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Full text of "Harengve prononcee devant le roy, seant en ses estats generaulx à Bloys"

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HARENGVE    1*5  Ï4 

PRONONCEE 

DEVANT    LE    ROY, 

SEANT    EN     SES     ESTATS 

gencraulx  à  Bloys ,  par  Rluercnd 
père  en  Die^Meflîre  P  i  e;:r  r  e 
d'  e  p  i  n  a  c ,  Archeucfque, 
Comte  de  Lyo^Primat  des  Gau- 
les,  au  nom  de  l'Eftat  Ecclcfïafti- 
que  de  France, 


A   PARIS, 
Chez  P.I,Huillicr,rue  S.  laques, à  l'Oliuier. 

1  5  7  7- 

^î  VEC  P  1^1  ri  LE  G  E   D  V  HjûT. 


pcc  'W 


HARENGVE    PRO- 

NONCEE     DEVANT     LE 

Roy  3  feant  en  les..  Eflats generaulx  a 
Bloys ,  par  Reuerend  père  en  Dieu* 
JMeJjire  Pierre  d 'Epinac  >  Ànheuef- 
que  j  Comte  de  Lyon  ,  Primat  des 
Gaules,  au  nom  de  ï Efiat  Ecclefiafti^ 
■    que  de  France. 

iRE,encoresquela 
Frâce,  quiaeftéiuf- 
ques  iey  agitée  par 
les  plus  grandes  & 
perilleufes  tépcftes, 
qui  ayent  iamais  tra- 
uaillé  autre  Republique, ne  foitpas 

Aij 


4  » 
encorcs  du  tout  hors  des  vagues  & 

orages  :  fî  eft-cc  qu'elle  penfe  défia 
voir  de  loin  le  port,  &  fe  perfuade 
darriuerbientoft  en  lieu  defeureté, 
puifque  toutes  chofes  luy  tendent 
aydc  &  promettent  fccours.  Car  pre- 
mièrement Dieu  qui  auoit  eftendu 
fur  nous  la  main  de  fon  iufte  cour- 
roux3nous  oftant  le  fentiment  de  nos 
maux,&  le  (èns  pour  y  pourueoir, 
femble  maintenant  nous  regarder  de 
fon  œil  de  pitié  >  puis  qu'il  nous  pré- 
pare de  fî  grands  confeils ,  &  vnefî 
parfaidte  vnio ,  pour  arrefterle  cours 
commun  denosmiferes. Et  après  ce- 
tte afleurance  que  nous  auons  eu  de 
Dieuylaprudécequi  eft  en  vous  plus 
grande  que  voftre  aage  ne  permet,Ia 
dextérité  de  voftre  efprit,qui  fe  reco- 
gnoift  en  toutes  vos  actions,  &  a  efté 
remarquée  en  cefte  éloquente  pro- 


s 

pofition,  qui  a  raui  tout  le  m  onde  en 
admiration,  &  voftre  fainéte  &  bon- 
ne volonté  &  piçté  enuers  voftre 
peuple,nous  donnent  efperance  d'v- 
ne  félicité  prochaine.  Etceftc  expé- 
dition eft  grandement  confirmée, 
quand  nous  confiderons  que  voftre 
fain£t  defîr  eft  fi  affe&ucufemcnt  fé- 
condé par  le  confeil  de  la  Royne  vo- 
ftre mcre,  qui  ayant  fi  bien  mérité 
de  tout  le  Royaume  de  France  ,  tant 
pour  le  foin  qu'elle  a  eu  de  faire  fi 
ïàin&ement  &  religieufementinfti- 
tuer  les  ans  de  voftre  première  ieu- 
nefTe,que  parla  fage  conduite,  par  la- 
quelle elle  a  manié  le  gouuernail  de 
cefte  Monarchie,  pendant  le  temps 
âcs  plus  dâgeureufes  tëpeftes,  conti- 
nue encores  maintenât  à  vouloir  par 
fa  prudence  s'ay derà  remettre  voftre 
Royaume  en  fon  ancien  honneur. Et 

A  iij 


6 

nous  promet  encorcs  beaucoup  de 
bien  l'adfiftance  &  valeur  de  Moiv 
feigneur  voftre frère,  que  nous  e{pe- 
rons  debuoir  eftre  le  bras  dextrede 
voftreauthorité  &puiffance.Et  auec 
toutes  ces  chofes  vos  treshumbles 
fubieds,  qui  parles  caîamitez fout 
fertes  par  le  paflé,fcmbloyent  auoir 
perdu  le  courage,recognoifTans  la  fa- 
ueur  que  le  ciel  leur  prefente  maint e- 
nant,reueilletleursefprits  ja comme 
endormis  &rafToupis,&apportét  vn 
bon  zèle  &  affe&ion  à  la  reftauration 
de  ceft  eftat  :  de  forte  qu'il  femble 
que  toutes  ces  chofes  ioinétes  en- 
iemblc^nous  facent  défia  veoir  le  ciel 
plus  ferain,  &  nous  promettent  vne 
heureufe  tranquillité. 

Et  comment  eft-ce  que  nous. ne 
ferions  tous  encefte  expédition  de 
bonheur  ,  puis  qu'il  pîailt  a  voftre 


7 
Majeftéjiio  comme  Roy5mais  com- 
me père  trefbenin,  traitter  fi  gratieu- 
fementauec  vosfubie£ts3  leur  don- 
ner cefte  honnefte  liberté  de  vous 
dire  leurs  plaintes  &  dolcances/&  fai- 
re vne  fi  amiable  communication  & 
conférence  auec  eulx,  pour  trouuer 
les  moyens  de  leur  donner  quelque 
aflfeuré  repos  après  tant  de  malheurs! 
En  quoy  certes  ils  cognoifTent  com- 
bien eft  grande  voftre  fagefTe  &  pro- 
uidence,  qui  a  feeu  tresbien  reco- 
gnoiftre ,  que  vous  ne  pouuiez  rabil- 
1er  lesdefordres  qui  eftoient  en  vo- 
ftre Royaume ,  que  premièrement 
vousncleseufïiez  bien  &amplemec 
entendus  ;  &  ne  les  pouuiez  mieux 
entendre  que  par  la  bouche  de  vo- 
ftre peuple  y  qui  luy-mefmcs  enfent 
les  pertes  &  les  douleurs.  Car  à  la  vé- 
rité Tvne  des  plus  grades  incommo* 


8 
dicez  quiaccopagnent  l'eftat  Royal, 
cft  que  le  Prince  ne  peuk  entendre 
les  deffaults  qui  font  en  fon  eftat,  que 
parla  bouche  de  ceux  qui  font  au- 
tour de  leurs  oreilles.  Et  iceulx  luy  e- 
ftans  bien  fouuent  diiïtmulez  il  ne 
peuk ,  bien  qu'il  en  euft  bonne  vo- 
lonté, les  reparer  ,  pour  contenter 
fon  peuple.  Chofe  qui  defpleut  tel- 
lement à  l'Empereur  Diocletian, 
que  voyant  que  fes  Confeillers  luy 
cachoient  la  vérité  des  fautes  qui  e- 
ftoient  en  fon  Empire  ,  luy  oftant 
par  là  tout  moyen  de  les  rciglcr, 
*  comme  il  en  auoit  bonne  volonté  :  il 
fè  defpita  tellement ,  que  pour  cefte 
raifon  principale  il  remit  &  refina 
fon  Empire  entre  les  mains  de  Con-*- 
ftantius  Chorus  :  &  aima  mieux  vi- 
ure  en  perfonne  priuée  ,  &  dreffer 
fon  iardin  à  Solone,  que  de  garder 

l'Empire 


9 
l'Empire  du  monde  auec  cefte  in- 
commodité,  de  ne  pouuoir  fidèle* 
vùmt  recogn'oiftre  les  maulx  au£ 
quels  il  appartient  à  vn  Empereur  & 
Prince  fouuerain  de  pourueoir. 

Mais  voftre  Majefté ,  S  i  r  e  ,  a 
bien  prins  vn  confeil  beaucoup  plus 
honorable,  vtil  &  falutaire:  car  ap- 
pelant tout  fon  peuple,  quiafenty 
toutes  ces  calamitez  &  ruines ,  &  leur 
donnant  toute  liberté  de  dire  ce  qui 
le  greue ,  rien  ne  luy  pourra  eftre  ca- 
ché. Et  cognoiffant  particulière- 
ment quelles  font  toutes  les  mala- 
dies qui  affligent  tous  les  membres 
de  cefte  Republique,  il  pourra  auffi 
auec  eux  y  trouuerdes  conuenables 
remèdes.  Et  tout  ainfî  commeils 
recognoiffent  que  vous  exercez  ea 
leur  endroiâ:  l'office  ,  non  feule- 
ment dVn  iufte  &  équitable  Prin- 

B 


10 


ce ,  mais  cncorcs  d'vn  bon  &c  pitoya- 
toyable  père  ;  aind  ils  ne  doiuentde- 
fîrer  rien  plus  que  de  donner  paref- 
fe6t  tefmoignage  del'obeifTancc,  à 
laquelle  les  oblige,  &  la  nature  qui  les 
afaïtnaiftre  vos  fubie&s ,  &  l'amitié 
paternelle  qu'il  vo9p!aift  leur  porter. 
Et  parce,  S  i  RE,vostreshumbles 
8>c  trel-obreiflans  feruiteurs  &c  fub- 
ie£ts,  les  gens  Ecclefiaftiquesdevo- 
ftreRoyaume,recognoiflans  quece- 
fte  vnion  de  l'obeiffancedu  fubied-, 
auec  le  commandement  du  Prince, 
eftvneliaifonqui  entretient  eneftre 
&  en  grandeur  ce  grand  corps  com- 
mun de  la  Republique,  qui  vientfî 
toft  à  decheoir ,  que  ce  lien  eft  diflo- 
lu  &  ïompu,voiiSpïoteftent  deuant 
voftre  Majefté,  qu'ils  n'ont  rien  de 
plus  cher,  ny  n'ont  apporté  ,  après 
l'honneur  de  Dieu,  ^autre  but  &  fin  à 


II 

leurs  a&ios  &  difcours  en  cefte  com- 
mune &  publique  aflembIcc,.(înon 
que  dç  tenter  tous  les  moyens  qui 
pourront  cftre  pour  rendre  voftre 
Majefté  auffi  aimée  &  obeye  defes 
fubje&s, crainte  &  redoubtée defes 
ennemis ,  comme  ont  efté  les  Roys 
vos  predeceffeurs  ,  &  comme  vos 
vertus  le  méritent.  Car  nous  fçauons 
affez,  &  l'expérience  flous  ena(mal- 
heureux  que  nous  fommes)  trop  fait 
fentir  le  dommage,  que  la  defobeif- 
fanec  eft  Faffoibliflement  de  toute 
puiffance,la  ruine  des  maifbns  &fà- 
millesjla  perte  des  villes,  feigneuries, 
&  Royaumes.  Etfiiamais  la  terre  a 
porté  des  Geans ,  qui^comme  a  creu 
l'ancienneté  fabuleufe ,  ont  aiMliles 
deux  y  &  confpiré  contre  la  Maje- 
fté diuine  :  il  icmblc  bieii  que  ce 
ayentefté  ceux,  qui  rompans  le  lient 


12 
commun  des  loix  par  leur  defobeïf- 
fànce  &  impieté  ,  ontconfondu,de£ 
ordonné,  &renuerfé  {ans  deffusdet 
foubs  toutes  chofes. 

Voftre  Majefté  donques,S  ire, 
acceptera  maintenant ,  s'il  luy  plaift, 
ce  public  tcfmoignage  que  nous 
vous  donnons  d'vne  tres-humble 
obeïflancc  &  fidèle  feruitude,  delà- 
quelle  nous  prétendons  ne  nous  dé- 
partir iamais.  Et  puis  qu'il  vo9  plaift, 
pour  ouurir  le  chemin  àvnebonne 
reftauration  de  voftre  eftat ,  nous 
donner  la  liberté  de  remonftrer  les 
chofes  qui  nous  greuent  :  nous  efti- 
merions  faire  grand  tort  au  debuoir 
que  nous  auons  à  Dieu ,  à  voftre  fer- 
uice,au  biê  &  vtilité  de  noftre  patrie, 
àlexpe&ation  de  ceux  qui  nous  ont 
cnuoyez,&  à  cefte  finguliere  &  bon- 
ne volonté  que  vous  auez  enuers 


13    . 

nous,fî  palliant  les  aiïàires  nous  vous 
diffimulionsnosmaulx,  nos  pertes, 
&  nos  calamitez.Car  puis  que  parles 
loixciuiles  celuyeft  tenu  coulpable 
de  crime  de  lezeMajefté ,  qui  ayant 
entendu  quelque  entreprinfeoucô- 
fpiration  au  dommage  du  Prince,ne 
la  reuele ,  ne  ferions  nous  pas  iufte- 
mentreputez  pourtraiftres ,  fïeftans 
appeliez  foubs  l'auétoritéde  voftre 
Majefté  pour  luy  deçlaker  les  eau- 
fès  du  mal  commun  >  nous  vom 
cachions  ou  diflimulions  la  vérité 
des  chofes  qui  méritent  règlement? 
Et  encores  que  le  vieil  Prouerbe 
nousfoitafTezcogneu,  que  le  com- 
plaire acquiert  des  amis,  &Ia  vérité 
apporte  haine:fi  eft-ce  que  nous  efti^ 
mons  au  contraire  ,  que  la  vérité 
foubftenue  par  lauârorité de  voftre 
Majefté,  aura  tant  d'efficace,  quelle 

Biij 


*4 

fera  prinfe  en  bonne  part  de  chacun, 

puis  qu'elle  fera  approuuée  de  vous. 
Aufïi ,  S  i  R  E ,  feroit-ce  chofe  quife- 
roit  mal-feantc  à  nous,  &  contraire  à 
noftre  vacation,  fi  nous  attachions 
(comme  dit  le  Prophète)  des  oreil- 
liers  foubs  les  coudes  de  ceux  qui 
faillent,  &  mettions  des  couffins  & 
cheucts  foubs  latefte  des  pécheurs, 
pour  feduire  les  âmes  &les  entretenir 
en  leur  vice.  Et  puis  que  le  patient  ne 
peut  eftre  bien  guary  s'il  ne  declaire 
bien  apertemét  les  caufes  de  fon  mal, 
nous  vous  defcouurirons  nos  play  es, 
nous  dirons  les  fymptomes  qui  nous 
arriuent,  &ne  cèlerons  les  douleurs 
que  nous  (entons,  attendant  en  no- 
ftre mal,fecours  de  vous ,  comme  de 
noftre  médecin  fouuerain.  Et  obfer- 
vierons  toutesfois  en  cefte  noftre  li- 
berté tout  le  refpeâ:  que  nous  de- 


l5   \ 
uons  à  voftre  Majefté, &  la  modeftie 

que  fe  doit  attendre  &  elperer  de  tel- 
les gens  que  nous  fommes. 

Il  y  a  trois  chofes  qui  maintien- 
nent Peftat  de  toutes  les  Republi- 
ques ,  &  de  1  exadte  obferuation  des- 
quelles dépend  leur  heur  &c  félicité: 
comme  au  contraire  leur  corruption 
eft  vn  prefage  euident  &  manifefte 
de  leur  prochaine  ruine.  La  première 
eft  la  religion,  la  féconde  la  police, 
tant  ciuile  que  militaire:  &  la  troifîef- 
meles  finances  publiques.  Etpar  ce 
ayant  traitté  les  poin£ts  généraux  qui 
appartiennent  à  ces  trois,  &  remettât 
cequiferade  particulier  au  cayer  de 
nos  remonftrances,  il  fembleraquc 
nous  aurons  jette  vn  ferme  fonde- 
mét-pour  ce  quimerite  reformation 
enl'eftat  de  cefte  Monarchie ,  qui  a 
cfté  defreigléeen  tous  ces  ordres^par 


16 
la  licence  que  le  malheur  du  temps  a 
apporté,  foubs  la  longueur  des  inte- 
ftines  guerres  &  partialitez  ciuiles. 

laymis  la  Religion  en  premier 
lieu,  pour  ce  que  le  premier  accord 
des  peuples  laiflfans  la  vie  barbare  & 
ruftique  pour  s'affembler  en  la  fo- 
cictéciuile,  aefté  d'auoir  vn  lieu  de 
religion,pour  les  contenir  enfemble. 
De  forte  que ,  comme  dit  Plutarque> 
fi  nous  recherchons  curieufement 
toutes  les  contrées  du  monde,  &  la 
mémoire  de  toutes  les  anciennes  ôc 
modernes  Republiques,  nous  trou- 
uerrons  bien  que  quelques  vnes  fe 
fontpaflées  de  Roy  s,  les  autres  de 
loix,les  autres  de  lettres,de  murailles, 
de  maifons  &  richeffes  ,  &  ainfi  de 
toutes  autres  chofes ,  qui  femblent 
cftre  neceflaires  àvne  communauté 
politiquermaisilnes'entrouuerraia- 

mais 


17 
mais  aucune  qui  naye  eu  vue  certai- 
ne religion  pour  honnorcr  Dieu.  Et 
feroit,  dit-il,  plus  aiféde  baftir  vne 
ville  (ans  fons  ou  fans  terre  ,  que  d'at 
fembler  vn  peuple  fans  religion.  Et 
pource  voyons  nous, que  tous  les  an- 
ciens legiflateurs ,  encores  qu'ils  fut 
fent  Idolâtres ,  ont  commencé  leurs 
inftitutions  &  ordonnances  par  vn 
tel  quel  hôneur  de  Dieu ,  &  cérémo- 
nie extérieure  de  la  religion  :  comme 
Deucalion  aux  Grecs  ,Lycurgue  aux 
Lacedemoniens ,  Yon  &  Solonaux 
Athéniens,  Romulus  &  Numa ,  aux 
Romains .  Et  brief  en  toutes  les  Sei- 
gneuries du  monde ,  le  premier  fon- 
dement del'cftat  delà  focieté ciuile, 
a  efté  vne  religion  inuiolablement 
obferuée.  Et  de  là  viét  que  tous  ceux 
qui  fe  font  meflez  du  maniement  des 
affaires  publics,  n'ont  iamais  rien  tant 

G 


ï8 
craint, qu  vn  defordre  en  leur  religio, 
ou  quelque  nouueauté  en icelle.Co- 
gnoiflfant  bien  que  la  religion(qui  eft 
celle  qui  retient  la  focieté  publique, 
&  eft  le  fondement  de  toutes  les 
loix  )  ne  pouuoit  eftre  troublée  ou 
changée,  que  par  vue  finiftrecon- 
fequence,  ellen'apportaft  vn  grand 
changement  &  redoutable  pertur- 
bation en  toutPeftat.  Et  non  {ans 
caiife  ce  grand  Orateur  Romain  di- 
foit,  queftantla  religion  altérée ,  il 
s'en  enfuy  uoit  neceflairement  la  per- 
te de  la  fidélité  entre  les  hommes, 
&c  vne  confufion  defordonnée  de 
la  vie  ciuile.  Dequoynoustrouuer- 
rons  affez  d'exemples  en  toutes  les 
Republiques  bien  inftituées .  Et  fi 
nous  voulons  rechercher  combien 
les  Athéniens  ,  qui  ont  cfté  célè- 
bres entre  tous  les  autres  Grecs, 


*9 

pour  leur  fage  gouucrnement  >  ont 
eu  chère  la  conferuation  de  leur  reli- 
gion ,  le  feul  exemple  de  Socrates 
nous  fera  veoir  en  quel  horreur  ils 
auoient  l'introduâion  d'vne  nou- 
uelle  religion .  Car  fes  ennemis ,  qui 
ne  cherchaient  finon  que  calom- 
nieufement  le  faire  mourir ,  ne  peu- 
rent  trouuer  vn  crime  plus  detefta- 
ble  y  ny  par  lequel  ils  le  peuflfent  ren- 
dre plus  odieux ,  que  laccufànt  qu'il 
introduisit  vne autre  religion,  que 
celle  que  les  Athéniens  auoient  de 
tout  temps  obferuée.  Comme  auffi 
nous  voyons  queXenophon  &  Pla- 
ton, defendans  (à  caufe ,  fe  font  plus 
arreftez  à  le  purger  de  cefte  accu- 
fation,  que  de  nulle  aultre,  qui  luy 
fut  impofée.  Etïfocrates,  Orateur 
renommé  entre  les  Grecs ,  efcriuant 

Ci) 


20 

lniftitation  d' vn  Prince,lvexhorte  de 
ne  changer  la  religion  de  fes  prede- 
cefTeurs,pourles  troubles  &  remuc- 
mens  qui  en  peuuent  aduenir.  Et  dés 
le  premier  eftabliflement  de  la  Répu- 
blique Pvomaine^entrc  les  premières 
loixde  Romulus,  celle  icy  eneftok 
vne,  Deos  peregrinos  ne  colunto.  Et  Nu- 
ma  fécond  Roy,  voulant  reigler  la  re- 
ligion des  Romains,  créa  des  Ponti- 
fes,affin,comme  dit  Tite  Liue ,  qu'ils 
euflent  l'œil ,  qu'il  ne  fe  troublait 
quelque  choie  en  leur  droiét  diuin, 
par  introduction  de  nouuclles  &e- 
ftrâgieres  ceremonies,au  mefpris  de 
la  religion  ancienne.  Et  après  que  k*— 
les  Cscfa-fcfut  demeuré  vainqueur  de 
tout  l'Empire  Romains,voulant  cô- 
fulter  auec  fes  particuliers  amys,des 
moyens  delà  reformation  delà  Re- 
publique/utconieillé  parMecœnas 


ZI 

célèbre  Sénateur ,  de  ne  permettre 
iamais  aucun  changement  -en  la  reli- 
gion ,  comme  eftant  cela  vn  moyen 
fort  propre  pour  introduire  chofes 
nouuelles&  troubler vneftat.  Aflez 
d'autres  pareils  exéples  le  pourroient 
trouuer  en  l'anciéneté ,  lefquels  Tob- 
in ettray,  pour  ne  perdre  dauantage 
de  temps  en  chofe  fl  claire.Mais  fi  les 
anciens  idolâtres  incertains  de  ce  que 
ils  debuoient  croire  y  &  n'ay ans  autre 
cognoiflance  de  Dieu ,  que  celle  que 
la  nature  parmy  les  ténèbres  &  ob- 
feuritez  de  la  raifon  humaine,leur  fai- 
foit  veoir5fans  aucune  {cintille  ou  lu- 
mière de  la  diuine grâce,  ont  efté  fi 
foigneux  &  opiniâtrement  curieux 
de  maintenir  leur  religion  abfurde  & 
ridicule  :  combien  à  plus  forte  raifon 
nous  Chreftiés ,  qui  auons  la  certitu- 
de dcnoftre  créance  parrinfpiration 

C  iij 


22, 
du  fainct  Efprk  ,  parla  propre  bou- 
che de  Dieu,  parlaprefence  humai- 
ne de  fon  cher  Fils, par  la  doârinc 
de  fa  parolle  ,  par  les  miracles  de  (a 
vie  ,  par  fa  mort  &  paillon  ,  par  le 
iang  de  tant  de  martyrs,  par  le  fça-^ 
uoirde  tant  dedodtes  perfonnages, 
&  par  la  fuccefïton  continuelle  de 
l'Eglife  ,  combien  dif  je  ,  debuons 
nous  eftre  affedtionnez  à  fouftenir 
cefte  noftre  religion  ,  de  laquelle 
nous  auons  tant  d'afleurez  &c  fuffi- 
{ans  tefmoignages  }  Combien  deb- 
uons nous  défendre  ardemment  ce- 
fte foy  que  nous  auos  approuuéede 
fi  long  temps  :  &  combien  debuons 
nous  auoir  en  horreur  de  veoir  vn 
autrecroyicedeDieu,quecelle5par 
kquelle  nous  fommes  appeliez  à  I  e- 
sv s  Christ,  régénérez  par  fon 
Baptefme ,  &  nourris  &  alliez  auec- 


23 

qucs  luy  par  fes  fain&s  Sacremens? 
Car  fîceftc  refolution  de  conferuer 
inuiolablela  religion^  efté  commu- 
ne à  toutes  les  nations  du  monde, 
combien  eft  elle  plus  propre  &  plus 
particulière  à  nousChreftiens,qui  ne 
retenons  pas  noftre  religion  feule- 
ment pour  la  conferuation  de  cefte 
fôcieté  ciuile,  mais  en  attêdons  félon 
nos  œuures  &  a&ions  vne  certaine 
&  éternelle  après  cefte  vie  ?  Et  auons 
tât  d  afleurâce  de  noftre  foy  y  &  fom- 
mes  enfeignez  par  icclle,  que  fi  vn 
Ange  du  ciel  ven oit  pour  nousinfî- 
nuervne  aultre  do&rine,  que  celle 
que  nous  receuons  par  la  tradition 
Apoftolique^que  nous  ne  luy  pre- 
ftions  aucune  foy  ou  audience.  Qiul 
nous  vienne  en  mémoire  ce  qui  eft 
commandé  fi  exactement  en  la  loy 
de  Dieu  3  que fî  noftre  frcre3  noftre 


fils,noftreami,  &celuy  que  nous  ay- 
mons  comme  nous  me(mes,  voire 
noftre  propre  femme,nous  veult  at- 
tirer à  vne  religion  aultre  que  celle  du 
Dieu  viuant ,  que  nous  ne  Tefcoutios 
point,  mais  (oyons  feueres  &  rigou- 
reux aies  chaftier.  Comme  dohques 
aflemblez  en  la  focieté  ciuile  nous 
debuos  maintenir  premieremet  no- 
ftre religion  :  mais  comme  Chreftiës 
nousyauons  vndebuoir  plus  parti- 
culier, tant  pourlafTeurâce  que  nous 
enauons ,  que  parle  commadement 
exprés  forty  de  la  bouche  de  Dieu, 
Mais  auec  tout  cela ,  comme  bons  &. 
naturels  François,  nous  y  auons  vn 
autre  debuoir  qui  nous  y  aftraint  oui 
tre  ces  précédentes  obligations. 

La  France  a  efté  celle,  qui  depuis  a- 
uoirreceupubliquemétlafoy  chre- 
ftienne  foubs  Clouis,  la  toufiours 

'ardée 


gardée  immuable  &  inuiolable  d'vn 
mefme cours.  La  France  n a iamais 
admis  dedans  fon  fein,  les  peruerfes 
opinions  de  la  foy.  La  France ,  tandis 
que  tout  le  reftc  de  la  Chreftienté 
eftoitagkée,  parles  pernicieufès  di- 
uifions  detâtdc  diuerfes  fortes  d'he- 
refies ,  qui  ont  régné  iufques  à  main- 
tenant, a  toufiours  demeuré  vnic  & 
conftante,fàns  fe  laitier  aller  à  aucune 
fàulfedo&rine.  LaFranceaeftélefè- 
cours  &  la  defence  de  la  foy  Chreftié- 
ne,  &  la  terreur  des  ennemis  dlcelle. 
LaFrance  enfomme  atoufîoursefté 
corne  vn  rocher  ou  fort  inexpugna- 
ble de  la  Chreftienté.  Et  combien fè- 
roitelle  defcheuë  maintenant  defoa 
ancien  honneur5combien  auroit  elle 
perdu  de  fà  reputatio  ,  combien  mâ- 
queroit  elle  de  fa  première  fidélité 
cnuers  Dieu,  fi  changeant  fàfermetc 

D 


%6 
&  confiance  au  faicSt  de  la  foy  ,elle  vi- 
uoit  longuement  ainfï  diuifée,  &  cn- 
duroit  deuant  fes  yeux  iadis  fi  jaloux 
de  l'vnion  de  la  croyance  Chreftien- 
ne,  vne  liberté ,  mais  pluftoft  licence 
intolérable  de  viure  fouz  diuerfes  re- 
ligions?Et  pource,S  i  r  E,vostreshû- 
bles  &  tresobeïfTans  fubicits  ,  les  gés 
de  Tordre  Ecclefiaftiquc ,  eftiment 
que  voftreMajefté  prendra  en  bon- 
ne part  5fuyuant  le  zèle  &  affection 
finguliere  qu'elle  a  toufiours  mon- 
ftiré  enuers la  foy  Catholique,  cefte 
treshumble requefte qu'ils  vous fot, 
de  vouloir  maintenir  vn  feul  exercice 
de  religion  cnvoftre  Royaume, en 
chafTant  promptemét  tous  Miniftres 
qui  en  enfeignent  vn  autre,  que  celle 
que  vous  fçauez  eftrela  vraye,  Ca- 
tlioliqne5Apoftolique,&  Romaine. 
Enquoy  ils  ne  doubtent  point  que 


17 

voftre  Majefté  ne  foitdifpoféed'vn 
fàinâ:  &  trefehreftien  defir ,  veu  que 
Thonneur  de  Dieu,  qui  vous  eft  fî 
cher,&quia  efté  fi  licentieufement 
par  le  paiTé  foulé  aux  pieds  en  ce 
Royaume,v  o9  y  incite:  &  que  la  cha- 
rité que  vous  auez  entiers  ce  peuple 
comisfoubs  voftre  Empire,  &  que 
vo9aymeztât, vous  y  appelle,  &que 
la  réputation  &  eftime  de  vous  &  de 
voftre couronciadis  fifloriflâte,vo9 
y  pouffe  affezardemmét.  Car  voftre 
Majefté  recherchant  la  mémoire  des 
chofes  paffées  ,  recognoiftra  affez, 
que  tant  que  la  France  a  efté  vnie 
foubs  vne  mefme  religion  Chre- 
ftienne  ,  elle  a  faidt  voler  fa  gloire 
&  renommée  par  toutes  les  contrées 
dumonde:elleafaid  fentirla  valeur 
de  fes  armes  par  tous  les  coins  de  la 
terre:  elleatoufioursefté  victorieu- 

Dij 


fe  far  tous  les  ennemys  de  la  religion 
catholiquc,&afàittât  dades  héroï- 
ques &cTheureufes  conqueftes  con- 
tre les  infidelles,  quelle  s'eit  aquife 
vne  telle  gloire  entre  les  Afiens,  Afri- 
cains ,Indiés,Per{es,Tartares,  Mores, 
Sarazins  &  autres,  que  tous  les  Chre- 
ftiens  qui  font  en  l'Europe,  font  par 
eux  nommez  François. Car  pour  n'a- 
uoir  ces  nations  eftrangicres  fenty  les 
armes  d'autres  Chreftiens  que  des 
François,ils  ont  aufïi  comprins  foubs 
le  nom  honnorable  de  France  &  des 
François  ,  toute  la  Chreftienté  La- 
tine. 

Mais  depuis  que  laFranceaeftédi- 
uifée  &  defehirée  en  deux  diuerfes 
religions, voyons  combien  elle  a  per- 
du de  fon  ancienne  renommée.Cellc 
qui  commandoit  à  vne  grande  par- 
tie de  l'Europe,  qui  conqueftoit  les 


Royaumes  loingtains ,  &  quifaifoit 
defonfeulnom  trembler  les  nations 
les  plus  belliqueufes ,  s'eft  veuë  de- 
puis ceftemalheureufe  &  infortunée 
diuifion  reduitte  à  telle  extrémité, 
qu'au  milieu  de  fon  fein  elle  areceu 
les  armes  eftrangieresrelle  à  quafi  pris 
la  loy  de  fes  voifins  &  de  fes  ennemis: 
&cruelle,tournantfon  glaiue  contre 
Ces  propres  entrailles ,  bien  qu'elle  fut 
inuincible  à  toutes  les  autres  nations, 
s'eft  abatue,  vaincue,  &  ruinée  elle 
mefme.  Et  cela  eft  le  frui&qu  a  pro- 
duit ceftevenimeuie  plante  denou- 
uelie  opinion ,  qui  femble  bien  eftre 
proche  de  pouffer  cncoresdesreiet- 
tons  plus  dangereux ,  fî  fuy uant  Tex- 
eftation  que  voftre  peuple  obeï£ 
ant  conçoit  de  voftre  prudence  & 
pietéjiLnevous  plaift  d'y  pourueoir 
promptement. 

D  iij 


i 


30 
Souuiennc  vous^S  i  r  E,que  vous 
portez  en  main  le  fceptre  de  ce  grand 
Roy  Clouis,  qui  premier  régla  cefte 
Monarchie  foubs  la  profcfïion  pu- 
blique de  cefte  religion ,  laquelle  eft 
maintenant  remife  en  doubte  en  ce 
Royaume.  Souuiéne  vous  que  vous 
éftesfuccefleur  de  ce  grand  Childc- 
berg,qui  ne  pouuant  patir  à  Fentour 
defoy  ceux  qui  fentoient  mal  de  la 
religion  Chreftienne  y  entreprit  la 
guerre  contre  les  Vifigots  5  qui  se- 
ftoient  laiflez  infedter  de  Fherefie  Ar- 
rienne,&  en  fin  les  contraignit  de  re- 
uenir  en  F vnion  de  FEglife  Gtinéte  & 
Catholique.  Souuienne  vous  que 
vous  portez  fur  la  jtefte  la  couronne 
de  ce  Charles,  qui  p our  la  grâdeur  &c 
valeur  de  fes  fai£ts  a  meritéle  furnom 
de  Grand ,  &  par  la  vertu  de  fes  ar- 
mes auança  la  religion  Chreftienne^ 


31 
&  défendit  l'autorité  du  {àin&fîe- 

ge  Apoftolic  contre  ceulx   qui  le 
perfecutoient.  Souuiennevous  que 
1  vous  tenez  la  place  de  ce  célèbre  Phi- 
lippe Augufte,  qui  auec  tant  de  zèle 
&  affe£tion ,  employa  fes  armes  con- 
tre les  Albigeois  hérétiques  >  qui  s'e- 
ftoient  fequeftrez  de  l'vnion  catho- 
lique.Souuienne  vous  que  vous  feez 
aufîege  de  ce  tant  renommé  fainéfc 
Loys,  lequel n'efpargna  fes  moyens, 
fes  forces,  &  (à  propre  perfonne,pour 
la  defenfe  &  propagation  de  la.foy 
de  Iefus  Chrift  >  &  par  fes  Chreftien- 
nes  aétions,  mérita  la  courone  &  fur- 
nom  de  Sainét.Etfins  m'amuferda- 
uantage  aies  racompter  tous,fouuié- 
ne  vous  que  vous  eftes  petit  fils  de  ce 
grand  Roy  François ,  lumière  de  la 
pieté  de  France ,  fils  de  ce  victorieux 
Hery,la  mémoire  duquel  viura  eter- 


3* 

nellemet,  &  frère  de  ces  deux  catho- 
liques Princes ,  François  fécond ,  & 
Charles  neufiefme,  à  qui  Dieu  face 
ux.  Mais  encores  qui  vous  touche 
(  :  plus  prés,  fouuienne  vous,S  i  r  e, 
fouuienne  vous  que  vous  eftes  ce  rep- 
lie mmé  Henry,  qui  eftant  encores 
Duc  d'Anjou,  &frcre  de  Roy,  auez 
euîadefenfe  dcrEglife,faitdefi  va- 
leureux a£tes,  gaigné  tant  de  grande.* 
batailles,  &tant  de  fois  dompté  les 
ennemis  de  la  foy  catholique  ,  que 
vous  auez  remply  toute  la  Chreftien- 
té  des  merueilles  de  voftre  nomvi- 
ûorieux.Et  nous  pefons  bié ,  S  i  r  e, 
que  voftre  Majefté  n  a  point  fi  toft 
mis  en  oubly,  ce  grand  &folemnel 
ferment  qu'elle  a  faiefc  â  fon  Sacre ,  no 
feulement  de  maintenir  la  Religion 
Chreftienne  &  Catholique,  mais  en- 
cores de  lauancer  à  fon  pouuoir,fans 


en 


33 
en  tolérer  aucune  autre .  Et  fi  iamais 

aucun  ferment  a  peu  obliger  vn  Prin- 
ce à  maintenir  &  garder  fa  foy,ceftuy 
cy  vous  aftraint  fi  eftroittemerit  à  la 
defenfe  de  cefte  religion,que  vous  ne 
pouuez  en  endurer  aucune  autre,fans 
Faire  force  à  voftre  cofeience,  &  met- 
tre par  aduenture  en  doubtele  droi£fc 
que  vous  auez  à  laCourone.Car  vous 
fçauezbien  que  vous  auez  ftipulé  &c 
contracté  auec  Iefus  Chrift,qucvous 
acceptiez  le  feeptre  à  cefte  condition, 
d'eftre  defenfèur  de  fa  religion  Catho 
lique  :  voire  qu'en  ce  folemnel  iure- 
mét  vous  auez  prins  pour  erre&  pour 
gage  fon  précieux  corps  &  fon  pré- 
cieux fang .  Et  manquant  maintenant 
à  cefte  foy  fi  religieufement  iuree,  ne 
penfez  vous  point  qu'il  doiue  s'irriter 
a  Fencontre  de  vous  ?  ne  cognoiflez 
vous  point,  que  tous  les  maulx  que 
nous  auons  enduré ,  prennes  leur  ori- 

E 


34 
gine  de  fon  iufte  courroux  ?Etnc 

Voyez  vous  pas  3  que  vous  ayant  don- 
né ce  feeptre  auecques  teites  condi- 
tions ,  il  vous  menace  de  lé  vous  arra- 
cher des  mains,  fi  vous  ne  luy  tenez 
cefte  promette  que  vous  \vy  aucz  fai- 
âefi  folemnellement?  Et  roue  ainfi 
corne  Dieu  vous  (emôd  à  Tob^erua- 
tion  de  la  foy  que  vous  luy  auez  don- 
nee:vos  flibie&s  par  icelle  mefme  vo9 
coniurent  à  leur  garder  les  coditions, 
auec  lefquelles  vo';  eftes  fait  leur  Roy: 
&  que  vous  ne  pouuez  enfraindre, 
rompantvoftreiuremétjquevousne 
perdiez  aufli  le  tiltre  que  vous  portez 
de  trefehreftien  .  Et  nous  ne  faifons 
point  de  doubte ,  que  remettant  ces 
chofes  deuant  vos  yeux,  que  reueil- 
lant  la  mémoire  de  vos  predecefleurs, 
&  continuant  voftfe  première  pru- 
deace  &  vertu  ,  vous  n'ayez  ce  bon 
heurde  veoirenvosiours  toutvoftrc 


35 

peuple  réduit  àla  bergerie  de  FEglife 
faincle  &  catholique,  de  laquelle  vo* 
elles  comme  père  &  protecteur. 

Par  ce  moyen  ces  grans  Roy  s  de 
IerufaIemDauid>Salomon>Abia,ïo~. 
fa phaCjEzechiasJoiîaSjfe  font  acquis 
la  bénédiction  de  Dieu  ,  &  vn  fuccés 
fauorable  entons  leurs affaires, pour 
auoira.uecques  tant  de  diligence  re- 
mis la  pureté  de  la  religion,  &  reftau- 
réleieruicediuinqui  eftoit  depraué. 
Et  nous  efperons  auiïi,  quefuyuant 
leurs  t  races  &  y  eftiges,  vous  réunirez 
toute  LtFrance  en  la  religion  Catholi- 
que. Et  pour  la  recompenfe  de  voftre, 
fain£t  defîr ,  aurez  cefte  bénédiction 
deDieu,deveoiren  vosioursvoftre 
Royaume  aufïï  floriflant  qu'il  fut  on- 
ques  i  Et  comme  cela  fera  fort  agréa- 
ble deuant  Dieu  ^aufli  fera-il  grande- 
ment honnorableà  vous  6c  à  voftre 
Couronne.Ce  que  vous  cognoiftrez 
;  -  E  ij 


3* 
affez,  fi  vous  côfidereZjquil  n'y  a  au- 

iourd'huy  Roy ,  Prince,  Potentat  ou 

Republique  (  i'en  excepte  quelques 

peuples  Barbares  &  le  Turc,  les  dete- 

ftables  mœurs  8c  couiiumes  duquel 

nous  doiuent  eftre  fi  odieufes  >  que  le 

feul  nom  nous  en  doit  faire  horreur  ) 

qui  permette  à  fes  fubie&s  de  viùrc 

en  autre  religion,que  celle  que  le  Ma- 

giftratparladecifion  de  l'Eglife,  tiét 

pourfeule,bone&vnique.  Et  ne  font 

certes  dignes  d'eftre  entendus  ceux 

qui  veulent  tellement  reftraindre  la 

puiflance  du  Princeou  du  Magiftrat, 

qu'il  ne  puifle  côtraindrefèsfubie£fcs 

à  la  foy ,  mais  les  doiuent  laiffer  viurc 

en  liberté  (  comme  ils  difent)  de  con- 

fcience.Car  cefte  opinion  a  toufiours 

efté  condemnee  &  reprouuee  gene- 

ralemét  de  tous  les  fhreftiens,  iînon 

par  les  Manichéens  &  Donatiftes,qui 

defendoient ,  qu  il  ne  falloit  preffer 


37 
pcrfonne  pour  fa  religion,mais  laifler 

chacun  en  fa  liberté  &  fatafîe.Et  ceux 
làmefmesauiourd'huy  qui  arrachent 
de  vous  comme  par  force  cefte  liber- 
té de  leur  religion ,  ne  la  permettent 
aux  autres.  Car  es  lieux  de  la  Chreftié- 
té  où  Dieu  a  permis  qu'ils  {oient  les 
maiftres ,  &:  ayent  la  puiflance  en  la 
main,  tant  s'en  fault  qu'ils  accordent 
à  ceux  qui  font  Catholiques  de  viure 
librement  en  leur  religiomqu  au  con- 
traire lesfe&es  diuerfes  qui  fonten- 
tr'eux  (car  défia  ils  fontbendez,& 
diuifez ,  figne  euident  de  leur  pro- 
chaine ruine)  ne  fe  peuuent  compatir 
l'vne  l'autre.  Et  là  où  le  Caluinifte  eft 
le  maiftre ,  le  Luthérien  n  ofe  viure  li- 
brement: voire  mefme  que  quand  ils 
changent  de  Magiftrats  de  diuerfes 
opinions  ,1a religion  change fuy liant 
fà  volonté  :  comme  Ion  a  veu  allez  de 
ces  mutations  en  Angleterre  &  en 

Euj 


38 
beaucoup  de  lieux  en  Aîemaigne .  Et 

quoy,  feroit-cepasvne  honte  &c  ver- 
goigne  trop  grande  au  bon  Chreftien 
&  fidèle  Catholique,  s'il eftoit  moins 
affe&iôné  à  fa  religion,  qui  efi;  aprou- 
uéeparvne  fi  longue  &c  continuelle 
fïicceffion,que  ces  nouueaux  Chre- 
ftiens  à  leurs  opinions  fi  récentes,  qui 
font  nées  comme  en  vnenuid?  Cefl 
donc  vne  maxime  généralement  cer- 
taine &  aprouuée  de  l'Eglife  par  tou- 
tes les  Republiques ,  que  le  Magiftrat 
doit  &  peut  côtenir  fon  peuple  foubs 
vnemefmefoy:  comme  il  fe  monftre 
aflez  par  tant  de  belles  loix  &confK- 
tutions  desChreftiens  &  catholiques 
Empereurs,come  Conffcantin/Theo- 
doze,  Valentinian  ^Martian,  &c  d  au- 
tres, &  tât  de  belles  ordônances  efta- 
blies  par  les  Roys  vos  predecefleurs. 

Mais  parce  que  non  feulement  ceux 
qui  fe  font  fequeftrez  ôi  defunis  de  la 


39 

bergerie  de  l'Eghfe,  ont  abufé  & 
duit  beaucoup  dépeuples  ,  foubsic 
prétexte  de  la  corruption  qui  eftoic 
entre  les  Ecclefiaftiques,  &  des  abus 
qui  font  couliez  parmy  euxrmais  en- 
cores  ceux  qui  font  demeurez  foubs 
lobeiiTance  de  la  foy  catholique,  dé- 
plorent infîniemet  le  defordre  qu'ils 
ycognoiflent  .Nous  dirons  &  con- 
feflerons  librement  auec  eulx,  que 
nous  n'en  portons  point  moins  de 
regret ,  voire  en  (entons  vn  defpîaifîr 
incroyable:  niais  nous  adioufterons 
bien  aufïi,  que  la  licence  de  nos  mal- 
heurs paffez  a  beaucoup  détérioré  le 
mal,  &c  empefché  iufques  icy  le  faindt 
defirqueles  gens  de  bien  onteu,de 
reilaurerla  difeipline  Ecclefïaftique, 
&  faire  vne  reformation  générale  de 
tout  ce  quieftoit  corrompu  en  icel- 
le.  Etaueccefte  commodité  que  les 
Ecclefïafiiques  ont  eue  en  celle  af- 


4° 
femblee  de  conférer  enfemble ,  ils  et 

perent  foubs  voftre  audtorité  exécu- 
ter vne  reformation  fi  canoniquc,quc 
Dieu  en  demeurera  loué,  voftre  Ma- 
jefté  contente  ,  &  voftre  peuple  fà- 
tisfaid  .  Et  pour  leur  en  donner  le 
moyen  ,  ils  vous  {upplient  treshum- 
blement  vouloir  faire  publier  &au- 
dorifer  en  voftre  Royaume,  fuy  Liant 
la  prière  qu'ils  vous  en  font  plus  par- 
ticulière par  leurs  remonftrancesje 
fàinét  &  facré  Concile  de  Trente , 
lequel  par  laduis  de  tant  de  do&es 
perfonnages,a  exactement  recherché 
tout  ce  qui  eft  neceflaire  pour  remet- 
tre TEglifeen  fa  première  fplendeur. 
En  quoy,  Sir  E,ils  efperent  &  atten- 
dent de  vous,  comme  d'vn  Roy  tref- 
chreftieh  &  trefaffedionné  à  l'Eglife 
de  Dieu ,  lafliftance  de  voftre  au  dto- 
rité,  pour  l'exécution  de  cefte  refor- 
mation .  Et  pource  que  le  premier 


4*  f 
poin&cn  cil:,  quel'Eglife  foit  pour- 

ueuëde  bons  &  diligcns  Pafteurs ,  & 
qui  par  la  vertu  de  leur  doctrine  & 
exemple  de  leur  pieté  &  intégrité, 
puiflcnt  redrefler  ce  qui  eft  tombé, 
r'affeurer  ce  qui  eft  efbranlé,&  efclai- 
rercequi  eft  obfcurcy.  ceux  de  Tor- 
dre Ecclefiaftique  vous  fuppliët  tre£ 
humblemét ,  qu'il  vous  plaifè  remet- 
tre l'ancienne  forme  6c  manière  de 
l'ele&ion  aux  Prelaturesde  fEglife, 
fuyuât  les  {àin£ts  Canons  &  Décrets. 
Qui  fera  le  moyen  pour  faire,  que  la 
porte  pour  entrer  aux  Prelatures  Ec- 
clefiaftiques,  ne  foit  plus  comme  elle 
a  efté  iufques  icy,(î  apertemët  ouuer- 
teà  la faueur,  ambition,  &  fymonie, 
que  Ion  aveu  y  régner,  auecvne  licé- 
ce  fi  effrenee,que  le  commerce  &  tra- 
fic en  eftoit  pareil ,  &  pire  paraduen- 
ture  ,  que  des  biens  temporels  met- 
mes.  Ce  qui  a  procédé  de  ce  que  la 

F 


plufpart  des  biens  deftinez  pour  le 
ièruice  de  Dieu ,  font  tenus  &  princi- 
palement occupez  ou  manifeftemét 
parperfonneslaiz  &non  Ecclefîafti- 
ques,ouindire£temétpar  certains co- 
fidestà\#  ne  font  gueres  différés  d'eux, 
au  quand  icandale  &preiudice  de  la 
religion  &  Eglife  catholique.  Nous 
lifonsaux  liiftoires  Françoifes ,  que 
du  temps  de  Loys  fîxiefme ,  furnom- 
ïïié  ie  Gros, les  gentils-hommes  s'e- 
ftoient  donnez  telle  liberté, qu'ils  oc- 
çupoienc  non  feulement  partie  des 
biés  Ecclefîaftiques>comme  le  Com- 
te de  Clermont  les  biés  de  ceft  Euef- 
ché  ,1e  Seigneur  de  Roufly  les  ter- 
res de  FEglife  deRheims  &  deLaon, 
le  Seigneur  dc.Mcung ,  celles  de  l'E- 
uefché  d'Orléans .  Mais  encores  s'at- 
tribuoient  le  tiltre  des  Prelatures,  co- 
rne le  Seigneur  de  Beaujeu,  l'Abbaye 
deSauigny  en  Lyonnois,&  d'autres 


43 
l'Abbaye  de  faind  Denys  en  Fran- 
ce .  Mais  ce  bon  Roy  ne  pouuant  en- 
durer ce  defordre  en  TEglife^print  les 
armes  contr'eux  ,  &  vertueufement 
les  contraignit  de  remettre  les  Egli- 
fes  en  leurs  biens,  libertez  &  franchi- 
fes ,  cognoiflant  bien  que  ceftecon- 
fufiontraineroit  après fby  vne  infini- 
té d'autres  defbordemens  en  l'Eglifc. 
Ainfi  efperon$-nous5  S  i  r  E3que  fuy- 
uant  l'exemple  de  ce  bon  Roy  voftre 
predecefTeur,  voftre  Majefté  laifTera 
les  Prelatures  de  l'Egllfe ,  &  leur  éle- 
ction entre  les  mains  des  perfonnes 
de cefte  vacation  :  &  empefchera  que 
les  laiz  ne  les  poffedent  &c  détiennent 
en  tout  ou  en  partie,  directement  ou 
indirectement.  EtpourcefteifeCtre- 
uoquera  dés  à  prefent  tous  dons^pro- 
méfies,  &:  referues,  vraye  corruption 
de  toute  la  difcipline  de  l'Eglife. 

Fi; 


44 
Et  fî*hous  auonscebon  heur, le- 
quel tout  voftre  peuple  attend  de  vo- 
ftre pieté ,  que  les  dignitez  Ecclefîa- 
ftiques  foientdiftribuees  félon  l'inte- 
grité  de  la  vie,  &  la  (încerité  de  la  do- 
ctrine: nous  ne  faifons  point  de  dou- 
te de  veoir  en  bref  leffecSt  d'vne  falu- 
taire  reformation .  Corne  au  contrai- 
re fans  cela  il  feroit  impoffible  de  fai- 
re aucun  bon  fondement  pourrefta- 
blir  la  difeipline  Ecclefiaftique  .  Et 
fçauons  toutesfois ,  que  de  la  feuLde- 
péd  le  principal  moyen  de  la  reunion 
de  tous  vos  fubie&s/oubs  l'ôbeiflan 
ce  de  la  religiô  catholique .  Car  quâd 
les  Prélats  refîdansen  leur  charge  ,'& 
vueiilans  fur  leurs  troupeaux  (&  tels 
feront-ils  quand  parla  vertu  ils  aurot 
efté  appeliez  &efleus  )  auront  l'œil  à 
fairecathechiferlaieune{Te5&inftrui- 
re  les  ignoras ,  &  leur  declaireront  les 
approbations  &  raifbnsdes  fain&es 


45 
ordonnances  de  l'Eglife:ilny  a  point 

de  doubte ,  qu'en  bien  peu  de  temps 
nous  n'en  voyons  vn  tel  frui£t,  que 
lesCatholiques  les  embraflerot  beau- 
coup plus  deuotieufement:&  les  def- 
uoyez  admiransla  fagefle  &  prudent 
cedel'Eglifefaind:erguidée  en  tout 
&  par  tout  par  le  (àin6t  Efprit,fere- 
duirot  peu  a  peu  fbubs  fon  obeiflan- 
ce .  Et  par  tels  moyens  les  plus  gran- 
des &  dangereufes  herefîes  ont  efté 
plus  que  par  les  armes,  extirpées  ôc 
eftaintes.  Etparl'effedtdeceftefain- 
<Sté  reformation,  foubs  voftre  audio- 
rite,  nous  efperons  de  veoir  en  brief 
cefte  pernitieufe  erreur,  quia  troublé 
tout  ce  Royaume,  s'en  aller  &  s'eua- 
noiiir  en  vapeur  &  fumée. 

.  Mais  nous  auons  iufques  icy  aflez 
amplementparlédece  qui  apartient 
à  la  généralité  du  faid  de  la  Religion, 
quieft  le  premier  fondement  de Te- 

F  iij 


4* 
ftat .  Remettant  donques  les  poin£te 

particuliers  à  ce  qui  eft  porté  par  le 
cayer  de  nos  remonftraces ,  nous  dis- 
courrons vn  peu  delapolice^quieft 
le  fécond  pointtque  nous  auos  pro- 
mis &  propofé  de  traitter  .  Ce  que 
nous  ferons  le  plusbriefuementquil 
nous  fera  poflîble  ,  &  d'autant  plus 
hardiment  que  nous  voyons,qu'auec 
tant  d'attention,  il  plaift  à  voftre  Ma  - 
jefté  nous  entendre. 

Tous  ceux  qui  ont  efcrit  de  TinfU- 
tution  politique,  ont  eftimé  que  la 
tranquillité  commune  &  le  repos  pu- 
blic,eftoit  l'vn  des  buts  &  fins  princi- 
paux de  lafocietéciuile.  Comme  à  la 
vérité  les  Seigneuries  vnies  ont  pro- 
fperé  &  fleury  :  &  difcordantes ,  elles 
ont  efté  malheureufemét  defchirees. 
Et  pource  difent  les  Philofophes,que 
le  premier  office  d'vn  Roy  ,  eft  de 
maintenir  fesfubie&s  en  cocorde.  Et 


47 
en  cela,  Sire,  auec  tât  d'autres  ver- 
tus qui  reluifent  en  vous ,  nous  co- 
gnoiflfoiiscobien  vous  exercez  l'offi- 
ce dVn  bon  &  équitable  Roy  ayant 
faitveoir  cy  deuant  à  chacun, cnco- 
res  que  vous  foyez  de  voftre  nature 
belliqueux,  combien  vous  elles  defi- 
reux  de  la  paix ,  que  vous  auez  fi  che- 
remet  acheptee.  Et  recherchât  main- 
tenant auec  vos  fidèles  fubieits  les 
plus  fèurs  moyens  pour  conferuer  en 
repos  voftre  Royaume,  qui  femble 
enauoirbonbefoin. 

Il  y  a  tantoft  quatorze  ou  quinze 
ans  que  nous  auons  veu  faire  la  guer- 
re inhumaine  &  cruelle  les  vus  aux 
autres,  gés  de  mefme  nation,de  mcf- 
mes  prouittees ,  de  mefmes  citez ,  pè- 
re contre  fils ,  frère  contre  frère, pa- 
rent contre  parent:  tous  fubie&s  dvn 
mefme  Roy  ,  honnorans  mefmes  ar- 
mes de  enfeignes  de  fleurs  de  lis .  Et 


48 
toutcsfois  nous  fommes  fi  aueuglez, 
que  nous  ne  recognoiffons  point  que 
Iefus  Chrift ,  qui  eft  la  vérité  mefme, 
&quiiamaisne  peult  mentir,  nous  a 
a(Teuré,que  tout  Royaume diuifé  en 
foyferaxîcfolé.  Etquieft-ce  qui  ne 
voit  &  ne  fent  defiale  fléau  de  cefte 
defblation?  Nos  champs  au  parauant 
fertiles  font  laifTez  en  fâcheries  fuper- 
bes  &  riches  maifons  demeurent  de- 
fertes  &  abandonnées ,  les  villes  iadis 
célèbres  &opulétcsreftent  defolées, 
parla  perte  de  tous  leurs  anciés  orne- 
mens  des  édifices  tant  priuez  que  pu- 
blics :  &  qui  pis  eft,les  prouinces  font 
diftraittes  &  corne  cantonées  par  vne 
difeorde  trefpernicieufe.Salufte  hifto 
rien  trefrenomé,  predidt  long  téps  au 
parauant,  que  la  ruine  dcRome  nad- 
uiendroit  iamais ,  que  par  vne  diui- 
fion  erutreles  citoyens  d'icelle.  Puis 
qu'il  eft  ainfi,dit-il,que  toutes  chofes 

qui 


49 
qui  ont  commencement  prendront 

auffi  fin  y  lors  que  la  ruine  delà  Repu- 
que  Romaine  approchera,  les  citoy  es 
combattront  contre  les  citoyens.  Car 
autrement  tout  le  môdeenfenvble  ne 
pourroit  efbrâler  ceft  Empire.  Et  cer- 
tes fa  preuoyance  ne  fut  point  vaine, 
car  cefte  Seigneurie  qui  auoit  fleury 
parlabonneintelligéce  qui  eftoit en- 
tre les  citoyens  £  fe  perdit  &  ruina  par 
lesdiuifions  d'viiSylIa,Marius,C#fàr, 
Pompée,  Antonius,Lepidus  &Augu- 
fte:lefquels,au  danger  de  leur  patrie, 
fuy noient  la  vengeance  de  leurs  fa- 
isions &  haines  particulières.  Et  non 
feulement  l'Empire  Romain^par  fem- 
blables  partialitez  s'eft  veu  defeheoir 
de  ià  première  grandeur,mais  encores 
toutes  les  plus  fortes  Republiques  du 
monde3par  femblables  diuifions  ont 
efté  miferablemêt  ruinées.  L'Empire 
d'Alexandre  ,  le  plus  grand  qui  euft 

G 


point  eftéj  s'euanoiiit  comme  vn  feu 
d'eftoupe  par  la  diuifion  &  defordre 
qui  fut  entre  fes  fucceiïeurs.  Les  villes 
de  la  Grèce ,  qui  aut remet  eft oient  in- 
uinciblcs,  par  leur  mauuaife  intèllige- 
ce  vindrëc  foubs  le  pouuoir,partie  des 
Macédoniens,  &  partie  des  Perfes.  La 
Gaule  tant  de  fois  alïàillie  par  les  Ro- 
mains, ne  peuft eftre  fubiuguée ,  que 
par  le  moyen  de  la  diuifion  que  Csefar 
y  trouua,de  la  commodité  de  laquel- 
le il  fe  feruit  pour  fa  côquefte.L'Empi- 
redeConftantinople  par  les  partiali- 
tez  des  Princes  eft  venu  foubs  lepou- 
uoir  ty ranic  &miferabledVn  Ethnie 
&  barbareTurc.Ces  exemples  ioin&s 
aucc  cefte  belle  preuoyace  de  Salufte* 
ne  nous  font  ils  pas  veoir  à  l'oeil,que  fi 
nous  n  v  remédions,  ce  beau  &  florif- 
fànt  Royaume  >  autresfois  agrandy 
parla  concorde  & obeïfTance de  nos 
anceftres ,  eftpreft  de  tomber  en  vue 
'grande  defolat ion  &  mifère  par  nos 


fa&ions  &partialitez?Etquipis  efl:^ 
nous  ne  nous  contentons  pas  de  dei- 
mefler  nos  querelles  nous-mefmes, 
mais  encoreslon  vaiufques  en  Angle- 
terre &  Alemaigne  chercher  les  armes 
eftrangieres ,  voulant,ce  {èmble ,  leur, 
drefTer  vn  chemin  pour  nous  mettre 
foubs  leur  miferable  feruitude.Etne 
confiderons  pas  que  la  calamité  la  plus 
notable  que  foit  iamais  aduenuc  aux 
Republiques  diuifées,a  efté  quand  les 
citoy  es  partiaux  ont  appelle  les  eftra- 
giers  à  leur  ayde ,  qui  fouuent  ayons 
retenu  ce  chemin,  s'en  font  puis  après 
fai&slesmaiftres. 

Lors  que  la  Gaule  eftoit  encores  di- 
uifée  en  diuerfes  Seigneuries,  lesSc- 
quanoisappellerétlcs  Germains  a  leur 
fecours,  &  parleur  ayde  deftruifirent 
quafi  cefte  belle  ville  des  Autunnois. 
Mais  la  vidoire  fut  plus  pemicioufe 
aux  vainqueurs  qu  aux  vaincus.  Car  ils 
furet  cotraints  de  bailler  quafi  la  moi- 

G  i) 


■5* 

tiède  leurs  terres  aux  Germains,  qui 

les auoiét  {ècourus;  lefquels  àlalôgue 
chalTeréttous  les  originaires  du  pays, 
&fe  firent  feigneursquafide  toute  la 
Gaule.  L'Empire  Romain  ne  receut 
iamais  tant  de  dommage,  que  parles 
Lombards,  qui  furent  premièrement 
attirez  par NarfespourchafferlesGots 
hors  d'Italie.  Et  depuis  ayans  efté  rap- 
peliez par  luymefme^pour  le  melcon- 
çentement  qu'il  auoit  des  iniures  qu'il 
auoit  receuës  dellmperatriceSophie, 
mirent  en  proye  &  pillage  toute  llta- 
lie.-fibié  qu'il  fallut  derechef  faire  ve- 
nir les  François,  lefquels  ayans  retenu 
le  chemin,  y  ont  fait  depuis  corne  les 
autres,  de  grandes  &  heureufès  con- 
queftes. 

Mais  pourquoy  cherchons  nous 
des  exemples  eftrâgiers,veu  que  nous 
en  auons  de  domëftiques?Les  feditios 
&  guerres  d'Orléans  &  de  fourgon- 


55 
gne  nous  appellcrent  les  Anglois  en 

France,quipar  ce  moyen  y  prindrenc 
iï  grand  pied,qu  ils  en  poflederent  16- 
guement  après  vne  grande  partie.Lcs 
François  donques ,  quipourfortifîer 
leur  part,  in  uitent  les  eftrangiers,  ne 
fcmble^il  pas  qu  ils  cherchent  le  che- 
min le  plus  court  ,  pour  perdre  leur 
pays,  parles  mefmes  moyens  qui  ont 
ruiné  les  eftats  des  plus  florifTantesRe- 
publiques  ?  Tels  font  donques  nos 
maulx,telles  font  nos  miferes. 

Mais  voyons  maintenant  s4l  y  au- 
roit  point  de  moyen  pour  àïrefter  ce 
cours  continuel  de  nos  malheurs. Plu- 
tarque,enfonIîuredes  maniemés  des 
affaires  publiques,  amené  à  ce  propos 
vne  belle  fentence ,  &  quiftmble  do- 
ner  vn  fort  bon  enfeignement.  Quad, 
dit-il  Je  feu  fe  met  en  vne  ville ,  le  plus 
fouuent  il  ne  commence  pas  par  vn 
temple ,  par  vn  palais ,  ou  par  autre 

Giij 


54 
lieupublic ,  mais  fe  couue  & fe  recèle 

dans  le  recoin  de  quelque  maifbn  pri- 
uée,&  de  là  fe  gliflant  &  coulant  bien 
auantdâsla  ville,  lagafte  &  difforme, 
auec  vn  dommage  irréparable.  Aufli, 
dit-il,iladuient  fouuent,  que  les  fedi- 
tions  ne  prénent  pas  leur  commence- 
ment des  négoces  publiques,mais  par 
les  offenfes  particulières  de  quelques 
perfonnes  notables ,  qui  fe  fortifias  de 
quelques  fa£H6s  &  pars  en  la  Republi- 
ques,efbrâlent  bié  fouuét  tout  l'cftat. 
Et  il  confirme  cela  par  l'exemple  de 
deux  grandes  feditions  aduenues  en 
Delphes  &  en  Siracuze,  pour  de  bien 
legieres  contentions  entre  quelques 
particuliers:  &toutesfois  de  fi  petite 
caufe,fortit  vne grande  ruine  en  ces 
deux  villes.  Et  fi  nous  recherchons  les 
exeples  modernes  de  cela ,  nous  trou* 
lions  que  du  temps  de  l'Empereur  lu- 
ftiniâ,pour  maintenir  des  couleurs  de 


55 
bleu  &  dcvcrd  feulement  >  il  s'efmcut 

vnc  telle  feditio  en  la  ville  de  Confia- 
tinople  entre  quelques  gens  partiaux, 
qu'il  y  mourut  en  vn  iour  plus  de 
trente  mil  hommes.  Et  l'Empereur 
mefme  fut  en  grand  danger  de  perdre 
&  fon  Empire  &  fa  vie.  Et  cefte  gran- 
de faction  ai  blanchi^  ai  #m,qui  a  te- 
nu la  Republique  de  Florence  envne 
grande  fedition ,  &  qui  s'efpandit  de- 
puis par  toute  l'Italie  >  commençapar 
vnebienlegiereoccafîo  entre  les  per- 
-fonnes  priuées.  Etpartâtfembleeftrc 
fortbonleconfeil  dePlutarque,  qui 
entre  les  plus  grands  préceptes  qu'il 
donne  àceluy  qui  gouucrne  vn  eftat, 
ladmonnefte  principalement  de  ne 
laiffcr  croiftre  les  contentions  entre  les 
grands  ,  mais  de  chercher  tous  les 
moyens  pour  les  eftaindre  dés  le  com- 
mencement^ euiter  queparlacon- 
fequence  elles  ne  mènent  après  foy 


J6 

quelque  finiftre  euenement. 

Nous  ne  voulons  pas  dire  que  les 
querelles  particulières  ay  et  efté  la  eau- 
fedenosmauIx,&  origine  de  nos  ca- 
lamitezrmais  fî  voyons  nous  bien  que 
les  inimitiez  &fa£tions  particulières, 
ont  longuemét  entretenu  noftre  mal- 
heur.Et  s'il  n'y  eut  point  eu  de  pars  en 
ce  Royaume,  les  tumultueux  n  eufïet 
filong  temps  entretenu  les  troubles 
qui  nous  affligent. 

Le  plus  grand  bien  donques  que 
voftreMajefté  fçauroit  faire  à  voftre 
Royaume  pour  tenir  la  paix  en  fon 
pays,&  fon  peuple  en  repos,fera  de  re- 
cognoiftre  toutes  les  inimitiez,fa£tiôs 
&  mefeontentemens  qui  y  font ,  & 
chercher  les  moyens  de  les  compofer, 
non  en  apparéce  feulement ,  mais  par 
quelque  bon  effe£t,contentant  ceux, 
fi  iuftement  il  fe  peut,qui  fe  difent  mal 
contens-.donnantaffeurâce  à  ceux  qui 

fe 


57 

fe  difent  auoir  caufe  de  défiance,  &  ré- 
conciliant ceux  quife  tiennent  pour 
ennemys.Etfemblera  eftre  fort  à  pro- 
pos de  prendre  l'exemple  des  anciens 
Athéniens  5  qui  après  leurs  logues  ini- 
mitiez &  feditions,  pour  chercher  vn 
repos,firêt  vneloy ,  qu'ils  appellerent 
damneftie,  ceftà  dire,  d'oubliancc: 
par  laquelle  ils  abolifloiét  entieremet 
la  mémoire  de  toutes  les  pertes ,  cala- 
mités, &  iniures  paffées.  Laquelle  en- 
cores  voulurent  imiter  les  Romains, 
parle  confeil  de  Cicero,apres  les  guer- 
res ciuiles.  Et  fembieroit  maintenant 
fort  à  propos  de  la  pratiquer ,  effaçant 
le  fouuenir  de  tout  ce  qui  s'eft  paffé 
contentieufement  entre  nous ,  auec 
vne  abolition  générale  de  toutes  les 
chofes  qui  font  forties  de  nos  guerres 
ciuiles,pour  n'en  élire  iamais  rien  re- 
cherché ,  non  plus  que  fi  iamais  elles 
n'eftoîent  aduenues.  Et  cela  cofkmer 

H     . 


encefteprefenteaflemblée,poujreftre 
chofeàiamais  inuiolablc.  Et  puis  ayâc 
ainfî  doucemét  ordonné  pour  le  paf- 
fé,  voftrc  Majefté  fera  treshumblemcc 
fuppliée  défaire  pour  laduenir,  vne 
loy  générale  du  confentement  dese- 
ftats,&  qui  aura  mefme  authorité  que 
la  Salique  :  par  laquelle  fera  défendu 
treC expreffémét  à  toutes  fortes  &  ma- 
nières de  gés ,  de  dreflcr  aucunes  pars^ 
aflbciations,  ou  ligues ,  de  traitter  des 
affaires  du  Royaume  auec  les  eftran- 
giers,les  folliciter  de  venir  enFrâce,ou 
faire leuée  de  gens,  foient  eftrangiers, 
foient  François  , (ans le  confentement 
&  exprés  commandement  de  voftre 
Majefté.  Et  que  toutes  perfonnesqui 
directement  ouindire&emcnt  auroç 
contreuenu  à  ladite  ordonnance, 
Soient  tenus  pour  rebelles,  ennemys 
du  pays  ,  &  perturbateurs  de  l'eftat: 
que  leurs  biens  foient  infeparable- 


59  M 

mcntioints  &  vnis  à  la  couronne,  & 
eux  incapables  de  toutes  dignkez  &c 
honneurs.  Car  puifque&le  mal  que 
nous  auons  fenty  iufques  à  mainte- 
nant, nous  monftre  combien  de  do- 
mage  ont  apporté  telles  ligues  &  fa- 
nions, &  que  l'exemple  de  tât  de  Re- 
publiques ruinées  par  ikhblables  par- 
tialiccz ,  &par  l'introdu&ion  des  ar- 
mes eltrangieres^nous  menacent  dV- 
ne  pareille  &  prochaine  ruine:  vos 
treshumbles,trcfobeïffâs,&tres-fide- 
les  fubie&s,  s'ayderont  de  tout  leur 
pouuoir  pour  vous  faire  obeïr,tànt  en 
cepoind,  qu'en  tout  ce  qui  aura  dfté 
parvous  arrefté  en  celle  tant  belle  & 
notable  affemblée.  Et  s'il  y  a  quelques 
gens  fi  téméraires  qui  s'oient  opp  olèr 
à  vos  ordonances,  Dieu  premieremét 
combattra  pour  vousenfîiufte  que- 
relle ,  &  vos  trcshumbles  fubie&s 
vous  y  affilieront. 

Hij 


La  tranquillité  donques  publique, 
l'vnion  de  vos  fubie£ts  y  la  reconcilia- 
tion de  toutes  inimitiez ,  Foubly  de 
toutesles  chofes  paflees,  l'aboliA-emec 
de  toutes  fa6tios  tant  ciuiles  qu  eftrâ- 
gieres,  foientle  premier  fondement 
delapolice,(àns  lequel  nous  neftimos 
rien  pouuoireftrc  ferme  &ftable.  Le 
refteconfiftera  en  bonnes  &  fain&es 
loix,8duftes,&  feuéresMagiftrats.Et 
de  F vn  &  de  l'autre  nous  parlerons  en 
termes  generaux^remettât  les  poinéts 
&  articles  particuliers  à  ces  cayers  de 
noftre  remonftrance. 

Et  pour  dire  des  loix  première- 
ment: fiiamais  Royaume  Chreftien 
s'eft  peu  donner  louange  d'eftre  heu- 
reux en  bonnes  inftitutions  &c  ordon- 
nances ,  la  France  plufque  nul  autre 
peut  eftre  glorieufe  de  cette  belle 
louage. Car  fi  nous  regardos  &lapre- 
mierc  &  ancienne  inilitution  de  fon 


^r 


eftat,&fonfuccez&  progrez,  nous 
trouucrrons  quelle  ne  cède  en  cela  à 
quelque  autre  Monarchie.  Ce  que 
nous  pouuonsiugertant  parce  que  il 
ny  a  poind  aucun  qui  puifle  apparte- 
nir à  la  conferuation  commune,  ou 
aux  fai&s  particuliers  concernans  cha- 
cun ,  à  quoy  il  ne  fe  trouue  que  les 
Roys  par  leur  {âge  confeil,  n  ay  et  pru- 
demment ordonné  :  comme  d'autant 
que  quafî  toutes  les  nations  nos  voi- 
fînes  ont  emprunté  &  delrobé  de 
nousjta  pluipart  de  leurs  loix  Se  meil- 
leures ordonnances.Et  eft  bien  à  con- 
fidererla  forte  &la  manière  de  laquel- 
le font  compofées  nos  loix  ,  qui  eft 
beaucoup  meilleure  5  plus  douce  & 
gratieufe  que  cçlle  de  laquelle  ont  vfé 
tous  les  Roys,Princes,  &  Potentats  de 
la  terre.  Car  il  femble  que  le  peuple 
François  aye  feul  fuyui  le  précepte  ci- 
uil  &politique  de  ce  grâd  Philofophe 

H  jij 


Platon ,  qui  vouloic  que  les  loix  par 
vue  douce  perfuafio  incitaflent  plut 
toft  les  fubie&s ,  que  de  les  cotraindre 
par  (impies  &feueres  comandemens. 
Et  lifons  toutes  les  loix  anciennes  des 
Perfes,  Athéniens,  Lacedemoniens, 
Romains,  &  autres,  &  fueilletons  les 
modernes  encores,&  nous  verros  que 
tous  leurs legiflateurs  fc font  feulemec 
contentez  d'ordonner  telles  &  telles 
ehofes  abfolucment,  &  fans  aucune 
raifon,ou  perfuafion  de  leurs  ordon- 
nances. Mais  les  Roys  de  France ,  qui 
commandent  àleursfubiedts  comme 
les  pères  à  leurs  enfàns,cn  leurs  inftitu- 
tions  femblent  pluftoft  vouloir  in- 
ftruireparviues  raifbns  &  douces  re- 
monft  rances  leurs  peuples ,  que  de  les 
cotraindre  parlaforce  dePobeïflance. 
Carparlesexordes  &  préambules ,  ils 
eclarent  les  caufes  &  les  raifons  qui 
les  ont  eimeus  d'ordonner  ainfi  s  affin 


63 
que  leurs  fubie£ts  fè  rendent  plus  o- 

beïflàns  pour  l'amour  de  la  vertu ,  & 
delarailon^quieftle  fondemét  prin- 
cipal delaloy.  Et  fi  en  toutes  les  plus 
grades  louangcs,dont  les  anciens  ont 
célébré  Antoninus  Pius ,  Prince  bon 
entre  Jes  bons  >  cefte  cy  en  eft  vne, 
qu'il  na  iamais  rien  ordonne ,  qu'il 
nayetafché  défaire  trouuer  bon  par 
lettres  particulières  ,  par  lefquelles  il 
rendoit  raifon  de  fes  ordonnances. 
Cobien  doibt  eftre  pour  cefte  mefme 
caufè  honnorée  entre  nous  la  mémoi- 
re de  nos  bons  ,  iuftes  ,  &  gratieux 
Roys,quitous  d'vn  commun  accord 
ontobferué  cefte  cou  ftume5qui  a  efté 
commefinguliereàcefculPrincetant 
recomandé  par  l'antiquité  ?.  Or  puis- 
que auec  vne  fi  belle  manière  nous 
trouuons  que  les  ordonnances  &Ioix 
de  FrâcejontfufEIàmmentpourueuà 
toutes  les  chofes  neceflàires  à  la  ton- 


fcruation  d'vn  eftat-,  l'obferuation  de 
ces  anciennes  loix ,  à  laquelle  nous  ra- 
menons toutes  chofes ,  femble  eftrc 
beaucoup  plus  profitable  &  vtile,que 
d'en  chercher  ou  compofer  de  nou- 
uelles .  Car  nous  fommes  enfeignez 
qu'il  n'y  a  rie  de  plus  pernicieux  à  vne 
Republique,  quvnetrop  grade  mul- 
titude de  loix.  Et  tout  ainfi  comme 
quand  vne  perfonneeft  griefuement 
malade,  ileftreduitàvn  trefmauuais 
party ,  s'il  a  affaire  à  vn  médecin  indo- 
<Ste  &  imperit,  qui  redoublât  médeci- 
nes fur  medecinesjcorropt  &  altère  les 
humeurs  par  cefte  imprudéce  variété. 
Ainfi  debuonsnous  croire  qu'en  vn 
eftat  troublé ,  la  multitude  de  loix  fur 
loix,  neftguieres  moins dangereufe, 
que  la  multiplicité  de  medicamêsdâs 
vn  eftomac  débilité,  Et  puis  que  la  re- 
formation  n'eft  rien  autre  chofe ,  que 
leuant les  nouuelles introdu&ions  & 

abus^ 


6y 

abus  5  réduire  les  chofcsen  leur  pre- 
mière &ancienefbrrne:auecbo  droit 
&  iuPcc  occafio  nous  auons  par  nos  re- 
nvniilrâces  pluftoftrapellé  Yv&gcSc 
F     tcruatiodes  vieilles  Ioix,que  nous 
n    ions  efté  curieux  d'en  chercher  de 
:d!es.  Mais  parce  quelles  ne  fer- 
n    kêè  rieiijfi  elles  ne  font  feueremec 
&  rigoureusement  obferuées>  l'vne 
des  principales  requeftes ,  que  nous  a- 
uons  à  faire  à  voitre  Majefté  fur  ce 
poinâ:,  fera  qu  il  luy  plaife fe  redre  fe- 
uere  en  l'ôbferuation  &  entretenemec 
dételles  ordônances.  Choie  que  nous 
nous  promettes  de  (à  iuftice3pourra& 
fèurance  qu  il  luy  a  pieu  nous  en  don- 
ner en  cefte  eloquéte  propofîti5,qu  il 
luy  a  pieu  nous  faire  en  Pouuerture  de 
fes  eftats  >  foubs  la  parolle  &  ferment 
de  Princerlequel  nous  vous  fupp lions 
treshumblement  auoir  toufiours  de- 
uât  Iesyeux,pour  enfaire  vnc  defenfe 


6% 

cotre  ceux,  qui  par  importunité  vou- 
draient vous  forcer  de  les  tranfgreflèr 
&  enfreindre.-  Car  il -n'y  a  rien  quiaye 
iamais  tac  fait  fleurir  les  Républiques, 
que  la  confiante  obferuation  desloix 
du  pays.  Et  le  premier  figue  que  Ion 
peult  auoir  de  la  perte  d'vn  ettat,  efl: 
quand  Ion  voit  vue  licence  effrénée  & 
facilité  dedifpenferdes  bonesordon- 
nâces^Enquoy  certes  eft  digne  d'eftre 
notée  vne  belle  fentence  de  Ciceron 
apartenant  à  ce  propos ,  laquelle  pour 
y  eftre  fort  propre  ie  rcciteray,tradui- 
te  de  mot  à  mot.  Les  Republiques, 
dit-il,  qui  font  preftes  de  fe  perdre ,  e- 
ftant  toutes  chofes  déplorées ,  tom- 
bent en  celle  fin  malheureufe,  que 
ceux  que  les  loix  condamnent  font  re- 
ftituez  ,  &  les  iugemens  donnez  fe 
voyent  re(cindez:&  quand  telles  cho- 
fes aduiennentjperfonne  n'ignore  que 
leur  ruine  ne  foit  proche, &c  aucun  ne 


69 
fe  peult  donner  efperance  de  fàlut. 

Voftre  Mâjefté  donques  y  S  i  r  e, 
euiterala  ruine  de  voftre  eftat ,  quand 
elle  fe  rendra  non  feulement  difficile 
mais  eneores  inexorable  enl'ûbferua- 
tion  des  ordonnances  fi  folemneile- 
mentfaid:es3&  gardera  vne  égalité  en 
robferuation  d'icelles,  (ans  acception 
deperfonnes,puis  qu  elles  font  faites 
pour  les  grands  &  pour  les  petits, 
pour  les  riches&  pour  les  pauures.Car 
ceft  vne  chofe  de  trefmauuais  &c  tref. 
pernkieux  exemple  quâdles  loixfont 
rendues,  comme difoit ce fage  Grec, 
femblables  aux  tifîus  ou  toilles  d'irai- 
gnée,àttauers  defquelles  les  oifeaux 
paffent  aifémét,&  les  feules  moufches 
foibles  6c  imbecilles  y  demeuretprin- 
fes  &  retenues  .  Soient  donques  vos 
loix  inuiolablesjfeuereméc  obferuées, 
nonfubiedxs  à  difpenfe,non  fauora- 
bles  aux  grands  >  mais  communes  & 


7° 

égales  à  chacun. Celas'obferuera  bien 
heureufement  quand  voftre  peuple 
ferapourueu  de  bons  Magiftracs  ,  q  m 
iugeâs  fans  faueur^fans  corriiptio3(àns 
différence  du  grand  auec  le  petit, tien- 
nent la  balance  iuftement  fulpendue. 
Car  les  bonnes  loix  ne  font  pas  feule- 
ment inutiles,s'iln'y  a  de  iuftes  Magi- 
ftrats pour  les  faire  obferuer  :  mais  en- 
cores  adujent-il  quelquesfois ,  que 
les  meilleures  ordonnances  du  mon- 
de par  le  vice  des  officiers ,  tournent 
au  dommage  de  la  Republique.  Et 
pourcele  premier  foin  que  doitauoir 
vnprince,quicomevousdefireFheur 
&c  la  félicité  de  la  focieté  publique ,  eft 
quelle  foitaornée  degrâds  &  prudes 
officiers  ,  qui  rigoureufement  entre- 
tiennent le  lien  de  la  Republique  par 
lafeueritéde  leurs  iugemens.  Et  c  eft 
certes  vne  chofe  admirable  de  veoir 
combien  laFrancea  eftépar  toute  la 


7* 
Chreftiecé  célébrée  &  ren6mée,pour 

cefte  infigne  équité  qui  eftoit  obfer- 
uée  par  fes  anciens  Magiftrats. 

Il  fetrouuerrapeu  de  Republiques, 
ouancienes  ou  modernes,quifepui£- 
fent  donner  cefte  louange ,  comme  la 
France,  que  les  Princes  eftrangiers  fc 
foient  volontairement  foubmis  pour 
leurs  diffères  à  fes  luges  &  Magiftrats. 
Car  nouslifons  que  l'Empereur  Fede- 
ric  fubmit  au  iugcment  du  Roy  de 
France  &  de  fon  Parlement,  la  deci- 
fion  de  plufieurs  differens&  contro- 
uerfes  qu'il  auoit  auec  le  Pape  Inno- 
centquatriefme.  Et  du  temps  de  Phi- 
lippe le  Bel,  le  Comte  de  Namurfu- 
bit  volontairement  iugement  foubs 
le  Roy  &  ion  Parlement ,  encores 
quileuft  pour  partie  Charles  de  Va- 
lois frère  du  Roy ,  tant  il  auoit  de  con- 
fience  en  l'équité  de  tels  iuges.Etdc 
meftnePhilippePriacede  Taréte,  biê 

liij 


71 

qu  cftrangicr  j  accepta  volotierspour 
iuge  le  Roy  de  France  feant  en  Ton 
Parlement,furle  différend  qu'il  auoit 
auec  le  Duc  de  Bourgongne  >  pour 
certains  fraiz  qu'il  couerioit  faire  pour 
le  recouuremenr  de  l'Em  pire  deCon- 
ftantinople.  DemefmefiftleDuc  de 
Lorrainejfur  le  procès  qu'il  auoit  con- 
tre Guy  de  Chaftillon  (on  beau  frère, 
pour  leurs  partages/De  mefme  enco- 
res  firent  le  Dauphin  de  Viennois  ,& 
le  Comte  de  Sauoye,  fur  le  différend 
de  la  foy  &  hommage  du  Marquilàt 
de  Saluce. Et  en  Tan  mil  quatre  cens  &c 
deux,les  Roys  de  Caftille  &  de  Portu- 
gal,enuoyerétpar  aucuns  Cheualiers 
Efpagnols  >  vn  traitté  &  accord  fait  &c 
palîé  enneux,  pour  le  faire  publier  & 
emologuer  en  la  Cour  de  Parlement 
de  Paris ,  pour  auoir  plus  d'authorité. 
Facent  donc  tât  de  compte  qu'ils  vou- 
dront les  anciens  Grecs  &  Romains 


73 
deleuifs iuftes  iugemens,de  la  réputa- 
tion de  leurs  loix ,  de  la  renommée  de 
leurs  Magiftrats ,  fi  ne  trouuerront-ils 
pourtant  aucun  tefmoignagne  fi  célè- 
bre pour  leur  gloire  x  corne  font  ceux 
icy  3  par  lefquels  la  Iuftice  Françoife  a 
efté  généralement ,  &  par  le  confente- 
meiu  de  toutes  les  nations  du  monde 
grandement  honnorée. 

Màisjbon  Dieu^confiderons  com- 
bien elle  eftdecheue  de  celle  ancien- 
lie  opinion  &  reputatio ,  veu  que  no- 
ftre  pratique  de  procès  généralement 
odieufe  à  chacun ,  eft  maintenant  te- 
nue pluspour  chiquanerie  que  pour 
équité  ,  plus  pour  corruption  que 
pour  intégrité  3  plus  pour  vendition 
que  pour  iuftice,pluspourfaueur  que 
pour  droi£ture.  le  ne  veux  pas  dire  q  il 
ne  fe  trouue  auiourd'huy  vn  bo  nom- 
bre de  iuftes  &c  équitables  Magiftrats, 
qui  ennemis  de  tels  defordres  fqu- 


74' 
haitcciit  &  défirent  cefte  mefmc  re- 
formation de  la Iuftice ,  laquelle  tous 
les  gens  de  bié  vous  demandent  &  re- 
quièrent fi inftammétjS ire.  Maisie 
ne  fçay  fi  nous  oferons  dire  que  la  plus 
grand  part  la  meilleure  furmonte ,  au 
moins  diros  nous  bic  que  la  forme  de 
laquelle  les  officiers  ont  depuis  quel- 
que temps  en  çà  efté  appeliez  à  leur 
charge,  eftfi  pernicieufe,  quelonla 
peult  dire  la  mère  de  toute  corruption 
&  iniuftice.  Car  c'eft  chofe  toute  ma- 
nifefte  &  aperte^que  pour  créer  vn  iu- 
ge  15  n'examine  pas  la  capacité  de  fon 
fçauoir,lonne  iuge  pas  l'intégrité  de 
fa  vie,lon  ne  met  point  en  auât  fa  lon- 
gue experiéce,lon  n'a  point  de  refpeéfc 
àl'aage  &  à  la  vertu,  mais  feulemét  on 
regarde  fi  les  cicus  sot  de  poids.  Et  de- 
puis que  telles  gens  ont  vne  fois  fina- 
cé,encores  qu'ils  foient  trouuez  inca- 
pables^fi  eft-ce  qu'ils  impetrét  tant  de 

lettres 


75 

lettres  de  iufïîons  ,  tant  de  commâdc- 
mens  itératifs,  que  Ton  eft  contraint 
de  les  reçeuoir  tels  qu'ils  font ,  aupre- 
iudice  de  toute  la  Republique. 

Les  Philofophes  ont  eftimé,que  cc- 
luy  qui  ambitieufement  rechefehoit 
d'auoir  quelque  charge  en  la  Repu- 
blique par cefte  feule  pratique,  fe  ren- 
doit  indigne  d'obtenir  iamaisMagi- 
ftrat,eftant  par  làiufpeâ:,que  pluftoft 
vn  prouffit  particulier  &  auarice  Py 
poulfoi^quvndefirdebien  faire  àla 
patrie.  Et  la  mefme  opinio  auoit  Ale- 
xandre Seuere  ,  Empereur  trefiufte, 
qui  tenoit  telles  gens  dangereux  en  vn 
eftat.Etl'vnedes  plus  grandes  louan- 
ges que  Ion  donne  à  ce  iufte  Prince, 
c  eft  qu'il  ne  voulut  iamais  tirer  argét 
de  la  vente  des  offices  ou  Magiftrats, 
difât  qu'il  faut  queceluy  quiachepte 
en  gros,  reuende  puis  après  en  deftail, 
&  qu'on  ne  pourroit  honneftement 

K    , 


76 

punir  celuy  qui  reucnd  ce  qu'il  a  ache- 
pté.  Et  les  anciens  Romains  n'ont  ia- 
mais  rieli  tant  crainr^fïno  que  d'intro- 
duire aux  charges  publiques  desper- 
fonnes  par  ambitio  ou  cerruptio  d'ar- 
gét.Et  iufques  là  ont  efté  curieux  d'o- 
iter  toutes  telles  occa(i6sdemal,que 
parlaloyrDe  ambitu  on  coupoit  che- 
min à  toutes  fortes  de  fraudes  &pra- 
tiques,quis'y  pouuôient  commettre. 
Et  peuk-onrecognoiftre  combien  ils 
eftimoient  que  cela  eftoit  important, 
en  ce  queiamais  autre  loy  n'a  efté  fi 
fouuétrepetée,comme  celle  de)  am- 
bition, que  nous  trou uons  en  Thiftoi- 
re  Romaine  auoir  efté  par  quinze  ou 
feizefois  diuerfes  augmentée  8c  refret 
ehie.  Mais  entre  toutes  les  plus  mau- 
uaifes  pratiques3le  moy  é  d'y  venir  par 
argent  a  toufiours  efté  tenu  pour  le 
plus  vilain  &  deshonnefte:  voire  mef- 
me  que  celuy  qui  en  eftoit  couaincu, 


77 
feceuoic  grade  honte  d'infamie,  &de 

cinq  ans  après  iVeflôkreceuable  pour 
eftrefinct  officier  public. 

Et  entre  tous  les  plus  grands  prefà- 
ges  que  leiage  Catô  eftimoitfignifier 
la  perte  prochaine  de  la  Republique 
Romain^ceftuy-cyen  eftoitvn,  que 
non  par  la  vertu ,  mais  par  menées  &c 
pratiques  &  argéc  on  obtenoitles  ho- 
neuFs.Et  fi  celacftoit  vray  ,  il  femble- 
roit  certes  que  nous  aurions  de  grands 
indices  delà  diminutio  &  ruine  de no- 
ftrcMonarchie,puis  que  nous  voyos 
apertement  qu'il  n  y  a  autre  moyen  en 
France  de  paruenir  aux  eftats  &  di- 
gnitez  publiques,  quaueç  le  pris  de 
l'argent.  Chofe  qui  eft  certes  .grande- 
ment preiudiciable ,  &r  d'où  il  ad  uîent 
de  grâds  malheurs  en  France.D'autant 
que  plufieurs  gens  de  bien  demeurent 
oifeux  &  (ans  eftre  employez?encore$ 
qu'ils  peuffeiit  eîlre  vtiles  à  da  chofë 

Kij 


78 
publique,qui  par  leur  pauuretéeftpri 
uée  de  leurs  vtilcs  feruicesroù  au  con- 
traire la  Iuftice  eft  maniée  en  partie 
parquelquesperfonnesincapables,& 
qui  n  ot  autre  vertu  >  (înon  qu'ils  font 
riches,&ontdequoy  payer  contant. 
Voftre  Majefté  fera  doc  treshumble- 
rnent  fuppliée,que  quaflant  &  annul- 
lant  toutes  taxes  &  venditions  d'offi- 
ces^oire  mefme  oftant  tous  moyens 
defàueur  &  ambition,  lors  que  les  of- 
fices vaquerôt  par  cy  apresjil  luy  plai- 
fe  faire  recherche  en  chacune  prouin- 
ce  de  quelques  gens ,  le  fçauoir  &  la 
preud'homie  defquels  foit  cogneiie 
&  approuuée  pour  les  enpourueoir 
gratuitemét .  Et  parce  que  nous  âuos 
dit,que  nous  recherchions  pluftoft  le 
reftabliffemét  dçs  anciennes  Ioix,que 
d'en  introduire  de  nouuelles .  voftre 
Majefté  entendra,  s'il  vous  p!aift,que 
le  Roy  fain£t  Loys  voftre  predecef- 


79 
feuir.  Prince  amateur  delà  pieté  Mm* 

itice,fift  vne  ordonnancerai-  laquelle 
il  ftatua,  que  tous  offices  publics  fut 
fait  conférée  par  ele<5H6  de  troisper- 
fonnts ,  quiferoit  faitte  par  les  autres 
officiers  &  citoyens  des  lieux  :  &  qu'à 
l'vn  des  trois  ainfi  efleus5le  Roy  con- 
fereroit  gratuitement  &  fans  argent 
ledit  office  vaquant.  Et  cefte  belle  or- 
donnance a  depuis  fouuent  efté  re- 
nouuellée  par  les  Roys  Philippes  le 
Bel,  Charles  le  S  âge,  Charles  fèptief- 
me,Loys  onziefine ,  &  par  le  feu  Roy 
Charles  neufie(me,de  bonne  memoi- 
re,en  fes  eftats  tenus  à  Orleâs.  De  for- 
te que  telles  inftitutions  ne  font  cho- 
fes  nouuelles,  mais  de log  temps  pra- 
tiquées &  ordonnées  en  France.  Et  de 
làaduiendra,  oultre  Theureufè  admi- 
niftratio  de  la  iuftice,encores  vn  autre 
bié àlaFrâcerceftque  corne l'honeur 
&  la  gloire  font  les  vrais  m  oy  eus  p ou  r 

K  iij 


inciter  &  efueiller  les  courages  gène- 
reux,chacû  s'eftudiera  devaloir  quel- 
que chole,lors  que  le  feul  mérite  &  la 
vertu,  &  non  [argent ,  feront  départir 
les  honneurs.  Chofe  qui  a  fait  croiftre 
l'Empire  Romain  en  (à  grandeur.  Et 
nousefperosencores  que  nous  pour- 
rons veoirnoftreFrâcefloriflante,lors 
que  le  feul  mérite,  &  non  le.  pris  &  la 
faueur  feront  le  chcmin,pour  trouuer 
auancement. 

L'ordre  des  çhofes  femberoit  re- 
quérir que  nous  parliffions  en  gênerai 
de  la  difeipline  &  police  militaire: 
mais  pource  que  cela  eft  aliéné  de  no- 
ftremeftier,  &  que  Ton  pourroitdire 
àiufteraifon,  que  nous  en  parlerions 
commeclercs  d'armes,  nous n  en  di- 
rons autre  chofe ,  finoaque  l'Europe, 
l'Àfi e,  l'Afrique,  &  en  gênerai  toute  la 
terre,  aprifé  plus  que  nul  autre  la  va- 
leur des  armes  de  la  NobleiTe  Fran- 


8i  f 

çoife3quia  toufîours  efléen  tel  hon- 
neur entre  tous  les  gens  deguerre  par 
toutlemcnde,qu  vn  bien  petit  nom- 
bre de  genfdannes  François,afai£l  re- 
doubter  les  plus  grandes  &  puiiïantes 
armées.  Et  qu'il  n  y  a  point  de  double 
quelle  ne  fe  puifle  veoir  encores  en  ce 
poinâ:  aufïi  florifiante  &  vidlorieufe, 
quelle  fut  onques,  fi  Ion  veut  remet- 
tre fus  l'ancienne  discipline  militaire 
deFrance. Carceferoit  malà  propos 
d'en  chercher  vue  meilleure,ayantpar 
cefte  là  efté  fai£l  anciennement  tant 
de  belles  entreprinfes  &  heureufès 
conqueftes. 

A  uant  que  pafler  plus  auât  au  troî- 
iîefme  poin£t  de  noftre  propofitio,  ie 
fuis  contraint  de  toucher  vne  com- 
plain&e  publique  de  to9les  ordres  de 
ce  Royaume  ,  qui  eft  de  ce  qui  eft  au 
reculemét  de  plufieurs  bons  &- natu- 
rels François  y  Ion  voit  les  eftrangiers 


81 

(quand  nous  parlerons  des  ePcrâgiers, 
nous  n'entendons  d'y  comprendre  les 
Princes  J  appeliez  aux  plus  grandes 
charges  &  honneurs  du  Royaume, 
foie  en  l'eftat  Ecclefiaitique  ,  Politi- 
que, ou  Militaire.  Choie  qui  a  efté 
trouuée  fortiniufte ,  &  reprouuée  en 
toutes  les  feigneuries  bien  ordonées, 
lefquelles  ont  toufioursfaid  différen- 
ce entre  le  citoyen  &  l'eftrangier.  Et 
'  la  principale  marque  de  recognoiftre 
l'vn  d'auecque  l'autre,  a  efté,  que  le 
citoyen  feul  &  non  l'eftrangicr,  eftpit 
capable  des  honneurs  &  dignitez. 
L'exemple  de  cela  (e  pourroit  recher- 
cher en  toutes  les  Republiques ,  & 
en  pîufieurs  iè  trouuerrok  enco  - 
res  que  l'eftrangier  a  efté  générale- 
ment chafle  ,  {ans  pouuoir  aucune- 
ment eftre  receu:  comme  en  Lacede- 
mone,  &  àRomemefme  par  la  loy 
Petroniajôc  la  loy  Papilles  eftrangiers 

furent 


2} 
furent  du  tout  bannis  hors  de  la  ville, 
Toutcsfois  cefte  loy ,  comme  dit  Ci- 
ceron ,  fut  toufiours  tenue  pour  trop 
dure  ôefeuere,  &neferoit  receuable 
en  là  France  ,  qui  plus  que  nulle  autre 
a  cfté  humaine  à  careflèr,  &  receuoir 
toutes  fortes  de  gens ,  &  ne  voudroit 
encores  perdre  cefte  louange  de  dou- 
ce hofpitalité.  Mais  elle  ne  doit  pour- 
tant non  plus  que  les  autres, commu- 
niquer fes  Magiftrats  à  au  tre,qu  à  fes 
propres  enfans. 

En  Athènes  parla  première  inftitu- 
tioiijreftrangier  ne  pouuoit  eftr-e  fait 
citoy  en^que  par  le  fuffrage  de  fix  mil 
perfonnesj&pourde  grandes  &  im- 
portantes caufès  &  ferluces  fîgnalez; 
Et  Demofthenes  defbntéps  fc  plài- 
gnoit,  comme  d  Vnc  choie  trefperni- 
tieufè,  quelonbailloitle  droiâ:  de  ci- 
toyen àperfbnnes  de bienpeude  va- 
leur, veu  qu  en  l'ancienne  inftitutioa 


°4 
cela  n'eftoit  pas  accordé  à  ceux  mefc 

mesjqui  auoiét  bien  mérité  de  la  Ré- 
publique .  Et  quant  aux  Romains ,  ils 
ont  toufiours  maintenu,  tât  qu'ils  ont 
demeuré  en  leur  entier  jcefte  loy  fî  in- 
uiolable ,  qu  ils  ne  voulurét  iamais  ac- 
corder le  droid  de  citoyen  mefmes 
aux  peuples  Latins,qui  leur  eftoiét  au 
alliez  ,ou  en  leur  obeiffance,  quoy 
qu'ils iay ent  auecques inftâce,  & iu£ 
ques  à  {édition  quelquesfois  deman- 
dé. Et  eft  certes  mémorable  l'hiftoire 
racomptee  par  Tité  Liue  à  ce  propos. 
Apres  la  bataille  des  Cannes ,  où  les 
Romains  furent  deffai£ts,&  perdirét 
la  plus  grande  partie  de  leur  noblefle, 
&  principalement  quatre  vingts  Se- 
nateurs,fur  la  délibération  quifutfai- 
ûc  d'en  créer  de  nouueaux  en  leur 
place ,  Sp.  Garuillus ,  opina  qu  il  fal- 
loit  introduire  dans  le  Sénat  quel-., 
quenobre  de  gés  de  bien  des  peuples 


Latins ,  qui  eftoient  en  leur  obeiflan- 
ce.Maiscefte  opinion  fut  trouueefi 
ablurde  &  pernicieufe  parce  grand 
Capitaine  &  Sénateur  Quint.  Fabius 
Maximus,  qu'il  fut  d'aduis  delà  tenir 
perpétuellement  cachée,  &  quelques 
autres  Sénateurs  opinèrent  encores 
plus  feuerement  &  rudement.Et  tout 
ainfi  comme  les  anciênes  feisneuries 
ônteftimé  queceftoitchofeindigne 
de  faire  part  de  leurs  honneurs  aux 
eftrangiersjles  modernes  encores  fe 
font  beaucoup  maintenus  auec  celle 
mefme  opinion .  Voire  que  Patrice 
SiennoisjEuefque  de  Gayette,qui  vi- 
uoit  du  reps  de  Ferdinâd  le  vieil  &  Al- 
phonfeRoys  deNaples^il  y  a  près  dé 
cet  ans,maintiet  en  fes  Hures  de  la  Re- 
publique ,  que  cefte  loy  de  ne  cornu- 
niquer  leurs  dignitezaux  eftangiers, 
eft  vne  des  principales  qui  aconferué 

Lij 


80 

Venize  en  fa  grâdeur.  le  Iaiflc  les  exé- 
pies  des  autres  peuples ,  pour  ne  me 
rédre  ennuyeux:mais ie ne  puis  pafler 
{pubs  filence,  que  les  loix  de  France, 
qui  ont  fi  bien  pourueu  à  toutes  cho- 
ies neceflaires  à  l'eflat ,  n'ont  encores 
obmisdebien  &  vtilcmét  ordonner 
encepoind.  Carenlan  i43i.dutéps 
du  Roy  Charles  feptiefme,  fut  faitte 
vne  ordonnance,  par  laquelle  il  eftoic 
declairé,  que  tous  eftrangiersou  au- 
beins,eftoient  incapables  de  tenir  of- 
fices ou  bénéfices  en  France .  Et  cefte 
ordonnance  fut  pour  feruir  de  loyir- 
reuocable,  publiée  en  la  mefrne  an- 
née au  Parlement  de  Paris,  feant  lors  à 
Poytiers,pour  la  neceffité  d^s  trou- 
bles qui  eftoiét  en  France.  Et  ne  puis 
laifler  pafler  ce  beau  côfeilque  don- 
ne Philipp.es  de  Cômines  en  (on  hi- 
ftoire  tât  renommée ,  difànt  que  c'eft 
ehofe  odieufe  de  donner  offices ,  be- 


nefices  &  grands  maniemens  aux  c- 
ftrangiers ,  qui  ne  peuuenc  eftre  Ja- 
mais fi  propres  ne  fi  agréables  >  que 
çpuxdu  pays  .  Et  puis  que  ccft  vn  co- 
incement commun  de  toutes  les  na- 
tions, &  comme  vne  loy  de  gens  :  vo- 
ftre  Majefté  fera  treshumblemét  fup- 
pliee,depourueoirdorefènauantaux 
charges  publiques  de  ce  Royaume, 
tant  Ecclefiaftiques ,  politiques,  que 
militaires ,  les  bons ,  légitimes  &  na- 
turels François ,  qui  ont  &  notable 
intercft,&  affe&ion  naturelle  à  la  co- 
feruation  de  la  France.Ce  que  ne  peu-» 
uent  auoir  les  cftrangiers,foubs  leC 
quels  ie  ne  comprens  les  Princes.  Et 
nous  croyons  que  cela  fera  Pvn  des 
plus  grans  moyens  pour  reconcilier 
les  efprits  aliénez  &  mal  contens ,  de 
plufieurs  gens  d'honneur  François., 
qui  s'eftiment  eftre  mefprifez,  voyant 
que  Ion  préfère  àeulx les  eftrangiers 

Liij 


88 

pàraducnture  moins  dignes .  La  tran- 
quillité donques  publique  cftâtbien 
eftablie,toutes  factions  oftees,  les  an- 
ciennes loîx  remifes  fus,  &  inuiola- 
blemét  obferuees5les  Magiftrats  non 
vénaux,  mais  conférez  par  la  vertu  & 
mérite  aux  bons  &  naturels  François: 
nous  tenons  pour  tout  afleuré ,  qu'en 
brief  nous  verrons  reuiure  l'ancien 
honneur  &fplendeurdelaFrance,&: 
voftre  règne  aufli  floriffant  par  cefte 
belle  reformation,comme  il  a  efté  in- 
fortuné parles  malheurs  &  defordres 
paflez. 

R^fteletroifîefme  Se  dernier  poinâ: 
quen^usauons  propoféjquieftlVn 
desprincipauxfondemés  &  corne  le 
nerf  de  la  Republique  :  c'eftàfçauoir 
les  finances.  En  quoy  certes  il  s'offre 
tant  de  difficulté  ,  que  ie  pènfe  que 
tous  les  meilleurs  &  les  plus  fubtils  e£ 
prits  de  la  France  s  y  trouuerrot  con- 


8? 
fus  &  empefcheZjprincipalemét  pour 
deux  contrarierez  qui  s'y  trouuent  fi 
grandes,  que  malaifémet  elles  fe  peu- 
uent  compatir  enfemble>  Car  d'vne 
part,ceftvnechofe  fort  effrange  & 
fore  dure  à  voftre  peuple,qui  ayme  &c 
honnore  font  Prince ,  d'entendre  que 
voftre  Maj elle  ait  efté  contrainte, 
pour  la  necefïïté  des  affaires  de  ce 
Royaume,  de  vendre  ion  domaine, 
engager  bonne  partie  de  tousfesre- 
uenus ,  &  foit  encores  grandemét  en- 
debtee.Et  de  l'autre  auflï  no9  croy os, 
que  vous  comme  Roy  trefpiteux  & 
débonnaire,  ne  pourrez  entédre  fans 
eftre  efmeu  de  grande  compafïîon,tâc 
demprumpts,  d'impofitions  &  fub- 
fides  ,  dont  voftre  peuple  eft  af- 
fligé .Et  penfe  véritablement ,  que 
s  il  eftoit  fidèlement  repfefenté  de- 
uantles  yeux  de  Voftre  Majeftéjtout 
ce  qui  a  efté  leué  depuis  quelque 


5>& 

temps  en  çà  par  toutes  les  prouincesr 
devoftre  Royaume, tant  parvoftre 
commandement,  que  pour  les  fràiz 
qu'il  a  conuenu  faire ^n  chafquc  pays 
pour  fe  deffendre  &  coferuerrla  fom- 
me  fe  trouuerroit  fi  grade  &  exceffi- 
ue,quc  vous  auriez  horreur  de  Pente- 
dre,&  feroit  difficile  à  nôbrer.  Et  qui 
vouldroiteftrôittemét  remédiera  ce 
mal,ilfembleroitcftre  neceflaire  d'é- 
tendre &r  fonder  iufques  au  plus  pro- 
fod  la  caufe  &  origine  dot  il  procède. 
Nous  croyons  bien  &  fçauons  cer- 
tainemétque  les  cfefbrdres&  grands 
debtes  ne  font  pas  venus  de  voftrc 
Règne,  veu que  le  feu  Roy  Charles 
ix.trouua  défia  l'eftatendebté  quad 
il  vint  à  la  Couronne,de  bien  grandes 
fommes,àl  acquittemét  defquelles  la 
Royne  voftre  mère  auoit  proietté  de 
bos  &  louables  deffeins,  qui  ont  efté, 
augrâd  preiudice  de  la  Frâce  interro- 


9l 

pus  parles  troubles  furuenus  du  règne 
du  Roy  voftre  frère ,  &  du  voftre,qui 
peuuent  auoir  donné  grand  accroif- 
fement  à  ce  mal ,  tant  par  les  fraiz  ex- 
traordinaires qu  il  aconuenufeireen 
la  guerre,  que  pour  auoir  la  plufpart 
desfinaces&reccptes  générales  efte 
occupées  par  ceux  du  party  cotraire* 
Mais  aufli  fçauos  nous  bien  que  beau 
coup  de  grands  Royaumes,  eftâs  ou- 
tre mefure  endebtez,par  boiunefiiai- 
gefontfortisdecefte  mifere,auecle 
foulagemenc  du  peuple. 

L'Empire  Romain  ne  fut  iamais 
tant  apauury ,  qu'il  fe  trouua  après  la 
mort  de  ce  monftre  defbordé  en  tous 
vices  Heliogabale ,  &  toutesfois  Ale- 
xandre Seuere5doux&gratieux  Prin- 
ce, incontinent  après  fa  mort  rabaifla 
les  impofitions  de  plus  de  la  moitié* 
&  en  quatorze  ans  qu'il  regna,acquit- 
ta  les  debtes  immenfes  de  ion  predç- 

M 


5)1 
ee(Teur,&  fit  la  guerre  aux  Parthes)& 
peuples  Sep  tenrrionaulx.  Eclvn  des 
plus  grands  moyens  de  la  bonne  ad- 
miniftration  de  Tes  deniers  cftoit,que 
ceux  qui  mânioient  Tes  finances  ,e- 
ftoiét  fï  curieufeméc  obferuez,  qu'ils 
nepouuoientle  tromper,  &  la  peine 
leurdemeuroit  certaine,  fi  tort  qu'ils 
eftoiét  dcfcouuerts .  Et  le  Roy  Char- 
les v.  pourfes  vertus  furnommé  le  Sa- 
ge,en  iy.ans  qu'il  régna, acquitta  tou 
tes  les  débtes  faittes  par  Ces  predecef- 
feurs:paya  grande  partie  de  la  rançon 
de  fbri  père  le  Roy  Iean,  rachepta  (on 
domaine  qui  eftoit  engagé, &  ne  laif- 
{à  pourtant  défaire  la  guerre  aux  An- 
glois,  &  fecourut  encores  plufieurs 
Princes  fes  alliez,comme  les  Roy  s  de 
Caftille  &  d'Efcofle.  Et  mourât,laiffa 
vneaufïi  grade  fommede  deniers  en 
fes  coffres,  qu'il  s'en  fut  encores  point 
veu  en  France .  Et  eftoient  toutesfois. 


93 

lesfubfîdesquilleuoit  fur  fon  peuple 
fort  petits  &  modérez  de  fon  temps. 
Etencores  ce  bon  Prince  enmourât, 
faifoit  confcience  de  quelques  aydes 
&  fubfides  ,  dont  fes  fubiedts  auoient 
efté foulez,  pour  kneçeflïté  des  affai- 
res de  la  France .  Et  pria  en  (es  derniè- 
res parolîes  fon  fils ,  de  foukger  fon 
peuple  le  piuftoft  qu'il  pourrok ,  pat 
l'abolition  des  tailles.  Et  le  principal 
fons  de  fes  finances,  eftait  i'efpargne, 
&  bonne  adminiftration. 

Et  à  laverké  il  femble  qu'il  y  a  deux 
chofes  quiefpuifent  les  deniers  com- 
muns, fans  aucun  proffit  ou  aduâtage 
delà  Republique.  Le  premier  eft  les 
dons  immenfes  &noaconfiderez:& 
l'autre  eft  la  mauuaife  adminiftration 
&  mefnage  des  finâces.  VoftreMaje- 
?  ft  é  confiderera,  s'il luy  plaift^  fi Tvn  & 
l'autre  ont  point  cofommé  inutilemét 
partie  des  deniers  qui  ont  efté  leuez. 

Mij 


94 
fur  le  peuple.  Nous  ne  voulons  pas 

tellement  reftraindre  la  libéralité  des 
Princes ,  qu'il  ne  leur  foit  permis  de 
donner  à  qui  il  leur  plaift  :  cftant  cela 
Pvnc  des  premières  excelléces  de  leur 
grandeur  &  Majefté .  Mais  nous  vou- 
lons bien  dire  que  telles  chofes  fe  dôi- 
ué t  faire  auec  modération ,  &  en  for- 
te que  le  public  n'en  fouffre  point. 
Car  ii  telles  defpenfes  font  faittesen 
temps  que  Peftateft  troublé  vque  les 
finances  y  font  courtes,&que  le  peu* 
pleeft  trauaiiléde  fubfides  :1a  chofe 
eft  -d'autant  plus  dangereufe  &odie-u* 
fe5pourcequ'ilfautaccroiftreles  im- 

f)ofitions  pour  enrichir  les  partial-' 
iers .  Etlefifcyoules  finances  publi- 
ques, corne  difoit  l'Empereur  Adria, 
eft  comme  la  râtelle  en  noftre  corps, 
laquelle  plus  elle  eft  grofle  &  enflée, 
&  plus  le  reftedu  corps  deuient  fec  & 
ethic  :  ainfi  quand  le  fife  s'augmente 


95 

pour  enrichir  les  particuliers ,  ilfault 
que  le  comun  s'en  refente  &  s'apau- 
u rifle. Et  certes  en  cela  on  ne  pourroit 
nier ,  que  depuis  quelque  temps  les 
dons  immenfes  nayent  pafTé  toutes 
les  bornes  &  limites ,  eu  efgatd  aux  fi- 
nances de  France.Et  nous  r  ecognoi£ 
fons  toutesfois  cela  eftre  aduenupar 
la  mi(ère  du  teps ,  où  il  fembloit  eftre 
dangereux  de  refufer  aux  importuns 
qui  euflentpeu,  prenant  autre  party, 
faire  beaucoup  de  mal  &  de  domma- 
ge .  Et  fouuentesfois  ,pour  obuierà 
telles  çhofes,a  efté  ordôné  aux  Répu- 
bliques ,  que  tels  dons  immenfes  fe-  . 
roiet  reuoquez,ou  pour  le  moins  mo-  Galba. 
derez .  Ces  chofes  ne  feroient  pas  dk 
ares  pour  donner  loy  à  voftre  Iibera- 
lité,pour  rafleurance  que  voftre  peu* 
pie  fedone  de  voftre  fàgefle,  pruden- 
ce &  diferetion,  qui  fçaura  mefurer 
fa  beneficençe  félon  fes  moyens  & 

M  jij 


9* 

neceflîtcz,  &  clorre  par  cy  après  plus 
libremét  la  bouche  à  tels  importuns 
&  indifcrets  demandeurs  .  Comme 
nous  efperons  encores  qu'elle  fçaura 
trefbien  remédier  au  mauuais  mefna- 
gc ,  que  la  calamité  &  rieceflité  a  in- 
troduit en  l'adminiftration  de  fes  fi- 
nances y  que  nous  penfons  procéder 
de  deux  caufes  principalement. 

La  première  eft  la  multitude  des: 
officiers  des  finances  3  le  nombre  des- 
quels eft  creu  11  definefurémét  &  ex- 
traordinairement ,  que  leurs  gages^ 
defpcnfeSjfraiz  &  vacations,  abfor- 
bent  &  confomment  prés  de  la  moi- 
tié des  finâces  de  Franceide  forte  qu'il 
fetrouue  telles  prouince%  d'oùFefcu 
apporté  en  voftre  efpargne ,  ne  reuiëc 
pas  àtiécefols.Du  téps  du  Roy  Char- 
les v  i.  les  eftats  firent  vne  grande  re- 
monftrance  &  doleance,  de  ce  qu'il  y 
atioit  cinq  treforiers ,  &  qu'ancien-- 


• 


97 
îiemeht  il  n  y  en  fouloit  auoir  que 

deux.  Et  que  diroient  maintenant  ces 
bonnes  gens  de  ce  tempslàjdecefte 
formïlicre  de  tant  de  financiers  inuti- 
les, fî  en  lieu  qu'il  n'y  fouloit  auoir 
q'u  vn  rècepueur  gênerai  ils  en  veoyet 
plus  de  quarante ,  comme  ils  font  au- 
iourd'huy  ?  Et  pour  vn  treforier  de 
France ,  Prefident  de  la  chambre  des 
Comptes  de  Paris,  auec  quatre  mai- 
ftres  qui  eftoient  prins  des  anciens 
maiftres  d'hofteiduRoy,&  fix  clercs, 
que  Ion  a  depuis  appeliez  Auditeurs, 
ils  voyent  près  de  deux  cens  officiers 
en  cefte  chambre  ,  oultre  fîx  autres 
qui  font  érigez  aux  autres  Parlemens* 
De  forte  que  Ion  peult  dire  afleu- 
rément  que  les  gages  des  officiers 
de  finance  de  France  y  fe  montent 
plus  que  ne  faifoient  anciennement 
tous  les  reuenus ,  fubfides ,  &  im- 
pofîtions  qui  fe  leuoient  ordinaire- 


ment  en  tout  le  Royaume.  Et  pour- 
ce  fembleroit  bien  que  la  fupreflion 
de  tous  ces  eftatsfai&s  nouuellement 
en  fi  grand  nombre ,  &  qui  font  vn 
fardeau  inutile  au  peuple, après  que 
les  comptables  auroient  rendu  com- 
pte, feroitvne  des  plus  neceflaires  or- 
donnances quepourroit  attendre  ce 
Royaume ,  &  qui  apporterait  autant 
de  foulagement  à  voftre  peuple ,  & 
d'acquittement  à  vos  debtes  .  Et  ne 
fontreceuables  en  leurs  remonftran- 
cesceulx,quidifentque  ceftefupref- 
fionferoitvne  diminutiodes  parties 
cafiielles:  car cefte  comodité  de  tou- 
cher quelque  peu  de  deniers  côptans 
par  hazard,sachepte  auec  de  grans  & 
dommageables  interefts,  tant  pour  la 
France  que  pour  vos  finances. 

L'autre  caufe  du  mauuais  mefnage, 
vient  encores  de  la  neceflîté  :  ayant 
efté  voftre  Majefté  côtrainte  de  pren- 
dre 


$9 

dre  &  emprunter  les  deniers^  grans 
&  exceflîfs  interefts ,  &  faire  âes  par- 
ties defraifonnables  auec  quelques  e- 
ftrangiers  &  autres  de  voftre  Roy  au- 
me,qui  fe  feruans  de  l'extrémité  en  la- 
quelle vous  eftes  réduit,  on  fait  entrer 
en  leurs  contrats  plufieursdons,ga- 
ges,penfîons,&autres  parties  non  va- 
lables, que  bien  fouuét  ils  acheptoiét 
à  grand  marché,  &  les  mettent  en  co- 
pte de  leur  iufte  valeur.  De  façon  que 
le  gain  qu'ils  y  ont  faitauec  les  inte- 
refts^emporte  &mâge  plus  de  la  moi- 
tié des  impofïtions  nouuelles ,  qui  fe 
leuent  fur  vos  fubieâs  .  Et  s'il  adue- 
noit,  ce  que  Dieu  ne  vueille,  que  tel- 
le manière  de  gens  enflent  intelligen- 
ce auec  aucuns  de  ceulx  qui  fe  meflét 
de  vos  affaires:  la  chofe  feroit  réduit- 
te  à  trefmalheureux  &  mauuais  ter- 
mes .  Car  ils  ne  vouldroient  iamais 
veoir  voftre  eftatdefengagé,puis  que 

N 


IOO 

voftrc  pauureté  feroit  leur  richefle. 
De  cela i e  ne  diray  autre  chofej fînon 
que  pour  femblables  v  fores  manife- 
stes du  téps  du  Roy  Loys  x  i.  &  Phi- 
lippes  le  Belles  biés  de  telles  perfon- 
nes  furent  publiquement  confifquez* 
Et  depuis  en  Tan  1347.  ^cuv  faifànc 
leurs  procésjil  fut  verifié,q  pour  deux 
cens  quarante  milliures  de  principal, 
iIsauoienttirédeprouffic&  interefts 
plus  de  vingt  milliôs  en  bien  peu  d  an 
nées. Et  no9  ne  faifons  point  de  do  ub- 
te,que  fi  telles  chofes  eftoient  recher- 
chées auiourd'huy  auflî  curieufemét 
qu'elles  furent  lors, qu'il  ne  fe  trou- 
uaflent  des  fommes  d'vfures  bien  im- 
moderées,qui  font  d'autant  plus  dan- 
gereufes  &  dignes  de  punition,  qu'en 
ces  vfu res  là  les  particuliers  y  eftoient 
feulemér  endommagez ,  &  icy  le  pu- 
blic y  eft:  interefle  .  Cela  nous  a  fem- 
blé  digne  d'eftre  di6t  généralement 


101 

pour  les  finances  de  France ,  qui  me- 
riteroient  vne  recherche  plus  curieu- 
fe,&  qui  fera  plus  comodémét  appo* 
fee  au  cay  er  de  nos  remonftrances. 

Pour  Élire  fin,nous  toucherons  vn 
mot  de  ce  qui  appartient  à  Tordre  & 
eitatEcclefiaftique .  En  toutes  les  Ré- 
publiques bieinftituees,ceux  qui  ont 
eu  la  charge  des  chofes  faillites  &fa- 
crees,ont  efté  tenus  toufiours  immu- 
nes  de  toutes  charges  publiques,  tant 
réelles  q  perfonnelles .  Et  (lie  voulois 
comencer  par  l'auâorité  que  les  an- 
ciens Gaulois  attribuent  aux  Druides, 
&  cotinuer  la  recherche  de  toutes  les 
autres  Republiques  anciennes,  qui 
ont  honoré  corne  Roy  s  leurs  Sacrifi- 
cateurs &rmaiftresde  leur  religion  &c 
ceremoniesjonme  pourrait  accufer 
d'eftre  trop  curieux ,  ôc  paraduentu- 
re  trop  affe&ionné  en  ma  caufe.  Mais 
ramenant  les  chofes  qui  apartiennent 

Nii        \ 


101 

à  noftre  religion  feulement ,  ie  diray 
que  dés  le  commenctmét  que  l'Em- 
pire aefté  publiquement  Chreftien, 
îbubs  la  faueur  de  ce  catholique  Prin- 
ce Conftatin,les  biens  qui  eftoientja 
fequeftrezpour  le  feruicedeDieytf& 
entretenement  de  fa  religion ,  furent 
declairez  exempts  de  toutes  charges 
&priuees  &  publiques.  Etcefteloy 
commencée  dés  le  reftabliflement  a 
toufiours  duré  ferme  &  inuiolable, 
corne  il  fepeultveoir  par  les  loix  Im- 
périales. Et  fi  les  Empereurs  Chre- 
ftiens  ont  acquis  vne  grande  louange 
par  telles  immunitez  données  à  l'E- 
glife  de  Dieu:  les  RoysdeFrâce  pour 
les  auoir  maintenues ,  (è  font  rendus 
héréditaires  du  nom&tiître  de  tref- 
chreftien  ,  qui  leur  fut  concédé  du 
temps  de  Chariemaigne,  qui  défen- 
dit fi  courageufement  l'Eglife  contre 
les  Lombards ,  qui  occupoient  Us 


103 
biens  qui  auoient  efté  confacrcz  à 
Dieu  &  àfon  Eglife.  Et  fi  nous  recher 
chons  toutes  les  hiftoires  chreftien- 
nes,  nous  trouuerrons  que ,  plus  que 
nuls  autres^les  Roys  de  Frâce  ont  efté 
fcrupuleux,  &  du  tout  religieux  en  la 
coferuationdes  priuileges  &  au£tori- 
tez  de  i'Eglife:  &  ont  toufiours  craint 
plus  que  nuls  autres,  de  fe  feruir  à  leur 
vfage  des  chofes  facrees  &  vouées  à 
Dieu.  Comme  certainement  par  di- 
uers  exemples  il  a  toufiours  monftré, 
combien  il  auoit  en  horreur  &  dete- 
ftation  ceux  qui  ont  mis  les  mains 
aux  chofes,  qui  par  la  pieté  auoient 
efté  referuees  pour  le  feruicediuin:& 
a  toufiours  vfé  à  Tencontre  d'eux  dV- 
neiufte,manifefte  &  feuere  vengean- 
ce. Dcquoy  les  exemples  font raflez 
vulgaires  en  Pefcripture  fain&e, les- 
quels ie  ne  veulx  reciter  tous  pour  ne 
me  rendre  ennuyeux ,  Mais  entre  tels 


io4 
iueemens  de  Dieu,  eft  mémorable 

la  defenfe  miraculeufe  qu'il  fift  contre 
Heliodorus  qui  auoit  efté  enuoy  é  par 
SeleucusRoy  d'Afie^ourenleuerles 
chofes  plus  precieufes  contactées  à 
EHeu  en  fon  temple.  Car  eftant  là  p  reft 
pour  exécuter  le  commandemët  qui 
luy  auoit  efté  comis,  il  luy  apparut  vn 
homme  plein  demajefté ,  armé  d'v- 
nés  armes  dorées  y  &  moté  fur  vn  che- 
uai  bien  enharnaché  ,  lequel  donna 
des  deux  pieds  de  deuantdeflur  Iate- 
fte  de  Heliodorus  fîgrâd  coup,  que- 
ftant  jette  par  terre^il  fut  faifi  par  deux 
ieunes  hommes  pleins  dVne  vénéra- 
ble majefté ,  qui  le  foiieteret  de  forte, 
qu'ils  le  mirét  tout  en  pbyes  fànglan- 
te8,&lelaiflerent  demy  mort  &c  cf- 
uanoûy .  Nous  fommes  contrains  de 
ramener  tels  exemples  pour  refpon- 
dre  à  quelques  petits  liurets  6c  mé- 
moires imprimez,  que  quelques  per- 


105 
formes  mal  affe&cz  à  PEglife,  publiée 
&  femet  parcelle  Counyparlefquels 
ilstafchentdercjertcr  toute  la  foulle 
de  vos  affjires>&:  du  defengaigemenc 
de  vos  dcbies  fur  l'eftat  Ecclefîafti- 
que,conleiliâs  de  vendre  leur  domai- 
ne&  reuenu  teporel.Mais  voftrcMa- 
jefté  fera,  s'il  luyplaift  aduertie,  que 
telsconfeils  procedéc  dvne  maligne 
intetion,&font  femblabîes  auxdçli- 
beratiôs  delulian  l'Apoftat,cruel  en- 
nemy  du  nom  de  I  e  s  v  s  christ, 
qui  ne  trouuoit  moyen  plus  propre 
pour  ruiner  la  foy  Chreftienne,  que 
d'ofter  &  rauir  les  biens  qui  eftoienc 
donnez  à  ion  Eglife .  Mais  la  iufte  pu- 
nition que  Dieu  fift  de  luy  ,  mon- 
ftreaflfez  combien  fon  confeil  eftoit 
pernicieux.Et  les  exemples  de  la  ven- 
geance de  Dieu  furies  vfurpateurs 
des  biens  de  TEglife  ne  manquent 
point  encores  en  la  loy  de TEuangile. 


106 

Car  chacun  fçait,queparla  fentence 
du  fainét  Efprit  pronocee  par  la  bou- 
che de  faind  Pierre,  Ananras  &  Saphi 
ra  moururent  foubdainement,  pour 
auoir  retenu  vne  partie  des  deniers 
prouenans  de  la  vente  de  leur  hérita- 
ge, qu'ils  auoient  donné  à  l'Eglife .  Et 
s'il  ne  leur  eftoit  loifîble  de  retenir  ce 

qui  eftoit  procédé  de  leur  bien:  ilfem 
ble  bien  qu'il  ne  foit  pas  iufte  de  pre- 
drecequeparautruy  auoitefté  don- 
nés^ voué  au  feruice  de  Dieu  &  en- 
tretenement  de  fon  Eglife. 

Celce  Conneftable  duRoyGon- 
trand  de  Bourgongne,  ayant  fait  fon 
prouffit  des  biens  des  Ecclefiaftiques 
foubs  lauthorité  de  fon  maiftre,  ien- 
titauant  que  mourir  en  faconfcience 
vn  iufte  fléau  qui  l'affligeoit  intérieu- 
rement. Car  eftât  vn  iour  en  l'Eglife, 
il  entendit  lire  ces  mots  du  Prophète 
Efaie,Malheur  fur  ceux  qui  adiouftet 

mai- 


io7 
maifon  auecques  maifon^pofleffio» 
furpoffeflion.  Et  comme  fîceftefen- 
tence  luyeuft  donné  vn  coup  de  ba- 
fton  ,  il  s'efcria  ,  malheureux  que  ie 
fuis ,  cefte  maledi6tion  tobe  fur  moy 
&  fur  toute  ma  race  :  &  iamais  depuis 
ne  prouffita,ny  ne  fift  bie,mais  mou- 
rut malheureufemét.  Ienameneray 
point  les  exemples  de  Clouisx.  Roy 
deFrance,  &  du  Comte  de  Mafcon, 
recitez  par  nos  hiftoires  :  mais  ie  ne 
puis  pafler  foubs  fîléce  celuy  de  Loys 
fîxiefme,  furnommé  le  Gros,  lequel 
ayant  efté,  pendant  le  cours  de  fa  vie, 
grand  protedteur  des  priuileges  de 
l'Eglife,  pour  certaine  necefïîté  fur  Ces 
vieux  iours}fe  voulut  ay der  des  biens 
des  Ecclefïaftiques ,  defquels  il  leur 
ofta  la  poffefïion.  Mais  ce  grand  per- 
fonnage  fainâ:  Bernard, lumière  de 
fonfiecle,radmonnefta  pardiuerfes 
lettres  de  la  faute  qu'il  faifoft ,  &  puk 


io8 
le  vint  luy-mefme  "trouuer.  Et  voyat 
que  pour  ces  remonftrances  ilnes'en 
vouloi  t  defifter:  le  menaça  fort  rude- 
mer,quebientoftil  (endroit  furluy 
le  tclmoignagc  de  la  vengeance  de 
Dieu.  Cequi  aduint  foudain  après, 
par  la  mort  inopinée  de  fon  fils  aifné. 
Et  û  ce  bon  perfonnage  viuoit  au- 
iourdliuy >  de  quels  anathemes  con- 
demneroit  &  tels  liures  &  leurs  au- 
theurs  &  moyens ,  quiconfeillentde 
dilapider  &védretout  le  patrimoine 
de  l'EglifePEt  pource  que  leur  princi- 
pale raifon  èc  argument  de  leurper- 
iuafion  eft  la  neceiTué  de  vos  affaires 
&  de  i'eftat:  nous  leur  dirons  que  le 
Royaume  de  France  s'eft  âutresfois 
veu  en  plus  grande  neceflité,mefmes 
pour  les  guerres  inteftines,  eftantla 
plus  gmnd  part  de  laFrance  occupée 
par  les  rebelles  &c  Anglois ,  qui  te- 
noient  entre  autres  la  bonne  ville  de 


ÏÔ9 

Paris.  Et  toutcsfois  on  ne  parla  iamais 
de  difliper  &  mettre  en  vente  le  bien 
&  patrimoine  del'Eglife .  Et  iamais  la 
neceflité  ne  fat  plus  grande  en  autre 
Royaume  qu'en  Egypte  en  celte 
grade  famine,qui  dura  fept  ans  foubs 
le  Patriarche  lofeph  4pourfubuenirà 
laquelle  il  fallut  vend  re  la  cinquiefme 
partie  de  tous  les  biés  d^gypce ,  fàuf 
toutesfois  Theritage  des  Preftres,  auf- 
quels  Iofeph  ne  permit  de  toucher, 
mais  les  Jaifla  immunes,comme  nous 
lifonsauGenefe. 

Nous  ne  voulons  pas  dire  que 
PEglife  en  telles  neceffitez  ne  doib- 
ue  ayder  au  public,  mais  cela  doibt 
eftre  modérément  &  par  les  voyes 
légitimes  :  comme  auffi  on  a  veu  en 
France,  les  Ecclefiafiiques  plus  que 
nuls  autres ,  prompts  àfubueniraux 
neceflîcez  publiques .  Et  encores  que 
l'Eglife  fente  foubs  voftre  Règne, 


IIO 

cette  faueur  de  ne  veoir  plus  fon  bien 
aliéné,  ce  quelle  fe  promet  de  voftre 
irilîgne  pieté,fï  ne  demeurera  elle  pas 
pourtant  exempte  de  beaucoup  de 
grâd  es  charges  &miferes.  Car  fi  nous 
voulons  reprefenter  au  villes  oppre£- 
fions  que  par  importions  extraordi- 
naires &  excefïîues  fïibfides  elle  a  en- 
duré, que  la  defolation  quia  efté  en 
icelle ,  &  qui  continue  encores  en  di- 
uers  lieux  de  ce  Royaume, d'où  les 
Ecclefiaftiques  font  bannis  &  exilez, 
leurs  biens  occupez,  leurs  Eglifes  &c 
maifons  ruinées  &  démolies ,  &  eulx 
expofez  à  la  cruauté  &  rage  des  enne- 
mis de  Dieu  &  de  voftre  Majefté. 
Nous  craindrions  de  rafrefchir  en  ce- 
tte fin  la  mémoire  desmaulx  paflez, 
&  trop  efmouuoir  le  cueur  pitoyable 
de  voftre  Majefté ,  laquelle  ne  voulâs 
attrifter  en  celle  conclufîon,nous  di- 
rons feulement,  quoultre  toutes  les 


ni 
calamités  que  voftre  Majefté  fçait 
que  l'Eglife  fupporte,  elle  n'eft  exem- 
pte d'autres  grandes  charges ,  com- 
me de  dix  hui£t  ces  mille  liures  qu  el- 
le paye  pour  l'acquit  de  vos  debtes, 
&  pour  les  neceflîtez  publiques  ea 
Fhoftel  de  ville  de  Paris,  oultre  cin- 
quante millions  dont  elle  a  fubuenu 
en  la  Republique  en  ces  plus  grands 
affaires .  Et  encores  après  fon  naufra- 
ge ou  elle  a  perdu  grande  partie  de 
les  biens ,  tout  ce  qu'elle  pourra ,  qui 
fera  certes  bien  petit ,  ne  fera  épar- 
gné au  bien  &  vtilité  publique, par 
moyés  légitimes,  raifonnables  &  ap- 
prouuez. 

L'Eglife  donques,S  i  r  E,fanglan- 
te  de  (es  playes,  malheureufemét  def- 
chiree ,  perfecutee  de  toutes  parts ,  fe 
jettepour  fon  refuge  entre  vos  bras, 
vous  demande  ayde  &  confort,  vous 

Oiij 


ut 
coniureparle  nom  de  Trefchreftien 
que  vous  portez  pour  celle  caiife,  par 
le  Baptefme  que  vousauez  receu  en 
icelle  ,  par  le  ferment  que  vous  auez 
fait  en  voftre  Sacre,de  luy  garder  fes 
priuileges,  &  par  cefte  infîgne  pieté, 
de  laquelle  vous  fautes  profefïion  & 
eftes  admirable  à  tout  le  monde,  que 
vo9  foyez  fon  fuport  &  fa  defenfe.Et 
auec  toute  lobeiflace  que  vous  pou- 
uez  attédre  de  vos  treshûbles  &  tref- 
obeiflans  lubjeds ,  ils  ne  cefferont  ia- 
maisde  vous  fecourir  des  armes  qui 
leur  font  les  plus  propres,  qui  font  les 
prières  &  oraifons  :  lefquelles  ils  fe- 
ront inceflamment  à  Dieu,  qui  béni- 
ra &c  fauorifera ,  s'il  luy  plaift ,  toutes 
vos  adtions,  pour  vous  rendre  heu- 
reux, aimé,  craint  Scredoubté  en  ce 
monde,  &  vous  préparera  cefte  troif- 
iefme&plus  heureufe  couronne  que 


113 , 

vous  attendez  en  l'autre  fîecle,  après 
ces  deux  qui  enuironnent  mainte- 
nant voftre  telle. 

Prononcée le  leudy  1 7.  lourde 
lanuier  ij77* 


Extrait  du  priuileg 


e. 


PA  r  grâce  &  priuilege  du  Roy ,  il  eft  permis 
à  Pierre  l'Huillier  Libraire  iuré  en  l'Vniuer- 
fité  de  Paris,  d'imprimer  ou  faire  imprimer,ven- 
dre  &  diftribuer  vn  liure  intitulé  Harengue  pro- 
noncée aBloysdeuantle!{oyyp4rMeJirpierre  d'Epinac, 
i/trchwefqHe^  Comte de  Ljon,&*c3Lt  defFenfes  à  tous 
autres  de  quelque  eftat&  qualité  qu'ils  foient, 
d'imprimer  ou  faire  imprimer,  vendre  ne  diftri- 
buer ledicl:  liure  iufques  à  deux  ans ,  fur  peine  de 
confifeation  defdicls  iiures  &  d'amende  arbitrai- 
re,comme  apert  plus  araplemct  es  lettres  de  pri- 
uilege'.données  àParis  le  viij.  iour  de  Feurier, 
1 5  7  7.  &  de  noftre  règne  le  troifiefme. 

ParleConfeil., 

Signe    Danes?