe à couper ce qui dépasse en tête et ce d'après une
moyenne sur l'ensemble des cahiers composant le vo-
lume. Le titre, s'il est isolé, doit être replié en ajustant
par la transparence (en opposition avec la lumière) les
deux parties, titre et faux-titre et si le livre ne contient
ni gravures ni planches devant y prendre place on le
fçQd dans le pli et oq fixe les deux feuillets au moyen
64 GUIDE MANUEL DE l'ouVRIER RELIEUR
d'un filet de colle de pâte sur le premier cahier du
volume.
Préparation à la couture. — Opération des plus sim-
ples alors qu'il s'agfit d'un livre se présentant dans les
conditions ordinaires; c'est-à-dire sans estampes hors
texte ni planches d'aucune sorte ; celle-ci se complique
et devient un art parfois très délicat. S'il comporte le
placement d'estampes ayant une certaine valeur, de
planches dépassant dans certains cas et plus ou moins
les dimensions du livre. Puis d'autres qui, tout en étant
établies au format du volume exig-ent néanmoins le
concours intelli|o;'ent du praticien afin d'en rendre l'intel-
lig'ence facile sans nuire à la forme ainsi qu'à la solidité
de la reliure. Le relieur connaissant son art, de même
que l'amateur de livre, ne devant pas perdre de vue
qu'un livre quel qu'il soit est destiné à être lu et con-
sulté. Que l'ouverture doit en être facile, chacun de ses
feuillets mis à la portée du lecteur qui, absorbé par l'é-
tude ou le charme du sujet ne peut être astreint à un
effort quelconque pour maintenir le livre en place. Une
reliure quelle qu'elle soit qui ne comporte pas ces con-
ditions essentielles ne saurait être parfaite.
La préparation d'un livre ordinaire consiste, outre le
placement du titre, tel que nous l'avons indiqué ci-des-
sus à préserver le commencement et la fin du volume
au moyen d'un papier solide ou sauve-garde. Les gardes
blanches, tout au moins en ce qui concerne les cahiers
destinés à être cousus sur ficelles à la grecque, devant
être placées après la couture, sous peine de voir les
gardes trouées par la scie à grecquer.
Certains relieurs utilisent pour se faire la couverture
de la brochure qu'ils fixent au moyen d'un filet décolle
de pâte et ce à même le premier et le dernier feuillet du
GUIDE MANUEL DE L*0UVRIER RELIEUR 65
livre. Ce procédé est des plus défectueux en ce sens que
pour placer un peu plus tard les gardes blanches il faut
alors décoller les sauve-g'ardes pour placer celles-ci, ce
qui n'est pas sans fatiguer et parfois déchirer quelque
peu les feuillets sur lesquels elles ont été fixées; il en
est de môme des gardes blanches, alors qu'il s'agit lors
de la finissure, de nettoyer les mors au volume afin d*y
placer les gardes de couleur. Donc, dans l'un et l'autre
cas, feuillets du livre et gardes dont les dos ne sont nul-
lement protégés, sont à ce point fatigués qu'ils se déchi-
rent à ces places, obligent l'opérateur soil à remplacer
les gardes soit à pratiquer à ces places des replâtrages
de toute façon préjudiciables à la propreté, à la bonne
harmonie du travail.
Consolider le commencement et la fin du volume a
toujours été le grand souci des bons praticiens, le sur-
jetage des premiers et derniers cahiers est un moyen
excellent, mais on ne peut l'appliquer qu'à des reliures
soignées et par des mains exercées, il solidifie le cahier
mais il ne protège pas les gardes pour lesquelles il faut
alors des papiers très solides et parfois coûteux que l'on
coud comme on le fait des cahiers du volume.
Sauf-gardes à onglets. — Le seul moyen économique
que l'on puisse opposer au mal que nous venons de
signaler, qui rend inutile le surjetage et la couture des
gardes, même aux volumes les plus soignés, consiste
en deux bandes de papier de 4 à 6 centimètres de large
(selon le format du livre), relativement mince, solide et
souple que l'on place en forme d'onglet, entourant le
premier et le dernier cahier du volume sur la partie
antérieure desquels on les colle à deux ou trois millimè-
tres de large, toujours selon le format du livre. Ces
collages étant secs, on plie ces onglets de façon à con-
4.
66 GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR
tourner le dos et à se présenter à l'extérieur du vo-
lume. On fixe sur ces onglets un feuillet de papier
solide servant de sauvegarde et sous lesquels on peut
avec facilité et après la couture, placer les gardes blan-
ches qui demeurent efficacement préservées ainsi que
les premier et dernier cahiers pendant tout le cours du
travail jusqu'à la finissure. A ce moment on les arrache
sans peine, laissant intacts le commencement et la fin
du volume.
On peut, pourvu que Ton puisse disposer d'un papier
souple et solide, faire en sorte que, sauve*gardes et on»
glets ne fassent qu'un; il est même indispensable qu'il
en soit ainsi alors qu'il s'agit de reliures ou cartonnages
à la Bradel. ,
Réparations sommaires. — Les livres à préparer à la
couture, ne sont pas toujours en bon état; l'usage leur
a parfois fait subir des avaries plus ou moins impor-
tantes, certaines feuilles sont parfois déchirées ou môme
totalement abimées. S'il n'est pas possible de s'en pro-
curer de rechange, il faut alors se résigner à y faire les
réparations nécessaires. Nous renvoyons au chapitre
sur la RÉPARATION DES VIEUX LIVRES ET ESTAMPES, pOUr
ceux qui ont subi des avaries importantes, nous bor-
nant à consigner ici les réparations usuelles.
S'il ne s'agit que d'une simple déchirure, on place une
bande de papier de soie sous celle ci, on enduit à l'aide
d'un petit pinceau en plumes les barbes delà déchirure
d'un peu de colle de pâte. On opère ensuite la jonction
des deux parties de façon à rendre à la feuille sa forme
primitive: opération plus ou mois délicate selon que la
feuille a été déchirée à vif ou en biais : puis on place
par dessus une nouvelle bande de papier de soie, ou
tout autre papier fin de la nuance de la feuille à répa-
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 67
rer, on charg-e le tout d'un poids plus ou moins lourd
selon le cas et on laisse sécher.
La siccation étant parfaite, on arrache avec précau-
tion les parties du papier de soie qui n*ont pas été
prises par les bavures de la colle, on frotte sur les par-
ties réparées à Taide d'un petit tampon de papier et si
l'opération a été faite avec précision elle sera à peine
visible.
Si les coins de la feuille ou certaines parties du dos
sont totalement usées, on colle de chaque côté de la
feuille des coins ou des bandes de papier de soie, on
charge et on laisse sécher.
Si un coin, ou telle autre partie d'un feuillet ont été
arrachés et perdus on choisit un coin ou une bande de
papier semblable, si possible : on enduit les barbes de
la déchirure d'un peu de colle de pâte, on place alors
au-dessous le papier choisi en appuyant légèrement sur
les barbes à l'aide d'un plioir, puis on place par-dessus
une bande de papier de soie et on laisse sécher. On
enlève un peu plus tard le papier de soie, on marque
un pli dans la feuille sur laquelle a été opéré et bien à
fleurs de celui-ci et on enlève le surplus au moyen d'une
déchirure pratiquée délicatement dans le pli. On place
ensuite le feuillet séparé entre deux plaques de zinc
puis dans une presse que l'on serre à proportion et ce
afin que les parties s'imprègnent l'une dans l'autre.
On peut également et il est préférable d'en agir ainsi
alors qu'il s'agit de papier d'une certaine épaisseur,
couper à vif et en ligne droite les parties à remplacer,
on amaincit ensuite les bords au moyen du couteau à
parer, puis la même opération à une bande ou pièce de
papier semblable et on opère la jonction à la colle de
pâte en plaçant l'une sur l'autre les parties biaisées. On
place de chaque côté une bande de papier de soie, on
68 ' GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR
charge plus ou moins selon le cas, on laisse sécher
puis on enlève les bandes de papier de soie, on approprie
et on met sous presse comme ci- dessus.
Le placement des gravures et planches est une opéra-
tion très délicate qui nécessite de la part de l'ouvrière
beaucoup de tact et de soins.
Avant toutes choses, une gravure que l'on place dans
un livre doit autant que possible cadrer avec le texte et
faire face à la narration qui la concerne, au moins pour
les ouvrag'es scientifiques, afin que le lecteur ait l'un et
l'autre en même temps sous les yeux. Il n'en est pas de
môme quand il s'agit de gravures d'art ; celles-ci doiven
surtout, afin de se présenter sous le jour le plus favora-
ble, être placées face au lecteur, c'est-à-dire en regard
des pages à numéros pairs (en belle page) dût la narra*
tion se trouver au-dessous.
Cette règle souflFre néanmoins certaines exceptions,
et a, dans le cas où la planche — un portrait ou tout
autre sujet servant de frontispice — doit se placer en
face du titre ou d'un chapitre commençant sur une page
à numéro impair.
Fig. 8. — Ciseaux pour le redressage des gravures.
Si le volume contient des gravures ? l'ouvrière s'as-
sure si elles ont été bien placées, et dans le cas contraire
elle les décolle, et elle les présente sur le texte tant en hau-
teur qu'en largeur, et elle enlève, soit avec des ciseaux,
ou à la pointe à couper et à la règle sur une platine de
zinc, le surplus soit en tête ou du côté du dos, puis elle
les fixe à la colle de pâte par un collage étroit et régulier,
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUR 69
elle place de même le papier de soie s'il y a lieu. Si la
gfravureest imprimée sur papier fort, elle monte celle-ci
sur un petit onglet simple ou double, comme nous
lavons indiqué à l'article sur la brochure Enfin, s'il
s'agit d'une carte, elle la plie de telle sorte en hauteur
et en largeur que les plis ne puissent être atteints par
la rognure, et autant que possible de façon à ce que
l'extrémité de la planche se trouve à fleur de la marge
pour être rognée en même temps que le volume. Il faut
surtout s'atfacher à former le moins de plis possible
dans les cartes, autant dans l'intérêt de l'ouvrage que
pour éviter des inégalités très préjudiciables au livre,
moins il y a de plis, plus l'emploi de la carte sera
facile et moins elle sera cause de la déformation de la
reliure.
Nous disions que la planche doit cadrer avec le texte
c'est-à-dire que les livres ayant en général moins de
marges du côté du dos et en tête que sur le devant et en
queue, il faut que les planches se présentent de même
par rapport au texte qui doit servir de guide.
En ce qui concerne les estampes qui, tout en ayant la
forme oblongue, demandent à être placées dans le sens
de la hauteur du livre, il faut que la légende se trouve
du côté de la tranche pour celles qui font face aux pages à
numéros pairs et du côté du dos pour celles qui font face
aux pages à numéros impairs.
De telle sorte que si deux planches de forme oblon-
g^ue devaient prendre place entre les mêmes pages,, elles
se présenteraient à la vue du lecteur, l'une au-dessus,
l'autre au-dessous, la première avec la légende du côté
du dos et la seconde du côté de la tranche du livre.
Montages sur onglets. — Les livres à monter sur
onglets soat fi^ssez qombreux, ceux-ci sont, ou des volu-
70 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER QELIEUR
mes uniquement composés de planches, ou texte inter-
calé de planches, mais imprimé sur papier plus fort.
L'essentiel pour le g'enre de reliure à y affecter consiste
en ce que le dos ne soit pas plus épais que le corps du
volume ; il y a plusieurs g'enres de montages sur ong'Iets,
qui d'après l'épaisseur du papier des planches, ou le
prix affecté au travail, se font sur ong'lets de toile ou de
papier ; les premiers doivent toujours être doublés de
papier pour leur donner de la consistance, et aussi pour
g'arnir le dos afin de l'établir à la g-rosseur du livre.
Montages simples sur onglets en papier. — Etant donné
un volume uniquement composé de planches simples,
auquel on désire donner des onglets de i5 millimètres
de large, on commence par redresser au moyen de la
règle ou d'une équerre et de la pointe à couper toutes
les planches de façon à bien proportionner les marges,
l'ouvrier enlève ducMé du dos et en tète, non seulement
les parties inégales, mais il rétablit les proportions des
marges en prenant pour base la plus grande des plan*
ches ; il prend alors du papier blanc souple et solide,
dont l'épaisseur doit être proportionnée au format du
volume, et si possible plus mince de moitié que l'épais*
seur du papier des planches, il divise son volume en
deux parties, c'est-à-dire que pour un volume composé
de loo planches, il coupe 5o onglets de la largeur de
65 millimètres et 5o de 38 millimètres; les collages
étant de 3 millimètres de large, il lui restera d'une
part 62 et d'autre part 35 millimètres de largeur d'on-
glets ; il retire alors les planches des numéros pairs,
et il leur enlève à la pointe ou à la presse à rogner,
3 millimètres de marges dans le dos, puis il étage ces
planches à la largeur de 2 millimètres du côté du dos ;
la face au-dessous au bord de la table, il place une
GUIDE MANUEL DE L'ouVuIER RËLIËUtt 71
baode de papier par-dessus, et il enduit à la colle
d'amidon toute la partie étagée, ou la moitié s'il juge
que le nombre en est trop considérable, puis il les place
devant lui en les étag-eant un peu plus pour écarter un
peu les parties collées, puis il prend une à une les
bandes de 38 millimètres, et il les place successivement
sur les parties enduites de colle, qui par la pression des
doigts s'élargit à 3 millimètres, proportion qu'il donne
à l'application des bandes d'onglets. Les planches à
numéros pairs, étant collées, il en fait autant des plan-
ches à numéros impairs, en se servant cette fois des
bandes de 65 millimètres, il charge le tout d'un poids
quelconque et il laisse sécher.
Les collages étant parfaitement secs, l'ouvrier prend
la planche numéro i et il la place devant lui, l'onglet
au bord de la table. Il place par-dessus la planche 2,
mais de façon à ce que le collage de cette dernière se
trouve non pas au-dessus, mais à côté du collage de la
planche i. Ceci explique le motif pour lequel il a enlevé
3 millimètres en plus, des planches à numéros pairs
qui, par cet arrangement, se retrouvent dans les pro-
portions voulues, par rapport à la largeur des planches
en général, et servent en même temps de remplissage
pour que le dos soit de même épaisseur que le corps du
volume.
Les deux planches étant placées, l'une sur l'autre,
l'ouvrier plie d'abord l'onglet large qui se trouve des-
sous, puis il fait un second pli avec l'ensemble et à
fleur du dos de la planche i ; l'équilibre est alors par-
fait. Il fait la même opération avec les planches 3 et 4,
puis avec 5 et 6 et ainsi de suite. Puis il assure le com-
mencement et la fin du volume comme pour un livre
ordinaire. Il égalise alors le volume au dos et en tête,
puis il bat les onglets par petites battées, à l'aide d'un
7^ GtIDË MANtEL DE L^OUVRlËU UELIKUR
marteau en fer ordinaire ; il met ensuite le volume en
presse.
Nous avons indiqué la formation des cahiers par
deux planches. On peut aussi former des cahiers de
quatre planches en étag'eant dans le même ordre, c'est-
à-dire en plaçant le collage de la planche 2 à côté du
collage de la planche i, puis en posant exactement 3
sur I et 4 sur 2 ; on plie alors les onglets des planches
I et 3, et on fait un pli d'ensemble des 4 onglets réunis.
On peut faire le même montage avec des planches
pliées en deux, il faut pour celles-ci des onglets un peu
plus larges, afin qu'elles puissent s'étaler bien à plat.
Gomme il n'est pas possible d'équilibrer la largeur par
le dos, il faut pourtant les étager de même dans Tagen-
cément des onglets, sous peine d'avoir un dos trop épais,
mais aussi afin que la pression ne fatigue pas trop le pli
des planches.
Montage sur onglets de toile. — Ce montage est de
plusieurs genres, on le proportionne selon le format du
volume ou l'épaisseur des planches. On prend, pour les
onglets de toile, de la percale lustrée plus ou moins fine
selon le cas, ou de toiles à calquer que l'on trouve éga-
lement en diverses épaisseurs. Mais il faut toujours les
doubler d'un papier plus ou moins mince, à moins qu'il
s'agisse d'un montage sur fonds, c'est-à-dire en joi-
gnant deux planches par le fond ou dos.
Le montage est simple, quand il s'agit de planches
sur papier de force ordinaire. On colle alors la toile à la
planche, et on double cette toile en collant sur la partie
restée libre, une bande de papier pour lui donner de la
consistance. Le montage est double quand ce papier, au
lieu de doubler simplement la toile, s'applique de façon
à ce que la planche soit prise entre les deux, ce qui est
GtJlDB MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 73
plus solide. Il faut parfois placer la planche entre deux
bandes de toile. On fixe alors la première bande de
toile, en appliquant la colle sur les planches à la lar-
g'eur voulue selon le format du livre, soit de 2 à 5 mil«
lim êtres selon le cas. On colle ensuite des bandes de
papier sur les parties restées libres, puis on encolle la
seconde bande de toile en entier et on l'applique par-
dessus en la plaçant sur la planche dans les mêmes
proportions que la première et avftc le moins de colle
possible. On frotte ensuite sur la bande en se servant
d'un papier comme intermédiaire, il faut avoir soin de
laisser sécher le premier collag'e avant d'appliquer le
second. Ces onglets ne se font qu'à un seul pli ; on se
sert d'ong'lets en papier libre comme remplissage, on
les place non pas à Tintérieur mais à Textérieur, la toile
à l'extérieur n'étant pas favorable à l'endossure du
volume. Dans les montages à une seule toile, il faut
également avoir soin de plier le papier en dehors pour
le même motif.
Nous devons mentionner également un genre de
montage sur onglets de toile, reliant deux planches par
le même onglet. Voici comment s'exécute ce travail.
Montage sur onglets, dit montage à la russe. — Etant
donné un volume in-fôlio, auquel on se propose de pla-
cer des onglets de 2 centimètres de large. On coupe
autant de bandes de papier de 4 centimètres de large
qu*il y a de planches au volume. Ce papier doit avoir la
moitié de l'épaisseur des planches. On coupe ensuite
autant de bandes de toile. Celles-ci à 6 centimètres de
large. On colle ces bandes de papier en les fixant au
centre des bandes de toile, on laisse sécher puis on en-
colle du côté du dos, la planche i sur le recto et la plan-
che 2 sur le verso à la largeur de 8 millimètres, et on
BOSQUET — RELIURE 5
74 GtIDB MàNUBL de L^OUVRIfiR RBtIBOR
les fixe à Tune des bandes préparées, que Ton place sur
la table, la toile touchant celle-ci. L'attache des plan-
ches doit se faire de telle sorte qu*il reste un écart de
a millimètres entre le dos de la planche et la naissance
de l'onglet en papier, afin qu*il y ait à cette place un jeu
suffisant. On encolle ensuite les deux côtés ou bords de
. la toile à la seconde bande d'onglet, et on la place par-
dessus de façon à relier les deux planches par une toile
double, tout en plaçant les papiers de remplissage à
l'intérieur sans les coller l'un à l'autre, afin que cette
partie conserve une certaine souplesse; on traite de
même les autres planches. On laisse sécher, puis on
plie les onglets par le milieu, on les bat ensuite au
marteau et on met le volume en presse. Dans ce système
les toiles se touchent à la couture, mais on place de
fortes claies en peau sur le dos après Tendossure. Cette
méthode a pour avantage de ne présenter aucun onglet
libre à l'intérieur du volume.
Le montage des photographies collées sur bristol pré-
sente quelques inconvénients à cause du godage du
bristol, provoqué par le collage des photographies. On
remédie à cet état de choses, en collant au dos un feuil-
let de papier blanc de même qualité et teinte. L'ong^let
en toile se place alors entre les deux et se trouve com*
plètement dissimulé. En outre, le godage des planches
disparaît^ pourvu qu'on les place entre des cartons bien
unis pour les laisser sécher. Les photographies ayant
pris une forme bien plane, le livre se fermera herméti-
quement. On agit de même quand on reçoit une coIIec-
tion de photographies à monter sur bristol et à relier.
On prend alors du bristol mince dont l'épaisseur de
deux feuilles réunies forme celle que l'on désire affec»
ter au montage. On colle d'abord les photographies 6ar
Gtll)B MANtEL DE L*OUVRIBll RBLlEtR 78
Tune d'elles, et on les double ensuite après avoir fixé
les onglets. La bonne exécution assure alors un ensem-
ble parfait.
Montage sur onglets des livres soignés. — Nous avons
indiqué le montag-e sur ong>lets en g-énéral, basé autant
que possible sur un déplacement des collag^es, en vue
d'éviter des épaisseurs du côté du dos ; certains ouvra-
ges ne s'arrangent pas de ce mode de montage. La
cause principale réside dans Texiguïté des marges de
certains ouvrages, et principalement des livres de piété
de luxe, imprimés en chromolithographie ou manus-
crits sur papiers forts, etc., pour obvier à l'inconvénient
résultant des collages, et qui, placés les uns sur les
autres, rendent presque impossible la reliure de ces
livres, sans que le dos en soit trop développé. On com-
mence par redresser les planches au dos et en tête, puis
au moyen d'une ppinte à couper bien affilée, on prati-
que au verso de chaque planche du côté du dos, une
entaille jusqu'à la moitié de l'épaisseur du papier ou de
la carte et à 2 ou 3 millimètres du bord, cela fait, on
dédouble cette partie avec précaution, et on colle dans
ces creux des onglets en papier mince et solide, de pré-
férence du papier du Japon ou de la toile à calquer. On
plie ou on double ensuite ceux-ci comme il est dit plus
haut. Ce travail fait avec soin et propreté assure aux
livres un excellent montage sur onglets.
en presse. Battage et laminage. — Les volumes
étant préparés à la couture, on les met en presse en les
divisant en plusieurs parties égales, selon leur épais-
seur ou leur format. Il faut autant que possible éviter
de battre et surtout de laminer les livres. La plupart
des ouvrages de luxe édités de nos jours sont imprimés
76 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
sur des papiers bien glacés et calendrés, papiers cou-
chés, etc., qui permettent de relier convenablement le
livre, sans avoir recours aux deux derniers moyens ; le
laminage surtout ne pourrait que leur nuire.
Il n'en est pas de même des éditions ordinaii:es, et
surtout des anciennes éditions. Ces dernières exigent
parfois de puissants moyens d'action pour les compri-
mer et les rendre propres à la reliure. Le plus ancien
système connu est la mise en presse, et le battage sur la
pierre au moyen du lourd marteau du relieur. C'est
Fig. g. — Marteau à battre.
encore le meilleur moyen en usage de nos jours. Le la-
minage est beaucoup plus expéditif, mais il durcit le
papier et présente même quelque danger. Le marteau
seul a le don de comprimer le livre en assouplissant le
papier, la presse égalise ensuite le tout, et en forme une
masse compacte qui se maintient parfaitement en cet état*
Il ne faut pourtant pas abuser du battage ; certaines
encres souflPrent plus ou moins par l'action échauffante
du marteau ; il n'est pas bon surtout de battre les gra-
vures en même temps que le livre ; les belles estampes
surtout doivent être satinées à part en les plaçant sous
la presse entre des papiers bien unis, pour les fixer dans
le livre après l'avoir battu, et avant de le mettre en
presse. Il est prudent, pour les ouvrages en grand for-
mat que l'on reçoit en feuilles, de les faire satiner avant
la pliure, et surtout avant le battage ou le laminage, à
GUIDE MANUEL DE L OUVRIER I
cause surtout de certaines plissures qui se produisent
souvent en laminant les anciennes impressions.
Fig. lo. — Le Batteur aplanissant une battée.
Pour battre le volume, l'ouvrier commence par le
diviser en autant de battées ou petits paquets qu'il con-
tient de fois l'épaisseur du petit doigt ou h peu près. Il
place la première batlée entre deux feuillets de papier
très fort et du même format que le livre ; il se place à
côté de la pierre, les jambes rapprochées et le corps
78 GUIDB MANUBL DB l'oUVRIER RBLIEUR
bien d'aplomb ; il saisit la partie inférieure de la battée
entre le pouce et les quatre doigts de la main gauche,
qu'il a soin de tenir en dehors de la surface de la pierre,
puis il soulève le marteau avec la main droite^ en le
serrant de près pour que le poids ne fatigue pas trop
la main, qu'il place un peu en dessous du manche, de
façon à ce que celui ci soit bien comprimé et qu'il puisse
soulever le marteau sans difficulté ; il le lève ensuite à
la hauteur de la tête, et il le laisse retomber bien
d'aplomb au centre du volume ; ce coup bien appliqué
fait rebondir le marteau, qui, une fois mis en mouve-
ment, est relevé avec plus de facilité. Les coups doivent
être bien cadencés, et exercer leur action du centre aux
extrémités ; le premier coup doit être aux trois quarts
couvert par le second, et ainsi de suite. Le haut de la
battée étant terminée, il fait pivoter celle-ci et il la sai-
sit par la tête sans arrêter le battage, puis il la retourne
sens dessus dessous, en la plaçant toujours à portée des
coups du marteau qui, manœuvré en cadence et par des
mouvements automatiques, fatigue beaucoup moins
l'opérateur.
Mais il ne suffit pas de retourner la battée pour que
l'action du marteau soit répartie d'une façon égale sur
tous les cahiers qui composent le livre. Il faut, pour
obtenir un résultat parfait, les changer alternativement
de place, c'est-à-dire qu'après un premier battage opéré
des deux côtés, on partage la battée en deux^ on place
au-dessus la partie qui se trouvait dessous et on recom-
mence l'opération. Après le battage, on place le livre en
presse entre des ais en carton ou en bois bien uni, tout
en ayant soin de changer à nouveau les divisions ;
c'est-à-dire que si l'on a partagé le livre en six parties
pour le battre, il faut le diviser eu 5 ou en -y pour le
placer dans la presse.
6UIDB MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 79
On pourrait inférer de ce qui précède qu'il suffit de
battre un livre à outrance ou le plus longptemps possible
pour atteindre à la perfection ? S'il en est plus ou moins
ainsi pour certains livres déjà vieux, imprimés sur pa-
piers à la forme, etc.^ ciu moyen d'encres de très bonne
qualité, il en est autrement pour certains papiers et sur^
tout pour certaines encres.
Il est des livres que Ton doit battre pendant un
certain temps pour obtenir un bon résultat : il en est,
d'autre part, dont le papier est d'une délicatesse ex-
trême et ne souffre le battagpe à aucun deg-ré. D'autres,
dont les encres sont ou très délicates ou de mauvaise
qualité, ce que le relieur doit être à même de pouvoir
apprécier ; il arrive même assez souvent qu'on lui confie
des livres que Ton vient d'imprimer. L'ancienneté du
livre n'est pas une garantie suffisante pour exécuter le
battage avec sécurité ; il est des incunables (i) dont les
encres sont à ce point fragiles qu'elles maculent à une
très faible pression.
Certains ouvrages imprimés au siècle dernier pré-
sentent les mêmes inconvénients et sont par ce fait, plus
ou moins difficiles à relier. Les impressions en taille
douce et même certaines empreintes de gravures sur
acier ne souffrent pas l'action du marteau, les gravures
de ce genre ne doivent prendre place dans le livre qu'a-
près le battage : il est même indispensable de placer
provisoirement devant chacune d'elles un papier de soie
non seulement pour les préserver, pendant et jusqu'à
complet achèvement de la reliure ; mais pour préserver
également les feuilles qui leur font face dans le livre«
On reconnaît que l'encre est fragile ou d'impression trop
(i) Livres imprimés depuis rinvention de l'imprimerie jusaue
Tan i5oo mcl^s.
80 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
récente en plaçant par dessus, un papier blanc mat
quelconque : on frotte alors en appuyant soit avec un
plioir ou avec Tong-le du pouce. L'encre macule alors
plus ou moins le papier, ce qui permet de se rendre
compte du degré de pression que le livre peut sup-
porter.
Quelques coups de marteau appliqués modérément
de chaque côté de la battée suffisent très souvent pour
aplanir convenablement le livre ; la presse fait le reste
et dans bien des cas on peut s'en tenir là.
Le laminage, n'est qu'une abréviation du battage au
marteau et de la mise en presse réunis, qu'il remplace
avantageusement en ce qui concerne les reliures com-
merciales. Dans certains ateliers on a complètement
renoncé au battage ; les laminages se font du reste par
certains spécialistes d'une façon assez intelligente pour
rassurer de ce côté la plupart des amateurs de livres. II
faut pour le laminage, avoir soin de placer les battées
entre des plaques de zinc ou de cuivre, sur lesquelles
on aura, au préalable, appliqué à la colle de pâte du
papier blanc bien uni. Le laminage sans le secours des
plaques est dangereux pour le livre et pour l'opérateur
qui, pour éviter les plissures, doit courber à la main la
battée qu'il engage entre les cylindres ; la moindre dis-
traction peut alors êlre fatale à l'opérateur surtout si la
machine est actionnée par un moteur.
Il faut pour laminer un livre, procéder avec prudence,
débuter par petites battées que l'on augmente graduelle-
ment jusqu'à ce que Ton ait obtenu un résultat satisfai-
sant. Ne présentera Taction des cylindres qu'une épais-
seur égale à celle sur laquelle on a réglé la machine ;
une^ planche en plus peut occasionner des macula-
ges et durcir le papier. Un livre laminé en connais*.
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUR 81
sancede cause peat se passer de la mise en presse, sur-
tout s'il a subi deux passes, soit que l'on juge à propos
de changer les cahiers de place comme ou le fait pour
certains battages au marteau; soit que la machine
étant pourvue d'un mouvement de retour, permette à
l'opérateur de ramener la battéeàluiet d'économiser
par là l'emploi d'un récepteur.
Pig. II. -Laminoir du relieur.
Les ouvrag'es nouvellement imprimés ont des parties
plus Fragiles les unes que les autres, la fin du volume
et surtout le titre maculent tout en laissant intactes les
feuilles qui suivent ou qui précédent, la dernière battée
d'un livre doit être sensiblement moins épaisse que celle
que l'on forme avec le corps du volume. Il faut de temps
en temps s'assurer si la pression entre les cylindres est
tga\e des deux côtés, on abaisse pour cela le cylindre
82 GUIDE MANUEL DE L'oUVRIBR RELIEUR
supérieur jusqu'à ce qu'il touche, ou à peu près le
cylindre inférieur. On prend alors deux petites bandes
de carton d'égale épaisseur et on les passe en même
temps aux deux extrémités. Si le rég-lag^e est exact ils
seront laminés de même, dans le cas contraire il faut
resserrer le côté faible au mojren de la vis qui supporte
le coussinet. Il est néanmoins prudent de présenter les
battées alternativement dans les deux sens, c'est-à-dire
qu'après avoir passé la première le dos à gauche il
convient de passer la seconde le dos à droite et ainsi de
suite. Il faut toujours eng'ager les battées par la tête
entre les cylindres et jamais par la queue et ce afin
d'éviter les plissures. Il importe encore afin d'évi-
ter les plissures^ que les tables adaptées de chaque
côté du laminoir soient sensiblement plus basses que
l'ouverture des cylindres. La battée que Ton a soin de
présenter à l'action des cylindres en employant les deux
mains, étant prise, on presse alors vivement avec le
poing bien fermé sur la battée pour la cintrer vers le
bas afin d'éviter les plissures qui ont une certaine ten-
dance à se produire. Ne jamais appuyer avec les doigts
sur la battée entraînée par Faction des cylindres, une
distraction pouvant amener les plus graves conséquen-
ces pour l'opérateur. Il faut surtout avoir soin d'éviter les
pressions trop fortes, quel que soit l'état du volume à
laminer ; les fortes pressions durcissent les papiers jus-
qu'à les rendre cassants, le moindre excès les brûle sans
retour.
CoUationnement, grecquage, et traçage pour la cou-
ture sur nerfs. — A la sortie de la presse ou après le
laminage, le volume est remis au collationneur, qui est
en même temps chargé de le grecquer ou de le tracer,
s'il doit être cousu sur nerfs. Nous avons fait au chapi-*
GUIDE MÂNTJEL DE l'oUVRIBR RELIEUR 83
tre de la brochure la description du coUatioûnement,
qui ne se fait pas de même pour tous les formats de
livres. Celui que nous avons décrit est le plus expéditif,
pour les formats au-dessous de la moyenne. En dehors de
ceux-ci et pour les volumes d'un certain poids, le col-
lationneur place le volume devant lui à plat sur la table,
la queue vers lui et le dos à gauche ; il étage alors légè-
rement le volume de ce côté, afin de lui faciliter le con-
tact par unité de chacun des cahiers, qu'il soulève
avec le pouce de la main gauche, pour être maintenu
ensuite ainsi que les suivants au moyen de la main
droite, au fur et à mesure qu'il aura reconnu les signa-
tures des cahiers, puis il grecque le volume, à moins
que l'ouvrage ne présente des lacunes, et, dans ce cas,
il le met à part, et signale à qui de droit les feuilles
manquantes.
L'opération du grecquage, consiste à pratiquer en
travers du dos du volume, des encoches dans lesquel-
les la couseuse enchâssera les ficelles, qui logées dans
ces encoches et entourées par les fils de la couture, ne
produiront aucune saillie sur le dos du volume. Deux
encoches plus petites, pratiquées en haut et en bas du
volume servent à loger les chaînettes.
Les chaînettes doivent se rapprocher, autant que pos-
sible de la rognure, la couture du livre en sera d'au-
tant plus solide, et avoir soin si le livre doit être relié à
nerfs ou faux nerfs que les ficelles soient disposées de
façon à se rapporter à ceux-ci. Il faut prendre garde à ne
grecquer que très peu le livre ; les encoches pratiquées
au moyen de scies à grecquer, soit à la main ou à la
machine, doivent à peine dépasser le feuillet intérieur
des cahiers, tout juste de quoi passer l'aiguille.
Voici comment opère le grecqueur : l'ouvrier com-
meace par égaliser avec soin les cahiers du côté du dos
1
84 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
et en tète du volume, en ajoutant une bande de carton
qui lui servira de point de repère pour les volumes sui-
vants ; il place le volume entre deux ais, en laissant
dépasser le dos d'un centimètre environ, puis il met le
tout dans la presse à rogcner, ou dans Tétau à endosser,
ou toute autre presse du même genre, en serrant légère-
ment ; il prend un compas, avec lequel il mesure et
marque la place des ficelles, puis avec une scie à main
Fig. la. ^ Scie à grecquer.
il pratique le nombre d*encoches nécessaires, en ayant
grand soin que celles-ci ne soient pas plus profondes que
Tépaisseur des ficelles. Il a soin également que les
encoches de tête et de queue ne soient pas trop éloi-
gnées des extrémités du volume, ce qui lui enlèverait
de la solidité et nuirait également à Tendossure. On se
sert également, alors qu'il s^agit de reliures commer-
ciales de la machine à grecquer.
Nous venons de dire qu'il faut grecquer le moins
possible. Des encoches profondes sont nuisibles non
seulement au volume, mais aussi au travail, et princi-
palement aux gardes des emboîtages qui, quoique pla-
cées après la couture, sont presque généralement cou-
pées par les ficelles. L'inconvénient est encore plus
grave pour celles que l'on coud en môme temps que le
volume. Il n'est pas possible d'attacher les. cartons con-
venablement à un volume trop grecque; il faut donc
attacher une réelle importance à la grecqure, que, pour
des volumes soignés, il faut établir de telle sorte que
les ficelles concordent avec les nervures du dos.
GUIDE MANUEL DE l'OUVRIBR RELIEUR 85
L'ouvrier doit donc, dès ce momeat, combiner la
place des faux nerfs, et se rendre compte du format
des cartons et de la ro^oure, ÎI marque alors la place-
des chatoettes, qa'il rapproche le plus possible de In
Fîg. i3, — Machine à ^ecqoer.
coupe présumée du volume; il marque ensuite la place
de cinq nervures, puis il pratique des encoches propor-
lioDnées aux trois quarts au plus de l'épaisseur des
ficelles qui produisent alors au dos de faibles saillies,
celles-ci couvertes plus tard par les faux nerfs. Un
volume ainsi g^recquë ne produira aucun effet désagréa-
ble à l'intérieur ; il aura de plus, l'avantage de s'ou-
vrir aussi facilement qu'un volume cousu sur nerfs ou
sur rubans. Le travail sera d'autant plus parfait si on
coud le volume point-arrière. Il n'est pas indispensable
que le volume soit cousu sur autant de ficelles qu'il y
a de nerfs; on coud les petits volumes à trois ficelles
en marquant légèrement les places intermédiaires.
Le traçage pour la coulure sur uerfs est de deux
86 GUIDE MANUEL DE L*OUVRIBR RELIEUR
gfenres : on peut l'exécuter pour nerfs simples ou dou-
bles. Voici comment on opère ces traçages:
L'ouvrier place le volume en presse entre deux ais et
une bande de carton, sans laisser dépasser le dos. Le
volume étant bien d*équerre, et les cahiers bien égali-
sés de même que les ais^ il marque en tête et en queue,
à l'aide d'une petite équerre et d'un crayon la place des
chaînettes ; puis, à l'aide d'un compas, il marque la
place des nerfs ; il trace alors chacun de ceux-ci par
une double ligne au crayon, fortement marquée en tra-
vers du dos. Les traits au crayon qui doivent se rappor-
ter exactement à l'épaisseur des nerfs, servent de point
de repère à l'ouvrière pour l'entrée et la sortie de l'ai-
guille, et comme guides pour la rectitude des nervures
qui doivent être parfaitement d'équerre. Il en est de
même pour les nervures doubles, il faut alors marquer
la place de chaque ficelle, en laissant entre elles un
espace proportionné, au format du volume et à l'épais-
seur des nervures.
DE LA COUTURE
La couture du livre constitue l'élément essentiel de
la reliure ; elle est l'assise par excellence sans laquelle
on ne saurait relier le livre, elle suffirait à elle seule
pour caractériser le métier de relieur.
En effet, la couverture proprement dite que l'on
applique sur le livre cousu n'est en réalité que l'acces-
soire. Elle peut être ou très simple ou très luxueuse,
mais le livre n'en est pas moins relié dès qu'il est cousu
selon la méthode du relieur.
Nous devons, et pour cause, insister sur l'importance
de la couture ; c'était le travc^il de prédilection des
6UIDB MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUR 87
anciens relieurs qui, en g'énéral, cousaient admirable*
ment les livres. Les coutures croisées du xv* siècle sont
les chefs-d'œuvre du genre ; on ne fit jamais mieux et
on ne saurait non plus rien imaginer de plus solide,
partant de plus durable. Cette couture a de plus le
mérite d'être très caractéristique et de conserver
intactes les feuilles du livre. Ce genre de couture exige
il est vrai, une dépense de temps relativement considé-
rable et ne peut être appliquée qu'à des reliures d'un
prix élevé ; il en est de plus simples à divers degrés et
de plus expéditives. Le relieur, il y va de son intérêt,
lui doit tous ses soins et ne peut perdre de vue que,
quelle que soit la somme de travail dépensée soit pour
consolider la reliure, soit pour l'embellir à quelque
degré que ce soit, si la couture n'est pas faite avec soin
et en connaissance de cause, cette reliure sera mal faite
et n'aura qu'une valeur relative. Une couture défec-
tueuse entraîne fatalement la malfaçon de la reliure, si
grande que puisse être l'habileté du praticien à qui un
livre mal cousu aura été confié.
Il y a plusieurs genres de coutures, que l'on appro-
prie plus ou moins aux divers genres de reliures. On
les désigne sous le nom de couture sur nerfs simples ou
sur nerfs doubles (nerfs accouplés) ; la couture à la
grecque et la couture sur lacets ou rubans. On les exé-
cute à points arrière ou à points devant, selon les genres
désignés ci-dessus. Les coutures sur nerfs doivent être
exécutées à points arrière, celles sur rubans ne peuvent
l'être qu'au moyen de points devant On prend indiffé-
remment l'un ou l'autre pour les coutures à la grecque,
mais le point arrière, beaucoup plus long à exécuter,
ne s'emploie que pour les reliures soignées.
La couture du livre se fait sur un métier à coudre dit
cousoir. Ce cousoir dont le type est fort ancien et dont
88 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUR
les détails ont peu varié, sert à tendre les ficelles ou
rubans sur lesquels on coud les volumes et à les main-
tenir bien tendues en observant les distances voulues
pendant le cours du travail . Ces ficelles, en lin ou en
chanvre de bonne qualité, doivent être parfaitement
lisses. Les brins ou fils qui les composent doivent pou-
voir se détacher les uns des autres avec facilité par
ropération de Teffilochag-e. On se sert de ficelles à deux
fils pour les petits formats, et à trois fils pour ceux qui
dépassent Tin-S^ raisin ; on emploie le fouet en diverses
épaisseurs pour les coutures sur nerfs. On emploie le
fil de lin écru de première qualité pour la couture du
livre ; le lin de nuance fauve clair, lisse et bien tordu,
est préférable. Il faut rejeter tout fil qui s'effiloche, non
seulement à cause du mauvais aspect qu'il présente,
mais surtout à cause de son manque de solidité. On
emploie aussi des fils blancs (fils de lin blanchis sur le
pré) et môme des fils de soie fauves pour les reliures
soig-nées.
Les fils que Ton emploie pour la reliure se vendent
en long-s écheveaux que Ton coupe à Tune des extrémi-
tés pour en faire des aig-ui liées qui varient de i m. 20
à I m. 5o. Il faut plusieurs aig'uillées de fil pourxoudre
un volume et même un certain nombre, selon les
dimensions ou l'épaisseur du livre. On rattache ces
aig'uillées successivement les unes aux autres par des
nœuds qu'il importe de dissimuler le mieux possible,
voir un ou plusieurs nœuds dans l'intérieur d'un
volume fait toujours le plus mauvais effet ; Tattache à
la chaînette ou sur la ficelle est un moyen excellent. A
défaut de ces moyens, il reste les nœuds réduits à leur
plus simple expression tels sont : le nœud de tisserand
et le nœud de marin. Le premier présente cet avantagée
d'être en mênje temps le plus petit et le plus solide que
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 89
Ton connaisse ; voici comment il faut s'y prendre pour
le former.
L'ouvrière, voulant joindre l'un à l'autre deux bouts
de fils çaisit le n^ i entre le pouce et l'index de la main
droite ; elle le place en croix sous le n® 2 pour être ainsi
maintenu entre le pouce et l'index de la main g'auche.
Elle entoure ce dernier en passant le fil n^ i au-dessus de
roDg'Ie et soUs le bout n^ i tout en ramenant le fil qu'elle
passe entre les deux bouts et de façon à ce qu'il soit en
même temps entre le pouce et l'index. Alors, à l'aide
du médius de la main droite, elle abaisse le bout no i
jusqu'à ce qu'il puisse être pincé entre le médius et
l'index de la main gauche, elle passe à l'aide du même
doigt le bout n^ 2 dans la boucle formée par le fil qui
entourait le pouce ; elle saisit vivement le bout entre le
pouce et l'index de la main gauche, puis elle tire forte-
ment vers le bas le fil n® i qu'elle n'a cessé de tenir entre
le pouce et l'index de la main droite. Elle coupe ensuite
les bouts qui dépassent, le nœud est fait et s'il est suf-
fisamment serré, aucune traction ne pourrait le déta-
cher.
Ce nœud ainsi que celui désigné sous le nom de
nœud de marin, plus épais d'un fil que celui dont nous
avons fait la description se voient très peu dans l'inté-
rieur du volume ; il est néanmoins préférable, quand il
s'agit de reliures soignées, de rattacher ce fil aux chaî-
nettes, les nœuds se trouvent ainsi complètement dissi-
mulés dans les encoches en même temps que les dites
chaînettes.
Indépendamment des divers genres de couture indi-
quées ci-dessus, les livres se cousent à un, à deux et
même à trois cahiers ; on emploie cette dernière pour
certains livres composés de feuilles simples tels que
journaux, etc. Il faut dans tous les cas, pour ce genre
90 GUIDB MANUEL DB l'oUVRIBR RBLIEUR
de couture, qu'il y ait un nombre suffisant de ficelles
pour que chaque feuille ait au moins deux points de
couture. La couture à trois cahiers n'en est pas moins
un gpenre des plus défectueux ; il ne faut l'employer
que dans les cas indiqués ci-dessus, et alors que le
prix fixé pour le travail serait trop minime pour en ag'ir
autrement.
La couture à deux cahiers, bien que n'ayant pas tou-
jours pour but d'économiser le prix de la main-d'œuvre
mais bien dans certains cas afin de permettre d'exécuter
le travail avec plus de facilité, n'en est pas moins un
g'enre qui n'offre aucune garantie de solidité ni de durée
pour les reliures auxquelles il est appliqué ; elle est
admissible et en quelque sorte indispensable quand il
s'agit de volumes composés de cahiers relativement
minces. Aux ouvrages de ce genre, à certains gros
volumes surtout, l'application d'une couture à un
cahier, ou tout du long, tout en employant du fil fin,
donnerait au dos une amplification telle qu'il ne serait
pas possible d'exécuter convenablement le travail de
l'endossure. En dehors des cas indiqués ci-dessus, la
couture à deux cahiers est un travail économique pré-
judiciable à la reliure, même quand il est exécuté avec
des fils très forts et suffisamment épais pour donner au
dos Tamplitude nécessaire pour l'endossure.
En effet, il ne suffit pas de coudre le livre avec du fil
suffisamment fort et assez épais pour qu'on puisse l'ar-
rondir et battre les mors avec facilité, c'est-à-dire don-
ner au dos du volume une forme convenable. Il faut
que la reliure puisse résister aux manipulations néces-
sitées par la lecture, le travail ou la curiosité, s'ouvrir
bien à plat et conserver malgré cela la forme qui lui a
été donnée.
I^ forinees^tôrieure n'est pas ici seule ep caisse ; dcms
GUIDE MÂNUBL DE l'oUVRIER RELIEUR * 94
les coutures à deux cahiers, les feuilles intérieures de
chacun d'eux, et même l'ensemble alternativement en
tète et en queue, n'étant pas suffisamment maintenues,
se déplacent par l'action du feuilletag'e et bien qu'elles
ne puissent se détacher (la plupart des relieurs semblent
en être convaincus), les tranches deviennent inégales et
donnent à la reliure un aspect désag'réable et, disons-le,
peu rassurant pour le possesseur du livre.
Le cousoir ou métier à coudre se compose d'une
tablette de a à 3 centimètres d'épaisseur, de go centi-
mètres de long sur 4o de large. Ces proportions varient
plus ou moins selon les formats des livres à coudre et
de l'emplacement que l'on peut a£Fecter au travail. Le
dessous de la tablette est muni aux deux extrémités de
deux traverses de 4 à ^ centimètres d'épaisseur. Deux
trous ronds percés dans la tablette en môme temps que
dans les traverses et à 3 centimètres du devant, servent
à introduire les pivots de deux vis dressées verticalement
et qui servent à élever ou abaisser une traverse munie
de deux écrous et à laquelle on attache les ficelles. Une
Fig. i4. — Chevillelte pour Fig. i5. — Boucle pour
l'attache des ficelles. rattache des rubans.
rainure pratiquée dans la tablette, à peu près d'une vis
à l'autre, permet de fixer sous celle-ci au moyen de
chevillettes, les ficelles que Ton attache à la traverse.
Les ficelles une fois fixées on ferme la rainure au moyen
d'un liteau ayant la forme de celle-ci, puis on serre les
vis pour tendre les ficelles (fig. i4 et i5).
Couture à la grecque^ à point «deyant, sur trois ficelles
& UQ seul ci^bier, QU cputure toi^t du lon^. L'ouvrière
92 * GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
ayant placé les ficelles en rapport avec les encoches
pratiquées au dos du volume, prend le premier cahier
qu'elle ouvre des deux mains, pour s'assurer qu'elle
tient le milieu . Elle le maintient avec la main g'auche,
avec laquelle elle place le cahier derrière les ficelles, la
partie inférieure touchant la tablette du cousoir ; elle
saisit alors avec la main droite 1 aig-uille dans laquelle
elle a enfilé un bout de fil, elle passe Taig-uille du
dehors en dedans à travers le trou de la chaînette en
tête du volume, elle saisit Taig'uille avec la main gauche,
et la fait ressortir par la seconde encoche en avant de la
première ficelle ; elle la saisit avec la main droite et elle
la fait rentrer par la même encoche de l'autre côté de
la ficelle, elle la fait sortir par la troisième encoche en
avant de la seconde ficelle, elle tire alors à elle l'ai-
g-uillée^ jusqu'à ne laisser qu'un bout de fil qu'elle
laisse pendre hors de la première encoche qui est celle
de la chaînette, ce bout devant servir à rattacher le fil
après la couture du premier cahier; puis elle fait rentrer
l'aiguille dans la troisième encoche en couvrant la
la seconde ficelle, puis elle passe à la troisième ficelle
sur laquelle elle fait la même opération ; elle fait
ensuite sortir l'aiguille par l'encoche de la chaînette de
queue, elle serre alors le ûl en maintenant le bout entre
le pouce et l'index de la main gauche. On voit par les
quatre points qu'elle vient de faire qu'il s'agit ici du
point devant : ces points n'entourent pas les ficelles, le
fil passe tout simplement par-dessus, pour les serrer
dans les encoches.
L'ouvrière prend ensuite le second cahier qu'elle coud
de même, arrivée au bout de celui-ci, elle attache l'ai-
guillée par un double nœud (le nœud du tisserand), au
bout qu'elle a laissé pendre ; elle prend alors le troi-
sième cahier, en s'assurant toujours qu'elle tient le
GUIDE MANUEL DÉ l'oUVRIER RELIEUR 93
milieu, ce qui est très important, pour que tous les
feuillets soient cousus. Elle le coud comme les deux
premiers en serrant le fil le plus possible, et arrivée au
bout de celui-ci, elle le rattache aux deux premiers par
un nœud croisé, c'est-à-dire qu'elle passe Taig'uille
entre les deux premiers cahiers, pour entourer le fil
qui les relie, elle fait ressortir l'aiguille du côté de la
queue, elle relève le fil avec la main gauche, elle ramène
l'aiguille à elle, puis elle serre le fil qui se trouve
croisé et forme chaînette au fond de l'encoche. Aux
cahiers suivants l'ouvrière descend toujours deux
cahiers à la fois pour rattacher le fil, afin que la chaî-
nette soit plus nourrie et partant plus solide ; arrivée
au bout du volume, elle rattache le fil par un double
nœud croisé, et elle coupe le surplus, en laissant un
bout de 2 ou 3 centimètres.
Couture à la grecque à point-devant sur trois ficelles à
deux cahiers. — La couture à deux cahiers diffère de la
précédente, en ce que dans la couture sur trois ficelles,
chaque cachier n'est attaché que par deux points sur
quatre. Cette couture est plus économique mais moins
solide, il est pourtant nécessaire que les deux premiers,
ainsi que les derniers cahiers du volume, soient cousus
tout du long, ou à un cahier. Voici comment on pro-
cède pour les autres :
Les deux premiers cahiers étant cousus, l'ouvrière
prend le cahier n® 3, auquel elle fait un point depuis
la chaînette jusque en avant de la première ficelle, elle
place alors une fiche à deux branches, afin de marquer
le centre du cahier, qu'elle doit pouvoir retrouver sans
peine pour exécuter le troisième point ; elle saisit alors
le cahier n® 4 qu'elle présente derrière les ficelles, et
dans lequel elle fait entrer la seconde branche de la
94 GUlllB MAMtJBL DB L^OUVRUSR tlELtBUlt
fiche, puis elle fait à ce cahier un point partant de la
première ficelle jusqae en avant de la seconde ; elle
changée alors la main de place avec laquelle elle reprend
le centre da cahier no 3, auquel elle fait un point à
partir de la seconde jusqu'à la troisième ficelle, elle
chang'e de nouveau la main de place, avec laquelle elle
reprend le centre du cahier n^ 4» auquel elle fait le
second point à partir de la troisième ficelle jusqu'à la
chaînette, à laquelle elle rattache le fil après Tavoir
serré convenablement, et ainsi de suite jusqu'à ce
qu'elle soit arrivée aux deux ou trois derniers cahiers,
qu'elle coud tout du long.
Coatore à la grecque, avec point-arrière. — Le point-
devant diffère du point-arrière, en ce que pour exécuter
le premier, le fil n*entoure pas la ficelle, mais passe
simplement par-dessus pour la serrer au fond de l'en-
coche.
Pour exécuter la couture point- arrière certes plus
solide, et que Ton emploie surtout pour la couture sur
nerfs, l'ouvrière au lieu de faire sortir l'aiguille en
avant de la ficelle, la fait sortir à l'arrière, c'est-à-dire à
la droite de celle-ci, elle fait alors rentier l'aiguille
dans l'encoche en avant de la ficelle, c'est-à-dire à la
gauche de celle-ci, en ayant soin de ne pas piquer dans
le fil qui se trouve ainsi croisé derrière la ficelle, puis
elle passe à la seconde et ainsi de suite. Il est à remar-
quer que dans ce genre de couture, l'ouvrière doit
serrer le fil à chaque point, la couture ne pourrait
s'exécuter autrement ; on ne peut avec ce système cou-
dre qu'un volume à la fois sur chaque tendée. Les
volumes cousus point-arrière ne permettant pas aux
ficelles de glisser dans les encoches ; ce genre de cou-
ture ne s'exécute que pour les reliures soignées»
COWK HANDEL DB L'oCVRIBU RBLtBDR
F-ig. tS. — Cotmrmt ; L'ouvrière t son consoir.
- Contore sur nerfll simples. — La couture sur oerfs
diffère de la couture k la grecque, en ce que pour celle-ci
les ficelles ou nerfs ne sont pas togiés dans des encoches,
mais doivent rester A la surface da dos des cahiers. Ce
g^ure de couture doit toujours s'exécuter au moyeu du
point-arrière.
La place des nerfs et des chatnettes ayant élé nnarquée
an dos dn volume, comme nous t'avons indiqua pins
96 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
haut, Touvrière tend son cousoîr et place lés ficelles ou
nerfs bien en rapport avec les marques. Nous venons
d'indiquer la manière d'exécuter le point-arrière, mais
comme il n'y a pas d'encoches au dos du volume,
mais simplement des marques au crayon, l'ouvrière
perce le premier cahier à la place marquée pour la
chaînette, puis elle fait sortir l'aigcuille sur la troisième
marque qui est placée à la droite de la première ficelle,
elle revient alors en arrière et elle perce le cahier à la
gauche de la ficelle, c'est-à-dire sur la seconde marque
qui lui sert de guide ; elle fait ensuite ressortir l'ai-
guille à la droite de la seconde ficelle^ puis elle serre le
fil en abaissant le cahier bien à plat sur la tablette du
cousoir, tout en abaissant le fil qui entoure la ficelle,
avec l'ongle du pouce de la main droite, ce qu'elle est
obligée de faire après la couture de chaque cahier, afin
que l'ensemble de la couture soit bien serré. Les points
de chaînette s'exécutent comme pour la couture à la
grecque, en croisant le fil et en descendant toujours
deux cahiers à la fois, pour que l'attache soit plus
solide. La couture sur nerfs se fait toujours tout du
long, c'est-à-dire à un seul cahier.
Couture sur nerfs doubles ou nerfs accouplés. — Ce
genre de couture, en usage chez les anciens, s'appli-
quait surtout aux manuscrits et aux incunables, on la
désigne sous le nom de couture croisée du xv° siècle,
elle est peu usitée pour les reliures modernes, on l'em-
ploie surtout pour imiter les reliures anciennes et pour
certains ouvrages qui exigent une couture très solide.
La couture croisée du xv® siècle difiFère quelque peu de
la couture sur nerfs doubles pratiquée de nos jours, les
anciens cousaient chaque nervure double par deux
points entrelacés, c'est-à-dire que chaque nervure étant
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIEU RELlEUll 97
composée de deux fortes ficelles placées l'une à côté de
Tautre ; le premier point, à partir de la chaînette de
tête, s'exécutait en faisant sortir l'aig'uille à la droite de
la seconde ficelle de la première nervure. On faisait
rentrer l'aig'uille entre les deux, pour la faire ressortir
à la g-auche de la première ficelle, on la faisait rentrer
à nouveau entre les deux pour passer à la seconde ner-
vure et ainsi de suite ; il y a là deux points qui se croi-
sent, dont l'exécution n'est pas sans présenter quelque
difficulté, tout en forçant l'ouvrière à serrer les ficelles
l'une contre l'autre. Il n'en est pas de même de la
méthode adoptée de nos jours, et, à moins qu'il s'agisse
de reproduire exactement le type ancien, on préfère
coudre chaque ficelle isolément, tout en les accouplant
par deux, avec intervalles de i à 2 millimètres, la ner-
vure double se dessine ainsi beaucoup mieux quand le
volume est couvert en peau.
Contore sur rubans on sur lacets. — La couture sur
rubans s'applique principalement aux reliures pour
manuscrits. On l'emploie pour la reliure des livres de
musique en général et pour les volumes qui doivent
pouvoir s'ouvrir bien à plat ; cette couture se fait tou-
jours à points-devant et à uu seul cahier, c'est-à-dire
tout du long.
Il faut prendre garde de ne pas coudre les livres sur
des rubans ou des lacets trop larges, ce serait une erreur
de croire que la reliure en est plus solide. Le ruban
large a pour inconvénient d'empêcher la colle d'arriver
aux cahiers de toute la largeur de celui-ci. Le volume
étant ouvert il se forme à ces places des renflements
désagréables, non seulement à la vue, mais marquent
une cause de faiblesse. Le fil qui se trouve à l'extérieur,
c'est-à-dire sur le dos du ruban est perdu pour la soli-
BOSQUET — RELIURE 6
9B GUIDB alAinJSL us L*O0V1itBlt HELtEUH
dite de l'ensemble. Il vaut mieux coudre sur des rubans
étroits de bonne qualité et en placer un de plus, puis
consolider le dos et les mors par des claies en toile ou
en peau, comme on le fait pour les r^istres (i).
Placement des gardes blanches après la couture. —
Le livre étant cousu, on procède au placement des g^ar-
des blanches. Le papier de ces gardes doit, autant que
possible : être assorti à la forme et à la nuance du papier
sur lequel le livre est imprimé, surtout quand il s'a|^it
de reliures plus ou moins soignées. Les gardes doivent
être doubles, c'est-à-dire composées d'une feuille de
papier pliée en deux et coupée au format exact du
livre.
Le placement des gardes blanches est un travail facile
pourvu que l'on se soit conformé aux principes énoncés
ci-dessus pour la préparation à la couture. Il suffit
alors de soulever la sauvegarde qui n'adhère qu'au
verso des premier et dernier cahiers, de placer les g-ar-
des bien à fleur des cahiers et de rabattre la sauvegarde
par dessus. Nous recommandons également de fixer le
premier cahier au second à l'aide d'un petit filet de
colle, ce qui facilite beaucoup le travail de Tendossure
et donne plus de solidité au commencement et à la fin
du volume.
ENDOSSURE
L'endossure qui,conjointement avec la rognure, porte
le nom de corps d'ouvrage, consiste à donner au volume
la forme après laquelle on le classera définitivement
(i) Voir chapitre VIII. Cartonnages et Emboitai^es ; dans
lequel il est question des machines à coudre.
6UIDB MANUEL DB L*OUVRIBR RELIBUR 99
comme reliure. Après avoir passé par les mains de Ten-
dosseur, dont le travail consiste à arrondir le dos, for-
mer les mors et attacher les cartons au moyen des ficel-
les, le montag'e ou carcasse de la reliure est fait, et c'est
poar cela que l'on donne à ce travail le nom de corps
d'ouvrage.
Nous nous bornerons à la description des bonnes
méthodes, elles nous viennent en partie des anciens^ et
qui se pratiquent généralement de nos jours, en laissant
de côté toutes les pratiques surannées, introduites à
certaines époques et bientôt abandonnées^ telles que
Teodossure au poinçon, au paquet, etc., etc.
Encollage du dos. — Après la couture et le place-
ment des gardes blanches, le volume est remis à l'en-
dosseur qui s'assure si le fil employé à la couture (et
qu'il est souvent appelé à désigner lui-même) est en
rapport avec les besoins de son travail. Si le dos lui
paraît trop garni ou trop épais, il abat à l'aide du mar-
teau ce qui lui paraît dépasser les limites nécessaires.
Si, au contraire, le dos lui paraît juste ou un peu fai-
ble, il se contente de serrer les ficelles qu'il couche à
plat sur les flancs du volume.
Après l'avoir battu en tête et sur le dos pour en égali-
ser les cahiers, il le place à plat entre deux ais qu'il
égalise en tète et à fleur du dos, et après s'être assuré
que le volume est bien d'équerre, il le place de façon à
ce que le dos avec les ais qui l'emboîtent, dépassent
légèrement le bord de la table. Il pose alors la main
gauche par-dessus pour maintenir le tout, pendant
quWec la main droite il saisit un pinceau imbibé de
bonne colle forte dont il enduit le dos en frottant dans
tous les sens, et surtout en long pour que la couche
soit parfaite. Il enlève alors les ais et il place le volume
100 GUIDE MANUEL DE L'OUVRIER RELIEUR
bien à plat sur un aïs du même format, de Façoa à ce
que le dos le dépasse légèrement, et en essuyant, s'il y
a lieu, la colle qui déborde parfois plus ou moins sur
les sauvegj-ardes.
Fig.17. — Pot àcolleForle.
Il n'y a nul inconvénient d'encoller plusieurs volu-
mes à la fois, d'un même format. Dans ce cas, apr^s
avoir procédé k l'encollage on les place téte-béche les
uns sur les autres, c'est-à-dire de façon à ce que le dos
de l'un dépasse légèrement la gouttière, ou tranche de
devant de l'autre. La pile doit être dressée bieo
d'aplomb, et de (elle sorte que l'encollage puisse
sécher, en conservant à chaque volume une forme par-
faitement carrée.
EfBlochage des ficelles. — L'encollage étant parfaite-
ment sec, l'ouvrier procède à l'effilochage. Pour cela, il
place le volume à plat sur la table, le dos vers lui, et à
l'aide d'un poinçon dont il introduit la pointe entre les
brins de la ficelle, il les détache les uns dos autres jus-
que près du dos. Dans cette opération, il se sert du
pouce et de l'index de la main gauche pour tordre la
ficelle dans le sens inverse de sa torsion pour facililcr
le travail ; puis, à l'aide d'un petit couteau dont le tran-
chant de la lame est entièrement émoussè, et qu'il tient
GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR iOt
avec la main droite, il saisit Tune des ficelles entre le
pouce et la lame, et par des /j^rattag-es répétés, partant
du dos aux extrémités de la ficelle, il en fait une mèche
soyeuse, en ayant soin de conserver autant que possi-
ble toutes les fibres dont elle se compose. Il fait la
même opération sur toutes les ficelles, puis il les cou*
che à plat sur le volume,
Ârrondissage du dos. — L'ouvrier place le volume à
plat^ la gouttière vers lui sur un tas en fer, ou sur la
tablette de Tétau à endosser. Il place la main gauche
sur le volume en couchant légèrement le dos vers lui,
et à Taide du marteau à endosser qu'il tient avec la
main droite, il frappe sur le dos en partant du centre
aux extrémités et de façon à coucher complètement et
uniformément les cahiers, puis il retourne le volume et
il procède de même sur le second côté, et ainsi de suite
jusqu'à ce qu'il ait obtenu un contour parfait du dos
auquel il s'attache à donner la courbe exacte d'un tiers
de cercle. Cette forme doit être la même partout ce
dont il peut se rendre compte en constatant la rectitude
de la tranche en tête. Toute irrégularité dans la courbe
du dos venant se dénoncer à cette place. Il faut après
Tarrondissage du dos redresser la tranche en tête du
volume en le posant de ce côté sur le tas en fer et tout
eo le maintenant par le dos avec la main gauche emboî-
tant celui-ci, en même temps que le devant avec la
main droite, l'index engagé dans la gouttière, le sou-
lever perpendiculairement et le laisser retomber bien
d'aplomb jusque réussite complète. La pose des mains
indique qu'il s'agit ici, en ce qui concerne de lourds et
gros volumes, de venir en aide par là au marteau en
vue d'une forme parfaitement correcte à donner au
volume t Si après cette opération le dos ne présentait
6.
102 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUR
pas partout la même courbe, il faudrait par quelques
coups de marteau lég'èrement et intelligemment appli-
qués, redresser la partie déformée. Il faut éviter en
arrondissant le dos d'un volume de frapper à coups de
marteau sur les extrémités en tète et en queue ; son
action, en ce qui concerne Tarrondissure ne devant
s'exercer que d'une chaînette à l'autre : il faut sur-
tout éviter de relever le volume en couchant le dos
légfèrement vers soi pour appliquer les premiers
coups de marteau. Les coups doivent être appli-
qués non sur l'arête vive mais en plein sur le dos, en
courbant légèrement le poignet, tout en relevant un
peu le coude, on évite ainsi les cassures de l'encollage^
on n'écrase pas non plus les parties saillantes des pre-
miers et derniers cahiers qu'il y a intérêt à conserver
afin de pouvoir former les mors avec facilité. Si néan-
moins la colle avait trop séché il faudrait humecter le
dos à Taide d'une petite éponge imbibée d'eau, mais
sans excès et attendre que la colle soit moins dure e^
partant moins cassante .
La formation et le battage des mors s'exécute par l'ac-
tion combinée de la presse et du marteau à endosser.
La presse dont on se sert habituellement pour ce genre
de travail se compose de deux fortes jumelles en bois
placées horizontalement sur un bâti : en tout sembla-
ble pour le gros œuvre, aux presses à rogner dont nous
donnerons plus loin la description. Deux vis en bois
actionnent les jumelles; on opère le serrage de cette
presse au moyen d'une forte tige ou broche en fer, et
afin d'accentuer la compression du dos, on place le
volume entre deux ais taillés en biais. Ces ailjs dont la
largeur varie entre 8 à 12 centimètres selon le format
et dont la longeur doit dépasser quelque peu laMuteur
GUIDE MANUEL DE L OUVRIER RELIEUR
i03
du volume. Le champ du côté épais qui porte une
armature en fer doit être également taillé en biais et
Eig. 19. — Ais ferrés, pour le battage des mors.
présenter unang'le de 12 à i5 degrés afin de faciliter
l'action du marteau.
Fig. ao. — Marteau à endosser.
Le dos étant parfaitement arrondi l'ouvrier, après
avoir couché les ficelles effilochées sur les flancs du
volume, le place ainsi disposé entre deux ais tels que
nous venons de les décrire. Le côté à angle aigu se
place très près du dos à une distance égale, à l'épaisseur
des cartons destinés au volume. Ces cartons devant
prendre place dans le creux du mors dont la formation
a pour but de les emboiter exactement et y être main-
tenus parles ficelles pour faire corps avec le volume.
Nous avons dit que la formation des mors, a lieu par
Taction combinée de la presse ^t du marteau à endosser.
104 GUIDE MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR
Les aïs étant bien ajustés, Touvrier descend le tout dans
la presse, la ferrure des aiijs à fleur des jumelles, puis il
serre fortement à Taide la broche en fer. Pour peu que
le papier du volume soit souple, ou que la couture soit
exécutée dans les conditions voulues, les premiers et
derniers cahiers se rabattent plus ou moins sur les ais
par le seul fait de la compression . Il suffit ensuite de
quelques coups de marteau lég'èrement appliqués de
chaque côté du dos, sur toute la longueur des deux
ou trois premiers et derniers cahiers du volume, pour
accentuer les battées ou mors qui doivent emboiter les
cartons et de donner au dos du volume la forme sous
laquelle il doit se présenter.
Il est à remarquer que la plupart des volumes ne se
présentent pas dans des conditions aussi favorables.
Indépendamment des causes imputables à l'ouvrier :
défaut d'appréciation relativement à l'épaisseur du fil
à employer pour la couture, encollage ou arrondissag'e
du dos etc., il est des volumes imprimés sur papiers
durs, ou très épais qui, quoique suffisamment serrés
dans la presse entre des ais ferrés, ou dans Tétau à en-
dosser, les premiers et derniers cahiers (les parties
qui dépassent les airs et qu'il s'agit de rabattre) con-
servent une rigidité telle que l'action seule du marteau
peut les courber pour former les mors. En de telles
conditions, l'ouvrier se trouve dans la nécessité de
faire agir le marteau sur une plus grande parlie de
cahiers, mais il le fait avec précaution et par degrés en
ayant soin de coucher graduellement les cahiers sans
que l'on puisse constater la moindre plissure dans le
dos ce qui fait le plus mauvais efifet à l'ouverture du
volume.
Ce que dans tous les cas et en toutes circonstances
il faut s'attacher à éviter, c'est de froisser le dos des ca-»
liUlDE MANUEL DE l'ouVBIER RELIEUR l(fô
hiers en tête et en queue par des martelagres iacons-
cients et du reste parfaitement inutiles. Une action des
plus sommaire! suffit aux extrémités, on évite ainsi les
frotssures en tête et eu queue, on conserve à ces places
une bonne assise pour la dorure des tranches qui,
exercée sur des cahiers froissés, tient mal, même par-
fois pas du tout, et fait en outre le plus mauvais cITet.
Fig. al. — Etau à endosser,
L'étau à endosser (fig. 21 ) par sa construction particu-
lière, ses mâchoires en acier et la pédale à crémaillère
dont il est pourvu, donne aux relieurs de grandes faci-
lités pour la formation des mors, il simplifie le travail
en supprimantlesaisferrésdootl'ajuslage prend un cer-
tain temps. On ajuste le volume dans l'étau à endosser en
l'introduisant par le bas. Sans cette précaution, on per*
106 GDIDB MANUEL D8 1
lirait du temps à rentrer les ficelles en même temps que
le volume. Il eu est de infime pour la machine dite roa-
leaa à endosser ; ici le marteau n'intervient que fort
rarement, c'est le rouleau qui couche les cahiers sur
les mâchoires et c'est cette saillie que l'on obtient en
coucbant les cahiers que l'on nomme mors.
Pig, ai . — Emdossuiib ; Formation des mon
Les mors se forment avec plus ou moins de facilité,
selon la précision que la couseuse aura apportée à son
travail; le dos chargé d'un fil trop épais on résultant
ûOiDB Manuel db l'ouvrier RELtsuR 407
parfois du grand nombre de cahiers minces dont le vo-
lume est composé, présente de sérieuses difficultés pour
donner au volume une forme convenable. 11 est certains
cas ou l'épaisseur outrée du dos, provient de causes
étrang^éres à la couture du volume qui contient parfois
de nombreuses planches rattachées par des onglets, etc.,
quoi qu'il en soit si Tépaisseur du dos empêchait l'ou-
vrier d'exécuter convenablement son travail, il faudrait
placer quelques feuillets de papier fort en les dispersant
dans le volume et les placer de telle sorte qu'ils rejoi-
gnent les onglets sans les dépasser. On peut alors serrer
le volume dans la presse ou dans l'étau et l'y mainte-
nir à la place voulue. Si la différence d'épaisseur est
peu sensible, on retire ces papiers avant la mise en
presse, ou, s'il y a lieu, avant la dorure des tranches,
même selon le cas, après l'achèvement de la reliure.
Les mors étant formés il s'agit d'épointer les ficelles;
l'ouvrier ou plutôt l'apprenti en saisit une entre le pouce
et l'index de la main gauche, et après en avoir réuni
tous les brins par un lissage rapide, il enduit l'extrémité
d'un peu de colle de pâte ; il fait la même opération à
chaque ficelle, puis il la tortille entre la paume des
deux mains pour obtenir une pointe effilée qui, étant
séchée, sera suffisamment dure et apte à enfiler les car-
tons; toutes les ficelles étant épointées, il passe au choix
et à la coupe des cartons.
Le choix des cartons est très important. Son épais-
seur doit être en rapport avec le corps du volume, et le
caractère de la reliure. L'harmonie entre les deux doit
être parfaite. Ce choix fait, l'ouvrier prend deux com-
pas, l'un pour la hauteur et l'autre pour la largeur du
volume. Ces deux mesures prises en même temps, per-
mettent à l'ouvrier de se rendre compte immédiatement
quel est le sens le plus économique, pour le débitagd
108 GUID£ MANUEL DE l'OUVBIER lŒLlEUR
de la feuille de carton, qu'il place sur une planche en
bois de hêtre, dite ais à rabaisser, ou ce qui est préfé-
rable, sur une feuille de zinc, et au moyen d'une règ'le
en fer et d'une pointe à couper, il débite d'abord une
bande que nous supposons être la larg-eur du volume,
puis il prend une équerre en fer, il l'ajuste à la partie
coupée et il débite de même le carton dans le sens delà
hauteur.
Avant l'invention de la cisaille à couper le carton,
c'est ainsi que l'on opérait en tous temps, et pour n'im-
porte quelle quantité de cartons à débiter, c'était la par-
tie la plus pénible et la plus désagréable du métier,
pénible surtout, car faute de précaution, il est arrivé
maintes fois à des hommes rompus au métier de s'en-
tailler les doig-ts. C'est pour cette cause que l'on a ima-
g'iné les rég'les à bordure. Mais leur emploi est désa-
g'réable, et fausse la coupe pour peu que le carton ait
une certaineepaisseur.il faut avoir soin de ne jamais
pencher la pointe ni à droite, ni à g'auche, ce qui pro-
duirait des coupes en biais ; la pencher vers soi est la
cause principale pour laquelle la pointe monte sur la
règle. Cet accident ne se produit généralement qu'en
commençant la coupe et jamais si on tient la pointe
bien droite.
Cette première coupe, faite à la main ou à la cisaille
(fig. -'<3), doit toujours dépasser légèrement la mesure
du volume, surtout quand il s'agit de traiter une reliure
soignée. Beaucoup de relieurs ont conservé l'habitude
de rogner les cartons en même temps que le volume.
Nous ne pouvons désapprouver cette méthode, qui est
simple et à la portée de tous, mais qui a l'inconvénient
d'émousser rapidement la pointe du couteau à rogner,
celui-ci, ayant tranché le carton, n'est plus assez affilé
pour rogner nettement le papier, surtout si le volume
GUIDE MANUEL DE l'oUVIKER HBLIEUH 109
a une certaine épaisseur et que l'on ait beaucoup de
témoins à conserver. Nous rccommaQdoDS de roçner
Fig, s3. — Coupe du carton, au moyen de la ciBaîlle.
d'abord les cartons bien d'équerre sur les quatre faces,
on aura ainsi un g;uide sûr pour la rognure du volume,
et l'on pourra mieux se rendre compte du résultat de
son travail.
Le volume ayant les mors formés, il est facile de se
rendre compte de la mesure exacte à lui donner. L'ou-
nOSCUET — HBLIURE 7
410 GtiDË MANUEL DE L^OUVRIER RELlEttt
trier prend les deux cartons^ et après les avoir placés
sur un ais, légèrement biaisé, il les descend dans la
presse à rog-ner. Il enlève d'abord un léger filet du côté
qui devra se placer dans les mors. L'opération s'arrête
là| f 'il a rintention de rogner les cartons avec le volume.
Dani le cas contraire, il prend une équerre en fer et il
la place bien à flettr de la partie rognée, il trace à
réquerre» «t il rogne ensuite le côté de la iéte. Gela fait.
t^if. a4. -^ Compâli ordinaire.
il prend uo compas avec lequel il mesure exactement
la hauteur du volume en tenant compte des chasses,
c'est-à-dire des parties du carton qui doivent dépasser un
volutnareliéi il fait un point pour marquer la place et, à
l'aide de Téquerre, il fait une nouvelle trace sur laquelle
il rogne le troisième côté. Il reprend le compas dont il
place Tune des pointes dans le creux du mors, il prend
la largeur du volume et il marque la place de la ro-
gnure, puis il ouvre le compas à la largeur des chasses
qu'il veut donner au volume. Il reporte cette mesure
sur les cartons sur lesquels il marque un point à chaque
extrémité et, après s'être assuré si les traces sont par-
faitement d'équerre, il rogne les cartons. Après les
avoir retirés de la presse, il en adoucit les arêtes vives
du côté du mors, au moyen d'un frottoir en bois ou en
os, il procède ensuite à l'opération de l'affinage.
L^AlSnage des cartons a pour but de raffermir les
cartons et d'empêcher les bords de s'émousser ou de se
déformer dans les mors pendant les opérations relati-
ves à Tendossure, la rognure, etc. Il consiste à fixer à
1a colle dé paie sur le bord des cartoniï, sur le càiè des*-
tiné â pteudré place dans len mors : une bande de pa>
pief très mince et pltts ou moins large, et ce après avoir
émoussé Tarète vive résultant de la coupe, soit avec
un frottoir en os, soit à la lime alors qu'il sagit de re*-
liures soignées.
PlAcemêHt (rt ftttaehe deti ôftMons. ^ L'affinage étant
parfaitement sec, l'ouvrier place les cartons de chaque
côté du volume, bien & fleur de la tète s'il les a rognés
d'avance des quatre côtés ; ou en les faisant dépasser
de deux ou trois millimètres^ s'ils sont destinés à être
rognés en même temps que le volume. 11 le place à
plftt sur la table, le devant vers lui et, pendant qu^avec
la main gauche il maintient le carton près du mors, il
marque avec la main droite la place des ficelles^ soit
par des trait» au crayon, soit par des points marqués à
l'aide du poinçon. On trace ces points â quatre milli-
mètres au moins à dix millimètres au plus du bord se-
lon le format du volume« det écart est indispensable
pour que les caftonSi tout en étant rattachés au volume
aient un jeu suffisant pour permettre de les faire glis-
ser du haut en bas et de bftS en haut pour la rognure
des tète et queue.
La place deS troUS à percer dans les cartons étant
marquée^ l'ouvrier place l'un deux sur un ais en bois
dur^ il présente le poinçon Verticalement sur la pre-
fiiière pointure^ et il donne par dessus un coup de mar-
teau pour percer un trou, et ainsi des autres. Notts
fecommandons de se procurer un poinçon un peu fort
et emmanché très court dans un manche épais, que
Von prend en plein dans la main gauche, la pointe dé-
bordant légèrement la paume de la main^ de façon
à appuyer les deuM à la fois sur le carton, dans cette
112 CUIDE UANUBL DE l'oUVIUEII RELIEUR
position le pouce seal maiDtieDt le manche daos la
main mi-ouverte. Le coup de marteau étant doDoé, il
suffit d'une légère contraction de la main pour ramener
le poinçon, que l'on à soin de graisser dans les cheveux
ou en le piquant dans du savon blanc. On obtient par
ce moyen une telle rapidité dans les mouvements, que
de très jeunes gens arrivent à percer des trous aussi
vite, qu'on a peine à les suivre en comptant les coups
de marteau.
Les trous étant percés d'un c4té, l'ouvrier retourne
le carton, et à la distance de quaire à cinq millimétrés
plus bas, et un peu surlecdté, il perce les autres trous,
puis il présente le carton avec les trous en face des
ficelles, il les enfile du dehors en dedans dans les pre-
miers Irons, pour les faire ressortir par les seconds.
Les deux cartons étant enfilés, il serre les ficelles de
près, mais de façon à ce que les cartons puissent être
fermés sans effort.
Fig, a5. — Tas à battre, ca fer.
Alors avec la main gauche, il saisit le volume en
même temps que l'un des cartons par la tranche, il
l'accole parallèlement au tas à arrondir placé sur un
billot, ou au bord de la table, en étalant le second car-
ton à plat sur le tas. II frappe sur les trous afin de les
boucher et de comprimer en même temps les ficelles,
dont il coupe l'excédent de façon à laisser des bouts de
dix à douze millimètres, qu'il étale sur le carton à
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 113
Taide d'un peu de colle de pâte, et il frappe à nouveau
pour applatir le tout. Il fait de même pour le second
carton et il laisse sécher, puis il donne un dernier coup
de marteau.
La méthode que nous venons de décrire est la plus
ancienne^ et celle que Ton pratique g*énéralement de
nos jours. Mais Tattache des cartons au volume, au
moyen de deux trous percés dans les cartons pour
ramener les ficelles en dehors, présente un grave incon-
nénient pour les reliures soig-nées, et principalement
pour les reliures en veau et en maroquin poli. Les
bouts de ficelles qui s'étalent sur les plats, et qui gon-
flent au contact de Thumidité de la peau pendant les
opérations de la couvrure, le martelage, etc. font, qu'à
cette place il se produit des inégalités qui se dénoncent
surtout au polissage. Nous recommandons pour obvier
à cet inconvénient, les attaches à un trou, parce moyen
les ficelles s'étalent à l'intérieur, et le martelage se fait
de ce côté. Pour couvrir le tout, on prend une carte en
deux ou en trois, que l'on trempe à la colle de pâte. On
place une platine de zinc sur la sauve garde et bien au
fond du mors, puis on pose la carte de même par-des-
sus, on ferme le carton, et après avoir fait de même des
deux côtés, an met le volume en presse pendant quel-
ques minutes, puis on ouvre les cartons en plaçant le
volume sur un ais, et on laisse sécher. Les cartons, ainsi
traités, sont francs et lisses des deux côtés, il n'y a plus
de traces de bouts de ficelles, et il n'y a plus rien à
craindre au polissage.
Il reste à faire une opération essentielle pour termi-
ner l'endossure. Le volume ayant ses cartons bien atta-
chés, l'ouvrier met les cartons bien en place et pose le
volume à plat sur le tas, la gouttière vers lui. Il le
masse avec soin, c'est-à-dire qu'à l'aide du marteau il
4U GoiDB Mktfvin. m l'ouvriir BRUBUR
Ifl réarrondit, «n le raffermÏMant pour lui donnar m
forme dëllaitive.
Ia forme du volume éUot en toui point! parfsito, il
le place entre deux ais plats et il le met en preSM. Si
pluBïeuri vomulei du mâme format marohent on màme
temps, il teii empile doue la prewa tu plaçant no ai*
Fit- 'B- '^ Pr*Ma t p*rcuB«lon.
entre chaque volume bien h fleur du doa, en prenant
pourj^uidele bord du carton, et iliart UpreuaàfoDd.
Un volume que l'on met en presse pour l'endoasure,
doit être pressé bien à plat, dans le oaa contraire al
quelque soin que l'on ait apporta à son travail, l'endos-
aure se déformera. Nous repommandons deplaoerdana
la (rrande presse (fig-. afi) (ous le» volHmea i partir d»
6UI0B MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR 145
Pia*8o écu et au-dessus, et de n'endosser dans des près*
ses à main, que des volumes in-ia ou in-i8jésus et
au-dessous. On place deux ais ou un ais plus fort aujc
deux extrémités, et de façon à ce que la pila te trouva
au centre des jumelles.
La pressée étant faite, et après s'être assuré que les
volumes ont exactement conservé leur forme, et que les
ais sont bien placés, l'ouvrier eaduit d'une couche de
colle de pâte bien épaisse toute la surface du dos, il
laisse tremper un quart d'heure au moins, et une heure
au plus selon le papier, ou l'état dans lequel se trouve
le dos du volume, et dans le dernier cas il renouvelle
la couche de temps en temps, puis il prend ua frottoir
Pig. 27. ^- Frottoir à endosser.
en fer dont le creux a plus ou moins la forme du dos,
il frotte jusqu'à parfait poUissage des cahiers, en s' ai*
dant de la couche de colle de pâte. Ayant obtenu un fini
parfait, il enlève la colle au moyen de rognures de pa»
pier, et il applique incontinent une toile transparente
(on en fabrique de spéciales), il la fait adhérer avec
soin, soit à la colle de pâte, ou, ce qui est préférable,
au moyen de la colle qui a servi à Tendossure, en frot-
tant par dessus avec les doig'ts, puis il laisse bien sécher.
Après quoi il passe sur le tout une couche de colle forte
très claire.
Après dix heures au moins de pression, l'ouvrier, &
l'aide d'un poinçon, fend la toile de chaque côté du dos
à l'endroit où Tais touche le volume, il se sert d'un
poinçon à l'exclusion de toute lame tranchante, pour
pe pas s'exposer à couper les ^celles. A|ors il desserre
116 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
la presse et il retire le volume, en détachant les ais avec
précaution, il dégage les cartons qu'il remet bien en
place; il termine l'opération par quelques petits coups
de marteau, appliqués sur toute la longueur des mors:
le volume est prêt à être rogné.
Fig. 28. — Poinçon.
Dans les maisons qui fabriquent spécialement les re-
liures commerciales, qu'elles traitent en grands nom *
bres, et pour lesquelles elles n'ont ni la quantité de
presses ni l'espace nécessaires, l'ouvrier place les volu-
mes passés en carton et arrondis, dans une presse
hydraulique, ou dans une grande presse à percussion,
dans laquelle il étale entre de grands ais un certain
nombre de volumes, il les place les uns à côté des autres
sans qu'il soit possible de laisser les dos en dehors, il
serre la presse à outrance et il la laisse dans cet état
le plus longtemps possible, puis il retire les volumes,
qu'il redresse au marteau, et il en forme des piles en
plaçant tous les dos à niveau du même côté, alors il
passe sur les dos une couche de colle forte, puis, sur
chaque pile, une bande de toile à laquelle il fait pren-
dre exactement le contour des dos, puis, avec un couteau
légèrement humecté, il fend la toile entre chaque vo-
lume. Il barbouille ensuite les dos à la colle de pâte,
puis il place l'un des volumes sur le bord de la table, il
le maintient avec la main gauche pendant qu'avec la
paume de la main droite il frotte vigoureusement sur
le dos pour faire adhérer la toile, il empile les volumes
tête-bêche pour laisser sécher, il dégage ensuite les
cartons qu'il abaisse vers la queue du volume, afin de
le préparer pour la rognure de la tête.
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUR 117
Les reliures cousues sur nerfs réclament des soins
tout particuliers à Tendossure. Les mors doivent domi-
ner quelque peu l'épaisseur des cartons ; si le contraire
a Heu, il se forme à l'ouverture une raie creuse de cha-
que côté du dos, qui produit très mauvais efFet, et
entraîne une déformation très rapide de la reliure.
Cette déformation est d'autant plus sensible que g'éné-
ralement, et surtout pour l'imitation des reliures
anciennes, ces cartons dépassent en épaisseur les
cartons ordinaires^ et principalement quand il s'agit
d'imiter les gcenres à bizeaux, ou à bizeaux entaillés,
ces derniers laissent les coins et une portion égale
vers le dos, dans toute leur épaisseur qui, pour cer-
tains types, atteignent parfois jusqu'à lo millimètres.
Il ne faut pas pour cela que les mors soient formés
de façon à emboîter toute l'épaisseur des cartons, ce
qui forcerait l'endosseur à coucher une telle portion de
cahiers, que l'intérieur du livre en serait abîmé. Il faut
dans ce cas bizeauter ou arrondir les cartons, de telle
sorte qu'ils se présentent dans les mors, avec des pro-
portions au-dessous de l'ordinaire, nous entendons par
là, que pour un volume cousu sur nerfs, il faut que, du
côté des mors, les cartons soient le plus minces possi-
ble, la forme du dos en sera d'autant plus gracieuse, et
le livre n'aura plus à souffrir d'une emprise désastreuse.
En un mot il faut, pour ces reliures, enlever tout au
moins l'arête vive des cartons à l'extérieur ; les anciens
le faisaient ainsi, au temps où les planchettes en bois
avaient précédé le carton pour la reliure des livres.
Volumes cousus sur nerfs doubles. — Pour ce genre
de reliure l'attache des nerfs ou ficelles devant se faire
à une certaine distance du dos, il faut effilocher les
ficelles comme pour les reliures ordinaires, et, au
7.
118 GUIDB MÀNUBL DE L*OUVRIER RELIEUR
moment de les épointer, roaler chaque ficelle isolément,
puis on les réunit en pointe aux extrémités, Âpres le
perça/ilpe des trous, on introduit les ficelles en une seule
fois. Malgré cela, et à cause des précautions que l'on a
prises selon nos indications, les ficelles une fois intro*
duites et serrées aux cartons, se présenteront près du
dos dans leur forme isolée^ le nerf se terminera en
pointe, et il sera facile en gauffrant plus tard les filets,
de les dessiner correctement.
On comprendra que, pour ces ficelles parfois très
épaisses, l'endossure à un trou est tout indiquée, et
qu'il est indispensable de les fixer à Tintérieur en les
étalant le plus largement possible. Puis la carte collée
et pressée par-dessus, égalisera parfaitement Tintérieur
des cartons.
En ce qui concerne le polissage du dos, au moyen
de la colle et du frottoir, le volume étant sous presse ;
il faut le faire avec le plus grand soin en frottant d'un
nerf à Tautre, de façon à donner à ceux-ci une forme
nette et correcte. On ne met jamais de toile sur les volu*
mes cousus sur nerfs, dont les dos sont destinés à être
garnis plus tard de bandes de peau ou de vélin, opéra*
tion à exécuter au volume après la tranchefilure.
DE LÀ ROGNURE
La rognure, ou action d'enlever une partie des mar»
ges d'un livre pour en égaliser les tranches, se fait au
moyen d'une presse et d'accessoires, dont l'ensemble
constitue l'outil désigné sous le nom de presse à rogner.
Outillage du rogneur. — La pièce principale ou
presse à rogner proprement dite(fig. Sg) se compose de
deux fortes pièces en bois$ de forme ca)rrée ou Jumelles^
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 119
reliées par deux g^uides parallèles fixés dans la jumelle
de droite, et g'iissant dans celle de gauche à travers
deux ouvertures de même calibre ; ils servent à relier
les jumelles et à maintenir, dans la ligne droite, celle
à qui est dévolu la marche de la presse. La jumelle de
gauche, dans laquelle on a taraudé deux écrous, est
actionnée par deux vis, dont les tètes sensiblement plus
fortes que les filets, ont leur point d'arrêt au flanc exté»
rieur de la jumelle de droite. Les deux vis sont en
outre reliées à cette dernière par un col ou rainure cir*
culaire dans laquelle vient s'engager une clef, placée
dans une ouverture pratiquée au-dessous de la jumelle.
Par ce moyen, la marche en avant ou en arrière de la
jumelle de gauche est assurée, et l'ouvrier l'écarté ou la
rapproche à volonté de la jumelle de droite. La tète de
chaque vis est traversée par une broche mobile qui per-
met de serrer la presse.
Cette presse, toute en bois, a beaucoup varié en pro-
portions depuis son origine. Les anciens reliiïurs s'en
servaient étant assis sur un escabeau, ils tenaient l'un
des côtés de la presse sur les genoux, l'autre côté repo-
sait sur un billot ou simplement sur le plancher. Il en
est encore ainsi chez certains relieurs, dans quelques
petites villes de l'Allemagne, où les traditions primiti-
ves se sont absolument conservées.
On comprend que dans ces conditions, il fallait à la
presse une forme relativement légère, il en fut autre-
ment dès l'époque, encore peu éloignée, où on a trouvé
le moyen de la placer sur un bâti ou porte-presse, dans
lequel on a ménagé un bac destiné à recevoir les rognu-
res. Les proportions des jumelles de la presse varient
entre i mètre lo et i mètre 55 centimètres de long, sur
16 à ao centimètres en carré, avec des vis et des guides
proportionnés à la fprçe 4e la presse.
120 cciDË MANUEL DE l'ovviiier rkmeur
Il est essentiel que le porle-presse soit placé bien
d'aplomb, et que l'on s'assure si le niveau de la presse
est parfait. La jumelle de droite devant être immobile,
est fixée à fleur du porte-presse. Ou garnit la partie
intérieure de la jumelle d'un ais lég'èrement biaisé.
S'étendant d'une vis à l'autre au niveau de sa surface,
cetais qui doit faire corps avec la jumelle, a pour but
de faciliter le travail. Il sert de contre-partie aux ais,
sur lesquels on place les volumes pour les descendre
dans la presse à rogner. Il aide à comprimer le volume
à la place voulue pour l'action du couteau; il pré-
serve aussi les extrémités de la jumelle contre les entail-
les qu'un faux mouvement du couteau pourrait lui
occasionner.
La jumelle de gauche, actionnée par les vis et main-
tenue par les guides, doit pouvoir fj^lisser librement sur
le porte-presse. Elle s'écarle ou elle se rapproche de la
jumelle de droite selon les besoins du travail, elle porte
à la surface une coulisse formée au moyen de deux
liteaux parallèles qui servent à embofter et entre les-
quels glisse la plaque gauche du filt à rogner.
Fig. ag. — Fùl à rogner el son lalon.
Le fût [dg. 29) ou rognoir, dans lequel se place le
couteau à rogner, se compose : 1° de deux plaques en
bois du mCme calibre et de même forme, reliées par.
GUIDE MANUEL 0£ l'oUVRIER RELIEUR 121
deux guides parallèles fixés à la plaque de droite^ les
deux plaques sont actionnées par une vis à poig'née,
fixée par un col à la plaque de droite au centre des
deux guides, et par un écrou taraudé dans la plaque
de gauche ; 2^ d'une plaque en acier que Ton nomme
talon et dont la partie essentielle est une coulisse for-
mée en queue d'aronde> dans laquelle on engage le
couteau qui se trouve maintenu vers la pointe par une
petite vis de pression. Ce talon, faisant corps avec la
plaque de droite, au moyen d'une entaille pratiquée
dans la partie inférieure de celle-ci, est maintenu en
place par un boulon. Ce boulon, d'une longueur suffi-
sante pour traverser la plaque dans sa hauteur, passe
dans le col de la vis pour la maintenir, il se termine
par un pas de vis, qui permet de le fixer au haut de la
plaque au moyen d'un écrou ou antillette ; 3® le fût est
en outre pourvu d'un couteau ou lame de 26 centimè-
tres de long sur i 1/2 de large ; cette lame est légère-
ment évidée au centre, et les flancs en sont taillés à
bizeaux de façon à être maintenus dans la coulisse du
talon, dont ils ont exactement la forme. La pointe en
fer de lance, afiFûtée en bizeau double, à sa partie supé-
rieure, doit rester intacte à sa partie inférieure et con-
server une ligne parfaitement droite afin que la coupe
soit régulière et correcte.
Opérations préliminaires. — Nous avons détaillé cha-
que articulation de la presse à rogner, afin de rendre
sensible chacun de ses mouvements, que l'ouvrier doit
pouvoir maîtriser dans ses moindres détails. La rognure
étant la pierre d'achoppement du relieur, et la partie
qui lui occasionne le plus de soucis, l'ouvrier doit se
rendre compte, en tous temps, si son outil est bien
réglé. S'il craiqt un dérangemeni ou s'il s'en sert pour
122 GUIDE MANUEL DB l'OOVRIBK RBLIRUR
la première Foii, 11 prend ud volume sans importaDca,
de l'épaisBeur de 3 A 4 centimètres environ, le place
■np un ait légèrement biaisé suivant l'inclinaisoD de
l'aia fixé à la jumelle de droite, il le descend dans la
presse, avec l'intention de lui enlever le moias de mar-
ges possible, il serpe la presse, uniformément mais
sans excès, il suffit que le volume soit bien maintenu,
il rapproche le Ht à la portée du volume, il rapproche,
k l'aide de la vis, la pointe du couteau de la partie à
Fig. 3o, — Rognure. Fonctionnement du fût, ou rognoir.
rogner. L'ouvrier se plaçant alors au bout de la presse,
la jambe droite en avant, pose la main droite sur la poi-
g'née de la vis, et la main gauche sur la partie de la vis
qui dépassa la gauoKe du (ûl, il appuie lé^ëremçnt iea
6UIDB MANUEL DE l'oUVRIRB RELIBUR 423
deux mains, afin de le mattriser et de Tempâcher de
vaciller en lui imprimant le mouvement de va-et-vient
qui fait agir le couteau, qu'il doit avoir soin d* avancer
très peu à la fois, pour que la coupe soit bien nette.
Il est assez indifférent que la coupe se fasse au départ
ou au retour, mais jamais dans les deux sens, ce qui
fausserait la coupe, surtout s'il y a un peu de jeu dans
les articulations du fût. Cependant nous croyons qu'il
est plus rationnel que la coupe se fasse au retour. Le
mouvement de la main l'indique, on est obligée de la
contracter pour ramener le fût, l'attaque est aussi moins
dure ; dans tous les cas, il faut tenir compte de la taille
de Touvrier qui, s'il est de petite ou moyenne taille, ne
domine pas la presse, et, pour lui, il n'y a nul inconvé-
nient à ce que la coupe s*exerce au départ ; au con-
traire s'il est de taille élevée et domine la presse, la
coupe au retour est tout indiquée ; il est essentiel que
les mouvements soient libres et régpuliers, une gprande
aisance est indispensable à la bonne réussite de Topé-
ration.
Pendant le cours de cette opération d'essai, l'ouvrier
pourra se rendre compte si le couteau talonne, c'est-à-
dire si dans le mouvement de va et vient, au lieu de
fonctionner librement dans les deux sens, le couteau
vient à buter contre le volume, ce qui occasionne un
choc plus ou moins sensible. Ceci indique que le cou-
teau est mal placé dans la coulisse à mortaise ou que
celle-ci, trop largue, n'enserre pas le couteau avec toute
la précision voulue, ce dernier présentant parfois des
irrégularités sous le rapport de Tajustage. Il faut dans
ce cas qu'il place des petites cales en papier ou carte,
selon le cas, soit dans le fond de la coulisse à l'arriére
du talon, si le couteau est un peu mince, soit sur l'un
des flancs de la mortaise, sj la pression de la vis fait
124 GUIDE MANUEL DE L*OUVRI£R RELIEUR
saillir le couteaa qui ne peut en aucun cas dépasser la
platine du talon et doit faire corps avec lui.
Dès qu*il a obtenu un ajustag'e parfait, l'ouvrier
reprend la tranche après avoir affûté un léger morfil au
couteau afin que la coupe soit plus mordante, ce qui
lui permet de rétablir la rectitude de la tranche, sans
être forcé de hausser le volume dans la presse, et de
faire une nouvelle emprise sur les marges. Etant cette
fois arrivé au bout, et avant de desserrer la presse,
l'ouvrier s'assure s'il est resté dans la ligne droite, et
dans l'affirmation, la presse est bien réglée.
Si au contraire le couteau monte, mais sans talonner,
il desserre la vis à oreilles ou antillette du boulon qui
maintient la plaque dans laquelle est fixée le couteau.
Il soulève légèrement celle-ci du côté de la pointe, il
garnit le fond de Tentaille dans toute sa longueur, à la
largeur de lo à i5 millimètres seulement, d'une bande
de papier ou de carte plus ou moins forte, afin qu'en
resserrant Tantillette la pointe du couteau se trouve
légèrement abaissée.
Si, par suite du placement de cette carte, le talon
venait à déborder le bois, il faudrait qu'il abaisse le
fond de Tentaille sur toute sa surface afin d'obtenir l'in-
clinaison du couteau sans que celui-ci fasse saillie en
dehors de la plaque du talon .
Si, au lieu de monter, l'ouvrier s'aperçoit que le cou-
teau plonge, il placera le même genre de cales du côté
opposé, c'est-à-dire à l'arrière du talon afin de relever
la coupe jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement régulière.
Certains ouvriers ont la déplorable habitude de com-
penser par la mise en presse ce que la marche du cou-
teau présente de défectueux, en penchant le volume soit
à droite, soit à gauche, selon que le couteau monte ou
plonge ; cette manière de procéder est contraire à la
tiUlDB MANUEL DE L'OUVRIER RELIEUR 12S
boDne règle, qui veut que l'oD attaque le mal où il se
trouve, et veut que riea ne soit abandonné au hasard ;
un volume doit toujours se placer en presse parfaite-
ment d'équerre, et c'est au couteau qu'il faut s'en pren-
dre si la coupe n'est pas tout à fait correcte.
Fig. 3i. — Presse à rogner à 3 jumelles.
L'outil doQt nous veaous de donner la description,
en indiquant l'usage de chacune de ses parties, est le
type uni verse llement employé. 11 a fort peu varié depuis
sa création qui date de loin . Nous y avons pour notre
part apporté certaines modifications telles que d'action-
ner les jumelles de la presse au moyen d'une seule vis
en fer, à seule £a d'activer la mise en presse en sim-
ptiSant les mouvements de l'opération et plus tard en
plaçant le volant entre la seconde et la troisième jumelle
116 6UIDB MANUEL DB l'oUVRIBR RELIEUR
ot par ce moyen le mettre plus à la portée de la main de
l'ouvrier ; mais le principe est resté le môme. On est
arrivé au moyen de machines de divers systèmes dont
nous donnons plus loin la description, à rogner beau*
coup plus vite, mais jamais aussi bien ni avec autant
de sûreté et de précision qu'avec le rog'noir de nos pères.
L'art do fOgn^UT) consiste à égaliser parfaitement les
traaches d'un livre, tout en lui conservant le plus de
marges possible. On égalise les tranches d'un livre
non seulement pour en faciliter Tusage, mais aussi afin
de contribuer dans une certaine mesura à son embellis-
sement. L'aspect d'un volume dont les tranches parfai-
tement dressées en équerre, dont la gouttière méthodi-
quement creusée et dorée par un praticien habile et fort
séduisant à la condition que cet aspect n*ait pas été
obtenu au détriment des marges du livre. C'est-à-dire
qu*il y reste en tête comme en queue et en gouttière
des témoins établissant la preuve que le volume n'a été
rogné que tout juste pour obtenir ce résultat.
Nous parlons, bien entendu, d'un livre n'ayant pas
été relié précédemment : auquel cas la science du
rogneur ne peut avoir pour objectif que de redresser,
s'il y a lieu, la coupe plus ou moins défectueuse exercée
par le premier relieur. Encore, en exerçant ce redres-
sftge, faut'oil laisser subsister la preuve, par des parties
de tranches que le couteau n'a pas atteintes^ que la dirai»
nution des marges du livre ne peut être attribuée au
dernier relieur. On voit par là que la définition donnée
par nous, d'autre part : La Rognure consiste à enlever
une partie des marges d'un livre pour en égaliser les
tranches ; est subordonnée à la conservation, dans les
limites du possible, des marges que l'imprimeur a
affectées au livre,
OUIDB MANDBL DE l'oUVRIBE RBLIBUE 1S7
ta eooservation des mikvgeB esta en point importante,
surtout quand il s'ag'it d'un livre d'art, que les amateurs
considèrent eomme ayant perdu la plus grande partie
de sa valeur, tout livre dont les tranches ont été rognées
des trois eôtés. Est-<il besoin de dire que nous approu»
vons oette manière de voir à la condition que la volume
ait une réelle valeur typojfraphique ou graphique, et
qu'il y ait un réf 1 intérêt à ce que les marges restent
intactes. Nous disons intactes ? il ne faut pourtant pas
confondre a marges » avec c fausses marges », ce dont
il sera question à propos de Tébarbage. Il convient tou»
tefois de rogner la tranche supérieure afin d'empêcher
U poussière qui se dépose à cette place, quelque bien
elose que soit une bibliothèque, de pénétrer entre les
feuillets du livre, mais il importe alors dans tous les
cas que même à cette place, le rogneur laisse subsister
quelques feuillets qui ne soient pas atteints par la cou*
teau à rogner.
Il est dee livres, c'est le plus grand nombre, qui doi*
vent avoir leurs tranches unies des trois côtés : tels sont
les ouvrages scientifiques, dictionnaires, etc., qu'il
importe de pouvoir feuilleter avec rapidité, quand il
s'agit de recherches et sans qu'il s'ensuive interruption
ou distraction pour le lecteur absorbé dans son travail.
Il n'en est pas de même en ce qui concerne le livre
d'art ; feuilleter celui-ci avec lenteur et les précautions
que nécessite un volume non rogné est un repos pour
les yeux et pour la pensée.
Avant de procéder à l'opération de la rognure, Tou-
vrier doit se rendre compte de l'état du volume sur
lequel il est appelé à opérer, ce qu'il a dû faire pendant
les opérations de l'endossure en admettant qu'il ait
rogné les cartons à Tavanee.
I® |1 cfoit sVssifrer si les marges sont ré^ulièrss et
128 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
n'ont besoin d^aucune modification ; puis si les marges
de tète, par suite d'un défaut d'imposition de la part de
1 imprimeur, se trouve être proportionnellement trop
g>randes pour cadrer avec les marg'es du devant ou celles
de queue. Il faut qu'il enlève l'excédent de façon à
obtenir une parfaite harmonie, la tète devant autant
que possible présenter les mêmes blancs que la gout-
tière, la queue devant toujours être un peu plus grande,
elle doit présenter quelques feuillets que la rognure
n'aura pas atteints, et que l'on nomme témoins; le
devant ou gouttière doit également conserver quelques
témoins.
S'il se rencontre parfois des volumes à marges trop
grandes en tète, il s'en trouve par contre assez souvent
dont les marges en lète sont proportionnellement trop
petites, eu égard à celles de devant et de queue. Il faut,
dans ce cas, n'enlever que le strict nécessaire, pour que
la tranche soit unie, et si possible faire en sorte qu'il
reste un ou deux témoins, afin que le défaut ne puisse
pas être imputé au relieur. Il faut du reste en agir
ainsi à l'égard des volumes, ébarbés en queue et en
gouttière, dont les tranches supérieures sont destinées à
être dorées ou jaspées.
2^ Si le volume contient des planches, il faut que l'ou-
vrier se rende compte s'il n'y a aucun danger qu'elles
puissent être atteintes par la rognure, surtout s'il y en
a de pliées. Certains tableaux débordent parfois le texte
ordinaire.
3^ S'il y a des notes en marges imprimées ou manu-
scrites.
4^ Si le volume, quoique isolé, n'appartient pas à
une collection. Puis, si l'ouvrage est composé d'un cer-
tain nombi'e de volumes, quel est celui qui doit servir
de type pour arriver à un ensemble parfait.
GCIOE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 129
Manière de rogner. — Après avoir tout bien disposé,
et en supposant que les cartons n'ont pas été rognés
avant l'endossure, l'ouvrier, ayant le volume à plat sur
la table, la queue vers lui et le dos à sa droite^ soulève le
carton de derrière, l'abaisse vers la queue autant que le
lui permet Tattache des ficelles, tout en maintenant le
volume avec la m^in gauche pour ne pas le déformer, et
retourne le volume pour en faire autant du carton de
devant, opération indispensable pour se ménager des
chasses en tête, et, plaçant le volume à plat sur la
presse, la tète à sa droite et la gouttière vers lui, il
prend une équerre qu'il ajuste bien à fleur du carton
Fig. 3a. — Equerre en fer.
du côté du mors, et en tête à la place qu'il doit rogner,
il marque un trait sur le carton le long de la tranche
de tête pour former l'équerre, puis, plaçant le volume
à fleur de Tais biaisé que nous avons décrit plus haut,
et au moyen de la main gauche, il le saisit par la tête
et il le descend dans la presse, il passe la main droite
sous la presse et saisissant le volume par le bas, il
rajuste au niveau du trait et il serre la presse.
Puis ToMvrier se place, et il saisit le fût comme nous
l'avons décrit plus haut, il rogne tout le côté sans s'ar-
rêter, pour ne pas s'exposer à des irrégularités. Gela
fait, il desserre la presse avec la main droite et de
façon à ce que le volume reste légèrement maintenu, et
avec la même main saisissant le bas du volume, il le
soulève de façon à ce qu'il puisse s'en emparer avec la
main gauche, et le retirer tout à fait de la presse.
130 GttDB MAMUltL Dt L^OUVRtBR RBLlBDH
Aprèft s'être assuré que cette première opératidfi a
réussit Touvrier fait remonter cette fois les cartonsi et
les fait dépasser en tète bien paralièlementi et de façon
à ménager les chasses de tète et de queue, proportion**
nellement au format du volume, qu'il pose à plat devant
lui la queue à sa droite» et prenant Téquerre qu'il ajuste
à nouveau du côté du mors» il trace en queue comme il
l'a fait en tête la place qu'il doit rogner, ce qu'il exécuta
comme le premier côté. Gela fait» il s'assure s'il a bien
opéré, et il passe à la rognure de la gouttière.
L'ouvrier place le volume à plat, la tête à sa gauche, le
dos vers lui et le carton ouvert, et saisissant un compas
avec la main droite, il fait mouvoir les feuilles avec la
main gauche, jusqu'à ce que son point de repère soit bien
établi, puis il place l'une des pointes du compas bien
Fig. dS< -^ CùmpM à tii.
au fond du mors et asse^ près de la tète» il marque un
point sur le devant du volume en observant la Hgne
droite» c'est-à-dire qu'à la même distance de la léte
qu'il a placé l'une des pointes dans le mors, il marque
avec l'autre pointe à la même distance du côté de la
gouttière, la moindre déviation devant fausser Ift
mesure» puis il marque de même un point du côté de
la queue» ayant ainsi marqué le devant du Voittme» il
est prudent d'en faire autant de l'autre côté» afiû de se
rendre mieux compte du résultat de l'opération.
Indépendamment de ces points de repère» il faut au
rogneur un guide pour établir le creux de la gouttière;
GUIDE MAKtBL DB L^OUVRtBR BBLIEtIR 131
le moyen le plus sûr en même temps que le plus simple
pour l'ouvrier, est de poser le volume à plat sur la
presse, les cartons au niveau de la tranche de tète, puis
avec la main g-auche, il prend une petite équerre qu'il
place debout contre la tranche, et il marque un traitai!
crayon à fleur de la gouttière, puis il retourne le volume
et il en fait autant du côté de la queue. S'il a un certain
nombre de volumes, il les met en pile, les cartons à
niveau des tranches, il prend une équerre plus grande
et il trace la pile d'un seul coup, en ayant soin d'appuyer
suffisamment êuf Textrémité eu maintenant l'équerre,
de façon à ce que la marque soit établie correctement.
Nous préférons une trace en ligue droite, à celle que
certains ouvriers ont l'habitude de marquer au moyen
d'un compas, dont ils placent Puûe des pointes au
centre du dos, pour marquer avec l'autre pointe armée
d'un crayon un arc de cercle d^uû cartoû à l'autre ; tra-
cer un arc de cercle pour obtenir Uû autre are de cercle
plus accentué, n'est pas u& moyeu bien sûr pour se
rendre compte de la forme exftcte d'uue gouttière, la
ligne droite âu contraire est un point de départ plus
certain» La courbe que Ton obtiendra au berçage
représentera eitactement le creux de la gouttière, en
indiquant avec précision le degré auquel l'ouvrier
devra s'arrêter, qui est à peu de chose près la courbe
donnée au dos par l'endossure.
Quand il s'agît d*un volume très Soigné, pour lequel
le temps n'est pas limité, le tracé en ligne droite peut
se faire immédiatement après la rognure^ et avant de
retirer le volume de la presse. La petite équerre que
l'on emploie à cet usage, peut être un coin en forte
carte ou en zinc, que l'ouvrier taille lui-même et que
l'on peut placer dans une petite pochetCe attachée au
fût, ou derrière la jumelle gauche de la presse.
132 GUI
Les points de repère bien établis, l'ouvrier prend un
ais un peu plus long que le volume, maïs n'ayant que
4 à 6 centimètres de large, selon le format du livre à
roR-ner, et biseauté à peu près dans les proportions de
la tring:le, fixée à l'intérieur de la jumelle de droite. 11
place le volume relevé, le dos sur la presse et la tète à
gauche, il laisse tomber le carton de derrière et il le
remplace par Tais, qu'il place de façon k dépasser légè-
rement les points qu'il a marqué derrière le volume.
Puis, prenant un ais de même longueur, mais mince et
plat et un peu moins large que l'ais de derrière, il laisse
tomber le carton de devant et il place l'ais au niveau
GtlOE MANUEL DÉ L^OUVRlBR RELlEtJn 133
des points marqués devant le volume, alors il saisit les
deux ais et le volume avec les deux mains et il le berce ;
c'est-à-dire qu'il le balance de l'avant à l'arrière et de
l'arrière à l'avant, en maintenant les ais bien en place
et en appuyant lég'èrement à l'extrémité de chaque
mouvement, jusqu'à ce qu'il ait obtenu l'arc de cercle
nécessaire, ce dont le trait alors courbé vers le haut
indiquera exactement les proportions ; puis il descend
le volume avec précaution dans la presse, qu'il serre ;
après s'être assuré que tout est bien correct, il se place
au bout de la presse, il attaque la rognure avec précau-
tion, et une fois le fût en mouvement il le fait marcher
carrément comme il l'a fait pour les tète et queue.
Arrivé au bout, il écarte le fût, retire le volume de la
presse, enlève les ais, en refermant les cartons, le bat
lég'èrement des deux côtés pour détacher les feuillçs
comprimées par la rogpnure, et il s'assure s'il a parfai-
tement réussi.
Le mode de berçage que nous venons de décrire peut
être simplifié ; au moins quand il s'agit de reliures cou-
rantes de petit format et même de format moyen, et plus
rapidement exécuté par la méthode suivante en usage
dans beaucoup d'ateliers.
Les ais biseautés étant placés à l'avant et à l'arrière
du volume et le dos de celui-ci posé sur la presse ; l'ou-
vrier, tout en maintenant le volume avec les ais bien en
place avec la main gauche, relève le carton de derrière
avec la main droite, jusqu'à lui faire toucher le dos de
la main gauche, puis il appuie sur le champ du carton
en plaçant la paume de la main bien au centre, pendant
qu'avec les doigts il maintient le carton avec fermeté
dans le creux du mors. 11 presse alors uniformément
sur le mors pour abaisser ce côté du volume jusque sur
la presse tout en penchant légèrement le volume vers
BOSQUET — RELIURE 8
134 GUiDË MANÙBL DE L^OUVRlBlt RfiLtBtin
lai pour qae la pression s'exerça d'ane façon plus di*
recte. Ce côté étant abaissé il laisse retomber le carton
et il opère de même de l'autre côté en penchant cette
fois légèrement le volume en arrière. Pendant ces deux
opérations, les feuillets du volume glissent les uns sur
les autres à la condition de n'être que faiblement com-
primés et maintenus avec la main g-auche sur le dos en
vue de former la gottttièfe qui se trouve ainsi rapidetnefit
aplati sans déformer TendoBsure* Il s'assure si Papla^
tissement s'est opéré avec régularité, il corrige le côté
défectueux en plaçant le dos datis la main droite mi*
ouverte avec laquelle il corrige et achève de le bercer^
puis il le descend dans la presse pour le rogner.
Les gouttières que Toti obtient par ce mode de ber-
cage se présentent A la vue avec des angles plus ou
moins émoussés, ce qui permet d'exécuter la dorure des
gouttières creuses avec plus de facilité. Ces formes de
gouttières sont surtout adoptées par les maisons qui
fabriquent un grand nombre de livres de piété ou de
liturgie en petits formats dont on dore généralemeât
les tranches, maid elles ne sauraient convenir pour des
reliures artistiques .
Si le volume contient des cartes pliées, présentant
des creux que la pression ordinaire de la presse à rogner
ne puisse comprimer suffisamment; l'ouvrier doit
avant la mise en presse combler les vides au moyen de
petites cales en papier ou en carte afin que l'épaisseur
du volume sôit égale partout lorsqu'il est serré dans la
presse ; par ce moyen le couteau rencontre partout la
inème résistance et il coupe uniformément sans 0Gca«
sionner aucune déchirure*
Dans le cas où le volume étant surchargé de plan*
chès pliées, présentant une trop grande difficulté au
berçage, nos pères avaient imaginé un moyen très
GUIDB MANUEL DB l'oUVRIBR BBLIBUR 136
simple 6t très pratique pour les aider dan» cette opéra*-
tien: ils employaient deux petites plaques de métal,
ntiqces, mais très rigides, larges de » centimètres envi^
roQ et un peu plus longues que Tépaisseur du volume,
ils plaçaient les volumes sur lo dos, un tiers débordant
la tabla, et les cartons coucbés^ ils plaçaient d'abord
de ce côté, à T^xtrémité du volume, l'une des plaques
60 abaissant les cartons d'une part et en soulevant de
même le dos, d'autre part ; puis, tournant le volume
dans l'autre sens, ils plaçaient de même la seconde pla-
que, leur action réunie aplatit légèrement le dos. Il n'y
a plus qu'à placer les ais comme pour la rognure d'une
g*outtière ordinaire, soulever les ais avec le volume en
laissant pendre les cartons qui servent toujours de
point d'appui aux plaques pour maintenir le dos.
S'assurer si la forme de la gouttière est correcte, et
descendre le volume dans la presse. Ce moyen peut
encore servir aux rogneurs inexpérimentés, et cela pour
n'importe quel volume, mais il faut s'en défaire le plus
tôt possible. Il peut aider des commençants^ mais il
fatigue le volume et tend à déformer l'endossure, il est
mômeda tous points préférable et ce dans l'un ou l'autre
cas de rogner le devant du volume i plat, c'est-à-dire
avant l'endossure.
Pour les volumes dont les cartons ont été rognés à
l'avance, l'ouvrier n'a plus à chercher des points de
repère déjà établis, il commence par abaisser le carton
de devant, à hauteur de la place qu41 veut rogner. Il
place entre le carton de derrière et le volume une bande
de carton très mince et très dur, pour servir de point
d'arrêt au couteau et afin d'éviter d'entamer le carton
de derrière à la fin de la coupe, il place le volume sur
lais biaisé, et il le descend dans la presse. La tête
étfint rognée, il fait de même pour la cjueue après Avoir
136 UUIDK MANUEL DE L OUVRIER RELIEUR
bieD réglk les chasses, et, arrivé à la t^outtière au lieu
de pointer au compas, il trace sur le devant du volume,
au niveau du carton qui lui sert de règ'le, une li^ne au
craj'on, puis il place ses ais à ro§^ner, en ayaol soin de
descendre celui de devantassez bas sous la marque, afin
d'obtenir les chasses qu'il a calculées à l'avance. Le
volume étant rogné avec chasses bien proportionnées,
celles-ci lui donnent immédiatement la preuve que l'opé-
ration a bien réussi.
Rognure mécaniqne. — 11 nous reste à parler de la
rognure mécanique; et de la machine à rogner qui
Fig, 35. — Machine à rognsr.
porte encore de nos jours le nom de l'inventeur,
M. Massiquot. Cette machine, tour à tour modifiée et
sensiblement perfectionnée, rend des services considé-
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 137
rables, tant pour la rog^nure du papier en gpénéral, que
pour la rognure des livres.
Avant son invention, les relieurs, pressés par la con-
currence, avaient fait adapter à la presse à rogner à la
main un mécanisme qui leur permît d'activer leur tra-
vail, en leur permettant de rogner un certain nombre
de volumes en un seule fois, et sans être forcés de
mesurer isolément chacun d'eux. C'était un progrès
sous le rapport commercial, eu égard aux prix parfois
très restreints de certains cartonnages et emboîtages.
Beaucoup de petits relieurs, qui ne possèdent pas
de massiquot, pratiquent encore de nos jours ce sys-
tème.
Ce mécanisme consiste en un châssis en bois, aussi
long que le permet Tintervalle laissé libre entre les
deux vis, on attache ce châssis au flanc intérieur de la
jumelle de gauche, il a de plus une largeur sufflsante
pour permettre de rogner tous les formats usuels. A ce
châssis est rattachée une planchette ou console mobile,
que Ton fixe à la hauteur voulue, au moyen de bou-
lons, glissant dans une double rainure pratiquée verti-
calement dans le châssis. La console ou support une
fois fixé à la hauteur nécessaire, l'ouvrier place par
dessus un certain nombre de volumes, pour les rogner
en uAe seule fois, et ainsi de suite pour toute la partie
de volumes à rogner sur le même format; c'est-à-dire
qu'il commence par rogner d'abord le devant des volu-
mes, qu'il place sur le dos bien d'aplomb sur le sup-
port. Tous les volumes étant rognés sur le devant, il
change la mesure, en abaissant le support à la hau-
teur voulue pour rogner le bas ou la queue; puis, il
s'assure si tous les volumes placés tète bêche sont bien
dressés en tète, il les place de ce côté sur le support, et
après que tous les volumes ont été rognés en queue, il
8.
i38 GUIDB MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUIT
n*a plus qu'à hausser légèrement le support à la hau-
teur nécessaire pour les rogner en tête.
Le massiquot ou machine à rogner fait en grand ce
que nous venons d'indiquer. On place dans ces machi-
nes, qui s'actionnent à bras ou au moteur, autant de
volumes que le permet la longueur de la lame, et cela
à la hauteur de lo à i5 centimètres, après avoir com-
primé le tout au moyen du pressoir actionné parle
volant placé horizontalemept au-dessus de la machine.
En quelques tours de roue tout est enlevé et les tran»-
ches, pourvu que la lame soit en bon état, sont d'une
netteté parfaite.
Ces machines sont arrivées à un tel degré de perfec-
tion que les relieurs de nos jours (et pour autant qu'il
s'agit de reliures commerciales traitées par quantités),
au moyen d'une équerre et de deux planchettes ferrées,
rognent non seulement en tête et en queue des reliures
passées en cartons et endossées, mais aussi des gout-
tières, et cela avec une précision et une rapidité telles
que certains ouvriers sont arrivés à rogner jusqu'à
3oo volumes in-8" jésus de 5 à 6 centimètres d'épaisseur
dans une journée de dix heures.
On coupe toujours les cartons d*avance au format des
volumes qu'on rogne à la machine. Sans cette précau-
tion le tranchant de la lame s'userait trop rapidement
et serait surtout sujet à s'ébrécher. Dans tous les cas, il
est indispensable qu'il en soit ainsi pour la rognure
des gouttières, l'un des cartons devant servir au repé-
rage et comme point d'appui pour aplatir le dos du
volume et égaliser les feuilles sur le devant comme s'il
était bercé à la main. Nous complétons aujourd'hui
ce chapitre par une description détaillée de ce genre de
rognure :
Cinq petits outils accessoires sont' indispensablef
GUIDE MANUBL DE l'oUVRIER RELIEUR 139
pour rogner à la machine des volumes endossés^ dont
les cartons ont été coupés d'avance au format voulu.
D'abord trois équerres à doublecoulisse, pour lesquelles
il faut faire tarauder six pas de vis dans la table de la
machine, dont deux à droite : le premier sous le pres-
soir de la machine. Le second à dix centimètres en
arrière environ , selon Técartement des coulisses ratta-
chées aux équerres, en conservant la ligne droite de
façon à fixer de ce côté, à l'aide de boulons ou tire^
fonds, la première équerre contre laquelle on place le
devant du carton du volume dont on veut rogner la
tète ou la queue. Les coulisses de Téquerre servent à la
rapprocher ou à Téloigner plus ou moins du centre de
la machine, selon que les volumes à rogner sont plus
ou moins larges.
La seconde équerre se place de môme du côté gau-
che ; la bordure doit être suffisamment élevée pour ser-
vir de point d'appui à un petit bloc en bois creusé en
quart de cercle, que Ton place à fleur du pressoir. Le
creux de ce bloc doit affecter la forme de la partie infé-
rieure du dos du volume, qui doit être emboîté exacte»
ment afin de présenter à l'action de la lame un point
d'appui suffisamment résistant. Sans cette précaution et
pour peu que la lame soit émoussée, ou que le papier du
volume soit peu résistant, la coupe ne serait pas assez
nette à cette place et môme certaines parties pourraient
ôtre arrachées. Il en est de môme pour le devant d'un
volume d'une certaine épaisseur ; pour obvier à cet
inconvénient on se sert d'un petit cylindre en bois dur,
que Ton tient en main et dont on se sert comme d'un
levier, avec lequel on soutient les premiers cahiers du
volume et que l'on retire vivement dès^que l'action de
la lame les a dépassés.
La troisième équerre se place en travers sur le devant
140 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUR
de la machine; elle sert de point d*appui et de repé-
ragpe pour la rognure des gouttières, pour lesquelles
une fois la rognure en tête et en queue terminée on
enlève les équerres de côté. On fait alors intervenir
Téquerre de fond dont toutes les machines sont pour-
vues et qui, pour la rognure des volumes en gouttière^
doit être suffisamment dégagée afin que le mouvement
de va-et-vient puisse en être opéré avec facilité. On
place alors le volume de façon à ce que le devant du car-
ton inférieur vienne s'appuyer contre la petite équerre
que Ton a placée horizontalement devant la lame à la
distance de 2 à 5 millimètres, selon le format des volu-
mes à rogner et d'après la largeur des chasses qu'on
désire leur affecter. L'équerre de fond que l'on ramène
alors à soi au moyen de la vis, presse sur le dos du
volume pour Taplatir en vue de présenter à la lame les
marges à enlever, comme si le volume était bercé à la
main.
Mais, pour que ces marges se présentent d'une façon
régulière à l'action de la lame, sans déformer Tendos-
sure du volume, il faut deux plaques en tôle d'acier
courbées à leur extrémité, de façon qu'en aplatissant
le dos les renflements qui se produisent par le foulage
des premiers et derniers cahiers ne soient pas compri-
més et puissent se déplacer librement. Chacune de ces
plaques, à laquelle est rivée une planchette semblable
à celles dont on se sert pour bercer la gouttière d'un
volume pour le rogner à la main, et qui, pour le format
in-8<* raisin, ne peut dépasser 6 centimètres de large,
doit avoir i5 millimètres d'épaisseur à la partie forte
(celle qui se trouve en contact avec la lame). Le biais
des planchettes se perd sous les plaques dont l'extré-
mité, courbée çn forme de pince, se place de chaque
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR i41
côté dans les mors du volume (i). L'une des deux pla-
ques à planchettes, celle qui se place entre le volume et
le carton inférieur dont elle doit avoir exactement la
largeur, est destinée à être mise en contact avec Téquerre
fixée à la table de la machine. La plaque que Ton place
au-dessus du volume, et qui doit avoir exactement la
larg'eur de la rognure, doit être garnie d'une nervure
servant de point d'appui contre l'arrière du pressoir et
s'arrêter sur le devant à fleur de celui-ci qui, après une
très faible compression du volume, permet de faire agir
Téquerre de fond pour aplatir le dos. On serre ensuite
suffisamment avant de faire descendre la lame de la
machine.
En un mot le volume doit, étant placé dans la machine
et sous l'action combinée des deux planchettes pour-
vues de leurs plaques en tôle recourbées, affecter pour
la rognure de la gouttière la même forme que le volume
mis dans une presse à rogner à la main après leberçage
et au moment de faire fonctionner le fût à rogner, avec
cette différence que dans cette dernière, le volume se
trouve suspendu et que dans la machine le volume est
couché à plat.
Voici comment on procède pour la rognure à la ma-
chine sur des volumes endossés dont les cartons ont été
coupés d'avance au format voulu : l'ouvrier commence
par écarter Téquerre du fond qui est inutile pour la
rognure des tête et queue; puis il prend un volume et il
place entre celui-ci et le carton de derrière une bande de
carton mince pour le protéger contre les atteintes de la
lame de la machine dans laquelle il place le volume
après avoir haussé le carton de devant du côté de la tête
et il l'ajuste à fleur du pressoir qu'il serre légèrement,
(i) On trouve ces planchettes garnies en tôle courbée, et en
divers formats, chez les fabricants d'outils pour relieurs.
142 GUIDE MANUEL DE L*OUYRIER RELfEUR
Le volume se trouve ainsi placé d'équerre au centre de
la machine et disposé de façon à être rogné en queue.
Il place alors Téquerre de droite à fleur du carton ; il
place ensuite du côté gauche et sous le dos du volume
le petit bloc creux qu'il ilxe à la table avec un peu de
colle ; puis il place Téquerre pour épauler le bloc, il
serre le pressoir à fond et il rogne la queue du volume.
La lame, dont il a eu soin de régler la limite de la des*
cente de façon à ne couper que les feuilles du livre sans
toucher au carton, s'arrête après avoir eotamé plus ou
moins la bande qu'il a placé au bas comme intermèf-
diaire et remonte ensuite à son point de départ, Il re-
tourne alors le volume pour lui faire subir les mêmes
opérations du côté de la tête.
Tous les volumes étant rogaés eu tôte et en queue,
l'ouvrier retire les équerres de droite et de gauche aiosî
que le bloc creux, et il place l'équerre de devant pour
rogner les volumes en gouttière. Il prend alors Tu»
d'eux et il place, entre celui-ci et le carton de derrière,
la plaque à planchette qui n'a pas de nervure; il retourne
le volume et il le place dans la machine, après avoir
soulevé le carton de devant qu'il place debout coQtre
l'équerre du fond et l'avoir remplacé par la plaque à
nervure. Dans cette position, le devant du carton iafé*
rieur et la planchette de la première plaque sont ajustés
contre l'équerre horizontale ; le dos du volume toucha
légèrement l'équerre du fond. L'ouvrier descend le
pressoir avec la main droite, tandis qu'avec la maio
gauche il presse sur le devant de la planchette à per»
vure, afin que cette nervure vienne s'adapter contre
l'arrière du pressoir, qu'il continue à faire descendre
jusqu'à comprimer très légèrement le volume. Alors,
au moyen de la vis, il fait avancer l'équerre du fond
qui pressant sijr le 4qs d\\ vplume pend ant que les plft-
ques recourbées le maintiennent parles morSj il Taplatit
avec précaution jusqu'à ce que la tranche de devant
prenne la forme d*tin livre bercé. Puis il serre le pres-
soir à fond et fait Agît la lame dont il a rég'lé la des-
cente de façon à ne toucher que lég'èrementla planchette
inférieure. Après avoir fait remonter la lame, il fait
reculer l'équerre du fond jusqu'à son point de départ
et il retire le volume qui^ si là machine a été bien ré-
glée) sera parfaitement d*équerre ; il en sera ainsi des
autreSi quel qu'en soit le nombre. Ces diverses opéra-*
lions s'enécutent par des spécialistes avec la plus grande
célérité I il en est qui^ ayant leurs volumes disposés en
tas à leur portée, rognent les têtes et queues d'une cen-
taine de volumes sans débrayer la machine actionnée
par un moteur.
RabaiSêage des CàPtôUS. -^ Après la rognure, on pro*
cède au rabaiëSftge des cartons, si ceux-ci n'ont pas été
coupée au format du volume, pendant les opérations de
Tendossure.
Le rabaissage consisté à couper les cartons sur le
devant du volumei pour en régulariser le format, tout
en laissant la largeur nécessaire pour les chasses, qui
doivent à cette place^ c'est-à-dire du côté de la gouttière j
avoir les mêmes proportions qu'en tête et en queue du
volume»
On peut rabaisser les cartons d'un volume de quatre
manières différentes : î** au moyen d'une règle à bor-
dure avec cartons fermés ; 2° à la règle ordinaire avec
cartons ouverts ; 3» à la cisaille ou machine à couper le
carton ; 4" à la presse à rogner.
La règle à bordure, que certains relieurs de province
emploient encore actuellement, est composée d'une
règle plate en fer ou en acier, sur l'un des longs côtés
144 GL'IDE MANUEL DE l'oUVRIER RELlËtR
de laquelle a été rivé une nervure de 5 à 6 millimètres
de haut, sur 2 à 6 millimètres d'épaisseur, formant
équerre sur le plat de la règle. Ces difiPérentes épais-
seurs sont motivées par le plus ou moins de largeur à
donner aux chasses, d'après les divers formats des livres.
Il faut donc plusieurs longueurs et épaisseurs de règles
à bordure. '
Les relieurs qui font usage de ces règles, ne mesu-
rent pas les cartons pour les rabaisser; l'ouvrier place
le volume à plat sur un ais à rabaisser, ou sur une
plaque de zinc, le côté de la gouttière à sa droite, il
ouvre le carton et il le rabat sur le dos, il prend une
règle assortie au format, et il en introduit le côté plat
entre le carton qui touche le zinc et le volume, il presse
le carton bien au fond du mors, et il place la règle à
bordure bien à fleur de la gouttière, contre laquelle il
appuie la bordure de la règle, il appuie fortement la
main gauche ouverte sur le volume, pendant qu'avec la
main droite armée d'une pointe à couper, ou d'un cou-
Fig. 36. — Pointe à couper.
leau à rabaisser, il coupe le carton à fleur de la règle,
en ayant soin de tenir la pointe bien droite, pour ne
pas couper le carton en biais. Arrivé au but, il retourne
le volume et il opère de même de l'autre côté. Si le vo-
lume est bien endossé, et que la rognure en soit en
tous points irréprochable, les cartons seront d'équerre;
mais il n'en est pas toujours ainsi, et la coupe du car-
ton au moyen d'une règle à bordure élevée, et la façon
défectueuse de la maintenir à travers l'épaisseur du
volume, rendent l'opération plus ou moins difficile.
Nous préférons le rabaissage au moyen d'une règle
GUIDE MANUEL DE l'OUVRIEB RELIEUR 145
plate de 2 à 3 millimètres d'épaisseur, que Ton main-
tient directement, et au moyen de laquelle la coupe a
Fig. 37. — Règle en fer.
moins de chances de se déformer. Voici dans ce cas la
manière d'opérer :
L'ouvrier place le volume à plat au bord de la table,
le dos vers lui, il ouvre le premier carton qu'il rabat
sur le dos, il presse le carton qui touche la table bien
au fond du mors, et à l'aide d'une pointe de compas, il
marque un point sur le carton près de la gouttière du
volume vers lui, il ouvre le carton qu'il a marqué et il
le rabat sur la table, il ajuste alors le compas d'un côté
sur le point marqué, et de l'autre sur l'arête vive du
carton près du mors, il place alors l'ongle de l'index
très près de la queue du volume, il place l'une des
pointes du compas sur l'arête vive du carton, contre
l'ongle qui lui sert de point d'appui, et il marque un
point sur le devant du carton près de la queue. Nous
spécifions qu'il faut placer les pointes du compas,
assez près de la tête et de la queue du volume, pour
trois motifs : i® c'est qu'à cette place on se rend plus
facilement compte si la pointure faite sur le devant se
rapporte exactement à la proportion des chasses de tête
et de queue; a® c'est qu'il faut prendre garde de placer
les deux pointes du compas bien en face l'une de l'autre,
et qu'à ces places le bord du carton sert de guide pour
conserver la ligne droite, et 3<> c'est qu'au rabaissage à
la cisaille, les pointures faites près des bords du carton
servent de point de repère pour l'ajuster à la lame infé-
rieure de la machine.
BOSQUET » RELIURE 9
146 CUIDB MANUEL DE L'OUVRIER RBLiBuII
Les poiatures étant faites, l'ouvrier place le volume
 plat sur la table, le dos à sa droite, il ouvre le carton
et il le rabat sur Vais ou sur le zioc à rabaisser, haussé
à l'épaisseur du volume. Il place la régie sur les poin-
tures et il coupe le carton. Le système des poiatures a
l'avantage de permettre à l'ouvrier de se rendre compte
en pressant le carton bien au fond du mors, et avant de
couper les cartons, si la rognure de la gouttière est
Fig. 38, — Cisïille i conper les cartooi.
d'une rectitude parfaite, non pas qne nous cooseilloas
de rattrapper sur les cartons les différences qui pour-
raient se produire à cette place, mais au moins d'atlé*
ouer plus ou moins le mauvais effet que produiraient
des chasses irrégulières, en corrigeant les défauts de la
rognure.
Le rabaissage peut également se faire à la cisaille.
etiDfi MÀNU£L DB l'OUYRISR RELIBtA 14?
Nous veDODs de décrire la manière de faire lea poin-
tures. Celles-ci étant faites, Touvrier place le volume
sur la cisaille ; il le saisit du côté de la g'outtière. à l'ex-
ception du carton inférieur^ qu'il fait passer sous le
pressoir de la machine, et qu'il ajuste avec la main g'au'*
che à la lame inférieure. Il serre alors le pressoir avec
le pied, il abaisse la lame avec la main droite' et tranche
le carton ; puis il en fait autant de Tautre côté, en ayant
soin de presser suffisamment la lame pour que la coupe
soit bien nette. S'il a plusieurs volumes du même for-
mat, il ne pointe que le premier carton, qu'il retourne
une fois coupé> en plaçant la partie coupée à fleur de la
lame inférieure ; il avance alors l'équerre contre le car-
ton du côté du mors, il serre la vis de l'équerre et il
retourne le volume pour ajuster le second carton contre
l'équerre, il serre le pressoir et il franche le second car-
ton* Cette mesure lui sert à rabaisser tous les volumes
du même format.
Mais le rabaissante par excellence est celui qu'on exé'*
cute au moyen de la presse à rog'ner. Ce système est
préférable à tout autre à cause de la netteté et de la préci*
sion de la coupe, que l'on exécute plus rapidement
qu'au couteau à rabaisser, en s'y prenant de la manière
suivante. L'ouvrier, ayant marqué ses pointures à l'iu"
térieur et s' étant assuré si le volume est bien rogné,
reporte, au moyen du compas^ les mêmes pointures à
l'extérieur des cartons, il place alors un ais à rogner
entre le volume et le premier carton ^ il descend le vo-
lume dans la presse et il le maintient avec la main gB.n^
chcy pendant qu'avec la main droite qu'il passe sous la
presse, il tient le volume par le dos pour ajuster les
pointures au niveau de la presse, puis il la serre et, au
moyen de couteaux dont la pointe est un peu fatiguée^
il rogne le carton* Il retire alors le volume de la presse^
448 GtIDE MANUEL DE l'ouvRIER RELIEUR
il le retourne et il place Tais derrière le second carton
pour lui faire subir la même opération.
On peut également ajuster les cartons sur les poin-
tures intérieures, mais ce système a pour inconvénient
d'obliger l'opérateur à tenir le volume ouvert sous la
presse, et aussi à le faire soutenir par un tiers ou à
placer un Support sous le volume. Pendant ce temps,
les ficelles sont plus ou moins tiraillées, et on fatique
leurs attaches au premier et au dernier cahier. C'est
pour ces motifs que nous préférons le premier moyen .
De l'ebarbage. — Si la rognure, comme nous le di-
sions ci-dessus, consiste à enlever une partie des mar-
ges d'un livre pour en égaliser les tranches ; Vébar-
bage consiste à régulariser les marges d'un livre en les
conservant dans leur intégrité .
On désigne généralement sous le nom de marges les
blancs de la feuille d'un livre qui se trouvent en de-
hors du cadre de l'impression ; il en est de même des
estampes, etc. Les dimensions des marges n'ayant au-
cune règle fixe, ce sont les imprimeurs d'accord avec
les éditeurs, qui en établissent les proportions plus ou
moins limitées par les formats de papiers en usage ou
spécialement aflectés à l'impression d'un livre quel-
conque.
Les marques sont réelles ou fictives, selon le plus ou
moins de soins ou de précision qu'on aura apporté dans
le partage de la feuille lors de l'imposition des pages
dont le livre est composé.
On entend par marges réelles celles qui, (une feuille
de livre étant correctement pliée selon l'imposition typo-
graphique, etc. ; pour en former un cahier) se renfer-
ment dans les plis, soit du côté du dos, soit en tête, et
surtout sur le devant du cahier plié.
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 149
Exemple : Dans un cahier in-8** composée de huit
feuillets ou i6 pagres, les blancs en marg'e des quatre
premiers feuillets ou pagpes i à 8 sont nettement délimités
par les plis formés dans la partie centrale de la feuille,
tant sur le devant que du côté ou dos et en tête, ce qui
dépasse ces plis sur le devant aux pagres 9 à i6 ne sont
que marg'es factices ou fausses marg-es. En ce qui con-
cerne le bas du cahier, ce sont les quatre feuillets les
plus courts qui servent de base ; on considère ce qui les
dépasse comme fausses marges.
Les marg'es réelles sont précieuses pour les amateurs
de livres, le relieur chargée de les habiller doit avoir
soin de les conserver intactes et ne peut prendre que
sur les marg'es fictives ou fausses marg'es ce qui est
strictement nécessaire pour rég-ulariser les tranches.
Il est pourtant certaines exceptions à cette dernière
régule ; celles où les marges fictives sont en trop grandes
disproportions avec les marges réelles ou corps du
volume. Il est des livres, dont les marges fictives attei-
gnes parfois de telles proportions, qu'elles constituent
de réelles anomalies dont les causes une fois connues
et du reste faciles à apprécier font, que le livre même,
à tout à gagner à ce quelles disparaissent : tout au
moins à ce qu*elles soient ramenées à des proportions .
normales.
Est-il rien d'anormal comme de voir un livre dont
une moite des pages présentent à la vue des marges de
3 à 4 centimètres et l'autre moitié ayant une largeur
double des premières, parfois même d'avantage. Ces
marges réellement fictives, résultat de vices d'imposi-
tion ou manque de tact de la part de l'imprimeur, ne
sont de plus qu'un trompe-l'œil absolument préjudi-
ciable au livre. Elles résultent parfois d'économies mal
entendues de la part de certains éditeurs qui, tout en
450 GUIDB MANUBL DB L*OUVRIBR ULTIUR
publiant un livre plug ou moins artistique, imprimé
sur papier ordinaire, de proportions restreintes, en
font imprimer un certain nombre d'exemplaires sur
papier de luxe en plus §prand format.
Si l'imposition établie tout d'abord d'après les dimen-
sions normales, voulues pour le premier : reste la même
pour l'impression sur grand papier : les marges réelles,
celles des pages i à 8, seront de tous points semblables
pour les deux genres. Elles paraîtront d'autant plus
étriquées pour l'édition de luxe, que les marges débor^
dant sur le devant et en queue ; les pages 9 à i6 auront
plus d'étendue, partant moins de rapports avec les
marges du dos et de la tête, invariables si Pimposition
est restée la même.
Ces livres, aux formes bizarres se rencontrent assea
fréquemment dans le commerce de la librairie. Les
vrais amateurs, les connaisseurs n'y attachent aucune
importance, et quand ils jugent à propos de leur faire
appliquer une reliure quelconque, ils ont grand soin
de faire supprimer, en partie, ces marges fictives qui
ne permettent pas de donner à la reliure une forme
Qonvenable.
Il convient néanmoins dans ce cas> de ne pas ébarber
trop près des feuillets constituant les marges véritables;
le bon goût de l'amateur et du relieur décidera des pro*
portions à conserver, et cela relativement au format du
volume qui se trouvera dans ce cas.
Maniera d'ébarber. — L'ébarbage d'un livre se fait
avant la couture, immédiatement après le battage, ou
la mise en presse qui suit la préparation à la couture, et
alors que toutes les planches et cartes ont été mises en
place. Si Pouvrier peut disposer d'une petite cisaille à
pQuper la carte (de préférepce celle n^unie 4'un cpnï-
GDIDR MANUEL DE L OUVRIER
presseur) son travail pourra se faire rapidement et avec
Facilité. Après avoir battu le volume sur le dos et en
Fig. 39. — CissiMe k couper la carie et à ébarber,
tête, il le place à plat sur la table et marque d'abord en
tête d'uQ petit trait au crayon le cahier qu'il choisit
comme type de coupe pour le devant, puis il en fait
autant au bas du dos pour la queue, à la place qu'il
veut couper ; puis, prenant un compas et un carton de
force moyenne, il le coupe bien d'équerre au format
qu'il se propose de donner au volume, d'après les
marques qu'il vient de faire au bas du dos et en télé.
Cela fait, il place le carton au milieu du volume qu'il
bat de nouveau sur le dos et en tête, et s'assure s'il a
biei) établi ses dimensions, et dans l 'affirmative, il n'a
152 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
plus qu'à utiliser les mesures qu'il a déjà établies sur
la cisaille, en coupant le carton, c'est-à-dire au centre
pour le devant et au bas pour la queue, et ébarber un
cahier à la fois ou deux tout au plus si les cahiers sont
minces, en serrant bien la lame de la cisaille pour qu'il
n'y ait pas de bavures.
Si l'ouvrier n'a pas de cisaille à sa disposition, ou
que le tranchant de la lame ne soit pas assez vif, il se
sert du carton coupé qu'il place alternativement sur
chaque cahier bien à fleur du dos et de la tête, et se
plaçant au coin d'une table il enlève au moyen de
longs ciseaux les barbes qui dépassent le carton, d'abord
en queue, puis sur le devant et ainsi des autres cahiers
en traitant chacun isolément. Le carton qui sert de
guide à la coupe doit être bien maintenu, il est même
prudent de le charger d'un poids et de ne laisser dépas-
ser du coin de la table que ce qui est strictement néces-
saire au fonctionnement des ciseaux.
On peut également ébarber à la pointe sur une feuille
de zinc, mais cette méthode n'est pas sans danger, les
barbes n'étant pas suffisamment comprimées à cause
des feuilles plus courtes; néanmoins, en plaçant une
règle en fera fleur du carton et avec un peu d'adresse,
on peut s'en tirer et gagner un peu de temps.
Le volume étant ébarbé, l'ouvrier procède à l'opéra-
tion du grecquage et au collationnement, et le remet
à la couturière.
L'endossure d'un volume ébarbé ne diffère de l'eu-
dossure d'un volume ordinaire, que par l'application
des cartons qu'il faut rogner à l'avance, au moins en
queue, biend'équerre avec la partie déjà rognée du côté
du mors, on les ajuste en queue de façon à laisser
dépasser le nécessaire pour les chasses.
Le volume étant arrivé à la rogaure, l'ouvrier pro-
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 153
cède à cette opération avec Jes précautions usitées pour
les volumes avec planches, c'est-à-dire que pour le
rogner en léte, il place des petites cales entre les bouts
de feuilles qui dépassent du côté de la gouttière. Il
seire un peu plus fortement la presse de ce côté, et il a
soin d'employer un couteau fraîchement affilé, en ayant
soin d'avancer très peu à la fois et de n'exercer la coupe
qu'au retour, ce qui pour le cas ne saurait se faire
autrement, sans arracher les coins de la gouttière. Le
volume étant rogné, l'ouvrier laisse les cales en place ;
on les conserve pour faire la tranche. Il est entendu
que les cales ne sont nécessaires, que dans le cas où la
fausse marge dépasserait dans une certaine proportion.
Si l'ébarbage à pu se faire assez près des marges, les
cales sont inutiles et même ne tiendraient pas ; il suffit
alors d'exercer la coupe avec précaution pour réussir
parfaitement.
La tranche supérieure étant rognée, il s'agit d'éga-
liser à la lime la gouttière et la queue. L'ouvrier com-
mence par faire remonter les cartons vers la tête, en
ayant soin de les placer au moins un millimètre plus
bas que les tranches ébarbées, puis il place le volume
entre deux ais plats en ayant soin de le faire dépasser
de un centimètre environ, puis il saisit le* volume avec
les ais, et il le descend dans la presse de façon à ne
comprimer que les deux tiers, laissant dépasser le reste,
et il serre la presse. Puis prenant une lime à bois
ordinaire, il la pose à plat sur la tranche, et, en pesant
avec les deux mains, il égalise proprement toute la sur-
face, en ayant soin de ménager les angles formés par le
creux de la gouttière. Pour finir, et afin d'enlever les
marques produites par la lime, il passe celle-ci deux ou
trois fois en longueur, c'est-à-dire dans le sens des
feuilles, et ^près ^voir retiré le volunie de la presse, il
9,
154 GUIDE MANUEL DE l'oUVRISR RELIEUR
le pose à plat sur celle-ci, enlève un ais et après avoir
soulevé le carton, il pose la main gpauche à plat sur le
volume du côté de la tète, et avec la main droite il fait
mouvoir les feuilles du côté de la queue pour en chas*
ser la poussière, produite par l'action de la lime.
Avant de procéder à la même opération sur la gout-
tière, Touvrier s'assure s'il reste des feuilles de la
marge, qui n'ont pas été ouvertes, et dans ce cas il
prend un plioir assez long et très affilé, avec lequel il
fend toutes les feuilles encore fermées. Nous recom-
mandons que le plioir soit long, afin d'éviter de s'y
reprendre en plusieurs fois, et qu'il soit bien affilé, afia
que les coupes se fassent sans bavures.
Pour éviter d'endommager l'endossure, ce qui arri*-
verait infailliblement si pour couper les feuilles on
ouvrait le volume à plat aux endroits à couper, Tou-
vrier a soin de lier le volume vers le dos, au moyen
d'un ruban de 2 à 3 mètres de long selon le format.
Pour cela il place le volume au bord de la presse, le
dos vers lui, et soulevant le carton de devantqu'il laisse
pendre, il fait plusieurs tours avec le ruban sans s'écar-^
ter du mors, liant en même temps le carton de derrière
au volume, cela fait et le ruban attaché, il fait pivoter
le volume de façon à ce que la gouttière se présente à
sa droite. Alors avec la main gauche il soulève la pre»
mière feuille, puis avec la main droite armée du plioir
il fend la feuille avec précaution et si possible d'un seul
trait, puis il passe à la seconde feuille et ainsi de suite.
Si le volume est gros, il sera plus facile à l'ouvrier
de faire l'opération en deux fois^ pour cela il lie le
volume sans le carton et, après avoir coupé les feuilles
du commencement jusqu'au milieu, il retourne le
volume et en fait autant de ce côté jusqu'à ce qu'il ait
rejoint l'endroit où il s'était arrêté.
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUR 155
Après avoir délié le volume, l'ouvrier procède comme
pour larog-nure de la g-outtière, il place le volume entre
les deux ais en biais, qu'il descend cette fois de 5 à
6 millimètres plus bas que le niveau de la tranche, il
berce le volume jusqu'à ce que la tranche soit bien à
plat, et il le place dans la presse, de façon à ce que les
ais dépassent de 2 à 3 centimètres les jumelles de la
presse, qu'il seire modérément. Alors prenant la lime,
il égalise et approprie la gouttière comme il l'a fait en
queue, puis il retire le volume de la presse pour chasser
la poussière que l'action de la lime a introduit entre les
feuilles, puis il referme le volume en redressant le dos
à l'aide du marteau, ce qui termine l'opération.
On peut ég-alement fendre les feuilles avant la cou-
ture, mais, dans ce cas, il faut commencer par les fen-
dre en tête ; nous répugnons à recommander cette
méthode, qui peut causer du dérangement au repliage
ou à l'agencement des feuilles. Tout dérangement peut
être évité en fendant les feuilles immédiatement après
la couture, et pour éviter de le fendre en tête se servir
d'un plioir taillé en pointe avec lequel il est possible
de fendre la feuille, jusqu'au fond du pli en tête.
JASPURE ET COLORIAGE DES TRANCHES
Bien que le travail de la Tranche, constitue un art à
part et s'exerce assez généralement en dehors des ate-
liers de reliure et ce par des spécialistes plus ou moins
attitrés (i), nous devons ici une mention au travail
sommaire de la tranche : Jaspure ainsi que certains
(i) Dans la seconde partie du présent ouvrage, intitulé ;
Guide théorique et pratique de Vouvrier doreur sur cuir, etc. etc. :
nous avons consacrés des chapitres spéciaux aux diverses par
des ou arts relatifs aux tranches de livres.
i56 GUIDE MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR
coloriag'es : que le relieur est appelé journellement à
appliquer lui-même.
Pour le coloriage des tranches soit unies ou jaspées,
on emploie un certain nombre de couleurs, selon Tim-
portance des sujets à traiter. Le relieur trouve dans les
préparations d'aniline les nuances désirables et à bas
prix, mais ces couleurs très pénétrantes exigent cer-
taines précautions surtout quand il s'agit de les appli-
quer sur des papiers non collés. Il est alors utile et même
en général quand il s'agit de coloriages unis de mettre
les volumes en presse et de gratter la surface des tran-
ches comme pour la dorure, tout au moins de les frotter
au papier de verre fin ; sans ces précautions, il ne
serait pas possible d'obtenir des nuances uniformes.
En dehors des préparations d'aniline les relieurs
emploient surtout les couleurs suivantes.
Pour le Rouge : le vermillon carminé, le vermillon
de Chine et la Garance.
Pour le Bleu : le bleu de Berlin, d'indigo et d'outre-
mer.
Pour le Jaune . Le jaune de chrome, le jaune royal,
ou le stil de grain quand il s'agit d'imitier les ancien-
nes tranches.
Pour le Violet : mélange de rouge d'Angleterre et de
bleu d'outre-mer.
Pour le Vert : mélange de bleu d'outre-mer et de
jaune royal,* ou de gomme gutte.
Toutes ces couleurs se broient sur un porphyre avec
une molette, ou plus simplement dans un mortier avec
un pilon en faïence ou en verre. Les couleurs étant
broyées à sec, on y ajoute autant de colle de farine ou
d'amidon, non en poids mais en volume, et plutôt
plus que moins. On broie jusqu'à ce que le mélange
poit parfait, puis o^ ajoqtç la quantité d'ec^u i^éçcssfiire
GUIDE MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR 157
selon les nuances que Ton veut obtenir, ou Tusage que
Ton veut en faire. Certaines couleurs, telles que le ver-
millon, étant un peu lentes à se dissoudre, on active la
dissolution au moyen de quelques gcouttes d'alcool,
avec lequel on broie la couleur avant tout autre mé-
lange.
Il nous reste à citer la couleur la plus employée pour
la jaspure, celle servant uniquement à cet usage, la
terre-d*ombre, que Ton prépare comme nous Tavons
indiqué pour les autres couleurs, en ayant soin, outre
la quantité' de colle de pâte voulue, d'ajouter quelques
fines rognures de savon de Marseille, ce qui facilite
sensiblement son application. Ces quelques rognures
de savon viennent en aide à l'application des autres
couleurs et facilitent aussi le brunissage, s'il y a lieu.
Les préparations relatives aux couleurs étant faites,
on les conserve dans des vases clos jusqu'au moment
de s'en servir ; il faut pourtants e garder de les pré-
parer longtemps à l'avance, il est même préférable de
ne faire ces préparations qu'au fur et à mesure des
besoins, ou pour une dizaine de jours au plus.
On fabrique de nos jours des encres à jasper, que
l'on trouve dans le commerce en diverses nuances ; elles
sont d'un emploi excellent et se conservent fort long-
temps.
Hanière de colorier les tranches. — Pour obtenir un
coloriage parfait, il est indispensable de mettre les
volumes en presse entre des ais biaises, et de gratter
les tranches comme s'il s'agissait de les dorer, ou tout au
moins de les passer au papier de verre, pour faire dis-
paraître les rugosités ; si pourtant le travail était trop
peu payé, on se contenterait de mettre le volume entre
dçux ais dfins une pressç à main. Q\i s'il ^ çn avait ur^
158 GUIDE MANUBt DE l'oUVRIER RELIEUR
certain nombre, en une pile, avec un ais en biais de
chaque côté. Dans ce dernier cas, voici comment on
procède : l'ouvrier place à plat sur une table bien unie
Fig. 4o. — Presse à main.
une presse à main, les jumelles en travers et les écrous
débordant la table, il prend autant de volumes que la
presse peut en contenir, et il les place entre les deux
jumelles, les g-outtières du côté de la table ; puis il
prend deux ais en biais et il en place un de chaque
côté de la pile, contre les jumelles de la presse qu'il
serre ensuite fortement, puis il la retourne et il la penche
légèrement en avant de façon à la dominer, et de telle
sortequeles volumes se présentent en travers devant lui;
alors, avec un pinceau en soies de porc, qu'il a trempé
dans la couleur préparée et qu'il essuie sur le bord du
vase, il passe la couleur en commençant par le milieu
de la tranche, en appliquant de gauche à droite et de
droite à gauche, tout en relevant légèrement le pinceau
àtshaque extrémité pour éviter d'amasser la couleur à
ces places^ ce qu'il doit égalei?)en|;év|ter yers lesbordi?.
GUIDB MANUBL DE t'oUVRIBR RELIEUR 159
Tout dépôt de couleur devant faire un effet désagréable
à la vue, et s*écailler en séchant, il a soin de tenir la
couche à Tétat liquide sur toute la surface de la tran*
che pendant l'opération, qu'il termine à longs traits
pour que la répartition soit égale partout ; il laisse les
volumes en presse pour sécher ; puis^ au moyen d*une
bros/ie saturée de cire, il frotte vivement pour upir la
couleur et lui donner un certain brillant.
Il retourne ensuite la presse sur la table, il en retire
les volumes dont il détache les cartons sur le devant,
pour les égaliser en tète, puis il remet les volumes en
presse, avec des ais plus larges, en égalisant le tout
sur la table de façon à ce que les tôtes de volumes
prennent la place des gouttières ; il serre la presse,
puis il la retourne, et il la place comme il faut devant
lui. Alors, saisissant le pinceau, il passe la couleur sur
la tranche du premier volume, en commençant par le
milieuallant vers la gouttière d'un côté et vers le dos
de l'autre, tout en évitant d'amasser la couleur aux
extrémités surtout du côté de le gouttière, pour les
motifs indiqués ci^dessus ; puis il passe au second
volume et ainsi de suite. La couche étant terminée, il
laisse sécher et s'assure si la nuance est bien conforme
à celle du devant ; cela étant, il brosse à fond dans le
sens de chaque volume, puis, retournant la presse qu'il
desserre, il retire les volumes en détachant les cartons
qu'il égalise cette fois en queue, sur laquelle il fait la
même opération.
Si l'on avait à colorier un certain nombre de volu-
mes, on prendrait plusieurs presses, afin que les uns
puissent sécher pendant que l'on s'occuperait des autres.
De môme si l'oii n'avait qu'un volume on pourrait se
servir de la presse à rogner en ayant soin de ne pas la
Jifirbouiller.
160 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
Tranches jaspées. — On entend par tranches jaspées,
celles sur lesquelles on a semé une infinité de points
d'une couleur quelconque afin de rompre runiformité
des tranches, qui après la rog'nure sont d'un blanc plus
ou moins uni. Mais on pratique surtout ce genre de
coloriage en vue de permettre le feuilletage des livres
sans que les tranches en soient trop rapidement macu-
lées. La jaspure ne s*applique généralement que sur
des livres usuels, ou sur des reliures à bon marché, il
y a pourtant quelques exceptions que nous ferons con-
naître dans le cours de cette notice.
On ne jaspe guère que sur le blanc, ou sur une cou-
leur plus claire que celle que Ton emploie pour la jas-
pure, on peut jasper en plusieurs couleurs sur la même
tranche, c'est-à-dire qu'après avoir jaspé en rouge sur
la tranche blanche, on peut aussi jasper en bleu. Ce
qui donne un fond blanc avec points rouges et bleus,
de même on peut sur un fond jaune très clair jasper
en rouge, puis en brun à la terre d'ombre. On peut
modifier la forme àTinfini selon la fantaisie ou le goût
de chacun. La jaspure la plus communément employée
à notre époque se fait au moyen de la terre d'ombre
sur la tranche blanche.
De la jaspure. — Pour jasper on peut avoir recours
à plusieurs procédés, mais presque tous ont été aban-
donnés pour céder la place au système du grillage ;
nous nous bornerons à décrire celui ci.
L'outillage pour la jaspure consiste: i® en une grille
à mailles fines en fils de laiton, tendus sur un châssis
rectangulaire en fer, muni d'un manche sur un des côtés,
et dont le poids est assez léger, pour qu'on puisse le
manier sans fatigue avec une seule main ; 2** en une
brosse, Qn cq f^it 4e plusieurs formes, m^is ce qu'il y
GUIDE MANVEL »B L OUVRIER RELIEUR 161
a de plus pratique est une bonne brosse à cirer les sou-
liers dont les soies douces et touffues, permettent de jas-
GRILLE A JASPER
Fig. 4-.
per CD g^outtes très fines. Il faut avoir soin de ne pas
laisser durcir les soies par la conleur et de les détrem-
per à l'eau frafche avant de s'en servir; il faut une brosse
pour chaque couleur. 3" Un plat en faïence ou en métal,
assez lar^e pour permettre après un mélange parfait,
de reporter la masse de couleur sur l'un des cAtés, puis
en penchant lég'érement le plat d'amener de l'autre la
partie liquide. 4° Deux billots en bois lourd de forme
cubique, dont les dimensions se rapportent plus ou
moins aux formats des livres à jasper et servent à les
maintenir debout. On les recouvre de papier solide au
moyen de collag'es qui n'adhèrent pas an bois et on
renouvelle l'enveloppe de temps en temps.
L'outillag'e et la conleur étant préparés, l'ouvrier
place un certain nombre de volumes debout au bord
de la table, les tranches de tète en haut et les dos vers
lui, il place également un billot de chaque câté de la
rangée de volumes, pour les maintenir en les compri-
mant le plus possible. Alors, avec la main droite il sai-
sit la brosse et en trempe lè§^èrement la surface dans
la couleur, dont il imprègne suffisamment les soies,
mais de façon à ce qu'il ne s'y attache que très peu de
couleur (il est même prudent de se servir d'un petit
162 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
pinceau, que Ton trempe dans la couleur pour en satu«
per les soies de la brosse), puis avec la main gauche il
tient la grille au-dessus d'un papier blanc et fait quel-
ques passes d'essai, jusqu'à ce que le résultat réponde
à son attente, et certain du résultat il opère sur les tran-
ches des volumes en commençant par la gauche. Tout en
faisant tournoyer les soies de la brosse sur le grillag-e,
en appuyant très légèrement pour commencer ; il a soin
de répartir exactement la couleur, qui par l'action du
brossage doit tomber en poussière très fine, puis à
mesure qu'il avance vers la droite, il accentue le mouve-
ment, en appuyant davantage au fur et à mesure que la
couleur se perd. Arrivé au bout, il revient vers la gau-
che pour que la répartition soit tout à fait parfaite.
Les tranches supérieures étant jaspées, l'ouvrier dé-
pose grillage et brosse et couche les volumes sur le
dos pour jasper la gouttière, il sature à nouveau les
soies de la brosse avec la même quantité de couleur; et
reprenant le grillage qu'il présente au dessus des volu-
mes, tout en avançant de gauche à droite, il lui imprime
un mouvement de va-et-vient pour faciliter la réparti-
tion de la couleur dans le creux de la gouttière. Puis
après ;s'ôtre assuré que les deux tranches sont sembla-
bles, il relève les volumes de façon à pouvoir jasper
les tranches en queue.
Ce dernier côté achevé, et s'il n'a dû employer qu'une
couleur, l'opération est terminée.
Dans le cas où on se proposerait de jasper en deux
couleurs, il faut prendre soin de commencer par la
nuance la plus claire, et de teindre d'abord les trois
tranches. avec la première couleur, pour mieux s'assu-
rer si la répartition est égale de trois côtés.
Voici un autre procédé de jaspure connu en Angle-
terre soi^s le i^om de marbrure au riz (Hice Mc^rblé),
omm ifAirTOi< vu l'ouvrihk helibcr 163
Cegenv^ de tranches tient le milieu entre la marbrure
et la jaspure. Il se fait en toutes couleurs sur tranches
blanches. Les Anglais emploient des grains de riz, qu'ils
sèment sur tranches de volumes qu'ils ont au préalable
0)19 en presse, puis ils jaspent à grosses gouttes une
oeuleur quelconque par-dessus, ils retournent ensuite
la presse pour faire tomber les grains de riz qui, ayant
servi d'intermédiaire entre les tranches et la couleur
employée, laissent autant de places blanches qui ont
plus ou moins la forme de ces grains.
Les tranches ainsi faites ont un aspect assez baroque,
i} vaut mieux remplacer le riz par le son, et^ ce qui
est encore préférable, par la sciure de bois, à l'aide
de laquelle la couleur est mieux répartie ; par ce moyen
QO donne aux tranches un aspect plus agréable. Le ton
du coloriage dépend du plus ou moins de sciure em<
ployée, qu'il faut semer uniformément à l'aide d'un
petit tamis à grosses mailles. Il faut pour ce genre de
tranches que, contrairement à la jaspure, la couleur
tombe non pas en poussière plus ou moins fine, mais
sous forme de pluie légère et serrée; la couleur étant
parfaitement sèche, on brosse la surface des tranches
sur lesquelles on passe ensuite, un chiffon nature de
cire, et on les brunit comme la marbrure»
On jaspe aussi en or sur tranches blanches ou sur
n'importe qu'elle couleur. Mais l'or a besoin d'un in**
termédiaire pour adhérer aux tranches ainsi que sur la
peau. Le meilleur moyen de réussir cette opération est
de jasper d'abord du blanc d'œuf, tel qu'il est préparé
pour leglairage du veau ou de la basane. Il faut avant
de procéder à l'opération de la jaspure du blanc d'œuf,
étendre un peu d'huile sur un papier collé ou sur un
marbrei sur lequel on frotte ensuite la brosse, qui sans
cette précautio.n ferait mQUssçr le M^nc d'opuf en le
164 GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR
frottant sur le grillage. Par ce moyen le blanc d'œuf
tombe sar les tranches en gouttes limpides ; puis on
fait tomber immédiatement de Tor ou du bronze en
poudre par dessus. L'or s'attache partout où il y a du
blanc d*œuf : on laisse bien sécher et on essuie, d'abord
à l'aide d'une brosse très douce, ensuite avec un linge
fin d'abord à sec, puis avec un linge saturé de cire ce
qui permet de brunir les tranches.
TRANGHEFILURE ET GOMETAGE
La tranchefile est une sorte de broderie en fils de
soie^ de lin ou de coton, que les relieurs fabriquent en
les rattachant aux deux extrémités d u dos, en tète et en
queue du volume, pour faire corps avec la tranche, et
donner à cette partie du volume la solidité et une forme
gracieuse inséparables d'une reliure soignée.
Les anciens relieurs attachaient une grande impor-
tance à la tranchefile à laquelle ils s'efforçaient de don-
ner une grande solidité. Ils les fabriquaient sur nerfs
de bœuf, ou sur du cuir doublé qu'ils entouraient de
fines lanières de cuir ou de vélin entrelacées, dont ils
fixaient les extrémités sur le dos, et parfois même aux
cartons du volume. Cette partie de la reliure est en
effet la plus délicate et celle qui supporte le plus de
fatigue, tant au repos que pendant la manipulation du
livre ; elle sert de liaison et a pour but de combler le
vide entre les cartons ; elle est en même temps l'assise
par excellence, sur laquelle on couche la peau pour
former la coiffe, celle-ci motivée non seulement comme
principal ornement de la couvrure, mais surtout comme
partie essentielle de la reliure.
La tranchefile sert de trait d'union entre les cartons
du volume, en prenant le contour du dos. Elle doit être
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 165
un peu moins élevée que les chasses, en prenant pour
base l'épaisseur du rempliage de la peau, afin que la
coi£Fe ne dépasse pas les chasses, ce qui ferait mauvais
effet et l'exposerait à une déformation même à une
destruction rapide ; le contraire donnerait à cette partie
de la reliure un aspect difforme. Il faut que la tran-
chefile soit appropriée de telle sorte que la coiffe fasse
corps avec les angles des cartons, présentant partout la
même surface. On prend le plus souvent deux nuances
de soie bien tranchées pour tranchefiler.
Les tranchefiles se font ordinairement selon le sujet
du livre, ou selon le goût de l'opérateur. On peut les
former d'une seule, comme de quatre nuances différen-
tes. On les fait en soie tordue ou en soie plate ; il n'y a
pas pour cela de règle fixe. Leur épaisseur varie selon
le format ou l'épaisseur du livre. On prend pour le
corps de la tranchefile de la carte végétale blanche, qui,
tout en étant très résistante, se plie sans cassures . De
même, ce qui est préférable, on colle de la peau de
velin ou de parchemin dos à dos ou sur du papier
de bonne qualité, qu'on laisse bien sécher, et que Ton
débite en bandes à la largeur voulue, soit à la pointe
à couper, soit en petits paquets à la presse à rogner.
Les tranchefiles se font sous trois formes différentes :
simple, double et à chapiteau. Les dispositions à pren-
dre sont les mêmes pour les trois genres : on place le
volume dans une petite presse, qui n'est autre que celle
dont se sert le doreur sur cuir à la main ; on en fabri-
que de spéciales et de moindres dimensions.
Traneheflle simple. — L'ouvrière prend le volume
avec la main droite, du côté de la tranche de devant ou
gouttière, elle appuie le dos sur la table de façon à
l'aplatir très légèrement, et de lui enlever un peu de sa
166 GVtDB HAtltlEL SE L OuVBiktl RBLtEVtt
rigidité, et afin de lui permettre de passer l'ai^ilte
dans les cahiers saas les déchirer. Elle place alors le
volume en presse, mais à l'estrémité de celle-ci et en
Fig. 41. — Petile presse A trtnchefilcr.
dehors de la vis, pour ne comprimer que le devAnt du
volume, qu'elle penche lÉgrèrement vers elle; puis, elle
serre la vis de ce côté. Elle prend ensuite deux aî^nil-
lées de fils de soie, l'une blanche, l'autre bleue ; elle les
enfile toutes les deux dans de fortes aigniilles, puis elle
pique la première dans le premier cahier à la gauche
du volume, pour la faire sortir par le dos à quinze
millimètres environ plus bas que la tranche, elle attire
l'aig-uille A l'aide de la pince et attache bout à bout les
deux fils de soie par un nœud de tisserand, qu'elle fait
entrer dans le cahier. Elle fait alors un n<xud simple
sur l'arête vive delà tranche, elle saisit ensuite la bande
de cartet qu'elle entoure avec le fil blanc qu'elle ramène
vers elle, elle passe alors le fil bleu par-dessus le fil
blanc, elle le passe sous la carte qu'elle entoure en le
ramenant vers elle, elle passe le fil blanc sur le bleu,
elle le passe sous la carte et elle l'entoure de même, et
ainsi de suite alternativement avec l'une ou l'antrv
couleur. Le croisement se fait au bas de la carte, et
GUIDE AlANtEL DS t'ouVAlBR llELIEtR 16?
forme à cette place une chaînette qu'elle serre et couche
sur la tranche, en se servant de Tongle du pouce g-au-
che pour égaliser les points de la chaînette en les pres-
sant sur la tranche. La face, le dos et le haut de la carte
sont simplement entourés de fils de soie alternative-
ment blancs ou bleus. De cinq en cinq cahiers, elle
pique dans le volume, en descendant toujours à la
même distance, pour rattacher la tranchefile au vo-
lume ; chaque point d'attache, au lieu de passer sous
la carte, passe dans un cahier du volume, et doit être
ramené par-dessus la carte pour être croisé au bas de
celle-ci par la couleur suivante. Arrivée au but, c'est-à-
dire au bout du dos à droite, elle fait deux piqûres et
elle rattache les fils sur le dos, ce qui termine Topé-
ration de ce côté. Elle coupe alors ce qui dépasse de la
carte, puis elle desserre la presse, et elle retourne le
volume pour opérer de même de l'autre côté.
Tranchefile double. — La tranchefile double diffère
de la précédente en ce que la hauteur en est divisée en
deux parties : celle du bas assez larg-e et sensiblement
plus épaisse que la partie du haut, qui ne peut être
qu'un petit cordonnet, auquel on donne la rigidité de
la carte par un lég-er encollage, ou pour lequel on
prend de la ficelle blanche cirée.
L'ouvrière, ayant disposé le volume comme pour la
tranchefile simple, attache la soie de même, elle prend
alors la carte, puis le cordonnet qu'elle place parades-
sus, elle passe la soie blanche sous la carte et la
ramène vers elle en la passant entre les deux ; elle
entoure alors le cordonnet en passant par-dessus, et en
ramenant la soie entre les deux pour l'abaisser sur la
tranche, puis elle saisit la soie bleue qu'elle passe au-
dessus de la soie blanche, pour lui fs^ire parcourir le
168 GUIDE MANUEL DE LOUVRIEÎl RELIEUR
même chemin, et ainsi de suite, en alternant les deux
couleurs comme elle la fait pour la tranchefile simple,
et en rattachant la tranchefile au volume de cinq en
cinq cahiers. L'opération se termine de même par deux
piqûres à la droite du volume. L'essentiel est de bien
croiser les fils de soie, qui ne peuvent s'entre-croiser
qu'au bas de la tranchefile pour y former la chaînette,
celle-ci doit pouvoir s'étaler avec netteté sur la tran-
che, il faut surtout courber la carte et le cordonnet de
façon à lui donner exactement le contour du dos.
Tranchefile à chapiteau. — La tranchefile à chapiteau
est une opération délicate, que peu d'ouvrières réussis-
sent dans la perfection.
Certains relieurs nomment tranchefile à chapiteau
celle que nous venons de décrire sous le nom de tran-
chefile double. On a pu voir qu'elle est composée de
deux nervures, dont celle du bas, la plus forte, sert
d'assise et supporte une nervure beaucoup plus fine, à
laquelle on ne saurait qu'arbitrairement donner le
nom de chapiteau et pour lequel le sujet lui-même fait
défaut. Il faut trois nervures pour former une tranche-
file à chapiteau, dont celle du bas, la plus forte, forme
l'assise ou socle ; la seconde, très fine, figure le fût ou
colonne, et la troisième, moins forte que celle du bas,
mais sensiblement plus forte que la seconde, forme
alors le chapiteau. Ce mot, étant un terme d'architec-
ture, ne s'aurait s'appliquer avec raison si la base fait
défaut, et c'est ici le cas.
On emploie fréquemment trois nervures pour les
tranchefiles de livres soignés. Ces trois nervures sont
indispensables à celles dans lesquelles on brode des
noms, des devises, des initiales, des croix et autres
sujets. Voici comment se fait la tranchefile à chapiteau,
GUIDE MANUEL DE LOUVRIEB RELIEUR 169
en deux couleurs, l'une blanche et Tautre roug*e. L'ou-
vrière ayant placé le volume dans la presse et attaché
la soie, place les trois bandes superposées dans le sens
que nous venons d'indiquer, elle passe la soie rouge
sous la première et la ramène vers elle entre celle-ci e^
la seconde, sur le devant de laquelle elle passe la soie,
puis elle entoure la troisième en ramenant la soie vers
elle, pour la passer entre celle-ci et la seconde qu'elle
entoure par derrière, en la ramenant vers elle entre la
seconde et la première qui est celle du bas. Elle rabat
la soie sur la tranche, puis elle passe la soie blanche
par-dessus pour la maintenir et former la chaînette .
Elle la passe sous la bande du bas, elle la ramène vers
elle entre celle-ci et la seconde, puis elle la passe entre
celle-ci et la troisième, qu'elle entoure en ramenant la
soie vers elle et en la passant entre celle-ci et la seconde.
Elle ramène la soie vers elle en passant entre la seconde
et la première, puis elle rabat la soie sur la tranche et
elle passe le fil rouge par-dessus, pour lui faire par-
courir le même chemin d'enlacement, et ainsi de suite,
en rattachant la tranchelile par des piqûres de cinq en
cinq cahiers. Arrivée au bout du volume, elle rattache
la «"oie comme aux tranchefiles simple et double. Elle
coupe alors les nervures avec un couteau bien affilé,
mais pas trop près afin d'éviter l'effilochage. La coupe
finale devant se faire par l'ouvrier après avoir fixé la
tranchefile à la colle, en préparant le volume pour la
couvrure,
Tranchefile à rubans. — La tranchefile à rubans n'est
qu'une variété des trois genres dont nous venons de
donner la description, c'est-à-dire qu'au lieu de placer
alternativement un fil de chaque couleur, on en place
un certain nombre de la même nuance jusqu'à une lar-
BOSQUET — RELIURE 10
ilO GtiDS MANtfiL DB L^OUVRIËtl REttËOIl
g-ettr déterminée, pottl* reprendre avec une autre cou-
leur en les alternant de distance en distance, au lieu de
le faire fil par fil. On peut varier la forme à l'infini, en
rubans largpes ou étroits, et même ne mettre que troift
rubans sur toute la longueur de la trancbefile, qui
peut aussi avoir trois couleurs. Il faut deux fils à
cbaque couleur pour les tranebefiles à rubans, à cause
de la chatnette ou point d'arréii le premier devant
maintenir le second^ et ainsi de suite* Le i^enre ruban
peut s'appliquer indifféremment à la trioichefile simple
ou double, ou à chapiteau.
L'outilla^ de la tranchejilease se compose de diveri
accessoires. Outre la petite presse dont la forme est la
même que celle dont se servent les doreurs à la mtin^
elle peut être plus petite et se placer au bord de la
table, afin que Touvrière puisse être assise pendant
l'opération. Mais^ pour cela, il faut qu'elle comprime
le dos du volume le plus bas possible ; il lui faut un
certain nombre d'aiguilles assez fortes^ ensuite une
poucette, sorte de dé à coudre qu'elle place sur le
pouce, afin de pouvoir pousser sur l'aig-uille pour per*
cer les cahiers. Il lui faut aussi une petite pince plate,
pour attirer l'aiguille à sa sortie du dos^
Nous avons indiqué la manière de former et de
découper les bandes de carte. On en trouve de toutes
faites^ mais elles sont généralement cassantes, et la
plupart des relieurs préfèrent les fabriquer enjc^mèmeSé
On se sert aussi de ficelles blanches de diverses épais-
seurs, et parfois même de nerfs de bœuf ou cordes de
violon , Il ne faut jamais couper les nervures de trop
près, il est préférable de les laisser dépasser quelque
peu pour les couper définitivement après la préparation
à la couvrure.
6UIDB MANUEL DB l'OUVRIER RELIEUR 171
La tranchefilure au volume ne se fait g'énéralement
qu'aux reliures soignées, et môme pour celles-«i chez la
plupart des relieurs n'ayant pas de spécialistes dans
leur personnel, il est fort souvent fait usag'e de tran-
ohefile en bandes, fabriquées à la main, ou tissées à la
machine ; ces imitations se fabriquent, en fils de soie
ou de coton, rattachées à un ruban plus ou moins
léguer pour en faciliter l'application au volume. Elles
se vendent au métré ou à la pièce dans les magasins
d'articles pour relieurs.
Outre les tranchefiles en bandes et leurs imitations,
les relieurs fabriquent eux:-*mèmes avec du coton à la
pièce, connu dans le commerce sous le nom de mille<r
raies, à cause du dessin qui n'est composé que de fines
rayures droites, blanches et rouges ou blanches et
bleues. Ils le découpent ou déchirent en bandes de
a à 3 centimètres de large, qu'ils trempent à la colle de
pâte, et sur lesquelles ils tendent ou une ficelle quand
il s'agit d'emboîtages, ou une bandelette de carte, dont
la largeur est proportionnée aux chasses des demi**
reliures ordinaires. Ils remplient l'un des côtés delà
bande, c'est-à-dire un tiers environ de sa largeur, sur
la ficelle ou sur la bande de carte qui se trouvent ainsi
enveloppées ; l'opérateur achève de les fixer à l'aide
d'un plioir, en leur donnant le plus de relief possible,
puis il laisse sécher.
Ces bandes ainsi préparées présentent les filets du
tissu en petites hachures verticales, et imitent plus ou
moins les fils de soie ou de coton des tranchefiles. Le
rempliage n'ayant pris que le tiers de la largeur de la
bande, il reste un tiers environ qui n'est pas doublé,
permettant de les fixer au volume avec plus de facilité.
Cette imitation se fait en quantités considérables, pour
}es reliures prdinaires et les emboîtages, on la désignç
172 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
soas le nom de comète ! Son application au volume se
nomme cométage ? Beaucoup de relieurs de Paris ont
fini par confondre les deux sous la même dénomina-
tion, et bien qu'il s'a^^isse d'une part, de tranchefiles en
bandes, et de l'autre d'une bande de coton dans laquelle
on a collé une ficelle, ou une bande de carte, fixer l'une
ou l'autre au volume se nomme cométer.
Malg'ré la modicité du prix des imitations de la tran-
chefile, on relie souvent les volumes sans y placer Tune
ou l'autre. Celle-ci, dans ce cas, sont remplacées par une
nervure formée dans la coiffe, à l'aide d'une petite bande
de carte ou de ficelle, et à laquelle on donne le nom de
coiffe lyonnaise.
PRÉPARATION A LA COUVRURE
La préparation à la couvrure consiste ; à placer, s'il
y a lieu, des sinets ou signets de soie au volume. — A
enlever du côté du dos en tête et en queue un coin à
chaque carton, tout en le taillant en biais proportion-
nellement aux châssis et aux dimensions du volume. —
A redresser le dos du volume plus ou moins déformé
par les opérations précédentes. — A envelopper les
tranches afin de les préserver des chocs et attouche-
ments nuisibles à toutes tranches dorées ou coloriées.
— A fixer à la colle et à approprier convenablement les
tranchefiles au volume ; d'autre part à placer à celui-ci
s'il y a lieu des tranchefiles imitation. — A g-arnir les
dos au moyen de collages soit à la colle forte ou à la
colle de pâte, de papier, de toile ou parchemin etc., et
enfin à couper et fabriquer des faux-dos à nervures ou
unis.
Aux volumes dorés sur tranches ou finement colo-
riées, l'ouvrier commence par s'assurer si les arêtes
GUIDE MANUEL DE L*OUVRIBR RELIEUR 173
vives des tranches du côté du dos en tête et en queue
n'ont pas de bavures; il frotte ces parties du dos sur
une surface un peu rugueuse, ce qu'il fait ordinaire-
ment sur un zinc à rabaisser ayant déjà un peu servi.
Il tient le volume avec les deux mains du côté de la gout-
tière, et en le penchant légèrement du côté sur lequel il
opère le frottement, puis il place les volumes debout
sur la table la tête vers lui ; il coupe les signets à la
longueur voulue, et avec le bout de l'index il applique
au centre du dos près de la tranche, un peu de colle
de pâte épaisse ou un peu de col[e forte claire ; il fixe
les signets par-dessus au milieu du dos, puis il place
le premier volume sur le dos en l'appuyant à droite
contre un billot; il l'ouvre légèrement au milieu, et il
le maintient avec la main gauche, pendant qu'avec la
main droite, il introduit et couche le signet à l'inté-
rieur en le repliant sur lui-même, afin qu'il ne dépasse
pas les tranches du volume qu'il ferme, puis il opère de
même aux volumes suivants, en les ouvrant très peu
afin de ne pas déformer l'endossure.
Les signets étant placés, il place Tun des volumes
sur le bord de la table le dos vers lui, il ouvre le carton
qu'il rabat sur le dos, il le soulève alors autant quele lui
permettent les ficelles qui le retiennent, puis avec de
fortis ciseaux il coupe les coins du côté du mors en tête
et en queue. Ces coins se coupent carrément, c'est-à-
dire que les proportions doivent être les mêmes du côté
du mors que sur le haut ou le bas du volume ; la por-
tion à enlever doit être égale à la hauteur des chasses qui
ne doivent jamais être dépassées. Si le carton est un
peu fort, il place le volume sur un ais le dos vers lui,
il égalise le carton du bas, d'un côté à fleur de la tran-
che, ce qui le fait dépasser de l'autre de la largeur de
deux cbctases ; il prend alors uq ci^eai; de menuisier,
io.
174 GUIDB MANUEL DE l'oTJVRIBR RBLIBUH
que tous les relieurs possèdent égfalement dans leur
outillage, il en place le tranchant sur le coin dans les
proportions indiquées ci-dessus, et il tranche le coin
en pressant avec Tépaule ou en frappant sur le haut du
manche, puis il déplace le carton du côté opposé pour
lui faire subir la même opération ; la précaution qu'il
prend de faire dépasser d'un côté la lai^geur des deux
chasses a pour but de donner au ciseau l'espace néces-
saire, afin qu*il ne touche pas la tranche pendant Topé*
ration.
Après la section des coins, l'ouvrier procède au rcdres-»
sage du volume, dont Ja forme du dos a été plus ou
moins faussée pendant les opérations précédentes, puis
il enveloppe les tranches, afin de ne pas les tacher pen«
dant les opérations suivantes.
Le moyen le plus simple d'envelopper lestranchesd'un
volume est découper un papier de deux fois la hauteur,
et de deux fois la largeur ou un peu plus, si le volume
a une certaine épaisseur. On place un des longs côtés de
ce papier sur le devant du volume derrière le titre,
afin que celui-ci reste à découvert, puis on retourne le
volume en plaçant la gouttière vers soi au bord de la
table. Alors, avec des oiseaux, on fait dans l'enveloppe
deux entailles parallèles à la tète et à la queue jusque
près de la gouttière. On lève le carton et on le rabat sur
le dos ; on plie Penveloppe en tète et en queue sur la
tranche et on la fixe sur la sauve garde à l'aide d'un
peu de colle, puis on plie chacun des côtés en deux plis
sur la gouttière. Ces plis doivent être bien accentués,
puis on relève le devant de l'enveloppe par dessus et on
le fixe au centre en tète et en queue, avec un peu décolle.
Priparation de reliures tranchefilées eousuessur nerft.
— Cette préparation sepratique de différentes manières.
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 175
selon le genre et l'importance de la reliure. On fixe
d'abord les tranchefiies, en faisant adhérer leur base
sur l'arête vive de la tranche, tout en lui imprimant
exaiUement le contour du dos, et ce à Taide d'un peu
de colle forte que l'on applique avec le bout du doigl .
Cette colle à laquelle il est bon de mélang'er une cer-
taine quantité de gomme arabique afin de la rendre
onctueuse c'est-à-dire en état de conserver aux organes
saturés la souplesse nécessaire doit être de toute pre-
mière qualité. Cette première opération terminée et la
colle ayant suffisamment séché, on enduit le dos de la
tranchefile et la portion du dos du volume en tète et en
queue sur laquelle on a opéré la tranchefilure, et ce afin
de faire adhérer les fils et de fixer ensuite sur l'emsem-
ble une petite bande de papier très mince ou très sou-
ple ou, ce qui est préférable une pièce de mousseline,
recouvrant les fils et la tranchefile à laquelle on la fait
a<lhérer en appuyant sur celle-ci avec un plioir afin
que le contact entre les deux soit parfait.
On prépare les reliures soignées, en plaçant des claies
sur le dos^ on donne le nom de claies aux bandes de
vélin assoupli, de peau de chamois, ou de toile fine
que l'on colle sur le dos d'un nerf à l'autre et que l'on
passe sous les cartons pour les coller à l'intérieur et
solidifier les mors après la couvrure du volume.
Les tranches du volume étant enveloppées, l'ouvrier
coupe autant de bandes de vélin qu'il y a d'entre-nerfs ;
ce vélin doit être très mince et toucher les nerfs de
très près. Quant aux claies de tête et de queue, il faut
qu'elles dépassent légèrement les tranchefiles, pour
être coupées plus tard après que la préparation aura
séché. Toutes doivent dépasser le contour du dos de
trois à quatre centimètres de chaque côté, selon le for-
mat ou le poids du volume. Le parchemin, quoique très
176 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
mince, est toujours un peu dur à travailler. On l'assou-
plit en le plaçant, pendant une ou deux heures, entre
des feuilles de papier non collées et légèrement mouil-
lées, que Ton charge d'un poids quelconque. Il ne faut
pas mouiller le parchemin, qui ne doit être qu'assoupli
par le contact de l'humidité. On passe alors chaque
bande entre les ficelles sous le carton de devant^ en cou-
chant les claies sur le dos du volume.
L'ouvrier place le volume sur la table, la gouttière
vers lui, il soulève le carton, et il place une bande de
papier collé, uni et fort, dans le mors, pour préserver le
volume de l'humidité des claies, qu'il place sous le car-
ton entre chaque nerf; puis en tête et en queue, ne con-
cervant de ce côté qu'une longueur de 3 à4 centimètres,
il place une autre bande de papier par-dessus et il ferme
le carton. Dans cette position les claies sont compri-
mées sur le devant du volume. Les parties qui se trou-
vent en dehors, doivent être assez longues pour couvrir
le dos et être passées sous le carton de derrière, à la
même longueur qu'il a comprimée sur le devant. Il
enduit alors le dos du volume d'une bonne couche de
colle de pâte, puis il entoure le dos avec les claies qu'il
passe sous le carton de derrière ; il place une bande de
papier sur le volume, et il serre chaque claie le plus
possible. Il les couche sur le volume, il place une autre
bande de papier par-dessus, comme il l'a fait sur le
devant, et il ferme le carton qui tous deux doivent être
ajustés bien au fond du mors, puis il place le volume
entre deux ais plats, qu'il ajuste à fleur des cartons
près des mors, et il met le volume en presse, puis il
passe une nouvelle couche de colle de pâte sur toute la
surface du dos qu'il polit à la colle à l'aide d'un plioir.
En égalisant avec soin toutes les aspérités, il fixe égale*
meot le parçbçmip aujç trancbeSlçs ctvçc le plus graa4
GUIDE MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR 177
soin. Il approprie aussi les nerfs, en leur donnant une
forme bien nette; le parchemin, ainsi trempé à la colle
des deux côtés, se prête à l'opération. ïl le fait bien
adhérer partout jusqu'à ce qu'il fasse corps avec les
cahiers du volume, qu'il retire ensuite de la presse ; il
enlève les bavures de colle et il arrondit Taréte vive
du mors, en laissant les cartons bien en place, puis il
charge le volume, avec un poids plus ou moins lourd
selon le format, et il laisse sécher complètement.
Le volume étant bien sec, l'ouvrier coupe le par-
chemin à fleur de la tranchefile ; il se sert de petits
ciseaux bien affilés, en ayant bien soin de ne pas cou-
per les fils [de soie. Il la coupe ég-alement du côté des
mors, à la distance nécessaire pour ne pas être g'êné au
rempliag'e, et pour la formation de la coiffe, pour les-
quelles il raccourcit les claies, en tête et en queue, de
i5 à 20 millimètres environ plus bas que la tranche. Il
bat les bords des cartons à Taide d'un marteau^ en ser-
rant les coups pour les rendre bien unis, puis il passe
un peu de colle de pâte, sous les ficelles d'abord d'un
côté, puis il les aplatit à petits coups de marteau, il en
fait autant de l'autre côté et sur toute la longueur des
mors; le vol u me est prêt pour la cou vrure La préparation
au moyen de claies en peau de chamois fin se fait de la
même façon, sauf qu'il faut le parer sur les bords. Il est
nécessaire de placer au fond des mors les mêmes bandes
de papier qu'on place pour les claies en parchemin, et
cela pour deux motifs. C'est que la bande supérieure
sert à protéger les claies des atteintes de la colle pendant
la couvrure, et que la bande inférieure sert à fixer les
claies aux cartons après la couvrure. En effet, après le
nettoyage des mors et avant de poser les charnières, il
faut fixer les claies aux cartons. Pour cela, l'ouvrier
les coupe en tête et en queue, selon la fprmebiaisée qu'il
178 GUIDE MANUEL DB l'OUVRISH REU^UR
a donnée aux remplis, pais il encolb leg claies à la colla
de pâte, pendant cette opération, la bande de papier
qu'il a placée sous celle-ci préserve la sauvegarde des
atteintes de la colle, surtout entri» l0s jointures, qu'il
doit rapprocher avec soin. Il pl^çe epsuite une platiné
de zinc sous la bande, et il ferme le carton par-dessus,
il fait la même opération d^ Tautre côté, puis il met la
volume en presse, dans laquelle il laisse sécher ces
collag-es, qui seront ainsi parfaitement unis. Il enlève
alors les parties de la banda de papier, qui n'ont pas été
atteintes par la colle, et si les claies venaient à brider,
il les humecte légèrement dans las mors qu'il redressa,
et il laisse sécher avec les aartoas ouverts. II peut aussi
placer immédiatement las charnières par-dassus : la
reste de l'opération s'exécuta comme nous l'avons indi-
qué à l'article concernant la placement das charnières.
Las reliures cousues sur nepfs sa préparant souvent
pour la couvrure, sans y placer das claies ni quoi que
ce soit, sauf la tranchafile ou aes imitations, tel qu'on
le fait généralement pour laa livras da liturgie. On se
contente dans ce cas de polir le dos et d'approprier las
nerfs à la colle de pâte, on plaça ensuite la tranchefile
dont on enlève la lisière du ruban» afin qu'il n'y ait pas
d'épaisseurs à cette place, puis on induit toute la sur-
face du dos d'une légère coucha da colle forte qu'on
laisse sécher. On bat ensuite les bordi das cartons^ et
l'arête vive des mors ; après avpir collé le» ficelles at
ajusté les chasses, le volume ast prêt à être couvert.
Le collage des claies à l'intériaur, après la aouvrure,
peut également se faire sans le secours de la pressa ; la
plupart des relieurs procèdent même de cette façon,
mais dans ce cas il est prudant da na coller qu'un côté
à la fois, On charga alors la ypluma d'un poids assez
lourd, tout en appuyant la carton ouvert *vr 1^ taj)lç
tîiJtDË litAfïtBL DE l'ouvrier l^ËLIËUH 179
contre un objet suffisamment résistant ; de façon à
pouvoir dresser carrément le mors et de le tenir en
place non seulement pendant l'opération mais aussi
pendant le laps de temps indispensable à la siccation .
Malg-ré cela et quelle que soit l'adresse de l'opérateur
il se produit presque toujours une légère déformation
des mors â l'extérieur et l'intérieur n'est pas aussi net,
aussi franc que s'il avait exécuté ce travail à l'aide de
la presse.
Le collage des claies à cartons ouverts, s'exécute delà
manière suivante. Après avoir calé convenablement le
volume, on enduit les claies à la colle de pâte, on les
relève une & une et on les fixe dans les mors et sur les
cartons tout en ayant soin de les joindre exactement et
le plus proprement possible. On se sert pour cela du
plat et du tranchant du plioir^ on se sert aussi d'un
papier comme intermédiaire, en frottant avec le plioir
dans les mors, qu'il importe de dresser carrément tout
en tendant le velin^ le chamois ou la toile, de façon à
ce qu'il ne puisse se produire de plissures en fermant
les cartons alors que te tout aura parfaitement séché.
Préparation dêS féliufês à dos brisé. -— Pour placer
les tranchefilesj l'ouvrier enduit les extrémités du dos,
en tête et en queue d'une petite couche de colle forte,
et ce en proportions égales à la largeur du ruban de la
tranchefile. Il encolle également l'arête vive de la tran-
che à la largeur de la chatnette, pour lui donner plus
d'assise,- puis il fixe la tranchefile en la serrant conve-
nablement sur l'arête vive de la tranche tout en la peu**
chant légèrement en arriére afin de lui donner meil-
leure forme et afin de lui donner de la consistance on
applique par-dessus à l'aide d'un peu de colle forte
claire une bandelette de papier pelure.
l80 GUIDÉ MANUEL DE L^ODVRtER RELIEUR
Il s'ag"!! maintenant de i^'arnir le dos à Taide de
papiers destinés à lui donner la consistance voulue tout
en unissant parfaitement cette partie du volume. L'em-
ploi du papier g-oudron est de tous points préférable,
il est bon que son application se fasse à la colle de pâte
qui conserve au papier ses qualités et au dos la sou-
plesse voulue ; le papier pelure que Ton applique tout
d*abord aux deux extrémités du dos afin de fixer défini-
tivement la tranchefile permet d'en ag^ir ainsi. Le nom-
bre de papiers goudron à appliquer au dos du volume,
varie selon ses dimensions et surtout son épaisseur. Il est
d'usag-e et même nécessaire d'en mettre deux ; l'un ser-
vant de remplissage entre les deux tranchefiles, l'autre
couvrant le tout. Aux volumes ayant plus de deux
doigts d'épaisseur, il convient d'en appliquer trois,
dont deux servant de remplissag'e, mais il convient néan-
moins de les établir de façon à ce que le second dépasse
le premier jusqu'à couvrir la moitié du ruban de la
tranchefile, le troisième couvrant le tout. Il importe
d'enduire tout d'abord le dos d'une bonne couche de
colle de pâte (tout en évitant d'en étaler sur les cartons,
moins encore dans les mors) puis successivement sur les
papiers qui bien détrempés et assouplis par la colle
adhèrent alors avec facilité surtout si l'on a soin de
frotter sur le tout à l'aide d'un peu de colle en se ser-
vant de la paume de la main droite pendant qu'avec la
main gauche on maintient le volume à plat dépassant
quelque peu le bout de la table.
On laisse bien sécher, sans approcher le volume du
feu ce qui nuirait à l'ensemble du travail et rendrait le
dos cassant, puis on enlève le papier qui dépasse les
tranchefiles, on dégage les cartons dont on bat les bords
à petits coups de marteau, on fixe les ficelles à la colle
de pâte. Tout en partageant exactement les chasses en
L
GUIDE MANUEL DE l'oUVBIER RELIEUR i8l
tête et en queue on ég'alise le tout, en redressant s'il y
a lieu le contour du dos à Taîde du marteau et on laisse
sécher.
La plupart des relieurs appliquent^ certes bien à tort,
les papiers g'arnissant les dos, à la colle forte. Ce procédé,
sans être plus expéditif, sinon que la sèche en est plus
rapide, n'en est pas moins nuisible non seulement à la
forme mais surtout à la durée de la reliure. A Touverture
d'un volume dont le travail a été exécuté à la colle forte ;
un craquement de mauvais augure se fait entendre,
et pour peu que le lecteur insiste pour le faire tenir
ouvert à plat sur la table, il se produit une cassure
irrémédiable dont la marque indélébile dénoncera la
malfaçon du travail.
Préparation du dos brisé. — La préparation du dos
brisé ou faux dos, se fait de deux manières différentes,
à carte fixe et à carie libre, La première se fixe au dos
du volume avant la couvrure, la seconde se place en
même temps que la couverture, en couvrant le volume.
L'ouvrier ayant fait choix d'une carte, appropriée au
format et à l'épaisseur du volume, la découpe d'abord
à la hauteur des tranchefiles, qui doivent avoir un mil-
limètre de moins que la hauteur des cartons ; il prend
alors le contour du dos à l'aide d'une bandelette de
carte, dans les proportions voulues pour que le faux
dos ne touche pas les cartons, il laisse entre les deux un
petit intervalle de i à 2 millimètres selon le format du
livre, afin de ne pas g'êner le jeu des cartons, il coupe
la carte parfaitement d'équerre, puis il l'arrondit sans
cassures à la forme exacte du dos, sur lequel il l'appli-
que au moyen d'un peu de colle forte dont il enduit les
bords inférieurs du faux-dos à la largeur de 2 à 3 mil-
limètres au plus, selon le format du volume, qu'il pose
BOSQUET — RELIURE 11
182 ÛUt&B MÀNOBL i>B L^OUVRtfiR ilELtfitR
à plat sur le bord de la table, en laissant dépasser un
peu le dos pour faciliter Tajustag'e. Il appuie par un
léger frottement à Taide d'un plioir sur les flancs du
dos, afin de faire adhérer la carte qui, pour les petits
volumes est assez mince pour se fixer par cette opéra-
tion, mais si la carte est plus ou moins forte, elle tient
mal par un simple collag'e^ il doit alors lier le faux: dos
au volume, au moyen d'un large ruban, avec lequel il
l'entoure en le serrant fortement et sans laisser d'inter-
valle. Les collages étant parfaitement secs, il enlève les
rubans, puis il marque la place des nerfs, qu'il fait
concorder avec les ficelles si le volume a été grecque
dans les proportions voulues. Les intervalles devant
être partout les mêmes, sauf en tête et en queue où il
laisse un espace en plus, variant pour la tête entre 5
et 10 millimètres, et en queue entre loà 20 millimètres,
^elon le format du volume, il prépare alors des bandes
soit en carte doublée, ou en carton sonple dont il n*ait
pas à redouter de cassures, ou, ce qui est préférable, en
•cuir épais ou qu'il a doublé afin d'avoir la proportion
voulue, la largeur et la hauteur des nerfs devant être
proportionnées au format, puis ils les colle sur le dos
du volume après leur avoir donné la forme de celui-ci
et il laisse sécher^ puis il taille les extrémités en biais
et il les arrondit tout en leur donnant la forme d'un
nerf véritable.
On prépare également les reliures à carte fixe au mo-
yen d'une housse, on s'y prend de diverses façons pour
exécuter ce travail qui présente de très réelles garanties
de solidité ; voici, à notre avis la meilleure manière de
s'y prendre. — Les tranchefiles étant achevées ou pla-
cées, on remplace le premier papier A coller sur le dos:
celui que Ton place toujours d^une tranchefile à l'autre
ou entre-deux : par une bande de toile ou lustrine de
6ttDB MÀKVBt Dl t'oUTRlER llBLIBtJll 483
même long'aeur mais plus larg'e du double que le con-
tour du dos, en ayant soin de partager celle-ci de façon
à laisser dépasser une portion égale de chaque côté du
dos. On fixe par-dessus, le ou les papiers dont on gar-
nit habituellement le dos : ceux-ci étant secs on les
ébarbe en tête et en queue. On prend alors une carte en
deux et un papier bien uni et plus ou moins fort selon
le cas, et on les coupe aux dimensions des faux-dos
ordinaires. On les arrondit convenablement et on fixe
la carte en deux, au dos du volume et ce à l'aide d'un
filet de colle. — Il importe de ne pas perdre de vue,
que le faux-dos ainsi attaché^ ne peut Tétre qu'à la dis-
tance voulue pour qu'il soit possible d'opérer en tète et
en queue du volume le rempliage de la peau ou tissu
dont il doit être recouvert. — L'attache du-faux dos
ayant su^samment séché on rabat de chaque côté la toile
par-dessus, en la fixant soit à la colle forte claire ou à
la colle de pâte de même que l'on colle pardessus le
papier que Ton a coupé en même temps que la carte.
On raffermit le tout, d'abord au moyen d'un papier très
fort dont on entoure le dos puis en se servant d'un
large ruban avec lequel on entoure le volume, on laisse
bien sécher, on enlève ensuite ruban et papier intermé-
diaire et on procède au placement des faux nerfs comme
il est dit ci-dessus.
Nous donnons, au chapitre relatif à la couvmrey la
description du faux-doii à carte libre appliqué à l'unité.
On fabrique habituellement les faux-dos à carte libre,
par bandes de la lopgueur ou largeur de la feuille de
carte coupée à hauteur des cartons du volume à recou-
vrir. On marque et on trace au orayon la place des faux
ner£s, que l'on fixe à la eotle forte, appliquée de telle
sorte qu'il ne s'en dépose pas sor les fiancs» qui doivent
se présenter intacts. On laisse sécher, puis on débite la
184 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
carte chargée de nerfs à la largeur des dos, soit à la
règle avec la pointe à couper ou, ce qui est préférable,
à la cisaille qui les tranche d'un seul coup, puis on
taille les faux-nerfs en biais comme nous TindiquoDS
ci-dessus.
COUPE ET PARURE DES PEAUX
La coupe des peaux et les soins à apporter quant au
choix et leur appropriation aux divers genres de reliu-
res, et surtout des dorures, exigent du coupeur une
connaissance approfondie des divers genres et qualités
de peaux en usage pour la reliure.
Il faut un tact parfait pour en reconnaître les qualités
et surtout les défauts parfois nombreux, et pour la plu-
part très peu apparents. Il faut surtout allier, autant
qne possible, les besoins avec l'économie. La matière
est parfois fort chère et c'est surtout de ce côté que le
relieur se sent limité relativement aux prix souvent fort
peu rémunérateurs de certaines reliures.
Quand il s'agit de reliures plus ou moins soignées,
on procède a un examen attentif de toute la surface de
la peau, dont on tâche de reconnaître les moindres dé-
fauts. On coupe alors un modèle en papier des couver-
tures ou des dos à découper, à moins que le volume
appartienne à un format usuel, auquel cas le relieur a
toujours sous la main des modèles en carton, avec les
quels il trace au moyen d'un plioir, ou d'un crayon,
pour les découper ensuite avec de forts ciseaux. Ces
mêmes modèles lui servent aussi comme règle, pour les
découpages à la pointe sur une feuille de zinc. Il tâche
de combiner les coupes de façon à éviter les défauts,
qui sont une cause de dépréciation de son travail. Il
arrive parfois que la reliure à traiter exige de tels soins,
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 185
que l'on est obligé de prendre la couverture au beau
milieu de la peau. Il faut alors faire en sorte que les
chutes puissent s'employer avec facilité pour des reliu-
res plus ordinaires.
Il est certes plus écoQomique de couper les peaux
telles qu'elles se présentent, et de façon à combiner les
g>randes et petites coupes sans qu'il reste un vide, en
évitant d'avoir le moindre déchet ; le hasard seul dans
ce cas décide si les couvertures seront propices à la
couvrure. En effet, pour qu'une couverture en veau,
basane ou maroquin puisse donner un bon résultat, et
vienne en aide à l'ouvrier pendant l'opération, il faut
qu'une couverture soit taillée dans le sens de la hauteur
de la peau et non en larg'eur ; en effet, les peaux en
général ne s'allongent pas à la traction, mais s'élargis-
sent au moindre effort, surtout quand elles sont humi-
des ou trempées par la colle. Les peaux de bœuf et de
cheval sont pourtant bien épaisses, et cependant une
courroie taillée en travers de la peau se déformerait
immédiatement et n'offrirait aucune résistance.
Pour mieux nous faire comprendre, nous supposons
une peau de veau ou basane couchée sur la table, la
tête en haut et le bas ou la queue vers le coupeur, l'un
des flancs de la peau sera donc à sa gauche et l'autre à
sa droite. L'ouvrier prend un volume et le place sur la
peau, de façon à ce qu'il ait l'un des cartons à sa gau-
che, et l'autre à sa droite, il trace et coupe la couverture
qui se trouvera ainsi taillée en largeur, et par consé-
quent dans le sens où la fleur se déformera par la trac-
tion qu'il devra exercer sur la peau en l'appliquant
sur le volume. En effet, pour bien couvrir un volume
il faut que la couverture soit serrée au dos, et sur-
tout sur les mors, et pour peu que la fleur soit déli-
cate, elle se déforme et s'il s'agit du maroquin, une
186 GUIDB MANUEL DB L*OUVKIBE EBLIBCR
partie du grain disparaît. De plus, quand il s'ag'it de
former les nerfs, Touvrier éprouve une résistance qui
rend son travail beaucoup plus difficile et, quoi qu*il
fasse en pinçant Tan des nerfs, il déformera l'autre, et
tous, en séchant se déformeront plus ou moins. La for-
mation de la coiffe sera aussi plus difficile ; les angles
se déformant et s'allongeant sous Taction du plioir,
tandis que la couverture étant taillée dans la hauteur,
c'est-à-dire le dos du volume dans le sens inverse du
dos de la peau, elle supportera sans inconvénient Topé-
ration du serrage au dos et sur les mors, et en outre,
quand il s*agira de pincer les nerfs, l'ouvrier amènera
sans difficulté la peau nécessaire aux flancs de chacun
d'eux, de même la coiffe se travaillera sans difficulté et
conservera sa forme en séchant.
Il faut donc, autant que les circonstances le permet-
tent, combiner les coupes de façon à obtenir des cou-
vertures taillées dans la hauteur de la peau, et s'il s'agit
de dos pour demi-reliures, de les tailler en travers par
le long côté, de façon à ce que le pinçage des nerfs soit
favorisé par la partie de la peau, qui s'allonge, et se
prête par cela même à être ramassée plus facilement
aux flancs des nervures.
Le travail en général sera ainsi mieux exécuté et plus
rapidement achevé.
Parure. — Les peaux étant coupées, il s'agit de les
parer, c'est-à-dire d'amincir les bords et parfois toute
la surface de la couverture, selon les besoins et les genres
de reliures auxquels il faut les approprier.
L'outillage du pareur consiste en une pierre litho-
graphique (celles de teinte grise sont préférables). Son
format n'est pas limité ; cependant il est d'usage d'em-
ployer des pierres de 5o ceatimètres de lar^e sur 35 d^
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 187
haut, dont Tun des longes côtés se place au bord de la
table, et doit être arrondi et poncé avec soin pour que
le contact de son arête vive ne puisse nuire à la fleur
de la peau, qui doit à cette place pouvoir s'arrondir
sous la main pendant l'opération de la parure. Les trois
autres côtés de la pierre doivent être encadrés, et elle*
même doit être placée sur un ais en bois assez épais,
auquel on attache les encadrements de la pierre qui se
trouve ainsi parfaitement enchâssée. Il faut en outre
fixer sous le support un ais, ou taquet qui sert de point
d'appui contre le bord de la table^ afin que la pierre ne
puisse se déplacer pendant le coufs de Topération ; la
couvrure se fait ég^alement sur la même pierre.
L'outil principal du pareur est un couteau, ou plaque
d'acier mince ayant à peu prés 4 centimètres de large
Fif. 43. — Couteau à parer.
sur 10 à 12 de long, dans le genre de la lame d'un
rabot, et à peu près de la même trempe, mais moins
épais et emmanché très court. On TafFute également d'un
seul côté, la partie inférieure devant rester intacte. Le
tranchant doit, en outre, avoir une certaine courbe, afin
qu'il n'y ait pas d'angles aigus aux extrémités. On ne
laisse à découvert que 3 à 4 centimètres de la lame. Le
reste est enveloppé par une peau lisse, afin de pouvoir
manier le couteau à pleine main sans la fatiguer.
La lame doit être bien affilée et exige des soins cons-
tants de la part de l'opérateur. On l'affûte toujours d'un
ç^té svir une pierre à l'huile. En outre, le pareur la passç
188 GUIDE MANUEL DE L OUVRIER RELIEUR
souvent sur la pierre à parer afio de raviver le tranchaal
qui est d'une délicatesse extrême.
Tout étant bien disposé, l'ouvrier place la couverture
sur la pierre, la chair au-dessus. H place le bord de la
couverture sur le bord de la pierre qui, à cette place,
ne présente pas d'arête vive, mais doit être suHisam-
ment arrondie, non seulement pour ne pas fatig'ucr la
fleur ou les crains de la peau, mais aussi, afin de per-
mettre à Touvrier de manœuvrer le couteau avec Tacilité.
Alors, pendant qu'avec la main (fauche il fait prendre
à la couverture, suspendue au bord de la table, le con-
GUIDE MANUKL DE l'oUVRIER RELIEUR 189
tour du bord delà pierre en la maintenant avec le pouce
contre la paroi de celle-ci et avec Tindex sur le plat de
la pierre; avec ia main droite armée du couteau qu'il
tient à pleine main, le pouce d'un côté et Tannulairede
l'autre accolés aux flancs du couteau, puis Tindex et le
médius appuyant sur le plat de la lame dont la partie
biaisée, se trouve alors au-dessus, il présente le tran-
chant à la distance voulue du bord de la couverture. Il
pousse la lame droit devant lui en pressant sur l'extré-
mité, afin que la coupe soit faite en biais, c'est-à-dire se
termine en lame de couteau. Il faut que le point de départ
de cette coupe en biais, ne pénètre' pas brusquement
dans la peau, mais que l'épaisseur en soit diminuée
insensiblement et arrive à rien sans qu'il y ait la moin-
dre inég'alité.
Ayant enlevé une partie de la chair, il place le tran-
chant du couteau à côté de la partie enlevée et il enlève
une nouvelle partie de la chair et ainsi de suite en
poussant toujours droit devant lui et en maintenant
toujours le couteau au niveau voulu, c'est-à-dire que le
tranchant seul doit se poser sur la peau, sans autre
inclinaison que la forme de la coupe en biais qu'il
désire donner au bord de la couverture, ou morceau de
peau quelconque. Le point de départ de la coupe en
biais ou parure a pour base l'arête vive des cartons du
volume qu'il faut pourtant dépasser plus ou moins quoi-
que lég-èrement selon l'épaisseur de la peau.
Nous disions que la main gauche doit maintenir la
peau bien en place ; il faut avec le pouce presser la
couverture contre la paroi de la pierre. L'index et aussi
le médius se posent sur le plat de la pierre afin de
tendre la peau qui, ainsi maintenue se prête bien mieux
à l'action du couteau. Le débutant doit tendre la peau
et présenter en même temps le tranch^mt du couteau
il*
i90 6T7IDE MANVBL DE l'oUVRIBR RELIBUR
sur le bord de la peau ; puis^ au moment où il eng-ag'e
la lame dans la peau lever l'index pour la laisser passer.
Les praticiens habiles, surtout quand il s*a|o;'it de peaux
d'une certaine épaisseur maintiennent la peau et font
passer le tranchant de la lame sous le doig^t. La peau
ainsi tendue facilite Taction du couteau, mais il faut
une certaine habitude de la part de l'opérateur pour en
ag'ir ainsi.
Cette méthode de tendre la peau sur la pierre est sur-
tout efficace pour parer la peau en plein ou quand il
s'ag^it d'évider ou échancrer à l'endroit des mors, afin
que la couverture du volume soit convenablement arti-
culée. Si la peau est mal tendue, l'opération est plus
long-ue, plus difficile et même plus dangereuse pour la
couverture qu'une entaille maladroite peut abimer
sans retour. Il faut pour la parure en plein ou l'échan-
cruredes mors, procéder avec précaution, surtout si la
peau se présente plus ou moins cornée (i) ; il faut alors,
n'enlever la chair que par très petites portions sous
peine de s'exposer à traverser la peau avec le couteau
qu'il est bon de faire agir en divers sens afin d'arriver
à un résultat passable. Il est néanmoins préférable de
ne pas se servir de peaux cornées au moins pour les tra-
vaux soignés.
Il faut toujours tenir la pierre dans un état de pro-
preté parfaite et enlever soigneusement les rognures de
cuir au fur et à mesure qu'on les pare, sous peine de
les amener sous les parties en cours, et de s'exposer
(i) On applique le nom de corne à des parties coriaces qui se
forment dans la peau entre la fleur et la chair et qui souvent
envahissent une grande partie de la chair. Elles ont pour point
de départ une fabrication mal séchée, ou séchée dans de mau-
vaises conditions et aussi Thumidité de certaines place^ dans
|eg(|ue|lçs on çnimagasine Içs peau^. ' '
GUIDE MANUEL DE l'oUYRIEH RELIEUR 491
par là à des coupures désastreuses. Si la peau est un peu
dure, il faut, non pas gratter les bords avec un couteau,
mais les rouler fleur contre fleur, avec les doig'ts lég-è-
rement humectés, ou bien encore avec une paumelle en
liègre, les peaux assouplies se prêtent mieux à la pa-
rure.
Il faut rég'ler le mode de parure, d'après le format et
l'épaisseur du volume à couvrir. Si le volume est mince,
il faut évider le dos selon l'épaisseur de la peau, ce qui
nécessite de grandes précautions et une main exercée.
Il faut avoir soin de laisser suffisamment de chair du
côté de la coiffe, afin de pouvoir lui donner une jolie
forme et en môme temps toute la solidité nécessaire»
cette partie de la reliure étant celle qui fatigue le plus.
Quand il s'agit de reliures en maroquin ou chagrin
soignés, il faut, après les avoir parées et poncées avec
soin, les humecter à l'eau fraîche à l'aide d*une éponge
douce et fine, mais seulement du côté de la fleur; puis^
à l'aide d'une paumelle, la rouler fleur contre fleur,
mais avec la plus grande légèreté et dans tous les sens
pour relever et reformer les grains de la peau fatigués
par l'opération de la parure, puis on fait de l'eau de
colle, c'est-à-dire de la colle de pâte très claire, et, à
l'aide d'un pinceau, on encolle chaque couverture au
dos, c'est-à-dire du côté de la chair, et on les étend sur
des cordes bien propres pour laisser sécher pendant
quelques heures, en les écartant du feu ou du soleil pour
éviter de les durcir.
Il faut pour exécuter la parure se garder de mouiller
les peaux de veau ou basane, teintes en n'importe quelle
couleur, ce qui ferait le plus grand tort aux couleurs. Les
peaux de veau et de basane naturelles fortes ne courent
ftucun danger aies plonger dans l'eau pure ; il faut pour-
tant ^yiter 4e Ip ff^ire ?i h cpuvrure ne pourrait s'exécuter
192 GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR
dans la même journée. On peut aussi les mouiller à
Tépong'e ; pour cela, l'ouvrier choisit une épongée douce
et fine, qu'il plonge dans Teau pure, puis il place la pre-
mière couverture la fleur au-dessus et la chair touchant
la table. Alors, saisissant Téponge imprégnée d'eau, il
passe en tous sens sur la fleur seulement, et jusqu'à ce
qu'elle soit bien imbibée, mais sans excès. Puis il hu-
mecte de même la seconde couverture, et il la retourne
sur la première de façon à les placer fleur contre fleur,
puis il pose la troisième sur la seconde, chair contre
chair, et après avoir mouillé la fleur, il fait avec la
quatrième ce qu'il a fait de la seconde et ainsi de suite;
de cette façon il évitera de les plonger dans Teau, il
n'aura pas de pfis à effacer et aura des peaux suffisam-
ment mouillées pour la parure et la couvrure.
Les peaux minces ou teintes se parent à sec, mais au
moment de les tremper à la colle de pâte pour la couvrure,
il faut les humecter à l'eau fraîche du côté de la fleur.
Il faut éviter avec soin le contact du fer avec la peau,
surtout les couleurs claires. Le danger est moindre sur
les peaux sèches, mais le veau surtout» quand il est
humide, tache immédiatement, et il n'est presque pas
possible de les détacher sans laisser de traces.
La plupart des relieurs ne semblent pas attacher à la
parure l'importance qu'elle mérite. Il est rare de ren-
contrer parmi les relieurs un ouvrier sachant parer la
peau dans la perfection. Il n'en est pas de même parmi
les maroquiniers ; ceux-ci sont pareurs par état, la pa-
rure à elle seule constitue un art très caractérisé et en
ce qui concerne la maroquinerie, la gaînerie et aussi la
ganterie, la seule occupation d'un grand nombre
d'ouvriers est la parure du cuir. C'est aux maroquiniers
que les relieurs devraient s'adresser pour se former à
la parure ; leur méthode est excellente et les résultats
GUIDE MANUEL DÉ l'oUYRIBR RELIEUR 193
qu'ils en obtiennent, tant sous le rapport de la perfection
que de la célérité mérite de fixer l'attention. Cette per-
fection se fait surtout sentir par la conservation des
qualités essentielles de la peau qui, en sortant de leurs
mains a conservé toute sa fraîcheur.
Certes, les besoins ne sont pas les mêmes, et tel pareur
fameux dans la maroquinerie a besoin de se mettre au
courant des exij^eances de la reliure, mais celui qui
sait manœuvrer un couteau à parer a bientôt compris
de quelle façon il faut s'y prendre pour que la peau
soit parée à point. C'est-à-dire amincie aux divers en-
droits de la couverture en vue non seulement de per-
mettre aux articulations de la couverture de fonctionner
librement, mais d'amincir graduellement et sans la
moindre inégalité, les bords servant aux rempliages.
Les coiffes qu'il convient de conserver aussi nourries
que possible, par rapport aux parties connexes ; de
même les coins qui, tout en devant conserver toute leur
solidité doivent néanmoins pouvoir se former carrément
et leur jonction se dissimuler autant que faire se peut,
A notre avis, le premier outil que l'on devrait mettre
entre les mains d'un apprenti relieur est le couteau à
parer. Les déchets de cuir ne manquent pas dans un
atelier de reliure et les ouvriers, même, devraient sou-
vent s'exercer à la parure. C'est un travail que l'on peut
aisément pratiquer cher soi et dans lequel on ne devient
maître que par la pratique.
Il faut surtout s'abstenir de gratter les bords de la
peau pour l'assouplir avant la parure ; on obtient un
meilleur résultat en plaçant la couverture sur la pierre,
la chair en dessous, on replie les bords et on les roule
fleur sur fleur avec les doigts, et s'il s'agit de la parer
en plein ou d'échancrer les parties correspondantes aux
xnqv^ du volume, on roulp Ja peau avec la paume de la
i9A GUIOB MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
maia. On peut ainsi assouplir la peau sans la fatigpuer
et surtout sans déformer les g^rains.
Certaines peaux présentent parfois des difficultés à
la parure. Amincir les peauxdu Cap, etc. , pour les appli-
quer à des volumes de petit format, demande du temps
et des soins ; de l'adresse surtout. Il arrive aux ouvriers
qui ne sont pas d'une habileté consommée qu'après
avoir aminci la peau, la chair présente des inégpalités ?
Il faut alors pratiquer l'opération que Pon nomme
raboter la peau ; elle consiste à se servir d'un couteau
auquel on affecte un certain morfil. On tend la peau
comme pour la parer en écartant fortement les doig^ts ;
on maintient le couteau comme pour la parure, mais
on le fait glisser sur la peau. Le morfil enlève alors ces
inégalités comme on le ferait avec une râpe ; on peut
aussi se servir de papier de verre, après l'avoir au pré-
alable collé sur un morceau de bois arrondi, mais il
faut avoir soin de tenir la peau bien tendue sur la
pierre afin de ne pas fatiguer la fleur ni les grains.
DE LA GOUVRURE EN GÉNÉRAL
Il y a plusieurs genres de couvrure, comme il y a
plusieurs manières de couvrir un volume ou de fabri-
quer une couverture.
Les peaux de tous genres, saufs certains cas excep-
tionnels que nous ferons connaître, se couvrent généra-
lement à la colle de pâte. Les tissus de toute espèce
s'appliquent à la colle forte ou à la gélatine ; on peut
aussi employer la gomme arabique soit à chaud soit à
froid ; tout dépend des circonstances et de la délicatesse
des tissus.
Pour les tissus gommés, tels que les percalines frai^-^
crises et ançUisegf, qi^ appli(|i;Q {^ cqUq 4ii*cçtçinGAt,
GtlIDB MANUEL DE I. OUVBIBH
c'est-Â-dire que, sur le revers même, on peut étendre la
colle forte, la gélatine ou la gomme uécessaire à la
couvrure d'un volume ou à la fabrication des couver-
turesd'emboitages.
Pour les soies, satins ou autres tissus facilement per-
méables, leur application se fait d'une manière indi-
recte, c'est-à-dire qu'au lieu de tremper directement
l'étoffe, on étend la colle sur l'objet que l'on veut recou-
vrir, en a^ant soin de ne mettre que la quantité stricte-
ment nécessaire pour faire adhérer convenablement
l'ëtoSe, sans courir le risque de provoquer des taches
parla transparence, ou d'altérer les couleurs, parfois
d'une extrême délicatesse.
Outillage du couvreur. — La <
fait de préférence sur la pierre à parer, il est bon qu'elle
soit assez grande pour opérer à l'aise sur la plupart des
formats. La pierre se place au bord de la table, et l'an-
gle supérieur qui touche l'opérateur doit être suffisam-
ment arrondi pour éviter d'abimer les couvertures pen-
dant l'opération. Outre le couteau à parer ou paroir et
la pierre à parer, l'outillage du couvreur se compose :
Fig. J5. — Gamelle k colle de pâle.
1» d'une gamelle et d'un gros pinceau à colle en soie de
porc; 20 d'un plioir dont l'une des extrémités se ter-
mine en pointe fine et allongée, et l'autre arrondie en
demi-çercle Aminci sur les bords ; 3" d'une paire de
i96 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
ciseaux à lames larges et minces; et 4* d'une pince à
nervures reproduite par la fig'ure47» et dont les parties
Fig. 46. — Pinceau à colle de pâte.
essentielles sont deux mâchoires de 3 à 4 centimètres
de long, très lisses en dedans, et se joignant parfaite-
ment à plat. L'extérieur bizeauté en lames de couteau,
mais dont les parties tranchantes très émoussées et
polies, pour éviter découper les peaux pendant la com-
pression et le lissage des nerfs. On trouve ces pinces
chez les fabricants d'outils pour relieurs. Nous en avons
fait établir une de forme toute spéciale et très pratique
pour l'exécution du travail.
Cette pince rend les plus grands services aux cou-
vreurs qui, avant son invention, se servaient du tran-
chant du plioir pour former les nerfs, ce qui laissait
beaucoup à désirer ; à Taide de la pince, les nerfs se
forment avec une rapidité et une netteté telle que n'a
jamais pu produire le meilleur fouettage. Opération
très longue et très dispendieuse, qui ne s'emploie plus
guère que pour des volumes de grand format que l'on
recouvre en peaux très fortes, ou pour imiter les ancien-
nes reliures cousues sur nerfs.
Gouvrure des divers genres de peaux. — La couvrure
des divers genres ou espèces de peaux se fait généra-
lement à la colle de pâte. Il y a certes une grande diffé-
rence entre la couvrure d'une reliure en maroquin et
d'une reliure en simple basane, mais la manière de s'j
prendre est la môme. Les mouvements se CQpip'iq^^^*
GUIDB MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR i97
OU se simplifient selon la qualité des peaux employées
et des difficultés que Ton rencontre dans leur manipu-
lation, et surtout d'après le prix que Ton peut obtenir
de son travail. On peut couvrir un volume plus ou
moins bien, ou plus ou moins vite, mais la manière
d'emboîter la couverture d'une reliure pleine ou le dos
d'une demi-reliure, de serrer la peau au dos, de l'éten-
dre sur les plats, de la remplier à l'intérieur, de tailler
et de fermer les coins, de dresser les mors, de former
les nervures vraies ou fausses, et de faire la coiffe est en
tous points semblable.
Nous entendons par là que pour couvrir une reliure
en maroquin, en veau ou en basane^ les procédés sont
les mêmes.; décrire la couvrure d'une reliure de valeur
moyenne, c'est faire la description de tous les g'enres ;
il n'y a de difiérence que dans le plus ou moins d'apti-
tudes, ou le plus ou moins de soins que l'on apporte
dans chacun des mouvements pour mener l'opération à
bonne fin.
L'aptitude et l'exercice sont ici tout à fait indispen-
sables. On ne s'improvise pas couvreur en reliure, on
ne devient maître que parla pratique et un entraînement
basé sur de bons principes. 11 faut surtout procéder par
ordre, s'exercer d'abord à bien couvrir une reliure en
basane, puis en chagrin^ le maroquin vient ensuite pour
finir par le veau, la peau de truie et le cuir de Russie.
Beaucoup d'ouvriers sont aptes à couvrir un volume
en chag'rin, parviennent à couvrir tant bien que mal le
maroquin, et ne savent pas du tout couvrir une reliure
en veau. Le temps employé influe très peu sur la réus-
site de la couvrure ; au contraire, la meilleure est celle
qui relativement au sujet s'exécute avec célérité. La
matière séchant sous la main ; procéder lestement est
le meilleur moyen de réussir à produire un travail par»
fait, et à conserver aux peaux leur fraîcheur.
198 GUIDB MANUEL DB L'oUVRIBR RELIBUR
Nous allons décrire la couvrure d'une reliure pleine
d'un prix relativement restreint, tout en produisant un
travail pouvant satisfaire aux exigences d'une bonne
reliure de bibliothèque, au lecteur à tirer de là les élé-
ments propres à chaque genre, d'après les indications
que nous avons données plus haut.
Coavrure d'nne reliure. — Avant de procéder à la
couvrure d'un volume, l'ouvrier s'assure s'il a été pré-
paré convenablement, et surtout si les chasses sont bien
partagées en tète comme en queue. Il fixe les cartons
bien en place en mettant sous chaque ficelle, et sur le
carton près du mors un peu de colle de pâte ; il donne
quelques coups de marteau sur les ficelles afin de les
aplatir et de les bien fixer au carton, de façon à leur
enlever le jeu qui jusque-là avait été indispensable au
travail. Ces coups de marteau servent en même temps à
raffermir le dos du volume et à le redresser convena-
blement, puis il procède à la fabrication du faux dos,
qui pour le sujet qui nous occupe n'aura pas été fixé à
l'avance.
Le faux dos consiste, comme nous l'avons dit plus
haut, en une carte dont l'épaisseur doit être appropriée
au format du volume. Celui qui nous occupe était censé
un volume in-8^ raisin de 3 centimètres d'épaisseur ou
à peu près, nous prendrons de la carte en trois, ainsi
nommée parce qu'elle se compose de 3 feuilles de pa-
pier collées les unes sur les autres. L'ouvrier commence
parla débitera la hauteur du volume, puis il prend le
contour du dos à l'aide d^une bandelette de carte, en
ayant soin d'établir la mesure de telle sorte qu'il reste
un millimètre de jeu de chaque côté entre les cartons
et le faux dos, qui saris cela gênerait l'ouverture de la
couverture et empêcherait de fixer le dos avec la fermeté
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 199
voulue. Il marque ensuite la place des faux nerfs, qu'il
fait concorder avec les ficelles, s'il a eu soin de bien les
proportionner à l'avance en |;|precquant le volume, la
mesure des encoches ou g'recqures devant, pour toute
reliure soignée, être prise en vue de concorder parfai-
tement avec les faux nerfs (i). Il taille ensuite dans du
carton souple ou dans du cuir épais, ou qu'il a doublé
pour la circonstance, des bandes qui lui serviront à
fig'urer les nervures, et il les applique aux places mar-
quées sur la carte; puis, les ayant fixées et ajustées
avec soin, il taille en biais l'extrémité de chaque nerf,
de façon à ce que ces extrémités ne puissent g-êner
l'ouverture des cartons, alors il arrondit le faux dos
jusqu'à ce qu'il ait acquis le contour du dos du volume
à couvrir.
Le volume étant préparé et la couverture parée à
point, l'ouvrier la plie en deux en appuyant sur les
extrémités pour bien marquer le centre. Puis il la place
sur un papier qui la dépasse suffisamment pour pré-
server la table des atteintes de la colle, et saisissant le
pinceau, il procède à un bon encollage du côté de la
chair, en ayant soin de distribuer la colle bien égale-
ment sur toute la surface. Il s'y prend à plusieurs fois,
pour bien imprégner la couverture, mais sans la sur-
charger et sans qu'il y ait la moindre inégalité, puis il
place le faux dos bien au centre en se guidant des deux
marques qu'il a eu soin de faire avant l'encollage. Il
passe ensuite un peu de colle de pâte sur les mors du
<i) La bonne rè^Ie veut que l'on mette cinq nervures à tous
les formats jusqu'aux in-4 inclus. A partir des in-folios, on en
met six et sept, selon la taille du volume, ce qui ne veut pas
dire qu'il faut que la couture soit faite sur autant de ficelles.
On peut coudre à trois ficelles et établir le dos à cinq nervu-
res. On ne coud à cinc|, six et sept ficelles que les reliures soit
|^née«.
300 GUIDE MANUEL D£ l'oUVRIER RELIEUR
volume. Cela fait, il soulève Vun des flancs de la cou-
verture et en replie l'extrémité, chair contre chair,
mais sans marquer de pli ; puis il en fait autant de
Tautre côté ; il ne faut pas que ce rempliage, qui n'est
que momentané, dépasse le quart de chaque flanc afin
de ne pas gêner l'opération qui va suivre.
Alors, saisissant la couverture qu'il place de façon à
ce que le dos se trouve dans le creux delà main gauche,
il saisit avec la main droite le volume par la gouttière
et il emboîte le dos dans le creux du faux dos. Les deux
mains, se trouvant en rapport par la jonction du volume
et de la couverture, s'entr' aident mutuellement pour
ajuster convenablement le volume au faux dos et à la
couverture. L'ajustage étant parfait et la couverture
fixée, il place le volume sur la pierre debout sur les
chasses de devant la tranche de queue vers lui, puis en
se servant de la paume de chaque main qu'il fait fonc-
tionner de concert, il serre convenablement la couver-
ture au dos et sur les mors du volume, en ayant soin
de ne pas fatiguer le grain de la peau, à laquelle il
s'efforce, pendant tout le cours de l'opération, de con-
server sa forme et sa fraîcheur. Conditions de la plus
haute importance, la couverture d'une reliure, qu'elle
soit en peau ou en n'importe quel tissus, doit se présenter
à la vue aussi fraîche qu'elle Tétait avant de lui avoir
fait subir la moindre opération.
La partie du dos étant convenablement fixée, l'ou-
vrier place le volume sur le dos, la gouttière vers lui et
tout en le maintenant avec la main gauche, il détache
avec la main droite le pli qu'il a fait momentanément
à la couverture et il couche le volume sur la pierre,
puis il détache le pli qui, à ce moment, se trouve au-
dessus ; et avec la paume des deux mains, il étend par-
faitement la couverture pour la faire adhérer définitive-
GUIDE MANUEL DE L*ÛUVRI£R RELIEUR 201
ment au carton, puis il retourne le volume et en fait
autant de Tautre côté, en ayant soin de remplier immé-
diatement la peau à l'intérieur autour des chasses de
devant, puis il s'assure si la couverture est bien tendue
et ne fait aucun pli surtout du côté du dos et des nerfs ;
cela fait, il place le volume debout sur la pierre, la
queue vers lui et saisissant la pince à nervures il se met
en devoir de dég-rossir les nerfs.
Fig. 47» — La pince à nervures (Bosquet).
Pour se servir de celle-ci, on la place dans le creux
de la main droite, la première phalange du pouce posé
sur l'une des tranches, ou dans la poucette si l'on se
sert de la pince à laquelle nous avons donné notre nom;
les mâchoires dépassent ainsi la paume de la main et
se présentent horizontalement comme une palette à
dorer.
Alors, avec la main gauche contournée, il saisit entre
le pouce et l'index le volume du côté du dos pour le
maintenir, et avec la main armée de la pince il attaque
le premier nerf, qu'il saisit entre les mâchoires en com-
mençant par la droite. Il suit la courbe du dos en
mâchonnant avec légèreté et en écartant les mâchoires
le moins possible, afin que leur action reste circonscrite
aux flancs du nerf et ne fatigue pas la peau. La forme
du nerf étant ébauchée, il reprend à droite et fait suivre
le nerf par la pince qu'il maintient serrée et en glissant
cette fois, de droite à gauche et de gauche à droite en
suivant bien le contour du dos pour que la forme soit
bien nette, puis il passe au second nerf et ainsi de suite.
SOâ GDIDB MANOBL DE l'oUVHIBR nSLIBUH
Les nerfs étant pinces, il a soio de laver la peau à l'ean
fraîche en se servant d'une éponge fine ; ce lava|pe a
surtout pour but de bien humecter la fleur de la peau,
afin que l'humidité occasionnée par la cotle de pâte, se
Fig. 48. — Covtudhc ; Foroattioa de»
répartisse également partout pour éviter les taches qui
se produiraient infailliblement sans cette précaution, et
aussi pour relever le grain déjà un peu fatig'uéparcette
première manipulation. Puis l'ouvrier laisse reposer
environ un quart d'heure pour donner à la peau le
temps de se fixer, puis il procède au rempliaf^e.
GtlDB HàNUBL de l'oUVRIBR RELiBUli 203
En appliquant la peau, l'ouvrier n'a pu remplier que
le devant des cartons du volume. Il s'agit de faire l'opé-
ration en tête et en queue. Pour cela il prend le volume
et le pose sur le dos, la queue vers lui et laisse tomber
les cartons sur la pierre. Il maintient le volume debout
avec la main gauche, pendant qu'avec le bout de l'index
de la main droite il passe un peu de colle de pâte sur
les bords intérieurs de la peau, puis il fait pirouetter le
volume et en fait autant de l'autre côté. L'encollage des
bordures étant ainsi rafraîchi, il attire le volume à lui
de façon à ce qu'un quart environ dépasse la pierre,
puis il pose une main sur chacun des cartons, en dressant
les index avec lesquels il maintient le volume debout,
pendant qu'avec les pouces il force les cartons à s'abais-
ser pour livrer passage à la peau. Alors les deux doigts
médius prennent la place des pouces très près des mors
pour maintenir les cartons, pendant qu*avec les pouces
il remplie la peau avec les précautions voulues pour ne
pas tacher les tranches ni les tranchefiles avec la colle,
puis il en fait autant de l'autre côté. 11 saisit ensuite le
volume avec la main gauche pour le maintenir, pendant
qu'avec le pouce et les doigts de la main droite il serre
fortement les remplis de la peau sur les cartons, il se
sert aussi du tranchant du plioir pour bien accentuer
le rempliage, sauf pourtant sur la carte du dos. A cette
place il a soin non seulement de ne pas serrer la peau,
mais de laisser en dehors un petit bourrelet qui lui ser-
vira à faire la coifiFe. Ce bourrelet se produit naturelle-
ment et avec régularité s'il a soin d'introduire le rempli
avec ensemble, c'est-à-dire d'un seul coup, et surtout si
la peau est parée à point comme nous l'avons dit plus
haut.
Mais il laisse momentanément cette partie pour s'oc-
cuper des coins, vers lesquels les remplis sont venus «e
204 GUIDE MANUEL DE l'oUV.RIER RELIEUR
rejoindre ; il saisit Tune des jointures et il la relève en
équerre entre le pouce et l'index de la main gauche en
attirant la peau, de façon à ce qu'elle recouvre Tangle
du coin, puis avec la main droite armée du plioir, il
accentue le pli, en exerçant avec la pointe une pression
rentrante de chaque côté de la jointure, toujours main'
tenue debout entre le pouce et Tindex de la main gau-
che. Alors saisissant les ciseaux avec la main droite
Fig. 49» — Ciseaux de couvreur.
il coupe le pli debout bien à fleur du carton, et repre-
nant le plioir il joint avec soin les deux parties et de
façon qu'à cette place, la fleur de Tune couvre la chair
de Tautre, mais le moins possible pour arriver à une
jointure parfaitement unie. Il ne suffit pas pour qu'un
coin soit bien fermé que les parties coupées se joignent
à vif, il faut qu'elles se croisent légèrement et autant
que la coupe vive le permet, pour cela il faut que l'un
des côtés se présente en biais de bas en haut, laissant
la chair à découvert, et de l'autre côté il faut, par une
légère traction opérée à l'aide de la pointe du plioir que
le biais se présente du haut en bas, la fleur dominant
la chair ; la jointure se trouve alors bien maintenue et
ne peut se disjoindre en séchant. Pour cela un peu de
colle est parfois nécessaire, si l'encollage serait devenu
un peu sec ; et il faut qu'à l'aide du plioir les joints
soient bien aplatis et ne forment aucune épaisseur.
Les coins étant achevés, il s'agit de dresser carrément
les mors, pour cela, l'ouvrier place le volume à plat sur
GUIDE MANUEL DÉ l'oUVRIER RELIEUR 205
la pierre le dos vers lui. Il ouvre le carton qui dans
cette position doit avoir le bord posé sur le bord arrondi
de la pierre. Alors, avec Tindex de la main droite,
il passe un peu de colle de pâte dans le creux et sur
toute la longueur du mors. Puis, tout en soutenant
le carton à Taide des trois doigts inférieurs de chaque
main, placées chacune aux deux extrémités du volume,
il serre la peau sur le carton avec les pouces, pendant
qu'avec les index il la serre dans le creux du mors ; et
si la peau est un peu forte, ou s'il s'agit d'un travail
soigné, il se sert des deux mains pour opérer tour à
tour à chaque extrémité.
La peau étant suffisament serrée, il appuie fortement
sur toute la longueur du mors avec un plioir pour
accentuer à ces places le pli de la peau et rendre le
mors bien carré. Alors, abandonnant le plioir, il se met
en devoir de fermer le carton sans déformer le mors. Il
ferme le carton en le soulevant avec les pouces pendan
qu'avec le bout des index placés à chaque extrémité
dans le mors, il maintient sa forme carrée tout en reti-
rant le bout des doigts au fur et à mesure qu'il abaisse
le carton et jusqu'à ce qu'il lui ait fait reprendre sa
place. Il s'assure si les chasses sont parfaitement égales
en tête et en queue, et il procède de même pour le second
côté ; il s'occupe ensuite des coiffes.
De la coiffe. — La coiffe qui a pour but l'ornement et
la solidité de la reliure, se forme à l'aide du bourrelet
de peau que le couvreur s'est ménagé lors du rempliage.
Si le bourrelet est insuffisant ou irrégulier, il se sert
de l'ongle du pouce de la main droite pour retirer du
rempli engagé sous le dos ce qui lui manque pour que
la coiffe soit régulière et atteigne en l'aplatissant l'épais-
seur du carton. Alors il place le volume debout, la
BOSQUET — Reliure 12
206 CtilUB MANDBt DE l'oUVRIEH RELtBVK
f^outtière vers lui, et, saisissant le pliotr avec la main
droite, il en appuie le tranchaDt de le pointe du dehors
en dedans, dans le creux formé par les coins du carton
qu'il a coupés du cdté du dos. Puis il place l'ongle du
pouce de la main gauche dans le pli qu'il vient de for-
Fig. Sa. — CouvRUBE ; Formation de la coiffe.
mer du cAté gauche, et avec la pointe du piioir il plîe
la peau en forme d'S, sur l'ongle qui lui sert de point
d'appui. Cela fait, il fait pivoter le volume en plaçant
le dos vers lut, et il place l'ongle dans le creus qu'il
' avait fait du cAté opposé et avec la pointe du piioir il
plie la peau sur l'ongle, comme il la fait du premier
GUIDB MANUEL DE L^OUYRIER RELIEUR 207
côté ; les deux S étant bien formés, il replace le volume
dans sa première position, et il se sert du côté large du
plioir pour aplatir la peau à petits coups sur la tran-
Fig. 5i. — Plioir de couvreur.
chefile. Il polit la surface en ayant soin d'arrondir la
coiffe dans la forme du dos pour que l'harmonie soit
parfaite.
On peut, pour la formation de la coiffe appeler à son
aide deux moyens en usag-e dans beaucoup d'ateliers.
Le premier consiste en un bout de fil fort, dont on en-
roule les deux extrémités autour du pouce et de l'index
de la main g'auche, et que l'on place en travers dans les
creux pour servir de point d'appui en remplacement
de l'onf^le. Les deux côtés se trouvent ainsi maintenus
en même temps par le fil fortement tendu par la trac-
tion qu'exerce la main g-auche placée derrière le dos, et
dont on sert en même temps pour maintenir le volume.
Le second moyen consiste en une petite glace sans tain
de 8 à 10 centimètres, carrée ou octogone que l'on place
sur la coiffe pour la former avec plus de facilités. Tout
dépend de l'adresse de l'ouvrier, plus tôt il pourra se
débarrasser de ces accessoires, plus son travail gagnera
en perfection et célérité.
Certains ouvriers, dans le but d'accentuer la forme
arrondie du dos et des coiffes, placent le volume debout
sur la pierre, et par des frottements avec le plioir : que
ce soit sur peau de veau ou de maroquin lissent la sur-
face du dos jusqu'à déformer la fleur etmêmeles grains
de la peau. Admettons que dans certains cas, la peau
6oit un peu dure à travailler et l'opérateur n'ayant pas
208 GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR
acquis Tadresse nécessaire, il est préférable, après avoir
placé le volume debout sur la pierre, la gpouttière vers
soi ; de se servir d'une bande de carte un peu plus lon-
g'ue que le contour du dos. On la place, non au bas da
dos à fleur de la pierre, mais on lui fait prendre le con-
tour du dos à fleur de la coiffe que Ton voit en haut ;
on serre fortement et on la maintient avec le pouce et
rindex de la main gauche aux flancs du volume. On
saisit le plioir avec la main droite et on frotte sur le
contour du dos et sur la coiffe sans encourir le risque de
fatigcuer la fleur ou les g^rains de la peau.
Demi-reliures et remarques diverses. — La couvrure
des demi-reliures se fait par les mêmes procédés que
l'on emploie pour la reliure pleine, au moins en ce qui
touche les parties essentielles, c'est-à-dire Tapplication
du faux dos soit avant ou pendant la couvrure ; le mode
d*emboîter le dos ou la couverture est le môme. La for-
mation des nervures le rempliag*e du dos le redressage
des mors et les coiffes se font en tous points de la même
façon et exig-ent autant de temps et de soins.
Les qualités essentielles d'une bonne couvrure sont :
Que les chasses soient bieti partagées et bien propor-
tionnées au format du volume, que le faux dos, suffi-
samment large pour couvrir le dos du volume, laisse
pourtant un jeu suffisant pour que Touveiture des car-
tons se fasse librement, et sans froisser la peau ni les
étoffes employées; que les rempliages soient faits carré-
ment et marquent parfaitement les angles des cartons.
Que les mors, parties essentielles de la reliure, soient
dressés de façon à ce que le carton et le mors propre-
ment dit constituent un ensemble parfait et ne présentent
aucune inégalité, tant au centre qu'aux extrémités. Une
reliure dont les mors seraient bombés au centre et pin-
GUIDE MANUEL DE l'ouYRIER RELIEUR 209
ces aux extrémités, de même que celle dont les cartons
avancent au delà, ou restent en deçà des mors et ne
s'identifient pas exactement avec eux, fatigueront tou-
jours le commencement ou la fin du volume, et défor-
meront rapidement la reliure qui aura de plus un très
vilain aspect. Que les coiffes, ornement principal, soient
bien dégagées et d'un contour gracieux, et surtout ne
dépassent jamais comme aspect, l'épaisseur des cartons ;
que les nervures soient bien droites et bien nettes, et
que les coins soient légèrement arrondis, et façonnés
de telle sorte qu'ils ne puissent se déformer, sans une
cause indépendante de la fabrication.
Nous disions plus baut : les peaux de tous genres,
sauf quelques cas exceptionnels que nous ferons con-
naître, se couvrent généralement à la colle de pâte.
Il arrive parfois qu'un relieur, pressé par son client,
se voit forcé de couvrir un volume en peau à la colle
forte. Ceci constitue un cas tout à fait anormal, que
nous réprouvons comme ne pouvant produire qu'un
travail des plus défectueux, et dont pour cette raison
nous n'avons pas à nous occuper ici.
Mais deux autres cas se présentent assez souvent dans
certains ateliers de reliure.
i<^ La fabrication des couvertures en maroquin, cha-
grin, basanes, etc., et 2^ la couvruredes demi-reliures,
dont les dos ont été dorés au balancier.
Dans la fabrication des couvertures en peau, il est
préférable d'encoller les cartons et les faux dos à la
colle forte, puis de les appliquer sur la peau en ayant
soin d'en faire les rempliages à la colle de pâte. Les
peaux traitées ainsi conservent toute leur fraîcheur, et
les couvertures ainsi fabriquées sèchent rapidement. On
voit par là, que nous reprouvons formellement l'appli-
catioQ djrçctç dç ]^ çoUe for^e sur |a peau, qui qe peut
13.
210 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
que se déformer, se tacher et s'abîmer par ce procédé.
Elle ne pourrait s'étendre qu'avec difficulté et rendrait
de plus le rempliage des plus défectueux.
Pour la couvrure des dos dorés au balancier, on a
soin d'appliquer à l'avance sur la peau et à la colle de
pâte, un faux dos en carte épaisse, mais souple, de
façon à ce que les faux nerfs auxquels il faut donner
le plus de relief possible, puissent se former sans bri-
sures.
Les dos étant dorés et les volumes prêts à couvrir,
l'ouvrier doit avoir soin d'arrondir les dos sur un cylin-
dre ou tuyau, de 2 à 3 centimètres de diamètre, le tra-
vail se trouve singulièrement simplifié si le tuyau peut
être chauffé, la condition essentielle étant d'éviter les
cassures, puis il taille des petites bandes de carte pour
remplir le creux des nerfs. Il les fixe par un encollage
au glacis; il colle par-dessus une bande de papier de la
grandeur du faux dos, et après avoir ajusté les chasses
en plaçant les cartons bien à fond dans les mors, il
applique de la colle forte sur les cartons et les mors à la
largeur de la peau. Il emboîte alors le dos au volume
en serrant fortement le tout. Tous ces collages se faisant
à la colle forte, s'appliquent et se fixent en môme temps,
et ont pour but de conserver aux dorures et gaufrures
du dos toute leur fraîcheur. Ceux-ci auraient trop à
souffrir de Thumidité, et de la déformation que ne
manquerait pas d'occasionner un encollage à la colle de
pâte.
Le tout étant bien sec, l'ouvrier procède au rempliage
au moyen de la colle de pâte qui, appliquée discrètement,
ne peut avoir aucun inconvénient et donne aux parties
essentielles de la couvrure toute la souplesse et le fini
désirables. Il faut pourtant s'abstenir, et dans n'importe
quelles circonstances, de couvrir les pes^uiç de veau de
GUIDB MANUEL DB l'oUVRIER RELIEUR 21 i
n'importe quelles nuances à la colle forte, dont le con-
tact direct leur serait par trop nuisible.
Fouettage et défouettage. — Le fouettag^e est excellent
pour les reliures cousues sur nerfs doubles. Dans ce cas,
il est presque indispensable à la formation des nervures
qui, aux reliures en veau ou en peau de truie, ne se
forment qu'avec une certaine difficulté et ont besoin
d'être maintenues pour ne pas se déformer en séchant.
Voici, pour ne pas avoir à revenir sur ce sujet, la ma-
nière la plus simple de faire cette opération.
Un volume à nervures doubles étant couvert, l'ouvrier
commence par dégrossir les nerfs au moyen de la pince
ou du plioir, puis il prend un carton qu'il coupe à la
hauteur du volume, mais de deux fois sa larg-eur ; il
place le volume debout au centre et marque son épais*
seur sur le carton ; puis, prenant une règ-le et une pointe
à couper, il fait sur chaque trace et sur toute la lon-
gcueur du carton une coupure lég-ère qui lui permette
de le plier avec netteté, et de former une emboîture
dans laquelle il place le volume du côté de la g'outtière.
Alors, à l'aide d'une ficelle fine dite corde à fouet à
laquelle il a fait une boucle, il attache l'embofture au
volume en passant le fouet en même temps au centre de
la première nervure double, puis il serre fortement :
le centre du nerf étant lié, il fait un tour et serre le
fouet au flanc droit du même nerf, puis il en fait autant
au flanc g'auche. Il passe au second nerf auquel il fait
subir la même opération, et ainsi des autres, en ayant
soin de serrer fortement à chaque tour. Le dernier nerf
étant lié, il arrête et noue le fouet et laisse sécher. Lors-
que le volume est bien sec, l'ouvrier détache la ficelle et
c'est ce qu'on nomme défouetter ou ôter le fouet.
Si H couleur de la peau est délicate et que l'on prai-
212 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
g-neque le contact direct du carton puisse causer quelque
altération à la nuance, on entoure d'abord la partie infé-
rieuae du volume d'un papier blanc et on place Tem-
boiture par-dessus.
Convrare des tissus en général. — Les tissus de tous
genres se couvrent à la colle forte ou à la gélatine ; on
peut aussi employer la gomme arabique ou colle à
froid, tout dépend des circonstances et du genre de
tissus.
Pour les tissus gommés, tels que les percalines fran-
çaises et anglaises, on applique la colle directement,
c'est-à-dire que sur le revers môme on peut étendre la
colle forte, la gélatine ou la gomme nécessaire à la
couvrure d'un volume, ou à la fabrication des couver-
tures d'emboîtages.
Pour les soies, satins ou autres tissus facilement
perméables, leur application se fait d'une manière indi-
recte, c'est-à-dire qu'au lieu de tremper directement
l'étoffe, on étend la colle sur l'objet que l'on veut recou-
vrir, en ayant soin de ne mettre que la quantité stricte-
ment nécessaire à une bonne adhérence, sans courir le
risque de provoquer des taches par la transparence, ou
d'altérer les couleurs, qui sont parfois d'une extrême
délicatesse. Le meilleur moyen de faire une couverture
en satin, quelque léger qu'il soit, est de se procurer un
papier très léger, à peu près de la nuance de l'étoffe.
On enduit le papier avec soin à la gélatine et sans faire
de rayures, puis on l'applique sur l'étoffe en ayant soin
que ni le satin ni le papier ne fassent aucun pli, on
enduit alors le papier sur le verso en mettant un peu
plus de colle. On place les cartons et le faux dos, on
égalise avec soin et on remplie les bords après avoir
QQupé les coins. Le papier coupé à vif avoç l'étoffe per*»
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 213
met de former des coins exempts d'effilochures, et Ten-
semble du travail est d'une propreté parfaite.
On peut se servir du même procédé pour couvrir un
volume, les aug'les et les coiffes se formeront d'autant
plus aisément que le papier sera plus souple. C'est
également le meilleur moyen de couvrir un volume,
ou de fabriquer une couverture en vélin blanc.
Le velours demande des soins tout particuliers, il
faut d'abord fixer le faux dos au volume, soit au moyen
d'un papier mince et solide, ou, ce qui est préférable,
avec une toile légère, à moins que le volume soit d'un
grand format, un Missel par exemple ; dans ce cas il
faut une forte toile de lin ou de chanvre.
Le faux dos étant fixé, l'ouvrier place le volume au
bord de la table, le dos vers lui ; il encolle l'un des plats
et le dos à la colle forte, il place immédiatement l'un
des côtés de la couverture par-dessus et il la fait adhérer
au moyen d'une brosse qui, sans être souple ne soit
pas trop dure, en brossant dans le sens de la peluche
et sans la toucher avec les mains. Le premier côté et le
dos étant fixés, il retourne le volume la gouttière vers
lui, tout en le plaçant sur une serviette pliée en quatre,
il encolle le second côté en ayant soin de ne pas toucher
la trame du velours avec le pinceau à l'endroit où le
second plat rejoint le dos, puis il saisit les deux coins
du second côté de la couverture entre le pouce et l'index.
Il tire fortement à lui et rabat le velours sur le carton,
puis il brosse comme il l'a fait pour le premier côté, et
il laisse sécher pendant un quart d'heure au moins,
puis il procède au rempliage en plaçant le volume sur
le dos la queue vers lui, et débordant un peu la table
et toujours sur la serviette. Il laisse alors tomber les
cartons, et comme il s'agit d'un livre un peu lourd, et
qu'il a besoin d'avoir les mains libres. Il fait tenir le
214 GUIDE MAKUBL DB l'oUVRIER RELIEUR
volume debout par un tiers pendant le cours de Topé-
ration, qui consiste à encoller d'abord à la colle forte
le bord intérieur du carton à la larg'eur du rempli,
puis il place les mains de chaque côté sur les mors et à
Textrémité du volume, de façon à pouvoir soulever le
rempli avec les pouces, il appuie les index sur les car-
tons pour les abaisser afin de livrer passag-e au rempli
qu'il introduit avec les pouces entre le dos, en serrant
le plus possible, mais sans fatig'uer le velours, puis il
continu à fixer le rempli sur chaque carton ; ce premier
côté étant remplie, il fait pivoter le volume et procède
de même pour le second côté, puis il couche le volume
sur le carton de g'auche et laisse ouvert le carton de
droite, Taide devient alors inutile. Il procède seul au
rempliag*e du devant de ce côté de la couverture, il taille
les coins à vif s'ils sont destinés à être g*arnis de coins
en métal, et dans le cas contraire, il joint les coins avec
précaution, en ayant soin d'éviter de mettre de la colle
sur la peluche pour que le travail soit bien propre, puis
il a soin de redresser carrément les mors avant de fer-
mer le carton. Il retourne alors le volume de gauche à
droite, le dos ne quittant pas la serviette pour éviter les
manipulations inutiles, puis il s'occupe du rempliage
et du redressage des mors du second côté, et, après
avoir fermé le carton, il s'assure si les coiffes ne laissent
rien à désirer, et saisissant la brosse, il s'en sert pour
relever le velours tant sur les bords que sur le dos et
les plats, puis il couche le volume sur un des côtés
bien égalisés de la serviette, il la replie de même au-
dessus et il laisse sécher complètement avant de poser
les charnières.
Il est pourtant certains cas, où il n'est pas possible
de fixer le faux dos à l'avance. Ceux, par exemple, ou
\^ dos du voluine doit $tre doré, soit à la inaia soit au
GtlOË IfANUËt DB L^OUVm&R HlELIfiUtt il8
balaDcier^ où s'il s'agit de fixer au dos des ornements
ou plaques en métal ; dans ce cas^ on colle le faux dos
sur une forte toile de chanvre ayant la longueur du
faux dos, mais de trois doigts environ plus large de
chaque côté. On replie ce qui dépasse de la toile, sous
le faux dos, et on passe une couche de colle forte sur la
partie de la toile déjà fixée au faux dos, et on l'appli-
que au centre de la couverture en velours. On laisse
bien sécher et on procède à la dorure ou à la garniture
du dos.
Cela fait et le faux dos convenablement arrondi, on
roule les deux plats de la couverture le velours en
dedans, on les joints au dessus du dos en les rattachant
avec des épingles, afin de ne pas gêner les mouvements
qui vont suivre, et de laisser à découvert les toiles qui
doivent servir à rattacher le faux dos au volume ; on
applique alors une couche de colle forte sur chaque
côté du volume près du mors, à la largeur de la toile
qui déborde le faux dos, et on le fixe au volume en
tirant fortement la toile jusqu'à ce qu'elle soit bien
tendue, et on l'égalise avec le tranchant du plioir. On
laisse sécher complètement, puis on détache les épin*
gles et on colle chaque plat, comme nous l'avons déjà
indiqué au volume précédent.
Les toiles de lin ou de chanvre peuvent s'appliquer
à la colle de pâte étendue modérément, mais il est de
beaucoup préférable d'en faire la couvrure à la colle
forte, non pas appliquée directement sur la toile, mais
sur les cartons du volume, dont le faux dos aura été
fixé à Tavance, à l'aide d'un papier qui recouvre le
mors, et avance de 3 à 4 centimètres sur le plat. Le
rempliage peut se faire à la colle de pâte et n'entraîne
aucune conséquence fâcheuse^ il est même plus facile
d'opérer ainsi.
216 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
La toile d'un volume couvert par ce procédé conserve
toute sa fraîcheur, ce qui est très important surtout si
elle est teinte et lég^èrement lustrée, mais la couvrure à
la colle de pâte et plus lestement faite, et il faut tenir
compte du prix que l'on peut obtenir de son travail.
«
Placement des pièces de titres. — Après la couvrure,
on procède pour les reliures en veau ou en basane,
soit fauves ou naturelles, au racinage, marbrure ou jas-
pure du dos ou de la couverture, opérations auxquelles
nous avons consacré une notice particulière.
Nous devons une mention spéciale au placement des
étiquettes ou pièces de titre, opération délicate dont la
forme varie selon le g'oût du client, et surtout selon
l'importance du sujet.
Le type idéal pour les reliures d'amateur, qui tou-
jours et quel que soit le format, se font à cinq ner-
vures, est de placer deux pièces de titre rapprochées, la
première en rouge ponceau pour le compartiment
généralement affecté au titre du livre, la seconde ne
vert myrthe pour le compartiment immédiatement au-
dessous, que le second nerf seul sépare, et sur laquelle
on place les tomaisons ou sous-titres. Il n'est pas indis-
pensable que l'ouvrage se compose de plusieurs volu-
mes, pour motiver ces deux pièces de titre. S'il s'agi*
d'un volume unique, on place ou le nom de Tauteur
sur la première pièce et le titre proprement dit sur la
seconde, ou, ce qui est préférable, on affecte la seconde
pièce au millésime et à la firme de l'éditeur du livre,
ce qui habituellement se place en queue, c'est-à-dire au
bas du dos. Les amateurs tiennent beaucoup à la dou-
ble pièce de titre, pour ne pas rompre l'harmonie de
leur bibliothèque.
Si les ouvrages ne sont pas tout à fait modernes, le
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR ' 217
roug-e ponceau se remplace par le vieux rouge ou gre-
nat clair, et le vert niyrthe par le vert russe. La ques-
tion des nuances n'est, du reste, qu'une affaire de goût;
on emploie diverses nuances aux pièces de titre ; il est
pourtant essentiel, si Ton emploie deux couleurs diffé-
rentes, d'affecter la plus voyante au titre proprement
dit, et la moins vive pour la tomaison.
On peut aussi séparer les pièces de titre> de façon à
ce qu'il y ait Tintervalle d'un compartiment entre les
deux. Les reliures à quatre nerfs ont leurs pièces de titre
forcément séparées ; là il est de toute nécessité de placer
la première entre le premier et le second nerf, et la
deuxième entre le troisième et le quatrième nerf.
Pour les reliures sans nerfs ou dos unis, on marque
à Taide du compas la place de quatre ou cinq faux
nerfs, au choix, et on place les étiquettes dans le même
ordre que sur les dos à nerfs. Nous en reparlerons dans
la notice sur la dorure à la main.
On emploie généraleinent la basane sciée très mince,
pour les pièces de titre des reliures ordinaires. On en
fabrique de tout à fait spéciales, mais les reliures soi-
gnées exigent le maroquin à grains longs, ou tout au
moins de la basane forte imitation du maroquin, le
premier sera toujours préféré par les amateurs pour la
beauté de la dorure et la netteté que seul il peut donner
aux caractères.
Voici, d'après nous, la manière la plus simple de
placer les pièces de titre. On prend une platine de zinc
ayant peu ou point servi, une règle mince en fer, une
pointe à couper bien affilée, un compas à vis et une
petite équerre. L'ouvrier débite d'abord la peau en
bandes à la hauteur du compartimenta garnir; il prend
la mesure avec le compas, en ayant soin de s'écarter
légèrement des nerfs, laissant environ un mllimètre
BDSQUET — RELIURE 13
Îi8 GUIDE MANtBL DB L^OUVRIER REtlEtJtt
d'espace pour la dorure ou la gaufrure d'un filet, puis
il forme l'équerre en coupant l'extrémité de la bande.
Gela fait, il prend le contour du dos au moyen d'une
bande de carte, en ayant soin de ne pas dépasser la
carte du faux dos, afin que les extrémités de la pièce
de titre ne touchent pas les mors, ce qui ne permettrait
pas d'encadrer les pièces à la dorure, et les exposerait
à se décoller par le jeu de Touverture des cartons ;
puis, au moyen de Téquerre, il débite les pièces à la
largeur du dos.
Alors, avec le couteau à parer sur la pierre, il pare
les pièces des quatre côtés de façon à amincir les bords,
jusqu'à ce'qu'il ne reste qu'une faible partie de la fleur
aux extrémités ; ensuite il pare le centre ne laissant
qu'une partie de la chair sur toute la surface, en ayant
soin que le tout soit bien ég'alisé.
Les peaux de maroquin et de basane forte peuvent
se parer avant de les débiter pour pièces de titre. On
les pare aussi après le premier débitage en bandes
pour les couper à la larg-eur du dos, après que la peau
aura été débarrassée de toute la chair inutile au sujet.
Il ne reste alors qu'à amincir les bords et surtout les
extrémités auxquelles il faut donner la finesse du papier
de soie. Les basanes fendues ne se parent qu'aux extré-
mités ; il arrive même parfois, si la peau est très mince
et le travail peu payé, qu'on les colle sans être parées.
Le tout étant préparé, Touvrier étend de la colle de
pâte sur une platine de zinc, et il place les étiquettes
par-dessus de façon à bien tremper la chair (c'est ce
qu'on appelle tremper au glacis). Puis, avec la pointe
à couper il soulève l'une des étiquettes et l'enlève de la
platine entre le pouce et la pointe, et il la pose sur la
place du dos qui lui est assignée; il l'ajuste et l'ap-
plique au moyen des deux pouces, puis il met dessus
GtIDE MANUEL DE L*Ot)VRlER RELIEUR 219
un morceau de papier et il frotte légèrement avec un
plioir; il fait de même pour les suivantes, puis il lave
le tout à Teau pure, tant pour enlever les bavures de la
colle qui, malg-ré les précautions prises, ont plus ou
moins souillé le travail, que pour étendre partout le
même deg-ré d'humidité, ce qui est très important pour
éviter les nuances.
On peut renTplacer 'les pièces de titre par la teinture
mais cela ne se fait que pour des ouvragées très ordi-
naires. Voici comment on procède, on taille une bande
de peau de i à 2 centimètres de large et de 10 à i5 cen-
timètres de long*, on trempe le centre de la bande du
côté de la chair dans une forte dissolution de potasse
de Russie, si l'on veut teindre en brun ; on place le
volume debout sur la gouttière entre deux billots sur
la table, on prend la bande imbibée de teinture, on
saisit les deux extrémités entre le pouce et Tindex de
chaque main, on place la bande sur la pièce à teindre,
et on lui imprime un mouvement de va-et-vient, jusqu'à
ce que la teinture ait bien pénétré partout. S'il s'agit
de teindre en noir, on passe sur cette première couche
et par le même moyen, en se servant d*une seconde
bande, un peu de dissolution de couperose verte. On
peut teindre en diverses couleurs, en se servant des tein-
tures d'aniline, mais il faut de grandes précautions
pour éviter les bavures, et avoir une bande de peau
spéciale pour chaque couleur.
Nettoyage des mors. — Lacouvrure du volume étant
parfaitement sèche, l'ouvrier procède au nettoyage des
mors. Il place le volume à plat sur la pierre à parer, le
dos à sa gauche ; il soulève le carton à demi et, à l'aide
d'un petit bout d'épongé ou avec le bout du doigt il
humecte quelque peu le rempli de la peau dans le creux
â20 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
du mors. Ceci à seule fin de la rendre moins cassante et
d'enlever à cette place une petite portion de la sauve-
garde, dont l'adhérence à cet endroit du rempli ne peut,
ayant séché, que lui être préjudiciable. Cette précaution
prise il place sous la saureg-arde et bien au fond du
mors, un plioir aussi long- que le volume ou, à son
défaut, une règ'le plate sur laquelle il appuie, pour
maintenir le premier cahier et l'empêcher de se déta-
cher, pendant qu'en ouvrant tout à fait le carton ; il
brise la sauveg-arde pour la séparer du volume. A ce
moment, son rôle venant à cesser, c'est par son côté
faible qu'il faut l'attaquer pour lui faire lâcher prise. En
effet, la colle que l'on a mise le long- du mors en cou-
vrant le volume a fait adhérer plus fortement celle-ci
au carton qu'au livre même. Il est prudent d'ag-ir ainsi
pour ne pas s'exposer à détacher le premier ou le der-
nier cahier.
La sauvegarde étant détachée du livre, il est facile à
l'ouvrier de Tenlever du carton; alors il fait pivoter le
volume et place le dos vers lui ; puis, à l'aide d'une
petite éponge légèrement imbibée d'eau claire, il
humecte les remplis de la peau dans les mors afin
d'achever de les assouplir et de pouvoir enlever à cette
place soit un peu de colle sèche, soit des débris de la
sauvegarde'qui s'y trouveraient encore attachés. Cela
fait, il s'assure si les mors sont bien carrés, il les
redresse s'il y a lieu, et, au moyen de papier verre fin,
il nettoie proprement tout le mors et polit à cette place
les angles du carton. Si par accident le mors est bombé
vers le centre, il l'aplatit à l'aide d'un fort plioir, et au
besoin à petits coups de marteau.
Certains relieurs ont la funeste habitude d'enlever
une' forte partie des remplis de la peau, pour dégager
les mors et pour donner à cette place plus de liberté
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 221
aux articulations de la couverture. Ils taillent la peau
en quelque sorte à vif et enlèvent par là, toute la solidité
qu'il y a un intérêt majeur à conserver à ces endroits si
fragiles de la reliure. Il ne faut en ag-ir ainsi qu'à
l'ég-ard des reliures auxquelles on place des charnières
tout en n'amincissant la peau que graduellement et le
moins possible qui, si les remplis sont bien tendus et
parés à point, peuvent alors être en g-rande partie con-
servés sans g"êner en rien le jeu des cartons et sans
qu'il y ait à ces places des inégalités apparentes, sur-
tout après la mise en presse. Après le nettoyage des
mors on place, s'il y a lieu, les charnières.
Placement des charnières. — Les charnières que l'on
place au volume ont tout d'abord pour but d'augmenter
la solidité de la reliure. Elles viennent d'autre part en
aide au relieur pour faire aboutir et compléter la par-
faite harmonie de son travail.
Les charnières sont de deux genres : elles se placent
ordinairement en peau semblable à celle de la couver-
ture pour les relinres pleines, et en toile française ou
anglaise assorties à la peau, pour les reliures économi-
ques et les demi-reliures.
Il faut certaines précautions pour le placement des
charnières en peau, et il faut se garder de les appliquer
directement sur les gardes blanches qui, si elles n'étaient
préservées, se tacheraient par la transparence et surtout
par la pénétration de la teinture de la peau, dont le
contact, quelle qu'en soit la nuance, forme au bout de
peu de temps, tout le long de la garde du côté du mors
des raies jaunes, brunes ou noires, du plus déplorable
effet.
Plusieurs moyens sont en usage pour remédier à cet
inconvénient ; le premier qui ait été imaginé est à la fois
222 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
le plus simple et le plus économique II consiste à appli-
quer le long des mors sur la g-arde blanche, une bande
de papier mince, autant que possible imperméable et
pourtant souple, afin de ne pas durcir le fond de la
garde et de lui conserver autant que possible la sou-
plesse qui à cette place lui est indispensable.
Voici, d après nous, la meilleure manière de s'y pren-
dre. L'ouvrier, ayant sous la main un papier réunis-
sant les qualités requises, le coupe en bandes de la hau-
teur du volume et larges de 3 à 4 centimètres environ;
il les étage à la largeur de i centimètre, puis avec de
bonne colle de pâte, il encolle les bords étages en em-
ployant peu de colle, mais étendue avec soin ; puis il
prend Tune des bandes et il la place dans le mors, en
remontant jusqu'à son arôte vive, de façon à ce que
tout le fond de la garde soit parfaitement doublé, il
place alors par-dessus une bande sèche, c'est-à-dire non
collée et il ferme le carton, puis il en fait autant de
l'autre côté.
Après quelques heures, alors que les collages sont
parfaitement secs, il arrache avec précaution la partie
de la bande qui n'a pas été collée. Cet arrachage à pour
but d'amincir autant que possible les bords de la
bande, pour aider à la souplesse et empocher qu'à l'ou-
verture de la garde, il se forme à cette place un pli
droit, ce qui ferait mauvais effet. On peut arracher ces
bandes après la pose des charnières.
Des contre-gardes. — Le second moyen, que l'on
emploie pour les reliures soignées, consiste à placer sur
la garde blanche une contre-garde en couleur, marbre
peigne pour les reliures d'amateur, en papier chromo
pour certains ouvrages de luxe, à gardes de soie ou
çhfomo,
GUIDE MANUEL DE L^OUVRIER RELIEUR 223
Si les gardes destinées au volume sont en soie ou en
peau, il importe peu que les contre-g'ardes soient de
nuances claires ou foncées ; on les assortit aux gardes.
Ceci est affaire de goût, mais si les gardes sont en
papier chromo, il faut que les contre-gardes soient
pareilles ou tout au moins en teintes plus claires et
autant que possible du même dessin. Il en est de même
du papier peigne qui, à notre avis, doit être pareil ou
tout au moins du même ton. Ainsi nous admettons
très bien des gardes peigne à grands dessins ou tortil-
lons à fond blanc, sur les contre -gardes à petits des-
sins, mais sur fond également blanc. Jamais une con-
tre-garde ne peut être d'une nuance plus foncée que la
garde, ce serait un anachronisme.
Les contre-gardes sont devenues tout à fait à la mode,
et ce qui a été imaginé pour obvier à Tinconvénient que
nous avons signalé plus haut, est employé par beau-
coup de relieurs sans qu'elles aient les charnières pour
motif. Passe encore pour des reliures pleines, il y a là
un raffinement de luxe qui peut passer pour un embel-
lissement, mais nous avons vu des demi-reliures, avec
gardes et contre-gardes en papier peigne de divers
dessins et teintes tout à fait différentes ; ceci est au
moins bizarre et ne nous semble pas devoir faire école.
S'il est prudent de placer les gardes de couleur après
la couvrure, et au moment d'achever la, reliure du
volume, il est de toute nécessité de placer les contre-
gardes avant la rognure, et cela à cause des tranches
soit dorées soit en couleur. En effet, les contre-gardes
placées avant la rognure, ont leurs tranches coupées et
dorées en même temps que les feuilles du livre. Sans
cette précaution et malgré toute l'adresse de l'ouvrier,
la coupe vive qu'il est obligé de pratiquer pour égaliser
les gardes placées après coup au niveau des feuilles 4^
224 C;U1DE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
livre, formera une raie blanche d'un effet très désagréa-
ble à l'œil, et aura Taspect d'un livre réparé. Il est
donc de toute nécessité, que contre-g'ardes et feuilles
du livre soient dorées ou peintes en même temps, d'au-
tant plus qu'il ne pourra en résulter aucun inconvé-
nient pour les contre-gardes, qui sont destinées à rester
aplat et ne devront fonctionnera l'ouverture que pareil-
lement aux premiers et derniers feuillets du livre.
Il n'en est pas de môme des gardes qui ont pour but
découvrir les mors et doivent, pour cette partie essen-
tielle, conserver toute leur solidité, autrement très com-
promise, par la fatigue que ne manque pas de lui occa-
sionner le courant du tra'vail. De plus, il faut que le
côté de la garde à coller sur le carton soit plus large
que l'autre, puisqu'il a le mors à couvrir et doit, sur le
devant du carton, arriver à une distance suffisante,
pour qu'il n'y ait pas disproportion avec les deux autres
côtés, qui prennent les chasses pour guide.
Certains relieurs remédient à cet inconvénient, en
repliant le devant de la garde avant la rognure, mais
le papier marbré, plus ou moins cassant par nature,
conserve toujours la marque de ce pli et il reste tou-
jours la fatigue à subir du côté du mors, fatigue telle
qu'il est souvent nécessaire de renouveler la garde qui
s'est fendue à cette place. Ces inconvénients bien éta-
blis, il nous reste à indiquer le moyen de placer les
contre-gardes.
Le volume étant endossé et les cartons dégagés, l'ou-
vrier prend les contre-gardes en papier peigne ou
chromo, qui lui sont destinées, il les plie en deux et il
les étage du côté du dos, à deux ou trois millimètres
de distance, selon le format du livre ; il les enduit à la
colle de pâte, puis il soulève la sauve-garde, et place la
contre-garde en formant un pli au fond du mors, de
GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR 225
façon à la relever jusqu'à la hauteur de la sauvegarde,
et de former le mors comme les premières ou dernières
feuilles du livre. Sans cela, l'ouverture serait faussée, au
point de ne pouvoir ouvrir la contre-garde sans la
déchirer, puis il abaisse la sauvegarde par-dessus en
reformant le pli du mors. Il ferme alors le carton et,
après en avoir fait autant de Tautre côté, il laisse
sécher.
Les contre-gardes étant placées, il s'agit de les con-
tre-coller : pour cela l'ouvrier place le volume à plat
sur la table le dos à sa gauche, puis avec la main
gauche il soulève la garde de couleur, et avec la main
droite, au moyen d'un pinceau, il étend sur la garde
blanche une légère couche de colle de pâte, il laisse
tomber la garde de couleur sur le collage et il referme
le carton ; puis, ayant fait la même opération de l'autre
côté, il place le volume entre deux ais plats, il met le
tout en presse en serrant fortement, puis il desserre
incontinent la presse, il ouvre la garde de couleur et il
s'assure s'il a bien opéré, et surtout si la garde se déta-
che facilement sans altérer le dessin ni les couleurs ; il
est même prudent de placer un feuillet de papier uni
dans les gardes chromo, pour atténuer l'action de l'hu-
midité, et de laisser ce papier jusqu'à la fin du travail.
Collage des charnières. — Dans ce but, l'ouvrier pré-
pare le volume selon les indications que nous avons
données ci-dessus, concernant les contre-gardes ou le
renforcement des gardes blanches ; il taille ensuite
deux bandes de peau de la hauteur du volume et d'une
largeur proportionnée aux remplis qu'il a donnés à la
peau lors de la couvrure ; il pare la peau en tenant
compte du format et de la grosseur du volume, il faut
qu'il enlève toute la chair et ne peut conserver absolu-
13.
226 GUIDB MANUEL DE l'o0¥RIER RELIEUR
ment que ce que l'on nomme la fleur de la peau, pour
les petits formats, de môme pour les volumes minces,
il est de première nécessité que la parure soit bien
unie, et faite avec le plus g'rand soin, surtout si elle a
pour sujet une reliure soignée.
Les charnières étant parées, l'ouvrier les coupe exac-
tement à la hauteur des feuilles du livre, puis il taille
en biais les deux coins du côté de la charnière qu'il
destine à être fixé sur le carton, afin de former une
jointure semblable comme forme aux coins du volume.
Il place alors les charnières sur une bande de papier,
et il les enduit à la colle de pâte ; il passe ensuite, à
Taide du pinceau ou de l'index de la main droite, un
peu de la même colle, dans et sur toute la longueur du
mors afin de bien préparer cette place à recevoir la char-
nière qui doit bien adhérer partout. Il place alors la
charnière sur le mors, de façon à ce qu'elle avance de
cinq ou six millimètres sur la contre-garde, et, à l'aide
du pouce et de Tindex de la main droite, il fait pren-
dre à la charnière la forme du mors, en frottant sur
toute la longueur pour que l'adhérence soit parfaite, et
que la peau soit bien tendue dans le creux du mors ;
puis, à Taide du plioir, il forme et égalise le tout et
principalement aux coins et sur les angles, afin qu'il
n'y ait pas la moindre inégalité.
La première charnière étant posée, il retourne le
volume et le place ouvert sur un ais plat, qu'il a soin
de tenir légèrement écarté du mors, puis il place la
seconde charnière et il laisse bien sécher. Après un
intervalle de cinq à six heures, l'ouvrier ferme les car-
tons avec précaution ; il s'assure si les charnières ne
forment aucun pli à la fermeture et permettent de fer-
mer les cartons sans effort. Il ne peut y avoir aucune
difficulté si la peau a été parée et bien tendue. Noug
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 2^
renvoyons à la pag'e 178 pour le collage des claies à
l'intérieur du volume après la couvrure.
Nivelage des cartons à l'intérieur. — Les charnières
étant parfaitement sèches, il s'ag-it de niveler Tintèrieur
de la couverture de façon à ce que la surface soit bien
unie. Pour arriver à ce résultat, l'ouvrier prend deux
morceaux de carte appropriée à l'épaisseur des remplis
de la peau. Il la coupe à peu près de la grandeur des
cartons du volume, qu'il pose à plat sur la table. Il
place à côté du volume, du côté du dos, quelques ais
représentant l'épaisseur du volume, puis il ouvre l'un
des cartons en le couchant sur les ais ; il prend alors
l'un des morceaux de carte, et le place sur le carton en
chargeant le centre d'un poids pour maintenir la carte,
pendant qu'avec un compas il marque deux points sur
chaque côté, à la largeur de la peau qu'il veut conser-
ver. Puis, à Taide d'une règle en fer et d'une pointe à
couper, il découpe la peau à vif en même temps que
la carte. Cela fait, il enlève proprement les parties de
la peau qu'il ne veut pas conserver, afin de former le
creux d'un carré parfaitement net, dans lequel il
enchâsse la carte qu'il fixe à la colle de pâte, puis il en
fait autant de l'autre côté, il place ensuite une platine
de zinc de chaque côté, bien à fond dans les mors, il
ferme les cartons et place le volume entre deux ais plats
et bien unis. Il met le tout en presse en serrant mode-
rément ; il retire le volume de la presse, ouvre les car-
tons et laisse sécher. Cette méthode permet d'avoir des
intérieurs bien nets, et le découpage en une fois de la
peau et de la carte, a pour résultat un ajustage parfait
et plus rapidement obtenu que nous n'avons mis de
temps à le décrire.
On peut approprier Tintérieur d'un volmiae sans
228 GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR
charnières de la môme façon ; il suffit alors de décou-
per les trois côtés du rempliage. Le quatrième côté de
la carte s'ajustera à fleur du carton du côté du mors.
Pour les reliures à prix réduit, on se borne à enlever
avec le couteau à parer les parties trop saillantes de la
peau, puis à un polissagpe au fer chaud que le doreur
est obligée de faire avant de dorer les bordures.
Les charnières en toile se placent de la même façon
que les charnières en peau, sauf qu'on les trempe à la
colle forte et de préférence au glacis. Il ne leur faut
qu'une heure au plus pour être parfaitement sèches.
FABRICATION ET PLACEMENT DES GARDES EN SOIE
Les soies de tous genres ainsi que la plupart des
étofiFes sont sujettes à reffilochag-e et, à cause de cet
inconvénient, il est indispensable de leur faire subir
une préparation toute spéciale, pour pouvoir en faire
l'application comme gardes délivre.
Bien qu'il soit possible de placer des gardes en
soie d'une seule pièce, ce qui ferait néanmoins le plus
mauvais effet, en admettant la réussite de l'opération,
on ne les applique généralement qu'aux reliures à
charnières.
La garde en soie ou en étoffe quelconque se compose
donc de deux pièces, dont l'une se place sur le côté du
volume, et l'autre sur le carton ou intérieur de la cou-
verture, cette dernière presque toujours encadrée par
une bordure dorée ou gaufrée, sauf aux reliures en
velours. Pour ces dernières, on écrase, au moyen d'un
fer à polir très chaud, les parties du velours à couvrir
par la garde, afin de pouvoir la fixer convenablement,
elle se trouve alors encadrée par la peluche.
Ceci bien établi, voici comment se fabriquent et se
GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR 229
placent les gardes en soie ; Touvrier se procure du
papier blanc de force moyenne et souple, il en coupe
deux morceaux un peu plus grands que le volume, et
deux autres morceaux un peu plus grands que l'inté-
rieur laissé libre par la bordure dorée ou gaufrée. 11
commence par couper d'équerre ces deux derniers ;
puis, prenant Tun d'eux, il place l'équerre faite, en
rapport avec deux des côtés de la bordure^ il marque
alors à l'aide de la pointe la place des deux autres côtés
de l'encadrement ; il place le feuillet sur une plaque de
zinc et, à l'aide de l'équerre et de la pointe à couper, il
enlève le surplus du feuillet, qu'il présente ensuite dans
Tencadrement pour s'assurer si les coupes qu'il a
faites correspondent exactement avec l'intérieur de la
bordure.
Cette opération est nécessaire pour que la garde
laisse à découvert d'une façon uniforme la dorure ou
la g'aufrure de l'encadrement qui, bien qu'en principe,
doivent former l'équerre parfaite, diffèrent parfois pour
diverses causes faciles à saisir, le devoir du relieur
étant de régler la coupe de la garde, de façon à ne pas
faire ressortir par une coupe trop correcte les défauts
de la dorure. Puis il marque un signe afin qu'une fois
la garde fabriquée, il puisse la placer selon les coupes
faites, puis il en fait autant pour l'autre côté.
Les gardes du carton étant coupées, il prend l'un des
feuillets destinés aux côtés du livre, et il le place sur
la contre-garde, à la distance de 2 à 3 millimètres du
mors, selon le format ; puis, à l'aide d'un plioir, il
appuie sur le contour des tranches, afin de marquer
par une empreinte assez forte et bien nette, les places à
couper pour que, là encore, la garde soit bien en rap-
port avec les tranches. Il retourne le feuillet, le place
sur la plaque de zinc et coupe bien exactement dans
230 GUIDB MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
les traces faites, il marque encore un signe, et il en fait
autant de tous points pour l'autre côté.
Les quatre feuillets ou patrons des gardes étant cou-
pés, l'ouvrier les place sur la soie ou TétofiFe, et il règle
la coupe d'après leurs dessins de façon à ce que les
deux parties de chaque garde concordent bien entre
elles, ce qui est très important. Non seulement les gar-
des doivent former un ensemble parfait, mais les des-
sins, s'il y en a, doivent être bien partagés, quitte à
perdre un peu de soie ou d'étoflFe. Rien n'est disgra-
cieux comme de voir une partie de fleur ou de moire
d'un côté, qui n'ait pas sa contre-partie de l'autre, il
en est de même des grains ou des trames de la soie et
aussi du satin qui^ quoique uni, doit être taillé dans le
même sens pour les deux demi-gardes, Sans cette pré-
caution, la teinte de chaque pièce paraîtrait différente
l'une de l'autre.
L'ouvrier ayant pris ces dispositions pour que la
forme des gardes soit bien régulière, en plaçant sur
la soie les quatre demi-gardes du volume représentées
par les papiers dont nous avons décrit la coupe, saisit
un plioir et marque au moyen de la pointe la place
de chacune, puis il retourne la soie pour les fixer sur
le verso. Pour cela, il place les quatre demi-gardes les
unes sur les autres, les petites sous les grandes sur
un papier. Alors, saisissant un pinceau qu'il a trempé
dans de bonne colle forte bien propre ou de la géla-
tine, il encolle les quatre gardes en ayant soin d'éten-
dre la colle, sans qu'il y ait la moindre épaisseur, puis
il prend la première et place le côté trempé sur la
soie, à l'endroit qui lui a été assigné. Il frotte sur le
papier pour l'étendre convenablement, puis il place la
seconde, et ainsi de suite. Les quatre gardes étant
fixées, il retourne I4 sqie et il g'fitssure cju'ellci est bie»
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 231
tendue et ne forme aucun pli. Il prend une feuille de
papier qu'il place sur la soie et il frotte par-dessus et
en tous sens avec les mains étendues à plat, puis il
charge le tout d'une feuille de carton et il laisse sécher.
Les premiers collages étant secs, l'ouvrier enlève
carton et papier et il retourne la soie ; puis, à l'aide de
ciseaux ou d'une règle et d'une pointe à couper, il
enlève le surplus de la soie autour des papiers collés,
en laissant déborder la soie de 2 millimètres au moins
et de 4 âu plus. Il coupe aussi les coins à i millimètre
du papier, puis il place les gardes les unes sur les
autres, les deux petites dessous, et il les étage à la lar-
geur de la soie qu'il a laissé déborder; il place une
bande de papier sur la dernière pour ne laisser à
découvert, comme aux autres, que les parties à rem-
plier. Alors, à l'aide du pinceau à colle, il enduit les
remplis du premier côté, il enlève la première garde
et procède au rem pliage, en ayant soin de former le
pli bien à fleur du papier, puis il fait de môme pour le
côté opposé.
Au troisième côté, le rempliage se complique des
coins à former, ce qu'il fait à l'aide de la pointe du
plioir, et de façon à ce que les angles soient bien vifs
et ne se prêtent pas à l'effilochage.
Les gardes étant fabriquées^ l'ouvrier les place entre
des feuilles de papier, qu'il charge de façon à ce que
les gardes puissent sécher bien à plat, puis il les remet
au doreur, si elles sont destinées à recevoir quelque
ornementation, et, dans le cas contraire, il procède au
placement de la manière suivante :
II commence par se rendre compte de la place que
doit occuper chaque garde, d'après les signes qu'il a
marqués en les coupai^t ; il prend d'abord les deux
(l'ardps dfîstiaées aux côtés du volume, il les place Tuae
23â GUIDE MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR
sur Tautre, en les étag-eant à 5 ou 6 millimètres, la soie
en dessous et sur un papier au bord de la table ; il
place une bande de papier par-dessus, comme il Va.
fait pour encoller les remplis, et comme on le fait tou-
jours pour les collag'es du même genre, il applique une
couche de colle sur les deux bordures. Alors, saisissant
la première garde, il la place bien à fleur de la gout-
tière, de même en tête et en queue, puis il laisse tomber
la garde du côté du mors et, après s'être assuré que
l'ajustage est parfait, il appuie sur la partie collée et
ferme le carton. Il procède de même pour le second
côté, puis il laisse sécher un quart d'heure au moins.
Il s'agit maintenant de contre-coller la garde soie
sur la contre-garde : pour cela, l'ouvrier place sous
cette dernière un feuillet de papier plus grand que le
volume; puis, à l'aide d'nn pinceau et de la même
colle avec laquelle il a fabriqué les gardes, il enduit la
contre-garde, en ayant soin d'en mettre très peu^ sur-
tout dans le fond, près de la partie déjà collée, pour
qu'il ne s'y forme pas de dépôt. Il retire alors le papier
qui lui a servi à préserver les tranches pendant le col-
lage, et il le remplace par une platine de zinc bien
unie, dite zinc à satiner, et il laisse tomber la garde
sur le collage, puis il fait de même de l'autre côté. Il
place aussi sur les gardes en soie, entre celles-ci et les
cartons, un feuillet de carte glacée ou bien unie, puis,
après avoir placé le volume entre deux ais, il le met en
presse en serrant légèrement et le retire aussitôt, et il
le laisse bien sécher. Il procède ensuite au placement
des gardes du côté du carton ; pour cela il prend l'une
d'elles et place le côté de la soie sur un papier plus
grand que celle-ci. Il la trempe, toujours avec la même
colle, et il l'ajuste avec soin dans l'encadrement qui lui
est destiné, puis il place un papier mince par-dessus
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 233
et, à Taide d'un plioir, il Ta fait bien adhérer partout,
il ferme le carton. Après avoir placé une forte garde
entre les deux gardes en soie, ou une platine de zinc
entourée de papier, et après avoir fixé la seconde garde,
il place le volume entre deux ais et il le charge conve-
nablement jusqu'à ce que le tout soit parfaitement sec.
Ce que nous venons de décrire, constitue le moyen le
plus simple de fabriquer et de placer des gardes en
soie. C'est celui que Ton pratique généralement et offre
les meilleures garanties de durée comme aussi, les
conditions les plus propices à tous les genres de doru-
res à y appliquer. Mais quand il s'agit de reliures très
soignées on dispose les cartons de façon à pouvoir
enchâsser les gardes, de telle sorte qu'au lieu de se
présenter en relief, elles soient parfaitement à niveau de
la bordure dorée qui l'entoure.
A cet effet on dispose à l'intérieur des cartons du
volume auquel on désire placer des gardes en soie de
ce genre et avant la couvrure; un encadrement découpé
dans une carte en trois ou en quatre, selon le format
du volume ou l'épaissseur de l'étoffe dont on désire
faire usage. On monte la garde sur un papier plus ou
moins fort, de façon à ce que l'ensemble emboîte exac-
tement le creux du cadre afin de constituer un ensem-
ble parfait. On place parfois des gardes soie sur les
cartons, sans les remplier, puis, après avoir écrasé les
bords à l'aide d'un fer à polir plus ou moins chaud^ on
couvre la jointure par une bande de mozaïque que l'on
dore en même temps que la bordure.
Certains praticiens, dans le but de conserver à la soie
sa fraîcheur et sa souplesse, ne collent pas le papier
en plein sur le revers de la soie, qu'ils se contentent de
rempiler. Celle-ci n'est alors maintenue ou plutôt ten-
due que par les gardes, la soie se détend au bout d'un
234 GUIDB MANUEL DE l'oUVRIBR RELIEUR
temps relativement court ; surtout si on manipule plus
ou moins le volume, môme en le conservant fermé ; la
soie g'ode et présente alors un aspect désagréable.
La soie quelque faible qu'elle soit, conserve toutes
ses qualités et sa fraîcheur, si le coUag-e en plein du
papier a été fait avec les précautions et Tadresse vou-
lue. Si elle est faible, il faut employer la gélatine^ non
pas chaude mais à peine tiède, ne pas appliquer la
soie sur le papier immédiatement après Tencollage,
mais au moment où la colle commence à se fig'er, il n'y
a alors rien à craindre en ayant soin toutefois de la
fixer en frottant pour la faire adhérer sur un papier
intermédiaire.
D'autres praticiens — et ceci est plus g'rave — ne rem-
plient pas la soie à seule fin d'éviter les épaisseurs
occasionnées par les remplis, que Ton peut parfaite-
ment dissimuler s'ils sont très étroits : on peut de plus
les unir au fer chaud si le tissus est épais. Ils se con-
tentent de coller la soie sur un papier mince et souple,
même simplement sur la contre-g'arde ; puis ils cou-
pent ce qui dépasse à vif, à fleur de ladite garde. La soie
ou autres tissus ainsi appliqués^ malgré les soins que
Ton apporte ensuite à encoller les bords, ne présentent
aucune garantie de solidité, ces bords finissent tou-
jours par s'effilocher. Nous avons vu des reliures trai-
tées par ce procédé qui, au bout de peu de temps pré-
sentaient un aspect lamentable; les fils du tissus se
détachaient et se balançaient sur les tranches. Un ama-
teur de beaux livres nous soumit il y a peu de temps
une fort belle reliure, mais dont les gardes avaient été
appliquées par ce procédé ; lui-même, voyant l'un des
fils s'empressa de l'arracher et ne réussit qu'à en déta-
cher d'autres t et cependant les tranches de la garde
avaient été encollées et enduites d'une gomme sv^r
GUIDE MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR 235
laquelle on avait appliqué de l*or au pinceau pour les
rendre semblables aux tranches du livre doré à témoins.
Celles-là même qui se trouvaient sur les cartons, pré-
sentaient déjà le môme inconvénient, aidant par là à
détruire tout le charme que Ton éprouvait à examiner la
reliure qui, à part ce défaut, était parfaitement exécutée.
Collage des gardes. — Le colla^^e des g'ardes aux
reliures à charnières s'effectue à peu près de la même
manière que les g-ardes en soie, et exigent les mêmes
soins sous le rapport de la répartition exacte des divers
dessins, tant des papiers peigne que des papiers
chromo. Rien de plus disgracieux comme de voir dans
l'ensemble des gardes le centre de leurs dessins placés
plus d'un côté que de Tautre, et l'extrémité de la garde
du côté de la tête ne concordant pas avec la partie
opposée. Tout cela, il est vrai, est affaire de goût, mais
il en coûte si peu de faire un travail correct, et c'est
dans ces petits détails que se révèlent la supériorité de
l'ouvrier.
Pour les gardes peigne et chromo, l'ouvrier com-
mence par établir un point de repère, puis il procède à
la coupe par les côtés du carton, et, une fois celles-ci
fixées, il prend Tune des demi-gardes destinées au
côté du volume, et qu'il a eu soin de laisser un peu
plus grandes que celui-ci, il coupe le côté du mors de
façon à ce que le dessin s'harmonise parfaitement avec
le côté du carton, puis il fait de même pour l'autre
garde, alors il les place l'une sur l'autre en les étageant
quelque peu, ainsi qu'une bande qu'il place par dessus,
comme il l'a fait pour les gardes en soie, et il enduit
ces bords avec de la colle forte bien claire, ou avec de
bonne colle de pâte ; il faut qu'il en mette peu, très
peu mais Qu'elle soit de bonne qualité,
236 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
Le premier collag-e étant sec, il procède au contre-
collag-e, soit à la colle forte, soit à la colle de pâte, et
de la môme façon qu'il s'y est pris pour les g-ardes en
soie, sauf qu'il a soin d'employer deux plaques de zinc,
à chaque gparde, la première, non pas immédiatement
sous la contre-g-arde, mais après le premier cahier du
volume et la seconde, au-dessus de la g-arde entre
celle-ci et le carton. Il met le volume en presse et le
retire aussitôt après lui avoir donné une légère pres-
sion. Il laisse alors bien sécher; puis, à l'aide d'une
pointe à couper bien affilée et d'une plaque de zinc
qu'il place dans la g'arde, il enlève, c'est-à-dire qu'il
ébarbe en tête et en queue ce qui dépasse de la garde
en suivant les tranches, comme g-uides ; puis il prend
une règ'le en fer mince, et il la place entre le livre et la
g'arde du côté de la g-outtière, et à fleur de celle-ci pour
servir de guide à la coupe, les tranches à cette place
n'étant pas assez résistantes pour que la pointe puisse
être maintenue dans la ligne droite, la moindre dévia-
tion pouvant avoir des conséquences déplorables, et
abîmer complètement les tranches.
Pour les gardes de volumes sans charnières, l'ouvrier
prend deux gardes, qu'il taille et plie en deux, toujours
en tenant compte de la forme du dessin, s'il s'agit
d'une reliure un peu soignée. Le placement et le con-
tre-collage se font de la même façon que pour les con-
tre-gardes des reliures à charnières. Il n'y a de diflFé-
rence qu'en ce que cette fois, le volume étant rogné et
les tranches faites, il s'agit d'ébarber le surplus des
gardes, avec les mêmes précautions que pour les gar-
des de la reliure à charnières déjà décrite. Ici Tébar-
bage se complique d'un double feuillet à couper, et de
précautions à prendre près du mors, où il faut attein-
dre la garde jusqu'au bout sans abîmer les tranches ni
GUIDE MANCEL DE L*OUVRlER RELIEUR 237
les tranchefiles. Quant au côté de la gouttière, la coupe
ne s'exerce que sur le feuillet que l'on a contre-coUé, en
réservant celui qui est destiné à être collé sur le carton,
et qui sans cela ne serait plus assez large pour couvrir
le mors et atteindre la bordure dorée sur le devant du
carton, certaines bordures étant très étroites. La plupart
n'ayant pas de bordure du tout, telles en général les
demi-reliures dont il sera question dans un prochain
chapitre, mais dont les gardes, surtout aux ouvrages soi-
gnés, se collent de la même façon qu'aux reliures pleines.
Les gardes étant placées et ébarbées, l'ouvrier place
le volume sur la table et ouvre le premier carton en le
plaçant sur des ais, tel qu'il l'a fait pour couper et
placer la carte, qui lui a servi à égaliser l'intérieur des
cartons. Il soulève alors la garde, et il la couche sur le
carton, en lui faisant prendre exactement la forme du
mors, comme s'il s'agissait de la coller; puis, à l'aide
de la pointe, il marque les trois côtés à fleur de la bor-
dure, par deux points sur chacun d'eux, qui serviront
de guide pour les parties à enlever. Il place une platine
de zinc du côté du livre, puis il rabat la garde par-des-
sus, et, à l'aide d'une règle en fer et d'une pointe à
couper, il coupe les trois côtés sur les marques faites,
et enlève le surplus ; pourtant, il a grand soin d'arrê-
ter les coupes en tête et en queue à une certaine distance
du mors. Cette distance a pour limite exacte la hauteur
du mors, ceci est très important; puis il fait une coupe
oblique partant du point où il a arrêté la coupe, jus-
qu'où la garde rejoint la tranche, près de la tranche-
file. De cette façon la bordure reste à découvert jus-
qu'au mors, et la garde forme un biais sur la peau,
dans le mors. Ce biais est fait exprès pour éviter que
cette extrémité se décolle par la suite, par le jeu de
l'ouverture et de la fermeture du carton.
238 GUlDfi MANUEL DE l'oUYRIBR RELIEUR
Les deux g'ardes étant coupées, Touvrier procède au
collage, il place sous l'uue d'elles un papier pour pré-
server la contre-partie de la g'arde, ainsi que les tran-
ches des atteintes de la colle. Alors, saisissant un pin-
ceau qu'il trempe dans de bonne colle de pâte, il étend
celle-ci avec soin sur toute la surface de la garde, et
sur tout le long du mors, de façon à ce que tout le
creux en soit bien imbibé, en ne mettant toutefois que
le strict nécessaire, puis avec la main gauche, il sou-
lève la garde et, à l'aide de l'index et du pouce de la
main droite, il fait prendre à celle-ci exactement la
forme du mors ; alors il couche graduellement la
garde sur le carton, pendant qu'avec la main droite il
suit le mouvement, en frottant légèrement du centre
aux extrémités, jusqu'à ce que la garde soit bien en
place, puis il prend un papier souple et solide qu'il
couche sur la garde, il lui fait tout d'abord prendre la
forme du mors, il frotte énergiquement sur cette place
après avoir passé les doigts dans les cheveux, pour les
faire glisser rapidement et facilement. Il frotte aussi
de même sur toute la surface, tant avec les mains
qu'avec un plioir, et, après s'être assuré qu'il a bien
opéré, il retourne le volume en laissant le carton
ouvert, il le place sur un ais, comme il est dit à propos
des charnières, et, après le collage de la seconde garde,
il laisse sécher pendant quelques heures avant de fer-
mer le volume.
On peut aussi coller des gardes à la colle forte ; elles
sèchent alors très rapidement, mais nous préférons
pour cette partie du travail le collage à la colle de pâte,
qui conserve aux mors toute leur souplesse et donne
plus de garanties pour la solidité de la reliure.
Les gardes étant bien séchées, on place le volume ea
presse. Pour cela, on place dans les gardes une platine
GUIDB MàNUSL D£ l'oUVRIER RELIEUR 239
en zinc bien uni, on ferme les cartons avec précaution,
c'est-à-dire qu'on place le zinc dans le mors; en le tenant
un peu levé, et on le couche sur le volume en même
temps que le carton, afin de ne pas forcer sur le mors,
puis on place le volume entre deux ais bien unis, si on
destine la peau au polissag'e, et, dans le cas où le grain
de la peau doive être conservé intact, on place entre la
peau et les ais quatre ou cinq feuillets de papier épais
et bien uni pour servir de tampon. On serre la presse
modérément et on laisse sous pression pendant quel-
ques heures. Il faut autant que possible éviter les pres-
sions violentes, mais faire en sorte de laisser le sujet
le plus longtemps possible en presse. Une pression
modérée que Ton peut prolonger est de beaucoup pré-
férable, et a toujours une action bienfaisante sur Ten-
semble du travail. Nous renvoyons au chapitre —
Demi -Reliures pour le collage des gardes — dit... à la
française .
De la cambrure et du polissage. — Bien que le polis-
sage fasse partie de Tart du doreur sur cuir à la main,
il est pourtant indispensable que l'ouvrier, chargé
habituellement de Tachèvement des reliures, soit plus
ou moins au courant de cette partie du travail, et sache
manier l'outil que Ton nomnie fer à polir, ce même
outil servant à la cambrure, la dernière opération du
relieur.
Fig. 52. — Fer à polir.
Le fer à polir (fig. 62) se compose d'un bloc en acier
dont la courbe supérieure est polie sur toute la surface.
240 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
C'est par ce côté que s*exerce l'action du polissag^e. A
ce bloc est rattaché une tig-e en fer de 12 à i5 centimè-
tres de long", se terminant en pointe, et servant à fixer
Foutil dans un manche en bois g'arni d'une virole en
cuivre. Ce manche, de 20 à 25 centimètres de long*,
doit avoir le centre suffisamment évidé pour former
une poig'née facilitant le maniement de l'outil, qui doit
pouvoir jouer avec aisance dans la main de l'opérateur.
Ce manche doit, de plus, être assez long- pour permet-
tre de l'appuyer dans le creux de l'épaule, lors du polis-
sag-e des plats, ou pendant l'opération de la cambrure,
qui nécessitent une certaine pression et un surcroît de
forces, que la main seule de l'ouvrier ne saurait pro-
duire sans trop de fatig'ue.
On peut polir tous les g-enres de peaux. Le veau et la
basane se polissent presque toujours ; on fait pourtant
des reliures en veau mat, ou simplement poli aux pla-
ces couvertes de dorures, telles que les pièces de titre.
On polit souvent le maroquin et parfois le chagrin,
surtout les compartiments des titres.
Les reliures pleines en maroquin du Levant se polis-
sent, sur les plats au moyen de plaques en bronze poli,
arg'enté ou nickelé que l'on chauffe lég*èrement, et entre
lesquelles on place le volume pour le mettre sous presse.
Cette pression entre plaques polies, pourvu que la peau
soit bien parée, et que l'ensemble du travail soit fait en
conséquence, rend les plats unis comme une g"lace, fait
remonter la dorure à fleur de la peau sans la fatig-uer
et enlève toutes les inégalités qui ont pu se produire
pendant le cours du travail.
Pour obtenir un beau polissage, il n'est pas nécessaire
d'exercer une forte pression, mais il faut laisser le
volume en presse le plus longtemps possible» Il est par-
fois nécessaire de réchauffer les plaques.
GUIDE MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR 241
On polit la peau de veau de la môme façon, mais il
est prudent de chauffer à peine les plaques, et de ne
faire cette opération que lorsque le tout est parfaitement
sec. On ne met en presse qu'un plat à la fois si le
volume contient des cartes ; de même, si le dos est un
peu saillant, et surtout si les gardes sont en peau. Dans
ce dernier cas, on place l'un des plats entre deux pla-
ques, mais en les chauffant très lég-èrement.
Le polissag-e par les plaques est indispensable si Ton
veut obtenir un beau travail ; mais il est par lui-même
insuffisant ; il faut ébaucher et terminer l'opération à
l'aide du fer à polir, celle-ci doit être faite par une main
exercée et en connaissance de cause. Voici comment on
procède au polissag^e :
L'opération commence toujours par le dos. On place
le volume dans la presse à dorer. On fait chauffer le
fer au degré convenable, qui varie selon la nuance ou
la délicatesse de la peau. Il est toujours prudent, disons
même indispensable, de faire quelques passes d'essai
à très faible température, et d'échauffer lég-èrement la
peau en promenant délicatement lé fer sans appuyer.
Puis on augmente successivement le degré de chaleur
jusqu'à ce qu'on obtienne un beau brillant exempt de
nuances. On se rend compte assez facilement, si la cha-
leur du fer dépasse le degré voulu. Dès qu'il ternit la
peau au lieu de la faire briller, il y a excès de chaleur
et il faut le laisser refroidir, jusqu'à ce qu'il réponde à
l'attente de l'opérateur qui, nous le répétons, doit agir
avec la plus grande prudence.
Le polissage du dos se fait en long, par un mouve-
ment de va-et-vient d'un nerf à l'autre en suivant le
contour du dos, la partie aiguë ou extrémités du fer à
polir, venant butter à chaque coup contre le nerf, mais
légèrement et simplement comme temps d'arrêt. Tous
BOSQUET — RELIURE 14
iAi GtiDB MANUEL DE l'oUVBIBR RBLiBitR
les compartiments étant légèrement polis, disons
dégrossis dans ce sens, on tourne le volume avec la
presse et on procède de même dans l'autre sens, puis
on fait réchauffer le fer, et ainsi de suite jusqu'à ce que
l'on ait obtenu un résultat parfait. On .enlève alors le
volume de la presse, et on le couche à plat sur la table
g'arnie d'un drap bien uni^ et avec le fer modérément
chauffé on tire avec lég'èreté, à longs traits, du haut en
bas du plat pour échauffer la peau ; puis, dans ce
même but, on le promène sur toute la surface en décri-
vant des cercles de petites dimension. La peau étant
échauffée, on place l'extrémité du manche dans le creux
de l'épaule et, à l'aide de la main droite ou des deux à
la fois, on appuie fortement le fer sur la peau, et on
lui imprime un mouvement de va-et-vient très raccourci
et gradué en avançant de gauche à droite et en le tenant
bien d'aplomb, afin d'obtenir, eu croisant les mouve-
ments, une surface parfaitement unie et brillante. Arrivé
à l'extrémité droite, on recommence un peu plus haut,
et ainsi de suite jusqu'à ce que, par des efforts continus
et une chaleur graduée du fer, on arrive au résultat
désiré. La dernière passe se fait en tournoyant légère-
ment sur toute la surface, afin que le polissage soit
bien uni. Si le plat porte des ornements, on polit d'abord
les endroits qui en sont couverts, pour finir par les
intervalles ou le milieu du plat.
Certaines peaux se polissent plus difficilement les
unes que les autres. On ouvre alors le carton que l'on
place sur un billot, ou sur le bord de la table, afin que
l'action du fer rencontre plus de résistance. On peut
aussi se servir de planchettes cintrées, appropriées aux
principaux formats. Cinq ou six suffisent pour avoir
un jeu complet. Ces planchettes en bois dur (poirier ou
hêtre) ont le dessous plat, et le dessus arrondi ou cintré
GUIDE MANUEL DE L OUVRIl^ RELIEUR 243
en courbe régulière, dont le centre a une épaisseur de
10 à 25 millimètres selon le format et dont les flancs
se terminent en lame de couteau. On place la planchette
dans la garde, on rabat le carton par-dessus, on le
courbe et on le maintient avec la main gauche, pen-
dant qu'avec la main droite, armée du fer, on polit
toute la surface du plat. Ce cintrage vient en aide à la
cambrure et y dispose convenablement le carton.
Il faut que la peau soit bien sèche pour opérer le
polissage, et que le fer soit tenu dans un parfait état de
propreté. L'usage que Ton en fait et le mode de chauf-
fage, soit au gaz mélangé d'air, ou au charbon de bois,
Pexpose constamment à s'encrasser. Il faut avoir sous
la main du papier d'émeri très fin, tel que le double ou
triple zéro, que l'on colle sur un carton bien uni, et sur
lequel on frotte la partie polie du fer dès qu'il se pro-
duit la moindre crasse. On peut aussi se servir de char-
bon de bois pulvérisé ; il faut avoir constamment à côté
de soi un morceau de gros cuir, légèrement saturé de
suif, sur lequel on frotte le fer afin de le faire glisser
avec facilité.
Le maroquin, le chagrin et le cuir de Russie se polis-
sent sans qu'ils aient besoin d'être graissés, mais le
veau et la basane exigent un léger graissage, à l'aide
d'un linge fin saturé d'un peu de suif ; sans cette pré-
caution, la couche de blanc d'œuf dont on a dû les cou-
vrir pour pouvoir les dorer, se fondrait au contact du
fer chaud et la couverture serait gâtée. Ce graissage
doit se faire avec la plus grande précaution, et d'une
façon imperceptible, sous peine de faire des taches à la
peau. En résumé, il faut une grande prudence et des
soins attentifs pour bien réussir le polissage^ surtout si
l'on opère sur des nuances claires. Un polissage bien
réussi sur clés ves^ux blapcs oii fauves dispense de Ie(Sf
â44 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
vernir, ce qui est toujours préférable pour ce genre de
peaux. On ne vernit jamais le maroquin ni le cuir de
Russie.
La cambrure est le complément obligé du polissa/^e
et l'opération par laquelle le relieur achève de donner
à son travail le fini et la tournure désirables. En effet,
avant la cambrure un volume, quelque bien relié qu'il
soit, laisse à désirer sous le rapport de la fermeture,
qui sur le devant surtout, doit être parfaite.
Les reliures pleines auxquelles on dore les bordures
intérieures, ont été polies avant la dorure. Aux reliures
sans bordures dorées ou gaufrées, ainsi qu'aux demi-
reliures en général, les remplis paraissent grossiers, et
les gardes ont parfois des inégalités que la presse ne
parvient pas à faire disparaître. Il faut avoir recours au
fer à polir, et c'est avec celui-ci que Ton exécute la
cambrure.
Au sortir de la presse et après avoir vérifié son tra-
vail, l'ouvrier place son volume à plat sur une table
garnie d'un drap uni, ou d'un papier propre. Il ouvre
le carton avec la main gauche et, à Taide de la main
droite armée du fer à polir, qu'il a fait chauffer à une
température convenable, il commence par polir le mors
en long, ainsi que l'arête vive du carton en appuyant
légèrement pour unir cette place, et achever de rendre
le mors bien carré. Il tourne alors le volume en plaçant
la gouttière vers lui, et il se met en devoir dépolir
toute la surface de la garde, en appuyant plus fortement
sur les bords et surtout près du mors, afin de faire
bomber le carton à celte place, pour rétablir le niveau
indispensable à une fermeture parfaite sur le devant du
volume ; il opère de même des deux côtés, puis il place
une forte carte dans la garde, il ferme le carton, il place
une autre carte par-dessus, et il polit les bords, c'est-à-
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 245
dire le pourtour du volume et surtout sur les mors, afin
de prolonger sur les plats la forme arrondie du dos. Il
est indispensable qu'une forte carte serve d'intermé-
diaire au fer pendant cette opération, surtout si la peau
ne doit pas être polie, puis il polit les cartons sur les
bords et sur la coiffe : il ne reste plus qu'à vernir le
volume.
Vernissage. — Le vernissage est de deux genres :
l'un au pinceau pour les filets et ornements gaufrés
sur cuir ou sur toile, l'autre au tampon pour les surfa-
ces unies et principalement le veau, la basane et les
papiers marbrés de tout genres, que l'on applique sur
les plats des demi-reliures.
Le vernissage au pinceau ne se fait pas tout à fait
comme le coloriage ; il faut, à cause de l'empreinte plus
ou moins creuse des ornements gaufrés dont il faut
atteindre le fond, faire fonctionner le pinceau comme si
on le tenait debout sur la pointe. On le maintient dans
cette position entre le pouce et l'index, et on le promène
sur les ornements, sans faire couler ni déborder le ver-
nis, ce qui gâterait le travail.
Pour le vernissage au tampon, on prend du coton en
rame autrement dit ouate fine, avec lequel on forme
une pelote à surface unie, et comprimée au moyen des
extrémités que l'on réunit du côté opposé pour en for-
mer une tige qui sert à maintenir et diriger la pelote
ou tampon. On trempe la partie supérieure du tampon
dans le vernis pour l'étendre ensuite sur la peau ou le
papier que l'on désire vernir.
Il est de la plus haute importance d'appliquer le ver-
nis avec les plus grands ménagements, il ne faut mettre
que le strict nécessaire, en opérant lestement et en évi-
tant autant que possible de passer deux fois à la même
14.
946 GUIDE MANUEL DE l'oUYRIER RELIEUR
place, pour éviter les empâtements que produiraient
infailliblement des retouches ou frottements répétés.
Le vernis pour relieurs étant à base d'alcool, sèche très
rapidement et rend les reprises dangereuses, ou tout au
moins préjudiciables à la réussite de Topération, qui se
fait à longs traits les uns à la suite des autres. Les dos
à nervures se vernissent en travers, afin de ne pas amas-
ser de vernis à cette place et sur les flancs des nerfs.
Il faut très peu de vernis pour le veau blanc ou fauve,
ainsi qu'aux basanes à nuances claires ; il est prudent
de s'exercer d'abord sur des papiers marbrés, et de
n'opérer sur la peau de veau qu'en parfaite connais-
sance de cause.
On peut remplacer le tampon d'ouate par une épong-e
fine, quand il s'agit d'opérer sur un certain nombre de
reliures en basane ou de plats en papier, l'éponge ne
pouvant s'utiliser que dans le cas, où il n'est pas indis-
pensable de ménager la quantité de vernis. On lave
l'éponge avec de l'alcool après que le travail est terminé
ou de temps en temps pendant l'opération, si elle venait
à s'encrasser.
Il faut avoir grand soin d'opérer le vernissage dans
un endroit chaud ; l'air froid ou humide est contraire
au vernissage. Nous recommandons l'emploi du vernis
blanc pour tout travail soigné, afin de ne pas ternir l'or
ni les nuances des peaux.
Le vernis donne non seulement du brillant aux peaux
ou papiers qui recouvrent les volumes, mais il préserve
également ceux-ci des accidents que peuvent lui occa-
sionner les gouttes d'eau ou autres liquides qu'on laisse
parfois et bien maladroitement tomber dessus, à la con-
dition toutefois de les essuyer aussitôt.
C'est également pour éviter ces accidents, qu'il est
loisible au^ relieurs, de vernir les percalines unies.
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 247
aDg*laises ou françaises. Il convient, pour ce faire,
d'ajouter au vernis, à la condition qu'il soit de bonne
qualité ; un tiers d'alcool bon goût, ou esprit de vin.
Mônrie un peu plus si Ton veut éviter de donner trop
de brillant à la toile.
La fabrication du vernis pour relieurs est arrivée de
nos jours à un tel degré de perfection, et se vend en
bonne quantité à un prix assez bas pour que nous
croyons pouvoir nous dispenser d*en donner les diffé-
rentes recettes. La maison Shœnée frères à Paris est
celle qui, à notre avis fabrique les meilleurs vernis
pour relieurs.
CHAPITRE VII
Demi- reliure
La demi-reliure date du premier siècle de l'imprime-
rie. A cette époque les reliures se faisaient à Taide de
planchettes en bois de chêne ou de cèdre que le carton a
remplacées depuis.
Nous avons vu des reliures de cette époque, sur des
volumes in- folio et in-4® dont les dos en peau de truie
ou en veau, ne couvraient que le quart ou le cinquième
des plats ; le reste des planchettes en chêne bizeauté et
parfaitement uni n'avait jamais été recouvert. C'est par
imitation des demi-reliures de celte époque, qu'en
habillant certains incunables, on couvre le dos en peau
de truie ou en veau, et qu'on recouvre les plats à l'aide
d'un papier de couleur imitant le bois de chêne. Nous
avons vu d'autres demi-reliures de la même époque,
dont les plats avaient été g'arnis en g'ros tabis, mais
nous avons lieu de croire que ces plats avaient été pla-
cés plus tard, alors que le bois était déjà en partie ver-
moulu. Le collage des g-ardes dénonçait du reste ce tra-
vail fait après coup. Les anciens plaçaient également
des coins aux demi-reliures, les plats et les dits coins
étaient alors ornés de filets ou ornements gaufrés,
ceux-ci empreints au moyen de fleurons ou à la rou-
lette .
Les demi-reliures ne diffèrent de la reliure pleine,
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 249
qu'en ce que dans celle-ci le volume est couvert en
entier de peau de veau, maroquin, basane, etc. Tandis
que dans la demi-reliure le dos seul est couvert en peau.
Quant aux plats ils sont couverts en papier de couleur
ou en percaline, tout en ayant les coins g-arnis soit avec
de la peau pareille au dos, soit en toile ou en par-
chemin .
Dans les bibliothèques, la demi-reliure fait absolu-
ment l'eflet de la reliure pleine, attendu que les volumes
ne se voient que par le dos ; elle a d'ailleurs Tavantag-e
de coûter moins cher que celle-ci, et quand elle est faite
avec soin elle en présente à peu près toutes les qualités.
Ce n'est pas toujours par pure économie que se font
les demi-reliures. Certains amateurs poussent parfois
le raffinement à un degré tel, qu'il en coûterait certes
moins à établir certaines reliures pleines, que bon
nombre de demi-reliures que nos bibliophiles com-
mandent journellement à nos bons relieurs. Nous cite-
rons, comme exemple, les demi-reliures en maroquin
du Levant poli à larges mors, grands coins et filets, le
dos doré aux petits fers. Certains de ces dos demandent
souvent plus d'une journée de travail à un doreur
habile.
Nous avons exécuté pour des amateurs que Ton peut
taxer de bibliomanes des demi-reliures qu'il fallait
d'abord établir en reliure pleine, soit en veau soit en
maroquin du Levant, poli et qui ne prenaient l'aspect
de demi-reliures que par le placement de plats en
papier peigne vergé, laissant à découvert des mors tel-
lement larges et des coins dans les mêmes proportions,
que le rempliage du papier s'opérait en tête et en queue
par une attache de 5 à 6 millimètres seulement. A part
cela et dans certains cas, pas le moindre ornement, pas
un filet même gaufré pour border le papier, rien que
250 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
le titre doré : mais Texi/çence sous le rapport des soins
et du fini était telle, qu'il y avait un art véritable à pro-
duire ces reliures destinées à satisfaire les goûts les
plus délicats de connaisseurs possédant à fond tous
les secrets de Part du relieur.
Mais en dehors de ces ouvrag-es exceptionnels, les
demi-reliures sont établies dans un but relativement
économique, le tout par rapport au genre de reliure
pleine que Ton veut représenter par une demi-reliure.
Ainsi il y a économie à imiter la reliure pleine en maro-
quin par une demi-reliure en même peau, avec un dos
doré dans le même genre, de même pour le veau^ le
chagrin, la basane ou la toile, et comme nous le disions
plus haut, un volume placé dans une bibliothèque pro-
duit en demi-reliure le même efiFet qu'en reliure pleine.
Il se fabrique même en très grandes quantités des
demi-reliures en chagrin, avec plats en toile française
chagrinée, soit avec encadrements gaufrés sur les plats,
soit avec plaques dorées à sujets ayant rapport à l'ou-
vrage, et gravées spécialement pour le livre, et dans le
but de produire l'illusion complète de la reliure pleine.
Tous les grands éditeurs ont adopté ce genre, très favo-
rable à l'écoulement de leur publications illustrées, qui
se vendent en quantités énormes à l'époque des
étrennes.
Sauf certains détails que nous allons indiquer, la
demi-reliure se fait absolument comme la reliure
pleine, qu'elle soit à nerfs saillants ou à la grecque, à
dos brisé ou à dos plein.
Les opérations sont relativement les mêmes jusqu'à
la couvrure, c'est-à-dire qu'il n'y a pas la moindre dif-
férence entre les manipulations préliminaires, ainsi
que tout le corps d'ouvrage, même les tranches et la
préparation à la couvrure, de la demi-reliure en marc-*
CUtDB MAKtJEL DE L*OUVRlfiR RËLlËUk 25i
quin du Levant poli, et de la reliure pleine en maro-
quin du Levant poli, et ainsi de suite en descendant
tous les degrés de l'échelle.
Les volumes étant prêts à être couverts, on débite les
peaux d'après les genres. Il faut la même quantité de
peau pour, les rem pliages de tête et de queue pour les
demi-reliures, que pour les reliures pleines. Quant
aux proportions de ce qu'il faut laisser déborder sur
les plats, elles diffèrent depuis le tiers de la largeur
des cartons, qui est la limite extrême pour les demi-
reliures d'amateurs jusqu'à 16 millimètres, qui est
l'extrémité à laquelle il faut s'arrêter pour les demi-
reliures chagrin avec plats en toile, imitation de la
reliure pleine, sous peine de manquer du nécessaire
pour faire tenir le dos du volume, ces deux extrêmes,
étant la conséquence de deux genres bien définis, ne
sauraient servir de base.
La largeur de la peau à laisser déborder sur les plats
des demi-reliures, autrement dit la largeur des mors,
n'a pour limite que le goût du relieur, souvent subor-
donné au prix qu'il peut obtenir de son travail. Pour-
tant l'ouvrier qui respecte son art s'abstiendra toujours
de présenter des reliures à mors étroits, qui donnerait
à son travail un aspect étriqué et désagréable à l'œil.
A notre avis, le cinquième de la largeur du carton
(pour tous les formats ayant la forme ordinaire) est
une excellente proportion pour les demi-reliures cou-
rantes.
Quant aux demi-reliures avec coins en peau, la lar-
geur des mors est subordonnée au genre, qui peut être
ou très économique ou de grand luxe en passant par
toute la gamme intermédiaire ; mais dans tous les
cas, il faut que les coins soient proportionnés à la lar-
geur des mors, c'est-à-dire que si la peau du côté des
252 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
mors à 4 centimètres de larg-e, il faut que la largeur
des coins soient également de 4 centimètres, non pas
mesurés depuis la naissance du coin en remontant
Tarête vive du carton, ce qui donnerait un coin relati-
vement trop petit, mais sur une ligne parallèle oblique
partant de la naissance du coin, et allant vers le centre
du plat en partageant le coin du carton en deux parties
égales.
On peut établir la mesure sur Tarête vive du carton,
à la condition d'augmenter la mesure de moitié, c'est-
à-dire que, pour avoir un coin de 4 centimètres de large,
on prend un compas que l'on ouvre à 6 centimètres
d'une pointe à Tautre ; on place l'une des pointes à l'ex-
trémité du coin et Ton marque de l'autre sur l'arête
vive du carton un point, d'abord sur le côté de la gout-
tière et un autre du côté de la queue. Alors avec une
règle et la pointe du plioir, on trace une ligne d'un
point à l'autre, ce qui donne un coin de 4 centimètres
de large sur 8 de long, s'harmonisant parfaitement avec
un mors de 4 centimètres.
Les relieurs ont habituellement sous la main une
série de modèles de coins en tous formats, soit en zinc
ou tout au moins en carton très dur, avec lesquels ils
prennent la mesure sur les mors en plaçant le long
côté du coin à fleur du dos, et la pointe vers l'extrémité
de la peau.
Les coins se taillent ordinairement dans les déchets de
peau, à moins qu'il s'agisse de reliures très soignées.
Leur coupe se fait d'après le format du livre ou selon le
genre de reliure. Pour faciliter Jeur application, il est
essentiel de donner à cette coupe une forme particu-
lière, que nous ne saurions mieux comparer qu'à un
octogone plié en deux, non pas sur les pointes, mais en
partageant deux faces par moitié. Ces généralités bien
GtiBE MANtEL DE L*OUVRI£R RELIEUR 253
établies, voici comment on procède à Tachèvement des
demi-reliures :
Demi-reliures en chagrin avec plats en toile ou imita-^
tien de reliures pleines. — L'ouvrier commence par
dég^ager les mors en laissant la sauveg'arde qui, pour
ce gpenre de reliure, doit protég-er le volume jusqu'après
les tirages au balancier. Il s'assure, en humectant la
peau du côté du mors et en la nettoyant avec soin,
qu'elle est suffisamment assouplie, pour qu'il n'ait pas
à craindre une cassure de la peau, pendant les diverses
opérations qui suivent et principalement par la fatigue
que subiront les mors pendant les tirages au balancier.
Il prend alors la mesure de l'encadrement ou de la
plaque à gauffrer ou à dorer sur les plats, puis il en
marque la place sur la peau, par un trait qui lui ser-
vira de guide à la parure, et ensuite à la pose des plats
en toile; il pare ensuite la peau afin de lui donner par-
tout une surface égale, tout en la creusant de façon à
ce qu'une fois les plats collés ils fassent corps avec la
peau, complétant l'illusion de la reliure pleine, et ne
laissant subsister aucune épaisseur pouvant contrarier
l'empreinte des plaques; puis, à l'aide d'un marteau, il
bat légèrement les cartons autour de chaque plat qu'il
a eu soin de placer sur un tas en fer, ou sur une pierre
à battre afin que le battage soit bien uni.
Les maisons dans lesquelles les demi-reliures imi-
tant la reliure pleine se fabriquent par quantités, on
ne trace ni on ne pare la peau : sauf sur Tarête vive
des cartons : pour le placement des plats en toile. On
se sert à cet effet d'une plaque en bronze ou en fer,
ayant l'épaisseur des plaques à dorer ainsi que les
dimensions des cartons du volume ; exacte, quant à la
hauteur, mais dont la largeur a pour limite la partie
BOSQUET — AEULRE 45
âS4 GUIDÉ MANtEL DE LWvRtBR tlBLtEdlt
de la peau qui doit rester à découvert du côté du dod.
On fixe cette plaque sous un balancier et on écrase la
partie de la peau destinée à être couverte par la toile
des plats.
Le traçag'e, l'écrasement de la peau, qu'il devient
alors inutile de parer ainsi que Taplanissement des
cartons se font ainsi d'un seul coup. Les cartons sont
plus unis, les bords mieux aplanis. On évite de même
les inég'alités d'une parure trop rapidement faite, l'en-
semble du travail en est meilleur, mieux préparé à
recevoir les empreintes g^aufrées ou dorées et plus rapi-
dement exécuté.
Il coupe alors la toile pour les plats, et il la place sur
un papier, il les enduit ensuite avec de bonne colle
forte, qui sans être épaisse ne soit pas trop claire, afin
qu'elle ne puisse transpercer la toile ; puis il place les
plats bien à fleur de la marque, et de façon à ce que les
deux plats aient exactement la même larg-eur, et, à
l'aide d'une brosse à soies dures et courtes, il frotte sur
toute la surface des plats pour les faire bien adhérer,
puis il coupe les coins de façon à ne laisser déborder
la toile que tout juste l'épaisseur du carton. Il opère
ensuite le rempliag^e, en fixant d'abord la toile en tète
et en queue sur les angles du carton ; puis, à l'aide des
pouces, tout en soutenant le carton avec les doigts, il
remplie la toile à Tintérieur. Alors, avec l'ongle des
pouces, il forme un pli à chaque coin qui fait prendre
à la toile la forme du carton, puis il remplie le devant
en couchant d'abord la oile sur l'angle du carton, et
ensuite à l'intérieur. Cela fait, il place le second plat
et, à l'aide du plioir, il accentue la forme des angles,
puis il place le volume debout pour le laisser sécher*
En procédant à l'achèvement des demi-reliures avec
coins en peau, ainsi que pour celles avec coins en toile
GUIDE MANUBL Vt L'otYRIER RELIBVR 268
OU en parchemiD, l'ouvrier commence par nettoyer les
mors, comme nous Tavons indiqué pour les reliures
pleines, puis il place les gardes, et, après les avoir
ébarbées à fleur des tranches, il place deux: volumes à
côté Tun de Fautre à plat sur la table, et de façon à ce
que le dos de Tun s'emboite dans la gouttière de Tau-
tre, puis il ouvre le carton du premier et il le couche
sur le second volume, pois il soulève la demi-garde et
à Taide du pouce et de Tindex il lui fait prendre la
forme du mors et il la couche sur le carton, comme
s'il voulait en opérer le collage, puis au moyen d'une
règle en fer mince et d'une pointe à couper^ il enlève
d'abord du côté de la tète un fîlet de la garde en la
dressant parallèlement au carton, puis il en fait autant
du côté de la queue, il la coupe ensuite sur le devant
en prenant toujours le carton pour guide, et de façon à
ee que les trois côtés aient les mêmes proportions.
On voit que dans cette opération, les coupes se font
sur le carton même et sans l'intermédiaire d'une pla-
tine de zinc. La seule précaution à prendre par l'ouvrier
est, qu'en coupant la garde sur la partie de la peau
rempliée^ la coupe soit faite assez légèrement pour que
la peau ne soit pas entamée.
En dehors du placement et du collage des gardes tels
qu'on les pratique généralement pour les ouvrages soi-
gnés et les unités : il y a le placement des gardes dit à
à la française. Cette méthode est des plus avantageuses
pour les travaux en nombre^ elle se pratique de la
manière suivante :
L'ouvrier ayant à placer les gardes à un certain nom^
bre de volumes d'un même format, débite la quantité
de papier qu'il lui faut au format habituel, c'est-à-dire
dépassant quelque peu le format des volumes rognés,
il ouvre alors le carton de l'un d'eux, et, prenant Tune
256 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
des gardes, il la pose sur le carton en Tajustant sur le
devant à la laideur de la chasse^ puis il marque l'em-
preinte du carton en tête et en queue et sur Tarête vive
du mors. 11 place la garde sur une platine de zinc, et à
l'aide d'une règle et de la pointe à couper, il fait deux
coupes en flanc se rapportant aux chasses de tète et de
queue, mais de façon à ce que la garde soit un peu plus
courte que le volume rogné. Ces deux coupes doivent
s'arrêter à l'empreinte qu'il a faite sur Tarète vive du
mors, puis il fait deux coupes obliques partant de ces
points d'arrêt et descendant vers la partie de la garde
réservée au côté du livre, de telle sorte qu'en replaçant
la garde sur le carton, le biais commence à Tarête vive
du carton au haut du mors, pour finir au fond du
mors à l'arête vive de la rognure. La partie biaisée
couvre ainsi la peau, à l'extrémité du mors, et se con-
tinue au-delà pour être enlevée lors de Tébarbage de la
garde.
En présentant à nouveau la garde sur le carton, il
s'assure si les coupes sont exactes, il place alors la
garde type sur une pincée de seize à vingt gardes, et il
les découpe sur le même modèle. Les grandes maisons
se servent pour cette opération de modèles en carton
qu'ils ont établis en tous formats, ce qui simplifie
beaucoup l'opération. L'ouvrier prend alors une pincée
de gardes qu'il égalise sur le devant avec le modèle, il
place le tout sur une platine de zinc, et met un poids
par-dessus pour maintenir le tout en place; puis à l'aide
d'un ciseau de menuisier et d'un marteau, il fait les
deux entailles obliques et à l'aide de la pointe en se
servant du modèle en carton pour guide au lieu de
règle, il enlève les deux flancs à partir des entailles.
Après le découpage, l'ouvrier place les gardes en tas
sur un papier, il s'agit pour lui de coller le côté découpé
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 257
de la g'arde sur Tintérieur du carton et sur le mors, en
avançant le moins possible sur la garde blanche, et en
réservant le contre-col lag'e sur la garde blanche, jus-
qu'au moment où les collages sur les cartons et surtout
dans les mors seront parfaitement secs. A cet efFet, il
prend une bande de carte qu'il place sur la première
garde, laissant à découvert toute la partie destinée au
carton et au mors et jusqu'à 2 ou 3 millimètres sur la
garde blanche.
Alors, à l'aide d'un pinceau imbibé de colle forte
claire, il trempe la garde en partant de la carte jus-
qu'aux extrémités ; la bande de carte lui est nécessaire
pour que l'encollage débute en ligne droite, ce qui
est très important pour faciliter l'opération du contre-
collage, qui, sans cette précaution, serait forcément
incorrect.
La garde étant trempée, l'ouvrier la saisit avec la
main gauche par la partie non trempée et il la retourne.
Il place le volume devant lui la gouttière à sa gauche,
il ouvre le carton qu'il couche sur la table, alors, il
saisit l'extrémité de la garde du côté trempé entre le
pouce et l'index de la main droite, et il l'ajuste sur le
devant du carton, laissant à découvert l'espace réservé
à la chasse ; il presse avec le pouce sur la garde pour
la fixer au carton, et il s'essuie le bout de l'index saturé
de colle. Il frotte alors sur la garde du centre au dehors
allant de droite à gauche et de gauche à droite, la main
gauche tenant toujours la garde levée et ne 3'abaissant
qu'au fur et à mesure que la main droite lisse le col-
lage, la garde étant fixée sur toute la surface du car-
ton, il presse sur l'arête vive du mors et fait descendre
la garde dans le fond en la serrant le plus possible,
puis il fait pirouetter le volume en plaçant la gouttière
à sa droite et, saisissant un lambeau de linge fin saturé
iA6 GUIDS MANUBL J>B L*OUVRICR BELIEUR
de cire, il frotte vivement dans le creux du raors et sur
toute la surface de la garde afin que Tadhéreoce isoît
parfaite. On peut ég'alenient se servir d'un papier et
d'un plioir, mais nous préférons un chiffon à la cire
dont l'action est plus sûre et plus rapide;
Quant aux gardes moirées, on se sert d'un petit tam-
pon de papier de soie sur lequel la cire est inutile, et
qui conserve à la moire son grain et sa fraîcheur.
Le collage des gardes à la française doit se faire à la
colle forte^ Thumidité des collages à la colle de pâte
occasionnerait à la partie de la garde réservée au côté
du volume des plissures telles, qu'il ne serait pas pos-
sible de les aplanir lors du contre collage Celui-ci se
fait de la même façon que pour le premier système, il
n'y a de différence que pour le premier; dont le contre-
collage se fait immédiatement après le placement des
gardes et avant Je collage sur le carton et dans les
mors, et que, dans le second, c'est le contre-collage qui
vient après. Quant à l'ébarbage, il va de soi qu'il se
fait de même pour les deux systèmes ; l'opération est
même plus facile pour le dernier, vu qu'il n'y a qu'un
feuillet à couper en tête et en queue.
Demi-reliures avec coins en peau. -- La peau pour les
coins étant coupée ; l'ouvrier procède à la parure en
commençant par amincir les bords, comme il l'a fait
pour les rem pliages du dos, puis il amincit le centre
selon l'épaisseur de la peau, en égalisant le tout avec
soin et ne conservant de la chair que ce qui est néces-
saire pour ménager la forme du grain et de façon à ce
qu'une fois le coin placé, la peau présente à cette place
le même aspect que sur les mors.
La parure étant faite, il place les coins les uns sur
les autres et il en trempe la chair à la colle de pâte, il
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR S59
les place l'un sur l'autre, chair contre chair, pour que
rhumidité de la colle les pénètre à fond et les assou^-
plisse parfaitement. Alors, prenant deux coins il le^
sépare et il les place sur les deux coins du premier
carton du volume, en les ajustant bien exactement et
de façon à ce que la peau ne dépasse la pointe du car-
ton que tout juste l'épaisseur de celui-ci. Puis il rem-
plie la peau en tête et eq queue, pour former alors les
flancs du carton que l'ouvrier a devant lui, ensuite avec
l'ong-Ie des pouces, il forme un pli à la peau de chaque
coin sur la pointe du carton, de façon à ce que ces plis
soient bien accentués, puis il remplie les devants en
ayant soin de serrer la peau sur les angles et surtout
de joindre les remplis en dissimulant les jointures le
mieux possible. Il place ensuite les deux autres coins,
à l'aide du plioir il donne aux angles une forme par-
faite, ainsi qu'à l'intérieur, les remplis devant être lis-
sés et bien tendus, puis à l'aide d'une éponge fine
imbibée d'eau claire, il humecte et lave bien la peau
tant sur les plats que sur les angles et a l'intérieur, et
il laisse bien sécher.
Les coins étant parfaitement secs, l'ouvrier prend un
compas et il marque deux points de chaque côté du
mors près de l'endroit où finit la peau, puis à l'aide
d'une règle et de la pointe du plioir, il trace d'après
ces points une ligne qui lui servira de guide à la coupe
et au placement du papier des plats, il fait de même
sur les quatre coins en se servant du modèle que ndu«
avons décrit ou en marquant des points sur l'arête vive
des cartons. Alors à l'aide du couteau à parer, il enlève
de la peau ce qui dépasse les lignes tracées, non pas à
vif mais en allongeant la parure et en évitant d'entamer
le carton, en un mot il rend ces places aussi unies que
possible surtout s41 s'agit d'une reliure soignée.
260 tiVlDE UANUBL DB 'l'ouvrier HELIEtIR
C'est précisément pour obtenir à cette place un fini
parfait que certains amateurs out poussé la manie de
la perfection, jusqu'à faire couvrir en reliure pleine
certains ouvrages qu'ils faisaient ensuite convertir eo
demi- reliure. On peut obtenir à peu de chose près les
Fig. 53. — Parure d'un dos pour demi-reliure,
mSmes perfections, en prenant une carte de l'épaisseur
de la peau . On taille la peau à vif en même temps que
la carte, comme nous l'avons indiqué pour égaliser
l'intérieur des reliures pleines, on enlève le surplus de
la peau et on colle la carte, dont on frotte les bords
pour bien l'identifier avec la peau. Ce qui déborde des
cartons est ensuite enlevé à la pointe. Les papiers des
GDIDB MANUEL DB l'oDVBIEB nBLlBDR 261
plais se placent alors de façon à dftpasser les jointures
de I ou a millimètres. On obtient ainsi et sans trop de
peine des plats parfaitement unis.
Les cartons étant bien appropriés, l'ouvrier coupe les
plats du livre, il les place l'un sur l'autre sous le car-
Fig. 54. — Couïrure, serrage^d'un dos ; demi-reliure,
ton du livre, en les ajustant au filet tracé du côté du
mors ; puis, à l'aide de ciseaux à pointes vives, il coupe
quatre entailles obliques se rapportant aux filets tracés
sur les coins. Ensuite, retirant les plats de dessous le
carton, il coupe d'un point à l'autre soit à l'aide des
ciseaux, soit au moyen d'une rè^Ie et d'une pointe à
couper, pour enlever la partie du papier quidoit laisser
268 GUIDB MABTUISL DB l'oUVRIBR RELIBUR
la coin à découvert. Une coupe droite se prolongeant
daD9 la partie des plats destinés au rempliag-e, serait
évidemment plus simple et.d'une exécution plus facile,
mais dans ces conditions les remplis feraient non seu-
lement mauvais efif^t» mftis ne couvriraient pas entière-
ment le carton à l'intérieur près des coins en peau. Il
est donc indispensable d'opérer le découpage du papier
des plats, de façon à ca qu'en les plaçant sur les plats
du livre, les coins paraissent comme encadrés. En efiFet
les proportions justps des coupes obliques doivent con-
corder avec le fond, de façon à former un carré dans
lequel s'emboUe le coin. Les plats étant découpés, l'ou-
vrier les place sqr un papier, et, à l'aide d*un pinceau
qu'il a trempé dans de bonne colla fôrte^ il enduit les
deux plats. Il saisit alors le premier plat at il le place
sur le devant du volume, en l'ajustant parfaitement
sur les filets tracés, puis il place un papier par-dessus
et, à l'aide d'un plioir, il frotte vivement jusqu'à ce
qu'il y ait adhérence parfaite, puis il place le second
plat auquel il fait subir la même opération. Alors il
Fig. 55. — Trace-coins.
procède au rempliage en ayant soin de coucher d'abord
les remplis sur les angles du carton ; ensuite, à l'aide
des pouces, il fixe les remplis à l'intérieur en serrant
autant que possible ; puis, à l'aide du plioir, il forme
les angles avec soin et il frotte à l'intérieur jusqu'à ce
que le tout soit parfaitement lissé at il laisse sécher.
GU<DE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 263^
Le traçag-e des coins en peau, peut ég'alement se
simplifier à l'aide d'un petit instrument ou équerre
mobile, dit trace-coins (fig*. 55). On emboîte le coin
dans Téquerre dont Tune des branches est mobile, ce
qui permet de l'adapter à tous les formats, La mesure
étant établie sur Tun, on fixe la branche mobile au moyen
de la petite vis de pression. Le traçag'e se fait alors
très rapidement sur tous sans le secours du compas.
Pour las demi-reliures sans coins en peau, il est
d'usage et môme indispensable de leur mettre des
coins soit en parchemin très mince, ou en toile de la
même nuance que la peau. Ces coins se placent du
dedans au dehors afin que le travail soit plus propre
et en môme temps plus solide. Les coins en parchemin
se collent à la colle de pâte et on a soin de les tremper
quelque temps à l'avance afin de les assouplir le plus
possible, Les coins en toile ou percaline se collent à la
colle forte. Il est bon de les mettre assez g'rands afin de
rendre cette partie du carton aussi solide que possible .
Leur forme avant leur application doit ôtre un carré
long" proportionnel au format du volume. Dès qu'ils
sont bien secs, on les aplanit à coups de marteau, afin
qu'à cette place on ne remarque aucune épaisseur sous
les papiers des plats.
Certaips relieurs ont l'habitude de remplier les plats
de façon à cacher complètement les coins en toile ou en
parcheniin, nous préférons de beaucoup les plats cou-
pés à vif à fleur du carton, laissant*les coins à décou-
vert sur les ang*les et à l'intérieur, ce qui avec le sys-
tème de fermer les coins à l'extérieur et surtout si leur
nuance est pareille à la peau, fait très bon effet et donqe
plus de solidité. Le papier s'use vite à cette place, et
cette usurp f^it inauvais effet au bout de peu de temps.
L'EL DE LOUVRIBK I
Les g'ardes se collent aux demi-reliures comme ans
reliures pleiDes. Les papiers moirés blancs ou chromos
se collent toujours à la colle forte en aj-ant soin d'éten-
FiR. 56. — L* ptiEssE A PEHCDssioH ; Placement des volumes en
presse après l'achèvement ou pour le polissaire des plais su
moyen de plaques.
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 265
dre la colle sur les g-ardes seulement, sans barbouiller
les mors, ce qui les durcirait et les rendrait même cas-
sants. Le contre- collage est inutile pour les papiers
moirés, si les gardes blanches sont bien propres et le
collage près des mors est bien droit et assez étroit.
CHAPITRE VIII
Cartonnages et emboîtages
Cartonnages à la Bradel. — Ce g-enre de cartonnage
est certes d'orig-ine allemande, il porte néanmoins le
nom du relieur qui, le premier en France Tait adopté
et pratiqué avec succès en lui donnant la forme gra-
cieuse sous laquelle il a pris rang dans nos bibliothè-
ques. Considéré au début comme reliure tout à fait
provisoire à appliquer aux livres ayant une certaine
valeur ; pour, après lecture et les encres ayant eu le
temps de séchera fond,y appliquer la reliure définitive
selon l'importance de l'ouvrage ou la valeur de Tédi-
tion. On les recouvrait généralement de papier uni, dit
papier chamois ou marbré ; les tranches restaient intac-
tes, ou du moins on les ébarbait très légèrement. On
rencontre encore, de temps en temps, des spécimens du
genre .
Le cartonnage à la Bradel diffère de la reliure et de
Temboîtage, en ce que les cartons du volume, au
lieu d'être fixés dans les mors pour faire corps avec le
dos, s'en écartent dans une certaine proportion, pour
former près du dos, une rainure ou mors creux, per*
mettant aux papiers ou aux étoffes, avec lesquels on
recouvre le volume, de former un pli ondulé ou en zig^
/.ag qui tout en donnant au mors son maximum de
ppjaplesse, supprima à C^ttp place l'ouverture à arête
GUIDE HANUBL DB L'oUVglBIl RELIEUB 867
vive à laquelle le papier ne saurait résister. Il en est de
même pour la plupart des étoffes auxquelles la crudité
de Touverture de la reliure proprement dite, fait pren?
dre un mauvais pli et provoque en peu de temps une
cassure que l'on évite au moyen de la forme rentrante
at sortante des mors de la reliure i la Brade!.
Ce genre de reliure, pourvu qu'il soit exécuté avec
soin et en connaissance de cause, est fort gracieux. Il
permet d'ouvrir le volume bien à plat, il est certes plus
solide que tout autre genre de cartonnage. Le genre
Bradel rend les plus grands services dans la confection
des reliures en vélin blanc ou teinté ; de même pour
les soies et satins de tous genres que Ton affecte aux
reliures de haute fantaisie. Ces tissus de même que les
papiers se coupent par Tusage à l'endroit des mors^
grave inconvénient qui ne saurait se produire aux
reliures à mors creux ou ondulés; les mouvements
résultant de l'ouverture et de la fermeture sont dans
celles-ci répartis sur une surface beaucoup plus éten-
due que dans tout autre genre de reliure.
La reliure Bradel fait aussi très bon effet dans une
bibliothèque surtout couverte en vélin blanc avec éti-
quettes en peaux de nuances diverses. Certains ama-
teurs, séduits par les facilités que présente ce genre de
reliures en ce qui concerne l'ouverture du volume en
ont fait confectionner en basane, en maroquin à grains
longs, et même en chagrin que l'on est obligé de parer
assez minces, pour pouvoir les appliquer au genre qui,
au début, n'était qu'un simple cartonnage et qui depuis
a pris place parmi les reliures soignées. Sa forme
légère en a fait surtout une reliure usuelle qu'il n'y a
nul inconvénient à établir à cartons souples, permet-
tant de les mettre en poche comme de simples carnets.
Jie genre de tranches n'a aucune importance dans la
268 GUIDE MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR
reliure |openre Bradel qui, comme nous Tavons dit plus
haut. De doit son nom qu'à la forme des mors pour les-
quels il faut une préparation toute particulière que
nous ferons connaître. On les fait indifféremment en
tranches ébarbées soit des trois côtés, soit sur le devant
et en queue seulement, en coloriant ou en dorant les
tranches supérieures. On les fait ég*alement avec les
tranches rognées soit blanches ou coloriées, marbrées
ou jaspées. On leur applique aussi des gardes de tous
genres, principalement en papier vergé de Hollande,
mais il n*y a sous ce rapport aucune règle fixe.
Voici comment on exécute les reliures genre Bradel .
La préparation à la couture se fait comme pour les
reliures ordinaires, c'est-à-dire avec une sauve-garde
entourant le premier et le dernier cahier. On les grec-
que le moins possible pour les coudre sur des ficelles
très minces. Rien n'empêche de les coudre sur rubans
ou sur lacets et dans ces derniers cas le grecquage est
inutile. Le placement des gardes se fait immédiatement
après la couture; on coupe les ficelles à la longueur de
2 centimètres environ, on les effiloche et on les colle à la
colle de pâte sur la sauvegarde, en ayant soin de les
étendre en éventail pour qu'elles forment le moins
d'épaisseur possible ; puis on procède à l'encollage du
dos comme pour les reliures. Ensuite, on arrondit le dos
et on forme les mors à l'étau ou au rouleau et, à leur
défaut, entre deux ais ferrés, et s'il s'agit d'un travail
soigné, on met le volume en presse pour tremper le
dos et le frotter à la colle de pâte. Pour cela, et après
avoir formé les mors, on place bien au fond de ceux-ci,
des cartons libres, puis on met le volume en presse
entre des ais, comme on le fait pour une reliure.
L'endossure étant bien sèche, on retire le volume
de la presse et on enlève les cartons provisoires ; on
GUIDE MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR 269
prend une toile mince que Ton coupe à la hauteur du
volume, mais de 5 à 6 centimètres plus large que le
contour du dos selon le format. On trempe la toile à la
colle de pâte et on l'applique sur le dos, dans les mors
et sur la sauve-garde en la frottant avec soin pour la
faire adhérer partout, en formant bien exactement le
creux du mors, puis on laisse sécher.
On procède ensuite à la rognure, en plaçant de cha-
que côté du volume soit des cartons provisoires, soit les
cartons qu'on lui destine, pour les rogner en tête et en
queue en même temps que le volume, tout en lui ména-
geant des chasses comme aux reliures, on enlève ensuite
les cartons pour rogner la gouttière. On peut aussi
rogner le volume avant Tendossure et ce après l'encol-
lage du dos, c'est-à-dire à plat, comme on le fait pour
les emboîtages. Ce procédé est employé pour les reliurfes-
Bradel à bon marché. Il n'est pas nécessaire non plus
d'endosser les volumes dans la presse; on peut, après
avoir formé les mors, passer sur le dos une couche de
colle de pâte et y appliquer une toile comme il est dit
ci-dessus.
Jusque-là le volume peut être, au choix, un emboî-
tage ou une reliure genre Bradel ; il s'agit maintenant
de lui donner cette dernière forme. Plusieurs systèmes
sont ici en présence, nous en ferons successivement la
description, tout en faisant ressortir ce qui, d'après
nous, en constitue les défauts et les qualités, de même
ce qu'il importe d'appliquer pour arriver à la perfec-
tion.
Etant donné un volume format in-8o à cartonner en
toile genre Bradel et arrivé au point tel qu'il est indi-
qué ci-dessus, l'ouvrier, commence par placer un signet
et une comète, ou tranchefile artificielle, proportionnée
au format du volume, puis il colle un papier par-dessus
270 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
et sur toute la surface dos, ce qu*il fait à la colle forte ;
il s'assure ensuite si les mors sont bien saillants, et,
dans le cas contraire, il les ravive en mettant le volume
en presse entre deux ais ferrés ou dans i'étau à endos-
ser. Alors, prenant une carte mince, soit en deux ou en
trois, selon l'épaisseur du volume, il en coupe un mor-
ceau à la hauteur exacte des cartons et de 8 centimètres
environ plus large que le contour du dos. Il est essen-
tiel que la carte soit parfaitement d'équerre ; il forme
alors un premier pli à la carte à la largeur de 4 cen-
timètres, puis il place cette première partie pliée sur le
volume en partageant exactement les chasses et de
façon à ce que le pli soit bien au fond du mors, il place
un ais ferré par-dessus. Après avoir soulevé la partie
de la carte destinée au contour du dos et au mors de
l'autre côté, puis il retourne le volume tout en mainte-
nant Tais bien en place au fond du mors. Alors, avec
la main gauche il appuie fortement sur le volume,
pendant qu'avec la main droite, il fait prendre à la
carte le contours du dos et la forme du mors, dans
lequel il place le second ais ferré, et il met le tout en
presse en serrant fortement et. à l'aide d'un frottoir en
buis ou en fer, il donne à la carte sa forme définitive,
en accentuant les plis sur les mors et en frottant sur
toute la surface du dos.
On se sert aussi de Tétau, et dans ce cas, les ais fer-
rés sont inutiles. C'est pour cette partie du travail que
le rouleau à endosser rend les plus grands services,
l'action du rouleau donne à la carte exactement la
forme du dos.
Nous voici arrivés au point délicat de notre défini-
tion, et au moment de trancher la question entre deux
systèmes en présence, pour arriver au même résultat.
Certains relieurs, une fois 1^ faux dos formé et les
GUIDE MANUEL 0£ l'oUVRIER RELIEUR 274
eartons coupés, s'empressent de fixer Tune et l'autre au
volume sans s'inquiéter de la couvrure, ce qui les
obiig'e, une fois arrivés là^ à exercer une coupure aux
sauve g'ardes en tête et en queue de chaque cdté du
mors, afin d'avoir l'ouverture indispensable à Tintro^
duction des remplis. Ces coupures à faire aux sauve*
jç-ardes g'arnies de toile enlèvent à cette place l'attache
la plus solide de la reliure et en désorganise plus ou
moins la forme
D'autres, pour obvier à l'inconvénient que nous
venons de sig'naler. se contentent, une fois la carte for-
mée au dos, de fixer les cartons aux flancs de la carte,
ce qu'ils font sur le volume même afin de bien ajus-
ter les chasses, puis, en couvrant le volume, enlèvent
la couverture qu'ils ont laissée indépendante afin de
pouvoir en opérer le rempliage avec plus de facilité et,
une fois le rempliage fait, ils replacent le volume dans
la couverture afin de lui faire reprendre la forme vou-
lue en la laissant sécher ainsi, pour procéder à Tem-
boîtag-e après siccation complète de la couverture.
On voit d'ici les deux systèmes. Le premier laisse à
désirer à cause des coupures, qui enlèvent aux mors la
plus grande partie de leur solidité, et la fermeté à l'en-
semble de la reliure. Le second avec sa couverture indé-
pendante, malgré toute l'adresse de l'ouvrier, laisse à
désirer sous le rapport de la forme, qui a un aspect
lâché se rapprochant par trop de l'emboîtag'e.
Voici, à notre avis, la meilleure manière de s'y pren»
dre. L^ouvrier, ayant fait prendre à la carte la forme
exacte du dos, retire le volume de la presse, et, avant
de retirer la carte, il procède, à la coupe des cartons, le
volume étant à ce moment parfaitement disposé pour
prendre les mesures nécessaires. L'écartement des car-
ton» dans les mors doit avoir une fois et demie l'épais^
272 GUIDB MANUEL DE l'OUVRIER RELIEUR
seur du carton ; il s'agit alors de fixer la carte et les
cartons ; pour cela, il enlève la carte du volume qu'il
place sur la table la gouttière vers lui, puis il place
sous la sauve-garde une platine de zinc, et au moyen
d'une pointe à couper^ il exerce dans la sauve- garde à
2 centimètres environ de la tête du volume, une coupure
partant du fond du mors jusqu'à l'extrémité de la toile
celle qu'il a fixée au dos et jusque sur les flancs du
volume. Puis, sans relever la pointe, il lui fait faire un
quart de conversion pour finir la coupure en forme
d'équerre jusqu'à la tranche du livre, il en fait ensuite
autant aux trois autres côtés.
Alors, il prend une bande de papier qu'il place sous
la sauvegarde jusqu'au fond du mors, en ayant soin de
placer sous cette baude les deux coupures qu'il a faites
en tête et en queue, de chaque côté du volume : il se
met en devoir de fixer la carte à laquelle il a donné la
forme du dos. Pour cela, il trempe à la colle de pâte
les flancs intérieurs de celle-ci en évitant autant que
possible de dépasser la proportion des coupures exer-
cées dans la sauvegarde ; puis il emboîte la carte au
volume qu'il met en presse entre deux ais à angles vifs
qu'il place bien au fond des mors et il laisse, si possi-
ble, sécher en presse. Il place ensuite les cartons qu'il
trempe à la colle de pâte ou à la colle forte claire pour
les fixer en plein sur la sauvegarde et sur la carte et il
met le volume en presse entre deux ais plats ; le tout
étant parfaitement sec, il retire les bandes en dégageant
les deux coupures. Dans ces conditions le volume est
prêt à être recouvert.
Les divers systèmes indiqués ci-dessus, ont pour
base : en ce qui concerne l'attache des cartons au
volume et la formation de la couverture : une carte en
deux ou en trois, assez large pour servir en même temps
GÙlDË MANtEL DE L'ouvttlER HELIEDR ^73
de faux-dos, à y empreindre les mors ondulés et à y
rattacher les cartons. Dans la pluralité des cas et en ce
qui concerne les volumes un peu minces et en général
quand il s'ag'it de recouvrir le volume soit en vélin, soit
avec une peau quelconque ; nous préférons remplacer
la carte par un papier souple et solide.
Dans ce cas, tout en préparant le papier selon les
dimensions indiquées ci-dessus pour la carte ; on taille
en plus un faux-dos comme s'il s'ag-issait d'une reliure.
On fixe celui-ci au papier puis l'ensemble au volume et
ensuite les cartons comme il est dit ci-dessus. Le carton-
nage ainsi agencé sera moins lourd, les mors plus souples
prêteront moins le flanc aux déformations, la reliure plus
élégante sera mieux en rapport avec le sujet. En ce qui
concerne lacouvrure du volume en toile anglaise ou fran-
çaise, l'ouvrier, ayant coupé la couverture, enduit celle-ci
avec de bonne colle forte claire ; il place le volume au
bord de la table le dos vers lui. Alors saisissant la cou-
verture, il la place sur le volume, couvrant ainsi le
premier plat et le dos, le reste de la couverture flottant
en dehors de la table. Il frotte sur le plat pour faire
adhérer la toile et à l'aide du plioir, il la fait entrer
dans le creux du mors, il retourne alors le volume,
tout en faisant adhérer la toile au dos et il le place sur
la table la gouttière vers lui. Il fait entrer la toile dans
le mors de ce côté et il l'étend sur le second plat, il
brosse ensuite les deux plats à l'aide d'une brosse à soies
dures et courtes. Gela fait, il procède au rempliage
Comme on le fait pour les reliures, puis il replace le
Volume à plat sur la table, il prend un papier souple
qu'il place sur le mors et, à l'aide du tranchant du
plioir il frotte en appuyant fortement dans le mors pour
que la forme en soit bien nette, puis il en fait autant de
l'autre côté et il forme la coiffe avec la pointe du plioir.
274 dtllDB MANUfiL DE L*OUVRtEA tlELIEtJtl
La couvrare faite, il laisse bien sécher, puis il colle
les gpardes et en même temps les quatre coupures des
sauve-gardes qui, n'ayant pas été fendues dans les
mors, reprennent leur place en rendant à la reliure sa
forme et toute sa solidité. Ces coUag^es se font à la colle
de pâte, puis l'ouvrier place le volume entre deux ais
bien propres et il le met en presse en serrant lég'ère-
ment pour le retirer aussitôt. Il le laisse sécher complè*-
tement, puis il le remet à la presse en plaçant des plati-
nes de zioc dans les gardes si elles sont en papier de
couleur, ou des cartes si les gardes sont en papier rayé,
pour que le tout soit bien uni. Il n y a plus qu'à envoyer
le volume à la dorure pour terminer le «travail, sans
préjudice du placement des étiquettes s'il y a lieu.
EMBOITAGES
On entend par emboitage, toute reliure ou imitation
dont la couverture, objet de luxe ou de fantaisie, soit
surtout destinée à l'usage usuel, se fabrique d'une part,
et dans laquelle vient ensuite prendre place le volume
dont l'agencement des feuilles, la couture, etc. etc.,
comme on le verra ci-après, se fabrique d'autre part,
pour après former un tout, un ensemble parfait, pourvu
qu'il soit fait avec goût et en connaissance de cause.
L'emboîtage a pris de nos jours une extension énorme;
la plupart des livres, illustrés surtout, sont habillés
par ce moyen. On affecte à ce genre de reliure toutes
espèces de tissus, cuirs de tous genres, etc., etc. La
grande masse néanmoins se fait en toile anglaise et
française en toutes nuances, pour la plupart ornés de
plaques en or ou en couleurs que l'on applique au
moyen de balanciers ; il en sera parlé d'autre part.
Nous avons décrit avec le genre Bradel, le travail d*ua
i
GUIDE MANUEL OE l'oUVRIER RELIEUR 275
cartonnage à emboîter jusqu'au moment de faire la
coDverture; nous a'avans donc pas k revenir sur cette
partie du travail, la pliure le collationnement et le pla-
cement des gravures ayant été décrits d'autre part. Il est
néanmoins certaines préparations qui diffèrent d'après
les g-enres et qu'il est essentiel de mentionner ici.
Certaines maisons ont encore pour habitude, en ce
qui concerne surtout les embotlages ordinaires, de faire
coudre les g-ardes aux volumes tout en entourant le pre-
mier et le dernier cahier. Ce mode tend, et pour cause
à disparaître ; il est plus économique et plus pratique
de placer les gardes après la couture et si le volume est
un peu lourd de placer une sauve-garde par-dessBS. On
gratte alors et on colle les Feuilles sur les gardes ou
sauve-gardes, on enduit les dos d'une couche de colle
PiR. 57, — Machine k arrondir les dos.
forte ou de colle chimique. On rogne le volume aux
dimensions de la couverture. On arrondit les dos soit
au marteau, soit k la machine k arrondir (fig. 67) où
forme les mors soit dans l'étau soit au rouleau à eados-
276 GUIDE MANUEL DB l'oUVBIBR RELIEtR
ser (Sg. 5S). Il est loisible d'emboiter le volume dans
la couverture soit après avoir collé une toile au dos ou
un simple papier, voir même sans l'un ou l'autre si le
travail est par trop peu payé. On colle ensuite les g;ar-
des à la colle de pâte et on les met en pile dans la
presse.
Kig. &8. — Machine <lile rouleau à endosser.
Les embottag'es plus soignés se préparent comme les
Bradel soit avec sauvegardes entourant les premiers et
derniers cabiers soit posés à plat sur la garde. On en
fabrique ég^alement avec g'ardes à charnières, celles-ci
GtJtDE MÀI^ÙEL De L^OVVRlER tlELlEttl 277
sont de deux (genres. On les coud au volume comme on
le fait gpénéralement en Allemag'ne, ou on les place
après la couture et dans ce dernier cas voici comment il
convient de s'y prendre, quant à leur fabrication et leur
placement.
Les gardes à charnières ^ telles que nous allons les
décrire, ont été imaginées et mises en pratique par nous
alors qu'il s'agissait d'établir sur des volumes de grand
format, des emboîtages d'une solidité à toute épreuve.
Sur une double garde blanche : line garde pliée en
deux : nous attachons du côté du dos, au moyen d'un
collage à la colle de pâte de 2 à 3 millimètres de large,
une sauvegarde ou feuille simple de môme format en
papier fort; les vieux registres sont d'un emploi précieux
en la circonstance, on charge ensuite d'un poids plus
ou moins lourd et on laisse sécher. On place ensuite
une charnière en toile que Ton fixe à la colle forte trem-
pée au glacis, en ayant soin de répartir la largeur de
la charnière par moitié sur la garde et sur la sauve-
garde. On applique ensuite les gardes en couleur ou
autres, en ayant soin, du côté de la garde de les pla-
cer à la distance de 5 à 7 centimètres au plus et de 8 à
12 du côté de la sauvegarde : différence justifiée par
la hauteur du mors à prendre en plus du côté de cette
dernière. On plie ensuite les gardes bien à fleur de la
garde blanche et on les fixe ensuite au volume au moyen
d'un collage dissimulant la largeur de l'onglet. Le
placement doit se faire bien à fleur du premier ou der-
nier cahier du volume, il vaut môme mieux dépas-
ser ceux-ci d'un demi millimètre afin que l'ouverture
se fasse nette à fleur du dos du volume ; on charge
ensuite d'un poids lourd et on laisse sécher.
Il nous a été donné de fabriquer, à l'aide de ces
gardes, des emboîtages à lourdes couvertures soit en
BOSQUET — RELIURE 16
fil CUIDB MANOBL ÙB L OUVRIER ItELtEUR
toiie, soit en peaux de divers genres, allas, etc. etc.,
d'autres imitaot à s'y méprendre des reliures pleines
dont les couvertures, dos et plais, tirées au balancier.
Fig. 59. — Rouleau mécanique.
Il nous en est revenu, au bout d'un certain temps ayaat
subi des avaries de tous g'eares. Aucune n'accusait de
fatig:ue du côté des mors ou g;ardes, ils étaient certes,
en vue de leur réfection, plus difficiles à démolir que
Les emboftag;es A charnières se traitent comme les
antres, les g'ardes se placent immédiatement après la
couture, les ficelles étant effilochées. On les colle en
éventail par dessus, on encolle les dos, on procède à la
rog'nure, on arrondit les dos et on forme les mors
comme il est dit ci-dessus. On leur applique une toile
au dos débordant dans les mors et sur les gardes et on
laisse sécher. On procède ensuite à la dorure ou ae
coloriag'e des tranches, puis on redresse les mors à
l'étan DU au rouleau, on place des tranchefiles imitation
ou comètes. L'emboîtage se fait pour les volumes
GUIDE MANUEL DE L*OUVRIBR RELIEUR '279
soig'nés au moyen d'une housse ; c*est un papier très
solide coupé à la hauteur des trancheiiles, mais ayant
à peu près deux lois la larg-eur du dos. On la place en
donnant d'abord une couche de colle forte sur le dos,
puis on ajuste le papier à 2 ou 3 millimètres de Taréte
vive du mors de derrière. On fixe alors le papier sur le
dos à l'aide du plioir. On rabat le papier à fleur de
Tarête vive du mors, du côté du devant du volume, on
le couche sur le dos en le serrant, et on fixe Tex-
trémitè sur la bande de colle, laissée à découvert à
cette intention ; on voit d'ici la proportion qu'il faut
donner au papier de la housse, que Ton trempe ensuite
en plein pour emboîter la couverture. L'un des côtés de
la housse se trouve ainsi fixé au dos du volume, l'autre
au faux dos de la couverture. On colle ensuite les gar-
des en ajustant les chasses avec soin.
Pour les volumes moins soignés, on coupe un papier
à la hauteur des tranchefiles, mais un peu moins large
que le dos que l'on enduit en plein à la colle forte. On
ajuste le papier par-dessus. On emboîte alors le volume
qui ne tient à la couverture que par les deux extrémités
du dos, laissées à découvert par le papier plus étroit
que celui-ci. On frotte avec le plat du plioir sur toute la
surface du dos, pour faire adhérer le tout à la fois et
on laisse sécher. On colle ensuite les gardes, qui, avec
la toile que l'on a collée auparavant sur le dos et en
même temps pour celles-ci, font que l'emboîtage tient
parfaitement au volume.
FABRICATION DES COUVERTURES
II nous reste à parler des couvertures d'emboîtage
que l'on fabrique de différentes façons, les unes avec
partoqs bize^utés, d'autres avec cartons ordinaires. On en
âSO GUIDE MANUEL DE L OCVRIBfi RELIBUa
Fabrique en peaux de tous g;eares, en velours, en soie etc,
mais principalement en percalines de couleur. On en
fait à dos de toile avec plats imprimés et même tout à
fait en papier, les uns dorés au balancier, les autres en
papier chromo. On coupe les cartons au moyen de
cisailles droites, dont nous avons fait mention au cha-
pitre relatif à l'endossure, ou au moyen de cisailles cir-
Fig, 60. — Machine à couper le earloo (cisaille circulaire).
culaires représentées par la fif^. 60. Ces machines débi-
tent la feuille de carton en une seule fois et en autant de
bandes que l'on veut. Les coupes s'eiercenl au moyen
de rondelles en acier ou lames circulairas taillées et
affiltées en biais. Elles sont accouplées par deux à des
distances à déterminer et tournent en sens inverse l'une
de l'autre au moyen de deux axes parrallèles sur les-
elles sont fixées, L'action des lames est facili-
GUIDE MANUEL DE l'OUVRIBR RELIEUR 281
téè par deux cylindres entre lesquels on engage la
feuille de carton. Celle-ci étant débitée en bandes, on
les coupe en travers au moyen d'une équerre mobile
contre laquelle on place les bandes pour les pousser
entre les cylindres. Les coupes s'exercent ainsi avec une
parfaite régularité et ne présentent nulle bavure, si les
lames sont de bonne qualité et convenablement affûtées.
Biseautage des cartons. — Pour les couvertures à
cartons biseautés, le biseautage se fait généralement
au moyen d'une petite machine à lames biaisées, dont
celle du bas reste fixée, et dontTautre est mobile afin de
permettre de passer le carton par dessous, en l'ajustant
contre Tarôte vive de la lame inférieure. Celle-ci doit
être fixée proportionnellement à l'épaisseur que Ton
veut conserver à l'arête vive des cartons, qu'il ne faut
jamais biseauter en lame de couteau, afin de leur
conserver quelque solidité. La seconde lame se rabat
sur le carton, à la largeur voulue pour déterminer
la largeur du biseau, Un pressoir à pédale maintient
alors le carton pendant qu'avec un couteau spécial à
double poignée, assez semblable à celui dont se ser-
vent les tonneliers, on enlève en biais l'excédent du
carton, les deux lames de la machine servent de gui-
des au couteau. On enlève successivement les quatre
côtés du carton qui se trouve ainsi biseauté dans la
forme voulue. Comme on peut le voir, ce procédé est
simple et pratique mais il faut à l'opérateur une certaine
adresse pour l'exécution d'un travail subordonné à l'en-
tretien constant des lames sujettes à s'émousser rapi-
dement.
Les grands ateliers emploient d'autres procédés. La
fig. 61 représente une cisaille à lame inclinée dont la
courbe facilite la coupe en biais des cartons à divers
16.
DB LOUVRIBR RBLIBDB '
degrés. Elle constitue ud progrès réel sur les procédés
employés antérieuremeDt.
Fig. 61. — Cisaitle k bîseauler les carlonB.
Uae invention récente nous paraît répondre de tous
points aux besoins de la cause ; elle consiste en une
cisaille circulaire, fig. 63. Des biseaux à angles vifs ou
de forme arrondie, sont obtenus à l'aide de cette
machine appelée à rendre les plus grands services tant
par la quantité considérable de son débit que par la
netteté et la perfection de son travail .
Les cartons étant préparés, on procède k la fabrica-
tion des couvertures que nous supposerons en toile
anglaise. La coupe de la toile est subordonnée au format
du volume et ce par rapport aux rempliages qu'il con-
vient d'établir à la ou i4 millimètres de large pour les
volumes in 18 Jésus et au-dessous, mais que l'on peut
6UIDE MANUEL DB l'QUVRIBR BBUBVII
établir à 20 millimètres, et plus, selon les dit!
du volume. Il convient tout d'abord d'établir la largeur
du dos etde couper les faux-dos ; la carte du dos brisée.
Celui-ci dont l'épaisseur doit être proportionnés au for-
mat ou à l'épaisseur du volume, se taille, k un milli^
Fig. Sa. — Machine à bUeauter les cartons.
mètre en moins que la hauteur des cartons, se
comme larg;eur de l'arète-vive d'un mors A l'autre. En
ce qui concerne l'écartement entre les deux cartons, on
prend une bandelette de carie-fine avec laquelle on
faire prendre le contour de celui-ci et jusque dans le
creux des mors que l'on marque avec les ong'Ies, Ou
déploie epsuile la carte dont la distance entre les dem
284 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
traits d'ongfles représente exactement l'écart à établir
entre les deux cartons posés à plat sur la table. On
coupe alors un calibre plat ou double équerre (en
forme de f) soit en carton ou ce qui est de beaucoup
préférable en tôle de fer qui ainsi établi pourra toujours
servir, pour les volumes de môme épaisseur.
La fabrication des couvertures pour l'emboîtage est
un travail très simple, mais qui exigée certains soins ;
elle est de la plus haute importance, quand il s'agit
de la traiter sur une grande échelle. La condition
essentielle pour qu'une couverture soit bien faite, c'est
que la toile employée, quelle que soit sa nuance ou sa
forme de grains, se présente aussi fraîche et intacte sur
la couverture faite que si la toile était encore à la pièce.
Pour obtenir ce résultat, il faut avant tout que la colle
employée soit de bonne qualité. Les colles de Givet
que Ton peut employer très claires, et qui, malgré cela,
tiennent et sèchent très rapidement, sans laisser à la
toile le temps de se décomposer par l'humidité, sont
celles qui conviennent le mieux. Les colles dont le
principe actif est faible obligent l'opérateur à tremper
les toiles quelque temps à l'avance, même à les replier
sur elles-mêmes, ou à les placer les unes sur les autres
afin de les assouplir par l'humidité. Cette méthode a le
grave inconvénient de déformer les grains de la toile et
d'altérer en partie les couleurs. En outre, en détachant
les toiles les unes des autres, la colle forme des inégali-
tés préjudiciables à la toile, et aux tirages au balancier,
inconvénients que Ton évite si la colle est d'assez bonne
qualité pour faire adhérer la toile immédiatement. Il
faut surtout éviter d'employer de la colle trop chaude,
la température doit être telle que l'on doit pouvoir
tremper les doigts dans la bassine, sans ressentir les
effets de la chaleur. Ce système est à la fois économi-
GUIDE MANUEL DE l'OUVRIBR RELIEUR 285
que quant à la colle qui donne ainsi moins de déchets,
et bienfaisant envers la toile qui conserve ainsi toute
sa fraîcheur.
Voici comment on s'y prend pour façonner une cou-
verture. L'ouvrier s'étant assuré si la colle est suffisam-
ment limpide et son pinceau en parfait état, enduit
toute la surface de la toile d*une couche de colle légère
et uniforme, en évitant de poser les doigts au centre
des plats, mais seulement sur les bords destinés au
rempHage. Il place alors la toile au bord de la table
sur un carton bien propre, il place Tun des cartons de
la couverture sur le côté gauche de la toile, en parta-
geant exactement les remplis, puis il pose l'équerre en
T de façon à emboîter exactement le carton ; il place le
second carton de façon à emboîter Téquerre de l'au-
tre côté, puis il enlève celle-ci après avoir pesé légère-
ment sur les cartons pour les fixer. Il place le faux dos
bien au centre, et il le fixe par un frottement léger et
rapide ; il retourne la couverture et il la pose sur une
autre partie de la table, et, saisissant une brosse à soies
courtes et résistantes, il brosse toute la surface de la
toile, qui adhère ainsi définitivement au carton sans
la toucher avec les mains ; il retourne la couverture
qu'il replace au point de départ^ et, à Taide de ciseaux
dont les lames ont été légèrement graissées, il coupe les
quatre coins à une distance égale à l'épaisseur des car-
tons. Alors, saisissant un plioir mince et assez large,
qu'il maintient par le milieu entre le pouce et les deux
premiers doigts de la main droite, il le glisse sous l'un
des longs côtés de la couverture, pour entraîner le rem-
pli et le rabattre sur la partie inférieure. Il égalise la
toile avec le tranchant du plioir, tant sur le carton que
sur le faux dos, sur lequel il frotte d'un carton à l'autre ;
puis il fait la môme opération du côté opposé. Le rem-
286 GUIDE MANUBL DE l'ouVRIER RELIEUR
pliag'e étant fait en tète et en queue,ils'ag^itde remplier
le devant de la couverture. Pour cela il plie les coins du
dehors en dedans sur les angles du carton, en se servant
du tranchant du plioir, puis il le g'iisse sous le rempli
pour le rabattre sur le carton, comme il Ta fait en tète
et en queue. Il fait la même opération sur l'autre côté,
puis il retourne la couverture et il passe le plioir à plat
tout autour sur les bords. La couverture est faite sans
avoir touché la toile avec les mains, sauf pour retourner
la couverture ou la déplacer. Pendant ces diverses opéra-
tions,il se sert de la main gpauche.pour maintenir la cou-
verture et lui faire exécuter les mouvements nécessaires.
L'habitude une fois prise d*exécuter toutes les opéra-
tions du rempliag'e, au moyen du plioir sans le déposer
pour exécuter quoi que ce soit avec les doigts, conduit
à une très g-rande rapidité dans la manipulation, et à
une grande propreté dans l'exécution du travail. On
place ensuite les couvertures debout pour les laisser
sécher, on peut aussi les étendre sur des tringles en
bois et jamais sur des ficelles, ce qui les déformerait.
Nous venons de décrire la confection d'une couver-
ture par une seule personne. On en met ordinairement
trois pour les couvertures à cartons ordinaires, et qua-
tre pour celles à cartons biseautés, quand il s'agit d'en
faire un grand nombre. Dans ce cas, et une fois la dis-
tance bien prise, on place le faux dos, immédiatement
après le premier carton, de cette façon Péquerre en T
se salit moins vite, ce qui est assez important. On place
aussi sur la table, à l'endroit où on brosse les couver-
tures, une platine de zinc afin que la colle des remplis
touche toujours la même place et serve à maintenir la
couverture pendant le brossage. Le zinc facilite ensuite
l'enlèvement de la colle et conserve la table propre.
Pans la fabrication à trois, le premier trempe les
etiDE MAKÙEL de L*OtJVRlEtl relIëuh 28t
couvertures et place le premier carton ; le second
place le faux dos et le second carton, exécute le bros-
sage et coupe Içs coins ; le troisième est charg-édu rem-
pliag^e. On ajoute un remplieur pour les couvertures à
biseaux.
Le cartonnage classique est une reliure mixte, qui se
fabrique à très bas prix par des spécialistes, et parfois
même par des brocheurs. Il se divise en deux genres,
en reliures et en emboîtages : les premiers ont leurs
ficelles passées dans les cartons, et on travaille la cou-
verture au volume, Les seconds ont leurs couvertures
faites à part, dans lesquelles on emboîte les volumes
après qu'ils ont été cousus et rognés, tous deux se font
ordinairement avec dos en toile anglaise de diverses
couleurs, avec ou sans titre doré. On applique sur les
plats les couvertures de brochures, que l'on a impri-
mées en conséquence, c'est-à-dire sur papier suffisam-
ment grand pour être remplie autour des cartons. Les
couvertures se font parfois avec dos en parchemin ; on
en fait aussi en lustrine grise ou fauve, imprimée
cemme les couvertures en papier. On fait aussi, mais
alors dans des ateliers de reliure, des emboîtages de
livres classiques avec couvertures en toile anglaise,
avec titres sur dos et plats tirés en noir au balancier,
mais ces derniers entret dans la catégorie des emboî-
tages ordinaires.
Outre la pliure qui se fait comme pour les brochures,
le cartonnage classique est cousu sur le métier à cou-
dre dit cousoir, ou au moyen de machines à coudre
avec ficelles assez longues pour ceux que l'on passe eu
carton, et avec ficelles très courtes que l'on colle sur la
garde, pour ceux que Ton destine à Temboîtage. On
coud généralement les gardes au volume, dont elles
288 GUIDE MANUEL DE L OUVRIER RELIEUR
entourent tes premier et dernier cahiers, afiii que les
uns et les autres soient plus solides. On encolle généra-
lement les dos à la colle forte, puis on les ro^ne. On
arrondit le dos au marteau et on forme les mors an rou-
Fig. 63, — Machine à coudre.
leau ou à l'étau, on enfile les ficelles dans les cartons
en les collant et en les martelaot, ou en les frottant sim-
plement à la colle à l'aide du plioir. (Certains ateliers
ont même conservé l'habitude de percer un troisième
trou, et de croiser la ficelle à l'intérieur). Ou redresse
ensuite les dos à l'aide du marteau, et ou passe une
couche de colle forte par-dessus. On colle un papier
sur les plus gros pour leur donner plus de fermeté ; on
place alors le dos en toile, dont le titre a été doré
d'avance an balancier. Ceux qui n'ont pas de titres
GUIDE MANUEL DE L*0UVIUER RELI£OR 289
dorés reçoivent à la place une étiquette imprimée sur
le même papier que la couverture. On couvre les plats à
la colle forte afin de ne pas altérer le papier de la cou-
verture. L'opération se termine par le collag'e des g^ardes
à la colle de pâte en plaçant les volumes en piles entre
des ais, pour les mettre en presse : on visite les gar-
des, etc. Au sortir de la presse, on jaspe les tranches et
on place les volumes en piles carrées en nombre déter-
miné.
OBSERVATIONS SUR l'eMBOITAGE ET LES CARTONNAGES
Les divers g-enres d'emboîtage de même que les car-
tonnages classiques se fabriquent souvent en très gran-
des quantités, et nécessitent l'emploi de machines qui
permettent d'en activer la fabrication. Nous les avons
mentionnées au cours de l'ouvrage sans toutefois nous
étendre plus qu'il ne convenait sur leur emploi, leurs
mérites, ou les défa uts particuliers à chacune d'elles. Cette
réserve nous était imposée par des considérations que
tout le monde comprendra. Il se construit tous les jours
des machines ; il en est qui se perfectionnent au fur et
à mesure des inconvénients signalés; la plupart sont
excellentes et rendent des services énormes, aucune
n'estarrivée à son point culminant de perfection.il con-
vient de réserver l'avenir et de n'insérer ici que les
recommandations nécessaires en vue d'en tirer le meil-
leur parti possible la machine à coudre fig. 64 est, à
notre avis, destinée à prendre une place des plus
importantes dans les ateliers s'occupant essentielle-
ment de reliures commerciales, emboîtages etc.
En ce qui concerne Vemboîtage, — Il est de la plus
haute importance que l'épaisseur et la forme des dos
soient parfaitement équilibrés entre les volumes destinés
BOSQUET — flELIURE 17
390 GUlbB MANUBL DE l'oUVRIBR RELIBUtl
à prendre place dans des couvertures fabriquées à part.
C'est-à-dire qu'une fois les couvertures faites pour un
certain nombre de volumes d'un même ouvrage, ou de
même épaisseur, il fautcombiner l'ensemble du travail
de façon à ce que les volumes étant prêts à être emboités;
leur épaisseur, le contour du dos et la forme des mors
soieot de tous points semblables. Pour peu que le
Fig. fl4. — Machine à coudre ; reliures et erabotUgea.
volume aoit trop épais, qu'il ait été arrondi plus que de
raison, ainsi que les mors battus ou roulés sans
mesure, c'est à-dire en dehors des proportions du dos
de la couverture, il s'emboîte difficilement, les mors
GttDÈ MÀ^UBL DB L^OUVRtEtl ttËLlBUR 29l
brident et les gardes sur lesquelles s'opèrent des ten-
sions d'autant plus fortes que le dos de la couverture
est trop étroit, se déchirent dans les mors ou entraînent
avec elles les premiers et derniers cahiers du volume.
Si au contraire le volume est trop mince pour la cou-
verture, le dos trop peu garni par la couture ou les
mors trop peu prononcés, Temboftage manque de fer-
meté, le dos se plisse et l'ensemble de la reliure est
exposé à une déformation rapide.
Il faut donc que le battage, le laminage ou la mise en
presse, se fassent de façon à donner à tous les volumes,
la même épaisseur ; qu'ils soient cousus avec le même
fil, que l'abattage du dos. Il a été établi des machines à
cet usage, fig. 65 et l'encollage donnent à tous les mêmes
proportions.il faut éviter que la pression de la machine
à rogner écrase les mors en tête et en queue afin que
l'arrondissage du dos se fasse sans efforts, ainsi que le
battage ou le roulage des mors. Il faut arrondir les dos
avec régularité c'est-à-dire donner à tous les volumes
le même contour et une môme forme ; il en est de
miême des mors qui doivent présenter partout et à tous
le même relief et se rapporter à l'épaisseur des cartons.
Nous disions qu'il fallait éviter que le pressoir de la
machine à rogner écrase les mors du volume, et cela
non seulement pour les conserver en vue de faciliter
l'arrondissage du dos et la formation des mors, mais
aussi afin que la pression ne fasse pas dévier les volu-
mes de la ligne droite. En effet, le devant des volumes
étant rogné et tout en admettant qu'ils ne soient pas
trop épais pour être placés l'un sur l'autre par deux*
même par quatre et plus selon leur épaisseur, de
même en plusieurs tas les uns à côté des autres,
: pour être rognés en une fois. Le pressoir de la machine
à rogner, avant de comprimer le corps du volume
GUIDE MAMIEU DE L OUVl
exerce toujours et tout d'abord son action sur les par-
ties saillantes, ou mors ; une torsion plus ou moins
accentuée en est la conséquenc et la coupe que l'on
Fig. 65. — Hacbine à tromprimer les dos apràs la coulure.
exerce ensuite dans ces conditions est inévitablement
faussée et le volume n'est pas d'équerrc.
Pour remédier à cet inconvénient, certains relieurs
abattent le mors produit par la couture, à outrance, et
vont jusqu'à faire coudre le volume avec du fil trop
GUIDE MANUEL DE L*OUViU£R RELIEUR 293
mince, afin que la disproportion enlre le dos et le coips~
du volume soit aussi faible que possible. G*est là une
erreur et quoi qu'ils fassent, le dos étant encollé est
toujours plus saillant et plus dur, il s'en suit que la
pression s'exerce tout d'abord sur cette partie du volume
et le fait encore dévier plus ou moins delà lig'ne droite.
En outre, le volume n*ayant pas assez de dos, l'arrondis-
sag'e et la formation des mors ne peuvent être exécutés
qu'avec difficulté tout en froissant les cahiers. L'en-
dossure faite dans ces conditions n'a pas la consistance
voulue et se déforme rapidement, il est donc beaucoup
plus simple de coudre les volumes de façon à donner au
dos l'ampleur nécessaire pour que l'arrondi ssage du
dos etc, puissent être exécutés rapidement et sans diffi-
cultés. On se sert alors de cales ou taquets pour rogner
les volumes en tête et en queue. Le taquet consiste en
une planchette en bois de 12 à i5 millimètres d'épais"
seur, un peu plus longue que la largeur du pressoir de
ia machine à rogner et de 2 à 3 millimètres moins
large que le volume dont le devant a été rogné. Le côté
de la planchette qui touche le volume doit être arrondi
des deux côtés en quart de cercle, s'il s'agit de rogner
2, 4, 6 ou 8 vol. à la pile et d'un seul côté s'il s'agit
de rogner de très gros volumes placés un par un à côté
les uns des autres.
L'emploi de ces taquets à pour but de comprimer
tout d'abord le centre du volume et graduellement les
côtés et^ce afin de maintenir le tout dans la ligne droite
pendant la coupe. Ces jtaquets ou planchettes une fois
préparés peuvent servir indéfiniment. On colle sur la
surface non arrondie un carton de i à 2 millimètres
d'épaisseur, puis un morceau de toile anglaise unie afin
qu'en fixant à l'aide de 3 ou 4 petites taches de colle les
taquets sous le pressoir de la machine on puisse les
294 GUIDB MANUEL DE L*OUVRIER RELIEUR
détacher après le travail fait sans détériorer, même les
cartons. Les taquets étant préparés et en supposant qu'il
s'agisse de rogner un train de volume du format in- 1 8
Jésus de 20 à 25 millimètres d'épaisseur. On rog-ne
d'abord les devants, puis on ajuste Téquerre de fond
pour rogner les volumes en queue, on les place tête
biche, les tètes touchant l'équerre et par piles de quatre
les unes à côtés d^ autres, autant que le permet la
longueur de la lame de la machine. On place alors
un taquet sur chaque pile, bien au centre et bien
à fleur du pressoir que Ton descend avec précau-
tion : l'ajustage étant parfait on serre d'abord légère-
ment pour que la colle que l'on a mise sur les taquets,
les fasse adhérer sans les déranger puis on serre à fond .
Le centre de chaque pile se trouve ainsi bien com-
primé et les dos sont alors légèrement relevés aux flancs
arrondis des taquets qui compriment suffisamment les
dos sans les déformer, sans écraser les mors qui restent
intacts. On fait alors fonctionner la lame, on desserre
ensuite le pressoir et après avoir retiré les volumes, on
fait descendre contre l'équerre du fond une bande de
carton dont l'épaisseur représente la valeur de deux
chasses, celles qu'il convient de ménager en tète et en
queue des volumes. On replace alors les piles retour-
nées chacune à nouveau exactement sous chacun des
taquets qui cette fois sont fixés au pressoir et y restent
jusqu'à complet achèvement du train. On décolle
ensuite les taquets à l'aide d'une lame de couteau,
pour s'en servir plus tard pour des volumes de même
format.
CHAPITRE IX
Reliures diverses
Reliures arraphiques. — Ce genre de reliure fort en
usag'e en Angleterre et en Allemagne, ou on imprime
un certain nombre d'ouvrages sur feuillets simples,
consiste à rattacher ces feuillets les uns aux autres au
moyen d'une couche de caoutchouc, dissous à l'essence
sous forme de pâte gluante. Cette pâte appliquée sur
le côté de^ feuillets destinés à former le dos, tient plus
ou moins lieu de couture, pour laquelle il faut comme
assise le dos de la feuille pliée, à moins de monter
celle-ci sur un onglet, avec plis permettant de la ratta-
cher par la couture. Le collage au caoutchouc est plus
économique, mais n'offre pas de garantie de solidité.
L'ouvrage le plus remarquable auquel les relieurs
anglais aient appliqué ce système est la grammaire de
l'ornement, édition grand in-folio, ainsi que l'édition
populaire de ce livre format in-4® jésus.Nous avons fait
usage pendant un certain temps de l'un d'eux, emboîté
dans une couverture à dos de maroquin qui a très bien
résisté. Malgré cela il nous répugnerait de recomman-
der ce système, dont nous avons vu d'autre part des
exemples fréquents de destruction rapide, car, dès
qu'un feuillet se détache ou qu'une cassure se produit,
tout est perdu et le tout tombe en marmelade.
Voici comment on procède à la confection de ce genre
(Je reliure,
296 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
Etant donné un volume composé exclusivement de
feuillets simples, on ég-alise parfaitement ceux-ci du
côté du dos ; ils doivent surtout être coupés en ligne
droite, dans le cas contraire on rog-ne quelque peu le
dos afin que toutes les feuilles soient au même niveau .
On place alors les gardes, puis on met le volume en
presse, entre deux ais que Ton égalise avec le dos que
l'on frotte à Taide d'un papier verre assez rude, on
enlève avec soin la poussière, et on enduit le dos d'une
couche assez épaisse de caoutchouc, que l'on applique
avec le doigt en frottant vigoureusement, afin de bien
imprégner toute la surface du dos. On prend ensuite
une bande de toile molletonnée aussi longue que le
volume, mais de 5 à 6 centimètres plus large que le
dos, on enduit cette bande d'une couche épaisse de
caoutchouc, en ayant soin que la largeur de- la couche
appliquée réponde exactement à l'épaisseur du dos. On
l'applique alors sur celui-ci, les deux couches doiven^
se combiner au moyen d*un frottement à la main ou au
plioir. On retire le volume de la presse, puis on colle
ce qui dépasse de la toile aux flancs du dos sur la
garde, au moyen d'un peu de colle de pâte, et on laisse
sécher le tout pendant au moins vingt-quatre heures.
Au bout de ce temps le caoutchouc est suffisamment
sec, pour que l'on puisse rogner les tranches, arrondir
le dos et rouler ou battre les mors, ce qu'il faut faire
avec précaution. On emboîte alors le volume dans la
couverture que l'on a préparée pour lui, en se servant
pour celui-ci d'une housse, comme s'il s'agissait d'un
volume cousu. Les gardes aussi se collent de même.
RELIURE DES LIVRES DE MUSIQUE
La reliure des partitions de musique occasionne par-
fois des soucis aux relieurs, et cela pour deux causes
GUIDE MÀNUBL DE l'oWRIER RELIEUR 297
principales : il est d'abord indispensable que cette
reliure soit très solide, et ensuite qu'elle s'ouvre parfai-
tement et tout à fait à plat. En outre, il est essentiel
que les feuilles soient suffisamment indépendantes les
unes des autres, pour qu'en les tournant on puisse les
coucher sans résistance à droite ou à gauche, et sans
qu'il soit nécessaire de les maintenir, ce qui est le com-
ble de l'énervement pour le malheureux musicien. Le
moyen le plus simple est de monter les feuillets isolé-
ment sur des onglets de papier souple. On peut alors
relier le volume comme tout autre ouvrage, mais ce
système plus ou moins coûteux n'est pas à la portée de
tout le monde. Voici la manière la moins coûteuse et la
plus simple. On prépare le livre de musique à la cou-
ture sans y faire le moindre collage, à moins que cer-
taines feuilles réclament quelques réparations, et, dans
ce cas on exécute ce travail de façon à ce que les feuil-
les restent indépendantes les unes des autres ; nous
entendons par là : en évitant de joindre les feuillets du
livre autrement que par le fond et d'employer des
petits onglets pour rattacher les feuillets isolés. On
place de chaque côté du volume deux gardes blanches
pliées et encartées l'une dans l'autre pour former un
cahier, il faut que ce papier soit solide, sans être plus
épais que les feuilles du livre, que l'on coud sur quatre
rubans de 7 à 8 millimètres de large, si c'est un
un volume in-8®, et- sur cinq rubans de même largeur
si c'est un volume in-4^. La couture doit être faite tout
du long, c'est-à-dire à un seul cahier, et la chaînette
très près de la rognure. Le volume étant cousu, on
applique sur le dos une légère couche de colle forte,
ensuite on l'arrondit et on lui bat des mors à peine
saillants. Puis on met le volume en presse en plaçant
dans les mors deux cartons minces non attachés. Ceux^
17.
998 GUIDB MAIfUEL DE L'OUVRIER RELIEUR
ci n'étant que provisoires, et uniquement pour que les
mors qui doivent être très petits soient bien formés, on
trempe le dos à la colle de pâte, et on le frotte à l'aide
d'un frottoir en bois. On retire le volume de la presse
après siccation, et on applique sur le dos une couche
de g'omme arabique ou colle à froid assez épaisse ;
ensuite une bande de lustrine bien assouplie, que Ton
a soin de couper assez large pour pouvoir la coller sur
Tes g'ardes du volume. On se contente pour le moment
de la coller au dos seulement en l'humectant très lég^è-
rement pour que l'adhérence au moyen de la g^omme
soit parfaite. On laisse sécher, puis on perce avec la
pointe d'un canif sur l'arête vive du mors, et au-dessus
des rubans, des ouvertures qui permettent de faire res-
sortir ceux-ci en dehors de la lustrine, que l'on colle
alors sur le premier feuillet de garde, au moyen d'un
peu de colle de pâte. On prépare ensuite les cartons
que l'on amincit des trois quarts, en les arrondissant
du côté des mors afin de les mettre au niveau de ceux-
ci. On perce des trous dans les cartons en face de cha-
que ruban et à la larg'eur de ceux-ci, on les passe dans
les cartons et on les fixe à l'intérieur sans trop les ser-
rer. Le tout étant sec on redresse le dos au marteau, et
6n met le volume en presse, puis on trempe le dos avec
un peu de colle de pâte,on frotte avec les doig-ts afin de
bien unir le tout et on laisse séchair.On rogne ensuite le
volume, on le couvre avec un faux dos avec ou sans
nerfs,et avec une peau quelconque, bien amincie sur les
mors si elle est un peu épaisse ; puis, la couvrure étant
sèche, on trempe la g-arde à la colle de pâte, on place
une platine de zinc sous chaque garde, on ferme les
cartons, et on met le volume en presse, dans laquelle
on laisse sécher les collages à fond. On retire le volume
de la presse, on ple^ce s^lors les coins et l^s plats, puis
GUIDE MANUEL DE L'OUVRIER RELIEUR 299
on place les gpardes de couleur sur le second feuillet
blanc, le premier ayant servi de sauve-garde.
On se rend facilement compte combien un volume
relié dans ces conditions doit être solide, il s'ouvre égpa-
lementbien à plat, à cause de la lustrine qui bride un
peu sur les mors ; mais sans danger, attendu qu'on les
a faits très petits, et le peu que l'on a pris sur le dos
des cahiers, pour les former, n'empêche en aucune façon
le volume de s'ouvrir comme un petit registre, laissant
les feuilles indépendantes et souples, attendu qu'il n'y
a aucun collage qui puisse occasionner une traction
quelconque dans l'intérieur du volume.
DES CONDITIONS ESSENTIELLES POUR CONFECTIONNER
DES RELIURES SOLIDES
De tous temps, les relieurs se sont préoccupés des
moyens de rendre les reliures indestructibles, et sans y
arriver complètement certains sont parvenus à les éta-
blir de telle sorte que, malgré le temps et une manipu^
lation constante mais intelligente, leur travail paraît
devoir défier les siècles.
Indépendamment de la main-d'œuvre toute spéciale
faite en connaissance de cause, condition essentielle
pour arriver au résultat désiré, il faut que les fourni-
tures soient toutes de première qualité, su i tout les
peauXj mais toutes ne présentent pas les mêmes garan-
ties de durée. Le veau qui anciennement était la peau
par excellence pour la reliure, grâce au tannage qui se
faisait par des moyens naturels, et sans le concours
d'aucun acide, se tanne actuellement en quelques jours,
par des moyens peu propret à conserver les qualités
essentielles de la peàu^et,quoi que l'on fa«se,âucun fabri*
300 GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR
cant de notre époque ne consentirait à passer par les
anciens errements, qui seuls pourraient nous rendre les
peaux solides d'autrefois. On fait certes encore de fort
belles reliures en veau ; c'est même le gpenre de peau
la plus difficile à travailler en reliure, et celle qui fait
le plus d'honneur au relieur qui la réussit parfaite-
ment, mais sous le rapport de la solidité elle laisse
beaucoup à désirer. Il en est de même de la peau de
truie, et même du cuir de Russie. C'est beau, très
beau, mais peu durable sur un livre usuel, et cela
grâce au tannag'e tel qu'il se pratique de nos jours. Ces
peaux manquent surtout de solidité du côté de la fleur,
et le relieur doit surtout pouvoir compter sur ce côté
de la peau. Les coiffes et les ang'les des cartons ne peu-
vent être formés que par le sacrifice de la plus g'rande
partie de la chair, qu'il faut enlever au paroir. Il va de
soi que nous n'attribuons pas la faiblesse de la fleur de
ces peaux à la nature même de celles-ci, mais cette
partie devient forcément plus faible à la suite des
diverses opérations qu*on leur fait subir au tannag'e et
à la teinture. Ils durcissent la fleur au point de la ren-
dre parfois un peu cassante, ce dont le couvreur s'aper*
çoit, si en couvrant le volume il tire un peu trop la
peau, pour la tendre sur le carton, cette traction provo-
que dans la fleur des petites cassures que l'on a ensuite
beaucoup de peine à dissimuler. Il n'en est pas ainsi
de la peau de chèvre ou maroquin, dont la partie la
plus solide est précisément la fleur, et eela surtout à
cause des facilités avec lesquelles on parvient à tanner
et à teindre ces peaux. Le relieur qui les emploie doit
porter son attention sur celles qui ne sont pas sujettes
à se corner ; défaut très grave occasionné par la fabri-
cation et surtout par la teinture. Celles qui sont exemp-
tes de ce vice, ce que le relieur doit être à même de
GUIDE MANUEL DE l'oUVRIER RELIEUR 301
coûstater, sont les peaux les plus solides que Ton
puisse employer pour la reliure.
Voici, à notre avis, le genre de reliure le plus solide
que Ton puisse appliquer à un livre. Le volume étant
décousu et battu, on garnit le dos des feuilles inté-
rieures de chaque cahier d'une bande de toile glacée ou
lustrine que Ton applique au moyen de la colle d'ami-
don. Ces bandes s'assouplissent au contact de la colle
et adhèrent ainsi d'une façon définitive au papier. Les
collages étant bien secs on encarte les feuilles les unes
dans les autres, en encollant les dos à la gomme arabi-
que ou colle à froid. Il faut avoir soin d'encoller seu-
inent l'arête vive du dos de chaque feuille. Pour cela
on décarte les feuilles de plusieurs cahiers, on les place
les unes siïr les autres, on les égalise entre deux ais et
on passe un peu de gomme sur le dos avec le doigt,
puis on encarte les feuilles comme le font les fabricants
de registres, qui pour cet usage se servent de caout-
chouc. On laisse bien sécher, puis on met le volume en
presse par petites battées. On coud ensuite le volume
sur nerfs simples ou doubles selon le format, en ayant
soin que les chaînettes soient formées aussi près que
possible de la rognure. On endosse le volume, comme
nous l'avons indiqué pour les reliures cousues sur
nerfs. On le rogne, on fait la tranche, et on exécute la
tranchefilure à l'aide de nervures ou bandes de parche-
min doublé. On prépare ensuite le volume à la cou-
vrure, en plaçant sur le dos des claies en chamois ou
en peau de daim, selon le format. On prend alors de la
peau de marocain du Cap, dans laquelle il n'y a aucune
apparence de corne, on la pare le moins possible, mais
pourtant de telle sorte que les mors soient bien dégagés
afin que le jeu des cartons soit suffisamment libre, et
que les coiffes puissent être formées avec facilité, le
302
CUIDB MANUBL DB l'oUVRIER RELIEUR
tout proportionnellement au format du volume; puis,
on le couvre en ayant soin de former les mors avec
soin. On colle ensuite les claies à Tintérieur ; puis,
après siccation complète, on place les charnières, et si
le travail est exécuté par des mains sûres, et par un
ouvrier connaissant son métier, cette reliure doit pou-
voir résister à toutes les épreuves.
Terminons cet article en recommandant, pour ce g^enre
de reliure, l'emploi de colles de première qualité. Les
colles fortes de (nvet et la gomme arabique, mélangées
après dissolution et par parties ég'ales, sont ce que Ton
peut employer de meilleur pour la reliure. La colle de
pâte doit être fabriquée avec de Tamidon de froment
pur. Le collage des claies sur le dos, au moyen d'un
mélange de colle d'amidon et de g'omme arabique,
conserve à cette partie du volume la souplesse voulue
et oflFre en même temps les meilleures garanties de soli-
dité. H se fabrique depuis un certain un temps déjà un
genre décolle à laquelle M. Dornemann a donné son
nom, elle est de beaucoup supérieure aux colles de farine
et d'amidon, surtout pour le placement des gravures et
montages sur onglets; très blanche son emploi est d'une
extrême propreté et son adhérence absolue et définitive,
à l'état naturel elle remplace avec avantage pour l'en-
collage des dos, les meilleures colles fortes, elle se
délaie ensuite à tous degrés s'appropriant ainsi à tous
nos usages.
En général, il faut avoir soin de laisser sécher com-
plètement chaque collage, avant de procéder à la partie
suivante, et s'abstenir de faire sécher quoi que ce soit
au feu ou au soleil . .
FIN
TABLE DES FIGURES
JiTERCALÊES DANS LE TEXTE
Figures Pages
1 Laminoir pour le glaçage des papiers avant l'im*
pression 8
2 Caîandre pour le glaçage et le satinage des papiers
avant l'impression 9
3 Presse hydraulique, actionnée h bras ou au moteur. 11
4 Calandre système Gill, pour le séchage et le sati-
nage des feuilles après l'impression 12
5 Pliure. — La plieuse à son travail , 17
6 Machine k plier : à deux margeuses 35
7 Cisaille à ébarber , 31
8 Ciseaux pour le redressage des gravures 68
9 Marteau à battre 76
10 Batture. — Le batteur aplanissant une battée 77
11 Laminoir du relieur 81
12 Scie àgrecquer 84
13 Machine à grecquer 85
14 Couture. — Chevillette pour rattache des ficelles.. 91
15 » " Boucle pour rattache des rubans 91
16 . j» — L'ouvrière k son cousoir 95
17 Pot à coUeforte .' 100
18 Pinceau à colle forte 100
19 Âis ferrés à accoupler pour le battage des mors. . . . 103
20 Marteau èi endosser... 103
21 Etau à endosser 105
22 Endossuro , formation des mors, au marteau 106
23 Coupe du carton au moyen de la cisaille 109
24 Compas en fer 110
25 Tas k battre les ficelles et k arrondir 112
26 Presse à percussion 114
27 Frottoir k endosser. . . . , , 115
304 TADLE DES FIGURES
Figures Pages
28 Poinçon à percer les trous dans les cartons, etc... 116
29 Fût à rogner et talon détaché 120
30 Rognure ; fonctionnement du fût ou rognoir 122
31 Presse à rogner k trois jumelles et vis en fer 125
32 Equerre en fer 129
33 Compas à vis 130
34 Rognure. — Opération du berçage pour la coupe
de la gouttière 132
35 Machine k rogner ; dite Massiquot 136
36 Pointe à couper 144
37 Règle en fer 145
38 Cisaille à couper les cartons (dernier perfection-
nement) 146
39 Cisaille h, ébarber et à couper la carte 151
40 Presse à main, en bois 158
41 Grille à jasper 161
42 Petite presse à tranchefiler 166
43 Couteau èi parer 187
44 Parure d'une couverture en maroquin 188
45 Gamelle à colle de pâte 195
46 Pinceau à colle de pâte 196
47 La pince à nervures (Bosquet) 201
48 Couvrure. — Formation des nervures au moyen de
la pince 202
49 Ciseaux de couvreur 204
50 Couvrure. — Formation de la coiffe 206
51 » — Plioir du couvreur 207
52 Fer à polir 239
53 Couvrure. — Parure d'un dos pour demi-reliures.. 260
54 » — Serrage du dos; demi reliure 261
55 Trace-coins 262
56 La presse à percussion (Placement des volumes en
presse après l'achèvement, ou pour le polissage
des plats au moyen de plaques 264
57 Machine à arrondir les dos 275
58 Rouleau à endosser 276
59 Rouleau mécanique 278
60 Cisaille circulaire pour la coupe des cartons 280
61 Cisaille à biseauter les cartons 282
62 Machine k biseauter les cartons 283
63 Machine k coudre, sur et sans rubans 288
64 » les reliures et les emboîtages 290
65 Machine à comprimer les dos, après la couture. ... 292
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME
PREFACE
Définition de la reliure.
Pages
1
CHAPITRE PREMIER
La brochure^ dans ses rapports avec la reliure ,. 7
Glaçage 8
Séchage 9
Satinage 10
Pliure 13
Manière de plier 16
Coupe des feuilles 18
Pliuge des divers formats 19
Pliure mécanique 23
Placement des planches et des cartons 26
Assemblage et collationnoment 28
Couture de la brochure 28
Mise en presse, couvrure et ébarbage 30
CHAPITRE II
Reliure . définition de l*art du relieur et des divers
genres de reliure • 32
Reliure pleine 33
Demi-reliure 3*
Cartonnage et emboîtage 35
Reliure d'art, reliure de luxe, reliure d'Amateur 35
Reliure d^e bibliothèque. — Reliure usuelle 37
306 TÀBLfi t>6s MÀTtÂREâ
Pages
CHAPITRE III
Matières premières employées pour la reliure 38
Peaux 38
Tissus ; toiles, percalines, etc 40
Papiers, cartes et cartons , 42
Les colles et leur préparation 44
Colle d'amidon 44
Colle de farine 45
Colles fortes 46
Gélatine 47
Colle chimique 48
CHAPITRE IV
Outillage du relieur 50
CHAPITRE V
Des formats. — Sources, DÉNOMOfATioirg it dimensions 53
CHAPITRE VI
Travail du relieur en ce qui concerne la reliure propre-
ment DITE 58
Du débrochage 59
Démontage des livres reliés 61
Du repliage 62
Préparation à. la couture , 64
Sauvegardes à onglets 65
Réparations sommaires 66
Placement des gravures et planches 68
Montages sur onglets 69
Montage des photographies 74
Mise en presse, battage et laminage 75
Gollationnement. — Grecquage et traçage pour la cou-
ture des nerfs 82
De la couture 86
Couture à la grecque, h point devant 91
Couture k la grecque avec point arrière .'. 94
Couture sur nerfs simples 95
Coutures sur nerfs doubles, ou nerfs accouplés 96
Couture sur rubans ou sur lacets 97
Placement des gardes blanches après la couture .•..*...• 98
TABLB i)B8 ilATlÈRBd 30?
Pages
findossure 9S
Encollage du dos 99
Effilochage des ficelles 100
Arrondissage du dos 101
Formation et battage des mors 102
Affinage des cartons • 110
Placement et attache des cartons 111
Mise en presse 114
De la rognure. — La presse k rogner 118
Opérations préliminaires relatives h. la rognure 121
L'art de rogner 126
Manière de rogner 129
Rognure mécanique 136
Rabaissage des cartons 143
De rébarbage • 148
Manière d'ébarber 150
Jaspure et coloriage des tranches 155
Manière de colorier les tranches 157
Tranches jaspées 160
Tranchefilure et cotuétage 164
Trancliefile simple 165
Tranchefile double 167
Tranchefile à chapiteau 168
Tranchefile k rubans et tranchefile imitation 169
Préparation à la couvrure 172
Préparation des reliures tranchefîlées cousues sur nerfs. . 174
Placement des claies au dos et à l'intérieur 178
Préparation des reliures à dos brisé 179
Coupe et parure des peaux 184
De la couvrure en général 194
Couvrure des divers genres de peaux 196
Couvrure d'une reliure 198
Demi-reliure et remarques diverses. 208
Fouettage et défouettage 211
Couvrure des tissus, en général 212
Placement des étiquettes ou pièces de titres 216
Nettoyage des mors 219
Placement des charnières 221
Des contre-gardes 222
Collage des charnières 225
Nivelage des cartons & l'intérieur 227
Fabrication et placement des gardes en soie 228
Collage des gardes aux reliures à charnières 235
De la cambrure et du polissage 239
Vernissage 245
308 TABLE DES MATIÈRES
Pages
CHÀPITREjVn
Demi-rbliurb 248
Demi-reliure en chagrin avec plats en toile, ou imitation
de reliures pleines 253
Demi-reliure avec coins en peau 258
> sans coins en peau 263
CHAPITRE VIII
Cartonnages et emboîtages 266
Cartonnage à la Bradel 266
Emboîtages 274
Fabrication des couvertures 279
Biseautage des cartons 281
Le cartonnage classique 287
Observations sur l'emboîtage et les cartonnages 289
CHAPITRE IX
Reliures diverses 295
Reliure des livres de musique 296
Des conditions essentielles pour établir et confectionner
des reliures solides 299
Table des figures 303
Table des matières 305
LAVAL. imprimerie PARISIENNE, L. BARNÉOUD & G>o
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