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HISTOIRE
DE
Médard BONIVART.
EPERNAI, IMPRlMKRfP: DE M- V^ FIÉVET.
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B OIVINART.
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]\e a Daniei'i , le lii Jiullel 177J
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HISTOIRE
DE
Médard bonnart
9
THEVAUER DES ORDRES ROYAUX ET MltlTAIRES DE SAINT-LOTTIS
ST DE LA LEGION-d'hONNEUR , CAPITAINE DE GENDARMERIE,
JEW RETRAITE.
Labor improbus omnia vincit.
Virgile , Gèorgiques , Uy. i", y. i^S,
TOME PREMIER. X^HO^O.
Û^-Î.x-S
A EPERNAI,
Chez M- V« FIÉVET, Imprimeur -Librah*
Place du Marché au Blé.
4828,
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AVERTISSEMENT.
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ici J\aiicc>> -ijau ieiitt5 action «îo
fceltiqueu{5ct5 et ieittt5 taleiit{5 îiiiit-
kxiicôj nicLié <5eiiiei lient vonv aite
ij AVERTISSEMENT.
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obéetoahoiuo : on veut aiit^^t^ luxu
4a coiu)utte>> , coiittioiicu cl 6oii
avancement et ovtenit. une potiion
dù^ vonnen^ qui écnt ia tccoiu-
DE
Médard BONNART.
CHAPITRE PROilER.
Le i5 juillet, je suis né à Dameri (i). Mou 1770.
père y faisait le commerce de vin d'une manière
avantageuse, ce qui le mit à même d'élever une
nombreuse famille , car il eut treize enl'ants , à la-
quelle il a laissé une existence honorable.
(1) Dameri, Damerie ou Damery {■) , en latin Dame-
riacum, petite ville de France entre Aï et Châtillon , ci-
devant province de Champagne , du diocèse de Soissons,
et chef-lieu de canton ; maintenant de l'e'vêché de Châ-
lons , canton et arrondissement d'Epernai , département
de la Marne. Elle est dans une situation agréable , bâtie
sur un monticule dont le plan incliné est baigné par
cette rivière, en regard de la route de Paris à Stras-
(*) Pour les lieux de la France , j'ai suivi le Dictionnaire , en un
vol. in 8.0 , imprimé chez Schmith , à Paris , en 1818 ,- supprimant
toutefois l'y placé à la fin des mots , et le remplaçant par i , qui
me sopible plus cojifbrme « Tusage actuel de la prouoncialion ,
.( o
['jnS' Je suis venu au monde sex-cligilairo ; c'cst-à^
dire qu'en naissant, j'avais six doigts à chaque
main. Les sixièmes étaient entre la première et la
deuxième phalanges en dehors de l'auriculaire.
bourg, avec laquelle elle communique au moyen d'un
pont , construit partie en bois, partie en piej-res , et d'mTe
chaussée garnie d'arbres à droite et à gauche. Cette le-
vée traverse une prairie délicieuse , riche d'une quantité
infinie de plantes plus qu moins variées, qui, dan^
la floraison , exhalent une odeur suave. Dans cette im-
mense verdure , on aperçoit serpenter la Marne sem-
blable à un ruÎ3an argenté. Du calvaire , le point de vue
est superbe. On découvre, vers le levant, à lo lieues,
et vers le couchant à 6. Du Camois, ferme à une demi-
Leue du côté du midi , on distingue , à l'œil nu , i5 villes ,
villages ou hameaux. Elle est à i 1. 1/2 0. N. 0. cVEpernai,
à 9 1. 1/2 de Châlons , dans la même direction, à 5 1.
S. 0. de Reims , et à 3^ 1. 1/2 E. de î'aris. Long. 1. 34-
lat. 49. 5.
Cette ville, placée à l'entrée d'un joli vallon et dans
une riante vallée , est environnée de deux collines se
prolongeant dans la direction de l'E. à l'O. ; elles sont
parées d'une quantité de villages et de hameaux qui of-
frent un site tout-à-fait pittoresque. Les coteaux , couron-
nés presque partout de superbes et vastes forêts, sont
couverts de terre végétale ; mais , en creusant , le sol est
blanchâtre, mêlé de craie et de sable.. Ils se trouvent
plantés de vignes qui produisent d'excellents vins rouges j
ils font sa principale richesse et sa renommée depuis un
temps immémorial : i ,862 hab. Un particulier de cette
commune s'appelle Dameriat , et une personne du sexe
féminin se nomme Dameriate.
Dameri a fourni aux ai'mées , pendant la révolution ,
une nombreuse jeunesse qui , habituée aux travaux pé-
nibles de l'agriculture , supportait facilement les fatigues
(5)
On en a fait Tamputation dans ma jeunesse. Ma !
lîicrc frappée de ce ])liénomène , puisque j'étais le
seul de ses eniants qui eût nne pareille disdnction ,
me répétait souveiit que cela était d'un augure ia-
vprable pour moi.
de la guerre , et a de'ployé ])eaucoup de bravoure dans
diverses circonstances. Plusieurs individus se sont dis-
tiugue's en devenant officiers , et eu méritant les grâces,
les bienfaits du Gouvernement ; en voici les noms :
Bertrand Louis-Marie-Josepli-Prosper , né le i février
1769, capitaiîie au ^"'* régiment d'artillerie, membre
de la Légion-d'Honneur , retraité, et déciidé le i8 jan-
vier 1824.
Bouvrain Georges-François, né le i\ avril 1770, adju-
dant-major au 6""^ régiment de cliasseurs à cheval, che-
valier de la Légion-d'Honneur , amputé du bras droit et
retraité.
Dubois Jean-Baptiste-Maurice, né le 26 avril 1768,
lieutenant au i'"'" régiment de carabiniers, retraité, et
décédé le i5 juillet 1812.
Manceau-Lamotte Pierre- Alexandre- Auguste , né le 19
février 1770, lieutenant en a""* à la 5""* compagnie de
mineurs, du 26 floréal an 12 ( 16 mai iSo.f ) , sans qu'on
sache ce qu'il est devenu depuis ce temps.
Manceau Anne-Théodore , né le 7 février 1788, lieu-
tenant au i*"" régiment de grenadiers à pied de l'ex^garde,
membre de la Légion-d'Konncur , en expectative et maire
de la ville.
Pommelet Jean-Nicolas-Barthélemi , né le 24 août 1788,
lieutenant au 85"^* régiment de ligue , membre de la Lé-
gion-d'Honneur et retraité.
Saint-Denis Joàeph , né le 16 décembre 1780 , sous-
adjudant-major au régiment de îlïetz, 3""* artillerie à
cheval 5 membre de la Légioa-d'Houneur, décédé au corps
le 22 août 1820.
i-Sa.
i-!-'
(4)
Le 1 7 Janvier , j'allai à Epcrnai , voir pendre
le nonimé Saint-Louis qui avait volé 4, 8oo livres
en or, à M. Rollet, prieur, curé de cette ville. La
mort de ce condamné était la nouvelle et l'efTroi
de notre pays. J'en conservai une impression qui
lut diiïicile à effacer.
84. Le 22 mars, le débordement de la Marne fut si
considérable , que cinq arches du pont de Dameri
furent emportées par la débâcle (i). Le 2 5 du
même mois, le pont de deux arches de la chaus-
sée fut également rompu, ce qui jeta la conster-
nation dans l'âme de tous les habitants (2).
Daijs le cours de mes classes, je fus assez heu-
î'eux pour obtenir des prix , surtout pour la fécon-
dité de ma mémoire.
Le moment de me choisir un état étant arrivé,
on me destina au commerce de vin.
A cette époque, une de mes parentes ayant
fait un legs pour élever douze enfants de la ta-
mille, je fus compris dans ce nombre.
Le 5 mars , pour m'instruire dans la partie des
vins qu'exerçait mon père , on me plaça à Rilli ,
à deux lieues de Reims , chez mon oncle qui s'oc-
(1) Depuis celte époque, il y eut un bac sur la li-
vièrc , qui causa beaucoup d'accidents. En 1788, le pont
fut rebâti tel qu'il est aujouicFliui.
(2) Le pont de la chaussée n'a pas été reconstruit.
On a prati({ué un glacis garni de bornes , pour l'écou-
leiuent des eaux pendant l'iiiver ; ce qui rend le passage
dangereux , à cause de la proximité de la Fossc-ïour-
«isse qui est une espèce de gouilic.
'^1
^\
.1 - \
^é/^-^s^'^^^^^v^^e^^^^f^^jï^^^^ ^
(5)
eiipait de cet ol^jct, et par la suite, de brasser de
la Jjière à la Glacière de Silleri.
Le 24 février, mon temps étant fini, et me 1790..
trouvant dans le cas de me livrer aux spéculations
commerciales, je m'en retournai à la maison pa-
ternelle.
La révolution qui survint alors , inspira à tous
les Français une ardeiu' martiale. L'idée de la li-
berté, qui était le principal but de ce mouve-
ment , enflamma tous les coeurs. Né avec un
caractère vit et bouillant , je partageai ce sentiment
noble et sublime.
Mon père voyant mon inclination , me fit con-
fectionner un habit de la garde nationale où je tus
jchasseur. Les détails du service absorbaient tout
mon temps : l'exercice , l'escrime et la danse fu-
rent mes seules occupations. Je maniais un fusil
avec la dextérité d'un vieux soldat. Je figurais
avec distinction dans la salle d'armes, par mon
adresse à l'espadon. Deux anciens militaires qui
travaillaient depuis peu clxez mon père, et qui
étaient sortis du service avant d'entrer à la mai-
son, avaient excité mon goût pour ces sortes d'a-
musements. Ils m'avaient parlé de la troupe avec
tant d'avantage, qu'ils avaient porté dans mon
imagination, déjà échauffée par les actions des
grands hommes , la louable ambition de les imiter,
ou, au moins, de m;u'cher sur leurs traces.
Le 5 mai, mon frère aîné, que l'enthousiasme 1791-
niiUtaire animait aussi , s'engagea dans le régiment
de Bretagne iuianterie, et se i-cndit à Strasbourg,
(6)
OLi le corps tenait ganii.^on. J'aurais désiré partii
avec lui, mais ma trop grande jemiesse avait em-
pêché de lecevoir mon enrôlement.
J'étais de garde un dimanche ; nous eutendhiies
(les cris qui partaient d'une maison. Je sautai sur
mon arme et sortis du poste. Une patrouille s'étant
ibrmée aussitôt, nous nous rendimes à l'endroit
où les cris s'étaient fait entendre. Nous nous pré-
sentâmes pour entrer chez un individu qui était
enfermé dans sa chambre sans vouloir en ouvrir la
porte. Comme il se plaignait beaucoup , on nous
requit de pénétrer de force dans l'appartement;
j'en fus d'autant plus flatté , que je croyais que le
moment de me signaler était arrivé. En entrant,
nous vîmes cjue le plaignant s'était coupé la gorge
avec un rasoir, à l'endroit du larynx, et qu'il per-
dait beaucoup de sang. On envoya chercher le
chirurgien, qui pansa la ])laie : il ne la trouva pas
uioitelle. I^a garde se retira.
Un particulier avait composé une musique. Il
s'était procmé tous les instruments en usage alors.
Les jeunes musiciens allaient aux répétitions. Dans
toutes les réunions, on les voyait à la tête delà
garde nationale ; j'étais chargé du triangle. Cette
musique formée à la hâte , qui était une nouveauté
pour Dameri_, plaisait beaucoup aux habitants de
celte commune.
Dans la imit du '20 au 9 1 juin, Louis XVI partit
des Tuileries.
îiC 21 , dans la soirée, cette nouvelle fut con-
nue ;i Dameri.
(7)
Le 22, mon père nVenvoya à Doi-mans, pour i^yr.
afi'aire particulière. Arrivé dans cette ville, je vis
tout le monde sur pied. La garde ualionale avait
pris les armes. On taisait la bénédiction des dra-
peaux, à laquelle j'assistai. Après cette cérémonie,
je fus invité à dîner. Nous étions a table , lorsqu'on:
annonça que la marche du Roi avait été inter-
rompue à Varennes, que S. M. retombait à Paris,
et qu'un émissaire se transportait en toute dili-
gence à la Convention pour lui faire part de cette
nouvelle. Je retournai le lendemain dans ma fa-
mille, où je trouvai tout le monde armé et en
mouvement.
Le 23 , jour de la Fête-Dieu , à quatre heures
après midi, les voitures du monarque parurent ;
elles étaient accompagnées de la garde nationale
de Reims. On fit halte en face de Dameri, à cause
de l'arrivée des députés conventionnels, qui étaient
MM. Barnave, Latour-Maubourg et Pétion. Le
premier adressa un discours au Roi et au peuple j
ensuite l'ordre fut donné de partir.
La foule se disposait à se retirer , lorsque le
Ticaire de la paroisse de Dameri fut remarqué par
quelques individus turbulents, qui coururent
après lui dans l'intention de le rendre victime de
leur brutalité. Cet abbé se sauva heureusement, et
trouva protection qui le mit à l'abri de la fureur
de ces forcenés.
(8)
t^^jrK^<^T-„^^^^.^>^C7's,t^'<JT^.
CIIAPÏTRE II
t-gr. Le aj août, à dix heures du matin, il y eut h
Dameii, sur la place de la halle ( noiivellenient
nommée du Champ de Mars ), par ordre du maire,
nn bureau établi au bruit de la caisse et au son de
la cloche. On y lut l'arrêté du Directoire du dé-
partement, en date du i5, qui proposait aux
jeunes gens de former des corps de volontaires.
Aussitôt cpie j'eus entendu cette lecture, m'étant
présenté, j'écriyis moi-même mon engagement.
Je lus, en conséquence, le premier inscrit pour
voler à la gloire ; mon exemple fut suivi de douze
autres individus (i). Ils étaient tous aussi braves
que dévoués à la Patrie , et ont reçu , pour la
plupart, la mort dans les combats.
Etant de retour à la maison, j'annonçai ma ré-
solution et l'engagement que je venais de con-
tlacter. Après avoir reçu toutes Xç.^ marques de
tendresse de ma mère, et ses regrets de voir que
j'étais disposé à m'éloigner, elle consentit, quoi-
(i) En voici les iioms : BertranJ Lami , Billard le
garde , Camus dit Copiaiix , Durand , Fourcher , Galand
(Jiristophe, Gueriii , Lourdct Alexis, Martin Malmi ,
Moussu Biaise , le grand Pariset et le petit Pariset,
( 9 ) ,
Qu'avec peiné , à me laisser partir, en me soiilial- i-jgu
tant toute sorte de prospérité dans ma nouvelle
carrière. Elle fit compléter mon habillement et
mon équipement. Je reçus de la mairie les armes
et le fourniment propres à l'état militaire.
Le 3 septembre, nous allâmes à Reims, sous le
commandement du colonel de la garde nationale.
A notre arrivée en cette ville, je fus reconnu
par nn ami de mon père, qui me demanda, ainsi
qu'à Guérin, volontaire, si nous voulions loger
chez lui. Il nou5 dit que, devant avoir deux
hommes , il serait plus flatté de nous posséder
que d'autres qu'il ne connaissait pas. Nous accep-
tâmes sa proposition ; il se rendit à l'hôtel-d >
ville , afin d'obtenir son billet , et nous conduisit
chez lui , oii l'on eut pour nous beaucoup d'égards
et d'attentions.
Le lendemain 4 j on nous donna la solde mi-
litaire.
Nous nous réunissions chaque jour, à midi,
à l'Arquebuse, pour répondre à l'appel. Quand
cette formalité était remplie , on nous laissait en
Uberté; alors nous nous promenions.
Je profitai de ce temps de repos pour monter
sur la tour orientale de la cathédrale, qui a 2 5(r
pieds de haut, où je gravai mon nom parmi ceux
qui s'y trouvaient déjà en nombre infini.
Je fus toisé, et, quoique je n'eusse que i6 ans
et un mois, l'on me trouva dans le cas d'être ad-
mis , ayant 5 pieds a pouces 6 lignes ( i mètre
69 a millimètres ),
t-'(ji. Mon père ârilva un soir, et soupa cîicz son'
ami où j'étais logé. Il m'engagea , à cause de ma'
trop grande jeuî5 esse, à m'en retourner aveclni ;
il me dit qu'il se chargeait de me faire rayer des
contrôles, et que nous nons mettrions de suite
en route pour Dameri. Le lendemain il m'annonça
qu'ayant réussi dans son projet, je n'étais plni
militaire. Je l'avouerai , ce parti que mon père
avait pris de me retirer du service, contrariait
mes intentions. Le transport martial dont j'étais
anirrié , ne m'ayant pas permis d'accéder à ce qu'il
avait lait pour moi, j'allai me faire inscrire de
nouveau. Mon père voyant (pie ma résolution
était ferme , qu'il ne pourrait rien gagner sur moi
à cet égard, me laissa libre de ma volonté. 11 s'eri
retourna, après m'avoir embrassé et souhaité toiitd
sorte de bonheur.
La nomination des gradés au scnitin eut lieu.
On remarcpia les intrigues qui se pratiquent ordi-'
naiiement dans les assemblées électives. On vit,
à la formation des compagnies composées de
l'amalgame des volontaires dfe diverses communes,
étrangers les uns aux autres, circuler des listes
portant les noms de plusieurs rpii voulaient être
officiers , et dont les qualités étaient vantées
par ceux qui les communiquaient. Les jeunes
gens qui avaient de l'éducation, de la tournure,
obtenaient une préférence marquée sur les
autres.
On me plaça dans la -a"^^ compagnie. Mes'
ruHîiuades de Dameri nie proposèrent de me
,^:4-^^^^^'^^^^^^
.y^/a>' ^■M'^y^^
(" )
choisir pour capitaine (i). Je les remerciai , en i-j^i.
prétextant ma grande jemiesse et mon inexpé-
rience. On fixa les yeux sur im autre plus âgé ,
qui accepta avec empressement. Les nomina-
tions furent faites jusqu'à Temploi de second
sergent. Alors croyant que je pouvais remplir
dignement ce poste, j'en prévins mes compa-
triotes, qui le jugèrent comme moi, et j'eus
d'emblée la préférence sur les autres.
Le 8, le corps porta le nom de 4^ bataillon
de la Marne. 11 y eut réception dans les grades (2).
La cérémonie de la bénédiction du drapeau
(1^ Il est à observer que le jour de mon entrée au
service , je pouvais avoir le même grade que celui qui
me fut dorme quand j'en suis sorti.
(2) Au 10 novembre 1792 , l'état-major était compo-
sé de
^Dï. De Cimy, lieutenant-colonel en premier^
Failly , lieutenant-colonel en second.
Magne , adjudant-major.
Chevalier , quartier-maître.
Hortet , chirurgien-major,
Mousset , adjudant-sous-officier.
La 2™" compagnie avait pour officiers,
MM. Varin , capitaine.
Prévôt , lieutenant.
Baron , sous-lieutenant.
Pour sous-officiers ,
Legrand , sergent-major.
Moussez , premier sergent.
J'étais , comme deuxième sergent ^ immatriculé sous
le numéro d'ordre 116.
L'effi^ctif du corps était de €32 hommes,
'79'
( 'O
eut lieu à la cathédrale. L'on nous fit jurer
d'être fidèles k la Nation, à la Loi et au Roi.
Le 1 5 , nous fûmes passés en revive par le
général Vigenstein , et nous reçûmes l'ordre
de nous mettre en route pour le Chesne ( Ai-^
dennes ).
( '3)
CHAPITRE III.
Le i4 septembre, le bataillon partit et gagna 1791.
Rethel dans la jom^iiée. Je ne manquai pas de
parcourir tous les quartiers de cette ville , car
c'était la première que je voyais depuis que
j'étais au service militaire. Xe pris la résolu tioa
de faire un cahier pour y inscrire tout ce qui
pourrait fixer mou attention et piquer ma cu-
riosité (i).
Le 1 5 y nous continuâmes notre route , et nous
arrivâmes au Chesne, qui est un bourg. Je
logeai chez un chirurgien qui avait voyagé ea
Espagne. Ma grande jeunesse kii ayant inspiré
de l'intérêt pour moi, il crut, par prudence ^
devoir me prévenir que, dans les garnisons où
je pourrais me trouver, je devais éviter les
sociétés dangereuses. Après qu'il eut terminé
ses observations , j'allai me coucher ; mais je
ne dormis pas tout de suite : la tête encore
(1) Je n'entrerai pas clans tous les détails des beautés
ou singulai'ités que j'ai rencontrées dans chaque yille.
Ayant presque toujours eu à la main le Dictionnaire géo-
graphique par Yosgien , 1 vol. in-S" , je me dispense
de retracer les descriptions qu'il en donne , puisque sou-
Teat je ne formerais quun double emploi.
1.
( '4) _
1791- remplie des conseils que mon liô te m'avait don-
nés, je me livrai à de profondes réflexions. J'avais
été élevé chez mes parents qui avaient toujours
veillé sur moi, sur ma conduite ; je n'avais point
eu à craindre les pièges, tous les dangers aux-
quels est exposé un jeune homme sans expé-
rience , abandonné à lui-même. Toutes ces idées
se concentiant dans mon esprit, me firent prendre
îa résolution de me conduire sagement, de bien
remplir mes devoirs , de me concilier l'estime
de mes chefs et l'amitié de mes camarades.
A cette époque , la Convention qui voulait
changer la face du gouvernement , prescrivit de
se servir du litre de Citoyen au lieu de celui
de Monsieur (i).
Les sergents voulant s'instruire , ne négli-
gèrent rien poiu- y parvenir. Nous prîmes ini
instructeur qui nous donnait deux leçons par
Jour ; l'une de 6 à 7 heures du matin , que de
9 à 10 nous répétions aux compagnies; l'autre
de 2 ko, que nous rendions de même, de 5
à 6 heures du soir. En peu de jours , nous
marchions et nous faisions assez bien le manie-
ment des armes.
La nuit , j'apprenais la théorie ; bientôt , je
la sus entièrement par cœur. L'adjudant-raajor
(1,) La Constitution des 3 et i4 septembre 1791 , titre 3,
chapitre i*"", section 2, article 2, de'signait les condi-
tions nécessaires pour être citoyen actif ; depuis cette
époque , on se servait envers les hommes , de la qua-
lilication de Citoyen à h place de celle de Monsieur.
( -5)
^s'adressait souvent à moi , daus les assemblées
d'instruction qui avaient lieu chez lui , pour
me faire expliquer certains articles que d'autres
ne pouvaient réciter. Je m'en acquittais tou-
jours à la satisfaction de cet officier , ce qui
était pour moi autant de motifs d'émulation
et d'encouragement.
Lorsque nous sûmes l'exercice , le mauvais
temps étant venu , on suspendit les manoeuvres .
Le volontaire Guérin et moi , nous obtînmes une
permission de 4 jours pour aller à Sedan. Nous
avions l'intention de voir cette ville ^ d'en ob-
server les beautés et les fortifications,,
Nous louâmes un cheval sur lequel nous mon-
tâmes alternativement. Arrivés dans le faubourg ,
ayant mis notre monture à l'auberge, nous fîmes
le tour de la ville. Nous visitâmes le château qui
renfermait une grande quantité d'armures, par-
mi lesquelles on distinguait celle de Jeanne d'Arc,
dite la Pucelle d'Orléans , de Turenne, du grand
Gondé, etc. (i).
Groyant avoir vu ce qu'il y avait de plus
intéressant dans la place , nous prîmes la route
de Mézières. Ne pouvant parvenir le même jom^
dans cette dernière forteresse , quoiqu'elle n'en
fut qu'à quatre lieues , notre cheval étant fati-
gué , nous couchâmes à Doncheri , que nous
parcourûmes aussi. Le lendemain , nous étions
(i) Elles font partie des collections dont se compose
aujourd'hui le Muse'e d'artillerie à Paris.
'79'
lygi. de grand malin à Mézières , que nous exami-
nâmes attentivement ainsi que sa citadelle. Après
nous être dirigés ensuite sur Charleville , nous
retournâmes à notre garnison , très-satisfaits de
notre promenade.
L'aspect de ces villes, dont je ne m'étais pas
fait l'idée auparavant, m'occasionna le désir d'en-
tjeprendie d'autres voyages , pour pouvoir ad-
mirer des sites pittoresques , des points de vue ,
des montagnes , des vallons ou des rivières. Je
voulais considérer , dans chaque endroit , dif-
férentes curiosités qui ne peuvent être réunies
dans un seul ; remarquer des bâtiments de di-
verses espèces, amionçant le bon goût de leurs
auteurs , ou des architectes qui les avaient di-;
rigés. Je brûlais d'envie d'observer les usagesf
variés , quelquefois bizaires ou ridicules , des
peuples chez lesquels on habite. J'aspirais, en
un mot , à avoir connaissance et à me rendre
raison du caractère des hommes de chaque
pays ; de leur couleur , de leurs mœurs , de
leurs costumes, pour les comparer les uns avec
les autres.
La soeur d'un tonnelier qui avait demeuré
long-temps chez mon père , vint me demander
dans mon logement ; elle m'engagea à aller trou-
ver son frère , en disant qu'il en aurait beau-
coup de joie. Je l'accompagnai le lendemain,
après en avoir obtenu la permission. Je restai
trois jours auprès de ce garçon, qui ne pou-
vait marcher , ayant mal à une jambe j je reçus
( '7 )
de lui et de sa famille toute sorte d'honnêtetés. 1791.
L'on me régala aussi bien qu'on puisse l'être
dans un village.
JVous reçûmes , quelques jours après mon re-
tour , l'ordre de prendie nos quartiers à Rozoi-
sur-Serre et k Moncornet ( Aisne ).
( '8)
CHAPITRE IV.
ijgio Le io octobre, en partant par un assez mau-
vais temps , nous traversâmes Mézières et cou-
châmes à CharleviJle j où nous fîmes séjour.
Le 12, nous nous rendîmes à Aubigni.
Le i3, nous arrivâmes à Rozoi-sur-Serre ,
où les grenadiers avec le demi-bataillon de droite
cantonnèrent , taudis que le reste du corps oc-
cupa Moncornet.
Le maître de la maison où je logeai , était
grand chasseur, ou, pour mieux dire , bracon-
nier déterminé II allait toutes les nuits se mettre
à l'airùt , et avait une passion prononcée pour
ce genre d'amusement , qui l'exposait chaque
jour à une punition sévère.
Plusieurs sergents et moi, nous mangions chez un
pâtissier qui avait beaucoup de complaisance pour
nous. En récompense , je faisais beaucoup va-
loir la marchandise de ce brave homme ; et
quand l'heure arrivait où l'on défournait les pe-
tits pâtés, j'en connaissais le prix (i).
Le corps manoeuvrait sous des hangars ; nous
(i) Un jeune homme de Damerl , nomme' Ilusson George,
vint, comme volontaire, rejoindre le 4""^ <le la Marne.
( 19 )
étions, comme de vieux soldats, familiarisés i^gi,
au maniement des armes. J'éprouvais une grande
satisfaction dans ce nouveau genre de vie. J'a-
vais pour chefs des personnes raisonnables ,
des camarades , des amis qui possédaient les
mêmes goûts que moi. Mon plus grand plaisir
était de commander , le dimanche , la garde à
la messe militaire ; ce qui m'arrivait souvent.
A cette époque , je pris un maître d'armes ,
pour me fortifier dans la pointe.
Le i^*" janvier, j'obtins une permission d'un 1^92.
mois , afin d'aller chez mon père.
Le 2 , je me mis en route avec un sergent
pour Neuchàtel.
Le 5 , ne pouvant suivre mon camarade qui
marchait plus vite que moi, je m'arrêtai à Bri-
mont , où je couchai chez un ami de mon père.
Le 4 ? j'allai saluer mon oncle Dclair . Le
même jour , je traversai Reims ; ensuite je me
dirigeai sur Dameri , où je racontai à ma fa-
mille tout ce que j'avais vu d'intéressant depuis
mon départ de la maison.
Voulant faire une promenade , je partis mi
dimanche pour Epernai , dans ime carriole où
était ma sœur aînée. Le cheval était très-om-
brageux. Lorscjuc nous arrivâmes sur la chaussée,
vis-à-vis de la 'Fosse - Tournisse ( il y avait
dans cet endroit trois ou quatre pieds d'eau),
le limonier eut peur , rabattit à droite pour
s'en retourner à l'écurie. La voiture qui se
trouvait près du bord , dégringola : elle se-
( «0 )
i'^cji. rait tombée dans la fosse, si, par un bonheur
inattendu , nn arbre de la circonférence d'un
pied , qui se trouva entre le brancard et la roue ,
ne l'en eût empêché. Ma sœur , surmontant la
trayeur ordinaire à son sexe , ne s'épouvanta
point du péril. Je sautai à terre, la pris dans
mes bras et la descendis. Quand elle fut en sû-
reté, je m'occupai de dégager la charrette: l'ayant
remise sur la levée , et étant remontés , nous
passâmes sur le glacis , où le cheval , dans
plusieurs endroits , fut obligé de nager. Nous
commettions une imprudence d'autant plus grande,
cpse l'équipage pouvait être entraîné par le cou-
rant , comme cela est arrivé plusieurs fois. Etant
allés à Epernai , nous nous amusâmes beau-
coup. Nous revînmes par Dizi-la-Rivière et Gu-
mières , pom* avoir moins de danger à courir.
Chaque jour me procurait de nouvelles jouis-
sances , et semblait s'écouler avec la rapidité
de l'éclair.
Il y avait alors dans notre ville , un déta-
chement du i^'" bataillon de l'Yonne. Je fis la
connaissance des sergents, avec lesquels je passai
quelques moments agréables.
Le i^"" février, à l'expiration de mon congé,
après avoir dit adieu à mes amis , à mes pa-
rents et à ma famille , je m'acheminai vers
Reims.
Le 2 , je me transportai à Neuchâtel.
Le 5 , j'arrivai à Rozoi ; j'y revis mes ca-
marades , et repris mes habitudes.
■( 21 )
On donna l'ordre de se diriger vers Rocroi i^ga.
( Ardennes ) , afin d'y tenir garnison. Tout se
disposa pour ce départ. J'étais fort content d'aller
dans une place de guerre , et d'y faire le seiv
vice avec la troupe de ligne.
(^o
CHAPITRE V.
' W^ .^ -^ .^»U^ v^
ijg2. Le 10 février, nous nous rendîmes à Au-
henton et Mauberl-Çontaine, où nous couchâmes.
J'eus des ampoules aux pieds , qui me firent
beaucoup souffrir pendant la route (i).
Le II, nous arrivâmes de bonne heure à
une certaine distance de Rocroi. Avant d'y en-
trer , on fit halte. La troupe s'habilla propre-
ment , comme c'est l'usage avant de se présenter
dans une cité ; ensuite on continua la marche,
et l'on parvint dans la forteresse. Le bataillon
logea dans les étages supérieurs de la caserne
de la cavalerie.
La garnison était composée du régiment de
Lorraine infanterie , de Dauphin 1 4"^^ de ca-
valerie, et d'un détachement d'artillerie.
Notre manière de vivre était entièrement mili-
taire. Nous faisions le service avec la troupe de
ligne. Ne voulant rien négliger, j'avais appris
(i) Je pris une grosse aiguille avec du coton ; je les
perrai et laissai un séton. Je frottai ensuite mes pieds
avec du suif pour fortifier la peau , afin de inoins sen-
tir la douleur. Ayant éprouvé un soulagement sensible
de cette précaution , j'eus souvent occasion d'en faire
usage par la suite.
par cœur les consignes et ordonnances en usage 1702.
<lans les villes de i^uerre. J'étais enorgueilli ,
lorsque je commandais le poste de la place ,
de me trouver à la tête d'un peloton de gre-
nadiers de ligne, de 7 à 8 pouces ( 18 13 à
i84o millimètres), portant la moustache, tan-
dis que j'étais imberbe et d'une taille bien in-
férieure. Le grade que je possédais, enflammait
mon amoiu'-propre , puisque j'exerçais une su-
périorité sur des hommes faits , qui obéissaient
sans réplique à mes ordres.
J'allai à la salle d'armes du régiment de Lor-
raine ; je pris des leçons d'espadon. Dans mes
instants de repos, je me rendais au manège;
j'y voyais enseigner i'équitation aux recrues de
cavalerie ; en peu de temps , je me familiarisai
avec tous les termes dont on se servait (i).
Gomme , dans mes lectures , j'avais eu con-
naissance de la fameuse bataille gagnée , le 1 8
mai 1645, par le duc d'Eughien , prince de
Condé , sur les Espagnols , commandés par dom
Francisco de Mélos , je ne manquais pas d'aller
reconnaître les positions respectives des armées.
Il me semblait voir sur le terrain , les troupes
telles qu'elles étaient placées le jour de la ba-
taille ; j'en étais dans l'admiration.
Mes camarades et moi , nous nous promenions
(1) Le 3x mars, quatre jeunes gens de Dameri , qui
s'étaient enrôlés comme volontaires , arrivèrent à la gar-
nison ; ils se nommaient : Berlhelot Sébastien , Billard-
Faguette, Guib.ert Louis, et Ponunelet Cadet.
(24)
1792. souvent dans des censés , pour acheter du lait où
nous faisions tremper du pain que nous mangions.
Le volontaire Fourcher , ancien domestique
chez mon père , eut querelle avec un autre
militaire du bataillon ; je rentrais lorsque je les
vis sortir de la ville. Je voulus les empêcher
de s'aller battre ; mais ils étaient si fort irrités
l'un contre l'autre ^ que je ne pus y parvenir.
Fourcher reçut au bras gauche , un coup de
sabre dont il ne fut cependant pas estropié. J'eus
beaucoup de chagrin de ce qu'il n'avait point
donné à son adversaire ce qu'il en avait reçu.
Les progrès que faisait la révolution , ne con-
venaient nullement à la noblesse. Beaucoup d'of-
ficiers de la ligne émigrèrent , en laissant des
emplois vacants. Ils fiu-ent remplacés par les
sous-officiers des régiments , qui eurent , dans
cette circonstance , un avancement rapide.
Le 26 au soir , je sautai en arrière sur mou
lit , afin d'écrire sur mes genoux , la table se
trouvant occupée par le sergent - major. Mon
canif étant ouvert sur la couverture , je tom-
bai siu- la lame , et me l'enfonçai dans la cuisse
jusqu'au manche. Le sang ruisselant , j'en per-
dis beaucoup.
On alla chercher le chinu-gien-major , qui vint
et me donna ses soins ; mais voyant qu'il ne
pouvait étancher l'écoulement de la plaie , il
dit que j'avais une artère coupée ; que j'en se-
rais estropié. Il me donna un billet d'hôpital^
on m'y porta le 27 au matin. La fièvre m'avait
(25)
pris dans la nuit. J'étais dans la plus grande ijga.
affliction: ne pouvant remuer la jambe, je crai-
gnais d'être boiteux.
Je lus aftecté au moral encore plus qu'au
physique , par l'horreur que j'éprouvais de me
trouver dans un lieu où l'on ne rencontre que
des êtres souflrants. Les personnages de ce triste
tableau m'occasionnèrent de sombres réflexions.
Je désirai de m'en éloigner promptement.
Trois jours après je fus rassuré ; je sentis
que ma jambe se mouvait, qu'cUe reprenait ses
habitudes ; alors je conçus l'espoir de m'en ser-
vir comme auparavant.
Le 29 , à trois heures après midi , on battit
la générale , on sonna le boute-selle. Ne sa-
chant ce qui produisait ce mouvement , je me
levai malgré la défense qui m'en était faite ,
et je regardai par une fenêtre. J'entendis le
gouverneur de la ville promulguer la déclara-
tion de guerre (i). Une heure après, je sus
que toute la garnison avait l'ordre de partir pour
se rendre par Givet ( Ardennes ) au camp de
Rancennes , où l'armée devait être rassemblée
le i^'^ mai. Je détestais mon état de maladie ,
à cause qu'il m'empêchait de prendre part aux
lauriers que le bataillon allait moissomier.
(i) L'Assemblée nationale , sur la proposition de Louis
XVI, décre'ta , le 20 avril 1792, la guerre contre Fran
çois II , roi de Bohême et de Hongrie , qui augmentait
le nombre de ses troupes sur les frontières , et mena-
çait la liberté et Tindépendauce de la France.
( ^)
•^^.^^~^*'^^^^j^>^y*-^'\^ M
CHAPITRE YL
Î792, Le 5 mai , j'obtins ma sortie de l'hôpital.
Ne pouvant soutenir la fatigue de la marche ,
je profitai d'un convoi et montai sur une voi-
ture pour gagner Fumai.
Le 4 7 je m'acheminai vers Givet , ensuite
vers Rancennes , où je revis avec plaisir mes
compagnons d'ai-mes qui n'avaient pas eu l'oc-
casion de se mesurer avec l'eiuiemi.
Tous les objets de campement n'arrivaient
que successivement , et la troupe était , en at-
tendant , à la belle étoile.
On me commanda de corvée pour aller à
Charlemont , échanger les armes du bataillon
contre des neuves. Le garde-magasin me remit
particidièrement un petit f usd très-léger , bien
soigné , en m'engageant à me ressouvenir de
lui et de son cadeau. Le Gouvernement vou-
lant que les officiers portassent des fusils pen-
dant la guerre , leur en avait fait fabriquer d'un
nouveau modèle ; mais ayant abandonné sa ré-
solution , les armes restèrent dans les arsenaux.
Ce fut un de ces fusils que l'on, me donna 5
il portait parfaitement la balle.
Les matinées étaient fraîches ; la fièvre ne 1792..
me quittait ])as. Je demeurai languissant pen-
dant huit à dix jours ; il ûdlut me saigner. L'offi-
cier de santé me blessa avec sa lancette , et
mon bras enfla beaucoup. Ayant eu de nou-
veau la fièvre , j'entrai à l'hôpital à Givet.
Le 5 juin, l'armée quitta sa position, et alla
passer la nuit auprès de Philippe ville.
Le 6 , elle se dirigea vers Beaumont.
Le 7 , jour de la Fête-Dieu , elle arriva à
Maubeuge , et y occupa des retranchements qui
formaient un superbe camp protégé par la place.
J'eus encore le malheur de ne point paitir avec
le bataillon.
Le 9 , ayant appris qu'un convoi se mettait
en roulé , je demandai mon exéat pour aller
me joindre aux hommes qui en faisaient partie.
Nous nous transportâmes le même jour à 'Phi-
lippe ville.
„ Le 10, à Barbançon , que nous quittâmes à
une heure du matin.
A peine étions-nous à une heue siir la route
de Maubeuge , que nous entendîmes très-dis-
tinctement une vive canonnade et une fusillade
qui annonçaient une affaire sérieuse. J'aurais vour
lu me trouver à mon po|te , afin d'être témoin
des particulai'ités de cette bataille.
Le 1 1 , à dix heures du matin , le convoi arriva
au camp. Nous aperçûmes avec surprise que tous
les grains magnifiques qui existaient dans le front
de bandière étaient écrasés j foulés aux pieds , peu
I. 5
{■•-s]
i-Qî. avant d'y mettre la taucille; ce qui donnait l'idce
des dégâts qu'une armée occasionne dans le pays
où elle séjourne. Nous fûmes étonnés de voir
les soldats fort tranquilles , faisant leur soupe y
et ne paraissant pas s'occuper de guerre. Nous
leur demandâmes de quel côté était la victoire
du combat du matin. Us répondirent que le
vent étant contraire , ils n'avaient rien entendu ;
qu'ils venaient seulement d'apprendre par des
ordonnances , que l'avant-garde placée sm* la
rivière de la Glisuelle était battue , et que le
général Gouvion , qui la conmiandait , était tué.
Cette nouvelle , quoique très-affligeante , me
rassura sur le sort du 4"'^ bataillon de la Marne ,
qui n'avait pas quitté sa position.
Voici le rapport du général en chef:
Maubenge, le n juin (i).
« Les Autrichiens ont attaqué notre camp avec
M des forces supérieures; ils ont néanmoins été
» repoussés ; car nous avons été avertis de l'at-
» laque projetée.
n M. Gouvion a commeneé le combat ; il a
» été secondé vaillamment par MM. Tracy, Nar-
») bonne et Maubourg. Les ennemis ont aban-
n donné le terrain ; ils ont perdu beaucoup plus
» de monde que nou« : nous les avons pour-
» suivis à une lieue au-delà du champ de ba-
» taille.
(i) Ce rapport et tous ceux qui seront transcrits , sont
tirés des divers journaux du temps.
1
( -9)
» Nous n'aurions donc qu'à nous louer de i79'2.
» cette alFaire, si, par une cruelle Fatalité, elle
» n'avait enlevé à la Patrie un brave défenseur ,
» à tous les bons citoyens un ami , M. Gouvion.
» Ses soldats le pleurent , la garde nationale
» parisienne le pleurera , tous les bons citoyens
» le pleureront. Un coup de canon a têrnmié
» son honorable vie.
» Nous regrettons encore les deux lieutenants^
» colonels de la Côte-d'Or. Tel est le récit exact
» de l'affaire qui vient d'avoir lieu. Je ne par-
» lerai pas de mon affliction personnelle , mes
n amis me plaindront. Nous avons perdu 2 5
» hommes. Les ennemis ont eu plus de morts.
)) Nous avons fait quelques prisonniiers ; Feu-
f> liemi ne nous en a point fait. »
Signé Lafayette.
Comme j'étais en état de faire mon service ,
je fus compris dans le détachement de l'armée
qui assista à la pompe funèbre consacrée aux
mânes de ce héros.
Voici le rapport dressé à ce sujet :
Maubeuge, le 1 3 juin.
<« Le brave Gouvion a été inhumé hier, sur
» le champ de bataille , avec les honneurs dus
» à un guerrier ausri intrépide. Nous avons pour-*
» suivi l'ennemi jusques sous les murs de Mons;
» il avait laissé (5o morts sur le champ de ba-^
») taiUe. Les paysans d'im village , aux envh'OnS'
» de Mous , nous ont appris que les Autrichiens
5.
( 3o )
1702. " traînaient aA ec eux plusieurs chariots de morts
» et de blessés ; ils ont pris dans ce village nn
)> matelas sur lequel ils ont déposé un lionnne
» tué ou blessé, et l'ont emporté sur mi brancard,
» ce qui fait présumer que c'eSt un officier gé-
» néral. Cette nuit une de i:os patrouilles a rcn-
» contré un détachement de houlans. Le choc
» a été très-\if ; onze autrichiens sont restés sur
» la place : nous n'avons eu que trois blessés;
» personne n'a perdu la vie. Notre grand' garde
» a été renforcée par 27 compagnies de gre-
» nadiers : elle est actuellement sous les ordres
» de M. Latour-Maubourg. La conduite des hus-
» sards et des volontaires de la Côte-d'Or est
» au-dessus de tout éloge ; ils ont fait des pro*
» diges. »
Un matin , sur les deux heures , il v eut
une alerte produite par une voix à demi-étouf-
fée. Les sentinjslles croyant que l'ennemi s'était
introduit furtivement dans le camp, crièrent : Aux
armes! On sut qu'un soldat, en rêvant, pen-
sait être fait prisonnier ; qu'on le traînait dans
un brasier à-rdent pour y être brûlé , et qu'il
s'efforçait de s'échapper en appelant à son se-
cours. Le motif de cette teneur panique étant
connu , on se tranquillisa et l'on se livra de
nouveau au repos.
Les corps de troupes réunis portaient le nom
^ Armée du Centre, parce qu'elle se trouvait
entre celle du Rhin et celle du Nord. Elle était
placée sur trois lignes , formant un coup-d'oeil
(3. )
admirable; la 5"^*^ surtout, dcsiguée sous la ^n^..
dénomination de Réserve , se composait de gre-
uadiers , et s'appelait Colonne infernale. Je par-
courus toutes les parties du camp. Je \is le
parc d'artillerie , les canons , les obusiers , les
mortiers , les caissons , les pontons , les forges,
les fourgons de vivres , d'ambulance , l'artillerie
légère et tous les ustensiles en usage à la guerre.
Je connus , dans le même jour , ces divers objets',
ainsi qiieles circonstances où ils étaient employés.
L'armée était organisée sur un pied respectable.
A la pointe du jour on tirait un coup de canon;
tous les tambours des gardes du camp battaient
la Diane. A sept heures on relevait les postes. On
faisait l'appel. Dans la matinée, les différentes
corvées. A dix heures, le roulement de la soupe.
Dans l'après-midi, l'exercice. A quatre heures,
le second repas. Une heure avant la nuit close ,
on tirait un coup de canon. On battait la re-
traite. Une demi-heure après , on faisait un
roulement , puis l'appel. Une demi-heure en-
suite , un second roulement pour éteindre feux
et lumières.
Chaque jour , même ordre de choses. L'ar-
mée fut prévenue qu'en cas de surprise de la
part de l'emiemi , on tirerait trois coups de ca-
iion , au lieu de battre la générale. On substi-
tua à cet ordie celui de ne frapper que trois
coups de baguette sur une caisse (i).
(i) Je ne parlerai pas de la strate'gie (*) , de la stra.'
/ 30
ï79^- "^^ vçnais de visiter la rnamifacliire d'armes;
j'appris qu'il y avait une vieille femme qui ti-
rait les cartes ; elle avait prédit à un soldat
mi'il serait tue , et il avait effectivement suc-
combé à l'alFaire du 1 1 . La réputation de cette
sorcière était faite parmi les militaires. Elle n'exi-
geait rien , mais elle recevait ce qu'on lui don-
îiait. J'allai la trouver. Etant en téte-à-lêto
avec elle , devant une table à moitié pourrie ,
sur laquelle elle plaça des cartes couvertes de
figures diaboliques et de caractères hiérogly-
phiques ; parmi les choses qu'elle me débita ,
voici celles qui me frappèrent le plus : « Vous
» êtes attendu au camp , avec beaucoup d'impa-
» tience , par une personne qui vous est bien
» chère et qui n'a que quelques instants à vous
)> donner; vous en recevrez de l'argent. — Vous
» ne serez jamais ble^ssé dangereusement par les
» effets de la guerre. — Vous deviendrez offî-
tog'apliie (♦*) , ni delà castramétation (***) , qui ne peuvent
être tralte'es que par les généraux, les ingénieurs, les
officiers revêtus des plus liantes fonctions militaires , et
qui ont si puissamment conti-ibué à illustrer la nation
française pendant la guerre de la révolution. Eclairé par
le flambeau de la vérité , je ne marcherai qu'à sa lueur j
je me contenterai donc de rapporter les faits tels que
j'ai pu les voir , ou dont j'ai eu une connaissance no*-
toire.
(*) Ce qu compreûd tout l'art de la guerre.
(**) Description de ce qui compose entièrement une armée,.
C**) Ce qui a rapport à la science des camps.
(53)
}i cicr. ~ Votre avancement sera subordonné à i^^».
» votre volonté. »
Je la remerciai et lui donnai douze sous.
Je pris , en riant des contes qu'elle m'avait
faits , la route du camp , pour m'cntretenir avec
l'individu qui m'était annoncé. Je fus fort sur-
pris de rencontrer , à environ un quart de lieue ,
le volontaire darneriat , nommé Durand , qui
me cherchait pour m'apprendre que mon père
était arrivé ; qu'il désirait me voir de suite ,
parce qu'il était obligé de se rendre le lende-
main à quinze lieues de là pour ses affaires.
Me rappelant ce que la vieille m'avait dit, je
commençai à croire qu'elle ne m'avait pas en-
tièrement trompé (i). Mon père , pendant le
temps qu'il resta avec moi , me doima toute
sorte de témoignages d'amitié. Il alla consulter
mes chefs pour savoir ce qu'ils pensaient de
moi. D'après leur réponse satisfaisante , il m'en-
(i) Il est à présumer qu'il y a des êtres assez favo-
risés de la nature pour prédire les choses à venir. Le
fameux Bayard , qui n'était point superstitieux , fut en-
gagé , en Italie , par plusieurs grands seigneurs qui s'é-
taient fait dire leur bonne aventure , à questionner l'as-
trologue de Carpi. Ce brave officier y consentit. Le devin
lui annonça quelques particularités qui lui surviendraient ,
entr autres, qu'il périrait à la guerre. L'illustre français
se mit k rire de ces prédictions , regardant l'art de de-
viner comme une chimère. Cependant on eut, par la
suite, occasion de vérifier que le magicien avait annoncé
presque toutes choses véritables , et que le Chevalier sans
peur et sans reproche avait éyé tué dans le même pays.
( 54 )
jngi, gagea à redoubler de zèle pour leur plaire, et
mériter de plus en plus leur estime et leur bien-
veillance. Comme j'étais parti de chez lui contre
son gré , je me gardai bien de lui rien deman-
der. Il m'oiïrit de l'argent ; je lui répondis
que mon traitement me suffisait , parce qu'au
camp l'on n'avait pas beaucoup d'occasions de
faire de la dépense (i). Mon refus le piqua ; il me
donna son porte-feuille , en me disant d'en reti-
rer ce qui pourrait me convenir. Voyant que
mon obstination à ne vouloir rien accepter lui
déplaisait , je pris vm assignat de cinquante li-
vres , en le remerciant de ses bontés. Il m'em-
J)rassa , monta à cheval et s'éloigna , après avoir
reçu mes assurances de tendresse pour ma mère ,
et d'amitié pour mes frères et soeurs.
(i) Comme sergent, Je recevais trente sous par jour,
indépendamment des vivres de campagne.
*^i^>.^'.
(55)
CHAPITRE YII.
Chaque jour, l'armée faisait l'exercice à feu, 1792»
(Jes manoeuvres par division composée de ca-
valerie , infanterie légère , de ligne , artillerie
à pied et à cheval.
Une fois , j'étais en guide . placé pour l'ali-
gnement. Le général en . chef me trouvant trop
en dedans , me fît appuyer en dehors. L'ad-
judant-major du corps , jugeant que j'étais dé-
placé , me prescrivit le contraire. Le général
revint , s'emporta contre moi , et m'ordonna de
me remettre à la position qu'il m'avait fixée.
La manœuvre l'occupant davantage , il me
laissa , après m'avoir humilié en présence de
tout le bataillon ; ce qui me causa beaucoup de
peine.
Le 20 juin , l'armée quittant le camp , se di-
rigea vers Bavai : le quartier-général fut placé
à Teniers.
Dans cette marche , je vis toutes les troupes
en mouvement , ce qui produisait un effet
merveilleux. Je regardais comme invincibles les
hommes qui composaient cette armée ; mais il
me vint naturellement à la pensée que , dans
^792, <^ent ans, il n'en existerait aucuns , quand ménis
ils ne seraient pas détruits par les combats.
Cette réflexion s'est renouvelée souvent dans
ma mémoire : à l'instant où j'écris , il y a à peine
un quart de siècle d'écoulé , et le nombre res-r
tant doit être peu considérable.
L'ai'mée était campée dans Tendroit où le
prince Eugène et le duc de Malborough , an-
glais, gagnèrent, le 11 septembre 1709, la
fameuse bataille de Malplaquet , que perdirent
les Français , et où fut blessé le maréchal de
Villars. Je me rappelais que nos ancêtres avaient
figuré sur les lieux de ce combat. Aussi avaisr
je le désir ardent de voir les Anglais , pour cpie
nous pussions venger la défaite de nos com-
patriotes , et prouver à ces insidaires , que ce
n'était pas constamment leur tour à sortir vic-
torieux du champ de bataille.
Le "iS , l'armée , sans coup férir , prit la
route de Maubeuge , en traversant le champ de
bataille du i t . On voyait encore des débris de
cette journée. On fit halte , et , dans la direc-
tion de Mous , quelques individus aperçurent
\\nG patrouille ennemie qui, sortant d'un bois,
y rentra aussitôt. On en prévint les chefs,
qui accusèrent de fourberie ceux qui avaient
annoncé cette nouvelle. Je trouvai extraordi-
naire que Ton ne voulût pas croire ce que
plusieurs personnes avaient vu. La marche ne
fut troublée en aucune manière jusqu'au camp
retranché.
( 57 ')
11 y eut une aflaire à laquelle larmée ne prit »79?.'
aucune part ; en voici le rapport :
Maubeuge , le 27 juin.
«( Dans une attaque où l'avant-garde , comr
» jnandée par M. de Maubourg , maréchal de
» camp , et par sou frère , colonel , a été aux
» prises avec les Autrichiens , on leur a tué
» 5o soldats , y compris 5 officiers ; on a fait
» 85 prisonniers. Nous n'avons perdu que deux
») hussards , et les ennemis ont été repoussés
« très-loin. Cette heureuse nouvelle , et le té-
» moiguage rendu à la bravoure des troupes ,
» officiers et soldats , ont été reçus avec trans-
» port. »
Depuis que j'avais rejoint le bataillon , je m'é-
tais trouvé plusieurs fois de planton chez le
général en chef (i). On avait Thabitude , quand
rétat-major avait achevé son repas , de servir
la desserte : aloi>s les plantons et ordonnances
se mettaient à taUe , mangeaient les rehefs , en
faisaat un meilleur repas que dans leurs es-
couades.
Parmi les officiers supérieurs , je remarquai
avec étomiement la riche parure du colonel des
hussards de Chamboran , et celle de son che-
val. Rien n'était plus étincelant , plus frais que
(i) On appelle plantons les sergents, et ordonnances
les cavaliers qui sont chez le général , pour porter les
<)rdres chacun a son corps.
(38)
.|J79^.- ^^ costume du cavalier , que les harnais de sa
monture.
Situation de Vannée au 28 juin.
1 7 bataillons d'infanterie 1 , ,
I bataillon de troupes légères.../' ' -^ *
44 escadrons 6,600.
Artillerie 2, i56.
Troupes laissées clans les places. r
26 bataillons d'infanterie. .12,657! ^
18 escadrons 2,470 J
Total. ..38,354.
Le \^^ juillet _, l'armée partit pour la Lorraine ,
en passant par Avesnes.
Le 2 , par un beau temps , elle se rendit à
la Capelle , où il y eut repos dans un lieu
appelé le Tambour.
Des soldats s'amusaient à regarder l'un d'eu:5{:
qui aA'ait les yeux bandés et un sabre à la main ,
afin de couper la tête d'une oie attachée à im
poteau. Celui qui tenait ce jeu , en avait per-
du plusieurs , il en était en colère. Comme il
suivait de l'oeil le militaire qui allait encore tran-
cher le cou à celle qui était pendante , il cut
tendit un léger murmure , se tourna de mon
côté; j'étais alors à causer avec quelqu'un; il
crut que je tenais un langage d'approbation à
celui qui marchait à tâtons ; il accourut , et me
porta sur la poitrine un violent coup de poii^g
( 39 )
dont je fus renversé. Beaucoup de personnel 1-792,
vinrent , et m'aidèrent à me reiever. Le chef
âe bataillon qui , de sa marquise , observait ce
divertissement , m'ayant appelé , me prescrivit
de rédiger une plainte contre cet individu, que
l'on arrêta. Je priai le commandant de révo-
quer son ordre , en lui représentant que l'in-
cidpé se repentait vivement , et qu'il m'en avait
témoigné tout son chagrin. Cet officier supé-
rieur étant inexorable , me répliqua que , pour
le maintien de la discipline , il fallait qu'il fût
puni, parce qu'il s'était oublié envers un ser-
gent qu'il devait respecter _, quoique plus jeune
que lui. J'eus la douleur dé voir cet accusé
conduit par une escorte au quartier-général,
où je déposai mou procès -verbal. L'homme fut
mis en prison. Je m'en retournai au camp , tort
affligé d'avoir été la cause involontaire de sa
punition. Quand mon service me permit de le
voir , j'allai le consoler. Je lui donnai un jour
six livres , en le priant de ne pas les refuser ,
puisqu'il était dans le besoin. Lorsque le 4"^®
bataillon de la Marne quitta sa position , le pri-
sonnier resta au quartier-général , sans que ja-
mais depuis j'en aie entendu parler. Toutes les
fois que je me suis rappelé cette catastrophe ,
j'ai gémi sm' ce malheureux, qui aura, sans doute,
dien long-temqs souffert dans les cachots.
Le 9 , Farmée se mit en marche pour Hir-
son et INIaubert-Fontaine.
Le i4j elle chôma l'anniversaire de la Fé-
( 4o ) _
(AA<i, dératioii. On éleva , sui' une éminence , au centre
des troupes rangées en bataille , un autel où l'on
dit la messe au bruit du canon j au son de toutes
les musiques , de tous les tambours et trompettes
des régiments. Cette cérémonie , qui eut lieu
par un fort beau temps , produisait un coup-
d'œil superbe, un éfl'et admirable, qui m'en-
thousiasmèrent. On donna double ration d'eau-
de-vie à chaque individu. La fête dura toute
k journée. La gaîté fut générale. «
Le iG, l'armée continua sa route pour" Mé-
zières. On distribua ce jour-là , et pendant toute
la marche , une ration de vinaigre pour cor-
rompre l'eau , à causé de la grande chaleur.
Je rencontrai un jeune homme qui avait de-
meuré chez mon père ; j'allai avec lui visiter
^s parents ; je m'amusai beaucoup auprès d'euX
lie reste de la journée.
Le 17 , la colonne alïa à Sedan. En traver-
sant la ville par un temps magnifique et de-^
vaut une population itnmensé, elle avait l'air
de faire une promenade militaire.
Le 18, elle se rendit à Mouzon. Le camp
était placé le long de la Meuse : plusieurs sol-
dats , en se baignant, se noyèrent (i).
(i) Il serait à souhaiter qu'il y eût des écoles de na-
tation pour enseigner à nager aux militaires j car il ar-
iive souvent , dans les mouvements de troupes , que l'on
est arrêté par des rivières. Le soldat , familiarisé avec
Feau , franchirait ces obstacles avec moins de Crainte et
àt danger.
,(4r)
Le 19, on se transporta à Steiiai. ^^
Le 20, à Juvigiiy-sur-Loison.
Le 21, à MarviJlej les corps prirent posi-
tion à Fontenai.
Pendant cette route, la chaleur et la pous-
sière étaient tellement grandes, que plusieurs
toJontaires en moururent. On avait recommandé
de se tremper les mains jusqu'aux poignets dans
les ruisseaux ; de se laver le visage , plutôt que
de boire de l'eau de fontaine, pour se rafraî-
chir.
Le i" août , quoique la pluie continuât de-
puis plusieurs jours , le corps partit du camp
pour aller loger à Chauvenci-le-Château , ou
se trouvaient les grenadiers avec les quati^: pre-
mières compagnies. Le reste du bataillon oc-
cupait Chauvenci-Saint-Hubert.
L'escouade dont je faisais partie, voulant se
régaler, avait acheté du lait dans lequel elle
avait émietté deux pains de munition ; ce qui
remplissait deux gamelles : ce repas était des-
tiné pom- douze persoimes. Au moment d'y
mettie la cuiller , un soldat gagea qu'il man-
gerait le tout en moins d'une demi-heure La
proposition acceptée sans j^ari , les deux t^a-
melees furent vidées en moins de temps que
ia demande avait été faite, sans que ce mili-
taire en ressentit la moindre incommodité.
Le bataillon quitta ses cantonnements , pour
rejoindre l'armée qui se réunit aux environs de
l^^^tenai. Le général eu chef 1* passa en revue
(40
CHAPITRE YlII.
i'jc)i. tiE 5 août , le corps se rendit à Montmedi ,
pour y renforcer la garnison. Elle était com-
mandée par le maréchal de camp Ligniville ,
qui avait sous ses ordres un bataillon du l'égi-
ment de Condé , 55"'^ d'infanterie , le 4"'^ de
la Marne , un détachement d'Auxonue , 6^^^ d'ar-
tillerie à pied , et un piquet de mestte de camp ,
a"'^ dragons , pour servir d'ordonnances et por-
ter les dépêches. Ces troupes réunies présen-
taient une force d'environ i5 à i8oo hommes.
Yoici un rapport de cette place, du 24 août :
« Des lettres du district de Môntmédi ont
» appris que les Prussiiens et les Autrichiens
» se disposent à former le siège de Longwi ,
» et à se porter en même temps sur Verdun. »
Quelques jours après , on apprit l'entrée en
France des Prussiens et des Autrichiens , par
h. soimiission de Longwi.
Voici le rapport du 5o août , fait à cette
occasion :
« Verdun et Môntmédi n'imiteront pas ces
w lâches habitants de Longwi ; des lettres an-
w noncent que ces deux villes sont disposées à
» ne se rendre qu'à la dernière extrémité. »
On fit l'épreuve des poudres ç\c^..t i •
Placer ceJlos m,; ^, • »""^s^s , alin de reœ-
tI z ^ ^^'''^''^ supprimées.
■»^e Di pendant Ja nuit la ^7,11^
cern^f^ a- * ^luit , la viJie se trouva
saace, mais, au même moment, l'on tira ni,,
..eurs coups de canon , dont le b "ule" Fa„
ces a toute volée ne les atteigairenrp n"
remarqua ensuite, sur la route de Se à
Stena. , fe eorps nombreux qui filaS
On m'envoya à Chauvenci-Sa,-,,, H L _,
sant pas Je chemni , je me flg^irai gu'en sui
Tant le rourc Aa v^ ^ ^ueu sm-
- la hauteur , au-dÎTla '-^XJ^
P«eelasesoudecoqumages,l~;r,Î
(44)
I-C2. fT^nt de dilîérentes nuances, me plaisaient bea:ii-
coup. Un poste d'une quinzaine d'hommes , qui
était derrière une haie , lit feu sur moi , tan-
dis que j'admirais l'armée. J'éprouvai , au sif-
flement du plomb que j'entendais pour la pre-
mière fois , une émotion sensible , sans cependant
me décontenancer. Je me retmnchai derrière
nne grosse pierre contre laqticlie je plaçai mon
fusil. Je tirai sur un fantassin qui était debout
entre deux haies ; voyant la terre voler à ses
pieds , je pensai que j'avais ajusté trop bas.
A mon second coup, l'homme étant tombé sans
mouvement, je fus flatté de mon adresse. Je
me ressouvins du garde-magasin qui m'avait donné
celte arme. Le poste , en échangeant des balles ,
m'en envoya en si grande quantité, que le terrain
se trouva labouré autour de moi dans «n instant.
Croyant qu'il était prudent de continuer ma route,
et m'étant mis à courir pour exécuter mon ordre ,
sans avoir été atteint par l'ennemi, je rejoignis le
détachement que j'allais chercher, et m^en retour-
nai avec lui.
Le 2 septembre, on amionra que Verdun avait
été pris le même jour; mais la reddition de cetlri
forteresse ne diminna pas l'ardeur de la garnison
de Montmédi; il semblait, au contraire, qiv'elle
ajoutait encore un nouveau zèle à son coui-i\gc.
Le général Ligni ville prit des mesures très-sages
pour défendre la place. Il distribua la troupe de
manière que chacun connaissant son poste , pou-
T.-iit, au besoin, occuper les différentes parties des
,(43)
ouvrages, afin de résister à reiinemi partout où il ,««2,
se présenteiait.
On sut que le général Clairfait , commandant
les Autrichiens, aii nombre de 27,000 hommes,
avait ordonné de labriquer des grils , afin de tirer
sur la ville à boulets rouges ; mais que les progrès
des Prussiens le détournèrent de ce projet pour
se porter dans Tintérieur.
Le 9 , on dressa sur Montmédi le rapport sui-
vant :
« Il est difficile de supposer que l'ennemi puisse
» développer un véritable plan de campagne ,
» avant d'avoir pris Montmédi ; et , en attendant
» qu'il en ait seulement formé l'attaque, nos ar-
}) mées auront pris une nouvelle consistance. »
La garnison faisait des sorties partielles. Je
fus compris dans un détachement de 5o hommes.
Il devait protéger des voitures , afin de transpor-
ter des bûches dans la place , d'augmenter le ma-
gasin, de manutentionner les vivres : en cas de
siège, de fournir aux différents postes le chauf-
fage dont ils avaient besoin pendant la saison froide
qui s'approchait.
Le peloton, commandé par un officier, se ren-
dit au bois du Moncet; il fut divisé. Ayant la di-
rection de 12 hommes, je reçus l'ordre de me
porter en avant avec eux , pour éclairer la ré-
serve qui était restée sur la hauteur. La forêt n'é-
tant qu'abatis , les volontaires de ma patrouille et
moi , nous nous ghssàmes baissés* derrière les
i'irbres coupés , les cordes de bois , afin de n'être
4.
■ _ (46)
ij(j2. pas remarqués des étrangers qui étaient sur l;i
montagne vis-à-vis, et dont nous n'étions séparés
que par le Chier. Nous parvînmes presque au ri-
vage, sans que le poste qui se trouvait devant
nous s'en aperçut. Des ennemis assis à terre , pro-
fitant du beau temps, jouaient aux caites, tandis
que dWitrcs buvaient, mangeaient ou dormaient.
La sentinelle, à quelque distance auprès de la ri-
vière, était jusqu'aux reins dans un trou qu'elle
s'était creusé pour ne pas être en évidence : elle
regardait alors les joueurs qui parlaient assez haut,
dont les propos l'intéressaient sans doute. Je plaçai
tous mes militaires , leur demandant de me laisser
ajuster le factionnaire. Tandis que chacun visait
lin soldat du poste , le coup de mon fusil , fixé
dans une fourche d'arbre , porta si bien , que le
surveillant tomba sur le nez et ne se releva point.
La décharge générale finie , plusieurs des alliés
demeurèrent sur le carreau ; mais les autres enga-
geant le combat , ripostèrent vivement.
Quand j'eus l'assurance que les voitures char-
gées étaient parties, je rejoignis les nôtres qui
étaient en présence , pour l'attaque desquels l'on
amenait deux pièces de canon qui ne servirent pas ;
car nous nous en retournâmes avant qu'elles fus-
sent assez près pour être mises en batterie.
Un matin, j'allai à la découverte avec une dou-
zaine d'hommes. Etant sur la montagne qui do-
mine la forteresse à droite du village de Tonne ,
en sortant de la place , j'y restai une heure, comme
j'en avais l'ordre. En ma qualité d'explorateur, ne
(47)
voyant rien d'extraordinaire, je repris le chemin i^g^.
de la yille. Me trouvant sur le plan incliné de la,
hauteiu-j je remarquai sui' les remparts une foule de
personnes assemblées. On tira ensuite le canon et
des mortiers , dont les projectiles passèrent par-
dessus le détachement. Je voidais retourner ; mais
me mppelant que , plusieurs jours auparavant , on
avait essayé la force de la poudre, j'en conclus
que l'on recommençait la même opération. Arrivé
à Montmédi , ayant appris que c'était un peloton
de cavalerie ennemie qui avait paru à l'endroit que
je venais de quitter , je fus bien fâché de n'être
pas resté, puisque j'aurais eu. occasion de déchirer
des cartouches.
Les Autrichiens , pom- disposer les habitants
des campagnes en leur faveur , lançaient des pro-
clamations , et les faisaient colporter par des Fran-
çais. On arrêta un de ces émissaires , que l'on
amena parmi nous comme espion et traître à la
Patrie. Il était question de le fusiller; j'allai voir
ce prisonnier. Quel fut mon étonnemeiit , lorsque
je reconnus que c'était un habitant de la ville de
Stenai , ami de mon père ! Après qu'il eut échappé
à cette malheureuse circonstance , il se rendit dans
sa famille.
Le feu prit aux bâtiments de la manutention du
pain; il fit des progrès rapides. Xics troupes dé-
ployèrent un zèle , une ardeur au-dessus de tout
éloge. Cet empressement prouvait qu'au besoin ,
on aurait pu tirer contre l'ennemi un grand parti
de la garnison.
( 48 )
i-rnî. Il y avait souvent des attaques. Montmédi se
trouvait bloqué, mais de loin. J'étais de garde à
l'une des portes de la place basse : étant moins for-
tifiée que la ville haute, la garnison de cette der-
nière faisait le service de l'autre. J'avais il\. hommes
sous mon commandement. Il avait plu depuis
notre arrivée au corps-de-garde : notre bois était
brûlé à minuit. Les militaires arrivant de faction ,
se plaignaient de ce que, n'ayant pas de guérites
ni d'échauguettes , ils étaient mOtiillés jusqu'aux
os , et avaient extrêmement froid. Ils me propo-
sèrent de leur ouvrir la porte , dont j'avais les clefs j
en nie disant qu'ils iraient chercher des branches
d'arbres qu'on avait coupées pour dégager les
remparts. Je m'opposai fortement à cette proposi-
tion, quoique je soufl'risse comme eux. Je leur fis
envisager l'inconséquence qu'il y aurait^ tandis
que l'ennemi bivouaquait auprès ; qu'il {Pourrait
profiter de ce mornent potir nous attaquer et sur-
prendre la ville. Mais ils me pressèrent si vive-
ment, que je cédai à leurs instances. J'ordonnai ù
une partie de la garde de prendre les armes. Je
plaçai le poste sur deux rangs. Ouvrant la barrière ^
je laissai sortir quatre individus , leur fusil en ban*
doulièrc, pour être à même de se défendre. Je
refermai l'ouverture. IVous restâmes sur le qui
vive en attendant leur retour , qui devait s'annon-
cer par y.T\ signal convenu , celui de frapper trois
coups dans les mains. Au lieu de se contenter de
prendre du bois , comme ils l'avaient promis ,
ils gagnèrent les jardins où ils pénétrèrent facile-
l4o)
■mciit , les baies étant rasces> Ils volèrent tles ca- !'-()?..
aottes, (les navets, des pommes de terre, qu'ils
jetèrent par-dessus la muraille, sans que je m'en
aperçusse. Des femmes qui étaient à iem-s croisées
non loin de là , les remarquèrent à la faveur du
xlair de la lune ; elles leur demandèrent pourquoi
ils allaient dérober cie qui ne leur appartenait pas.
Les soldats leur ripostèrent par des injures, assez
bas pour que je ne les entendisse pas. Ils revinrent
promptement, et étant J'entrés après le signal, ils
-me racontère«t qu'il leur avait été presque impos-
sible de trouver du bois propre à brûler. Je re^
iermai la porte, me ■croyant en parfaite sécurité.
Au jour, les personnes qui.avajenX été insul^
tées se plaigniîx^nt au commandant de la place ,
que la porte ayant été ouverte la nuit , des volon-
taires en avaient profité pour dévaster les jardins
voisins. La révolution donnant à tout le monde
le droit de juger à son gré, il fut généralement
décidé , par les habitants et par les officiers de la
garmsoii_,que mon cas était grave ; qu'il compor-
tait deux peines ca^Htales : l'une, d'avoir favorisé
la maraude ; l'autre , d'avoir donné à l'ennemi, s'il
était venu attaquer, la facilité de pénétrer dans la
place. On annonça ma faute à la parade, avec in-
jonction aux chefs de poste de ne point commettre
de tels déhts militaires. On exposa que j'allais ser-
vir d'exemple , afin de retenir ceux qui pourraient
tomber dans un semblable oubli de leurs devoirs.
Le sergent de garde qui vint me relever, me com-
muniqua en particulier ce qui avait été prescrit
(5o)
1792. avant de faire défiler la troupe. Il ajouta que le
chei de bataillon lui avait donné l'ordre de me dire
de passer chez lui , aussitôt que je serais de retour
à la ville haute. La tête remplie d'inquiétude , de
réflexions , je me présentai devant M. de Guy; il
était chez le colonel du régiment de Condé avec
une partie des officiers de la garnison. Ces mes-
sieurs me firent une vive semonce. Lorsqu'ils
eurent terminé, je priai le commandant de m'en-
tendre, et lui racontai le plus succinctement pos-
sible ce qui s'était passé, en m'expliquant avec uu
air d'aisance et de respect qui me concilia tous les
esprits. Après avoir parlé, je gardai le plus pro-
fond silence. M. de Guy dit à rassemblée : « J'aime
)) ce sergent comme mon enfant; je snis étonné
)) de la faute (ju'il a commise : car je sais , et je me
» suis convaincu qu'il sert bien et qu'il fait bien
» servir, » Il me demanda mon âge; je lui répon-
dis que j'avais 1 7 ans , ce qui surprit tous les offi-
ciers. Ma taille était alors de 5 pieds 7 pouces
(i,8i4 millimètres). Il m'ordonna d'aller en pri-
son sur ma parole , prescrivant de ne pas chercher
à m'y soustraire, et ajoutant que j'étais consigné à
la porte de la ville. En quittant cette réunion im-
posante pour me rendre à la destination qui m'é^
tait assignée , j'étais fort triste et fort affligé. Le
geôlier m'attendait ; il me plaça seul dans un ca-
chot , où j'étais absolument comme un criminel,
Ge lieu obscur était bâti sous le rempart , dans
la partie du nord-est des fortifications. On y res-
piiait ime odeur concentrée et méphitique ; elle
( •• ) ,
était produite par riminiditc des murs et de la inc^i,
paille pourrie sur laquelle on couchait; par le ba-
quet dans lequel les prisonniers déposaient leurs
excréments , qui n'était vidé que toutes les vingt-
quatre heures. Je ne parlerai pas de la nourriture
ni de la boisson ; elles étaient celles dont j'avais
contracté l'habitude au camp. Elles consistaient,
pour les vivres , en un pain de munition ; pour le
breuvage , en eau de citerne provenant des gout-
tières , qui avait séjourné long- temps sous la terre
où elle avait perdu une partie de sa qualité : car,
dans la place, il n'y avait ni source, ni puits, ni
tontaine. Le jour ne parvenait que par une ouver-
ture en forme de cône, garnie de grilles de fer,
dont l'extrémité extérieure était moins évasée que
celle intérieure. Elle donnait horizontalement dans
les fossés, de manière que je n'avais de clarté, dans
Je miUeu du jour, qu'autant que la lune en produit
dans son deuxième quartier.
Dès que le geôlier se fut retiré, après m'avoir
enfermé sous les verroux , le plus morne silence
régna autour de moi : alors , me hvrant à toute
l'iîorrem- de ma situation, je me reprochais la faute
que j'avais commise, et je songeais à la punition
que j'éprouvais. Je n'avais pour société dans le
cachot que des araignées d'une grandeur énorme,
dont les toiles tapissaient la voûte ; que de gros
rats qui, famiharisés avec les infortimés qui ha-
bitaient ce séjour et qui m'y avaient précédé, ve-
naient , aux heures des repas , en sautant les uns
sur les autres. Je leur jetais des miettes qu'il man-
(«2)
ri';9s. i^ealent : ces animaux ne paraissaient nùîleïneîrfe
effrayés de me rencontrer dans ce lieu solitaire.
Lorsque le jour cessa, je m^ trouvai dans la plus
protonde obscurité : cette nuit me parut fort
longue, n'ayant pu goûter les doucem^s du som-
meil.
Le lendemain, à là "Visite des prisonniers , j'ob-
tins d'être mis à la pistole; c'était une des cham»^
hres du geôlier où j'avais toutes mes commodités,
et pour laquelle je payais vingt sous par jour.
Quelquefois le lieu le plus triste en apparence ,
devient pour nous un séjour enchanteur ; c'est ce
qui m'arriva dans cette situation désagréable. Mon
maître-d'hotel , qui m'avait fait prendre l'air, avait
une lille d'une beauté rare, élevée à Paris; elle
était allée au château de Silleri , où j'avais eu oc-
casion de faire sa connaissance, lorsque mon oncle
et compagnie avaient élevé une brasserie à la Gla-
cière. Nous nous reconnûmes : nous parlâmes
souvent des fêtes, des parties de plaisir qui avaient
eu lieu alors.
Comme noti'e conversation liii rappelait uit
temps où elle avait été heureuse, elle s'efforça de
diminuer les chagrins de ma captivité. La nuit
étant venue, et tous les détenus sous clef, nous
allions nous promener, passer les soirées dans des
maisons où nous étions sûrs de ne point rencon-
trer de militaires ; elle me procurait un vêtement
bourgeois pour que l'on ne pût me reconnaître.
Au bout de huit jours de détention, ce que l'on
appelle militairement faire un quart de lune , je
(55)
rcrlis Tordre de sortir et de continuer mon ser- 1-^4,
vice. Ce moment qui me rendait la liberté , et qui
aurait procuré de la satisfaction à tout autre pri-
sonnier, ne me causa que de la douleur. Le geô-
lier, à la manière des gens de son état, avec i\n
langage brutal , des façons grossières, m'avait déjà
prévenu de ne pas venir le voir quand je serais
sorti , pas même pour le remercier des soins qu'il
avait eus de moi lorsque j étais resté chez lui. Je
fus donc privé de me retrouver avec la belle qui
m'avait consolé, et je n'étais pas assez rusé pour
former avec elle une liaison ou une intrigue.
(54)
CHAPITRE IX.
1 jg2. Le 1 5 octobre, le temps ayant constamment été
mauvais , les Prussiens , qui avaient pénétré dans
les plaines de la Champagne, furent forcés de ré-
trograder. Des remparts nous aperrûmes les mou-
vements de l'armée. La garnison exécuta diverses
sorties , toutes avantageuses , dans lesquelles ou
prit des caissons, des voitures de vivandiers ou
de corps , ainsi que des soldats autrichiens qui les
escortaient .
Le butin l'ut considérable et vendu à l'encan j
le produit distribué au marc la livre (au marc le
franc) entre ceux qui avaient partagé le danger :
on en agit toujours de même en pareilles cucons-
tances.
Je ne pouvais me lasser de remarquer et d'ob^
server les prisonniers. Je voulais savoir comment
ils étaient habiUés, comme ils se trouvaient armés,
et de quelle manière ils se servaient de différents
objets qui n'étaient pas en usage parmi nous.
La retraite de l'ennemi s'achevant , on vit un
matin la plaine couverte d'hommes. On tira le
canon. On fit sortir six compagnies de la ville
basse ; pendant la moitié de la journée elles se
battirent en tiraiOeurs et résistèrent au feu de peut-i
être 5,ooo Impériaux.
(53)
Un détachement de la garnison se porta sur inc^'?,
Marville, où il trouva beaucoup de voitures de
bagages et une pièce de cauon de 5, qui, par la
mort des clics^aux, les mauvais chemins, étaient
abandonnées.
Lorsqu'une portion de l'armée française ariiva,
Montmédi fut débloqué. Nous revîmes avec joie
nos compatriotes. Nous apprîmes par un commis-
saire de la Convention nationale, chargé de jour-
naux , de décrets , dont la lectme eut lieu pendant
des jours entiers, en chaire, dans l'église, que le
royaume était érigé en république depuis le 22
septembre (i), que la nouvelle ère comptait de ax 1.
cette époque.
(1) Par décret de la Convention, du 5 octobre 1793,
la première année de la République française a com-
mencé à minuit, le il septembre 179*2, et a fini à mi^
nuit séparant le tii du 23 septembre 1793. Le décret
qui fixait le commencement de la seconde année au 1''
janvier 1793, a été rapporté.
Cliaque mois , d'après le décret du 4 frimaire an 2 ,
était divisé en trois parties, de dix jours chacune, ap-
pelées décades. Les noms des joiu-s de la décade étaient :
Primidi , duodi , tridl , quartidi , quintidi , sextidi , sep-
tidi , octidi , nonidi , décadi.
Les noms des mois étaient, pour l'automne:
Vendémiaire , brumaire , frimaire.
Pour l'hiver : nivôse , pluviôse , ventôse.
Pour le printemps : germinal , floréal , prairial.
Pour Tété : messidor , thermidor , fructidor.
Les cinq derniers jours s'appelaient jours sans-culotides.
D'après le décret du 7 fructidor an 3 , ils ont porté
les noms de jours complémentaires.
( 5t! )
/;92. En réjouissance de ce que le sol de la liberté
AU 1. était purgé des liordes qui l'avaient souille , on tira
une quantité prodigieuse de coups de canon. J'é-
tais alors sur le rempart au-dessous d'une batterie
croisée. Me trouvant alors vis-à-vis d'une embou-
chure au moment que l'on mit le feu aux pièces ,
je fus électrisé : le sang me sortit en grande abon-
dance par le nez et par la bouche ; c'était l'eflet
de la commotion. Je ressentis beaucoup de mal
sans être blessé.
Dans le blocus , le service était si actif, que je
ne quittai pas ma giberne pendant huit jours con-
sécutifs. J'avais été de garde, de corvée, de dé-
couverte , de planton ou de détachement ; cepen-
dant ma santé n'en fui altérée en aucune manière.
Rapport des opérations ch Moîilméelî ^ du ùtaoïU
au 20 octobre (i).
« Vingt - sept mille Autrichiens, commandés
» par M. de Clairfait, investirent la forteresse de
)» Montmédi dans la journée du 5i août. Déjà,
>» par l'ordre du général , on avait fabriqué les
), ^Tils pour tirer à boulets rouges sur la place ,
» lorsque la prise de Longwi et de Verdun , ]:)ar
» les Prussiens , lui fit prendre la résolution d'a-
» vanccr dans l'intérieur de la France , laissant
» devant INlonlmédi 3,ooo hommes pour en for-
» mer le blocus. Le général Ligniville, dans la vue
H d'aliàiblir l'ennemi , fit de fréquentes sorties , et
» eut toujours le bonheur de léussir dans ses cn-
(i) Diclionuairc liistoiiriue des batailles, 4 vol. in-S".
A\ l.
( 57 )
» treprises , soit qu'il voulût enlever des vivres i-qo»,
» sous les yeux de remiemi pour ménager les ap-
» provisionnements du sié^^e, soit qu'il lenlàt de
M taire lever le camp aux troupes qui le bloqisaient.
)r Peudant sept semaines la garnison de IMontmé-
» di suffit à sa déieuse ; mais tous ses efforts ne
» ]iurent parvenir k éloigner des murs de la ville
» mi ennemi dont les forces étaient toujoms aii-
» mentées par de nouveaux renforts ; la victoire
» de Valmi et la retiaite des Prussiens décidèrent
» de son sort. Les habitants recueillirent alors le
») fruit de leur glorieuse persévérance et de leur
» attachement k la Patrie, et les troupes jouirent
» de la gloire d'avoir résisté aux forces supériem-es
w d'un ennemi puissant, et d'avoir conservé k la
» France une forteresse intéressante pour la dé-
M fense de ses places du Nord. i>
Le 1-2 novembre, la garnison lit une pointe sur
1-abbaye d'Orval , k deux lieues de Montmédi , au
milieu des bois, k l'extrémité du Luxembourg. Ce
couvent fut mis k contribution. Le détachement
qu'on y envoya réunit beaucoup de butin y que
l'on vendit k l'encan et que l'on partagea entre
tous les individus dont il était composé.
L'état de tranquillité étant revenu, nous passâmes
te temps assez agréablement , n'avant qu'un ser-
vice bien léger en compaiaison de celui très-diffi-
cile que nous avions eu pendant le blocus.
Les fatigues essuyées par les volontaires avaient
usé leurs vêtements ; il fut résolu qu'on en con-
fiée lionnerait de nouveaux. Montmédi ne préseu-
( r>8 )
i-Q-î. tant pas assez de ressource, on était, vu Furgence,
AN 1. eraJDarrassé du moyen à mettre en usage à cet
efïet.
Un tailleur de la compagnie me proposa de me
joindre à lui 5 nous réunîmes quelques individus
qui apprirent a coudre, et noiis fîmes des culottes;
ce qui nous procura quelqu'argent.
Le -2. décembre, les Prussiens s'étant emparé
de Francfort par la trahison des habitants, la gar-
nison fut massacrée. L'on dut penser que mon
frère , qui en faisait partie , avait été tué , vu qu'il
était fort exact à donner de ses nouvelles et que
l'on n'en avait pas reçu. J'eus connaissance que
l'on avait pris le deuil dans la famille , et que l'on
s'attendait à ne jamais le revoir.
,„q3^ Le 1^*^ février, ayant obtenu une permission
d'un mois, je partis avec un caporal de Venteuil
qui était aussi de la 2'"^ compagnie. Nous vou-
lûmes voir le pays pai* où les Prussiens étaient
passés , afin d'avoir une juste idée des retranche-
ments qu'ils avaient élevés pour se défendre ; c'é-
tait la nouvelle de tous ceux qui voyageaient dans
ces parages.
Le 2, nous entrâmes à Dun.
Le 5, nous nous rendîmes à Varennes.
Le 4 1 nous nous transportâmes à Sainte-Méné-
hould.
Le 5 , nous allâmes à la Lune, qui n'était qu'un
moulin dans la plaine, sur un monticule duquel
l'horizon visuel s'étend fort loin. Il était hérissé
de retranchements coupés par la grande route où
XV I.
( 5o ) ^
les Prussiens eurent une défaite complète le 20 1-103.
septembre 1792, sous le nom de bataille de Val- am 1.
mi. La perte qu'ils éprouvèrent dans cette circons-
tance , eut lieu autant par le feu des Français que
par l'espèce d'inanition dans laquelle les avait
plongés une diarrhée occasionée par les raisins
trop verts qu'ils avaient mangé , et les pluies mal-
saines dont ils avaient ressenti les funestes effets.
Le 6 , nous passâmes à Gourtisols , village re-
marquable par sa longueur ennuyeuse.
Le 7 , nous continuâmes notre chemin par Châ-
lons-sur-Marne.
Le 8, nous traversâmes Jalons, ainsi qu'Epernai»
J'arrivai chez mon père ; mon camarade alla chez
ses parents.
Ma mère fut très-flattée de me revoir. J'ai tou-
jours eu pour habitude, lorsque je me rendais
dans ma famille, de ne jamais la prévenir. Mon.
père était alors en Flandre ; on s'attendait à son.
retoiu" de jour en jour. Quand mon congé fut ex-
piré , je ne voulus point partir sans l'avoir em-
brassé ; je crus pouvoir me dispenser d'écrire au
corps ^ attendu le peu de temps qu'il y avait d'é-
coulé en sus de ma permission. Je me proposais
d'y retoiu-ner au plus tôt, quoique mon zèle pour
le service se fût beaucoup ralenti depuis que l'on
m'avait mis en prison , me rappelant toujours que
l'on punissait facilement lorsque l'on avait com-
mis la moindre faute ; mais que l'on récompensait
difficilement les belles actions ou un service dis-
luigue.
I.
(Co)
i;93. Mon père étant revenu de son voyage, me dit
A^ i. qu'il connaissait à Paris quelqu'un qui avait beau-
coup de crédit; que, si je voulais quitter le ser-
vice, je pourrais m'en retirer aisément, attendu
que je n'avais pas 1 8 ans , et qu'avant cet âge on
ne pouvait contraindre de servir. Il me repré-
senta le peu d'avantasje que j'en avais retiré ; il
ajouta que, si je ne retournais pas au corps , il me
placerait auprès d'un de nos parents qui avait un
emploi avantageux à Arras ; que ce monsieiu' me
protégerait, que j "entrerais dans la partie qu'il oc-
cupait, et que j'y obtiendrais de l'avancement.
Il m'assura que , dans cette nouvelle carrière , je
serais plus heureux que dans le militaire , où j'é-
tais depuis i8 mois sans avoir obtenu de grade. Il
me donna jusqu'au lendemain pour me décider
sur la proposition qu'il me taisait. Je réfléchis
toute la nuit , et je répondis que je voulais rejoin-
dre le bataillon.
Le 6 mars, je me dirigeai sur Reims.
Le 7, je me mis en route avec un jeune homme
qui se sentait des dispositions belliqueuses. Nous
couchâmes le même jour à \'ouziers.
Le 8, nous nous rendîmes à Stenai, où nous
apprîmes que le 4^ de la JMarne était paiti le
même jour de Montmédi pour Givet.
Le 9 , en suivant ses traces , nous allâmes à
Cariguan et à Sedan, où nous trouvâmes le ba-
taillon.
Le lo, nous nous dirigeâmes sur la place de
Mézières.
(6i )
J'appris que, par "longue absence, ayant dé- i«q3.
passé ma permission de six jom-s , j'avais été rem- a.n i.
placé le 7 mars. Je me présentai, avec mon com-
pagnon de voyage , chez mon capitaine qui me
témoigna ses regrets. Je le lui présentai, en le
pj'iant de l'accepter pour mon remplaçant. J'ajou-
tai que je ne voulais plus rester dans sa compa-
gnie, n'ayant que 17 ans et n'étant pas contraint
de servir à cet àgc-là. Mon camarade fut ii^lmis.
IN'ous quittâmes cet officier et nous nous prome-
nâmes. Le lendemain il y eut séjour, dont. je ne
crus pas devoir profiter, afin de demander un
congé absolu pom- être entièrement libéré.
Le 12, quand le bataillon se mit en marche, je
pris , sans faire aucun adieu , le chemin de Lau-
nois.
En route, je rencontrai un corps entier de gen-
darmerie: je saluai le commandant et continuai
mon chemin.
Je sentis , à la vue de cette troupe , que j'avais
eu tort de ne pas avoir demandé la veille un titre
pour être en règle, plutôt que d'être parti sans
avoir rempli cette formalité.
Le 1 5 , avant traversé Piethcl , j'allai coucher à
Tagnon , qui en est éloigné de deux lieues.
Le i4, ne voulant point entrer dans Reims,
parce que l'on demandait les papiers aux portes
de la ville, je passai sur le pont de Cormontreuil
C{iie je connaissais. Je regagnai la route de Cha-
mcri. Quoique j'eusse fait un grand détour, une
forte marche, je crois que la nature m'avait prêté
5.
1793.
4N 1.
( 60
des ailes ; car j'arrivai la nuit en très-peu d'heures
chez mon père.
La surprise fut grande dans la famille en me
voyant de retour. Je racontai les particularités de
mon voyage , et la résolution que j'avais prise de
ue plus servir : on y applaudit entièrement.
(63)
CHAPITRE X.
Le 17 mars, ayant endossé mes habits bour- ^79^*
geois , je montai dans la carriole de mon père j -"^^ ^'
nous nous mîmes en route tous les deux. Nous
passâmes par Reims et couchâmes à Berri-au-Bac.
Le 1 8 , nous nous dirigeâmes siu* Corbeni : c'é-
tait dans son abbaye de Saint - Marcoul , que les
rois de France, de temps immémorial, venaient
après leur couronnement à Reims, toucher les
écrouelles. Nous étant dirigés par Laon, nous cou-
châmes à la Fère.
Le 19, nous allâmes par Cerisi à Saint-Quen-
tin^ et nous nous arrêtâmes à Péronne.
Le 20, ayant dîné à Bapaume, nous arrivâmes
de bonne heure à Arras, où nous descendîmes
dans une auberge.
Mon père profita de son voyage, pour faire des
offres de service , ou pour toucher de l'argent des
marchands à qui il avait fourni des vins.
Le 2 1 , nous nous présentâmes chez M. Collar-
deau, notre parent, garde-magasin des fourrages;
lui et son épouse nous reçurent très-bien. Ils m'en-
gagèrent à les contenter pendant le temps que je
resterais avec eux. M. Collardeau me fit chef d'a-
teUer , aux appointements de cent francs par mois.
_ ( 64 )
i-q3. Il nie dit que , pour ctrc toiijoiirs à portée de cou-
an 1. naître, d'exécuter ses ordres, je prendrais, en
qualité d'allié et d'ami , ma pension chez lui, à
laison de quarante-cinq livres par mois. Il ajouta
que je serais admis dans les tctes qu'il donnerait ,
et que j'y passerais agréablement le temps de loi-
sir que ma place me laisserait.
Mon père me voyant employé, voulut que je
fusse aussi élégamment mis que les personnes que
j'allais fréquenter (i). Il envoya chercher le tail-
leur de mon cousin, et lui dit de me faire promp-
tement des vêtements dans le dernier goût.
Il manda aussi le cordonnier , le chapelier , et
leur tint le même langage, relativement à ce qui
les regardait pour leurs fournitures.
Il me donna de l'argent, et invita mon parent à
m'en avancer si j'en avais besoin, en lui disant
qu'il le lui remettrait. Il me fit faire la connais-
(i) Les individus qui suivaient alors les modes, rece-
vaient des qualifications dérisoires : on les nommait mus-
cadins ou incroyables. Ces jeunes gens étaient en oppo-
sition aux révolutionnaires appelés sans-culottes , qui
affectaient un costume particulier. Il consistait en un
bonnet de laine rougè , avec une large cocarde tricolore
( rouge , bleue et blanche ) . Ils avaient de gros sabots.
Leur accoutrement était composé d'une veste et d'un pan-
talon , très-souvent percés aux coudés et aux genoux. Ils
Re portaient ni bas ni cravate ; ils n'avaient point de
gilet ; leur poitrine se trouvait toujours à découvert. Leur
armure était une pique en 1er, afin d'opérer des arres-
tations , et d'assister aux exécutions pour cause d'opinion
politique.
(65)
saacc d'iiii particulier de Daincri , qui demeurait i-ç^"^.
à Airas. 11 m'engagea à le voir souvent , tomme an u
tétant un gaiçon qui avait beaucoup d'expérience ,
et qui pouvait m'aider de ses conseils. Je fus avec
ce monsieur, louer une chambre dans la rue des
Quatre-Visages.
Mon père, après avoir terminé ses affaires, étant
tranquille siu- mon sort , prit congé de M. et de
JM"'*" Collardeau, ainsi que de leur famille. Je le
conduisis jusqu'au bout du faubomg, sur la route
de Bapaume.
Après l'avoir embrassé, il s'éloigna. Ayant pris
le chemin de la ville, il était presque nuit, je me
trouvais si accablé de son départ, que j'eus de la
peine à me diriger chez M. Collardeau; je ren-
fermai mon chagrin dans mon coeur.
Il fut convenu que le lendemain je viendrais de
bonne heure , pour accompagner mon cousin aux
magasins ; qu'il m'installerait , me ferait connaître
de ceux à qui je communiquerais les ordres par
la suite, et qui m'obciraient comme étant leur
chef. Je me retirai pour gagner mon nouveau lo-
gement. Etant occupé de ce qu'il me fallait entre-
prendre , je me trompai de rue et allai je ne sais
où. N'apercevant rien de ce que j'avais vu dans
le quartier que je devais habiter, qui pouvait me
servir d'indice, je voulus demander la rue, mais
son nom ne revint point à ma mémoire. Je courus
jusqu'à minuit , sans avoir pu rencontrer quelque
chose qui me fit distinguer la maison : enfin l'ayant
trouvée , la maîtresse du logis parut mécontente
S
(66)
iy(j3. après moi, attribuant mon retard au libertinage.
A^ 1. Toute la nuit je réfléchis au travail du lende-
main. Je voulais me tracer un plan de conduite,
calqué sur ce que mon père m'avait dit avant de
nous séparer. Je craignais, attendu mon peu d'ex-
périence, de m'en rapporter à moi-même; mais
je ne savais à qui me confier. Destiné à tenir un
rang, je devais être plus en état de commander,
que de prendre des conseils d'un étranger qui au-
rait pu m'égarer et m'entraîner dans quelques
fautes que je n'aurais pas prévues. La nuit se passa
dans un conflit d'idées qui m'empêchèrent de fer-
mer l'œil, et de rien fixer de certain pour l'avenir.
Cependant , je me trouvai le matin chez mon-
sieur CoUardeau , qui me conduisit au magasin à
avoine ; il me présenta aux ouvriers auxquels il
prescrivit de m'obéir comme si c'était à lui-même.
M'ayant remis le détail de mes occupations , il
m'installa de suite dans mon emploi, qui consis-
tait à recevoir les bons des paities prenantes , et à
fournir les rations.
Il alla ensuite surveiller le magasin des four-
rages , qui était considérable.
Lorsque je fus seul , j'apportai toute mon atten-
tion pour ne pas me tromper : je m'apperçus
bientôt qu'avec de la bonne volonté et l'applica-
tion au travail, j'aplanirais les difficultés.
Quelques jours après, je connaissais l'impor-
tance de mon service, ainsi que les ouvriers sous
mes ordres, au nombre de io8. Je voulus , pen-
dant les heures de récréation , qui étaient depuis
( «7 )
le matin jusqu'à 9 hciu-es que l'on ouvrait le ma- ijg'i,
gasin, et depuis 5 que l'on finissait le travail an i.
jusqu'au soir , faire marcher le plaisir de pair avec
les occupations ; cela me réussit à merveille. Ma-
dame Collardcau avait trois demoiselles chai-
mantes, qui aimaient la société, où elles figuraient
avec beaucoup d'avantage et d'éclat par leur jeu-
nesse, leur extrême gaité et leurs talents. Lancé
dans le monde, par l'intermérliaire de ces dames,
j'éprouvais, chaque jom-, des jouissances nou-
velles : tout devenait pour moi enchantement.
C'était quelquefois dîner de cérémonie, bal ou
soii'ée agréable ; d'autres fois , promenade ou spec-
tacle. Jamais je n'avais un instant de repos. Sous
le rapport de la toilette, je n'avais rien à désirer :
car je me procurais tous les habits qui pouvaient
me flatter.
Madame Gollardeau avait la complaisance de
me donner des leçons, lorsque je parlais ou que
je faisais quelque chose qui dérogeait à l'usage
du bon ton, de la bonne société. Je ne tardais pas
à m'apercevoir que l'éducation d'un jeune homme
par une femme aimable, surpasse celle de tous
les meilleurs maîtres.
Mon existence était bien différente de celle
que j'avais étant sergent, où je ne m'occupais que
de service , d'exercice , de théorie , d'escrime ,
d'ordonnances et de consignes de place.
Ayant vécu quelque temps dans cet état de
prospérité , je sentais, malgré mon bonheur, qu'il
me manquait encore quelque chose. Je fis une
(fis)
,~op. maîtresse; c'était une Savoyarde, espèce d'avcnr
AA 1. turière, d'environ 2 5 ans, bien aimable et très-
jovifJe. Elle avait le langage fort gai, spirituel;
ce qui, dans mon inexpérience des femmes, ne
manqua pas de me séduire. J'éprouvai bientôt
qn "aimer était jouir; que jouir à satiété était ccSt
ser d'aimer. Cependant je conservai la connais-
sance de ma marmotte ; je lui rendais visite de
temps à autre.
Un soir j'étais au spectacle, au parterre : on
nie vola mon porte-feuille dans la poche de ma
redingote; il contenait quelques assignats de cinq
francs et mes papiers , au nombre desquels était
ma carte de sûreté dont il fallait alors être muni.
Je m'occupai de suite à me procurer d'autres
pièces.
J'écrivis à mon père, qui m'envoya extrait de
mon acte de naissance, avec un certificat de ci-
visme dont voici la copie littérale : ,
Liberté, égalité. Département de la Marne, district
d'Epernai, municipalité et canton de Dameri.
<( Nous , maire , officiers municipaux et no-
» tables, certifions, attestons à qui il appartien-
)' dra, que le citoyen Médard Bonnart, né en
» cette viUe , nous a montré , dans toute circons-
» tance, beaucoup de civisme, et ne s'est jamais
» démenti du plus pur patriotisme.
» En foi de quoi nous lui avons délivré le pré-
» sent, pour lui servir et valoir ce que de rai-
» son. »
9-
(%)
» Délivré en la maison commune de Dameri, i-g^.
» le 16 juin 1795, l'an i*" de la république. an i.
» Signé Bn.LARD , Pageois , Bejnard , Joseph
» BEiNARD , notables ; Che^c , Massojn ,
» BftET , POMMELET , MaRTIN - TrL'IMEAU et
» Delaruelle , officiers municipaux ; Dé-
') CARME, prociu-eur de la commune; Petit,
M Maire et Dumilly, secrétaires.
>» Le sceau de la commune est apposé au bas
» du certificat. »
Mon père étant venu avec un de ses amis , me
procura le plaisir de le revoir ; il fut content du
bien que mon cousin et sa famille lui dirent de
moi. Ayant formé, k cause de la proximité de
l'armée , un magasin de vins rouges eu cercles , et
de blanc mousseux en bouteilles , il me chargea
de la vente, et d'en recevoir les fonds pour les
lui envoyer.
Mon père acheta des huiles de colza et de na-
"vette, qu'il expédia en retour poarDameri, par
les voitures qui avaient amené ses vins à Arras.
(7o)
AK I
CHAPITRE XI
Ï793. Le 5i juillet, les diverses administrations, me-
nacées par les progrès de l'ennemi qui venait de
prendre Valencienues, se fixèrent à Arras. M. Gol-
lardeau sollicita poiu* moi de Tavancement, afin
de me récompenser de mon zèle et de mon tra-
vail.
Voici la copie du titre qu'il obtint :
Armée du Nord. — Subsistances militaires.
— Fourrages,
« Je soussigné, régisseur général des subsis-
» tances militaires, ai, en conséquence des pou-
» voirs à moi donnés de l'administration, établi
» et nommé provisoirement, sauf son approba-»
» tion , le citoyen Bonnart , en qualité d'aide-
» garde-magasin, aux appointements de 173 liv.,
» lesquels auront lieu à compter du i**^ de ce
» mois.
» La présente commission révocable quand il
» me plaira et à ma volonté.
» A Arras, le i5 août 1793, l'an i^' de la ré-
» publique.
» Cachet.
» 5/27ze DoizY. »
'o
(y )
Cet avantage, prouvant le cas que Ton faisait i^gs.
de moi, et qui portait mes appointements à 2,100 an 1.
livres par an , m'enthousiasma ; il enflamma telle-
ment mon amour-propre , que je redoublai d'ap-
plicatiou à remplir mes devoirs.
L'instant où cette commission me fut donnée ,
peut être mis au nombre des jours les plus beaux
que le sort m'a accordés.
Il est certain que le jeune homme, encouragé
par une semblable faveur , est en état de donner
l'essor à des talents qui seraient restés dans l'on-
bii.
On ajouta à mes soins la direction de deux cou-
vents remplis d'avoine, où chaque jour il entrait
des centaines de voitures, d'où il en sortait une
même quantité pour l'aimée. Je fus chargé aussi
des viandes salées que l'on expédiait sur les places
menacées d'être assiégées.
M. Collardeau ayant besoin de 200,000 francs
en assignats , fut obligé d'envoyer au quartier-gé-
néral à Dunkerque. Pour cette mission déhcate,
il daigna jeter les yeux sur moi en qui il avait une
entière confiance. Il me donna ses instructions
par écrit , avec lesquelles j'allai au comité de sur-
veillance , chercher une autorisation pour obtenir
le permis dont suit la copie littérale :
Passe-port. République française , département du
Pas - de - Calais y district et numicipalité d'Ar-
ras.
« Laissez passer le citoyen Médard Bonnart ,
n aide-garde-magasin des fourrages , domicilié eu
(70
i-^Q^- " ^^^^^ ville, âgé de i8 ans, taille de 5 pieds 7
AN 1. » pouces (i mètre 8i4 millimètres), cheveux et
» sourcils châtains clairs , yeux gris , nez épaté ,
» bouche moyenne, menton rond, front large,
» visage marqué de petite vérole ; et prêtez - lui
)' aide et assistance en cas de besoin , pour se ren-
» dre au quartier - général , d'après l'ordre du
M citoyen CoUardcau , et d'après im billet du co-
» mité de surveillance.
» Délivré en la maison connnune d'Arras, le 8
» septembre 1790, i*^' de la république une et
» indivisible.
» Simple Bo^NART, RouvREY ct Brocquiart,
» par ordre.
» Le sceau est apposé au bas de la pièce origi-
»> nale.
» Vu au comité de surveillance de la place, le
» 8 septembre, i*^"^ de la républicfue une et incli-
» visible, pour aller au quartier-général du ci-
» toyen llouchard, commandant en chef.
» Signe Dres et Iïermant. »
Muni de cette pièce en règle, je reçus mes dé-
pèches. Te me mis en route le lendemain de grand
matin. Jefaisais d'autant plus volontiers ce voyage,
qu il me procurait le plaisir bien grand pour moi
alors, de monter à cheval. Cette passion me do-
minant , je promenais presque tous les jours un
superbe animal qu'un inspecteur des fourrages
avait laissé à Arras.
Le 9 septembre, je partis à franc étrier sur ce
couisier charmant , ct traversai le terrain où le
AN 1.
(73)
prince de Condé gagna, le 20 août i648, la fa- inç^:-
meiise bataille de Lens, sur les Espagnols com-
mandés par l'archiduc Léopold.
Seul, à 8 heures du matin, dans cette plaine,
je me disais que la terre, en cet endroit si isolé,
renfermait dans son sein une quantité considéra-
ble d'hommes que la guerre avait moissonnés.
Tandis que je m'occupais de ces réflexions, j'en-
tendais ime vive canonnade avec une fusillade
bien soutenue; elles avaient lieu à quelcjue dis-
tance de moi. Toute la ligne du Nord, depuis
Lille jusqu'à Dunkerque, était attaquée ; de sorte
que le roulement de l'artillerie, de la mousque-
terie, formait un tonnerre continuel. Je gagnai le
bourg de la Bassée. Pendant le déjeuner, je causai
avec les gardes nationaux qui venaient de faire le
coup de feu , et d'apporter des volontaires blessés
dans ce combat ; ensuite je me mis en route.
Etant sur le pont, près d'entrer dans la ville
d'Arm entières, je fus étonné de rencontrer le pro-
priétaire du cheval , qui , en m'engageant à le sui-
vre , me dit : « Le danger est trop grand ; vous
» ne pourrez pas obtenir d'argent au quartier-
» général ; tous les employés sonc sur le qui vive :
i> l'armée française attaque aujourd'hui, neuf sep-
» tembre , les Anglais qui sont débarqués aux
» Dunes, près de Dunkerque. »
Comme je persistais à continuer mon chemin,
il ajouta que, si je tenais à remplir mon message,
il fallait que je lui remisse sa bete , parce qu'il ne
voulait pas qu'elle lût sacrifiée ou prise par l'en-
( 74 ) ^
1793. nemi. N'ayant rien à répliquer, je le suivis jusqu'à
a:* 1. Lille, où nous arrivâmes à 5 heures, au moment
que les Impériaux, s'étant avancés de trop près ,
on faisait feu des remparts. Nous pressâmes nos
montm-es qui , quoique fatiguées , nous transpor-
tèrent promplement sous la protection des lorts.
Pendant le cours de cette journée, j'aperçus
de beaux massifs de bois , de longues échappées
de vue. Le soir, je remarquai cette immense quan-
tité de moulins à vent qui environnent la place,
et qui servent, pour la plupart, à broyer les grai-
nes oléagineuses de colza et de navette.
Nous montâmes sur un point le plus élevé des
fortifications, d'où nous observions avec des lu-
nettes à longue vue, les chances et les malheurs
de la guerre. Nous nous estimions heureux d'être
arrivés assez à temps pour ne pas nous trouver
du nombre de ceux qui succombaient sous les
coups des combattants.
Ayant parcouru cette 'grande et belle cité ,
j'observai qu'elle avait des caves où il existe des
cheminées. Ces souterrains sont convertis en lo-
gements : c'est là qu'habitent ceux qui ne tiemient
leur subsistance que du travail des dentelles.
Le I o septembre , l'ennemi s'étant retiré à une
distance respectueuse de la ville, nous profitâmes
de son éloignement pour nous transporter à Ar-
ras , que nous atteignîmes vers le soir.
L'inspecteur, fatigué de son voyage , resta dans
son hôtel.
J'allai pour rendre compte à mon parent de la
V 7^ ;
non-rcussite de mon vova^P o.,«] c
ne.„ent de ,-e,.arq.,er ^'estS ni t' ^ ''""■ '^^'■
f-e aa„, ,a pU. grande afS j^eV;:;"^ ^ -
n -inda, le s„jet de leur cha..ri„ • „, l;^ '*="
répondre, leiu-s sanalots rVdr U '^'^ ""=
-u „,ari avait, l „„it p^Sdentc ' '" ' ''"'
ordre du eo„,i.é ré^Iu^i l'-^tf^rTr"
garde-magasin était nommé et rn,; ^ ""
trée' iV ^fP'^^-^^^re, ayant obtenu une carte d'en
tree, je m'empressai d'all-r c^l..,. "-"'eaen-
la prison des détenus pi:, r mlTr '"""" '
parut fort contrarié de ce „,^ i ' > P°.'""I"«^- «
jenu jusqu'au quartier-'éné aV "' ^n ^''^
fait beaucoup dlances po" "t'S J 1" '' ^^î'
devant magasin. Les fournit» e étalf d " V"
plus considérables qu'il annmlT- "^'
de guerre et ,6 divilL T '? "'" '^ P'^^^'
espérer d'obtenir 'T 1 *'''' '""' P^"^"'''
penses. Je S^ llCZTr '"^ "' ^'-
tenant au courant.lnamt «Te "'00"'''" !'
tont ce qui se passait au mZ!'in .ÎT"'"' ''"
3 apprenais qui se tramait confre ",' 1^' '' """'
^•ientôt que des méchants vo ,h eu l """î
en gémissait en secrer I.o . "''"™' 'a perte; il
plus sérieuses or^ff-";'"""^"^'^^ ''^venant
'euses, on défendu de le laisser conunu-
I.
6
(76)
i'-93. niqncr avec qiû que ce fût; alors il ne m'claît
AN I. plus permis de le voir.
Quelques jours après j'entendis, à minuit, heur-
ter fortement à la porte de ma chambre ; je voulus
me plaindre de ces mauvaises plaisanteiies. Celui
qui avait frappé était un ofilc'er municipal , coni-
missaiie du comité révolutionnaire, escorté de 12
hommes , dont 4 grenadiers armés de fusils ; 2
sans-culottes avec des piques; deux gardes na-
tionaux munis de sabres non dégainés, tenant
chacun un flambeau; deux portant leurs sabies
nus à la main , et les deux autres ayant leurs fusils
avec les baïonnettes. Ces treize individus furent
scandalisés de mes plaintes, et me dii'ent, au nom
de la république, que, si je ne leur avais pas ou-
vert, ils auraient enfoncé la porte. Ils me firent
diverses questions sur ma uaissance , mon pays ,
mon emploi ; ensuite ils retoiu-nèrent mes hardcs
pour s'assurersi je n'avais point d'intelligence ou
de correspondance avec les ennemis de l'état.
Quand ils eurent tout vu , ils s'en allèrent , me
laissant ramasser mes eiïcts qu'ils avaient jetés çà
et là dans ma chambre. Heureusement j'avais un
extrait de baptême et un certificat de civisu;e;
sans ces deux pièces , j'aurais eu le désagréînent
d'être mis en prison sans savoir quand j'en serais
sorti.
Me trouvant sans ouvrage au magasin , je cher-
chai à m'utiliser au bureau. Des employés de l'ad-
ministration générale, résidante à Paris, s'étaient
transportes à Arras poiu- y apurer les comptes de
( 77 )
mon cousin, ce qui leur donna beaucoup d'occu- nnS.
palion. Je classai , par ordre de dates , les bons en an i.
grande quantité, provenant des distributions de
chaque partie prenante , en plaçant dessus des
bordereaux pour connaître le montant des rations
sorties des magasins. Ce travail absorba tout mon
temps, jusqu'à ce que les vérificateurs eussent
rempli leur mission.
Mon parent étant reconnu, par les envoyés,
innocent des inculpations qui avaient été dirigées
secrètement contre lui , ces citoyens prévinrent la
puissance révolutionnaire qu'ils avaient trouvé
les comptes parfaitement en règle. Le comité , di-
rigé par les représentants du peuple, malgré ce
rapport avantageux, traduisit M. Collardeau de-
vant un tribunal spécial. Tout ne respirait que le
sang dans ce lieu tapissé de deuil et de larmes! Je
me trouvais dans un angle de la salle , derrière
mon cousin , afin qu'il ne m'aperçût pas , de
crainte que ma présence ne lui rappelât sa femme,
ses enfants, et qu'il n'oubliât le caractère d'homme
dont il avait si grand besoin dans cet instant. Il
se défendit lui-même, quoiqu'il eût un conseil à
côté de lui. Ses paroles, dont je ne perdais pas
un mot , malgré l'émotion qui m'agitait , avaient
quelque chose de noble, de spirituel et de tant
d'aisance, qu'il fut aquitté à l'imanimité et mis
sur-le-champ en liberté. Je tremblais encore après
Tarrêt prononcé, croyant avoir lévé. Je voulais
courir à la maison pour annoncer cette bonne
nouvelle 5 je ne pouvais pas mai cher j toutes mes
6.
_(78)
1793. facultés physiques étaient comme comprimées,
^N I. En traversant la foule lentement, j'entendais le
peuple dire que le garde-magasin n'était point
coupable ; que les tomments qu'il avait soufferts ,
n'étaient enfantés que par l'esprit de parti qni
voulait dominer sur toute la ville. J'étais flatté de
recueillir ces discours, puisque mon parent, peu
comiu du peuple, inspirait par son innocence un
si vif intérêt. J'arrivai au logis , sautant au cou de
mes cousines, auxquelles je ne pus dire que ces
mots : « Il est en liberté! » Bientôt M. Collardeau
vint rassurer lui-même sa famille sur l'inquiétude
qu'elle avait conçue relativement k son accusa-
tion.
(79)
CHAPITRE XII.
Trots jours après, vers les lo heures du soir, 1^93,
on sonna fortement ; nous étions à jouer aux an u
cartes ; je sautai de la table à la porte , croyant y
trouver des enfants à s'amuser, et me proposant de
les corriger. Je fus très-surpris , lorsque je voulus
sortir _, de me trouver environné d'une quantité
d'hommes armes , tandis qu'un officier de justice,
décoré de son écharpe, descendait de voiture. On
me força à rentrer : j'étais stupéfait de voir ce dé-
tachement. Je me remis, et demandai de la lu-
mière pour éclairer ces citoyens. Mon cousin se
présenta ; il apprit qu'un décret autorisait l'accu-
sateur public à mettre en surveillance les per-
sonnes qui avaient subi un jugement quelconque.
Ce magistrat posa lui-même les scellés sur les pa-
piers particuliers de M. Gollardeauj il laissa une
sentinelle à laquelle il alloua trois livres par jour,
et la nourriture , pour le garder à vue.
Je fus invité, par écrit, à me présenter au dis-
trict , avec ordre de produire mon extrait de nais-
sance. Me trouvant incommodé, et ne pouvant
m'y rendre moi-même, j'envoyai ce titre. On me
fit connaître pour réponse , que je devais me
transporter à l'armée , afin d'y être placé dans uu
régiment , comme étant de la réquisition.
i'"f)3. Je prévins l'ami de mon père de ce qiii m'était
Ay 1. arrivé. Je le priai de solliciter que l'on me laissât
rétablir avant mon départ ; assurant que je m'en
irais dans ma famille , d'où je rejoindrais un ba-
taillon du Département , pour servir avec mes an-
ciens camarades. Il obtint du comité l'efTct de
mes demandes ; je reçus la décision et l'autorisa-
tion de rester à Arras , jusqu'à ce que je tusse bien
portant.
Quelques jours après que M. Collardeau eut
été mis en surveillance, on le transféra à la prison,
sous le prétexte qu'il pourrait s'évader de chez
lui. Il fit une supplique aux représentants du
Peuple, par laquelle il réclamait leur humanité.
Je portai cette pièce chez ces chefs suprêmes ; je
ne les abordai qu'avec beaucoup de peine , à cause
des gai'des en grand nombre qui les entouraient.
Le député de la Convention auquel je m'adressai,
me dit d'un ton brusque : « Que veux-tu? » (i)
Je lui répondis , que j'étais chargé de lui remettre
une pétition de la part du citoyen (a) Collardeau ,
ex-garde-magasin des fourrages, qui était en pri-
(i) La folie révolutionnaire était poussée au point que
l'on se tutoyait , sans qu'il y eût de décret rendu à ce
sujet j mais cet usage, contraire à Turbanité française,
n'a existé que pendant les fuieurs de l'anarchie, en 1793
et 1794 ( ans 1 et 2 ).
(») On se servait du titre de Citoyen dans les écrits ,
devant le-; employés publics ; mais l'habitude entraînait
à se servir quelquefois de la qualification de Citoyen ou
de Monsieur, dans la conversation.
( 8. )
son. Il riposta que Collardcau ctaÎL un fripon; i-f)",.
qu étant guillotiné , il ne recevrait que le châti- au i.
ment dû à ses rapines ; que moi , j'étais bien osé
d'avoir pénétré jusqu'au sanctuaire de ses secrets :
il appela un planton pour me mettre à la porte.
Je le priai , avant que je sortisse , de lire le placet ;
ajoutant que je ne serais satisfait qu'après que je
saurais quHl en aurait pris connaissance, puisqu'il
serait convaincu que le prisonnier pour qui j'in-
tercédais était innocent. Il se courrouça de mon
observation , en voulant m'expulser. Je m'obslinaî
à rester. Mon ton de fermeté ne parut pas lui dé-
plaire. Il prit la requête et la lut tout haut. Quand
il eut achevé, je lui demandai quelle était sa ré-
ponse ; il répliqua qu'un tour à la guillotine met-
tiait à la raison tous les anciens employés des
fourrages. Eu frémissant d'iiorrem-, je m'éloignai
sans plus tarder !
M'étant rendu , bien affligé , chez ma cousine ,
je lui racontai les particularités de mon message;
elle en fut désespérée.
Elle me dit d'aller voir son mari , et m'engagea
surtout à lui taire les circonstances les plus acca-
blantes de sa situation future , craignant qu'il ne
succombât à son malheur.
Je parvins à la prison ; mes yeux apprirent à
mon parent, qui connaissait le cœur humain, la
triste nouvelle que je lui apportais. Lorsque nous
eûmes épuisé la conversation sur tout ce qui le
coiicernait_, je lui parlai de l'invitation que j'avais
reçue de paraître au comité, et de la décision qui
AK I.
( 80
avait été prise à mon égard. II me conseilla de
m'éloigner d'Arras , où j'aurais à éprouver quel-
que désagrément , si j!y restais plus long-temps.
Il me recommanda, lorsque je serais à Dam eri ,
d'aller à Olizi, voii' M. Bertauk, son beau-père ,
pour lui raconter le malheur qai lui était arrivé. II
ne voulait point lui écrire , de peur que sa lettre
ne fût interceptée et ne compromît quelqu'un. Le
député Le Bon, envoyé alors par la Convention ,
en mission à Arras , sa patrie, que je connaissais,
dont j'avais à redouter la colère , et qui était
acharné à nuire à mon bienfaiteur , le persécutait
en toute circonstance (i). Voyant, comme M. Col-
lardeau , que l'orage grondait sur la tête des an-
ciens employés des fouiTages , je me décidai k
me diriger vers ma famille , de crainte qu'un jour
de plus dans la ville ne me devînt funeste. D'un
autre côté , ne pouvant plus être d'aucune utilité
à mon cousin, je lui fis mes adieux , et formai des
vœux au ciel pour son prompt élargissement.
Je retournai voir ma parente , en lui promet-
tant de me présenter chez son père. Ayant gagné
(i) Ce Le Bon, partisan dangereux delà révolution,
faisait guillotiner chaque jour une grande quantité d'in-
dividus , sous prétexte que leurs opinions n'étaient pas
favorables à la prospérité de la république. Il fut con-
damné le 5 octobre 1793 ( i3 vendémiaire an 4 ) ? P«^**
le tribunal criminel du département de la Somme , et
subit, à Amiens, la peine de mort, à l'âge de tiente
ans (*).
(*) Extrait du nouveau Dictionnaire liistoritjue des grands hommes.
i3 vol. iu-80.
( 85 )
la vouurc publique, je n'y trouvai qu'une place ,.„-
que je m empressai de retenir. Je m'occupai de A'
touclier une portion de l'argent provenant du vin
que j avais vendu, afin de pouvoir parer aux ac-
cidents du voyage, par un porte-feuille et une
bourse bien garnis. La Savoyarde vint dans ma
chambre. Je la priai de mettre mes habits dans
ma malle , de me l'envoyer , en profitant de la
première occasion, et de m'adresser la clef dans
une lettre par la poste. Je la qui ttai aussitôt , après
lu. avoir Wsse quelques pièces d'argent , en recon-
naissance du service qu'elle allait me rendre
(84)
CHAPITRE XIII.
1701, Le i5 vendémiaire (4 octobre) (i) , je montai,
Aft u. vers les 10 heures du soir, dans la diligence qui ;
partit de suite. Je m'éloignais d'Arras, où je lais- |
sais , avec bien du chagrin , un parent que j'ai- |
mais de tout mon coem' et qui était plongé dans
la plus cruelle adversité, ainsi que sa respectable
lainille.
Combien de choses la peur nous fait entrepren-
dre! Que la jeunesse est imprévoyante! JN'ayant
pris qu'une chemise et un serre-tète , j'avais con-
fié mes effets , qui valaient beaucoup d'argent , à
une femme que je savais n'avoir point de domi-
cile lixe ni de moyens d'existence; qui pouvait
partir avec ma malle sans que j'en entendisse ja-
mais parler.
La diligence s'arrêta à Bapaume, où nous déjeu-
nâmes; ensuite, continuant notre route, nous mî-'
mes pied à terre à Péronne, vers le soir. M' étant
présenté dans plusieurs hôtels et auberges , il me
tut impossible d'y avoir une place , à cause de la
(1) Par décret du 5 octobre 1793, ce fut seulement
à dat; r du 23 septembre 179^ ( 1^' vendémiaire an 2),
que Ton consigna, d'une manière authentique, l'ère ré-
publicaine daus les actes et écrits publics.
_ ( 85 )
proximité de l'armée et du passage des troupes, inpi.
]î ine vint à Fidée que le i^arde-mag.asin des iour- an u.
raii,cs , qui a^'ait été employé avec moi à Arras ,
])ourrait me procurer à souper et à coucher, pour
cette nuit seulement. J'allai à son logement; il
était ù son magasin; mais la dame où il demeu-
rait, à qui je contai ma contrariété, me lit donner,
chez une de ses amies qui tenait des appartements
garnis , tout ce dont j'avais besoin. "
Le i4 vendémiaire (5 octobre) , je montai dans
la messagerie pour Saint-Quentin ; j'y arpvai d'as-
sez bonne heure, et je passai la soirée à la comé-
die.
Le 1 5 (6) , les chevaux étant mis en réquisition
pour le service de l'armée, je me trouvai dans
l'embarras et ne pus partir, car je n'avais à espé-
rer aucun moyen de transport. Ayant vu une
charrette qui se rendait à la Fère , je m'adressai
au conducteur, qui consentit à me recevoir. J'y
montai. Quand je tus hors de la ville, m'étaut
couché, je m'endormis bientôt, d'autant plus que
la route était belle, et que depuis plusieurs jours
je n'avais pas pris de repos , ayant toujours eu
dans l'esprit le malheur de M . CoUardeau et de sa
famille. Lorsque j'eus gagné la Fère, je doimai
pour boire au charretier. Je logeai à l'hôtel du
Grand-Cerf, où l'on me traita bien , ayant été re-
connu par les maîtres de la maison avec qui mon
père était en relation de commerce.
Le i6 (7)^ je profitai d'une voiture qui allait à
Laon ; il me fut impossible de trouver à manger
( 8fi )
1793. et à concîier dans les auberges de cette ville. La
A>' li. loi du maximum (i) qui venait d'être proclamée,
fixant à un prix fort bas les diverses demées en
tout genre, avait fait fermer les magasins et les.
hôtels. Je me voyais obligé de coucher à la belle
étoile, si je n'avais excité en ma faveur la commi-
sération d'un perruquier qui m'olfrit à souper et à
coucher, ce que j'acceptai avec reconnaissance.
Le lendemain matin , je le récompensai de ce qu'il
avait fait pour moi j ensuite je me disposai à suivre
ma route.
Le 1 7 vendémiaire (8 octobre) , je montai dans
une espèce de diligence qui se rendit de bonne
heure à Reims , et nous déposa sur la place du
marché au blé. Je logeai à l'Ecu de France, où
descendaient les Dameriats ; j'y rencontrai un do-
mestique qui, ayant amené du vin, s'en retour-
nait à vide ; il devait se mettre en route le soir.
A l'heure de son départ, je me trouvai à sa voi-
ture. Nous nous chrlgeàmes sur Dameri , que nous
atteignîmes après minuit.
Rlon père, en ouvrant la porte , fut très-siu-pris
de me voir. Je lui racontai le malheur de M. Gol-
lardeau, le sujet de mon voyage, et lui rendis
compte des fonds que j'avais touchés pour lui à
Arras. Il se faisait tard ; j'allai me mettre au lit.
Après avoir dormi jusqu'à 8 heures, je descen-
(i) Cette loi futrenduele 7 vendémiaire ( 28 septembre )^
Lçs marcliands , d'après un taril", furent forcés de livrer
leurs comestibles aux prix fixés par la loi , sans égard
à celui qu'ils en avaient donné eux-Xîiêmcs.
( «7 )
dis pour déjeuner. Je répétai à mon père, devant i-o3.
ma mère, ce que je lui avais dit à mon arrivée an u.
en me Tci ici tant d'être de retour sans qu'il me lut
survenu quelque catastrophe fâcheuse. Mon père
témoignait son étonnen.ent de me remaïquer si
changé, en comparaison de ce que j'étais lorsqu'il
m'avait quitté à Arras. Je lui dis que les fatigues,
les inquiétudes, les chagrins que j'avais éprouvés,
étaient la seule cause de ma maigreur; que je me
félicitais d'être auprès de ma famille pour reoren-
die mon emboni)oint ordinaire.
I T • 1 •
Je restai plusieurs jours sans m'occuper de
j choses sérieuses. Mon père n'exigeant de moi au-
cun travail , je m'ennuyais dans cette espèce d'a-
i pathie; je n'avais d'autre délassement que de lire,
; d'écrire du matin au soir dans ma chambre , j'en
! devins presque misantrope.
Le 4 brumaire (a 5 octobre) , je me dirigeai sur
jiOlizi, pour y voir M. et M"'^ Bertault, comme je
||ravais promis à mon cousin. Je n'eus pas besoin
jide leur apprendre les événements d'Arras ; ils en
Jetaient instruits par une lettre circonstanciée de
M""" Collardeau. Nous gémîmes ensemble du des-
tin funeste qui accablait la famille. Ayant passé
quelque» heures auprès d'eux, je m'en retournai
le même jour à Dameri,
Un soir, je dis à mon père que l'état de repos
ui quel j'étais livré depuis mon arrivée, était con-
raire à ma santé ; que , s'il le trouvait bon , j'irais
i Chàlous : il y consentit.
Le 9 brumaire (oo), je partis, et arrivai le soir
(88)
j-,)3. dans cette ville. Je descendis dans une bonne au-
A^ n. berge, où je restai quelc^jues jours à me promener,
ce qui dissipa ma mélancolie. Me sentant mieux, ^
je me décidai à m'en aller à la maison paternelle.
Le tem|)s étant beau , j'en profitai pour taire la
route à ])ied.
Le 24 brumaire (i4 novembre), la malle que
j'avais laissée à Arras, me parvint en bon état. La
Savoyarde me donna, dans celte circonstance,
une preuve de sa probité et de son exactitude.
Le () irimaire (26) , mon père ayant reçu une !
lettre de M. Collardean, m'envoya, avec sa voi-
ture, à Olizi. Une des demoiselles Bertault, qui
se trouvait mariée et chez son père, revint avec
moi à Dameri.
Gomme son époux était récemment nommé ré-
gisseur général des vivres à l'armée du Rhin , il
demandait que sa tenmie allât le rejoindre. Cette
dame me proposa de m'emmener avec elle, me
taisant entievoir que je serais dédommagé de la
perte de ma place. Je me trouvais enchanté de
cette proposition. Le jour de notre départ fut
fixé. Je jouissais d'avance du bonheur que j'allais
éprouver : ma malle était déjà prête. J'annonçais
à toutes mes connaissances le changemeilt de mon
sort, sans penser (jue l'on cherchât à me nuire.
La jalousie, toujours ingénieuse à faire du mal,
s'exerça contre moi. Quelqu'un ayant su que je
ne me disposais pas à entrer dans un régiment ,
me dénonça à la municipalité, en disant que je
voulais me soustraire à la réquisition.
(8|>)
Je reçus du sergent de ville l'inTÎtation de pa- i-ol.
raître au conseil de santé. L'on me délivra Toi-dre a.\ h.
d'aller chercher à Epernai une teuilie de roule
pour le 8" bataillon de la Marne (i).
Je voulus faire des observations ; on répliqua
que l'on emploierait la rigueur. Le ton avec le-
C}uel on me parla , me prouva bien que je n'aurais
] ieu gagné en insistant. Ayant mon titre pour
vovager, je pris congé de mes parens, non poxir
me rendre à Siraslîoiirg avec ma cousine, connue
lious en avions le projet f mais ]^our aller à Cari-
£,nan, joindre les réquisitionnaires de Dameri.
Lorsque j'étais heureux à Arras , un monsieur
allié à ma famille , qui avait formé un établisse-
ment en Chine , où il avait été envoyé par le gou-
vernement de Louis XVI, comme ingénieur, ap-
prit que la France était éiigée en république.
^ oulaut s'en assurer par lui-même, il revint dans
sa patrie, et fut employé à l'armée du Nord, dont
il faisait partie lors de l'émigration du général Du-
* mouriez (i). Les circonstances ne répondant point
à l'idée agréable que mon parent s'était formée
des changements opérés dans la monarchie, il
songea à retourner en Asie. Il me proposa de
(i) Le décret du 23 août mettait en réquisitioa les
jeunes gens de 18 k'iS ans. Je dois faire reinarquer que
si cette loi avait été rendue avant le i3 juillet, époque
de ma naissance, j'aurais été exenqjt de partir; mais il
paraît que mon destin me réservait à suivre la carrière
des armes.
(2) Il était passé à l'ennemi j en avril dernier.
( 9" )
i^g3. m'emmener a-vec lui, de pourvoir aux frais de
AN a. mon voyage , à mon état et à mon établissement.
Je me trouvais si bien que je ne voulais pas quit-
ter mon pays. Si j'avais su alors être obligé de
rentrer au service comme soldat, je n'aurais pas
balancé k le suivre.
??^Zi^-^ay^\i^i(^^>
ym^^^:^-^^^a^'' ^-^ ^^^^^n^^i^^i^cy^^^
(9- )
''^•^■U^j^Ut u^-J^^^
CHAPITRE XIY
Le aO Irimaire (i(î décembre), nous partînïcs i*q3,
au nombre de quatre; nous bannîmes ]a tristesse ^n u.
en buvant dans chaque cabaret que nous trou-
vAmes sur la joute , de sorte que le soir nous n'é-
tions qu'à là hauteur de IViOncfcenot. Dansla
journée nous arrivâmes à peine à Reims , qui était
notre lieu d'étape.
Le 27 (17), nous eûmes séjour.
Le 28 (18), on coucha à Rethel.
Le 39 (19), h Launoi.
Le 5o (20) , nous arrivâmes à Mézicres, où l'on
fit séjour.
Le 2 nivôse (22), nous logeâmes à Sedan.
Le 5 (^5), à Carignan.
Le 4 (24), nous trouvâmes le 8"^^ bataillon de la
Marne baraqué à Messincourt , quoiqu'il fit un
froid très-rigoureux. On me plaça à la 8^ compa-
gnie (1).
(i) L'élat-major était composé des CC.
Vallin , chef de bataillon (*).
Lasalle , adjudant-major. 1
(*) Aujourtriiui v'conate , lieutenant-général et gentilliomme de la
chambre du Roi ; décoi é de plusieurs Ordres français et étrangers.
H a figuré d'uue manicre honorable dans la guerre d'Espagne en i8'i3.
_ ( 9^^ )
i 793. Croyant qu'en arrivant au corps , j'aurais reçit
AN II. les vêtements uniformes dont on pourvoit un sol-
dat nouvellement admis , je ne m'étais pas chargé
d'habits. J'avais seulement une carmagnole et un
pantalon dont la couleur lirait sur le marron; j'é-
prouvais im froid extrême.
Ce costume avait quelque chose de ridicule
pour un militaire. Un jour ^ allant à l'exercice',
plusieurs individus de la réquisition me lancèrent
des sarcasmes et m'injurièrent^ parce que je n'é-
tais pas habillé comme eux. Je supportais , avec
une patience forcée , les impertinences qu'ils vo-
missaient contre moi ; mon silence les enhardis-
sait. Je me voyais exposé à devenir, pai^ la suite,
la proie de leurs vexations. Après l'exercice, je
courus à la tête de la compagnie d'où les injures
étaient parties , en provoquant à mon tour ceux
qui m'avaient lâchement insulté pendant les ma-
nœuvres. Le ton énergique que je mis dans ma
provocation les intimida : ils sentirent alors qu'ils
s'étaient mal adressés; que, comme dit le pro-
verbe : « L'habit ne fait pas le moine. » Voyant
Rafllin , quai'tier-maître.
Pêcheux , adjudant-sous-officier.
La 8"' compagnie avait pour officiers , les CC.
Henault , capitaine.
Ciret , lieutenant.
Maiin-Parmentier , sous-lieutenant.
Pour sous-officier , le C.
Paillart , sergent-major,
L'efFectif du corps était d'environ 1,080 hommes.
(93)
qiie leur courage ne se soutenait pas , qu'aucun t«a3,
d^cux nV-tùit disposé à me rendre sadsfaction , je au h.
sautai, dans l'excès de ma colère, sur un soldat
que j'avais remarqué pour avoir été l'agresseur.
Je le contraignis à se battre, ou à me faire des
excuses devant toute la compagnie qwi était en-
core assemblée. Il voiJut se disculper, en jetant
la faute sur les autres; mais, comme je paraissais
déterminé à tirer vengeance de l'insulte que j'avais
reçue, il consentit à ma dernière demande.
Par la suite, je n'éprouvais aucune scène de ce
g€nre. Le lendemain il y eut un assaut d'espadon
(espadron), où je tirai. Je me défendis si bien,
que les réquisitionnaires , qui pour la plupart ne
savaient rien , me regardèrent , vu que j'étais gau-
cher, comme fort dangereux dans les armes. Ils
furent dès ce moment, sinon disposés à me res-
pecter, au moins à ne point me plaisanter k l'a-
venir.
Ces sortes d'épreuves sont ordinairement celles
que l'on met en usage dans les corps pour provo-
quer les néophytes ; elles servent aussi souvent à
faire des victimes : car les anciens croient que
ceux qui n'ont pas suivi la même carrière qu'eux,
ou qui ne sont pas vêtus en uniformes , sont moins
braves. Ceux qui arrivent, veulent, au contraire ,
prouver qu'ils ont autant d'honneur ; de là vien-
nent ces germes de querelles qui causent des bles-
sures et la perte de beaucoup de gens coura-
geux.
Le 12 nivôse (i^*^ janvier), m'étant réuni à i794'
7-
( ',)4 )
1794. quelques amis poiu- fêter le jour de Pan, nous
AI* 11. l'employâmes assez agréablement , sans cependant
que cela fût trop marqué : car la nouvelle ère
avait aboli l'ancien usage de se récréer ce jour-
ià(,).
TranquSle dans mon nouvel état, je voyais les
hommes avec assez d'indifférence. Je n'avais qu'un
petit nombre d'amis 5 les autres me semblaient
tous disposés à me nuire. Pour fuir leur société ,
j'allais à peut-être une demi-lieue du camp dans
im endroit isolé du bois , sur un rocher , au bas
duquel passait un ruisseau qui, par le muraiure
de son onde , me plaisait infiniment. Je lisais ,
dans ce Ueu solitaire , les Aventures de Télé-
maque, que je portais soigneusement avec moi.
Voyant que ce Prince avait conduit un troupeau;
(1) Voici les noms des jeunes gens tle Dameri , au
nombre de 60 qui faisaient partie du 8""' de la Marne :
Anot , Aton David , Bergot Joseph , Bertlielot , Billard
Henri, Billard Nicolas, Bodin , Bonnart Médard, Bou-
let , Canot Martin , Chêne aîné , Chêne jeune , Chenu
Georges, Chiroux Augustin, Ciret aîné, Ciret Théophile,
Ciret Joseph , Delaruelle , Descarme Alexis , Dhuicq , Du-
bois Charles , Filaiue , Gauri , Gonel Isidore , Goutan ,
Grandanii François , Gros Jean , Hotier , Huard Pierre ,
Lalire, Lelarge aîné, Lelarge jeune, Lefevre, Lefevre
Jean-Louis , Lefort , Lépé Narcisse , Leté Georges , Lété
Henri, Lété Nicolas , Liétard François , Lormier , Mahin ,
Marmot , Martin Victor , Masson , Paillart Constantin ,
Paillart Félix , Person , Pinçon , Pommelet , Prévôtot ,
Prud'homme François, Radon aîné, Radon jeune, Re-
iiaid, Ricard Denis, Touchard , Trotou Jean, Vaudoit
Joseph , et Vigreux.
( 03 )
que, loin de s'en affliger, il y avait trouvé des i-c)^,
consolations, je pensais que mon malheur était ak lu
moins grand que le sien, et que je devais sur-
monter le chagrin qui m'oppressait. Des après-
mich entiers se passaient dans cet état de ré-
flexions ; quand la nuit venait, je m'en retoiu-nais
assez tristement dans ma baïaque.
J'allais tous les soirs avec le sergent-major chez
mie vivandière , prendre du cacis , que^ nous bu-
vions en mangeant un morceau de pain de muni-
tion. Quand ce triste souper était fini , nous nous \
retirions sur notre paille où nous passions la nuit.
Il nous est arrivé plusieurs fois d'avoir le matin
les cheveux gelés sur les sacs où reposaient nos
tètes , et d'avoir un pouce de neige sur nos vête-
ments. Ils étaient également gelés de la neige
fondue par la chalem- de notre corps, qui ne
pouvait en faire dissoudre qu'une portion. Les
souffrances que j'endurais dans ces instants étaient
incroyables. Je compaiais ce sort avec celui déli-
cieux dont j'avais joui à Arras. Quand les ré-
flexions m'avaient abattu , je regrettais que la
Parque tardât si long-temps à venir trancher le
fil de mes jours, préférant mille fois cesser d'exis-
ter, que de soufiVir si cruellement.
Je montrai néanmoins du zèle à remphr mes
devoirs; je pensais que tous ceux qui menvii'on-
naient éprouvaient les mêmes privations , les
mêmes rigueurs ; que je manquerais de philoso-
phie , et que j'aurais fort mauvaise grâce à ne pas
faire comme eux. Aussi ai-je exactement monté
( 06 )
'794- ^^ garde. La première tois que je fus en faction,
AU II. je me trouvais sur des ledoutes placées dans la
forêt des Ardemies, ce que i'on appelle commu-
nément en sentinelle perdue. Convaincu de l'im-
portance de mon poste, puisque de ma surveil-
lance exacte dépendait la tranquillité de l'armée ,
je me pénétrai tellement de mes devoirs , que
je les remplis avec autant de soin que de vigi-
lance. '
Un soldat qui descendait la garde par un temps
pluvieux , avait son fusil rouillé ; il s'était aperçu
en faction que l'eau y était entrée. Il démonta
son arme , et , croyant que la poudre se trouvait
«ans force, il s'avisa de mettre le canon au feu
pour fondre la balle. Le coup partit ; le réquisi-
tionnaire eut un genou fracassé. Ce trait prouva
la simplicité de cet individu : on gémit sur son
inexpérience.
Les chefs remarquèrent mes talents dans l'exer-
cire et dans les manoeuvres ; ils surent que j'avais
été sergent, et jugèrent que je n'étais pas à ma
place. Le commandant me fit exempter de ser-
vice ; il me destina le poste d'instructeur pour la
seconde classe. J'en étais d'autant plus flatté que
cela me dispensait d'être désormais exposé , pen-
dant des heures entières, la nuit, à toute la ri-
gueur du froid, sans avoir d'autres vêtements que
ma veste et mon pantalon.
La troupe it'était payée qu'en assignats , pa-
pier qui n'avait presque pas de valeur, tombant
chaque jour dans le plus grand discrédit. Les mi-
( 07 )
îitaires qui n'avaient pas d'autres ressources, se 1794.
trouvaient clans une position fort pénible. an u.
Après avoir disposé les officiers supérieurs en
jna faveur, par un zèle reconnu dans mes devoirs ,
je demandai au chef la permission de me trans-
porter à Stenai. Comme il ne pouvait me l'accor-
der sans se compromettre, il objecta des affaires
pour le corps , me délégua une commission, afin
que sa responsabilité ainsi que la mienne fussent
à couver;. Profitant de cet avantage, j'allai re-
mettre à un ami de mon père une lettre de re-
commandation qu'il m'avait adressée. Il m'accueil-
lit parfaitement. Les bontés dont il me combla
avaient pour moi beaucoup d'attraits. Je compa-
rais la somptuosité de ses repas , la mollesse du
lit où je couchais , avec la nourriture grossière
que nous avions au camp , et la paille pourrie sur
Liquelle nous reposions nos membres à demi-tran-.
sis. Je formais des vœux pour la continuation
du bonheur c[ue j'éprouvais j mais me rappelant
la promesse de rejoindre mon poste, je gémissais
en moi-même d'être obligé de me plojiger de nou-
veau dans la misère. Cet ami de mon père me
donna des assignats : ensuite je retournai au
camp.
Le i3 pluviôse (5i janvier), la nuit de mon ar-
rivée, vers les deux heures du matin, le feu prit
à une baraque contenant 23 hommes et attenant
à celle où je couchais. Me trouvant accablé par
la fatigue de la route, je dormais si profondé-
ment, que je ne pus être réveillé par le bruit des
( 98 )
i;94. militaires qui se sauvaient. Le feu gagna l'endroit
i\ il. où nous étions un pareil nombre. Il faisait des
progrès d'autant plus rapides , que les huttes
étaient bâties en genêt fort sec, et que le vent
souillait avec violence. La porte étant très-étroite,
il ne pouvait y passer qu'un homme à la fois.
Chacun emportait ce qu'il saississait, sans avoir
le temps de choisir les objets. La tlanime ayant
fait une apparition subite , la chaleur devenant
presque insupportable , je me réveillai en sur-
saut. En voulant sortir, j'allais me jeter dans le
brasier; j "étais dans un sac de toile qui m'entra-
vait les pieds , et je ne voyais presque pas clair :
ayant en outre mal aux yeux. Un soldat qui atten-
dait son tour pour s'élancer dehors, devinant
mon dessein , m'arrêta ; me préserva du malheur
inévitable où j'allais me plonger. Ayant recouvré
mes esprits, et étant revenu de l'engourdisse-
ment auquel le sommeil m'avait réduit, je me
rappelai subitement qu'il y avait, dans un coin
de la baraque, une caisse remplie de cartouches.
Je dis aussitôt h ce camarade de m'aider à l'em-
porter; elle ain-ait, par son explosion, fait périr
beaucoup d'hommes, si les étincelles y eussent
communiqué. Je n'eus que le temps de prendre
mon havre-sac débouclé, ce qui fut cause que
mes bardes tombèrent , en courant à la porte qui
était déjà embrasée ; j'en fus quitte pour quelques
cheveux grillés. Lorsque je me trouvai éloigné
du danger , je mis mon pantalon. Un grand
nombre d'individus en chemise, dont les habits
(90)
étaient briilés , ne purent , qu'avec difficulté , se i-jg^.
procurer des vêtements pour se garantir du vent aw h.
froid qu'il taisait . Un réquisitionnaire malade ,
n'ayant point échappé à la vivacité de la llannne,
lut étouflé. Cet incendie était réellement une
Jjclle horreur à voir ; on l'aperçut de fort loin ,
parce que le camp était sur une éminence.
Le matin , ayant pris les armes , on nous can-
tonna dans le village de Messincourt et ceux en-
vironnants. Je n'avais plus d'argent, ayant perdu
dans l'incendie mon porte-feuille et les assignats
qui m'avaient été remis à Stenai.
( 100 )
CHAPITKE XV.
>^t^«^.^
1794. Le 14. pluviôse (2 février), le bataillon fit
AN II. route pour ( Vedette - Républicaine ) Philippe-
ville, et alla coucher le même jour à Carignan.
Le i5 ( 3 ), il se rendit à Sedan.
Le 1 6 ( 4 ) , le corps se transporta à Mézières ,
où il séjourna le 17 ( 5 ).
Le 1 8 ( 6 ) , étant en marche , je visitai , à Ri-
mogne, la fameuse ardoisière de 4oo pieds de
profondeur. Descendant, au moyen d'une lampe,
dans la carrière, qui avait 26 échelles de hauteur,
je vis travailler les ouvriers. Je remarquai que le
procédé pour tarir les sources, était fort ingé-
nieux. Des enfants portaient sur leur dos des
blocs de schiste , afin de les sortir de la mine ;,• on
en fabriquait des ardoises en plein air.
J'arrivai à Rocroi, où je logeai. La ville étant
encombrée de troupes , je ne crus pas devoir re-
nouveler les connaissances que j'y avais faites lors-
que je m'y trouvais en garnison.
Le 19 ( 7 ), le bataillon coucha à Fumai.
Le 20 ( 8 ) , le corps se mit en route. J'obtins
la permission d'aller voir, en passant, la petite
ville de Marienbourg; je rejoignis la compagnie
pi esqu'aussitôt. Nous arrivâmes de bonne heure à
Phijippeville.
( '«^O
On nous mit clans une caserne, où nous limes le irf)|.
,«ervice de la place. a?) ir,
Le 6°^^ bataillon de la Marne se trouvait dans la
même garnison.
Je reçus enfin un habillement neuf; je n'avais
plus l'air d'une recrue. Les réquisitionnaires ne
pouvaient me plaisanter, comme ils l'avaient fait
d'abord; car depuis la satisfaction que je leur en
avais demandée , aucun ne s'était avisé de s'atta-
quer à moi.
Le 1 5 ventôse ( 5 mars ) , je fus nommé four-
rier, et j'entrai de suite en fonctions.
Des partisans , sous les ordres d'un nommé
Charles Legros , du Hainaut , faisaient des excur-
sions dans la forêt de Chimai. On détacha le
S^^ bataillon de la Marne, à Neuville, pour pro-
téger les convois qui arrivaient à Philippeville
par la route de Marienbourg. La nuit, de fortes
patrouilles se rendaient dans les bois , où elles
restaient des heures entières sans causer le moindre
bruit. On vit, dans im instant, une langue de feu
accourir d'assez loin, se fixer sur les fusils qui
étaient en faiscea\ix. Les soldats eurent un peu
d'étonnement, par la raison c[ue la flamme ayant
beaucoup éclairé , avait ensuite disparu avec le
vent. Us racontèrent cette particularité. Je leur
dis que cette lueur se nommait : Ignis Inmbens^ ou
météore igné (i) ; qu'elle était l'elfet des exhalai-
(i) M. Beitliolon a parlé de ces sortes de feux dans
ses Observations sur l'électricité des météores j a vol. in-8°.
( 102 )
i-rq/J. sons de la terre ( à cette époque, on app:ocîiaît:
Aiv 11. du printemps ) ; qu'elle provenait des pyrites ou
des mines ferrugineuses ou d'ardoises, ou de por-
tions phosplioriques sorties des marais qui n'é-
taient pas éloignés de nous ; que le feu se plaçait
de prétéreuce sur les baïonnettes , parce que le fer
pointu était pour lui un objet d'attraction.
Des troupes ayant ordre de former un camp
auprès de Philippeville , les corps arrivaient de
toutes parts. On nous releva, et l'on nous envoya
dans la place pour perfectionner notre instruction.
Nous faisions chaque jour l'exercice sur les glacis
hors des palissades. Un jour, l'ennemi, qui s'as-
semblait aussi en armée pom- opposer des forces
aux Français, envoya sept cuirassiers à la décou-
verte. Je me trouvais à environ 200 pas en avant
du bataillon , avec mes recrues , pour ne point in-
terrompre les grandes manoeuvres , et ne pas occa-
sioner de distraction. Je fus fort étonné de voir
cette patrouille rester long-temps sur une émi-
nence, d'où elle nous observait. Mes hommes
avaient des pierres de bois à leurs armes ; mais ils
en possédaient de garnies dans leurs gibernes. .
A} ant pris un fusil , je le chargeai et couj^us en- I
suite dans la haie , sur la crête du fossé du chemin.
Je tirai et vis que la monture du 4""^ militaire
tomba au coup; qu'elle lit, mais en vain, des ef-
forts pour se relever ; que le cavalier se contenta
d'emporter les harnais. L'exercice étant fini , nous
rejoignîmes le bataillon et rentrâmes en ville. Le
Icutleaiain, des paysans étant venus vendre des
( lOD )
denrées, annoncèrent qu'un cîievcil antrichicn, qui i-t) j.
avait été tné la veille , était resté dans ia plaine. a:s h.
Le 2 1 germinal ( lo avril ), un détachement
assez nombreux sortit pour se porter dans un bois
entre A'illiers et Florenne, à une lieue nord-est
do la place. On lit des prisonniers que, pendant
Taction , l'on amena à Pliilippeviile.
^ oici le mpport destiné à donner connaissance
de la situation des troupes :
Réimion-suv-Oise ( Guise ), le a5 germinal ( 1 4 avril ).
(( Les Français ont établi 6 camps , depuis Pbi-
» lippeville jusqu'à Courtrai ; tous sont dans d'ex-
» cellentes positions , et peuvent se soutenir mu-
» tuellemcnt. Nous venons d'attaquer avec une
» grande supériorité, les redoutes élevées du côté
)> de Beaumont. Une division du corps-franc ayant
» passé la Sambre , pour attaquer un village f ran-
» rais, a été reçue à coups de fusil, et a eu un grand
» nombre tant tués que blessés. Nous faisons des
» incm-sions dans plusieurs villages ennemis , d'où
» nous emportons un butin considérable. »
AN H
( ïo4 )
CHAPITRE XYL
»794- Le 9.6 germinal ( t 5 avril ) , le 8'^*= de la Marne
fut incorporé; la plus forte partie se trouva du
5"^*^ bataillon du Nord. Les soldats mécontents de
cette dislocation, s'en allèrent eu grand nombre.
Malgré la désertion, l'incorporation eut lieu; je
fus , le même jour , nommé caporal à la 5"'*^ com-
pagnie (i).
L'ennemi était aux portes de la ville ; elle se
trouvait commandée par le chef de brigade Hardi.
Il y avait quelquefois des escarmouches entre les
troupes légères autrichiennes et les gardes du
(i) L'état-major était composé des CC.
Cardon , commandant.
Bâillon , quartier-niaîtie.
Schober, adjudant-major.
Deshayes , chirurgien-major.
Begat , adjudant-sous-oflltier.
La 6""' compagnie avait pour officiers , les CC
Masson , capitaine.
Dewez , lieutenant.
Riquoir , sous-lieutenant.
Pour sous-ofïicier , le C.
Bourgeois , sergent-major.
J'étais immatriculé sous le numéro d'ordre 277.
L'effectif du corps se iormait d'environ i ,080 hommes.
^/■(^^^^^
za&^y ^ JtMo^
( io5 )
camp français, placées sous la protection des rem- i^q.^.
parts. Nous allions sur les fortifications , voir ces ak u.
petites agaceries militaires qui, en nous amusant
beaucoup, ne laissaient pas que de nous tuer des
hommes aia?i qu'aux Impériaux.
Une t'ois, après l'appel du soir, mon nouveau
capitaine, voulant se populariser, proposa un
prix aux hommes de sa compagnie ; il consistait
en ime livre de chandelles qui devait être gagnée
à la course. Je m'élançai avec tant de rapidité que
je l'obtins ; mais ce ne fut pas sans peine , car un
Flamand , fort leste , arriva au but presqu'aussitôt
que moi. Je fis le partage en frère , et lui donnai
la moitié des chandelles : ainsi le jeu fut terminé
à la satisfaction de tout le monde.
Le 3 floréal (22 avril), nous partîmes de Phi-
lippe ville pour aller grossir l'armée des Ardennes.
Le 5°^^ bataillon du Nord fut de l'avant-garde
commandée par le chef de brigade Hardi. Nous
nous rendîmes , en combattant , dans divers lieux
que nous fûmes obligés de conquérir en repous-
sant l'ennemi.
^ oici le rapport fait par le général Charbonnier,
commandant en chef :
Aussoi , près Philippeville , le 3 floréal ( 11 avril ).
« Déroute complète de l'ennemi, après un com-
« bat de 1 2 heures aux environs d' Aussoi , où
>» 200 Autrichiens ont été tués. »
Dès cet instant , tout prit un caractère guerrier.
Des corps arrivant de tous côtés , mirent promp-
tement les Français dans une attitude imposante.
i-qi- ^ oîcï Je rapport des bonnes dispositions que
AT, 11. les troupes avaient alors :
Veclette-Ré;)ublicaine ( Philipperille ) , le 6 flortal
(23 avril ).
« Tout se prépare au succès , écrit le général
» Charbonnier : depuis 5 joury nous coml^attons
» l'ennemi, et 1,200 Autrichiens ont déjà mordu
» la poussière dans ces différentes affaires. Un
>' déserteur qui nous arrive, nous annonce que
» des renforts augmentent le nombre de nos en-
» nemis ; c'est plus d'obstacles à vaincre , mais
» plus de gloire à acquérir. Tout se prépare pour
» que le 7 lloréal ( 26 avril ) voie l'anéantissement
» de la Tyrannie. Des chevaux d'artillerie , dont
» nous avions besoin , nous sont envoyés ; en at-
» tendant , nous redoublerons avec la baïonnette. »
Le 7 ( 9.0 avril ) , nons attaquâmes Fennemi en
avant de Bossut , village à 4 lieues de Philippe-
ville, sur la route de Barbançon. Le 5'"^ du Nord
n'étant pas assez exercé, fut destiné au service de
tirailleurs ; en conséquence , il commença l'attaque
à la pointe du jour. Lorsque les postes d'infan-
terie autrichienne se trouvèrent culbutés , un pe-
loton d'environ 5o hommes de cavalerie s'appro-
cha, sans doute pour nous reconnaître. Nous
fîmes un feu bien soutenu , qui l'obligea à rétro-
grader. Nos- réquisitionnaires qui n'avaient jamais
vu les Impériaux de si près , qui ne connaissaient
pas les ruses de la guerre , criaient déjà victoire,
en parcourant au pas de course le terrain que
l'ennemi venait d'abandonner. Un parti d'environ
( 107 ) ^
Goo cavaliers se présenta, exécuta le même mon- inà^.
vemeiit que le précédent , et disparut derrière an li.
Bossut et les haies. Le même enthousiasme ani-
mait tes républicains. Un nistant après , la plaine
parut couverte de cuirassiers qui nous chari^èrent
si promptement que , malgré la plus vigoureuse
résistance , ils nous dépassèrent presque sans s'ar-
rêter, ayant laissé sur leurs derrières, des indi-
vidus qui nous criaient de nous rendre , de jeter
nos armes. Lorsqu'ils s'approchaient, ils sabraient
les hommes qui étaient à leur portée j ceux-ci les
recevaient à grands coups de baïonnette. Comme
je connaissais la manière de guerroyer en tirail-
leur, j'avais prévu cette terrible charge, en ob-
servant les accidents du terrain. Je sautai à travers
une haie, dans un verger qui se trouvait s^ul
dans la plaine, dont un large fossé défendait l'ap-
proche. Mon exemple fut suivi par d'autres. Nous
tirâmes sm* les cavaliers. Pour nous soutenir, le
général Charbonnier lit avancer au - dessus d'un
ravin, la 172"^® demi-brigade ( d'environ 3, 000
hommes ) , qui arriva fort à propos pour arrêter
les progrès de l'ennemi. Il ne put résister à un feu
de file formidable, qui le contraignit à rétrograder.
Dans son désordre , la cavalerie n'atteignit pres-
que persomie de nos tirailleurs : à son approche,
ils se défendirent vigoureusement. Nous reçûmes
Tordre de quitter la plaine ; de nous jeter dans un
bois a droite, pour pénétrer jusqu'à Valcour. Les
Hollandais étaient sur le sommet de la montagne
où se trouvait uu mamelon. Quand nous débus-
I. 8
( ro8 )
^794* q^iâmes , ne voyant point tirer, nons crûmes .
Az* n. trompés pai* les habits bleus , que les Austro-Ba-
taves étaient des Français. Nous fûmes droit à eux
sans coup férir; ils accoururent sur nous, prirent
quelques hommes des plus avancés , en faisant feu
sur les autres. Nous ignorions que dans les troupes
alliées, il y eût des uniformes semblables aux
nôtres : croyant qu'elles commettaient une mé-
prise, nous leur criions que nous étions des Fran-
çais, des républicains. Cependant notre feu bien
foiu-ni les força à se retirer. Un détachement
d'Autrichiens occupait le plateau avec une pièce
de canon. On lira sur nous plusieurs coups à mi-
traille. Ce peloton, contre lequel nous ripostions
avec acharnement, sur le point d'être débordé ,
battit en retraite , et suivit le mouvement des
Hollandais. On appela les tirailleurs sur la gauche,
pour s'emparer de Bossut. La compagnie descen-
dit. Nous gagnâmes ce village dans lequel leTs
Français venaient d'entrer. Plusieurs maisons se
trouvaient incendiées. Les flammes avaient con-
sumé les fumiers qui étaient devant les portes ; ils
brûlaient les souliers de ceux qui y marchaient ,
et qui croyaient que la paille noire était éteinte.
Je venais de m'y prendi-e. Je trempais mes pieds
dans une mare , afln de faire diminuer la douleiu-
que je ressentais. J'aperçus des hussards qui ar-
rivaient du côté où nous étions entrés j ils se di-
rigeaient par la route vers les Impériaux. Persuadé
que c'étaient des Français, j'admirais l'ordre et la
vitesse de leur marche. Tout-à-coup je reconnus
( 109 )
que cette troupe avait des plumets noirs et jaunes ; i^g^,
qu'elle ne pouvait être que des Hongrois. Je sor- an u.
lis de ma sécurité , courant à travers la route de-
vant l'escadron. J'eus le bonheur de sauter sur
une fenêtre à rez-de-chaussée ; elle était brisée ; je
manquais mon coup sans un soldat qui , se trou-
vant dans la maison , était survenu à mes cris de :
« Voilà l'ennemi! » Il me saisit par l'épaule, eu
me tirant dans l'intérieur. Les hussards défilant au
grand galop , lâchèi^ent , dans l'appartement , plu-
sieurs coups de pistolet. Nous leur envoyâmes ^
en échange, plusieurs décharges de nos fusils^
Après cette échauflburée_, tous les tirailleurs , crai-
gnant que d'autres pelotons de cavalerie ennemie
ne fussent restés sur les derrières, se rendirent
dans les haies les plus proches , devant lesquelles
les régiments étaient en b.ilaille. Nous fîmes uu
feu si vif que les alliés se virent contraints de s'é-
loigner. L'armée française avançait dans un ordre
imposant. Les Impériaux furent complètement
battus. Le réquisitionnaire Prud'homme, de Da-
meri , reçut au pouce , un coup de sabre en se
défendant à la baïonnette.
Voici le rapport de cette affaire :
Vedette-Républicaine (Pliilippeville) , le^ floréal (aôavxil).
« Les succès d'aujourd'hui, mande le général
» Charbonnier , répondent à notre espérance ;
» nous avons passé la gorge de Sélilérieux , mal-
» gré la résistance opiniâtre des Autrichiens , qui
» ont perdu beaucoup de monde. Nous sommes
8.
(MO)
^^/ » maîtres des hauteurs de Bossut, et nous bivoua-
AN 11. » quons en avant de Barbanron. »
L'armée poussant ses conquêtes , se présenta le
mêjne soir devant Beaumont^ où l'ennemi retran-
ché lui tira quelques coups de canon.
Les dispositions furent prises pour attaquer la
place le lendemain ; mais les Autrichiens ne se
croyant pas de force à nous résister , se retirèrent
pendant la nuit.
Voici l'article relatif à la ville de Beaïimont (i) :
« 26 avril (7 floréal). Le général Pichegru
» commandait l'armée du Nord au mois d'avril ,
» et le général Charbomiier, l'armée des Ardeunes.
>; Ces deux généraux, pour opérer leur jonction
» dans le Hainaut- Autrichien, vers Beaumont ,
» firent faire un mt>uvement généial sur toute la
» ligne autrichienne , depuis la Flandre maritime
M jusqu'à Givet. Les hauteurs de Bossut étaient
» occupées par 4,000 Autrichiens : sur ces mêmes
* hauteurs , les Français avaient été battus , à pa-
» reille époque, le siècle précédent. Les^ Impé-
» riaux, ravis de leur position, y attendaient les
» tirailleurs français, qui, en effet, allèrent les y
». attaquer , tandis que l'infanterie française rece-
» vait le choc de la cavalerie ennemie au milieu
> de la plaine.
» Trois fois la cavalerie autrichienne chargea
tf l'infanterie française , et trois fois les bataillons
» français fondirent , baïonnette en avant , sur la
(i) Dictionnaire historique des batailles > 4 ^^^' ^-^^'
(I.,)
>? cavalerie ennemie. Cette nouvelle tactique 1^04.
» étonna et déconcerta Tennemi , qui prit la Inite, a?) h.
M et abandonna un champ de bataille couvert de
» ses morts. Dans la même journée, Beaumont
» fut vigoureusement canonné par le général Des-
» jiu'dins ; mais les Impériaux évacuèrent cette
» ville pendant la nuit. Aucim obstacle ne s'oppo-
>» sant plus à la jonction des armées des Ardennes
H et du A ord , leur réunion se fit immédiatement
» après. ))
Le 1 5 floréal (2 mai) , le 3"'^ bataillon du Nord
quitta sa position pour se rapprocher de Thuin.
Cette ville lut prise d'assaut. On en chassa vigou-
reusement l'ennemi. Pendant cette afl'aire, le corps
où j'étais, resta en position sans brûler une amorce,
à l'exception des grenadiers qui perdirent des
hommes en se battant en déterminés. Le grena-
dier Touchard , de Dameri , fut frappé d'une balle
à l'estomac ; elle lui tomba dans le ventre , où elle
resta. Descarmes Alexis, du même Heu, périt
pendant Tassant.
Voici le rapport de la prise de cette ville , par
le général Marceau au général en chef Ch-irbon-
nier :
Thuin, le 21 floréal (lo mai).
« Conformément à tes ordres et aux disposi-
» tions arrêtées , je suis parti du camp de Bossut^
» et me suis mis en marche ce matin à 2 heures
» et demie. J'ai rassemblé les différentes divisions
» à l'avant-garde campée à Beaumont , sur la haii-
» teur de Coiu-t.
ji^ç)\, » L'ennemi qui avait ses postes dans la plaine ,
AN 11. » a bientôt été forcé de les abandonner , et notre
» formation s'est faite sans obstacle. Je me suis
» reporté sur Thuin ; l'ennemi qui occupait les
» bois en avant de cette place , a opposé quelque
» résistance ; mais ^ forcé par nos chasseurs de les
» quitter, bientôt il s'est trouvé obligé de se ren-
» fermer dans les redoutes , en avant de la place
» même qu'il avait fortifiée d'une manière formi-
w dable.
» Le général Hardi , qui commandait l'avant-
»t garde, a fait investir la ville par les troupes lé-
» gères ; et , à l'aide de quelques pièces d'artillerie,
» a protégé l'établissement des divisions de l'ar-
» mée sin- les hauteurs en avant de la place. L'en-
•» nemi faisant tous ses efforts pour conserver ce
» jpoint important, en attendant qu'il se rende
î) maître du cours de la Sambre dans cette partie ,
» j'ai été forcé d'employer les moyens révolution-
>) naires et français ( la baïonnette ) .
» Je t'annonce donc avec plaisir que ce moyen,
« toujours employé avec succès par les républi-
» cains , a encore procuré une victoire à l'armée
5) des Ardennes ; nos chasseurs, soutenus par de
w l'artillerie , ont enlevé les retranchements et les
« remparts.
» Les Autrichiens ont été forcés de nous céder
» la place, non sans avoir laissé un bon nombre
» de morts. Nous avons aussi fait quelques pri-
» sonniers;
» Annonce à la République , que, si l'armée dc^
("3)
iy Ardennes a bien mérité de la Patrie , pour avoir 1^04.
M repoussé la cavalerie à la baïonnette, la cavalerie an u.
» a aussi , dans cette occasion, donné des preuves
» d'héroïsme. Le 1 1"^^ régiment de chasseurs à
» cheval a chargé Tennemi j usque dans les redoutes,
» et est entré dans la ville malgré tous les obstacles.
» La division de l'armée du Nord, qui devait at-
» taquer Tliuin sur la gauche , ayant été retardée
» par des causes imprévues, n'est arrivée qu'après
» la prise de la viUe; mais elle a aussi eu part à
» la fête, et a emporté une position que l'ennemi
» avait conservée derrière la place , et s'y est
)) étabUe.
)) Je ne te parlerai de personne en particulier :
» tous ceux qui ont été employés à l'attaque , ont
» fait leur devoir.
» J'attends les ordres pour demain, et j'espère
» que l'essai d'aujourd'hui prouvera à tous nos
M ennemis ce que nous sommes en état de faiie
>» par la suite, w
( ■■4)
CHAPITRE XVII.
Î794- Le 21 floréal (lo mai), l'armée reçut l'ordre
^^ "• de se porter au-delà de la Sambre qu'elle devait
passer dans le jour, n'en étant que peu éloignée.
Les pluies étaient si considérables depuis la ba-
taille de Bossut, qu'il semblait que le bruit du
canon et de la mousqueterie avait changé le temps
en eau : les routes, par la même raison, étaient
détériorées et horribles. Les canons, entrant dans
la boue jusqu'à l'essieu, ne pouvaient se trans-
porter que très-lentement , et ne faisaient c[ue peu
de chemin dans une heure.
Le 3™^ bataillon du Nord arriva à 4 heures du
soir à l'abbaye d'Aines , qui brûlait.
Ce fut sur le pont, auprès de ce couvent, que
nous passâmes la Sambre.
De l'autre côté il y avait une montagne pres-
qu'à pic , dans laquelle était pratiqué un chemin
creux et difficile ; il conduisait sur mi plateau qui
dominait ime vallée. Nous y arrivâmes à 1 1 heures
du soir par un temps de pluie , de froid à transir
les hommes. Nous apercevions, à une distance
d'environ une lieue, une ligne considérable de
lumières , qui annonçait un camp ; nous crûmes
qu'il appartenait à une colonne de l'armée du
( .15) ^
î^.ord, avec laquelle nous devions faire jonction. i^()4.
Chaque soldat courut chercher du bois, de la an u.
litière et des vivres; en peu de minutes nous
eûmes beaucoup de feux allumés , autour des-
quels les républicains se séchaient d'un côté en se
mouillant de l'autre.
Après s'être réchauffés un instant , les militaires
placèrent quelques bûches à travers les brasiers,
et se jetèrent sur la terre humide ou sur de la
paille pour sommeiller. Gomme je n'avais pas
mangé de la journée, j'entrevis, à la lueur de la
flamme , qu'il existait peu loin de nous plusieurs
bâtiments d'une ferme. Je quittai la compagnie
sans communiquer mon dessein , et je m'y rendis
dans l'espoir d'obtenir quelque nourriture. J'em-
portai mes armes et mon bagage, comme il est
prudent dans les marches de nuit. Arrivé aux
maisons, tout était bouleversé, il n'y avait que des
soldats de diverses armes. Ils étaient en si grand
nombre , si pressés , si serrés , que je jugeai à
propos de m'en retourner , quoiqu'il plût fort , et
qu'il fît grand froid. En m'en allant, je remarquai
une grange , qui sans doute appartenait au village
d'Anderlues ; j'y entrai , croyant rencontrer des
herbages. Ayant cherché partout , je ne sentis
dans l'aire que des chevaux de chasseurs. Je sau-
tai de l'autre côté du mur qui était à hauteur
d'appui, pensant qu'il y avait de la moisson, mais
tout était enlevé 5 il n'y restait que de la poussière
de luzerne et de foin. Je ramassai dans mi coin le
plus de poussière que je pus , me décidant à y
( >>fi^ )
^794- P^'^ser la nuit, où au moins je pouvais être à l'a'-
A.A II. bri. Je me déshabillai de la tête aux pieds; mes
vêtements étant trempés comme des éponges , ce
qui me donnait la lièvre. Je me mis dans mon
sac de toile, en me couvrant de mes bardes; je
plaçai mon havre-sac sous ma tête. Dans la plus
grande sécurité , je me disposais à dormir. En
m'assoupissant , je songeais à la bizarrerie du sort
qui me réduisait à coucher seul dans ce lieu sans
l'avoir vu , puisque je n'y étais entré que la nuit.
Cependant j'applaudissais à ma bonne étoile qui
m'y avait conduit , par la raison que je pourrais
reposer tranquillement , en faisant sécher mes ha-
bits par la chaleur de mon corps. J'.avais dormi
environ une demi-heure, de ce sommeil si né-
cessaire au malheureux soldat accablé de fatigue
et de lassitude ; je fus réveillé en sursaut , au
roulement de coups de fusil tirés par cette co-
lonne qui était autrichienne, et que nous avions
cru de l'armée du Nord. Au premier bruit les
hommes se levèrent ; il y eut trouble , confusion ;
l'attaque fut si violente , la terreur si grande , que
je n'eus pas le temps de me vêtir. Les chasseurs
sautant à cheval , me laissèrent seul dans le bâ-
timent. J'étais si agité , que je ne trouvais ni mes
bottes ni mon pantalon. Je pensai que pour m'ar-
racher à une mort certaine, il ne fallait pas que
je sortisse de l'endroit où j'étais. Je mis mon fusil
le long de moi, pour m'en servir au besoin, et
défendre ma vie en tuant le premier ennemi qui
se serait approché. Je me couvris entièrement
("7)
de poussière, Délaissant qiie le moindre espace inq/.
pour respirer et pour voir. A peine avais -je A^ u.
achevé, que la grange servit de champ de ba-
taille. Les tuiles cassées par les balles tombaient
de toutes parts j les Français faisaient feu par
ime porte , les Autrichiens par l'autre. Chaque
détonation me fournissait de la clarté , pendant
laquelle je voyais tout ce qui se passait autour de
moi : ensuite j'étais dans les ténèbres les plus af-
freuses. Les cris des combattants, les gémisse-
ments des blessés, l'écho qui multipliait les coups
de fusil , formaient une scène remplie d'hor-
reur. Je me persuadais que je ne pourrais jamais
échapper aux ennemis qui me découvriraient.
Heureusement il n'y avait plus ni gerbes ni four-
rages y je ne craiguais point d'incendie. Aucun
des deux partis ne franchît le petit mur de sé-
paration de l'aire. L'avant-garde s'étant retirée
en désordre sur la seconde ligne qui ne fut pas
attaquée , se reforma promptement et se trouva
dans le cas de se défendre. Alors on fit des feux
de file et par pelotons. On tira des coups de
canon qui forcèrent les Impériaux à s'éloigner.
Les nôtres reprii^nt, vers les deux heures du
matin , leur première position. M'étant habillé à
à la hâte , je rejoignis la compagnie.
Le 22 floréal (ii mai), les dispositions eurent
bientôt lieu pour combattre l'ennemi : car , de-
puis la surprise , les troupes étaient restées sous
les armes. On ordonna à tous les corps de l'a-
vant-garde de marcher en tirailleurs sur la posi-
("8)
,DQ/{. tion de Lierne, tandis que nombre de pièces
A» II. d'artillerie envoyaient , par-dessus nos têtes , des
boulets dans les corps autricbiens. L'attaque fut
vigoureuse de notre côté : il semlDlait que nous
voulussions nous venger de ce que nous avions
éprouvé pendant la nuit. Je dois faire observer
que la plaine étant couverte de Français épars ça
et là, à cause de plusieurs fossés garnis de haies
qui empêchaient les évolutions de la cavalerie
étrangère , nous arrivâmes presque sur une pièce
de 5, sans avoir été aperçus parles canonniers.
Un capitaine du 5"^^ bataillon du Nord, très-
brave _, n'écoutant que son zèle, ayant remarqué
ime ouverture à la haie garnissant la crête d'ua
chemin creux , à la faveur duquel nous nous
étions glissés , appela , mais trop fort , les hommes
dont il voulait être secondé. Je me trouvais près
de lui. Lorsqu'il parut, le canon partit; il eut les
deux jambes coupées, et resta sur la place en
poussant des cris navrants. Les artilleurs s'éloi-
gnèrent, sans que les tirailleurs pussent s'emparer-
de leur pièce.
Nous remportâmes cependant une victoire com-
plète ; l'ennemi fut poussé hors de Fontaine-l'E-
vêque. Ensuite nous vînmes former un camp non
loin de cette ville , dans la direction de Charleroi.
Voici le rapport fait à cette occasion ;
Fontaine-l'Evêque , le i^ floréal (i3 mai).
Lettt'e du général Charbonnier , commandant V ar-
mée des Ar demies.
« Je vous annonçais par ma dernière, mande-
( iî^9 )
» t-il, en date du 24 (i 5), la prise de Thiiin et i-g(.
i) le passage de la Saiiibre ; aujourd'hui j'ai le an h,
» plaisir de vous apprendre que nos troupes sont
» entrées victorieuses dans la petite tille de Fon-
n taine-l'Evéque. »
IVous restâmes quelques jours dans cette posi-
tion.
Mon capitaine, qui était intrépide, fut désigné
pour être llanqueur j c'est-à-dire qu'il reçut l'or-
dre d'aller avec sa compagnie, explorer le flanc
gauche de l'armée j d'y taire une guerre de par^
tisan.
( 120 )
CHAPITRE XYIIL
1794. Le 26 floréal (i5 mai) , les privations, la pluic^
AN II. les fatigues , me firent tomber malade. On nous
donna , à moi et à un soldat de Dameri , un billet
d'hôpital. Nous allâmes ensemble à Valcour, où
nous YÎmes les tristes effets de la guerre ; c'est-à-
dire , toutes les fenêtres brisées , les portes cas-
sées, les meubles en morceaux, et les habitants
dans la consternation.
Le 27 (16), nous nous rendîmes à Philippe-
ville , où nous entrâmes à l'hospice. Les blessés
y étaient fort nombreux , et chaque lit occupé
au moins par un homme. Je ne pus obtenir de
coucher avec mon compatriote. L'infirmier me
destina ime place auprès d'un fiévreux. Fatigué
de la route , je me couchai , en éprouvant néan-
moins de la répugnance à me trouver avec un in-
dividu que je n'avais jamais vu, qui pouvait être
mal-propre, ou avoir- une affection cutanée et con-
tagieuse. Le malade était sur le côté gauche , me
tournant le dos. Je me glissai légèrement dans les
draps sans l'approcher. La fièvre me prit aussi-
tôt. Lorsque l'accès se dissipa , je m'étendis , en
touchant , sans le vouloir , mon camarade de lit ;
je fus fort étonné de le sentir froid. Je le poussai
(,2.)
doucement, de peur de le fâcher en le privant de i~q\.
son sommeil. Plus je le remuais, plus je m'aper- a> u.
rus qu il était inanimé. Je dus penser qu'il était
mort. Quoique je fusse bien malade, je n'en -sau-
tai pas moins sur le plancher, en me plaignant
très-fort contre l'infirmier qui m'avait obligé à
me poser contre un cadavre. L'on me donna un
autre lit que j'occupai, après m'être lavé avec de la
tisane tiède, parce qu'il n'y avait pas d'eau fraîche
pour l'instant. Afin de distinguer les malades , on
attachait un écriteau au-dessus de la tête de cha-
cun, pour indiquer l'individu et le corps auquel il
appartenait. Je pris , dans la vitesse que je mis à
retirer mes hardes , la planchette du mort , en lui
laissant la mienne, sans y faire attention, de sorte
-que j'ai passé pour lui (i). Quant à celle que j^a-
vais , m'étant aperçu qu'elle n'était pas la mienne,
le lendemain matin, avant la visite, j'écrivis dessus
mon nom, le numéro du bataillon, ainsi que celui
de la compagnie dont je faisais partie. Il y a lieu
de croire que la mort du véritable décédé est
restée ignorée.
Les 4 et 5 prairial (^5 et 24 mai) , il arriva une
si grande quantité de blessés , que l'on forma un
convoi .
Le 6 (23) , j'y fus compris ainsi que le Dame-
riat avec lequel j'étais parti du corps. On nous
évacua sur Givet. Nous ne couchâmes qu'une
(1) Le 27 floréal ( 16 mai ) , l'acte de moa ilecès fut
dressé et envoyé a»i S""" bataillon du Nord, où il était
arrivé avant moi.
^ ( 122 )
tj()/[. unit dans cet hôpital, sans recevoîi' de médica-
ATS 11. ments.
Le 7 (af)), nous nous rendîmes en bateau
jusqu'à Fumai.
Le 8 (27) , continuant à vogueï" èiw la Meuse ,
on nous débarqua à Braux. Nous étions chez une
femme jalouse qui , pour le plaisir de bavarder ,
nous raconta toutes les folies amoureuses de sori
mari ; elle eut bien soin €le nous , parce que nous
prêtions une oreille attentive à tous ses discoui's.
Le 9 (28), nous arrivâmes à Mézières. L'on
nous mit à l'intendance : nous fûmes médicamen-
tés, et nous nous trouvâmes mieux. Nous réta-i
blîmes nos forces jusqu'à l'arrivée de nouveaux
malades.
Le 21 (9 juin) , étant évacués, on nous dirigea
sur Launoi.
Le 22 (10), nous passâmes à Rethel; l'hôpital
était si plein , que l'on nousf donna de suite une
continuation de route.
Le 25 (11), nous nous dirigeâmes sur Reims ,
où nous nous présentâmes à l'abbaye de Saint-*
Rémi, qui était l'ambulance. L'économe, instruit
qu'un grand nombre de blessés devait arriver,
nous évacua sur Chàlons. Nous lui demandâmes,
cependant, à être envoyés chez nos parents qui
n'étaient éloignés que de 5 lieues, plutôt que
d'aller dans cette ville où il y en avait 10. Il nous
répondit négativement.
Mon camarade et moi, nous partîmes pom-
Dameri,
( 1^5 )
CHAPITRE XIX.
Le 20 prairial (ii juin), nous arrivâmes bien 1794.
contents, à 10 heures du soir. au n»
On eut d'autant plus de satisfaction à nous
revoir , qu'on ne nous attendait nullement. Apres
bien des explications et des marques d'amitié ,
étant fatigué , je fus me reposer» J'avais éprouvé
tant de privations, de fatigues et de contrariétés,
qu'à peine étais-je chez mon père , je tombai sé-
rieusement malade.
Le médecin, qui était maire, ne voyant que
ses devoirs , refusa absolument de me donner ses
soins. Mon père, inquiet sur ma situation, se
rendit chez ce citoyen , sans en pouvoir obtenir
d'autre réponse que celle de me faire transpor-
ter dans im hôpital militaire. Sachant que c'était
vouloir ma perte que de m'exposer au grand air,
il se refusa à exécuter cette proposition , en mon-
trant , dans cette circonstance , une grande fer-
meté , quoiqu'il courût le risque d'être incar-
céré.
Au bout de 2 1 jours , on n'attendait plus rien
de moi ; ma maladie ayant beaucoup empiré. Ce-
pendant , malgré toutes les inquiétudes que j'avais
causées, ma santé s'améliora, et, en peu de temps,
je fus remis sur pied.
1- 9
( i4 )
i;794. Le 19 messidor (7 juillet) , on sut à la munici»
Aw 11. palité que j'étais convalescent. Mon père reçut un
avis qui lui enjoignait de me transporter à dir-
ions pour me rétablir entièrement. Ou le mena-
çait , en cas de refus , de le mettre en prison
ainsi que moi. Il était trop prudent pour ne pas
se soumettre aux lois. Il m'emmena dans sa car-
riole k l'hôpital , d'où l'on m'évacua , faute de
place, sur Vitri-le-Français. Il me conduisit le
lendemain jusqu'à environ une lieue sur la route,
et voulait me rendre à ma destination , attendu
qu'il n'était pas possible de trouver une seule
voiture, tous les chevaux ayant été mis en réqui-
sition pour le service de l'armée. Sachant d'ail-
leurs que sa présence était indispensable chez lui,
je le conjurai de s'en retourner, l'assurant que je
pourrais continuer la route à pied. Il prit , en
conséquence, le chemin de Dameri : je me mis en
marche pour les sept lieues qui me restaient à
faire. Après une demi-heure environ, les forces
m'abandonnèrent , je restai dans un fossé où j'é-
prouvai une sueur froide, et bientôt je m'éva-
nouis. Je recouvrai peu après mes sensj mais
une forte fièvre m'ayant saisi, sans que je pusse
espérer le moindre secours, il vint à passer un
cabriolet où il n'y avait qu'un voyageur. Je le priai
de me prendre à côté de lui. Ce monsieur , mal-
gré la fatigue de son cheval , se rendit à mes ins-
tances , et nous arrivâmes de bonne heure : je le
remerciai sincèrement du service qu'il m'avait
rendu.
Le 2T (9), j'entrai à riiôpital. inq^.
Le 29 (17), nie portant mieux, j'oblins la pcr- an u.
mission de me promener. J'en profitai pour me
baigner dans la Marne, où il y a\ait beaucoup de
nageurs. Je voyais des hommes qui fendaient
l'eau comme des poissons ; je voulus les imiter.
Les laissant filer , je me mis en devoir de les sui-
vre. La fièvre qui s'empara de moi , me priva de
mes forces, et je faillis périr. Ce ne fut qu'avec
beaucoup de difficulté que je parvins à sortir de
la rivière, et je retournai promptement à l'ambu-
lance.
Le i^'" thermidor (19 juillet) , il y eiit, à midi,
un violent orage. Etouffant de chaleur dans mon
ht, je me levai et allai sur le seuil de la porte
respirer un peu le frais. Le tonnerre grondait for-
tement , il tomba dans la rue avec un fracas épou-
vantable ; un homme qui la traversait , en rom-
pant le courant d'air, fut frappé de la foudre, et
resta étendu par terre sans le moindre mouve-
ment. Je rentrai à moitié suffoqué de l'odeur sul-
fureuse qui s'exhalait de la nue.
Une fois , je vis un soldat qui tombait du haut-
mal. La décomposition de sa figure avait, pen-
dant son épilepsie, quelque chose de si hideux,
que je le trouvais horrible. En examinant cet
homme dans les plus grandes convulsions , je ne
pouvais m'empêcher de faire des réflexions pro-
tondes sur les maux qui accablent fespèce hu-
maine.
Le 7 (26), après m'être insensiblement rétabli,
9-
( I2G )
'794' J® sortis de l'hôpital pour rejoindre mon corps*
AN II. Les armées ayant été réunies , le commissaire
des guerres ne sachant à laquelle j'appartenais,
me dirigea vers le quartier-général de celle du
JVord , parce qu'alors on rassemblait les troupes
départementales les plus rapprochées de leur
pays.
Voici la copie du titre que l'on me donna pour
me mettre en route :
Billet de sortie de ramhulance, dite des Minimes.
5°'^ bataillofi du Nord , 6'"*^ comjxignie.
« Le nommé Médard Bonnai't , caporal aux
» susdits bataillon et compagnie , natif de Da-
» meri , district d'Epernai , département de la
» Marne, entré le 21 du mois de messidor (9 juil-
I» let) de l'an 2 de la république française, une
« et indivisible , à l'hôpital militaire de Vitri-sur-
)) Marne , est sorti aujourd'hui , 7 du mois de
» thermidor suivant (2 5 juillet).
» Signe G AYHEL,
» Rapport des maladies ou infirmités qui ont
» nécessité la sortie du malade : guéri de lièvre
» avec lassitude.
» Fait à Yitri, ce 7 thermidor (2 5 juillet).
» Signe' MoREAU , directeur ;
» CoMEs^"Y, médecin.
» Route du dénommé ci-dessus, pour se rendre
» à l'armée du Nord ; passera par Châlons , et re-
» cevra 5 sous par lieue avec l'étape. »
Etant parti le soir, je maidiai toute la nuit,
crainte de la chalem- ; je gagnai Châlons; je reçus
( 127 )
la continuation de ma route pour Bcims; mais, 1-94.
au lieu de m'y transporter directement , je me an w.
rendis également la nuit à Dameri , où j'arrivai à
9 heures du matin.
J'appris que , durant mon absence , mon frère
ISicolas-Eléonore était mort le 6 thermidor (24
juillet) , et qu'on le regrettait vivement.
Le 10 (28) , jour de la décade, on célébra la
fête de Tagri culture..
Etant sur le point de m'en aller à l'armée, je fis
une visite au père du jeune homme avec lequel
j'étais venu, afin d'apprendre où se trouvait son
lils ; il m'annonça son départ pour le corps , sans
qu'il en eût reçu de nouvelles»
( ï=^8)
s:^ -^^ ^ ^^^ -^^ .«i^.^^,rfT-*^*^^,^^.,^^s^»»^^„^^^^,^^^^ ^?*^^ ^T'^41^
CHAPITRE XX,
1794. Le 16 thermidor (5 août), je me dirigeai sur
■AN it. Reims.
J'allai présenter mes devoirs à la famille de
M. Collardean; nous nous revîmes tous avec infi-
niment de plaisir. Nous avions bien des choses
à nous raconter depuis notre séparation. Mon pa-
rent m'annonça que ses persécuteurs ayant échoué
sous un parti plus fort que le leur, ils avaient suc-
combé; qu'il avait été mis eu liberté, réintégré
dans ses fonctions de garde-magasin des fourrages,
ou il était en activité. Je lui en témoignai toute ma
satisfaction, et combien j'éprouvais de joie de me
retrouver avec lui. Il ajoTita qu'il était bien fâché
de ne pouvoir rien faire pour me procurer une
place afin d'adoucir la rigueur de mon sort. Con-
naissant, comme lui, toute la sévérité des lois qui
ne m'aurait pas permis d'occuper un emploi dans
l'intérieur, sans m'exposer aux plus grands dan-
gers , je gémis sur ma position. Je le remerciai
de ce qu'il voulait encore m'étre utile, si une oc-
casion favorable se présentait.
Le 1 8 ( 5 ) , ayant fait mes adieux à toutes mes
conaaissaiices , je gagnai Berri-au-Bac.
( 1^9 )
Le 19 (^') 7 J^ me rendis à Corbeiii, ainsi qu'à i^g/j.
Craonne. an u.
Le 20 ( 7 ) , je m'en allai à Laon , où j'eus sé-
jour, que j'employai à parcourir la ville.
Le 22 (9), on me continua sur Marie.
Le 20 ( 10 ), je m'acheminai vers Guise (Réu-*
iiion-sur-Oise ) , où je visitai le camp retranché
qui me présenta beaucoup de nouveautés en ce
genre. Le quartier-général n'y était plus ; on me
dirigea sur l'armée.
Le 24 ( 1 1 ) , je fis route pour Landreci , d'où
j'entendais le canon du Quesnoi.
Le 25 ( 12), je me transportai au quarlier-gé-
iiéral dii'igeant le siège de cette dernière ville. Je
demandai mon corps ; ne sachant où il était , on
me mit en subsistance. Je reçus l'ordre de me
rendre à la tranchée , sur la route de Valenciennes,
auprès du chef du 1" bataillon du Nord, paixe
C[ue j'appartenais au S"""". Je fus employé dans
mon grade de caporal, où je restai jusqu'à la red-
dition de la place.
Nous étions si près des remparts que , la nuit ,
des soldats allaient chercher des palissades pour
se chauffer, quoique la canonnade de l'ennemi fût
très- violente.
Un répubhcain , auprès de qui mie bombe était
tombée, sauta dessus avec de la boue dans ses
mains ; il eut le bonheur d'étouffer le feu de la
mèche de ce projectile qui aurait immanquable-
ment atteint la poudre.
Jlî( II
( i5o )
1794* T e 28 ( 1 5 ) , les Impériaux capitulèrent (i). Le
i^' bataillon du Nord ayant ordre d'entrer dans
l'intérieur de la forteresse, pour relever les postes,
nous occupâmes les corps-de-garde; nous con-
tînmes les troupes ennemies jusqu'à leur désarme-
ment.
La garnison était composée d'Autrichiens , Wal-
lons et Croates : ces derniers sont Hongrois ; en
général , grands , bien f^its , leur taille ordinaire
est de cinq pieds et demi. Ils sont forts , musclés,
légers , vils et extrêmement sobres. Ils peuvent
supporter long-temps le froid et la faim. Ils pasr
sent pour être bons militaires ; vont à pied ; sont
connus et renommés sous le nom de Pandoiires.
Ils ont la figure rébarbative; sont grands pillards
à la guerre. Ils n'épargnent ni amis ni ennemis ;
ne font point de prisonniers. Leur habillement est
une veste verte à la hussarde , une culotte jaune ,
des cothurnes de cuir noir ; un bomiet , un gilet et
un manteau rouges. Leur armement est. un grand
sabre , des pistolets , un poignard , un fusil k deux
canons , dont un rond, l'autre carabiné ; une picpie
terminée par une lance que l'on fiche en terre ; on
y adapte un crochet de fer mobile pour ajuster
l'arme.
Voici le rapport adressé le 29 thermidor ( 1 6
(1) Ce fut au siège du Quesuoi que l'on fit le premier
eseai des lignes télégraphiques , pour la correi«pondance
des armées. L'entrée des troupes françaises dans la place,
fut annoncée à Paris, une heure après que la ville a
été rendue.
( 101 )
août), à lîi Convenlion, par le général comman- 1794,
daiit l'iuméc du siège : an u,
« Le Qiicsnoi est à la République. Hier, vers
» les 4 heures du soir, environ 3, 000 hommes,
» grenadiers , infanterie , cavalerie , artillerie , ot-
» liciers comme soldats , ont mis bas les armes aux
M pieds des diapeaux tricolores.
» Après avoir déposé les armes , conformément
» à vos ordres , toute la garnison a été reconduite
» dans l'ouvrage à corne de la place , où je la tiens
» en état d'arrestation, jusqu'à ce que vous ayez
» ordonné de son sort. Les officiers du génie , de
)> l'artillerie, commissaire ordonnateur, et un of-
» licier de l'état-major, sont occupés dans ce mo-
» ment-ci à prendi-e possession de l'état des mu-
» nitions de guerre et des bouches à feu , des pa-
» piers, effets et argent appartenant à l'empereur.
-» Vingt -quatre compagnies de grenadiers et trois
» bataillons occupent l'ouvrage intériem' et ex-
» téiieur de la place.
» L'.'irmée que j'ai l'honneur de commander a
» témoigné , pendant vingt jours de tranchée ou-
)) verte, toute la bravoure, la constance, l'intré-
» pidité qui caractérisent les républicains ; aucun
» des individus qui la composent ne doit être
» excepté; car, tandis que l'infanterie et l'artille-
» rie , sous un feu terrible d'artillerie , s'appro-
» chaieni jusqu'aux palissades et couronnaient le
» chemin couvert , la cavalerie allait faire des pri-
)) sonniers sur les glacis de Valenciennes. Si elle
( i30
,;f)'J. » a mérité votre approbation, c'est la ptiis douce
Ai^ n. » salisfactioii que vous puissiez lui accorder.
» Salut et fraternité.
» Signé SCHÉRER. »
Extrait de l'article du Quesnoi (i).
« La Convention avait décrété que les garni-.
n sons de Landreci , le Quesnoi , Valenciennes ,
» Coudé , occupées dans la Flandre par l'ennemi ,
» seraient passées au fil de Fépée, si elles ne se
» rendaient vingt-quatre heures après la première
» sommation. Ce décret ayant été signifié au gou-
» vcrneur du Quesnoi , le commandant de la place
» se contenta de répondre : Une nation n'a pas
)' le droit de décréter le déshonneur d'une autre.
» Et il se prépara à taire une vigoureuse résis-
» tance. Le commandant, voyant qu'il n'y avait
» plus de ressource, et ne voulant pas démentir
» la fermeté de la réponse qu'il avait faite à la
» première sommation , déclara que la garnison
>' n'avait eu aucune connaissance du décret de la
» Convention, ni de la signification qui lui en
» avait été faite, et que par conséquent elle n'é-
» tait nullement coupable de sa résistance. Si c'est
» un crime, dit-il alors , je dois être le seul puni ;
» la faute m'est persomielle , et je me trouverai
» heureux de sacrifier ma vie, en sauvant celle
» de tant de braves qui en sont innocents. »
Voulant changer entièrement les habitudes
liaiiraises, on prit un arrêté relatif au sexe fé-
(i) Dictionnaire historique des batailles ^ 4 vol. in-S".
( .55 )
piiniii , poiir substituer de nouvelles qualités à inQ\,
celles qui existaient précédemment (i). an n.
Le 5o thermidor (17 août) , jour de la décade,
fut l'époque d'une grande fête au Quesnoi. Toutes
les demoiselles de la cité et des environs montè-
rent sur un théâtre élevé au milieu de la place,
entourée de débris de maisons encore iumant des
suites du siège. Elles chantèrent des hymnes en
l'honneur de la république, en mémoire de la
délivrance de la ville , ainsi qu'à la gloire de la
mort de Robespierre (2).
Le 7 fructidor (24 août), le i^' bataillon du
JYord fut désigné pour escorter, dans l'intérieur
de la république, la garnison-du Quesnoi , prison-
nière de guerre. L'armée levant le camp, se di-
rigea sur Valenciennes qui était déjà bloqué, afin
de l'assiéger; je demandai et j'obtins d'être en
subsistance dans un corps employé activement.
On me plaça dans la 85"^*" demi-brigade, avec la-
(1) Le décret du 29 thermidor ( 16 août ) , donna aux
femmes la de'nomination de Citoyenne , au lieu de celle
de Mademoiselle ou de Madame. Cependant , entraîné par
riiabitude ou par contrainte , on se servait du mot de
Citoyenne avant cette loi. L'on forçait également les femmes
à porter la cocarde tricolore, soit à leur bonnet, soit
sur l'estomac, sans qu'il y eût de décret rendu à cet
égard.
(•2) Il fut guillotiné <à Paris, le 10 thermidor ( 28
juillet ) , comme un être abhorré de ses semblables ,
en voulant parvenir à la tyrannie sur des monceaux de
victimes (*).
(') Cjctionnaire liistorique des grands hommes ; i3 vol. in-8o.
( 'H) ^
»794- <î^ielle je partis le même jour, où nous arrr> âme*
Mi 11, devant la ville.
L'ennemi résistait vigoureusement. Nous étions
si près des fortifications, quoique bivouaques der-
rière une montagne , que souvent des boulets ve-
naient tuer des hommes dans nos baraques.
La garnison ne pouvant espérer de secours,
puisque l'armée autrichienne , depuis la bataille
de Fi eu rus , avait été forcée de se retirer sur la
j'ive droite de la Meuse , ne tarda pas à se sou-
mettre.
Voici le rapport qui en a été fait de Paris , le
1 1 fructidor (28 août) ;
(( Nous apprenons à l'instant, par le télégraphe,
» la prise de Valenciennes. Vive la République!
» La prise du fort l'Ecluse, clef de la Hollande,
» vient d'être annoncée officiellement. »
La capitulation portait : « que la place de Va-
)' lenciennes serait remise aux troupes de la ré-
» publique française ; que la garnison serait pri-
» sonuière ; que les honneurs de la guerre lui
>! seraient accordés ; qu'elle serait reconduite ,
» sur-le-champ, sur les terres occupées par les
» aimées coalisées, et qu'elle ne pourrait servir
» contre la France qu'au moment où elle aurait
» été échangée. »
La 85°'^ s'approcha de Condé pendant que l'on
réglait les articles.
Le 12 (29) , la garnison ennemie, à l'instar de
celle de Valenciennes , enti^a en composition.
(■35)
Voici le rapport qui en a été fait : î ^o/j,
<]onilc,le i3 fructidor (3o aoiit) , an quartier-gcnéral -ak h»
a'Oanaing.
Le général en chef à la Convention.
« En vous envoyant les drapeaux pris aux
» garnisons du Quesnoi et de Valenciennes , je
» ni''enipresse de vous annoncer que Gondé a
» subi, à l'heure prescrite, les conditions de la
» capitulation que vous m'avez permis de lui im-
» poser. I.a terreur a précédé la marche des ar-
)> mées victorieuses cle la république.
» Le territoire de la républiq\ie ne supporte
» plus d'esclaves : trente bataillons et quinze es-
» cadrons vous demandent des ordres pour voler
» à de nouveaux succès.
» Salut et fraternité i
» iS'/g'^e ScHÉRER. »
Ayant demandé à rejoindre mon corps , je
reçus le certificat ci -joint pour aller chercher
une feuille de route à l'état-major de l'armée du
siège.
Année de Samhre et Meuse. — 85"^^^ demi-hrî^aâe,.
5™*^ bataillon.
« Nous soussignés , certifions à tous ceux qu'il
M appartiendra , que le citoyen Médard Bonnart ,
» caporal au 5"'^ bataillon du Nord, est resté en
» subsistance dans la première compagnie dudit
n bataillon, (^epuis le 7 fructidor (24 août), jus-
n qu'au i5 (5o) du courant, et qu'il s'est toujours
» comporté eu brave républicain.
< '^^ ^ ,
1^94. » Délivré au Vieux - Condé , ce i5 fructidor
AN II. » (3o août), l'an 2"^*^ de la république française.
» Signé DxMBLY^ capitaine-commandant,
» et plusieurs autres militaires de divers grades.»
On me dirigea sur Breda , ville devant laquelle
était le quartier-général en chef de l'armée du
INord, pour recevoir de nouveaux ordres.
Ensuite ayant fait mes adieux aux chefs et aux
connaissances de la compagnie où j'avais été en
subsistance, je me disposais me mettre en route*
( ï^7 )
' ^p*^»,^^^^*^^^^^^^^^^,^ \^^ ^.^""-^^
CHAPITRE XXI.
Le i5 fructidor (5o août), je me rendis a i^q/j.
Mons. On m'envoya loger dans une église i je tus Ai> u.
obligé d'aller , à la faveur de plusieurs bons ,
chercher une marmite , des gamelles , un bidon ,
du bois , de la viande , du pain , etc. : il était
minuit que je n'avais pas encore mangé la soupe.
Le i4 (5i), j'observai la ville dans ses moin-
dres détails ; c'était la première place étrangère ,
importante, où je me trouvais. Aussi me faisais-je
une toute autre idée de ce lieu que de ceux de
France que j'avais visités. J'éprouvais beaucoup
de plaisir à parcourir les endroits publics ; à
adresser, pour mon instruction, des demandes
aux habitants que je rencontrais. La curiosité de
voir, et la satisfaction d'apprendre, adoucissaient
les privations et les désagréments que je ressen-
tais en voyageant seul à pied, le sac sur le dos.
Je fis route pour Braine-le-Comte , où j'arrivai
d'assez bonne heure.
Le même jour j'allai à Halle , où je remarquai
l'église de Notre-Dame , qui était très-belle. Il
existait dans le clocher , comme dans presque
toutes les campanilles des villes du Hainaut, du
Brabant et des Pays-Bas , une horloge à carillons,
( ;38 )
i^g/(s qui jouait des airs religieux ou des valses, au sOn
AN u. desquels on aurait pu chanter ou danser.
Le 1 5 (i*^' septembre) , je me dirigeai sur Bru-
xelles., où j'aiTivai d'assez bon matin.
J'employai la journée à parcourir les établisse-
ments publics, et le lendemain je visitai le port,
où je restai long-temps à observer les petits vais-
seaux qui naviguent sur la Senne.
. Je fus convaincu que de toutes les villes que
j avais vues, Bruxelles méritait la préférence. Je
bus de la bière appelée faraa, qui est fort es-
timée. Le soir je ne manquai pas d'aller au spec-
tacle , dont l'orchestre était composé d'mie grande
quantité de musiciens.
Le 17 (5) , je me mis en route pour Vilvorde,
en voyageant le long du canal qui a 2 lieues. Les
rivages offraient aux yeux de l'étranger mille agré-
ments dans la situation des sites pittoresques, la
beauté des maisons de campagne , placées la plu-
part en amphithéâtres, couronnant de fort jolis
jardins soigneusement cultivés , coupés en ma-
nière de gradins. Dans cette cité se trouvait un
hôpital immense destiné à recevoir les fous.
Le môme jour j'allai à Malines , que je remar-
quai avec empressement. Je vis l'église dont la
tour carrée est terminée par un belvéder. La ville
est dans une agréable plaine, environnée de pro-
menades, de campagnes charmantes. Le goût des
habitants est décidé pour la peinture. Les cha-
riots sont coloriés de vert-pomme, de jaune, de
rouge foncé, brun ou noir, c'est-à-dire, de cou-
( -39 )
leurs tranchantes. Sur presque toutes les maisons 1^94,
bâties en briques , crépies en plafond , se trouvent an u.
des peintures à fresque. Elles représentent divers
sujets , des chasses entières , des forêts , ou les
alentours des mêmes habitations , dessinés avec
ce goût exquis cpie l'on connaît à la nation dont
l'école flamande , en peignant ses mœurs , s'est
fait une réputation si justement acquise. J'y cou-
chai , après avoir parcouru tont ce qu'il y avait
de curieux à observer, et m'être rendu dans un
des ateliers de dentelles, qui sont si célèbres.
Le 18 (4), je partis pour Anvers. C'était un
jour de fête dans le pays. Etant fatigué, je cou-
chai à Contick.
Le 19 (5j, je me transportai à Anvers, où je
remarquai que presque toutes les maisons, comme
celles des villes du Brabant , étaient en pignon
sur la rue , peintes avec les attributs des arts ou
métiers des habitants qui les occupaient. C'est
dans ce lieu que l'on aperçoit une grande opu-
lence dans la mise des habitants, surtout dans la
finesse de leur linge. Les femmes se couvrent de
dentelles d'un prix considérable. L'intérieur des
maisons est souvent lavé ; ce qui porte la pro-
preté jusqu'à balayer les rues, formées en par-
terre, c'est-à-dire que des cailloux noirs et blancs
sont placés dans les trottoirs , de manière à figu-
rer des dessins. Les choses curieuses que ren-
ferme cette florissante place sont immenses. Je
me rappelais que Pvubens, Gérard, Edelink, Te-
niers , Vandick , tous hommes célèbres , étaient
-i. 10
( >4o )
*794- *^^^ ^^^^^ cette superbe cité. Je visitai la callié-^
Ali u. drale : étant monté sur la tour la plus élevée, qui
a 466 pieds de hauteur , j'y gravai mon nom à
côté de ceux de beaucoup de curieux qui m^
avaient précédé.
Je me rendis à la citadelle. Comme j Y* tais fati-
gué, je m'assis sur le bord de l'Escaut, où je
lavai mes mains et ma figure ; de là je pus exa-
miner l'agitation des flots occasionée par la mer ,
ce qui était pour moi une nouveauté. Non loin se
trouvait une marchande de poissons , devant la-^
quelle il y avait quantité d'animaux aquatiques ;
la singularité de leurs diverses constructions pi-
quait ma curiosité.
Un vaisseau, poussé par un vent favorable,
manœuvra un instant et entra dans le port. Son
agilité m'étonna autant que tout ce que j'avais re-
marqué dans la journée.
Le 20 (9), je partis pour Hooghstraten , petite
ville sur la route de Bjéda. Les Français faisaient
le siège de cette dernière forteresse.
Je me présentai à l'état-major-général , afin de
connaître la destination du 5"'^ bataillon du Nord,
dont on ne put me donner aucune nouvelle. On
m'expédia l'ordre de retourner à Anvers, pour
aller chez un agent chargé de l'incorporation des
troupes. Comme toutes les maisons étaient rem-
pUes d'employés de l'armée, je ne trouvai à cou-
cher qu'au coin du cimetière, sous un caisson, où
je passai une assez mauvaise nuit.
Le a4 (10)7 je me remis en marche pour An-
( >4. )
vers, où je me présentai chez cet agent qui , ne irgL
sachant où était le corps auquel j'appartenais, me as n,
plaça dans le bataillon de chasseurs du Mont-des-
Chats (t) , bivouaqné devant Berg-op-Zooni. Je
voulus faire des observations , mais ce fonction-
naire ne jngea pas à propos de m'entendre.
Le soir, en me promenant par les rues, je ren-
contrai des militaires français ; je les accostai et
leur racontai le chagrin que j'éprouvais d'être
forcé d'aller à un nouveau régiment. Un d'eux
me demanda si je voulais échanger mon ordre
contre le sien , qui était pour Warem auprès de
Liège. J'acceptai sa proposition , dans l'espoir de
retrouver le 5"^^ du Nord.
Le 2() (12)7 après avoir pris mon séjour, je
partis pour Malines.
Le 27 (i5) , je fis route jusqu'à Louvain, où je
bus de la bière nommée petermann. Je remarquai
que ce qui contribuait à sa réputation , était ua
ruisseau traversant la ville. Les curiosités que
renferme cette ancienne place, sont en grand
nombre.
Le 28 (i4)j je me rendis à Tirlemont. Cette
cité , célèbre autrefois , ayant été ruinée par les
guerres , n'est plus qu'une espèce de village*
Près de Tirlemont , sur la route de Saint-Tron j
se trouvait un ermitage que je visitai. Le soU-
(1) C'était lin corps de troupes légères qui, ayant été
formé d'habitants du pays flamand , du départrnient du
Nord, fut, par la suite, amalgame dans la 24°'* demi-
brigade de la même arme.
10.
( '4- )
Ï794- ^^i^'^7 <ï^*i parlait assez Lieu français, eut la corn»-
4n II. plaisance de me montrer son petit manoir. Je
remerciai ce cénobite , et continuai ma marche.
Le 29 (i5) , j'arrivai à Saint-Tron.
Le 5o (16) , je me transportai à Tongres, ville
bâtie sur une éminence, qui était jadis considéra-
ble, et qui n'a plus rien d'extraordinaire. Le quar-
tier - général de l'armée de Sambrc et Meuse s'y
trouvait. Je demandai mon corps; on m'annonça
que le 5'"^ bataillon du Nord était à Diuant. L'on
m'expédia de suite une feuille de route.
Je couchai dans une chaumière à peu de dis-
tance des faubourgs.
Le i^*^ jour sans - culotide (17 septembre), je
me rendis à Liège. L'armée ennemie était à la
Chai'treuse_, sur la rive droite de la Meuse , et les
Français sur la rive gauche à la citadelle. De ce
dernier heu on élevait chaque soir un ballon (i) ,
dans lequel se plaçait un officier de l'état-major,
pom' observer les mouvements des Autrichiens,
dont il donnait avis au moyen de papiers renfer-
més dans des boîtes de fer-blanc, qui glissaient
le long d'une corde.
La ville est immense, les routes qui y abou-
(i) Dans ceUe campagne , les Français s'étaient servi
d'un nouveau moyen , dans l'art de la guerre , qui ne
s'est pas reproduit depuis. On faisait élever au-dessus du
champ de bataille , un ballon qui était retenu à une
hauteur médiocre , d'où un aréonaute observait tous les
mouvements de l'ennemi , et indiquait au général les
points sur lesquels il devait porter des renforts.
( 43 )
tissent sont fort belles ; ses mines de cliarbon ^^a^.
de terre et ses fabriques d'armes sont renommées, an u.
Je restai trois jours à parcourir les édilices pu-
blics. J'allai voir toute la partie occupée par les
Français jusqu'aux vedettes ennemies, qui étaient
en faction dans les rues sans faire feu , d'après
une comention arrêtée entre les généraux des
deux partis.
Le 4"^^ joi"' sans - culotide (20), je couchai
à Hui , pays situé entre des collines le long de la
Meuse.
Le 5 (21), je continuai ma route sur Namur,
protégé par un château-fort. Sa coutellerie est en
réputation.
Le i*^' vendémiaire (22) , je gagnai Dinant, où an ui.
se trouvait l'état-major du 5™^ du Nord ; l'on
m'accorda un séjour, pensant que je serais mieux
qu'au bivouac.
( >44)
CHAPITRE XXll.
Ï794' Le d vendémiaire ( ^4 septembre ) , je me ren*
AU III. dis à Saiivet , au camp formé de baraques et oC'
cupé par le bataillon.
Je présentai mes devoirs à mon nouveau capi-
taine, nommé Payen : car le citoyen Masson, qui
commandait la compagnie avant mon départ, avait
été tué pendant mon absence. Le sergent-major
Bourgeois , qui avait subi le même sort , se trou-
vait remplacé par le citoyen Dérode, auquel je
remis mon billet de sortie de l'ambulance de Mé-
zières , ainsi que la feuille de route qui m'avait été
délivrée à Tongres, Il me dit que l'acte de mon
décès était parvenu au conseil d'administration ;
que j'aurais été porté comme mort, sans l'arrivée
du Dameriat avec lequel j'avais quitté le corps, et
qui avait i-aronté l'anecdote qui m'était survenue
à Ihôpital de Pliilippeville.
Je remarquai beaucoup de changements dans
la manière de camper. Avant que je partisse, nous
avions quelquefois des tentes. Depuis, les soldats
s'occupaient à pratiquer dans la terre, des huttes
de diverses dimensions. Il s'y trouvait une che-
minée , un lit , ainsi que toutes les commodités
_ ( ,4§ )
qiic Ton peut espérer quand on habite im endroit incj^.
bâli en maçonnerie. a>- m
En renouvelant connaissance avec mes compa-
triotes, je leur donnai des nouvelles de leurs pa-
reïits que j'avais vus. Ils me racontèrent que le
î 5 prairial ( 5 juin ) , dans les environs de Char-
leroi , en se retirant sur Marchicnnes-au-Pont , ils
avaient éprouvé une journée malheureuse (i).
Ils ajoutèrent qu'en se retirant de devant Na-
mur, le do messidor ( i8 juillet ) , où l'on eut des
coups de fusil à échanger, une circonstance sin-
guhère les avait étonnés. Dans une attaque de
nuit , s'étant laissés trop approcher par l'ennemi ,
ils furent obligés de rétrograder. Pendant la
marche, un soldat de la compagnie, qui portait
les deux gamelles , reçut une balle dans le dos ,
sans savoir ce que c'était ; il crut qu'un de ses ca-
marades l'avait poussé pour le faire aller plus vite.
Arrêtés pendant une grande obscurité , on lit la
soupe ; on tailla le pain dans les écuelles ; on y
versa le bouillon ; on se disposait à manger 5 mais
quelle fut la surprise, cjuand on remarqua que le
pain était sans bouillon et presque sec 5 on en cher-
(i) Voici les noms des jeunes gens de Dameri qui en
furent victimes :
Le'té Georges , Radon aîné et Radon jeune , tués. Les
Jilessés étaient : Chêne aîné et Ciret Joseph. Les prison-
niers : Gaury , Grosjean , Martin Victor, Paillart Féhx>
Prud'homme François , Troton Jean , Vigreux. Les décé-
dés par suite de fatigue et de maladie : Billard ÎSicolas >
Ciret Théophile , Lalire , Ricard Denis.
( 46 )
i;794- ^^^"^ ^^ cause; on vit le trou des gamelles. Le sol-
AN m. dat ouvrit son havre-sac ; on trouva la balle per-
due dans une chemise percée en plusieurs en-
droits; ce qui excita beaucoup la gaîté de tous
les assistants, surtout de celui qui avait échappé
au danger.
Le 1 5 vendémiaire ( 4 octobre ) , le o"^*' du
JVord partit du camp de Sauvet pour Diuant.
On donna l'ordre de quitter cette ville et de
s'approcher de Maëstricht , pour être compris dans
les troupes de l'armée destinées au siège de cette
place (i).
(i) Yoici les dates avec les lieux que le bataillon avait
occupe's depuis mon départ de Fontaine-l'Evêque pour
l'hôpital, le 26 floréal an 2 ( i5 mai ), jusqu'à mon
retour à Sauvet, le 3 vendémiaire ( 24 septembre ).
Le 26 floréal ( i5 mai ), le 3'"' du Nord battant
en retraite de Fontaine-l'Evêque , pour se diriger sur
Tlmin.
Le 9 prairial ( 28 mai ) , attaquant l'enuemi.
Le 10 ( 29 ) , «'établissant devant Cliarleroi.
Le i5 ( 3 juin ) , dirigeant sa retraite, afin d'aller
auprès de Marcliiennes-au-Pont.
Le 19 ( 7 ) , quittant cette position pour se rendre
à Dinant.
Le 35 messidor ( i3 juillet ) , s'aclieminant vers Sorine.
Le 2j ( i5 ) , de là, au blocus de Namur.
Le 3o ( 18 ) , faisant sa retraite jusqu'à Faux.
Le i"' thermidor ( 19 ) , gagnant les fermes des Veilles,
Le 3 ( 2 1 ) , arrivant à Sauvet , où les compagnies
baraquèrent.
( ■47 )
CHAPITRE XXIII.
Le 19 vendémiaire (10 octobre), le 3"^^ ba- 1^94.
taillon du Nord quitta Dinant , et coucha à Emp- an m.
tines.
Le 20 (11), il se rendit à Havelangen.
Le 21 (12), il se transporta à Fraineux.
Le 22 (i5), il traversa Liège et bivouaqua k
deux lieues au-delà.
Le 23 (i4) , laissant sa position, il se dirigea
sur Visé.
Le même jour j'étais d'avant-garde. On traça
le bivouac en face de Maëstricht, vis-à-vis le fort
de Wick, sur la rive droite de la Meuse. Le corps
l'occupa à son arrivée.
Nous restâmes quelques jours baraqués devant
la ville sans avoir un service pénible. Je profitai
de cette tranquillité pour visiter, avec plusieurs
camarades , des trous ou des cavernes et la prin-
cipale entrée des galeries souterraines dfe la mon-
tagne de Saint-Pierre , d'une profondeur extraor-
dinaire (i).
(1) Ces cryptes passaient pour avoir été pratiquées par
les RoJiiains , lorsqu'ils voulaient conquérir la Batavie.
Ce qui paraît plus certain , c'est que les Bataves ou Hol-
_ ( i48 )
\'jc)\. Le quartier-maître du bataillon, ayant beau-
A!v m. coup d'ouvrage, me proposa d'écrire chez lui;
je m'y rendis. J'attachais une espèce de servitude
à être dans un bureau. J'entendais aussi mes ca-
marades , qui me plaisantaient en m'accusant de
n'être qu'un cheualier de récritoire. Je refusai d'y
aller, quoique ce comptable fût content de moi ,
préférant faire mon service tout pénible qu'il
était. J'ignorais alors que de travailler de la sorte
c'était s'instruire, se mettre en évidence et être
connu des chefs; ce qui, presque toujours, ouvre
le chemin de l'avancement à un inférieur.
Un matin je rentrais de grand'garde, il avait
beaucoup plu; mon fusil était rouillé, sans que
j'eusse le temps de le nettoyer. Le général Hardi,
qui inspecta le corps, m'ordonna une punition de
huit jours ; cependant le chef obtint que la peine
ne durerait que jusqu'à ce que mes armes fussent
propres. Après la revue, une douzaine de mes
amis m'accompagnèrent à la garde du camp , où ,
à i'envi les uns des autres, ils m'aidèrent. Je pré-
landais ont tiré ^de ces caves ou excavations une iin-
niense quantité de pierres, afin de bâtir leurs villes, et
qu'ils se sont servis des débris, en guise de fumier, pour
engraisser et fertiliser leurs terres.
Etant très-soigneux dans l'intérieur de leurs apparte-
ments , ils ont , avec le temps , creusé cette montagne ,
pour en extraire le plus beau sable qu'ils transportent
encore aujourd'hui dans leur pays , sur les bateaux de la
Meuse, afin de nettoyer les pavés , frotter les garnitures en
«uivre , ainsi que le devant des clieuiinées eu faïence-
de leurs maisons.
( '49 )
scntai mon fusil et mon sabre à mon capitaine, 1794.
qui rit de ma diligence à recouvrer ma liberté. ad m.
Ou découvrit une ruse que les espions de l'en-
nemi employaient pour informer les assiégés des
mouvements des Français (i). C'étaient des bou-
teilles vides , bien cachetées , renfermant chacune
un papier sur lequel étaient écrites les nouvelles
qu'on adressait au gouverneur. Ces vases ainsi
préparés, étaient jetés dans la TMeuse qui les por-
tait jusqu'à la ville, où des personnes apostées,
avec des bateaux, les saisissaient à levu' passage.
Dans la nuit du 2 brumaire (a5 octobre), l'on
ouvrit la tranchée. On assembla, à k sourdine,
les travailleurs et ceux- destinés à les détendre.
Le 5°"'' bataillon du Nord fut chargé de bê-
cher (2). En conséquence, on donna des pelles
ou des pioches aux soldats que l'on conduisait , k
la faveur de l'obscurité , à l'endroit où les boyaux
de la ligne de contrevallation devaient avoir lieu.
La garnison lançait des pots à feu , pour décou-
vrir ce qui se passait dans la plaine. La nuit étant
obscure, et un épais brouillard accompagné d'une
(i) Aucun des journaux du temps , ni des ouvrages qui
ont traité du siège de MaësiricLt , n'ont parlé de cette
anecdote qui a été la nouvelle du camp , et que chacun
annonçait comme avérée.
(2) Ce corps composé , en grande partie, d'hommes
du département de la Marne qui , par leur profession de
vigneron , étaient habitués à remuer la terre avec des
hoyaux ou des pioches , fut choisi de préférence pour
ouvrir la tranchée.
( IDO )
'791- S^'^ïi^ïe pluie nous protégeant, on ne se douta
.Ky 11 i. pas de nos ouvrages. Ayant beaucoup pioché, et
n'y étant pas habitué , je m'écorchai les deux
mains entre le pouce et l'index.
Derrière nous, à quelque distance, se trourait
une maisonnette où l'on avait allumé du feu ; l'en-
nemi s'en aperçut , et lança ime bombe qui en-
leva une portion du mur. Plusieurs boulets diri-'
gés vers cette chaumière , la criblèrent de part en
part.
Au jour, des troupes fraîches vinrent nous
remplacer. Tandis que nous sortions pour rega-
gner le camp, les alliés virent que la parallèle
était ouverte ; ils firent un feu terrible.
Quand nous retournâmes ensuite à la tranchée,
c'était le jour, le chef de bataillon , le citoyen
Cardon , faisant sa ronde avec des officiers du
génie, s'arrêta où je travaillais. Il lui plut de re-
garder par-dessus le parapet , et se retira un ins-
tant après. Un Autrichien l'ayant remarqué ,
dirigea une pièce dont le boulet vint porter vis-
à-vis de moi , et fit sortir de la crête du fossé ,
une pierre qui me frappa si violemment à la poi-
trine , qu'elle me renversa sans connaissance. Je
reçus les secours de mes camarades. Je regardai
ensuite à l'endroit où j'avais été atteint, je n'y vis
qu'une forte contusion.
Le soir, au moment d'être relevés, un soldat
a|)erçut une bombe qui se dirigeait de notre côtéj
il cria : « Ventre à terre ! » Elle vint tomber à
environ deux pieds de nous , au-delà du boyau ,
( >50
•treva de suite, et nous couvrit de diverses ma- i-r)^.
lières. Je suivais des yeux les éclats qui volaient a^ m,
dans les airs ; un morceau de mâche-fer frappa le
dos d'un soldat qui se relevait lentement, et le
recoucha. Quoique la scorie fût estimée du poitls
de deux livres , il ne fut pas grièvement blessé.
Une autre fois , nous avions encore passé la
journée à piocher ; on nous relevait toutes les
douze heures. Comme nous quittions le travail,
un boulet frisa le tahis de la terrasse , et m'exposa
au plus grand danger en tombant à mes pieds.
L'ayant ramassé, je le présentai à mes camarades,
qui le jugèrent peser 25 livres.
En revenant de la tranchée, on rapportait un
grenadier qui avait la cuisse fracassée par \\n
boulet ; il oubliait son mal pour ne penser qu k
la prospérité de nos armes. Il savait que sa bles-
sure était mortelle , et cependant il criait : « \ ive
» la République! toujours la République (i)I »
Le lo brumaire (5i octobre), vers minuit, le
siège commença au signal donné par une fusée
lancée en l'air. Alors on fit jouer toutes les batte-
ries françaises. La portion du 5"'^ du Nord où je
me trouvais, était en ce moment au camp sous
les armes. Nous comptâmes seize bombes ou
boulets rouges envoyés en même temps sur la
(i) Cliâque jour, on citait des traits de ce genre; ils
étaient produits par l'enthousiasme de la liberté , par
lamoiir de la gloire, qui enflammaient les Français, les
républicains, et qui en faisaient des hommes extraor-
dinaiies.
( ■^•» )
i^qj. place. Ils tomLèrent en partie dans le couvent des
ATS lu. Capucins, dont l'église était, disait-on, remplie
de viande salée, d'eau-de-vie, d'huile et d'autres
matières combustibles. Le feu y prit rapidement -
Les flammes ayant gagné la charpente de l'église ,
ainsi que celle du clocher, éclairaient la plaine
comme si l'on eût été en plein midi. Les habi-
tants montèrent sur les toits pour la manoeuvre
des tuyaux de pompe. On les distinguait facile-
ment. La canonnade fut si vive en celte circons-
tance , qu'elle précipitait dans l'incendie les mal-
heureux qui cherchaient à l'éteindre. Malgré les
terribles elFets de l'artillerie qui en diminuaient le
nombre, de nouveaux assiégés remplaçaient ceux
qui venaient de perdre la vie, jusqu'à ce que l'es-
poir d'arrêter les ravages du feu fût entièrement
évanoui pour eux.
Le monastère brûlait toujours. L'artillerie gron-
dait de chaque côté. On entendait les cris, le
bruit, les lamentations qui partaient de la ville.
Cela produisait une scène mêlée d'horreur et de
désolation.
Pendant ce siège , nous restâmes de service une
journée à la tranchée, où nous étions à même
d'observer de fort près ce qui passait.
Le i5 brumaire (5 novembre), trois jours
après le commencement de cette terrible canon-
nade h boulets rouges , le gouverneur demanda k
capituler. Le lendemain, les troupes mirent bas
les armes sur les glac is ; elles s'en retournèrent eut
Allemagne ou en Hollande.
( '^'S ) _ _
Lorsque la garnison eut défilé, je me trouvai i'^^.
de corvée pour chercher des vivres daus la for- a.n m.
teresse. Je remaïquai que l'on avait ôté les pavés;
que la plupart des pierres étaient portées dans
les greniers, pour être, en cas d'assaut, jetées sur
les assiégeants ; que les rues avaient été coupées
par des charrettes entrelacées ou par des retran-
chements garnis de pièces d'artillerie. Je vis les
dégâts des divers incendies qui étaient considéra-
bles , et c[ui , s'ils eussent continué , auraient
promptement détruit la place.
^ oici le rapport qui en a été fait :
Siège et prise de Maastricht, le i4 brumaire
( /\. no^'embre).
« Maëstricht est tombé, après onze jours de
» tranchée ouverte, au pouvoir de la république:
» les difficultés étaient presqu'incroyables ; mais
» elles ont été surmontées par une bravoure plus
» incroyable encore. La tranchée a long-temps
» été inondée ; nos guerriers ont eu à braver tous
)» les éléments. »
^ oici la lettre des représentants du peuple ,
au quartier-général devant Maëstricht, le i4 bru-
maire (4 novembre) :
« Citoyens collègues , Maëstricht est au pou
» voir de la république : cette place s'est rendue
w ce matin à 5 heures , après 1 2 heures de tran-
» chée ouverte ; elle était défendue par une gar-
n nison nombreuse, et plus de '^00 pièces d'ar-
» liilerie.
( 154 ) _
îMpj» » La contenance des assiégés semblait nous
AN li . » annoncer qu'il faudrait recourir aux der-
» niers moyens ; mais l'activité de nos travaux,
» l'audace de nos soldats , les ont bientôt con-
» vaincus que toute résistance serait inutile. La
)) garnison s'est rendue prisonnière de guerre.
» L'armée de Sambre et Meuse a bravé le mau-
w vais temps et le feu des batteries ennemies :
» accoutumés à vaincre, nos soldats s'indignaient
» qu'une place isolée osât leur résister. Les tra-
» vaux se poussaient avec une célérité sans exem-
» pie , les jours de tranchée semblaient être des
» jours de fête.
» Le général Kléber commandait l'armée de
» siège, Bellemont conduisait l'artillerie, et Ma-
» rescaut dirigeait le génie. Officiers et soldats,
» tous ont parfaitement rempli leur devoir. Le
)) nombre des républicains que nous avons à re-
» gretter depuis le commencement du siège, est
M de soixante. Nous avons eu cent blessés : nous
» ne pouvons vous donner en ce moment l'état
» de l'artillerie et des munitions, on est occupé à
» en faire le relevé ; mais elles sont immenses.
» Une lettre du général Jourdan confirme ces
» heureux détails : elle ajoute seulement que la
» garnison était composée de 7 à 8,000 hommes,
» et c{u'elle ne poiuTa porter les armes contre la
» république , qu'après avoir été échangée contre
» des prisonniers français. »
( >55)
> (^«^«^^.^^^«^•^T',.^»
CHAPITRE XXIY.
Le i8 brumaire ( 8 novembre), nous partîmes 179^.
pour nous diriger sur le Rhin ; nous bivouaquâmes ai* m.
auprès de jVies\\iller.
Le 19 ( 9 ) , nous allâmes à Aix-la-Chapelle, où
l'on parlait allemand (i). Je vis les curiosités que
renferme cette ville , ainsi que les eaux bouillantes
et minérales de Bruscheid , qui n'en sont séparées
que par une prairie.
Le 20 ( 10), nous nous rendîmes à Esch veiller,
de la à Dueren, où les portes de la ville étaient
fracassées par les boulets et les balles , à la suite
d'un combat à outrance; il avait eu lieu entre
presque toute la cavalerie française et autri-
chienne, avant que l'ennemi passât le Rhin, pour
protéger son infanterie qin se jetait en toute hâte
sur la rive droite de ce fleuve.
Le 2 1 ( Il ) , nous restâmes la nuit sur la route
deLecheuich.
(1) J'avais commencé à apprendre les principes de cette
langue, par les soins d'un nommé Schœffer, qui tra-
vaillait chez mon père ainsi que chez mon oncle, et à
qui j'enseignais le français.
Cette étude u'était alors pour moi qu\m délasse-
ment ; j'en ai cependant retiré depuis un grand avantage ,
étant en Allemagne.
I. II
( >5C)
1794. Le 22 (12), nous passâmes à BniLî, où se
AN m. trouve un supei be château ; ensuite nous bivoua-
quâmes sous Gross-Weisiing.
Aussitôt que le bataillon fut installé, je me
transportai auprès du Rhin ; j'observai sa largeur
et la beauté de son cours, dont j'avais souvent en-
tendu parler. Je bus de son eau ; je m'en lavai les
,. mains, comme j'avais fait à Anvers , à l'embou-
chure de l'Escaut (i).
Le 28 ( 1 8 ) , le bataillon partit du camp , pour
aller cantonner à Bruhl. Les habitants n'avaient
pas souftcrt, n'ayant vu qu'un instant l'armée, et
la ville s'était trouvée protégée par les sauve-gardes
que les généraux y placèrent à cause du palais.
JNous étions douze couchés sur de la paille, dans
luie chambre, ayant recommandé de iaire du leu
pendant la nuit, le froid étant très-rigoureux. La
fille qui en était chargée , bourra tellement le
poêle ou la chambre du stube , que nous faillîmes
tomber en asphyxie. Plusieins en restèrent in-
commodés. Nous n'éprouvâmes de soulag-emeut
(i) Je me rappelai, en voyant ce célèbre fleuve, que
les Germains s'y baignaient en toute saison , pêle-mêle ,
hommes et femmes, garçons et filles, sans que la pu-
deur de ces dernières en souffrît ; qu il avait servi maintes
fois à la justiJication ou à la condaninatioji des Gauloises
accusées d'adultère , en y faisant jeter , devant des té-
moins, leurs enfimts nouveaux-nés, liés et garottés. Si
les enfants nageaient , ils justifiaient l'innocence de leurs
mères; au contraire, s'ils allaient au fond, ils attestaient
leur culpabilité , et elles subissaient la peine de mort ,
cliâtiinent réservé à leur crime.
que lorsque les fenêtres tureiu ouvertes, et que i-q:
l'air eut été renouvelé. ^j^ m.
Le i*^' frimaire (21), le fourrier de la compa-
gnie étant tombé malade , se transporta à l'hôpi-
tal. Le capitaine me désigna pour le remplacer.
J'exerçai provisoirement ses fonctions.
Il est nécessaire de dire ([uelque chose du cos-
tume et des usages des habitants de ce pays. Les
Allemands avaienf un petit bonnet à poil ; les che-
veux plats sur les épaules ; l'habit avec la veste
tirant sur le brun. Ils fumaient beaucoup j met-
taient leur tabac dans des boîtes de cuivre , aux-
quelles les individus de la campagne attachaient
un grand prix. Elles étaient gravées et représen-
taient un passage de l'ancien Testament ou de
l'Histoire sainte. Les femmes nattaient leurs che-
veux 5 les tresses en étaient traversées par une
épingle d'argent d'environ six pouces de long sur
trois lignes de large , arrondies sur le sommet de
la tête. Par-dessus, elles plaçaient un petit bonnet
maintenu avec deux agrafes fixées aux tempes.
Elles portaient des camisoles de drap de couleurs
tranchantes ; des tabliers j^lissés , peu larges sur
le devant ; des jupons bordés en bas, les premiers
dépassant les autres, de manière à pouvoir les
compter; des souliers à hauts talons. Les filles de
fermiers avaient, dans les jours ouvrables, une
ceintm^e en cuir, garnie de clous de cuivre jaune
méthodiquement placés , à laquelle pendaient des
chaînes où se trouvaient attachés un couteau, des
ciseaux, des clefs, un fusil à aiguiser ; c'était pour
1 1.
( >58 )
1^94. elles un objet de luxe. Les personnes riclies, des
AK ui. deux sexes, se soumettaient aux modes françaises,
qu'elles aimaient beaucoup.
Le 5 ( 25 ) , le bataillon partit de Brulil pour
retourner au camp sous Gross-Weisling. Les froids
devinrent très- vifs ; ils sont toujours plus forts au-
près de la mer ou des fleuves , parce que l'eau
produit de l'humidité qui , se condensant dans les
airs, donne aux vents une plus grande intensité.
N'étant logés que sous des abris de paille, nous
éprouvions toute la rigueur de la saison.
Le 6 ( 26 ) , nous occupâmes le village.
Il y avait quelques habitations d'apparence,
dans l'une desquelles logeait le quartier-maître.
Son épouse profitant d'un bel après-midi , ouvrit
l'un des côtés d'une fenêtre de sa chambre, pour
considérer la majesté du Rhin , sa rapidité , ses
bords riants et fertiles. Elle contemplait le nombre
infini de villages, de hameaux et de maisons Là is
rà et là dans la plaine qui se déroule à la vue.
Elle regardait attentivement les sept montagnes
du duché de Berg, couronnant la rive droite du
fleuve , et connues sous les noms de Drachenfels ,
Wolkenbourg , Stromberg, Lœwenbourg, la plus
élevée, qui a en hauteur 1,896 pieds du Rhin,
JNider ou Nonenstromberg , OEhlberg et Ilemme-
rich. Il s'y trouve encore des débris et des traces
d'anciens châteaux , qui annoncent la tyrannie des
chefs de ces familles illustres, formant une ligue,
pendant les i5'"% i4"^" et i5™" siècles. Ces do-
minateurs, à l'aide de leurs soldoyers, mettaient
C 139 J
alors à contribution les deni'ées qni naTÎguaient 1794.
au pied de leurs forteresses ^ ou ils dévalisaient^ an m.
les paisibles marchands qui voyageaient sur les
routes à la vue de leurs redoutables donjons. Le
paysage produit un site tout-a-fait pittoresque , et
présente à l'imagination un aspect aussi agréable
que romantique. Tandis que la dame était en ad-
miration , il y avait eu face un poste de pandoures. •
La sentinelle, quoi qu'à une distance fort éloignée,
et paraissant hors de portée , tira un coup de ca-
rabine qui vint casser , à hauteur de la tcte , un
carreau du panneau que cette jeune personne
avait laissé fermé. Les morceaux de verre , en
tombant , la contraignirent à s'éloigner ; de sorte
qu'elle ne voulut plus occuper cet appartement.
La balle avait encore suffisamment de force pour
la tuer ou la blesser grièvement , puisqu'elle alla
ensuite frapper dans le mur , où elle lit un trou
profond. Le mari prenait plaisir à en montrer
l'empreinte, pour prouver jusqu'à quelle distance
on pouvait être atteint par le plomb de l'ennemi.
Le 1 4 ( 4 décembre ) , nous partîmes de Gross-
Weisling pour Cologne.
Le i5 ( 5 ) , nous nous dirigeâmes sur Neuss.
De cette commune , on voyait le palais incen-
dié de l'électeur palatin (i).
Ce superbe édifice est dans Dusseldorf ; on ra-
conta que le général français , arrivé sur la rive
(i) Les journaux du temps , les géograpliies' modernes
et les ouvrages qui ont traité de la guerre de la révo^
lution, n'ont aucunement parlé de cet incendie.
( i6o )
1794. gsuche du Rhin, après la bataille d'Aldenhoven,
Ax 111. (t), imposa des coiUiibiuions à la Tille, qui refusa
de les payer. Il lit, pendant la nuit, tandis qu'il
y avait un grand bal chez l'électeur , avancer des
obusiers , et ayant mis en peu d'instants le iéu au
bâtiment, la musique et la danse cessèrent bientôt.
Le 16 ( G ) , nous couchâmes à Crevelt.
Le 17 ( 7 ) , nous passâmes à Gueidres , et la
compagnie à laquelle j'appartenais, prit son can-
tonnement au village d'Issum. Nous allions à cette
ville chercher les vivres, tous les deux jours pour
la viande, et tous les quatre jours pour le pain.
Durant notre séjour dans ce cantonnement ,
mon capitaine me Ht établir un registre portant
toute la composition de sa compagnie , les détails
de l'habillement, de l'équipement , de Tarmement,
de la solde et des vivres , ce qui me mit bien dans
son esprit. Il s'occupa de ce travail , pour être à
même de rendre compte de sa gestion à la nou-
velle organisation du corps, que l'on annonçait
devoir être très-prochaine.
Le 21 (11), nous quittâmes ce cantonnement
pour aller à Kapelen.
Le 5o ( 20 ) , nous allâmes coucher à Gueidres,
où le corps se réunit.
Le i^*^ nivôse ( 21 ) , le 5°'^ du Nord fut embri-
gadé avec le i^"" bataillon de Navarre, 5"'^ régi-
ment d'infanterie , et le 2"^*^ du Finistère , qui for-
mèrent la 9'"'' demi-brigade de ligne. Les compa-
(1) Elle eut lieu le 11 vciKlemiaire ( 2 octobre ).
/^;%?^2:^^î^ 6^ ^ ^ " X
i?.<:^'ôr^*
y^
guics étaient tiercécs ; il n'y eut de changé que i^g^.
les pompons qui se trouvaient ronds et plais, an m.
Chacun des bataillons avait sa couleur ; chaque
compagnie un numéro brodé sur une p/ièce de
drap , en or pour les officiers et sous-officiers , en
laine pour les soldats et tambours.
La compagnie dont je faisais partie fut la a™*^ du
second bataillon (i).
L'embrigadement eut lieu du t^"" au 9 nivôse
(21 au 29 décembre); on ne le termjiia qu'à
cette époque. Chaque détachement retourna en
cantonnement.
La demi-brigade se trouva attachée à la divi-
sion du général Lcfebvre (y) , formant l'avant-
garde de l'armée de Sambre et Meuse.
(1) Ce corps était commandé par les CC.
Cardon, clief de brigade.
Leloutre , chef du i*"^ bataillon.
Augros , chef du 2""® idem.
Bonuemaille , chef du 3™'' idem.
Chapui , quartier-maître.
Lucl , adjudant-nnjor.
Cuvelier , chirurgien-major.
La 2"^ comp* du 2""" bataillon avait pour officiers , lesCC.
Payen , capitaine.
Dewez , lieutenant.
Debonnet , sous-lieutenant.
Derode, sergent-major.
J'étais, comme caporal, immatriculé sous le numéro
d'ordre 1 ^1^0.
L'effectif de la a""^ demi-brigade était estimé montev
à cnviion 3, 000 hommes.
(2) ÏMort maréchal de France et duc de Dantzig.
( '62)
CHAPITRE XXV
1794- Le 10 nivôse ( 5o décembre), après l'opéra-
A.N m. tion de l'amalgame, le bataillon où je me trouvais
occupait divers villages , non loin de l'abbaye de
Closter-Camp.
Par accident, le feu prit à une maison éloi-
gnée dans la campagne. On n'en avait informé
la troupe que par la générale. Les habitants ne
s'étant pas prêtés à secourir les incendiés , on en
demanda la raison au bourg-mestre. Il répondit
que, dans ces cil-constances , on les instruisait par
le son de la trompe (i) , ou par le bruit du mar-
teau à cliquettes ; que ce moyen n'avait pas été
employé , parce qu'il craignait que les Français
ne le trouvassent mauvais , et qu'ils ne crussent
que ce lût un signal de lalliement pour nuire à leurs
projets. Le commandant s'étant fait expliquer ce
procédé, ordonna qu'à commencer de la première
nuit , l'ancien usage de la trompe aurait lieu.
( I ) Ce qu'en allemand on appelle Thiirnwachter ou
• T^'ncht-Thurn ; r/est-à-dire, qu'un homme de garde mon-
tait la nuit dans le clocher pour faire le guet. Depuis
onze hemes jusqu'à la pointe du jour , il e'tait obligé ,
après que l'horloge avait frappé , de répéter avec sa
trompe la quantité de coups. Quand il s'agissait d'un
incendie, ce surveillant l'annonçait aussitôt, en redou-
blant et multipliant les sous avec vitesse.
( .05 )
Nous allions à Giieldres cLerclier les vivres. i-c)/[.
Etant obliges de traverser la plaine de Closter- am u .
Camp , nous remarquions les retranchements qui
avaient servi aux Français, du temps des guerres
de Hanovre. Je connaissais TListoire du célèbre
chevalier d'Assas qui y périt, en se dévouant,
Tan 1760 (i).
Un jeune militaire n'a pas de plus grande jouis-
sance que celle qui lui rappelle quelqu'action
éclatante d'un de ses compatriotes, lorsqu'il se
trouve sur lé heu où s'est livrée la bataille.
Ce qui m'a paru étonnant , en voyageant dans
ce pays-là , et même depuis , c'était le mélange
des religions. Je ne pouvais me taire à cette dif-
férence de prier Dieu. Ayant été élevé dans les
principes catholiques, je croyais que, « hors de
» l'église , il n'y avait point de salut. » Cependant
j'ai remarqué que , parmi les juifs , les protestants ,
les luthériens , les calvinistes ou prétendus réfor-
més, etc., dont je fréquentais souvent, par cu-
riosité, les synagogues, les temples, les prêches,
etc. ; chez lesquels je logeais toutes et quantes
fois que l'occasion se présentait, il y avait de fort
honnêtes gens , des êtres remplissant avec beau-
coup de ferveLU" les devoirs de leurs cultes (2).
(1) Le Dictionnaire historique a consacvé un t»ès-bel
aiticle à îa louange de ce brave , que Louis XV a ré-
compensé dans sa munificence royale, en assurant une
pension aux descendants de cet illustre guerrier.
(2) J'ai lu avec une attention scrupuleuse , les céré-
monies , les mœurs et les coutumes reli^iicuscs de tous
jiç^^j. Le 17 nivôse (6 janvier), l'ancien 5"^'' du
AK m. JNord rendit les comptes de sa gestion jusqu'à
son embrigadement (t).
Le 21 (10), on réunit la demi-brigade à Gueidres.
On délivra, pour la première fois , une certaine
quantité de capotes aux compagnies qui étaient
dans le plus grand dénuement.
On nous prévint de nous tenir prêts à nous
appjoclier de la Hollande (2).
les peuples du inonde , en 1 3 vol. in-folio. Cet ouvrage
immense m'a fait naître beaucoup d'idées sur la manière
dont les nations rendent hommage au Créateur. Cet ob-
jet est trop délicat et trop abstrait pour en parler ici
plus amplement.
(i) Pour régulariser les écritures du bataillon , on dressa
le registre - matricule dans le village d'Issum , où s'était
réuni l'ex-conseil d'administration.
A cette époque, le corps comptait 1,776 liomnies qui
avalent figuré sur ses contrôles.
(2) Voici les cantonnements qui furent occupés par une
partie, ou du 3"* du Nord^ ou delà 9"'", depuis notre
départ de Gross-Wesling , le i4 frimaire (4 décembre),
jusqu'à notre arrivée à Gueidres , le 21 nivôse (10 janvier).
Le i4 frimaire ( 4 décembre ) , quittant le village de
Gross-AVeisling, pour aller loger a Cologne.
Le i5 frimaire ( 5 décembre ) , à Neuss.
Le 16 ( 6 ) , à Crevelt.
Le 1 7 ( 7 ) , à Gueidres.
]je même jour, à Kapelen.
Le 2 1 ( 1 1 ) , à Closter-Camp.
Du i*"" au 9 nivôse (21 au 29 ) , on amalgama le
3"" du Nord.
Le xo ( 3o ) , on retourna en cantonnement.
Le 21 (lo janvier), la demi-brigade fut réunie àGueldtes»
( ^^>^ )
^» .^•^^■^^.^•^^•jr-.^r-^T-jT'.jT-^/r'^iT^^r^/r'.^T'.^r-^
CIIAPlTPxE XXYI.
Le ^4 nivôse ( i5 janvier) , nous reçûmes l'or- inq"î.
drc de partir de Gueldres , le soir , à marche for- an m.
rée. Nous nous mîmes en route vers les 4 heures,
par un temps excessivement mauvais. Il était
tombé de la neige quelques jours auparavant;
elle avait fondu, et la gelée reviut si forte, que
les fleuves , les rivières , les canaux se trouvaient
tellement pris , que l'on profita de ce froid pour
faire pénétrer les armées républicaines en Hol-
lande , afin d'en opérer la conquête.
Nous voyageâmes pendant la nuit. Le verglas
fut si dangereux, que nous marchions sans bottes
ou sans souliers pour nous garantir des chutes.
Comme je remplissais les fonctions de fourrier,
le tagnon (i) que je portais servait a me guider»
Le 2 3 (14)5 nous arrivâmes k Xanten, et nous
nous dirigeâmes sur Calcar, où nous déjeunâmes
chez un Français , qui était traiteur. On nous
plaça dans les fermes aux environs de la ville.
Le 26 (t5), la compagnie à laquelle j'apparte-
nais , fut logée dans le village de Till , sur la route
(1) Espèce d'étendard confié à cliaqiie fourrier, pour
rectifier l'alignement dans les bivouacs et dans les camps.
( .66 )
1^95. <ïe CIcves;noiis y restâmes quelques jours. Le
AK m. froid était tellement dense, l'atmosphère si char-
gée de vapeurs, qu'on aurait cru que le soleil
était éclipsé.
Pendant le solstice d'hiver qui avait eu lieu le
i^'' nivôse (21 décembre), ainsi que depuis, on
remarquait que le soleil se levait peu avant 9
hernies, et se couchait à 5 heures quelques mi-
nutes; mais dans cet intervalle , il semblait que
nous étions dans une nuit éclairée seulement par
la lune (i).
\ oici le rapport qui a été rédigé de la rigueur
de la saison :
Bruxelles, le 7 pluviôse (2,6 janvier) (2).
" Le froid qui est monté à plusieurs degrés de
» plus que dans les hivers de 1740 et 1788, a
(1) A Paris, au solstice d'hiver, le soleil se lève à
huit heures, et se couche à quatre j ce qui produit une
difTJrence de presque deux heures avec la Hollande. La
nature ayant re'parti ses bienfaits par égale portion , il
a dû en re'sulter que , pour le solstice d'été , qui a eu
heu en Hollande le 3 messidor an 3 (21 juin 1795),
le soleil s'est levé peu avant trois heures du matin , et
s'est couché à neuf heures quelques minutes du soii'.
A Paris, il ne s'est levé qu'à quatre, et s'est couché à
huit ; ce qui a donné les deux heures de compensation
en moins, l'été, à Paris, et en plus, lliiver, pour la
même ville.
(2) Cet article est extrait des jouraanx du temps j mais
le Dictionnaire des batailles , vol. ^, page 223, dit: « En
r> janvier 1795 ( an 3 ) , le froid étant- parvenu à 17
» degrés du thermomètre de Rcaumur ( 21 du centigrade),
( '«7 )
»» déjà coûté la vie à plusieurs individus indi- inq^,
M gènes de cette ville, de même qu'à quelques an m.
» sentinelles républicaines qui ont été trouvées
» mortes à leurs postes. »
Les soldats de la compagnie, qiii étaient Fla-
mands, savaient tous patiner. Ils avaient tant
d'agilité sur la glace , que j'étais flatté de rece-
voir de leurs leçons , afin de pouvoir les imiter.
Je pris tant de plaisir à cet exercice que, du ma-
» les eaux de la Meuse et du Valial se gelèrent au point
» de porter les charges les plus pesantes. »
Pour rendre ce rapport plus intelligible , on a cru
devoir donner ci-après, l'explication du thermomètre de
Reaumur.
Degre's. Chaleur. — Liqueur montante. — Esprit de vin.
80. Eau bouillante. EbulUtion.
35. Incubation des poulets.
32 ( ou 32 1/1 ). Chaleur du sang humain.
3o 1/2. Chaleur de l'urine.
3o. Chaleur à Paris, en 1802 (la plus grande qu'il
y ait fait ).
29. Chaleur du lait de vache.
23. Bains ordinaires. Été' moyen à Paris.
2 3. Eté froid à Paris.
21. Maturité des raisins.
i5. Serres chaudes.
î4- Chaleur des poêles.
12. Chaleur des appartements,
ïo. Température moyenne.
9. Température des puits profonds et sources.
5. L'huile d'olive gèle.
4. La neige gèle.
o. Glace fondante.
( ;fi8 ) ^
irq^. tiii au soir, après avoir rempli mes devoirs de
AN 111. fourrier, j'étais sm- la glace.
Ce qui me surprit, ce tut que le canal con-
duisait directement à Clèves, dont nous étions
éloignés de 2 lieues. Un patineur s'en alla à la
ville, et rapporta, en moins d'une heure, dilfé-
rents objets que l'on ne pouvait se prociuer
ailleurs ; ce qui peut donner une idée de la
promptitude avec laquelle on irancliit ainsi un
grand espace en peu de temps.
Degrés. Froid. — Liqueur descendante. — Esprit de vin.
o. Glace fondante.
Eau cl lait gèlent.
Urine et vinaigre gèlent.
Vin et encre gèlent.
Rivière gèle , et liiver doux à Paris.
•j. Hiver moyen à Paris.
8. Les chevaux soullVent et meurent. (Obs. particu-
lière ).
10. La Seine prend en entier.
i5. Les hommes souftVent et meurent. (Obs. parti-
culière ) .
16. 1/2 Le grand froid en 1740 et 1788.
17. Le froid en Hollande, en 1795 ( cti degrés du
centigrade ).
17 ip. Congellatiou de l'eau-de-vie.
2 1 . Froid ordinaire à Saint-Pétersbourg.
Le thermomètre centigrade de Chevallier ., l\ la tour
du Palais, à Paris, est le mcme que celui de Réaumur,
avec cette diftérence , qu'au lieu de 80 degrés pour ar-
river à l'eau bouillante , le thermomètre centigrade en
compte 100 3 ce qui fait mi 5"" de variation entre les
deux.
( i«0 )
Le 7 pluviôse (26 janvier), nous parlîmcs i-ç^^,
de ce village pour Clèves; ensuite nous passâmes aa m.
le Valial sans nous en douter, k cause de la den-
sité de la glace sur laquelle se trouvaient en même
temps Tiiitanterie , l'artillerie , la cavalerie. Le
bord de la digue étant retranché , les alliés l'oc-
cupant , on s'y était battu l'a vaut- veille.
La division passa la nuit dans l'ile d'Over-Bé-
tnve. La 9""' demi-brigade logea à Bemmel, sans
avoir suivi de chemin , passant sur les fossés , les
canaux, sans savoir sur quoi l'on marchait, la
neige couvrant entièrement la terre. Les hommes
étaient dans la plus grande détresse, presque nus,
eu ésard à la saison rigoureuse.
Lue grande partie n'avait point reçu de capotes.
Beaucoup dliommes eurent le nez , les oreilles ,
les pieds gelés. Nous avions tous la moustache
blanche , les cheveux garnis de givre (i).
Mon sergent-major et moi , nous logeâmes chez
un cordonnier. Le Iroid avait tellement pénétré
dans la chambre où il nous fit coucher, que le
soir, à la lumière, on aurait cru être environné
de cristaux, de diamants ou de quelques pierres
précieuses , tant était resplendissant ce qui exis-
tait autour de cet appartement.
[i] Je m'étais muni adroitement de cuir d'un bœuf
dont le poil avait été conservé. J'en fis des chaussons ,
que j'attachai en cothurnes avec une lanière ; de cette
manière , j'eus toujours assez chaud aux pieds. D'autres
mirent du son dans leurs souliers, pour se procurer de
il chaleur.
( 170 )
i^c)5. Le 8 (27), nous nous mîmes en route pour
AN 111. Ariibeim. Les Anglais , en bataille sur la rive
droite du Rliin dont nous occupions celle de
gauche , nous envoyèrent des boulets r[ui rou-
lèrent sur la glace à une distance démesurée;
nous nous en garantîmes en descendant de la
digue, du côté opposé, cpii nous servait de re-
tranchement.
On cita , dans le temps , comme une chose cu-
rieuse, extraordinaire, cpie la cavalerie française
dans la Nord- Hollande , traversa au galop les
plaines de glaces, arriva auprès des vaisseaux, les
somma de se rendre, et prit, sans combat, l'ar-
mée navale.
Le 9 (28), la demi brigade reçut l'ordre d'al-
ler cantonner dans l'île d'Over-Bétuve. La com-
pagnie à laquelle j'étais attaché, se transporta au
village d'Angeren , près du Rhin , en lace de Ber-
klau, tort en terre appartenant à la Prusse. L'es-
couade dont je faisais partie logea dans une ferme
nommée Arm.
Deux heures après notre arrivée, on fut forcé
de se mettre sur la défensive , parce que l'ennemi
lit un mouvement comme s'il eût voulu nous at-
taquer. Les Anglais, cherchant plutôt à se retirer
cju'à combattre , laissèrent les Français en repos.
La compagnie retourna dans ses logements.
Le froid était si violent, la bise coupait tel-
lement le visage , qu'on relevait les faction-
naires toutes les heures pendant le jour, et toutes
les demi-heures pendant la nuit. Malgré cette
prccaiition, souvent ou trouvait des soldats gelés i^qS.
à ici:rs ]>OHtes. an m.
\oki le i-appor t de notre passage en Hollande,
le 20 pluviôse (8 février) :
(( L'armée , commandée par le général Jour-
» dan, s'est mise en mouvement, sans que l'on
j) puisse deviner au juste ses desseins : déjà le
» quartier-général a quitté Maëstriclit , pour être
j) transféré à Crevelt. Tous les cantonnements
» qui garnissent la rive du Rhin, à droite et à
» gauche de Cologne, viennent d'être renforcés
» considérablement; ce qui annonce que l'on se
» tient en mesure contre l'ennemi ; ou bien , ce
» qui est plus croyable, que des forces considé-
)) râbles passeront le Rhin, afin d'aller prendre
» Mayence par-derrièie, et de compléter ainsi le
A) blocus de ce boulevard de l'em]^ire. Par cette
» manœuvre brillante , la jonction de l'armée de
» Sambre et Meuse avec celle du Rhin s'elî'ectue-
» rait, et tous les projets nouveaux de la coalition
» seraient encore déconcertés. »
Nous parûmes placés pour hiverner dans ce
pays (i).
(i) Voici les cantonnements occupés par une partie du
corps, depuis son départ de Gueldres , le 24 i^ivôse ( i3
janvier), jusqu'à so» arrivée à Huessen, le 9 pluviôse
( 28 janvier ) :
Le 24 nivôse ( i3 janvier ) , cpùttant Gueldres pour
aller loger à Marienbauni.
Le 25 nivôse ( i4 janvier ) , à Clèves.
Le 29 ( 18 ) , à Gonds.
Le 9 pluviôse ( 28 ) , à Huessen.
I. 12
( 17^ )
* \^^ .^^<^f^
CHAPITRE XXYIL
1795. Dans l'Over-Bétiive , les maisons de campagne
AN m. des riches particuliers sont carrées, et générale^
ment bâties avec beaucoup d'élégance. La cour
est au milieu ; de larges l'ossés pleins d'eau , ayant
un ou plusieurs ponts-levis, les entourent. Dans
les douves des châteaux , on voit , l'hiver , de
beaux traîneaux à caisses de cabriolets , avec des
figures dorées sur le devant. Ils sont montés par
des dames , poussés par des hommes , ou conduits
par des chevaux, environnés de jeunes gens qui
patinent avec grâce, pour faire leur cour ou re-
cevoir des applaudissements.
Chaque meule à mettre le foin ou le blé , est
soutenue par trois piliers en bois, couverte d'un
toit rond en paille. Le plancher où est la charge,
se lève avec un cric , afin de la garantir des inon-
dations.
Les connaissances que j'avais acquises dans la
langue allemande me devinrent inutiles en Hol-
lande, puisque ce pays a un dialecte particulier.
A l'aide des Flamands de la compagnie, j'appris,
en peu de temps, assez de mots pour demander
mon nécessaire. Quand je ne pouvais parvenir à
( 170 )
m'exprlmer, j'ayais recours à qnelqiies-ims d'eux, 17^^.
qui me tiraient aussitôt d'embarras. an nu
Voici le rapport des progrès de Tarmée :
Bruxelles, le 3o pluviôse ( 18 févriei-).
« Les républicains se sont emparés d'Emmerich,
p ville forte siu' la rivé droite du Rliin , entre le
» fort de Sclienck et Bess. »
Le froid cessant, le dégel eut lieu. Le Rhin
charia des glaçons, des cadavres humains, des
débris de maisons , d'ameublements , de vaisseaux,
d'arbres, etc. Ce spectacle effrayant présentait
des bizarreries horribles à mes regards avides de
nouveautés.
J'aperçus , en frissonnant , les digues qui allaient
désormais nous servir de remparts ; qui sauvent
la vie à tant de miUions d'individus. Elles ne sont
construites que sur nne certaine quautité de pieux
piqués dans l'eau, appuyés sur quelques caillou-
tages , dont les intervalles sont simplement calfatés
ou remplis de planches , de mousse ou de terre.
Elles sont élevées d'environ q.5 pieds au-dessus
du sol , assez larges pour laisser passer deux voi-
lures, et servent de grandes routes.
Je me rendis sur le bord du Rhin, avec trois
ele mes camarades. Nous vîmes la débâcle. Elle
entraînait toutes sortes d'objets qui passaient rapi-
dement. Les glaçons étaient amoncelés au milieu
du fleuve, de la à t5 pieds au-dessus de la sur-
face, ce qui formait une espèce de train. Chacun
de nous se livrait à de profondes réflexions. Le
îcmps se passait sans que l'on songeât à s'en re-
12.
(■74)^
i«cj5. tourner. Les eaux se gondaieiit a vue cPœil. 1}
Aw m. était 5 heures. Nous nous dirigeâmes vers le can-
tonnement. A peine avions-nous fait 20 pas , qiie
nous fûmes arrêtés par un fossé de i lî à 1 5 pieds de
large, sur peut-être 6 de profondeur j il était à sec
lorsque nous l'avions traversé, et se trouvait alors
comblé , chariant aussi des glaçons assez considé-^
râbles. Nous restâmes tout stupéfaits. Chacun de
nous courut alternativement pour le franchir.
Aucun n'osa se risquer. La nécessité qui rend
ordinairement industrieux, me fit naître l'idée
d'aller chercher le niàt d'un petit navire échoué
sur le rivage que nous venions de quitter ; d'y at-
tacher nos l'ubans de queue formés en corde avec
des osiers entrelacés de nos mouchoirs de poche
et de nos cravates , pour le retirer lorsque cha-
cun serait passé. Le projet fut aussitôt exécuté
que conçu. Après avoir placé la perche au milieu
du fossé , je pris mon élan , et je me trouvai sain et
sauf de l'autre côté. On me jeta la corde; je ren-
voyai le morceau de bois. Je fis la même ma-
nœuvre jusqu'à ce que l'on fût arrivé à terre. Nous
passâmes tous ainsi sans aucun accident. C'était
l'occasion d'employer ce proverbe latin : « Asl-
niis asinum jriccit (i). » Pour nous rendre jus-
qu'au village, nous usâmes plusieurs fois de ce
même moyen.
A. trois heures du matin , nous fûmes éveillés
par la générale, le canon d'alarme d'Arnheim ,
(1) Les amis s'entr'aideut^
( '7"> ) _
qui annonraicnt à la troupe, ainsi qu'aux hal^itants, 1-95.
le danger où ils étaient de se voir engloutis. C'é- as m.
tait les prévenir que , pour leui' sûreté , ils devaient
i^nmier les digues avec leurs bestiaux et tous leurs
objets les plus précieux. La compagnie se forma
aussitôt. Nous nous rendîmes sur le point qui
nous était assigné, où nous nous trouvions enve-
loppés d'un brouillard épais et des ténèbres de
ïa nuit.
Quand le jour parut, nous vîmes distinctement
le péril qui nous menaçait. Le pays au-delà et à
l'orient de l'île était submergé à perte de vue , et
l'eau montée d'environ 2 5- pieds; elle atteignait
au niveau de la levée , quelques vagues passaient
par-dessus. La violence des vents nous tourmen-
tait beaucoup ; tout ce qui irappait nos regards ,
offrait le spectacle le plus triste et le plus affreux.
La plume se refuse à tracer de pareilles horreurs 1
La nature semblait être anéantie. Les maisons
avaient disparu en partie. On ne distinguait que
des cheminées ou des bouts de toits. Les individus
qui y étaient restés , fuyant dans des barques et
luttant conti'e les flots, couraient les plus grands
dangers. Les oiseaux de ces contrées , chassés par
le débordement, voulaient se reposer sm' la cime
des arbres qui, fortement agités, les forçaient à
planer dans les airs , d'où ils revenaient bientôt
pour éprouver la rnéme fluctuation. On en re-
marqua plusieurs qui , par trop de lassitude , tom-
bèrent dans les vagues où ils fm^ent engloutis.
IKous craignions j ainsi que les habitants, que
Ï795. l'i cliaiissée ne crevât, et que l'île ne fût submergée,
A3S m. Un exprès , envoyé de vis-à-vis d'Arnheim , an^-
nonca que, pendant la nuit, les glaçons s'étaient
tellement acciunulés , qu'ils barraient le cours du
Rliin; que s'ils ne se séparaient bientôt, l'eau
passerait sous peu par-dessus ses limites. On lança
de la ville beaucoup de bombes , de boulets , sur
la glace pour la briser. Cette artillerie ne trayant
pas un passage aussi prompt que le débordement
du fleuve l'exigeait , on nous prévint de nous te-
nir prêts à quitter notre position, parce que la
digue commençait à se ronger , malgré les soins ,
des soldats et des paysans que l'on encourageait
au travail. Ils mettaient aitx endroits endomma-
gés , des fagots attachés avec des cordes , des
planches , des matelas , pour empêcher l'eau et la
glace de rompre I4 seule barrière qui leur était
opposée.
A dix heures du matin, le danger étant par-
venu à son dernier période , le moment de la
mort semblant inévitable (i), nous abandonnâmes
fi) On peut citer, pour exemple , le malheur qui eut
lieu en 12^5, lorsque l'Océan rompant les digues, en-
gloutit un grand nombre de villages avec leurs habitants^
et qu'il forma le golfe appelé aujourd'hui le Zuiderzée.
Le Journrd des Voyages (*) dit : m Pendant ia tempête
« qui dura du 3 au 6 février 182') exclusivement , on
» porta à 5 ou 6,000 le nombre des morts j à 10,000
» celui des bêtes à cornes ; à 100,000 la quantité de mou-
» tons qui pc-rirent , et à 36 ou 4^ i^s l)ourgs ou vil-
)> lages inondés à des hauteurs plus ou moins graudee. «
l") 7'™'"' cahitr, mars iSaS , page 382 et suivantes.
( Ï77 )
Angercn pour rejoindre le bataillon qui avait i^gj,
l'ordre de se réunir à lluessen, éloigne d'une lieue an m.
environ. Cette petite ville, plus élevée que la
digue sur laquelle elle est bâtie, pouvait nous
préserver des malheurs dont nous étions menacés
par la débâcle. La compagnie s'établit dans un
couvent de témmes , qui nous cédèrent une aile
de leur manoir , et se retirèrent dans l'autre
partie. Je lis le logement avec le prêtre-directeur
des religieuses ; nous arrêtâmes les arrangements
à la satisfaction de tous les intéressés , sans au-
cune plainte de part et d'autre.
Le cours du Rhin s'étant rétabli , n'ayant plus.
le même péril à redouter , nous laissâmes le mo-
nastère pour retourner dans les cantonnements
que nous occupions avant l'inondation.
Comme toute communication était interceptée
avec les lieux au-delà de l'île que nous habitions,
on fut obligé de nous délivrer , des magasins
d'Huessen, du pain qui avait été gelé , et qui , par
suite, se trouvait moisi et pourri. Nous ne re-
cevions qu'une demi -ration de cette mauvaise
nourriture.
Pour nous rendre au magasin , les hommes de
corvée et moi , nous courions les plus grands
dangers, parce que la digue, calcinée en plu-
sieurs endroits , était garnie de glaces difficiles à
franchir. J'ai souvent vu des soldats, très-braves
un jour de combat , manquer de courage pour
passer; ils s'en retournaient à vide.
Après quelques distributions de ce mauvais ali-
( '78 )
1^95. mont, des militaires à moitié affamés, mangeaient
AN 111. clés feuilles de tabac en giii^e Je pain, et dévo-
raient toutes les denrées qu'ils pouvaient s'appror
prier.
Le pays où se trouvait la demi-]}rigade, n'était
pas éloigné du Tolliuis, si célèbre sous Louis XIV,
par le passage du Rhin, le 9 juin 1672, que l'arr
mée française , pour pénétrer en Hollande , fran-
cliit à la nage , sous les ordres du prince de
Condé.
Le dégel continuant , il en résulta , à cause de
l'humidité et de la mauvaise nourriture , que
beaucoup d'hommes tombèrent malades. C'était
une espèce d'épidémie, qui heureusement ne fut
pas funeste : car, après quelque séjour dans les
hôpitaux , ils se rétablirent et reprirent ensuite
leur service.
Voici un rapport sur la situation de l'ennemi :
Utrecht , le i*"" ventôse ( 19 février).
<( Il se trouve encore à peu près 5 k 6,000
» alliés entre Arnheim et Zutphen. Cette der-
» nière ville se trouve dans une situation déplo-
)> rable : les habitants sont réduits à la plus
)) cruelle disette; les vivres, le bois, les fourrages
» y manquent.
» Les habitants des campagnes , plus malheu-
» reux encore, sont livrés aux pillages et aux
» excès de tout genre que coimiiettcnt les An-
n glais. »
( '79)
yJ^'.^U^UT',!^ ^ jl^.^^^ ■^^^'^'^^•^^•^'•^^ ^'■^' ■^^'^^^^^■^^^''•^^^^•J^^^
CHAPITRE XXVIII.
Après que les glaces eurent filé , on établit un x'^cp.
pont-volant sur le Valial. a?i m.
Le 6 ventôse ( ^4 tevrier ) , nous étant éloi-
gnés du cantonnement d'Âugeren , nous passâmes
ce fleuve pour nous rendre à Nimègue. Pen-
dant notre séjour dans cette cité, je visitai, avec
un vit" intérêt , la citadelle , l'ancien palais et la
maison-de- ville qui est magnifique.
Le 9 (37), nous partîmes pour Arnheim, où
nous traversâmes le Rhin sur un pont de ba-
teaux.
Le 10 (28) , nous finies route pour Doesbourg
en longeant l'Issel. La division du général Le-
fe])vre fut , de toutes les troupes françaises , la
première qui occupa cette place.
Le 1 1 ventôse ( i^*^ mars) , nous allâmes égale-
ment les premiers à Zutphen ; les habitants avaient
du plaisir à nous voir : car, au lieu de laisser
distribuer des billets , ils emmenaient autant
d'hommes qu'ils pouvaient en traiter, nous re-
gardant comme des libératein-s.
Je logeai chez un particulier si riche, ou au
moins si recherché dans son ameub'Iement , que
les draps du lit étaient de mousseline, au milieu
( i8o )
1795, desquels il y avait une magiiilique dentelle, large
ji!i lu, comme les deux mains.
La beauté de ce linge cadrait si peu avec les
lits que nous avions ordinairement , qu'avant de
nous coucher , le sergent-major et moi , nous
convînmes d'ôter nos chemises. Nous voulions
passer la nuit sur des fauteuils , et respecter ce
lit que nous ne pensions pas fait pour nous :
mais à cause de la rareté du fait , nous nous y
couchâmes , afin de pouvoir dire que nous
avions dormi entre des draps de mousseline gar-
nis de dentelles.
Le i4 (4)) nous logeâmes à Groll , petite et
jolie ville.
Le 21 (11), nous gagnâmes Borckelo, où nous
eûmes séjour.
Rapport de la marche de l'armée.
Wesel , le ii ventôse (12 mai's).
« Les avant-postes français se sont extrême-
» ment rapprochés de cette ville. On leur sup-
» pose le projet de pénétrer dans l'empire , pour
» faire une expédition contre le pays d'Hanovre,
» Le général hanovrien Walvoden a dû requérir
» le général prussien IMollendorf , de se hâter de
» défendre cette frontière de l'empire. »
JNous reçûmes l'ordre de prendre des canton-
nements dans un rayon de 10 à 12 lieues en
avant de Borckelo , entre Deventer et Aahus.
Lorsque les fourriers du 2°^^ bataillon entrèrent
dans le village pour y faire les logements , on
vit des feux de bivouac allumés sur diiiérents
( i80 _^
points, entr'aiitrcs un dans le cimetière. En rc- ijr,i
muant les braises , on découvrit des pommes a> nu
de terre cuites , que Ton mangea. Nous augu-
râmes , dès-lors , que des postes ennemis avaient
habite ces lieux. On envoya dehors une patrouille
prise parmi les hommes qui nous avaient escor-
tés. Un instant après, on reçut le rapport que
des cavaliers autrichiens étaient par pelotons dans
la plaine , et qu'ils paraissaient avoir . l'intention
de nous charger. Le bataillon qui parut avec son
artillerie , tira quelques coups de canon. iVous
sortîmes de l'inquiétude où nous étions de ne
pouvoir résister à cette cavalerie, dans le cas où
elle nous aurait attaqués.
Nous apprîmes , en même temps , que le quar-
tier-maître avec les fourriers du i^' bataillon ,
ayant été surpris dans l'endroit où ils allaient
préparer le logement , furent faits prisonniers ;
ils restèrent six semaines au pouvoir des étran-
gers ; ensuite on les rendit.
Voici le rapport de la marche de la troupe :
Arulieim , le 4 germinal (24 mars\
« Les divisions de l'armée de Sambre et Meuse,
» réunies à l'aile droite de l'armée du Nord, font,
» en ce moment, un mouvement pour expulser
» l'ennemi des positions qu'il occupe sur les rives
» de la Lippe et de l'Issel. »
Les communes où nous étions placés , étaient
près des pays de Westphalie et de Hanovre. Le
teu se fait au milieu de l'appartement, autom- du-
( i8. )
1795. quel on peut se cliaufier. Les bestiaux sont péle-
AK m, mcle avec les campagnards dans le même local.
Tous les individus d'une même famille, enve-
loppés dans des peaux de chèvre ou de mouton,
couchent ordinairement ensemble sur le stube,
ou, quand il n'y en a point, dans une espèce
d'alcove à plusieurs étages.
Je mangeai de la chou-croute avec des tranches
de lard , qiie je trouvai d'un goût excellent. Les
jainl)ons de ce pays étaient fort estimés.
Le 6 germinal (26 mars), nous nous éloi-
gnâmes de cette contrée. Les habitants qui avaient
été [)lus maltraités par les alliés que par les Fran-
çais , pleuraient dans les rues en voyant que
nous les laissions sans forces pour les défen-
dre (i').
L'ordre de rétrograder ayant été donné , les
fourriers, en évacuant, se dirigèrent de Guste-
rcn , Gelcelaer , Need , Eibergen , sur Borckelo ;
de cette dernière place sur GroU , Swol , Dote-
kum, Bresvoorde, Aenholt, Scherenbcrg, Gen-
djingen et Emmerick , où nous arrivâmes le jour
qui avait été assigné.
L'armée prnssienne se trouvait auprès de la
ville. Cette puissance était en traité de paix avec
la République française.
(i) La 9™® demi-brigade occupait la rive gauche de la
Euyràer-Bccke ou Schippbeke , rivière qui, d'Aahus , se
rend à Deventer , sépare le duché de Gueldres d'avec l'Over-
Issel à l'est , et la V/estphalie au sud.
Emmeiick avait été incendié ; le mal était tres-^ i -qS,
apparent (i). j^'^\,,.
Comme je vais quitter la Hollande , je crois
convenable de tracer les remarques que j'y ai
faites.
Ce pays portait autrefois le nom de Batmne ;
celui de Hollande , qui signifie pays creux , lui fut
donné pai'ce que son terrain est presque partout
plus bas que la mer : aussi est-il entrecoupé de
digues , de canaux , de fossés , pour contenir les
eaux et empêcher les submersions. La plus grande
partie du sol est couverte de tabac , ainsi que de
pâturages qui nourrissent un grand nombre de
bétail , surtout des vaches , dont le beurre et le
fromage sont la principale richesse des paysans.
Le territoire ne produit point de vin; mais on
y fait d'excellente bière. Il y a des fleurs , et sur-
tout des jacinthes très - renommées ; des arbres
aquatiques , tels que saules , trembles , peupliers ;
point ou peu darbres fruitiers.
L'air y est humide , froid , malsain. L'eau n'est
ni pure ni bonne. Ce pays n'a point de bois ; on
y brûle de la tourbe. liés maisons sont tenues
dans une pi'opreté rare. Les murs des chambres
sont incrustés de faïence. Tout en général y est
lavé , essuyé chaque jour. De crainte que l'ex-
pectoration des individus ne salisse les parquets,
on se sert de crachoirs qui sont des vases d'ar-
gent, de faïence, de cuivre ou d'autres matières.
(i) Les journaux, les chroniq^ues du temps, n'en ont
fait aucune mention.
( i8,i ]
t^pt. îïs sont remplis de sablon,^qne Ton met à Péri-
jkïj 1 1 1. trée des appartements , aux côtés des cheminées y
même sur les tables; tout le monde est invité à y
saliver. A la porte de cliaquc chambre on trouve
des brosses pour nettoyer les pieds ; de larges
pantoufles on des babouches que l'on chausse
pour entrer. Les buffets sont chargés de la plus
belle porcelaine. Les Hollandais aimeraient mieux
se passer de feu, que de voir leurs cheminées
noircies par la suie comme les nôtres. La pro-
preté est l'occupation perpétuelle des femmes.
Les hommes sont un peu gros, bons époux, bons
pères, excellents commerçants. Ils passent pour
ne pas être déhcats sur la nature du gain ; ce qui
a fait dire de leur pays que, « le démon de Tor,
» couronné de tabac, y est assis sur un trône de
» fromage. » Ils sont sobres , font un grand usage
de café. Leur boisson ordinaire est du thé , qu'ils
prennent avec un petit morceau de sucre candi.
Ils fument beaucoup dans de très-grandes pipes
de terre, dont ils garnissent des râteliers sur leurs
cheminées, pour les conserver.
Les paysans portent simplement un habit de
bon drap, brun pour l'ordinaire; rcs cheveux
plats ou une perruque ronde ; un chapeau à trois
cornes; un giîrt à poches, de diverses couleurs;
une culotte ; des bas bleus avec des souliers à
boucles.
Les femmes sont petites : elles ont la figure
ordinairement d'un blanc mat. Elles sont belles ,
mais sans expression ; elles sont bonnes , sans
( 'SJ)
sensibilité. Les filles, dit-on, se permettent qneî- i^q^,
ques galanteries j elles se les interdisent sévère- an m.
ment étant mariées. Les femmes de la classe
brillante suivent les modes françaises. Celles du
peuple s'habillent avec des jupons courts, des ta-
bliers encore pins courls ; des casaqnins qui sont
ordinairement de di'ap bleu et leur descendent à la
moitié des cuisses. Elles ont de grands chapeaux
ronds de paille ou de feutre , par- dessus leur
coiffe. Elles portent les fardeaux sur leurs têtes,
où elles placent un bourrelet pour en conserver
Taplomb : ainsi chargées, elles traversent l'hiver,
avec des patins, des plaines de glace, afin d'aller
vendre à la ville leur lait ou leurs provisions.
Les écuries sont vastes ; ordinairement deux
rangs de bestiaux se regardent. Il y a un pas-
sage entre eux pour leur donner k manger. Ils
entrent par dehors , présentent la tête à la
main bienfaisante qui les soigne. Une pompe, k
l'extrémité de chaque auge , sert k laver et à
abreuver les animaux plusieurs fois par jour. On
les nourrit avec du foin ou des navets , des
pommes de terre , des carottes mêlées avec du
son ou de la paille hachée. Les chevaux sont
gras, d'une grande beauté , mais peu vigoureux.
Le fumier est tiré en dehors ; l'intérieur n'est ja-
mais malpropre.
On voit beaucoup de cigognes dans ce pays ;
les habitants ont pour elles une grande vénéra-
tion. Ils arrangent des perches croisées sur ;lf urs
maisons , ou une roue sur le haut de chaque ( lie-
( >8« )
3795, mîiiée; elles vont y placer leurs nids. Ces oiseaux
AN nu détruisent les reptiles , les insectes , les animaux
dont fourmillent les endroits marécageux.
La nourriture des habitants est un pain cuit
pendant vingt - quatre heures , qu'ils mangent
d'une manière réservée , tartinant dessus du
beurre, le coupant fort mince, le recouvrant en-
suite d'ime tranche de pain très-blanc , quand ils
sont à leiu- aise. Lorsqu'ils sont pauvres, ils sé-
parent la beurrée en deux ; ils renversent les
morceaux l'un sur l'autre, de sorte que la subs-
tance grasse se touche. Ils font usage de poissons
et d'une grande quantité de légumes, La boisson
ordinaire est la petite bière, que l'on trouve gé-
néralement bonne ; elle se vend un prix raison-
nable : quand on en a bu , pour l'évacuer , on la
fait descendre en prenant de l'eau-de-vie de ge-
nièvre ou de pomme de terre. La chou-croute
est très en usage ; il n'y a point de repas où l'on
n'en serve , ainsi que des pommes de terre , que
l'on accommode à toute sauce. Pour déjeuner,
on mange une espèce de bouillie qu'ils ajipelicnt
pape y qui, se fixant entre les dents, corrompt
facilement les gencives en donnant le scorbut.
Ils avaient divers outils ou instruments ara-
toires , que ne possédaient pas les Français ,
mais qu'ils se sont procurés depuis. Ils sont véri-
tablement ingénieux dans l'invention des tran-
chants, que l'on estime beaucoup.
Voici le rapport de la paix avec le gouverne-
ment prussien :
( '8- )
Paris, le 19 germinal (8 avril). inQ^-
« On annonce qu'une suspension d'armes enirc ^^ "'*
» noire armée et celle de Prusse, a été publiée
» au camp français sur les bords du Rliiu. »
La demi - brii^ade n'ayant pas été réunie en
entier, il en résulta que des détachements lurent
séparés les vms des autres (1).
(1) Voici les cantonnements qui furent occupés par
une partie du corps , depuis son départ d'Hue.'^sen , le
0 ventôse ( 2^ lévrier ), jusqu'à son arrivée à Xanten,
le 18 germinal ( ^ avril ) :
Le 9 ventôse ( 27 février ) , quittant Huessen pour
aller coucher au-delà d'Arnheim..
Les 10 et n (28 février et 1^'' mars ) , à Does-
bourg.
Les iT. et i3 ventôse ( 2 et 3 mais ) , à Vordeniii
Le 14 ( 4 ) ? ^ Gestrennes.
Le 21 ( 11 ) , à Eberg.
Le 22 ( 12 ) , à Grannelot.
Le 27 ( 17 ) , à Neide.
Le 6 germinal ( 26 ) , à Utecum.
Le 8 ( 28 ) , à Yestreffer.
Le 9 ( 29 ) , à Eldennes.
Le 10 ( 3o ) , à Nimègue, où soDt restés 600 hommes
détachés de la demi-brigade.
Le 1 5 (4 ^^'^'^ ) 7 ^ Clèves.
Le 16 ( 5 ) , à Calcar.
Le 1 8 ( 7 ) , à Xauten , où une autre portion n'ar-
riva que le 21 ( lo ).
i3
I
( i88 )
t^ \^'\^^..^- ,.^<.^l^,.^-,^ ^^.^T*\^-^^^^ y^^.^^ .^' .JT^-.^T''^
CHAPITRE XXIX.
1795. Le 20 germinal (9 avril), la 9™^, en quittant
AN m. Emmerich , passa le Rhin , et se transporta à Cal-
car; elle prit ensuite des cantonnements dans les
environs de Rliinberg.
Dans les niarclies que nous avions faites, par
la mauvaise nourriture que j'avais prise, je me
trouvais attaqué d'une afiection scorbutique, ainsi
que de cette maladie cutanée (la gale) , qui est
héréditaire dans beaucoup de maisons en Hol-
lande, surtout chez les juifs.
Le if\ (10) , ayant reçu un billet d'hôpital pour
me faire traiter, je m'acheminai vers le couvent
de Closter-Camp , que l'on avait disposé pour
l'ambulance de la demi-brigade. J'y reçus le trai-
tement (Convenable à ma double maladie. Je me
procurai des livres poiu- me distraire dans ma
situation douloureuse.
Le 27 (i<^) 7 le fourrier de la compagnie n'ayant
point donné de ses nouvelles depuis son départ
pour l'hôpital, fut remplacé pendant mon absence.
Je pensais qu'ayant rempli par intérim ses fonc-
tions depuis son éloiguement, sans avoir donné
de sujet de plainte , j'aurais été nommé à sa
place. Je me trompai : le sergent-major, qui était
indispose contre moi sans aucune raison, obtînt -
que on prit un soldat qu'on fît caporal et four- ^Z
ncr le même jour. Je sentis un crève-cœur des
plus i^rands, en apprenant cette injustice
Le I. floréal (i- niai), étant rétabli, n'ayant
pomt laisse le mal s^invétérer, je m'en retournai
avec cinq hommes de la compagnie , qui alors
était cantonnée à Rhiuber^.
Le i5 (^.), remplissant mon service de caporal,
on me nomma pour aller, avec huit hommes
escorter ceux qui devaient fourrager. Je deman'
dai, par écrit, le nombre de voitures, de char-
retiers, de chevaux qu'il y avait à surveiller et à
protéger ; le pays qu'il fallait parcourir, et le genre
de subsistances à rapporter. Le commandant,
étonne de mes questions, qu'il regarda comme in-
discrètes, m'ordonna, sans autre réponse, de me
mettre en route en suivant le conducteur.
Comme je l'avais prévu , lorsque nous fiunes
a une heue, je vis beaucoup d'individus, surtout
des domestiques montant des chevaux à poil: ils
^éparpillèrent dans les fermes. Je fis charger les
voitures que j'avais escortées. En arrivant le soir
a la ville, les paysans ayant porté plainte, le com-
mandant envoya l'adjudant-sous-officier, afin de
savoir si l'on avait elfectivement pillé. Je lui re-
présentai que je n'avais pas quitté le conducteiu-;
que, n'ayant point la hste des tartares (i) et ne
(1) On appelle ainsi, dans les armées, les domestiques,
les brosseurs et les goujats qui sont au service des of-
liciers.
i5.
( 19,0 )
i-gS. les connaissant nullement, je ne pouvais répondre
AK m. de leurs actions. Il prescrivit de me punir.
Le i4 (5), je me rendis, vers lo heures du
matin, avec un sergent, à la prison de la place,
où se trouvaient des militaires de toutes armes ,
qui se disposèrent à me recevoir avec grand ap-
pareil. Le plus ancien prenait le titre de prévôt;
les quatre suivants s'appelaient archers ; il y
avait aussi les huissieis , les recors et les
suppôts. Ils formaient une espèce de tribunal,
auquel le dernier arrivé était livré. S'il éprou-
vait de la répugnance à exécuter l'arrêt rendu
cojitre lui, il était saisi aussitôt, et subissait une
peine très-rigourensc.
Enfin le prévôt , revêtu des marques' de sa
dignité , qui consistaient en un bonnet de pa[)ier
de couleur , une ceintm-c tricolore , escorté de
ses gardes plus ou moins chamarrés , vint au-
devaut de moi , en me chantant un couplet dans
lequel il me disait de payer ma bienvenue, ou
que je recevrais des coups de savate. Je n'avais
qu'un parti à prendre, c'était de régaler, pour
éviter le châtiment.
Au même instant, cette magnifique pompe fut
interrompue par l'arrivée d'un nouveau détenu ;
c'était , pour mon bonheur , le tambour-major
du même bataillon que moi , et qui me connais-
sait. Il se refusa à toute espèce de politesse de la
paît du prévôt, et, d'une voix de stentor, me-
naça d'étrangler le premier qui oserait s'appro-
cher. Sa stature colossale , le son terrible de sa
( I90
Yolx, en imposèrent tellement, qu'on le laissa fort i^r)=;.
tranquille. La cérémonie" finit à mon égard; néan- a> m.
moins nous demandâmes , celui que son raiig
destinait à marcher à la tête du corps , et moi ,
deux bouteilles de brandevin, qui lurent bues
entre tous les prisonniers.
A deux heures après midi , on vint m'appeler.
Je crus que le commandant, ayant reconnu mon
innocence, voulait me rendre la liberté. Que j'é-
tais dans l'erreur ! A la porte se trouvaient douze
hommes de garde qui m'emmenèrent ainsi que le
tambour-major , par un temps superbe , à travers
la ville , où nous eûmes la honte d'être regardés
comme des criminels , par tout le monde qui se
promenait , car c'était un dimanche. On nous
conduisit dans des cachots destinés à renfermer
les scélérats, les condamnés aux galères. Lorsque
je fus casé dans cet antre nocturne, je crus, en
me voyant dépouillé de tout ce C[ue j'avais de
tranchant , c[ue ma dernière heure était arrivée ;
que je ne sortirais de là que pour recevoir la
mort. La basse-fosse où l'on me plaça tout seul ,
était d'un étage si peu élevé, que je ne pouvais
me tenir debout. Il y avait un lit de camp si
court , que j'étais privé de m'étendre. La traverse
était percée ; elle se séparait pour passer les deux
jambes ; on la fermait ensuite avec un cadenas :
alors il était impossible au prisomiier de bouger.
Le jour pénétrait par une ouverture large de G
lignes, sur environ 8 pouces de haut.
Le lendemain , étant tombé malade , je denian^
( 192 )
1795. tl'^i îe cliirnrgien-major, qui pensa c[iie l'air de la
jkx m. prison était malsain ; il ordonna qu'on me laissât
sorlir dans la cour pendant deux heures chaque
jour.
Je revis mon camarade d'infortune, qui avait
un même logement c|ue le mien, avec une sem-
blable permission de se promener. Nous profi-
tâmes de notre liberté pour disposer en notre
faveur le geôlier , à qui nous payions à boire ,
parce qu'il avait du penchant à la boisson et
qu'il aimait surtout les liqueurs fortes. Il s'api-
toya sur notre situation ; au lieu de nous laisser
deux heures dehors, il ne fermait nos cachots
que la nuit.
Au bout de huit jours, n'ayant au aucun de
mes camarades, j'étais inquiet sur mon sort futur.
Un soldat, ayant pénétré chez le geôlier, obtint
de me parler ; il m'annonça mystérieusement
qu'un conseil de guerre s'assemblerait le lende-
main; qu'il était question de me faire fusiller. Il
me dit, avec mi ton de componction, de penser
à mes derniers moments : il ajouta que , si j'avais
quelques objets de prix , je devais en faire l'a-
bandon à ceux de mes compagnons d'armes qui
m'étaient le plus attachés. Je lui répondis assez
indifieremment sur cet article. Lorsque cet homme
fut parti , je me livrai aux réflexions les plus
tristes.
Le Q-i floréal (i5 mai), le surlendemain de
cette afOigeante visite, au matin, l'adjudant vint
m'appeler. Je fus frappé de son accent. Je crus
( tO^ )
que rinstant fatal ctait arrivé, que j'allais p.i- ir-j^j.
raîlre devant le tribunal redoutable ; mais la A>i m.
nouvelle qu'il avait à m'apprendre était bien dif-
férente : car il venait me donner la liberté , ainsi
qu'au tambour-major, parce que le corps s'éloi-
gnait.
Il me rendit tous les objets dont j'avais été
dépouillé en entrant en prison. Sans ce départ
inopiné , il était constant que j'aurais été livré à
un conseil de guerre (i).
(i) Voici les cantonnements qui furent occupés par
une portion du corps, depuis le 18 germinal ( 7 avril ),
où elle était à Xanten , jusqu'à son arrivée au camp de-
vant Dusseldorf , le \i floréal ( i*'" mai ).
Le 5 floréal ( 24 avril ) , quittant Xanten pour aller
à Sousbeck.
Le 10 ( 29 ) , à Rliiaberg.
Le 7, 1 ( 3o j , ù Buinca.
Le 13 ( 1**^ mai ), on campa sous Dusseldorf,
\
( '94)
CHAPITrxE XXX.
1795, Le 9.5 floréal (i4 mai), la demi-brigade alla
AK m. de Rhiiiberg cantonner dans les environs de
Giieldres ; la compagnie fnt logée à Alpen.
Le 10 prairial (29 mai), le corps se rénnit à
Rliinberg.
Le 1 1 (00) , il prit la route de Moeurs et d'Ur-
dingen, où il logea.
Le 12 ( 5 1 ) , il arriva à Buderick ; il y baraqua
en face de Dusseldorf, le long du Rliin.
Au bout de quelques jours, nous regrettions
les aliments que nous procuraient les habitants
lorsque nous logions chez eux. Les vivres cjue
l'on délivrait des magasins , étaient insuffisants
pour nous nourrir : car nous ne recevions jamais
la ration complète.
Le i5 prairial (5 juin) , le conseil d'adminis-
tration chargea le capitaine de la compagnie
d'aller à Liège, chercher des effets d'habillement.
Cet ofQcier me choisit, afin de l'aider dans les
écritures que nécessitait sa mission.
Le 16 (4) ■. je partis avec un détachement de
8 hommes et des voitures.
Nous franchîmes la distance de Neuss à Juliers
(•95)
dans un jour. Le capilaine, étant à cheval, avait 1-95.
pris le devant. a.\ m.
Le 17 ( 5 ) , nous nous rendîmes à Aix-la-Cha-
pelle.
Le 1 8 ( 6 ) , nous nous transportâmes à Lim-
bourg , où nous séjournâmes.
Le 20 (8) , nous arrivâmes à Liège, où nous
restâmes jusqu'à ce que l'on nous -<3Ût délivré les
vêtements que le capitaine était chargé de rem-
porter.
JN'ayant d'autre but que de m'instruire , de
mettre à profit les occasions qui s'en présentaient,
je louai des livres.
Je parcourus la ville dans ses plus petits dé-
tails. Quand j'étais fatigué de lire, je me prome-
nais et me livrais à mes réflexions.
Les écritures que Ton me confiait étaient peu
de chose ; je les regardais plutôt comme un dé-
lassement que comme un travail.
( 196)
CHAPITRE XXXI.
i^jgS. Le 24 prairial (12 juin), nous nous mîmes
AN 111. en route et revînmes par Maëstricht. Le soir, je
vis des militaires portant l'uniforme blanc du ré-
giment de Bretagne. J'appris qu'ils étaient échap-
pés du massacre de Francfort. Ils avaient été
faits prisonniers de guerre, conduits en Prusse,
et , par les bienfaits de la paix avec cette nation ,
ils étaient rendus à leur patrie. Rentrés par Cas-
sel , ils se dirigeaient sur la France. Je demandai
à ces soldats s'ils connaissaient mon frère (i), dont
je leur déclinai le nom ; ils me répondirent qu'il
était avec eux. Nous le cherchâmes dans plu-
sieurs endroits sans avoir pu le trouver. J'aurais
été d'autant plus flatté de le rencontrer, qu'il y
avait quatre ans que l'on n'avait reçu de ses nou-
velles chez mon père, et que l'on croyait qu'il
était mort.
Toutes mes recherches ayant été inutiles ,
l'ordre de rejoindre mon poste étant impératif,
je priai plusieurs des camarades de mon frère, de
l'assurer de mes amitiés, et de lui dire les dé-
(i) Il se trouvait au massacre du 2 décembre 179^?
comme il a été dit page 58 , ligne 8.
(197 )
marches que j^vais faites infructueusement. Ces ,-,95.
militaires, fidèles à la ])romesse qu'ils m'avaient aïs m.
donnée , lui en parlèrent. J'appris depuis , qu'il
avait beaucoup regrette que nous n'avions pu
nous réunir dans cet instant.
Le 2 5 (i5), nous logeâmes à Guelpen, où
le capitaine nous atteignit. Nous convînmes du
jour de notre arrivée à Neuss ; il nous devança
pour rendre compte de sa mission.
Le sf) ( i4), qui était un dimanche, nous tra-
versions un hameau où deux soldats sans armes,
en avant du détachement , furent assaillis par des
paysans qui les poursuivirent à coups de crocs et
de fourches ; ils allaient les assommer ou les
éventrer, lorsque j'arrivai avec c{uatre hommes
armés , les auties étant restés de garde aux voi-
tures.
Je commandai de charger les armes devant
cette populace^ qui s'enfuit aussitôt : nous pas-
sâmes la nuit dans des habitations rurales.
Le 27 (i5), nous logeâmes à Rolduc, petite
ville qui a un château et une abbaye de cha-
noines ; nous y eûmes séjour.
Le 29 ( 17) , nous allâmes à Aldenhoven, où ,
le 1 1 vendémiaire précédent (2 octobre) , l'armée
de Sambre et Meuse remporta une victoire si-
gnalée sur les Autrichiens _, qui occupaient des
retranchements formidables (i). J'eus dans ce
lieu, pendant la nuit, dans le gras de la jambe
(i) Comme il a été dit page 160, ligne ï.
( Î98)
1795. gauche, une crampe qui me fit tellement souffrir,
AK ui. que j'en perdis presque connaissance.
Le 5o (r8), nous gagnâmes Jiiliers, que j'eus
le temps de voir clans tous ses détails. C'est une
ville fortifiée sm- la Roër, dans une plaine fer-
tile , où le lin , la garance et le blé réussissent
bien.
Le i^'' messidor (19), nous nous dirigeâmes
sur Neuss; nous remîmes au capitaine les effets
bien conditionnés , et nous rejoignîmes ensuite
le camp où se trouvaient nos camarades.
J'avais des boutons sur le coi'ps ; j'attribuais
cette ébuliition à une échauffaison poiu' laquelle
je me baignais tous les jours plusieurs fois dans
le Rhin. 11 m'est arrivé souvent de prendre plai-
sir la nuit, lorsque j'étais dans l'eau, à regarder
des vers luisants ou des scarabées qui , parfois ,
brillaient de mille étincelles sur la surface du
fleuve, et disparaissaient l'instant d'après. II me
semblait' voir, autour de moi, une grande quan-
tité de diamants.
Le 6 (a4) , les bains m'ayant excité un érysi-
pèle ou éruption d'exanthèmes, je fus forcé de
demander un billet d'hôpital.
Le 7 (20), je partis du camp pour Neuss. On
me mit dans une maison où il n'y avait que de la
paille. Etant excédé de fatigue et de lièvre, je
m'endormis aussitôt. Nous étions au solstice d'été.
Les nuits étant courtes, je ne me réveillai cpi'au
jour ; mais je me sentis tourmenté d'une cruelle
manière. Eu me levant , m'étant approché de la
( 199 )
fenèlre , je fus étonné de voir que mes vête- 1795.
menis étaient gris de vermine. Après avoir pris an m.
toutes les précautions pour rae nettoyer, je par*
vins à détruire cette malpropreté.
Le 8 ( 26 ) , je me rendis à l'hospice du corps ,
placé dans le couvent de Closter-Melir; j'y restai
assez de temps pour me rétablir.
Le G thermidor ( 24 juillet j , l'ébnnition que
j'avais ayant disparu , et me trouvant radicale-
ment guéri, je retournai à l'armée. Je logeai le
môme jour à Neuss.
Le 7 (25) , j'arrivai à la demi-brigade baraquée
devant Urdingen (i).
Le mcmc jonr, le nouveau fourrier fut dénoncé
comme faussaire, arrêté et mis en prison. Il était
prévenu d'avoir fabriqué de faux bons de pain ,
et , à l'aide de signatures supposées , reçu
beaucoup de rations auxquelles il n'avait point
droit. La compagnie restait encore sans four-
rier.
Il n'y avait personne en état de remplir cette
place. Le capitaine m'ayant envoyé le sergent-
major pour m'engager à m'en charger , je re-
fusai. J'étais d'autant plus fondé à ne pas ac-
cepter, c[ue l'on en avait choisi un autre au-
paravant. Cette désobéissance me ût mettre à la
garde du camp ; mais les fourriers du bataillon
m'ayant conseillé de me conformer aux intentions
(i) J'étais porteur d'un certificat du chirurgien , qui
m'exemptait pendant quinze jours de tout service.
( 200 )
i^f)5. de mes chefs jjVn repris ies fonctions par in-
AA m. térim.
Le 9 (27) , le corps entra en cantonnement ;
la compagnie occupa Lanck.
Le 3 1 (S août ) , la 9"^'' demi-brigade retourna
baraquer à Urdingen.
Le 2G (i5), plusieurs officiers et sous-officiers
rentrés des prisons de l'ennemi , reprirent leurs
grades. Je fus du nombre de ceux qui rétrogra-
dèrent, et de caporal je redevins fusilier. Je con-
servai néanmoins les galons d'une manière hono-
rifique , en continuant d'exercer les fonctions de
iourrier.
Le même jour, on annonça que le titulaire de
la place que j'occupais , avait été conduit dans la
prison de la division , où il devait subir un juge-
ment, sans que jamais depuis on en eut entendu
parler.
Le i^'^ fructidor (18 août) , la demi-brigade
partit d'Urdingen et alla bivouaquer à Frimers-
heim , contre le Rhin.
Elle travailla sans relâche, ainsi que beaucoup
de paysans, à construire des retranchements, des
batteries sur le bord du fleuve , que l'on avait le
projet de passer en présence des Autrichiens.
J'allais souvent me baigner dans le Pihin. Quand
j'y étais , je lavais ma chemise bleue avec du
savon ; je l'étendais sur l'herbe pour qu'elle sé-
chât pendant que je nageais. Je la passais ensuite
sur mon corps , et je retournais au bivouac.
( 201 )•
- J'ai vu des soldats mettant sur des couver- i^g5.
tui'cs de laine , de la vase on du sable du llcuve , an m.
qu'ils séparaient après pour en recueillir les par-
celles d'or qui s'y étaient- attachées. Ils aban-
doimèrent cette entreprise, attendu que le pro-
duit ne les dédommageait pas du temps qu'ils y
enijiloy aient.
Le lo ( 27 ) , la demi-brigade travailla dans
une îie où elle resta jusqu'au 12 (29) , qu'elle
rentra au bivouac.
Les soldats , dans un grand dénuement de
vivres , ne recevant pas la ration complète , dé-
graissaient les panses des bœufs tués dans la
plaine pour le service des troupes , afin de pou-
voir assaisonner les pommes de terre qu'ils se
procuraient difficilement. Ils coupaient le seigle
encore en lait , le broyaient entre deux pierres
pour en ôter toutes les barbes ; le pétrissaient y
en formaient une pâte qu'ils faisaient cuire en
écartant les cendres du feu ; ils plaçaient par-
dessus , le couvercle de la marmite , qu'ils gar-
nissaient tout autour de braises ardentes. Ils
mangeaient cette pâte en guise de galette. Heu-
reux celui qui pouvait s'en procurer ! Mais cette
nourriture était indigeste et malfaisante.
Le moment de ]iasser le Rliin approchait. Les
troupes manoeuvraient beaucoup , afin de se fa-
miliariser aux évolutions et au maniement des
armes.
Tous ceux des militaires qui avaient des no-
tions sur la marine , étaient employés , dans leurs
( 20'2 )
i-g5. grades , au service des barques que l'on avait fait
AK lii. venir de toutes parts , soit par eau , soit eu voi-
ture* Le 2"'*^ bataillon du Finistère , incorporé
dans la 9*^^^ demi-brigade, fut presqu'entièrement
livré à ce genre d'occupation , parce que les in-
dividus nés sur le rivage de la mer avaient le
pied marin. Tout alors soupirait après l'instant
de traverser ce fleuve ^
Les troupes étant fatiguées considérablement
des exercices et des corvées , ne pouvaient que
difficilement se procurer l'excédant des vivres
dont elles avaient besoin. Un soldat de l'es-
couade, voyant que je ne me prêtais pas, comme
les autres , à aller chercher des subsistances _, me
dit avec humeur, que je ne participerais pas à
celles que l'on avait apportées. Il s'éleva à cet
égard , entre nous , ime querelle dont le résultat
fut un rendez-vous à dix heures du soir. Nous
ne pouvions pas nous tromper , puisque nous
entendions l'horloge d'un village qui était de
l'autre côté du Rhin.
Le 18 fructidor ( 4 septembre ) , ce militaire
se trouva au heu assigné 5 il eut le doigt majeur
de la main droite coupé d'un coup de sabre qui
le mit hors de combat. Il reconnut, en perdant
son sang , les torts qu'il avait eus de m'insulter
grièvement (i).
(1) Voici les cantonnements qui furent occirpés par
une portion du corps, depuis le 12 l'oréal ( i"' mai),
époque de sou arrivée au camp sous Dusseldorf , jusqu'à
I
AN lU.
( 203 )
son retour au Livouac devant Fiimerslieim , le 12 fruc- i^oS.
tidor ( 29 août ) :
Le 7 messidor ( 1$ juin ) , quittant le camp placé
en face de Diisseldorf, pour aller à celui d'Urdingen.
Le 11 ( 29 ) , on cantonna à Kapelen.
Le 8 thermidor ( 26 juillet ) , on vint camper à
Urdingen.
Le 9 (27 ) , on entra en cantonnement à Lanck.
Le 21 (s 8 août ) , on retourna camper à Urdingen.
Le 1^"^ fructidor ( 18 ) , on partit du camp pour bi-
vouaquer à Frimersheim.
Le 10 ( 27 ), on se transporta dans l'île, pour tra-
vailler aux fortltications.
Le 12 ( 29 ) , on entra au bivouac.
ï. j4
( 2o4 )
CHAPITRE XXXIl.
1795. Le 19 fructidor (5 septembre), vers les 10
AN 111. lieures du soii', il fut laucé en l'air une fusée qui
servit de signal aux troupes qui s'approchèrent
du bord du Rhin pour le passer. Comme les
Français et les Autrichiens avaient beaucoup do
retranchements et d'artillerie , les pièces de canou
firent un ièu si terrible, qu'on aurait pu croire
que les eaux étaient embrasées. Les troupes de
l'avant-garde de l'armée de Sambre et Meuse ,
commandées par le brave et intrépide général
Lefehvre , commencèrent leur embarquement.
La (V"" demi-l)rigade d'infanterie de ligne, avec
beaucoup d'ordre , de calme , de silence , s'em-
barqua et passa le fleuve. Durant la traversée, il
fut [)rescrit de ne pas faire feu, sous peine de
la vie.
Les bateaux avant dérivé , abordèrent sans
obstacle, vers les deux heures du matin, à Ei-
ckeikamp, entre Duisbourg et Dusseldorf , sur le
pays de Beig. L'année prussienne était sur ses
Umiies. Il fut rap[)ortc que l'officier de cette
nation, voulant s'opposer au débarquement, le
général Lefebvre lui répondit : « Je suis soldat;
» je dois oLiéir à mon dief : le général Kléber est
( ^o5 )
» ici. » Et il ordonna à ses troupes de marcher, i^gl
Comme nous passions par corps , il se trouva que an m.
deux demi -brigades se rencontrèrent dans un
bois durant une obscurité profonde, et firent feu
l'une sur l'autre à portée de pistolet. Un tremble-
ment de terre n'eût pas produit un elFet plus ef-
fravant. Les chefs, aussi courageux les uns que
les autres, commandèrent la charge, la baïon-
nette en avant. Ils reconnurent à leur batterie,
qu'ils se tuaient entre compatriotes. La méprise ,
toute meurtrière qu'elle était , ne dura pas long-
temps. Nous poussâmes notre marche. Quand le
jour vint éclairer les lieux que nous occupions ,
nous observâmes un grand ordre , de peur d'être
surpris ou de tomber dans quel qu'embuscade.
Voici le rapport qui en a été fait :
Au quartier - général , à Crevelt , le 20 fructitîor
( 6 septembre ).
Qillet , représentant du peuple près les armées
du Nord et de Sambre et Meuse , au Comité
dj salut public.
<( L'aile gauche de l'armée de Sambre et Meuse,
5) chers collègues , a forcé Je passage du Rhin
» entre Duisbourg et Dusseldorf , en présence
» d'une armée formidable, qui avrjt eu le temps
» de se retrancher avec toutes les règles de
)» l'art. L'armée ennemie a été mise en pleine
» déroute, et maintenant nous sommes maîtres
» de la totalité du duché de Berg.
» La citadelle de Dusseldorf a été prise d'as-
» saut par le bataillon de grenadiers de la divi-
i4-
( 206 )
1795. » siôn du général Cliampionnet , commandé pat"
Aw m, » le capitaine d'Iionnières , et la ville a capitulé
» sur-le-champ.
» Cette expédition est cause que cette portion
» de l'armée n\\ pu accepter la Constitution ;
» mais que les royalistes ne triomphent pas de
» ce retard : clés soldats cpii ont encore en main
» la foudre avec laquelle ils ont si souvent frappé
» les trônes et les soldats des Rois, ne souffriront
» jamais qu'an nouveau tyran règne sur leur
)) patrie. Au surplus , la Constitution sera pré-
» sentée au premier moment où l'armée se trou-
» vera en repos, et je puis vous assurer d'avance,
» que ce jour sera pour elle un jour de Icte.
» On a pris sur l'ennemi beaucoup d'artillerie
» et de munitions.
» Je vous adresserai, par le premier courrier,
» le rapport officiel des généraux. Celte journée
» ne doit pas être perdue pour l'histoire ; elle
» mérite d'être placée à côté des victoires les phis
» signalées de cette guerre : elle met le comble
» à la £îloire de cette brave armée.
o
» La Convention nationale , après avoir en-
» tendu la lecture de la dépêche du représentant
» du peuple Gilîct, et le rapport de son comité de
» salut public , décrète :
» L'armée de Sambre et Meuse ne cesse de
» bien mériter de la Patrie.
» La dépêche de Gillet sera insérée au bulletin
» de correspondance ; elle sera imprimée sur-le-
» champ avec le présent décret, affichée à Paris
( 207 )
» dans les lieux accoutumés; envoyée, par des 179).
» courriers extraordinaires, aux armées, aux dé- a> m.
» partements et au camp sous Paris. »
Le 21 truclidor (7 septembre), la division,
arrivée devant Dusseldorf , y séjourna pour réunir
l'armée et faire prêter serment à la Constitution.
Cet acte (i) fut signé par tous les individus qui
savaient lire et écrire.
Le 22 ( 8 ) , pendant que l'mfanterie signait la
Constitution, la cavalerie battait deux escadrons
du corps émigré français de Bussy-Rohan , et les '
jetait dans Oppladen.
Cette légion ennemie avait un pantalon avec
une veste gris-de-fer ; les manches , qui ne dé-
passaient pas les coudes , étaient terminées par
\m bourrelet en poil; les avant-bras étaient rouges
jusqu'aux poignets.
La division eut chaque jour quelques escar-
mouches jusqu'à Siegbom-g (Siegeberg).
Le 27 ( 10 ) , l'araiée impériale voulut, à Blan-
kenlDerg , défendre deux redoutes qu'elle fut
obligée d'abandonner aux Français, qui les prirent
de torce ; ils y trouvèrent une pièce de 1 3 et un
obusier.
Le 28 (14)7 lîi division se transporta sur
Ukerath.
Le 29 (i5), elle se rendit à Altenkirchcn ,
(i) La commission chargée de présenter la nouvelle
Constitution , avait fait son rapport au corps législatif,
dans la séance du 5 messidor ( 25 juin ).
( 208 )
xngS. OÙ renncmi, favorisé par une montagne, fit un
Av m. peu de résistance.
Le 5o ( i {) ) , elle marcha vers Dillembourg ,
où elle séjourna.
Le 2'"^ jour complémentaire ( 18 septembre) ,
elle bivouaqua entre Herbora et Wetzlar,
Le 5 (1.9), Favant- garde s'empara, dans la
direction de cette dernière ville, de beaucoup
d'effets d'habillement des Autrichiens , que l'on
distribua le 5 (21). Ayant besoin de linge, je
reçus une chemise que je portai , mais qui était
si dure, que je fus obligé de la laisser le lende-
main , ayant les membres écorchés par son frot-
tement.
^^ IV. Le 1^"^ vendémiaire (aS septembre), la divi-
sion traversa Wetzlar pour se tx-ansporter à Butz-
bach.
Le bataillon auquel j'appartenais , étant chargé
d'escorter le parc d'ai-tillerie , marchait à quelr
que distance des dernières voitures. On vit, avec
autant de surprise que d'effroi, une fumée épaisse
s'élever dans l'atmosphère ; on entendit , en même
temps, une forte détonation; de sorte que l'acci-
dent, arrivé au milieu du convoi, se communi-
qua à deux caissons en avant et à autant en ar-
rière. Les charretiers de ceux plus éloignés pri-
rent la fuite en franchissant les fossés de la
grande route , et gagnèrent la plaine. Par cette
précaution , ils parvinrent à garantir le reste des
munitions d'une explosion presqu'inévitable. Les
chevaux des cinq attelages brûlés , plusieurs
( 209 )
tommes employés au parc, furent victimes de i;^^.
ce malheur. Il n'arriva aucun événement aux >k iv.
troupes de Tescorte. On ne put savoii- de quelle
manière le feu avait pris.
Sur la route et auprès de Butzbach, il y avait
des fourches patibulaires, auxquelles se trouvait
im pendu. J'appris que cet homme, coutelier de
son état, avait fait mourir sa femme en lui plon-
geant , pendant son sommeil, sous le sein gauche,
une pointe longue et fort acérée , qu'il avait for-
gée exprès , et dont elle était morte sans que
l'on s'aperçût de sa blessure. S'étant remarié
quelque temps après , il en ût autant a sa seconde
femme, qu'il eut l'aipxle beaucoup regretter. Enfin
il convola à un troisième mariage ; mais cette nou-
velle épouse s'étant douté de son cruel dessein ,
se défendit et appela à son secours. Le mari fut
arrêté et jugé ; il déclara ses fautes ; reçut , ]iar le
supplice du gibet, le châtiment dû à ses crimes.
Ce genre de peine avait quelque chose de bien
hideux : car on voyait des corbeaux , des oiseaux
de proie voltiger autour du cadavre, et lui arra-
cher des lambeaux de chair.
Le 2 vendémiaire ( 24 septembre) , le convoi
arriva à Fridberg. Le bataillon rejoignit la demi-
brigade. J'allai voir dans cette ville une superbe
saline. La division faisait des prisonniers, et re-
cueillait chaque jour le fruit des avantages qu'elle
remportait sur l'ennemi.
Voici le rapport dressé à cette occasion :
( 210 )
irqS* Haiiau, le 6™* jour complémentaire (22 septemb.),
Av iv. u Hier les Français sont entrés à Friclbei-c.
» A Ulmstadt , ils ont surpris les Antrichiens
» qui Y avaient nn hôpital. Les malades , ainsi
» qu'une grande quantité de lits , sont tombés en
» leur pouvoir. »
Le 0 (25), la division continua sa marche
en passant devant Franctort.
Un officier supérieur prussien vint, avec son
état-major, voir défiler les troupes. Il faisait,
au général Lefcbvrc qui raccompagnait , l'éloge
de la belle tenue, de la bonne santé des mili-
taires après ime route aussi rapide que fatigante.
Il profitait de toutes les circonstances favorables,
pour en dire des choses flatteuses et agréables.
Le 4 ( 2^ ) ) ^^ division s'approcha du Mein
{Mapi).
Le 5 (27), elle se rendit vis-à-vis de
Hœchst, où elle bivouaqua siu' le côté droit de
la rivière.
Voici le rapport de la route depuis le passage
du Rhin :
Cologne, le 5 vendémiaire (2^ septembre).
« Après que, le 19 fructidor (5 septembre) ,
» le général Jourdan, se fut mis en marche sin*
» cinq colonnes pour se poxter sur la Lalni ,
» dont une paj- Wetzlar, la deuxième pai- Weil-
» bourg, la troisième par Limbourg, la quatrième
» par Dietz , la cinquième par Nassau , les Autri-
» chiens abandonnèrent tous leurs postes sur la
w rive gauche de cette rivière.
» Le 2 (^4)5 ^e général Joiirdan était en pos- t^g'î,
»> session do tout le Rliingau , et on aitciidait am iv.
» tons les jours la rcunioji avec le général Pichc-
» gin , dans les environs de Franciort. »
Pendant qne nons étions devant cette ville, dont
j'avais entendu parler avantageusement , l'envie
de la voir me vint à l'idée.
Le 16 (8 octobre ) , j'obtins du chef de bri-
gade , ainsi que du général Lefebvre , la per-
mission d'y aller avec deux de mes cama-
rades, dont l'un avait son épouse avec lui.
Le 1 7 ( 9 ) , nous partîmes et nous arrivâmes
à environ dix heures. En entrant, un soldat de
la garde de la porte nous conduisit chez le
gouverneur, qui retint notre ordre. Nous par-
courûmes avec notre pUi'.iton toute la ville , qui
était neutre. Les Prussiens en faisaient le service
avec la milice bourgeoise.
jVous revînmes chez le Efouverncur chercher
O
notre permission. Apres avoir reconduit le soldat
à son poste, nous lui donnâmes quelques pièces
de monnaie, et nous retournâmes au camp (i).
(i) Voici les dates avec les lieux occupés par une por-
tiou de la 9"" demi-brigade, depuis le passage du Khin,
le 19 fructidor ( 5 septembre ), jusqu'au 19 vendcmiciire
( 1 1 octobre ) , que le corps était devant le Mein , en
face de Francfort :
Le 19 fructidor ( 5 septembre ) , passant le Rhin,
pour aller :
Le 21 ( H )^ à Hurseim , où Ton eut séjour.
Le 23 ( 9 ) , ayant marcîié toute la journée, on ne
fit que cinq lieues.
AN IV.
( ^I^ )
j_q5^ Le 24 ( lo ) , on arriva vis-à-vis de Cologne, où Von
se'journa les 25 et 26 ( 11 et 12 ).
Le 27 ( i3 ) , on s'arrêta en vue de Siegbourg.
Le 28 ( 14 ) , à Ukerath, où l'on séjourna.
Le 3o {16, on coucha sur la route.
Le 1*"^ jour complémentaire ( 17 ) , dans la plaine
de Piosbacli.
Le 2 ( 18 ) , on resta la nuit près de Dillembourg.
Le 3 ( 19 ), on se rendit proche de Wetzlar.
Les 4 et 5 ( 20 et 21 ) , on bivouaqua dans un bois non
loin de Butzbach.
Le 1" vendémiaire ( 23 ) , on se trouva placé à côté
de llombourg.
Le 2 ( 24 ^, dans la direction de Filler.
Le 3 ( 2$ ) , on eut séjour au bivouac.
Le 4 ( 2^ ) 7 on fit un mouvement.
Le 5 ( 27 ) , on baraqua en face du Mein.
Le 19 ( Il octobre ), on partit du camp pour aller
à une petite lieue de Francfort.
( ^^i5 )
CHAPITRE XXXIII.
Le 19 vendémiaire (i i octobre), l'ennemi nous i^f)i
attaqua j nous le tînmes en échec pendant la as iv
soirée.
Le 20 (12), il y eut, toute la journée, ime
canonnade des plus vives. La ville d'Hoechst
souffrit beaucoup par le feu des Autrichiens.
Les maisons au-delà du Mein furent incendiées
par l'aitillerie française. La demi-brigade ayant
pris diverses positions , eut quelques hommes de
tués par les boulets , sans avoir trouvé l'oc-
casion de faire feu. Le soir, les Impériaux ayant
déployé des forces considérables, la division du
général Lefebvre se mit en retraite ; favorisée
par la nuit , elle se dirigea vers Koenigstein.
Voici le rapport de la bataille d'Hœchsl :
Francfort, le i\ vendémiaire (i3 octobre).
« L'avant-garde de l'armée autrichienne s'est
» avancée jusqu'à Nidda , dans la vue d'y pren-
M dre une position avantageuse.
» A cet effet , elle s'empara de Nidda , Rodel-
n heim ei Haussen , ainsi que des ponts dans ces
n deux derniers endroits.
n Les Français ont abattu le pont qui commu-
» nique avec Hœchst. Ces différentes opérations
(2i4)
fjç)^. » donnèient lieu à une canonnade qui diua jus-r.
AN IV. » qu'au soir.
» La YÏlle d'îïoeclist a beaucoup soufTert de ce
» feu , et le village de Nidda est entièrement
» brûlé.
» Hier au soir , il passa par ici un grand noni-
» bre de chariots avec des blessés autrichiens.
» Le corps du général Nauendorf est posté
» près de Kotterbach. Le général Stoeder com-
a mande l'avant-garde.
» Glaufait avait hier son quartier - général à
» Bergen. Le comte AVartcnsleben cojnmaiide
M l'aile droite , le général Kranz l'aile gauche , et
» le général Vermer l'armée de réserve.
» L'armée française est postée en ordre de
» balaille entre llœchst et HoiTlieira , et Ion
» s'attend à chaque instant à une bataille. »
Le 21 vendémiaire (i3 octobre) , à la pointe
du jour, nous traversâmes Kœnigstein, petite
ville avec un fort. La division passant par Wiir-
ges , prit dans cette journée différentes posi-
tions instantanées. Les étraiigers ayant forcé de
marches par la route de Wetziar et d'Herborn ,
en explorant nos mouvements, semblaient vou-
loir nous déborder , nous tourner , nous attaquer
par-rderrière 5 mais ils n'en firent rien. Nous nous
rendîmes à Limbom-g , où nous arrivâmes à dix
hernies du soir.
Un caisson de munition s'étant brisé dans une
petite rue , la troupe fut obligée de s'arrêter peià-^
(2,5)
. lit quelques iustaiits , où il y eut du dé- i-^^^.
SOI dre. am iv*
En sortant de la ville , vers une heure du ma-
lin , l'iiiianlerie prit posiiion sur une montagne
qui la domine ainsi que la plaine.
Il pleuvait beaucoup ; les chemins étaient mau-
vais. Les caissons , en partie privés^ de leurs che-
vaux , se transportaient difficilement. Le matin
ou en plaça une quantité sur le pont de Lira-
bourg. On s'aperçut que les Kaiseriiclis s'ap-
prochaient ; on y fit mettre le feu , et l'on rendit
par-là le passage impraticable.
Le 9.2 ( t8) , de grand matin, le général Le-
ieljvre ordonna de prendre les armes. Il harangua
iliaque corps, et annonça qu'il fallait combattre
les Autrichiens qui paraissaient dans la plaine ,
pour couper la retraite. La troupe prit aussitôt
des positions.
Pendant les mouvements de la 9°^*^ ,îous les
fourriers dont je faisais partie , reçurent l'ordre
d'aller tle suite à Montabaur. Nous trouvâmes
cette ville abandonnée , sans y recevoir de
vivres ; mais un général nous prescrivit de conti-
nuer la retraite , en nous disant que la division
du général Lefebvre , ayant ordre de marcher
toute la journée , se dirigeait directement vers
Cologne. Nous voyageâmes en conséquence. Nous
nous acheminâmes vers le pont de Neuwied , où
nous arrivâmes à l'entrée de la nuit
Taudis que cous étions sur le Rhin, s'a van-
( p.iG )
i;^c)~. raient plusieurs barques enllainmées (i). Une
xn IV. pi'.nie des fourriers et moi , nous mîmes une
si grande promptitude à passer, que, pendant
que ie pont se brisait, se rompait sous nos pieds,
nous gagnâmes la terre. Plusieurs brûlots s'étant
succédés avec la rapidité de l'éclair , les cordes
lurent incendiées et coupées ; le pont se sé-
para en pièces et morceaux sur le courant du
fleuve violemment agité par un grand vent.
Le nommé Henri Billard , né à Dameri , étant
de corvée , m'avait accompagné pour la distribu-
tion. Ne pouvant courir à cause de l'afiluence ^
il resta sur le bateau où il était lorsque le pont se
détacha. Ayant abordé, à l'aide de la crosse de
son fusil qui lui servait d'aviron, dans une île où
il demeura plusieurs jours sans vivres , il souffrit
beaucoup. On fut le chercher : il ne lui arriva
pas d'autre accident.
Nous passâmes la nuit dans le village de Wei-
senthurn*
(i) n paraît constant , disent tes ouvrages qui parlent
de cette retraite (*) , que le général Marceau chargea lo
capitaine du génie Souhait, de mettre le feu à tous les
bateaux qui couvraient la Saynbach. Ce dernier calcula
mal la durée du temps nécessaire à cette opération. Les
bateaux en feu , entraînés par le courant du Rhin, curent
en un instant embrasé le pont, et l'armée se trouva
pressée entre un fleuve étincelant de flammes et les Au-
trichiens qui la foudroyaient.
(*) Victoires et Conquêtes , 35 vol. iu-i)". , ei FHouueur liançais,
2 vol. iîi-S" , page 1^5 du toaie i' '".
( 217 ) ^
Le '25 ( i5) , nous nous mîmes en route pour 1^95.
Andernach. an ivi
Le 2,4 ( i^ ) 7 nous nous rendîmes à Rémagen.
A une lieue de cette ville , sur la rive orien-
tale du Rîiin , se trouvent une contrée pitto-
resque , de supeibes bassins formés par les eaux
du lleuve j et un grand nombre de villages qui
se rangent jusqu'aux sept montagnes , dont le
Draclienfels est la plus escarpée.
Le 2 5 (17), nous nous transportâmes à Bonn,
où je vis le palais électoral. Nous eûmes double
séjour pour apprendre des nouvelles de la di-
vision , sans (ju'il en parvînt aucune.
I Le 28 ( 20 ) , nous continuâmes notre route
isur Cologne.
Le 29 (21), de cette ville pour aller à Neuss ^
Inous nous trouvions à la même hauteur que la
division qui était au - delà du Rhin , dont l'ar-
rière - garde nous égayait quelquefois par des
charges partielles , qui avaient lieu entre les
jchasseurs français et les hussards de l'ennemi.
I Le 5o (22), de Neuss nous gagnâmes Dus-
l'seldorf , où je rejoignis la compagnie.
I L'aile gauche de l'armée , réunie le 5o (22) ,
jibaraqua sous les murs de cette place , et prit
iiune position redoutable. Ou traça une ligne en
avant du camp , où la division pouvait être à
couvert en cas de surprise de la part des Au-
trichiens.
Suit le rapport qui a été fait de cette
marche :
(.18)
1795- Position de Vannée de Samhre et Meuse , après
AK IV. la retraite dHœchst , le 20 hrumaii^e ( 1 1 710^
vemhre).
« Un corps assez considérable des meilleures
M troupes de cette armée est aux environs dé
») Dusseldorf , où il occupe une assez bonne po-
» sition , que l'on fortifie encore chaque jour
» davantage ; ce corps est commandé par le gé-
» néral Lefebvre , officier d'une capacité et d'une
» bravom^e reconnues. »
Les troupes , dans cette situation , paraissaienfi
animées d'une grande énergie , d'une nouvelle
ardem- (i).
(1) Voici les dates avec les lieux occupés par une por-
tion de la 9*"* demi-brigade , depuis la retraite du Mein ,
le 20 vendémiaire ( 12 octobre ) , jusqu'à Dusseldorf, le
3o ( 22 ) :
Le 20 vendémiaire ( 12 octobre) , battant eu retraite.
Le 21 ( i3 ) , on arriva auprès de Limbourg.
Le 22 ( i4 ), on changea de position et l'on se battit.
Les 23 et 24 ( i5 et 16 ) , on bivouaqua aux envi-
rons d'Achenburg.
Le 25 ( 17 ), proche d'Altenkirchen.
Le 26 ( 18 ) , dans la plaine d'Ukerath.
Le 27 ( 19 ) , à côté de Siegbourg.
Le 28 ( 20 ) , pi'ès de Mulheim.
Le 29 ( 21 ) , devant Dusseldorf.
Le 3o (22 ) , on baraqua au camp.
( 219 )
CHAPITRE XXXIY.
Le 13 brumaire (6 novembre) , la 9"^*^ demi- 1^95^
brigade fit un mouvement. Après qu'elle eut as xv.
quitté les retranchements de Dusseldorf, qu'elle
eut marché une lieue , elle vint rejoincbe sa posi-
tion du matin.
Le 16 ( 7 ) j elle partit du camp et coucha
à Oppladen.
Les 1 7 et 1 8 ( 8 et 9 ) , le corps s'était porté
sur la Sieg , auprès de laquelle il bivouaqua.
On voyait , sur la montagne qui domine Sieg-
bourg , l'abbaye de bénédictins réservée aux
nobles ; elle était placée au centre de ses pro-
priétés, dont la ville, située au bas des vignes,
taisait partie.
Le 2 frimaire (23 novembre) , le corps leva
le camp , à une heure après minuit , pour pas-
ser le Rhin à Duytz , sur le pont volant , afin
d'aller cantonner à Cologne , où nous arrivâmes
dans la matinée , n'ayant eu que 6 lieues à par-
courir.
Nous fûmes distribués sans billets , attendu
que , selon l'usage de cette grande cité , un ca-
pitaine de quartier était chargé de la réparti-
tion des militaires.
I. i5
( 220 )
i-qS. ^^1 ^^ plaça chez un marcliand épicier en gros J
Al, lY. mon lot ne tut pas des plus mauvais, ce qui ne doit
pas étonner : car un fourrier , après s'être as-
suré de la bonté du logement de ses supérieurs ,
ne manque pas d'apporter une attention scru-
puleuse pour le sien. Mon hôte me reçut très-
bien ; il me donna une petite chambre. Je me
vis enfin agréablement casé pour l'hiver. Je me
trouvai ensuite aux distributions de vivres.
Après m'être convaincu que tous les hommes
de la compagnie avaient ce qui leur convenait*
je rentrai au logis. Je m'aperçus C[u'il y avait
trois demoiselles tort jolies. On pouvait Iciu^
faire rai)pIication de ce quatrain :
« Oui , les trois Grâces étaient sœurs j
» Ou retrouve ici leurs modèles :
« Heureux qui fixera leurs cœurs !
« Plus lieureux qui vit auprès d'elles! »
Je m'occupai alors de l'emploi de mon temps ,
voulant profiter de notre tranquillité pour m nis-
Iruire.
Je pris un maître de langue allemande, qui mo
procura les livres convenables. Je me transportais
chez lui pour recevoir ses leçons. Il reniai qua
que je taisais des progrès raj)ides : car je parvins,
à l'aide de la grannnaiie de iVleidinger , à traduire
de suite des thèmes et des versions. Pour la pro-
nonciation, je m'exerçais dans mon logis. Je
donnais souvent lieu de rire aux personnes à qui
j'adressais la parole , par les fautes que je com-
mettais, sans que cela me décourageât.
( 2iii )
Les assignats avec lesquels on nous payait, i^c)j.
étaient cîeverus comme nuls : car un habitant me an iv.
proposa de m'échauger 10,000 irancs de ces va-
leurs pour la somme de* 9.0 Iraucs en or, q\\e je
refusai. On ajouta à la solde de la troupe, en sus
de ce papier-monnaie , 8 francs par mois , en ar-
gent y h chaque officier, sans différence de grade,
et 5 francs à chaque sous-oificier et soldat.
Le 2 5 frimaire (16 décembre) , l'ennemi ayant
opéré un mouvement, nous reçûmes l'ordre de
partir de suite. Je n'eus que le temps d'adresser
mes adieux à mon hôte et à sa famille, dont j'a-
vais reçu beaucoup d'honnêtetés.
Nous nous rendîmes sur le bord du Rhin , en
face de Neuss.
Quelques jours après , nous rétrogradâmes sur
Cologne , où l'on nous prescrivit de retourner
dans nos logements respectifs.
Le 5o frimaire (21 décembre), un parlemen-
taire autrichien, envoyé par le générai Ciairfait
au quartier-général français, fut chargé de pro-
poser un armistice (i).
Durant le temps que je restai dans Cologne , je
ne manquai pas de visiter l'arsenal ; il était rempli
de toutes sortes de machines qui avaient servi à
l'attaque et à la défense des Romains, des Ger-
(1) Les généraux français , disent les Victoires et Con-
quêtes, s'attendant à être attaqués cliaudemeat , furent
grandement surpris de cette proposition, qu'ils acceptèrent
sur - le -champ.
i5.
( '211 )
i^g5. maius, des Gaulois. La singularité de leur cong-
és IV. truction , leur ancienneté , les rendaient bien res-
pectables à mes yeux. II y avait environ aoo
pièces d'artillerie de tous calibres , parmi les-
quelles on en montrait une d'argent mêlé de
bronze.
Ce qui m'a le pins frappé, parmi les raretés
tant aiiciennes que modernes dont cette célèbre
ville se trouvait amplement munie , c'était que
tout corps d'état avait un local où il se rassem-
blait, afin de délibérer sur les choses importantes
concernant l'ordre et la tranquillité des habitants.
Chaque salle renfermait , par vénération pour
ceux qui s'en étaient servi , les piques , halle-
bardes , lances , cuirasses , brassards , cuissards ,
cottes de mailles , gantelets , casques , sabres ,
épées , arcs , flèches , etc. , dont les anciens
Colonais faisaient usage pour défendre leur li-
berté contre d'autres peuples qui voulaient les
asservir. Le soin que l'on donnait a toutes ces
vieilles armures , me pénétrait d'admiration pour
cette nation si attachée aux principes de ses
ancêtres.
Une chose qui m'a étonné, c'est qu'un juif
qui se présentait à mie barrière de cette capi-
tale , où la religion catliolique seule était souf-
ferte, payait le droit comme une bête à pieds
fourchus.
Mon capitaine m'annonça que le chef de ba-
taillon, le citoyen Augros, ayant entendu dire du
bien de moi, serait fort aise de me connaître.
( 2P.3 ) ^ ..
J'en témoignai ma surprise ; mais il m'engagea à i ngS.
lui faire une visite , ajoutant que la protection an iv.
d'un oificier supérieur ne pouvait qu'être favo-
rable à un subordonné. En conséquence , je me
présentai chez le commandant, qui me reçut très-
bien. Il me lit plusieiu's questions , me dit d'aller
le voir quelquefois. Soit crainte d'être importun,
soit timidité, je n'y retournai plus.
Ayant parcouru tous les édifices publics, j'avais
satisfait ma curiosité sur les objets qui présentaient
de l'intérêt dans cette ville électorale.
Le i5 nivôse (5 janvier) , à minuit, la 9°^* i^jgô,
demi-bri«ade reçut l'ordi-e de se mettre en route.
Il y avait un soldat de chaque compagnie , d'or-
donnance au corps-de-garde de la place; celui de
la nôtre vint m'éveiller , en annonçant qu'à une
heure il fallait que tous les fourriers fussent réu-
nis à ce poste , d'où ils devaient partir avec l'ad-
judant-major.
Le 16 ( 6 ) , nous marchâmes par un temps si
obscm-, que nous ne voyions rien à quatre pas
devant nous.
En ma qualité de fomrier provisoire, je faisais
partie de l'avant-garde qui se dirigea sur JNeuss,
pour préparer les logements.
Le 17 (7) , nous allâmes à Crevelt.
Le 18 ( 8 ) , la compagnie s'achemina vers
Wachtendonck , petite ville à deux lieues de
Gueldres , où eUe prit son cantonnement.
Rapport sur les quartiers d'hiver :
( 2=^4)
179^* Bruxelles^ le 20 nivôse (lo janvier).
iiS IV.
« Les troupes de l'armée de Sambre et Meuse,
» commandées par le général Jourdan , sont en
» mouvement de tous côtés pour prendre leurs
» quartiers d'hiver; en conséquence, les divisions
» des généraux Lefebvre et Grenier , qui se trou-
» vaient dans les environs de Bonn, descendent
h sur Cologne , afin de faire place à d'autres
» troupes venant des environs de Coblentz. Le
» quartier - général de l'armée va être transféré à
» Bonn,
» Du côté de la rive droite du Rhin, la sus-
» pension d'armes a eu lieu aux mêmes condi-
j> tions : \n\ adjudant-général républicain a eu
» une conférence avec le général Keumayer,
))dans laquelle on est convenu des points sui-
» vants ; savoir :
» Que la rivière de la Sieg servira de démarca^
» tion aux Autrichiens , et la Wupper aux Fran-
)) çais , de telle sorte que le terrain qui se trouve
» entre ces deux rivières , ne sera occupé par
» aucun des partis. Ou ne pourra recommencer
» les hostilités qu'après s'être prévenu lo jours
ij d'avance ; en conséquence de ces arrange-
» ments , les Français ont déjà abandonné le
» camp retranché qu ils avaient au - dessus de
» Dusseldorf , et ils concentrent leurs troupes
» dans cette ville et ses environs. Cependant ils
» continuent avec la plus grande activité à tra"
» vaiiler aux fortifications de cette place, afia
( 525 )
» de la mettre dans un état de défense respec- i-nG.
» table. ». AN IV,
D'après la situation des choses, nous parais-
sions disposés à hiverner dans ce pays (i).
( I ) Voici les dates avec les lieux occupés par une partie
de la demi-brigade, depuis son arrivée au camp de Dussel-
dorf , le 3o vendémiaire ( 28 octobre ) , jusqu'au 18
nivôse (8 janvier), qu'elle entra en cantonnement dans
les environs de Crevelt ;
Le i5 brumaire ( 6 novembre ) , quittant le camp ,
y rentrant le même jour.
Le 16 ( 7 ) , on coucha à Oppladen.
Les i;7 et 18 ( 8 et 9 ) , en marchant pendant ces
deux jours, ou arriva à Sieghourg, où l'on bivouaqua.
Le a frunaire ( 23 ) , quittant le bivouac à une heure
du matin, on passa le Rhin à Duytz, afin d'aller loger
à Cologne , dans la section H.
Le 16 nivôse ( 6 janvier ) , on se rendit à Neuss.
1^6 ^7 ( 7 ) ? ^^ Crevelt.
Le 18 ( 8 ) , à Tunisberg : les compagnies furent di-»
visées par cantonnements, dont une logea à \^ achten-
donck.
i
( 226 )
CHAPITRE XXXV.
1796. Le 21 nivôse ( 1 1 janvier ) , je rerns une lettre
AK IV. de mon père qui m'annonçait l'arrivée de mon
frère aine, et l'enchantement où se trouvait la
tamille de posséder un eniant que l'on avait
pleure, l'ayant cru tué au massacre de Francfort.
Je prjs la résolution daller participer au plaisir
que chacun éprouvait de cet heureux retour; mais
il était délendu de donner des congés ou des
permissions, sous quelque prétexte que ce lût. Je
nie vis donc dans la nécessité de feindre ma ma^
ladie.
Le 24 ( 14 ) , j'obtins un billet d'hôpital.
Le 2 5 ( i5 ) , on me conduisit à Kempen , où
existait une ambulance; mais, comme il n'y avait
pas de place, on m'évacua sur Venloo , où j'ar-
rivai le soir au moment que l'on venait de fermer
les portes.
M'étant rendu dans un village auprès de cette
forteresse, je me présentai au bourgmestre, qui
me donna un billet de logement.
Le 26 ( ifi) , je me mis en route. Lorsqu'il y
avait des villes ou des villages à travers, qu'il
était possible d'en faire le tour, je ne craignais
( "^"^1 )
pas de marcher une ou deux lieues de plus pour i-oG.
éviter d'y entrer , afin de me garantir à l'oeil sur- a.n n-.
veillant de la gendarmerie. J'en agis de même
pour laisser derrière moi Ruremonde. ^ oulant
traverser la Roër, je suivis le bord jusqu'à ce
que j'eusse rencontré mi bateau. Un pâtre me
transporta de l'autre côté de la rivière. Je con-
tinuai mon chemin et allai coucher auprès de
Susteren.
Le 27 nivôse ( 17 janvier) , ayant laissé Beck à
ma droite, ainsi que Maëstricht , je me dirigeai
sur Liège. Je m'acheminai rapidement sur la
route de Dinant que j'avais déjà parcourue.
Le 28 (18), j'évitai Fraineux. Je m'arrêtai
dans des fermes écartées pom- boire et manger.
Je passai la nuit dans les environs d'Havel-
langen.
Le 29 ( 19 ) , je continuai vers Eraptines,
et me transportai du côté de Dinant, que je
laissai à droite. J'arrivai à un moulin sur la
Meuse, entre cette ville et Givet, où je trouvai
im paysan qui me passa au-delà de la rivière.
Je fis le tour de Charlemont, que je vis à gauche.
Je logeai dans une ferme isolée.
Le 5o ( 20) , je pris route dans la direction de
Fumai et de Rocroij je tournai autour de ces
deux places.
De Rocroi , dont je connaissais le chemin ,
je m'acheminai vers Maubert- Fontaine.
Le i*^' pluviôse (21 janvier) , j'allai d'Auben-
ton à Rosoi, où je mangeai chez mon ancien
( 228 )
1-96. pâtissier, qui me fît bon accueil; je coiidiai dans
MIS IV. une maison isolée , à cinq lieues emiron de cet
endroit.
Le 2 ( 22 ) , en suivant la route que j'avais
parcourue en 1 792 , je me rendis à JN'eucIiàtel
et me dirigeai sur Pieims.
\ J'arrivai chez mon père à 8 heures du soir, au
moment que Ton allait se mettre à table. C'était
le jour de la Saiut-Vincent , fête des pays vi-
gnobles. Mon père avait réuni quelques amis.
Mes vêtements, presque en lambeaux, firent une
impression profonde sur l'esprit des assistants.
L'armée était alors dans un grand dénuement.
Après avoLi* changé de hardes, je ne pensai plus
à la fatigue du voyage que je venais de faire (i).
Après le souper, je pris part à la danse, et j'y
restai jusqu'au lendemain à 6 heures du matin.
Je fus enchanté de letrouver mon frère que je
n'avais pas vu depuis six ans. Il me témoigna
beaucoup d'amitié, et le regret qu'il avait éprouvé
de ce que nous ne nous étions pas rejoints à
notre passage à Maastricht (2).
La gendaj'mcrie , informée de mon retour ,
l'étant déjà de celui de mon frère , fit prévenir
(i) J'avais parcouru 92 lieues de poste ; mais à cause
des détours , des circuits , j'estimai avoir franclii un es-
pace de 120 lieues en 8 jours; ce qui portait à i5 lieues
environ chaque jouinée , en hiver , qui est beaucoup pour
un pie'ton.
(2) Comme il a e'té dit page 196, ligne 10.
( 229 )
mon père que nous devions nous rendre à Par- i -qg.
moe.
AN IV.
Le 19 pluviôse (8 février ), nous fixâmes, ir-
révocablement le jour de nptre départ au len-
demain, et nous times nos apprêts en consé-
quence.
( 23o )
CHAPITRE XXXYI.
1796, Le 20 pluviôse ( 9 février ) , nous nous mîmes
AN IV. en route avec deux autres jeunes gens , en pas-,
sant par Aï.
Le 21 ( 10 ) , nous déjeunâmes à Mareuil. Nous
nous acheminâmes vers Chàlons-sur-Marne.
Le 2 '2 (11), mon père se présenta chez le
commandant de la gendarmerie, qui fit obtenir
une feuille de route à chacun de nous en parti-
el Jier.
Le 25(12), nous allâmes saluer M. Collar-
deau, chez qui j'avais été à Arras; il demeurait
alors à Châlons, où il était garde-magasin des
fourrages. Il nous accueillit fort bien. Dans celte
journée, nous nous rendîmes à Courtisols.
Le 24 ( i5 ), nous gagnâmes Sainte-Ménéhould,
où nous eûmes séjour; nous mangeâmes à déjeu-
ner des pieds de mouton.
Le 26 ( 1 5 ) , nous vîmes fabriquer des bou-
teilles en passant aux Islettes, qui est une verre-
rie renommée. Nous nous dirigeâmes vers Cler-
niont-en-,Argonne , et fîmes des visites à des
propriétaires pour qui nous avions des lettres de
recommanda tion .
Le 27 ( 16 ) , nous nous transportâmes sur Ver-
( .5i ) .
dnn, où nous laissâmes un de nos camarades au 1^96.
20'"^ iTgiuicnt de chasseurs à cheval. an iv.
Les 28 et 29 ( 17 et 18 ), nous eûmes séjour ,
pendant lequel nous nous promenâmes dans la
\ille, en mangeant des dragées qui ont de la ré-
putation.
Le 5o ( 19), nous nous transportâmes àEtain.
Le i*"^ ventôse (5^0) , à Brici.
Le 2 ( 2 1 ) , nous nous mîmes en route de grand
malin.
En chemin , notre camarade nous dit que son
sommeil avait été troublé toute la nuit; que sans
cesse il voyait des poissons morts autour de lui.
Mon frère interpréta ce songe, en Texpliquant
ainsi : « Avant 24 heures, il arrivera à notre ami
» quelque fâcheuse catastrophe. » Je me mis à
rire du ton persuasif avec lequel mon frère assu-
rait son interprétation , la regardant comme une
plaisanterie. 11 me conjura de bien prendre garde
à ce qu'il disait , parce qu'il serait homme k en
faire un pari.
En anivant à Metz , nous allâmes à la maison
commune pour avoirTétape. Notre surprise fut
grande , quand nous entendîmes que l'on appelait
un soldat pour conduire notre compagnon de
voyage en prison , le secrétaire ayant cru remar-
quer que l'écriture de sa feuille de route était al-
térée. Nous priâmes, mon frère et moi, pour
qu'on le laissât en liberté ; nous ne pûmes rien ob-
tenir. Lorsque nous fûmes au logement , mon
frère me rappela la conversation du matin, eu
( 202 )
,^r)6. me disant que souvent les rêves sont le pronostic
jkx IV. (les malheurs ou accidents qui nous sont réservés
dans un laps de temps peu éloigné , quelquefois
même dans le jour même C[ui les suit.
Le 5 ventôse ( 22 ) , nous eûmes séjour, pen-
dant lequel nous parcourûmes la ville dans ses
moindres détails. Nous nous présentâmes pour
voir le prisonnier ; il nous fut impossible de par-
venir jusqu'à lui.
Le 4 ( 20 ) , ayant réfléchi toute la nuit à cette
détention, je fis mes adieux à mon frère, qui par-
lit ensuite pour sa garnison.
Je pris le chemin de Thionville; je me présen-
tai au général qui commandait la place. Il me
donna l'autorisation de me rendre à la municipa-
lité, où je reçus l'ordre afin d'aller à Strasbourg.
Le 5 ( 24 ) , je m'acheminai vers Kédange.
Le 6 (25), je me transportai à Sarre-Libre
(Sarre-Louis) ; j'y arrivai malade, et j'entrai à
l'hôpital pour me rétablh\
Le 22 ( 12 mars ) , je reçus mon exéat.
Voici la copie de mon billet de sortie :
« 9*^ demi-hrigade d infanterie de ligne.
» Le citoyen Médard Bonnart , caporal audit
)) régiment , natif de Dameri, district d'Epernai,
» département de la Marne, entré le 6 ventôse
» ( 25 lévrier ) de Tan 4 de la rc])u]jîique fran-
» çaise, une et indivisible, à riiùj)ital de Sarre -
» Libre, est sorti cejourd'iiui 22 dudit (12 mars
>. 1796).
» 5/^eïoucAS.
/ "^^-,
X.-.
;\
( a53 )
» Le dénommé ci-dessus, resté à l'hôpital seize 1790.
» jours, doit toucher du payeur 2 liv. 8 sous. a> iv«
)» ^ u, le commissaire des guerres.
» iS7g7z^' Vie VILLE.
» Le directeur dudit hôpital. Signé Del Avo'^rE.n
Un ami de mon père , qui demeurait dans ce
chef-lieu d'arrondissement , me fit entrer dans le
7'"^ régiment d'artillerie à cheval; mais quelques
jours après, ayant senti que le service de ce corps
était trop pénible pour moi , je demandai à re-
joindre la 9"'^ denii-brigaele.
Voici Texti'ait du titre qui m'a été délivré :
« ]N^ ooç) de Venregistî'ement. — G journées de
marche , sur le pied de 5 lieues de poste.
» LIBERTÉ. ÉGALITÉ.
» Militaire à dix sous et étapes par journée de
» maï'che de cinq lieues , conformément au tarif
» annexé à la loi du 2 thermidor an 2 (o-ojail-
» let 1794^.
>/ Chemin que tiendra Médard Bonnart, etc. ,
» pour se rendre à Strasbourg, où il doit arriver
» le 3o ventôse ( 20 mars ) , en passant par For-
» bach, Sarguemines, Bouguenon, Phalzbourg,
M où la route sera continuée.
» Il lui a été remis, en conséquence, les cou-
)» pons suffisants pour ladite route, remplis de
r> ses noms et grade.
» Délivré par le commissaire des guerres de
» Sarre-Libre , le 24 ventôse ( i4 mars 1796 ), an
» 4 de lu république française, une et indivi-
» sible. )) Signé \{. "Sieville. m
( ^H )
CHAPITRE XXXYII
1796- Le 25 ventôse ( 1 5 mars), je couchai à For-
^N ïv. tach.
Le 2G f 16 ) , je gagnai Sargiiemines.
Le 27 ( 17 ), je me dirigeai sm' Boiiguenon.
Le 28 ( 18 ) , j'allai à Plialzboiirg.
Le 29 ( 19 ) , je m'aclieminai vers Saverne, ville
au pied des montagnes des Vosges. Je continuai
ma route jusqu'à Wasselonne.
Le 5o ( 20 ) , j'arrivai à Strasbourg; j'employai
le reste de la journée à parcourir la ville. Je mon-
tai à l'extrémité de la tour de la cathédrale, qui a
574 pieds de hauteur , et qui , ]>ar conséquent ,
est la plus considérable de l'Europe. J'y gravai,
avec la pointe de mon sabre, mon nom, ainsi que
l'année que j'y passai. Je vis, dans cette église ,
l'horloge qui passe pour im chef-d'œuvre de mé-
canique et d'astronomie.
Le i"" germinal (21 ), je me mis en chemin
pour Molsheim, où était mon frère.
Je restai auprès de lui, tant dans son cantonne-
ment qu'à ^Strasbourg. On me p^ara en subsistance,
jusqu'au 5 ( 2:3 ) , dans là compagnie auxiliaire de
la 91'''*' demi-brigade de ligne , dont il faisait par-
tie. A Fétat-major , on m'expédia l'ordre pour
( 255 )
Witlicli, où devait se trouver le quartier-général i^gG.
de rarmcc de Sambre et IMeuse. a?j iv.
J\ ous passâmes , mon irère et moi , ce peu de
jours ou au café ou au spectacle ; enfin le plus
agréablement possible. Sentant que nous ne pou-
vions rester plus long- temps ensemble, je me dé-
cidai à pai tir.
Le 5 ( 5>5 ) ^ je tne dirigeai sur Haguenau.
Le 6 ( aO ) , j'allai àNiderbronn.
Le 7 ( 27 ) , en me rendant à Bitche, il tomba
de la neige en si grande abondance _, que les sen-
tiers et la route dans la forêt , en étaient couverts
de plusiem^s pieds. A chaque instant, croyant
marcher sur un terrain ferme, j'étais renversé
tantôt dans un fossé, tantôt sur une pierre. Je
suis tombé cent fois dans cette journée, m'affli-
geant de ma situation, ne trouvant âme qui vive
pour m'indiqticx le chemin. Enfin la nuit étant
très-sonibre , je fus inquiet sur mon sort. Je me
figurais que j'allais seul , sans armes à feu , n'ayant
que mon sabre, sans boire ni manger, rester ex-
posé à l'injure du temps , à la voracité des ani-
maux sauvages et carnassiers, tels que des loups,
des sangliers , que l'on annonçait exister en grand
nombre dans ces forêts montagneuses. Je souffrais
de mes chutes , étant enveloppé d'une profonde
obscvirité.
Cependant, à force de marcher, je parvins sur
le haut d'une montagne 5 j'eus le bonheur d'aper-
cevoir, entre des arbres , une faible lueur perpen-
diculairement sous moi , k une distance énorme 5
li 16
179^. je la perdis plusieurs fois de vue ; mais je faisais
AN IV. toujours en sorte de la retrouver. Je n'eus d'autre
ressource , pour m'en approcher , que de dégrin-
goler de rocher en rocher, sans pouvoir me gui-
der en aucune manière , à cause des ténèbres dont
j'étais environné^ de la neige qui tombait par flo-
cons. J'aurais dû me briser vingt fois les membres.
Je parvins, à ii heures du soir, à la misérable
chaumière dont j'avais remarqué la clarté. C'était
Ja demeure d'un pauvre charbonnier , parlant al-
lemand d'une manière rustique ^ que je compre-
nais à peine. Il fut aussi effrayé à mon aspect que
j'étais étonné de me trouver dans son h abi ta-
lion (i). Je lui demandai à coucher ; il me répondit
qu'il n'avait pas de lit pom* lui ; que , par la même
raison, il n'y en avait pas pour moi. Je le priai
de si bonne grâce , en lui dépeignant ma triste si-
tuation, qu'il me laissa entrer. Il eut ensuite, avec
sa famille , une grande pitié de moi : car ma fi-
gure , mes mains , une partie de mes vêtements
étaient ensanglantés. On se servait, dans ce triste
réduit , de morceaux de sapin enflammés fixés au
mur, en guise de chandelle. Cette pâle lueur,
donnant à travers une fenêtre dont les carreaux
étaient de papier, avait servi de guide à mes pas
(i) Je me rappelais le conte du petit Poucet; mais
au lieu de trouver un ogre dans la maison , je craignais
d'y rencontrer des voleurs dont on parlait beaucoup dans
le pays. Je redoutais detre, comme Gil Blas dé Santil-
lahe, dans un repaire de brigands, forcé de rester et
de servir parmi eux.
( 25; )
incertains. Après beaucoup de questions , j'appris i;q6.
que je m'étais cp;aré de trois lieues. C'était un bon- Ay iv.
heur pour moi d'avoir g.igrsé cette cahute , dont
on allait éteinche la lumière ; on ne l'avait gardée
si tard que parce que c'était le dimanche. La
grotte était la seule habitation de cette contrée ; si
je ne l'avais pas trouvée, j'aurais été exposé k
marcher toute la nuit sans découvrir le moindre
asile.
Je fus , chez ces malheureux charbonniers .
aussi bien que leur bon cœur et leur misèie le
leur permettaient. Je mangeai des pommes de
terre cuites dans un chaudron , avec un peu de
sel pour assaisonnement. Je bus de l'eau Iraîche ;
je couchai dans cette humble demeure , sur un
lit de feuilles qui servaient de plumes. Quand le
jour fut venu, ces bonnes gens me firent voir
l'empreinte de mes pieds, la trace que j'avais
laissée sur la neige pour arriver à celte caverne.
Elle était adossée à une montagne à pic , qui
semblait disposée à l'engloutir à chaque instant
sous ses fragments. Je m'étais fait beaucoup de
mal ', mais j'aurais dû en éprouver mille fois da-
vantage, ou m'ensevehr sou^s la neige, dans les
fentes des rochers.
Le 8 (28), le temps étant devenu beau, je
suivis mon hôte qui connaissait le chemin , malgré
qu'il se trouvât couvert. Il se transportait à Bitche
pour ses affaires ; quand nous y fûmes arrivés, je
lui payai à dîner avec plaisu-, et le remerciai sin-
cèrement de l'hospitalité qu'il avait exercée en-
,1(3.
1796. vers moi. Dès qu'il m'eut quitté, je parcourus h
AN IV. ville et les fortifications que les Français ont ren-
dues célèbres, le •->.() brumaire an 2(17 novembre
1795), par leur vigoureuse défense contre les
Prussiens.
Le 9 ('^9), je m'en allai à Sarguemines.
Le 10 ( 5o ) , je couchai k Sarbruc.
Le II (5i ) , je me dirigeai sur Sarre-Louis^
On me donna , k la municipalité , un billet pour
loger dans un village , où je passai la nuit. Je ne
fis de visite k qui que ce fût. Je négligeai de voir
les connaissances que j'avais cultivées lors de mon
séjour dans cette forteresse.
Le 12 ( i*^"" avril), je m'acheminai vers Hilbring.
Le 10 (2), je me mis en marche pour Sarbourg.
Le i4 ( 5 ) , j'arrivai k Trêves , où j'eus séjour,
dont je profitai pour voir la ville qui est fort an-
cienne.
Le iG (5), je me rendis k Trarbach, où je
restai dans une ferme.
Le 17 (6), je gagnai Witlich,* ma feuille de
route fut continuée pour les lieux ci-après :
Le 18 ( 7 ), je passai la nuit k Polch.
Le 19 (8), étant k Coblentz, j'employai le
temps que j'avais , k parcourir cette cité, k ad-
mirer la position redoutable du fort d'Ehrenbreis-
tein^ qui était en face, au-delk du Pdiin (1).
Le 20 ( 9 ) , je logeai k Andernach.
Le 21 ( 10), k Bonn.
(1) Il a été démoli par les Français , en l'an 7 ( 1799) ;
on le l'établit aujourd'hui.
( ^^l-) )
Le 2-2 ( 1 1 ) , h Cologne. 1798,
Le ft3 ( 12 ) , à Neuss. a> iv.
Le 24 ( i5) , à Dusseldorf.
Le 2 3 (14)7 à Kaîsersvert, où était Fétat-
major du corps.
Le 26 ( 1 5 ) , j'arrivai à Raliiigen ; j'y rejoignis
enfinla compagnie qui occupait ce lieu etHombert.
On m'envoya dans une ferme enviromiée de
bois de haute futaie_, à une lieue environ , chez
un habitant fort riche, où je me trouvais pariai-
tement bien.
J'observai du changement dans le corps. J'ap-
pris que , le 29 pluviôse ( 18 février ) , la 9™^ de-
mi-brigade avait été complétée par le i^' batail-
lon de la i49°^^ qui se trouvait dissoute. Elle était
formée , de prime abord , du i^"^ bataillon de
Conti^ 81™* de ligne; du 6"'^ de la Haute-Saône,
et du 5°^' de l'Orne.
he printemps se faisant sentir , j'avais la douce
satisfaction d'entendre le rossignol , de jouir plei-
nement des beautés de la nature et du développe-
ment de la végétation.
La fatigue que j'aA^ais éprouvée pendant les
trois mois de route, me fît tomber malade. Je fus
contraint , au grand chagrin de mon hôte , qui me
connaissait à peine, d'aller à l'hôpital.
Le i*^"^ floréal ( 20 ) , j'arrivai à Dusseldorf, où
je fus mis dans une salle vaste. Le lendemain j'é-
prouvai une fièvre considérable.
Le général Lefebvre, dans cet instant, vint vi-
siter l'hospice j lorsqu'il fut en face de moij il me
( .4o )
1796. den^anda ce qne j'avais. Je lui répondis que c'ér
A^ IV. tait \m trcmblemciit dans tous les membres. Il re-
marqua qu'au lieu d'un bonnet de nuit, un foulard
me couvrait ia tête ; que je portais une chemise
rayée de linge lin, et que ma redingote, que j'a-
vais mise sur mon lit pour me tenir chaud, était
d'un drap fort beau. Il s'adressa au directeur qui
l'accompagnait, en lui reprochant de ne m'avoir
pas placé dans la chambre des officiers. Je répon-
dis au général que je n'avais pas ce grade ; que je
servais comme caporal à la 9°^^ de ligne. Il répli-
qua que je paraissais fort soigné dans ma tenue ,
ce qui est une grande qualité pour un militaire ,
et il se retira.
Après quelques accès , je me sentis mieux.
Ayant obtenu de sortir pour me promener, j'allai
voir essayer de vieux canons de fonte, que l'on
lirait à double charge. Plusieurs crevèrent sans
occasioner de malheurs. Les canonniers prenaient
des précautions en y mettant le feu avec des
mèches d'amadou; ils se retiraient à l'écart, à
une distance éloignée, avant que l'explosion eût
lieu.
Le i5 (4 mai), étant convalescent, je retour-
nai chez mon fermier de Ratingen, où je me ré-
tablis en peu de temps.
Le 16 ( 5), il y eut une nouvelle organisation
dans l'armée. Les numéros des corps d'infanterie
furent tirés au sort. Par suite de cette fusion, de
cet amalgame, la 9"'^ demi-brigade de ligne de-
vint 105"'*^ de la même arme.
/(vfVlifl
.^C^zïz^^ a^ <^ /^^'^/{ '^^aziiè^
^
( =4i )
L'ctat-major resta le même. 1^96.
La compagnie dont je faisais partie , tut la aî< iv,
4'"'' du S'"*" bataillon, commandée par le citoyen
Colas, capitaine. J'étais immatriculé sous le nu-
méro d'ordre 1877.
L'elTectii" du corps était de 4jOo8 hommes.
Dans les forets, aux environs de Dusseldorf, il
existait des chevaux sauvages. Pour s'en emparer,
on réunissait des troupes qui les traquaient dans
les bois. Ces animaux se rassemblaient sur cer-
tains points. On les prenait au moyen de filets
qu'on tendait pour arrêter leur course.
Le 7 prairial ( 26 ) , on prévint de se tenir prêt
pour ouvrir la campagne (i).
(i) Voici les dates avec les lieux occupe's par une porr
tion de la 9""* ou de la io5"^ deini-brigade , depuia
mon départ de Wachtendonck pour l'hôpital , jusqu'à la
veille de se mettre en route, afin de réunir les batail-
lons , le 7 prairial ( 26 mai ) :
Le 22 nivôse ( 12 jan\ner ) , quittant Tunisberg et
Wachtendonck , on se rendit à Strump.
Le 24 ( 14 )j à Stralem.
Le 3o ( 20 ) , à Crevelt.
Le 1*' pluviôse (21 janvier ), à Dusseldorf et à Direndorf.
Le 29 (18 fe'vrier ) , la g"'^ fut compléte'e par le
1*" bataillon de la i^g"'".
Le 3o ( 19 ), on alla cantonner à Kaisersvert.
Le- 12 germinal ( i*' avril ) , à Ratingen.
Le 3o ( 19 ) , à Houihourg.
Le 16 floréal ( 5 mai j , la 9""* demi-brigade devint
loS"" de ligne.
Le 7 prairial ( 26 ) , on reçut l'ordre de se placer
|)rovisoirenieat dans le camp retranché de Dusseldorf^.
( ^4^ )
CHAPITRE XXXYIIL
»79^» Le 8 prairial (27 mai), nous partîmes de
AJN IV. nos cantomiements pour nous rassembler dans
les ouvrages construits en avant de la capitale
du duché de Berg.
Le fermier chez qui je logeais , et qui me
portait do raffection , avait rempli mon bidon
de bonne eau-de-vie.
Le 1 1 ( 5o ) , nous gagnâmes Oppladen.
Le 12 (5i), nous passâmes la Wupper , ri-
vière qui servait de limite. Celait le jour de la
rupture de l'armistice qui avait été dénoncé par
les Autrichiens, le 2 prairial (21 mai) , dix jours
avant de recommencer les hostilités.
Le i5 prairial ( i^*" juin ) , la division du gé-
néral Lefebvre , formant Tavant-garde , attaquait
l'ennemi de front , le poussait devant elle dans
la direction d'Ukerath.
Le 3"'*" bataillon de la loS'"'^ , commandé par
le citoyen Bonnemaille , se dirigea sur la gauche
de Siegbourg. Il passa au château de Bensberg,
en continuant une marche forcée , sans avoir
eu occasion de brûler une amorce. Le soir on
plaça des gardes. Je commandai un peloton de
huit hommes pour surveiller les derrières du
( ^43)
camp, par où des fuyards ennemis pouvaient 1^96.
tourner leurs pas. an iv.
Le i4 prairial (a juin) , vers trois heures du
matin, à Faube du jour, ayant été recouuaître
les alentours du poste , je distribuai tous mes
hommes en faction. Un instant après nous vîmes,
en sortant du bois , dans le lointain , un grenadier
hongrois. J'allai seul à sa rencontre , voulant
avoir Fliomieur de le tuer ou de le prendre moi-
même.
Au moment que je l'ajustais, il mit son bonnet
au bout de sa canne , l'éleva en l'air , en me
criant qu'il se rendait : c'était un sergent. Je
m'en approchai ; il me dit que , pendant la ba-
taille de la veille , il avait sous ses ordres i4 in-
dividus , lui compris 5 que , cherchant à gagner
son régiment, la marche précipitée de l'armée
française l'avait empêché de l'atteindre , et
que , s'étant échappé par ce chemin , ses hommes
étaient restés dans une maison où il devait les
trouver. Je ^l'accompagnai et vis 12 militaires
d'élite , avec un caporal , d'une grandeur colos-
sale : je leur enjoignis de me suivre. L'un d'eux
parut témoigner de la répugnance. Le sous-
officier le réprimanda ; et , comme je ne com-
prenais pas le hongrois , il me répéta les mêmes
paroles en allemand. Sentant que la fermeté était
le seul parti à prendre : < audaces Jovtuna ju-
» vat (i), » je saisis le fusil de celui qui pa-
(i) Le bonheur favorise les intre'pides.
(244)
l'jgG. raissait le plus miuin. En ayant arraché la pierre,
AMv. j'ouvris le bassinet, je jetai la poudre; j'ôtai la
baïonnette que j'introduisis dans le fourreau, et
lui présentai ensuite son arme : j'en lis autant à
tous, prescrivant au sergent de les faire mettre
.sur deux rangs. Nous nous acheminâmes vers
mon poste : y étant parvenus , j'envoyai \ni sol-
dat annoncer ma capture au chei de bataillon, en
lui demandant un piquet pour servir d'escorte.
Celui qui était chargé de cette mission , s'amusa
à boire. A 5 heures, j'entendis rappeler ; comme
j'avais l'ordre de rentrer au premier coup de ba-
guette , je commençai ma route; les prisonniers
jnarchant alignés , les crosses de fusil en l'air ,
deux hommes de la garde en avant, quatre der-
rière, un autre et moi sur les flancs. Quand nous
parûmes à portée de fusil , le factionnaire qui
voyait plus d'Autrichiens que de Français, crut
qu'ils nous avaient pris , et , comme nous débus-
quions d'un bois, s'imagina que nous étions en
tête d'une colonne qui voulait attaquer le camp.
Il se disposa à faire feu. Prévoyant son dessein,
je m'avançai vivement pom- m'expliquer ; il nous
laissa approcher. Le commandant à qui j'adressai
mon rapport, n'étant pas prévenu de mon retour,
quoique j'eusse eu la précaution de lui en donner
avis, allait me punir de ce que ces ennemis n'é-
taient pas désarmés. Je lui représentai que j'avais
envoyé un exprès pour l'en informer, et que ,
n'ayant que 8 hommes, les étrangers étant t4,
ma troupe eût été chargée d'armes, de sorte
( 245 )
qu'elle n'aurait pu se défendre si le cas Fcùt i;c)6.
exii^é. Trouvant mon raisonnement juste , il an iv.
me renvova h la compagnie , en me félicitant
de mon exactitude et de mon intelligence à rem-
plir mes devoirs. Il m'assiu-a qu'il saisirait la
première occasion de me procurer de Tavance-
ment. Nous partîmes de suite du bivouac , et
nous marchâmes toute la journée.
Le i5 prairial (5 juin), le o^^^ bataillon dé-
tnclié rejoignit les i*""^ et 2"'^ de la io5"^*^, qui
n'avaient pas quitte la division.
Voici le rapport qui a été fait de l'entrée en
campagne :
Les 12 et i3 prairial (3i mai et i'"'' juin) , bataille de
Siegbourg (Siegherg).
Message du directoire executif , relatif aux vic-
toires remportées par l'armée de Samhre et
Meuse.
« Citoyens législateurs ,
» L'armée de Sambre et Meuse a ouvert la cam-
j> pagne , comme celle d'Italie , par des succès
» éclatants sur les deux rives du Rhin.
» Le corps d'armée, sous les ordres du gé-
» néral Kléber, situé sur la rive droite du Rhin,
>» s'est porté le 12 ( 5i ) sur la Sieg.
» Le i5 ( i^^'juin), il a attacpié l'Autrichien,
» et l'a complètement battu. L'ennemi a été
M obligé d'abandonner toutes ses positions sur
» cette rivière , et s'est retiré précipitamment sur
» Altenkirchen , où l'on est à sa poursuite.
( =^4r> )
i^g6. » On lui a pris ou tué 2,4oo Iiorames. Tout
AK IV. » son état-major a été fait prisonnier. Le cli-
» rectoire fera connaître, par la voie des jour-
» naux, toutes les actions d'éclat par lesquelles
M les républicains se sont distingués. »
Au quartier-général de Siegberg {Siegbourg) , le i6 prairial
(4 juin).
Le gênerai de division Kléber , commandant l'aile
gauche de r armée de Samhre et Meuse y au gé-
néral en chef Jourdcm,
« Je t'ai rendu compte dans ma dernière dé-
» pêche , mon cher camarade , cjue le 12 ( o i ) >
» le corps d'armée s'était porté dans la position
)) entre Portz et le château de Bensberg , ce qui
» faisait sept grandes lieues de marche.
» Ce même jour, le général Lefebvre eut deux
» petites affaires d'avant-postes, l'une dans les
» montagnes aux environs de Bensberg; l'autre
» sur l'Acher , entre Troisdorf et l'Obmar : nous
» eûmes quelques blessés.
)» Le i5 ( i*^' ji^iin), à 4 heures du matin , le
» corps d'armée se mit en marche sur deux co-
» lonnes : l'avant-gai'de , aux ordres du général
» Lefebvre, avait ordre de forcer le passage de
» l'Acher , en avant de Troisdorf , à l'Obmar
» et à Lourath ; d'enlever Siegberg , et de re-
» monter ensuite la rive droite de la Sieg pour
» prendre une position vers lîappenschosa , afin
» d'être le lendemain à même de passer la Sieg
» au-dessus de Blankembourg , pour attaquer d(2
>j i'eveis la position d'Ukeralh, en cas que l'en-'- i-q6.
» nemi Yorilùt y tenir. a> iv»
» Une partie île ravant-garde du général Le^
)) febvre , charge les ennemis jusqu'aux portes
» de Siegberg , s'empare immédiatement après
» de la Tille et du pont sur la Sieg, quoique
» défendus par l'artillerie.
» La seconde division , aux ordres du géné^
» rai Colaud , coupe en deux le corps qui dé-
j> lendait la Sieg , et en jette une partie contre
)' le Rhin : mais comme la canonnade était vive
» du côté de Siegbci'g , il se dirige conformé^
» ment à son ordre , de Hufe sur Busdorf , afin
» de soutenir l'avant-garde du général Lcicbvre,
» et se contente de laisser deux bataillons po^iu'
» observer le petit corps ennemi qu'il laisse sur
)) les derrières , et qui ne tarde pas à se reti-
» rer par la route du Rhin sur l'Inte.
» Je fis passer la Sieg , au gué , à la cava-
» lerie du général Lefebvre, commandée par le
» général d'Hautpoult , afin de poursuivre l'en-
» nemi : à cette cavalerie vint se joindre aus-
» sitôt celle de là division du général Colaud, à
)» la tête de laquelle se trouvait les adjudants-
» généraux Ney et Ormancey. On avance , et
n partout la cavalerie autrichienne , quoique
» bien supérieure en nombre, cède le terrain.
)) Alors le i^' régiment de chasseurs , commandé
» par le chef d'escadron Richepanse, en atteint
n une partie à la hauteur d'HénelT, et, dans ce vil-
>i lage , il ordonne la charge et en fait un carnage
( .is )
1796. » horiii)le. Ce coraraandaiit a donné, dans cette
Aw IV. » action, des preuves du plus grand sang-tïoid
» au milieu des dangers, et d'iaie intrépide au-
n dace. En poursuivant la cavalerie , il tombe
» sur un poste d'infanterie, fait faire halte à ses
» chasseurs, ordonne le feu de peloton, et en
» chassant l'ennemi , il fait vaincre aussi l'obs-
» tacle qu'on voulait mettre à sa poursuite.
» Enfin les Autrichiens , partout vaincus , se
» retirent avec précipitation , et vont se jeter
» dans la formidable position d'Ukerath. Une
» forte marche et quati-e hein^es de couiljat ne
» me permirent point de laisser poursuivre da-
» vantage ; et d'autant moins encore que cette ^
»> position , inattaquable de front , exigeait de
» grands détours pour la tourner par ses flancs ;
» ainsi , l'infanterie de l'avant-garde du général
» Lefebvre, continuant sa route toujours sur la
» rive droite de la Sieg , passa la nuit à la po-
» sition d'Happenschosa, et la division du gé-
» néral Colaud sur les hauteurs en avant de Bus-
» dorf.
» Les noms de tous les officiers et soldats ,
» qui ont eu occasion de se distinguer dans
» cette journée , ne m'étant pas encore connus ,
» je les ferai adresser dans le jour au général
» Ernouf, mon chef d'état-major.
» Signé Kléber. »
Le i5 prairial (5 juin) , les troupes de l'avant-
garde furent réunies, après des marches forcées,
sans qu'elles parussent fatiguées. Elles étaient
( A9 )
enflammées des succès remportés depuis la re- i-cfi.
prise des hostilités. Elles semblaient animées de an iv.
l 'ardeur de combattre , et laissaient présager que
la première affaire serait pour les Français une
victoire signalée (i).
(i) Voici les dates avec les lieux occupés par une
portion de la 105""% depuis son arrive'e auprès de Dus-
seldorf , le 8 prairial ( 2^ mai ) , jusqu'au jour de la
réunion du corps, le i5 ( 3 juin ) :
Le 8 { 1'] ) , arrivant au camp pour se rendre ensuite.
Le n ( 2o ) , à Oppladen.
Le i3 ( 1^' juin), sur la gauche de Siegbourg ( Sieg*
berg ) ; on passa au château de Binsberg.
Le 1 4 ( 2 ) , on marcha dans la même direction.
Le i5 ( 3 ) , la demi-brigade réunie, rejoignit la di"
vision campée au-dessus de la Wiedbach.
( 25o )
*»^^*^'^^»^ ^»^*^*i«^r»^^s*5"'*<^k^^^^^^^^^«iT'»^*.^?^.j^
CHAPITRE XXXIX.
1796. Le 16 prairial (z4jiiia), à 4 heures etu matin,
AN IV. la io5"'*^ demi-brigade, marchant en masse par
bataillon , se Iroiiyait comprise dans la colonne
du centre , commandée par le général Levai. L'en-
nemi occupait la hauteur à gauche près la ville
d'Akenkirchen. La rivière de la \Viedbach sé})a-
rait les deux armées ; il nous fallait la traverser.
L'artillerie de la division faisait, par-dessus nos
rangs , un feu bien nourri.
Le bataillon auquel j'appartenais, passa un
pont extrêmement étroit, construit vis-à-vis de
notre direction. L'artillerie autrichienne qui don-
nait dans nos rangs , tua des hommes , rompit les
jîelotons de gauche. Il n'y eut que le demi-batail-
lon de droite qui put conserver l'ordre admirable
d'une manoeuvre de pied fei^me. Nous gravîmes
la montagne à l'assaut. Dans les ravins, derrièie
les rochers , les inégalités de terrain, étaient em-
busqués des tirailleurs impériaux , qui envoyaient
la mort de toutes parts. Nous ripostions avec la
même intrépidité. L'un d'eux, se levant à côté
d'une pierre, me tira un coup de fusil à bout
portant , en me frisant seulement l'épaule. Le
mien n'étant plus chargé, je m'élançai sur lui, et
( 25l )
je lui plongeai ma baïonnette dans le ventre. Il fit i-qG,
un mouveiJieut qui la retint clans sa capote. Cet at< iv.
homme ayant jeté ses armes, fut fait prisonnier.
J'eus la générosité d'empêcher un soldat , qui était
près de moi, de le tuer. Nous montâmes, en
combattant , à travers un feu épouvantable de
mousqueterie , d'artillerie. Nous parvînmes sur le
plateau, où la cavalerie de la division arriva pres-
que en même temps. L'ennemi fut culbuté : son
infanterie et ses canons restèrent au pouvoir des
Français.
Tandis que nous atteignions la cime , pêle-mêle
avec les xVllemands , mi sokîat de la compagnie
croisa la baïonnette sur un officier kaiserlich.
Celui-ci offrit sa montre^ avec la chaîne en or,
pour qu'il l'épargnât. Le républicain refusa le
tout, et lui laissa la vie. Ce chef, qui parlait fran-
çais, répliqua : « Que ne doit-on pas attendre
il d'hommes aussi désintéressés que généreux ! »
Voici le rapport adressé , par le général de di-
vision Kléber, au général en chef Jourdan :
Altenkirchen , le i6 prairial (4 juin ).■
« Le succès obtenu sur la Sicg, le i5 ( i^*") de
u ce mois , par le corps d'armée dont le comman-
» dément m'est confié , n'était , mon cher ca-
» raarade , que le précurseur de plus grands
;) triomphes.
» Je t'ai rendu compte, le i4(5')^ de la manière
» dont nous obligeâmes l'ennemi d'abandonner la
>^ position d'Ukerath : depuis , il s'était porté
» dans celle d' Altenkirchen , derrière la Wied-
I. T.7
A.\ IV.
( Q.6-2 )
1706. " l>acli, position non moins formidable que la
» première, et où le piiuce de Wurtemberg s'é-
» tait renforcé de troupes fraîches.
» Obligé de séjourner le 1 5 ( 3 ) , pour don-
» ner du repos à la troupe , et le temps nécessaire
» aux convois de subsistances d'arriver , je me
» bornai, ce jour, à faire faire une forte recon-
M naissance : elle était commandée par le général
» d'Hautpoult ; il chassa l'ennemi de Weyerbusch,
» et poussant en avant jusqu'aux hauteurs d'Al-
» tenkirchen , il découvrit le camp ennemi , que
» plusieurs habitants du pays lui assurèrent être
» de 20,000 hommes.
)^ Le i(î (4), à 4 heures du matin, l'avant-
» garde du général Leiébvre avait ordre de se
» mettre eu mouvement , et de diriger sa marche
» sur Al tenkirchen ; il était chargé d'attaquer
» cette position.
» La tète de la 2"'^ division, aux ordres du gé-
» néral Colaud, devait suivre, à une demi-lieue ,
» la queue de celle du général Lefebvre, et se
» mettre en bataille, en seconde ligne, dans la
» position en avant de Weyerbusch , dès que la
» première commencerait son attaque , afin de la
V soutenir.
» Le général Lefebvre ciJbuta d'abord tous les
» avant-postes de l'ennemi, et dès qu'il eut débou-
» ché sur les hauteurs opposées à celles d'Alteukir-
» chen, une canonnade des plus vives s'engagea
» de part et d'aiUre. Le général Lefebvre , à qui
» la position de l'ennemi était parfaitement cou-
( 25d )
» nue, pour y avoir combattu Tannée dernière , in^^Q,
» partage aussitôt sa troupe en trois colonnes , an iv
» donne le commandement de celle de gauche au
)) général Souk , celui de la droite au chef de la
I) 25'"^ demi-brigade d'infanterie légère (le citoyen
» Brunet ) , et , de sa personne , reste à celle du
» centre av/ec le général de brigade Levai. Les
» deux colonnes de droite et de gauche avaient
» ordre de déborder les ailes de l'ennemi , de les
w tourner ; la colonne du centre était chargée de
» l'attaque de front. Toutes ces dispositions s'exé-
» entèrent avec le plus grand ensemble. Partout
» on entend battre la charge s partout on voit
» gravir les colonnes sur des hauteurs presqu'ina-
» bordables : partout enfin l'on voit déployer la
» plus grande audace et la plus grande intrépi-
» dite. L'ennemi oppose à cette attaque la plus
») vigoureuse résistance ; mais enfin la baïonnette
») triomphe, et des charges de cavalerie exécutées
» à propos et avec valeur , achèvent sa défaite ,
» qui bientôt se change en déroute la plus com-
» plète.
» Trois mille prisonniers , parmi lesquels se
» trouvent les trois bataillons du régiment de Jor-
» dis en entier, avec leur colonel et tous leurs offi-
» ciers, quatre drapeaux , douze pièces de canon,
»> quantité de caissons d'artillerie , partie des équi-
»> pages tombés à notre pouvoir, sont les tro-
») phées de cette éclatante journée. Ce combat n'a
» duré que deux heures, mais il était d'autant
» plus vif et plus sanglant pour l'ennemi. On ne
17-
( 254 )
infG. " vit jamais infanterie marcher et attaquer aveÔ
AN IV. " pl^'s d'ordre, et jainais cavalerie ne mépriser
» davantage l'ennemi.
» La division du géncial Colaud , rangée en se-
» conde ligne , n'a pu être que témoin du com-
» bat; mais l'ardeur que les troupes manifestaient
» pour en venir aux mains, était le sûr garant
» qu'elles auraient pareillement triomphé , s'il
» avait été nécessaire ou prudent de contenter
» leur désir.
» Demain, je continue ma marche, j'espère en
» annoncer le résultat par de nouveaux succès.
« Sigjié Kléber. »
On fit l'appel sur le champ de bataille. On remit
l'état des hommes qui avaient disparu pendant
l'action, et dont, potir la plupart, on ne connais-
sait pas le sort , ignorant s'ils étaient tués ou
blessés.
Nous partîmes de suite, et bivouaquâmes sur
la route.
Le 17 prairial ( 5 juin ) , nous arrivâmes à Hci-
cheiibourg, et occupâmes la plaine de Rosbach.
Le 18 ( () ) , nous nous rendîmes sur la Lahn , à
une lieue à gauche de Limbourg , où nous res-
tâmes.
Le 27 ( 1^ ), nous prîmes les armes avant le
jour, pour nous porter sur Wetzlar ; nous étions
devant cette ville à 8 heures du matin , par un
temps fort nébuleux.
Le combat était engagé près de l'abbaye d'Al-
tenburg, et l'ennemi présentait une détense im-
( 2D3 )
posante. Le général Lefebvre demanda, de suite, 1796.
douze hommes par compagnie , pour aller en an iv.
tirailleurs. Je me trouvai compris dans ce nombre.
Les Impériaux s'approcliant , nous commenri\mes
aussitôt le feu, et nous les poussâmes hors du
monastère, où Von sonnait le tocsin. J'allai sur la
grande route de cette abbaye à Wetzlar ; un
nombre immense de cavaliers ennemis s'y por-
taient. Nous étions environ dix fantassins réunis,
qui appartenions à plusieurs corps. Nous con-
vînmes de ne point nous quitter, et de tenir en
échec la cavalerie. Je fus désigné pom' commander
ce peloton. Nous tirâmes beaucoup de coups de
fusil. Taadis que nous étions attentifs à ce qui se
passait devant nous , des grenadiers hongrois ve-
naient à la faveur des grains , dans lesquels ils se
courbaient , pour nous déborder et nous sur-
prendre. Quand nous les aperçûines , nous vou-
lûmes les éviter : les blés en étaient tout remplis.
Derrière nous, existait un revers de montagne,
formant une excavation considérable , où mes ti-
railleurs se retii'aient en passant par-dessus une
haie. J'étais occupé des ennemis. Remarquant
aussi que mes dix hommes atteignaient le ravin ,
je voulus, encourant, les rejoindre. La pluie,
tombant en abondance , fut cause que je glissai
en voulant franchir la haie; j'y restai accroché,
et je faillis être lardé à coups de baïonnette par les
grenadiers , et sabré par les cavaliers qui me pour-,
suivaient. Dans ce moment , je tombai à plat
ventre, en dégringolant sur la terre humide^ J'é-.
( 256 )
I796- t^îs couvert de boue; j'avais le visage arraché. Je
AH IV. me levai difficilement , ayant le corps tout dislo-
qué. Je voulais suivre mes camarades ; pendant
le temps que je mis à nie relever, ils disparurent.
J'entrepris de gravir vis-à-vis , voyant que le
danger était immi^ient. Après avoir atteint envi-
ron moitié de la butle , c[ui avait peut-être 5o pieds
de hauteur, je fus contraint de glisser sur mes
mains, n'ayant point assez de force pour me porter
jusqu'en haut. J'essayai de remonter; mais les coups
de fusil partaient d'une manière si multipliée, que
je culbutai jusqu'en bas , sans espoir d'échapper,
Je ne vis plus d'autre moyen que de me rendre,
Je me tournai vers les Autrichiens qui étaient en
bataille à l'endroit d'où je sortais. J'avais peut-
être fait quatre pas : je distinguai un petit sentier
qui conduisait, par xme sinuosité, au haut du ra-
vin du côté des Français ; je m'y précipitai; j'eus
le bonheur d'être aussitôt couvert par un roc
qui me mit à Tabri. Ma botte gauche était coupée
près de la semelle, par une balle. Ne cherchant
qu'à rejoindre les tirailleurs , je me rappelai que
mon fermier de Ralingen avait rempli mon bidon
d'eau-de-vie ; je la bus, en courant, sans en laisser
une goutte. Cette liqueur avait tellement ranimé
mes forces, que je me sentis tout-à-coup délassé
et plus vigOLU-eux qu'avant le combat. Ayant ga-
gné le coin d'un bois , je parvins à la demi-bri-
gade qui avait fait un mouvement. Je m'assis à
terre. Je pris mon havre-sac par les coins, je
jetai tout ce que j'avais de butin, ne conservant
(=57)
qu'un demi-pain avec mon dictionnaire géogra- \-q6.
pliique. J'aperçus près qu'aussi tô t , entre les pieds a.n i\.
des arbres , grand nombre de hussards ennemis ,
filant dans les bois en tirailleurs , et qui allaient
nous surprendre; j'en prévins mes camarades. A
l'instant, une fusillade s'engagea. La journée se
passa entièrement en combats plus meurtriers les
uns que les autres. Le soir , les Autrichiens avaient
reçu un renfort de cavalerie si considérable, que
nous rétrogradâmes précipitamment à travers les
forêts, sans suivre de chemin direct. Plusieurs
fois , les pelotons furent obligés de se retourner
pour faire feu en arrière. Les Lnpériaux avant
perdu notre trace, on lit halte pour donner à la
troupe le temps de se rallier.
Rapport de la bataille d'Altenburg :
Au quartier-général , à Montabaur, le 29 prairial (17 juin).
Le générai en chefJourdcm au directoii^e exé-
cutif.
« Citoyens directeurs,
» J'ai l'honneur de vous prévenir que ce que
5) j'avais prévu est arrivé : l'ennemi , après avoir
» rappelé de la rive gauche du Rhin sur la rive
» droite, la presque totalité de ses forces, l'ar-
» chiduc ayant augmenté sou armée de quelques
» corps de celle de Wurmser , s'est porté sur la
» Lahn, avec des forces beaucoup plus considé-
» râbles que celles que j'avais {)u y réunir, et
» profitant de l'avantage qu'il avait de pouvoir
»>. faire son mouvementbeaucoup plus prom j)tement
y que moi, il s'est élevé sur la Haute- Lahn , dp
( 258 )
i-jc^e. n manière que lorsque j'ai voulu faire passer, le
.\x IV. » 9.y (i5), du côté de Wetzlar, l'avaut-garde ,
M le général Lefebvrc qui la commandait, a été
» attaqué par un gros corps cVarmée ; ce brave
» général n'a pas cru devoir se retirer sans com-
w battre, et il s'est engagé ime afTaire des plus
» vives, sur laquelle je ne puis pas encore vous
» donner des détails. Je vous adresserai inces-
» samment le rapport de ce combat, où l'ennemi,
» quoique quatre fois plus fort que le général
» Leiebvre, a perdu beaucoup plus de monde
)> que lui. Notre perte peut s'élever à aSo ou
» Doo tués , blessés ou prisonniers. Le nombre des
)) derniers est peu important , et nous en avons
)) tait un assez grand nombre. Quatre pièces de
» canon sont restées au pouvoir de l'ennemi , qui
» les a chargées avec une impétuosité incroyable ;
» mais qui ne s'en est emparé qu'après avoir es-
» suyé des décharges à mitraille.
» Cet événement ne m'aurait pas empêché d'at-
» taquer l'ennemi le 29 (17), comme l'armée
» en avait déjà l'ordre, si je n'avais pas été ins-
» truit que des forces considérables s'élevaient
» sur ma gauche. Je n'ai donc pas cru devoir
» compromettre le salut de l'armée, et j'ai or-
» donné la retraite. Le général Kléber se retii-e
» sur la Sieg , avec une partie de l'armée , et je
)) me retire sur la rive gauche du Rhin, avec
» l'autre partie.
>' Je ïne rendrai demain à Coblentz , d'où je
>) vous adresserai des détails , et vous ferai con^r
( 239 )
») naîlrc les dispositions que je ferai. Il ne m'est jn^e.
» pas possible de vous écrire plus longuement a> iv.
'> aujourd'hui.
» Salut et respect.
» Signe 3 ovKDAfi. »
La troupe harassée, se disposa néamnoins à se
mettre en route (i).
(i) Voici les dates avec les lieux occupés par une
portion Je la loS"^, depuis sa réunion, le i5 prairial
( 3 juin ) , jusqu'au soir de la bataille de l'abbaye d'Al-
tenburg, le 37 ( i5 ) :
Le 16 prairial ( 4 juin ) > bataille d'Altenkirchen.
Le 1 7 ( 5 ) , après avoir traversé Hachenbourg , on
arriva dans la plaine de Rosbach.
Le i.S (6) , on bivouaqua à une lieue de Linibourg,
sur la rive droite de la Lahn.
Le 27 ( i5 ) , on se rendit en vue de Wetzlar , proche
de Tabbaye d'Altenburg , où l'on se battit toute la
journée.
( Q.6o )
*'^^^^^^f^^^P^<J3^.,^^^^i^^,^^
CHAPITRE XL.
1796. Dans la nuit du 27 au 28 prairial (du i5t
AN IV. au 16 juin), rétrogradant sans relâche, nous
gravissions une montagne dans un bois fourré
sans route tracée , où , à chaque instant , nous,
étions obligés de nous arrêter par rapport à
l'épaisseur des buissons. Nous nous tenions par
la giberne ou par le pan de l'habit , pour ne
point nous égarer dans les profondeurs de la,
forêt ; mais la lenteur de cette marche , le pro-
fond silence qui régnait, l'incroyable fatigue de
la journée, me firent sommeiller debout. Je quit-
tai le vêtement de celui qui me précédait ;
quoique dormant , j'allais comme une mécanique
remontée.
L'adjudant - major était arrêté , ne pouvant
avancer à cause des ronces et des broussailles j
je heurtai le derrière de son cheval. L'animal m&
donna un si violent coup de pied dans l'estomac,
que je tombai à la renverse sur celui qui me
suivait.
Je reçus pour secours , de la générosité d'un
camarade , un verre d'eau-de-vie , que je ne
bus qu'avec beaucoup de difiîculté. N'étant past
( ^6' )
eu état de suivre, à cause de la faiblesse que i^r^e.
j'éprouvais , un soldat prit mon fusil , l'autre as iv.
mon havre-sac , deux autres me donnèrent le
bras. On me conduisit de cette manière pendant
environ une heure , jusqu'à ce que j'eusse re-
couvré l'usage de mes sens. Nous arrivâmes de
bonne heure au camp de Limbourg , d'où nous
étions partis le matin.
Le 28 prairial (16 juin), au soir, ayant
continué la retraite vers Altenkirchen , nous fîmes
halte dans un bois taillis, à la pointe du jour.
Etant harassé de fatigue , je tombai sans pou-
voir remuer. Je ne me suis jamais trouvé ex-
cédé à un tel point. Le général Lefebvre vint
à passer; il me dit de me déranger. Je le priai de
continuer son chemin , en lui faisant observer
que , s'il m'écrasait , il me rendrait un grand
service. Son cheval sauta par-dessus moi sans
me toucher. J'étais alors si ennuyé de la vie ,
que j'aurais préféré mille fois la juort à cette
existence douloureuse.
Après une heure de repos, je me levai. A
peu de distance , se trouvait le cadavre d'un
\ homme tué , étendu tout nu à terre : il avait
les reins coupés par un instrument tranchant ,
! qui ne pouvait être qu'une faux ; car son corps
j était presque séparé en deux. Les paysans ,
! latigués des vexations qu'ils éprouvaient , s'étant
1 révoltés, tombaient à l'improviste sur les Fran-
j rais isolés ou blessés , et en faisaient le plus de
I carnage qu'ils pouvaient.
( 262 )
i^gS- Lg 29 ( 17 ) , la 105°"^ continuant sa retraite!
AN IV. arriva à Ukeratli, où elle prit position.
Le 00 ( 18) , le i" bataillon du corps fit un.
mouvement ; il fut détaché sur la gauche de,
l'ai'mée.
Le i^'^ messidor ( 19 juin) , avant la pointe du
jour, par un très-beau temps , on commença
une attaque considérable. Une grande bravoure
était déployée par les troupes des deux partis.
Cependant la chance des armes fut contraire
à ta io5'"^ , qui jusqu'alors avait été heureuse.
Le bataillon séparé , s'étant bien défendu , fut
presqu'eiuicrement détruit. On fit partir le 2"^^^,
qui éprouva le même sort et perdit son dra-
peau.
Il y eut un grand nombre de tués et de.
blessés ; la plus forte portion resta prisonnière.^
Le 3"'*^ , où j'étais , n'avait presque pas donné
dans cette affaire. Il demeura en observation^ '
à l'entrée d'une gorge où l'ennemi ne vint pas
l'attaquer. Etant sur une éminence , il vit, avec
douleur , tous les malheurs réservés à la plus
forte partie de la demi-brigade. Il n'était aucun
de nous qui n'eût sacrifié sa vie , pour sauver
celle de nos infortunés camarades ; mais la dis-
tance , la position , l'ordre de ne pas bouger
que nous avions reçu , tout s'y opposait.
Copie de "la correspondance que le général
Kléber adressa au général en chef Jourdan ,
pendant cette fatale journce : ..^
I
AN iv;
( 265 )
Au camp d'Ukerath , le i" messidor ( 19 juin"^. ^yO^*
« Il est huit heures du matin , et je suis for-
» temciit attaqué sur mon front j si tu occupes
» encore les plaines de JN euwied , et que tu n'aies
» pas à craindre d'être tourné par Dierdort",
» je doute qu'ils osent tenter un coup de vive
» force. Je samai , ce soir , si tu l'es retiré
» ou non, et, dans ce dernier cas, je serai forcé
» de me retirer cette nuit derrière la Sieg, où
^ je tiendrai encore tant que je pourrai , et jus-
» qu'à ce que je sois menacé sur nos flancs.
» Je ne pais t'en dire davantage; Tavaut-garde
» en est aux mains.
» Signé Kléber. »
Slu- le champ de bataille, en avant d'Ukerath , le i*' mes-
sidor ( 19 juin).
« Je te préviens , mon cher camarade , ^que
» l'ennemi est venu à deux heures du matin ,
» pour attaquer dans la position que j'occupais ,
» avec une vivacité crui ne m'a pas permis de
» lui refuser la bataille. J'ai donc promptement
» pris toutes les mesures pour le devancer, et
s me procurer l'avantage de l'olTensive. Tandis
>> que l'artillerie se canonnait de part et d'autre,
» j'ai vite disposé trois colonnes ; j'ai donné le
>> commandement de celle de gauche au général
» Levai , celui de la droite au général Bastoul ;
» je me suis réservé de conduire celle du centre.
» Le général Richepanse, secondé de l'adjudant-
» gé néral Ney , étaient à la tête de la cavale-
1796.
AS IV.
( 2G4 )
lie ; j'avais chargé le général Colaud de ffiâ
réserve , de manière à protéger efficacement
ma retraite. Mon attaque a été brusque, l'en--
nemi en désordre m'a abandonné les hauteurs
où il voulait s'établir, et une pièce de 7 , qu'il
avait renversée. Bientôt des troupes fraîches
se sont avancées , leur cavalerie s'est alors
ralliée, et se portant sur noire droite et sur
notre gauche , j'ai cru prudent de ne pas m'a-
vancer davantage ^ j"ai ordonné la retraite*
L'ennemi se portait sur moi avec des troupes '
qvie les rapports les plus modérés font monter
à 4o,ooo hommes ; les bataillons de grenadiers
hongrois , toute l'élite de leur infanterie et la
colonne qui avait débouché sur Wetzlar , ren- ,
forçaient l'armée du prince de Wurtemberg : |
sa cavalerie était innombrable. Les troupes j
sous mes ordres ont fait des prodiges de va- !
leur ; elles en ont imposé par leur contenance
fière , puisqu'on me laisse tranquille dans la !
position que j'occupais , et où il m'a paru
sage de revenir.
» Je ne puis le dissimuler que j'ai perdu
) du monde , et beaucoup ; je te donnerai de
plus grands détails au premier instant de
repos. Tu sens déjà la nécessité d'un renfort
considérable, pour tenir à Dusscldorf : la ca-
valerie que je l'ai renvoyée, ne peut me servir
> dans un pays trop coupé pour les manœuvics
) qu'elle est habituée de faiie : si lu veux in eu
donner^ que ce soit de la légère j mais tache
( 265 )
» de me faire filer une division. Les forces que 1^96.
» j'ai en tête consistent , d'après les déserteurs j an w.
» en plus de 4o bataillons et une cavalerie de
» toutes couleurs , mais innombrable. J'espère
» que tu en auras moins en face de toi , et que
» tu pourras acquiescer à ma demande. Je n'ai
» jamais été plus content des troupes; leur in-
» trépidité , leur sang-froid et leur audace n'ont
» jamais été plus grands.
M Conformément à ton instruction, je me re-
« tire dans les lignes ; ma retraite se fera dans
» le meilleur ordre ; j'attends le renfort que je
» demande. Je te le répète.^ j'ai perdu beau-
» coup de monde , quoique j'aie conservé ma
» position : la perte de l'ennemi est , en propor-
» tion de son nombre, également très -forte;
V aussi parait - il disposé à se tenir tranquille.
» A la nuit close je chemine , et sous peu
» je serai à Dusseldorf , d'où je t'écrirai.
» Signé Klébeb.. n
« P. S, Quoique j'aie fait avancer notre ar*
» tillerie légère , à portée de pistolet de l'en-
» nemi , je n'ai rien perdu ; plusieurs pièces
» ont été démontées , mais ramenées au camp.
h La bataille a fini à 5 heures après midi. »>
A'^oici l'extrait de ce que disent les Victoires
et Conquêtes de la bataille d'Ukerath (i).
» Dan.s la nuit du 29 prairial ( 1 7 juin ) -
(1) Tome 6 ; page 4^ ? ligne 3o , jusqu'à la page 44 ;
( 260 )
1796. » le géiiéml Kléber avait marché vers Freîien^
AN IV. » gen , et il avait pris une position à cheval
w sur la route d'Altenkirchen , s'étendant jus-
» qu'à la Sieg. Il avait ensuite dirigé sur
» Hachenbou]g les troupes de la division Go-
»laud, détachées le 28 (16) à Emerischain ,
» et la brigade du général Soult ; et le soir il
» avait pris position à Ukerath. D'après les ins-
» tructions du général Jourdan , Kléber n'avait
» point de motif pour s'arrêter à Ukerath ,
)> puisqu'il ne s'était point aperçu cpic l'archi-
» duc lit vm mouvement rétrograde sur ]\Iaycnce.
)5 Cependant , au lieu de continuer sa retraite
» sur Dusseldorf , ce général eut l'imprudence
» de passer la nuit du 5o au i^' (du 18 au 19)
» à Ukerath.
» Le 1*^' messidor ( 19 juin) ^ au matin , le
» général Kray s'avança , avec l'avant - garde
»> autrichienne, forte de 1 1,000 hommes, sur les
» avant - postes de Kléber , et les repoussa
» jusqu'à la position principale. Le général Klé-
» ber se voyant assailli , jugea sagement qu'il
» convenait de combattre avec assurance, autant
n pour inspirer de la confiance à ses troupes ,
» qu'une retraite précipitée aurait pu ébranler ,
» que pour en imposer à l'ennemi. Il fit donc
>j avancer son artillerie pour engager une forte
» canonnade, pendant qu'il forme] ait son corps
» d'armée ; le général Levai reçut l'ordre de se
» porter de suite sur le flanc droit du général
» Kray , et les brigades des généraux Lorge et
( ^C7 )
» Basloul durent attaquer la gauche; Kléber se 1796.
» réserva le coiiiinandcment d'une colonne qui an iv.
w formait le centre de sa ligne. Le général Co-
» laud, avec une partie de sa division, restait
» en intermédiaire pour soutenir Tattaque de
)) front , ou celle des deux autres colonnes au
w besoin. Le général Ricliepanse et l'adju-
» dant - général Ney étaient à la tète de la ca-
» Valérie.
» La première attaque répondit aux espérances
» du général Kléber. L'artillerie française fit taire
)) celle des Autricliiens. Ricliepanse et Ney cul-
» butèrent les escadrons ennemis. Les colonnes
)j d'infanterie balayèrent le terrain coupé que le
» général Kray avait gagné le matin , et forcèrent
» les Autrichiens à se retirer en désordre. Le
« général Kléber s'avança lui - même à la tête
» d'un bataillon de grenadiers et d'une demi-
» brigade , marchant sur les deux côtés de la
» route. Arrivés devant Kirchrup , les Français
» trouvèrent ce village fortement occupé , et
» rinfanterie avantageusement postée , avec du
» canon , sur les hauteurs en arrière. Il s'engagea
» une canonnade assez vive. Vers midi , la ca-
M Valérie , commandée par Richepanse et Ney,
» essaya nne charge dans laquelle les escadrons
). autrichiens furent repoussés ; mais finfante-
» rie , par son feu nourri , éloigna les escadrons
» français. Dans ce moment , la colonne du gé-
néral Bastoul attaquait la gauche de l'en-
nemi avec vigueur et la forçait de céder.
I. ' 18
( 268 )
ingG. >' Alors le général Kray abandonna le vîlîai^c
AK IV. « de Kirclirup , et réunit toute son infanteiie
» sur les hauteurs , en arrière de ce YÏllage.
)) La troupe que dirigeait personnellement
» Kléber , gravit les hauteurs sous le feu de
)) l'artillerie , pendant que celles des généraux
>' Levai et Bastoul essayaient de les aborder,
» chacune de leur côté. Mais les Français trou-
)> vèrent sur ce champ de bataille une résis-
)' tance digne d'eux. Le général Milius , avec
y> quatre bataillons de grenadiers , s'avança à la
" baïonnette sur le centre des troupes répu-
>' blicaines. Il s'engagea dans cette occasion \\nè
» mêlée terrible et opiniâtre , dont on trouve
» peu d'exemples dans les annales militaires.
>' Mais enfin les Français furent repoussés avec
» perte d'un drapeau , et poursuivis par la ca-
» Valérie autrichienne , qui tomba en flanc sur
» les escadrons de Richepanse, et les força à
>) la retraite.
>' Le général Kléber se retrancha dans les po-
)) sitions qu'il occupait avant le combat. L'iii-
)' fanterie s'y défendit vaillamment jusqu'à la
)) nuit , pendant laquelle la retraite continua jus-
» que deiiière la Sieg (i). »
Le i^*" messidor ( u) juin), au soi"r , nous
nous retirâmes sur la Sieg , comme n'ayant pas
(i) Les jeunes gens de Danieri blesse's dans ce cou'.-
bat, furent Aton David et Huard Pierre. Les piisonnieis
étaient : Dubois cluirlcs , Filaine , Le'pe'e Narcisse , Pre'vôtot^
et Renard.
souflort (Unis la journée, pour défendre le poat ,-q(;.
de Siogi)ourg. Quand les débris de la division as iv.
lurent passés, l'ennemi ne nous fatiguant pas,
nous nous mîmes en route.
Le 2 (20) , nous marchâmes sans être inquiétés
jusque sur la \Vupper.
Le 5 (21), nous bivouaquâmes à Oppladen.
Le 4 ( ^'-^ ) 7 enfin nous arrivâmes au camp
retranché devant Dusseldorf. On profila du re-
pos que laissa Tennemi, pour réorganiser le corps.
Le général Lefebvre vijit au bivouac passer
la revue de la demi-brigade. Il appela en avant
du corps , ceux qui dans cette campagne s'é-
taient distingués. Il prononça un discours ana-
logue à la circonstance , afin d'encourager , de
stimuler chaque individu. Il fit battre un ban,
d'après lequel il reçut lui-même chacun dans
le grade qu'il avait mérité. Je fus nommé four-
rier k la 7"^^ du d'"'^ bataillon, en récompense
des i4 prisonniers c[ue j'avais faits , le f4 prai-
rial ( 2 juin ) dernier. Elle étail commandée par
le citoyen Rodhain, capitaine ; le lieutenant s'ap-
pelait Autant , et le sergent-major se nommait
Paris.
Le lendemain de ma réception dans cette com-
pagnie , composée pour la majeure partie de
vieux militaires du régiment de Navarre , je
fêlai les sous-officiers; je les régalai , après la
soupe, de verres d'eau-de-vie, chez le vivan-
dier où nous bûmes à discrétion , sans cepen-
dant faire d'excès.
i8.
( 270 )
1796. Voici le rapport de cette retraite :
-^^N IV. Bonn, le 6 messidor (24 juin).
« La prise des anciennes lignes françaises de-
)) vant Mayence , par l'armée du Rhin et Mo-
w selle , se coniîi'me de toutes parts. Les nou-
)) veaux mouvements qu'on fait faire aux troupes
» en sont même, une suite évidente.
1) Les divisions de Championnet et de Ber-
1) nadotte vont se porter sur Dusseldorf , et se
» réunir à l'aile droite, commandée par Kléber.
)) Les autres divisions qui sont encore dans le
)' Hundsruch , descendront progressivement ,
» tandis que l'aile gauche de l'armée du Rhin
» et Moselle les remplaceront daus leurs an-
)) ciennes positions (i).
(1) Voici les dates avec les lieux occupes par une
portion de la loa'"*, depuis la bataille d'Altenburg , le
27 prairial ( i5 juin ) , jusqu'à son retour au camp de
Dusseldorf, le 4 niessidor ( 11 juin ) :
Dans la nuitdu^y au 28 prairial (i5au 16 juin), on battit
en rçtraitepour retourner au bivouac proche de Limbourt;.
Le 28 ( i(3 ) au soir, on rétrograda sur Altenkirchen.
Le 29 '17), on prit position dans la plaine d'Vkerath.
Le 3o ( 18 ) , la demi-brigade, détachée par batail-
lons, fit un mouvement.
Le i*"^ messidor ( 19 ), on se battit à Ukerath. Dé-
faite des \" et 2"'* bataillons de la loS"*. Captivité
du commandant Augros , chef du second. Les débris
du corps gardèrent le pont de Siegbourg.
Le a ( 20 ) , on continua la retraite.
Le 3 ( 21 ) , on se dirigea en arrière sur Oppîaden.
Le 4 ( 22 ) , on arriva daus les retranchements tracés
devant la ville piincipale de l'électeur palatin.
( 271 )
CHAPITRE XLI.
Le II messidor (29 juin), la division partit de 1798.
Dusseldorf pour se rendre à Oppladen. -^k iv.
Le 12 (5o), elle se dirigea sur Mulheim.
Le i5 ( i^'' juillet ) , la i od"^^ ayant été détachée
sur l'extrême gauche de l'armée , passa par Siegen.
Partie du 5"^^ bataillon fut employée au parc d'ar-
tillerie.
Voici le rapport de la marche , en avant dq
1 armée :
Au quartier-général , à Neu-vvied , le 1 4 messidor (2 juillet) .
Joui'dan , général en chef de V armée de Samhre
et MeiLse , au directoire exécutif,
« Citoyens directeurs,
îj J'ai l'honneur de vous prévenir que le corps
î> d'armée aux ordres du général Kléber , est parti
)) le 10 ( 28) de Dusseldorf. La division aux or-
)) dres du général Grenier , a passé le Rhin à Co-
i) logne , et s'est réunie aux troupes commandées
» par le général KJéber. Ce corps est arrivé le 1 2
y- (3o ) sur la Sieg ; l'ennemi avait environ douze
)) cents hommes de troupes légères, siu* la rive
» gauche de cette rivière. L'adjudant-général Ney
:>' attaqua avec son impétuosité ordinaire : indé-
)j pendamment d'un assez bon nombre d'honmies,
( 27^ )
1^9^. >' filés et blessés, nous avons fait une soixantaine
Ay IV. de prisonniers montés. Le lo"^^ régiment de
> chasseurs a donné , dans cette action , les plus
)' grandes preuves de valeur, et a mis la plus
'i' grande célérité et la plus grande précision dans
'» ses mouvements. Le général Kléber a séjourné
)) le i5 ( i^^ juillet ) , sur la rive gauche delà
)) Sie^j afin d'attendre des vivres et donner le
» temps au général Letebvre, qui a marché sur la
>' Sicg, d'ariiver à sa hauteur. Ce corps d'ar-
5 nîée doit s'ctre porté aujourd'hui en avant
^ d'Ukerath. »
Le i4 ( '-2 ), les troupes détachées de la demi-
biigade explorèrent toujours la gauche de la route
de Dillémbourg.
Le 1 5 ( 5 ) , elles marchèrent dans la mcme di^
reclion, afin de déborder la droite de l'armée
autrichienne qui était aux prises avec les Français j
mais elles n'atteignirent pas l'ennemi (i).
Lei6(4), les bataillons détachés parcouru-
rent un pays boisé , coupé de montagnes , sans
rencontrer le moindre obstacle.
(i) On aperçut pour la promière fois , parmi les troupos
impériales que les républicains de la divisionjiu général
Le(ébvre avJtient à combattre, des comnagnies entières
portant des fusils à vent, qui pouvaient tirer 12 coups,
mênie plus , sans être rechargés. Cette manière de guer-
royer était funeste pour les attaques de nuit. Quelques
troupes françaises furent surprises ; mais elles firent un
grand carnage de ceux des ennemis qui tombèrent en
leur pouvoir. On se plaignit amèrement de ce nouveau
genre d'armes , que l'on ne revit plus par la suite.
( 2?^ )
Rapport de l'attaque de Wildendorf : nqG.
Siegen , le i6 messidor ( 4 juillet ). an iv.
« Le général Letebvre s'est dirigé sur Siegen ,
1) d'après les ordres du général Kléber. Ayant at-
» taqué le i6 (4)) '^ Wildendorf, la droite de
» l'ennemi , l'avait mis en déroute , lui avait fait
« 6oo prisonniers. »
Le 17 ( 5 ) , les troupes principales de la
10 5"'^ se transportèrent dans les environs, et à
gauche d'Herborn.
Le 18(6), elles prirent, dans le jour, diffé-
rentes positions. Le soir, elles marchèrent par
une grande obscurité, un temps pluvieux; elles
arrivèrent dans un endroit . où l'on fit halte : il
était minuit.
Le 1 9 ( 7 ) , nous nous mîmes en route à deux
heures du matin, avant le jour, pour Giessen. On
laissa, dans cette ville, la 8"*^ compagnie du 2"^^
bataillon de la demi-brigade, pour y tenir gar-
nison pendant que l'armée allait se porter en
avant. A cette épo([ue , toutes les divisions étaient
i;éunies sur la Lahn , en présence des Autri-
chiens.
Le 20 ( 8 ) , on passa cette rivière sans difficulté.
L'armée républicaine attaqua l'ennemi. La divi-
sion à laquelle les troupes détachées de la io5'"®
S3 réunirent, se dirigea à gauche de Butzbach.
Le 21 ( 9 ) , on se battit à Ober-Merle et JNider^
Merle. L'action fut vive. Ces deux villages, pris
et repris , furent livrés à toutes les horreurs de la
cuerre. •
( !>74 )
tvcj69 L?* demi-brigade, placée sur un monticule, fut
Aw iv* spectatrice de ce combat. Quelques charges de
cavalerie ennemie avaient tellemont entlammé
notre ardeur , que nous brûlions d'aller nous
joindre à nos camarades.
Le 22 ( lo ) , on se battit à Ockstadt, Joaimes-
berg et dans Fridberg. Les corps engagés, résis-
taient à des forces étrangères considérables , et
commençaient à fléchir. Le général Lefebvre ar-
riva avec ses troupes, fit reprendre courage aux
Français qii se retiraient sur Ober et Nider-Merle.
Le 23 ( 1 1 ) , la division séjourna pour se re-
poser de SCS fatigues.
Le 24 ( 13 ) , elle s'approcha du Mein.
Le 2 3 ( i5), le détachement laissé au parc re-
joignit la loS'^^'' demi-brigade. Nous nous ren-
dîmes près de Francfort. L'armée se trouva réunie
en partie devant cette place. Les dispositions ne
tardèrent pas à ctre failcs pour la prcndie d'assaut.
Les échelles furent apportées et rassemblées dan§
la plaine. Dès le 24 ( 12 ), les troupes légères de
l'avant-garde du général Lefebvre se jetèrent dans
les jardins, les maisons de plaisance qvii entou-
laient cette forteresse. L'artillerie française et
celle autrichienne s'engagèrent de part et d'autre.
Le général KJéber envoya aux magistrats la
sommation suivante :
« Le sort de votre ville , Messiein*s , est entre
» vos mains ; si , au coucher du soleil , les troupes
'» que je commande n'en trouvent pas les portes
•» ouvertes, tniitcs mes dispositions sont prises i-fj^i.
» pour la réduire en cendres. » an n.
La réponse n ayant pas eu lieu , on bombarda
cette grande cité depuis minuit jusqu'à 5 heures
du matin. Les troupes républicaines désiraient
l'assaut , pour venger la mort de leurs frères
d'armes de l'armée de Custine, qui, le 2 dé-
cembre 179'?', avaient été assassinés par les habi-
tants. D'une autre part, l'armée de Sambre et
Meuse était dénuée de vêtements, privée de vi-
vres, payée avec des mandats territoriaux qui
n'avaient pas cours dans le pays , ce qui taisait
beaucoup murmurer.
Le 28 ( 16 ), les Français .prirent possession de
cette capitale.
V oici le rapport fait à ce sujet :
Francfort, le 29 messidor ( 17 juillet).
E.vfrait cliifie lettre du général de division Ernouf,
chef de rétat-major général de Vannée de
Samhre et Meuse , au général en chef Jour dan,
'( Nous sommes entrés hier dans Francfort,
"» mon cher général. J'ai poussé une reconnais-
» sance, l'après-midi, a deux lieues dans la fo-
» rêt d'Aschaffenbourg, en sortant par Saxchau-
» sen. Je n'ai rencontré que cinq déserteurs, qui
» m'ont assuré qu'un gros corps de l'armée se
■» retirait sur cette place. J'ai trouvé dans la forêt,
>) tm dépôt de 4^0 tonneaux de farine et 2,000
» sacs d'avoine , gardé par \\n détachement autri-
5' chien que j'ai ramené avec moi.
<i Signe Ernolf. »
( 27^ )
ingG. L'armée se disposa donc à se mettre en route,
AN IV. pom- poursuivre ses conquêtes (i).
(i) \oici les dates avec les lieux occupés par uue por-
tion de la loj™*, depuis l'arrivée au camp, le 4 i^^es-
sidor ( 21 juin ) , jusqu'à la reddition de la capitale de
la Franconie , le 28 messidor ( 16 juillet ).
Le 11 messidor ( 29 juin ), partant dç Dusscldorf ,
on se rendit à Oppladen.
Le 12 ( 3o ) , proche Mulheim.
Le x3 ( 1" juillet, sur la gauche de Siegbourg, lieu-
dit Valpreux. Depuis cet instant, la partie du corps dont
il est question , resta au paix d'artillerie.
Le 14 ( 2 ), on prit position sur une haute montagne ,
où il y eut un engagement avec l'ennemi.
Le i5 ( 3 ) , on fit séjour.
Le 16 (4), ou se rendit prèsdeSiegen , à des forges à fer.
Le 17 ( 5 ) , on s'arrêta derrière une grande foret;
l'on y fit 600 prisonniers.
Le 18 ( 6 ), on partit de la posi-ion, et on mar-
chai dans la threction de Dillenibourg.
Le 19 ( 7 ), on se transporta sur la route dilerborn.
Le 20 ( 8 ) , le parc resta à côté de cette place, jus-
qu'au 21 (9), tandis que la division se dirigea sur Wetzlar.
Le 22 ( lo ), il traversa le pont de Giessen.
Le 23 (11 ) , il alla ;i Bulzbach.
Le 24 ( 1 2 ) , à Fridberg.
Le 25 ( i3 ) , l'escorte du parc rejoignit le corps qui
s'approcha de Wilstadt.
Le 26 ( if{ ), cheminant dans la direction de A\ ilbel ,
la loS"" se trouva en vue de Francfort.
Le 27 { i5 ) , cette troupe fit un mouvement.
Le 28 ( 16 ), elle arriva proche du Mein , en face
de Filbach. A cette époque , il y eut une suspension
d'armes de 12 hemes , à la suite de laquelle se rendit
la ville où se tiennent les diètes de la Confédération ger-
manique , et les Français en prirent possession.
(-77)
CHAPITRE XLÏl
Le 29 messidor (17 juillet) , l'avant -garde ijr)6.
partit d'auprès de Francfort , traversa Hanau , an iv,
se rendit sur la Kinzig ; de là elle se dirigea
vers Geraunden.
Le pavs que la division parcourait était dif-
ficile , et les chemins se trouvaient horribles ;
la chaleur excessive incommodait d'ailleurs beau-
coup les troupes.
A cette époque, la loS'^^'^ comptait à l'effec-
tif présent, i,849 militaires et 09 canonniers ,
ce qui formait un total de 1,888 hommes.
Pendant la route , la demi - brigade bivoua-
qua dans la position à mi - côte d'une mon-
tagne. Elle eut , la nuit , à supporter les effets
d'un orage affreux. La pluie tomba en si grande
quantité , qu'elle rompit la digue d'un étang qui
était au-dessus de nous , sans commettre d'au-
tres dégâts que de nous mouiller : il pouvait
être une heure du matin. Le tonnerre , en tom-
bant , tua un cheval de l'artillerie attachée au
3'"^ bataillon du corps.
Le 5o ( 18) , on eut séjour.
Le 4 thermidor (22 juillet ) , la division ar-
( 278 )
i;96. nva k Gemundcn j où il y eut un en^^gc-n
AT» IV. ment.
Le 5 ( 20 ) , elle continua d'avancer par Arn-
stein sur Scliweinfurt.
Je fus frappé de l'iiabillenient des femmes
de cette dernière ville ; elles portaient des man-
teaux bleus galonnés , des espèces de bonnets
de velours noir, relevés eu manière de schakos
à la hussarde.
Voici le rapport de la prise de cette place :
Au quartier - général , à Francfort , le 7 thermidor
( 23 juillet ).
Le général Eiiiouf au général en chef Jour àan.
« Schweinfùrt a été enlevé le 4 C^^)- H P'^"
)î raît , d'après diflerents avis que j'ai reçus
)) (rHeidelberg , que l'ennemi a quitté la posi-
)' tion qu'il tenait à Heilbronn.
» J'apprends à l'instant que l'archiduc ^ qui
^> s'était retiré sur Bamberg , marche du côté
» de Donawerth , et le corps de Wartensleben
» SLU" Egra.
M ^/^-vie Ernouf. »
Le 6 ( 24 ) , on opéra un mouvement dans
la direction de Lauringen.
Extrait dune dépêche du directoire exécutif ,
au général en clwf.
Paris, le i3 thermidor (3i juillet).
« .... Si vous parvenez sur la Rednitz, sans
» rencontrer l'Autrichien, ou si votre arrivée
)' sur les bords de cette rivière le force à se
)^ replier soudainement sur le Danube, vous ne
( 279 )
» devez point hésiter, citoyen général, de mar- i^tjG.
» cher sur-le-champ sur Ratisbonne , et nou3 a? iv.
» vous autorisons même à vous avancer jusqu'à
)) Passau , dans le cas où les circonstances et la
» déroute de l'ennemi vous permettraient de le
)) faire j mais dans cette hypothèse , comme dans
» celle que nous avons établie plus haut , l'inten-
» tion du directoire est qu'un corps d'observa- .
5) tion suffisant , détaché de votre armée , sur-
f> veille la Bohême, et y lance même quelques
» partis , pour y lever des contributions.
» Nous présumons au surplus que l'ennemi ,
» extrêmement faible , et qui .se trouve dans l'im-
55 puissance absolue de résister aux deux armées
» républicaines , aura réuni toutes ses forces
» vers le Danube. Nous espérons que l'armée
)) de Sambre et Meuse et celle du Rhin et Mo-
» selle agiront simultanément , pour le mettre
)) dans mie déroute totale. Elles sont toutefois
J) assez fortes l'une et l'autre, pour l'attaquer
i) séparément et lui livrer bataille ; et comme rien
« n'est plus pernicieux à la guerre que la len-
5) leur , nous pensons que celle des deux armées
» qui le rencontrera la première , ne doit point
« hésiter à l'attaquer et à profiter de sa dé-
» faite.
» Signe Laréveillère-Lépealx , président. »
Un individu du bataillon , accusé d'avoir pillé
beaucoup de pièces d'or et de bijoux , fut dé-
noncé. Le citoyen Cardon nomma un sergent
avec moi , pour cU'çsser l'inventaire des objets
( -280 )
1796. précieux qui seraient saisis sur cet homme. îï
AN IV. avait été mis à la garde du camp. MaJgré les
recherches les plus exactes , nous ne trouvâmes
qu'une montre d'or enrichie de diamants, avec
quelques risdales. Le tout fut remis au chef de
brigade , ainsi que le procès - verbal signé du
sous-olficier et de moi. Le prévenu parvint en-
suite à obtenir sa liberté.
Le 1 5 thermidor ( 2 août ) , le général en chef
étant tombé malade , remit le commandement au
général Kléber.
Le 16 (5), nous allâmes auprès de Kœnigs-
hoten, qui était un chàleau-fort sur mic cini- *
nence , garni d'artillerie : cette petite place capi-
tula sans coup férir.
Dans les riches contrées de la Franconie que
nous parcourions , il y avait une grande abon-
dance de vivres. Lcô distributions se faisaient
régulièrement. On voulut rétal)lir la discipline
et empêcher le pillage. Aussitôt que les troupes
avaient pris position , les militaires s'épar[)il-
laient en grand nombre dans les campagnes ;
ces maraudeurs y portaient la désolation , y
connnettaient toutes soites de rapines sous pré-
texte de se procurer des subsistances. wSi l'en-
nemi fût venu attaquer le camp dans ce mo-
ment , il Feùt trouvé presque sans défense , ce
qui pouvait compromettre le salut de la di-
vision.
Le général fit arrêter un homme chargé
d objets qu'il avait volés ; un conseil de guerre
( «û- )
fut tenu , et l'accusé condamné à être fusillé, i-go.
A la nuit on réunit les troupes ; le patient es- a> iv.
corté arriva entouré de militaires portant des
torches allumées : il se mit à genoux ; on lui
banda la vue. Le peloton désigné reçut le signal;
le condamné tut frappé à mort.
Un officier supérieur prononça un discours
à ce sujet , aussitôt après l'exécution du juge-
ment. Cet appareil lugubre , la force de l'organe
de Torateur , l'énergie de ses idées , firent ime
impression profonde sur tous les assistants.
Quelques jours après , les vivres manquant de
nouveau , on fut obligé de laisser recommencer
le même genre de vie. Les officiers, les sous-
officiers , dans cette circonstance , montraient
un couiage stoïque ; sans la générosité des sol-
dats , plusieurs seraient morts d'inanition. Mais
en nourrissant leurs chefs , ils se sentaient au-
torisés à se livrer au désordre.
En continuant notre roule, nous arrivâmes à
Bamberg, capitale de l'évéché du même nom.
Voici le rapport qui en a été fait :
" Le général de division Ernouf écrit , en
» date du i8 thermidor (5 août) , que le i6 (5)
» du courant , toutes les avant-gardes des divi-
)) sions de l'armée de Sambre et Meuse ont
» combattu , excepté celle du général Lefebvre.
)) Partout la victoire a été fidèle à nos braves
» guerriers. L'adjudant -général Ney a eu une
)■ ailaire éclatante , dont le succès est dû à la
;> valeur et à la prudence de cet intrépide offi-
( «282 )
1796. '^ cier. Le 6'"^ régiment de chasseurs a pits,
AK IV. » dans une charge, plus de 100 chevaux; t/}
w bateaux chargés de blé ou farine sont tombes
» en notre pouvoir. La suite de cette brillante
)* journée a été la reddition de Barnl3erg ; les
)) magistrats ont ouvert les portes à la division
» qui s'est présentée sous ses murs : ainsi nous éà
•» voilà maîtres du Haut - Meia et de la Red- I
» nitz. »
Autre rapport daté du même jour :
« Depuis deux mois de marche et de vic-
» toires , ra;rmée de Sambre et Meuse a pris à
» l'ennemi 62 2 pièces de canon , dont Sy de
» campagne et 565 de siège, 4^000 fusils, des
* drapeaux à toison, et pour 2,000,000 d'eiTets
î) ou subsistances, et 9,000,000 d'ornements et
)) trésors des pays de Mayence, Trêves et Go-
» logne , qui remontaient le Mein. » .
Le 1 9 thermidor ( 6 août ) , après avoir dé-
passé Bamberg, il y eut aux villages de Strul-
lendorf et d'Hirschaid , un combat en avant d'un
bois , dans une plaine , où le brave chef de
brigade Doré , du 8°'^ de cuirassiers , perdit
la vie.
Nous continuâmes notre route du côté de
la ville ci-après désignée , qui fut prise par
les Français à la suite d'une capitulation.
Voici le rapport qui en a été fait :
Forclieim^ le 11 thermidor (8 août}.
« Nous sommes maîtres de la place de For-
cheim , dont le commandant a capitulé aussitôt
('■85)
» après l'îjloigncment des troupes impérialos. inc,$.
» Nous y avons trouvé 70 bouches à feu. Nous an iv.
« sommes aujourcFliui au-delà de la rivière de
>> Redniiz et de la rivière d'Aicli ; l'ennemi se
)> relire en grande hâte sur Nuremberg. »
Le même jour , le général en chef rétabli ,
vint reprendre le commandement, et le générai
Kléber qui se trouvait indisposé , se retira sur
les derrières de l'armée pour se faire soigner.
Le 22 (9) , l'avant-garde du général Lefebvre
poussa jusqu'à Herolzberg et Neuhof.
Le 23 (10), on occupa Neuhof et Bullac.
Le 24 (i 0? ^^^ ^^ transporta à Loch.
Le même jour, la place de Rottenberg se ren-
dit au général Ney.
Voici le rapport qui en a été fait :
Au quartier-général, à Lauff, le 25 thermidor (12 août),
Le commissaire du Gouvernement y près l'armée
de Samhre et Meuse , au directoire exécutif.
« Citoyens directeurs ^
» Les Autrichiens ont abandonné la position
» qu'ils occupaient entre LauiT et Rottenberg.
» Ils ont même évacué le fort de Rottenberg ,
» dont la garnison, composée de 7 5 hommes de
» troupes bavaroises , s'est rendue à la première
w sommation. On a trouvé dans ce fort quarante
?> bouches à feu et quelques munitions de
» guerre. »
Les 25 et 26 ( 12 et i5) , les divisions des
généraux Lefebvre et Colaud , qui étaient réu-
I. 19
( ^84 )
179C. ûies, campèrent à droite et à gauche d'Hers^
Axi IV. bruck, à cheval sur la rivière de Pegnitz.
Extrait de l'onh'e du général en chef Jourdan ,
daté de Lauff, le 2(> tliermidor fi5 août).
« Le général Lefebvre partira demain à quatre
» heures du matin , se dirigera sm* Siglizberg ,
» en laissant Rottenberg à sa droite , et pren-
n dra position sur la Pegnitz , sa droite , dans ]a
» direction d'Alfa tter , appuyée , autant que pos-
» sible , à la gauche de la division Colaud , et sa
V. gauche , dans la direction de Siglizberg. 11
» poussera son avant-garde sur la rive gauche de
» la Pegnitz le phis avant possible , et dans la
» direction de Sulzbach ; jettera quelques llan-
» queurs sur Velden , et se procurera des ren-
» seignemcnts sur les chemins qui aboutissent
» de sa position à Sulzi^ach, sans suivre la grande
» route. Il prendra pareillement des renseigne-
» ments sur la position de l'ennemi, et poussera
)) des reconnaissances le plus près possible de
» Sulzbach. h
Extrait de l'ordre du général en chef Jourdan ,
<laté de Hersbruck, /e 29 tliermidor (i G août).
« Le général Lefebvre lèvera son camp de-
» main matin à trois heures j il chrigera sa ca-
» Valérie et son infanterie , par le chemin le
» ])lus court , sur Holensiein , où il prendra po-
» sition à cheval sur celui qui conduit de Vel-
» don à Sulzbach. Eu même temps que le général
» Lefebvre fera ce mouvement , son avant-garde
( 285 )
» s'emparera de Nevikirchen. 11 jettera un corps i-q6.
» de troupes légères sur Wiîseck. ; il dirigera a.n iv.
» son artillerie, ses rauniiions et ses équipages
» sur Velden, et de là sur le camp qu'il occu-
» pera. Il prendra des renseignements sur les
» chemins par lesquels il pourrait se retirer,
» en cas d'événements malheureux , sur Grœ-
» fenberg , et sur ceux pai- lesquels il pourra
» marcher après-demain sur Sulzbach , pour y
» attaquer l'ennemi. »
Le 5o thermidor (17 août), on se battit en
avant de Sulzbach. La nuit mit fin au combat.
Il exista, long-temps après, une fusillade entre
les avant-postes. Nous remplacions les troupes
qui avaient agi pour appuyer leurs mouve-
ments.
La ToS'"^ était sur une hauteur. Nous jouîmes
du plaisir de voir tirer des coups de fusil la
nuit , dont la clarté produisait un bel effet. Le
bruit se répétait par l'écho dans mille endroits
différents.
Voici le rapport de cette bataille :
Marche jusqu'au bord de la IX ab , le 3 fructidor
( 20 août } .
<« L'armée de Sambre et Meuse va toujours en
» avant , et l'ennemi toujours résistant , finit tou-
» jours par la retraite. Le 5o thermidor (17 août),
n le général a emporté , à la baïonnette , un bois
» situé à deux lieues de Sulzbach, et qui borde
» la route 5 de grandes forces , commandées par
)) le prince de Hohenlohe, y étaient rassemblées
19-
( 986 )
1796. » ^^ soutenues d'une formidable artillerie. Le feu
AN IV. )) a été terrible ; mais la baïonnette française a
» dispersé les forces ennemies. Le prince de
)> Hohenlohe n'a dû son salut qu'à la vitesse de
» son cheval.
)) L'ennemi s'est rallié près de Sulzbach. Là,
)) nouveau combat ; l'ennemi avait pris position
)) sur un rocher , d'où il a été chassé. La valeur
)) a été signalée de part et d'autre. Le champ de
» bataille est resté aux troupes françaises, à onze
-» heures du soir. Klein, d'un autre côté, en a
» chassé l'en Demi sur les hauteurs d'Angsberg.
» Le lendemain , la division du général Grenier
» s'est portée sur Arnbert , en a chassé l'ennemi )
» et la forcé de repasser la Vils.
M II paraît certain que l'ennemi s'est retiré
» derrière la Nab , et que ses équipages prennent
» la route d'Egra.
)) Le 5 fructidor (20 août), la même armée
)) a fait un mouvement en avant.
» Elle a rencontré nouvelle et forte résistance
» de la part de l'ennemi , qui occupait une po-
« si don avantageuse sur les hauteurs. La baïon-
« nette l'en a encore chassé à 9 heures du soir,
» et les troupes françaises ont bivouaqué sur le
)) champ de bataille. »
Le i^'" fructidor (18 août), on s'avança sur la
Vils.
Le 2 (19) , on eut séjour.
Le 5 (20), la division se rendit à Amberg :
elle se porta par Hirchau sur la IX ab, en face
( 287 )_
deWernbcrg, et campa près de Nabburg , où inc^G.
elle arriva le même jour. an iv.
Le quartier-général s'était fixé dans cette der-
nière ville (i).
Le feu ayant pris à quelques maisons , on en-
voya des détachements des corps, par corvée,
qui parvim-ent à l'éteindre.
(i) L'armée de Sambre et Meuse , devant se réunir à
celle du Rhin, et s'étant approchée de Ratisbonne , reçut
improprement le nom d'armée du Danube, qu'elle ne
porta qu'un instant, sans qu'il y eût de décret rendu à
cet égard.
( 288 )
CHAPITRE XLIir
»796- Le 6 fructidor ( aS août), dans la nuit, nous
AN IV. entendîmes une vive canonnade au centre de
l'armée; nous vîmes l'horizon rempli de feux.
Le matin , nous commençâmes la retraite.
Extrait de V ordre du général en chef Jourdan ,
du, 6 fructidor (iS août).
« Le général Lefebvre se mettra en marche ce
» soir à dix heures , et viendra prendre position
» en arrière de Hirchau, de manière à couvrir
M Sulzbach et Harnbach ; il laissera eu arrière ,
» des troupes légères qui n'abandonneront Nab-
M burg, Pereimt et Vernberg qu'à la pointe du
» jour , et se retireront ensuite sur la division ,
» après avoir reconnu les mouvements de l'en-
» nemi. Il placera sur son front une avant-garde,
>» de manière à être prévenu de tout ce qiii pourra
» déboucher de Nabburg , Pereimt et Vernberg ,
» pour aller à sa rencontre , et à pouvoir se lier
>' avec l'avant-garde du général Colaud , qui res-
« tera sur les hauteurs en avant d'Amberg. »
Le 7 ( 24 ) , la division se retira de la Nab , prit
position entre Jlirchau et Sidzbach.
Le général Kléber se trouvant rétabli , arriva
( ^^9 )
ce joiir-là , et prit le commandement des divisions i noG.
des généraux Colaud et Letebvre. in iv.
A oici le rapport qui a été fait de la retraite :
Le général Jouvdan écrit de son quartier- général ,
le '] fructidor (^^Jj, au directoire exécutif- , la
lettre sidvante :
<( J'ai riionnem' de vous prévenir que le prince
» Charles est venu, avec un corps de 25,ooo
» hommes , se réimir au général Wartensleben ,
» et a attaqué , le 5 ( 22 ) , le général Bernadotte
» qui était à Teining, en avant de Neumarck^
» pour couvrir mes communications , tandis que,
» suivant vos ordres , je suivais l'armée du géné-
w rai NVartensleben , sans avoir pu le fprcer à re-
» cevoir bataille. Le général Bernadotte donna,
» dans cette circonstance, de nouvelles preuves
» de talents et de courage , et les troupes sous ses
» ordres combattirent avec la plus grande intré-
» pidité; mais il fallut céder au nombre, et ce
» général fut obligé de se retirer contre Lauflf et
» Nuremberg , pour éviter d'être enveloppé.
» Le prince Charles jeta de suite, sur mes
M derrières , la majeure partie du corps qui avait
» forcé le général Bernadotte à reculer , et j'ai à
» mon tour couru les risques d'être enveloppé ,
» dans un pays où les communications sont ex-
» trêmement rares. Ma position et les forces de
V l'ennemi ne me permettent pas de combattre
» sans compromettre évidemment le salut de l'ar-
« mée, çt j'ai fait, la nuit dernière , ma retraite
( '^90 )
ir^ijG )' sur Amberg : arrivé à cette position, j'y ai'
xn IV. » Lientôt été attaqué par le général Wartensleben,
» de front, et en liane par l'archiduc; j'ai été
» obligé de rétrograder jusqu'à Sulzbach, après.
» avoir fait la résistance qu'exigent i'iionneur et
» les devoirs d'un militaire.
» Je ne peux pas encore vous donner des dé-
» tails sur cette affaire. Je ne crois pas encore
)) avoir perdu d'artillerie. Je vais partir cette nuit
» et me retirer sur Velden , ensuite sur Grsefen-
» berg, et puis sur Forcheim, où je me propose
» de réunir l'armée.
» J'espère que le général Moreau profitera de
» cette circonstance , et que les succès qu'il ob-
» tiendra rappeleront bientôt sur le Danul^e , les
» forces qui se sont portées sur moi. »
La journée du 7 ( a4 ) étant à moitié écoulée ,
l'avant-garde s'égara sans route praticable : nous
fûmes acculés le long d'im bois, ayant devant
nous un marais. I^es militaires, cherchant à se
procurer des vivres , n'en recevant aucuns , les
jnagasins étant tombés au pouvoir de l'ennemi ,
virent des ouvertures dans une montagne peu
éloignée ; ils y pénétrèrent et y trouvèrent eu
abondance de la bière excellente. En peu de
temps le camp fut changé^ et devint, d'un lieu
triste, où l'on manquait de tout, un séjour d'excès
et de gaîté. La marche de l'armée exigeant une
prompte retraite , il fallut nous éloigner.
J>fous ne parcourions que des chemins vicinaux,
( ^9ï )
el nous ne voyagions qu'à l'aide des guides. Il 1-96.
arriva souvent qu'ils nous trompèrent ; que nous A^ iv.
timcs des détours pour nous rendre au point où
nous serions arrives [)lus tôt, si nous ne nous lus-
sions pas éeartés de notre direction.
Ejctrait de l'ordre du général en chef Jourdan ,
du '] fructidor ( 24 ^(oûtj.
« Le général Colaud partira à minuit , et se di-
» rigera siu- Hauibach ; il suivra la grande route
» de Bayreutli jusqu'auprès de Vilseck , où il la
» quittera pour marcher sur Velden, en passant
» par Boden , Wagscheid et Mitteldorf ; passera
» la Pegnitz à Engentlial, et ira camper à la
» gauche du général Grenier.
w Le général Lefebvre partira immédiatement
» après la division Golaud , suivra la même route ,
♦) et viendra camper à sa gauche. Ces deux géné-
» raux feront partir leurs pièces de position et
» leurs parcs de réserve, au reçu du présent
» ordre, et les dirigeront parla route qui vient
» de leur être indiquée.
» Les feux seront allumés comme à l'ordinaire ;
» on laissera des postes d'observation pour cacher
» le départ à l'ennemi , et les généraux Lefebvre
» et Grenier laisseront une arrière-garde qui ne
» partira qu'à deux heures. »
Le 8 ( 25 ) , les troupes du général Lefebvre
prirent , à gauche de l'armée , un sentier qui pas-
sait par Vilseck. Les équipages se rendaient à
ydden. Un horrible encombrement avait heu à
( 292 )
1 796» Achten , dont la route était devenue imprati^,
AîJ IV. cable (1).
La loS"^*^ arriva dans un village , sur le clocher
duquel le tonnerre éiait tombé pendant un orage,
lorsque l'on sonnait les cloches. Le leu du ciel
avait détniit l'église et plusieurs maisons environ-
nantes. Nous passâmes à travers cette commune,
dont les habitants , qui voyaient les Français pour
la première fois , n'avaient pas fui , étant encore
altérés par les elï'ets de la foudre.
Dans la nuit du 8 et la journée du 9 fructidor
( 25 et 26 aoiit ), la division se transporta à Peg-
nitz.
Pendant celle du 9 et la matinée du 10 ( 26 et
27), nous nous rendîmes à Bezenstein. Cette
marche forcée depuis la Nab, sans vivres, sans
chemin ferré, avait exténué la troupe de fa-
tigue.
Le 1 0 ( 37 ) , les corps , pour prendre du repos^
restèrent sur le qui-vive durant le reste de la
journée.
Le II ( 28 ) , la division marcha la nuit , arriva
sur la rivière de Wisent. Elle prit position, la.
droite à Eberraanstadt , la gauche à Weyterbach.
(i) Les Victoires 'et Conquêtes, tome 7, page 18,
ligne 8 et suivantes , disent : « C'en était fait , peut-être ,
» .de l'armée française , si l'archiduc Charles ne se fût
» point arrêté à Sulzbach. Très-heureusement ce prince,
» occupé à réunir ses divisions , n avait fait suivre lest.
>i Français que par quelques coureurs. »
à
( 21)5 )
Extrait de l'ordre du général en cliefJourdan , , -qf,,
du II fructidor fiS août). ^r. iv.
« Le gcucral KléLer donnera ordre aux deux
» divisions qu'il commande, de se mettre enmou-
» vement à minuit, pour venir prendre position,
» la droite à Forcheim, et la gauche à Eber-
» manstadt ; il réunira ses principales forces aux
» environs de Forcheim, attendu que le dehou-
» ché d'Ebermanstadt est facile à garder ; il fera
)) partir , au reçu du présent ordre , un bataillon ,
» pour venir tenir garnison à Forcheim, et v re-
» lever celui de la division Championnet qui y
y> est ; il fera pareillement relever de suite les
» avant-postes des divisions Grenier et Charii-
» pionnet , afin que ces deux généraux aient
» toutes leurs troupes réunies le plus tôt possible.
» Aussitôt que le gros des troupes du général
» Kléber sera rassemblé près de Forcheim , il di-
» rigera un corps sur la rive gauche de la Red-
» nitz , vers Villersdorf , afin d'attaquer en flanc
« les troupes qui sont sur l'Aisch ; il jettera un
« détachement sur Hausen , et fera attaquer tous
» les avant-postes ennemis sur la rive droite de
» la Rednitz. Enfin, il enverra un parti vers Holl-
» feld , poiu- observer ce qui pourra venir sur
» Bamberg, par la route de Bayreuth.
» On attaquera avec impétuosité , et on char-
» géra vigoureusement tout ce qu'on rencon-
» trera ; on évitera surtout de tirailler. »
Des soldats manquant de vivres , se répan-
daient dans la campagne pour y chercher des
( =94 )
1796. subsistances. Les paysans ayant fui leurs habi->
jk> IV. tations, en égorgèrent plusieurs,
La demi-brigade traversa un village dans le-
quel un combat de l'escorte des bagages du
parc français s'était engagé avec des partisans
autrichiens , qui voltigeaient sur les derrières
de l'armée républicaine. Le résultat de cette
escarmouche fut que les caissons sautèrent , que
les voitures se trouvèrent brisées , et que cette
commune ne tarda pas à être réduite en cen-
dres.
Il restait un four banal, à l'épreuve du feu.
Les muniiionnaires de la division s'en étant em-
parés à notie arrivée , firent promptement du
pain ; ils m'en remirent deux ; j'en offris un aux
officiers ; je gardai l'autre pour les sous-officiers
et pour moi. Il me fut bien doux de pouvoir ,
dans ce moment , être utile à mes chefs et à
mes camarades.
Le ï 2 fructidor (29 août ) , la division des-
cendit la rive droite de la Wisent jusqu'à For-
cheim. A 4 heures de l'après-midi, il s'engagea
un combat qui , sur le soir , pensa prendre un
caractère plus sérieux.
L'ennemi nous harcelant , se disposait à s'em-
parer de la place. Nous doublâmes le pas pour
le contraindre à retarder sa marche. Tandis
que l'on mettait l'armée en bataille, appuyée
à la ville , on envoya les fourriers afin de re-
cevoir des vivres. Nous com-ûmes aux magasins,
que nous trouvâmes vides entièrement.
( açp )
CHAPITRE XLIV.
Dans la nuit du 12 au 1 5 fructidor (29 au 3(5 1796.
août ) , après avoir quitté Forcheim et rejoint la a> xy.
io5'"^, nous défilâmes promptement le long de
la Rednitz, guéable à Seussling. Nous voulions
nous opposer au passage de la cavalerie autri-
chienne , qui avait le dessein de couper la retraité
de Tarniée française.
La place de Forcheim et quelques habitations
rurales étant incendiées, les flammes s'élevaient
tellement , que l'on pouvait se diriger à leur
clarté.
\ ers minuit , le 5"'^ bataillon de la demi-bri-
gade fut attaqué étant en ligne sous des arbres
le long de la rivière , pour défendre le gué. Le
feu de l'ennemi était bien fourni ; on fit riposter
par des llanqueurs, afin de l'attii'er dans Fem,-
buscade. Des balles qui passaient par-dessus nos
têtes, blessèrent des hommes qui défilaient sur
la route k peu de distance derrière nous. Ces
militaires crurent, en nous apercevant à la faiblo
lueur de l'eau, que c'étaient les Impériaux. Notrc^
situation devint embarrassante : nous nous trou-
vions emre deux feux, L'adjudant-major, à che-
( '-^9^' )
ï-<,G. va], ï>'eiii[)réssa d'aller prévenir les troupes qui
i> IV. étaient sur la ehaussée, de ne point tirer.
Un tourner, tandis que nous formions la garde
du drapeau, au sifflement d'une balle, fit un
mouvement en arrière, à laisser croire qu'il se
sentait blessé. Voyant qu'il n'en était rien , je le
plaisantai à cause de son pas rétrograde , parce
qu'il m'avait marché sur le pied, et n'ayant nulle-
ment l'intention de le vexer. Il prit la plaisan-
terie en mauvaise part, et me provoqua pour la
première circonstance où nous poiu-rions nous
battre , afin de me prouver qu'il n'avait point
eu peur. Le cartel de déli accepté, nous pas-
sâmes la nuit dans la tranquillité la plus appa-
rente.
Le i3 fructidor (3o août), avant le jour,
le bataillon rejoignit la loS**^^ ainsi que la divi-
sion , après que le parc fut passé.
On prit position devant le bois en arrière de
Strulleftdorf.
L'ennemi , dès le matin, se présentant en force,
s'arrêta devant ce village, détendu par des tirail-
leurs de l'arrière- garde.
Tandis que l'on s'occupait de résister à l'ofién-
sive, le chef de l'état -major général vint de-
mander au commandant du bataillon, s'il avait
quelqu'un à lui donner pour copier des ordres.
Le citoyen Bonnemaille m'ayant désigné ^ je me
mis de suite à l'ouvrage. M'étant assis par terre,
ayant pris sur mes genoux mon havre-sac j)oiir
me servir de bureau, j'écrivis pendant eu^iroii
( 207 )
une heure. Alors les Aiitricliiens vinrent nous 1-796.
débusquer. Le général Ernoui' monta à cheval , ak n%
et m'engagea à retourner à mon corps qui ,
ayant fait un mouvenent , n'était pas éloigné
(le nous.
A peine étais-je rentré au drapeau , que les
villages d'Hirschaid et de Struilendori étaient
embrasés.
Au même instant , un régiment de cavalerie
étrangère arriva au galop derrière un monticule ,
et vint pour prenrhe la demi-brigade en flanc
vers la gauche. Sa course fut arrêtée par un
long fossé garni de haies (i). Le chef du 5*^^^
bataillon, en voyant les Autrichiens, lit un com-
luandement qui ne fut pas bien compris à cause
des cris de l'ennemi , du bruit de la mousque-
terie et de l'ai tillerie. Le demi-bataillon de gauche
s'en alla vers les Impériaux ; celui de droite se
rompit par pelotons. Cette division du corps _,
sur le point d'être chargée , manqua de nous
être funeste. Cet officier supérieur ordonna aus-
siiôt à tout le monde de se jeter dans le bois,
en se défendant chacun pour son compte. Les
cavaliers ne pénétrèrent point dans la forêt, parce
qu'elle était boisée. TSous profitâmes de ce mo-
ment pour nous rallier et pour suivre notre
route ; nous rencontrâmes des régiments de di-
verses armes qui se retiraient en bon ordre.
(i) Il y avait à la suite de cette troupe , plusieurs
feinuies , le sabre ou le pistolet à la main , qui parais-
saient dispose'es à fournir la chirgc avec vigueur.
( ^^9^ )
i'-gG. Nous arrivions auprès de Bamberg ; on envoya
Aï, IV. les fourriers avec des hommes de corvée ,
chercher des vivres. L'ennemi s'étant empare
de la ville le ii fructidor (28 août) , en avait
été chassé; il était toujours à l'inquiéter, ainsi
que les alentours. On avait braqué des pièces
de canon clans les rues.
Etant parvenus difficilement aux magasins, et
de retour au corps , la distribution du pain ,
seule subsistance qu'on avait pu obtenir, se fit,
et chaque soldat en eut la moitié d'un.
^"oici le rapport concernant la surprise ' de
cette place :
Nuremberg , le 12 fructidor (2g août).
« Les otages que les Français avaient pris à
» Ambcrg, sont arrivés ici ce matin à l'impro-
» viste. Ils ont été délivrés par une patrouille
î) autrichienne, qui est entrée à 5 heures du ma-
« tin dans le fauboiu^g de Bamljerg ; elle a fait
)) en même temps prisonniers 5o Français. »
L'armée défila sans coup férir.
Extrait de la lettre du i^enéîxil Jourdun , relative
à la retraite de la i\ah.
Schweinfurt, le i4 fructidor (3iaoût).
« Dans la nuit du 7 au 8 fructidor (24 et 25
i) août ) , j'ai fait ma retraite sur deux colonnes.
" Le 9 ( 26), à Hilpotzsteln.
«Le 10 (27), l'armée s'est retirée sur la AVi-
» sent, la droite appuyée à Forcheim,et la gauche
» à Ebermanstadt.
( 299 )
» Le II (t^S ) , je lis seulement un mouvement inqS.
»i sur ma droite. an it.
w Le 12 ( -29 ) , je me portai sur Bamberg.
)' Le i5 (5o), l'armée s'est mise en mouvement,
)j et, par une marche forcée, partie est arrivée
)) aujourd'hui à Schweinfurt, et partie à Lau-
)) rineeu. »
JE. > 20
( 5oo )
CHAPITRE XLV.
x,^,^
Ï796. Dans la nuit du i5 au i4 fructidor (3o au 5i
AN IV. août), la division, sans se battre, continua sa
marche rétrograde par un temps très-pluvieux ;
elle passa le Mein à Halstadt» Nous nous diri-
geâmes une partie de la nuit vers Zeil , le long
des vignes à droite, ayant cette rivière à notre
gauche. Le temps était si obscur, le chemin si
abominable, tant par sa nature que par le passage
d'une si grande quantité d'individus avec tout l'at-
tirail de la guerre , que nous cherchions les en-
droits les moins bourbeux.
Vers minuit, j'aperçus devant moi une trace
claire : c'était ime espèce d'étang ; je le prenais
pour un de ces sentiers que se fraient ordinau-e-
ment les voyageurs sur le bord des routes. M'y
étant élancé, je fus fort siu-pris de me sentir tom-
ber dans l'eau, où j'entrai jusqu'aux aisselles:
comme j'avais , dans ma chute , conservé mon fa-
g-non , je le présentai à ceux qui vinrent à moi ;
ils m'aidèrent à me dégager.
Ayant suivi la colonne , nous rencontrâmes des
soldats qui avaient allumé des feux ; je m'en ap-
pro( liai et me chauffai. Depuis le commencement
de la retraite , n'ayant point eu de repos , la ver-
( 5ot )
mine nous avait tellement rongés , qu'il était bien 1^96.
difficile de s'en garantir. axn iv.
Lorsque je tus séché enlièrement, j'accompagnai
des militaires rejoignant, les uns derrièreles antres,
le corps qui prit ensuite position sur une à mi-côte.
Le 1.4 (3i ), à la pointe du jour, nous com-
meurâmes notre marche. Nous arrivâmes à envi-
ron deux heures après midi , dans la direction de
Zeil et de Lauringen.
A peine les bivouacs étaient fixés, que mon ca-
marade vint me prouver c[u'il n'avait pas eu peur
dans le combat de nuit du 12 au i5 ( 29 au 5o ).
Ayant pris chacun un témoin de notre grade,
nous nous rendîmes à peu de distance du camp ,
dans un bois où nous trouvâmes un endroit pro-
pice à notre dessein. Là, nous nous battîmes avec
un acharnement égal pendant plus d'une demi-
heure sans la moindre égratignure. Jamais je n'a-
vais vu une victoire plus longue à se fixer. Néan-
moins, je fis à mon adversaire vme entaille au
poignet. Tandis que je me relevais, il eu profita ;
me porta un même coup qui me meurtrit l'avant-
bras : car nos sabres étaient comme des scies , par
l'effet des parades réciproques. Quoique je n'eusse
qu'une meurtrissure , la plaie s'enfla au point que
je fus forcé de porter une écharpe. La blessure du
fourrier était plus grave; mais il n'en fut pas estropié.
Lé i5 ( i*^*^ septembre), la division se trans-
porta , par un temps pluvieux et des chemins
épouvantables , dans les environs de Lauringen ,
où elle bivouacjua.
20.
( 502 )
1^96. L'armée reçut une nouvelle organisation. Les
AK IV. troupes du général Golaud, qui quitta le comman-
dement , furent réparties entre les autres divi-
sions. La brigade Jacopin , la 45"''' de ligne , le
11°*^ de dragons renforcèrent l'avant-garde.
Le 16 ( 2 ) ,1e général Kléber fut contraint, par
maladie , de se retirer de Farmée qui se prépai-a
à se battre.
La division du général Lefebvre s'approcha de
Schweinlurt, où elle resta pendant la bataille de
Wurtzbourg , qui eut lieu le 1 7 ( 5 ) , et fut défa-
vorable aux Français.
Les blessés de cette malheureuse affaire étant
dirigés sur Schweinfurt, on mit la 10 5"'^ pour
les escorter. Le nombre de voitures attelées de
bœufs, se montait à environ 600; elles étaient
chargées chacune de 4 7 ^ à 8 blessés. La hgnc
occupait un espace de presque trois quarts de
lieue. L'artillerie , les équipages , suivant la route,
faisaient partie de ce convoi.
Le 18 (4)5 nous nous dirigeâmes vers la ville
d'Hamelburg.
Le 19 ( 5 ) , on alla avec peine à Bruckenau ,
plusieurs bœufs étant fatigués.
Le 20 ( 6 ) , la marche devint encore plus diffi-
cile que la veille, par la lassitude des animaux ,
le défaut de pansement et le manque de nourri-
ture. Des coureurs ennemis ayant paru, furent
aux prises avec l'arrière- garde , sans que le convoi
se trouvât interrompu.
( 5o5 )
A cinq heures après midi, nous arrivâmes à i-^g.
Fulde, où Ton nous reçut fort bien. Le prince lit an iv.
prendre les armes à sa garde et renforcer les
posies des portes, pour nous protéger en cas de
besoin. Les républicains bivouaquèrent sur le
glacis, tandis que les voitures se rendaient auprès
de réglise cathédrale , où l'on administrait des se-
cours aux blessés.
Pendant la nuit , les paysans se «auvèrent
presque tous, les uns emmenant leurs bœufs, les
autres , surveillés par les gardes , en laissant les
leurs. Au moment de partir, ou fut obligé de
mettre davantage de blessés sur les voitures, d'a-
bandonner plusieurs charrettes , ne trouvant plus
d'animaux pour les conduire , n'ayant pas le temps
d'en aller chercher de nouveaux, à cause de l'ap-
parition des Autrichiens. Si le prince, les magis-
trats , les habitants de la ville de Fulde ont été
hospitaliers, on ne peut s'empêcher de rendre
justice aux militaires et aux autres individus du
convoi ; car aucun désordre n'a eu lieu. Les ré-
publicains devenaient les censeurs sévères de ceux
qui am-aient voulu se porter à quelques excès.
Chacun se piquait de laisser une bonne idée des
Français , en reconnaissance des secours que l'on
nous avait si gratuitement accordés.
Le 2 1 ( 7 ) , il fallut nous mettre en route dans[
la direction de Lauterbach ; forcer la marche des
])œufs dont les soldats avaient la conduite, et
qu'ils dirigeaient fort mal, ne sachant les faire
aller à la manière des Allemands.
( 5o4 )
i-:o6. Nous voyageâmes jusqu'à environ minuit ,
AS IV. n vaut laissé la route à notre droite," pour prendre
un chemin de traverse qui était beau d'abord,
mais qui devint ensuite alfreux. Nous fûmes obli^
gés de nous arrêter , parce que le guide qui nous
conduisait s'était échappé, et que nous n'avions
plus de sentier , étant dans le milieu d'une grande
forêt. Pour ne point retourner sur nos pas , on
ordonna de faiie halte, pendant que l'on cher-
chait un passage. Nous restâmes une heure dans
cet étal de repos. Lorsqu'on voulut repartir , nous
nous trouvions dans une obscurité profonde;
beaucoup de bœufs momurent d'inanition j
d'autres , qui étaient excédés , ne surent chemi-.
ner; il fallut les laisser sans pouvoir s'en servir.
Les voitures furent abandonnées, ainsi que les
blessés c[u'elles contenaient, C'était un spectacle
déchirant d'entendre ces infortunés réclamer notre
humanité (i). Malgré leurs sanglots, l'envie que
nous avions de les soulager, de les emmener,
nous ne pûmes y réussir, De quelles pensées ne
fûmes-nous pas agités à l'idée du sort qui leur
était réservé, celui de mourir de misère, d'être dé-
corés par les animaux de proie, ou d'être égorgés
par les paysans insurgés ! Tirons le voile sur les
malhciu's, sur les cruautés inséparables de la
guerre !1!1
(i) .le ne puis pre'ciscr la quantité de charrettes res-
tées. Les honinies qui avaient des blessures à la tête ou
aux bras , ou qui étaient dans le cas de supporter la
marche, eurent le courage de suivi'e le convoi à pied,
( 3o5 )
ClIAPITrxE XLYÏ.
Le 32 fructidor (8 septembre) , les restes du i^^g.
couvoi rassemblés , on se mit en route avant le xd iv.
jour. Pendant cette marche , aussi prompte que
celle des boeufs le permettait , nous passâmes à
Ulrichstein , et nous arrivâmes à la nuit tom-
bante à Grunberg. Le chef de brigade, le ci-
toyen Cardon, qui avait précédé l'escorte , s'arrêta
a la porte de la ville. Il m'ordonna d'y rester en
faction, de ne laisser pénétrer qui que ce fût,
sous peine de la plus sévère punition. Un bou-
levard ainsi qu'une muraille environnaient la
place , dans laquelle il n'était pas nécessaire d'en-
trer. Je ne quittai mon poste qu'après minuit,
quand tout fut défilé. Ayant fait fermer la porte,
j'allai remettre la clef de la ville à la municipa-
lité ; j'y trouvai les magistrats et le bourgmestre
réunis. Je reçus des éloges pour la fermeté
avec laquelle j'avais rempli la consigne qui m'a-
vait été donnée. Ces messieurs ajoutèrent, à leurs
remercîments , deux écus de six livres, que je
ne crus pas devoii- refuser. Ils chargèrent quel-
qu'un de me conduire dans une hôtellerie, où
je soupai copieusement. On me logea ensuite
( 5o6 )
lyyb. chez un bourgeois qui me fit beaucoup d'iion-;
AN IV. nêtetés. Je me couchai presqu'aussitôt sans pouT
voir doimir. Le lit était si doux , mes habi-
tudes si dures , que je fus privé du sommeil.
Tandis que je réfléchissais sur mon sort , j en-
tendis des pas de chevaux dans la rue , quel-
ques cris, le bruit d'armes à feu. M'étant ha-
billé aussitôt , je descendis à tâtons pour savoir
ce qui se passait. Les habitants tout en pleurs
m'apprû-ent que les Autrichiens étaient entrés
dans la ville. Un domestique m'en fit sortir par
des jardins et des vergers. Je regagnai la loS"^"
qui se disposait à partir, sans que j'eusse ren-
contré les ennemis. Etant allé trouver le chef
de brigade , je lui rendis compte de ce que
j'avais fait pour exécuter ses ordres. Je lui ra-
contai, en même temps, de quelle manière je
m'étais échappé de Grunberg pour rejoindre le
bivouac, et j'allai à la compagnie.
Le 20 (9), àa heures du matin , les voi-
tures et l'escorte se mirent en route le plus promp-
temeut qu'il fût possible. Après une heure de
chemin , on fit rassembler le convoi pour résister
en cas d'attaque.
Ayant marché quelque temps, nous bivoua-
quâmes auprès de Giessen, où était restée une
compagnie de la io5""' qui rejoignit la demi-bri-
gade.
Le 24 (10), les voitures de blessés, d'artille-
rie, d'équipages, filèrent avec une nouvelle es-
corte. JXous rejoignîmes les troupes du général
( ^«7 )
Lefebvre sur Ui Lalin, la droite appuyée à Wetz- i-r)6.
kr, la gauche à Dudeuhoten. a> iv.
A oici les rapports cpii ont été faits à celte
occasion :
AVctzlar, le 24 fructidor (1?. septembre).
(( Depuis l'affaire du 17 fructidor (5 septembre),
» l'arnice a continué sa retraite ; et, quoique
» suivie par l'armée ennemie , nous n'avons été
V inquiétés , dans notre marche , C{ue par quel-
ï» ques partis de hussards et des paysans armcls ,
•» qui ont cherché plusieurs fois à enlever notre
i> parc d'artillerie.
)) iS/g'/îe'' JOURDAN. «
Paris, le a™* jour comple'mentaire (i8 septembre),
K L'armée du général Joiudan est sur la Lahn ,
w en arrière de Wetziar. Le général Bernadotte ,
3> de cette armée, a fait sa jonction avec le gé-
» néral Marceau; elle va remarcher grand train
« à l'ennemi.
» Le général Beurnonville, à qui on a offert le
î) commandement de l'armée de Sambre et Meuse,
» d'après la démission du brave Jourdan, vient
» d'écrire au directoire une lettre qui lui fait le
5) plus grand honneur, par laquelle il l'engage
)) à ne pas accepter la démission du général Jour-
:» dan; annonçant qu'il servira avec plaisir sous
î) ses ordres, à la tète des divisions de l'armée
» du Nord qu'il vient d'amener à celle de Sambre
« et Meuse. »
Le 2 3 fructidor (11 septembre), l'infanterie de
( oo8 )
ijgG. l'avant-garde du général Grenier s'était enfermée
AM IV. dans la ville de Giessen ; les habitants ayant ou-
vert les portes aux Autrichiens , la garnison, déjà
prisonnière, lut rendue sur la menace que fît le
général d'incendier la ville.
La division du général Lefebvre eut séjour.
JVayant pas suivi le même chemin, que le con-
voi pendant la retraite, elle tint la route dont
voici' l'itinéraire (i) :
(i) Le 18 fructidor ( 4 septembre ) , ayant quitté
Scliweinfurt, elle se rendit par Nuningen à Arlebacli.
Le 19 ( 5 ), à Oherlach.
Le 20 ( 6 ) , elle se transporta à Schluclitern , où elle
resta sur la rive gauche de la Kinzig.
Le 2 1 ( 7 ) , elle passa à Ulnibach , et fut camper à
Bierstein.
Le 3-2 ( 8 ) , elle alla k Bergstadt.
Le 23 ( 9 ), elle atteignit la Lahn, et prit position
sur la gauche de cette rivière, en avant de Wetzlar,
^EX'
( 5o<) )
y^ ,*- w9» ^^ wlT' .^ ,
GIIAPTÏBE XLYIT
Daivs la nuit du 26 au 27 fructidor (12 au 1-96.
i5 septembre) , nous passâmes la Lalm. Nous au iv.
primes position sur une hauteur, près de sa rive
droite. L'ennemi vint attaquer à peu de distance
de Giessen ; mais le feu cessa par un accom-
modement de convenance entre les gardes avan-
cées. Chaque partie conserva un côté de la ri-
vière. Il V eut des pourparlers entre les avant-
postes qui j par une confiance mutuelle , burent
ensemble.
Le ^7 (lo), lorsque le jour fut venu, on re-
marquait des hauteurs , très - distinctement , la
joie qui existait entre les Français et les Autri-
chiens qui gardaient les extrémités d'un même
pont. ]^e général Leiebvre, en reconnaissant le
terrain , voyant cette intimité , fit tirer le canon :
chacun ensuite s'éloignant, se mit sur la défen-
sive.
Le 00 (iT)), la journée se passa pour nous
sous les armes , sans faire feu , tandis que nous
entendions une vive canonnade et une fusillade
suivie. Le soir , les étrangers ayant débouché
par le pont de Giessen , paraissaient vouloir
forcer la ligne. Ils attaquèrent vigoureusement
( 5io )
ï^Qf) ies corps qui se trouvaient devant cette ville.
AN IV. Plusieurs pièces de canon les protégeant , fai-
saient beaucoup de mal aux républicains. Ces
derniers n'opposaient que des coups de fusil.
Ils n'avaient point de caissons, ou les lein^s étant
vides, et ne pouvant se procurer de cartouches,
les Impériaux s'aperçurent que leur feu n'était
]^as aussi fourni ; ils résolurent de prendre la
montagne d'assaut. Les troupes qui l'occupaient ,
se battant à la baïonnette , firent rouler des
pierres en assez grande quantité. Les Autrichiens
lurent repoussés, en ayant eu plusieurs hommes
tués et beaucoup de blessés. Une division de ca--'
Valérie française parut et sabra les tirailleurs
ennemis , ce qui les contraignit à rentrer clans
îa place. Le brave général Bonnaud reçut un
coup mortel dans le courant de cette affaire.
La 10 5'"^ arriva sur le plateau , pour ren-
forcer l'infanterie qui s'y était si courageuse-
ment maintenue ; celle-ci avait appuyé à gauche,
pendant que les cavaliers exécutaient la charge.
L'obscurité mit fin au combat.
L'ennemi resta dans les faubourgs et aux en-
virons de Giessen. Pendant la nuit, des militaires
descendirent la montagne par curiosité ; ils rap-
portèrent que plusieurs kaiserlichs avaient été
tués des seules contusions de pierres ; un bon
nombre blessés par le même moyen ; et que
beaucoup d'autres avaient succombé par la baïon-
nette des tirailleurs ou le sabre de la cava-
lerie.
(5>. )
Le i"joT.ir complémentaire (17 septembre), i^cx^
au matin , on permit tacitement aux Impériaux .\m iv.
de venir cherclier leurs morts. Nous restâmes
toute la journée sous les armes.
La nuit du i^' au 2 (17 au 18) étant close,
nous partîmes en silence. Nous allâmes à travers
les bois sur Herborn.
Le 5"'* join- complémentaire (19 septembre),
la division du général Lefebvre , rassemblée en
route , continuant sa marclie rétrograde, forma
l'arrière- garde de toute l'armée, et se dirigea
vers Altenkirchen , où elle s'établit sur les hau-
teurs , appuyant sa droite à la grande route.
Le même jour , le rapport de la retraite a
été fait en ces termes :
« D'après de nouvelles dispositions qui ont eu
« lieu à la suite d'un combat sur la Lalin , et
» dans lesquelles les troupes républicaines ont
» déployé une bravoure toujours égale , cette
» armée s'est repliée , partie sur le Rliin , partie
» sur le camp retranché de Dusseldorf. Un corps
)) considérable de l'armée du Nord ayant fait sa
» jonction avec elle , il en doit résulter immé-
» diatement mi mouvement offensif^ cjui lui fera
)) recueillir le fruit de ses premières conquêtes. »
A la même date 5 ( 19) , le général Marceau ,
blessé mortellement , passa parmi les troupes de
la colonne en mouvement , porté sur un brancard
par six grenadiers. Toute l'armée était dans l'af-
fliction et la tristesse , en voyant cette victime de
la ûfuerre.
( 3l2 )
1796. Voici les rapports qui en ont été faits i
^ ^^' Altenkirchen^ le 5""* jour complémentaire (21 septembre) i
« La position d'Alteiikirclien a été de r'eclief
» ensanglantée par une action des plus meur-
» trières. On ne connaît pas bien tous les détails
» de ce combat; mais il paraît, d'après tous les
» avis qui nous sont parvenus , qu'un corps de
» Français avait pris poste le 2 ( 18 ) , pour cou-
» vrir la retraite du reste de l'armée. Le 5 ( 19 ) ,
» de grand matin , les Autrichiens ont attaqué
» cette position, et l'ont forcée, après une résis-
» tance opiniâtre et longue de la part des Fian-
» rais. L'ennemi ayant pu tout à son aise tourner
» la gauche de ces derniers , ceux-ci ont dû aban-
» donner le champ de bataille, et battre en re-
» traite sur la Sieg. La journée d'Altenkirchen a
■» coûté beaucoup de monde aux deux partis. Le
» général Marceau, que je vous avais dit être ici,
» se trouvait au contraire à cette action, où il a
» été blessé mortellement. »
Autre rapport du même jour:
« A la suite d'une afîaire des plus terribles, rpii
» a eu lieu le 5"^^ jour complémentaire ( 19 sep-
» tembre) près d'Altenkirchen, l'aile gauche de
)» l'armée de Sambre et Meuse a été forcée de
» repasser la Sieg. »
Autre rapport du même jour :
« L'armée de Sambre et Meuse, suivant les
» rapports authentiques , a 4o,ooo hommes ,
» dont une forte partie de cavalerie. »
(Si5)
Autre rapport : i -^G.
Mort de Marceau j le 5"'^ jour complémentaire ^^ *^-
( 2 1 septembre ).
« Le général Marceau a été blessé à Altiokir-
» cheii^ le 5'"" jour coraplénieutaire ( 19 sep-
» terabre ) ; i! est mort le surlendemain. Son corps
» a été enterré dans le camp retranché de Co-
» blentz , au bruit de l'artillerie des deux ar-
» raées. »
Le 4**^^ jour complémentaire (20 septembre ) ^
la division du général Lefebvre s'établit en avant
d'Ukerath , la gauche appuyée à la Sieg.
Le 5 ( 2 1 ) , nous ne nous arrêtâmes que proche
de Cologne, où nous bivouaquâmes sur la rive
droite du Rhin , auprès de la route de Mulheim
à Bensberg.
Rapport qui a été fait après la retraite :
Retour à Cologne y le i^' vendémiaire f 22 sep- a> v.
tembre ).
« L'armée est campée à deux lieues en avant
» de Duitz, c'est-à-dire, deux lieues au-delà du
» Rhin. La retraite s'est faite avec un courage
^) calme et une fermeté intrépide. Il s'est engagé,
)) sur les bords de la Sieg, une action entre les
>- avant-postes, dont tout l'avantage a été pour
) les Français. »
Le 7 vendémiaire ( 28 septembre), le général
en chef Jourdan donna sa démission ; il partit
pour se retirer dans sa famille, après avoir reiaià
le comniandcmcnt de l'armée.
Aï* V.
_ (34)
in<^(y. Ce (at le général Beurnonville que le Directoire
désigna pour le remplacer.
Au retour sur le Rhin, la loS"^", qui n'avait
pas quitté la division d'avant-garde , comptait
1,859 hommes présents sous les armes. Elle avait
une augmentation de dix individus , depuis le 29
messidor ( 1 7 juiUet ) , qu'elle était entrée en
Francouie.
L'usage , dans cette campagne où l'ennemi fut
toujours en évidence, était de faire prendre les
armes jusqu'à minuit , à la moitié de chaque corps
républicain, tandis que le reste se reposait. En-
suite l'autre portion de la troupe veillait jusqu'au
jour.
Le 7 (28), dans l'après-midi, les Autrichiens
vinrent attaquer.
Voici le rapport qui en a été fait :
Mulheim , le 8 vendémiaire (29 septembre ).
(( Hier soir, vers les cinq heu '^s, l'ennemi s'est
» présenté aux grand'gardes de la division du gé-
)) néral Leiebvre , et s'est porté de suite sur la
» division Championnet, avec laquelle il a engagé
)) une canonnade. L'ennemi avait 1,200 hommes
)> à cheval, 2 bataillons et 6 pièces de canon : il
3) a eu quelques blessés , deux officiers tués et
)) plusieurs prisonniers. Je suppose qu'il n'a fait
)) cette reconnaissance que pour observer un
» mouvement que je faisais dans ce moment. »
La jo5°^^ ne fut pas occupée dans ce combat ,•
elle fit un mouvement aussitôt après l'action, pour
( ^'3 )
remplacer un bataillon de la 2 5"^^ cViiifantciic lé- i-gQ.
gère à Langeiibourg. ai. vi
Le 1 1 ( '2 octobre ) , elle bivouaqua dans la fo-
ret de Bensberg , à peu de distance du château
de l'électeur.
Pendant notre séjour dans cette position^ nous
ne fûmes point troublés par 1 ennemi. Seulement
diverses fois, la nuit , les pandoures ou manteaux
rouges venaient attaquer nos avant-postes. Après
quelques coups de fusil , ils se retiraient sans que
la division se mît sur la défensive.
Ayant pendant plusieurs jours éprouvé une
grande douleur au pied gauclie , qui s'enflamma ,
je fus privé de marcher.
Le I o brumaire ( 5 1 ) , à cinq heures du ma-
tin , les pandoures surprirent les grand'gardes , et
vinrent tomber sur nous sans que nous eussions
le temps de nous défendre. Néanmoins les senti-
nelles avancées avaient , durant la nuit , l'ordre dé
se coucher l'oreille contre terre, pour entendre
les pas de l'ennemi. La 10 5°'^ se retira précipi-
tamment. Je tâchai de ne pas la quitter; mais ma
jambe malade ne me permit pas de suivre les
hommes de la compagnie. Voulant me hâter, mon
pied ayant frappé contre une souche, je ressentis
une angoisse si aiguë , que je ne pus aller plus
loin.
Un soldat, appelé Lecourt, de Fleuri-la-Rivière,
s'étant aperçu de l'impossibilité où j'étais de me
soutenir , m'engagea à monter sur ses épaules ,
I. ai
( 5iG )
1796- po"r qi^iG je ne tombasse pas au pouvoir de l'eu-
A« V. nemi. Il me dit qu'il se chargerait de me porter
jusqu'à Cologne, où il me déposerait à l'hôpital.
Le bruit des coups de fusil, le sifflement des
balles , les cris des assaillants , répétés par les
échos , tout me décida à accepter son offre. Aidé
par lui , et appuyé sur mon fagnon , nous par-
vînmes à sortir du bois.
Nous étions dans la plaine, quand le jour com-
mençait à poindre. Un dragon qui survint , ne
sachant pas le chemin , s'adressa à nous pour le
lui indiquer. Nous fumes tous les trois aussi éton-
nés les uns que les autres, en nous reconnaissant ;
ce cavalier était le nonnné Boutée, fils du maré-
chal-ferrant de Dameri.
Le danger étant imminent, il me fît de suite
placer sur son cheval, qu'il suivait à pied. Lors-
que Lecourt me vit en sûreté , il retourna au
corps qui se battait toujours avec acharnement.
Mon compagnon de voyage, tout en courant, me
dit qu'il allait à Cologne , porter une lettre au gé-
néral Lefebvre , pour le prévenir que sa division
était attaquée.
Arrivé au pont volant, il remit ses dépêches à
un aide-de-camp. J'entrai dans le bateau , après
avoir remercié ce compatriote du service qu'il
m'avait rendu.
Au-delà du Rhin , je confiai mon sac à un
pauvre, à qui je donnai quelques pièces de mon-
naie, pour le porter à l'hôpital, où j'arrivai exté-
nué de fatigue. Ayant reçu les médicaments et les
( 5i7 )
secours nécessaires à ma situation, j'cprouYai un i-q6.
mieux sensible. a> v.
Il n'y eut point de rapport de cette échauf-
fourée : alors des propos et des libelles étaient
répandus contre les cheis et contre les troupes.
Voici l'extrait d'une lettre du 1 1 brumaire ( i^*^
novembre ), du général Lefebvre, à l'un des
membres du Directoire exécutif :
(( "Se croyez pas, cependant, que je sois
)) las de servir dans la brave armée de Sambre et
«Meuse; je ne la quitterais qu'avec regret, et
» avec le plus profond mépris pour les misérables
» folliculaires qui ont voulu ternir sa gloire. »
Jusqu'à ma convalescence , je me livrai de
nouveau à la langue allemande.
Le 22 (12), la io5"" demi-brigade, ayant
quitté le bois de Bensberg , traversa Cologne pour
se transporter dans le Hundsruck.
Voici l'extrait du rapport qui en a été fait :
Aix-la-Chapelle, le 4 f''i"i'>j''e (24 "<^^'^"ibre ).
(( La division Lefebvre , venant de la rive
» droite du Rhin , est postée aux environs de
>y Mayencc. »
Ma jambe m'ayant laissé la faculté de me lever,
j'eus la permission de sortir. J'obtins ensuite un
certificat de convalescence , afin de reprendre les
forces dont j'avais besoin.
Muni de cette pièce , j'allai trouver un citoyen'
que je connaissais, et qui était employé dans les
bureaux du commissaire des guerres ; il me fît
donner une réquisition qui attestait que j'y tra-
21,
1796. vaillais. J'écrivis à mes chefs qiie, tandis qiie jo
AN V. me rétablissais , j'occupais mes moments chez ce
fonctionnaire.
Pendant cet intervalle de temps , il y eut une
suspension d'armes entre les deux armées belligé-
rantes.
Voici le traité qui en a été fait :
Armistice conclu à Cologne y le i()frhiinwe f 19
décembre ).
(( Enfin la conclusion d'un armistice vient d'a-
» voir lieu sur le Bas-Rhin , et les généraux des
)) deux armées sont convenus des articles sui-
» vants, sauf ratification ultérieure :
» i" Les troupes des armées respectives pouv-
)) ront prendre leurs cantonnements d'hiver , les
>) Français derrière la AVupper, et les Autrichiens
» derrière la Sieg.
« 2" Les positions occupées respectivement par
» les deux armées , au moment de la conclusion
)) de l'armistice , pourront être réoccupées de
» nouveau, au cas que la suspension d'armes vînt
)) à cesser : jusqu'à cette époque , les positions
» abandonnées seront gardées par des postes de
» vingt-cinq hommes.
» 5° La tête du pont de Neuwied sera désar-
)) mée, et les Français n'y laisseront qu'une garde
;) de 2 5 hommes.
» Cette convention ayant été signée , le 1 7 fri-
» maire ( 7 décembre ) , par les généraux Kray et
» Klébe.r, les troupes sont entrées en quarliei
( ^'9 )
w (l'hiver. Une partie de l'armée du Nord, qui se 179(1.
)) ti'ouvait dans les environs de Mulheim , retourne an v.
» en Hollande. »
Le 5o frimaire (20 décembre), étant rétabli ,
je quittai Cologne , et j'allai le même soir couclier
à Bonn.
Le i*^"^ nivôse ( 21 ), je me dirigeai vers An-
dernach, où se trouvait le quartier-général. On
suspendit ma marche jusqu'au retour de la demi-
brigade arrivant du Rhingau , et qui était atten-
due d'un instant à l'autre.
Le 7 ( ay ) , étant sorti de cette ville, je mar-
chai le long du Rhin. Je voyais de l'autre côté
du fleuve, des pandoures à qui l'on enseignait
l'exercice. Ils me tirèrent quelques coups de ca-
rabine , dont j'entendis siffler les balles sans que
j'en fusse atteint.
Parvenu au village de Schalkenbach , où la
compagnie était cantonnée, je me présentai chez
mon capitaine, et lui remis les pièces dont j'étais
porteur. Je repris mes fonctions et mes habitudes
comme précédemment.
On fit mon décompte , que l'on me paya en ar-
gent: car, depuis le i*'' vendémiaire (22 sep-
tembre ) , la troupe était soldée en numéraire. A
dater de cette époque, l'on a cessé de donner
des assignats aux militaires.
Mes camarades qui, depuis mon absence, n'a-
vaient pas eu occasion de se mesurer avec l'en-
( 520 )
i-jjô. nemi, me communiquèrent l'itinéraire de leurs
A> V. marches et contre-marches (i).
(i) Voici les dates avec les lieux occupe's par une
portion delà io5"'*, depuis mou entrée à Thôpital de
Cologne, le lo brumaire ( 3i octobre ), jusqu'à mon
retour à la compagnie , à Schalkenbach , le 7 nivôse
( 27 décembre ) :
Le T.'i. brumaire ( 12 novembre ) , partant de Bens-
berg , la division étant campée alors devant Unwalde ,
on fut remplacé par l'armée du Nord. On traversa le
Rhin à Duylz. On resta la nuit à Cologne.
Le 23 ( i3 ), on bivouaqua dans un bois, à deux
lieues de Bonn.
Le 24 C ^4 ) > au-dessus de Mekenem.
Le 25 ( i5 ), à 3 lieues de Coblentz,
Le 26 ( 16 ) , dans les champs.
Le 27 ( 17 ), on logea à CainofFe.
Le 28 ( 18 ), à Sttabsich.
Le 29 ( 19 ) , on passa à Kirchberg, et on coucha h
Stems.
Le 3o ( 20 ) , on séjourna dans ce village.
Le 1*' frimaire ( 21 ) , on s'achemina vers Ober-
slein.
Le 2 ( 22 ), on se rendit à Couselle.
Le 3 (23 ) , on se transporta à deux lieues d'Oder-
berg.
Le 4 ( ^4 ) , on se fixa au-dessus d'Oderberg , où
l'on séjourna les 5 et 6 ( 25 et 26 ).
Le 7 (27 ), on alla à Guêlen, où l'on campa dans
des broussailles.
Le 16 (6 décembre ) , on s'établit k Idcmbach.
^^ '7 ( 7 ) ? ^ Oderberg.
Le 18 ( 8 ) , à Neutrarbach.
Le 19 ( 9 ) , à Manhenbechel.
Le 20 ( 10 ), à Niderweisbach.
(3a, )
Le 21 ( II ), ou eut séjour.
Le 22 ( 12 ) , on s'arrêta à Weppcmath.
Le 23 ( i3 ) , à Lller.
Le 24 ( i4 )) à Midem , village contre la Moselle.
Le 25 ( i5 ) , à Viner.
Le 26 ( 16 ) , à Keinpigni et à Fortefet.
Le 27 ( 17 ), à Vestlieim , où Ton séjourna le 28 ( 18 )•
Le 29 ( 19 ) , on arriva à Schalkenbach.
1796.
IX V.
«- *
AN V.
( 522 )
CHAPITRE XLVIIL
1707- Le i8 ventôse (8 mars), la compagnie quitta,
Schalkenbach pour aller remplir son service dans
les retranchements à la tête du pont au-delà du
Rhin , près de Neuwied. Nous restâmes , pen-
dant ce laps de temps, en face des Autrichiens ,
dont les sentinelles avec nos factionnaires fai-
saient la conversation.
Le 2 1 (il), quand notre tour de service fut
passé , on nous releva. Nous reprîmes le can-'"'
tonnement , et chacun rentra dans son loge-
ment.
Le 24 germinal ( i3 avril ) , la compagnie
quitta Schalkenbach pour aller le long du Rhin,
entre Bonn et Andernach , dans la commune
de Pistorff.
Le 28 (17), elle se rendit au village de
Bressi, où nous apprîmes que l'armistice étant
dénoncé, on allait entrer en campagne.
Dans la nuit du 28 au 29 germinal (17 au
1 8 avril ) , une armée considérable se réunit , de
toutes parts , sous les ordres du général Hoche,
qui #vait remplacé le commandant Beurnon-
ville. Son arrivée imprima une nouvelle ardeur
( 025 )
aux troupes, aiaqucllcs il fit aligner la solde, 1-97.
distribuer des vêtements et les vivres nécessaires an v.
dont elles manquaient précédemment. Les corps
animés d'un courage belliqueux , passèrent le
Rliiu . Le matin , les deux partis se trouvèrent
en présence dans la plaine de Neuwied.
Il y eut des pourparlers entre les généraux,
en avant des lignes en bataille. Cette particu-
larité représentait plusieurs traits semblables de
la part des anciens. Les propositions de part et
d'autre n'ayant pu être acceptées, on se sépara»
Les chefs républicains donnèrent le signal en
commandant de marcher.
A 8 heures , les corps français se déployèrent
en essuvant le feu d'une immense canonnade en-
îiemie , sans riposter aucunement. L'action fut
cJiaude ; elle s'engagea par l'artillerie à cheval
qui alla tirer à mitraille sur les six retranche-
ments autrichiens , flanquant la plaine. L'infan-
terie légère secondait cette manoeuvre ; la troupe
de ligne filait à droite le long du Rhin , pen-
dant que les boulets des redoutes traversaient
nos rangs. Les escadrons réunis par armes, se
portaient, avec la rapidité de l'éclair, entre les
I redoutes derrière les Impériaux , qui se trou-
li vèrent promptement entre deux feux. Le choc
ij tut terrible; mais il ne dura qu'un instant.
Artillerie , infanterie , bagages , vivandiers ,
tout tomba au pouvoir des républicains. La co-
lonne du général Lefebvre, dont la io5"'*' fii-
sait partie , se dirigea vers Bcndorff et Monta-
AN V
(3.4)
i'jf)n, baiir, avec tant de vitesse , qu'elle arriva prcs-
qu'aussitôt que la cavalerie.
^'oici le rapport qui en a été fait :
Passage du Rhin à Neuwied, le 3,9 germinal ( i8 avril) ,
au quartier-ge'néral , à Dierdoiff.
Le général en clief de l'année de Sambre et
Meuse, au Directoire exécutif.
a Citoyens directeurs,
» Depuis deux jours les ennemis ne cessaient
» de demander un armistice j ils se fondaient
» sur celui qu'ils prétendent avoir été conclu en
» Italie. N'en ayant aucune nouvelle officielle ^
» et pressé d'exécuter vos ordres , j'ai fait passer
» le Rhin sur le pont de Neuwied , à l'aile droite,
» au corps du centre de l'armée, et à une divi-
» sion commandée par le général Vatrin. Les
i> deux armées étaient en présence , à petite por-
)' tée de canon, lorsque le général Kray me fit
« demander la permission de m'envoyer le lieu-
)) tenant - colonel comte de Blakest , chargé de
y> pouvoirs pour conclure l'armistice. Sur ce qu'au
» premier abord , je lui demandai l'évacuation
» de la Lahn et la cession d'Ehrenbreistein à
» l'armée française , le parlementaire se récria ,
» et bientôt nous nous séparâmes.
» A peine chacun de nous était-il de retour
y> à son armée , que les ennemis nous attaquèrent
>j par une canonnade assez vive. Ils occupaient
)) une excellente position ; leur droite au vil-
« lage de HeddersdorlT, et la gauche à BendorfT,
» en arrière de la petite rivière de Sayn. Tous
( 323 }
» deux élaient retranchés; leur iront, couvert i-o;
» par de fortes redoutes fermées , fraisées et a?; v.
» palissadées , présentait l'aspect le plus impo-
» saut.
» Déjà l'infanterie était formée en colonne
)) d'attaque , les autres armes à leur place de
3) bataille ; le signal d'attaque fut donné , et bien-
» tôt la baïonnette en avant, et sans tirer un
« seul coup de fusil , nos grenadiers et carabi-
)) niers , commandés par le général Bastoul , se
» rendirent maîtres du village de Heddersdorff.
» Les autres troupes , commandées par les géné-
1' raux d'infanterie Grenier ,. Olivier , Barbou
V ( celui-ci a eu un cheval tué sous lui ) , Bonnet
5- et Compère , s'emparèrent des redoutes de la
» droite des ennemis , tandis que Lefebvre ,
« Lemoine , Gratien , Spital et autres faisaient
)) emporter , à la pointe de la baïonnette , le
M village et les redoutes de BendorfT. Enfin , une
w charge de cavalerie, dirigée par les généraux
î) Richepanse et Ney , acheva de mettre le dé-
» sordre chez l'ennemi, à qui nous fîmes 4^000
» prisonniers , dont beaucoup de cavalerie ; l'ar-
» tillerie des redoutes, plusieurs pièces de cam-
» pagne avec leurs caissons , et 5 ou 4 drapeaux
» demeurèrent en notre pouvoir. Ainsi se ter-
» mina la bataille de Neuwied , dans laquelle
» se sont distingués , par leur sang - froid et
» l'habileté de leurs manoeuvres , tous les officiers
» supérieurs , et notanament les chefs de brigade
» Merlin , du 4°'^ régiment d'hussards , Gardane ,
( 59.6 )
1^9^. » du 9"^'' de chasseurs , et une infinité d'autres
AN V. » dont la nomenclature serait trop longue poui:
w pouvoir trouver place dans un simple rap-^
)) port.
)) L'artillerie a fait des merveilles. Elle était
» commandée par le général Debelle , dont 1^
» frère , âgé de 1 5 ans , eut deux chevaux tués '
» sous lui. Les colonels Forbier , Prost, et le
-» capitaine Juvigny , se sont particulièrement
5) distingués.
Résultat de la bataille.
» Celte journée a coûté à l'ennemi 7,000 pri-
» sonniers, parmi lesquels plusieurs officiers de
)) marque, 7 drapeaux, 27 pièces de canon, en-
)) viron 60 caissons de mimilions , plusieurs ma-
)) gasins de fourrages et de vivres, et un grand
» nombre de chevaux.
» Le général Lefebvre va se porter sur Franc-
» fort.
» Signé Hoche. ')
Dans l'après-midi , nous eûmes de la pluie en
abondance. Nous bivouaquâmes auprès de Mon-
tabaur.
Le 5o germinal ( 1 9 avril ) , nous nous trans-
portâmes auprès de Limbourg.
Le I*" floréal (p.o avril ) , la division passa la
Lahn dans cette ville.
Le 2 (21), elle se dirigea vers Koenigstein et
Wisbaden.
Le 5 ( 22 ) , elle s'élança à marche forcée sur
Francfort, où elle arriva à 7 Heures du soir.
( ^^7 )
he général Lefebvrc, parvenu près de cette 1-9^.
Viilc, trouva tous les ponts coupés sur le Mein , an v»
la cavalerie ennemie disposée, sur la rive gauche,
à en disputer le passage. Quelques ponts ayant
été réparés , la cavalerie autrichienne fut en-
foncée. Le ï*^' de chasseurs allait entrer pêle-
mêle avec les fuyards dans Francfort. Pendant
cette marche précipitée , le brave général Ney fut
fait prisonnier par les hussards de Blankenstein.
La colonne ennemie qui arriva de Wetzlar et
de Fridberg , fut arrêtée par nous.
On fit disposer les troupes à une attaque dé-
cisive , et mettre les havre-sacs à terre , afin que
les hommes fatigués de la marche précipitée ,
pussent agir librement dans les évolutions, étant
dégagés de ce fardeau.
Tandis que l'on prenait ces précautions, le
colonel autrichien Milius , avec un autre offi-
cier , passa au galop en avant de la ligne , an-
nonçant que la paix était sur le point d'être
conclue ; que l'on ne devait pas commencer
un combat désastreux pour l'une et l'autre armée.
Voici le rapport qui en a été fait :
Jrrh'ée de ki dmsion du général Lefehvre près
de Francfort.
Au quartier-général , à Fridberg, le 4 floréal [iZ avril).
Le général en chef de l'armée de Sombre et
Meuse, au Directoire exécutif.
« Citoyens directeurs,
)) Nous avons hier contraint l'ennemi à re-
)) passer la Nidda ; le général Lefebvre , à la
»797-
An V.
( 328 )
j tête de sa brave division , a franchi cette
) rivière , que l'élite de la cavalerie impériale
entreprit envain de détendre. Nos braves
) chasseurs à cheval allaient entrer pèle - mêle
•) dans Francfort, lorsque Lefebvre reçut du gé-
néral ennemi l'avis que les préliminaires de là
paix venaient d'être signés; ce qu'on venait
d'apprendre à l'armée autrichienne par un
courrier m'apportant, de la part du général
Berthier , la lettre dont copie est jointe à la
présente.
» Le général Lefebvre, aussi humain que va-
leureux, crut devoir arrêter l'eiTusion du sang,
et consentit, ainsi que lui proposait l'ennemi,
à suspendre le combat jusqu'au retour d'un
officier qu'il me dépêcha sur-le-champ. Je
confirmai ce qu'il avait fait , ne pouvant plus
douter de la nouvelle qui venait de m'être ap-
portée. Les armées sont en présence, disposées
à faire leur devoir.
» J'ai pourtant été contraint de faire aujour-
d'hui un mouvement sur ma droite pour res-
serrer la ligne. J'avais appris dans la nuit que
l'ennemi avait , dans la journée d'hier , ras-
semblé beaucoup de cavalerie, avec laquelle il
) pensait pouvoir arrêter la marche du général
I.efebvre ; j'ai donc porté plusieurs escadrons
dans les environs de Fridberg , où j'attends les
événements et vos ordres.
5) J'ai cru devoir proposer aux généraux en-
» nemis d'arrêter une ligne de démarcation pour
< 3'^9 )
» les armées, derrière laquelle elles attendraient ,-f)-.
» les ordres ultérieurs de leur gouvernement as v.
« respectif. Nous avons fait hier 25o k 5oo pri-
)) sonniers.
» Signé Hoche. •»
Voici le rapport des préliminaires de la paix :
Au quartier-général de Keiss , près Léoben , le 19 germinal
(8 avril).
« Les préliminaires de la paix ont été signés
)) par Bonaparte , général en chef de Tarmée
il d'Italie , à son quartier-général , à la date de
)) ce jour. ))
Des dragons de la Tour, régiment de grosse
cavalerie ennemie , qui liivouaquaient devant
nous , vinrent en grand nombre nous voir. Ils
reconnaissaient beaucoup de républicains pour
leurs frères , leurs parents ou leurs amis : car ,
dans les compagnies du ci-devant 5"^* bataillon
du Nord, ils avaient considérablement de com-
patriotes.
Il fut arrêté qu'une ligne de démarcation
serait établie entre les deux armées ; que la Nidda
servirait de limite. Les corps apprirent qu'on leur
assignait des cantonnements.
Le 4 floréal ( 26 avril ) , on distribua les
[compagnies par villages ; celle à laquelle j'ap-
tpartenais , se trouva désignée pour aller à Mun-
ster (i).
(i) Voici les dates avec les lieux occupés par une por-
jtion de la io5™% depuis niou retour à Schalkenbacîi ,
^797
AU \.
( 000 )
le 8 pluviôse ( 9.7 janvier ), jusqu'à la suspension d'ai".
mes, le 4 Aoiéal ( 23 avril ) :
Le 18 ventôse ( 8 mars ) , on monta la garde à Neu-
wied, dans les relranchcments de la tcte du pont.
Le 21 ventôse ( 1 1 mars) , on rentra à Sclialkenbacli.
Le 24 germinal ( i3 avril ), étant pajti de ce village,'
on se rendit à Pistorff.
Le 28 ( 17 ) , à r.ressi.
Le 29 ( 18 ) , on traversa le Rhin. Bataille de Neii-
■\vied. On marcha sur Montabaur.
Le 3o (19)? on se rendit auprès de Limbourg.
Le 1*"^ flore'al (20 avril), on passa la Lahn.
Le 3 (21 )» on se dirigea vers Rœnigstein.
Le 3 ( 22 ) , ou arriva dans la plaine de Francfort , à
sept heures du soir. Un courrier annonça que les préli-
minaires de la paix étaient signés.
Le 4 (23)7 on eut séjour.
( 55i )
CHAPITRE XLIX.
Le 5 floréal (24 avril), je reçus l'ordre , en j-q^,
ma qualité de foiu-rier , de préparer, le 6 ( 23 ) , ^n v
le logement à Ober-Merle , où coucha la compa-
gnie.
Le 7 ( 26), je me transportai à Munster, où
Ton resta en cantonnement.
Je fus placé chez M. ^Vetmann, maître d'école
du village ; j'en profitai pour faire corriger mes
thèmes , mes versions , et continuer mon instruc-
tion allemande.
Voici le rapport des cantonnements :
Bruxelles, le 22 floréal (11 mai ).
« Toute l'armée a actuellement pris ses posi-
» lions : elle s'étend en front, depuis le bord du
» Rhin jusqu'à 7 lieues dans l'intérieur de l'AUe-
» magne, et en profondeur, depuis le Rhin jus-
» qu'à la Nidda. L'armée étant ainsi divisée, les
» troupes qui la composent, sont cantonnées et
» peuvent plus facilement subsister dans un pays
» qui a déjà tant souffert. »
Comme nous étions logés et nourris chez les
habitants, je me trouvais ne point avoir d'ou-
vrage.
a 2
( 530 -
j^g-, La crainte de m'ennuyer dans la monotonie àê
A3i V. ce cantonnement , m'engagea à distribuer ainsi les
parties du jour. Je prenais une leçon de danse,
de 6 à 7 heures du matin : nous avions un jeune
homme qui avait des talents dans cet art. De 7 à
9, je traduisais et calculais; de 9 à 10, je me livrais
à l'escrime ; de 10 à 1 1 , je déjeunais et liais la
conversation. Je me mettais ensuite à écrire jus-
qu'à 5 heures, que j'allais faire assaut. A47 j<^
dînais; je lisais de 5 à la brune. La soirée était
employée à danser ou valser avec les filles du
village.
Chaque jour voyait naître le même motif de
travaux et d'amusements. Je m'étais procuré les
professeurs qui étaient à ma convenance. Le ma-
gister me servait de répétiteur de langue; nous
sympathisions si bien , que nous devînmes amis ;
nous eûmes par la suite une correspondance assez
suivie.
On me nomma membre du conseil d'adminis-
tration: lorsqu'il s'assemblait, je recevais une in-
vitation. Je me rendais chez le bourgmestre ,
qui me procurait un cheval pour aller à Usingen ,
où était l'étal -major de la io5'"^ demi-brigade.
Au château de Hombourg , il y avait, parmi
les troupes , un ancien soldat qui , disait-on , n'é-
tait point descendu la garde depuis 5y ans. Il exci-
tait tellement la curiosité des républicains , qu'ils
se transportaient en foule de leurs cantonnements
pour voir cet homme extraordinaire. Voici com-
ment on expliquait la chose : ce militaire , fran-
( 555 )
rais d'origine, après avoir fait les guerres de Ha- 1^9-.
novre, était entré chez la princesse, qui le fit lo- an v»
ger auprès de la porte de son palais. Là, son
service, qui n'avait lieu que la nuit, consistait à
répéter les heures avec une trompe. Il s'occupait
le jour, à travailler de son état de cordonnier ,
sans quitter sa demeure.
Je me lis habiller selon la saison, et d'une ma-
nière commode k ma position. Je reçus un habit
neuf du corps ( car les sous-ofûciers étaient pro-
tégés ) , pour la façon et les agréments duquel je
payai largement le tailleur. J'achetai un chapeau
à cornes, couvert de toile cirée noire. Je fis con-
fectionner un gilet de peluche de soie teinte en.
écarlate d'un côté, et bleue de l'autre, ce qui
pouvait faire croire que j'en avais deux, le re-
tournant à volonté : U s'agrafait par derrière. J'a-
vais deux chemises de toUe de coton rayée bleue
et blanche ; une cravate de taffetas noir ; panta-
lon bleu foncé en charivari , doublé d'une forte
toile , fermant du haut en bas avec des boutons
d'ivoire; une paire de bottines. Je fis placer, à
mes oreilles , des anneaux en or ; c'était la mode
alors. Je me vêtis presque toujours de cette ma-
nière pendant la guerre.
On changea les cantonnements, s'apercevant
qvi'il y avait trop d'intimité entre les soldats et
les habitants, ce qui aurait énervé le courage des
troupes.
Le 5o prairial ( 18 juin), la compagnie partit
de Muiister pour Arnelsheim.
22.
A^ V.
( 534 )
ir,cj^. Le 5 messidor (23), elle quitta ce village
pour se rendre à Erbenheim.
Le 6 ( 24 ) , elle logea à Limborn.
Le 18 (6 juillet), elle occupa Wolmerclieim.
Le 2 1 ( 9 ) , elle alla à Nidervelle , coutre le
Rhin.
Le 22 ( 10 ) , elle passa la nuit à Irgstein.
Le 25 (11)7 ^^^^ s'achemina vers Ober-Ros-=
bach .
Le 24 (12), elle gagna Boderad , et y sé-
journa.
Le 26 ( i4), la compagnie cantonna à May-
bach. Elle fut répartie; deux oi'dinaires à We-
pcrleld, 5o hommes à Boderad, 4^ à Maybach ,
où se trouvaient le capitaine, le sergent-major
et le fourrier.
Je pris le billet d'un fermier fort riche, où je
fus parfaitement bien.
Mes habitudes , dans cet endroit , furent conti-
nuées comme à Munster.
Le 1 9 thermidor ( 6 août ) , la compagnie ayant
eu ordre de se rassembler, fit un mouvement
pour se porter vers Ober- Merle ; elle rentra sur-
le-champ dans ses cantonnements.
Les 5 et 9 fructidor ( 20 et 26 ), M. Wetmami,
qui recevait mes thèmes , mes versions , les cor-
rigeait comme si j'eusse été auprès de lui ; il m'a-
dressa deux lettres sous ces dates. Il me compli-
mentait sur la facilité et l'élégance de la construc-
tion de mes petits ouvrages.
Il y eut , pendant une soirée j un orage si
( 53S )
violent, qu'il semblait , par \m sifflement qui i-r)-.
(existait dans les airs , que tous les éléments allaient an v.
être confondus. Ce qui surprenait le plus, c'était
qu'il n'y avait ni tonnerre ni pluie. Beaucoup
d'arbres furent renversés par les coups de vent.
Je placardai , un dimanclie , à la porte de Té-
glise , conformément à l'ordre de mou capitaine ,
le citoyen Rodliain, une invitation aux habitants
de faire coufectionner à leurs frais , une paire de
souliers pour chaque soldat logé chez eux. Ce
placard était rédigé et écrit de manière que j'en
leçus des éloges des Allemands ; ils s'empressèrent
à en remplir l'intention.
Le 5"^^ jour complémentaire ( ig septembre),
à quatre heures du matin, le général en chef
Hoche moru-ut a Wetzlar.
Le 5"^^ ( 2 1 ) , la compagnie partit de Maybach
et alla coucher à une lieue de Horabourg.
Le J^"^ vendémiaire (22), l'armée se réunit an vï.
dans la plaine.
On prépara tout ce qui était nécessaire pour
rendre les hoimeurs funèbres aux mânes du géné-
ral en chef. Sur un monticule , était le sarcophage
présentant des inscriptions , des épitaphes qui re-
traçaient les vertus , les actions d'éclat , les vic-
toires du héros. L'armée, avec les tambours,
trompettes et musiques en tête , formant un carré
autour de ce monument, et étant dans le plus
profond silence , ayant l'artillerie placée aux
angles, entendit la lecture de l'oraison funèbre.
Ensuite, chaque corps ayant fait un demi-tour j^
( 556 )
■i^qi commença un feu de file entremêlé de coups de
AS VI. canon.
Voici l'arrêté qui a été rendu à ce sujet :
Paris , le 2 vendémiaire ( 23 septembre }.
« Le Directoire exécutif, informé de la mort
î) du général Hoche , commandant en chet les
'» armées de Saml^re et Meuse et du Rhin et Mo-
» selle, décédé à Wetzlar, le 5"^^ jour complé-
» menîaire de Van cinq ( 19 septembre) de la
» république, dans la do"'* année de son âge,
M arrête qu'il y aura, décadi prochain, au champ
)) de Mars , une cérémonie funèbre en mémoire
» de ce général. »
Epitaplie du général Hoche.
Il est mort , ce héros , k la fleui* de son âge j
Le Rhin et Quiberon attestent sa valeur :
Il fut, dans la Vende'e, aussi prudent que sage;
En nous donnant la paix , il fit notre bonheur.
Ses vertus le portaient au temple de mémoire ,
Lorsque l'envie osait l'accabler de ses coups.
La haine des méchants éternise sa gloii-e ;
Il vécut trop pour eux , et pas assez pour nous.
Voici l'arrêté qui désigne son successeur î
Paris , le 2 vendémiaire ( 23 septembre).
" Le général de division Augereau est nommé
» commandant en chef les armées de Rhin et
» Moselle et de Sambre et Meuse. »
D'après cette réunion , et par arrêté du 8 ven-
démiaire ( 29 septembre ) , les troupes reçurent
le nom d'armée d'Allemagne.
Jje 2 vendémiaire ( ^3 septembre ) , on fît
( 557 )
une fusion des hommes pour égaliser les pelo- i-.f)~.
tous de la 105"'". La compagnie à laquelle j'ap- xnM.
partcnais , arec les officiers et sous - officiers
qui la composaient , fut la 5°'^ du o."^^ ba-
taillon.
Le même jour, nous quittâmes le bivouac y
afin de nous rendre à Wisbaden, où je vis les
bains d'eaux chaudes.
Le 5 ( 24 ) , pour descendre le Rhin , une
partie des fourriers de la demi -brigade et moi,
nous nous embarquâmes. Quand nous fûmes
dans le courant , il sm vint un ouragan qui agita
les vagues avec tant de violence , qu'en se bri-
sant elles remplissaient la barque. Nous étions
sur le point de périr , lorsque nous arrivâmes
auprès de terre ; nous sautâmes hors du bateau ,
qui chavira ensuite.
Ayant fait le voyage à pied jusqu'à Caub ,
la compagnie où j'étais cantonna au village de
Schwalbach , auprès duquel se trouvaient des
eaux minérales que j'allai voir.
Les restes du général en chef furent trans-
férés au-delà du Rhin.
Voici le rapport qui en a été fait :
Coblentz, le 12 vendémiaire (3 octobre).
« Le corps du général Hoche est arrivé le .
u 12(0) à Coblentz , avec beaucoup de solen-
» nité et au bruit du canon. Il a été enterré
» sur le Petersberg , auprès du général Mar-
y ceau. »
Depuis , il a été transféré à la Tour-Blanche
( 558 )
i^qr. ( Weisenthurn ) , sur une éminence, où s'élève
AN vi. son monument.
Le 2 brumaire (20), nous quittâmes le vil-
lage de Schwalbach pour aller à Caub.
Le 5 ( a4) 5 nous nous rendîmes à Wisbaden.
Le 4 ( *^ ) î nous logeâmes à Kœrig^tein.
Je demeurais chez un boulanger , qui était
brave homme ; il avait une aimable lîlle qui,
lorsqu'on voulait lui dire des choses agréables ,
répétait toujours ce proverbe allemand :
« ^us den Augen , aus dem Herzen ,
» Tf' eit entfemet , bald verge.ssen (i). «
Je visitai le prieur du couvent des Capucins ,
pour qu'il eût la complaisance de faire corriger
mes thèmes. Il me questionna , me désigna un
père qui voulut bien s'en charger.
Je profitai de mon séjour dans cette ville ,
pour aller à Francfort, voir M. Meidinger , pro-
fesseur , dont j'avais étudié les principes , et à
qui j'achetai quelques livres.
Voici le rapport d'un mouvement que fit
l'armée :
Francfort, le 27 frimaire ( 17 de'çembre).
« Les troupes françaises qui cantonnaient dans
« nos environs et sur la Nidda, se sont portées
it sur Mayence , pour se joindre au corps qui,
fi) « Absent des yenx , absent du cœur ; plus on est
éloigné , plutôt on est oublié. » Cet adage peut se l'endre
aussi en latin : « Absens haeres non erit. » Les absent?
ont tort.
( 5^9 )
»> cerne celte forteresse, et qui a pris le nom i-p-.,
» d'armée de Mayence. » aîi vi.
Le 6 nivôse ( 16 décembre ) , pendant la miit
do la deu:?:ième fête de Noël, mi pan entier de
mur du fort de Kœnigstein tomba par TefTct
du dégel et de la mine que les Français avaient
pratiquée lors de la première prise de la place,
il fît dans sa chute un si grand bruit , que les
gardes se transportèrent sur les lieux pour s'as-
surer de l'événement.
La garnison de Mayence se rendit à l'armée,
qui en prit possession aussitôt.
\'oici le rapport qui en a été fait :
Occupation de Mayence, le li nivôse (3i de'cembre).
« Les troupes françaises entrées dans cette
■•> ville , consistent en une demi - brigade , un
)' régiment de cavalerie et une compagnie d'artil-
)> lerie à cheval. Le général Lefebvre, gouver-
>) neur de la forteresse , est logé au palais d'Er-
» thaï. »
Il n'était plus question de guerre : les plaisirs
succédaient aux privations et aux fatigues.
Le commandant donna une fête, dont voici
le rapport qui a été consigné dans les jour-
naux :
Mayence , le 8 pluviôse ( 27 janvier). 1796.
« Le général en chef a domié un souper splen-
» dide, suivi d'un bal. »
( 34o )
CHAPITRE L.
v^ VI
j^^Q Le 25 pluviôse (ii février), la compagnie
quittant Kœnigstein , se rendit à Wisbaden (i).
Le 24 ( 12), les compagnies de la loS"^^ étant
arrivées par divers points , le corps se réunit.
Les hommes , flattés de se revoir , avaient soigné
leur toilette pour entrer dans Mayence. La demi-
brigade se taisait admirer par une belle tenue
(i) Voici les cantonnements ci-après, qui furent occu-
pés par une partie du corps , depuis la réorganisation
du 2 vendémiaire an 6 ( 23 septembre 1797 ), jusqu'à
la réunion à Wisbaden , le 23 pluviôse (11 février 1 798 ) :
Le 2 vendémiaire ( 23 septembre ), on logea à Ridel
baclî.
Le 18(9 octobre ) , à Hombourg.
Le 28 brumaire (18 novembre), à Brombach.
Le 21 frimaire (11 décembre), à Calbach.
Le 22 (12), à Ixchtal.
Le 26 ( 16), à Atelckimmer.
Le 4 nivôse ( 2^ décembre ) , à Solsenheim.
Le 12 ( i"^ janvier 1798), à Schneiten.
Le 3o ^19), à Lindaulshausen.
Le 23 pluviôse ( 1 1 février ) , on s'achemina vers Wis-
baden.
Le lendema'n matin, le corps se trouva entièrement
rassemblé.
( 34i _)
militaire, une grande précision clans les niouve- i^f)8.
ments, dans les manoeuvres et dans le maniemenl as vi.
des armes.
Nous logeâmes à la citadelle.
Je pris un maître de langue ; j'allais de temps
à autre chez lui, pour qu'il corrigeât mes ou-
vrages allemands.
Le 1 1 ventôse ( i ^' mars ) , parmi les canon-
niers du ci-devant régiment de Toul, 7^^^ d'artil-
lerie à pied, qui formait la garnison de Mayence,
il y avait deux Dameriats qui étaient frères; le
plus jeune reçut son congé, pour se retirer dans
sa famille. Nous nous fîmes des adieux dignes
d'anciens amis, de bons camarades.
Le i5 ( 3 ) , je rencontrai un chasseur de
la 20"'^ demi - brigade d'infanterie légère ,
fils du garde - chasse , également de Dameri ,
qui, désirant sa sortie du service, entreprenait
toutes sortes de démarches pour l'obtenir. Il
m'engagea à voir les personnages que celte affaire
regardait. Je lis quelques visites , et j'obtins
le congé qu'il solHcitait avec tant d'instance.
Le 7 .germinal (27 mars) , on donna l'ordre
de quitter Mayence.
Le 8 (28) , la io5"^^ demi-brigade passa le
Rhin, et traversa le fort de Cassel.
La compagnie dont je faisais partie, se rendit
dans la commune d'Ober-Reifenberg. J'avais 12
maisons pour me sustenter ; c'est-à-dire que je
mangeais un jour chez un particulier, le lende-
main je prenais un repas chez im autre.
(342 )
1^98. Dans l'habitation où je couchais , il y avait
AN VI. deux trères qui connaissaient la musique ; ils
jouaient tous les soirs du tympanon et de la cla-
rinette. Bientôt les jeunes filles vinrent : nous
valsâmes. En peu de temps, ma demeure fut le
rendez-vous des Grâces du village, et des mili-
taires amateurs de la danse et du beau sexe.
L'usage dans ce pays était de valser, après
les offices divins, autour d'un gros arbre planté
sur la place publique. Les musiciens assis au
pied voyaient, en jouant, passer circulairement
devant eux les couples qui se livraient à toute
la folle gaîté de la jeunesse et k la satisfaction
que procure cet amusement.
.Te ne sacrifiai pas mon instruction à mes plai-
sirs; je m'étais adressé au ministre de la paroisse_,
qui était protestant, pour qu'il voulût bien cor-
l'iger mes thèmes : il y apportait toute l'atten-
tion possible.
Le i8 floréal (7 mai), je reçus une lettre de
mon frère le plus âgé : il m'annonçait que ma
sœur aînée , mariée depuis un an , était morte
le 5 germinal (aS mars) , en donnant le jour à
son premier enfant ; que ma mère avait été tel-
lement affectée de sa perte, qu'elle n'avait pu
lui survivre que de quelques jours, et qu'elle
était décédée le 16 floréal (5 mai).
Tant de motifs d'affliction me forcèrent à
gémir sur mon sort , et me confirmèrent dans
l'opinion que les hommes sont réservés , par le
destin , à subir ou à déplorer plusieurs malheurs
( 34d )
à la fols. ,Je me confinai dans un bois, où je ,~,q3,
donnai un libre cours à mon chagrin. j^j, vi.
JNous rerùmes l'ordie d'aller à Mayence, où
la route devait être annoncée pour un pays loin-
tain. Les Allemands , quoique nous leur tussions
à charge, eurent beaucoup de chagrin de nous
voir les quitter. L'habitude de vivre les uns avec
les autres , nous avait fait oublier que nous étions
des nations ennemies.
Le 2 2 floréal (ii mai), les compagnies par
détachements delà io5'"^ s'étant mises en route
(i), la réunion fut achevée à g heures du matin;
à lo, on passa la revue sur les glacis du fort de
Cassel. On traversa le Rhin ; on se reposa dans
Mayence , ayant rangé les armes en faisceaux
sur la place de Tliiermarkt , pour laisser aux
hommes le temps de se restaurer. On prescrivit
de se mettre en marche , dans l'après - midi ,
pour l'Italie.
A l'heure fixée, les fourriers étant rassemblés ,
nous hâtâmes le pas vers Alzey (Altezey) , où
(i) Voici les noms des cantonnements qui furent oc-
cupe's par une partie du corps, depuis son départ de
Mayence, le 8 germinal ( 22 mars ), jusqu'à son retour
dans cette ville , le 22 floréal ( 1 1 mai ) :
Le 8 germinal (22 mars ) , on logea à Falkenstein.
Le 19 floréal (8 mai), à Veilbach.
Le 20 ( 9 ) , à Vallau.
Le 21 ( 10 ), à Marienborn.
Le 22 ( n ), le ralliement ayant eu lieu auprès de
Cassel , la demi-brigade se trouva ne plus avoir d'hommes
<lr"tachcs.
( $44 )
i;;9^. nous armâmes dans la soirée : le corps logea *
AN VI. une partie clans cette ville, une partie à Valheini,
le reste dans les environs.
Le y 5 floréal ( 1 2 mai ) , nous nous dirigeâmes
vers Worms. La demi-brigade se divisa moitié
à Samenheim et à Graiidstadtj et l'autre moitié
autour de la ville.
Le 24 (i^)? o^ nous plaça à Hoclidoif, à l.j
Kein et à Spire (i).
Le 2 5 ( i4)î nous nous rcndiuics à Landau;
il y eut des compagnies détachées au Petit-Lan-
dau , d'autres à Quecliein (2).
(i) Dans cette route , Je me trouvai, pour la première
fois, parmi (les anabaptistes ou rebaptisés, dont la longue
barbe, les grandes robes attache'es avec des agrafes, les
vestes , les culottes sans boutons , les chapeaux ronds
rabattus, me surprirent beaucoup. Je m'informai, dans
le plus grand détail , de leurs mœurs, de leur religion,
afin de distinguer la différence de leurs préceptes , de
leurs dogmes , d'avec les nôtres.
(2) Durant ce voyage , je logeai cliez un habitant qui
avait beaucoup de goût pour la physique et la méca-
nique. Il avait pratiqué , dans une chambre , une ma-
chine imitant les effets d'un orage. M'étant mis au lit ,
la nuit se trouvant belle , je fus étonné , ma chandellf,
éteinte , d'entendre le bruit du tonnerre , de voir des
éclairs , enfin d'apercevoir les carreaux de la foudre. Tout
ce tintamarre , que je croyais être pioduit par des causes
naturelles , ne m'empêcha pas de doi mir. Le matin ,
me disposant à partir , mon hôte me demanda si j'a-
vais entendu la pluie , la tempête ; je lui répondis que
je m'en souvenais à peine. Il se mit à rire , et me inou-
tra sou mécanisme qui me parut fort ingéiueux.
(S45)
En entrant dans la ville, il y avait, sur les 1798.
remparts , plusieurs demoiselles qui s'étaient réu- ^y vu
nies pour voir arriver la troupe ; elles jouaient
du flageolet , et formaient une musique fort
jolie, qui nous amusa beaucoup tandis que nous
déniions.
Le '2G ( 1 5 ) , nous nous acheminâmes vers
Weissembourg ; je parcourus les fameuses lignes
ou retranchements qui s'étendaient depuis cette
ville jusqu'à la Lan ter. Les Autrichiens s'en
étaient emparés en 1 796 ; la même année , elles
furent reprises par les Français. Une portion
de la demi-brigade était .logée à Schweigen ,
ainsi que dans plusieurs autres endroits.
Le 27 (16) , nous allâmes à Haguenau. Ea
voyageant, depuis le commencement de la route,
la marche m'ayant échauffe , je souffris beau-
coup ; cependant je suivis la troupe sans me
plaindre , sans laisser remarquer que je ressen-
tais des douleurs assez vives.
Le 28 (17), nous arrivâmes à Strasbourg,
que je revis avec un nouveau plaisir. Je ne man-
quai pas d'admirer, une seconde fois, la célèbre
liorloge commencée en 1569, et JÊnie en 1^74.
Liant monté au haut de la flèche de la cathé-
drale, j'y retrouvai mon nom que j'avais gravé
à mon premier voyage (i).
(1) Voici les dates avec les lieux occupés par une por-
tion de la io5™* , depuis son départ de Mayence,le22
Hoveal ( n mai ), jusqu'à son arrivée à Strasbourg, le
:>« (17);
( of^i) )
1^98. Le 29 ( 18 ) ^ le corps eut séjour, dont je pro-^
AK VI. fitai pour consulter le cliirurgien-major, qui me
recommanda d'aller à l'hôpital , où je recevrais ,
plus qu'ailleurs , les remèdes et les soins qui
m'étaient nécessaires. Je fis signer un billet ,
afin d'obtenir ma guérison.
J'appris qu'un fourrier j se sentant malade ,
voulait également entrer à l'hospice ; j'en fus
satisfait , pour avoir une société dans ce lieu
rempli de toute sorte d'individus dont aucun ne
me serait connu. Etant parvenu à le rencontrer,
nous nous disposâmes à nous cloîtrer.
Le 5o (19), ayant dit adieu à nos cama-
rades, et la loS"'*" étant partie, nous louâmes
des livres pour nous distraire dans notre re-
traite (i).
Nous nous rendîmes à l'ambulance ; le chi-
rurgien vint nous panser. Le mal ne me tour-
menta pas aussi vivement. Notre temps se passait
Le 11 floréal ( 1 1 mai ) , on logea à Valheim.
Le 23 ( i"? ), à Samenheim.
Le 24 ( i3 ) , à Kein.
Le 25 ( i4 ) , à Landau, au Petit-Landau, à Quechein..
Le 26 ( i5 ) , à Schweigjen.
Le 27 (16), à Haguenau.
Le 28 ( 1 7 ) , à Rislieim , près Strasbourg , où l'on
eut séjour le 29 ( 18 ).
(1) Devant traverser bientôt la Suisse, nous prîmes
la description de ce pays ,.Ies Confessions de Jean-Jacques
Rousseau, avec quelques petits ouviages de poésie : car
mon camarade , doué de beaucoup d'esprit naturel , ornû
d'excellentes études, faisait des vers assez agréablement.
( 347 )
à lire, à converser, à écouter tous les soirs les i-qg,
orateurs de corps-de-garde , qui nous débitaient a:, vu
les amours de la Ramée. Mon ami , qui s'expri-
mait avec beaucoup de facilité, obtint la pa-
role , culbuta tous les raconteurs par les choses
agréables qu'il nous disait.
Les militaires avaient coutume alors de se faire
tatouer. Je fis imprimer sur mon avant - bras
gauche , avec du vermillon , un cœur percé
d'une flèche , trouvant qu'une telle marque était
fort jolie.
Le 10 prairial (29 mai) , le jour de la dé-
cade , le fourrier et moi , nous sortîmes pour
nous promener. Nous vîmes le jeune homme
qui avait été arrêté en passant à Metz , le 2 ven-
tôse an 4 (21 février 1796); il nous fit un
grand accueil. Il dit que deux jours après avoir
été incarcéré , on reconnut son innocence ; qu'il
fut mis en liberté ; qu'il s'était dirigé ensuite
vers Strasbourg , où il avait formé un établis-
sement qui comblait tous ses désirs.
A la fin de la journée , nous retournâmes à
l'hôpital.
Le 12 (3i), surlendemain de notre prome-
nade , mon camarade , plus heureux que moi , se
sentant mieux, m'annonça qu'il voulait se mettre
en route pour rejoindre. Je l'engageai à rester
quelques jours , afin que je pusse rétablir im
peu ma santé : car le médecin n'était point
d'avis que je partisse encore. Voyant la résolu-
tion bien prononcée du fourrier, je me décidai
I. 0.5
( 348 )
1^9^. à l'accompagner poïir être plusieurs en traVei*-
Av VI. sant la Suisse, Ce pays venait d'être nouvelle-
ment conquis par les armées françaises. Nous
obtînmes notre exéat. Ayant reporté nos livres,
nous disposâmes tout pour notre voyage.
Le i4 prairial (2 juin), au soir, mon ca-
marade voulant annoncer aux malades que nous
les quittions , fit im fort beau discours , qu'il
termina par un conte allégorique sur notre sé-
paration. Il était rempli de saillies heureuses ,
qui amusèrent beaucoup l'auditoire. Tout le
monde nous témoigna ses regrets sur un départ
aussi précipité.
(%)
> .^«^s^,^-^^ 1^'»^.^"^^^^ <^«^>«9'>^
CHxVPITRE LI.
Le i5 praiiial (3 juin) , nous quittâmes Stras^ i-qg»
bourg pour aller à Benteld. a^ vu
Le i6 (4)7 nous nous rendîmes a Schéles-
ladt, que nous parcourûmes avec beaucoup d'em-
pressement.
Le 17 ( 5) , nous fîmes route du côté de Col-
mar. Cette ville passait pour avoir les plus belles
lemmes de l'Alsace.
Le 18 ( ^ ) , nous nous acheminâmes vers
Cernai , où nous vîmes diverses papeteries et fa-
briques d'indiennes.
Le 19 (7) , nous nous dirigeâmes vers Béfort
(Belfort) ; nous visitâmes les moulins à poudre.
Cette place est la dernière où l'on parle alle-
mand.
Le -20(8), nous arrivâmes à Porentrui , qui
avait été réuni à la république. On y parie
français. Nous eûmes séjour le 21 (9), peur
dant lequel nous nous transportâmes au bel
aqueduc reniérmé dans son enceinte.
Le 22 (10), après avoir quitté cette ville,
nous traversâmes le Pierre-Pertuis , passage que
l'on dit avoir été frayé par les R.omains à tra-
vers les rochers. Nous nous dirigeâfnes par
23. .
( 55o )
3^f^8. Sainte - Ursamie ve;rs Tramelan. Nous disûii-
Af( VI giiâmes dans ce trajet une chaîne énorme de
montagnes faisant partie des Alpes. La route
nous conduisit sur une d'où nous en aperçûmes
un grand nombre dans un horizon, tant que la
vue pouvait s'étendre. C'est dans ces lieux de
retraite que l'industrie travaille à ces milliers de
mouvements de montres , d'instruments , de
pièces de mécanique, qui se répandent dans
l'univers. A chaque pas que fait le voyageur ,
il est forcé de s'arrêter pour admirer ces élans
de la nature, que l'on ne voit en si grande quan-
tité que dans la Suisse.
Le 2 5 ( Il ) , nous logeâmes à Bien ne, sans
y trouver le quartier -général de l'armée fran-
çaise vers lequel nous étions dirigés. JNous nous
promenâmes sur le bord du lac , qui oifre des
points de vue charmants. C'est là qu'est située la
petite île de Saint-Pierre, où J.-J. Rousseau passa
des jours délicieux en 1765. Ce pays fait partie
du canton de Berne.
Le ^4 ( 1 2 ) , nous gagnâmes Morat. Nous y
remarquâmes le respect que les Suisses conser-
vent pour les Helvétiens leurs ancêtres , en éter-
nisant les traits héroïques qui les ont mainte-
nus dans l'indépendance contre les seigneurs
qui voulaient ravir leur liberté , plus chère que
la vie (1).
(1) Des sculptures en bois peint, clans la maison com-
mune de cette ville , représentent le célèbre dévouement
Le qnartier-gcnéral n'étant plus à Moi-at, on ,j,,fi.
nous expédia sur Avencbc où il s'était lendu. a% vi.
iS'avant ])as été économes à Strasbourg ui en
route , nous avions dépensé tout l'argent que
nous avions , nous en rapportant à la Providence
pour l'avenir. Les semelles de mes bottes étaient
usées et perdues 5 je marchais sur la chrétienté ,
quoiqu'ayant les tiges aux jambes. Je soufl'rais
beaucoup des pierres qui m'avaient blessé les
pieds à plusieurs endroits. Comme il n'y avait
point de magasin à Morat , nous ne reçûmes
d'Arnold de Wiiikelried , (jui , >)our ouvrir un passage à
ses frères au milieu de la plialange autrichienne , re'unit
contre sa poitrine autant de lances qu'il en put einbras-'
ser ; mourut en recommandant sa femme et ses enfants
à leur générosité , mais décida de la victoire où Léo-
pold fut vaincu , périt , et par sa mort rendit , en 1 386,
la liberté aux cantons de Lucerne , d'Uri , de Schwitz
et d'Underwald. Ces sculptures donnent aussi Thistoire
du barbare Gésier , gonveinenr , qui força Guillaume Tell
à tirer à une c<îrtaine distance , sur la tête de son fils,
une pomme qu'il fit sauter avec le ti'ait lancé de son
arc, sans que cet enfant en fût atteint.
Motif du J'itmciix Ossuaire de Morat , à peu de dis-
tance de la p/ar^. Cliarles-le-Téméraire ( Cliarles-le-Hardi ),
duc de Bourgogne , fut battu, le 22 juin. 1476, par les
Suisses près de Morat. Les cadavres de dix mille morts
furent dépouillés, ensevelis dans la chaux vive, et leurs
ossements recueillis pour les déposer dans le fameux
charnier , non loin de la ville , afin de servir de tro-
pliée à cette victoire.
La quantité des os diminuait sensiblement depuis
quelques années , par plusieurs causes. D'abord , chaque
( 552 )
TjqS. qirun billet de logement sans vivres. Dans la
AN VI. maison où nous étions , on nous donna de quoi
manger ; mais en nous taisant sentir que l'on
ne nous devait lien.
Le 2:5 ( i5 ) , nous partîmes de grand matin
pour Avenclie , où nous arrivâmes à environ
8 heures. Nous apprîmes que le quartier-général
étiùt transféré à Fribourg. Nous nous présentâmes
chez le commandant qui était Suisse ; il nous
reçut tort durement , et nous continua notre
roule sans vouloir nous donner aucune ration.
Nous sortîmes de chez lui bien fatigués , dni'.s
la plus grande détresse, ayant marché sans avoir
voyageur en emportait par curiosité j mais ce qui en
occasioïKiit une consommation bien plus rapide, c'était
«]uà laison de leur blancheur extraordinaire, on les em-
])loyait beaucoup pour différents petits ouvrages au tour,
Surtout pour des manches de couteau. Les postillons de
Genève , auxquels on faisait honneur de cette nouvelle
l)rau( lie de commerce , en emportaient en assez grande
quantité, pour les vendre dans leur ville. H y a dix
• aus ( avant la destruction du charnier ) , l'amas d'os avait
quelques pieds de plus en liauteur. Autrefois c'était une
pratique très-commune , parmi les habitaiits de la lîour-
gogue, de venir y enlever le plus qu'ils pouvaient, de
ces dépouilles de leurs mxdheureux compatriotes, pour
les emporter jusqu'aux frontières, et les ensevelir dans
leur terre natale.
Le 12 ventôse an 6 ( 2 mars 1798), les troupes ré-
publicaines de France ayant pénétré sur le territoire ,
deux bataillons , composés de soldats nés en Bourgogne,
détruisirent ce monument poiu' venger leurs compatriotes,
( 555 )
pris de nOiUTÎtiirc : nous nous plaignions dosa i^qS.
sévérité , [)iu^qii'il nous lallait taire encore eiiviroa *> vi.
() lieues.
Les habitants nous considérant connue des
objets de curiosité , parce que nous étions sans
chaussure , que nous avions les pieds ensan-
glantés , le corps , le visage couverts de sueur
et de poussière , vinrent autour de nous. En
peu de minutes nous fûmes environnés.
rs ous étions dans la plus protonde aiïiiction ;
mon camarade rompant le silence , adressa l.i
parole à toute la loulc qui parlait français. 11
dit des choses véhémentes ; il était si pénétré
de son sujet , qu'il versa des larmes : il m'a-
vait forcé à être ému avant lui.
Ayant remarqué une bourgeoise qui avait son
lils sur ses bras, il lui fit un discours analogue ii
la circonstance et conçu à peu près en ces termes :
« Madame , vous qui êtes couverte , en ce
» moment , des plus riches étofîès , des bijoux
» les plus rares, qui peut vous assurer que l'en-
» fant que vous portez , dont vous faites le bon-
» heur par vos soins et votre opulence ; qui
» peut , dis-je , vous assurer qu'il sera toujours
» heureux 1 — Nous avons aussi des familles qui
» sont fortunées ; ces parents ignorent que nous
» sommes prêts de mourir de faim ; qu'un mor-
» ceau de pain le plus grossier nous est absolu-
» ment refusé , et qu'il nous faudra j)érir de
» misère.! Ouvrez votre coeur à la j)iLié ; inter-
» cédez eu noire faveur , pour que i'oii nous
( 554)
179a' " donne ce qu'une àme sensible ne peut nous
AN VI, » refuser , ce que l'humanité réclame , enfin ce
» que les lois nous accordent I »
Cette jeune femme , vivement attendrie de
ce qu'elle venait d'entendre , s'éloigna en ca-
ressant son marmot et en lui disant : « Mon cher
» petit ami , tu ne sortiras jamais d'ici ; tu ne
w , 'éloigneras pas de moi , afin que je pourvoie
» à tous tes besoins. »
Le fourrier , indigné de ce que personne ne
nous oilrait pas la moindre subsistance , et de
ce qu'il nous fallait continuer le chemin de
FjDjourg sans manger , lança cette apostrophe
au peuple :
« Vous , barbares , dont les mœurs hospita-
) lières sont si vantées , vous avez le cœur aussi
» dur que les rochers qui ombragent votre ville!
» vous êtes aussi féroces que les ours qui ha-
» bitent vos forets î Qu'on cesse de me parler
» de votre urbanité , de votre douceur ! Vous
» occupez le séjour des animaux sauvages, et
» vous êtes aussi inhumains , aussi cruels
» qu'eux ! »
Pendant ce temps , le commandant ayant en-
tendu le discours de mon camarade , avait en-
Aoyé chercher des fusils par plusieurs individus :
ils viîu-ent nous inviter à sortir , pour obéir à
leur chef ; mais tout bas ils nous plaignaient ,
et nous o-Qiirent quelques pièces de monnaie
que nous refusâmes , préférant la mort à la honte
d'une aumône.
( 355 )
Hors de la ville , le fourrier me dit tout bas : 1798.
a Mon cher, mourons glorieusement en tombant an vk
» à coups de sabre sur ces marauds-là ; nous eu
» tuerons plusieurs. Par ce moyen, nous vendrons
» cher notre vie. » Je l'engageai à se modérer
et à nous confier au sort qui ne nous abandon-
nerait point. Le commandant nous donna une •
vieille pour nous guider et nous enseigner le
chemin , afin de ne pas nous égarer dans les
forets , dans les montagnes , n'ayant de com-
munication que par des chemins vicinaux. Elle
marchait devant nous. Cette femme ayant hâte
le pas , ne nous voyant point auprès d'elle , et
se trouvant au surplus à une très-grande dis-
tance d' Vvenche , s'évada sans que nous pus-
sions la revoir. Xous poursuivîmes notre chemin
au hasard.
Etant à Fribourg, nous reçûmes chez le com-
missaire des guerres , tout ce qui nous était
dû , tant en ai^gent c[u'en vivres.
>. ous achetâmes des souliers , des bas , dont
nous avions le plus pressant besoin. Nous par-
courûmes la ville sur tous les points , afin de
considérer les moeurs , les costumes , le langage,
i les religions , les édifices publics. Le lendemain,
I ayant eu séjour , nous continuâmes notre pro-
I m.enade de curiosité.
-Sous eûmes occasion de nous entretenir des
montagnes de Gruyère ; de la grande quantité
de vaches qui y paissent ; des chalets qui y
sont bâtis , où les pâtres déposent le lait dont
( 556 )
1798. on fail les fromages. Nous entrâmes dans beau-
AN VI. coup de déiails relatifs h l'attachement des Suisses
pour leur pays, à l'eiTct que produit le chnnt
pastoral ou ranz- des -vaches sur les individus
qui , au rythme de cet air , éprouvent des sen-
sations impossibles à décrire.
JVous apprîmes que la loiV"** demi-brigade,
passée le 9 prairial ( 28 mai ) , s'était dirigée
vers la ville de Lyon.
Le 27 prairial (iSjuin") , nous nous rendîmes
à Payerne. On nous paria de l'usage du kilt ,
qui consistait à autoriser les visites nocturnes
des garçons chez les jeunes viJlîigyoises d'ui'e
grande partie des cantons , en assurant que sou-
vent la cérémonie du mariage était suivie de
près de celle du baptême
Le 28 (16), nous partimes pour Moudon ^
ville très-ancienne.
Le 29 ( 17 ) , nous allàjues à Montprevayre ,
que nous visitâmes avec quehpi'intérét.
' Le 5o (18), nous gagnâmes Lausanne , l'une
des plus grandes villes de la Suisse. Nous nous
rappelâmes tout ce que nous avions lu dans les
Coniéssions deJ.-J. Rousseau.
Le I*'' messidor (19 juin) , nous eûmes séjour,
que nous employâmes à ni)us promener dans les
environs , qui sont fort beaux , à observer dcj
points de vue romantii[ues et très-pittoresques.
Le 2(20), nous passâmes à Alorgcs , à Kollcj
à Nyon ; cette dernière ville, qui est bâtie sur
une coîiine , se fait voir de loin ; à Co[.et , qui
I
( 557 )
était le séjour de M. de Necker, ancien ministre 1798.
de France. Nous arrivâmes à Genève , après an m.
avoir traversé ce pays magnifique qui borde le
lac du Léman. Nous logeâmes à Carouges, qui
n'en est éloigné que d'une demi-lieue.
Le 5 ( 21 ) , nous séjournâmes, parce que la
veille nous avions doublé l'étape. Nous profi-
tâmes de cet instant pour admirer les beautés
de Genève , qui présente de si grands souvenirs
historiques. Cette capitale se glorifie d'avoir
donné le jour à J. - J. Rousseau , d'avoir eu
Calvin pour professeur de théologie.
Nous entrâmes dans des ateliers d'horlogerie,
où nous vîmes en détail les précieux morceaux
qu'on y fabriquait.
Notre feuille de route ayant été continuée
pour Lyon , nous nous disposâmes à nous y
rendre.
( SoS )
CHAPITRE LU.
'798' Le 4 messidor ( 22 juin ), ayant quitté Genève,
Aîj VI. jjQ^^g j-jQ^g dirigeâmes vers Fernei, où Voltaire
avait un château qu'il habita pendant plus de
vingt ans. De là , nous allâmes au fort de l'Ecluse,
au pied du Jura, vis-à-vis de la dernière mon-
tagne des Alpes. Dans la même journée, nous
anivâmes à Collonge.
Le 5 (aS), nous vîmes la perte du Rhône, à
im quart de lieue de la ville de Bellegarde. Le
fleuve s'écoule dans la fente d'un rocher, pour se
relever peu après plus majestueusement. Il dis-
paraît, dans les eaux basses, sous ce roc qu'il
couvre pendant ses débordements ; il y laisse des
matières minérales dont je ramassai quelques par-
celles. Nous causâmes avec des habitants du
pays qui annoncèrent que , pour connaître le
temps que l'eau mettait à passer, on y avait jeté
des branches d'arbre, de la sciure de bois, des
canards ; mais que l'on n'avait jamais rien vu du
côté opposé. Nous nous contentâmes de ce récit,
laissant aux observateurs à expliquer ce phéno-
mène. En continuant notre route , nous cou-
châmes le même jour à Châtilîon-de-Michaille.
( 5^9 )
Le 6 (-24) , nous nous transportâmes à Nautua , i -oS.
que nous parcourûmes, comme nous avions lia- a?» vi.
bitu Je de le faire dans chaque lieu de passage.
Son joli lac est admiré des voyageurs et des cur
rieux.
Le 7 ( 23 ) , nous nous acheminâmes vers
Bourg, une des anciennes villes de France. Les
habitants ont pour usage de porter de petits bon-
nets de poil, et, devant eux, les jours ouvrables
et de tcric;, des tabliers de peau blanche comme
les maçons.
Le 8 ( 26 ) , nous eûmes séjour , que nous em-
ployâmes à voir l'industrie du pays.
Le 9 ( 27 ), nous nous rendîmes au Pont
d'Ain. ^
Le 10 (28), à Meximieux.
Le II ( 29 ) , nous arrivâmes à Lyon.
Nous reçûmes les vivres et le logement. Nous
apprîmes que le 2^^^ bataillon de la 10 5™^, ayant
quitté cette ville, le 2 messidor ( 20 juin ) , avait
une partie de sa force à Saint-Etienne, où can-
tonnait la compagnie de mon camarade ; l'autre
portion , où se trouvait la 5"'^ compagnie , à la-
quelle j'appartenais , était à Montbrison.
Le 12 ( 00 ) , nous eûmes séjour , pendant le-
quel nous vîmes, en courant, tous les beaux édi-
fices. 11 y avait dans la fameuse église cathédrale
de Saint-Jean , l'horloge construite en 1 398 , par
Nicolas Lippius, de Bàle; elle passait, comme
celle de Strasbourg, pour un chef-d'oeuvre de
mécanique. Je fus enchanté de la magnificence
( S6o )
i7c^8* de celle aneieniie et grande cité. On nous dit que
Al- VI. la 4^"'^ demi-brigade , qui arrivait de par de-là
les Alpes, était en querelle arec les troupes de la |
io5'"!'^, parce que les militaires de cette dernière
employait le mot de Monsieur au lieu de celui de
Citoyen (i) • que les soldat^ portaient la queue ^
conservaient les faces longues , ce que l'on appe-
lait oreilles de chien ; qu'ils avaient des soulicis
pointus. Tout cela, aux yeux des individus i\(i
l'armée d'Italie , présentait des signes de conire-
ré volutionnaires .
Le i5 ( i*^' juillet ), nous nous mîmes en route
pour Rive-de-Giers.
Le i4 (2), nous allâmes à Saint-Etienne, où
nous visitâmes la manulacture d'armes. Des ou-
yriers nous montrèi'ent qu'en poussant violem-
ment, dans un canon de iusil, pour le nétoyer ,
une baguette garnie d'étoupe, la retirant ensuite
avec vivacité, le chanvre s'enliammait, et que c'é-
tait ainsi qu'ils allumaient leurs pipes (2).
(1) A cette époque, livré à l'arbitraire, on ne savait
de quelle épilhèle se servir , ou de Monsieur , ou de
Citoyen , ce qui occasionait souvent des j ixes ; mais ,
par un décret du G Lrumaiie an 7 ( 27 octobre 1798),
il fut prescrit de ne donner aux militaires que la qua-
lification de Citoyen.
(2) Un savant, pioiitant de cette découverte, a depuis
imagine le briquet pneumatique, qui prend feu par le
même piocédé, au movczi d'un peu d'amadou trempé
dans du sel de nitrc.
, ( 5<^I ) _
Le iT) (o ), après avoir quitte mon camarade, incjB*
f allai à Moiitbrison_, où cantonnait la compagnie, au vi.
Je reçus l'argent qui me revenait pour mon dé-
compte.
J'avais besoin de repos : car un voyage d'aussi
longue haleine, in'avait cruellement fatigué. Je
me levais pour faire les distributions; je me cou-
chais ensuite, et je me relevais pour manger:
telle lut ma conduite pendant plusieurs jours.
J'avais loué des livres, et je me promenais rare-
ment : mes camarades me donnèrent connaissance
de la roule qu'ils avaient parcourue (i). Etant
(i) Voici les dates avec les lieux occupe's par une por-'
tiou de la io5™^, depuis son départ de Slrasbouig, le
3o llore'al ( 19 mai), jusqu'à son arrivée à Lyon, le
i3 fructidor ( 3o août):
Le 3o floréal ( 19 mai), partant de Bislieim près de
Strasbourg, on se rendit à Meistratheim.
Le 1^"^ prairial ( 20 n>ai ) , à Schélestadt.
Le 2 (21), à Colmar.
Le 3 ( sa ) , à Cernai.
Le 4 ( ^3 ) , à Béfort.
Le 5 C ^4 )> ^ Porentrui.
Le 6 (25 ), à Bellrti.
Le n ( 26 ), à Anidro , sur le bord du lac de Bienne.
Le 8 {l'j), on passa à Hernevigen, pour loger à
Jlorat.
Le 9 ( 28 ) , à Fribourg.
Le 10 ( 29 ) , au Grand-Villard.
Le II ( 3o ) , à Châteaudei.
Le 12 (3i ), à Bex, où l'on demeura.
Le 19 (7 juin ) , à Vevai.
Le 20 ( 8 ) , à Lausanne.
( 3«. )
1798. tombé SLTÎeiusement malade, j'allai trouver le
AN VI. chirm-gien, qui me domia im billet d'hôpital, avec
une voiture, pour me diriger vers Grenoble.
Le i^'" thermidor ( 19 ), je partis bien chagrin
de m'éloigner de mes camarades. Je couchai à
Saint-Simphorien-sur-Goise. «
Le 2 ( 20 ) , je me rendis à Lyon.
Le 5 ( 21 ) , à Bourgoin.
Le 4 ( 22 ) , à la Gôte-Saint- André , où Ton fai-
sait d'excellente liqueur.
Le 5 (20), je gagnai Moirans.
Le 6 (24)5 j'arrivai à Grenoble, patrie du fà-
Le 21 (g), à Bursenet, non loin de Rolle.
Le 22 ( 10 ) , à Cheveille, où Ton séjourna.
Le 25 ( 1 3 ) , on passa la nuit à Farge , à côté de
Collonge.
Le 26 ( i4), à Châtillon.
Le 27 ( i5 ), à Nantua.
Le 28 (16), au Pont-d'Ain.
Le 29 ( 17 ), à Mexiniieux.
Le 3o ( 18), à Lyon, où l'on séjourna*
Le 2 messidor ( 20 ) , à Saint-Siniphorien.
Le 3 (21 ), à Monthrison , où Ton fut caserne/
Le 6(24); un dctaclieuient coucha à Boen.
Le 7 ( 25 ) , à Thiers.
Le 8 ( 26 ) , k Clennont.
Le 9 (27), à Thiers, où il cantonna. Par la sui-te,
il fit les mouvements ci-après :
Le 10 fructidor ( 27 août ) , il se transporta à Roanne.
Le n ( 28 ) , à Tarare.
Le 12 ( 29 ) , à l'Arbresle.
Le i3 ( 3o ) , à Lyon, où la demi-brigade réunie tint
garnison.
A.N VI.
( 565 )
iiieux Pierre Terrail, dit le chevalier Bayanl. Je i;;(,8.
me promenai par toute la ville.
Avant d'entrer k Tliospice, je vonlus me pré-
munir contre Tennui : j'allai chez mi libraire, pour
me prociuer des livres.
Je me présentai à l'hôpital, où je fus installé
par le chirurgien de garde , qui me fit donner la
pitance ordinaire. Je commençai à mettre à exé-
cution le projet de m'instruire : le reste du jour
fut consacré à la lecture.
Le lendemain , quoique nous fussions dans les
plus beaux jours de l'été, je vis à 4 heures du
matin, avec autant de surprise que d'admiration,
le sommet des montagnes des Alpes couvert de
neige , au lieu de brouillard ; elle fond quand le
soleil acquiert de la force. Lorsqu'il darde, le
matin, ses rayons entre les montagnes pyrami-
dales , il semble que c'est un brasier ardent qui
consume l'atmosphère. Le coup-d'œil en était
nouveau pour moi. Je me trouvais dans une es-
pèce d'extase.
On fit la visite. Le médecin ordonna ce qui
était nécessaire à mon état.
Je ne m'occupais que de lecture. Qwand j'eus
fini les livres que j'avais , j'en fis demander d'au-
tres par le portier.
Il y avait un musicien de la io5™^ qui me
donnait des leçons de fiageolet et m'enseignait le
solfège. /
Je devins si faible mes forces décroissaient
•Vani chaque jour, que je m'évanouis une fois dans
I. a4
( 304 )
i^gS. la baignoire; on fut obligé de me porter dans
A^ VI. mon lit.
Le mal résistant toujours aux remèdes qui
étaient de mauvaise qualité , je demandai un billet
de sortie , espérant que le grand air me dissipe-
rait et contribuerait à mon rétablissement. Je
réglai avec le libraire, et lis mes préparatifs de
voyage pour retourner à Lyon , où je savais que
la io5°^^ était rassemblée.
AS vil. Le 4 vendémiaire ( 25 septembre ) , ayant tout
terminé, je me disposai à partir le lendemain.
Le 5 ( 2() ) , je me mis en route de grand matin.
Je couchai à Moirans , où j'arrivai de bonne
heure.
Le 6 (27), je me rendis à la Gôte-Saint-
AncUé.
Le 7 ( 28 ) , à Bourg^oin.
Le 8 ( 29 ), à Lyon.
En arrivant le soir dans cette ville, je regar-
dai vers l'orient. J'aperçus les montagnes de la
Savoie comme quand j'étais à Grenoble, quoi-
que j'en fusse à 4o lieues. Ce spectacle avait pour
moi beaucoup d'attraits.
J'entrai un jour, près de la Saône, chez un
perruquier pom- me faire raser. Il y avait un
honmie qui, voyant les faces de mes cheveux
pendantes en oreilles de chien , comme il a été
dit, en fut choqué au point que, me consi-
dérant traître au gouvernement républicain, il fit
un signe derrière moi de me couper le cou, et
de m.e jeter dans la rivière. Il s'éleva, à cet effet ,
( 505 )
tine discussion que je ne compris pas, et à la in^g.
suite de laquelle le coilTeur torça Fautre à sortir. a> vu.
Voyant le trater agité, je lui demandai le molii"
de sa querelle. Il me répondit que j'en étais la
cause; que, sans sa résistance, j'allais périr, et
que je lui étais redevable de la vie. M'ayant ra-
conté la chose en détail, je courus sur le quai
pour m'assurer si l'homme y était encore; mais , '
ayant eu le temps de s'éloigner, il avait disparu.
Lorsque je fus rentré dans la boutique, le barbier
m'annonça qu'il existait dans la ville deux partis ,
l'un pour la cause royale , sous le nom de com-
pagnie de Jésus ; l'autre en faveur de la répu-
blique, connu par la dénomination de Matavons.
Il ajouta que, chaque jour, il y avait des vic-
times sacrifiées à la fureur de ces diverses opi-
nions, et que le Rhône ou la Saône devenait
aussitôt leur tombeau.
Voici un rapport consigné dans les journaux
du temps , qui donne l'idée de ce qui se passait
alors dans ce chef-lieu de département :
Lyon, le 1 1 messidor an 6 (29 juin 179^)'
« Le général Grillon , commandant de la place,
» a tait arrêter et mettre en jugement deux par-
» ticuliers prévenus d'avoir été chefs de la com-
>; pagnie de Jésus. La procédure n'est point
» encore terminée.
» On a insulté dernièrement un jeune homme
» qui s'obstinait à porter ses cheveux en oreilles
j de Vhicn et en cadenettes. Les menaces ont
24.
( 5G6 )
179B. » succédé aux insultes. Enfin, pendant qu'il lut-
jkN VII. >:> tait avec les agresseurs, ils lui ont coupé une
» de ses véritables oreilles , en lui coupant une
» partie de ses cheveux. L'affaire n'a pas eu d'au-
» très suites. »
Un soldat m'annonça qu'un capitaine de vété-
rans , le citoyen Martinet , qui était d'Epernai ,
voulait me parler. Il me conduisit chez lui. Cet
officier me reçut parfaitement bien.
M'ayant présenté au directeur des spectacles ,
qui était un compatriote, ce dernier me procura
mes entrées aux deux théâtres , et me proposa de
me retirer du service militaire, sous le prétexte
que je pourrais être utile aux arts. Il me desti-
nait à copier de la musique. Je le remerciai de
son attention , préférant continuer la carrière des
armes.
Le capitaine me fit connaître M. Saint-Ange ,
d'Epernai, employé dans une maison de com-
merce.
Nous habitions la caserne de Serin, dans le
faubourg de Veise. Chaque fourrier portait alter-
nativement les rapports chez le quartier-maître :
mon tour étant venu, je réunis les situations du
bataillon. J'eus la complaisance d'attendre celle
des grenadiers, un quart-d'heure après l'instant
désigné , de sorte que j'arrivai trop tard. Le tré-
sorier s'en plaignit. Je subis 8 jours d'arrêts.
Comme il y avait un ordre avant la parade, j'allé-
geais ma punition, en prenant mon livret, sous
( 3f.7 )
prétexte d'aller cliez les officiers de la compagnie, i;^c)8.
alîii de le leur communiquer. a-h vu.
Un jour, je me promenais dans le quartier
Saint- Jean, un chien de boucher, enragé, pour-
suivait des dogues. Chacun fermait ses portes ,
afin de se garantir de cet hydrophobe. Il vint
droit à moi. Quand le furieux s'élanra, je lui
portai un coup de sabre si violent sur la nuque ,
que je le terrassai. Lui ayant ensuite plongé la
pointe dans le ventre, je le tenais dans cet état.
Il arriva un boulanger avec son fourgon rouge ,
qu'il hii enfonça dans la gueule et l'étoufTa. Je
reçus les félicitations des habitants qui avaient
été témoins de cette scène , et je me retirai satis-
fait d'avoir, par la destruction de l'animal, em-
pêché quelque malheur.
Le 7 brumaire ( 28 octobre ) , je fis dresser ma
procuration, devant notaire, que j'envoyai à mon
père , pour qu'il fît faire le partage des biens de
ma mère , afin de rendre compte à ses enfants.
Les troupes de la loS*^^®, dont la discipline
était sévère, manœuvraient toutes les décades siu*
îa place de Bellecourt. L'affluence était considé-
rable , pour admirer la belle tenue et la précision
des mouvements de ce corps.
Le Gouvernement voulant former de nouveau
la 107"^^" demi-brigade, qui avait été détruite à
l'expédition de l'Irlande , en l'an 5 ( 1 796 ), donna
ordre que la loS*^^ demi-brigade fournirait, dans
la viUe de Grenoble, moitié de ses sous-officiers.
( 5C.8 )
i^c)8. L'on prescrivit de tirer au sort. J'eus le billet
J^^ vu. pour partir.
Le 26 frimaire (16 décembre), je fis mes
adieux au capitaine Martinet et à M. Saint-Ange.
Le directeur des spectacles me donna ime lettre
de recommandation , pour un comédien employé
dans l'ancienne capitale du Grésivaudan.
Le lendemain, je me réunis au détachement
qui se disposait à partir.
.^^^g^^t^^fc^^g*^^ Y^y /^ /(^y^"' y^
'f^^f^^r<f/^
( 3fi9 )
CHAPITRE LUI.
Le 27 frimaire (17 décembre), nous quit- i^gg.
tâmes Lyon. an vu.
Dans la route , pour nous divertir , nous mon-
tâmes sur des ânes qui toiu-nissaient au service
de la poste. Ils étaient conduits par des petits
garçons qui les fouettaient vivement en les sui-
vant à la course.
Nous gagnâmes Vienne , que je visitai avec
le plus vif intérêt , pour remarquer les restes
d'antiquités que possède encore cette ville.
Le 28 ( 18 ) , nous nous rendîmes à la Côte-
Saint- André.
Le 29 (19), à Moirans.
Le oo ( 20 ) , nous arrivâmes à Grenoble.
Nous comptâmes dès le lendemain , 1 " nivôse
(21 décembre), à la 107"'*" demi-brigade d'in-
fanterie de ligne. Je fus attaché à la S'"'^ com-
pagnie du 2""^ bataillon , en qualité de four-
rier (1). Les officiers furent commissionnés par
(1) L'état-major était composé des CC.
Kulm , chef de brigade.
Jeanneau, chef du premier bataillon.
Peïtavy , chef du deuxième bataillon.
Plazanet, chef du troisième bataillon.
( 370 )
i^qB- le Gouvernement. Les sous-officiers, formant le
AU vu. noyau du corps , étaient tirés de la 26^'^ et
de la loS*^^^ demi-brigades, ou nommés par le
ministre de la guerre ; il n'y eut point d'avance-
ment pour nous.
JNous logeâmes dans un couvent délabré, qui
servait de caserne où nous étions , quoiqu'il
fît grand froid , exposés aux quatre vents.
Je remis à son adiesse la lettre de recom-
mandation qui m'avait été donnée; on me fît
beaucoup d'accueil , et on m'accorda mes entrées
gratis au spectacle pendant mon séjour dans cette
ville.
Je fus invité à des noces dans les montagnes,
à une lieue de Vizille , par un soldat de la com-
pagnie ; il appartenait à une famille aisée. Ce qui
me Irappa en revenant de la municipalité à
l'habitation, c'était que pendant que l'on sau-
tait au son du violon , deux hommes précédaient
Lebegue , adjudant-major.
Reiiîaudy , quartier-maître.
Bornier , officier- payeur.
Dérode , adjudant-souî^officier.
La 5°* compagnie du 2""* bataillon, avait pour offi-
ciers , les ce.
Marie Beaurin , capitaine.
Guy , lieutenant.
Laporte , sous-lieutenant.
Pour sous-officier ,
Civet , sergent-major.
Te'tais immatricule' sous le numéro 488*
L'effectif du corps était de 3,376 hommes.
( 57' )
le cortège avec des perches garnies de filasse, 1-98.
dont ils laissaient une partie sur les arbres et au vn.
le long des haies. Je demandai la raison de cette
coutume. On me répondit que l'on annonçait
par-là , à la nouvelle mariée , qu'une femme
laborieuse dans ce pays , devait toujours regar-
der autour d elle , pour y trouver de quoi s'oc-
cuper.
Plusieurs jeunes gens m'engagèrent à chasser
avec eux dans les forêts de la chaîne des Alpes.
J'étais étonné de voir des aigles , des vautom^s
en grand nombre. Je remarquai que plusieurs
sapins poussés peu éloignés les uns des autres ,
avaient leurs cimes tellement rapprochées , que
3a neige qui y était tombée formait une voûte
sous laquelle on passait. Je m'en retournai en-
suite fort satisfait de cette excursion.
Le temps devint si rude , qu'on nous plaça
chez les habitants.
Les conscrits pour la formation du corps ,
arrivant de plusieurs départements , comme de
ceux du Cantal , de la Corrèze , des Hautes et
Basses-Alpes , donnaient beaucoup d'occupation
aux fourriers. Quoique je fusse bien logé, je ne
pus résister aux douleurs et au travail du ca-
binet. Je me trouvai forcé de prendre un billet
d'hôpital.
Le 3o nivôse ( 19 février) , avant d'entrer 1799.
dans ce séjour que je connaissais déjà , je louai ,
comme précédeniment , des livres , pour que la
lecture absorbât une partie des tristes instants
( ^72 )
'799 ps^^^t^^'^^ lesquels je devais y languir. Mon temps
AN Vil. était divisé entre la lecture , l'écriture et la mu-
^ sique.
Un vieux caporal , couché dans un lit à côté
du mien , passa pour mort après la visite. Elle
avait lieu tous les jours à 7 heures du matin ;
les infirmiers qui s'en aperçurent , vinrent le
piller. Ils allèrent ensuite pour faire constater
son décès, après lui avoir jeté le drap sur la
figure ; mais le chirurgien de garde étant alors
absent , on laissa les choses dans leur état. Cet
liomme , qui n'était tombé qu'en léthargie , re-
couvra connaissance quelques heures après. Il
se mit sur son séant , chercha sa tabatière sous
son chevet , où il ne trouva plus ses effets : il
cria fort ; se plaignit d'être volé. L'officier de
santé qui arriva , rassembla les infirmiers devant
le malade , ce qui fît une scène plaisante. Ils
niaient d'abord d'avoir pris l'argent ; ils furent
ensuite contraints de le restituer.
Un hussard qui avait obtenu de sortir , revint
ivre le soir. Il vit les malades assis sur des
bancs , se chauffant autour du poêle ; m'ayant
pris par une épaule ainsi que celui qui était
auprès de moi , il nous culbuta et s'empara de
nos places. Je m'en fâchai ; il fut convenu que
le matin nous nous expliquerions dans le jar-
din. A la pointe du jour nous descendîmes ,
avec chacun un sabre et un témoin. Il résulta
du combat , que le bout de ma botte qui était
long et pointu, se trouva coupé.
à
( 373 )
Les assistants nous empêchèrent de continuer. 1^99.
J'eus beaucoup de chagrin de ma chaussure, aïs vu.
J'aurais , je crois , préféré une blessure à la
figure , parce qu'étant à l'hôpital , j'eusse pu me
faire guérir.
Un soldat de la 107"'% à qui j'avais copié
une chanson, la tenait sur son Ht pendant la
visite. Un chirurgien lui demanda qui l'avait
écrite , il répondit que c'était lui. Cet officier de
santé l'ayant prié de lui transcrire un état, sur
lequel il présentait un nouveau système de phar-
macie , le militaire consentit volontiers à rem-
plir ses désirs. On lui apporta , en conséquence,
tout ce qui lui était nécessaire pour cela. Le
lendemain , étant seul avec lui , je commençai
l'ouvrage. L'auteur ayant des changements à y
introduire, intervint pour l'en prévenir, et me vit
travailler ; la ruse fut trahie. Au lieu d'accorder
au prétendu copiste toute la récompense qu'il
lui destinait , il partagea ses largesses , de ma-
nière que je m'en ressentis. Ayant un génie in-
ventif pour la pharmacopée , il me fit dresser
plusieurs tableaux : cela m'amusait beaucoup.
Le 2°"^ bataillon de la 107™** partit pour Pierre-
Latte. Des camarades quivim-ent me voir, m'en
donnèrent connaissance.
Le 27 ventôse ( 1 7 mars ) , ma santé étant
raffermie sans que je fusse radicalement guéri ,
Je me décidai à sortir. Ayant réglé avec le li-
braire, je me disposai à me mettre en voyage.
Le 28 ( 18 ) , je me dirigeai vers Moirans.
( 574 )
i;99- I^e 29 (19), je me rendis à Salnt-Marcelîm ,
AN va. joli petit endroit sur l'Isère.
Le 5o (20), j'allai à Romans, bâti dans une
plaine.
Le i" germinal (21) , j'arrivai à Valence, une
des plus anciennes cités de France ; j'eus séjour,
pendant lequel je visitai les édifices publics les
plus remarquables.
Le 5 ( 25 ), je me transportai à Loriol, où je
vis la fabrique de soie.
Le 4 (24)? je m'acheminai vers Montéli-
mart. On vante avec raison la pureté du ciel , . ^
la beauté du coup-d'œil , la situation agréable
de cette ville.
Le 5 (25) , je gagnai Donzère. Je me trou-
vai forcé d'attendre une escorte pour le lende-
main , parce qu'il y avait des brigands qui
infestaient le pays , et dévalisaient les voyageurs.
On ne pouvait marcher qu'étant accompagné
d'hommes armés.
Le 6 ( 26 ) , j'arrivai à Pierre-Latte , où can-
tonnait la compagnie faisant également le service
d'escorte.
On me logea chez un riche propriétaire ; tous
les soirs les élégantes du bourg se réunissaient
dans cette maison , pour jouer des proverbes
et des charades. Ayant été admis à ces jeux,
j'y prenais une part très-active.
Lorsque je voyageais dans les pays méridio-
naux , j'avais été à même de voir soigner , pullu-
ler et filer les vers à soie , ce que les natu-
( 375 )
ralistes appellent boml)ix ou phalènes fîleiises. x'j^g.
Je m'étais tait expliquer les habitudes , les mé- am vu.
tamorphoses et Tutilité de ces insectes. J'appris,
avec intérêt , que la principale richesse de Lyon
trouvait sa source dans leur travail.
Lors des beaux jours, la chaleur se faisant
sentir , j'aimais le chant de la cigale. Plusieurs
fois je me suis placé immobile au pied d un.
arbre , pour l'entendre à mon aise.
Pendant la nuit du 26 au 27 germinal ( i5
au 1 6 avril ) , on vint m'apporter l'ordre annon-
çant notre départ sur-le-champ. Je me levai
doucement , crainte d'interrompre les personnes
de la maison.
En sortant du logement , je rencontrai un
fourrier qui m'emmena chez un traiteur, où nous
mangeâmes cinq douzaines de petits pâtés, eu
buvant deux bouteilles de \in muscat.
( SjS )
,^> k^ s^^ „S- .^".^ .^^ ..iT" i^' ..^ w^ .^^ ^ s^^ w?" w^ ^» ..^?"^'' ,^^ ,^* .^- .^•>^' ,^ .^J- .^
CHAPITRE LIY.
1799. Le 27 germinal ( 1 6 avril ) j, à la pointe dn jour,
AN vil. nous montâmes sur ime voiture de roulier, mon
camarade et moi , étant malades d indigestion k ne
pouvoir nous soutenir. Les billets étant finis à
Montélimart, nous allâmes, l'un et l'autre , les
distribuer aux compagnies qui arrivèrent après
nous. Dans mon logis, je fis faire une soupe à
l'ognon , qui me restaura et me rétablit : les petits
pâtés que j'avais maniées , m'avaient tellement
gonflé l'estomac, qu'à peine pouvais-je respirer.
Le 28 (17), la voiture qui s'était chargée de
nous la veille, continuant à marcher dans notre
direction, je convins de prix avec celui qui la
conduisait, pour y monter encore jusqu'à Lo-
riol.
Le 2g (18), nous nous transportâmes à
Valence, où le bataillon se trouvant entièrement
rassemblé, nous passâmes la revue le lendemain.
On donna 1 ordre pour aller k Tin-in.
Le i^"^ floréal (20 avril), nous nous dirigeâmes
vers Crest , ville placée près des rives de la
Drôme, dans un pays montagneux.
Le 2 ( 2 1 ) , après avoir traversé Saillans , nous
arrivâmes k Die, où je bus du vin blanc mous-
( ^77 )
seiix, appelé la Clairette, qui ressemble au vin de i-(^y.
Champagne. an vu
Le 5 (2-^)5 nous couchâmes à Luc, bourg ,
chef-lieu de canton: le froid alors était irès-
Tif.
Le 4 ( ^3 ) , nous nous rendîmes à Saint-Pierre,
où il tomba beaucoup de neige.
Le 5 ( 24 ) , nous nous transportâmes du côté
de Veynes ; de là sur Gap , où l'on prévint que
l'on passerait une inspection.
Les fourriers furent chargés de tenir les con-
trôles prêts en conséquence.
Le 6 ( 23 ) , l'appel fait, il y manquait 4o sol-
dats , auxquels mon capitaine avait donné des
permissions verbales. Ces conscrits n'étant pas de
retour, quoiqu'il en arrivât à chaque instant,
n'avaient point été considérés déserteurs. Vou-
lant en tenir note , j'entrai dans une maison pour
les inscrire. Comme je n'étais pas à la compagnie,
le commissaire des guerres fut obligé de l'exami-
ner après le bataillon ; cela contraiia le citoyen
Peïtavy.
L'inspecteur , pendant l'opération , remarqua
le grand nombre d'hommes absents. L'officier dit
qu'il avait permis à beaucoup d'individus du paA's,
d'aller voir leurs parents ; mais qu'ils devaient
rentrer le soir. On demanda la situation, que je
remis selon l'effectif total. Le chef sachant que les
militaires n'étaient pas rentrés , me fit appeler. Il
m'accusa de n'avoii- pas bien rempli mes devoirs
au moment de la revue j menaçant de me punir
( 578 )
Ï799* sévèrement pour servir d'exemple. Il ne me con-
AN vu. naissait pas. Pour avoir une opinion fixe sur moi,
il prit des informations auprès de mon ancien
sergent-major de la 9'"''' , qui me peignit sous des
couleurs défavorables ; de sorte que le comman-
dant exerça contre moi toute son autorité.
Le 7 ( 26 ) , j'eus la douleur de faire la route ,
comme prisonnier, à i'avant-garde. JNous cou-
châmes à Conche.
Le 8 ( 37 ), nous gagnâmes Embrun, ville bâ-
tie sur un rocher. L'officier du poste me doima
un billet de logement, où il m'envoya passer lu
nuit.
Le 9 ( 28 ) , nous allâmes à Mont-Dauphin ,
place forte sur ime éminence. On distribua la
troupe à Saint-Grépin , au Grandvillai'd , dans
d'autres communes , où des hommes rassembles
nous guidèrent à travers les montagnes , chez les
habitants qui devaient nous héberger. Je rejoi-
gnis la compagnie que l'on conduisit à des chau-
mières creusées çà et là, parmi les rocs vifs de
la chaîn'3 des Alpes; n'ayant, la plupart, pour
ouverture qu'une porte, un trou en guise de
cheminée pour passer la fumée^ et une espèce
de fenêtre, souvent sans carreau de vitre, cpii se
ferme avec un volet en planches. Les monta-
gnards nous y reçurent de leur mieux , entre
leurs vaches, leurs moutons, leurs chèvres et
leurs boucs : car les gens et les bêtes logent en-
semble.
Ce nouveau genre d'existence me semblait si
extraordinaire, que j'adressai beaucoup de qne«- i^on.
tiens. J'appris qii'à la Toussaint , époque où Ton an vu
amasse toutes les provisions de l'iiiver, il y a du
pain de cuit pour jusqu'au printemps. On se traite
conieusement ; on se livre au plaisir : ensuite
viennent les adieux. Les hommes, même les en-
fants assez robustes , s'éloignent ; les uns vont en
Italie, les autres dans didérents pays, afin de ra-
nioner les cheminées et faire des commissions.
En leur absence, les femmes, les vieillards res-
tent comme ensevelis vivants sous la neige qui ,
quelquefois, couvre leurs habitations d'une épais-
seur considérable. Privés de la lumière du jour ,
ils allument des branches de sapin , bois résineux,
qui leur sert de lampe. Ils s'appliquent a leurs
travaux domestiques ; à fabriquer , avec la laine
de leurs moutons , les vêtements rustiques dont
ils font usage , et que l'on peint ordinairement en
brun.
Quand le dégel a lieu , ils dégagent l'entrée de
leurs grottes, afin de respirer un bon air. Ils pro-
fitent de ce temps pour leurs courses , ou pour se
visiter. On marche alors avec des crampons de fer
aux pieds , une grande perche à la main , en son-
dant les précipices sur lesquels on est obligé de
passer, et qui sont remplis souvent de verglas.
Quand quelqu'un meurt , le cadavre reste parfois,
sans sépulture , des semaines entières. Pâques
étant arrivé, tout change de face. Les voyageurs,
de retour, apportent le fruit de îetu's économies.
On se réunit ; on s'abandonne à la ^aîté ; on cub
1. a5
jnqç), lire ensuite les lieux qui peuvent recevoir de k
AN vil. semence. La neige, en fondant, sert d'engrais à
la terre. Les moissons étant précoces, ont lieu
peu de mois après.
Le lo (29), les compagnies étant réunies,
nous traversâmes la forteresse de Brianron , où
se trouvait le 5""" delà 107'"% qui vint à notre
rencontre. Le i^' bataillon tenait alors garnison à
Alexandrie (Piémont). Nous nous dirigeâmes ,
par Sézanne, vers le Mont-Genèvre , lune des
plus hautes montagnes des Alpes Cottiennes, sur
laquelle est bàli un village portant le même nom ,
(levé de i,843 toises au-dessus des eaux delà
Méditerranée.
jN ous longeâmes ou gravîmes , dans cette jour-
née, des hauteurs couvertes de neige. Des ro-
chers à pic étaient de chaque côté du chemin ,
sur lequel existait un verglas très-glissant; ces
rocs avaient des pointes qui s'avançaient en
forme de voûte, et qui, ne tenant presque à rien,
semblaient vouloir se détacher pour nous englou-
tir sous leurs débris. Des arbres verts, presque
tous pins, sapins, mélèses, poussés dans les join-
tures des blocs de pierres , ne tenant que faible-
ment par leurs racines découvertes, élevant leui's
rimes majestueusement dans les airs qui les agi-
taient avec force , paraissaient près de tomber et
de nous barrer le passage. Des aigles et des vau-
tours voltigeaient au-dessus de nos têtes. Des in-
(^ligènes nous précédaient avec des jalons qu'ils
plaçaient pour nous indiquer la route. Enfin tout
( 38. )
ce qui nous environnait, présentait à nos regards i-gr,.
un pays entièrement extraordinaire. a> vu
]Nc déiiiant que sur uji rang, à cause du sentier
étroit et des précipices sur lesquels nous étions
suspendus par la neige, le bataillon occupait une
étendue immense de terrain. Il présentait un ta-
bleau varié, des soldais étant sur des éminences ,
d'autres sur les revers ou dans des fonds à perte
de vue.
On fît halte pour que la troupe se rafraîchît. I^e
temps était superbe. Un militaire qui ne tenait
pas bien son havre-sac, le laissa dégringoler du
sommet jusqu'en bas d'uxi précipice si profond ,
tellement dangereux, qu'il ne put le ravoir.
Le soleil , ayant acquis de la force , faisait fon-
dre des chandelles de glace qui pendaient aux
branches des arbres poussés sur le faite des mon-
tagnes. Quoiqu'on eut recommandé le plus pro-
fond silence, les républicains , en marchant, occa-
sionaient du bruit, ce qui contribuait à déta-
cher des glaçons qui, en tombant et roulant sur
la neige, formaient des boules énormes. Il en
résulta plusieurs avalanches , dont une enveloppa
une grande quantité d'hommes , qui furent en-
gloutis. On leur prodigua les secours les plus
prompts , et l'on parvint à les dégager sans qu'il
en pérît aucun. C'était un avantage de se trouver
à la tête de la colonne; les accidents n'eurent lieu
qu'envers les individus qui étaient à la queue. Je
pouvais alors citer ce proverbe allemand : " Keia
'> Unglii-ck ist so gros ^ est ist ein Gluck da-
( 582 )
»799- " lfei{i)^ » puisque, par punition, je voyageais
AA vu. avec l'ayant-garde , et qu'il ne m'aniva rien de
sinistre.
Nous parvînmes à Oiilx, dans Finstant que le
souverain Pie VI arrivait de l'autre côté , lors de
sa translation, comme prisonnier, à Valence, où
il est mort.
Le 1 1 ( 5o ) , en partant en même temps que
Sa Sainteté se mettait en route pour Briancon ,
nous reçûmes sa bénédiction pontificale.
Voici ce que l'on en a dit :
Paris, le 24 floi'éal ( i3 mai).
«( On avait annoncé prématurément l'arrivée du
» Pape à Briancon. Il n'est entré dans cette ville
» que le 1 1 floréal ( 5o avril ) , à midi et un quart.
» Il avait pour escorte 5o cavaliers piémontai > ,
» des évéques et quelques archevêques . Il était
M lui- même dans une chaise à porteur. Il a voya-
» gé à bras depuis Suze, et a pi-is quelques rafraî-
» chissements au Mont-Genèvre. On l'a fait des-
» cendre à l'hôpital général. »
En chemin , nous trouvâmes une difîeren ce
sensible dans la température et dans. le climat ,
en comparaison de ceux du pays que nous ve-
nions de traverser. Nous apercevions du haut
des monts , le beau ciel et les plaines riantes
de l'Italie. Cela ranimait notre courage , qui
semblait abattu par le triste spectacle des hor-
reurs qui , la veille , avaient frappé nos regards.
(i) A qiiekjue chose malheur est bon.
('S3)
Xoiis remarquâmes la forteresse appelée la Bru- i-^q,
nctli! , qui tut démolie par les Français , en Tan a> vu.
4 ( i/U^^) 5 t'^6 ctait destinée à défendre le pas-
sage du Mont - Cénis. Nous parvînmes à Suse
(Suze), fondé par les Romains, sous le règne
d'Auguste.
Le 12 lloréal ( i^"" mai) , nous nous transpor-
tâmes au bourg d'Avili ianc.
Le i3 (2) , nous tiaversâmes la jolie place
de Rivoli , bâtie sur une colline agréable et
fertile , ayant une route magnifique , bordée d'ini
ruisseau avec plusieurs rangées d'arbres. JNous
arrivâmes à Turin, ci-devajit capitale du royaume
de Piémont , et présentement de la République
Cisalpine , où nous entrâmes avec l'ordre , la
tenue dont pouvait être capable un nouveau
corps. Le bataillon occupa la caserne de la porte
Susine.
Sachant que les alliés avaient forcé l'armée
française, dont les troupes se dirigeaient vers le
siège de ce nouveau gouvernement , on me
donna la liberté , trouvant que j'avais été assez
puni.
Le général Schérer était chargé de comman-
der en chef l'armée française en Italie.
Voici comme on en a été informé :
« Le Moniteur du 7 germinal (27 mars )• ,
» qui annonce sa nomination , dit qu'en pre-
» nant le commandement de l'armée , Schérer
» a ordonné un grand mouvement. »
Je parcourus la ville daus ses moindres dé-
(084)^
i-oq. tails , sans me lasser d'en admirer les beautés,
AA vu. 11 y avait , dans la citadelle , im puits où les
chevaux descendaient pour boire. J "'observai, à
la lièche d'une église , l'horloge italique dont
le cadran marquait ^4 heures de suite, depuis
un soir jusqu'à l'autre : la dernière sonnait 5o
minutes après le coucher du soleil. Sur une
tour était le taureau de bronze doré , que les
uns disaient être le symbole de cette grande
cité ( en italien, Toriiio ) : les autres prétendaient
que la place avait pris son nom des anciens
Taurini , peuples de Ligurie , qui habitaient ce
pays.
J'étais étonné de voir des prêtres dans les
calés , de remarquer en taction des capucins ,
revêtus de leur troc , faisant partie de la garde
nationale , avec le iourniment militaire sur le
corps.
Dans mes courses d'observations , j'aperçus
des improvisateurs ; c'étaient des espèces de
mendiants qui, pour quelques pièces de monnaie,
récitaient , en telle quantité de vers convenus ,
le sujet qu'on leur donnait à traiter.
L'armée ennemie, composée d'Autrichiens et
de Russes , était appelée Austro-Russe ; le gé-
néral Suwarow en avait le commandement en
chef.
Nous entendions, chaque jour, parler tout
bas de ses piogrès , des défaites des Français ,
ce qui rendait les habitants audacieux contre
nous. On fut obligé de faire ôter une grande
( 585 )
partie des stylets que portaient les Turijiois , y^qg.
soupçoiincs de n'être pas attachés à la cause a» vu.
républicaine.
On transporta , en paitie , les magasins publics
de la ville à la citadelle , où le 2"'^ bataillon de
la 107'"^ tut caserne.
Le 7 prairial ( 26 mai ) , la garnison réunie
dans la forteresse , était composée d'infanterie
légère, de troupe de ligne, de canonniers fran-
çais et cisalpins ou piémontais , ainsi que de mi-
neurs, que l'on estimait être de 5, 000 hommes.
Un soldat qui était de cuisine , voulant ajouter
des légumes à son pot-au-feu, cueillit, sur le rem- ,
part , une poignée de ciguë , croyant que c'était
du cerfeuil ; il en résulta que ceux qui mangèrent
la soupe, faillirent à être empoisonnés. Les chefs,
pour éviter qu'un pareil malheur ne se renou-
velât , défendirent de mettre désormais des
herbes dans le bouillon.
( 586 )
CIIAPÏTRE LV.
jr^gg. Le 8 prairial (9.7 mai), rarmée austro-russe,
AU VII. à laquelle s'étaient joints des paysans , s'appro-
cha de Turin, que l'on canonna avec 16 pièces
de gros calibre ; la ville tut sommée de se
rendre.
Le 10 (29), à midi, les alliés entrèrent dans
la place , sous la protection des habitants , par
la porte du Pô , dont la garde était condée à
des bourgeois armés qui la leur ouvrirent ])ar
trahison. Les troupes françaises de service ve-
nant de défiler la parade , se rendaient à leurs
postes , lorsque l'ennemi les harcela , en tua
beaucoup , fit des progrès rapides en j)arcou-
rant les rues avec sa cavalerie. Il y eut , dans
cette circonstance, de belles actions de la part
des républicains, qui se battirent corps à corps
contre ces étrangers.
Je sortais de l'arsenal où l'on faisait , comme
d'habitude , la distribution de la viande. J'en-
tendis des coups de fusil dans le lointain. Je
vis termer les fenêtres et les maisons , en re-
marquant des individus qui semblaient fuir le
danger : on pouvait d'autant mieux les observer
que les rues étaient tirées au cordeau. Ne dou-
( 387 )_
tant plus que la ville ne fut occupée, je me i-,j.j.
rendis promptement à la citadelle. Je dis aux a> mi.
deux factionnaires qui en gardaient l'entrée, que
Tiain était surplis. Ils levèrent aussitôt le pont-
levis. J'allai sur le rempart, d'où j'aperçus les
cavaliers venir au galop. Je sautai sur un tison
qui servait à faire cuire une soupe j je le mis
sur la lumière d'une pièce de 56 , qui partit.
■ L'alarme fut donnée ; l'on battit la géuérale ;
les portes se fermèrent. Tous les soldats qui
étaient à l'ombre ou à dormir, se hâtèrent d'à r-
liver. Chaque fantassin se changea en canonnier.
Nous fîmes un feu d''enfer avec toutes les pièces
d'artillerie qui se trouvaient de ce côté ; les miii-
soas qui étaient vis-à-vis, furent beaucoup en-
dommagées.
Le général Fiorella , commandant la forte-
resse , attiré par le bruit , s'emporta vivement
de ce que l'on avait tiré le canon sans ses ordres.
On lui montra l'ennemi ; il cessa de gronder.
Des militaires qui étaient en ville , ariivèrent
en grand nombre ; les uns se jetèrent précipi-
tamment dans les pahssades , d'autres dans les
fossés; plusieurs furent blessés.
Une balle ayant traversé de part en part l'es-
tomac d'un soldat de la compagnie , il eut le
courage de rejoindre en se battant.
Le feu de l'artillerie qui avait duré jusqu'à
3 heiu'es après midi , tut interrompu par un
trompette qui vint se faire entendre ; il était ac-
compagné d'un officier parlementaire; on les
( 588 )
1799- introduisit dans le fort, les yeux bandés. Peu-
AA va. dant ce temps on plaça , le long des remparts ,
une énorme quantité de fusils chargés. Les ca-
nonniers étant réunis , disposèrent les pièces ,
obusiers et mortiers. Bientôt Tordre ayant suc-
cédé à la confusion , cliacun se trouvant à son
poste , toute la citadelle prit une attitude guer-
rière.
Les Turinois paraissant , avant l'arrivée des
étrangers , s'opposer à ce que l'on abattît les
arbres qui , plantés sur les glacis , masquaient
le coup-d'œil 5 on avait été obligé de placer une
garde en avant de la porte pour protéger les
travailleurs. Ce poste , à l'entrée inattendue des
Austro-Russes , s'était précipité dans les prJis-
sades; plusieurs conscrits, n'ayant pas l'habitude
de la guerre, avaient laissé leurs havre-sacs sur
l'esplanade.
Dans ce même moment , des militaires , en
chargeant les armes , se plaignirent que du sable
ou du poussier de charbon, était mêlé avec la
poudre dans des cartouches dont les balles en
bois étaient recouvertes de feuilles de plomb.
Malgré cela , les coups de fusil et de canon al-''
laieut à bonne portée.
^'ers les quatre heures du soir , lorsque le
parlementaire fut retiré , des barbets , monta-
gnards insurgés , joints aux ennemis , vinrent
avec plusieurs bourgeois , pour s'emparer des
liavre - sacs : on leur défendit de les prendre.
Sourds aux cris partis des remparts , l'un d'eux
( 589 )
se saisit cVun sac. Aussitôt les canons, mortiers, 179(1,
obusiers, fusils de rempart, firent un Icu épou- an mi.
vantable. Toute la nuit la citadelle continua de
4irer. Plusieurs maisons de cette superbe capi-
tale furent consumées par les flammes. I^es
bombes , lancées pendant l'obscurité , étaient di-
rigées sur la tour du Taureau , sans que ce der-
nier fût atteint.
Les bâtiments environnants en souffrirent
]}caucoup par les incendies qui eurent lieu.
Le 1 1 prairial ( 5o mai ) , au matin , il fut
reconnu que l'ennemi était maître de la ville, et
qu'on cesserait le feu de ce côté.
Rapport de la position des alliés :
Turin, le 1 1 prairial (3o mai).
« Le quartier-général de Suwarow est à Tu-
» rin , où se trouve un nombreux corps de
» troupes russes et autrichiennes , chargé du
» blocus de la citadelle. Le reste de l'armée de
» Sviwarow forme un corps d'observation dans
» la partie occidentale du Piémont, pour couvrir
» ce siège. »
Nous restâmes plusieurs jours sans brûler une
amorce. Néanmoins les mineurs dont je con-
naissais le sergent-major , le citoyen Manceau ,
né à Dameri , firent sauter un mur bâti en tra-
vers du fossé des fortifications , dont j'étais allé
voir les prépai-atifs avant l'explosion. Je voulais
me former une idée de ces sortes de travaux.
La torce de la poudre étant trop considérable ,
( ^90 )
1799- il eu résulta que des pièces de bois, ainsi que
AN vu. des pierres enlevées dans la forteresse , tuèrent
un homme et en blessèrent plusieurs. 11 me mena
aussi dans les souterrains où je vis les galeries :
les mines étaient alors chargées.
On prétendait, dans la garnison, sans pouvoir
le vérifier, que les Austro-llusses , pour com-
mencer les ouvrages du siège , lirent réunir
beaucoup de matelas sur la place Saint-Charles ;
que , pendant la nuit , moitié des soldats eu
portait, tanfhs que l'autre portion était chaigéo
d'instruments aratoires. On mettait un rang
de matelas , un lit de terre de la même épais-
seur. Au jour, nous découvrîmes seulement une
levée tort alongée , qui partait de la ville, le long
des arbres , sur la route de Rivoli.
Le matin , à la vue de ce retranchement , ou
tira beaucoup pour inquiéter l'ennemi. Plusieurs
Français de garde sortirent ; une fasOîade s'en-
gagea dans la plaine ; mais les divers partis ren-
trèrent peu à peu dans leurs positions respec-
tives.
Nous restâmes , dans cet état , sans qu'il y eut
d'affaires importantes ; cependant la garnison lit
queljues sorties audacieuses.
Le 28 prairial ( 16 juin ), les lignes de cir-
convallation étant achevées , la tranchée tut
ouverte.
Le 29 ( T 7 ) , les alliés commencèrent le siège
à la pointe du jour, au moment d'une forte pluie.
Dans la chambre où je logeais, étant couché k
côté de la porte, je prévins mes camarades du 1-09.
siilleraent des boulets. >iy vu.
Nous étaui levés , nous courûmes sur le rem-
part. Je revins ensuite; je trouvai mon lit cou-
vert de plus d'un toml^ercau de décombres qu'un
boulet avait jetés en perçant le mur. Je ramassai
à la hâte les papiers de la compagnie , ainsi que
mes bardes , et me retirai sans plus tarder. En
sortant , je remarquai que le balcon formant
galerie, avait été coupé par une bombe. Comme
ïa rampe était en fer , je m'y cramponnai et m'en
allai sans accident. En traversant la cour , un
projectile vint tomber sur un arbre, emporta
mie esquille qui me frappa légèrement à l'ins-
tant de la détonation. Je portai mon paquet dans
un appartement du donjon , où tout le batail-
lon de la 107'"*" avait ordre de se réunir. Les
hommes y étaient tellement pressés , qu on ne
pouvait s'asseoir. Un boulet y entra par la ie-
nctre , cassa la jambe à un sergent qui poussa
des cris navrans. On boucha en partie avec des
sacs de terre cette seule ouverture ; mais , peu
aj)rès, la chaleur concentrée de la troupe pro-
. duisit une odeur infecte qui fit beaucoup souf-
frir.
Il n'y avait dans la citadelle qu'un blindage
(blinde), qui se trouvait rempli. Les endroits
à l'épreuve de la bombe étaient insuffisants pour
la garnison et les otages détenus parmi nous.
Les 99 et 5o prairial (17 et 18 juin, le feu
de l'ennemi fut bien nourri, presque sans in ter-
„ ( ^0^ )
i-Qf). r'wption. La salle crartilice sauta; des lambeaitX
Aï, VU. d'hommes furent jetés çà et là dans la place , et
les restes --ensevelis sous les ruines j firent de ce
lieu un horrible charnier. Les batteries presque
toutes démontées^ avec perte d'un grand nombre
de canonniers , d'officiers d'artillerie , se trou-
vèrent éteintes après 29 heures de bombarde-
ment continuel.
Le 1*^' messidor ( 19 juin) , on entra en pour-
pai"ler : alors on cessa de tirer de part et d'autre.
On se vit à même d'observer les terribles eficts
du siège.
Ou aperçut , comme une chose extraordinaire ,
tm caporal de garde couché à terre pour éviter
une bombe qui , en éclatant , l'enleva dans les
airs à une distance étonnante , d'où il retomba
par lambeaux.
Un sergent-major , rassemblant des hommes
de service , fut étendu mort par un projectile
qui passa si près de , lui , sans le toucher , qu'il
hû coupa la respiration.
La femme du nommé Meunier , soldat à la
5™^ compagnie du bataillon de la 107"'^ donna,
pendant le siège, une preuve de courage et df;
force au-dessus de son sexe. Cette vivandière
allait, de poste en poste, distribuer son eau-
de-vie gratis à ceux qui n'avaient point d'argent ,
afin de les ranimer. Elle ne laissa aucun blessé
sans le secourir. Quand un homme affaibli par
la perte de son sang, était hors d'état de se
battre et de se rendre à l'infirmerie, cette mèie
( 'ip )
des militaires le prenait sur ses épaules ; elle 170).
traversait la place avec ce précieux fardeau , bra- an vu.
Tant mille fois la mort parmi les grenades et les
boulets, sans qu'il lui arrivât aucun événement
fâcheux.
Le magasin principal était si rempli de poudre,
que Ton craignait que les bombes des assié-
geants, sur lequel plusieurs étaient tombées, n'y
missent le feu ; que dans son explosion il n'en-
Yeloppât sous ses décombres , la citadelle avec
ime partie de la ville. Il en restait encore qua-
rante mille quintaux après le bombardement.
Dans la nuit du i*^"^ au 2 messidor (19 au 20
juin), à onze heures du soir , les parties belligé-
rantes n'ayant rien conclu , le siéee recommença
avec une nouvelle violence, et dura toute la
nuit. Les bombes , les boulets , les obus , les
grenades , firent im ravage abominable.
Dans la matinée du 2 (20), tout était prêt
pour tenter l'escalade. Le feu de la nuit avait
éteint entièrement ceux de la citadelle , dont
l'artillerie avait été réparée pendant le repos. De
larges brèches existaient aux fortifications. Les
assiégés ne pouvant plus résister, se trouvaient
dans la situation la plus critique. On convoqua
un conseil de défense.
On débitait pour nouvelles, entre les soldats,
que chaque Austro-Russe en montant à l'assaut
devait avoir sur la tète , en forme de casque ,
ime espèce de ruche d'osier, pour le garanti.i'
des coups que les Français devaient porter, et
(5o4)
i;qo. qu'indépenrlammcnt des grenades et des matières
Ay vil. combustibles dor.t on tait usage en pareille cir-
constance , il était convenable de frapper sur
les alliés plutôt d'estoc que de taille.
Pendant que l'on réglait le sort de la garni-
son , les casernes furent réduites en cendres.
Un magasin contenant une énorme quantité de
tentes et de marquises , se trouva incendié par
les projectiles qui y étaient tombés. Quand le
vent s'y engouîîrait , il en sortait tout - à - coup
une flamme qui s'élevait à une hauteur déme-
surée ; lorsqu'il ne faisait point d'air , la toile ou
le coutil paraissait éteint. A la moindre agitation,
le brasier et la fumée se ranimaient avec une
grande force.
Les deux partis, après de longs pourparlers
et de grands débats, arrêtèrent les articles d'une
capitulation. Des officiers ennemis venus dans
la citadelle , annoncèrent qu'il avait été employé
au si<^ge 5oo bouches à feu. Ils avaient tiré ,
pendant environ 48 heures, 45,ooo coups sur
la place qui , écrasée , se rendit.
Voici les conditions qui furent conclues à ce
sujet :
Capitulation de la f^ajmison de la citadelle dr
Turin , entre le lieutenant - ^e'ne'ral harori de
Keims , au service de Sa Majesté l'Empereur
et Roi j et le géne'ral Fiorella.
'<■ Demande. Art. F' . La garnison sortira avec
» armes , bagages , chevaux , par la porte du
( ^9^ )
i> Secours , et il lui sera fourni le nombre de voi- i"99.
» tures nécessaires pour le transport de ses efiets. a.\ vu-
» Ri^ponsc. La garnison sortira avec les hon-
» neurs de la guerre par la porte du Secours ,
» mettra bas les armes sur les glacis , et pourra
>/ retourner en France, sur sa parole de ne pas
» servir contre les troupes de Sa Majesté impé-
» riale et royale , de même que contre ses alliés
» jusqu'à l'échange ultérieur ; elle conservera ses •
» bagages ^ chevaux et eflets particuliers. Le
» général commandant la citadelle, son état-ma-
» jor, les chefs et tous les effets de l'artillerie,
» du génie, des sapeurs sans troupe, et tout
). l'état-major de la place resteront , d'après le
» sacrifice qu'ils ont fait de leurs personnes ,
M pour effectuer le libre retour de la garnison
)> en France , prisonniers de guerre , et surtout
» conduits en xlllemagne jusqu'à leur échange ;
» ils pourront conserver leurs épées , équipages
» et effets a eux appartenant.
» Dem. II. Elle sera rendue sur parole, et,
» à cet effet , il lui sera accordé une escorte suîfi-
* santé.
» Rép.. Comme ci-dessus, et accordé sans diffi-
» culte relativement à l'escorte.
n Dem. III. Elle sera escortée jusqu'aux avant-
» postes de l'armée française , par les troupes
» autrichiennes , et aux postes les plus pro-
» chains.
n Réf. Accordé.
« Dem. I\ . Il sera permis à la garnison d'oc-
I. 2(3
(396)
^799- " ^^^V^^' encore la citadelle pendant huit jours ^
AN VII. » pour les dispositions à prendre relativement
« à son exécution , et, pendant ce temps , les offî-
» ciers pourront aller en ville pour leurs affaires
» particulières.
» Rép. La garnison sortira le 22 juin ( 4 mes-
» sidor ) , de grand matin , pour être conduite
)) en France; les portes de la citadelle seront
» remises , après la signature de la capitulation ,
» aux troupes autrichiennes. Les officiers , corn-*
» missaires et autres individus nécessaires à la
» reddition des effets militaires et autres comptes,
)) pourront rester le temps indispensable aux opé-
» rations.
» Dem. V. Les malades et blessés seront soi-
i' gnés jusqu'à parfaite giiérison , et ensuite ren-
» voyés en France , aux termes de la capitula-
» tion.
» Rrp. Les malades et blessés seront soignés
» jusqu'à parfaite guérison, et traités de même
» que le reste de la garnison.
») Dem. VI. Les effets des militaires qui pour-
n raient être déposés soit en ville, soit sur le
» territoire occupé par l'armée autrichienne ,
)) pourront être réclamés avec la protection de
» M. le général , qui s'engage aux démarches
>' nécessaires pour l'exécution du présent article ,
» sans s'obliger cependant à faire représenter ce
» qui pourrait avoir été soustrait.
» R(-'p. Les efï'ets particuliers appartenant en
» propre aux officiers , et déposés en la ville de
( ^97 )
>> Turin, soit dans le territoire, leur seront i-rjr).
» rendus sur leurs rcclaniations , autant qu'ils a> vi:;
» n'auront pas été soustraits ; mais il sera de
» même rendu réciproquement aux officiers pié-
» montais les elîets à eux appartenant, qui se
» trouvent dans la citadelle.
» Dem. TII. Les approvisionnements de bou-
)> elle et de guerre , outils et elîets militaires ,
j) seront remis sur inventaire.
» Rép. D'accord ; mais bien entendu que dans
» ces effets militaires seront compris tous les
» plans , cartes et instruments de génie et de l'ai'-
» tillerie qui se trouvent .dans la citadelle , de
n même que les archives y appartenantes.
» Dem. Vin. Il en sera' dé même pour tout
» ce qui sera relatif à l'artillerie et armement
» quelconque.
w Rép. Comme ci-dessus.
» Dem. IX. Les otages détenus à la citadelle
» pour la sûreté des patriotes , seront remis , et
» ceux qui pourraient être détenus dans la ville
M pour cause d'opinion , seront aussi délivrés de
» la part de M. le général , et ne pourront être
M poursuivis dans aucun tribunal civil ou mi-
» li taire.
w Re'p. Les otages détenus dans la citadelle ,
n seront mis en liberté d'abord , après la signa-
M lure de la capitulation. On ne peut satisfaire
)» au reste de l'article , le commandant militaire
» autrichien n'ayant fait arrêter personne.
» Dem. X. Le commissaire des guerres , les
2G.
( 598 )
'799 ' " personnes attachées aux administrations et îéS
Aw vil . » non - combattants , pourront se rendre où ils
)) le jugeront convenable.
» Rép, Accordé.
» Dem. XI. Aussitôt l'acceptation de la pré-
» sente , il sera permis à un ollicler de la gar-
» nison de se rendre au quartier - général du
» général Moreau , par le chemin le plus court
V et sûrement accompagné.
» Rip. Accordé.
» Dem. XII. Les articles qui pourraient souf-
» frir quelques difficultés, seront interprêtés en
» faveur de la garnison.
» Rep. Les articles qui pourraient souffrir
» quelques difficultés , seront assujétis à des
n éclaircissements réciproques , et décidés à l'a-
» miable.
» Dem. XIII. Au moyen de la présente , le
» général commandant remettra la citadelle en
» bon état , et sans aucunes détériorations autres
» que celles occasionées par le siège.
Articles additionnels.
» Dem. XIV. Toutes caisses militaires appar-
» tenant à la République française, cisalpine ou
» au gouvernement piémontais , seront rendues
» fidèlement.
» Rep. Il ne s'en trouve aucune quelconque.
>y Dem. X^ . D'abord , après la signature ré-
w ciproque de la capitulation, il sera donné, de
» part et d'autre , un ou deux officiers en otage y
(3c>9)
» jusqu'au moment de révacuation entière de i-qr).
w la citadelle par les troupes françaises. a> vu
» R(^. Convenu.
» Dem. XVT. Il sera fait copie double de la
» présente capitulation, ratifiée de part et dVu-
» tre , et échangée au premier moment de son
» exécution.
» Fait et signé à Turin , le 2 1 juin ( 5 mes-
» sidor).
» Signé le général Fiorella,
» et le baron Keims. »
Rapport des opérations du siège de Turin ,
du 8 prairial au 1 messidor de la République-
française , une et indivisible ( pendant le même
espace de temps du 27 mai au 20 juin) (i).
Le 20 juin (2 messidor).
« Les puissances coalisées accélérèrent leurs
» mouvements en voyant la chute du trône à
» Turin : l'abdication forcée de ce monarque
» fît resserrer davantage les noeuds politiques qui
» alliaient les souverains entr'eux. Le général
)) Suwarow, commandant les armées combinées,
)) obtint , pendant tout le printemps de 1799
» (an 7), des succès continuels en Italie. Paiti
)) d'Alexandrie , ce général marcha directement
)) sur Turin, qu'il trouva investi par deux divi-
)) sions , l'une commandée par le général Wu-
)) kassowich , et l'autre par le prince Bagration
)) et par une foule de paysans insurgés. La ville
(1) Dictionnaire lustorique des batailles.
^'
( 4oo )
'709- ^' ^"^ canoniiée dès le 27 mai (8 prairial), par
i> vu. )' seize pièces de fort calibre , et sommée de se
'' rendre. C'était pendant la nnit. Les Français
» y avaient établi pour commandant le général
» Fiorella , qui refusa de la rendre. 11 se dis-
» posa au contraire à la plus vigoureuse défense ;
>j il déclara la ville en état de siège , et adressa
>j aux habitants une proclamation pour les exciter
» à le seconder.
« Le général Karacksay , commandant une di-
D vision russe, prit aussi position en avant de la
» CJiartreuse. Le général Fiorella répondit au
» lèu des assiégeants par un feu bien nourri.
» Alors on bombarda la ville ; quelques maisons
» de la porte du Pô furent incendiées ; le peuple
)) se souleva, et les bourgeois armés qui gardaient
5> cette porte, profitant du tumulte, l'ouvrirent
» aux alliés. La garnison de Turin était forte de
« 5,000 hommes français et cisalpins, et, se voyant
« surpris, ils se retirèrent avec précipitation dans
» la citadelle. La ville fut occupée par la divi-
>) sion du général Kaim; les dehors de la cita-
is dclle par le prince Bagration, et les généraux
» Zoph etFroelich, qui firent camper leurs di-
« visions sur la route de Turin à Pignerol. Cent
» dix - huit pièces tirées de Suze , deux cents
w pièces de moindre calibre , une quantité im-
>) mense de munitions de guerre et de bouche,
» turent le fruit de cette prise. C'est au général
)) autrichien Kaim que Suwarow confia la direc-
» tion du siège de la citadelle.
(4o. )
» Tout le Piémont occupe , et le gain de la inc^g.
■» bataille de la Trébie , turent pour le gcucral a« vu.
M Kaini un motif de plus d'encouragement , en
cherchant, par un prompt succès, à répondre
« à la conliance de Suwarow- Le i6 juin (28
)) prairial ) , on eut terminé les approches , et le
» lendemain il fut lancé sur la citadelle le feu
)) de deux cents pièces de canon , mortiers ou
» obus : ce feu continua dans toute sa première
» vivacité pendant deux jours. Les assiégés
» eurent beaucoup à souffrir, plusieurs batteries
» furent démontées , et un grand nombre d'oi-
» ficiers d'artillerie et de canonniers perdirent
M la vie. La troisième parallèle fut achevée sans
« aucun obstacle. Mais enfin le gouverneur
» demanda à capituler , après un feu redoublé
M et des plus terribles , de vingt - neuf heures
)) consécutives.
■>r A la première demande de capitulation , des
i) conférences eurent lieu , mais sans résultat.
'' Alors le feu recommença plus vivement qu'au-
)) paravant ; il se soutint toute la nuit du 19 juin
^ ( i" messidor). Les assiégés répondirent à
» mitraille et tuèrent beaucoup de monde aux
» alhés. Le lendemain les Russes étaient prêts
» pour tenter l'escalade. Déjà tous les feux étaient
» éteints , les batteries démontées , les magasins
» détruits; la garnison, composée presqu'en en-
)) tier de Piémontais , abandonnait les murs et
)) refusait le service , lorsque le général Fio-
» relia se vit forcé , dans cet état de choses ,
^ ( 402 )
ifjqr). » d'accepter la capiliilation que le général Kaîm
AS vil. » lui offrait. La reddition de cette citadelle a
» fait hasarder beaucoup de conjectures : elle
)) fut promptement effectuée.
w Le gouvernement français avait commencé
» à s'habituer à ne trouver nulle part d'obstacle
» à ses desseins , et l'on supposait facilement
-» la trahison, lors même que des obstacles in-
» vincibles n'avaient pu être surmontés. Le gé-
» néral Fiorella justifia pleinement sa conduite,
» en alléguant que la capitulation avait été for-
); cée par la prompte défection des canonnicrs
>> piémontais , qui refusaient le service , et lais-
•» saient librement les assiégeants construire leurs
» batteries , et diriger par conséquent leurs feux
ï) sans obstacles. »
(4o3)
CHAPITRE LVI
Le 4 messidor ( 22 juin), au matin, on rendit i^gg.
la citadelle que l'on évacua. Le bataillon de la aw vu.
107"^® étant sous les armes, la place occupée par
les Autrichiens en bataille, chaque peloton sortit
à son tour. Comme fourrier , je remis le contrôle
à nn officier allemand. La compagnie s'arrêta sur
le glacis , et , après l'appel , elle déposa en fais-
ceaux les fusils , sabres et gibernes , devant les
Austro-Rnsses.
On défilait , entre deux haies , devant l'ennemi
dont la musique des corps jouait différents airs
analogues à la circonstance, et qui n'avaient pas
de charmes pour nous.
Hors de la ville, à la porte Susine, il y avait
un grand nombre de barbets , qui n'attendaient
que le moment de nous tomber sur le corps. Ils
brandillaient leurs stylets , en jurant le houzaron
( bousaron ) ! Heureusement qu'un détachement
de cavalerie autrichienne , chargé de nous escor-
ter , montra beaucoup de fermeté, et, par ses
dispositions militaires , dissipa la populace que la
curiosité et l'espoir du pillage avaient attirée. Si
je n'avais pas vu ces forcenés, j'aurais été auto-
( 4o4 )
1 ;()(). risé à dire ces paroles italiennes : « Non posso.
,\y vu. ci'ederlo (i). »
jNous remarquâmes alors les lignes, les canons,
les mortiers , les obusiers qiii avaient servi à fou-
droyer la forteresse.
II y avait une batterie que je ne connaissais
pas dans l'artillerie française : c'étaient de petits
tnbes rangés en ligne de i^ , où l'on mettait des
' grenades que l'on envoyait par le moyen d'une
trace de poudre. On faisait précéder et suivre
cette détonation par des bombes ; de sorte que
ces globes , en éclatant , présentaient Tefiet d'une
volée de pigeons : ils faisaient beaucoup de ta-
page, mais peu de mal.
On estimait alors les restes de la garnison à
2,5oo hommes. Il y avait eu, pendant le cours
du siège, 5oo individus tués, blessés, prisonniers,
déserteurs ou malades (2).
(1) « Je ne saurais le croire. »
(2) Voici ce qui a été écrit relativement à la garni-
sou , pour être à même de le comparer avec ce qui a
été dit précédemment :
« La citadelle de Turin (*) fut la première des places
» de l'Italie , qui tomba au pouvoir des alliés. Kaim
y> n'avait avec lui que sa seule division , quelques batail-
» Ions russes, et cinq à six mille paysans insurgés , presque
» (ous employés aux travaux de tranchée. Le général au-
« trichien , excité par les pressantes recommandations du
»> généralissime, redoubla d'efforts pour soumettre la
» forteresse qu'il assiégeait. Malgré plusieurs sorties au'
(*) Victoires et Conquêtes.
( 4o5 )
Nous fumes conduits sur la route de Rivoli ; inqq.
après avoir traversé Avilliane, nous arrivâmes à an vu.
» dacieuses de la garnison , les lignes de circonvallation
» étaient achevées, et la tranclie'e ouverte le i6 juin
» ( 28 prairial ). Le lendemain , 3oo bouches à feu coui-
» niencèrent , sur la place, un feu nourri qui continua,
» presque sans interruption , le 18 et le 19 ( 3o prairial
» et 1*"^ messidor. Le général Fiorella sommé de se
)) rendre , suivant 1 usage , avait répondu négativement ;
)) mais les batteries de la place ayant été presque toutes
» démontées , avec perte d'un grand nombre de canon-
» niers et d'officiers d'artillerie , la troisième parallèle
fl fut alors achevée sans obstacle , et , après 29 heures
» d'un bombardement continu , Fiorella demanda lui-
« même à capituler. Il y eut .d'abord des conférences
» sans résultat. Le 20 ( 2 ) , à onze heures du soir , le
» feu recommença avec une nouvelle violence, et dura
» toute la nuit. Les bombes et les boulets firent un ra-
» vage épouvantable. Les assiégés qui avaient rétabli leurs
M batteries , ripostèrent par des décharges à mitraille qui
» tuèrent beaucoup de monde dans les ouvrages de tran-
» chée. Dans la matinée du 21 ( 3 ) , tout était prêt
» pour tenter l'escalade : le feu de la nuit avait démonté de
y) nouveau les batteries de la place , et fait de larges brèches
» aux fortifications. Tous les feux étaient éteints ; la gar-
» nison abandonnant les remparts et refusant le service ,
» Fiorella se trouvait dans la situation la plus critique.
» Enfin, après de longs pourparlers et de grands dé-
« bats , les deux partis arrêtèrent , le 23 ( 5 ) , les av-
y> ticles d'une capitulation semblable à celle qu'avaient
» obtenue les garnisons de Milan et de Ferrare [*).
(*) '( Cette capitulation de la citadelle de Turin donna Heu , dans
j) le temps, à de graves inculpations, qui forcèrent le général Fio-
3) relia à entrer dans des détails justilicatiis. Il présenta , tomme une
» des causes qui Tavaient déterminé dans sa résolution de rendre la
( 4o6 )
ingf^ Saint-Georges. Nous trouvâmes, en ayant de ce
AN Vil. lieu j un bivouac de Cosaques. Les lances de
cette troupe, fichées en terre, recevant les rayons
du soleil, les réfléchissaient vers nous , ce qui
« Le même jour , des commissaires autrichiens , char-
» gés de prendre possession des magasins de la place ,
)) y entrèrent avec quelques hataillons russes , et le 24
j> ( 6 ) , les Français l'évacuèrent. Il fut aisé d'aperce-
» voir les terribles effets du bombardement. L'intérieur
» de la citadelle ne présentait plus qu'un monceau de
)> décombres. On y trouva 874 pièces de canon de tous
«calibres, i43 mortiers, 4^ obusiers , 3o,ooo iïxsils ,
» 4O5OOO quintaux de poudre , et une grande quantité
>) d'autres munitions de guerre et de bouche. On dé-
» place , la défection de la plupart des canonniers qui, presque tous
» piémoutais , désertcrent ou ref'ustrent le service. Cette défection ,
■» ùisait-il , ayant empêché la citadelle de riposter convenablement au
» feu des assiégeants , ceux-ci purent pousser leurs travaux et diriger
» leurs batteries sans obstacle. On a prétendu que les gargousses des
» canons , préparées depuis long-temps , ne contenaient qu'un tiers de
)) pondre, et que le surplus n'était que du poussier de charbon. Les car-
» touches de Tinfanterie , pareillement composées , ne contenaient ,
y> disait-on encore , qne des billes de bois recouvertes d'une feuille de
)i plomb , en sorte que les boulets n'allaient pas à plus de 5o pas , et
» les balles à aS. A la séance du conseil des Cinq-Cents, du 28 mes-
)) sidor ( 17 juillet 1799 ), Français , de Nantes , membre de ce con-
5) s«il , présenta une de ces balles , trouvée dans les cartouches des sol-
)) dats : elle était effectivement de bois, et recouverte d'une légère
» feuille d'étain ; il n'y avait de poudre qu'aux deux extrémités de la
» cartouche, le reste était rempli de sable. D'après les renseignements
)> ultérieurs que nous nous sommes procurés , nous sommes fondé.s à
» croire que ces bruits, injurieux à l'honneur du général Fiorella , qui
» d'ailleurs avait fait ses preuves, et même la démonstration oflicielle faite
3) au conseil des Cinq-Cents , n'étaient que les résultats d'une jonglerie
^' et d'une manœuvre politique du Directoire , pour faire croire que la
3> mauvaise volonté des soldats , défenseurs de la citadelle de Turin ,
» n'avait eu aucune part dans la reddition de celte place ; ce qui
:» pourtant nous parait avéré. »
( 4o- )
J^réseutait à nos regards un horizon enflammé, i-qq.
Comme ou nous les avait dépeints semblables à i^ vi>
des bai'bares, nous avions lieu de craindre leurs
atrocités. Cependant , il ne se passa rien d'atïli-
geant pour nous.
On nous logea , une partie au bivouac hors de
la ville, surveillés par une portion de l'escorte ;
l'autre partie , avec une garde autrichienne , dans
une église, sous la défense expresse d'en sortir.
Le 5 ( 20 ) ^ nous nous transportâmes à la No-
Talaise , où se trouvaient des Piémontais , que
nous regardions comme nos ennemis, depuis la
trahison des habitants de T.urin.
Le 6 (24), nous allâmes à la Ferrière , où
étaient les avant-postes de l'armée austro-russe.
Plus haut , à côté d'une voûte qui servait à
préserver les voyageurs des elTets des tourmentes,
nous y fûmes reçus par les Français que nous re-
vîmes avec satisfaction. Chaque républicain re-
mercia l'officier allemand et son régiment , de
nous avoir préservés de tous les dangers évidents
dont nous avions été plusieurs fois menacés.
Nous arrivâmes au sommet du Mont-Cénis,
d'où le point de vue vers l'Italie est enchanteur.
)) couvrit , en outre , beaucoup d'effets précieux appar-
« tenant au roi de Sardaigne (*). »
(*) « Quelques historiens ont rapporta (jue la plupart des diamants
» de la couronne sarde faisaient partie de ces objets découverts ; mais
u le fait nous paraît apocryphe. Les commissaires du gouvernement
«français, si connus par leurs rapines, n'eussent certainement p.i
« manqué de s'emparer de ces joyaux , eu supposant que le roi de Sar-
;< daigne ne les aurait [K)iut etnpoités avec lui lorsqu'il quitta Turin.
-(4o8)
1799. On est étonné de rencontrer à une si grande éîé-
AS vil. vation , un lac poissonneux , dont la truite est
fort estimée. Plusieurs observateurs ont parlé de
cette étonnante chaîne des xilpes grecques, que
le fameux Annibal a franchie pour combattre les
Romains (i).
(i) Voici comiitent ils s'expriment :
« Nous traversAines le Mont-Cénis , où l'on né trouve
» rien de curieux , à l'exception de deux cascades formées
» du côté de la Novalaise , par un torrent qui s'échappe
» des eaux du lac dont je vais bientôt parler. La plus
» élevée dé ces cascades offre îm coup-d'œil intéressant
» par la manière dont les eaitx tombent : on dirait , à
« l'égalité du volume d'eau qui succède à l'autre , qu'une .
» main attentive en verse la même quantité. Entre cette
» cascade et l'autre qui bouillonne , écume et fuit en
» se brisant avec bruit , est un plateau de peu d'éten-
y> due, mais parfaitement uni; au lieu que ce qu'on ap-
)) pelle plaine au haut de la montagne , est un espace
)) assez long , d'un terrain inégal , et qui , dans un autre
« pays , passerait pour montueux. Avant d arriver à la
» première cascade , on rencontre une voûte par où l'on
» passe quand la neige encombre le chemin. On dit qu'elle
» fut construite à l'occasion du mariage du frère de Louis
« XVI. Après l'espace d'une lieue , on arrive au village
» de la Perrière , le dernier du F'iémont. Je quittai avec
» plaisir ce pays où ne s'est point réfugié la franchise.
f) Le climat y est assez généralement beauj la terre y
« est fertile ; m\is l'habitant y est faux ; mais l'on y trouve
» des troupes de mendiants déguenillés ; mais la vengeance
» ou l'avidité mettent à chaque instant votre vie en dan-
B ger.
» Les Piémontais sont , dans l'ordre moral , ce que
» les Crétins sont dans l'ordre physique. Quoiqu'il eu
( 4o9 )
Nous nous rendîmes le même jour à Lans-Je- 1799.
Bourg. AA vil.
Ce tut de ce point que l'on put faire passer au
Gouvernement français, la capitulation que l'on
» soit , j'avoue franchement que , si jamais je retourne
« au Piémont , ce sera bien contre mon gré.
» Le village de la Perrière est dans une triste posi-
» tion : environné de montagnes , traversé par le tor-
» rent , bâti au fond d'un ravin , il renferme des hommes
» comme nous.
)) Au haut du Mont-Cénis , qui est moins une mon-
» tagne qu'un col entre des montagnes , on trouve un
)) étang honoré du nom de lac , quoiqu'il soit d'une étendue
y> très-médiocre.
» La descente est rapide et se termine au triste vil-
» lage de Lans-le-Bourg , après lequel on en trouve im
» autre plus triste encore , bâti dans un fond.
» Le Mont-Cénis , malgré sa température , offre beau-
» coup de végétaux , des prairies où croissent en abon-
y> tlance mille plantes variées. La terre est assez fertile.
» Nous avions vu en Piémont les champs déjà nus et
n dépouillés du froment qui les embellissait ; de ce côté
« du Mont-Cénis , la terre était encore parée , et la ré-
» coite n'est pas encore prête à se faire.
« Le bas des montagnes élevées , couvertes de sapins
« et de mélèses , est terminé par des champs cultivés ,
« oii l'on a semé l'avoine, l'orge, le chanvre dont le
» vert foncé pâlit encore le froment qui l'avoisine. Après
» avoir passé le village de Rreman , bâti , comme les
n deux autres, dans l'endroit le plus triste du canton,
» on traverse plusieurs lieues de pays qui m'ont fait une
» impression difficile à effacer ; le terrain s'incline sen-
» siblement ; les montagnes se rapprochent ; le fond du
« vallon s'éloigne et paraît à une distance considérable:
rt un bois de sapins , de pins , de mélèses , rend l'ombre
( 4.0 )
t-f)f). a rapportée. La lettre qui accompagna cet envoi,
an VII. était conçue en ces termes :
Lans-le-Bôurg j le 6 messidor ( ^4 juin).
« Je VOUS adresse la capitulation de la citadelle
» de Turin. Les troupes françaises qui en com-
» causée par l'éle'vation des montagnes ^ plus épaisse en-
» core. Des rocliers bleus et roses ferment la rive op-
» posée ; d'autres semblent jetés çà et là , et reposent
« sur une base étroite et inoins grande que le sommet.
» On croirait, en les voyant, qu'ils vont rouler dans le
» fond du précipice. Un bruit considérable , qui ne di-
y> minue ni n'augmente, ajoute encore à l'horreur de ce
» séjour : c'est une rivière qui tombe de rocliers en ro-
» chers ; on ne l'aperçoit qu'avec beaucoup de peine ,
» tant le ravin est profond. L'œil ne peut sonder l'abîme.
» On écoute , on contemple , oii est saisi , on croirait
» toucher au moment où quelque grande convulsion de
» la nature va confondre les éléments. Le chemin do-
» mine sur les précipices. La pente augmente , elle de-
)) vient plus rapide , on arrive au fond. Un torrent qui
)i paraît tomber du ciel, interrompt la route et sépare
» les deux montagnes ; elles sont réunies par un pont
)) rutisque qui trend>le au bruit que fait le torrent. Là, se
» trouve un bois majestueux de sapins et de mélèses qui,
« nés sur un terrain propice , lèvent leurs cimes jusqu'au
» ciel, et répandent autour d'eux une ombre épaisse. Il
» s'exhale une odeur, de résine. — Bois d'Lna, séjour d'une
» niélancolique horreur ! Vallons de Modane et St. -Michel ,
» vos torrents, vos précipices, vos rochers de toutes
» couleurs , seront long-temps gravés dans ma mémoire. »
Autre description des Alpes.
«Combien de fois, parvenus au sommet d'un mont
)) sourcilleux , nous avons vu la foudre serpenter autour
» de nous ! Combien de fois encore , arrêtés dans la ré-
(4..)
» posaient la garnison , au nombre d'environ i^cjn*
» •î,5oo hommes, ont p;issé, en partie , le Mont- ats vu.
» Cénis; aujoiirtt'Jmi et demain le reste suivra.
» ^*oilà donc l'ennemi avec de nouvelles torces
» disponibles. Les portcra-t-il vers les Alpes ?
» C'est ce qu'il y aurait lieu de présumer ; mais
» ses eRbrts et ses projets, dans ce cas , pour-
» ront être vains. DVuicotc, tout nous est fâvo-
» rable par les positions avantageuses que nous
» occupons sur ces sommets , et que la nature a
» gion des nues , nous avons vu tout-h-coup la lumière
« du jour se changer en une clarté ténébreuse ; l'air s'é-
)) paissir, s'agiter avec violence., et nous olïilr un spec-
» tacle aussi beau qu'effrayant ! Ces torrents de vapeurs
» qui passaient l'apidenient sous nos yeux , et se préci-
» pitaient dans des vallées profondes j ces torrents d'eau-
» qui roulaient en mugissant au fond des abîmes ; ces
)> grandes masses de montagnes qui , à travers le fluide
« épais dont nous étions environnés , paraissaient tendues
» de noir : les cris funèbres des oiseaux , le murmure
>) plaintif des vents et des arbres , semblaient encore
y> augmenter l'horreur de ces lieux extraordinaires. »
Etat actuel de la Montagne.
« Mont - Cénis , passage des Alpes grecques, séparant
i) le marquisat de Suze, de la Maurienne , situé entre Tu-
» rin et Chambéri , à égale distance de ces deux villes.
)) Hauteur du passage, 6,36o pieds au-dessus de la raei\
>)) Depuis i8o5 , les voitures y montent sans difficulté
11 et sans danger , par une route superbe , construite par
•A les ordres du gouvernement français. Dans une plaine
)) appelée Madeleine , on trouve un hospice organis<-
)' comme celui du Grand-Saint-Bernard, et un étang qui
» nourrit des truites estimées. »
I.
9.7
(4iO
i;f)9. » rendus inaccessibles ; de l'autre, les troupes qiu
ji?v vu. ») y sont, sont animées d'un zèle et d'une activité
» admirables, quoiqu'en partie composées de
» compagnies de conscrits; mais qui, dans les
>i diverses reconnaissances faites vers Suze, ont
V prouvé le désir ardent qu'ils ont de se battre ,
>; et de montrer que l'honneur français les anime
» de plus en plus , et que plus le danger sera
» grand , plus il ranimera leur courage et leur
*> valeur. Tel est l'esprit qui guide tous les mi-
)> liiaires qui se trouvent dans ces contrées. »
Le 7 messidor ( 25 juin ) , nous couchâmes
à Vernei.
Le 8 (2O) , à Modane. Je me rappelai l'his-
toire de la Bergère des Alpes , que j'avais lue
dans les Contes moraux de Marmontel ; mais je
n'y trouvai pas de jolies pastourelles comme
celle dont ce charmant auteur nous a donné
la description.
Le 9 ( 27 ) , nous nous acheminâmes vers
Saint -Jean de Maurienne , où nous eûmes sé-
jour.
Le II ( 29 ) , nous nous rendîmes à Aigue-
belle , où j'allai loger dans les montagnes ; la
verdure offrait à mes yeux un coup -d'oeil ra-
vissant. Les habitants furent effrayés par l'ap-
parition subite d'un ours. Chacun s'arma. L'a-
nimal s'enfuit sans causer le moindre dommage.
Dans cette contrée , comme dans beaucoup d'au-
tres lieux des montagnes , il existe des femmes ,
même des hommes, avec des goitres que J'on
( 4i5 )
dit provenir de la mauvaise qualité des eaux i-(,8.
formées par la fonte des neiges. On y rencontre \> vi.
également des individus idiots, stupidcs, con-
nus sous le nom de Crélins. On pense que le
crétinisme est l'eiTet des aliments grossiers et de
la force de Tair sm- ces êtres faiblement orga-
nisés.
Le 12 (3o) , nous couchâmes à Montmélian,
ville autrefois très-importante, dont les fortifica-
tions furent démolies.
Le i5 (i^' juillet), nous allâmes à Cliambéri,
où nous eûmes séjoin-. Je profitai de ce repos
afin de me promener aux Charmettes , qui sont
des habitations agréables auprès de la \ille , où
J.-J. Rousseau a demeuré en l'i)^.
Le i5 (5) , nous gagnâmes les Echelles que
Charles-Emmanuel II , duc de Savoie , rendit
praticables en faisant couper tout un rocher où
passe maintenant la route.
Le i6 (4)7 nous dirigeâmes nos pas du côté
du Pont-de-Beauvoisin , sur le Guyers , fron-
tière de France et de Savoie.
Dans diverses montagnes des Alpes , durant
. ce voyage , je vis quelques cascades étonnantes
par la chute de l'eau qui , en tombant des ro-
chers d'une hauteiu' prodigieuse , se divise en
une espèce de farine ou de poussière ; se ras-
semble ensuite dans la plaine pour former des
ruisseaux ou des torrents.
Le 17 (5) , nous logeâmes à la Tour-du-Piu,
où un sergent de la compagnie, originaire de ce
27.
(4.4)
inf,(j, lieu, me présenta à son oncle le curé, qui me
A?, VII. reçut fort bien.
Le 1 8 ( 6 ) , nous nous transportâmes vers
Bourgoin , où j'avais été déjà.
Le 19 (7), nous arrivâmes à Lyon; je m'em-
pressai d'aller saluer mes connaissances, entre
autres le capitaine Martinet et M. Saint - Ange.
Ces braves gens étaient dans l'enchantement de
me revoir. Sachant que j'étais en Italie _, ne
recevant plus de mes lettres, ils crurent que
j'avais péri. Les nouvelles qui parvenaient de
cette contrée étaient très-affligeantes. Quoique
le mal fût grand , les rapports étaient fort exa-
gérés ; ils portaient l'inquiétude dans le coeur de
ceux qui avaient, dans cette armée, des indivi-
dus auxquels ils s'intéressaient. Nous eûmes sé-
jour, que j'employai à resserrer les liens de l'a-
mitié que ces bous compatriotes m'avaient té-
moignée.
Le 21 (9), nous nous dirigeâmes vers Saint-
Simphorien.
Le 22 (10), nous arrivâmes à Montbrison ,
comme terme de notre route , afin de prendre le
repos dont nous avions si indispensablemeut be-
soin.
( 4.5 )
^^^ ^^ ^^ s^^ ,^^,^^ ^^ •i^T*'^^ ^^^«^^■^^•^^^^^■^y^^y^.^^vy'vy-^^ ^^ 1^^
CHAPITRE LVIL
Le 5 tliermidor ( a5 juillet ) , la marche m'ayant 1^,0^.
beaucoup échauffé , je tombai malade. Je me dé- j^^- vu.
cidai à demander uq billet d'hôpital , qui me fut
accordé avec une voiture , tandis que le bataillon
de la 107"*^ recevait, aux termes de la capitula-
tion de Turin , l'ordre d'aller a Angers , dans le
rayon appelé la Vendée , pour comprimer la
chouannerie , ne pouvant , avant d'être échangé ,
faire la guerre contre les puissances alliées. Je
quittai donc Montbrison , alîn de me diriger vers
SainL-Simphorien.
Le 6 ( 24 ) 5 je g^S'^'^^ Lyon , où je parvins de
bonne heure. Avant d'entrer à l'hospice, je visi-
tai le capitaine de vétérans qui m'avait si bien
accueilli j il me présenta au médecin : ce der-
nier m'accorda une convalescence de six mois avec
une voiture pour me rendre chez mon père , afin
d'y respirer l'aii- natal , seul moyen que l'on pen-
sait désormais être convenable pour me rétablir.
Le II ( 29 ) , j'allai à la voiture : nous partîmes
pour MUefranche , qui ne consiste que dans une
seule rue de 1,200 pas, sans compter les fau-
bourgs.
( 4'fi )
i-9g. Le 12 ( oo ), je me dirigeai vers Mâcon, dont
4-% vu. la populaiioii est de io,4o8 habitants.
Le i5 (5i), je logeai à Tournus , où je vis
fabriquer des cordes à violon.
Le i4 ( i*^'^ août ) , je me transportai à Châlons^
sur-Saône, que je parcourus avec intérêt pendant
le séjour que j'y fis.
Le i6 ( 5 ) , je me mis en route pour le bourg
de Chagni, qui a des fabriqvies de serge.
Le 1 7 ( 4 ) 7 je couchai à Beaune , lieu agréable,
qui a un magnifique hôpital.
Le i8 ( 5 ) , je m'acheminai vers Nuits , où Ton
récolte les fameux vins de Bourgogne.
Le 19(6), j'arrivai à Dijon , qui est un des
plus considérables chefs-lieux de départements de
France, Je m'y promenai en observateur; je vi-
sitai les monuments publics ; j'assistai au spectacle,
comme je ne manquais jamais d'y aller dans les
endroits où se trouvaient des comédiens.
Le 21 ( 8 ) , je passai la nuit à Chanceau ,
bourg qui n'a rien de remarquable.
Le 22 (9), je traversai Châtillon-sur-Seine.
Etant parti de grand matin , j'arrivai à Bar de
bonne heure. J'observai ce qu'il y avait de plus
curieux à voir. L'entrepreneur chargé du service
des transports militaires , cédant à mes désirs de
me rendre à Troyes le même jour, fit atteler un
cabriolet de poste , me donna son fils qui me con-
duisit rapidement, et qui m'accompagna partout.
La promptitude avec laquelle nous limes la route,
îne donna le temps de parcourir 1 ancienne capi-
(4i7)
taie de la Champagne, qui possède une biblio- inqci,
thèque publique. an vu.
Le 25 ( I -2 ) , m'étant reposé trois jours , je par-
Us pour Ai'cis-sur-Aube , où je me trouvai par un
temps superbe.
Le 26 ( i3), je logeai à Sommessous, village
dans une plaine immense de la Champagne-Pouil-
leuse.
Le 27 (14)5 je restai à Châlons-sur-Marne.
Pendant le séjour que j'eus dans cette ville, je me
présentai chez M. Collardeau, qui était en voyage,
mais dont l'épouse et les demoiselles me reçurent
parfaitement bien.
Le 29 ( 16 ) , j'arrivai à Epernai , où je me pré-
sentai chez ma beUe-mère; elle avait acquis ce
titre depuis le 24 fructidor an 6 (10 septembre
1798).
Le surlendemain i^'" fructidor (18), étant à
Dameri , j'embrassai mon père ainsi que toute ma
famille.
Je vécus de la manière la plus tranquille. Je
m'occupai, dans le commencement, de la langue
allemande ; mais au bout de quelques jours , je
cessai de m'y attacher, parce que je n'en pré-
voyais plus l'utilité. Quand je l'abandonnai, ce
fut pour m'appliquer entièrement à la langue
française, dans laquelle j'éprouvais souvent des
difficultés pour rendi-e mes idées ; ayant tellement
entassé des mots étrangers , allemands , hollan-
dais et iialieas dans ma tête, que je ne pouvais.
ijgg. trouver à propos les expressions dont j'avais be-
jvJi vu. soin.
Le 8 fructidor (20), je prévins mon capitaine
de mon anivée chez mes parents, en lui annon-
çant que j'y resterais pendant six mois, pour
jouir de la convalescence que j'avais obtenue. J'en
agis de la sorte, afin de ne pas donner à la 107"^^"
l'occasion de me rayer des contrôles , comme cela
m'était arrivé au 4"'^ bataillon de la Marne , pour
six jours de retard en sus de ma permission.
Le i5 ( i*"*^ septembre), mon père, sa femme,
le frère de ma belle-mère et moi , nous partîmes
tous les quatre en voilure pour nous rendre à
Montmort, où nous dînâmes. Le même jour nous
couchâmes à Sézanne , qui existait du temps de
César. Nous nous promenâmes par un temps
fort agréable , pour admirer la ville ainsi que ses
alentours.
Le 16(2), nous gagnâmes Villenauxe , qui a
2,800 hal)itants.
Le 17 ( 5 ), nous arrivâmes à Provins. Ce fut
dans cette ville que l'on apporta les premières
roses de l'Orient; on les a tellement multipliées ,
qu'aujourd'hui on en fait un giaud comnierce
pour la parfumerie.
Le 18 (4)7 nous allâmes à Cessoi, dans luie
jolie campagne , à côté de Montereau. Un frère
de ma belle-mère et plusieurs anciens moines s'y
étaient adonnés à l'enseignement de la jeunesse.
Aoiis restâmes huit jours dans cette agréable
demeure.
(4'9) ^
Le aG ( 12 ), nous nous mîmes en route pour i^po-
Provins. an vu.
Le 27 ( i5), pour la Ferté-Gauclier , qui est
sur la rivière de Morni.
Le 28 (14)7 nous nous rendîmes à Montmi-
rail , où nous achetâmes quelques petits ouvrages
de coutellerie qui ont de la réputation.
Le 29 (i5), nous nous acheminâmes vers
Dormans.
Le 5o ( 1 6 ) , nous arrivâmes à Dameri , où se
termina notre voyage qui avait été aussi agréable
qu'amusant.
J'allai à Reims, à Ai, à Plivot, visiter des pa-
rents et des amis.
N'ayant point reçu de réponse à la lettre que
j'avais écrite le 8 fructidor (20 août) , pour pré-
venir de mon arrivée, j'adiessai celle-ci :
Le fourrier à la 5"^^ compagnie du 2"^^ batail-
lon de la 107^^^^ demi -brigade de ligne,
Au citoyen Marie Beaurain^ commandant la-
dite compagnie , a Angers.
Mon capitaine,
« J'ai eu l'honneur de vous rendre compte ,
r^ qu'étant sur le point d'entrer à l'hôpital de
» Lyon , j'ai obtenu un certificat de convalescence
)> pour six mois, afin d'aller respirer l'air natal.
» Je vous annonçais que j'étais dans ma famille ,
» où je mets en usage tous les remèdes conve-
» nables à ma prompte guérison. J'ignore si ma
M lettre vous est parvenue.
( 4^0 )
Ï799- " Si ce n'était pas abuser de votre complaisanGe^ Il
AN MI. » je vous prierais de me donner de vos nouvelles,
» ainsi que de celles des sous-officiers sous vos
» ordres; je vous serai infiniment obligé de les i
» assurer tous de mon affection sincère.
» J'ai l'avantage de vous saluer avec le plus
» profond respect, et d'être,
» Mon capitaine,
» Votre très-humble serviteur et concitoyen ,
* iS/gne BoiVNART.
A^ vin. B Dameri , le 1 1 vendémiaire ( 3 octobre). »
Ma santé étant délabrée , je fis usage des bains
de cuve; j'en pris deux par jour. Avec le temps,
j'en comptai jusqu'à /^.o qui me produisirent un
bien sensible , en fortifiant mon estomac affaibli,
par les fatigues et les privations à la guerre.
Mon père ayant vendu du vin à un particulier
qui demeurait auprès de Soissons , n'en ayant
point de nouvelles, apprenant qu'il était insol-
vable, jugea à propos de m'y envoyer pour lui
faire résilier le marché.
Le 1 7 vendémiaire ( 9 octobre ) , je partis avec
le commissionnaire qui avait procédé à l'achat.
Nous nous mîmes en route pour Châtillon-sur-
Marne. Le soir , nous couchâmes à Fère-en-Tar-
denois, gros bourg oîi l'on fait un commerce de
saboterie , tannerie et bonneterie.
Le 1 8 (10), nous nous rendîmes à Soissons ,
ancienne et belle ville ; nous passâmes notre temps
au spectacle et en fêtes, avec plusieurs individus
( 42> ) _
de la connaissance de mon père ainsi que de mon ingr).
compagnon de voyage. ak vm.
Le 19 ( 1 1 ) , nous allâmes chez le marchand ,
où , par un sous seing-privé , nous kii fîmes an-
nuler ses acquisitions.
Le même soir, étant en voyage, nous revînmes
toute la nuit. Nous vîmes, vers une hem'e du
matin , un météore igné , d'une grande beauté ,
qui, s'étant formé dans la région supérieure en
boule de feu , vint s'éteindre auprès de nous avec
une forte détonation.
Le 20 ( 12), nous arrivâmes à Dameri, vers
deux heures après midi, le jour de la décade.
Je reçus dans son temps lu lettre ci-après :
a,i™^^ division militaire. — Armée d Jw^leterre,
Département de Maine-et-Loire.
Liberté. — • Egalité.
Ardent amour pour la République.
A Beaucite (Saint-Georges-sur-Loire), ce 4 nivôse (sS
décembre) de la république française, une et indivisible.
Marie Beaurain , capitaine commandant la 5™^
compagnie du 1^^^ bataillon de la 107""^ demi-
bjigade de ligne ,
Au citoyen Bonnart , fourrier de ladite compa-
gnie y à Dameri.
« Il y a quelques jours, citoyen, que m'est
» parvenue votre lettre du i ï vendémiaire ( 3 oc-
» tobre). Vous êtes sans doute surpris du retard 5
'> mais nous essuyons souvent ce désagrément ,
)) par l'interruption que les Chouans mettent au-
( 4^^ )
1799- ^* jouidliui sur les routes. Je viens même d'en
Ali vm. » recevoir datées du mois de germinal ( mars ) .
» Il m'a été dit que vous veniez d'être admis
)) dans un bataillon auxiliaire ; si cela était , je
)) vous prierais de me le mander : car vous ne
)) doutez pas que votre absence n'apporte beau-
)) coup de retard dans le service. Je connais par-
» faitement votre indisposition • certes , j'y prends
-» toute la part possible , et je puis , dans ce cas ^
» avoir patience. Mais si vous étiez employé, vous
» auriez tort de laisser la place vacante par votre
» silence à m'en instruire.
)> Si vous eussiez été au corps, vous seriez
» peut-être sergent ; de là sergent-major. D'après
» les nominations qui ont eu lieu, vous devez
)) penser que votre absence vous porte préjudice.
» Vos camarades se joignent à moi, pour dési^
5> rer votre prompt retour.
» Votre ami et concitoyen,
» Signé M. Beaurain. »
1800. Le 2 pluviôse (22 janvier), quoique mon
congé de convalescence n'expirât que le 11 (5i),^
j'obtins le visa de mes titres pour me mettre en
route.
( 4^3 )
CHAPITBE LVIII.
Le 5 pluviôse (aS janvier) , je fis mes adieux iSou.
à mes parents et à mes amis. Mon frère Georges an vui.
m'ayant conduit en carriole jusqu'à Cliàteau-
Thierri , nous allâmes voir la maison qu'a ha-
bitée le fabuliste La Fontaine. Nous passâmes la
soirée amicalement.
Le 4 ( ^4) 5 je pris la petite diligence par la
Ferté-Sous-Jouarre, où se fait un grand com-
merce de meules à moulin, et je couchai à
Meaux.
Le 5 ( 25 ) , je me rendis par Claie à Paris.
Je descendis à l'hôtel du Mail, auprès de M. Col-
lardeau qui me reçut fort bien . Il y mettait d'au-
tant plus de bonne volonté , que c'était la pre-
mière fois que j'allais dans cette grande cité, et
que je voyais en beau tout ce qui frappait mes
regards.
Pendant mon séjour , je visitai quelques con-
naissances et plusieurs compatriotes. Je désirai
connaître ce que cette ville avait de plus intéres-
sant. Comme j'avais lu le Tableau de Paris par M.
Mercier, et le Guide du Voyageur dans la Capi-
tale , j'étais flatté d'en faire la comparaison. En
( i-A )
1800. conséquence , je parcourus tous les lieux qui I
j^y viu. pouvaient m'offrir quelc[u'attrait.
Mon cousin et moi , nous mangeâmes plusieurs
fois chez le restaurateut- , où je lisais avec étou-
nement la carte contenant le prix des mets que
Ton peut offrir au goât des amateurs gastro-
nomes. Il me mena au théâtre de la Moiitan-
sier , où nous vimes M. de PourcGaufçnac : en-
suite aux Français ; on y jouait YJbbé de VE-
pce. Il me conduisit à l'Opéra , où l'on donnait
le ballet de Téle'maque . En peu de jours , je
vis les choses les plus rares, même les quatre
chevaux de brouze apportés nouvellement de
Venise.
Le i3 pluviôse ( 2 février) , je pris mon cér-,
tilicat de convalescence , et me transportai au
Comité de santé pour subir une visite à l'effet
d'obtenir ma réforme. Il jugea à propos de me
renvoyer chez mon père pendant un mois en-
core ; mais ne voulant point me congédier dé-
finitivement. Cette proposition ne me convenant
pas , je demandai l'ordre de retourner à mon
corps. Il me fut expédié de suite, avec l'auto-
risation d'avoir une place dans le transport mi-
litaire. J'allai chercher une feuille de route chez
le commissaire des guerres Fradiel , où j'appris
cjue le 2'''"' bataillon de la 107"'^ était à Ang-ers.
Il m'accorda de rester trois jours dans Paris
poiu- mes affaires , en me disant de venir le
16 ( 5 ) , h 7 heures précises du matin , prendre
la voilure qui partirait de sa cour.
Le i5 (4)7 avant rintention de rejoindre, 1806.
Récrivis à mon capitaine pour l'intormer de mon a> vm.
prochain retour à la compagnie.
Le 16 (5), m'étant trouvé au rendez-vous,
je partis pour Arpajon à l'heure indiquée. En-
nuvé de la lenteur de notre voyage , ayant ren-
contré une diligence , je payai une place jus-
qu'à Orléans, où j'arrivai le même soir. J'eus
deux séjours dans cette ville où Jeanne d'Arc
s'est rendue célèbre. Pendant ce temps, je par-
courus tous les lieux renfermant des curiosités.
Je vis les places , la cathédrale , le pont , et
j'allai à la comédie.
Le long de la rivière , j'appris qu'un bateau
devait le lendemain, à 6 heures du matin, baisser
la Loire jusqu'à Nantes. Je retins une place ,
afin d'arriver à ma destination plus promptement
que par terre.
Le 19 (8) , je m'y transportai avec des pro-
visions pour mon voyage. L'embarcation était
composée de deux toues amarrées l'une à l'autre,
chargées de i4 marins ou matelots venant des
])risons d'Angleterre 5 d'un négociant , de son
domestique, de deux compagnons, d'un briga-
dier de gendarmerie , d'un gendarme , de moi ,
et de deux mariniers pour nous conduire. Les
mai'ins travaillaient tellement d'action aux voiles,
aux rames , que nous fendions l'eau avec la ra-
pidité du poisson.
En voguant nous vîmes Blois ; le château rap-
pelle de grands souvenirs. Nous abordâmes à
( 4^0 )
iHoo. Amboise , où je réclamai un billet de logement,
AP. vui.étant convenu que je serais sur le rivage le len-
demain , à G lieiues du matin.
Dans la maison où je fus casé, on m'apprit,
et on exagéra même une partie des horreurs
qui se commettaient dans le pays où j'allais ,
tant par les Chouans que par les républicains (i).
On sait qu'éloigné du danger, on le rapporte
sous des couleurs plus tristes que quand on le
voit , parce que l'esprit se forme des illusions
qui dénaturent les faits , et empêchent qu'ils ne
soient connus dans toute leur exactitude.
Le 20 pluviôse (9 février), je gagnai le ri-
vage où , peu de temps après , nous nous ein-
barquâmes. Nous descendîmes avec une telle
vitesse , que nous passâmes promptement le beau
pont de Tours. Nous filâmes devant Langeais
et Bourgueil. A midi , nous étions à Saumur ,
où deux femmes vinrent prendre place parmi
nous : nous continuâmes presqu'aussitôt notre
route. Nous arrivâmes vis-à-vis Port-la-Vallée
( Saint-Mathurin ) , à 5 heures du soir. Les deux
voyageuses voulant descendre , on aborda ; mais
im coup de vent , car il faisait extrêmement
froid, poussa nos frêles barques contre de grands
bateaux qui étaient attachés à terre. Le choc en
fut si violent , et l'eau entra avec tant d'abon-
(1) On trouve tous les mallieUrs de ce temps consi-
gnés dans iliistoire de la Guerre de la Vendée et des
Chouans, par Alphonse de Beauchanip. 3 vol. in-b".
( 4^-7 )
(lance, qiie nous faillîmes chavirer. Cependant, iFoo.
comme les matelots étaient debout ainsi que le an vhu
gendarme , ils nous préservèrent du nauiragc.
Peu en sûreté sur la Loire , je pris mon sac
pendant que les dames mettaient pied à terre.
Je payai mon transport , en souhaitant bon
voyage à ceux qui voulaient le continuer. J'ap-
pris cjuils étaient parvenus le soir de bonne
heure aux Pont-de-Gé , ayant fait 60 lieues en
deux jouis.
Le 21 (to), vers 5 heures du matin, je
montai dans la voilure qui m'était accordée, et
j'arrivai ensuite à Angers>
La compagnie n'étant pas dans ce chef-lieu
de département, j'allai visiter tous les édifices
publics. Je me présentai chez le quartier-maître,
entre les nlains duquel je déposai mes papiers j
il me fit le rappel de l'an 7 ( 1799) , et celui
de l'an 8 ( 1800). Je touchai seulement le mon-
tant de la dernière année ; l'autre est resté dans
l'arriéré , sans que j'aie pu m'en procurer le
remboursement.
Le 24 ( i5) , je profitai , pour me mettre en
route , d'un convoi avec une escorte qui s'en
allait au Lion-d'Angers : car on ne pouvait voya-
ger isolément sans crainte d'être assassiné. Ayant
rejoint la compagnie , je revis avec satisfaction
mes camarades , qui savaient ma prochaine ar-
rivée par le capitaine k qui j'avais écrit de
Paris.
i. a8
( 4--^8 )
1800. Le 23 ( i4), ayant commué mes fondions, je
APi vin. vécus comme avant mon départ.
Voulant me perfectionner dans les armes, je
pris des leçons de pointe du brigadier de la
gendarmerie de cette résidence.
Une convention avec les Chouans ayant lieu ,
les chefs mettant successivement bas les armes,
après avoir traité avec les envoyés du général
Biune , nous restâmes en repos.
La pacification terminée , nous reçûmes l'ordre
de nous transporter à Angers pour en augmenter
la garnison.
iVoiis fûmes casernes au ci - devant couvent
de Roncerai.
Je me liai d'amitié avec plusieurs jeunes gens
qui s'occupaient de versification. Nous faisions
des charades , des logogriphes , dont ces mili-
taires s'acquittaient à merveille.
Le temps que je n'employais pas à mon état,
était consacré à mon instruction : car chaque
fois que la bibliothèque publique était ouverte,
j'allais lire pendant trois ou quatre heures.
Quand ce n'était pas le jour de lecture , le bi-
bliothécaire me confiait des livres pour (jue je
pusse fructifier des instants dont j'aurais peut-
être plus mal disposé.
En parcourant les journaux , j'appris qu'un
décret du 29 pluviôse ( 18 février) , créait une
gendarmerie à pied dans les départements de
l'Ouest ; qu'il y aurait des maréchaux-des-logis
et des bjigadiers pour commander les brigades.
Je me ra{->pelai que j'avais dîné dans la capitale iBoo.
chez des compatriotes, avec un employé du bu- ak vm.
reau de la _i,'^endarmerie au ministère de la guerre,
qui avait paru disposé à m'obliger si l'occasion
s'en présentait. J'écrivis en conséquence à ces
messieurs , pour les prier de m'accorder leurs
bons offices, afin d'être nommé maréchal-des-
logis dans cette arme.
J'en reçus la réponse suivante :
Paris , le 22 ventôse ( i3 mars).
« Monsieur,
» Nous avons communiqué votre lettre à notre
» ami, qui veut bien ajouter un nouveau ser-
» vice à ceux qu'il nous a déjà rendus. 11 s'oc-
» cupe entièrement de votre affaire. Tl parlera
» aujourd'hui au général chargé de l'organisation
)) de la gendarmerie à pied, et, sous peu de
» temps , vous recevrez du ministre de la guerre,
» votre nomination telle que vous la désirez.
)) Nous sommes charmés de trouver l'occasion
» de vous être utiles , et de vous prouver notre
» zèle à obliger un compatriote que nous esti-
)) mous.
'> Nous avons l'honneur d'être vos serviteurs ,
» Signé PauxaPiT frères. »
Ayant été quelque temps sans que la nomi-
nation annoncée me fût parvenue , je récrivis
k ces messieurs, qui m'apprirent que les Chouans
avaient volé la diligence qui portait mon titre,
et eu avaient lacéré tous les papiers ; qu'en cou-
28.
( 43o )
1800. séquence , le général Wirion s'était vu dans îd
N via. nécessité d'en expédier un autre.
Peu de jours après la réception de ce paquet ,
il me parvint la dépêche ci-après :
Angers, le 1*'' floréal (21 avril) de la république fran*
taise , une et indivisible.
Le chef de la 5'"^ dmsion de gendaiinerîe nci'^
tionàle y
« Invite le citoyen Bonnart , caporal-fourrier
)) à la 5"'^ compagnie du 2°^^ bataillon de la 107"""
)i demi-biigade , à venir chez lui dans la matinée
)) de demain.
» Signe Noire AU. »
Cette lettre ranima mon espérance. Sans en
faire part à mes camarades , je m'habillrà en
uniforme le plus proprement possible , sachant
que la tenue plaît toujours à un supérieur. Je
me présentai avec mon ordre , enhardi par le
désir de sortir de la ligne. Le citoyen Noireau
m'accueillit favorablement , m'adressa beaucoup
de questions , et me demanda pourquoi je quit-
tais mon corps. Je lui répondis que si je cher-
chais à entrer dans son arme, c'était pour mon
avancement , et que je n'avais nul sujet de
plainte à former dans la 107™^. Ce commandant
me donna la lettre de passe pour le grade de
brigadier , avec invitation de me rendre dans
son bureau qu'il m'indiqua , afin de la transcrire ,
tandis qu'il resta dans son appartement à causer
avec plusieurs personnes.
( 45i ) _
Seul , dans le cabinet , je réflccîiîs que du pre- 1800.
mier coiip-d'œil ce chef de division allait me jui^cr : a^ vm.
car il nie parut avoir une grande connaissance
de l'esprit humain. Plein de cette idée , je fis
beaucoup d'attention à copier ma nomination.
Je la lui portai ensuite avec une plume et de
l'encre pour la signer. Il parut content de mon
écriture et m'en fit compliment. Il me promit
que , comme président du juri d'organisation ,
il me faciliterait autant qu'il serait en son pou-
voir , pour une place de maréchal-des-logis. Il
ajouta , cependant , qu'il fallait m'attendre à u]ie
concurrence de 800 hommes dont le juri dis-
tinguerait le mérite ; que ceux qui seraient les
plus recommandaljles , auraient la préférence.
Rentré à la caserne , la tête remplie de ce
qui s'était passé le matin , et après y avoir
mûrement réfléchi , j'écrivis ce qui suit :
Le fourrier à la 5"^^ compagnie du 2"'^ hataiU
Ion de la 107^"^ demi-brigade d infanterie de
ligne ,
Au citoyen TVirion _, gene'ral de brigade y ins-
pecteur de la gendarmerie nationale dans les
départements de l'Ouest ^ à Rennes.
« Mon général ,
V J'ai l'honneur de vous prévenir que le citoyen
» Noireau , chef de la 5'"" division de gendar-
» merie nationale , m'a remis la nomination de
» brigadier , que vous lui avez envoyée pour
y> que je passe à pied dans cette arme. Les dé-
( 452 )
i8oo. ^> marches que j'ai faites pour sortir de mon
À> Mil. '' corps , ne tendaient qu'à un prompt avance-
)) ment, et nul autre motif ne m'obligeait de
» m'en éloigner. J'aimais à croire qu'étant four-
» rier , je pouvais être nommé mai'échal-des-
» logis; et, par ce moyen, je me procurais un
» emploi supérieur. J'espère qu'ayant pris en
« considération la demande qui vous a été faite
» pour moi, et qu'y ayant répondu aussi favo-
» rablement , vous voudrez bien accueillir ma
•» supplique et me nonnner au grade de maréchal-
); des-logis.
'» J'ose attendre de vous cette justice, et je
)) vous prie de me croire avec la plus vive re-
)) connaissance ,
V Mon général ,
» Votre subordonné,
» Signé BoiVNART.
» Angers, le a flore'al (22 avril) de I3 république
» française , une et indivisible. »
Au bout de quelques jours, je fus prévenu
par le citoyen JNoireau, de me disposer à me
diriger vers Nantes , où devait se réunir le juri
d'organisation. Il m'annonça qu'il avait informé
le citoyen Peïtavy, pour qu'il me fît expédier
l'ordre de départ en recevant mon congé. Il me
dit que, si j'étais sergent, je pourrais plus fa-
cilement avoir la place que je désii^ais.
Ayant été trouver le commandant, je le priai
de me seconder pour que je fusse admis dans
i
ce grade. S'étant assuré qu'ii y avail un cnijiloi ,ç>or>.
à la nomination du corps, il nie chargea d'en an v|iv.
prévenir le quartier-maître, pour qu'il en doimâi,
de sa part, connaissance aux sous-officiers. La
réunion des caporaux et des fourriers eut lieu
de suite.
J'instruisis quelques-uns de mes camarades ,
du motif de la convocation et de l'ordre que
j'avais d'entrer dans la gendarmerie , ainsi que
du désir que je formais d'être sous-oflicier, afin
d'en avoir les galons avant de pouvoir m'y pré-
senter. Je les engageai à communiquer mes in-
tentions à tous leurs amis , pour que je pusse
être promu ; j'ajoutai que ce serait pour moi un
avantage qui ne leur préjudicierait en rien , puis-
qu'aussitôt ma nomination , je m'éloignerais de
l'infanterie de ligne.
Le 9 floréal (29 avril), on procéda, suivant
le vœu de la loi sur les promotions. Le citoyen
Civet , mon sergent - major , fut élu président ,
et l'on me choisit pour être secrétaire. Les scru-
tins ayant été soigneusement recueillis et dé-
pouillés, je réunis l'unanimité, à l'exception de
ma voix que je donnai au caporal le plus an-
cien ; il avait , sous tous les rapports , le plus
de droit a l'avancement. Le procès-verbal ré-
digé fut remis aux sergents-majors et sergents ,
ensuite aux sous - lieutenants qui me reçurent ,
le II floréal ( i^^ mai), dans le grade que je
réclamais. Je parus à l'appel du soir^ pour me
( 454 )
i8oo. faire reconnaître par le commandant de la 6"'"
4kN vni. compagnie, où j'entrais en qualité de sergent.
Le i6 (6 mai), j'allai chez mon nouveau
capitaine , qui me donna mon décompte à si'
gner.
Le 17 ( 7 ) , je me présentai chez le quartier-
maître , pour prendre le congé dont voici la
copie :
Infanterie de ligne. — République française. — ■
107"'^ demi-brigade. — 2^^^ bataillon.
« Nous soussignés , certifions à tous ceux qu'il
j) appartiendra , avoir donné congé absolu au
» nommé Médard Bonnart , sergent, dit Bonuart
)j Lami , de la compagnie n*^ (> , du 2'^^^ batail-
)' Ion de la 107^^^ demi-brigade d'infanterie de
5) ligne , natif de Damcri , canton d'idem , dis-
» trict d'Epernai , département de la Marne ,
» âgé de 2 5 ans , de la taille d'un mètre 8i4 mil-
» limètres ( 5 pieds 7 pouces ) , lequel a servi
» depuis le i4 septembre 1793 (an i^'^) (i) ,
» juscju'au 17 floréal an 8 ( 7 mai 1800) ; a été
:» caporal le 26 germinal an 2 ( i5 avril 1794) ]
» caporal- fourrier le 4 messidor an 4 (22 juin
» 179^), et sergent le 11 floréal an 8 (l'^^'mai
)) 1 800 ) ; et que , pendant tout ce temps , on
» doit des éloges à la manière dont il a servi,
^) Certifions en outre que ledit citoyen Bonnart ,
(1) Ou a compris comme service militaire, le temps
que j'ai passé clans les fourrages , puisque j étais em-
ployé k l'aru^ée.
^ (435)
» sergent , a quitté le corps pour passer, en qiia- ï8oo.
h lité de brigadier , dans la gendarmerie à pied , an vm.
w par ordre du général Wirion , inspecteur gé-
» néral de cette arme.
« Fait à Angers , le 1 7™^ jour du mois de flo-
» réal ( 7 mai 1 800 ) , de l'an 8 de la République
» française.
» Certifié par nous , membres composant le
^ conseil d'administration dudit bataillon.
Signé GiDERT , fourrier ; Serres , sergent ;
BoRMER, sous-lieutenant; Bourrie,
capitaine, et Peïtavy, chef de ba-
taillon.
)) Vu par nous , commissaire des guerres ,
» Signé Tessier-Olivier.
» Approuvé par nous , général de brigade ,
» commandant la subdivision de Maine-et-Loire ,
» Signé GlRARDOJV.
)> Enregistré par moi, quartier-maître trésorier,
j) le 1 7 floréal ( 7 mai ) ,
» Sigjié Reinaudy. »)
Au dos du congé est ainsi écrit :
^) Nous officiers , commandant ladite compa-
» gnie, certifions avoir payé au nommé Médard
)) Bonnart , sergent, la somme de 6 fr. oj cent.
)) et demi, qui lui était due, tant de la masse que de
i' son linge et chaussure, courant jusqu'à ce jour,
(456)
i8oo. ^> couformément aux réglemeuls, de manière qu'il
iNviu. » n'a plus rien à répéter audit bataiiion.
» Fait à Angers , le 16 lloréal ( 6 mai ) , de la
)) République française.
M Signé Veyroiies ^ capitaine. »
Je me rendis au logement de ce chef, qui fit
mou décompte.
FIN DIT TOME PREMIER»
(457)
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES
DANS LE PRE3IIER VOLUME.
Pages
Avertissement • . • . I
CHAPITRE PREMIER.
Epoque de sa naissance i 1775.
Description topogiapliique de Dameri l'bid.
Manière d'e'crire les noms des lieux ibid.
Il est sex-digitaire a
Supplice du nommé Saint-Louis 4 1782.
Rupture des deux ponts ibid. 1784.
Explications de ces accidents. ... - ibid.
Prix qu'il reçoit dans ses classes ibid.
On le destine au commerce de vm ibid.
Une parente le comprend dans un legs pour un état . ibid.
Il se rend à Rilli, afin de s'instruire ibid. 1787.
Son apprentissage est fini 5 1790.
Effets de la Révolution ibid.
Il a un uniforme et se livre aux armes ibid.
Son frère entre au service ibid.
Un particulier se coupe la gorge 6
Admission dans la musique ibid.
Départ du Roi, des Tuileries ibid.
791-
(458 )
Cette nouvelle est connue à Datneri. ....... ihid.
Voyage à Donnans n
Députe's envoye's par la Convention ibid.
Insultes faites à l'abbe' de Dameri ibid.
CHAPITRE II.
179Ï. Le premier enrôlé comme volontaire » 8
Noms des individus qui imitent son exemple. . . . ihid.
Dispositions pour le départ ibid.
En route pour Reims 9
Comment il est logé • ibid.
La solde militaire est payée ihid.
Genre d'occupations ibid.
Tours de la cathédrale ibid.
Il est toisé ibid.
Son père veut l'emmener 10
Les nominations ont lieu • .... ibid.
Il est sergent à la 2""^ compagnie ibid.
Le grade de capitaine lui est proposé ibid.
Observation à ce sujet 11
Organisation du 4"^ bataillon de la Marne ibid.
Composition du corps ibid.
Revue et ordre de départ 12
CHAPITRE IIL
nf)i. Le bataillon se rend à Rethel. Cahier de notes . • . i3
Observation géographique ibid.
Arrivée au Chesne. Conseil qu'il reçoit ibid.
On abandonne la qualification de Monsieur . . . . • 14
Conditions pour être citoyen actif. ibid.
Les sergents ont un instructeur ......... ibid.
Il apprend par cœur la théorie ibid.
Projet d'aller à Sedan 1 5
On parcourt cette ville ibid.
( 4^9 )
Armures de Jeanne (V Arc, de Turenne, etc . . . . . ihid.
Route de Mézières. . . . . • ibid.
Réflexion sur sou voyage 16
Visite faite à Niçoise • . . . ihid. ^
Ordre de se diriger sur Rozoi 17
CHAPITRE IV.
Le bataillon se rend à Charleville 18 1791.
On passe à Aubigni ihid.
Aiiive'eà Rozoi • ibid.
Son logement est chez un braconnier ibid.
Pension à la table d'un pâtissier ibid.
Un volontaire de Dameri arrive. ibid.
Son existence le flatte ihid.
Maître d'armes 19
Eu route pour jouir d'une permission ibid. I79'^*
On se rend à Neuchàtel ihid.
ISuit passée à Brimont ibid.
Arrivée chez son père ibid.
Evénement qui lui survient avec sa sœur. ..... ibid.
Troupe à Dameri 20
Son congé expiré , il rejoint par Reims ibid.
Son premier gîte est k Neuchàtel ibid.
Retour à Rozoi ibid.
Ordre de se mettre en route 21
CHAPITRE V.
Départ pour Maubert-Fontaine 22 1792.
Ampoules aux pieds. • ihid.
Observation à ce sujet ibid.
Le bataillon parvient à Rocroi ibid.
Composition de la garnison ibid.
Son pouvoir à l'égard des autres hommes ibid.
Salle d'armes et manège 23
( 44o )
Quatre nouveaux arrivants ibiJ,
Course siu" le terrain de la bataille gagnée en i643 • . ibid.
Promenades dans les censés , pour manger du lait . . ibid.
Le premier duel qu'il voit. ^4
Des officiers émigrent ibid.
Son canif le blesse ibid.
On le transporte à l'hôpital ibid.
Sa position l'affecte a5
La crainte qu'il ressent n'est que puérile ibid.
On bat la générale ibid.
Décret concernant la guerre. . . . • ibid.
CHAPITRE M.
Ijr2. Sorti de l'hôpital, il va au camp 26
Arrivée à Givet ibid.
La troupe est à la belle étoile. . ibid.
Joli et bon fusil qu'il reçoit ibid.
Entrée à l'hôpital 27
L'armée en marche pour Philippeville ibid.
Elle se transporte à Beaumont ibid.
Arrivée à !\Iaubeuge ibid.
Départ de Givet ibid.
La nuit se passe à Barbançon ibid.
On entend une forte canonnade ibid.
Il parvient au camp ibid.
Rapport de la bataille de la Glisuelle 28
Source où il a puisé les renseignements ibid.
Cérémonie funèbre du général Gouvion 29
Rapport fait à ce sujet . . ibid.
Un soldat, en rêvant, donne l'alerte 3a
Nom et composition de l'armée ibid.
Idée générale du service 3
&
Chaque jour même répétition ibid.
Réflexion sur l'art de la guerre et de camper . . . ibid.
Une vieille lui dit la bonne aventure 32
( 44i )
Son père vient au camp 35
Observation sur Tastrologue de Carpi ibid.
Sa solde comme sergent 34
CHAPITRE VII.
L'armée manœuvre 35 1792.
Particularité étant en guide. . ihid.
En route pour Bavai ibid.
Réflexion sur la beauté de la troupe ibid.
Bataille de Malplaquet , en 1709 36
Retour à Maulieuge a . . . . ibid.
Affaire d'avant-garde. 87
Rapport relatif à ce sujet . ibid.
De planton clicz le général en chef ibid.
Observation à cet égard ibid.
Officier supérieur richement vêtu ibid.
Situation de l'armée 38
Départ pour Avesnes ibid*
On se rend à la Capelle ibid.
Un soldat l'insulte ibid.
L'armée va à Maubert-Fontaine • . 89
Elle célèbre la Fédération ibid.
On va à Mézières , et distribution de vinaigre .... ^o
Rencontre d'un jeune homme ibid.
Passage des troupes dans Sedan ^ ibid.
Elles campent à Mouzon ibid.
Remarque sur la natation ibid.
Marche sur Stenai 4^
On se transporte à Juvigni ibid.
L'armée campe à Fontenai •..,.. ibid.
Réflexion sur la chaleur ibid.
Le bataillon cantonne h Chauveuci ibid.
Un soldat grand mangeur ibid.
Revue passée auprès de Stenai ... ibid.
( 44'^ )
CHAPITRE VIll.
^792* Le batalllou va k Montmédi 4^
Rapport de cette place ibid.
Les ennemis entrent en France* ....... • . . ibicL
Rapport fait à cette occasion ibid.
Epreuves des poudres 4^
Montmédi est cerné ibid.
Pour la première fois , il fait feu sur l'ennemi. . . . ibid.
Reddition de Verdun aux Prussiens. ....... 44
Précautions prises pour défendre Montmédi ibid.
Les ennemis veulent brûler la ville 4^
Rapport relatif à cette place ibid.
Des voitures de bois sont escortées ibid.
Attaque partielle. . . * ibid.
Retour à la garnison 4^
Ce qui se passe à la découverte ibid.
Espion arrêté ; c'est un ami de son père. ... 47
Le feu est à la munitionnaire ibid.
De garde la nuit, il ouvre la porte 4^
Etant dénoncé, il va chez le chef. 4^
Description de la prison fjo
Nuit cruelle qu'il y passe. ........ 5i
On le met à la pistole 52
Connaissance renouvelée avec la fille du geôlier. . ibid.
Elle adoucit les rigueurs de sa captivité ibid.
Sortie de prison ibid.
CHAPITRE IX.
i^g?. Retraite des ennemis 54
Vente du butin à l'encan ibid.
Prisonniers autrichiens. . . . •. ibid.
La plaine est couverte de tirailleurs ibid.
Un détachement à Marville ri")
( 443 )
Anivée de l'armée française. ...».». ihid.
Etablissement de la nouvelle ère ibid. an i.
Le canon est tire' eu réjouissance 56
Service pénible pendant le blocus ibid.
Rapport des opérations de Montmédi ibid.
Observation à ce sujet ibid.
Pointe sur l'abbaye d'Orval S']
Repos des hommes ibid.
Renouvellement des effets ibid.
Entreprise de culottes 58
Massacre des Français à Francfort ibid.
Une permission lui est accordée . ibid. 1793.
On coucbe à Dun • ibid.
Logement à Yarennes ibid.
On se transporte à Sainte-Ménéhould ibid.
Position du camp de la Lune ibid.
Village de Courtisols 5g
On traverse Cliâions. ... ; ibid.
Son arrivée dans sa famille. ibid.
Réception qui lui est faite ibid.
Retour de son père 60
Il peut sortir du service, n'ayant pas i8 ans ibid.
Départ pour Reims ibid.
Marche dirigée sur Vouziers ibid.
Arrivée à Stenai ibid^
On se rend à Sedan ^ ibid.
Séjour à Mézières ibid.
Pendant son absence , il est remplacé 6 1
En route pour Launoi • ibid.
Rencontre d'un corps de gendarmerie ibid»
Il regrette de n'avoir point demandé de congé . . . ibid.
La nuit est passée à Tagnon ibid.
Arrivée à Dameri ibid.
Ses parents surpris de le revoir 6î
(444)
CHAPITRE X.
'"^ * Départ poui* Berri-au-Bac 65
Coibeni et abbaye de Saint-Marcoul ibitL
Marche sur Pe'ronne .,...„. . ibid.
Arrive'e à Arras ibid.
Emploi du temps de son père . . . . • ibid.
On le présente à M. Collardeau ibid.
Dépense pour sa nouvelle condition , . 64
Réflexion sur le costume des Sans-Culottes .... ibid.
Ouvriers appelés pour le vêtir ibid.
Remise de fonds et connaissance d'un compatriote . . ibid.
Son père part, il le conduit . . • 65
Retour chez son parent ibid.
Difficulté pour se rendre à son logement ibid.
La nuit, il se livre à ses réflexions 66
Installé chef d'atelier ibid.
M. Collardeau sort pour ses afiàires ibid.
Grande attention en débutant ibid.
Le travail va de pair avec les plaisirs ibid.
On le forme pour la société . • . 67
Différence dans son existence ibid.
L'ne maîtresse reçoit ses vœux ibid.
On vole sou porte-feuille 68
Demande d'autres papiers ibid.
Copie de son certificat de civisme ibid.
Son père arrive à Arras 69
Ce dernier fait des spéculations ibid.
CHAPITRE XI.
'79^' Administrations de l'armée arrivant à Arras .... 70
AN I. Copie de sa commission d'aide-garde-niagasiii . . . ibid.
Enthousiasme qu'il éprouve. 71
C'est pour lui un jour de bonheur ....... ib'id.
_ ( 44.^ )
ïïéflexion qu'il fait à ce sujet ihid.
Augmentation de travail ihid.
Ordre d'aller à Uunkerque . . * ibid.
Copie de son passe-port ibid.
Départ d'Arras 72
La plaine de Lens est traversée au galop ibîd.
Idée sur la bataille gagnée en 1648 73
Rencontre du propriétaire du cheval ibid.
En route pour Lille . ^ . . . . ibid.
Beaux points de vue 74
On voit un combat ibid.
Il parcourt la ville ibid.
Retour à Arras ibid.
L'inspecteur s6 sépare ibid.
Il apprend que son pavent est arrêté ibid.
Chagrin qu'il en ressent 75
Démarche à la prison ....... • ibid.
Visite domiciliaire 76
On l'occupe au bureau ibid.
M. CoUardeau livré au tribunal , est acquitté . ... 77
CHAPITRE XII.
Son cousin est mis en surveillance ....... 79 17 95*
Etant réquisitionnaire , on lui écrit ibid. an i..
Un ami lui rend service c 80
M. CoUardeau écrit aux représentants ....... ihid.
Observation sur le tutoîment ibid.
R.éflexion sur le titre de Citoyen et de Monsieur. . . ibid.
Affligé, il va voir sa cousine 81
Elle l'engage à se rendre auprès de son mari .... ibid.
Entretien en prison ibid.
IMote sur le député Le Bon 82
Ouvrage cité ibid.
Retour chez sa parente et dispositions de départ . . ibid.
J\J-
(44-6)
CHAPITRE XÎII.
Sortie d'Arras * 84
AK 11. Remarque sur la nouvelle ère ibid.
Réflexion à cause de sa malle ibid.
En marche pour Péronne ibid.
On se rend à Saint-Quentin 85
Tz-ansport Jusqu'à la Fère • ibid,
Reudii à Laon , ce qui lui survient ibid.
Observation sur le maximum 86
En route pour Reims ibid.
Arrivée chez son père ibid.
On le trouve maigre ibid.
Il se livre au repos 87
Voyage à Olizi ibid.
Demande d'aller à Châlons ibid.
Il couche dans cette ville et s'en retourne. . . . ibid.
Sa malle arrive 88
Promenade à Olizi et retour ibid.
Espoir qu'il a d'être placé ibid.
Il est dénoncé ibid.
Ordre d'aller à la munici|. alité 89
Feuille de route qui lui est délivrée ibid.
Observation sur la réquisition ibid.
Regret de n'avoir pas été en Chine ibid.
Citation à ce sujet ibid.
CHAPITRE XIV.
1793. Dépîirt de Dameri 91
AN n. Séjour à Reims , . . . . ibid.
Marche sur Rethel ibid.
On se rend à Launoi ibid.
Séjour à Mézières ibid.
En route pour Sedan ibid.
( 447 )
Transport jusqu'à Carignan ibid.
Arrivée à Messiacourt l'hicl.
Composition du 8™* de la Marne l'I/id.
Dignités du clief de ce corps ibid.
La rigueur du froid se fait sentir qi
Vexe' , il obtient satisfaction ibùL
On le distingue dans un assaut g3
Réflexion à ce sujet » . . . . ibid.
Fête du jour de Tan .ibid. ï794'
Noms des jeunes gens de Dameri cj^
Lecture des Aventures de Télémaque ibid.
Tous les soirs il boit du cacis g5
Ses devoirs sont bien remplis ibid.
Un soldat se blesse par inexpérience 96
On le nomme instructeur de la 2"'" classe. . . . ibid.
Xa troupe est payée en assignats. . . . . . . ibid.
Course à Stenai , et retour au camp 9^
Xe camp est incendié ibid.
On cantonne à Messincourt 99
CHAPITRE XV.
Le bataillon part pour Carignan 100 ï79Î*
On se rend à Sedan ibid. an h.
Transport à Mézières ibid.
Ardoisières de Rimogne ibid.
Passage à Rocroi ibid.
En route pour Chimai ibid.
Arrivée à Philippeville ibid.
Xa troupe loge à la caserne 10 1
Xe 6"^ de la Marne y tient garnison ibid.
Ln habit neuf lui est délivré /^^V/.
Sa nomination de fourrier. ibid.
Xe bataillon détaché à Neuville ibid.
Electricité des météores ibid.
Ce qui lui arrive à l'exercice .102
( 448 )
Coinhat dans le bois de Florenne. . . . , . io3?
Rapport sur la situation des troupes ibicL
CHAPITRE XVI.
1794. Le 8"'* de la Marne incorporé . io4
-AN u. Composition du 3"' du Nord ibid.
Agaceries militaires • . . . . ibid.
Prix gagné à la course io5-
Départ pour l'armée ibid.
Rapport du combat d'Aussoi ibid.
Arrivée des troupes ibid.
Rapport des bonnes dispositions de l'armée. . . . io6
Bataille de Bossut ibid.
Rapport de cette affaire 109
lAirmée se reml à Beaumont * . .110
Dispositions pour attaquer ibid.
Article du Dictionnaire des Batailles. ..... ibid.
Observation à ce sujet ibid»
On prend la ville de ïhuin . . .m
Rapport à cette occasion ibid.
CHAPITRE XVII.
j^Qj. L'armée se met en marche. .... ... 114
A.\ n. Incendie de l'abbaye d'Aines ibid.
Passage de la Sambre ibid.
La pluie rend la marche pénible ibid.
Surprise du bivouac français ii5
Attaque de la position de Lierne 117
Camp formé à Fontaine-l'Evêque. . . . . . . 118
Rapport de la bataille ibid,
t>a prend du repos . iig
La compagnie doit flanquer. ....... ibid.
(449)
CHAPITRE XVIII.
Maîacle, il part pour Valcour . t20 179'i.
A l'hôpital (le Philippeville . ibid. an a.
On dresse son acte de décès. 121
Formation d'un convoi. ibid.
Départ pour Givet ibid.
Transport jusqu'à Fumai \ii
On loge à Braux. . . . • ibid.
Arrivée à Mézières . ibid.
En route pour Launoi ibid.
Alarche sur Rethel ibid.
Ce qui se passe à Reims ibid.
En route pour Dameri ibid.
CHAPITRE XIX.
Arrivée dans sa famille \iZ ï794'
Satisfaction de se revoir ibid. as n-
Grave maladie ibid.
Convalescence ibid.
Départ pour Châlons et Vitri 124
Entrée à l'hôpital .125
En se baignant , il manque de se noyer ibid.
Un homme est tué par la foudre ibid.
Soldat tombant du mal caduc ibid.
Exéat de l'hôpital ibid.
Copie de son billet desortie 126
En chemin pour Châlons et Dameri ibid.
Mort de son frère Eléonore. ..'...... 127
Fête de l'agriculture ibid.
Disposition de départ . ibid.
CHAPITRE XX.
En route pour Reims 128 i794«
Visite k M. Collardeau ibid. an h.
(45o)
Mai'che sur Berri-au-Rac ibuL
Chemin de Ciaonne. 129
Séjour à Laoa • ibid.
Départ pour Marie ibicL
Logement k Guise ibid.
La nuit est passée à LanJreci ibid.
En subsistance dans le i*" du Nord ibid.
On brûle des palissades ibid.
Mèche d'une bombe éteinte ibid.
Reddition du Quesnoi , i3o
Invention des télégraphes ibid.
Détails sur les Croates ou Pandoures ibid.
Rapport de la prise de la ville ibid.
Extrait du Dictionnaire des Batailles i32
Ouvrage cité ibid.
On veut changer les habitudes françaises. . . • ibid.
Qualification de Citoyenne j la cocarde i33
Fête publique ibid.
Mort de Robespierre ibid.
Ouvrage cité ibid.
En subsistance dans la 85"* ibid.
Blocus de Yalenciennes . • i34
La garnison se rend ibid.
Rapport de la prise de cette ville ibid.
Conditions de la capitulation ibid.
La 85""" va au blocus de Condé ibid.
Cette place se rend ibid.
Rapport à ce sujet i35
Demande à rejoindre le 3""* du Nord ibid.
Copie du certificat de la 85"'^ ibid.
Route expédiée sur Breda . i36
Adieux et dispositions de départ ibid.
CHAPITRE XXI.
1794. En route pour Mons 13,^
AN II. Promenade dans cette ville ibid
( 45i )
Miirclie sur Braine-le-Cointe ibid>
Continuation pour Halle ibid.
Arii^c^e à Bruxelles iSS
Courses sui- le port ibid.
Bière appcle'e farau ibid.
Départ pour Vilvorde ibid.
JMarclie sur Malines ibid.
Ou couclie à Contick iSg
Anvers est une belle ville ibid.
Vue de l'Escaut , i^o
Un vaisseau manœuvre ibid.
En route pour Hooghstratea ibid.
Ketour à Anvers ibid.
Bataillon du Mout-des-Chats • ibid.
Ouvrage cité i^i
Sa feuille de route est changée . '. ibid.
Dt^part pour Maliaes .-ibid.
Marche sur Louvain ibid.
Eu route pour Tirlemont ibid.
Il entre dans un ermitage ibid.
Chemin jusqu'à Saint-Tron. • 142
Le quartier-général est à Tongi-es . . ibid.
IVuit passée auprès de la ville ibid.
Séjour à Liège ibid.
Ballon élevé en lair , ibid.
Détail sur cette ville ibid.
En route pour Hui i ^3
Logement à Namur .-. ibid.
Séjour à Dînant ibid, ^î*' m-
CHAPITRE XXII.
Retour au bataillon , à Sauvet iKA -.r-c^r,
aon acte de deces la précède ibid. \y m.
Changement dans la castramétation ibid.
Pertes éprouvées par la compagnie ........ 145
i. 5o
( 45^ )
Noms des Damerlats victimes de la guerre ..... ibid.
Deux gamelles percées ibid.
Le corps se rend à Dinant i^Ô
Ordre de de'part ibid.
Lieux occupés par le batailloa ibid.
CHAPITRE XXIII.
1794. Le corps va à Emptines 1^7
AN m. On se rend à Havelangen ibid.
Transport sur Fraincux • ibid.
La troupe traverse Liège ibid.
On s'achemine vers Visé ibid.
Le bataillon bivouaque en face de Maëstricht .... ibid.
Galeries souterraines ibid.
Pieniarquc à ce sujet ibid.
Le quartier-maître lui donne du travail 1^8
On lui impose une punition ibid.
Ruse pour donner des nouvelles aux assiégés ... 149
Observation à cet égard ibid.
La tranchée est ouverte ibid.
Réflexion sur les hommes du bataillon ibid.
Maisonnette écrasée i5o
Au jour , l'ennemi fait un feu très-vif. ibid.
Contusion reçue à la tranchée ibid.
Bombe , en éclatant , occasione de l'hilarité. . . . ibid.
Un boulet reste à ses pieds i5i
Courage d'un grenadier blessé ibid»
Réflexion à ce sujet ibid.
Le siège commence ibid.
Cris et lamentations des habitants 152
Service pendant le bombardement ibid.
La ville se rend , et la garnison met bas les armes. , ibid.
Entrée dans la place i53
Rapport de la prise de Maëstricht ibid.
(453)
CHAPITRE XXIV.
Le bataillon part pour Nieswiller . •
On loge à Aix-la-Chapelle
Observation sur la langue allemande. .
En route pour Dueren
Bivouac sur le chemin de Lechenich.
Le corps va à Gross-Weisling ....
Course auprès du Rhin
Reflexion sur ce fleuve
Effets de la chaleur à Rruhl ....
Fonctions de fourrier par inte'rim .
Costumes et usages des habitants du pays
Le bataillon retourne au bivouac .
Abris de paille et rigueur de la saison
On cantonne dans Gross-Weisling.
Anecdote arrivée à Fépouse du quartier-maîtr
Départ pour Cologne
En marche sur IVeuss •
Palais incendié à Dusseldorf ....
Observation à ce sujet
Motifs de l'incendie
Date de la bataille d'Aldenhoven* .
On se rend à Crevelt . . « . • •
En passant par Gueldres, on va à Issum
Les comptes de son capitaine sont établ
On loge à Kapeleu .
Le corps se l't'unit à Gueldres. .
Embrigadement du 3"'" du Nord. .
Compagnie dont il fait partie. . . .
Formation de la 9""^ derni-brigade
Epoque de l'amalgame
Le général Lefebvie , divisionnaire .
Ses titres , au monient de mourir .
v55
ihid.
ilfid.
. ibid.
. ibid.
. i56
, ibid.
. ibid.
, ibid.
. ibid.
. i5&
. ibid.
. ibid.
. ibid.
. ibid.
. ibid.
. ibid.
. ibid.
. 160
. ibid.
. ibid.
. ibid-
. ibid'
. ibid.
. ibid.
. i6t
. ibid.
. ibid.
. ibid.
. ibid.
»794-
a:h ni.
(454)
CHAPITRE XXV.
I794-
Î795.
On cantonne près de Clostei-Canip •
Le feu prend dans une liabitation rurale .
Guet du clocher, pendant la nuit . . .
Plaine où mourut le chevalier d'Assas .
Citation à ce sujet
Réflexion que fait un militaire ....
Pluralité des religions ...,.,.
Citation à cet égard . . •
Les comptes du 3"'* du Nord sont rendus
Observation qui en est la conséquence .
Hommes qui ont figuré sur les contrôles
La demi-brigade se réunit à Gucldres . ,
Premières capotes délivrées à l'armée . .
On se dispose à passer en Hollande .
Lieux occupés par une portion du corps,
i6a
ibicL
ibicl
i63
ibid.
. ibid.
. ibid.
. ibid'
. i64
. ibid,
. ibid.
. ibid,
, ibid.
. ibid.
, ibid.
CHAPITRE XXYI,
ir;(j5, La troupe chemine durant un grand froid . , . i65
jiV \n. Ce qui survient la nuit ibid.
Explication sur les liignons ...,..,. ibid.
On déjeune à Cal car ibid.
Logement pris à Till ibid.
Remarque sur le solstice d'hiver .,..,. i6(i
Kote géograpliique à ce sujet ibid,
Piapport sur la rigueur de la saison. , . . , . ibid.
Explication du thermomètre ibid.
Moyen qu'il emploie pour patiner 167
Vitesse d'un patineur 168
Passage du Vahal 169
On va coucher a Bemmel ibid,
La vigueur de la saison fait souffrir ibid.
Préservatif contre le froid , ♦ ibid.
( 4^?i )
Description Je 'a chambre où il couclio. . .
En chemin ponv Ainheim
Flotte hollandaise prise par la cavalerie française
La compagnie cantonne à Angcren ....
On prend les armes
Comment on relève les sentinelles ....
Rapport du passage de l'armée en Hollande
On paraît placés pour hiverner
Lieux occupés par une portion de la troupe .
ihùL
i-?o
j
. ihid.
ibid.
ihid.
ihid.
171
ihid.
ibid.
CHAPITRE XXVII.
Idée des maisons de campagne ....
. Manière de conserver les fourrages. .
La langue hollandaise est un dialecte partie ul
Rapport de la prise d'Emmericb ....
Le froid cessant , le dégel a lieu.
Remarque sur les digues
Débâcle du Rhin
Citation à cet égard. ........
On bat la générale , crainte d'être englouti
Le jour éclaire le danger
Travaux pour éviter la submersion .
La troupe se rend à Huessen ....
O]).servation sur la rupture des digues . .
Les eaux s'éco niant , on retourne à Angeren
Mauvaise nourriture
Difficulté pour se procurer des vivres .
Soldats mangeant du tabac
La compagnie est près du Tolhuis .
Beaucoup d'hommes tombent malades.
Rapport de la situation de l'etinemi .
172
ihid,
ihid.
\73
ihid.
, ihid.
ihid.
174
ihid.
.'^^
ihid.
176
ihid.
177
ibid.
ibid.
ibid.
178
ibid.
ibid.
^793-
AI* 111.
( 456 )
CHAPITRE XXVÎII.
i^c)5. Pont sur le Vahal i-g
^i\ m. Réunion à ÎSimègue ihid.
On se rend à Arnlichn ibid.
Marche sur Doesbourg ihid.
Séjour à Zufplien ibid.
Logement chez un habitant riche ibid.
Beauté du hnge de ce particuher 1 80
En route pour GroU ibid.
La troupe va à Borckelo ibid.
Rapport de la marche de l'armée ibid.
Cantonnement dans des villages ibid.
Quartier-maître et fourriers du i""" bataillon prisonniers. 18 1
Rapport du mouvement de l'armée ibid.
Description des villages de la Usière de Hanovre. . ibid.
La manière de coucher de.'^uabitants i8i
Bonne chou-croute ibid.
La troupe se retire du pays ibid.
Remarque sur le terrain occupé par le corps. . . ibid.
Evacuation de cette contrée ibid.
Traité de paix avec la Prusse ibid.
Incendie d'Emmerich i83
Réflexion qui en est la conséc|uence ibid.
Idée de la Hollande ibid.
Produit du sol ibid.
Climat et habitations ibid.
Les coutumes des Hollandais 184
Occupations des femmes ihid.
Manière de conserver les bestiaux i85
Oiseaux de prédilection ibid.
Genre de nourriture des habitants 186
Instruments aratoires ibid.
Rapport de la paix avec la Prusse ibid.
La demi-brigade détachée dans plusieurs endroits. . 187
Lieux occupés par une portion du corps ibid.
( 457 ) .
CHAPITRE XXÎX.
En quittant Eninierich, on se rendu Calcar. . . . i88 ^"9^-
Complication âe maladies ibifl. an ui.
Il entre à l'hospice iht'd.
Le fourrier est remplacé iùid.
Pietour ?i la comp;ignie , à Rhinberg 189
On le désigne pour soutenir des lourrageurs. . , . ibid.
Des charretiers font des sottises ibid.
Obseivation sur les tartares ibid.
Il est conduit eu prison 190
Re'ception de bienvenue ibid.
La cérémonie est interrompue ibid.
On le transfère dans un cachot iqt
L'incommodité le fait tomber malade ibid.
Geôlier se relâchant de sa sévérité 192
On lui annonce une triste nouvelle ibid.
Mis en liberté ibid.
On lui rend les objets qu'on lui avait ôtés 193
Lieux occupés par une portion du corps ibid.
CHAPITRE XXX.
Ou cantonne dans les environs de Gueldres 19/1 i-q''
La troupe se réunit à Rhinberg ibid.
On s'achemine vers Urdingen ibid.
La demi-brigade baraque le long du Rhin ibid.
Pénurie de vivres ibid.
Désigné pour aller à Liège ibid.
Il dirige un détachement ibid.
On se rend a Juliers • ibid.
Le détachement gagne Aix-la-Chapelle 195
Transport jusquà Limbourg ibid.
Il arrive à Liège ihid.
Genre d'occupations .... - ibid.
Ay ui.
. (438)
Ses promenades ihict;
Travail, que lui donne son capitaine ibicL
CHAPITRE XXXI.
inc)5. Son frère, à Maëstvicht, rentre des prisons . . . . 196
AN ni. Observation à cet elfet ihid.
Il s'éloigne, ne pouvant le rencontrer .*.... ibid.
En mai'clie sur Guclpen 197
Querelle avec des paysans ihidi
Dispositions militaires ibid.
Il loge à Rolduc ibid..
La couchée a lieu dans Aldenhoven ibid.
Observation à ce sujet ibid.
Il passe à Juliers 198
Retour à Neuss , . ibid-
Bains pris dans le Rlûn ibid.
Forcé d'entrer à l'hôpital ibid.
Effets de la vermine ibid.
Séjour à l'hospice de Closter-Mehr 199
Il se rend à Neuss ibid.
Retour au camp d'Urdingen ibid.
Exemption de service ibidé
Le fourrier dénoncé comme faussaire ibid.
Refus d'en remplir les fonctions ibiil.
Corps entrant en cantonnement 200
La demi-brigade retourne au camp ibid.
De caporal, il devient soldat ibid.
Le fourrier est conduit en prison ibid.
Rivouac à Frimersheim ibid.
On travaille à des retranchements ibid.
Manière de blanchir son linge ibid.
Paillettes d'or dans le Rhin . . . ~ 20 ï
La demi-brigade détachée dans une île ibid.
Manque de vivres ibid.
On exerce les troupes ibid.
( 459 )
Militaires altaclu's aux barques ibid.
Insulté , il en tire vengeance 202
Sou adversaire est blessé ibid.
Lieux occupés par une portion du corps ibid.
CHAPITRE XXXII.
Passage du f.Iiin 5.o4 1795.
Débarqucmeut ibid. k^ m.
Rapport qui en a été fait , 2o5
La Constitution L'St signée 20^7
Observation à cet tfïet ibid.
La cavalerie bat deux escadrons ennemis , ibid.
Costume de la lésiiou de Bussy-Pioban ibid.
La division a quelques escarmouches ibid.
Prise de deux redoutes autricblenues ibid.
On se rend à Ukeratli . • ibid-
Marche sur Altenkirchen ibid.
La division s'approche de Dillembourg 208
Elle bivouaque entre Herborn et Wetzlar ibid.
Des eiFets d'habillement pris à Tennenii ibid.
La 9"'" demi-brigade traverse Wetzlar ibid. an iv.
Bataillon escortant un convoi ibid.
Fourches patibulaires à Butzbach 209
Le bataillon rejoint la demi-brigade ibid.
Rapport des prises faites sur l'ennemi ibid.
La division continue sa marche 210
Un officier supérieur prussien voit défiler les Français, ibid.
La troupe s'approche du ^lein ibid.
On baraque devant Kœchst ibid^
Rapport depuis le passage du Rhin jusqu'au Mein . . ibid.
Envie d'aller à Francfort . 2 1 r
- Permission pour s'y rendre ihid.
Voyage dans la ville ibid.
Retour au camp . . . ~ ibid.
Lieux occupés par une partie du corps . . . . . . .ibid
I. 5i
( 46o )
CHAPITRE XXXÎIÎ.
1795. L'ennemi attaque îi3
AN IV. Division opérant sa retraite ibid.
Rapport de la situation des troupes ibid.
On traverse Limbourg 214
Un caisson brisé • ibul.
Position que prend la division 2i5
On fait sauter le pont ibid.
Le généial harangue chaque corps ibid.
Il est détaclié pour Montabaur ibid'
Le pont de IS'cuwied est embrasé ibid.
Observation à cet égard 216
Auteurs cités iqid.
Son soldat d'escorte gagne une île ibid.
On passe la nuit à Weisenthurn ibid.
En route pour Andernach • 217
Logement pris à Rémagen ibid.
Description de cette contrée ibid.
Transport à Bonn ihid.
On s'achemine vers Cologne ibid.
Escarmouches que l'on voit de la route ibid.
Ari'ivé à Dusseldorf, il rejoint la compagnie. . . ibid.
On prend position ibid.
Rapport de l'armée après la retraite ibid.
Dispositions morales de la troupe 218!
Lieux occupés par une partie du corps .... ibid.
CH.iPlTRE XXXIV.
i^C)5. La 9"* ayant fait un mouvement , rentre au camp. 219
AN IV. Elle va coucher à Oppladen ibid.
On bivouaque près de Siegbourg ibid.
Elle se rend à Cologne ibid.
Piacemeut des troupes dans cette ville ibid.
( 4fîf )
Sa demoure est chez un «narcliand : . 220
Quatrain à l'égard des trois doinoisellcs. .... ibid.
Emploi de son temps ibirl.
Professeur qu'il se procure ibid.
On ajoute trois livres par mois à la solde. . . .7.21
Le corps fait un mouvement ibid.
Il va en face de ]\euss. . ibid.
Rentrée en ville ibid.
Armistice proposé par les Autrichiens ibid.
Observation k ce sujet ibid.
Course à l'arsenal ibid.
Salle des corps d'état 222
Ln juif paie à la barrière ibid.
Visite au commandant ibid.
Curiosités de la ville 228
Ordre de départ • ibid. 1796.
Temps obscur ibid.
Le corps va à Neuss ibid.
On se rend à Crevelt ibid.
La compagnie cantonne à Wachtendonck ibid.
Rapports sur les quartiers d'hiver ibid.
Dispositions pour hiverner 225
Lieux occupés par une portion du corps ibid.
CHAPITRE XXXV.
Son frère aîné dans sa famille 226 1796.
Billet d'hôpital > ibid. ak iv.
En marche pour Venloo ibid.
Il loge dans un village • ibid.
Direction prise par Susteren ibid.
Beck et Maëstricht sont laissés à droite 227
Il couche dans les environs d'Havellangen ibid.
La Meuse est traversée ,• • • ibid.
Fumai et Rocroi sont laissés de côté ibid.
Route sur Maubert-Fontaine ii>i(i'
. ( //'-^ )
A Rozoi, il visite son ancien pâtissier ihid^
De Neucliàtel, il va à Dauioii 22B
Surprise qu'il occasioue à ses parents ibicl.
Dénuement où se trouvait Tarmée ibicî.
La distance qu'il a parcourue ibicî.
Plaisir qu'il éprouve à revoir son frère il^id.
Observation à ce suj(;t. ihid.
La gendarmerie informée de son jeteur ibuL
Jour du départ fixé *22Q
CHAPITRE XXXVI.
l'jgô. En route pour Aï -. . i'\o
jMV IV. Arrivée à Cliàlons ihid.
Feuille de route ihid.
Visite à M. Collardeau ihid.
Séjour à Sainte-Ménéhould ihid.
Fabrique de bouteilles aux Islettes ihid.
A Verdun, on laisse un camarade ihid.
On parcourt la ville 23 1
En marche pour Etain ihid.
On passe à Brici ihid.
Chemin jusqu'à Metz ihid.
Déclaration d'un songe ihid.
Interprétation ihid.
Le camarade en prison ihid.
Courses dans la ville 282
Réflexion sur sa position ihid.
Sa marche dirigée vers Thionville ihid.
Autorisation d'aller à Kédango ihid.
Entrée à l'hôpital de Sarre-Libre ihid.
Son exéat ihid.
Copie du billet de sortie ihi^.
Admis dans l'artillerie à cheval l'jj
, Ordre de rejoindre sou corps ihid.
(4G3)
CHAPITRE XXKVIT.
En route pour Forbach 9,34 '79^*
Logement à Sargueniines ihid. an iv.
Warclie continuée sur Douguenon ihid.
Il couclie à Plialzbourg ibid.
Chemin suivi par Wasselonne ibid.
Arrivée à Strasbourg ibid.
Son frère est à Molsheim ibid.
On le place en sulîsistance ibid.
Temps passé agréablement 235
Départ pour Haguenau ibid.
Route sur Niderbronn ibid.
II s'égare la nuit dans la forêt ibid.
Lumière qu'il aperçoit . . . . ' ibid.
Observation sur sa triste position 236
Comment il est reçu chez des charbonniers .... iZ'j
Son hôte le conduit à Bitclie ibid.
En marche pour Sargueniines 238
Logement reçu à Sarbruc .... ibid.
Il traverse Sarre-Louis ibid.
En route pour Hilbring ihid.
Transport à Sarbourg ibid.
Séjour à Trêves ibid.
Chcinin pour Trarbacli ibid.
Il passe a Witlich ibid.
Logement à Polch ibid.
Arrivée à Coblentz ibid.
Observation relative au fort d'Ehrenbreistein .... ibid.
Marche sur Andernach ibid.
Passage à Bonn ibid.
Il travQi'se Cologne 289
Direction sur Neuss ibid.
Logement à Dusseldorf ibid-
On l'envoie à Kaiser svert . ibid.
( m )
Il rejoint la compagnie ibîtJ,
Son hôte est fermier ilid.
Changements opérés en son absence xhiil.
Développement de la végétation • . ibid.
Maladie qu'il a gagnée en route ibid.
Il entre à l'hôpital ibid.
Visite du général ibid.
Il voit éprouver des canons 240
Retour à Ratingen ibid,
La 9°'* demi-brigade a le n" io5""' ibid.
Point de changement à l'état-major, qui reste le même. 241
Compagnie à laquelle il appartient . ibid.
Effectif du corps • ibid»
Manière de prendre les chevaux sauvages ibid.
Ordre de départ ibid.
Lieux occupés en son absence -. ibid.
CHAPITBE XXXVin.
ï7î)6- Camp devant Dusseldorf (duché de Berg) . . • . . i^-y.
AN IV. Son fermier lui donne de l'eau-de-vie ibid.
On va à Oppladen ibid.
Passage de la Wupper ibid.
L'ennemi est attaqué ibid.
P»ataillon détaché de la 105""* ibid.
Il commande un poste 243
Quatorze grenadiers hongrois prisonniers de guerre. /i/f/.
Citation à ce sujet ibid.
Le bataillon rejoint le corps 245
Rapport de l'entrée en campagne ibid.
Compte rendu par le général Rléber 246
Troupe remplie d'ardeur pour combattre .... 248
Lieux occupés par une portion de la loS""*. . . . 249
(465)
CHAPITRE XXXIX.
Dispositions pour se battre otSo
Le détail de l'action • • • ^^"^•
Trait de 'l'-siiitéressement i5i
Rapport de la batiiillc d'Altenkirchen iùid.
Appel fait après le combat 2^4
Bivouac sur la route ibid.
La xoj™* passe à Hachenbourg ibùL
Position prise sur la Lahn ibùL
La division se rend à M etzlar i/nd.
De'tail du combat d'Altenburg. Eau-de-vie qu'il boit. iùid.
Rapport qui en a été' fait 237
Troupe harassée se disposant a la retraite. . . -2^9
Lieux occupés par une portion du corps iùsd.
A>" IV.
CHAPITRE XL.
On marche la nuit 260
Il reçoit un coup de pied de cheval. ..... ibid.
Secours de ses camarades ibid.
La retraite continue. Il est exténué de fatigue. . . iGi
Cadavre d'un homme assassiné dans un bois. . . . ibii/,
La troupe prend position 262
On détache le i*"^ bataillon ibid.
Bataille d'Ukerath, funeste à la io5"* ibid.
Le 2™^ bataillon souffre beaucoup ibid.
Correspondance du général Kléber ibid.
Idem sur le champ de bataille 2G3
Extrait des Victoires et Conquêtes 2G5
Observation à ce sujet ibid.
Jeunes gens de Dameri , victimes dans cette journée. 2G8
Marche pour défendre le pont de Siegbourg. . . ibid.
La division se retire sur la Wupper 269
Marche rétrograde vers Oppladen ibid.
AX IV.
( 4(u; )
On arrive à Dnsseldorf.
Reçu fourrier pour action d'édat. . .
Comment il paie sa bienvenue. . . ,
Rapport fait après la retraite. . . .
Lieux occupes par une portion du corps.
ibid.
ihicL
ibicL
270
ibid.
CHAPITRE XLI.
179G, La troupe part de Dusseldorf. ...
Ai'' îv. £lle traverse Midlicim
La io5""' detacliée sur Pextréme gauolie
Rapport lie la maixlie en avant de l'armée
Bataillons en mouvement versTlillcmlsourg
On veut déborder la droite de l'ennemi.
Remarque sur les fusils à vent.
Le pays c|ue l'on parcourt est boisé
Rapport de l'aUatpie de AVildendorf.
La loo™^ dans les environs d'Herborn
On s'arrête à minuit
En passant la Lalm , on rejoint la division
On se dirige à gauche de Piutzbach.
Combat d'Ober et INider-Merle. .
La io5"'* n'a pas lieu de donner
Une aft'aire s'engage à Ockstadt.
La division sc-jouine
On s'approcbe du Mein. . . .
Francfort est cerné
Sommation aux magistrats.
Menace du général
La ville est bombardée ....
On prend possession de cette capitale
Rapport à ce sujet
Toute l'armée se dispose à continuer ses conquêtes.
Lieux occupés par une portion du corps. . . ,
ibid.
ibid.
ibid.
27'jt
ibid.
ibid.
ibid.
ibid.
ibid.
ibid.
ibid.
ibid.
. 2^4
ibid.
ibid.
ibid.
ibid.
ibid.
ibid.
275
ibid.
ibid.
276
ibid.
( 467 ) ,
CH.U'ITRE XLII.
La division se rend à Hanau n.^'j i-'QÔ.
Cheniius difficiles. . l'bid. an iv.
Situation de la loS""*" i^id.
EiTots d'un orage ibid.
Ou a séjour ibid.
La division arrive à Gemiinden ibid.
Elle se rend à ScliAveinfurt 2^8
Observation relative au costume des femmes. . . ibid.
Ripport sur la prise de cette ville ibid»
Mouvement vers Lauringen ibid.
Dépêche du Directoire exécutif ibid.
Procès-verbal dressé pour des objets précieux. . . 279
Le général en clief malade. . ' 280
Capitulation de Kœnigshofen ....... ibid»
Réflexion sur la troupe ibid.
Un soldat est fusillé ibid.
Discours à ce sujet. . 281
Les officiers montrent un grand courage ibid.
On continue Ja route sur Bamberg ibid.
Rapport de la prise de cette ville . ibid.
Autre rapport du même jour 283
Combat de Strullendorf . ibid.
On marche sur Forcheim ibid.
Rapport de la prise de cette place ibid.
Le général Kléber malade . 283
Avant-garde à Neuhof ibid.
Ou occupe Bullac. ibid.
Marche sm* Loch ibid,
La place de Rottenberg se rend ibid.
Rapport qui en a été fait ibid.
Plusieurs divisions réimies ibid.
Extrait de l'ordre général 284
Autre de celui du général en chef. ibid.
1. 32
( 468 )
Combat en avant de Sulzbach 283
Fusillade pendant la nuit ibid^
Effet quelle produit ibicL
Piapport de cette bataille ibid.^
On s'avance sur la Vils 286
La troupe séjourne ibid.
Arrivée de la division auprès de la Nab ibid.
Le quartier-général est à Nabburg 287
Remarque relative à l'armée . ibid.
Incendie dans la ville ibid.
CILIPITRE XLIII.
1796. On bat en retraite 288
'ak IV. Extrait de Tordre général ibid.
La di^'ision prend position ibid.
Rétaljlissemait du général Kléber . ibid.
Le rapport détadlé de la retraite 289
Soldats buvant de la bière par excès 290
Défaut de grandes routes ibid.
Extiait de l'ordre général 291
La division passe par Yilseck ibid.
Ouvrage cité sur les dangers que court l'armée. . 292
Village dont le cloclier est foudroyé ibid.
On passe à Peguitz ibid.
La troupe est fatiguée ibid.
Chaque corps reste sous les armes ibid.
La division va à "Weyterbach ibid.
Extrait de Tordre du général en chef 293
Les habitants révoltés fatiguent la troupe ibid.
On traverse un village incendié 294
Bon usage de deux pains ibid.
La division s'approche de Forcheira ibid.
Course dans cette ville ibid.
( 4^'0 )
CHAPITRE XLIV.
On se dirige le long de la Rednitz . . «gS 1796.
Habitations incendiées ibid. am iy«
Position devant le gué de Seussling ibid.
Querelle avec un foui'rier 296
On rejoint la division ibid.
Position prise par la troupe ibid.
L'ennemi se présente en force ibid.
Ordres copiés pour le chef d'état-major ibid.
plusieurs villages incendiés 297
Ce qui arrive au moment d'une charge ibid.
Observation sur la bravoure de plusieurs femmes . . ibid.
Course dans Bamberg 298.
Distributioh des vivres ibid.
Occupation de Bamberg par l'ennemi ibid.
L'armée continue sa retraite ibid.
Extrait relatif à la marche de l'armée ibid.
CHAPITRE XLV.
O n passe le Mein à Halstadt 3oo Ï79S*
Chute dans une espèce d'étang ibid. ak iv.
Séché , il aperçoit de la vermine ibid.
On prend position 3oi
Mouvement sur Zeil ibid.
Combat particulier avec un fourrier ibid.
Son adversaire est blessé ibid.
La troupe auprès de Lauringen ibid.
Nouvelle organisation que reçoit l'armée 3o3
Le général Kléber , malade , se retire de l'armée . . . ibid
Bataille de Wurtzbourg ibid.
La 105"^ escorte les blerisés de cette affaire ibid.
Convoi dirigé sur Hanielburg ibid.
On continue la route par Bruckenau ibid.
( 470 )
Le convoi epronve des privations ihid.
A Fulde, on donne des secours aux blessés .... 3o3
Eloge des habitants et de la troupe ibid.
Difficultés pour le transport ibid.
En route, blessés abandonnés la nuit dans un bois . 3o4
Observation à ce sujet • ibid,
CHAPITRE XLVI.
1796. Le convoi arrive à Grunberg 3o5
Â'n IV. S:npiise de la ville par l'ennemi 3o6
■Départ du convoi ihid.
•On bivouaque auprès de Giessen • ihid.
Le convoi continue sa route ilnd.
■ Rapport de la retraite Soj
Autre rapport sur la position de l'armée . . . . . ibid.
Infanterie enfermc-e dans Giessen ibid,
Marche de la division par une autre route 3o8
Lieux qu'elle a parcourus ibid,
CHAPITRE XLVII.
Ï796. Position près de la Lahn 309
AN IV. Le canon est tiré sur les avant-postes ....... ibid.
Autrichiens dans Giessen. Le général Bonnaud blessé . ibid.
La io5'"* arrive en face de cette ville 3 10
Plusieurs ennemis tués par des pierres • ibid.
On permet aux Autrichiens d'enlever leurs morts . . 3 1 1
Retiaite sur Herborn ibid.
La division s'établit à Altenkirchen ibid.
Rapport de la retraite ibid.
Le général Marceau blessé mortellement ibid.
Quatre rapports qui ont été faits 3i2
La division en avant d'Ukerath 3 1 3
Elle se transporte auprès de Bensberg ....... ibid.
(470
Rapport cle la retraite ihid. an v.
Le géne'ral Jourdan donne sa démission ibld.
Son ieinpiarant est le général Beuinonville .... 3i4
Force de la io5'"* 'V^iV/.
Service durant cette campagne ibid.
L'ennemi attaque . ilnd.
Rapport qui en a été fait ibid.
La io5™'' se rend à Langenbourg ibid.
Elle bivouaque dans la forêt de Bensberg 3i5
Quelques escarmouches ibid.
Dépôt à la jambe gauche ibid.
L'ennemi surprend les grand'gardes . ., ibid.
Un soldat, nommé Lecourt, l'emporte ibid.
Dragon qui les accoste 3i6
Il traverse la plaine à cheval ibid.
Sou compatriote reçoit ses remercîments ibid.
Entrée à l'hôpital ibid.
Il n'y a point de rapport. Pamphlets contre l'armée . 817
Lettre du général Lefebvre concernant des libelles . ibid.
Occupations pendant qu'il se rétablit ihid.
La io5"'* traverse Cologne ihid.
Rapport de la marche de la division ihid.
Certificats de convalescence ibid.
Il travaille chez le conamissaire . . . ' ibid.
Suspension d'armes 3i8
Rapport à ce sujet ibid.
Départ de Cologne 319
Il loge à Andernach ibid.
Un poste de Pandoures fait feu sur lui ibid.
Arrivée à Sohalkenbach ibid.
Décompte fait en argent ibid.
Itinéraire delà io5™^ ibid.
Lieux qu'elle a occupés 320
( 47^ )
CHAPITRE XLVIII.
l'jqn, ^^ compagnie fait le service au pont de Neuwied . . 822
ÀV Y. Retour au cantonnement • . • ibid.
On se rend à PistorfF , . ibid.
L'armistice est rompu ibid.
On passe le Rhin sur le pont de Neuwied ..... ibid.
Pourparlers entre les généraux des deux armées . . . 323
La' bataille s'engage ibid.
Détail des prises ibid.
Rapport qui en a été fait 824
Ce qu'il y a eu de capturé 826
On se rend à Moiitabaur ibid.
Marche par Liui bourg ibid.
La troupe se dirige sur la Lahn , qu'elle passe . . . ibid.
Elle s'élance vers Kœnigstcin ibid.
On se transporte auprès de Francfort ibid.
Des obstacles vaincus. Le général Ney prisonnier. . . 827
L'ennemi suspend sa marche ibid.
Sacs mis à terre pour mieux se battre ibid.
Dispositions de paix annoncées ibid.
Rapport à ce sujet ibid.
Préliminaires de la paix 829
Visite de plusieurs dragons de la Tour ibid.
La Nidda sert de démarcation ibid.
On distribue les cantonnements ibid.
Lieux occupés par la io5"'* ibid.
CHAPITRE XLIX.
\n(\n. La compagnie couche à Ober-Merle 33 1
AN V. Elle cantonne à Munster ibid.
Le magister du village est son hôte ibid.
Rapport de l'entrée en cantonnement ibid.
Dans ce village , il n'a point d'occupations ibid.
(473)
Distribution de ses instants 33l
Il les continue de même ibid.
On le nomme membre du conseil d'administration . . ibid.
Sentinelle en faction depuis 36 ans ibid.
Manière de s'habiller 333
Les cantonnements sont changés ibid.
Compagnie se dirigeant sur Arnelsheim ibid.
Elle se rend à Erbenlï^im 334
On se transporte à Limborn ibid.
Ensuite à W ohnercheim ibid.
Départ pour NideiTelle ibid.
En marche sur Irgstein ibid.
On couche à Ober-Rosbach ibid,
La troupe passe à Roderad . ibid.
Elle cantonne cà Maybach ibid.
Son logement est chez un fermier ibid.
Genre d'existence qu'il se trace ibid.
Sortie du village et retour ibid.
On le félicite sur sa manière d'écrire ibid.
Grand bruit dans les airs ibid.
Invitation aux habitants pour des souliers 335
Mort du général Hoche ibid.
La compagnie se rend à Hombourg ibid.
Elle rejoint l'armée ibid. an vi.
Cérémonie funèbre ibid.
Anêté du Directoire à ce sujet 336
Epitaphe du défunt ibid.
Le général Augereau commande en chef . ' ibid.
Nouvelle dénomination que reçoit l'armée ibid.
On réorganise la loS"^ ibid.
La compagnie se rend k A^'^isbaden 33^
Ouragan sur le Rhin ibid.
Marche jusqu'à Schwalbach ibid.
Le corps du général est inhumé ...» ibid.
Rapport à ce sujet ibid.
Transféré à la Toia- Blanche ibid.
( 474 )
La compagnie se dirige sur Caub 33S
£lle se transporte à Wisbaden ibid.
On se rend à Kœnigstein ............ ibid.
Demeure chez un boulanger ibid.
Explication d'un proverbe allemand ibid.
L'ne visite au prieur des Capucins ibid.
Voyage à Francfort ibi-d.
Kapport d'un mouvement de l'armée ibid.
Une partie du foit s'écroule . . ^ 33g
Mavence se rend ibid.
Rapport à ce sujet ibid.
On se livre aux plaisirs ibid.
^7'J"' fête donnée par le général en chef ibid.
CHAPITRE L.
i79>"^ La compagnie se rend à AVisbaden 34o
AJN VI, Observations sur les cantonnements ibid.
La loS*"' dans Mayence ibid.
On loge à la citadelle 34 1
Maître de langue qu'il prend ibid.
Départ d'un Danieriat ibid.
Congé qu'il fait obtenir ibid.
Dispositions de départ ibid.
La iod"^ repasse le Rbin ibid.
Compagnie à Ober-Reifenberg . . . . . . , . ibid.
On fait de la musique tous les soirs 34**
Usage de danser le dimanche ibid.
Le ministre corrige ses thèmes ibid.
IMort de sa sœur et de sa mère ibid.
Il se livre à la douleur ibid.
On reçoit Tordre de départ 343
La io5"^ se réunit à Cassel 'bid.
Observations sur les cantonnements ibid.
Départ pour Alzey ibid.
Chemin dirigé par Worms 344
( ^f^ )
i\îarrhe du côté de Spire ibid.
Piéflexion sur les anabaptistes ibid.
On va k Landau ibid.
Machine imitant le tonnerre ibid.
De jeunes personnes font de la musique 3/p
La troupe se rend à A\ eis^'embourg ibid.
On s'achemine vers Haguenau ibid.
Airivée à Slrasl)ourg ibid.
Lieux occupés par une portion du corps ibid.
Chirurgien- major consulté 34<>
Du fourrier est malade ibid.
Livres loués ibid.
Détail des ouvrages ibid.
Entrée à l'hôpital ibid.
Tatouage sur le bras gauche 347
t*romenade par la ville ibid.
îletour à son poste ibid.
Dispositions de départ ibid.
Un discours d'acUeu 343
CHAPITRE LL
En route pour Benfeld ; . * . 349 t-q8.
Direction prise par Schélestadt ibid. ax vi.
Transport jusqu'à Colmar ibid.
Logement reçu à Cernai ibid.
Marche sur Béfort ibid.
Séjour à Porentrui ibid.
Passage du Picrre-Pertuis ibid.
En route pour Bienne 35o
Arrivée à Morat ibid.
Observations sur les sculptures de cette ville ibid.
Ils sont dirigés sur Aveuclie 35 1
Motif du fameux ossuaire de Morat . ibid.
Diminution des os ibid.
Le commandant les traite mal 352
t. 55
( 47^î )
Destruction du charnier de Morat ihuL
On les regarde comme des curiosite's 353
Chagrin qu'ils e'prouvcnt ibid.
On reniar(jue une dame ibid.
Discours qui lui est adressé ihidi
Elle ( n éproUve une émotion 35^
Le fourrier est indigné ibid.
Il hai'angue le peuple ibid^
On les conduit hors de la ville d'Avenche ibid.
Fuite de la femme qui les guide 335
Arrivée à Fribourg ibid.
Emplettes de plusieurs choses ibid.
Remarque sur le pays ibid.
Nouvelles de la io5"" 356
En maiche pourPa\erne ibidé
Logement reçu à Moiidon ibid.
Kuit passée à Montprevayre , ibid.
Arrivée à Lausanne ibid.
Séjour dans cette ville ,.•... ibid.
Le logement est à Carouges ibid.
Promenade dans Genève 35^
Ateliers d'horlogerie ibid.
La route continuée pour Lyon ibid.
CHAPITRE LU.
1798. En route pour Collonge 358^
AN VI. Lieu où se perd le Rhône . ibid.
Marche sur Nantua 359
Logement à Bourg . . . • ibidt
Promenade dans la ville • . ibid.
On passe au Pont d'Ain ibid.
Gîte reçu à Meximieux ibid.
Arrivée à Lyon ibid.
jNouvelles de la io5"'^ ibid.
Séjour employé dans la ville . • ibid.
( 477 )
Observation sur le titre de Citoyen SCto
En route pour Rivc-dc-Giers ihuL
Ou va à S.iiiit-Etienne « . ilnd.
Remarque sur le briquet pneumatique ihid.
Arrivée à Moiitbrison 36 1
Fatigué, il prend du repos ihid.
Lieux occupés eu son absence ihid.
Malade , il couche à Saiut-Simpliorien 3(S2
En route pour Lyon ihid.
Logeaient reçu à Bourgoin ibid.
Transport à la Côte-Saint-André ibid.
Chemin sur iVloirans ibid.
arrivée à Grenoble - ibid.
Livres loués 363
Il entre à l'hôpital ibid.
Jiffet de la sommité des Alpes ibid.
\isite du médecin ... .\ ... * ibid.
Lecture faite poue s'instruire ibid.
Il reçoit des leçons de musique ibid.
Dans le bain , il se trouve mal ibid.
Les remèdes sont impuissants 36^
Son billet de sortie lui est remis ihid. an Vil.
En route pour Moirans ibid.
Transport sur la Côte-Saint-André ibid.
Chemin vers Bourgoin ibid.
Arrivée à Lyon ibid,
Vue des Alpes ibid.
Ce qui se passe chez un perruquier ibid'
Rapport sur les cadenettes 365
Conjiaissauce d'un capitaine d'Epernai ". 366
Entrée des spectacles ibid.
Il connaît M. Saint-Ange ibid.
Punition de huit jours d'arrêts ibid.
Chien hydrophobe tué 36^
Procuration envoyée à son père ihid.
Belle tenue delà loS™" ibid.
( 4-s )
Le «ort le désigne pour la 107"'" ibid,
Oi- ]iù remet une lettre de recommandation .... 368
Dispositions de départ ibid,
CHAPITRE LUI.
1798. On quitte la ville de Lyon 869
AK vu. La poste aux ânes ihid.
Pjomenade dans' la ville de Vienne ihid.
On se rend à la Cùte-Saint-André ihid.
En marche pour Moirans • ... ihid.
Arrivé à Grenoble , il compte à la 107""* ..... .ihid.
Composition du corps ihid.
Le logemiMit est dans un couvent 870
Entri'es i^ralis au spectacle ihid.
Il va à des noces auprès de Vizille ihid.
Partie de chasse 871
On loge chez les habitants ihid.
Conscrits pour le corps ihid,
^799* Enlrée à l'hôpilal . . ihid.
L'n caporal tombe en léthargie 872
Querelle avec un hussard ihid.
Le combat cesse 378
Ruse découverte iijid.
Le 2"* de la 107'"* va à Pierre-Latte ihid.
Sortie de l'hôpital ihid.
En route pour Moirans , ihid.
La nuit est passée à Saint-Marcellin 874
Marche sur Romans . • ihid.
Séjour à Valence . ihid-
Route continuée par Loriol. ..,,.... ihid.
Logement reçu à Montélimavt ihid.
Passage retardé à Douzère , à cause des voleurs. . . ihid.
Arrivée à Pierre-Latte ibid'
Un riche part culier est «on hôte. ihid.
ïdées sur les vers à soie ihid.
( 479 )
Chnnt (le la cigale ; 3^5
Ordre de départ ihid,
Dfjcuuer avec des petits pâte's ibicL
CHAPITRE LIV.
En route ponr Montélimart. Il est incommodé. , . 3^6 17Q9.
Ln<;euient à Loriul ibid. an vri»
Arrivée à Valence , où l'on passe la revue .... ihid'
le chemin est dirigé sur Crest ibid'
On loge à Die ibid'
La nuit passée à Luc 3^^
Transport à Saint-Pierre ibid.
Arrivée à Gap ibid.
Contrôles préparés ibid.
Revue passée ■ ibid.
Le commandant est mécontent de lui ibid,
II est puni à l'avant-garde 3^8
Passage à Embrun ibid.
Logement à Saint-Crépin ibid.
Manière de vivre des montagnards ibid.
Ce qu'ils font au dégel 379
On traverse Briançon et le Mont-Genèvre 38o
Idées de la chaîne des Alpes Cot tiennes ibid.
Marche de la troupe 38 1
Le hâvre-sac d'un soldat est englouti ibid.
Description d'une avalanche ibid-
Proverbe allemand 38^
On arrive à Oulx en même temps que le Pape . . . ibid.
Sa Sainteté donne sa bénédiction ibid.
Rapf)ort relatif à la marche du Saint-Père .... ibid.
Le bataillon loge à Suze ibid.
On se rend à Avilliaue 383
Arrivée à Turin ibid.
On le met en liberté . ihid.
Le général Schérer commande l'armée ibid.
( 48o ) •
Article du Moniteur à ce sujet ibicL
Promenade dans la ville ibid.
Des prêtres dans les cafés 384
Improvisateurs . ibid.
Désignation de l'anTie'e austro-russe ibid.
Le de'sarmement des Turinois ibid.
Bataillon de la I 07"'' à la citadelle. 385
Force de la garnison ihid.
Cuisine malfiiisanle ibid,
CHAPITRE L^' .
179g. Les Austro-Russes s'approchent de Turin. .... 386
AN vu. Trahison des habitants et surprise de la ville . . . ibid.
Il met le feu à une pièce de canon ibid.
Le généial Fiorella se rend sur le rempart. . . . 387
Des mihtaires se précipitent dans les fossés. . . . ibid,
Iiitre'pidité d'un 'soldat. ibid.
Lu parlemeutaire ennemi paraît ....... ibid.
Sacs laissés sur l'esplanade 388
Du sable mêlé avec de la poudre dans les cartouches, ibid.
On fait feu sur des barbets. ibid.
Bâtiments incendiés 389
On ne tire plus du côté de la ville ibid.
Rapport relatif à la position de l'ennemi .... ibid.
On fait sauter un mur ibid.
Moyen que l'on a prétendu être employé. . . • 890
Une fusillade a lieu ibid.
La garnison fait quelques sorties ibid.
Durant la nuit , la tranchée est ouverte .... ibid.
L'ennemi commence le siège de la citadelle . . . ihid.
Détails à ce sujet. Sergent qui a la jambe cassée . • Sgi
Il n'y a qu'un blindage ibid.
Malheurs causés par l'ennemi . . * ibid.
On entre en pourparler Sg'î
s lin caporal enlevé clans les airs ( le citoyen Cheval ). . ibid.
(48.)
Seigent-niajor mort sans être frappé (le citoyen Filet), ibid.
Trait de courage d'une vivandière ibicL
Magasin à pondre donnant dos craintes .... SqS
Le bombardement reconunence ibicL
Tout est prêt pour l'escalade ibidi
INouvelles de soldats ibid.
Incendie d'un dépôt d'effets de campement . . . 394
On arrête une capitulation ibid.
Voici les conditions qui ont été conclues .... ibid.
Ptapport des opérations du siège 899
Citation du Dictionnaire des Batailles ibid.
CHAPITRE LVI.
On évacue la citadelle . '. i i ^oZ ^799'
Musique pénible h entendre ibid. as vu.
Bonne contenance de l'escorte. Révolte des barbets. . ibid.
Observation à ce sujet 4^4
Dispositions du siège ibid.
Remarque sur l'artillerie étrangère ibid.
Force de la garnison à sa sortie ibid.
Récit, en cinq paragraphes, des Victoires et Conquêtes, ibid.
Citation à cet égard ibid.
Marche jusqu'à Saint-Georges 4°^
Distribution des logements ^on
On se rend à la Novalaise ibid.
Avant-postes français ibid.
Passage du Moat-Cénis , ibid.
Trois descriptions de cette partie des Alpes . . . 4^^
Arrivée à Lans-le-Bourg 409
Lettre adressée au Gouvernement . . , . , .41*'
On se reîid à Vernei 4i2
Logement à Modane. Bergère des Alpes .... ibir^.
Séjour à Saint-Jean - de - Maurienue ibid.
Aiguebelle. Apparition d'un ours. Goitreux et Crétins . ?Z'/V/,
On loge à Montmélian ^l'i
( 482 )
Séjour k Cliambéri * . . ibich
On se rend aux Echelles. Rocher coupé ibidi,
La troupe va au Pont-Je-Reauvoisin ibidi
Cascades que l'on apeiçoit sur la route: ibid.
On se dirige vers la Tour-du-Pin ....*.. ibid.
Logement reçu à P»ourgoin ....*... .4^4
Arrivée à Lyon, où l'on séjourne . . ^ . i , .ibid*
En route pour Saint-Simpliorien ibid.
On reste à Montbrison poui' se reposer . ^ . . . ibidt
CHAPITRE LVIL
*799* Partant pour riiopital , il va à Saint-Simpliorien . . 4*5
AN vn. Etant à l^yon , il obtient une convalescence . . . ibid.
Départ pour Yillefranche ibid.
Logement reçu à Mâcou . . . . * i . , .416.
IXult passée à Tournus ibid-
Séjour à Cliâlons-sur-Saône ibid.
Chemin continué vers Chagnl ....<... ibid.
En route pour Pieaune ibid.
Logement reçu à Nuits. Pays- aux fameux vins . . ibid.
Séjour à Dijon ibid.
Départ pour Chanceau ibid.
Passage à Troyes ibidi
Chemin par Arcis-sur-Aube 4^7
Route dirigée vers Sommessous ibid.
' Arrivé h Châlons , il visite M. Collardeau .... ibid.
Il parvient à Epernai ibid.
Terme de son voyage à Dameri ....... ibidi
Sa manière de vivre ibid.
Lettre écrite à son capitaine 4^^
Départ du côté de Sézanne ibid.
On va à Yillenauxe , . ibid.
En chemin pour Provins. Roses de l'Orient . . . ibid.
Arrivée à Cessoi ibid.
On y reste 8 jours ^ . . ibid.
( 485 )
Retour par Provins 4^9
On se transporte à la Ferté-Gaucher ihi(L
En route vers Montmirail ihnL
Chemin continué sur Dornrans • . ihid.
Arrivée à Dameri ibid.
Voyages dans divers lieux ibid.
ISouvellc lettre à son capitaine ibid.
Date de cette épître ^10. an viiu
Bains de vin pris dans des cuves ibid.
Vin vendu à un marchand insolvable ....... ibid.
En route pour Fère-en-Tardenois ibid.
Transport jusqu'à Soissons ibid.
Oa fait résilier le marché 4^^
Lanuit,on voit un météoreigné. Phénomènelumineux. ibid.
On arrive à Dameri ibid.
Réponse de son capitaine ibid.
Dispositions pour rejoindre la 107"^ 4^^ 1800.
CHAPITRE LVIII.
En route pour Château-Thierri 4^^ 1800.
Passage à Meaux ibid. an vin.
Arrivé à Paris , il y rejoint M. CoUardeau ibid.
Etablissements pubhcs qu'il parcourt ibid'
Spectacles où il va. Restaurateur et carte ^1^
Le comité de santé lui accorde un mois ibid.
Il écrit à son capitaine pour lui annoncer son retour . ^iS
Départ p'" Orléans, où Jeanne d'Arc s'est renduecélèbre./^iV/,
Résolution de voguer sur la Loire ibid.
Manière de vovaçîer ibid.
o
On aborde k Amboise ibid.
Pvécit des malheurs de la Vendée ......... 4^6
Auteur cité ibid.
Observation ;. ce sujet ibid.
Logement à Port- la-Vallée, après avoir failli périr . ibid.
Il paie son transport 4^7
i. 34
(4B4)
Arrivée à Angcvs . ihicl.
Il voit les édifices piililics et remet ses papiers . . . ibid.
La compagnie est au Lion-d'Angers ^ ibid.
\\ reprend ses fonctions 4^^
Leçons d'armes qu'il reçoit ibid.
Pacification avec les Chouans . . . , ibid.
On retourne à Angers ibid.
Troupe logée au Roncerai ........... ibid.
Jeunes militaires versificateurs avec qui il se lie . . . ibid.
Le bibliothécaire lui confie des livres ibid.
Décret poui: organiser la gendarmerie à pied .... ibid.
Lettre de MM. Paillnrt à ce sujet 4^9
Correspondance avec les mêmes .ibid.
11 lui parvient une dépêche 4^0
Ordre du citoyen Noireau ibid.
Visite à ce chef de division ibid.
Il copie sa lettre de passe de brigadier . 4^1
Réflexion qui en est la conséquence ibid.
Lettre au général Wirion ibid.
On le prévient qu'il doit partir sous peu ^Zi
Les sous-officiers s'assemblent pour nommer un sergent, ibid.
Il en instruit plusieurs du motif de la convocation . . 4^^
On le choisit à runanimité ; i* est reçu sergent . . . ibid.
Son nouveau capitaine règle son compte ... . . . 4^4
, Il se rend chez le quartier-maître - • • ibid.
Copie de son congé ibid.
iHoo. Observation à ce sujet . ibid.
AN viu. Décompte cjui lui est fait 4^^,
FIN DE LA TABLE DU PREMIER VOLUME.
(485)
APPENDICE.
Page 25o, entre les lignes 9 et 10, intercaler le pava-
graphe que voici :
Dans ce moment , le 6"* régiment de chasseurs à cheval
fila au trot, à côté de nous, pour inquiéter la gauche de
l'ennemi. Le fourrier Bouvrain Georges-François, qui en
faisait partie , pressa la main de plusieurs Dameriats , ses
compatriotes. Les Impériaux, peu après, firent une dé-
charge sur cette cavalerie ; et le citoyen Bouvrain , atteint
d'une balle qui lui traversa la jambe droite, fut contraint de
se retirer du conxbat. En repassant devant nous , chacun lui
promit, en hâtant le pas , de venger sa blessure.
Page 25o , ligne dernière , et iSi , ligne 1' % ajouter à la
suite de ces mots : je m'élançai sur lui , et , « Fincere mit
» mo?n (i) ! « je lui plongeai ma baïonnette, etc. (i) Vaincre
ou mourir \
Page 346 , ligne dernière , lire après agréablement:
A cette époque, tous les Français de 18 à ^5 ans, étant
obligés de servir, un iiuuvait, Jaiis les grades inférieurs,
des jeunes gens qui étaient fort érudits , et qui avaient reçu
une excellente éducation ; la classe de fourriers se faisait
particuhèrement remarquer sous ce rapport.
Page 367, entre les lignes 23 et 26 , lire ce qui suit :
Ces militaires, tant par leur boime conduite, la modéra-
tion de leurs principes politiques, que par leur obéissance
aux lois de la subordination, gagnèrent l'estime générale
des habitants. Ceux qui voulurent y former des établisse-
ments , trouvèrent des femnies riches , ou des partis plus
avantageux qu'ils n'auraient pu l'espérer dans toute autre
circonstance.
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