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Full text of "Habitations gauloises et villas latines dans la cité des Médiomatrices; étude sur le développement de la civilisation gallo-romaine dans une province gauloise, avec plans"

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HABITATIONS  GAULOISES 


ET 


VILLAS  LATINES 


DANS 


LA  CITÉ  DES  MÉDIOAIATRICES 


ETUDE  SUR  LE  DEVELOPPEMENT 

DE    LA 

CIVILISATION  GALLO-ROMAINE  DANS  UNE  PROVINCE  GAULOISE 

AVEC    PLANS 
PAR 

Albert    GRENIER 

agrégé  de  l'université 

élève  diplômé  de  la  section  d'histoike  et  de  philologie 

de  l'école  pratique  des  hautes  études 


PARIS 
LIBRAIRIE     HONORÉ     CHAMPION,     ÉDITEUR 

5,    QUAI    MALAQUAIS 

1906 

Tous  droits  réservés 


Forme  le  157°  fascicule  de  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Hautes  Eludes 


Bibliothèque  de  l'École  des  Hautes  Études  (section  des  sciences  historiques    et  philologiques). 

Liste  des  fascicules  parus  jusqu'à  ce  jour. 

1 .  La  stratification  du  langage,  par  Max  Millier,  traduit  par  L.  Havet.  —  La  chronologie  dans  la  for- 

mation des  langues  indo-européennes,  par  G.  Curtius,  traduit  par  A.  Bergaigne.  4  fr. 

2.  Etudes  sur  les  Pagi  de  la  Gaule,  par   A.    Longnon,   iro  partie  :  l'Astenois,  le    Boulonnais   et  le 

Ternois.  Avec  2  cartes,  (cpuisé.) 

3.  Notes  critiques  sur  Colluthus,  par  Ed.  Tournier  (épuisé)  6  fr. 

4.  Nouvel  essai  sur  la  formation  du  pluriel  brise  en  arabe,  par  S.  Guyard  (épuisé).  5  fr. 

5.  Anciens  glossaires  romans,  corrigés  et  expliqués  par  E.  Diez.  Traduit  par  A.    Bauer.       4  fr.   "]5 

6.  Des  formes  de  la  conjugaison  en  égyptien  antique, en  démotique  et  en  copte,  par  G.  Maspero.    12  fr. 

7.  La    vie    de    saint   Alexis,    textes    des   xi",    xu°,  xui"   et   XIVe  siècles,   publiés    par    G.    Paris    et 

L.  Pannier.  i5  fr. 

8.  Études  critiques  sur   les  sources  de  l'histoire  mérovingienne,   V  partie.  Introduction,  Grégoire  de 

Tours,  Marius  d'Avenches,  par  G.  Monod.  6  fr. 

9.  Le  Bhâmini-Vilâsa,  texte  sanscrit  publié  avec  une  traduction  et  des  notes  par  A.  Bergaigne    12  fr. 

10.  Exercices  critiquesde  la  conférence  de  philologie  grecque  recueillis  et  rédigés  par  É.  Tournier.   10  fr. 

1 1 .  Étude  sur  les  Pagi  de   la  Gaule,  par  A.  Longnon,  II»  partie  :   Les  Pagi  du  diocèse  de  Reims.  Avec 

4  cartes.    -  ,  7,  fr.  5o 

12.  Du  genre  épistolaire  chez  les  anciens  Egyptiens  de  l'époque  pharaonique,  par  G.  Maspero  (Epuisé). 

13.  La  procédure  delà  Lex  Salica.  Étude  sur  le  droit  Frank,  travaux  de  R  .  Sohm,  traduits  par  M.  Thé- 

venin.                                '  7  fr. 

14.  Itinéraire  des  Dix  mille.  Étude  topographique,  par  F.  Robiou.  Avec  3  cartes  (Épuisé.) 

15.  Étude  sur  Pline  le  Jeune,  par  T.   Mommsen,  traduit  par  C.  Morel  (Épuisé.) 

16.  Du  C  dans  les  langues  romanes,  par  C.  Joret.  12  fr, 

17.  Cicéron.  Epistolae  ad  Familiares.  Notice  sur  un  manuscrit  du  xip  siècle,    par  C.  Thurot.  3   fr. 

18.  Etudes  sur  les  Comtes  et  Vicomtes  de  Limoges  antérieurs  à  l'an  looo,  par  R.  de  Lasteyrie.  5  fr. 

19.  De  la  formation  des  mots  composés  en  français,  par  A.  Darmesteter.  Deuxième  édition,  revue,  cor- 

rigée et  en  partie  refondue.  12  fr. 

20.  Quintilien,  institution  oratoire,  collation  d'un  manuscrit    du  x»  siècle,  par    E.  Châtelain   et   J.  Le 

Coultre.  4  fr. 

21.  Hymne    à    Ammon-Ra   des    papyrus    égyptiens    du     musée   de  Boulaq,  traduit    et    commenté  par 

E.  Grébaut.  22  fr. 

22.  Pleurs  de  Philippe  le  Solitaire,  poème  en  vers  politiques  publié  dans  le  texte  pour  la  première  fois 

d'après  six  mss  de  la  Bibl.  nat.,  par  l'abbé  E.  Auvray.  3  fr.   75 

23.  Haurvatàt  et  Ameretât.  Essai  sur  la  mythologie  de  l'Avesta  par  J.  Darmesteter.  (    4  fr. 

24.  Précis  de  la  déclinaison  latine,  par  M.  F.  Biicheler,  traduit  de  l'Allemand  par  L.  Havet.  (Épuiséj. 

25.  Anis-el-Ochchâq,  traité  des  termes  figurés  relatifs  à  la  description  de  la  beauté,  par  Cheref-eddin- 

Râmi,  traduit  du  persan  et  annoté  par  C.  Huart.  5  fr.   5o 

26.  Les  Tables  Eugubines.  Texte,  traduction  et  commentaire,  avec  une  grammaire  et  une  introduction 

historique,  par  M.  Bréal,  avec  l3  pi.  photog.  3o  fr. 

27.  Questions  homériques,  par  F.  Robiou.  Avec  3   cartes.  6  fr. 

28.  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  de  la  philosophie  de  l'Inde,  par  P.  Regnaud,  I"  partie.         9   fr. 

29.  Ormazd  et  Ahriman,  leurs  origines  et  leur  histoire,  par  J.   Darmesteter.  (Epuisé.  Il   reste  quelques 

exemplaires  sur  papier  fort.)  25  fr. 

30.  Les  métaux  dans  les  inscriptions   égyptiennes,  par  C.-R.  Lepsius,  trad.  par  W.  Berend,  avec  des 

additions  de  l'auteur,  accompagné  de  2  pi.  12  fr. 

31.  Histoire  de  la  ville  de  Saint-Omer  et  de  ses  institutions  jusqu'au  xiv*  siècle,  par  A.  Giry.      20  fr.' 

32.  Essai  sur  le  règne  de  Trajan,  par  C.  de  la  Berge.  12  fr, 

33.  Études  sur  l'industrie  et  la  classe  industrielle  à  Paris,  au  xni°et  au  xiv*  s.  par  G.  Fagniez.  12  fr. 

34.  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  de  la  philosophie  de  l'Inde,  par/  P.  Regnaud,  11°  partie.       10  fr. 

35.  Mélanges  publiés  par  la  section  historique  et   philologique  de  l'Ecole  des  Hautes   Études  pour  le 

dixième  anniversaire  de  sa  fondation.  Avec   10  planches  gravées.  l5   fr. 

36.  La  religion  védique  d'après  les  hymnes  du  Rig-Veda,  par  A.  Bergaigne.  Tome  Ier  (Epuisé.) 

37.  Histoire  critique  des  règnes  de  Childérich  et  Chlodovech,  par  M.  Junghans,  traduit  par  G.  Monod, 

et  augmenté  d'une  introduction  et  de  notes  nouvelles.  6  fr. 

38.  Les  monuments  égyptiens  de  la  Bibl.  nat.,  par  E.  Ledrain,  lr*  liv.  12  fr. 

39.  L'inscription  de  Bavian.  texte,  traduction  et    commentaire  philologique,  avec    trois    appendices   et 

un  glossaire,  par  H.  Pognon,  I"  partie.  6  fr. 

40.  Patois  de  la  commune  de  Vionnaz  (Bas- Valais],  par  J.  Gilliéron.  Avec  une  carte.  7  fr.   5o 

41.  Le  Querolus,  comédie  latine  anonyme,  publiée  par  L.  Havet.  12  fr, 

42.  L'inscription  de  Bavian,  par  H.  Pognon,  II»  partie.  6  fr. 

43.  De  Saturnio  lat.  versu.  Inest  reliq.  quotquot  supersunt  sylloge,  scripsit  L.  Havet.  l5  fr. 

44.  Études  d'archéologie  orientale,  par  C.   Clermont-Ganneau,  tome  I*'.  25  ff. 

45.  Histoire  des  institutions  municipales  de  Senlis,  par  J.  Flammermont.  8  fr. 

46.  Essai  sur  les  origines  du  fond  grec  de  l'Escurial,  parC.  Graux.  l5  fr. 

47.  Les  monuments  égyptiens  de  la  Bibl.  nat.,  par  E.  Ledrain,  2e  et  3*  liv.  25  fr. 

48.  Étude  critique  sur  le  texte  de  la  vie  latine  de  Sainte-Geneviève  de  Paris,  par  Ch.  Kohler.     6  fr. 

49.  Deux  versions  hébraïques  du  Livre  de  Kalilâh  et  Dimnàh,  par  J.  Derenbourg.  20  fr. 

50.  Recherches  critiques  sur  les  relations  politiques  de   la  France  avec  l'Allemagne,  de    1292  à  1 378, 

par  A.  Leroux.  7  fr.  5o 

51.  Les    principaux  monuments  du   musée  égyptien  de  Florence,  par  W.-B.  Berend,  l"  partie.  Stèles, 

bas-reliefs  et  fresques.  Avec  10  planches  photogravées.  5o  fr, 

52.  Les  lapidaires  français  du  moyen-âge  des  XIIe,  xm°  et  xtv»  siècles,  par  L.  Pannier.  Avec  une  notice 

préliminaire,  par  G.  Paris.  10  fr. 

53  et  54.  La  religion  védique,  par  E.  Bergaigne.  Vol.  II  et  III.  3o  fr. 


HABITATIONS  GAULOISES  ET  VILLAS  LATINES 

k 

DANS 

LA  CITÉ  DES  MÉDIOMATRIGES 

ÉTUDE   SUR   LE   DÉVELOPPEMENT  DE    LA   CIVILISATION    GALLO-ROMAINE 
DANS    UNE   PROVINCE   GAULOISE 


HABITATIONS  GAULOISES 


ET 


VILLAS  LATINES 

DANS 

LA  CITÉ  DES  MÉDIOMATRICES 

ÉTUDE  SUR  LE  DÉVELOPPEMENT 

DE    LA 

CIVILISATION  GALLO-ROMAINE  DANS  UNE  PROVINCE  GAULOISE 

AVEC    PLANS 
PAR 

Albert    GRENIER 

agrégé  de  l'université 

élève  diplômé  de  la  section  d'histoire  et  de  philologie 

de  l'école  pratique  des  hautes  études 


PARIS 
LIBRAIRIE     HONORÉ     CHAMPION,     ÉDITEUR 

5,    QUAI    MALAQUA1S 

1906 

Tous  droits  réservés 


BIBLIOTHÈQUE 

DE    L'ÉCOLE 

DES  HAUTES  ÉTUDES 

PUBLIÉE    SOUS    LES    AUSPICES 

DU  MINISTÈRE  DE  L'INSTRUCTION  PUBLIQUE 


SCIENCES   HISTORIQUES   ET   PHILOLOGIQUES 


CENT  CINQUANTE  SEPTIÈME  FASCICULE 

HABITATIONS     GAULOISES     ET     VILLAS      LATINES 

DANS     LA     CITÉ     DES     MEDIOMATRICES 

PAR     ALBERT    GRENIER 

(avec  plans) 


PARIS 

LIBRAIRIE     HONORÉ    CHAMPION,    ÉDITEUR 
5,     QUAI     MALAOUAIS 

1906 

Tous  droits  réservés 


A      MES     MAITRES 

de  l'université  de  nancy 

de  l'école  des  hautes  études 

et    du   collège    de    france 

ET 

A     MES     AMIS     LORRAINS 


Sur  l'avis  do  M.  Héron  de  Villefosse,  directeur  d'études  d'Épi- 
graphie  latine  et  antiquités  romaines,  et  de  MM.  Emile  Châtelain  et 
Thédenat,  élève  diplômé,  Commissaires  responsables,  le  présent 
mémoire  a  valu  à  M.  Albert  Grenier,  le  titre  :  d'Elève  diplômé  de  la 
Section  d'histoire  et  de  philologie  de  VEcole  pratique  des  Hautes 
Études. 

Paris,  le  13  mars  190b. 

Le  Directeur  de  la  Conférence, 
Héron  de  Villefosse. 

Les  Commissaires  responsables, 
E.  Châtelain,  Thédenat . 

Le  Président  de  la  Section, 
G.  Monod. 


INTRODUCTION 


Les  habitations  de  l'époque  gallo-romaine  ont  laissé  de  nom- 
breuses traces  dans  les  campagnes  du  pays  messin.  Mais  parmi 
les  ruines  qui  nous  en  conservent  le  souvenir,  deux  ou  trois 
seulement  ont  été,  jusqu'à  présent,  l'objet  de  fouilles  appro- 
fondies et  d'études  qui  semblent  définitives.  De  quelques  autres 
villas,  le  plan  a  été  reconnu  dans  ses  parties  essentielles. 
La  plupart  du  temps,  nous  ne  connaissons  que  remplacement 
de  ces  habitations,  et  l'étendue  approximative  de  la  superficie 
qu'elles  couvraient.  Des  monnaies  ramassées  parmi  les 
débris  nous  fournissent  encore,  parfois,  quelques  renseigne- 
ments sur  la  date  de  ces  anciens  établissements.  Ce  sont  là 
tous  les  matériaux  qui  ont   servi  à  cette  étude. 

La  part  des  renseignements  inédits  que  nous  apportons 
est  minime.  Nous  tenons  cependant  à  exprimer  notre 
reconnaissance  à  ceux  des  archéologues  lorrains  à  qui  nous 
les  devons.  Mais  il  nous  a  semblé  que  même  sans  révéler  aucun 
détail  nouveau,  une  étude  d'ensemble  des  restes  d'habitations 
rencontrés  dans  une  même  région,  pouvait  avoir  sa  raison 
d'être  et  son  utilité.  Le  plan  d'une  villa,  les  détails  de  son  amé- 
nagement, le  style  de  ses  décorations,  même  le  mieux  décrits, 
par  la  plus  consciencieuse  des  monographies,  ne  prennent  leur 
véritable  signification,  que  parla  comparaison  avec  les  exem- 
ples voisins  d'autres  villas  du  même  genre.  Il  est  impossible 
d'expliquer  les  différentes  particularités  de  la  technique  de 
construction,  voire  la  destination   des  différentes  parties    des 


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bâtiments,  sans  se  référer  perpétuellement  aux  ruines  de  même 
caractère  découvertes  antérieurement.  Les  archéologues  en 
sont  presque  toujours  réduits  à  raisonner  par  analogie.  Il  leur 
sera  commode  de  trouver,  réunis  et  classés,  les  documents 
nécessaires  pour  éclairer  leurs  fouilles. 

Mais  surtout  une  étude  d'ensemble  des  différentes  villas 
dune  même  contrée,  peut  permettre  de  dégager  du  caractère 
particulier  de  chaque  villa,  et  des  détails  qui  lui  donnent  sa 
physionomie  propre,  l'idée  générale  qui  a  présidé  à  la  cons- 
truction de  ces  habitations  et  les  diverses  modifications  qu'elle 
a  subies.  Il  devient  ainsi  possible  de  suivre  l'histoire  de  l'ar- 
chitecture domestique  dans  une  région  donnée,  et,  par  suite, 
celle  des  grandes  directions  de  l'art  et  de  la  civilisation. 

Les  habitations  portent  en  outre,  profondément  empreinte,  la 
trace  des  hommes  qui  les  ont  élevées  et  habitées.  Leurs  dimen- 
sions, leur  économie  intérieure,  leur  décoration  répondaient  à 
la  richesse  des  populations,  à  l'organisation  de  la  famille  etdu 
travail.  Leur  répartition  fut  soumise  aux  conditions  naturelles, 
leur  développement  aux  événements  politiques.  L'étude  métho- 
dique et  raisonnée  des  restes  d'habitations  fournit  de  pré- 
cieuses indications  touchant  l'état  économique  et  social  d'un 
pays. 

L'étude  des  habitations  rurales  et  des  villas  est  tout  particu- 
lièrement apte  à  mettre  en  lumière  les  résultats  obscurs  de 
la  vie  matérielle  et  de  la  culture  morale  de  la  Gaule  roma- 
nisée.  Les  villes  jusqu'ici  ont  particulièrement  attiré  l'atten- 
tion. Mais  leur  civilisation  est  souvent  fort  différente  de  celle 
des  campagnes.  Les  cités  participent  plutôt  de  la  vie  générale 
des  autres  grandes  villes,  qu'à  celle  du  pays  même  dont  elles  sont 
le  centre.  Le  groupement  de  la  population  y  modifie  les  condi- 
tions de  l'existence  ;  il  aide  à  la  transformation  rapide  des 
mœurs.  Dans  les  provinces  soumises  à  une  domination  étran- 
gère, tout  particulièrement,  les  villes  sont  les  points  de  contact 
entre  le  gouvernement  conquérant  et  le  reste  du  pays.  L'action 
exercée   immédiatement  autour  d'elle    par  l'administration  et 


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ses  représentants,  parfois  ne  dépasse  pas  les  portes  des  centres 
urbains  où  elle  siège.  Les  monuments  officiels  qu'elle  y  élève 
présentent  une  façade  souvent  trompeuse.  Par  eux  on  peut 
juger  sans  doute  des  directions  générales  imprimées  à  la  masse 
du  peuple,  et  des  efforts  tentés  pour  agir  sur  sa  civilisation. 
Du  résultat  de  ces  efforts,  les  documents  que  fournissent  les 
campagnes  permettent  seuls  de  se  faire  une  idée. 

L'importance  des  villes,  au  point  de  vue  économique  et  social, 
ne  saurait  d'ailleurs  être  comparée  avec  celle  des  campagnes. 
Aux  époques  anciennes  surtout,  c'est  des  campagnes  que  le 
pays  tire  ses  ressources.  Là  s'accomplit  tout  le  travail,  de 
là  vient  toute  la  richesse.  L'histoiremême  de  la  terre  est  à  la 
base  de  toute  l'histoire.  L'étude  des  habitations  rurales  nous 
permet  précisément  d'atteindre  cette  histoire  de  la  terre.  Les 
villas  sont  invariablement  liées  à  l'exploitation  agricole  du  sol. 
Le  caractère  de  leur  architecture  est  solidaire  de  celui  de  la 
colonisation  du  domaine  dont  elles  sont  le  centre.  A  une 
maison  de  plan  latin,  répondent  nécessairement  des  méthodes 
de  culture  latine,  une  organisation  du  travail  et  de  la  pro- 
priété de  forme  latine.  L'extension  des  villas  mesure  donc 
exactement  la  pénétration  de  la  civilisation  latine  dans  les  cam- 
pagnes. Le  confort  et  le  luxe  des  habitations  témoigne  de  la 
prospérité  de  l'agriculture.  Leurs  dimensions  correspondent  à 
celles  des  domaines.  Elles  nous  permettent  de  juger  de  l'état  de 
la  propriété  et  par  suite  de  l'état  social  des  populations.  L'his- 
toire des  villas  ne  se  sépare  point  de  celle  du  travail  agricole, 
et  du  développement  économique  du  pays.  On  ne  saurait 
laisser  disséminés  et  perdus  dans  les  innombrables  revues 
locales,  les  documents  précieux,  que  peuvent  ainsi  four- 
nir les  fouilles. 

Les  limites  d'une  cité  gallo-romaine  nous  ont  semblé  prêter 
un  cadre  naturel  à  cette  étude  des  villas.  Ces  limites  reprodui- 
saient, en  général,  celles  qui  avaient  séparé  les  anciens  peuples 
gaulois.  La  civilisation  latine  rencontra  donc,  sans  doute,  à 
l'intérieur  de  chaque  cité,  les  mêmes  traditions  et  les  mêmes 


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usages.  Ces  très  anciennes  divisions  dépendaient  de  la  confi- 
guration même  du  sol,  plutôt  que  de  Faction  artificielle  des 
causes  politiques.  Des  ressources  naturelles  identiques,  un 
même  climat,  y  durent  produire  des  habitations  assez  sem- 
blables. La  pari  d'autonomie  que  laissait  aux  cités  le  gou- 
vernement lointain  de  la  métropole,  permettait  à  chacune 
d'elles  de  garder  sa  physionomie  propre.  Le  développement  de 
fart  de  bâtir  et  de  la  colonisation,  ne  put  donc  manquer  d'y 
présenter  une  certaine  unité.  Le  territoire  d'une  cité  offre,  en 
outre,  l'avantage  d'être  assez  restreint  pour  permettre  un  re- 
censement attentif  des  traces  d'habitations  gallo-romaines  qui 
s'y  sont  rencontrées,  et  assez  vaste  pour  que  le  nombre  et  la 
variété  de  ces  exemples  prêtent  à  leur  étude  un  certain  intérêt 
scientifique.  Les  circonscriptions  adoptées  par  l'administration 
romaine  étaient  les  plus  naturelles  pour  l'étude  des  habi- 
tations de  l'époque  gallo-romaine. 

Des  raisons  personnelles  n'ont  pas  seules  déterminé  le 
choix  que  nous  avons  fait  de  la  cité  des  Médiomatrices.  Les 
ruines  si  nombreuses,  et  quelques-unes  si  caractéristiques  qui 
peuplent  la  vallée  de  la  Moselle,  celle  de  la  Sarre  et  les  pla- 
teaux de  l'Eifel,  aux  environs  de  Trêves,  avaient  d'abord  attiré 
notre  attention.  Cette  brillante  floraison  de  villas  de  luxe  ne 
date  guère,  autant  que  nous  avons  pu  nous  en  convaincre,  que 
de  la  seconde  moitié  du  ni0  siècle.  Elle  fut  déterminée  unique- 
ment par  le  séjour  à  partir  de  cette  époque,  des  empereurs  dans 
la  ville  de  Trêves.  Ce  sont  eux  et  les  grands  seigneurs  de  leur 
cour,  qui,  dans  les  campagnes  environnantes,  ont  élevé  ces 
somptueuses  habitations  de  plaisance.  Les  villas  trévires  ne 
tiennent  donc  pas  à  la  vie  intime  du  pays.  Elles  n'y  sont  pas 
le  produit  normal  du  développement  de  la  colonisation.  Elles 
ne  sauraient  en  aucune  façon  nous  représenter  les  différentes 
phases  de  la  civilisation   gallo-romaine  clans  le  pays. 

Tout  autre  est  le  caractère  des  villas  médiomatrices.  Les 
vestiges  qui  en  ont  été  retrouvés  sont  infiniment  moins  nom- 
breux que  dans  la  région    de  Trêves.  Ils  n'offrent  pas,  sans 


—  13  — 

doute,  le  même  intérêt  au  point  de  vue  de  l'histoire  de  l'art. 
Mais  les  conditions  dans  lesquelles  ces  habitations  ont  été  cons- 
truites, relèvent  bien  plus  de  l'histoire  économique  de  la  cité 
des  Médiomatrices,  que  de  l'histoire  politique  de  l'empire 
romain. 

Les  restes  de  ces  villas  nous  permettent  donc  de  suivre  l'évo- 
lution régulière  de  la  colonisation  des  campagnes  messines. 
L'introduction  de  la  civilisation  latine  y  fut  sans  aucun  doute 
plus  précoce  que  dans  le  pays  trévire.  La  population  essen- 
tiellement gauloise  n'offrit  pas  la  même  résistance  aux  arts  de 
la  paix  apportés  par  les  vainqueurs,  que  les  peuplades  à  demi- 
germaines,  ou  du  moins  fortement  mélangées  d'éléments  ger- 
maniques de  la  basse  vallée  de  la  Moselle.  Divodurum,  en  effet, 
semble  avoir  été  un  centre  d'influence  latine,  antérieurement  à 
Trêves.  Cette  influence  se  répandit  peu  à  peu  dans  les  diffé- 
rentes parties  de  la  cité  médiomatrice.  Ses  étapes  successives 
y  donnèrent  naissance  à  des  habitations  de  genres  distincts. 
De  petites  villas  rustiques  précédèrent  les  grandes  villas  de 
luxe.  Nous  en  retrouvons  les  restes  à  côté  de  ceux  de  bâtiments 
plus  ou  moins  analogues  a  ceux  du  pays  trévire.  Entre  ces 
établissements  divers,  il  nous  est  possible  d'établir  des  diffé- 
rences de  date.  L'histoire  des  habitations  rurales  nous  permet 
ainsi  d'étudier  le  développement  original  d'une  civilisation 
véritablement  gallo-romaine.  L'arrivée  fortuite  d'une  puissante 
aristocratie  étrangère  n'en  vint  pas  subitement  interrompre  le 
cours,  et  par  une  prise  de  possession  du  sol  qui  équivalait,  pour 
ainsi  dire,  à  une  seconde  conquête  romaine,  faire  disparaître 
toute  trace  de  colonisation  antérieure  à  son  établissement. 

Parmi  les  vestiges  les  plus  intéressants  qui  purent  ainsi  sub- 
sister dans  le  pays  des  Médiomatrices,  il  faut  compter  ceux 
de  huttes  à  demi-souterraines,  couvertes  de  branchages  et 
d'argile.  Ces  demeures,  de  caractère  primitif,  n'ont  sans  doute 
rien  de  commun  avec  les  villas.  Si  leur  origine  les  rattache  à  la 
période  de  l'indépendance  gauloise,  nous  avons  cependant  la 
preuve,  que  bon  nombre   d'entre  elles  furent  encore  habitées 


—  14  — 

après  la  conquête  romaine.  Leur  répartition  anormale  nous  per- 
met de  nous  figurer  la  lutte  entre  l'influence  latine  et  les 
traditions  indigènes.  Ces  habitations  représentent  l'élément 
original  sur  lequel  vint  se  greffer  la  civilisation  latine.  Par 
elles  on  peut  mesurer  le  progrès  que  marquent  les  villas. 

Les  différentes  sortes  d'habitations  qui  se  sont  rencontrées 
dans  le  pays  messin,  se  retrouvent  également  sur  le  terri- 
toire des  autres  cités  gauloises.  Les  conditions  générales 
auxquelles  fut  soumis  le  développement  des  habitations  et  de 
la  colonisation  latine  dans  la  cité  des  Médiomatrices,  ne  sem- 
blent en  aucune  façon,  avoir  été  différentes  de  celles  qui  prési- 
dèrent à  l'exploitation  de  toutes  les  campagnes  gauloises.  On 
est  donc  autorisé  à  supposer  que  clans  toute  la  Gaule  éga- 
lement, les  villas  ne  se  substituèrent  que  peu  à  peu  aux  cons- 
tructions indigènes;  que  ces  premiers  établissements  latins 
furent  de  petites  villas  rustiques,  et  qu'ils  ne  cédèrent  la  place 
aux  grandes  villas  urbaines,  que  dans  les  mêmes  circons- 
tances que  nous  permet  de  distinguer  l'histoire  des  villas  mé- 
diomatrices. Les  progrès  de  la  civilisation  latine,  dans  la 
cité  dont  nous  avons  choisi  les  limites  comme  cadre  de  ce  tra- 
vail, nous  ont  semblé  pouvoir  représenter  assez  exactement  les 
phases  de  toute  la  civilisation  gallo-romaine.  Une  étude  parti- 
culière des  villas  médiomatrices  dépassait  ces  villas  elles- 
mêmes.  C'est  cette  raison  surtout  qui  nous  a  déterminé  à 
l'entreprendre. 

Nous  ne  nous  dissimulons  pas  cependant,  que  malgré  une 
ressemblance  générale,  les  habitations  de  l'époque  gallo- 
romaine,  durent  être  assez  différentes  en  Aquitaine  par 
exemple  (1),  de  ce  qu'elles  étaient  dans  la  Gaule  Bel- 
gique. La  technique  et  les  procédés  de  construction  pouvaient 
fort  bien  n'être  pas  les  mêmes.  Le  sol,  le  climat,  la  richesse  du 
pays,  ont  donné  sans  doute  à  l'architecture  comme  aux  formes 

(i)  Cf.  L.  Joulin,  Les  établissements  gallo-romains  de  la  plaine  de 
Martes-Tolosanes.  Extrait  des  Mémoires  présentés  par  divers  savants  à 
l'Acad.  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  i'«  série.  T.  IX,  p.  217-510(1900). 


—  15  — 

de  l'exploitation  agricole,  des  caractères  particuliers.  Le  voi- 
sinage de  l'Italie,  la  facilité  plus  grande  des  relations,  y  ont 
fait  sentir  plus  vivement  peut-être  l'influence  de  Rome.  Il 
serait  à  désirer  que  l'on  pût,  dans  chaque  cité,  suivre  l'his- 
toire des  habitations  gallo-romaines,  et  marquer  avec  préci- 
sion les  traits  qui  leur  sont  propres.  Les  documents  ne 
manquent  dans  aucune  des  régions  de  la  France.  De  cette  éla- 
boration des  matériaux  aujourd'hui  dispersés  dans  les  revues 
locales,  pourrait  se  dégager  enfin  une  histoire  générale, 
exacte  et  complète,  des  habitations  de  forme  latine  en  Gaule, 
et  de  la  colonisation  des  campagnes  gauloises  à  l'époque  de  la 
domination  romaine. 

C'est  une  simple  contribution  à  cette  vaste  enquête  que 
nous  avons  voulu  entreprendre.  Comme  il  ne  sera  que  trop 
facile  de  s'en  rendre  compte,  ce  travail  ne  souffre  pas  moins 
de  l'absence  de  points  de  comparaison  hors  des  frontières  de 
la  cité  des  Médiomatrices,  que  de  l'insuffisance  des  fouilles 
exécutées  jusqu'à  présent  à  l'intérieur  de  ces  limites.  Seuls 
les  exemples  de  villas  rencontrées  dans  d'autres  cités  pour- 
raient fournir  les  indications  nécessaires  pour  combler  les 
lacunes  souvent  considérables,  que  laissent  entre  elles  les 
ruines  d'une  même  région.  Faute  de  cet  appui,  les  conclusions 
que  nous  nous  sommes  efforcés  de  dégager,  gardent  bien 
souvent  le  caractère  de  simples  hypothèses.  Il  était  bien  diffi- 
cile d'échapper  à  cet  inconvénient.  Nous  avons  cru  utile 
cependant  d'indiquer  les  questions  qui,  à  notre  sens,  se  posaient 
à  propos  des  villas  médiomatrices,  et  de  dégager  les  éléments 
d'information  fournis  par  les  fouilles.  Nous  souhaitons  que 
d'autres  réponses  moins  incertaines  viennent  à  bref  délai 
d'autres  cités  de   l'ancienne   Gaule. 

Octobre  1904. 


HABITATIONS  GAULOISES  ET  VILLAS  LATINES 


DANS 


LA  CITÉ  DES  MEDIOMATRICES 


ETUDE    SUR    LE    DEVELOPPEMENT    DE    LA    CIVILISATION    GALLO-ROMAINE 

DANS  UNE  PROVINCE  GAULOISE 


CHAPITRE  PREMIER 
Le  Pays  des  Médiomatrices  et  les  Médiomatrices. 


i°  Description  géographique.  —  Les  limites  de  la  cité  des  Médioma- 
trices. 

■2°  Le  peuple  des  Médiomatrices.  —  Son  histoire.  —  La  civilisation  ro- 
maine et  les  traditions  indigènes. 


La  jonction  des  deux  vallées  de  la  Moselle  et  de  la  Seille 
forme  le  cœur  du  pays  des  Médiomatrices.  C'est  sur  la  hau- 
teur dominant  la  vaste  plaine  sablonneuse  où  se  rencon- 
trent les  deux  rivières,  que  fut  établi,  dès  l'époque  gau- 
loise, l'oppidum  de  jDivodurum,  capitale  de  la  cité. 

Vers  l'ouest,  jusqu'aux  côtes  de  Meuse,  s'étend  un  vaste 
plateau  decalcaire  oolithique,peu  accidentéettrèsapteà  la 
culture.  A  l'est,  des  plaines  où  dominent  les  marnes  [Keu- 
per)  et  plus  loin  le  calcaire  coquillier  (Musckelkalk),  con- 
duisent jusqu'aux  Vosges.  Entre  la  Seille  qui  les  borde  au 
sud,  et  la  Sarre  qui  les  entoure  à  l'est  et  au  nord,  l'Albe, 
la  Rosselle  et  les  deux  Nied s  établissent. de  larges  passages. 
A.  Grenier.   Habitations  gauloises.  2 


—  18  — 

Ces  terres,    d'une  fertilité    moyenne,  ont  de  tons  temps 
constitué  un  pays  agricole  par  excellence. 

Une  ceinture  de  terrains  gréseux  et  accidentés,  encadre 
à  Test  ce  pays  de  plaines.  Elle  reparaît  au  nord  entre  Sar- 
re briïck  et  Saint-  A  vold,  et  se  continue  tout  le  long  du  cours  de 
la  Sarre.  Ces  grès  marquent  la  limite  des  pays  montagneux  et 
forestiers.  A  Test,  ils  forment  la  chaîne  des  Vosges.  Ses 
forêts  dessinent  la  frontière  que  ne  dépasse  pas  la  popula- 
tion médiomatrice.  De  nouvelles  forêts,  au  nord  du  pays, 
bordent  la  Sarre  de  la  Rosselle  à  la  Nied,  couvrent  le  pla- 
teau qui  sépare  la  Sarre  de  la  vallée  de  la  Moselle,  et  se 
prolongent  au  loin  vers  l'ouest.  Les  forêts  actuelles  de 
Moyeuvre,  de  Caldenhoven,  etde  Warndt,  ne  sont  plus  que 
de  faibles  vestiges  de  celles,  qui  à  l'époque  ancienne,  en- 
serraient le  pays  presque  de  trois  côtés. 

Ces  forêts  formaient  les  frontières  naturelles  du  pays, 
frontières  vagues  et  indéterminées  à  l'époque  gauloise, 
mais  que  ne  put  manquer  de  préciser  l'administration  ro- 
maine. Ce  sont  les  limites  de  l'époque  gauloise  que  décrit 
Strabon.  «  Au  nord  du  pays  des  Helvètes,  dit-il,  les  Sé- 
«  quanes  puis  les  Médiomatrices  sont  établis  sur  la  rive 
«  gauche  du  Rhin.  Une  peuplade  germanique,  les  Tribo- 
«  ques,  occupe  d'ailleurs  la  partie  de  leur  territoire  qui  est 
«  contiguë  au  fleuve....  Au  sud  et  à  l'ouest  du  pays  des 
«  Médiomatrices  habitent  les  Leukes  et  les  Lingons...  ;  au 
«  nord,  les  Trévires  »  (1). 

Ce  territoire  est  beaucoup  plus  vaste  que  n'était  la 
cité  desMédiomatrices,  à  l'époque  romaine.  S'étendant  jus- 
qu'au territoire  des  Lingons,  il  comprenait  la  «  civitas  Ve- 
rodunensium  «que  nous  trouvons  mentionnée  à  part,  dans 
la  Notice  des  Cités  de  la  Gaule  (2).  Les  Triboques,  d'autre 
part,  ancêtres  des  Alsaciens  actuels,  semblent  avoir  été 
rattachés  à  la  province  de  Germanie  supérieure.  Ils  for- 
ment au  ive  siècle,  la  civitas  indépendante  «  Argentora- 
tensium  » 

Quant  aux  limites  de  la  cité  des  Médiomatrices,  ainsi  ré- 
duite, nous  pouvons  nous  les  représenter,  faute  de  docu- 
ments plus  précis,  par  celles  de  l'ancien  diocèse  de  Met/. 


(i)  Strabo,  IV,  4>  iqS. 

(2)  Cf.  Longnon,  Allas  historique,  de  la  France.  PI.  I  et  II,  p.  \t\. 


-   19  - 

Nous  savons,  en  effet,  que  les  divisions  ecclésiastiques  con- 
servèrent la  plupart  du  temps,  presque  sans  changement, 
les  anciennes  circonscriptions  administratives  romaines(l). 
C'est  donc  au  territoire  circonscrit  à  l'est  par  les  Vosges, 
au  nord  par  les  hauteurs  qui  bordent  la  rive  gauche  de  la 
Sarre,  et  une  ligne  qui  rejoint  la  vallée  de  la  Moselle  à  peu 
près  à  la  hauteur  de  Sierck;  à  l'ouest  et  au  sud  parles  an- 
ciens départements  de  la  Meuse  et  de  la  Meurthe,  que  nous 
bornerons  notre  étude. 


* 


Le  peuple  que  la  conquête  romaine  trouva  en  possession 
de  ce  territoire,  appartenait  à  la  famille  Belge,  ces  tard-venus 
des  invasions  gauloises.  Il  n'a  joué,  semble-t-il,  qu'un 
rôle  assez  peu  important  dans  la  lutte  pour  l'indépendance 
de  la  Gaule.  César  ne  le  mentionne  qu'une  fois,  à  propos 
du  contingent  de  6000  hommes  qu'il  fournit  à  l'armée  de 
secours  destinée  à  Alésia(2).  Il  n'apparaît  pas  non  plus, 
après  la  conquête,  dans  les  soulèvements  auxquels  prirent 
parties  Trévires,  ses  voisins.  Les  Médiomatrices,  en  effet, 
formaient  une  «  socia  civitas  »  (3).  Tacite  reconnaît 
qu'aucun  acte  d'hostilité  de  leur  part  ne  justifiait  l'abo- 
minable carnage  que  firent  à  Divodurum  les  légions  de 
Fabius  Valens,  lors  des  troubles  qui  suivirent  la  mort  de 
Néron  (4). 

Ils  semblent  s'être  accommodés  très  vite  de  la  civilisation 
romaine.  Moins  voisins  des  Germains  que  les  Trévires, 
ils  échappaient  à  l'influence  belliqueuse  des  tribus  restées 
indépendantes.  Tout  porte  à  croire  que  le  sentiment 
national  ne  leur  fit  jamais  trouver  lourd  le  joug  de  Rome. 
Divodurum  apparaît  de  bonne  heure  comme  une  ville  com- 
plètement latinisée.  Elle  est  divisée  en  vici  (5);  elle  a  son 


(0  Ibid.,  PI.  III. 

(2)  Césah,  de  Bello  Gallieo,  VII,  7.^,  3. 

(3)  Tacite,  Hist.,  I.,  70. 

(4)  Tacite,  Hist.,  I,  03. 

(5)  Viens  honoris.  (C.  I.  L.   Pars.  I.  Fasc.  II,  43oi)  Vicani  vici   pacis 
{Ibid.  £3o3). 


—  20  — 

praefectus  statorum  (1),  ses  inscriptions  en  l'honneur  des 
empereurs  (2),  ses  temples,  son  amphithéâtre,  ses  con- 
duites d'eau,  etc.  .  (3).  Il  en  est  de  même  dans  les  autres 
centres  urbains  de  la  région. 

La  situation  géographique  du  pays  fait  d'ailleurs  com- 
prendre que  l'influence  romaine  n'ait  pas  tardé  à  s'y 
répandre.  Les  vallées  de  la  Moselle  et  de  la  Sarre  étaient 
des  passages  naturels  tout  préparés,  pour  les  routes  dont 
l'administration  des  premiers  empereurs  sillonna  la  Gaule. 
Divodurum  était  le  carrefour  decinq  grandes  voies.  L'une 
venait  de  Lyon  par  Besancon,  deux  de  Reims  par  Toul  et 
Verdun,  une  autre  allait  à  Strasbourg  et  la  dernière  à 
Trêves  (4).  Dès  le  règne  de  Néron,  le  légat  consulaire  de  la 
Germanie  inférieure,  L.  Antistius  Vêtus,  songeait  à  établir 
un  canal  qui  eût  rejoint  la  Saône  à  la  Moselle  (5). 

La  civilisation  latine  était  donc  apportée  à  Metz  par 
les  légions  qui  se  dirigeaient  vers  le  Rhin,  et  par  les 
marchands,  qui  de  l'Italie  gagnaient  les  profondeurs  à 
demie  inconnues  de  la  Germanie.  Les  Médiomatrices  se 
trouvaient  mis  en  relations  par  ce  réseau  de  routes  avec 
tous  les  grands  centres  de  la  culture  gallo-romaine, 
Sens  (6),  Autun  (7),  Lyon  (8),  Bordeaux ,(9),  où  l'on  trouve 
des  inscriptions  se  rapportant  à  eux.  La  région  a  pu,  de  très 
bonne  heure,  participer  à  la  vie  générale,  qui,  s'introdui- 
sant  à  travers  les  pays  locaux,  fait  profiter  chacun  des 
progrès  réalisés  par  tous. 

Ce  n'est  pas  à  dire,  cependant,  que  la  civilisation  déve- 
loppée par  ces  conditions  si  favorables,  ait  jamais  perdu 
tout  caractère  original.  Les  dieux  romains,   l'art  romain, 

(i)  Robert  et  Cagnat,  Epigraphie  de  la  valléede  la  Moselle,  I,  p.  21. 
=  C.  I.  A.,  XIII,  i,n°  4291. 

(2)  Ibid,  II,  p.  16-19,  etc.  =  C.  /.,  L.,  XIII,  1,  rc°s43oi — 43o4,  43i2, 
43aM  —  i3a5. 

(3)  F.  Keune,  Annuaire  <l<-  lu  Société  d'Histoire  et  Archéologie  Lor- 
raine, IX  (1897),  p.  i33-2oi,  X(i8()8),  p.  1-71. 

(4)  Itiner.  Anton.  (Ed.  Parthey  el  Pinder),  p.  m.  112.  173.  174.  177. 
Voir  l'a  cartel  PI.  I. 

(5)  Ta<  .,    1////.,  XIII,  53. 

(6)  C.  I.  L.,  XIII,  2954. 
(7)CI.L..  XIII,  2674. 
(8)  C  I.  L.  XIII,  1807. 

(•))  C.  I.  A.,  XIII,  O29,  Jullian.  Inscript,  rom.   de  Bordeaux,  I,  n°  69. 


-  21  — 

et  surtout  l'architecture,  les  mœurs  romaines,  toutes  ces 
importations  étrangères  trouvaient  en  face  d'elles,  une 
religion,  des  principes,  des  habitudes,  avec-  lesquelles  il 
leur  fallut  composer.  Elles  ne  subirent  pas  sans  altérations, 
ce  contact  avec  les  traditions  indigènes.  Cette  sorte  de 
contamination  était  la  condition  et  la  conséquence  néces- 
saire de  leur  acclimatation. 

La  masse  de  la  population  médiomatrice,  à. l'époque  ro- 
maine, était  en  effet  gauloise,  et  demeura  gauloise.  Les 
éléments  latins  qui  s'y  mélangèrent  furent  rares,  et  ne  suf- 
firent pas  à  la  transformer.  Les  provinces  gauloises  se 
distinguent  profondément  à  cet  égard  de  celles  du  Limes 
germanique,  peuplées  de  marchands  latins,  semées  de 
colonies  de  vétérans,  occupées  à  demeure  par  les  camps 
et  les  postes  romains  (1).  Les  cités  de  la  Gaule  Belgique, 
en  particulier  dont  la  population  était  à  peine  habituée  à 
la  vie  sédentaire,  étaient  demeurées  beaucoup  plus  voisi- 
nes de  la  barbarie  primitive  que  celles  du  centre  et  du 
sud  de  la  Gaule  (2).  Elles  étaient  de  toutes,  les  moins  prêtes 
à  profiter  de  la  civilisation  apportée  par  Rome. 

Nous  ne  parlons  pas  ici,  sans  doute,  de  la  population 
des  villes,  enrichie  de  bonne  heure  par  le  commerce,  et 
facilement  accessible  à  l'influence  romaine.  Il  nous  fautéga- 
lement  faire  exception  en  faveur  de  la  noblesse  médioma- 
trice. Nous  savons,  en  effet,  avec  quel  engouement  la  classe 
riche  avait  adopté  en  Gaule,  tous  les  raffinements  de  la  cul- 
ture latine.  Mais  il  n'en  pouvait  être  de  même  du  peuple 
des  campagnes;  et  il  formait,  selon  toute  vraisemblance, 
la  grande  majorité  de  la  population  médiomatrice.  Nous  le 
trouvons  en  effet  encore  au  ive  siècle,  obstinément  attaché 
à  ses  vieilles  croyances  religieuses  et  à  sa  langue  celtique. 
Il  avait  dû  conserver  avec  le  même  entêtement  la  manière 
de  vivre  de  ses  ancêtres,  leurs  méthodes  de  construction 
et  de  culture,  et  les  principes  sur  lesquels  était  fondée  la 
condition  des  personnes  et  de  la  propriété. 

De  cette  persistance  des  traditions  indigènes,  à  côté  de 
celles  qu'apportait  la  civilisation  latine,  de  l'adoption  par 


(  i  )  Hettner,  Zur  Cultur  von  Germanien    u.   Gallia  Belgica.   Wesl- 
deutsrhe  Zeitschrift,  II  (i883),  p.  1-2 1. 
(2)  Strabon,  IV,  4_I- 


22  

les  riches  d'un  genre  de  vie  tout  romain,  nous  ne  pou- 
vons manquer  de  retrouver  la  trace  dans  les  habita- 
lions  de  l'époque  gallo-romaine.  L'étude  des  restes  qui 
s'en  sont  rencontrés  dans  la  cité  des  Médiomatrices, 
peut  nous  fournir  sur  l'histoire  du  pays  et  celle  de  ses 
habitants,  des  renseignements  de  nature  à  préciser  et 
à  compléter,  le  peu  que  nous  apprennent  les  textes  an- 
ciens. 


CHAPITRE  II 
Les  Huttes  gauloises  a  l'Epoque  Gallo-romaine. 


i°  Textes    et  monuments  figurés    relatifs   aux   habitations    gauloises. 

2°  Les  mardelles  dans  le  pays  des  Médiomatrices. 

3°  Partie  souterraine  des  habitations  gauloises. 

4°  La  construction  recouvrant  la  mardelle. 

.r>°  Date  des  mardelles. 

G0  Répartition  des  mardelles  dans  le  pays  des  Médiomatrices. 


Les  habitations  les  plus  anciennes  dont  les  fouilles  ont 
mis  au  jour  des  vestiges,  dans  le  pays  des  Médiomatrices, 
sont  des  huttes  à  demi-souterraines,  construites  en  bran- 
chages, couvertes  de  chaume  et  de  terre.  Elles  répon- 
dent assez  exactement  aux  descriptions  succinctes  que 
nous  ont  laissées  les  écrivains  anciens,  des  maisons  gau- 
loises.Ce  sont  donc  ces  chaumières  qui  représentent  dans 
le  pavs  les  traditions  de  l'architecture  gauloise.  Elles  y 
ont  précédé  les  villas,  et  comme  nous  le  verrons,  ne  leur 
ont  cédé  que  peu  à  peu  le  terrain.  C'est  par  elles  que  nous 
commencerons  notre  étude. 


* 


Les  textes  littéraires  d'où  l'ou  a  cru  pouvoir  tirer  une 
description  des  habitations  gauloises,  ne  nous  permettent 
pas,  en  réalité,  de  nous  en  faire  une  idée  précise. 

César,  toujours  très  sobre  de  détails,  se  borne  h  remar 
quer  que  les  cases  des  Gaulois  sont  généralement  cou- 
vertes de  branchages  (1). 


(r)    Dp   B.    G.,   V.,  43,  i,  casse  quae    more    gallico  stramentis    erant 

tectoa. 


—  24  — 

D'après  Strabon,  nous  savons  que  les  Belges  habitaient 
de  grandes  maisons  de  planches  et  de  clayonnages,  en 
forme  de  berceaux,  couvertes  d'une  épaisse  couche  de 
chaume  (I).  On  ne  saurait  attribuer  une  importance  déci- 
sive à  ce  passage,  étant  donné  que  Strabon  n'a  pas  vu  lui- 
même  ces  maisons,  dont  il  parle  d'ailleurs,  d'une  façon 
assez  vague.  Tous  ses  renseignements  lui  viennent  de 
Posidonius,  et  l'état  qu'il  décrit  est  antérieur  à  la  con- 
quête. 

Quant  à  Yitruve,  il  nous  apprend  que  de  son  temps,  un 
certain  nombre  de  peuples,  parmi  lesquels  les  Gaulois, 
en  sont  encore  restés  à  une  phase  très  primitive  de  l'art 
de  bâtir  ;  ils  habitent  des  maisons  de  planches  ou  de  bran- 
chages (2). 

Il  donne  sur  ce  genre  de  constructions  quelques  détails 
que  l'on  croit  pouvoir  appliquer  aux  huttes  gauloises. 
Tout  d'abord,  dit-il,  on  dressa  des  fourches  entre  les- 
quelles on  disposait  de  menus  branchages;  ces  parois 
étaient  recouvertes  de  boue.  D'autres  faisaient  sécher  des 
mottes  de  terre,  dont  ils  édifiaient  les  murs,  ils  les  abri- 
taient de  la  pluie  et  de  la  chaleur  par  un  revêtement  de 
roseaux  et  de  feuillages.  Puis,  voyant  que  les  toits  ne 
pouvaient  supporter  le  poids  des  pluies  de  l'hiver,  on  en 
vint  à  construire  des  faites  recouverts  de  boue,  qui  par 
leur  inclinaison  facilitaient  l'écoulement  de  l'eau  (3).  Il  ne 
faut  voir  dans  ces  indications,  nous  semble-t-il,  qu'une 
esquisse  rapide  des  perfectionnements  de  l'art  de  bâtir, 
suggérés  aux  peuples  barbares  par  la  nécessité.  Nous  ne 
saurions  nous  faire,  à  l'aide  de  ces  seules  considérations 
théoriques    sur  les  origines  de  l'architecture,    une    idée 


(i)  IV,  4>  3.    Toù;  6'otxoy;  iv.  aavt'Stov  xal  yéppwv  ïyovat  jj.îyiAou;,  6o).oîiÔ£ï; 

{■')  Dr  Architect.,  Il,  i,  /|...  ad  hune  diem  nationibus  exteris,  ex  his 
rébus  sedificia  constituuntur,  ut  in  Gallia,  Hispania,  Lusitania,  A.qui- 
tania,  scandulis  robusteis  aul  stramentis. 

(.'.)  Ibid.,  Il,  i,  .'!.  Primum  furcis  erectis  et  virgultis  interpositis,  luto 
parietes  texerunt.  Alii  luteas  glaebas  arefacientes  struebanl  parietes... 
vitandoque  îmbres  el  aestus  tegebanl  harundinibus  ci  fronde,  Postea- 
quam  per  hibernas  tempestates  tecta  non  potuerunl  imbres  sustinere, 
fastigia  facientes,  luto  Lnducto,  proclinatis  tectis,  stillicidia  deduce- 
bant. 


—  25  — 

exacte  des  habitations  en  usage  dans  le  nord  de  la  Gaule 
à  l'époque  romaine. 

On  peut  tenter,  il  est  vrai,  d'appuyer  ces  textes  et  de  les 
préciser  à  l'aide  des  représentations  de  maisons  gauloises 
que  nous  fournissent  des  monuments  figurés. 

Le  plus  caractéristique  de  ces  monuments  est  un  bas- 
relief  romain  d'assez  bon  style,  conservé  au  Musée  du 
Louvre  (1).  Il  semble  dater  du  Ie'  siècle  de  l'ère  chrétienne. 
La  provenance  en  est  inconnue.  Un  barbare,  un  Gauloi-. 
semble-t-il,  à  en  juger  par  sa  physionomie  et  sa  longue 
chevelure,  défend  contre  un  soldat  romain,  sa  cabane 
représentée  au  second  plan.  C'est  une  hutte  ronde,  cou- 
verte d'un  toit  conique,  dont  le  milieu  semble  être 
demeuré  ouvert,  pour  livrer  passage  à  la  fumée  du  foyer. 
Les  roseaux  qui  recouvrent  les  parois  aussi  bien  que  le 
toit  sont  nettement  dessinés.  Une  ouverture  rectangulaire 
forme  la  porte. 

Ce  sont,  d'ailleurs,  les  mêmes  huttes  rondes,  tantôt 
couvertes  de  roseaux,  tantôt  formées  de  poutres  accolées, 
tantôt  construites  en  pierre,  que  les  bas-reliefs  de  la 
colonne  Trajane  (2)  attribuent  aux  Daces,  ceux  de  la 
colonne  d'Antonin  (3)  ou  de  Marc-Aurèle  (4)  aux  Marco- 
mans  et  aux  Quades.  Ce  type  uniforme,  adopté  par  les 
artistes  romains  pour  figurer  les  habitations  de  leurs 
ennemis  barbares,  est-il  copié  sur  la  réalité  ?  Ne  leur  est- 
il  pas  suggéré  plutôt,  par  d'anciennes  traditions,  qui  font 
de  la  hutte  ronde  en  branchages  et  en  chaume,  la  demeure 
primitive  des  populations  non  civilisées.  Ces  représenta- 
tions ne  sont-elles  pas,  en  un  mot,  tout  aussi  convention- 
nelles que  la  description  de  Vitruve?  (5) 

De  nombreux  monuments,  provenant  du  pays  des 
Médiomatrices,  nous  en  représentent,  il  est  vrai,  les 
habitations  avec  plus  de  chances  d'exactitude.  Ce  sont 
quelques  petits  bas-reliefs,  et  surtout  des  tombes.  Comme 

(il  Clarac,  Musée  de  sculpture,  11,  qu  .'^26,  p.  7O7. 
(2)  Frohner,  La  colonne  Trajane. 

'.;  Frohner,  La  colonne  d'Antonin. 
(4)  Petersen-Domazewski,  Die  Marcussaûle,  pi.  110,   r  1 2,  118. 
1,  Le  caractère   conventionnel    de  ces  représentations  est  très  nette- 
ment indiqué  sur  la  colonne  Trajane,  par  ce  fait  que  les  Inities  rondes 
y  apparaissent  bâties  en  superbes  pierres  de  taille. 


—  20  — 

un  grand  nombre  de  peuples  de  l'antiquité,  les  Gaulois 
aimaient  à  donner  aux  monuments  abritant  les  restes  de 
leurs  morts,  la  l'orme  des  maisons  où  ils  vivaient.  Nous 
n'avons  pas  à  tenir  compte,  pour  nous  faire  une  idée  du 
genre  de  construction  gaulois,  de  celles  de  ces  tombes  qui 
ont  été  trouvées  dans  le  voisinage  des  villes  (1).  Elles 
appartiennent  à  une  population  romanisée  et  représentent 
les  maisons  des  villes  conçues  sur  un  plan  tout  romain. 
D'autres  tombes,  d'apparence  beaucoup  plus  ancienne, 
proviennent  des  lorêts  des  Vosges.  Grossièrement  tail- 
lées, et  ne  portant  aucune  inscription,  elles  semblent  le 
produit  d'un  art  absolument  indigène.  Ce  sont,  pour  la 
plupart,  des  blocs  de  grès  prismatiques  à  base  rectangu- 


Fig.  1.  —  Tombes  en  forme  de  huttes  trouvées  dans  les  Vosges. 
D'après    la    Westd.    Zeitsch.    Ergànzungsheft,    X,    p.    48. 


laire  allongée,  et  dont  la  partie  supérieure  forme  soit  un 
angle,  généralement  très  aigu,  soit  une  ogive  (2).  Des  habi- 
tations ainsi  formées  de  deux  parois  obliques  se  rejoignant 
à  leur  sommet  ne  peuvent  être  que  des  huttes  en  bran- 
chages. Quelques  tombes,  en  petit  nombre,  figurent,  il  est 


(i)  Par  exemple  à  Scarpone  :  Cf.  L.  Quintard,  Journal  Soc  Avch. 
Lor.}  [900,  |>.  99-100  :  et  à  Metz.  Cf.  Keune,  Sablon  in  rômisch.  Zeit. 
A  nnuaire  de  la  Société  d'Histoire  et  d'Â  rchéologie Lorraine,  1903,  p.  324- 
46i,  pi.  XIII,  XXVI. 

(2)  De  nombreux  spécimens  de  ces  tombes  s<mi  rassemblés  aux 
Musées  de  Metz,  de  Saverne  e1  d'Epinal.  Cf.  Ami.  Soc  Hist.  et  Arch. 
Lor.,  1899,  p.  376  et  /|i.ri,  1900,  |».  383.  Westdeutsche Zeitschrift,  Ergan- 
zungsheft, X,  |>.  48- 


—  27  — 

vrai,  une  maison  à  murs  verticaux,  surmontés  d'un  faîtage. 
Ces  murs  pouvaient  être  constitués  de  troncs  d'arbres 
accolés,  ou  de  planches.  Peut-être  aussi  dans  ce  pays  où 
le  grès  abonde,  la  pierre  pouvait-elle  être  employée  à  leur 
construction.  Une  petite  ouverture  dans  le  bas  du  bloc, 
représente  la  porte.  C'estle  seul  détail  que  permette  de  dis- 
tinguer le  caractère  par  trop  rudimentaire  de  la  sculpture. 

Plus  instructifs  sont  deux  petits  bas-reliefs  consacrés, 
l'un  à  la  déesse  Nantosuelta,  l'autre  à  la  même  déesse 
associée  au  dieu  Sucellus  (1).  Sur  les  deux  monuments,  la 
déesse  tient  d'une  main  un  sceptre  surmonté  d'une  petite 
cabane  rectangulaire. 

Le  bas-relief  consacré  à  Nantosuelta  seule  nous  montre 
cette  cabane  couverte  d'un  faîte  assez  aigu,  surplombant 
légèrement  les  murs,  et  assez  épais  pour  être  fait  de 
chaume.  Une  porte  s'ouvre  au  milieu  de  la  face  antérieure, 
l'ensemble,  en  somme,  est  très  voisin  de  quelques-unes 
des  tombes  que  nous  venons  de  décrire.  Cette  maison, 
sur  le  second  monument  est  plus  large  ;  le  toit  en  est 
plus  écrasé,  et  deux  portes  symétriques  s'ouvrent  sur  la 
façade.  Ce  dernier  détail  ne  donne-t-il  pas  à  croire  que 
ces  petits  édifices  représenteraient  des  temples  plutôt  que 
des  maisons  ?  On  est  d'autant  plus  porté  à  le  supposer, 
que  sur  le  premier  bas-relief,  Nantosuelta  supporte  de  sa 
main  restée  libre  une  autre  construction  d'un  caractère 
tout  différent.  C'est  une  petite  hutte  ronde.  Les  parois  ver- 
ticales en  semblent  formées  de  troncs  d'arbresjuxtaposés. 
Le  toit  conique  et  surplombant,  laisse  deviner  à  sa  partie 
supérieure  le  croisement  des  branchages  qui  en  forment 
la  charpente.  Cette  hutte  ressemble  de  très  près  à  celle 
qui  est  représentée  sur  le  bas-relief  du  Louvre.  Les  dis- 
positions et  le  genre  de  construction  qu'elle  nous  fait 
connaître  répondent  assez  bien  à  ce  que  nous  pouvons 
savoir  par  César,  Strabon  et  Vitruve  des  maisons  habitées 
par  les  Gaulois.  Cette  concordance  confirme  sans  doute 
les  renseignements  généraux  que  nous  avaient  fournis  les 
textes  littéraires.  Elle  n'y  ajoute  que  fort  peu  de  détails, 
et  n'augmente  pas  la  portée  des  conclusions  que  nous 
pouvons  en  tirer. 

(i)  Michaelis,  Ann.  Soc.  /lis/,  et  Arch.  Lorr.,  189.J,  1,  p.  i55. 


—  28  — 

Laissant  de  côté  1rs  données  insuffisantes  des  textes  et 
des  monuments,  un  savant  allemand,  M.  Meitzen  a  cru  de- 
voir .chercher  d'un  autre  côté,  des  documents  plus  précis 
sur  la  maison  gauloise.  11  la  rattache  à  un  type  général 
d'habitation,  propre  aux  tribus  celtiques,  et  conditionné  par 
l'organisation  de  la  famille  en  clan  patriarcal  (i). 

Mais  la  méthode  de  raisonnements  théoriques,  d'ail- 
leurs trop  peu  rigoureuse,  employée  par  ce  savant,  ne  peut 
rien  ajoutera  la  connaissance  que  nous  avons  par  ailleurs 
de  l'architecture  domestique  des  Gaulois  (2).  La  cons- 
titution de  la  famille  gauloise  est  trop  peu  connue 
pour  autoriser  aucune  induction  touchant  l'économie  des 
demeures  qu'elle  habitait.  Les  seuls  documents  propres 
à  préciser  les  données  trop  vagues  des  textes  littéraires  et 
des  monuments  figurés  sont  ceux  qui  sont  fournis  par  les 
fouilles.  Il  ne  s'agit  pas  du  reste,  pour  nous,  d'établir  le 
type  général  de  la  maison  gauloise,  mais  simplement  d'é- 
tudier les  vestiges  des  habitations  indigènes  relevés  dans 
le  pays  des  Médiomatriees,  et  d'essayer  de  reconnaître  les 
caractères  et  la  date  des  demeures  dont  ces  restes  nous 
ont  conservé  la  trace. 


* 


Les  restes  des  habitations  gauloises  sont  pendant  long- 
temps passés  inaperçus.  Ils  se  présentent  en  général 
sous  la  l'orme  de  trous  circulaires  de  10  à  40  mètres  de 
diamètre,  et  profonds  de  2  à  10  mètres.  Très  rares  dans  les 
parties  basses  de  la  vallée,  ces  excavations  se  rencontrent 
surtout  sur  les  pentes  des  collines  et  sur  les  plateaux,  sou- 
vent à  proximité  de  sources  ou  de  ruisseaux.  Elles  sont  par- 
ticulièrement fréquentes  dans  les  forets  où  les  travaux  de 
l'agriculture  ne  les  ont  pas  nivelées.  La  couche  épaisse  de 
tourbe  et  d'argile  qui  en  garnit  le  fond  en  a  transformé 
un  grand  nombre  en  mares.  Ce  sont  les  «  mares  au  diable  » 


(i)  Mkitzkn,  Siedelung  u.  Agrarwesen  der  Kelter.  Rômer,  Finnen,   // . 

Shmcn.r[  vol.    in-(S'J  donl  un   atlas.    Berlin,    îcS^f»,  T.   I,  |>.  i  îS  /j ,  III,   |>.    ?8l. 
(2)    Voir   les   reproches   toùl    à   fail    fondés  formulés   ;'i    l'adresse   de 
celte  théorie  par  J.  Flach,    L'origine  historique  de  l'habitation  et   des 
lieux  habités  en  France,  p.  11  sqq. 


—  29  — 

ou  mares  des  païens  (Heidenpullen),  comme  on  les  appelle 
dans  le  pays.  Longtempsconsidérées  comme  des  lieux  han- 
tés, elles  sont  encore  aujourd'hui  entourées  de  légendes 
mystérieuses.  On  les  désigne  habituellement  par  le  terme 
de  «  margelles  »  ou  plutôt  «  mardelles  »  (1). 

Ces  mardelles  (2j,  si  nombreuses  en  certains  endroits, 
qu'elles  donnent  à  des  plateaux  l'aspect  de  fonds  maréca- 
geux, n'étaient  pas  sans  provoquer  l'étonnement.  La  nature 
très  différente  des  terrains  où  elles  se  rencontrent  excluait 
la  possibilité  de  toute  explication  géologique.  On  n'y  pou- 
vait voir  un  phénomène  naturel  du  même  genre  que  celui 
quia  produit  les  cavités  dites  «  trous  au  loup  »  dans  les 
terrains  calcaires  (3).  Ces  mares  ne  pouvaient  être  que 
l'œuvre  de  l'industrie  des  hommes  (4). 

Les  uns,  en  conséquence,  voulaient}'  voir  d'anciennes  car- 


(i)Sur  cette  question  des  «  mardelles  »  el  des  habitations  gauloises 
dans  le  pays  messin,a  paru  depuis  ledépôt  de  ce  Mémoire  à  l'Ecole  des 
Hautes-Etudes,  une  étude  très  importante  de  M.  Wichmann  :  Ueberdie 
Maren  oder  Mertel  in  Lothringen.  Ann.  Soc.  /lis/,  et  Arck.  Lorr.,  1903, 
p.  218-262,  pi.  [-XI.  Les  conclusions  de  cet  article  confirment  sur 
presque  tous  les  points,  notamment  à  propos  de  la  date  à  assigner 
aux  habitations  gauloises  des  campagnes  médiomatrices,  celles  aux- 
quelles nous  étions  arrives  de  notre- côté.  Ce  travail  apportait  en  mitre 
un  certain  nombre  de  détails  inédits  sur  des  fouilles  qui  n'avaient  été 
publiées  que  très  sommairement  auparavant.  Nous  nous  sommes  effor- 
cés d'en  faire  notre  profit  et  de  mettre  autant  que  possible  notre  étude 
au  courant  des  dernières  publications. 

(2)  Wichmann,  dans  l'article  mentionné  plus  haut,  p.  227-280,  pro- 
teste contre  l'emploi  du  terme  «  mardelle  »  pour  désigner  ces  excava- 
tions. Ce  mot  n'est  même  pas  français  dit-il;  il  est  emprunté  au  patois. 
11  propose  de  le  remplacer  simplement  par  le  mot  0  mare  ».  Nous 
ferons  remarquer  que  le  terme  mare  suppose  la  présence  au  moins 
intermittente  d'eau  dansées  dépressions,  ce  qui  n'est  guère  vrai  que  de 
la  moitié  d'entre  elles.  Ce  mot  0  mardelle  »  employé  depuis  près  d'un 
siècle  par  les  archéologues,  peul  être  considéré,  quelle  que  soit  sa  prove- 
nance, comme  ayant  acquis  droit  de  cité  dans  la  langue  scientifique.  Il 
a  le  grand  avantage  de  la  précision  et  permet  de  distinguer  des  autres, 
ces  mares  d'une  espèce  toute  particulière  qui  nous  conservent  la  trace 
des  habitations  gauloises. 

(3)  Cf.  Bulletin  de  la  Sur.  d'Arch.  de  la  Moselle,  1862,  p.  62. 

(4)  Après  de  longues  discussions  les  géologues  ont  fini  par  s'accorder 
tous  sur  ce  point.  Cf.  Schumacher,  Mittheilungen  des  geologischen 
Landesanstalt  v.  Elsass.  Lothringen,  1890,  II,  34o  et  van  Werveke,  Bei- 
tràge  :ar  Kentniss  der  lothringischen  Mardellen.  Ibid.,  1908.  V.  Fasc. 
4,  p.  35 1  sqq. 


—  30  — 

rières  d'où  l'on  aurait  tiré  l'argile  nécessaire  à  la  fabrica- 
tion des  poteries  (1).  D'autres  en  faisaient  des  citernes  aban- 
données. D'autres  enfin,  par  une  nouvelle  application  de  la 
théorie  chère  aux;  archéologues  anciens,  assignaient  aux 
mardelles,  comme  à  toute  ruine  antique,  une  origine  mili- 
taire, et  prétendaient  y  reconnaître  la  trace  de  campe- 
ments romains,  plus  ou  moins  prolongés,  ou  peut-être  de 
postes  d'observations  et  de  retranchements  de  fortune, 
établis  par  les  légions  à  la  lisière  des  forêts  et  aux  abords 
des  routes  (2). 

Ils  ignoraient  en  effet  que  des  excavations  analogues 
avaient  été  dès  le  xvine  siècle  observées  et  fouillées  en 
Allemagne  (3)  et  en  Angleterre  (4).  En  France,  M.  de  Lavil- 
legille  dans  le  Berry,  et  l'abbé  Cochet  en  Normandie, 
avaient  dès  1838  entretenu  la  Société  des  Antiquaires  de 
France,  des  mardelles  très  nombreuses  dans  ces  régions  5). 
Toutes  ces  recherches  avaient  abouti  aux  mêmes  conclu- 
sions :  les  mardelles  représentaient  de  très  anciennes  ha- 
bitations. 

La  renaissance  des  études  d'archéologie  locale,  vers 
1860,  et  les  fouilles  qui  en  lurent  la  conséquence  en  Lor- 
raine, allaient  permettre  d'y  vérifier  le  même  fait. 

Depuis  un  certain  temps  déjà,  on  avait  relevé  la  pré- 
sence, jugée  inexplicable,  de  troncs  de  chênes,  «gisant  dans 
les  mares,  sous  la  terre  végétale,  dans  des  terrains  bour- 
beux, dans  le  fond  des  vallées,  et  aussi  en  grand  nombre 
dans  le  lit  des  rivières  (6)».  Ces  constatations  avaient  fait 
surgir  les  hypothèses  les  plus  invraisemblables  touchant 
les  mouvements  du  sol,  et  l'extension  des  forêts  à  l'époque 
préhistorique.  Le  hasard  inities  archéologues  sur  la  voie 
de  l'explication  véritable. 

En  cherchant  à  vider,  pour  la  combler  ensuite,  une 
mardelle   située    sur   le    Rotterhof,    entre   Mitterheim  et 


(i)  Bullet.  Soc.  Arch.  Moselle,  1862,  ]>.  62  sqq. 

(2)  Ledain,  Austrasie,  1857,  |>.  448.  Mém.  Soc.  Arch.  Mos.,  V.  (1862), 
I».  53. 

(3)  Dûnnhai  ri.  Antiquités  saxonnes,  171S. 

(4)  Archéologie  Britannique,  [785. 

(5)  Mém.  Suc  Antiq.  de  France,  XIV,  t838,  p.  160  sqq. 

(Il)    V.    Simon,    Mém.  Soc.  Arch.  Mus.,   [862,  p.   1  ."1    cl    Bulletin,    18(12, 
p.  27. 


—  31  — 

Munster,  on  avait  trouvé  dans  le  fond,  des  troncs  d'arbres 
grossièrement  taillés  et  des  fragments  de  poterie.  Les 
baliveaux,  rayonnant  des  bords  vers  le  centre  de  la  mare, 
étaient  enfouis  sous  une  épaisse  couche  de  tourbe,  formée 
de  débris  de  feuilles  mortes,  et  de  menus  branchages 
protégés  par  de  l'argile.  Le  même  fait  et  les  mêmes  dispo- 
sitions avaient  été  remarquées  dans- une  autre  mardelle 
mise  à  sec,  aux  environs  de  Sarrebourg,  à  la  suite  des  tra- 
vaux du  canal  des  houillières  de  la  Sarre  (1). 

Les  deux  problèmes  de  la  présence  de  troncs  d'arbres 
dans  les  terrains  bourbeux  et  de  l'existence  des  mardelles, 
étaient  solidaires  l'un  de  l'autre.  La  solution  dès  lors  en 
était  trouvée  (2).  Les  mardelles  conservaient  la  trace  d'an- 
ciennes huttes  en  branchages,  en  partie  souterraines. 
Les  fouilles  dès  lors  se  multiplièrent,  de  plus  en  plus 
précises,  et  de  plus  en  plus  fécondes  en  renseignements. 
On  a  relevé  jusqu'à  présent  plus  de  5000  mardelles  en 
Lorraine  (3). 


Partie  souterraine  des  habitations  gauloises.  —  Les  exca- 
vations dans  lesquelles  ont  été  retrouvés  les  débris  des 
huttes  en  branchages,  montrent  suffisamment  que  les 
demeures  dont  nous  avons  ainsi  conservé  la  trace  étaient  en 
partie  au  moins,  souterraines.  Cette  habitude  de  creuser 
les  habitations  dans  le  sol  se  rattache  directement  aux  tra- 
ditions les  plus  anciennes  de  l'humanité,  cherchant  abri  dans 
les  cavités  naturelles.  On  comprend  qu'elle  se  soit  perpé- 
tuée sous  un   climat  excessif,  comme  celui  de  la   Gaule, 


(i)  L.  Benoit,  Les  voies  romaines  dans  l'arrondissement  de  Sarrebourg. 
Mém.  Soc.  Arch.  Lorraine,  i865,  p.  [4  sqq. 

(2)  L.  Benoit  (article  cité),  Bach,  Mémoire  sur  les  habitations  gauloises 
et  les  vestiges  qu'on  en  trouve  dans  les  provinces  de  l'Est.  Mém.  Soc. 
Arch.  Mus..  r866,  p.  85  sqq,  et  Bullet.,  1868,  p.  [69  sqq. 

Nous  empruntons  à  M.  Wichmann  :  Ueber  die  Maren  oder  Mertel 
in  Lothringen.  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  igo3,  p.  200,  des  statis- 
tiques el  des  chiffres  précis.  Sur  ces  5ooo  mardelles,  1800  environ  sonl 
situées  en  plein  champ,  les  autres  se  trouvent  dans  les  forêts.  Sur  les 
mares  placées  hors  des  forêts,  787  sont  toujours  sèches,  537  toujours 
remplies  d'eau,  445  sèches  en  été,  et  pleines  d'eau  en  hiver. 


—  32  — 

chez  des  peuples  malhabiles  à  travailler  la  pierre,  et  qui  ne 
connaissaient  pas  l'usage  du  mortier. 

Les  Germains,  eux  aussi,  nous  rapporte  Tacite,  cher- 
chaient, en  habitant  sous  terre,  un  abri  contre  la  rigueur 
de  l'hiver  et  la  chaleur  de  l'été  (1).  De  fait,  les  mardelles 
sont  également  très  fréquentes  en  Allemagne.  Le  genre 
d'habitation  des  tribus  belges,  ne  différait  donc  pas  essen- 
tiellement du  leur. 

Nous  avons  dit  que  la  forme  la  plus  fréquente  des  mar- 
delles en  Lorraine  était  ronde  ou  ovale  (2).  On  en  signale 
également  quelques-unes  de  forme  rectangulaire  (.3),  ces 
dernières  de  dimensions  généralement  très  supérieures  à 
celles  des  mardelles  circulaires.  Elles  ne  mesurent  en  effet 
auère  moins  de  40  mètres  de  long-  sur  10  à  15  mètres  de 
large,  tandis  que  le  diamètre  moyen  des  autres  varie  entre 
10  et  20  mètres  (4).  La  profondeur  en  est  généralement  de 
2  à  4  mètres,  et  dépasse  rarement  5  mètres.  L.  Benoit  en 
signale  cependant  de  10  mètres  de  profondeur  (5). 

De  semblables  cavités  fournissaient  un  déblai  considé- 
rable. Rarement  cependant  on  en  trouve  la  trace  à  proxi- 
mité des  mardelles.  Une  ou  deux  fois  seulement,  on  a  pu 
constater  autour  des  bords  une  élévation  artificielle  du 
sol  (6).  En  règle  générale,  la  terre  extraite  a  dû  être  trans- 
portée ou  étendue  à  une  certaine  distance. 

(i)  Germ.  i6,  Soient  et  subterraneos  specus  aperire,  eosque  multo 
insuper  fimo  onerant,  suffugium  hiemis...  quia  rigorem  frigorum  ejus 
modi  loci  molliunt. 

(2)  On  no  saurail  d'aill eurs  tirer  de  celle  particularité  aucune  indica- 
tion touchant  la  forme  des  habitations;  l'eau  qui  remplit  les  cavités  a 
pu  en  ronger  les  bords. 

(3)  Correspondenzblatt  d.  deutsch.  Gesellsch.f.  Anthropol.  Ethnol.  u. 
Urgeschichte,  qov.  iqo3,  p.  i32. 

Cette  forme  exceptionnelle  en  Lorraine,  semble,  d'après  M.  de  Laville- 
gille  :  Mém.  Suc  Antiq.  de  France,  XIV  (i838),  p.  161,  avoir  été  la 
règle  en  Berry.  Les  dimensions  qu'il  indique  pour  ces  mardelles  berri- 
chonnes semblent  d'ailleurs  forl  sujettes  à  caution  (i5o  mètres  de  long 
sur  Ho  de  large  el  <»  à  8  mètres  de  profondeur). 

(4)  Wichmann,  Ueber  die  Murai...  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr., 
igo3,  p.  ■'•">".  parmi  les  mardelles  situées  hors  des  bois  en  compte 
12/p,)  ayanl  entre  io  el  3o  mètres  de  diamètre  moyen,  298  ayant  moins 
de  10  mètres,  201  ayanl  plus  de  3o  mètres. 

(5)  L.  Benoit,  Les  voies  rom.  de  l'arrond.  de  Sarrebourg,  Mém.  Sur. 
Arch.  Lorr.,    i  865. 

(0)  Par  exemple  dans  la  forêt   de   Ilohen   Buchen,  près   Langenberg 


—  33  — 

Dans  la  plupart  des  mardelles  fouillées,  les  différentes 
couches  que  Ton  rencontre  successivement  se  sont  pré- 
sentées dans  Tordre  suivant  : 

i°  Directement  sous  l'eau  ou  formant  le  sol  dans  les 
mardelles  sèches,  une  couche  de  vase  ou  d'humus  cons- 
tituée parles  feuilles  mortes,  la  poussière  et  les  débris  de 
toutes  sortes  accumulés  dans  la  cavité. 

2°  Une  ou  deux,  ou  même  trois  couches  d'argile  de  cou- 
leur ou  de  finesse  différentes. 

3°  Une  couche  de  tourbe  formée  par  des  feuillages,  de 
la  paille  et  de  menus  branchages.  C'est  au  milieu  de  cette 
couche  et  entre  elle  et  la  suivante  que  sont  étendus,  dans 
un  certain  nombre  de  mardelles,  les  troncs  d'arbres  dont 
le  nombre  etles  dimensions  varient. 

4°  Une  ou  plusieurs  couches  d'argile  recouvrant  le  sol 
naturel. 

Le  fond  de  l'excavation  et  la  couche  d'argile  qui  le  tapis- 
sait étaient  aménagés  pour  former  le  sol  de  l'habitation. 
Une  des  mardelles  des  plus  caractéristiques  à  cet  égard,  et 
de  toutes  la  mieux  décrite,  est  celle  qui  a  été  fouillée  à 
Altrip  en  1901  (1). 

La  mare,  ovale,  mesure  20  mètres  sur  17  mètres  de  dia- 
mètre. Le  bord  nord-ouest,  àl'extrémité  du  grand  diamètre, 
est  plus  haut  de  1  mètre  que  le  bord  sud-est.  D'abord 
vertical  jusqu'à  une  profondeur  de  lm10,  il  se  continue  jus- 
qu'au fond  (3'"40  au-dessous  du  niveau  du  sol)  par  un  talus 
fortement  incliné  (0m80  par  mètre).  Au  sud-est.  au  con- 
traire, un  plan  incliné  et  formant  dos  d'une,  descend  dou- 
cement jusqu'au  centre  de  la  mare.  De  ce  côté  était  sans 
doute  l'entrée  de  l'habitation.  La  partie  la  plus  profonde  de 
la  mare  dessine  ainsi  une  sorte  de  fer  à  cheval,  bordé 
contre  le  talus  par  une  rigole,  dont  les  plus  grandes  di- 
mensions atteignent,  du  coté  opposé  à  l'entrée,  environ 
0"'50  de  large  et  1  mètre  de  profondeur.  Un  léger  rebord, 
ménagé  à  la  base  du  talus,  au  niveau  du  fond  de  la  mar- 
delle  permettait  probablement  de  couvrir  cette  rigole  de 
planches  ou  de  pierres  plates.  Cette  disposition  assurait 

(Cercle  de  Sarrebourg),   Correspb.  d.  deutschen   Gesellsch.f.Anthropol., 

nov.  if)o3,  p.  i32. 
(i)  Cf.  Wichmann,  Ueber  die  Maren...,  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr., 

1<|o3,  p.    ï!\l-l!\2. 

A.  Grenier.  Habitations  gauloises.  3 


—  34  — 

l'écoulement  de  L'humidité  qui  pouvait  s'introduire  dans 
la  cabane.  On  peut  conclure  de  ces  précautions  minu- 
tieuses, que  nous  avons  là  le  sol  même  de  l'habitation. 

Ces  détails  qui  semblent  si  naturels  n'ont  pu  être,  il  est 
vrai,  que  rarement  constatés.  On  ne  s'en  étonnera  pas  si 
l'on  songe  à  la  difficulté  que  présentent  de  telles  obser- 
vations dans  le  fond  d'une  mare  envahie  par  l'eau.  On  ne 
saurait  d'ailleurs  nier,  quoiqu'on  n'ait  jamais  pu  l'établir, 
que  l'excavation  n'ait  pas  parfois  simplement  servi  de  cave. 
Un  plancher  aurait  alors  formé  le  sol  de  la  pièce  servant  à 
l'habitation(l).  Peut-être,  si  l'on  doit  admettre  la  profondeur 
de  10  mètres  qu'attribue  Benoit  à  certaines  mardelics  (2), 
faut-il  supposer  qu'elle  comprenait  la  hauteur  d'une  cave 
et  d'une  habitation  encore  établie  en  sous-sol,  quoique 
bâtie  sur  cave.  Mais  nous  en  sommes  réduits  sur  ce  point 
à  de  pures  hypothèses. 

De  quelque  façon  qu'il  soit  aménagé,  le  fond  de  l'exca- 
vation est  toujours  revêtu  d'une  couche  d'argile,  dont  l'é- 
paisseur varie  d'une  mardelle  à  l'autre,  aussi  bien  que 
d'un  endroit  à  l'autre  du  sol  de  la  mardelle.  Tous  ceux  qui 
se  sont  occupés  de  la  question  sont  d'accord  sur  ce  fait, 
llsadmettaientégalement  que  cette  argile  avait  été  disposée 
intentionnellement  pour  servir  d'enduit  aux  parois  et 
garnir  le  fond  de  la  cavité  (3).  Un  tel  revêtement  cons- 
tituait en  elfet  une  excellente  protection  contre  l'hu- 
midité du  terrain  environnant.  L'emploi  de  l'argile  battue 
pour  former  le  sol  des  granges  et  même  des  pièces 
d'habitation  est  du  reste,  dans  les  campagnes,  une 
vieille  tradition.  Il  s'est  continué  jusqu'à  nos  jours  en  Lor- 
raine. On  en  trouve  des  exemples  nombreux  et  caracté- 
ristiques dans  des  constructions  de  l'époque  romaine, 
témoin  les  caves  des  «  canabae  »  voisines  du  camp  de  la 
Saalburg  explorées  par  Jacobi.  Les  parois  et  le  sol  avaient 
été  tapissés  de  terre  glaise  mélangée  de  paille,  que  le  feu 

(i)  Cf.  Wichmann,  .1/;//.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1902,  |>.  517. 

(2)  ( If.  plus  haul  p.  32,  Qote  5. 

(.'!)  Wolfram,  Protokolle  der  Generalversammlung  des  Gesamtvereins 
d.  deutsch.  Gesehichts  u. Alterthumsvereine  zuMetz,  1890.  Welter,  Cor- 
respb.  d.  deutsch.  Gesellsch.f.  Anthropol...  nov.  i <i« '.'»,  p.  t35.  Mardelle 
ii°  2  de  la  Forêl  de  Gondrexange  :  l<'  sol  es1  tapissé  d'une  couche  d'argile 
fortement  battue,  qui  se  continue  vers  l'extérieur  delà  mardelle. 


—  35  — 

avait  ensuite  transformée  en  un  revêtement  de  terre  cuite 
poreuse,  d'une  seule  pièce  (1).  Ce  procédé  qui  n'est  pas  ro- 
main avait  été  emprunté  sans  doute  aux  populations  indi- 
gènes. Il  n'était  pas  surprenant  d'en  retrouver  l'origine 
dans  les  huttes  souterraines  des  Gaulois. 

L'étude  de  la  mardelle  d'Altrip  a  amené  M.  Wich- 
mann  à  formuler  contre  cette  manière  de  voir  des  objec- 
tions qui  nous  semblent  plus  spécieuses  que  justes  (2).  Il 
remarque  que  cette  couche  d'argile  forme  sur  toute  la  sur- 
face du  fond  de  la  mare  une  masse  d'un  même  niveau,  et 
que,  par  conséquent,  très  mince  sur  la  pente  en  dos  d'âne 
(0"'l0  à  peine)  elle  atteint,  contre  le  talus,  l'épaisseur 
invraisembable  de  plus  d'un  mètre.  En  cet  endroit,  elle 
comble  même  entièrement  la  rigole,  et  eût  ainsi  empoché 
l'écoulement  de  l'eau.  Il  en  conclut  que  nulle  part,  l'ar- 
gile ne  devait  originellement  tapisser  le  sol  de  l'habita- 
tion, et  tente  d'expliquer  comment  elle  s'est  déposée  en  cet 
endroit.  Les  troncs  d'arbres  qui  formaient  les  parois  de 
la  hutte,  en  s'écroulant  les  uns  sur  les  autres,  auraient 
laissé  entre  eux  des  intervalles.  L'eau,  qui  bientôt  remplit 
la  mardelle,  pénétra  la  masse  des  feuillages  et  de  l'argile 
qui  constituaient  les  murs,  et  la  désagrégea.  Les  feuilles 
surnagèrent  et  l'argile  fut  entraînée  au  fond.  A  la  longue, 
les  feuilles  s'imbibèrent  d'eau  et  revinrent  s'appliquer  sur 
les  poutres  qu'elles  recouvrent  maintenant.  Quant  à  la 
couche  superficielle  d'argile  qui  sous  l'eau  de  la  mare 
protège  la  tourbe  et  les  branchages,  elle  proviendrait  de 
l'éboulement  des  bords  de  la  mardelle  et  des  débris 
tombés  là  durant  le  cours  des  siècles. 

Nous  remarquons  simplement,  qu'en  admettant  même 
que  les  bords  de  la  mare  fussent  argileux  et  aient  pu 
fournir  la  couche  d'argile  qui  recouvre  les  débris  de  la 
hutte  écroulée,  on  ne  saurait,  dans  l'hypothèse  de  M.  "YVich- 
mann,  distinguer  dans  cette  couche,  deux  ou  même  plu- 
sieurs autres  de  couleur  et  de  finesse  différentes.  Or, 
M.  Welter  affirme  l'avoir  pu  faire  pour  plusieurs  mar- 
delles  (3). 

(  i  ;  .!  \<  un.  Das  Rumerkastel  Saalburg,  1897,  ]>.  ri2. 

(2)  Ueber  die  Maren...  .'nui.  Sur.  IJisi.  cl  Arch.  Lorr.,  iqo3,  p.  243. 

(3)  Notamment  :  Mardelle  1  cl  II  de  la  forêt  de  Gondrexange,  Correspbé 
il.  deutsch.  Gesellsch.  f.  Anthropol...  nov.  igo3,  [>.  i35. 


—  36  — 

En  second  lieu,  on  ne  conçoit  pas  comment  l'eau  eût  pu 
dissoudre  l'argile,  et  la  faire  passer  à  travers  les  parois 
dont  elle  formait  le  revêtement  extérieur.  On  ne  trouve, 
en  effet,  aucune  trace  de  la  désagrégation  dont  parle 
M.  Wichmann.  Les  feuillages  formant  l'épaisseur  des 
murs  n'ont  jamais  été  attaqués  par  l'eau,  puisque  lui-même 
y  a  reconnu  sans  la  moindre  difficulté  des  feuilles  de 
chêne  et  de  hêtre  (.1).  Leur  enduit  d'argile  les  a  donc  tou- 
jours protégés,  et  n'a  pu  fournir  celui  que  nous  trouvons 
dans  le  fond  de  la  mardelle. 

Il  est  du  reste  possible  de  comprendre,  sans  les  artifices 
imaginés  par  M.  Wichmann,  comment  une  certaine  quan- 
tité d'argile  a  pu  s'accumuler  contre  le  bas  des  talus  de 
l'excavation,  et  combler  une  rigole  qui  n'en  était  pas  pri- 
mitivement garnie.  Au  moment  de  l'écroulement  de  la 
hutte,  l'enduit  s'est  détaché  en  partie  des  parois  qu'il 
revêtait.  Il  est  tombé  précisément  au  pied  du  talus  de 
la  fosse.  Il  a  pu  former  dans  le  fond,  contre  le  bord,  une 
masse  épaisse.  Mais  comment  aurait-il  tapissé  tout  le  sol 
de  la  mardelle?  Il  semble  donc  bien  qu'un  revêtement 
continu  du  sol  de  la  mardelle  ne  puisse  être  qu'intention- 
nel. Il  est  trop  conforme  aux  habitudes  gauloises  pour 
n'avoir  pas  été  en  usage  dans  la  plupart  des  cas. 

Vers  le  centre  de  l'habitation  se  rencontrent  souvent 
les  restes  d'un  foyer  :  pierres  plates  noircies  par  le  feu, 
cendres,  débris  d'os  et  de  poteries  (2).  C'était  donc  bien, 
dans  ces  sortes  de  caves,  que  vivaient  les  Gaulois. 


* 


La  construction  recouvrant  la  mardelle.  —  Les  poutres, 
les  feuillages  et  l'enduit  d'argile  qui  les  recouvrent,  sont 
les  restes  de  la  hutte  bâtie  au-dessus  de  l'excavation  que 
nous  venons  de  décrire. 

(i)  Ibid.,  |>.  236. 

(2)  Cf.  Ballet.  Soc.  Arch.  Mus.,  [862,  p.  62  sqq.  Bach,  Mén%.  Sur. 
Arch.  Mus.,  i(Siiii,  p.  85  sqq.  Wolfram,  Protokolle  </.  Gêner alversaml. 
il.  Gesamtvereins  <L  deutsch.  Geschichts.  11.  Alterthumsvereine,  :ti  Metz, 
1890.     Wi.i.tku,    Correspb.     >/.    deutsch.    Gesellsch.     f.    Anthvopol..., 

IlOV.     HJil.'i. 


—  37  — 

Les  forts  troncs  d'arbres  que  nous  trouvons  parmi  ces 
débris,  formaient  la  charpente  de  la  construction.  On  en  a 
constaté  la  présencr  dans  107  des  mardelles  que  Ton  a 
fouillées  1  ,  le  nombre  de  ces  mardelles  ne  dépassant 
pas,  autant  que  nous  sachions,  150  ou  200.  Le  groupe  des 
mardelles,,  situées  autour  d'Altrip,  fort  bien  étudiées  par 
MM.  Colbus  et  Wichmann,  nous  permettra  mieux  déjuger 
de  la  fréquence  de  ces  trouvailles.  Treize  d'entre  elles, 
sur  quinze  contenaient  de  ces  poutres  (2).  Et  encore  est-il 
fort  possible  que  les  deux  autres  aient  été  vidées  précé- 
demment et  dépouillées  de  ces  bois.  On  peut  donc  consi- 
dérer cette  charpente  de  troncs  d'arbres  comme  générale 
dans  les  mardelles. 

Le  nombre,  les  dimensions  et  la  disposition  de  ces  pou- 
tres varient  de  Tune  à  l'autre. 

Dans  une  des  mardelles  fouillées  aux  environs  de  Sarre- 
bourg,  une  des  premières  que  l'on  ait  étudiées,  ces  troncs 
d'arbres  mesuraient  6m50  de  long  sur  environ  0"'35  de 
diamètre.  Us  avaient  été  brisés,  tous  à  peu  près  à  la  même 
hauteur,  sans  doute  au  niveau  du  sol.  Ils  rayonnaient  du 
bord  vers  le  centre  de  la  mare  (3). 

Aux  Bachats,  près  de  R.odt  (cercle  de  Sarrebourg), 
parmi  de  nombreuses  branches  novées  dans  la  tourbe,  se 
sont  trouvés  deux  grands  pieux  en  chêne  l'un  de  17  mè- 
tres, l'autre  de  13ra50.  De  leur  grosse  extrémité  ces  pieux 
touchent  le  bord  de  la  mare,  chacun  d'un  côté  opposé,  et 
viennent  se  croiser  vers  le  centre.  Les  autres  branchages 
de  fort  diamètre  étaient  disposés  de  la  même  façon,  tandis 
que  les  plus  petits,  gisaient  pêle-mêle  dans  toutes  les 
directions  (4). 

La  disposition  des  bois  est  encore  plus  caractéristique 
dans  une  mardelle  fouillée,  à  Altrip,    en  1901  (5).    Sous 

(i)  Wichmann,  L'eber  die  Maven...  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lovr.,  1903, 
p. 233. 

(2)  Ibid. 

(3)  L.  Benoit,  Les  voies  romaines  dans  l'arrond.  de  Sarrebourg.  Mêm. 
Soc  Arch.  Lorr.,  i865,  p.  i4  sqq. 

(4)  Hammerstfin,  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1894,  p.  3io  sqq. 

(5)  XXII  Allgemeine  Versaml.  <l.  deutsch.  Gesellsch.  f.  Anthropol..., 
sept.  ni<ii,p  78  sqq.  Wichmann,  Ueber  die  Mai  en...  Ann.  Soc.  Hist.  et 
Arch.  Lorr.,    1903,  p.  241  et  pi.  V. 


s 


—  38  - 

toutes  les  autres  poutres  gisent  deux  forts  troncs  de 
chêne;  ils  devaient  donc  soutenir  l'ensemble  de  l'échafau- 
dage. L'un,  brise  aux  deux  tiers  de  sa  hauteur,  était  planté 
exactement  au  nord  de  la  mardelle,  l'autre,  dont  la  grosse 
extrémité  est  encore  apointée,  vers  le  sud-ouest.  Entre  ces 
deux  maîtresses  poutres,  étaient  plantés,  au  nord-est  et 
au  nord-ouest,  deux  hêtres  longs  de  i6,n80;runse  termine 
par  une  fourche  destinée  à  recevoir  l'autre.  C'est  ensuite, 
du  bord  de  la  mardelle  vers  le  centre,  un  rayonnement  de 
poutres  plus  ou  moins  brisées  de  ()m30  à  0m45  de  diamètre, 
et  qui  devaient  mesurer  de  10  à  14  mètres  de  long.  On  en- 
compte  une  vingtaine.  Du  côté  sud,  vers  lequel  semble 
s'être  écroulée  la  cabane,  les  poutrelles,  dont  quelques- 
unes  sont  des  troncs  encore  munis  de  la  naissance  de 
leurs  branches,  vont  rejoindre  le  bord  nord-est  de  la 
mare.  On  trouve,  en  outre,  une  trentaine  de  branches 
plus  légères,  d'environ  ()'"2()  de  diamètre,  mais  à  peu  près 
égales  aux  autres  en  longueur.  Une  quantité  d'autres 
branchages  moins  solides  —  sans  parler  des  menus  ra- 
meaux —  sont  éparpillés  et  se  croisent  dans  toutes  les 
directions  (1). 

Ces  poutres  trouvées  à  Altrip,  aussi  bien  que  celles  qui 
proviennent  d'autres  mardelles,  sont  rapidement  ébran- 
chées  et  grossièrement  taillées  à  la  hache.  Un  certain  nom- 
bre  d'entre-elles,  comme  on  le  remarque  surtout  dans  une 
des  mardelles  de  la  forêt  de  Gondrexange  ont  conservé 
une  partie  des  branches  latérales  (2).  L'extrémité  destinée 


(i)  Voici,  tel  que  le  donne  M.  Wichmann,  Ueber  die  Maren...  Ann. 
Soc. Hist.  et  Arch.  Lorr.,  [Ç)o3,  p.  236,  le  détail  îles  bois  de  charpente 
trouvés  dans  la  mardelle  de  Leyweiler,  voisine  de  celle  d'Altrip  : 
«  S  troncs  d'arbres  particulièremenl  forts,  donl  4 chênes  de  o,n4o  à  om45 
«  de  diamètre,  cl  /j  hêtres  de  om25  à  o^So.  L'un  des  chênes  avail  envi- 
«  l'on  i/|  mètres  de  long,  deux  avaienl  g  mètres,  le  quatrième  étail  brisé 
«  en  trois  morceaux.  Venaient  ensuite  17  troncs  de  omi5  à  om20  de 
<(  diamètre,  7  chênes  de  m  mètres  de  Ion  ■;,  10  hêtres  de  H  à  10  mètres, 
"  [mis  six  poutres  de  chêne  d'un  diamètre  inférieur  à  o^io,  long'ues  de 

«  ()  à  S  mètres,  trois  aunes  de  9  mètres  de  long,  on'io  à  OmI2  de  dia- 
11  mètre.  Le  tronc  d'arbre  le  plus  long,  celui  de  i/|  mètres,  gisait  dans 
<'  le  sens  du  plus  grand  diamètre  de  la  mare  (iQm25  de  long).  Les  autres, 
«  en  fouillis,  rayonnaient  pour  la  plupart  des  bords  vers  le  centre.  0 

(2)  Mardelle  n"  1  dans  la  forêt  de  Gondrexange,  Welter,  Correspb. 
d.  deutsch.  Gesellsch.  f.  Anthropol iov.  iqo5,  p.    i32. 


—  39  — 

à  être  enfoncée  dans  le  sol,  est  la  plupart  du  temps  apointée 
et  durcie  au  feu  (1).  Ces  poutres  ont  parfois  été  l'objet  d'un 
travail  beaucoup  plus  soigné.  Elles  sont  faites  dans  une 
des  mardelles  de  Gondrexange,  de  troncs  d'arbres  fendus 
en  deux  sur  toute  leur  longueur,  et  bien  équarris  (2).  Sou- 
vent elles  portent  la  trace  des  trous,  et  même  des  chevilles 
qui  servaient  à  les  ajuster(3).  Rarement,  il  est  vrai,  pour  ne 
pas  dire  jamais,  on  ne  trouve  de  bois  travaillé  à  la  scie. 
Quelques  planchettes  se  sont  rencontrées  çà  et  là,  mais 
jamais  de  planches (4).  Tout  ce  travail  de  charpente,  néan- 
moins, varie  depuis  l'état  le  plus  primitif,  jusqu'à  un  degré 
assez  avancé  d'habileté  technique. 

Ces  troncs  d'arbres  de  tailles  diverses  formaient  comme 
le  squelette  de  la  hutte.  Ils  étaient  recouverts  des  feuil- 
lages, au  milieu  desquels  on  les  retrouve  aujourd'hui  au 
fond  des  mares. 

L'épaisseur  de  la  couche  de  tourbe  produite  par  ces 
feuilles  entassées  varie  beaucoup.  On  remarque  qu'elle 
est  en  général  supérieure  au  centre  de  la  mardelle,  à  ce 
qu'elle  est  sur  les  bords.  Elle  ne  mesure  aux  Bachats  que 
0m28(5).  Dans  la  première  mardelle  fouillée  à  Gondrexange 
elle  est  de  0m25  sur  les  bords,  et  de  0'"40  vers  le  milieu; 
dans  la  seconde,  0m30  sur  les  bords,  0"J80  au  centre  (G). 
Elle  a  atteint  à  Altrip  en  certains  endroits  lm50,  et  lm9() 
dans  la  mardelle  voisine  de  Leyweiler(7).  Il  est  vrai,  qu'une 
partie  de  cette  masse  énorme,  peut  fort  bien  avoir  été 
fournie  par  une  litière  de  feuillages,  garnissant  le  sol  de 
la  hutte.  Parfois,  au  contraire,  la  couche  de  tourbe  man- 


(i)  Mardelle  dos  Bachats,  Ann.  Soc.  Hisi.  et  Arch.  Lorr.,  i8g4,  2., 
p.  3i5.  Mardelle  de  Gudenbrunnen  (près  Harskirchen,  cercle  de 
Saverne)  Correspb.  <l.  deutsch.  Gesellsch.  f.  Anthropol.,  nov.  iyo3, 
p.  i33. 

(2)  Mardelle  n°  2  de  la  forêt  de  Gondrexange.  Correspb. f.  Anthrop.,  etc. 
nov.  1903,  p.  i3a. 

(3)  //>/</.,  el  mardelle  de  Gudenbrunnen,  ibid. 

(4)  Mardelle  de  Gudenbrunnen  :  petite  planche  de  chêne  01120  Xomi3 
sur  0m002  d'épaisseur.  Mardelle  d'Altrip.  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch. 
Lorr..   1903,  p.  a38. 

(5)  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  189/j,  2.  p.,  3io  sqq. 

(6)  Correspb.  d.  deutsch.  Gesellsch.  f.  Anthropol.,  nov.  1903,  p.  i33. 

(7)  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr..  tgo3,  p.  236  et  239. 


—  40  — 

que  complètement  dans  les  mardelles  (1),  soit  qu'elle  ait 
été  extraite  avant  les  fouilles,  soit  que  les  feuilles  n'aient 
pas  été  employées  pour  recouvrir  la  charpente  de  bran- 
chages. 

Les  feuilles  garnissant  les  parois  des  huttes,  y  étaient 
maintenues  et  protégées  par  de  l'argile.  On  a  remarqué 
que  cette  argile  recouvrant  les  feuilles  est  souvent  plus 
fine  que  celle  qui  garnit  le  fond  de  la  mardelle(2).  Elle  est 
souvent  disposée  par  couches  successives  dont  on  dis- 
tingue encore,  paraît-il,  les  teintes  différentes.  On  en 
compte  deux  dans  la  première  mardelle  de  la  forêt  de 
Gondrexange,  la  premièrede  0m45,  la  seconde  de  0m25.  Ou 
en  trouve  jusqu'à  trois  dans  la  seconde  mardelle;  ce  sont 
en  allant  de  l'intérieur  vers  l'extérieur,  une  première  cou- 
che de  0'"40,  une  seconde  de  0m25,  une  troisième  de 
0m20(3).  C'étaient  là,  évidemment  des  enduits  successi- 
vement ajoutés.  La  pluie,  la  chaleur,  devaient  facilement 
détériorer  le  revêtement  extérieur  des  murs.  Il  était  né- 
cessaire de  le  réparer  assez  fréquemment.  C'est  sans  doute 
de  ces  restaurations  que  les  différentes  teintes  de  l'argile, 
nous  ont  conservé  la  trace. 

Des  parois  construites  de  la  sorte,  pouvaient  on  le  voit, 
fournir  un  abri  assez  confortable  et  assez  solide,  les  troncs 
d'arbres  formaient  une  véritable  armature  de  bois,  dont 
les  pièces  devaient  être  assujetties  entre  elles,  par  des 
clayonnages  et  des  entrelacements  de  menus  branchages. 
Les  feuilles  donnaient  au  mur  de  l'épaisseur  et  en  fai- 
saient un  excellent  isolant  contre  la  température  extérieure. 
Un  fort  revêtement  d'argile  protégeait  le  tout.  En  addi- 
tionnant les  différentes  couches  formant  les  parois,  on 
arrive,  sans  même  compter  le  volume  des  troncs  d'arbres, 
à  0m90  et  lm25  pour  les  mardelles  de  Gondrexange.  Une 
pareille  épaisseur  est  du  reste  parfaitement  en  rapport 
avec  les  dimensions  de  ces  huttes. 


(i) Mardelles  de  Drulling,  Correspb...   etc.,   qov.    [go3.  Ce  sont   des 
piardelles  creusées  dans  le  roc  de  n'ivs. 

(2)  Hammerstein,    Mardelle   des    Hachais,    .1////.   Soc.    Ilisl.    ri    Ai'c/i. 
Lorr.,  i8g49  '■'■  |>-,  3io  sqq. 

(3)  Welter,    Correspb.    <l.  deutsch.  Gesellsch.  ,/'.   Anthropol..,,  dov. 
iqo3,  p.  i33. 


—  41  — 

Essayons  maintenant  de  nous  représenter  la  forme  et 
l'élévation  des  cabanes  ainsi  construites. 

Il  semble  bien,  à  en  juger,  non  pas  tant  d'après  la  forme 
circulaire  des  mardelles  qui  pourrait  être  trompeuse  1  , 
que  d'après  la  disposition  des  troncs  d'arbres,  que  les 
habitations  en  majorité  étaient  rondes  ou  ovales.  Les  ma- 
tériaux employés  se  prêtaient  mal,  en  effet,  à  des  cons- 
tructions qui  eussent  exigé  des  angles.  Les  huttes  rec- 
tangulaires dont  les  tombes  des  Vosges  nous  présentent 
des  modèles,  ne  seraient  donc  que  des  exceptions  qu'il 
faudrait  localiser  dans  les  régions  montagneuses.  Peut-être 
offraient-elles  moins  de  prise  à  la  tempête,  ou  plutôt  per- 
mettaient-elles en  allongeant  le  plan,  sans  l'élargir,  d'a- 
a'randir  indéfiniment  les  habitations. 

Des  parois  formées  de  feuillages  maintenus  par  un 
enduit  d'argile,  pouvaient  difficilement  être  verticales.  Le 
poids  de  ce  revêtement  peu  homogène  en  aurait  amené  la 
chute  à  la  moindre  secousse.  La  forme  conique  s'imposait 
donc.  Et  de  fait,  c'est  bien  cette  forme  que  semble  indi- 
quer la  disposition  des  bois  après  l'écroulement  des  murs. 
Les  pièces  maîtresses  de  la  charpente  rayonnent  des  bords 
vers  le  centre  de  la  mardelle.  La  construction  en  bran- 
chages était  donc  simplement  une  toiture,  abritant  une 
habitation  souterraine.  Il  n'était  pas  utile  qu'elle  dépassât 
de  beaucoup  le  niveau  du  sol.  La  profondeur  de  la  mar- 
delle suppléait  au  peu  d'élévation  du  toit,  et  donnait  à 
l'intérieur  de  la  hutte,  une  hauteur  suffisante. 

L'existence  de  parois  verticales  supportant  le  toit 
conique,  était,  on  le  voit,  totalement  superflue.  De  hauts 
«  tuguria  »  cylindriques,  tels  que  nous  les  représentent 
les  bas-reliefs  du  Louvre  et  le  monument  votif  consacré  à 
Nantosuelta,  ne  permettent  pas  de  supposer  une  mardelle 
au-dessous  d'eux  (2).  Les  murs  en  exigent  d'autres  maté- 
riaux que  les  feuilles  et  l'argile  que  nous  avons  trouvé 
partout.  Des  planches,  ou  du  moins  un  grand  nombre  de 


(i)  Cf.  supra,  p.  32  note  :  2 

(2)  A  moins  que  l'excavation  n'ait  servi  que  de  cave.  Or  l'aménage- 
menl  du  fond  de  la  mardelle,  la  présence  du  foyer  si  fréquemmenl 
signalée,  montrent  l'inexactitude  de  cette  hypothèse,  dans  la  plupart 
des  cas. 


-   42  — 

poulies  1res  régulièrement  taillées  (1),  un  revêtement  de 
roseaux  ou  de  chaume  (2),  étaient  nécessaires  à  de  telles 
constructions.  Elles  sont  d'un  caractère  moins  primitif 
que  celles  dont  les  restes  nous  ont  été  conservés.  Quoique 
leur  plus  grande  élévation  au-dessus  du  niveau  du  sol  dût 
les  exposer  davantage  à  souffrir  des  tempêtes,  elles  étaient 
seules  possibles,  dans  les  vallées  et  les  bas-fonds,  aussi 
bien  que  dans  les  régions  rocheuses,  partout,  en  un  mot, 
où  Ton  ne  pouvait  creuser  de  mardelles.  On  comprend 
d'ailleurs  aisément,  que  nous  ne  puissions  retrouver  aucune 
trace  d'habitations  établies  ainsi  à  la  surface  du  sol. 

Quant  à  l'abri,  qui  couvre  les  mardelles,  sa  construc- 
tion devait  entraîner  parfois  certaines  difficultés.  Les 
excavations  de  30  mètres  et  plus  de  diamètre  ne  sont  pas 
sans  exemple.  Comment  trouver  des  troncs  d'arbres  assez 
forts  et  assez  longs  pour  se  rejoindre  au  dessus  d'elles? 
Une  toiture  conique,,  analogue  à  celle  des  mardelles  de 
petite  dimension  était  évidemment  impossible  (3).  Il  nous 
est  difficile  de  deviner  le  procédé  employé  dans  l'archi- 
tecture domestique  gauloise,  pour  couvrir  ces  vastes 
espaces.  Qu'il  nous  suffise  d'indiquer  que  le  toit,  conique 
ou  non,  était  parfois  soutenu  par  des  piliers  plantés  dans 
l'intérieur  de  la  mardelle.  M.  Wichmann  en  a  compté 
neuf  dans  la  mare  de  Leyweiler,  voisine  de  celle  d'Altrip. 
Us  ne  mesurent  que  de  5  à  8  centimètres  de  diamètre  : 
leur  grosse  extrémité  s'enfonce  en  terre  de  0,30  à  0,40; 
ils  sont  brisés  presque  au  ras  du  sol.  Trois  étaient  groupés 
vers  le  centre,  autour  des  restes  du  foyer,  tandis  que  les 


(i)  Voyez  par  exemple  les  Imites  rondes  représentées  sur  la  colonne 
de  Marc-Aurèle.  Petersen  Domazewki,  die  Marcussaûle,  pi.  no,  ri2,  iiS. 

(■>)  Reconnaissante  sur  le  bas-relief  du  Louvre. 

(.">)  Cf.  Wichmann,  Ueber die  Murai...,  A/in.  Soc.  Hist.  et Arch.  Lorr., 
[Qo3,  p.  248-249-  M.  Wichmann,  nous  semble  néanmoins  porté  à  exagé- 
rer les  difficultés  de  ce  genre  de  couverture  et  à  multiplier  outre  mesure 
le  nombre  des  mardelles  qu'il  devail  être  impossible  de  couvrir  d'un 
toit  conique.  Les  critiques  qu'il  adresse  à  ce  propos,  à  différents 
savants  ne  nous  sein  bien  1  pas  justes.  Il  reproche  par  exemple  à  L.  Benoit 
d'avoir  admis  l'existence  d'un  toit  conique  au-dessus  de  mardelles  ayant 
au  moins  n>  mètres  de  diamètre  et  dont  les  poutres  ne  dépassaienl  pas 
6m5o.  .Mais  L.  Benoil  indiquait  lui-même  que  ces  poutres  n'étaienl  que 
des  fragments  et  n'avaient  plus  leur  longueur  primitive.  Mém.  Soc 
A  rch.  Lorr.,  r865,  p.  i5. 


—  43  — 

six  autres  places  à  intervalles  à  peu  près  réguliers  étaient 
alignés  dans  le  sens  du  plus  grand  diamètre  de  la  mare  (1). 
De  même  dans  la  mai  délie  des  Bachats  il  signale  l'exis- 
tence d'un  tronc  d'arbre  ayant  conservé  de  tous  les  côtés 
la  naissance  de  ses  branches,  et  qui  par  conséquent,  ne 
pouvait  faire  partie  des  parois.  Il  ne  pouvait  servir  que  de 
soutien  du  toit,  dans  le  milieu  de  la  hutte  (2). 

Nous  n'avons  aucun  renseignement  touchant  la  disposi- 
tion intérieure  des  huttes  gauloises  et  leur  aménagement. 
Les  trouvailles  se  sont  réduites  dans  la  plupart  des  mar- 
delles  à  des  débris  de  elayonnages,  formant  parfois  de  véri- 
tables panneaux  d'environ  2  mètres  de  long  sur  1  mètre  de 
large  et  encadrés  de  forts  montants  de  bois  cylindriques. 
Trois  claies  de  ce  genre  se  sont  rencontrées  au  fond  de  la 
seconde  mardelle  fouillée  dans  la  forêt  de  Gondrexange  (3). 
A  Gudenbrunnen,  on  n'en  a  plus  trouvé  que  les  mon- 
tants percés  de  part  en  part  d'un  grand  nombre  de  petits 
trous,  qui  les  font  ressembler,  dit  M.  Welter  à  un  métier 
à  tisser  primitif  (4).  Avons-nous  là  des  débris  de  portes,  ou 
peut-être  de  cloisons  destinées  à  séparer  l'habitation  en 
plusieurs  appartements,  comme  on  Ta  voulu  supposer?  Le 
l'ait  est  peu  probable.  Ces  huttes  primitives  ne  devaient 
former  à  l'intérieur  qu'une  sorte  de  vaste  tanière  où  toute 
la  famille  s'entassait  pêle-mêle.  Les  dimensions  de  cer- 
taines mardelles  permettent  même  de  supposer  que  le 
bétail  y  devait,  pendant  l'hiver,  trouver  place  à  côté  des 
gens.  La  porte,  et,  sans  doute,  une  ouverture  pratiquée  dans 
le  toit  pour  le  passage  de  la  fumée  du  foyer,  étaient  les 
seules  ouvertures,  laissant  pénétrer  la  lumière.  De  telles 
habitations,  semble-t-il,  ne  devaient  guère  fournir  abri  que 
pour  la  nuit  et  la  mauvaise  saison,  à  une  population  rete- 
nue dehors  tout  le  reste  du  temps  par  ses  goûts  et  ses 
occupations. 


¥        ¥ 


Date  de  ces  habitations.  —  Les  5000  mardelles  que  nous 

(i)  /A/7/., p.  207. 

(2)  Ibid.,  p.  253. 

Ç.\)  Correspb.  d.  deutsch.  Gesellsch.  f.  Anthropol...,  nov.  tgo3,  p.  r33. 

(4)  Ibid. 


—  44  — 

retrouvons  encore  aujourd'hui,  sur  le  territoire  de  la  petite 
cité  des  Médiomatrices,  se  répartissent  sur  une  durée 
de  plusieurs  siècles.  Les  premières  remontent  à  l'époque 
gauloise.  On  y  trouve  des  débris  de  poterie  de  l'époque 
de  Ilallstatt  et  de  La  Tône.  Mais  un  certain  nombre  d'entre 
elles  datent  de  l'époque  gallo-romaine.  Quelques  laits  per- 
mettent au  moins  d'affirmer  qu'elles  étaient  encore  habitées 
à  cette  époque. 

Sans  doute,  il  est  difficile  de  rien  conclure  de  certain, 
de  ce  fait  signalé  par  les  anciens  archéologues,  qu'un 
certain  nombre  de  mardelles,  se  trouvent  dans  le  voi- 
sinage, plus  ou  moins  immédiat,  des  voies  romaines  (1).  11 
serait  téméraire  d'en  induire  que  les  huttes  ainsi  placées 
sont  postérieures  à  la  construction  de  ces  voies.  Rien  ne 
prouve  que  le  passage  de  la  route,  ait  été  précisément  la 
cause  déterminante  de  l'emplacement  des  habitations. 

11  n'en  est  pas  moins  vrai  que  le  passage  d'une  route 
amène,  en  général,  dans  son  voisinage,  la  disparition  de 
tous  les  vestiges  des  civilisations  antérieures.  Il  est  vrai- 
semblable, que  nous  ne  retrouverions  plus  sur  le  parcours 
des  voies  romaines  aucune  trace  des  huttes  en-branchages, 
si  elles  avaient  déjà  cessé  complètement  d'être  habitées  à 
l'époque  où  les  routes  furent  construites. 

Des  indices  plus  positils  permettent  d'ailleurs  d'établir 
que  la  civilisation  gallo-romaine  pénétra  dans  un  bon 
nombre  des  habitations  que  nous  venons  d'étudier.  Ce 
sont  les  tessons  de  vases  et  les  différents  débris  trouvés 
au  fond  des  mardelles,  sous  la  couche  de  tourbe  et  de 
branchages;  ils  nous  fournissent  par  conséquent  une 
date  indiscutable.  Ces  trouvailles,  il  est  vrai,  n'ont  pas  été 
jusqu'ici  bien  fréquentes.  Les  huttes  gauloises,  en  effet, ne 
semblent  pas  avoir  péri,  comme  la  plupart  des  villas,  par 
incendie  ou  par  quelque  catastrophe  subite.  Elles  se  sont 
écroulées,  faute  d'entretien,  abandonnées  par  leurs  habi- 
tants. Ceux-ci  avaient  emporté  tous  les  objets  qui  pou- 
vaient être  de  quelque  usage.  Les  rares  débris  qu'ils  ont 


(i)  L.  Benoit,  Les  voies  romaines...  Mém.  Soc.  Arch,  Lorr.,  [865. 
Ledain,  Mém.  Soc  Arch.  de  la  Moselle,  1862,  p.  53  sqq.  .  P.  Bach, 
ibid.,  18GG,  p.  85  et  sqq.  Hammerstein,  Annuaire  Soc.  Hist.  et  Arch. 
Lorr.,  1894?  2.  p.  3i5. 


—  45  — 

laissés  portent  presque  tous  la  marque  de  l'époque  ro- 
maine. 

Nous  savons  que  la  brique  et  la  tuile  furent  en  Gaule 
une  importation  latine.  Or,  fréquemment  parmi  les  pierres 
qui  forment  le  foyer,  dans  les  mardelles,  se  sont  ren- 
contrés des  fragments  de  briques  plates  et  de  tuiles  (1). 
M.Wichmann  en  signale  deux  fragments  dans  la  mardellc 
de  Leyweiler,  près  d'Altrip  (2).  A  Drulling,  M.  Welter 
a  trouvé  une  tuile  à  rebords  presque  intacte  (3).  Aucune, 
malheureusement,  ne  porte  d'estampille  qui  permettrait  de 
préciser  la  date. 

Les  débris  de  poterie  sont  plus  fréquents  encore,  et 
non  moins  caractéristiques.  Ce  sont,  à  Leyweiler  des 
tessons  de  terre  rouge  et  jaune  assez  fine,  l'anse  et  le  cou 
d'une  grande  cruche  enterre  rouge  (4),  à  Altrip  et  à  Drul- 
ling des  tessons  de  ces  vases  en  terre  blanchâtre,  si  fré- 
quents dans  l'est  de  la  Gaule,  et  les  provinces  de  Ger- 
manie, à  l'époque  romaine  (5).  Dans  l'une  des  mardelles 
de  Drulling  on  a  même  ramassé  un  fragment  de  terre 
sigillée  (6).  A  Gondrexange  se  sont  trouvés  les  débris 
dune  cruche  romaine  à  anse,  d'un  modèle  courant  à 
l'époque  de  Trajan  (7).  Mais  la  trouvaille,  de  toutes  la  plus 
significative,  fut  faite  aux  Bachats  (8).  Sous  la  couche 
d'argile,  cachée  au  pied  d'une  des  grandes  poutres  de 
chêne  s'est  trouvée  une  «  trua  »  de  bronze  fort  bien  con- 
servée, encore  garnie  de  sa  trulla.  Cet  ustensile  absolu- 
ment romain,  et  qui   tenait  de  près   aux  usages    du    bas- 


(i)  Cohausen,  Protokolle  d.  Generalversamml.  <l.  Gesamtver.  </. 
deutsch.  Geschichts  u.  Alterthumsver.,  [890. 

(2)  Wichmann,  Ueber  die  Mare.'i...,  Ann.  Soc.  /fis/,  et  Arch.  Lorr., 
[go3,  p.  207. 

(.'!)  Correspb.  d.  deutsch.  Gesellsch.  f.  Anthropol...,  aov.  [Qo3.p.  i35. 

(/1)  Wichmann,  Uebsr  die  Mursn...  Ann.  Soc.  /fis/,  et  Arch.  /.»>/■/-., 
1903,  p.  237. 

(5)  XXXII.  Allgemeine  Versaml.  d.  deutsch.  Gesellsch.  /'.  Anthropol..., 
sept.  1901 ,  |>.  80. 

(6)  Correspb.  <l.  deutsch.  Gesellsch.  f.  Anthropol...,  aov.  1903, 
p.  (35. 

(7)  Koenen,  Gef'dsskunde  der  vorrômisch.  r'ùmisch.  11.  frankisch. 
Zeit.  in.  d.  Rheinlande,  Bonn,  i8g5,  p.  XI,  2'}. 

(8)  Ann.  Soc.  /fis/,  et  Arch.  Lorr.,  1894,  2.,  p.  3i5.  Trouvaille  d'un 
objet  semblable  :    Westd.  Zeitsch.,  I,  p.  4^4- 


—  46  — 

peuple  italien  (1),  était  donc  également  connu  et  employé 
par  le  peuple  des  campagnes  médiomatrices. 

Des  cimetières  se  sont  aussi  rencontrés  parfois  à  côté 
de  groupes  compacts  de  mardelles.  M.  Welter  en  signale 
un  d'assez  grande  étendue  dans  la  forêt  de  HohenBuchen(2) 
près  Langenberg,  cercle  de  Sarrebourg).  En  l'absence  de 
toute  autre  trace  d'habitation  dans  le  voisinage  de  cette 
forêt,  il  semble  permis  de  supposer  que  ces  sépultures 
sont  bien  celles  des  habitants  des  mardelles.  Ce  sont  bien 
des  sépultures  gallo-romaines.  Les  cendres  sont  enfermées 
dans  de  petites  urnes  creusées  dans  un  cube  de  pierre. 
On  n'y  trouve,  il  est  vrai,  ni  vases  ni  monnaies.  Cette 
absence  de  document  précis  interdit  de  fixer  une  date, 
même  approximative  ;  elle  n'autorise  pas  à  mettre  en 
doute  le  caractère  gallo-romain  de  ces  tombes  à  inciné- 
ration. 

Si  peu  nombreux  que  soient  tous  ces  indices,  et  si 
vague  qu'en  demeure  le  caractère,  on  peut  en  conclure 
cependant,  avec  une  certitude  entière  qu'un  bon  nombre 
des  habitations  dont  les  mardelles  nous  ont  conservé  la 
trace,  datent  de  l'époque  gallo-romaine.  Des  huttes  de  ce 
genre  devaient,  en  effet,  se  détériorer  rapidement.  La 
construction  n'en  exigeait,  ni  beaucoup  de  frais,  ni  beau- 
coup de  temps.  Il  est  à  supposer  que  chaque  hutte  ne  dut 
jamais  avoir  qu'une  durée  assez  courte  et  que  les  géné- 
rations nouvelles  ne  devaient  pas  hésiter  à  abandonner 
l'abri  où  elles  avaient  grandi  pour  s'en  élever  un  nouveau. 
Nous  constatons  qu'elles  s'en  tinrent  pendant  longtemps, 
sans  aucun  changement,  au  genre  de  construction  qui 
était  celui  des  plus  anciens  Gaulois. 

Ces  procédés  primitifs  de  l'architecture  gauloise  auraient 
cependant  dû  disparaître  rapidement  devant  la  technique 
romaine.  Le  solide  appareil  de  pierres  ou  de  briques,  liées 
au  mortier,  était  de  toutes  les  nouveautés  introduites  par 
les  Romains  dans  les  provinces  conquises,  la  plus  avan- 
tageuse. Elle  était  immédiatement  à  la  portée  des  habitants 

(  i)  Horace,  ,SV//..  Il,  3,  V,  i/|  i. 

l'imper 

Qui  Yri.'iilninim  festis  potare  diebus 
Campana  solitus    trulla,  vappomque  profestis. 

(2)  Correspb.  d.  deutsch.  Gesellsch.f.  Anthropolog >v.  io,o3,  p.  i36. 


—  47  — 

du  pays  médiomatrice.  La  pierre  abonde,  en  effet,  surtout 
le  territoire  de  la  cité;  les  voies  améliorées  et  multipliées, 
en  rendaient  le  transport  facile.  A  défaut  de  pierre,  les 
habitants  des  campagnes  avaient  partout  sous  la  main  l'ar- 
gile et  le  bois  nécessaire  pour  fabriquer  des  briques. 
Leur  attachement  aux  misérables  huttes  de  branchages  et 
de  boue  montre  une  sorte  de  résistance  passive  et  obstinée 
du  vaincu  à  tout  ce  qui  lui  venait  de  son  vainqueur.  Il  en 
accepta  sans  doute  quelques  poteries  indispensables,  la 
plupart  d'ailleurs  provenant  du  pays  même,  quelques 
vases,  comme  celui  des  Bachats,  dont  le  métal,  le  bronze, 
lui  rappelait  les  ustensiles  produits  par  l'ancien  art  indi- 
gène. Mais  pour  tout  ce  qui  touchait  de  près  à  son  genre 
de  vie  et  à  ses  mœurs,  il  s'en  tenait  aveuglément  aux  tra- 
ditions anciennes.  Il  est  absolument  vraisemblable  que  les 
méthodes  de  culture  romaines,  les  principes  sur  lesquels 
était  fondée  en  Italie  la  condition  des  personnes  et  de 
la  propriété,  demeurèrent  longtemps  aussi  étrangers  aux 
«  pagani  »  médiomatrices  que  l'art  de  bâtir  des  Romains. 

Faut-il  voir  là  simplement  l'effet  d'une  résistance  volon- 
taire à  toute  innovation  et  à  tout  progrès  ?  Il  est  probable 
que  la  masse  de  la  population  gauloise  se  trouva  exclue 
du  bienfait  de  la  civilisation  romaine  par  l'effet  de  sa  misère, 
bien  plutôt  que  par  sa  volonté  propre.  La  condition  sociale 
du  peuple  était,  semble-t-il,  assez  misérable  dans  la  Gaule 
aristocratique  d'avant  la  conquête.  Les  guerres  et  la  défaite, 
ne  furent  jamais  profitables  aux  humbles.  Il  est  probable 
([Lie  la  conquête  romaine  ne  fit  qu'aggraver  sa  situation. 
La  confection  du  cadastre  ordonnée  par  Auguste  dut 
tourner  surtout  à  l'avantage  des  grands  propriétaires  dont 
l'administration  romaine  cherchait  à  gagner  les  sympathies. 
L'établissement  d'une  mardelle  et  la  construction  d'un 
abri  en  branchages,  ne  demandaient  au  Gaulois  sans  res- 
sources, que  du  temps  et  un  peu  de  peine.  Il  ne  pouvait 
songer  à  s'élever  une  demeure  de  pierre  ou  de  brique. 

Ces  huttes  légères,  faciles  à  bâtir  et  facilement  aban- 
données,  nous  révèlent  l'existence,  à  l'époque  romaine, 
d'une  population  entièrement  pauvre  et  sans  doute  encore 
à  demie  nomade.  Aucun  lien  solide  n'attache  à  la  terre 
l'habitant  d'une  semblable  cabane.  Il  n'en  possédait  sans 
doute  que  ce  qu'il  parvenait  à  occuper  pour  quelques  sai- 


—  48  — 

sons.  Incapable  de  lutter  avec;  la  concurrence  de  la  grande 
culture  développée  par  la  paix  romaine,  il  ne  devait  d'ail- 
leurs ensemencer  que  ce  qui  était  indispensable  à  sa  sub- 
sistance et  à  celle  de  sa  famille.  Quelques  troupeaux 
devaient  constituer  tout  son  avoir;  car  les  niardelles  peu- 
vent avoir  servi  d'étables,  aussi  bien  que  d'habitations.  Ils 
devaient  se  composer  surtout  de  pelit  bétail,  de  porcs  et 
de  moutons,  dont  l'élevage  était  traditionnel  en  Gaule. 

Une  telle  situation  était  l'obstacle  le  plus  infranchissable 
opposé  à  l'expansion  de  la  civilisation  romaine  dans  les 
campagnes  gauloises.  Loin  de  s'aplanir  avec  le  temps,  il 
ne  pouvait  que  croître.  Seule  la  disparition  de  cette  popu- 
lation misérable  pouvait  achever  le  triomphe  de  la  coloni- 
sation latine.  Jusqu'à  quelle  époque  la  population  gau- 
loise non  romanisée,  qui  continuait  d'habiter  les  niar- 
delles, subsista-t-elle  dans  le  pays  médiomatrice  ?  Il 
est  difficile  de  le  dire.  Ces  représentants  obstinés  des 
traditions  indigènes  furent-ils  englobés  plus  tard,  avec  le 
reste  de  la  population  libre,  dans  le  grand  mouvement  du 
colonat,  ou  persévérèrent-ils  jusqu'à  la  fin  de  la  domina- 
tion romaine  dans  leur  misère  et  leur  indépendance,  c'est 
ce  qu'aucun  document  ne  nous  permet  d'établir. 


* 

4 


Répartition  des  niardelles  dans  le  pays  des  Médiomà- 
trices .  —  Suivant  les  premiers  archéologues  qui  ont  étudié 
les  mardelles,  elles  se  rencontreraient  généralement  par 
groupes  de  trois,  l'une,  exposaient-ils,  aurait  servi  d'habi- 
tation, la  seconde  d'étable,  la  dernière  de  grange  (i).  Dans 
les  endroits  où  elles  se  rencontrent  en  plus  grand  nombre, 
on  en  compterait  6,  9,  12..,  etc.  Une  telle  régularité  serait 
de  tous  les  caractères  qui  distinguent  les  mardelles,  le 
plus  extraordinaire.  Elle  fournissait,  d'ailleurs,  de  trop 
faciles  développements,  pour  ne  pas  flatter  l'imagination 
de  chercheurs  souvent  plus  pressés  d'expliquer  que  sou- 
cieux de  constater  les  faits.   L'idée  de  ce  groupement  par 


(i)  Ledain,  Austrasie,  1867,  p.  t^S.   L.  Benoit,  Les  noirs  romaines    île 
V arrondissement  de  Sarrebourg.  Mèm.  Soc  Arch.  Lorr.,  1 805,  p.  18. 


—  49  — 

trois,  type  d'une  petite  exploitation  agricole,  une  fois 
admise,  un  peu  de  complaisance  suffisait  pour  le  retrouver 
facilement  dans  toutes  les  régions  où  les  mardelles  abon- 
dent. 

En  fait  les  mardelles  se  rencontrent,  tantôt  complète- 
ment isolées  au  milieu  des  champs  et  des  bois,  tantôt 
associées  en  petit  nombre,  et  dispersées  à  des  intervalles 
très  variables  dans  un  rayon  de  1  ou  2  kilomètres. 
Parfois  aussi,  et  le  cas  n'est  pas  rare,  elles  sont  étroite- 
ment groupées  en  certains  endroits  et  semblent  avoir 
constitué  de  véritables  villages. 

Une  carte  des  mardelles  relevées  jusqu'à  présent  dans  le 
pays  des  Médiomatrices,  a  été  dressée  par  les  soins  de  la 
Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  Lorraine  (1).  On  cons- 
tate qu'elles  y  sont  très  inégalement  réparties. 

Nous  remarquons  tout  d'abord  qu'on  ne  rencontre  aucune 
mardelle,  dans  toute  la  région  située  au  nord  de  Saint- 
Avold,  entre  Forbach  à  l'est,  et  Sarrelouis  à  l'ouest.  Il  en 
est  de  même  dans  la  région  vosgienne  proprement  dite, 
au  sud  de  Lorquin,  et  à  l'est  de  la  vallée  de  la  Sarre.  Au 
nord  de  Saint-Avold,  comme  dans  les  Vosges,  le  sol  est 
constitué  par  le  grès. 

Cette  seule  et  même  raison  géologique  :  la  nature  du 
terrain,  suffît  à  expliquer  l'absence  de  mardelles,  sur  ces 
deux  points  du  territoire  médio matrice.  Il  était  diiïicile  de 
creuser  des  habitations  dans  le  roc.  Surtout,  le  manque 
d'argile  rendait  impossible  la  construction  des  huttes  de 
branchages  et  de  terre  que  nous  avons  décrites.  La  pierre 
affleurant  le  sol  fournissait  des  matériaux  d'un  autre  genre. 
Autre  terrain,  autre  mode  de  construction.  Ces  demeures 
de  pierres,  établies  sans  fondations  ont  laissé  moins  de 
traces,  que   les  huttes    à  demie  souterraines. 

In  exemple  cependant  permet  de  se  faire  une  idée  du 
genre  d'habitation  qui,  dans  les  pays  du  grès,  correspon- 
daient aux  mardelles.  C'est  celui  d'une  petite  maison  dont 
les  fondations  ont  été  mises  au  jour  au-dessus  de  Wals- 
cheid,  à  proximité  du  cimetière  gallo-romain  de  Drei  Hei- 


(i)  Reproduite  à  la  suite  de  l'article  de  Wichmann,  Ann.   Sor.  Hist. 
<*.t  Arch.  Lorr.,  1903,  pi.  1. 

A.  Grenier.   Habitations  (jauloises.  !\ 


—  50  — 

ligen  (1).  Les  murs  épais  d'environ  1  mètre  forment  un 
quadrilatère  de  6rn75  sur  4m80.  Ils  sont  construits  de  blocs 
irréguliers,  simplement  entassés,  sans  aucun  moyen  de 
liaison  (2).  Au  centre  de  la  salle,  une  dalle  posée  à  plat  et 
deux  autres  qui  semblent  avoir  été  placées  de  champ, 
représentent  le  foyer.  Attenante  à  l'habitation  était  une 
vaste  enceinte  de  45  mètres  de  long  sur  23  mètres  de 
large  d'un  côté  et  25ra50  de  l'autre.  Les  murs  en  sont  plus 
ruinés  que  ceux  de  l'habitation  ;  les  blocs  semblent  en 
avoir  été  moins  régulièrement  disposés.  C'était  soit  un 
parc  à  bestiaux,  soit  une  cour  entourée  d'une  clôture. 

A  défaut  de  restes  d'habitations,  d'autres  vestiges  nous 
permettent  d'établir,  au  moins  pour  la  région  vosgienne, 
l'existence  d'une  colonisation  aussi  indépendante  de  la 
civilisation  latine,  que  celle  dont  les  mardelles  nous  ont 
conservé  la  trace.  Nous  voulons  parler  de  ces  amas  de 
pierres  considérables  que  la  langue  du  pays  désigne  sous 
le  nom  de  «  rotteln  ».  Sur  les  pentes  des  hauteurs,  ils  for- 
ment comme  de  longs  murs  continus,  bordant  des  sortes 
de  terrasses.  On  y  voulait  voir  autrefois  les  restes  d'un 
vieux  système  de  fortifications.  Il  parait  établi  aujourd'hui, 
que  ces  rotteln  ne  doivent  leur  existence  qu'aux  blocs 
extraits  des  champs  où  ils  gênaient  la  culture,  et  entassés 
sur  les  limites  de  façon  à  former  des  clôtures  (3).  Certains 
parmi  ces  blocs  portent  en  effet  de  longues  et  nom- 
breuses éraflures  qui  ne  semblent  dues  qu'au  passage  de 
la  charrue  (4).  Ces  amoncellements  de  blocs  nous   appor- 

(i)  Welter,  Strassburger  Post.,  20  déc.  igo3. 

(2)  Les  substructions  de  murs,  construits  de  même  façon,  en  blocs 
irréguliers,  mais  liés  par  de  l'argile  ont  été  trouvés  égalemenl  par 
M.  Welter,  au  nord  du  pays  messin,  à  Rédange  (près  de  la  frontière 
luxembourgeoise).  Afin.  Sur.  ffist.  et  Arch.  Lorr.,  1902,  p.  470.  La  cons- 
truction à  laquelle  ils  appartenaient  date  de  l'époque  gallo-romaine.  On 
y  a  trouvé  une  monnaie  romaine,  moyen  bronze,  fruste,  une  cupule  en 
terre  cuite,  et  un  fond  d'écuelle  en  terre  sigillée.  Ibid.,  1899,  p.  378. 
Il  est,  inutile  de  l'appeler  que  l'emploi  de  l'argile  en  guise  de  mortier 
est  un  procédé  gaulois.  Cf.  Bulliot,  Les  fouilles  du  Mont  Beuvray, 
notamment  la  description  de  la  forge  située  à  la  porte  de  l'oppidum.  I, 
p.  3  sqq. 

(3)  Behlen,  Mittheilungen.  d.  Ver.  f.  Nassauische.  Altertumskunde* 
u.  Geschiçhtsforsch.,  1903-10,04,  n°  1. 

(4)  Welter,  Die  Hoch'àker  im  Vogesengebirge  sur  gallo-rômischer 
Zeit.  Ann.  Soc.  ffist.  et  Arch.  Lorr.,  igo3,  p.  483-488,  pi.  XXXVII. 


—  51   — 

tent  donc  la  preuve  de  l'exploitation  à  une  époque  ancienne 
des  terrains  où  ils  se  rencontrent. 

Le  voisinage  de  cimetières  gallo-romains  nous  autorise 
à  dater  cette  mise  en  valeur  de  l'époque  romaine.  L'absence 
de  tout  élément  caractéristique  de  la  civilisation  latine,  la 
forme  tout  particulièrement  gauloise  de  la  majeure  partie 
des  tombes,  montre  en  même  temps  une  population 
demeurée  fidèle  aux  traditions  indigènes.  Cette  popula- 
tion semble  absolument  la  même  que  celle  à  qui  l'on  doit 
les  mardelles.  Les  «  rotteln  »  aménagés  par  elle,  s'étendent 
tout  le  long  de  la  lisière  du  massif  vosgien,  depuis  Albers- 
chwiller  jusqu'à  Bitche.  Profitant  des  petites  vallées,  ils 
s'avancent  jusqu'à  l'entrée  des  forêts,  qui  marquent  aujour- 
d'hui encore  et  marqueront  toujours  la  limite  extrême  des 
habitations.  Malgré  l'absence  de  mardelles,  il  nous  est 
donc  permis  d'affirmer -que  les  abords  des  Vosges  —  et 
sans  doute  aussi  la  région  forestière  située  au  nord  de 
Saint-Avold  —  furent  l'objet  d'une  colonisation  analogue  à 
celle  dont  les  mardelles  nous  ont  conservé  le  souvenir. 

Les  mardelles  font  également  entièrement  défaut  dans 
un  rayon  de  quinze  à  vingt  kilomètres  autour  de  Metz.  On 
n'en  trouve  aucune  sur  les  collines  et  le  riche  plateau  qui 
sépare  la  Moselle  de  la  Seille,  pas  plus  que  dans  la  vallée  de 
la  Moselle  et  sur  les  côtes  qui  la  bordent  jusqu'à  Thionville. 
Elles  sont  extrêmement  rares  dans  tout  le  pays  de  la  Seille. 
Aucune  raison  géologique  ne  s'opposait  ici  à  leur  établis- 
sement. Le  sol,  très  argileux,  rendait  au  contraire  extrê- 
mement facile  l'aménagement  de  ces  habitations  à  demi 
souterraines.  Ces  plaines  et  ces  coteaux  sont  les  plus  riches 
de  tout  le  pays.  Ils  ont  dû  être  de  tout  temps  les  centres 
les  plus  peuplés.  Il  semble  que  l'on  devrait  y  retrouver  des 
traces  de  colonisation,  remontant  aux  époques  les  plus 
lointaines. 

On  peut  admettre,  il  est  vrai,  que  la  fertilité  même  de 
cette  région  et  la  densité  de  population  qui  en  fut  de  tout 
temps  la  conséquence,  aient  contribué  à  faire  disparaître 
dans  le  ^ferurs  des  âges,  les  traces  de  ces  demeures  primi- 
tives. Mais  cette  explication  ne  saurait  suffire.  Tous  les 
vestiges  de  civilisations  anciennes  ne  manquent  pas  égale- 
ment, en  effet,  sur  ces  collines  et  dans  ces  vallées.  Les 
restes   de  villas  gallo-romaines,   notamment,    s'y  rencon- 


—  52  — 

trent  en  grand  nombre.  La  longue  perturbation  produite 
dans  le  pays  par  les  invasions  barbares,  a  laissé  le  temps 
à  ces  ruines  de  se  recouvrir  d'une  couche  d'humus  ou 
de  trouver  une  protection  dans  les  fourrés  des  forêts 
renaissantes.  Il  en  eut  été  de  même  pour  les  mardelles. 
Quelques-unes  au  moins  auraient  pu  ainsi,  échapper  au 
nivellement  de  la  charrue. 

Une  seule  raison  permet  de  rendre  compte  de  leur  dis- 
parition totale.  Nous  n'en  trouvons  aucune  dans  les  fertiles 
vallées  de  la  Moselle  et  de  la  Seille,  parce  que  précisé- 
ment les  villas  gallo-romaines  y  abondaient.  Les  huttes 
gauloises  y  ont  été  toutes  détruites  à  dessein,  pour  être 
remplacées  par  des  constructions  d'un  genre  moins  gros- 
sier. Les  campagnes,  voisines  desgrandes  villes,  de  Metzet 
de  Searpone,  coupées  en  tous  sens  par  les  voies  reliant  la 
capitale  de  la  cité  au  reste  de  la  Gaule  et  à  l'Italie,  ne  pou- 
vaient échapper  à  l'influence  latine.  Leur  richesse  attirait 
la  civilisation.  La  population  devait  se  plier  aux  mœurs, 
accepter  les  méthodes  de  colonisation  et  l'art  de  bâtir  des 
nouveaux  maîtres  du  pays,  ou  bien  disparaître.  Dans  tout 
pays  conquis,  l'avantage  reste  toujours  à  la  civilisation  la 
plus  avancée.  Les  indigènes  qui  ne  purent  ou  ne  voulurent 
pas  devenir  des  romains  de  Gaule  durent  peu  à  peu  céder 
le  terrain.  Ils  cherchèrent  dans  l'intérieur  du  pays  des 
régions  plus  écartées  et  moins  accessibles  aux  mœurs  nou- 
velles. C'est  là  qu'ils  creusaient  leurs  huttes,  en  attendant 
que  le  flot  de  la  civilisation  envahissante  les  repoussât 
dans  des  lieux  toujours  plus  pauvres  et  plus  sauvages. 

C'est,  en  effet,  dans  les  régions  les  moins  favorisées  du 
pays  lorrain,  que  nous  trouvons  en  plus  grand  nombre, 
les  restes  des  habitations  gauloises.  Nous  avons  déjà  vu,  en 
effet, qu'ils  ne  manquaient  pas  à  la  lisière  des  forêts  et  sur 
les  mamelons  rocheux  des  Vosges.  Quant  aux  mardelles, 
elles  se  rencontrent  par  groupes  compacts  extrêmement 
denses,  sur  toute  la  rive  gauche  de  la  Sarre,  depuis  la 
région  des  Etangs  jusqu'à  l'Albe,  depuis  l'Albe  jusqu'à 
la  Rosselle.  C'était  la  partie  de  la  cité  des  Médiomatrices  la 
plus  éloignée  de  la  capitale.  Occupée  par  de  maigres  pla- 
teaux en  partie  boisés,  elle  formait  en  avant  de  la  forêt 
vosgienne,  une  sorte  de  marche  frontière,  que  la  pauvreté 
de  ressources  rendait  peu  pénétrable. 


—  53  - 

Les  mardelles  abondent  égalementansud  de  Sierck,dans 
la  vaste  forêt  de  Caldenhoven,  et  sur  cette  partie  du  plateau, 
qui  sépare  la  vallée  de  la  Moselle  de  celle  de  la  Nied. 
Cette  contrée  est  aujourd'hui  encore  fort  pauvre  et  peu 
peuplée.  Elle  était  en  dehors  des  voies  de  communication 
de  l'époque  romaine. 

C'est  encore  dans  une  région  moins  favorisée  que  les 
plaines  environnantes,  que  se  trouvent,  à  l'ouest  de  Thion- 
ville  et  au  nord  de  Moyeuvre,  des  groupes  importants  do 
mardelles  ;  les  collines  où  on  les  rencontre  sont  encore 
boisées  aujourd'hui.  Elles  l'étaient  davantage  dans  l'anti- 
quité. 

Très  curieuse  également  est  la  densité  des  mardelles 
dans  la  forêt  de  Rémilly,  au  centre  du  territoire  de  la  cité. 

La  conservation  de  ces  restes  si  nombreux  d'habitations 
gauloises,  s'explique  évidemment  par  la  pauvreté  de  ces 
légions,  relativement  au  reste  du  pays,  et  par  la  présence 
des  forêts.  Iln'en  reste  pas  moins  à  rendre  compte  de  l'exis- 
tence, à  une  époque  reculée,  d'une  colonisation  si  déve- 
loppée dans  ces  parages.  La  population  était-elle  tellement 
dense  avant  la  conquête  romaine,  qu'une  partie  en  ait  été 
réduite  à  s'établir  jusque  sur  les  terrains  les  moins  favo- 
risés et  à  défricher  les  forêts  ?  Vest-il  pas  bien  plus  vrai- 
semblable de  reconnaître  dans  ces  établissements  la  trace 
des  Gaulois  chassés  des  terres  plus  fertiles  qu'ils  occu- 
paient auparavant,  parle  progrès  ininterrompu  de  la  civi- 
lisation latine. 

Cédant  devant  les  villas,  les  mardelles  ont  reculé  peu  à 
peu  sur  les  plateaux  les  plus  maigres,  et  dans  la  profon- 
deur des  forêts.  C'est  là  qu'elles  se  sont  multipliées 
durant  les  quatre  siècles  de  la  domination  romaine.  Leur 
situation,  à  l'écart  des  centres  naturels  de  la  civilisation 
dans  le  pays,  leur  permettait  d'échapper  à  toute  influence 
de  l'art  de  bâtir  romain  et  des  méthodes  de  colonisation 
latines.  La  même  raison  a  protégé  contre  l'action  destruc- 
tive des  siècles,  les  vestiges  de  ces  habitations  primitives. 
C'est  ainsi  qu'ils  ont  pu  parvenir  en  si  grand  nombre  jus- 
qu'à nous,  nous  apportant  la  preuve  de  la  persistance  des 
traditions  indigènes,  chez  toute  une  partie  de  la  population 
gallo-romaine  de  la  cité  des  Médiomatrices. 


CHAPITRE   III 

YlLL.E    RUSTIC/E. 


i°  Historique  de  l'étude  des  villas  dans  le  pays  messin. 

2°  Définition  de  la  villa. 

.","  La  villa  rustica  d'après  les  écrivains  latins. 

4°  Villas  de  la  forêl  de  Cheminot. 

5°  Villa  de  Sorbey. 

0°  Villa  de  Betting. 

7°  Caractère  des  villas  médiomatrices. 


Outre  les  mardelles  on  retrouve  fréquemment  dans  les 
campagnes,  les  restes  d'habitations  moins  primitives. 
Ce  sont  des  fragments  de  murs  et  des  fondations  en  petit 
appareil  romain,  des  amoncellements  de  stucs  et  de  mor- 
tiers, mêlés  de  morceaux  de  briques  et  de  tuiles  dures 
et  sonores.  Tous  ces  débris  portent  avec  eux  la  marque 
indiscutable  de  la  technique  latine.  Chaque  année  amène 
la  découverte  de  nombreuses  ruines  de  ce  genre,  et  cepen- 
dant, il  est  à  présumer  qu'un  certain  nombre  de  celles  qui 
ont  existé,  disparaissent  chaque  jour,  extirpées  par  les 
travaux  de  l'agriculture.  Elles  étaient,  sans  aucun  doute, 
en  nombre  infiniment  plus  considérable  dans  les  siècles 
passés. 

L'intérêt  de  ces  vestiges  et  leur  caractère  véritable, 
néanmoins,  n'ont  guère  été  reconnus  que  récemment. 
Fort  rares  sont  encore  aujourd'hui  ceux  qui  ont  été  l'objet 
d'une  étude  méthodique. 

Les  plus  anciens  renseignements  que  nous  puissions 
trouver  sur  des  constructions  de  ce  genre  nous  viennent 
de.D.  Calmet.  Il  décrit  en  assez  grand  détail  les  restes  de 
quatre  petites  salles,  dans  lesquelles  il   croit  reconnaître 


—  55  — 

un  bain  (1).  Mais  il  ne  semble  pas  soupçonner  les  raisons 
qui  peuvent  expliquer  la  présence  de  ce  bain  au  milieu  de 
la  campagne.  Il  n'a  pas  remarqué,  ou  plutôt  son  correspon- 
dant ne  lui  a  pas  signalé,  que  ces  substructions  ne  devaient 
être  qu'une  partie  d'un  ensemble  de  bâtiments  plus  vaste, 
et  il  tourne  court  sans  deviner  la  présence  d'une  villa  en 
cet  endroit.  Les  religieux  Bénédictins,  dont  l'histoire  de 
Metz  commence  par  une  étude  si  consciencieuse  et  si 
détaillée  des  documents  épigraphiques  et  archéologiques, 
ne  mentionnent  même  pas  la  présence  de  ces  vestiges  du 
passé  (2). 

Les  restes  des  constructions  romaines  disséminées  dans 
les  campagnes  ne  commencent  à  attirer  l'attention  qu'à 
l'époque  où  le  zèle  éclairé  de  chercheurs  tels  que  MM.  V. 
Simon,  Ch.  Abel,  Ledain,  Aug.  Prost  (3),  fonde  réellement 
l'archéologie  lorraine.  Et  encore  les  quelques  fouilles 
exécutées  alors,  n'ont-elles  le  plus  souvent  pour  but  que 
la  trouvaille  de  quelque  objet  curieux  ou  d'une  médaille 
intéressante.  L'étude  se  réduit  trop  à  de  simples  «  pro- 
menades archéologiques  ».  Ce  n'est  que  par  exception  que 
le  plan  des  substructions  exhumées  nous  a  parfois  été 
transmis.  Le  résultat  de  ces  études  un  peu  superficielles 
n'en  a  pas  moins  été  de  faire  reconnaître  à  ces  ruines  leur 
vrai  caractère  de  restes  d'habitations  rurales  de  l'époque 
gallo-romaine.  Enfin  le  relevé  des  voies  romaines  de  la 
cité,  contribution  au  vaste  travail  de  topographie  générale 
des  Gaules,  entrepris  à  l'instigation  de  Napoléon  III, 
amena  la  découverte  d'un  grand  nombre  de  ces  villas,  et 
permit  de  se  rendre  compte  de  leur  répartition  dans  le 
pays  (4). 


(i)  Histoire  de  Lorraine.  Edit.  de  ij45.T.  VIL  Dissertation  sur  les 
grands  chemins  de  Lorraine,  XXII.  «  On  a  découvert  en  1729,  vis-à-vis  le 
village  de  Dontjeu,  en  un  lieu  nommé  Brucourt,  où  l'on  dit  qu'il  y  avait 
autrefois  une  ville  ou  un  château,  on  y  a  découvert,  dis-je,  un  édifice 
composé  de  quatres  chambres...,  »  etc. 

(2)  Histoire  de  Metz,  par  les  Religieux  bénédictins  de  la  Congrégation 
de  Saint- Vanne,  Metz,  17(111.  T.  I. 

(3)  Voir  les  collections  :  Mémoires  de  l'Académie  de  Metz.  Mémoires  et 
Bulletins  de  la  Soc.  d'Arch.  et  d'Hist  de  la  Moselle  et  passim  l'A  ustrasie. 

(4)  Cf.  Ch.  Abel.  Les  voies  romaines  du  département  de  la  Moselle.  Mém. 
Soc.  Arch.  Moselle,  1 8.18,  p.  .">  sqq. 


—  56  — 

Après  une  longue  interruption  des  travaux  scientifiques 
dans  la  Lorraine  annexée  à  l'Allemagne,  les  fouilles  ont 
été  reprises  dans  le  courant  de  ces  vingt  dernières 
années.  Toutes  celles  qui  ont  été  exécutées  n'ont  pas 
encore  été  publiées.  Les  villas  que  nous  pouvons  connaître, 
permettent  déjà  cependant,  une  étude  méthodique  de  ce 
genre  d'établissements  dans  la  cité  des  Médiomatrices. 
Les  renseignements  que  nous  devons  à  l'amabilité  de  la 
plupart  des  archéologues  lorrains  sur  les  touilles  qu'ils 
ont  dirigées,  pourront  suppléer  en  partie  au  retard  des 
publications  attendues. 


* 


Les  villas  ont  été  en  Gaule  comme  dans  les  autres  pro- 
vinces de  l'Empire,  une  importation  de  la  conquête 
romaine.  C'est  en  Italie  que  ce  genre  d'habitation  s'est 
constitué  :  la  forme  d'exploitation  agricole  auquel  il  est 
lié,  est  proprement  latine. 

La  villa  en  Italie  est  subordonnée  à  l'existence  du  fun- 
dus  ensemble  de  terres  plus  ou  moins  vaste,  isolé  au 
milieu  de  la  campagne  et  appartenant  en  propre  au  palcr- 
familias.  Chaque  funclus  a  son  nom  particulier,  dérive'-  la 
plupart  du  temps,  de  celui  du  propriétaire  qui  l'a  consti- 
tué (1)  et  sous  lequel  il  est  inscrit  au  cadastre  (2),  la  villa 
porte  le  même  nom  et  ne  forme  avec  le  funclus  qu'un  seul 
tout.  A  l'origine  même,  les  deux  termes  de  villa  et  de 
funclus  sont  synonymes.  Comme  le  remarque  Pline,  le 
mot  villa  ne  se  rencontre  pas  dans  la  loi  des  XII  Tables  (3). 
C'est  le  terme  hortus  qui  est  employé  en  ce  sens  et  ho r tus 
est  l'équivalent  de  heredium.  Sur  chaque  funclus  s'élève 
donc  régulièrement  une  villa.  Sans  les  bâtiments  destinés 
à  loger  le  colon  et  à  servir  de  centre  à  l'exploitation  agri- 
cole,    le  fuiidus    n'est    qu'un   ager   (4).   La    villa   est     la 


(i)  C.  /■  L-,  IX,  3oo3,  i455,  X.  407.  Willmann,  Exempta, I.  L.,  284a. 

(2)  Digeste,  L,  titre  XV,  4- 

(3)  ffist.nat,  XIX,  19. 

(4)  D'Ahbois  de  Jubainville,   Comptes  rendus  A cad.  Inscript.,  188G, 
p. 3o7. 


—  57  — 

maison  de  ferme,  nécessaire  à  la  mise  en  valeur  d'une 
terre. 

Cette  forme  primitive  de  la  villa  suit  naturellement  dans 
le  cours  des  âges,  toutes  les  transformations  de  l'état 
social  et  de  la  propriété.  Elle  change  profondément,  sui- 
vant qu'elle  devient  la  propriété  d'une  i'amilia  servile,  ou 
se  trouve  réservée  aux  villégiatures  rustiques  du  maître. 
Elle  s'agrandit  en  même  temps  que  le  domaine  et  se  prête 
à  toutes  les  innovations  du  luxe  et  de  la  civilisation.  Les 
villas  de  l'époque  impériale  ne  rappellent  que  de  très  loin 
celles  du  temps  de  Caton. 

Elles  diffèrent  également  suivant  les  provinces  où  les 
fait  pénétrer  l'influence  de  Rome.  Elles  y  subissent  l'action 
des  conditions  naturelles  de  chaque  région,  du  climat  et 
de  la  configuration  du  pays.  La  construction  en  varie  sui- 
vant les  matériaux  que  fournit  le  sol.  L'aménagement  inté- 
rieur doit  se  plier  aux  besoins  de  la  vie  et  de  la  culture, 
différents  dans  chaque  contrée.  Les  villas  de  l'Afrique 
proconsulaire  ne  peuvent  ressembler  à  celles  du  Limes 
germanique. 

Elles  n'en  montrent  pas  moins  partout  un  mode  de  cons- 
truction essentiellement  latin,  une  forme  de  la  propriété 
et  une  organisation  du  travail  rural  dominées  par  les  tradi- 
tions latines. 

11  en  est  ainsi  dans  le  pays  des  Médiomafrices.  La  seule 
présence  des  villas  y  prouve  l'influence  de  la  civilisation 
romaine.  Les  détails  de  leur  construction  et  de  leur  amé- 
nagement intérieur  d'autre  part,  doivent  nous  fournir  des 
indications  sur  la  forme  particulière  qu'a  revêtue  cette  civi- 
lisation dans  le  pays.  Ils  doivent  porter  trace  de  la  consti- 
tution de  la  famille  et  des  habitudes  de  l'exploitation 
agricole  à  l'époque  gallo-romaine.  Nous  serons  à  même 
d'en  juger,  en  comparant  ces  villas  au  type  original  de  la 
villa  latine  dont  elles  sont  une  reproduction.  Il  importe 
donc,  avant  d'entrer  dans  le  détail  des  renseignements  qui 
nous  sont  fournis  par  les  fouilles,  de  demander  aux  écri- 
vains techniques  latins,  la  connaissance  précise  de  l'orga- 
nisation des  villas  italiennes. 


—  5S 


* 


La  «  villa  rustiea  »  latine.  —  Sans  tenir  compte  des 
indications  particulières  que  nous  pouvons  tirer  d'un  cer- 
tain nombre  d'écrivains  latins,  tels  que  Cicéron  et  Pline  le 
Jeune,  touchant  les  grandes  villas  de  luxe,  nous  trouvons 
des  descriptions  assez  précises  de  la  villa,  simple  exploi- 
tation agricole,  chez  Caton  (1),  Varron  (2)  et  Vitruve  (3), 
puis  chez  Golumelle  (4),  et  dans  le  petit  traité  de  Palla- 
dius  (5).  C'est  sur  leur  expérience  de  propriétaires  ou  d'ar- 
chitectes que  s'appuient  ces  auteurs  pour  donner  les  règles 
de  la  construction  et  de  l'installation  d'une  villa.  De  leurs 
préceptes  se  dégage  le  tableau  des  villas  de  leur  temps. 
On  pourrait  s'attendre  à  ce  que  leurs  descriptions  sépa- 
rées par  plusieurs  siècles  d'intervalle,  différent  profondé- 
ment entre  elles.  Il  n'en  est  rien.  De  tous  les  écrivains 
latins,  Caton  et  Varron,  ont  été,  en  effet,  peut-être  les  plus 
souvent  copiés.  Vitruve  complète  parfois  leurs  indica- 
tions ;  la  plupart  du  temps  il  se  rencontre  avec  eux  parce 
qu'il  se  borne  à   les  répéter. 

Columelle  emprunte  largement  à  Vitruve,  et  Palladius 
ne  fait  qu'un  résumé  des  prescriptions  des  uns  et  des 
autres  Des  traités  de  ces  cinq  auteurs,  se  dégage,  en 
somme,  une  image  très  cohérente  et  assez  précise  de 
la  villa  latine. 

Une  particularité  est  à  noter.  Caton  ne  connaît  que 
la  villa  rustiea.  C'est  à  elle  également  que  Varron  res- 
treint les  préceptes  qu'il  donne.  Vitruve,  au  contraire, 
la  distingue  de  la  villa  urbana,  demeure  de  luxe  d'un  riche 
propriétaire.  Quant  à  Columelle,  tout  en  conservant  à  la 
villa  rustiea  sa  physionomie  ancienne,  il  ne  semble  plus  la 
concevoir  que  comme  une  simple  dépendance  de  la  villa 
urbana.  Elle  n'est  plus  pour  lui  que  la  ferme,  accolée  à 
l'habitation  de  plaisance. 


(i)  De  Agricultura,  [II,  sqq. 
(2)  De  li>'  Rustiea,  l,  11  sqq. 
(.''))  De  Architectura,  VI,  <>. 

(4)  De  Re  Rustiea,  1,4-6. 

(5)  De  Re  Rustiea,  1,  passim. 


—  59  — 

Tel  était  sans  doute,  même  dans  les  provinces,  l'état  le 
plus  fréquent  à  l'époque  impériale.  Pour  plus  de  netteté, 
nous  conserverons  cependant  dans  cette  étude,  la  di- 
vision commode  de  Vitruve.  Nous  traiterons  séparément 
de  la  villa  rustica,  simple  exploitation  agricole,  et  de  la 
villa  urbana,  destinée  à  offrir  aux  riches  propriétaires  une 
luxueuse  villégiature  à  la  campagne. 

Quoique  les  deux  genres  d'établissements  se  trouvent 
aussi  la  plupart  du  temps  associés,  dans  le  pays  messin, 
nous  appellerons  «  villa  rustica  »  celui  où  domine  le  ca- 
ractère d'exploitation  agricole.  Nous  désignerons  de 
même  par  le  terme  général  de  «  villa  urbana  »  celles  des 
villas  où  l'ampleur  des  appartements  d'habitation,  l'em- 
porte sur  celle  des  bâtiments  réservés  à  la  culture  du 
domaine. 

La  première  condition  que  doit  remplir  la  villa  rustique, 
c'est  d'être  en  rapport  avec  les  dimensions  du  fundus  sur 
lequel  elle  s'élève  (1).  Le  type  le  plus  habituel  de  la  pro- 
priété, à  l'époque  de  Caton  et  de  Varron,  semble  être  le 
domaine  d'environ  200  arpents.  Il  exige  pour  le  cultiver, 
trois  paires  de  bœufs,  trois  bouviers,  six  travailleurs, 
sans  compter  le  villicus(2).  Une  habitation  de  20  à  30  mètres 
de  côté,  semble  être  suffisante  pour  abriter  le  bétail  et 
loger  ce  personnel. 

Des  règles  nettement  fixées  déterminent  le  choix  de 
l'emplacement  des  bâtiments.  Le  voisinage  d'une  voie  de 
communication,  rivière  ou  grande  route  est  avantageux  (3). 
La  villa  doit  s'élever,  autant  que  possible,  entre  bois  et 
plaine.  Il  faut  éviter  les  vallées  et  la  proximité  des  fleuves. 
Les  inondations  y  mettent  en  danger  l'habitation  elle-même, 


(i)  C.vro.  De  Agric,  III  :  Ita  édifices  ne  villa  fundum  quaerat,  neve 
fundus  villam.  Varro,  de  R.  R.,  I,  ii  :  alii  villam  minus  mas^nam 
fecerunt,  quam  modus  fundi  postulavit,  alii  majorerai,  cum  utrumque 
sit  contra  rem  familiarem  ac  fructum.  Vitruve,  de  Architect.,  VI,  G  : 
maçnitudines  earum (villarum)  admodum  agri  eopiasque  fructuum  com- 
parentur.  Ci".  Columelle,  I,  VI,  6.  Pallvdius,  i.  8.  Cet  exemple  peut 
donner  une  idée  de  la  concordance  qui  est  généralement  celle  des  cinq 
écrivains  que  nous  suivons. 

(2)  Cato,  I,  10-11.  Varro,  II,  iq. 

(3)  Cato,  I.  3  :  Oppidum  validum  prope  siet,  aut  mare,  aut  amnis  qua 
naves  ambulant,  aut  via  bona  celebrisque. 


—  60  — 

et  les  miasmes  compromettent  la  santé  des  habitants  (1).  La 
situation  la  plus  favorable  est  à  mi-côte  d'une  hauteur 
boisée  (2). 

L'exposition  des  bâtiments  doit  être  saine.  II  faut  les 
abriter  du  vent  et  les  disposer  de  façon  à  recevoir  l'ombre 
en  été  et  le  soleil  en  hiver  (3). Ils  doivent  donc  prendre  jour 
généralement  du  coté  du  midi  ou  de  l'est  (4).  Il  est  à  dési- 
rer que  les  greniers,  les  granges,  la  forge,  le  four,  soient 
placés  en  dehors  du  bâtiment  principal.  On  diminuera 
ainsi  les  chances  d'incendie  (5).  L'ensemble  de  toutes  ces 
constructions  sera  entouré  d'une  clôture,  faite  de  haies, 
d'une  tranchée,  de  planches  ou  même  d'un  mur (6). 

Des  prescriptions  des  écrivains  classiques,  sur  l'écono- 
mie intérieure  de  la  villa,  se  dégage  à  peu  près  le  plan 
suivant  (7)  :  Au  centre  des  bâtiments,  vis-à-vis  l'entrée, 
est  une  grande  cour.  Elle  tenait  la  place  de  Y  atrium. 
Gomme  lui,  elle  était  sans  doute  couverte  en  partie,  de 
quatre  portions  de  toit  inclinées  vers  l'intérieur.  Dans 
cette  cour,  à  l'endroit  le  moins  froid,  est  installée  la  cui- 
sine. A  proximité  doivent  se  trouver,  d'un  côté  l'étable  à 
bœufs,  car  la  chaleur  est  nécessaire  aux  animaux;  de 
l'autre,  le  bain  des  esclaves.  C'est  à  la  cuisine  en  effet,  qu'on 
en  fait  chauffer  l'eau.  Les  écuries  des  chevaux,  s'il  y  en  a, 
doit  au  contraire  être  séparée  de  la  cuisine.  Les  chevaux 
ne  doivent  pas  voir  le  feu  qui  les  effraye.  Ils  doivent  être 
tournés  vers  l'est,  de  façon  à  recevoir  aussitôt  que  pos- 
sible la  lumière  du  matin. 

Le  villicus  loge  auprès  de  la  porte  afin  de  pouvoir  sur- 
veiller les  allées  et  venues  de  chacun.  Il  doit  avoir  vue  de 
chez  lui,  et  sur  la  cour  extérieure,  située  en  avant  de  l'ha- 
bitation et  sur  la  cour  intérieure.  Les  cellœ.  des  esclaves 
doivent   être  orientées  vers   le  midi  (8).   Il  faut  ménager 

(i)  Varro  I,  12  :  Ouod  crescunt  animalia  quaedam  minuta,  quœ  non 
possunt  oculi  consequi,  et  per  aéra  intus  in  corpus,  per  os  ac  nares 
perveniunt  atque  efficiunt  difficilis  niorbos. 

(2)  COLUMELLE,    I,  VI,    10. 

(3)  Varro,  ï,  12. 

(/})    CATO,    III.    COLUMELLE,  I,  V,    5. 

(5)  VlTRUVE,   VI,  6. 

(6)  Varro,  I,  \1\. 

(7)  Vitruve,  ibid. 

(8)  COLUMELLE,  I,  6.  3. 


—  61 


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Sa//e 


Cave 


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tressotr 


A        tourte 
c/es 


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Plan  1.  —  Villa  rustica  romaine,  d'après  Vitruve. 


—  63  — 

pour  la  familia,  auprès  de  la  cuisine,  une  salle  grande  et 
haute,  où  les  gens  prennent  leur  repas  avant  de  partir 
au  travail,  et  puissent  se  reposer,  la  journée  finie,  à  l'abri 
du  chaud  et  du  froid  (1).  Les  bouviers  et  les  pasteurs 
doivent  être  logés  auprès  de  leurs  bêtes.  Il  est  bon  que 
les  esclaves  soient  groupés,  afin  que  le  fermier  n'ait  pas 
à  disperser  sa  surveillance  (2).  Toutes  les  salles  doi- 
vent être  aussi  claires  que  possible  (3). 

Sur  la  cour  intérieure  donnent  le  pressoir  et  l'entrée 
des  caves.  Les  ouvertures  de  la  cave  où  se  conserve  le  vin 
doivent  être  au  nord,  tandis  que  le  cellier  où  se  range 
l'huile,  doit  autant  que  possible,  recevoir  la  chaude  lu- 
mière du  midi.  Les  greniers  sont  à  l'étage  supérieur,  tour- 
nés vers  le  nord  et  disposés  pour  recevoir  l'aquilon,  afin 
qu'une  vive  aération  empêche  le  grain  de  s'échauffer. 

Ce  plan  tout  à  fait  rudimentaire  et  primitif  de  petite 
exploitation  agricole,  est  susceptible  naturellement  de 
toutes  sortes  d'améliorations.  Gaton  lui-même  recom- 
mande au  propriétaire  de  donner  à  sa  villa,  dans  la  mesure 
de  ses  moyens,  le  plus  de  confort  possible.  Il  sera  ainsi 
porté  davantage  à  venir  y  habiter  et  diriger  lui-même  la 
culture  (4).  La  villa  que  décrit  Yarron  est  déjà  plus  déve- 
loppée. L'installation  de  sa  villa  de  Casinum,  où  il  élève 
des  oiseaux,  en  fait  déjà  une  véritable  villa  urbana  (5). 
Columelle,  de  son  côté,  ne  craint  pas  d'en  user  largement 
avec  l'espace  moins  étroitement  mesuré  et  les  construc- 
tions plus  amples  de  son  époque.  Les  éléments  de  la  villa 
rustique,  n'en  restent  pas  moins  toujours  les  mêmes,  et 
toujours  disposés  suivant  le  même  plan. 

Nous  trouvons  d'ailleurs, non  pas  précisément  en  Italie, 
mais  dans  un  pays  de  colonisation  exclusivement  latine,  des 
exemples  très  précis  de  la  villa  rustica,  telle  qu'elle  nous 
est  décrite  par  les  auteurs.  C'est  dans  les  provinces  du 
Limes  germanique.  Nous  savons  que   dans  ces  provinces 

(t)  Varro,  I,  i3. 

(2)  Columelle,  I,  0.  8. 

(3)  VlTRUVE,    VI.  II. 

(4)  Cato,  IV  :  Villani  urbanam  pro  copia  aedificato  :  in  boûO  pr&xlio  si 
bene  sedificavèris,  bene  posiveris:  ruri  si  recte  habitaveris,  libentius  et 
ssepius  venies,  fundus  melior  erit,  minus  peccabitur,  fructi  plus  capies. 

(5)  Varro,  III,  5. 


—  64  — 

dépeuplées  à  dessein,  l'administration  romaine  établit  à  la 
place  des  indigènes,  des  vétérans  libérés  du  service  mili- 
taire (1).  La  plupart  des  établissements  agricoles  de  ces 
régions  présentent  entre  eux  une  analogie  frappante  (2). 
A  leur  origine  administrative  et  quasi  militaire,  ils  doivent 
cette  uniformité  et  un  caractère  absolument  latin.  Et  de 
fait,  la  description  que  nous  venons  de  faire  du  type  idéal 
de  la  villa  rustica  italienne,  pourrait  s'appliquer,  à  quelques 
particularités  près,  à  l'un  quelconque  d'entre  eux.  Nous  y 
retrouvons  une  enceinte  extérieure  plus  ou  moins  vaste, 
ménageant  autour  des  bâtiments,  une  ou  plusieurs  cours. 
L'habitation  occupe  à  peu  près  le  centre  de  l'espace  ainsi 
clôturé.  La  façade  en  regarde  le  sud  ou  l'est.  Les  salles 
sont  toutes  groupées  autour  d'une  cour  intérieure,  sorte 
d'atrium,  où  se  rencontrent  les  restes  du  foyer.  La  cuisine, 
le  bain,  l'appartement  du  viliicus,  les  étables,  les  caves 
sont  disposés  suivant  les  prescriptions  de  Vitruve  (3).  Ces 
villas  sont,  pour  ainsi  dire,  une  illustration  parfaitement 
exacte  de  son  texte. 

La  comparaison  des  villas  du  pays  médiomatrice  avec 
ce  modèle  entièrement  romain,  aura  le  premier  avantage 
d'éclairer  pour  nous,  en  mainte  occasion,  les  données  un 
peu  confuses  des  fouilles.  Elle  leur  fera  prendre  en  outre, 
touchant  l'état  social  des  propriétaires  des  villas,  une  signi- 
fication et  une  portée  qu'il  nous  semble  tout  particulière- 
ment intéressant  de  dégager. 


I.  Villas  de  la  forêt  de  Cheminot.  —  Les  fouilles  remon- 
tent à  1800  environ.  Elles  ne  nous  sont  connues  que  par 
un  très  bref  article  de  M.  V.  Simon  (4)  :  «  Sur  le  sol  précé- 
«  demment  occupé  par  la  forêt  de  Cheminot,  sur  les 
«  collines  entre  la  Seille  et  la  Moselle  (canton  de  Verny), 

(i)  Sur    la   colonisation    des   pays  décumans.   Cf.  Schulten,  Bonner 
Jahrbùcher,  io3,  p.  12  sqq. 

(2)  Nombreux  exemples,  Naeher,  Die  rom.  Bauanlagen  in  don  Zehnt- 
landen  badischen  Antheiles.  Bonn.  Jahrb.,  79,  p.  10-109. 

(3)  Voir  tout  particulièremenl  les  villas  Stockbronner  Hof,  Tiefen- 
bach  et  Neckarzimmer.   Westd.  Zeitsch.,  189(1,  p.  1  sqq. 

(4)  Mémoires  Soc.  Arch.  et  Hist.  Mos.,  VI  (x864)3  p-  79. 


—  65  — 

«  je  vis  trois  bâtiments  de  forme  carrée  et  un  autre  de 
«  l'orme  circulaire,  dans  l'intérieur  duquel  je  trouvai  des 
«  débris  de  marbre  qui  me  parurent  indiquer  les  restes 
c«    d'un  temple. 

«  Plus  loin,  je  vis  une  enceinte  circulaire,  entourée  d'un 
«  fossé  profond,  qui  me  parut  être  la  limite  d'une  métairie. 
«  Enfui,  en  défrichant  une  autre  partie  de  cette  forêt,  près 
«  de  la  ferme  de  Marly-aux-Bois,  on  mit  à  découvert  un 
(i  petit  bâtiment,  puis  un  autre  plus  important,  remar- 
«  quable  par  ses  contreforts  et  les  deux  petites  construc- 
«  tions  qui  s'avancent  en  avant  du  bâtiment.  Cette  petite 
«  villa  était  contiguë  à  la  route  de  Scarpone.  »  Ces  indi- 
cations, par  trop  vagues,  étaient  heureusement  accompa- 
gnées d'un  plan  de  la  villa  découverte  et  d'un  court  com- 
mentaire. 

Les  ruines  en  furent  de  nouveau  mises  au  jour  en 
1881  (1).  On  voulait  en  tirer  des  matériaux  de  construc- 
tion. On  y  trouva,  paraît-il,  un  hypocauste.  On  y  aurait 
même  aperçu  des  «  débris  de  pavés  en  mosaïque  »,  et  des 
fragments  d'enduits  décores  de  peinture.  Une  découverte 
fit  oublier  tout  le  reste.  Ce  fut  celle  de  deux  instruments 
en  fer  de  forme  inexpliquée.  Ils  furent  l'origine  de  nom- 
breuses discussions  (2),  et  détournèrent  complètement 
l'attention  de  la  villa  elle-même. 

Le  plan  de  la  villa  de  Marly,  tel  qu'il  nous  est  donné, 
semble  avoir  été  exécuté  d'après  un  croquis  assez  rapide. 
Il  n'en  offre  pas  moins  toute  garantie  d'exactitude,  à  n'en 
considérer  que  les  grandes  lignes. 

La  partie  principale  de  la  villa  est  de  lorme  rectangu- 
laire. Elle  mesure  28  mètres  de  large  sur  30  de  long.  C'est 
la  forme,  ce  sont  les  dimensions  ordinaires  des  petites 
villas  rustiques  du  Limes. 

Du  coté  de  l'est  sont  accolées  au  mur  extérieur  de  la 
villa,  deux  petites  constructions  quadi angulaires.  Les 
murs  rasés  au  niveau  du  sol,  ne  nous  permettent  de  saisir 
nulle  part  la  trace  d'un  seuil  ou  d'une  porte.  Il  semble 
hors  de  doute  cependant  que  l'entrée  de  la  villa  dut   être 


(il  La  villa  gallo-romaine  de  Cheminot.  Journ.  Sur.  Arch.   Lorr.,   3g 
(1890  .  |'.  284-290. 
(2)  Bullet.  Soi-.  Antiq.,  1882,  p.  282.  —  i883,  |>.  102.  —  1889, p.  «iO-qq. 

A.  Grenier.   Habitations  gauloises.  5 


—  66  — 

de  ce  côté  de  l'habitation,  précisément  entre  ees  deux 
petites  ailes  de  bâtiment,  suivant  la  règle  formulée  par 
\  itruve.  Elle  ouvrait  ainsi  à  Test.  Faut-il  voir  simplement 
dans  les  deux  petites  constructions  latérales,  de  petites 
logettes  avançant  de  part  et  d'autre  de  l'entrée  ?  On  trouve 
un  exemple  certain  d'une  disposition  de  ce  genre  à  la  villa 
de  Thésée-sur-Cher  (1).  Là,  aucun  doute  n'est  possible, 
les  murs  retrouvés  ayant  encore  1  ou  2  mètres  de  hauteur. 
Ces  logettes  étaient  d'ailleurs  beaucoup  plus  petites  qu'à 
Marlv.  Xous  inclinerions  plutôt  à  penser  que  la  porte 
d'entrée  de  la  villa  de  Marlv,  se  trouvait  à  la  hauteur  du 
mur  extérieur  des  deux  petites  salles  avançantes.  L'espace 
compris  entre  elles,  formait  une  sorte  de  petit  vestibule, 
par  lequel  on  pouvait  communiquer  de  l'une  à  l'autre  et 
qui  donnait  accès  dans  l'atrium  (2). 

Quoi  qu'il  en  soit,  ces  logettes  semblent  bien  avoir  été 
l'appartement  réservé  au  villicus,  que  Vitruve  recom- 
mande de  loger  près  de  la  porte  d'entrée.  Il  pouvait  de  là 
surveiller  les  abords  extérieurs  de  sa  villa  aussi  bien  que  la 
cour  intérieure.  On  ne  pouvait  entrer  ni  sortir  sans  passer 
sous  son  regard.  Il  lui  était  facile  en  même  temps  de  se 
rendre  compte  de  tout  le  travail  de  la  ferme. 

Le  centre  des  bâtiments  est  occupé  par  un  grand  espace 
libre,  d'environ  20  mètres  de  côté.  Il  ne  pouvait  être 
entièrement  couvert.  C'était  une  cour,  bordée  sans  doute 
de  galeries  couvertes,  dont  les  toits  s'abaissaient  vers  le 
centre.  En  un  mot,  un  véritable  atrium  plus  ample  et  plus 
largement  ouvert  que  ceux  des  maisons  urbaines,  mais 
semblable  à  celui  que  l'on  rencontre  dans  toutes  les  petites 
villas  rustiques.  Les  piliers  soutenant  la  toiture  des  gale- 
ries devaient  être  simplement  de  bois.  On  ne  signale  pas, 
en  effet,  la  trouvaille  de  débris  de  colonnes,  dans  la  villa 
de  Marly. 

Autour  de  l'atrium,  des  trois  côtés,  sud,  ouest  et  nord, 
couraient,  parallèlement  aux  murs  extérieurs,  d'autres 
murs  se    coupant  à    angle    droit.    Cette    disposition   des 


(i)  Caumont,  Cours  d'Archit.,  [II,  p.   i.V|. 

(:»)  On  trouve  mie  disposition  analogue  :  2  petites  pièces  avançantes 
réunies  par  une  galerie,  dans  1rs  villas  de  Stockbronner  Hof,  Tiefenbach 
et  Neckarzimmer,  déjà  mentionnées.    Westd.  Zeitsch.,  [896. 


—  67  — 


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Pi  an  2.  —   La  villa  de   Mailv-aux-Bois. 


_  69  - 

locaux  d'habitation  et  d'exploitation,  est  entièrement  con- 
forme au  plan  que  nous  avons  pu  tirer  des  indications  des 
ailleurs  anciens  et  que  nous  trouvons  appliqué  dans  les 
villas  du  Limes.  Mais  aucune  indication  ne  nous  permet  de 
fixer  la  destination  particulière  des  salles  ainsi  formées. 

Au  sud  du  rectangle  qui  forme  le  corps  principal  des 
bâtiments  de  la  villa,  vient  s'ajouter  une  sorte  d'annexé. 
Contre  la  paroi  sud  de  cette  nouvelle  construction  se  voient 
les  soubassements  de  quatre  contreforts  ou  piliers.  Une 
grande  salle  allongée,  occupe,  du  sud  au  nord,  tout  le 
milieu  de  ce  bâtiment.  Adroite,  sont  formées  deux  salles 
de  moyennes  dimensions,  toutes  deux  exposées  à  l'est,  la 
plus  grande,  celle  qui  forme  l'angle,  recevait  la  lumière  à 
la  fois  de  l'est  et  du  midi.  A  gauche,  nous  trouvons  tout 
d'abord  une  large  salle  dallée,  sur  laquelle  donnent  deux 
pièces  beaucoup  plus  petites,  communiquant  entre  elles  à 
angle  droit.  L'une  d'elles  est  soigneusement  cimentée.  Il 
est  facile  de  reconnaître  là  une  installation  de  bains.  La 
simplicité  en  est  très  éloignée  sans  doute  de  la  complexité 
des  bains  des  riches  maisons  urbaines  ou  des  grandes 
villas  de  luxe.  Cependant  le  grand  vestibule  pavé  de  belles 
dalles,  et  qui  servait  probablement  iïapodyterium,  laisse 
supposer  que  l'installation  n'était  pas  simplement  destinée 
aux  esclaves  de  l'exploitation  agricole.  Les  bains  que  nous 
trouvons  dans  les  petites  villas  du  Limes,  analogues  à 
la  villa  de  Marly  ne  comprennent  en  effet  qu'une  seule 
salle,  située  à  proximité  de  l'atrium. 

C'est  d'ailleurs  dans  ce  bâtiment  qu'on  a  trouvé,  en  1881, 
les  restes  d'un  hypocauste,  et  môme  si  le  renseignement 
est  exact,  les  débris  d'un  pavage  en  mosaïque.  Nous 
avons  signalé  l'heureuse  disposition  des  salles  qui  en 
occupent  la  partie  droite.  On  y  saisit  une  recherche  évi- 
dente de  tout  le  confort  que  peut  offrir  une  très  modeste 
maison  de  campagne.  Ces  appartements  et  les  bains  sem- 
blent former  un  ensemble,  disposé  à  dessein,  un  peu  à 
l'écart  du  reste  de  la  villa.  Peut-être  même  avaient-ils  au  sud 
une  entrée  distincte.  C'était  la  villa  urbana,  l'habitation 
du  propriétaire  accolée  au  sud  des  bâtiments  de  la  ferme. 

L>ne  étude  attentive  de  la  maçonnerie  et  de  la  manière 
dont  se  coupent  les  murs  de  ces  deux  parties  distinctes  de 
la  villa  de  Marly,  aurait  peut-être  permis  d'établir  entre 


—  70  — 

elles  une  différence  de  date.  Peut-être  l'addition  des 
appartements  d'habitation  constitue-t-elle  un  remaniement 
postérieur  du  plan  primitif  de  la  villa.  Mais  les  fouilles, 
trop  sommaires,  ne  fournissent  aucune  indication  à  l'appui 
de  cette  supposition. 

Ouelques  monnaies  furent  trouvées  parmi  les  décom- 
bres. Ce  sont  des  bronzes  de  Tetricus,  de  Probus,  de 
Maxence,  de  Constantin  et  de  Maximin  Daza.  Nous  n'en 
pouvons  tirer  que  ce  simple  renseignement  que  la  villa 
était  habitée  à  la  fin  du  m0  siècle  et  au  début  du  ive. 

De  nombreuses  traces  d'incendie  nous  apprennent  en 
outre,  que  détruite  par  une  catastrophe,  elle  ne  fut  pas 
relevée. 

2)  Villa  de  Sorbey  (14  Km.  sud-est  de  Metz).  —  Les 
fouilles  de  la  villa  de  Sorbey  remontent  à  l'année  1836. 
Nous  en  devons  la  publication  à  M.  V.  Simon,  comme  pour 
celles  de  la  villa  de  Cheminot.  La  description  des  diffé* 
rentes  parties  de  la  villa  est,  il  est  vrai,  plus  développée 
et  plus  fournie  de  détails  (1). 

Le  plan  de  la  villa  de  Sorbey  est  d'ailleurs  moins  simple 
que  celui  que  nous  venons  d'étudier.  Les  dimensions  en 
sont  également  plus  vastes  ;  et  encore  serait-il  téméraire 
d'affirmer  que  tous  les  bâtiments  qui  composaient  la  villa, 
ont  été  mis  au  jour  en  1836.  Nous  croyons  néanmoins 
reconnaître  à  Sorbey  les  principaux  éléments  qui  consti- 
tuent une  villa  rustique.  La  villa  urbaine  qui  s'y  ajoute, 
fait  partie  du  môme  corps  de  bâtiments  que  l'exploitation 
agricole,  et  semble  n'être  encore  qu'un  accessoire. 

L'ensemble  de  la  villa  était  entouré  d'un  mur  d'enceinte. 
On  n'en  a  pu  dégager  qu'une  partie,  sur  une  longueur  de 
125  mètres  d'un  côté  et  de  70  de  l'autre.  Le  mur  formait 
en  avant  et  à  droite  de  la  villa,  une  ou  peut-être  deux 
cours.  On  a  en  effet  retrouvé  dans  l'espace  circonscrit,  les 
traces   de   deux    bassins  (2).    L'entrée    de   cette    enceinte 


(i)  La  villa  gallo-romaine  <l<>  Sorbey.  Austrasie,  iN'|i. 

Varro,  I,  i3.    3.  Cohortes  in   fundo  magno  duae  aptiores  :  una    ul 
interdius    compluvium    babeal    lacum...  Boves    enim  ex    arvo    œstate 


—  71  — 

devait  être  à  Test  vis-à-vis  l'entrée  du  corps  principal  de 
bâtiment.  En  fouillant  le  sol  delà  cour,  on  y  eût  retrouvé 
sans  doute  les  traces  d'autres  constructions,  granges,  écu- 
ries, étables  ou  fours,  qui  devaient  s'y  élever  (1). 

Contrairement  à  ce  que  nous  rencontrons  dans  le  Limes, 
la  villa  proprement  dite  ne  s'élève  pas,  à  peu  près  au 
centre  de  l'espace  circonscrit  par  l'enceinte.  Elle  s'appuie 
directement  au  mur  ouest.  Le  mur  que  nous  trouvons  au 
nord,  formait-il  également,  à  la  fois  le  mur  de  clôture  de 
l'enceinte  et  le  mur  extérieur  de  la  villa  ?  L'habitation 
était-elle  située  à  l'angle  nord-ouest  de  la  cour,  ou  bien, 
au  contraire,  un  espace  symétrique  était-il  ménagé  au 
nord  comme  au  sud  des  bâtiments  ?  Les  fouilles  arrêtées 
au  niveau  même  de  ce  mur,  ne  nous  fournissent  aucun 
renseignement  sur  ce  point. 

C'est  précisément  cette  partie  nord  de  l'habitation  qui 
nous  semble  avoir  constitué  la  villa  rustique.  Nous  y 
trouvons,  en  effet,  la  cour  centrale  habituelle.  Sa  forme 
est  celle  d'un  rectangle  assez  allongé  de  35  mètres  de 
long  sur  18  de  large.  Elle  n'est  bordée  de  bâtiments  que 
de  deux  cotés  seulement  ;  un  simple  mur  la  ferme  à  l'ouest 
et  au  nord.  Dans  les  salles  2  et  3,  situées  à  l'est  de 
cette  cour  se  sont  trouvés  de  nombreux  tessons  de  vases. 
Cette  circonstance,  s'ajoutant  à  leur  situation  au  nord  de 
la  villa  permet  d'y  reconnaître  des  communs  destinés  k 
l'exploitation  agricole  :  celliers  ou  granges  (2). 

Au  sud  de  la  cour,  de  l'autre  côté  du  passage  qui  y  don- 
nait accès,  s'ouvre  un  grand  espace  (n°  4)  de  15  mètres  de 
large  sur  12  de  long.  C'était  peut-être  une  seconde  cour, 
ou  plutôt,  nous  semble-t-il,  le  local  destiné  à  servir  de  cui- 
sine et  de  salle  commune  pour  les  esclaves  agricoles.  Il 
communique  en  effet  directement  avec  les  bains,  situés  au 
sud  de  la  villa. 

Trois  murs  parallèles,  distants  respectivement  de  lm50 
et  de  2m50,  perpendiculaires  au  mur  nord  de  la  villa,  s'avan- 

reductî  hic  bibunt,  hic  perfunduntur,  nec  minus  e  pabulo  cum  redierunt 
anseres,  sues,  porci.  In  cohorte  exteriore,  lacum  esse  oportet,  ubi  mace- 
retur  lupinum,  item  alia  quae  demissa  in  aquam  ad  usura  aptiora  fîunt. 
Vitruve,  VI,  <i.  On  en  trouve  des  exemples  nombreux  :  Naeher,  Die 
roui.  Bauanlagen  in  <!?n  Z ehntlanden.  Bonn.  Jahrb.,  79,  |>.  10-109. 

(2)  VlTRUVE,  VI,    (3-4-    COLUMELLE,    I,    VI,    f). 


—  72  — 

cent  jusqu'au  niveau  environ  de  la  cour  n"  1.  Dans  l'angle 
nord-ouest,  M.  Simon  a  trouvé  un  fort  collier  de  fer  atta- 
ché à  une  chaîne  fixée  à  une  grosse  pierre  d'à  peu  près 
un  mètre  cube.  Il  en  conclut  que  cette  construction  était 
l'ergastulc  de  la  villa.  Nous  ne  connaissons  pas  d'autre 
exemple  d'installation  de  ce  genre.  Cette  supposition,  si 
elle  est  juste,  confirmerait  parfaitement  l'hypothèse,  que 
cette  cour  et  les  bâtiments  qui  l'entourent,  constituaient 
la  partie  rustique  de  la  villa. 

Les  bâtiments  situés  à  l'est  et  au  sud  de  la  villa,  c'est- 
à-dire  les  plus  favorablement  exposés,  servaient  au  con- 
traire, à  l'habitation.  Ils  présentaient  à  la  lumière  du  matin, 
une  vaste  galerie,  longue  de  25  mètres,  large  de  5.  Le 
mur  antérieur  n'avait  sans  doute  que  la  hauteur  d'un  sou- 
bassement destiné  à  porter  des  colonnes.  On  en  a  retrouvé 
quelques  fûts  et  de  nombreux  débris.  D'après  l'épaisseur 
des  fûts,  on  peut  estimer  à  environ  4  mètres  la  hauteur  de 
ces  colonnes.  Le  sol  de  la  galerie  était  garni  de  dalles 
d'une  pierre  blanche  assez  fine.  On  a  trouvé  également  de 
nombreux  fragments  de  marbre  qui  devaient  former  le 
revêtement  des  parois. 

La  galerie,  plus  courte  que  les  bâtiments  en  avant  des- 
quels elle  était  placée,  formait  avec  eux,  à  son  extrémité 
nord,  une  sorte  d'angle  rentrant.  Les  murs  de  cette  partie 
de  la  villa  étaient  construits  en  pierre  de  taille.  A  quelle 
raison  attribuer  ce  caractère  plus  massif  des  substructions? 
Sans  doute  à  une  élévation  particulière  des  murs  en  cet 
endroit.  On  peut  donc  supposer  au  premier  étage,  un  iri- 
clinium  d'où  la  vue  s'étendait  au  loin,  dans  deux  direc- 
tions sur  la  campagne  environnante  (I). 

Le  sol  des  salles  situées  au  rez-de-chaussée  derrière  la 
galerie,  était  couvert  d'un  ciment  très  soigné  et  d'une 
extrême  finesse,  épais  de  0m04.  Les  nombreux  fragments 
de  stuc  que  M.  V.  Simon  rapporte  y  avoir  trouvés  en  font, 
sans  contredit  des  appartements  de  luxe,  triclinia,  ou  lo- 
gement du  maître  de  la  villa. 

La  série  des  salles  et  des  chambres  continuait  au  sud  du 
couloir,  qui,  de  la  galerie,  donnait  accès  à  la  villa  rustica. 
Le  passage  d'une  route  que  l'on  ne   pouvait  entamer,  in- 

(  i  )  Varro,  I,  iii. 


WW////W/////W^^^ 


y/////////// 


environ 


Plain  3.  —  La  villa  de  Sorbey. 


—  75  — 

terdit  de  les  fouiller.  Les  pièces  qui  ont  pu  être  dégagées 
dans  cette  partie  de  la  villa  forment  un  nouvel  ensemble 
di ml  la  destination  est  facile  à  reconnaître  :  ce  sont  les 
bains  de  la  villa. 

Nous  y  trouvons  notamment  quatre  petites  salles,  en 
communication  directe  avec  le  local  où  nous  avons  cru 
voir  la  cuisine.  Elles  forment  vers  le  sud  une  petite  aile 
avançante  et  recevaient  par  conséquent  le  soleil,  à  la  fois 
de  l'est,  du  midi  et  de  l'ouest.  Le  sol  en  est  formé,  en 
outre,  d'un  ciment  très  épais  (0m40)  parsemé  de  gros 
fragments  de  briques,  et  assis  sur  une  couche  de  galets, 
de  0mi0  d'épaisseur.  Le  ciment  d'une  de  ces  salles  (16) 
devait  même  être  recouvert  d'un  carrelage  en  terre  cuite, 
dont  on  retrouva  une  pièce  de  forme  hexagonale. 

Deux  autres  (selon  toute  vraisemblance,  les  salles  13  et 
14)  (1),  étaient  chauffées.  Des  conduites  de  chaleur  cou- 
raient sous  le  sol,  le  lon^  des  murs.  Elles  se  continuaient 
sans  doute  verticalement  dans  leur  épaisseur,  par  le  moyen 
bien  connu  de  briques  creuses  communiquant  entre  elles. 
Les  grandes  briques  plates  qui,  dans  le  pavage  de  ciment, 
formaient  les  parois  de  ces  conduites  étaient,  dit  M.  Simon, 
absolument  noircies  parla  fumée.  On  ne  saurait  donc  douter 
que  le  feu  ne  les  ait  chauffées  directement.  Ces  sortes  de 
cheminées  ménagées  dans  les  murs,  n'avaient  pas  seulement 
l'avantage  d'augmenter  dans  chaque  pièce  les  surfaces 
chaudes;  elles  servaient  surtout  à  assurer  le  tirage. 

Ce  système  de  chauffage  très  simple,  n'est  qu'une  réduc- 
tion de  l'hypocauste  complet  tel  qu'on  le  trouve  dans  les 
grandes  villas.  Le  sol  de  la  salle  n'est  pas  établi  sur  voûtes 
soutenues  par  de  petits  piliers.  Une  petite  partie  seule- 
ment est  en  contact  avec  les   gaz  chauds  venant  du  prae- 

M.  Simon  omet  d'indiquer  les  salles  dans  lesquelles  il  a  retrouvé 
cette  installation  de  chauffage.  Les  raisons  qui  désignent  les  salles  i3et 
i4  semblent  décisives.  Leur  exposition  à  l'est  et  au  midi  ae  permet  d'y 
voir  que  d(  chaudes.  Formant   aile    avançante  sur  la  cour,  elles 

di  aient  être  en  contact  direct  avec  le  prœfurnium  qui  n'a  pas  été 
retrouvé,  mais  qu'il  faut  chercher  en  |>.  Suivant  un  usage  constant, 
ii  était  toujours,  autant  que  possible,  établi  en  dehors  de  l'habitation,  et 
s'allumait  de  l'extérieur.  Enfin,  l'entrée  des  bains  était,  soit  en  io — par 
la  galerie,  soit  du  ■  la  cour  intérieure  '\.  Dans  l'un  et  l'autre  cas, 

salles  \'.'>  et  i4>  sont  celles  où  l'on  pénétrait  en  dernier  lieu.  C'étaient 
donc  les  salles  chaudes  des  bains. 


—  76  — 

furnium.  Le  principe  cependant  est  le  même  :  il  s'agit 
d'élever  la  température  de  la  salle  par  réchauffement,  très 
lent,  sans  cloute,  mais  très  durable,  de  la  niasse  de  ciment 
qui  forme  le  pavage.  Ces  deux  genres  d'hypocaustes  se 
trouvent  parfois  associés.  Dans  un  grand  triclinium  de  la 
villa  deBeckingen,  par  exemple,  la  salle  tout  entière  n'est 
chauffée  <pie  par  des  conduites  de  chaleur,  tandis  que 
L'abside  qui  la  termine  est  bâtie  sur  piliers  (1).  On  ne  sau- 
rait d'ailleurs  établir  de  distinction  de  date,  sur  l'emploi 
de  l'un  ou  l'autre  système. 

On  peut  reconnaître  dans  ces  quatre  salles,  les  parties 
essentielles  des  grandes  installations  de  bains  romains  : 
apodylerium,  frigidarlum,  tepidarium,  caldarium.  Malgré 
leurs  modestes  proportions,  ces  bains  sont  encore  plus 
développés  que  ceux  de  la  villa  de  Marly.  Sans  aucun 
doute,  ils  étaient  une  dépendance  de  la  villa  urbana, 
beaucoup  plutôt  que  de  la  villa   rustica. 

Le  trait  le  plus  caractéristique  de  cette  villa  Sorbey  est 
sa  division  en  deux  parties  distinctes  :  maison  d'habitation 
et  bâtiments  d'exploitation,  la  première  ouvrant  sur  une 
galerie  à  colonnade,  la  seconde  sur  une  cour  intérieure. 
C'est  là  une  particularité  que  nous  ne  trouvons  pas,  même 
parmi  les  plus  grandes  et  les  plus  riches  des  villas  du 
Limes  (2).  Toutes  les  pièces  continuent  d'y  être  groupées 
autour  de  l'atrium,  en  avant  duquel,  la  galerie,  lorsqu'elle 
se  rencontre,  ne  forme  qu'un  simple  vestibule.  Leurs 
grandes  dimensions,  leur  aménagement  intérieur,  et  les 
objets  qu'on  y  trouve,  y  font  reconnaître  d'ailleurs  dans 
la  plupart,  des  offices,  des  granges,  ou  des  communs  des- 
tinés aux  travaux  rustiques.  Les  bains,  il  est  vrai  sont 
quelquefois  assez  développés,  mais  les  appartements  d'ha- 
bitation demeurent  étroits.  L'ornementation  surtout  en 
est  bien  moins  riche  qu'à  Sorbey. 

Dans  le  pays  trévire  (3),  au  contraire,  dans  le  voisinage 

(i)  Jahresberichte  der  Gesellschaft  fur  nûzliche  Forschungen  :u 
Trier,  iN-yN-Ni ,  p.  59. 

(2)  Villa  de  Hagenschiess  (près  Pforzheim),  de  Altstatl  (près  Mess- 
kirch),  il<-  Sinsheim,  etc.,  Bonn.  Jahrb.,  79,  p.  711  sqq.,  pi.  II. 

(.">)  Villas  du  Marberg  (entre  Carden  et  Pommera)  Bonn.  Jahrb.,  toi, 
p.  63  sqq.  Villa  de  Stahl  (près  Bittburg,  dans  l'Eifel),  Bonn.  Jahrb. ,62., 
p.   1   sqq.  Villa    de   Clotten  (vallée  de   la    Moselle)  plan   au    Musée    de 


/  / 


des  grandes  villes  de  la  Germanie  (1),  et  dans  toutes  les 
campagnes  de  la  Gaule,  on  rencontre  des  villas  assez  sem- 
blables à  celle  de  Sorbev.  L'habitation  du  maître,  assez 
richement  aménagée,  s'ajoute  soit  en  avant,  soit  sur  le  côté 
le  plus  favorablement  exposé,  de  l'exploitation  rustique. 
Elle  semble  malgré  la  continuité  des  bâtiments  ne  pas 
faire  partie,  pour  ainsi  dire,  de  cette  exploitation.  Le  plan 
reçoit  ainsi  une  forme  irrégulière.  Cette  absence  com- 
plète de  symétrie  permet  de  le  distinguer,  à  première 
vue,  de  celui  des  petites  villas  rustiques  si  correctement 
agencées.  Elle  fait  supposer  un  plan  primitif  plus  simple, 
dont  celui  que  nous  fournissent  les  fouilles  ne  serait  qu'un 
agrandissement  postérieur.  L'absence  de  donnée  posi- 
tive, empêche  il  est  vrai,  dans  la  plupart  des  cas,  de  trans- 
former cette  simple  hypothèse  en  une  affirmation.  Il  en 
est  absolument  de  même  pour  la  villa  de  Sorbev. 

Quelques  détails  techniques  nous  montrent  avec  quel 
soin  étaient  bâties  ces  villas,  et  comment  les  procédés  de 
l'architecture  romaine  s'y  mélangent  à  d'autres  que  favo- 
risent la  nature  et  les  productions  du  pays. 

Les  substructions  de  tous  les  murs  de  la  villa  ont  uni- 
formément 0,80  d'épaisseur,  sauf  ceux  de  l'angle  nord-est, 
q  ni  mesurent  environ  1  mètre.  C'est  la  partie  construite 
en  pierres  de  taille.  Tous  reposent  d'ailleurs  sur  des 
fondations  d'un  genre  caractéristique.  Elles  s'enfoncent 
environ  à  une  profondeur  d'un  mètre.  Les  couches  infé- 
rieures sont  formées  de  pierres  disposées  presque  de 
champ,  —  en  arêtes  de  poisson  —  et  jointes  avec  du 
mortier.  Au-dessus  ont  été  accumulées  sans  mortier,  des 
petites  pierres,  de  la  biocaille,  des  débris  de  moel- 
lons, etc.  C'est  au-dessus  seulement  de  ce  lit  que  com- 
mencent les  murs  en  petit  appareil  régulier. 

La  couche  de  blocaille  forme,  à  la  base  des  murs,  une 
sorte  de  conduite  naturelle  destinée  à  permettre  l'écou- 
lement des   eaux,  et   à   maintenir   au  sec   les    fondations. 


Bonn.  Villa  de  Beckingen  (sur  la  Sarre)   Jahresberichte  d.  Gesellsch.f. 
mit:.  Forsch.,  1878-81,  p.  5g. 

(1)  Villa  de  Friesdorf,   près  de,  Cologne,   Bonn,  jâhrb.,  81.  212.  Villa 
de   Stolberg,    près   d'Aix-la-Chapelle.    Aachener  Geschichtsverein,    IV, 

p.  179,  etc. 


—  7S  — 

Elle  suit  en  effet  sous  tous  les  murs  une  inclinaison  régu- 
lière et  ('01111)111111(1110  avec  d'autres  conduites,  formées 
également  d'un  cordon  de  pierres  sèches,  ménagé  sous 
le  sol  de  la  cour.  Le  tout  aboutit  à  un  puits  qu'on  a  retrouve 
sous  la  route,  à  plusieurs  mètres  au-dessous  du  niveau 
de  la  villa.  Un  système  de  canalisation  tout  à  fait  semblable 
a  été  remarqué  dans  les  constructions  qui  avoisinent  le 
camp  romain  de  la  Saalburg  (1). 

La  partie  supérieure  des  murs  de  la  villa  semble  avoir 
été  construite  non  plus  en  pierres,  comme  dans  les  villas 
italiennes,  mais  en  bois. 

M.  Simon  remarque  en  effet,  que  l'on  trouve  parmi  les 
décombres  une  quantité  considérable  de  charbons,  de 
cendres  et  de  morceaux  de  ciment.  Les  tuiles  du  toit  sont 
également  nombreuses,  mais  les  pierres  font  presque 
complètement  défaut.  Les  murs  n'ont  jamais  dû  s'élever, 
sauf  peut-être  en  certaines  parties,  a  plus  d'un  mètre  au- 
dessus  du  sol.  Le  reste  se  composait  de  panneaux  de  bois, 
enduits  à  l'extérieur,  comme  à  l'intérieur,  d'une  couche 
plus  ou  moins  épaisse  de  ciment.  C'est  là  un  mode  de 
construction  qui  semble  avoir  été  fréquent  dans  l'est  de 
la  (iaule.  Quelquefois  même  les  parois,  comme  dans  les 
huttes  gauloises,  étaient  formées  de  simples  claies  en 
branchages  tressés,  sur  lesquels  on  appliquait  du 
ciment  (2).  Il  remplaçait  la  glaise  primitivement  employée. 

Ces  murs  en  planches  noyées  dans  le  ciment  avaient  la 
même  apparence  que  des  murs  en  pierre.  Ils  étaient 
beaucoup  plus  légers  sans  doute.  Mais  les  bâtiments  de  la 
villa,  largement  étalés  au  milieu  de  la  campagne,  ne  s'éle- 
vaient que  rarement  au-dessus  d'un  simple  rez-de-chaus- 
sée. Seule  la  villa  urbana  était  ornée  d'une  sorte  de  belvé- 
dère, imitant  parfois  la  forme  d'une  tour  (3). 

Les  Médiomatrices  devaient  être    naturellement  tentés 


(i)  Jacobi,  Dos  R'ômercastel  Saalburg/  (1897),  p.  175  sqq. 

:'  r.i  jimciiIs  de  ciment,  portant  la  trace  des  clayonnages  sur  lesquels 
ils  étaienl  appliqués  au  Musée  de  Namur.  Us  proviennent  de  la  villa  de 
Montaigle. 

(3)   Al  SONE,   MOi  !  Lin    \  .  :-j. 

Comper    urt  ce]  i  ]  uraliamonl 

Sublimique   minans  irrumpil  in  sethera  lecto 
Ostentans  altam,  Paros  ni  memphitica,  turrim. 


—  79  — 

d'utiliser  ainsi  le  bois  que  leur  fournissaient  en  abondance 
les  forêts  de  leur  pays.  Ils  devaient  l'être  d'autant  plus  que 
ce  mode  de  construction  leur  rappelait  leurs  anciennes 
traditions  nationales.  Il  était  tout  naturel  qu'ils  songeas- 
sent à  les  allier  aux  perfectionnements  de  l'art  de  bâtir 
que  leur  avaient  appris  les  Romains. 

Cet  emploi  du  bois  dans  la  construction  des  villas  est 
considéré  généralement  comme  une  innovation  de  l'époque 
mérovingienne.  On  l'attribue  à  l'influence,  devenue  prépon- 
dérante, des  traditions  germaniques  (1).  Nous  le  consta- 
tons dès  l'époque  romaine  dans  la  plupart  des  petites 
villas  (2)  ;  nous  le  retrouverons  dans  les  bâtiments  d'exploi- 
tation qui  accompagnent  les  grandes  villas  (3)  du  pays  des 
Médiomatrices. 

Comme  la  villa  de  Marlv,  la  villa  de  Sorbev  était  habi- 
tée  au  ine  et  au  ive  siècle.  M.  Simon  y  a  trouvé  des  mon- 
naies de  Gallien  et  de  Tetricus.  La  plus  récente  est  une 
monnaie  de  Gratien.  A  quelle  époque  fut-elle  fondée? 
Aucun  document  ne  nous  l'indique.  Elle  ne  fut  pas  relevée 
après  l'incendie  qui  la  détruisit,  probablement  vers  la  fin 
du  ive  siècle. 


3°  La  villa  de  Betting  (8  Km.  à  l'est  de  Saint- Avold).  — • 
Les  fouilles  de  la  villa  de  Betting  sont  plus  récentes  que 
celles  des  deux  villas  de  Marly  et  de  Sorbev.  Elles  datent 
de  1880.  Elles  ont  été  publiées  en  détail  (4) . 

On  n'a  pu  dégager,  il  est  vrai,  qu'une  partie  des  bâti- 
ments dont  on  a  retrouvé  la  trace.  Les  substructions 
dégagées  sont  néanmoins  suffisantes  pour  nous  permettre 
de  reconnaître  le  plan  d'une  petite  villa  rustique. 

Elle  était  située  à  mi-hauteur  d'un  coteau  descendant 
vers  l'est.  Un  chemin  empierré  conduisait  à  l'entrée,  don- 
nant  du  côté  de  la  plaine.  Le  centre   des   bâtiments   est 

(i)    Ammann    et    Gaknier.   Hist.  de  l'habitation    humaine,  p.   5gi-5g2, 
passim. 

(2)  Cf.  La  villa  de  Betting.  Ruines  trouvées  à  Alzinc:,  infra   p.  86.  07- 

(3)  Cf.  La  villa  de  Rouhling. 

(4)  Dritter  Jahresbericht  des    Vereins  fur  Erdkunde  su   Mets,  1881. 
Boehm  :  Die  Ausgrabungen  bei Bettingen.,  p.  78-88. 


—  80  — 

occupé   par  une  vaste  cour,  longue  d'environ    20   mètres, 
large  d'un  pou  moins  de  12. 

<  )u  y  a  retrouvé  de  nombreux  fragments  de  chapiteaux 
en  grès,  et  de  i'ùts  de  petites  colonnettes.  Les  chapiteaux 
sont  à  peine  dégrossis,  les  i'ùts  ne  mesuraient  pas  plus  de 
()'"  60.  De  pareilles  colonnes,  hautes  de  moins  d'un  mètre, 
base  et  chapiteau  compris,  ne  pouvaient  soutenir  le  por- 
tique entourant  la  cour.  L'épannelage  rapide  des  chapi- 
teaux, indique  d'ailleurs  qu'elles  ne  devaient  être  vues  que 
de  loin,  et  par  conséquent,  placées  assez  haut.  11  est  donc 
vraisemblable  que  cette  villa  possédait  cette  variété  du 
cavaedium  toscan,  où  le  portique  était  surmonté  d'une 
galerie  ayant  vue  sur  la  cour.  S'élevant  sur  la  balustrade 
de  cette  galerie,  les  colonnettes  en  soutenaient  la  couver- 
ture (1).  Le  toit  dans  ce  genre  de  cavaedium  était  le  plus 
souvent  incliné  vers  l'extérieur  et  des  conduites  ména- 
geaient l'écoulement  des  eaux  de  pluie  (2).  L'escalier 
placé  dans  l'angle  nord-est  de  la  cour,  et  dont  nous  parle- 
rons plus  loin  (3),  donnait  accès  sans  cloute  à  la  galerie 
supérieure  du  portique,  aussi  bien  qu'au  premier  étage 
de  la  villa. 

Au  sud  du  cavaedium  ainsi  construit,  ayant  par  consé- 
quent leur  exposition  au  nord,  se  trouvent  quatre  salles 
et  une  cave. 

Un  escalier  latéral,  peut-être  un  simple  plan  incliné, 
conduit  à  la  cave,  profonde  de  2m50.  Dans  les  parois  de 
l'escalier  et  de  la  cave,  sont  ménagées  de  petites  niches 
voûtées,  hautes  de  0"'G5,  larges  et  profondes  d'environ 
0m40.  On  trouve  de  semblables  niches  dans  toutes  les 
caves  du  pays  gaulois  et  des  villas  de  Germanie.  La  cave 
elle-même  n'était  pas  voûtée  ;  le  plafond  en  était  supporté 
par  des  poutres. 

Les  salles  situées  de  ce  côté  de  la  villa,  sont  de  dimen- 
sions très  différentes.  La  plus  grande  mesure  12'"50  de 
long  sur  5  de  large.  Elle  formait  sans  doute  avec  les  deux 
plus  petites  qui  l'avoisinent,  le  bâtiment  spécialement 
affecté  à  l'exploitation  agricole,  grange,  cellier,  etc.  Elle 

(i)  Choisy,  Histoire  de  l'Architecture,!,  p.  591. 

(2)  Vitruve,  VI,  3,  2. 

(3)  Cf.  p.  60. 


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A.  Grenier.  Habitations  gauloises. 


—  83  — 

semble  communiquer  en  effet  avec  une  autre  pièce  qui 
forme  saillie  du  côté  sud  de  la  villa.  Ce  bâtiment,  très 
favorablement  exposé,  ne  pouvait  guère  être  autre  chose- 
qu'une  écurie.  Le  sol  en  est  recouvert  d'une  couche  de 
ciment,  inclinée  vers  l'extérieur.  Il  remplit  toutes  les 
conditions  qu'exigent  Yarron,  Vitruve  et  Golumelle,  pour 
les  locaux  destinés  à  cet  usage. 

Les  constructions  qui  s'élèvent  au  nord  du  cavaedium 
sont  beaucoup  plus  développées.  Elles  occupent  sur  toute 
la  longueur  de  la  villa  une  largeur  de  12  mètres.  Les  sou- 
bassements continus  d'un  mur  les  séparent  de  la  cour. 
Vers  le  milieu  de  ce  mur  sur  le  terrain  même  de  la  cour 
ont  été  trouvés  de  nombreux  tessons  de  vases,  des  os,  par- 
ticulièrement des  os  de  volaille,  et,  trouvaille  assez  fré- 
quente dans  les  villas,  un  amas  de  coquilles  d'huitres. 
C'était  la  cuisine  (en  c).  A  proximité,  à  l'ouest  de  l'habita- 
tion se  reconnaissent  les  bains.  Voici  la  description  qu'en 
donne  M.  Boehni  (1)  :  «  Les  bains  se  composent  de  quatre 
«  salles.  La  plus  petite,  /*,  est  pavée  de  dalles  en  terre 
«  cuite.  Elle  servait  donc  d'apodyterium,  tandis  que  les 
«  deux  salles  rectangulaires  mesurant  2,20  de  long-  sur 
«  1,20  de  large,  g  et  A,  formaient  les  bains  chauds.  Le  sol 
«  de  ces  deux  salles  est  bétonné.  Il  est  au  même  niveau 
«  que  le  dallage  du  petit  cabinet  f.  Quant  à  la  salle  voi- 
«  sine,  i,  de  dimensions  supérieures  (2m  sur  4),  elle 
«  semble  avoir  servi  de  bassin.  Le  sol  est  à  0'"40,  au  des- 

«  sous  du  niveau  des  salles  voisines; Dans  la  paroi  qui 

«  sépare  les  salles  i  et  h,  était  ménagée,  à  peu  près  à  la 
«  hauteur  du  sol  de  h,  une  petite  ouverture  de  0,30  sur 
«  0,50,  formée  d'une  voûte  en  briques  plates  placées  de 
«  champ...  De  nombreuses  briques  creuses  se  trouvent 
«  dans  toutes  ces  pièces,  et  prouvent  la  présence  d'un 
«  hypocauste  ».  Il  eût  été  intéressant  de  savoir  si  les  salles 
g  et  /'étaient  chauffées  par  le  même  procédé  que  les  salles 
de  bains  de  la  villa  de  Sorbey,  c'est-à-dire  par  des  con- 
duites de  chaleur  ménagées  dans  l'épaisseur  du  ciment. 
Il  eût  fallu  pour  cela  attaquer  le  ciment  du  sol  pour  y  cher- 
cher les  conduites.  Quant  à  la  différence  de  niveau  de  la 


(i)  Verein.fi  Erdkunde,  t88i,  )>.  82. 


—  84  — 

salle  /,  il  faut  en  chercher  une  autre  explication  que  celle 
proposée  par  M.  Boehin.  La  présence  d'une  piscine  serait 
extraordinaire  clans  une  petite  villa.  La  profondeur  (0,40) 
en  aurait  été  d'ailleurs  absolument  insuffisante.  Cette  salle 
devait  simplement  être  chauffée  par  un  hypocauste  à  pi- 
liers, aujourd'hui  disparu.  La  petite  ouverture  qui  la  réu- 
nit à  la  salle  h,  et  dont  l'explication  embarrasse  fort 
M.  Boehm,  serait  simplement  l'entrée  de  la  conduite  de 
chaleur  dans  l'hypocauste.  Ces  bains,  on  le  voit,  sont  abso- 
lument analogues  à  ceux  que  nous  rencontrons  à  Marly 
et  à  Sorbey. 

Ce  qui  distingue  la  villa  de  Betting  des  deux  précédentes, 
c'est  qu'à  l'est  de  l'habitation,  faisant  saillie  sur  le  corps 
central  du  bâtiment,  se  sont  retrouvées  des  traces  non 
moins  évidentes  d'un  autre  bain.  Une  première  salle,  a, 
est  pavée  de  grandes  dalles  de  grès,  épaisses  de  25  à 
30  centimètres,  le  niveau  en  est  inférieur  à  celui  de  la 
villa:  on  ne  nous  dit  pas  de  combien.  L'enduit  en  ciment 
qui  garnit  le  mur  se  termine  en  bas,  par  un  ressaut  cir- 
culaire destiné  à  faciliter  le  nettoyage  de  la  salle  et 
l'écoulement  de  l'eau.  A  proximité  de  cette  salle  était  une 
grande  cuve  de  grès  formant  baignoire.  L'espace  voisin 
n'a  pu  être  fouillé  avec  assez  de  précision  pour  permettre 
de  reconnaître  les  autres  parties  de  l'installation.  Ce 
qu'on  a  retrouvé  suffit  néanmoins  pour  prouver  l'existence 
d'un  second  bain.  Il  semble  plus  luxueusement  installé 
que  le  premier.  Il  devait  également  être  plus  vaste. 

Tandis  que  le  premier  bain  était  situé  dans  le  voisinage 
immédiat  de  la  cuisine,  en  communication  directe  avec  la 
cour  centrale,  celui-ci  se  trouve  au  contraire  isolé  des 
parties  de  la  villa  réservées  à  l'exploitation  agricole.  Les 
appartements  sur  le  prolongement  desquels  il  se  trouve, 
semblent  en  effet  avoir  été  réservés  à  l'habitation.  On  y 
rencontre  de  nombreuses  salles  d'assez  grandes  dimen- 
sions. Cette  partie  de  la  villa  devait  supporter  un  étage. 
C'est  du  moins  ce  que  semble  indiquer  une  petite  cons- 
truction de  forme  ronde,  qui  lui  est  accolée  du  côté  de  la 
cour.  Les  fondations  en  sont  trop  peu  profondes,  et  les 
dimensions  trop  restreintes  pour  qu'on  y  puisse  voir  avec 
Boehin,  la  base  d'une  tour  de  guet.  C'était  simplement  un 
escalier. On  en  a  encore  trouvé  en  place  la  première  marche. 


—  85  — 

Quant  aux  bâtiments  <|iii  s'élevaient  à  l'ouest  du  quadri- 
latère formé  par  la  villa,  ils  n'ont  été  qu'incomplètement 
fouillés. 

On  y  reconnaît  un  long  boyau  souterrain,  k,  puis  des 
substructions  très  irrégulières,  /,  continuées  par  un  autre 
couloir.  Les  comptes-rendus  de -fouilles  récentes  nous 
font  connaître  dans  le  Limes  des  constructions  analogues. 
Ce  sont  des  caves  étroites  et  très  allongées,  bordant  à 
l'extérieur  tout  un  côté  de  la  villa,  et  ouvrant  au  dehors  (1). 
On  pourrait  les  prendre  pour  des  cryptoportiques,  s'il 
pouvait  être  question  de  cryptoportiques  dans  des  villas 
d'un  caractère  exclusivement  rustique.  Comme  la  culture 
de  la  vigne  est  précisément  florissante  dans  les  régions 
où  se  rencontre  ce  genre  de  caves,  il  est  plus  vraisem- 
blable d'y  reconnaître  des  celliers,  avoisinant  des  pres- 
soirs et  destinés  au  travail  du  vin.  Tel  pourrait  avoir  été 
également  l'usage  de  ces  constructions  accolées  à  la  villa 
de  Betting. 

A  cette  particularité  près,  aucune  différence  essentielle 
ne  sépare  la  villa  de  Betting  des  villas  de  Sorbey  et  de  la 
forêt  de  Cheminot.  Son  plan  général  est  entièrement  con- 
forme à  celui  des  petites  villas  du  pays  des  Médiomatriees. 

Les  procédés  de  construction,  et  les  détails  de  l'amé- 
nagement des  pièces,  n'y  diffèrent  pas  non  plus  de  ceux 
que  nous  avons  remarqués  ailleurs. 

Les?  fondations  des  murs  sont  cependant  plus  simple- 
ment établies  qu'à  Sorbey.  Une  simple  couche  d'argile 
battue  y  remplace  Yopus  spicatum  qui  en  constituait  l'as- 
siette. Une  couche  de  blocaille  sans  ciment  y  forme  éga- 
lement une  conduite  d'écoulement  pour  l'humidité. 
Puis  viennent  les  assises  horizontales  du  petit  appareil 
régulier.  Les  murs  ont  de  0,n40  à  0m60  d'épaisseur.  Ils 
s'élevaient  encore  en  certains  endroits  à  1  mètre  ou  lni50 
au-dessus  du  sol  de  l'habitation.  Ils  étaient  enduits  aussi 
bien  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur  d'un  mortier  épais  de 
2  ou  3  centimètres.  L'extérieur  était  peint  en  rouge.  A  l'in- 
térieur s'aperçoivent,    en   outre,    des  traces  de    couleur, 


(i)  Villas  de  Praunheim  (près  Francfort-sur-Main),  de  Dortelweil 
(près  Darmstadt),  de  Eichen  (près  llanau),  Correspb.  d.  Westd.  Zeitsch., 
XXIII  (1904.),  n°  9. 


—  S6  — 

blanche,  jaune,  verte,  et  d'un  brun  foncé,  presque  noir. 
Les  fragments  en  sont  trop  minuscules  pour  qu'on  puisse 
se  rendre  compte  des  dessins  formés.  Le  sol  des  appar- 
tements est  garni  de  béton  mélangé,  suivant  le  procédé 
romain,  de  menus  fragments  de  briques.  Il  est  étendu  sur 
une  couche  de  cailloux  'de  12  à  18  centimètres.  Le  tout 
était  enduit  de  rouge.  On  y  voit  encore  des  traces  de  cou- 
leur en  certains  endroits. 

Comme  à  Sorbey,  on  ne  trouve  parmi  les  décombres  que 
peu  de  débris  de  maçonnerie,  tandis  qu'au  contraire  les 
charbons  et  les  cendres  de  bois  y  sont  en  grande  quantité. 
On  peut  donc  admettre  qu'à  Betting  également  la  base  des 
murs  seule  était  de  pierres.  La  partie  supérieure  en  devait 
être  formée  de  panneaux  de  bois  enduits  de  stuc  coloré. 

Sans  parler  des  différents  objets  particuliers:  tessons  de 
vases,  d'amphores,  de  terre  sigillée,  rares  fragments  de 
verre,  instruments  aratoires  en  fer,  meules  en  pierre  de 
lave,  fibules,  etc  ;  nous  signalerons  seulement  une  trou- 
vaille assez  rare  dans  les  villas.  On  a  rencontré  à  Betting 
quelques  fragments  d'armes  :  plusieurs  pointes  de  flèches 
en  fer,  et  une  pointe  de  lance  en  bronze.  Cette  dernière 
surtout  semble  avoir  été  une  arme  de.  chasse  bien  plutôt 
que  de  guerre.  La  chasse  devait  en  effet  tenir  une  large 
place  parmi  les  occupations  des  habitants  de  la  villa.  Les 
défenses  de  sangliers,  les  os  de  cerfs  et  de  chevreuils 
abondent  au  milieu  des  décombres.  La  contrée  est  d'ail- 
leurs, aujourd'hui  encore,  extrêmement  giboyeuse.  Ainsi 
donc,  comme  l'indiquait  déjà  le  plan  des  bâtiments,  la  villa 
joignait  à  son  caractère  d'exploitation  agricole,  celui  d'ha- 
bitation de  plaisance. 

Quelques  unes  des  monnaies  trouvées  à  Betting  remon- 
tent à  une  époque  plus  ancienne  que  celles  qui  se  sont 
rencontrées  à  Cheminot  et  à  Sorbey.  Les  premières 
remontent  à  Antonin  le  Pieux,  et  à  Julia  Moesa;  les  pièces 
de  Gallienus,  de  Tetricus,  de  Claude  le  Gothique,  de 
Constans,  de  Constantin  et  de  Magnence  sont  d'ailleurs 
de  beaucoup  plus  nombreuses.  Cette  proportion  nous 
indique  (pie  la  villa,  habitée  dès  le  me  siècle,  n'a  disparu 
qu'après  la  seconde  moitié  du  IVe. 


—  87  — 


Caractère  général  des  villas  i  astiques  médiomatrices .  — 
Comme  on  le  voit,  les  traces  des  procédés  gaulois  sont 
rares  dans  la  construction  des  villas  médiomatrices. 
Xous  n'avons  trouvé  à  noter  que  l'emploi  du  bois,  pour 
la  partie  supérieure  des  murs,  emploi  qu'imposait,  pour 
ainsi  dire,  l'extraordinaire  développement  des  forêts  dans 
le  pa)rs.  Et  encore,  les  parois  ainsi  construites  dispa- 
raissaient-elles, aussi  bien  à  l'extérieur  qu'à  l'intérieur, 
sous  l'enduit  de  stuc,  qui  suivant  l'usage  latin  revêtait 
tous  les  murs  d'appareil  irrégulier.  L'aspect  des  murs 
au  moins  était  romain,  si  la  construction  ne  l'était  pas 
absolument.  Les  substructions,  d'ailleurs,  et  la  base  des 
murs  en  petit  appareil,  le  système  de  drainage  qui  pro- 
tège les  fondations  sont  absolument  conformes  à  la 
technique  romaine;  le  ciment  des  pavages  est  établi 
suivant  le  procédé  romain,  les  décorations  pariétales 
sont  de  style  romain.  Les  colonnes,  les  dalles,  les  re- 
vêtements de  marbre  qui  garnissent  l'habitation  du  maître 
font  de  cette  architecture  une  architecture  toute  ro- 
maine. 

Le  plan  général  est  également  conforme  à  celui  de  la 
villa  classique.  Seule,  la  galerie  destinée,  pour  ainsi  dire 
à  capter  les  rayons  du  soleil,  qui  forme  façade  à  la  villa 
de  Sorbey,  semble  une  disposition  particulière  aux  habi- 
tations des  régions  septentrionales.  Tout  au  contraire, 
l'élément  essentiel  du  plan,  cette  sorte  d'atrium  autour 
duquel  sont  distribuées  les  différentes  parties  de  l'habita- 
tion, montre  nettement  une  influence  étrangère.  Des 
demeures  closes,  sans  fenêtres  ni  façade,  prenant  leur  jour 
seulement  sur  une  cour  intérieure,  sont  une  nécessité 
dans  les  pays  chauds.  On  en  trouve  des  exemples  aussi 
bien  dans  l'Egvpte  ancienne,  qu'actuellement  dans  les 
quartiers  arabes  des  villes  d'Algérie.  L'atrium  romain 
reproduisait  donc  une  disposition  générale  de  toutes  les 
architectures  méridionales  (1).   Il  était,  avec  ses  galeries 

(i)  La  tradition  qui  l'ait  de  Vatrium  une  invention  propre  à  l'archi- 
tecture latine  est  absolument    controuvée.  Le  plus  ancien   exemple  de 


—  88  — 

ouvertes,  un  véritable  contre-sens  sous  le  climat  rigoureux 
de  la  Gaule  Belgique.  Sa  présence  dans  les  villas  médio- 
matrices, révèle  une  application  sans  critique  et  routinière 
du  plan  traditionnel  en  Italie.  L'iniluence  de  la  civilisation 
latine  Ta  imposé  jusque  dans  les  plus  modestes  exploita- 
tions agricoles,  comme  elle  y  a  introduit  un  établissement 
de  bains  et  des   hypocaustes. 

Tous  les  détails  de  l'aménagement  de  ces  demeures 
nous  montre  l'adoption  des  mœurs  et  du  genre  de  vie 
romains.  L'état  de  la  propriété,  auquel  est  dû  l'établisse- 
ment de  villas  de  ce  genre  clans  le  pays  des  Médiomatrices 
était  évidemment  le  môme  que  celui  qui  en  avaient  amené 
le  développement  en  Italie.  L'organisation  du  travail  agri- 
cole dans  ces  fermes  de  plan  latin,  ne  pouvait  différer  de 
celle  qui  dès  l'époque  de  Gaton,  en  avait  déterminé  le 
plan.  Peut-être  certaines  particularités  des  petites  exploi- 
tations agricoles  médiomatrices,  nous  permettent-elles  de 
préciser  davantage. 

Les  modestes  installations  dont  Caton  et  Varron  nous 
font  la  description  étaient  destinées,  nous  disent-ils,  à 
l'exploitation  d'un  domaine  d'environ  200  arpents  (environ 
40  hectares).  Elles  mesuraient  de  20  à  30  mètres  de  côté. 
Ce  sont  là  précisément  les  dimensions  de  villas  telles  que 
celles  de  Cheminot  et  de  Betting.  Les  domaines  sur  les- 
quels elles  sont  établies  n'ont  donc  rien  de  commun  avec 
les  latifundia,  qui  se  constituèrent  par  la  suite.  L'état 
qu'elles  nous  expriment  est,  au  contraire,  celui  de  la 
moyenne  propriété. 

Mais  ces  domaines  de  moyenne  étendue  n'étaient  déjà 
plus  du  temps  de  Caton,  exploités  directement  par  le 
maître  à  qui  ils  appartenaient.  Ils  étaient  confiés  à  un  vil- 
licus  de  condition  servile,  pour  être  cultivés  sous  sa  direc- 
tion par  une  familia  d'esclaves.  Le  maître  possédait  géné- 
ralement, sur  plusieurs  points  du  territoire,  différentes  vil- 
las de  ce  genre.  Il  partageait  son  temps  entre  elles  et  les 
affaires   publiques,  qui  exigeaient  son  séjour  à   la   ville. 


maison  àatriumen  Italie  es!  étrusque,  il  date  du  ve siècle  (à  Marzabotto 
près  de  Bologne.  Monumenti  antichi  degli  Lincei,  vol.  I.  [890,  col.  290. 
sqq).  Il  àppartienl  donc  à  cette  civilisation  entièrement  formée  <IYI<;- 
111  ont  s  orientaux  qu'est  la  civilisation  étrusque. 


—  80  — 

C'est  en  prévision  des  visites  qu'il  faisait  de  temps  en 
temps  à  ses  domaines  que  Caton  recommande  de  lui  ména- 
ger un  logement  aussi  confortable  que  possible.  La  pré- 
sence d'une  petite  villa  urbana,  à  côté  de  la  villa  ruslica 
et  distincte  d'elle,  ne  saurait  s'expliquer  si  le  maître  avait 
été  lui-même  un  paysan  dirigeant  personnellement  l' ex- 
ploitation de  sa  propriété.  Partageant  les  travaux  de  ses 
colons,  ce  maître  aurait  partagé  également  leur  demeure. 
Et  de  fait,  nous  ne  trouvons  pas  de  bâtiments  d'habitation 
distincts  de  ceux  de  la  ferme  dans  les  villas  du  Limes, 
propriétés  du   colon  qui  en  cultivait  les  terres. 

A  Marlv,  à  Sorbey,  à  Bettino-  au  contraire,  une  villa  ur- 
bana,  plus  ou  moins  développée,  mais  témoignant  d'un 
certain  luxe,  accompagne  la  villa  rustica  proprement  dite. 
Elle  semble  former  une  habitation  à  part,  dont  le  maître 
était  assez  peu  mêlé  aux  travaux  agricoles.  Le  petit  do- 
maine sur  lequel  s'élève  la  villa  pouvait-il  suffire  à  fournir 
les  mosaïques,  les  colonnes,  les  triclinia  élevés  sur  sou- 
bassements en  pierre  détaille,  les  revêtements  de  marbre, 
de  la  villa  urbana?  Il  ne  le  semble  pas.  Tout  ce  luxe  ne 
correspond  pas  aux  habitudes  et  au  genre  de  vie  d'un 
moyen  cultivateur.  Il   porte   la  marque   d'un  propriétaire 

étranger  à  la  culture  de  son  domaine.  Une  demeure  parti- 

.   .  ••11 

culière  est  aménagée  en  prévision  de  ses  visites,  dans  la 

partie  la  plus  heureusement  située  de  la  villa.  Les  séjours 

qu'il  fait  dans   ces  maisons  de  campagne,  de  dimensions 

et  d'un  luxe   en  somme   fort   restreints,  doivent   être  en 

général  assez  brefs.    Ils  ne  doivent  pas  se  prolonger  au 

delà  de  la  belle  saison,  car  aucun  hypocauste,  nécessaire 

cependant   dans  ce  pays  rigoureux,  n'est  installé  sous  les 

appartements  d'habitation. 

Quant  à  la  villa  rustique  proprement  dite,  elle  loge  une 
population  de  condition  inférieure  :  des  esclaves  sans 
doute,  comme  semblerait  l'indiquer  l'ergastulum  de  Sor- 
bey, dirigés  par  un  autre  esclave  peut  être,  ou  encore  un 
colon  partiaire  ou  fermier.  Elle  est  construite  pour  abriter 
une  familia  rurale  semblable  à  celles  dont  Caton  et  Varron 
nous  décrivent  l'organisation. 

Si  les  propriétaires  des  villas  rustiques  ont  adopté  les 
habitudes  de  la  vie  romaine,  ils  sont  très  loin  cependant, 
du  luxe  et  des  raffinements  des  grands  seigneurs  romains. 


—  90  — 

Les  bains  dont  ils  se  contentent  sont  d'une  installation 
très  sommaire.  On  n'y  trouve  que  les  salles  essentielles. 
Les  pièces  de  l'habitation  sont  peu  nombreuses,  et  de  di- 
mensions restreintes.  Une  telle  habitation  aurait  semblé 
tout  à  l'ait  misérable  à  un  chevalier  romain,  dès  la  fin  de 
l'époque  républicaine.  Elle  suffisait,  nous  le  constatons, 
aux  Gaulois  déjà  latinisés,  du  n°,  du  111e  et  même  du 
IVe  siècle. 

Malgré  le  caractère  absolument  romain  de  ces  villas, 
rien  ne  nous  permet,  en  effet,  de  les  attribuer  à  des  pro- 
priétaires étrangers  au  pays.  Nous  avons  eu  déjà  en  effet 
l'occasion  d'indiquer  combien  différentes  ont  été  les  con- 
ditions dans  lesquelles  s'est  accomplie  la  colonisation  des 
provinces  gauloises,  et  celle  des  provinces  germaniques. 
En  Gaule,  et  dans  le  pays  des  Médiomatrices,  aussi  bien 
que  partout  ailleurs,  nous  ne  trouvons  nulle  trace,  ni  de 
l'expulsion  violente  des  habitants,  ni  même  de  l'établis- 
sement dans  les  campagnes  d'un  nombre  tant  soit  peu 
considérable  de  colons  étrangers.  Nous  savons  au  con- 
traire que  la  politique  constante  de  l'administration  ro- 
maine, fut  de  confirmer  partout  dans  les  provinces  et  d'y 
fortifier  l'état  antérieur  de  la  propriété.  Comme  l'indique 
M.  d'Arboisde  Jubainville,  le  premier  résultat  du  cadastre 
établi  par  Auguste,  et  le  résultat  le  plus  considérable  pour 
l'avenir  de  la  civilisation  latine  en  Gaule,  fut  de  fixer  et 
de  transformer  en  juste  propriété,  les  droits  plus  ou 
moins  vagues  que  les  occupants  gaulois  pouvaient  avoir 
sur  les  terres  qu'ils  cultivaient  (l  . 

L'état  romain  constitue  en  Gaule  des  «  fundi  »  analogues 
à  ceux  de  l'Italie.  Les  propriétaires  gaulois  élevèrent  sur 
ces  fundi,  des  bâtiments  d'exploitation  conformes  à  la  for- 
mule latine.  La  forme  romaine  de  la  propriété,  entraîna 
celle  de  l'habitation,  qui  comporte  elle-même  la  «  latinisa- 
tion »  des  mœurs  et  du  genre  de  vie.  11  n'est  nullement 
nécessaire  de  supposer  un  afflux  de  colons  latins  pour 
expliquer  la  diffusion  de  la  civilisation  latine  dans  les 
cités  gauloises. 

Sans  vouloir  attribuer  à  une  trouvaille  particulière,  une 


(i)  D'Arbois   de  Jubainville,    Recherches  sur  V origine  de  la  propriété 
foncière  et  des  m  uns  de  lieux  habités  en  France,  p.  21. 


—  91  — 

signification  trop  générale,  on  peut  trouver  une  confirma- 
tion directe,  de  la  nationalité  gauloise,  des  constructeurs 
des  villas  rustiques,    dans   un    petit   monument  trouvé  à 
proximité  de  Tune  d'elles.  C'est  une  tombe,  rencontrée  en 
1897  par   M.    Welter,  dans   la    forêt  de  Xeuves-Granges 
(canton  de  Lorquin)  entre   Fraquelfing  et  Niederhof,  non 
loin  d'un  amas  de  fragments  de  tuiles  et  de   moellons   de 
petit  appareil,  preuve  évidente  de  la  présence  d'une  habi- 
tation gallo-romaine  en  cet  endroit  (1).    Cette  tombe,  de 
forme  romaine,   est   une  stèle    assez  épaisse,    surmontée 
d'un   fronton  triangulaire.    Un   simple   trait,  imitant  une 
moulure,    encadre   le   fronton    et   dessine    une  grossière 
volute  de  chaque  côté  de  sa  base.   Une  niche  est   creusée 
dans   la   partie    supérieure  de  la   pierre,    et   contient    les 
bustes  de  trois    personnages.   Ils    portent  tous   trois  de 
longues  chevelures,  rejetées  en   arrière,    soigneusement 
peignées   et  calamistrées.  L'une    des  têtes  est  fortement 
mutilée.  Les  traits  des  deux  autres  sont  lourds,  un  sourire 
épais  anime  seul  les  physionomies.   On  saisit  cependant 
un  effort  pour  exprimer  les  particularités  individuelles  de 
chacune.  La    sculpture    est   gauche,    mais  trahit   un   soin 
consciencieux.  Cet  art  a  un  caractère  nettement  indigène. 
Les  types  représentés  sont  également  gaulois.  L'inscrip- 
tion d'ailleurs  qui  occupe  la  partie  inférieure  du  champ  de 
la  stèle    nous   donne    les    noms  des   personnages  repré- 
sentés (2).  Elle  nous  fait  connaître  trois  générations  d'une 
même  famille  de  nationalité  purement  gauloise  :  Canto- 
gnatus  l'aïeul,  Saccomainos  le  père,  Saccetius   le  fils.  Un 
autre  gaulois,  dont  nous  ne  pouvons  déterminer  les  liens 
de  parenté  avec  les  précédents,  Bellator,  fils  de  Bellatul- 
lus  leur  est  associé.    Les  noms,   on  le  voit,  prennent   une 
physionomie  de  plus  en   plus  latine.  Le  successeur  ou  le 
parent  qui  a  élevé  ce  monument  d'aspect  tout  romain  s'ap- 
pelle Sanctus. 

Il  est  fort  vraisemblable  qu'une  telle  tombe   était  celle 

(m  Ann.  Soc.  Ifisl.   et  Arch.   Lorr.,  1901,  p.  £71.    Tbid.,  1897,  p.  326- 
33o.  Cette  tombe  est  actuellement  au  Musée  de  .Metz. 
(2)  SACGOMAINO  CANTOGNATI  FIL 

SACCETIO  SACGOMAINI 
BELLATOBJ  BELLATVLLI  Yhh 
SANGTVS  CVRAVIT. 


—  92  — 

des  maîtres  de  la  villa  voisine.  Elle  nous  permet  de  cons- 
tater l'adoption  des  mœurs  romaines  et  des  formes  de 
l'art  latin  par  les  propriétaires  gaulois  des  villas  médio- 
matriees. 

Trois  siècles  de  paix  romaine  ne  purent  manquer  de 
favoriser  cette  classe  de  moyens  cultivateurs,  au  courant 
des  méthodes  de  colonisation  latines.  A  côté  des  couches 
inférieures  de  la  population  rurale,  restées  fidèles  aux 
traditions  indigènes  et  continuant  à  bâtir  de  misérables 
huttes  de  branchages,  elle  prospéra  et  s'enrichit  de  tout 
ce  que  perdaient  ces  out-laws.  Aussi  les  villas  s'établi- 
rent-elles peu  à  peu  sur  les  coteaux  et  dans  les  régions 
les  plus  riches,  à  mesure  que  les  huttes  reculaient  dans 
des  contrées  moins  accessibles  à  la  civilisation. 


VILLAS    GALLO-ROMAINES 

dans  la  Gité  desj^édiomatnces 


lessermyen 


Echelle 


500.000 


o  Mackwiller 
o  Le/femst 


^0JV,Ç     ^arSSl        (^uimpo/J 


Phalsbourq 
o  -7 

Pons  Sa  ravi    CO 
SARREBOURG 


/aûern/s 


Lorquin     o  Av    .  — ■»     - 

r         lP  )>Yp        V°yer  ,  o  Dabo 

trac/ue/fmj     o  V*    S**^  o  Wa/scle/c/ 

Hatùjnx    -  ^    °  LaVaUlU 


CHAPITRE  IV 


RÉPARTITION    DES    VILLAS    RUSTIQUES    DANS    LA    CITÉ 
DES    MÉDIOMATRICES. 


io  Villas  situées  à  proximité  de  la  voie  Metz,  Verdun,  Reims. 

2"  Voies  de  Metz  à  Arlon  et  à  Trères  et  région   de  la  rive  gauche  de  la 

Moselle. 
3"  Voie  de  Metz  à  Trêves  et  région  nord-est. 
4°  Voie  de  Metz  à  Toul,  Naix,  Reims  et  vallée  de  la  Moselle  entre  Metz 

et  Scarpone. 
5o  Voies  de  Metz  à  Strasbourg. 
6°  Région  est  du  pays  Médiomatrice. 
Vue  d'ensemble  de  la  répartition  des  villas  rustiques.  Groupement  des 

villas.  Le  vicus  rural. 
Date  des  villas  rustiques. 


La  majeure  partie  des  ruines  de  constructions  romaines 
disséminées  dans  le  pays  messin  sont  la  trace  des  villas 
qui  peuplaient  les  campagnes  (1).  Toutes  ensemble,  elles 
ne  représentent  sans  doute  qu'une  portion  minime  de 
celles  que  laissa  la  civilisation  gallo-romaine.  Une  revue 
rapide  de  celles  qui  ont  été  signalées  jusqu'à  ce  jour, 
pourra  permettre,  cependant,  de  nous  faire  une  idée  du 
développement  dans  le  pays  de  l'état  économique  et  social 
auquel  correspond  ce  genre  d'habitations. 

Nous  ne  relèverons  naturellement  dans  ce  chapitre  que 
les  vestiges   de  villas  rustiques.  Nous  laisserons  de  côté 


(i)  Un  certain  nombre  de  ces  ruines  peuvent  appartenir  soit  à  des 
postes  de  relais,  soit  à  de  petits  sanctuaires,  ou  représenter  même  des 
vestiges  de  petites  agglomérations  urbaines.  Les  restes  de  ce  genre  ne 
peuvent  être  que  l'exception. 


—  94  - 

les  constructions  que  l'étendue  de  leurs  ruines  ou  la 
nature  de  leurs  débris  nous  désigne  comme  les  restes  de 
grandes  villas  de  luxe.  Cette  distinction,  il  est  vrai,  n'est  pas 
toujours  facile  à  faire,  même  pour  les  villas  dontnous  con- 
naissons le  plan,  et  à  plus  forte  raison  pour  Celles  que  ne 
signale  qu'un  amas  indéterminé  de  décombres.  Aussi 
n'avons  nous  pas  la  prétention,  dans  notre  statistique,  d'é- 
tablir entre  les  villas  rustiques  et  les  villas  urbaines  une 
démarcation  plus  rigoureuse  qu'elle  rie  l'était  en  réalité. 
La  plupart  des  ruines  de  villas  relevées,  l'ont  été  à  l'oc- 
casion de  l'étude  des  voies  romaines.  Quoique  les  villas 
ne  soient  pas  en  général  sur  le  parcours  même  des  grandes 
routes,  le  tracé  des  voies  de  communication  les  plus 
importantes  nous  sera  un  fil  conducteur  commode  à  tra- 
vers les  différentes  régions  du  pays. 

1)  Voie  de  Metz  à  Verdun  se  dirigeant  vers  Reims  (1).  — 
Cette  voie  traversait  le  plateau  fertile  qui  domine  à  l'ouest 
la  vallée  de  la  Moselle.  La  station  de  Ad  Fines  marquait 
évidemment  la  frontière  du  territoire  médiomatrice.  Entre 
cette  localité  et  Divodurum,  l'itinéraire  place  lbliodurum. 
On  s'accorde  à  l'identifier  avec  llannonville  au  Passage  (2). 
A  environ  un  kilomètre  de  la  voie  romaine,  un  petit  pla- 
teau domine  le  village  actuel.  On  a  retrouvé  en  1840  sur 
cette  hauteur  les  restes  d'un  bâtiment  construit  en  petit 
appareil,  d'origine  évidemment  romaine  (3).  Les  fouilles, 
très  superficielles  n'ont  mis  au  jour  qu'un  puits  soigneu- 
sement maçonné,  dont  la  partie  supérieure  était  murée  (4). 
Ce  ne  pouvait  être  ni  une  citerne,  ni  une  sépulture.  On  y 
a  ramassé  deux  hachettes,  et  différents  objets  en  métal  très 
oxjrdé,  et  les  débris  de  deux  grands  vases  en  bronze.  Ce 
réduit  souterrain  n'avait  donc  pas  toujours  été  fermé.  Il 
était  dû  sans  doute  à  quelque  remaniement  de  l'habitation. 

2)  Voies  de  Metz  à  Arlon  et  a  Trêves;  région  de  la  rive 


(il  /////.  .1/)/.  (Ed.  Parthey-Pinder),  p.  lyii. 
(:>)  Ami.  Si><\  Hist.et  Arch.  Lor.,  i <S<(7 ,  |>.  168-169. 
(:î)  Y.  Simon.  Austrasie,  VII  (i84o). 

(/j)  Construction  analogue  dans  le  bois  qui  domino  Ars-s. -Moselle.  Cf. 
Mém.  Suc  Arch.  et Hist.  Moselle)  Il  (i85o,)3  p.  64< 


—  95  — 

gauche  de  la  Moselle.  —  Ces  routes  d'importance  secon- 
daire ne  sont  pas  signalées  dans  Jes  itinéraires.  Non  loin 
de  la  première,  près  du  village  de  Rédange,  dans  le  voi- 
sinage de  la  frontière  luxembourgeoise  se  sont  rencontrées 
de  nombreuses  traces  d'habitations,  débris  de  tuiles  et  de 
briques,  et  moellons  de  petit  appareil  (i).  L'endroit  n'a  pas 
encore  été  fouillé.  On  a  seulement  mis  à  découvert  une 
conduite  d'eau,  formée  de  tuyaux  en  terre.  Elle  réunissait 
l'habitation  à  une  source  distante  de  200  mètres. 

La  seconde  route  plus  à  l'est  s'engageait  à  travers 
le  plateau  accidenté  situé  au  nord  de  Thionville.  A  mi- 
chemin  environ  entre  Thionville  et  Luxembourg,  à  Nieder- 
Rentgen,  des  fouilles  commencées  à  l'occasion  d'une  im- 
portante trouvaille  de  monnaies,  ont  dégagé  une  aile  de 
bâtiment.  Les  murs  dont  les  fondations  affleuraient  pres- 
que au  niveau  du  champ  dessinaient  les  trois  cotés  d'un 
rectangle,  large  de  12m,  70.  Ils  mesuraient  respectivement 
0,80,  0,70,  0,80,  d'épaisseur.  Au  sud,  des  cloisons  en  ma- 
çonnerie formaient  deux  petites  salles.  Celle  qui  était  située 
à  l'angle  était  une  cave  voûtée.  La  naissance  de  la  voûte 
avait  été  conservée  près  de  l'entrée.  On  y  remarque,  au 
nombre  de  trois,  les  petites  niches  qui  ne  manquent  dans 
aucune  des  caves  de  construction  gallo-romaine.  De  nom- 
breux tessons  de  vases  jonchaient  le  sol.  Au  pied  du  mur 
ouest,  dans  trois  vases,  était  enterré  un  trésor  de  170(  )  pièces 
de  bronze  et  d'argent.  Les  plus  anciennes  de  ces  monnaies 
datent  d'Alexandre  Sévère.  Elles  vont  jusqu'à  la  fin.  du 
me  siècle  (2). 

L'habitation  elle-même  était  située  à  environ  400  mètres 
de  la  voie  romaine,  sur  une  petite  éminence  qui  la  domi- 
nait d'environ  15  mètres.  On  ne  saurait  donc  y  voir, 
comme  on  l'avait  voulu,  un  relai  de  poste.  Cette  maison 
isolée  dans  la  campagne  ne  peut  être  qu'une  villa,  et  sans 
doute  étant  données  les  dimensions  très  restreintes  de  la 


(i)  Ann.  Soc.  Hist.  Arch.  Lorr.,  1902,  p.  472.  Auprès  de  Rédange 
au  lieu  dil  Bantzel  on<  été  trouvées  les  fondations  d'une  construction  à 
demie  souterraine  d'un  caractère  beaucoup  plus  ancien.  Les  murs  ados- 
sés contre  le  tains  d'une  cavité  de  im,6o  de  profondeur  son!  en  pierres 
sèches.  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1899,  p.  378. 

(2)  A/i/i.  Soc  Hist.  et  Arch.  Lorr..   1896,  2.  p.   1.  et  sqq. 


—  96  — 

cave,  une  villa  assez  modeste.  Nous  ne  chercherons 
pas  à  expliquer  l'importance  du  trésor  qui  s'y  est  ren- 
contré. 

De  cette  route,  au  moment  où  elle  quittait  la  vallée,  se 
détachait  un  chemin,  qui,  passant  sur  la  rive  droite  de  la 
Moselle,  allait  rejoindre  près  de  Ricciacum  (Ritzing),  la 
grande  voie  de  Metz  à  Trêves.  A  Yutz-Basse  (1),  au  point 
même  où  ce  chemin  vient  de  traverser  la  rivière  de  nom- 
breuses trouvailles  de  briques  et  de  tuiles  ont  révélé  la 
présence  de  constructions  romaines.  Il  s'agit  plutôt  en  cet 
endroit  d'exploitations  industrielles,  de  tuileries  notam- 
ment, que  de  bâtiments  agricoles  (2).  Aucune  fouille  du 
reste  n'y  a  encore  été  exécutée. 

3)  Voie  de  Metz  à  Trêves  et  région  nord-est  (3).  —  Les 
stations  de  cette  route,  indiquées  par  la  carte  de  Peu- 
tinger,  ont  été  identifiées,  Caranusca  avec  Elzing^t)  dans 
la  haute  vallée  de  la  Canner,  affluent  de  la  Moselle,  Riccia- 
cum avec  Ritzing  (5).  De  nombreux  restes  d'habitations  ont 
été  en  effet  rencontrés  à  proximité  de  ces  deux  points. 
Nous  n'avons  pas  à  nous  en  occuper,  puisqu'ils  apparte- 
naient à  des  villes. 

Toute  trace  de  villa  a  disparu  dans  la  région  extrême- 
ment peuplée  que  traverse  la  grand'route.  Elles  se  sont 
au  contraire  rencontrées  très  nombreuses  dans  toute  la 
contrée  située  entre  Ritzing  et  la  Sarre. 

Ce  sont  d'abord,  entre  les  villages  de  Launsdorf  et  de 
Flatten  au  lieu  dit  Heidenhaiïser  des  substructions  assez 


(i)  Comitatus  ludiacensis,  Charte  du  ixp  ou  x11  siècle.  Cf.  Ami.  Sur. 
Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1900,  |>.  384;  19m,  p.  36o.  Westd.  Zeitsch.,XVHI, 
'6-jf\.  Correspb.  der  Westd.  Zeitsch.,  XVII,  u"  100. 

(2)  Sur  les  briquetteries  de  Yutz-Basse  à  l'époque  actuelle  el  à 
l'époque  romaine,  les  marques  de  fabricants  qu'on  y  trouve,  e1  la  diffu- 
sion de  ces  marques,  dans  le  pays  messin  el  trévire  :  Cf.  Bullet.  Soc 
Arch.  et  Hist.  de  la  Moselle,  VI  (i863)"  p.  i55-i56.  Mi-m.  Acad.  Metz, 
[84o-4i 1  p-  i5i. 

(3)  llin.  d'Ântonin,  |>.  177  Cf.  Ann.  Soc.  J/is/.  et  Arch.  Lorr.,  1897, 
|).    [61-168. 

(4)  Bullet.  Soc.  Arch.  et  Hist.  Mos.,  IV,  1.  Mém.  Acad.  Metz,  (846, 
p.  [27,  sqq.  Austrasie,  1 S ."> -7 ,  |>.  443- 

(5)  Mém.  Acad.  Metz,  1823.  Austrasie',  1842,  p.  77  sqq;  [80  sqq. 


—  97  — 

développées  (1).  Elles  appartiennent  soit  à  un  groupe  de 
petites  villas,  soit  peut  être  à  une  grande  villa  urbaine. 
D'autres  fondations  ont  été  également  retrouvées  à  Wald- 
\viese,  à  quelques  kilomètres  au  sud  (2).  Ni  les  unes,  ni  les 
autres  n'ont  encore  été  fouillées. 

Entre  Calembourg  et  Laumesfeld,  on  a  relevé  en  1840, 
les  traces  d'un  bâtiment  de  140  pieds  de  long  sur  135  de 
large.  Des  reliefs  provenant  sans  doute  de  cette  villa  se 
trouveraient  encastrés  dans  l'église  de  Laumesfeld  (3). 
Les  substructions  ont  été  enterrées  depuis  et  ont  disparu 
aussi  bien  que  les  autres  monuments  signalés.  On  n'en 
saurait  préciser  le  caractère. 

Sur  les  hauteurs  qui  bordent  à  droite  la  vallée  de  la  Nied, 
de  nombreuses  villas,  espacées  de  quelques  kilomètres, 
forment  jusqu'à  la  Sarre  une  ligne  ininterrompue.  Aucune 
d'elles  n'a  encore  été  fouillée.  A  Brettnach,  on  a  ramassé 
quelques  tessons  de  vases,  et  plusieurs  monnaies  du 
me  siècle  (4).  Un  peu  plus  loin,  entre  Brettnach  et  Alzing, 
quelques  sondages  ont  mis  au  jour  des  parties  de  murs, 
construits  en  petit  appareil,  épais  de  0,80,  et  mesurant 
encore,  par  endroits,  deux  mètres  de  hauteur.  La  villa 
était,  semble-t-il,  d'assez  grandes  dimensions  (5).  Le  bois 
devait  jouer  dans  sa  construction  un  rôle  tout  particuliè- 
rement développé.  Une  couche  épaisse  de  charbons,  des 
débris  de  poutres  brûlées  couvrent  le  sol.  Au  milieu  de 
ces  cendres  ont  été  trouvés  quantité  de  grands  clous 
forgés,  longs  de  0m18,  à  très  large  tête,  qui  ne  pouvaient 
que  servir  à  maintenir  des  panneaux  de  bois  contre 
de  forts  montants,  ou  bien  à  l'ajustement  de  légères 
poutrelles  et  de  chevrons.  Les  trouvailles  particulières 
faites  dans  ces  ruines  consistent  en  tessons  de  vases, 
dont  plusieurs  en  terre  rouge  et  grise  ornée  de  des- 
sins noirs,  en  débris  de  verre  (6),  servant  probablement 
de  "vitres,  en  un  grand  nombre  de  briques  creuses  et  de 

(i)  Austrasie,  18^2,  p.  8o  sqq  ;  177  sqq. 

(2)  Ann.  Soc  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1900,  p.  385. 

(3)  Austrasie,  1842,  p.  177. 

(4)  Renseignements  communiqués  par  M.  Hùck  (de  Bouzonville). 
(."))  Ann.  Sur.  ffist.  et  Arch.  Luit.,  [899,  p.  373. 

(0)  Les  débris  de  verre  sonl  fréquents  dans  plusieurs  villas  du  pays 
de  Trêves. 

A.  Grenier.  Habitations  gauloises.  7 


—  98  — 

tuiles,  enfin  en  deux  anses  et  le  fond  dune  petite  trua  en 
bronze  (1). 

A  Ehlich,  de  larges  dalles,  exploitées  depuis  longtemps 
comme  matériaux  de  construction,  des  fragments  de  bri- 
ques et  de  tuiles  et  des  débris  de  terre  sigillée,  marquent 
remplacement  d'une  autre  villa  (2).  A  Gerstling,  une  mo- 
saïque très  bien  conservée  a  été  mise  au  jour,  puis  en- 
terrée de  nouveau  en  attendant  des  fouilles  (3). 

C'est  à  proximité  du  village  de  NLedaltdorf,  que  semble 
avoir  été  situé  le  centre  de  toute  cette  région  si  riche  en 
villas.  La  colline  du  Hirnberg,  entre  Niedaltdorf  et  Ihn  a 
déjà  fourni  et  continue  à  fournir  de  nombreux  restes  de 
bâtiments  (4).  On  y  a  tout  dernièrement  découvert  un 
petit  temple  octogonal  dédié  à  Mercure  et  à  Rosmerta  (5). 
Plusieurs  habitations  se  groupaient  autour  du  sanc- 
tuaire (6).  L'une  d'elles,  fouillée  en  1835,  a  fourni  une 
superbe  mosaïque  de  17  pieds  de  long  sur  11  de  large, 
dont  une  partie  fut  transportée  au  Musée  de  Trêves  (7). 
Le  bâtiment  s'étendait,  paraît-il,  sur  une  longueur  d'en- 
viron 100  pieds.  C'est  là  malheureusement  le  seul  rensei- 
gnement que  nous  possédions  sur  cette  villa. 

4)  Voie  de  Metz  a  Tout  vers  Naix  et  Reims  (8)  et  vallée 
de  la  Moselle  entre  Metz  et  Scarpone.  C'est  la  vallée  de  la 
Seille  que  suivait  au  sortir  de  Metz  la  grande  voie  romaine 
de  Metz  à  Toul.  Elle  rejoignait  la  Moselle  à  l'importante 
station  de  Scarpone  (9),  et  s'engageait  ensuite  à  travers  le 
plateau,  dans  le  territoire  des  Leuques. 


(i)  Détails  communiqués  par  M.  Ilùck. 

(2)  Lettre  msc.  de  M.  Hùck. 

(3)  1,1. 

(4)  Ph.  Schmidt,  Der  Kreis  Saarlouis  miter  dru  Rdmern. 

(5)  Correspb.   <(.    Westd.  Zeitschrift,  uov.-déc.  1903,  n°  84- 

(6)  Groupements  analogues  au  Marberg.  Bonn.  Jahrb.,  CL,  |>.  t>3.  — 
Ein  Trevererdorf  im    Coblenzer   Stadtwalde.    Westdeutsche    Zeitsch., 

1900,  |>.    I    Cl    Sl|<|. 

(7)  Musée  de  Trêves.  Salle  t6. 

(8)  [tin.  d'Anton.,  |>.    i-j'\.   — Ann.  Soc.  Hist.   et  Arch.    Lan-..  1897, 
p.  168. 

(9)  Sur  la  ville  de  Scarpone,  cf.  Beaulieu,  Arch.  de  la  Lorr.,%  vol., 
r84o  et  i843,  T.  Il,  |>.    \rr  Ment.  Suc.  Arch.  Lorr.,  1886,  p.  275  sqq. 


—  99  — 

Les  deux  vallées  de  la  Seille  et  de  la  Moselle  ont  été  de 
tout  temps  extrêmement  peuplées.  Les  restes  archéolo- 
giques ont  complètement  disparu  de  la  plaine  et  du  flanc 
fertile  des  coteaux.  Ce  n'est  que  dans  les  bois  que  l'on  a 
pu  retrouver  quelques  vestiges  d'habitations  gallo-ro- 
maines. Nous  avons  pu  étudier  en  détail  les  restes  situés 
dans  la  forêt  de  Cheminot  (1).  Des  substructions  en  petit 
appareil,  des  débris  de  tuiles,  et  parait-il,  des  monnaies 
du  111e  siècle  ont  été  également  retrouvées  à  Louvigny. 

Dans  la  vallée  de  la  Moselle,  on  signale  quelques  restes 
insignifiants  de  constructions  romaines  à  Scy  (2)  et  à 
Ars  (3). 

5)  Voies  de  Metz  à  Strasbourg  (ty.  Deux  voies,  d'époque 
différente,  semble-t-il,  rejoignaient  Metz  à  Strasbourg. 
L'une  traversait  la  région  des  salines  par  Delme  (ad  Duo- 
decimum),  Vie  (vicus  Bodatius),  Moyen  Vie  (Médian us 
vicus),  Marsal  (vicus  Marosallensium). 

L'autre  plus  directe  gagnait  directement  Tarquimpol 
(Decem-pagi).  C'est  dans  le  voisinage  de  cette  dernière 
que  s'est  rencontrée  la  villa  de  Sorbey. 

L'abondance  des  centres  urbains  dans  la  haute  vallée  de 
la  Seille  s'explique  par  la  prospérité  de  l'industrie  du  sel 
dans  toute  cette  contrée.  L'exploitation  des  salines  semble  y 
remonter  à  l'époque  préhistorique.  Elle  se  poursuivit  avec 
activité  à  l'époque  romaine.  On  peut  juger  de  l'activité  de 
la  production  du  sel  durant  les  périodes  gauloise  et  gallo- 
romaine  par  1  extraordinaire  importance  des  vestiges  con- 
nus sous  le  nom  de  «  Briquelage  de  la  Seille  (5)». 

Les  restes  de  villas  sont  particulièrement  fréquents  dans 
cette  région  privilégiée.  Les  unes  étaient  établies  dans  la 


(i)  Cf.  supra,  p.  64- 

(2)  Ledain,  Lettres  et  Notices  d'arch.  et  de  numismat.,  p.  207.  Plu- 
sieurs notices  d'Arch.  et  de  Numismat.,  p.  260. 

(3)  Bull.  Soc.  Arch.  et  Hist.  Mus.,  II  (1809),  p.  64. 

(4)  Itinér.  d'Antonin,  p.  111  et  177:  et  Carte  de  Peutinger.  —  Abel, 
Les  voies  rbm.  du  départ,  de  la  Mos.  Mém.Soc.  Arch.  et  Hist.  Mos.„  i858., 
p.  5  sqq.  —  Keune,  Ajui.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1897,  p.  162-167. 

(5)  Sur  cette  question  depuis  longtemps  étudiée  et  discutée,  voir 
l'article  le  plus  récent  :  Keune,  Ueber  dus  Briquetage.  Ami.  Soc.  Hist. 
et  Arch.  Lorr.,  1901,  p.  391  sqq. —  Bibliographie  très  complète. 


—  100  — 

plaine,  parfois  à  proximité  dune  ancienne  saline,  et  sem- 
blent avoir  été  plutôt  le  centre  de  son  exploitation  que 
des  villas  rustiques.  D'autres,  au  contraire,  s'élèvent  à  mi- 
côte  ou  sur  les  hauteurs,  et  ont  tous  les  caractères  habi- 
tuels des  petits  établissements  agricoles  que  nous  éludions. 
L'agriculture  devait  participer  à  la  richesse  générale  de 
toute  la  contrée. 

De  Delme  à  Vie,  sur  une  longueur  de  15  Km,  se  rencon- 
trent plus  de  quinze  villas. 

La  plus  voisine  de  Delme  est  celle  de  Brucourt,  près 
du  village  de  Donjeux,  la  plus  anciennement  signalée  de 
toutes  les  villas  médiomatrices  (1).  Nous  nous  bornerons 
à  reproduire,  avec  quelques  brèves  explications,  la  notice 
très  précise  de  Dom  Calmet. 

«  L'édifice,  dit-il,  était  composé  de  quatre  chambres, 
«  dont  le  plan  était  de  16  pieds  en  carré  (pour  chacune  des 
«  salles)  et  de  quatre  pieds  et  demi  au-dessus  du  rez-de- 
chaussée.  »  Il  faut  entendre  sans  doute,  au-dessus  du 
niveau  le  plus  bas  du  sol  naturel.  La  construction  semble 
en  effet  épouser  la  déclivité  du  terrain  sur  lequel  elle 
était  construite.  —  «  La  lre,  la  2%  la  3e  et  la  4e  chambre 
«  étaient  de  même  mesure  et  de  même  structure,  à  la 
«  différence  que  la  2e  était  un  pied  plus  bas  que  la  lr%  la 
«  3e  un  pied  plus  bas  que  la  2e,  et  la  4e  un  pied  plus  bas 
«  que  la  3e.  Toutes  ces  chambres  étaient  séparées  par  des 
«  murs  de  deux  pieds  d'épaisseur. 

«  Ces  murs  et  ceux  de  tout  l'édifice  étaient  bâtis  de 
«  pierres  de  parement,  posées  par  assises  réglées,  et  qui 
«  n'avaient  pas  plus  de  4  à  5  pouces  cubes,  en  carré,  toutes 
«  taillées  au  ciseau.  Les  parements  antérieurs  étaient 
«  revêtus  et  enduits  d'un  ciment  extrêmement  fin,  et  uni 
«  comme  une  glace  ;  au  lieu  de  carrelage,  c'était  un  enduit 
«  de  semblable  ciment.  Au  pied  de  l'intérieur  de  ces  murs 
«  régnait  une  espèce  de  banquette  élevée  au-dessus  du  sol 
«  de  l'enduit  d'un  pouce,  qui  se  terminait  par  une  gorge, 
«  et  cette  saillie  n'avait  que  quatre  pouces  de  large  (2)  ; 


(i)  Cf.  supra,    |>.  55,  n.   i. 

(2)  Cette  particularité  d'un  petit  ressaut  du  ciment,  formant  une 
gorge  au  pied  des  murs  es!  fréquente  dans  les  salles  de  bains  et  les  pis- 
cines. Elle  facilitait  l'écoulement  de  l'eau  et  le  nettoyage  de  la  salle. 


101  — 


s 
o 


C2 
-3 


es 


—  103    - 

«  l'enduit  était  si  ferme  qu'il  paraissait  d'une  seule  pièce 
«  ou  un  seul  carreau.  » 

«  Le  ciment  qui  tenait  lieu  de  carreau  avait  quatre 
«  pouces  d'épaisseur  et  le  grain  très  fin.  Au-dessous  de 
«  celui-là,  il  y  avait  une  autre  couche  de  six  pouces  d'é- 
«  paisseur,  de  ciment  de  grosseur  commune  ;  au-dessous 
«  de  cette  couche,  il  y  avait  encore  une  autre  couche  de 
«  ciment  de  12  pouces  d'épaisseur,  à  gros  grain,  et  au- 
«  dessous,  étaient  trois  lits  de  pierres  de  camp,  et  indi- 
ce nées  en  sens  contraire,  formant  le  ziezaque. 

«  Chacune  de  ces  chambres  était  percée,  dans  le  mur 
«  de  refan,  d'une  fenêtre  quarrée,  en  pierres  de  tailles, 
«  de  deux  pieds  de  hauteur  sur  environ  18  pouces  de  lar- 
«  geur  [environ  0,60  sur  0,45].  La  fenêtre  de  la  première 
«  chambre  était  à  trois  pieds  au-dessus  du  sol  de  la 
«  chambre,  celle  de  la  deuxième  chambre,  à  trois  pieds 
«  et  demi,  au-dessus  du  sol;  celle  de  la  troisième  à  quatre 
«   pieds  au-dessus   du  sol. 

«  Il  y  a  apparence  que  cet  édifice  était  un  bain  et  que 
"  l'eau  se  communiquait  d'une  chambre  à  l'autre,  par  des 
«  tuyaux  de  plomb,  qu'on  y  a  encore  trouvé  et  qui  traver- 
«   saient  ces  fenêtres. 

«  A  huit  pieds  de  la  chambre  la  plus  basse  des  quatre, 
«  à  un  pied  de  distance  du  mur  du  bout  (1),  il  y  avait 
«  une  rangée  de  sept  sièges,  distants  l'un  de  l'autre  d'un 
«  pied  et  d'inégale  hauteur,  par  gradation,  chaque  siège 
«  était  composé  de  carreaux  posés  les  uns  sur  les  autres 
«  sans  mortier  ni  rien  qui  les  liât  ;  le  premier,  était  de  un 
«  seul  carreau  de  un  pied  en  quarré  et  trois  pouces 
«  d'épaisseur,  le  second  était  composé  de  deux  carreaux 
«  et  par  conséquent,  de  six  pouces  de  hauteur,  toujours 
«   en  augmentant,  jusqu'au  dernier  qui  était  de  7  carreaux. 

«  A  huit  pieds  au  bout  de  la  chambre  la  plus  élevée, 
«  était  une  espèce  de  four,  comme  nos  fours  ordinaires, 
«  avec  une  naissance  de  voûte  tout  autour,  où  l'on  peut 
«  présumer  qu'il  y  avait  une  chaudière  encastrée  dans  la 
«    maçonnerie.  Il  y  avait  au  côté  un  petit  aqueduc,  portant 


(i)D.  Calmet  veut  dire.  sans  doute,  que  le  plus  éloigné  de  ces  sièges 
était  à  8  pieds  de  la  chambre  la  plus  basse,  tandis  que  le  plus  rappro- 
ché n'était  qu'à  un   pied  du  mur  formant  l'extrémité  de  cette  chambre. 


—  104  — 

«  du  côté  de  l.i  bouche  du  (oui',  qui  allait  rejoindre  la 
«  fenêtre  la  moins  profonde.  Cette  eau  sortait  de  la  chan- 
ce dière,  d'où  elle  se  distribuait,  quand  elle  était  chaude, 
«  dans  les  chambres,  par  les  tuyaux  de  plomb,  dont  on  a 
«  parlé. 

«  On  a  trouvé  dans  cet  édifice,  plusieurs  médailles 
«   romaines,  surtout  des  Nérons,  des  Gordiens,  etc.  »  (l). 

Il  semble  que  D.  Calmet  ait  entièrement  raison  de  voir 
dans  cette  petite  construction  les  restes  d'un  bain.  Ce 
qu'il  dit  du  praefurnium  surmonté  de  la  naissance  d'une 
voûte,  où  devait  être  encastrée  une  chaudière,  est  abso- 
lument conforme  à  ce  que  nous  connaissons  par  ailleurs 
de  l'installation  des  établissements  de  bains  (2). 

Le  soin  avec  lequel  est  établi  le  ciment  du  sol,  et  la  pré- 
sence des  petites  banquettes,  montrent  que  nous  avons 
là  des  piscines.  Les  portes  les  mettant  en  communication 
entre  elles  et  avec  le  dehors,  devaient  être  à  un  niveau 
supérieur  à  ce  qui  est  resté  debout  des  murs.  Les  petites 
ouvertures  indiquées  par  D.  Calmet  permettaient  seule- 
ment le  passage  de  l'eau,  de  l'une  à  l'autre  piscine. 

Quant  aux  sièges,  composés  de  carreaux  posés  les  uns 
sur  les  autres  sans  mortier  ni  rien  qui  les  liât,  il  faut  y  voir 
simplement  les  restes  de  piliers  d'un  hypocauste.  Si  la 
progression  observée  par  D.  Calmet,  ou  son  correspon- 
dant, est  bien  exacte,  elle  était  destinée  simplement  à  ra- 
cheter la  pente  du  sol  naturel. 

De  tels  bains  pouvaient  appartenir  aussi  bien  à  une  villa 
du  genre  de  celle  de  Sorbey,  qu'à  une  beaucoup  plus 
grande.  Le  reste  des  bâtiments  de  la  villa,  établis,  sui- 
vant un  usage  constant,  à  un  niveau  supérieur  à  celui  des 
bains  (3),  ont  sans  doute  complètement  disparu. 

A  quelques  kilomètres  de  Brucourt  et  de  Donjeux,  des 
fouilles  plus  récentes,    mais  à  peine  ébauchées,  ont  mis 


(i)  Dissert,  sur  les  grands  chemins  de  Lorraine,  XXII,.  Hist.de  Lorr., 
T.  VII.  dette  notice  est  reproduite  avec  quelques  abréviations  :  I).  Cal- 
met, Notice de^Lorraine.  Ed.  1761,  Supp.  p.  128.  Ed.  i835,  p.  3o3. 

(2)  Cf.  Les  bains  publies  de  Trêves.  Hettnkr,  Westd.  Zeitsch.,  X, 
p.    270. 

(3)  Cette  disposition  avait  pour  effet  de  faciliter  l'adduction  dans  les 
bains  de  l'eau  des  sources  qui  pouvaient  se  trouver  plus  haut  sur  la  col- 
line, et  surtout  de  permettre  l'écoulement  de  l'eau  utilisée  par  les  bains. 


—  105  — 

au  jour,  dans  la  forêt  de  Fonteny,  les  fondations  de 
quelques  murs.  Le  plan  de  ces  substructions  n'a  pas  été 
reconnu.  Nous  savons  seulement  qu'on  a  trouvé  en  cet 
endroit  une  monnaie  d'Hadrien,  les  morceaux  d'une  cruche 
à  anses,  que  sa  forme  date  environ  du    second    siècle,  et 

des  tessons  de  terre  sigillée  portant  la  marque     priinio 

Prenio  (1). 

Les  nombreuses  trouvailles  de  briques,  de  tuiles,  de 
tessons  et  de  moellons  de  petit  appareil,  que  l'on  fait 
chaque  jour  à  Vannecourt,  montrent  que  le  village  est 
en  partie  construit  sur  les  ruines  d'un  établissement  ro- 
main. Il  en  est  de  même  pour  la  localité  voisine  de  Gos- 
soncourt  (2). 

On  signale  également  des  substructions  romaines  à  Ger- 
bécourl  (3),  à  Pultigny  (4)  et  à  Morville  (5).  Les  ruines 
couvrent  une  surface  considérable  à  Amélécourt  6).  De 
nouvelles  fondations  ont  été  découvertes  tout  dernière- 
ment près  du  village  de  Coutures  (7).  Celles  qui  se  sont  ren- 
contrées à  Fres/ies,  et  au  milieu  desquelles  on  a  trouvé 
plus  de  40  monnaies  de  Nerva,  de  Fausta,  de  Vespasien  et 
un  fragment  de  plaque  de  bronze,  portant  une  dédicace  à 
Mercure  appartenaient  peut-être  à  un  temple  (8).  Cette 
série  de  villas  continue  au  delà  de  Château-Salins,  vers  le 
sud  et  vers  l'est. 

Les  unes  semblent  avoir  été  de  grandes  dimensions, 
comme  celle  des  Noires-Corvées  (9),  où  l'on  a  retrouvé  un 
moyen  bronze  d'Auguste  à  côté  d'un  denier  de  Gallien  ; 

(i)  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1899,  p.  377. 

(2)  Schmit,  Promenades  archéol.  autour  de  Château-Salins.  Mérn.  Soc. 
Arch.  Lorr.,  XXVI,  p.  3i5. 

(3)  Ibid.,  XXV,  p.  309  etJourn.  Soc.  Arch.  Lorr.,  1873,  p.  88. 

(4)  Mém.Soc.  Arch.  Lorr..  XXVI  (1876),  p.  3ig. 

(5)  Ibid.,  p.  329. 

(G)  Ibid.,  XXV,  1875,  p.  M|()  el  Ancelon  :  ibid.,  XXX,  p.  98. 
17)  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  i90i,p.4o8. 

(8)  Joiir/i.  Soc.  Arch.  Lorr.,  1877,  p .  228-221).  Voici  cette  inscription: 

DeoMer]  CVRIO  CLA  [va\riati]  MAXSIMI  (us\ ]  VESTIAR  [ius\ ] 

SVPERIO  [r |  v(otum)  s(oloit)  l(ibens)  m(erito).  Cf.  Thédenat,  Bullct. 

Soc.  Antiq.,  1881,  p.  164-166  el  note  complém.,  p.  179.  —  Paulus,  Journ. 
Soc.    Arch.  Lorr.,    1890,  p.  192,    sqq,  et    annotation  de  Pfister,    ibid., 

P-  !97- 

(9)  Mérn.  Soc.  Arch.  Lorr.,  XXII,  p.  258  et  sqq. 


—  106  — 

comme  colle  de  Seraincourt  (1),  établie  dans  le  voisinage 
d'une  saline  d'où  l'on  a  retiré  des  madriers  noircis  et  dur- 
cis. Le  nombre  considérable  de  débris  de  meules,  trouvés 
dans  cette  villa  est  à  signaler.  D'autres  sont  plus  petites; 
par  exemple,  la  villa  dite  des  Cressotes  (2)  ou  du  Haut-de- 
la-Côte  (3).  Les  monnaies  trouvées  dans  cette  dernière  vont 
de  Domitien  a  Constantin.  Les  villas  de  luxe,  comme  les 
fermes  rustiques,  répondaient  aux  besoins  d'une  population 
très  dense.  Encore  n'avons-nous  pas  cité  toutes  les  villas 
dont  on  a  cru  reconnaître  les  traces. 

Au-delà  de  Decem-Pagi  (Tarquimpol),  de  larges  étangs 
en  partie  creusés  au  Moyen  âge,  donnent  à  la  région  une 
physionomie  très  particulière.  L'agriculture  est  la  seule 
ressource  de  tout  ce  territoire,  ressource  assez  médiocre, 
étant  donnée  la  nature  du  sol.  Les  traces  de  villas  gallo- 
romaines  n'en  sont  pas  moins  nombreuses.  Nous  en  ren- 
controns un  groupe  très  compact  aux;  environs  de  la  ville 
actuelle  de  Lorquin  (4). 

De  la  première  trouvée  entre  Héming  et  Neuf-Moulins, 
on  n'a  relevé  que  quelques  pans  des  murs  de  fondations. 
Le  plan  d'ensemble  n'a  pu  être  dégagé.  Les  ustensiles  de 
fer  et  de  bronze  rencontrés  dans  le  cours  des  fouilles  : 
une  hache,  un  couteau,  des  débris  d'instruments  agricoles 
divers,  un  fer  à  cheval,  ne  laissent  aucun  doute  sur  le 
caractère  rustique  de  la  villa.  Cette  destination  n'excluait 
pas  cependant  un  certain  luxe  dans  l'architecture  :  on  a 
retrouvé  de  nombreux  fragments  de  colonnes.  Quelques- 
uns  des  tessons  retrouvés  appartiennent  à  des  vases  de 
terre  sigillée,  d'un  excellent  travail  :  l'un,  notamment, 
qui  représente  une  scène  de  chasse.  Des  monnaies  de 
Constance  Chlore,  de  Constantin  et  de  Constans,  prouvent 


(i)  Ibid. 

(2)  Ibid. 

(3)  Ibid.  XXIV,  p.  293. 

(4)  Toute,  cette  région  de  Lorquin  a  été  très  activement  fouillée  par 
un  îles  archéologues  lorrains  dont  les  travaux  ont  donné  les  plus  heu- 
reux résultats  :  M.  Welter.  C'est  à  lui  que  nous  devons  une  bonne  par- 
tie de  nos  renseignements.  Tous  les  faits  pour  lesquels  nous  n'indique- 
rons pas  d'autres  références,  proviennent  de  communications  verbales 
de  sa  part.  Le  compte  rendu  de  ses  fouilles,  toutes  récentes,  n'a  pas  en- 
core été  publié. 


—  107  — 

que  cette  villa  était  en  pleine  exploitation  à  la  fin  du  me 
et  au  commencement  du  ive  siècle  (1). 

Auprès  de  Lorquin  même  ont  été  retrouvées  les  fonda- 
tions dune  autre  villa.  Une  conduite  en  bois,  y  amenait 
l'eau  d'une  source  voisine.  Les  objets  ramassés  parmi  les 
décombres  :  fragments  d'un  petit  vase  en  bronze,  statuette 
de  bronze  représentant  un  bouc,  et  de  nombreux  tessons 
de  vases  ne  fournissent  aucun  renseignement  précis  sur 
le  caractère  de  cette  habitation.  La  médiocre  étendue  des 
ruines  la  range  cependant  parmi  les  petites  villas.  Cinq 
monnaies  y  auraient  été  retrouvées,  mais  l'attribution 
n'en  est  pas  indiquée  (2). 

Plus  intéressants  sont  les  résultats  des  fouilles  exér 
cutées  à  Laneuveville-les-Lorquin.  On  a  d'abord  dégagé 
les  substructions  d'une  villa  rustique,  d'étendue  moyenne, 
à  laquelle  de  nombreux  tessons  de  terre  sigillée,  et  des 
monnaies  de  Constance,  de  Constantin  et  de  ses  fils,  attri- 
buaient comme  date  la  fin  du  me  et  le  début  du  ive  siècle. 
En  défonçant  les  ciments  qui  formaient  le  sol  de  cette 
habitation,  on  a  trouvé  les  fondations  d'une  seconde  villa 
plus  petite  et  d'époque  antérieure.  La  plus  ancienne  des 
monnaies  retrouvées  dans  cette  couche,  est  un  denier  de 
l'époque  républicaine.  Puis  vient  un  bronze  d'Hadrien, 
des  monnaies  d'Antonin  le  Pieux,  de  Marc-Aurèle  et  de 
Faustine.  A  une  date  qu'il  est  difficile  de  préciser,  mais 
qui  se  place  avant  la  fin  du  ine  siècle,  l'habitation,  élevée 
dès  le  début  de  l'époque  romaine,  a  été  détruite  et  rem- 
placée par  une  autre  plus  vaste  et  plus  moderne.  Peut-être 
cette  transformation  fut-elle  la  conséquence  des  pre- 
mières invasions  germaniques.  Des  constructions  di- 
verses, granges  et  étables  entouraient  l'habitation  cen- 
trale. Mais  on  n'a  pas  retrouvé  de  traces  de  l'enceinte 
extérieure,  formée  peut-être  d'une  clôture  en  bois  (3). 

A  Fraquelfiiig,  on  a  signalé  également  la  présence  d'un 
nombre  considérable  de  substructions  romaines  (4).  Une 

(i)  A  un.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1899,  p.  377. 

(2)  fbid.,  p.  376,  et   Westd.  Zeitsch.,  XI,  p.  376. 

(3)  Ann.  Soc  Hist.  et  Arch.  Lorr.,    1900,  p.   384,  et  renseignements 
communiques  par  M.  Welter. 

(4)  L.  Benoit,  Répertoire  archéol.  du   Départ,  de  la  Meurthe  (Nancy, 
1862)  et  Bégin,  Mém.  Acad.  Metz,  i84o,  p.  97. 


—  108  — 

partie  au  moins  de  ces  substructiojis  appartenait  à  une 
villa  qui  semble  avoir  été  de  grandes  dimensions.  Des 
restes  de  ciments  et  de  piliers  d'hypocaustes,  des  débris 
de  verre  et  de  marbre,  un  fragment  de  mosaïque,  long  de 
4  mètres,  large  de  2IU  50,  d'un  dessin  assez  simple,  et 
formé  de  petits  blocs  de  marbre  blancs  et  noirs,  témoigne 
d'un  luxe  développé.  On  y  a  retrouvé  également  un  lion 
de  bronze,  long  de  0'"80  (1)  et  paraît-il  des  monnaies  gau- 
loises et  romaines  (2). 

Les  traces  de  colonisation  à  l'époque  gallo-romaine  sont 
éo-alement  nombreuses  dans  la  forêt  de  Neuves-Granges 
entre  Fraquelfing  et  Niederhof.  Ce  sont  d'abord  des  frag- 
ments de  tuiles,  et  des  moellons  de  petit  appareil,  témoi- 
gnant de  la  présence  d'une  habitation  (3).  Ce  sont  aussi 
quelques  tombes,  la  plupart  sans  inscription  et  de  forme 
gauloise  (4).  L'une  d'elles  cependant  est  d'un  tout  autre 
caractère  et  de  forme  nettement  romaine.  C'est  la  stèle 
ornée  de  la  protome  de  trois  personnages  et  portant  l'ins- 
cription :  «  Saccomaino  Cantognati  fil(i'o),  Saccetio  Sacco- 
maini,  Bellatori  Bellatulli  û(lio).  Sanctus  curavit  »  (5),]  que 
nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  (6). 

De  nouvelles  substructions  prouvent  la  présence  à  Hal- 
tigny,  localité  voisine  des  précédentes,  d'une  dernière 
villa  (7).  Des  fragments  de  marbre  indiquent  un  luxe  assez 
développé  et  une  époque  tardive.  Des  monnaies  de  Cons- 
tance et  de  Constantin,  montrent  que  cette  villa  était 
habitée  vers  la  fin  du  nie  siècle  et  le  début  du  ive. 

Le  groupe  très  compact  de  ces  villas  semble  avoir  été 
disposé  de  part  et  d'autre  d'une  voie  dont  l'existence 
nous  est  révélée  par  une  borne  milliaire  trouvée  en  1869 
au  col  qui  sépare  le  grand  et  le  petit   Donon  (8).  Comme 

(i)  Collection  Marchal  (à  Lorquin). 

(2)  Nous  n'avons  pu  avoir  de  renseignements  plus  précis  sur  ces 
monnaies.  Elles  l'ont  partie  de  la  collection  Lhuillier  (à  Lorquin). 

(3)  Ann.  Soc  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1901,  p.  /171. 

(4)  Westd.  Zeitsch.,  iSqS,  p.  35o. 

(5)  C.  I.L.,  Xlli,  1,  no  4547. 

(6)  Cf.  supra,  p.  91. 

(7)  L.  Benoit.  Répertoire  Arch.  du  Départ,  de  la  Meurthe. 

(8)  Renier,  fier.  Arch.,  XXXI,  p.  261.  Voulût,  ibid.,  XXXII,  p.  4°- 
Comptes-rendus  A  cad.  Inscript.,  1884,  p.  109.  Keune,  Ann.  Soc.  et  Arch. 
Lorr.,  1894,  p.  324  et  1896,    I,  p.    194.    Zangemeister,    Westd.  Zeitsch., 


—  109  — 

l'indique  Zangemeister,  il  faut  lire  :  h(eugas)  XII  et  non 
[milita  passuum]  LXII,  et  entendre  que  le  Viens  Sara- 
vus  à  partir  duquel  sont  comptées  ces  douze  lengae,  jus- 
qu'au temple  du  Donon,  est  différent  du  Ponte  Saravi 
(Sarrebourg),  indiqué  par  Y  Itinéraire  cl 'Anlonin.  La  dis- 
tance de  douze  leugae,  à  partir  du  Donon,  nous  conduit 
précisément  auprès  de  la  ville  actuelle  de  Lorquin.  Sans 
doute,  quelques-unes  des  villas  trouvées  dans  un  rayon 
de  quelques  kilomètres  autour  de  la  ville,  appartenaient- 
elles  au  Viens  Saravus  mentionné  parle  milliaire. 

Les  traces  de  colonisation  gallo-romaine  se  retrouvent 
jusqu'à  la  lisière  des  grandes  forêts  des  Vosges,  et  dans 
les  petites  vallées  qui  çà  et  là  pénètrent  la  masse  rocheuse 
des  montagnes. 

Les  ruines  romaines  se  mêlent  aux  ruines  gauloises 
autour  de  Dabo  (1).  Nous  signalerons  simplement  les 
restes  d'habitation  relevés  au  lieu  dit  «  Hengslbourg  ». 
On  y  aurait  trouvé,  au  dire  des  habitants,  quelques  reliefs, 
et  une  cuve  en  pierre,  ayant  pu  servir  de  baignoire  (2). 

Des  monnaies  de  Vespasien,  de  Trajan  et  de  Probus, 
permettent  de  faire  remonter  assez  haut  la  villa  dont  on  a 
retrouvé  quelques  substructions,  un  peu  plus  loin,  à  Drei 
Heiligen  (3). 

A  Dannelbourg,  à  deux  kilomètres  au  sud  de  Phalsbourg, 
une  monnaie  encore  plus  ancienne,  à  l'effigie  de  Néron,  a 
été  retrouvée  au  milieu  des  débris  de  bâtiments  ro- 
mains (4). 

Plus  au  nord,  les  établissements  du  même  genre  con- 
tinuent sur  les  hauteurs  qui  bordent  à  Test  le  cours  de  la 
Sarre. 

Les  uns  n'ont  laissé  que  des  ruines  indistinctes.  Telles 

XX,  (1901),  p.  iiâ-iu).  Ce  milliaire  —  une  colonne  de  grès  rouge,  est 
actuellement  dans  le  petit  bâtiment  qui  sert  de  Musée  au  sommet  du 
Donon.  L'inscription  porte  :  D(eo)  Mer(curio)  |  L  Vatini(Hs)  Fel(/.r)  | 
Miliaria  a  vico  |  Saravo  h(vugas)  XII  c[onstituï)  j(ussit).  \  Y(otum) 
s(olvif)  l(ibens)  m  (erito).  =  C.  I.  L.,  XIII,  4^49- 

(1)  Sur  Dabo  et  ses  environs,  cf.  Be.vulieu,  Recherches  archéolog.  et 
tiis/or.  sur  le  comté  de  Daschbourg.  Paris,  i83ti.  Id  :  Le  comté  de  Dags- 
bourg,  aujourd'hui  Dabo.  Archéologie  et  Histoire.  Paris,  i858. 

(2)  Benoit,  Mém.  Arch.  Lorr.,  XVIII,  364- 

(3)  Ibid. 

(4)  Ulrich,  Notice  sur  quelques  monuments  trouvés  près  de  Phalsbourg. 


—    MO  — 

sont  celles  que  Ton  rencontre  à  Dolving.  Plusieurs  mon- 
naies, dont  la  plus  ancienne  estde  Faustine,ont  été  retrou- 
vées parmi  les  débris  d'architecture  (i).  D'autres  ruines 
n'ont  pas  encore  été  fouillées.  On  ne  sait  par  exemple,  si 
celles  qui  s'aperçoivent  dans  le  bois  Voyer,  entre  Sar- 
raltdorf  et  Gorling,  sont  celles  d'une  villa  ou  d'un 
temple  (2). 

Les  restes  de  grandes  villas  de  luxe  se  rencontrent  éga- 
lement dans  ces  régions. 

6)  Région  est  du  pays  médiomalrice.  —  Deux  routes 
secondaires  rejoignaient  la  grande  voie  de  Metz  à  Stras- 
bourg, à  celles  qui,  par  la  vallée  de  la  Blies  gagnaient  Ma- 
yence.  L'une  à  travers  le  plateau  aboutissait  à  Decem-Pagi 
(Tarquimpol)  ;  l'autre  passant  de  la  vallée  de  la  Piosselle, 
à  celle  de  la  Nied  allemande,  puis  des  affluents  de  la 
Nied  française,  arrivait  à  hauteur  de  Ad  duodecimum 
(Delme). 

Les  traces  de  villas  sont  nombreuses,  le  long  de  l'une 
et  de  l'autre. 

C'est  d'abord,  à  peu  de  distance  du  point  où  la  pre- 
mière quitte  la  vallée  de  laRosselle,  sur  le  versant  sud  des 
hauteurs  qui  bordent  le  cours  de  la  rivière,  la  villa  de 
Betting.  Cette  villa  a  été  fouillée  à  fond,  et  nous  avons  pu 
la  décrire  en  détail  (3).  D'après  le  dire  des  habitants,  de 
nombreuses  traces  de  murs,  se  rencontreraient  également, 
sur  le  versant  nord  des  coteaux,  du  côté  de  la  Rosselle,  et 
sur  le  versant  sud,  du  côté  de  Seingbouss  (4).  Dans  la 
foret  de  Seingbouss,  notamment,  se  voient  les  restes 
d'une  belle  villa,  dont  un  fût  de  colonne  est  encore  en 
place  (5). 

(i)  Benoit,  Répert.  Arch.  du  Départ,  de  la  Meurthe. 

(2)  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1900,  p.  449  et  lettre  msc.  de 
M.  Welter. 

(3)  Jahresb.  il .  Vereins  fur  Erdkunde  z.  Metz,  1880,  p.  78-88  et 
supra  p.  79-86. 

(4)  Bullet.  Soc.  Arch.  et  Hist.  Moselle,  XII,  p.  100-124;  XIII,  p.  29. 

(5)  Nous  devons  ce  renseignement,  ainsi  que  la  pluparl  de  ceux  qui 
suivenl  à  la  communication  bienveillante  de  M.  l'abbé  Colbus  (d'Altrip). 
Les  résultat^  des  fouilles  qu'il  a  exécutées  ne  sont  pas  encore  publiés. 
Ils  n'ont  encore  été  que  communiques  oralemenl  à  la  Société  d'His- 
toire et  d'Archéologie  Lorraine. 


—  111  — 

Des  fouilles  commencées  près  de  Buding,  au  lieu  dit 
«  am  Rodgen  »,  ont  amené  le  déblaiement  d'une  cave  de 
villa.  On  en  a  retiré  :  un  petit  vase  en  bronze,  plaqué  de 
feuilles  d'argent,  muni  d'un  anse  en  argent  massif,  une 
statuette  de  Mercure  en  bronze,  différents  instruments 
aratoires,  des  fers  à  chevaux,  etc.  (1). 

Des  sondages  ont  permis  de  constater  la  présence  de 
murs  assez  étendus  :  une  base  de  colonne  et  plusieurs 
fûts  de  0,30  de  diamètre  permettent  de  supposer  une  villa 
assez  riche. 

A  Cappel,  dans  le  bois,  se  remarquent  également  les 
ruines  d'une  villa.  A  Valette,  village  tout  voisin  ont  été 
découverts  en  mars  1902,  les  restes  d'un  monument  qui 
rappelle  la  fameuse  colonne  de  Merten. 

A  Maxstadt,  M.  Golbus,  a  fouillé  deux  villas  distinctes. 
Il  a  constaté  également  la  présence  de  plusieurs  habita- 
tions romaines  sur  les  hauteurs  d Altrip,  où  il  a  déblayé 
un  hypocauste,  et  une  grande  cave,  remplie  de  débris  de 
toute  sorte.  L'église  même  d'Altrip  est  bâtie  sur  l'empla- 
cement d'une  villa.  On  compterait  en  tout,  dans  cette  ré- 
gion plus  de  25  stations  ou  villas  romaines. 


Cette  revue  rapide  des  vestiges  de  villas  gallo-romaines 
qui  ont  été  relevés  dans  la  cité  des  Médiomatrices,  ne 
nous  fait  connaître,  bien  évidemment  qu'une  proportion 
minime  des  petites  exploitations  agricoles  réparties  dans 
le  pays.  Elle  nous  permet  de  constater  cependant  que  ce 
genre  d'établissements  y  était  répandu  à  peu  près  égale- 
ment partout.  On  trouve  des  villas  rustiques  dans  le  voisi- 
nage d'autres  beaucoup  plus  grandes,  et  qui  étaient  des 
villas  de  luxe,  tout  aussi  bien  que  dans  des  contrées  peu- 
plées de  mardelles,  comme  les  environs  d'Altrip.  En  géné- 
ral, sauf  pour  la  moyenne  vallée  de  la  Moselle,  dont  la 
situation  centrale  a  fait  le  siège  de  toutes  les  civilisations 
successives  qui  se  sont  développées  dans  le  pays,  et  où 
les  ruines  ont  presque  toutes  disparu,  il  a  suffi,  dans 
toutes  les  régions  du  pays  messin,  de    la   présence  d'un 

(i)  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1901,  p.  4°2- 


-  112  — 

archéologue  actif  et  intelligent,  pour  faire  sortir  de  terre 
de  nombreux  restes  de  villas.  Suivant  les  grandes  voies 
de  communications  établies  par  l'administration  romaine, 
la  civilisation  latine  a  pénétré  peu  à  peu  les  campagnes 
jusqu'aux  points  les  plus  reculés,  introduisant  partout,  de 
la  riche  vallée  de  la  Seille,  jusqu'aux  pauvres  plateaux 
que  couvre  la  forêt  de  Caidenhoven,  et  aux  contreforts 
boisés  des  Vosges,  une  forme  de  colonisation  et  un  genre 
d'habitation,  qui  étaient  ceux  de  l'Italie. 

Aulant  que  nous  permettent  d'en  juger  les  quelques 
exemples  d'établissements  rustiques  que  nous  venons 
d'énumérer,  les  villas  semblent  avoir  été,  tantôt  complè- 
tement isolées  au  milieu  des  campagnes,  et  tantôt  au 
contraire,  groupées  entre  elles  d'une  façon  plus  ou  moins 
étroite. 

Nous  avons  vu  qu'en  Italie  la  villa  était  généralement 
isolée  au  milieu  du  fundus  dont  elle  était  le  centre.  L'or- 
ganisation patriarcale  de  la  famille  et  du  travail  rural,  qui 
avait  été  l'origine  de  cette  forme  de  colonisation,  empê- 
chait le  pater-familias  d'éprouver  le  besoin  d'un  groupe- 
ment quelconque.  Le  particularisme  très  étroit  qui  faisait 
du  foyer  le  centre  religieux  et  social  par  excellence,  s'op- 
posait à  l'établissement  de  liens  créés  par  le  voisinage.  Il 
suffisait  au  propriétaire,  de  trouver  à  la  ville  voisine 
l'écoulement  des  produits  de  sa  terre.  Il  ne  se  souciait 
d'aucune  relation  avec  les  propriétaires  voisins. 

Le  grand  nombre  de  villas  isolées  que  nous  avons  ren- 
contré, nous  permet  de  supposer  qu'il  devait  souvent  en 
être  de  même  à  l'époque  gallo-romaine,  dans  la  cité  des 
Médiomatrices.  La  villa  flanquée  de  ses  granges,  des 
étables  et  autres  bâtiments  nécessaires  à  la  culture,  close 
d'un  mur,  d'une  palissade  ou  d'un  fossé,  sise  sur  la  col- 
line, entre  bois  et  plaine,  au  milieu  des  champs  qui  dépen- 
dent d'elle,  constituait  un  tout  indépendant.  Elle  pouvait 
n'avoir  aucun  rapport  avec  la  villa  voisine.  Celle-ci  d'ail- 
leurs, était  souvent  distante  de  plusieurs  kilomètres. 

Mais  parfois  aussi  il  en  va  différemment.  Les  traces  de 
villas  sont  souvent  1res  rapprochées.  M.  Simon  signale 
les  ruines  de  trois  ou  quatre  dans  la  forêt  de  Cheminot  (1). 

(i)  Mèm.  Sur.  Arch.  et  Hist.  Moselle,  VI  (i864),  p.  80. 


—  113  — 

M.  Colbus  nous  écrit  qu'il  constate  la  présence  de  7  villas 
romaines  auprès  de  Altrip,  de  9,  auprès  de  Buding,  et  de 
10,  auprès  de  Maxstadt.M.  Boehm,  qui  a  fouillé  la  villa  de 
Betting,  reconnaît  qu'elle  doit  appartenir  à  un  groupe  de 
villas  qui  s'étagent  sur  les  deux  versants  de  la  colline,  du 
coté  de  la  Rosselle,  et  du  côté  de  Seingbouss  (1).  Nom- 
breuses sont  les  traces  d'habitations  autour  du  temple  de 
Niedaltdorf  (2).  Nous  avons  même  reconnu,  que  quelques- 
unes  au  moins  des  villas  que  l'on  retrouve  autour  de 
Lorquin,  devaient  appartenir  au  Vicus  Saravus  mentionné 
par  l'inscription  du  Donon  (3).  En  somme,  les  traces  de 
groupes  de  villas,  sont  aussi  nombreuses  que  les  traces 
de  villas  isolées. 

C'est  en  effet  par  vici  que  semble  surtout  avoir  été 
distribuée  la  population  gauloise,  à  l'époque  indépen- 
dante. Ce  qu'étaient  devenus  ces  vici  à  l'époque  romaine, 
une  série  de  fouilles  exécutées  dans  le  pays  de  Trêves 
nous  l'apprend.  Sur  le  Marberg,  hauteur  située  sur  la  rive 
gauche  de  la  Moselle,  entre  Carden  et  Pommern,  on  a 
trouvé,  groupées  autour  de  trois  petits  temples,  une 
dizaine  de  villas  (4).  Elles  occupent  un  rayon  d'environ 
1  km.  1/2.  De  dimensions  très  variables,  et  construites 
sur  des  plans  très  différents,  elles  forment  chacune  une 
habitation  absolument  indépendante,  entourée  de  granges 
et  de  magasins,  dans  un  espace  libre,  ceint  de  clôtures. 
Les  nombreuses  villas  situées  dans  la  forêt  qui  domine  le 
confluent  de  la  Moselle  et  du  Rhin,  près  de  Coblence, 
fournissent  un  exemple  encore  plus  caractéristique  (5). 
Leur  nombre  jusqu'à  présent  s'élève  à  plus  de  quarante, 
réparties  peut  être  en  deux  groupes  (6).  Elles  couvrent 
toute  la  hauteur  de  Coblence  à  Boppard.  Groupées  autour 
d'un  temple,  elles  formaient  une  agglomération  religieuse 


(i)  Jahresb.  d.  Ver.f.  Erdkunde,  1880,  p.  79. 

(2)  Correspb.  d.  Westd.  Zeitsch,  XXII,  no  84. 

(3)  Cf.  supra,  p.  109. 

(4)  Jos.  Klein,  Bonn.  Jahrb.,  101,  p.  63  etsqq. 

(5)  Bodewig,  Westd.  Zeitsch.,  1900,  p.  1  et  sqq.  Il  croit  pouvoir  y 
reconnaître  le  vicus  Ambitarvius  où  serait  né  Caligula,  Suétone,  Cali- 
gula,  VIII. 

6)  Mittheil.   d.    Ver.  f.  Nassauische  Alterthumskunde.,  i9o3-o43  no  1 
(i't  avril). 

A.  Grenier.  Habitations  gauloises.  8 


—  114  — 

et  probablement  aussi,  administrative;  Chacune  n'en 
constituait  pas  moins  une  ferme  indépendante,  ayant  au- 
tour d'elle  un  périmètre  plus  ou  moins  vaste,  ceint  de 
murs  ou  de  palissades,  et  la  plupart  du  temps  un  lieu  de 
sépulture  particulier.  Les  terres  à  cultiver  étaient  à  proxi- 
mité, en  partie  autour  de  la  villa,  et  en  partie  aussi,  sans 
doute,  sur  le  versant  du  coteau. 

Quelques  inscriptions  des  pays  rhénans  nous  montrent 
ces  habitants  d'un  même  vicus,  groupés  en  une  œuvre  com- 
mune :  dédicace  à  un  dieu,  ou  opération  de  bornage  (1).  Il 
s'agit  dans  ces  inscriptions  de  propriétaires  ruraux  dont  les 
champs,  et  sans  doute  aussi  les  habitations  sont  voisines, 
et  non  pas  d'habitants  d'un  bourg. 

Ces  groupements,  autant  que  nous  permet  d'en  juger 
l'état  actuel  de  nos  connaissances,  semblent  particuliers  aux 
pays  voisins  du  Rhin.  Ils  avaient  peut-être  à  l'origine  un  ca- 
cactère  social  et  économique.  Ils  dériveraient  de  l'organi- 
sation de  la  tribu  germaine  dont  les  membres  sont  asso- 
ciés pour  la  culture  d'un  territoire  appartenant  à  la  com- 
munauté. Ces  traditions  ont  fort  bien  pu  être  en  vigueur 
chez  les  populations  à  demi  germanisées  de  la  frontière 
belge,  et  laisser  quelques  vestiges  jusqu'à  l'époque  ro- 
maine. Quoiqu'il  en  soit,  au  moment  où  nous  rencontrons 
ces  groupements  de  villas,  ils  ne  représentent  plus,  bien 
évidemment,  qu'une  idée  religieuse  d'où  émanent  quelques 
rapports  sociaux,  et  sans  doute  aussi  une  division  admi- 
nistrative des  campagnes.  Le  vie  us  Saravus  de  l'inscrip- 
tion du  Donon  n'était  selon  toute  vraisemblance  qu'un  grou- 
pement de  ce  genre.  Ainsi  s'explique  qu'on  ne  retrouve  à 
la  distance  indiquée  aucune  trace  de  bourg  ou  de  ville.  La 
mention  qui  en  est  faite  sur  une  pierre  milliaire  implique 
la  reconnaissance  oiïicielle  de  cette  sorte  de  v ici.  Il  exis- 
tait donc  parfois  à  l'époque  romaine  un  lien  à  la  fois  reli- 
gieux et  administratif  entre  les  petites  exploitations  agri- 
coles  plus  ou  moins  espacées  autour  d'un  certain  centre. 

La  présence  de  ruines  de  sanctuaires  au  milieu  de  restes 
de  villas  disséminées  alentour,  présence  constatée  dans 


(3)Brambach,  C.  I.  Rk.,  348  :  si ....  |  t....|  Possessor  [es]  ex  vico  Lu- 
cr  [e]\  tio  scamn<>|  primo,  ex  impel  rio  ipsius.  Cf.  Schulten,  La  pro- 
priété dans  les  pays  Rhénans.  Bonn.  Jahrb.,  10'i,  p.  12  et  sqq. 


—  115  — 

les  campagnes  médiomatrices  bien  avant  qu'on  ait  eu  con- 
naissance des  exemples  caractéristiques  rencontrés  dans 
le  pays  trévire,  y  prouve  donc  l'existence  d'un  genre  de  vici 
nouveau.  Ce  terme  jusqu'ici  semblait  désigner  soit  un 
quartier  d'une  grande  ville  (1),  soit  une  bourgade,  c'est-à- 
dire  une  petite  agglomération  urbaine.  Nous  voyons  qu'il 
devait  s'appliquer  également  à  un  groupe  plus  ou  moins 
compact  de  villas  rustiques.  Tous  ces  différents  emplois 
d'un  même  mot  doivent  procéder  d'un  sens  unique.  «  Vicus» 
nous  semble  être  le  terme  administratif  désignant  une  sub- 
division d'un  tout  plus  vaste,  ville,  oupagus  rural.  Il  serait 
une  circonscription  analogue  à  nos  cantons.  Une  ville, 
comme  Divodurum  comprenait  plusieurs  vici.  Dans  les  cam- 
pagnes, le  bourg  aurait  reçu  le  nom  du  vicus  dont  il  était 
le  centre,  suivant  le  même  usage  qui  attribuait  à  la  ville, 
capitale  d'une  cité,  le  nom  de  cette  cité.  En  l'absence  d'un 
centre  urbain,  un  certain  nombre  de  villas  plus  ou  moins 
étroitement  groupées  formaient  le  centre  du  vicus  et  en 
portaient  le  nom.  On  pourrait,  pour  fixer  les  idées,  compa- 
rer ces  vici  ruraux  à  certaines  communes  normandes  ac- 
tuelles, formées  d'un  nombre  plus  ou  moins  grand  de 
fermes  isolées. 

Cette  organisation  des  campagnes  semble  avoir  été,  au 
moins  dans  certaines  régions  du  pays  messin,  et  à  une  cer- 
taine époque,  la  plus  habituelle.  Les  ruines  qui  nous  appa- 
raissent comme  ayant  fait  partie  d'un  groupe  de  ce  genre 
sont  en  général  celles  de  petites  villas.  Le  vicus  Ambitar- 
vius  et  celui  du  Marberg  n'étaient  composés  que  de  villas 
de  médiocres  dimensions,  quoique  le  luxe  y  fût  par- 
fois assez  développé,  dans  la  partie  réservée  à  l'habi- 
tation. 

Il  en  est  de  même  dans  la  cité  des  Médiomatrices.  Ce 
sont  des  restes  de  petites  villas  que  l'on  a  retrouvés  dis- 
séminés dans  la  forêt  de  Cheminot,  sur  les  coteaux  qui 
longent  la  Nied,  et  autour  de  Niedaltdorf.  Il  ne  semble 
pas  non  plus  que  les  ruines  si  nombreuses  que  signale 
M .  Colbus  autour  d'Altrip  et  de  Maxstadt  aient  été  de  bien 
grandes  dimensions.  Les  fouilles  de  M.  Welter  autour  de 

(i)  A  Divodurum  (Metz),  Vicus  honoris.  C.  /.  L.,  XIII,  43oi.  Vicani 
vici  pacis,  ibid.,  l\'iof\. 


—  116  — 

Lorquin  ne  lui  ont  fait  découvrir  que  des  villas  d'un  carac- 
tère nettement  rustique. 

De  tels  groupements  supposent  en  effet  la  division  du 
sol  en  un  certain  nombre  de  petits  domaines.  Le  cultiva- 
teur qui  les  exploite  peut  en  être  le  propriétaire,  ou  sim- 
plement un  villicus,  peu  importe.  Mais  l'existence  de  ces 
vici  ruraux  ne  peut  se  concilier  avec  celle  des  latifundia. 
La  réunion  en  une  même  main  des  différents  «  lundi  »  d'un 
même  groupe  devait  amener  nécessairement  la  dispari- 
tion des  petites  villas,  devenues  inutiles. 

C'est  donc  le  développement  dans  le  pays  des  Médioma- 
trices  dune  forme  de  colonisation  reposant  sur  la  division 
du  sol  en  domaines  de  médiocre  étendue,  que  nous 
montre  la  floraison  de  petites  villas  qui  le  couvre.  Un 
tel  fait  y  prouve  la  pénétration  profonde  de  la  civilisation 
latine.  Mieux  que  la  présence  de  villas  très  luxueuses,  il 
nous  est  garant  de  la  prospérité  générale  et  du  bien-être, 
répandus  dans  les  campagnes  par  l'administration  de 
Rome. 

Date  des  villas  rustiques.  —  Il  nous  reste  à  essayer  de 
nous  rendre  compte  de  l'époque  à  laquelle  remonte  dans 
le  pays  médiomatrice  le  mouvement  de  construction  des 
villas  rustiques,  et  de  chercher  si  ces  établissements  con- 
tinuèrent de  prospérer  jusqu'à  la  fin  de  la  domination 
romaine. 

On  commença  sans  doute  de  bonne  heure,  en  Gaule,  à 
bâtir  des  villas  de  forme  latine.  La  multiplication  en  était 
favorisée  par  l'analogie  du  genre  de  colonisation  qu'elles 
représentaient,  avec  celui  qui,  de  tout  temps,  avait  été 
pratiqué  par  les  Gaulois.  Le  système  de  la  ferme  isolée  au 
milieu  des  campagnes  était  conforme  aux  traditions  cel- 
tiques, tout  aussi  bien  qu'aux  traditions  romaines.  Les 
«  aedificia  »  dont  la  mention  revient  si  fréquemment  dans 
César,  semblent  avoir  eu,  en  Gaule,  à  peu  près  la  même 
destination  que  les  villas  en  Italie  (l).  C'étaient,  à  la  fois, 

(i)  Le  ternie  même  iVarili/icitim  est  d'ailleurs  celui  par  lequel  Caton, 
Varron  et  Columelle,  ont  coutume  de  désigner  les  bâtiments  de  la  villa. 
Aedijiciuni    pris   au  sens  de   villa   se  retrouve  aussi  fréquemment  em- 


—  117  — 

des  bâtiments  d'exploitation  agricole  —  ils  fournissent 
aux  envahisseurs  du  fourrage  et  des  céréales  (1),  et  sont  le 
siège  d'une  population  d'agriculteurs  (2)  —  et  le  séjour 
préféré  des  nobles  gaulois  (3). 

La  villa  romaine  répondait  absolument  à  la  môme  des- 
tination. Elle  ne  dut  sans  doute  paraître  aux  indigènes, 
qu'une  amélioration  du  genre  d'habitation,  qui  déjà  était 
le  leur.  Nous  voyons  que  les  riches,  ne  tardèrent  pas  à  en 
adopter  les  dispositions.  Ou  du  moins,  l'analogie  est  telle, 
entre  les  aedificia  qu'ils  habitent  et  la  villa,  que  Tacite 
n'hésite  pas  à  qualifier  de  villa,  la  maison  de  campagne 
dans  laquelle,  Sacrovir  se  réfugie  et  se  tue  (4).  Cette  pre- 
mière mention  des  villas  en  Gaule,  nous  reporte  au  début 
du  premier  siècle  de  notre  ère. 

Les  villas  que  nous  rencontrons  dans  le  pays  des  Médio- 
matrices,   remontent-elles  à   une  époque  aussi  ancienne  ? 

Quelques  monnaies  du  premier  siècle,  se  sont  parfois 
rencontrées  parmi  les  ruines  de  villas.  Nous  avons  signalé 
la  trouvaille  d'une  monnaie  d'Auguste  sur  l'emplacement 
de  la  villa  des  Noires-Corvées.  Dom  Calmet  indique  qu'une 
pièce  de  Néron  a  été  ramassée  à  Brucourt.  Une  pièce  de 
Néron  également  provient  des  restes  dont  la  présence  a 
été  relevée  à  Dannelbourg.  Des  monnaies  de  Vespasien  et 
de  Trajan  ont  été  trouvées  à  Drei  lleiligen,  et  une  mon- 
naie d'Hadrien  à  Fonteny.  Parmi  les  40  monnaies  trou- 
vées à  Fresnes,  on  signale  une  pièce  d'argent  de  Nerva, 
un  bronze  de  Fausta,  un  autre  de  Vespasien  (5). 


ployé  par  Cicéron  et  par  Pline.  Cf.  également  D ig este.  L.  titre  XVI  : 
frag'm.  27,  60,  211.  Le  domaine  s'y  dil  :  ager;  la  construction  qui  s'y 
élève  :  aedijicium. 

(1)  César,  de  B.  G.,  VII,  i45  •r>.  Vicos  atque  aedificia  incendi  oportere... 
quo  pabulandi  causa  adiré  posse  videantur. 

(2)  Ibid.,  VIII,  7,  3...  paucos  in  aedificiis  esse  inventos,  atque  hos, 
non  qui  agrorum  causa  remansissent,  namque  esse  diligenter  undique 
demigratum. 

(3)  Ibid.,  VI,  3o,  3.  Aedificio  circumdato  silva,  ut  suntfere  domicilia 
Gallorum,  qui  vitandi  aestus  causa  plerumque  silvarum  ac  fluminum 
petunl  propinquitates. 

(4)  Tacite,  Ann.,  III,  40  :  Sacrovir  primo  Augustodunum,  dein  metu 
deditionis  in  villam  propinquam  cum  fidissimis  pergit...  incensa 
super  villa,  omnes  cremavit. 

(5)  Voir  le  détail  de  ces  trouvailles  et  les  références,  supra,  p.  io5  sqq. 


—  118  - 

Mais  on  ne  saurait,  sur  la  présence  d'une  monnaie  du 
premier  siècle,  dater  de  cette  époque  même  la  construc- 
tion de  la  villa.  Ces  pièces  d'ailleurs,  ainsi  que  celles  du 
11e  siècle,  ne  se  rencontrent  que  par  exception  (1).  De  beau- 
coup les  plus  nombreuses  sont  celles  du  m"  siècle. 

Les  plus  anciennes  des  monnaies  qui  composent  le  trésor 
considérable  trouvé  dans  les  caves  de  la  petite  villa  de 
Nieder-Rentgen,  sont  de  l'époque  d'Alexandre  Sévère. 
Tous  les  empereurs  du  me  siècle  y  sont  ensuite  représen- 
tés, à  partir  d'iEmilianus  (253-254)  jusqu'à  Dioclétien  et 
Maximien  (date  extrême  :  293)  (2).  Ce  sont  également 
des  monnaies  du  ine  siècle  —  les  renseignements  qui  nous 
ont  été  transmis  ne  nous  permettent  pas  de  préciser  da- 
vantage —  qui  auraient  été  retrouvées  à  Brettnach  et  à 
Louvigny.  Aux  Noires-Corvées  s'est  rencontrée  une  pièce 
de  Gallien,  à  Drei-Heiligen,  une  pièce  de  Probus,  à  côté 
de  deux  autres  de  Vespasien  et  de  Trajan.  Dans  toutes  ces 
villas,  les  monnaies  s'arrêtent  à  Tetricus  et  à  Probus  ;  les 
pièces  de  Tetricus  en  particulier  sont  abondantes  dans  un 
certain  nombre  de  ruines  que  nous  n'avons  pas  mention- 
nées, comme  ne  représentant  pas  d'une  façon  certaine  des 
restes  de  petites  exploitations  agricoles  (3).  La  perte  ou  la 
cachette  d'un  grand  nombre  de  ces  monnaies  ne  peuvent 
être  attribuées  qu'à  un  événement  extraordinaire,  venant 
interrompre  l'existence  régulière  des  populations  médio- 
matrices.  Cet  événement,  on  n'en  saurait  douter,  c'est  la 
grande  invasion  de  275.  Durant  plusieurs  années  les  Ger- 
mains parcoururent  la  Gaule  en  tous  sens,  sans  rencontrer 
d'obstacles.  L'insurrection  des  Bagaudes,  étouffée  seule- 
ment en  286,  acheva  la  ruine  des  campagnes.  C'est  de  cette 
irruption  violente,  et  des  troubles  qui  en  furent  la  suite, 

(i)  Monnaie  *d'Antonin-le-Pieux  à  Betting,  de  Faustine  à  Dolving, 
d'Antonin,  de  Marc  Aurèle  et  de  Faustine  à  Laneuveville-les-Lorquin. 

(2)  Sur  les  trésors  cachés  à  l'époque  des  invasions  germaniques,  cf. 
Hettner,  Romische  Mv.ntzschatzfu.nde  in  d.  Rheinlanden.  Westd.  Zeitsch. 

1887,  p.  6,  sqq.  1888,  119,  sqq.   BlÀnchet,  Les   trésors   de   monnaies   ro- 
maines et  les  invasions  germaniques  en  <  la  nie.  [900. 

(3|  Notammënl  auprès  de  Elzing  (Caranusca).  Sur  le  versant  ouest 
de  la  hauteur  qui  domine  le  village  actuel  onl  été  rencontrées  les  ruines 
indéterminées  d'un  ^raml  bâtiment  en  appareil  romain.  On  y  a  trouvé 
des  monnaies  deSeptime  Sévère,  de  Julia  Domna  et  su  ri  ont  de  Tetricus. 
Bullet.  Soc.  Arc/i.  Mus.,  IV,  p.  1.  Austrasie,  iS.'iy,  p.  r\'{.\. 


—  119  — 

que  bon  nombre  des  ruines  du  pays  médiomatrice,  nous 
conservent  la  trace. 

La  fin  du  111e  siècle,  nous  fournit  donc  le  «  terminus 
usque  ad  quem  »  de  l'existence  d'un  certain  nombre  de 
villas  rustiques.  Elles  furent  en  pleine  exploitation  dans 
le  courant  de  ce  même  siècle.  L'entente  parfaite  du 
plan  de  celles  que  nous  avons  pu  étudier,  et  jusqu'à 
l'air  de  parenté  qui  existe  entre  elles,  laisse  supposer 
que  ces  établissements  avaient  déjà  derrière  eux,  à  cette 
époque,  une  longue  période  d'existence  dans  le  pays.  Le 
type  définitif  que  nous  trouvons  adopté  par  tous  presque 
uniformément  n'avait  pu  se  constituer  que  par  toute  une 
série  d'essais  et  de  tâtonnements.  A  quelle  date  remon- 
taient ces  premières  expériences?  Quelles  furent  les  éta- 
pes successives  traversées  par  les  villas  que  nous  trouvons 
parfaitement  organisées  au  me  siècle  ?  Il  nous  est  jusqu'à 
présent  impossible  de  le  préciser  (1). 

Toutes  les  villas  rustiques  n'ont  pas  disparu  cependant, 
dès  la  fin  du  111e  siècle.  Quelques-unes  ont  pu  échapper 
au  désastre  des  invasions,  ou  furent  reconstruites  une 
fois  la  sécurité  rétablie.  Les  monnaies  trouvées  dans  les 
ruines  dépassent  en  effet,  parfois,  la  fin  du  me  siècle.  Sur 
l'emplacement  de  la  villa  du  Haut  de  la  Côte,  dans  la 
région  des  Salines,  on  a  ramassé  un  denier  de  Domitien 
et  un  autre  de  Constantin.  Quelques-unes  des  villas  dis- 
séminées aux  environs  de  Lorquin  semblent  ne  dater  que 
de  la  période  de  rénovation  marquée  par  l'avènement  de 
Constance  Chlore.  A  Neufmoulins,  les  pièces  trouvées 
sont  au  type  de  Constance  Chlore,  de  Constantin  et  de 
Constance  ;  à  Hattigny,  de  Constance  Chlore  et  de  Cons- 
tantin. Les  fouilles  qui  nous  ont  permis  de  préciser 
le  plan  des  villas  rustiques  ont  également  mis  au  jour 
des  pièces  postérieures  à  l'invasion.  A  Cheminot  se  sont 
rencontrées  des  monnaies  de  Tetricus,  de  Probus.  de 
Maxence,  de  Constantin  et  de  Maximin  Daza.  Un  denier 

(i)  Nous  regrettons  tout  particulièrement  à  cet  égard  que  le  résultat 
des  fouilles  de  M.  Welter  à  Laneuveville-les-Lorquin  n'ait  pas  encore 
été  publié.  Sous  une  villa  analogue  à  celles  du  me  siècle,  il  a  retrouvé 
les  substructions  d'une  autre  plus  petite.  Les  monnaies  rencontrées  dans 
ces  ruines  plus  anciennes  sont,  avec  un  denier  de  la  République,  des 
pièces  d'Antonin,  de  Marc-Aurèle  et  de  Faustine.  Cf.  supra,  p.  107. 


—  120  — 

d'Antonin  le  Pieux  a  été  trouvé  à  Betting  et,  avec  lui, 
des  pièces  de  Gallienus,  de  Tetricus,  de  Claude  le 
Gothique,  de  Constance  Chlore,  de  Constantin  et  de 
Magnence.  Nous  avons  à  Sorbey  à  côté  des  monnaies 
de  Gallien  et  de  Tetricus  une  autre  beaucoup  plus  ré- 
cente de  Gratien. 

Parmi  ces  villas,  les  unes  peuvent  fort  bien  ne  pas 
remonter  à  une  date  antérieure  aux  dernières  années  du 
IIIe  siècle,  ou  même  au  début  du  ive.  Quant  aux  villas  de 
Cheminot  et  de  Betting,  les  monnaies  trouvées  dans  leurs 
ruines  ne  peuvent-elles  permettre  d'expliquer,  en  une 
certaine  mesure,  l'asymétrie  évidente  des  bâtiments  ?  La 
petite  construction  accolée  au  côté  sud  de  la  villa  de  Che- 
minot présente,  nous  l'avons  déjà  remarqué,  tous  les 
caractères  d'une  addition  pure  et  simple  au  plan  primitif. 
Les  ciments  et  les  dalles,  les  vestiges  d'hypocaustes,  et 
même  des  débris  de  mosaïque,  la  distinguent  profondé- 
ment du  reste  de  la  villa.  Une  observation  plus  exacte  de 
la  technique  des  substructions  et  du  raccordement  des  murs 
aurait  permis  sans  doute  d'attribuer  à  cette  partie,  une 
date  différente   de  celle  de  l'ensemble. 

Il  devait  en  être  de  même  à  Betting.  Le  second  établis- 
sement de  bains  qui  prolonge  la  villa  vers  Test,  les  subs- 
tructions indéterminées  qui  flanquent  à  l'ouest  le  mur 
extérieur,  ne  peuvent  être  rapportés  qu'à  des  remanie- 
ments de  la  villa. 

Une  hypothèse  se  présente,  justifiée  par  la  diversité  des 
monnaies  trouvées  dans  ces  deux  établissements.  Ces 
remaniements  ne  dateraient-ils  pas  de  la  reconstruction 
des  villas  sur  un  plan  légèrement  modifié,  après  les  dix 
années  de  ruines  et  d'abandon,  conséquence  des  invasions 
barbares  ?  Ces  villas  appartiendraient  ainsi  aux  deux 
périodes  de  colonisation  séparées  par  l'interruption  de 
275,  comme  les  monnaies  que  contiennent  leurs  ruines 
appartiennent  à  deux  périodes  d'histoire. 

Il  est  à  remarquer  enfin  que,  sauf  à  Sorbey,  nous  ne 
trouvons  dans  aucune  villa  rustique  de  monnaies  posté- 
rieures à  Constance  et  à  Magnence,  c'est-à-dire  à  la 
première  moitié  du  ive  siècle.  Toutes  les  ruines  qui  ont 
été  explorées  portent  uniformément  la  trace  d'incendies  et 
d'une  destruction  violente.  Ces  faits  seuls  suffiraient  pour 


—  121  — 

nous  apprendre  que  la  cité  des  Médiomatrices  dut  subir, 
vers  ce  moment,  une  nouvelle  invasion  de  la  part  des  bar- 
bares. 

Mais  nous  connaissons  précisément,  par  les  historiens, 
la  trahison  de  Constance  qui,  pour  opérer  une  diversion 
contre  Magnence,  n'avait  pas  craint  de  faire  appel  aux 
Alamans  et  aux  Francs.  Nous  savons  que  ces  envahisseurs 
se  répandirent  sur  toute  la  rive  gauche  du  Rhin,  essayant, 
au  lieu  de  pousser  plus  avant  leurs  incursions,  de  s'éta- 
blir dans  les  premiers  pays  conquis  (1).  Cette  invasion  sem- 
ble avoir  été  plus  terrible  pour  le  pays  médiomatrice  que 
celle  de  275.  C'est  elle  qui  dut  y  accumuler  les  ruines  que 
nous  y  rencontrons.  Elle  marque  la  fin  des  villas  rustiques 
et  de  la  forme  de  colonisation  qui  les  avait  fait  naître. 

(i)  Zosime,  III,  i.  Ammien  Marcellin,  XV,  8,  XVI,  i. 


CHAPITRE  V 

VlLLAE    URBANAE 


io  La  villa  urbana. 
2°  La  villa  de  Rouhling. 
3o  La  villa  de  Mackwiller. 
4°  La  villa  de  Saint-Ulrich. 
5°  La  villa  de  Tetin^. 


Dans  les  villas  de  petites  dimensions  que  nous  avons 
étudiées,  les  bâtiments  destinés  à  l'exploitation  agricole 
occupent  le  centre  des  constructions.  Ils  en  sont  la  partie 
la  plus  développée.  Les  appartements  d'habitation,  et  les 
bains  accolés  à  un  côté  de  l'établissement  ne  forment, 
pour  ainsi  dire,  qu'une  partie  accessoire;  le  caractère  rus- 
tique de  ces  villas  est  très  net. 

Très  différents  sont  les  grands  établissements  dont  il 
nous  reste  à  nous  occuper.  Une  partie  sans  doute  en  est 
toujours  réservée  au  logement  des  esclaves  agricoles, 
aux  granges,  aux  étables,  aux  remises,  nécessaires  à 
l'exploitation  du  domaine  sur  lequel  ils  s'élèvent.  Ces 
constructions  sont  même  d'autant  plus  amples  que  le  do- 
maine est  plus  vaste.  Mais  au  lieu  de  constituer  l'élément 
essentiel  de  la  villa,  elles  n'en  sont  plus  qu'une  dépen- 
dance, dépendance  le  plus  souvent  située  à  l'écart,  dissi- 
mulée derrière  les  bâtiments  de  la  villa  proprement  dite, 
ou  même  réléguée  à  une  certaine  distance.  Le  but  utili- 
taire passe  au  second  plan.  Nous  nous  trouvons  en  pré- 
sence d'habitations  de  luxe.  Le  plan  dessiné  par  les  subs- 
tructions  est  extrêmement  développé.  On  y  reconnaît 
toutes  les  différentes  parties  jugées  nécessaires,  par  un 
riche  romain,  à  la  commodité  et  à  l'agrément  de  la  vie. 
Les  débris  de  l'architecture  ont  un  caractère  monumental. 
Les  marbres,  les   restes  d'ornementation  de  toute    sorte 


—  123  — 

abondent  parmi  les  ruines.  Ce  sont,  au  milieu  de  la  cam- 
pagne, des  demeures  analogues  aux  maisons  splendides 
que  se  bâtissaient  dans  les  villes,  les  membres  de  l'aris- 
tocratie romaine.  Ces  villas  sont  destinées,  avant  tout,  à 
offrir  au  maître  du  domaine  un  séjour  où  se  trouveront 
satisfaites  toutes  ses  habitudes  de  confort  et  de  luxe. 
Ainsi  s'explique  le  nom  que  leur  attribuent  les  auteurs 
latins  :  elles  sont  des  villae  urbanae. 

Ce  que  furent  ces  «  villae  urbanae  »  en  Italie,  la  place 
qu'elles  occupèrent  dans  la  vie  des  grands  seigneurs  ro- 
mains, dès  le  dernier  siècle  de  l'époque  républicaine,  et 
durant  tout  l'Empire,  un  grand  nombre  de  textes  litté- 
raires nous  l'apprennent  (1).  Nous  n'entreprendrons  point, 
après  tant  d'autres,  d'en  donner  un  aperçu  et  d'en  décrire 
le  type  général. 

Les  ruines  de  villas  de  ce  genre  se  rencontrent  non 
seulement  en  Italie,  mais  dans  toutes  les  provinces  où 
s'exerça  l'influence  de  Rome.  Elles  sont  extrêmement 
fréquentes  en  Gaule.  Nous  nous  bornerons  à  étudier  en 
détail  celles  qui  ont  été  mises  au  jour  sur  le  territoire  des 
Médiomatrices.  Nous  essaierons  de  dégager  aussi  exacte- 
ment que  possible  le  caractère  particulier  du  plan,  de  l'ar- 
chitecture et  de  la  décoration  de  chacune  des  villas  dont 
elles  nous  ont  conservé  la  trace,  d'en  fixer  la  date  approxi- 
mative, et  d'arriver  à  jeter  quelque  lumière  sur  l'état  géné- 
ral de  la  civilisation,  la  situation  économique  et  sociale 
qu'elles  représentent. 

2°  La  villa  de  RouhlingÇL). —  La  villa  de  Rouhling  est 

(i)  Sans  parler  de  Vairon,  Vitruve,  Columelle  et  Palladius,  nous 
nous  bornons  à  indiquer  les  sources  principales  de  renseignements 
sur  les  grandes  villas  de  luxe  : 

Cicéron,  ad  AU.,  42>  De  Lecjib.,  2,  i.  Pline,  Hist.  nat.,  22,  6.  3i,  3. 
35,  9...,  etc.  Pline  le  Jeune,  Epist.,  II,  17  (La  villa  de  Laurente^,  V,  5 
(La  villa  de  Toscane).  Tacite,  Ann.,  4»  67.  Suétone,  Tibère,  66,  7/L 
Domitien,  !\,  19.  Stage,  Silves,  l\,  2,  v.  i8-3i. 

Pour  une  étude  d'ensemble  des  grandes  villas  latines,  cf.  Caumont, 
Cours  d'antiquités  monumentales,  t.  III,  et  Hirt,  Geschichte  d.  Bau- 
kunst  beiden  Alten.  Berlin,  1822,111,  p.  267,  sqq.  Sur  les  villae  urbanae 
en  général,  cf.  Rostowzew,  Pompeianische  Landschaften  u.  rômische 
Villen.  Jahrb.  d.  Institutes,  XIX  (1904),  p.  103-126. 

(2)  La  villa  de  Rouhling  a  été  fouillée  de  1889  à  1891  par  M.  E.  Huber 


—  124  — 

située  dans  celte  région  accidentée  qui  du  Héraple  s'étend 
au  nord  et  à  l'est  jusqu'à  la  Sarre.  Elle  s'élevait  sur  les 
derniers  contreforts  des  coteaux  qui  dominent  à  l'ouest  la 
vallée  de  la  Sarre;  à  mi-hauteur  d'une  pente  qui  s'incline 
doucement  vers  le  Sud.  Le  bâtiment  central  de  la  villa 
ouvre  vers  l'est.  A  gauche,  c'est-à-dire  du  côté  nord, 
s'étend  vers  le  haut  du  plateau  le  bois  de  Grosblieders- 
troff  ;  à  droite,  le  petit  ruisseau  du  Hungerbach  coule  au 
fond  d'un  vallon  ;  en  face  s'élargit  la  vallée,  tandis  que  au 
loin  se  dessine  vaguement  la  puissante  masse  des  Vosges. 
Le  bâtiment  sud  contient  les  bains.  Il  s'élargit  à  son 
extrémité  sud-est  par  laquelle  il  recevait  lumière  et  cha- 
leur. Le  bâtiment  nord  n'a  pu  être  complètement  fouillé. 
Il  semble  avoir  contenu  des  communs,  et  avoir  servi  à 
l'exploitation  agricole. 

De  nombreuses  substructions  entourent  à  l'ouest  et  au 
nord  cette  partie  principale  de  la  villa. 

Les  trois  corps  de  bâtiments  qui  formaient  la  villa  pro- 
prement dite  ont  un  développement  déplus  de  100  mètres. 
Les  deux  ailes  forment  avec  le  centre  des  angles  obtus  de 
135  et  de  140  degrés.  Une  vaste  cour  était  ainsi  ménagée 
en  avant  de  la  villa.  Mais  on  n'a  retrouvé  aucune  trace  de 
l'enceinte  qui  pouvait  en  former  les  côtés. 

La  construction  centrale,  celle  qui  devait  faire  face  à 
l'entrée  de  la  cour,  est  formée  d'une  longue  galerie  sur 
laquelle  ouvrent  les  différents  appartements.  Cette  galerie 
s'étend  sur  une  longueur  de  40  mètres  et  mesure  3IU40  de 
large.  Elle  se  prolonge  en  avant  de  l'aile  sud.  Aux  deux 
tiers  environ  de  sa  longueur  se  rencontrent  les  fondations 
d'un  mur  transversal.  Ce  mur  ne  devait  sans  doute  pas 
dépasser  le  niveau  du  sol  de  la  galerie.  Il  servait  à  com- 
penser la  pente  assez  sensible  du  terrain  sur  lequel  est 
établie  la  villa,  et  marquait  la  limite  d'une  longue  cave 
formant  sous-sol.  Des  soupiraux  ouvrant  sur  une  cour 
intérieure  éclairaient  cette  cave.  Dans  les  murs,  suivant 
l'usage,  étaient  ménagées  de  petites  niches  quadrangu- 
laires. 


(de  Sarreguemines).  Cf.  une  étude  plus  détaillée  de  la  villa  :  E.  Huber 
et  A.  Grenier,  La  villa  de  Rouhling.  Annuaire  Soc.  Hist.  et  Arch. 
Lor.,  1904,  XVI. 


—  127  — 

Le  mur  antérieur  de  la  galerie  ne  formait  qu'un  sou- 
bassement. Il  soutenait  une  rangée  de  18  colonnes,  dispo- 
sées à  une  distance  de  deux  mètres  Tune  de  l'autre.  On 
en  a  retrouvé  les  bases  encore  en  place,  de  nombreux 
fûts  et  les  chapiteaux.  Ces  colonnes  toscanes,  très  simples 
et  d'un  beau  jet,  avaient  3m50  de  haut,  0m43  de  diamètre 
inférieur  et  0,40  à  leur  partie  supérieure.  La  base  et  le 
chapiteau  n'ont  pour  tout  ornement  qu'une  série  de  gorges 
et  de  moulures.  Un  mur  plein  décoré,  sans  doute,  de 
fresques  ou  de  vastes  panneaux  polychromes  formait  le 
fond  de  ce  portique. 

Au  centre  de  cette  galerie  s'ouvrait  une  grande  salle, 
longue  de  7m  50,  large  de  6m60,  bâtie  sur  hypoeauste. 
C'était  une  salle  d'apparat,  sorte  d'atrium  de  la  maison  de 
campagne,  ou  du  moins  correspondant  absolument  à 
l'atrium  des  riches  maisons  urbaines.  Mais  à  Rouhling, 
comme  dans  la  plupart  des  villas  analogues,  l'habitation 
est  disposée  en  largeur,  au  lieu  de  l'être  en  profondeur. 
C'est  donc  de  part  et  d'autre  de  cette  grande  salle  de 
réception  que  se  trouvent  les  différents  appartements 
réservés  à  la  vie  de  société  et  à  l'habitation. 

Un  très  grand  espace,  coupé  de  constructions  irrégu- 
lières,  occupe  tout  le  côté  nord  de  l'habitation  centrale. 
C'était  une  cour  de  service.  On  y  reconnaît  en  p,  le  prae- 
furnium  de  la  salle  centrale,  plus  au  nord,  un  passage 
coudé,  rampe  inclinée  ou  escalier  donnant  accès  à  la  cave 
mentionnée  plus  haut.  Au  sud  sont  quatre  autres  salles  de 
dimensions  moyennes.  Ni  les  unes  ni  les  autres  n'ont  con- 
servé la  trace  d'hypocaustes.  Chercher  à  préciser  l'attri- 
bution de  chacune  de  ces  pièces  serait  pure  fantaisie. 

Les  bains  de  la  villa.  —  Une  des  parties  les  plus  impor- 
tantes de  la  villa  de  luxe  est  le  bâtiment  des  bains.  Le 
développement  de  cette  installation  est  un  des  traits  qui 
caractérisent  les  grandes  villas.  Les  bains  sont,  dans  la 
villa  rustique,  réduits  à  leur  strict  minimum.  Ils  attei- 
gnent ici  des  dimensions  qui  les  font  presque  ressembler 
aux  bains  publics  des  grandes  villes  (1). 

Les  bains  de  la  villa  de  Rouhling  occupent  la  majeure 

(i)  Les  ruines  de  la  plupart  des  villas  urbaines  ont  été  prises  au 
début  des  fouilles  pour  de  vastes  établissements  thermaux. 


—  128  — 

partie  de  l'aile  sud.  Ils  couvrent  une  superficie  de  plus  de 
20  mètres  de  long  sur  25  mètres  de  large.  Encore  n'a-t-on 
pu  dégager  jusqu'à  leur  extrémité  les  bâtiments  dont  ils 
se  composaient. 

L'entrée  en  était  située,  semble-t-il,  à  l'extrémité  de  la 
galerie  qui  précède  le  corps  principal  du  bâtiment.  Tra- 
versant diilerentes  salles  et  couloirs,  qui  conduisaient 
sans  doute  au  dehors  de  la  villa,  on  accédait  à  une  grande 
pièce  de  4m65  sur  4m35  (IV),  puis  à  une  autre  plus  petite 
(III,  3ra05  X  2m65).  L'une  et  l'autre  étaient  établies  sur 
une  cave  voûtée  profonde  de  2  mètres.  Cette  cave  sans 
issue,  ne  pouvait  avoir  d'autre  destination  que  de  com- 
penser la  pente  assez  forte  du  terrain,  et  de  maintenir 
cette  partie  des  bâtiments  au  même  niveau  que  le  reste 
de  la  villa.  Elle  avait  en  outre  l'avantage  de  garantir 
les  salles  de  l'humidité  du  sol.  Ces  deux  pièces  non 
chauffées  étaient  sans  doute  Yapodyterium  et  le  frigida- 
rium. 

A  droite  de  la  salle  III  et  dans  son  prolongement  se 
trouvaient  deux  salles  bâties  sur  hypocaustes.  Dans  la 
salle  II,  la  plus  grande  (elle  mesure  5m80  sur  4m30),  les 
piliers  de  l'hypocauste  et  les  larges  briques  soutenant  le 
ciment  du  sol  sont  encore  fort  bien  conservés. 

La  seconde  semble  avoir  été  plus  petite,  et  se  termine 
par  une  abside.  Les  substructions  de  tout  cet  espace  ont 
été  profondément  bouleversées  par  l'établissement  d'un 
four  à  chaux,  à  une  époque  vraisemblablement  posté- 
rieure à  la  destruction  de  la  villa.  On  reconnaît  néan- 
moins en  /?,  les  traces  du  praefurnium  destiné  à  chauffer 
les  bains.  La  salle  la  plus  voisine  (I)  était  évidemment  le 
caldarium,  la  seconde,  plus  éloignée  et  plus  vaste,  le 
lepidarium. 

Le  caldarium  (I)  et  le  frigidarium  (III)  communiquaient 
chacun  avec  de  grandes  piscines  circulaires,  profondes  de 
lm50.  La  piscine  froide  mesure  5  mètres  de  diamètre;  la 
piscine  chaude,  4,n25.  Elles  sont  dallées  l'une  et  l'autre  de 
marbre  blanc.  Les  parois  en  sont  de  briques.  Les  briques 
de  la  piscine  chaude  étaient  creuses,  et  devaient  être 
remplies  de  l'air  chaud  de  l'hypocauste  voisin.  Le  fond  de 
cette  piscine  est  établi  sur  une  voûte  d'un  seul  jet,  et  se 
trouvait  donc  chauffé  par  le  même  moyen.  On  accédait  à 


Ec/ie/k      i 


Plan  7.  —  Villa  de  Rouhlinp. 
A.  Grenier.  Habitations  gauloises. 


—  i:m  — 

ces  deux  bassins  par  trois  marches  ménagées  dans  l'épais- 
seur de  la  maçonnerie. 

Des  piscines  de  ce  genre  se  rencontrent  assez  fréquem- 
ment dans  les  villas.  Elles  y  remplacent  les  baignoires 
dont  nous  avons  trouvé  un  spécimen  à  Betting.  Elles  sont 
tantôt  circulaires,  tantôt  en  forme  de  rectangle,  aux  an- 
gles arrondis,  et  terminées  d'un  côté  par  une  abside  (1). 
Quelques  petites  villas  rustiques  possèdent  même  ce 
genre  d'installation  (2).  Nous  citerons  notamment  la  petite 
villa  de  Friesdorf,  près  de  Bonn,  où  Ton  rencontre 
,  comme  à  Rouhling,  deux  piscines  circulaires,  l'une 
chaude  et  l'autre  froide  (3).  Ces  petites  salles  circulaires 
semblent  il  est  vrai  avoir  été  souvent  le  sudatorium,  ou 
Vunctorium,  plutôt  qu'une  piscine.  Il  en  est  ainsi  à  Wil- 
tingen  sur  la  Sarre  (4),  et  à  Bubenheim,  sur  le  Rhin,  aux 
environs  de  Coblence  (5).  Elles  y  répondent  d'ailleurs 
parfaitement  aux  prescriptions  de  Yitruve  qui  recom- 
mande la  forme  ronde  pour  les  petites  salles  très 
chaudes  (6). 

Si  les  piscines  froides  se  rencontrent  très  fréquemment 
dans  les  installations  de  bains,  la  présence  de  piscines 
chaudes  est  un  luxe  assez  rare.  Très  rarement  surtout  la 
piscine  chaude  atteint  les  dimensions  de  celle  de  Rouhling. 
On  imagine  difficilement  en  effet  une  installation  de  chauf- 
fage assez  puissante  et  assez  vaste  pour  chauffer  le  vo- 
lume d'eau  nécessaire  à  un  pareil  bassin  (7).  La  piscine 


(i)  On  rencontre  de.  ces  salles  à  absides  dans  les  bains  de  toutes  les 
grandes  villes  du  pays  trévire.  11  est  souvent  assez  difficile  de  déter- 
miner si  Ton  a  alla  ire    à  des   piscines  ou  à  de  simples  salles  de  bains. 

(2)  Cf.  La  petite  villa  de  Stahl.  Bonn.  Jahrb.,  fia,  p.  i  sqq.  La 
moyenne  villa  de  Weingarten,  Kunstdenkmdler  der  Rheinprovinz,  IV, 
p.  187. 

(3    Bonn.  Jahrb.,  81,  p.  212  sqq. 

(4)  Jahresberichte  <l.  Gesellsch.  f.  nùtzliche Forsch.  Trier.,  1806, 
p.  fii  sqq. 

(5)  Bonn.Wahrb.,  72,  p.  126. 
(i>)  De  Architect.,  Y,  10,  5. 

(7)  L'eau  nécessaire  aux  bains  était  chauffée  dans  de  vastes  cuves  de 
cuivre  placées  au  dessus  du  praefurnium.  Cf.  Traces  de  cette  installa- 
tion: Les  bains  de  Sainte  Barbe  à  Trêves.  Westd.  Zeitsch.,  X,  p.  262 
sqq.  Des  cuves  de  ce  genre,  ont  été  retrouvées  dans  une  villa  de  Bosco- 
reale:  Notizie  degli  Scavi,  i8q5,  p.  207. 


—  132  — 

chaude  n'est  souvent  qu'un  intermédiaire  entre  la  simple 
baignoire  et  la  piscine  proprement  dite  (1). 

Les  bains  de  Rouhling  sont  donc  un  des  établissements 
les  plus  complets  et  les  plus  soignés  de  tous  ceux  qui  se 
rencontrent  dans  l'Est  de  la  Gaule  et  en  Germanie  (2).  Il 
nous  suffît,  pour  en  juger  ainsi,  d'en  avoir  parcouru  et  exa- 
miné rapidement  les  parties  principales.  Nous  ne  voulons 
pas  en  effet  nous  attarder  dans  les  différentes  petites  salles, 
ménagées  entre  les  piscines  et  les  plus  grandes  pièces 
dont  nous  avons  parlé  (3).  Un  portique  soutenu  par  de 
solides  contreforts  bordait  le  côté  ouest  des  bains.  Il  de- 
vait communiquer  avec  d'autres  appartements  chauffés  si- 
tués en  dehors  du  bâtiment  principal.  D'autres  salles  d'as- 
sez grandes  dimensions  et  qui  semblent,  étant  donnés  les 
débris  de  colonnes  qu'on  y  retrouve,  avoir  été  très  somp- 
tueusement ornées,  occupent  la  partie  nord  de  l'aile  des 
bains.  On  peut  y  voir  des  salles  de  repos  et  de  ces  tricli- 
nia  de  tous  genres,  dont  Vitruve  (4)  nous  donne  la  nomen- 
clature et  la  description. 

Remarquons,  pour  terminer,  combien  l'installation  de 
ces  bains,  aussi  bien  que  de  la  villa  urbaine  tout  entière, 
répond  exactement  aux  descriptions  qui  nous  en  eont  faites 
par  les  auteurs  anciens  (5).  Elle  nous  montre  la  pénétra- 
tion dans  les  campagnes  du  pays  messin  de  toutes  les  ha- 
bitudes de  luxe  et  de  raffinement  de  la  haute  société  ro- 
maine . 

Bâtiments  d'exploitation  agricole,  et  dépendances  de  la 
villa.  De  l'aile  nord  de  la  villa,  on  n'a  retrouvé  que  l'angle 
attenant  au  corps  du  bâtiment  central.  Cette  aile  compre- 


(i)  On  <'n  trouve  un  exemple  caractéristique  à  Wasserliesch,  près  de 
Trêves.  Jahresberichte  d.  Gesellsch.  f.  nûtzl.  Forsch.,  1 8.I7.  La  piscine  se 
compose  d'un  bassin  de  marbre  blanc,  long  de  11  pieds,  large  de  5,  pro- 
fond de  3.  On  y  descend  par  trois  degrés  de  marbre  qui  font  le  tour  du 
bassin.  Elle  repose,  comme  la  salle  avec  laquelle  elle  l'ait  corps,  sur  un 
bypocauste  qui  en  chauffe  le  fond  et  les  parois. 

(2)  Cf.  Leibnitz,  die  r.  B'àder  bei  Badenioeiler,  [856.  Naèher,  die  r. 
Bauanlagen  in  il.  Zehntlanden.   Bonn.  Jahrb.,  79,  p.  70  sqq. 

(3)  Entre  les  deux  piscines  salle  VII,  vraisemblablement  l'unctorium: 
au  nord  du  praefurnium  salle  VI,  probablement  vasarium,  etc. 

(4)  De  An- h  il..  VI,  2  sqq. 

(5)  Vitruve,  de  Arch.,  V,  10.  Pauladius,  deAgricult.,  I,  4°  s,|(l-  Pline 
le  jeune,  Epist.,U,  17.   Lucien,   l--'.?.;  r,  [iaXaveîov. 


—  133  — 

nait,  semble-t-il,  un  certain  nombre  de  très  grandes  salles, 
précédées  du  côté  de  la  cour  antérieure  de  la  villa,  d'un 
long  corridor.  Par  une  curieuse  asymétrie,  ce  corridor 
empiète  légèrement  sur  la  galerie  à  colonnade  qui  précède 
la  partie  centrale  de  la  villa.  Il  se  trouve  ainsi  en  commu- 
nication directe  avec  les  appartements  qui  en  occupent 
l'extrémité. 

C'est  dans  l'aile  nord  qu'ont  été  trouvés  la  plupart  des 
objets  recueillis  durant  les  fouilles  de  la  villa.  Ce  sont  de 
nombreux  tessons  de  vases  en  terre  grossière,  une  grande 
variété  d'outils  en  fer,  couteaux,  serpes,  crampons,  ha- 
ches, marteaux,  clavettes,  etc.  Ces  trouvailles  indiquent 
nettement  des  communs  destinés  aux  travaux  rustiques. 
C'est  donc  cette  partie  qui  contenait  la  villa  rustica,  avec 
ses  écuries,  ses  étables,  ses  granges,  celliers,  ses  ateliers, 
et  les  logements  au  moins  d'un  certain  nombre  d'es- 
claves. 

Les  dépendances  de  la  villa  semblent  avoir  été  beau- 
coup plus  vastes  que  la  villa  elle-même.  Derrière  chacun 
des  trois  corps  de  bâtiments,  M.  Huber  a  retrouvé  des 
substitutions  d'autres  murs,  parallèles  à  ceux  de  l'habi- 
tation. L'étendue  même  de  ces  restes,  et  leur  dispersion, 
ne  lui  ont  pas  permis  de  les  suivre  en  détail.  On  ne  sau- 
rait donc  déterminer  à  quel  genre  de  construction  ils 
pouvaient  appartenir. 

11  n'en  est  pas  de  même  des  deux  grands  bâtiments, 
qui  sont  situés  derrière  l'aile  nord  de  la  villa,  et  l'en- 
cadrent complètement.  Le  premier  est  parallèle  à  l'aile 
nord  de  la  villa  :  il  s'étend  vers  le  nord-est  jusqu'auprès 
de  la  route  actuelle  de  Sarreguemines  à  Cadenborn.  Il 
mesure  une  longueur  de  plus  de  35  mètres.  On  n'en  a  pas 
retrouvé  le  mur  postérieur  :  sa  largeur  reste  donc  indé- 
terminée; elle  est,  en  tout  cas,  supérieure  à  20  mètres. 
Il  est  coupé  à  son  extrémité  nord-est,  par  un  second 
bâtiment,  qui  forme  avec  lui  un  angle  droit,  et  clôturait 
le  côté  nord  de  la  cour  qui  précédait. 

L'intérieur  de  ces  deux  constructions  est  divisé  en 
grandes  salles  bétonnées,  réunies  entre  elles  par  de 
larges  portes  de  lra60.  Par  suite  de  l'inclinaison  naturelle 
du  sol,  l'extrémité  sud  du  premier  bâtiment,  est  à  un 
niveau  de  0ra70  au-dessous  des  autres  pièces.  Cette  partie 


—  134  — 

la  plus  basse  de  l'habitation  comprend  trois  pièces,  une 
grande  salle  de  6m70  sur  7nl70  précédée  de  deux  plus 
petites.  Elles  sont  établies  sur  un  remblai  de  pierres  et 
de  blocaille,  maintenu  par  un  mur  épais  de  0n,85.  Les 
autres  murs  du  bâtiment  n'ont  que  0m60  ou  0ra70  au  maxi- 
mum. Ces  pièces,  les  plus  petites,  semblent  également  de 
beaucoup  les  plus  soignées.  Elles  pouvaient  servir  de 
logement,  tandis  que  les  autres  n'auraient  été  que  des 
granges  ou  des  étables,  ou  des  salles  communes  pour  le 
travail  de  nombreux  esclaves. 

Tout  ce  bâtiment  porte  d'ailleurs  des  traces  évidentes 
de  remaniements.  Le  sol,  absolument  intact,  est  formé  de 
deux  couches  de  béton,  disposées  chacune  sur  une  couche 
de  cailloutis.  Les  cailloux  sont  disposés  de  môme  façon, 
le  ciment  des  deux  couches  est  à  peu  près  le  môme.  Il 
ne  semble  pas  cependant  vraisemblable  que  ces  deux 
pavages  superposés  puissent  dater  de  la  même  époque. 

Le  plan  des  bâtiments  a,  en  outre,  été  modifié.  La 
salle  B,  voisine  des  trois  salles  que  nous  avons  décrites 
tout  à  l'heure,  ne  forme  plus  qu'un  seul  espace  sans 
cloisons  intérieures.  Or,  sous  la  première  couche  de 
béton,  se  trouvent  les  fondations  de  deux  murs,  se  cou- 
pant à  angle  droit,  et  ayant  partagé  cette  pièce  en  quatre 
autres  plus  petites. 

Les  murs  extérieurs  même,  qui  mesurent  encore  en 
certains  endroits  0m80  de  hauteur,  ont  dû  être  reconstruits 
après  une  première  destruction.  Au-dessous  du  niveau 
du  béton,  les  fondations  sont  faites  de  petit  appareil  très 
soigné.  Au-dessus  du  béton,  on  ne  trouve  plus  qu'une 
maçonnerie  hâtive  et  grossière,  en  blocaille,  morceaux 
de  briques,  débris  de  tuiles  à  rebords.  Quelques-unes  de 
ces  tuiles  portent  la  marque  Q-VAL-SABE  (Q.  Yal(erius) 
Sabef Uns),  très  connue  dans  le  pays  médiomatrice  et 
trévire,  et  qui  date  de  la  fin  du  111e,  ou  du  début  du 
ive  siècle  (1). 

Il  est  tout  à  fait  vraisemblable  que  cette  reconstruction 
des  murs,  si  grossière  soit-elle,  date  du  même  moment  que 


(i)  Très  fréquentes  en  Héraple  et  à  Trêves,  aux  Thermes  de  Sainte- 
Barbe,  à  la  Basilique,  monuments  datant  au  plus  lui  des  dernières 
années  du  in"  siècle. 


—  135  — 

la  seconde  couche  de  ciment  qui  recouvre  le  sol.  La  con- 
fection de  ce  ciment  est  certainement  de  date  romaine.  La 
destruction  au  ras  du  sol  des  murs,  reconstruits  d'une  fa- 
çon beaucoup  moins  soignée,  ne  semble  pas  pouvoir  pro- 
venir de  la  volonté  du  propriétaire,  ni  même  d'un  acci- 
dent fortuit.  Elle  témoigne  d'une  catastrophe  qui  ne  peut 
être  due  qu'à  la  guerre  et  aux  invasions  barbares.  La  villa 
elle-même  ne  porte  pas  trace  de  remaniements  de  ce  genre. 
On  ne  saurait  admettre  que  les  dépendances  aient  pu  être 
détruites  une  première  fois,  puis  reconstruites,  avant  que 
la  villa  n'existât.  La  seule  solution  plausible  est  donc  celle- 
ci  :  après  une  catastrophe  qui  anéantit  à  la  fois  la  villa  et 
ses  dépendances,  les  dépendances  seules  furent  relevées. 
Elles  le  furent  d'une  façon  fort  hâtive  et  très  négligée. 
Cette  reconstruction  est  encore  néanmoins  d'époque  ro- 
maine. 

Nous  sommes  donc  amenés  à  voir  dans  la  villa,  non  seu- 
lement la  demeure  de  luxe  d'un  riche  propriétaire,  mais 
le  centre  de  toute  une  population  rurale.  Après  une  pre- 
mière catastrophe,  durant  laquelle  le  maître  disparut, 
abandonnant  son  domaine  dévasté,  cette  population  revint 
occuper  les  lieux  où  elle  vivait  auparavant.  Avec  les  dé- 
bris de  la  villa,  elle  reconstruisit,  comme  elle  put,  les  bâ- 
timents où  elle  était  logée.  C'est  elle  peut-être  qui  trans- 
forma en  four  à  chaux  le  praefurnium  des  bains.  Il  se  trou- 
vait parmi  elle  d'habiles  ouvriers.  La  parfaite  qualité  des 
seconds  ciments  le  prouve.  On  le  voit  aussi  au  stuc  qui  re- 
'Couvre  le  bas  des  murs  encore  existant.  Il  a  toute  la  finesse 
du  revêtement  ordinaire  des  parois  de  la  bonne  époque. 
Il  est  décoré  suivant  la  tradition  de  peintures  jaunes, 
rouges,  vertes  et  noires.  Le  soin  de  l'aménagement  inté- 
rieur, forme  contraste  avec  la  qualité  inférieure  de  la  ma- 
çonnerie. 

Les  traces  d'anciennes  populations  sont  d'ailleurs  extrê- 
mement nombreuses  tout  autour  de  la  grande  villa  de 
Rouhling.  Sans  parler  des  dépendances  immédiates  de  la 
villa,  on  a  retrouvé  des  restes  d'habitations  datant  de 
l'époque  gallo-romaine,  de  l'autre  côté  du  Hungerbach. 
On  en  rencontrerait  également  sur  le  versant  d'un  coteau 
situé  à  une  demi-lieue  au  sud-ouest.  Mais  les  documents 
les  plus  importants  nous  sont  fournis  par  les  22  tumulique 


—  136  — ' 

M.  Huber  a  découverts  et  fouillés  dans  les  forets  voisines 
de  Grosbliederstroff  et  de  Cadenborn  (1).  Il  en  est,  parmi 
ce  nombre,  d'époques  très  diverses.  Les  plus  anciens 
remontent  à  l'époque  préromaine.  D'autres  contiennent 
des  ornements  et  des  armes  qui  ne  datent  que  des  temps 
mérovingiens.  Entre  ces  deux  extrêmes  se  place  la 
majeure  partie  des  tumuli,  renfermant  des  sépultures  â 
incinération,  accompagnées  de  poteries  romaines  (2). 
Quelques  sarcophages  faits  de  pierres  plates  semblent 
également  dater  de  l'époque  gallo-romaine. 

Caractère  et  date  approximative  de  la  villa.  —  Les  bâti- 
ments qui  ont  été  retrouvés  de  la  villa  de  Rouhling  pré- 
sentent un  plan  assez  simple,  quoique  vaste.  L'élément  le 
plus  caractéristique,  celui  qui,  sans  contredit,  donnait  à  la 
villa  son  aspect  particulier,  c'était  la  grande  galerie  à 
colonnade  qui  en  garnissait  la  façade.  Exposée  toute 
entière  au  soleil  levant,  protégée  en  partie  de  la  chaleur 
du  midi,  tandis  que  son  extrémité  nord  recevait  presque 
tout  le  jour  la  chaleur  et  la  lumière,  elle  devait  être  un 
des  lieux  les  plus  fréquentés  de  la  villa.  C'est  sur  ce  por- 
tique qu'ouvrent  tous  les  différents  appartements.  La 
grande  salle  d'apparat,  qui  donne  précisément  au  centre  de 
la  galerie,  est  aussi  le  centre  de  toute  l'habitation. 

Cette  colonnade  semble  être  un  des  éléments  essentiels 
de  la  villa  de  luxe,  dans  l'est  de  la  Gaule.  On  la  trouve  en 
avant  des  bâtiments  de  la  plupart  des  grandes  villas  du 
pays  trévire,  à  Euren  (3)  à  Fliessem  (4),  à  Leutersdorf  (5), 
à  Oberweiss  (6),  à  Raversbeuren  (7),  etc.  Elle  constitue,  pour 
Hettner,  avec  la  forme  allongée  du  plan,  un  des  signes 
caractéristiques  qui  distinguent  les  villas  de  luxe  des 
villas  rustiques  (8).  L'adjonction  à  une  époque  postérieure 

(i)  E.  Huber,  Tumuli  "des  environs  de  Rouhling.  Mém.  Acad.  Met:., 
1892-93,  p.  1-20.  PI.  LI-LIII. 

(2)  Notamment  Tumuli,  11°  VI,  XV,  XVI,  XVIII,  XXI. 

(3)  Jahresb.  d.  Gesellsch.f.  nùtzl.  Forsch.,  1872-73,  p.  35. 

(4)  C.  W.  Schmidt,  Baudenkmale  der  rômisch.  Période  11.  Mittelalter 
in  Trier,  u.  I  'iiujehung.,  Trêves,  i843. 

(5)  Jahresb.  <l.  Gesellsch.f.  mil:.  Forsch.,  [881,  p.  52. 

(G)  Plan  au  Musée  de  Trêves  et  Bonn.  Jahrb.,hXîl,  p.  18."),  LXIV,  p.  109. 
17)  Bonn.  Jahrb.,  LXI,  |>.  128. 

(8)  Zur  Cultur  von  Germanien  a.  Gallia  Bélgica.  Westd.  Zeitsch., 
II,  p.  i5. 


—  137  — 

d'un  portique  de  ce  genre,  en  avant  des  villas  rustiques, 
a  marqué  en  plusieurs  occasions  leur  transformation  en 
villas  de  luxe  (1).  Il  tient  lieu,  dans  les  villas  trévires,  du 
péristyle  et  des  différentes  sortes  de  portiques  des  villas 
italiennes.  Quel  est  le  prototype  de  ce  genre  de  construc- 
tion ?  11  semble  bien  dillicile  de  le  préciser  (2).  Mais  on 
peut,  croyons-nous,  fixer  la  date  à  partir  de  laquelle  il  se 
généralisa . 

Sans  doute,  pour  aucune  des  villas  en  particulier,  ni  les 
monnaies,  ni  les  marques  de  tuiliers,  ni  les  indices  tirés 
de  la  décoration  des  parois,  du  style  des  mosaïques,  de 
l'abondance  des  marbres,  n'ont  encore  permis  de  conclu- 
sions certaines.  Mais  il  est  un  fait  qui  se  dégage  de  la  com- 
paraison de  toutes  celles  qui  ont  été  étudiées.  C'est  préci- 
sément l'analogie  frappante  de  leur  plan  général. 

Or  nous  savons  que  le  pays  trévire  ne  doit  son  état 
exceptionnel  et  le  nombre  considérable  de  ses  villas  de 
luxe  qu'au  séjour  des  empereurs  et  de  la  cour  impériale 
à  Trêves.  C'est  à  cette  seule  circonstance  qu'on  peut  attri- 
buer l'abondance  des  monuments  publics  et  des  riches 
maisons  particulières  dont  les  ruines  subsistent  encore 
aujourd'hui.  C'est  à  cette  circonstance  également  que  la 
campagne  de  Trêves  doit  d'avoir  été  peuplée,  comme  la 
campagne  romaine,  des  maisons  de  campagnes  luxueuses 
des  grands  seigneurs  romains.  Or  si  la  presque  totalité  de 
ces  villas  sont  bâties  sur  un  plan  analogue,  si  les  rema- 
niements subis  par  les  petites  villas,  plus  anciennes,  nous 
montrent  précisément  l'adoption  de  ce  plan,  n'en  peut-on 
pas  conclure  qu'il  ne  date  que  de  la  période  de  splendeur 
du  pays  trévire  ?  Qu'on  nous  passe  l'expression  :  c'était 
le  plan  à  la  mode.  La  construction  des  villas  où  il  se 
rencontre  n'est  donc  pas  antérieure    à  la  seconde  moitié 


(i)  Ce  fut  le  cas  peut-être  à  Leutersdorf.  Cette  modification  ne  fait 
pas  de  doute  à  Friesdorf.  Bonn.  Jahrb.,  LXXXI,  p.  212,  à  Cb'nen,  Wil- 
mowsky ,  Rbmische  Villen  im  Moselthale  und  Saarthale,  Trêves,  1870. 

(2)  Il  viendrait  peut-être  d'une  influence  de  l'architecture  germa- 
nique, ou  plutôt,  cette  sorte  de  véranda  aurait  été  imaginée  comme  dans 
les  pays  du  nord,  pour  protéger  l'habitation  même,  du  vent  et  des  intem- 
péries. Cf.  Henning,  Dus  deutsche  Haas  in   seiner  historischen  Entwike- 

lang,    Strasbourg,    1882 ,   la   façade   a   pour  la   protéger   une  «  Vor- 

halle  »  de  toute  la  largeur  de  la  maison. 


—  138  — 

du  ine  siècle,  date  à  laquelle  les  empereurs  gaulois  vinrent 
établir  leur  résidence  à  Trêves  (1).  Les  monnaies  trouvées 
concordent  parfaitement  avec  cette  hypothèse.  Très  rares 
sont  les  pièces  antérieures  à  la  seconde  moitié  du  me  siècle. 
Celles  de  Maximien  Hercule  (2),  au  contraire,  de  Cons- 
tance, de  Constantin  et  de  ses  fils,  en  général  de  tous  les 
Empereurs  du  ive  siècle  sont  extrêmement  nombreuses. 

La  présence,  dans  le  pays  des  Médiomatrices,  d'une 
villa  de  tous  points  semblable  à  celles  du  pays  trévire  ne 
saurait  être  une  simple  coïncidence.  Celle  de  Rouhling 
fut  bâtie  sur  le  modèle  des  luxueuses  installations  des 
environs  de  Trêves.  Elle  ne  peut  donc  dater,  au  plus  tôt, 
que  du  milieu  du  me  siècle. 

Nous  ne  possédons  sur  l'ornementation  intérieure  de 
la  villa  aucun  renseignement  assez  précis  pour  essayer 
d'en  tirer  quelque  indication.  Nous  savons  simplement 
que  les  marbres  de  diverses  couleurs  abondaient  dans  les 
bains.  Cette  profusion  des  marbres  précieux  est  encore 
un  signe  caractéristique,  à  Trêves,  de  l'époque  où  la  ville 
est  devenue  siège  de  l'Empire. 

Parmi  les  monnaies  trouvées  à  Rouhling  sont  trois 
pièces  leukoises;  une  vingtaine  d'autres  datent  du  premier 
et  du  second  siècle.  Mais  c'est  à  la  période  qui  va  de  250  à 
350  qu'appartient  la  grande  majorité  des  pièces  qui  ont  été 
trouvées  (environ  130).  Une  seule  est  postérieure  à  350. 
Elle  est  à  l'effigie  de  Gratien. 

C'est  donc  postérieurement  à  350  que  dut  disparaître  la 
villa  de  Rouhling.  Les  ruines  en  portent,  comme  tous  les 
autres  monuments  romains  des  campagnes  de  l'est  de  la 
Gaule,  des  traces  évidentes  d'incendie. 

3°  La  villa  de  Mackwiller  (8  Km  à  l'est  de  Sarrunion). 
—  La  villa  de  Mackwiller  est  la  plus  anciennement  fouil- 


(i)  F.  G'ôrres,  Wriclip  r.  Imp.  haben  l'àngere  oder  kiirzere  Zeit  :u 
Trier  residirt.  G'Orres  À  rchiv.,  1878. 

(21  Auprès  des  ruines  de  la  villa  d'Euren  fui  trouvée  notamment  une 
pièce  très  rare  el  qui  semble  o'avoir  jamais  été  mise  en  circulation. 
C'esl  une  médaille  commémorative  du  ter  Consulàl  de  Maximien  Her- 
cule ei  de  sa  victoire  sur  les  Barbares.  Face  :  Profil  de  l'empereur. cou- 
ronné de  lauriers.  Revers:  Hercule  domptanl  un  lion.  Actuellement  au 
Ciiliinei  des  Médailles  <lu  Musée  de  Trêves. 


—  139  — 

lée  de  toutes  celles  du  pays  des  Médiomatrices  (1).  Ces 
fouilles,  gênées  d'ailleurs  par  la  présence  du  village 
établi  sur  les  ruines  mêmes,  ont  été  très  incomplètes. 
Elles  ne  pourraient  nous  apprendre,  par  elles  seules,  que 
fort  peu  de  choses,  sur  le  plan  et  la  constitution  des  villas 
gallo-romaines.  Le  bâtiment  qui  contenait  les  bains,  est 
la  seule  partie  qui  en  ait  pu  être  dégagée  (2).  Le  déve- 
loppement de  cette  installation  et  sa  décoration  luxueuse 
montrent  bien  que  Ton  se  trouve  en  présence  des  ruines 
de  quelque  établissement  assez  semblable  précisément  à 
la  villa  de  Rouhling,  que  nous  venons  d'étudier. 

Comme  la  plupart  des  villas,  la  villa  de  Mackwiller  était 
située  sur  la  pente  d'un  coteau.  Dans  le  vallon  vers  lequel 
s'abaisse  doucement  la  hauteur  coule,  comme  au  pied  de 
la  villa  de  Rouhling,  un  petit  ruisseau,  le  Holbach  ou 
Ilimersbach. 

Les  bains,  au  sud  de  la  villa,  occupaient  la  partie  la 
plus  basse.  Il  avait  été  facile  ainsi  d'y  amener  l'eau  de  la 
hauteur,  et  de  la  faire  s'écouler  directement  dans  le  ruis- 
seau. 

De  l'extrémité  des  bâtiments,  des  jardins  descendaient 
sans  doute  vers  le  sud  jusqu'au  fond  de  la  vallée.  Dans  la 
direction  du  nord,  depuis  les  bains  jusqu'à  l'église  du  vil- 
lage actuel,  sur  une  longueur  de  plus  de  100  mètres  s'éten- 
dent les  substructions  de  la  villa.  Les  murs  affleurent  au 
niveau  du  sol,  sillonnent  les  rues  et  coupent  les  fonda- 
tions et  Jes  caves  des  maisons.  L'église  elle-même  est 
incontestablement  construite  sur  les  ruines  des  construc- 
tions romaines.  Les  matériaux  en  ont  été  pris  à  la  villa  (3). 

La  villa  s'étendait  donc,  du  sud  au  nord,  sur  un  espace 
d'environ  150  mètres.  La  façade  devait  en  être  tournée  du 

(i)  Le  village  actuel  de  Mackwiller  appartient  au  territoire  actuel  de 
la  Basse-Alsace.  Il  n'est  pas  douteux,  que  le  domaine  de  la  villa  n'ait 
l'ail  partie  de  la  cité  des  Médiomatrices. 

2  Schweighaûser  et  Golbéry,  Antiquités  de  l'Alsace,  2  vol.  in-fol., 
Mulhouse,  1828.  Congrès  arch.  de  France.  Séances  générales  tenues  à 
Siras/j.  en  i85q.  Iung,  Note  sur  les  fouilles  pratiquées  à  Mackwiller, 
p.  493  sqq.  De  Ringel,  Bulletin  et  Mémoires  de  la  Soc.  pour  la  conserv. 
des  monum.  hist.  d'Alsace,  ire  série,  III  :  Bulletin,  p.  1 1 3- 1 1 7 ,  Mémoires, 
\l\i  sqq,  166  sqq.  Su  m,  ibid.,  IV,  4-  t)E  Morlet,  ibid.,  IV,  10,  33. 
-»<>■  série,  XII.  p.  44,  48,  64,  79,  87,  r32,  XV. 

(3)  Mém.  Soc.  Monum.  hist.  Alsace,  III,  p.  Ttifi. 


—  140  — 

côté  de  Test.   Le  plan  de  L'habitation  semble  avoir  eu   la 
forme  allongée  des  grandes  villas  trévires. 

Un  portique  devait,  selon  toute  vraisemblance,  déve- 
lopper sa  colonnade  en  avant  des  bâtiments.  Nous  en 
saisissons  la  trace  dans  les  deux  murs  qui  dépassent,  vers 
Test,  l'installation  des  bains.  C'est  par  cette  continuation 
de  la  galerie  que  l'on  accédait  sans  doute  aux  bains  (1). 
L'entrée  pouvait  en  être  à  peu  près  vers  le  milieu  du  bâti- 
ment dégagé.  Une  petite  salle  B  précède  deux  autres 
pièces  plus  vastes,  réunies  entre  elles  par  deux  larges 
portes.  A  droite  de  cet  espace  central,  sont  situées  deux 
autres  salles  de  dimensions  très  restreintes,  puis  la  plus 
vaste  de  tous  les  bains.  Ni  Tune,  ni  les  autres  ne  sont 
chauffées.  C'étaient,  outre  les  salles  accessoires  {vasarium, 
apodyterium,  etc.),  les  bains  froids.  Une  seule  grande 
salle  clans  toute  cette  partie  des  bains  était  construite  sur 
hypocauste.  L'un  des  côtés  s'arrondissait  à  sa  partie  cen- 
trale, pour  former  une  abside. 

Les  bains  chauds  se  trouvaient  à  l'extrémité  sud  du 
bâtiment.  Une  sorte  de  couloir,  orné  sans  doute  de  sta- 
tues dont  on  retrouve  encore  un  piédestal  en  place, 
semble  en  avoir  partagé  les  salles  en  deux  groupes.  Ce 
corridor  sous  lequel  on  ne  rencontre  pas  trace  de  piliers 
d'hypocauste,  était  sans  doute  chauffé  par  le  voisinage  du 
praefurnium,  situé  en  /?,  au  sous-sol,  et  par  le  passage 
des  conduites  qui  distribuaient  la  chaleur  dans  les  diffé- 
rentes pièces.  A  Test  du  couloir,  sont  trois  pièces  de 
petites  dimensions.  Celle  du  milieu  se  termine  d'un  côté 
par  une  abside.  La  plus  petite,  au  nord  de  celle-ci,  était 
une  sorte  de  piscine  baignoire.  Le  fond  en  mesure  lm30 
sur  0'"49.  Il  était  bordé  d'une  sorte  de  siège  large  de  0"l60. 
L'assise  supérieure  formait,  autour  de  la  salle,  un  petit 
passage  de  0ra73.  Elle  était  environ  à  Lm50  au-dessus  du 
fond  de  la  piscine  (2). 

De  l'autre  côté  du  couloir  une  vaste  salle,  également 
chauffée,  occupait  toute  la  largeur  du  bâtiment.  Elle  était 
terminée  à  l'un  de  ses  grands  côtés  par  une  abside. 


(i)  Cf.  La  même  disposition  à  Rouhling. 

(2)  Voir  une  installation  analogue  dans  les  bains  de  la  villa  de  Was- 
serliesch,  près  de  Trêves.  Jahresb.  Gesellsch.  f.  nùtzl.  Forsch.,  1857. 


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Plan  8.  —  Bains  de  la  villa  de  Mackwill 


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Cimetière 


Plan  9.  —  Situation  et  emplacement  de  la  villa  de  Mackwiller. 


—  143  — 

A  l'ouest  des  bains,  une  série  d'autres  pièces  commu- 
niquaient avec  les  deux  salles  froides  que  nous  avons 
tout  d'abord  examinées. 

Le  sol  en  était  à  un  niveau  supérieur  à  celui  de  la  col- 
line. De  solides  contreforts  soutenaient  le  mur  de  ce  côté. 
Il  en  était  de  même  d'ailleurs  pour  toute  la  partie  du  bâ- 
timent. C'étaient  sans  doute  non  plus  des  salles  de  bains, 
mais  des  appartements  de  repos.  L'une  de  ces  salles,  avec 
laquelle  communiquaient  toutes  les  autres,  ouvrait  direc- 
tement vers  l'extérieur. 

L'ensemble  des  bâtiments  découverts  occupe  une  su- 
perficie de  39m8()  de  long,  sur  33m50  de  large.  Ce  sont  à 
peu  près  les  dimensions  des  bains  de  la  villa  de  Rouhling. 

Ornementation  et  date  approximative  de  la  villa.  —  Les 
quelques  indications  données  parles  archéologues  qui  as- 
sistèrent aux  fouilles,  sur  l'ornementation  des  salles  de  la 
villa,  font  supposer  un  luxe  très  déveleppé.  Ils  parlent  non 
seulement  de  fragments  de  stucs  peints,  mais  de  nom- 
breux éclats  de  porphyre,  et  de  débris  de  plaques  de  mar- 
bre, de  différentes  couleurs.  La  villa  d'ailleurs  avait  depuis 
longtemps  été  dépouillée  de  tout  ce  que  ses  ruines  pou- 
vaient renfermer  de  plus  précieux.  Vers  le  milieu  du 
xvme  siècle,  un  prince  de  Nassau,  seigneur  du  village  de 
Mackwiller,  avait  fait  exécuter  jdes  fouilles  sur  l'emplace- 
ment de  la  villa.  Il  avait  l'espoir,  raconte  la  tradition  popu- 
laire, d'y  trouver  quelque  trésor.  Il  en  aurait  extrait  de 
nombreuses  dalles  de  marbre  et  des  mosaïques.  Le  tout 
aurait  été  transporté  au  château  de  Saarwerden  qu'il  était 
entrain  de  construire,  et  qui  futjdétruit  de  fond  en  comble, 
pendant  la  Révolution  (1).  Il  n'est  aucune  raison  de  mettre 
en  doute  ces  renseignements.  L'abondance  du  marbre  dans 
la  villa  de  Mackwiller,  et  le  luxe  de  sa  décoration  empê- 
chent de  lui  assigner  une  date  très  ancienne. 

Le  peu  qui  nous  est  dit  des  monnaies  trouvées  dans  la 
villa,  ne  permet  pas  de  préciser  la  date  de  sa  construction. 
On  aurait  trouvé  dans  un  mur,  nous  dit-on,  une  petite  cap- 
sule en  bronze,  renfermant  une  médaille  du  même  métal (2). 
Dans  les  décombres   auraient  été  ramassées  trois  autres 


(i)  Mém.  Suc  Monam.  Hist.  Alsace,  I1''  série,  III,  p.  172. 
(2)  Ibid.,  IV,  p.  10. 


—  144  — 

monnaies,  dont  une  de  Tetricus.  Aucune  indication  sup- 
plémentaire ne  nous  apprend  quelles  étaient  ces  monnaies, 
ni  ce  quelles  sont  devenues. 

Il  nous  semble  néanmoins  permis  d'affirmer  que  la 
villa  de  Mackwiller,  comme  celle  de  Rouhling,  avec 
laquelle  elle  n'est  pas  sans  analogie,  et  celle  de  Teting, 
n'est  pas  antérieure  à  la  fin  du  me  siècle,  et  dut  être 
habitée  durant  la  plus  grande  partie  du  ive  siècle.  Gomme 
le  montrent  les  débris  calcinés  que  l'on  trouve  parmi  les 
décombres,  elle  fut  incendiée,  fort  probablement,  lors  des 
invasions  barbares. 

Dépendances  de  la  villa.  —  Comme  la  villa  de  Rouh- 
ling, la  villa  de  Mackwiller  semble  avoir  été  le  centre 
autour  duquel  vivait  groupée  une  nombreuse  population. 
Les  substructions  d'époque  romaine  ne  se  rencontrent  pas 
seulement  sur  l'emplacement  qu'occupait  le  corps  de  bâti- 
ment principal  de  la  villa.  Une  grande  partie  du  village 
moderne  est  également  bâtie  sur  des  restes  de  murs  en 
moellons  et  en  briques. 

«  Ces  habitations  compactes,  dont  on  retrouve  partout 
«  la  trace,  expliquent  encore,  dit  M.  Iung,  la  découverte 
«  récente  de  tuileries  étendues  dans  les  environs  de  Mack- 
«  willer  (1)  ».  Ces  tuileries,  installées  clans  le  voisinage 
de  la  villa,  ne  pouvaient  guère  n'en  pas  dépendre,  le 
domaine  au  milieu  duquel  s'élevait  une  aussi  riche 
habitation  devait  englober  le  pays,  sur  un  assez  vaste 
rayon. 

Loin  de  faire  le  désert  autour  d'elle,  la  villa  urbana 
semble,  au  contraire,  avoir  été  l'origine  et  le  centre  d'une 
importante  colonisation.  L'exploitation  des  forêts,  la  fabri- 
cation des  briques,  se  pratiquaient  sans  doute  autour 
d'elle,  dans  les  mêmes  conditions  que  la  culture  des 
champs  dans  les  régions  plus  fertiles.  Tout  le  travail 
s'accomplissait  sous  la  surveillance  des  agents  du  maître, 
et  au  profit  du  maître  lui-même.  Colonat  industriel  et 
colonat  agricole  se  trouvaient  donc  réunis  et  confondus 
autour  des  luxueuses  habitations,  établies  dans  les  campa- 
gnes par  la  noblesse  gallo-romaine. 


(i)   Congrès  Sociétés   Arch.  de   France,  tenu   à  Strasbourg  en    /85g, 
p.498. 


—  145  — 

4°  La  villa  de  Saint-Ulrich.  —  La  villa  de  Saint-Ulrich, 
à  4  Kilom.  au  nord-ouest  de  Sarrebourg,  fouillée  en 
1894-1895,  est  la  seule  villa  de  luxe  du  pays  messin,  dont 
la  description  détaillée  et  les  plans  aient  été  publiés  jus- 
qu'à présent  (1). 

Elle  est  située  comme  toutes  les  autres  villas  romaines, 
à  mi-coteau,  entre  un  bois  qui  couronne  la  hauteur,  au 
sud,  et  un  ruisseau  qui  coule  dans  le  vallon,  au  nord.  La 
façade  de  l'habitation  est  tournée  vers  l'est.  Les  bâtiments, 
sont  étages  suivant  la  pente  naturelle  du  terrain.  Le  plan 
en  est  très  différent  de  celui  de  Rouhling.  La  villa  est 
presque  aussi  large  que  longue. ,Elle  mesure  114  mètres 
de  profondeur. 

L'habitation  est  précédée  d'une  vaste  cour,  bordée 
de  trois  côtés  par  les  bâtiments.  Un  retour  de  l'aile  sud 
ferme  en  partie  le  quatrième  côté.  On  trouve  encore  le 
long  des  bâtiments  de  belles  dalles  de  grès,  restes 
d'un  trottoir  conduisant  aux  différentes  entrées  de  l'ha- 
bitation. 

L'entrée  principale  se  trouve  au  centre  même  du  corps 
de  bâtiment  qui  fait  face  à  l'entrée  de  la  cour.  Un  large 
seuil  de  6  mètres  en  pierres  de  taille  donne  accès  à  une 
grande  salle  profonde  de  13in20  sur  12  mètres.  Les  parois 
latérales  sont  doublées  de  chaque  côté  d'un  second  mur, 
distant  d'environ  0m50.  Le  premier  mur,  sans  doute,  ne 
formait  qu'un  soubassement  destiné  à  porter  des  colonnes, 
dont  on  a  retrouvé  de  nombreux  fragments  parmi  les 
décombres.  Il  est  impossible,  en  tous  cas,  de  méconnaître 
le  caractère  somptueux  de  cette  salle,  la  plus  vaste  de 
toute  la  villa.  Elle  correspond  sans  aucun  doute  à  l'atrium 
que  nous  avons  trouvé  à  Rouhling,  et  qui  semble  n'avoir 
manqué  dans  aucune  villa  urbaine,  pas  plus  que  dans  les 
maisons  des  villes.  Il  n'est  précédé  ici  d'aucun  portique  à 
colonnade  et  ouvre  directement  sur  la  cour. 

A  l'atrium  succède  une  autre  salle  de  même  profondeur, 
mais  un  peu  plus  étroite.  De  part  et  d'autre  de  ces  salles 
d'apparat  sont  de  petits  couloirs  (3  et  5),  donnant  sur  de 

(i)  Les  fouilles  furent  exécutées  et  publiées  par  le  Dr  Wichmann,  Ann, 
Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  i8(,4,ll,  p.  3i3;  1898,  p.  171-194.  PI.  XIII-XVI, 

l899>  P-  377,  note  6. 

A.  Grenier.  Habitations  gauloises.  10 


—  146  — 

petites  cours  intérieures  (21  et  15),  autour  desquelles  sont 
groupés  divers  appartements.  Tout  ce  corps  de  bâtiment, 
devait  avoir  au  inoins  un  étage,  comme  semblent  l'indi- 
quer deux  petites  constructions  (22  et  16)  élevées  dans  un 
coin  des  petites  cours  intérieures,  et  qui  semblent  avoir  été 
destinées  à  former  cage  d'escalier. 

Derrière  ce  premier  corps  de  bâtiment,  s'ouvre  une  large 
cour  rectangulaire  de  28m40  de  long  sur  27m20  de  large, 
les  quatre  côtés  en  sont  bordés  d'un  portique,  large  de 
3m60.  C'est  le  péristyle.  La  place  qu'il  occupe  dans  l'en- 
semble des  bâtiments,  et  son  aménagement  rappellent 
absolument  le  péristyle  des  riches  maisons  urbaines.  La 
galerie  qui  en  l'ait  le  tour  était  couverte.  Cinquante  colon- 
nes en  soutenaient  le  toit.  On  a  retrouvé,  encore  en  place, 
la  base  de  la  première  à  partir  de  l'angle  sud-est.  Une 
colonne  également  s'est' retrouvée,  intacte.  Elle  se  com- 
pose de  deux  parties,  l'une  comprenant  la  base,  l'autre,  le 
chapiteau,  et  mesure  deux  mètres  de  hauteur.  La  base  a 
0m50  de  côté,  l'abaque  0m40,  le  lut  légèrement  renflé  au 
centre,  0m38  de  diamètre  moyen.  Un  filet  et  deux  gorges 
ornent  seuls  la  base  et  forment  le  chapiteau;  c'est  la  co- 
lonne toscane  dans  toute  sa  simplicité. 

A  l'ouest  du  portique,  un  énorme  bloc  de  grès,  sans 
doute  le  soubassement  d'un  pilier,  ouvre  un  large  pas- 
sage de  10m50.  Un  escalier  monumental  devait  de  là  des- 
cendre vers  les  jardins  de  la  villa  (1). 

La  galerie  dont  nous  avons  constaté  l'absence  en  avant 
des  bâtiments  de  la  villa,  est  largement  suppléée  par  le 
portique  qui  entoure  le  péristyle  d'abord,  puis  par  deux 
autres  portiques  qui,  au  nord  et  au  sud,  longent  cette  par- 
tie de  l'habitation.  Dix  salles  symétriques  prenant  jour 
vraisemblablement  à  la  fois  sur  le  péristyle  et  les  porti- 
ques extérieurs  sont  ménagées  entre  eux.  La  galerie 
située  au  midi  ouvre  sur  la  hauteur,  aujourd'hui  extrême- 
ment boisée.  Celle  du  nord  domine  de  plusieurs  mètres 
les  bâtiments  des  bains  qui  s'étagent  au-dessous  d'elle, 
puis    toute  la  vallée.  Les  murs  extérieurs  de  ces  portiques 


(i)  Pline,  Epist.,  V,  6.  An  te  porticum  xystus,  in  plurimas  species 
distinctus  concisusque  buxo.  Cf.  également  une  villa  des  environs  de 
Pompeï.  Overbeck'i-Mau,  Pompeï,  p.  ^70. 


(Annuaire  c/e  A3  Socééé  c/'/A'sto're  e{  Arc/ieo/oo,e  lorraine  78çâ) 


Plan  10.    —  Villa  de  Saint-Ulrich 


fcAe//e        1 

1000 


—  149  — 

ne  formaient  qu'un  soubassement  destiné  à  porter  des 
colonnes,  comme  l'indiquent  une  ou  deux  belles  dalles 
que  l'on  trouve  encore  encastrées  à  leur  partie  supé- 
rieure. 

Ces  portiques,  se  continuant  tout  le  long  des  bâtiments 
de  la  villa  et  de  la  cour  antérieure,  formaient  les  ailes 
de  l'habitation. 

A  l'aile  sud,  une  légère  différence  de  niveau  entre  la 
partie  est  et  la  partie  ouest  des  bâtiments,  est  compensée 
par  quelques  degrés  placés  entre  les  salles  40  et  43.  Le 
couloir  ne  s'en  poursuit  pas  moins  jusqu'à  une  petite 
entrée,  placée  à  l'angle  sud-ouest  de  la  cour  qui  précède 
la  villa.  Les  plus  grandes  des  salles  ménagées  de  ce  côté 
sont  terminées  par  deux  absides  avançant  vers  le  sud.  La 
première  de  ces  deux  salles  (44)  est  bordée  de  deux  côtés 
par  de  petites  constructions,  des  tribunes,  pourrait-on 
croire,  dont  le  sol,  au  même  niveau  que  celui  de  l'abside, 
esta  lm40  au-dessus  de  celui  de  la  salle.  De  nombreux 
débris  de  colonnes  se  trouvent  parmi  les  décombres;  le 
ciment  du  sol,  et  l'enduit  des  murs  sont  d'une  finesse 
toute  particulière. 

Quant  à  la  seconde  (50),  elle  n'était  formée  que  d'un 
vaste  demi-cercle,  qui  de  tous  les  côtés,  devait  être  baigné 
de  soleil.  Elle  était  en  outre  munie  d'un  hypocauste.  Les 
appartements  ainsi  exposés  au  sud,  ne  pouvaient  être  que 
des  appartements  d'hiver. 

L'aile  nord  est  formée  de  deux  séries  de  pièces  dont 
les  unes  vont  s'élargissanl,  tandis  que  les  autres  se  rétré- 
cissent. Elles  n'offrent  d'ailleurs  de  remarquable  que 
cette  régularité  dans  l'asymétrie. 

Cette  disposition  ne  semble  du  reste  dater  que  d'un 
remaniement  de  cette  partie  de  l'habitation.  Des  subs- 
tructions  retrouvées  sous  le  ciment  de  la  salle  65,  mon- 
trent en  effet,  qu'un  autre  plan  avait  été  suivi  tout 
d'abord. 

Les  fondations  de  ce  premier  mur  se  trouvent  à  2m54 
au-dessous  du  sol  des  appartements.  Toute  la  partie  nord 
de  la  villa,  sans  être  au  même  niveau  que  la  partie  sud, 
est  néanmoins  à  plus  de  deux  mètres  au-dessus  du  sol 
naturel.  L'aile  nord  est  établie  sur  un  remblai  fait  de 
décombres  d'anciennes    constructions.    Le    sous-sol    de 


—  150  — 

l'espace  68  est  occupé  par  des  communs.  Les  salles  8,  9, 
10,  11  et  12  sont  des  caves;  le  rez-de-chaussée  a  disparu. 
La  partie  nord  du  portique  (27')  est  également  construite 
sur  caves.  Une  lucarne  dans  le  mur  de  il,  qui  donne  sur 
le  passage  de  12,  semble  bien  prouver  que  c'étaient  là 
des  caves  véritables,  et  non  pas  seulement  les  restes  d'une 
période  de  construction  plus  ancienne.  L'aile  nord,  dont 
le  plan  diffère  si  complètement  de  celui  de  l'aile  sud,  est 
donc  la  seule  partie  de  la  villa  pour  laquelle  on  ait  la  preuve 
certaine  de  remaniements.  Aucun  indice  ne  permet  de 
supposer  que,  pour  le  reste  de  la  villa,  les  substructions, 
telles  que  nous  les  retrouvons  aujourd'hui,  ne  nous  dessi- 
nent pas  le  plan  primitif. 

Les  bains.  —  Un  second  groupe  de  bâtiments  continue 
l'habitation  vers  le  nord.  Les  constructions  en  sont  dis- 
tribuées autour  d'une  cour  carrée  de  19'mètres  de  côté. 
Le  portique  nord  domine  cette  cour.  L'étage  inférieur  du 
portique  est  de  plein  pied  avec  elle;  il  contenait  des  cel- 
liers, salles  de  provisions,  etc.,  comme  le  prouvent  les 
nombreux  tessons  de  vases  trouvés  en  cet  endroit. 

Les  salles  qui  bordent  la  cour  des  trois  autres  côtés 
sont  au  nombre  de  plus  de  quarante;  elles  n'ont  pour  la 
plupart  que  des  dimensions  fort  restreintes.  Les  petites 
pièces  situées  à  l'est  de  la  cour  pouvaient  être  des  loge- 
ments d'esclaves.  Plus  au  nord  s'étend  une  seconde  cour, 
à  l'est  de  laquelle  se  reconnaît  un  premier  établissement 
de  bains,  composé  simplement  de  trois  ou  quatre  salles. 

La  plus  caractéristique  est  en  forme  de  rotonde,  garnie 
à  chaque  coin  de  petites  niches  circulaires.  C'était  sans 
doute  un  frigidarium.  Il  s'en  rencontre  de  forme  analogue 
dans  chacun  des  trois  bains  publics  de  Pompeï.  Le  pour- 
tour de  la  salle,  seulement,  se  trouve  cimenté  sur  une  lar- 
geur d'environ  un  mètre.  Le  centre  plus  profond  formait 
sans  doute  piscine.  Dans  une  salle  voisine  (83)  se  sont 
retrouvés  les  débris  d'un  labrum  en  marbre  grisâtre. 
Cette  installation  de  bains,  assez  sommaire,  était  peut  être 
réservée  au  personnel  servile  de  la  maison. 

D'autres  bains,  beaucoup  plus  amples,  et  dontonn'a  d'ail- 
leurs retrouvé  qu'une  partie,  étaient  situés  à  l'ouest  de  la 
cour.  Une  galerie  (67)  les  met  en  communication  directe 
avec  le  portique  nord.  On  y  reconnaît  comme   dans   tous 


—  151  — 

les  bains  de  nombreuses  salles  à  absides,  plusieurs  hypo- 
eaustes,  mais  pas  de  piscines  comme  nous  en  avons  trou- 
vées à  Rouhling.  L'installation  est  cependant  tout  aussi 
luxueuse  et  beaucoup  plus  vaste,  puisqu'elle  se  développe 
sur  plus  de  40  mètres  de  largeur  et  au  moins  50  de  long. 
Elle  est  tout  à  fait  en  rapport  avec  l'étendue  considérable 
des  bâtiments  de  la  villa. 

Nous  nous  abstiendrons  d'essayer  une  description  détail- 
lée de  ces  bains.  Le  plan  en  est  d'autant  plus  confus,  que 
sous  le  ciment  des  salles,  et  les  piliers  des  hypocaustes, 
se  retrouvent  d'autres  murs  encore  et  les  restes  d'autres 
bvpocaustes;  le  tout  comblé  de  décombres  et  recouvert 
de  nouvelles  voûtes.  Ce  sont  les  restes  d'une  plus 
ancienne  installation  de  bains,  établie,  au  même  endroit, 
sur  un  plan  différent,  et  à  un  niveau  inférieur  de  près 
de  2  mètres.  Cette  surélévation  des  bains  doit  dater  de  la 
même  époque  que  celle  de  l'aile  nord  de  la  villa.  Toute 
cette  partie  nord  des  bâtiments  semble  d'ailleurs  faire 
corps  ensemble.  Elle  remplace  des  constructions  plus 
anciennes,  établies  directement  sur  le  sol  de  la  colline. 
Ces  constructions  devaient  avoir  sensiblement  le  même 
développement,  et  à  peu  près  la  même  configuration,  sinon 
absolument  le  même  plan  que  celles  qui  les  ont  recou- 
vertes. On  ne  trouve  dans  les  décombres  qui  forment  rem- 
blais, aucune  trace  d'incendie.  Elles  semblent  donc  ne 
représenter  qu'un  remaniement  partiel  et  peu  important 
des  bâtiments  de  la  villa. 

Les  dépendances  de  la  villa.  —  Une  villa  rustica  indé- 
pendante était  située  dans  le  voisinage  immédiat  de  l'habi- 
tation du  maître. 

Un  mur  partant  de  l'angle  nord  et  des  bains  allait,  sui- 
vant toute  apparence,  aboutir  à  son  extrémité  sud,  et  la 
joignait  à  la  villa  urbana. 

Cet  établissement,  construit  avec  le  même  soin  que  les 
autres  bâtiments  de  la  villa,  formait  un  grand  rectangle, 
ouvert  largement  vers  le  sud.  Sur  une  première  cour 
large  de  24ni60,  longue  de  I7m40,  donnaient  plusieurs 
pièces  de  grandes  dimensions.  Ce  n'étaient  pas,  semble- 
t-il,  des  appartements  d'habitation.  Les  esclaves  agricoles 
devaient  être  logés  ailleurs.  Dans  la  villa  rustica  ne  se 
trouvaient    que    les     granges,    hangars,    pressoirs,    gre- 


—  152  — 

niers,  etc.  Une  seconde  cour  placée  derrière  la  première 
ne  communiquait  avec  elle  que  par  une  ouverture  assez 
étroite.  De  part  et  d'autre  sont  deux  très  grandes  salles, 
qui  ne  peuvent  avoir  été  que  de  vastes  écuries.  On  peut 
se  demander  si  nous  trouvons  là  les  restes  d'une  exploi- 
tation agricole  destinée  à  la  mise  en  valeur  du  domaine,  ou 
seulement  les  communs  d'une  riche  maison  d'habitation 
rurale.  Ce  bâtiment  ne  devait  pas  constituer,  d'ailleurs, 
les  seules  dépendances  de  la  villa  de  Saint-Ulrich.  On 
a  reconnu,  à  environ  300  mètres,  vers  l'est,  les  ciments 
et  les  fondations  d'autres  constructions  d'époque  ro- 
maine. Ces  ruines  n'ont  pu  être  fouillées.  On  ne  saurait 
en  préciser  le  caractère.  D'après  le  dire  des  habitants  du 
pays,  les  tuiles  romaines  et  les  débris  de  murs  abonde- 
raient également  dans  les  champs  situés  à  l'ouest  de  la 
villa.  C'étaient  là,  sans  doute,  les  habitations  des  colons 
qui  cultivaient  le  domaine.  Elles  étaient  établies  légère- 
ment à  l'écart  de  la  villa  urbaine. 

Plus  vaste  que  la  villa  de  Rouhling,  celle  de  Saint-Ulrich 
montre  encore  plus  nettement  le  caractère  d'habitation  de 
luxe.  Elle  est  avant  tout  la  demeure  suburbaine  de  quel- 
que  très  riche  habitant  du  pays  des  Médiomatrices.  On 
n'en  retrouve  pas  moins  dans  son  voisinage  les  traces  'ré- 
tablissements agricoles.  L'utile,  dans  ces  villas,  ne  se  sé- 
parait jamais  de  l'agréable.  Les  villas  de  plaisance  de 
l'aristocratie  gallo-romaine  sont  uniformément  des  centres 
de  colonisation  autour  desquels  est  venue  se  grouper  la 
population  rurale. 

Architecture  et  décoration  intérieure  de  la  villa.  —  Le  plan 
de  la  villa  de  Saint  Ulrich  est  très  différent  de  celui  de  la 
villa  de  Rouhling.  On  ne  lui  trouve  pas  d'analogue  dans 
la  région  trévire,  où  nous  avons  rencontré,  en  si  grand  nom- 
bre, des  villas  du  même  type  que  celle  de  Rouhling.  La 
configuration  du  terrain  est  cependant  sensiblement  la 
même  à  Saint-Ulrich  qu'aux  autres  endroits  où  se  sont 
élevées  des  habitations  du  même  genre.  La  pente  n'en  est 
pas  plus  accentuée.  Il  ne  faut  donc  pas  voir,  dans  la  dispo- 
sition toute  particulière  des  bâtiments,  un  artifice  de  l'ar- 
chitecte pour  tourner  la  difficulté  que  présentaient  les  dif- 
férences de  niveau,  mais  bien  l'application  d'un  autre 
mode  d'architecture. 


—  153  — 

Les  constructions  ne  sont  pas  disposées  en  longueur 
mais  s'étendent  à  peu  près  également  dans  les  deux  di- 
mensions. Elles  sont  beaucoup  moins  resserrées.  De  vastes 
espaces  libres,  des  cours  de  toutes  dimensions  et  en 
grand  nombre,  (on  en  trouve  au  moins  7)  sont  ménagées 
au  milieu  des  bâtiments.  Les  appartements,  au  lieu  d'être 
distribués  le  long  d'une  galerie  qui  borde  la  façade  de  la 
villa,  ou  même  en  fait  complètement  le  tour,  comme  à 
Nennig,  sont  répartis  autour  de  ces  cours  intérieures.  C'est 
là  un  principe  de  construction  qui  semble  général  à  Saint- 
Ulrich.  C'est  précisément  celui  que  l'on  trouve,  dès  les 
temps  les  plus  reculés  dans  les  pays  classiques,  à  Rome 
aussi  bien  qu'en  Grèce.  Il  a  persisté  dans  les  villas  urbai- 
nes, aussi  bien  que  dans  les  maisons  des  villes,  en  Italie. 
Ce  plan  semble  tout  particulièrement  approprié  aux  pays 
très  chauds.  La  cour,  enfermée  entre  les  bâtiments  est  un 
centre  de  fraîcheur.  On  comprend  donc  la  raison  qui  en  a 
amené  l'abandon  dans  le  pays  trévire,  et  a  remplacé  le 
péristyle  par  la  galerie  antérieure,  qui  offre  au  soleil  une 
surface  beaucoup  plus  grande,  et  protège  en  même  temps 
l'habitation  contre  les  intempéries.  Il  semble  done  que  le 
plan  de  la  villa  de  Saint-Ulrich  reproduise,  d'une  manière 
tout  particulièrement  exacte,  le  mode  de  construction  usité 
en  Italie,  avant  qu'il  ne  se  soit  pour  ainsi  dire  acclimaté,  et 
que  l'expérience  n'ait  appris  à.  le  modifier  suivant  les  exi- 
gences de  la  température  rigoureuse  des  pays  du   nord. 

En  comparant  même  les  plus  grandes  parmi  les  villas  du 
nord-est  de  la  Gaule,  et  en  particulier  celles  du  pays  trévire, 
aux  descriptions  que  nous  ont  laissées  les  auteurs  anciens 
des  maisons  de  campagne  d'Italie,  on  constate  que  le  plan 
en  est  généralement  réduit  et  très  simplifié.  La  maison  de 
campagne,  dans  ces  pays  froids,  n'était  un  séjour  agréable 
que  pendant  une  petite  partie  de  l'année.  Les  bâtiments 
en  étaient  donc  restreints  aux  parties  qui  semblaient  indis- 
pensables pour  une  courte  villégiature.  A  Saint-Ulrich,  au 
contraire,  nous  avons  trouvé  rassemblés  tous  les  éléments 
d'une  grande  villa  de  luxe  :  le  cavaedium  somptueux,  tenant 
lieu  d'atrium,  salle  d'apparat,  isolée  au  milieu  de  l'habi- 
tation, et  qui  ne  sert  pas  à  en  faire  communiquer  les 
différentes  parties  ;  elle  est,  en  effet,  flanquée  de  deux 
petits  corridors  ;  le  péristyle  entouré  d'un  portique  et  de 


—  154  — 

triclinia  d'où  la  vue  donne  sur  la  campagne,  à  travers 
d'autres  portiques  (1)  :  enfin  ce  genre  de  construction  dont 
Pline  vante  tant  le  charme  et  qu'il  nomme  cryptoporticus. 
C'était,  semble-t-il,  une  galerie,  qui  continuait  l'habitation 
au  milieu  des  jardins,  où  elle  s'avançait  comme  une  jetée 
dans  la  mer.  Elle  recevait  ainsi  le  soleil  tout  le  Ions;  du 
jour  ;  la  réverbération  en  augmentait  encore  la  chaleur  (2). 
Pour  l'été,  l'étage  inférieur,  presque  souterrain,  offrait 
une  promenade  à  la  fois  fraîche  et  sombre  (3).  Le  crypto- 
portique est,  à  Saint-Ulrich,  rejeté  sur  les  côtés  de 
l'habitation.  Nous  trouvons  le  cryptoportique  d'hiver  au 
sud,  le  portique  d'été  au  nord. 

Toute  cette  complexité  de  l'architecture  rappelle  de  très 
près  les  luxueuses  villas  de  l'Italie  et  des  régions  méri- 
dionales de  la  Gaule,  où  les  raffinements  de  la  civilisation 
latine  pénétrèrent  bien  avant  d'être  connus  à  Trêves.  C'est 
donc  directement,  et  non  plus  par  l'intermédiaire  des 
modèles  trévires,  que  l'influence  latine  semble  s'être 
exercée  sur  le  plan  de  la  villa  de  Saint-Ulrich.  Nous  ne 
trouvons  plus  dans  son  architecture,  comme  dans  celle  de 
la  villa  de  Rouhling,  aucune  raison  de  reporter  la  date  de 
sa  construction  vers  la  fin  du  ine  siècle. 

La  décoration  intérieure  de  la  villa  de  Saint-Ulrich 
semble  également  lui  assigner  une  date  plus  ancienne 
qu'à  la  plupart  des  villas  du  pays  de  Trêves. 

La  simplicité  de  la  colonne  toscane,  trouvée  dans  le 
péristyle  indique  un  goût  très  sobre.  Nulle  part  on  n'a  ren- 
contré dans  la  villa  la  trace  de  marbres  de  couleur,  de 
porphyre,  de  syénite,  dont  on  trouve  une  telle  profusion 
dans  les  villas  trévires,  et  qui  ne  manquent  pas  à  Rouh- 
ling. Dans  les  bains  seulement  (salle  89)  on  a  ramassé  des 

(r)  Pline,  Epist.,  V,  6,29.  In  média  (porticu)  triclinium  saluberrimum 
afflatum  ex  Appenninis  vallibusrecipit,  posl  latissimis  fenestrisvineas, 
v.ilvis  aeq.ue  vineas,sed  per  cryptoporticum,  quasi  admittit. 

(2)  Pline,  Epist.,  II,  17,16.  Hinc  cryptoporticus  prope  publici  operïs 
extenditur.  Utrinque  fenestrae,  a  mari  plures,  al»  horto  pauciores,  sed 
altérais  singulse.  Hae,  cum  serenus  dies  et  immotus,  omnes,  cum  hinc 

vel  inde  venins  inquietus,  qua  venti   quiescunl  sine   injuria  paient 

Teporem  solis  infusi  repercussu  cryptoporticus  auget... 

(3)  Pline,  Epist. ,  V,  6,3o.  Sulicst  cryptoporticus,  subterraneœ  similis, 
sestate incluso  frigore  riget,  contentaque  aère  suo  oec  desideral  auras 
mit  admittit. 


—  155  — 

fragments  de  dalles  en  marbre  blanc.  Nous  avons  vu  que 
la  reconstruction  des  bains  est  de  date  postérieure  au 
reste  de  la  villa.  Le  marbre  avait  dû  être  amené  en  gros 
blocs,  et  travaillé  sur  place.  On  en  a,  en  effet,  retrouvé 
dans  la  cour  90,  deux  blocs  bruts,  destinés  évidemment  à 
être  débités  en  dalles. 

Dans  toutes  les  autres  pièces,  où  l'on  a  pu  retrouver  le 
sol  intact,  il  était  simplement  recouvert  de  ciment. 

Les  parois  étaient  revêtues  de  stuc  peint.  Quelques 
fragments  de  stuc  étaient  encore  en  place  au  bas  des  murs 
du  portique  sud  et  de  la  salle  40.  D'autres  gisaient  pêle- 
mêle  parmi  le  remblai  sur  lequel  est  bâtie  l'aile  nord.  Ils 
provenaient  évidemment  des  premiers  bâtiments  qui  for- 
maient cette  aile.  Les  uns  et  les  autres  datent  donc  de  la 
première  période  de  construction  de  la  villa.  D'autres  frag- 
ments, datant  cette  fois  de  la  deuxième  période,  ont  été 
retrouvés  dans  les  bains. 

Le  revêtement  de  la  paroi  nord  de  la  salle  40  était  en 
particulièrement  bon  état  de  conservation.  11  mesure 
encore  en  certains  endroits  près  de  un  mètre  de  haut. 

La  hauteur  totale  du  mur  devait  être,  suivant  la  règle 
générale,  divisée  en  trois  parties.  En  bas  une  sorte  de 
plinthe  ou  de  socle,  simplement  figuré  en  couleur,  puis 
le  corps  du  mur,  enfin,  à  peu  près,  aux  trois  quarts  de  la 
hauteur,  une  sorte  de  frise  couronnait  la  paroi  (1).  Nous 
retrouvons  le  socle,  haut  de  0in60,  et  une  petite  partie  de 
la  décoration  qui  le  surmontait.  Ce  socle  est  bordé  en  bas 
d'une  bande  rouge-clair  en  haut  cette  bande,  moitié  moins 
large,  est  doublée  d'un  trait  rouge-brun.  Il  est  divisé  en 
longs  panneaux  noirs,  coupés  de  diagonales  jaunes,  et 
alternant  avec  de  courts  panneaux  rouges.  Les  comparti- 
ments rouges  passent  sur  la  bordure  supérieure  du  socle, 
et  se  continuant  sur  la  surface  du  mur,  séparent  entre  eux 
les  grands  panneaux  jaunes  disposés  au-dessus  des  com- 
partiments noirs.  Ces  sortes  de  pilastres  rouges  étaient 
semés  de  palmettes  vertes.  Nous  n'avons  conservé  aucune 
trace  des  motifs  qui  pouvaient  orner  les  grandes  surfaces 
jaunes. 

(i )  Hettner,  Frescomalerei  im  Rheinlande.  Bonn.  Ja/irh.,  62,  p.  64, 
sqq.  Cf.  également  Overbeck4-Mau,  Pompeï,  Helbig,  Wandgemalde, 
passim, 


—  156  — 

Les  fragments  de  stuc  retrouvés  sous  l'aile  nord  por- 
leni  des  palmettes  vertes  sur  fond  rouge,  et  devaient 
appartenir  à  une  décoration  très  semblable  à  celle  que 
nous  venons  de  décrire.  Ces  motifs  se  répétaient  indéfi- 
niment sur  toute  la  surface  du  mur  nord  du  portique  39. 
Cette  ornementation  un  peu  monotone  devait  être  égale- 
ment celle  de  l'aile  nord  primitive. 

Les  fragments  de  stuc  peint  trouvés  dans  les  bains 
appartiennent  à  la  salle  89.  En  certains  endroits,  le  mur 
se  trouve  encore  revêtu  de  son  enduit  jusqu'à  une  hauteur 
de  lm7().  Cet  enduit  est  d'une  finesse  et  d'un  poli  supé- 
rieur à  celui  des  stucs  de  la  première  période.  Les  parties 
dég-affées  sont  blanches.  Seule  une  bordure  d'un  noir  très 
brillant,  courant  à  0m57  au-dessus  du  sol,  dessine  une  sorte 
de  plinthe.  Parmi  les  décombres  se  sont  trouvés,  il  est  vrai, 
de  nombreux  débris  colorés.  Quelques-uns  portaient  des 
fragments  de  plantes  vertes  ressemblant  à  des  roseaux. 
Le  caractère  très  particulier  de  cette  décoration  pouvait 
tenir  d'ailleurs  à  la  destination  de  cette  salle,  bien  plutôt 
qu'à  une  modification  survenue  dans  le  style  des  pein- 
tures. 

Ce  sont  absolument  les  mêmes  couleurs,  le  jaune,  le 
rouge,  le  noiret  le  vert,  que  nous  trouvons  employées  à 
Pompéï,  dans  des  peintures  de  même  style.  Les  décora- 
tions murales  sont  également  fort  peu  différentes  dans  les 
villas  trévires  de  la  fin  du  me  siècle,  le  style  des  peintu- 
res pariétales  semble  n'avoir  pour  ainsi  dire  pas  varié  du 
icl  au  ine  siècle,  de  la  Campanie  à  l'est  de  la  Gaule. 

Les  quelques  différences  que  nous  pouvons  noter  entre 
les  décorations  murales  de  la  villa  de  Saint-Ulrich  et  les 
peintures  qui  ont  été  le  plus  précisément  décrites  des 
villas  trévires,  semblent  tellement  minimes  que  l'on  hésite 
à  leur  attribuer  quelque  signification.  Il  est  vrai  qu'elles 
ne  sont  guère  plus  considérables,  entre  certaines  fresques 
de  Pompeï  et  celles  de  Saint-Ulrich,  entre  lesquelles 
on  est  en  droit  de  supposer  des  siècles  de  distance. 

A  Raversbeuren  (1),  le  portique  nord  était  décoré  de 
panneaux  rouges,  séparés  par  de  larges  bordures  blan- 
ches. Ce  sont  également  des  lignes  blanches  doublées  de 

(i)  Bonn.  Jahrb.,  6i,  p.  128  sqq. 


—  157  — 

lignes  rouge-vif  qui  séparent  à  Euren  (1)  les  comparti- 
ments alternativement  rouge-clair  et  rouge-foncé,  qui 
occupent  la  surface  des  murs.  Le  jaune  et  le  noir,  si  fré- 
quents à  Pompeï  et  à  Saint-Ulrich,  ont  disparu.  C'est  le 
rouge  qui  domine  et  remplit  les  plus  larges  panneaux,  le 
blanc  s'est  substitué  au  noir  dans  l'office  de  bordure.  La 
tonalité  générale  de  la  décoration,  est,  on  le  voit,  entiè- 
rement modifiée. 

Le  jaune  et  le  noir  apparaissent  il  est  vrai  à  Nennig  (2). 
Les  appartements  du  sud  de  la  villa  sont  décorés  de  larges 
panneaux  jaunes,  au  milieu  desquels  sont  peintes,  sur 
fond  vert,  de  petites  urnes  brunes.  Une  bordure  rouge 
ornée  des  mêmes  tiges  de  roseau  vertes,  que  l'on  retrouve 
dans  les  bains  de  Saint-Ulrich,  sépare  ces  panneaux  entre 
eux. 

L'ornementation  des  murs  de  la  grande  salle  d'apparat 
qui  occupe  le  centre  de  la  villa  était  plus  compliquée.  Au- 
dessus  d'une  plinthe  jaune,  bordée  par  une  ligne  blanche 
et  rouge,  s'étend  une  large  frise  verte,  où  sont  représentés 
en  brun,  des  dauphins  et  des  plantes  aquatiques.  Des  pan- 
neaux rouge-vif,  agrémentés  de  dessins  géométriques 
jaunes  et  de  plantes  stylisées  vertes,  occupent  le  milieu 
du  mur.  Ils  sont  séparés  par  de  larges  bandes  noir-poli. 
Les  couleurs  sont  beaucoup  plus  nombreuses,  et  les  des- 
sins infiniment  plus  compliqués.  Ce  n'est  plus  seulement 
la  tonalité  des  fresques,  c'en  est  le  style  même  qui  dif- 
fère (3). 

Peut  être  la  rencontre,  à  Nennig,  des  mêmes  tiges  de 
roseau,    vertes   sur  fond   rouge,   qu'aux   bains  de    Saint- 

(i)  Jalwesberichte  il.    Gesellsch.  f.   riùtzl.   Forsch.,   i854,  p.  55  sqq; 
1872-73,  p.  35  sqq. 

(2)  Wilmowsky,  Die  r'mische  Villa  su  Nennig,  1868. 

(3)  Dans  le  cours  du  iv»  siècle,  les  motifs  de  décoration  figurée,  la 
représentation  d'animaux  réels,  et  non  plus  de  dauphins  stylisés,  des 
scènes  de  genre,  des  paysages,  des  ornementations  d'ordre  architecto- 
nique  se  substituent  à  la  large  peinture  décorative.  Des  teintes  indécises 
plus  ternes  remplacent  les  couleurs  vives  empruntées  aux  fresques  ita- 
liennes. Le  dessin  s'écarte  de  plus  en  plus  de  la  précision  et  de  la  netteté 
classique.  Cf.  Wilmowsky,  Jahresberichte  il.  Gesellsch.  f.  n'ùtz.  Forsch. } 
1868,  p.  56  sqq.  Hettner,  Bonn.  Juhrb.,  O2,  p.  04  sqq.  Ausone,  IdylleVI, 
décrit  une  scène  de  genre  représentée  sur  les  murs  d'une  maison 
trévire. 


—  158  — 

Ulrich,  peut-elle  servir  d'indication  :  les  bains  auraient  été 
reconstruits  à  Saint-Ulrich  à  l'époque  même  où  s'élevaient 
les  plus  belles  villas  du  pays  trévire.  Le  reste  de  la  villa 
serait  donc  antérieur.  C'est  aussi  d'ailleurs  ce  que  semble- 
raient indiquer  les  couleurs  plus  vives  et  les  motifs  plus 
simples  qui  décorent  les  murs  datant  de  la  première 
période  de  construction. 

Pour  la  décoration  murale,  comme  pour  l'entente  géné- 
rale du  plan,  la  villa  de  Saint-Ulrich  semble  plus  an- 
cienne que  les  grandes  villas  du  pays  trévire.  Elle  se  rap- 
proche davantage  des  villas  d'Italie  et  du  sud  de  la  Gaule.' 

Trouvailles  particulières  et  date  approximative  de  la 
villa.  —  Les  trouvailles  particulières  pouvant  nous  per- 
mettre de  préciser  ces  données  sont  demeurées  fort  rares 
à  Saint-Ulrich.  On  peut  s'étonner  qu'un  espace  aussi  vaste, 
si  consciencieusement  fouillé  n'ait  guère  fourni  que  quel- 
ques tessons  et  débris  de  fer  sans  valeur  (1).  On  n'en 
saurait  conclure  néanmoins  que  la  villa  avait  dû  être  aban- 
donnée quelque  temps  avant  sa  destruction. 

Quatre  monnaies  seulement  ont  été  trouvées  : 

1°  Tetrieus  I.  Revers  :  tête  féminine. 

2°  Tetrieus  II.  G.  Pin  Esu  Tetrieus  Caesar.  Rev.  :  Pax. 
Aug.  (2). 

3°  Imp.  G.  Diocletianus.  p.  f.  aug.  Rev.  :  Genio  popidi 
romani  (3). 

4°  Monnaie  de  Constantin.  LTrbs  Roma.  Rev.  :  Louve, 
TRP. 

Ces  monnaies  sont  précisément  de  celles  qui  se  rencon- 
trent le  plus  couramment  en  Gaule.  Nous  n'en  pouvons 
tirer  grand  renseignement  sur  la  date  de  construction  de 
la  villa.  Elles  nous  apprennent  seulement  que  la  villa  sub- 
sista jusqu'à  l'époque  de  Constantin.  Le  caractère  du  plan 
et  de  la  décoration  intérieure  semblent  la  dater  d'au  moins 
cinquante  ans  auparavant,  c'est-à-dire,  environ  de  la  pre- 
mière moitié  du  nie  siècle.  Elle  aurait  donc  traversé  les 

(i)  La  raison  de  cette  pauvreté  est  simplement  que  M.  le  Dr  Wich- 
mann,  si  m  lira  ni,  n'a  |>u  assister  personnellement  aux  fouilles  qu'il  avait 
entreprises.  La  plupart  des  objets,  ou  bien  n'ont  pas  été  recueillis,  ou 
bien  ont  disparu. 

(a)  Cohen,  \\\. 

(3)  Ibid.,  toi. 


—  159  — 

premières  invasions  barbares  et  tous  les  troubles  qui 
marquèrent  en  Gaule  la  fin  du  IIIe  siècle.  C'est  peut-être 
des  dommages  subis  à  cette  époque  que  la  reconstruction 
des  bains  et  d'une  partie  de  la  villa  nous  conserve  la  trace. 


5°  La  Villa  de  Teting(5  Kilom.  nord-est  de  Faulquemont). 
—  Les  fouilles  de  la  villa  de  Teting  remontent  à  1882. 
Elles  ont  duré  une  dizaine  d'années,  sous  la  direction  de 
l'architecte  Tornow.  On  en  attend  toujours  la  publica- 
tion (1).  Le  plan  le  plus  complet  a  été  donné  par  M.  le  Dr 
Wichmann  à  la  suite  de  la  publication  de  ses  fouilles  de 
Saint-Ulrich  (2). 

Cette  villa  est  une  des  plus  vastes  qui  aient  été  décou- 
vertes en  deçà  des  Alpes.  Les  constructions  s'étendent 
sur  une  longueur  de  plus  de  170  mètres.  Elles  mesurent 
plus  de  140  mètres  de  large.  Et  encore  n'a-t-on  atteint 
l'extrémité  d'aucun  des  corps  de  bâtiment  dont  elles  se 
composent. 

La  façade  de  la   villa   est  tournée  vers   le  Sud-est.    En 

ù 

avant  s'étend  une  vaste  cour,  large  de  88  mètres,  longue 
de  60,  bordée  à  l'est  et  à  l'ouest,  par  deux  ailes  avan- 
çantes. La  partie  centrale  des  bâtiments  dessine  un  arc 
de  circonférence  concave  ;  la  corde  en  mesure  44  mètres, 
exactement  la  moitié  de  la  largeur  totale  de  la  cour.  Cette 
construction  demi-circulaire  forme  une  grande  galerie, 
large  de  4  mètres  environ.  De  part  et  d'autre  de  l'entrée, 
un  second  mur  double  le  mur  extérieur  ;  il  devait  soutenir 
en  avant  de  la  colonnade,  une  terrasse,  large  de  2m50  et 
qui  bordait  tout  le  pourtour  de  la  galerie. 

A  chacune  des  extrémités  de  ce  double  portique  s'avan- 
cent sur  la  cour  deux  salles  en  demi-cercle,  larges  res- 


(i)  Très  court  compte  rendu.  Vierter  Jahresberîcht  des  Vereins.  f. 
Erdkunde  ci/  Metz.,  [882,  p.  3i.  Cf.  Prost,  Bulletin  Soc.  Antiquaires, 
i883,  p.  123-125.  Abel,  Mém.  Soc.  Arch.  et  Hist.  Moselle,  XVIII,  p.  n5. 
Correspb.  Westd.  Zeitsch.,  I,  n"s   '.'>.  2o3,  278. 

(2)  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorr.,  1898,  PI.  XVI.  C'est  ce  plau  que 
nous  reproduisons  ici.  On  trouve  un  autre  plan,  plus  ancien,  et  moins 
complet,  F.  X.  Kraus,  Kunst  ti.  Alterthum  in  Elsass-Lothringen,  III, 
Art.  Tetingen.  Il  est  accompagné  de  dessins  des  mosaïques  trouvées 
dans  la  villa. 


—  160  — 

pectivément  de  10  mètres  et  de  12  mètres.  De  petites 
niches  surélevées  semblent  avoir  été  ménagées  de  chaque 
coté  de  l'entrée  de  ces  salles.  La  rotonde  située  à  Test  était 
en  outre  chauffée  par  un  hypocauste,  situé  en  arrière  de 
la  galerie.  Le  soleil,  à  toute  heure  du  jour,  <■!  en  toute  sai- 
son, devait  éclairer  et  chauffer,  au  moins  une  partie  de  la 
galerie,  et  successivement,  chacune  des  petites  construc- 
tions qui  la  terminent.  Nous  avons  la  une  l'orme  particu- 
lière du  portique  placé  en  façade  des  villas  trévires. 

Comme  dans  toutes  les  habitations  de  luxe  romaines  et 
gallo-romaines,  que  nous  avons  rencontrées,  vis  à  vis 
l'entrée,  au  centre  du  bâtiment  qui  forme  façade,  s'ouvre 
une  grande  salle  d'apparat.  Elle  mesure  ici  14  mètres  de 
long  sur  6  de  large.  Elle  est  terminée  au  nord  par  une 
abside  demi-circulaire  de  4  mètres  de  diamètre.  Deux 
autres  salles  de  formes  et  de  dimensions  très  différentes, 
ouvrent  également  au  nord  de  la  galerie.  Quelques  petites 
constructions  secondaires,  entre  autres  le  praefurnium  qui 
chauffe  une  des  petites  rotondes  antérieures,  sont  situées 
de  ce  côté.  Ce  corps  de  bâtiment  n'a  pas  de  profondeur. 
Il  ne  formait  qu'une  façade,  et  mettait  en  communication 
les  deux  ailes  de  la  villa. 

La  partie  de  ces  deux  ailes  qui  donne  sur  la  cour  est 
seule  symétrique.  En  arrière  de  la  façade,  l'aile  orientale, 
à  la  différence  de  l'autre,  dépasse  vers  le  nord  le  bâtiment 
qui  continue  la  galerie  circulaire  du  milieu.  Elle  mesure 
66  mètres  de  lona:  sur  40  de  large.  Un  corridor  de  3,n50  la 
borde  de  trois  côtés,  et  devait  mettre  en  communication, 
les  différentes  pièces  qu'elle  comprend.  A  l'extrémité  sud- 
est  du  bâtiment  se  sont  retrouvées  les  fondations  du  mur 
extérieur.  Il  semble  former  un  vaste  espace,  large  de  13 
mètres,  et  absolument  séparé  du  reste  des  bâtiments. 
On  n'a  pu  le  suivre  que  sur  une  partie  de  sa  longueur.  Tou- 
jours à  l'est  de  l'aile,  un  mur  transversal  forme  avec  un 
second  mur,  parallèle  à  celui  dont  nous  venons  de  parler, 
deux  vastes  espaces,  larges  environ  de  13  mètres,  et  longs 
chacun  d'à  peu  près  trente.  Cène  pouvaient  être  que  des 
cours.  C'est  entre  ces  cours  et  le  corridor  antérieur  qui 
borde  cette  partie  de  l'habitation,  que  sont  distribués  les 
différents  appartements.  Ils  ont  presque  tous  la  même  lar- 
geur, 10  mètres.  Une  cloison  en  divise  quelques-uns  en  deux 


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Annuaire  de  /a  Société  c/'/V/stoire  et  c/'Areheo/oqi'e  lorraine  7Sç8 


Plan  11.  _  Villa  de  Teting. 


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A.  Grenier.  Habitations  gauloises. 


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—  163  — 

salles.  D'autres  pièces  sont  réunies  deux  à  deux  du  côté  de 
la  cour  par  un  couloir,  pris  sur  leur  longueur,  ou  empié- 
tant sur  la  cour.  Toutes  ces  salles  sont  luxueusement 
aménagées;  c'est  dans  la  seconde,  à  partir  de  l'extrémité 
sud-est  du  bâtiment,  que  fut  trouvée  la  plus  considérable 
des  mosaïques  de  la  villa 

Un  mur  continue  cette  aile,  dans  la  direction  du  nord- 
est.  Il  semble  aboutir,  à  une  distance  d'environ  25  mètres, 
à  de  nouveaux  bâtiments.  Cette  construction  placée  à  l'é- 
cart de  la  maison  d'habitation,  mais  dans  son  voisinage 
immédiat,  pouvait  être  une  sorte  de  ferme,  ou  peut-être 
des  communs,  analogues  à  ceux  qu'on  a  retrouvés  à  une 
petite  distance  de  la  villa  de  Saint-Ulrich. 

L'aile  occidentale  s'arrête  au  nord  à  la  rencontre  du  mur 
qui  continue  la  façade.  Gomme  l'autre  aile,  elle  est  bordée 
de  trois  côtés  par  un  couloir  de  3m50  qui  met  les  différen- 
tes pièces  en  communication  entre  elles.  Cette  partie  de 
l'habitation  contenait  les  bains.  On  y  accédait  par  une  lar- 
ge entrée,  ouvrant  sur  la  partie  est  du  couloir.  Une  pre- 
mière grande  salle  de  11  mètres  sur  10  était  suivie  de 
plusieurs  autres  de  dimensions  plus  restreintes.  A  l'extré- 
mité de  cette  enfilade  de  pièces  étaient  deux  piscines 
rondes,  analogues  à  celles  de  Rouhling.  Elles  sont  seu- 
lement un  peu  plus  petites,  et  ne  mesurent  l'une  et  l'autre 
que  4m50  de  diamètre.  A  côté  se  trouve  une  grande  salle 
rectangulaire,  dont  chaque  angle  est  occupé  par  un  bloc 
de  maçonnerie.  Ces  blocs  étaient  sans  doute  destinés  à 
supporter  les  niches  où  venaient  s'asseoir  les  baigneurs 
fatigués  du  bain.  Deux  conduites  étaient  ménagées  pour 
amener  l'eau  dans  les  bains,  et  en  permettre  l'écoulement. 

Les  autres  pièces  qui  occupaient  cette  aile  de  bâtiments 
étaient  plus  vastes  et  avaient  les  dimensions  ordinaires  des 
triclinia,  ou  autres  appartements  destinés  à  la  vie  de 
société,  et  aux  oisives  conversations  qui  suivaient  le 
moment  du  bain. 

La  partie  la  plus  curieuse  de  la  villa  est  celle  qui,  dans 
l'axe  de  l'aile  occideutale,  se  prolonge  vers  le  nord.  Elle 
semble  avoir  été  séparée  des  bains,  et  communiquait 
directement  avec  la  galerie  demi-circulaire  centrale.  Elle 
se  compose  de  deux  grandes  salles,  larges  l'une  et  l'autre 
de  8IU50,  longues  de  13  mètres  et  de  11  mètres,  qui  se  suc- 


—  164  — 

cèdent  dans  le  sens  de  la  longueur.  Trois  autres  salles 
beaucoup  plus  étroites,  formant  fort  probablement  un  por- 
tique les  entourent  de  trois  côtés.  L'un  des  côtés  de  ce 
portique  se  termine  vers  l'ouest  par  une  petite  construc- 
tion en  forme  de  croix,  tandis  qu'un  autre  se  prolonge  vers 
le  nord,  sur  une  longueur  de  60  mètres,  par  une  longue 
galerie,  isolée  au  milieu  des  jardins.  Cette  construction 
répond  absolument  à  la  description  que  nous  donne  Pline 
du  cryptoportique  de  sa  villa  de  Laurente  (1).  Gomme  le 
cryptoportique  de  Laurente,  il  est  terminé  par  un  petit 
pavillon   divisé   en  plusieurs  pièces  (2). 

On  n'a  pas,  il  est  vrai,  atteint  l'extrémité  des  construc- 
tions qui  ne  devaient  vraisemblablement  pas  se  prolon- 
ger bien  loin  vers  l'ouest. 

Cette  villa  au  plan  si  étendu  ne  contient  pas,  on  le  voit, 
autant  de  pièces  que  celle  .de  Saint-Ulrich.  L'installation 
des  bains  en  semble  moins  compliquée.  La  longueur  des 
portiques  même,  dont  le  développement  est  ici  si  frappant, 
ne  dépasse  pas  celle  des  portiques  de  Saint-Ulrich.  Nous 
y  retrouvons  les  éléments  essentiels  et  caractéristiques 
d'une  villa  de  luxe.  On  ne  saurait  y  voir  une  construction 
d'un  autre  caractère.  Les  ruines  de  Teting  ne  sont  pas  le 
moins  du  monde  celles  de  Thermes  monumentaux,  comme 
le  supposait  Tornow,  ni  les  restes  d'une  installation  de 
bains  particulière,  mais  très  développée,  suivant  la  correc- 
tion incomplète  apportée  par  Kraus. 

Architecture  de  la  villa.  —  L'économie  de  la  villa  de 
Teting,  la  distingue  de  celle  de  Rouhling,  tout  aussi  bien 
que  de  celle  de  Saint-Ulrich. 

Elle  ne  saurait  rentrer,  comme  la  première,  dans  la  caté- 
gorie des  villas  à  plan  allongé.  Les  bâtiments  n'en  sont 
pas  resserrés,  comme  ceux  de  la  seconde,  autour  d'un 
péristyle  central.  Le  plan,  infiniment  plus  libre  de  la  villa 


(i)  Cf.  supra,  p.  i.r)/|.  n.  2. 

(2)  Pline,  Epist.,  Il,  17.  In  capite  wsli  deineeps  [et]  cryptoport ie us, 
borti  diaeta  est,  amores  mei,  rêvera  amures  :  ipse  posui.  In  hac  helio- 
caminus  quidem,  alia  systum,  alia  mare,  utraque  solem,  cubiculum 
autera  valvis  cryptoporticum,  fenestra  prospicit  mare.  Contra  parie- 
tem  médium  zotheca  perquam  eleganter    recedit;  quae  specularibus  et 

velis,  obduclis   rcuurlisve,    do  adjicitur  cubiculo,   modo  aufertur.... 

Junctum  est  cubiculum   uoctis  et  somni...  etc. 


—  165  — 

de  Teting,  est  marqué  d'un  caractère  indiscutable  de  gran- 
deur et  d'apparat.  L'aspect  de  la  vaste  façade  en  demi- 
cercle,  bordée  peut-être,  dune  double  rangée  de  colonnes 
ne  pouvait  manquer  d'être  tout  à  fait  monumental.  Le  por- 
tique ainsi  ménagé  a  l'entrée  de  la  villa,  et  les  quelques 
salles  de  réception  qui  en  dépendent,  sont  absolument 
séparés  du  reste  des  bâtiments.  Avec  le  long  cryptopor- 
tique qui  se  relie  à  son  extrémité  occidentale,  il  forme  un 
tout  complet,  qui  semble  destiné  à  une  vie  de  représenta- 
tion ou  indique  tout  au  moins  des  habitudes  de  luxe  gran- 
diose. Une  telle  architecture  marque  la  limite  extrême  du 
faste  dans    les  habitations  particulières. 

Les  bâtiments  réservés  à  la  vie  intime  et  les  bains,  ne 
communiquent  que  par  d'étroits  passages  avec  cette  par- 
tie centrale  de  la  villa.  Au  lieu  d'être  cachés  en  partie  par 
le  corps  de  construction  centrale,  ils  occupent  les  ailes  de 
part  et  d'autre  de  la  cour  d'entrée.  L'habitation  tout 
entière  se  développe  ainsi  en  façade.  Cette  disposition 
exagère  encore  l'effet  des  dimensions  considérables  des 
bâtiments  et  donne  à  la  villa  l'aspect  d'un  palais,  bien  plu- 
tôt que  d'une  habitation  de  plaisance  sise  en  pleine 
campagne. 

Cette  conception  semble  absolument  originale  dans  nos 
régions.  On  ne  lui  trouve  pas  d'analogue,  même  dans  les 
plus  luxueuses  des  villas  trévires  (1).  Le  plan  de  la  villa 
de  Teting  rappellerait  plutôt  celui  des  très  grandes  villas 
d'Italie,  ou  de  la  Gaule  méridionale.  On  trouve  notam- 
ment un  cryptoportique  absolument  semblable  à  celui 
qu'elle  possède,  et  disposé  de  même  dans  l'axe  du  bâti- 
ment des  bains,  dans  une  villa  des  environs  d'Arcachon  : 
la  villa  du  Lodo  (2).  Le  rivage  parallèle  à  la  direction  du 
portique  a  malheureusement  été  entamé  par  la  mer. 
Avec  lui  a  disparu  la  majeure  partie  des  ruines  de  la 
villa.  L'analogie  de  ce  qu'il  en  reste,  avec  la  partie  cor- 
respondante de  la  villa  de  Teting,  est  frappante  (3). 


(i)  On  rencontre  sans  doute  un  cryptoportique  à  Nennig,  mais  au 
milieu  des  jardins  et  entièrement  séparé  de  la  villa. 

|2)  Caimont,  Abécédaire  d'Archéologie,  p.  385. 

(3)  Cinquante-cinq  monnaies  ont  été  trouvées  dans  cette  villa  du  Lodo. 
Elles  vont  de  Valérien  (2.53;  à  Constance  II  |36i). 


—  160  — 

C'est  donc  bien,  semble-t-il,  par  le  midi  de  la  Gaule, 
beaucoup  plus  que  par  l'intermédiaire  de  Trêves,  que 
l'influence  romaine  s'est  exercée  sur  le  plan  de  la  villa  de 
Teting,  aussi  bien  que  sur  celui  de  la  villa  de  Saint- 
Ulrich. 

L'architecture  en  semble  cependant  plus  récente  que 
celle  de  la  villa  de  Saint-Ulrich. 

L'ampleur  des  bâtiments  tient,  à  Saint-Ulrich,  au  grand 
nombre  de  pièces  qu'ils  devaient  contenir.  Le  plan  en  a 
je  ne  sais  quoi  de  lourd  et  d'inexpérimenté.  On  dirait  que 
l'architecte,  étonné  des  vastes  proportions  de  la  demeure 
qu'il  avait  à  construire,  s'est  efforcé  de  resserrer  les  diffé- 
rents corps  de  bâtiments.  Avec  un  scrupule,  qui  semble 
indiquer  la  nouveauté  de  ce  genre  de  constructions  dans 
le  pays,  il  s'est  appliqué  en  outre  à  n'omettre  aucune  des 
parties  qu'il  savait  entrer  dans  l'économie  d'une  grande 
villa  de  luxe. 

Le  constructeur  de  la  villa  de  Teting,  en  a  usé  avec  beau- 
coup plus  de  liberté  et  de  fantaisie.  A  une  habitation  de 
dimensions  ordinaires,  il  a  donné  une  ampleur  extraor- 
dinaire. L'immensité  de  semblables  maisons  de  campagnes 
n'avait  donc  plus,  à  ce  moment,  rien  d'exceptionnel. 

L'expérience  avait  en  outre  montré  quelles  modifica- 
tions le  climat,  ou  les  conditions  particulières  du  séjour 
que  les  riches  Médiomatrices  faisaient  à  la  campagne, 
imposaient  au  plan  de  la  villa  italienne.  Le  cryptopor- 
tique a  été  conservé,  mais  le  péristyle  a  complètement 
disparu.  Il  est  remplacé  par  une  galerie  disposée  en 
façade,  comme  celle  que  l'on  trouve  dans  les  villas  tré- 
vires.  Malgré  la  différence  profonde  de  l'ensemble  de 
l'habitation  avec  ces  villas  trévires,  il  faut  reconnaître 
que  la  disposition  de  chacune  des  ailes  en  particulier, 
n'est  pas  sans  analogie  avec  le  plan  qui  leur  est  général. 
L'architecte  semble  avoir  vu,  tant  en  Italie  et  dans  le  sud 
de  la  Gaule  que  plus  près  de  lui,  de  nombreux  modèles 
de  grandes  villas  de  luxe,  dont  il  s'est  librement  inspiré. 
La  villa  de  Saint-Ulrich,  au  contraire,  a  tous  les  caractères 
d'un  premier  essai  de  ce  genre  d'habitation  tenté  dans  le 
pays. 

L'ornementation  intérieure.  Les  mosaïques .  —  Les  rares 
détails  que  nous  connaissons  de  l'ornementation  intérieure 


—  167  — 

de  la  villa,  nous  fournissent  également  quelque  indication 
sur  la  date  probable  de  sa  construction.  Nous  savons  par 
l'exemple  des  villas  trévires,  que  les  habitations  les  plus 
anciennes  se  distinguent  des  plus  récentes  par  la  rareté 
du  marbre  et  des  fragments  de  verre.  L'abondance  des 
marbres  précieux,  employés  au  dallage  des  salles  et  au 
revêtement  des  parois,  prouve  pour  les  villas  une  date 
assez  avancée.  Nous  n'avons  trouvé  de  débris  de  marbre, 
et  encore  de  simple  marbre  blanc,  que  dans  les  bains  de 
la  villa  de  Saint-Ulrich.  A  Teting,  au  contraire,  se  ren- 
contrent en  grand  nombre,  les  fragments  de  porphyre,  de 
syénite,  de  marbres  de  toutes  couleurs. 

Les  débris  de  verre,  ayant  pu  servir  de  vitres,  sont  éga- 
lement rares  à  Saint-Ulrich,  et  fréquents  à  Teting  (1). 

Nous  ne  possédons  aucun  renseignement  sur  la  déco- 
ration des  stucs,  qui  devaient  être  associés  au  marbre  pour 
le  revêtement  des  murs. 

Les  mosaïques,  retrouvées  en  place,  dans  deux  salles 
de  l'aile  orientale  de  la  villa,  ont  pu  être  au  contraire 
enlevées  et  transportées  au  Musée  de  Metz. 

L'une,  formait  le  sol  de  la  petite  abside,  qui  environ 
aux  deux  tiers  de  la  longueur  de  l'aile,  s'avance  sur  une 
des  cours  intérieures.  Bordée  d'une  grecque,  elle  dessi- 
nait de  petits  carrés  noirs  et  blancs,  rayonnant  d'une 
demie  rosace  centrale  de  mêmes  couleurs,  et  agrémentée 
d'ornements  verts.  La  banalité  du  dessin  interdit  tout  rap- 
prochement. 

Plus  intéressante  est  celle  qui  fut  trouvée  dans  une  des 
salles  de  l'extrémité  méridionale  de  l'aile. 

De  chacun  des  petits  côtés  de  la  pièce  rectangulaire, 
court  une  large  bordure,  qui  réduit  le  reste  du  sol  à  un 
carré  parfait.  Ces  deux  bordures  sont  encadrées  elles- 
mêmes  d'une  petite  dentelure  noire  et  blanche  et  de  plu- 


fil  Le  verre  à  vitre  semble  avoir  été  couramment  employé  dans  les 
grandes  villas  de  l'est  de  la  Gaule.  On  en  voit  au  Musée  de  Trêves  (salle20, 
vitrine  XIX)  des  fragments  encore  enchâssés  dans  le  plomb  qui  les 
maintenait.  Le  verre  n'en  constituait  pas  moins  un  certain  luxe,  surtout 
au  début  de  la  construction  des  grandes  villas,  et  ne  devait  jamais 
garnir  que  d'assez  petites  ouvertures.  L'éclairage  des  différentes  salles 
d'une  villa  est  une  question  pour  laquelle  les  ruines,  telles  que  nous  les 
retrouvons,  ne  nous  donnent  aucune  indication. 


-   168   - 

sieurs  séries  de  lignes  de  mômes  couleurs.  Le  champ  en 
est  occupé  par  un  motif  très  fréquent  à  l'époque  romaine. 
Wilmowsky  et  Hettner  (1)  lui  donnent  le  nom  de  bouclier 
asiatique,  ou  bouclier  d'amazone.  Ce  sont  des  demies  cir- 
conférences, à  l'intérieur  desquelles,  deux  autres  demies 
circonférences,  de  diamètre  moitié  moindre,  forment 
deux  petits  arceaux.  Ces  figures  sont  opposées  deux  à 
deux,  alternativement  dans  le  sens  de  la  hauteur  et  de  la 
largeur.  L'ensemble  dessine  une  sorte  d'arabesque  sim- 
ple et  très  décorative.  Le  dessin  est  noir,  simplement 
doublé  de  rouge,  sur  fond  blanc. 

Le  milieu  de  la  salle  entre  ces  deux  bordures  est  traité 
comme  une  nouvelle  mosaïque  indépendante.  Il  est  en- 
touré d'un  large  encadrement,  formé  de  lignes,  de  dente- 
lures opposées,  et  d'une  épaisse  torsade  où  s'allient  le 
blanc,  le  noir,  le  jaune  et  le  rouge.  La  même  torsade  des- 
sine au  centre  du  carré  un  cercle,  dont  le  motif  intérieur, 
une  rosace,  sans  aucun  doute,  n'a  pas  été  conservé. 

Différents  dessins  forment  le  corps  de  la  mosaïque, 
entre  ce  cercle  intérieur  et  l'encadrement  du  carré. 
Chaque  côté  en  est  divisé  en  trois  parties  par  de  nouvelles 
lignes  noires  et  blanches,  doublées  d'une  petite  dente- 
lure. On  obtient  ainsi  huit  compartiments,  dessinant  à 
l'intérieur  du  carré  une  sorte  de  croix  dont  la  rosace  oc- 
cupe le  milieu. 

La  circonférence  empiète  légèrement  sur  les  quatre 
compartiments  qui  forment  les  bras  de  la  croix,  et  les  ré- 
duit à  des  rectangles.  Au  milieu  d'ornements  variés,  un 
losange  contenant  lui-même  une  rosace  y  est  inscrit. 

Les  compartiments  qui  occupent  les  angles  du  grand 
carré  sont  ornés  de  motifs  différents.  Les  deux  carrés 
de  droite  contiennent  des  rosaces  très  simples,  dessinées 
en  noir,  rouge,  jaune  sur  fond  blanc.  Il  s'y  ajoute  même 
quelques  blocs  bleus  ou  verts.  Ceux  de  gauche  sont  sim- 
plement garnis  de  petits  triangles,  alternativement  noirs 
et  blancs,  inscrits  dans  des  carrés. 

Chacun  des  motifs  particuliers  qui  entrent  dans  la  com- 
position de    cette   mosaïque,    sont  peu   caractéristiques. 


(i)  Wilmowsky,   Hkttneh,  Riimischr  Mosaïken   aus    Trier,   u.    dessen 
Umgebung.  Trêves,  1888.  Atlas  de  9  planches  et  texte. 


—  169  — 

Sauf  de  petits  dessins  filiformes  qui  font  transition  entre 
les  courbes  du  cercle  central  et  les  grandes  lig-nes  droites 
du  reste  de  la  mosaïque,  ils  sont  tous  extrêmement  sim- 
ples. Ils  appartiennent  au  genre  le  plus  élémentaire  de 
décoration  géométrique. 

Les  mêmes  dessins  :  torsades,  dentelures,  triangles, 
carrés,  losanges  et  petites  rosaces;  les  mêmes  couleurs  : 
noir,  blanc,  jaune  et  rouge,  apparaissent  en  Italie  et  dans 
le  sud  de  la  Gaule  dès  le  ier  siècle  (1). 

A  Trêves  même,  ce  même  style  géométrique  se  rencontre 
vers  le  milieu  du  111e  siècle.  Nous  en  trouvons  un  exem- 
ple, tout  à  fait  analogue  aux  plus  simples  mosaïques  de 
Pompeï,  exactement  daté  par  l'inscription  qui  l'accompa- 
gne (2).  Il  formait  le^  pavage  de  la  maison  de  M.  Piaonius 
Victorinus,  tribun  de  Postumus.  De  grandes  lignes  droi- 
tes divisent  la  mosaïque  en  carrés  et  rectangles,  groupés 
autour  d'un  octogone  central,  ornés  chacun  et  entourés 
de  petits  losanges  diversement  associés.  Les  mosaïques 
que  l'on  trouve  dans  un  grand  nombre  de  villas  reprodui- 
sent également  des  motifs  qui  pourraient  dater  en  Italie 
de  un  ou  deux  siècles  auparavant.  11  semble  que  le  goût 
accuse,  dans  cette  partie  de  la  Gaule,  un  retard  considé- 
rable, ou  plutôt  un  retour  archaïsant,  au  style  de  déco- 
ration, en  usage  dans  la  Piome  impériale  du  Ier  siècle  (3). 

Le  motif,  plus  compliqué,  aux  lignes  exclusivement 
courbes  du  bouclier  asiatique  est  également  ancien  en 
Italie  et  dans  la  Gaule  méridionale.  Agrémenté  d'une 
légère  ornementation  florale  stylisée,  il   décore  plusieurs 


(i)  Cf.  F.  Artaud,  Histoire  abrégée  de  la  peinture  en  mosaïques, 
suivie  de  la  description  des  mosaïques  de  Lyon  et  du  midi  de  la  France. 
I.vmi,  i835.  Voir  surtout.  Daremberg  et  Saglio.  Dictionnaire  des  anti- 
quités grecques  et  romaines  s.  v.  Musivum,  le  remarquable  article  de 
M.  Gauckjler,  dont  nous  n'avons  pu  malheureusement  profiter  pour  cette 
étude. 

(2)  M.  PIAOXIVS  VICTO|KI\VS.  TRIBVNVS  P|RETO  [m]  NORVM] 
P...  [/*]  ESTITV1T.  Associe  plus  tard  à  l'Empire  par  Posthumus,  en  2<>4. 
Un  îles  trente  tyrans,  massacré  à  Cologne  en  268.  Cf.  la  maison  du  tri- 
bun M.  Piaonius  Victorinus.  Jahresberichted.  Gesellsch.  f.nûtz.  Forsch. 
1861-O2,  p.  2,  sqq. 

(3|  Comparer  notamment  les  mosaïques  de  la  villa  de  Fliessem.  C.  W. 
Schmidt,  Baudenkmale  d.  rbm-  Période  in  Trier  u.  Umgebung  (plan- 
ches coloriées),  et  celles  de  la  pi.  LII  de  Artaud. 


—  170  — 

dos  mosaïques  trouvées  à  Oberweiss  (1)  près   de  Trêves, 
dans  les  bâtiments  datant  de  la  seconde  période  de  la  villa, 
c'est-à-dire  selon    toute  vraisemblance,  au  plus  tôt  de  la 
fin  du  me  siècle.  Plus  fréquemment  encore, il  se  trouvait, 
ainsi  qu'à   Teting,  employé  comme  bordure.  Aucune  des 
mosaïques  qu'il  encadrait  ne  semble  être  très  ancienne.  A 
Wiltmgen(2),  il  entoure  une  décoration  composée  de  lignes 
courbes    compliquées    et    de  fleurs    stylisées,    disposées 
autour  d'une  grande  rosace,   aux  couleurs  violettes,  ver- 
tes et  rouges,  finement  nuancées.  L'emploi  de  ces  marbres 
multicolores  aussi  bien  que  l'enchevêtrement  des  lignes, 
indique   une    époque  assez    tardive.  Plus    récente  encore 
semble   être    la  mosaïque    que  l'on  trouve  à  Weingarten 
(3),  dans  cet   encadrement  de   boucliers   asiatiques.   Elle 
garnit   le    sol   des   bâtiments    datant    de   la    seconde    pé- 
riode de  construction  de  la  villa.  Le   genre  composite  de 
la  mosaïque    où   les    lignes    courbes   alternent   avec    des 
losanges    ornés  de  croix  byzantines,  la  date  très   nette- 
ment du  cours  du  ive  siècle.  Un    autre  indice   nous  per- 
met de  fixera  peu  près  la  même  date  à  la  mosaïque  d'Eu- 
ren  (4),  toujours  encadrée  du    même    motif.  C'est  la  pré- 
sence de  petits  blocs  de  verre  de   nuance  bleue  et  verte. 
Cet  emploi  du  verre  dans  la   composition   des  mosaïques 
n'apparaît  en  effet  que  très  tard. 

De  ces  quelques  exemples,  nous  pouvons  conclure  que 
ce  motif  du  bouclier  asiatique  s'est  répandu  dans  le  pays 
trévire,  surtout  à  la  fin  du  me  et  du  ive  siècle  ;  et  qu'en 
tout  cas  il  ne  saurait  être  antérieur  à  la  période  de  grande 
splendeur  de  la  région  trévire. 

La  réunion  de  tous  les  motifs  différents  que  nous  trou- 
vons associés  dans  la  mosaïque  de  Teting,  nous  fournit 
une  indication  encore  plus  précise.   C'est  en  effet  la  corn- 


ai Le  plan  delà  villa  esf  au  Musée  de  Trêves,  à  côté  de  nombreux 
fragments  des  mosaïques.  Hettner.  Illustrierter  Fuhrer  durch  dus  Pro- 
vinzial Muséum,  p.  83.  Sur  la  villa,  très  courts  renseignements  :  Bonn. 
Jahrb.,  XLII,  p.  io5  ;  XLIV,  p.  18.".  Sur  les  mosaïques,  Wilmowsky, 
Hettner,  Rùm.  Mosaïken.  Introduction  ci  texte passim,  pi.  Vil. 

(2)  Jahresb.  il.  Gesellsch.  f.  mit:.  Forsch.,  r856,  p.  61,  sqq. 

(3|  Clemen.  Kunstdenkm'àler  il.  Rheinprovînz,  IV,  p.  187. 

(4)  Jahresb.  il.  Gesellsch.  f.  nûtzl.  Forsch.,  iSii/j,  p.  55,  sqq  ;  1872-73, 
p.  37. 


—  171  — 

binaison  de  dessins  très  différents  et  de  date  et  de  style, 
qui  forme  le  trait  caractéristique  de  sa  composition.  C'est 
là  un  signe  non  équivoque,  qui  nous  avertit  de  ne  la  pla- 
cer qu'à  une  époque  assez  tardive. 

Une  étude  simultanée  des  mosaïques  du  sud  de  la  Gaule, 
et  du  pavs  trévire,  a  en  effet  conduit  Hettner  à  cette  con- 
clusion, parfaitement  conforme  d'ailleurs  à  ce  que  nous 
savons  de  l'évolution  générale  des  styles  et  des  motifs 
artistiques.  Les  mosaïques,  d'après  leurs  caractères  géné- 
raux peuvent  être  rangées  en  deux  classes.  Celles  de  la 
première  classe  présentent  un  motif  généralement  simple, 
constamment  répété  sur  toute  la  surface  du  sol.  La  compo- 
sition de  la  mosaïque  est  indépendante  de  la  forme  et  des 
dimensions  de  la  salle.  Seule  une  bordure,  plus  ou  moins 
compliquée,  généralement  rectiligne,  encadre  le  tout. 
L'impression  produite  est  celle  de  la  simplicité  et  du 
repos. 

La  seconde  manière  est  caractérisée  au  contraire  par  la 
complexité  de  sa  composition.  Les  motifs  varient  à  l'infini 
et  s'associent  diversement.  Les  couleurs  se  multiplient  et 
sont  délicatement  nuancées  (1).  Hettner  ne  parle  pas  natu- 
rellement de  la  période  de  décadence  de  l'art  de  la 
mosaïque.  Les  œuvres  en  sont  facilement  reconnaissables 
à  la  mauvaise  exécution   du  travail. 

La  mosaïque  de  Teting  est  sans  doute  assez  soignée. 
Les  couleurs  qui  dominent  sont  peu  nombreuses.  Au 
blanc  et  au  noir  s'ajoutent  seulement  en  de  notables  pro- 
portions, le  rouge  et  le  jaune.  Il  s'y  mêle,  il  est  vrai,  mais 
seulement  par  exception,  quelques  touches  de  vert  et  de 
bleu.  Elle  ne  peut  donc  être  reportée  très  loin  dans  le 
ive  siècle.  Mais  il  est  bien  évident  qu'elle  doit  être  rangée 
parmi  les  mosaïques  de  la  seconde  catégorie. 

Cette  distinction  de  genre  correspond  à  une  différence 
de  date.  La  mosaïque  datée  de  la  maison  de  Victorinus 
montre  très  nettement  tous  les  traits  qui  caractérisent  les 
mosaïques  de  la  première  période.  C'est  donc  vers  la  fin  du 
111e  siècle,  au  plus  tôt.  qu'il  nous  faut  reporter  le  dévelop- 
pement de  la  seconde  manière.  Selon  toutes  les  vraisem- 
blances,    cette   date    est   celle    qu'il  faut    assigner   à   la 

(i)  Wilmowsky,  Hettner,  Rom.  Mosaïken.  Introd.  de  Hettner,  passim. 


—  172  — 

mosaïque  de  Teting,  et  probablement  aussi  à  la  construc- 
tion de  la  villa  elle-même. 

Nous  ne  pouvons  confirmer  cette  opinion  par  le  témoi- 
gnage des  monnaies  qui  furent  trouvées  lors  des  fouilles. 
Nous  savons  qu'il  en  fut  trouvé  un  certain  nombre. 
M.  Tornow  dans  son  court  compte-rendu  a  négligé  d'indi- 
quer lesquelles.  Nous  n'avons  pu  recueillir  à  ce  sujet  aucun 
renseignement  certain. 

Le  caractère  de  l'architecture  de  la  villa  de  Teting, 
aussi  bien  que  le  détail  de  sa  décoration  intérieure,  sem- 
blent donc  la  reporter  à  une  date  moins  ancienne  que  la 
villa  de  Saint-Ulrich.  La  construction  peut  s'en  placer, 
croyons-nous,  à  peu  près  à  la  même  époque  qui  vit  les 
remaniements  de  la  villa  de  Saint-Ulrich  et  la  construc- 
tion de  la  villa  de  Rouhling,  c'est-à-dire  à  une  date 
assez  voisine  de  la  fin  du  me  siècle. 

Quoiqu'il  en  soit,  une  remarque  s'impose  à  la  suite  de 
cette  étude  détaillée  des  trois  grandes  villas  médioma- 
trices  dont  le  plan  nous  a  été  conservé.  Tandis  que  les 
villas  rustiques  sont  construites  sur  un  modèle  qui  pour 
toutes  est  sensiblement  le  même,  les  villas  de  luxe  pré- 
sentent entre  elles  de  profondes  différences.  Chacune 
a  son  caractère  propre.  Les  divergences  du  plan  des 
villas  correspondent  aux  fantaisies  du  goût  des  proprié- 
taires qui  les  élevèrent,  à  leur  richesse  plus  ou  moins 
développée,  et  surtout,  aux  besoins  différents  des 
domaines. 

La  villa  de  Rouhling,  la  plus  petite,  montre  sans  doute, 
dans  ses  parties  réservées  à  l'habitation  et  dans  ses  bains 
le  même  luxe  et  la  même  recherche  que  les  deux  autres. 
Mais  les  bâtiments  d'exploitation  agricole  plus  amples  et 
plus  voisins    de    l'habitation   qu'ils    entourent,   semblent 
assigner  à  la  villa  un  but  plus  essentiellement  pratique. 
Elle  semblerait  appartenir  —  si  nous  osions  émettre  quel- 
que conjecture  —  à  un  grand  propriétaire  demeuré  agri- 
culteur. Nous  y  retrouvons  avec  des  proportions  beaucoup 
plus  vastes  et  avec  plus  de  luxe,  les  parties  essentielles,  et 
presque  la  disposition  des  villas  rustiques. 

Tout  autre  est  le  caractère  de  la  villa  de  Saint-Ulrich. 
L'habitation  du  maître  est  absolument  dégagée  des  bâti- 
ments  réservés  au   travail   des  colons.    La   villa    urbana 


—  173  — 

forme  un  tout  distinct  de  la  villa  rustica.  La  situation  à 
proximité  de  la  ville,  le  nombre  considérable  de  pièces 
qu'elle  contient  (1),  semblent  en  l'aire  le  séjour  permanent 
de  quelque  citadin  trop  à  l'étroit  dans  une  petite  cité 
dune  province  écartée. 

Ce  ne  sont  plus  seulement  les  constructions  de  la  ferme, 
qui  se  trouvent  à  Teting  reléguées  à  l'écart.  Les  apparte- 
ments d'habitation  même  et  les  bains  sont  rejetés  sur  le 
côté.  Le  centre  de  la  villa  est  tout  entier  réservé  à  la 
parade  ;  il  étale  largement  une  architecture  qui  donne 
haute  idée  du  luxe  auquel  devait  être  habitué  le  proprié- 
taire d'une  semblable  demeure.  Au  milieu  de  la  campagne 
nous  trouvons  un  palais,  bien  plutôt  qu'une  habitation  de 
plaisance. 

Cette  diversité,  l'espèce  de  progression  qu'elle  com- 
porte, nous  est  l'indice  d'un  développement  régulier.  Nous 
pouvons  essayer  de  nous  représenter  l'histoire  de  ce 
genre  de  constructions  dans  le  pays  des  Médiomatrices. 
Les  modèles  nous  en  sont  connus.  Ils  sont  en  Italie  et  dans 
le  sud  de  la  Gaule.  Quelque  haut  fonctionnaire  romain,  ou 
quelque  riche  citadin,  de  culture  absolument  latine,  aura 
le  premier  voulu  se  bâtir  dans  les  campagnes  médioma- 
trices, une  villa  semblable  à  celles  d'Italie.  Cette  première 
copie,  comme  la  villa  de  Saint-Ulrich,  aura  été  faite  aussi 
exacte  et  complète  que  possible,  et  son  plan  témoigne 
par  sa  lourdeur,  de  la  servilité  de  l'imitation.  L'éclat  de 
pareilles  maisons  de  campagnes,  la  floraison  de  villas  qui 
couvre  vers  la  fin  du  111e  siècle  le  pays  trévire  tout  voisin, 
suggère  ensuite  aux  grands  propriétaires  ruraux,  de  con- 
former à  ce  modèle,  le  plan  de  leurs  exploitations 
jusque-là  plus  modestes.  Par  leur  caractère,  comme  par 
leur  date,  les  villas  de  Rouhling  et  de  Mackwiller  sem- 
blent dues  à  ce  mouvement. 

L'influence  trévire  ne  parait  pas  toutefois  avoir  exercé 
sur  l'architecture  des  villas  médiomatrices  une  action 
bien  profonde.  C'est  le  Rhin  et  les  grandes  villes  fondées 
sur  ses  bords  qui  attirèrent  surtout  l'attention  et  l'acti- 
vité des  empereurs  résidant  à  Trêves.  C'est  de  ce  côté  que 

(i)  Sur  la  multiplicité  des  pièces  que  contiennent  les  villas  romaines, 
cl*.  Boissier,  Promenades  archéologiques,  p.  262  sqq. 


—  174  — 

se  rencontrent  des  villas  analogues  à  celles  des  environs 
de  Trêves.  Les  très  riches  Médiomatrices,  au  contraire, 
continuent  à  chercher  le  modèle  de  leurs  villas  en  Italie 
et  dans  la  Gaule  méridionale.  C'est  ainsi  que  la  villa  de 
Teting,  contemporaine  de  celles  qui  s'élèvent  de  toutes 
parts  dans  la  basse  vallée  de  la  Moselle  et  les  plateaux 
voisins,  ne  leur  ressemble  que  fort  peu. 

Moins  soudain  et  moins  brillant  peut-être  que  dans  le 
pays  trévire,  le  triomphe  de  l'architecture  latine,  a  dans 
la  cité  des  Médiomatrices  des  racines  plus  profondes.  11 
n'y  est  pas  causé  par  un  événement  accidentel  et  en  somme 
fortuit  :  l'établissement  dans  la  capitale,  de  la  cour  impé- 
riale. Il  se  rattache  au  contraire  à  la  lente  évolution  qui 
a  substitué  peu  à  peu  la  technique  romaine  aux  procédés 
de  construction  gaulois,  les  petites  villas  rustiques  aux 
aedificia,  enfin  la  villa  palais,  à  la  villa  centre  de  l'exploi- 
tation agricole  d'un  domaine  plus  ou  moins  étendu. 


CHAPITRE  VI 


RÉPARTITION    DES    VlLLAS    URBAINES 


i<>  Les  ruines  de  villas  urbaines  trouvées  dans  les  différentes  régions  de 

la  cité  des  Médiomatrices. 
2»  Date  des  villas  urbaines.  Les  grandes  villas  et  les  latifundia. 
3o  Survivance   de   la  villa   gallo-romaine  au  Moyen  âge:    l'abbaye  et  la 

commune  rurale. 


Répartition  des  villas  urbaines  dans  la  cité  des  Médioma- 
trices. —  Les  grands  établissements  analogues  à  ceux  de 
Rouhling,  de  Mackwiller,  de  Saint-Ulrich  et  de  Teting  ne 
semblent  pas  avoir  constitué  des  exceptions  dans  le  pays 
des  Médiomatrices.  Un  certain  nombre  des  ruines  gallo- 
romaines  qui  y  ont  été  relevées,  à  en  juger  par  la  vaste 
superficie  qu'elles  couvrent,  sont  celles  de  villas  de  luxe. 
Il  est  sans  doute  assez  dillicile,  lorsque  aucune  fouille  n'a 
eu  lieu,  de  se  prononcer  avec  certitude  sur  le  caractère 
des  villas  dont  quelques  débris  seulement  nous  conservent 
la  trace.  Nous  avons  mentionné,  lorsque  nous  avons  étu- 
dié la  répartition  des  villas  rustiques,  tous  les  restes  de 
constructions  qu'aucun  indice  certain  ne  nous  forçait  à 
exclure  de  la  liste  des  petites  villas.  Nous  nous  bornerons  à 
citer  ici,  ceux  que  leurs  dimensions  ou  la  nature  des  débris 
qui  s'y  rencontrent,  nous  désignent  clairement  comme 
ayant  appartenu  à  de  grandes  villas  urbaines. 

Les  substructions  de  cette  nature  sont  fort  rares  dans 
toute  la  vallée  de  la  Moselle,  dans  la  basse  vallée  de  la 
Seille  et  dans  toute  la  région  qui  avoisine  Metz.  On  n'a 
signalé  qu'à  Montoy,  petit  village  situé  à  7  km.  au  nord-est 


—  176  — 

de  la  ville,   sur  la  grande   voie  qui   conduisait   à   Trêves, 
les  restes  d'un  hvpocauste  (1). 

De  l'habitation  mêmeaueune  partie  n'a  pu  être  dégagée. 
Les  ruines  de  villas  rustiques  sont  d'ailleurs  également 
rares  dans  cette  partie  de  la  cité.  Nous  avons  exposé  les 
raisons  de  cette  pauvreté  archéologique. 

Les  vestiges  d'habitations  gallo-romaines  se  multiplient 
aux  abords  de  la  forêt  de  Galdenhoven.  Nous  avons  indi- 
qué que  ceux  que  l'on  rencontre  entre  Launsdorf  et  Flat- 
tai, pouvaient  appartenir  à  une  grande  villa,  aussi  bien 
qu'à  un  groupe  d'établissements  plus  petits.  Peut-être  en 
était-il  de  même  de  la  villa  située  au-dessus  de  Laumes- 
feld  (2).  Nous  n'osons  arguer  de  la  présence  de  mosaï- 
ques dans  quelques-unes  des  villas  riveraines  de  la  Nied, 
à  Gerstling,  à  Niedaltdorf,  pour  y  reconnaître  des  villas  de 
luxe  (3). 

Quant  à  celles  des  nombreuses  villas  de  la  région  des 
salines  qui  semblent  différer  des  villas  rustiques,  les  ren- 
seignements que  nous  possédons  sur  elles  sont  trop  va- 
gues pour  nous  permettre  d'en  préciser  le  caractère  (4). 

Nous  pouvons,  au  contraire,  indiquer  avec  certitude 
l'existence  d'une  grande  villa  de  luxe  auprès  de  Sentry, 
sur  la  pente  des  hauteurs  que  couronne  la  forêt  de  Ré- 
milly.  On  n'en  a  cependant  retrouvé,  avec  des  débris 
indistincts,  qu'un  chapiteau  gigantesque,  de  1 ,n  1 5  de  dia- 
mètre (5).  Il  ne  pouvait  appartenir  qu'à  une  colonne 
d'environ  20  mètres  de  hauteur.  Aucune  circonstance  ne 
saurait  expliquer  en  cet  endroit  la  présence  d'un  temple 
d'une  architecture  aussi  colossale. 

Nous  devons  également  admettre  la  présence  d'une 
villa  de  luxe,  sur  la  rive  gauche  de  la  Nied  allemande,  à 
Edeling,  non  loin  de  Teting.  Les  ruines  s'étendent  sur  une 
surface  de  près  de  200  mètres  de  long,  sur  80  de  large. 
Seule,  une  petite  salle  de  2ra55  de  long,  sur  2mi0  de  large, 

(i)  Mém.  Soc.  Arch.  et  Hist.  Mos.,  XVII,  n5.  Cf.  Austrasie,  i83g, 
p.  385.  Pierres  tumulaires  trouvées  à  proximité  de  l'endroit  où  s'est 
rencontre  Phypocauste. 

(2)  Cf.  supra,  p.  96,  97. 

(3)  Cf.  supra,  p.  q8. 

(4)  Cf.  supra,  p.  to5,  106. 

(5)  Austrasie,  VJII  (1860),  p.  5io.  Puost,  Rev.  Arch.,  1879,  I,  fig\  7. 


—  177  — 

faisant  partie  probablement  des  bains  de  la  villa,  en  a  été 
déo-ao-ée.  Parmi  les  tessons  de  vases  et  les  morceaux  de 
briques,  se  sont  retrouvés  de  nombreux  fragments  de 
marbre  (1). 

Non  loin  du  Héraple  (2),  oppidum  fortifié,  dominant  à 
la  fois  la  vallée  de  la  liosselle  à  l'ouest  et  le  plateau  acci- 
denté qui  s'étend  vers  l'est  jusqu'à  la  Sarre,  nous  rencon- 
trons d'autres  ruines  qui  n'ont  pu  appartenir  qu'à  une 
villa  de  luxe.  Elles  sont  situées  sur  le  ban  de  l'ancien  vil- 
lage de  Guirling  (3),  près  du  village  actuel  de  Théding. 
Elles  ne  sont  distantes  que  d'une  dizaine  de  kilomètres  de 
celles  de  la  villa  de  Rouhling.  Les  moellons,  débris  de 
tuiles,  mêlés  de  fûts  de  colonnes  et  de  plaques  de  marbre 
ayant  servi  de  revêtement,  couvrent  une  superficie  d'en- 
viron 100  mètres  de  long,  sur  50  de  large.  Les  fouilles  à 
peine  ébauchées,  ont  dégagé  les  aires  bétonnées  de  deux 
salles  appartenant  probablement  aux  bains  de  la  villa. 
Une  conduite  d'eau,  taillée  dans  des  blocs  de  grès  longe 
ces  salles.  Elle  mesure  environ  40  mètres  de  long,  et 
amenait  l'eau  d'une  source  située  à  proximité. 

Ces  cinq  villas  de  Sentry,  d'Edeling,  de  Teting,  de  Guir- 
ling et  de  Rouhling,  semblent  avoir  été  disposées  le  long 
d'une  même  route  qui,  de  Metz  aurait  gagné  Mayence,  par 
la  vallée  de  la  Blies.  Le  Héraple  était  certainement  une 
station  de  cette  voie.  Des  chemins  nombreux  se  ramifient 
autour  de  lui  dans  tout  le  quadrilatère  formé  par  la  Ros- 
selle  et  la  boucle  de  la  Sarre.  Cet  oppidum,  dont  les 
fouilles  en  cours  font  reconnaître  de  plus  en  plus  l'impor- 
tance, semble  avoir  été  le  centre  religieux,  commercial  et 
militaire  de  toute  la  région  nord-ouest  du  pays  médioma- 

(i)  Kraus,  Die  Kunstdenkm'dler  des  Reichslands  Elsass-Lothringen, 
T.  III. 

(2)  Les  fouilles  entreprises  au  Héraple,  depuis  1881  par  M.  Huber  (de 
Sarreguemines)  y  ont  l'ait  découvrir  une  sorte  de  petit  Mont-Beuvray. 
Un  temple  occupait  le  centre  de  ce  plateau  escarpé  et  isolé.  De  nom- 
breuses habitations  se  groupaient  tout  autour.  Une  enceinte  fortifiée 
enserrait  le  tout.  Cf.  Ann.  Soc.  Hist.  et  Arch.  Lorv.,  1894,  p.  296  sqq; 
1899,  p.  3i4  sqq;  1902,  p.  319-340.  Mém.  Soc.  Antiq.  de  France,  LUI 
(1894). 

(3)  Le  village  de  Guirling,  situé  jadis  au  nord-est  des  ruines  de  la 
villa  a  disparu  à  la  suite  de  la  guerre  de  Trente  ans.  Cf.  .1////.  Soc.  Hist. 
et  Arch.  Lorr.,  1902,  p.  328,  note  1. 

A.  Greniek.  Habitations  gauloises.  12 


—  178  — 

trice.  Il  devait  être  également  en  communication  directe, 
par  la  vallée  de  l'Eichel,  affluent  de  droite  de  la  Sarre, 
avec  la  contrée  où  se  rencontrent  les  ruines  de  la  villa  de 
Mackwiller,  et  à  peu  de  distance  de  cette  dernière,  au 
Hemst,  près  de  Bouquenom,  les  restes  d'une  autre  villa 
du  même  genre  (1).  Toute  la  vallée  de  la  Sarre,  avec  Sar- 
rebourg,  Lorquin,  les  nombreuses  villas  situées  dans  ces 
parages  et  en  particulier  la  grande  villa  de  Saint-Ulrich, 
se  trouvait  en  relations  faciles  avec  ce  centre  naturel.  Il 
était  pour  toute  cette  partie  du  pays,  la  clef  des  commu- 
nications avec  Trêves  et^Mayence. 

Nous  pouvons  remarquer  que  les  ruines  des  établisse- 
ments qui  furent  à  coup  sur  de  grandes  villas  urbaines  ne 
sont  pas,  tant  s'en  faut,  situées  dans  les  régions  les  plus 
riches  du  pays.  Les  abords  de  la  forêt  de  Rémilly  et  de  la 
Sarre  où  elles  se  rencontrent,  ne  sauraient  compter  parmi 
les  plus  favorisées. 

Peut  être,  un  certain  isolement  semblait-il,  aux  riches 
propriétaires  capables  de  se  bâtir  de  ces  somptueuses  ha- 
bitations de  plaisance,  nécessaire  au  charme  de  leurs  vil- 
légiatures. Ou  plutôt  n'était-ce  pas  surtout  dans  les  ré- 
gions les  plus  écartées  de  la  capitale  de  la  cité,  et  les 
moins  peuplées,  que  pouvaient  se  constituer  le  plus  faci- 
lement les  très  grands  domaines,  condition  nécessaire  à 
l'existence  de  très  grandes  villas  ? 

On  ne  saurait  cependant  affirmer  que  les  villas  urbaines 
aient  été  exactement  localisées  dans  les  parties  de  la  cité 
des  Médiomatrices  où  nous  en  rencontrons  aujourd'hui  les 
ruines  ?  Se  trouvaient-elles,  au  contraire,  comme  les  villas 
rustiques,  réparties  à  peu  près  également  sur  tous  les  points 
du  territoire.  Il  nous  est  impossible  d'en  décider.  Les 
exemples  bien  caractérisés  de  ce  genre  de  villas,  n'ont  pu 
être  que  trop  rarement  reconnus  pour  permettre  quelque 
affirmation. 


(i)  liai  Ici.  Soc.  Arch.  et  Hist.  Mon.,  III  (1860),  p.  191.  Simple  note  si- 
gnalantau  Hemst,  La  découverte  des  fondations  d'une  villa  romaine  assez 
étendue  et  comprenant  des  bains. 


179  — 


* 


Date  des  villas  urbaines.  Les  latifundia  dans  la  cité  des 
Médiomatrices .  —  Tandis  qu'il  nous  a  été  impossible  de 
fixer  l'époque  à  laquelle  a  commencé  dans  la  cité  des 
Médiomatrices,  la  construction  des  villas  rustiques,  les 
indices  fournis  par  le  plan  et  le  style  des  décorations  des 
villas  de  luxe,  nous  ont  permis  d'assigner  à  la  plus  ancienne 
d'entre  elles,  une  date  qui  ne  remonte  pas  au-delà  du 
in0  siècle.  Seule  entre  toutes,  cette  villa  de  Saint-Ulrich, 
semble  avoir  traversé  la  crise  de  275.  Aucune  autre  ne 
porte  comme  elle  la  trace  de  restaurations,  et  ne  paraît 
par  conséquent  antérieure  à  l'invasion.  Toutes  les  particu- 
larités des  villas  urbaines  concordent  au  contraire  pour 
indiquer  comme  date  de  leur  construction  la  renaissance 
brillante  de  la  Gaule,  sous  Constance  Chlore  et  Constan- 
tin. Elles  ne  s'élèvent  dans  les  campagnes,  qu'au  moment 
où  l'on  y  rebâtit  quelques-unes  des  petites  villas.  Le  genre 
d'établissements  auquel  appartiennent  les  villas  urbaines, 
semble  donc  d'une  façon  générale  postérieur  aux  petites 
villas  rustiques.  A  en  juger  par  les  exemplaires  actuelle- 
ment connus,  il  n'apparait  dans  le  pays  que  dans  le  cours 
du  111e  siècle.  Il  ne  devient  courant  qu'à  la  fin  de  ce  même 
siècle,  et  au  début  du  ive  siècle. 

Les  monnaies  qui  ont  été  trouvées  dans  les  ruines  des 
villas  urbaines,  s'arrêtent,  la  plupart  du  temps,  comme 
d'ailleurs  à  Cheminot  et  à  Betting,  à  la  première  moitié 
du  ive  siècle.  Les  grandes  villas,  pas  plus  que  les  petites 
n'ont  pu  échapper  aux  désastres  de  l'invasion  de  350. 
Tous  les  monuments  de  la  civilisation  latine,  ont  péri  à  cette 
époque,  d'une  catastrophe  commune,  avec  la  chute  de  la 
puissance  romaine  dans  la  cité  des  Médiomatrices.  Une 
monnaie  de  Gratiens'est  cependantrencontrée  à  Rouhling. 
L'ne  autre  du  même  empereur  avait  été  trouvée  à  Sorbey. 
Elles  se  rapportent  sans  doute,  l'une  et  l'autre,  aux  efforts 
éphémères  de  reprise  de  l'exploitation  rurale,  qui  durent 
suivre  le  triomphe  des  armes  de  Julien.  C'est  d'une  tenta- 
tive de  ce  genre  que  la  restauration  dune  partie  des  bâti- 
ments de  la  villa  de  Rouhling,  semble  nous  avoir  conservé 
la  trace.  La  rareté  de  ces  monnaies,  le  caractère  absolument 


—  180  — 

exceptionnel  des  travaux  de  reconstruction  dont  nous  trou- 
vons un  exemple  à  Ilouhling,  indiquent  bien,  que  le  pays 
épuisé  ne  parvint  pas  à  se  relever  des  ruines  accumulées 
en  350. 

Les  deux  invasions  de  275  et  de  350,  marquent  donc  le 
commencement  et  la  fin  de  l'existence  des  villas  urbaines 
dans  la  cité  des  Médiomatrices.  La  coïncidence  qui  date 
de  la  même  période  de  troubles,  la  disparition  d'un  bon 
nombre  de  petites  villas  et  l'extension  des  grandes,  nous 
semble  tout  particulièrement  intéressante  à  constater.  Les 
très  grands  domaines  et  le  régime  de  la  grande  propriété 
dont  les  villas  urbaines  sont  l'expression,  n'ont  pu  se 
constituer,  en  etfet,  que  par  la  ruine  des  exploitations 
agricoles  de  moindres  proportions  qui  les  avaient  précé- 
dées. Les  raisons  politiques  et  économiques  qui  ont  con- 
tribué à  cette  transformation  sont  communes  à  tout  l'em- 
pire romain.  Elles  ont  été  fréquemment  étudiées  (1).  Il  ne 
nous  appartient  donc  pas  d'y  revenir  ici*.  Qu'il  nous  suffise 
de  remarquer  l'influence  considérable  exercée  dans  la 
cité  des  Médiomatrices  par  les  premières  invasions  bar- 
bares. C'est  elles  qui  y  hâtèrent  le  développement  de  la 
grande  propriété  et  la  propagation  du  mouvement  social 
qui  en  fut  la  conséquence. 

De  tout  temps,  le  pays  messin  a  souffert  particulière- 
ment du  voisinage  des  nations  germaniques.  Il  semble 
avoir  très  vivement  ressenti  les  effets  de  l'interruption 
violente  de  toutes  les  conditions  de  l'existence  normale  que 
subit  la  Gaule  entre  les  années  275  et  286.  Chaque  nouvelle 
bande  germaine  devait  recommencer  dans  cette  Marche 
frontière  le  pillage  des  ruines  laissées  par  celles  qui 
l'avaient  précédée.  Tandis  que  les  avant-gardes  poussaient 
leurs  incursions  jusqu'aux  Alpes  et  aux  Pyrénées,  l'éclipsé 
de  la  puissance  romaine  laissait  au  gros  des  envahisseurs, 
le  loisirde  s'établir  à  demeure  dans  les  pays  conquis.  Ces 
essais  de  colonisation  devaient  être  encore  plus  funestes 
pour  les  campagnes,  que  la  guerre  et  le  passage    d'armées 

(i)  Fustel  de  Coul.vnges,  Le  coloriât  romai n  dans  les  Recherches  sur 
quelques  problèmes  d'histoire.  D'Arbois  de  Jubainville.  Recherches  sur 
l'origine  de  la  propriété  foncière  et  les  noms  de  lieux  habités  en  France. 
J.  Flagh.  Les  origines  de  l'ancienne  France,  T.  I,  où  la  question  est  parti- 
culièrement étudiée  au  point  de  vue  juridique  et  administratif. 


—  181  — 

d'invasion.  Au  bout  de  dix  ans  de  ce  régime,  il  ne  devait 
plus  rien  rester  des  établissements  fondés  clans  le  pays  par 
la  civilisation  latine. 

Comme  après  l'invasion  des  troupes  suédoises,  pendant 
la  guerre  de  Trente  ans,  la  population  indigène  devait  se 
trouver  décimée.  Bien  des  fugitifs  ne  rentrèrent  jamais 
sans  doute  dans  les  villas  qu'ils  avaient  abandonnées. 
Leurs  biens  tombèrent  en  déshérence.  Plus  rares  encore 
furent  les  propriétaires,  à  qui  leurs  ressources  permirent 
de  rebâtir  leurs  habitations  incendiées,  et  de  recommen- 
cer sur  de  nouveaux  frais  l'exploitation  de  leurs  domaines. 
Ceux  qui  parmi  eux,  avaient  pu  d'une  façon  ou  d'une 
autre  soustraire  leur  fortune  aux  déprédations  barbares, 
devenaient  tout  naturellement,  suivant  l'usage  de  cette 
époque,  les  protecteurs  et  les  patrons  des  moins  fortunés 
qu'eux.  Le  retour  victorieux  des  armées  romaines,  le 
rétablissement  de  l'administration  impériale,  surtout  le 
voisinage  de  la  cour  de  Trêves,  dut  en  outre  amener  dans 
le  pays  médiomatrice,  un  certain  nombre  de  nouveaux 
venus.  La  rapide  et  brillante  renaissance  du  iv°  siècle,  ne 
saurait  s'expliquer  que  par  un  afflux  d'éléments  étrangers, 
venant  vivifier  le  pays  épuisé  par  la  guerre.  La  richesse 
intacte  de  cette  aristocratie  nouvelle  lui  rendait  facile, 
au  milieu  de  la  ruine  générale,  la  prise  de  possession  de 
la  meilleure  partie  du  sol.  Entre  ses  mains,  les  domaines 
devinrent  de  véritables  royaumes  (1).  Le  gouvernement 
impérial  qui  trouvait  son  appui  dans  cette  classe,  lui 
transmit  toute  la  puissance  administrative  et  fiscale. 
Réduits  à  recourir  à  la  recommandation  et  au  précaire, 
les  possesseurs  des  petites  et  des  moyennes  exploitations 
de  jadis,  se  trouvèrent  transformés  en  colons.  Ils  cultivè- 
rent, dès  lors,  pour  le  compte  de  grands  propriétaires 
fonciers  les  «  fiuidi  »  qu'ils  possédaient  à  titre  indépendant 
avant  l'invasion.  C'était  une  nouvelle  forme  de  colonisa- 
tion. Favorisée  par  les  empereurs,  elle  apportait  à  l'ex- 
ploitation de  la  terre,  la  meilleure  partie  des  ressources 
économiques  de  l'Empire.  Les  effets  heureux  s'en  firent 
sentir  les  premiers.  Le  mouvement  qui  créa  les  grandes 
villas  fut  l'origine  du  renouveau  de  force  et  de  richesse 

(1)  L'expression  est  d'Ausone.  Epis/.,  XXIII. 


—  182  — 

qui  signala,  le  dernier  siècle  de  la  domination  romaine  en 
Gaule.  Ce  fut  comme  une  floraison  d'automne,  extrême- 
ment brillante,  mais  qui  épuise  hâtivement  la  plante  qui 
la  produit.  Par  la  loi  naturelle  des  choses,  les  grandes 
fortunes  augmentant  sans  cesse  au  détriment  des  petites, 
finirent  à  bref  délai  par  absorber  toute  la  richesse  du 
pays.  La  prospérité  économique  de  la  fin  de  l'empire 
consomma  la  ruine  de  la  classe  moyenne  qui,  la  première 
avait  adopté  en  Gaule  les  méthodes  de  colonisation  latine, 
et  avait  assuré  pendant  deux  siècles  la  grandeur  romaine. 

C'est  encore  à  la  même  époque,  après  les  invasions, 
que  se  produisit  l'abandon  des  villes  par  l'aristocratie 
gallo-romaine,  en  faveur  des  campagnes.  Tout  porte  à 
croire  que  les  centres  urbains  étaient  demeurés  sans 
aucune  défense,  jusqu'à  ce  que  l'expérience  des  horreurs 
de  l'invasion  ait  fait  sentir  la  nécessité  de  fortifications. 
Les  murailles  dont  nous  retrouvons  la  trace  aujourd'hui 
autour  de  Metz  et  de  Tarquimpol,  datent  sans  doute  de  la 
même  époque  que  celles  de  la  plupart  des  autres  cités  de 
Gaule,  c'est-à-dire  de  la  fin  du  111e  siècle.  Une  pre- 
mière fois  pillées  de  fond  en  comble,  les  villes  s'en- 
tourèrent d'une  étroite  ceinture  de  fortifications.  Les  édi- 
fices qui  en  faisaient  l'ornement  et  le  charme  :  palais, 
thermes  monumentaux,  amphithéâtres,  ne  purent  être 
relevés  faute  de  ressources  et  de  place.  Les  cités  étaient 
devenues  tristes  et  resserrées  (1).  Les  nobles  allèrent 
cherchera  la  campagne,  dans  leurs  domaines,  un  séjour 
plus  agréable.  Les  modestes  appartements  d'habitations 
accolés  aux  villas  rustiques,  ne  pouvaient  suffire  aux  goûts 
grandioses  des  riches  propriétaires.  Ceux-ci  voulaient 
retrouver  dans  leurs  maisons  de  campagne  le  luxe  auquel 
ils  étaient  accoutumés.  C'est  ainsi  que  nous  voyons  s'éle- 
ver dans  les  campagnes  médiomatrices  des  villas  du  genre 
de  celles  de  Rouhling,  de  Saint-Ulrich  et  de  Teting. 

Ce  développement  des  grandes  fortunes  en  Gaule,  joint 

(i)  Les  enccinlt's  nallo-romaines  de  Metz  et  de  Tarquimpol  (Decem- 
Pajri),  montrent,  un  rétréeissemenl  considérable  du  périmètre  primitif 
des  cités.  Cf.  pour  .Metz,  Ami.  Soc.  Hist.  <■/  Arch.  Lorr.,  1897,  p.  \>.'\  sqq. 
Pour  Tarquimpol,  ibid,  1891,  p.  412;  1892,  p.  iiii;  t8g5,  p.  17.")  sqq. 

A.  Metz  les  ruines  de  l'ancien  amphithéâtre  su  ni  laissées  en  dehors  des 
fortifications,  ibid,  [902,  p.  3/|  1 . 


—  183  — 

au  séjour  presque  constant  des  empereurs  d'Occident  et 
de  leur  cour,  y  détermine  une  sorte  de  dernière  renais- 
sance de  l'art  et  des  lettres  classiques.  Delà  culture  litté- 
raire de  l'aristocratie  médiomatrice,  nous  ne  possédons 
aucun  monument.  Les  débris  et  les  ruines  des  villas 
qu'ils  se  construisaient,  nous  sont  garants  de  leurs  goûts 
artistiques.  Ils  nous  autorisent  à  supposer  au  rve  siècle, 
le  développement  d'une  civilisation  assez  brillante,  dans 
la  cité  qui  nous  occupe. 

Nous  avons  été  frappés,  en  effet,  en  étudiant  l'architec- 
ture des  villas,  du  caractère  absolument  conforme  aux  tra- 
ditions classiques,  que  montre  le  plan  tout  entier,  aussi 
bien  que  chacune  des  parties  de  l'habitation.  Les  motifs 
qui  décorent  les  revêtements  des  parois  et  le  stvle  des 
mosaïques  rappellent,  nous  l'avons  vu,  l'art  italien  du 
Ier  siècle  de  l'Empire. 

Les  architectes  s'efforçaient  d'élever  des  villas  dignes 
de  celles  de  Tusculum,  de  Tibur,  de  Laurente  et  de  Tos- 
cane, de  même  qu'Ausone  et  Symmaque  s'ingéniaient  à 
imiter  le  style  épistolaire  de  Cicéron  et  de  Pline  le  Jeune, 
ou  à  prononcer  des  panégyriques  rappelant  le  Panégvrique 
de  Trajan.  Les  grandes  villas  que  nous  venons  d'étudier 
sont  une  tardive  manifestation  de  l'architecture  classique, 
au  même  titre  que  les  Idylles  et  le  poème  de  la  Moselle 
d'Ausone,  représentent  une  sorte  de  renaissance  de  la 
littérature  classique. 

C'est  précisément  à  cette  production  littéraire  contem- 
poraine des  villas  de  luxe,  que  nous  devons  de  connaître 
exactement  la  vie  des  riches  propriétaires  qui  les  habi- 
taient. Sous  les  portiques  de  la  villa,  comme  dans  l'atrium 
des  maisons  urbaines,  se  presse  la  foule  des  serviteurs  et 
des  clients.  Le  propriétaire,  seul  maître,  administre  son 
domaine  comme  il  l'entend.  Ce  facile  exercice  du  pouvoir 
tient  lieu  chez  les  riches  provinciaux  des  ambitions  poli- 
tiques des  grands  seigneurs  romains. 

Dans  ces  vastes  demeures,  tous  les  délices  de  la  vie  se 
trouvent  réunis  (1),  la  campagne  offre  ce  qu'elle  a  de  plus 
charmant,  uni  à  tout  le  confort  luxueux  d'une  habitation 
grandiose.  Par  un  dilettantisme  raffiné,  le  maître   aime  à 

(i)  Paulin  de  Pella,  Eucharisticon,  V,  2o5-2ii. 


184 


diriger  parfois  lui-même,  les  travaux  agricoles.  Le  poète 
Syagrius,  dans  sa  villa,  coupe  les  foins  et  fait  la  ven- 
dange (1).  Consentius  conduit  la  charrue  (2);  la  chasse  et 
la  pêche  surtout,  occupent  les  loisirs  des  riches  gallo- 
romains  (3).  La  grande  renommée  d'un  Ausone  au  iv°  siè- 
cle, les  honneurs  attribués  à  Symmaque,  montrent  que 
cette  société  de  propriétaires  ruraux  était  également  acces- 
sible au  charme  des  lettres  (4). 

A  proximité  de  l'habitation  du  maître,  les  bâtiments 
d'exploitation  agricole  et  les  demeures  des  colons  cou- 
vrent la  pente  du  coteau.  Là,  sont  installées  les  dépendan- 
ces de  toute  sorte  :  granges,  forges,  tissanderies,  teintu- 
reries, poteries,  tuileries,  etc.,  en  un  mot  tout  ce  qui  est 
nécessaire  à  la  vie  d'une  nombreuse  population.  Les  ins- 
truments et  ustensiles  les  plus  variés  se  trouvent  en  effet 
dans  le  voisinage  des  villas  :  enclumes,  marteaux,  outils 
extrêmement  nombreux  et  divers,  pierres  à  aiguiser,  mou- 
lins de  toutes  dimensions,  fers  à  cheval,  etc.,  la  villa 
se  suffît  à  elle-même.  On  y  fabrique  et  on  y  répare  tout  ce 
dont  il  peut  être  fait  usage  dans  une  vaste  exploitation 
agricole.  L'industrie  même  y  est  exercée  ;  témoin  les 
tuileries  établies  auprès  de  la  villa  de  Mackwiller.  Dans 
les  ruines  d'une  villa  trévire,  àEiks,  s'est  trouvé  un  moule 
destiné  à  la  fabrication  des  vases  de  terre  sigillée  (5). 

Les  colons  qui  dépendent  de  la  villa  exercent  tous  ces 
métiers.  Les  uns  sont  logés  sans*  doute  dans  les  vastes 
bâtiments,  situés  comme  à  Rouhling,  derrière  la  villa 
urbaine.  D'autres  peuvent  être  installés  plus  loin,  et  en 
différents  endroits  du  fundus. 

La  condition  des  travailleurs   qui  exploitent  un    grand 

(i)  Sidoine-Apollin.,  Epist.,  VIII,  i4  et  sq. 

(2)  Ibld.,  VIII,  4. 

(3)  Symmaque,  Epist.  I,  63,  IV,  18  ;  VII,  i8. 

(4)  Jullian,  La  nie  d'un  gallo-romain  à  lu  fin  du  IV*  siècle.  Ren.  /fis/., 
47  (  1 89 1  ) ,  p.  2/1 1  sqq.  Glover,  Life  and  Letters  in  the  fourth  century. 
Cambridge,  1901. 

(5)  Bonn.  Jahrb.  107,  p.  2^1 .  Ce  fragmenl  de  moule  représente  :  regis- 
tre inférieur  :  une  tête  de  taureau,  registre  supérieur  :  uu  lièvre  pour- 
suivi par  un  chien  ;  par  devant  es!  encore  le  train  de  derrière  d'un  ani- 
mal. Le  moule  porte  une  légende  explicative  :  ...  lep[ïîs]...  ursus.  Toute 
la  représentation  était  entourée  d'une  inscription  dont  on  lit  encore 
[conlen]  dit  turba  1er  [arum]. 


—  185  — 

domaine,  et  la  manière  dont  ils  sont  logés  peut  varier, 
en  effet,  comme  varient  avec  chaque  fundus,  les  redevan- 
ces et  les  obligations  auxquelles  sont  astreints  les  colons. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  constatons  autour  des  grandes 
villas  un  véritable  groupement  de  la  population  rurale. 
L'habitation  du  maître  forme  avec  les  demeures  des  colons 
un  tout  complet.  Elle  n'a  pu  s'élever  et  ne  subsiste  que 
parle  travail  de  toute  cette  population  qui  l'entoure;  les 
colons  de  leurcôté  profitent  de  la  protection  du  riche  pro- 
priétaire, des  avantages  de  la  vaste  association  créée  par 
lui  sur  son  domaine.  Ils  vivent  de  ce  que  veut  bien  leur 
abandonner  le  maître  sur  les  bénéfices  delà  grande  cul- 
ture.  La  villa,  représente  une  forme  particulière  de  l'orga- 
nisation du  travail,  forme  qui  prévaut  absolument  vers  la 
fin  du  111e  siècle,  dans  tout  l'empire  romain. 

C'est  vers  cette  époque,  que  nous  la  constatons  dans  le 
pays  médiomatrice.  Elle  ne  dut  pas  y  dépasser  le  milieu 
du  ive  siècle.  Toutes  les  ruines  de  villas,  que  nous  avons 
étudiées,  portent  des  traces  évidentes  d'incendie  et  durent 
périr  lors  des  nouvelles  invasions  barbares  qui  s'abattirent 
en  ce  moment  sur  le  pays. 


* 
♦  * 


Survivance  de  la  villa  gallo-romaine  au  Moyen  âge.  — 
Ni  le  système  d'architecture  qui  fut  celui  des  villas  ro- 
maines, ni  le  mode  de  colonisation,  lié  avec  ce  genre  d'ha- 
bitations par  les  traditions  latines,  ne  disparurent  en 
même  temps  que  la  domination  de  Rome.  Le  plan  général 
des  grandes  villas  se  retrouve  avec  toutes  ses  parties 
essentielles  dans  celui  des  abbayes.  C'est  des  aggloméra- 
tions constituées  autour  des  villas  que  sont  issues  la  plu- 
part des  communes  rurales  encore  actuellement  exis- 
tantes. 

Que  l'on  compare  par  exemple  une  villa  telle  que  celle 
de  Saint-Ulrich,  au  type  général  des  abbayes  du  Moyen 
âge.  L'analogie  du  plan  est  d'autant  plus  frappante  que  la 
destination  des  édifices  est  plus  différente.  Les  bâtiments 
sont  toujours  bordés  de  ces  longues  galeries  sur  les- 
quelles ouvrent  les  différents  appartements.  Au  centre  de 
la  façade,  à  la  place  de  l'atrium  de  la  villa,  s'élève  la  cha- 


—  186  — 

pelle  de  L'abbaye.  Des  passages  ménagés  de  part  et 
d'autre  conduisent  à  l'intérieur  du  monastère,  comme  ils 
donnaient  accès  aux  différentes  parties  de  la  villa,  la  cour 
intérieure,  péristyle  entouré  (Tune  colonnade,  n'est-elle 
pas  le  modèle  direct  du  cloître  ?  Derrière  le  cloître  comme 
derrière  le  péristyle,  les  jardins  s'étendent  à  perte  de  vue. 
Dernière  analogie  :  à  l'abbaye  est  toujours  jointe  dans 
les  temps  primitifs  une  exploitation  agricole,  une  véritable 
villa  rustica. 

L'abbaye  procède  en  effet  directement  de  la  villa.  Les 
laits  nous  permettent  parfois  de  constater  cette  filiation 
et  l'histoire  de  très  anciens  couvents  nous  les  montre 
s'établissant  dans  les  bâtiments  mêmes  des  grandes  vil- 
las  de  luxe.  Les  vies  de  saints  nous  relatent  assez  fré- 
quemment l'abandon  d'une  villa  fait  par  un  riche  converti 
à  l'apôtre  d'une  région  (1).  Nous  trouvons  également  aux 
portes  de  Trêves,  à  Saint-Matthias,  un  exemple  caractéris- 
tique d'une  abbaye  construite  sur  les  substructions  d'une 
villa  romaine  (2).  Des  traditions  non  interrompues,  repor- 
tent les  origines  de  cette  abbaye  au  début  même  de  l'Eglise 
trévire.  Les  restes  de  petites  salles  d'habitation,  avec  leur 
pavage  en  ciment  et  leurs  décorations  murales  ont  été 
retrouvées  sous  l'église.  Des  ruines  plus  nombreuses  ont 
été  retrouvées  dans  le  jardin  de  l'abbaye,  transformé  en 
cimetière  (3).  Au  xvie  siècle,  des  voyageurs  nous  décri- 
vent encore  dans  ces  jardins  des  restes  de  statues  an- 
tiques (4).  Sans  suivre  Wilmowski  dans  toute  la  précision 


(i)  Cf.  noliimment  vie  de  saint  Maur.  Lorsque  saint  Maur  arriva  en 
Anjou,  un  noble  du  nom  de  Florus,  lui  donna  la  terre  de  Glanfeuil  où 
était  bâtie  une  superbe  villa.  Une  abbaye  s'élève  actuellement  à  Saint- 
Maur-de-GIanfeuil.  Des  fouilles,  entreprises  sur  les  indications  données 
par  la  vie  de  sain(  Maur,  ont  l'ait  découvrir  dans  le  voisinage  de  l'abbaye 
moderne,  les  ruinés  de  l'ancienne  villa,  qui  avait  servi  d'abbaye  primi- 
tive. L'iimi  des  Monuments.  T.  XIII,  n"  -r\,  el  P.  de  la  Croix,  Fouilles 
arch.  de  l'abbaye  tic  Saint-Maur-de-Glanfeuil.  Paris,  1900,  in-4". 

(2)  Wilmowski,  R'ùmische  Villen  zwichen  Trier  u.Nennig,  Trêves,  1S78. 
(W)  Dus  Coemeterium  Sun<ii  Eucharii,  Jahresb.  <l.  Gesellsch.  f.  nûtzl. 
Forsch.,  [88i . 

(4)  Ortelius  ei  Vivianus,  Itinerarium  per  nonnullas  Galliae  Belgicae 
partes.  Anvers,  i58o,  |».  59.  «  Est  in  eodem  coemeterio,  statua  mulieris 
jacentis  ut  fluminum  Nymphae  fingi  solebant...  eamarmore  candidis- 
siino  ». 


—  187  — 

des  détails  qu'il  croit  pouvoir  tirer  des  traditions  anciennes 
de  l'Eglise  trévire  (1),  on  peut  admettre  que  l'abbaye  de 
Saint-Matthias  doit  son  origine  à  quelque  très  ancienne 
communauté  chrétienne,  établie  dans  la  villa  même,  ou 
dans  les  ruines  restaurées  et  seulement  très  légèrement 
modifiées  de  la  villa  antique. 

Les  couvents  ainsi  constitués  servirent  de  modèle  à  ceux 
qui  s'élevèrent  plus  tard.  Les  traditions  chrétiennes,  en 
s'emparant  du  plan  de  la  villa  romaine,  le  généralisèrent 
pour  toutes  les  constructions  monastiques.  Elles  en  assu- 
rèrent ainsi  jusqu'à  nos  jours  la  persistance  au  moins  dans 
ses  parties  essentielles  (2). 

La  villa  mérovingienne,  telle  que  nous  la  décrit  Fortu- 
nat,  n'est  également  qu'une  imitation  de  la  villa  gallo- 
romaine.  Pauvres  imitations,  il  est  vrai,  et  dont  les  plus 
splendides  n'approchent  pas  des  grandioses  constructions 
que  nous  avons  rencontrées  dans  le  pays  messin.  Elles 
n'en  ont  pas  moins  la  prétention  d'être  construites  à  la  ma- 
nière romaine,  sur  un  plan  romain,  décorées  de  portiques, 
de  stucs  peints  et  de  sculptures  à  la  manière  romaine.  La 
villa  royale  de  Braines,  résidence  habituelle  deCIotaire  I, 
fils  de  Clovis,  n'est  guère  qu'une  villa  rustique.  Mais 
l'organisation  du  domaine  au  milieu  duquel  elle  s'élève 
est  restée  celle  de  la  grande  propriété  gallo-romaine.  A 
l'habitation  du  maître  sont  accolés  les  bâtiments  d'ex- 
ploitation agricole  et  ateliers  de  toute  sorte  qui  servent 
aux  besoins  généraux  de  la  culture.  A  proximité  enfin,  se 
trouvent  les  demeures  des  colons  et  petits  tenanciers,  at- 
tachés à  la  terre  qu'ils  cultivent  (3).  «  Ces  constructions 
étagées  sur  les  collines,  dit  Fustel  deCoulanges,  c'étaient 
déjà  le  village  et  le  château  des  époques  suivantes  (4).  » 

(i)  La  villa  aurait  été  donnée  par  Albana,  veuve  d'un  sénateur  à  saint 
Euchaire,  premier  apôtre  de  Trêves.  Rasée  lors  des  persécutions  de  la  lin 
(hi  m1'  siècle,  elle  aurail  été  rebâtie  à  peu  près  sur  le.  même  plan,  dès  le 
début  du  rve  siècle.  Gesta  Treverorum,  I,  chap.  XX,  XXI,  XXVI,  XXXV. 
Rolland.  Acta  Sanctorum,  II,  p.  920. 

(2)  Cacmont,  Abécédaire  d'Archéologie,^.  19,  note  l'emploi  d'hypo- 
caustes  dans  certains  couvents  du  ix"  siècle. 

(.">-  On  trouvera  un  excellent  tableau  d'ensemble  de  la  villa  mérovin- 
gienne, accompagné  d'une  reconstitution  due  à  M.  Garnier.  Ammann  et 
<■  wimkr,  Histoire  île  l'habitation  humaine,  p.   5qo  sqq. 

(4)  L'alleu  et  le  domaine  rural ,  ad  lin. 


—  188  — 

C'est  jusqu'à  la  villa  gallo-romaine,  que  remonte  en  effet, 
par  l'intermédiaire  de  la  villa  mérovingienne,  la  constitu- 
tion de  la  grande  propriété  féodale  et  la  fondation  de  nos 
villages  modernes.  Les  noms  de  lieux  en  portent  la  preuve 
évidente  pour  le  pays  messin,  tout  particulièrement.  Ils 
sont  terminés  pour  la  plupart,  soit  par  la  forme  y  qui  re- 
monte au  suffixe  «  acum  »  soit  par  la  forme  germanique  ing 
ou  ingcn  (1).  L'usage  du  suffixe  acum  en  Gaule  est  bien 
connu  (2).  Ajouté  au  nom  du  propriétaire  du  domaine,  ou 
du  fondateur  de  la  villa,  il  servait  à  désigner  le  fundus 
et  les  bâtiments  qui  s'y  élevaient.  Le  suffixe  ingen  semble 
avoir  joué  le  même  rôle  à  l'époque  mérovingienne,  tandis 
que  le  suffixe  villare  (devenu  viller  et  weiler),  daterait 
surtout  de  l'époque  carolingienne. 

La  forme  particulière  de  chaque  nom  de  lieu,  ne  prouve 
rien,  d'ailleurs,  touchant  la  date  de  la  constitution  du 
domaine,  auquel  correspond  le  village.  Le  sulïixe  de 
forme  latine,  acum,  se  trouve  en  effet  ajouté  à  des  noms 
propres  de  forme  purement  germanique  (.1).  D'autre  part, 
des  noms  nouveaux,  terminés  en  ingen,  en  viller,  ou  de 
quelque  autre  façon  ont  pu,  bien  souvent,  être  donnés  par 
des  propriétaires  nouveaux,  à  des  domaines  très  ancien- 
nement constitués.  Dans  un  rayon  de  20  km.  autour  de 
Metz,  nous  rencontrons  près  de  100  noms  terminés  ainsi 
par  le  suffixe  y.  Cette  forme  est  également  extrêmement 
fréquente  dans  la  région  de  Château-Salins,  tandis  que 
partout  ailleurs  la  forme  ingen  l'emporte.  Cette  réparti- 
tion si  nette  montre  uniquement  la  persistance  de  la  langue 
latine  dans  certaines  régions,  tandis  que  l'influence  ger- 
manique devenait  prépondérante   dans  le  reste  du    pays. 

Mais  la  formation  même  des  noms  de  lieux,  au  moyen 
d'un  suffixe  quelconque  ajouté  au  nom  propre  d'un  pro- 
priétaire, prouve  la  persistance  des  habitudes  latines.  Si 
la  plupart   des  villages   modernes   portent  aussi   le   nom 

(i)  Adolphe  Schiber, Die  Ortsnamen  des  Metzer  Landes.  Ann.  Soc.IIist- 
et  A  rck.  Lorr-,  [897,  1 . 

(2)  D'Arbois  de  Jubainviiae,  Les  noms  de  lieux  etl'orig.  de  laprop. 
foncière  en  Gaule. 

(3)  Ennkky,  Hunneriaca  villa  {Docum.  de  <S;>X  ,  formé  probablemenl  du 
nom  propre  Hunnerich.  Marly,  Miriliacum  (Docum.  de  7^)  formé  du 
nom  propre  Maro,  Marilo.  Cf.  Marlenheim  (Haute-Alsace),  etc. 


-  189  — 

d'un  domaine  ancien,  c'est  qu'ils  remontent  à  un  groupe- 
ment de  colons,  constitué  autour  de  quelque  villa.  Que 
cette  villa  ait  été  construite  à  l'époque  romaine,  ou  qu'elle 
soit  de  date  postérieure,  il  est  impossible  de  le  déterminer. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  l'organisation  môme  du 
système  de  colonisation,  auquel  les  villages  actuels  doi- 
vent leur  origine,  remonte  bien  à  l'époque  gallo-romaine. 
L'étude  des  grandes  villas  de  lîouhling,  de  Saint-Ulrich, 
de  Teting,  de  Mackviller,  nous  a  fait  apercevoir  en  effet, 
dès  la  fin  du  111e  siècle  de  notre  ère,  tous  les  éléments  qui 
ont  donné  naissance  aux  formes  postérieures  de  la  colo- 
nisation rurale. 


CONCLUSION 


Les  fouilles  exécutées,  sur  le  territoire  de  l'ancienne 
cité  des  Médiomatrices,  nous  font  connaître  trois  genres 
différents  d'habitations  :  des  huttes  de  forme  gauloise,  des 
villas  rustiques  et  des  villas  urbaines.  Nous  avons  vu  que 
le  mode  de  construction  de  ces  demeures  dépendait  en 
partie  de  la  nature  du  sol  sur  lequel  elles  s'élevaient  et 
des  matériaux  fournis  par  le  pays;  que  leurs  dimensions 
et  leur  économie  intérieure,  étaient  commandées  par  la 
situation  économique  et  sociale  des  populations  qui  les  ha- 
bitaient. Toutes  ces  conditions  ont  pu  variera  l'infini,  même 
dans  un  territoire  aussi  restreint  que  celui  d'une  cité,  et  du- 
rant une  période  d'histoire  d'un  développement  aussi  con- 
tinu que  les  quatre  siècles  de  la  domination  romaine  en 
Gaule 

Les  types  d'habitation  que  nous  avons  pu  étudier  ne 
nous  représentent  donc  que  quelques  spécimens  particu- 
liers, parmi  tous  ceux  qui  ont  pu  être  en  usage.  Ils  sont  trop 
rares  encore,  pour  que  nous  puissions  espérer  nous 
faire  d'après  eux  une  idée  complète  des  différentes  for- 
mes de  l'architecture  domestique  dans  les  campagnes 
médiomatrices.  Il  ne  nous  a  été  possible  d'en  dégager  que  les 
grandes  lignes.  Nous  ne  nous  rendons  que  trop  compte 
des  lacunes  que  laisse  subsister  l'insuffisance  de  nos 
renseignements. 

Nous  avons  pu  constater  en  particulier,  que  les  huttes 
de  branchages  et  d'argile,  dont  nous  retrouvons  les  restes 
au  fond  des  mardelles,  n'avaient  pas  été  les  seules  habi- 
tations construites  par  les  populations  gauloises.  Nous 
avons    reconnu    en    certaines    régions    des    vestiges    de 


—  192  — 

demeures  tout  différentes,  bâties  en  pierres  sèches,  sans 
que  d'ailleurs,  les  traces  insignifiantes  qui  en  subsistent, 
nous  permissent  de  préciser  ni  les  détails,  ni  l'extension 
de  ce  o-enre  de  constructions.  Il  eût  été  cependant  tout 
particulièrement  intéressant,  de  trouver  dans  les  perfec- 
tionnements successifs  apportés  à  ces  maisons  de  pierre 
une  transition  naturelle  entre  l'architecture  indigène  et 
les  premières  applications  de  l'art  de  bâtir  romain.  Ces 
demeures  naturellement  peu  solides  et  presque  sans 
fondations,  ont-elles  laissé  quelque  part  dans  le  pays  des 
restes  suffisants  pour  permettre  un  jour  de  constater  cette 
continuité  ?  Aux  fouilles  ultérieures  de  l'établir. 

Ce  premier  genre  d'habitations  se  rattache  par  ses  ori- 
gines à  la  période  qui  précéda  la  conquête  romaine.  Il  put 
se  prolonger  assez  tardivement,  mais  en  demeurant  hors 
du  courant  de  la  civilisation  gallo-romaine,  auquel  il  dut 
céder  de  bonne  heure  les  parties  les  plus  fertiles  du  pays. 
Dès  le  premier  siècle  de  notre  ère  et  au  plus  tard,  au 
début  du  second,  des  habitations  de  technique  et  de  plan 
latins  ne  purent  manquer  de  s'élever  dans  les  campagnes 
médiomatrices.  Les  quelques  villas  rustiques  que  nous 
avons  étudiées,  nous  ont  semblé  au  contraire  dater  d'une 
époque  avancée  de  la  domination  romaine.  Nous  avons 
trouvé  la  preuve  de  leur  existence  au  ive  et  111e  siècles  et 
peut-être  dans  la  seconde  moitié  du  ne]siècle,  sans  pouvoir 
déterminer  la  date  de  leur  construction.  Les  fouilles  n'ont 
fourni  jusqu'ici  aucun  document  sur  les  débuts  de  la  colo- 
nisation de  forme  latine  dans  le  pays  messin.  Nous  souhai- 
tons qu'elles  comblent  promptement  cette  lacune  (1). 

Quant  aux  villas  de  luxe,  la  plus  ancienne,  celle  de  Saint- 
Ulrich,  nous  a  semblé  dater  du  début  du  me  siècle.  Les 
autres  sont  postérieures  à  l'invasion  de  275-286.  Nous 
croyons  que  ces  dates  marquent  réellement  l'origine  des 

(i)  Sous  une  villa  de  Laneuveville-les-Lorquin  datant  du  me  ou  du 
iv"  siècle,  M.  \\ Citer  a  retrouvé  les  fondations  d'un  établissement  plus 
ancien  (cf.  chap.  IV,  p.  107).  Le  même  archéologue  a  bien  voulu  me  commu- 
aiquer  les  plans  de  deux  villas  qu'il  vient  de  retrouver  dans  les  locali- 
tés voisines  d'Urville  et  de  Frécourt  (20  km  nord-est  de  Metz).  Ils  rap- 
pellent de  très  près  les  plans  des  villas  du  Limes  et  sont  encore  plus 
simples  que  celui  de  la  villa  de  Cheminot.  Il  sciait  prématuré  avant  la 
publication  des  fouilles,  de  vouloir  deviner  la  date  de  ces  villas. 


—   193  — 

établissements  de  ce  genre  dans  le  pays  messin.  On  ne 
saurait  faire  remonter  plus  haut  le  mouvement  économique 
et  social  auquel  ils  se  rattachent.  Mais  nous  avons  eu  soin 
de  noter  qu'entre  la  villa  rustique  proprement  dite  et  les 
très  grandes  villas  urbaines,  la  transition  était  formée  par 
une  série  nombreuse  et  continue  d'habitations  rurales 
dont  le  plan  participe  de  l'une  et  de  l'autre.  Les  villas 
de  Cheminot,  de  Sorbey  et  de  Betting  montrent  très 
nettement  ce  double  caractère.  Un  élément  de  luxe, 
indice  d'un  certain  raffinement  de  la  civilisation  gallo- 
romaine,  y  modifie  la  construction  simplement  utilitaire 
de  l'exploitation  agricole  latine.  L'asymétrie  des  bâtiments 
nous  a  permis  de  supposer  que  les  parties  réservées  à 
l'habitation  du  maître  pouvaient  être  d'une  époque  pos- 
térieure à  l'ensemble.  On  ne  saurait  cependant,  jusqu'à 
présent,  déterminer  le  moment  auquel  s'accomplit  cette 
transformation  du  plan  primitif  de  la  villa  rustique,  et 
marquer  ainsi,  la  première  origine  des  grandes  villas 
urbaines. 

L'analogie  des  petits  établissements  que  nous  rencon- 
trons dans  la  cité  des  Médiomatrices,  avec  les  villas 
rustiques  décrites  par  Gaton,  Varron  et  Vitruve,  nous 
semble  d'autant  plus  frappante  qu'elles  en  sont 
séparées  par  un  intervalle  de  temps  considérable.  Les 
villas  de  luxe  de  l'époque  de  Constantin,  reproduisent 
également  dans  le  pays  messin,  celles  du  ier  siècle  de 
l'empire  en  Italie. 

La  colonisation  et  l'architecture  latine,  ont  produit  en 
Gaule,  à  près  de  trois  siècles  de  distance,  les  mêmes 
types  d'habitation  qu'en  Italie.  Nous  sommes  donc  en 
quelque  sorte  autorisés,  en  l'absence  de  renseignements 
précis,  à  nous  représenter  l'histoire  des  habitations  et  de 
la  propriété  rurale  dans  la  cité  des  Médiomatrices,  sur  le 
modèle  de  l'histoire  des  exploitations  agricoles  italiennes. 

Dès  le  début  de  la  civilisation  romaine  dans  le  pays 
messin,  on  aurait  commencé  d'v  bâtir  suivant  une  techni- 
que  et  un  plan  latins,  de  petites  fermes,  moins  dévelop- 
pées que  les  villas  rustiques  d'époque  tardive  que  nous  y 
avons  rencontrées.  Elles  auraient  été  l'habitation  du  pro- 
priétaire lui-même,  cultivant  avec  l'aide  de  sa  famille  et 
de  quelques  esclaves,  le  fundus  qui  lui  appartenait  en 
A.  Grenier.  Habitations  gauloises.  i3 


—  194  — 

propre.  Cette  forme  de  colonisation  patriarcale  devait 
convenir  tout  particulièrement  aux  nobles  gaulois,  habi- 
tués au  séjour  de  la  campagne,  bien  plutôt  qu'à  celui  de 
leurs  tristes  «  oppida».  Elle  aida  et  accéléra  la  propaga- 
tion des  mœurs  latines,  et  des  procédés  de  culture  latins, 
jusque  dans  les  régions  les  plus  écartées  du  centre  de  la 
cité. 

Mais  bientôt,  le  siège  de  l'administration  dans  les  villes, 
et  le  développement  de  la  richesse  grâce  au  commerce,  dut 
attirer  l'aristocratie  gallo- romaine  dans  les  centres  ur- 
bains agrandis,  et  embellis.  Les  propriétaires  ne  firent 
plus  que  de  brèves  visites  à  leurs  villas.  Ils  confièrent  la 
culture  de  leurs  domaines  à  des  «  villici  »  chargés  de  diri- 
ger une  «  familia  »  de  condition  servile.  C'est  de  ce  mode 
d'exploitation  des  campagnes  que  les  plans  de  villas  de 
Cheminot,  de  Betting,  etc.,  nous  conservent  la  trace. 
.Malgré  la  date  postérieure  de  ces  exemples  particuliers, 
nous  pouvons  placer  cette  période  de  développement  de 
la  moyenne  propriété  dans  les  campagnes,  au  second  et 
au  ine  siècle. 

Les  dix  années  de  troubles  qui,  vers  la  fin  du  111e  siècle, 
bouleversent  la  cité  des  Médiomatrices,  mettent  violem- 
ment fin  à  ce  genre  de  colonisation,  et  ruinent  les  villas 
rustiques.  Elles  font  éclore  la  grande  propriété.  Un  cer- 
tain nombre  de  moyennes  exploitations  peuvent  sans 
doute  subsister.  Mais  les  grandes  villas  de  luxe  qui  s'élè- 
vent à  ce  moment  dans  le  pays,  montrent  qu'un  état 
économique  tout  différent  et  de  nouvelles  relations  so- 
ciales ont  remplacé  les  conditions  anciennes  de  l'exis- 
tence. De  nouveau,  la  civilisation  latine  passe  des  villas 
aux  campagnes.  Le  caractère  grandiose  des  habitations 
dont  ce  mouvement  amène  la  construction,  permet  de 
juger  de  la  prospérité  de  cette  nouvelle  forme  d'exploi- 
tation agricole.  Cette  dernière  période  de  la  colonisation 
dans  la  cité  des  Médiomatrices,  est  de  toutes  la  plus 
brillante.  Le  terme  prématuré  qu'y  apportent  les  nou- 
velles invasions  du  ive  siècle,  n'étouffe  pas  les  germes 
qu'elle  contenait.  Elle  est  l'origine  des  modes  de  coloni- 
sation en  usage  jusque  dans  les  temps  modernes. 

L'insuffisance  des  faits  mis  en  lumière  par  les  fouilles 
nous  oblige  donc  à  recourir  à  l'hypothèse  pour  nous  re- 


—   L95  — 

présenter  d'une  façon  complète  l'histoire  des  habitations 
rurales  et  du  travail  agricole,  dans  la  cité  des  Médioma- 
trices.  Les  données  de  l'archéologie  locale  sont  assez 
claires  néanmoins  et  assez  nombreuses,  pour  nous  per- 
mettre de  constater  que  la  forme  de  ces  habitations  fut 
exclusivement  romaine,  et  que  sous  l'influence  des  mé- 
thodes latines,  le  travail  agricole  atteignit  une  intensité 
remarquable. 

La  supériorité  des  procédés  de  l'architecture  romaine, 
lui  assura  dans  toutes  les  régions  du  pays  une  victoire 
incontestée.  La  répartition  seule  des  huttes  de  forme  gau- 
loise suffit  à  nous  indiquer,  qu'elles  avaient  cessé  d'être  à 
l'époque  gallo-romaine,  un  mode  d'habitation  régulier. 
Elles  doivent  rester  en  marge,  pour  ainsi  dire,  de  l'histoire 
des  habitations  erallo-romaines  dans  la  cité  des  Médioma- 
trices.  Nous  constatons,  en  effet,  que  la  technique  de  leur 
construction  n'a  exercé  aucune  influence  sur  celle  des  vil- 
las. L'emploi  du  bois  dont  nous  rencontrons  parfois  la 
trace  ne  saurait  être  attribué  à  une  survivance  de  l'archi- 
tecture gauloise.  Pour  le  plan,  comme  pour  les  détails  de 
la  construction  et  le  style  des  décorations,  villas  rustiques 
comme  villas  urbaines  sont  absolument  latines. 

Les  temples,  les  débris  d'édifices  publics,  et  les  vestiges 
de  fortifications,  nous  permettaient  déjà  de  constater  dans 
les  villes,  cette  imitation  constante  des  dispositions  et  des 
formes  de  l'architecture  romaine.  Les  simples  exploitations 
agricoles,  du  caractère  le  plus  utilitaire  et  le  plus  modeste, 
les  habitations  de  luxe  où  la  fantaisie  des  riches  proprié- 
taires s'est  donnée  libre  cours,  ne  présentent  pas  plus 
d'originalité.  L'extension  des  villas  dans  tout  le  pavs  mé- 
diomatrice,  nous  permet  d'y  suivre  de  la  vallée  de  la 
Moselle,  jusqu'au  pied  des  Vosges,  la  pénétration  d'un  art 
de  construire  purement  latin,  et  par  suite  d'une  civilisation 
complètement  latine.  Le  nombre  et  le  caractère  des  ruines, 
qui  se  sont  conservéesjusqu'à  nos  jours,  nous  indiquent  la 
prospérité  que  cette  introduction  de  la  civilisation  latine 
développa  dans  le  pays.  Aucune  de  ses  ressources  ne 
demeura  sans  être  exploitée. 

L'industrie  contribua  sans  doute  pour  sa  part  à  la 
richesse  du  pays.  Les  restes  de  briquetage  du  pays  des 
Salines  en  apportent  la  preuve.  Mais  l'agriculture  surtout 


—  196  — 

semble  avoir  sollicité  les  efforts  des  Médiomatrices  latini- 
sés. Les  villas  campées  au  flanc  des  coteaux,  tantôt  iso- 
lées, tantôt  réunies  en  groupes  plus  ou  moins  compacts 
nous  conservent  la  trace  d'une  mise  en  valeur  régulière 
et  méthodique  de  toute  la  contrée.  Le  cultivateur  médio- 
matrice  semble  s'être  complètement  assimilé  le  génie  pra- 
tique et  l'intelligence  appliquée  au  travail  du  paysan  latin. 
Plus  tard,  l'aristocratie  foncière  établie  dans  la  cité 
Médiomatrice,  a  adopté,  avec  le  faste  des  grands  seigneurs 
italiens,  leur  habileté  à  organiser  autour  des  habitations 
de  luxe,  l'exploitation  de  leurs  immenses  domaines. 

Les  populations  ne  pouvaient  manquer  de  se  rendre 
compte,  de  l'immense  avantage  que  constituaient  pour 
elles,  la  paix  et  les  traditions  romaines.  Ce  sentiment  suffit 
à  expliquer  l'attachement  dont  elles  firent  toujours  preuve 
envers  l'Empire.  Les  séditions  militaires,  les  compétitions 
personnelles  des  candidats  successifs  au  pouvoir  impé- 
rial, semblent  les  avoir  toujours  laissées  profondément 
indifférentes.  Sans  doute  le  «  paganus  »  gaulois  ne  se  dou- 
tait-il des  vicissitudes  du  gouvernement  impérial  que  par 
le  changement  du  type  des  monnaies  qu'il  recevait.  Jamais 
en  tout  cas,  même  au  moment  où  sous  le  gouvernement 
des  empereurs  Gaulois,  la  Gaule  était  devenue  indépen- 
dante de  fait,  les  populations  laborieuses,  ne  semblent 
avoir  songé  àsecouer  le  joug  de  la  métropole.  La  civilisa- 
tion latine  les  avait  entièrement  conquises  à  la  domination 
romaine. 

C'est  de  cet  obscur  travail  de  la  terre  que  l'Empire  reçut 
sa  force.  Pendant  près  de  quatre  siècles,  il  tira  des  pro- 
vinces, et  de  la  Gaule  tout  particulièrement,  les  ressources 
qui  lui  permirent  de  résister  à  la  fois  aux  troubles  intérieurs 
et  aux  attaques  du  dehors.  Une  histoire  complète  de  cette 
colonisation  des  campagnes,  de  son  organisation  sous  l'in- 
fluence de  la  civilisation  latine,  des  différentes  formes 
qu'elle  a  successivement  revêtues,  et  de  ses  essais  de  re- 
constitution, après  chaque  invasion  barbare,  apporterait, 
nous  semble-t-il,  une  contribution  importante  à  l'histoire  de 
notre  pays,  durant  la  période  de  la  domination  romaine. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Pages. 

Introduction 9  i5 

CHAPITRE  PREMIER 

Le  Pays  des  Médiomatrices  et  les  Médiomatrices 17  22 

10  Description    géographique 17 

Les  limites  de  la  cité  des  Médiomatrices 18 

20  Le  peuple  des  Médiomatrices ig 

Son  histoire 10  20 

La   civilisation  romaine  et  les  traditions  indigènes 21 

CHAPITRE  II 

Les  Huttes  gauloises  à  l'époque  gallo-romaine 23  53 

10  Textes  et   monuments  figurés  relatifs  aux   habitations   gau- 
loises   23 

20  Les  mardelles  dans  le  pays  des  Médiomatrices 28 

3«  Partie  souterraine  des  habitations  gauloises 3i 

4°  La  construction  recouvrant   la  mardelle 36 

5«  Date  des   mardelles 43 

6°  Répartition  des  mardelles  dans  le  Pays  des  Médiomatrices.  48 

CHAPITRE  III 


2 


Villae  rusticae 54  9 

10  Historique  de  l'étude  des  villas  dans  le  Pays  messin .    ...  54 

20  Définition  de     la   villa 56 

3°  La  villa  rustica  d'après  les  écrivains  latins 58 

4°  Villas  de  la  forêt  de  Cheminot 64 

5o  Villa  de  Sorbey 70 

60  Villa  de  Retting 79 

70  Caractère  général  des  villas  rustiques  médiomatrices.    ...  87 

CHAPITRE  IV 

Répartition  des  villas  rustiques  dans  la  cité  des  Médiomatrices.     91  121 

1  °  Villas  situées  à  proximité  de  la  voie  Metz,  Verdun,  Reims.    .    .  g4 
20  Voies  de  Metz  à  Arlon  et  à  Trêves  et  région  de  la  rive  gauche 

de  la   Moselle g5 


—   198  — 

Pages. 

3°  Voie  de  Metz   à  Trêves  et  région  nord-est 96 

4°  Voie    de   Metz  à    Toul  vers    Naix  et   Reims    et   vallée    de    la 

Moselle  entre  Metz  et  Scarpone. 98 

Tjo  Voies  de  Metz  à  Strasbourg gg 

6°  Région  est  du  Pays  Médiomatrice 110 

70  Vue  d'ensemble  de  la  répartition  des  villas  rustiques.    ...  111 

Groupement  des  villas 112 

Le  vicus  rural ii3 

80  Date  des  villas  rustiques 11O 

CHAPITRE  V 

Villae  urbanae 122  174 

io  La  villa  urbana •    ,    .    .  122 

20  La  villa  de  Rouhling 123 

Bâtiments  d'habitation 124 

Les  bains  de  la  villa 127 

Bâtiments  d'exploitation  agricole  et  dépendances  de  la  villa.  i32 

Caractère    et  date  approximative  de  la  villa i3t> 

3o  La  villa  de  Mackwiller i38 

Ornementation  et  date  approximative  de  la  villa i/(3 

4°  La  villa   de  Saint-Ulrich i4f> 

Les  bains if>o 

Les  dépendances  de  la  villa i5i 

Architecture  et  décoration  intérieure  de  la  villa 102 

Trouvailles  particulières  et  date  approximative  de   la  villa.  i58 

5o  La  villa  de  Teting i5g 

Architecture   de  la   villa 164 

L'ornementation  intérieure.    Les  mosaïques 16G 

Caractères  généraux  des  villas  urbaines 172 

CHAPITRE  VI 

Répartition  des  villas  urbaines 170  189 

io  Les  ruines  des  villas  urbaines   trouvées  dans  les  différentes 

régions  de  la  cité  des  Médiomatrices 175 

20  Date  des  villas   urbaines 179 

Les  latifundia  dans  la  cité  des  Médiomatrices 181 

3»  Survivance  de  la  villa  gallo-romaine  au  Moyen  âge  : 

L'abbaye "..'.* i85 

La    villa    mérovingienne i85 

La  commune  rurale 187 

Conclusion 191  19O 


TABLE  DES  FIGURES  ET  DES  PLANS 


Pages 
Fiç.      i.   —  Tombes  en  forme  de  huttes  trouvées  dans  les 

Vosges 26 

Plan      1.   —  La  villa   rustica  latine  d'après  Vitruve 61 

Plan     2.   —  La  villa  de  Marly-aux-Bois  .    .    .    .• 67 

Plan     3.   —  La  villa  de  Sorbey 73 

Plan     4-   —  La  villa   de  Betting 81 

Plan     5.   —  Les  bains  de  la  villa  de.  Brucourt 101 

Plan     G.   —  La  villa  de  Rouhling  et  ses  dépendances 126 

Plan     7.   —  La  villa  de  Rouhlinçf 129 

Plan     8.   —  Bains  de  la  villa  de  Mackwiller i4i 

Plan     9.  —  Situation  et  emplacement  de  la  villa  de  Mackwiller.  il±i 

Plan  10.   —  La  villa  de  Saint-Ulrich 1 47 

Plan    11.   —  La  villa  de  Teting 1G1 

Planche  hors  texte  :  Carte  de  la  Cité  des  Médiomatrices. 


1 


Le  Mans.  —  Imprimerie  Monnoyer,  12,  place  des  Jacobins.  —  1906. 


) 


104..    Chronique  de  Galâwdewôs.  Texte  éthiopien,  traduit  et  commenté,  par  W.-E.  Conzelman.  10  fr 
io5.    Al-Fakhri.  Histoire  du   Khaiifat    et    du    Vizirat   jusqu'à    la    chute    des    Abbassides.  Texte    arabe 

publie  par  H.  Derenbourg.  2c  r 

106.  Jean  Balue,  Cardinal  d'Angers  (142  I  ?- 149 1  ),  par  A.  Forgeot.  7  fr.' 

107.  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  de  la  déesse  bouddhique  Tara,  par  G.  de  Blonay.  2  fr.    5o 

108.  Lissai  sur  l'histoire  de  l'Augustalité  dans  l'Empire  romain,  par  Félix  Mourlot.  Avec  2  cartes  5  fr 

109.  1  ite-Live.  Etude  et  collation  du  ms  5726  de  la  Bibl.  Nat.,  par  J.   Dianu.  2  fr.    75 

110.  Philippe  de  Mézières  et  la  croisade  du  xiv»  siècle,  par  N.  Jorga.                                                    "  18  fr". 
ni.    Les  lapidaires  indiens,  par  I..  Finot.  ,0  fr" 

112.  Chronique   de    Der.ys    de  Tell-Mahré  (4"  partie).    Texte   syriaque  avec   traduction    française,  par 

J  .  Chabot.  i.  r. 

113.  Etudes  d'archéologie  orientale  par  C.  Clermont-Ganneau,  tome  II.  25  fr! 
1  14.   Etude  sur  le  grec  du  Nouveau  Testament  comparé  avec  celui  des 'Septante.  Sujet,  complément   et 

attribut,  par  1  abbe  J.  Vitcau.  12  fr 

115.  Recherches  sur  l'emploi  du  génitif-accusatif  en  vieux  slave,  par  A.  Meillet.  6  fr! 

116.  L'Alsace  au  xvil»  siècle,  par  R.  Reuss.  Tome  I«.  ,g  fr" 

117.  La   religion  védique,  par  A.    Bérgaigne.  Tome  IV.   Index  par  M.  Bloomfield.  5   fr' 
I  IS.    Etude  sur  l'alliance  de  la  France  .et  de  la  Castille  au  XIV  et  au  XV»  siècle  par  G.  Daumet.        6  fr.' 

1 19.  Etudes  critiques  sur  les  sources  de  l'hist.  carol.  I™  p.,  par  G.  Monod.  6  fr. 

120.  L'Alsace  au  xvil'  siècle,  par  R.  Reuss.  T.  II.  20  fr[ 

121.  Le  livre  de  l'ascension  de    l'esprit  sur  la   forme  du  ciel  et  de  la  terre,  par  G.  Aboulfarag,  publié 

par  t.  Nau,  2  parties  'texte  syriaque  et  traduction  française).  21   fr. 

122.  Introduction  à  la  chronologie  du  latin  vulgaire,  par  F. -G.  Mohl.  îo  fr! 

123.  Essai  de  dialectologie  normande,  par  Guerlin  de  Guer,  avec  tableaux  et  8  cartes.  10  fr! 
121..    Annales  de  l'hist.  de  France  à  l'époque  carolingienne.  Charles  le  Simple,  par  A.  Eckel  5   fr' 

125.  Etude  sur  le  traite  de  Paris  de  1259  entre  Louis  IX,  roi  de  France,  et  Henri  III,  roi  d'Angleterre, 

par  M.  Gavrilovitch.                                                                                                                             b  c   c  ' 

126.  Morphologie  du  patois  de  Vinzelles.  par  A.  Dauzat.  Avec  I  carte.  ï0  fr! 

127.  Le  règne  de  Louis  IV  d'Outre-Mer,  par  Ph.  Lauer.  I2  fr' 

128.  Le  Diwàn  de  Tarafa  lbn-al-'Abd  al-Bakrî,  publié  par  Seligsohn.  Texte  arabe  et  trad.  fr.  16  fr! 

129.  Histoire  et  religion  de  Nosaïrîs,  par  R.  Dussaud.  7   fr# 

130.  Textes  religieux  assyriens  et  babyloniens,  par  Fr.  Martin.  Q  fr\ 

131.  Le  royaume  de  Provence  sous  les  Carolingiens  (855-933?),  par  R.  Poupardin.  i5   fr" 

132.  Notices  bibliographiques  sur  les  archives  des-  églises  et  monastères  de  l'époque  carolingienne,  par 

A.  (jiry.  r   ^  3  f         A 

133.  Hermiae   Alexandrin!    in  Platonis  Phaedrum  scholia  ad    cod    par.  1810    denuo  collati,  edidita 

apparatu  entico  ornavit  P.  Couvreur.  12  fr 

134.  Les  marchands  de  l'eau.  Hanse  parisienne  et  compagnie  française,  par  A.  Picarda.  3  fr! 

135.  La  diplomatie  carolingienne  du   traité   de  Verdun  à  la  mort  de  Charles  le  Chauve  (843-877)    par 

J.  Calmette.  v  ^  n  c 

136.  'Le  parler  populaire  dans  la  commune  de  Thaon  (Calvados).  Phonétique,  morphologie,  syntaxe,  foV- 

klore,  suivi  d'un  lexique  de  tous  les  mots  étudiés  par  C.  Guerlin  de  Gucr.  16  fr. 

137.  Te'ezâza  Sanbat  (le  commandement  du  Sabbat),  publié  et  traduit  par  J.   Halévy.  i3  fr.   5rj 

138.  Etudes  sur  l'histoire  de  Milet  et  du  Didymeion,  par  B.  Haussoullier.  i3  fr. 

139.  Etudes  sur  l'étymologie  et  le  vocabulaire  du  vieux  slave,  par  A.  Meillet,  I"  partie.  7  fr! 

_      ,  îd-  id-  2*  partie,  12  fr.   5o 

140.  htudes  sur  les  sources  principales  des  Mémorables  de  Xénophon,  par  A.  Chavanon.  5  fr. 

141.  Histotre   de  saint  Azazaïl.  Texte  syriaque,  introd.  et  trad.   franc. ,  précédée    des    actes  grecs   de 

saint  Pancrace,  par  K  Macler,  avec  2  pi.  5  f r 

142.  La  conquête  romaine  de  la  Dacie,  par  M"«  V.  Vaschide,  avec  une  carte.  7  fr.' 

143.  Le  cautionnement  dans  l'ancien  droit  grec,  par  T.-W.  Beasley.  3  fr     5Ô 

144.  Le  Nil  à  l'époque  pharaonique,  par  C.   Palanque.  5  fr'   50 

145.  Les  officiers  royaux   des  bailliages    et  sénéchaussées  et  les  institutions   monarchiques  locales  en 

France,  a  la  fin  du  moyen  âge,  par  G.  Dupoat-Ferrier.  Avec  2  cartes.  30  fr 

146.  Le  parler  de  Buividze,  par  R.  Gauthiot.  5   fr* 

147.  Etudes  sur  le  règne  de  Hugues  Capet  et  la  fin  du  x°  siècle,  par  F.  Lot  avec  une  planche.        20  fr' 
14b.   Introduction  topographique  à  l'histoire  de    Bâgdâdh   d'Abou    Bakr  Ahmad.  Texte  arabe   et   trad! 

iranç  ,  par  (j.  Salmon.  .      r 

149-  La  vida  de  Santo   Domingo  de  Silos,  par  G.  de  Berceo,  publié  par  John  D.  Fitz-Gérald,  avec 

8  fr 
i5o.   La  province  romaine  proconsulaire  d'Asie  depuis  ses  origines  jusqu'à  la  fin  du  Haut-Empire,  par 

V.  Chapot,  avec  une  carte.  r   iS  f 

i5i.  Vie  d'Al-Hadjdjadj  ibn  Yousof,  par  J.  Périer.  ,3  {[' 

152.  Origine  des  Ossalois,  par  J.  Passy,  avec  6  cartes.  I0  fr* 

153.  Bibliothèque  du  marquis  de  Santillane,  par  Mario  Schiff.  l5  fr' 

1 54.  Les  assemblées  du  clergé  de  France,  origines,  organisation,  développement,  par  L.  Serbat.      1 2  fr! 

155.  Le  Chirstianisme  dans  la  province  romaine  de  Dalmatie,  par  J.   Zeiller. 

156.  Les  Lombards  dans  les  Deux-Bourgognes,  par  Léon  Gauthier. 


Annuaires  de  1  Ecole,  années   i8y    a ,1906,  contenant,  outre  les  documents  et  rapports  concernant  l'École, 
des  travaux  originaux    de  MM.  G.  Boissier,  M.  Bréal,  A.  Carrière,  E.    Châtelain,  C.  Clermont^ 

ïTTù     TU         ■'     p,HnWt'     aC°\ F-   L0t'  G-  M«P«o.  A.  Meillet,  G.    Monod,  G.  Paris, 
J.  Koy,  M.    Ihevenin,  Ed.lournier.   Prix  de  l'année.  2  fr. 


Le  Mans.  —  Imprimerie  Monnoyer,  12,  place  des  Jacobins.  —  1906.