HARENGVE 1*5 Ï4
PRONONCEE
DEVANT LE ROY,
SEANT EN SES ESTATS
gencraulx à Bloys , par Rluercnd
père en Die^Meflîre P i e;:r r e
d' e p i n a c , Archeucfque,
Comte de Lyo^Primat des Gau-
les, au nom de l'Eftat Ecclcfïafti-
que de France,
A PARIS,
Chez P.I,Huillicr,rue S. laques, à l'Oliuier.
1 5 7 7-
^î VEC P 1^1 ri LE G E D V HjûT.
pcc 'W
HARENGVE PRO-
NONCEE DEVANT LE
Roy 3 feant en les.. Eflats generaulx a
Bloys , par Reuerend père en Dieu*
JMeJjire Pierre d 'Epinac > Ànheuef-
que j Comte de Lyon , Primat des
Gaules, au nom de ï Efiat Ecclefiafti^
■ que de France.
iRE,encoresquela
Frâce, quiaeftéiuf-
ques iey agitée par
les plus grandes &
perilleufes tépcftes,
qui ayent iamais tra-
uaillé autre Republique, ne foitpas
Aij
4 »
encorcs du tout hors des vagues &
orages : fî eft-cc qu'elle penfe défia
voir de loin le port, & fe perfuade
darriuerbientoft en lieu defeureté,
puifque toutes chofes luy tendent
aydc & promettent fccours. Car pre-
mièrement Dieu qui auoit eftendu
fur nous la main de fon iufte cour-
roux3nous oftant le fentiment de nos
maux,& le (èns pour y pourueoir,
femble maintenant nous regarder de
fon œil de pitié > puis qu'il nous pré-
pare de fî grands confeils , & vnefî
parfaidte vnio , pour arrefterle cours
commun denosmiferes. Et après ce-
tte afleurance que nous auons eu de
Dieuylaprudécequi eft en vous plus
grande que voftre aage ne permet,Ia
dextérité de voftre efprit,qui fe reco-
gnoift en toutes vos actions, & a efté
remarquée en cefte éloquente pro-
s
pofition, qui a raui tout le m onde en
admiration, & voftre fainéte & bon-
ne volonté & piçté enuers voftre
peuple,nous donnent efperance d'v-
ne félicité prochaine. Etceftc expé-
dition eft grandement confirmée,
quand nous confiderons que voftre
fain£t defîr eft fi affe&ucufemcnt fé-
condé par le confeil de la Royne vo-
ftre mcre, qui ayant fi bien mérité
de tout le Royaume de France , tant
pour le foin qu'elle a eu de faire fi
ïàin&ement & religieufementinfti-
tuer les ans de voftre première ieu-
nefTe,que parla fage conduite, par la-
quelle elle a manié le gouuernail de
cefte Monarchie, pendant le temps
âcs plus dâgeureufes tëpeftes, conti-
nue encores maintenât à vouloir par
fa prudence s'ay derà remettre voftre
Royaume en fon ancien honneur. Et
A iij
6
nous promet encorcs beaucoup de
bien l'adfiftance & valeur de Moiv
feigneur voftre frère, que nous e{pe-
rons debuoir eftre le bras dextrede
voftreauthorité &puiffance.Et auec
toutes ces chofes vos treshumbles
fubieds, qui parles caîamitez fout
fertes par le paflé,fcmbloyent auoir
perdu le courage,recognoifTans la fa-
ueur que le ciel leur prefente maint e-
nant,reueilletleursefprits ja comme
endormis &rafToupis,&apportét vn
bon zèle & affe&ion à la reftauration
de ceft eftat : de forte qu'il femble
que toutes ces chofes ioinétes en-
iemblc^nous facent défia veoir le ciel
plus ferain, & nous promettent vne
heureufe tranquillité.
Et comment eft-ce que nous. ne
ferions tous encefte expédition de
bonheur , puis qu'il pîailt a voftre
7
Majeftéjiio comme Roy5mais com-
me père trefbenin, traitter fi gratieu-
fementauec vosfubie£ts3 leur don-
ner cefte honnefte liberté de vous
dire leurs plaintes & dolcances/& fai-
re vne fi amiable communication &
conférence auec eulx, pour trouuer
les moyens de leur donner quelque
aflfeuré repos après tant de malheurs!
En quoy certes ils cognoifTent com-
bien eft grande voftre fagefTe & pro-
uidence, qui a feeu tresbien reco-
gnoiftre , que vous ne pouuiez rabil-
1er lesdefordres qui eftoient en vo-
ftre Royaume , que premièrement
vousncleseufïiez bien &lemec
entendus ; & ne les pouuiez mieux
entendre que par la bouche de vo-
ftre peuple y qui luy-mefmcs enfent
les pertes & les douleurs. Car à la vé-
rité Tvne des plus grades incommo*
8
dicez quiaccopagnent l'eftat Royal,
cft que le Prince ne peuk entendre
les deffaults qui font en fon eftat, que
parla bouche de ceux qui font au-
tour de leurs oreilles. Et iceulx luy e-
ftans bien fouuent diiïtmulez il ne
peuk , bien qu'il en euft bonne vo-
lonté, les reparer , pour contenter
fon peuple. Chofe qui defpleut tel-
lement à l'Empereur Diocletian,
que voyant que fes Confeillers luy
cachoient la vérité des fautes qui e-
ftoient en fon Empire , luy oftant
par là tout moyen de les rciglcr,
* comme il en auoit bonne volonté : il
fè defpita tellement , que pour cefte
raifon principale il remit & refina
fon Empire entre les mains de Con-*-
ftantius Chorus : & aima mieux vi-
ure en perfonne priuée , & dreffer
fon iardin à Solone, que de garder
l'Empire
9
l'Empire du monde auec cefte in-
commodité, de ne pouuoir fidèle*
vùmt recogn'oiftre les maulx au£
quels il appartient à vn Empereur &
Prince fouuerain de pourueoir.
Mais voftre Majefté , S i r e , a
bien prins vn confeil beaucoup plus
honorable, vtil & falutaire: car ap-
pelant tout fon peuple, quiafenty
toutes ces calamitez & ruines , & leur
donnant toute liberté de dire ce qui
le greue , rien ne luy pourra eftre ca-
ché. Et cognoiffant particulière-
ment quelles font toutes les mala-
dies qui affligent tous les membres
de cefte Republique, il pourra auffi
auec eux y trouuerdes conuenables
remèdes. Et tout ainfî commeils
recognoiffent que vous exercez ea
leur endroiâ: l'office , non feule-
ment dVn iufte & équitable Prin-
B
10
ce , mais cncorcs d'vn bon &c pitoya-
toyable père ; aind ils ne doiuentde-
fîrer rien plus que de donner paref-
fe6t tefmoignage del'obeifTancc, à
laquelle les oblige, & la nature qui les
afaïtnaiftre vos fubie&s , & l'amitié
paternelle qu'il vo9p!aift leur porter.
Et parce, S i RE,vostreshumbles
8>c trel-obreiflans feruiteurs &c fub-
ie£ts, les gens Ecclefiaftiquesdevo-
ftreRoyaume,recognoiflans quece-
fte vnion de l'obeiffancedu fubied-,
auec le commandement du Prince,
eftvneliaifonqui entretient eneftre
& en grandeur ce grand corps com-
mun de la Republique, qui vientfî
toft à decheoir , que ce lien eft diflo-
lu & ïompu,voiiSpïoteftent deuant
voftre Majefté, qu'ils n'ont rien de
plus cher, ny n'ont apporté , après
l'honneur de Dieu, ^autre but & fin à
II
leurs a&ios & difcours en cefte com-
mune & publique aflembIcc,.(înon
que dç tenter tous les moyens qui
pourront cftre pour rendre voftre
Majefté auffi aimée & obeye defes
fubje&s, crainte & redoubtée defes
ennemis , comme ont efté les Roys
vos predeceffeurs , & comme vos
vertus le méritent. Car nous fçauons
affez, & l'expérience flous ena(mal-
heureux que nous fommes) trop fait
fentir le dommage, que la defobeif-
fanec eft Faffoibliflement de toute
puiffance,la ruine des maifbns &fà-
millesjla perte des villes, feigneuries,
& Royaumes. Etfiiamais la terre a
porté des Geans , qui^comme a creu
l'ancienneté fabuleufe , ont aiMliles
deux y & confpiré contre la Maje-
fté diuine : il icmblc bieii que ce
ayentefté ceux, qui rompans le lient
12
commun des loix par leur defobeïf-
fànce & impieté , ontconfondu,de£
ordonné, &renuerfé {ans deffusdet
foubs toutes chofes.
Voftre Majefté donques,S ire,
acceptera maintenant , s'il luy plaift,
ce public tcfmoignage que nous
vous donnons d'vne tres-humble
obeïflancc & fidèle feruitude, delà-
quelle nous prétendons ne nous dé-
partir iamais. Et puis qu'il vo9 plaift,
pour ouurir le chemin àvnebonne
reftauration de voftre eftat , nous
donner la liberté de remonftrer les
chofes qui nous greuent : nous efti-
merions faire grand tort au debuoir
que nous auons à Dieu , à voftre fer-
uice,au biê & vtilité de noftre patrie,
àlexpe&ation de ceux qui nous ont
cnuoyez,& à cefte finguliere & bon-
ne volonté que vous auez enuers
13 .
nous,fî palliant les aiïàires nous vous
diffimulionsnosmaulx, nos pertes,
& nos calamitez.Car puis que parles
loixciuiles celuyeft tenu coulpable
de crime de lezeMajefté , qui ayant
entendu quelque entreprinfeoucô-
fpiration au dommage du Prince,ne
la reuele , ne ferions nous pas iufte-
mentreputez pourtraiftres , fïeftans
appeliez foubs l'auétoritéde voftre
Majefté pour luy deçlaker les eau-
fès du mal commun > nous vom
cachions ou diflimulions la vérité
des chofes qui méritent règlement?
Et encores que le vieil Prouerbe
nousfoitafTezcogneu, que le com-
plaire acquiert des amis, &Ia vérité
apporte haine:fi eft-ce que nous efti^
mons au contraire , que la vérité
foubftenue par lauârorité de voftre
Majefté, aura tant d'efficace, quelle
Biij
*4
fera prinfe en bonne part de chacun,
puis qu'elle fera approuuée de vous.
Aufïi , S i R E , feroit-ce chofe quife-
roit mal-feantc à nous, & contraire à
noftre vacation, fi nous attachions
(comme dit le Prophète) des oreil-
liers foubs les coudes de ceux qui
faillent, & mettions des couffins &
cheucts foubs latefte des pécheurs,
pour feduire les âmes &les entretenir
en leur vice. Et puis que le patient ne
peut eftre bien guary s'il ne declaire
bien apertemét les caufes de fon mal,
nous vous defcouurirons nos play es,
nous dirons les fymptomes qui nous
arriuent, &ne cèlerons les douleurs
que nous (entons, attendant en no-
ftre mal,fecours de vous , comme de
noftre médecin fouuerain. Et obfer-
vierons toutesfois en cefte noftre li-
berté tout le refpeâ: que nous de-
l5 \
uons à voftre Majefté, & la modeftie
que fe doit attendre & elperer de tel-
les gens que nous fommes.
Il y a trois chofes qui maintien-
nent Peftat de toutes les Republi-
ques , & de 1 exadte obferuation des-
quelles dépend leur heur &c félicité:
comme au contraire leur corruption
eft vn prefage euident & manifefte
de leur prochaine ruine. La première
eft la religion, la féconde la police,
tant ciuile que militaire: & la troifîef-
meles finances publiques. Etpar ce
ayant traitté les poin£ts généraux qui
appartiennent à ces trois, & remettât
cequiferade particulier au cayer de
nos remonftrances, il fembleraquc
nous aurons jette vn ferme fonde-
mét-pour ce quimerite reformation
enl'eftat de cefte Monarchie , qui a
cfté defreigléeen tous ces ordres^par
16
la licence que le malheur du temps a
apporté, foubs la longueur des inte-
ftines guerres & partialitez ciuiles.
laymis la Religion en premier
lieu, pour ce que le premier accord
des peuples laiflfans la vie barbare &
ruftique pour s'affembler en la fo-
cictéciuile, aefté d'auoir vn lieu de
religion,pour les contenir enfemble.
De forte que , comme dit Plutarque>
fi nous recherchons curieufement
toutes les contrées du monde, & la
mémoire de toutes les anciennes ôc
modernes Republiques, nous trou-
uerrons bien que quelques vnes fe
fontpaflées de Roy s, les autres de
loix,les autres de lettres,de murailles,
de maifons & richeffes , & ainfi de
toutes autres chofes , qui femblent
cftre neceflaires àvne communauté
politiquermaisilnes'entrouuerraia-
mais
17
mais aucune qui naye eu vue certai-
ne religion pour honnorcr Dieu. Et
feroit, dit-il, plus aiféde baftir vne
ville (ans fons ou fans terre , que d'at
fembler vn peuple fans religion. Et
pource voyons nous, que tous les an-
ciens legiflateurs , encores qu'ils fut
fent Idolâtres , ont commencé leurs
inftitutions & ordonnances par vn
tel quel hôneur de Dieu , & cérémo-
nie extérieure de la religion : comme
Deucalion aux Grecs ,Lycurgue aux
Lacedemoniens , Yon & Solonaux
Athéniens, Romulus & Numa , aux
Romains . Et brief en toutes les Sei-
gneuries du monde , le premier fon-
dement del'cftat delà focieté ciuile,
a efté vne religion inuiolablement
obferuée. Et de là viét que tous ceux
qui fe font meflez du maniement des
affaires publics, n'ont iamais rien tant
G
ï8
craint, qu vn defordre en leur religio,
ou quelque nouueauté en icelle.Co-
gnoiflfant bien que la religion(qui eft
celle qui retient la focieté publique,
& eft le fondement de toutes les
loix ) ne pouuoit eftre troublée ou
changée, que par vue finiftrecon-
fequence, ellen'apportaft vn grand
changement & redoutable pertur-
bation en toutPeftat. Et non {ans
caiife ce grand Orateur Romain di-
foit, queftantla religion altérée , il
s'en enfuy uoit neceflairement la per-
te de la fidélité entre les hommes,
&c vne confufion defordonnée de
la vie ciuile. Dequoynoustrouuer-
rons affez d'exemples en toutes les
Republiques bien inftituées . Et fi
nous voulons rechercher combien
les Athéniens , qui ont cfté célè-
bres entre tous les autres Grecs,
*9
pour leur fage gouucrnement > ont
eu chère la conferuation de leur reli-
gion , le feul exemple de Socrates
nous fera veoir en quel horreur ils
auoient l'introduâion d'vne nou-
uelle religion . Car fes ennemis , qui
ne cherchaient finon que calom-
nieufement le faire mourir , ne peu-
rent trouuer vn crime plus detefta-
ble y ny par lequel ils le peuflfent ren-
dre plus odieux , que laccufànt qu'il
introduisit vne autre religion, que
celle que les Athéniens auoient de
tout temps obferuée. Comme auffi
nous voyons queXenophon & Pla-
ton, defendans (à caufe , fe font plus
arreftez à le purger de cefte accu-
fation, que de nulle aultre, qui luy
fut impofée. Etïfocrates, Orateur
renommé entre les Grecs , efcriuant
Ci)
20
lniftitation d' vn Prince,lvexhorte de
ne changer la religion de fes prede-
cefTeurs,pourles troubles & remuc-
mens qui en peuuent aduenir. Et dés
le premier eftabliflement de la Répu-
blique Pvomaine^entrc les premières
loixde Romulus, celle icy eneftok
vne, Deos peregrinos ne colunto. Et Nu-
ma fécond Roy, voulant reigler la re-
ligion des Romains, créa des Ponti-
fes,affin,comme dit Tite Liue , qu'ils
euflent l'œil , qu'il ne fe troublait
quelque choie en leur droiét diuin,
par introduction de nouuclles &e-
ftrâgieres ceremonies,au mefpris de
la religion ancienne. Et après que k*—
les Cscfa-fcfut demeuré vainqueur de
tout l'Empire Romains,voulant cô-
fulter auec fes particuliers amys,des
moyens delà reformation delà Re-
publique/utconieillé parMecœnas
ZI
célèbre Sénateur , de ne permettre
iamais aucun changement -en la reli-
gion , comme eftant cela vn moyen
fort propre pour introduire chofes
nouuelles& troubler vneftat. Aflez
d'autres pareils exéples le pourroient
trouuer en l'anciéneté , lefquels Tob-
in ettray, pour ne perdre dauantage
de temps en chofe fl claire.Mais fi les
anciens idolâtres incertains de ce que
ils debuoient croire y & n'ay ans autre
cognoiflance de Dieu , que celle que
la nature parmy les ténèbres & ob-
feuritez de la raifon humaine,leur fai-
foit veoir5fans aucune {cintille ou lu-
mière de la diuine grâce, ont efté fi
foigneux & opiniâtrement curieux
de maintenir leur religion abfurde &
ridicule : combien à plus forte raifon
nous Chreftiés , qui auons la certitu-
de dcnoftre créance parrinfpiration
C iij
22,
du fainct Efprk , parla propre bou-
che de Dieu, parlaprefence humai-
ne de fon cher Fils, par la doârinc
de fa parolle , par les miracles de (a
vie , par fa mort & paillon , par le
iang de tant de martyrs, par le fça-^
uoirde tant dedodtes perfonnages,
& par la fuccefïton continuelle de
l'Eglife , combien dif je , debuons
nous eftre affedtionnez à fouftenir
cefte noftre religion , de laquelle
nous auons tant d'afleurez &c fuffi-
{ans tefmoignages } Combien deb-
uons nous défendre ardemment ce-
fte foy que nous auos approuuéede
fi long temps : & combien debuons
nous auoir en horreur de veoir vn
autrecroyicedeDieu,quecelle5par
kquelle nous fommes appeliez à I e-
sv s Christ, régénérez par fon
Baptefme , & nourris & alliez auec-
23
qucs luy par fes fain&s Sacremens?
Car fîceftc refolution de conferuer
inuiolablela religion^ efté commu-
ne à toutes les nations du monde,
combien eft elle plus propre & plus
particulière à nousChreftiens,qui ne
retenons pas noftre religion feule-
ment pour la conferuation de cefte
fôcieté ciuile, mais en attêdons félon
nos œuures & a&ions vne certaine
& éternelle après cefte vie ? Et auons
tât d afleurâce de noftre foy y & fom-
mes enfeignez par icclle, que fi vn
Ange du ciel ven oit pour nousinfî-
nuervne aultre do&rine, que celle
que nous receuons par la tradition
Apoftolique^que nous ne luy pre-
ftions aucune foy ou audience. Qiul
nous vienne en mémoire ce qui eft
commandé fi exactement en la loy
de Dieu 3 que fî noftre frcre3 noftre
fils,noftreami, &celuy que nous ay-
mons comme nous me(mes, voire
noftre propre femme,nous veult at-
tirer à vne religion aultre que celle du
Dieu viuant , que nous ne Tefcoutios
point, mais (oyons feueres & rigou-
reux aies chaftier. Comme dohques
aflemblez en la focieté ciuile nous
debuos maintenir premieremet no-
ftre religion : mais comme Chreftiës
nousyauons vndebuoir plus parti-
culier, tant pourlafTeurâce que nous
enauons , que parle commadement
exprés forty de la bouche de Dieu,
Mais auec tout cela , comme bons &.
naturels François, nous y auons vn
autre debuoir qui nous y aftraint oui
tre ces précédentes obligations.
La France a efté celle, qui depuis a-
uoirreceupubliquemétlafoy chre-
ftienne foubs Clouis, la toufiours
'ardée
gardée immuable & inuiolable d'vn
mefme cours. La France n a iamais
admis dedans fon fein, les peruerfes
opinions de la foy. La France , tandis
que tout le reftc de la Chreftienté
eftoitagkée, parles pernicieufès di-
uifions detâtdc diuerfes fortes d'he-
refies , qui ont régné iufques à main-
tenant, a toufiours demeuré vnic &
conftante,fàns fe laitier aller à aucune
fàulfedo&rine. LaFranceaeftélefè-
cours & la defence de la foy Chreftié-
ne, & la terreur des ennemis dlcelle.
LaFrance enfomme atoufîoursefté
corne vn rocher ou fort inexpugna-
ble de la Chreftienté. Et combien fè-
roitelle defcheuë maintenant defoa
ancien honneur5combien auroit elle
perdu de fà reputatio , combien mâ-
queroit elle de fa première fidélité
cnuers Dieu, fi changeant fàfermetc
D
%6
& confiance au faicSt de la foy ,elle vi-
uoit longuement ainfï diuifée, & cn-
duroit deuant fes yeux iadis fi jaloux
de l'vnion de la croyance Chreftien-
ne, vne liberté , mais pluftoft licence
intolérable de viure fouz diuerfes re-
ligions?Et pource,S i r E,vostreshû-
bles & tresobeïfTans fubicits , les gés
de Tordre Ecclefiaftiquc , eftiment
que voftreMajefté prendra en bon-
ne part 5fuyuant le zèle & affection
finguliere qu'elle a toufiours mon-
ftiré enuers la foy Catholique, cefte
treshumble requefte qu'ils vous fot,
de vouloir maintenir vn feul exercice
de religion cnvoftre Royaume, en
chafTant promptemét tous Miniftres
qui en enfeignent vn autre, que celle
que vous fçauez eftrela vraye, Ca-
tlioliqne5Apoftolique,& Romaine.
Enquoy ils ne doubtent point que
17
voftre Majefté ne foitdifpoféed'vn
fàinâ: & trefehreftien defir , veu que
Thonneur de Dieu, qui vous eft fî
cher,&quia efté fi licentieufement
par le paiTé foulé aux pieds en ce
Royaume,v o9 y incite: & que la cha-
rité que vous auez entiers ce peuple
comisfoubs voftre Empire, & que
vo9aymeztât, vous y appelle, &que
la réputation & eftime de vous & de
voftre couronciadis fifloriflâte,vo9
y pouffe affezardemmét. Car voftre
Majefté recherchant la mémoire des
chofes paffées , recognoiftra affez,
que tant que la France a efté vnie
foubs vne mefme religion Chre-
ftienne , elle a faidt voler fa gloire
& renommée par toutes les contrées
dumonde:elleafaid fentirla valeur
de fes armes par tous les coins de la
terre: elleatoufioursefté victorieu-
Dij
fe far tous les ennemys de la religion
catholiquc,&afàittât dades héroï-
ques &cTheureufes conqueftes con-
tre les infidelles, quelle s'eit aquife
vne telle gloire entre les Afiens, Afri-
cains ,Indiés,Per{es,Tartares, Mores,
Sarazins & autres, que tous les Chre-
ftiens qui font en l'Europe, font par
eux nommez François. Car pour n'a-
uoir ces nations eftrangicres fenty les
armes d'autres Chreftiens que des
François,ils ont aufïi comprins foubs
le nom honnorable de France & des
François , toute la Chreftienté La-
tine.
Mais depuis que laFranceaeftédi-
uifée & defehirée en deux diuerfes
religions, voyons combien elle a per-
du de fon ancienne renommée.Cellc
qui commandoit à vne grande par-
tie de l'Europe, qui conqueftoit les
Royaumes loingtains , & quifaifoit
defonfeulnom trembler les nations
les plus belliqueufes , s'eft veuë de-
puis ceftemalheureufe & infortunée
diuifion reduitte à telle extrémité,
qu'au milieu de fon fein elle areceu
les armes eftrangieresrelle à quafi pris
la loy de fes voifins & de fes ennemis:
&cruelle,tournantfon glaiue contre
Ces propres entrailles , bien qu'elle fut
inuincible à toutes les autres nations,
s'eft abatue, vaincue, & ruinée elle
mefme. Et cela eft le frui&qu a pro-
duit ceftevenimeuie plante denou-
uelie opinion , qui femble bien eftre
proche de pouffer cncoresdesreiet-
tons plus dangereux , fî fuy uant Tex-
eftation que voftre peuple obeï£
ant conçoit de voftre prudence &
pietéjiLnevous plaift d'y pourueoir
promptement.
D iij
i
30
Souuiennc vous^S i r E,que vous
portez en main le fceptre de ce grand
Roy Clouis, qui premier régla cefte
Monarchie foubs la profcfïion pu-
blique de cefte religion , laquelle eft
maintenant remife en doubte en ce
Royaume. Souuiéne vous que vous
éftesfuccefleur de ce grand Childc-
berg,qui ne pouuant patir à Fentour
defoy ceux qui fentoient mal de la
religion Chreftienne y entreprit la
guerre contre les Vifigots 5 qui se-
ftoient laiflez infedter de Fherefie Ar-
rienne,& en fin les contraignit de re-
uenir en F vnion de FEglife Gtinéte &
Catholique. Souuienne vous que
vous portez fur la jtefte la couronne
de ce Charles, qui p our la grâdeur &c
valeur de fes fai£ts a meritéle furnom
de Grand , & par la vertu de fes ar-
mes auança la religion Chreftienne^
31
& défendit l'autorité du {àin&fîe-
ge Apoftolic contre ceulx qui le
perfecutoient. Souuiennevous que
1 vous tenez la place de ce célèbre Phi-
lippe Augufte, qui auec tant de zèle
& affe£tion , employa fes armes con-
tre les Albigeois hérétiques > qui s'e-
ftoient fequeftrez de l'vnion catho-
lique.Souuienne vous que vous feez
aufîege de ce tant renommé fainéfc
Loys, lequel n'efpargna fes moyens,
fes forces, & (à propre perfonne,pour
la defenfe & propagation de la.foy
de Iefus Chrift > & par fes Chreftien-
nes aétions, mérita la courone & fur-
nom de Sainét.Etfins m'amuferda-
uantage aies racompter tous,fouuié-
ne vous que vous eftes petit fils de ce
grand Roy François , lumière de la
pieté de France , fils de ce victorieux
Hery,la mémoire duquel viura eter-
3*
nellemet, & frère de ces deux catho-
liques Princes , François fécond , &
Charles neufiefme, à qui Dieu face
ux. Mais encores qui vous touche
( : plus prés, fouuienne vous,S i r e,
fouuienne vous que vous eftes ce rep-
lie mmé Henry, qui eftant encores
Duc d'Anjou, &frcre de Roy, auez
euîadefenfe dcrEglife,faitdefi va-
leureux a£tes, gaigné tant de grande.*
batailles, &tant de fois dompté les
ennemis de la foy catholique , que
vous auez remply toute la Chreftien-
té des merueilles de voftre nomvi-
ûorieux.Et nous pefons bié , S i r e,
que voftre Majefté n a point fi toft
mis en oubly, ce grand &folemnel
ferment qu'elle a faiefc â fon Sacre , no
feulement de maintenir la Religion
Chreftienne & Catholique, mais en-
cores de lauancer à fon pouuoir,fans
en
33
en tolérer aucune autre . Et fi iamais
aucun ferment a peu obliger vn Prin-
ce à maintenir & garder fa foy,ceftuy
cy vous aftraint fi eftroittemerit à la
defenfe de cefte religion,que vous ne
pouuez en endurer aucune autre,fans
Faire force à voftre cofeience, & met-
tre par aduenture en doubtele droi£fc
que vous auez à laCourone.Car vous
fçauezbien que vous auez ftipulé &c
contracté auec Iefus Chrift,qucvous
acceptiez le feeptre à cefte condition,
d'eftre defenfèur de fa religion Catho
lique : voire qu'en ce folemnel iure-
mét vous auez prins pour erre& pour
gage fon précieux corps & fon pré-
cieux fang . Et manquant maintenant
à cefte foy fi religieufement iuree, ne
penfez vous point qu'il doiue s'irriter
a Fencontre de vous ? ne cognoiflez
vous point, que tous les maulx que
nous auons enduré , prennes leur ori-
E
34
gine de fon iufte courroux ?Etnc
Voyez vous pas 3 que vous ayant don-
né ce feeptre auecques teites condi-
tions , il vous menace de lé vous arra-
cher des mains, fi vous ne luy tenez
cefte promette que vous \vy aucz fai-
âefi folemnellement? Et roue ainfi
corne Dieu vous (emôd à Tob^erua-
tion de la foy que vous luy auez don-
nee:vos flibie&s par icelle mefme vo9
coniurent à leur garder les coditions,
auec lefquelles vo'; eftes fait leur Roy:
& que vous ne pouuez enfraindre,
rompantvoftreiuremétjquevousne
perdiez aufli le tiltre que vous portez
de trefehreftien . Et nous ne faifons
point de doubte , que remettant ces
chofes deuant vos yeux, que reueil-
lant la mémoire de vos predecefleurs,
& continuant voftfe première pru-
deace & vertu , vous n'ayez ce bon
heurde veoirenvosiours toutvoftrc
35
peuple réduit àla bergerie de FEglife
faincle & catholique, de laquelle vo*
elles comme père & protecteur.
Par ce moyen ces grans Roy s de
IerufaIemDauid>Salomon>Abia,ïo~.
fa phaCjEzechiasJoiîaSjfe font acquis
la bénédiction de Dieu , & vn fuccés
fauorable entons leurs affaires, pour
auoira.uecques tant de diligence re-
mis la pureté de la religion, & reftau-
réleieruicediuinqui eftoit depraué.
Et nous efperons auiïi, quefuyuant
leurs t races & y eftiges, vous réunirez
toute LtFrance en la religion Catholi-
que. Et pour la recompenfe de voftre,
fain£t defîr , aurez cefte bénédiction
deDieu,deveoiren vosioursvoftre
Royaume aufïï floriflant qu'il fut on-
ques i Et comme cela fera fort agréa-
ble deuant Dieu ^aufli fera-il grande-
ment honnorableà vous 6c à voftre
Couronne.Ce que vous cognoiftrez
; - E ij
3*
affez, fi vous côfidereZjquil n'y a au-
iourd'huy Roy , Prince, Potentat ou
Republique ( i'en excepte quelques
peuples Barbares & le Turc, les dete-
ftables mœurs 8c couiiumes duquel
nous doiuent eftre fi odieufes > que le
feul nom nous en doit faire horreur )
qui permette à fes fubie&s de viùrc
en autre religion,que celle que le Ma-
giftratparladecifion de l'Eglife, tiét
pourfeule,bone&vnique. Et ne font
certes dignes d'eftre entendus ceux
qui veulent tellement reftraindre la
puiflance du Princeou du Magiftrat,
qu'il ne puifle côtraindrefèsfubie£fcs
à la foy , mais les doiuent laiffer viurc
en liberté ( comme ils difent) de con-
fcience.Car cefte opinion a toufiours
efté condemnee & reprouuee gene-
ralemét de tous les fhreftiens, iînon
par les Manichéens & Donatiftes,qui
defendoient , qu il ne falloit preffer
37
pcrfonne pour fa religion,mais laifler
chacun en fa liberté & fatafîe.Et ceux
làmefmesauiourd'huy qui arrachent
de vous comme par force cefte liber-
té de leur religion , ne la permettent
aux autres. Car es lieux de la Chreftié-
té où Dieu a permis qu'ils {oient les
maiftres , &: ayent la puiflance en la
main, tant s'en fault qu'ils accordent
à ceux qui font Catholiques de viure
librement en leur religiomqu au con-
traire lesfe&es diuerfes qui fonten-
tr'eux (car défia ils fontbendez,&
diuifez , figne euident de leur pro-
chaine ruine) ne fe peuuent compatir
l'vne l'autre. Et là où le Caluinifte eft
le maiftre , le Luthérien n ofe viure li-
brement: voire mefme que quand ils
changent de Magiftrats de diuerfes
opinions ,1a religion change fuy liant
fà volonté : comme Ion a veu allez de
ces mutations en Angleterre & en
Euj
38
beaucoup de lieux en Aîemaigne . Et
quoy, feroit-cepasvne honte &c ver-
goigne trop grande au bon Chreftien
& fidèle Catholique, s'il eftoit moins
affe&iôné à fa religion, qui efi; aprou-
uéeparvne fi longue &c continuelle
fïicceffion,que ces nouueaux Chre-
ftiens à leurs opinions fi récentes, qui
font nées comme en vnenuid? Cefl
donc vne maxime généralement cer-
taine & aprouuée de l'Eglife par tou-
tes les Republiques , que le Magiftrat
doit & peut côtenir fon peuple foubs
vnemefmefoy: comme il fe monftre
aflez par tant de belles loix &confK-
tutions desChreftiens & catholiques
Empereurs,come Conffcantin/Theo-
doze, Valentinian ^Martian, &c d au-
tres, & tât de belles ordônances efta-
blies par les Roys vos predecefleurs.
Mais parce que non feulement ceux
qui fe font fequeftrez ôi defunis de la
39
bergerie de l'Eghfe, ont abufé &
duit beaucoup dépeuples , foubsic
prétexte de la corruption qui eftoic
entre les Ecclefiaftiques, & des abus
qui font couliez parmy euxrmais en-
cores ceux qui font demeurez foubs
lobeiiTance de la foy catholique, dé-
plorent infîniemet le defordre qu'ils
ycognoiflent .Nous dirons & con-
feflerons librement auec eulx, que
nous n'en portons point moins de
regret , voire en (entons vn defpîaifîr
incroyable: niais nous adioufterons
bien aufïi, que la licence de nos mal-
heurs paffez a beaucoup détérioré le
mal, &c empefché iufques icy le faindt
defirqueles gens de bien onteu,de
reilaurerla difeipline Ecclefïaftique,
& faire vne reformation générale de
tout ce quieftoit corrompu en icel-
le. Etaueccefte commodité que les
Ecclefïafiiques ont eue en celle af-
4°
femblee de conférer enfemble , ils et
perent foubs voftre audtorité exécu-
ter vne reformation fi canoniquc,quc
Dieu en demeurera loué, voftre Ma-
jefté contente , & voftre peuple fà-
tisfaid . Et pour leur en donner le
moyen , ils vous {upplient treshum-
blement vouloir faire publier &au-
dorifer en voftre Royaume, fuy Liant
la prière qu'ils vous en font plus par-
ticulière par leurs remonftrancesje
fàinét & facré Concile de Trente ,
lequel par laduis de tant de do&es
perfonnages,a exactement recherché
tout ce qui eft neceflaire pour remet-
tre TEglifeen fa première fplendeur.
En quoy, Sir E,ils efperent & atten-
dent de vous, comme d'vn Roy tref-
chreftieh & trefaffedionné à l'Eglife
de Dieu , lafliftance de voftre au dto-
rité, pour l'exécution de cefte refor-
mation . Et pource que le premier
4* f
poin&cn cil:, quel'Eglife foit pour-
ueuëde bons & diligcns Pafteurs , &
qui par la vertu de leur doctrine &
exemple de leur pieté & intégrité,
puiflcnt redrefler ce qui eft tombé,
r'affeurer ce qui eft efbranlé,& efclai-
rercequi eft obfcurcy. ceux de Tor-
dre Ecclefiaftique vous fuppliët tre£
humblemét , qu'il vous plaifè remet-
tre l'ancienne forme 6c manière de
l'ele&ion aux Prelaturesde fEglife,
fuyuât les {àin£ts Canons & Décrets.
Qui fera le moyen pour faire, que la
porte pour entrer aux Prelatures Ec-
clefiaftiques, ne foit plus comme elle
a efté iufques icy,(î apertemët ouuer-
teà la faueur, ambition, & fymonie,
que Ion aveu y régner, auecvne licé-
ce fi effrenee,que le commerce & tra-
fic en eftoit pareil , & pire paraduen-
ture , que des biens temporels met-
mes. Ce qui a procédé de ce que la
F
plufpart des biens deftinez pour le
ièruice de Dieu , font tenus & princi-
palement occupez ou manifeftemét
parperfonneslaiz &non Ecclefîafti-
ques,ouindire£temétpar certains co-
fidestà\# ne font gueres différés d'eux,
au quand icandale &preiudice de la
religion & Eglife catholique. Nous
lifonsaux liiftoires Françoifes , que
du temps de Loys fîxiefme , furnom-
ïïié ie Gros, les gentils-hommes s'e-
ftoient donnez telle liberté, qu'ils oc-
çupoienc non feulement partie des
biés Ecclefîaftiques>comme le Com-
te de Clermont les biés de ceft Euef-
ché ,1e Seigneur de Roufly les ter-
res de FEglife deRheims & deLaon,
le Seigneur dc.Mcung , celles de l'E-
uefché d'Orléans . Mais encores s'at-
tribuoient le tiltre des Prelatures, co-
rne le Seigneur de Beaujeu, l'Abbaye
deSauigny en Lyonnois,& d'autres
43
l'Abbaye de faind Denys en Fran-
ce . Mais ce bon Roy ne pouuant en-
durer ce defordre en TEglife^print les
armes contr'eux , & vertueufement
les contraignit de remettre les Egli-
fes en leurs biens, libertez & franchi-
fes , cognoiflant bien que ceftecon-
fufiontraineroit après fby vne infini-
té d'autres defbordemens en l'Eglifc.
Ainfi efperon$-nous5 S i r E3que fuy-
uant l'exemple de ce bon Roy voftre
predecefTeur, voftre Majefté laifTera
les Prelatures de l'Egllfe , & leur éle-
ction entre les mains des perfonnes
de cefte vacation : & empefchera que
les laiz ne les poffedent &c détiennent
en tout ou en partie, directement ou
indirectement. EtpourcefteifeCtre-
uoquera dés à prefent tous dons^pro-
méfies, &: referues, vraye corruption
de toute la difcipline de l'Eglife.
Fi;
44
Et fî*hous auonscebon heur, le-
quel tout voftre peuple attend de vo-
ftre pieté , que les dignitez Ecclefîa-
ftiques foientdiftribuees félon l'inte-
grité de la vie, & la (încerité de la do-
ctrine: nous ne faifons point de dou-
te de veoir en bref leffecSt d'vne falu-
taire reformation . Corne au contrai-
re fans cela il feroit impoffible de fai-
re aucun bon fondement pourrefta-
blir la difeipline Ecclefiaftique . Et
fçauons toutesfois , que de la feuLde-
péd le principal moyen de la reunion
de tous vos fubie&s/oubs l'ôbeiflan
ce de la religiô catholique . Car quâd
les Prélats refîdansen leur charge ,'&
vueiilans fur leurs troupeaux (& tels
feront-ils quand parla vertu ils aurot
efté appeliez &efleus ) auront l'œil à
fairecathechiferlaieune{Te5&inftrui-
re les ignoras , & leur declaireront les
approbations & raifbnsdes fain&es
45
ordonnances de l'Eglife:ilny a point
de doubte , qu'en bien peu de temps
nous n'en voyons vn tel frui£t, que
lesCatholiques les embraflerot beau-
coup plus deuotieufement:& les def-
uoyez admiransla fagefle & prudent
cedel'Eglifefaind:erguidée en tout
& par tout par le (àin6t Efprit,fere-
duirot peu a peu fbubs fon obeiflan-
ce . Et par tels moyens les plus gran-
des & dangereufes herefîes ont efté
plus que par les armes, extirpées ôc
eftaintes. Etparl'effedtdeceftefain-
<Sté reformation, foubs voftre audio-
rite, nous efperons de veoir en brief
cefte pernitieufe erreur, quia troublé
tout ce Royaume, s'en aller & s'eua-
noiiir en vapeur & fumée.
. Mais nous auons iufques icy aflez
amplementparlédece qui apartient
à la généralité du faid de la Religion,
quieft le premier fondement de Te-
F iij
4*
ftat . Remettant donques les poin£te
particuliers à ce qui eft porté par le
cayer de nos remonftraces , nous dis-
courrons vn peu delapolice^quieft
le fécond pointtque nous auos pro-
mis & propofé de traitter . Ce que
nous ferons le plusbriefuementquil
nous fera poflîble , & d'autant plus
hardiment que nous voyons,qu'auec
tant d'attention, il plaift à voftre Ma -
jefté nous entendre.
Tous ceux qui ont efcrit de TinfU-
tution politique, ont eftimé que la
tranquillité commune & le repos pu-
blic,eftoit l'vn des buts & fins princi-
paux de lafocietéciuile. Comme à la
vérité les Seigneuries vnies ont pro-
fperé & fleury : & difcordantes , elles
ont efté malheureufemét defchirees.
Et pource difent les Philofophes,que
le premier office d'vn Roy , eft de
maintenir fesfubie&s en cocorde. Et
47
en cela, Sire, auec tât d'autres ver-
tus qui reluifent en vous , nous co-
gnoiflfoiiscobien vous exercez l'offi-
ce dVn bon & équitable Roy ayant
faitveoir cy deuant à chacun, cnco-
res que vous foyez de voftre nature
belliqueux, combien vous elles defi-
reux de la paix , que vous auez fi che-
remet acheptee. Et recherchât main-
tenant auec vos fidèles fubieits les
plus fèurs moyens pour conferuer en
repos voftre Royaume, qui femble
enauoirbonbefoin.
Il y a tantoft quatorze ou quinze
ans que nous auons veu faire la guer-
re inhumaine & cruelle les vus aux
autres, gés de mefme nation,de mcf-
mes prouittees , de mefmes citez , pè-
re contre fils , frère contre frère, pa-
rent contre parent: tous fubie&s dvn
mefme Roy , honnorans mefmes ar-
mes de enfeignes de fleurs de lis . Et
48
toutcsfois nous fommes fi aueuglez,
que nous ne recognoiffons point que
Iefus Chrift , qui eft la vérité mefme,
&quiiamaisne peult mentir, nous a
a(Teuré,que tout Royaume diuifé en
foyferaxîcfolé. Etquieft-ce qui ne
voit & ne fent defiale fléau de cefte
defblation? Nos champs au parauant
fertiles font laifTez en fâcheries fuper-
bes & riches maifons demeurent de-
fertes & abandonnées , les villes iadis
célèbres &opulétcsreftent defolées,
parla perte de tous leurs anciés orne-
mens des édifices tant priuez que pu-
blics : & qui pis eft,les prouinces font
diftraittes & corne cantonées par vne
difeorde trefpernicieufe.Salufte hifto
rien trefrenomé, predidt long téps au
parauant, que la ruine dcRome nad-
uiendroit iamais , que par vne diui-
fion erutreles citoyens d'icelle. Puis
qu'il eft ainfi,dit-il,que toutes chofes
qui
49
qui ont commencement prendront
auffi fin y lors que la ruine delà Repu-
que Romaine approchera, les citoy es
combattront contre les citoyens. Car
autrement tout le môdeenfenvble ne
pourroit efbrâler ceft Empire. Et cer-
tes fa preuoyance ne fut point vaine,
car cefte Seigneurie qui auoit fleury
parlabonneintelligéce qui eftoit en-
tre les citoyens £ fe perdit & ruina par
lesdiuifions d'viiSylIa,Marius,C#fàr,
Pompée, Antonius,Lepidus &Augu-
fte:lefquels,au danger de leur patrie,
fuy noient la vengeance de leurs fa-
isions & haines particulières. Et non
feulement l'Empire Romain^par fem-
blables partialitez s'eft veu defeheoir
de ià première grandeur,mais encores
toutes les plus fortes Republiques du
monde3par femblables diuifions ont
efté miferablemêt ruinées. L'Empire
d'Alexandre , le plus grand qui euft
G
point eftéj s'euanoiiit comme vn feu
d'eftoupe par la diuifion & defordre
qui fut entre fes fucceiïeurs. Les villes
de la Grèce , qui aut remet eft oient in-
uinciblcs, par leur mauuaife intèllige-
ce vindrëc foubs le pouuoir,partie des
Macédoniens, & partie des Perfes. La
Gaule tant de fois alïàillie par les Ro-
mains, ne peuft eftre fubiuguée , que
par le moyen de la diuifion que Csefar
y trouua,de la commodité de laquel-
le il fe feruit pour fa côquefte.L'Empi-
redeConftantinople par les partiali-
tez des Princes eft venu foubs lepou-
uoir ty ranic &miferabledVn Ethnie
& barbareTurc.Ces exemples ioin&s
aucc cefte belle preuoyace de Salufte*
ne nous font ils pas veoir à l'oeil,que fi
nous n v remédions, ce beau & florif-
fànt Royaume > autresfois agrandy
parla concorde & obeïfTance de nos
anceftres , eftpreft de tomber en vue
'grande defolat ion & mifère par nos
fa&ions &partialitez?Etquipis efl:^
nous ne nous contentons pas de dei-
mefler nos querelles nous-mefmes,
mais encoreslon vaiufques en Angle-
terre & Alemaigne chercher les armes
eftrangieres , voulant,ce {èmble , leur,
drefTer vn chemin pour nous mettre
foubs leur miferable feruitude.Etne
confiderons pas que la calamité la plus
notable que foit iamais aduenuc aux
Republiques diuifées,a efté quand les
citoy es partiaux ont appelle les eftra-
giers à leur ayde , qui fouuent ayons
retenu ce chemin, s'en font puis après
fai&slesmaiftres.
Lors que la Gaule eftoit encores di-
uifée en diuerfes Seigneuries, lesSc-
quanoisappellerétlcs Germains a leur
fecours, & parleur ayde deftruifirent
quafi cefte belle ville des Autunnois.
Mais la vidoire fut plus pemicioufe
aux vainqueurs qu aux vaincus. Car ils
furet cotraints de bailler quafi la moi-
G i)
■5*
tiède leurs terres aux Germains, qui
les auoiét {ècourus; lefquels àlalôgue
chalTeréttous les originaires du pays,
&fe firent feigneursquafide toute la
Gaule. L'Empire Romain ne receut
iamais tant de dommage, que parles
Lombards, qui furent premièrement
attirez par NarfespourchafferlesGots
hors d'Italie. Et depuis ayans efté rap-
peliez par luymefme^pour le melcon-
çentement qu'il auoit des iniures qu'il
auoit receuës dellmperatriceSophie,
mirent en proye & pillage toute llta-
lie.-fibié qu'il fallut derechef faire ve-
nir les François, lefquels ayans retenu
le chemin, y ont fait depuis corne les
autres, de grandes & heureufès con-
queftes.
Mais pourquoy cherchons nous
des exemples eftrâgiers,veu que nous
en auons de domëftiques?Les feditios
& guerres d'Orléans & de fourgon-
55
gne nous appellcrent les Anglois en
France,quipar ce moyen y prindrenc
iï grand pied,qu ils en poflederent 16-
guement après vne grande partie.Lcs
François donques , quipourfortifîer
leur part, in uitent les eftrangiers, ne
fcmble^il pas qu ils cherchent le che-
min le plus court , pour perdre leur
pays, parles mefmes moyens qui ont
ruiné les eftats des plus florifTantesRe-
publiques ? Tels font donques nos
maulx,telles font nos miferes.
Mais voyons maintenant s4l y au-
roit point de moyen pour àïrefter ce
cours continuel de nos malheurs. Plu-
tarque,enfonIîuredes maniemés des
affaires publiques, amené à ce propos
vne belle fentence , & quiftmble do-
ner vn fort bon enfeignement. Quad,
dit-il Je feu fe met en vne ville , le plus
fouuent il ne commence pas par vn
temple , par vn palais , ou par autre
Giij
54
lieupublic , mais fe couue & fe recèle
dans le recoin de quelque maifbn pri-
uée,& de là fe gliflant & coulant bien
auantdâsla ville, lagafte & difforme,
auec vn dommage irréparable. Aufli,
dit-il,iladuient fouuent, que les fedi-
tions ne prénent pas leur commence-
ment des négoces publiques,mais par
les offenfes particulières de quelques
perfonnes notables , qui fe fortifias de
quelques fa£H6s & pars en la Republi-
ques,efbrâlent bié fouuét tout l'cftat.
Et il confirme cela par l'exemple de
deux grandes feditions aduenues en
Delphes & en Siracuze, pour de bien
legieres contentions entre quelques
particuliers: &toutesfois de fi petite
caufe,fortit vne grande ruine en ces
deux villes. Et fi nous recherchons les
exeples modernes de cela , nous trou*
lions que du temps de l'Empereur lu-
ftiniâ,pour maintenir des couleurs de
55
bleu & dcvcrd feulement > il s'efmcut
vnc telle feditio en la ville de Confia-
tinople entre quelques gens partiaux,
qu'il y mourut en vn iour plus de
trente mil hommes. Et l'Empereur
mefme fut en grand danger de perdre
& fon Empire & fa vie. Et cefte gran-
de faction ai blanchi^ ai #m,qui a te-
nu la Republique de Florence envne
grande fedition , & qui s'efpandit de-
puis par toute l'Italie > commençapar
vnebienlegiereoccafîo entre les per-
-fonnes priuées. Etpartâtfembleeftrc
fortbonleconfeil dePlutarque, qui
entre les plus grands préceptes qu'il
donne àceluy qui gouucrne vn eftat,
ladmonnefte principalement de ne
laiffcr croiftre les contentions entre les
grands , mais de chercher tous les
moyens pour les eftaindre dés le com-
mencement^ euiter queparlacon-
fequence elles ne mènent après foy
J6
quelque finiftre euenement.
Nous ne voulons pas dire que les
querelles particulières ay et efté la eau-
fedenosmauIx,& origine de nos ca-
lamitezrmais fî voyons nous bien que
les inimitiez &fa£tions particulières,
ont longuemét entretenu noftre mal-
heur.Et s'il n'y eut point eu de pars en
ce Royaume, les tumultueux n eufïet
filong temps entretenu les troubles
qui nous affligent.
Le plus grand bien donques que
voftreMajefté fçauroit faire à voftre
Royaume pour tenir la paix en fon
pays,& fon peuple en repos,fera de re-
cognoiftre toutes les inimitiez,fa£tiôs
& mefeontentemens qui y font , &
chercher les moyens de les compofer,
non en apparéce feulement , mais par
quelque bon effe£t,contentant ceux,
fi iuftement il fe peut,qui fe difent mal
contens-.donnantaffeurâce à ceux qui
fe
57
fe difent auoir caufe de défiance, & ré-
conciliant ceux quife tiennent pour
ennemys.Etfemblera eftre fort à pro-
pos de prendre l'exemple des anciens
Athéniens 5 qui après leurs logues ini-
mitiez & feditions, pour chercher vn
repos,firêt vneloy , qu'ils appellerent
damneftie, ceftà dire, d'oubliancc:
par laquelle ils abolifloiét entieremet
la mémoire de toutes les pertes , cala-
mités, & iniures paffées. Laquelle en-
cores voulurent imiter les Romains,
parle confeil de Cicero,apres les guer-
res ciuiles. Et fembieroit maintenant
fort à propos de la pratiquer , effaçant
le fouuenir de tout ce qui s'eft paffé
contentieufement entre nous , auec
vne abolition générale de toutes les
chofes qui font forties de nos guerres
ciuiles,pour n'en élire iamais rien re-
cherché , non plus que fi iamais elles
n'eftoîent aduenues. Et cela cofkmer
H .
encefteprefenteaflemblée,poujreftre
chofeàiamais inuiolablc. Et puis ayâc
ainfî doucemét ordonné pour le paf-
fé, voftrc Majefté fera treshumblemcc
fuppliée défaire pour laduenir, vne
loy générale du confentement dese-
ftats,& qui aura mefme authorité que
la Salique : par laquelle fera défendu
treC expreffémét à toutes fortes & ma-
nières de gés , de dreflcr aucunes pars^
aflbciations, ou ligues , de traitter des
affaires du Royaume auec les eftran-
giers,les folliciter de venir enFrâce,ou
faire leuée de gens, foient eftrangiers,
foient François , (ans le confentement
& exprés commandement de voftre
Majefté. Et que toutes perfonnesqui
directement ouindire&emcnt auroç
contreuenu à ladite ordonnance,
Soient tenus pour rebelles, ennemys
du pays , & perturbateurs de l'eftat:
que leurs biens foient infeparable-
59 M
mcntioints & vnis à la couronne, &
eux incapables de toutes dignkez &c
honneurs. Car puifque&le mal que
nous auons fenty iufques à mainte-
nant, nous monftre combien de do-
mage ont apporté telles ligues & fa-
nions, & que l'exemple de tât de Re-
publiques ruinées par ikhblables par-
tialiccz , &par l'introdu&ion des ar-
mes eltrangieres^nous menacent dV-
ne pareille & prochaine ruine: vos
treshumbles,trcfobeïffâs,&tres-fide-
les fubie&s, s'ayderont de tout leur
pouuoir pour vous faire obeïr,tànt en
cepoind, qu'en tout ce qui aura dfté
parvous arrefté en celle tant belle &
notable affemblée. Et s'il y a quelques
gens fi téméraires qui s'oient opp olèr
à vos ordonances, Dieu premieremét
combattra pour vousenfîiufte que-
relle , & vos trcshumbles fubie&s
vous y affilieront.
Hij
La tranquillité donques publique,
l'vnion de vos fubie£ts y la reconcilia-
tion de toutes inimitiez , Foubly de
toutesles chofes paflees, l'aboliA-emec
de toutes fa6tios tant ciuiles qu eftrâ-
gieres, foientle premier fondement
delapolice,(àns lequel nous neftimos
rien pouuoireftrc ferme &ftable. Le
refteconfiftera en bonnes & fain&es
loix,8duftes,& feuéresMagiftrats.Et
de F vn & de l'autre nous parlerons en
termes generaux^remettât les poinéts
& articles particuliers à ces cayers de
noftre remonftrance.
Et pour dire des loix première-
ment: fiiamais Royaume Chreftien
s'eft peu donner louange d'eftre heu-
reux en bonnes inftitutions &c ordon-
nances , la France plufque nul autre
peut eftre glorieufe de cette belle
louage. Car fi nous regardos &lapre-
mierc & ancienne inilitution de fon
^r
eftat,&fonfuccez& progrez, nous
trouucrrons quelle ne cède en cela à
quelque autre Monarchie. Ce que
nous pouuonsiugertant parce que il
ny a poind aucun qui puifle apparte-
nir à la conferuation commune, ou
aux fai&s particuliers concernans cha-
cun , à quoy il ne fe trouue que les
Roys par leur {âge confeil, n ay et pru-
demment ordonné : comme d'autant
que quafî toutes les nations nos voi-
fînes ont emprunté & delrobé de
nousjta pluipart de leurs loix Se meil-
leures ordonnances.Et eft bien à con-
fidererla forte &la manière de laquel-
le font compofées nos loix , qui eft
beaucoup meilleure 5 plus douce &
gratieufe que cçlle de laquelle ont vfé
tous les Roys,Princes, & Potentats de
la terre. Car il femble que le peuple
François aye feul fuyui le précepte ci-
uil &politique de ce grâd Philofophe
H jij
Platon , qui vouloic que les loix par
vue douce perfuafio incitaflent plut
toft les fubie&s , que de les cotraindre
par (impies &feueres comandemens.
Et lifons toutes les loix anciennes des
Perfes, Athéniens, Lacedemoniens,
Romains, & autres, & fueilletons les
modernes encores,& nous verros que
tous leurs legiflateurs fc font feulemec
contentez d'ordonner telles & telles
ehofes abfolucment, & fans aucune
raifon,ou perfuafion de leurs ordon-
nances. Mais les Roys de France , qui
commandent àleursfubiedts comme
les pères à leurs enfàns,cn leurs inftitu-
tions femblent pluftoft vouloir in-
ftruireparviues raifbns & douces re-
monft rances leurs peuples , que de les
cotraindre parlaforce dePobeïflance.
Carparlesexordes & préambules , ils
eclarent les caufes & les raifons qui
les ont eimeus d'ordonner ainfi s affin
63
que leurs fubie£ts fè rendent plus o-
beïflàns pour l'amour de la vertu , &
delarailon^quieftle fondemét prin-
cipal delaloy. Et fi en toutes les plus
grades louangcs,dont les anciens ont
célébré Antoninus Pius , Prince bon
entre Jes bons > cefte cy en eft vne,
qu'il na iamais rien ordonne , qu'il
nayetafché défaire trouuer bon par
lettres particulières , par lefquelles il
rendoit raifon de fes ordonnances.
Cobien doibt eftre pour cefte mefme
caufè honnorée entre nous la mémoi-
re de nos bons , iuftes , & gratieux
Roys,quitous d'vn commun accord
ontobferué cefte cou ftume5qui a efté
commefinguliereàcefculPrincetant
recomandé par l'antiquité ?. Or puis-
que auec vne fi belle manière nous
trouuons que les ordonnances &Ioix
de FrâcejontfufEIàmmentpourueuà
toutes les chofes neceflàires à la ton-
fcruation d'vn eftat-, l'obferuation de
ces anciennes loix , à laquelle nous ra-
menons toutes chofes , femble eftrc
beaucoup plus profitable & vtile,que
d'en chercher ou compofer de nou-
uelles . Car nous fommes enfeignez
qu'il n'y a rie de plus pernicieux à vne
Republique, quvnetrop grade mul-
titude de loix. Et tout ainfi comme
quand vne perfonneeft griefuement
malade, ileftreduitàvn trefmauuais
party , s'il a affaire à vn médecin indo-
<Ste & imperit, qui redoublât médeci-
nes fur medecinesjcorropt & altère les
humeurs par cefte imprudéce variété.
Ainfi debuonsnous croire qu'en vn
eftat troublé , la multitude de loix fur
loix, neftguieres moins dangereufe,
que la multiplicité de medicamêsdâs
vn eftomac débilité, Et puis que la re-
formation n'eft rien autre chofe , que
leuant les nouuelles introdu&ions &
abus^
6y
abus 5 réduire les chofcsen leur pre-
mière &ancienefbrrne:auecbo droit
& iuPcc occafio nous auons par nos re-
nvniilrâces pluftoftrapellé Yv&gcSc
F tcruatiodes vieilles Ioix,que nous
n ions efté curieux d'en chercher de
:d!es. Mais parce quelles ne fer-
n kêè rieiijfi elles ne font feueremec
& rigoureusement obferuées> l'vne
des principales requeftes , que nous a-
uons à faire à voitre Majefté fur ce
poinâ:, fera qu il luy plaife fe redre fe-
uere en l'ôbferuation & entretenemec
dételles ordônances. Choie que nous
nous promettes de (à iuftice3pourra&
fèurance qu il luy a pieu nous en don-
ner en cefte eloquéte propofîti5,qu il
luy a pieu nous faire en Pouuerture de
fes eftats > foubs la parolle & ferment
de Princerlequel nous vous fupp lions
treshumblement auoir toufiours de-
uât Iesyeux,pour enfaire vnc defenfe
6%
cotre ceux, qui par importunité vou-
draient vous forcer de les tranfgreflèr
& enfreindre.- Car il -n'y a rien quiaye
iamais tac fait fleurir les Républiques,
que la confiante obferuation desloix
du pays. Et le premier figue que Ion
peult auoir de la perte d'vn ettat, efl:
quand Ion voit vue licence effrénée &
facilité dedifpenferdes bonesordon-
nâces^Enquoy certes eft digne d'eftre
notée vne belle fentence de Ciceron
apartenant à ce propos , laquelle pour
y eftre fort propre ie rcciteray,tradui-
te de mot à mot. Les Republiques,
dit-il, qui font preftes de fe perdre , e-
ftant toutes chofes déplorées , tom-
bent en celle fin malheureufe, que
ceux que les loix condamnent font re-
ftituez , & les iugemens donnez fe
voyent re(cindez:& quand telles cho-
fes aduiennentjperfonne n'ignore que
leur ruine ne foit proche, &c aucun ne
69
fe peult donner efperance de fàlut.
Voftre Mâjefté donques y S i r e,
euiterala ruine de voftre eftat , quand
elle fe rendra non feulement difficile
mais eneores inexorable enl'ûbferua-
tion des ordonnances fi folemneile-
mentfaid:es3& gardera vne égalité en
robferuation d'icelles, (ans acception
deperfonnes,puis qu elles font faites
pour les grands & pour les petits,
pour les riches& pour les pauures.Car
ceft vne chofe de trefmauuais &c tref.
pernkieux exemple quâdles loixfont
rendues, comme difoit ce fage Grec,
femblables aux tifîus ou toilles d'irai-
gnée,àttauers defquelles les oifeaux
paffent aifémét,& les feules moufches
foibles 6c imbecilles y demeuretprin-
fes & retenues . Soient donques vos
loix inuiolablesjfeuereméc obferuées,
nonfubiedxs à difpenfe,non fauora-
bles aux grands > mais communes &
7°
égales à chacun. Celas'obferuera bien
heureufement quand voftre peuple
ferapourueu de bons Magiftracs , q m
iugeâs fans faueur^fans corriiptio3(àns
différence du grand auec le petit, tien-
nent la balance iuftement fulpendue.
Car les bonnes loix ne font pas feule-
ment inutiles,s'iln'y a de iuftes Magi-
ftrats pour les faire obferuer : mais en-
cores adujent-il quelquesfois , que
les meilleures ordonnances du mon-
de par le vice des officiers , tournent
au dommage de la Republique. Et
pourcele premier foin que doitauoir
vnprince,quicomevousdefireFheur
&c la félicité de la focieté publique , eft
quelle foitaornée degrâds & prudes
officiers , qui rigoureufement entre-
tiennent le lien de la Republique par
lafeueritéde leurs iugemens. Et c eft
certes vne chofe admirable de veoir
combien laFrancea eftépar toute la
7*
Chreftiecé célébrée & ren6mée,pour
cefte infigne équité qui eftoit obfer-
uée par fes anciens Magiftrats.
Il fetrouuerrapeu de Republiques,
ouancienes ou modernes,quifepui£-
fent donner cefte louange , comme la
France, que les Princes eftrangiers fc
foient volontairement foubmis pour
leurs diffères à fes luges & Magiftrats.
Car nouslifons que l'Empereur Fede-
ric fubmit au iugcment du Roy de
France & de fon Parlement, la deci-
fion de plufieurs differens& contro-
uerfes qu'il auoit auec le Pape Inno-
centquatriefme. Et du temps de Phi-
lippe le Bel, le Comte de Namurfu-
bit volontairement iugement foubs
le Roy & ion Parlement , encores
quileuft pour partie Charles de Va-
lois frère du Roy , tant il auoit de con-
fience en l'équité de tels iuges.Etdc
meftnePhilippePriacede Taréte, biê
liij
71
qu cftrangicr j accepta volotierspour
iuge le Roy de France feant en Ton
Parlement,furle différend qu'il auoit
auec le Duc de Bourgongne > pour
certains fraiz qu'il couerioit faire pour
le recouuremenr de l'Em pire deCon-
ftantinople. DemefmefiftleDuc de
Lorrainejfur le procès qu'il auoit con-
tre Guy de Chaftillon (on beau frère,
pour leurs partages/De mefme enco-
res firent le Dauphin de Viennois ,&
le Comte de Sauoye, fur le différend
de la foy & hommage du Marquilàt
de Saluce. Et en Tan mil quatre cens &c
deux,les Roys de Caftille & de Portu-
gal,enuoyerétpar aucuns Cheualiers
Efpagnols > vn traitté & accord fait &c
palîé enneux, pour le faire publier &
emologuer en la Cour de Parlement
de Paris , pour auoir plus d'authorité.
Facent donc tât de compte qu'ils vou-
dront les anciens Grecs & Romains
73
deleuifs iuftes iugemens,de la réputa-
tion de leurs loix , de la renommée de
leurs Magiftrats , fi ne trouuerront-ils
pourtant aucun tefmoignagne fi célè-
bre pour leur gloire x corne font ceux
icy 3 par lefquels la Iuftice Françoife a
efté généralement , & par le confente-
meiu de toutes les nations du monde
grandement honnorée.
Màisjbon Dieu^confiderons com-
bien elle eftdecheue de celle ancien-
lie opinion & reputatio , veu que no-
ftre pratique de procès généralement
odieufe à chacun , eft maintenant te-
nue pluspour chiquanerie que pour
équité , plus pour corruption que
pour intégrité 3 plus pour vendition
que pour iuftice,pluspourfaueur que
pour droi£ture. le ne veux pas dire q il
ne fe trouue auiourd'huy vn bo nom-
bre de iuftes &c équitables Magiftrats,
qui ennemis de tels defordres fqu-
74'
haitcciit & défirent cefte mefmc re-
formation de la Iuftice , laquelle tous
les gens de bié vous demandent & re-
quièrent fi inftammétjS ire. Maisie
ne fçay fi nous oferons dire que la plus
grand part la meilleure furmonte , au
moins diros nous bic que la forme de
laquelle les officiers ont depuis quel-
que temps en çà efté appeliez à leur
charge, eftfi pernicieufe, quelonla
peult dire la mère de toute corruption
& iniuftice. Car c'eft chofe toute ma-
nifefte & aperte^que pour créer vn iu-
ge 15 n'examine pas la capacité de fon
fçauoir,lonne iuge pas l'intégrité de
fa vie,lon ne met point en auât fa lon-
gue experiéce,lon n'a point de refpeéfc
àl'aage & à la vertu, mais feulemét on
regarde fi les cicus sot de poids. Et de-
puis que telles gens ont vne fois fina-
cé,encores qu'ils foient trouuez inca-
pables^fi eft-ce qu'ils impetrét tant de
lettres
75
lettres de iufïîons , tant de commâdc-
mens itératifs, que Ton eft contraint
de les reçeuoir tels qu'ils font , aupre-
iudice de toute la Republique.
Les Philofophes ont eftimé,que cc-
luy qui ambitieufement rechefehoit
d'auoir quelque charge en la Repu-
blique par cefte feule pratique, fe ren-
doit indigne d'obtenir iamaisMagi-
ftrat,eftant par làiufpeâ:,que pluftoft
vn prouffit particulier & auarice Py
poulfoi^quvndefirdebien faire àla
patrie. Et la mefme opinio auoit Ale-
xandre Seuere , Empereur trefiufte,
qui tenoit telles gens dangereux en vn
eftat.Etl'vnedes plus grandes louan-
ges que Ion donne à ce iufte Prince,
c eft qu'il ne voulut iamais tirer argét
de la vente des offices ou Magiftrats,
difât qu'il faut queceluy quiachepte
en gros, reuende puis après en deftail,
& qu'on ne pourroit honneftement
K ,
76
punir celuy qui reucnd ce qu'il a ache-
pté. Et les anciens Romains n'ont ia-
mais rieli tant crainr^fïno que d'intro-
duire aux charges publiques desper-
fonnes par ambitio ou cerruptio d'ar-
gét.Et iufques là ont efté curieux d'o-
iter toutes telles occa(i6sdemal,que
parlaloyrDe ambitu on coupoit che-
min à toutes fortes de fraudes &pra-
tiques,quis'y pouuôient commettre.
Et peuk-onrecognoiftre combien ils
eftimoient que cela eftoit important,
en ce queiamais autre loy n'a efté fi
fouuétrepetée,comme celle de) am-
bition, que nous trou uons en Thiftoi-
re Romaine auoir efté par quinze ou
feizefois diuerfes augmentée 8c refret
ehie. Mais entre toutes les plus mau-
uaifes pratiques3le moy é d'y venir par
argent a toufiours efté tenu pour le
plus vilain & deshonnefte: voire mef-
me que celuy qui en eftoit couaincu,
77
feceuoic grade honte d'infamie, &de
cinq ans après iVeflôkreceuable pour
eftrefinct officier public.
Et entre tous les plus grands prefà-
ges que leiage Catô eftimoitfignifier
la perte prochaine de la Republique
Romain^ceftuy-cyen eftoitvn, que
non par la vertu , mais par menées &c
pratiques & argéc on obtenoitles ho-
neuFs.Et fi celacftoit vray , il femble-
roit certes que nous aurions de grands
indices delà diminutio & ruine de no-
ftrcMonarchie,puis que nous voyos
apertement qu'il n y a autre moyen en
France de paruenir aux eftats & di-
gnitez publiques, quaueç le pris de
l'argent. Chofe qui eft certes .grande-
ment preiudiciable , &r d'où il ad uîent
de grâds malheurs en France.D'autant
que plufieurs gens de bien demeurent
oifeux & (ans eftre employez?encore$
qu'ils peuffeiit eîlre vtiles à da chofë
Kij
78
publique,qui par leur pauuretéeftpri
uée de leurs vtilcs feruicesroù au con-
traire la Iuftice eft maniée en partie
parquelquesperfonnesincapables,&
qui n ot autre vertu > (înon qu'ils font
riches,&ontdequoy payer contant.
Voftre Majefté fera doc treshumble-
rnent fuppliée,que quaflant & annul-
lant toutes taxes & venditions d'offi-
ces^oire mefme oftant tous moyens
defàueur & ambition, lors que les of-
fices vaquerôt par cy apresjil luy plai-
fe faire recherche en chacune prouin-
ce de quelques gens , le fçauoir & la
preud'homie defquels foit cogneiie
& approuuée pour les enpourueoir
gratuitemét . Et parce que nous âuos
dit,que nous recherchions pluftoft le
reftabliffemét dçs anciennes Ioix,que
d'en introduire de nouuelles . voftre
Majefté entendra, s'il vous p!aift,que
le Roy fain£t Loys voftre predecef-
79
feuir. Prince amateur delà pieté Mm*
itice,fift vne ordonnancerai- laquelle
il ftatua, que tous offices publics fut
fait conférée par ele<5H6 de troisper-
fonnts , quiferoit faitte par les autres
officiers & citoyens des lieux : & qu'à
l'vn des trois ainfi efleus5le Roy con-
fereroit gratuitement & fans argent
ledit office vaquant. Et cefte belle or-
donnance a depuis fouuent efté re-
nouuellée par les Roys Philippes le
Bel, Charles le S âge, Charles fèptief-
me,Loys onziefine , & par le feu Roy
Charles neufie(me,de bonne memoi-
re,en fes eftats tenus à Orleâs. De for-
te que telles inftitutions ne font cho-
fes nouuelles, mais de log temps pra-
tiquées & ordonnées en France. Et de
làaduiendra, oultre Theureufè admi-
niftratio de la iuftice,encores vn autre
bié àlaFrâcerceftque corne l'honeur
& la gloire font les vrais m oy eus p ou r
K iij
inciter & efueiller les courages gène-
reux,chacû s'eftudiera devaloir quel-
que chole,lors que le feul mérite & la
vertu, & non [argent , feront départir
les honneurs. Chofe qui a fait croiftre
l'Empire Romain en (à grandeur. Et
nousefperosencores que nous pour-
rons veoirnoftreFrâcefloriflante,lors
que le feul mérite, & non le. pris & la
faueur feront le chcmin,pour trouuer
auancement.
L'ordre des çhofes femberoit re-
quérir que nous parliffions en gênerai
de la difeipline & police militaire:
mais pource que cela eft aliéné de no-
ftremeftier, & que Ton pourroitdire
àiufteraifon, que nous en parlerions
commeclercs d'armes, nous n en di-
rons autre chofe , finoaque l'Europe,
l'Àfi e, l'Afrique, & en gênerai toute la
terre, aprifé plus que nul autre la va-
leur des armes de la NobleiTe Fran-
8i f
çoife3quia toufîours efléen tel hon-
neur entre tous les gens deguerre par
toutlemcnde,qu vn bien petit nom-
bre de genfdannes François,afai£l re-
doubter les plus grandes & puiiïantes
armées. Et qu'il n y a point de double
quelle ne fe puifle veoir encores en ce
poinâ: aufïi florifiante & vidlorieufe,
quelle fut onques, fi Ion veut remet-
tre fus l'ancienne discipline militaire
deFrance. Carceferoit malà propos
d'en chercher vue meilleure,ayantpar
cefte là efté fai£l anciennement tant
de belles entreprinfes & heureufès
conqueftes.
A uant que pafler plus auât au troî-
iîefme poin£t de noftre propofitio, ie
fuis contraint de toucher vne com-
plain&e publique de to9les ordres de
ce Royaume , qui eft de ce qui eft au
reculemét de plufieurs bons &- natu-
rels François y Ion voit les eftrangiers
81
(quand nous parlerons des ePcrâgiers,
nous n'entendons d'y comprendre les
Princes J appeliez aux plus grandes
charges & honneurs du Royaume,
foie en l'eftat Ecclefiaitique , Politi-
que, ou Militaire. Choie qui a efté
trouuée fortiniufte , & reprouuée en
toutes les feigneuries bien ordonées,
lefquelles ont toufioursfaid différen-
ce entre le citoyen & l'eftrangier. Et
' la principale marque de recognoiftre
l'vn d'auecque l'autre, a efté, que le
citoyen feul & non l'eftrangicr, eftpit
capable des honneurs & dignitez.
L'exemple de cela (e pourroit recher-
cher en toutes les Republiques , &
en pîufieurs iè trouuerrok enco -
res que l'eftrangier a efté générale-
ment chafle , {ans pouuoir aucune-
ment eftre receu: comme en Lacede-
mone, & àRomemefme par la loy
Petroniajôc la loy Papilles eftrangiers
furent
2}
furent du tout bannis hors de la ville,
Toutcsfois cefte loy , comme dit Ci-
ceron , fut toufiours tenue pour trop
dure ôefeuere, &neferoit receuable
en là France , qui plus que nulle autre
a cfté humaine à careflèr, & receuoir
toutes fortes de gens , & ne voudroit
encores perdre cefte louange de dou-
ce hofpitalité. Mais elle ne doit pour-
tant non plus que les autres, commu-
niquer fes Magiftrats à au tre,qu à fes
propres enfans.
En Athènes parla première inftitu-
tioiijreftrangier ne pouuoit eftr-e fait
citoy en^que par le fuffrage de fix mil
perfonnesj&pourde grandes & im-
portantes caufès & ferluces fîgnalez;
Et Demofthenes defbntéps fc plài-
gnoit, comme d Vnc choie trefperni-
tieufè, quelonbailloitle droiâ: de ci-
toyen àperfbnnes de bienpeude va-
leur, veu qu en l'ancienne inftitutioa
°4
cela n'eftoit pas accordé à ceux mefc
mesjqui auoiét bien mérité de la Ré-
publique . Et quant aux Romains , ils
ont toufiours maintenu, tât qu'ils ont
demeuré en leur entier jcefte loy fî in-
uiolable , qu ils ne voulurét iamais ac-
corder le droid de citoyen mefmes
aux peuples Latins,qui leur eftoiét au
alliez ,ou en leur obeiffance, quoy
qu'ils iay ent auecques inftâce, & iu£
ques à {édition quelquesfois deman-
dé. Et eft certes mémorable l'hiftoire
racomptee par Tité Liue à ce propos.
Apres la bataille des Cannes , où les
Romains furent deffai£ts,& perdirét
la plus grande partie de leur noblefle,
& principalement quatre vingts Se-
nateurs,fur la délibération quifutfai-
ûc d'en créer de nouueaux en leur
place , Sp. Garuillus , opina qu il fal-
loit introduire dans le Sénat quel-.,
quenobre de gés de bien des peuples
Latins , qui eftoient en leur obeiflan-
ce.Maiscefte opinion fut trouueefi
ablurde & pernicieufe parce grand
Capitaine & Sénateur Quint. Fabius
Maximus, qu'il fut d'aduis delà tenir
perpétuellement cachée, & quelques
autres Sénateurs opinèrent encores
plus feuerement & rudement.Et tout
ainfi comme les anciênes feisneuries
ônteftimé queceftoitchofeindigne
de faire part de leurs honneurs aux
eftrangiersjles modernes encores fe
font beaucoup maintenus auec celle
mefme opinion . Voire que Patrice
SiennoisjEuefque de Gayette,qui vi-
uoit du reps de Ferdinâd le vieil & Al-
phonfeRoys deNaples^il y a près dé
cet ans,maintiet en fes Hures de la Re-
publique , que cefte loy de ne cornu-
niquer leurs dignitezaux eftangiers,
eft vne des principales qui aconferué
Lij
80
Venize en fa grâdeur. le Iaiflc les exé-
pies des autres peuples , pour ne me
rédre ennuyeux:mais ie ne puis pafler
{pubs filence, que les loix de France,
qui ont fi bien pourueu à toutes cho-
ies neceflaires à l'eflat , n'ont encores
obmisdebien & vtilcmét ordonner
encepoind. Carenlan i43i.dutéps
du Roy Charles feptiefme, fut faitte
vne ordonnance, par laquelle il eftoic
declairé, que tous eftrangiersou au-
beins,eftoient incapables de tenir of-
fices ou bénéfices en France . Et cefte
ordonnance fut pour feruir de loyir-
reuocable, publiée en la mefrne an-
née au Parlement de Paris, feant lors à
Poytiers,pour la neceffité d^s trou-
bles qui eftoiét en France. Et ne puis
laifler pafler ce beau côfeilque don-
ne Philipp.es de Cômines en (on hi-
ftoire tât renommée , difànt que c'eft
ehofe odieufe de donner offices , be-
nefices & grands maniemens aux c-
ftrangiers , qui ne peuuenc eftre Ja-
mais fi propres ne fi agréables > que
çpuxdu pays . Et puis que ccft vn co-
incement commun de toutes les na-
tions, & comme vne loy de gens : vo-
ftre Majefté fera treshumblemét fup-
pliee,depourueoirdorefènauantaux
charges publiques de ce Royaume,
tant Ecclefiaftiques , politiques, que
militaires , les bons , légitimes & na-
turels François , qui ont & notable
intercft,& affe&ion naturelle à la co-
feruation de la France.Ce que ne peu-»
uent auoir les cftrangiers,foubs leC
quels ie ne comprens les Princes. Et
nous croyons que cela fera Pvn des
plus grans moyens pour reconcilier
les efprits aliénez & mal contens , de
plufieurs gens d'honneur François.,
qui s'eftiment eftre mefprifez, voyant
que Ion préfère àeulx les eftrangiers
Liij
88
pàraducnture moins dignes . La tran-
quillité donques publique cftâtbien
eftablie,toutes factions oftees, les an-
ciennes loîx remifes fus, & inuiola-
blemét obferuees5les Magiftrats non
vénaux, mais conférez par la vertu &
mérite aux bons & naturels François:
nous tenons pour tout afleuré , qu'en
brief nous verrons reuiure l'ancien
honneur &fplendeurdelaFrance,&:
voftre règne aufli floriffant par cefte
belle reformation,comme il a efté in-
fortuné parles malheurs & defordres
paflez.
R^fteletroifîefme Se dernier poinâ:
quen^usauons propoféjquieftlVn
desprincipauxfondemés & corne le
nerf de la Republique : c'eftàfçauoir
les finances. En quoy certes il s'offre
tant de difficulté , que ie pènfe que
tous les meilleurs & les plus fubtils e£
prits de la France s y trouuerrot con-
8?
fus & empefcheZjprincipalemét pour
deux contrarierez qui s'y trouuent fi
grandes, que malaifémet elles fe peu-
uent compatir enfemble> Car d'vne
part,ceftvnechofe fort effrange &
fore dure à voftre peuple,qui ayme &c
honnore font Prince , d'entendre que
voftre Maj elle ait efté contrainte,
pour la necefïïté des affaires de ce
Royaume, de vendre ion domaine,
engager bonne partie de tousfesre-
uenus , & foit encores grandemét en-
debtee.Et de l'autre auflï no9 croy os,
que vous comme Roy trefpiteux &
débonnaire, ne pourrez entédre fans
eftre efmeu de grande compafïîon,tâc
demprumpts, d'impofitions & fub-
fides , dont voftre peuple eft af-
fligé .Et penfe véritablement , que
s il eftoit fidèlement repfefenté de-
uantles yeux de Voftre Majeftéjtout
ce qui a efté leué depuis quelque
5>&
temps en çà par toutes les prouincesr
devoftre Royaume, tant parvoftre
commandement, que pour les fràiz
qu'il a conuenu faire ^n chafquc pays
pour fe deffendre & coferuerrla fom-
me fe trouuerroit fi grade & exceffi-
ue,quc vous auriez horreur de Pente-
dre,& feroit difficile à nôbrer. Et qui
vouldroiteftrôittemét remédiera ce
mal,ilfembleroitcftre neceflaire d'é-
tendre &r fonder iufques au plus pro-
fod la caufe & origine dot il procède.
Nous croyons bien & fçauons cer-
tainemétque les cfefbrdres& grands
debtes ne font pas venus de voftrc
Règne, veu que le feu Roy Charles
ix.trouua défia l'eftatendebté quad
il vint à la Couronne,de bien grandes
fommes,àl acquittemét defquelles la
Royne voftre mère auoit proietté de
bos & louables deffeins, qui ont efté,
augrâd preiudice de la Frâce interro-
9l
pus parles troubles furuenus du règne
du Roy voftre frère , & du voftre,qui
peuuent auoir donné grand accroif-
fement à ce mal , tant par les fraiz ex-
traordinaires qu il aconuenufeireen
la guerre, que pour auoir la plufpart
desfinaces&reccptes générales efte
occupées par ceux du party cotraire*
Mais aufli fçauos nous bien que beau
coup de grands Royaumes, eftâs ou-
tre mefure endebtez,par boiunefiiai-
gefontfortisdecefte mifere,auecle
foulagemenc du peuple.
L'Empire Romain ne fut iamais
tant apauury , qu'il fe trouua après la
mort de ce monftre defbordé en tous
vices Heliogabale , & toutesfois Ale-
xandre Seuere5doux&gratieux Prin-
ce, incontinent après fa mort rabaifla
les impofitions de plus de la moitié*
& en quatorze ans qu'il regna,acquit-
ta les debtes immenfes de ion predç-
M
5)1
ee(Teur,& fit la guerre aux Parthes)&
peuples Sep tenrrionaulx. Eclvn des
plus grands moyens de la bonne ad-
miniftration de Tes deniers cftoit,que
ceux qui mânioient Tes finances ,e-
ftoiét fï curieufeméc obferuez, qu'ils
nepouuoientle tromper, & la peine
leurdemeuroit certaine, fi tort qu'ils
eftoiét dcfcouuerts . Et le Roy Char-
les v. pourfes vertus furnommé le Sa-
ge,en iy.ans qu'il régna, acquitta tou
tes les débtes faittes par Ces predecef-
feurs:paya grande partie de la rançon
de fbri père le Roy Iean, rachepta (on
domaine qui eftoit engagé, & ne laif-
{à pourtant défaire la guerre aux An-
glois, & fecourut encores plufieurs
Princes fes alliez,comme les Roy s de
Caftille & d'Efcofle. Et mourât,laiffa
vneaufïi grade fommede deniers en
fes coffres, qu'il s'en fut encores point
veu en France . Et eftoient toutesfois.
93
lesfubfîdesquilleuoit fur fon peuple
fort petits & modérez de fon temps.
Etencores ce bon Prince enmourât,
faifoit confcience de quelques aydes
& fubfides , dont fes fubiedts auoient
efté foulez, pour kneçeflïté des affai-
res de la France . Et pria en (es derniè-
res parolîes fon fils , de foukger fon
peuple le piuftoft qu'il pourrok , pat
l'abolition des tailles. Et le principal
fons de fes finances, eftait i'efpargne,
& bonne adminiftration.
Et à laverké il femble qu'il y a deux
chofes quiefpuifent les deniers com-
muns, fans aucun proffit ou aduâtage
delà Republique. Le premier eft les
dons immenfes &noaconfiderez:&
l'autre eft la mauuaife adminiftration
& mefnage des finâces. VoftreMaje-
? ft é confiderera, s'il luy plaift^ fi Tvn &
l'autre ont point cofommé inutilemét
partie des deniers qui ont efté leuez.
Mij
94
fur le peuple. Nous ne voulons pas
tellement reftraindre la libéralité des
Princes , qu'il ne leur foit permis de
donner à qui il leur plaift : cftant cela
Pvnc des premières excelléces de leur
grandeur & Majefté . Mais nous vou-
lons bien dire que telles chofes fe dôi-
ué t faire auec modération , & en for-
te que le public n'en fouffre point.
Car ii telles defpenfes font faittesen
temps que Peftateft troublé vque les
finances y font courtes,&que le peu*
pleeft trauaiiléde fubfides :1a chofe
eft -d'autant plus dangereufe &odie-u*
fe5pourcequ'ilfautaccroiftreles im-
f)ofitions pour enrichir les partial-'
iers . Etlefifcyoules finances publi-
ques, corne difoit l'Empereur Adria,
eft comme la râtelle en noftre corps,
laquelle plus elle eft grofle & enflée,
& plus le reftedu corps deuient fec &
ethic : ainfi quand le fife s'augmente
95
pour enrichir les particuliers , ilfault
que le comun s'en refente & s'apau-
u rifle. Et certes en cela on ne pourroit
nier , que depuis quelque temps les
dons immenfes nayent pafTé toutes
les bornes & limites , eu efgatd aux fi-
nances de France.Et nous r ecognoi£
fons toutesfois cela eftre aduenupar
la mi(ère du teps , où il fembloit eftre
dangereux de refufer aux importuns
qui euflentpeu, prenant autre party,
faire beaucoup de mal & de domma-
ge . Et fouuentesfois ,pour obuierà
telles çhofes,a efté ordôné aux Répu-
bliques , que tels dons immenfes fe- .
roiet reuoquez,ou pour le moins mo- Galba.
derez . Ces chofes ne feroient pas dk
ares pour donner loy à voftre Iibera-
lité,pour rafleurance que voftre peu*
pie fedone de voftre fàgefle, pruden-
ce & diferetion, qui fçaura mefurer
fa beneficençe félon fes moyens &
M jij
9*
neceflîtcz, & clorre par cy après plus
libremét la bouche à tels importuns
& indifcrets demandeurs . Comme
nous efperons encores qu'elle fçaura
trefbien remédier au mauuais mefna-
gc , que la calamité & rieceflité a in-
troduit en l'adminiftration de fes fi-
nances y que nous penfons procéder
de deux caufes principalement.
La première eft la multitude des:
officiers des finances 3 le nombre des-
quels eft creu 11 definefurémét & ex-
traordinairement , que leurs gages^
defpcnfeSjfraiz & vacations, abfor-
bent & confomment prés de la moi-
tié des finâces de Franceide forte qu'il
fetrouue telles prouince% d'oùFefcu
apporté en voftre efpargne , ne reuiëc
pas àtiécefols.Du téps du Roy Char-
les v i. les eftats firent vne grande re-
monftrance & doleance, de ce qu'il y
atioit cinq treforiers , & qu'ancien--
•
97
îiemeht il n y en fouloit auoir que
deux. Et que diroient maintenant ces
bonnes gens de ce tempslàjdecefte
formïlicre de tant de financiers inuti-
les, fî en lieu qu'il n'y fouloit auoir
q'u vn rècepueur gênerai ils en veoyet
plus de quarante , comme ils font au-
iourd'huy ? Et pour vn treforier de
France , Prefident de la chambre des
Comptes de Paris, auec quatre mai-
ftres qui eftoient prins des anciens
maiftres d'hofteiduRoy,& fix clercs,
que Ion a depuis appeliez Auditeurs,
ils voyent près de deux cens officiers
en cefte chambre , oultre fîx autres
qui font érigez aux autres Parlemens*
De forte que Ion peult dire afleu-
rément que les gages des officiers
de finance de France y fe montent
plus que ne faifoient anciennement
tous les reuenus , fubfides , & im-
pofîtions qui fe leuoient ordinaire-
ment en tout le Royaume. Et pour-
ce fembleroit bien que la fupreflion
de tous ces eftatsfai&s nouuellement
en fi grand nombre , & qui font vn
fardeau inutile au peuple, après que
les comptables auroient rendu com-
pte, feroitvne des plus neceflaires or-
donnances quepourroit attendre ce
Royaume , & qui apporterait autant
de foulagement à voftre peuple , &
d'acquittement à vos debtes . Et ne
fontreceuables en leurs remonftran-
cesceulx,quidifentque ceftefupref-
fionferoitvne diminutiodes parties
cafiielles: car cefte comodité de tou-
cher quelque peu de deniers côptans
par hazard,sachepte auec de grans &
dommageables interefts, tant pour la
France que pour vos finances.
L'autre caufe du mauuais mefnage,
vient encores de la neceflîté : ayant
efté voftre Majefté côtrainte de pren-
dre
$9
dre & emprunter les deniers^ grans
& exceflîfs interefts , & faire âes par-
ties defraifonnables auec quelques e-
ftrangiers & autres de voftre Roy au-
me,qui fe feruans de l'extrémité en la-
quelle vous eftes réduit, on fait entrer
en leurs contrats plufieursdons,ga-
ges,penfîons,&autres parties non va-
lables, que bien fouuét ils acheptoiét
à grand marché, & les mettent en co-
pte de leur iufte valeur. De façon que
le gain qu'ils y ont faitauec les inte-
refts^emporte &mâge plus de la moi-
tié des impofïtions nouuelles , qui fe
leuent fur vos fubieâs . Et s'il adue-
noit, ce que Dieu ne vueille, que tel-
le manière de gens enflent intelligen-
ce auec aucuns de ceulx qui fe meflét
de vos affaires: la chofe feroit réduit-
te à trefmalheureux & mauuais ter-
mes . Car ils ne vouldroient iamais
veoir voftre eftatdefengagé,puis que
N
IOO
voftrc pauureté feroit leur richefle.
De cela i e ne diray autre chofej fînon
que pour femblables v fores manife-
stes du téps du Roy Loys x i. & Phi-
lippes le Belles biés de telles perfon-
nes furent publiquement confifquez*
Et depuis en Tan 1347. ^cuv faifànc
leurs procésjil fut verifié,q pour deux
cens quarante milliures de principal,
iIsauoienttirédeprouffic& interefts
plus de vingt milliôs en bien peu d an
nées. Et no9 ne faifons point de do ub-
te,que fi telles chofes eftoient recher-
chées auiourd'huy auflî curieufemét
qu'elles furent lors, qu'il ne fe trou-
uaflent des fommes d'vfures bien im-
moderées,qui font d'autant plus dan-
gereufes & dignes de punition, qu'en
ces vfu res là les particuliers y eftoient
feulemér endommagez , & icy le pu-
blic y eft: interefle . Cela nous a fem-
blé digne d'eftre di6t généralement
101
pour les finances de France , qui me-
riteroient vne recherche plus curieu-
fe,& qui fera plus comodémét appo*
fee au cay er de nos remonftrances.
Pour Élire fin,nous toucherons vn
mot de ce qui appartient à Tordre &
eitatEcclefiaftique . En toutes les Ré-
publiques bieinftituees,ceux qui ont
eu la charge des chofes faillites &fa-
crees,ont efté tenus toufiours immu-
nes de toutes charges publiques, tant
réelles q perfonnelles . Et (lie voulois
comencer par l'auâorité que les an-
ciens Gaulois attribuent aux Druides,
& cotinuer la recherche de toutes les
autres Republiques anciennes, qui
ont honoré corne Roy s leurs Sacrifi-
cateurs &rmaiftresde leur religion &c
ceremoniesjonme pourrait accufer
d'eftre trop curieux , ôc paraduentu-
re trop affe&ionné en ma caufe. Mais
ramenant les chofes qui apartiennent
Nii \
101
à noftre religion feulement , ie diray
que dés le commenctmét que l'Em-
pire aefté publiquement Chreftien,
îbubs la faueur de ce catholique Prin-
ce Conftatin,les biens qui eftoientja
fequeftrezpour le feruicedeDieytf&
entretenement de fa religion , furent
declairez exempts de toutes charges
&priuees & publiques. Etcefteloy
commencée dés le reftabliflement a
toufiours duré ferme & inuiolable,
corne il fepeultveoir par les loix Im-
périales. Et fi les Empereurs Chre-
ftiens ont acquis vne grande louange
par telles immunitez données à l'E-
glife de Dieu: les RoysdeFrâce pour
les auoir maintenues , (è font rendus
héréditaires du nom&tiître de tref-
chreftien , qui leur fut concédé du
temps de Chariemaigne, qui défen-
dit fi courageufement l'Eglife contre
les Lombards , qui occupoient Us
103
biens qui auoient efté confacrcz à
Dieu & àfon Eglife. Et fi nous recher
chons toutes les hiftoires chreftien-
nes, nous trouuerrons que , plus que
nuls autres^les Roys de Frâce ont efté
fcrupuleux, & du tout religieux en la
coferuationdes priuileges & au£tori-
tez de i'Eglife: & ont toufiours craint
plus que nuls autres, de fe feruir à leur
vfage des chofes facrees & vouées à
Dieu. Comme certainement par di-
uers exemples il a toufiours monftré,
combien il auoit en horreur & dete-
ftation ceux qui ont mis les mains
aux chofes, qui par la pieté auoient
efté referuees pour le feruicediuin:&
a toufiours vfé à Tencontre d'eux dV-
neiufte,manifefte & feuere vengean-
ce. Dcquoy les exemples font raflez
vulgaires en Pefcripture fain&e, les-
quels ie ne veulx reciter tous pour ne
me rendre ennuyeux , Mais entre tels
io4
iueemens de Dieu, eft mémorable
la defenfe miraculeufe qu'il fift contre
Heliodorus qui auoit efté enuoy é par
SeleucusRoy d'Afie^ourenleuerles
chofes plus precieufes contactées à
EHeu en fon temple. Car eftant là p reft
pour exécuter le commandemët qui
luy auoit efté comis, il luy apparut vn
homme plein demajefté , armé d'v-
nés armes dorées y & moté fur vn che-
uai bien enharnaché , lequel donna
des deux pieds de deuantdeflur Iate-
fte de Heliodorus fîgrâd coup, que-
ftant jette par terre^il fut faifi par deux
ieunes hommes pleins dVne vénéra-
ble majefté , qui le foiieteret de forte,
qu'ils le mirét tout en pbyes fànglan-
te8,&lelaiflerent demy mort &c cf-
uanoûy . Nous fommes contrains de
ramener tels exemples pour refpon-
dre à quelques petits liurets 6c mé-
moires imprimez, que quelques per-
105
formes mal affe&cz à PEglife, publiée
& femet parcelle Counyparlefquels
ilstafchentdercjertcr toute la foulle
de vos affjires>&: du defengaigemenc
de vos dcbies fur l'eftat Ecclefîafti-
que,conleiliâs de vendre leur domai-
ne& reuenu teporel.Mais voftrcMa-
jefté fera, s'il luyplaift aduertie, que
telsconfeils procedéc dvne maligne
intetion,&font femblabîes auxdçli-
beratiôs delulian l'Apoftat,cruel en-
nemy du nom de I e s v s christ,
qui ne trouuoit moyen plus propre
pour ruiner la foy Chreftienne, que
d'ofter & rauir les biens qui eftoienc
donnez à ion Eglife . Mais la iufte pu-
nition que Dieu fift de luy , mon-
ftreaflfez combien fon confeil eftoit
pernicieux.Et les exemples de la ven-
geance de Dieu furies vfurpateurs
des biens de TEglife ne manquent
point encores en la loy de TEuangile.
106
Car chacun fçait,queparla fentence
du fainét Efprit pronocee par la bou-
che de faind Pierre, Ananras & Saphi
ra moururent foubdainement, pour
auoir retenu vne partie des deniers
prouenans de la vente de leur hérita-
ge, qu'ils auoient donné à l'Eglife . Et
s'il ne leur eftoit loifîble de retenir ce
qui eftoit procédé de leur bien: ilfem
ble bien qu'il ne foit pas iufte de pre-
drecequeparautruy auoitefté don-
nés^ voué au feruice de Dieu & en-
tretenement de fon Eglife.
Celce Conneftable duRoyGon-
trand de Bourgongne, ayant fait fon
prouffit des biens des Ecclefiaftiques
foubs lauthorité de fon maiftre, ien-
titauant que mourir en faconfcience
vn iufte fléau qui l'affligeoit intérieu-
rement. Car eftât vn iour en l'Eglife,
il entendit lire ces mots du Prophète
Efaie,Malheur fur ceux qui adiouftet
mai-
io7
maifon auecques maifon^pofleffio»
furpoffeflion. Et comme fîceftefen-
tence luyeuft donné vn coup de ba-
fton , il s'efcria , malheureux que ie
fuis , cefte maledi6tion tobe fur moy
& fur toute ma race : & iamais depuis
ne prouffita,ny ne fift bie,mais mou-
rut malheureufemét. Ienameneray
point les exemples de Clouisx. Roy
deFrance, & du Comte de Mafcon,
recitez par nos hiftoires : mais ie ne
puis pafler foubs fîléce celuy de Loys
fîxiefme, furnommé le Gros, lequel
ayant efté, pendant le cours de fa vie,
grand protedteur des priuileges de
l'Eglife, pour certaine necefïîté fur Ces
vieux iours}fe voulut ay der des biens
des Ecclefïaftiques , defquels il leur
ofta la poffefïion. Mais ce grand per-
fonnage fainâ: Bernard, lumière de
fonfiecle,radmonnefta pardiuerfes
lettres de la faute qu'il faifoft , & puk
io8
le vint luy-mefme "trouuer. Et voyat
que pour ces remonftrances ilnes'en
vouloi t defifter: le menaça fort rude-
mer,quebientoftil (endroit furluy
le tclmoignagc de la vengeance de
Dieu. Cequi aduint foudain après,
par la mort inopinée de fon fils aifné.
Et û ce bon perfonnage viuoit au-
iourdliuy > de quels anathemes con-
demneroit & tels liures & leurs au-
theurs & moyens , quiconfeillentde
dilapider &védretout le patrimoine
de l'EglifePEt pource que leur princi-
pale raifon èc argument de leurper-
iuafion eft la neceiTué de vos affaires
& de i'eftat: nous leur dirons que le
Royaume de France s'eft âutresfois
veu en plus grande neceflité,mefmes
pour les guerres inteftines, eftantla
plus gmnd part de laFrance occupée
par les rebelles &c Anglois , qui te-
noient entre autres la bonne ville de
ÏÔ9
Paris. Et toutcsfois on ne parla iamais
de difliper & mettre en vente le bien
& patrimoine del'Eglife . Et iamais la
neceflité ne fat plus grande en autre
Royaume qu'en Egypte en celte
grade famine,qui dura fept ans foubs
le Patriarche lofeph 4pourfubuenirà
laquelle il fallut vend re la cinquiefme
partie de tous les biés d^gypce , fàuf
toutesfois Theritage des Preftres, auf-
quels Iofeph ne permit de toucher,
mais les Jaifla immunes,comme nous
lifonsauGenefe.
Nous ne voulons pas dire que
PEglife en telles neceffitez ne doib-
ue ayder au public, mais cela doibt
eftre modérément & par les voyes
légitimes : comme auffi on a veu en
France, les Ecclefiafiiques plus que
nuls autres , prompts àfubueniraux
neceflîcez publiques . Et encores que
l'Eglife fente foubs voftre Règne,
IIO
cette faueur de ne veoir plus fon bien
aliéné, ce quelle fe promet de voftre
irilîgne pieté,fï ne demeurera elle pas
pourtant exempte de beaucoup de
grâd es charges &miferes. Car fi nous
voulons reprefenter au villes oppre£-
fions que par importions extraordi-
naires & excefïîues fïibfides elle a en-
duré, que la defolation quia efté en
icelle , & qui continue encores en di-
uers lieux de ce Royaume, d'où les
Ecclefiaftiques font bannis & exilez,
leurs biens occupez, leurs Eglifes &c
maifons ruinées & démolies , & eulx
expofez à la cruauté & rage des enne-
mis de Dieu & de voftre Majefté.
Nous craindrions de rafrefchir en ce-
tte fin la mémoire desmaulx paflez,
& trop efmouuoir le cueur pitoyable
de voftre Majefté , laquelle ne voulâs
attrifter en celle conclufîon,nous di-
rons feulement, quoultre toutes les
ni
calamités que voftre Majefté fçait
que l'Eglife fupporte, elle n'eft exem-
pte d'autres grandes charges , com-
me de dix hui£t ces mille liures qu el-
le paye pour l'acquit de vos debtes,
& pour les neceflîtez publiques ea
Fhoftel de ville de Paris, oultre cin-
quante millions dont elle a fubuenu
en la Republique en ces plus grands
affaires . Et encores après fon naufra-
ge ou elle a perdu grande partie de
les biens , tout ce qu'elle pourra , qui
fera certes bien petit , ne fera épar-
gné au bien & vtilité publique, par
moyés légitimes, raifonnables & ap-
prouuez.
L'Eglife donques,S i r E,fanglan-
te de (es playes, malheureufemét def-
chiree , perfecutee de toutes parts , fe
jettepour fon refuge entre vos bras,
vous demande ayde & confort, vous
Oiij
ut
coniureparle nom de Trefchreftien
que vous portez pour celle caiife, par
le Baptefme que vousauez receu en
icelle , par le ferment que vous auez
fait en voftre Sacre,de luy garder fes
priuileges, & par cefte infîgne pieté,
de laquelle vous fautes profefïion &
eftes admirable à tout le monde, que
vo9 foyez fon fuport & fa defenfe.Et
auec toute lobeiflace que vous pou-
uez attédre de vos treshûbles & tref-
obeiflans lubjeds , ils ne cefferont ia-
maisde vous fecourir des armes qui
leur font les plus propres, qui font les
prières & oraifons : lefquelles ils fe-
ront inceflamment à Dieu, qui béni-
ra &c fauorifera , s'il luy plaift , toutes
vos adtions, pour vous rendre heu-
reux, aimé, craint Scredoubté en ce
monde, & vous préparera cefte troif-
iefme&plus heureufe couronne que
113 ,
vous attendez en l'autre fîecle, après
ces deux qui enuironnent mainte-
nant voftre telle.
Prononcée le leudy 1 7. lourde
lanuier ij77*
Extrait du priuileg
e.
PA r grâce & priuilege du Roy , il eft permis
à Pierre l'Huillier Libraire iuré en l'Vniuer-
fité de Paris, d'imprimer ou faire imprimer,ven-
dre & diftribuer vn liure intitulé Harengue pro-
noncée aBloysdeuantle!{oyyp4rMeJirpierre d'Epinac,
i/trchwefqHe^ Comte de Ljon,&*c3Lt defFenfes à tous
autres de quelque eftat& qualité qu'ils foient,
d'imprimer ou faire imprimer, vendre ne diftri-
buer ledicl: liure iufques à deux ans , fur peine de
confifeation defdicls iiures & d'amende arbitrai-
re,comme apert plus araplemct es lettres de pri-
uilege'.données àParis le viij. iour de Feurier,
1 5 7 7. & de noftre règne le troifiefme.
ParleConfeil.,
Signe Danes?