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Full text of "Histoire"

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HISTOIRE 


DE 


Médard  BONIVART. 


EPERNAI,  IMPRlMKRfP:  DE  M-  V^  FIÉVET. 


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B  OIVINART. 


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]\e  a  Daniei'i  ,  le  lii  Jiullel    177J 


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HISTOIRE 

DE 

Médard  bonnart 


9 


THEVAUER    DES    ORDRES    ROYAUX    ET   MltlTAIRES  DE  SAINT-LOTTIS 
ST    DE   LA   LEGION-d'hONNEUR  ,    CAPITAINE   DE    GENDARMERIE, 


JEW   RETRAITE. 


Labor  improbus  omnia  vincit. 
Virgile  ,   Gèorgiques ,  Uy.  i",  y.  i^S, 


TOME    PREMIER.  X^HO^O. 


Û^-Î.x-S 


A  EPERNAI, 

Chez  M-  V«   FIÉVET,  Imprimeur -Librah* 
Place  du  Marché  au  Blé. 

4828, 


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AVERTISSEMENT. 


Oi  i  ai  euttepti<5  ^cj  kacev  ke&D 
Di||Cteiit4  c^£iiei\ic\û6  auî  me  6ox\i 
(5iitociiUcO .  ôuttout  ^emiiS  que  lO 
<5iu«5  eiitte^  ^<xn6  la  cattiète  ^eco 
auiieôu  ^  ce  \i  c6t  pa<5  aiicj  i  aie  icc 
|oiie  ptcteiihon  ()e  m  eqaleu  à  cet5 
auxtit),5  qéaéwinx  ani  otit  tllu4tte3 
ici  J\aiicc>>  -ijau  ieiitt5  action «îo 
fceltiqueu{5ct5  et  ieittt5  taleiit{5  îiiiit- 
kxiicôj   nicLié  <5eiiiei lient  vonv    aite 


ij  AVERTISSEMENT. 

ccoiv   aiie>>.    dans   auciciuc  atadej . 

inaiic  ic  mii6  iméueuv ^  cincj  l  on 

6c    lioiwcj      cil    peut    |aitc>>    Da'O 

obéetoahoiuo  :  on  veut  aiit^^t^    luxu 

4a   coiu)utte>>  ,     coiittioiicu     cl    6oii 

avancement  et  ovtenit.  une  potiion 

dù^    vonnen^    qui  écnt  ia    tccoiu- 


DE 


Médard  BONNART. 


CHAPITRE  PROilER. 


Le  i5  juillet,  je  suis  né  à  Dameri  (i).  Mou  1770. 
père  y  faisait  le  commerce  de  vin  d'une  manière 
avantageuse,  ce  qui  le  mit  à  même  d'élever  une 
nombreuse  famille ,  car  il  eut  treize  enl'ants ,  à  la- 
quelle il  a  laissé  une  existence  honorable. 

(1)  Dameri,  Damerie  ou  Damery  {■) ,  en  latin  Dame- 
riacum,  petite  ville  de  France  entre  Aï  et  Châtillon ,  ci- 
devant  province  de  Champagne ,  du  diocèse  de  Soissons, 
et  chef-lieu  de  canton  ;  maintenant  de  l'e'vêché  de  Châ- 
lons ,  canton  et  arrondissement  d'Epernai ,  département 
de  la  Marne.  Elle  est  dans  une  situation  agréable ,  bâtie 
sur  un  monticule  dont  le  plan  incliné  est  baigné  par 
cette  rivière,   en   regard  de  la  route  de   Paris  à  Stras- 

(*)  Pour  les  lieux  de  la  France  ,  j'ai  suivi  le  Dictionnaire  ,  en  un 
vol.  in  8.0  ,  imprimé  chez  Schmith  ,  à  Paris  ,  en  1818  ,-  supprimant 
toutefois  l'y  placé  à  la  fin  des  mots  ,  et  le  remplaçant  par  i ,  qui 
me  sopible  plus  cojifbrme  «  Tusage  actuel  de  la  prouoncialion , 


.(  o 

['jnS'  Je  suis  venu  au  monde  sex-cligilairo  ;  c'cst-à^ 
dire  qu'en  naissant,  j'avais  six  doigts  à  chaque 
main.  Les  sixièmes  étaient  entre  la  première  et  la 
deuxième  phalanges  en  dehors  de  l'auriculaire. 

bourg,  avec  laquelle  elle  communique  au  moyen  d'un 
pont ,  construit  partie  en  bois,  partie  en  piej-res  ,  et  d'mTe 
chaussée  garnie  d'arbres  à  droite  et  à  gauche.  Cette  le- 
vée traverse  une  prairie  délicieuse  ,  riche  d'une  quantité 
infinie  de  plantes  plus  qu  moins  variées,  qui,  dan^ 
la  floraison ,  exhalent  une  odeur  suave.  Dans  cette  im- 
mense verdure ,  on  aperçoit  serpenter  la  Marne  sem- 
blable à  un  ruÎ3an  argenté.  Du  calvaire  ,  le  point  de  vue 
est  superbe.  On  découvre,  vers  le  levant,  à  lo  lieues, 
et  vers  le  couchant  à  6.  Du  Camois,  ferme  à  une  demi- 
Leue  du  côté  du  midi  ,  on  distingue  ,  à  l'œil  nu  ,  i5  villes  , 
villages  ou  hameaux.  Elle  est  à  i  1.  1/2  0.  N.  0.  cVEpernai, 
à  9  1.  1/2  de  Châlons  ,  dans  la  même  direction,  à  5  1. 
S.  0.  de  Reims  ,  et  à  3^  1.  1/2  E.  de  î'aris.  Long.  1.  34- 
lat.  49.   5. 

Cette  ville,  placée  à  l'entrée  d'un  joli  vallon  et  dans 
une  riante  vallée ,  est  environnée  de  deux  collines  se 
prolongeant  dans  la  direction  de  l'E.  à  l'O.  ;  elles  sont 
parées  d'une  quantité  de  villages  et  de  hameaux  qui  of- 
frent un  site  tout-à-fait  pittoresque.  Les  coteaux ,  couron- 
nés presque  partout  de  superbes  et  vastes  forêts,  sont 
couverts  de  terre  végétale  ;  mais  ,  en  creusant ,  le  sol  est 
blanchâtre,  mêlé  de  craie  et  de  sable..  Ils  se  trouvent 
plantés  de  vignes  qui  produisent  d'excellents  vins  rouges  j 
ils  font  sa  principale  richesse  et  sa  renommée  depuis  un 
temps  immémorial  :  i  ,862  hab.  Un  particulier  de  cette 
commune  s'appelle  Dameriat ,  et  une  personne  du  sexe 
féminin  se  nomme   Dameriate. 

Dameri  a  fourni  aux  ai'mées  ,  pendant  la  révolution  , 
une  nombreuse  jeunesse  qui ,  habituée  aux  travaux  pé- 
nibles de  l'agriculture  ,  supportait  facilement  les  fatigues 


(5) 
On  en  a  fait  Tamputation  dans  ma  jeunesse.  Ma  ! 
lîicrc  frappée  de  ce  ])liénomène ,  puisque  j'étais  le 
seul  de  ses  eniants  qui  eût  nne  pareille  disdnction , 
me  répétait  souveiit  que  cela  était  d'un  augure  ia- 
vprable  pour  moi. 

de  la  guerre ,  et  a  de'ployé  ])eaucoup  de  bravoure  dans 
diverses  circonstances.  Plusieurs  individus  se  sont  dis- 
tiugue's  en  devenant  officiers  ,  et  eu  méritant  les  grâces, 
les  bienfaits  du   Gouvernement  ;  en  voici  les  noms  : 

Bertrand  Louis-Marie-Josepli-Prosper ,  né  le  i  février 
1769,  capitaiîie  au  ^"'*  régiment  d'artillerie,  membre 
de  la  Légion-d'Honneur ,  retraité,  et  déciidé  le  i8  jan- 
vier  1824. 

Bouvrain  Georges-François,  né  le  i\  avril  1770,  adju- 
dant-major au  6""^  régiment  de  cliasseurs  à  cheval,  che- 
valier de  la  Légion-d'Honneur ,  amputé  du  bras  droit  et 
retraité. 

Dubois  Jean-Baptiste-Maurice,  né  le  26  avril  1768, 
lieutenant  au  i'"'"  régiment  de  carabiniers,  retraité,  et 
décédé  le   i5  juillet   1812. 

Manceau-Lamotte  Pierre- Alexandre- Auguste  ,  né  le  19 
février  1770,  lieutenant  en  a""*  à  la  5""*  compagnie  de 
mineurs,  du  26  floréal  an  12  (  16  mai  iSo.f  )  ,  sans  qu'on 
sache  ce  qu'il  est   devenu  depuis  ce  temps. 

Manceau  Anne-Théodore  ,  né  le  7  février  1788,  lieu- 
tenant au  i*""  régiment  de  grenadiers  à  pied  de  l'ex^garde, 
membre  de  la  Légion-d'Konncur ,  en  expectative  et  maire 
de  la  ville. 

Pommelet  Jean-Nicolas-Barthélemi ,  né  le  24  août  1788, 
lieutenant  au  85"^*  régiment  de  ligue  ,  membre  de  la  Lé- 
gion-d'Honneur et  retraité. 

Saint-Denis  Joàeph ,  né  le  16  décembre  1780  ,  sous- 
adjudant-major  au  régiment  de  îlïetz,  3""*  artillerie  à 
cheval  5  membre  de  la  Légioa-d'Houneur,  décédé  au  corps 
le  22    août  1820. 


i-Sa. 


i-!-' 


(4) 

Le  1 7  Janvier ,  j'allai  à  Epcrnai ,  voir  pendre 
le  nonimé  Saint-Louis  qui  avait  volé  4,  8oo  livres 
en  or,  à  M.  Rollet,  prieur,  curé  de  cette  ville.  La 
mort  de  ce  condamné  était  la  nouvelle  et  l'efTroi 
de  notre  pays.  J'en  conservai  une  impression  qui 
lut  diiïicile  à  effacer. 
84.  Le  22  mars,  le  débordement  de  la  Marne  fut  si 
considérable ,  que  cinq  arches  du  pont  de  Dameri 
furent  emportées  par  la  débâcle  (i).  Le  2  5  du 
même  mois,  le  pont  de  deux  arches  de  la  chaus- 
sée fut  également  rompu,  ce  qui  jeta  la  conster- 
nation dans  l'âme  de  tous  les  habitants  (2). 

Daijs  le  cours  de  mes  classes,  je  fus  assez  heu- 
î'eux  pour  obtenir  des  prix ,  surtout  pour  la  fécon- 
dité de  ma  mémoire. 

Le  moment  de  me  choisir  un  état  étant  arrivé, 
on  me  destina  au  commerce  de  vin. 

A  cette  époque,  une  de  mes  parentes  ayant 
fait  un  legs  pour  élever  douze  enfants  de  la  ta- 
mille,  je  fus  compris  dans  ce  nombre. 

Le  5  mars ,  pour  m'instruire  dans  la  partie  des 
vins  qu'exerçait  mon  père ,  on  me  plaça  à  Rilli , 
à  deux  lieues  de  Reims ,  chez  mon  oncle  qui  s'oc- 

(1)  Depuis  celte  époque,  il  y  eut  un  bac  sur  la  li- 
vièrc ,  qui  causa  beaucoup  d'accidents.  En  1788,  le  pont 
fut  rebâti  tel  qu'il   est  aujouicFliui. 

(2)  Le  pont  de  la  chaussée  n'a  pas  été  reconstruit. 
On  a  prati({ué  un  glacis  garni  de  bornes ,  pour  l'écou- 
leiuent  des  eaux  pendant  l'iiiver  ;  ce  qui  rend  le  passage 
dangereux  ,  à  cause  de  la  proximité  de  la  Fossc-ïour- 
«isse  qui  est  une  espèce   de  gouilic. 


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(5) 
eiipait  de  cet  ol^jct,  et  par  la  suite,  de  brasser  de 
la  Jjière  à  la  Glacière  de  Silleri. 

Le  24  février,   mon  temps  étant  fini,   et  me  1790.. 
trouvant  dans  le  cas  de  me  livrer  aux  spéculations 
commerciales,  je  m'en  retournai  à  la  maison  pa- 
ternelle. 

La  révolution  qui  survint  alors ,  inspira  à  tous 
les  Français  une  ardeiu'  martiale.  L'idée  de  la  li- 
berté, qui  était  le  principal  but  de  ce  mouve- 
ment ,  enflamma  tous  les  coeurs.  Né  avec  un 
caractère  vit  et  bouillant ,  je  partageai  ce  sentiment 
noble  et  sublime. 

Mon  père  voyant  mon  inclination ,  me  fit  con- 
fectionner un  habit  de  la  garde  nationale  où  je  tus 
jchasseur.  Les  détails  du  service  absorbaient  tout 
mon  temps  :  l'exercice ,  l'escrime  et  la  danse  fu- 
rent mes  seules  occupations.  Je  maniais  un  fusil 
avec  la  dextérité  d'un  vieux  soldat.  Je  figurais 
avec  distinction  dans  la  salle  d'armes,  par  mon 
adresse  à  l'espadon.  Deux  anciens  militaires  qui 
travaillaient  depuis  peu  clxez  mon  père,  et  qui 
étaient  sortis  du  service  avant  d'entrer  à  la  mai- 
son, avaient  excité  mon  goût  pour  ces  sortes  d'a- 
musements. Ils  m'avaient  parlé  de  la  troupe  avec 
tant  d'avantage,  qu'ils  avaient  porté  dans  mon 
imagination,  déjà  échauffée  par  les  actions  des 
grands  hommes ,  la  louable  ambition  de  les  imiter, 
ou,  au  moins,  de  m;u'cher  sur  leurs  traces. 

Le  5  mai,  mon  frère  aîné,  que  l'enthousiasme  1791- 
niiUtaire  animait  aussi ,  s'engagea  dans  le  régiment 
de  Bretagne  iuianterie,  et  se  i-cndit  à  Strasbourg, 


(6) 
OLi  le  corps  tenait  ganii.^on.  J'aurais  désiré  partii 
avec  lui,  mais  ma  trop  grande  jemiesse  avait  em- 
pêché de  lecevoir  mon  enrôlement. 

J'étais  de  garde  un  dimanche  ;  nous  eutendhiies 
(les  cris  qui  partaient  d'une  maison.  Je  sautai  sur 
mon  arme  et  sortis  du  poste.  Une  patrouille  s'étant 
ibrmée  aussitôt,  nous  nous  rendimes  à  l'endroit 
où  les  cris  s'étaient  fait  entendre.  Nous  nous  pré- 
sentâmes pour  entrer  chez  un  individu  qui  était 
enfermé  dans  sa  chambre  sans  vouloir  en  ouvrir  la 
porte.  Comme  il  se  plaignait  beaucoup ,  on  nous 
requit  de  pénétrer  de  force  dans  l'appartement; 
j'en  fus  d'autant  plus  flatté ,  que  je  croyais  que  le 
moment  de  me  signaler  était  arrivé.  En  entrant, 
nous  vîmes  cjue  le  plaignant  s'était  coupé  la  gorge 
avec  un  rasoir,  à  l'endroit  du  larynx,  et  qu'il  per- 
dait beaucoup  de  sang.  On  envoya  chercher  le 
chirurgien,  qui  pansa  la  ])laie  :  il  ne  la  trouva  pas 
uioitelle.  I^a  garde  se  retira. 

Un  particulier  avait  composé  une  musique.  Il 
s'était  procmé  tous  les  instruments  en  usage  alors. 
Les  jeunes  musiciens  allaient  aux  répétitions.  Dans 
toutes  les  réunions,  on  les  voyait  à  la  tête  delà 
garde  nationale  ;  j'étais  chargé  du  triangle.  Cette 
musique  formée  à  la  hâte ,  qui  était  une  nouveauté 
pour  Dameri_,  plaisait  beaucoup  aux  habitants  de 
celte  commune. 

Dans  la  imit  du  '20  au  9 1  juin,  Louis  XVI  partit 
des  Tuileries. 

îiC  21 ,  dans  la  soirée,  cette  nouvelle  fut  con- 
nue ;i  Dameri. 


(7) 

Le  22,  mon  père  nVenvoya  à  Doi-mans,  pour  i^yr. 
afi'aire  particulière.  Arrivé  dans  cette  ville,  je  vis 
tout  le  monde  sur  pied.  La  garde  ualionale  avait 
pris  les  armes.  On  taisait  la  bénédiction  des  dra- 
peaux, à  laquelle  j'assistai.  Après  cette  cérémonie, 
je  fus  invité  à  dîner.  Nous  étions  a  table ,  lorsqu'on: 
annonça  que  la  marche  du  Roi  avait  été  inter- 
rompue à  Varennes,  que  S.  M.  retombait  à  Paris, 
et  qu'un  émissaire  se  transportait  en  toute  dili- 
gence à  la  Convention  pour  lui  faire  part  de  cette 
nouvelle.  Je  retournai  le  lendemain  dans  ma  fa- 
mille, où  je  trouvai  tout  le  monde  armé  et  en 
mouvement. 

Le  23 ,  jour  de  la  Fête-Dieu ,  à  quatre  heures 
après  midi,  les  voitures  du  monarque  parurent  ; 
elles  étaient  accompagnées  de  la  garde  nationale 
de  Reims.  On  fit  halte  en  face  de  Dameri,  à  cause 
de  l'arrivée  des  députés  conventionnels,  qui  étaient 
MM.  Barnave,  Latour-Maubourg  et  Pétion.  Le 
premier  adressa  un  discours  au  Roi  et  au  peuple  j 
ensuite  l'ordre  fut  donné  de  partir. 

La  foule  se  disposait  à  se  retirer ,  lorsque  le 
Ticaire  de  la  paroisse  de  Dameri  fut  remarqué  par 
quelques  individus  turbulents,  qui  coururent 
après  lui  dans  l'intention  de  le  rendre  victime  de 
leur  brutalité.  Cet  abbé  se  sauva  heureusement,  et 
trouva  protection  qui  le  mit  à  l'abri  de  la  fureur 
de  ces  forcenés. 


(8) 


t^^jrK^<^T-„^^^^.^>^C7's,t^'<JT^. 


CIIAPÏTRE  II 


t-gr.  Le  aj  août,  à  dix  heures  du  matin,  il  y  eut  h 
Dameii,  sur  la  place  de  la  halle  (  noiivellenient 
nommée  du  Champ  de  Mars  ),  par  ordre  du  maire, 
nn  bureau  établi  au  bruit  de  la  caisse  et  au  son  de 
la  cloche.  On  y  lut  l'arrêté  du  Directoire  du  dé- 
partement, en  date  du  i5,  qui  proposait  aux 
jeunes  gens  de  former  des  corps  de  volontaires. 
Aussitôt  cpie  j'eus  entendu  cette  lecture,  m'étant 
présenté,  j'écriyis  moi-même  mon  engagement. 
Je  lus,  en  conséquence,  le  premier  inscrit  pour 
voler  à  la  gloire  ;  mon  exemple  fut  suivi  de  douze 
autres  individus  (i).  Ils  étaient  tous  aussi  braves 
que  dévoués  à  la  Patrie ,  et  ont  reçu  ,  pour  la 
plupart,  la  mort  dans  les  combats. 

Etant  de  retour  à  la  maison,  j'annonçai  ma  ré- 
solution et  l'engagement  que  je  venais  de  con- 
tlacter.  Après  avoir  reçu  toutes  Xç.^  marques  de 
tendresse  de  ma  mère,  et  ses  regrets  de  voir  que 
j'étais  disposé  à  m'éloigner,  elle  consentit,  quoi- 

(i)  En  voici  les  iioms  :  BertranJ  Lami ,  Billard  le 
garde  ,  Camus  dit  Copiaiix  ,  Durand  ,  Fourcher  ,  Galand 
(Jiristophe,  Gueriii  ,  Lourdct  Alexis,  Martin  Malmi  , 
Moussu  Biaise ,   le    grand  Pariset  et   le  petit   Pariset, 


(  9  )       , 
Qu'avec  peiné ,  à  me  laisser  partir,  en  me  soiilial-  i-jgu 
tant  toute  sorte  de  prospérité  dans  ma  nouvelle 
carrière.   Elle  fit  compléter  mon  habillement  et 
mon  équipement.  Je  reçus  de  la  mairie  les  armes 
et  le  fourniment  propres  à  l'état  militaire. 

Le  3  septembre,  nous  allâmes  à  Reims,  sous  le 
commandement  du  colonel  de  la  garde  nationale. 

A  notre  arrivée  en  cette  ville,  je  fus  reconnu 
par  nn  ami  de  mon  père,  qui  me  demanda,  ainsi 
qu'à  Guérin,  volontaire,  si  nous  voulions  loger 
chez  lui.  Il  nou5  dit  que,  devant  avoir  deux 
hommes ,  il  serait  plus  flatté  de  nous  posséder 
que  d'autres  qu'il  ne  connaissait  pas.  Nous  accep- 
tâmes sa  proposition  ;  il  se  rendit  à  l'hôtel-d  > 
ville ,  afin  d'obtenir  son  billet ,  et  nous  conduisit 
chez  lui ,  oii  l'on  eut  pour  nous  beaucoup  d'égards 
et  d'attentions. 

Le  lendemain  4  j  on  nous  donna  la  solde  mi- 
litaire. 

Nous  nous  réunissions  chaque  jour,  à  midi, 
à  l'Arquebuse,  pour  répondre  à  l'appel.  Quand 
cette  formalité  était  remplie ,  on  nous  laissait  en 
Uberté;  alors  nous  nous  promenions. 

Je  profitai  de  ce  temps  de  repos  pour  monter 
sur  la  tour  orientale  de  la  cathédrale,  qui  a  2  5(r 
pieds  de  haut,  où  je  gravai  mon  nom  parmi  ceux 
qui  s'y  trouvaient  déjà  en  nombre  infini. 

Je  fus  toisé,  et,  quoique  je  n'eusse  que  i6  ans 
et  un  mois,  l'on  me  trouva  dans  le  cas  d'être  ad- 
mis ,  ayant  5  pieds  a  pouces  6  lignes  (  i  mètre 
69  a  millimètres  ), 


t-'(ji.  Mon  père  ârilva  un  soir,  et  soupa  cîicz  son' 
ami  où  j'étais  logé.  Il  m'engagea  ,  à  cause  de  ma' 
trop  grande  jeuî5 esse,  à  m'en  retourner  aveclni  ; 
il  me  dit  qu'il  se  chargeait  de  me  faire  rayer  des 
contrôles,  et  que  nous  nons  mettrions  de  suite 
en  route  pour  Dameri.  Le  lendemain  il  m'annonça 
qu'ayant  réussi  dans  son  projet,  je  n'étais  plni 
militaire.  Je  l'avouerai ,  ce  parti  que  mon  père 
avait  pris  de  me  retirer  du  service,  contrariait 
mes  intentions.  Le  transport  martial  dont  j'étais 
anirrié ,  ne  m'ayant  pas  permis  d'accéder  à  ce  qu'il 
avait  lait  pour  moi,  j'allai  me  faire  inscrire  de 
nouveau.  Mon  père  voyant  (pie  ma  résolution 
était  ferme ,  qu'il  ne  pourrait  rien  gagner  sur  moi 
à  cet  égard,  me  laissa  libre  de  ma  volonté.  11  s'eri 
retourna,  après  m'avoir  embrassé  et  souhaité  toiitd 
sorte  de  bonheur. 

La  nomination  des  gradés  au  scnitin  eut  lieu. 
On  remarcpia  les  intrigues  qui  se  pratiquent  ordi-' 
naiiement  dans  les  assemblées  électives.  On  vit, 
à  la  formation  des  compagnies  composées  de 
l'amalgame  des  volontaires  dfe  diverses  communes, 
étrangers  les  uns  aux  autres,  circuler  des  listes 
portant  les  noms  de  plusieurs  rpii  voulaient  être 
officiers  ,  et  dont  les  qualités  étaient  vantées 
par  ceux  qui  les  communiquaient.  Les  jeunes 
gens  qui  avaient  de  l'éducation,  de  la  tournure, 
obtenaient  une  préférence  marquée  sur  les 
autres. 

On  me  plaça  dans  la  -a"^^  compagnie.  Mes' 
ruHîiuades   de   Dameri   nie   proposèrent   de   me 


,^:4-^^^^^'^^^^^^ 


.y^/a>'  ^■M'^y^^ 


("  ) 

choisir  pour  capitaine  (i).  Je  les  remerciai ,  en  i-j^i. 
prétextant  ma  grande  jemiesse  et  mon  inexpé- 
rience. On  fixa  les  yeux  sur  im  autre  plus  âgé , 
qui  accepta  avec  empressement.  Les  nomina- 
tions furent  faites  jusqu'à  Temploi  de  second 
sergent.  Alors  croyant  que  je  pouvais  remplir 
dignement  ce  poste,  j'en  prévins  mes  compa- 
triotes, qui  le  jugèrent  comme  moi,  et  j'eus 
d'emblée   la  préférence  sur  les  autres. 

Le  8,  le  corps  porta  le  nom  de  4^  bataillon 
de  la  Marne.  11  y  eut  réception  dans  les  grades  (2). 
La    cérémonie    de    la   bénédiction   du    drapeau 

(1^  Il  est  à  observer  que  le  jour  de  mon  entrée  au 
service  ,  je  pouvais  avoir  le  même  grade  que  celui  qui 
me   fut  dorme   quand  j'en   suis  sorti. 

(2)  Au  10  novembre  1792  ,  l'état-major  était  compo- 
sé de 

^Dï.    De   Cimy,  lieutenant-colonel  en  premier^ 
Failly ,  lieutenant-colonel  en  second. 
Magne ,  adjudant-major. 
Chevalier  ,    quartier-maître. 
Hortet ,  chirurgien-major, 
Mousset ,   adjudant-sous-officier. 
La   2™"  compagnie   avait   pour  officiers, 
MM.    Varin  ,  capitaine. 
Prévôt ,   lieutenant. 
Baron  ,  sous-lieutenant. 
Pour  sous-officiers , 

Legrand ,   sergent-major. 
Moussez ,   premier  sergent. 
J'étais  ,    comme    deuxième   sergent  ^    immatriculé  sous 
le  numéro  d'ordre   116. 

L'effi^ctif  du  corps  était  de  €32  hommes, 


'79' 


(  'O 
eut  lieu  à  la  cathédrale.  L'on  nous  fit  jurer 
d'être  fidèles  k  la  Nation,  à  la  Loi  et  au  Roi. 
Le  1 5 ,  nous  fûmes  passés  en  revive  par  le 
général  Vigenstein ,  et  nous  reçûmes  l'ordre 
de  nous  mettre  en  route  pour  le  Chesne  (  Ai-^ 
dennes  ). 


(  '3) 


CHAPITRE   III. 


Le  i4  septembre,  le  bataillon  partit  et  gagna  1791. 
Rethel  dans  la  jom^iiée.  Je  ne  manquai  pas  de 
parcourir  tous  les  quartiers  de  cette  ville ,  car 
c'était  la  première  que  je  voyais  depuis  que 
j'étais  au  service  militaire.  Xe  pris  la  résolu tioa 
de  faire  un  cahier  pour  y  inscrire  tout  ce  qui 
pourrait  fixer  mou  attention  et  piquer  ma  cu- 
riosité (i). 

Le  1 5  y  nous  continuâmes  notre  route ,  et  nous 
arrivâmes  au  Chesne,  qui  est  un  bourg.  Je 
logeai  chez  un  chirurgien  qui  avait  voyagé  ea 
Espagne.  Ma  grande  jeunesse  kii  ayant  inspiré 
de  l'intérêt  pour  moi,  il  crut,  par  prudence ^ 
devoir  me  prévenir  que,  dans  les  garnisons  où 
je  pourrais  me  trouver,  je  devais  éviter  les 
sociétés  dangereuses.  Après  qu'il  eut  terminé 
ses  observations ,  j'allai  me  coucher  ;  mais  je 
ne    dormis  pas  tout   de   suite  :  la  tête   encore 

(1)  Je  n'entrerai  pas  clans  tous  les  détails  des  beautés 
ou  singulai'ités  que  j'ai  rencontrées  dans  chaque  yille. 
Ayant  presque  toujours  eu  à  la  main  le  Dictionnaire  géo- 
graphique par  Yosgien  ,  1  vol.  in-S" ,  je  me  dispense 
de  retracer  les  descriptions  qu'il  en  donne  ,  puisque  sou- 
Teat  je  ne  formerais   quun   double   emploi. 

1. 


(  '4)       _ 

1791-  remplie  des  conseils  que  mon  liô te  m'avait  don- 
nés, je  me  livrai  à  de  profondes  réflexions.  J'avais 
été  élevé  chez  mes  parents  qui  avaient  toujours 
veillé  sur  moi,  sur  ma  conduite  ;  je  n'avais  point 
eu  à  craindre  les  pièges,  tous  les  dangers  aux- 
quels est  exposé  un  jeune  homme  sans  expé- 
rience ,  abandonné  à  lui-même.  Toutes  ces  idées 
se  concentiant  dans  mon  esprit,  me  firent  prendre 
îa  résolution  de  me  conduire  sagement,  de  bien 
remplir  mes  devoirs ,  de  me  concilier  l'estime 
de  mes  chefs  et  l'amitié  de  mes  camarades. 

A  cette  époque  ,  la  Convention  qui  voulait 
changer  la  face  du  gouvernement ,  prescrivit  de 
se  servir  du  litre  de  Citoyen  au  lieu  de  celui 
de  Monsieur  (i). 

Les  sergents  voulant  s'instruire ,  ne  négli- 
gèrent rien  poiu-  y  parvenir.  Nous  prîmes  ini 
instructeur  qui  nous  donnait  deux  leçons  par 
Jour  ;  l'une  de  6  à  7  heures  du  matin ,  que  de 
9  à  10  nous  répétions  aux  compagnies;  l'autre 
de  2  ko,  que  nous  rendions  de  même,  de  5 
à  6  heures  du  soir.  En  peu  de  jours ,  nous 
marchions  et  nous  faisions  assez  bien  le  manie- 
ment des  armes. 

La  nuit ,  j'apprenais  la  théorie  ;  bientôt ,  je 
la  sus  entièrement  par  cœur.  L'adjudant-raajor 

(1,)  La  Constitution  des  3  et  i4  septembre  1791 ,  titre  3, 
chapitre  i*"",  section  2,  article  2,  de'signait  les  condi- 
tions nécessaires  pour  être  citoyen  actif  ;  depuis  cette 
époque ,  on  se  servait  envers  les  hommes ,  de  la  qua- 
lilication  de  Citoyen  à  h  place  de  celle  de  Monsieur. 


(  -5) 
^s'adressait  souvent  à  moi ,  daus  les  assemblées 
d'instruction  qui  avaient  lieu  chez  lui  ,  pour 
me  faire  expliquer  certains  articles  que  d'autres 
ne  pouvaient  réciter.  Je  m'en  acquittais  tou- 
jours à  la  satisfaction  de  cet  officier ,  ce  qui 
était  pour  moi  autant  de  motifs  d'émulation 
et  d'encouragement. 

Lorsque  nous  sûmes  l'exercice ,  le  mauvais 
temps  étant  venu  ,  on  suspendit  les  manoeuvres . 
Le  volontaire  Guérin  et  moi ,  nous  obtînmes  une 
permission  de  4  jours  pour  aller  à  Sedan.  Nous 
avions  l'intention  de  voir  cette  ville  ^  d'en  ob- 
server les  beautés  et  les  fortifications,, 

Nous  louâmes  un  cheval  sur  lequel  nous  mon- 
tâmes alternativement.  Arrivés  dans  le  faubourg  , 
ayant  mis  notre  monture  à  l'auberge,  nous  fîmes 
le  tour  de  la  ville.  Nous  visitâmes  le  château  qui 
renfermait  une  grande  quantité  d'armures,  par- 
mi lesquelles  on  distinguait  celle  de  Jeanne  d'Arc, 
dite  la  Pucelle  d'Orléans  ,  de  Turenne,  du  grand 
Gondé,  etc.  (i). 

Groyant  avoir  vu  ce  qu'il  y  avait  de  plus 
intéressant  dans  la  place ,  nous  prîmes  la  route 
de  Mézières.  Ne  pouvant  parvenir  le  même  jom^ 
dans  cette  dernière  forteresse  ,  quoiqu'elle  n'en 
fut  qu'à  quatre  lieues  ,  notre  cheval  étant  fati- 
gué ,  nous  couchâmes  à  Doncheri  ,  que  nous 
parcourûmes  aussi.  Le  lendemain ,   nous  étions 

(i)  Elles  font  partie   des  collections  dont  se  compose 
aujourd'hui  le  Muse'e  d'artillerie  à  Paris. 


'79' 


lygi.  de  grand  malin  à  Mézières  ,  que  nous  exami- 
nâmes attentivement  ainsi  que  sa  citadelle.  Après 
nous  être  dirigés  ensuite  sur  Charleville ,  nous 
retournâmes  à  notre  garnison ,  très-satisfaits  de 
notre  promenade. 

L'aspect  de  ces  villes,  dont  je  ne  m'étais  pas 
fait  l'idée  auparavant,  m'occasionna  le  désir  d'en- 
tjeprendie  d'autres  voyages  ,  pour  pouvoir  ad- 
mirer des  sites  pittoresques  ,  des  points  de  vue , 
des  montagnes ,  des  vallons  ou  des  rivières.  Je 
voulais  considérer ,  dans  chaque  endroit ,  dif- 
férentes curiosités  qui  ne  peuvent  être  réunies 
dans  un  seul  ;  remarquer  des  bâtiments  de  di- 
verses espèces,  amionçant  le  bon  goût  de  leurs 
auteurs ,  ou  des  architectes  qui  les  avaient  di-; 
rigés.  Je  brûlais  d'envie  d'observer  les  usagesf 
variés  ,  quelquefois  bizaires  ou  ridicules  ,  des 
peuples  chez  lesquels  on  habite.  J'aspirais,  en 
un  mot ,  à  avoir  connaissance  et  à  me  rendre 
raison  du  caractère  des  hommes  de  chaque 
pays  ;  de  leur  couleur ,  de  leurs  mœurs ,  de 
leurs  costumes,  pour  les  comparer  les  uns  avec 
les  autres. 

La  soeur  d'un  tonnelier  qui  avait  demeuré 
long-temps  chez  mon  père ,  vint  me  demander 
dans  mon  logement  ;  elle  m'engagea  à  aller  trou- 
ver son  frère ,  en  disant  qu'il  en  aurait  beau- 
coup de  joie.  Je  l'accompagnai  le  lendemain, 
après  en  avoir  obtenu  la  permission.  Je  restai 
trois  jours  auprès  de  ce  garçon,  qui  ne  pou- 
vait marcher ,  ayant  mal  à  une  jambe  j  je  reçus 


(  '7  ) 
de  lui  et  de  sa  famille  toute  sorte  d'honnêtetés.  1791. 
L'on   me  régala   aussi  bien  qu'on  puisse  l'être 
dans  un  village. 

JVous  reçûmes  ,  quelques  jours  après  mon  re- 
tour ,  l'ordre  de  prendie  nos  quartiers  à  Rozoi- 
sur-Serre  et  k  Moncornet  (  Aisne  ). 


(  '8) 


CHAPITRE  IV. 


ijgio  Le  io  octobre,  en  partant  par  un  assez  mau- 
vais temps  ,  nous  traversâmes  Mézières  et  cou- 
châmes à  CharleviJle  j   où  nous  fîmes  séjour. 

Le   12,  nous  nous  rendîmes  à  Aubigni. 

Le  i3,  nous  arrivâmes  à  Rozoi-sur-Serre , 
où  les  grenadiers  avec  le  demi-bataillon  de  droite 
cantonnèrent ,  taudis  que  le  reste  du  corps  oc- 
cupa Moncornet. 

Le  maître  de  la  maison  où  je  logeai ,  était 
grand  chasseur,  ou,  pour  mieux  dire  ,  bracon- 
nier déterminé  II  allait  toutes  les  nuits  se  mettre 
à  l'airùt ,  et  avait  une  passion  prononcée  pour 
ce  genre  d'amusement ,  qui  l'exposait  chaque 
jour  à  une  punition  sévère. 

Plusieurs  sergents  et  moi,  nous  mangions  chez  un 
pâtissier  qui  avait  beaucoup  de  complaisance  pour 
nous.  En  récompense ,  je  faisais  beaucoup  va- 
loir la  marchandise  de  ce  brave  homme  ;  et 
quand  l'heure  arrivait  où  l'on  défournait  les  pe- 
tits pâtés,  j'en  connaissais  le  prix  (i). 

Le  corps  manoeuvrait  sous  des  hangars  ;   nous 

(i)  Un  jeune  homme  de  Damerl ,  nomme'  Ilusson  George, 
vint,    comme   volontaire,  rejoindre  le  4""^  <le  la  Marne. 


(  19  ) 
étions,  comme  de  vieux  soldats,  familiarisés  i^gi, 
au  maniement  des  armes.  J'éprouvais  une  grande 
satisfaction  dans  ce  nouveau  genre  de  vie.  J'a- 
vais pour  chefs  des  personnes  raisonnables , 
des  camarades ,  des  amis  qui  possédaient  les 
mêmes  goûts  que  moi.  Mon  plus  grand  plaisir 
était  de  commander ,  le  dimanche ,  la  garde  à 
la  messe  militaire  ;  ce  qui  m'arrivait  souvent. 

A  cette  époque ,  je  pris  un  maître  d'armes , 
pour  me   fortifier  dans  la  pointe. 

Le   i^*"  janvier,  j'obtins  une  permission  d'un  1^92. 
mois  ,   afin  d'aller  chez  mon  père. 

Le  2  ,  je  me  mis  en  route  avec  un  sergent 
pour  Neuchàtel. 

Le  5  ,  ne  pouvant  suivre  mon  camarade  qui 
marchait  plus  vite  que  moi,  je  m'arrêtai  à  Bri- 
mont ,  où  je  couchai  chez  un  ami  de  mon  père. 

Le  4  ?  j'allai  saluer  mon  oncle  Dclair .  Le 
même  jour ,  je  traversai  Reims  ;  ensuite  je  me 
dirigeai  sur  Dameri ,  où  je  racontai  à  ma  fa- 
mille tout  ce  que  j'avais  vu  d'intéressant  depuis 
mon  départ   de  la  maison. 

Voulant  faire  une  promenade  ,  je  partis  mi 
dimanche  pour  Epernai ,  dans  ime  carriole  où 
était  ma  sœur  aînée.  Le  cheval  était  très-om- 
brageux. Lorscjuc  nous  arrivâmes  sur  la  chaussée, 
vis-à-vis  de  la 'Fosse  -  Tournisse  (  il  y  avait 
dans  cet  endroit  trois  ou  quatre  pieds  d'eau), 
le  limonier  eut  peur ,  rabattit  à  droite  pour 
s'en  retourner  à  l'écurie.  La  voiture  qui  se 
trouvait    près  du   bord  ,    dégringola  :    elle   se- 


(    «0    ) 

i'^cji.  rait  tombée  dans  la  fosse,  si,  par  un  bonheur 
inattendu ,  nn  arbre  de  la  circonférence  d'un 
pied  ,  qui  se  trouva  entre  le  brancard  et  la  roue  , 
ne  l'en  eût  empêché.  Ma  sœur  ,  surmontant  la 
trayeur  ordinaire  à  son  sexe ,  ne  s'épouvanta 
point  du  péril.  Je  sautai  à  terre,  la  pris  dans 
mes  bras  et  la  descendis.  Quand  elle  fut  en  sû- 
reté, je  m'occupai  de  dégager  la  charrette:  l'ayant 
remise  sur  la  levée ,  et  étant  remontés ,  nous 
passâmes  sur  le  glacis  ,  où  le  cheval ,  dans 
plusieurs  endroits  ,  fut  obligé  de  nager.  Nous 
commettions  une  imprudence  d'autant  plus  grande, 
cpse  l'équipage  pouvait  être  entraîné  par  le  cou- 
rant ,  comme  cela  est  arrivé  plusieurs  fois.  Etant 
allés  à  Epernai ,  nous  nous  amusâmes  beau- 
coup. Nous  revînmes  par  Dizi-la-Rivière  et  Gu- 
mières ,  pom*  avoir  moins  de  danger  à  courir. 
Chaque  jour  me  procurait  de  nouvelles  jouis- 
sances ,  et  semblait  s'écouler  avec  la  rapidité 
de  l'éclair. 

Il  y  avait  alors  dans  notre  ville ,  un  déta- 
chement du  i^'"  bataillon  de  l'Yonne.  Je  fis  la 
connaissance  des  sergents,  avec  lesquels  je  passai 
quelques  moments  agréables. 

Le  i^""  février,  à  l'expiration  de  mon  congé, 
après  avoir  dit  adieu  à  mes  amis  ,  à  mes  pa- 
rents et  à  ma  famille ,  je  m'acheminai  vers 
Reims. 

Le  2  ,  je  me  transportai  à  Neuchâtel. 
Le   5 ,    j'arrivai  à    Rozoi  ;    j'y  revis  mes  ca- 
marades ,  et  repris  mes  habitudes. 


■(  21  ) 

On  donna  l'ordre  de  se  diriger  vers  Rocroi  i^ga. 
(  Ardennes  ) ,  afin  d'y  tenir  garnison.   Tout  se 
disposa  pour  ce  départ.  J'étais  fort  content  d'aller 
dans  une  place  de  guerre ,  et  d'y  faire  le  seiv 
vice  avec  la  troupe  de  ligne. 


(^o 


CHAPITRE  V. 


'  W^  .^ -^  .^»U^  v^ 


ijg2.  Le  10  février,  nous  nous  rendîmes  à  Au- 
henton  et  Mauberl-Çontaine,  où  nous  couchâmes. 

J'eus  des  ampoules  aux  pieds ,  qui  me  firent 
beaucoup   souffrir  pendant  la  route  (i). 

Le  II,  nous  arrivâmes  de  bonne  heure  à 
une  certaine  distance  de  Rocroi.  Avant  d'y  en- 
trer ,  on  fit  halte.  La  troupe  s'habilla  propre- 
ment ,  comme  c'est  l'usage  avant  de  se  présenter 
dans  une  cité  ;  ensuite  on  continua  la  marche, 
et  l'on  parvint  dans  la  forteresse.  Le  bataillon 
logea  dans  les  étages  supérieurs  de  la  caserne 
de  la  cavalerie. 

La  garnison  était  composée  du  régiment  de 
Lorraine  infanterie ,  de  Dauphin  1 4"^^  de  ca- 
valerie,   et  d'un  détachement  d'artillerie. 

Notre  manière  de  vivre  était  entièrement  mili- 
taire. Nous  faisions  le  service  avec  la  troupe  de 
ligne.    Ne  voulant  rien   négliger,  j'avais   appris 

(i)  Je  pris  une  grosse  aiguille  avec  du  coton  ;  je  les 
perrai  et  laissai  un  séton.  Je  frottai  ensuite  mes  pieds 
avec  du  suif  pour  fortifier  la  peau  ,  afin  de  inoins  sen- 
tir la  douleur.  Ayant  éprouvé  un  soulagement  sensible 
de  cette  précaution  ,  j'eus  souvent  occasion  d'en  faire 
usage   par  la   suite. 


par  cœur  les  consignes  et  ordonnances  en  usage  1702. 
<lans  les  villes  de  i^uerre.  J'étais  enorgueilli  , 
lorsque  je  commandais  le  poste  de  la  place , 
de  me  trouver  à  la  tête  d'un  peloton  de  gre- 
nadiers de  ligne,  de  7  à  8  pouces  (  18 13  à 
i84o  millimètres),  portant  la  moustache,  tan- 
dis que  j'étais  imberbe  et  d'une  taille  bien  in- 
férieure. Le  grade  que  je  possédais,  enflammait 
mon  amoiu'-propre ,  puisque  j'exerçais  une  su- 
périorité sur  des  hommes  faits ,  qui  obéissaient 
sans  réplique  à  mes   ordres. 

J'allai  à  la  salle  d'armes  du  régiment  de  Lor- 
raine ;  je  pris  des  leçons  d'espadon.  Dans  mes 
instants  de  repos,  je  me  rendais  au  manège; 
j'y  voyais  enseigner  i'équitation  aux  recrues  de 
cavalerie  ;  en  peu  de  temps  ,  je  me  familiarisai 
avec  tous  les  termes   dont  on   se  servait  (i). 

Gomme ,  dans  mes  lectures ,  j'avais  eu  con- 
naissance de  la  fameuse  bataille  gagnée ,  le  1 8 
mai  1645,  par  le  duc  d'Eughien ,  prince  de 
Condé  ,  sur  les  Espagnols  ,  commandés  par  dom 
Francisco  de  Mélos  ,  je  ne  manquais  pas  d'aller 
reconnaître  les  positions  respectives  des  armées. 
Il  me  semblait  voir  sur  le  terrain ,  les  troupes 
telles  qu'elles  étaient  placées  le  jour  de  la  ba- 
taille ;   j'en  étais    dans   l'admiration. 

Mes  camarades  et  moi ,  nous  nous  promenions 

(1)  Le  3x  mars,  quatre  jeunes  gens  de  Dameri  ,  qui 
s'étaient  enrôlés  comme  volontaires  ,  arrivèrent  à  la  gar- 
nison ;  ils  se  nommaient  :  Berlhelot  Sébastien ,  Billard- 
Faguette,  Guib.ert  Louis,   et  Ponunelet  Cadet. 


(24) 

1792.  souvent  dans  des  censés  ,  pour  acheter  du  lait  où 
nous  faisions  tremper  du  pain  que  nous  mangions. 

Le  volontaire  Fourcher ,  ancien  domestique 
chez  mon  père ,  eut  querelle  avec  un  autre 
militaire  du  bataillon  ;  je  rentrais  lorsque  je  les 
vis  sortir  de  la  ville.  Je  voulus  les  empêcher 
de  s'aller  battre  ;  mais  ils  étaient  si  fort  irrités 
l'un  contre  l'autre  ^  que  je  ne  pus  y  parvenir. 
Fourcher  reçut  au  bras  gauche ,  un  coup  de 
sabre  dont  il  ne  fut  cependant  pas  estropié.  J'eus 
beaucoup  de  chagrin  de  ce  qu'il  n'avait  point 
donné  à  son  adversaire  ce  qu'il  en  avait  reçu. 

Les  progrès  que  faisait  la  révolution ,  ne  con- 
venaient nullement  à  la  noblesse.  Beaucoup  d'of- 
ficiers de  la  ligne  émigrèrent ,  en  laissant  des 
emplois  vacants.  Ils  fiu-ent  remplacés  par  les 
sous-officiers  des  régiments ,  qui  eurent ,  dans 
cette  circonstance ,  un  avancement  rapide. 

Le  26  au  soir ,  je  sautai  en  arrière  sur  mou 
lit ,  afin  d'écrire  sur  mes  genoux ,  la  table  se 
trouvant  occupée  par  le  sergent  -  major.  Mon 
canif  étant  ouvert  sur  la  couverture  ,  je  tom- 
bai siu-  la  lame ,  et  me  l'enfonçai  dans  la  cuisse 
jusqu'au  manche.  Le  sang  ruisselant ,  j'en  per- 
dis beaucoup. 

On  alla  chercher  le  chinu-gien-major ,  qui  vint 
et  me  donna  ses  soins  ;  mais  voyant  qu'il  ne 
pouvait  étancher  l'écoulement  de  la  plaie ,  il 
dit  que  j'avais  une  artère  coupée  ;  que  j'en  se- 
rais estropié.  Il  me  donna  un  billet  d'hôpital^ 
on  m'y  porta  le  27  au  matin.  La  fièvre  m'avait 


(25) 
pris   dans   la  nuit.   J'étais   dans  la  plus  grande  ijga. 
affliction:   ne  pouvant  remuer  la  jambe,  je  crai- 
gnais  d'être  boiteux. 

Je  lus  aftecté  au  moral  encore  plus  qu'au 
physique ,  par  l'horreur  que  j'éprouvais  de  me 
trouver  dans  un  lieu  où  l'on  ne  rencontre  que 
des  êtres  souflrants.  Les  personnages  de  ce  triste 
tableau  m'occasionnèrent  de  sombres  réflexions. 
Je  désirai   de  m'en  éloigner  promptement. 

Trois  jours  après  je  fus  rassuré  ;  je  sentis 
que  ma  jambe  se  mouvait,  qu'cUe  reprenait  ses 
habitudes  ;  alors  je  conçus  l'espoir  de  m'en  ser- 
vir  comme   auparavant. 

Le  29  ,  à  trois  heures  après  midi ,  on  battit 
la  générale ,  on  sonna  le  boute-selle.  Ne  sa- 
chant ce  qui  produisait  ce  mouvement ,  je  me 
levai  malgré  la  défense  qui  m'en  était  faite , 
et  je  regardai  par  une  fenêtre.  J'entendis  le 
gouverneur  de  la  ville  promulguer  la  déclara- 
tion de  guerre  (i).  Une  heure  après,  je  sus 
que  toute  la  garnison  avait  l'ordre  de  partir  pour 
se  rendre  par  Givet  (  Ardennes  )  au  camp  de 
Rancennes  ,  où  l'armée  devait  être  rassemblée 
le  i^'^  mai.  Je  détestais  mon  état  de  maladie  , 
à  cause  qu'il  m'empêchait  de  prendre  part  aux 
lauriers   que  le  bataillon  allait   moissomier. 

(i)  L'Assemblée  nationale  ,  sur  la  proposition  de  Louis 
XVI,  décre'ta  ,  le  20  avril  1792,  la  guerre  contre  Fran 
çois  II ,  roi  de  Bohême  et  de  Hongrie ,  qui  augmentait 
le  nombre  de  ses  troupes  sur  les  frontières  ,  et  mena- 
çait la  liberté  et  Tindépendauce   de  la   France. 


(  ^) 


•^^.^^~^*'^^^^j^>^y*-^'\^  M 


CHAPITRE  YL 


Î792,  Le  5  mai ,  j'obtins  ma  sortie  de  l'hôpital. 
Ne  pouvant  soutenir  la  fatigue  de  la  marche  , 
je  profitai  d'un  convoi  et  montai  sur  une  voi- 
ture pour  gagner  Fumai. 

Le  4  7  je  m'acheminai  vers  Givet ,  ensuite 
vers  Rancennes ,  où  je  revis  avec  plaisir  mes 
compagnons  d'ai-mes  qui  n'avaient  pas  eu  l'oc- 
casion de  se  mesurer  avec  l'eiuiemi. 

Tous  les  objets  de  campement  n'arrivaient 
que  successivement ,  et  la  troupe  était ,  en  at- 
tendant ,   à  la   belle  étoile. 

On  me  commanda  de  corvée  pour  aller  à 
Charlemont ,  échanger  les  armes  du  bataillon 
contre  des  neuves.  Le  garde-magasin  me  remit 
particidièrement  un  petit  f  usd  très-léger  ,  bien 
soigné ,  en  m'engageant  à  me  ressouvenir  de 
lui  et  de  son  cadeau.  Le  Gouvernement  vou- 
lant que  les  officiers  portassent  des  fusils  pen- 
dant la  guerre  ,  leur  en  avait  fait  fabriquer  d'un 
nouveau  modèle  ;  mais  ayant  abandonné  sa  ré- 
solution ,  les  armes  restèrent  dans  les  arsenaux. 
Ce  fut  un  de  ces  fusils  que  l'on,  me  donna  5 
il  portait  parfaitement  la  balle. 


Les  matinées  étaient  fraîches  ;  la  fièvre  ne  1792.. 
me  quittait  ])as.  Je  demeurai  languissant  pen- 
dant huit  à  dix  jours  ;  il  ûdlut  me  saigner.  L'offi- 
cier de  santé  me  blessa  avec  sa  lancette ,  et 
mon  bras  enfla  beaucoup.  Ayant  eu  de  nou- 
veau la  fièvre  ,  j'entrai  à  l'hôpital   à  Givet. 

Le  5  juin,  l'armée  quitta  sa  position,  et  alla 
passer  la  nuit  auprès   de    Philippe  ville. 

Le  6  ,   elle   se  dirigea  vers  Beaumont. 

Le  7  ,  jour  de  la  Fête-Dieu  ,  elle  arriva  à 
Maubeuge  ,  et  y  occupa  des  retranchements  qui 
formaient  un  superbe  camp  protégé  par  la  place. 
J'eus  encore  le  malheur  de  ne  point  paitir  avec 
le  bataillon. 

Le  9 ,  ayant  appris  qu'un  convoi  se  mettait 
en  roulé ,  je  demandai  mon  exéat  pour  aller 
me  joindre  aux  hommes  qui  en  faisaient  partie. 
Nous  nous  transportâmes  le  même  jour  à  'Phi- 
lippe ville. 
„  Le  10,  à  Barbançon ,  que  nous  quittâmes  à 
une  heure  du  matin. 

A  peine  étions-nous  à  une  heue  siir  la  route 
de  Maubeuge ,  que  nous  entendîmes  très-dis- 
tinctement une  vive  canonnade  et  une  fusillade 
qui  annonçaient  une  affaire  sérieuse.  J'aurais  vour 
lu  me  trouver  à  mon  po|te  ,  afin  d'être  témoin 
des  particulai'ités   de  cette  bataille. 

Le  1 1  ,  à  dix  heures  du  matin ,  le  convoi  arriva 

au  camp.  Nous  aperçûmes  avec  surprise  que  tous 

les  grains  magnifiques  qui  existaient  dans  le  front 

de  bandière  étaient  écrasés  j  foulés  aux  pieds ,  peu 

I.  5 


{■•-s] 

i-Qî.  avant  d'y  mettre  la  taucille;  ce  qui  donnait  l'idce 
des  dégâts  qu'une  armée  occasionne  dans  le  pays 
où  elle  séjourne.  Nous  fûmes  étonnés  de  voir 
les  soldats  fort  tranquilles ,  faisant  leur  soupe  y 
et  ne  paraissant  pas  s'occuper  de  guerre.  Nous 
leur  demandâmes  de  quel  côté  était  la  victoire 
du  combat  du  matin.  Us  répondirent  que  le 
vent  étant  contraire  ,  ils  n'avaient  rien  entendu  ; 
qu'ils  venaient  seulement  d'apprendre  par  des 
ordonnances ,  que  l'avant-garde  placée  sm*  la 
rivière  de  la  Glisuelle  était  battue ,  et  que  le 
général  Gouvion  ,  qui  la  conmiandait ,  était  tué. 
Cette  nouvelle  ,  quoique  très-affligeante  ,  me 
rassura  sur  le  sort  du  4"'^  bataillon  de  la  Marne , 
qui  n'avait  pas  quitté  sa  position. 

Voici  le  rapport  du  général  en  chef: 

Maubenge,   le  n  juin  (i). 

«  Les  Autrichiens  ont  attaqué  notre  camp  avec 
M  des  forces  supérieures;  ils  ont  néanmoins  été 
»  repoussés  ;  car  nous  avons  été  avertis  de  l'at- 
»  laque  projetée. 

n  M.  Gouvion  a  commeneé  le  combat  ;  il  a 
»  été  secondé  vaillamment  par  MM.  Tracy,  Nar- 
»)  bonne  et  Maubourg.  Les  ennemis  ont  aban- 
n  donné  le  terrain  ;  ils  ont  perdu  beaucoup  plus 
»  de  monde  que  nou«  :  nous  les  avons  pour- 
»  suivis  à  une  lieue  au-delà  du  champ  de  ba- 
»  taille. 

(i)  Ce  rapport  et  tous  ceux  qui  seront  transcrits ,  sont 
tirés  des  divers  journaux  du  temps. 


1 


(  -9) 

»  Nous   n'aurions   donc   qu'à    nous  louer  de  i79'2. 
»  cette  alFaire,  si,   par  une  cruelle  Fatalité,  elle 
»  n'avait   enlevé  à  la  Patrie  un  brave  défenseur , 
»  à  tous  les  bons  citoyens  un  ami ,  M.  Gouvion. 

»  Ses  soldats  le  pleurent ,  la  garde  nationale 
»  parisienne  le  pleurera  ,  tous  les  bons  citoyens 
»  le  pleureront.  Un  coup  de  canon  a  têrnmié 
»  son   honorable  vie. 

»  Nous  regrettons  encore  les  deux  lieutenants^ 
»  colonels  de  la  Côte-d'Or.  Tel  est  le  récit  exact 
»  de  l'affaire  qui  vient  d'avoir  lieu.  Je  ne  par- 
»  lerai  pas  de  mon  affliction  personnelle ,  mes 
n  amis  me  plaindront.  Nous  avons  perdu  2 5 
»  hommes.  Les  ennemis  ont  eu  plus  de  morts. 
))  Nous  avons  fait  quelques  prisonniiers  ;  Feu- 
f>  liemi   ne  nous   en   a   point  fait.  » 

Signé  Lafayette. 

Comme  j'étais  en  état  de  faire  mon  service , 
je  fus  compris  dans  le  détachement  de  l'armée 
qui  assista  à  la  pompe  funèbre  consacrée  aux 
mânes  de  ce  héros. 

Voici  le  rapport  dressé  à  ce  sujet  : 

Maubeuge,  le  1 3  juin. 

<«  Le  brave  Gouvion  a  été  inhumé  hier,  sur 
»  le  champ  de  bataille ,  avec  les  honneurs  dus 
»  à  un  guerrier  ausri  intrépide.  Nous  avons  pour-* 
»  suivi  l'ennemi  jusques  sous  les  murs  de  Mons; 
»  il  avait  laissé  (5o  morts  sur  le  champ  de  ba-^ 
»)  taiUe.  Les  paysans  d'im  village ,  aux  envh'OnS' 
»  de  Mous  ,  nous  ont  appris  que  les  Autrichiens 

5. 


(  3o  ) 
1702.  "  traînaient  aA  ec  eux  plusieurs  chariots  de  morts 
»  et  de  blessés  ;  ils  ont  pris  dans  ce  village  nn 
)>  matelas  sur  lequel  ils  ont  déposé  un  lionnne 
»  tué  ou  blessé,  et  l'ont  emporté  sur  mi  brancard, 
»  ce  qui  fait  présumer  que  c'eSt  un  officier  gé- 
»  néral.  Cette  nuit  une  de  i:os  patrouilles  a  rcn- 
»  contré  un  détachement  de  houlans.  Le  choc 
»  a  été  très-\if  ;  onze  autrichiens  sont  restés  sur 
»  la  place  :  nous  n'avons  eu  que  trois  blessés; 
»  personne  n'a  perdu  la  vie.  Notre  grand'  garde 
»  a  été  renforcée  par  27  compagnies  de  gre- 
»  nadiers  :  elle  est  actuellement  sous  les  ordres 
»  de  M.  Latour-Maubourg.  La  conduite  des  hus- 
»  sards  et  des  volontaires  de  la  Côte-d'Or  est 
»  au-dessus  de  tout  éloge  ;  ils  ont  fait  des  pro* 
»  diges.  » 

Un  matin ,  sur  les  deux  heures ,  il  v  eut 
une  alerte  produite  par  une  voix  à  demi-étouf- 
fée.  Les  sentinjslles  croyant  que  l'ennemi  s'était 
introduit  furtivement  dans  le  camp,  crièrent  :  Aux 
armes!  On  sut  qu'un  soldat,  en  rêvant,  pen- 
sait être  fait  prisonnier  ;  qu'on  le  traînait  dans 
un  brasier  à-rdent  pour  y  être  brûlé ,  et  qu'il 
s'efforçait  de  s'échapper  en  appelant  à  son  se- 
cours. Le  motif  de  cette  teneur  panique  étant 
connu ,  on  se  tranquillisa  et  l'on  se  livra  de 
nouveau  au  repos. 

Les  corps  de  troupes  réunis  portaient  le  nom 
^ Armée  du  Centre,  parce  qu'elle  se  trouvait 
entre  celle  du  Rhin  et  celle  du  Nord.  Elle  était 
placée  sur  trois  lignes ,  formant  un  coup-d'oeil 


(3.  ) 

admirable;  la  5"^*^  surtout,  dcsiguée  sous  la  ^n^.. 
dénomination  de  Réserve  ,  se  composait  de  gre- 
uadiers  ,  et  s'appelait  Colonne  infernale.  Je  par- 
courus toutes  les  parties  du  camp.  Je  \is  le 
parc  d'artillerie  ,  les  canons ,  les  obusiers  ,  les 
mortiers  ,  les  caissons  ,  les  pontons  ,  les  forges, 
les  fourgons  de  vivres ,  d'ambulance ,  l'artillerie 
légère  et  tous  les  ustensiles  en  usage  à  la  guerre. 
Je  connus  ,  dans  le  même  jour  ,  ces  divers  objets', 
ainsi  qiieles  circonstances  où  ils  étaient  employés. 

L'armée  était  organisée  sur  un  pied  respectable. 
A  la  pointe  du  jour  on  tirait  un  coup  de  canon; 
tous  les  tambours  des  gardes  du  camp  battaient 
la  Diane.  A  sept  heures  on  relevait  les  postes.  On 
faisait  l'appel.  Dans  la  matinée,  les  différentes 
corvées.  A  dix  heures,  le  roulement  de  la  soupe. 
Dans  l'après-midi,  l'exercice.  A  quatre  heures, 
le  second  repas.  Une  heure  avant  la  nuit  close  , 
on  tirait  un  coup  de  canon.  On  battait  la  re- 
traite. Une  demi-heure  après  ,  on  faisait  un 
roulement ,  puis  l'appel.  Une  demi-heure  en- 
suite ,  un  second  roulement  pour  éteindre  feux 
et  lumières. 

Chaque  jour  ,  même  ordre  de  choses.  L'ar- 
mée fut  prévenue  qu'en  cas  de  surprise  de  la 
part  de  l'emiemi ,  on  tirerait  trois  coups  de  ca- 
iion ,  au  lieu  de  battre  la  générale.  On  substi- 
tua à  cet  ordie  celui  de  ne  frapper  que  trois 
coups  de  baguette  sur  une  caisse  (i). 

(i)  Je  ne  parlerai   pas  de  la  strate'gie  (*) ,  de  la  stra.' 


/  30 
ï79^-       "^^  vçnais  de  visiter  la  rnamifacliire  d'armes; 
j'appris  qu'il  y  avait   une   vieille  femme  qui  ti- 
rait  les   cartes  ;    elle    avait   prédit  à  un   soldat 
mi'il   serait  tue ,    et  il  avait  effectivement   suc- 
combé à  l'alFaire  du   1 1 .  La  réputation  de  cette 
sorcière  était  faite  parmi  les  militaires.  Elle  n'exi- 
geait rien ,  mais  elle  recevait  ce  qu'on  lui  don- 
îiait.    J'allai   la    trouver.    Etant    en   téte-à-lêto 
avec  elle ,   devant  une  table  à  moitié  pourrie  , 
sur  laquelle  elle  plaça  des  cartes  couvertes  de 
figures    diaboliques    et   de    caractères   hiérogly- 
phiques ;  parmi  les  choses  qu'elle  me   débita , 
voici  celles    qui  me  frappèrent  le  plus  :  «  Vous 
»  êtes  attendu  au  camp ,  avec  beaucoup  d'impa- 
»  tience ,  par  une  personne  qui  vous   est  bien 
»  chère  et  qui  n'a  que  quelques  instants  à  vous 
)>  donner;  vous  en  recevrez  de  l'argent.  —  Vous 
»  ne  serez  jamais  ble^ssé  dangereusement  par  les 
»  effets  de  la  guerre.  —  Vous  deviendrez   offî- 

tog'apliie  (♦*) ,  ni  delà  castramétation  (***)  ,  qui  ne  peuvent 
être  tralte'es  que  par  les  généraux,  les  ingénieurs,  les 
officiers  revêtus  des  plus  liantes  fonctions  militaires ,  et 
qui  ont  si  puissamment  conti-ibué  à  illustrer  la  nation 
française  pendant  la  guerre  de  la  révolution.  Eclairé  par 
le  flambeau  de  la  vérité ,  je  ne  marcherai  qu'à  sa  lueur  j 
je  me  contenterai  donc  de  rapporter  les  faits  tels  que 
j'ai  pu  les  voir ,  ou  dont  j'ai  eu  une  connaissance  no*- 
toire. 

(*)  Ce  qu  compreûd  tout  l'art  de  la  guerre. 

(**)  Description  de  ce  qui  compose  entièrement  une  armée,. 

C**)  Ce  qui  a  rapport  à  la  science  des  camps. 


(53) 
}i  cicr.  ~  Votre  avancement  sera  subordonné  à  i^^». 
»  votre  volonté.  » 

Je  la  remerciai  et  lui  donnai  douze  sous. 
Je  pris ,  en  riant  des  contes  qu'elle  m'avait 
faits ,  la  route  du  camp  ,  pour  m'cntretenir  avec 
l'individu  qui  m'était  annoncé.  Je  fus  fort  sur- 
pris de  rencontrer ,  à  environ  un  quart  de  lieue  , 
le  volontaire  darneriat ,  nommé  Durand ,  qui 
me  cherchait  pour  m'apprendre  que  mon  père 
était  arrivé  ;  qu'il  désirait  me  voir  de  suite  , 
parce  qu'il  était  obligé  de  se  rendre  le  lende- 
main à  quinze  lieues  de  là  pour  ses  affaires. 
Me  rappelant  ce  que  la  vieille  m'avait  dit,  je 
commençai  à  croire  qu'elle  ne  m'avait  pas  en- 
tièrement trompé  (i).  Mon  père  ,  pendant  le 
temps  qu'il  resta  avec  moi ,  me  doima  toute 
sorte  de  témoignages  d'amitié.  Il  alla  consulter 
mes  chefs  pour  savoir  ce  qu'ils  pensaient  de 
moi.  D'après  leur  réponse  satisfaisante ,  il  m'en- 

(i)  Il  est  à  présumer  qu'il  y  a  des  êtres  assez  favo- 
risés de  la  nature  pour  prédire  les  choses  à  venir.  Le 
fameux  Bayard ,  qui  n'était  point  superstitieux ,  fut  en- 
gagé ,  en  Italie ,  par  plusieurs  grands  seigneurs  qui  s'é- 
taient fait  dire  leur  bonne  aventure ,  à  questionner  l'as- 
trologue de  Carpi.  Ce  brave  officier  y  consentit.  Le  devin 
lui  annonça  quelques  particularités  qui  lui  surviendraient , 
entr autres,  qu'il  périrait  à  la  guerre.  L'illustre  français 
se  mit  k  rire  de  ces  prédictions  ,  regardant  l'art  de  de- 
viner comme  une  chimère.  Cependant  on  eut,  par  la 
suite,  occasion  de  vérifier  que  le  magicien  avait  annoncé 
presque  toutes  choses  véritables ,  et  que  le  Chevalier  sans 
peur  et  sans  reproche  avait  éyé  tué  dans  le  même  pays. 


(  54  ) 
jngi,  gagea  à  redoubler  de  zèle  pour  leur  plaire,  et 
mériter  de  plus  en  plus  leur  estime  et  leur  bien- 
veillance. Comme  j'étais  parti  de  chez  lui  contre 
son  gré ,  je  me  gardai  bien  de  lui  rien  deman- 
der. Il  m'oiïrit  de  l'argent  ;  je  lui  répondis 
que  mon  traitement  me  suffisait ,  parce  qu'au 
camp  l'on  n'avait  pas  beaucoup  d'occasions  de 
faire  de  la  dépense  (i).  Mon  refus  le  piqua  ;  il  me 
donna  son  porte-feuille  ,  en  me  disant  d'en  reti- 
rer ce  qui  pourrait  me  convenir.  Voyant  que 
mon  obstination  à  ne  vouloir  rien  accepter  lui 
déplaisait ,  je  pris  vm  assignat  de  cinquante  li- 
vres ,  en  le  remerciant  de  ses  bontés.  Il  m'em- 
J)rassa  ,  monta  à  cheval  et  s'éloigna  ,  après  avoir 
reçu  mes  assurances  de  tendresse  pour  ma  mère , 
et  d'amitié  pour  mes  frères  et  soeurs. 

(i)   Comme  sergent,  Je  recevais  trente  sous  par   jour, 
indépendamment  des  vivres  de  campagne. 


*^i^>.^'. 


(55) 


CHAPITRE  YII. 


Chaque  jour,  l'armée  faisait  l'exercice  à  feu,  1792» 
(Jes  manoeuvres  par  division   composée   de  ca- 
valerie ,   infanterie   légère ,    de   ligne ,   artillerie 
à  pied  et  à  cheval. 

Une  fois ,  j'étais  en  guide .  placé  pour  l'ali- 
gnement. Le  général  en .  chef  me  trouvant  trop 
en  dedans  ,  me  fît  appuyer  en  dehors.  L'ad- 
judant-major du  corps  ,  jugeant  que  j'étais  dé- 
placé ,  me  prescrivit  le  contraire.  Le  général 
revint ,  s'emporta  contre  moi ,  et  m'ordonna  de 
me  remettre  à  la  position  qu'il  m'avait  fixée. 
La  manœuvre  l'occupant  davantage  ,  il  me 
laissa  ,  après  m'avoir  humilié  en  présence  de 
tout  le  bataillon  ;  ce  qui  me  causa  beaucoup  de 
peine. 

Le  20  juin  ,  l'armée  quittant  le  camp  ,  se  di- 
rigea vers  Bavai  :  le  quartier-général  fut  placé 
à  Teniers. 

Dans  cette  marche  ,  je  vis  toutes  les  troupes 
en  mouvement  ,  ce  qui  produisait  un  effet 
merveilleux.  Je  regardais  comme  invincibles  les 
hommes  qui  composaient  cette  armée  ;  mais  il 
me  vint  naturellement  à  la  pensée  que ,    dans 


^792,  <^ent  ans,  il  n'en  existerait  aucuns  ,  quand  ménis 
ils  ne  seraient  pas  détruits  par  les  combats. 
Cette  réflexion  s'est  renouvelée  souvent  dans 
ma  mémoire  :  à  l'instant  où  j'écris  ,  il  y  a  à  peine 
un  quart  de  siècle  d'écoulé ,  et  le  nombre  res-r 
tant   doit  être   peu  considérable. 

L'ai'mée  était  campée  dans  Tendroit  où  le 
prince  Eugène  et  le  duc  de  Malborough ,  an- 
glais,  gagnèrent,  le  11  septembre  1709,  la 
fameuse  bataille  de  Malplaquet ,  que  perdirent 
les  Français ,  et  où  fut  blessé  le  maréchal  de 
Villars.  Je  me  rappelais  que  nos  ancêtres  avaient 
figuré  sur  les  lieux  de  ce  combat.  Aussi  avaisr 
je  le  désir  ardent  de  voir  les  Anglais  ,  pour  cpie 
nous  pussions  venger  la  défaite  de  nos  com- 
patriotes ,  et  prouver  à  ces  insidaires ,  que  ce 
n'était  pas  constamment  leur  tour  à  sortir  vic- 
torieux du  champ  de  bataille. 

Le  "iS ,  l'armée ,  sans  coup  férir ,  prit  la 
route  de  Maubeuge ,  en  traversant  le  champ  de 
bataille  du  i  t  .  On  voyait  encore  des  débris  de 
cette  journée.  On  fit  halte ,  et ,  dans  la  direc- 
tion de  Mous ,  quelques  individus  aperçurent 
\\nG  patrouille  ennemie  qui,  sortant  d'un  bois, 
y  rentra  aussitôt.  On  en  prévint  les  chefs, 
qui  accusèrent  de  fourberie  ceux  qui  avaient 
annoncé  cette  nouvelle.  Je  trouvai  extraordi- 
naire que  Ton  ne  voulût  pas  croire  ce  que 
plusieurs  personnes  avaient  vu.  La  marche  ne 
fut  troublée  en  aucune  manière  jusqu'au  camp 
retranché. 


(  57  ') 
11  y  eut  une  aflaire  à  laquelle  larmée  ne  prit  »79?.' 
aucune  part  ;  en  voici  le  rapport  : 

Maubeuge ,  le  27  juin. 

«(  Dans  une  attaque  où  l'avant-garde ,  comr 
»  jnandée  par  M.  de  Maubourg ,  maréchal  de 
»  camp ,  et  par  sou  frère ,  colonel ,  a  été  aux 
»  prises  avec  les  Autrichiens ,  on  leur  a  tué 
»  5o  soldats  ,  y  compris  5  officiers  ;  on  a  fait 
»  85  prisonniers.  Nous  n'avons  perdu  que  deux 
»)  hussards ,  et  les  ennemis  ont  été  repoussés 
«  très-loin.  Cette  heureuse  nouvelle  ,  et  le  té- 
»  moiguage  rendu  à  la  bravoure  des  troupes , 
»  officiers  et  soldats  ,  ont  été  reçus  avec  trans- 
»  port.  » 

Depuis  que  j'avais  rejoint  le  bataillon  ,  je  m'é- 
tais trouvé  plusieurs  fois  de  planton  chez  le 
général  en  chef  (i).  On  avait  Thabitude ,  quand 
rétat-major  avait  achevé  son  repas ,  de  servir 
la  desserte  :  aloi>s  les  plantons  et  ordonnances 
se  mettaient  à  taUe  ,  mangeaient  les  rehefs  ,  en 
faisaat  un  meilleur  repas  que  dans  leurs  es- 
couades. 

Parmi  les  officiers  supérieurs  ,  je  remarquai 
avec  étomiement  la  riche  parure  du  colonel  des 
hussards  de  Chamboran ,  et  celle  de  son  che- 
val. Rien  n'était  plus  étincelant ,  plus  frais  que 

(i)  On  appelle  plantons  les  sergents,  et  ordonnances 
les  cavaliers  qui  sont  chez  le  général ,  pour  porter  les 
<)rdres   chacun  a  son  corps. 


(38) 
.|J79^.-  ^^  costume  du  cavalier ,  que  les  harnais  de  sa 
monture. 

Situation  de  Vannée  au  28  juin. 

1 7  bataillons  d'infanterie 1    ,   , 

I   bataillon  de  troupes  légères.../'    '   -^  * 

44  escadrons 6,600. 

Artillerie 2, i56. 


Troupes  laissées  clans  les  places.  r 

26  bataillons  d'infanterie.  .12,657!    ^ 
18  escadrons 2,470  J 


Total. ..38,354. 

Le  \^^  juillet  _,  l'armée  partit  pour  la  Lorraine , 
en  passant  par  Avesnes. 

Le  2  ,  par  un  beau  temps ,  elle  se  rendit  à 
la  Capelle ,  où  il  y  eut  repos  dans  un  lieu 
appelé   le   Tambour. 

Des  soldats  s'amusaient  à  regarder  l'un  d'eu:5{: 
qui  aA'ait  les  yeux  bandés  et  un  sabre  à  la  main  , 
afin  de  couper  la  tête  d'une  oie  attachée  à  im 
poteau.  Celui  qui  tenait  ce  jeu ,  en  avait  per- 
du plusieurs ,  il  en  était  en  colère.  Comme  il 
suivait  de  l'oeil  le  militaire  qui  allait  encore  tran- 
cher le  cou  à  celle  qui  était  pendante  ,  il  cut 
tendit  un  léger  murmure ,  se  tourna  de  mon 
côté;  j'étais  alors  à  causer  avec  quelqu'un;  il 
crut  que  je  tenais  un  langage  d'approbation  à 
celui  qui  marchait  à  tâtons  ;  il  accourut ,  et  me 
porta  sur  la  poitrine  un  violent  coup  de  poii^g 


(  39  ) 
dont  je  fus  renversé.  Beaucoup  de  personnel  1-792, 
vinrent ,  et  m'aidèrent  à  me  reiever.  Le  chef 
âe  bataillon  qui ,  de  sa  marquise  ,  observait  ce 
divertissement ,  m'ayant  appelé ,  me  prescrivit 
de  rédiger  une  plainte  contre  cet  individu,  que 
l'on  arrêta.  Je  priai  le  commandant  de  révo- 
quer son  ordre ,  en  lui  représentant  que  l'in- 
cidpé  se  repentait  vivement ,  et  qu'il  m'en  avait 
témoigné  tout  son  chagrin.  Cet  officier  supé- 
rieur étant  inexorable  ,  me  répliqua  que  ,  pour 
le  maintien  de  la  discipline  ,  il  fallait  qu'il  fût 
puni,  parce  qu'il  s'était  oublié  envers  un  ser- 
gent qu'il  devait  respecter  _,  quoique  plus  jeune 
que  lui.  J'eus  la  douleur  dé  voir  cet  accusé 
conduit  par  une  escorte  au  quartier-général, 
où  je  déposai  mou  procès -verbal.  L'homme  fut 
mis  en  prison.  Je  m'en  retournai  au  camp ,  tort 
affligé  d'avoir  été  la  cause  involontaire  de  sa 
punition.  Quand  mon  service  me  permit  de  le 
voir ,  j'allai  le  consoler.  Je  lui  donnai  un  jour 
six  livres ,  en  le  priant  de  ne  pas  les  refuser , 
puisqu'il  était  dans  le  besoin.  Lorsque  le  4"^® 
bataillon  de  la  Marne  quitta  sa  position ,  le  pri- 
sonnier resta  au  quartier-général ,  sans  que  ja- 
mais depuis  j'en  aie  entendu  parler.  Toutes  les 
fois  que  je  me  suis  rappelé  cette  catastrophe  , 
j'ai  gémi  sm'  ce  malheureux,  qui  aura,  sans  doute, 
dien  long-temqs  souffert  dans  les  cachots. 

Le  9 ,  Farmée  se   mit  en  marche  pour  Hir- 
son  et  INIaubert-Fontaine. 

Le    i4j  elle  chôma  l'anniversaire  de  la  Fé- 


(  4o  )  _ 

(AA<i,  dératioii.  On  éleva  ,  sui'  une  éminence  ,  au  centre 
des  troupes  rangées  en  bataille  ,  un  autel  où  l'on 
dit  la  messe  au  bruit  du  canon  j  au  son  de  toutes 
les  musiques  ,  de  tous  les  tambours  et  trompettes 
des  régiments.  Cette  cérémonie ,  qui  eut  lieu 
par  un  fort  beau  temps  ,  produisait  un  coup- 
d'œil  superbe,  un  éfl'et  admirable,  qui  m'en- 
thousiasmèrent. On  donna  double  ration  d'eau- 
de-vie  à  chaque  individu.  La  fête  dura  toute 
k  journée.    La  gaîté  fut  générale.     « 

Le  iG,  l'armée  continua  sa  route  pour"  Mé- 
zières.  On  distribua  ce  jour-là  ,  et  pendant  toute 
la  marche ,  une  ration  de  vinaigre  pour  cor- 
rompre l'eau ,  à  causé  de  la  grande  chaleur. 

Je  rencontrai  un  jeune  homme  qui  avait  de- 
meuré chez  mon  père  ;  j'allai  avec  lui  visiter 
^s  parents  ;  je  m'amusai  beaucoup  auprès  d'euX 
lie  reste  de  la  journée. 

Le  17  ,  la  colonne  alïa  à  Sedan.  En  traver- 
sant la  ville  par  un  temps  magnifique  et  de-^ 
vaut  une  population  itnmensé,  elle  avait  l'air 
de  faire  une  promenade  militaire. 

Le  18,  elle  se  rendit  à  Mouzon.  Le  camp 
était  placé  le  long  de  la  Meuse  :  plusieurs  sol- 
dats ,   en  se  baignant,   se  noyèrent  (i). 

(i)  Il  serait  à  souhaiter  qu'il  y  eût  des  écoles  de  na- 
tation pour  enseigner  à  nager  aux  militaires  j  car  il  ar- 
iive  souvent ,  dans  les  mouvements  de  troupes ,  que  l'on 
est  arrêté  par  des  rivières.  Le  soldat ,  familiarisé  avec 
Feau ,  franchirait  ces  obstacles  avec  moins  de  Crainte  et 
àt   danger. 


,(4r) 

Le   19,   on  se  transporta  à  Steiiai.  ^^ 

Le  20,  à  Juvigiiy-sur-Loison. 

Le  21,  à  MarviJlej  les  corps  prirent  posi- 
tion à  Fontenai. 

Pendant  cette  route,  la  chaleur  et  la  pous- 
sière étaient  tellement  grandes,  que  plusieurs 
toJontaires  en  moururent.  On  avait  recommandé 
de  se  tremper  les  mains  jusqu'aux  poignets  dans 
les  ruisseaux  ;  de  se  laver  le  visage  ,  plutôt  que 
de  boire  de  l'eau  de  fontaine,  pour  se  rafraî- 
chir. 

Le  i"  août ,  quoique  la  pluie  continuât  de- 
puis plusieurs  jours ,  le  corps  partit  du  camp 
pour  aller  loger  à  Chauvenci-le-Château ,  ou 
se  trouvaient  les  grenadiers  avec  les  quati^:  pre- 
mières compagnies.  Le  reste  du  bataillon  oc- 
cupait Chauvenci-Saint-Hubert. 

L'escouade  dont  je  faisais  partie,  voulant  se 
régaler,  avait  acheté  du  lait  dans  lequel  elle 
avait  émietté  deux  pains  de  munition  ;  ce  qui 
remplissait  deux  gamelles  :  ce  repas  était  des- 
tiné pom-  douze  persoimes.  Au  moment  d'y 
mettie  la  cuiller ,  un  soldat  gagea  qu'il  man- 
gerait le  tout  en  moins  d'une  demi-heure  La 
proposition  acceptée  sans  j^ari ,  les  deux  t^a- 
melees  furent  vidées  en  moins  de  temps  que 
ia  demande  avait  été  faite,  sans  que  ce  mili- 
taire en  ressentit  la  moindre  incommodité. 

Le  bataillon  quitta  ses  cantonnements ,  pour 
rejoindre  l'armée  qui  se  réunit  aux  environs  de 
l^^^tenai.  Le  général  eu  chef  1*  passa  en  revue 


(40 


CHAPITRE  YlII. 


i'jc)i.      tiE   5  août ,  le  corps  se  rendit  à  Montmedi , 
pour  y  renforcer  la  garnison.    Elle   était  com- 
mandée par  le   maréchal   de   camp   Ligniville  , 
qui  avait  sous  ses  ordres  un  bataillon  du  l'égi- 
ment  de  Condé ,   55"'^   d'infanterie ,   le  4"'^    de 
la  Marne ,  un  détachement  d'Auxonue  ,  6^^^  d'ar- 
tillerie à  pied  ,  et  un  piquet  de  mestte  de  camp  , 
a"'^  dragons ,  pour  servir  d'ordonnances  et  por- 
ter les  dépêches.   Ces   troupes  réunies  présen- 
taient une  force  d'environ   i5  à   i8oo  hommes. 
Yoici  un  rapport  de  cette  place,  du  24  août  : 
«  Des   lettres   du   district   de   Môntmédi   ont 
»  appris   que  les    Prussiiens   et   les    Autrichiens 
»  se   disposent  à  former  le   siège  de   Longwi , 
»  et  à  se  porter  en  même  temps  sur  Verdun.  » 
Quelques  jours  après  ,    on  apprit  l'entrée  en 
France  des   Prussiens  et  des   Autrichiens ,   par 
h.  soimiission  de  Longwi. 

Voici  le  rapport  du  5o  août ,  fait  à  cette 
occasion  : 

«  Verdun  et  Môntmédi  n'imiteront  pas  ces 
w  lâches  habitants  de  Longwi  ;  des  lettres  an- 
w  noncent  que  ces  deux  villes  sont  disposées  à 
»  ne  se  rendre  qu'à  la  dernière  extrémité.  » 


On  fit  l'épreuve  des  poudres     ç\c^..t     i     • 

Placer   ceJlos  m,;   ^,  •         »""^s^s ,  alin  de  reœ- 
tI    z  ^      ^^'''^''^  supprimées. 

■»^e    Di      pendant  Ja  nuit      la  ^7,11^ 

cern^f^     a-  *  ^luit ,   la  viJie  se  trouva 

saace,  mais,   au   même  moment,  l'on  tira  ni,, 
..eurs  coups  de   canon  ,   dont  le    b  "ule"  Fa„ 
ces  a   toute   volée   ne  les   atteigairenrp        n" 
remarqua  ensuite,  sur  la  route   de   Se  à 
Stena. ,    fe  eorps  nombreux  qui  filaS 
On  m'envoya  à  Chauvenci-Sa,-,,,  H  L         _, 

sant   pas   Je  chemni ,  je  me   flg^irai  gu'en   sui 
Tant   le   rourc  Aa   v^  ^  ^ueu    sm- 

-  la  hauteur ,   au-dÎTla  '-^XJ^ 
P«eelasesoudecoqumages,l~;r,Î 


(44) 

I-C2.  fT^nt  de  dilîérentes  nuances,  me  plaisaient  bea:ii- 
coup.  Un  poste  d'une  quinzaine  d'hommes  ,  qui 
était   derrière  une  haie ,  lit  feu  sur  moi ,  tan- 
dis que  j'admirais  l'armée.  J'éprouvai ,   au  sif- 
flement du  plomb  que  j'entendais  pour  la  pre- 
mière fois  ,  une  émotion  sensible ,  sans  cependant 
me   décontenancer.    Je   me  retmnchai    derrière 
nne  grosse  pierre  contre  laqticlie  je  plaçai  mon 
fusil.    Je  tirai  sur  un  fantassin  qui  était  debout 
entre  deux  haies  ;  voyant  la  terre  voler  à   ses 
pieds ,    je    pensai   que    j'avais    ajusté   trop  bas. 
A  mon  second  coup,  l'homme  étant  tombé  sans 
mouvement,  je  fus  flatté  de  mon  adresse.  Je 
me  ressouvins  du  garde-magasin  qui  m'avait  donné 
celte  arme.  Le  poste ,  en  échangeant  des  balles , 
m'en  envoya  en  si  grande  quantité,  que  le  terrain 
se  trouva  labouré  autour  de  moi  dans  «n  instant. 
Croyant  qu'il  était  prudent  de  continuer  ma  route, 
et  m'étant  mis  à  courir  pour  exécuter  mon  ordre , 
sans  avoir  été  atteint  par  l'ennemi,  je  rejoignis  le 
détachement  que  j'allais  chercher,  et  m^en  retour- 
nai avec  lui. 

Le  2  septembre,  on  amionra  que  Verdun  avait 
été  pris  le  même  jour;  mais  la  reddition  de  cetlri 
forteresse  ne  diminna  pas  l'ardeur  de  la  garnison 
de  Montmédi;  il  semblait,  au  contraire,  qiv'elle 
ajoutait  encore  un  nouveau  zèle  à  son  coui-i\gc. 

Le  général  Ligni  ville  prit  des  mesures  très-sages 
pour  défendre  la  place.  Il  distribua  la  troupe  de 
manière  que  chacun  connaissant  son  poste ,  pou- 
T.-iit,  au  besoin,  occuper  les  différentes  parties  des 


,(43) 

ouvrages,  afin  de  résister  à  reiinemi  partout  où  il  ,««2, 
se  présenteiait. 

On  sut  que  le  général  Clairfait ,  commandant 
les  Autrichiens,  aii  nombre  de  27,000  hommes, 
avait  ordonné  de  labriquer  des  grils  ,  afin  de  tirer 
sur  la  ville  à  boulets  rouges  ;  mais  que  les  progrès 
des  Prussiens  le  détournèrent  de  ce  projet  pour 
se  porter  dans  Tintérieur. 

Le  9 ,  on  dressa  sur  Montmédi  le  rapport  sui- 
vant : 

«  Il  est  difficile  de  supposer  que  l'ennemi  puisse 
»  développer  un  véritable  plan  de  campagne , 
»  avant  d'avoir  pris  Montmédi  ;  et ,  en  attendant 
»  qu'il  en  ait  seulement  formé  l'attaque,  nos  ar- 
})  mées  auront  pris  une  nouvelle  consistance.  » 

La  garnison  faisait  des  sorties  partielles.  Je 
fus  compris  dans  un  détachement  de  5o  hommes. 
Il  devait  protéger  des  voitures ,  afin  de  transpor- 
ter des  bûches  dans  la  place ,  d'augmenter  le  ma- 
gasin,  de  manutentionner  les  vivres  :  en  cas  de 
siège,  de  fournir  aux  différents  postes  le  chauf- 
fage  dont  ils  avaient  besoin  pendant  la  saison  froide 
qui  s'approchait. 

Le  peloton,  commandé  par  un  officier,  se  ren- 
dit au  bois  du  Moncet;  il  fut  divisé.  Ayant  la  di- 
rection de  12  hommes,  je  reçus  l'ordre  de  me 
porter  en  avant  avec  eux ,  pour  éclairer  la  ré- 
serve qui  était  restée  sur  la  hauteur.  La  forêt  n'é- 
tant qu'abatis ,  les  volontaires  de  ma  patrouille  et 
moi  ,  nous  nous  ghssàmes  baissés*  derrière  les 
i'irbres  coupés ,  les  cordes  de  bois ,  afin  de  n'être 

4. 


■         _  (46) 

ij(j2.  pas  remarqués  des  étrangers  qui  étaient  sur  l;i 
montagne  vis-à-vis,  et  dont  nous  n'étions  séparés 
que  par  le  Chier.  Nous  parvînmes  presque  au  ri- 
vage, sans  que  le  poste  qui  se  trouvait  devant 
nous  s'en  aperçut.  Des  ennemis  assis  à  terre ,  pro- 
fitant du  beau  temps,  jouaient  aux  caites,  tandis 
que  dWitrcs  buvaient,  mangeaient  ou  dormaient. 
La  sentinelle,  à  quelque  distance  auprès  de  la  ri- 
vière, était  jusqu'aux  reins  dans  un  trou  qu'elle 
s'était  creusé  pour  ne  pas  être  en  évidence  :  elle 
regardait  alors  les  joueurs  qui  parlaient  assez  haut, 
dont  les  propos  l'intéressaient  sans  doute.  Je  plaçai 
tous  mes  militaires ,  leur  demandant  de  me  laisser 
ajuster  le  factionnaire.  Tandis  que  chacun  visait 
lin  soldat  du  poste ,   le  coup  de  mon  fusil ,   fixé 
dans  une  fourche  d'arbre ,  porta  si  bien ,  que  le 
surveillant  tomba  sur  le  nez  et  ne  se  releva  point. 
La  décharge  générale  finie ,   plusieurs  des  alliés 
demeurèrent  sur  le  carreau  ;  mais  les  autres  enga- 
geant le  combat ,  ripostèrent  vivement. 

Quand  j'eus  l'assurance  que  les  voitures  char- 
gées étaient  parties,  je  rejoignis  les  nôtres  qui 
étaient  en  présence ,  pour  l'attaque  desquels  l'on 
amenait  deux  pièces  de  canon  qui  ne  servirent  pas  ; 
car  nous  nous  en  retournâmes  avant  qu'elles  fus- 
sent assez  près  pour  être  mises  en  batterie. 

Un  matin,  j'allai  à  la  découverte  avec  une  dou- 
zaine d'hommes.  Etant  sur  la  montagne  qui  do- 
mine la  forteresse  à  droite  du  village  de  Tonne  , 
en  sortant  de  la  place ,  j'y  restai  une  heure,  comme 
j'en  avais  l'ordre.  En  ma  qualité  d'explorateur,  ne 


(47) 
voyant  rien  d'extraordinaire,  je  repris  le  chemin  i^g^. 
de  la  yille.  Me  trouvant  sur  le  plan  incliné  de  la, 
hauteiu-j  je  remarquai  sui'  les  remparts  une  foule  de 
personnes  assemblées.  On  tira  ensuite  le  canon  et 
des  mortiers ,  dont  les  projectiles  passèrent  par- 
dessus le  détachement.  Je  voidais  retourner  ;  mais 
me  mppelant  que ,  plusieurs  jours  auparavant ,  on 
avait  essayé  la  force  de  la  poudre,  j'en  conclus 
que  l'on  recommençait  la  même  opération.  Arrivé 
à  Montmédi ,  ayant  appris  que  c'était  un  peloton 
de  cavalerie  ennemie  qui  avait  paru  à  l'endroit  que 
je  venais  de  quitter ,  je  fus  bien  fâché  de  n'être 
pas  resté,  puisque  j'aurais  eu. occasion  de  déchirer 
des  cartouches. 

Les  Autrichiens  ,  pom-  disposer  les  habitants 
des  campagnes  en  leur  faveur ,  lançaient  des  pro- 
clamations ,  et  les  faisaient  colporter  par  des  Fran- 
çais. On  arrêta  un  de  ces  émissaires ,  que  l'on 
amena  parmi  nous  comme  espion  et  traître  à  la 
Patrie.  Il  était  question  de  le  fusiller;  j'allai  voir 
ce  prisonnier.  Quel  fut  mon  étonnemeiit ,  lorsque 
je  reconnus  que  c'était  un  habitant  de  la  ville  de 
Stenai ,  ami  de  mon  père  !  Après  qu'il  eut  échappé 
à  cette  malheureuse  circonstance ,  il  se  rendit  dans 
sa  famille. 

Le  feu  prit  aux  bâtiments  de  la  manutention  du 
pain;  il  fit  des  progrès  rapides.  Xics  troupes  dé- 
ployèrent un  zèle ,  une  ardeur  au-dessus  de  tout 
éloge.  Cet  empressement  prouvait  qu'au  besoin  , 
on  aurait  pu  tirer  contre  l'ennemi  un  grand  parti 
de  la  garnison. 


(  48  ) 
i-rnî.       Il  y  avait  souvent  des  attaques.   Montmédi  se 
trouvait  bloqué,  mais  de  loin.  J'étais  de  garde  à 
l'une  des  portes  de  la  place  basse  :  étant  moins  for- 
tifiée que  la  ville  haute,  la  garnison  de  cette  der- 
nière faisait  le  service  de  l'autre.  J'avais  il\.  hommes 
sous  mon   commandement.  Il  avait  plu  depuis 
notre  arrivée  au  corps-de-garde  :  notre  bois  était 
brûlé  à  minuit.  Les  militaires  arrivant  de  faction  , 
se  plaignaient  de  ce  que,  n'ayant  pas  de  guérites 
ni  d'échauguettes ,  ils  étaient  mOtiillés  jusqu'aux 
os ,  et  avaient  extrêmement  froid.  Ils  me  propo- 
sèrent de  leur  ouvrir  la  porte ,  dont  j'avais  les  clefs  j 
en  nie  disant  qu'ils  iraient  chercher  des  branches 
d'arbres   qu'on    avait   coupées  pour  dégager    les 
remparts.  Je  m'opposai  fortement  à  cette  proposi- 
tion, quoique  je  soufl'risse  comme  eux.  Je  leur  fis 
envisager  l'inconséquence  qu'il  y  aurait^  tandis 
que  l'ennemi  bivouaquait  auprès  ;  qu'il  {Pourrait 
profiter  de  ce  mornent  potir  nous  attaquer  et  sur- 
prendre la  ville.   Mais  ils  me  pressèrent  si  vive- 
ment, que  je  cédai  à  leurs  instances.  J'ordonnai  ù 
une  partie  de  la  garde  de  prendre  les  armes.  Je 
plaçai  le  poste  sur  deux  rangs.  Ouvrant  la  barrière  ^ 
je  laissai  sortir  quatre  individus ,  leur  fusil  en  ban* 
doulièrc,    pour  être  à  même  de  se  défendre.  Je 
refermai  l'ouverture.  IVous  restâmes  sur  le    qui 
vive  en  attendant  leur  retour ,  qui  devait  s'annon- 
cer par  y.T\  signal  convenu  ,  celui  de  frapper  trois 
coups  dans  les  mains.   Au  lieu  de  se  contenter  de 
prendre  du  bois  ,    comme    ils  l'avaient  promis  , 
ils  gagnèrent  les  jardins  où  ils  pénétrèrent  facile- 


l4o) 

■mciit ,  les  baies  étant  rasces>  Ils  volèrent  tles  ca-  !'-()?.. 
aottes,  (les  navets,  des  pommes  de  terre,  qu'ils 
jetèrent  par-dessus  la  muraille,  sans  que  je  m'en 
aperçusse.  Des  femmes  qui  étaient  à  iem-s  croisées 
non  loin  de  là ,  les  remarquèrent  à  la  faveur  du 
xlair  de  la  lune  ;  elles  leur  demandèrent  pourquoi 
ils  allaient  dérober  cie  qui  ne  leur  appartenait  pas. 
Les  soldats  leur  ripostèrent  par  des  injures,  assez 
bas  pour  que  je  ne  les  entendisse  pas.  Ils  revinrent 
promptement,  et  étant  J'entrés  après  le  signal,  ils 
-me  racontère«t  qu'il  leur  avait  été  presque  impos- 
sible de  trouver  du  bois  propre  à  brûler.  Je  re^ 
iermai  la  porte,  me  ■croyant  en  parfaite  sécurité. 
Au  jour,  les  personnes  qui.avajenX  été  insul^ 
tées  se  plaigniîx^nt  au  commandant  de  la  place , 
que  la  porte  ayant  été  ouverte  la  nuit ,  des  volon- 
taires en  avaient  profité  pour  dévaster  les  jardins 
voisins.  La  révolution  donnant  à  tout  le  monde 
le  droit  de  juger  à  son  gré,  il  fut  généralement 
décidé ,  par  les  habitants  et  par  les  officiers  de  la 
garmsoii_,que  mon  cas  était  grave  ;  qu'il  compor- 
tait deux  peines  ca^Htales  :  l'une,  d'avoir  favorisé 
la  maraude  ;  l'autre ,  d'avoir  donné  à  l'ennemi,  s'il 
était  venu  attaquer,  la  facilité  de  pénétrer  dans  la 
place.  On  annonça  ma  faute  à  la  parade,  avec  in- 
jonction aux  chefs  de  poste  de  ne  point  commettre 
de  tels  déhts  militaires.  On  exposa  que  j'allais  ser- 
vir d'exemple ,  afin  de  retenir  ceux  qui  pourraient 
tomber  dans  un  semblable  oubli  de  leurs  devoirs. 
Le  sergent  de  garde  qui  vint  me  relever,  me  com- 
muniqua en  particulier  ce  qui  avait  été  prescrit 


(5o) 
1792.  avant  de  faire  défiler  la  troupe.  Il  ajouta  que  le 
chei  de  bataillon  lui  avait  donné  l'ordre  de  me  dire 
de  passer  chez  lui ,  aussitôt  que  je  serais  de  retour 
à  la  ville  haute.  La  tête  remplie  d'inquiétude ,  de 
réflexions ,  je  me  présentai  devant  M.  de  Guy;  il 
était  chez  le  colonel  du  régiment  de  Condé  avec 
une  partie  des  officiers  de  la  garnison.  Ces  mes- 
sieurs me  firent  une  vive  semonce.   Lorsqu'ils 
eurent  terminé,  je  priai  le  commandant  de  m'en- 
tendre,  et  lui  racontai  le  plus  succinctement  pos- 
sible ce  qui  s'était  passé,  en  m'expliquant  avec  uu 
air  d'aisance  et  de  respect  qui  me  concilia  tous  les 
esprits.  Après  avoir  parlé,  je  gardai  le  plus  pro- 
fond silence.  M.  de  Guy  dit  à  rassemblée  :  «  J'aime 
))  ce  sergent  comme  mon  enfant;  je  snis  étonné 
))  de  la  faute  (ju'il  a  commise  :  car  je  sais ,  et  je  me 
»  suis  convaincu  qu'il  sert  bien  et  qu'il  fait  bien 
»  servir,  »  Il  me  demanda  mon  âge;  je  lui  répon- 
dis que  j'avais  1 7  ans ,  ce  qui  surprit  tous  les  offi- 
ciers. Ma  taille  était  alors  de  5  pieds  7  pouces 
(i,8i4  millimètres).  Il  m'ordonna  d'aller  en  pri- 
son sur  ma  parole ,  prescrivant  de  ne  pas  chercher 
à  m'y  soustraire,  et  ajoutant  que  j'étais  consigné  à 
la  porte  de  la  ville.  En  quittant  cette  réunion  im- 
posante pour  me  rendre  à  la  destination  qui  m'é^ 
tait  assignée ,  j'étais  fort  triste  et  fort  affligé.  Le 
geôlier  m'attendait  ;  il  me  plaça  seul  dans  un  ca- 
chot ,  où  j'étais  absolument  comme  un  criminel, 

Ge  lieu  obscur  était  bâti  sous  le  rempart ,  dans 
la  partie  du  nord-est  des  fortifications.  On  y  res- 
piiait  ime  odeur  concentrée  et  méphitique  ;  elle 


(  ••  ) , 

était  produite  par  riminiditc  des  murs  et  de  la  inc^i, 
paille  pourrie  sur  laquelle  on  couchait;  par  le  ba- 
quet dans  lequel  les  prisonniers  déposaient  leurs 
excréments ,  qui  n'était  vidé  que  toutes  les  vingt- 
quatre  heures.  Je  ne  parlerai  pas  de  la  nourriture 
ni  de  la  boisson  ;  elles  étaient  celles  dont  j'avais 
contracté  l'habitude  au  camp.  Elles  consistaient, 
pour  les  vivres ,  en  un  pain  de  munition  ;  pour  le 
breuvage ,  en  eau  de  citerne  provenant  des  gout- 
tières ,  qui  avait  séjourné  long- temps  sous  la  terre 
où  elle  avait  perdu  une  partie  de  sa  qualité  :  car, 
dans  la  place,  il  n'y  avait  ni  source,  ni  puits,  ni 
tontaine.  Le  jour  ne  parvenait  que  par  une  ouver- 
ture en  forme  de  cône,  garnie  de  grilles  de  fer, 
dont  l'extrémité  extérieure  était  moins  évasée  que 
celle  intérieure.  Elle  donnait  horizontalement  dans 
les  fossés,  de  manière  que  je  n'avais  de  clarté,  dans 
Je  miUeu  du  jour,  qu'autant  que  la  lune  en  produit 
dans  son  deuxième  quartier. 

Dès  que  le  geôlier  se  fut  retiré,  après  m'avoir 
enfermé  sous  les  verroux ,  le  plus  morne  silence 
régna  autour  de  moi  :  alors ,  me  hvrant  à  toute 
l'iîorrem-  de  ma  situation,  je  me  reprochais  la  faute 
que  j'avais  commise,  et  je  songeais  à  la  punition 
que  j'éprouvais.  Je  n'avais  pour  société  dans  le 
cachot  que  des  araignées  d'une  grandeur  énorme, 
dont  les  toiles  tapissaient  la  voûte  ;  que  de  gros 
rats  qui,  famiharisés  avec  les  infortimés  qui  ha- 
bitaient ce  séjour  et  qui  m'y  avaient  précédé,  ve- 
naient ,  aux  heures  des  repas ,  en  sautant  les  uns 
sur  les  autres.  Je  leur  jetais  des  miettes  qu'il  man- 


(«2) 

ri';9s.  i^ealent  :  ces  animaux  ne  paraissaient  nùîleïneîrfe 
effrayés  de  me  rencontrer  dans  ce  lieu  solitaire. 
Lorsque  le  jour  cessa,  je  m^  trouvai  dans  la  plus 
protonde  obscurité  :  cette  nuit  me  parut  fort 
longue,  n'ayant  pu  goûter  les  doucem^s  du  som- 
meil. 

Le  lendemain,  à  là  "Visite  des  prisonniers ,  j'ob- 
tins d'être  mis  à  la  pistole;  c'était  une  des  cham»^ 
hres  du  geôlier  où  j'avais  toutes  mes  commodités, 
et  pour  laquelle  je  payais  vingt  sous  par  jour. 

Quelquefois  le  lieu  le  plus  triste  en  apparence  , 
devient  pour  nous  un  séjour  enchanteur  ;  c'est  ce 
qui  m'arriva  dans  cette  situation  désagréable.  Mon 
maître-d'hotel ,  qui  m'avait  fait  prendre  l'air,  avait 
une  lille  d'une  beauté  rare,  élevée  à  Paris;  elle 
était  allée  au  château  de  Silleri ,  où  j'avais  eu  oc- 
casion de  faire  sa  connaissance,  lorsque  mon  oncle 
et  compagnie  avaient  élevé  une  brasserie  à  la  Gla- 
cière. Nous  nous  reconnûmes  :  nous  parlâmes 
souvent  des  fêtes,  des  parties  de  plaisir  qui  avaient 
eu  lieu  alors. 

Comme  noti'e  conversation  liii  rappelait  uit 
temps  où  elle  avait  été  heureuse,  elle  s'efforça  de 
diminuer  les  chagrins  de  ma  captivité.  La  nuit 
étant  venue,  et  tous  les  détenus  sous  clef,  nous 
allions  nous  promener,  passer  les  soirées  dans  des 
maisons  où  nous  étions  sûrs  de  ne  point  rencon- 
trer de  militaires  ;  elle  me  procurait  un  vêtement 
bourgeois  pour  que  l'on  ne  pût  me  reconnaître. 

Au  bout  de  huit  jours  de  détention,  ce  que  l'on 
appelle  militairement  faire  un  quart  de  lune ,  je 


(55) 
rcrlis  Tordre  de  sortir  et  de  continuer  mon  ser-  1-^4, 
vice.  Ce  moment  qui  me  rendait  la  liberté ,  et  qui 
aurait  procuré  de  la  satisfaction  à  tout  autre  pri- 
sonnier, ne  me  causa  que  de  la  douleur.  Le  geô- 
lier, à  la  manière  des  gens  de  son  état,  avec  i\n 
langage  brutal ,  des  façons  grossières,  m'avait  déjà 
prévenu  de  ne  pas  venir  le  voir  quand  je  serais 
sorti ,  pas  même  pour  le  remercier  des  soins  qu'il 
avait  eus  de  moi  lorsque  j  étais  resté  chez  lui.  Je 
fus  donc  privé  de  me  retrouver  avec  la  belle  qui 
m'avait  consolé,  et  je  n'étais  pas  assez  rusé  pour 
former  avec  elle  une  liaison  ou  une  intrigue. 


(54) 
CHAPITRE   IX. 


1  jg2.  Le  1 5  octobre,  le  temps  ayant  constamment  été 
mauvais ,  les  Prussiens ,  qui  avaient  pénétré  dans 
les  plaines  de  la  Champagne,  furent  forcés  de  ré- 
trograder. Des  remparts  nous  aperrûmes  les  mou- 
vements de  l'armée.  La  garnison  exécuta  diverses 
sorties ,  toutes  avantageuses ,  dans  lesquelles  ou 
prit  des  caissons,  des  voitures  de  vivandiers  ou 
de  corps ,  ainsi  que  des  soldats  autrichiens  qui  les 
escortaient . 

Le  butin  l'ut  considérable  et  vendu  à  l'encan  j 
le  produit  distribué  au  marc  la  livre  (au  marc  le 
franc)  entre  ceux  qui  avaient  partagé  le  danger  : 
on  en  agit  toujours  de  même  en  pareilles  cucons- 
tances. 

Je  ne  pouvais  me  lasser  de  remarquer  et  d'ob^ 
server  les  prisonniers.  Je  voulais  savoir  comment 
ils  étaient  habiUés,  comme  ils  se  trouvaient  armés, 
et  de  quelle  manière  ils  se  servaient  de  différents 
objets  qui  n'étaient  pas  en  usage  parmi  nous. 

La  retraite  de  l'ennemi  s'achevant ,  on  vit  un 
matin  la  plaine  couverte  d'hommes.  On  tira  le 
canon.  On  fit  sortir  six  compagnies  de  la  ville 
basse  ;  pendant  la  moitié  de  la  journée  elles  se 
battirent  en  tiraiOeurs  et  résistèrent  au  feu  de  peut-i 
être  5,ooo  Impériaux. 


(53) 

Un  détachement  de  la  garnison  se  porta  sur  inc^'?, 
Marville,  où  il  trouva  beaucoup  de   voitures    de 
bagages  et  une  pièce  de  cauon  de  5,  qui,  par  la 
mort  des  clics^aux,  les  mauvais  chemins,  étaient 
abandonnées. 

Lorsqu'une  portion  de  l'armée  française  ariiva, 
Montmédi  fut  débloqué.  Nous  revîmes  avec  joie 
nos  compatriotes.  Nous  apprîmes  par  un  commis- 
saire de  la  Convention  nationale,  chargé  de  jour- 
naux ,  de  décrets ,  dont  la  lectme  eut  lieu  pendant 
des  jours  entiers,  en  chaire,  dans  l'église,  que  le 
royaume  était  érigé  en  république  depuis  le  22 
septembre  (i),  que  la  nouvelle  ère  comptait  de  ax  1. 
cette  époque. 

(1)  Par  décret  de  la  Convention,  du  5  octobre  1793, 
la  première  année  de  la  République  française  a  com- 
mencé à  minuit,  le  il  septembre  179*2,  et  a  fini  à  mi^ 
nuit  séparant  le  tii  du  23  septembre  1793.  Le  décret 
qui  fixait  le  commencement  de  la  seconde  année  au  1'' 
janvier  1793,  a  été  rapporté. 

Cliaque  mois ,  d'après  le  décret  du  4  frimaire  an  2  , 
était  divisé  en  trois  parties,  de  dix  jours  chacune,  ap- 
pelées décades.   Les  noms  des  joiu-s  de  la  décade  étaient  : 

Primidi ,  duodi ,  tridl ,  quartidi ,  quintidi ,  sextidi ,  sep- 
tidi ,    octidi ,  nonidi ,  décadi. 

Les  noms  des  mois   étaient,  pour  l'automne: 

Vendémiaire ,  brumaire  ,  frimaire. 

Pour   l'hiver  :   nivôse ,   pluviôse  ,  ventôse. 

Pour  le  printemps  :    germinal ,   floréal ,  prairial. 

Pour  Tété  :   messidor  ,  thermidor  ,  fructidor. 

Les  cinq  derniers  jours  s'appelaient  jours  sans-culotides. 

D'après  le  décret  du  7  fructidor  an  3 ,  ils  ont  porté 
les  noms  de  jours  complémentaires. 


(  5t!  ) 
/;92.  En  réjouissance  de  ce  que  le  sol  de  la  liberté 
AU  1.  était  purgé  des  liordes  qui  l'avaient  souille ,  on  tira 
une  quantité  prodigieuse  de  coups  de  canon.  J'é- 
tais alors  sur  le  rempart  au-dessous  d'une  batterie 
croisée.  Me  trouvant  alors  vis-à-vis  d'une  embou- 
chure au  moment  que  l'on  mit  le  feu  aux  pièces , 
je  fus  électrisé  :  le  sang  me  sortit  en  grande  abon- 
dance par  le  nez  et  par  la  bouche  ;  c'était  l'eflet 
de  la  commotion.  Je  ressentis  beaucoup  de  mal 
sans  être  blessé. 

Dans  le  blocus ,  le  service  était  si  actif,  que  je 
ne  quittai  pas  ma  giberne  pendant  huit  jours  con- 
sécutifs. J'avais  été  de  garde,  de  corvée,  de  dé- 
couverte ,  de  planton  ou  de  détachement  ;  cepen- 
dant ma  santé  n'en  fui  altérée  en  aucune  manière. 

Rapport  des  opérations  ch  Moîilméelî ^  du  ùtaoïU 
au  20  octobre  (i). 

«  Vingt  -  sept  mille  Autrichiens,  commandés 
»  par  M.  de  Clairfait,  investirent  la  forteresse  de 
)»  Montmédi  dans  la  journée  du  5i  août.  Déjà, 
>»  par  l'ordre  du  général ,  on  avait  fabriqué  les 
),  ^Tils  pour  tirer  à  boulets  rouges  sur  la  place , 
»  lorsque  la  prise  de  Longwi  et  de  Verdun ,  ]:)ar 
»  les  Prussiens ,  lui  fit  prendre  la  résolution  d'a- 
»  vanccr  dans  l'intérieur  de  la  France ,  laissant 
»  devant  INlonlmédi  3,ooo  hommes  pour  en  for- 
»  mer  le  blocus.  Le  général  Ligniville,  dans  la  vue 
H  d'aliàiblir  l'ennemi ,  fit  de  fréquentes  sorties ,  et 
»  eut  toujours  le  bonheur  de  léussir  dans  ses  cn- 

(i)  Diclionuairc  liistoiiriue  des  batailles,  4  vol.  in-S". 


A\    l. 


(  57  ) 
»  treprises ,  soit  qu'il  voulût  enlever  des  vivres  i-qo», 
»  sous  les  yeux  de  remiemi  pour  ménager  les  ap- 
»  provisionnements  du  sié^^e,  soit  qu'il  lenlàt  de 
M  taire  lever  le  camp  aux  troupes  qui  le  bloqisaient. 
)r  Peudant  sept  semaines  la  garnison  de  IMontmé- 
»  di  suffit  à  sa  déieuse  ;  mais  tous  ses  efforts  ne 
»  ]iurent  parvenir  k  éloigner  des  murs  de  la  ville 
»  mi  ennemi  dont  les  forces  étaient  toujoms  aii- 
»  mentées  par  de  nouveaux  renforts  ;  la  victoire 
»  de  Valmi  et  la  retiaite  des  Prussiens  décidèrent 
»  de  son  sort.  Les  habitants  recueillirent  alors  le 
»)  fruit  de  leur  glorieuse  persévérance  et  de  leur 
»  attachement  k  la  Patrie,  et  les  troupes  jouirent 
»  de  la  gloire  d'avoir  résisté  aux  forces  supériem-es 
w  d'un  ennemi  puissant,  et  d'avoir  conservé  k  la 
»  France  une  forteresse  intéressante  pour  la  dé- 
M  fense  de  ses  places  du  Nord.  i> 

Le  1-2  novembre,  la  garnison  lit  une  pointe  sur 
1-abbaye  d'Orval ,  k  deux  lieues  de  Montmédi ,  au 
milieu  des  bois,  k  l'extrémité  du  Luxembourg.  Ce 
couvent  fut  mis  k  contribution.  Le  détachement 
qu'on  y  envoya  réunit  beaucoup  de  butin  y  que 
l'on  vendit  k  l'encan  et  que  l'on  partagea  entre 
tous  les  individus  dont  il  était  composé. 

L'état  de  tranquillité  étant  revenu,  nous  passâmes 
te  temps  assez  agréablement ,  n'avant  qu'un  ser- 
vice bien  léger  en  compaiaison  de  celui  très-diffi- 
cile que  nous  avions  eu  pendant  le  blocus. 

Les  fatigues  essuyées  par  les  volontaires  avaient 
usé  leurs  vêtements  ;  il  fut  résolu  qu'on  en  con- 
fiée lionnerait  de  nouveaux.  Montmédi  ne  préseu- 


(  r>8  ) 

i-Q-î.  tant  pas  assez  de  ressource,  on  était,  vu  Furgence, 
AN  1.  eraJDarrassé  du  moyen  à  mettre  en  usage  à  cet 
efïet. 

Un  tailleur  de  la  compagnie  me  proposa  de  me 
joindre  à  lui  5  nous  réunîmes  quelques  individus 
qui  apprirent  a  coudre,  et  noiis  fîmes  des  culottes; 
ce  qui  nous  procura  quelqu'argent. 

Le  -2.  décembre,  les  Prussiens  s'étant  emparé 
de  Francfort  par  la  trahison  des  habitants,  la  gar- 
nison fut  massacrée.  L'on  dut  penser  que  mon 
frère ,  qui  en  faisait  partie ,  avait  été  tué ,  vu  qu'il 
était  fort  exact  à  donner  de  ses  nouvelles  et  que 
l'on  n'en  avait  pas  reçu.  J'eus  connaissance  que 
l'on  avait  pris  le  deuil  dans  la  famille ,  et  que  l'on 
s'attendait  à  ne  jamais  le  revoir. 
,„q3^  Le  1^*^  février,  ayant  obtenu  une  permission 
d'un  mois,  je  partis  avec  un  caporal  de  Venteuil 
qui  était  aussi  de  la  2'"^  compagnie.  Nous  vou- 
lûmes voir  le  pays  pai*  où  les  Prussiens  étaient 
passés ,  afin  d'avoir  une  juste  idée  des  retranche- 
ments qu'ils  avaient  élevés  pour  se  défendre  ;  c'é- 
tait la  nouvelle  de  tous  ceux  qui  voyageaient  dans 
ces  parages. 

Le  2,  nous  entrâmes  à  Dun. 

Le  5,  nous  nous  rendîmes  à  Varennes. 

Le  4 1  nous  nous  transportâmes  à  Sainte-Méné- 
hould. 

Le  5 ,  nous  allâmes  à  la  Lune,  qui  n'était  qu'un 
moulin  dans  la  plaine,  sur  un  monticule  duquel 
l'horizon  visuel  s'étend  fort  loin.  Il  était  hérissé 
de  retranchements  coupés  par  la  grande  route  où 


XV    I. 


(  5o  )   ^ 
les  Prussiens  eurent  une  défaite  complète  le  20  1-103. 
septembre  1792,  sous  le  nom  de  bataille  de  Val-  am  1. 
mi.  La  perte  qu'ils  éprouvèrent  dans  cette  circons- 
tance ,  eut  lieu  autant  par  le  feu  des  Français  que 
par  l'espèce   d'inanition  dans  laquelle  les   avait 
plongés  une  diarrhée  occasionée  par  les  raisins 
trop  verts  qu'ils  avaient  mangé ,  et  les  pluies  mal- 
saines dont  ils  avaient  ressenti  les  funestes  effets. 
Le  6 ,  nous  passâmes  à  Gourtisols ,  village  re- 
marquable par  sa  longueur  ennuyeuse. 

Le  7  ,  nous  continuâmes  notre  chemin  par  Châ- 
lons-sur-Marne. 

Le  8,  nous  traversâmes  Jalons,  ainsi  qu'Epernai» 
J'arrivai  chez  mon  père  ;  mon  camarade  alla  chez 
ses  parents. 

Ma  mère  fut  très-flattée  de  me  revoir.  J'ai  tou- 
jours eu  pour  habitude,  lorsque  je  me  rendais 
dans  ma  famille,  de  ne  jamais  la  prévenir.  Mon. 
père  était  alors  en  Flandre  ;  on  s'attendait  à  son. 
retoiu"  de  jour  en  jour.  Quand  mon  congé  fut  ex- 
piré ,  je  ne  voulus  point  partir  sans  l'avoir  em- 
brassé ;  je  crus  pouvoir  me  dispenser  d'écrire  au 
corps  ^  attendu  le  peu  de  temps  qu'il  y  avait  d'é- 
coulé en  sus  de  ma  permission.  Je  me  proposais 
d'y  retoiu-ner  au  plus  tôt,  quoique  mon  zèle  pour 
le  service  se  fût  beaucoup  ralenti  depuis  que  l'on 
m'avait  mis  en  prison ,  me  rappelant  toujours  que 
l'on  punissait  facilement  lorsque  l'on  avait  com- 
mis la  moindre  faute  ;  mais  que  l'on  récompensait 
difficilement  les  belles  actions  ou  un  service  dis- 


luigue. 


I. 


(Co) 
i;93.  Mon  père  étant  revenu  de  son  voyage,  me  dit 
A^  i.  qu'il  connaissait  à  Paris  quelqu'un  qui  avait  beau- 
coup de  crédit;  que,  si  je  voulais  quitter  le  ser- 
vice, je  pourrais  m'en  retirer  aisément,  attendu 
que  je  n'avais  pas  1 8  ans  ,  et  qu'avant  cet  âge  on 
ne  pouvait  contraindre  de  servir.  Il  me  repré- 
senta le  peu  d'avantasje  que  j'en  avais  retiré  ;  il 
ajouta  que,  si  je  ne  retournais  pas  au  corps ,  il  me 
placerait  auprès  d'un  de  nos  parents  qui  avait  un 
emploi  avantageux  à  Arras  ;  que  ce  monsieiu'  me 
protégerait,  que  j "entrerais  dans  la  partie  qu'il  oc- 
cupait, et  que  j'y  obtiendrais  de  l'avancement. 

Il  m'assura  que ,  dans  cette  nouvelle  carrière  ,  je 
serais  plus  heureux  que  dans  le  militaire ,  où  j'é- 
tais depuis  i8  mois  sans  avoir  obtenu  de  grade.  Il 
me  donna  jusqu'au  lendemain  pour  me  décider 
sur  la  proposition  qu'il  me  taisait.  Je  réfléchis 
toute  la  nuit ,  et  je  répondis  que  je  voulais  rejoin- 
dre le  bataillon. 

Le  6  mars,  je  me  dirigeai  sur  Reims. 

Le  7,  je  me  mis  en  route  avec  un  jeune  homme 
qui  se  sentait  des  dispositions  belliqueuses.  Nous 
couchâmes  le  même  jour  à  \'ouziers. 

Le  8,  nous  nous  rendîmes  à  Stenai,  où  nous 
apprîmes  que  le  4^  de  la  JMarne  était  paiti  le 
même  jour  de  Montmédi  pour  Givet. 

Le  9 ,  en  suivant  ses  traces ,  nous  allâmes  à 
Cariguan  et  à  Sedan,  où  nous  trouvâmes  le  ba- 
taillon. 

Le  lo,  nous  nous  dirigeâmes  sur  la  place  de 
Mézières. 


(6i  ) 

J'appris  que,  par  "longue  absence,  ayant  dé-  i«q3. 
passé  ma  permission  de  six  jom-s ,  j'avais  été  rem-  a.n  i. 
placé  le  7  mars.  Je  me  présentai,  avec  mon  com- 
pagnon de  voyage  ,  chez  mon  capitaine  qui  me 
témoigna  ses  regrets.  Je  le  lui  présentai,  en  le 
pj'iant  de  l'accepter  pour  mon  remplaçant.  J'ajou- 
tai que  je  ne  voulais  plus  rester  dans  sa  compa- 
gnie, n'ayant  que  17  ans  et  n'étant  pas  contraint 
de  servir  à  cet  àgc-là.  Mon  camarade  fut  ii^lmis. 
IN'ous  quittâmes  cet  officier  et  nous  nous  prome- 
nâmes. Le  lendemain  il  y  eut  séjour,  dont. je  ne 
crus  pas  devoir  profiter,  afin  de  demander  un 
congé  absolu  pom-  être  entièrement  libéré. 

Le  12,  quand  le  bataillon  se  mit  en  marche,  je 
pris ,  sans  faire  aucun  adieu ,  le  chemin  de  Lau- 
nois. 

En  route,  je  rencontrai  un  corps  entier  de  gen- 
darmerie: je  saluai  le  commandant  et  continuai 
mon  chemin. 

Je  sentis ,  à  la  vue  de  cette  troupe ,  que  j'avais 
eu  tort  de  ne  pas  avoir  demandé  la  veille  un  titre 
pour  être  en  règle,  plutôt  que  d'être  parti  sans 
avoir  rempli  cette  formalité. 

Le  1 5 ,  avant  traversé  Piethcl ,  j'allai  coucher  à 
Tagnon ,  qui  en  est  éloigné  de  deux  lieues. 

Le  i4,  ne  voulant  point  entrer  dans  Reims, 
parce  que  l'on  demandait  les  papiers  aux  portes 
de  la  ville,  je  passai  sur  le  pont  de  Cormontreuil 
C{iie  je  connaissais.  Je  regagnai  la  route  de  Cha- 
mcri.  Quoique  j'eusse  fait  un  grand  détour,  une 
forte  marche,  je  crois  que  la  nature  m'avait  prêté 

5. 


1793. 

4N    1. 


(  60 
des  ailes  ;  car  j'arrivai  la  nuit  en  très-peu  d'heures 
chez  mon  père. 

La  surprise  fut  grande  dans  la  famille  en  me 
voyant  de  retour.  Je  racontai  les  particularités  de 
mon  voyage ,  et  la  résolution  que  j'avais  prise  de 
ue  plus  servir  :  on  y  applaudit  entièrement. 


(63) 


CHAPITRE  X. 


Le  17  mars,  ayant  endossé  mes  habits  bour-  ^79^* 
geois ,  je  montai  dans  la  carriole  de  mon  père  j  -"^^  ^' 
nous  nous  mîmes  en  route  tous  les  deux.  Nous 
passâmes  par  Reims  et  couchâmes  à  Berri-au-Bac. 

Le  1 8 ,  nous  nous  dirigeâmes  siu*  Corbeni  :  c'é- 
tait dans  son  abbaye  de  Saint  -  Marcoul ,  que  les 
rois  de  France,  de  temps  immémorial,  venaient 
après  leur  couronnement  à  Reims,  toucher  les 
écrouelles.  Nous  étant  dirigés  par  Laon,  nous  cou- 
châmes à  la  Fère. 

Le  19,  nous  allâmes  par  Cerisi  à  Saint-Quen- 
tin^ et  nous  nous  arrêtâmes  à  Péronne. 

Le  20,  ayant  dîné  à  Bapaume,  nous  arrivâmes 
de  bonne  heure  à  Arras,  où  nous  descendîmes 
dans  une  auberge. 

Mon  père  profita  de  son  voyage,  pour  faire  des 
offres  de  service ,  ou  pour  toucher  de  l'argent  des 
marchands  à  qui  il  avait  fourni  des  vins. 

Le  2 1 ,  nous  nous  présentâmes  chez  M.  Collar- 
deau,  notre  parent,  garde-magasin  des  fourrages; 
lui  et  son  épouse  nous  reçurent  très-bien.  Ils  m'en- 
gagèrent à  les  contenter  pendant  le  temps  que  je 
resterais  avec  eux.  M.  Collardeau  me  fit  chef  d'a- 
teUer ,  aux  appointements  de  cent  francs  par  mois. 


_  (  64  ) 
i-q3.  Il  nie  dit  que ,  pour  ctrc  toiijoiirs  à  portée  de  cou- 
an  1.  naître,  d'exécuter  ses  ordres,  je  prendrais,  en 
qualité  d'allié  et  d'ami ,  ma  pension  chez  lui,  à 
laison  de  quarante-cinq  livres  par  mois.  Il  ajouta 
que  je  serais  admis  dans  les  tctes  qu'il  donnerait , 
et  que  j'y  passerais  agréablement  le  temps  de  loi- 
sir que  ma  place  me  laisserait. 

Mon  père  me  voyant  employé,  voulut  que  je 
fusse  aussi  élégamment  mis  que  les  personnes  que 
j'allais  fréquenter  (i).  Il  envoya  chercher  le  tail- 
leur de  mon  cousin,  et  lui  dit  de  me  faire  promp- 
tement  des  vêtements  dans  le  dernier  goût. 

Il  manda  aussi  le  cordonnier ,  le  chapelier ,  et 
leur  tint  le  même  langage,  relativement  à  ce  qui 
les  regardait  pour  leurs  fournitures. 

Il  me  donna  de  l'argent,  et  invita  mon  parent  à 
m'en  avancer  si  j'en  avais  besoin,  en  lui  disant 
qu'il  le  lui  remettrait.  Il  me  fit  faire  la  connais- 

(i)  Les  individus  qui  suivaient  alors  les  modes,  rece- 
vaient des  qualifications  dérisoires  :  on  les  nommait  mus- 
cadins ou  incroyables.  Ces  jeunes  gens  étaient  en  oppo- 
sition aux  révolutionnaires  appelés  sans-culottes  ,  qui 
affectaient  un  costume  particulier.  Il  consistait  en  un 
bonnet  de  laine  rougè ,  avec  une  large  cocarde  tricolore 
(  rouge ,  bleue  et  blanche  ) .  Ils  avaient  de  gros  sabots. 
Leur  accoutrement  était  composé  d'une  veste  et  d'un  pan- 
talon ,  très-souvent  percés  aux  coudés  et  aux  genoux.  Ils 
Re  portaient  ni  bas  ni  cravate  ;  ils  n'avaient  point  de 
gilet  ;  leur  poitrine  se  trouvait  toujours  à  découvert.  Leur 
armure  était  une  pique  en  1er,  afin  d'opérer  des  arres- 
tations ,  et  d'assister  aux  exécutions  pour  cause  d'opinion 
politique. 


(65) 
saacc  d'iiii  particulier  de  Daincri ,  qui  demeurait  i-ç^"^. 
à  Airas.  11  m'engagea  à  le  voir  souvent ,   tomme  an  u 
tétant  un  gaiçon  qui  avait  beaucoup  d'expérience , 
et  qui  pouvait  m'aider  de  ses  conseils.  Je  fus  avec 
ce  monsieur,  louer  une  chambre  dans  la  rue  des 
Quatre-Visages. 

Mon  père,  après  avoir  terminé  ses  affaires,  étant 
tranquille  siu-  mon  sort ,  prit  congé  de  M.  et  de 
JM"'*"  Collardeau,  ainsi  que  de  leur  famille.  Je  le 
conduisis  jusqu'au  bout  du  faubomg,  sur  la  route 
de  Bapaume. 

Après  l'avoir  embrassé,  il  s'éloigna.  Ayant  pris 
le  chemin  de  la  ville,  il  était  presque  nuit,  je  me 
trouvais  si  accablé  de  son  départ,  que  j'eus  de  la 
peine  à  me  diriger  chez  M.  Collardeau;  je  ren- 
fermai mon  chagrin  dans  mon  coeur. 

Il  fut  convenu  que  le  lendemain  je  viendrais  de 
bonne  heure ,  pour  accompagner  mon  cousin  aux 
magasins  ;  qu'il  m'installerait ,  me  ferait  connaître 
de  ceux  à  qui  je  communiquerais  les  ordres  par 
la  suite,  et  qui  m'obciraient  comme  étant  leur 
chef.  Je  me  retirai  pour  gagner  mon  nouveau  lo- 
gement. Etant  occupé  de  ce  qu'il  me  fallait  entre- 
prendre ,  je  me  trompai  de  rue  et  allai  je  ne  sais 
où.  N'apercevant  rien  de  ce  que  j'avais  vu  dans 
le  quartier  que  je  devais  habiter,  qui  pouvait  me 
servir  d'indice,  je  voulus  demander  la  rue,  mais 
son  nom  ne  revint  point  à  ma  mémoire.  Je  courus 
jusqu'à  minuit ,  sans  avoir  pu  rencontrer  quelque 
chose  qui  me  fit  distinguer  la  maison  :  enfin  l'ayant 
trouvée ,  la  maîtresse  du  logis  parut  mécontente 


S 


(66) 
iy(j3.  après  moi,  attribuant  mon  retard  au  libertinage. 
A^  1.  Toute  la  nuit  je  réfléchis  au  travail  du  lende- 
main. Je  voulais  me  tracer  un  plan  de  conduite, 
calqué  sur  ce  que  mon  père  m'avait  dit  avant  de 
nous  séparer.  Je  craignais,  attendu  mon  peu  d'ex- 
périence, de  m'en  rapporter  à  moi-même;  mais 
je  ne  savais  à  qui  me  confier.  Destiné  à  tenir  un 
rang,  je  devais  être  plus  en  état  de  commander, 
que  de  prendre  des  conseils  d'un  étranger  qui  au- 
rait pu  m'égarer  et  m'entraîner  dans  quelques 
fautes  que  je  n'aurais  pas  prévues.  La  nuit  se  passa 
dans  un  conflit  d'idées  qui  m'empêchèrent  de  fer- 
mer l'œil,  et  de  rien  fixer  de  certain  pour  l'avenir. 

Cependant ,  je  me  trouvai  le  matin  chez  mon- 
sieur CoUardeau ,  qui  me  conduisit  au  magasin  à 
avoine  ;  il  me  présenta  aux  ouvriers  auxquels  il 
prescrivit  de  m'obéir  comme  si  c'était  à  lui-même. 
M'ayant  remis  le  détail  de  mes  occupations ,  il 
m'installa  de  suite  dans  mon  emploi,  qui  consis- 
tait à  recevoir  les  bons  des  paities  prenantes ,  et  à 
fournir  les  rations. 

Il  alla  ensuite  surveiller  le  magasin  des  four- 
rages ,  qui  était  considérable. 

Lorsque  je  fus  seul ,  j'apportai  toute  mon  atten- 
tion pour  ne  pas  me  tromper  :  je  m'apperçus 
bientôt  qu'avec  de  la  bonne  volonté  et  l'applica- 
tion au  travail,  j'aplanirais  les  difficultés. 

Quelques  jours  après,  je  connaissais  l'impor- 
tance de  mon  service,  ainsi  que  les  ouvriers  sous 
mes  ordres,  au  nombre  de  io8.  Je  voulus  ,  pen- 
dant les  heures  de  récréation ,  qui  étaient  depuis 


(  «7  ) 
le  matin  jusqu'à  9  hciu-es  que  l'on  ouvrait  le  ma-  ijg'i, 
gasin,  et  depuis  5  que  l'on  finissait  le  travail  an  i. 
jusqu'au  soir ,  faire  marcher  le  plaisir  de  pair  avec 
les  occupations  ;  cela  me  réussit  à  merveille.  Ma- 
dame Collardcau  avait  trois  demoiselles  chai- 
mantes,  qui  aimaient  la  société,  où  elles  figuraient 
avec  beaucoup  d'avantage  et  d'éclat  par  leur  jeu- 
nesse, leur  extrême  gaité  et  leurs  talents.  Lancé 
dans  le  monde,  par  l'intermérliaire  de  ces  dames, 
j'éprouvais,  chaque  jom-,  des  jouissances  nou- 
velles :  tout  devenait  pour  moi  enchantement. 
C'était  quelquefois  dîner  de  cérémonie,  bal  ou 
soii'ée  agréable  ;  d'autres  fois ,  promenade  ou  spec- 
tacle. Jamais  je  n'avais  un  instant  de  repos.  Sous 
le  rapport  de  la  toilette,  je  n'avais  rien  à  désirer  : 
car  je  me  procurais  tous  les  habits  qui  pouvaient 
me  flatter. 

Madame  Gollardeau  avait  la  complaisance  de 
me  donner  des  leçons,  lorsque  je  parlais  ou  que 
je  faisais  quelque  chose  qui  dérogeait  à  l'usage 
du  bon  ton,  de  la  bonne  société.  Je  ne  tardais  pas 
à  m'apercevoir  que  l'éducation  d'un  jeune  homme 
par  une  femme  aimable,  surpasse  celle  de  tous 
les  meilleurs  maîtres. 

Mon  existence  était  bien  différente  de  celle 
que  j'avais  étant  sergent,  où  je  ne  m'occupais  que 
de  service  ,  d'exercice  ,  de  théorie  ,  d'escrime  , 
d'ordonnances  et  de  consignes  de  place. 

Ayant  vécu  quelque  temps  dans  cet  état  de 
prospérité ,  je  sentais,  malgré  mon  bonheur,  qu'il 
me  manquait  encore  quelque  chose.  Je  fis  une 


(fis) 

,~op.  maîtresse;  c'était  une  Savoyarde,  espèce  d'avcnr 
AA  1.  turière,  d'environ  2 5  ans,  bien  aimable  et  très- 
jovifJe.  Elle  avait  le  langage  fort  gai,  spirituel; 
ce  qui,  dans  mon  inexpérience  des  femmes,  ne 
manqua  pas  de  me  séduire.  J'éprouvai  bientôt 
qn  "aimer  était  jouir;  que  jouir  à  satiété  était  ccSt 
ser  d'aimer.  Cependant  je  conservai  la  connais- 
sance de  ma  marmotte  ;  je  lui  rendais  visite  de 
temps  à  autre. 

Un  soir  j'étais  au  spectacle,  au  parterre  :  on 
nie  vola  mon  porte-feuille  dans  la  poche  de  ma 
redingote;  il  contenait  quelques  assignats  de  cinq 
francs  et  mes  papiers ,  au  nombre  desquels  était 
ma  carte  de  sûreté  dont  il  fallait  alors  être  muni. 
Je  m'occupai  de  suite  à  me  procurer  d'autres 
pièces. 

J'écrivis  à  mon  père,  qui  m'envoya  extrait  de 
mon  acte  de  naissance,  avec  un  certificat  de  ci- 
visme dont  voici  la  copie  littérale  :    , 

Liberté,  égalité.  Département  de  la  Marne,  district 
d'Epernai,  municipalité  et  canton  de  Dameri. 

<(  Nous ,  maire  ,  officiers  municipaux  et  no- 
»  tables,  certifions,  attestons  à  qui  il  appartien- 
)'  dra,  que  le  citoyen  Médard  Bonnart,  né  en 
»  cette  viUe ,  nous  a  montré ,  dans  toute  circons- 
»  tance,  beaucoup  de  civisme,  et  ne  s'est  jamais 
»  démenti  du  plus  pur  patriotisme. 

»  En  foi  de  quoi  nous  lui  avons  délivré  le  pré- 
»  sent,  pour  lui  servir  et  valoir  ce  que  de  rai- 
»  son.  » 


9- 


(%) 

»  Délivré  en  la  maison  commune  de  Dameri,  i-g^. 
»  le  16  juin  1795,  l'an  i*"  de  la  république.  an  i. 

»  Signé  Bn.LARD ,  Pageois  ,  Bejnard  ,  Joseph 
»  BEiNARD  ,    notables  ;    Che^c  ,    Massojn  , 

»   BftET ,  POMMELET ,    MaRTIN  -  TrL'IMEAU    et 

»  Delaruelle  ,  officiers  municipaux  ;  Dé- 
')  CARME,  prociu-eur  de  la  commune;  Petit, 
M  Maire  et  Dumilly,  secrétaires. 

>»  Le  sceau  de  la  commune  est  apposé  au  bas 
»  du  certificat.  » 

Mon  père  étant  venu  avec  un  de  ses  amis ,  me 
procura  le  plaisir  de  le  revoir  ;  il  fut  content  du 
bien  que  mon  cousin  et  sa  famille  lui  dirent  de 
moi.  Ayant  formé,  k  cause  de  la  proximité  de 
l'armée ,  un  magasin  de  vins  rouges  eu  cercles ,  et 
de  blanc  mousseux  en  bouteilles ,  il  me  chargea 
de  la  vente,  et  d'en  recevoir  les  fonds  pour  les 
lui  envoyer. 

Mon  père  acheta  des  huiles  de  colza  et  de  na- 
"vette,  qu'il  expédia  en  retour  poarDameri,  par 
les  voitures  qui  avaient  amené  ses  vins  à  Arras. 


(7o) 


AK    I 


CHAPITRE  XI 


Ï793.  Le  5i  juillet,  les  diverses  administrations,  me- 
nacées par  les  progrès  de  l'ennemi  qui  venait  de 
prendre  Valencienues,  se  fixèrent  à  Arras.  M.  Gol- 
lardeau  sollicita  poiu*  moi  de  Tavancement,  afin 
de  me  récompenser  de  mon  zèle  et  de  mon  tra- 
vail. 

Voici  la  copie  du  titre  qu'il  obtint  : 

Armée  du  Nord.  —  Subsistances  militaires. 
—  Fourrages, 

«  Je  soussigné,  régisseur  général  des  subsis- 
»  tances  militaires,  ai,  en  conséquence  des  pou- 
»  voirs  à  moi  donnés  de  l'administration,  établi 
»  et  nommé  provisoirement,  sauf  son  approba-» 
»  tion ,  le  citoyen  Bonnart ,  en  qualité  d'aide- 
»  garde-magasin,  aux  appointements  de  173  liv., 
»  lesquels  auront  lieu  à  compter  du  i**^  de  ce 
»  mois. 

»  La  présente  commission  révocable  quand  il 
»  me  plaira  et  à  ma  volonté. 

»  A  Arras,  le  i5  août  1793,  l'an  i^'  de  la  ré- 
»  publique. 


»  Cachet. 


»  5/27ze  DoizY.  » 


'o 


(y  ) 

Cet  avantage,  prouvant  le  cas  que  Ton  faisait  i^gs. 
de  moi,  et  qui  portait  mes  appointements  à  2,100  an  1. 
livres  par  an ,  m'enthousiasma  ;  il  enflamma  telle- 
ment mon  amour-propre  ,  que  je  redoublai  d'ap- 
plicatiou  à  remplir  mes  devoirs. 

L'instant  où  cette  commission  me  fut  donnée , 
peut  être  mis  au  nombre  des  jours  les  plus  beaux 
que  le  sort  m'a  accordés. 

Il  est  certain  que  le  jeune  homme,  encouragé 
par  une  semblable  faveur ,  est  en  état  de  donner 
l'essor  à  des  talents  qui  seraient  restés  dans  l'on- 

bii. 

On  ajouta  à  mes  soins  la  direction  de  deux  cou- 
vents remplis  d'avoine,  où  chaque  jour  il  entrait 
des  centaines  de  voitures,  d'où  il  en  sortait  une 
même  quantité  pour  l'aimée.  Je  fus  chargé  aussi 
des  viandes  salées  que  l'on  expédiait  sur  les  places 
menacées  d'être  assiégées. 

M.  Collardeau  ayant  besoin  de  200,000  francs 
en  assignats ,  fut  obligé  d'envoyer  au  quartier-gé- 
néral à  Dunkerque.  Pour  cette  mission  déhcate, 
il  daigna  jeter  les  yeux  sur  moi  en  qui  il  avait  une 
entière  confiance.  Il  me  donna  ses  instructions 
par  écrit ,  avec  lesquelles  j'allai  au  comité  de  sur- 
veillance ,  chercher  une  autorisation  pour  obtenir 
le  permis  dont  suit  la  copie  littérale  : 
Passe-port.  République  française ,  département  du 

Pas  -  de  -  Calais  y  district  et  numicipalité  d'Ar- 

ras. 

«  Laissez  passer  le  citoyen  Médard  Bonnart , 
n  aide-garde-magasin  des  fourrages ,  domicilié  eu 


(70 
i-^Q^-  "  ^^^^^  ville,  âgé  de  i8  ans,  taille  de  5  pieds  7 
AN  1.  »  pouces  (i  mètre  8i4  millimètres),  cheveux  et 
»  sourcils  châtains  clairs ,  yeux  gris ,  nez  épaté  , 
»  bouche  moyenne,  menton  rond,  front  large, 
»  visage  marqué  de  petite  vérole  ;  et  prêtez  -  lui 
)'  aide  et  assistance  en  cas  de  besoin ,  pour  se  ren- 
»  dre  au  quartier  -  général ,  d'après  l'ordre  du 
M  citoyen  CoUardcau ,  et  d'après  im  billet  du  co- 
»  mité  de  surveillance. 

»  Délivré  en  la  maison  connnune  d'Arras,  le  8 
»  septembre  1790,  i*^'  de  la  république  une  et 
»  indivisible. 

»  Simple  Bo^NART,  RouvREY  ct  Brocquiart, 
»  par  ordre. 
»  Le  sceau  est  apposé  au  bas  de  la  pièce  origi- 
»>  nale. 

»  Vu  au  comité  de  surveillance  de  la  place,  le 
»  8  septembre,  i*^"^  de  la  républicfue  une  et  incli- 
»  visible,  pour  aller  au  quartier-général  du  ci- 
»  toyen  llouchard,  commandant  en  chef. 

»  Signe  Dres  et  Iïermant.  » 
Muni  de  cette  pièce  en  règle,  je  reçus  mes  dé- 
pèches. Te  me  mis  en  route  le  lendemain  de  grand 
matin.  Jefaisais  d'autant  plus  volontiers  ce  voyage, 
qu  il  me  procurait  le  plaisir  bien  grand  pour  moi 
alors,  de  monter  à  cheval.  Cette  passion  me  do- 
minant ,  je  promenais  presque  tous  les  jours  un 
superbe  animal  qu'un  inspecteur  des  fourrages 
avait  laissé  à  Arras. 

Le  9  septembre,  je  partis  à  franc  étrier  sur  ce 
couisier  charmant ,  ct  traversai  le  terrain  où  le 


AN    1. 


(73) 
prince  de  Condé  gagna,  le  20  août  i648,  la  fa-  inç^:- 
meiise  bataille  de  Lens,  sur  les  Espagnols  com- 
mandés par  l'archiduc  Léopold. 

Seul,  à  8  heures  du  matin,  dans  cette  plaine, 
je  me  disais  que  la  terre,  en  cet  endroit  si  isolé, 
renfermait  dans  son  sein  une  quantité  considéra- 
ble d'hommes  que  la  guerre  avait  moissonnés. 
Tandis  que  je  m'occupais  de  ces  réflexions,  j'en- 
tendais ime  vive  canonnade  avec  une  fusillade 
bien  soutenue;  elles  avaient  lieu  à  quelcjue  dis- 
tance de  moi.  Toute  la  ligne  du  Nord,  depuis 
Lille  jusqu'à  Dunkerque,  était  attaquée  ;  de  sorte 
que  le  roulement  de  l'artillerie,  de  la  mousque- 
terie,  formait  un  tonnerre  continuel.  Je  gagnai  le 
bourg  de  la  Bassée.  Pendant  le  déjeuner,  je  causai 
avec  les  gardes  nationaux  qui  venaient  de  faire  le 
coup  de  feu ,  et  d'apporter  des  volontaires  blessés 
dans  ce  combat  ;  ensuite  je  me  mis  en  route. 

Etant  sur  le  pont,  près  d'entrer  dans  la  ville 
d'Arm entières,  je  fus  étonné  de  rencontrer  le  pro- 
priétaire du  cheval ,  qui ,  en  m'engageant  à  le  sui- 
vre ,  me  dit  :  «  Le  danger  est  trop  grand  ;  vous 
»  ne  pourrez  pas  obtenir  d'argent  au  quartier- 
»  général  ;  tous  les  employés  sonc  sur  le  qui  vive  : 
i>  l'armée  française  attaque  aujourd'hui,  neuf  sep- 
»  tembre ,  les  Anglais  qui  sont  débarqués  aux 
»  Dunes,  près  de  Dunkerque.  » 

Comme  je  persistais  à  continuer  mon  chemin, 
il  ajouta  que,  si  je  tenais  à  remplir  mon  message, 
il  fallait  que  je  lui  remisse  sa  bete ,  parce  qu'il  ne 
voulait  pas  qu'elle  lût  sacrifiée  ou  prise  par  l'en- 


(  74  )  ^ 
1793.  nemi.  N'ayant  rien  à  répliquer,  je  le  suivis  jusqu'à 
a:*  1.  Lille,  où  nous  arrivâmes  à  5  heures,  au  moment 
que  les  Impériaux,  s'étant  avancés  de  trop  près  , 
on  faisait  feu  des  remparts.  Nous  pressâmes  nos 
montm-es  qui ,  quoique  fatiguées  ,  nous  transpor- 
tèrent promplement  sous  la  protection  des  lorts. 

Pendant  le  cours  de  cette  journée,  j'aperçus 
de  beaux  massifs  de  bois ,  de  longues  échappées 
de  vue.  Le  soir,  je  remarquai  cette  immense  quan- 
tité de  moulins  à  vent  qui  environnent  la  place, 
et  qui  servent,  pour  la  plupart,  à  broyer  les  grai- 
nes oléagineuses  de  colza  et  de  navette. 

Nous  montâmes  sur  un  point  le  plus  élevé  des 
fortifications,  d'où  nous  observions  avec  des  lu- 
nettes à  longue  vue,  les  chances  et  les  malheurs 
de  la  guerre.  Nous  nous  estimions  heureux  d'être 
arrivés  assez  à  temps  pour  ne  pas  nous  trouver 
du  nombre  de  ceux  qui  succombaient  sous  les 
coups  des  combattants. 

Ayant  parcouru  cette  'grande  et  belle  cité , 
j'observai  qu'elle  avait  des  caves  où  il  existe  des 
cheminées.  Ces  souterrains  sont  convertis  en  lo- 
gements :  c'est  là  qu'habitent  ceux  qui  ne  tiemient 
leur  subsistance  que  du  travail  des  dentelles. 

Le  I  o  septembre ,  l'ennemi  s'étant  retiré  à  une 
distance  respectueuse  de  la  ville,  nous  profitâmes 
de  son  éloignement  pour  nous  transporter  à  Ar- 
ras ,  que  nous  atteignîmes  vers  le  soir. 

L'inspecteur,  fatigué  de  son  voyage ,  resta  dans 
son  hôtel. 

J'allai  pour  rendre  compte  à  mon  parent  de  la 


V  7^  ; 

non-rcussite  de  mon  vova^P  o.,«]  c 
ne.„ent  de  ,-e,.arq.,er  ^'estS  ni t'  ^  ''""■  '^^'■ 
f-e   aa„,  ,a  pU.  grande  afS       j^eV;:;"^  ^  - 
n  -inda,  le  s„jet  de  leur  cha..ri„  •  „,   l;^  '*=" 

répondre,  leiu-s  sanalots  rVdr   U  '^'^  ""= 

-u  „,ari  avait,  l  „„it  p^Sdentc  '  '"  ' ''"' 
ordre  du  eo„,i.é  ré^Iu^i  l'-^tf^rTr" 
garde-magasin  était  nommé   et  rn,;  ^  "" 

trée'  iV  ^fP'^^-^^^re,  ayant  obtenu  une  carte  d'en 
tree,  je  m'empressai  d'all-r  c^l..,.  "-"'eaen- 

la  prison  des  détenus  pi:,  r  mlTr  '""""  ' 
parut  fort  contrarié  de  ce  „,^  i  '  >  P°.'""I"«^-  « 
jenu  jusqu'au  quartier-'éné  aV  "'  ^n  ^''^ 
fait  beaucoup  dlances  po" "t'S  J  1"  ''  ^^î' 
devant  magasin.  Les  fournit»  e  étalf  d  " V" 
plus  considérables  qu'il  annmlT-  "^' 

de  guerre  et  ,6  divilL T  '?         "'"  '^  P'^^^' 
espérer  d'obtenir    'T 1  *''''  '""'  P^"^"''' 

penses.  Je  S^  llCZTr  '"^  "'  ^'- 
tenant  au  courant.lnamt  «Te "'00"'''"  !' 
tont  ce  qui  se  passait  au  mZ!'in  .ÎT"'"'  ''" 
3  apprenais  qui  se  tramait  confre  ",'  1^'  ''  """' 
^•ientôt  que  des  méchants  vo  ,h  eu  l  """î 
en  gémissait  en  secrer  I.o  .  "''"™'  'a  perte;  il 
plus  sérieuses  or^ff-";'"""^"^'^^  ''^venant 
'euses,  on  défendu  de  le  laisser  conunu- 


I. 

6 


(76) 
i'-93.  niqncr  avec  qiû  que  ce  fût;  alors  il  ne  m'claît 
AN  I.  plus  permis  de  le  voir. 

Quelques  jours  après  j'entendis,  à  minuit,  heur- 
ter fortement  à  la  porte  de  ma  chambre  ;  je  voulus 
me  plaindre  de  ces  mauvaises  plaisanteiies.  Celui 
qui  avait  frappé  était  un  ofilc'er  municipal ,  coni- 
missaiie  du  comité  révolutionnaire,  escorté  de  12 
hommes ,  dont  4  grenadiers  armés  de  fusils  ;  2 
sans-culottes  avec  des  piques;  deux  gardes  na- 
tionaux munis    de   sabres  non  dégainés,  tenant 
chacun  un  flambeau;  deux  portant  leurs  sabies 
nus  à  la  main ,  et  les  deux  autres  ayant  leurs  fusils 
avec  les  baïonnettes.  Ces  treize  individus  furent 
scandalisés  de  mes  plaintes,  et  me  dii'ent,  au  nom 
de  la  république,  que,  si  je  ne  leur  avais  pas  ou- 
vert, ils  auraient  enfoncé  la  porte.  Ils  me  firent 
diverses  questions  sur  ma  uaissance  ,  mon  pays , 
mon  emploi  ;  ensuite  ils  retoiu-nèrent  mes  hardcs 
pour  s'assurersi  je  n'avais  point  d'intelligence  ou 
de  correspondance  avec  les   ennemis  de  l'état. 
Quand  ils  eurent  tout  vu ,  ils  s'en  allèrent ,  me 
laissant  ramasser  mes  eiïcts  qu'ils  avaient  jetés  çà 
et  là  dans  ma  chambre.  Heureusement  j'avais  un 
extrait  de  baptême  et  un  certificat  de  civisu;e; 
sans  ces  deux  pièces ,  j'aurais  eu  le  désagréînent 
d'être  mis  en  prison  sans  savoir  quand  j'en  serais 
sorti. 

Me  trouvant  sans  ouvrage  au  magasin ,  je  cher- 
chai à  m'utiliser  au  bureau.  Des  employés  de  l'ad- 
ministration générale,  résidante  à  Paris,  s'étaient 
transportes  à  Arras  poiu-  y  apurer  les  comptes  de 


(  77  ) 
mon  cousin,  ce  qui  leur  donna  beaucoup  d'occu-  nnS. 
palion.  Je  classai ,  par  ordre  de  dates ,  les  bons  en  an  i. 
grande  quantité,  provenant  des  distributions  de 
chaque  partie  prenante  ,  en  plaçant  dessus  des 
bordereaux  pour  connaître  le  montant  des  rations 
sorties  des  magasins.  Ce  travail  absorba  tout  mon 
temps,  jusqu'à  ce  que  les  vérificateurs  eussent 
rempli  leur  mission. 

Mon  parent  étant  reconnu,  par  les  envoyés, 
innocent  des  inculpations  qui  avaient  été  dirigées 
secrètement  contre  lui ,  ces  citoyens  prévinrent  la 
puissance  révolutionnaire   qu'ils  avaient    trouvé 
les  comptes  parfaitement  en  règle.  Le  comité ,  di- 
rigé par  les  représentants  du  peuple,  malgré  ce 
rapport  avantageux,  traduisit  M.  Collardeau  de- 
vant un  tribunal  spécial.  Tout  ne  respirait  que  le 
sang  dans  ce  lieu  tapissé  de  deuil  et  de  larmes!  Je 
me  trouvais  dans  un  angle  de  la  salle ,  derrière 
mon   cousin ,  afin   qu'il   ne   m'aperçût  pas ,    de 
crainte  que  ma  présence  ne  lui  rappelât  sa  femme, 
ses  enfants,  et  qu'il  n'oubliât  le  caractère  d'homme 
dont  il  avait  si  grand  besoin  dans  cet  instant.  Il 
se  défendit  lui-même,  quoiqu'il  eût  un  conseil  à 
côté  de  lui.  Ses  paroles,  dont  je  ne  perdais  pas 
un  mot ,  malgré  l'émotion  qui  m'agitait ,  avaient 
quelque  chose  de  noble,  de  spirituel  et  de  tant 
d'aisance,  qu'il  fut  aquitté  à  l'imanimité  et  mis 
sur-le-champ  en  liberté.  Je  tremblais  encore  après 
Tarrêt  prononcé,  croyant  avoir  lévé.  Je  voulais 
courir  à  la  maison  pour  annoncer  cette  bonne 
nouvelle  5  je  ne  pouvais  pas  mai  cher  j  toutes  mes 

6. 


_(78) 
1793.  facultés  physiques  étaient  comme  comprimées, 
^N  I.  En  traversant  la  foule  lentement,  j'entendais  le 
peuple  dire  que  le  garde-magasin  n'était  point 
coupable  ;  que  les  tomments  qu'il  avait  soufferts , 
n'étaient  enfantés  que  par  l'esprit  de  parti  qni 
voulait  dominer  sur  toute  la  ville.  J'étais  flatté  de 
recueillir  ces  discours,  puisque  mon  parent,  peu 
comiu  du  peuple,  inspirait  par  son  innocence  un 
si  vif  intérêt.  J'arrivai  au  logis ,  sautant  au  cou  de 
mes  cousines,  auxquelles  je  ne  pus  dire  que  ces 
mots  :  «  Il  est  en  liberté!  »  Bientôt  M.  Collardeau 
vint  rassurer  lui-même  sa  famille  sur  l'inquiétude 
qu'elle  avait  conçue  relativement  k  son  accusa- 
tion. 


(79) 
CHAPITRE  XII. 


Trots  jours  après,  vers  les  lo  heures  du  soir,  1^93, 
on  sonna  fortement  ;  nous  étions  à  jouer  aux  an  u 
cartes  ;  je  sautai  de  la  table  à  la  porte ,  croyant  y 
trouver  des  enfants  à  s'amuser,  et  me  proposant  de 
les  corriger.  Je  fus  très-surpris ,  lorsque  je  voulus 
sortir _,  de  me  trouver  environné  d'une  quantité 
d'hommes  armes ,  tandis  qu'un  officier  de  justice, 
décoré  de  son  écharpe,  descendait  de  voiture.  On 
me  força  à  rentrer  :  j'étais  stupéfait  de  voir  ce  dé- 
tachement. Je  me  remis,  et  demandai  de  la  lu- 
mière pour  éclairer  ces  citoyens.  Mon  cousin  se 
présenta  ;  il  apprit  qu'un  décret  autorisait  l'accu- 
sateur public  à  mettre  en  surveillance  les  per- 
sonnes qui  avaient  subi  un  jugement  quelconque. 
Ce  magistrat  posa  lui-même  les  scellés  sur  les  pa- 
piers particuliers  de  M.  Gollardeauj  il  laissa  une 
sentinelle  à  laquelle  il  alloua  trois  livres  par  jour, 
et  la  nourriture ,  pour  le  garder  à  vue. 

Je  fus  invité,  par  écrit,  à  me  présenter  au  dis- 
trict ,  avec  ordre  de  produire  mon  extrait  de  nais- 
sance. Me  trouvant  incommodé,  et  ne  pouvant 
m'y  rendre  moi-même,  j'envoyai  ce  titre.  On  me 
fit  connaître  pour  réponse ,  que  je  devais  me 
transporter  à  l'armée ,  afin  d'y  être  placé  dans  uu 
régiment ,  comme  étant  de  la  réquisition. 


i'"f)3.  Je  prévins  l'ami  de  mon  père  de  ce  qiii  m'était 
Ay  1.  arrivé.  Je  le  priai  de  solliciter  que  l'on  me  laissât 
rétablir  avant  mon  départ  ;  assurant  que  je  m'en 
irais  dans  ma  famille ,  d'où  je  rejoindrais  un  ba- 
taillon du  Département ,  pour  servir  avec  mes  an- 
ciens camarades.  Il  obtint  du  comité  l'efTct  de 
mes  demandes  ;  je  reçus  la  décision  et  l'autorisa- 
tion de  rester  à  Arras ,  jusqu'à  ce  que  je  tusse  bien 
portant. 

Quelques  jours  après  que  M.  Collardeau  eut 
été  mis  en  surveillance,  on  le  transféra  à  la  prison, 
sous  le  prétexte  qu'il  pourrait  s'évader  de  chez 
lui.  Il  fit  une  supplique  aux  représentants  du 
Peuple,  par  laquelle  il  réclamait  leur  humanité. 
Je  portai  cette  pièce  chez  ces  chefs  suprêmes  ;  je 
ne  les  abordai  qu'avec  beaucoup  de  peine ,  à  cause 
des  gai'des  en  grand  nombre  qui  les  entouraient. 
Le  député  de  la  Convention  auquel  je  m'adressai, 
me  dit  d'un  ton  brusque  :  «  Que  veux-tu?  »  (i) 
Je  lui  répondis ,  que  j'étais  chargé  de  lui  remettre 
une  pétition  de  la  part  du  citoyen  (a)  Collardeau , 
ex-garde-magasin  des  fourrages,  qui  était  en  pri- 

(i)  La  folie  révolutionnaire  était  poussée  au  point  que 
l'on  se  tutoyait ,  sans  qu'il  y  eût  de  décret  rendu  à  ce 
sujet  j  mais  cet  usage,  contraire  à  Turbanité  française, 
n'a  existé  que  pendant  les  fuieurs  de  l'anarchie,  en  1793 
et    1794  (  ans  1    et  2  ). 

(»)  On  se  servait  du  titre  de  Citoyen  dans  les  écrits  , 
devant  le-;  employés  publics  ;  mais  l'habitude  entraînait 
à  se  servir  quelquefois  de  la  qualification  de  Citoyen  ou 
de  Monsieur,  dans  la  conversation. 


(  8.  ) 
son.  Il  riposta  que  Collardcau  ctaÎL  un  fripon;  i-f)",. 
qu  étant  guillotiné ,  il  ne  recevrait  que  le  châti-  au  i. 
ment  dû  à  ses  rapines  ;  que  moi ,  j'étais  bien  osé 
d'avoir  pénétré  jusqu'au  sanctuaire  de  ses  secrets  : 
il  appela  un  planton  pour  me  mettre  à  la  porte. 
Je  le  priai ,  avant  que  je  sortisse ,  de  lire  le  placet  ; 
ajoutant  que  je  ne  serais  satisfait  qu'après  que  je 
saurais  quHl  en  aurait  pris  connaissance,  puisqu'il 
serait  convaincu  que  le  prisonnier  pour  qui  j'in- 
tercédais était  innocent.  Il  se  courrouça  de  mon 
observation ,  en  voulant  m'expulser.  Je  m'obslinaî 
à  rester.  Mon  ton  de  fermeté  ne  parut  pas  lui  dé- 
plaire. Il  prit  la  requête  et  la  lut  tout  haut.  Quand 
il  eut  achevé,  je  lui  demandai  quelle  était  sa  ré- 
ponse ;  il  répliqua  qu'un  tour  à  la  guillotine  met- 
tiait  à  la  raison  tous  les  anciens  employés  des 
fourrages.  Eu  frémissant  d'iiorrem-,  je  m'éloignai 
sans  plus  tarder  ! 

M'étant  rendu ,  bien  affligé  ,  chez  ma  cousine , 
je  lui  racontai  les  particularités  de  mon  message; 
elle  en  fut  désespérée. 

Elle  me  dit  d'aller  voir  son  mari ,  et  m'engagea 
surtout  à  lui  taire  les  circonstances  les  plus  acca- 
blantes de  sa  situation  future ,  craignant  qu'il  ne 
succombât  à  son  malheur. 

Je  parvins  à  la  prison  ;  mes  yeux  apprirent  à 
mon  parent,  qui  connaissait  le  cœur  humain,  la 
triste  nouvelle  que  je  lui  apportais.  Lorsque  nous 
eûmes  épuisé  la  conversation  sur  tout  ce  qui  le 
coiicernait_,  je  lui  parlai  de  l'invitation  que  j'avais 
reçue  de  paraître  au  comité,  et  de  la  décision  qui 


AK    I. 


(  80 
avait  été  prise  à  mon  égard.  II  me  conseilla  de 
m'éloigner  d'Arras ,  où  j'aurais  à  éprouver  quel- 
que désagrément ,  si  j!y  restais  plus  long-temps. 
Il  me  recommanda,  lorsque  je  serais  à  Dam eri , 
d'aller  à  Olizi,  voii'  M.  Bertauk,  son  beau-père  , 
pour  lui  raconter  le  malheur  qai  lui  était  arrivé.  II 
ne  voulait  point  lui  écrire ,  de  peur  que  sa  lettre 
ne  fût  interceptée  et  ne  compromît  quelqu'un.  Le 
député  Le  Bon,  envoyé  alors  par  la  Convention  , 
en  mission  à  Arras ,  sa  patrie,  que  je  connaissais, 
dont  j'avais  à  redouter  la  colère  ,    et  qui  était 
acharné  à  nuire  à  mon  bienfaiteur ,  le  persécutait 
en  toute  circonstance  (i).  Voyant,  comme  M.  Col- 
lardeau ,  que  l'orage  grondait  sur  la  tête  des  an- 
ciens employés  des  fouiTages  ,  je  me  décidai  k 
me  diriger  vers  ma  famille ,  de  crainte  qu'un  jour 
de  plus  dans  la  ville  ne  me  devînt  funeste.  D'un 
autre  côté ,  ne  pouvant  plus  être  d'aucune  utilité 
à  mon  cousin,  je  lui  fis  mes  adieux ,  et  formai  des 
vœux  au  ciel  pour  son  prompt  élargissement. 

Je  retournai  voir  ma  parente ,  en  lui  promet- 
tant de  me  présenter  chez  son  père.  Ayant  gagné 

(i)  Ce  Le  Bon,  partisan  dangereux  delà  révolution, 
faisait  guillotiner  chaque  jour  une  grande  quantité  d'in- 
dividus ,  sous  prétexte  que  leurs  opinions  n'étaient  pas 
favorables  à  la  prospérité  de  la  république.  Il  fut  con- 
damné le  5  octobre  1793  (  i3  vendémiaire  an  4  )  ?  P«^** 
le  tribunal  criminel  du  département  de  la  Somme ,  et 
subit,  à  Amiens,  la  peine  de  mort,  à  l'âge  de  tiente 
ans  (*). 

(*)  Extrait  du  nouveau  Dictionnaire  liistoritjue  des  grands  hommes. 
i3  vol.  iu-80. 


(  85  ) 
la  vouurc  publique,  je  n'y  trouvai  qu'une  place  ,.„- 
que  je  m  empressai  de  retenir.  Je  m'occupai  de  A' 
touclier  une  portion  de  l'argent  provenant  du  vin 
que  j  avais  vendu,  afin  de  pouvoir  parer  aux  ac- 
cidents du  voyage,  par  un  porte-feuille  et  une 
bourse  bien  garnis.  La  Savoyarde  vint  dans  ma 
chambre.  Je  la  priai  de  mettre  mes  habits  dans 
ma  malle ,  de  me  l'envoyer ,  en  profitant  de  la 
première  occasion,  et  de  m'adresser  la  clef  dans 
une  lettre  par  la  poste.  Je  la  qui  ttai  aussitôt ,  après 
lu.  avoir  Wsse  quelques  pièces  d'argent ,  en  recon- 
naissance du  service  qu'elle  allait  me  rendre 


(84) 


CHAPITRE  XIII. 


1701,       Le  i5  vendémiaire  (4  octobre)  (i) ,  je  montai, 
Aft  u.  vers  les  10  heures  du  soir,  dans  la  diligence  qui    ; 
partit  de  suite.  Je  m'éloignais  d'Arras,  où  je  lais-    | 
sais ,  avec  bien  du  chagrin ,  un  parent  que  j'ai-   | 
mais  de  tout  mon  coem'  et  qui  était  plongé  dans 
la  plus  cruelle  adversité,  ainsi  que  sa  respectable 
lainille. 

Combien  de  choses  la  peur  nous  fait  entrepren- 
dre! Que  la  jeunesse  est  imprévoyante!  JN'ayant 
pris  qu'une  chemise  et  un  serre-tète ,  j'avais  con- 
fié mes  effets ,  qui  valaient  beaucoup  d'argent ,  à 
une  femme  que  je  savais  n'avoir  point  de  domi- 
cile lixe  ni  de  moyens  d'existence;  qui  pouvait 
partir  avec  ma  malle  sans  que  j'en  entendisse  ja- 
mais parler. 

La  diligence  s'arrêta  à  Bapaume,  où  nous  déjeu- 
nâmes; ensuite,  continuant  notre  route,  nous  mî-' 
mes  pied  à  terre  à  Péronne,  vers  le  soir.  M' étant 
présenté  dans  plusieurs  hôtels  et  auberges ,  il  me 
tut  impossible  d'y  avoir  une  place ,  à  cause  de  la 

(1)  Par  décret  du  5  octobre  1793,  ce  fut  seulement 
à  dat;  r  du  23  septembre  179^  (  1^'  vendémiaire  an  2), 
que  Ton  consigna,  d'une  manière  authentique,  l'ère  ré- 
publicaine daus  les  actes  et  écrits  publics. 


_   (  85  ) 
proximité  de  l'armée  et  du  passage  des  troupes,  inpi. 
]î  ine  vint  à  Fidée  que  le  i^arde-mag.asin  des  iour-  an  u. 
raii,cs ,  qui  a^'ait  été  employé  avec  moi  à  Arras , 
])ourrait  me  procurer  à  souper  et  à  coucher, pour 
cette  nuit  seulement.  J'allai  à  son  logement;  il 
était  ù  son  magasin;  mais  la  dame  où  il  demeu- 
rait, à  qui  je  contai  ma  contrariété,  me  lit  donner, 
chez  une  de  ses  amies  qui  tenait  des  appartements 
garnis  ,  tout  ce  dont  j'avais  besoin.       " 

Le  i4  vendémiaire  (5  octobre)  ,  je  montai  dans 
la  messagerie  pour  Saint-Quentin  ;  j'y  arpvai  d'as- 
sez bonne  heure,  et  je  passai  la  soirée  à  la  comé- 
die. 

Le  1 5  (6) ,  les  chevaux  étant  mis  en  réquisition 
pour  le  service  de  l'armée,  je  me  trouvai  dans 
l'embarras  et  ne  pus  partir,  car  je  n'avais  à  espé- 
rer aucun  moyen  de  transport.  Ayant  vu  une 
charrette  qui  se  rendait  à  la  Fère ,  je  m'adressai 
au  conducteur,  qui  consentit  à  me  recevoir.  J'y 
montai.  Quand  je  tus  hors  de  la  ville,  m'étaut 
couché,  je  m'endormis  bientôt,  d'autant  plus  que 
la  route  était  belle,  et  que  depuis  plusieurs  jours 
je  n'avais  pas  pris  de  repos ,  ayant  toujours  eu 
dans  l'esprit  le  malheur  de  M .  CoUardeau  et  de  sa 
famille.  Lorsque  j'eus  gagné  la  Fère,  je  doimai 
pour  boire  au  charretier.  Je  logeai  à  l'hôtel  du 
Grand-Cerf,  où  l'on  me  traita  bien ,  ayant  été  re- 
connu par  les  maîtres  de  la  maison  avec  qui  mon 
père  était  en  relation  de  commerce. 

Le  i6  (7)^  je  profitai  d'une  voiture  qui  allait  à 
Laon  ;  il  me  fut  impossible  de  trouver  à  manger 


(  8fi  ) 
1793.  et  à  concîier  dans  les  auberges  de  cette  ville.  La 
A>'  li.  loi  du  maximum  (i)  qui  venait  d'être  proclamée, 
fixant  à  un  prix  fort  bas  les  diverses  demées  en 
tout  genre,  avait  fait  fermer  les  magasins  et  les. 
hôtels.  Je  me  voyais  obligé  de  coucher  à  la  belle 
étoile,  si  je  n'avais  excité  en  ma  faveur  la  commi- 
sération d'un  perruquier  qui  m'olfrit  à  souper  et  à 
coucher,  ce  que  j'acceptai  avec  reconnaissance. 
Le  lendemain  matin ,  je  le  récompensai  de  ce  qu'il 
avait  fait  pour  moi  j  ensuite  je  me  disposai  à  suivre 
ma  route. 

Le  1 7  vendémiaire  (8  octobre) ,  je  montai  dans 
une  espèce  de  diligence  qui  se  rendit  de  bonne 
heure  à  Reims  ,  et  nous  déposa  sur  la  place  du 
marché  au  blé.  Je  logeai  à  l'Ecu  de  France,  où 
descendaient  les  Dameriats  ;  j'y  rencontrai  un  do- 
mestique qui,  ayant  amené  du  vin,  s'en  retour- 
nait à  vide  ;  il  devait  se  mettre  en  route  le  soir. 
A  l'heure  de  son  départ,  je  me  trouvai  à  sa  voi- 
ture. Nous  nous  chrlgeàmes  sur  Dameri ,  que  nous 
atteignîmes  après  minuit. 

Rlon  père,  en  ouvrant  la  porte ,  fut  très-siu-pris 
de  me  voir.  Je  lui  racontai  le  malheur  de  M.  Gol- 
lardeau,  le  sujet  de  mon  voyage,  et  lui  rendis 
compte  des  fonds  que  j'avais  touchés  pour  lui  à 
Arras.  Il  se  faisait  tard  ;  j'allai  me  mettre  au  lit. 

Après  avoir  dormi  jusqu'à  8  heures,  je  descen- 

(i)  Cette  loi  futrenduele  7  vendémiaire  (  28  septembre  )^ 
Lçs  marcliands  ,  d'après  un  taril",  furent  forcés  de  livrer 
leurs  comestibles  aux  prix  fixés  par  la  loi ,  sans  égard 
à  celui  qu'ils   en  avaient  donné  eux-Xîiêmcs. 


(  «7  ) 
dis  pour  déjeuner.  Je  répétai  à  mon  père,  devant  i-o3. 
ma  mère,  ce  que  je  lui  avais  dit  à  mon  arrivée    an  u. 
en  me  Tci  ici  tant  d'être  de  retour  sans  qu'il  me  lut 
survenu  quelque  catastrophe  fâcheuse.  Mon  père 
témoignait  son  étonnen.ent  de  me  remaïquer  si 
changé,  en  comparaison  de  ce  que  j'étais  lorsqu'il 
m'avait  quitté  à  Arras.  Je  lui  dis  que  les  fatigues, 
les  inquiétudes,  les  chagrins  que  j'avais  éprouvés, 
étaient  la  seule  cause  de  ma  maigreur;  que  je  me 
félicitais  d'être  auprès  de  ma  famille  pour  reoren- 
die  mon  emboni)oint  ordinaire. 

I  T  •         1       • 

Je  restai  plusieurs  jours  sans  m'occuper  de 
j  choses  sérieuses.  Mon  père  n'exigeant  de  moi  au- 
cun travail ,  je  m'ennuyais  dans  cette  espèce  d'a- 
i  pathie;  je  n'avais  d'autre  délassement  que  de  lire, 
;  d'écrire  du  matin  au  soir  dans  ma  chambre ,  j'en 
!  devins  presque  misantrope. 

Le  4  brumaire  (a  5  octobre) ,  je  me  dirigeai  sur 
jiOlizi,  pour  y  voir  M.  et  M"'^  Bertault,  comme  je 
||ravais  promis  à  mon  cousin.  Je  n'eus  pas  besoin 
jide  leur  apprendre  les  événements  d'Arras  ;  ils  en 
Jetaient  instruits  par  une  lettre  circonstanciée  de 
M"""  Collardeau.  Nous  gémîmes  ensemble  du  des- 
tin funeste  qui  accablait  la  famille.  Ayant  passé 
quelque»  heures  auprès  d'eux,  je  m'en  retournai 
le  même  jour  à  Dameri, 

Un  soir,  je  dis  à  mon  père  que  l'état  de  repos 

ui quel  j'étais  livré  depuis  mon  arrivée,  était  con- 

raire  à  ma  santé  ;  que ,  s'il  le  trouvait  bon ,  j'irais 

i  Chàlous  :  il  y  consentit. 

Le  9  brumaire  (oo),  je  partis,  et  arrivai  le  soir 


(88) 
j-,)3.  dans  cette  ville.  Je  descendis  dans  une  bonne  au- 
A^  n.  berge,  où  je  restai  quelc^jues  jours  à  me  promener, 
ce  qui  dissipa  ma  mélancolie.  Me  sentant  mieux,  ^ 
je  me  décidai  à  m'en  aller  à  la  maison  paternelle. 
Le  tem|)s  étant  beau ,  j'en  profitai  pour  taire  la 
route  à  ])ied. 

Le  24  brumaire  (i4  novembre),  la  malle  que 
j'avais  laissée  à  Arras,  me  parvint  en  bon  état.  La 
Savoyarde  me  donna,  dans  celte  circonstance, 
une  preuve  de  sa  probité  et  de  son  exactitude. 

Le  ()  irimaire  (26)  ,  mon  père  ayant  reçu  une  ! 
lettre  de  M.  Collardean,  m'envoya,  avec  sa  voi- 
ture, à  Olizi.  Une  des  demoiselles  Bertault,  qui 
se  trouvait  mariée  et  chez  son  père,  revint  avec 
moi  à  Dameri. 

Gomme  son  époux  était  récemment  nommé  ré- 
gisseur général  des  vivres  à  l'armée  du  Rhin ,  il 
demandait  que  sa  tenmie  allât  le  rejoindre.  Cette 
dame  me  proposa  de  m'emmener  avec  elle,  me 
taisant  entievoir  que  je  serais  dédommagé  de  la 
perte  de  ma  place.  Je  me  trouvais  enchanté  de 
cette  proposition.  Le  jour  de  notre  départ  fut 
fixé.  Je  jouissais  d'avance  du  bonheur  que  j'allais 
éprouver  :  ma  malle  était  déjà  prête.  J'annonçais 
à  toutes  mes  connaissances  le  changemeilt  de  mon 
sort,  sans  penser  (jue  l'on  cherchât  à  me  nuire. 

La  jalousie,  toujours  ingénieuse  à  faire  du  mal, 
s'exerça  contre  moi.  Quelqu'un  ayant  su  que  je 
ne  me  disposais  pas  à  entrer  dans  un  régiment , 
me  dénonça  à  la  municipalité,  en  disant  que  je 
voulais  me  soustraire  à  la  réquisition. 


(8|>) 

Je  reçus  du  sergent  de  ville  l'inTÎtation  de  pa-  i-ol. 
raître  au  conseil  de  santé.  L'on  me  délivra  Toi-dre  a.\  h. 
d'aller  chercher  à  Epernai  une  teuilie  de  roule 
pour  le  8"  bataillon  de  la  Marne  (i). 

Je  voulus  faire  des  observations  ;  on  répliqua 
que  l'on  emploierait  la  rigueur.  Le  ton  avec  le- 
C}uel  on  me  parla ,  me  prouva  bien  que  je  n'aurais 
]  ieu  gagné  en  insistant.  Ayant  mon  titre  pour 
vovager,  je  pris  congé  de  mes  parens,  non  poxir 
me  rendre  à  Siraslîoiirg  avec  ma  cousine,  connue 
lious  en  avions  le  projet f  mais  ]^our  aller  à  Cari- 
£,nan,  joindre  les  réquisitionnaires  de  Dameri. 

Lorsque  j'étais  heureux  à  Arras ,  un  monsieur 
allié  à  ma  famille ,  qui  avait  formé  un  établisse- 
ment en  Chine ,  où  il  avait  été  envoyé  par  le  gou- 
vernement de  Louis  XVI,  comme  ingénieur,  ap- 
prit que  la  France  était  éiigée  en  république. 
^  oulaut  s'en  assurer  par  lui-même,  il  revint  dans 
sa  patrie,  et  fut  employé  à  l'armée  du  Nord,  dont 
il  faisait  partie  lors  de  l'émigration  du  général  Du- 
*  mouriez  (i).  Les  circonstances  ne  répondant  point 
à  l'idée  agréable  que  mon  parent  s'était  formée 
des  changements  opérés  dans  la  monarchie,  il 
songea  à  retourner  en  Asie.   Il  me  proposa  de 

(i)  Le  décret  du  23  août  mettait  en  réquisitioa  les 
jeunes  gens  de  18  k'iS  ans.  Je  dois  faire  reinarquer  que 
si  cette  loi  avait  été  rendue  avant  le  i3  juillet,  époque 
de  ma  naissance,  j'aurais  été  exenqjt  de  partir;  mais  il 
paraît  que  mon  destin  me  réservait  à  suivre  la  carrière 
des  armes. 

(2)   Il  était  passé  à  l'ennemi  j   en  avril  dernier. 


(  9"  ) 
i^g3.  m'emmener  a-vec  lui,  de  pourvoir  aux  frais  de 
AN  a.  mon  voyage ,  à  mon  état  et  à  mon  établissement. 
Je  me  trouvais  si  bien  que  je  ne  voulais  pas  quit- 
ter mon  pays.  Si  j'avais  su  alors  être  obligé  de 
rentrer  au  service  comme  soldat,  je  n'aurais  pas 
balancé  k  le  suivre. 


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(9-  ) 


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CHAPITRE  XIY 


Le  aO  Irimaire  (i(î  décembre),  nous  partînïcs  i*q3, 
au  nombre  de  quatre;  nous  bannîmes  ]a  tristesse  ^n  u. 
en  buvant  dans  chaque  cabaret  que  nous  trou- 
vAmes  sur  la  joute ,  de  sorte  que  le  soir  nous  n'é- 
tions qu'à  là  hauteur  de  IViOncfcenot.  Dansla 
journée  nous  arrivâmes  à  peine  à  Reims ,  qui  était 
notre  lieu  d'étape. 

Le  27  (17),  nous  eûmes  séjour. 

Le  28  (18),  on  coucha  à  Rethel. 

Le  39  (19),  h  Launoi. 

Le  5o  (20) ,  nous  arrivâmes  à  Mézicres,  où  l'on 
fit  séjour. 

Le  2  nivôse  (22),  nous  logeâmes  à  Sedan. 

Le  5  (^5),  à  Carignan. 

Le 4  (24),  nous  trouvâmes  le  8"^^  bataillon  de  la 
Marne  baraqué  à  Messincourt ,  quoiqu'il  fit  un 
froid  très-rigoureux.  On  me  plaça  à  la  8^  compa- 
gnie (1). 

(i)    L'élat-major  était  composé  des  CC. 
Vallin  ,   chef  de  bataillon  (*). 
Lasalle  ,  adjudant-major.  1 

(*)  Aujourtriiui  v'conate  ,  lieutenant-général  et  gentilliomme  de  la 
chambre  du  Roi  ;  décoi  é  de  plusieurs  Ordres  français  et  étrangers. 
H  a  figuré  d'uue  manicre  honorable  dans  la  guerre  d'Espagne  en  i8'i3. 


_  (  9^^  ) 
i  793.  Croyant  qu'en  arrivant  au  corps  ,  j'aurais  reçit 
AN  II.  les  vêtements  uniformes  dont  on  pourvoit  un  sol- 
dat nouvellement  admis  ,  je  ne  m'étais  pas  chargé 
d'habits.  J'avais  seulement  une  carmagnole  et  un 
pantalon  dont  la  couleur  lirait  sur  le  marron;  j'é- 
prouvais im  froid  extrême. 

Ce  costume  avait  quelque  chose  de  ridicule 
pour  un  militaire.  Un  jour  ^  allant  à  l'exercice', 
plusieurs  individus  de  la  réquisition  me  lancèrent 
des  sarcasmes  et  m'injurièrent^  parce  que  je  n'é- 
tais pas  habillé  comme  eux.  Je  supportais  ,  avec 
une  patience  forcée ,  les  impertinences  qu'ils  vo- 
missaient contre  moi  ;  mon  silence  les  enhardis- 
sait. Je  me  voyais  exposé  à  devenir,  pai^  la  suite, 
la  proie  de  leurs  vexations.  Après  l'exercice,  je 
courus  à  la  tête  de  la  compagnie  d'où  les  injures 
étaient  parties ,  en  provoquant  à  mon  tour  ceux 
qui  m'avaient  lâchement  insulté  pendant  les  ma- 
nœuvres. Le  ton  énergique  que  je  mis  dans  ma 
provocation  les  intimida  :  ils  sentirent  alors  qu'ils 
s'étaient  mal  adressés;  que,  comme  dit  le  pro- 
verbe :  «  L'habit  ne  fait  pas  le  moine.  »  Voyant 

Rafllin ,  quai'tier-maître. 

Pêcheux ,   adjudant-sous-officier. 
La  8"'  compagnie  avait  pour  officiers ,   les  CC. 

Henault ,    capitaine. 

Ciret ,  lieutenant. 

Maiin-Parmentier  ,  sous-lieutenant. 
Pour   sous-officier ,  le  C. 

Paillart ,   sergent-major, 

L'efFectif  du  corps  était  d'environ  1,080  hommes. 


(93) 
qiie  leur  courage  ne  se  soutenait  pas ,  qu'aucun  t«a3, 
d^cux  nV-tùit  disposé  à  me  rendre  sadsfaction ,  je  au  h. 
sautai,  dans  l'excès  de  ma  colère,  sur  un  soldat 
que  j'avais  remarqué  pour  avoir  été  l'agresseur. 
Je  le  contraignis  à  se  battre,  ou  à  me  faire  des 
excuses  devant  toute  la  compagnie  qwi  était  en- 
core assemblée.  Il  voiJut  se  disculper,  en  jetant 
la  faute  sur  les  autres;  mais,  comme  je  paraissais 
déterminé  à  tirer  vengeance  de  l'insulte  que  j'avais 
reçue,  il  consentit  à  ma  dernière  demande. 

Par  la  suite,  je  n'éprouvais  aucune  scène  de  ce 
g€nre.  Le  lendemain  il  y  eut  un  assaut  d'espadon 
(espadron),  où  je  tirai.  Je  me  défendis  si  bien, 
que  les  réquisitionnaires ,  qui  pour  la  plupart  ne 
savaient  rien ,  me  regardèrent ,  vu  que  j'étais  gau- 
cher, comme  fort  dangereux  dans  les  armes.  Ils 
furent  dès  ce  moment,  sinon  disposés  à  me  res- 
pecter, au  moins  à  ne  point  me  plaisanter  k  l'a- 
venir. 

Ces  sortes  d'épreuves  sont  ordinairement  celles 
que  l'on  met  en  usage  dans  les  corps  pour  provo- 
quer les  néophytes  ;  elles  servent  aussi  souvent  à 
faire  des  victimes  :  car  les  anciens  croient  que 
ceux  qui  n'ont  pas  suivi  la  même  carrière  qu'eux, 
ou  qui  ne  sont  pas  vêtus  en  uniformes ,  sont  moins 
braves.  Ceux  qui  arrivent,  veulent,  au  contraire  , 
prouver  qu'ils  ont  autant  d'honneur  ;  de  là  vien- 
nent ces  germes  de  querelles  qui  causent  des  bles- 
sures et  la  perte  de  beaucoup  de  gens  coura- 
geux. 

Le   12  nivôse  (i^*^  janvier),  m'étant  réuni  à  i794' 

7- 


(  ',)4  ) 

1794.  quelques  amis  poiu-  fêter  le  jour  de  Pan,  nous 

AI*  11.  l'employâmes  assez  agréablement ,  sans  cependant 

que  cela  fût  trop  marqué  :  car  la  nouvelle  ère 

avait  aboli  l'ancien  usage  de  se  récréer  ce  jour- 

ià(,). 

TranquSle  dans  mon  nouvel  état,  je  voyais  les 
hommes  avec  assez  d'indifférence.  Je  n'avais  qu'un 
petit  nombre  d'amis  5  les  autres  me  semblaient 
tous  disposés  à  me  nuire.  Pour  fuir  leur  société  , 
j'allais  à  peut-être  une  demi-lieue  du  camp  dans 
im  endroit  isolé  du  bois ,  sur  un  rocher ,  au  bas 
duquel  passait  un  ruisseau  qui,  par  le  muraiure 
de  son  onde ,  me  plaisait  infiniment.  Je  lisais  , 
dans  ce  Ueu  solitaire ,  les  Aventures  de  Télé- 
maque,  que  je  portais  soigneusement  avec  moi. 
Voyant  que  ce  Prince  avait  conduit  un  troupeau; 

(1)  Voici  les  noms  des  jeunes  gens  tle  Dameri ,  au 
nombre  de  60  qui  faisaient  partie  du  8""'  de  la  Marne  : 
Anot ,  Aton  David  ,  Bergot  Joseph  ,  Bertlielot ,  Billard 
Henri,  Billard  Nicolas,  Bodin  ,  Bonnart  Médard,  Bou- 
let ,  Canot  Martin  ,  Chêne  aîné  ,  Chêne  jeune  ,  Chenu 
Georges,  Chiroux  Augustin,  Ciret  aîné,  Ciret  Théophile, 
Ciret  Joseph  ,  Delaruelle ,  Descarme  Alexis ,  Dhuicq  ,  Du- 
bois Charles  ,  Filaiue  ,  Gauri ,  Gonel  Isidore  ,  Goutan  , 
Grandanii  François  ,  Gros  Jean  ,  Hotier  ,  Huard  Pierre  , 
Lalire,  Lelarge  aîné,  Lelarge  jeune,  Lefevre,  Lefevre 
Jean-Louis ,  Lefort ,  Lépé  Narcisse  ,  Leté  Georges ,  Lété 
Henri,  Lété  Nicolas  ,  Liétard  François  ,  Lormier ,  Mahin  , 
Marmot  ,  Martin  Victor  ,  Masson  ,  Paillart  Constantin  , 
Paillart  Félix ,  Person  ,  Pinçon  ,  Pommelet ,  Prévôtot  , 
Prud'homme  François,  Radon  aîné,  Radon  jeune,  Re- 
iiaid,  Ricard  Denis,  Touchard ,  Trotou  Jean,  Vaudoit 
Joseph ,  et  Vigreux. 


(  03  ) 
que,  loin  de  s'en  affliger,  il  y  avait  trouvé  des  i-c)^, 
consolations,  je  pensais  que  mon  malheur  était  ak  lu 
moins  grand  que  le  sien,  et  que  je  devais  sur- 
monter le  chagrin  qui  m'oppressait.  Des  après- 
mich  entiers   se  passaient  dans   cet  état  de  ré- 
flexions ;  quand  la  nuit  venait,  je  m'en  retoiu-nais 
assez  tristement  dans  ma  baïaque. 

J'allais  tous  les  soirs  avec  le  sergent-major  chez 
mie  vivandière ,  prendre  du  cacis ,  que^  nous  bu- 
vions en  mangeant  un  morceau  de  pain  de  muni- 
tion. Quand  ce  triste  souper  était  fini ,  nous  nous  \ 
retirions  sur  notre  paille  où  nous  passions  la  nuit. 
Il  nous  est  arrivé  plusieurs  fois  d'avoir  le  matin 
les  cheveux  gelés  sur  les  sacs  où  reposaient  nos 
tètes  ,  et  d'avoir  un  pouce  de  neige  sur  nos  vête- 
ments. Ils  étaient  également  gelés  de  la  neige 
fondue  par  la  chalem-  de  notre  corps,  qui  ne 
pouvait  en  faire  dissoudre  qu'une  portion.  Les 
souffrances  que  j'endurais  dans  ces  instants  étaient 
incroyables.  Je  compaiais  ce  sort  avec  celui  déli- 
cieux dont  j'avais  joui  à  Arras.  Quand  les  ré- 
flexions m'avaient  abattu  ,  je  regrettais  que  la 
Parque  tardât  si  long-temps  à  venir  trancher  le 
fil  de  mes  jours,  préférant  mille  fois  cesser  d'exis- 
ter, que  de  soufiVir  si  cruellement. 

Je  montrai  néanmoins  du  zèle  à  remphr  mes 
devoirs;  je  pensais  que  tous  ceux  qui  menvii'on- 
naient  éprouvaient  les  mêmes  privations ,  les 
mêmes  rigueurs  ;  que  je  manquerais  de  philoso- 
phie ,  et  que  j'aurais  fort  mauvaise  grâce  à  ne  pas 
faire  comme  eux.  Aussi  ai-je  exactement  monté 


(  06  ) 
'794-  ^^  garde.  La  première  tois  que  je  fus  en  faction, 
AU  II.  je  me  trouvais  sur  des  ledoutes  placées  dans  la 
forêt  des  Ardemies,  ce  que  i'on  appelle  commu- 
nément en  sentinelle  perdue.  Convaincu  de  l'im- 
portance de  mon  poste,  puisque  de  ma  surveil- 
lance exacte  dépendait  la  tranquillité  de  l'armée  , 
je  me  pénétrai  tellement  de  mes  devoirs  ,  que 
je  les  remplis  avec  autant  de  soin  que  de  vigi- 
lance. ' 

Un  soldat  qui  descendait  la  garde  par  un  temps 
pluvieux ,  avait  son  fusil  rouillé  ;  il  s'était  aperçu 
en  faction  que  l'eau  y  était  entrée.  Il  démonta 
son  arme ,  et ,  croyant  que  la  poudre  se  trouvait 
«ans  force,  il  s'avisa  de  mettre  le  canon  au  feu 
pour  fondre  la  balle.  Le  coup  partit  ;  le  réquisi- 
tionnaire  eut  un  genou  fracassé.  Ce  trait  prouva 
la  simplicité  de  cet  individu  :  on  gémit  sur  son 
inexpérience. 

Les  chefs  remarquèrent  mes  talents  dans  l'exer- 
cire  et  dans  les  manoeuvres  ;  ils  surent  que  j'avais 
été  sergent,  et  jugèrent  que  je  n'étais  pas  à  ma 
place.  Le  commandant  me  fit  exempter  de  ser- 
vice ;  il  me  destina  le  poste  d'instructeur  pour  la 
seconde  classe.  J'en  étais  d'autant  plus  flatté  que 
cela  me  dispensait  d'être  désormais  exposé ,  pen- 
dant des  heures  entières,  la  nuit,  à  toute  la  ri- 
gueur du  froid,  sans  avoir  d'autres  vêtements  que 
ma  veste  et  mon  pantalon. 

La  troupe  it'était  payée  qu'en  assignats ,  pa- 
pier qui  n'avait  presque  pas  de  valeur,  tombant 
chaque  jour  dans  le  plus  grand  discrédit.  Les  mi- 


(  07  ) 
îitaires  qui  n'avaient  pas  d'autres  ressources,  se  1794. 
trouvaient  clans  une  position  fort  pénible.  an  u. 

Après  avoir  disposé  les  officiers  supérieurs  en 
jna  faveur,  par  un  zèle  reconnu  dans  mes  devoirs , 
je  demandai  au  chef  la  permission  de  me  trans- 
porter à  Stenai.  Comme  il  ne  pouvait  me  l'accor- 
der sans  se  compromettre,  il  objecta  des  affaires 
pour  le  corps ,  me  délégua  une  commission,  afin 
que  sa  responsabilité  ainsi  que  la  mienne  fussent 
à  couver;.  Profitant  de  cet  avantage,  j'allai  re- 
mettre à  un  ami  de  mon  père  une  lettre  de  re- 
commandation qu'il  m'avait  adressée.  Il  m'accueil- 
lit parfaitement.  Les  bontés  dont  il  me  combla 
avaient  pour  moi  beaucoup  d'attraits.  Je  compa- 
rais la  somptuosité  de  ses  repas ,  la  mollesse  du 
lit  où  je  couchais ,  avec  la  nourriture  grossière 
que  nous  avions  au  camp ,  et  la  paille  pourrie  sur 
Liquelle  nous  reposions  nos  membres  à  demi-tran-. 
sis.  Je  formais  des  vœux  pour  la  continuation 
du  bonheur  c[ue  j'éprouvais  j  mais  me  rappelant 
la  promesse  de  rejoindre  mon  poste,  je  gémissais 
en  moi-même  d'être  obligé  de  me  plojiger  de  nou- 
veau dans  la  misère.  Cet  ami  de  mon  père  me 
donna  des  assignats  :  ensuite  je  retournai  au 
camp. 

Le  i3  pluviôse  (5i  janvier),  la  nuit  de  mon  ar- 
rivée, vers  les  deux  heures  du  matin,  le  feu  prit 
à  une  baraque  contenant  23  hommes  et  attenant 
à  celle  où  je  couchais.  Me  trouvant  accablé  par 
la  fatigue  de  la  route,  je  dormais  si  profondé- 
ment, que  je  ne  pus  être  réveillé  par  le  bruit  des 


(  98  ) 
i;94.  militaires  qui  se  sauvaient.  Le  feu  gagna  l'endroit 
i\  il.  où  nous  étions  un  pareil  nombre.  Il  faisait  des 
progrès  d'autant  plus  rapides  ,  que  les  huttes 
étaient  bâties  en  genêt  fort  sec,  et  que  le  vent 
souillait  avec  violence.  La  porte  étant  très-étroite, 
il  ne  pouvait  y  passer  qu'un  homme  à  la  fois. 
Chacun  emportait  ce  qu'il  saississait,  sans  avoir 
le  temps  de  choisir  les  objets.  La  tlanime  ayant 
fait  une  apparition  subite  ,  la  chaleur  devenant 
presque  insupportable ,  je  me  réveillai  en  sur- 
saut. En  voulant  sortir,  j'allais  me  jeter  dans  le 
brasier;  j "étais  dans  un  sac  de  toile  qui  m'entra- 
vait les  pieds ,  et  je  ne  voyais  presque  pas  clair  : 
ayant  en  outre  mal  aux  yeux.  Un  soldat  qui  atten- 
dait son  tour  pour  s'élancer  dehors,  devinant 
mon  dessein ,  m'arrêta  ;  me  préserva  du  malheur 
inévitable  où  j'allais  me  plonger.  Ayant  recouvré 
mes  esprits,  et  étant  revenu  de  l'engourdisse- 
ment auquel  le  sommeil  m'avait  réduit,  je  me 
rappelai  subitement  qu'il  y  avait,  dans  un  coin 
de  la  baraque,  une  caisse  remplie  de  cartouches. 
Je  dis  aussitôt  h  ce  camarade  de  m'aider  à  l'em- 
porter; elle  ain-ait,  par  son  explosion,  fait  périr 
beaucoup  d'hommes,  si  les  étincelles  y  eussent 
communiqué.  Je  n'eus  que  le  temps  de  prendre 
mon  havre-sac  débouclé,  ce  qui  fut  cause  que 
mes  bardes  tombèrent ,  en  courant  à  la  porte  qui 
était  déjà  embrasée  ;  j'en  fus  quitte  pour  quelques 
cheveux  grillés.  Lorsque  je  me  trouvai  éloigné 
du  danger  ,  je  mis  mon  pantalon.  Un  grand 
nombre  d'individus  en  chemise,  dont  les  habits 


(90) 
étaient  briilés ,  ne  purent ,  qu'avec  difficulté  ,  se  i-jg^. 
procurer  des  vêtements  pour  se  garantir  du  vent  aw  h. 
froid  qu'il  taisait .  Un  réquisitionnaire   malade , 
n'ayant  point  échappé  à  la  vivacité  de  la  llannne, 
lut   étouflé.    Cet  incendie   était   réellement   une 
Jjclle  horreur  à  voir  ;  on  l'aperçut  de  fort  loin , 
parce  que  le  camp  était  sur  une  éminence. 

Le  matin ,  ayant  pris  les  armes ,  on  nous  can- 
tonna dans  le  village  de  Messincourt  et  ceux  en- 
vironnants. Je  n'avais  plus  d'argent,  ayant  perdu 
dans  l'incendie  mon  porte-feuille  et  les  assignats 
qui  m'avaient  été  remis  à  Stenai. 


(    100   ) 

CHAPITKE  XV. 


>^t^«^.^ 


1794.       Le   14.  pluviôse  (2  février),  le  bataillon  fit 
AN  II.  route  pour  (  Vedette  -  Républicaine  )   Philippe- 
ville,  et  alla  coucher  le  même  jour  à  Carignan. 

Le  i5  (  3  ),  il  se  rendit  à  Sedan. 

Le  1 6  (  4  )  ,  le  corps  se  transporta  à  Mézières , 
où  il  séjourna  le  17  (  5  ). 

Le  1 8  (  6  )  ,  étant  en  marche ,  je  visitai ,  à  Ri- 
mogne,  la  fameuse  ardoisière  de  4oo  pieds  de 
profondeur.  Descendant,  au  moyen  d'une  lampe, 
dans  la  carrière,  qui  avait  26  échelles  de  hauteur, 
je  vis  travailler  les  ouvriers.  Je  remarquai  que  le 
procédé  pour  tarir  les  sources,  était  fort  ingé- 
nieux. Des  enfants  portaient  sur  leur  dos  des 
blocs  de  schiste  ,  afin  de  les  sortir  de  la  mine  ;,•  on 
en  fabriquait  des  ardoises  en  plein  air. 

J'arrivai  à  Rocroi,  où  je  logeai.  La  ville  étant 
encombrée  de  troupes ,  je  ne  crus  pas  devoir  re- 
nouveler les  connaissances  que  j'y  avais  faites  lors- 
que je  m'y  trouvais  en  garnison. 

Le  19  (  7  ),  le  bataillon  coucha  à  Fumai. 

Le  20  (  8  ) ,  le  corps  se  mit  en  route.  J'obtins 
la  permission  d'aller  voir,  en  passant,  la  petite 
ville  de  Marienbourg;  je  rejoignis  la  compagnie 
pi  esqu'aussitôt.  Nous  arrivâmes  de  bonne  heure  à 
Phijippeville. 


(  '«^O 

On  nous  mit  clans  une  caserne,  où  nous  limes  le  irf)|. 
,«ervice  de  la  place.  a?)  ir, 

Le  6°^^  bataillon  de  la  Marne  se  trouvait  dans  la 
même  garnison. 

Je  reçus  enfin  un  habillement  neuf;  je  n'avais 
plus  l'air  d'une  recrue.  Les  réquisitionnaires  ne 
pouvaient  me  plaisanter,  comme  ils  l'avaient  fait 
d'abord;  car  depuis  la  satisfaction  que  je  leur  en 
avais  demandée ,  aucun  ne  s'était  avisé  de  s'atta- 
quer à  moi. 

Le  1 5  ventôse  (  5  mars  ) ,  je  fus  nommé  four- 
rier, et  j'entrai  de  suite  en  fonctions. 

Des  partisans  ,  sous  les  ordres  d'un  nommé 
Charles  Legros ,  du  Hainaut ,  faisaient  des  excur- 
sions dans  la  forêt  de  Chimai.  On  détacha  le 
S^^  bataillon  de  la  Marne,  à  Neuville,  pour  pro- 
téger les  convois  qui  arrivaient  à  Philippeville 
par  la  route  de  Marienbourg.  La  nuit,  de  fortes 
patrouilles  se  rendaient  dans  les  bois ,  où  elles 
restaient  des  heures  entières  sans  causer  le  moindre 
bruit.  On  vit,  dans  im  instant,  une  langue  de  feu 
accourir  d'assez  loin,  se  fixer  sur  les  fusils  qui 
étaient  en  faiscea\ix.  Les  soldats  eurent  un  peu 
d'étonnement,  par  la  raison  c[ue  la  flamme  ayant 
beaucoup  éclairé  ,  avait  ensuite  disparu  avec  le 
vent.  Us  racontèrent  cette  particularité.  Je  leur 
dis  que  cette  lueur  se  nommait  :  Ignis  Inmbens^  ou 
météore  igné  (i)  ;  qu'elle  était  l'elfet  des  exhalai- 

(i)  M.  Beitliolon  a  parlé  de  ces  sortes  de  feux  dans 
ses  Observations  sur  l'électricité  des  météores  j  a  vol.  in-8°. 


(     102    ) 

i-rq/J.  sons  de  la  terre  (  à  cette  époque,  on  app:ocîiaît: 
Aiv  11.  du  printemps  )  ;  qu'elle  provenait  des  pyrites  ou 
des  mines  ferrugineuses  ou  d'ardoises,  ou  de  por- 
tions phosplioriques  sorties  des  marais  qui  n'é- 
taient pas  éloignés  de  nous  ;  que  le  feu  se  plaçait 
de  prétéreuce  sur  les  baïonnettes ,  parce  que  le  fer 
pointu  était  pour  lui  un  objet  d'attraction. 

Des  troupes  ayant  ordre  de  former  un  camp 
auprès  de  Philippeville ,  les  corps  arrivaient  de 
toutes  parts.  On  nous  releva,  et  l'on  nous  envoya 
dans  la  place  pour  perfectionner  notre  instruction. 
Nous  faisions  chaque  jour  l'exercice  sur  les  glacis 
hors  des  palissades.  Un  jour,  l'ennemi,  qui  s'as- 
semblait aussi  en  armée  pom-  opposer  des  forces 
aux  Français,  envoya  sept  cuirassiers  à  la  décou- 
verte. Je  me  trouvais  à  environ  200  pas  en  avant 
du  bataillon ,  avec  mes  recrues ,  pour  ne  point  in- 
terrompre les  grandes  manoeuvres ,  et  ne  pas  occa- 
sioner  de  distraction.  Je  fus  fort  étonné  de  voir 
cette  patrouille  rester  long-temps  sur  une  émi- 
nence,  d'où  elle  nous  observait.  Mes  hommes 
avaient  des  pierres  de  bois  à  leurs  armes  ;  mais  ils 
en  possédaient  de  garnies  dans  leurs  gibernes.  . 
A}  ant  pris  un  fusil ,  je  le  chargeai  et  couj^us  en-  I 
suite  dans  la  haie ,  sur  la  crête  du  fossé  du  chemin. 
Je  tirai  et  vis  que  la  monture  du  4""^  militaire 
tomba  au  coup;  qu'elle  lit,  mais  en  vain,  des  ef- 
forts pour  se  relever  ;  que  le  cavalier  se  contenta 
d'emporter  les  harnais.  L'exercice  étant  fini ,  nous 
rejoignîmes  le  bataillon  et  rentrâmes  en  ville.  Le 
Icutleaiain,   des  paysans  étant  venus  vendre  des 


(   lOD  ) 

denrées,  annoncèrent  qu'un  cîievcil  antrichicn,  qui  i-t)  j. 
avait  été  tné  la  veille ,  était  resté  dans  ia  plaine.       a:s  h. 

Le  2  1  germinal  (  lo  avril  ),  un  détachement 
assez  nombreux  sortit  pour  se  porter  dans  un  bois 
entre  A'illiers  et  Florenne,  à  une  lieue  nord-est 
do  la  place.  On  lit  des  prisonniers  que,  pendant 
Taction ,  l'on  amena  à  Pliilippeviile. 

^  oici  le  mpport  destiné  à  donner  connaissance 
de  la  situation  des  troupes  : 

Réimion-suv-Oise  (  Guise  ),  le  a5  germinal  (  1 4  avril  ). 

((  Les  Français  ont  établi  6  camps ,  depuis  Pbi- 
»  lippeville  jusqu'à  Courtrai  ;  tous  sont  dans  d'ex- 
»  cellentes  positions ,  et  peuvent  se  soutenir  mu- 
»  tuellemcnt.  Nous  venons  d'attaquer  avec  une 
»  grande  supériorité,  les  redoutes  élevées  du  côté 
)>  de  Beaumont.  Une  division  du  corps-franc  ayant 
»  passé  la  Sambre  ,  pour  attaquer  un  village  f  ran- 
»  rais,  a  été  reçue  à  coups  de  fusil,  et  a  eu  un  grand 
»  nombre  tant  tués  que  blessés.  Nous  faisons  des 
»  incm-sions  dans  plusieurs  villages  ennemis ,  d'où 
»  nous  emportons  un  butin  considérable.  » 


AN    H 


(  ïo4  ) 


CHAPITRE  XYL 


»794-  Le  9.6  germinal  (  t  5  avril  ) ,  le  8'^*=  de  la  Marne 
fut  incorporé;  la  plus  forte  partie  se  trouva  du 
5"^*^  bataillon  du  Nord.  Les  soldats  mécontents  de 
cette  dislocation,  s'en  allèrent  eu  grand  nombre. 
Malgré  la  désertion,  l'incorporation  eut  lieu;  je 
fus ,  le  même  jour ,  nommé  caporal  à  la  5"'*^  com- 
pagnie (i). 

L'ennemi  était  aux  portes  de  la  ville  ;  elle  se 
trouvait  commandée  par  le  chef  de  brigade  Hardi. 
Il  y  avait  quelquefois  des  escarmouches  entre  les 
troupes  légères  autrichiennes   et  les  gardes  du 

(i)   L'état-major  était  composé  des  CC. 

Cardon ,    commandant. 

Bâillon  ,  quartier-niaîtie. 

Schober,  adjudant-major. 

Deshayes ,  chirurgien-major. 

Begat  ,  adjudant-sous-oflltier. 
La  6""'    compagnie  avait  pour  officiers ,  les  CC 

Masson  ,  capitaine. 

Dewez ,    lieutenant. 

Riquoir ,    sous-lieutenant. 
Pour  sous-ofïicier  ,  le  C. 

Bourgeois ,    sergent-major. 
J'étais  immatriculé   sous   le   numéro  d'ordre  277. 
L'effectif  du  corps  se  iormait  d'environ  i  ,080  hommes. 


^/■(^^^^^ 


za&^y  ^  JtMo^ 


(  io5  ) 
camp  français,  placées  sous  la  protection  des  rem-  i^q.^. 
parts.  Nous  allions  sur  les  fortifications ,  voir  ces  ak  u. 
petites  agaceries  militaires  qui,  en  nous  amusant 
beaucoup,  ne  laissaient  pas  que  de  nous  tuer  des 
hommes  aia?i  qu'aux  Impériaux. 

Une  t'ois,  après  l'appel  du  soir,  mon  nouveau 
capitaine,  voulant  se  populariser,  proposa  un 
prix  aux  hommes  de  sa  compagnie  ;  il  consistait 
en  ime  livre  de  chandelles  qui  devait  être  gagnée 
à  la  course.  Je  m'élançai  avec  tant  de  rapidité  que 
je  l'obtins  ;  mais  ce  ne  fut  pas  sans  peine ,  car  un 
Flamand ,  fort  leste ,  arriva  au  but  presqu'aussitôt 
que  moi.  Je  fis  le  partage  en  frère ,  et  lui  donnai 
la  moitié  des  chandelles  :  ainsi  le  jeu  fut  terminé 
à  la  satisfaction  de  tout  le  monde. 

Le  3  floréal  (22  avril),  nous  partîmes  de  Phi- 
lippe ville  pour  aller  grossir  l'armée  des  Ardennes. 
Le  5°^^  bataillon  du  Nord  fut  de  l'avant-garde 
commandée  par  le  chef  de  brigade  Hardi.  Nous 
nous  rendîmes ,  en  combattant ,  dans  divers  lieux 
que  nous  fûmes  obligés  de  conquérir  en  repous- 
sant l'ennemi. 

^  oici  le  rapport  fait  par  le  général  Charbonnier, 
commandant  en  chef  : 

Aussoi ,  près  Philippeville ,  le  3  floréal  (  11  avril  ). 

«  Déroute  complète  de  l'ennemi,  après  un  com- 
«  bat  de  1 2  heures  aux  environs  d' Aussoi ,  où 
>»  200  Autrichiens  ont  été  tués.  » 

Dès  cet  instant ,  tout  prit  un  caractère  guerrier. 
Des  corps  arrivant  de  tous  côtés ,  mirent  promp- 
tement  les  Français  dans  une  attitude  imposante. 


i-qi-       ^  oîcï  Je  rapport  des  bonnes  dispositions  que 
AT,  11.  les  troupes  avaient  alors  : 

Veclette-Ré;)ublicaine  (  Philipperille  )  ,  le  6  flortal 
(23  avril  ). 

«  Tout  se  prépare  au  succès ,  écrit  le  général 
»  Charbonnier  :  depuis  5  joury  nous  coml^attons 
»  l'ennemi,  et  1,200  Autrichiens  ont  déjà  mordu 
»  la  poussière  dans  ces  différentes  affaires.  Un 
>'  déserteur  qui  nous  arrive,  nous  annonce  que 
»  des  renforts  augmentent  le  nombre  de  nos  en- 
»  nemis  ;  c'est  plus  d'obstacles  à  vaincre ,  mais 
»  plus  de  gloire  à  acquérir.  Tout  se  prépare  pour 
»  que  le  7  lloréal  (  26  avril  )  voie  l'anéantissement 
»  de  la  Tyrannie.  Des  chevaux  d'artillerie ,  dont 
»  nous  avions  besoin ,  nous  sont  envoyés  ;  en  at- 
»  tendant ,  nous  redoublerons  avec  la  baïonnette.  » 

Le  7  (  9.0  avril  ) ,  nons  attaquâmes  Fennemi  en 
avant  de  Bossut ,  village  à  4  lieues  de  Philippe- 
ville,  sur  la  route  de  Barbançon.  Le  5'"^  du  Nord 
n'étant  pas  assez  exercé,  fut  destiné  au  service  de 
tirailleurs  ;  en  conséquence ,  il  commença  l'attaque 
à  la  pointe  du  jour.  Lorsque  les  postes  d'infan- 
terie autrichienne  se  trouvèrent  culbutés  ,  un  pe- 
loton d'environ  5o  hommes  de  cavalerie  s'appro- 
cha, sans  doute  pour  nous  reconnaître.  Nous 
fîmes  un  feu  bien  soutenu ,  qui  l'obligea  à  rétro- 
grader. Nos- réquisitionnaires  qui  n'avaient  jamais 
vu  les  Impériaux  de  si  près ,  qui  ne  connaissaient 
pas  les  ruses  de  la  guerre ,  criaient  déjà  victoire, 
en  parcourant  au  pas  de  course  le  terrain  que 
l'ennemi  venait  d'abandonner.  Un  parti  d'environ 


(  107  )  ^ 
Goo  cavaliers  se  présenta,  exécuta  le  même  mon-   inà^. 
vemeiit  que  le  précédent ,   et  disparut  derrière  an  li. 
Bossut  et  les  haies.   Le  même  enthousiasme  ani- 
mait tes  républicains.  Un  nistant  après  ,  la  plaine 
parut  couverte  de  cuirassiers  qui  nous  chari^èrent 
si  promptement  que ,  malgré  la  plus  vigoureuse 
résistance ,  ils  nous  dépassèrent  presque  sans  s'ar- 
rêter, ayant  laissé  sur  leurs  derrières,  des  indi- 
vidus qui  nous  criaient  de  nous  rendre ,  de  jeter 
nos  armes.  Lorsqu'ils  s'approchaient,  ils  sabraient 
les  hommes  qui  étaient  à  leur  portée  j  ceux-ci  les 
recevaient  à  grands  coups  de  baïonnette.  Comme 
je  connaissais  la  manière  de  guerroyer  en  tirail- 
leur, j'avais  prévu  cette  terrible  charge,  en  ob- 
servant les  accidents  du  terrain.  Je  sautai  à  travers 
une  haie,   dans  un  verger   qui  se  trouvait  s^ul 
dans  la  plaine,  dont  un  large  fossé  défendait  l'ap- 
proche. Mon  exemple  fut  suivi  par  d'autres.  Nous 
tirâmes  sm*  les  cavaliers.  Pour  nous  soutenir,  le 
général  Charbonnier  lit  avancer  au  -  dessus  d'un 
ravin,  la   172"^®   demi-brigade  (  d'environ  3, 000 
hommes  )  ,  qui  arriva  fort  à  propos  pour  arrêter 
les  progrès  de  l'ennemi.  Il  ne  put  résister  à  un  feu 
de  file  formidable,  qui  le  contraignit  à  rétrograder. 
Dans  son  désordre ,  la  cavalerie  n'atteignit  pres- 
que persomie  de  nos  tirailleurs  :  à  son  approche, 
ils  se  défendirent  vigoureusement.  Nous  reçûmes 
Tordre  de  quitter  la  plaine  ;  de  nous  jeter  dans  un 
bois  a  droite,  pour  pénétrer  jusqu'à  Valcour.  Les 
Hollandais  étaient  sur  le  sommet  de  la  montagne 
où  se  trouvait  uu  mamelon.  Quand  nous  débus- 
I.  8 


(  ro8  ) 

^794*  q^iâmes  ,  ne  voyant  point  tirer,   nons  crûmes  . 

Az*  n.  trompés  pai*  les  habits  bleus ,  que  les  Austro-Ba- 
taves  étaient  des  Français.  Nous  fûmes  droit  à  eux 
sans  coup  férir;  ils  accoururent  sur  nous,  prirent 
quelques  hommes  des  plus  avancés ,  en  faisant  feu 
sur  les  autres.  Nous  ignorions  que  dans  les  troupes 
alliées,  il  y  eût  des  uniformes  semblables  aux 
nôtres  :  croyant  qu'elles   commettaient  une  mé- 
prise, nous  leur  criions  que  nous  étions  des  Fran- 
çais, des  républicains.   Cependant  notre  feu  bien 
foiu-ni  les  força  à   se  retirer.   Un   détachement 
d'Autrichiens  occupait  le  plateau  avec  une  pièce 
de  canon.  On  lira  sur  nous  plusieurs  coups  à  mi- 
traille. Ce  peloton,  contre  lequel  nous  ripostions 
avec  acharnement,  sur  le  point  d'être  débordé  , 
battit  en  retraite ,   et  suivit  le  mouvement  des 
Hollandais.  On  appela  les  tirailleurs  sur  la  gauche, 
pour  s'emparer  de  Bossut.  La  compagnie  descen- 
dit.  Nous  gagnâmes  ce  village   dans  lequel  leTs 
Français  venaient  d'entrer.  Plusieurs  maisons  se 
trouvaient  incendiées.  Les  flammes  avaient  con- 
sumé les  fumiers  qui  étaient  devant  les  portes  ;  ils 
brûlaient  les  souliers  de  ceux  qui  y  marchaient , 
et  qui  croyaient  que  la  paille  noire  était  éteinte. 
Je  venais  de  m'y  prendi-e.  Je  trempais  mes  pieds 
dans  une  mare ,  afln  de  faire  diminuer  la  douleiu- 
que  je  ressentais.  J'aperçus  des  hussards  qui  ar- 
rivaient du  côté  où  nous  étions  entrés  j  ils  se  di- 
rigeaient par  la  route  vers  les  Impériaux.  Persuadé 
que  c'étaient  des  Français,  j'admirais  l'ordre  et  la 
vitesse  de  leur  marche.  Tout-à-coup  je  reconnus 


(  109  ) 
que  cette  troupe  avait  des  plumets  noirs  et  jaunes  ;  i^g^, 
qu'elle  ne  pouvait  être  que  des  Hongrois.  Je  sor-  an  u. 
lis  de  ma  sécurité ,  courant  à  travers  la  route  de- 
vant l'escadron.  J'eus  le  bonheur  de  sauter  sur 
une  fenêtre  à  rez-de-chaussée  ;  elle  était  brisée  ;  je 
manquais  mon  coup  sans  un  soldat  qui ,  se  trou- 
vant dans  la  maison ,  était  survenu  à  mes  cris  de  : 
«  Voilà  l'ennemi!  »  Il  me  saisit  par  l'épaule,  eu 
me  tirant  dans  l'intérieur.  Les  hussards  défilant  au 
grand  galop ,  lâchèi^ent ,  dans  l'appartement ,  plu- 
sieurs coups  de  pistolet.  Nous  leur  envoyâmes  ^ 
en  échange,   plusieurs  décharges  de  nos  fusils^ 
Après  cette  échauflburée_,  tous  les  tirailleurs ,  crai- 
gnant que  d'autres  pelotons  de  cavalerie  ennemie 
ne  fussent  restés  sur  les  derrières,  se  rendirent 
dans  les  haies  les  plus  proches ,  devant  lesquelles 
les  régiments  étaient  en  b.ilaille.   Nous  fîmes  uu 
feu  si  vif  que  les  alliés  se  virent  contraints  de  s'é- 
loigner. L'armée  française  avançait  dans  un  ordre 
imposant.  Les  Impériaux   furent    complètement 
battus.  Le  réquisitionnaire  Prud'homme,  de  Da- 
meri ,  reçut  au  pouce ,  un  coup  de  sabre  en  se 
défendant  à  la  baïonnette. 

Voici  le  rapport  de  cette  affaire  : 

Vedette-Républicaine  (Pliilippeville) ,  le^  floréal  (aôavxil). 

«  Les  succès  d'aujourd'hui,  mande  le  général 
»  Charbonnier  ,  répondent  à  notre  espérance  ; 
»  nous  avons  passé  la  gorge  de  Sélilérieux ,  mal- 
»  gré  la  résistance  opiniâtre  des  Autrichiens ,  qui 
»  ont  perdu  beaucoup  de  monde.  Nous  sommes 

8. 


(MO) 

^^/    »  maîtres  des  hauteurs  de  Bossut,  et  nous  bivoua- 
AN  11.  »  quons  en  avant  de  Barbanron.  » 

L'armée  poussant  ses  conquêtes ,  se  présenta  le 
mêjne  soir  devant  Beaumont^  où  l'ennemi  retran- 
ché lui  tira  quelques  coups  de  canon. 

Les  dispositions  furent  prises  pour  attaquer  la 
place  le  lendemain  ;  mais  les  Autrichiens  ne  se 
croyant  pas  de  force  à  nous  résister ,  se  retirèrent 
pendant  la  nuit. 

Voici  l'article  relatif  à  la  ville  de  Beaïimont  (i)  : 
«  26  avril  (7  floréal).  Le  général  Pichegru 
»  commandait  l'armée  du  Nord  au  mois  d'avril , 
»  et  le  général  Charbomiier,  l'armée  des  Ardeunes. 
>;  Ces  deux  généraux,  pour  opérer  leur  jonction 
»  dans  le  Hainaut- Autrichien,  vers  Beaumont  , 
»  firent  faire  un  mt>uvement  généial  sur  toute  la 
»  ligne  autrichienne ,  depuis  la  Flandre  maritime 
M  jusqu'à  Givet.  Les  hauteurs  de  Bossut  étaient 
»  occupées  par  4,000  Autrichiens  :  sur  ces  mêmes 
*  hauteurs ,  les  Français  avaient  été  battus ,  à  pa- 
»  reille  époque,  le  siècle  précédent.  Les^  Impé- 
»  riaux,  ravis  de  leur  position,  y  attendaient  les 
»  tirailleurs  français,  qui,  en  effet,  allèrent  les  y 
».  attaquer ,  tandis  que  l'infanterie  française  rece- 
»  vait  le  choc  de  la  cavalerie  ennemie  au  milieu 
>   de  la  plaine. 

»  Trois  fois  la  cavalerie  autrichienne  chargea 
tf  l'infanterie  française ,  et  trois  fois  les  bataillons 
»  français  fondirent ,  baïonnette  en  avant ,  sur  la 

(i)  Dictionnaire  historique  des  batailles  >  4  ^^^'  ^-^^' 


(I.,) 

>?  cavalerie  ennemie.  Cette  nouvelle  tactique  1^04. 
»  étonna  et  déconcerta  Tennemi ,  qui  prit  la  Inite,  a?)  h. 
M  et  abandonna  un  champ  de  bataille  couvert  de 
»  ses  morts.  Dans  la  même  journée,  Beaumont 
»  fut  vigoureusement  canonné  par  le  général  Des- 
»  jiu'dins  ;  mais  les  Impériaux  évacuèrent  cette 
»  ville  pendant  la  nuit.  Aucim  obstacle  ne  s'oppo- 
>»  sant  plus  à  la  jonction  des  armées  des  Ardennes 
H  et  du  A  ord ,  leur  réunion  se  fit  immédiatement 
»  après.  )) 

Le  1 5  floréal  (2  mai)  ,  le  3"'^  bataillon  du  Nord 
quitta  sa  position  pour  se  rapprocher  de  Thuin. 
Cette  ville  lut  prise  d'assaut.  On  en  chassa  vigou- 
reusement l'ennemi.  Pendant  cette  afl'aire,  le  corps 
où  j'étais,  resta  en  position  sans  brûler  une  amorce, 
à  l'exception  des  grenadiers  qui  perdirent  des 
hommes  en  se  battant  en  déterminés.  Le  grena- 
dier Touchard ,  de  Dameri ,  fut  frappé  d'une  balle 
à  l'estomac  ;  elle  lui  tomba  dans  le  ventre ,  où  elle 
resta.  Descarmes  Alexis,  du  même  Heu,  périt 
pendant  Tassant. 

Voici  le  rapport  de  la  prise  de  cette  ville ,  par 
le  général  Marceau  au  général  en  chef  Ch-irbon- 
nier  : 

Thuin,  le  21  floréal  (lo  mai). 

«  Conformément  à  tes  ordres  et  aux  disposi- 
»  tions  arrêtées ,  je  suis  parti  du  camp  de  Bossut^ 
»  et  me  suis  mis  en  marche  ce  matin  à  2  heures 
»  et  demie.  J'ai  rassemblé  les  différentes  divisions 
»  à  l'avant-garde  campée  à  Beaumont ,  sur  la  haii- 
»  teur  de  Coiu-t. 


ji^ç)\,  »  L'ennemi  qui  avait  ses  postes  dans  la  plaine , 
AN  11.  »  a  bientôt  été  forcé  de  les  abandonner ,  et  notre 
»  formation  s'est  faite  sans  obstacle.  Je  me  suis 
»  reporté  sur  Thuin  ;  l'ennemi  qui  occupait  les 
»  bois  en  avant  de  cette  place ,  a  opposé  quelque 
»  résistance  ;  mais  ^  forcé  par  nos  chasseurs  de  les 
»  quitter,  bientôt  il  s'est  trouvé  obligé  de  se  ren- 
»  fermer  dans  les  redoutes ,  en  avant  de  la  place 
»  même  qu'il  avait  fortifiée  d'une  manière  formi- 
w  dable. 

»  Le  général  Hardi ,  qui  commandait  l'avant- 
»t  garde,  a  fait  investir  la  ville  par  les  troupes  lé- 
»  gères  ;  et ,  à  l'aide  de  quelques  pièces  d'artillerie, 
»  a  protégé  l'établissement  des  divisions  de  l'ar- 
»  mée  sin-  les  hauteurs  en  avant  de  la  place.  L'en- 
•»  nemi  faisant  tous  ses  efforts  pour  conserver  ce 
»  jpoint  important,  en  attendant  qu'il  se  rende 
î)  maître  du  cours  de  la  Sambre  dans  cette  partie , 
»  j'ai  été  forcé  d'employer  les  moyens  révolution- 
>)  naires  et  français  (  la  baïonnette  ) . 

»  Je  t'annonce  donc  avec  plaisir  que  ce  moyen, 
«  toujours  employé  avec  succès  par  les  républi- 
»  cains ,  a  encore  procuré  une  victoire  à  l'armée 
5)  des  Ardennes  ;  nos  chasseurs,  soutenus  par  de 
w  l'artillerie ,  ont  enlevé  les  retranchements  et  les 
«  remparts. 

»  Les  Autrichiens  ont  été  forcés  de  nous  céder 
»  la  place,  non  sans  avoir  laissé  un  bon  nombre 
»  de  morts.  Nous  avons  aussi  fait  quelques  pri- 
»  sonniers; 

»  Annonce  à  la  République ,  que,  si  l'armée  dc^ 


("3) 
iy  Ardennes  a  bien  mérité  de  la  Patrie ,  pour  avoir  1^04. 
M  repoussé  la  cavalerie  à  la  baïonnette,  la  cavalerie  an  u. 
»  a  aussi ,  dans  cette  occasion,  donné  des  preuves 
»  d'héroïsme.  Le  1 1"^^  régiment  de  chasseurs  à 
»  cheval  a  chargé  Tennemi  j  usque  dans  les  redoutes, 
»  et  est  entré  dans  la  ville  malgré  tous  les  obstacles. 

»  La  division  de  l'armée  du  Nord,  qui  devait  at- 
»  taquer  Tliuin  sur  la  gauche ,  ayant  été  retardée 
»  par  des  causes  imprévues,  n'est  arrivée  qu'après 
»  la  prise  de  la  viUe;  mais  elle  a  aussi  eu  part  à 
»  la  fête,  et  a  emporté  une  position  que  l'ennemi 
»  avait  conservée  derrière  la  place ,  et  s'y  est 
))  étabUe. 

))  Je  ne  te  parlerai  de  personne  en  particulier  : 
»  tous  ceux  qui  ont  été  employés  à  l'attaque ,  ont 
»  fait  leur  devoir. 

»  J'attends  les  ordres  pour  demain,  et  j'espère 
»  que  l'essai  d'aujourd'hui  prouvera  à  tous  nos 
M  ennemis  ce  que  nous  sommes  en  état  de  faiie 
>»  par  la  suite,  w 


(  ■■4) 


CHAPITRE   XVII. 


Î794-  Le  21  floréal  (lo  mai),  l'armée  reçut  l'ordre 
^^  "•  de  se  porter  au-delà  de  la  Sambre  qu'elle  devait 
passer  dans  le  jour,  n'en  étant  que  peu  éloignée. 
Les  pluies  étaient  si  considérables  depuis  la  ba- 
taille de  Bossut,  qu'il  semblait  que  le  bruit  du 
canon  et  de  la  mousqueterie  avait  changé  le  temps 
en  eau  :  les  routes,  par  la  même  raison,  étaient 
détériorées  et  horribles.  Les  canons,  entrant  dans 
la  boue  jusqu'à  l'essieu,  ne  pouvaient  se  trans- 
porter que  très-lentement ,  et  ne  faisaient  c[ue  peu 
de  chemin  dans  une  heure. 

Le  3™^  bataillon  du  Nord  arriva  à  4  heures  du 
soir  à  l'abbaye  d'Aines ,  qui  brûlait. 

Ce  fut  sur  le  pont,  auprès  de  ce  couvent,  que 
nous  passâmes  la  Sambre. 

De  l'autre  côté  il  y  avait  une  montagne  pres- 
qu'à  pic ,  dans  laquelle  était  pratiqué  un  chemin 
creux  et  difficile  ;  il  conduisait  sur  mi  plateau  qui 
dominait  ime  vallée.  Nous  y  arrivâmes  à  1 1  heures 
du  soir  par  un  temps  de  pluie ,  de  froid  à  transir 
les  hommes.  Nous  apercevions,  à  une  distance 
d'environ  une  lieue,  une  ligne  considérable  de 
lumières  ,  qui  annonçait  un  camp  ;  nous  crûmes 
qu'il  appartenait  à  une  colonne  de  l'armée  du 


(  .15)    ^ 
î^.ord,  avec  laquelle  nous  devions  faire  jonction.  i^()4. 
Chaque  soldat  courut   chercher  du  bois,  de  la  an  u. 
litière  et  des  vivres;  en  peu  de  minutes  nous 
eûmes  beaucoup  de  feux  allumés  ,  autour  des- 
quels les  républicains  se  séchaient  d'un  côté  en  se 
mouillant  de  l'autre. 

Après  s'être  réchauffés  un  instant ,  les  militaires 
placèrent  quelques  bûches  à  travers  les  brasiers, 
et  se  jetèrent  sur  la  terre  humide  ou  sur  de  la 
paille  pour  sommeiller.  Gomme  je  n'avais  pas 
mangé  de  la  journée,  j'entrevis,  à  la  lueur  de  la 
flamme ,  qu'il  existait  peu  loin  de  nous  plusieurs 
bâtiments  d'une  ferme.  Je  quittai  la  compagnie 
sans  communiquer  mon  dessein ,  et  je  m'y  rendis 
dans  l'espoir  d'obtenir  quelque  nourriture.  J'em- 
portai mes  armes  et  mon  bagage,  comme  il  est 
prudent  dans  les  marches  de  nuit.  Arrivé  aux 
maisons,  tout  était  bouleversé,  il  n'y  avait  que  des 
soldats  de  diverses  armes.  Ils  étaient  en  si  grand 
nombre ,  si  pressés  ,  si  serrés ,  que  je  jugeai  à 
propos  de  m'en  retourner ,  quoiqu'il  plût  fort ,  et 
qu'il  fît  grand  froid.  En  m'en  allant,  je  remarquai 
une  grange ,  qui  sans  doute  appartenait  au  village 
d'Anderlues  ;  j'y  entrai ,  croyant  rencontrer  des 
herbages.  Ayant  cherché  partout ,  je  ne  sentis 
dans  l'aire  que  des  chevaux  de  chasseurs.  Je  sau- 
tai de  l'autre  côté  du  mur  qui  était  à  hauteur 
d'appui,  pensant  qu'il  y  avait  de  la  moisson,  mais 
tout  était  enlevé  5  il  n'y  restait  que  de  la  poussière 
de  luzerne  et  de  foin.  Je  ramassai  dans  mi  coin  le 
plus  de  poussière  que  je  pus ,  me  décidant  à  y 


(  >>fi^  ) 

^794-  P^'^ser  la  nuit,  où  au  moins  je  pouvais  être  à  l'a'- 
A.A  II.  bri.  Je  me  déshabillai  de  la  tête  aux  pieds;  mes 
vêtements  étant  trempés  comme  des  éponges  ,  ce 
qui  me  donnait  la  lièvre.  Je  me  mis  dans  mon 
sac  de  toile,  en  me  couvrant  de  mes  bardes;  je 
plaçai  mon  havre-sac  sous  ma  tête.  Dans  la  plus 
grande  sécurité ,  je  me  disposais  à  dormir.  En 
m'assoupissant ,  je  songeais  à  la  bizarrerie  du  sort 
qui  me  réduisait  à  coucher  seul  dans  ce  lieu  sans 
l'avoir  vu  ,  puisque  je  n'y  étais  entré  que  la  nuit. 
Cependant  j'applaudissais  à  ma  bonne  étoile  qui 
m'y  avait  conduit ,  par  la  raison  que  je  pourrais 
reposer  tranquillement ,  en  faisant  sécher  mes  ha- 
bits par  la  chaleur  de  mon  corps.  J'.avais  dormi 
environ  une  demi-heure,  de  ce  sommeil  si  né- 
cessaire  au  malheureux  soldat  accablé  de  fatigue 
et  de  lassitude  ;  je  fus  réveillé  en  sursaut ,   au 
roulement  de  coups  de  fusil  tirés  par  cette  co- 
lonne qui  était  autrichienne,  et  que  nous  avions 
cru  de  l'armée  du  Nord.   Au  premier  bruit  les 
hommes  se  levèrent  ;  il  y  eut  trouble ,  confusion  ; 
l'attaque  fut  si  violente ,  la  terreur  si  grande ,  que 
je  n'eus  pas  le  temps  de  me  vêtir.  Les  chasseurs 
sautant  à  cheval ,  me  laissèrent  seul  dans  le  bâ- 
timent. J'étais  si  agité ,  que  je  ne  trouvais  ni  mes 
bottes  ni  mon  pantalon.  Je  pensai  que  pour  m'ar- 
racher  à  une  mort  certaine,  il  ne  fallait  pas  que 
je  sortisse  de  l'endroit  où  j'étais.  Je  mis  mon  fusil 
le  long  de  moi,  pour  m'en  servir  au  besoin,  et 
défendre  ma  vie  en  tuant  le  premier  ennemi  qui 
se  serait  approché.  Je  me  couvris  entièrement 


("7) 
de  poussière,  Délaissant  qiie  le  moindre  espace  inq/. 
pour  respirer  et  pour  voir.  A  peine  avais -je  A^  u. 
achevé,  que  la  grange  servit  de  champ  de  ba- 
taille. Les  tuiles  cassées  par  les  balles  tombaient 
de  toutes  parts  j  les  Français  faisaient  feu  par 
ime  porte ,  les  Autrichiens  par  l'autre.  Chaque 
détonation  me  fournissait  de  la  clarté ,  pendant 
laquelle  je  voyais  tout  ce  qui  se  passait  autour  de 
moi  :  ensuite  j'étais  dans  les  ténèbres  les  plus  af- 
freuses. Les  cris  des  combattants,  les  gémisse- 
ments des  blessés,  l'écho  qui  multipliait  les  coups 
de  fusil ,  formaient  une  scène  remplie  d'hor- 
reur. Je  me  persuadais  que  je  ne  pourrais  jamais 
échapper  aux  ennemis  qui  me  découvriraient. 
Heureusement  il  n'y  avait  plus  ni  gerbes  ni  four- 
rages y  je  ne  craiguais  point  d'incendie.  Aucun 
des  deux  partis  ne  franchît  le  petit  mur  de  sé- 
paration de  l'aire.  L'avant-garde  s'étant  retirée 
en  désordre  sur  la  seconde  ligne  qui  ne  fut  pas 
attaquée ,  se  reforma  promptement  et  se  trouva 
dans  le  cas  de  se  défendre.  Alors  on  fit  des  feux 
de  file  et  par  pelotons.  On  tira  des  coups  de 
canon  qui  forcèrent  les  Impériaux  à  s'éloigner. 
Les  nôtres  reprii^nt,  vers  les  deux  heures  du 
matin ,  leur  première  position.  M'étant  habillé  à 
à  la  hâte  ,  je  rejoignis  la  compagnie. 

Le  22  floréal  (ii  mai),  les  dispositions  eurent 
bientôt  lieu  pour  combattre  l'ennemi  :  car ,  de- 
puis la  surprise ,  les  troupes  étaient  restées  sous 
les  armes.  On  ordonna  à  tous  les  corps  de  l'a- 
vant-garde  de  marcher  en  tirailleurs  sur  la  posi- 


("8) 
,DQ/{.  tion  de  Lierne,  tandis  que  nombre  de  pièces 
A»  II.  d'artillerie  envoyaient ,  par-dessus  nos  têtes ,  des 
boulets  dans  les  corps  autricbiens.  L'attaque  fut 
vigoureuse  de  notre  côté  :  il  semlDlait  que  nous 
voulussions  nous  venger  de  ce  que  nous  avions 
éprouvé  pendant  la  nuit.  Je  dois  faire  observer 
que  la  plaine  étant  couverte  de  Français  épars  ça 
et  là,  à  cause  de  plusieurs  fossés  garnis  de  haies 
qui  empêchaient  les  évolutions  de  la  cavalerie 
étrangère ,  nous  arrivâmes  presque  sur  une  pièce 
de  5,  sans  avoir  été  aperçus  parles  canonniers. 
Un  capitaine  du  5"^^  bataillon  du  Nord,  très- 
brave  _,  n'écoutant  que  son  zèle,  ayant  remarqué 
ime  ouverture  à  la  haie  garnissant  la  crête  d'ua 
chemin  creux  ,  à  la  faveur  duquel  nous  nous 
étions  glissés ,  appela ,  mais  trop  fort ,  les  hommes 
dont  il  voulait  être  secondé.  Je  me  trouvais  près 
de  lui.  Lorsqu'il  parut,  le  canon  partit;  il  eut  les 
deux  jambes  coupées,  et  resta  sur  la  place  en 
poussant  des  cris  navrants.  Les  artilleurs  s'éloi- 
gnèrent, sans  que  les  tirailleurs  pussent  s'emparer- 
de  leur  pièce. 

Nous  remportâmes  cependant  une  victoire  com- 
plète ;  l'ennemi  fut  poussé  hors  de  Fontaine-l'E- 
vêque.  Ensuite  nous  vînmes  former  un  camp  non 
loin  de  cette  ville  ,  dans  la  direction  de  Charleroi. 

Voici  le  rapport  fait  à  cette  occasion  ; 

Fontaine-l'Evêque  ,  le  i^  floréal  (i3  mai). 

Lettt'e  du  général  Charbonnier ,  commandant  V ar- 
mée des  Ar demies. 
«  Je  vous  annonçais  par  ma  dernière,  mande- 


(  iî^9  ) 
»  t-il,  en  date  du  24  (i 5),  la  prise  de  Thiiin  et  i-g(. 
i)  le  passage  de  la  Saiiibre  ;   aujourd'hui  j'ai  le  an  h, 
»  plaisir  de  vous  apprendre  que  nos  troupes  sont 
»  entrées  victorieuses  dans  la  petite  tille  de  Fon- 
n  taine-l'Evéque.  » 

IVous  restâmes  quelques  jours  dans  cette  posi- 
tion. 

Mon  capitaine,  qui  était  intrépide,  fut  désigné 
pour  être  llanqueur  j  c'est-à-dire  qu'il  reçut  l'or- 
dre d'aller  avec  sa  compagnie,  explorer  le  flanc 
gauche  de  l'armée  j  d'y  taire  une  guerre  de  par^ 
tisan. 


(     120    ) 


CHAPITRE  XYIIL 


1794.  Le  26  floréal  (i5  mai)  ,  les  privations,  la  pluic^ 
AN  II.  les  fatigues ,  me  firent  tomber  malade.  On  nous 
donna ,  à  moi  et  à  un  soldat  de  Dameri ,  un  billet 
d'hôpital.  Nous  allâmes  ensemble  à  Valcour,  où 
nous  YÎmes  les  tristes  effets  de  la  guerre  ;  c'est-à- 
dire  ,  toutes  les  fenêtres  brisées ,  les  portes  cas- 
sées, les  meubles  en  morceaux,  et  les  habitants 
dans  la  consternation. 

Le  27  (16),  nous  nous  rendîmes  à  Philippe- 
ville  ,  où  nous  entrâmes  à  l'hospice.  Les  blessés 
y  étaient  fort  nombreux ,    et  chaque   lit   occupé 
au  moins  par  un  homme.  Je  ne  pus  obtenir  de 
coucher  avec  mon  compatriote.  L'infirmier  me 
destina  ime  place  auprès  d'un  fiévreux.  Fatigué 
de  la  route ,  je  me  couchai ,  en  éprouvant  néan- 
moins de  la  répugnance  à  me  trouver  avec  un  in- 
dividu que  je  n'avais  jamais  vu,  qui  pouvait  être 
mal-propre,  ou  avoir-  une  affection  cutanée  et  con- 
tagieuse. Le  malade  était  sur  le  côté  gauche ,  me 
tournant  le  dos.  Je  me  glissai  légèrement  dans  les 
draps  sans  l'approcher.  La  fièvre  me  prit  aussi- 
tôt. Lorsque  l'accès  se  dissipa ,  je  m'étendis  ,  en 
touchant ,  sans  le  vouloir ,  mon  camarade  de  lit  ; 
je  fus  fort  étonné  de  le  sentir  froid.  Je  le  poussai 


(,2.) 

doucement,  de  peur  de  le  fâcher  en  le  privant  de  i~q\. 
son  sommeil.  Plus  je  le  remuais,  plus  je  m'aper-  a>  u. 
rus  qu  il  était  inanimé.  Je  dus  penser  qu'il  était 
mort.  Quoique  je  fusse  bien  malade,  je  n'en -sau- 
tai pas  moins  sur  le  plancher,  en  me  plaignant 
très-fort  contre  l'infirmier   qui  m'avait  obligé  à 
me  poser  contre  un  cadavre.  L'on  me  donna  un 
autre  lit  que  j'occupai,  après  m'être  lavé  avec  de  la 
tisane  tiède,  parce  qu'il  n'y  avait  pas  d'eau  fraîche 
pour  l'instant.  Afin  de  distinguer  les  malades ,  on 
attachait  un  écriteau  au-dessus  de  la  tête  de  cha- 
cun, pour  indiquer  l'individu  et  le  corps  auquel  il 
appartenait.  Je  pris ,  dans  la  vitesse  que  je  mis  à 
retirer  mes  hardes ,  la  planchette  du  mort ,  en  lui 
laissant  la  mienne,  sans  y  faire  attention,  de  sorte 
-que  j'ai  passé  pour  lui  (i).  Quant  à  celle  que  j^a- 
vais ,  m'étant  aperçu  qu'elle  n'était  pas  la  mienne, 
le  lendemain  matin,  avant  la  visite,  j'écrivis  dessus 
mon  nom,  le  numéro  du  bataillon,  ainsi  que  celui 
de  la  compagnie  dont  je  faisais  partie.  Il  y  a  lieu 
de  croire  que  la  mort  du  véritable  décédé  est 
restée  ignorée. 

Les  4  et  5  prairial  (^5  et  24  mai) ,  il  arriva  une 
si  grande  quantité  de  blessés ,  que  l'on  forma  un 
convoi . 

Le  6  (23) ,  j'y  fus  compris  ainsi  que  le  Dame- 
riat  avec  lequel  j'étais  parti  du  corps.  On  nous 
évacua  sur  Givet.   Nous  ne  couchâmes   qu'une 

(1)  Le  27  floréal  (  16  mai  ) ,  l'acte  de  moa  ilecès  fut 
dressé  et  envoyé  a»i  S"""  bataillon  du  Nord,  où  il  était 
arrivé  avant  moi. 


^  (     122    ) 

tj()/[.  unit  dans  cet  hôpital,  sans  recevoîi'  de  médica- 
ATS  11.  ments. 

Le  7  (af)),  nous  nous  rendîmes  en  bateau 
jusqu'à  Fumai. 

Le  8  (27) ,  continuant  à  vogueï"  èiw  la  Meuse , 
on  nous  débarqua  à  Braux.  Nous  étions  chez  une 
femme  jalouse  qui ,  pour  le  plaisir  de  bavarder , 
nous  raconta  toutes  les  folies  amoureuses  de  sori 
mari  ;  elle  eut  bien  soin  €le  nous ,  parce  que  nous 
prêtions  une  oreille  attentive  à  tous  ses  discoui's. 

Le  9  (28),  nous  arrivâmes  à  Mézières.  L'on 
nous  mit  à  l'intendance  :  nous  fûmes  médicamen- 
tés,  et  nous  nous  trouvâmes  mieux.  Nous  réta-i 
blîmes  nos  forces  jusqu'à  l'arrivée  de  nouveaux 
malades. 

Le  21  (9  juin)  ,  étant  évacués,  on  nous  dirigea 
sur  Launoi. 

Le  22  (10),  nous  passâmes  à  Rethel;  l'hôpital 
était  si  plein ,  que  l'on  nousf  donna  de  suite  une 
continuation  de  route. 

Le  25  (11),  nous  nous  dirigeâmes  sur  Reims , 
où  nous  nous  présentâmes  à  l'abbaye  de  Saint-* 
Rémi,  qui  était  l'ambulance.  L'économe,  instruit 
qu'un  grand  nombre  de  blessés  devait  arriver, 
nous  évacua  sur  Chàlons.  Nous  lui  demandâmes, 
cependant,  à  être  envoyés  chez  nos  parents  qui 
n'étaient  éloignés  que  de  5  lieues,  plutôt  que 
d'aller  dans  cette  ville  où  il  y  en  avait  10.  Il  nous 
répondit  négativement. 

Mon  camarade  et  moi,  nous  partîmes  pom- 
Dameri, 


(  1^5  ) 

CHAPITRE  XIX. 


Le  20  prairial  (ii  juin),  nous  arrivâmes  bien  1794. 
contents,  à  10  heures  du  soir.  au  n» 

On  eut  d'autant  plus  de  satisfaction  à  nous 
revoir ,  qu'on  ne  nous  attendait  nullement.  Apres 
bien  des  explications  et  des  marques  d'amitié , 
étant  fatigué  ,  je  fus  me  reposer»  J'avais  éprouvé 
tant  de  privations,  de  fatigues  et  de  contrariétés, 
qu'à  peine  étais-je  chez  mon  père ,  je  tombai  sé- 
rieusement malade. 

Le  médecin,  qui  était  maire,  ne  voyant  que 
ses  devoirs ,  refusa  absolument  de  me  donner  ses 
soins.  Mon  père,  inquiet  sur  ma  situation,  se 
rendit  chez  ce  citoyen ,  sans  en  pouvoir  obtenir 
d'autre  réponse  que  celle  de  me  faire  transpor- 
ter dans  im  hôpital  militaire.  Sachant  que  c'était 
vouloir  ma  perte  que  de  m'exposer  au  grand  air, 
il  se  refusa  à  exécuter  cette  proposition ,  en  mon- 
trant ,  dans  cette  circonstance  ,  une  grande  fer- 
meté ,  quoiqu'il  courût  le  risque  d'être  incar- 
céré. 

Au  bout  de  2 1  jours ,  on  n'attendait  plus  rien 
de  moi  ;  ma  maladie  ayant  beaucoup  empiré.  Ce- 
pendant ,  malgré  toutes  les  inquiétudes  que  j'avais 
causées,  ma  santé  s'améliora,  et,  en  peu  de  temps, 
je  fus  remis  sur  pied. 

1-  9 


(  i4  ) 

i;794.  Le  19  messidor  (7  juillet) ,  on  sut  à  la  munici» 
Aw  11.  palité  que  j'étais  convalescent.  Mon  père  reçut  un 
avis  qui  lui  enjoignait  de  me  transporter  à  dir- 
ions pour  me  rétablir  entièrement.  Ou  le  mena- 
çait ,  en  cas  de  refus ,  de  le  mettre  en  prison 
ainsi  que  moi.  Il  était  trop  prudent  pour  ne  pas 
se  soumettre  aux  lois.  Il  m'emmena  dans  sa  car- 
riole k  l'hôpital ,  d'où  l'on  m'évacua  ,  faute  de 
place,  sur  Vitri-le-Français.  Il  me  conduisit  le 
lendemain  jusqu'à  environ  une  lieue  sur  la  route, 
et  voulait  me  rendre  à  ma  destination  ,  attendu 
qu'il  n'était  pas  possible  de  trouver  une  seule 
voiture,  tous  les  chevaux  ayant  été  mis  en  réqui- 
sition pour  le  service  de  l'armée.  Sachant  d'ail- 
leurs que  sa  présence  était  indispensable  chez  lui, 
je  le  conjurai  de  s'en  retourner,  l'assurant  que  je 
pourrais  continuer  la  route  à  pied.  Il  prit ,  en 
conséquence,  le  chemin  de  Dameri  :  je  me  mis  en 
marche  pour  les  sept  lieues  qui  me  restaient  à 
faire.  Après  une  demi-heure  environ,  les  forces 
m'abandonnèrent ,  je  restai  dans  un  fossé  où  j'é- 
prouvai une  sueur  froide,  et  bientôt  je  m'éva- 
nouis. Je  recouvrai  peu  après  mes  sensj  mais 
une  forte  fièvre  m'ayant  saisi,  sans  que  je  pusse 
espérer  le  moindre  secours,  il  vint  à  passer  un 
cabriolet  où  il  n'y  avait  qu'un  voyageur.  Je  le  priai 
de  me  prendre  à  côté  de  lui.  Ce  monsieur ,  mal- 
gré la  fatigue  de  son  cheval ,  se  rendit  à  mes  ins- 
tances ,  et  nous  arrivâmes  de  bonne  heure  :  je  le 
remerciai  sincèrement  du  service  qu'il  m'avait 
rendu. 


Le  2T  (9),  j'entrai  à  riiôpital.  inq^. 

Le  29  (17),  nie  portant  mieux,  j'oblins  la  pcr-  an  u. 
mission  de  me  promener.  J'en  profitai  pour  me 
baigner  dans  la  Marne,  où  il  y  a\ait  beaucoup  de 
nageurs.  Je  voyais  des  hommes  qui  fendaient 
l'eau  comme  des  poissons  ;  je  voulus  les  imiter. 
Les  laissant  filer ,  je  me  mis  en  devoir  de  les  sui- 
vre. La  fièvre  qui  s'empara  de  moi ,  me  priva  de 
mes  forces,  et  je  faillis  périr.  Ce  ne  fut  qu'avec 
beaucoup  de  difficulté  que  je  parvins  à  sortir  de 
la  rivière,  et  je  retournai  promptement  à  l'ambu- 
lance. 

Le  i^'"  thermidor  (19  juillet)  ,  il  y  eiit,  à  midi, 
un  violent  orage.  Etouffant  de  chaleur  dans  mon 
ht,  je  me  levai  et  allai  sur  le  seuil  de  la  porte 
respirer  un  peu  le  frais.  Le  tonnerre  grondait  for- 
tement ,  il  tomba  dans  la  rue  avec  un  fracas  épou- 
vantable ;  un  homme  qui  la  traversait ,  en  rom- 
pant le  courant  d'air,  fut  frappé  de  la  foudre,  et 
resta  étendu  par  terre  sans  le  moindre  mouve- 
ment. Je  rentrai  à  moitié  suffoqué  de  l'odeur  sul- 
fureuse qui  s'exhalait  de  la  nue. 

Une  fois  ,  je  vis  un  soldat  qui  tombait  du  haut- 
mal.  La  décomposition  de  sa  figure  avait,  pen- 
dant son  épilepsie,  quelque  chose  de  si  hideux, 
que  je  le  trouvais  horrible.  En  examinant  cet 
homme  dans  les  plus  grandes  convulsions ,  je  ne 
pouvais  m'empêcher  de  faire  des  réflexions  pro- 
tondes sur  les  maux  qui  accablent  fespèce  hu- 
maine. 

Le  7  (26),  après  m'être  insensiblement  rétabli, 

9- 


(  I2G  ) 
'794'  J®  sortis  de  l'hôpital  pour  rejoindre  mon  corps* 
AN  II.  Les  armées  ayant  été  réunies ,  le  commissaire 
des  guerres  ne  sachant  à  laquelle  j'appartenais, 
me  dirigea  vers  le  quartier-général  de  celle  du 
JVord ,  parce  qu'alors  on  rassemblait  les  troupes 
départementales  les  plus  rapprochées    de    leur 

pays. 

Voici  la  copie  du  titre  que  l'on  me  donna  pour 
me  mettre  en  route  : 

Billet  de  sortie  de  ramhulance,  dite  des  Minimes. 
5°'^  bataillofi  du  Nord ,  6'"*^  comjxignie. 

«  Le  nommé  Médard  Bonnai't ,  caporal  aux 
»  susdits  bataillon  et  compagnie  ,  natif  de  Da- 
»  meri ,  district  d'Epernai ,  département  de  la 
»  Marne,  entré  le  21  du  mois  de  messidor  (9  juil- 
I»  let)  de  l'an  2  de  la  république  française,  une 
«  et  indivisible  ,  à  l'hôpital  militaire  de  Vitri-sur- 
))  Marne ,  est  sorti  aujourd'hui ,  7  du  mois  de 
»  thermidor  suivant  (2 5  juillet). 

»  Signe  G AYHEL, 

»  Rapport  des  maladies  ou  infirmités  qui  ont 
»  nécessité  la  sortie  du  malade  :  guéri  de  lièvre 
»  avec  lassitude. 

»  Fait  à  Yitri,  ce  7  thermidor  (2 5  juillet). 
»  Signe'  MoREAU ,  directeur  ; 
»  CoMEs^"Y,  médecin. 

»  Route  du  dénommé  ci-dessus,  pour  se  rendre 
»  à  l'armée  du  Nord  ;  passera  par  Châlons ,  et  re- 
»  cevra  5  sous  par  lieue  avec  l'étape.  » 

Etant  parti  le  soir,  je  maidiai  toute  la  nuit, 
crainte  de  la  chalem-  ;  je  gagnai  Châlons;  je  reçus 


(    127    ) 

la  continuation  de  ma  route  pour  Bcims;  mais,  1-94. 
au  lieu  de  m'y  transporter  directement ,  je  me  an  w. 
rendis  également  la  nuit  à  Dameri ,  où  j'arrivai  à 
9  heures  du  matin. 

J'appris  que ,  durant  mon  absence ,  mon  frère 
ISicolas-Eléonore  était  mort  le  6  thermidor  (24 
juillet)  ,  et  qu'on  le  regrettait  vivement. 

Le  10  (28) ,  jour  de  la  décade,  on  célébra  la 
fête  de  Tagri culture.. 

Etant  sur  le  point  de  m'en  aller  à  l'armée,  je  fis 
une  visite  au  père  du  jeune  homme  avec  lequel 
j'étais  venu,  afin  d'apprendre  où  se  trouvait  son 
lils  ;  il  m'annonça  son  départ  pour  le  corps ,  sans 
qu'il  en  eût  reçu  de  nouvelles» 


(  ï=^8) 


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CHAPITRE  XX, 


1794.       Le  16  thermidor  (5  août),  je  me  dirigeai  sur 

■AN  it.  Reims. 

J'allai  présenter  mes  devoirs  à  la  famille  de 
M.  Collardean;  nous  nous  revîmes  tous  avec  infi- 
niment de  plaisir.  Nous  avions  bien  des  choses 
à  nous  raconter  depuis  notre  séparation.  Mon  pa- 
rent m'annonça  que  ses  persécuteurs  ayant  échoué 
sous  un  parti  plus  fort  que  le  leur,  ils  avaient  suc- 
combé; qu'il  avait  été  mis  eu  liberté,  réintégré 
dans  ses  fonctions  de  garde-magasin  des  fourrages, 
ou  il  était  en  activité.  Je  lui  en  témoignai  toute  ma 
satisfaction,  et  combien  j'éprouvais  de  joie  de  me 
retrouver  avec  lui.  Il  ajoTita  qu'il  était  bien  fâché 
de  ne  pouvoir  rien  faire  pour  me  procurer  une 
place  afin  d'adoucir  la  rigueur  de  mon  sort.  Con- 
naissant, comme  lui,  toute  la  sévérité  des  lois  qui 
ne  m'aurait  pas  permis  d'occuper  un  emploi  dans 
l'intérieur,  sans  m'exposer  aux  plus  grands  dan- 
gers ,  je  gémis  sur  ma  position.  Je  le  remerciai 
de  ce  qu'il  voulait  encore  m'étre  utile,  si  une  oc- 
casion favorable  se  présentait. 

Le  1 8  (  5  )  ,  ayant  fait  mes  adieux  à  toutes  mes 
conaaissaiices ,  je  gagnai  Berri-au-Bac. 


(  1^9  ) 

Le  19  (^')  7  J^  me  rendis  à  Corbeiii,  ainsi  qu'à  i^g/j. 
Craonne.  an  u. 

Le  20  (  7  ) ,  je  m'en  allai  à  Laon ,  où  j'eus  sé- 
jour,  que  j'employai  à  parcourir  la  ville. 

Le  22  (9),  on  me  continua  sur  Marie. 

Le  20  (  10  ),  je  m'acheminai  vers  Guise  (Réu-* 
iiion-sur-Oise  ) ,  où  je  visitai  le  camp  retranché 
qui  me  présenta  beaucoup  de  nouveautés  en  ce 
genre.  Le  quartier-général  n'y  était  plus  ;  on  me 
dirigea  sur  l'armée. 

Le  24  (  1 1  ) ,  je  fis  route  pour  Landreci ,  d'où 
j'entendais  le  canon  du  Quesnoi. 

Le  25  (  12),  je  me  transportai  au  quarlier-gé- 
iiéral  dii'igeant  le  siège  de  cette  dernière  ville.  Je 
demandai  mon  corps  ;  ne  sachant  où  il  était ,  on 
me  mit  en  subsistance.  Je  reçus  l'ordre  de  me 
rendre  à  la  tranchée ,  sur  la  route  de  Valenciennes, 
auprès  du  chef  du  1"  bataillon  du  Nord,  paixe 
C[ue  j'appartenais  au  S"""".  Je  fus  employé  dans 
mon  grade  de  caporal,  où  je  restai  jusqu'à  la  red- 
dition de  la  place. 

Nous  étions  si  près  des  remparts  que ,  la  nuit , 
des  soldats  allaient  chercher  des  palissades  pour 
se  chauffer,  quoique  la  canonnade  de  l'ennemi  fût 
très- violente. 

Un  répubhcain ,  auprès  de  qui  mie  bombe  était 
tombée,  sauta  dessus  avec  de  la  boue  dans  ses 
mains  ;  il  eut  le  bonheur  d'étouffer  le  feu  de  la 
mèche  de  ce  projectile  qui  aurait  immanquable- 
ment atteint  la  poudre. 


Jlî(  II 


(  i5o  ) 
1794*  T  e  28  (  1 5  ) ,  les  Impériaux  capitulèrent  (i).  Le 
i^'  bataillon  du  Nord  ayant  ordre  d'entrer  dans 
l'intérieur  de  la  forteresse,  pour  relever  les  postes, 
nous  occupâmes  les  corps-de-garde;  nous  con- 
tînmes les  troupes  ennemies  jusqu'à  leur  désarme- 
ment. 

La  garnison  était  composée  d'Autrichiens ,  Wal- 
lons et  Croates  :  ces  derniers  sont  Hongrois  ;  en 
général ,  grands ,  bien  f^its ,  leur  taille  ordinaire 
est  de  cinq  pieds  et  demi.  Ils  sont  forts ,  musclés, 
légers  ,  vils  et  extrêmement  sobres.  Ils  peuvent 
supporter  long-temps  le  froid  et  la  faim.  Ils  pasr 
sent  pour  être  bons  militaires  ;  vont  à  pied  ;  sont 
connus  et  renommés  sous  le  nom  de  Pandoiires. 
Ils  ont  la  figure  rébarbative;  sont  grands  pillards 
à  la  guerre.  Ils  n'épargnent  ni  amis  ni  ennemis  ; 
ne  font  point  de  prisonniers.  Leur  habillement  est 
une  veste  verte  à  la  hussarde ,  une  culotte  jaune  , 
des  cothurnes  de  cuir  noir  ;  un  bomiet ,  un  gilet  et 
un  manteau  rouges.  Leur  armement  est. un  grand 
sabre  ,  des  pistolets ,  un  poignard ,  un  fusil  k  deux 
canons ,  dont  un  rond,  l'autre  carabiné  ;  une  picpie 
terminée  par  une  lance  que  l'on  fiche  en  terre  ;  on 
y  adapte  un  crochet  de  fer  mobile  pour  ajuster 
l'arme. 

Voici  le  rapport  adressé  le  29  thermidor  (  1 6 

(1)  Ce  fut  au  siège  du  Quesuoi  que  l'on  fit  le  premier 
eseai  des  lignes  télégraphiques ,  pour  la  correi«pondance 
des  armées.  L'entrée  des  troupes  françaises  dans  la  place, 
fut  annoncée  à  Paris,  une  heure  après  que  la  ville  a 
été  rendue. 


(    101    ) 

août),  à  lîi  Convenlion,  par  le  général  comman-  1794, 
daiit  l'iuméc  du  siège  :  an  u, 

«  Le  Qiicsnoi  est  à  la  République.  Hier,  vers 
»  les  4  heures  du  soir,  environ  3, 000  hommes, 
»  grenadiers ,  infanterie ,  cavalerie ,  artillerie ,  ot- 
»  liciers  comme  soldats ,  ont  mis  bas  les  armes  aux 
M  pieds  des  diapeaux  tricolores. 

»  Après  avoir  déposé  les  armes ,  conformément 
»  à  vos  ordres ,  toute  la  garnison  a  été  reconduite 
»  dans  l'ouvrage  à  corne  de  la  place ,  où  je  la  tiens 
»  en  état  d'arrestation,  jusqu'à  ce  que  vous  ayez 
»  ordonné  de  son  sort.  Les  officiers  du  génie ,  de 
)>  l'artillerie,  commissaire  ordonnateur,  et  un  of- 
»  licier  de  l'état-major,  sont  occupés  dans  ce  mo- 
»  ment-ci  à  prendi-e  possession  de  l'état  des  mu- 
»  nitions  de  guerre  et  des  bouches  à  feu ,  des  pa- 
»  piers,  effets  et  argent  appartenant  à  l'empereur. 
-»  Vingt -quatre  compagnies  de  grenadiers  et  trois 
»  bataillons  occupent  l'ouvrage  intériem'  et  ex- 
»  téiieur  de  la  place. 

»  L'.'irmée  que  j'ai  l'honneur  de  commander  a 
»  témoigné ,  pendant  vingt  jours  de  tranchée  ou- 
))  verte,  toute  la  bravoure,  la  constance,  l'intré- 
»  pidité  qui  caractérisent  les  républicains  ;  aucun 
»  des  individus  qui  la  composent  ne  doit  être 
»  excepté;  car,  tandis  que  l'infanterie  et  l'artille- 
»  rie ,  sous  un  feu  terrible  d'artillerie  ,  s'appro- 
»  chaieni  jusqu'aux  palissades  et  couronnaient  le 
»  chemin  couvert ,  la  cavalerie  allait  faire  des  pri- 
))  sonniers  sur  les  glacis  de  Valenciennes.  Si  elle 


(  i30 
,;f)'J.  »  a  mérité  votre  approbation,  c'est  la  ptiis  douce 
Ai^  n.  »  salisfactioii  que  vous  puissiez  lui  accorder. 
»  Salut  et  fraternité. 

»  Signé  SCHÉRER.  » 

Extrait  de  l'article  du  Quesnoi  (i). 

«  La  Convention  avait  décrété  que  les  garni-. 

n  sons  de  Landreci ,  le  Quesnoi ,  Valenciennes , 

»  Coudé ,  occupées  dans  la  Flandre  par  l'ennemi , 

»  seraient  passées  au  fil  de  Fépée,  si  elles  ne  se 

»  rendaient  vingt-quatre  heures  après  la  première 

»  sommation.  Ce  décret  ayant  été  signifié  au  gou- 

»  vcrneur  du  Quesnoi ,  le  commandant  de  la  place 

»  se  contenta  de  répondre  :  Une  nation  n'a  pas 

)'  le  droit  de  décréter  le  déshonneur  d'une  autre. 

»  Et  il  se  prépara  à  taire  une  vigoureuse  résis- 

»  tance.  Le  commandant,  voyant  qu'il  n'y  avait 

»  plus  de  ressource,  et  ne  voulant  pas  démentir 

»  la  fermeté  de  la  réponse  qu'il  avait  faite  à  la 

»  première  sommation ,  déclara  que  la  garnison 

>'  n'avait  eu  aucune  connaissance  du  décret  de  la 

»  Convention,  ni  de  la   signification  qui  lui  en 

»  avait  été  faite,  et  que  par  conséquent  elle  n'é- 

»  tait  nullement  coupable  de  sa  résistance.  Si  c'est 

»  un  crime,  dit-il  alors ,  je  dois  être  le  seul  puni  ; 

»  la  faute  m'est  persomielle ,  et  je  me  trouverai 

»  heureux  de  sacrifier  ma  vie,  en  sauvant  celle 

»  de  tant  de  braves  qui  en  sont  innocents.  » 

Voulant    changer    entièrement   les   habitudes 
liaiiraises,  on  prit  un  arrêté  relatif  au  sexe  fé- 

(i)  Dictionnaire  historique  des  batailles  ^  4  vol.  in-S". 


(  .55  ) 
piiniii ,  poiir  substituer  de  nouvelles  qualités  à  inQ\, 
celles  qui  existaient  précédemment  (i).  an  n. 

Le  5o  thermidor  (17  août)  ,  jour  de  la  décade, 
fut  l'époque  d'une  grande  fête  au  Quesnoi.  Toutes 
les  demoiselles  de  la  cité  et  des  environs  montè- 
rent sur  un  théâtre  élevé  au  milieu  de  la  place, 
entourée  de  débris  de  maisons  encore  iumant  des 
suites  du  siège.  Elles  chantèrent  des  hymnes  en 
l'honneur  de  la  république,  en  mémoire  de  la 
délivrance  de  la  ville ,  ainsi  qu'à  la  gloire  de  la 
mort  de  Robespierre  (2). 

Le  7  fructidor  (24  août),  le  i^'  bataillon  du 
JYord  fut  désigné  pour  escorter,  dans  l'intérieur 
de  la  république,  la  garnison-du  Quesnoi ,  prison- 
nière de  guerre.  L'armée  levant  le  camp,  se  di- 
rigea sur  Valenciennes  qui  était  déjà  bloqué,  afin 
de  l'assiéger;  je  demandai  et  j'obtins  d'être  en 
subsistance  dans  un  corps  employé  activement. 
On  me  plaça  dans  la  85"^*"  demi-brigade,  avec  la- 

(1)  Le  décret  du  29  thermidor  (  16  août  )  ,  donna  aux 
femmes  la  de'nomination  de  Citoyenne ,  au  lieu  de  celle 
de  Mademoiselle  ou  de  Madame.  Cependant  ,  entraîné  par 
riiabitude  ou  par  contrainte  ,  on  se  servait  du  mot  de 
Citoyenne  avant  cette  loi.  L'on  forçait  également  les  femmes 
à  porter  la  cocarde  tricolore,  soit  à  leur  bonnet,  soit 
sur  l'estomac,  sans  qu'il  y  eût  de  décret  rendu  à  cet 
égard. 

(•2)  Il  fut  guillotiné  <à  Paris,  le  10  thermidor  (  28 
juillet  )  ,  comme  un  être  abhorré  de  ses  semblables  , 
en  voulant  parvenir  à  la  tyrannie  sur  des  monceaux  de 
victimes  (*). 

(')  Cjctionnaire  liistorique  des  grands  hommes  ;  i3  vol.  in-8o. 


(  'H)     ^ 

»794-  <î^ielle  je  partis  le  même  jour,  où  nous  arrr>  âme* 
Mi  11,  devant  la  ville. 

L'ennemi  résistait  vigoureusement.  Nous  étions 
si  près  des  fortifications,  quoique  bivouaques  der- 
rière une  montagne ,  que  souvent  des  boulets  ve- 
naient tuer  des  hommes  dans  nos  baraques. 

La  garnison  ne  pouvant  espérer  de  secours, 
puisque  l'armée  autrichienne  ,  depuis  la  bataille 
de  Fi  eu  rus ,  avait  été  forcée  de  se  retirer  sur  la 
j'ive  droite  de  la  Meuse ,  ne  tarda  pas  à  se  sou- 
mettre. 

Voici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  de  Paris ,  le 
1 1  fructidor  (28  août)  ; 

((  Nous  apprenons  à  l'instant,  par  le  télégraphe, 
»  la  prise  de  Valenciennes.  Vive  la  République! 
»  La  prise  du  fort  l'Ecluse,  clef  de  la  Hollande, 
»  vient  d'être  annoncée  officiellement.  » 

La  capitulation  portait  :  «  que  la  place  de  Va- 
)'  lenciennes  serait  remise  aux  troupes  de  la  ré- 
»  publique  française  ;  que  la  garnison  serait  pri- 
»  sonuière  ;  que  les  honneurs  de  la  guerre  lui 
>!  seraient  accordés  ;  qu'elle  serait  reconduite  , 
»  sur-le-champ,  sur  les  terres  occupées  par  les 
»  aimées  coalisées,  et  qu'elle  ne  pourrait  servir 
»  contre  la  France  qu'au  moment  où  elle  aurait 
»  été  échangée.  » 

La  85°'^  s'approcha  de  Condé  pendant  que  l'on 
réglait  les  articles. 

Le  12  (29) ,  la  garnison  ennemie,  à  l'instar  de 
celle  de  Valenciennes ,  enti^a  en  composition. 


(■35) 
Voici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  :  î  ^o/j, 

<]onilc,le  i3  fructidor  (3o  aoiit)  ,  an  quartier-gcnéral       -ak  h» 
a'Oanaing. 

Le  général  en  chef  à  la  Convention. 

«  En  vous  envoyant  les  drapeaux  pris  aux 
»  garnisons  du  Quesnoi  et  de  Valenciennes  ,  je 
»  ni''enipresse  de  vous  annoncer  que  Gondé  a 
»  subi,  à  l'heure  prescrite,  les  conditions  de  la 
»  capitulation  que  vous  m'avez  permis  de  lui  im- 
»  poser.  I.a  terreur  a  précédé  la  marche  des  ar- 
)>  mées  victorieuses  cle  la  république. 

»  Le  territoire  de  la  républiq\ie  ne  supporte 
»  plus  d'esclaves  :  trente  bataillons  et  quinze  es- 
»  cadrons  vous  demandent  des  ordres  pour  voler 
»  à  de  nouveaux  succès. 

»  Salut  et  fraternité i 

»  iS'/g'^e  ScHÉRER.   » 

Ayant  demandé  à  rejoindre  mon  corps  ,  je 
reçus  le  certificat  ci -joint  pour  aller  chercher 
une  feuille  de  route  à  l'état-major  de  l'armée  du 
siège. 

Année  de  Samhre  et  Meuse.  —  85"^^^  demi-hrî^aâe,. 
5™*^  bataillon. 

«  Nous  soussignés ,  certifions  à  tous  ceux  qu'il 
M  appartiendra ,  que  le  citoyen  Médard  Bonnart , 
»  caporal  au  5"'^  bataillon  du  Nord,  est  resté  en 
»  subsistance  dans  la  première  compagnie  dudit 
n  bataillon,  (^epuis  le  7  fructidor  (24  août),  jus- 
n  qu'au  i5  (5o)  du  courant,  et  qu'il  s'est  toujours 
»  comporté  eu  brave  républicain. 


<  '^^  ^  , 

1^94.       »  Délivré  au  Vieux  -  Condé ,  ce  i5  fructidor 
AN  II.  »  (3o  août),  l'an  2"^*^  de  la  république  française. 

»  Signé DxMBLY^  capitaine-commandant, 
»  et  plusieurs  autres  militaires  de  divers  grades.» 

On  me  dirigea  sur  Breda ,  ville  devant  laquelle 
était  le  quartier-général  en  chef  de  l'armée  du 
INord,  pour  recevoir  de  nouveaux  ordres. 

Ensuite  ayant  fait  mes  adieux  aux  chefs  et  aux 
connaissances  de  la  compagnie  où  j'avais  été  en 
subsistance,  je  me  disposais  me  mettre  en  route* 


(  ï^7  ) 


'  ^p*^»,^^^^*^^^^^^^^^^,^  \^^ ^.^""-^^ 


CHAPITRE  XXI. 


Le   i5  fructidor  (5o  août),  je  me  rendis  a  i^q/j. 
Mons.  On  m'envoya  loger  dans  une  église  i  je  tus   Ai>  u. 
obligé   d'aller ,  à  la  faveur    de  plusieurs  bons , 
chercher  une  marmite ,  des  gamelles  ,  un  bidon , 
du  bois  ,  de  la  viande ,  du  pain  ,   etc.  :  il  était 
minuit  que  je  n'avais  pas  encore  mangé  la  soupe. 

Le  i4  (5i),  j'observai  la  ville  dans  ses  moin- 
dres détails  ;  c'était  la  première  place  étrangère , 
importante,  où  je  me  trouvais.  Aussi  me  faisais-je 
une  toute  autre  idée  de  ce  lieu  que  de  ceux  de 
France  que  j'avais  visités.  J'éprouvais  beaucoup 
de  plaisir  à  parcourir  les  endroits  publics  ;  à 
adresser,  pour  mon  instruction,  des  demandes 
aux  habitants  que  je  rencontrais.  La  curiosité  de 
voir,  et  la  satisfaction  d'apprendre,  adoucissaient 
les  privations  et  les  désagréments  que  je  ressen- 
tais en  voyageant  seul  à  pied,  le  sac  sur  le  dos. 

Je  fis  route  pour  Braine-le-Comte ,  où  j'arrivai 
d'assez  bonne  heure. 

Le  même  jour  j'allai  à  Halle ,  où  je  remarquai 
l'église  de  Notre-Dame  ,  qui  était  très-belle.  Il 
existait  dans  le  clocher  ,  comme  dans  presque 
toutes  les  campanilles  des  villes  du  Hainaut,  du 
Brabant  et  des  Pays-Bas ,  une  horloge  à  carillons, 


(  ;38  ) 

i^g/(s  qui  jouait  des  airs  religieux  ou  des  valses,  au  sOn 
AN  u.  desquels  on  aurait  pu  chanter  ou  danser. 

Le  1 5  (i*^'  septembre) ,  je  me  dirigeai  sur  Bru- 
xelles., où  j'aiTivai  d'assez  bon  matin. 

J'employai  la  journée  à  parcourir  les  établisse- 
ments publics,  et  le  lendemain  je  visitai  le  port, 
où  je  restai  long-temps  à  observer  les  petits  vais- 
seaux qui  naviguent  sur  la  Senne. 
.  Je  fus  convaincu  que  de  toutes  les  villes  que 
j  avais  vues,  Bruxelles  méritait  la  préférence.  Je 
bus  de  la  bière  appelée  faraa,  qui  est  fort  es- 
timée. Le  soir  je  ne  manquai  pas  d'aller  au  spec- 
tacle ,  dont  l'orchestre  était  composé  d'mie  grande 
quantité  de  musiciens. 

Le  17  (5) ,  je  me  mis  en  route  pour  Vilvorde, 
en  voyageant  le  long  du  canal  qui  a  2  lieues.  Les 
rivages  offraient  aux  yeux  de  l'étranger  mille  agré- 
ments dans  la  situation  des  sites  pittoresques,  la 
beauté  des  maisons  de  campagne ,  placées  la  plu- 
part en  amphithéâtres,  couronnant  de  fort  jolis 
jardins  soigneusement  cultivés  ,  coupés  en  ma- 
nière de  gradins.  Dans  cette  cité  se  trouvait  un 
hôpital  immense  destiné  à  recevoir  les  fous. 

Le  môme  jour  j'allai  à  Malines ,  que  je  remar- 
quai avec  empressement.  Je  vis  l'église  dont  la 
tour  carrée  est  terminée  par  un  belvéder.  La  ville 
est  dans  une  agréable  plaine,  environnée  de  pro- 
menades, de  campagnes  charmantes.  Le  goût  des 
habitants  est  décidé  pour  la  peinture.  Les  cha- 
riots sont  coloriés  de  vert-pomme,  de  jaune,  de 
rouge  foncé,  brun  ou  noir,  c'est-à-dire,  de  cou- 


(  -39  ) 

leurs  tranchantes.  Sur  presque  toutes  les  maisons  1^94, 
bâties  en  briques ,  crépies  en  plafond ,  se  trouvent  an  u. 
des  peintures  à  fresque.  Elles  représentent  divers 
sujets ,  des  chasses  entières ,  des  forêts ,  ou  les 
alentours  des  mêmes  habitations ,  dessinés  avec 
ce  goût  exquis  cpie  l'on  connaît  à  la  nation  dont 
l'école  flamande ,  en  peignant  ses  mœurs ,  s'est 
fait  une  réputation  si  justement  acquise.  J'y  cou- 
chai ,  après  avoir  parcouru  tont  ce  qu'il  y  avait 
de  curieux  à  observer,  et  m'être  rendu  dans  un 
des  ateliers  de  dentelles,  qui  sont  si  célèbres. 

Le  18  (4),  je  partis  pour  Anvers.  C'était  un 
jour  de  fête  dans  le  pays.  Etant  fatigué,  je  cou- 
chai à  Contick. 

Le  19  (5j,  je  me  transportai  à  Anvers,  où  je 
remarquai  que  presque  toutes  les  maisons,  comme 
celles  des  villes  du  Brabant ,  étaient  en  pignon 
sur  la  rue ,  peintes  avec  les  attributs  des  arts  ou 
métiers  des  habitants  qui  les  occupaient.  C'est 
dans  ce  lieu  que  l'on  aperçoit  une  grande  opu- 
lence dans  la  mise  des  habitants,  surtout  dans  la 
finesse  de  leur  linge.  Les  femmes  se  couvrent  de 
dentelles  d'un  prix  considérable.  L'intérieur  des 
maisons  est  souvent  lavé  ;  ce  qui  porte  la  pro- 
preté jusqu'à  balayer  les  rues,  formées  en  par- 
terre, c'est-à-dire  que  des  cailloux  noirs  et  blancs 
sont  placés  dans  les  trottoirs ,  de  manière  à  figu- 
rer des  dessins.  Les  choses  curieuses  que  ren- 
ferme cette  florissante  place  sont  immenses.  Je 
me  rappelais  que  Pvubens,  Gérard,  Edelink,  Te- 
niers ,  Vandick ,  tous  hommes  célèbres ,  étaient 
-i.  10 


(  >4o  ) 

*794-  *^^^  ^^^^^  cette  superbe  cité.  Je  visitai  la  callié-^ 

Ali  u.  drale  :  étant  monté  sur  la  tour  la  plus  élevée,  qui 

a  466  pieds  de  hauteur ,  j'y  gravai  mon  nom  à 

côté  de  ceux  de  beaucoup  de  curieux  qui  m^ 

avaient  précédé. 

Je  me  rendis  à  la  citadelle.  Comme  j Y* tais  fati- 
gué, je  m'assis  sur  le  bord  de  l'Escaut,  où  je 
lavai  mes  mains  et  ma  figure  ;  de  là  je  pus  exa- 
miner l'agitation  des  flots  occasionée  par  la  mer , 
ce  qui  était  pour  moi  une  nouveauté.  Non  loin  se 
trouvait  une  marchande  de  poissons ,  devant  la-^ 
quelle  il  y  avait  quantité  d'animaux  aquatiques  ; 
la  singularité  de  leurs  diverses  constructions  pi- 
quait ma  curiosité. 

Un  vaisseau,  poussé  par  un  vent  favorable, 
manœuvra  un  instant  et  entra  dans  le  port.  Son 
agilité  m'étonna  autant  que  tout  ce  que  j'avais  re- 
marqué dans  la  journée. 

Le  20  (9),  je  partis  pour  Hooghstraten ,  petite 
ville  sur  la  route  de  Bjéda.  Les  Français  faisaient 
le  siège  de  cette  dernière  forteresse. 

Je  me  présentai  à  l'état-major-général ,  afin  de 
connaître  la  destination  du  5"'^  bataillon  du  Nord, 
dont  on  ne  put  me  donner  aucune  nouvelle.  On 
m'expédia  l'ordre  de  retourner  à  Anvers,  pour 
aller  chez  un  agent  chargé  de  l'incorporation  des 
troupes.  Comme  toutes  les  maisons  étaient  rem- 
pUes  d'employés  de  l'armée,  je  ne  trouvai  à  cou- 
cher qu'au  coin  du  cimetière,  sous  un  caisson,  où 
je  passai  une  assez  mauvaise  nuit. 

Le  a4  (10)7  je  me  remis  en  marche  pour  An- 


(  >4.  ) 

vers,  où  je  me  présentai  chez  cet  agent  qui ,  ne  irgL 
sachant  où  était  le  corps  auquel  j'appartenais,  me  as  n, 
plaça  dans  le  bataillon  de  chasseurs  du  Mont-des- 
Chats  (t)  ,  bivouaqné  devant  Berg-op-Zooni.  Je 
voulus  faire  des  observations  ,  mais  ce  fonction- 
naire ne  jngea  pas  à  propos  de  m'entendre. 

Le  soir,  en  me  promenant  par  les  rues,  je  ren- 
contrai des  militaires  français  ;  je  les  accostai  et 
leur  racontai  le  chagrin  que  j'éprouvais  d'être 
forcé  d'aller  à  un  nouveau  régiment.  Un  d'eux 
me  demanda  si  je  voulais  échanger  mon  ordre 
contre  le  sien ,  qui  était  pour  Warem  auprès  de 
Liège.  J'acceptai  sa  proposition ,  dans  l'espoir  de 
retrouver  le  5"^^  du  Nord. 

Le  2()  (12)7  après  avoir  pris  mon  séjour,  je 
partis  pour  Malines. 

Le  27  (i5) ,  je  fis  route  jusqu'à  Louvain,  où  je 
bus  de  la  bière  nommée  petermann.  Je  remarquai 
que  ce  qui  contribuait  à  sa  réputation ,  était  ua 
ruisseau  traversant  la  ville.  Les  curiosités  que 
renferme  cette  ancienne  place,  sont  en  grand 
nombre. 

Le  28  (i4)j  je  me  rendis  à  Tirlemont.  Cette 
cité ,  célèbre  autrefois ,  ayant  été  ruinée  par  les 
guerres ,  n'est  plus  qu'une  espèce  de  village* 

Près  de  Tirlemont ,  sur  la  route  de  Saint-Tron  j 
se  trouvait  un  ermitage  que  je  visitai.  Le  soU- 

(1)  C'était  lin  corps  de  troupes  légères  qui,  ayant  été 
formé  d'habitants  du  pays  flamand ,  du  départrnient  du 
Nord,  fut,  par  la  suite,  amalgame  dans  la  24°'*  demi- 
brigade  de  la  même  arme. 

10. 


(  '4-  ) 

Ï794-  ^^i^'^7  <ï^*i  parlait  assez  Lieu  français,  eut  la  corn»- 
4n  II.  plaisance  de  me  montrer  son  petit  manoir.   Je 
remerciai  ce  cénobite ,  et  continuai  ma  marche. 
Le  29  (i5)  ,  j'arrivai  à  Saint-Tron. 
Le  5o  (16)  ,  je  me  transportai  à  Tongres,  ville 
bâtie  sur  une  éminence,  qui  était  jadis  considéra- 
ble, et  qui  n'a  plus  rien  d'extraordinaire.  Le  quar- 
tier -  général  de  l'armée  de  Sambrc  et  Meuse  s'y 
trouvait.  Je  demandai  mon  corps;  on  m'annonça 
que  le  5'"^  bataillon  du  Nord  était  à  Diuant.  L'on 
m'expédia  de  suite  une  feuille  de  route. 

Je  couchai  dans  une  chaumière  à  peu  de  dis- 
tance des  faubourgs. 

Le  i^*^  jour  sans  -  culotide  (17  septembre),  je 
me  rendis  à  Liège.  L'armée  ennemie  était  à  la 
Chai'treuse_,  sur  la  rive  droite  de  la  Meuse ,  et  les 
Français  sur  la  rive  gauche  à  la  citadelle.  De  ce 
dernier  heu  on  élevait  chaque  soir  un  ballon  (i) , 
dans  lequel  se  plaçait  un  officier  de  l'état-major, 
pom'  observer  les  mouvements  des  Autrichiens, 
dont  il  donnait  avis  au  moyen  de  papiers  renfer- 
més dans  des  boîtes  de  fer-blanc,  qui  glissaient 
le  long  d'une  corde. 

La  ville  est  immense,  les  routes  qui  y  abou- 

(i)  Dans  ceUe  campagne  ,  les  Français  s'étaient  servi 
d'un  nouveau  moyen  ,  dans  l'art  de  la  guerre  ,  qui  ne 
s'est  pas  reproduit  depuis.  On  faisait  élever  au-dessus  du 
champ  de  bataille ,  un  ballon  qui  était  retenu  à  une 
hauteur  médiocre ,  d'où  un  aréonaute  observait  tous  les 
mouvements  de  l'ennemi ,  et  indiquait  au  général  les 
points  sur  lesquels  il  devait  porter  des  renforts. 


(  43  ) 

tissent  sont  fort  belles  ;  ses  mines  de  cliarbon  ^^a^. 
de  terre  et  ses  fabriques  d'armes  sont  renommées,  an  u. 
Je  restai  trois  jours  à  parcourir  les  édilices  pu- 
blics. J'allai  voir  toute  la  partie  occupée  par  les 
Français  jusqu'aux  vedettes  ennemies,  qui  étaient 
en  faction  dans  les  rues  sans  faire  feu ,  d'après 
une  comention  arrêtée  entre  les  généraux  des 
deux  partis. 

Le  4"^^  joi"'  sans  -  culotide  (20),  je  couchai 
à  Hui ,  pays  situé  entre  des  collines  le  long  de  la 
Meuse. 

Le  5  (21),  je  continuai  ma  route  sur  Namur, 
protégé  par  un  château-fort.  Sa  coutellerie  est  en 
réputation. 

Le  i*^'  vendémiaire  (22)  ,  je  gagnai  Dinant,  où  an  ui. 
se  trouvait  l'état-major  du  5™^   du  Nord  ;  l'on 
m'accorda  un  séjour,  pensant  que  je  serais  mieux 
qu'au  bivouac. 


(  >44) 


CHAPITRE  XXll. 


Ï794'       Le  d  vendémiaire  (  ^4  septembre  )  ,  je  me  ren* 
AU  III.  dis  à  Saiivet ,  au  camp  formé  de  baraques  et  oC' 
cupé  par  le  bataillon. 

Je  présentai  mes  devoirs  à  mon  nouveau  capi- 
taine, nommé  Payen  :  car  le  citoyen  Masson,  qui 
commandait  la  compagnie  avant  mon  départ,  avait 
été  tué  pendant  mon  absence.  Le  sergent-major 
Bourgeois ,  qui  avait  subi  le  même  sort ,  se  trou- 
vait remplacé  par  le  citoyen  Dérode,  auquel  je 
remis  mon  billet  de  sortie  de  l'ambulance  de  Mé- 
zières ,  ainsi  que  la  feuille  de  route  qui  m'avait  été 
délivrée  à  Tongres,  Il  me  dit  que  l'acte  de  mon 
décès  était  parvenu  au  conseil  d'administration  ; 
que  j'aurais  été  porté  comme  mort,  sans  l'arrivée 
du  Dameriat  avec  lequel  j'avais  quitté  le  corps,  et 
qui  avait  i-aronté  l'anecdote  qui  m'était  survenue 
à  Ihôpital  de  Pliilippeville. 

Je  remarquai  beaucoup  de  changements  dans 
la  manière  de  camper.  Avant  que  je  partisse,  nous 
avions  quelquefois  des  tentes.  Depuis,  les  soldats 
s'occupaient  à  pratiquer  dans  la  terre,  des  huttes 
de  diverses  dimensions.  Il  s'y  trouvait  une  che- 
minée ,  un  lit ,   ainsi  que  toutes  les  commodités 


_    (  ,4§  ) 

qiic  Ton  peut  espérer  quand  on  habite  im  endroit  incj^. 
bâli  en  maçonnerie.  a>-  m 

En  renouvelant  connaissance  avec  mes  compa- 
triotes, je  leur  donnai  des  nouvelles  de  leurs  pa- 
reïits  que  j'avais  vus.  Ils  me  racontèrent  que  le 
î  5  prairial  (  5  juin  )  ,  dans  les  environs  de  Char- 
leroi ,  en  se  retirant  sur  Marchicnnes-au-Pont ,  ils 
avaient  éprouvé  une  journée  malheureuse  (i). 

Ils  ajoutèrent  qu'en  se  retirant  de  devant  Na- 
mur,  le  do  messidor  (  i8  juillet  )  ,  où  l'on  eut  des 
coups  de  fusil  à  échanger,  une  circonstance  sin- 
guhère  les  avait  étonnés.  Dans  une  attaque  de 
nuit ,  s'étant  laissés  trop  approcher  par  l'ennemi , 
ils  furent  obligés  de  rétrograder.  Pendant  la 
marche,  un  soldat  de  la  compagnie,  qui  portait 
les  deux  gamelles ,  reçut  une  balle  dans  le  dos  , 
sans  savoir  ce  que  c'était  ;  il  crut  qu'un  de  ses  ca- 
marades l'avait  poussé  pour  le  faire  aller  plus  vite. 
Arrêtés  pendant  une  grande  obscurité ,  on  lit  la 
soupe  ;  on  tailla  le  pain  dans  les  écuelles  ;  on  y 
versa  le  bouillon  ;  on  se  disposait  à  manger  5  mais 
quelle  fut  la  surprise,  cjuand  on  remarqua  que  le 
pain  était  sans  bouillon  et  presque  sec  5  on  en  cher- 

(i)  Voici  les  noms  des  jeunes  gens  de  Dameri  qui  en 
furent  victimes  : 

Le'té  Georges ,  Radon  aîné  et  Radon  jeune  ,  tués.  Les 
Jilessés  étaient  :  Chêne  aîné  et  Ciret  Joseph.  Les  prison- 
niers :  Gaury ,  Grosjean  ,  Martin  Victor,  Paillart  Féhx> 
Prud'homme  François ,  Troton  Jean ,  Vigreux.  Les  décé- 
dés par  suite  de  fatigue  et  de  maladie  :  Billard  ÎSicolas  > 
Ciret  Théophile ,  Lalire ,  Ricard  Denis. 


(  46  ) 

i;794-  ^^^"^  ^^  cause;  on  vit  le  trou  des  gamelles.  Le  sol- 
AN  m.  dat  ouvrit  son  havre-sac  ;  on  trouva  la  balle  per- 
due dans  une  chemise  percée  en  plusieurs  en- 
droits; ce  qui  excita  beaucoup  la  gaîté  de  tous 
les  assistants,  surtout  de  celui  qui  avait  échappé 
au  danger. 

Le  1 5  vendémiaire  (  4  octobre  ) ,  le  o"^*'  du 
JVord  partit  du  camp  de  Sauvet  pour  Diuant. 

On  donna  l'ordre  de  quitter  cette  ville  et  de 
s'approcher  de  Maëstricht ,  pour  être  compris  dans 
les  troupes  de  l'armée  destinées  au  siège  de  cette 
place  (i). 

(i)  Yoici  les  dates  avec  les  lieux  que  le  bataillon  avait 
occupe's  depuis  mon  départ  de  Fontaine-l'Evêque  pour 
l'hôpital,  le  26  floréal  an  2  (  i5  mai  ),  jusqu'à  mon 
retour  à   Sauvet,  le  3  vendémiaire   (  24  septembre  ). 

Le  26  floréal  (  i5  mai  ),  le  3'"'  du  Nord  battant 
en  retraite  de  Fontaine-l'Evêque ,  pour  se  diriger  sur 
Tlmin. 

Le  9  prairial  (  28  mai  ) ,  attaquant  l'enuemi. 

Le    10   (   29  )  ,  «'établissant   devant   Cliarleroi. 

Le  i5  (  3  juin  )  ,  dirigeant  sa  retraite,  afin  d'aller 
auprès  de  Marcliiennes-au-Pont. 

Le  19  (  7  )  ,  quittant  cette  position  pour  se  rendre 
à  Dinant. 

Le  35  messidor  (  i3  juillet  )  ,  s'aclieminant  vers  Sorine. 

Le  2j  (   i5  )  ,    de  là,  au  blocus  de  Namur. 

Le  3o  (  18  )  ,  faisant  sa  retraite  jusqu'à  Faux. 

Le  i"'  thermidor  (  19  ) ,  gagnant  les  fermes  des  Veilles, 

Le  3  (  2 1  ) ,  arrivant  à  Sauvet ,  où  les  compagnies 
baraquèrent. 


(  ■47  ) 


CHAPITRE  XXIII. 


Le  19  vendémiaire  (10  octobre),  le  3"^^  ba-  1^94. 
taillon  du  Nord  quitta  Dinant ,  et  coucha  à  Emp-  an  m. 
tines. 

Le  20  (11),  il  se  rendit  à  Havelangen. 

Le  21  (12),  il  se  transporta  à  Fraineux. 

Le  22  (i5),  il  traversa  Liège  et  bivouaqua  k 
deux  lieues  au-delà. 

Le  23  (i4)  ,  laissant  sa  position,  il  se  dirigea 
sur  Visé. 

Le  même  jour  j'étais  d'avant-garde.  On  traça 
le  bivouac  en  face  de  Maëstricht,  vis-à-vis  le  fort 
de  Wick,  sur  la  rive  droite  de  la  Meuse.  Le  corps 
l'occupa  à  son  arrivée. 

Nous  restâmes  quelques  jours  baraqués  devant 
la  ville  sans  avoir  un  service  pénible.  Je  profitai 
de  cette  tranquillité  pour  visiter,  avec  plusieurs 
camarades ,  des  trous  ou  des  cavernes  et  la  prin- 
cipale entrée  des  galeries  souterraines  dfe  la  mon- 
tagne de  Saint-Pierre ,  d'une  profondeur  extraor- 
dinaire (i). 

(1)  Ces  cryptes  passaient  pour  avoir  été  pratiquées  par 
les  RoJiiains  ,  lorsqu'ils  voulaient  conquérir  la  Batavie. 
Ce  qui  paraît  plus  certain ,  c'est  que  les  Bataves  ou  Hol- 


_  (  i48  ) 
\'jc)\.  Le  quartier-maître  du  bataillon,  ayant  beau- 
A!v  m.  coup  d'ouvrage,  me  proposa  d'écrire  chez  lui; 
je  m'y  rendis.  J'attachais  une  espèce  de  servitude 
à  être  dans  un  bureau.  J'entendais  aussi  mes  ca- 
marades ,  qui  me  plaisantaient  en  m'accusant  de 
n'être  qu'un  cheualier  de  récritoire.  Je  refusai  d'y 
aller,  quoique  ce  comptable  fût  content  de  moi , 
préférant  faire  mon  service  tout  pénible  qu'il 
était.  J'ignorais  alors  que  de  travailler  de  la  sorte 
c'était  s'instruire,  se  mettre  en  évidence  et  être 
connu  des  chefs;  ce  qui,  presque  toujours,  ouvre 
le  chemin  de  l'avancement  à  un  inférieur. 

Un  matin  je  rentrais  de  grand'garde,  il  avait 
beaucoup  plu;  mon  fusil  était  rouillé,  sans  que 
j'eusse  le  temps  de  le  nettoyer.  Le  général  Hardi, 
qui  inspecta  le  corps,  m'ordonna  une  punition  de 
huit  jours  ;  cependant  le  chef  obtint  que  la  peine 
ne  durerait  que  jusqu'à  ce  que  mes  armes  fussent 
propres.  Après  la  revue,  une  douzaine  de  mes 
amis  m'accompagnèrent  à  la  garde  du  camp ,  où , 
à  i'envi  les  uns  des  autres,  ils  m'aidèrent.  Je  pré- 
landais ont  tiré  ^de  ces  caves  ou  excavations  une  iin- 
niense  quantité  de  pierres,  afin  de  bâtir  leurs  villes,  et 
qu'ils  se  sont  servis  des  débris,  en  guise  de  fumier,  pour 
engraisser  et  fertiliser   leurs  terres. 

Etant  très-soigneux  dans  l'intérieur  de  leurs  apparte- 
ments ,  ils  ont ,  avec  le  temps ,  creusé  cette  montagne  , 
pour  en  extraire  le  plus  beau  sable  qu'ils  transportent 
encore  aujourd'hui  dans  leur  pays ,  sur  les  bateaux  de  la 
Meuse,  afin  de  nettoyer  les  pavés  ,  frotter  les  garnitures  en 
«uivre ,  ainsi  que  le  devant  des  clieuiinées  eu  faïence- 
de  leurs  maisons. 


(  '49  ) 
scntai  mon  fusil  et  mon  sabre  à  mon  capitaine,  1794. 
qui  rit  de  ma  diligence  à  recouvrer  ma  liberté.       ad  m. 

Ou  découvrit  une  ruse  que  les  espions  de  l'en- 
nemi employaient  pour  informer  les  assiégés  des 
mouvements  des  Français  (i).  C'étaient  des  bou- 
teilles vides ,  bien  cachetées ,  renfermant  chacune 
un  papier  sur  lequel  étaient  écrites  les  nouvelles 
qu'on  adressait  au  gouverneur.  Ces  vases  ainsi 
préparés,  étaient  jetés  dans  la  TMeuse  qui  les  por- 
tait jusqu'à  la  ville,  où  des  personnes  apostées, 
avec  des  bateaux,  les  saisissaient  à  levu'  passage. 

Dans  la  nuit  du  2  brumaire  (a5  octobre),  l'on 
ouvrit  la  tranchée.  On  assembla,  à  k  sourdine, 
les  travailleurs  et  ceux-  destinés  à  les  détendre. 
Le  5°"''  bataillon  du  Nord  fut  chargé  de  bê- 
cher (2).  En  conséquence,  on  donna  des  pelles 
ou  des  pioches  aux  soldats  que  l'on  conduisait ,  k 
la  faveur  de  l'obscurité ,  à  l'endroit  où  les  boyaux 
de  la  ligne  de  contrevallation  devaient  avoir  lieu. 
La  garnison  lançait  des  pots  à  feu ,  pour  décou- 
vrir ce  qui  se  passait  dans  la  plaine.  La  nuit  étant 
obscure,  et  un  épais  brouillard  accompagné  d'une 

(i)  Aucun  des  journaux  du  temps  ,  ni  des  ouvrages  qui 
ont  traité  du  siège  de  MaësiricLt  ,  n'ont  parlé  de  cette 
anecdote  qui  a  été  la  nouvelle  du  camp  ,  et  que  chacun 
annonçait  comme  avérée. 

(2)  Ce  corps  composé  ,  en  grande  partie,  d'hommes 
du  département  de  la  Marne  qui ,  par  leur  profession  de 
vigneron ,  étaient  habitués  à  remuer  la  terre  avec  des 
hoyaux  ou  des  pioches  ,  fut  choisi  de  préférence  pour 
ouvrir  la  tranchée. 


(    IDO    ) 

'791-  S^'^ïi^ïe  pluie  nous  protégeant,  on  ne  se  douta 
.Ky  11  i.  pas  de  nos  ouvrages.  Ayant  beaucoup  pioché,  et 
n'y  étant  pas  habitué ,  je  m'écorchai  les  deux 
mains  entre  le  pouce  et  l'index. 

Derrière  nous,  à  quelque  distance,  se  trourait 
une  maisonnette  où  l'on  avait  allumé  du  feu  ;  l'en- 
nemi s'en  aperçut ,  et  lança  ime  bombe  qui  en- 
leva une  portion  du  mur.  Plusieurs  boulets  diri-' 
gés  vers  cette  chaumière ,  la  criblèrent  de  part  en 
part. 

Au  jour,  des  troupes  fraîches  vinrent  nous 
remplacer.  Tandis  que  nous  sortions  pour  rega- 
gner le  camp,  les  alliés  virent  que  la  parallèle 
était  ouverte  ;  ils  firent  un  feu  terrible. 

Quand  nous  retournâmes  ensuite  à  la  tranchée, 
c'était  le  jour,  le  chef  de  bataillon  ,  le  citoyen 
Cardon ,  faisant  sa  ronde  avec  des  officiers  du 
génie,  s'arrêta  où  je  travaillais.  Il  lui  plut  de  re- 
garder par-dessus  le  parapet ,  et  se  retira  un  ins- 
tant après.  Un  Autrichien  l'ayant  remarqué , 
dirigea  une  pièce  dont  le  boulet  vint  porter  vis- 
à-vis  de  moi ,  et  fit  sortir  de  la  crête  du  fossé , 
une  pierre  qui  me  frappa  si  violemment  à  la  poi- 
trine ,  qu'elle  me  renversa  sans  connaissance.  Je 
reçus  les  secours  de  mes  camarades.  Je  regardai 
ensuite  à  l'endroit  où  j'avais  été  atteint,  je  n'y  vis 
qu'une  forte  contusion. 

Le  soir,  au  moment  d'être  relevés,  un  soldat 
a|)erçut  une  bombe  qui  se  dirigeait  de  notre  côtéj 
il  cria  :  «  Ventre  à  terre  !  »  Elle  vint  tomber  à 
environ  deux  pieds  de  nous ,  au-delà  du  boyau , 


(  >50 
•treva  de  suite,  et  nous  couvrit  de  diverses  ma-   i-r)^. 
lières.  Je  suivais  des  yeux  les  éclats  qui  volaient  a^  m, 
dans  les  airs  ;  un  morceau  de  mâche-fer  frappa  le 
dos   d'un  soldat  qui  se  relevait  lentement,  et  le 
recoucha.  Quoique  la  scorie  fût  estimée  du  poitls 
de  deux  livres ,  il  ne  fut  pas  grièvement  blessé. 

Une  autre  fois  ,  nous  avions  encore  passé  la 
journée  à  piocher  ;  on  nous  relevait  toutes  les 
douze  heures.  Comme  nous  quittions  le  travail, 
un  boulet  frisa  le  tahis  de  la  terrasse ,  et  m'exposa 
au  plus  grand  danger  en  tombant  à  mes  pieds. 
L'ayant  ramassé,  je  le  présentai  à  mes  camarades, 
qui  le  jugèrent  peser  25  livres. 

En  revenant  de  la  tranchée,  on  rapportait  un 
grenadier  qui  avait  la  cuisse  fracassée  par  \\n 
boulet  ;  il  oubliait  son  mal  pour  ne  penser  qu  k 
la  prospérité  de  nos  armes.  Il  savait  que  sa  bles- 
sure était  mortelle ,  et  cependant  il  criait  :  «  \  ive 
»  la  République!  toujours  la  République  (i)I  » 

Le  lo  brumaire  (5i  octobre),  vers  minuit,  le 
siège  commença  au  signal  donné  par  une  fusée 
lancée  en  l'air.  Alors  on  fit  jouer  toutes  les  batte- 
ries françaises.  La  portion  du  5"'^  du  Nord  où  je 
me  trouvais,  était  en  ce  moment  au  camp  sous 
les  armes.  Nous  comptâmes  seize  bombes  ou 
boulets  rouges  envoyés  en  même  temps  sur  la 

(i)  Cliâque  jour,  on  citait  des  traits  de  ce  genre;  ils 
étaient  produits  par  l'enthousiasme  de  la  liberté ,  par 
lamoiir  de  la  gloire,  qui  enflammaient  les  Français,  les 
républicains,  et  qui  en  faisaient  des  hommes  extraor- 
dinaiies. 


(  ■^•»  ) 

i^qj.  place.  Ils  tomLèrent  en  partie  dans  le  couvent  des 
ATS  lu.  Capucins,  dont  l'église  était,  disait-on,  remplie 
de  viande  salée,  d'eau-de-vie,  d'huile  et  d'autres 
matières  combustibles.  Le  feu  y  prit  rapidement - 
Les  flammes  ayant  gagné  la  charpente  de  l'église , 
ainsi  que  celle  du  clocher,  éclairaient  la  plaine 
comme  si  l'on  eût  été  en  plein  midi.  Les  habi- 
tants montèrent  sur  les  toits  pour  la  manoeuvre 
des  tuyaux  de  pompe.  On  les  distinguait  facile- 
ment. La  canonnade  fut  si  vive  en  celte  circons- 
tance ,  qu'elle  précipitait  dans  l'incendie  les  mal- 
heureux qui  cherchaient  à  l'éteindre.  Malgré  les 
terribles  elFets  de  l'artillerie  qui  en  diminuaient  le 
nombre,  de  nouveaux  assiégés  remplaçaient  ceux 
qui  venaient  de  perdre  la  vie,  jusqu'à  ce  que  l'es- 
poir d'arrêter  les  ravages  du  feu  fût  entièrement 
évanoui  pour  eux. 

Le  monastère  brûlait  toujours.  L'artillerie  gron- 
dait de  chaque  côté.  On  entendait  les  cris,  le 
bruit,  les  lamentations  qui  partaient  de  la  ville. 
Cela  produisait  une  scène  mêlée  d'horreur  et  de 
désolation. 

Pendant  ce  siège ,  nous  restâmes  de  service  une 
journée  à  la  tranchée,  où  nous  étions  à  même 
d'observer  de  fort  près  ce  qui  passait. 

Le  i5  brumaire  (5  novembre),  trois  jours 
après  le  commencement  de  cette  terrible  canon- 
nade h  boulets  rouges ,  le  gouverneur  demanda  k 
capituler.  Le  lendemain,  les  troupes  mirent  bas 
les  armes  sur  les  glac  is  ;  elles  s'en  retournèrent  eut 
Allemagne  ou  en  Hollande. 


(  '^'S  )  _    _ 

Lorsque  la  garnison  eut  défilé,  je  me  trouvai  i'^^. 
de  corvée  pour  chercher  des  vivres  daus  la  for-  a.n  m. 
teresse.  Je  remaïquai  que  l'on  avait  ôté  les  pavés; 
que  la  plupart  des  pierres  étaient  portées  dans 
les  greniers,  pour  être,  en  cas  d'assaut,  jetées  sur 
les  assiégeants  ;  que  les  rues  avaient  été  coupées 
par  des  charrettes  entrelacées  ou  par  des  retran- 
chements garnis  de  pièces  d'artillerie.  Je  vis  les 
dégâts  des  divers  incendies  qui  étaient  considéra- 
bles ,  et  c[ui ,  s'ils  eussent  continué ,  auraient 
promptement  détruit  la  place. 

^  oici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  : 

Siège  et  prise   de   Maastricht,   le    i4  brumaire 
( /\.  no^'embre). 

«  Maëstricht  est  tombé,  après  onze  jours  de 
»  tranchée  ouverte,  au  pouvoir  de  la  république: 
»  les  difficultés  étaient  presqu'incroyables  ;  mais 
»  elles  ont  été  surmontées  par  une  bravoure  plus 
»  incroyable  encore.  La  tranchée  a  long-temps 
»  été  inondée  ;  nos  guerriers  ont  eu  à  braver  tous 
)»  les  éléments.  » 

^  oici  la  lettre  des  représentants  du  peuple , 
au  quartier-général  devant  Maëstricht,  le  i4  bru- 
maire (4  novembre)  : 

«  Citoyens  collègues ,  Maëstricht  est  au  pou 
»  voir  de  la  république  :  cette  place  s'est  rendue 
w  ce  matin  à  5  heures ,  après  1 2  heures  de  tran- 
»  chée  ouverte  ;  elle  était  défendue  par  une  gar- 
n  nison  nombreuse,  et  plus  de  '^00  pièces  d'ar- 
»  liilerie. 


(  154  )  _ 
îMpj»  »  La  contenance  des  assiégés  semblait  nous 
AN  li .  »  annoncer  qu'il  faudrait  recourir  aux  der- 
»  niers  moyens  ;  mais  l'activité  de  nos  travaux, 
»  l'audace  de  nos  soldats ,  les  ont  bientôt  con- 
»  vaincus  que  toute  résistance  serait  inutile.  La 
))  garnison  s'est  rendue  prisonnière  de  guerre. 

»  L'armée  de  Sambre  et  Meuse  a  bravé  le  mau- 
w  vais  temps  et  le  feu  des  batteries  ennemies  : 
»  accoutumés  à  vaincre,  nos  soldats  s'indignaient 
»  qu'une  place  isolée  osât  leur  résister.  Les  tra- 
»  vaux  se  poussaient  avec  une  célérité  sans  exem- 
»  pie ,  les  jours  de  tranchée  semblaient  être  des 
»  jours  de  fête. 

»  Le  général  Kléber  commandait  l'armée  de 
»  siège,  Bellemont  conduisait  l'artillerie,  et  Ma- 
»  rescaut  dirigeait  le  génie.  Officiers  et  soldats, 
»  tous  ont  parfaitement  rempli  leur  devoir.  Le 
))  nombre  des  républicains  que  nous  avons  à  re- 
»  gretter  depuis  le  commencement  du  siège,  est 
M  de  soixante.  Nous  avons  eu  cent  blessés  :  nous 
»  ne  pouvons  vous  donner  en  ce  moment  l'état 
»  de  l'artillerie  et  des  munitions,  on  est  occupé  à 
»  en  faire  le  relevé  ;  mais  elles  sont  immenses. 

»  Une  lettre  du  général  Jourdan  confirme  ces 
»  heureux  détails  :  elle  ajoute  seulement  que  la 
»  garnison  était  composée  de  7  à  8,000  hommes, 
»  et  c{u'elle  ne  poiuTa  porter  les  armes  contre  la 
»  république ,  qu'après  avoir  été  échangée  contre 
»  des  prisonniers  français.  » 


(  >55) 


>  (^«^«^^.^^^«^•^T',.^» 


CHAPITRE  XXIY. 


Le  i8  brumaire  (  8  novembre),  nous  partîmes  179^. 
pour  nous  diriger  sur  le  Rhin  ;  nous  bivouaquâmes  ai*  m. 
auprès  de  jVies\\iller. 

Le  19  (  9  )  ,  nous  allâmes  à  Aix-la-Chapelle,  où 
l'on  parlait  allemand  (i).  Je  vis  les  curiosités  que 
renferme  cette  ville ,  ainsi  que  les  eaux  bouillantes 
et  minérales  de  Bruscheid ,  qui  n'en  sont  séparées 
que  par  une  prairie. 

Le  20  (  10),  nous  nous  rendîmes  à  Esch veiller, 
de  la  à  Dueren,  où  les  portes  de  la  ville  étaient 
fracassées  par  les  boulets  et  les  balles ,  à  la  suite 
d'un  combat  à  outrance;  il  avait  eu  lieu  entre 
presque  toute  la  cavalerie  française  et  autri- 
chienne, avant  que  l'ennemi  passât  le  Rhin,  pour 
protéger  son  infanterie  qin  se  jetait  en  toute  hâte 
sur  la  rive  droite  de  ce  fleuve. 

Le  2 1  (  Il  ) ,  nous  restâmes  la  nuit  sur  la  route 
deLecheuich. 

(1)  J'avais  commencé  à  apprendre  les  principes  de  cette 
langue,  par  les  soins  d'un  nommé  Schœffer,  qui  tra- 
vaillait chez  mon  père  ainsi  que  chez  mon  oncle,  et  à 
qui  j'enseignais  le  français. 

Cette  étude  u'était  alors  pour  moi  qu\m  délasse- 
ment ;  j'en  ai  cependant  retiré  depuis  un  grand  avantage  , 
étant    en  Allemagne. 

I.  II 


(  >5C) 
1794.       Le  22  (12),  nous  passâmes  à  BniLî,  où  se 
AN  m.  trouve  un  supei  be  château  ;  ensuite  nous  bivoua- 
quâmes sous  Gross-Weisiing. 

Aussitôt  que  le  bataillon  fut  installé,  je  me 
transportai  auprès  du  Rhin  ;  j'observai  sa  largeur 
et  la  beauté  de  son  cours,  dont  j'avais  souvent  en- 
tendu parler.  Je  bus  de  son  eau  ;  je  m'en  lavai  les 
,.  mains,  comme  j'avais  fait  à  Anvers ,  à  l'embou- 
chure de  l'Escaut  (i). 

Le  28  (  1 8  )  ,  le  bataillon  partit  du  camp ,  pour 
aller  cantonner  à  Bruhl.  Les  habitants  n'avaient 
pas  souftcrt,  n'ayant  vu  qu'un  instant  l'armée,  et 
la  ville  s'était  trouvée  protégée  par  les  sauve-gardes 
que  les  généraux  y  placèrent  à  cause  du  palais. 
JNous  étions  douze  couchés  sur  de  la  paille,  dans 
luie  chambre,  ayant  recommandé  de  iaire  du  leu 
pendant  la  nuit,  le  froid  étant  très-rigoureux.  La 
fille  qui  en  était  chargée ,  bourra  tellement  le 
poêle  ou  la  chambre  du  stube ,  que  nous  faillîmes 
tomber  en  asphyxie.  Plusieins  en  restèrent  in- 
commodés.  Nous  n'éprouvâmes  de  soulag-emeut 

(i)  Je  me  rappelai,  en  voyant  ce  célèbre  fleuve,  que 
les  Germains  s'y  baignaient  en  toute  saison ,  pêle-mêle , 
hommes  et  femmes,  garçons  et  filles,  sans  que  la  pu- 
deur de  ces  dernières  en  souffrît  ;  qu  il  avait  servi  maintes 
fois  à  la  justiJication  ou  à  la  condaninatioji  des  Gauloises 
accusées  d'adultère  ,  en  y  faisant  jeter ,  devant  des  té- 
moins, leurs  enfimts  nouveaux-nés,  liés  et  garottés.  Si 
les  enfants  nageaient ,  ils  justifiaient  l'innocence  de  leurs 
mères;  au  contraire,  s'ils  allaient  au  fond,  ils  attestaient 
leur  culpabilité ,  et  elles  subissaient  la  peine  de  mort  , 
cliâtiinent  réservé  à  leur  crime. 


que  lorsque  les  fenêtres  tureiu  ouvertes,  et  que  i-q: 
l'air  eut  été  renouvelé.  ^j^  m. 

Le  i*^'  frimaire  (21),  le  fourrier  de  la  compa- 
gnie étant  tombé  malade ,  se  transporta  à  l'hôpi- 
tal. Le  capitaine  me  désigna  pour  le  remplacer. 
J'exerçai  provisoirement  ses  fonctions. 

Il  est  nécessaire  de  dire  ([uelque  chose  du  cos- 
tume et  des  usages  des  habitants  de  ce  pays.  Les 
Allemands  avaienf  un  petit  bonnet  à  poil  ;  les  che- 
veux plats   sur  les  épaules  ;  l'habit  avec  la  veste 
tirant  sur  le  brun.   Ils  fumaient  beaucoup  j  met- 
taient leur  tabac  dans  des  boîtes  de  cuivre ,  aux- 
quelles les  individus  de  la  campagne  attachaient 
un  grand  prix.  Elles  étaient  gravées  et  représen- 
taient un  passage  de  l'ancien  Testament  ou  de 
l'Histoire  sainte.  Les  femmes  nattaient  leurs  che- 
veux 5  les  tresses  en  étaient  traversées  par  une 
épingle  d'argent  d'environ  six  pouces  de  long  sur 
trois  lignes  de  large ,  arrondies  sur  le  sommet  de 
la  tête.  Par-dessus,  elles  plaçaient  un  petit  bonnet 
maintenu  avec  deux  agrafes  fixées  aux  tempes. 
Elles  portaient  des  camisoles  de  drap  de  couleurs 
tranchantes  ;   des  tabliers  j^lissés ,  peu  larges  sur 
le  devant  ;  des  jupons  bordés  en  bas,  les  premiers 
dépassant  les  autres,   de  manière  à  pouvoir  les 
compter;  des  souliers  à  hauts  talons.  Les  filles  de 
fermiers  avaient,   dans  les  jours  ouvrables,  une 
ceintm^e  en  cuir,  garnie  de  clous  de  cuivre  jaune 
méthodiquement  placés ,  à  laquelle  pendaient  des 
chaînes  où  se  trouvaient  attachés  un  couteau,  des 
ciseaux,  des  clefs,  un  fusil  à  aiguiser  ;  c'était  pour 

1 1. 


(  >58  ) 
1^94.  elles  un  objet  de  luxe.  Les  personnes  riclies,  des 
AK  ui.  deux  sexes,  se  soumettaient  aux  modes  françaises, 
qu'elles  aimaient  beaucoup. 

Le  5  (  25  )  ,  le  bataillon  partit  de  Brulil  pour 
retourner  au  camp  sous  Gross-Weisling.  Les  froids 
devinrent  très- vifs  ;  ils  sont  toujours  plus  forts  au- 
près de  la  mer  ou  des  fleuves ,  parce  que  l'eau 
produit  de  l'humidité  qui ,  se  condensant  dans  les 
airs,  donne  aux  vents  une  plus  grande  intensité. 

N'étant  logés  que  sous  des  abris  de  paille,  nous 
éprouvions  toute  la  rigueur  de  la  saison. 

Le  6  (  26  ) ,  nous  occupâmes  le  village. 

Il  y  avait  quelques  habitations  d'apparence, 
dans  l'une  desquelles  logeait  le  quartier-maître. 
Son  épouse  profitant  d'un  bel  après-midi ,  ouvrit 
l'un  des  côtés  d'une  fenêtre  de  sa  chambre,  pour 
considérer  la  majesté  du  Rhin ,  sa  rapidité ,  ses 
bords  riants  et  fertiles.  Elle  contemplait  le  nombre 
infini  de  villages,  de  hameaux  et  de  maisons  Là  is 
rà  et  là  dans  la  plaine  qui  se  déroule  à  la  vue. 
Elle  regardait  attentivement  les  sept  montagnes 
du  duché  de  Berg,  couronnant  la  rive  droite  du 
fleuve ,  et  connues  sous  les  noms  de  Drachenfels , 
Wolkenbourg ,  Stromberg,  Lœwenbourg,  la  plus 
élevée,  qui  a  en  hauteur  1,896  pieds  du  Rhin, 
JNider  ou  Nonenstromberg  ,  OEhlberg  et  Ilemme- 
rich.  Il  s'y  trouve  encore  des  débris  et  des  traces 
d'anciens  châteaux ,  qui  annoncent  la  tyrannie  des 
chefs  de  ces  familles  illustres,  formant  une  ligue, 
pendant  les  i5'"%  i4"^"  et  i5™"  siècles.  Ces  do- 
minateurs, à  l'aide  de  leurs  soldoyers,  mettaient 


C  139  J 

alors  à  contribution  les  deni'ées  qni  naTÎguaient  1794. 
au  pied  de  leurs  forteresses ^  ou  ils  dévalisaient^ an  m. 
les  paisibles  marchands  qui  voyageaient  sur  les 
routes  à  la  vue  de  leurs  redoutables  donjons.  Le 
paysage  produit  un  site  tout-a-fait  pittoresque ,  et 
présente  à  l'imagination  un  aspect  aussi  agréable 
que  romantique.  Tandis  que  la  dame  était  en  ad- 
miration ,  il  y  avait  eu  face  un  poste  de  pandoures.  • 
La  sentinelle,  quoi  qu'à  une  distance  fort  éloignée, 
et  paraissant  hors  de  portée ,  tira  un  coup  de  ca- 
rabine qui  vint  casser ,  à  hauteur  de  la  tcte ,  un 
carreau  du  panneau  que  cette  jeune  personne 
avait  laissé  fermé.  Les  morceaux  de  verre ,  en 
tombant ,  la  contraignirent  à  s'éloigner  ;  de  sorte 
qu'elle  ne  voulut  plus  occuper  cet  appartement. 
La  balle  avait  encore  suffisamment  de  force  pour 
la  tuer  ou  la  blesser  grièvement ,  puisqu'elle  alla 
ensuite  frapper  dans  le  mur ,  où  elle  lit  un  trou 
profond.  Le  mari  prenait  plaisir  à  en  montrer 
l'empreinte,  pour  prouver  jusqu'à  quelle  distance 
on  pouvait  être  atteint  par  le  plomb  de  l'ennemi. 

Le  1 4  (  4  décembre  ) ,  nous  partîmes  de  Gross- 
Weisling  pour  Cologne. 

Le  i5  (  5  )  ,  nous  nous  dirigeâmes  sur  Neuss. 

De  cette  commune ,  on  voyait  le  palais  incen- 
dié de  l'électeur  palatin  (i). 

Ce  superbe  édifice  est  dans  Dusseldorf  ;  on  ra- 
conta que  le  général  français ,  arrivé  sur  la  rive 

(i)  Les  journaux  du  temps ,  les  géograpliies' modernes 
et  les  ouvrages  qui  ont  traité  de  la  guerre  de  la  révo^ 
lution,  n'ont  aucunement  parlé  de  cet  incendie. 


(  i6o  ) 
1794.  gsuche  du  Rhin,  après  la  bataille  d'Aldenhoven, 
Ax  111.  (t),  imposa  des  coiUiibiuions  à  la  Tille,  qui  refusa 
de  les  payer.  Il  lit,  pendant  la  nuit,  tandis  qu'il 
y  avait  un  grand  bal  chez  l'électeur ,  avancer  des 
obusiers ,  et  ayant  mis  en  peu  d'instants  le  iéu  au 
bâtiment,  la  musique  et  la  danse  cessèrent  bientôt. 
Le  16  (  G  )  ,  nous  couchâmes  à  Crevelt. 
Le  17  (  7  ) ,  nous  passâmes  à  Gueidres ,   et  la 
compagnie  à  laquelle  j'appartenais,  prit  son  can- 
tonnement au  village  d'Issum.  Nous  allions  à  cette 
ville  chercher  les  vivres,  tous  les  deux  jours  pour 
la  viande,  et  tous  les  quatre  jours  pour  le  pain. 

Durant  notre  séjour  dans  ce  cantonnement , 
mon  capitaine  me  Ht  établir  un  registre  portant 
toute  la  composition  de  sa  compagnie ,  les  détails 
de  l'habillement,  de  l'équipement ,  de  Tarmement, 
de  la  solde  et  des  vivres ,  ce  qui  me  mit  bien  dans 
son  esprit.  Il  s'occupa  de  ce  travail ,  pour  être  à 
même  de  rendre  compte  de  sa  gestion  à  la  nou- 
velle organisation  du  corps,  que  l'on  annonçait 
devoir  être  très-prochaine. 

Le  21  (11),  nous  quittâmes  ce  cantonnement 
pour  aller  à  Kapelen. 

Le  5o  (  20  ) ,  nous  allâmes  coucher  à  Gueidres, 
où  le  corps  se  réunit. 

Le  i^*^  nivôse  (  21  )  ,  le  5°'^  du  Nord  fut  embri- 
gadé avec  le  i^""  bataillon  de  Navarre,  5"'^  régi- 
ment d'infanterie ,  et  le  2"^*^  du  Finistère ,  qui  for- 
mèrent la  9'"''  demi-brigade  de  ligne.  Les  compa- 

(1)   Elle  eut  lieu  le  11    vciKlemiaire   (  2  octobre   ). 


/^;%?^2:^^î^    6^  ^     ^  "      X 


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guics  étaient  tiercécs  ;   il  n'y  eut  de  changé  que  i^g^. 
les  pompons  qui   se  trouvaient  ronds  et  plais,  an  m. 
Chacun  des  bataillons  avait  sa  couleur  ;  chaque 
compagnie  un  numéro  brodé  sur  une  p/ièce  de 
drap  ,  en  or  pour  les  officiers  et  sous-officiers ,  en 
laine  pour  les  soldats  et  tambours. 

La  compagnie  dont  je  faisais  partie  fut  la  a™*^  du 
second  bataillon  (i). 

L'embrigadement  eut  lieu  du  t^""  au  9  nivôse 
(21  au  29  décembre);  on  ne  le  termjiia  qu'à 
cette  époque.  Chaque  détachement  retourna  en 
cantonnement. 

La  demi-brigade  se  trouva  attachée  à  la  divi- 
sion du  général  Lcfebvre  (y) ,  formant  l'avant- 
garde  de  l'armée  de  Sambre  et  Meuse. 

(1)  Ce  corps   était   commandé  par  les   CC. 
Cardon,   clief  de  brigade. 

Leloutre ,  chef  du  i*"^   bataillon. 

Augros ,  chef  du   2""®    idem. 

Bonuemaille ,  chef  du  3™''   idem. 

Chapui ,    quartier-maître. 

Lucl  ,    adjudant-nnjor. 

Cuvelier ,   chirurgien-major. 
La  2"^  comp*  du  2"""  bataillon  avait  pour  officiers  ,  lesCC. 

Payen  ,   capitaine. 

Dewez  ,   lieutenant. 

Debonnet ,  sous-lieutenant. 

Derode,   sergent-major. 
J'étais,   comme  caporal,  immatriculé  sous   le   numéro 
d'ordre    1  ^1^0. 

L'effectif  de  la  a""^  demi-brigade  était  estimé  montev 
à   cnviion   3, 000    hommes. 

(2)  ÏMort  maréchal  de  France  et  duc  de  Dantzig. 


(    '62) 

CHAPITRE  XXV 


1794-       Le  10  nivôse  (  5o  décembre),   après  l'opéra- 
A.N  m.  tion  de  l'amalgame,  le  bataillon  où  je  me  trouvais 
occupait  divers  villages ,  non  loin  de  l'abbaye  de 
Closter-Camp. 

Par  accident,  le  feu  prit  à  une  maison  éloi- 
gnée dans  la  campagne.  On  n'en  avait  informé 
la  troupe  que  par  la  générale.  Les  habitants  ne 
s'étant  pas  prêtés  à  secourir  les  incendiés ,  on  en 
demanda  la  raison  au  bourg-mestre.  Il  répondit 
que,  dans  ces  cil-constances ,  on  les  instruisait  par 
le  son  de  la  trompe  (i)  ,  ou  par  le  bruit  du  mar- 
teau à  cliquettes  ;  que  ce  moyen  n'avait  pas  été 
employé ,  parce  qu'il  craignait  que  les  Français 
ne  le  trouvassent  mauvais ,  et  qu'ils  ne  crussent 
que  ce  lût  un  signal  de  lalliement  pour  nuire  à  leurs 
projets.  Le  commandant  s'étant  fait  expliquer  ce 
procédé,  ordonna  qu'à  commencer  de  la  première 
nuit ,  l'ancien  usage  de  la  trompe  aurait  lieu. 

(  I  )  Ce  qu'en  allemand  on  appelle  Thiirnwachter  ou 
•  T^'ncht-Thurn  ;  r/est-à-dire,  qu'un  homme  de  garde  mon- 
tait la  nuit  dans  le  clocher  pour  faire  le  guet.  Depuis 
onze  hemes  jusqu'à  la  pointe  du  jour ,  il  e'tait  obligé , 
après  que  l'horloge  avait  frappé  ,  de  répéter  avec  sa 
trompe  la  quantité  de  coups.  Quand  il  s'agissait  d'un 
incendie,  ce  surveillant  l'annonçait  aussitôt,  en  redou- 
blant et  multipliant  les  sous  avec  vitesse. 


(  .05  ) 

Nous  allions  à  Giieldres  cLerclier  les  vivres.  i-c)/[. 
Etant  obliges  de  traverser  la  plaine  de  Closter-  am  u  . 
Camp ,  nous  remarquions  les  retranchements  qui 
avaient  servi  aux  Français,  du  temps  des  guerres 
de  Hanovre.  Je  connaissais  TListoire  du  célèbre 
chevalier  d'Assas  qui  y  périt,  en  se  dévouant, 
Tan  1760  (i). 

Un  jeune  militaire  n'a  pas  de  plus  grande  jouis- 
sance que  celle  qui  lui  rappelle  quelqu'action 
éclatante  d'un  de  ses  compatriotes,  lorsqu'il  se 
trouve  sur  lé  heu  où  s'est  livrée  la  bataille. 

Ce  qui  m'a  paru  étonnant ,  en  voyageant  dans 
ce  pays-là ,  et  même  depuis ,  c'était  le  mélange 
des  religions.  Je  ne  pouvais  me  taire  à  cette  dif- 
férence de  prier  Dieu.  Ayant  été  élevé  dans  les 
principes  catholiques,  je  croyais  que,  «  hors  de 
»  l'église ,  il  n'y  avait  point  de  salut.  »  Cependant 
j'ai  remarqué  que ,  parmi  les  juifs ,  les  protestants , 
les  luthériens  ,  les  calvinistes  ou  prétendus  réfor- 
més, etc.,  dont  je  fréquentais  souvent,  par  cu- 
riosité, les  synagogues,  les  temples,  les  prêches, 
etc.  ;  chez  lesquels  je  logeais  toutes  et  quantes 
fois  que  l'occasion  se  présentait,  il  y  avait  de  fort 
honnêtes  gens ,  des  êtres  remplissant  avec  beau- 
coup de  ferveLU"  les  devoirs  de  leurs  cultes  (2). 

(1)  Le  Dictionnaire  historique  a  consacvé  un  t»ès-bel 
aiticle  à  îa  louange  de  ce  brave ,  que  Louis  XV  a  ré- 
compensé dans  sa  munificence  royale,  en  assurant  une 
pension  aux  descendants  de   cet  illustre  guerrier. 

(2)  J'ai  lu  avec  une  attention  scrupuleuse ,  les  céré- 
monies ,  les  mœurs  et  les  coutumes  reli^iicuscs  de   tous 


jiç^^j.       Le    17  nivôse  (6  janvier),    l'ancien    5"^''   du 
AK  m.  JNord   rendit  les  comptes  de  sa  gestion  jusqu'à 
son  embrigadement  (t). 

Le  21  (10),  on  réunit  la  demi-brigade  à Gueidres. 
On  délivra,  pour  la  première  fois ,  une  certaine 
quantité  de  capotes  aux  compagnies  qui  étaient 
dans  le  plus  grand  dénuement. 

On  nous  prévint  de  nous  tenir  prêts  à  nous 
appjoclier  de  la  Hollande  (2). 

les  peuples  du  inonde ,  en  1 3  vol.  in-folio.  Cet  ouvrage 
immense  m'a  fait  naître  beaucoup  d'idées  sur  la  manière 
dont  les  nations  rendent  hommage  au  Créateur.  Cet  ob- 
jet est  trop  délicat  et  trop  abstrait  pour  en  parler  ici 
plus  amplement. 

(i)  Pour  régulariser  les  écritures  du  bataillon  ,  on  dressa 
le  registre  -  matricule  dans  le  village  d'Issum  ,  où  s'était 
réuni  l'ex-conseil   d'administration. 

A  cette  époque,  le  corps  comptait  1,776  liomnies  qui 
avalent  figuré  sur  ses  contrôles. 

(2)  Voici  les  cantonnements  qui  furent  occupés  par  une 
partie,  ou  du  3"*  du  Nord^  ou  delà  9"'",  depuis  notre 
départ  de  Gross-Wesling ,  le  i4  frimaire  (4  décembre), 
jusqu'à  notre  arrivée  à  Gueidres  ,  le  21  nivôse  (10  janvier). 

Le  i4  frimaire  (  4  décembre  )  ,  quittant  le  village  de 
Gross-AVeisling,   pour  aller   loger  a   Cologne. 

Le  i5  frimaire  (  5  décembre  )  ,  à   Neuss. 

Le  16  (  6  )  ,  à  Crevelt. 

Le  1 7    (  7  )  ,  à  Gueidres. 

]je  même  jour,  à  Kapelen. 

Le  2 1    (  1 1   )  ,  à  Closter-Camp. 

Du  i*""  au  9  nivôse  (21  au  29  )  ,  on  amalgama  le 
3""   du  Nord. 

Le  xo   (  3o  )  ,  on   retourna  en  cantonnement. 

Le  21  (lo  janvier),  la  demi-brigade  fut  réunie  àGueldtes» 


(  ^^>^  ) 


^»  .^•^^■^^.^•^^•jr-.^r-^T-jT'.jT-^/r'^iT^^r^/r'.^T'.^r-^ 


CIIAPlTPxE  XXYI. 


Le  ^4  nivôse  (  i5  janvier)  ,  nous  reçûmes  l'or-  inq"î. 
drc  de  partir  de  Gueldres ,  le  soir  ,  à  marche  for-  an  m. 
rée.  Nous  nous  mîmes  en  route  vers  les  4  heures, 
par  un  temps  excessivement  mauvais.  Il  était 
tombé  de  la  neige  quelques  jours  auparavant; 
elle  avait  fondu,  et  la  gelée  reviut  si  forte,  que 
les  fleuves  ,  les  rivières ,  les  canaux  se  trouvaient 
tellement  pris ,  que  l'on  profita  de  ce  froid  pour 
faire  pénétrer  les  armées  républicaines  en  Hol- 
lande ,  afin  d'en  opérer  la  conquête. 

Nous  voyageâmes  pendant  la  nuit.  Le  verglas 
fut  si  dangereux,  que  nous  marchions  sans  bottes 
ou  sans  souliers  pour  nous  garantir  des  chutes. 
Comme  je  remplissais  les  fonctions  de  fourrier, 
le  tagnon  (i)  que  je  portais  servait  a  me  guider» 

Le  2  3  (14)5  nous  arrivâmes  k  Xanten,  et  nous 
nous  dirigeâmes  sur  Calcar,  où  nous  déjeunâmes 
chez  un  Français  ,  qui  était  traiteur.  On  nous 
plaça  dans  les  fermes  aux  environs  de  la  ville. 

Le  26  (t5),  la  compagnie  à  laquelle  j'apparte- 
nais ,  fut  logée  dans  le  village  de  Till ,  sur  la  route 

(1)  Espèce  d'étendard  confié  à  cliaqiie  fourrier,  pour 
rectifier  l'alignement  dans  les  bivouacs  et  dans  les  camps. 


(  .66  ) 
1^95.  <ïe  CIcves;noiis  y  restâmes  quelques  jours.  Le 
AK  m.  froid  était  tellement  dense,  l'atmosphère  si  char- 
gée de  vapeurs,  qu'on  aurait  cru  que  le  soleil 
était  éclipsé. 

Pendant  le  solstice  d'hiver  qui  avait  eu  lieu  le 
i^''  nivôse  (21  décembre),  ainsi  que  depuis,  on 
remarquait  que  le  soleil  se  levait  peu  avant  9 
hernies,  et  se  couchait  à  5  heures  quelques  mi- 
nutes; mais  dans  cet  intervalle  ,  il  semblait  que 
nous  étions  dans  une  nuit  éclairée  seulement  par 
la  lune  (i). 

\  oici  le  rapport  qui  a  été  rédigé  de  la  rigueur 
de  la  saison  : 

Bruxelles,  le  7  pluviôse  (2,6  janvier)  (2). 
"  Le  froid  qui  est  monté  à  plusieurs  degrés  de 
»  plus  que  dans  les  hivers  de  1740  et  1788,  a 

(1)  A  Paris,  au  solstice  d'hiver,  le  soleil  se  lève  à 
huit  heures,  et  se  couche  à  quatre  j  ce  qui  produit  une 
difTJrence  de  presque  deux  heures  avec  la  Hollande.  La 
nature  ayant  re'parti  ses  bienfaits  par  égale  portion ,  il 
a  dû  en  re'sulter  que  ,  pour  le  solstice  d'été ,  qui  a  eu 
heu  en  Hollande  le  3  messidor  an  3  (21  juin  1795), 
le  soleil  s'est  levé  peu  avant  trois  heures  du  matin ,  et 
s'est  couché  à  neuf  heures  quelques  minutes  du  soii'. 
A  Paris,  il  ne  s'est  levé  qu'à  quatre,  et  s'est  couché  à 
huit  ;  ce  qui  a  donné  les  deux  heures  de  compensation 
en  moins,  l'été,  à  Paris,  et  en  plus,  lliiver,  pour  la 
même  ville. 

(2)  Cet  article  est  extrait  des  jouraanx  du  temps  j  mais 
le  Dictionnaire  des  batailles ,  vol.  ^,  page  223,  dit:  «  En 
r>  janvier  1795  (  an  3  ) ,  le  froid  étant-  parvenu  à  17 
»  degrés  du  thermomètre  de  Rcaumur  (  21  du  centigrade), 


(  '«7  ) 

»»  déjà  coûté  la  vie  à  plusieurs  individus  indi-  inq^, 
M  gènes  de  cette  ville,  de  même  qu'à  quelques  an  m. 
»  sentinelles  républicaines  qui  ont  été  trouvées 
»  mortes  à  leurs  postes.  » 

Les  soldats  de  la  compagnie,  qiii  étaient  Fla- 
mands, savaient  tous  patiner.  Ils  avaient  tant 
d'agilité  sur  la  glace ,  que  j'étais  flatté  de  rece- 
voir de  leurs  leçons ,  afin  de  pouvoir  les  imiter. 
Je  pris  tant  de  plaisir  à  cet  exercice  que,  du  ma- 

»  les   eaux  de  la  Meuse  et  du  Valial  se  gelèrent  au  point 
»  de  porter  les  charges  les  plus  pesantes.  » 

Pour  rendre  ce  rapport  plus  intelligible ,  on  a  cru 
devoir  donner  ci-après,  l'explication  du  thermomètre  de 
Reaumur. 

Degre's.     Chaleur.  —  Liqueur  montante.  —  Esprit  de  vin. 
80.         Eau  bouillante.    EbulUtion. 
35.         Incubation  des  poulets. 
32  (  ou  32   1/1  ).  Chaleur  du  sang  humain. 
3o  1/2.  Chaleur  de  l'urine. 
3o.         Chaleur  à  Paris,  en   1802  (la  plus  grande  qu'il 

y  ait   fait  ). 
29.         Chaleur  du  lait  de  vache. 
23.         Bains  ordinaires.    Été'  moyen  à  Paris. 
2  3.         Eté  froid  à  Paris. 
21.         Maturité  des  raisins. 
i5.         Serres  chaudes. 
î4-         Chaleur  des  poêles. 
12.         Chaleur   des  appartements, 
ïo.         Température  moyenne. 

9.        Température  des  puits  profonds  et  sources. 

5.        L'huile  d'olive  gèle. 

4.         La  neige  gèle. 

o.         Glace  fondante. 


(  ;fi8  )    ^ 

irq^.  tiii  au  soir,  après  avoir  rempli  mes  devoirs  de 

AN  111.  fourrier,  j'étais  sm-  la  glace. 

Ce  qui  me  surprit,  ce  tut  que  le  canal  con- 
duisait directement  à  Clèves,  dont  nous  étions 
éloignés  de  2  lieues.  Un  patineur  s'en  alla  à  la 
ville,  et  rapporta,  en  moins  d'une  heure,  dilfé- 
rents  objets  que  l'on  ne  pouvait  se  prociuer 
ailleurs  ;  ce  qui  peut  donner  une  idée  de  la 
promptitude  avec  laquelle  on  irancliit  ainsi  un 
grand  espace  en  peu  de  temps. 

Degrés.      Froid.  —  Liqueur  descendante.  —  Esprit  de  vin. 
o.         Glace  fondante. 


Eau  cl  lait  gèlent. 
Urine  et  vinaigre  gèlent. 


Vin  et  encre  gèlent. 
Rivière  gèle ,  et  liiver  doux  à  Paris. 
•j.         Hiver  moyen  à  Paris. 

8.         Les  chevaux  soullVent  et  meurent.  (Obs.  particu- 
lière ). 
10.         La  Seine  prend  en  entier. 

i5.         Les  hommes  souftVent  et  meurent.  (Obs.   parti- 
culière ) . 

16.  1/2  Le  grand  froid  en  1740  et  1788. 

17.  Le  froid  en  Hollande,  en    1795  (  cti   degrés  du 

centigrade  ). 
17  ip.  Congellatiou   de  l'eau-de-vie. 
2  1 .         Froid  ordinaire  à   Saint-Pétersbourg. 

Le  thermomètre  centigrade  de  Chevallier .,  l\  la  tour 
du  Palais,  à  Paris,  est  le  mcme  que  celui  de  Réaumur, 
avec  cette  diftérence ,  qu'au  lieu  de  80  degrés  pour  ar- 
river à  l'eau  bouillante ,  le  thermomètre  centigrade  en 
compte  100  3  ce  qui  fait  mi  5""  de  variation  entre  les 
deux. 


(  i«0  ) 

Le  7  pluviôse  (26  janvier),  nous  parlîmcs  i-ç^^, 
de  ce  village  pour  Clèves;  ensuite  nous  passâmes  aa  m. 
le  Valial  sans  nous  en  douter,  k  cause  de  la  den- 
sité de  la  glace  sur  laquelle  se  trouvaient  en  même 
temps  Tiiitanterie  ,  l'artillerie  ,  la  cavalerie.  Le 
bord  de  la  digue  étant  retranché ,  les  alliés  l'oc- 
cupant ,  on  s'y  était  battu  l'a  vaut- veille. 

La  division  passa  la  nuit  dans  l'ile  d'Over-Bé- 
tnve.  La  9""'  demi-brigade  logea  à  Bemmel,  sans 
avoir  suivi  de  chemin ,  passant  sur  les  fossés ,  les 
canaux,  sans  savoir  sur  quoi  l'on  marchait,  la 
neige  couvrant  entièrement  la  terre.  Les  hommes 
étaient  dans  la  plus  grande  détresse,  presque  nus, 
eu  ésard  à  la  saison  rigoureuse. 

Lue  grande  partie  n'avait  point  reçu  de  capotes. 
Beaucoup  dliommes  eurent  le  nez  ,  les  oreilles  , 
les  pieds  gelés.  Nous  avions  tous  la  moustache 
blanche  ,  les  cheveux  garnis  de  givre  (i). 

Mon  sergent-major  et  moi ,  nous  logeâmes  chez 
un  cordonnier.  Le  Iroid  avait  tellement  pénétré 
dans  la  chambre  où  il  nous  fit  coucher,  que  le 
soir,  à  la  lumière,  on  aurait  cru  être  environné 
de  cristaux,  de  diamants  ou  de  quelques  pierres 
précieuses ,  tant  était  resplendissant  ce  qui  exis- 
tait autour  de  cet  appartement. 

[i]  Je  m'étais  muni  adroitement  de  cuir  d'un  bœuf 
dont  le  poil  avait  été  conservé.  J'en  fis  des  chaussons , 
que  j'attachai  en  cothurnes  avec  une  lanière  ;  de  cette 
manière ,  j'eus  toujours  assez  chaud  aux  pieds.  D'autres 
mirent  du  son  dans  leurs  souliers,  pour  se  procurer  de 
il  chaleur. 


(  170  ) 
i^c)5.  Le  8  (27),  nous  nous  mîmes  en  route  pour 
AN  111.  Ariibeim.  Les  Anglais  ,  en  bataille  sur  la  rive 
droite  du  Rliin  dont  nous  occupions  celle  de 
gauche ,  nous  envoyèrent  des  boulets  r[ui  rou- 
lèrent sur  la  glace  à  une  distance  démesurée; 
nous  nous  en  garantîmes  en  descendant  de  la 
digue,  du  côté  opposé,  cpii  nous  servait  de  re- 
tranchement. 

On  cita ,  dans  le  temps ,  comme  une  chose  cu- 
rieuse, extraordinaire,  cpie  la  cavalerie  française 
dans  la  Nord- Hollande  ,  traversa  au  galop  les 
plaines  de  glaces,  arriva  auprès  des  vaisseaux,  les 
somma  de  se  rendre,  et  prit,  sans  combat,  l'ar- 
mée navale. 

Le  9  (28),  la  demi  brigade  reçut  l'ordre  d'al- 
ler cantonner  dans  l'île  d'Over-Bétuve.  La  com- 
pagnie à  laquelle  j'étais  attaché,  se  transporta  au 
village  d'Angeren ,  près  du  Rhin ,  en  lace  de  Ber- 
klau,  tort  en  terre  appartenant  à  la  Prusse.  L'es- 
couade dont  je  faisais  partie  logea  dans  une  ferme 
nommée  Arm. 

Deux  heures  après  notre  arrivée,  on  fut  forcé 
de  se  mettre  sur  la  défensive ,  parce  que  l'ennemi 
lit  un  mouvement  comme  s'il  eût  voulu  nous  at- 
taquer. Les  Anglais,  cherchant  plutôt  à  se  retirer 
cju'à  combattre ,  laissèrent  les  Français  en  repos. 
La  compagnie  retourna  dans  ses  logements. 

Le  froid  était  si  violent,  la  bise  coupait  tel- 
lement le  visage ,  qu'on  relevait  les  faction- 
naires toutes  les  heures  pendant  le  jour,  et  toutes 
les  demi-heures  pendant  la  nuit.    Malgré  cette 


prccaiition,  souvent  ou  trouvait  des  soldats  gelés  i^qS. 
à  ici:rs  ]>OHtes.  an  m. 

\oki  le  i-appor t  de  notre  passage  en  Hollande, 
le  20  pluviôse  (8  février)  : 

((  L'armée ,  commandée  par  le  général  Jour- 
»  dan,  s'est  mise  en  mouvement,  sans  que  l'on 
j)  puisse  deviner  au  juste  ses  desseins  :  déjà  le 
»  quartier-général  a  quitté  Maëstriclit ,  pour  être 
j)  transféré  à  Crevelt.  Tous  les  cantonnements 
»  qui  garnissent  la  rive  du  Rhin,  à  droite  et  à 
»  gauche  de  Cologne,  viennent  d'être  renforcés 
»  considérablement;  ce  qui  annonce  que  l'on  se 
»  tient  en  mesure  contre  l'ennemi  ;  ou  bien ,  ce 
»  qui  est  plus  croyable,  que  des  forces  considé- 
))  râbles  passeront  le  Rhin,  afin  d'aller  prendre 
»  Mayence  par-derrièie,  et  de  compléter  ainsi  le 
A)  blocus  de  ce  boulevard  de  l'em]^ire.  Par  cette 
»  manœuvre  brillante ,  la  jonction  de  l'armée  de 
»  Sambre  et  Meuse  avec  celle  du  Rhin  s'elî'ectue- 
»  rait,  et  tous  les  projets  nouveaux  de  la  coalition 
»  seraient  encore  déconcertés.  » 

Nous  parûmes  placés  pour  hiverner  dans  ce 
pays  (i). 

(i)  Voici  les  cantonnements  occupés  par  une  partie  du 
corps,  depuis  son  départ  de  Gueldres ,  le  24  i^ivôse  (  i3 
janvier),  jusqu'à  so»  arrivée  à  Huessen,  le  9  pluviôse 
(  28  janvier  )  : 

Le  24  nivôse  (  i3  janvier  )  ,  cpùttant  Gueldres  pour 
aller  loger  à  Marienbauni. 

Le   25  nivôse   (   i4  janvier  )  ,    à  Clèves. 

Le  29   (  18  ) ,  à    Gonds. 

Le  9  pluviôse  (  28  ) ,  à  Huessen. 

I.  12 


(  17^  ) 


*  \^^  .^^<^f^ 


CHAPITRE  XXYIL 


1795.  Dans  l'Over-Bétiive ,  les  maisons  de  campagne 
AN  m.  des  riches  particuliers  sont  carrées,  et  générale^ 
ment  bâties  avec  beaucoup  d'élégance.  La  cour 
est  au  milieu  ;  de  larges  l'ossés  pleins  d'eau  ,  ayant 
un  ou  plusieurs  ponts-levis,  les  entourent.  Dans 
les  douves  des  châteaux ,  on  voit ,  l'hiver ,  de 
beaux  traîneaux  à  caisses  de  cabriolets ,  avec  des 
figures  dorées  sur  le  devant.  Ils  sont  montés  par 
des  dames ,  poussés  par  des  hommes ,  ou  conduits 
par  des  chevaux,  environnés  de  jeunes  gens  qui 
patinent  avec  grâce,  pour  faire  leur  cour  ou  re- 
cevoir des  applaudissements. 

Chaque  meule  à  mettre  le  foin  ou  le  blé ,  est 
soutenue  par  trois  piliers  en  bois,  couverte  d'un 
toit  rond  en  paille.  Le  plancher  où  est  la  charge, 
se  lève  avec  un  cric ,  afin  de  la  garantir  des  inon- 
dations. 

Les  connaissances  que  j'avais  acquises  dans  la 
langue  allemande  me  devinrent  inutiles  en  Hol- 
lande, puisque  ce  pays  a  un  dialecte  particulier. 
A  l'aide  des  Flamands  de  la  compagnie,  j'appris, 
en  peu  de  temps,  assez  de  mots  pour  demander 
mon  nécessaire.  Quand  je  ne  pouvais  parvenir  à 


(  170  ) 
m'exprlmer,  j'ayais  recours  à  qnelqiies-ims  d'eux,  17^^. 
qui  me  tiraient  aussitôt  d'embarras.  an  nu 

Voici  le  rapport  des  progrès  de  Tarmée  : 

Bruxelles,  le  3o  pluviôse  (  18  févriei-). 

«  Les  républicains  se  sont  emparés  d'Emmerich, 
p  ville  forte  siu'  la  rivé  droite  du  Rliin ,  entre  le 
»  fort  de  Sclienck  et  Bess.  » 

Le  froid  cessant,  le  dégel  eut  lieu.  Le  Rhin 
charia  des  glaçons,  des  cadavres  humains,  des 
débris  de  maisons ,  d'ameublements ,  de  vaisseaux, 
d'arbres,  etc.  Ce  spectacle  effrayant  présentait 
des  bizarreries  horribles  à  mes  regards  avides  de 
nouveautés. 

J'aperçus ,  en  frissonnant ,  les  digues  qui  allaient 
désormais  nous  servir  de  remparts  ;  qui  sauvent 
la  vie  à  tant  de  miUions  d'individus.  Elles  ne  sont 
construites  que  sur  nne  certaine  quautité  de  pieux 
piqués  dans  l'eau,  appuyés  sur  quelques  caillou- 
tages ,  dont  les  intervalles  sont  simplement  calfatés 
ou  remplis  de  planches  ,  de  mousse  ou  de  terre. 
Elles  sont  élevées  d'environ  q.5  pieds  au-dessus 
du  sol ,  assez  larges  pour  laisser  passer  deux  voi- 
lures, et  servent  de  grandes  routes. 

Je  me  rendis  sur  le  bord  du  Rhin,  avec  trois 
ele  mes  camarades.  Nous  vîmes  la  débâcle.  Elle 
entraînait  toutes  sortes  d'objets  qui  passaient  rapi- 
dement. Les  glaçons  étaient  amoncelés  au  milieu 
du  fleuve,  de  la  à  t5  pieds  au-dessus  de  la  sur- 
face, ce  qui  formait  une  espèce  de  train.  Chacun 
de  nous  se  livrait  à  de  profondes  réflexions.  Le 
îcmps  se  passait  sans  que  l'on  songeât  à  s'en  re- 

12. 


(■74)^ 
i«cj5.  tourner.  Les  eaux  se  gondaieiit  a  vue  cPœil.  1} 
Aw  m.  était  5  heures.  Nous  nous  dirigeâmes  vers  le  can- 
tonnement. A  peine  avions-nous  fait  20  pas  ,  qiie 
nous  fûmes  arrêtés  par  un  fossé  de  i  lî  à  1 5  pieds  de 
large,  sur  peut-être  6  de  profondeur  j  il  était  à  sec 
lorsque  nous  l'avions  traversé,  et  se  trouvait  alors 
comblé ,  chariant  aussi  des  glaçons  assez  considé-^ 
râbles.  Nous  restâmes  tout  stupéfaits.  Chacun  de 
nous  courut  alternativement  pour  le  franchir. 
Aucun  n'osa  se  risquer.  La  nécessité  qui  rend 
ordinairement  industrieux,  me  fit  naître  l'idée 
d'aller  chercher  le  niàt  d'un  petit  navire  échoué 
sur  le  rivage  que  nous  venions  de  quitter  ;  d'y  at- 
tacher nos  l'ubans  de  queue  formés  en  corde  avec 
des  osiers  entrelacés  de  nos  mouchoirs  de  poche 
et  de  nos  cravates ,  pour  le  retirer  lorsque  cha- 
cun serait  passé.  Le  projet  fut  aussitôt  exécuté 
que  conçu.  Après  avoir  placé  la  perche  au  milieu 
du  fossé ,  je  pris  mon  élan ,  et  je  me  trouvai  sain  et 
sauf  de  l'autre  côté.  On  me  jeta  la  corde;  je  ren- 
voyai le  morceau  de  bois.  Je  fis  la  même  ma- 
nœuvre jusqu'à  ce  que  l'on  fût  arrivé  à  terre.  Nous 
passâmes  tous  ainsi  sans  aucun  accident.  C'était 
l'occasion  d'employer  ce  proverbe  latin  :  «  Asl- 
niis  asinum  jriccit  (i).  »  Pour  nous  rendre  jus- 
qu'au village,  nous  usâmes  plusieurs  fois  de  ce 
même  moyen. 

A.  trois  heures  du  matin ,  nous  fûmes  éveillés 
par  la  générale,  le  canon  d'alarme  d'Arnheim  , 

(1)  Les  amis  s'entr'aideut^ 


(  '7">  )    _ 
qui  annonraicnt  à  la  troupe,  ainsi  qu'aux  hal^itants,   1-95. 
le  danger  où  ils  étaient  de  se  voir  engloutis.  C'é-  as  m. 
tait  les  prévenir  que ,  pour  leui'  sûreté ,  ils  devaient 
i^nmier  les  digues  avec  leurs  bestiaux  et  tous  leurs 
objets  les  plus  précieux.  La  compagnie  se  forma 
aussitôt.   Nous  nous  rendîmes  sur  le  point  qui 
nous  était  assigné,  où  nous  nous  trouvions  enve- 
loppés d'un  brouillard  épais  et   des  ténèbres  de 
ïa  nuit. 

Quand  le  jour  parut,  nous  vîmes  distinctement 
le  péril  qui  nous  menaçait.  Le  pays  au-delà  et  à 
l'orient  de  l'île  était  submergé  à  perte  de  vue ,  et 
l'eau  montée  d'environ  2  5- pieds;  elle  atteignait 
au  niveau  de  la  levée ,  quelques  vagues  passaient 
par-dessus.  La  violence  des  vents  nous  tourmen- 
tait beaucoup  ;  tout  ce  qui  irappait  nos  regards  , 
offrait  le  spectacle  le  plus  triste  et  le  plus  affreux. 
La  plume  se  refuse  à  tracer  de  pareilles  horreurs  1 
La  nature  semblait  être  anéantie.  Les  maisons 
avaient  disparu  en  partie.  On  ne  distinguait  que 
des  cheminées  ou  des  bouts  de  toits.  Les  individus 
qui  y  étaient  restés ,  fuyant  dans  des  barques  et 
luttant  conti'e  les  flots,  couraient  les  plus  grands 
dangers.  Les  oiseaux  de  ces  contrées  ,  chassés  par 
le  débordement,  voulaient  se  reposer  sm'  la  cime 
des  arbres  qui,  fortement  agités,  les  forçaient  à 
planer  dans  les  airs ,  d'où  ils  revenaient  bientôt 
pour  éprouver  la  rnéme  fluctuation.  On  en  re- 
marqua plusieurs  qui ,  par  trop  de  lassitude ,  tom- 
bèrent dans  les  vagues  où  ils  fm^ent  engloutis. 

IKous  craignions j  ainsi  que  les  habitants,  que 


Ï795.  l'i  cliaiissée  ne  crevât,  et  que  l'île  ne  fût  submergée, 
A3S  m.  Un  exprès ,  envoyé  de  vis-à-vis  d'Arnheim ,  an^- 
nonca  que,  pendant  la  nuit,  les  glaçons  s'étaient 
tellement  acciunulés ,  qu'ils  barraient  le  cours  du 
Rliin;  que  s'ils  ne  se  séparaient  bientôt,  l'eau 
passerait  sous  peu  par-dessus  ses  limites.  On  lança 
de  la  ville  beaucoup  de  bombes ,  de  boulets ,  sur 
la  glace  pour  la  briser.  Cette  artillerie  ne  trayant 
pas  un  passage  aussi  prompt  que  le  débordement 
du  fleuve  l'exigeait ,  on  nous  prévint  de  nous  te- 
nir prêts  à  quitter  notre  position,  parce  que  la 
digue  commençait  à  se  ronger ,  malgré  les  soins  , 
des  soldats  et  des  paysans  que  l'on  encourageait 
au  travail.  Ils  mettaient  aitx  endroits  endomma- 
gés ,  des  fagots  attachés  avec  des  cordes ,  des 
planches ,  des  matelas ,  pour  empêcher  l'eau  et  la 
glace  de  rompre  I4  seule  barrière  qui  leur  était 
opposée. 

A  dix  heures  du  matin,  le  danger  étant  par- 
venu à  son  dernier  période  ,  le  moment  de  la 
mort  semblant  inévitable  (i),  nous  abandonnâmes 

fi)  On  peut  citer,  pour  exemple ,  le  malheur  qui  eut 
lieu  en  12^5,  lorsque  l'Océan  rompant  les  digues,  en- 
gloutit un  grand  nombre  de  villages  avec  leurs  habitants^ 
et  qu'il  forma  le  golfe  appelé  aujourd'hui  le  Zuiderzée. 

Le  Journrd  des  Voyages  (*)  dit  :  m  Pendant  ia  tempête 
«  qui  dura  du  3  au  6  février  182')  exclusivement ,  on 
»  porta  à  5  ou  6,000  le  nombre  des  morts  j  à  10,000 
»  celui  des  bêtes  à  cornes  ;  à  100,000  la  quantité  de  mou- 
»  tons  qui  pc-rirent ,  et  à  36  ou  4^  i^s  l)ourgs  ou  vil- 
)>  lages  inondés   à  des  hauteurs  plus  ou   moins  graudee.  « 

l")  7'™'"'  cahitr,  mars  iSaS ,  page  382  et  suivantes. 


(  Ï77  ) 
Angercn  pour  rejoindre   le  bataillon   qui  avait  i^gj, 
l'ordre  de  se  réunir  à  lluessen,  éloigne  d'une  lieue  an  m. 
environ.  Cette  petite  ville,  plus  élevée  que  la 
digue  sur  laquelle  elle  est  bâtie,  pouvait  nous 
préserver  des  malheurs  dont  nous  étions  menacés 
par  la  débâcle.  La  compagnie  s'établit  dans  un 
couvent  de  témmes ,  qui  nous  cédèrent  une  aile 
de  leur   manoir ,   et  se  retirèrent   dans  l'autre 
partie.  Je  lis  le  logement  avec  le  prêtre-directeur 
des  religieuses  ;  nous  arrêtâmes  les  arrangements 
à  la  satisfaction  de  tous  les  intéressés ,  sans  au- 
cune plainte  de  part  et  d'autre. 

Le  cours  du  Rhin  s'étant  rétabli ,  n'ayant  plus. 
le  même  péril  à  redouter ,  nous  laissâmes  le  mo- 
nastère pour  retourner  dans  les  cantonnements 
que  nous  occupions  avant  l'inondation. 

Comme  toute  communication  était  interceptée 
avec  les  lieux  au-delà  de  l'île  que  nous  habitions, 
on  fut  obligé  de  nous  délivrer ,  des  magasins 
d'Huessen,  du  pain  qui  avait  été  gelé ,  et  qui ,  par 
suite,  se  trouvait  moisi  et  pourri.  Nous  ne  re- 
cevions qu'une  demi -ration  de  cette  mauvaise 
nourriture. 

Pour  nous  rendre  au  magasin ,  les  hommes  de 
corvée  et  moi ,  nous  courions  les  plus  grands 
dangers,  parce  que  la  digue,  calcinée  en  plu- 
sieurs endroits ,  était  garnie  de  glaces  difficiles  à 
franchir.  J'ai  souvent  vu  des  soldats,  très-braves 
un  jour  de  combat ,  manquer  de  courage  pour 
passer;  ils  s'en  retournaient  à  vide. 

Après  quelques  distributions  de  ce  mauvais  ali- 


(  '78  ) 
1^95.  mont,  des  militaires  à  moitié  affamés,  mangeaient 
AN  111.  clés  feuilles  de  tabac  en  giii^e  Je  pain,  et  dévo- 
raient toutes  les  denrées  qu'ils  pouvaient  s'appror 
prier. 

Le  pays  où  se  trouvait  la  demi-]}rigade,  n'était 
pas  éloigné  du  Tolliuis,  si  célèbre  sous  Louis  XIV, 
par  le  passage  du  Rhin,  le  9  juin  1672,  que  l'arr 
mée  française ,  pour  pénétrer  en  Hollande ,  fran- 
cliit  à  la  nage ,  sous  les  ordres  du  prince  de 
Condé. 

Le  dégel  continuant ,  il  en  résulta ,  à  cause  de 
l'humidité  et  de  la  mauvaise  nourriture ,  que 
beaucoup  d'hommes  tombèrent  malades.  C'était 
une  espèce  d'épidémie,  qui  heureusement  ne  fut 
pas  funeste  :  car,  après  quelque  séjour  dans  les 
hôpitaux  ,  ils  se  rétablirent  et  reprirent  ensuite 
leur  service. 

Voici  un  rapport  sur  la  situation  de  l'ennemi  : 
Utrecht ,  le  i*""  ventôse  (  19  février). 

<(  Il  se  trouve  encore  à  peu  près  5  k  6,000 
»  alliés  entre  Arnheim  et  Zutphen.  Cette  der- 
»  nière  ville  se  trouve  dans  une  situation  déplo- 
)>  rable  :  les  habitants  sont  réduits  à  la  plus 
))  cruelle  disette;  les  vivres,  le  bois,  les  fourrages 
»  y  manquent. 

»  Les  habitants  des  campagnes ,  plus  malheu- 
»  reux  encore,  sont  livrés  aux  pillages  et  aux 
»  excès  de  tout  genre  que  coimiiettcnt  les  An- 


n  glais.  » 


(  '79) 


yJ^'.^U^UT',!^  ^  jl^.^^^  ■^^^'^'^^•^^•^'•^^  ^'■^'  ■^^'^^^^^■^^^''•^^^^•J^^^ 


CHAPITRE  XXVIII. 


Après  que  les  glaces  eurent  filé  ,  on  établit  un  x'^cp. 
pont-volant  sur  le  Valial.  a?i  m. 

Le  6  ventôse  (  ^4  tevrier  ) ,  nous  étant  éloi- 
gnés du  cantonnement  d'Âugeren ,  nous  passâmes 
ce  fleuve  pour  nous  rendre  à  Nimègue.  Pen- 
dant notre  séjour  dans  cette  cité,  je  visitai,  avec 
un  vit"  intérêt ,  la  citadelle ,  l'ancien  palais  et  la 
maison-de- ville  qui  est  magnifique. 

Le  9  (37),  nous  partîmes  pour  Arnheim,  où 
nous  traversâmes  le  Rhin  sur  un  pont  de  ba- 
teaux. 

Le  10  (28) ,  nous  finies  route  pour  Doesbourg 
en  longeant  l'Issel.  La  division  du  général  Le- 
fe])vre  fut ,  de  toutes  les  troupes  françaises  ,  la 
première  qui  occupa  cette  place. 

Le  1 1  ventôse  (  i^*^  mars)  ,  nous  allâmes  égale- 
ment les  premiers  à  Zutphen  ;  les  habitants  avaient 
du  plaisir  à  nous  voir  :  car,  au  lieu  de  laisser 
distribuer  des  billets  ,  ils  emmenaient  autant 
d'hommes  qu'ils  pouvaient  en  traiter,  nous  re- 
gardant comme  des  libératein-s. 

Je  logeai  chez  un  particulier  si  riche,  ou  au 
moins  si  recherché  dans  son  ameub'Iement ,  que 
les  draps  du  lit  étaient  de  mousseline,  au  milieu 


(  i8o  ) 
1795,  desquels  il  y  avait  une  magiiilique  dentelle,  large 
ji!i  lu,  comme  les  deux  mains. 

La  beauté  de  ce  linge  cadrait  si  peu  avec  les 
lits  que  nous  avions  ordinairement ,  qu'avant  de 
nous  coucher ,  le  sergent-major  et  moi ,  nous 
convînmes  d'ôter  nos  chemises.  Nous  voulions 
passer  la  nuit  sur  des  fauteuils ,  et  respecter  ce 
lit  que  nous  ne  pensions  pas  fait  pour  nous  : 
mais  à  cause  de  la  rareté  du  fait ,  nous  nous  y 
couchâmes  ,  afin  de  pouvoir  dire  que  nous 
avions  dormi  entre  des  draps  de  mousseline  gar- 
nis de  dentelles. 

Le  i4  (4))  nous  logeâmes  à  Groll ,  petite  et 
jolie  ville. 

Le  21  (11),  nous  gagnâmes  Borckelo,  où  nous 
eûmes  séjour. 

Rapport  de  la  marche  de  l'armée. 

Wesel ,  le  ii  ventôse  (12  mai's). 

«  Les  avant-postes  français  se  sont  extrême- 
»  ment  rapprochés  de  cette  ville.  On  leur  sup- 
»  pose  le  projet  de  pénétrer  dans  l'empire  ,  pour 
»  faire  une  expédition  contre  le  pays  d'Hanovre, 
»  Le  général  hanovrien  Walvoden  a  dû  requérir 
»  le  général  prussien  IMollendorf ,  de  se  hâter  de 
»  défendre  cette  frontière  de  l'empire.  » 

JNous  reçûmes  l'ordre  de  prendre  des  canton- 
nements dans  un  rayon  de  10  à  12  lieues  en 
avant  de  Borckelo ,  entre  Deventer  et  Aahus. 
Lorsque  les  fourriers  du  2°^^  bataillon  entrèrent 
dans  le  village  pour  y  faire  les  logements  ,  on 
vit  des  feux  de  bivouac  allumés   sur  diiiérents 


(  i80  _^ 

points,  entr'aiitrcs  un  dans  le  cimetière.  En  rc-  ijr,i 
muant  les  braises  ,  on  découvrit  des  pommes  a>  nu 
de  terre  cuites  ,  que  Ton  mangea.  Nous  augu- 
râmes ,  dès-lors ,  que  des  postes  ennemis  avaient 
habite  ces  lieux.  On  envoya  dehors  une  patrouille 
prise  parmi  les  hommes  qui  nous  avaient  escor- 
tés. Un  instant  après,  on  reçut  le  rapport  que 
des  cavaliers  autrichiens  étaient  par  pelotons  dans 
la  plaine ,  et  qu'ils  paraissaient  avoir  .  l'intention 
de  nous  charger.  Le  bataillon  qui  parut  avec  son 
artillerie  ,  tira  quelques  coups  de  canon.  iVous 
sortîmes  de  l'inquiétude  où  nous  étions  de  ne 
pouvoir  résister  à  cette  cavalerie,  dans  le  cas  où 
elle  nous  aurait  attaqués. 

Nous  apprîmes ,  en  même  temps ,  que  le  quar- 
tier-maître avec  les  fourriers  du  i^'  bataillon , 
ayant  été  surpris  dans  l'endroit  où  ils  allaient 
préparer  le  logement ,  furent  faits  prisonniers  ; 
ils  restèrent  six  semaines  au  pouvoir  des  étran- 
gers ;  ensuite  on  les  rendit. 

Voici  le  rapport  de  la  marche  de  la  troupe  : 

Arulieim  ,  le  4  germinal  (24  mars\ 

«  Les  divisions  de  l'armée  de  Sambre  et  Meuse, 
»  réunies  à  l'aile  droite  de  l'armée  du  Nord,  font, 
»  en  ce  moment,  un  mouvement  pour  expulser 
»  l'ennemi  des  positions  qu'il  occupe  sur  les  rives 
»  de  la  Lippe  et  de  l'Issel.  » 

Les  communes  où  nous  étions  placés ,  étaient 
près  des  pays  de  Westphalie  et  de  Hanovre.  Le 
teu  se  fait  au  milieu  de  l'appartement,  autom-  du- 


(  i8.  ) 
1795.  quel  on  peut  se  cliaufier.  Les  bestiaux  sont  péle- 
AK  m,  mcle  avec  les  campagnards  dans  le  même  local. 

Tous  les  individus  d'une  même  famille,  enve- 
loppés dans  des  peaux  de  chèvre  ou  de  mouton, 
couchent  ordinairement  ensemble  sur  le  stube, 
ou,  quand  il  n'y  en  a  point,  dans  une  espèce 
d'alcove  à  plusieurs  étages. 

Je  mangeai  de  la  chou-croute  avec  des  tranches 
de  lard ,  qiie  je  trouvai  d'un  goût  excellent.  Les 
jainl)ons  de  ce  pays  étaient  fort  estimés. 

Le  6  germinal  (26  mars),  nous  nous  éloi- 
gnâmes de  cette  contrée.  Les  habitants  qui  avaient 
été  [)lus  maltraités  par  les  alliés  que  par  les  Fran- 
çais ,  pleuraient  dans  les  rues  en  voyant  que 
nous  les  laissions  sans  forces  pour  les  défen- 
dre (i'). 

L'ordre  de  rétrograder  ayant  été  donné ,  les 
fourriers,  en  évacuant,  se  dirigèrent  de  Guste- 
rcn  ,  Gelcelaer ,  Need ,  Eibergen ,  sur  Borckelo  ; 
de  cette  dernière  place  sur  GroU ,  Swol ,  Dote- 
kum,  Bresvoorde,  Aenholt,  Scherenbcrg,  Gen- 
djingen  et  Emmerick  ,  où  nous  arrivâmes  le  jour 
qui  avait  été  assigné. 

L'armée  prnssienne  se  trouvait  auprès  de  la 
ville.  Cette  puissance  était  en  traité  de  paix  avec 
la  République  française. 

(i)  La  9™®  demi-brigade  occupait  la  rive  gauche  de  la 
Euyràer-Bccke  ou  Schippbeke ,  rivière  qui,  d'Aahus ,  se 
rend  à  Deventer ,  sépare  le  duché  de  Gueldres  d'avec  l'Over- 
Issel  à  l'est ,  et  la  V/estphalie  au  sud. 


Emmeiick  avait  été  incendié  ;  le  mal  était  tres-^  i  -qS, 
apparent  (i).  j^'^\,,. 

Comme  je  vais  quitter  la  Hollande ,  je  crois 
convenable  de  tracer  les  remarques  que  j'y  ai 
faites. 

Ce  pays  portait  autrefois  le  nom  de  Batmne  ; 
celui  de  Hollande ,  qui  signifie  pays  creux ,  lui  fut 
donné  pai'ce  que  son  terrain  est  presque  partout 
plus  bas  que  la  mer  :  aussi  est-il  entrecoupé  de 
digues ,  de  canaux ,  de  fossés ,  pour  contenir  les 
eaux  et  empêcher  les  submersions.  La  plus  grande 
partie  du  sol  est  couverte  de  tabac ,  ainsi  que  de 
pâturages  qui  nourrissent  un  grand  nombre  de 
bétail ,  surtout  des  vaches ,  dont  le  beurre  et  le 
fromage  sont  la  principale  richesse  des  paysans. 
Le  territoire  ne  produit  point  de  vin;  mais  on 
y  fait  d'excellente  bière.  Il  y  a  des  fleurs  ,  et  sur- 
tout des  jacinthes  très  -  renommées  ;  des  arbres 
aquatiques ,  tels  que  saules ,  trembles  ,  peupliers  ; 
point  ou  peu  darbres  fruitiers. 

L'air  y  est  humide ,  froid ,  malsain.  L'eau  n'est 
ni  pure  ni  bonne.  Ce  pays  n'a  point  de  bois  ;  on 
y  brûle  de  la  tourbe.  liés  maisons  sont  tenues 
dans  une  pi'opreté  rare.  Les  murs  des  chambres 
sont  incrustés  de  faïence.  Tout  en  général  y  est 
lavé ,  essuyé  chaque  jour.  De  crainte  que  l'ex- 
pectoration des  individus  ne  salisse  les  parquets, 
on  se  sert  de  crachoirs  qui  sont  des  vases  d'ar- 
gent,  de  faïence,  de  cuivre  ou  d'autres  matières. 

(i)  Les  journaux,  les  chroniq^ues  du  temps,  n'en  ont 
fait  aucune  mention. 


(  i8,i  ] 
t^pt.  îïs  sont  remplis  de  sablon,^qne  Ton  met  à  Péri- 
jkïj  1 1 1.  trée  des  appartements ,  aux  côtés  des  cheminées  y 
même  sur  les  tables;  tout  le  monde  est  invité  à  y 
saliver.  A  la  porte  de  cliaquc  chambre  on  trouve 
des  brosses  pour  nettoyer  les  pieds  ;  de  larges 
pantoufles   on  des  babouches   que  l'on  chausse 
pour  entrer.  Les  buffets  sont  chargés  de  la  plus 
belle  porcelaine.  Les  Hollandais  aimeraient  mieux 
se  passer  de  feu,  que  de  voir  leurs  cheminées 
noircies  par  la  suie  comme  les  nôtres.  La  pro- 
preté est  l'occupation  perpétuelle  des  femmes. 
Les  hommes  sont  un  peu  gros,  bons  époux,  bons 
pères,  excellents  commerçants.  Ils  passent  pour 
ne  pas  être  déhcats  sur  la  nature  du  gain  ;  ce  qui 
a  fait  dire  de  leur  pays  que,  «  le  démon  de  Tor, 
»  couronné  de  tabac,  y  est  assis  sur  un  trône  de 
»  fromage.  »  Ils  sont  sobres ,  font  un  grand  usage 
de  café.  Leur  boisson  ordinaire  est  du  thé ,  qu'ils 
prennent  avec  un  petit  morceau  de  sucre  candi. 
Ils  fument  beaucoup  dans  de  très-grandes  pipes 
de  terre,  dont  ils  garnissent  des  râteliers  sur  leurs 
cheminées,  pour  les  conserver. 

Les  paysans  portent  simplement  un  habit  de 
bon  drap,  brun  pour  l'ordinaire;  rcs  cheveux 
plats  ou  une  perruque  ronde  ;  un  chapeau  à  trois 
cornes;  un  giîrt  à  poches,  de  diverses  couleurs; 
une  culotte  ;  des  bas  bleus  avec  des  souliers  à 
boucles. 

Les  femmes  sont  petites  :  elles  ont  la  figure 
ordinairement  d'un  blanc  mat.  Elles  sont  belles  , 
mais  sans  expression  ;   elles    sont  bonnes ,   sans 


(  'SJ) 
sensibilité.  Les  filles,  dit-on,  se  permettent  qneî-  i^q^, 
ques  galanteries  j  elles  se  les  interdisent  sévère-  an  m. 
ment  étant    mariées.    Les   femmes   de  la  classe 
brillante  suivent  les  modes  françaises.  Celles  du 
peuple  s'habillent  avec  des  jupons  courts,  des  ta- 
bliers encore  pins  courls  ;  des  casaqnins  qui  sont 
ordinairement  de  di'ap  bleu  et  leur  descendent  à  la 
moitié  des  cuisses.  Elles  ont  de  grands  chapeaux 
ronds  de  paille  ou   de  feutre  ,  par- dessus  leur 
coiffe.  Elles  portent  les  fardeaux  sur  leurs  têtes, 
où  elles  placent  un  bourrelet  pour  en  conserver 
Taplomb  :  ainsi  chargées,  elles  traversent  l'hiver, 
avec  des  patins,  des  plaines  de  glace,  afin  d'aller 
vendre  à  la  ville  leur  lait  ou  leurs  provisions. 

Les  écuries  sont  vastes  ;  ordinairement  deux 
rangs  de  bestiaux  se  regardent.  Il  y  a  un  pas- 
sage entre  eux  pour  leur  donner  k  manger.  Ils 
entrent  par  dehors  ,  présentent  la  tête  à  la 
main  bienfaisante  qui  les  soigne.  Une  pompe,  k 
l'extrémité  de  chaque  auge ,  sert  k  laver  et  à 
abreuver  les  animaux  plusieurs  fois  par  jour.  On 
les  nourrit  avec  du  foin  ou  des  navets ,  des 
pommes  de  terre ,  des  carottes  mêlées  avec  du 
son  ou  de  la  paille  hachée.  Les  chevaux  sont 
gras,  d'une  grande  beauté  ,  mais  peu  vigoureux. 
Le  fumier  est  tiré  en  dehors  ;  l'intérieur  n'est  ja- 
mais malpropre. 

On  voit  beaucoup  de  cigognes  dans  ce  pays  ; 
les  habitants  ont  pour  elles  une  grande  vénéra- 
tion. Ils  arrangent  des  perches  croisées  sur  ;lf  urs 
maisons ,  ou  une  roue  sur  le  haut  de  chaque  (  lie- 


(  >8«  ) 
3795,  mîiiée;  elles  vont  y  placer  leurs  nids.  Ces  oiseaux 
AN  nu  détruisent  les  reptiles ,  les  insectes ,  les  animaux 
dont  fourmillent  les  endroits  marécageux. 

La  nourriture  des  habitants  est  un  pain  cuit 
pendant  vingt  -  quatre  heures  ,  qu'ils  mangent 
d'une  manière  réservée  ,  tartinant  dessus  du 
beurre,  le  coupant  fort  mince,  le  recouvrant  en- 
suite d'ime  tranche  de  pain  très-blanc ,  quand  ils 
sont  à  leiu-  aise.  Lorsqu'ils  sont  pauvres,  ils  sé- 
parent la  beurrée  en  deux  ;  ils  renversent  les 
morceaux  l'un  sur  l'autre,  de  sorte  que  la  subs- 
tance grasse  se  touche.  Ils  font  usage  de  poissons 
et  d'une  grande  quantité  de  légumes,  La  boisson 
ordinaire  est  la  petite  bière,  que  l'on  trouve  gé- 
néralement bonne  ;  elle  se  vend  un  prix  raison- 
nable :  quand  on  en  a  bu ,  pour  l'évacuer ,  on  la 
fait  descendre  en  prenant  de  l'eau-de-vie  de  ge- 
nièvre ou  de  pomme  de  terre.  La  chou-croute 
est  très  en  usage  ;  il  n'y  a  point  de  repas  où  l'on 
n'en  serve ,  ainsi  que  des  pommes  de  terre ,  que 
l'on  accommode  à  toute  sauce.  Pour  déjeuner, 
on  mange  une  espèce  de  bouillie  qu'ils  ajipelicnt 
pape  y  qui,  se  fixant  entre  les  dents,  corrompt 
facilement  les  gencives  en  donnant  le  scorbut. 

Ils  avaient  divers  outils  ou  instruments  ara- 
toires ,  que  ne  possédaient  pas  les  Français , 
mais  qu'ils  se  sont  procurés  depuis.  Ils  sont  véri- 
tablement ingénieux  dans  l'invention  des  tran- 
chants, que  l'on  estime  beaucoup. 

Voici  le  rapport  de  la  paix  avec  le  gouverne- 
ment prussien  : 


(  '8-  ) 
Paris,  le  19  germinal  (8  avril).       inQ^- 

«  On  annonce  qu'une  suspension  d'armes  enirc  ^^  "'* 
»  noire  armée  et  celle  de  Prusse,  a  été  publiée 
»  au  camp  français  sur  les  bords  du  Rliiu.  » 

La  demi  -  brii^ade  n'ayant  pas  été  réunie  en 
entier,  il  en  résulta  que  des  détachements  lurent 
séparés  les  vms  des  autres  (1). 

(1)  Voici  les  cantonnements  qui  furent  occupés  par 
une  partie  du  corps ,  depuis  son  départ  d'Hue.'^sen  ,  le 
0  ventôse  (  2^  lévrier  ),  jusqu'à  son  arrivée  à  Xanten, 
le   18  germinal   (  ^    avril  )  : 

Le  9  ventôse  (  27  février  )  ,  quittant  Huessen  pour 
aller  coucher  au-delà  d'Arnheim.. 

Les  10  et  n  (28  février  et  1^''  mars  )  ,  à  Does- 
bourg. 

Les  iT.  et  i3  ventôse  (  2  et  3  mais  ) ,  à  Vordeniii 
Le  14  (  4  )  ?  ^  Gestrennes. 
Le  21    (  11   )  ,  à  Eberg. 
Le  22  (    12  )  ,  à  Grannelot. 
Le  27    (  17  )  ,  à  Neide. 
Le  6  germinal  (  26  ) ,  à  Utecum. 
Le  8   (  28  )  ,  à  Yestreffer. 
Le  9  (  29  ) ,  à  Eldennes. 

Le   10  (  3o  )  ,  à  Nimègue,  où  soDt  restés  600  hommes 
détachés  de  la  demi-brigade. 
Le  1 5  (4  ^^'^'^  )  7   ^  Clèves. 
Le   16  (    5  )  ,  à  Calcar. 

Le  1 8  (  7  ) ,  à  Xauten ,  où  une    autre    portion   n'ar- 
riva que  le  21    (  lo  ). 


i3 


I 


(  i88  ) 


t^  \^'\^^..^-  ,.^<.^l^,.^-,^  ^^.^T*\^-^^^^  y^^.^^  .^'  .JT^-.^T''^ 


CHAPITRE  XXIX. 


1795.       Le  20  germinal  (9  avril),  la  9™^,  en  quittant 
AN  m.  Emmerich ,  passa  le  Rhin ,  et  se  transporta  à  Cal- 
car;  elle  prit  ensuite  des  cantonnements  dans  les 
environs  de  Rliinberg. 

Dans  les  niarclies  que  nous  avions  faites,  par 
la  mauvaise  nourriture  que  j'avais  prise,  je  me 
trouvais  attaqué  d'une  afiection  scorbutique,  ainsi 
que  de  cette  maladie  cutanée  (la  gale)  ,  qui  est 
héréditaire  dans  beaucoup  de  maisons  en  Hol- 
lande, surtout  chez  les  juifs. 

Le  if\  (10)  ,  ayant  reçu  un  billet  d'hôpital  pour 
me  faire  traiter,  je  m'acheminai  vers  le  couvent 
de  Closter-Camp ,  que  l'on  avait  disposé  pour 
l'ambulance  de  la  demi-brigade.  J'y  reçus  le  trai- 
tement (Convenable  à  ma  double  maladie.  Je  me 
procurai  des  livres  poiu-  me  distraire  dans  ma 
situation  douloureuse. 

Le  27  (i<^)  7  le  fourrier  de  la  compagnie  n'ayant 
point  donné  de  ses  nouvelles  depuis  son  départ 
pour  l'hôpital,  fut  remplacé  pendant  mon  absence. 
Je  pensais  qu'ayant  rempli  par  intérim  ses  fonc- 
tions depuis  son  éloiguement,  sans  avoir  donné 
de  sujet  de  plainte ,  j'aurais  été  nommé  à  sa 
place.  Je  me  trompai  :  le  sergent-major,  qui  était 


indispose  contre  moi  sans  aucune  raison,  obtînt        - 
que    on  prit  un  soldat  qu'on  fît  caporal  et  four-  ^Z 
ncr  le  même  jour.  Je  sentis  un  crève-cœur  des 
plus  i^rands,  en  apprenant  cette  injustice 

Le  I.  floréal  (i-  niai),  étant  rétabli,  n'ayant 
pomt  laisse  le  mal  s^invétérer,  je  m'en  retournai 
avec  cinq  hommes  de  la  compagnie ,  qui  alors 
était  cantonnée  à  Rhiuber^. 

Le  i5  (^.),  remplissant  mon  service  de  caporal, 
on  me  nomma  pour  aller,  avec  huit  hommes 
escorter  ceux  qui  devaient  fourrager.  Je  deman' 
dai,  par  écrit,  le  nombre  de  voitures,  de  char- 
retiers, de  chevaux  qu'il  y  avait  à  surveiller  et  à 
protéger  ;  le  pays  qu'il  fallait  parcourir,  et  le  genre 
de  subsistances  à  rapporter.  Le  commandant, 
étonne  de  mes  questions,  qu'il  regarda  comme  in- 
discrètes, m'ordonna,  sans  autre  réponse,  de  me 
mettre  en  route  en  suivant  le  conducteur. 

Comme  je  l'avais  prévu  ,  lorsque  nous  fiunes 
a  une  heue,  je  vis  beaucoup  d'individus,  surtout 
des  domestiques  montant  des  chevaux  à  poil:  ils 
^éparpillèrent  dans  les  fermes.  Je  fis  charger  les 
voitures  que  j'avais  escortées.  En  arrivant  le  soir 
a  la  ville,  les  paysans  ayant  porté  plainte,  le  com- 
mandant envoya  l'adjudant-sous-officier,  afin  de 
savoir  si  l'on  avait  elfectivement  pillé.  Je  lui  re- 
présentai que  je  n'avais  pas  quitté  le  conducteiu-; 
que,  n'ayant  point  la  hste  des  tartares  (i)  et  ne 

(1)  On  appelle  ainsi,  dans  les  armées,  les  domestiques, 
les  brosseurs  et  les  goujats  qui  sont  au  service  des  of- 
liciers. 

i5. 


(  19,0  ) 
i-gS.  les  connaissant  nullement,  je  ne  pouvais  répondre 
AK  m.  de  leurs  actions.  Il  prescrivit  de  me  punir. 

Le  i4  (5),  je  me  rendis,  vers  lo  heures  du 
matin,  avec  un  sergent,  à  la  prison  de  la  place, 
où  se  trouvaient  des  militaires  de  toutes  armes , 
qui  se  disposèrent  à  me  recevoir  avec  grand  ap- 
pareil. Le  plus  ancien  prenait  le  titre  de  prévôt; 
les  quatre  suivants  s'appelaient  archers  ;  il  y 
avait  aussi  les  huissieis  ,  les  recors  et  les 
suppôts.  Ils  formaient  une  espèce  de  tribunal, 
auquel  le  dernier  arrivé  était  livré.  S'il  éprou- 
vait de  la  répugnance  à  exécuter  l'arrêt  rendu 
cojitre  lui,  il  était  saisi  aussitôt,  et  subissait  une 
peine  très-rigourensc. 

Enfin  le  prévôt ,  revêtu  des  marques'  de  sa 
dignité ,  qui  consistaient  en  un  bonnet  de  pa[)ier 
de  couleur  ,  une  ceintm-c  tricolore  ,  escorté  de 
ses  gardes  plus  ou  moins  chamarrés ,  vint  au- 
devaut  de  moi ,  en  me  chantant  un  couplet  dans 
lequel  il  me  disait  de  payer  ma  bienvenue,  ou 
que  je  recevrais  des  coups  de  savate.  Je  n'avais 
qu'un  parti  à  prendre,  c'était  de  régaler,  pour 
éviter  le  châtiment. 

Au  même  instant,  cette  magnifique  pompe  fut 
interrompue  par  l'arrivée  d'un  nouveau  détenu  ; 
c'était ,  pour  mon  bonheur ,  le  tambour-major 
du  même  bataillon  que  moi ,  et  qui  me  connais- 
sait. Il  se  refusa  à  toute  espèce  de  politesse  de  la 
paît  du  prévôt,  et,  d'une  voix  de  stentor,  me- 
naça d'étrangler  le  premier  qui  oserait  s'appro- 
cher. Sa  stature  colossale ,  le  son  terrible  de  sa 


(  I90 
Yolx,  en  imposèrent  tellement,  qu'on  le  laissa  fort  i^r)=;. 
tranquille.  La  cérémonie" finit  à  mon  égard;  néan-  a>  m. 
moins  nous   demandâmes ,    celui  que   son   raiig 
destinait  à  marcher  à  la  tête  du  corps  ,  et  moi , 
deux  bouteilles  de  brandevin,  qui  lurent  bues 
entre  tous  les  prisonniers. 

A  deux  heures  après  midi ,  on  vint  m'appeler. 
Je  crus  que  le  commandant,  ayant  reconnu  mon 
innocence,  voulait  me  rendre  la  liberté.  Que  j'é- 
tais dans  l'erreur  !  A  la  porte  se  trouvaient  douze 
hommes  de  garde  qui  m'emmenèrent  ainsi  que  le 
tambour-major ,  par  un  temps  superbe ,  à  travers 
la  ville ,  où  nous  eûmes  la  honte  d'être  regardés 
comme  des  criminels ,  par  tout  le  monde  qui  se 
promenait ,   car   c'était  un   dimanche.   On  nous 
conduisit  dans  des  cachots  destinés  à  renfermer 
les  scélérats,  les  condamnés  aux  galères.  Lorsque 
je  fus  casé  dans  cet  antre  nocturne,  je  crus,  en 
me  voyant  dépouillé  de  tout  ce  C[ue  j'avais  de 
tranchant ,  c[ue  ma  dernière  heure  était  arrivée  ; 
que  je  ne  sortirais  de  là  que  pour  recevoir  la 
mort.  La  basse-fosse  où  l'on  me  plaça  tout  seul , 
était  d'un  étage  si  peu  élevé,  que  je  ne  pouvais 
me  tenir  debout.  Il  y  avait  un  lit  de  camp  si 
court ,  que  j'étais  privé  de  m'étendre.  La  traverse 
était  percée  ;  elle  se  séparait  pour  passer  les  deux 
jambes  ;  on  la  fermait  ensuite  avec  un  cadenas  : 
alors  il  était  impossible  au  prisomiier  de  bouger. 
Le  jour  pénétrait  par  une  ouverture  large  de  G 
lignes,  sur  environ  8  pouces  de  haut. 

Le  lendemain ,  étant  tombé  malade ,  je  denian^ 


(  192  ) 
1795.  tl'^i  îe  cliirnrgien-major,  qui  pensa  c[iie  l'air  de  la 
jkx  m.  prison  était  malsain  ;  il  ordonna  qu'on  me  laissât 
sorlir  dans  la  cour  pendant  deux  heures  chaque 
jour. 

Je  revis  mon  camarade  d'infortune,  qui  avait 
un  même  logement  c|ue  le  mien,  avec  une  sem- 
blable permission  de  se  promener.  Nous  profi- 
tâmes de  notre  liberté  pour  disposer  en  notre 
faveur  le  geôlier ,  à  qui  nous  payions  à  boire  , 
parce  qu'il  avait  du  penchant  à  la  boisson  et 
qu'il  aimait  surtout  les  liqueurs  fortes.  Il  s'api- 
toya sur  notre  situation  ;  au  lieu  de  nous  laisser 
deux  heures  dehors,  il  ne  fermait  nos  cachots 
que  la  nuit. 

Au  bout  de  huit  jours,  n'ayant  au  aucun  de 
mes  camarades,  j'étais  inquiet  sur  mon  sort  futur. 
Un  soldat,  ayant  pénétré  chez  le  geôlier,  obtint 
de  me  parler  ;  il  m'annonça  mystérieusement 
qu'un  conseil  de  guerre  s'assemblerait  le  lende- 
main; qu'il  était  question  de  me  faire  fusiller.  Il 
me  dit,  avec  mi  ton  de  componction,  de  penser 
à  mes  derniers  moments  :  il  ajouta  que  ,  si  j'avais 
quelques  objets  de  prix  ,  je  devais  en  faire  l'a- 
bandon à  ceux  de  mes  compagnons  d'armes  qui 
m'étaient  le  plus  attachés.  Je  lui  répondis  assez 
indifieremment  sur  cet  article.  Lorsque  cet  homme 
fut  parti ,  je  me  livrai  aux  réflexions  les  plus 
tristes. 

Le  Q-i  floréal  (i5  mai),  le  surlendemain  de 
cette  afOigeante  visite,  au  matin,  l'adjudant  vint 
m'appeler.  Je  fus  frappé  de  son  accent.  Je  crus 


(  tO^  ) 
que  rinstant  fatal  ctait  arrivé,   que  j'allais  p.i-  ir-j^j. 
raîlre  devant    le    tribunal    redoutable  ;    mais    la  A>i  m. 
nouvelle  qu'il  avait  à  m'apprendre  était  bien  dif- 
férente :  car  il  venait  me  donner  la  liberté ,  ainsi 
qu'au  tambour-major,  parce  que  le  corps  s'éloi- 
gnait. 

Il  me  rendit  tous  les  objets  dont  j'avais  été 
dépouillé  en  entrant  en  prison.  Sans  ce  départ 
inopiné ,  il  était  constant  que  j'aurais  été  livré  à 
un  conseil  de  guerre  (i). 

(i)  Voici  les  cantonnements  qui  furent  occupés  par 
une  portion  du  corps,  depuis  le  18  germinal  (  7  avril  ), 
où  elle  était  à  Xanten ,  jusqu'à  son  arrivée  au  camp  de- 
vant Dusseldorf ,  le  \i  floréal  (  i*'"   mai  ). 

Le  5  floréal  (  24  avril  )  ,  quittant  Xanten  pour  aller 
à  Sousbeck. 

Le   10   (   29  )  ,   à   Rliiaberg. 

Le   7, 1    (  3o  j  ,   ù  Buinca. 

Le   13   (   1**^  mai  ),   on  campa  sous  Dusseldorf, 


\ 


(  '94) 


CHAPITrxE  XXX. 


1795,       Le  9.5  floréal  (i4  mai),  la  demi-brigade  alla 

AK  m.  de    Rhiiiberg   cantonner    dans   les   environs  de 

Giieldres  ;  la  compagnie  fnt  logée  à  Alpen. 

Le  10  prairial  (29  mai),  le  corps  se  rénnit  à 
Rliinberg. 

Le  1 1  (00) ,  il  prit  la  route  de  Moeurs  et  d'Ur- 
dingen,  où  il  logea. 

Le  12  (  5 1  ) ,  il  arriva  à  Buderick  ;  il  y  baraqua 
en  face  de  Dusseldorf,  le  long  du  Rliin. 

Au  bout  de  quelques  jours,  nous  regrettions 
les  aliments  que  nous  procuraient  les  habitants 
lorsque  nous  logions  chez  eux.  Les  vivres  cjue 
l'on  délivrait  des  magasins ,  étaient  insuffisants 
pour  nous  nourrir  :  car  nous  ne  recevions  jamais 
la  ration  complète. 

Le  i5  prairial  (5  juin)  ,  le  conseil  d'adminis- 
tration chargea  le  capitaine  de  la  compagnie 
d'aller  à  Liège,  chercher  des  effets  d'habillement. 
Cet  ofQcier  me  choisit,  afin  de  l'aider  dans  les 
écritures  que  nécessitait  sa  mission. 

Le  16  (4)  ■.  je  partis  avec  un  détachement  de 
8  hommes  et  des  voitures. 

Nous  franchîmes  la  distance  de  Neuss  à  Juliers 


(•95) 
dans  un  jour.  Le  capilaine,  étant  à  cheval,  avait  1-95. 
pris  le  devant.  a.\  m. 

Le  17  (  5  ) ,  nous  nous  rendîmes  à  Aix-la-Cha- 
pelle. 

Le  1 8  (  6  )  ,  nous  nous  transportâmes  à  Lim- 
bourg ,  où  nous  séjournâmes. 

Le  20  (8)  ,  nous  arrivâmes  à  Liège,  où  nous 
restâmes  jusqu'à  ce  que  l'on  nous  -<3Ût  délivré  les 
vêtements  que  le  capitaine  était  chargé  de  rem- 
porter. 

JN'ayant  d'autre  but  que  de  m'instruire ,  de 
mettre  à  profit  les  occasions  qui  s'en  présentaient, 
je  louai  des  livres. 

Je  parcourus  la  ville  dans  ses  plus  petits  dé- 
tails. Quand  j'étais  fatigué  de  lire,  je  me  prome- 
nais et  me  livrais  à  mes  réflexions. 

Les  écritures  que  Ton  me  confiait  étaient  peu 
de  chose  ;  je  les  regardais  plutôt  comme  un  dé- 
lassement que  comme  un  travail. 


(  196) 


CHAPITRE  XXXI. 


i^jgS.  Le  24  prairial  (12  juin),  nous  nous  mîmes 
AN  111.  en  route  et  revînmes  par  Maëstricht.  Le  soir,  je 
vis  des  militaires  portant  l'uniforme  blanc  du  ré- 
giment de  Bretagne.  J'appris  qu'ils  étaient  échap- 
pés du  massacre  de  Francfort.  Ils  avaient  été 
faits  prisonniers  de  guerre,  conduits  en  Prusse, 
et ,  par  les  bienfaits  de  la  paix  avec  cette  nation  , 
ils  étaient  rendus  à  leur  patrie.  Rentrés  par  Cas- 
sel  ,  ils  se  dirigeaient  sur  la  France.  Je  demandai 
à  ces  soldats  s'ils  connaissaient  mon  frère  (i),  dont 
je  leur  déclinai  le  nom  ;  ils  me  répondirent  qu'il 
était  avec  eux.  Nous  le  cherchâmes  dans  plu- 
sieurs endroits  sans  avoir  pu  le  trouver.  J'aurais 
été  d'autant  plus  flatté  de  le  rencontrer,  qu'il  y 
avait  quatre  ans  que  l'on  n'avait  reçu  de  ses  nou- 
velles chez  mon  père,  et  que  l'on  croyait  qu'il 
était  mort. 

Toutes  mes  recherches  ayant  été  inutiles , 
l'ordre  de  rejoindre  mon  poste  étant  impératif, 
je  priai  plusieurs  des  camarades  de  mon  frère,  de 
l'assurer  de  mes  amitiés,  et  de  lui  dire  les  dé- 

(i)  Il  se  trouvait  au  massacre  du  2  décembre  179^? 
comme  il  a  été   dit  page  58  ,  ligne  8. 


(197  ) 
marches  que  j^vais  faites  infructueusement.  Ces  ,-,95. 
militaires,  fidèles  à  la  ])romesse  qu'ils  m'avaient  aïs  m. 
donnée  ,  lui  en  parlèrent.  J'appris  depuis ,  qu'il 
avait  beaucoup  regrette   que   nous  n'avions  pu 
nous  réunir  dans  cet  instant. 

Le  2  5  (i5),  nous  logeâmes  à  Guelpen,  où 
le  capitaine  nous  atteignit.  Nous  convînmes  du 
jour  de  notre  arrivée  à  Neuss  ;  il  nous  devança 
pour  rendre  compte  de  sa  mission. 

Le  sf)  (  i4),  qui  était  un  dimanche,  nous  tra- 
versions un  hameau  où  deux  soldats  sans  armes, 
en  avant  du  détachement ,  furent  assaillis  par  des 
paysans  qui  les  poursuivirent  à  coups  de  crocs  et 
de  fourches  ;  ils  allaient  les  assommer  ou  les 
éventrer,  lorsque  j'arrivai  avec  c{uatre  hommes 
armés ,  les  auties  étant  restés  de  garde  aux  voi- 
tures. 

Je  commandai  de  charger  les  armes  devant 
cette  populace^  qui  s'enfuit  aussitôt  :  nous  pas- 
sâmes la  nuit  dans  des  habitations  rurales. 

Le  27  (i5),  nous  logeâmes  à  Rolduc,  petite 
ville  qui  a  un  château  et  une  abbaye  de  cha- 
noines ;  nous  y  eûmes  séjour. 

Le  29  (  17)  ,  nous  allâmes  à  Aldenhoven,  où  , 
le  1 1  vendémiaire  précédent  (2  octobre)  ,  l'armée 
de  Sambre  et  Meuse  remporta  une  victoire  si- 
gnalée sur  les  Autrichiens  _,  qui  occupaient  des 
retranchements  formidables  (i).  J'eus  dans  ce 
lieu,  pendant  la  nuit,  dans  le  gras  de  la  jambe 

(i)  Comme  il    a   été  dit  page   160,  ligne  ï. 


(  Î98) 
1795.  gauche,  une  crampe  qui  me  fit  tellement  souffrir, 
AK  ui.  que  j'en  perdis  presque  connaissance. 

Le  5o  (r8),  nous  gagnâmes  Jiiliers,  que  j'eus 
le  temps  de  voir  clans  tous  ses  détails.  C'est  une 
ville  fortifiée  sm-  la  Roër,  dans  une  plaine  fer- 
tile ,  où  le  lin ,  la  garance  et  le  blé  réussissent 
bien. 

Le  i^'' messidor  (19),  nous  nous  dirigeâmes 
sur  Neuss;  nous  remîmes  au  capitaine  les  effets 
bien  conditionnés ,  et  nous  rejoignîmes  ensuite 
le  camp  où  se  trouvaient  nos  camarades. 

J'avais  des  boutons  sur  le  coi'ps  ;  j'attribuais 
cette  ébuliition  à  une  échauffaison  poiu'  laquelle 
je  me  baignais  tous  les  jours  plusieurs  fois  dans 
le  Rhin.  11  m'est  arrivé  souvent  de  prendre  plai- 
sir la  nuit,  lorsque  j'étais  dans  l'eau,  à  regarder 
des  vers  luisants  ou  des  scarabées  qui ,  parfois , 
brillaient  de  mille  étincelles  sur  la  surface  du 
fleuve,  et  disparaissaient  l'instant  d'après.  II  me 
semblait' voir,  autour  de  moi,  une  grande  quan- 
tité de  diamants. 

Le  6  (a4)  ,  les  bains  m'ayant  excité  un  érysi- 
pèle  ou  éruption  d'exanthèmes,  je  fus  forcé  de 
demander  un  billet  d'hôpital. 

Le  7  (20),  je  partis  du  camp  pour  Neuss.  On 
me  mit  dans  une  maison  où  il  n'y  avait  que  de  la 
paille.  Etant  excédé  de  fatigue  et  de  lièvre,  je 
m'endormis  aussitôt.  Nous  étions  au  solstice  d'été. 
Les  nuits  étant  courtes,  je  ne  me  réveillai  cpi'au 
jour  ;  mais  je  me  sentis  tourmenté  d'une  cruelle 
manière.  Eu  me  levant  ,  m'étant  approché  de  la 


(  199  ) 
fenèlre ,  je  fus  étonné  de  voir  que  mes  vête-  1795. 
menis  étaient  gris  de  vermine.  Après  avoir  pris  an  m. 
toutes  les  précautions  pour  rae  nettoyer,  je  par* 
vins  à  détruire  cette  malpropreté. 

Le  8  (  26  )  ,  je  me  rendis  à  l'hospice  du  corps , 
placé  dans  le  couvent  de  Closter-Melir;  j'y  restai 
assez  de  temps  pour  me  rétablir. 

Le  G  thermidor  (  24  juillet  j  ,  l'ébnnition  que 
j'avais  ayant  disparu  ,  et  me  trouvant  radicale- 
ment guéri,  je  retournai  à  l'armée.  Je  logeai  le 
môme  jour  à  Neuss. 

Le  7  (25) ,  j'arrivai  à  la  demi-brigade  baraquée 
devant  Urdingen  (i). 

Le  mcmc  jonr,  le  nouveau  fourrier  fut  dénoncé 
comme  faussaire,  arrêté  et  mis  en  prison.  Il  était 
prévenu  d'avoir  fabriqué  de  faux  bons  de  pain , 
et ,  à  l'aide  de  signatures  supposées ,  reçu 
beaucoup  de  rations  auxquelles  il  n'avait  point 
droit.  La  compagnie  restait  encore  sans  four- 
rier. 

Il  n'y  avait  personne  en  état  de  remplir  cette 
place.  Le  capitaine  m'ayant  envoyé  le  sergent- 
major  pour  m'engager  à  m'en  charger ,  je  re- 
fusai. J'étais  d'autant  plus  fondé  à  ne  pas  ac- 
cepter, c[ue  l'on  en  avait  choisi  un  autre  au- 
paravant. Cette  désobéissance  me  ût  mettre  à  la 
garde  du  camp  ;  mais  les  fourriers  du  bataillon 
m'ayant  conseillé  de  me  conformer  aux  intentions 

(i)  J'étais  porteur  d'un  certificat  du  chirurgien  ,  qui 
m'exemptait  pendant  quinze  jours    de  tout  service. 


(    200    ) 

i^f)5.  de  mes  chefs  jjVn  repris  ies  fonctions  par  in- 
AA  m.  térim. 

Le  9  (27)  ,  le  corps  entra  en  cantonnement  ; 
la  compagnie  occupa  Lanck. 

Le  3 1  (S  août ) ,  la  9"^''  demi-brigade  retourna 
baraquer  à  Urdingen. 

Le  2G  (i5),  plusieurs  officiers  et  sous-officiers 
rentrés  des  prisons  de  l'ennemi ,  reprirent  leurs 
grades.  Je  fus  du  nombre  de  ceux  qui  rétrogra- 
dèrent, et  de  caporal  je  redevins  fusilier.  Je  con- 
servai néanmoins  les  galons  d'une  manière  hono- 
rifique ,  en  continuant  d'exercer  les  fonctions  de 
iourrier. 

Le  même  jour,  on  annonça  que  le  titulaire  de 
la  place  que  j'occupais  ,  avait  été  conduit  dans  la 
prison  de  la  division ,  où  il  devait  subir  un  juge- 
ment, sans  que  jamais  depuis  on  en  eut  entendu 
parler. 

Le  i^'^  fructidor  (18  août)  ,  la  demi-brigade 
partit  d'Urdingen  et  alla  bivouaquer  à  Frimers- 
heim  ,  contre  le  Rhin. 

Elle  travailla  sans  relâche,  ainsi  que  beaucoup 
de  paysans,  à  construire  des  retranchements,  des 
batteries  sur  le  bord  du  fleuve  ,  que  l'on  avait  le 
projet  de  passer  en  présence  des  Autrichiens. 

J'allais  souvent  me  baigner  dans  le  Pihin.  Quand 
j'y  étais ,  je  lavais  ma  chemise  bleue  avec  du 
savon  ;  je  l'étendais  sur  l'herbe  pour  qu'elle  sé- 
chât pendant  que  je  nageais.  Je  la  passais  ensuite 
sur  mon  corps  ,  et  je  retournais  au  bivouac. 


(    201     )• 

-  J'ai  vu  des  soldats  mettant  sur  des  couver-  i^g5. 
tui'cs  de  laine  ,  de  la  vase  on  du  sable  du  llcuve  ,  an  m. 
qu'ils  séparaient  après  pour  en  recueillir  les  par- 
celles d'or  qui  s'y  étaient-  attachées.  Ils  aban- 
doimèrent  cette  entreprise,  attendu  que  le  pro- 
duit ne  les  dédommageait  pas  du  temps  qu'ils  y 
enijiloy  aient. 

Le  lo  (  27  )  ,  la  demi-brigade  travailla  dans 
une  îie  où  elle  resta  jusqu'au  12  (29)  ,  qu'elle 
rentra  au  bivouac. 

Les  soldats ,  dans  un  grand  dénuement  de 
vivres  ,  ne  recevant  pas  la  ration  complète  ,  dé- 
graissaient les  panses  des  bœufs  tués  dans  la 
plaine  pour  le  service  des  troupes  ,  afin  de  pou- 
voir assaisonner  les  pommes  de  terre  qu'ils  se 
procuraient  difficilement.  Ils  coupaient  le  seigle 
encore  en  lait ,  le  broyaient  entre  deux  pierres 
pour  en  ôter  toutes  les  barbes  ;  le  pétrissaient  y 
en  formaient  une  pâte  qu'ils  faisaient  cuire  en 
écartant  les  cendres  du  feu  ;  ils  plaçaient  par- 
dessus ,  le  couvercle  de  la  marmite ,  qu'ils  gar- 
nissaient tout  autour  de  braises  ardentes.  Ils 
mangeaient  cette  pâte  en  guise  de  galette.  Heu- 
reux celui  qui  pouvait  s'en  procurer  !  Mais  cette 
nourriture  était  indigeste  et  malfaisante. 

Le  moment  de  ]iasser  le  Rliin  approchait.  Les 
troupes  manoeuvraient  beaucoup  ,  afin  de  se  fa- 
miliariser aux  évolutions  et  au  maniement  des 
armes. 

Tous  ceux  des  militaires  qui  avaient  des  no- 
tions sur  la  marine ,  étaient  employés ,  dans  leurs 


(    20'2    ) 

i-g5.  grades  ,  au  service  des  barques  que  l'on  avait  fait 
AK  lii.  venir  de  toutes  parts  ,  soit  par  eau  ,  soit  eu  voi- 
ture* Le  2"'*^  bataillon  du  Finistère  ,  incorporé 
dans  la  9*^^^  demi-brigade,  fut  presqu'entièrement 
livré  à  ce  genre  d'occupation ,  parce  que  les  in- 
dividus nés  sur  le  rivage  de  la  mer  avaient  le 
pied  marin.  Tout  alors  soupirait  après  l'instant 
de  traverser  ce  fleuve ^ 

Les  troupes  étant  fatiguées  considérablement 
des  exercices  et  des  corvées  ,  ne  pouvaient  que 
difficilement  se  procurer  l'excédant  des  vivres 
dont  elles  avaient  besoin.  Un  soldat  de  l'es- 
couade, voyant  que  je  ne  me  prêtais  pas,  comme 
les  autres ,  à  aller  chercher  des  subsistances  _,  me 
dit  avec  humeur,  que  je  ne  participerais  pas  à 
celles  que  l'on  avait  apportées.  Il  s'éleva  à  cet 
égard ,  entre  nous ,  ime  querelle  dont  le  résultat 
fut  un  rendez-vous  à  dix  heures  du  soir.  Nous 
ne  pouvions  pas  nous  tromper ,  puisque  nous 
entendions  l'horloge  d'un  village  qui  était  de 
l'autre  côté  du  Rhin. 

Le  18  fructidor  (  4  septembre  ) ,  ce  militaire 
se  trouva  au  heu  assigné  5  il  eut  le  doigt  majeur 
de  la  main  droite  coupé  d'un  coup  de  sabre  qui 
le  mit  hors  de  combat.  Il  reconnut,  en  perdant 
son  sang ,  les  torts  qu'il  avait  eus  de  m'insulter 
grièvement  (i). 

(1)  Voici  les  cantonnements  qui  furent  occirpés  par 
une  portion  du  corps,  depuis  le  12  l'oréal  (  i"'  mai), 
époque  de  sou  arrivée  au  camp  sous  Dusseldorf ,  jusqu'à 


I 


AN  lU. 


(    203   ) 
son  retour  au  Livouac  devant  Fiimerslieim ,  le  12  fruc-  i^oS. 
tidor   (   29  août  )  : 

Le  7   messidor   (  1$    juin  )  ,   quittant   le    camp    placé 
en  face   de   Diisseldorf,   pour  aller   à  celui    d'Urdingen. 

Le   11    (   29  ) ,   on  cantonna  à   Kapelen. 

Le  8   thermidor    (    26    juillet  ) ,    on    vint    camper    à 
Urdingen. 

Le  9  (27  ) ,  on  entra  en  cantonnement  à  Lanck. 

Le  21    (s  8  août  )  ,    on  retourna   camper  à  Urdingen. 

Le   1^"^   fructidor  (   18  ) ,  on   partit  du  camp   pour  bi- 
vouaquer à  Frimersheim. 

Le  10   (  27  ),  on  se  transporta  dans   l'île,   pour  tra- 
vailler  aux  fortltications. 

Le  12    (  29  ) ,  on  entra  au  bivouac. 


ï.  j4 


(  2o4  ) 


CHAPITRE  XXXIl. 


1795.  Le  19  fructidor  (5  septembre),  vers  les  10 
AN  111.  lieures  du  soii',  il  fut  laucé  en  l'air  une  fusée  qui 
servit  de  signal  aux  troupes  qui  s'approchèrent 
du  bord  du  Rhin  pour  le  passer.  Comme  les 
Français  et  les  Autrichiens  avaient  beaucoup  do 
retranchements  et  d'artillerie ,  les  pièces  de  canou 
firent  un  ièu  si  terrible,  qu'on  aurait  pu  croire 
que  les  eaux  étaient  embrasées.  Les  troupes  de 
l'avant-garde  de  l'armée  de  Sambre  et  Meuse , 
commandées  par  le  brave  et  intrépide  général 
Lefehvre ,  commencèrent  leur  embarquement. 
La  (V""  demi-l)rigade  d'infanterie  de  ligne,  avec 
beaucoup  d'ordre ,  de  calme ,  de  silence ,  s'em- 
barqua et  passa  le  fleuve.  Durant  la  traversée,  il 
fut  [)rescrit  de  ne  pas  faire  feu,  sous  peine  de 
la  vie. 

Les  bateaux  avant  dérivé  ,  abordèrent  sans 
obstacle,  vers  les  deux  heures  du  matin,  à  Ei- 
ckeikamp,  entre  Duisbourg  et  Dusseldorf ,  sur  le 
pays  de  Beig.  L'année  prussienne  était  sur  ses 
Umiies.  Il  fut  rap[)ortc  que  l'officier  de  cette 
nation,  voulant  s'opposer  au  débarquement,  le 
général  Lefebvre  lui  répondit  :  «  Je  suis  soldat; 
»  je  dois  oLiéir  à  mon  dief  :  le  général  Kléber  est 


(  ^o5  ) 
»  ici.  »  Et  il  ordonna  à  ses  troupes  de  marcher,  i^gl 
Comme  nous  passions  par  corps ,  il  se  trouva  que  an  m. 
deux   demi -brigades  se   rencontrèrent  dans  un 
bois  durant  une  obscurité  profonde,  et  firent  feu 
l'une  sur  l'autre  à  portée  de  pistolet.  Un  tremble- 
ment de  terre  n'eût  pas  produit  un  elFet  plus  ef- 
fravant.  Les  chefs,  aussi  courageux  les  uns  que 
les  autres,  commandèrent  la  charge,  la  baïon- 
nette en  avant.  Ils  reconnurent  à  leur  batterie, 
qu'ils  se  tuaient  entre  compatriotes.  La  méprise  , 
toute  meurtrière  qu'elle  était ,  ne  dura  pas  long- 
temps. Nous  poussâmes  notre  marche.  Quand  le 
jour  vint  éclairer  les  lieux  que  nous  occupions , 
nous  observâmes  un  grand  ordre ,  de  peur  d'être 
surpris  ou  de  tomber  dans  quel  qu'embuscade. 
Voici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  : 
Au  quartier  -  général  ,  à  Crevelt  ,   le  20  fructitîor 
(  6  septembre  ). 

Qillet ,  représentant  du  peuple  près   les  armées 

du  Nord  et  de  Sambre  et  Meuse  ,  au   Comité 

dj  salut  public. 

<(  L'aile  gauche  de  l'armée  de  Sambre  et  Meuse, 
5)  chers  collègues ,  a  forcé  Je  passage  du  Rhin 
»  entre  Duisbourg  et  Dusseldorf ,  en  présence 
»  d'une  armée  formidable,  qui  avrjt  eu  le  temps 
»  de  se  retrancher  avec  toutes  les  règles  de 
)»  l'art.  L'armée  ennemie  a  été  mise  en  pleine 
»  déroute,  et  maintenant  nous  sommes  maîtres 
»  de  la  totalité  du  duché  de  Berg. 

»  La  citadelle  de  Dusseldorf  a  été  prise  d'as- 
»  saut  par  le  bataillon  de  grenadiers  de  la  divi- 

i4- 


(    206    ) 

1795.  »  siôn  du  général  Cliampionnet ,  commandé  pat" 
Aw  m,  »  le  capitaine  d'Iionnières ,  et  la  ville  a  capitulé 
»  sur-le-champ. 

»  Cette  expédition  est  cause  que  cette  portion 
»  de  l'armée  n\\  pu  accepter  la  Constitution  ; 
»  mais  que  les  royalistes  ne  triomphent  pas  de 
»  ce  retard  :  clés  soldats  cpii  ont  encore  en  main 
»  la  foudre  avec  laquelle  ils  ont  si  souvent  frappé 
»  les  trônes  et  les  soldats  des  Rois,  ne  souffriront 
»  jamais  qu'an  nouveau  tyran  règne  sur  leur 
))  patrie.  Au  surplus  ,  la  Constitution  sera  pré- 
»  sentée  au  premier  moment  où  l'armée  se  trou- 
»  vera  en  repos,  et  je  puis  vous  assurer  d'avance, 
»  que  ce  jour  sera  pour  elle  un  jour  de  Icte. 

»  On  a  pris  sur  l'ennemi  beaucoup  d'artillerie 
»  et  de  munitions. 

»  Je  vous  adresserai,  par  le  premier  courrier, 
»  le  rapport  officiel  des  généraux.  Celte  journée 
»  ne  doit  pas  être  perdue  pour  l'histoire  ;  elle 
»  mérite  d'être  placée  à  côté  des  victoires  les  phis 
»  signalées  de  cette  guerre  :  elle  met  le  comble 
»  à  la  £îloire  de  cette  brave  armée. 

o 

»  La  Convention  nationale ,  après  avoir  en- 
»  tendu  la  lecture  de  la  dépêche  du  représentant 
»  du  peuple  Gilîct,  et  le  rapport  de  son  comité  de 
»  salut  public ,  décrète  : 

»  L'armée  de  Sambre  et  Meuse  ne  cesse  de 
»  bien  mériter  de  la  Patrie. 

»  La  dépêche  de  Gillet  sera  insérée  au  bulletin 
»  de  correspondance  ;  elle  sera  imprimée  sur-le- 
»  champ  avec  le  présent  décret,  affichée  à  Paris 


(    207    ) 

»  dans  les  lieux  accoutumés;  envoyée,  par  des  179). 
»  courriers  extraordinaires,  aux  armées,  aux  dé-  a>  m. 
»  partements  et  au  camp  sous  Paris.  » 

Le  21  truclidor  (7  septembre),  la  division, 
arrivée  devant  Dusseldorf ,  y  séjourna  pour  réunir 
l'armée  et  faire  prêter  serment  à  la  Constitution. 
Cet  acte  (i)  fut  signé  par  tous  les  individus  qui 
savaient  lire  et  écrire. 

Le  22  (  8  ) ,  pendant  que  l'mfanterie  signait  la 
Constitution,  la  cavalerie  battait  deux  escadrons 
du  corps  émigré  français  de  Bussy-Rohan ,  et  les  ' 
jetait  dans  Oppladen. 

Cette  légion  ennemie  avait  un  pantalon  avec 
une  veste  gris-de-fer  ;  les  manches ,  qui  ne  dé- 
passaient pas  les  coudes ,  étaient  terminées  par 
\m  bourrelet  en  poil;  les  avant-bras  étaient  rouges 
jusqu'aux  poignets. 

La  division  eut  chaque  jour  quelques  escar- 
mouches jusqu'à  Siegbom-g  (Siegeberg). 

Le  27  (  10  ) ,  l'araiée  impériale  voulut,  à  Blan- 
kenlDerg  ,  défendre  deux  redoutes  qu'elle  fut 
obligée  d'abandonner  aux  Français,  qui  les  prirent 
de  torce  ;  ils  y  trouvèrent  une  pièce  de  1 3  et  un 
obusier. 

Le  28  (14)7  lîi  division  se  transporta  sur 
Ukerath. 

Le  29  (i5),  elle  se  rendit  à  Altenkirchcn , 

(i)  La  commission  chargée  de  présenter  la  nouvelle 
Constitution ,  avait  fait  son  rapport  au  corps  législatif, 
dans  la  séance  du  5  messidor  (  25  juin  ). 


(    208    ) 

xngS.  OÙ  renncmi,  favorisé  par  une  montagne,  fit  un 
Av  m.  peu  de  résistance. 

Le  5o  (  i  {)  ) ,  elle  marcha  vers  Dillembourg , 
où  elle  séjourna. 

Le  2'"^  jour  complémentaire  (  18  septembre)  , 
elle  bivouaqua  entre  Herbora  et  Wetzlar, 

Le  5  (1.9),  Favant- garde  s'empara,  dans  la 
direction  de  cette  dernière  ville,  de  beaucoup 
d'effets  d'habillement  des  Autrichiens ,  que  l'on 
distribua  le  5  (21).  Ayant  besoin  de  linge,  je 
reçus  une  chemise  que  je  portai ,  mais  qui  était 
si  dure,  que  je  fus  obligé  de  la  laisser  le  lende- 
main ,  ayant  les  membres  écorchés  par  son  frot- 
tement. 
^^  IV.  Le  1^"^  vendémiaire  (aS  septembre),  la  divi- 
sion traversa  Wetzlar  pour  se  tx-ansporter  à  Butz- 
bach. 

Le  bataillon  auquel  j'appartenais ,  étant  chargé 
d'escorter  le  parc  d'ai-tillerie ,  marchait  à  quelr 
que  distance  des  dernières  voitures.  On  vit,  avec 
autant  de  surprise  que  d'effroi,  une  fumée  épaisse 
s'élever  dans  l'atmosphère  ;  on  entendit ,  en  même 
temps,  une  forte  détonation;  de  sorte  que  l'acci- 
dent, arrivé  au  milieu  du  convoi,  se  communi- 
qua à  deux  caissons  en  avant  et  à  autant  en  ar- 
rière. Les  charretiers  de  ceux  plus  éloignés  pri- 
rent la  fuite  en  franchissant  les  fossés  de  la 
grande  route ,  et  gagnèrent  la  plaine.  Par  cette 
précaution ,  ils  parvinrent  à  garantir  le  reste  des 
munitions  d'une  explosion  presqu'inévitable.  Les 
chevaux   des    cinq   attelages   brûlés  ,   plusieurs 


(    209   ) 

tommes  employés  au  parc,  furent  victimes  de  i;^^. 
ce  malheur.    Il   n'arriva    aucun   événement   aux  >k  iv. 
troupes  de  Tescorte.  On  ne  put  savoii-  de  quelle 
manière  le  feu  avait  pris. 

Sur  la  route  et  auprès  de  Butzbach,  il  y  avait 
des  fourches  patibulaires,  auxquelles  se  trouvait 
im  pendu.  J'appris  que  cet  homme,  coutelier  de 
son  état,  avait  fait  mourir  sa  femme  en  lui  plon- 
geant ,  pendant  son  sommeil,  sous  le  sein  gauche, 
une  pointe  longue  et  fort  acérée ,  qu'il  avait  for- 
gée exprès  ,  et  dont  elle  était  morte  sans  que 
l'on  s'aperçût  de  sa  blessure.  S'étant  remarié 
quelque  temps  après ,  il  en  ût  autant  a  sa  seconde 
femme,  qu'il  eut  l'aipxle  beaucoup  regretter.  Enfin 
il  convola  à  un  troisième  mariage  ;  mais  cette  nou- 
velle épouse  s'étant  douté  de  son  cruel  dessein , 
se  défendit  et  appela  à  son  secours.  Le  mari  fut 
arrêté  et  jugé  ;  il  déclara  ses  fautes  ;  reçut ,  ]iar  le 
supplice  du  gibet,  le  châtiment  dû  à  ses  crimes. 
Ce  genre  de  peine  avait  quelque  chose  de  bien 
hideux  :  car  on  voyait  des  corbeaux ,  des  oiseaux 
de  proie  voltiger  autour  du  cadavre,  et  lui  arra- 
cher des  lambeaux  de  chair. 

Le  2  vendémiaire  (  24  septembre)  ,  le  convoi 
arriva  à  Fridberg.  Le  bataillon  rejoignit  la  demi- 
brigade.  J'allai  voir  dans  cette  ville  une  superbe 
saline.  La  division  faisait  des  prisonniers,  et  re- 
cueillait chaque  jour  le  fruit  des  avantages  qu'elle 
remportait  sur  l'ennemi. 

Voici  le  rapport  dressé  à  cette  occasion  : 


(    210    ) 
irqS*  Haiiau,  le  6™*  jour  complémentaire  (22  septemb.), 

Av  iv.  u  Hier  les  Français  sont  entrés  à  Friclbei-c. 
»  A  Ulmstadt ,  ils  ont  surpris  les  Antrichiens 
»  qui  Y  avaient  nn  hôpital.  Les  malades  ,  ainsi 
»  qu'une  grande  quantité  de  lits ,  sont  tombés  en 
»  leur  pouvoir.  » 

Le  0  (25),  la  division  continua  sa  marche 
en  passant  devant  Franctort. 

Un  officier  supérieur  prussien  vint,  avec  son 
état-major,  voir  défiler  les  troupes.  Il  faisait, 
au  général  Lefcbvrc  qui  raccompagnait ,  l'éloge 
de  la  belle  tenue,  de  la  bonne  santé  des  mili- 
taires après  ime  route  aussi  rapide  que  fatigante. 
Il  profitait  de  toutes  les  circonstances  favorables, 
pour  en  dire  des  choses  flatteuses  et  agréables. 

Le  4  (  2^  )  )  ^^  division  s'approcha  du  Mein 
{Mapi). 

Le  5  (27),  elle  se  rendit  vis-à-vis  de 
Hœchst,  où  elle  bivouaqua  siu'  le  côté  droit  de 
la  rivière. 

Voici  le  rapport  de  la  route  depuis  le  passage 
du  Rhin  : 

Cologne,  le  5  vendémiaire  (2^  septembre). 

«  Après  que,  le  19  fructidor  (5  septembre)  , 
»  le  général  Jourdan,  se  fut  mis  en  marche  sin* 
»  cinq  colonnes  pour  se  poxter  sur  la  Lalni , 
»  dont  une  paj-  Wetzlar,  la  deuxième  pai-  Weil- 
»  bourg,  la  troisième  par  Limbourg,  la  quatrième 
»  par  Dietz ,  la  cinquième  par  Nassau ,  les  Autri- 
»  chiens  abandonnèrent  tous  leurs  postes  sur  la 
w  rive  gauche  de  cette  rivière. 


»  Le  2  (^4)5  ^e  général  Joiirdan  était  en  pos-  t^g'î, 
»>  session  do  tout  le  Rliingau  ,  et   on  aitciidait  am  iv. 
»  tons  les  jours  la  rcunioji  avec  le  général  Pichc- 
»  gin  ,  dans  les  environs  de  Franciort.  » 

Pendant  qne  nons  étions  devant  cette  ville,  dont 
j'avais  entendu  parler  avantageusement ,  l'envie 
de  la  voir  me  vint  à  l'idée. 

Le  16  (8  octobre  ) ,  j'obtins  du  chef  de  bri- 
gade ,  ainsi  que  du  général  Lefebvre ,  la  per- 
mission d'y  aller  avec  deux  de  mes  cama- 
rades, dont  l'un  avait  son  épouse  avec  lui. 

Le  1 7  (  9  )  ,  nous  partîmes  et  nous  arrivâmes 
à  environ  dix  heures.  En  entrant,  un  soldat  de 
la  garde  de  la  porte  nous  conduisit  chez  le 
gouverneur,  qui  retint  notre  ordre.  Nous  par- 
courûmes avec  notre  pUi'.iton  toute  la  ville  ,  qui 
était  neutre.  Les  Prussiens  en  faisaient  le  service 
avec  la  milice  bourgeoise. 

jVous  revînmes  chez  le  Efouverncur  chercher 

O 

notre  permission.  Apres  avoir  reconduit  le  soldat 
à  son  poste,  nous  lui  donnâmes  quelques  pièces 
de  monnaie,  et  nous  retournâmes  au  camp  (i). 

(i)  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupés  par  une  por- 
tiou  de  la  9""  demi-brigade,  depuis  le  passage  du  Khin, 
le  19  fructidor  (  5  septembre  ),  jusqu'au  19  vendcmiciire 
(  1 1  octobre  )  ,  que  le  corps  était  devant  le  Mein ,  en 
face  de  Francfort  : 

Le  19  fructidor  (  5  septembre  )  ,  passant  le  Rhin, 
pour   aller  : 

Le   21    (   H  )^   à   Hurseim ,    où  Ton  eut  séjour. 

Le  23  (  9  )  ,  ayant  marcîié  toute  la  journée,  on  ne 
fit  que  cinq  lieues. 


AN  IV. 


(    ^I^    ) 

j_q5^  Le  24  (  lo  ) ,  on  arriva  vis-à-vis  de  Cologne,  où  Von 
se'journa  les  25  et  26   (    11  et   12   ). 

Le  27    (    i3  )  ,   on  s'arrêta  en  vue  de  Siegbourg. 

Le  28  (   14  )  ,  à  Ukerath,   où  l'on  séjourna. 

Le  3o  {16,  on  coucha  sur  la   route. 

Le  1*"^  jour  complémentaire  (  17  )  ,  dans  la  plaine 
de  Piosbacli. 

Le  2    (  18  ) ,  on  resta  la  nuit  près   de  Dillembourg. 

Le   3    (   19  ),    on   se  rendit  proche  de  Wetzlar. 

Les  4  et  5  (  20  et  21  )  ,  on  bivouaqua  dans  un  bois  non 
loin  de   Butzbach. 

Le  1"  vendémiaire  (  23  )  ,  on  se  trouva  placé  à  côté 
de   llombourg. 

Le  2   (  24  ^,   dans  la   direction  de  Filler. 

Le  3   (   2$  )  ,  on  eut  séjour  au  bivouac. 

Le  4  (  2^  )  7    on   fit    un  mouvement. 

Le  5   (  27  ) ,  on   baraqua  en  face  du  Mein. 

Le  19  (  Il  octobre  ),  on  partit  du  camp  pour  aller 
à  une  petite  lieue  de  Francfort. 


(  ^^i5  ) 


CHAPITRE  XXXIII. 


Le  19  vendémiaire  (i  i  octobre),  l'ennemi  nous  i^f)i 
attaqua  j  nous  le  tînmes  en  échec  pendant  la  as  iv 
soirée. 

Le  20  (12),  il  y  eut,  toute  la  journée,  ime 
canonnade  des  plus  vives.  La  ville  d'Hoechst 
souffrit  beaucoup  par  le  feu  des  Autrichiens. 
Les  maisons  au-delà  du  Mein  furent  incendiées 
par  l'aitillerie  française.  La  demi-brigade  ayant 
pris  diverses  positions ,  eut  quelques  hommes  de 
tués  par  les  boulets ,  sans  avoir  trouvé  l'oc- 
casion de  faire  feu.  Le  soir,  les  Impériaux  ayant 
déployé  des  forces  considérables,  la  division  du 
général  Lefebvre  se  mit  en  retraite  ;  favorisée 
par  la  nuit ,  elle  se  dirigea  vers  Koenigstein. 

Voici  le  rapport  de  la  bataille  d'Hœchsl  : 

Francfort,  le  i\  vendémiaire  (i3  octobre). 

«  L'avant-garde  de  l'armée  autrichienne  s'est 
»  avancée  jusqu'à  Nidda ,  dans  la  vue  d'y  pren- 
M  dre  une  position  avantageuse. 

»  A  cet  effet ,  elle  s'empara  de  Nidda  ,  Rodel- 
n  heim  ei  Haussen ,  ainsi  que  des  ponts  dans  ces 
n  deux  derniers  endroits. 

n  Les  Français  ont  abattu  le  pont  qui  commu- 
»  nique  avec  Hœchst.  Ces  différentes  opérations 


(2i4) 

fjç)^.  »  donnèient  lieu  à  une  canonnade  qui  diua  jus-r. 
AN  IV.  »  qu'au  soir. 

»  La  YÏlle  d'îïoeclist  a  beaucoup  soufTert  de  ce 
»  feu ,  et  le  village  de  Nidda  est  entièrement 
»  brûlé. 

»  Hier  au  soir  ,  il  passa  par  ici  un  grand  noni- 
»  bre  de  chariots  avec  des  blessés  autrichiens. 

»  Le  corps  du  général  Nauendorf  est  posté 
»  près  de  Kotterbach.  Le  général  Stoeder  com- 
a  mande  l'avant-garde. 

»  Glaufait  avait  hier  son  quartier  -  général  à 
»  Bergen.  Le  comte  AVartcnsleben  cojnmaiide 
M  l'aile  droite  ,  le  général  Kranz  l'aile  gauche  ,  et 
»  le  général  Vermer  l'armée  de  réserve. 

»  L'armée  française  est  postée  en  ordre  de 
»  balaille  entre  llœchst  et  HoiTlieira  ,  et  Ion 
»  s'attend  à  chaque  instant  à  une  bataille.  » 

Le  21  vendémiaire  (i3  octobre)  ,  à  la  pointe 
du  jour,  nous  traversâmes  Kœnigstein,  petite 
ville  avec  un  fort.  La  division  passant  par  Wiir- 
ges ,  prit  dans  cette  journée  différentes  posi- 
tions instantanées.  Les  étraiigers  ayant  forcé  de 
marches  par  la  route  de  Wetziar  et  d'Herborn  , 
en  explorant  nos  mouvements,  semblaient  vou- 
loir nous  déborder  ,  nous  tourner ,  nous  attaquer 
par-rderrière  5  mais  ils  n'en  firent  rien.  Nous  nous 
rendîmes  à  Limbom-g ,  où  nous  arrivâmes  à  dix 
hernies  du  soir. 

Un  caisson  de  munition  s'étant  brisé  dans  une 
petite  rue ,  la  troupe  fut  obligée  de  s'arrêter  peià-^ 


(2,5) 
.    lit   quelques  iustaiits  ,   où   il    y  eut   du  dé-  i-^^^. 
SOI  dre.  am  iv* 

En  sortant  de  la  ville  ,  vers  une  heure  du  ma- 
lin ,  l'iiiianlerie  prit  posiiion  sur  une  montagne 
qui  la  domine  ainsi  que  la  plaine. 

Il  pleuvait  beaucoup  ;  les  chemins  étaient  mau- 
vais. Les  caissons  ,  en  partie  privés^  de  leurs  che- 
vaux ,  se  transportaient  difficilement.  Le  matin 
ou  en  plaça  une  quantité  sur  le  pont  de  Lira- 
bourg.  On  s'aperçut  que  les  Kaiseriiclis  s'ap- 
prochaient ;  on  y  fit  mettre  le  feu  ,  et  l'on  rendit 
par-là  le  passage  impraticable. 

Le  9.2  (  t8)  ,  de  grand  matin,  le  général  Le- 
ieljvre  ordonna  de  prendre  les  armes.  Il  harangua 
iliaque  corps,  et  annonça  qu'il  fallait  combattre 
les  Autrichiens  qui  paraissaient  dans  la  plaine  , 
pour  couper  la  retraite.  La  troupe  prit  aussitôt 
des  positions. 

Pendant  les  mouvements  de  la  9°^*^  ,îous  les 
fourriers  dont  je  faisais  partie  ,  reçurent  l'ordre 
d'aller  tle  suite  à  Montabaur.  Nous  trouvâmes 
cette  ville  abandonnée ,  sans  y  recevoir  de 
vivres  ;  mais  un  général  nous  prescrivit  de  conti- 
nuer la  retraite ,  en  nous  disant  que  la  division 
du  général  Lefebvre ,  ayant  ordre  de  marcher 
toute  la  journée  ,  se  dirigeait  directement  vers 
Cologne.  Nous  voyageâmes  en  conséquence.  Nous 
nous  acheminâmes  vers  le  pont  de  Neuwied  ,  où 
nous  arrivâmes  à  l'entrée  de  la  nuit 

Taudis  que  cous  étions  sur  le  Rhin,  s'a  van- 


(  p.iG  ) 
i;^c)~.  raient  plusieurs  barques  enllainmées  (i).  Une 
xn  IV.  pi'.nie  des  fourriers  et  moi ,  nous  mîmes  une 
si  grande  promptitude  à  passer,  que,  pendant 
que  ie  pont  se  brisait,  se  rompait  sous  nos  pieds, 
nous  gagnâmes  la  terre.  Plusieurs  brûlots  s'étant 
succédés  avec  la  rapidité  de  l'éclair ,  les  cordes 
lurent  incendiées  et  coupées  ;  le  pont  se  sé- 
para en  pièces  et  morceaux  sur  le  courant  du 
fleuve  violemment  agité  par  un  grand   vent. 

Le  nommé  Henri  Billard  ,  né  à  Dameri ,  étant 
de  corvée  ,  m'avait  accompagné  pour  la  distribu- 
tion. Ne  pouvant  courir  à  cause  de  l'afiluence  ^ 
il  resta  sur  le  bateau  où  il  était  lorsque  le  pont  se 
détacha.  Ayant  abordé,  à  l'aide  de  la  crosse  de 
son  fusil  qui  lui  servait  d'aviron,  dans  une  île  où 
il  demeura  plusieurs  jours  sans  vivres  ,  il  souffrit 
beaucoup.  On  fut  le  chercher  :  il  ne  lui  arriva 
pas  d'autre  accident. 

Nous  passâmes  la  nuit  dans  le  village  de  Wei- 
senthurn* 

(i)  n  paraît  constant ,  disent  tes  ouvrages  qui  parlent 
de  cette  retraite  (*)  ,  que  le  général  Marceau  chargea  lo 
capitaine  du  génie  Souhait,  de  mettre  le  feu  à  tous  les 
bateaux  qui  couvraient  la  Saynbach.  Ce  dernier  calcula 
mal  la  durée  du  temps  nécessaire  à  cette  opération.  Les 
bateaux  en  feu  ,  entraînés  par  le  courant  du  Rhin,  curent 
en  un  instant  embrasé  le  pont,  et  l'armée  se  trouva 
pressée  entre  un  fleuve  étincelant  de  flammes  et  les  Au- 
trichiens qui  la  foudroyaient. 

(*)  Victoires  et  Conquêtes  ,  35  vol.  iu-i)". ,  ei  FHouueur  liançais, 
2  vol.  iîi-S"  ,  page  1^5  du  toaie   i'  '". 


(    217    )     ^ 

Le  '25  (  i5)  ,  nous  nous  mîmes  en  route  pour  1^95. 
Andernach.  an  ivi 

Le  2,4  (  i^  )  7  nous  nous  rendîmes  à  Rémagen. 

A  une  lieue  de  cette  ville ,  sur  la  rive  orien- 
tale du  Rîiin  ,  se  trouvent  une  contrée  pitto- 
resque ,  de  supeibes  bassins  formés  par  les  eaux 
du  lleuve  j  et  un  grand  nombre  de  villages  qui 
se  rangent  jusqu'aux  sept  montagnes ,  dont  le 
Draclienfels  est  la  plus  escarpée. 

Le  2  5  (17),  nous  nous  transportâmes  à  Bonn, 
où  je  vis  le  palais  électoral.  Nous  eûmes  double 
séjour  pour  apprendre  des  nouvelles  de  la  di- 
vision ,  sans  (ju'il  en  parvînt  aucune. 
I  Le  28  (  20  )  ,  nous  continuâmes  notre  route 
isur  Cologne. 

Le  29  (21),  de  cette  ville  pour  aller  à  Neuss  ^ 
Inous  nous  trouvions  à  la  même  hauteur  que  la 
division  qui  était  au  -  delà  du  Rhin  ,  dont  l'ar- 
rière -  garde  nous    égayait  quelquefois  par  des 
charges    partielles ,  qui   avaient    lieu    entre  les 
jchasseurs  français    et  les  hussards  de  l'ennemi. 
I     Le  5o  (22),  de  Neuss   nous  gagnâmes  Dus- 
l'seldorf ,   où  je  rejoignis  la  compagnie. 
I     L'aile  gauche  de  l'armée  ,  réunie  le  5o  (22)  , 
jibaraqua  sous   les  murs  de  cette   place  ,   et  prit 
iiune  position  redoutable.  Ou  traça  une  ligne  en 
avant  du  camp  ,  où   la  division  pouvait    être  à 
couvert  en  cas  de  surprise  de  la  part  des  Au- 
trichiens. 

Suit    le    rapport    qui    a    été    fait     de     cette 
marche  : 


(.18) 

1795-  Position  de  Vannée  de  Samhre  et  Meuse ,  après 
AK  IV.     la  retraite  dHœchst ,  le  20  hrumaii^e  (  1 1  710^ 
vemhre). 

«  Un  corps  assez  considérable  des  meilleures 
M  troupes  de  cette  armée  est  aux  environs  dé 
»)  Dusseldorf ,  où  il  occupe  une  assez  bonne  po- 
»  sition ,  que  l'on  fortifie  encore  chaque  jour 
»  davantage  ;  ce  corps  est  commandé  par  le  gé- 
»  néral  Lefebvre  ,  officier  d'une  capacité  et  d'une 
»  bravom^e  reconnues.  » 

Les  troupes  ,  dans  cette  situation ,  paraissaienfi 
animées  d'une  grande  énergie ,  d'une  nouvelle 
ardem-  (i). 

(1)  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupés  par  une  por- 
tion de  la  9*"*  demi-brigade ,  depuis  la  retraite  du  Mein  , 
le  20  vendémiaire  (  12  octobre  )  ,  jusqu'à  Dusseldorf,  le 
3o  (  22  )  : 

Le  20  vendémiaire  (  12  octobre)  ,  battant  eu  retraite. 

Le  21  (  i3  )  ,  on  arriva  auprès  de  Limbourg. 

Le  22  (    i4   ),  on  changea  de  position  et  l'on  se  battit. 

Les  23  et  24  (  i5  et  16  )  ,  on  bivouaqua  aux  envi- 
rons d'Achenburg. 

Le  25  (   17  ),   proche  d'Altenkirchen. 

Le  26  (    18  ) ,   dans   la  plaine  d'Ukerath. 

Le   27    (    19  )  ,  à  côté  de  Siegbourg. 

Le  28   (  20   ) ,   pi'ès  de  Mulheim. 

Le   29  (  21   )  ,  devant   Dusseldorf. 

Le  3o   (22  )  ,  on  baraqua  au  camp. 


(  219  ) 


CHAPITRE  XXXIY. 


Le  13  brumaire   (6  novembre)  ,  la  9"^*^  demi-  1^95^ 
brigade  fit  un   mouvement.    Après    qu'elle   eut  as  xv. 
quitté  les  retranchements  de  Dusseldorf,  qu'elle 
eut  marché  une  lieue  ,  elle  vint  rejoincbe  sa  posi- 
tion du  matin. 

Le  16  (  7  )  j  elle  partit  du  camp  et  coucha 
à  Oppladen. 

Les  1 7  et  1 8  (  8  et  9  )  ,  le  corps  s'était  porté 
sur  la  Sieg ,  auprès  de  laquelle  il  bivouaqua. 
On  voyait  ,  sur  la  montagne  qui  domine  Sieg- 
bourg  ,  l'abbaye  de  bénédictins  réservée  aux 
nobles  ;  elle  était  placée  au  centre  de  ses  pro- 
priétés, dont  la  ville,  située  au  bas  des  vignes, 
taisait  partie. 

Le  2  frimaire  (23  novembre)  ,  le  corps  leva 
le  camp ,  à  une  heure  après  minuit ,  pour  pas- 
ser le  Rhin  à  Duytz  ,  sur  le  pont  volant ,  afin 
d'aller  cantonner  à  Cologne  ,  où  nous  arrivâmes 
dans  la  matinée ,  n'ayant  eu  que  6  lieues  à  par- 
courir. 

Nous  fûmes  distribués  sans  billets ,  attendu 
que ,  selon  l'usage  de  cette  grande  cité ,  un  ca- 
pitaine de  quartier  était  chargé  de  la  réparti- 
tion  des  militaires. 

I.  i5 


(    220    ) 

i-qS.  ^^1  ^^  plaça  chez  un  marcliand  épicier  en  gros  J 
Al,  lY.  mon  lot  ne  tut  pas  des  plus  mauvais,  ce  qui  ne  doit 
pas  étonner  :  car  un  fourrier ,  après  s'être  as- 
suré de  la  bonté  du  logement  de  ses  supérieurs , 
ne  manque  pas  d'apporter  une  attention  scru- 
puleuse pour  le  sien.  Mon  hôte  me  reçut  très- 
bien  ;  il  me  donna  une  petite  chambre.  Je  me 
vis  enfin  agréablement  casé  pour  l'hiver.  Je  me 
trouvai  ensuite  aux  distributions  de  vivres. 
Après  m'être  convaincu  que  tous  les  hommes 
de  la  compagnie  avaient  ce  qui  leur  convenait* 
je  rentrai  au  logis.  Je  m'aperçus  C[u'il  y  avait 
trois  demoiselles  tort  jolies.  On  pouvait  Iciu^ 
faire  rai)pIication  de  ce  quatrain  : 

«  Oui ,  les  trois  Grâces  étaient  sœurs  j 
»  Ou  retrouve  ici  leurs  modèles  : 
«   Heureux  qui  fixera   leurs  cœurs  ! 
«   Plus  lieureux  qui  vit  auprès  d'elles!  » 

Je  m'occupai  alors  de  l'emploi  de  mon  temps , 
voulant  profiter  de  notre  tranquillité  pour  m  nis- 
Iruire. 

Je  pris  un  maître  de  langue  allemande,  qui  mo 
procura  les  livres  convenables.  Je  me  transportais 
chez  lui  pour  recevoir  ses  leçons.  Il  reniai  qua 
que  je  taisais  des  progrès  raj)ides  :  car  je  parvins, 
à  l'aide  de  la  grannnaiie  de  iVleidinger ,  à  traduire 
de  suite  des  thèmes  et  des  versions.  Pour  la  pro- 
nonciation, je  m'exerçais  dans  mon  logis.  Je 
donnais  souvent  lieu  de  rire  aux  personnes  à  qui 
j'adressais  la  parole ,  par  les  fautes  que  je  com- 
mettais, sans  que  cela  me  décourageât. 


(  2iii  ) 

Les  assignats  avec  lesquels  on  nous  payait,  i^c)j. 
étaient  cîeverus  comme  nuls  :  car  un  habitant  me  an  iv. 
proposa  de  m'échauger  10,000  irancs  de  ces  va- 
leurs pour  la  somme  de*  9.0  Iraucs  en  or,  q\\e  je 
refusai.  On  ajouta  à  la  solde  de  la  troupe,  en  sus 
de  ce  papier-monnaie ,  8  francs  par  mois ,  en  ar- 
gent y  h  chaque  officier,  sans  différence  de  grade, 
et  5  francs  à  chaque  sous-oificier  et  soldat. 

Le  2  5  frimaire  (16  décembre)  ,  l'ennemi  ayant 
opéré  un  mouvement,  nous  reçûmes  l'ordre  de 
partir  de  suite.  Je  n'eus  que  le  temps  d'adresser 
mes  adieux  à  mon  hôte  et  à  sa  famille,  dont  j'a- 
vais reçu  beaucoup  d'honnêtetés. 

Nous  nous  rendîmes  sur  le  bord  du  Rhin ,  en 
face  de  Neuss. 

Quelques  jours  après ,  nous  rétrogradâmes  sur 
Cologne ,  où  l'on  nous  prescrivit  de  retourner 
dans  nos  logements  respectifs. 

Le  5o  frimaire  (21  décembre),  un  parlemen- 
taire autrichien,  envoyé  par  le  générai  Ciairfait 
au  quartier-général  français,  fut  chargé  de  pro- 
poser un  armistice  (i). 

Durant  le  temps  que  je  restai  dans  Cologne ,  je 
ne  manquai  pas  de  visiter  l'arsenal  ;  il  était  rempli 
de  toutes  sortes  de  machines  qui  avaient  servi  à 
l'attaque  et  à  la  défense  des  Romains,  des  Ger- 

(1)  Les  généraux  français ,  disent  les  Victoires  et  Con- 
quêtes, s'attendant  à  être  attaqués  cliaudemeat ,  furent 
grandement  surpris  de  cette  proposition,  qu'ils  acceptèrent 
sur  -  le -champ. 

i5. 


(    '211    ) 

i^g5.  maius,  des  Gaulois.  La  singularité  de  leur  cong- 
és IV.  truction ,  leur  ancienneté ,  les  rendaient  bien  res- 
pectables à  mes  yeux.  II  y  avait  environ  aoo 
pièces  d'artillerie  de  tous  calibres  ,  parmi  les- 
quelles on  en  montrait  une  d'argent  mêlé  de 
bronze. 

Ce  qui  m'a  le  pins  frappé,  parmi  les  raretés 
tant  aiiciennes  que  modernes  dont  cette  célèbre 
ville  se  trouvait  amplement  munie ,  c'était  que 
tout  corps  d'état  avait  un  local  où  il  se  rassem- 
blait, afin  de  délibérer  sur  les  choses  importantes 
concernant  l'ordre  et  la  tranquillité  des  habitants. 
Chaque  salle  renfermait ,  par  vénération  pour 
ceux  qui  s'en  étaient  servi ,  les  piques  ,  halle- 
bardes ,  lances  ,  cuirasses  ,  brassards  ,  cuissards  , 
cottes  de  mailles  ,  gantelets  ,  casques  ,  sabres  , 
épées ,  arcs  ,  flèches ,  etc.  ,  dont  les  anciens 
Colonais  faisaient  usage  pour  défendre  leur  li- 
berté contre  d'autres  peuples  qui  voulaient  les 
asservir.  Le  soin  que  l'on  donnait  a  toutes  ces 
vieilles  armures ,  me  pénétrait  d'admiration  pour 
cette  nation  si  attachée  aux  principes  de  ses 
ancêtres. 

Une  chose  qui  m'a  étonné,  c'est  qu'un  juif 
qui  se  présentait  à  mie  barrière  de  cette  capi- 
tale ,  où  la  religion  catliolique  seule  était  souf- 
ferte, payait  le  droit  comme  une  bête  à  pieds 
fourchus. 

Mon  capitaine  m'annonça  que  le  chef  de  ba- 
taillon, le  citoyen  Augros,  ayant  entendu  dire  du 
bien  de  moi,  serait  fort  aise  de  me  connaître. 


(  2P.3  )      ^  .. 

J'en  témoignai  ma  surprise  ;  mais  il  m'engagea  à  i  ngS. 
lui  faire  une  visite ,  ajoutant  que  la  protection  an  iv. 
d'un  oificier  supérieur  ne  pouvait  qu'être  favo- 
rable à  un  subordonné.  En  conséquence  ,  je  me 
présentai  chez  le  commandant,  qui  me  reçut  très- 
bien.  Il  me  lit  plusieiu's  questions ,  me  dit  d'aller 
le  voir  quelquefois.  Soit  crainte  d'être  importun, 
soit  timidité,  je  n'y  retournai  plus. 

Ayant  parcouru  tous  les  édifices  publics,  j'avais 
satisfait  ma  curiosité  sur  les  objets  qui  présentaient 
de  l'intérêt  dans  cette  ville  électorale. 

Le  i5  nivôse  (5  janvier)  ,  à  minuit,  la  9°^*  i^jgô, 
demi-bri«ade  reçut  l'ordi-e  de  se  mettre  en  route. 
Il  y  avait  un  soldat  de  chaque  compagnie ,  d'or- 
donnance au  corps-de-garde  de  la  place;  celui  de 
la  nôtre  vint  m'éveiller ,  en  annonçant  qu'à  une 
heure  il  fallait  que  tous  les  fourriers  fussent  réu- 
nis à  ce  poste ,  d'où  ils  devaient  partir  avec  l'ad- 
judant-major. 

Le  16  (  6  )  ,  nous  marchâmes  par  un  temps  si 
obscm-,  que  nous  ne  voyions  rien  à  quatre  pas 
devant  nous. 

En  ma  qualité  de  fomrier  provisoire,  je  faisais 
partie  de  l'avant-garde  qui  se  dirigea  sur  JNeuss, 
pour  préparer  les  logements. 

Le  17  (7)  ,  nous  allâmes  à  Crevelt. 

Le  18  (  8  )  ,  la  compagnie  s'achemina  vers 
Wachtendonck ,  petite  ville  à  deux  lieues  de 
Gueldres ,  où  eUe  prit  son  cantonnement. 

Rapport  sur  les  quartiers  d'hiver  : 


(  2=^4) 

179^*  Bruxelles^  le  20  nivôse   (lo  janvier). 

iiS    IV. 

«  Les  troupes  de  l'armée  de  Sambre  et  Meuse, 
»  commandées  par  le  général  Jourdan ,  sont  en 
»  mouvement  de  tous  côtés  pour  prendre  leurs 
»  quartiers  d'hiver;  en  conséquence,  les  divisions 
»  des  généraux  Lefebvre  et  Grenier ,  qui  se  trou- 
»  vaient  dans  les  environs  de  Bonn,  descendent 
h  sur  Cologne ,  afin  de  faire  place  à  d'autres 
»  troupes  venant  des  environs  de  Coblentz.  Le 
»  quartier  -  général  de  l'armée  va  être  transféré  à 
»  Bonn, 

»  Du  côté  de  la  rive  droite  du  Rhin,  la  sus- 
»  pension  d'armes  a  eu  lieu  aux  mêmes  condi- 
j>  tions  :  \n\  adjudant-général  républicain  a  eu 
»  une  conférence  avec  le  général  Keumayer, 
))dans  laquelle  on  est  convenu  des  points  sui- 
»  vants  ;  savoir  : 

»  Que  la  rivière  de  la  Sieg  servira  de  démarca^ 
»  tion  aux  Autrichiens  ,  et  la  Wupper  aux  Fran- 
))  çais ,  de  telle  sorte  que  le  terrain  qui  se  trouve 
»  entre  ces  deux  rivières  ,  ne  sera  occupé  par 
»  aucun  des  partis.  Ou  ne  pourra  recommencer 
»  les  hostilités  qu'après  s'être  prévenu  lo  jours 
ij  d'avance  ;  en  conséquence  de  ces  arrange- 
»  ments ,  les  Français  ont  déjà  abandonné  le 
»  camp  retranché  qu  ils  avaient  au  -  dessus  de 
»  Dusseldorf ,  et  ils  concentrent  leurs  troupes 
»  dans  cette  ville  et  ses  environs.  Cependant  ils 
»  continuent  avec  la  plus  grande  activité  à  tra" 
»  vaiiler  aux  fortifications  de  cette  place,  afia 


(    525    ) 

»  de  la  mettre  dans  un  état  de  défense  respec-  i-nG. 
»  table.  ».  AN  IV, 

D'après  la  situation  des  choses,  nous  parais- 
sions disposés  à  hiverner  dans  ce  pays  (i). 

(  I  )  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupés  par  une  partie 
de  la  demi-brigade,  depuis  son  arrivée  au  camp  de  Dussel- 
dorf ,  le  3o  vendémiaire  (  28  octobre  )  ,  jusqu'au  18 
nivôse  (8  janvier),  qu'elle  entra  en  cantonnement  dans 
les  environs   de  Crevelt  ; 

Le  i5  brumaire  (  6  novembre  )  ,  quittant  le  camp  , 
y  rentrant  le  même  jour. 

Le  16  (  7  ) ,  on  coucha  à  Oppladen. 

Les  i;7  et  18  (  8  et  9  )  ,  en  marchant  pendant  ces 
deux  jours,    ou  arriva  à  Sieghourg,    où  l'on  bivouaqua. 

Le  a  frunaire  (  23  ) ,  quittant  le  bivouac  à  une  heure 
du  matin,  on  passa  le  Rhin  à  Duytz,  afin  d'aller  loger 
à   Cologne ,    dans  la  section  H. 

Le  16  nivôse   (  6  janvier  )  ,  on  se  rendit    à   Neuss. 

1^6  ^7   (   7  )  ?  ^^  Crevelt. 

Le  18  (  8  )  ,  à  Tunisberg  :  les  compagnies  furent  di-» 
visées  par  cantonnements,  dont  une  logea  à  \^  achten- 
donck. 


i 


(    226    ) 


CHAPITRE  XXXV. 


1796.  Le  21  nivôse  (  1 1  janvier  )  ,  je  rerns  une  lettre 
AK  IV.  de  mon  père  qui  m'annonçait  l'arrivée  de  mon 
frère  aine,  et  l'enchantement  où  se  trouvait  la 
tamille  de  posséder  un  eniant  que  l'on  avait 
pleure,  l'ayant  cru  tué  au  massacre  de  Francfort. 
Je  prjs  la  résolution  daller  participer  au  plaisir 
que  chacun  éprouvait  de  cet  heureux  retour;  mais 
il  était  délendu  de  donner  des  congés  ou  des 
permissions,  sous  quelque  prétexte  que  ce  lût.  Je 
nie  vis  donc  dans  la  nécessité  de  feindre  ma  ma^ 
ladie. 

Le  24  (  14  ) ,  j'obtins  un  billet  d'hôpital. 

Le  2  5  (  i5  )  ,  on  me  conduisit  à  Kempen ,  où 
existait  une  ambulance;  mais,  comme  il  n'y  avait 
pas  de  place,  on  m'évacua  sur  Venloo  ,  où  j'ar- 
rivai le  soir  au  moment  que  l'on  venait  de  fermer 
les  portes. 

M'étant  rendu  dans  un  village  auprès  de  cette 
forteresse,  je  me  présentai  au  bourgmestre,  qui 
me  donna  un  billet  de  logement. 

Le  26  (  ifi)  ,  je  me  mis  en  route.  Lorsqu'il  y 
avait  des  villes  ou  des  villages  à  travers,  qu'il 
était  possible  d'en  faire  le  tour,  je  ne  craignais 


(  "^"^1  ) 
pas  de  marcher  une  ou  deux  lieues  de  plus  pour  i-oG. 
éviter  d'y  entrer ,  afin  de  me  garantir  à  l'oeil  sur-  a.n  n-. 
veillant   de  la    gendarmerie.  J'en  agis  de  même 
pour  laisser  derrière  moi  Ruremonde.  ^  oulant 
traverser  la  Roër,  je  suivis  le  bord  jusqu'à  ce 
que  j'eusse  rencontré  mi  bateau.   Un  pâtre  me 
transporta  de  l'autre  côté  de  la  rivière.  Je  con- 
tinuai mon  chemin  et  allai  coucher  auprès  de 
Susteren. 

Le  27  nivôse  (  17  janvier) ,  ayant  laissé  Beck  à 
ma  droite,  ainsi  que  Maëstricht ,  je  me  dirigeai 
sur  Liège.  Je  m'acheminai  rapidement  sur  la 
route  de  Dinant  que  j'avais  déjà  parcourue. 

Le  28  (18),  j'évitai  Fraineux.  Je  m'arrêtai 
dans  des  fermes  écartées  pom-  boire  et  manger. 
Je  passai  la  nuit  dans  les  environs  d'Havel- 
langen. 

Le  29  (  19  )  ,  je  continuai  vers  Eraptines, 
et  me  transportai  du  côté  de  Dinant,  que  je 
laissai  à  droite.  J'arrivai  à  un  moulin  sur  la 
Meuse,  entre  cette  ville  et  Givet,  où  je  trouvai 
im  paysan  qui  me  passa  au-delà  de  la  rivière. 
Je  fis  le  tour  de  Charlemont,  que  je  vis  à  gauche. 
Je  logeai  dans  une  ferme  isolée. 

Le  5o  (  20) ,  je  pris  route  dans  la  direction  de 
Fumai  et  de  Rocroij  je  tournai  autour  de  ces 
deux  places. 

De  Rocroi  ,  dont  je  connaissais  le  chemin  , 
je  m'acheminai  vers  Maubert- Fontaine. 

Le  i*^'  pluviôse  (21  janvier)  ,  j'allai  d'Auben- 
ton  à  Rosoi,   où  je  mangeai  chez  mon  ancien 


(    228    ) 

1-96.  pâtissier,  qui  me  fît  bon  accueil;  je  coiidiai  dans 
MIS  IV.  une  maison  isolée ,  à  cinq  lieues  emiron  de  cet 
endroit. 

Le  2    (  22  )  ,   en  suivant  la  route   que  j'avais 
parcourue  en   1 792 ,  je  me  rendis  à  JN'eucIiàtel 
et  me  dirigeai  sur  Pieims. 
\  J'arrivai  chez  mon  père  à  8  heures  du  soir,  au 

moment  que  Ton  allait  se  mettre  à  table.  C'était 
le  jour  de  la  Saiut-Vincent ,  fête  des  pays  vi- 
gnobles. Mon  père  avait  réuni  quelques  amis. 
Mes  vêtements,  presque  en  lambeaux,  firent  une 
impression  profonde  sur  l'esprit  des  assistants. 

L'armée  était  alors  dans  un  grand  dénuement. 
Après  avoLi*  changé  de  hardes,  je  ne  pensai  plus 
à  la  fatigue  du  voyage  que  je  venais  de  faire  (i). 
Après  le  souper,  je  pris  part  à  la  danse,  et  j'y 
restai  jusqu'au  lendemain  à  6  heures  du  matin. 

Je  fus  enchanté  de  letrouver  mon  frère  que  je 
n'avais  pas  vu  depuis  six  ans.  Il  me  témoigna 
beaucoup  d'amitié,  et  le  regret  qu'il  avait  éprouvé 
de  ce  que  nous  ne  nous  étions  pas  rejoints  à 
notre  passage  à  Maastricht  (2). 

La  gendaj'mcrie ,  informée  de  mon  retour  , 
l'étant  déjà  de  celui  de  mon  frère ,  fit  prévenir 

(i)  J'avais  parcouru  92  lieues  de  poste  ;  mais  à  cause 
des  détours ,  des  circuits ,  j'estimai  avoir  franclii  un  es- 
pace de  120  lieues  en  8  jours;  ce  qui  portait  à  i5  lieues 
environ  chaque  jouinée  ,  en  hiver  ,  qui  est  beaucoup  pour 
un  pie'ton. 

(2)  Comme  il  a   e'té  dit  page  196,  ligne  10. 


(    229    ) 

mon  père  que  nous  devions  nous  rendre  à  Par-  i  -qg. 


moe. 


AN    IV. 


Le  19  pluviôse  (8  février ),  nous  fixâmes, ir- 
révocablement le  jour  de  nptre  départ  au  len- 
demain, et  nous  times  nos  apprêts  en  consé- 
quence. 


(    23o    ) 


CHAPITRE  XXXYI. 


1796,  Le  20  pluviôse  (  9  février  )  ,  nous  nous  mîmes 
AN  IV.  en  route  avec  deux  autres  jeunes  gens ,  en  pas-, 
sant  par  Aï. 

Le  21  (  10  )  ,  nous  déjeunâmes  à  Mareuil.  Nous 
nous  acheminâmes  vers  Chàlons-sur-Marne. 

Le  2 '2  (11),  mon  père  se  présenta  chez  le 
commandant  de  la  gendarmerie,  qui  fit  obtenir 
une  feuille  de  route  à  chacun  de  nous  en  parti- 
el Jier. 

Le  25(12),  nous  allâmes  saluer  M.  Collar- 
deau,  chez  qui  j'avais  été  à  Arras;  il  demeurait 
alors  à  Châlons,  où  il  était  garde-magasin  des 
fourrages.  Il  nous  accueillit  fort  bien.  Dans  celte 
journée,  nous  nous  rendîmes  à  Courtisols. 

Le  24  (  i5  ),  nous  gagnâmes  Sainte-Ménéhould, 
où  nous  eûmes  séjour;  nous  mangeâmes  à  déjeu- 
ner des  pieds  de  mouton. 

Le  26  (  1 5  )  ,  nous  vîmes  fabriquer  des  bou- 
teilles en  passant  aux  Islettes,  qui  est  une  verre- 
rie renommée.  Nous  nous  dirigeâmes  vers  Cler- 
niont-en-,Argonne ,  et  fîmes  des  visites  à  des 
propriétaires  pour  qui  nous  avions  des  lettres  de 
recommanda  tion . 

Le  27  (  16  ) ,  nous  nous  transportâmes  sur  Ver- 


(  .5i  )    . 
dnn,  où  nous  laissâmes  un  de  nos  camarades  au  1^96. 
20'"^  iTgiuicnt  de  chasseurs  à  cheval.  an  iv. 

Les  28  et  29  (  17  et  18  ),  nous  eûmes  séjour , 
pendant  lequel  nous  nous  promenâmes  dans  la 
\ille,  en  mangeant  des  dragées  qui  ont  de  la  ré- 
putation. 

Le  5o  (  19),  nous  nous  transportâmes  àEtain. 

Le  i*"^  ventôse  (5^0)  ,  à  Brici. 

Le  2  (  2 1  ) ,  nous  nous  mîmes  en  route  de  grand 
malin. 

En  chemin  ,  notre  camarade  nous  dit  que  son 
sommeil  avait  été  troublé  toute  la  nuit;  que  sans 
cesse  il  voyait  des  poissons  morts  autour  de  lui. 

Mon  frère  interpréta  ce  songe,  en  Texpliquant 
ainsi  :  «  Avant  24  heures,  il  arrivera  à  notre  ami 
»  quelque  fâcheuse  catastrophe.  »  Je  me  mis  à 
rire  du  ton  persuasif  avec  lequel  mon  frère  assu- 
rait son  interprétation ,  la  regardant  comme  une 
plaisanterie.  11  me  conjura  de  bien  prendre  garde 
à  ce  qu'il  disait ,  parce  qu'il  serait  homme  k  en 
faire  un  pari. 

En  anivant  à  Metz  ,  nous  allâmes  à  la  maison 
commune  pour  avoirTétape.  Notre  surprise  fut 
grande ,  quand  nous  entendîmes  que  l'on  appelait 
un  soldat  pour  conduire  notre  compagnon  de 
voyage  en  prison  ,  le  secrétaire  ayant  cru  remar- 
quer que  l'écriture  de  sa  feuille  de  route  était  al- 
térée. Nous  priâmes,  mon  frère  et  moi,  pour 
qu'on  le  laissât  en  liberté  ;  nous  ne  pûmes  rien  ob- 
tenir. Lorsque  nous  fûmes  au  logement  ,  mon 
frère  me  rappela  la  conversation  du  matin,   eu 


(     202     ) 

,^r)6.  me  disant  que  souvent  les  rêves  sont  le  pronostic 
jkx  IV.  (les  malheurs  ou  accidents  qui  nous  sont  réservés 
dans  un  laps  de  temps  peu  éloigné ,  quelquefois 
même  dans  le  jour  même  C[ui  les  suit. 

Le  5  ventôse  (  22  ) ,  nous  eûmes  séjour,  pen- 
dant lequel  nous  parcourûmes  la  ville  dans  ses 
moindres  détails.  Nous  nous  présentâmes  pour 
voir  le  prisonnier  ;  il  nous  fut  impossible  de  par- 
venir jusqu'à  lui. 

Le  4  (  20  )  ,  ayant  réfléchi  toute  la  nuit  à  cette 
détention,  je  fis  mes  adieux  à  mon  frère,  qui  par- 
lit  ensuite  pour  sa  garnison. 

Je  pris  le  chemin  de  Thionville;  je  me  présen- 
tai au  général  qui  commandait  la  place.  Il  me 
donna  l'autorisation  de  me  rendre  à  la  municipa- 
lité, où  je  reçus  l'ordre  afin  d'aller  à  Strasbourg. 
Le  5  (  24  ) ,  je  m'acheminai  vers  Kédange. 
Le  6  (25),  je  me  transportai  à  Sarre-Libre 
(Sarre-Louis)  ;  j'y  arrivai  malade,  et  j'entrai  à 
l'hôpital  pour  me  rétablh\ 

Le  22  (  12  mars  )  ,  je  reçus  mon  exéat. 
Voici  la  copie  de  mon  billet  de  sortie  : 
«  9*^  demi-hrigade  d infanterie  de  ligne. 
»  Le  citoyen  Médard  Bonnart ,    caporal  audit 
))  régiment ,  natif  de  Dameri,    district  d'Epernai, 
»  département  de  la  Marne,  entré  le  6  ventôse 
»  (  25  lévrier  )  de  Tan  4  de  la  rc])u]jîique  fran- 
»  çaise,  une  et  indivisible,   à  riiùj)ital  de  Sarre - 
»  Libre,  est  sorti  cejourd'iiui  22  dudit  (12  mars 
>.  1796). 

»  5/^eïoucAS. 


/  "^^-, 


X.-. 


;\ 


(  a53  ) 

»  Le  dénommé  ci-dessus,  resté  à  l'hôpital  seize  1790. 
»  jours,  doit  toucher  du  payeur  2  liv.  8  sous.         a>  iv« 

)»  ^  u,  le  commissaire  des  guerres. 

»  iS7g7z^' Vie  VILLE. 

»  Le  directeur  dudit  hôpital.  Signé  Del  Avo'^rE.n 

Un  ami  de  mon  père ,  qui  demeurait  dans  ce 
chef-lieu  d'arrondissement ,  me  fit  entrer  dans  le 
7'"^  régiment  d'artillerie  à  cheval;  mais  quelques 
jours  après,  ayant  senti  que  le  service  de  ce  corps 
était  trop  pénible  pour  moi ,  je  demandai  à  re- 
joindre la  9"'^  denii-brigaele. 

Voici  Texti'ait  du  titre  qui  m'a  été  délivré  : 
«  ]N^    ooç)  de   Venregistî'ement.  —  G  journées  de 

marche ,  sur  le  pied  de  5  lieues  de  poste. 

»   LIBERTÉ.  ÉGALITÉ. 

»  Militaire  à  dix  sous  et  étapes  par  journée  de 
»  maï'che  de  cinq  lieues ,  conformément  au  tarif 
»  annexé  à  la  loi  du  2  thermidor  an  2  (o-ojail- 
»  let  1794^. 

>/  Chemin  que  tiendra  Médard  Bonnart,  etc.  , 
»  pour  se  rendre  à  Strasbourg,  où  il  doit  arriver 
»  le  3o  ventôse  (  20  mars  )  ,  en  passant  par  For- 
»  bach,  Sarguemines,  Bouguenon,  Phalzbourg, 
M  où  la  route  sera  continuée. 

»  Il  lui  a  été  remis,  en  conséquence,  les  cou- 
)»  pons  suffisants  pour  ladite  route,  remplis  de 
r>  ses  noms  et  grade. 

»  Délivré  par  le  commissaire  des  guerres  de 
»  Sarre-Libre ,  le  24  ventôse  (  i4  mars  1796  ),  an 
»  4  de  lu  république  française,  une  et  indivi- 
»  sible.  ))  Signé  \{.  "Sieville.  m 


(  ^H  ) 


CHAPITRE  XXXYII 


1796-      Le  25  ventôse  (  1 5  mars),  je  couchai  à  For- 
^N  ïv.  tach. 

Le  2G  f  16  ) ,  je  gagnai  Sargiiemines. 

Le  27  (  17  ),  je  me  dirigeai  sm'  Boiiguenon. 

Le  28  (  18  )  ,  j'allai  à  Plialzboiirg. 

Le  29  (  19  )  ,  je  m'aclieminai  vers  Saverne,  ville 
au  pied  des  montagnes  des  Vosges.  Je  continuai 
ma  route  jusqu'à  Wasselonne. 

Le  5o  (  20  )  ,  j'arrivai  à  Strasbourg;  j'employai 
le  reste  de  la  journée  à  parcourir  la  ville.  Je  mon- 
tai à  l'extrémité  de  la  tour  de  la  cathédrale,  qui  a 
574  pieds  de  hauteur ,  et  qui ,  ]>ar  conséquent , 
est  la  plus  considérable  de  l'Europe.  J'y  gravai, 
avec  la  pointe  de  mon  sabre,  mon  nom,  ainsi  que 
l'année  que  j'y  passai.  Je  vis,  dans  cette  église  , 
l'horloge  qui  passe  pour  im  chef-d'œuvre  de  mé- 
canique et  d'astronomie. 

Le  i""  germinal  (21  ),  je  me  mis  en  chemin 
pour  Molsheim,  où  était  mon  frère. 

Je  restai  auprès  de  lui,  tant  dans  son  cantonne- 
ment qu'à  ^Strasbourg.  On  me  p^ara  en  subsistance, 
jusqu'au  5  (  2:3  ) ,  dans  là  compagnie  auxiliaire  de 
la  91'''*'  demi-brigade  de  ligne  ,  dont  il  faisait  par- 
tie. A  Fétat-major ,  on   m'expédia  l'ordre  pour 


(  255  ) 
Witlicli,  où  devait  se  trouver  le  quartier-général  i^gG. 
de  rarmcc  de  Sambre  et  IMeuse.  a?j  iv. 

J\  ous  passâmes  ,  mon  irère  et  moi ,  ce  peu  de 
jours  ou  au  café  ou  au  spectacle  ;  enfin  le  plus 
agréablement  possible.  Sentant  que  nous  ne  pou- 
vions rester  plus  long- temps  ensemble,  je  me  dé- 
cidai à  pai  tir. 

Le  5  (  5>5  )  ^  je  tne  dirigeai  sur  Haguenau. 

Le  6  (  aO  ) ,  j'allai  àNiderbronn. 

Le  7  (  27  ) ,  en  me  rendant  à  Bitche,  il  tomba 
de  la  neige  en  si  grande  abondance  _,  que  les  sen- 
tiers et  la  route  dans  la  forêt ,  en  étaient  couverts 
de  plusiem^s  pieds.  A  chaque  instant,  croyant 
marcher  sur  un  terrain  ferme,  j'étais  renversé 
tantôt  dans  un  fossé,  tantôt  sur  une  pierre.  Je 
suis  tombé  cent  fois  dans  cette  journée,  m'affli- 
geant  de  ma  situation,  ne  trouvant  âme  qui  vive 
pour  m'indiqticx  le  chemin.  Enfin  la  nuit  étant 
très-sonibre ,  je  fus  inquiet  sur  mon  sort.  Je  me 
figurais  que  j'allais  seul ,  sans  armes  à  feu ,  n'ayant 
que  mon  sabre,  sans  boire  ni  manger,  rester  ex- 
posé à  l'injure  du  temps  ,  à  la  voracité  des  ani- 
maux sauvages  et  carnassiers,  tels  que  des  loups, 
des  sangliers  ,  que  l'on  annonçait  exister  en  grand 
nombre  dans  ces  forêts  montagneuses.  Je  souffrais 
de  mes  chutes ,  étant  enveloppé  d'une  profonde 
obscvirité. 

Cependant,  à  force  de  marcher,  je  parvins  sur 
le  haut  d'une  montagne  5  j'eus  le  bonheur  d'aper- 
cevoir, entre  des  arbres ,  une  faible  lueur  perpen- 
diculairement sous  moi ,  k  une  distance  énorme  5 
li  16 


179^.  je  la  perdis  plusieurs  fois  de  vue  ;  mais  je  faisais 
AN  IV.  toujours  en  sorte  de  la  retrouver.  Je  n'eus  d'autre 
ressource ,  pour  m'en  approcher ,  que  de  dégrin- 
goler de  rocher  en  rocher,  sans  pouvoir  me  gui- 
der en  aucune  manière ,  à  cause  des  ténèbres  dont 
j'étais  environné^  de  la  neige  qui  tombait  par  flo- 
cons. J'aurais  dû  me  briser  vingt  fois  les  membres. 
Je  parvins,  à   ii   heures  du  soir,  à  la  misérable 
chaumière  dont  j'avais  remarqué  la  clarté.  C'était 
Ja  demeure  d'un  pauvre  charbonnier ,  parlant  al- 
lemand d'une  manière  rustique  ^  que  je  compre- 
nais à  peine.  Il  fut  aussi  effrayé  à  mon  aspect  que 
j'étais  étonné  de  me  trouver  dans    son  h  abi  ta- 
lion (i).  Je  lui  demandai  à  coucher  ;  il  me  répondit 
qu'il  n'avait  pas  de  lit  pom*  lui  ;  que ,  par  la  même 
raison,   il  n'y  en  avait  pas  pour  moi.  Je  le  priai 
de  si  bonne  grâce ,  en  lui  dépeignant  ma  triste  si- 
tuation, qu'il  me  laissa  entrer.  Il  eut  ensuite,  avec 
sa  famille ,  une  grande  pitié  de  moi  :  car  ma  fi- 
gure ,  mes  mains ,  une  partie  de  mes  vêtements 
étaient  ensanglantés.  On  se  servait,  dans  ce  triste 
réduit ,  de  morceaux  de  sapin  enflammés  fixés  au 
mur,   en  guise  de  chandelle.  Cette  pâle  lueur, 
donnant  à  travers  une  fenêtre  dont  les  carreaux 
étaient  de  papier,  avait  servi  de  guide  à  mes  pas 

(i)  Je    me  rappelais  le  conte   du  petit   Poucet;  mais 
au  lieu   de  trouver  un  ogre  dans  la  maison  ,  je  craignais 
d'y  rencontrer  des  voleurs  dont  on  parlait  beaucoup  dans 
le   pays.   Je  redoutais  detre,  comme  Gil  Blas  dé  Santil- 
lahe,  dans  un  repaire  de  brigands,   forcé   de  rester  et 
de  servir  parmi  eux. 


(  25;  ) 
incertains.  Après  beaucoup  de  questions ,  j'appris  i;q6. 
que  je  m'étais  cp;aré  de  trois  lieues.  C'était  un  bon-  Ay  iv. 
heur  pour  moi  d'avoir  g.igrsé  cette  cahute ,  dont 
on  allait  éteinche  la  lumière  ;  on  ne  l'avait  gardée 
si   tard  que  parce  que  c'était  le  dimanche.  La 
grotte  était  la  seule  habitation  de  cette  contrée  ;  si 
je  ne  l'avais  pas  trouvée,  j'aurais  été  exposé    k 
marcher  toute  la  nuit  sans  découvrir  le  moindre 
asile. 

Je  fus ,  chez  ces  malheureux  charbonniers . 
aussi  bien  que  leur  bon  cœur  et  leur  misèie  le 
leur  permettaient.  Je  mangeai  des  pommes  de 
terre  cuites  dans  un  chaudron ,  avec  un  peu  de 
sel  pour  assaisonnement.  Je  bus  de  l'eau  Iraîche  ; 
je  couchai  dans  cette  humble  demeure ,  sur  un 
lit  de  feuilles  qui  servaient  de  plumes.  Quand  le 
jour  fut  venu,  ces  bonnes  gens  me  firent  voir 
l'empreinte  de  mes  pieds,  la  trace  que  j'avais 
laissée  sur  la  neige  pour  arriver  à  celte  caverne. 
Elle  était  adossée  à  une  montagne  à  pic  ,  qui 
semblait  disposée  à  l'engloutir  à  chaque  instant 
sous  ses  fragments.  Je  m'étais  fait  beaucoup  de 
mal  ',  mais  j'aurais  dû  en  éprouver  mille  fois  da- 
vantage, ou  m'ensevehr  sou^s  la  neige,  dans  les 
fentes  des  rochers. 

Le  8  (28),  le  temps  étant  devenu  beau,  je 
suivis  mon  hôte  qui  connaissait  le  chemin ,  malgré 
qu'il  se  trouvât  couvert.  Il  se  transportait  à  Bitche 
pour  ses  affaires  ;  quand  nous  y  fûmes  arrivés,  je 
lui  payai  à  dîner  avec  plaisu-,  et  le  remerciai  sin- 
cèrement de  l'hospitalité  qu'il  avait  exercée  en- 

,1(3. 


1796.  vers  moi.  Dès  qu'il  m'eut  quitté,  je  parcourus  h 
AN  IV.  ville  et  les  fortifications  que  les  Français  ont  ren- 
dues célèbres,  le  •->.()  brumaire  an  2(17  novembre 
1795),  par  leur  vigoureuse  défense  contre  les 
Prussiens. 

Le  9  ('^9),  je  m'en  allai  à  Sarguemines. 

Le  10  (  5o  ) ,  je  couchai  k  Sarbruc. 

Le  II  (5i  ) ,  je  me  dirigeai  sur  Sarre-Louis^ 
On  me  donna ,  k  la  municipalité  ,  un  billet  pour 
loger  dans  un  village ,  où  je  passai  la  nuit.  Je  ne 
fis  de  visite  k  qui  que  ce  fût.  Je  négligeai  de  voir 
les  connaissances  que  j'avais  cultivées  lors  de  mon 
séjour  dans  cette  forteresse. 

Le  12  (  i*^""  avril),  je  m'acheminai  vers  Hilbring. 

Le  10  (2),  je  me  mis  en  marche  pour  Sarbourg. 

Le  i4  (  5  )  ,  j'arrivai  k  Trêves  ,  où  j'eus  séjour, 
dont  je  profitai  pour  voir  la  ville  qui  est  fort  an- 
cienne. 

Le  iG  (5),  je  me  rendis  k  Trarbach,  où  je 
restai  dans  une  ferme. 

Le  17  (6),  je  gagnai  Witlich,*  ma  feuille  de 
route  fut  continuée  pour  les  lieux  ci-après  : 

Le  18  (  7  ),  je  passai  la  nuit  k  Polch. 

Le  19  (8),  étant  k  Coblentz,  j'employai  le 
temps  que  j'avais ,  k  parcourir  cette  cité,  k  ad- 
mirer la  position  redoutable  du  fort  d'Ehrenbreis- 
tein^  qui  était  en  face,  au-delk  du  Pdiin  (1). 

Le  20  (  9  )  ,  je  logeai  k  Andernach. 

Le  21  (  10),  k  Bonn. 

(1)  Il  a  été  démoli  par  les  Français  ,  en  l'an  7  (  1799)  ; 
on  le  l'établit  aujourd'hui. 


(  ^^l-)  ) 

Le  2-2  (  1 1  ) ,  h  Cologne.  1798, 

Le  ft3  (  12  )  ,  à  Neuss.  a>  iv. 

Le  24  (  i5)  ,  à  Dusseldorf. 

Le  2  3  (14)7  à  Kaîsersvert,  où  était  Fétat- 
major  du  corps. 

Le  26  (  1 5  ) ,  j'arrivai  à  Raliiigen  ;  j'y  rejoignis 
enfinla  compagnie  qui  occupait  ce  lieu  etHombert. 

On  m'envoya  dans  une  ferme  enviromiée  de 
bois  de  haute  futaie_,  à  une  lieue  environ ,  chez 
un  habitant  fort  riche,  où  je  me  trouvais  pariai- 
tement  bien. 

J'observai  du  changement  dans  le  corps.  J'ap- 
pris que ,  le  29  pluviôse  (  18  février  ) ,  la  9™^  de- 
mi-brigade avait  été  complétée  par  le  i^'  batail- 
lon de  la  i49°^^  qui  se  trouvait  dissoute.  Elle  était 
formée  ,  de  prime  abord  ,  du  i^"^  bataillon  de 
Conti^  81™*  de  ligne;  du  6"'^  de  la  Haute-Saône, 
et  du  5°^'  de  l'Orne. 

he  printemps  se  faisant  sentir ,  j'avais  la  douce 
satisfaction  d'entendre  le  rossignol ,  de  jouir  plei- 
nement des  beautés  de  la  nature  et  du  développe- 
ment de  la  végétation. 

La  fatigue  que  j'aA^ais  éprouvée  pendant  les 
trois  mois  de  route,  me  fît  tomber  malade.  Je  fus 
contraint ,  au  grand  chagrin  de  mon  hôte ,  qui  me 
connaissait  à  peine,  d'aller  à  l'hôpital. 

Le  i*^"^  floréal  (  20  )  ,  j'arrivai  à  Dusseldorf,  où 
je  fus  mis  dans  une  salle  vaste.  Le  lendemain  j'é- 
prouvai une  fièvre  considérable. 

Le  général  Lefebvre,  dans  cet  instant,  vint  vi- 
siter l'hospice  j  lorsqu'il  fut  en  face  de  moij  il  me 


(  .4o  ) 

1796.  den^anda  ce  qne  j'avais.  Je  lui  répondis  que  c'ér 
A^  IV.  tait  \m  trcmblemciit  dans  tous  les  membres.  Il  re- 
marqua qu'au  lieu  d'un  bonnet  de  nuit,  un  foulard 
me  couvrait  ia  tête  ;  que  je  portais  une  chemise 
rayée  de  linge  lin,  et  que  ma  redingote,  que  j'a- 
vais mise  sur  mon  lit  pour  me  tenir  chaud,  était 
d'un  drap  fort  beau.  Il  s'adressa  au  directeur  qui 
l'accompagnait,  en  lui  reprochant  de  ne  m'avoir 
pas  placé  dans  la  chambre  des  officiers.  Je  répon- 
dis au  général  que  je  n'avais  pas  ce  grade  ;  que  je 
servais  comme  caporal  à  la  9°^^  de  ligne.  Il  répli- 
qua que  je  paraissais  fort  soigné  dans  ma  tenue  , 
ce  qui  est  une  grande  qualité  pour  un  militaire  , 
et  il  se  retira. 

Après  quelques  accès  ,  je  me  sentis  mieux. 
Ayant  obtenu  de  sortir  pour  me  promener,  j'allai 
voir  essayer  de  vieux  canons  de  fonte,  que  l'on 
lirait  à  double  charge.  Plusieurs  crevèrent  sans 
occasioner  de  malheurs.  Les  canonniers  prenaient 
des  précautions  en  y  mettant  le  feu  avec  des 
mèches  d'amadou;  ils  se  retiraient  à  l'écart,  à 
une  distance  éloignée,  avant  que  l'explosion  eût 
lieu. 

Le  i5  (4  mai),  étant  convalescent,  je  retour- 
nai chez  mon  fermier  de  Ratingen,  où  je  me  ré- 
tablis en  peu  de  temps. 

Le  16  (  5),  il  y  eut  une  nouvelle  organisation 
dans  l'armée.  Les  numéros  des  corps  d'infanterie 
furent  tirés  au  sort.  Par  suite  de  cette  fusion,  de 
cet  amalgame,  la  9"'^  demi-brigade  de  ligne  de- 
vint 105"'*^  de  la  même  arme. 


/(vfVlifl 


.^C^zïz^^  a^  <^  /^^'^/{  '^^aziiè^ 


^ 


(  =4i  ) 

L'ctat-major  resta  le  même.  1^96. 

La  compagnie  dont  je   faisais    partie  ,  tut  la  aî<  iv, 
4'"''  du  S'"*"  bataillon,  commandée  par  le  citoyen 
Colas,  capitaine.  J'étais  immatriculé  sous  le  nu- 
méro d'ordre  1877. 

L'elTectii"  du  corps  était  de  4jOo8  hommes. 

Dans  les  forets,  aux  environs  de  Dusseldorf,  il 
existait  des  chevaux  sauvages.  Pour  s'en  emparer, 
on  réunissait  des  troupes  qui  les  traquaient  dans 
les  bois.  Ces  animaux  se  rassemblaient  sur  cer- 
tains points.  On  les  prenait  au  moyen  de  filets 
qu'on  tendait  pour  arrêter  leur  course. 

Le  7  prairial  (  26  )  ,  on  prévint  de  se  tenir  prêt 
pour  ouvrir  la  campagne  (i). 

(i)  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupe's  par  une  porr 
tion  de  la  9""*  ou  de  la  io5"^  deini-brigade ,  depuia 
mon  départ  de  Wachtendonck  pour  l'hôpital ,  jusqu'à  la 
veille  de  se  mettre  en  route,  afin  de  réunir  les  batail- 
lons ,  le  7    prairial    (  26    mai    )  : 

Le  22  nivôse  (  12  jan\ner  )  ,  quittant  Tunisberg  et 
Wachtendonck ,  on  se  rendit   à  Strump. 

Le  24  (  14  )j  à   Stralem. 

Le  3o   (   20  )  ,   à  Crevelt. 

Le  1*'  pluviôse  (21  janvier  ),  à  Dusseldorf  et  à  Direndorf. 

Le  29  (18  fe'vrier  ) ,  la  g"'^  fut  compléte'e  par  le 
1*"  bataillon  de  la  i^g"'". 

Le   3o   (  19  ),  on  alla  cantonner  à  Kaisersvert. 

Le-  12  germinal  (    i*'    avril  )  ,  à  Ratingen. 

Le    3o    (    19  )  ,  à   Houihourg. 

Le  16  floréal  (  5  mai  j  ,  la  9""*  demi-brigade  devint 
loS""  de  ligne. 

Le  7  prairial  (  26  )  ,  on  reçut  l'ordre  de  se  placer 
|)rovisoirenieat  dans  le  camp  retranché  de  Dusseldorf^. 


(  ^4^  ) 


CHAPITRE  XXXYIIL 


»79^»  Le  8  prairial  (27  mai),  nous  partîmes  de 
AJN  IV.  nos  cantomiements  pour  nous  rassembler  dans 
les  ouvrages  construits  en  avant  de  la  capitale 
du  duché  de  Berg. 

Le  fermier  chez  qui  je  logeais  ,  et  qui  me 
portait  do  raffection ,  avait  rempli  mon  bidon 
de  bonne  eau-de-vie. 

Le  1 1  (  5o  )  ,  nous  gagnâmes  Oppladen. 

Le  12  (5i),  nous  passâmes  la  Wupper ,  ri- 
vière qui  servait  de  limite.  Celait  le  jour  de  la 
rupture  de  l'armistice  qui  avait  été  dénoncé  par 
les  Autrichiens,  le  2  prairial  (21  mai)  ,  dix  jours 
avant  de  recommencer  les  hostilités. 

Le  i5  prairial  (  i^*"  juin  )  ,  la  division  du  gé- 
néral Lefebvre ,  formant  Tavant-garde  ,  attaquait 
l'ennemi  de  front ,  le  poussait  devant  elle  dans 
la  direction  d'Ukerath. 

Le  3"'*"  bataillon  de  la  loS'"'^  ,  commandé  par 
le  citoyen  Bonnemaille  ,  se  dirigea  sur  la  gauche 
de  Siegbourg.  Il  passa  au  château  de  Bensberg, 
en  continuant  une  marche  forcée  ,  sans  avoir 
eu  occasion  de  brûler  une  amorce.  Le  soir  on 
plaça  des  gardes.  Je  commandai  un  peloton  de 
huit  hommes   pour  surveiller  les  derrières   du 


(  ^43) 

camp,  par  où  des  fuyards   ennemis  pouvaient  1^96. 
tourner  leurs  pas.  an  iv. 

Le  i4  prairial  (a  juin)  ,  vers  trois  heures  du 
matin,  à  Faube  du  jour,  ayant  été  recouuaître 
les  alentours  du  poste ,  je  distribuai  tous  mes 
hommes  en  faction.  Un  instant  après  nous  vîmes, 
en  sortant  du  bois ,  dans  le  lointain ,  un  grenadier 
hongrois.  J'allai  seul  à  sa  rencontre  ,  voulant 
avoir  Fliomieur  de  le  tuer  ou  de  le  prendre  moi- 
même. 

Au  moment  que  je  l'ajustais,  il  mit  son  bonnet 
au  bout  de  sa  canne  ,  l'éleva  en  l'air ,  en  me 
criant  qu'il  se  rendait  :  c'était  un  sergent.  Je 
m'en  approchai  ;  il  me  dit  que  ,  pendant  la  ba- 
taille de  la  veille ,  il  avait  sous  ses  ordres  i4  in- 
dividus ,  lui  compris  5  que  ,  cherchant  à  gagner 
son  régiment,  la  marche  précipitée  de  l'armée 
française  l'avait  empêché  de  l'atteindre ,  et 
que ,  s'étant  échappé  par  ce  chemin ,  ses  hommes 
étaient  restés  dans  une  maison  où  il  devait  les 
trouver.  Je  ^l'accompagnai  et  vis  12  militaires 
d'élite ,  avec  un  caporal ,  d'une  grandeur  colos- 
sale :  je  leur  enjoignis  de  me  suivre.  L'un  d'eux 
parut  témoigner  de  la  répugnance.  Le  sous- 
officier  le  réprimanda  ;  et ,  comme  je  ne  com- 
prenais pas  le  hongrois ,  il  me  répéta  les  mêmes 
paroles  en  allemand.  Sentant  que  la  fermeté  était 
le  seul  parti  à  prendre  :  <  audaces  Jovtuna  ju- 
»  vat  (i),  »  je  saisis  le  fusil  de  celui  qui  pa- 

(i)  Le  bonheur  favorise  les  intre'pides. 


(244) 

l'jgG.  raissait  le  plus  miuin.  En  ayant  arraché  la  pierre, 
AMv.  j'ouvris  le  bassinet,  je  jetai  la  poudre;  j'ôtai  la 
baïonnette  que  j'introduisis  dans  le  fourreau,  et 
lui  présentai  ensuite  son  arme  :  j'en  lis  autant  à 
tous,  prescrivant  au  sergent  de  les  faire  mettre 
.sur  deux  rangs.  Nous  nous  acheminâmes  vers 
mon  poste  :  y  étant  parvenus ,  j'envoyai  \ni  sol- 
dat annoncer  ma  capture  au  chei de  bataillon,  en 
lui  demandant  un  piquet  pour  servir  d'escorte. 
Celui  qui  était  chargé  de  cette  mission ,  s'amusa 
à  boire.  A  5  heures,  j'entendis  rappeler  ;  comme 
j'avais  l'ordre  de  rentrer  au  premier  coup  de  ba- 
guette ,  je  commençai  ma  route;  les  prisonniers 
jnarchant  alignés ,  les  crosses  de  fusil  en  l'air , 
deux  hommes  de  la  garde  en  avant,  quatre  der- 
rière, un  autre  et  moi  sur  les  flancs.  Quand  nous 
parûmes  à  portée  de  fusil ,  le  factionnaire  qui 
voyait  plus  d'Autrichiens  que  de  Français,  crut 
qu'ils  nous  avaient  pris ,  et ,  comme  nous  débus- 
quions d'un  bois,  s'imagina  que  nous  étions  en 
tête  d'une  colonne  qui  voulait  attaquer  le  camp. 
Il  se  disposa  à  faire  feu.  Prévoyant  son  dessein, 
je  m'avançai  vivement  pom-  m'expliquer  ;  il  nous 
laissa  approcher.  Le  commandant  à  qui  j'adressai 
mon  rapport,  n'étant  pas  prévenu  de  mon  retour, 
quoique  j'eusse  eu  la  précaution  de  lui  en  donner 
avis,  allait  me  punir  de  ce  que  ces  ennemis  n'é- 
taient pas  désarmés.  Je  lui  représentai  que  j'avais 
envoyé  un  exprès  pour  l'en  informer,  et  que  , 
n'ayant  que  8  hommes,  les  étrangers  étant  t4, 
ma  troupe  eût  été  chargée  d'armes,   de  sorte 


(  245  ) 
qu'elle  n'aurait  pu  se  défendre  si  le  cas   Fcùt  i;c)6. 
exii^é.    Trouvant    mon    raisonnement  juste ,    il  an  iv. 
me  renvova  h  la  compagnie  ,    en  me  félicitant 
de  mon  exactitude  et  de  mon  intelligence  à  rem- 
plir  mes    devoirs.    Il  m'assiu-a    qu'il  saisirait  la 
première  occasion  de  me  procurer  de  Tavance- 
ment.  Nous  partîmes   de  suite  du  bivouac ,   et 
nous  marchâmes  toute  la  journée. 

Le  i5  prairial  (5  juin),  le  o^^^  bataillon  dé- 
tnclié  rejoignit  les  i*""^  et  2"'^  de  la  io5"^*^,  qui 
n'avaient  pas  quitte  la  division. 

Voici  le  rapport  qui  a  été  fait  de  l'entrée  en 
campagne  : 

Les  12  et  i3  prairial  (3i  mai  et   i'"''  juin)  ,  bataille  de 
Siegbourg  (Siegherg). 

Message  du  directoire  executif ,  relatif  aux  vic- 
toires remportées  par  l'armée  de  Samhre  et 
Meuse. 

«  Citoyens  législateurs , 
»  L'armée  de  Sambre  et  Meuse  a  ouvert  la  cam- 
j>  pagne  ,    comme  celle  d'Italie ,  par  des  succès 
»  éclatants  sur  les  deux  rives  du  Rhin. 

»  Le  corps  d'armée,  sous  les  ordres  du  gé- 
»  néral  Kléber,  situé  sur  la  rive  droite  du  Rhin, 
>»  s'est  porté  le  12  (  5i  )  sur  la  Sieg. 

»  Le  i5  (  i^^'juin),  il  a  attacpié  l'Autrichien, 
»  et  l'a  complètement  battu.  L'ennemi  a  été 
M  obligé  d'abandonner  toutes  ses  positions  sur 
»  cette  rivière ,  et  s'est  retiré  précipitamment  sur 
»  Altenkirchen ,  où  l'on  est  à  sa  poursuite. 


(  =^4r>  ) 

i^g6.       »  On  lui  a  pris  ou  tué  2,4oo  Iiorames.  Tout 

AK  IV.  »  son  état-major   a   été  fait  prisonnier.   Le  cli- 

»  rectoire  fera  connaître,  par  la  voie  des  jour- 

»  naux,  toutes  les  actions  d'éclat  par  lesquelles 

M  les  républicains  se  sont  distingués.  » 

Au  quartier-général  de  Siegberg  {Siegbourg) ,  le  i6  prairial 
(4  juin). 

Le  gênerai  de  division  Kléber ,  commandant  l'aile 
gauche  de  r armée  de  Samhre  et  Meuse  y  au  gé- 
néral en  chef  Jourdcm, 

«  Je  t'ai  rendu  compte  dans  ma  dernière  dé- 
»  pêche ,  mon  cher  camarade ,  cjue  le  12  (  o  i  )  > 
»  le  corps  d'armée  s'était  porté  dans  la  position 
))  entre  Portz  et  le  château  de  Bensberg ,  ce  qui 
»  faisait  sept  grandes  lieues  de  marche. 

»  Ce  même  jour,  le  général  Lefebvre  eut  deux 
»  petites  affaires  d'avant-postes,  l'une  dans  les 
»  montagnes  aux  environs  de  Bensberg;  l'autre 
»  sur  l'Acher ,  entre  Troisdorf  et  l'Obmar  :  nous 
»  eûmes  quelques  blessés. 

)»  Le  i5  (  i*^'  ji^iin),  à  4  heures  du  matin  ,  le 
»  corps  d'armée  se  mit  en  marche  sur  deux  co- 
»  lonnes  :  l'avant-gai'de ,  aux  ordres  du  général 
»  Lefebvre,  avait  ordre  de  forcer  le  passage  de 
»  l'Acher ,  en  avant  de  Troisdorf ,  à  l'Obmar 
»  et  à  Lourath  ;  d'enlever  Siegberg  ,  et  de  re- 
»  monter  ensuite  la  rive  droite  de  la  Sieg  pour 
»  prendre  une  position  vers  lîappenschosa  ,  afin 
»  d'être  le  lendemain  à  même  de  passer  la  Sieg 
»  au-dessus  de  Blankembourg ,  pour  attaquer  d(2 


>j  i'eveis  la  position  d'Ukeralh,  en  cas  que  l'en-'-  i-q6. 
»  nemi  Yorilùt  y  tenir.  a>  iv» 

»  Une  partie  île  ravant-garde  du  général  Le^ 
))  febvre ,  charge  les  ennemis  jusqu'aux  portes 
»  de  Siegberg  ,  s'empare  immédiatement  après 
»  de  la  Tille  et  du  pont  sur  la  Sieg,  quoique 
»  défendus  par  l'artillerie. 

»  La  seconde  division ,  aux  ordres  du  géné^ 
»  rai  Colaud  ,  coupe  en  deux  le  corps  qui  dé- 
j>  lendait  la  Sieg  ,  et  en  jette  une  partie  contre 
)'  le  Rhin  :  mais  comme  la  canonnade  était  vive 
»  du  côté  de  Siegbci'g  ,  il  se  dirige  conformé^ 
»  ment  à  son  ordre  ,  de  Hufe  sur  Busdorf ,  afin 
»  de  soutenir  l'avant-garde  du  général  Lcicbvre, 
»  et  se  contente  de  laisser  deux  bataillons  po^iu' 
»  observer  le  petit  corps  ennemi  qu'il  laisse  sur 
))  les  derrières ,  et  qui  ne  tarde  pas  à  se  reti- 
»  rer  par  la  route  du  Rhin  sur  l'Inte. 

»  Je  fis  passer  la  Sieg  ,  au  gué ,  à  la  cava- 
»  lerie  du  général  Lefebvre,  commandée  par  le 
»  général  d'Hautpoult ,  afin  de  poursuivre  l'en- 
»  nemi  :  à  cette  cavalerie  vint  se  joindre  aus- 
»  sitôt  celle  de  là  division  du  général  Colaud,  à 
)»  la  tête  de  laquelle  se  trouvait  les  adjudants- 
»  généraux  Ney  et  Ormancey.  On  avance  ,  et 
n  partout  la  cavalerie  autrichienne ,  quoique 
»  bien  supérieure  en  nombre,  cède  le  terrain. 
))  Alors  le  i^'  régiment  de  chasseurs  ,  commandé 
»  par  le  chef  d'escadron  Richepanse,  en  atteint 
n  une  partie  à  la  hauteur  d'HénelT,  et,  dans  ce  vil- 
>i  lage ,  il  ordonne  la  charge  et  en  fait  un  carnage 


(  .is  ) 

1796.  »  horiii)le.  Ce  coraraandaiit  a  donné,  dans  cette 
Aw  IV.  »  action,  des  preuves  du  plus  grand  sang-tïoid 
»  au  milieu  des  dangers,  et  d'iaie  intrépide  au- 
n  dace.  En  poursuivant  la  cavalerie  ,  il  tombe 
»  sur  un  poste  d'infanterie,  fait  faire  halte  à  ses 
»  chasseurs,  ordonne  le  feu  de  peloton,  et  en 
»  chassant  l'ennemi ,  il  fait  vaincre  aussi  l'obs- 
»  tacle  qu'on  voulait  mettre  à  sa  poursuite. 

»  Enfin  les  Autrichiens  ,  partout  vaincus ,  se 
»  retirent  avec  précipitation  ,  et  vont  se  jeter 
»  dans  la  formidable  position  d'Ukerath.  Une 
»  forte  marche  et  quati-e  hein^es  de  couiljat  ne 
»  me  permirent  point  de  laisser  poursuivre  da- 
»  vantage  ;  et  d'autant  moins  encore  que  cette  ^ 
»>  position ,  inattaquable  de  front ,  exigeait  de 
»  grands  détours  pour  la  tourner  par  ses  flancs  ; 
»  ainsi ,  l'infanterie  de  l'avant-garde  du  général 
»  Lefebvre,  continuant  sa  route  toujours  sur  la 
»  rive  droite  de  la  Sieg  ,  passa  la  nuit  à  la  po- 
»  sition  d'Happenschosa,  et  la  division  du  gé- 
»  néral  Colaud  sur  les  hauteurs  en  avant  de  Bus- 
»  dorf. 

»  Les  noms  de  tous  les  officiers  et  soldats  , 
»  qui  ont  eu  occasion  de  se  distinguer  dans 
»  cette  journée  ,  ne  m'étant  pas  encore  connus , 
»  je  les  ferai  adresser  dans  le  jour  au  général 
»  Ernouf,  mon  chef  d'état-major. 

»  Signé  Kléber.  » 

Le  i5  prairial  (5  juin)  ,  les  troupes  de  l'avant- 
garde  furent  réunies,  après  des  marches  forcées, 
sans  qu'elles    parussent  fatiguées.   Elles  étaient 


(  A9  ) 
enflammées  des  succès  remportés  depuis  la  re-  i-cfi. 
prise  des  hostilités.  Elles  semblaient  animées  de  an  iv. 
l 'ardeur  de  combattre ,  et  laissaient  présager  que 
la   première  affaire  serait  pour  les  Français  une 
victoire  signalée  (i). 

(i)  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupés  par  une 
portion  de  la  105""%  depuis  son  arrive'e  auprès  de  Dus- 
seldorf ,  le  8  prairial  (  2^  mai  )  ,  jusqu'au  jour  de  la 
réunion  du   corps,  le  i5   (   3  juin  )  : 

Le  8  {  1']  )  ,  arrivant  au  camp  pour  se  rendre  ensuite. 

Le   n    (  2o  )  ,  à   Oppladen. 

Le  i3  (  1^'  juin),  sur  la  gauche  de  Siegbourg  (  Sieg* 
berg  )  ;  on  passa  au  château  de   Binsberg. 

Le   1 4    (  2  ) ,    on  marcha  dans  la  même  direction. 

Le  i5  (  3  )  ,  la  demi-brigade  réunie,  rejoignit  la  di" 
vision  campée  au-dessus  de  la  Wiedbach. 


(  25o  ) 


*»^^*^'^^»^  ^»^*^*i«^r»^^s*5"'*<^k^^^^^^^^^«iT'»^*.^?^.j^ 


CHAPITRE  XXXIX. 


1796.  Le  16  prairial  (z4jiiia),  à  4  heures  etu  matin, 
AN  IV.  la  io5"'*^  demi-brigade,  marchant  en  masse  par 
bataillon ,  se  Iroiiyait  comprise  dans  la  colonne 
du  centre ,  commandée  par  le  général  Levai.  L'en- 
nemi occupait  la  hauteur  à  gauche  près  la  ville 
d'Akenkirchen.  La  rivière  de  la  \Viedbach  sé})a- 
rait  les  deux  armées  ;  il  nous  fallait  la  traverser. 
L'artillerie  de  la  division  faisait,  par-dessus  nos 
rangs  ,  un  feu  bien  nourri. 

Le  bataillon  auquel  j'appartenais,  passa  un 
pont  extrêmement  étroit,  construit  vis-à-vis  de 
notre  direction.  L'artillerie  autrichienne  qui  don- 
nait dans  nos  rangs ,  tua  des  hommes ,  rompit  les 
jîelotons  de  gauche.  Il  n'y  eut  que  le  demi-batail- 
lon de  droite  qui  put  conserver  l'ordre  admirable 
d'une  manoeuvre  de  pied  fei^me.  Nous  gravîmes 
la  montagne  à  l'assaut.  Dans  les  ravins,  derrièie 
les  rochers ,  les  inégalités  de  terrain,  étaient  em- 
busqués des  tirailleurs  impériaux ,  qui  envoyaient 
la  mort  de  toutes  parts.  Nous  ripostions  avec  la 
même  intrépidité.  L'un  d'eux,  se  levant  à  côté 
d'une  pierre,  me  tira  un  coup  de  fusil  à  bout 
portant ,  en  me  frisant  seulement  l'épaule.  Le 
mien  n'étant  plus  chargé,  je  m'élançai  sur  lui,  et 


(    25l    ) 

je  lui  plongeai  ma  baïonnette  dans  le  ventre.  Il  fit  i-qG, 
un  mouveiJieut  qui  la  retint  clans  sa  capote.  Cet  at<  iv. 
homme  ayant  jeté  ses  armes,  fut  fait  prisonnier. 
J'eus  la  générosité  d'empêcher  un  soldat ,  qui  était 
près  de  moi,  de  le  tuer.  Nous  montâmes,  en 
combattant ,  à  travers  un  feu  épouvantable  de 
mousqueterie ,  d'artillerie.  Nous  parvînmes  sur  le 
plateau,  où  la  cavalerie  de  la  division  arriva  pres- 
que en  même  temps.  L'ennemi  fut  culbuté  :  son 
infanterie  et  ses  canons  restèrent  au  pouvoir  des 
Français. 

Tandis  que  nous  atteignions  la  cime ,  pêle-mêle 
avec  les  xVllemands ,  mi  sokîat  de  la  compagnie 
croisa  la  baïonnette  sur  un  officier  kaiserlich. 
Celui-ci  offrit  sa  montre^  avec  la  chaîne  en  or, 
pour  qu'il  l'épargnât.  Le  républicain  refusa  le 
tout,  et  lui  laissa  la  vie.  Ce  chef,  qui  parlait  fran- 
çais, répliqua  :  «  Que  ne  doit-on  pas  attendre 
il  d'hommes  aussi  désintéressés  que  généreux  !  » 

Voici  le  rapport  adressé ,  par  le  général  de  di- 
vision Kléber,  au  général  en  chef  Jourdan  : 

Altenkirchen  ,  le  i6  prairial  (4  juin  ).■ 

«  Le  succès  obtenu  sur  la  Sicg,  le  i5  (  i^*")  de 
u  ce  mois  ,  par  le  corps  d'armée  dont  le  comman- 
»  dément  m'est  confié ,  n'était ,  mon  cher  ca- 
»  raarade  ,  que  le  précurseur  de  plus  grands 
;)  triomphes. 

»  Je  t'ai  rendu  compte,  le  i4(5')^  de  la  manière 
»  dont  nous  obligeâmes  l'ennemi  d'abandonner  la 
>^  position  d'Ukerath  :  depuis  ,  il  s'était  porté 
»  dans  celle  d' Altenkirchen  ,  derrière  la  Wied- 

I.  T.7 


A.\    IV. 


(    Q.6-2    ) 

1706.  "  l>acli,  position  non  moins  formidable  que  la 
»  première,  et  où  le  piiuce  de  Wurtemberg  s'é- 
»  tait  renforcé  de  troupes  fraîches. 

»  Obligé  de  séjourner  le  1 5  (  3  ) ,  pour  don- 
»  ner  du  repos  à  la  troupe ,  et  le  temps  nécessaire 
»  aux  convois  de  subsistances  d'arriver ,  je  me 
»  bornai,  ce  jour,  à  faire  faire  une  forte  recon- 
M  naissance  :  elle  était  commandée  par  le  général 
»  d'Hautpoult  ;  il  chassa  l'ennemi  de  Weyerbusch, 
»  et  poussant  en  avant  jusqu'aux  hauteurs  d'Al- 
»  tenkirchen ,  il  découvrit  le  camp  ennemi ,  que 
»  plusieurs  habitants  du  pays  lui  assurèrent  être 
»  de  20,000  hommes. 

)^  Le  i(î  (4),  à  4  heures  du  matin,  l'avant- 
»  garde  du  général  Leiébvre  avait  ordre  de  se 
»  mettre  eu  mouvement ,  et  de  diriger  sa  marche 
»  sur  Al  tenkirchen  ;  il  était  chargé  d'attaquer 
»  cette  position. 

»  La  tète  de  la  2"'^  division,  aux  ordres  du  gé- 
»  néral  Colaud,  devait  suivre,  à  une  demi-lieue  , 
»  la  queue  de  celle  du  général  Lefebvre,  et  se 
»  mettre  en  bataille,  en  seconde  ligne,  dans  la 
»  position  en  avant  de  Weyerbusch ,  dès  que  la 
»  première  commencerait  son  attaque ,  afin  de  la 
V  soutenir. 

»  Le  général  Lefebvre  ciJbuta  d'abord  tous  les 
»  avant-postes  de  l'ennemi,  et  dès  qu'il  eut  débou- 
»  ché  sur  les  hauteurs  opposées  à  celles  d'Alteukir- 
»  chen,  une  canonnade  des  plus  vives  s'engagea 
»  de  part  et  d'aiUre.  Le  général  Lefebvre ,  à  qui 
»  la  position  de  l'ennemi  était  parfaitement  cou- 


(  25d  ) 
»  nue,  pour  y  avoir  combattu  Tannée  dernière  ,  in^^Q, 
»  partage  aussitôt  sa  troupe  en  trois  colonnes  ,  an  iv 
»  donne  le  commandement  de  celle  de  gauche  au 
))  général  Souk ,   celui  de  la  droite  au  chef  de  la 
I)  25'"^  demi-brigade  d'infanterie  légère  (le  citoyen 
»  Brunet  ) ,  et ,  de  sa  personne ,   reste  à  celle  du 
»  centre  av/ec  le  général  de  brigade  Levai.  Les 
»  deux   colonnes  de  droite  et  de  gauche  avaient 
»  ordre  de  déborder  les  ailes  de  l'ennemi ,  de  les 
w  tourner  ;  la  colonne  du  centre  était  chargée  de 
»  l'attaque  de  front.  Toutes  ces  dispositions  s'exé- 
»  entèrent  avec  le  plus  grand  ensemble.  Partout 
»  on  entend  battre  la  charge  s  partout  on  voit 
»  gravir  les  colonnes  sur  des  hauteurs  presqu'ina- 
»  bordables  :  partout  enfin  l'on  voit  déployer  la 
»  plus  grande  audace  et  la  plus  grande  intrépi- 
»  dite.  L'ennemi  oppose  à  cette  attaque  la  plus 
»)  vigoureuse  résistance  ;  mais  enfin  la  baïonnette 
»)  triomphe,  et  des  charges  de  cavalerie  exécutées 
»  à  propos  et  avec  valeur ,  achèvent  sa  défaite , 
»  qui  bientôt  se  change  en  déroute  la  plus  com- 
»  plète. 

»  Trois  mille  prisonniers  ,  parmi  lesquels  se 
»  trouvent  les  trois  bataillons  du  régiment  de  Jor- 
»  dis  en  entier,  avec  leur  colonel  et  tous  leurs  offi- 
»  ciers,  quatre  drapeaux ,  douze  pièces  de  canon, 
»>  quantité  de  caissons  d'artillerie ,  partie  des  équi- 
»>  pages  tombés  à  notre  pouvoir,  sont  les  tro- 
»)  phées  de  cette  éclatante  journée.  Ce  combat  n'a 
»  duré  que  deux  heures,  mais  il  était  d'autant 
»  plus  vif  et  plus  sanglant  pour  l'ennemi.  On  ne 

17- 


(  254  ) 
infG.  "  vit  jamais  infanterie  marcher  et  attaquer  aveÔ 
AN  IV.  "  pl^'s  d'ordre,   et  jainais  cavalerie  ne  mépriser 
»  davantage  l'ennemi. 

»  La  division  du  géncial  Colaud ,  rangée  en  se- 
»  conde  ligne ,  n'a  pu  être  que  témoin  du  com- 
»  bat;  mais  l'ardeur  que  les  troupes  manifestaient 
»  pour  en  venir  aux  mains,  était  le  sûr  garant 
»  qu'elles  auraient  pareillement  triomphé ,  s'il 
»  avait  été  nécessaire  ou  prudent  de  contenter 
»  leur  désir. 

»  Demain,  je  continue  ma  marche,  j'espère  en 
»  annoncer  le  résultat  par  de  nouveaux  succès. 

«  Sigjié  Kléber.  » 

On  fit  l'appel  sur  le  champ  de  bataille.  On  remit 
l'état  des  hommes  qui  avaient  disparu  pendant 
l'action,  et  dont,  potir  la  plupart,  on  ne  connais- 
sait pas  le  sort ,  ignorant  s'ils  étaient  tués  ou 
blessés. 

Nous  partîmes  de  suite,  et  bivouaquâmes  sur 
la  route. 

Le  17  prairial  (  5  juin  )  ,  nous  arrivâmes  à  Hci- 
cheiibourg,  et  occupâmes  la  plaine  de  Rosbach. 

Le  18  (  ()  )  ,  nous  nous  rendîmes  sur  la  Lahn ,  à 
une  lieue  à  gauche  de  Limbourg ,  où  nous  res- 
tâmes. 

Le  27  (  1^  ),  nous  prîmes  les  armes  avant  le 
jour,  pour  nous  porter  sur  Wetzlar  ;  nous  étions 
devant  cette  ville  à  8  heures  du  matin ,  par  un 
temps  fort  nébuleux. 

Le  combat  était  engagé  près  de  l'abbaye  d'Al- 
tenburg,  et  l'ennemi  présentait  une  détense  im- 


(    2D3    ) 

posante.  Le  général  Lefebvre  demanda,  de  suite,  1796. 
douze  hommes  par  compagnie  ,  pour  aller  en  an  iv. 
tirailleurs.  Je  me  trouvai  compris  dans  ce  nombre. 
Les  Impériaux  s'approcliant ,  nous  commenri\mes 
aussitôt  le  feu,  et  nous  les  poussâmes  hors  du 
monastère,  où  Von  sonnait  le  tocsin.  J'allai  sur  la 
grande  route  de  cette  abbaye  à  Wetzlar  ;  un 
nombre  immense  de  cavaliers  ennemis  s'y  por- 
taient. Nous  étions  environ  dix  fantassins  réunis, 
qui  appartenions  à  plusieurs  corps.  Nous  con- 
vînmes de  ne  point  nous  quitter,  et  de  tenir  en 
échec  la  cavalerie.  Je  fus  désigné  pom'  commander 
ce  peloton.  Nous  tirâmes  beaucoup  de  coups  de 
fusil.  Taadis  que  nous  étions  attentifs  à  ce  qui  se 
passait  devant  nous ,  des  grenadiers  hongrois  ve- 
naient à  la  faveur  des  grains ,  dans  lesquels  ils  se 
courbaient ,  pour  nous  déborder  et  nous  sur- 
prendre. Quand  nous  les  aperçûines  ,  nous  vou- 
lûmes les  éviter  :  les  blés  en  étaient  tout  remplis. 
Derrière  nous,  existait  un  revers  de  montagne, 
formant  une  excavation  considérable ,  où  mes  ti- 
railleurs se  retii'aient  en  passant  par-dessus  une 
haie.  J'étais  occupé  des  ennemis.  Remarquant 
aussi  que  mes  dix  hommes  atteignaient  le  ravin  , 
je  voulus,  encourant,  les  rejoindre.  La  pluie, 
tombant  en  abondance ,  fut  cause  que  je  glissai 
en  voulant  franchir  la  haie;  j'y  restai  accroché, 
et  je  faillis  être  lardé  à  coups  de  baïonnette  par  les 
grenadiers ,  et  sabré  par  les  cavaliers  qui  me  pour-, 
suivaient.  Dans  ce  moment  ,  je  tombai  à  plat 
ventre,  en  dégringolant  sur  la  terre  humide^  J'é-. 


(  256  ) 
I796-  t^îs  couvert  de  boue;  j'avais  le  visage  arraché.  Je 
AH  IV.  me  levai  difficilement ,  ayant  le  corps  tout  dislo- 
qué. Je  voulais  suivre  mes  camarades  ;   pendant 
le  temps  que  je  mis  à  nie  relever,  ils  disparurent. 
J'entrepris  de  gravir  vis-à-vis ,    voyant   que  le 
danger  était  immi^ient.  Après  avoir  atteint  envi- 
ron moitié  de  la  butle ,  c[ui avait  peut-être  5o  pieds 
de  hauteur,  je  fus  contraint  de  glisser  sur  mes 
mains,  n'ayant  point  assez  de  force  pour  me  porter 
jusqu'en  haut.  J'essayai  de  remonter;  mais  les  coups 
de  fusil  partaient  d'une  manière  si  multipliée,  que 
je  culbutai  jusqu'en  bas ,  sans  espoir  d'échapper, 
Je  ne  vis  plus  d'autre  moyen  que  de  me  rendre, 
Je  me  tournai  vers  les  Autrichiens  qui  étaient  en 
bataille  à  l'endroit  d'où  je  sortais.  J'avais  peut- 
être  fait  quatre  pas  :  je  distinguai  un  petit  sentier 
qui  conduisait,  par  xme  sinuosité,  au  haut  du  ra- 
vin du  côté  des  Français  ;  je  m'y  précipitai;  j'eus 
le  bonheur  d'être  aussitôt  couvert  par  un  roc 
qui  me  mit  à  Tabri.  Ma  botte  gauche  était  coupée 
près  de  la  semelle,   par  une  balle.  Ne  cherchant 
qu'à  rejoindre  les  tirailleurs  ,  je  me  rappelai  que 
mon  fermier  de  Ralingen  avait  rempli  mon  bidon 
d'eau-de-vie ;  je  la  bus,  en  courant,  sans  en  laisser 
une  goutte.  Cette  liqueur  avait  tellement  ranimé 
mes  forces,  que  je  me  sentis  tout-à-coup  délassé 
et  plus  vigOLU-eux  qu'avant  le  combat.  Ayant  ga- 
gné le  coin  d'un  bois ,  je  parvins  à  la  demi-bri- 
gade qui  avait  fait  un  mouvement.  Je  m'assis  à 
terre.  Je  pris  mon  havre-sac  par  les  coins,  je 
jetai  tout  ce  que  j'avais  de  butin,  ne  conservant 


(=57) 
qu'un  demi-pain  avec  mon  dictionnaire  géogra-  \-q6. 
pliique.  J'aperçus  près  qu'aussi  tô  t ,  entre  les  pieds  a.n  i\. 
des  arbres ,  grand  nombre  de  hussards  ennemis  , 
filant  dans  les  bois  en  tirailleurs  ,  et  qui  allaient 
nous  surprendre;  j'en  prévins  mes  camarades.  A 
l'instant,  une  fusillade  s'engagea.  La  journée  se 
passa  entièrement  en  combats  plus  meurtriers  les 
uns  que  les  autres.  Le  soir ,  les  Autrichiens  avaient 
reçu  un  renfort  de  cavalerie  si  considérable,  que 
nous  rétrogradâmes  précipitamment  à  travers  les 
forêts,  sans  suivre  de  chemin  direct.  Plusieurs 
fois ,  les  pelotons  furent  obligés  de  se  retourner 
pour  faire  feu  en  arrière.  Les  Lnpériaux  avant 
perdu  notre  trace,  on  lit  halte  pour  donner  à  la 
troupe  le  temps  de  se  rallier. 

Rapport  de  la  bataille  d'Altenburg  : 

Au  quartier-général ,  à  Montabaur,  le  29  prairial  (17  juin). 

Le  générai  en  chefJourdcm  au  directoii^e  exé- 
cutif. 

«  Citoyens  directeurs, 

»  J'ai  l'honneur  de  vous  prévenir  que  ce  que 
5)  j'avais  prévu  est  arrivé  :  l'ennemi ,  après  avoir 
»  rappelé  de  la  rive  gauche  du  Rhin  sur  la  rive 
»  droite,  la  presque  totalité  de  ses  forces,  l'ar- 
»  chiduc  ayant  augmenté  sou  armée  de  quelques 
»  corps  de  celle  de  Wurmser ,  s'est  porté  sur  la 
»  Lahn,  avec  des  forces  beaucoup  plus  considé- 
»  râbles  que  celles  que  j'avais  {)u  y  réunir,  et 
»  profitant  de  l'avantage  qu'il  avait  de  pouvoir 
»>.  faire  son  mouvementbeaucoup  plus  prom j)tement 
y  que  moi,  il  s'est  élevé  sur  la  Haute- Lahn  ,  dp 


(  258  ) 
i-jc^e.  n  manière  que  lorsque  j'ai  voulu  faire  passer,  le 
.\x  IV.  »  9.y  (i5),  du  côté  de  Wetzlar,  l'avaut-garde , 
M  le  général  Lefebvrc  qui  la  commandait,  a  été 
»  attaqué  par  un  gros  corps  cVarmée  ;  ce  brave 
»  général  n'a  pas  cru  devoir  se  retirer  sans  com- 
w  battre,  et  il  s'est  engagé  ime  afTaire  des  plus 
»  vives,  sur  laquelle  je  ne  puis  pas  encore  vous 
»  donner  des  détails.  Je  vous  adresserai  inces- 
»  samment  le  rapport  de  ce  combat,  où  l'ennemi, 
»  quoique  quatre  fois  plus  fort  que  le  général 
»  Leiebvre,  a  perdu  beaucoup  plus  de  monde 
)>  que  lui.  Notre  perte  peut  s'élever  à  aSo  ou 
»  Doo  tués  ,  blessés  ou  prisonniers.  Le  nombre  des 
))  derniers  est  peu  important  ,  et  nous  en  avons 
))  tait  un  assez  grand  nombre.  Quatre  pièces  de 
»  canon  sont  restées  au  pouvoir  de  l'ennemi ,  qui 
»  les  a  chargées  avec  une  impétuosité  incroyable  ; 
»  mais  qui  ne  s'en  est  emparé  qu'après  avoir  es- 
»  suyé  des  décharges  à  mitraille. 

»  Cet  événement  ne  m'aurait  pas  empêché  d'at- 
»  taquer  l'ennemi  le  29  (17),  comme  l'armée 
»  en  avait  déjà  l'ordre,  si  je  n'avais  pas  été  ins- 
»  truit  que  des  forces  considérables  s'élevaient 
»  sur  ma  gauche.  Je  n'ai  donc  pas  cru  devoir 
»  compromettre  le  salut  de  l'armée,  et  j'ai  or- 
»  donné  la  retraite.  Le  général  Kléber  se  retii-e 
»  sur  la  Sieg ,  avec  une  partie  de  l'armée ,  et  je 
))  me  retire  sur  la  rive  gauche  du  Rhin,  avec 
»  l'autre  partie. 

>'  Je  ïne  rendrai  demain  à  Coblentz ,  d'où  je 
>)  vous  adresserai  des  détails ,  et  vous  ferai  con^r 


(    239    ) 

»)  naîlrc  les  dispositions  que  je  ferai.  Il  ne  m'est  jn^e. 
»  pas  possible  de  vous  écrire  plus  longuement  a>  iv. 
'>  aujourd'hui. 

»  Salut  et  respect. 

»  Signe  3 ovKDAfi.  » 
La  troupe  harassée,  se  disposa  néamnoins  à  se 
mettre  en  route  (i). 

(i)  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupés  par  une 
portion  Je  la  loS"^,  depuis  sa  réunion,  le  i5  prairial 
(  3  juin  ) ,  jusqu'au  soir  de  la  bataille  de  l'abbaye  d'Al- 
tenburg,  le  37    (   i5  )  : 

Le   16  prairial   (  4  juin  )  >  bataille   d'Altenkirchen. 

Le  1 7  (  5  )  ,  après  avoir  traversé  Hachenbourg ,  on 
arriva   dans  la  plaine  de  Rosbach. 

Le  i.S  (6)  ,  on  bivouaqua  à  une  lieue  de  Linibourg, 
sur  la  rive  droite  de  la  Lahn. 

Le  27  (  i5  )  ,  on  se  rendit  en  vue  de  Wetzlar ,  proche 
de  Tabbaye  d'Altenburg  ,  où  l'on  se  battit  toute  la 
journée. 


(  Q.6o  ) 


*'^^^^^^f^^^P^<J3^.,^^^^i^^,^^ 


CHAPITRE  XL. 


1796.  Dans  la  nuit  du  27  au  28  prairial  (du  i5t 
AN  IV.  au  16  juin),  rétrogradant  sans  relâche,  nous 
gravissions  une  montagne  dans  un  bois  fourré 
sans  route  tracée  ,  où  ,  à  chaque  instant ,  nous, 
étions  obligés  de  nous  arrêter  par  rapport  à 
l'épaisseur  des  buissons.  Nous  nous  tenions  par 
la  giberne  ou  par  le  pan  de  l'habit ,  pour  ne 
point  nous  égarer  dans  les  profondeurs  de  la, 
forêt  ;  mais  la  lenteur  de  cette  marche ,  le  pro- 
fond silence  qui  régnait,  l'incroyable  fatigue  de 
la  journée,  me  firent  sommeiller  debout.  Je  quit- 
tai le  vêtement  de  celui  qui  me  précédait  ; 
quoique  dormant ,  j'allais  comme  une  mécanique 
remontée. 

L'adjudant  -  major  était  arrêté  ,  ne  pouvant 
avancer  à  cause  des  ronces  et  des  broussailles  j 
je  heurtai  le  derrière  de  son  cheval.  L'animal  m& 
donna  un  si  violent  coup  de  pied  dans  l'estomac, 
que  je  tombai  à  la  renverse  sur  celui  qui  me 
suivait. 

Je  reçus  pour  secours  ,  de  la  générosité  d'un 
camarade ,  un  verre  d'eau-de-vie ,  que  je  ne 
bus  qu'avec  beaucoup  de  difiîculté.   N'étant  past 


(  ^6'  ) 
eu  état  de  suivre,  à  cause  de  la  faiblesse  que  i^r^e. 
j'éprouvais  ,  un    soldat   prit  mon   fusil ,   l'autre  as  iv. 
mon  havre-sac ,   deux  autres   me   donnèrent  le 
bras.  On  me  conduisit  de  cette  manière  pendant 
environ  une  heure ,  jusqu'à  ce  que  j'eusse  re- 
couvré l'usage  de  mes  sens.  Nous  arrivâmes  de 
bonne  heure  au  camp  de  Limbourg ,  d'où  nous 
étions  partis  le  matin. 

Le  28  prairial  (16  juin),  au  soir,  ayant 
continué  la  retraite  vers  Altenkirchen ,  nous  fîmes 
halte  dans  un  bois  taillis,  à  la  pointe  du  jour. 
Etant  harassé  de  fatigue  ,  je  tombai  sans  pou- 
voir remuer.  Je  ne  me  suis  jamais  trouvé  ex- 
cédé à  un  tel  point.  Le  général  Lefebvre  vint 
à  passer;  il  me  dit  de  me  déranger.  Je  le  priai  de 
continuer  son  chemin  ,  en  lui  faisant  observer 
que  ,  s'il  m'écrasait ,  il  me  rendrait  un  grand 
service.  Son  cheval  sauta  par-dessus  moi  sans 
me  toucher.  J'étais  alors  si  ennuyé  de  la  vie  , 
que  j'aurais  préféré  mille  fois  la  juort  à  cette 
existence  douloureuse. 

Après  une  heure  de  repos,  je  me  levai.  A 
peu  de  distance ,  se  trouvait  le  cadavre  d'un 
\  homme  tué  ,  étendu  tout  nu  à  terre  :  il  avait 
les  reins  coupés  par  un  instrument  tranchant , 
!  qui  ne  pouvait  être  qu'une  faux  ;  car  son  corps 
j  était  presque  séparé  en  deux.  Les  paysans , 
!  latigués  des  vexations  qu'ils  éprouvaient ,  s'étant 
1  révoltés,  tombaient  à  l'improviste  sur  les  Fran- 
j  rais  isolés  ou  blessés ,  et  en  faisaient  le  plus  de 
I  carnage  qu'ils  pouvaient. 


(    262    ) 

i^gS-       Lg  29  (  17  ) ,  la  105°"^  continuant  sa  retraite! 
AN  IV.  arriva  à  Ukeratli,  où  elle  prit  position. 

Le  00  (  18)  ,  le  i"  bataillon  du  corps  fit  un. 

mouvement  ;   il  fut  détaché  sur    la   gauche  de, 

l'ai'mée. 

Le  i^'^  messidor  (  19  juin)  ,  avant  la  pointe  du 
jour,  par  un  très-beau  temps  ,  on  commença 
une  attaque  considérable.  Une  grande  bravoure 
était  déployée  par  les  troupes  des  deux  partis. 
Cependant  la  chance  des  armes  fut  contraire 
à  ta  io5'"^  ,  qui  jusqu'alors  avait  été  heureuse. 
Le  bataillon  séparé ,  s'étant  bien  défendu  ,  fut 
presqu'eiuicrement  détruit.  On  fit  partir  le  2"^^^, 
qui  éprouva  le  même  sort  et  perdit  son  dra- 
peau. 

Il  y  eut  un  grand  nombre  de  tués  et  de. 
blessés  ;  la  plus  forte  portion  resta  prisonnière.^ 
Le  3"'*^ ,  où  j'étais  ,  n'avait  presque  pas  donné 
dans  cette  affaire.  Il  demeura  en  observation^  ' 
à  l'entrée  d'une  gorge  où  l'ennemi  ne  vint  pas 
l'attaquer.  Etant  sur  une  éminence  ,  il  vit,  avec 
douleur ,  tous  les  malheurs  réservés  à  la  plus 
forte  partie  de  la  demi-brigade.  Il  n'était  aucun 
de  nous  qui  n'eût  sacrifié  sa  vie ,  pour  sauver 
celle  de  nos  infortunés  camarades  ;  mais  la  dis- 
tance ,  la  position  ,  l'ordre  de  ne  pas  bouger 
que  nous  avions  reçu  ,    tout  s'y  opposait. 

Copie  de  "la  correspondance  que  le  général 
Kléber  adressa  au  général  en  chef  Jourdan  , 
pendant  cette  fatale  journce  :  ..^ 

I 


AN  iv; 


(  265  ) 

Au  camp  d'Ukerath ,  le  i"  messidor  (  19  juin"^.  ^yO^* 
«  Il  est  huit  heures  du  matin ,  et  je  suis  for- 
»  temciit  attaqué  sur  mon  front  j  si  tu  occupes 
»  encore  les  plaines  de  JN  euwied ,  et  que  tu  n'aies 
»  pas  à  craindre  d'être  tourné  par  Dierdort", 
»  je  doute  qu'ils  osent  tenter  un  coup  de  vive 
»  force.  Je  samai ,  ce  soir ,  si  tu  l'es  retiré 
»  ou  non,  et,  dans  ce  dernier  cas,  je  serai  forcé 
»  de  me  retirer  cette  nuit  derrière  la  Sieg,  où 
^  je  tiendrai  encore  tant  que  je  pourrai ,  et  jus- 
»  qu'à  ce  que  je  sois  menacé  sur  nos  flancs. 

»  Je  ne  pais  t'en  dire  davantage;  Tavaut-garde 
»  en  est  aux  mains. 

»  Signé  Kléber.  » 

Slu-  le  champ  de  bataille,  en  avant  d'Ukerath ,  le  i*'  mes- 
sidor (  19  juin). 

«  Je  te  préviens  ,  mon  cher  camarade ,  ^que 
»  l'ennemi  est  venu  à  deux  heures  du  matin , 
»  pour  attaquer  dans  la  position  que  j'occupais , 
»  avec  une  vivacité  crui  ne  m'a  pas  permis  de 
»  lui  refuser  la  bataille.  J'ai  donc  promptement 
»  pris  toutes  les  mesures  pour  le  devancer,  et 
s  me  procurer  l'avantage  de  l'olTensive.  Tandis 
>>  que  l'artillerie  se  canonnait  de  part  et  d'autre, 
»  j'ai  vite  disposé  trois  colonnes  ;  j'ai  donné  le 
>>  commandement  de  celle  de  gauche  au  général 
»  Levai ,  celui  de  la  droite  au  général  Bastoul  ; 
»  je  me  suis  réservé  de  conduire  celle  du  centre. 
»  Le  général  Richepanse,  secondé  de  l'adjudant- 
»  gé  néral  Ney  ,  étaient  à  la  tête  de  la  cavale- 


1796. 

AS  IV. 


(  2G4  ) 

lie  ;  j'avais  chargé  le  général  Colaud  de  ffiâ 
réserve ,  de  manière  à  protéger  efficacement 
ma  retraite.   Mon  attaque  a  été  brusque,  l'en-- 
nemi  en  désordre  m'a  abandonné  les  hauteurs 
où  il  voulait  s'établir,  et  une  pièce  de  7  ,  qu'il 
avait  renversée.  Bientôt  des  troupes  fraîches 
se   sont   avancées ,   leur    cavalerie   s'est   alors 
ralliée,  et  se  portant  sur  noire  droite   et  sur 
notre  gauche ,  j'ai  cru  prudent  de  ne  pas  m'a- 
vancer   davantage  ^   j"ai    ordonné    la   retraite* 
L'ennemi  se  portait  sur  moi  avec  des  troupes  ' 
qvie  les  rapports  les  plus  modérés  font  monter 
à  4o,ooo  hommes  ;  les  bataillons  de  grenadiers 
hongrois ,  toute  l'élite  de  leur  infanterie  et  la 
colonne  qui  avait  débouché  sur  Wetzlar ,  ren- , 
forçaient  l'armée  du  prince  de  Wurtemberg  :  | 
sa  cavalerie    était   innombrable.   Les   troupes  j 
sous  mes  ordres  ont  fait  des  prodiges  de  va-  ! 
leur  ;  elles  en  ont  imposé  par  leur  contenance 
fière ,  puisqu'on  me  laisse   tranquille   dans    la  ! 
position    que  j'occupais  ,    et   où  il   m'a   paru 
sage  de  revenir. 

»  Je  ne    puis    le   dissimuler    que  j'ai  perdu 
)  du  monde ,   et  beaucoup  ;  je  te  donnerai  de 
plus    grands    détails    au  premier    instant    de 
repos.  Tu   sens  déjà  la  nécessité  d'un  renfort 
considérable,  pour  tenir  à  Dusscldorf  :  la  ca- 
valerie que  je  l'ai  renvoyée,  ne  peut  me  servir 
>  dans  un  pays  trop  coupé  pour  les  manœuvics 
)  qu'elle  est  habituée  de  faiie  :  si  lu  veux  in  eu 
donner^  que  ce  soit  de  la  légère j  mais  tache 


(  265  ) 
»  de  me  faire  filer  une  division.  Les  forces  que  1^96. 
»  j'ai  en  tête  consistent ,  d'après  les  déserteurs  j  an  w. 
»  en  plus  de  4o  bataillons   et  une  cavalerie  de 
»  toutes   couleurs  ,  mais   innombrable.   J'espère 
»  que  tu  en  auras  moins  en  face  de  toi ,  et  que 
»  tu  pourras  acquiescer  à  ma  demande.  Je  n'ai 
»  jamais  été  plus  content  des  troupes;  leur  in- 
»  trépidité ,  leur  sang-froid  et  leur  audace  n'ont 
»  jamais  été  plus  grands. 

M  Conformément  à  ton  instruction,  je  me  re- 
«  tire  dans  les  lignes  ;  ma  retraite  se  fera  dans 
»  le  meilleur  ordre  ;  j'attends  le  renfort  que  je 
»  demande.  Je  te  le  répète.^  j'ai  perdu  beau- 
»  coup  de  monde  ,  quoique  j'aie  conservé  ma 
»  position  :  la  perte  de  l'ennemi  est ,  en  propor- 
»  tion  de  son  nombre,  également  très -forte; 
V  aussi  parait  -  il  disposé  à  se  tenir  tranquille. 

»  A  la  nuit  close  je  chemine ,  et  sous  peu 
»  je  serai  à  Dusseldorf ,  d'où  je  t'écrirai. 

»  Signé  Klébeb..  n 

«  P.  S,  Quoique  j'aie  fait  avancer  notre  ar* 
»  tillerie  légère ,  à  portée  de  pistolet  de  l'en- 
»  nemi  ,  je  n'ai  rien  perdu  ;  plusieurs  pièces 
»  ont  été  démontées  ,  mais  ramenées  au  camp. 
h  La  bataille  a   fini  à   5    heures  après  midi.  »> 

A'^oici  l'extrait  de  ce  que  disent  les  Victoires 
et  Conquêtes  de  la  bataille  d'Ukerath  (i). 

»  Dan.s    la   nuit    du    29    prairial  (  1 7   juin  )  - 

(1)  Tome  6  ;  page  4^  ?  ligne  3o ,  jusqu'à   la  page  44  ; 


(  260  ) 
1796.  »  le  géiiéml  Kléber  avait  marché  vers  Freîien^ 
AN  IV.  »  gen ,  et  il  avait  pris  une  position  à  cheval 
w  sur  la  route  d'Altenkirchen  ,  s'étendant  jus- 
»  qu'à  la  Sieg.  Il  avait  ensuite  dirigé  sur 
»  Hachenbou]g  les  troupes  de  la  division  Go- 
»laud,  détachées  le  28  (16)  à  Emerischain , 
»  et  la  brigade  du  général  Soult  ;  et  le  soir  il 
»  avait  pris  position  à  Ukerath.  D'après  les  ins- 
»  tructions  du  général  Jourdan  ,  Kléber  n'avait 
»  point  de  motif  pour  s'arrêter  à  Ukerath , 
)>  puisqu'il  ne  s'était  point  aperçu  cpic  l'archi- 
»  duc  lit  vm  mouvement  rétrograde  sur  ]\Iaycnce. 
)5  Cependant ,  au  lieu  de  continuer  sa  retraite 
»  sur  Dusseldorf ,  ce  général  eut  l'imprudence 
»  de  passer  la  nuit  du  5o  au  i^'  (du  18  au  19) 
»  à  Ukerath. 

»  Le  1*^'  messidor  (  19  juin)  ^  au  matin  ,  le 
»  général  Kray  s'avança  ,  avec  l'avant  -  garde 
»>  autrichienne,  forte  de  1 1,000  hommes,  sur  les 
»  avant  -  postes  de  Kléber ,  et  les  repoussa 
»  jusqu'à  la  position  principale.  Le  général  Klé- 
»  ber  se  voyant  assailli ,  jugea  sagement  qu'il 
»  convenait  de  combattre  avec  assurance,  autant 
n  pour  inspirer  de  la  confiance  à  ses  troupes  , 
»  qu'une  retraite  précipitée  aurait  pu  ébranler , 
»  que  pour  en  imposer  à  l'ennemi.  Il  fit  donc 
>j  avancer  son  artillerie  pour  engager  une  forte 
»  canonnade,  pendant  qu'il  forme] ait  son  corps 
»  d'armée  ;  le  général  Levai  reçut  l'ordre  de  se 
»  porter  de  suite  sur  le  flanc  droit  du  général 
»  Kray ,  et  les  brigades  des  généraux  Lorge  et 


(  ^C7  ) 
»  Basloul  durent  attaquer  la  gauche;  Kléber  se  1796. 
»  réserva  le  coiiiinandcment  d'une   colonne  qui  an  iv. 
w  formait  le  centre  de  sa  ligne.  Le  général  Co- 
»  laud,  avec  une  partie  de  sa  division,   restait 
»  en   intermédiaire    pour   soutenir  Tattaque  de 
))  front ,  ou    celle  des   deux  autres  colonnes  au 
w  besoin.     Le    général    Ricliepanse     et    l'adju- 
»  dant  -  général  Ney  étaient  à  la  tète  de  la  ca- 
»  Valérie. 

»  La  première  attaque  répondit  aux  espérances 
»  du  général  Kléber.  L'artillerie  française  fit  taire 
))  celle  des  Autricliiens.  Ricliepanse  et  Ney  cul- 
»  butèrent  les  escadrons  ennemis.  Les  colonnes 
)j  d'infanterie  balayèrent  le  terrain  coupé  que  le 
»  général  Kray  avait  gagné  le  matin ,  et  forcèrent 
»  les  Autrichiens  à  se  retirer  en  désordre.  Le 
«  général  Kléber  s'avança  lui  -  même  à  la  tête 
»  d'un  bataillon  de  grenadiers  et  d'une  demi- 
»  brigade  ,  marchant  sur  les  deux  côtés  de  la 
»  route.  Arrivés  devant  Kirchrup  ,  les  Français 
»  trouvèrent  ce  village  fortement  occupé ,  et 
»  rinfanterie  avantageusement  postée  ,  avec  du 
»  canon  ,  sur  les  hauteurs  en  arrière.  Il  s'engagea 
»  une  canonnade  assez  vive.  Vers  midi ,  la  ca- 
M  Valérie  ,  commandée  par  Richepanse  et  Ney, 
»  essaya  nne  charge  dans  laquelle  les  escadrons 
).  autrichiens  furent  repoussés  ;  mais  finfante- 
»  rie ,  par  son  feu  nourri ,  éloigna  les  escadrons 
»  français.  Dans  ce  moment ,  la  colonne  du  gé- 
néral Bastoul  attaquait  la  gauche  de  l'en- 
nemi avec  vigueur  et  la  forçait  de  céder. 
I.  '         18 


(  268  ) 
ingG.  >'  Alors  le   général   Kray    abandonna  le  vîlîai^c 
AK  IV.  «  de  Kirclirup  ,   et    réunit  toute  son  infanteiie 
»  sur  les  hauteurs ,  en  arrière  de  ce  YÏllage. 

))  La  troupe  que  dirigeait  personnellement 
»  Kléber ,  gravit  les  hauteurs  sous  le  feu  de 
))  l'artillerie ,  pendant  que  celles  des  généraux 
>'  Levai  et  Bastoul  essayaient  de  les  aborder, 
»  chacune  de  leur  côté.  Mais  les  Français  trou- 
)>  vèrent  sur  ce  champ  de  bataille  une  résis- 
)'  tance  digne  d'eux.  Le  général  Milius  ,  avec 
y>  quatre  bataillons  de  grenadiers  ,  s'avança  à  la 
"  baïonnette  sur  le  centre  des  troupes  répu- 
>'  blicaines.  Il  s'engagea  dans  cette  occasion  \\nè 
»  mêlée  terrible  et  opiniâtre  ,  dont  on  trouve 
»  peu  d'exemples  dans  les  annales  militaires. 
>'  Mais  enfin  les  Français  furent  repoussés  avec 
»  perte  d'un  drapeau  ,  et  poursuivis  par  la  ca- 
»  Valérie  autrichienne  ,  qui  tomba  en  flanc  sur 
»  les  escadrons  de  Richepanse,  et  les  força  à 
>)  la  retraite. 

>'  Le  général  Kléber  se  retrancha  dans  les  po- 
))  sitions  qu'il  occupait  avant  le  combat.  L'iii- 
)'  fanterie  s'y  défendit  vaillamment  jusqu'à  la 
))  nuit ,  pendant  laquelle  la  retraite  continua  jus- 
»  que  deiiière  la  Sieg  (i).  » 

Le  i^*"  messidor  (  u)  juin),  au  soi"r  ,  nous 
nous  retirâmes  sur  la  Sieg  ,  comme  n'ayant  pas 

(i)  Les  jeunes  gens  de  Danieri  blesse's  dans  ce  cou'.- 
bat,  furent  Aton  David  et  Huard  Pierre.  Les  piisonnieis 
étaient  :  Dubois  cluirlcs  ,  Filaine  ,  Le'pe'e  Narcisse ,  Pre'vôtot^ 
et  Renard. 


souflort  (Unis  la  journée,  pour  défendre  le  poat  ,-q(;. 
de   Siogi)ourg.   Quand  les  débris  de  la  division  as  iv. 
lurent  passés,    l'ennemi  ne  nous  fatiguant  pas, 
nous   nous  mîmes  en  route. 

Le  2  (20) ,  nous  marchâmes  sans  être  inquiétés 
jusque  sur  la  \Vupper. 

Le  5  (21),  nous  bivouaquâmes  à  Oppladen. 

Le  4  (  ^'-^  )  7  enfin  nous  arrivâmes  au  camp 
retranché  devant  Dusseldorf.  On  profila  du  re- 
pos que  laissa  Tennemi,  pour  réorganiser  le  corps. 

Le  général  Lefebvre  vijit  au  bivouac  passer 
la  revue  de  la  demi-brigade.  Il  appela  en  avant 
du  corps  ,  ceux  qui  dans  cette  campagne  s'é- 
taient distingués.  Il  prononça  un  discours  ana- 
logue à  la  circonstance  ,  afin  d'encourager ,  de 
stimuler  chaque  individu.  Il  fit  battre  un  ban, 
d'après  lequel  il  reçut  lui-même  chacun  dans 
le  grade  qu'il  avait  mérité.  Je  fus  nommé  four- 
rier k  la  7"^^  du  d'"'^  bataillon,  en  récompense 
des  i4  prisonniers  c[ue  j'avais  faits  ,  le  f4  prai- 
rial (  2  juin  )  dernier.  Elle  étail  commandée  par 
le  citoyen  Rodhain,  capitaine  ;  le  lieutenant  s'ap- 
pelait Autant ,  et  le  sergent-major  se  nommait 
Paris. 

Le  lendemain  de  ma  réception  dans  cette  com- 
pagnie ,  composée  pour  la  majeure  partie  de 
vieux  militaires  du  régiment  de  Navarre ,  je 
fêlai  les  sous-officiers;  je  les  régalai  ,  après  la 
soupe,  de  verres  d'eau-de-vie,  chez  le  vivan- 
dier où  nous  bûmes  à  discrétion  ,  sans  cepen- 
dant faire  d'excès. 

i8. 


(    270    ) 

1796.       Voici  le  rapport  de  cette  retraite  : 
-^^N  IV.  Bonn,  le  6   messidor  (24  juin). 

«  La  prise  des  anciennes  lignes  françaises  de- 
))  vant  Mayence  ,  par  l'armée  du  Rhin  et  Mo- 
w  selle ,  se  coniîi'me  de  toutes  parts.  Les  nou- 
))  veaux  mouvements  qu'on  fait  faire  aux  troupes 
»  en  sont  même,  une   suite  évidente. 

1)  Les  divisions  de  Championnet  et  de  Ber- 
1)  nadotte  vont  se  porter  sur  Dusseldorf ,  et  se 
»  réunir  à  l'aile  droite,  commandée  par  Kléber. 
))  Les  autres  divisions  qui  sont  encore  dans  le 
)'  Hundsruch  ,  descendront  progressivement  , 
»  tandis  que  l'aile  gauche  de  l'armée  du  Rhin 
»  et  Moselle  les  remplaceront  daus  leurs  an- 
))  ciennes  positions  (i). 

(1)  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupes  par  une 
portion  de  la  loa'"*,  depuis  la  bataille  d'Altenburg ,  le 
27  prairial  (  i5  juin  )  ,  jusqu'à  son  retour  au  camp  de 
Dusseldorf,   le   4  niessidor    (  11  juin  )  : 

Dans  la  nuitdu^y  au  28  prairial  (i5au  16  juin),  on  battit 
en  rçtraitepour  retourner  au  bivouac  proche  de  Limbourt;. 

Le  28    (   i(3  )   au  soir,  on  rétrograda  sur  Altenkirchen. 

Le  29  '17),  on  prit  position  dans  la  plaine  d'Vkerath. 

Le  3o  (  18  )  ,  la  demi-brigade,  détachée  par  batail- 
lons,   fit  un  mouvement. 

Le  i*"^  messidor  (  19  ),  on  se  battit  à  Ukerath.  Dé- 
faite des  \"  et  2"'*  bataillons  de  la  loS"*.  Captivité 
du  commandant  Augros ,  chef  du  second.  Les  débris 
du   corps  gardèrent  le  pont   de  Siegbourg. 

Le  a    (  20  )  ,    on  continua  la  retraite. 

Le  3    (  21  )  ,   on  se   dirigea  en  arrière   sur  Oppîaden. 

Le  4  (  22  )  ,  on  arriva  daus  les  retranchements  tracés 
devant  la  ville  piincipale  de  l'électeur  palatin. 


(  271  ) 


CHAPITRE  XLI. 


Le  II  messidor  (29  juin),  la  division  partit  de  1798. 
Dusseldorf  pour  se  rendre  à  Oppladen.  -^k  iv. 

Le  12  (5o),  elle  se  dirigea  sur  Mulheim. 

Le  i5  (  i^''  juillet  ) ,  la  i  od"^^  ayant  été  détachée 
sur  l'extrême  gauche  de  l'armée ,  passa  par  Siegen. 
Partie  du  5"^^  bataillon  fut  employée  au  parc  d'ar- 
tillerie. 

Voici  le  rapport  de  la  marche ,   en  avant  dq 
1  armée  : 
Au  quartier-général ,  à  Neu-vvied  ,  le  1 4  messidor  (2  juillet) . 

Joui'dan  ,  général  en  chef  de  V armée  de  Samhre 
et  MeiLse ,  au  directoire  exécutif, 
«  Citoyens  directeurs, 

îj  J'ai  l'honneur  de  vous  prévenir  que  le  corps 
î>  d'armée  aux  ordres  du  général  Kléber ,  est  parti 
))  le  10  (  28)  de  Dusseldorf.  La  division  aux  or- 
))  dres  du  général  Grenier ,  a  passé  le  Rhin  à  Co- 
i)  logne ,  et  s'est  réunie  aux  troupes  commandées 
»  par  le  général  KJéber.  Ce  corps  est  arrivé  le  1 2 
y-  (3o  )  sur  la  Sieg  ;  l'ennemi  avait  environ  douze 
))  cents  hommes  de  troupes  légères,  siu*  la  rive 
»  gauche  de  cette  rivière.  L'adjudant-général  Ney 
:>'  attaqua  avec  son  impétuosité  ordinaire  :  indé- 
)j  pendamment  d'un  assez  bon  nombre  d'honmies, 


(  27^  ) 
1^9^.  >'  filés  et  blessés,  nous  avons  fait  une  soixantaine 
Ay  IV.  de  prisonniers  montés.  Le  lo"^^  régiment  de 
>  chasseurs  a  donné  ,  dans  cette  action ,  les  plus 
)'  grandes  preuves  de  valeur,  et  a  mis  la  plus 
'i'  grande  célérité  et  la  plus  grande  précision  dans 
'»  ses  mouvements.  Le  général  Kléber  a  séjourné 
))  le  i5  (  i^^  juillet  ) ,  sur  la  rive  gauche  delà 
))  Sie^j  afin  d'attendre  des  vivres  et  donner  le 
»  temps  au  général  Letebvre,  qui  a  marché  sur  la 
>'  Sicg,  d'ariiver  à  sa  hauteur.  Ce  corps  d'ar- 
5  nîée  doit  s'ctre  porté  aujourd'hui  en  avant 
^    d'Ukerath.  » 

Le  i4  (  '-2  ),  les  troupes  détachées  de  la  demi- 
biigade  explorèrent  toujours  la  gauche  de  la  route 
de  Dillémbourg. 

Le  1 5  (  5  ) ,  elles  marchèrent  dans  la  mcme  di^ 
reclion,  afin  de  déborder  la  droite  de  l'armée 
autrichienne  qui  était  aux  prises  avec  les  Français  j 
mais  elles  n'atteignirent  pas  l'ennemi  (i). 

Lei6(4),  les  bataillons  détachés  parcouru- 
rent un  pays  boisé ,  coupé  de  montagnes ,  sans 
rencontrer   le  moindre   obstacle. 

(i)  On  aperçut  pour  la  promière  fois  ,  parmi  les  troupos 
impériales  que  les  républicains  de  la  divisionjiu  général 
Le(ébvre  avJtient  à  combattre,  des  comnagnies  entières 
portant  des  fusils  à  vent,  qui  pouvaient  tirer  12  coups, 
mênie  plus ,  sans  être  rechargés.  Cette  manière  de  guer- 
royer était  funeste  pour  les  attaques  de  nuit.  Quelques 
troupes  françaises  furent  surprises  ;  mais  elles  firent  un 
grand  carnage  de  ceux  des  ennemis  qui  tombèrent  en 
leur  pouvoir.  On  se  plaignit  amèrement  de  ce  nouveau 
genre  d'armes ,   que   l'on   ne    revit  plus  par  la   suite. 


(  2?^  ) 

Rapport  de  l'attaque  de  Wildendorf  :  nqG. 

Siegen  ,  le  i6  messidor  (  4  juillet  ).  an  iv. 

«  Le  général  Letebvre  s'est  dirigé  sur  Siegen  , 
1)  d'après  les  ordres  du  général  Kléber.  Ayant  at- 
»  taqué  le  i6  (4))  '^  Wildendorf,  la  droite  de 
»  l'ennemi ,  l'avait  mis  en  déroute  ,  lui  avait  fait 
«  6oo  prisonniers.  » 

Le  17  (  5  )  ,  les  troupes  principales  de  la 
10 5"'^  se  transportèrent  dans  les  environs,  et  à 
gauche  d'Herborn. 

Le  18(6),  elles  prirent,  dans  le  jour,  diffé- 
rentes positions.  Le  soir,  elles  marchèrent  par 
une  grande  obscurité,  un  temps  pluvieux;  elles 
arrivèrent  dans  un  endroit .  où  l'on  fit  halte  :  il 
était  minuit. 

Le  1 9  (  7  ) ,  nous  nous  mîmes  en  route  à  deux 
heures  du  matin,  avant  le  jour,  pour  Giessen.  On 
laissa,  dans  cette  ville,  la  8"*^  compagnie  du  2"^^ 
bataillon  de  la  demi-brigade,  pour  y  tenir  gar- 
nison pendant  que  l'armée  allait  se  porter  en 
avant.  A  cette  épo([ue ,  toutes  les  divisions  étaient 
i;éunies  sur  la  Lahn ,  en  présence  des  Autri- 
chiens. 

Le  20  (  8  )  ,  on  passa  cette  rivière  sans  difficulté. 
L'armée  républicaine  attaqua  l'ennemi.  La  divi- 
sion à  laquelle  les  troupes  détachées  de  la  io5'"® 
S3  réunirent,  se  dirigea  à  gauche  de  Butzbach. 

Le  21  (  9  ) ,  on  se  battit  à  Ober-Merle  et  JNider^ 
Merle.  L'action  fut  vive.  Ces  deux  villages,  pris 
et  repris  ,  furent  livrés  à  toutes  les  horreurs  de  la 
cuerre.  • 


(  !>74  ) 

tvcj69       L?*  demi-brigade,  placée  sur  un  monticule,  fut 

Aw  iv*  spectatrice  de  ce  combat.  Quelques  charges  de 

cavalerie   ennemie    avaient   tellemont    entlammé 

notre  ardeur ,    que    nous  brûlions  d'aller  nous 

joindre  à  nos  camarades. 

Le  22  (  lo  )  ,  on  se  battit  à  Ockstadt,  Joaimes- 
berg  et  dans  Fridberg.  Les  corps  engagés,  résis- 
taient à  des  forces  étrangères  considérables ,  et 
commençaient  à  fléchir.  Le  général  Lefebvre  ar- 
riva avec  ses  troupes,  fit  reprendre  courage  aux 
Français  qii  se  retiraient  sur  Ober  et  Nider-Merle. 

Le  23  (  1 1  )  ,  la  division  séjourna  pour  se  re- 
poser de  SCS  fatigues. 

Le  24  (  13  ) ,  elle  s'approcha  du  Mein. 

Le  2  3  (  i5),  le  détachement  laissé  au  parc  re- 
joignit la  loS'^^''  demi-brigade.  Nous  nous  ren- 
dîmes près  de  Francfort.  L'armée  se  trouva  réunie 
en  partie  devant  cette  place.  Les  dispositions  ne 
tardèrent  pas  à  ctre  failcs pour  la  prcndie  d'assaut. 
Les  échelles  furent  apportées  et  rassemblées  dan§ 
la  plaine.  Dès  le  24  (  12  ),  les  troupes  légères  de 
l'avant-garde  du  général  Lefebvre  se  jetèrent  dans 
les  jardins,  les  maisons  de  plaisance  qvii  entou- 
laient  cette  forteresse.  L'artillerie  française  et 
celle  autrichienne  s'engagèrent  de  part  et  d'autre. 

Le  général  KJéber  envoya  aux  magistrats  la 
sommation  suivante  : 

«  Le  sort  de  votre  ville ,  Messiein*s ,  est  entre 
»  vos  mains  ;  si ,  au  coucher  du  soleil ,  les  troupes 
'»  que  je  commande  n'en  trouvent  pas  les  portes 


•»  ouvertes,  tniitcs  mes  dispositions  sont  prises  i-fj^i. 
»  pour  la  réduire  en  cendres.  »  an  n. 

La  réponse  n  ayant  pas  eu  lieu ,  on  bombarda 
cette  grande  cité  depuis  minuit  jusqu'à  5  heures 
du  matin.  Les  troupes  républicaines  désiraient 
l'assaut ,  pour  venger  la  mort  de  leurs  frères 
d'armes  de  l'armée  de  Custine,  qui,  le  2  dé- 
cembre 179'?',  avaient  été  assassinés  par  les  habi- 
tants. D'une  autre  part,  l'armée  de  Sambre  et 
Meuse  était  dénuée  de  vêtements,  privée  de  vi- 
vres, payée  avec  des  mandats  territoriaux  qui 
n'avaient  pas  cours  dans  le  pays ,  ce  qui  taisait 
beaucoup  murmurer. 

Le  28  (  16  ),  les  Français  .prirent  possession  de 
cette  capitale. 

V  oici  le  rapport  fait  à  ce  sujet  : 

Francfort,  le  29  messidor  (  17  juillet). 

E.vfrait  cliifie  lettre  du  général  de  division  Ernouf, 

chef  de   rétat-major  général   de    Vannée    de 

Samhre  et  Meuse ,  au  général  en  chef  Jour  dan, 

'(  Nous  sommes   entrés   hier  dans   Francfort, 

"»  mon  cher  général.   J'ai  poussé  une  reconnais- 

»  sance,  l'après-midi,  a  deux  lieues  dans  la  fo- 

»  rêt  d'Aschaffenbourg,  en  sortant  par  Saxchau- 

»  sen.  Je  n'ai  rencontré  que  cinq  déserteurs,  qui 

»  m'ont  assuré   qu'un  gros  corps   de  l'armée  se 

■»  retirait  sur  cette  place.  J'ai  trouvé  dans  la  forêt, 

>)  tm  dépôt  de  4^0  tonneaux   de  farine  et  2,000 

»  sacs  d'avoine ,  gardé  par  \\n  détachement  autri- 

5'  chien  que  j'ai  ramené  avec  moi. 

<i  Signe  Ernolf.  » 


(  27^  ) 
ingG.      L'armée  se  disposa  donc  à  se  mettre  en  route, 
AN  IV.  pom-  poursuivre  ses  conquêtes  (i). 

(i)  \oici  les  dates  avec  les  lieux  occupés  par  uue  por- 
tion de  la  loj™*,  depuis  l'arrivée  au  camp,  le  4  i^^es- 
sidor  (  21  juin  ) ,  jusqu'à  la  reddition  de  la  capitale  de 
la  Franconie ,  le  28  messidor  (    16  juillet  ). 

Le  11  messidor  (  29  juin  ),  partant  dç  Dusscldorf , 
on  se  rendit  à  Oppladen. 

Le   12   (  3o  )  ,  proche  Mulheim. 

Le  x3  (  1"  juillet,  sur  la  gauche  de  Siegbourg,  lieu- 
dit  Valpreux.  Depuis  cet  instant,  la  partie  du  corps  dont 
il  est  question ,  resta  au  paix  d'artillerie. 

Le   14   (  2  ),  on  prit  position  sur  une  haute  montagne  , 
où  il   y  eut  un  engagement  avec   l'ennemi. 
Le   i5    (  3  )  ,    on  fit  séjour. 

Le  16  (4),  ou  se  rendit  prèsdeSiegen  ,  à  des  forges  à  fer. 
Le   17   (  5  )  ,    on  s'arrêta   derrière   une   grande  foret; 
l'on   y  fit  600  prisonniers. 

Le   18    (   6  ),   on    partit  de  la   posi-ion,    et   on    mar- 
chai dans  la    threction  de  Dillenibourg. 
Le  19  (  7  ),  on   se  transporta  sur  la  route  dilerborn. 
Le  20   (  8  ) ,  le  parc  resta  à  côté  de  cette  place,  jus- 
qu'au 21  (9),  tandis  que  la  division  se  dirigea  sur  Wetzlar. 
Le  22  (  lo  ),  il   traversa  le  pont   de   Giessen. 
Le  23    (11    ) ,  il  alla  ;i  Bulzbach. 
Le  24   (   1 2  )  ,    à  Fridberg. 

Le  25  (  i3  )  ,  l'escorte  du  parc  rejoignit  le  corps  qui 
s'approcha   de   Wilstadt. 

Le  26  (   if{  ),  cheminant  dans  la  direction  de  A\  ilbel  , 
la    loS""  se  trouva  en   vue  de  Francfort. 

Le  27  {  i5  )  ,  cette  troupe  fit  un  mouvement. 
Le  28  (  16  ),  elle  arriva  proche  du  Mein ,  en  face 
de  Filbach.  A  cette  époque ,  il  y  eut  une  suspension 
d'armes  de  12  hemes ,  à  la  suite  de  laquelle  se  rendit 
la  ville  où  se  tiennent  les  diètes  de  la  Confédération  ger- 
manique ,  et  les  Français  en  prirent  possession. 


(-77) 


CHAPITRE  XLÏl 


Le  29  messidor  (17  juillet)  ,  l'avant -garde  ijr)6. 
partit  d'auprès   de  Francfort ,   traversa  Hanau  ,  an  iv, 
se  rendit  sur  la  Kinzig  ;   de  là   elle   se  dirigea 
vers  Geraunden. 

Le  pavs  que  la  division  parcourait  était  dif- 
ficile ,  et  les  chemins  se  trouvaient  horribles  ; 
la  chaleur  excessive  incommodait  d'ailleurs  beau- 
coup les  troupes. 

A  cette  époque,  la  loS'^^'^  comptait  à  l'effec- 
tif présent,  i,849  militaires  et  09  canonniers  , 
ce   qui  formait   un  total   de    1,888  hommes. 

Pendant  la  route  ,  la  demi  -  brigade  bivoua- 
qua dans  la  position  à  mi  -  côte  d'une  mon- 
tagne. Elle  eut ,  la  nuit  ,  à  supporter  les  effets 
d'un  orage  affreux.  La  pluie  tomba  en  si  grande 
quantité  ,  qu'elle  rompit  la  digue  d'un  étang  qui 
était  au-dessus  de  nous  ,  sans  commettre  d'au- 
tres dégâts  que  de  nous  mouiller  :  il  pouvait 
être  une  heure  du  matin.  Le  tonnerre  ,  en  tom- 
bant ,  tua  un  cheval  de  l'artillerie  attachée  au 
3'"^  bataillon   du   corps. 

Le  5o  (  18)  ,   on  eut  séjour. 

Le  4  thermidor  (22  juillet  )  ,  la  division  ar- 


(  278  ) 
i;96.  nva    k    Gemundcn  j   où   il    y    eut  un    en^^gc-n 
AT»  IV.  ment. 

Le  5  (  20  )  ,  elle  continua  d'avancer  par  Arn- 
stein  sur  Scliweinfurt. 

Je  fus  frappé  de  l'iiabillenient  des  femmes 
de  cette  dernière  ville  ;  elles  portaient  des  man- 
teaux bleus  galonnés  ,  des  espèces  de  bonnets 
de  velours  noir,  relevés  eu  manière  de  schakos 
à  la  hussarde. 

Voici  le  rapport  de  la  prise  de  cette  place  : 

Au  quartier  -  général ,  à  Francfort ,  le  7  thermidor 
(  23  juillet  ). 
Le  général  Eiiiouf  au  général  en  chef  Jour àan. 
«  Schweinfùrt  a  été  enlevé  le  4  C^^)-  H  P'^" 
)î  raît  ,  d'après  diflerents  avis  que  j'ai  reçus 
))  (rHeidelberg  ,  que  l'ennemi  a  quitté  la  posi- 
)'  tion  qu'il  tenait  à  Heilbronn. 

»  J'apprends  à  l'instant  que  l'archiduc  ^  qui 
^>  s'était  retiré  sur  Bamberg  ,  marche  du  côté 
»  de  Donawerth ,  et  le  corps  de  Wartensleben 
»  SLU"  Egra. 

M  ^/^-vie  Ernouf.  » 

Le  6  (  24  )  ,  on  opéra  un  mouvement  dans 
la  direction  de  Lauringen. 

Extrait  dune   dépêche    du   directoire  exécutif , 

au  général  en  clwf. 

Paris,  le  i3  thermidor  (3i  juillet). 

«  ....  Si    vous  parvenez  sur  la  Rednitz,   sans 

»  rencontrer    l'Autrichien,  ou   si    votre   arrivée 

)'  sur  les   bords  de  cette  rivière  le  force  à   se 

)^  replier  soudainement  sur  le  Danube,  vous  ne 


(  279  ) 
»  devez  point  hésiter,  citoyen  général,  de  mar-  i^tjG. 
»  cher    sur-le-champ   sur    Ratisbonne ,   et  nou3  a?  iv. 
»  vous  autorisons  même  à  vous  avancer  jusqu'à 
))  Passau  ,  dans  le  cas  où  les  circonstances  et  la 
»  déroute  de  l'ennemi  vous  permettraient  de  le 
))  faire  j  mais  dans  cette  hypothèse  ,  comme  dans 
»  celle  que  nous  avons  établie  plus  haut ,  l'inten- 
»  tion  du   directoire  est  qu'un  corps  d'observa-    . 
5)  tion  suffisant ,  détaché   de  votre  armée ,  sur- 
f>  veille  la  Bohême,  et  y  lance  même  quelques 
»  partis  ,  pour  y  lever  des  contributions. 

»  Nous  présumons  au  surplus  que  l'ennemi , 

»  extrêmement  faible  ,  et  qui  .se  trouve  dans  l'im- 

55  puissance  absolue  de  résister  aux  deux  armées 

»  républicaines  ,   aura    réuni   toutes    ses    forces 

»  vers  le  Danube.   Nous  espérons   que  l'armée 

))  de  Sambre  et  Meuse  et  celle  du  Rhin  et  Mo- 

»  selle  agiront   simultanément  ,   pour   le   mettre 

))  dans  mie  déroute  totale.  Elles  sont  toutefois 

J)  assez  fortes  l'une    et   l'autre,   pour  l'attaquer 

i)  séparément  et  lui  livrer  bataille  ;  et  comme  rien 

«  n'est  plus  pernicieux  à  la  guerre  que  la  len- 

5)  leur  ,  nous  pensons  que  celle  des  deux  armées 

»  qui  le  rencontrera  la  première  ,  ne  doit  point 

«  hésiter  à  l'attaquer    et    à  profiter  de  sa   dé- 

»  faite. 

»  Signe  Laréveillère-Lépealx  ,  président.  » 

Un  individu  du  bataillon ,  accusé  d'avoir  pillé 
beaucoup  de  pièces  d'or  et  de  bijoux ,  fut  dé- 
noncé. Le  citoyen  Cardon  nomma  un  sergent 
avec  moi ,  pour  cU'çsser  l'inventaire   des  objets 


(    -280    ) 

1796.  précieux  qui  seraient  saisis  sur  cet  homme.  îï 
AN  IV.  avait  été  mis  à  la  garde  du  camp.  MaJgré  les 
recherches  les  plus  exactes ,  nous  ne  trouvâmes 
qu'une  montre  d'or  enrichie  de  diamants,  avec 
quelques  risdales.  Le  tout  fut  remis  au  chef  de 
brigade ,  ainsi  que  le  procès  -  verbal  signé  du 
sous-olficier  et  de  moi.  Le  prévenu  parvint  en- 
suite à  obtenir  sa  liberté. 

Le  1 5  thermidor  (  2  août  )  ,  le  général  en  chef 
étant  tombé  malade ,  remit  le  commandement  au 
général  Kléber. 

Le  16  (5),  nous  allâmes  auprès  de  Kœnigs- 
hoten,  qui   était   un   chàleau-fort  sur  mic  cini-    * 
nence ,  garni  d'artillerie  :  cette  petite  place  capi- 
tula sans  coup  férir. 

Dans  les  riches  contrées  de  la  Franconie  que 
nous  parcourions  ,  il  y  avait  une  grande  abon- 
dance de  vivres.  Lcô  distributions  se  faisaient 
régulièrement.  On  voulut  rétal)lir  la  discipline 
et  empêcher  le  pillage.  Aussitôt  que  les  troupes 
avaient  pris  position ,  les  militaires  s'épar[)il- 
laient  en  grand  nombre  dans  les  campagnes  ; 
ces  maraudeurs  y  portaient  la  désolation  ,  y 
connnettaient  toutes  soites  de  rapines  sous  pré- 
texte de  se  procurer  des  subsistances.  wSi  l'en- 
nemi fût  venu  attaquer  le  camp  dans  ce  mo- 
ment ,  il  Feùt  trouvé  presque  sans  défense  ,  ce 
qui  pouvait  compromettre  le  salut  de  la  di- 
vision. 

Le  général  fit  arrêter  un  homme  chargé 
d  objets   qu'il  avait  volés  ;  un  conseil  de  guerre 


(  «û-  ) 

fut  tenu  ,    et  l'accusé    condamné  à  être  fusillé,  i-go. 
A  la  nuit  on  réunit  les  troupes  ;  le  patient   es-  a>  iv. 
corté  arriva   entouré  de   militaires   portant   des 
torches  allumées  :   il  se  mit   à  genoux  ;   on  lui 
banda  la  vue.  Le  peloton  désigné  reçut  le  signal; 
le  condamné  tut  frappé  à  mort. 

Un  officier  supérieur  prononça  un  discours 
à  ce  sujet ,  aussitôt  après  l'exécution  du  juge- 
ment. Cet  appareil  lugubre ,  la  force  de  l'organe 
de  Torateur ,  l'énergie  de  ses  idées  ,  firent  ime 
impression  profonde  sur  tous  les  assistants. 

Quelques  jours  après ,  les  vivres  manquant  de 
nouveau  ,  on  fut  obligé  de  laisser  recommencer 
le  même  genre  de  vie.  Les  officiers,  les  sous- 
officiers  ,  dans  cette  circonstance ,  montraient 
un  couiage  stoïque  ;  sans  la  générosité  des  sol- 
dats ,  plusieurs  seraient  morts  d'inanition.  Mais 
en  nourrissant  leurs  chefs  ,  ils  se  sentaient  au- 
torisés à  se  livrer  au  désordre. 

En  continuant  notre  roule,  nous  arrivâmes  à 
Bamberg,  capitale  de  l'évéché  du  même  nom. 

Voici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  : 

"  Le  général  de  division  Ernouf  écrit ,  en 
»  date  du  i8  thermidor  (5  août)  ,  que  le  i6  (5) 
»  du  courant  ,  toutes  les  avant-gardes  des  divi- 
))  sions  de  l'armée  de  Sambre  et  Meuse  ont 
»  combattu ,  excepté  celle  du  général  Lefebvre. 
))  Partout  la  victoire  a  été  fidèle  à  nos  braves 
»  guerriers.  L'adjudant -général  Ney  a  eu  une 
)■  ailaire  éclatante  ,  dont  le  succès  est  dû  à  la 
;>  valeur  et  à  la  prudence  de  cet  intrépide  offi- 


(    «282    ) 

1796.  '^  cier.  Le  6'"^  régiment  de  chasseurs  a  pits, 
AK  IV.  »  dans  une  charge,  plus  de  100  chevaux;  t/} 
w  bateaux  chargés  de  blé  ou  farine  sont  tombes 
»  en  notre  pouvoir.  La  suite  de  cette  brillante 
)*  journée  a  été  la  reddition  de  Barnl3erg  ;  les 
))  magistrats  ont  ouvert  les  portes  à  la  division 
»  qui  s'est  présentée  sous  ses  murs  :  ainsi  nous  éà 
•»  voilà  maîtres  du  Haut  -  Meia  et  de  la  Red-  I 
»  nitz.  » 

Autre  rapport  daté  du  même  jour  : 

«  Depuis  deux  mois  de  marche  et  de  vic- 
»  toires  ,  ra;rmée  de  Sambre  et  Meuse  a  pris  à 
»  l'ennemi  62 2  pièces  de  canon ,  dont  Sy  de 
»  campagne  et  565  de  siège,  4^000  fusils,  des 
*  drapeaux  à  toison,  et  pour  2,000,000  d'eiTets 
î)  ou  subsistances,  et  9,000,000  d'ornements  et 
))  trésors  des  pays  de  Mayence,  Trêves  et  Go- 
»  logne ,  qui  remontaient  le   Mein.  » . 

Le  1 9  thermidor  (  6  août  )  ,  après  avoir  dé- 
passé Bamberg,  il  y  eut  aux  villages  de  Strul- 
lendorf  et  d'Hirschaid ,  un  combat  en  avant  d'un 
bois ,  dans  une  plaine ,  où  le  brave  chef  de 
brigade  Doré  ,  du  8°'^  de  cuirassiers ,  perdit 
la  vie. 

Nous  continuâmes  notre  route  du  côté  de 
la  ville  ci-après  désignée  ,  qui  fut  prise  par 
les  Français  à  la  suite  d'une  capitulation. 

Voici   le   rapport  qui  en   a   été  fait  : 

Forclieim^  le  11  thermidor  (8  août}. 

«  Nous  sommes  maîtres   de  la  place  de  For- 
cheim ,  dont  le  commandant  a  capitulé  aussitôt 


('■85) 
»  après   l'îjloigncment    des    troupes    impérialos.  inc,$. 
»  Nous  y  avons  trouvé  70  bouches  à  feu.  Nous  an  iv. 
«  sommes  aujourcFliui  au-delà   de  la  rivière  de 
>>  Redniiz   et  de   la   rivière  d'Aicli  ;  l'ennemi   se 
)>  relire  en  grande  hâte  sur  Nuremberg.  » 

Le  même  jour ,  le  général  en  chef  rétabli  , 
vint  reprendre  le  commandement,  et  le  générai 
Kléber  qui  se  trouvait  indisposé ,  se  retira  sur 
les  derrières  de  l'armée   pour  se   faire   soigner. 

Le  22  (9)  ,  l'avant-garde  du  général  Lefebvre 
poussa  jusqu'à  Herolzberg  et  Neuhof. 

Le  23  (10),  on  occupa  Neuhof  et  Bullac. 

Le  24  (i  0?  ^^^  ^^  transporta  à  Loch. 

Le  même  jour,  la  place  de  Rottenberg  se  ren- 
dit au  général  Ney. 

Voici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  : 

Au  quartier-général,  à  Lauff,  le  25  thermidor  (12  août), 

Le  commissaire  du  Gouvernement  y  près  l'armée 
de  Samhre  et  Meuse  ,  au  directoire  exécutif. 

«  Citoyens  directeurs  ^ 

»  Les  Autrichiens  ont  abandonné  la  position 
»  qu'ils  occupaient  entre  LauiT  et  Rottenberg. 
»  Ils  ont  même  évacué  le  fort  de  Rottenberg , 
»  dont  la  garnison,  composée  de  7 5  hommes  de 
»  troupes  bavaroises ,  s'est  rendue  à  la  première 
w  sommation.  On  a  trouvé  dans  ce  fort  quarante 
?>  bouches  à  feu  et  quelques  munitions  de 
»  guerre.  » 

Les  25  et  26  (  12  et  i5)  ,  les  divisions  des 
généraux  Lefebvre  et  Colaud ,  qui  étaient  réu- 
I.  19 


(  ^84  ) 
179C.  ûies,  campèrent  à  droite  et  à   gauche   d'Hers^ 
Axi  IV.  bruck,  à  cheval  sur  la  rivière  de  Pegnitz. 

Extrait  de  l'onh'e  du  général  en  chef  Jourdan  , 
daté  de  Lauff,  le  2(>  tliermidor  fi5  août). 

«  Le  général  Lefebvre  partira  demain  à  quatre 
»  heures  du  matin  ,  se  dirigera  sm*  Siglizberg , 
»  en  laissant  Rottenberg  à  sa  droite  ,  et  pren- 
n  dra  position  sur  la  Pegnitz ,  sa  droite ,  dans  ]a 
»  direction  d'Alfa tter  ,  appuyée  ,  autant  que  pos- 
»  sible ,  à  la  gauche  de  la  division  Colaud ,  et  sa 
V.  gauche  ,  dans  la  direction  de  Siglizberg.  11 
»  poussera  son  avant-garde  sur  la  rive  gauche  de 
»  la  Pegnitz  le  phis  avant  possible ,  et  dans  la 
»  direction  de  Sulzbach  ;  jettera  quelques  llan- 
»  queurs  sur  Velden ,  et  se  procurera  des  ren- 
»  seignemcnts  sur  les  chemins  qui  aboutissent 
»  de  sa  position  à  Sulzi^ach,  sans  suivre  la  grande 
»  route.  Il  prendra  pareillement  des  renseigne- 
»  ments  sur  la  position  de  l'ennemi,  et  poussera 
))  des  reconnaissances  le  plus  près  possible  de 
»  Sulzbach.  h 

Extrait  de  l'ordre  du  général  en  chef  Jourdan , 
<laté  de  Hersbruck,  /e  29  tliermidor  (i  G  août). 

«  Le  général  Lefebvre  lèvera  son  camp  de- 
»  main  matin  à  trois  heures  j  il  chrigera  sa  ca- 
»  Valérie  et  son  infanterie ,  par  le  chemin  le 
»  ])lus  court ,  sur  Holensiein ,  où  il  prendra  po- 
»  sition  à  cheval  sur  celui  qui  conduit  de  Vel- 
»  don  à  Sulzbach.  Eu  même  temps  que  le  général 
»  Lefebvre  fera  ce  mouvement ,  son  avant-garde 


(  285  ) 
»  s'emparera  de  Nevikirchen.  11  jettera  un  corps  i-q6. 
»  de  troupes   légères    sur   Wiîseck.  ;   il   dirigera  a.n  iv. 
»  son  artillerie,  ses  rauniiions  et  ses  équipages 
»  sur  Velden,  et  de  là  sur  le  camp  qu'il  occu- 
»  pera.   Il  prendra  des  renseignements   sur   les 
»  chemins   par  lesquels  il   pourrait    se  retirer, 
»  en  cas   d'événements  malheureux ,   sur   Grœ- 
»  fenberg  ,   et  sur  ceux  pai-  lesquels  il  pourra 
»  marcher  après-demain  sur  Sulzbach  ,   pour  y 
»  attaquer  l'ennemi.  » 

Le  5o  thermidor  (17  août),  on  se  battit  en 
avant  de  Sulzbach.  La  nuit  mit  fin  au  combat. 

Il  exista,  long-temps  après,  une  fusillade  entre 
les  avant-postes.  Nous  remplacions  les  troupes 
qui  avaient  agi  pour  appuyer  leurs  mouve- 
ments. 

La  ToS'"^  était  sur  une  hauteur.  Nous  jouîmes 
du  plaisir  de  voir  tirer  des  coups  de  fusil  la 
nuit ,  dont  la  clarté  produisait  un  bel  effet.  Le 
bruit  se  répétait  par  l'écho  dans  mille  endroits 
différents. 

Voici  le  rapport  de  cette  bataille  : 

Marche  jusqu'au  bord  de  la  IX ab  ,  le  3  fructidor 
(  20  août } . 

<«  L'armée  de  Sambre  et  Meuse  va  toujours  en 
»  avant ,  et  l'ennemi  toujours  résistant ,  finit  tou- 
»  jours  par  la  retraite.  Le  5o  thermidor  (17  août), 
n  le  général  a  emporté ,  à  la  baïonnette ,  un  bois 
»  situé  à  deux  lieues  de  Sulzbach,  et  qui  borde 
»  la  route  5  de  grandes  forces  ,  commandées  par 
))  le  prince  de  Hohenlohe,  y  étaient  rassemblées 

19- 


(  986  ) 

1796.  »  ^^  soutenues  d'une  formidable  artillerie.  Le  feu 

AN  IV.  ))  a  été  terrible  ;  mais  la  baïonnette  française   a 

»  dispersé   les  forces  ennemies.    Le   prince    de 

)>  Hohenlohe  n'a  dû  son  salut  qu'à  la  vitesse  de 

»  son  cheval. 

))  L'ennemi  s'est  rallié  près  de  Sulzbach.  Là, 
))  nouveau  combat  ;  l'ennemi  avait  pris  position 
))  sur  un  rocher ,  d'où  il  a  été  chassé.  La  valeur 
))  a  été  signalée  de  part  et  d'autre.  Le  champ  de 
»  bataille  est  resté  aux  troupes  françaises,  à  onze 
-»  heures  du  soir.  Klein,  d'un  autre  côté,  en  a 
»  chassé  l'en  Demi  sur  les  hauteurs  d'Angsberg. 

»  Le  lendemain ,  la  division  du  général  Grenier 
»  s'est  portée  sur  Arnbert ,  en  a  chassé  l'ennemi  ) 
»  et  la  forcé  de  repasser  la  Vils. 

M  II  paraît  certain  que  l'ennemi  s'est  retiré 
»  derrière  la  Nab ,  et  que  ses  équipages  prennent 
»  la  route  d'Egra. 

))  Le  5  fructidor  (20  août),  la  même  armée 
))  a  fait  un  mouvement  en  avant. 

»  Elle  a  rencontré  nouvelle  et  forte  résistance 
»  de  la  part  de  l'ennemi ,  qui  occupait  une  po- 
«  si  don  avantageuse  sur  les  hauteurs.  La  baïon- 
«  nette  l'en  a  encore  chassé  à  9  heures  du  soir, 
»  et  les  troupes  françaises  ont  bivouaqué  sur  le 
))  champ  de  bataille.  » 

Le  i^'"  fructidor  (18  août),  on  s'avança  sur  la 
Vils. 

Le  2  (19)  ,  on  eut  séjour. 

Le  5  (20),  la  division  se  rendit  à  Amberg  : 
elle  se  porta  par  Hirchau  sur  la  IX ab,  en  face 


(  287  )_ 
deWernbcrg,  et  campa  près  de  Nabburg ,  où  inc^G. 
elle  arriva  le  même  jour.  an  iv. 

Le  quartier-général  s'était  fixé  dans  cette  der- 
nière ville  (i). 

Le  feu  ayant  pris  à  quelques  maisons  ,  on  en- 
voya des  détachements  des  corps,  par  corvée, 
qui  parvim-ent  à  l'éteindre. 

(i)  L'armée  de  Sambre  et  Meuse ,  devant  se  réunir  à 
celle  du  Rhin,  et  s'étant  approchée  de  Ratisbonne ,  reçut 
improprement  le  nom  d'armée  du  Danube,  qu'elle  ne 
porta  qu'un  instant,  sans  qu'il  y  eût  de  décret  rendu  à 
cet  égard. 


(  288  ) 


CHAPITRE  XLIir 


»796-      Le  6  fructidor  (  aS  août),  dans  la  nuit,  nous 
AN  IV.  entendîmes  une    vive  canonnade  au   centre  de 

l'armée;  nous  vîmes  l'horizon   rempli    de  feux. 

Le  matin  ,  nous  commençâmes  la  retraite. 

Extrait  de  V ordre  du  général  en  chef  Jourdan  , 
du,  6  fructidor  (iS  août). 

«  Le  général  Lefebvre  se  mettra  en  marche  ce 
»  soir  à  dix  heures ,  et  viendra  prendre  position 
»  en  arrière  de  Hirchau,  de  manière  à  couvrir 
M  Sulzbach  et  Harnbach  ;  il  laissera  eu  arrière , 
»  des  troupes  légères  qui  n'abandonneront  Nab- 
M  burg,  Pereimt  et  Vernberg  qu'à  la  pointe  du 
»  jour ,  et  se  retireront  ensuite  sur  la  division  , 
»  après  avoir  reconnu  les  mouvements  de  l'en- 
»  nemi.  Il  placera  sur  son  front  une  avant-garde, 
>»  de  manière  à  être  prévenu  de  tout  ce  qiii  pourra 
»  déboucher  de  Nabburg ,  Pereimt  et  Vernberg  , 
»  pour  aller  à  sa  rencontre ,  et  à  pouvoir  se  lier 
>'  avec  l'avant-garde  du  général  Colaud ,  qui  res- 
«  tera  sur  les  hauteurs  en  avant  d'Amberg.  » 

Le  7  (  24  ) ,  la  division  se  retira  de  la  Nab ,  prit 
position  entre  Jlirchau  et  Sidzbach. 

Le  général  Kléber  se  trouvant  rétabli ,  arriva 


(  ^^9  ) 
ce  joiir-là ,  et  prit  le  commandement  des  divisions  i  noG. 
des  généraux  Colaud  et  Letebvre.  in  iv. 

A  oici  le  rapport  qui  a  été  fait  de  la  retraite  : 

Le  général  Jouvdan  écrit  de  son  quartier- général , 
le  ']  fructidor  (^^Jj,  au  directoire  exécutif- ,  la 
lettre  sidvante  : 

<(  J'ai  riionnem'  de  vous  prévenir  que  le  prince 
»  Charles  est  venu,  avec  un  corps  de  25,ooo 
»  hommes  ,  se  réimir  au  général  Wartensleben , 
»  et  a  attaqué  ,  le  5  (  22  ) ,  le  général  Bernadotte 
»  qui  était  à  Teining,  en  avant  de  Neumarck^ 
»  pour  couvrir  mes  communications ,  tandis  que, 
»  suivant  vos  ordres ,  je  suivais  l'armée  du  géné- 
w  rai  NVartensleben ,  sans  avoir  pu  le  fprcer  à  re- 
»  cevoir  bataille.  Le  général  Bernadotte  donna, 
»  dans  cette  circonstance,  de  nouvelles  preuves 
»  de  talents  et  de  courage ,  et  les  troupes  sous  ses 
»  ordres  combattirent  avec  la  plus  grande  intré- 
»  pidité;  mais  il  fallut  céder  au  nombre,  et  ce 
»  général  fut  obligé  de  se  retirer  contre  Lauflf  et 
»  Nuremberg  ,  pour  éviter  d'être  enveloppé. 

»  Le  prince  Charles  jeta  de  suite,  sur  mes 
M  derrières  ,  la  majeure  partie  du  corps  qui  avait 
»  forcé  le  général  Bernadotte  à  reculer ,  et  j'ai  à 
»  mon  tour  couru  les  risques  d'être  enveloppé , 
»  dans  un  pays  où  les  communications  sont  ex- 
»  trêmement  rares.  Ma  position  et  les  forces  de 
V  l'ennemi  ne  me  permettent  pas  de  combattre 
»  sans  compromettre  évidemment  le  salut  de  l'ar- 
«  mée,  çt  j'ai  fait,  la  nuit  dernière ,  ma  retraite 


(  '^90  ) 
ir^ijG  )'  sur  Amberg  :  arrivé  à  cette  position,  j'y  ai' 
xn  IV.  »  Lientôt  été  attaqué  par  le  général  Wartensleben, 
»  de  front,  et  en  liane  par  l'archiduc;  j'ai  été 
»  obligé  de  rétrograder  jusqu'à  Sulzbach,  après. 
»  avoir  fait  la  résistance  qu'exigent  i'iionneur  et 
»  les  devoirs  d'un  militaire. 

»  Je  ne  peux  pas  encore  vous  donner  des  dé- 
»  tails  sur  cette  affaire.  Je  ne  crois  pas  encore 
))  avoir  perdu  d'artillerie.  Je  vais  partir  cette  nuit 
»  et  me  retirer  sur  Velden ,  ensuite  sur  Grsefen- 
»  berg,  et  puis  sur  Forcheim,  où  je  me  propose 
»  de  réunir  l'armée. 

»  J'espère  que  le  général  Moreau  profitera  de 
»  cette  circonstance ,  et  que  les  succès  qu'il  ob- 
»  tiendra  rappeleront  bientôt  sur  le  Danul^e ,  les 
»  forces  qui  se  sont  portées  sur  moi.  » 

La  journée  du  7  (  a4  )  étant  à  moitié  écoulée  , 
l'avant-garde  s'égara  sans  route  praticable  :  nous 
fûmes  acculés  le  long  d'im  bois,  ayant  devant 
nous  un  marais.  I^es  militaires,  cherchant  à  se 
procurer  des  vivres ,  n'en  recevant  aucuns ,  les 
jnagasins  étant  tombés  au  pouvoir  de  l'ennemi , 
virent  des  ouvertures  dans  une  montagne  peu 
éloignée  ;  ils  y  pénétrèrent  et  y  trouvèrent  eu 
abondance  de  la  bière  excellente.  En  peu  de 
temps  le  camp  fut  changé^  et  devint,  d'un  lieu 
triste,  où  l'on  manquait  de  tout,  un  séjour  d'excès 
et  de  gaîté.  La  marche  de  l'armée  exigeant  une 
prompte  retraite ,  il  fallut  nous  éloigner. 

J>fous  ne  parcourions  que  des  chemins  vicinaux, 


(  ^9ï  ) 
el  nous  ne  voyagions   qu'à  l'aide  des  guides.  Il  1-96. 
arriva  souvent  qu'ils  nous  trompèrent  ;  que  nous  A^  iv. 
timcs  des  détours  pour  nous  rendre  au  point  où 
nous  serions  arrives  [)lus  tôt,  si  nous  ne  nous  lus- 
sions pas  éeartés  de  notre  direction. 

Ejctrait  de  l'ordre  du  général  en  chef  Jourdan  , 
du  ']  fructidor  (  24  ^(oûtj. 

«  Le  général  Colaud  partira  à  minuit ,  et  se  di- 
»  rigera  siu-  Hauibach  ;  il  suivra  la  grande  route 
»  de  Bayreutli  jusqu'auprès  de  Vilseck ,  où  il  la 
»  quittera  pour  marcher  sur  Velden,  en  passant 
»  par  Boden ,  Wagscheid  et  Mitteldorf  ;  passera 
»  la  Pegnitz  à  Engentlial,  et  ira  camper  à  la 
»  gauche  du  général  Grenier. 

w  Le  général  Lefebvre  partira  immédiatement 
»  après  la  division  Golaud ,  suivra  la  même  route , 
♦)  et  viendra  camper  à  sa  gauche.  Ces  deux  géné- 
»  raux  feront  partir  leurs  pièces  de  position  et 
»  leurs  parcs  de  réserve,  au  reçu  du  présent 
»  ordre,  et  les  dirigeront  parla  route  qui  vient 
»  de  leur  être  indiquée. 

»  Les  feux  seront  allumés  comme  à  l'ordinaire  ; 
»  on  laissera  des  postes  d'observation  pour  cacher 
»  le  départ  à  l'ennemi ,  et  les  généraux  Lefebvre 
»  et  Grenier  laisseront  une  arrière-garde  qui  ne 
»  partira  qu'à  deux  heures.  » 

Le  8  (  25  ) ,  les  troupes  du  général  Lefebvre 
prirent ,  à  gauche  de  l'armée ,  un  sentier  qui  pas- 
sait par  Vilseck.  Les  équipages  se  rendaient  à 
ydden.  Un  horrible  encombrement  avait  heu  à 


(  292  ) 

1 796»  Achten ,   dont  la  route  était  devenue   imprati^, 
AîJ  IV.  cable  (1). 

La  loS"^*^  arriva  dans  un  village  ,  sur  le  clocher 
duquel  le  tonnerre  éiait  tombé  pendant  un  orage, 
lorsque  l'on  sonnait  les  cloches.  Le  leu  du  ciel 
avait  détniit  l'église  et  plusieurs  maisons  environ- 
nantes. Nous  passâmes  à  travers  cette  commune, 
dont  les  habitants ,  qui  voyaient  les  Français  pour 
la  première  fois ,  n'avaient  pas  fui ,  étant  encore 
altérés  par  les  elï'ets  de  la  foudre. 

Dans  la  nuit  du  8  et  la  journée  du  9  fructidor 
(  25  et  26  aoiit  ),  la  division  se  transporta  à  Peg- 
nitz. 

Pendant  celle  du  9  et  la  matinée  du  10  (  26  et 
27),  nous  nous  rendîmes  à  Bezenstein.  Cette 
marche  forcée  depuis  la  Nab,  sans  vivres,  sans 
chemin  ferré,  avait  exténué  la  troupe  de  fa- 
tigue. 

Le  1 0  (  37  ) ,  les  corps ,  pour  prendre  du  repos^ 
restèrent  sur  le  qui-vive  durant  le  reste  de  la 
journée. 

Le  II  (  28  )  ,  la  division  marcha  la  nuit ,  arriva 
sur  la  rivière  de  Wisent.  Elle  prit  position,  la. 
droite  à  Eberraanstadt ,  la  gauche  à  Weyterbach. 

(i)  Les  Victoires 'et  Conquêtes,  tome  7,  page  18, 
ligne  8  et  suivantes  ,  disent  :  «  C'en  était  fait ,  peut-être , 
»  .de  l'armée  française ,  si  l'archiduc  Charles  ne  se  fût 
»  point  arrêté  à  Sulzbach.  Très-heureusement  ce  prince, 
»  occupé  à  réunir  ses  divisions ,  n  avait  fait  suivre  lest. 
>i  Français  que  par  quelques  coureurs.  » 


à 


(  21)5  ) 

Extrait  de  l'ordre  du  général  en  cliefJourdan ,  ,  -qf,, 
du  II  fructidor  fiS  août).  ^r.  iv. 

«  Le  gcucral  KléLer  donnera  ordre  aux  deux 
»  divisions  qu'il  commande,  de  se  mettre  enmou- 
»  vement  à  minuit,  pour  venir  prendre  position, 
»  la  droite  à  Forcheim,  et  la  gauche  à  Eber- 
»  manstadt  ;  il  réunira  ses  principales  forces  aux 
»  environs  de  Forcheim,  attendu  que  le  dehou- 
»  ché  d'Ebermanstadt  est  facile  à  garder  ;  il  fera 
))  partir ,  au  reçu  du  présent  ordre ,  un  bataillon , 
»  pour  venir  tenir  garnison  à  Forcheim,  et  v  re- 
»  lever  celui  de  la  division  Championnet  qui  y 
y>  est  ;  il  fera  pareillement  relever  de  suite  les 
»  avant-postes  des  divisions  Grenier  et  Charii- 
»  pionnet  ,  afin  que  ces  deux  généraux  aient 
»  toutes  leurs  troupes  réunies  le  plus  tôt  possible. 
»  Aussitôt  que  le  gros  des  troupes  du  général 
»  Kléber  sera  rassemblé  près  de  Forcheim ,  il  di- 
»  rigera  un  corps  sur  la  rive  gauche  de  la  Red- 
»  nitz ,  vers  Villersdorf ,  afin  d'attaquer  en  flanc 
«  les  troupes  qui  sont  sur  l'Aisch  ;  il  jettera  un 
«  détachement  sur  Hausen ,  et  fera  attaquer  tous 
»  les  avant-postes  ennemis  sur  la  rive  droite  de 
»  la  Rednitz.  Enfin,  il  enverra  un  parti  vers  Holl- 
»  feld ,  poiu-  observer  ce  qui  pourra  venir  sur 
»  Bamberg,  par  la  route  de  Bayreuth. 

»  On  attaquera  avec  impétuosité ,  et  on  char- 
»  géra  vigoureusement  tout  ce  qu'on  rencon- 
»  trera  ;  on  évitera  surtout  de  tirailler.  » 

Des  soldats  manquant  de  vivres  ,  se  répan- 
daient dans  la  campagne  pour  y  chercher  des 


(  =94  ) 

1796.  subsistances.  Les  paysans  ayant  fui  leurs  habi-> 

jk>  IV.  tations,  en  égorgèrent  plusieurs, 

La  demi-brigade  traversa  un  village  dans  le- 
quel un  combat  de  l'escorte  des  bagages  du 
parc  français  s'était  engagé  avec  des  partisans 
autrichiens ,  qui  voltigeaient  sur  les  derrières 
de  l'armée  républicaine.  Le  résultat  de  cette 
escarmouche  fut  que  les  caissons  sautèrent ,  que 
les  voitures  se  trouvèrent  brisées ,  et  que  cette 
commune  ne  tarda  pas  à  être  réduite  en  cen- 
dres. 

Il  restait  un  four  banal,  à  l'épreuve  du  feu. 
Les  muniiionnaires  de  la  division  s'en  étant  em- 
parés à  notie  arrivée ,  firent  promptement  du 
pain  ;  ils  m'en  remirent  deux  ;  j'en  offris  un  aux 
officiers  ;  je  gardai  l'autre  pour  les  sous-officiers 
et  pour  moi.  Il  me  fut  bien  doux  de  pouvoir , 
dans  ce  moment ,  être  utile  à  mes  chefs  et  à 
mes  camarades. 

Le  ï  2  fructidor  (29  août  )  ,  la  division  des- 
cendit la  rive  droite  de  la  Wisent  jusqu'à  For- 
cheim.  A  4  heures  de  l'après-midi,  il  s'engagea 
un  combat  qui ,  sur  le  soir ,  pensa  prendre  un 
caractère  plus  sérieux. 

L'ennemi  nous  harcelant ,  se  disposait  à  s'em- 
parer de  la  place.  Nous  doublâmes  le  pas  pour 
le  contraindre  à  retarder  sa  marche.  Tandis 
que  l'on  mettait  l'armée  en  bataille,  appuyée 
à  la  ville  ,  on  envoya  les  fourriers  afin  de  re- 
cevoir des  vivres.  Nous  com-ûmes  aux  magasins, 
que  nous  trouvâmes  vides  entièrement. 


(  açp  ) 


CHAPITRE  XLIV. 


Dans  la  nuit  du  12  au  1 5  fructidor  (29  au  3(5  1796. 
août  )  ,  après  avoir  quitté  Forcheim  et  rejoint  la  a>  xy. 
io5'"^,  nous  défilâmes  promptement  le  long  de 
la  Rednitz,  guéable  à  Seussling.  Nous  voulions 
nous  opposer  au  passage  de  la  cavalerie  autri- 
chienne ,  qui  avait  le  dessein  de  couper  la  retraité 
de  Tarniée  française. 

La  place  de  Forcheim  et  quelques  habitations 
rurales  étant  incendiées,  les  flammes  s'élevaient 
tellement ,  que  l'on  pouvait  se  diriger  à  leur 
clarté. 

\  ers  minuit ,  le  5"'^  bataillon  de  la  demi-bri- 
gade fut  attaqué  étant  en  ligne  sous  des  arbres 
le  long  de  la  rivière ,  pour  défendre  le  gué.  Le 
feu  de  l'ennemi  était  bien  fourni  ;  on  fit  riposter 
par  des  llanqueurs,  afin  de  l'attii'er  dans  Fem,- 
buscade.  Des  balles  qui  passaient  par-dessus  nos 
têtes,  blessèrent  des  hommes  qui  défilaient  sur 
la  route  k  peu  de  distance  derrière  nous.  Ces 
militaires  crurent,  en  nous  apercevant  à  la  faiblo 
lueur  de  l'eau,  que  c'étaient  les  Impériaux.  Notrc^ 
situation  devint  embarrassante  :  nous  nous  trou- 
vions emre  deux  feux,  L'adjudant-major,  à  che- 


(  '-^9^'  ) 
ï-<,G.  va],  ï>'eiii[)réssa  d'aller  prévenir  les  troupes   qui 
i>  IV.  étaient  sur  la  ehaussée,  de  ne  point  tirer. 

Un  tourner,  tandis  que  nous  formions  la  garde 
du  drapeau,  au  sifflement  d'une  balle,  fit  un 
mouvement  en  arrière,  à  laisser  croire  qu'il  se 
sentait  blessé.  Voyant  qu'il  n'en  était  rien  ,  je  le 
plaisantai  à  cause  de  son  pas  rétrograde ,  parce 
qu'il  m'avait  marché  sur  le  pied,  et  n'ayant  nulle- 
ment l'intention  de  le  vexer.  Il  prit  la  plaisan- 
terie en  mauvaise  part,  et  me  provoqua  pour  la 
première  circonstance  où  nous  poiu-rions  nous 
battre ,  afin  de  me  prouver  qu'il  n'avait  point 
eu  peur.  Le  cartel  de  déli  accepté,  nous  pas- 
sâmes la  nuit  dans  la  tranquillité  la  plus  appa- 
rente. 

Le  i3  fructidor  (3o  août),  avant  le  jour, 
le  bataillon  rejoignit  la  loS**^^  ainsi  que  la  divi- 
sion ,  après  que  le  parc  fut  passé. 

On  prit  position  devant  le  bois  en  arrière  de 
Strulleftdorf. 

L'ennemi ,  dès  le  matin,  se  présentant  en  force, 
s'arrêta  devant  ce  village,  détendu  par  des  tirail- 
leurs de  l'arrière- garde. 

Tandis  que  l'on  s'occupait  de  résister  à  l'ofién- 
sive,  le  chef  de  l'état -major  général  vint  de- 
mander au  commandant  du  bataillon,  s'il  avait 
quelqu'un  à  lui  donner  pour  copier  des  ordres. 
Le  citoyen  Bonnemaille  m'ayant  désigné  ^  je  me 
mis  de  suite  à  l'ouvrage.  M'étant  assis  par  terre, 
ayant  pris  sur  mes  genoux  mon  havre-sac  j)oiir 
me  servir  de  bureau,  j'écrivis  pendant  eu^iroii 


(  207  ) 
une  heure.   Alors  les  Aiitricliiens  vinrent  nous  1-796. 
débusquer.   Le  général  Ernoui'  monta  à  cheval ,  ak  n% 
et   m'engagea  à  retourner   à    mon    corps    qui  , 
ayant  fait   un    mouvenent  ,   n'était  pas    éloigné 
(le  nous. 

A  peine  étais-je  rentré  au  drapeau  ,  que  les 
villages  d'Hirschaid  et  de  Struilendori  étaient 
embrasés. 

Au  même  instant ,    un  régiment  de  cavalerie 
étrangère  arriva  au  galop  derrière  un  monticule  , 
et  vint  pour  prenrhe   la  demi-brigade  en  flanc 
vers  la  gauche.   Sa  course   fut  arrêtée   par  un 
long  fossé  garni  de  haies   (i).  Le  chef  du  5*^^^ 
bataillon,  en  voyant  les  Autrichiens,  lit  un  com- 
luandement  qui  ne  fut  pas  bien  compris  à  cause 
des  cris  de  l'ennemi  ,  du  bruit  de  la  mousque- 
terie  et  de  l'ai  tillerie.  Le  demi-bataillon  de  gauche 
s'en  alla  vers  les  Impériaux  ;  celui  de  droite  se 
rompit  par  pelotons.   Cette  division  du  corps  _, 
sur  le  point  d'être  chargée  ,   manqua  de  nous 
être  funeste.  Cet  officier  supérieur  ordonna  aus- 
siiôt  à  tout  le  monde  de  se  jeter  dans  le  bois, 
en  se   défendant  chacun  pour  son  compte.  Les 
cavaliers  ne  pénétrèrent  point  dans  la  forêt,  parce 
qu'elle  était  boisée.  TSous  profitâmes  de  ce  mo- 
ment  pour    nous   rallier   et    pour   suivre   notre 
route  ;  nous  rencontrâmes  des  régiments  de  di- 
verses armes  qui  se  retiraient  en  bon  ordre. 

(i)  Il  y  avait  à  la  suite  de  cette  troupe  ,  plusieurs 
feinuies ,  le  sabre  ou  le  pistolet  à  la  main ,  qui  parais- 
saient dispose'es  à  fournir  la  chirgc  avec  vigueur. 


(  ^^9^  ) 
i'-gG.  Nous  arrivions  auprès  de  Bamberg  ;  on  envoya 
Aï,  IV.  les  fourriers  avec  des  hommes  de  corvée  , 
chercher  des  vivres.  L'ennemi  s'étant  empare 
de  la  ville  le  ii  fructidor  (28  août)  ,  en  avait 
été  chassé;  il  était  toujours  à  l'inquiéter,  ainsi 
que  les  alentours.  On  avait  braqué  des  pièces 
de  canon  clans  les  rues. 

Etant  parvenus  difficilement  aux  magasins,  et 
de  retour  au  corps  ,  la  distribution  du  pain  , 
seule  subsistance  qu'on  avait  pu  obtenir,  se  fit, 
et  chaque  soldat  en  eut  la  moitié  d'un. 

^"oici  le  rapport  concernant  la  surprise  '  de 
cette  place  : 

Nuremberg  ,  le  12  fructidor  (2g  août). 

«  Les  otages  que  les  Français  avaient  pris  à 
»  Ambcrg,  sont  arrivés  ici  ce  matin  à  l'impro- 
»  viste.  Ils  ont  été  délivrés  par  une  patrouille 
î)  autrichienne,  qui  est  entrée  à  5  heures  du  ma- 
«  tin  dans  le  fauboiu^g  de  Bamljerg  ;  elle  a  fait 
))  en  même  temps  prisonniers  5o  Français.  » 

L'armée  défila  sans  coup  férir. 

Extrait  de  la  lettre  du  i^enéîxil  Jourdun  ,   relative 
à  la  retraite  de  la  i\ah. 

Schweinfurt,  le   i4  fructidor    (3iaoût). 

«  Dans  la  nuit  du  7  au  8  fructidor  (24  et  25 
i)  août  ) ,  j'ai  fait  ma  retraite  sur  deux  colonnes. 

"  Le  9  (  26),   à  Hilpotzsteln. 

«Le  10  (27),  l'armée  s'est  retirée  sur  la  AVi- 
»  sent,  la  droite  appuyée  à  Forcheim,et  la  gauche 
»  à  Ebermanstadt. 


(  299  ) 

»  Le  II  (t^S  ) ,  je  lis  seulement  un  mouvement  inqS. 
»i  sur  ma  droite.  an  it. 

w  Le  12  (  -29  )  ,  je  me  portai  sur  Bamberg. 

)'  Le  i5  (5o),  l'armée  s'est  mise  en  mouvement, 
)j  et,  par  une  marche  forcée,  partie  est  arrivée 
))  aujourd'hui  à  Schweinfurt,  et  partie  à  Lau- 
))  rineeu.  » 


JE.  >  20 


(  5oo  ) 


CHAPITRE  XLV. 


x,^,^ 


Ï796.  Dans  la  nuit  du  i5  au  i4  fructidor  (3o  au  5i 
AN  IV.  août),  la  division,  sans  se  battre,  continua  sa 
marche  rétrograde  par  un  temps  très-pluvieux  ; 
elle  passa  le  Mein  à  Halstadt»  Nous  nous  diri- 
geâmes une  partie  de  la  nuit  vers  Zeil ,  le  long 
des  vignes  à  droite,  ayant  cette  rivière  à  notre 
gauche.  Le  temps  était  si  obscur,  le  chemin  si 
abominable,  tant  par  sa  nature  que  par  le  passage 
d'une  si  grande  quantité  d'individus  avec  tout  l'at- 
tirail de  la  guerre ,  que  nous  cherchions  les  en- 
droits les  moins  bourbeux. 

Vers  minuit,  j'aperçus  devant  moi  une  trace 
claire  :  c'était  ime  espèce  d'étang  ;  je  le  prenais 
pour  un  de  ces  sentiers  que  se  fraient  ordinau-e- 
ment  les  voyageurs  sur  le  bord  des  routes.  M'y 
étant  élancé,  je  fus  fort  siu-pris  de  me  sentir  tom- 
ber dans  l'eau,  où  j'entrai  jusqu'aux  aisselles: 
comme  j'avais ,  dans  ma  chute ,  conservé  mon  fa- 
g-non ,  je  le  présentai  à  ceux  qui  vinrent  à  moi  ; 
ils  m'aidèrent  à  me  dégager. 

Ayant  suivi  la  colonne ,  nous  rencontrâmes  des 
soldats  qui  avaient  allumé  des  feux  ;  je  m'en  ap- 
pro(  liai  et  me  chauffai.  Depuis  le  commencement 
de  la  retraite ,  n'ayant  point  eu  de  repos ,  la  ver- 


(  5ot  ) 
mine  nous  avait  tellement  rongés  ,  qu'il  était  bien  1^96. 
difficile  de  s'en  garantir.  axn  iv. 

Lorsque  je  tus  séché  enlièrement,  j'accompagnai 
des  militaires  rejoignant,  les  uns derrièreles  antres, 
le  corps  qui  prit  ensuite  position  sur  une  à  mi-côte. 

Le  1.4  (3i  ),  à  la  pointe  du  jour,  nous  com- 
meurâmes  notre  marche.  Nous  arrivâmes  à  envi- 
ron deux  heures  après  midi ,  dans  la  direction  de 
Zeil  et  de  Lauringen. 

A  peine  les  bivouacs  étaient  fixés,  que  mon  ca- 
marade vint  me  prouver  c[u'il  n'avait  pas  eu  peur 
dans  le  combat  de  nuit  du  12  au   i5  (  29  au  5o  ). 

Ayant  pris  chacun  un  témoin  de  notre  grade, 
nous  nous  rendîmes  à  peu  de  distance  du  camp , 
dans  un  bois  où  nous  trouvâmes  un  endroit  pro- 
pice à  notre  dessein.  Là,  nous  nous  battîmes  avec 
un  acharnement  égal  pendant  plus  d'une  demi- 
heure  sans  la  moindre  égratignure.  Jamais  je  n'a- 
vais vu  une  victoire  plus  longue  à  se  fixer.  Néan- 
moins, je  fis  à  mon  adversaire  vme  entaille  au 
poignet.  Tandis  que  je  me  relevais,  il  eu  profita  ; 
me  porta  un  même  coup  qui  me  meurtrit  l'avant- 
bras  :  car  nos  sabres  étaient  comme  des  scies ,  par 
l'effet  des  parades  réciproques.  Quoique  je  n'eusse 
qu'une  meurtrissure  ,  la  plaie  s'enfla  au  point  que 
je  fus  forcé  de  porter  une  écharpe.  La  blessure  du 
fourrier  était  plus  grave;  mais  il  n'en  fut  pas  estropié. 

Lé  i5  (  i*^*^  septembre),  la  division  se  trans- 
porta ,  par  un  temps  pluvieux  et  des  chemins 
épouvantables ,  dans  les  environs  de  Lauringen  , 
où  elle  bivouacjua. 

20. 


(    502    ) 

1^96.       L'armée  reçut  une  nouvelle  organisation.  Les 
AK  IV.  troupes  du  général  Golaud,  qui  quitta  le  comman- 
dement ,   furent  réparties  entre  les  autres  divi- 
sions. La  brigade  Jacopin ,  la  45"'''  de  ligne  ,  le 
11°*^  de  dragons  renforcèrent  l'avant-garde. 

Le  16  (  2  )  ,1e  général  Kléber  fut  contraint,  par 
maladie  ,  de  se  retirer  de  Farmée  qui  se  prépai-a 
à  se  battre. 

La  division  du  général  Lefebvre  s'approcha  de 
Schweinlurt,  où  elle  resta  pendant  la  bataille  de 
Wurtzbourg ,  qui  eut  lieu  le  1 7  (  5  )  ,  et  fut  défa- 
vorable aux  Français. 

Les  blessés  de  cette  malheureuse  affaire  étant 
dirigés  sur  Schweinfurt,  on  mit  la  10 5"'^  pour 
les  escorter.  Le  nombre  de  voitures  attelées  de 
bœufs,  se  montait  à  environ  600;  elles  étaient 
chargées  chacune  de  4  7  ^  à  8  blessés.  La  hgnc 
occupait  un  espace  de  presque  trois  quarts  de 
lieue.  L'artillerie ,  les  équipages ,  suivant  la  route, 
faisaient  partie  de  ce  convoi. 

Le  18  (4)5  nous  nous  dirigeâmes  vers  la  ville 
d'Hamelburg. 

Le  19  (  5  ) ,  on  alla  avec  peine  à  Bruckenau  , 
plusieurs  bœufs  étant  fatigués. 

Le  20  (  6  )  ,  la  marche  devint  encore  plus  diffi- 
cile que  la  veille,  par  la  lassitude  des  animaux  , 
le  défaut  de  pansement  et  le  manque  de  nourri- 
ture. Des  coureurs  ennemis  ayant  paru,  furent 
aux  prises  avec  l'arrière- garde ,  sans  que  le  convoi 
se  trouvât  interrompu. 


(  5o5  ) 

A  cinq  heures  après  midi,  nous  arrivâmes  à  i-^g. 
Fulde,  où  Ton  nous  reçut  fort  bien.  Le  prince  lit  an  iv. 
prendre  les  armes  à  sa  garde  et  renforcer  les 
posies  des  portes,  pour  nous  protéger  en  cas  de 
besoin.  Les  républicains  bivouaquèrent  sur  le 
glacis,  tandis  que  les  voitures  se  rendaient  auprès 
de  réglise  cathédrale ,  où  l'on  administrait  des  se- 
cours aux  blessés. 

Pendant  la  nuit ,  les  paysans  se  «auvèrent 
presque  tous,  les  uns  emmenant  leurs  bœufs,  les 
autres ,  surveillés  par  les  gardes ,  en  laissant  les 
leurs.  Au  moment  de  partir,  ou  fut  obligé  de 
mettre  davantage  de  blessés  sur  les  voitures,  d'a- 
bandonner plusieurs  charrettes ,  ne  trouvant  plus 
d'animaux  pour  les  conduire ,  n'ayant  pas  le  temps 
d'en  aller  chercher  de  nouveaux,  à  cause  de  l'ap- 
parition des  Autrichiens.  Si  le  prince,  les  magis- 
trats ,  les  habitants  de  la  ville  de  Fulde  ont  été 
hospitaliers,  on  ne  peut  s'empêcher  de  rendre 
justice  aux  militaires  et  aux  autres  individus  du 
convoi  ;  car  aucun  désordre  n'a  eu  lieu.  Les  ré- 
publicains devenaient  les  censeurs  sévères  de  ceux 
qui  am-aient  voulu  se  porter  à  quelques  excès. 
Chacun  se  piquait  de  laisser  une  bonne  idée  des 
Français ,  en  reconnaissance  des  secours  que  l'on 
nous  avait  si  gratuitement   accordés. 

Le  2 1  (  7  )  ,  il  fallut  nous  mettre  en  route  dans[ 
la  direction  de  Lauterbach  ;  forcer  la  marche  des 
])œufs  dont  les  soldats  avaient  la  conduite,  et 
qu'ils  dirigeaient  fort  mal,  ne  sachant  les  faire 
aller  à  la  manière  des  Allemands. 


(  5o4  ) 
i-:o6.  Nous  voyageâmes  jusqu'à  environ  minuit , 
AS  IV.  n  vaut  laissé  la  route  à  notre  droite,"  pour  prendre 
un  chemin  de  traverse  qui  était  beau  d'abord, 
mais  qui  devint  ensuite  alfreux.  Nous  fûmes  obli^ 
gés  de  nous  arrêter ,  parce  que  le  guide  qui  nous 
conduisait  s'était  échappé,  et  que  nous  n'avions 
plus  de  sentier ,  étant  dans  le  milieu  d'une  grande 
forêt.  Pour  ne  point  retourner  sur  nos  pas ,  on 
ordonna  de  faiie  halte,  pendant  que  l'on  cher- 
chait un  passage.  Nous  restâmes  une  heure  dans 
cet  étal  de  repos.  Lorsqu'on  voulut  repartir ,  nous 
nous  trouvions  dans  une  obscurité  profonde; 
beaucoup  de  bœufs  momurent  d'inanition  j 
d'autres  ,  qui  étaient  excédés ,  ne  surent  chemi-. 
ner;  il  fallut  les  laisser  sans  pouvoir  s'en  servir. 
Les  voitures  furent  abandonnées,  ainsi  que  les 
blessés  c[u'elles  contenaient,  C'était  un  spectacle 
déchirant  d'entendre  ces  infortunés  réclamer  notre 
humanité  (i).  Malgré  leurs  sanglots,  l'envie  que 
nous  avions  de  les  soulager,  de  les  emmener, 
nous  ne  pûmes  y  réussir,  De  quelles  pensées  ne 
fûmes-nous  pas  agités  à  l'idée  du  sort  qui  leur 
était  réservé,  celui  de  mourir  de  misère,  d'être  dé- 
corés par  les  animaux  de  proie,  ou  d'être  égorgés 
par  les  paysans  insurgés  !  Tirons  le  voile  sur  les 
malhciu's,  sur  les  cruautés  inséparables  de  la 
guerre  !1!1 

(i)  .le  ne  puis  pre'ciscr  la  quantité  de  charrettes  res- 
tées. Les  honinies  qui  avaient  des  blessures  à  la  tête  ou 
aux  bras ,  ou  qui  étaient  dans  le  cas  de  supporter  la 
marche,    eurent  le  courage   de  suivi'e  le   convoi  à  pied, 


(  3o5  ) 


ClIAPITrxE  XLYÏ. 


Le  32  fructidor  (8  septembre)  ,  les  restes  du  i^^g. 
couvoi  rassemblés ,  on  se  mit  en  route  avant  le  xd  iv. 
jour.  Pendant  cette  marche  ,  aussi  prompte  que 
celle  des  boeufs  le  permettait ,  nous  passâmes  à 
Ulrichstein ,  et  nous  arrivâmes  à  la  nuit  tom- 
bante à  Grunberg.  Le  chef  de  brigade,  le  ci- 
toyen Cardon,  qui  avait  précédé  l'escorte ,  s'arrêta 
a  la  porte  de  la  ville.  Il  m'ordonna  d'y  rester  en 
faction,  de  ne  laisser  pénétrer  qui  que  ce  fût, 
sous  peine  de  la  plus  sévère  punition.  Un  bou- 
levard ainsi  qu'une  muraille  environnaient  la 
place ,  dans  laquelle  il  n'était  pas  nécessaire  d'en- 
trer. Je  ne  quittai  mon  poste  qu'après  minuit, 
quand  tout  fut  défilé.  Ayant  fait  fermer  la  porte, 
j'allai  remettre  la  clef  de  la  ville  à  la  municipa- 
lité ;  j'y  trouvai  les  magistrats  et  le  bourgmestre 
réunis.  Je  reçus  des  éloges  pour  la  fermeté 
avec  laquelle  j'avais  rempli  la  consigne  qui  m'a- 
vait été  donnée.  Ces  messieurs  ajoutèrent,  à  leurs 
remercîments ,  deux  écus  de  six  livres,  que  je 
ne  crus  pas  devoii-  refuser.  Ils  chargèrent  quel- 
qu'un de  me  conduire  dans  une  hôtellerie,  où 
je  soupai  copieusement.  On  me   logea   ensuite 


(  5o6  ) 
lyyb.  chez  un  bourgeois  qui  me  fit  beaucoup  d'iion-; 
AN  IV.  nêtetés.  Je  me  couchai  presqu'aussitôt  sans  pouT 
voir   doimir.  Le  lit   était   si   doux  ,   mes  habi- 
tudes si  dures  ,   que  je  fus  privé  du  sommeil. 

Tandis  que  je  réfléchissais  sur  mon  sort ,  j  en- 
tendis des  pas  de  chevaux  dans  la  rue ,  quel- 
ques cris,  le  bruit  d'armes  à  feu.  M'étant  ha- 
billé aussitôt ,  je  descendis  à  tâtons  pour  savoir 
ce  qui  se  passait.  Les  habitants  tout  en  pleurs 
m'apprû-ent  que  les  Autrichiens  étaient  entrés 
dans  la  ville.  Un  domestique  m'en  fit  sortir  par 
des  jardins  et  des  vergers.  Je  regagnai  la  loS"^" 
qui  se  disposait  à  partir,  sans  que  j'eusse  ren- 
contré les  ennemis.  Etant  allé  trouver  le  chef 
de  brigade ,  je  lui  rendis  compte  de  ce  que 
j'avais  fait  pour  exécuter  ses  ordres.  Je  lui  ra- 
contai, en  même  temps,  de  quelle  manière  je 
m'étais  échappé  de  Grunberg  pour  rejoindre  le 
bivouac,  et  j'allai  à  la  compagnie. 

Le  20  (9),  àa  heures  du  matin ,  les  voi- 
tures et  l'escorte  se  mirent  en  route  le  plus  promp- 
temeut  qu'il  fût  possible.  Après  une  heure  de 
chemin ,  on  fit  rassembler  le  convoi  pour  résister 
en  cas   d'attaque. 

Ayant  marché  quelque  temps,  nous  bivoua- 
quâmes auprès  de  Giessen,  où  était  restée  une 
compagnie  de  la  io5""'  qui  rejoignit  la  demi-bri- 
gade. 

Le  24  (10),  les  voitures  de  blessés,  d'artille- 
rie, d'équipages,  filèrent  avec  une  nouvelle  es- 
corte. JXous  rejoignîmes  les  troupes  du  général 


(  ^«7  ) 
Lefebvre  sur  Ui  Lalin,  la  droite  appuyée  à  Wetz-  i-r)6. 
kr,  la  gauche  à  Dudeuhoten.  a>  iv. 

A  oici  les  rapports  cpii  ont  été  faits  à  celte 
occasion  : 

AVctzlar,  le  24  fructidor  (1?.  septembre). 

((  Depuis  l'affaire  du  17  fructidor  (5  septembre), 
»  l'arnice  a  continué  sa  retraite  ;  et,  quoique 
»  suivie  par  l'armée  ennemie ,  nous  n'avons  été 
V  inquiétés  ,  dans  notre  marche ,  C{ue  par  quel- 
ï»  ques  partis  de  hussards  et  des  paysans  armcls , 
•»  qui  ont  cherché  plusieurs  fois  à  enlever  notre 
i>  parc  d'artillerie. 

))  iS/g'/îe'' JOURDAN.   « 
Paris,  le  a™*  jour  comple'mentaire   (i8  septembre), 

K  L'armée  du  général  Joiudan  est  sur  la  Lahn , 
w  en  arrière  de  Wetziar.  Le  général  Bernadotte , 
3>  de  cette  armée,  a  fait  sa  jonction  avec  le  gé- 
»  néral  Marceau;  elle  va  remarcher  grand  train 
«  à  l'ennemi. 

»  Le  général  Beurnonville,  à  qui  on  a  offert  le 
î)  commandement  de  l'armée  de  Sambre  et  Meuse, 
»  d'après  la  démission  du  brave  Jourdan,  vient 
»  d'écrire  au  directoire  une  lettre  qui  lui  fait  le 
5)  plus  grand  honneur,  par  laquelle  il  l'engage 
))  à  ne  pas  accepter  la  démission  du  général  Jour- 
:»  dan;  annonçant  qu'il  servira  avec  plaisir  sous 
î)  ses  ordres,  à  la  tète  des  divisions  de  l'armée 
»  du  Nord  qu'il  vient  d'amener  à  celle  de  Sambre 
«  et  Meuse.  » 

Le  2  3  fructidor  (11  septembre),  l'infanterie  de 


(  oo8  ) 
ijgG.  l'avant-garde  du  général  Grenier  s'était  enfermée 
AM  IV.  dans  la  ville  de  Giessen  ;  les  habitants  ayant  ou- 
vert les  portes  aux  Autrichiens ,  la  garnison,  déjà 
prisonnière,  lut  rendue  sur  la  menace  que  fît  le 
général  d'incendier  la  ville. 

La  division  du  général  Lefebvre  eut  séjour. 
JVayant  pas  suivi  le  même  chemin,  que  le  con- 
voi pendant  la  retraite,  elle  tint  la  route  dont 
voici'  l'itinéraire  (i)  : 

(i)  Le  18  fructidor  (  4  septembre  )  ,  ayant  quitté 
Scliweinfurt,  elle  se  rendit   par    Nuningen     à   Arlebacli. 

Le    19  (  5  ),  à    Oherlach. 

Le  20  (  6  )  ,  elle  se  transporta  à  Schluclitern  ,  où  elle 
resta  sur  la  rive  gauche  de  la  Kinzig. 

Le  2 1  (  7  ) ,  elle  passa  à  Ulnibach ,  et  fut  camper  à 
Bierstein. 

Le  3-2   (  8  )  ,  elle  alla  k  Bergstadt. 

Le  23  (  9  ),  elle  atteignit  la  Lahn,  et  prit  position 
sur  la  gauche  de  cette  rivière,  en  avant  de  Wetzlar, 


^EX' 


(  5o<)  ) 


y^  ,*- w9»  ^^  wlT' .^  , 


GIIAPTÏBE  XLYIT 


Daivs  la  nuit  du  26  au  27  fructidor  (12  au  1-96. 
i5  septembre)  ,  nous  passâmes  la  Lalm.  Nous  au  iv. 
primes  position  sur  une  hauteur,  près  de  sa  rive 
droite.  L'ennemi  vint  attaquer  à  peu  de  distance 
de  Giessen  ;  mais  le  feu  cessa  par  un  accom- 
modement de  convenance  entre  les  gardes  avan- 
cées. Chaque  partie  conserva  un  côté  de  la  ri- 
vière. Il  V  eut  des  pourparlers  entre  les  avant- 
postes  qui  j  par  une  confiance  mutuelle ,  burent 
ensemble. 

Le  ^7  (lo),  lorsque  le  jour  fut  venu,  on  re- 
marquait des  hauteurs  ,  très  -  distinctement ,  la 
joie  qui  existait  entre  les  Français  et  les  Autri- 
chiens qui  gardaient  les  extrémités  d'un  même 
pont.  ]^e  général  Leiebvre,  en  reconnaissant  le 
terrain  ,  voyant  cette  intimité  ,  fit  tirer  le  canon  : 
chacun  ensuite  s'éloignant,  se  mit  sur  la  défen- 
sive. 

Le  00  (iT)),  la  journée  se  passa  pour  nous 
sous  les  armes ,  sans  faire  feu ,  tandis  que  nous 
entendions  une  vive  canonnade  et  une  fusillade 
suivie.  Le  soir ,  les  étrangers  ayant  débouché 
par  le  pont  de  Giessen ,  paraissaient  vouloir 
forcer  la  ligne.   Ils  attaquèrent  vigoureusement 


(  5io  ) 
ï^Qf)    ies  corps  qui   se   trouvaient  devant   cette  ville. 
AN  IV.  Plusieurs  pièces   de  canon  les   protégeant ,   fai- 
saient beaucoup  de  mal  aux  républicains.   Ces 
derniers  n'opposaient  que   des   coups   de   fusil. 
Ils  n'avaient  point  de  caissons,  ou  les  lein^s  étant 
vides,  et  ne  pouvant  se  procurer  de  cartouches, 
les  Impériaux  s'aperçurent  que  leur   feu  n'était 
]^as  aussi   fourni  ;  ils  résolurent   de    prendre  la 
montagne  d'assaut.  Les  troupes  qui  l'occupaient , 
se  battant    à  la   baïonnette  ,   firent    rouler  des 
pierres  en  assez  grande  quantité.  Les  Autrichiens 
lurent  repoussés,  en  ayant  eu  plusieurs  hommes 
tués  et  beaucoup  de  blessés.  Une  division  de  ca--' 
Valérie  française  parut    et    sabra    les    tirailleurs 
ennemis  ,   ce  qui  les   contraignit  à  rentrer  clans 
îa  place.   Le  brave  général   Bonnaud   reçut   un 
coup  mortel  dans  le  courant   de   cette    affaire. 
La    10 5'"^  arriva  sur  le  plateau  ,    pour   ren- 
forcer l'infanterie   qui   s'y    était    si    courageuse- 
ment maintenue  ;  celle-ci  avait  appuyé  à  gauche, 
pendant  que  les  cavaliers  exécutaient  la  charge. 
L'obscurité  mit  fin  au  combat. 

L'ennemi  resta  dans  les  faubourgs  et  aux  en- 
virons de  Giessen.  Pendant  la  nuit,  des  militaires 
descendirent  la  montagne  par  curiosité  ;  ils  rap- 
portèrent que  plusieurs  kaiserlichs  avaient  été 
tués  des  seules  contusions  de  pierres  ;  un  bon 
nombre  blessés  par  le  même  moyen  ;  et  que 
beaucoup  d'autres  avaient  succombé  par  la  baïon- 
nette des  tirailleurs  ou  le  sabre  de  la  cava- 
lerie. 


(5>.  ) 

Le   i"joT.ir  complémentaire  (17  septembre),  i^cx^ 
au  matin  ,  on  permit  tacitement  aux  Impériaux  .\m  iv. 
de  venir  cherclier  leurs  morts.   Nous  restâmes 
toute  la  journée  sous  les  armes. 

La  nuit  du  i^'  au  2  (17  au  18)  étant  close, 
nous  partîmes  en  silence.  Nous  allâmes  à  travers 
les  bois   sur  Herborn. 

Le  5"'*  join-  complémentaire  (19  septembre), 
la  division  du  général  Lefebvre  ,  rassemblée  en 
route  ,  continuant  sa  marclie  rétrograde,  forma 
l'arrière- garde  de  toute  l'armée,  et  se  dirigea 
vers  Altenkirchen ,  où  elle  s'établit  sur  les  hau- 
teurs ,  appuyant  sa  droite    à   la  grande   route. 

Le  même  jour  ,  le  rapport  de  la  retraite  a 
été  fait  en   ces  termes  : 

«  D'après  de  nouvelles  dispositions  qui  ont  eu 
«  lieu  à  la  suite  d'un  combat  sur  la  Lalin  ,  et 
»  dans  lesquelles  les  troupes  républicaines  ont 
»  déployé  une  bravoure  toujours  égale ,  cette 
»  armée  s'est  repliée ,  partie  sur  le  Rliin ,  partie 
»  sur  le  camp  retranché  de  Dusseldorf.  Un  corps 
))  considérable  de  l'armée  du  Nord  ayant  fait  sa 
»  jonction  avec  elle ,  il  en  doit  résulter  immé- 
»  diatement  mi  mouvement  offensif^  cjui  lui  fera 
))  recueillir  le  fruit  de  ses  premières  conquêtes.  » 

A  la  même  date  5  (  19) ,  le  général  Marceau  , 
blessé  mortellement ,  passa  parmi  les  troupes  de 
la  colonne  en  mouvement ,  porté  sur  un  brancard 
par  six  grenadiers.  Toute  l'armée  était  dans  l'af- 
fliction et  la  tristesse ,  en  voyant  cette  victime  de 
la  ûfuerre. 


(    3l2    ) 

1796.      Voici  les  rapports  qui  en  ont  été  faits  i 

^  ^^'  Altenkirchen^  le  5""*  jour  complémentaire  (21  septembre)  i 
«  La  position  d'Alteiikirclien  a  été  de  r'eclief 
»  ensanglantée  par  une  action  des  plus  meur- 
»  trières.  On  ne  connaît  pas  bien  tous  les  détails 
»  de  ce  combat;  mais  il  paraît,  d'après  tous  les 
»  avis  qui  nous  sont  parvenus ,  qu'un  corps  de 
»  Français  avait  pris  poste  le  2  (  18  )  ,  pour  cou- 
»  vrir  la  retraite  du  reste  de  l'armée.  Le  5  (  19  )  , 
»  de  grand  matin  ,  les  Autrichiens  ont  attaqué 
»  cette  position,  et  l'ont  forcée,  après  une  résis- 
»  tance  opiniâtre  et  longue  de  la  part  des  Fian- 
»  rais.  L'ennemi  ayant  pu  tout  à  son  aise  tourner 
»  la  gauche  de  ces  derniers ,  ceux-ci  ont  dû  aban- 
»  donner  le  champ  de  bataille,  et  battre  en  re- 
»  traite  sur  la  Sieg.  La  journée  d'Altenkirchen  a 
■»  coûté  beaucoup  de  monde  aux  deux  partis.  Le 
»  général  Marceau,  que  je  vous  avais  dit  être  ici, 
»  se  trouvait  au  contraire  à  cette  action,  où  il  a 
»  été  blessé  mortellement.  » 

Autre  rapport  du  même  jour: 

«  A  la  suite  d'une  afîaire  des  plus  terribles,  rpii 
»  a  eu  lieu  le  5"^^  jour  complémentaire  (  19  sep- 
»  tembre)  près  d'Altenkirchen,  l'aile  gauche  de 
)»  l'armée  de  Sambre  et  Meuse  a  été  forcée  de 
»  repasser  la  Sieg.  » 

Autre  rapport  du  même  jour  : 

«  L'armée  de  Sambre  et  Meuse,  suivant  les 
»  rapports  authentiques  ,  a  4o,ooo  hommes  , 
»  dont  une  forte  partie  de  cavalerie.  » 


(Si5) 
Autre  rapport  :  i  -^G. 

Mort  de  Marceau  j   le  5"'^  jour  complémentaire  ^^  *^- 
(  2  1  septembre  ). 

«  Le  général  Marceau  a  été  blessé  à  Altiokir- 
»  cheii^  le  5'""  jour  coraplénieutaire  (  19  sep- 
»  terabre  )  ;  i!  est  mort  le  surlendemain.  Son  corps 
»  a  été  enterré  dans  le  camp  retranché  de  Co- 
»  blentz ,  au  bruit  de  l'artillerie  des  deux  ar- 
»  raées.  » 

Le  4**^^  jour  complémentaire  (20  septembre  )  ^ 
la  division  du  général  Lefebvre  s'établit  en  avant 
d'Ukerath ,  la  gauche  appuyée  à  la  Sieg. 

Le  5  (  2 1  ) ,  nous  ne  nous  arrêtâmes  que  proche 
de  Cologne,  où  nous  bivouaquâmes  sur  la  rive 
droite  du  Rhin ,  auprès  de  la  route  de  Mulheim 
à  Bensberg. 

Rapport  qui  a  été  fait  après  la  retraite  : 

Retour  à  Cologne  y  le   i^'  vendémiaire  f  22  sep-  a>  v. 
tembre  ). 

«  L'armée  est  campée  à  deux  lieues  en  avant 
»  de  Duitz,  c'est-à-dire,  deux  lieues  au-delà  du 
»  Rhin.  La  retraite  s'est  faite  avec  un  courage 
^)  calme  et  une  fermeté  intrépide.  Il  s'est  engagé, 
))  sur  les  bords  de  la  Sieg,  une  action  entre  les 
>-  avant-postes,  dont  tout  l'avantage  a  été  pour 
)  les  Français.  » 

Le  7  vendémiaire  (  28  septembre),  le  général 
en  chef  Jourdan  donna  sa  démission  ;  il  partit 
pour  se  retirer  dans  sa  famille,  après  avoir  reiaià 
le  comniandcmcnt  de  l'armée. 


Aï*   V. 


_        (34) 
in<^(y.       Ce  (at  le  général  Beurnonville  que  le  Directoire 
désigna  pour  le  remplacer. 

Au  retour  sur  le  Rhin,  la  loS"^",  qui  n'avait 
pas  quitté  la  division  d'avant-garde ,  comptait 
1,859  hommes  présents  sous  les  armes.  Elle  avait 
une  augmentation  de  dix  individus ,  depuis  le  29 
messidor  (  1 7  juiUet  ) ,  qu'elle  était  entrée  en 
Francouie. 

L'usage ,  dans  cette  campagne  où  l'ennemi  fut 
toujours  en  évidence,  était  de  faire  prendre  les 
armes  jusqu'à  minuit ,  à  la  moitié  de  chaque  corps 
républicain,  tandis  que  le  reste  se  reposait.  En- 
suite l'autre  portion  de  la  troupe  veillait  jusqu'au 
jour. 

Le  7  (28),  dans  l'après-midi,  les  Autrichiens 
vinrent  attaquer. 

Voici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  : 

Mulheim  ,  le  8  vendémiaire  (29  septembre  ). 

((  Hier  soir,  vers  les  cinq  heu  '^s,  l'ennemi  s'est 
»  présenté  aux  grand'gardes  de  la  division  du  gé- 
))  néral  Leiebvre ,  et  s'est  porté  de  suite  sur  la 
»  division  Championnet,  avec  laquelle  il  a  engagé 
))  une  canonnade.  L'ennemi  avait  1,200  hommes 
)>  à  cheval,  2  bataillons  et  6  pièces  de  canon  :  il 
3)  a  eu  quelques  blessés ,  deux  officiers  tués  et 
))  plusieurs  prisonniers.  Je  suppose  qu'il  n'a  fait 
))  cette  reconnaissance  que  pour  observer  un 
»  mouvement  que  je  faisais  dans  ce  moment.  » 

La  jo5°^^  ne  fut  pas  occupée  dans  ce  combat  ,• 
elle  fit  un  mouvement  aussitôt  après  l'action,  pour 


(  ^'3  ) 
remplacer  un  bataillon  de  la  2 5"^^  cViiifantciic  lé-  i-gQ. 
gère  à  Langeiibourg.  ai.  vi 

Le  1 1  (  '2  octobre  )  ,  elle  bivouaqua  dans  la  fo- 
ret de  Bensberg ,  à  peu  de  distance  du  château 
de  l'électeur. 

Pendant  notre  séjour  dans  cette  position^  nous 
ne  fûmes  point  troublés  par  1  ennemi.  Seulement 
diverses  fois,  la  nuit ,  les  pandoures  ou  manteaux 
rouges  venaient  attaquer  nos  avant-postes.  Après 
quelques  coups  de  fusil ,  ils  se  retiraient  sans  que 
la  division  se  mît  sur  la  défensive. 

Ayant  pendant  plusieurs  jours  éprouvé  une 
grande  douleur  au  pied  gauclie ,  qui  s'enflamma  , 
je  fus  privé  de  marcher. 

Le  I  o  brumaire  (  5 1  )  ,  à  cinq  heures  du  ma- 
tin ,  les  pandoures  surprirent  les  grand'gardes ,  et 
vinrent  tomber  sur  nous  sans  que  nous  eussions 
le  temps  de  nous  défendre.  Néanmoins  les  senti- 
nelles avancées  avaient ,  durant  la  nuit ,  l'ordre  dé 
se  coucher  l'oreille   contre  terre,  pour  entendre 
les  pas  de  l'ennemi.  La   10 5°'^   se  retira  précipi- 
tamment. Je  tâchai  de  ne  pas  la  quitter;  mais  ma 
jambe  malade  ne  me  permit  pas  de  suivre  les 
hommes  de  la  compagnie.  Voulant  me  hâter,  mon 
pied  ayant  frappé  contre  une  souche,  je  ressentis 
une  angoisse  si  aiguë ,   que  je  ne  pus  aller  plus 
loin. 

Un  soldat,  appelé  Lecourt,  de  Fleuri-la-Rivière, 
s'étant  aperçu  de  l'impossibilité  où  j'étais  de  me 
soutenir ,  m'engagea  à  monter  sur  ses  épaules  , 
I.  ai 


(  5iG  ) 
1796-  po"r  qi^iG  je  ne  tombasse  pas  au  pouvoir  de  l'eu- 
A«  V.  nemi.  Il  me  dit  qu'il  se  chargerait  de  me  porter 
jusqu'à  Cologne,  où  il  me  déposerait  à  l'hôpital. 
Le  bruit  des  coups  de  fusil,  le  sifflement  des 
balles  ,  les  cris  des  assaillants  ,  répétés  par  les 
échos ,  tout  me  décida  à  accepter  son  offre.  Aidé 
par  lui ,  et  appuyé  sur  mon  fagnon  ,  nous  par- 
vînmes à  sortir  du  bois. 

Nous  étions  dans  la  plaine,  quand  le  jour  com- 
mençait à  poindre.  Un  dragon  qui  survint ,  ne 
sachant  pas  le  chemin ,  s'adressa  à  nous  pour  le 
lui  indiquer.  Nous  fumes  tous  les  trois  aussi  éton- 
nés les  uns  que  les  autres,  en  nous  reconnaissant  ; 
ce  cavalier  était  le  nonnné  Boutée,  fils  du  maré- 
chal-ferrant  de  Dameri. 

Le  danger  étant  imminent,  il  me  fît  de  suite 
placer  sur  son  cheval,  qu'il  suivait  à  pied.  Lors- 
que Lecourt  me  vit  en  sûreté  ,  il  retourna  au 
corps  qui  se  battait  toujours  avec  acharnement. 
Mon  compagnon  de  voyage,  tout  en  courant,  me 
dit  qu'il  allait  à  Cologne ,  porter  une  lettre  au  gé- 
néral Lefebvre ,  pour  le  prévenir  que  sa  division 
était  attaquée. 

Arrivé  au  pont  volant,  il  remit  ses  dépêches  à 
un  aide-de-camp.  J'entrai  dans  le  bateau ,  après 
avoir  remercié  ce  compatriote  du  service  qu'il 
m'avait  rendu. 

Au-delà  du  Rhin  ,  je  confiai  mon  sac  à  un 
pauvre,  à  qui  je  donnai  quelques  pièces  de  mon- 
naie, pour  le  porter  à  l'hôpital,  où  j'arrivai  exté- 
nué de  fatigue.  Ayant  reçu  les  médicaments  et  les 


(  5i7  ) 
secours  nécessaires  à  ma  situation,  j'cprouYai  un  i-q6. 
mieux  sensible.  a>  v. 

Il  n'y  eut  point  de  rapport  de  cette  échauf- 
fourée  :  alors  des  propos  et  des  libelles  étaient 
répandus  contre  les  cheis  et  contre  les  troupes. 

Voici  l'extrait  d'une  lettre  du  1 1  brumaire  (  i^*^ 
novembre  ),  du  général  Lefebvre,  à  l'un  des 
membres  du  Directoire  exécutif  : 

(( "Se  croyez  pas,  cependant,  que  je  sois 

))  las  de  servir  dans  la  brave  armée  de  Sambre  et 
«Meuse;  je  ne  la  quitterais  qu'avec  regret,  et 
»  avec  le  plus  profond  mépris  pour  les  misérables 
»  folliculaires  qui  ont  voulu  ternir  sa  gloire.  » 

Jusqu'à  ma  convalescence  ,  je  me  livrai  de 
nouveau  à  la  langue  allemande. 

Le  22  (12),  la  io5""  demi-brigade,  ayant 
quitté  le  bois  de  Bensberg ,  traversa  Cologne  pour 
se  transporter  dans  le  Hundsruck. 

Voici  l'extrait  du  rapport  qui  en  a  été  fait  : 
Aix-la-Chapelle,  le  4  f''i"i'>j''e  (24  "<^^'^"ibre  ). 

((  La  division  Lefebvre ,  venant  de  la  rive 
»  droite  du  Rhin  ,  est  postée  aux  environs  de 
>y  Mayencc.  » 

Ma  jambe  m'ayant  laissé  la  faculté  de  me  lever, 
j'eus  la  permission  de  sortir.  J'obtins  ensuite  un 
certificat  de  convalescence ,  afin  de  reprendre  les 
forces  dont  j'avais  besoin. 

Muni  de  cette  pièce ,  j'allai  trouver  un  citoyen' 
que  je  connaissais,  et  qui  était  employé  dans  les 
bureaux  du  commissaire  des  guerres  ;  il  me  fît 
donner  une  réquisition  qui  attestait  que  j'y  tra- 

21, 


1796.  vaillais.  J'écrivis  à  mes  chefs  qiie,  tandis  qiie  jo 
AN  V.  me  rétablissais  ,  j'occupais  mes  moments  chez  ce 
fonctionnaire. 

Pendant  cet  intervalle  de  temps ,  il  y  eut  une 
suspension  d'armes  entre  les  deux  armées  belligé- 
rantes. 

Voici  le  traité  qui  en  a  été  fait  : 

Armistice  conclu  à   Cologne  y  le  i()frhiinwe  f  19 
décembre  ). 

((  Enfin  la  conclusion  d'un  armistice  vient  d'a- 
»  voir  lieu  sur  le  Bas-Rhin ,  et  les  généraux  des 
))  deux  armées  sont  convenus  des  articles  sui- 
»  vants,  sauf  ratification  ultérieure  : 

»  i"  Les  troupes  des  armées  respectives  pouv- 
))  ront  prendre  leurs  cantonnements  d'hiver ,  les 
>)  Français  derrière  la  AVupper,  et  les  Autrichiens 
»  derrière  la  Sieg. 

«  2"  Les  positions  occupées  respectivement  par 
»  les  deux  armées ,  au  moment  de  la  conclusion 
))  de  l'armistice  ,  pourront  être  réoccupées  de 
»  nouveau,  au  cas  que  la  suspension  d'armes  vînt 
))  à  cesser  :  jusqu'à  cette  époque  ,  les  positions 
»  abandonnées  seront  gardées  par  des  postes  de 
»  vingt-cinq  hommes. 

»  5°  La  tête  du  pont  de  Neuwied  sera  désar- 
))  mée,  et  les  Français  n'y  laisseront  qu'une  garde 
;)  de  2  5  hommes. 

»  Cette  convention  ayant  été  signée ,  le  1 7  fri- 
»  maire  (  7  décembre  ) ,  par  les  généraux  Kray  et 
»  Klébe.r,  les  troupes  sont  entrées  en    quarliei 


(  ^'9  ) 
w  (l'hiver.  Une  partie  de  l'armée  du  Nord,  qui  se  179(1. 
))  ti'ouvait  dans  les  environs  de  Mulheim ,  retourne  an  v. 
»  en  Hollande.  » 

Le  5o  frimaire  (20  décembre),  étant  rétabli , 
je  quittai  Cologne ,  et  j'allai  le  même  soir  couclier 
à  Bonn. 

Le  i*^"^  nivôse  (  21  ),  je  me  dirigeai  vers  An- 
dernach,  où  se  trouvait  le  quartier-général.  On 
suspendit  ma  marche  jusqu'au  retour  de  la  demi- 
brigade  arrivant  du  Rhingau ,  et  qui  était  atten- 
due d'un  instant  à  l'autre. 

Le  7  (  ay  ) ,  étant  sorti  de  cette  ville,  je  mar- 
chai le  long  du  Rhin.  Je  voyais  de  l'autre  côté 
du  fleuve,  des  pandoures  à  qui  l'on  enseignait 
l'exercice.  Ils  me  tirèrent  quelques  coups  de  ca- 
rabine ,  dont  j'entendis  siffler  les  balles  sans  que 
j'en  fusse  atteint. 

Parvenu  au  village  de  Schalkenbach  ,  où  la 
compagnie  était  cantonnée,  je  me  présentai  chez 
mon  capitaine,  et  lui  remis  les  pièces  dont  j'étais 
porteur.  Je  repris  mes  fonctions  et  mes  habitudes 
comme  précédemment. 

On  fit  mon  décompte ,  que  l'on  me  paya  en  ar- 
gent: car,  depuis  le  i*''  vendémiaire  (22  sep- 
tembre ) ,  la  troupe  était  soldée  en  numéraire.  A 
dater  de  cette  époque,  l'on  a  cessé  de  donner 
des  assignats  aux  militaires. 

Mes  camarades  qui,  depuis  mon  absence,  n'a- 
vaient pas  eu  occasion  de  se  mesurer  avec  l'en- 


(    520    ) 

i-jjô.  nemi,  me  communiquèrent  l'itinéraire  de  leurs 
A>  V.  marches  et  contre-marches  (i). 

(i)  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupe's  par  une 
portion  delà  io5"'*,  depuis  mou  entrée  à  Thôpital  de 
Cologne,  le  lo  brumaire  (  3i  octobre  ),  jusqu'à  mon 
retour  à  la  compagnie  ,  à  Schalkenbach ,  le  7  nivôse 
(  27  décembre  )  : 

Le  T.'i.  brumaire  (  12  novembre  )  ,  partant  de  Bens- 
berg ,  la  division  étant  campée  alors  devant  Unwalde  , 
on  fut  remplacé  par  l'armée  du  Nord.  On  traversa  le 
Rhin   à   Duylz.   On  resta  la  nuit  à  Cologne. 

Le  23  (  i3  ),  on  bivouaqua  dans  un  bois,  à  deux 
lieues  de  Bonn. 

Le  24  C   ^4  )  >  au-dessus   de  Mekenem. 

Le  25   (  i5  ),   à  3  lieues  de  Coblentz, 

Le  26  (   16  )  ,   dans  les   champs. 

Le  27    (   17  ),  on  logea    à  CainofFe. 

Le  28   (   18  ),   à  Sttabsich. 

Le  29  (  19  )  ,  on  passa  à  Kirchberg,  et  on  coucha  h 
Stems. 

Le  3o    (  20  ) ,  on   séjourna  dans  ce  village. 

Le  1*'  frimaire  (  21  )  ,  on  s'achemina  vers  Ober- 
slein. 

Le   2    (   22  ),  on  se  rendit  à  Couselle. 

Le  3  (23  )  ,  on  se  transporta  à  deux  lieues  d'Oder- 
berg. 

Le  4  (  ^4  )  ,  on  se  fixa  au-dessus  d'Oderberg ,  où 
l'on  séjourna  les  5  et  6  (  25  et  26  ). 

Le  7  (27  ),  on  alla  à  Guêlen,  où  l'on  campa  dans 
des   broussailles. 

Le   16    (6  décembre  ) ,  on   s'établit  k  Idcmbach. 

^^   '7    (  7  )  ?  ^  Oderberg. 

Le   18  (    8  )  ,  à  Neutrarbach. 

Le   19   (  9  )  ,  à  Manhenbechel. 

Le  20  (   10  ),  à  Niderweisbach. 


(3a,  ) 

Le  21   (   II    ),  ou  eut  séjour. 

Le  22    (    12  )  ,  on  s'arrêta    à   Weppcmath. 

Le  23   (   i3  )  ,  à  Lller. 

Le  24  (  i4  ))  à  Midem ,  village  contre  la  Moselle. 

Le  25   (  i5   ) ,  à  Viner. 

Le   26    (   16   ) ,   à   Keinpigni    et  à    Fortefet. 

Le  27  (  17  ),  à  Vestlieim  ,  où  Ton  séjourna  le  28  (  18  )• 

Le  29  (  19  ) ,  on  arriva  à  Schalkenbach. 


1796. 

IX  V. 


«-  * 


AN  V. 


(    522    ) 


CHAPITRE  XLVIIL 


1707-  Le  i8  ventôse  (8  mars),  la  compagnie  quitta, 
Schalkenbach  pour  aller  remplir  son  service  dans 
les  retranchements  à  la  tête  du  pont  au-delà  du 
Rhin  ,  près  de  Neuwied.  Nous  restâmes ,  pen- 
dant ce  laps  de  temps,  en  face  des  Autrichiens  , 
dont  les  sentinelles  avec  nos  factionnaires  fai- 
saient la  conversation. 

Le  2 1  (il),  quand  notre  tour  de  service  fut 
passé ,  on  nous   releva.   Nous  reprîmes  le   can-'"' 
tonnement  ,   et  chacun   rentra    dans    son    loge- 
ment. 

Le  24  germinal  (  i3  avril  )  ,  la  compagnie 
quitta  Schalkenbach  pour  aller  le  long  du  Rhin, 
entre  Bonn  et  Andernach ,  dans  la  commune 
de  Pistorff. 

Le  28  (17),  elle  se  rendit  au  village  de 
Bressi,  où  nous  apprîmes  que  l'armistice  étant 
dénoncé,  on  allait  entrer  en  campagne. 

Dans  la  nuit  du  28  au  29  germinal  (17  au 
1 8  avril  )  ,  une  armée  considérable  se  réunit ,  de 
toutes  parts ,  sous  les  ordres  du  général  Hoche, 
qui  #vait  remplacé  le  commandant  Beurnon- 
ville.  Son  arrivée  imprima  une  nouvelle  ardeur 


(    025    ) 

aux  troupes,   aiaqucllcs  il  fit  aligner  la  solde,  1-97. 
distribuer  des  vêtements  et  les  vivres  nécessaires  an  v. 
dont  elles  manquaient  précédemment.  Les  corps 
animés  d'un    courage    belliqueux ,   passèrent  le 
Rliiu .  Le  matin ,  les  deux  partis   se  trouvèrent 
en  présence  dans  la  plaine  de  Neuwied. 

Il  y  eut  des  pourparlers  entre  les  généraux, 
en  avant  des  lignes  en  bataille.  Cette  particu- 
larité représentait  plusieurs  traits  semblables  de 
la  part  des  anciens.  Les  propositions  de  part  et 
d'autre  n'ayant  pu  être  acceptées,  on  se  sépara» 
Les  chefs  républicains  donnèrent  le  signal  en 
commandant  de  marcher. 

A  8  heures ,  les  corps  français  se  déployèrent 
en  essuvant  le  feu  d'une  immense  canonnade  en- 
îiemie ,  sans  riposter  aucunement.   L'action  fut 
cJiaude  ;  elle   s'engagea  par   l'artillerie  à  cheval 
qui  alla  tirer  à  mitraille  sur  les   six  retranche- 
ments autrichiens  ,  flanquant  la  plaine.  L'infan- 
terie légère  secondait  cette  manoeuvre  ;  la  troupe 
de  ligne  filait  à  droite  le  long  du  Rhin  ,   pen- 
dant que  les  boulets    des  redoutes   traversaient 
nos  rangs.  Les  escadrons  réunis  par  armes,  se 
portaient,  avec  la  rapidité  de  l'éclair,  entre  les 
I  redoutes   derrière  les    Impériaux ,   qui  se  trou- 
li  vèrent  promptement  entre  deux  feux.   Le  choc 
ij  tut  terrible;  mais  il  ne  dura  qu'un  instant. 

Artillerie  ,  infanterie  ,  bagages  ,  vivandiers  , 
tout  tomba  au  pouvoir  des  républicains.  La  co- 
lonne du  général  Lefebvre,  dont  la  io5"'*'  fii- 
sait  partie  ,  se  dirigea  vers  Bcndorff  et  Monta- 


AN  V 


(3.4) 

i'jf)n,  baiir,  avec  tant  de  vitesse ,  qu'elle  arriva  prcs- 
qu'aussitôt  que  la  cavalerie. 

^'oici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  : 

Passage  du  Rhin  à  Neuwied,  le  3,9  germinal  (  i8  avril)  , 

au  quartier-ge'néral ,  à  Dierdoiff. 
Le  général  en  clief  de   l'année   de  Sambre  et 
Meuse,  au  Directoire  exécutif. 
a  Citoyens  directeurs, 

»  Depuis  deux  jours  les  ennemis  ne  cessaient 
»  de  demander  un  armistice  j  ils  se  fondaient 
»  sur  celui  qu'ils  prétendent  avoir  été  conclu  en 
»  Italie.  N'en  ayant  aucune  nouvelle  officielle  ^ 
»  et  pressé  d'exécuter  vos  ordres ,  j'ai  fait  passer 
»  le  Rhin  sur  le  pont  de  Neuwied ,  à  l'aile  droite, 
»  au  corps  du  centre  de  l'armée,  et  à  une  divi- 
»  sion  commandée  par  le  général  Vatrin.  Les 
i>  deux  armées  étaient  en  présence ,  à  petite  por- 
)'  tée  de  canon,  lorsque  le  général  Kray  me  fit 
«  demander  la  permission  de  m'envoyer  le  lieu- 
))  tenant  -  colonel  comte  de  Blakest ,  chargé  de 
y>  pouvoirs  pour  conclure  l'armistice.  Sur  ce  qu'au 
»  premier  abord ,  je  lui  demandai  l'évacuation 
»  de  la  Lahn  et  la  cession  d'Ehrenbreistein  à 
»  l'armée  française ,  le  parlementaire  se  récria , 
»  et  bientôt  nous  nous  séparâmes. 

»  A  peine  chacun  de  nous  était-il  de  retour 
y>  à  son  armée  ,  que  les  ennemis  nous  attaquèrent 
>j  par  une  canonnade  assez  vive.  Ils  occupaient 
))  une  excellente  position  ;  leur  droite  au  vil- 
«  lage  de  HeddersdorlT,  et  la  gauche  à  BendorfT, 
»  en  arrière  de  la  petite  rivière  de  Sayn.  Tous 


(    323    } 

»  deux  élaient  retranchés;  leur  iront,  couvert  i-o; 
»  par   de  fortes  redoutes  fermées  ,   fraisées   et  a?;  v. 
»  palissadées ,  présentait  l'aspect  le  plus  impo- 
»  saut. 

»  Déjà  l'infanterie  était  formée  en  colonne 
))  d'attaque ,  les  autres  armes  à  leur  place  de 
3)  bataille  ;  le  signal  d'attaque  fut  donné ,  et  bien- 
»  tôt  la  baïonnette  en  avant,  et  sans  tirer  un 
«  seul  coup  de  fusil ,  nos  grenadiers  et  carabi- 
))  niers ,  commandés  par  le  général  Bastoul ,  se 
»  rendirent  maîtres  du  village  de  Heddersdorff. 
»  Les  autres  troupes  ,  commandées  par  les  géné- 
1'  raux  d'infanterie  Grenier  ,.  Olivier ,  Barbou 
V  (  celui-ci  a  eu  un  cheval  tué  sous  lui  )  ,  Bonnet 
5-  et  Compère ,  s'emparèrent  des  redoutes  de  la 
»  droite  des  ennemis ,  tandis  que  Lefebvre , 
«  Lemoine ,  Gratien  ,  Spital  et  autres  faisaient 
))  emporter  ,  à  la  pointe  de  la  baïonnette ,  le 
M  village  et  les  redoutes  de  BendorfT.  Enfin ,  une 
w  charge  de  cavalerie,  dirigée  par  les  généraux 
î)  Richepanse  et  Ney ,  acheva  de  mettre  le  dé- 
»  sordre  chez  l'ennemi,  à  qui  nous  fîmes  4^000 
»  prisonniers ,  dont  beaucoup  de  cavalerie  ;  l'ar- 
»  tillerie  des  redoutes,  plusieurs  pièces  de  cam- 
»  pagne  avec  leurs  caissons ,  et  5  ou  4  drapeaux 
»  demeurèrent  en  notre  pouvoir.  Ainsi  se  ter- 
»  mina  la  bataille  de  Neuwied ,  dans  laquelle 
»  se  sont  distingués  ,  par  leur  sang  -  froid  et 
»  l'habileté  de  leurs  manoeuvres ,  tous  les  officiers 
»  supérieurs ,  et  notanament  les  chefs  de  brigade 
»  Merlin ,  du  4°'^  régiment  d'hussards ,  Gardane , 


(  59.6  ) 
1^9^.  »  du  9"^''  de  chasseurs  ,   et  une  infinité  d'autres 
AN  V.   »  dont  la  nomenclature  serait  trop  longue  poui: 
w  pouvoir   trouver    place  dans   un  simple    rap-^ 
))  port. 

))  L'artillerie  a  fait  des  merveilles.  Elle  était 
»  commandée  par  le  général  Debelle  ,  dont  1^ 
»  frère ,  âgé  de  1 5  ans ,  eut  deux  chevaux  tués  ' 
»  sous  lui.  Les  colonels  Forbier  ,  Prost,  et  le 
-»  capitaine  Juvigny  ,  se  sont  particulièrement 
5)  distingués. 

Résultat  de  la  bataille. 

»  Celte  journée  a  coûté  à  l'ennemi  7,000  pri- 
»  sonniers,  parmi  lesquels  plusieurs  officiers  de 
))  marque,  7  drapeaux,  27  pièces  de  canon,  en- 
))  viron  60  caissons  de  mimilions  ,  plusieurs  ma- 
))  gasins  de  fourrages  et  de  vivres,  et  un  grand 
»  nombre  de  chevaux. 

»  Le  général  Lefebvre  va  se  porter  sur  Franc- 
»  fort. 

»  Signé  Hoche.  ') 

Dans  l'après-midi ,  nous  eûmes  de  la  pluie  en 
abondance.  Nous  bivouaquâmes  auprès  de  Mon- 
tabaur. 

Le  5o  germinal  (  1 9  avril  )  ,  nous  nous  trans- 
portâmes auprès  de  Limbourg. 

Le  I*"  floréal  (p.o  avril  )  ,  la  division  passa  la 
Lahn  dans  cette  ville. 

Le  2  (21),  elle  se  dirigea  vers  Koenigstein  et 
Wisbaden. 

Le  5  (  22  ) ,  elle  s'élança  à  marche  forcée  sur 
Francfort,  où  elle  arriva  à  7  Heures  du  soir. 


(  ^^7  ) 
he  général  Lefebvrc,  parvenu  près   de   cette  1-9^. 
Viilc,  trouva  tous  les  ponts  coupés  sur  le  Mein ,  an  v» 
la  cavalerie  ennemie  disposée,  sur  la  rive  gauche, 
à  en  disputer  le  passage.  Quelques  ponts  ayant 
été   réparés ,   la   cavalerie  autrichienne  fut   en- 
foncée. Le   ï*^'  de   chasseurs  allait   entrer  pêle- 
mêle  avec  les  fuyards  dans  Francfort.   Pendant 
cette  marche  précipitée ,  le  brave  général  Ney  fut 
fait  prisonnier  par  les  hussards  de  Blankenstein. 

La  colonne  ennemie  qui  arriva  de  Wetzlar  et 
de  Fridberg  ,  fut  arrêtée  par  nous. 

On  fit  disposer  les  troupes  à  une  attaque  dé- 
cisive ,  et  mettre  les  havre-sacs  à  terre ,  afin  que 
les  hommes  fatigués  de  la  marche  précipitée , 
pussent  agir  librement  dans  les  évolutions,  étant 
dégagés  de  ce  fardeau. 

Tandis  que  l'on  prenait  ces  précautions,  le 
colonel  autrichien  Milius  ,  avec  un  autre  offi- 
cier ,  passa  au  galop  en  avant  de  la  ligne ,  an- 
nonçant que  la  paix  était  sur  le  point  d'être 
conclue  ;  que  l'on  ne  devait  pas  commencer 
un  combat  désastreux  pour  l'une  et  l'autre  armée. 

Voici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  : 
Jrrh'ée  de  ki  dmsion  du  général  Lefehvre  près 
de  Francfort. 
Au  quartier-général ,  à  Fridberg,  le  4  floréal  [iZ  avril). 
Le  général   en    chef  de    l'armée   de  Sombre  et 
Meuse,  au  Directoire  exécutif. 
«  Citoyens  directeurs, 
))  Nous   avons   hier   contraint  l'ennemi   à  re- 
))  passer  la   Nidda  ;    le  général  Lefebvre ,  à  la 


»797- 
An  V. 


(   328    ) 

j  tête    de    sa   brave    division  ,  a   franchi  cette 
)  rivière ,  que  l'élite   de  la   cavalerie  impériale 
entreprit    envain    de    détendre.    Nos    braves 
)  chasseurs  à  cheval  allaient  entrer   pèle  -  mêle 
•)  dans  Francfort,  lorsque  Lefebvre  reçut  du  gé- 
néral ennemi  l'avis  que  les  préliminaires  de  là 
paix  venaient   d'être   signés;   ce  qu'on  venait 
d'apprendre    à    l'armée    autrichienne    par    un 
courrier  m'apportant,   de   la  part   du  général 
Berthier ,  la  lettre  dont  copie  est  jointe  à  la 
présente. 

»  Le  général  Lefebvre,  aussi  humain  que  va- 
leureux, crut  devoir  arrêter  l'eiTusion  du  sang, 
et  consentit,  ainsi  que  lui  proposait  l'ennemi, 
à  suspendre  le  combat  jusqu'au  retour  d'un 
officier  qu'il  me  dépêcha  sur-le-champ.  Je 
confirmai  ce  qu'il  avait  fait ,  ne  pouvant  plus 
douter  de  la  nouvelle  qui  venait  de  m'être  ap- 
portée. Les  armées  sont  en  présence,  disposées 
à  faire  leur  devoir. 

»   J'ai  pourtant  été  contraint   de  faire  aujour- 
d'hui un  mouvement   sur  ma  droite  pour  res- 
serrer la  ligne.  J'avais  appris  dans  la  nuit  que 
l'ennemi  avait ,   dans    la   journée  d'hier ,   ras- 
semblé beaucoup  de  cavalerie,  avec  laquelle  il 
)  pensait  pouvoir  arrêter  la  marche  du  général 
I.efebvre  ;  j'ai  donc  porté  plusieurs  escadrons 
dans  les  environs  de  Fridberg  ,  où  j'attends  les 
événements  et  vos  ordres. 
5)  J'ai  cru  devoir  proposer  aux  généraux  en- 
»  nemis  d'arrêter  une  ligne  de  démarcation  pour 


<  3'^9  ) 
»  les  armées,  derrière  laquelle  elles  attendraient  ,-f)-. 
»  les   ordres    ultérieurs    de  leur    gouvernement  as  v. 
«  respectif.  Nous  avons  fait  hier  25o  k  5oo  pri- 

))  sonniers. 

»  Signé  Hoche.  •» 

Voici  le  rapport  des  préliminaires  de  la  paix  : 

Au  quartier-général  de  Keiss  ,  près  Léoben  ,  le  19  germinal 
(8  avril). 

«  Les  préliminaires  de  la  paix  ont  été  signés 
))  par  Bonaparte ,  général  en  chef  de  Tarmée 
il  d'Italie ,  à  son  quartier-général ,  à  la  date  de 
))  ce  jour.  )) 

Des  dragons  de  la  Tour,  régiment  de  grosse 
cavalerie  ennemie ,  qui  liivouaquaient  devant 
nous  ,  vinrent  en  grand  nombre  nous  voir.  Ils 
reconnaissaient  beaucoup  de  républicains  pour 
leurs  frères  ,  leurs  parents  ou  leurs  amis  :  car , 
dans  les  compagnies  du  ci-devant  5"^*  bataillon 
du  Nord,  ils  avaient  considérablement  de  com- 
patriotes. 

Il  fut  arrêté  qu'une  ligne  de  démarcation 
serait  établie  entre  les  deux  armées  ;  que  la  Nidda 
servirait  de  limite.  Les  corps  apprirent  qu'on  leur 
assignait  des  cantonnements. 

Le  4  floréal  (  26  avril  )  ,  on  distribua  les 
[compagnies  par  villages  ;  celle  à  laquelle  j'ap- 
tpartenais  ,  se  trouva  désignée  pour  aller  à  Mun- 
ster   (i). 

(i)  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupés  par  une  por- 
jtion  de  la    io5™%  depuis   niou  retour  à  Schalkenbacîi  , 


^797 

AU  \. 


(    000    ) 
le  8  pluviôse  (  9.7  janvier  ),   jusqu'à  la  suspension  d'ai". 
mes,  le  4  Aoiéal  (  23  avril  )  : 

Le   18  ventôse  (  8  mars  )  ,  on  monta  la  garde  à  Neu- 
wied,   dans  les  relranchcments  de  la  tcte  du  pont. 
Le  21  ventôse  (  1 1  mars)  ,  on  rentra  à  Sclialkenbacli. 
Le  24  germinal  (  i3  avril  ),  étant  pajti  de  ce  village,' 
on  se  rendit  à  Pistorff. 
Le  28  (  17  )  ,  à  r.ressi. 

Le  29  (  18  ) ,  on    traversa  le  Rhin.   Bataille    de    Neii- 
■\vied.  On  marcha  sur  Montabaur. 

Le  3o  (19)?  on  se  rendit  auprès  de  Limbourg. 
Le  1*"^  flore'al  (20  avril),  on  passa  la  Lahn. 
Le  3  (21  )»  on  se  dirigea  vers  Rœnigstein. 
Le  3   (  22  ) ,  ou  arriva  dans  la  plaine  de  Francfort ,  à 
sept  heures  du  soir.  Un  courrier  annonça  que  les  préli- 
minaires de  la  paix  étaient  signés. 
Le  4  (23)7  on  eut  séjour. 


(  55i  ) 


CHAPITRE  XLIX. 


Le  5  floréal  (24  avril),  je  reçus  l'ordre ,  en  j-q^, 
ma  qualité  de  foiu-rier ,  de  préparer,  le  6  (  23  ) ,  ^n  v 
le  logement  à  Ober-Merle ,  où  coucha  la  compa- 
gnie. 

Le  7  (  26),  je  me  transportai  à  Munster,  où 
Ton  resta  en  cantonnement. 

Je  fus  placé  chez  M.  ^Vetmann,  maître  d'école 
du  village  ;  j'en  profitai  pour  faire  corriger  mes 
thèmes ,  mes  versions ,  et  continuer  mon  instruc- 
tion allemande. 

Voici  le  rapport  des  cantonnements  : 

Bruxelles,  le  22  floréal  (11  mai  ). 

«  Toute  l'armée  a  actuellement  pris  ses  posi- 
»  lions  :  elle  s'étend  en  front,  depuis  le  bord  du 
»  Rhin  jusqu'à  7  lieues  dans  l'intérieur  de  l'AUe- 
»  magne,  et  en  profondeur,  depuis  le  Rhin  jus- 
»  qu'à  la  Nidda.  L'armée  étant  ainsi  divisée,  les 
»  troupes  qui  la  composent,  sont  cantonnées  et 
»  peuvent  plus  facilement  subsister  dans  un  pays 
»  qui  a  déjà  tant  souffert.  » 

Comme  nous  étions  logés  et  nourris  chez  les 
habitants,  je  me  trouvais  ne  point  avoir  d'ou- 


vrage. 


a  2 


(  530  - 
j^g-,  La  crainte  de  m'ennuyer  dans  la  monotonie  àê 
A3i  V.  ce  cantonnement ,  m'engagea  à  distribuer  ainsi  les 
parties  du  jour.  Je  prenais  une  leçon  de  danse, 
de  6  à  7  heures  du  matin  :  nous  avions  un  jeune 
homme  qui  avait  des  talents  dans  cet  art.  De  7  à 
9,  je  traduisais  et  calculais;  de  9  à  10,  je  me  livrais 
à  l'escrime  ;  de  10  à  1 1 ,  je  déjeunais  et  liais  la 
conversation.  Je  me  mettais  ensuite  à  écrire  jus- 
qu'à 5  heures,  que  j'allais  faire  assaut.  A47  j<^ 
dînais;  je  lisais  de  5  à  la  brune.  La  soirée  était 
employée  à  danser  ou  valser  avec  les  filles  du 
village. 

Chaque  jour  voyait  naître  le  même  motif  de 
travaux  et  d'amusements.  Je  m'étais  procuré  les 
professeurs  qui  étaient  à  ma  convenance.  Le  ma- 
gister  me  servait  de  répétiteur  de  langue;  nous 
sympathisions  si  bien ,  que  nous  devînmes  amis  ; 
nous  eûmes  par  la  suite  une  correspondance  assez 
suivie. 

On  me  nomma  membre  du  conseil  d'adminis- 
tration: lorsqu'il  s'assemblait,  je  recevais  une  in- 
vitation. Je  me  rendais  chez  le  bourgmestre , 
qui  me  procurait  un  cheval  pour  aller  à  Usingen , 
où  était  l'étal -major  de  la  io5'"^  demi-brigade. 

Au  château  de  Hombourg ,  il  y  avait,  parmi 
les  troupes ,  un  ancien  soldat  qui ,  disait-on ,  n'é- 
tait point  descendu  la  garde  depuis  5y  ans.  Il  exci- 
tait tellement  la  curiosité  des  républicains ,  qu'ils 
se  transportaient  en  foule  de  leurs  cantonnements 
pour  voir  cet  homme  extraordinaire.  Voici  com- 
ment on  expliquait  la  chose  :   ce  militaire ,  fran- 


(  555  ) 
rais  d'origine,  après  avoir  fait  les  guerres  de  Ha-    1^9-. 
novre,  était  entré  chez  la  princesse,  qui  le  fit  lo-  an  v» 
ger   auprès  de  la  porte  de  son  palais.  Là,  son 
service,   qui  n'avait  lieu  que  la  nuit,  consistait  à 
répéter  les  heures  avec  une  trompe.  Il  s'occupait 
le  jour,  à  travailler  de  son  état  de  cordonnier  , 
sans  quitter  sa  demeure. 

Je  me  lis  habiller  selon  la  saison,  et  d'une  ma- 
nière commode  k  ma  position.  Je  reçus  un  habit 
neuf  du  corps  (  car  les  sous-ofûciers  étaient  pro- 
tégés )  ,  pour  la  façon  et  les  agréments  duquel  je 
payai  largement  le  tailleur.  J'achetai  un  chapeau 
à  cornes,  couvert  de  toile  cirée  noire.  Je  fis  con- 
fectionner un  gilet  de  peluche  de  soie  teinte  en. 
écarlate  d'un  côté,  et  bleue  de  l'autre,  ce  qui 
pouvait  faire  croire  que  j'en  avais  deux,  le  re- 
tournant à  volonté  :  U  s'agrafait  par  derrière.  J'a- 
vais deux  chemises  de  toUe  de  coton  rayée  bleue 
et  blanche  ;  une  cravate  de  taffetas  noir  ;  panta- 
lon bleu  foncé  en  charivari ,  doublé  d'une  forte 
toile ,  fermant  du  haut  en  bas  avec  des  boutons 
d'ivoire;  une  paire  de  bottines.  Je  fis  placer,  à 
mes  oreilles ,  des  anneaux  en  or  ;  c'était  la  mode 
alors.  Je  me  vêtis  presque  toujours  de  cette  ma- 
nière pendant  la  guerre. 

On  changea  les  cantonnements,  s'apercevant 
qvi'il  y  avait  trop  d'intimité  entre  les  soldats  et 
les  habitants,  ce  qui  aurait  énervé  le  courage  des 
troupes. 

Le  5o  prairial  (  18  juin),  la  compagnie  partit 
de  Muiister  pour  Arnelsheim. 

22. 


A^    V. 


(  534  ) 
ir,cj^.       Le   5    messidor  (23),  elle  quitta  ce  village 
pour  se  rendre  à  Erbenheim. 

Le  6  (  24  ) ,  elle  logea  à  Limborn. 

Le  18  (6  juillet),  elle  occupa  Wolmerclieim. 

Le  2 1  (  9  )  ,  elle  alla  à  Nidervelle ,  coutre  le 
Rhin. 

Le  22  (  10  ) ,  elle  passa  la  nuit  à  Irgstein. 

Le  25  (11)7  ^^^^  s'achemina  vers  Ober-Ros-= 
bach . 

Le  24  (12),  elle  gagna  Boderad ,  et  y  sé- 
journa. 

Le  26  (  i4),  la  compagnie  cantonna  à  May- 
bach.  Elle  fut  répartie;  deux  oi'dinaires  à  We- 
pcrleld,  5o  hommes  à  Boderad,  4^  à  Maybach  , 
où  se  trouvaient  le  capitaine,  le  sergent-major 
et  le  fourrier. 

Je  pris  le  billet  d'un  fermier  fort  riche,  où  je 
fus  parfaitement  bien. 

Mes  habitudes ,  dans  cet  endroit ,  furent  conti- 
nuées comme  à  Munster. 

Le  1 9  thermidor  (  6  août  ) ,  la  compagnie  ayant 
eu  ordre  de  se  rassembler,  fit  un  mouvement 
pour  se  porter  vers  Ober- Merle  ;  elle  rentra  sur- 
le-champ  dans  ses  cantonnements. 

Les  5  et  9  fructidor  (  20  et  26  ),  M.  Wetmami, 
qui  recevait  mes  thèmes ,  mes  versions  ,  les  cor- 
rigeait comme  si  j'eusse  été  auprès  de  lui  ;  il  m'a- 
dressa deux  lettres  sous  ces  dates.  Il  me  compli- 
mentait sur  la  facilité  et  l'élégance  de  la  construc- 
tion de  mes  petits  ouvrages. 

Il  y  eut ,  pendant  une  soirée  j    un  orage  si 


(  53S  ) 
violent,    qu'il   semblait  ,   par  \m  sifflement  qui  i-r)-. 
(existait  dans  les  airs  ,  que  tous  les  éléments  allaient  an  v. 
être  confondus.  Ce  qui  surprenait  le  plus,  c'était 
qu'il  n'y  avait  ni  tonnerre  ni  pluie.   Beaucoup 
d'arbres  furent  renversés  par  les  coups  de  vent. 

Je  placardai ,  un  dimanclie ,  à  la  porte  de  Té- 
glise ,  conformément  à  l'ordre  de  mou  capitaine  , 
le  citoyen  Rodliain,  une  invitation  aux  habitants 
de  faire  coufectionner  à  leurs  frais  ,  une  paire  de 
souliers  pour  chaque  soldat  logé  chez  eux.  Ce 
placard  était  rédigé  et  écrit  de  manière  que  j'en 
leçus  des  éloges  des  Allemands  ;  ils  s'empressèrent 
à  en  remplir  l'intention. 

Le  5"^^  jour  complémentaire  (  ig  septembre), 
à  quatre  heures  du  matin,  le  général  en  chef 
Hoche  moru-ut  a  Wetzlar. 

Le  5"^^  (  2 1  ) ,  la  compagnie  partit  de  Maybach 
et  alla  coucher  à  une  lieue  de  Horabourg. 

Le   J^"^  vendémiaire   (22),  l'armée  se  réunit  an  vï. 
dans  la  plaine. 

On  prépara  tout  ce  qui  était  nécessaire  pour 
rendre  les  hoimeurs  funèbres  aux  mânes  du  géné- 
ral en  chef.  Sur  un  monticule  ,  était  le  sarcophage 
présentant  des  inscriptions ,  des  épitaphes  qui  re- 
traçaient les  vertus ,  les  actions  d'éclat ,  les  vic- 
toires du  héros.  L'armée,  avec  les  tambours, 
trompettes  et  musiques  en  tête ,  formant  un  carré 
autour  de  ce  monument,  et  étant  dans  le  plus 
profond  silence  ,  ayant  l'artillerie  placée  aux 
angles,  entendit  la  lecture  de  l'oraison  funèbre. 
Ensuite,   chaque  corps  ayant  fait  un  demi-tour  j^ 


(  556  ) 
■i^qi    commença  un  feu  de  file  entremêlé  de  coups  de 
AS  VI.  canon. 

Voici  l'arrêté  qui  a  été  rendu  à  ce  sujet  : 

Paris  ,  le  2  vendémiaire  (  23  septembre  }. 
«  Le  Directoire  exécutif,  informé  de  la  mort 
î)  du  général  Hoche  ,  commandant  en  chet  les 
'»  armées  de  Saml^re  et  Meuse  et  du  Rhin  et  Mo- 
»  selle,  décédé  à  Wetzlar,  le  5"^^  jour  complé- 
»  menîaire  de  Van  cinq  (  19  septembre)  de  la 
»  république,  dans  la  do"'*  année  de  son  âge, 
M  arrête  qu'il  y  aura,  décadi  prochain,  au  champ 
))  de  Mars ,  une  cérémonie  funèbre  en  mémoire 
»  de  ce  général.  » 

Epitaplie  du  général  Hoche. 

Il  est  mort ,  ce  héros  ,  k  la  fleui*  de  son  âge  j 
Le  Rhin  et  Quiberon  attestent  sa  valeur  : 
Il  fut,  dans  la  Vende'e,  aussi  prudent  que  sage; 
En  nous  donnant  la  paix  ,  il  fit  notre  bonheur. 
Ses  vertus  le  portaient  au  temple  de  mémoire  , 
Lorsque  l'envie  osait  l'accabler  de  ses  coups. 
La  haine  des  méchants  éternise   sa  gloii-e  ; 
Il  vécut  trop  pour  eux ,  et  pas  assez  pour  nous. 

Voici  l'arrêté  qui  désigne  son  successeur  î 
Paris  ,  le  2  vendémiaire  (  23  septembre). 

"  Le  général  de  division  Augereau  est  nommé 
»  commandant  en  chef  les  armées  de  Rhin  et 
»  Moselle  et  de  Sambre  et  Meuse.  » 

D'après  cette  réunion  ,  et  par  arrêté  du  8  ven- 
démiaire (  29  septembre  ) ,  les  troupes  reçurent 
le  nom  d'armée  d'Allemagne. 

Jje   2    vendémiaire   (  ^3  septembre  ) ,  on  fît 


(  557  ) 
une  fusion  des  hommes  pour  égaliser  les  pelo-  i-.f)~. 
tous  de  la  105"'".  La  compagnie  à  laquelle  j'ap-  xnM. 
partcnais  ,  arec  les    officiers   et  sous  -  officiers 
qui    la   composaient ,   fut    la   5°'^    du   o."^^  ba- 
taillon. 

Le  même  jour,  nous  quittâmes  le  bivouac  y 
afin  de  nous  rendre  à  Wisbaden,  où  je  vis  les 
bains  d'eaux  chaudes. 

Le  5  (  24  ) ,  pour  descendre  le  Rhin  ,  une 
partie  des  fourriers  de  la  demi -brigade  et  moi, 
nous  nous  embarquâmes.  Quand  nous  fûmes 
dans  le  courant ,  il  sm  vint  un  ouragan  qui  agita 
les  vagues  avec  tant  de  violence  ,  qu'en  se  bri- 
sant elles  remplissaient  la  barque.  Nous  étions 
sur  le  point  de  périr ,  lorsque  nous  arrivâmes 
auprès  de  terre  ;  nous  sautâmes  hors  du  bateau , 
qui  chavira  ensuite. 

Ayant  fait  le  voyage  à  pied  jusqu'à  Caub , 
la  compagnie  où  j'étais  cantonna  au  village  de 
Schwalbach ,  auprès  duquel  se  trouvaient  des 
eaux  minérales  que  j'allai  voir. 

Les  restes  du  général  en   chef  furent   trans- 
férés au-delà  du  Rhin. 

Voici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  : 

Coblentz,  le  12  vendémiaire  (3  octobre). 

«  Le  corps   du  général  Hoche  est  arrivé  le    . 
u  12(0)  à  Coblentz ,  avec  beaucoup  de  solen- 
»  nité  et  au  bruit   du  canon.  Il  a  été  enterré 
»  sur  le  Petersberg ,   auprès   du  général  Mar- 
y  ceau.  » 

Depuis ,  il  a  été  transféré  à  la  Tour-Blanche 


(  558  ) 
i^qr.  (  Weisenthurn ) ,  sur  une  éminence,  où  s'élève 
AN  vi.  son  monument. 

Le  2  brumaire  (20),  nous  quittâmes  le  vil- 
lage de  Schwalbach  pour  aller  à  Caub. 

Le  5  (  a4)  5  nous  nous  rendîmes  à  Wisbaden. 
Le  4  (  *^  )  î  nous  logeâmes  à  Kœrig^tein. 
Je  demeurais   chez    un  boulanger ,   qui    était 
brave  homme  ;   il  avait  une  aimable   lîlle  qui, 
lorsqu'on  voulait  lui  dire  des  choses  agréables  , 
répétait  toujours  ce  proverbe  allemand  : 

«  ^us  den  Augen ,  aus  dem  Herzen , 
»   Tf' eit  entfemet ,  bald  verge.ssen  (i).   « 

Je  visitai  le  prieur  du  couvent  des  Capucins  , 
pour  qu'il  eût  la  complaisance  de  faire  corriger 
mes  thèmes.  Il  me  questionna ,  me  désigna  un 
père  qui  voulut  bien  s'en  charger. 

Je  profitai  de  mon  séjour  dans  cette  ville , 
pour  aller  à  Francfort,  voir  M.  Meidinger ,  pro- 
fesseur ,  dont  j'avais  étudié  les  principes ,  et  à 
qui  j'achetai  quelques  livres. 

Voici  le  rapport  d'un  mouvement  que  fit 
l'armée  : 

Francfort,  le  27  frimaire  (  17  de'çembre). 

«  Les  troupes  françaises  qui  cantonnaient  dans 
«  nos  environs  et  sur  la  Nidda,  se  sont  portées 
it  sur  Mayence ,  pour  se  joindre  au  corps  qui, 

fi)  «  Absent  des  yenx ,  absent  du  cœur  ;  plus  on  est 
éloigné ,  plutôt  on  est  oublié.  »  Cet  adage  peut  se  l'endre 
aussi  en  latin  :  «  Absens  haeres  non  erit.  »  Les  absent? 
ont  tort. 


(  5^9  ) 
»>  cerne  celte  forteresse,  et  qui  a  pris  le  nom  i-p-., 
»  d'armée  de  Mayence.  »  aîi  vi. 

Le  6  nivôse  (  16  décembre  )  ,  pendant  la  miit 
do  la  deu:?:ième  fête  de  Noël,  mi  pan  entier  de 
mur  du  fort  de  Kœnigstein  tomba  par  TefTct 
du  dégel  et  de  la  mine  que  les  Français  avaient 
pratiquée  lors  de  la  première  prise  de  la  place, 
il  fît  dans  sa  chute  un  si  grand  bruit ,  que  les 
gardes  se  transportèrent  sur  les  lieux  pour  s'as- 
surer de  l'événement. 

La  garnison  de  Mayence  se  rendit  à  l'armée, 
qui  en  prit  possession  aussitôt. 

\'oici  le  rapport  qui  en  a  été  fait  : 
Occupation  de  Mayence,  le  li  nivôse  (3i  de'cembre). 

«  Les  troupes  françaises  entrées  dans  cette 
■•>  ville  ,  consistent  en  une  demi  -  brigade  ,  un 
)'  régiment  de  cavalerie  et  une  compagnie  d'artil- 
)>  lerie  à  cheval.  Le  général  Lefebvre,  gouver- 
>)  neur  de  la  forteresse ,  est  logé  au  palais  d'Er- 
»  thaï.  » 

Il  n'était  plus  question  de  guerre  :  les  plaisirs 
succédaient  aux  privations  et  aux  fatigues. 

Le  commandant  donna  une  fête,  dont  voici 
le  rapport  qui  a  été  consigné  dans  les  jour- 
naux : 

Mayence ,  le  8  pluviôse  ( 27  janvier).       1796. 

«  Le  général  en  chef  a  domié  un  souper  splen- 
»  dide,  suivi  d'un  bal.  » 


(  34o  ) 


CHAPITRE  L. 


v^   VI 


j^^Q  Le  25  pluviôse  (ii  février),  la  compagnie 
quittant  Kœnigstein ,  se  rendit  à  Wisbaden  (i). 
Le  24  (  12),  les  compagnies  de  la  loS"^^  étant 
arrivées  par  divers  points ,  le  corps  se  réunit. 
Les  hommes ,  flattés  de  se  revoir ,  avaient  soigné 
leur  toilette  pour  entrer  dans  Mayence.  La  demi- 
brigade  se  taisait  admirer  par  une  belle  tenue 

(i)  Voici  les  cantonnements  ci-après,  qui  furent  occu- 
pés par  une  partie  du  corps ,  depuis  la  réorganisation 
du  2  vendémiaire  an  6  (  23  septembre  1797  ),  jusqu'à 
la  réunion  à  Wisbaden  ,  le  23  pluviôse  (11  février  1 798  )  : 

Le  2  vendémiaire  (  23  septembre  ),  on  logea  à  Ridel 
baclî. 

Le   18(9  octobre  )  ,  à  Hombourg. 

Le  28  brumaire  (18  novembre),  à  Brombach. 

Le   21  frimaire   (11   décembre),  à  Calbach. 

Le  22  (12),  à  Ixchtal. 

Le  26  (  16),  à  Atelckimmer. 

Le  4   nivôse  (  2^  décembre  ) ,   à  Solsenheim. 

Le   12  (  i"^  janvier    1798),  à   Schneiten. 

Le   3o   ^19),  à  Lindaulshausen. 

Le  23  pluviôse  (  1 1  février  )  ,  on  s'achemina  vers  Wis- 
baden. 

Le  lendema'n  matin,  le  corps  se  trouva  entièrement 
rassemblé. 


(  34i  _) 
militaire,  une  grande  précision  clans  les  niouve-  i^f)8. 
ments,  dans  les  manoeuvres  et  dans  le  maniemenl  as  vi. 
des  armes. 

Nous  logeâmes  à  la  citadelle. 

Je  pris  un  maître  de  langue  ;  j'allais  de  temps 
à  autre  chez  lui,  pour  qu'il  corrigeât  mes  ou- 
vrages allemands. 

Le  1 1  ventôse  (  i  ^'  mars  )  ,  parmi  les  canon- 
niers  du  ci-devant  régiment  de  Toul,  7^^^  d'artil- 
lerie à  pied,  qui  formait  la  garnison  de  Mayence, 
il  y  avait  deux  Dameriats  qui  étaient  frères;  le 
plus  jeune  reçut  son  congé,  pour  se  retirer  dans 
sa  famille.  Nous  nous  fîmes  des  adieux  dignes 
d'anciens  amis,  de  bons  camarades. 

Le  i5  (  3  )  ,  je  rencontrai  un  chasseur  de 
la  20"'^  demi  -  brigade  d'infanterie  légère  , 
fils  du  garde  -  chasse  ,  également  de  Dameri , 
qui,  désirant  sa  sortie  du  service,  entreprenait 
toutes  sortes  de  démarches  pour  l'obtenir.  Il 
m'engagea  à  voir  les  personnages  que  celte  affaire 
regardait.  Je  lis  quelques  visites  ,  et  j'obtins 
le  congé  qu'il  solHcitait  avec  tant  d'instance. 

Le  7  .germinal  (27  mars)  ,  on  donna  l'ordre 
de  quitter  Mayence. 

Le  8  (28)  ,  la  io5"^^  demi-brigade  passa  le 
Rhin,  et  traversa  le  fort  de  Cassel. 

La  compagnie  dont  je  faisais  partie,  se  rendit 
dans  la  commune  d'Ober-Reifenberg.  J'avais  12 
maisons  pour  me  sustenter  ;  c'est-à-dire  que  je 
mangeais  un  jour  chez  un  particulier,  le  lende- 
main je  prenais  un  repas  chez  im  autre. 


(342    ) 

1^98.  Dans  l'habitation  où  je  couchais  ,  il  y  avait 
AN  VI.  deux  trères  qui  connaissaient  la  musique  ;  ils 
jouaient  tous  les  soirs  du  tympanon  et  de  la  cla- 
rinette. Bientôt  les  jeunes  filles  vinrent  :  nous 
valsâmes.  En  peu  de  temps,  ma  demeure  fut  le 
rendez-vous  des  Grâces  du  village,  et  des  mili- 
taires amateurs  de  la  danse  et  du  beau  sexe. 

L'usage  dans  ce  pays  était  de  valser,  après 
les  offices  divins,  autour  d'un  gros  arbre  planté 
sur  la  place  publique.  Les  musiciens  assis  au 
pied  voyaient,  en  jouant,  passer  circulairement 
devant  eux  les  couples  qui  se  livraient  à  toute 
la  folle  gaîté  de  la  jeunesse  et  k  la  satisfaction 
que  procure  cet  amusement. 

.Te  ne  sacrifiai  pas  mon  instruction  à  mes  plai- 
sirs; je  m'étais  adressé  au  ministre  de  la  paroisse_, 
qui  était  protestant,  pour  qu'il  voulût  bien  cor- 
l'iger  mes  thèmes  :  il  y  apportait  toute  l'atten- 
tion possible. 

Le  i8  floréal  (7  mai),  je  reçus  une  lettre  de 
mon  frère  le  plus  âgé  :  il  m'annonçait  que  ma 
sœur  aînée ,  mariée  depuis  un  an ,  était  morte 
le  5  germinal  (aS  mars)  ,  en  donnant  le  jour  à 
son  premier  enfant  ;  que  ma  mère  avait  été  tel- 
lement affectée  de  sa  perte,  qu'elle  n'avait  pu 
lui  survivre  que  de  quelques  jours,  et  qu'elle 
était  décédée  le  16  floréal  (5  mai). 

Tant  de  motifs  d'affliction  me  forcèrent  à 
gémir  sur  mon  sort ,  et  me  confirmèrent  dans 
l'opinion  que  les  hommes  sont  réservés  ,  par  le 
destin ,  à  subir  ou  à  déplorer  plusieurs  malheurs 


(  34d  ) 
à  la  fols.  ,Je  me  confinai  dans  un  bois,  où  je  ,~,q3, 
donnai   un  libre  cours  à  mon  chagrin.  j^j,  vi. 

JNous  rerùmes  l'ordie  d'aller  à  Mayence,  où 
la  route  devait  être  annoncée  pour  un  pays  loin- 
tain. Les  Allemands ,  quoique  nous  leur  tussions 
à  charge,  eurent  beaucoup  de  chagrin  de  nous 
voir  les  quitter.  L'habitude  de  vivre  les  uns  avec 
les  autres ,  nous  avait  fait  oublier  que  nous  étions 
des  nations  ennemies. 

Le  2  2  floréal  (ii  mai),  les  compagnies  par 
détachements  delà  io5'"^  s'étant  mises  en  route 
(i),  la  réunion  fut  achevée  à  g  heures  du  matin; 
à  lo,  on  passa  la  revue  sur  les  glacis  du  fort  de 
Cassel.  On  traversa  le  Rhin  ;  on  se  reposa  dans 
Mayence  ,  ayant  rangé  les  armes  en  faisceaux 
sur  la  place  de  Tliiermarkt  ,  pour  laisser  aux 
hommes  le  temps  de  se  restaurer.  On  prescrivit 
de  se  mettre  en  marche ,  dans  l'après  -  midi , 
pour  l'Italie. 

A  l'heure  fixée,  les  fourriers  étant  rassemblés , 
nous  hâtâmes  le  pas  vers  Alzey  (Altezey)  ,  où 

(i)  Voici  les  noms  des  cantonnements  qui  furent  oc- 
cupe's  par  une  partie  du  corps,  depuis  son  départ  de 
Mayence,  le  8  germinal  (  22  mars  ),  jusqu'à  son  retour 
dans   cette  ville ,  le  22   floréal   (  1 1    mai  )  : 

Le  8  germinal  (22  mars  ) ,  on  logea  à  Falkenstein. 

Le  19  floréal  (8  mai),    à    Veilbach. 

Le  20   (  9  ) ,  à  Vallau. 

Le  21    (  10  ),  à  Marienborn. 

Le  22  (  n  ),  le  ralliement  ayant  eu  lieu  auprès  de 
Cassel ,  la  demi-brigade  se  trouva  ne  plus  avoir  d'hommes 
<lr"tachcs. 


(  $44  ) 

i;;9^.  nous  armâmes  dans  la  soirée  :  le  corps  logea  * 
AN  VI.  une  partie  clans  cette  ville,  une  partie  à  Valheini, 
le  reste  dans  les  environs. 

Le  y 5  floréal  (  1 2  mai  )  ,  nous  nous  dirigeâmes 
vers  Worms.  La  demi-brigade  se  divisa  moitié 
à  Samenheim  et  à  Graiidstadtj  et  l'autre  moitié 
autour  de  la  ville. 

Le  24  (i^)?  o^  nous  plaça  à  Hoclidoif,  à  l.j 
Kein  et  à  Spire  (i). 

Le  2  5  (  i4)î  nous  nous  rcndiuics  à  Landau; 
il  y  eut  des  compagnies  détachées  au  Petit-Lan- 
dau ,  d'autres  à  Quecliein  (2). 

(i)  Dans  cette  route ,  Je  me  trouvai,  pour  la  première 
fois,  parmi  (les  anabaptistes  ou  rebaptisés,  dont  la  longue 
barbe,  les  grandes  robes  attache'es  avec  des  agrafes,  les 
vestes ,  les  culottes  sans  boutons ,  les  chapeaux  ronds 
rabattus,  me  surprirent  beaucoup.  Je  m'informai,  dans 
le  plus  grand  détail ,  de  leurs  mœurs,  de  leur  religion, 
afin  de  distinguer  la  différence  de  leurs  préceptes ,  de 
leurs  dogmes  ,  d'avec  les   nôtres. 

(2)  Durant  ce  voyage ,  je  logeai  cliez  un  habitant  qui 
avait  beaucoup  de  goût  pour  la  physique  et  la  méca- 
nique. Il  avait  pratiqué ,  dans  une  chambre ,  une  ma- 
chine imitant  les  effets  d'un  orage.  M'étant  mis  au  lit , 
la  nuit  se  trouvant  belle ,  je  fus  étonné ,  ma  chandellf, 
éteinte ,  d'entendre  le  bruit  du  tonnerre ,  de  voir  des 
éclairs  ,  enfin  d'apercevoir  les  carreaux  de  la  foudre.  Tout 
ce  tintamarre  ,  que  je  croyais  être  pioduit  par  des  causes 
naturelles ,  ne  m'empêcha  pas  de  doi  mir.  Le  matin  , 
me  disposant  à  partir ,  mon  hôte  me  demanda  si  j'a- 
vais entendu  la  pluie ,  la  tempête  ;  je  lui  répondis  que 
je  m'en  souvenais  à  peine.  Il  se  mit  à  rire ,  et  me  inou- 
tra sou  mécanisme    qui  me  parut   fort  ingéiueux. 


(S45) 

En  entrant  dans  la  ville,  il  y  avait,  sur  les  1798. 
remparts ,  plusieurs  demoiselles  qui  s'étaient  réu-  ^y  vu 
nies  pour  voir  arriver  la  troupe  ;  elles  jouaient 
du   flageolet ,    et    formaient  une    musique   fort 
jolie,  qui  nous  amusa  beaucoup  tandis  que  nous 
déniions. 

Le  '2G  (  1 5  ) ,  nous  nous  acheminâmes  vers 
Weissembourg  ;  je  parcourus  les  fameuses  lignes 
ou  retranchements  qui  s'étendaient  depuis  cette 
ville  jusqu'à  la  Lan  ter.  Les  Autrichiens  s'en 
étaient  emparés  en  1 796  ;  la  même  année ,  elles 
furent  reprises  par  les  Français.  Une  portion 
de  la  demi-brigade  était  .logée  à  Schweigen , 
ainsi  que  dans  plusieurs  autres  endroits. 

Le  27  (16)  ,  nous  allâmes  à  Haguenau.  Ea 
voyageant,  depuis  le  commencement  de  la  route, 
la  marche  m'ayant  échauffe  ,  je  souffris  beau- 
coup ;  cependant  je  suivis  la  troupe  sans  me 
plaindre  ,  sans  laisser  remarquer  que  je  ressen- 
tais des  douleurs  assez  vives. 

Le  28  (17),  nous  arrivâmes  à  Strasbourg, 
que  je  revis  avec  un  nouveau  plaisir.  Je  ne  man- 
quai pas  d'admirer,  une  seconde  fois,  la  célèbre 
liorloge  commencée  en  1569,  et  JÊnie  en  1^74. 
Liant  monté  au  haut  de  la  flèche  de  la  cathé- 
drale, j'y  retrouvai  mon  nom  que  j'avais  gravé 
à  mon  premier  voyage  (i). 

(1)  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupés  par  une  por- 
tion de  la  io5™*  ,  depuis  son  départ  de  Mayence,le22 
Hoveal    (  n    mai  ),  jusqu'à  son  arrivée  à  Strasbourg,  le 

:>«   (17); 


(  of^i)  ) 
1^98.  Le  29  (  18  )  ^  le  corps  eut  séjour,  dont  je  pro-^ 
AK  VI.  fitai  pour  consulter  le  cliirurgien-major,  qui  me 
recommanda  d'aller  à  l'hôpital ,  où  je  recevrais , 
plus  qu'ailleurs ,  les  remèdes  et  les  soins  qui 
m'étaient  nécessaires.  Je  fis  signer  un  billet , 
afin  d'obtenir  ma  guérison. 

J'appris  qu'un  fourrier  j  se  sentant  malade , 
voulait  également  entrer  à  l'hospice  ;  j'en  fus 
satisfait ,  pour  avoir  une  société  dans  ce  lieu 
rempli  de  toute  sorte  d'individus  dont  aucun  ne 
me  serait  connu.  Etant  parvenu  à  le  rencontrer, 
nous  nous  disposâmes  à  nous  cloîtrer. 

Le  5o  (19),  ayant  dit  adieu  à  nos  cama- 
rades, et  la  loS"'*"  étant  partie,  nous  louâmes 
des  livres  pour  nous  distraire  dans  notre  re- 
traite (i). 

Nous  nous  rendîmes  à  l'ambulance  ;  le  chi- 
rurgien vint  nous  panser.  Le  mal  ne  me  tour- 
menta pas  aussi  vivement.  Notre  temps  se  passait 

Le   11  floréal  (  1 1    mai  )  ,   on  logea  à  Valheim. 
Le   23    (  i"?  ),  à  Samenheim. 
Le   24  (  i3  )  ,   à    Kein. 

Le  25  (  i4  )  ,  à  Landau,  au  Petit-Landau,  à  Quechein.. 
Le   26   (  i5  )  ,  à  Schweigjen. 
Le  27   (16),  à  Haguenau. 

Le  28  (  1 7  )  ,  à  Rislieim ,  près  Strasbourg ,  où  l'on 
eut  séjour  le  29  (  18  ). 

(1)  Devant  traverser  bientôt  la  Suisse,  nous  prîmes 
la  description  de  ce  pays  ,.Ies  Confessions  de  Jean-Jacques 
Rousseau,  avec  quelques  petits  ouviages  de  poésie  :  car 
mon  camarade  ,  doué  de  beaucoup  d'esprit  naturel ,  ornû 
d'excellentes  études,  faisait  des   vers  assez  agréablement. 


(  347  ) 
à  lire,  à  converser,  à  écouter  tous  les  soirs  les  i-qg, 
orateurs  de  corps-de-garde ,  qui  nous  débitaient  a:,  vu 
les  amours  de  la  Ramée.  Mon  ami ,  qui  s'expri- 
mait avec  beaucoup   de  facilité,    obtint   la   pa- 
role ,  culbuta  tous  les  raconteurs  par  les  choses 
agréables  qu'il  nous  disait. 

Les  militaires  avaient  coutume  alors  de  se  faire 
tatouer.  Je  fis  imprimer  sur  mon  avant  -  bras 
gauche ,  avec  du  vermillon ,  un  cœur  percé 
d'une  flèche ,  trouvant  qu'une  telle  marque  était 
fort  jolie. 

Le  10  prairial  (29  mai)  ,  le  jour  de  la  dé- 
cade ,  le  fourrier  et  moi ,  nous  sortîmes  pour 
nous  promener.  Nous  vîmes  le  jeune  homme 
qui  avait  été  arrêté  en  passant  à  Metz ,  le  2  ven- 
tôse an  4  (21  février  1796);  il  nous  fit  un 
grand  accueil.  Il  dit  que  deux  jours  après  avoir 
été  incarcéré ,  on  reconnut  son  innocence  ;  qu'il 
fut  mis  en  liberté  ;  qu'il  s'était  dirigé  ensuite 
vers  Strasbourg  ,  où  il  avait  formé  un  établis- 
sement qui  comblait  tous  ses  désirs. 

A  la   fin  de  la  journée  ,  nous  retournâmes  à 
l'hôpital. 

Le  12  (3i),  surlendemain  de  notre  prome- 
nade ,  mon  camarade ,  plus  heureux  que  moi ,  se 
sentant  mieux,  m'annonça  qu'il  voulait  se  mettre 
en  route  pour  rejoindre.  Je  l'engageai  à  rester 
quelques  jours  ,  afin  que  je  pusse  rétablir  im 
peu  ma  santé  :  car  le  médecin  n'était  point 
d'avis  que  je  partisse  encore.  Voyant  la  résolu- 
tion bien  prononcée  du  fourrier,  je  me  décidai 
I.  0.5 


(  348  ) 

1^9^.  à  l'accompagner  poïir  être  plusieurs  en  traVei*- 
Av  VI.  sant  la  Suisse,  Ce  pays  venait  d'être  nouvelle- 
ment conquis  par  les    armées  françaises.   Nous 
obtînmes  notre  exéat.  Ayant  reporté  nos  livres, 
nous  disposâmes  tout  pour  notre  voyage. 

Le  i4  prairial  (2  juin),  au  soir,  mon  ca- 
marade voulant  annoncer  aux  malades  que  nous 
les  quittions  ,  fit  im  fort  beau  discours  ,  qu'il 
termina  par  un  conte  allégorique  sur  notre  sé- 
paration. Il  était  rempli  de  saillies  heureuses  , 
qui  amusèrent  beaucoup  l'auditoire.  Tout  le 
monde  nous  témoigna  ses  regrets  sur  un  départ 
aussi  précipité. 


(%) 


>  .^«^s^,^-^^  1^'»^.^"^^^^  <^«^>«9'>^ 


CHxVPITRE   LI. 


Le  i5  praiiial  (3  juin)  ,  nous  quittâmes  Stras^  i-qg» 
bourg  pour  aller  à  Benteld.  a^  vu 

Le  i6  (4)7  nous  nous  rendîmes  a  Schéles- 
ladt,  que  nous  parcourûmes  avec  beaucoup  d'em- 
pressement. 

Le  17  (  5)  ,  nous  fîmes  route  du  côté  de  Col- 
mar.  Cette  ville  passait  pour  avoir  les  plus  belles 
lemmes  de  l'Alsace. 

Le  18  (  ^  )  ,  nous  nous  acheminâmes  vers 
Cernai ,  où  nous  vîmes  diverses  papeteries  et  fa- 
briques d'indiennes. 

Le  19  (7)  ,  nous  nous  dirigeâmes  vers  Béfort 
(Belfort)  ;  nous  visitâmes  les  moulins  à  poudre. 
Cette  place  est  la  dernière  où  l'on  parle  alle- 
mand. 

Le  -20(8),  nous  arrivâmes  à  Porentrui ,  qui 
avait  été  réuni  à  la  république.  On  y  parie 
français.  Nous  eûmes  séjour  le  21  (9),  peur 
dant  lequel  nous  nous  transportâmes  au  bel 
aqueduc  reniérmé  dans  son  enceinte. 

Le  22  (10),  après  avoir  quitté  cette  ville, 
nous  traversâmes  le  Pierre-Pertuis ,  passage  que 
l'on  dit  avoir  été  frayé  par  les  R.omains  à  tra- 
vers   les    rochers.    Nous   nous    dirigeâfnes    par 

23.  . 


(  55o  ) 
3^f^8.  Sainte  -  Ursamie  ve;rs  Tramelan.  Nous  disûii- 
Af(  VI  giiâmes  dans  ce  trajet  une  chaîne  énorme  de 
montagnes  faisant  partie  des  Alpes.  La  route 
nous  conduisit  sur  une  d'où  nous  en  aperçûmes 
un  grand  nombre  dans  un  horizon,  tant  que  la 
vue  pouvait  s'étendre.  C'est  dans  ces  lieux  de 
retraite  que  l'industrie  travaille  à  ces  milliers  de 
mouvements  de  montres  ,  d'instruments  ,  de 
pièces  de  mécanique,  qui  se  répandent  dans 
l'univers.  A  chaque  pas  que  fait  le  voyageur  , 
il  est  forcé  de  s'arrêter  pour  admirer  ces  élans 
de  la  nature,  que  l'on  ne  voit  en  si  grande  quan- 
tité que  dans  la  Suisse. 

Le  2  5  (  Il  )  ,  nous  logeâmes  à  Bien  ne,  sans 
y  trouver  le  quartier -général  de  l'armée  fran- 
çaise vers  lequel  nous  étions  dirigés.  JNous  nous 
promenâmes  sur  le  bord  du  lac ,  qui  oifre  des 
points  de  vue  charmants.  C'est  là  qu'est  située  la 
petite  île  de  Saint-Pierre,  où  J.-J.  Rousseau  passa 
des  jours  délicieux  en  1765.  Ce  pays  fait  partie 
du  canton  de  Berne. 

Le  ^4  (  1 2  )  ,  nous  gagnâmes  Morat.  Nous  y 
remarquâmes  le  respect  que  les  Suisses  conser- 
vent pour  les  Helvétiens  leurs  ancêtres ,  en  éter- 
nisant les  traits  héroïques  qui  les  ont  mainte- 
nus dans  l'indépendance  contre  les  seigneurs 
qui  voulaient  ravir  leur  liberté  ,  plus  chère  que 
la  vie     (1). 

(1)  Des  sculptures  en  bois  peint,  clans  la  maison  com- 
mune de  cette  ville ,   représentent  le  célèbre  dévouement 


Le  qnartier-gcnéral  n'étant  plus  à  Moi-at,  on  ,j,,fi. 
nous  expédia  sur  Avencbc  où  il  s'était  lendu.  a%  vi. 
iS'avant  ])as  été  économes  à  Strasbourg  ui  en 
route  ,  nous  avions  dépensé  tout  l'argent  que 
nous  avions  ,  nous  en  rapportant  à  la  Providence 
pour  l'avenir.  Les  semelles  de  mes  bottes  étaient 
usées  et  perdues  5  je  marchais  sur  la  chrétienté , 
quoiqu'ayant  les  tiges  aux  jambes.  Je  soufl'rais 
beaucoup  des  pierres  qui  m'avaient  blessé  les 
pieds  à  plusieurs  endroits.  Comme  il  n'y  avait 
point   de  magasin  à   Morat ,  nous    ne    reçûmes 

d'Arnold  de  Wiiikelried  ,  (jui  ,  >)our  ouvrir  un  passage  à 
ses  frères  au  milieu  de  la  plialange  autrichienne ,  re'unit 
contre  sa  poitrine  autant  de  lances  qu'il  en  put  einbras-' 
ser  ;  mourut  en  recommandant  sa  femme  et  ses  enfants 
à  leur  générosité ,  mais  décida  de  la  victoire  où  Léo- 
pold  fut  vaincu  ,  périt ,  et  par  sa  mort  rendit ,  en  1 386, 
la  liberté  aux  cantons  de  Lucerne ,  d'Uri ,  de  Schwitz 
et  d'Underwald.  Ces  sculptures  donnent  aussi  Thistoire 
du  barbare  Gésier  ,  gonveinenr  ,  qui  força  Guillaume  Tell 
à  tirer  à  une  c<îrtaine  distance ,  sur  la  tête  de  son  fils, 
une  pomme  qu'il  fit  sauter  avec  le  ti'ait  lancé  de  son 
arc,   sans    que   cet    enfant  en  fût  atteint. 

Motif  du  J'itmciix  Ossuaire  de  Morat ,  à  peu  de  dis- 
tance de  la  p/ar^.  Cliarles-le-Téméraire  (  Cliarles-le-Hardi  ), 
duc  de  Bourgogne ,  fut  battu,  le  22  juin.  1476,  par  les 
Suisses  près  de  Morat.  Les  cadavres  de  dix  mille  morts 
furent  dépouillés,  ensevelis  dans  la  chaux  vive,  et  leurs 
ossements  recueillis  pour  les  déposer  dans  le  fameux 
charnier ,  non  loin  de  la  ville ,  afin  de  servir  de  tro- 
pliée   à   cette    victoire. 

La  quantité  des  os  diminuait  sensiblement  depuis 
quelques  années ,  par  plusieurs  causes.  D'abord  ,  chaque 


(  552  ) 
TjqS.  qirun  billet   de  logement  sans   vivres.   Dans    la 
AN  VI.  maison  où  nous  étions  ,  on  nous  donna  de  quoi 

manger  ;   mais  en   nous   taisant   sentir  que   l'on 

ne  nous   devait  lien. 

Le  2:5  (  i5  )  ,  nous  partîmes  de  grand  matin 
pour  Avenclie  ,  où  nous  arrivâmes  à  environ 
8  heures.  Nous  apprîmes  que  le  quartier-général 
étiùt  transféré  à  Fribourg.  Nous  nous  présentâmes 
chez  le  commandant  qui  était  Suisse  ;  il  nous 
reçut  tort  durement ,  et  nous  continua  notre 
roule  sans  vouloir  nous  donner  aucune  ration. 
Nous  sortîmes  de  chez  lui  bien  fatigués  ,  dni'.s 
la  plus  grande  détresse,  ayant  marché  sans  avoir 


voyageur  en  emportait  par  curiosité  j  mais  ce  qui  en 
occasioïKiit  une  consommation  bien  plus  rapide,  c'était 
«]uà  laison  de  leur  blancheur  extraordinaire,  on  les  em- 
])loyait  beaucoup  pour  différents  petits  ouvrages  au  tour, 
Surtout  pour  des  manches  de  couteau.  Les  postillons  de 
Genève  ,  auxquels  on  faisait  honneur  de  cette  nouvelle 
l)rau(  lie  de  commerce  ,  en  emportaient  en  assez  grande 
quantité,  pour  les  vendre  dans  leur  ville.  H  y  a  dix 
•  aus  (  avant  la  destruction  du  charnier  )  ,  l'amas  d'os  avait 
quelques  pieds  de  plus  en  liauteur.  Autrefois  c'était  une 
pratique  très-commune  ,  parmi  les  habitaiits  de  la  lîour- 
gogue,  de  venir  y  enlever  le  plus  qu'ils  pouvaient,  de 
ces  dépouilles  de  leurs  mxdheureux  compatriotes,  pour 
les  emporter  jusqu'aux  frontières,  et  les  ensevelir  dans 
leur  terre  natale. 

Le  12  ventôse  an  6  (  2  mars  1798),  les  troupes  ré- 
publicaines de  France  ayant  pénétré  sur  le  territoire  , 
deux  bataillons  ,  composés  de  soldats  nés  en  Bourgogne, 
détruisirent  ce  monument  poiu'  venger  leurs  compatriotes, 


(  555  ) 
pris  de  nOiUTÎtiirc  :  nous  nous  plaignions  dosa  i^qS. 
sévérité ,  [)iu^qii'il  nous  lallait  taire  encore  eiiviroa  *>  vi. 
()  lieues. 

Les  habitants  nous  considérant  connue  des 
objets  de  curiosité  ,  parce  que  nous  étions  sans 
chaussure ,  que  nous  avions  les  pieds  ensan- 
glantés ,  le  corps  ,  le  visage  couverts  de  sueur 
et  de  poussière ,  vinrent  autour  de  nous.  En 
peu  de  minutes  nous  fûmes  environnés. 

rs  ous  étions  dans  la  plus  protonde  aiïiiction  ; 
mon  camarade  rompant  le  silence  ,  adressa  l.i 
parole  à  toute  la  loulc  qui  parlait  français.  11 
dit  des  choses  véhémentes  ;  il  était  si  pénétré 
de  son  sujet  ,  qu'il  versa  des  larmes  :  il  m'a- 
vait forcé  à   être   ému   avant  lui. 

Ayant  remarqué  une  bourgeoise  qui  avait  son 
lils  sur  ses  bras,  il  lui  fit  un  discours  analogue  ii 
la  circonstance  et  conçu  à  peu  près  en  ces  termes  : 
«  Madame ,  vous  qui  êtes  couverte  ,  en  ce 
»  moment ,  des  plus  riches  étofîès  ,  des  bijoux 
»  les  plus  rares,  qui  peut  vous  assurer  que  l'en- 
»  fant  que  vous  portez  ,  dont  vous  faites  le  bon- 
»  heur  par  vos  soins  et  votre  opulence  ;  qui 
»  peut ,  dis-je ,  vous  assurer  qu'il  sera  toujours 
»  heureux  1 —  Nous  avons  aussi  des  familles  qui 
»  sont  fortunées  ;  ces  parents  ignorent  que  nous 
»  sommes  prêts  de  mourir  de  faim  ;  qu'un  mor- 
»  ceau  de  pain  le  plus  grossier  nous  est  absolu- 
»  ment  refusé ,  et  qu'il  nous  faudra  j)érir  de 
»  misère.!  Ouvrez  votre  coeur  à  la  j)iLié  ;  inter- 
»  cédez   eu  noire  faveur  ,  pour   que  i'oii  nous 


(  554) 
179a'  "  donne  ce  qu'une  àme  sensible  ne  peut  nous 
AN  VI,  »  refuser ,  ce  que  l'humanité  réclame ,  enfin  ce 
»  que  les  lois  nous  accordent  I  » 

Cette  jeune  femme  ,  vivement  attendrie  de 
ce  qu'elle  venait  d'entendre  ,  s'éloigna  en  ca- 
ressant son  marmot  et  en  lui  disant  :  «  Mon  cher 
»  petit  ami ,  tu  ne  sortiras  jamais  d'ici  ;  tu  ne 
w ,  'éloigneras  pas  de  moi ,  afin  que  je  pourvoie 
»  à  tous  tes  besoins.  » 

Le  fourrier ,  indigné  de  ce  que  personne  ne 
nous  oilrait  pas  la  moindre  subsistance  ,  et  de 
ce  qu'il  nous  fallait  continuer  le  chemin  de 
FjDjourg  sans  manger ,  lança  cette  apostrophe 
au  peuple  : 

«  Vous  ,  barbares  ,  dont  les  mœurs  hospita- 
)  lières  sont  si  vantées  ,  vous  avez  le  cœur  aussi 
»  dur  que  les  rochers  qui  ombragent  votre  ville! 
»  vous  êtes  aussi  féroces  que  les  ours  qui  ha- 
»  bitent  vos  forets  î  Qu'on  cesse  de  me  parler 
»  de  votre  urbanité  ,  de  votre  douceur  !  Vous 
»  occupez  le  séjour  des  animaux  sauvages,  et 
»  vous  êtes  aussi  inhumains  ,  aussi  cruels 
»  qu'eux  !  » 

Pendant  ce  temps  ,  le  commandant  ayant  en- 
tendu le  discours  de  mon  camarade  ,  avait  en- 
Aoyé  chercher  des  fusils  par  plusieurs  individus  : 
ils  viîu-ent  nous  inviter  à  sortir ,  pour  obéir  à 
leur  chef  ;  mais  tout  bas  ils  nous  plaignaient  , 
et  nous  o-Qiirent  quelques  pièces  de  monnaie 
que  nous  refusâmes  ,  préférant  la  mort  à  la  honte 
d'une  aumône. 


(  355  ) 

Hors  de  la  ville ,  le  fourrier  me  dit  tout  bas  :  1798. 
a  Mon  cher,  mourons  glorieusement  en  tombant  an  vk 
»  à  coups  de  sabre  sur  ces  marauds-là  ;  nous  eu 
»  tuerons  plusieurs.  Par  ce  moyen,  nous  vendrons 
»  cher  notre  vie.  »  Je  l'engageai  à  se  modérer 
et  à  nous  confier  au  sort  qui  ne  nous  abandon- 
nerait point.  Le  commandant  nous  donna   une    • 
vieille  pour  nous  guider  et  nous  enseigner  le 
chemin ,  afin    de  ne  pas   nous  égarer  dans  les 
forets  ,   dans  les  montagnes  ,    n'ayant   de  com- 
munication que  par  des  chemins  vicinaux.  Elle 
marchait  devant  nous.  Cette  femme  ayant  hâte 
le  pas ,  ne  nous  voyant  point  auprès  d'elle  ,  et 
se  trouvant  au   surplus  à  une   très-grande   dis- 
tance d' Vvenche  ,   s'évada  sans   que  nous  pus- 
sions la  revoir.  Xous  poursuivîmes  notre  chemin 
au  hasard. 

Etant  à  Fribourg,  nous  reçûmes  chez  le  com- 
missaire des  guerres  ,  tout  ce  qui  nous  était 
dû  ,  tant  en   ai^gent  c[u'en  vivres. 

>.  ous  achetâmes   des  souliers ,  des  bas  ,  dont 
nous  avions  le  plus  pressant  besoin.  Nous  par- 
courûmes la  ville  sur  tous   les  points  ,  afin  de 
considérer  les  moeurs  ,  les  costumes  ,  le  langage, 
i  les  religions  ,  les  édifices  publics.  Le  lendemain, 
I  ayant  eu  séjour ,  nous  continuâmes  notre  pro- 
I  m.enade  de  curiosité. 

-Sous  eûmes  occasion  de  nous  entretenir  des 
montagnes  de  Gruyère  ;  de  la  grande  quantité 
de  vaches  qui  y  paissent  ;  des  chalets  qui  y 
sont  bâtis  ,  où  les  pâtres  déposent  le  lait   dont 


(  556  ) 
1798.  on  fail  les  fromages.  Nous  entrâmes  dans  beau- 
AN  VI.  coup  de  déiails  relatifs  h  l'attachement  des  Suisses 
pour  leur  pays,  à  l'eiTct  que  produit  le  chnnt 
pastoral  ou  ranz- des -vaches  sur  les  individus 
qui ,  au  rythme  de  cet  air ,  éprouvent  des  sen- 
sations impossibles  à  décrire. 

JVous  apprîmes  que  la  loiV"**  demi-brigade, 
passée  le  9  prairial  (  28  mai  )  ,  s'était  dirigée 
vers  la  ville  de  Lyon. 

Le  27  prairial  (iSjuin")  ,  nous  nous  rendîmes 
à  Payerne.  On  nous  paria  de  l'usage  du  kilt  , 
qui  consistait  à  autoriser  les  visites  nocturnes 
des  garçons  chez  les  jeunes  viJlîigyoises  d'ui'e 
grande  partie  des  cantons  ,  en  assurant  que  sou- 
vent la  cérémonie  du  mariage  était  suivie  de 
près  de  celle  du  baptême 

Le  28  (16),  nous  partimes  pour  Moudon  ^ 
ville  très-ancienne. 

Le  29  (  17  )  ,  nous  allàjues  à  Montprevayre  , 
que  nous  visitâmes  avec  quehpi'intérét. 

'  Le  5o  (18),  nous  gagnâmes  Lausanne  ,  l'une 
des  plus  grandes  villes  de  la  Suisse.  Nous  nous 
rappelâmes  tout  ce  que  nous  avions  lu  dans  les 
Coniéssions  deJ.-J.   Rousseau. 

Le  I*''  messidor  (19  juin)  ,  nous  eûmes  séjour, 
que  nous  employâmes  à  ni)us  promener  dans  les 
environs  ,  qui  sont  fort  beaux  ,  à  observer  dcj 
points  de  vue  romantii[ues  et  très-pittoresques. 

Le  2(20),  nous  passâmes  à  Alorgcs ,  à  Kollcj 
à  Nyon  ;  cette  dernière  ville,  qui  est  bâtie  sur 
une  coîiine  ,  se  fait  voir  de  loin  ;  à  Co[.et ,  qui 


I 


(  557  ) 
était  le  séjour  de  M.  de  Necker,  ancien  ministre  1798. 
de   France.    Nous    arrivâmes   à    Genève ,  après  an  m. 
avoir  traversé  ce  pays  magnifique  qui  borde  le 
lac  du  Léman.  Nous  logeâmes  à  Carouges,  qui 
n'en  est  éloigné  que  d'une  demi-lieue. 

Le  5  (  21  )  ,  nous  séjournâmes,  parce  que  la 
veille  nous  avions  doublé  l'étape.  Nous  profi- 
tâmes de  cet  instant  pour  admirer  les  beautés 
de  Genève ,  qui  présente  de  si  grands  souvenirs 
historiques.  Cette  capitale  se  glorifie  d'avoir 
donné  le  jour  à  J.  -  J.  Rousseau  ,  d'avoir  eu 
Calvin  pour  professeur  de  théologie. 

Nous  entrâmes  dans  des  ateliers  d'horlogerie, 
où  nous  vîmes  en  détail  les  précieux  morceaux 
qu'on  y  fabriquait. 

Notre  feuille  de  route  ayant  été  continuée 
pour  Lyon ,  nous  nous  disposâmes  à  nous  y 
rendre. 


(  SoS  ) 


CHAPITRE  LU. 


'798'  Le  4  messidor  (  22  juin  ),  ayant  quitté  Genève, 
Aîj  VI.  jjQ^^g  j-jQ^g  dirigeâmes  vers  Fernei,  où  Voltaire 
avait  un  château  qu'il  habita  pendant  plus  de 
vingt  ans.  De  là ,  nous  allâmes  au  fort  de  l'Ecluse, 
au  pied  du  Jura,  vis-à-vis  de  la  dernière  mon- 
tagne des  Alpes.  Dans  la  même  journée,  nous 
anivâmes  à  Collonge. 

Le  5  (aS),  nous  vîmes  la  perte  du  Rhône,  à 
im  quart  de  lieue  de  la  ville  de  Bellegarde.  Le 
fleuve  s'écoule  dans  la  fente  d'un  rocher,  pour  se 
relever  peu  après  plus  majestueusement.  Il  dis- 
paraît, dans  les  eaux  basses,  sous  ce  roc  qu'il 
couvre  pendant  ses  débordements  ;  il  y  laisse  des 
matières  minérales  dont  je  ramassai  quelques  par- 
celles. Nous  causâmes  avec  des  habitants  du 
pays  qui  annoncèrent  que  ,  pour  connaître  le 
temps  que  l'eau  mettait  à  passer,  on  y  avait  jeté 
des  branches  d'arbre,  de  la  sciure  de  bois,  des 
canards  ;  mais  que  l'on  n'avait  jamais  rien  vu  du 
côté  opposé.  Nous  nous  contentâmes  de  ce  récit, 
laissant  aux  observateurs  à  expliquer  ce  phéno- 
mène. En  continuant  notre  route ,  nous  cou- 
châmes le  même  jour  à  Châtilîon-de-Michaille. 


(  5^9  ) 

Le  6  (-24) ,  nous  nous  transportâmes  à  Nautua ,  i  -oS. 
que  nous  parcourûmes,   comme  nous  avions  lia-  a?»  vi. 
bitu  Je  de  le  faire  dans   chaque  lieu  de  passage. 
Son  joli  lac  est  admiré  des  voyageurs  et  des  cur 
rieux. 

Le  7  (  23  )  ,  nous  nous  acheminâmes  vers 
Bourg,  une  des  anciennes  villes  de  France.  Les 
habitants  ont  pour  usage  de  porter  de  petits  bon- 
nets de  poil,  et,  devant  eux,  les  jours  ouvrables 
et  de  tcric;,  des  tabliers  de  peau  blanche  comme 
les  maçons. 

Le  8  (  26  ) ,  nous  eûmes  séjour ,  que  nous  em- 
ployâmes à  voir  l'industrie  du  pays. 

Le  9  (  27  ),  nous  nous  rendîmes  au  Pont 
d'Ain.  ^ 

Le  10  (28),  à  Meximieux. 

Le  II  (  29  ) ,  nous  arrivâmes  à  Lyon. 

Nous  reçûmes  les  vivres  et  le  logement.  Nous 
apprîmes  que  le  2^^^  bataillon  de  la  10  5™^,  ayant 
quitté  cette  ville,  le  2  messidor  (  20  juin  ) ,  avait 
une  partie  de  sa  force  à  Saint-Etienne,  où  can- 
tonnait la  compagnie  de  mon  camarade  ;  l'autre 
portion ,  où  se  trouvait  la  5"'^  compagnie ,  à  la- 
quelle j'appartenais  ,  était  à  Montbrison. 

Le  12  (  00  ) ,  nous  eûmes  séjour ,  pendant  le- 
quel nous  vîmes,  en  courant,  tous  les  beaux  édi- 
fices. 11  y  avait  dans  la  fameuse  église  cathédrale 
de  Saint-Jean ,  l'horloge  construite  en  1 398 ,  par 
Nicolas  Lippius,  de  Bàle;  elle  passait,  comme 
celle  de  Strasbourg,  pour  un  chef-d'oeuvre  de 
mécanique.  Je  fus  enchanté  de  la  magnificence 


(  S6o  ) 
i7c^8*  de  celle  aneieniie  et  grande  cité.  On  nous  dit  que 
Al-  VI.  la  4^"'^  demi-brigade ,   qui  arrivait  de  par  de-là 
les  Alpes,  était  en  querelle  arec  les  troupes  de  la  | 
io5'"!'^,  parce  que  les  militaires  de  cette  dernière 
employait  le  mot  de  Monsieur  au  lieu  de  celui  de 
Citoyen  (i)  •  que  les  soldat^  portaient  la  queue  ^ 
conservaient  les  faces  longues ,  ce  que  l'on  appe- 
lait oreilles  de  chien  ;   qu'ils  avaient  des  soulicis 
pointus.  Tout  cela,  aux  yeux  des  individus  i\(i 
l'armée  d'Italie ,  présentait  des  signes  de  conire- 
ré  volutionnaires . 

Le  i5  (  i*^'  juillet  ),  nous  nous  mîmes  en  route 
pour  Rive-de-Giers. 

Le  i4  (2),  nous  allâmes  à  Saint-Etienne,  où 
nous  visitâmes  la  manulacture  d'armes.  Des  ou- 
yriers  nous  montrèi'ent  qu'en  poussant  violem- 
ment, dans  un  canon  de  iusil,  pour  le  nétoyer  , 
une  baguette  garnie  d'étoupe,  la  retirant  ensuite 
avec  vivacité,  le  chanvre  s'enliammait,  et  que  c'é- 
tait ainsi  qu'ils  allumaient  leurs  pipes  (2). 

(1)  A  cette  époque,  livré  à  l'arbitraire,  on  ne  savait 
de  quelle  épilhèle  se  servir ,  ou  de  Monsieur ,  ou  de 
Citoyen ,  ce  qui  occasionait  souvent  des  j  ixes  ;  mais  , 
par  un  décret  du  G  Lrumaiie  an  7  (  27  octobre  1798), 
il  fut  prescrit  de  ne  donner  aux  militaires  que  la  qua- 
lification de  Citoyen. 

(2)  Un  savant,  pioiitant  de  cette  découverte,  a  depuis 
imagine  le  briquet  pneumatique,  qui  prend  feu  par  le 
même  piocédé,  au  movczi  d'un  peu  d'amadou  trempé 
dans    du  sel  de  nitrc. 


,  (  5<^I  )  _ 

Le  iT)  (o  ),  après  avoir  quitte  mon  camarade,  incjB* 
f  allai  à  Moiitbrison_,  où  cantonnait  la  compagnie,  au  vi. 
Je  reçus  l'argent  qui  me  revenait  pour  mon  dé- 
compte. 

J'avais  besoin  de  repos  :  car  un  voyage  d'aussi 
longue  haleine,  in'avait  cruellement  fatigué.  Je 
me  levais  pour  faire  les  distributions;  je  me  cou- 
chais ensuite,  et  je  me  relevais  pour  manger: 
telle  lut  ma  conduite  pendant  plusieurs  jours. 
J'avais  loué  des  livres,  et  je  me  promenais  rare- 
ment :  mes  camarades  me  donnèrent  connaissance 
de  la  roule  qu'ils  avaient  parcourue  (i).  Etant 

(i)  Voici  les  dates  avec  les  lieux  occupe's  par  une  por-' 
tiou  de  la  io5™^,  depuis  son  départ  de  Slrasbouig,  le 
3o  llore'al  (  19  mai),  jusqu'à  son  arrivée  à  Lyon,  le 
i3   fructidor   (  3o    août): 

Le  3o  floréal  (  19  mai),  partant  de  Bislieim  près  de 
Strasbourg,  on   se  rendit  à  Meistratheim. 
Le  1^"^  prairial  (  20  n>ai  )  ,  à  Schélestadt. 
Le  2    (21),    à   Colmar. 
Le   3   (  sa  ) ,   à   Cernai. 
Le  4   (  ^3  ) ,   à  Béfort. 
Le  5   C  ^4  )>   ^  Porentrui. 
Le  6   (25  ),  à  Bellrti. 

Le  n  (  26  ),  à  Anidro ,  sur  le  bord  du  lac  de  Bienne. 
Le  8  {l'j),  on  passa   à  Hernevigen,    pour    loger   à 
Jlorat. 

Le  9   (  28  ) ,  à  Fribourg. 

Le    10    (  29  )  ,  au   Grand-Villard. 

Le   II    (  3o  )  ,   à  Châteaudei. 

Le  12    (3i  ),  à   Bex,  où  l'on  demeura. 

Le  19  (7  juin  )  ,  à  Vevai. 

Le  20   (  8  )  ,  à   Lausanne. 


(  3«.  ) 
1798.  tombé   SLTÎeiusement    malade,   j'allai  trouver   le 
AN  VI.  chirm-gien,  qui  me  domia  im billet  d'hôpital,  avec 
une  voiture,  pour  me  diriger  vers  Grenoble. 

Le  i^'"  thermidor  (  19  ),  je  partis  bien  chagrin 
de  m'éloigner  de  mes  camarades.  Je  couchai  à 
Saint-Simphorien-sur-Goise.  « 
Le  2  (  20  )  ,  je  me  rendis  à  Lyon. 
Le  5  (  21  ) ,  à  Bourgoin. 

Le  4  (  22  ) ,  à  la  Gôte-Saint- André ,  où  Ton  fai- 
sait d'excellente  liqueur. 

Le  5  (20),  je  gagnai  Moirans. 

Le  6  (24)5  j'arrivai  à  Grenoble,  patrie  du  fà- 

Le  21    (g),  à  Bursenet,  non   loin  de  Rolle. 

Le  22    (  10  )  ,  à   Cheveille,    où  Ton  séjourna. 

Le  25  (  1 3  ) ,  on  passa  la  nuit  à  Farge ,  à  côté  de 
Collonge. 

Le  26  (  i4),   à  Châtillon. 

Le  27   (  i5  ),  à   Nantua. 

Le  28  (16),  au  Pont-d'Ain. 

Le  29  (  17  ),  à   Mexiniieux. 

Le  3o   (  18),  à  Lyon,  où  l'on  séjourna* 

Le  2  messidor  (  20  )  ,  à  Saint-Siniphorien. 

Le  3  (21  ),  à  Monthrison  ,  où  Ton  fut   caserne/ 

Le  6(24);  un  dctaclieuient  coucha  à  Boen. 

Le  7  (  25  ) ,  à  Thiers. 

Le  8   (  26  )  ,  k   Clennont. 

Le  9  (27),  à  Thiers,  où  il  cantonna.  Par  la  sui-te, 
il  fit  les  mouvements  ci-après  : 

Le  10  fructidor  (  27  août  )  ,  il  se  transporta  à  Roanne. 

Le  n    (  28  ) ,  à  Tarare. 

Le   12   (  29  ) ,  à  l'Arbresle. 

Le  i3  (  3o  ) ,  à  Lyon,  où  la  demi-brigade  réunie  tint 
garnison. 


A.N    VI. 


(  565  ) 
iiieux  Pierre  Terrail,  dit  le  chevalier  Bayanl.  Je  i;;(,8. 
me  promenai  par  toute  la  ville. 

Avant  d'entrer  k  Tliospice,  je  vonlus  me  pré- 
munir contre  Tennui  :  j'allai  chez  mi libraire,  pour 
me  prociuer  des  livres. 

Je  me  présentai  à  l'hôpital,  où  je  fus  installé 
par  le  chirurgien  de  garde ,  qui  me  fit  donner  la 
pitance  ordinaire.  Je  commençai  à  mettre  à  exé- 
cution le  projet  de  m'instruire  :  le  reste  du  jour 
fut  consacré  à  la  lecture. 

Le  lendemain ,  quoique  nous  fussions  dans  les 
plus  beaux  jours  de  l'été,  je  vis  à  4  heures  du 
matin,  avec  autant  de  surprise  que  d'admiration, 
le  sommet  des  montagnes  des  Alpes  couvert  de 
neige ,  au  lieu  de  brouillard  ;  elle  fond  quand  le 
soleil  acquiert  de  la  force.  Lorsqu'il  darde,  le 
matin,  ses  rayons  entre  les  montagnes  pyrami- 
dales ,  il  semble  que  c'est  un  brasier  ardent  qui 
consume  l'atmosphère.  Le  coup-d'œil  en  était 
nouveau  pour  moi.  Je  me  trouvais  dans  une  es- 
pèce d'extase. 

On  fit  la  visite.  Le  médecin  ordonna  ce  qui 
était  nécessaire  à  mon  état. 

Je  ne  m'occupais  que  de  lecture.  Qwand  j'eus 
fini  les  livres  que  j'avais  ,  j'en  fis  demander  d'au- 
tres par  le  portier. 

Il  y  avait  un  musicien  de  la  io5™^  qui  me 
donnait  des  leçons  de  fiageolet  et  m'enseignait  le 
solfège.  / 

Je  devins  si  faible    mes  forces    décroissaient 
•Vani  chaque  jour,  que  je  m'évanouis  une  fois  dans 
I.  a4 


(  304  ) 
i^gS.  la  baignoire;   on  fut  obligé  de  me  porter  dans 
A^  VI.  mon  lit. 

Le  mal  résistant  toujours  aux  remèdes  qui 
étaient  de  mauvaise  qualité ,  je  demandai  un  billet 
de  sortie ,  espérant  que  le  grand  air  me  dissipe- 
rait et  contribuerait  à  mon  rétablissement.  Je 
réglai  avec  le  libraire,  et  lis  mes  préparatifs  de 
voyage  pour  retourner  à  Lyon ,  où  je  savais  que 
la  io5°^^  était  rassemblée. 
AS  vil.  Le  4  vendémiaire  (  25  septembre  ) ,  ayant  tout 
terminé,  je  me  disposai  à  partir  le  lendemain. 

Le  5  (  2()  ) ,  je  me  mis  en  route  de  grand  matin. 
Je  couchai  à  Moirans ,  où  j'arrivai  de  bonne 
heure. 

Le  6  (27),  je  me  rendis  à  la  Gôte-Saint- 
AncUé. 

Le  7  (  28  ) ,  à  Bourg^oin. 

Le  8  (  29  ),  à  Lyon. 

En  arrivant  le  soir  dans  cette  ville,  je  regar- 
dai vers  l'orient.  J'aperçus  les  montagnes  de  la 
Savoie  comme  quand  j'étais  à  Grenoble,  quoi- 
que j'en  fusse  à  4o  lieues.  Ce  spectacle  avait  pour 
moi  beaucoup  d'attraits. 

J'entrai  un  jour,  près  de  la  Saône,  chez  un 
perruquier  pom-  me  faire  raser.  Il  y  avait  un 
honmie  qui,  voyant  les  faces  de  mes  cheveux 
pendantes  en  oreilles  de  chien ,  comme  il  a  été 
dit,  en  fut  choqué  au  point  que,  me  consi- 
dérant traître  au  gouvernement  républicain,  il  fit 
un  signe  derrière  moi  de  me  couper  le  cou,  et 
de  m.e  jeter  dans  la  rivière.  Il  s'éleva,  à  cet  effet , 


(  505  ) 
tine  discussion  que  je  ne  compris  pas,  et  à  la  in^g. 
suite  de  laquelle  le  coilTeur  torça  Fautre  à  sortir.  a>  vu. 
Voyant  le  trater  agité,  je  lui  demandai  le  molii" 
de  sa  querelle.   Il  me  répondit  que  j'en  étais  la 
cause;  que,   sans  sa  résistance,  j'allais  périr,  et 
que  je  lui  étais  redevable  de  la  vie.  M'ayant  ra- 
conté la  chose  en  détail,  je  courus  sur  le  quai 
pour  m'assurer  si  l'homme  y  était  encore;  mais  ,  ' 
ayant  eu  le  temps  de  s'éloigner,  il  avait  disparu. 
Lorsque  je  fus  rentré  dans  la  boutique,  le  barbier 
m'annonça  qu'il  existait  dans  la  ville  deux  partis , 
l'un  pour  la  cause  royale  ,   sous  le  nom  de  com- 
pagnie de  Jésus  ;   l'autre  en  faveur  de  la  répu- 
blique, connu  par  la  dénomination  de  Matavons. 
Il  ajouta   que,  chaque  jour,  il  y  avait  des  vic- 
times sacrifiées  à  la  fureur  de  ces  diverses  opi- 
nions,  et  que  le   Rhône  ou  la   Saône  devenait 
aussitôt  leur  tombeau. 

Voici  un  rapport  consigné  dans  les  journaux 
du  temps ,  qui  donne  l'idée  de  ce  qui  se  passait 
alors  dans  ce  chef-lieu  de  département  : 

Lyon,  le  1 1  messidor  an  6  (29  juin  179^)' 

«  Le  général  Grillon ,  commandant  de  la  place, 
»  a  tait  arrêter  et  mettre  en  jugement  deux  par- 
»  ticuliers  prévenus  d'avoir  été  chefs  de  la  com- 
>;  pagnie  de  Jésus.  La  procédure  n'est  point 
»  encore  terminée. 

»  On  a  insulté  dernièrement  un  jeune  homme 
»  qui  s'obstinait  à  porter  ses  cheveux  en  oreilles 
j  de  Vhicn  et  en  cadenettes.   Les  menaces  ont 

24. 


(  5G6  ) 

179B.  »  succédé  aux  insultes.  Enfin,  pendant  qu'il  lut- 

jkN  VII.  >:>  tait  avec  les  agresseurs,  ils  lui  ont  coupé  une 

»  de  ses  véritables  oreilles ,   en  lui  coupant  une 

»  partie  de  ses  cheveux.  L'affaire  n'a  pas  eu  d'au- 

»  très  suites.  » 

Un  soldat  m'annonça  qu'un  capitaine  de  vété- 
rans ,  le  citoyen  Martinet ,  qui  était  d'Epernai , 
voulait  me  parler.  Il  me  conduisit  chez  lui.  Cet 
officier  me  reçut  parfaitement  bien. 

M'ayant  présenté  au  directeur  des  spectacles  , 
qui  était  un  compatriote,  ce  dernier  me  procura 
mes  entrées  aux  deux  théâtres ,  et  me  proposa  de 
me  retirer  du  service  militaire,  sous  le  prétexte 
que  je  pourrais  être  utile  aux  arts.  Il  me  desti- 
nait à  copier  de  la  musique.  Je  le  remerciai  de 
son  attention ,  préférant  continuer  la  carrière  des 
armes. 

Le  capitaine  me  fit  connaître  M.  Saint-Ange  , 
d'Epernai,  employé  dans  une  maison  de  com- 
merce. 

Nous  habitions  la  caserne  de  Serin,  dans  le 
faubourg  de  Veise.  Chaque  fourrier  portait  alter- 
nativement les  rapports  chez  le  quartier-maître  : 
mon  tour  étant  venu,  je  réunis  les  situations  du 
bataillon.  J'eus  la  complaisance  d'attendre  celle 
des  grenadiers,  un  quart-d'heure  après  l'instant 
désigné ,  de  sorte  que  j'arrivai  trop  tard.  Le  tré- 
sorier s'en  plaignit.  Je  subis  8  jours  d'arrêts. 
Comme  il  y  avait  un  ordre  avant  la  parade,  j'allé- 
geais ma  punition,  en  prenant  mon  livret,  sous 


(  3f.7  ) 
prétexte  d'aller  cliez  les  officiers  de  la  compagnie,    i;^c)8. 
alîii  de  le  leur  communiquer.  a-h  vu. 

Un  jour,  je  me  promenais  dans  le  quartier 
Saint- Jean,  un  chien  de  boucher,  enragé,  pour- 
suivait des  dogues.  Chacun  fermait  ses  portes  , 
afin  de  se  garantir  de  cet  hydrophobe.  Il  vint 
droit  à  moi.  Quand  le  furieux  s'élanra,  je  lui 
portai  un  coup  de  sabre  si  violent  sur  la  nuque  , 
que  je  le  terrassai.  Lui  ayant  ensuite  plongé  la 
pointe  dans  le  ventre,  je  le  tenais  dans  cet  état. 
Il  arriva  un  boulanger  avec  son  fourgon  rouge  , 
qu'il  hii  enfonça  dans  la  gueule  et  l'étoufTa.  Je 
reçus  les  félicitations  des  habitants  qui  avaient 
été  témoins  de  cette  scène ,  et  je  me  retirai  satis- 
fait d'avoir,  par  la  destruction  de  l'animal,  em- 
pêché quelque  malheur. 

Le  7  brumaire  (  28  octobre  ) ,  je  fis  dresser  ma 
procuration,  devant  notaire,  que  j'envoyai  à  mon 
père ,  pour  qu'il  fît  faire  le  partage  des  biens  de 
ma  mère ,  afin  de  rendre  compte  à  ses  enfants. 

Les  troupes  de  la  loS*^^®,  dont  la  discipline 
était  sévère,  manœuvraient  toutes  les  décades  siu* 
îa  place  de  Bellecourt.  L'affluence  était  considé- 
rable ,  pour  admirer  la  belle  tenue  et  la  précision 
des  mouvements  de  ce  corps. 

Le  Gouvernement  voulant  former  de  nouveau 
la  107"^^"  demi-brigade,  qui  avait  été  détruite  à 
l'expédition  de  l'Irlande ,  en  l'an  5  (  1 796  ),  donna 
ordre  que  la  loS*^^  demi-brigade  fournirait,  dans 
la  viUe  de  Grenoble,  moitié  de  ses  sous-officiers. 


(  5C.8  ) 
i^c)8.  L'on  prescrivit  de  tirer  au  sort.  J'eus  le  billet 
J^^  vu.  pour  partir. 

Le  26  frimaire  (16  décembre),  je  fis  mes 
adieux  au  capitaine  Martinet  et  à  M.  Saint-Ange. 
Le  directeur  des  spectacles  me  donna  ime  lettre 
de  recommandation ,  pour  un  comédien  employé 
dans  l'ancienne  capitale  du  Grésivaudan. 

Le  lendemain,  je  me  réunis  au  détachement 
qui  se  disposait  à  partir. 


.^^^g^^t^^fc^^g*^^  Y^y  /^  /(^y^"'  y^ 


'f^^f^^r<f/^ 


(  3fi9  ) 


CHAPITRE  LUI. 


Le   27  frimaire  (17  décembre),   nous  quit-  i^gg. 
tâmes  Lyon.  an  vu. 

Dans  la  route ,  pour  nous  divertir ,  nous  mon- 
tâmes sur  des  ânes  qui  toiu-nissaient  au  service 
de  la  poste.  Ils  étaient  conduits  par  des  petits 
garçons  qui  les  fouettaient  vivement  en  les  sui- 
vant à  la  course. 

Nous  gagnâmes  Vienne ,  que  je  visitai  avec 
le  plus  vif  intérêt ,  pour  remarquer  les  restes 
d'antiquités  que  possède  encore  cette  ville. 

Le  28  (  18  )  ,  nous  nous  rendîmes  à  la  Côte- 
Saint- André. 

Le  29   (19),  à  Moirans. 

Le  oo  (  20  )  ,  nous  arrivâmes  à  Grenoble. 
Nous  comptâmes  dès  le  lendemain  ,  1  "  nivôse 
(21  décembre),  à  la  107"'*"  demi-brigade  d'in- 
fanterie de  ligne.  Je  fus  attaché  à  la  S'"'^  com- 
pagnie du  2""^  bataillon ,  en  qualité  de  four- 
rier (1).  Les  officiers  furent  commissionnés  par 

(1)  L'état-major  était  composé  des   CC. 
Kulm  ,  chef  de  brigade. 
Jeanneau,  chef   du   premier  bataillon. 
Peïtavy ,  chef  du  deuxième  bataillon. 
Plazanet,   chef  du  troisième  bataillon. 


(  370  ) 
i^qB-  le  Gouvernement.  Les  sous-officiers,  formant  le 
AU  vu.  noyau    du    corps  ,    étaient  tirés   de  la   26^'^   et 
de  la   loS*^^^  demi-brigades,  ou  nommés  par  le 
ministre  de  la  guerre  ;  il  n'y  eut  point  d'avance- 
ment pour  nous. 

JNous  logeâmes  dans  un  couvent  délabré,  qui 
servait  de  caserne  où  nous  étions  ,  quoiqu'il 
fît  grand  froid ,  exposés  aux  quatre  vents. 

Je  remis  à  son  adiesse  la  lettre  de  recom- 
mandation qui  m'avait  été  donnée;  on  me  fît 
beaucoup  d'accueil ,  et  on  m'accorda  mes  entrées 
gratis  au  spectacle  pendant  mon  séjour  dans  cette 
ville. 

Je  fus  invité  à  des  noces  dans  les  montagnes, 
à  une  lieue  de  Vizille ,  par  un  soldat  de  la  com- 
pagnie ;  il  appartenait  à  une  famille  aisée.  Ce  qui 
me  Irappa  en  revenant  de  la  municipalité  à 
l'habitation,  c'était  que  pendant  que  l'on  sau- 
tait au  son  du  violon  ,  deux  hommes  précédaient 

Lebegue ,   adjudant-major. 

Reiiîaudy  ,    quartier-maître. 

Bornier ,  officier- payeur. 

Dérode  ,  adjudant-souî^officier. 
La  5°*  compagnie  du  2""*  bataillon,  avait  pour  offi- 
ciers ,  les  ce. 

Marie  Beaurin  ,   capitaine. 

Guy ,    lieutenant. 

Laporte ,  sous-lieutenant. 
Pour  sous-officier , 

Civet ,  sergent-major. 
Te'tais  immatricule'  sous  le   numéro   488* 
L'effectif  du  corps  était  de  3,376  hommes. 


(  57'  ) 
le  cortège  avec  des  perches  garnies  de  filasse,  1-98. 
dont  ils  laissaient   une  partie   sur  les  arbres   et  au  vn. 
le  long  des  haies.  Je  demandai  la  raison  de  cette 
coutume.    On    me  répondit  que  l'on   annonçait 
par-là ,   à  la   nouvelle  mariée ,    qu'une   femme 
laborieuse  dans  ce  pays ,  devait  toujours  regar- 
der autour  d  elle  ,  pour  y  trouver  de  quoi  s'oc- 
cuper. 

Plusieurs  jeunes  gens  m'engagèrent  à  chasser 
avec  eux  dans  les  forêts  de  la  chaîne  des  Alpes. 
J'étais  étonné  de  voir  des  aigles ,  des  vautom^s 
en  grand  nombre.  Je  remarquai  que  plusieurs 
sapins  poussés  peu  éloignés  les  uns  des  autres , 
avaient  leurs  cimes  tellement  rapprochées  ,  que 
3a  neige  qui  y  était  tombée  formait  une  voûte 
sous  laquelle  on  passait.  Je  m'en  retournai  en- 
suite fort  satisfait  de  cette  excursion. 

Le  temps  devint  si  rude  ,  qu'on  nous  plaça 
chez  les  habitants. 

Les  conscrits  pour  la  formation  du  corps  , 
arrivant  de  plusieurs  départements  ,  comme  de 
ceux  du  Cantal ,  de  la  Corrèze  ,  des  Hautes  et 
Basses-Alpes  ,  donnaient  beaucoup  d'occupation 
aux  fourriers.  Quoique  je  fusse  bien  logé,  je  ne 
pus  résister  aux  douleurs  et  au  travail  du  ca- 
binet. Je  me  trouvai  forcé  de  prendre  un  billet 
d'hôpital. 

Le  3o    nivôse  (  19  février)  ,   avant  d'entrer  1799. 
dans  ce  séjour  que  je  connaissais  déjà  ,  je  louai , 
comme  précédeniment ,   des  livres ,  pour  que  la 
lecture  absorbât  une  partie  des    tristes  instants 


(  ^72  ) 
'799   ps^^^t^^'^^  lesquels  je  devais  y  languir.  Mon  temps 
AN  Vil.  était  divisé  entre  la  lecture ,  l'écriture  et  la  mu- 
^     sique. 

Un  vieux  caporal ,  couché  dans  un  lit  à  côté 
du  mien ,  passa  pour  mort  après  la  visite.  Elle 
avait  lieu  tous  les  jours  à  7  heures  du  matin  ; 
les  infirmiers  qui  s'en  aperçurent  ,  vinrent  le 
piller.  Ils  allèrent  ensuite  pour  faire  constater 
son  décès,  après  lui  avoir  jeté  le  drap  sur  la 
figure  ;  mais  le  chirurgien  de  garde  étant  alors 
absent ,  on  laissa  les  choses  dans  leur  état.  Cet 
liomme ,  qui  n'était  tombé  qu'en  léthargie ,  re- 
couvra connaissance  quelques  heures  après.  Il 
se  mit  sur  son  séant ,  chercha  sa  tabatière  sous 
son  chevet ,  où  il  ne  trouva  plus  ses  effets  :  il 
cria  fort  ;  se  plaignit  d'être  volé.  L'officier  de 
santé  qui  arriva  ,  rassembla  les  infirmiers  devant 
le  malade ,  ce  qui  fît  une  scène  plaisante.  Ils 
niaient  d'abord  d'avoir  pris  l'argent  ;  ils  furent 
ensuite  contraints  de  le  restituer. 

Un  hussard  qui  avait  obtenu  de  sortir ,  revint 
ivre  le  soir.  Il  vit  les  malades  assis  sur  des 
bancs ,  se  chauffant  autour  du  poêle  ;  m'ayant 
pris  par  une  épaule  ainsi  que  celui  qui  était 
auprès  de  moi ,  il  nous  culbuta  et  s'empara  de 
nos  places.  Je  m'en  fâchai  ;  il  fut  convenu  que 
le  matin  nous  nous  expliquerions  dans  le  jar- 
din. A  la  pointe  du  jour  nous  descendîmes , 
avec  chacun  un  sabre  et  un  témoin.  Il  résulta 
du  combat ,  que  le  bout  de  ma  botte  qui  était 
long  et  pointu,  se  trouva  coupé. 


à 


(  373  ) 

Les  assistants  nous  empêchèrent  de  continuer.  1^99. 
J'eus   beaucoup  de   chagrin   de   ma   chaussure,  aïs  vu. 
J'aurais ,  je    crois ,   préféré   une    blessure   à    la 
figure ,  parce  qu'étant  à  l'hôpital ,  j'eusse  pu  me 
faire  guérir. 

Un  soldat  de  la  107"'%  à  qui  j'avais  copié 
une  chanson,  la  tenait  sur  son  Ht  pendant  la 
visite.  Un  chirurgien  lui  demanda  qui  l'avait 
écrite ,  il  répondit  que  c'était  lui.  Cet  officier  de 
santé  l'ayant  prié  de  lui  transcrire  un  état,  sur 
lequel  il  présentait  un  nouveau  système  de  phar- 
macie ,  le  militaire  consentit  volontiers  à  rem- 
plir ses  désirs.  On  lui  apporta  ,  en  conséquence, 
tout  ce  qui  lui  était  nécessaire  pour  cela.  Le 
lendemain  ,  étant  seul  avec  lui ,  je  commençai 
l'ouvrage.  L'auteur  ayant  des  changements  à  y 
introduire,  intervint  pour  l'en  prévenir,  et  me  vit 
travailler  ;  la  ruse  fut  trahie.  Au  lieu  d'accorder 
au  prétendu  copiste  toute  la  récompense  qu'il 
lui  destinait ,  il  partagea  ses  largesses  ,  de  ma- 
nière que  je  m'en  ressentis.  Ayant  un  génie  in- 
ventif pour  la  pharmacopée ,  il  me  fit  dresser 
plusieurs  tableaux  :  cela  m'amusait  beaucoup. 

Le  2°"^  bataillon  de  la  107™**  partit  pour  Pierre- 
Latte.  Des  camarades  quivim-ent  me  voir,  m'en 
donnèrent  connaissance. 

Le  27  ventôse  (  1 7  mars  )  ,  ma  santé  étant 
raffermie  sans  que  je  fusse  radicalement  guéri , 
Je  me  décidai  à  sortir.  Ayant  réglé  avec  le  li- 
braire, je  me  disposai  à  me  mettre  en  voyage. 

Le  28  (  18  )  ,  je  me  dirigeai  vers  Moirans. 


(  574  ) 
i;99-      I^e  29  (19),  je  me  rendis  à  Salnt-Marcelîm , 
AN  va.  joli  petit  endroit  sur  l'Isère. 

Le  5o  (20),  j'allai  à  Romans,  bâti  dans  une 
plaine. 

Le  i"  germinal  (21)  ,  j'arrivai  à  Valence,  une 
des  plus  anciennes  cités  de  France  ;  j'eus  séjour, 
pendant  lequel  je  visitai  les  édifices  publics  les 
plus  remarquables. 

Le  5  (  25  ),  je  me  transportai  à  Loriol,  où  je 
vis  la  fabrique  de  soie. 

Le   4  (24)?  je  m'acheminai   vers    Montéli- 
mart.  On  vante  avec  raison  la  pureté  du  ciel ,  .  ^ 
la  beauté  du  coup-d'œil ,  la  situation   agréable 
de  cette  ville. 

Le  5  (25)  ,  je  gagnai  Donzère.  Je  me  trou- 
vai forcé  d'attendre  une  escorte  pour  le  lende- 
main ,  parce  qu'il  y  avait  des  brigands  qui 
infestaient  le  pays  ,  et  dévalisaient  les  voyageurs. 
On  ne  pouvait  marcher  qu'étant  accompagné 
d'hommes  armés. 

Le  6  (  26  )  ,  j'arrivai  à  Pierre-Latte  ,  où  can- 
tonnait la  compagnie  faisant  également  le  service 
d'escorte. 

On  me  logea  chez  un  riche  propriétaire  ;  tous 
les  soirs  les  élégantes  du  bourg  se  réunissaient 
dans  cette  maison  ,  pour  jouer  des  proverbes 
et  des  charades.  Ayant  été  admis  à  ces  jeux, 
j'y  prenais  une  part  très-active. 

Lorsque  je  voyageais  dans  les  pays  méridio- 
naux ,  j'avais  été  à  même  de  voir  soigner ,  pullu- 
ler   et  filer  les  vers  à    soie  ,   ce   que  les  natu- 


(  375  ) 

ralistes  appellent  boml)ix   ou  phalènes  fîleiises.  x'j^g. 
Je  m'étais  tait  expliquer  les  habitudes ,  les  mé-  am  vu. 
tamorphoses  et  Tutilité  de  ces  insectes.  J'appris, 
avec  intérêt ,  que  la  principale  richesse  de  Lyon 
trouvait  sa  source  dans  leur  travail. 

Lors  des  beaux  jours,  la  chaleur  se  faisant 
sentir ,  j'aimais  le  chant  de  la  cigale.  Plusieurs 
fois  je  me  suis  placé  immobile  au  pied  d  un. 
arbre  ,  pour  l'entendre  à  mon  aise. 

Pendant  la  nuit  du  26  au  27  germinal  (  i5 
au  1 6  avril  ) ,  on  vint  m'apporter  l'ordre  annon- 
çant notre  départ  sur-le-champ.  Je  me  levai 
doucement ,  crainte  d'interrompre  les  personnes 
de  la  maison. 

En  sortant  du  logement ,  je  rencontrai  un 
fourrier  qui  m'emmena  chez  un  traiteur,  où  nous 
mangeâmes  cinq  douzaines  de  petits  pâtés,  eu 
buvant  deux  bouteilles  de  \in  muscat. 


(  SjS  ) 


,^>  k^  s^^  „S- .^".^  .^^  ..iT"  i^' ..^  w^  .^^  ^  s^^  w?"  w^  ^»  ..^?"^'' ,^^  ,^*  .^- .^•>^' ,^  .^J- .^ 


CHAPITRE  LIY. 


1799.       Le  27  germinal  (  1 6  avril  )  j,  à  la  pointe  dn  jour, 
AN  vil.  nous  montâmes  sur  ime  voiture  de  roulier,  mon 
camarade  et  moi ,  étant  malades  d  indigestion  k  ne 
pouvoir  nous  soutenir.   Les  billets  étant  finis  à 
Montélimart,  nous  allâmes,  l'un  et  l'autre  ,   les 
distribuer  aux  compagnies   qui  arrivèrent  après 
nous.  Dans  mon  logis,  je  fis  faire  une  soupe  à 
l'ognon ,  qui  me  restaura  et  me  rétablit  :  les  petits 
pâtés    que   j'avais  maniées  ,    m'avaient  tellement 
gonflé  l'estomac,  qu'à  peine  pouvais-je  respirer. 
Le  28   (17),  la  voiture  qui  s'était  chargée  de 
nous  la  veille,   continuant  à  marcher  dans  notre 
direction,  je  convins  de  prix  avec  celui  qui  la 
conduisait,  pour  y  monter  encore  jusqu'à  Lo- 
riol. 

Le  2g  (18),  nous  nous  transportâmes  à 
Valence,  où  le  bataillon  se  trouvant  entièrement 
rassemblé,  nous  passâmes  la  revue  le  lendemain. 
On  donna  1  ordre  pour  aller  k  Tin-in. 

Le  i^"^  floréal  (20  avril),  nous  nous  dirigeâmes 
vers  Crest  ,  ville  placée  près  des  rives  de  la 
Drôme,  dans  un  pays  montagneux. 

Le  2  (  2 1  ) ,  après  avoir  traversé  Saillans ,  nous 
arrivâmes  k  Die,  où  je  bus  du  vin  blanc  mous- 


(  ^77  ) 
seiix,  appelé  la  Clairette,  qui  ressemble  au  vin  de  i-(^y. 
Champagne.  an  vu 

Le  5  (2-^)5  nous  couchâmes  à  Luc,  bourg  , 
chef-lieu    de  canton:  le  froid  alors    était  irès- 

Tif. 

Le  4  (  ^3  ) ,  nous  nous  rendîmes  à  Saint-Pierre, 
où  il  tomba  beaucoup  de  neige. 

Le  5  (  24  ) ,  nous  nous  transportâmes  du  côté 
de  Veynes  ;  de  là  sur  Gap ,  où  l'on  prévint  que 
l'on  passerait  une  inspection. 

Les  fourriers  furent  chargés  de  tenir  les  con- 
trôles prêts  en  conséquence. 

Le  6  (  23  ) ,  l'appel  fait,  il  y  manquait  4o  sol- 
dats ,  auxquels  mon  capitaine  avait  donné  des 
permissions  verbales.  Ces  conscrits  n'étant  pas  de 
retour,  quoiqu'il  en  arrivât  à  chaque  instant, 
n'avaient  point  été  considérés  déserteurs.  Vou- 
lant en  tenir  note ,  j'entrai  dans  une  maison  pour 
les  inscrire.  Comme  je  n'étais  pas  à  la  compagnie, 
le  commissaire  des  guerres  fut  obligé  de  l'exami- 
ner après  le  bataillon  ;  cela  contraiia  le  citoyen 
Peïtavy. 

L'inspecteur ,  pendant  l'opération ,  remarqua 
le  grand  nombre  d'hommes  absents.  L'officier  dit 
qu'il  avait  permis  à  beaucoup  d'individus  du  paA's, 
d'aller  voir  leurs  parents  ;  mais  qu'ils  devaient 
rentrer  le  soir.  On  demanda  la  situation,  que  je 
remis  selon  l'effectif  total.  Le  chef  sachant  que  les 
militaires  n'étaient  pas  rentrés ,  me  fit  appeler.  Il 
m'accusa  de  n'avoii-  pas  bien  rempli  mes  devoirs 
au  moment  de  la  revue  j  menaçant  de  me  punir 


(  578  ) 
Ï799*  sévèrement  pour  servir  d'exemple.  Il  ne  me  con- 
AN  vu.  naissait  pas.  Pour  avoir  une  opinion  fixe  sur  moi, 
il  prit  des  informations  auprès  de  mon  ancien 
sergent-major  de  la  9'"''' ,  qui  me  peignit  sous  des 
couleurs  défavorables  ;  de  sorte  que  le  comman- 
dant exerça  contre  moi  toute  son  autorité. 

Le  7  (  26  ) ,  j'eus  la  douleur  de  faire  la  route , 
comme  prisonnier,  à  i'avant-garde.  JNous  cou- 
châmes à  Conche. 

Le  8  (  37  ),  nous  gagnâmes  Embrun,  ville  bâ- 
tie sur  un  rocher.  L'officier  du  poste  me  doima 
un  billet  de  logement,  où  il  m'envoya  passer  lu 
nuit. 

Le  9  (  28  ) ,  nous  allâmes  à  Mont-Dauphin  , 
place  forte  sur  ime  éminence.  On  distribua  la 
troupe  à  Saint-Grépin  ,  au  Grandvillai'd  ,  dans 
d'autres  communes ,  où  des  hommes  rassembles 
nous  guidèrent  à  travers  les  montagnes ,  chez  les 
habitants  qui  devaient  nous  héberger.  Je  rejoi- 
gnis la  compagnie  que  l'on  conduisit  à  des  chau- 
mières creusées  çà  et  là,  parmi  les  rocs  vifs  de 
la  chaîn'3  des  Alpes;  n'ayant,  la  plupart,  pour 
ouverture  qu'une  porte,  un  trou  en  guise  de 
cheminée  pour  passer  la  fumée^  et  une  espèce 
de  fenêtre,  souvent  sans  carreau  de  vitre,  cpii  se 
ferme  avec  un  volet  en  planches.  Les  monta- 
gnards nous  y  reçurent  de  leur  mieux  ,  entre 
leurs  vaches,  leurs  moutons,  leurs  chèvres  et 
leurs  boucs  :  car  les  gens  et  les  bêtes  logent  en- 
semble. 

Ce  nouveau  genre  d'existence  me  semblait  si 


extraordinaire,  que  j'adressai  beaucoup  de  qne«-  i^on. 
tiens.  J'appris  qii'à  la  Toussaint ,  époque  où  Ton  an  vu 
amasse  toutes  les  provisions  de  l'iiiver,  il  y  a  du 
pain  de  cuit  pour  jusqu'au  printemps.  On  se  traite 
conieusement  ;    on  se  livre  au    plaisir  :  ensuite 
viennent  les  adieux.  Les  hommes,  même  les  en- 
fants assez  robustes ,   s'éloignent  ;  les  uns  vont  en 
Italie,  les  autres  dans  didérents  pays,  afin  de  ra- 
nioner  les   cheminées   et  faire  des   commissions. 
En  leur  absence,  les  femmes,  les  vieillards  res- 
tent comme  ensevelis  vivants  sous  la  neige  qui  , 
quelquefois,  couvre  leurs  habitations  d'une  épais- 
seur considérable.   Privés  de  la  lumière  du  jour  , 
ils  allument  des  branches  de  sapin ,  bois  résineux, 
qui  leur  sert  de  lampe.  Ils  s'appliquent  a  leurs 
travaux  domestiques  ;  à  fabriquer ,   avec  la  laine 
de  leurs  moutons ,   les  vêtements  rustiques  dont 
ils  font  usage ,  et  que  l'on  peint  ordinairement  en 
brun. 

Quand  le  dégel  a  lieu  ,  ils  dégagent  l'entrée  de 
leurs  grottes,  afin  de  respirer  un  bon  air.  Ils  pro- 
fitent de  ce  temps  pour  leurs  courses ,  ou  pour  se 
visiter.  On  marche  alors  avec  des  crampons  de  fer 
aux  pieds  ,  une  grande  perche  à  la  main ,  en  son- 
dant les  précipices  sur  lesquels  on  est  obligé  de 
passer,  et  qui  sont  remplis  souvent  de  verglas. 
Quand  quelqu'un  meurt ,  le  cadavre  reste  parfois, 
sans  sépulture ,  des  semaines  entières.  Pâques 
étant  arrivé,  tout  change  de  face.  Les  voyageurs, 
de  retour,  apportent  le  fruit  de  îetu's  économies. 
On  se  réunit  ;  on  s'abandonne  à  la  ^aîté  ;  on  cub 
1.  a5 


jnqç),  lire  ensuite  les  lieux  qui  peuvent  recevoir  de  k 
AN  vil.  semence.  La  neige,  en  fondant,  sert  d'engrais  à 
la  terre.  Les  moissons  étant  précoces,   ont  lieu 
peu  de  mois  après. 

Le  lo  (29),  les  compagnies  étant  réunies, 
nous  traversâmes  la  forteresse  de  Brianron ,  où 
se  trouvait  le  5"""  delà  107'"%  qui  vint  à  notre 
rencontre.  Le  i^'  bataillon  tenait  alors  garnison  à 
Alexandrie  (Piémont).  Nous  nous  dirigeâmes  , 
par  Sézanne,  vers  le  Mont-Genèvre ,  lune  des 
plus  hautes  montagnes  des  Alpes  Cottiennes,  sur 
laquelle  est  bàli  un  village  portant  le  même  nom , 
(levé  de  i,843  toises  au-dessus  des  eaux  delà 
Méditerranée. 

jN  ous  longeâmes  ou  gravîmes ,  dans  cette  jour- 
née, des   hauteurs  couvertes  de  neige.    Des  ro- 
chers à  pic  étaient   de  chaque  côté  du  chemin  , 
sur  lequel  existait  un  verglas   très-glissant;  ces 
rocs    avaient    des   pointes    qui    s'avançaient  en 
forme  de  voûte,  et  qui,  ne  tenant  presque  à  rien, 
semblaient  vouloir  se  détacher  pour  nous  englou- 
tir sous  leurs  débris.  Des  arbres  verts,   presque 
tous  pins,  sapins,  mélèses,  poussés  dans  les  join- 
tures des  blocs  de  pierres ,  ne  tenant  que  faible- 
ment par  leurs  racines  découvertes,  élevant  leui's 
rimes  majestueusement  dans  les  airs  qui  les  agi- 
taient avec  force ,   paraissaient  près  de  tomber  et 
de  nous  barrer   le  passage.  Des  aigles  et  des  vau- 
tours voltigeaient  au-dessus  de  nos  têtes.  Des  in- 
(^ligènes  nous  précédaient  avec  des  jalons  qu'ils 
plaçaient  pour  nous  indiquer  la  route.  Enfin  tout 


(  38.  ) 
ce  qui  nous  environnait,  présentait  à  nos  regards  i-gr,. 
un  pays  entièrement  extraordinaire.  a>  vu 

]Nc  déiiiant  que  sur  uji  rang,  à  cause  du  sentier 
étroit  et  des  précipices  sur  lesquels  nous  étions 
suspendus  par  la  neige,  le  bataillon  occupait  une 
étendue  immense  de  terrain.  Il  présentait  un  ta- 
bleau varié,  des  soldais  étant  sur  des  éminences  , 
d'autres  sur  les  revers  ou  dans  des  fonds  à  perte 
de  vue. 

On  fît  halte  pour  que  la  troupe  se  rafraîchît.  I^e 
temps  était  superbe.  Un  militaire  qui  ne  tenait 
pas  bien  son  havre-sac,  le  laissa  dégringoler  du 
sommet  jusqu'en  bas  d'uxi  précipice  si  profond  , 
tellement  dangereux,  qu'il  ne  put  le  ravoir. 

Le  soleil ,  ayant  acquis  de  la  force ,  faisait  fon- 
dre des  chandelles  de  glace  qui  pendaient  aux 
branches  des  arbres  poussés  sur  le  faite  des  mon- 
tagnes. Quoiqu'on  eut  recommandé  le  plus  pro- 
fond silence,  les  républicains ,  en  marchant,  occa- 
sionaient  du    bruit,   ce  qui  contribuait   à   déta- 
cher des  glaçons  qui,   en  tombant  et  roulant  sur 
la  neige,   formaient  des  boules  énormes.    Il  en 
résulta  plusieurs  avalanches  ,  dont  une  enveloppa 
une  grande  quantité  d'hommes ,   qui  furent  en- 
gloutis. On  leur  prodigua  les  secours   les    plus 
prompts ,   et  l'on  parvint  à  les  dégager  sans  qu'il 
en  pérît  aucun.  C'était  un  avantage  de  se  trouver 
à  la  tête  de  la  colonne;  les  accidents  n'eurent  lieu 
qu'envers  les  individus  qui  étaient  à  la  queue.  Je 
pouvais  alors  citer  ce  proverbe  allemand  :  "  Keia 
'>  Unglii-ck    ist  so  gros  ^  est  ist   ein    Gluck  da- 


(  582  ) 
»799-  "  lfei{i)^  »  puisque,  par  punition,  je  voyageais 
AA  vu.  avec  l'ayant-garde ,   et  qu'il  ne  m'aniva  rien  de 
sinistre. 

Nous  parvînmes  à  Oiilx,  dans  Finstant  que  le 
souverain  Pie  VI  arrivait  de  l'autre  côté ,  lors  de 
sa  translation,  comme  prisonnier,  à  Valence,  où 
il  est  mort. 

Le  1 1  (  5o  ) ,  en  partant  en  même  temps  que 
Sa  Sainteté  se  mettait  en  route  pour  Briancon  , 
nous  reçûmes  sa  bénédiction  pontificale. 

Voici  ce  que  l'on  en  a  dit  : 

Paris,  le  24  floi'éal  (  i3  mai). 

«(  On  avait  annoncé  prématurément  l'arrivée  du 
»  Pape  à  Briancon.  Il  n'est  entré  dans  cette  ville 
»  que  le  1 1  floréal  (  5o  avril  )  ,  à  midi  et  un  quart. 
»  Il  avait  pour  escorte  5o  cavaliers  piémontai  > , 
»  des  évéques  et  quelques  archevêques .  Il  était 
M  lui-  même  dans  une  chaise  à  porteur.  Il  a  voya- 
»  gé  à  bras  depuis  Suze,  et  a  pi-is  quelques  rafraî- 
»  chissements  au  Mont-Genèvre.  On  l'a  fait  des- 
»  cendre  à  l'hôpital  général.  » 

En  chemin  ,  nous  trouvâmes  une  difîeren  ce 
sensible  dans  la  température  et  dans.  le  climat , 
en  comparaison  de  ceux  du  pays  que  nous  ve- 
nions de  traverser.  Nous  apercevions  du  haut 
des  monts  ,  le  beau  ciel  et  les  plaines  riantes 
de  l'Italie.  Cela  ranimait  notre  courage  ,  qui 
semblait  abattu  par  le  triste  spectacle  des  hor- 
reurs qui ,  la  veille ,  avaient  frappé  nos  regards. 

(i)  A  qiiekjue  chose  malheur   est  bon. 


('S3) 
Xoiis  remarquâmes  la  forteresse  appelée  la  Bru-  i-^q, 
nctli!  ,  qui  tut  démolie  par  les  Français ,  en  Tan  a>  vu. 
4  (  i/U^^)  5  t'^6  ctait  destinée  à  défendre  le  pas- 
sage du  Mont  -  Cénis.    Nous  parvînmes   à  Suse 
(Suze),  fondé  par  les  Romains,  sous  le  règne 
d'Auguste. 

Le  12  lloréal  (  i^""  mai)  ,  nous  nous  transpor- 
tâmes au  bourg  d'Avili ianc. 

Le  i3  (2)  ,  nous  tiaversâmes  la  jolie  place 
de  Rivoli ,  bâtie  sur  une  colline  agréable  et 
fertile ,  ayant  une  route  magnifique ,  bordée  d'ini 
ruisseau  avec  plusieurs  rangées  d'arbres.  JNous 
arrivâmes  à  Turin,  ci-devajit  capitale  du  royaume 
de  Piémont ,  et  présentement  de  la  République 
Cisalpine ,  où  nous  entrâmes  avec  l'ordre  ,  la 
tenue  dont  pouvait  être  capable  un  nouveau 
corps.  Le  bataillon  occupa  la  caserne  de  la  porte 
Susine. 

Sachant  que  les  alliés  avaient  forcé  l'armée 
française,  dont  les  troupes  se  dirigeaient  vers  le 
siège  de  ce  nouveau  gouvernement  ,  on  me 
donna  la  liberté ,  trouvant  que  j'avais  été  assez 
puni. 

Le  général  Schérer  était  chargé  de  comman- 
der en  chef  l'armée  française  en  Italie. 

Voici  comme  on  en  a  été  informé  : 
«  Le   Moniteur  du   7    germinal    (27   mars  )• , 
»  qui    annonce    sa    nomination ,   dit   qu'en  pre- 
»  nant   le  commandement   de  l'armée  ,    Schérer 
»  a  ordonné  un  grand  mouvement.  » 

Je  parcourus  la  ville  daus  ses  moindres  dé- 


(084)^ 
i-oq.  tails ,  sans  me  lasser  d'en  admirer  les  beautés, 
AA  vu.  11  y  avait ,  dans  la  citadelle  ,  im  puits  où  les 
chevaux  descendaient  pour  boire.  J "'observai,  à 
la  lièche  d'une  église ,  l'horloge  italique  dont 
le  cadran  marquait  ^4  heures  de  suite,  depuis 
un  soir  jusqu'à  l'autre  :  la  dernière  sonnait  5o 
minutes  après  le  coucher  du  soleil.  Sur  une 
tour  était  le  taureau  de  bronze  doré ,  que  les 
uns  disaient  être  le  symbole  de  cette  grande 
cité  (  en  italien,  Toriiio  )  :  les  autres  prétendaient 
que  la  place  avait  pris  son  nom  des  anciens 
Taurini ,  peuples  de  Ligurie ,  qui  habitaient  ce 
pays. 

J'étais  étonné  de  voir  des  prêtres  dans  les 
calés  ,  de  remarquer  en  taction  des  capucins  , 
revêtus  de  leur  troc  ,  faisant  partie  de  la  garde 
nationale  ,  avec  le  iourniment  militaire  sur  le 
corps. 

Dans  mes  courses  d'observations ,  j'aperçus 
des  improvisateurs  ;  c'étaient  des  espèces  de 
mendiants  qui,  pour  quelques  pièces  de  monnaie, 
récitaient ,  en  telle  quantité  de  vers  convenus  , 
le  sujet  qu'on  leur  donnait  à  traiter. 

L'armée  ennemie,  composée  d'Autrichiens  et 
de  Russes  ,  était  appelée  Austro-Russe  ;  le  gé- 
néral Suwarow  en  avait  le  commandement  en 
chef. 

Nous  entendions,  chaque  jour,  parler  tout 
bas  de  ses  piogrès ,  des  défaites  des  Français  , 
ce  qui  rendait  les  habitants  audacieux  contre 
nous.  On  fut  obligé  de  faire   ôter  une  grande 


(  585  ) 
partie  des   stylets  que  portaient  les   Turijiois ,  y^qg. 
soupçoiincs   de    n'être  pas  attachés   à  la   cause  a»  vu. 
républicaine. 

On  transporta ,  en  paitie ,  les  magasins  publics 
de  la  ville  à  la  citadelle ,  où  le  2"'^  bataillon  de 
la   107'"^  tut  caserne. 

Le  7  prairial  (  26  mai  ) ,  la  garnison  réunie 
dans  la  forteresse  ,  était  composée  d'infanterie 
légère,  de  troupe  de  ligne,  de  canonniers  fran- 
çais et  cisalpins  ou  piémontais ,  ainsi  que  de  mi- 
neurs, que  l'on  estimait  être  de  5, 000  hommes. 

Un  soldat  qui  était  de  cuisine ,  voulant  ajouter 
des  légumes  à  son  pot-au-feu,  cueillit,  sur  le  rem-  , 
part ,  une  poignée  de  ciguë ,  croyant  que  c'était 
du  cerfeuil  ;  il  en  résulta  que  ceux  qui  mangèrent 
la  soupe,  faillirent  à  être  empoisonnés.  Les  chefs, 
pour  éviter  qu'un  pareil  malheur  ne  se  renou- 
velât ,  défendirent  de  mettre  désormais  des 
herbes  dans  le  bouillon. 


(  586  ) 


CIIAPÏTRE  LV. 


jr^gg.       Le  8  prairial  (9.7  mai),  rarmée  austro-russe, 
AU  VII.  à  laquelle  s'étaient  joints  des  paysans  ,  s'appro- 
cha de  Turin,  que  l'on  canonna  avec  16  pièces 
de  gros   calibre  ;   la   ville    tut    sommée    de    se 
rendre. 

Le  10  (29),  à  midi,  les  alliés  entrèrent  dans 
la  place ,  sous  la  protection  des  habitants ,  par 
la  porte  du  Pô  ,  dont  la  garde  était  condée  à 
des  bourgeois  armés  qui  la  leur  ouvrirent  ])ar 
trahison.  Les  troupes  françaises  de  service  ve- 
nant de  défiler  la  parade ,  se  rendaient  à  leurs 
postes ,  lorsque  l'ennemi  les  harcela  ,  en  tua 
beaucoup  ,  fit  des  progrès  rapides  en  j)arcou- 
rant  les  rues  avec  sa  cavalerie.  Il  y  eut ,  dans 
cette  circonstance,  de  belles  actions  de  la  part 
des  républicains,  qui  se  battirent  corps  à  corps 
contre  ces  étrangers. 

Je  sortais  de  l'arsenal  où  l'on  faisait ,  comme 
d'habitude ,  la  distribution  de  la  viande.  J'en- 
tendis des  coups  de  fusil  dans  le  lointain.  Je 
vis  termer  les  fenêtres  et  les  maisons  ,  en  re- 
marquant des  individus  qui  semblaient  fuir  le 
danger  :  on  pouvait  d'autant  mieux  les  observer 
que  les  rues  étaient  tirées  au  cordeau.  Ne  dou- 


(  387  )_ 

tant  plus  que  la  ville  ne  fut  occupée,  je  me  i-,j.j. 
rendis  promptement  à  la  citadelle.  Je  dis  aux  a>  mi. 
deux  factionnaires  qui  en  gardaient  l'entrée,  que 
Tiain  était  surplis.  Ils  levèrent  aussitôt  le  pont- 
levis.  J'allai  sur  le  rempart,  d'où  j'aperçus  les 
cavaliers  venir  au  galop.  Je  sautai  sur  un  tison 
qui  servait  à  faire  cuire  une  soupe  j  je  le  mis 
sur  la  lumière  d'une  pièce  de  56  ,  qui  partit. 
■  L'alarme  fut  donnée  ;  l'on  battit  la  géuérale  ; 
les  portes  se  fermèrent.  Tous  les  soldats  qui 
étaient  à  l'ombre  ou  à  dormir,  se  hâtèrent  d'à r- 
liver.  Chaque  fantassin  se  changea  en  canonnier. 
Nous  fîmes  un  feu  d''enfer  avec  toutes  les  pièces 
d'artillerie  qui  se  trouvaient  de  ce  côté  ;  les  miii- 
soas  qui  étaient  vis-à-vis,  furent  beaucoup  en- 
dommagées. 

Le  général  Fiorella  ,  commandant  la  forte- 
resse ,  attiré  par  le  bruit ,  s'emporta  vivement 
de  ce  que  l'on  avait  tiré  le  canon  sans  ses  ordres. 
On  lui  montra   l'ennemi  ;    il  cessa   de  gronder. 

Des  militaires  qui  étaient  en  ville  ,  ariivèrent 
en  grand  nombre  ;  les  uns  se  jetèrent  précipi- 
tamment dans  les  pahssades  ,  d'autres  dans  les 
fossés;  plusieurs  furent  blessés. 

Une  balle  ayant  traversé  de  part  en  part  l'es- 
tomac d'un  soldat  de  la  compagnie ,  il  eut  le 
courage  de  rejoindre  en  se  battant. 

Le  feu  de  l'artillerie  qui  avait  duré  jusqu'à 
3  heiu'es  après  midi ,  tut  interrompu  par  un 
trompette  qui  vint  se  faire  entendre  ;  il  était  ac- 
compagné d'un   officier    parlementaire;    on  les 


(  588  ) 
1799-  introduisit  dans  le  fort,  les  yeux  bandés.  Peu- 
AA  va.  dant  ce  temps  on  plaça ,  le  long  des  remparts , 
une  énorme  quantité  de  fusils  chargés.  Les  ca- 
nonniers  étant  réunis  ,  disposèrent  les  pièces  , 
obusiers  et  mortiers.  Bientôt  Tordre  ayant  suc- 
cédé à  la  confusion  ,  cliacun  se  trouvant  à  son 
poste ,  toute  la  citadelle  prit  une  attitude  guer- 
rière. 

Les  Turinois  paraissant ,  avant  l'arrivée  des 
étrangers  ,  s'opposer  à  ce  que  l'on  abattît  les 
arbres  qui ,  plantés  sur  les  glacis  ,  masquaient 
le  coup-d'œil  5  on  avait  été  obligé  de  placer  une 
garde  en  avant  de  la  porte  pour  protéger  les 
travailleurs.  Ce  poste ,  à  l'entrée  inattendue  des 
Austro-Russes  ,  s'était  précipité  dans  les  prJis- 
sades;  plusieurs  conscrits,  n'ayant  pas  l'habitude 
de  la  guerre,  avaient  laissé  leurs  havre-sacs  sur 
l'esplanade. 

Dans  ce  même  moment ,  des  militaires  ,  en 
chargeant  les  armes ,  se  plaignirent  que  du  sable 
ou  du  poussier  de  charbon,  était  mêlé  avec  la 
poudre  dans  des  cartouches  dont  les  balles  en 
bois  étaient  recouvertes  de  feuilles  de  plomb. 
Malgré  cela ,  les  coups  de  fusil  et  de  canon  al-'' 
laieut  à  bonne  portée. 

^'ers  les  quatre  heures  du  soir ,  lorsque  le 
parlementaire  fut  retiré ,  des  barbets  ,  monta- 
gnards insurgés  ,  joints  aux  ennemis  ,  vinrent 
avec  plusieurs  bourgeois ,  pour  s'emparer  des 
liavre  -  sacs  :  on  leur  défendit  de  les  prendre. 
Sourds  aux  cris  partis  des  remparts ,  l'un  d'eux 


(  589  ) 
se  saisit  cVun  sac.  Aussitôt  les  canons,  mortiers,  179(1, 
obusiers,  fusils  de  rempart,  firent  un  Icu  épou-  an  mi. 
vantable.  Toute  la  nuit  la  citadelle  continua  de 
4irer.  Plusieurs  maisons  de  cette  superbe  capi- 
tale  furent    consumées   par    les    flammes.    I^es 
bombes  ,  lancées  pendant  l'obscurité  ,  étaient  di- 
rigées sur  la  tour  du  Taureau ,  sans  que  ce  der- 
nier fût  atteint. 

Les  bâtiments  environnants  en  souffrirent 
]}caucoup  par  les  incendies  qui  eurent  lieu. 

Le  1 1  prairial  (  5o  mai  )  ,  au  matin  ,  il  fut 
reconnu  que  l'ennemi  était  maître  de  la  ville,  et 
qu'on  cesserait  le  feu  de  ce  côté. 

Rapport  de  la  position  des  alliés  : 

Turin,  le  1 1  prairial  (3o  mai). 

«  Le  quartier-général  de  Suwarow  est  à  Tu- 
»  rin ,  où  se  trouve  un  nombreux  corps  de 
»  troupes  russes  et  autrichiennes  ,  chargé  du 
»  blocus  de  la  citadelle.  Le  reste  de  l'armée  de 
»  Sviwarow  forme  un  corps  d'observation  dans 
»  la  partie  occidentale  du  Piémont,  pour  couvrir 
»  ce  siège.  » 

Nous  restâmes  plusieurs  jours  sans  brûler  une 
amorce.  Néanmoins  les  mineurs  dont  je  con- 
naissais le  sergent-major  ,  le  citoyen  Manceau , 
né  à  Dameri ,  firent  sauter  un  mur  bâti  en  tra- 
vers du  fossé  des  fortifications ,  dont  j'étais  allé 
voir  les  prépai-atifs  avant  l'explosion.  Je  voulais 
me  former  une  idée  de  ces  sortes  de  travaux. 
La  torce  de  la  poudre  étant  trop  considérable , 


(  ^90  ) 

1799-  il  eu  résulta  que  des  pièces  de  bois,  ainsi  que 

AN  vu.  des  pierres  enlevées  dans  la  forteresse  ,  tuèrent 

un  homme  et  en  blessèrent  plusieurs.  11  me  mena 

aussi  dans  les  souterrains  où  je  vis  les  galeries  : 

les  mines  étaient  alors  chargées. 

On  prétendait,  dans  la  garnison,  sans  pouvoir 
le  vérifier,  que  les  Austro-llusses  ,  pour  com- 
mencer les  ouvrages  du  siège ,  lirent  réunir 
beaucoup  de  matelas  sur  la  place  Saint-Charles  ; 
que ,  pendant  la  nuit  ,  moitié  des  soldats  eu 
portait,  tanfhs  que  l'autre  portion  était  chaigéo 
d'instruments  aratoires.  On  mettait  un  rang 
de  matelas  ,  un  lit  de  terre  de  la  même  épais- 
seur. Au  jour,  nous  découvrîmes  seulement  une 
levée  tort  alongée  ,  qui  partait  de  la  ville,  le  long 
des  arbres  ,  sur  la  route  de  Rivoli. 

Le  matin ,  à  la  vue  de  ce  retranchement ,  ou 
tira  beaucoup  pour  inquiéter  l'ennemi.  Plusieurs 
Français  de  garde  sortirent  ;  une  fasOîade  s'en- 
gagea dans  la  plaine  ;  mais  les  divers  partis  ren- 
trèrent peu  à  peu  dans  leurs  positions  respec- 
tives. 

Nous  restâmes  ,  dans  cet  état ,  sans  qu'il  y  eut 
d'affaires  importantes  ;  cependant  la  garnison  lit 
queljues  sorties  audacieuses. 

Le  28  prairial  (  16  juin  ),  les  lignes  de  cir- 
convallation  étant  achevées  ,  la  tranchée  tut 
ouverte. 

Le  29  (  T  7  )  ,  les  alliés  commencèrent  le  siège 
à  la  pointe  du  jour,  au  moment  d'une  forte  pluie. 
Dans  la  chambre  où  je  logeais,  étant  couché  k 


côté  de  la  porte,  je  prévins  mes  camarades  du    1-09. 
siilleraent  des  boulets.  >iy  vu. 

Nous  étaui  levés  ,  nous  courûmes  sur  le  rem- 
part.  Je  revins  ensuite;  je  trouvai  mon  lit  cou- 
vert de  plus  d'un  toml^ercau  de  décombres  qu'un 
boulet  avait  jetés  en  perçant  le  mur.  Je  ramassai 
à  la  hâte  les  papiers  de  la  compagnie ,  ainsi  que 
mes  bardes ,  et  me  retirai  sans  plus  tarder.  En 
sortant ,   je  remarquai  que    le    balcon    formant 
galerie,  avait  été  coupé  par  une  bombe.  Comme 
ïa  rampe  était  en  fer ,  je  m'y  cramponnai  et  m'en 
allai  sans  accident.   En    traversant   la   cour ,  un 
projectile  vint  tomber   sur   un    arbre,  emporta 
mie   esquille  qui  me  frappa  légèrement  à  l'ins- 
tant de  la  détonation.  Je  portai  mon  paquet  dans 
un  appartement  du  donjon ,  où   tout  le  batail- 
lon de  la    107'"*"  avait  ordre  de  se  réunir.  Les 
hommes  y  étaient  tellement  pressés  ,  qu  on  ne 
pouvait  s'asseoir.   Un  boulet  y   entra  par  la  ie- 
nctre  ,  cassa  la  jambe  à  un  sergent  qui   poussa 
des  cris  navrans.  On  boucha  en  partie  avec  des 
sacs  de  terre  cette  seule  ouverture  ;  mais  ,  peu 
aj)rès,  la  chaleur  concentrée  de  la   troupe  pro- 
.  duisit  une  odeur  infecte  qui  fit  beaucoup  souf- 
frir. 

Il  n'y  avait  dans  la  citadelle  qu'un  blindage 
(blinde),  qui  se  trouvait  rempli.  Les  endroits 
à  l'épreuve  de  la  bombe  étaient  insuffisants  pour 
la  garnison  et  les  otages  détenus  parmi  nous. 
Les  99  et  5o  prairial  (17  et  18  juin,  le  feu 
de  l'ennemi  fut  bien  nourri,  presque  sans  in  ter- 


„ (  ^0^  ) 
i-Qf).  r'wption.  La  salle  crartilice  sauta;  des  lambeaitX 
Aï,  VU.  d'hommes  furent  jetés  çà  et  là  dans  la  place ,  et 
les  restes  --ensevelis  sous  les  ruines  j  firent  de  ce 
lieu  un  horrible  charnier.  Les  batteries  presque 
toutes  démontées^  avec  perte  d'un  grand  nombre 
de  canonniers  ,  d'officiers  d'artillerie ,  se  trou- 
vèrent éteintes  après  29  heures  de  bombarde- 
ment continuel. 

Le  1*^'  messidor  (  19  juin)  ,  on  entra  en  pour- 
pai"ler  :  alors  on  cessa  de  tirer  de  part  et  d'autre. 
On  se  vit  à  même  d'observer  les  terribles  eficts 
du  siège. 

Ou  aperçut ,  comme  une  chose  extraordinaire , 
tm  caporal  de  garde  couché  à  terre  pour  éviter 
une  bombe  qui ,  en  éclatant ,  l'enleva  dans  les 
airs  à  une  distance  étonnante ,  d'où  il  retomba 
par  lambeaux. 

Un  sergent-major ,  rassemblant  des  hommes 
de  service  ,  fut  étendu  mort  par  un  projectile 
qui  passa  si  près  de  ,  lui ,  sans  le  toucher ,  qu'il 
hû  coupa  la  respiration. 

La  femme  du  nommé  Meunier ,  soldat  à  la 
5™^  compagnie  du  bataillon  de  la  107"'^  donna, 
pendant  le  siège,  une  preuve  de  courage  et  df; 
force  au-dessus  de  son  sexe.  Cette  vivandière 
allait,  de  poste  en  poste,  distribuer  son  eau- 
de-vie  gratis  à  ceux  qui  n'avaient  point  d'argent , 
afin  de  les  ranimer.  Elle  ne  laissa  aucun  blessé 
sans  le  secourir.  Quand  un  homme  affaibli  par 
la  perte  de  son  sang,  était  hors  d'état  de  se 
battre  et  de  se  rendre  à  l'infirmerie,  cette  mèie 


(  'ip  ) 

des  militaires  le   prenait   sur  ses   épaules  ;   elle  170). 
traversait  la  place  avec  ce  précieux  fardeau  ,  bra-  an  vu. 
Tant  mille  fois  la  mort  parmi  les  grenades  et  les 
boulets,  sans  qu'il  lui  arrivât  aucun  événement 
fâcheux. 

Le  magasin  principal  était  si  rempli  de  poudre, 
que  Ton  craignait  que  les  bombes  des  assié- 
geants, sur  lequel  plusieurs  étaient  tombées,  n'y 
missent  le  feu  ;  que  dans  son  explosion  il  n'en- 
Yeloppât  sous  ses  décombres ,  la  citadelle  avec 
ime  partie  de  la  ville.  Il  en  restait  encore  qua- 
rante mille  quintaux  après  le  bombardement. 

Dans  la  nuit  du  i*^"^  au  2  messidor  (19  au  20 
juin),  à  onze  heures  du  soir ,  les  parties  belligé- 
rantes n'ayant  rien  conclu ,  le  siéee  recommença 
avec  une  nouvelle  violence,  et  dura  toute  la 
nuit.  Les  bombes  ,  les  boulets ,  les  obus ,  les 
grenades ,  firent  im  ravage  abominable. 

Dans  la  matinée  du  2  (20),  tout  était  prêt 
pour  tenter  l'escalade.  Le  feu  de  la  nuit  avait 
éteint  entièrement  ceux  de  la  citadelle  ,  dont 
l'artillerie  avait  été  réparée  pendant  le  repos.  De 
larges  brèches  existaient  aux  fortifications.  Les 
assiégés  ne  pouvant  plus  résister,  se  trouvaient 
dans  la  situation  la  plus  critique.  On  convoqua 
un  conseil  de  défense. 

On  débitait  pour  nouvelles,  entre  les  soldats, 
que  chaque  Austro-Russe  en  montant  à  l'assaut 
devait  avoir  sur  la  tète  ,  en  forme  de  casque  , 
ime  espèce  de  ruche  d'osier,  pour  le  garanti.i' 
des  coups  que  les  Français  devaient  porter,  et 


(5o4) 

i;qo.  qu'indépenrlammcnt  des  grenades  et  des  matières 
Ay  vil.  combustibles  dor.t  on  tait  usage  en  pareille  cir- 
constance ,  il  était    convenable    de   frapper  sur 
les  alliés  plutôt  d'estoc  que  de  taille. 

Pendant  que  l'on  réglait  le  sort  de  la  garni- 
son ,  les  casernes  furent  réduites  en  cendres. 
Un  magasin  contenant  une  énorme  quantité  de 
tentes  et  de  marquises  ,  se  trouva  incendié  par 
les  projectiles  qui  y  étaient  tombés.  Quand  le 
vent  s'y  engouîîrait ,  il  en  sortait  tout  -  à  -  coup 
une  flamme  qui  s'élevait  à  une  hauteur  déme- 
surée ;  lorsqu'il  ne  faisait  point  d'air ,  la  toile  ou 
le  coutil  paraissait  éteint.  A  la  moindre  agitation, 
le  brasier  et  la  fumée  se  ranimaient  avec  une 
grande  force. 

Les  deux  partis,  après  de  longs  pourparlers 
et  de  grands  débats,  arrêtèrent  les  articles  d'une 
capitulation.  Des  officiers  ennemis  venus  dans 
la  citadelle ,  annoncèrent  qu'il  avait  été  employé 
au  si<^ge  5oo  bouches  à  feu.  Ils  avaient  tiré  , 
pendant  environ  48  heures,  45,ooo  coups  sur 
la  place  qui ,  écrasée  ,  se  rendit. 

Voici  les  conditions  qui  furent  conclues  à  ce 
sujet  : 

Capitulation  de  la  f^ajmison  de  la  citadelle  dr 
Turin  ,  entre  le  lieutenant  -  ^e'ne'ral  harori  de 
Keims ,  au  service  de  Sa  Majesté  l'Empereur 
et  Roi  j  et  le  géne'ral  Fiorella. 

'<■  Demande.  Art.  F' .  La  garnison  sortira  avec 
»  armes ,   bagages  ,   chevaux  ,   par  la    porte   du 


(  ^9^  ) 
i>  Secours  ,  et  il  lui  sera  fourni  le  nombre  de  voi-  i"99. 
»  tures  nécessaires  pour  le  transport  de  ses  efiets.  a.\  vu- 

»  Ri^ponsc.   La  garnison  sortira  avec  les  hon- 
»  neurs  de  la  guerre  par  la  porte  du  Secours  , 
»  mettra  bas  les  armes  sur  les  glacis ,  et  pourra 
>/  retourner  en  France,  sur  sa  parole  de  ne  pas 
»  servir  contre  les  troupes  de  Sa  Majesté  impé- 
»  riale  et  royale  ,  de  même  que  contre  ses  alliés 
»  jusqu'à  l'échange  ultérieur  ;  elle  conservera  ses  • 
»  bagages  ^    chevaux    et    eflets    particuliers.    Le 
»  général  commandant  la  citadelle,  son  état-ma- 
»  jor,  les  chefs  et  tous  les  effets  de  l'artillerie, 
»  du   génie,   des    sapeurs    sans   troupe,  et  tout 
).  l'état-major  de  la  place  resteront ,    d'après  le 
»  sacrifice    qu'ils   ont  fait  de    leurs    personnes  , 
M  pour  effectuer   le  libre  retour  de  la  garnison 
)>  en  France  ,  prisonniers  de  guerre ,  et  surtout 
»  conduits  en  xlllemagne  jusqu'à  leur  échange  ; 
»  ils  pourront  conserver  leurs  épées ,  équipages 
»  et  effets  a  eux  appartenant. 

»  Dem.  II.  Elle  sera  rendue  sur  parole,  et, 
»  à  cet  effet ,  il  lui  sera  accordé  une  escorte  suîfi- 
*  santé. 

»  Rép..  Comme  ci-dessus,  et  accordé  sans  diffi- 
»  culte  relativement  à  l'escorte. 

n  Dem.  III.  Elle  sera  escortée  jusqu'aux  avant- 
»  postes  de  l'armée  française  ,  par  les  troupes 
»  autrichiennes  ,  et  aux  postes  les  plus  pro- 
»  chains. 

n  Réf.  Accordé. 

«  Dem.  I\  .  Il  sera  permis  à  la  garnison  d'oc- 

I.  2(3 


(396) 

^799-  "  ^^^V^^'  encore  la  citadelle  pendant  huit  jours  ^ 

AN  VII.  »  pour  les   dispositions  à  prendre  relativement 

«  à  son  exécution ,  et,  pendant  ce  temps ,  les  offî- 

»  ciers  pourront  aller  en  ville  pour  leurs  affaires 

»  particulières. 

»  Rép.  La  garnison  sortira  le  22  juin  (  4  mes- 
»  sidor  ) ,  de  grand  matin  ,  pour  être  conduite 
))  en  France;  les  portes  de  la  citadelle  seront 
»  remises ,  après  la  signature  de  la  capitulation , 
»  aux  troupes  autrichiennes.  Les  officiers  ,  corn-* 
»  missaires  et  autres  individus  nécessaires  à  la 
»  reddition  des  effets  militaires  et  autres  comptes, 
))  pourront  rester  le  temps  indispensable  aux  opé- 
»  rations. 

»  Dem.  V.  Les  malades  et  blessés  seront  soi- 
i'  gnés  jusqu'à  parfaite  giiérison  ,  et  ensuite  ren- 
»  voyés  en  France ,  aux  termes  de  la  capitula- 
»  tion. 

»  Rrp.  Les  malades  et  blessés  seront  soignés 
»  jusqu'à  parfaite  guérison,  et  traités  de  même 
»  que  le  reste  de  la  garnison. 

»)  Dem.  VI.  Les  effets  des  militaires  qui  pour- 
n  raient  être  déposés  soit  en  ville,  soit  sur  le 
»  territoire  occupé  par  l'armée  autrichienne , 
))  pourront  être  réclamés  avec  la  protection  de 
»  M.  le  général ,  qui  s'engage  aux  démarches 
>'  nécessaires  pour  l'exécution  du  présent  article , 
»  sans  s'obliger  cependant  à  faire  représenter  ce 
»  qui  pourrait  avoir  été  soustrait. 

»  R(-'p.  Les  efï'ets  particuliers  appartenant  en 
»  propre  aux  officiers ,  et  déposés  en  la  ville  de 


(  ^97  ) 
>>  Turin,   soit    dans    le   territoire,    leur    seront  i-rjr). 
»  rendus   sur   leurs  rcclaniations  ,   autant   qu'ils  a>  vi:; 
»  n'auront   pas    été   soustraits  ;  mais  il  sera   de 
»  même  rendu  réciproquement  aux  officiers  pié- 
»  montais  les  elîets  à   eux   appartenant,   qui  se 
»  trouvent  dans  la  citadelle. 

»  Dem.  TII.  Les  approvisionnements  de  bou- 
)>  elle  et  de  guerre ,  outils  et  elîets  militaires  , 
j)  seront  remis  sur  inventaire. 

»  Rép.  D'accord  ;  mais  bien  entendu  que  dans 
»  ces  effets  militaires  seront  compris  tous  les 
»  plans ,  cartes  et  instruments  de  génie  et  de  l'ai'- 
»  tillerie  qui  se  trouvent  .dans  la  citadelle ,  de 
n  même  que  les  archives  y  appartenantes. 

»  Dem.  Vin.  Il  en  sera' dé  même  pour  tout 
»  ce  qui  sera  relatif  à  l'artillerie  et  armement 
»  quelconque. 

w  Rép.  Comme  ci-dessus. 

»  Dem.  IX.  Les  otages  détenus  à  la  citadelle 
»  pour  la  sûreté  des  patriotes  ,  seront  remis ,  et 
»  ceux  qui  pourraient  être  détenus  dans  la  ville 
M  pour  cause  d'opinion  ,  seront  aussi  délivrés  de 
»  la  part  de  M.  le  général ,  et  ne  pourront  être 
M  poursuivis  dans  aucun  tribunal  civil  ou  mi- 
»  li taire. 

w  Re'p.  Les  otages  détenus  dans  la  citadelle  , 
n  seront  mis  en  liberté  d'abord ,  après  la  signa- 
M  lure  de  la  capitulation.  On  ne  peut  satisfaire 
)»  au  reste  de  l'article ,  le  commandant  militaire 
»  autrichien   n'ayant    fait    arrêter   personne. 

»  Dem.   X.   Le  commissaire  des  guerres  ,  les 

2G. 


(  598  ) 
'799  '  "  personnes  attachées  aux  administrations  et  îéS 
Aw  vil .  »  non  -  combattants  ,   pourront  se  rendre  où  ils 
))  le  jugeront  convenable. 

»  Rép,  Accordé. 

»  Dem.  XI.  Aussitôt  l'acceptation  de  la  pré- 
»  sente ,  il  sera  permis  à  un  ollicler  de  la  gar- 
»  nison  de  se  rendre  au  quartier  -  général  du 
»  général  Moreau ,  par  le  chemin  le  plus  court 
V  et  sûrement  accompagné. 

»  Rip.  Accordé. 

»  Dem.  XII.  Les  articles  qui  pourraient  souf- 
»  frir  quelques  difficultés,  seront  interprêtés  en 
»  faveur  de  la  garnison. 

»  Rep.  Les  articles  qui  pourraient  souffrir 
»  quelques  difficultés  ,  seront  assujétis  à  des 
n  éclaircissements  réciproques ,  et  décidés  à  l'a- 
»  miable. 

»  Dem.  XIII.  Au  moyen  de  la  présente  ,  le 
»  général  commandant  remettra  la  citadelle  en 
»  bon  état ,  et  sans  aucunes  détériorations  autres 
»  que  celles  occasionées  par  le  siège. 

Articles  additionnels. 

»  Dem.  XIV.  Toutes  caisses  militaires  appar- 
»  tenant  à  la  République  française,  cisalpine  ou 
»  au  gouvernement  piémontais  ,  seront  rendues 
»  fidèlement. 

»  Rep.  Il  ne  s'en  trouve  aucune  quelconque. 

>y  Dem.  X^  .  D'abord ,  après  la  signature  ré- 
w  ciproque  de  la  capitulation,  il  sera  donné,  de 
»  part  et  d'autre  ,  un  ou  deux  officiers  en  otage  y 


(3c>9) 
»  jusqu'au   moment  de  révacuation    entière   de  i-qr). 
w  la  citadelle  par  les  troupes  françaises.  a>  vu 

»  R(^.  Convenu. 

»  Dem.  XVT.  Il  sera  fait  copie  double  de  la 
»  présente  capitulation,  ratifiée  de  part  et  dVu- 
»  tre ,  et  échangée  au  premier  moment  de  son 
»  exécution. 

»  Fait  et  signé  à  Turin ,  le  2 1  juin  (  5  mes- 
»  sidor). 

»  Signé  le  général  Fiorella, 
»  et  le  baron  Keims.  » 

Rapport  des  opérations  du  siège   de  Turin  , 
du  8  prairial  au  1  messidor  de   la  République- 
française  ,  une  et  indivisible  (  pendant  le  même 
espace  de  temps  du  27  mai  au  20  juin)   (i). 
Le  20  juin  (2  messidor). 

«  Les  puissances  coalisées  accélérèrent  leurs 
»  mouvements  en  voyant  la  chute  du  trône  à 
»  Turin  :  l'abdication  forcée  de  ce  monarque 
»  fît  resserrer  davantage  les  noeuds  politiques  qui 
»  alliaient  les  souverains  entr'eux.  Le  général 
))  Suwarow,  commandant  les  armées  combinées, 
))  obtint ,  pendant  tout  le  printemps  de  1799 
»  (an  7),  des  succès  continuels  en  Italie.  Paiti 
))  d'Alexandrie  ,  ce  général  marcha  directement 
))  sur  Turin,  qu'il  trouva  investi  par  deux  divi- 
))  sions ,  l'une  commandée  par  le  général  Wu- 
))  kassowich ,  et  l'autre  par  le  prince  Bagration 
))  et  par  une  foule  de  paysans  insurgés.  La  ville 

(1)  Dictionnaire  lustorique   des  batailles. 


^' 


(  4oo  ) 
'709-  ^'  ^"^  canoniiée  dès  le  27  mai  (8  prairial),  par 
i>  vu.  )'  seize  pièces  de  fort  calibre ,  et  sommée  de  se 
''  rendre.  C'était  pendant  la  nnit.  Les  Français 
»  y  avaient  établi  pour  commandant  le  général 
»  Fiorella  ,  qui  refusa  de  la  rendre.  11  se  dis- 
»  posa  au  contraire  à  la  plus  vigoureuse  défense  ; 
>j  il  déclara  la  ville  en  état  de  siège ,  et  adressa 
>j  aux  habitants  une  proclamation  pour  les  exciter 
»  à  le  seconder. 

«  Le  général  Karacksay ,  commandant  une  di- 
D  vision  russe,  prit  aussi  position  en  avant  de  la 
»  CJiartreuse.  Le  général  Fiorella  répondit  au 
»  lèu  des  assiégeants  par  un  feu  bien  nourri. 
»  Alors  on  bombarda  la  ville  ;  quelques  maisons 
»  de  la  porte  du  Pô  furent  incendiées  ;  le  peuple 
))  se  souleva,  et  les  bourgeois  armés  qui  gardaient 
5>  cette  porte,  profitant  du  tumulte,  l'ouvrirent 
»  aux  alliés.  La  garnison  de  Turin  était  forte  de 
«  5,000  hommes  français  et  cisalpins,  et,  se  voyant 
«  surpris,  ils  se  retirèrent  avec  précipitation  dans 
»  la  citadelle.  La  ville  fut  occupée  par  la  divi- 
>)  sion  du  général  Kaim;  les  dehors  de  la  cita- 
is dclle  par  le  prince  Bagration,  et  les  généraux 
»  Zoph  etFroelich,  qui  firent  camper  leurs  di- 
«  visions  sur  la  route  de  Turin  à  Pignerol.  Cent 
»  dix  -  huit  pièces  tirées  de  Suze ,  deux  cents 
w  pièces  de  moindre  calibre  ,  une  quantité  im- 
>)  mense  de  munitions  de  guerre  et  de  bouche, 
»  turent  le  fruit  de  cette  prise.  C'est  au  général 
))  autrichien  Kaim  que  Suwarow  confia  la  direc- 
»  tion  du  siège  de  la  citadelle. 


(4o.  ) 

»  Tout  le  Piémont  occupe  ,  et  le  gain  de  la  inc^g. 
■»  bataille  de  la  Trébie ,  turent  pour  le  gcucral  a«  vu. 
M  Kaini  un  motif  de  plus  d'encouragement ,  en 
cherchant,  par  un  prompt  succès,  à  répondre 
«  à  la  conliance  de  Suwarow-  Le  i6  juin  (28 
))  prairial  )  ,  on  eut  terminé  les  approches ,  et  le 
»  lendemain  il  fut  lancé  sur  la  citadelle  le  feu 
))  de  deux  cents  pièces  de  canon ,  mortiers  ou 
»  obus  :  ce  feu  continua  dans  toute  sa  première 
»  vivacité  pendant  deux  jours.  Les  assiégés 
»  eurent  beaucoup  à  souffrir,  plusieurs  batteries 
»  furent  démontées  ,  et  un  grand  nombre  d'oi- 
»  ficiers  d'artillerie  et  de  canonniers  perdirent 
M  la  vie.  La  troisième  parallèle  fut  achevée  sans 
«  aucun  obstacle.  Mais  enfin  le  gouverneur 
»  demanda  à  capituler ,  après  un  feu  redoublé 
M  et  des  plus  terribles ,  de  vingt  -  neuf  heures 
))  consécutives. 

■>r  A  la  première  demande  de  capitulation  ,  des 
i)  conférences  eurent  lieu ,  mais  sans  résultat. 
''  Alors  le  feu  recommença  plus  vivement  qu'au- 
))  paravant  ;  il  se  soutint  toute  la  nuit  du  19  juin 
^  (  i"  messidor).  Les  assiégés  répondirent  à 
»  mitraille  et  tuèrent  beaucoup  de  monde  aux 
»  alhés.  Le  lendemain  les  Russes  étaient  prêts 
»  pour  tenter  l'escalade.  Déjà  tous  les  feux  étaient 
»  éteints  ,  les  batteries  démontées  ,  les  magasins 
»  détruits;  la  garnison,  composée  presqu'en  en- 
))  tier  de  Piémontais  ,  abandonnait  les  murs  et 
))  refusait  le  service ,  lorsque  le  général  Fio- 
»  relia  se  vit  forcé ,  dans  cet   état  de  choses  , 


^    (    402    ) 

ifjqr).  »  d'accepter  la  capiliilation  que  le  général  Kaîm 
AS  vil.  »  lui  offrait.   La  reddition  de  cette   citadelle  a 
»  fait    hasarder  beaucoup    de  conjectures  :  elle 
))  fut  promptement  effectuée. 

w  Le  gouvernement  français  avait  commencé 
»  à  s'habituer  à  ne  trouver  nulle  part  d'obstacle 
»  à  ses  desseins  ,  et  l'on  supposait  facilement 
-»  la  trahison,  lors  même  que  des  obstacles  in- 
»  vincibles  n'avaient  pu  être  surmontés.  Le  gé- 
»  néral  Fiorella  justifia  pleinement  sa  conduite, 
»  en  alléguant  que  la  capitulation  avait  été  for- 
);  cée  par  la  prompte  défection  des  canonnicrs 
>>  piémontais ,  qui  refusaient  le  service ,  et  lais- 
•»  saient  librement  les  assiégeants  construire  leurs 
»  batteries  ,  et  diriger  par  conséquent  leurs  feux 
ï)  sans  obstacles.  » 


(4o3) 


CHAPITRE  LVI 


Le  4  messidor  (  22  juin),  au  matin,  on  rendit  i^gg. 
la  citadelle  que  l'on  évacua.  Le  bataillon  de  la  aw  vu. 
107"^®  étant  sous  les  armes,  la  place  occupée  par 
les  Autrichiens  en  bataille,  chaque  peloton  sortit 
à  son  tour.  Comme  fourrier  ,  je  remis  le  contrôle 
à  nn  officier  allemand.  La  compagnie  s'arrêta  sur 
le  glacis ,  et ,  après  l'appel ,  elle  déposa  en  fais- 
ceaux les  fusils ,  sabres  et  gibernes ,  devant  les 
Austro-Rnsses. 

On  défilait ,  entre  deux  haies ,  devant  l'ennemi 
dont  la  musique  des  corps  jouait  différents  airs 
analogues  à  la  circonstance,  et  qui  n'avaient  pas 
de  charmes  pour  nous. 

Hors  de  la  ville,  à  la  porte  Susine,  il  y  avait 
un  grand  nombre  de  barbets ,  qui  n'attendaient 
que  le  moment  de  nous  tomber  sur  le  corps.  Ils 
brandillaient  leurs  stylets ,  en  jurant  le  houzaron 
(  bousaron  )  !  Heureusement  qu'un  détachement 
de  cavalerie  autrichienne ,  chargé  de  nous  escor- 
ter ,  montra  beaucoup  de  fermeté,  et,  par  ses 
dispositions  militaires ,  dissipa  la  populace  que  la 
curiosité  et  l'espoir  du  pillage  avaient  attirée.  Si 
je  n'avais  pas  vu  ces  forcenés,  j'aurais  été  auto- 


(  4o4  ) 

1  ;()().  risé  à  dire  ces  paroles  italiennes  :  «  Non  posso. 
,\y  vu.  ci'ederlo  (i).  » 

jNous  remarquâmes  alors  les  lignes,  les  canons, 
les  mortiers ,  les  obusiers  qiii  avaient  servi  à  fou- 
droyer la  forteresse. 

II  y  avait  une  batterie  que  je  ne  connaissais 
pas  dans  l'artillerie  française  :  c'étaient  de  petits 
tnbes  rangés  en  ligne  de  i^ ,  où  l'on  mettait  des 
'  grenades  que  l'on  envoyait  par  le  moyen  d'une 
trace  de  poudre.  On  faisait  précéder  et  suivre 
cette  détonation  par  des  bombes  ;  de  sorte  que 
ces  globes ,  en  éclatant ,  présentaient  Tefiet  d'une 
volée  de  pigeons  :  ils  faisaient  beaucoup  de  ta- 
page, mais  peu  de  mal. 

On  estimait  alors  les  restes  de  la  garnison  à 
2,5oo  hommes.  Il  y  avait  eu,  pendant  le  cours 
du  siège,  5oo  individus  tués,  blessés,  prisonniers, 
déserteurs  ou  malades  (2). 

(1)  «  Je  ne  saurais  le  croire.  » 

(2)  Voici  ce  qui  a  été  écrit  relativement  à  la  garni- 
sou  ,  pour  être  à  même  de  le  comparer  avec  ce  qui  a 
été  dit  précédemment  : 

«  La  citadelle  de  Turin  (*)  fut  la  première  des  places 
»  de  l'Italie ,  qui  tomba  au  pouvoir  des  alliés.  Kaim 
y>  n'avait  avec  lui  que  sa  seule  division ,  quelques  batail- 
»  Ions  russes,  et  cinq  à  six  mille  paysans  insurgés ,  presque 
»  (ous  employés  aux  travaux  de  tranchée.  Le  général  au- 
«  trichien  ,  excité  par  les  pressantes  recommandations  du 
»>  généralissime,  redoubla  d'efforts  pour  soumettre  la 
»  forteresse   qu'il  assiégeait.   Malgré  plusieurs   sorties  au' 

(*)  Victoires  et  Conquêtes. 


(  4o5  ) 
Nous  fumes  conduits  sur  la  route  de  Rivoli  ;  inqq. 
après  avoir  traversé  Avilliane,  nous  arrivâmes  à  an  vu. 

»  dacieuses  de  la  garnison ,  les  lignes  de  circonvallation 
»  étaient  achevées,  et  la  tranclie'e  ouverte  le  i6  juin 
»  (  28  prairial  ).  Le  lendemain ,  3oo  bouches  à  feu  coui- 
»  niencèrent ,  sur  la  place,  un  feu  nourri  qui  continua, 
»  presque  sans  interruption  ,  le  18  et  le  19  (  3o  prairial 
»  et  1*"^  messidor.  Le  général  Fiorella  sommé  de  se 
))  rendre  ,  suivant  1  usage  ,  avait  répondu  négativement  ; 
))  mais  les  batteries  de  la  place  ayant  été  presque  toutes 
»  démontées ,  avec  perte  d'un  grand  nombre  de  canon- 
»  niers  et  d'officiers  d'artillerie  ,  la  troisième  parallèle 
fl  fut  alors  achevée  sans  obstacle ,  et ,  après  29  heures 
»  d'un  bombardement  continu  ,  Fiorella  demanda  lui- 
«  même  à  capituler.  Il  y  eut  .d'abord  des  conférences 
»  sans  résultat.  Le  20  (  2  )  ,  à  onze  heures  du  soir ,  le 
»  feu  recommença  avec  une  nouvelle  violence,  et  dura 
»  toute  la  nuit.  Les  bombes  et  les  boulets  firent  un  ra- 
»  vage  épouvantable.  Les  assiégés  qui  avaient  rétabli  leurs 
M  batteries  ,  ripostèrent  par  des  décharges  à  mitraille  qui 
»  tuèrent  beaucoup  de  monde  dans  les  ouvrages  de  tran- 
»  chée.  Dans  la  matinée  du  21  (  3  )  ,  tout  était  prêt 
»  pour  tenter  l'escalade  :  le  feu  de  la  nuit  avait  démonté  de 
y)  nouveau  les  batteries  de  la  place  ,  et  fait  de  larges  brèches 
»  aux  fortifications.  Tous  les  feux  étaient  éteints  ;  la  gar- 
»  nison  abandonnant  les  remparts  et  refusant  le  service  , 
»  Fiorella  se  trouvait  dans  la  situation  la  plus  critique. 
»  Enfin,  après  de  longs  pourparlers  et  de  grands  dé- 
«  bats ,  les  deux  partis  arrêtèrent  ,  le  23  (  5  ) ,  les  av- 
y>  ticles  d'une  capitulation  semblable  à  celle  qu'avaient 
»  obtenue  les  garnisons   de  Milan   et  de  Ferrare  [*). 

(*)  '(  Cette  capitulation  de  la  citadelle  de  Turin  donna  Heu ,  dans 
j)  le  temps,  à  de  graves  inculpations,  qui  forcèrent  le  général  Fio- 
3)  relia  à  entrer  dans  des  détails  justilicatiis.  Il  présenta  ,  tomme  une 
»  des   causes  qui  Tavaient  déterminé  dans   sa  résolution  de  rendre  la 


(  4o6  ) 

ingf^   Saint-Georges.  Nous  trouvâmes,  en  ayant  de  ce 

AN  Vil.  lieu  j  un  bivouac  de  Cosaques.  Les  lances  de 

cette  troupe,  fichées  en  terre,  recevant  les  rayons 

du  soleil,   les   réfléchissaient  vers  nous  ,   ce  qui 

«  Le  même  jour ,  des  commissaires  autrichiens ,  char- 
»  gés  de  prendre  possession  des  magasins  de  la  place  , 
))  y  entrèrent  avec  quelques  hataillons  russes ,  et  le  24 
j>  (  6  )  ,  les  Français  l'évacuèrent.  Il  fut  aisé  d'aperce- 
»  voir  les  terribles  effets  du  bombardement.  L'intérieur 
»  de  la  citadelle  ne  présentait  plus  qu'un  monceau  de 
)>  décombres.  On  y  trouva  874  pièces  de  canon  de  tous 
«calibres,  i43  mortiers,  4^  obusiers ,  3o,ooo  iïxsils , 
»  4O5OOO  quintaux  de  poudre ,  et  une  grande  quantité 
>)  d'autres  munitions    de   guerre  et   de    bouche.   On  dé- 

»  place  ,  la  défection  de  la  plupart  des  canonniers  qui,  presque  tous 
»  piémoutais ,  désertcrent  ou  ref'ustrent  le  service.  Cette  défection  , 
■»  ùisait-il ,  ayant  empêché  la  citadelle  de  riposter  convenablement  au 
»  feu  des  assiégeants  ,  ceux-ci  purent  pousser  leurs  travaux  et  diriger 
»  leurs  batteries  sans  obstacle.  On  a  prétendu  que  les  gargousses  des 
»  canons  ,  préparées  depuis  long-temps  ,  ne  contenaient  qu'un  tiers  de 
))  pondre,  et  que  le  surplus  n'était  que  du  poussier  de  charbon.  Les  car- 
»  touches  de  Tinfanterie ,  pareillement  composées  ,  ne  contenaient  , 
y>  disait-on  encore  ,  qne  des  billes  de  bois  recouvertes  d'une  feuille  de 
)i  plomb  ,  en  sorte  que  les  boulets  n'allaient  pas  à  plus  de  5o  pas  ,  et 
»  les  balles  à  aS.  A  la  séance  du  conseil  des  Cinq-Cents,  du  28  mes- 
))  sidor  (  17  juillet  1799  ),  Français  ,  de  Nantes  ,  membre  de  ce  con- 
5)  s«il ,  présenta  une  de  ces  balles ,  trouvée  dans  les  cartouches  des  sol- 
))  dats  :  elle  était  effectivement  de  bois,  et  recouverte  d'une  légère 
»  feuille  d'étain  ;  il  n'y  avait  de  poudre  qu'aux  deux  extrémités  de  la 
»  cartouche,  le  reste  était  rempli  de  sable.  D'après  les  renseignements 
)>  ultérieurs  que  nous  nous  sommes  procurés  ,  nous  sommes  fondé.s  à 
»  croire  que  ces  bruits,  injurieux  à  l'honneur  du  général  Fiorella ,  qui 
»  d'ailleurs  avait  fait  ses  preuves,  et  même  la  démonstration  oflicielle  faite 
3)  au  conseil  des  Cinq-Cents  ,  n'étaient  que  les  résultats  d'une  jonglerie 
^'  et  d'une  manœuvre  politique  du  Directoire  ,  pour  faire  croire  que  la 
3>  mauvaise  volonté  des  soldats  ,  défenseurs  de  la  citadelle  de  Turin , 
»  n'avait  eu  aucune  part  dans  la  reddition  de  celte  place  ;  ce  qui 
:»  pourtant  nous  parait  avéré.  » 


(  4o-  ) 

J^réseutait  à  nos  regards  un  horizon  enflammé,  i-qq. 
Comme  ou  nous  les  avait  dépeints  semblables  à  i^  vi> 
des  bai'bares,  nous  avions  lieu  de  craindre  leurs 
atrocités.   Cependant ,  il  ne  se  passa  rien  d'atïli- 
geant  pour  nous. 

On  nous  logea ,  une  partie  au  bivouac  hors  de 
la  ville,  surveillés  par  une  portion  de  l'escorte  ; 
l'autre  partie ,  avec  une  garde  autrichienne ,  dans 
une  église,  sous  la  défense  expresse  d'en  sortir. 

Le  5  (  20  )  ^  nous  nous  transportâmes  à  la  No- 
Talaise ,  où  se  trouvaient  des  Piémontais ,  que 
nous  regardions  comme  nos  ennemis,  depuis  la 
trahison  des  habitants  de  T.urin. 

Le  6  (24),  nous  allâmes  à  la  Ferrière ,  où 
étaient  les  avant-postes  de  l'armée  austro-russe. 
Plus  haut ,  à  côté  d'une  voûte  qui  servait  à 
préserver  les  voyageurs  des  elTets  des  tourmentes, 
nous  y  fûmes  reçus  par  les  Français  que  nous  re- 
vîmes avec  satisfaction.  Chaque  républicain  re- 
mercia l'officier  allemand  et  son  régiment  ,  de 
nous  avoir  préservés  de  tous  les  dangers  évidents 
dont  nous  avions  été  plusieurs  fois  menacés. 

Nous  arrivâmes  au  sommet  du  Mont-Cénis, 
d'où  le  point  de  vue  vers  l'Italie  est  enchanteur. 

))  couvrit ,  en   outre  ,   beaucoup   d'effets  précieux   appar- 
«  tenant  au  roi  de  Sardaigne  (*).  » 

(*)  «  Quelques  historiens  ont  rapporta  (jue  la  plupart  des  diamants 
»  de  la  couronne  sarde  faisaient  partie  de  ces  objets  découverts  ;  mais 
u  le  fait  nous  paraît  apocryphe.  Les  commissaires  du  gouvernement 
«français,  si  connus  par  leurs  rapines,  n'eussent  certainement  p.i 
«  manqué  de  s'emparer  de  ces  joyaux  ,  eu  supposant  que  le  roi  de  Sar- 
;<  daigne  ne  les  aurait  [K)iut  etnpoités  avec  lui  lorsqu'il  quitta  Turin. 


-(4o8) 
1799.  On  est  étonné  de  rencontrer  à  une  si  grande  éîé- 
AS  vil.  vation ,  un  lac  poissonneux ,  dont  la  truite  est 
fort  estimée.  Plusieurs  observateurs  ont  parlé  de 
cette  étonnante  chaîne  des  xilpes  grecques,  que 
le  fameux  Annibal  a  franchie  pour  combattre  les 
Romains  (i). 

(i)  Voici  comiitent  ils  s'expriment  : 

«  Nous  traversAines  le  Mont-Cénis ,  où  l'on  né  trouve 
»  rien  de  curieux ,  à  l'exception  de  deux  cascades  formées 
»  du  côté  de  la  Novalaise  ,  par  un  torrent  qui  s'échappe 
»  des  eaux  du  lac  dont  je  vais  bientôt  parler.  La  plus 
»  élevée  dé  ces  cascades  offre  îm  coup-d'œil  intéressant 
»  par  la  manière  dont  les  eaitx  tombent  :  on  dirait ,  à 
«  l'égalité  du  volume  d'eau  qui  succède  à  l'autre  ,  qu'une  . 
»  main  attentive  en  verse  la  même  quantité.  Entre  cette 
»  cascade  et  l'autre  qui  bouillonne ,  écume  et  fuit  en 
»  se  brisant  avec  bruit ,  est  un  plateau  de  peu  d'éten- 
y>  due,  mais  parfaitement  uni;  au  lieu  que  ce  qu'on  ap- 
))  pelle  plaine  au  haut  de  la  montagne ,  est  un  espace 
))  assez  long  ,  d'un  terrain  inégal ,  et  qui ,  dans  un  autre 
«  pays ,  passerait  pour  montueux.  Avant  d  arriver  à  la 
»  première  cascade  ,  on  rencontre  une  voûte  par  où  l'on 
»  passe  quand  la  neige  encombre  le  chemin.  On  dit  qu'elle 
»  fut  construite  à  l'occasion  du  mariage  du  frère  de  Louis 
«  XVI.  Après  l'espace  d'une  lieue ,  on  arrive  au  village 
»  de  la  Perrière ,  le  dernier  du  F'iémont.  Je  quittai  avec 
»  plaisir  ce  pays  où  ne  s'est  point  réfugié  la  franchise. 
f)  Le  climat  y  est  assez  généralement  beauj  la  terre  y 
«  est  fertile  ;  m\is  l'habitant  y  est  faux  ;  mais  l'on  y  trouve 
»  des  troupes  de  mendiants  déguenillés  ;  mais  la  vengeance 
»  ou  l'avidité  mettent  à  chaque  instant  votre  vie  en  dan- 
B  ger. 

»  Les   Piémontais    sont ,    dans    l'ordre   moral ,   ce    que 
»  les  Crétins    sont   dans    l'ordre   physique.    Quoiqu'il    eu 


(  4o9  ) 

Nous  nous  rendîmes  le  même  jour  à  Lans-Je-  1799. 
Bourg.  AA  vil. 

Ce  tut  de  ce  point  que  l'on  put  faire  passer  au 
Gouvernement  français,  la  capitulation  que  l'on 

»  soit ,  j'avoue  franchement  que ,  si  jamais  je  retourne 
«  au   Piémont ,  ce  sera  bien  contre  mon  gré. 

»  Le  village  de  la  Perrière  est  dans  une  triste  posi- 
»  tion  :  environné  de  montagnes ,  traversé  par  le  tor- 
»  rent ,  bâti  au  fond  d'un  ravin  ,  il  renferme  des  hommes 
»  comme   nous. 

))  Au  haut  du  Mont-Cénis  ,  qui  est  moins  une  mon- 
»  tagne  qu'un  col  entre  des  montagnes ,  on  trouve  un 
))  étang  honoré  du  nom  de  lac ,  quoiqu'il  soit  d'une  étendue 
y>  très-médiocre. 

»  La  descente  est  rapide  et  se  termine  au  triste  vil- 
»  lage  de  Lans-le-Bourg ,  après  lequel  on  en  trouve  im 
»  autre  plus   triste    encore ,   bâti  dans   un  fond. 

»  Le  Mont-Cénis  ,  malgré  sa  température  ,  offre  beau- 
»  coup  de  végétaux ,  des  prairies  où  croissent  en  abon- 
y>  tlance  mille  plantes  variées.  La  terre  est  assez  fertile. 
»  Nous  avions  vu  en  Piémont  les  champs  déjà  nus  et 
n  dépouillés  du  froment  qui  les  embellissait  ;  de  ce  côté 
«  du  Mont-Cénis  ,  la  terre  était  encore  parée ,  et  la  ré- 
»  coite  n'est  pas  encore  prête    à  se  faire. 

«  Le  bas  des  montagnes  élevées ,  couvertes  de  sapins 
«  et  de  mélèses ,  est  terminé  par  des  champs  cultivés  , 
«  oii  l'on  a  semé  l'avoine,  l'orge,  le  chanvre  dont  le 
»  vert  foncé  pâlit  encore  le  froment  qui  l'avoisine.  Après 
»  avoir  passé  le  village  de  Rreman ,  bâti ,  comme  les 
n  deux  autres,  dans  l'endroit  le  plus  triste  du  canton, 
»  on  traverse  plusieurs  lieues  de  pays  qui  m'ont  fait  une 
»  impression  difficile  à  effacer  ;  le  terrain  s'incline  sen- 
»  siblement  ;  les  montagnes  se  rapprochent  ;  le  fond  du 
«  vallon  s'éloigne  et  paraît  à  une  distance  considérable: 
rt  un  bois  de   sapins ,  de  pins  ,  de  mélèses  ,  rend  l'ombre 


(  4.0  ) 

t-f)f).  a  rapportée.  La  lettre  qui  accompagna  cet  envoi, 
an  VII.  était  conçue  en  ces  termes  : 

Lans-le-Bôurg  j  le  6  messidor  (  ^4  juin). 

«  Je  VOUS  adresse  la  capitulation  de  la  citadelle 
»  de  Turin.  Les  troupes  françaises  qui  en  com- 

»  causée  par  l'éle'vation  des  montagnes  ^  plus  épaisse  en- 
»  core.  Des  rocliers  bleus  et  roses  ferment  la  rive  op- 
»  posée  ;  d'autres  semblent  jetés  çà  et  là ,  et  reposent 
«  sur  une  base  étroite  et  inoins  grande  que  le  sommet. 
»  On  croirait,  en  les  voyant,  qu'ils  vont  rouler  dans  le 
»  fond  du  précipice.  Un  bruit  considérable  ,  qui  ne  di- 
y>  minue  ni  n'augmente,  ajoute  encore  à  l'horreur  de  ce 
»  séjour  :  c'est  une  rivière  qui  tombe  de  rocliers  en  ro- 
»  chers  ;  on  ne  l'aperçoit  qu'avec  beaucoup  de  peine  , 
»  tant  le  ravin  est  profond.  L'œil  ne  peut  sonder  l'abîme. 
»  On  écoute ,  on  contemple ,  oii  est  saisi ,  on  croirait 
»  toucher  au  moment  où  quelque  grande  convulsion  de 
»  la  nature  va  confondre  les  éléments.  Le  chemin  do- 
»  mine  sur  les  précipices.  La  pente  augmente ,  elle  de- 
))  vient  plus  rapide ,  on  arrive  au  fond.  Un  torrent  qui 
)i  paraît  tomber  du  ciel,  interrompt  la  route  et  sépare 
»  les  deux  montagnes  ;  elles  sont  réunies  par  un  pont 
))  rutisque  qui  trend>le  au  bruit  que  fait  le  torrent.  Là,  se 
»  trouve  un  bois  majestueux  de  sapins  et  de  mélèses  qui, 
«  nés  sur  un  terrain  propice ,  lèvent  leurs  cimes  jusqu'au 
»  ciel,  et  répandent  autour  d'eux  une  ombre  épaisse.  Il 
»  s'exhale  une  odeur, de  résine.  —  Bois  d'Lna,  séjour  d'une 
»  niélancolique  horreur  !  Vallons  de  Modane  et  St. -Michel , 
»  vos  torrents,  vos  précipices,  vos  rochers  de  toutes 
»  couleurs ,  seront  long-temps  gravés  dans  ma  mémoire.  » 
Autre  description  des  Alpes. 
«Combien  de  fois,  parvenus  au  sommet  d'un  mont 
))  sourcilleux ,  nous  avons  vu  la  foudre  serpenter  autour 
»  de   nous  !  Combien  de  fois  encore ,  arrêtés  dans  la   ré- 


(4..) 

»  posaient    la    garnison  ,   au   nombre   d'environ  i^cjn* 
»  •î,5oo  hommes,  ont  p;issé,  en  partie  ,  le  Mont-  ats  vu. 
»  Cénis;   aujoiirtt'Jmi  et  demain  le  reste  suivra. 
»  ^*oilà  donc  l'ennemi  avec  de  nouvelles  torces 
»  disponibles.  Les  portcra-t-il   vers  les    Alpes  ? 
»  C'est  ce  qu'il  y  aurait  lieu  de  présumer  ;  mais 
»  ses  eRbrts  et  ses  projets,   dans  ce  cas ,    pour- 
»  ront  être  vains.  DVuicotc,  tout  nous  est  fâvo- 
»  rable  par  les  positions   avantageuses  que  nous 
»  occupons  sur  ces  sommets ,  et  que  la  nature  a 

»  gion  des  nues ,  nous  avons  vu  tout-h-coup  la  lumière 
«  du  jour  se  changer  en  une  clarté  ténébreuse  ;  l'air  s'é- 
))  paissir,  s'agiter  avec  violence.,  et  nous  olïilr  un  spec- 
»  tacle  aussi  beau  qu'effrayant  !  Ces  torrents  de  vapeurs 
»  qui  passaient  l'apidenient  sous  nos  yeux  ,  et  se  préci- 
»  pitaient  dans  des  vallées  profondes  j  ces  torrents  d'eau- 
»  qui  roulaient  en  mugissant  au  fond  des  abîmes  ;  ces 
)>  grandes  masses  de  montagnes  qui  ,  à  travers  le  fluide 
«  épais  dont  nous  étions  environnés ,  paraissaient  tendues 
»  de  noir  :  les  cris  funèbres  des  oiseaux  ,  le  murmure 
>)  plaintif  des  vents  et  des  arbres ,  semblaient  encore 
y>  augmenter  l'horreur  de  ces    lieux   extraordinaires.  » 

Etat    actuel  de   la  Montagne. 

«  Mont  -  Cénis ,  passage  des  Alpes  grecques,  séparant 
i)  le  marquisat  de  Suze,  de  la  Maurienne  ,  situé  entre  Tu- 
»  rin  et  Chambéri  ,  à  égale  distance  de  ces  deux  villes. 
))  Hauteur  du  passage,  6,36o  pieds  au-dessus  de  la  raei\ 
>))  Depuis  i8o5 ,  les  voitures  y  montent  sans  difficulté 
11  et  sans  danger ,  par  une  route  superbe ,  construite  par 
•A  les  ordres  du  gouvernement  français.  Dans  une  plaine 
))  appelée  Madeleine  ,  on  trouve  un  hospice  organis<- 
)'  comme  celui  du  Grand-Saint-Bernard,  et  un  étang  qui 
»  nourrit   des  truites  estimées.  » 


I. 


9.7 


(4iO 

i;f)9.  »  rendus  inaccessibles  ;  de  l'autre,  les  troupes  qiu 
ji?v  vu.  »)  y  sont,  sont  animées  d'un  zèle  et  d'une  activité 
»  admirables,  quoiqu'en  partie  composées  de 
»  compagnies  de  conscrits;  mais  qui,  dans  les 
>i  diverses  reconnaissances  faites  vers  Suze,  ont 
V  prouvé  le  désir  ardent  qu'ils  ont  de  se  battre  , 
>;  et  de  montrer  que  l'honneur  français  les  anime 
»  de  plus  en  plus  ,  et  que  plus  le  danger  sera 
»  grand  ,  plus  il  ranimera  leur  courage  et  leur 
*>  valeur.  Tel  est  l'esprit  qui  guide  tous  les  mi- 
)>  liiaires  qui  se  trouvent  dans  ces  contrées.  » 

Le  7  messidor  (  25  juin  )  ,  nous  couchâmes 
à  Vernei. 

Le  8  (2O) ,  à  Modane.  Je  me  rappelai  l'his- 
toire de  la  Bergère  des  Alpes ,  que  j'avais  lue 
dans  les  Contes  moraux  de  Marmontel  ;  mais  je 
n'y  trouvai  pas  de  jolies  pastourelles  comme 
celle  dont  ce  charmant  auteur  nous  a  donné 
la  description. 

Le  9  (  27  )  ,  nous  nous  acheminâmes  vers 
Saint -Jean  de  Maurienne  ,  où  nous  eûmes  sé- 
jour. 

Le  II  (  29  )  ,  nous  nous  rendîmes  à  Aigue- 
belle ,  où  j'allai  loger  dans  les  montagnes  ;  la 
verdure  offrait  à  mes  yeux  un  coup -d'oeil  ra- 
vissant. Les  habitants  furent  effrayés  par  l'ap- 
parition subite  d'un  ours.  Chacun  s'arma.  L'a- 
nimal s'enfuit  sans  causer  le  moindre  dommage. 
Dans  cette  contrée  ,  comme  dans  beaucoup  d'au- 
tres lieux  des  montagnes ,  il  existe  des  femmes , 
même  des  hommes,  avec   des  goitres  que  J'on 


(  4i5  ) 
dit   provenir  de  la  mauvaise    qualité  des  eaux  i-(,8. 
formées  par  la  fonte  des  neiges.  On  y  rencontre  \>  vi. 
également  des  individus  idiots,    stupidcs,  con- 
nus sous  le  nom   de   Crélins.  On  pense  que  le 
crétinisme  est  l'eiTet  des  aliments  grossiers  et  de 
la  force  de  Tair   sm-  ces  êtres  faiblement  orga- 
nisés. 

Le  12  (3o)  ,  nous  couchâmes  à  Montmélian, 
ville  autrefois  très-importante,  dont  les  fortifica- 
tions furent  démolies. 

Le  i5  (i^'  juillet),  nous  allâmes  à  Cliambéri, 
où  nous  eûmes  séjoin-.  Je  profitai  de  ce  repos 
afin  de  me  promener  aux  Charmettes  ,  qui  sont 
des  habitations  agréables  auprès  de  la  \ille  ,  où 
J.-J.  Rousseau  a  demeuré  en  l'i)^. 

Le  i5  (5)  ,  nous  gagnâmes  les  Echelles  que 
Charles-Emmanuel  II ,  duc  de  Savoie  ,  rendit 
praticables  en  faisant  couper  tout  un  rocher  où 
passe  maintenant  la  route. 

Le  i6  (4)7  nous  dirigeâmes  nos  pas  du  côté 
du  Pont-de-Beauvoisin  ,  sur  le  Guyers  ,  fron- 
tière de  France  et  de  Savoie. 

Dans  diverses  montagnes  des  Alpes  ,  durant 
.  ce  voyage ,  je  vis  quelques  cascades  étonnantes 
par  la  chute  de  l'eau  qui ,  en  tombant  des  ro- 
chers d'une  hauteiu'  prodigieuse ,  se  divise  en 
une  espèce  de  farine  ou  de  poussière  ;  se  ras- 
semble ensuite  dans  la  plaine  pour  former  des 
ruisseaux  ou  des  torrents. 

Le  17  (5)  ,  nous  logeâmes  à  la  Tour-du-Piu, 
où  un  sergent  de  la  compagnie,  originaire  de  ce 

27. 


(4.4) 

inf,(j,  lieu,  me  présenta  à  son  oncle  le  curé,  qui  me 
A?,  VII.  reçut  fort  bien. 

Le  1 8  (  6  ) ,  nous  nous  transportâmes  vers 
Bourgoin  ,  où  j'avais  été  déjà. 

Le  19  (7),  nous  arrivâmes  à  Lyon;  je  m'em- 
pressai d'aller  saluer  mes  connaissances,  entre 
autres  le  capitaine  Martinet  et  M.  Saint  -  Ange. 
Ces  braves  gens  étaient  dans  l'enchantement  de 
me  revoir.  Sachant  que  j'étais  en  Italie  _,  ne 
recevant  plus  de  mes  lettres,  ils  crurent  que 
j'avais  péri.  Les  nouvelles  qui  parvenaient  de 
cette  contrée  étaient  très-affligeantes.  Quoique 
le  mal  fût  grand  ,  les  rapports  étaient  fort  exa- 
gérés ;  ils  portaient  l'inquiétude  dans  le  coeur  de 
ceux  qui  avaient,  dans  cette  armée,  des  indivi- 
dus auxquels  ils  s'intéressaient.  Nous  eûmes  sé- 
jour, que  j'employai  à  resserrer  les  liens  de  l'a- 
mitié que  ces  bous  compatriotes  m'avaient  té- 
moignée. 

Le  21  (9),  nous  nous  dirigeâmes  vers  Saint- 
Simphorien. 

Le  22  (10),  nous  arrivâmes  à  Montbrison , 
comme  terme  de  notre  route ,  afin  de  prendre  le 
repos  dont  nous  avions  si  indispensablemeut  be- 
soin. 


(  4.5  ) 


^^^  ^^  ^^  s^^  ,^^,^^  ^^  •i^T*'^^  ^^^«^^■^^•^^^^^■^y^^y^.^^vy'vy-^^  ^^  1^^ 


CHAPITRE  LVIL 


Le  5  tliermidor  (  a5  juillet  )  ,  la  marche  m'ayant  1^,0^. 
beaucoup  échauffé  ,  je  tombai  malade.  Je  me  dé-  j^^-  vu. 
cidai  à  demander  uq  billet  d'hôpital ,  qui  me  fut 
accordé  avec  une  voiture  ,  tandis  que  le  bataillon 
de  la  107"*^  recevait,  aux  termes  de  la  capitula- 
tion de  Turin ,  l'ordre  d'aller  a  Angers ,  dans  le 
rayon  appelé  la  Vendée  ,  pour  comprimer  la 
chouannerie ,  ne  pouvant ,  avant  d'être  échangé , 
faire  la  guerre  contre  les  puissances  alliées.  Je 
quittai  donc  Montbrison  ,  alîn  de  me  diriger  vers 
SainL-Simphorien. 

Le  6  (  24  )  5  je  g^S'^'^^  Lyon  ,  où  je  parvins  de 
bonne  heure.  Avant  d'entrer  à  l'hospice,  je  visi- 
tai le  capitaine  de  vétérans  qui  m'avait  si  bien 
accueilli  j  il  me  présenta  au  médecin  :  ce  der- 
nier m'accorda  une  convalescence  de  six  mois  avec 
une  voiture  pour  me  rendre  chez  mon  père ,  afin 
d'y  respirer  l'aii-  natal ,  seul  moyen  que  l'on  pen- 
sait désormais  être  convenable  pour  me  rétablir. 

Le  II  (  29  ) ,  j'allai  à  la  voiture  :  nous  partîmes 
pour  MUefranche ,  qui  ne  consiste  que  dans  une 
seule  rue  de  1,200  pas,  sans  compter  les  fau- 
bourgs. 


(  4'fi  ) 

i-9g.       Le  12  (  oo  ),  je  me  dirigeai  vers  Mâcon,  dont 
4-%  vu.  la  populaiioii  est  de  io,4o8  habitants. 

Le  i5  (5i),  je  logeai  à  Tournus ,  où  je  vis 
fabriquer  des  cordes  à  violon. 

Le  i4  (  i*^'^  août  )  ,  je  me  transportai  à  Châlons^ 
sur-Saône,  que  je  parcourus  avec  intérêt  pendant 
le  séjour  que  j'y  fis. 

Le  i6  (  5  ) ,  je  me  mis  en  route  pour  le  bourg 
de  Chagni,  qui  a  des  fabriqvies  de  serge. 

Le  1 7  (  4  )  7  je  couchai  à  Beaune ,  lieu  agréable, 
qui  a  un  magnifique  hôpital. 

Le  i8  (  5  ) ,  je  m'acheminai  vers  Nuits  ,  où  Ton 
récolte  les  fameux  vins  de  Bourgogne. 

Le  19(6),  j'arrivai  à  Dijon ,  qui  est  un  des 
plus  considérables  chefs-lieux  de  départements  de 
France,  Je  m'y  promenai  en  observateur;  je  vi- 
sitai les  monuments  publics  ;  j'assistai  au  spectacle, 
comme  je  ne  manquais  jamais  d'y  aller  dans  les 
endroits  où  se  trouvaient  des  comédiens. 

Le  21  (  8  )  ,  je  passai  la  nuit  à  Chanceau  , 
bourg  qui  n'a  rien  de  remarquable. 

Le  22  (9),  je  traversai  Châtillon-sur-Seine. 
Etant  parti  de  grand  matin ,  j'arrivai  à  Bar  de 
bonne  heure.  J'observai  ce  qu'il  y  avait  de  plus 
curieux  à  voir.  L'entrepreneur  chargé  du  service 
des  transports  militaires ,  cédant  à  mes  désirs  de 
me  rendre  à  Troyes  le  même  jour,  fit  atteler  un 
cabriolet  de  poste ,  me  donna  son  fils  qui  me  con- 
duisit rapidement,  et  qui  m'accompagna  partout. 
La  promptitude  avec  laquelle  nous  limes  la  route, 
îne  donna  le  temps  de  parcourir  1  ancienne  capi- 


(4i7) 
taie  de  la  Champagne,   qui  possède  une  biblio-  inqci, 
thèque  publique.  an  vu. 

Le  25  (  I  -2  ) ,  m'étant  reposé  trois  jours ,  je  par- 
Us  pour  Ai'cis-sur-Aube ,  où  je  me  trouvai  par  un 
temps  superbe. 

Le  26  (  i3),  je  logeai  à  Sommessous,  village 
dans  une  plaine  immense  de  la  Champagne-Pouil- 
leuse. 

Le  27  (14)5  je  restai  à  Châlons-sur-Marne. 
Pendant  le  séjour  que  j'eus  dans  cette  ville,  je  me 
présentai  chez  M.  Collardeau,  qui  était  en  voyage, 
mais  dont  l'épouse  et  les  demoiselles  me  reçurent 
parfaitement  bien. 

Le  29  (  16  ) ,  j'arrivai  à  Epernai ,  où  je  me  pré- 
sentai chez  ma  beUe-mère;  elle  avait  acquis  ce 
titre  depuis  le  24  fructidor  an  6  (10  septembre 
1798). 

Le  surlendemain  i^'"  fructidor  (18),  étant  à 
Dameri ,  j'embrassai  mon  père  ainsi  que  toute  ma 
famille. 

Je  vécus  de  la  manière  la  plus  tranquille.  Je 
m'occupai,  dans  le  commencement,  de  la  langue 
allemande  ;  mais  au  bout  de  quelques  jours ,  je 
cessai  de  m'y  attacher,  parce  que  je  n'en  pré- 
voyais plus  l'utilité.  Quand  je  l'abandonnai,  ce 
fut  pour  m'appliquer  entièrement  à  la  langue 
française,  dans  laquelle  j'éprouvais  souvent  des 
difficultés  pour  rendi-e  mes  idées  ;  ayant  tellement 
entassé  des  mots  étrangers  ,  allemands ,  hollan- 
dais et  iialieas    dans  ma  tête,  que  je  ne  pouvais. 


ijgg.  trouver  à  propos  les  expressions  dont  j'avais  be- 
jvJi  vu.  soin. 

Le  8  fructidor  (20),  je  prévins  mon  capitaine 
de  mon  anivée  chez  mes  parents,  en  lui  annon- 
çant que  j'y  resterais  pendant  six  mois,  pour 
jouir  de  la  convalescence  que  j'avais  obtenue.  J'en 
agis  de  la  sorte,  afin  de  ne  pas  donner  à  la  107"^^" 
l'occasion  de  me  rayer  des  contrôles  ,  comme  cela 
m'était  arrivé  au  4"'^  bataillon  de  la  Marne ,  pour 
six  jours  de  retard  en  sus  de  ma  permission. 

Le  i5  (  i*"*^  septembre),  mon  père,  sa  femme, 
le  frère  de  ma  belle-mère  et  moi ,  nous  partîmes 
tous  les  quatre  en  voilure  pour  nous  rendre  à 
Montmort,  où  nous  dînâmes.  Le  même  jour  nous 
couchâmes  à  Sézanne ,  qui  existait  du  temps  de 
César.  Nous  nous  promenâmes  par  un  temps 
fort  agréable ,  pour  admirer  la  ville  ainsi  que  ses 
alentours. 

Le  16(2),  nous  gagnâmes  Villenauxe ,  qui  a 
2,800  hal)itants. 

Le  17  (  5  ),  nous  arrivâmes  à  Provins.  Ce  fut 
dans  cette  ville  que  l'on  apporta  les  premières 
roses  de  l'Orient;  on  les  a  tellement  multipliées  , 
qu'aujourd'hui  on  en  fait  un  giaud  comnierce 
pour  la  parfumerie. 

Le  18  (4)7  nous  allâmes  à  Cessoi,  dans  luie 
jolie  campagne ,  à  côté  de  Montereau.  Un  frère 
de  ma  belle-mère  et  plusieurs  anciens  moines  s'y 
étaient  adonnés  à  l'enseignement  de  la  jeunesse. 

Aoiis  restâmes  huit  jours  dans  cette  agréable 
demeure. 


(4'9)   ^ 

Le  aG  (  12  ),  nous  nous  mîmes  en  route  pour   i^po- 
Provins.  an  vu. 

Le  27  (  i5),  pour  la  Ferté-Gauclier ,  qui  est 
sur  la  rivière  de  Morni. 

Le  28  (14)7  nous  nous  rendîmes  à  Montmi- 
rail ,  où  nous  achetâmes  quelques  petits  ouvrages 
de  coutellerie  qui  ont  de  la  réputation. 

Le  29  (i5),  nous  nous  acheminâmes  vers 
Dormans. 

Le  5o  (  1 6  ) ,  nous  arrivâmes  à  Dameri ,  où  se 
termina  notre  voyage  qui  avait  été  aussi  agréable 
qu'amusant. 

J'allai  à  Reims,  à  Ai,  à  Plivot,  visiter  des  pa- 
rents et  des  amis. 

N'ayant  point  reçu  de  réponse  à  la  lettre  que 
j'avais  écrite  le  8  fructidor  (20  août)  ,  pour  pré- 
venir de  mon  arrivée,  j'adiessai  celle-ci  : 

Le  fourrier  à  la  5"^^   compagnie  du  2"^^  batail- 
lon de   la  107^^^^  demi -brigade   de    ligne, 

Au    citoyen   Marie  Beaurain^    commandant  la- 
dite compagnie  ,   a  Angers. 

Mon  capitaine, 
«  J'ai  eu  l'honneur  de  vous  rendre  compte , 
r^  qu'étant  sur  le  point  d'entrer  à  l'hôpital  de 
»  Lyon ,  j'ai  obtenu  un  certificat  de  convalescence 
)>  pour  six  mois,  afin  d'aller  respirer  l'air  natal. 
»  Je  vous  annonçais  que  j'étais  dans  ma  famille  , 
»  où  je  mets  en  usage  tous  les  remèdes  conve- 
»  nables  à  ma  prompte  guérison.  J'ignore  si  ma 
M  lettre  vous  est  parvenue. 


(  4^0  ) 

Ï799-       "  Si  ce  n'était  pas  abuser  de  votre  complaisanGe^      Il 
AN  MI.  »  je  vous  prierais  de  me  donner  de  vos  nouvelles, 
»  ainsi  que  de  celles  des  sous-officiers  sous  vos 
»  ordres;  je  vous  serai  infiniment  obligé  de  les        i 
»  assurer  tous  de  mon  affection  sincère. 

»  J'ai  l'avantage  de  vous  saluer  avec  le  plus 
»  profond  respect,  et  d'être, 

»  Mon  capitaine, 
»  Votre  très-humble  serviteur  et  concitoyen , 

*  iS/gne  BoiVNART. 
A^  vin.  B  Dameri ,  le  1 1   vendémiaire  (  3  octobre).  » 

Ma  santé  étant  délabrée ,  je  fis  usage  des  bains 
de  cuve;  j'en  pris  deux  par  jour.  Avec  le  temps, 
j'en  comptai  jusqu'à  /^.o  qui  me  produisirent  un 
bien  sensible  ,  en  fortifiant  mon  estomac  affaibli, 
par  les  fatigues  et  les  privations  à  la  guerre. 

Mon  père  ayant  vendu  du  vin  à  un  particulier 
qui  demeurait  auprès  de  Soissons  ,  n'en  ayant 
point  de  nouvelles,  apprenant  qu'il  était  insol- 
vable, jugea  à  propos  de  m'y  envoyer  pour  lui 
faire  résilier  le  marché. 

Le  1 7  vendémiaire  (  9  octobre  ) ,  je  partis  avec 
le  commissionnaire  qui  avait  procédé  à  l'achat. 

Nous  nous  mîmes  en  route  pour  Châtillon-sur- 
Marne.  Le  soir ,  nous  couchâmes  à  Fère-en-Tar- 
denois,  gros  bourg  oîi  l'on  fait  un  commerce  de 
saboterie ,  tannerie  et  bonneterie. 

Le  1 8  (10),  nous  nous  rendîmes  à  Soissons  , 
ancienne  et  belle  ville  ;  nous  passâmes  notre  temps 
au  spectacle  et  en  fêtes,  avec  plusieurs  individus 


(  42>  )       _ 

de  la  connaissance  de  mon  père  ainsi  que  de  mon  ingr). 
compagnon  de  voyage.  ak  vm. 

Le  19  (  1 1  ) ,  nous  allâmes  chez  le  marchand  , 
où ,  par  un  sous  seing-privé ,  nous  kii  fîmes  an- 
nuler ses  acquisitions. 

Le  même  soir,  étant  en  voyage,  nous  revînmes 
toute  la  nuit.  Nous  vîmes,  vers  une  hem'e  du 
matin ,  un  météore  igné ,  d'une  grande  beauté , 
qui,  s'étant  formé  dans  la  région  supérieure  en 
boule  de  feu ,  vint  s'éteindre  auprès  de  nous  avec 
une  forte  détonation. 

Le  20  (  12),  nous  arrivâmes  à  Dameri,  vers 
deux  heures  après  midi,  le  jour  de  la  décade. 

Je  reçus  dans  son  temps  lu  lettre  ci-après  : 

a,i™^^   division    militaire.  —  Armée  d Jw^leterre, 

Département  de  Maine-et-Loire. 

Liberté.  — •  Egalité. 

Ardent  amour  pour  la  République. 

A  Beaucite   (Saint-Georges-sur-Loire),   ce    4  nivôse  (sS 
décembre)  de  la  république  française,  une  et  indivisible. 

Marie  Beaurain ,  capitaine  commandant  la  5™^ 
compagnie  du  1^^^  bataillon  de  la  107""^  demi- 
bjigade  de  ligne  , 

Au  citoyen  Bonnart ,  fourrier  de  ladite  compa- 
gnie y  à  Dameri. 

«  Il  y  a  quelques  jours,  citoyen,  que  m'est 
»  parvenue  votre  lettre  du  i  ï  vendémiaire  (  3  oc- 
»  tobre).  Vous  êtes  sans  doute  surpris  du  retard  5 
'>  mais  nous  essuyons  souvent  ce  désagrément , 
))  par  l'interruption  que  les  Chouans  mettent  au- 


(  4^^  ) 

1799-  ^*  jouidliui  sur  les  routes.  Je  viens  même  d'en 
Ali  vm.  »  recevoir  datées  du  mois  de  germinal  (  mars  ) . 

»  Il  m'a  été  dit  que  vous  veniez  d'être  admis 
))  dans  un  bataillon  auxiliaire  ;  si  cela  était ,  je 
))  vous  prierais  de  me  le  mander  :  car  vous  ne 
))  doutez  pas  que  votre  absence  n'apporte  beau- 
))  coup  de  retard  dans  le  service.  Je  connais  par- 
»  faitement  votre  indisposition  •  certes ,  j'y  prends 
-»  toute  la  part  possible ,  et  je  puis ,  dans  ce  cas  ^ 
»  avoir  patience.  Mais  si  vous  étiez  employé,  vous 
»  auriez  tort  de  laisser  la  place  vacante  par  votre 
»  silence  à  m'en  instruire. 

)>  Si  vous  eussiez  été  au  corps,  vous  seriez 
»  peut-être  sergent  ;  de  là  sergent-major.  D'après 
»  les  nominations  qui  ont  eu  lieu,  vous  devez 
))  penser  que  votre  absence  vous  porte  préjudice. 

»  Vos  camarades  se  joignent  à  moi,  pour  dési^ 
5>  rer  votre  prompt  retour. 

»  Votre  ami  et  concitoyen, 
»  Signé  M.  Beaurain.  » 

1800.  Le  2  pluviôse  (22  janvier),  quoique  mon 
congé  de  convalescence  n'expirât  que  le  11  (5i),^ 
j'obtins  le  visa  de  mes  titres  pour  me  mettre  en 
route. 


(  4^3  ) 


CHAPITBE   LVIII. 


Le  5  pluviôse  (aS  janvier)  ,  je  fis  mes  adieux  iSou. 
à  mes  parents  et  à  mes  amis.  Mon  frère  Georges  an  vui. 
m'ayant   conduit    en   carriole  jusqu'à   Cliàteau- 
Thierri ,  nous  allâmes   voir   la  maison  qu'a  ha- 
bitée le  fabuliste  La  Fontaine.  Nous  passâmes  la 
soirée  amicalement. 

Le  4  (  ^4)  5  je  pris  la  petite  diligence  par  la 
Ferté-Sous-Jouarre,  où  se  fait  un  grand  com- 
merce de  meules  à  moulin,  et  je  couchai  à 
Meaux. 

Le  5  (  25  ) ,  je  me  rendis  par  Claie  à  Paris. 
Je  descendis  à  l'hôtel  du  Mail,  auprès  de  M.  Col- 
lardeau  qui  me  reçut  fort  bien .  Il  y  mettait  d'au- 
tant plus  de  bonne  volonté  ,  que  c'était  la  pre- 
mière fois  que  j'allais  dans  cette  grande  cité,  et 
que  je  voyais  en  beau  tout  ce  qui  frappait  mes 
regards. 

Pendant  mon  séjour  ,  je  visitai  quelques  con- 
naissances et  plusieurs  compatriotes.  Je  désirai 
connaître  ce  que  cette  ville  avait  de  plus  intéres- 
sant. Comme  j'avais  lu  le  Tableau  de  Paris  par  M. 
Mercier,  et  le  Guide  du  Voyageur  dans  la  Capi- 
tale ,  j'étais  flatté  d'en  faire  la  comparaison.  En 


(  i-A  ) 

1800.  conséquence ,  je  parcourus   tous   les   lieux   qui  I 
j^y  viu.  pouvaient  m'offrir  quelc[u'attrait. 

Mon  cousin  et  moi ,  nous  mangeâmes  plusieurs 
fois  chez  le  restaurateut- ,  où  je  lisais  avec  étou- 
nement  la  carte  contenant  le  prix  des  mets  que 
Ton  peut  offrir  au  goât  des  amateurs  gastro- 
nomes. Il  me  mena  au  théâtre  de  la  Moiitan- 
sier ,  où  nous  vimes  M.  de  PourcGaufçnac  :  en- 
suite aux  Français  ;  on  y  jouait  YJbbé  de  VE- 
pce.  Il  me  conduisit  à  l'Opéra  ,  où  l'on  donnait 
le  ballet  de  Téle'maque .  En  peu  de  jours  ,  je 
vis  les  choses  les  plus  rares,  même  les  quatre 
chevaux  de  brouze  apportés  nouvellement  de 
Venise. 

Le  i3  pluviôse  (  2  février)  ,  je  pris  mon  cér-, 
tilicat  de  convalescence  ,  et  me  transportai  au 
Comité  de  santé  pour  subir  une  visite  à  l'effet 
d'obtenir  ma  réforme.  Il  jugea  à  propos  de  me 
renvoyer  chez  mon  père  pendant  un  mois  en- 
core ;  mais  ne  voulant  point  me  congédier  dé- 
finitivement. Cette  proposition  ne  me  convenant 
pas  ,  je  demandai  l'ordre  de  retourner  à  mon 
corps.  Il  me  fut  expédié  de  suite,  avec  l'auto- 
risation d'avoir  une  place  dans  le  transport  mi- 
litaire. J'allai  chercher  une  feuille  de  route  chez 
le  commissaire  des  guerres  Fradiel ,  où  j'appris 
cjue  le  2'''"'  bataillon  de  la  107"'^  était  à  Ang-ers. 
Il  m'accorda  de  rester  trois  jours  dans  Paris 
poiu-  mes  affaires ,  en  me  disant  de  venir  le 
16  (  5  )  ,  h  7  heures  précises  du  matin ,  prendre 
la  voilure  qui  partirait  de  sa  cour. 


Le   i5   (4)7  avant  rintention   de  rejoindre,  1806. 
Récrivis  à  mon  capitaine  pour  l'intormer  de  mon  a>  vm. 
prochain  retour  à  la  compagnie. 

Le  16  (5),  m'étant  trouvé  au  rendez-vous, 
je  partis  pour  Arpajon  à  l'heure  indiquée.  En- 
nuvé  de  la  lenteur  de  notre  voyage  ,  ayant  ren- 
contré une  diligence  ,  je  payai  une  place  jus- 
qu'à Orléans,  où  j'arrivai  le  même  soir.  J'eus 
deux  séjours  dans  cette  ville  où  Jeanne  d'Arc 
s'est  rendue  célèbre.  Pendant  ce  temps,  je  par- 
courus tous  les  lieux  renfermant  des  curiosités. 
Je  vis  les  places ,  la  cathédrale ,  le  pont ,  et 
j'allai  à  la  comédie. 

Le  long  de  la  rivière ,  j'appris  qu'un  bateau 
devait  le  lendemain,  à  6  heures  du  matin,  baisser 
la  Loire  jusqu'à  Nantes.  Je  retins  une  place , 
afin  d'arriver  à  ma  destination  plus  promptement 
que  par  terre. 

Le  19  (8)  ,  je  m'y  transportai  avec  des  pro- 
visions pour  mon  voyage.  L'embarcation  était 
composée  de  deux  toues  amarrées  l'une  à  l'autre, 
chargées  de  i4  marins  ou  matelots  venant  des 
])risons  d'Angleterre  5  d'un  négociant ,  de  son 
domestique,  de  deux  compagnons,  d'un  briga- 
dier de  gendarmerie  ,  d'un  gendarme  ,  de  moi , 
et  de  deux  mariniers  pour  nous  conduire.  Les 
mai'ins  travaillaient  tellement  d'action  aux  voiles, 
aux  rames  ,  que  nous  fendions  l'eau  avec  la  ra- 
pidité du  poisson. 

En   voguant  nous  vîmes  Blois  ;  le  château  rap- 
pelle   de  grands  souvenirs.   Nous  abordâmes  à 


(  4^0  ) 

iHoo.  Amboise  ,  où  je  réclamai  un  billet  de  logement, 
AP.  vui.étant  convenu  que  je  serais  sur  le  rivage  le  len- 
demain ,  à  G  lieiues  du  matin. 

Dans  la  maison  où  je  fus  casé,  on  m'apprit, 
et  on  exagéra  même  une  partie  des  horreurs 
qui  se  commettaient  dans  le  pays  où  j'allais  , 
tant  par  les  Chouans  que  par  les  républicains  (i). 

On  sait  qu'éloigné  du  danger,  on  le  rapporte 
sous  des  couleurs  plus  tristes  que  quand  on  le 
voit ,  parce  que  l'esprit  se  forme  des  illusions 
qui  dénaturent  les  faits  ,  et  empêchent  qu'ils  ne 
soient  connus   dans  toute  leur  exactitude. 

Le  20  pluviôse  (9  février),  je  gagnai  le  ri- 
vage où ,  peu  de  temps  après ,  nous  nous  ein- 
barquâmes.  Nous  descendîmes  avec  une  telle 
vitesse  ,  que  nous  passâmes  promptement  le  beau 
pont  de  Tours.  Nous  filâmes  devant  Langeais 
et  Bourgueil.  A  midi ,  nous  étions  à  Saumur , 
où  deux  femmes  vinrent  prendre  place  parmi 
nous  :  nous  continuâmes  presqu'aussitôt  notre 
route.  Nous  arrivâmes  vis-à-vis  Port-la-Vallée 
(  Saint-Mathurin  )  ,  à  5  heures  du  soir.  Les  deux 
voyageuses  voulant  descendre ,  on  aborda  ;  mais 
im  coup  de  vent ,  car  il  faisait  extrêmement 
froid,  poussa  nos  frêles  barques  contre  de  grands 
bateaux  qui  étaient  attachés  à  terre.  Le  choc  en 
fut  si  violent ,  et  l'eau  entra  avec  tant  d'abon- 

(1)  On  trouve  tous  les  mallieUrs  de  ce  temps  consi- 
gnés dans  iliistoire  de  la  Guerre  de  la  Vendée  et  des 
Chouans,  par  Alphonse  de   Beauchanip.    3  vol.  in-b". 


(  4^-7  ) 
(lance,  qiie  nous  faillîmes  chavirer.  Cependant,  iFoo. 
comme  les  matelots  étaient  debout  ainsi  que  le  an  vhu 
gendarme ,   ils    nous   préservèrent   du   nauiragc. 
Peu  en  sûreté    sur  la    Loire  ,   je  pris   mon   sac 
pendant  que  les  dames  mettaient  pied  à    terre. 

Je  payai  mon  transport ,  en  souhaitant  bon 
voyage  à  ceux  qui  voulaient  le  continuer.  J'ap- 
pris cjuils  étaient  parvenus  le  soir  de  bonne 
heure  aux  Pont-de-Gé  ,  ayant  fait  60  lieues  en 
deux  jouis. 

Le  21  (to),  vers  5  heures  du  matin,  je 
montai  dans  la  voilure  qui  m'était  accordée,  et 
j'arrivai  ensuite  à  Angers> 

La  compagnie  n'étant  pas  dans  ce  chef-lieu 
de  département,  j'allai  visiter  tous  les  édifices 
publics.  Je  me  présentai  chez  le  quartier-maître, 
entre  les  nlains  duquel  je  déposai  mes  papiers  j 
il  me  fit  le  rappel  de  l'an  7  (  1799)  ,  et  celui 
de  l'an  8  (  1800).  Je  touchai  seulement  le  mon- 
tant de  la  dernière  année  ;  l'autre  est  resté  dans 
l'arriéré ,  sans  que  j'aie  pu  m'en  procurer  le 
remboursement. 

Le  24  (  i5)  ,  je  profitai ,  pour  me  mettre  en 
route ,  d'un  convoi  avec  une  escorte  qui  s'en 
allait  au  Lion-d'Angers  :  car  on  ne  pouvait  voya- 
ger isolément  sans  crainte  d'être  assassiné.  Ayant 
rejoint  la  compagnie  ,  je  revis  avec  satisfaction 
mes  camarades ,  qui  savaient  ma  prochaine  ar- 
rivée par  le  capitaine  k  qui  j'avais  écrit  de 
Paris. 

i.  a8 


(  4--^8  ) 
1800.      Le  23  (  i4),  ayant  commué  mes  fondions,  je 
APi  vin.  vécus  comme  avant  mon  départ. 

Voulant  me  perfectionner  dans  les  armes,  je 
pris  des  leçons  de  pointe  du  brigadier  de  la 
gendarmerie  de  cette  résidence. 

Une  convention  avec  les  Chouans  ayant  lieu , 
les  chefs  mettant  successivement  bas  les  armes, 
après  avoir  traité  avec  les  envoyés  du  général 
Biune  ,  nous  restâmes  en  repos. 

La  pacification  terminée ,  nous  reçûmes  l'ordre 
de  nous  transporter  à  Angers  pour  en  augmenter 
la  garnison. 

iVoiis  fûmes  casernes  au  ci  -  devant  couvent 
de  Roncerai. 

Je  me  liai  d'amitié  avec  plusieurs  jeunes  gens 
qui  s'occupaient  de  versification.  Nous  faisions 
des  charades  ,  des  logogriphes ,  dont  ces  mili- 
taires s'acquittaient  à  merveille. 

Le  temps  que  je  n'employais  pas  à  mon  état, 
était  consacré  à  mon  instruction  :  car  chaque 
fois  que  la  bibliothèque  publique  était  ouverte, 
j'allais  lire  pendant  trois  ou  quatre  heures. 
Quand  ce  n'était  pas  le  jour  de  lecture ,  le  bi- 
bliothécaire me  confiait  des  livres  pour  (jue  je 
pusse  fructifier  des  instants  dont  j'aurais  peut- 
être  plus  mal  disposé. 

En  parcourant  les  journaux ,  j'appris  qu'un 
décret  du  29  pluviôse  (  18  février)  ,  créait  une 
gendarmerie  à  pied  dans  les  départements  de 
l'Ouest  ;  qu'il  y  aurait  des  maréchaux-des-logis 
et  des  bjigadiers  pour  commander  les  brigades. 


Je  me  ra{->pelai  que  j'avais  dîné  dans  la  capitale  iBoo. 
chez  des  compatriotes,  avec  un  employé  du  bu-  ak  vm. 
reau  de  la  _i,'^endarmerie  au  ministère  de  la  guerre, 
qui  avait  paru  disposé  à  m'obliger  si  l'occasion 
s'en  présentait.  J'écrivis  en  conséquence  à  ces 
messieurs ,  pour  les  prier  de  m'accorder  leurs 
bons  offices,  afin  d'être  nommé  maréchal-des- 
logis  dans  cette  arme. 

J'en  reçus  la  réponse  suivante  : 

Paris ,  le  22  ventôse  (  i3  mars). 
«  Monsieur, 

»  Nous  avons  communiqué  votre  lettre  à  notre 
»  ami,  qui  veut  bien  ajouter  un  nouveau  ser- 
»  vice  à  ceux  qu'il  nous  a  déjà  rendus.  11  s'oc- 
»  cupe  entièrement  de  votre  affaire.  Tl  parlera 
»  aujourd'hui  au  général  chargé  de  l'organisation 
))  de  la  gendarmerie  à  pied,  et,  sous  peu  de 
»  temps ,  vous  recevrez  du  ministre  de  la  guerre, 
»  votre  nomination  telle  que  vous  la  désirez. 

))  Nous  sommes  charmés  de  trouver  l'occasion 
»  de  vous  être  utiles  ,  et  de  vous  prouver  notre 
»  zèle  à  obliger  un  compatriote  que  nous  esti- 
))  mous. 

'>  Nous  avons  l'honneur  d'être  vos  serviteurs  , 
»  Signé  PauxaPiT  frères.  » 

Ayant  été  quelque  temps  sans  que  la  nomi- 
nation annoncée  me  fût  parvenue  ,  je  récrivis 
k  ces  messieurs,  qui  m'apprirent  que  les  Chouans 
avaient  volé  la  diligence  qui  portait  mon  titre, 
et  eu  avaient  lacéré  tous  les  papiers  ;  qu'en  cou- 

28. 


(  43o  ) 

1800.  séquence ,  le  général  Wirion  s'était  vu  dans  îd 
N  via.  nécessité  d'en  expédier  un  autre. 

Peu  de  jours  après  la  réception  de  ce  paquet , 
il  me  parvint  la  dépêche  ci-après  : 

Angers,  le  1*''  floréal  (21  avril)  de  la  république  fran* 
taise  ,  une  et  indivisible. 

Le  chef  de  la  5'"^  dmsion   de  gendaiinerîe  nci'^ 
tionàle  y 

«  Invite  le  citoyen  Bonnart ,  caporal-fourrier 
))  à  la  5"'^  compagnie  du  2°^^  bataillon  de  la  107""" 
)i  demi-biigade  ,  à  venir  chez  lui  dans  la  matinée 
))  de  demain. 

»  Signe  Noire  AU.  » 

Cette   lettre   ranima  mon  espérance.  Sans  en 
faire    part    à   mes    camarades  ,  je  m'habillrà  en 
uniforme  le  plus  proprement   possible ,  sachant 
que  la  tenue   plaît  toujours  à  un   supérieur.  Je 
me  présentai    avec   mon    ordre  ,  enhardi  par  le 
désir  de  sortir  de  la  ligne.  Le  citoyen  Noireau 
m'accueillit  favorablement ,  m'adressa  beaucoup 
de  questions ,  et  me  demanda  pourquoi  je  quit- 
tais mon  corps.  Je  lui  répondis  que  si  je  cher- 
chais à  entrer  dans  son  arme,  c'était  pour  mon 
avancement ,   et    que   je   n'avais    nul    sujet    de 
plainte  à  former  dans  la  107™^.  Ce  commandant 
me  donna  la  lettre  de  passe  pour  le  grade  de 
brigadier  ,   avec  invitation  de    me   rendre  dans 
son  bureau  qu'il  m'indiqua  ,  afin  de  la  transcrire  , 
tandis  qu'il  resta  dans  son  appartement  à  causer 
avec  plusieurs  personnes. 


(  45i  )     _ 

Seul ,  dans  le  cabinet ,  je  réflccîiîs  que  du  pre-  1800. 
mier  coiip-d'œil  ce  chef  de  division  allait  me  jui^cr  :  a^  vm. 
car  il  nie  parut  avoir  une  grande  connaissance 
de  l'esprit  humain.  Plein  de  cette  idée ,  je  fis 
beaucoup  d'attention  à  copier  ma  nomination. 
Je  la  lui  portai  ensuite  avec  une  plume  et  de 
l'encre  pour  la  signer.  Il  parut  content  de  mon 
écriture  et  m'en  fit  compliment.  Il  me  promit 
que  ,  comme  président  du  juri  d'organisation  , 
il  me  faciliterait  autant  qu'il  serait  en  son  pou- 
voir ,  pour  une  place  de  maréchal-des-logis.  Il 
ajouta ,  cependant ,  qu'il  fallait  m'attendre  à  u]ie 
concurrence  de  800  hommes  dont  le  juri  dis- 
tinguerait le  mérite  ;  que  ceux  qui  seraient  les 
plus  recommandaljles  ,  auraient  la  préférence. 

Rentré  à  la  caserne  ,  la  tête  remplie  de  ce 
qui  s'était  passé  le  matin ,  et  après  y  avoir 
mûrement  réfléchi  ,  j'écrivis  ce  qui  suit  : 

Le  fourrier  à  la  5"^^  compagnie  du  2"'^  hataiU 
Ion  de  la  107^"^  demi-brigade  d infanterie  de 
ligne  , 

Au  citoyen  TVirion  _,  gene'ral  de  brigade  y  ins- 
pecteur de  la  gendarmerie  nationale  dans  les 
départements  de  l'Ouest  ^  à  Rennes. 

«  Mon  général , 
V  J'ai  l'honneur  de  vous  prévenir  que  le  citoyen 
»  Noireau ,  chef  de  la  5'""  division  de  gendar- 
»  merie  nationale  ,  m'a  remis  la  nomination  de 
»  brigadier ,  que  vous  lui  avez  envoyée  pour 
y>  que  je  passe  à  pied  dans  cette  arme.  Les  dé- 


(  452  ) 
i8oo.  ^>  marches  que  j'ai  faites  pour  sortir  de  mon 
À>  Mil.  ''  corps ,  ne  tendaient  qu'à  un  prompt  avance- 
))  ment,  et  nul  autre  motif  ne  m'obligeait  de 
»  m'en  éloigner.  J'aimais  à  croire  qu'étant  four- 
»  rier  ,  je  pouvais  être  nommé  mai'échal-des- 
»  logis;  et,  par  ce  moyen,  je  me  procurais  un 
»  emploi  supérieur.  J'espère  qu'ayant  pris  en 
«  considération  la  demande  qui  vous  a  été  faite 
»  pour  moi,  et  qu'y  ayant  répondu  aussi  favo- 
»  rablement  ,  vous  voudrez  bien  accueillir  ma 
•»  supplique  et  me  nonnner  au  grade  de  maréchal- 
);  des-logis. 

'»  J'ose  attendre  de  vous  cette  justice,  et  je 
))  vous  prie  de  me  croire  avec  la  plus  vive  re- 
))  connaissance  , 
V  Mon  général , 

»  Votre  subordonné, 

»  Signé  BoiVNART. 

»  Angers,  le  a  flore'al  (22  avril)  de  I3  république 
»  française ,  une  et  indivisible.  » 

Au  bout  de  quelques  jours,  je  fus  prévenu 
par  le  citoyen  JNoireau,  de  me  disposer  à  me 
diriger  vers  Nantes ,  où  devait  se  réunir  le  juri 
d'organisation.  Il  m'annonça  qu'il  avait  informé 
le  citoyen  Peïtavy,  pour  qu'il  me  fît  expédier 
l'ordre  de  départ  en  recevant  mon  congé.  Il  me 
dit  que,  si  j'étais  sergent,  je  pourrais  plus  fa- 
cilement avoir  la  place  que  je  désii^ais. 

Ayant  été  trouver  le  commandant,  je  le  priai 
de  me  seconder  pour  que  je  fusse  admis  dans 


i 


ce  grade.  S'étant  assuré  qu'ii  y  avail  un  cnijiloi  ,ç>or>. 
à  la  nomination   du  corps,    il   nie  chargea  d'en  an  v|iv. 
prévenir  le  quartier-maître,  pour  qu'il  en  doimâi, 
de  sa  part,    connaissance  aux  sous-officiers.  La 
réunion  des  caporaux  et  des  fourriers  eut  lieu 
de  suite. 

J'instruisis  quelques-uns  de  mes  camarades  , 
du  motif  de  la  convocation  et  de  l'ordre  que 
j'avais  d'entrer  dans  la  gendarmerie ,  ainsi  que 
du  désir  que  je  formais  d'être  sous-oflicier,  afin 
d'en  avoir  les  galons  avant  de  pouvoir  m'y  pré- 
senter. Je  les  engageai  à  communiquer  mes  in- 
tentions à  tous  leurs  amis  ,  pour  que  je  pusse 
être  promu  ;  j'ajoutai  que  ce  serait  pour  moi  un 
avantage  qui  ne  leur  préjudicierait  en  rien  ,  puis- 
qu'aussitôt  ma  nomination ,  je  m'éloignerais  de 
l'infanterie  de  ligne. 

Le  9  floréal  (29  avril),  on  procéda,  suivant 
le  vœu  de  la  loi  sur  les  promotions.  Le  citoyen 
Civet ,  mon  sergent  -  major  ,  fut  élu  président , 
et  l'on  me  choisit  pour  être  secrétaire.  Les  scru- 
tins ayant  été  soigneusement  recueillis  et  dé- 
pouillés, je  réunis  l'unanimité,  à  l'exception  de 
ma  voix  que  je  donnai  au  caporal  le  plus  an- 
cien ;  il  avait ,  sous  tous  les  rapports  ,  le  plus 
de  droit  a  l'avancement.  Le  procès-verbal  ré- 
digé fut  remis  aux  sergents-majors  et  sergents  , 
ensuite  aux  sous  -  lieutenants  qui  me  reçurent , 
le  II  floréal  (  i^^  mai),  dans  le  grade  que  je 
réclamais.  Je  parus  à  l'appel  du  soir^  pour  me 


(  454  ) 

i8oo.  faire  reconnaître  par  le  commandant  de  la  6"'" 
4kN  vni.  compagnie,  où  j'entrais  en  qualité  de  sergent. 
Le    i6    (6  mai),   j'allai   chez   mon  nouveau 
capitaine ,   qui  me  donna  mon  décompte  à  si' 
gner. 

Le  17  (  7  )  ,  je  me  présentai  chez  le  quartier- 
maître ,  pour  prendre  le  congé  dont  voici  la 
copie  : 

Infanterie  de  ligne.  —  République  française.  — ■ 
107"'^  demi-brigade.  —  2^^^  bataillon. 

«  Nous  soussignés  ,  certifions  à  tous  ceux  qu'il 
j)  appartiendra ,  avoir  donné  congé  absolu  au 
»  nommé  Médard  Bonnart ,  sergent,  dit  Bonuart 
)j  Lami ,  de  la  compagnie  n*^  (> ,  du  2'^^^  batail- 
)'  Ion  de  la  107^^^  demi-brigade  d'infanterie  de 
5)  ligne ,  natif  de  Damcri ,  canton  d'idem  ,  dis- 
»  trict  d'Epernai ,  département  de  la  Marne , 
»  âgé  de  2  5  ans  ,  de  la  taille  d'un  mètre  8i4  mil- 
»  limètres  (  5  pieds  7  pouces  )  ,  lequel  a  servi 
»  depuis  le  i4  septembre  1793  (an  i^'^)  (i)  , 
»  juscju'au  17  floréal  an  8  (  7  mai  1800)  ;  a  été 
:»  caporal  le  26  germinal  an  2  (  i5  avril  1794)  ] 
»  caporal- fourrier  le  4  messidor  an  4  (22  juin 
»  179^),  et  sergent  le  11  floréal  an  8  (l'^^'mai 
))  1 800  )  ;  et  que ,  pendant  tout  ce  temps  ,  on 
»  doit  des  éloges  à  la  manière  dont  il  a  servi, 
^)  Certifions  en  outre  que  ledit  citoyen  Bonnart , 

(1)  Ou  a  compris  comme  service  militaire,  le  temps 
que  j'ai  passé  clans  les  fourrages  ,  puisque  j  étais  em- 
ployé  k  l'aru^ée. 


^  (435) 

»  sergent ,  a  quitté  le  corps  pour  passer,  en  qiia-  ï8oo. 
h  lité  de  brigadier  ,  dans  la  gendarmerie  à  pied ,  an  vm. 
w  par  ordre  du  général  Wirion ,  inspecteur  gé- 
»  néral  de  cette  arme. 

«  Fait  à  Angers ,  le  1 7™^  jour  du  mois  de  flo- 
»  réal  (  7  mai  1 800  ) ,  de  l'an  8  de  la  République 
»  française. 

»  Certifié  par  nous ,  membres  composant  le 
^  conseil  d'administration  dudit  bataillon. 

Signé  GiDERT ,  fourrier  ;  Serres  ,  sergent  ; 
BoRMER,  sous-lieutenant;  Bourrie, 
capitaine,  et  Peïtavy,  chef  de  ba- 
taillon. 

))  Vu  par  nous ,  commissaire  des  guerres , 
»  Signé  Tessier-Olivier. 

»  Approuvé  par  nous  ,  général  de  brigade , 
»  commandant  la  subdivision  de  Maine-et-Loire , 

»  Signé  GlRARDOJV. 

)>  Enregistré  par  moi,  quartier-maître  trésorier, 
j)  le  1 7  floréal  (  7  mai  )  , 

»  Sigjié  Reinaudy.  ») 

Au  dos  du  congé  est  ainsi  écrit  : 

^)  Nous  officiers  ,  commandant  ladite  compa- 
»  gnie,  certifions  avoir  payé  au  nommé  Médard 
))  Bonnart ,  sergent,  la  somme  de  6  fr.  oj  cent. 
))  et  demi,  qui  lui  était  due,  tant  de  la  masse  que  de 
i'  son  linge  et  chaussure,  courant  jusqu'à  ce  jour, 


(456) 

i8oo.  ^>  couformément  aux  réglemeuls,  de  manière  qu'il 
iNviu.  »  n'a  plus  rien  à  répéter  audit  bataiiion. 

»  Fait  à  Angers  ,  le  16  lloréal  (  6  mai  )  ,  de  la 
))  République  française. 

M  Signé  Veyroiies  ^  capitaine.  » 

Je  me  rendis  au  logement  de  ce  chef,  qui  fit 
mou  décompte. 


FIN  DIT  TOME   PREMIER» 


(457) 


TABLE  DES  MATIÈRES 


CONTENUES 


DANS  LE  PRE3IIER  VOLUME. 


Pages 
Avertissement • .    •    .        I 

CHAPITRE  PREMIER. 

Epoque  de  sa  naissance i      1775. 

Description  topogiapliique  de  Dameri l'bid. 

Manière  d'e'crire  les  noms  des  lieux ibid. 

Il  est  sex-digitaire a 

Supplice  du  nommé  Saint-Louis 4     1782. 

Rupture  des  deux  ponts ibid.      1784. 

Explications  de  ces  accidents.  ...    - ibid. 

Prix  qu'il  reçoit  dans  ses  classes ibid. 

On  le  destine  au   commerce  de  vm ibid. 

Une  parente  le  comprend  dans  un  legs  pour  un  état  .  ibid. 

Il  se  rend  à  Rilli,  afin  de  s'instruire ibid.      1787. 

Son  apprentissage  est  fini 5      1790. 

Effets  de  la  Révolution ibid. 

Il  a  un  uniforme  et  se  livre  aux  armes ibid. 

Son  frère  entre  au  service ibid. 

Un  particulier  se  coupe  la  gorge 6 

Admission   dans   la  musique ibid. 

Départ  du  Roi,  des  Tuileries ibid. 


791- 


(458  ) 

Cette  nouvelle  est  connue  à  Datneri.  .......  ihid. 

Voyage  à  Donnans n 

Députe's  envoye's  par  la  Convention ibid. 

Insultes  faites  à  l'abbe'  de  Dameri ibid. 

CHAPITRE  II. 

179Ï.     Le  premier  enrôlé  comme  volontaire »         8 

Noms  des  individus  qui  imitent  son  exemple.  .    .    .  ihid. 

Dispositions  pour  le  départ ibid. 

En  route  pour  Reims 9 

Comment  il  est  logé •  ibid. 

La  solde  militaire  est  payée ihid. 

Genre  d'occupations ibid. 

Tours  de   la  cathédrale ibid. 

Il   est  toisé ibid. 

Son  père  veut  l'emmener 10 

Les  nominations  ont  lieu •     ....  ibid. 

Il  est  sergent  à  la  2""^  compagnie ibid. 

Le  grade  de  capitaine  lui  est  proposé ibid. 

Observation  à  ce  sujet 11 

Organisation  du  4"^  bataillon  de  la  Marne ibid. 

Composition  du  corps ibid. 

Revue  et  ordre  de  départ 12 

CHAPITRE  IIL 

nf)i.     Le  bataillon  se  rend  à  Rethel.  Cahier  de  notes  .    •    .       i3 

Observation  géographique ibid. 

Arrivée  au  Chesne.  Conseil  qu'il  reçoit ibid. 

On  abandonne  la  qualification  de  Monsieur  .    .    .    .    •       14 

Conditions  pour  être  citoyen  actif. ibid. 

Les  sergents  ont  un  instructeur  .........  ibid. 

Il  apprend  par  cœur  la  théorie ibid. 

Projet  d'aller  à  Sedan 1 5 

On  parcourt  cette  ville ibid. 


(  4^9  ) 
Armures  de  Jeanne  (V Arc,  de  Turenne,  etc  .    .    .    .    .  ihid. 

Route  de   Mézières.  .    .    .    .   • ibid. 

Réflexion  sur  sou  voyage 16 

Visite  faite  à    Niçoise •   .    .    .  ihid.  ^ 

Ordre  de  se  diriger  sur  Rozoi 17 

CHAPITRE  IV. 

Le  bataillon  se  rend  à  Charleville 18     1791. 

On  passe  à  Aubigni ihid. 

Aiiive'eà  Rozoi • ibid. 

Son  logement  est  chez  un  braconnier ibid. 

Pension  à  la  table  d'un  pâtissier ibid. 

Un  volontaire  de  Dameri  arrive. ibid. 

Son  existence  le  flatte ihid. 

Maître  d'armes 19 

Eu  route  pour  jouir  d'une  permission ibid.     I79'^* 

On  se  rend  à  Neuchàtel ihid. 

ISuit  passée  à  Brimont ibid. 

Arrivée  chez  son  père ibid. 

Evénement  qui  lui  survient  avec  sa  sœur.  .....  ibid. 

Troupe  à  Dameri 20 

Son  congé  expiré  ,  il  rejoint  par  Reims ibid. 

Son  premier  gîte  est  k  Neuchàtel ibid. 

Retour  à  Rozoi ibid. 

Ordre  de  se  mettre  en  route 21 

CHAPITRE  V. 

Départ  pour  Maubert-Fontaine 22     1792. 

Ampoules   aux   pieds. • ihid. 

Observation  à  ce  sujet ibid. 

Le  bataillon  parvient  à  Rocroi ibid. 

Composition  de  la  garnison ibid. 

Son  pouvoir  à  l'égard  des  autres  hommes ibid. 

Salle  d'armes  et  manège 23 


(  44o  ) 

Quatre  nouveaux  arrivants ibiJ, 

Course  siu"  le  terrain  de  la  bataille  gagnée  en  i643  •    .  ibid. 
Promenades  dans  les  censés ,  pour  manger  du  lait  .    .  ibid. 

Le  premier  duel  qu'il  voit. ^4 

Des  officiers  émigrent ibid. 

Son  canif  le  blesse ibid. 

On  le  transporte  à  l'hôpital ibid. 

Sa  position  l'affecte a5 

La  crainte  qu'il  ressent  n'est  que  puérile ibid. 

On  bat  la  générale ibid. 

Décret  concernant  la  guerre.  .    .    .   • ibid. 

CHAPITRE  M. 

Ijr2.     Sorti  de  l'hôpital,  il  va  au  camp 26 

Arrivée   à    Givet ibid. 

La  troupe  est  à  la  belle  étoile.  . ibid. 

Joli  et  bon  fusil  qu'il  reçoit ibid. 

Entrée  à  l'hôpital 27 

L'armée  en  marche  pour  Philippeville ibid. 

Elle  se  transporte  à  Beaumont ibid. 

Arrivée    à   !\Iaubeuge ibid. 

Départ  de  Givet ibid. 

La  nuit  se  passe  à  Barbançon ibid. 

On  entend  une  forte  canonnade ibid. 

Il  parvient  au  camp ibid. 

Rapport  de  la  bataille  de  la  Glisuelle 28 

Source  où  il  a  puisé  les  renseignements ibid. 

Cérémonie  funèbre  du  général  Gouvion 29 

Rapport  fait  à  ce  sujet  .    .         ibid. 

Un  soldat,  en  rêvant,   donne  l'alerte 3a 

Nom  et  composition  de  l'armée ibid. 


Idée  générale  du  service 3 


& 


Chaque  jour  même  répétition ibid. 

Réflexion  sur  l'art  de  la  guerre  et  de  camper  .    .    .  ibid. 
Une  vieille  lui  dit  la  bonne  aventure 32 


(  44i  ) 

Son  père  vient  au  camp 35 

Observation  sur  Tastrologue  de  Carpi ibid. 

Sa  solde  comme  sergent 34 

CHAPITRE  VII. 

L'armée  manœuvre 35     1792. 

Particularité  étant  en  guide.    . ihid. 

En  route  pour  Bavai ibid. 

Réflexion  sur  la  beauté  de  la  troupe ibid. 

Bataille  de  Malplaquet ,  en  1709 36 

Retour  à  Maulieuge a    .    .    .    .  ibid. 

Affaire   d'avant-garde. 87 

Rapport  relatif  à  ce  sujet .  ibid. 

De  planton  clicz  le  général  en  chef ibid. 

Observation  à  cet  égard ibid. 

Officier  supérieur  richement  vêtu ibid. 

Situation  de  l'armée 38 

Départ  pour  Avesnes ibid* 

On  se  rend  à  la  Capelle ibid. 

Un    soldat  l'insulte ibid. 

L'armée  va  à  Maubert-Fontaine •    .       89 

Elle  célèbre  la  Fédération ibid. 

On  va  à  Mézières ,  et  distribution  de  vinaigre  ....       ^o 

Rencontre  d'un  jeune  homme ibid. 

Passage  des  troupes  dans  Sedan  ^ ibid. 

Elles  campent  à  Mouzon ibid. 

Remarque  sur  la  natation ibid. 

Marche  sur  Stenai 4^ 

On  se  transporte  à  Juvigni ibid. 

L'armée  campe  à  Fontenai •..,..  ibid. 

Réflexion  sur  la  chaleur ibid. 

Le  bataillon  cantonne  h  Chauveuci ibid. 

Un  soldat  grand  mangeur ibid. 

Revue  passée  auprès  de  Stenai ...  ibid. 


(  44'^  ) 
CHAPITRE  VIll. 

^792*     Le  batalllou  va  k  Montmédi 4^ 

Rapport  de  cette  place ibid. 

Les  ennemis  entrent  en  France*  .......     •   .    .  ibicL 

Rapport  fait  à  cette  occasion ibid. 

Epreuves  des  poudres 4^ 

Montmédi  est  cerné ibid. 

Pour  la  première  fois  ,  il  fait  feu  sur  l'ennemi.  .    .    .  ibid. 
Reddition  de  Verdun  aux  Prussiens.  .......       44 

Précautions  prises  pour  défendre  Montmédi ibid. 

Les  ennemis  veulent  brûler  la  ville 4^ 

Rapport  relatif  à  cette  place ibid. 

Des  voitures  de  bois  sont  escortées ibid. 

Attaque  partielle.     .     .     * ibid. 

Retour    à    la    garnison 4^ 

Ce  qui  se  passe  à  la  découverte ibid. 

Espion  arrêté  ;  c'est  un  ami   de  son  père.      ...       47 

Le  feu    est   à   la    munitionnaire ibid. 

De  garde  la  nuit,  il  ouvre  la  porte 4^ 

Etant  dénoncé,  il  va  chez  le  chef. 4^ 

Description    de   la    prison fjo 

Nuit  cruelle  qu'il  y  passe.      ........       5i 

On  le  met  à  la  pistole 52 

Connaissance  renouvelée  avec  la   fille  du  geôlier.     .  ibid. 

Elle  adoucit  les  rigueurs  de  sa  captivité ibid. 

Sortie   de  prison ibid. 

CHAPITRE  IX. 

i^g?.     Retraite    des    ennemis 54 

Vente  du  butin  à  l'encan ibid. 

Prisonniers  autrichiens.      .     .     .     •. ibid. 

La  plaine  est  couverte  de  tirailleurs ibid. 

Un  détachement  à  Marville ri") 


(  443  ) 

Anivée  de   l'armée   française.     ...».».  ihid. 

Etablissement  de  la  nouvelle  ère ibid.     an  i. 

Le  canon  est  tire'  eu  réjouissance 56 

Service  pénible  pendant  le  blocus ibid. 

Rapport    des  opérations  de  Montmédi ibid. 

Observation  à   ce  sujet ibid. 

Pointe  sur  l'abbaye  d'Orval S'] 

Repos   des  hommes ibid. 

Renouvellement   des  effets ibid. 

Entreprise  de   culottes 58 

Massacre  des  Français  à  Francfort ibid. 

Une  permission  lui  est  accordée .  ibid.      1793. 

On  coucbe  à  Dun • ibid. 

Logement    à    Yarennes ibid. 

On  se  transporte  à  Sainte-Ménéhould ibid. 

Position  du  camp  de  la  Lune ibid. 

Village  de  Courtisols 5g 

On  traverse  Cliâions.      ...      ; ibid. 

Son  arrivée  dans  sa  famille. ibid. 

Réception  qui  lui  est  faite ibid. 

Retour  de  son  père 60 

Il  peut  sortir  du  service,  n'ayant  pas  i8  ans ibid. 

Départ  pour  Reims ibid. 

Marche  dirigée  sur    Vouziers ibid. 

Arrivée  à  Stenai ibid^ 

On  se  rend  à  Sedan ^ ibid. 

Séjour   à   Mézières ibid. 

Pendant  son  absence  ,  il  est  remplacé 6 1 

En  route  pour  Launoi • ibid. 

Rencontre  d'un  corps  de  gendarmerie ibid» 

Il  regrette  de  n'avoir  point  demandé  de  congé  .    .    .  ibid. 

La  nuit  est  passée  à  Tagnon ibid. 

Arrivée  à  Dameri ibid. 

Ses  parents  surpris  de  le  revoir 6î 


(444) 
CHAPITRE  X. 

'"^  *     Départ  poui*  Berri-au-Bac 65 

Coibeni  et  abbaye   de  Saint-Marcoul ibitL 

Marche  sur  Pe'ronne .,...„.    .  ibid. 

Arrive'e    à    Arras ibid. 

Emploi  du  temps  de  son  père  .    .    .    .   • ibid. 

On  le  présente  à  M.  Collardeau ibid. 

Dépense  pour  sa  nouvelle  condition ,    .      64 

Réflexion  sur  le  costume  des  Sans-Culottes  ....  ibid. 

Ouvriers  appelés  pour  le  vêtir ibid. 

Remise  de  fonds  et  connaissance  d'un  compatriote  .    .  ibid. 

Son  père  part,  il  le  conduit  .    .   • 65 

Retour  chez  son  parent ibid. 

Difficulté  pour  se  rendre  à  son  logement ibid. 

La  nuit,  il  se  livre  à  ses  réflexions 66 

Installé  chef  d'atelier ibid. 

M.  Collardeau  sort  pour  ses  afiàires ibid. 

Grande  attention  en  débutant ibid. 

Le  travail  va  de  pair  avec  les  plaisirs ibid. 

On  le  forme  pour  la  société .    •    .      67 

Différence  dans  son  existence ibid. 

L'ne  maîtresse    reçoit   ses  vœux ibid. 

On  vole   sou  porte-feuille 68 

Demande    d'autres  papiers ibid. 

Copie  de  son  certificat  de  civisme ibid. 

Son  père  arrive  à  Arras 69 

Ce  dernier  fait  des  spéculations ibid. 

CHAPITRE  XI. 

'79^'     Administrations  de  l'armée  arrivant  à  Arras  ....       70 
AN  I.     Copie  de  sa  commission  d'aide-garde-niagasiii  .    .    .  ibid. 

Enthousiasme   qu'il  éprouve. 71 

C'est  pour  lui  un    jour    de  bonheur  .......  ib'id. 


_     (  44.^  ) 

ïïéflexion   qu'il  fait  à  ce  sujet ihid. 

Augmentation  de  travail ihid. 

Ordre  d'aller  à  Uunkerque  .    .     * ibid. 

Copie  de  son  passe-port ibid. 

Départ  d'Arras 72 

La  plaine  de  Lens  est  traversée  au  galop ibîd. 

Idée  sur  la  bataille  gagnée  en  1648 73 

Rencontre  du  propriétaire  du  cheval ibid. 

En  route  pour  Lille  . ^  .    .    .    .  ibid. 

Beaux   points  de   vue 74 

On  voit  un  combat ibid. 

Il  parcourt  la  ville ibid. 

Retour    à   Arras ibid. 

L'inspecteur  s6  sépare ibid. 

Il  apprend  que  son  pavent  est  arrêté ibid. 

Chagrin  qu'il  en  ressent 75 

Démarche  à  la  prison  .......     • ibid. 

Visite   domiciliaire 76 

On  l'occupe  au  bureau ibid. 

M.  CoUardeau  livré  au  tribunal ,  est  acquitté  .    ...       77 

CHAPITRE  XII. 

Son  cousin  est   mis  en  surveillance  .......       79     17  95* 

Etant  réquisitionnaire ,  on  lui  écrit ibid.     an   i.. 

Un  ami  lui  rend  service  c 80 

M.  CoUardeau  écrit  aux  représentants  .......  ihid. 

Observation  sur  le  tutoîment ibid. 

R.éflexion  sur  le  titre  de  Citoyen  et  de  Monsieur.  .    .  ibid. 

Affligé,    il  va  voir  sa  cousine 81 

Elle  l'engage  à  se  rendre  auprès  de  son  mari  ....  ibid. 

Entretien  en  prison ibid. 

IMote  sur  le  député  Le  Bon 82 

Ouvrage  cité ibid. 

Retour  chez  sa  parente  et  dispositions  de  départ  .    .  ibid. 


J\J- 


(44-6) 

CHAPITRE  XÎII. 

Sortie   d'Arras *      84 

AK  11.     Remarque  sur  la  nouvelle  ère ibid. 

Réflexion  à  cause  de  sa  malle ibid. 

En  marche    pour  Péronne ibid. 

On  se  rend  à  Saint-Quentin 85 

Tz-ansport  Jusqu'à  la  Fère • ibid, 

Reudii  à  Laon  ,  ce  qui  lui  survient ibid. 

Observation  sur  le  maximum 86 

En  route  pour  Reims ibid. 

Arrivée  chez  son  père ibid. 

On  le  trouve  maigre ibid. 

Il  se  livre  au  repos 87 

Voyage  à  Olizi ibid. 

Demande  d'aller  à  Châlons ibid. 

Il  couche  dans  cette  ville  et  s'en  retourne.     .     .     .  ibid. 

Sa  malle    arrive 88 

Promenade  à  Olizi  et   retour ibid. 

Espoir  qu'il  a  d'être   placé ibid. 

Il  est  dénoncé ibid. 

Ordre  d'aller  à  la  munici|. alité 89 

Feuille  de  route  qui  lui  est  délivrée ibid. 

Observation  sur  la  réquisition ibid. 

Regret  de  n'avoir  pas  été  en  Chine ibid. 

Citation   à  ce  sujet ibid. 


CHAPITRE  XIV. 

1793.     Dépîirt     de    Dameri 91 

AN  n.     Séjour   à    Reims ,     .     .      .     .  ibid. 

Marche   sur   Rethel ibid. 

On  se    rend    à   Launoi ibid. 

Séjour  à  Mézières ibid. 

En  route  pour  Sedan ibid. 


(  447  ) 

Transport  jusqu'à  Carignan ibid. 

Arrivée   à    Messiacourt l'hicl. 

Composition  du  8™*  de  la  Marne l'I/id. 

Dignités  du  clief  de  ce  corps ibid. 

La  rigueur  du  froid  se  fait  sentir qi 

Vexe' ,  il  obtient  satisfaction ibùL 

On  le  distingue  dans  un  assaut g3 

Réflexion  à  ce  sujet »     .     .     .      .  ibid. 

Fête  du  jour  de  Tan .ibid.      ï794' 

Noms  des  jeunes  gens  de  Dameri cj^ 

Lecture  des  Aventures  de  Télémaque ibid. 

Tous  les  soirs  il  boit  du  cacis g5 

Ses  devoirs  sont  bien  remplis ibid. 

Un  soldat  se  blesse  par  inexpérience 96 

On  le  nomme  instructeur  de  la  2"'"  classe.      .      .      .  ibid. 
Xa  troupe  est  payée  en  assignats.      .     .      .      .     .      .  ibid. 

Course  à  Stenai ,  et  retour  au  camp 9^ 

Xe  camp  est  incendié ibid. 

On  cantonne  à  Messincourt 99 

CHAPITRE  XV. 

Le  bataillon  part  pour  Carignan 100     ï79Î* 

On  se  rend  à  Sedan ibid.     an  h. 

Transport  à  Mézières ibid. 

Ardoisières     de    Rimogne ibid. 

Passage  à  Rocroi ibid. 

En  route  pour  Chimai ibid. 

Arrivée  à  Philippeville ibid. 

Xa  troupe  loge  à  la   caserne 10 1 

Xe  6"^  de  la  Marne  y  tient  garnison ibid. 

Ln  habit  neuf  lui  est  délivré /^^V/. 

Sa  nomination  de  fourrier. ibid. 

Xe  bataillon   détaché  à  Neuville ibid. 

Electricité  des  météores ibid. 

Ce  qui  lui  arrive  à  l'exercice .102 


(  448  ) 

Coinhat  dans  le  bois   de  Florenne.     .     .     .     ,     .     io3? 
Rapport  sur  la  situation  des  troupes ibicL 

CHAPITRE  XVI. 

1794.     Le  8"'*   de  la  Marne  incorporé .     io4 

-AN  u.     Composition  du  3"'  du  Nord ibid. 

Agaceries    militaires •     .      .     .     .  ibid. 

Prix  gagné  à  la  course io5- 

Départ  pour  l'armée ibid. 

Rapport  du  combat  d'Aussoi ibid. 

Arrivée  des  troupes ibid. 

Rapport  des  bonnes  dispositions  de  l'armée.     .      .     .     io6 

Bataille  de  Bossut ibid. 

Rapport  de  cette  affaire 109 

lAirmée  se  reml  à  Beaumont *     .     .110 

Dispositions  pour  attaquer ibid. 

Article  du  Dictionnaire  des  Batailles.     .....  ibid. 

Observation  à  ce  sujet ibid» 

On  prend  la  ville  de  ïhuin .     .     .m 

Rapport  à  cette   occasion ibid. 

CHAPITRE  XVII. 

j^Qj.     L'armée  se    met   en  marche.     ....     ...     114 

A.\  n.     Incendie  de   l'abbaye  d'Aines ibid. 

Passage  de   la    Sambre ibid. 

La  pluie  rend  la  marche  pénible ibid. 

Surprise   du  bivouac  français ii5 

Attaque  de  la  position  de  Lierne 117 

Camp  formé  à  Fontaine-l'Evêque.     .     .     .     .     .      .     118 

Rapport  de  la  bataille ibid, 

t>a  prend  du  repos .     iig 

La   compagnie   doit  flanquer.     .......  ibid. 


(449) 
CHAPITRE  XVIII. 

Maîacle,    il    part    pour    Valcour .     t20      179'i. 

A    l'hôpital    (le   Philippeville .  ibid.     an  a. 

On  dresse  son  acte  de  décès. 121 

Formation  d'un   convoi. ibid. 

Départ    pour   Givet ibid. 

Transport    jusqu'à    Fumai \ii 

On  loge  à  Braux.      .      .     .     • ibid. 

Arrivée    à    Mézières .  ibid. 

En  route  pour  Launoi ibid. 

Alarche  sur  Rethel ibid. 

Ce  qui  se  passe  à  Reims ibid. 

En  route  pour  Dameri ibid. 

CHAPITRE  XIX. 

Arrivée    dans  sa    famille \iZ      ï794' 

Satisfaction  de  se  revoir ibid.     as  n- 

Grave  maladie ibid. 

Convalescence ibid. 

Départ  pour  Châlons  et    Vitri 124 

Entrée    à    l'hôpital .125 

En  se  baignant ,  il  manque  de  se  noyer ibid. 

Un  homme  est  tué  par  la  foudre ibid. 

Soldat  tombant  du  mal   caduc ibid. 

Exéat  de  l'hôpital ibid. 

Copie  de  son  billet  desortie 126 

En  chemin  pour  Châlons  et  Dameri ibid. 

Mort  de  son  frère  Eléonore.     ..'......     127 

Fête  de  l'agriculture ibid. 

Disposition  de  départ .  ibid. 

CHAPITRE  XX. 

En  route  pour  Reims 128     i794« 

Visite  k  M.  Collardeau ibid.     an  h. 


(45o) 

Mai'che  sur  Berri-au-Rac ibuL 

Chemin    de    Ciaonne. 129 

Séjour   à     Laoa • ibid. 

Départ  pour  Marie ibicL 

Logement  k   Guise ibid. 

La  nuit  est  passée  à  LanJreci ibid. 

En  subsistance  dans  le  i*"  du  Nord ibid. 

On  brûle    des    palissades ibid. 

Mèche  d'une  bombe  éteinte ibid. 

Reddition  du  Quesnoi , i3o 

Invention   des  télégraphes ibid. 

Détails  sur  les  Croates  ou  Pandoures ibid. 

Rapport  de  la    prise   de  la  ville ibid. 

Extrait  du   Dictionnaire    des  Batailles i32 

Ouvrage     cité ibid. 

On  veut  changer  les  habitudes  françaises.     .     .     •  ibid. 

Qualification  de  Citoyenne  j  la  cocarde i33 

Fête  publique ibid. 

Mort  de  Robespierre ibid. 

Ouvrage  cité ibid. 

En   subsistance  dans  la  85"* ibid. 

Blocus  de    Yalenciennes  .     • i34 

La   garnison  se    rend ibid. 

Rapport  de  la  prise  de  cette  ville ibid. 

Conditions  de  la  capitulation ibid. 

La  85"""  va  au  blocus  de   Condé ibid. 

Cette  place  se  rend ibid. 

Rapport  à   ce  sujet i35 

Demande  à  rejoindre  le  3""*   du  Nord ibid. 

Copie  du  certificat  de   la    85"'^ ibid. 

Route  expédiée  sur  Breda  . i36 

Adieux  et  dispositions  de  départ ibid. 

CHAPITRE  XXI. 

1794.      En  route    pour  Mons 13,^ 

AN  II.     Promenade  dans  cette  ville ibid 


(  45i  ) 

Miirclie    sur  Braine-le-Cointe ibid> 

Continuation  pour  Halle ibid. 

Arii^c^e  à  Bruxelles iSS 

Courses  sui-  le  port ibid. 

Bière     appcle'e    farau ibid. 

Départ  pour  Vilvorde ibid. 

JMarclie  sur  Malines ibid. 

Ou  couclie  à   Contick iSg 

Anvers  est  une  belle  ville ibid. 

Vue   de   l'Escaut ,     i^o 

Un    vaisseau    manœuvre ibid. 

En  route  pour   Hooghstratea ibid. 

Ketour  à    Anvers ibid. 

Bataillon    du   Mout-des-Chats •  ibid. 

Ouvrage  cité i^i 

Sa  feuille  de  route  est  changée  .    '. ibid. 

Dt^part    pour    Maliaes .-ibid. 

Marche  sur   Louvain ibid. 

Eu  route    pour   Tirlemont ibid. 

Il  entre  dans  un  ermitage ibid. 

Chemin    jusqu'à    Saint-Tron.    • 142 

Le  quartier-général  est  à  Tongi-es  .    . ibid. 

IVuit  passée  auprès  de  la  ville ibid. 

Séjour  à  Liège ibid. 

Ballon  élevé  en  lair ,  ibid. 

Détail  sur  cette  ville ibid. 

En  route  pour  Hui i  ^3 

Logement  à  Namur .-. ibid. 

Séjour    à   Dînant ibid,     ^î*'  m- 

CHAPITRE  XXII. 

Retour  au  bataillon  ,  à  Sauvet iKA     -.r-c^r, 

aon    acte  de   deces  la   précède ibid.     \y  m. 

Changement   dans  la   castramétation ibid. 

Pertes  éprouvées  par  la  compagnie  ........     145 

i.  5o 


(  45^  ) 

Noms  des  Damerlats  victimes  de  la  guerre  .....  ibid. 

Deux  gamelles  percées ibid. 

Le  corps  se  rend  à  Dinant i^Ô 

Ordre  de    de'part ibid. 

Lieux  occupés  par  le  batailloa ibid. 

CHAPITRE  XXIII. 

1794.     Le  corps  va  à  Emptines 1^7 

AN  m.     On  se  rend  à  Havelangen ibid. 

Transport   sur  Fraincux • ibid. 

La  troupe  traverse  Liège ibid. 

On   s'achemine  vers  Visé ibid. 

Le  bataillon  bivouaque  en  face  de  Maëstricht  ....  ibid. 

Galeries    souterraines ibid. 

Pieniarquc  à    ce   sujet ibid. 

Le  quartier-maître  lui  donne  du  travail 1^8 

On  lui  impose  une  punition ibid. 

Ruse  pour  donner  des  nouvelles  aux  assiégés  ...     149 

Observation   à    cet    égard ibid. 

La  tranchée  est  ouverte ibid. 

Réflexion  sur  les  hommes  du  bataillon ibid. 

Maisonnette   écrasée i5o 

Au  jour  ,  l'ennemi  fait  un  feu  très-vif. ibid. 

Contusion  reçue  à  la  tranchée ibid. 

Bombe ,  en  éclatant ,  occasione  de  l'hilarité.     .     .     .  ibid. 

Un  boulet  reste  à  ses  pieds i5i 

Courage  d'un  grenadier  blessé ibid» 

Réflexion   à  ce  sujet ibid. 

Le  siège  commence ibid. 

Cris  et  lamentations  des  habitants 152 

Service   pendant   le  bombardement ibid. 

La  ville  se  rend ,  et  la  garnison  met  bas  les  armes.      ,  ibid. 

Entrée  dans  la  place i53 

Rapport  de  la  prise  de  Maëstricht ibid. 


(453) 
CHAPITRE    XXIV. 


Le  bataillon  part  pour  Nieswiller  .     • 

On  loge  à  Aix-la-Chapelle 

Observation  sur  la  langue  allemande.     . 

En  route  pour  Dueren 

Bivouac  sur  le  chemin  de  Lechenich. 

Le  corps  va  à  Gross-Weisling  .... 

Course  auprès  du  Rhin 

Reflexion  sur  ce  fleuve 

Effets  de  la  chaleur  à  Rruhl     .... 

Fonctions  de  fourrier  par  inte'rim     . 

Costumes  et  usages  des  habitants  du  pays 

Le  bataillon  retourne  au  bivouac     . 
Abris  de  paille  et  rigueur  de  la  saison 
On  cantonne  dans  Gross-Weisling. 
Anecdote  arrivée  à  Fépouse  du  quartier-maîtr 

Départ  pour  Cologne 

En  marche  sur  IVeuss • 

Palais  incendié  à  Dusseldorf  .... 

Observation  à  ce  sujet 

Motifs  de  l'incendie 

Date  de  la  bataille  d'Aldenhoven*     . 
On  se  rend  à  Crevelt     .     .     «     .     •     • 
En  passant  par  Gueldres,  on  va  à  Issum 
Les  comptes  de  son  capitaine  sont  établ 

On  loge  à  Kapeleu    . 

Le  corps  se  l't'unit  à  Gueldres.   . 
Embrigadement  du  3"'"   du  Nord.  . 
Compagnie  dont  il  fait  partie.    .     .     . 
Formation  de  la  9""^  derni-brigade 

Epoque  de  l'amalgame 

Le  général  Lefebvie  ,  divisionnaire  . 
Ses  titres ,  au  monient   de   mourir   . 


v55 

ihid. 

ilfid. 
.  ibid. 
.  ibid. 
.  i56 
,  ibid. 
.  ibid. 
,  ibid. 

.  ibid. 
.  i5& 
.  ibid. 
.  ibid. 
.  ibid. 

.  ibid. 
.  ibid. 
.  ibid. 
.  ibid. 
.  160 
.  ibid. 
.  ibid. 
.  ibid- 
.  ibid' 
.  ibid. 
.  ibid. 
.  i6t 
.  ibid. 
.  ibid. 

.  ibid. 

.  ibid. 


»794- 
a:h  ni. 


(454) 

CHAPITRE  XXV. 


I794- 


Î795. 


On  cantonne  près  de  Clostei-Canip  • 
Le  feu  prend  dans  une  liabitation  rurale . 
Guet  du  clocher,  pendant  la  nuit     .     .     . 
Plaine  où  mourut  le  chevalier  d'Assas . 

Citation  à  ce  sujet 

Réflexion  que  fait   un  militaire  .... 
Pluralité   des  religions     ...,.,. 

Citation  à  cet  égard     .     .     • 

Les  comptes    du  3"'*   du  Nord  sont  rendus 
Observation  qui  en  est  la  conséquence . 
Hommes  qui  ont  figuré    sur  les  contrôles 
La  demi-brigade  se  réunit  à  Gucldres .     , 
Premières  capotes  délivrées  à  l'armée  .     . 
On  se  dispose  à  passer  en  Hollande     . 
Lieux  occupés  par  une  portion  du  corps, 


i6a 
ibicL 
ibicl 

i63 
ibid. 


.  ibid. 
.  ibid. 
.  ibid' 
.    i64 

.  ibid, 

.  ibid. 

.  ibid, 
,  ibid. 
.  ibid. 
,  ibid. 


CHAPITRE  XXYI, 


ir;(j5,      La  troupe  chemine  durant  un  grand  froid     .     ,     .     i65 

jiV  \n.     Ce  qui   survient  la  nuit ibid. 

Explication  sur  les  liignons     ...,..,.  ibid. 

On  déjeune  à  Cal  car ibid. 

Logement  pris  à  Till ibid. 

Remarque  sur  le  solstice  d'hiver     .,..,.     i6(i 

Kote  géograpliique  à  ce  sujet ibid, 

Piapport  sur  la  rigueur   de  la  saison.     ,     .     .     ,     .  ibid. 

Explication  du  thermomètre ibid. 

Moyen  qu'il  emploie  pour  patiner 167 

Vitesse  d'un  patineur 168 

Passage  du  Vahal 169 

On  va  coucher  a  Bemmel ibid, 

La  vigueur  de  la  saison  fait  souffrir ibid. 

Préservatif  contre  le  froid ,         ♦  ibid. 


(  4^?i  ) 

Description  Je  'a  chambre  où  il  couclio.     .     . 

En  chemin  ponv  Ainheim 

Flotte  hollandaise  prise  par  la  cavalerie  française 
La  compagnie  cantonne  à  Angcren     .... 

On  prend  les  armes 

Comment  on  relève  les  sentinelles     .... 
Rapport  du  passage  de  l'armée  en  Hollande 

On  paraît  placés  pour  hiverner 

Lieux  occupés  par  une  portion  de  la  troupe     . 


ihùL 

i-?o 

j 

.  ihid. 
ibid. 
ihid. 
ihid. 
171 
ihid. 
ibid. 


CHAPITRE    XXVII. 


Idée  des  maisons  de  campagne     .... 
.  Manière  de  conserver  les  fourrages. . 
La  langue  hollandaise  est  un  dialecte  partie ul 
Rapport  de  la  prise  d'Emmericb  .... 
Le  froid  cessant ,  le  dégel  a  lieu. 

Remarque  sur  les  digues 

Débâcle  du  Rhin 

Citation  à  cet  égard.      ........ 


On  bat  la  générale ,  crainte  d'être  englouti 

Le  jour  éclaire  le  danger 

Travaux  pour  éviter  la  submersion  . 
La  troupe  se  rend  à  Huessen     .... 
O]).servation  sur  la  rupture  des  digues .      . 
Les  eaux  s'éco niant ,  on  retourne  à  Angeren 

Mauvaise  nourriture 

Difficulté  pour  se  procurer  des  vivres . 
Soldats  mangeant  du  tabac 


La  compagnie  est  près  du  Tolhuis  . 
Beaucoup  d'hommes  tombent  malades. 
Rapport  de  la  situation  de  l'etinemi     . 


172 
ihid, 
ihid. 

\73 

ihid. 

,  ihid. 

ihid. 

174 

ihid. 

.'^^ 
ihid. 

176 

ihid. 

177 
ibid. 
ibid. 
ibid. 

178 
ibid. 
ibid. 


^793- 

AI*  111. 


(  456  ) 
CHAPITRE    XXVÎII. 

i^c)5.     Pont  sur    le    Vahal i-g 

^i\  m.     Réunion  à  ÎSimègue ihid. 

On  se  rend  à  Arnlichn ibid. 

Marche  sur  Doesbourg ihid. 

Séjour  à  Zufplien ibid. 

Logement  chez  un  habitant  riche ibid. 

Beauté  du  hnge  de  ce  particuher 1 80 

En  route  pour  GroU ibid. 

La  troupe  va  à  Borckelo ibid. 

Rapport  de  la  marche  de  l'armée ibid. 

Cantonnement  dans   des  villages ibid. 

Quartier-maître  et  fourriers  du  i"""  bataillon  prisonniers.   18 1 

Rapport  du  mouvement  de  l'armée ibid. 

Description  des  villages  de  la  Usière  de  Hanovre.      .  ibid. 

La  manière  de  coucher  de.'^uabitants i8i 

Bonne   chou-croute ibid. 

La  troupe  se  retire  du  pays ibid. 

Remarque  sur  le  terrain  occupé  par  le  corps.     .     .  ibid. 

Evacuation  de  cette  contrée ibid. 

Traité  de  paix  avec  la  Prusse ibid. 

Incendie    d'Emmerich i83 

Réflexion  qui  en  est  la  conséc|uence ibid. 

Idée   de  la  Hollande ibid. 

Produit  du  sol ibid. 

Climat  et  habitations ibid. 

Les  coutumes  des  Hollandais 184 

Occupations  des  femmes ihid. 

Manière  de  conserver  les  bestiaux i85 

Oiseaux  de  prédilection ibid. 

Genre  de  nourriture  des  habitants 186 

Instruments  aratoires ibid. 

Rapport  de  la  paix  avec  la  Prusse ibid. 

La  demi-brigade  détachée  dans  plusieurs  endroits.     .     187 

Lieux  occupés  par  une  portion  du  corps ibid. 


(  457  )    . 
CHAPITRE  XXÎX. 

En  quittant  Eninierich,  on  se  rendu  Calcar.     .     .     .     i88     ^"9^- 

Complication    âe   maladies ibifl.     an  ui. 

Il  entre  à    l'hospice iht'd. 

Le  fourrier   est   remplacé iùid. 

Pietour  ?i  la  comp;ignie  ,  à  Rhinberg 189 

On  le  désigne  pour  soutenir  des  lourrageurs.      .     ,     .  ibid. 

Des  charretiers  font  des    sottises ibid. 

Obseivation  sur  les  tartares ibid. 

Il  est  conduit  eu  prison 190 

Re'ception  de  bienvenue ibid. 

La  cérémonie  est  interrompue ibid. 

On  le  transfère  dans  un  cachot iqt 

L'incommodité  le  fait  tomber  malade ibid. 

Geôlier  se  relâchant  de  sa  sévérité 192 

On  lui  annonce  une  triste  nouvelle ibid. 

Mis  en  liberté ibid. 

On  lui  rend  les  objets  qu'on  lui  avait  ôtés 193 

Lieux  occupés  par  une  portion  du  corps ibid. 

CHAPITRE  XXX. 

Ou  cantonne  dans  les  environs  de  Gueldres 19/1     i-q'' 

La  troupe  se  réunit  à  Rhinberg ibid. 

On  s'achemine  vers  Urdingen ibid. 

La  demi-brigade  baraque  le  long  du  Rhin ibid. 

Pénurie  de  vivres ibid. 

Désigné  pour  aller  à  Liège ibid. 

Il  dirige  un  détachement ibid. 

On  se  rend  a  Juliers • ibid. 

Le  détachement  gagne  Aix-la-Chapelle 195 

Transport   jusquà  Limbourg ibid. 

Il  arrive  à  Liège ihid. 

Genre  d'occupations  ....    - ibid. 


Ay  ui. 


.    (438) 

Ses  promenades ihict; 

Travail,  que  lui  donne  son  capitaine ibicL 

CHAPITRE  XXXI. 

inc)5.     Son  frère,  à  Maëstvicht,  rentre  des  prisons  .    .    .    .     196 
AN  ni.     Observation  à  cet  elfet ihid. 

Il  s'éloigne,  ne  pouvant  le  rencontrer  .*....  ibid. 

En   mai'clie  sur  Guclpen 197 

Querelle  avec  des  paysans ihidi 

Dispositions  militaires ibid. 

Il  loge  à  Rolduc ibid.. 

La  couchée  a  lieu  dans  Aldenhoven ibid. 

Observation  à  ce  sujet ibid. 

Il  passe  à  Juliers 198 

Retour  à  Neuss ,    .  ibid- 

Bains  pris  dans  le  Rlûn ibid. 

Forcé  d'entrer  à  l'hôpital ibid. 

Effets  de  la  vermine ibid. 

Séjour  à  l'hospice  de  Closter-Mehr 199 

Il  se  rend  à  Neuss ibid. 

Retour  au  camp   d'Urdingen ibid. 

Exemption   de  service ibidé 

Le  fourrier  dénoncé  comme  faussaire ibid. 

Refus  d'en  remplir  les  fonctions ibiil. 

Corps  entrant  en  cantonnement 200 

La  demi-brigade  retourne  au  camp ibid. 

De  caporal,  il  devient  soldat ibid. 

Le  fourrier  est  conduit  en  prison ibid. 

Rivouac  à  Frimersheim ibid. 

On  travaille  à  des  retranchements ibid. 

Manière  de  blanchir  son  linge ibid. 

Paillettes  d'or  dans  le  Rhin  .    .    .    ~ 20 ï 

La  demi-brigade  détachée  dans  une  île ibid. 

Manque  de  vivres ibid. 

On  exerce  les  troupes ibid. 


(  459  ) 

Militaires  altaclu's  aux  barques ibid. 

Insulté  ,  il  en  tire  vengeance 202 

Sou  adversaire  est  blessé ibid. 

Lieux  occupés  par  une  portion  du  corps ibid. 

CHAPITRE  XXXII. 

Passage  du  f.Iiin 5.o4      1795. 

Débarqucmeut ibid.      k^  m. 

Rapport  qui  en  a  été  fait  , 2o5 

La  Constitution  L'St  signée 20^7 

Observation  à  cet  tfïet ibid. 

La  cavalerie  bat  deux  escadrons  ennemis  , ibid. 

Costume  de  la  lésiiou  de  Bussy-Pioban ibid. 

La  division  a  quelques  escarmouches ibid. 

Prise  de  deux  redoutes  autricblenues ibid. 

On  se  rend  à  Ukeratli  .     • ibid- 

Marche  sur  Altenkirchen ibid. 

La  division  s'approche  de  Dillembourg 208 

Elle  bivouaque  entre  Herborn  et  Wetzlar ibid. 

Des  eiFets  d'habillement  pris  à  Tennenii ibid. 

La  9"'"  demi-brigade  traverse  Wetzlar ibid.     an  iv. 

Bataillon  escortant  un  convoi ibid. 

Fourches  patibulaires  à   Butzbach 209 

Le  bataillon  rejoint  la  demi-brigade ibid. 

Rapport  des  prises  faites  sur  l'ennemi ibid. 

La  division  continue  sa  marche 210 

Un  officier  supérieur  prussien  voit  défiler  les  Français,  ibid. 

La  troupe  s'approche  du  ^lein ibid. 

On  baraque  devant  Kœchst ibid^ 

Rapport  depuis  le  passage  du  Rhin  jusqu'au  Mein  .    .  ibid. 

Envie  d'aller  à  Francfort .     2 1  r 

-  Permission  pour  s'y  rendre ihid. 

Voyage  dans  la  ville ibid. 

Retour  au    camp  .    .    .  ~ ibid. 

Lieux  occupés  par  une  partie  du  corps  .    .    .    .    .    .    .ibid 

I.  5i 


(  46o  ) 
CHAPITRE  XXXÎIÎ. 

1795.  L'ennemi  attaque îi3 

AN  IV.  Division  opérant  sa  retraite ibid. 

Rapport  de  la  situation   des  troupes ibid. 

On  traverse  Limbourg 214 

Un  caisson  brisé • ibul. 

Position  que  prend  la  division 2i5 

On  fait  sauter  le  pont ibid. 

Le  généial  harangue  chaque  corps ibid. 

Il  est  détaclié  pour  Montabaur ibid' 

Le  pont  de  IS'cuwied  est  embrasé ibid. 

Observation  à  cet  égard 216 

Auteurs  cités iqid. 

Son  soldat  d'escorte  gagne  une  île ibid. 

On  passe  la  nuit  à  Weisenthurn ibid. 

En  route  pour  Andernach • 217 

Logement  pris  à  Rémagen ibid. 

Description  de  cette  contrée ibid. 

Transport  à  Bonn ihid. 

On  s'achemine  vers  Cologne ibid. 

Escarmouches  que  l'on  voit  de  la  route ibid. 

Ari'ivé  à  Dusseldorf,  il  rejoint  la  compagnie.     .     .  ibid. 

On  prend  position ibid. 

Rapport  de  l'armée  après  la  retraite ibid. 

Dispositions  morales  de  la  troupe 218! 

Lieux  occupés  par  une  partie  du  corps     ....  ibid. 

CH.iPlTRE  XXXIV. 

i^C)5.     La  9"*  ayant  fait  un  mouvement ,  rentre  au  camp.    219 
AN  IV.     Elle  va  coucher  à  Oppladen ibid. 

On  bivouaque  près  de  Siegbourg ibid. 

Elle  se   rend  à  Cologne ibid. 

Piacemeut  des  troupes  dans  cette  ville ibid. 


(  4fîf  ) 

Sa  demoure  est  chez  un  «narcliand :     .     220 

Quatrain  à  l'égard  des  trois  doinoisellcs.     ....  ibid. 

Emploi  de  son  temps ibirl. 

Professeur  qu'il  se  procure ibid. 

On  ajoute  trois  livres  par  mois  à  la  solde.     .     .      .7.21 

Le  corps  fait  un  mouvement ibid. 

Il  va  en  face  de  ]\euss.     . ibid. 

Rentrée  en  ville ibid. 

Armistice  proposé  par  les  Autrichiens ibid. 

Observation  k  ce  sujet ibid. 

Course  à  l'arsenal ibid. 

Salle  des  corps  d'état 222 

Ln  juif  paie  à  la  barrière ibid. 

Visite  au  commandant ibid. 

Curiosités  de  la  ville 228 

Ordre  de   départ • ibid.      1796. 

Temps  obscur ibid. 

Le  corps  va  à  Neuss ibid. 

On  se  rend  à  Crevelt ibid. 

La  compagnie  cantonne  à  Wachtendonck ibid. 

Rapports  sur  les  quartiers  d'hiver ibid. 

Dispositions  pour  hiverner 225 

Lieux  occupés  par  une  portion  du  corps ibid. 

CHAPITRE  XXXV. 

Son  frère  aîné  dans  sa  famille 226     1796. 

Billet  d'hôpital >  ibid.     ak  iv. 

En  marche  pour  Venloo ibid. 

Il  loge  dans  un  village • ibid. 

Direction  prise  par  Susteren ibid. 

Beck  et  Maëstricht  sont  laissés  à  droite 227 

Il  couche  dans  les  environs  d'Havellangen ibid. 

La  Meuse  est  traversée ,•    •    •  ibid. 

Fumai  et  Rocroi  sont  laissés  de  côté ibid. 

Route  sur    Maubert-Fontaine ii>i(i' 


.  (  //'-^  ) 

A  Rozoi,  il  visite  son  ancien  pâtissier ihid^ 

De  Neucliàtel,  il  va  à  Dauioii 22B 

Surprise  qu'il  occasioue  à  ses  parents ibicl. 

Dénuement  où  se  trouvait  Tarmée ibicî. 

La  distance  qu'il  a  parcourue ibicî. 

Plaisir  qu'il  éprouve  à  revoir  son  frère il^id. 

Observation  à  ce  suj(;t. ihid. 

La  gendarmerie  informée  de  son  jeteur ibuL 

Jour  du  départ  fixé *22Q 

CHAPITRE  XXXVI. 

l'jgô.     En  route  pour  Aï -.    .     i'\o 

jMV  IV.     Arrivée  à  Cliàlons ihid. 

Feuille  de  route ihid. 

Visite  à  M.  Collardeau ihid. 

Séjour  à  Sainte-Ménéhould ihid. 

Fabrique  de  bouteilles  aux  Islettes ihid. 

A  Verdun,  on  laisse  un  camarade ihid. 

On  parcourt  la  ville 23 1 

En  marche  pour  Etain ihid. 

On  passe  à  Brici ihid. 

Chemin  jusqu'à  Metz ihid. 

Déclaration  d'un  songe ihid. 

Interprétation ihid. 

Le  camarade  en  prison ihid. 

Courses  dans  la  ville 282 

Réflexion  sur  sa  position ihid. 

Sa  marche  dirigée  vers  Thionville ihid. 

Autorisation  d'aller  à  Kédango ihid. 

Entrée  à  l'hôpital  de  Sarre-Libre ihid. 

Son  exéat ihid. 

Copie  du  billet  de  sortie       ihi^. 

Admis  dans  l'artillerie  à  cheval l'jj 

,    Ordre  de  rejoindre  sou  corps ihid. 


(4G3) 
CHAPITRE  XXKVIT. 

En  route  pour  Forbach 9,34      '79^* 

Logement  à  Sargueniines ihid.     an  iv. 

Warclie  continuée  sur  Douguenon ihid. 

Il    couclie  à  Plialzbourg ibid. 

Chemin  suivi  par  Wasselonne ibid. 

Arrivée  à  Strasbourg ibid. 

Son  frère  est  à  Molsheim ibid. 

On  le  place  en  sulîsistance ibid. 

Temps  passé  agréablement 235 

Départ  pour  Haguenau ibid. 

Route  sur  Niderbronn ibid. 

II  s'égare  la  nuit  dans  la  forêt ibid. 

Lumière  qu'il  aperçoit  .    .    .    .  ' ibid. 

Observation  sur  sa  triste  position 236 

Comment  il  est  reçu  chez  des  charbonniers  ....     iZ'j 

Son  hôte  le  conduit  à  Bitclie ibid. 

En  marche  pour  Sargueniines 238 

Logement  reçu  à   Sarbruc ....  ibid. 

Il  traverse  Sarre-Louis ibid. 

En   route  pour  Hilbring ihid. 

Transport  à   Sarbourg ibid. 

Séjour  à  Trêves ibid. 

Chcinin  pour  Trarbacli ibid. 

Il  passe  a  Witlich ibid. 

Logement  à  Polch ibid. 

Arrivée   à   Coblentz ibid. 

Observation  relative  au  fort  d'Ehrenbreistein  ....  ibid. 

Marche  sur  Andernach ibid. 

Passage  à  Bonn ibid. 

Il  travQi'se  Cologne 289 

Direction  sur  Neuss ibid. 

Logement  à  Dusseldorf ibid- 

On  l'envoie  à  Kaiser svert .  ibid. 


(  m  ) 

Il  rejoint  la  compagnie ibîtJ, 

Son  hôte  est  fermier ilid. 

Changements  opérés  en  son  absence xhiil. 

Développement  de  la  végétation •     .  ibid. 

Maladie  qu'il  a  gagnée  en  route ibid. 

Il  entre  à   l'hôpital ibid. 

Visite  du  général ibid. 

Il  voit  éprouver  des  canons 240 

Retour  à  Ratingen ibid, 

La  9°'*  demi-brigade  a  le  n"  io5""' ibid. 

Point  de  changement  à  l'état-major,  qui  reste  le  même.  241 

Compagnie  à  laquelle  il  appartient  . ibid. 

Effectif  du  corps • ibid» 

Manière  de  prendre  les  chevaux  sauvages ibid. 

Ordre    de  départ ibid. 

Lieux  occupés  en  son  absence  -. ibid. 

CHAPITBE   XXXVin. 

ï7î)6-     Camp  devant  Dusseldorf  (duché  de  Berg)  .    .     •   .    .     i^-y. 

AN  IV.     Son  fermier  lui  donne  de  l'eau-de-vie ibid. 

On  va   à    Oppladen ibid. 

Passage  de   la  Wupper ibid. 

L'ennemi  est  attaqué ibid. 

P»ataillon  détaché  de  la  105""* ibid. 

Il  commande   un  poste 243 

Quatorze  grenadiers  hongrois  prisonniers  de  guerre. /i/f/. 

Citation  à  ce  sujet ibid. 

Le  bataillon  rejoint  le  corps 245 

Rapport  de  l'entrée  en  campagne ibid. 

Compte  rendu  par  le  général  Rléber 246 

Troupe  remplie  d'ardeur  pour  combattre  ....  248 
Lieux  occupés  par  une  portion  de  la  loS""*.     .     .     .    249 


(465) 


CHAPITRE    XXXIX. 


Dispositions  pour  se  battre otSo 

Le  détail  de  l'action •     •     •  ^^"^• 

Trait   de  'l'-siiitéressement i5i 

Rapport  de  la  batiiillc  d'Altenkirchen iùid. 

Appel  fait  après  le  combat 2^4 

Bivouac  sur  la  route ibid. 

La    xoj™*  passe  à  Hachenbourg ibùL 

Position  prise  sur  la  Lahn ibùL 

La  division  se  rend  à  M  etzlar i/nd. 

De'tail  du  combat  d'Altenburg.  Eau-de-vie  qu'il  boit.    iùid. 

Rapport  qui  en  a  été'  fait 237 

Troupe   harassée   se    disposant  a  la  retraite.      .      .      -2^9 
Lieux  occupés  par  une  portion  du  corps iùsd. 


A>"    IV. 


CHAPITRE    XL. 


On  marche  la   nuit 260 

Il  reçoit  un  coup  de  pied  de  cheval.     .....  ibid. 

Secours  de    ses  camarades ibid. 

La  retraite  continue.  Il  est  exténué  de  fatigue.     .      .     iGi 
Cadavre  d'un  homme  assassiné  dans  un  bois.      .      .      .  ibii/, 

La  troupe  prend  position 262 

On  détache    le    i*"^    bataillon ibid. 

Bataille  d'Ukerath,   funeste  à  la  io5"* ibid. 

Le  2™^   bataillon   souffre   beaucoup ibid. 

Correspondance  du    général  Kléber ibid. 

Idem  sur  le  champ  de  bataille 2G3 

Extrait  des    Victoires   et  Conquêtes 2G5 

Observation  à   ce    sujet ibid. 

Jeunes  gens  de  Dameri ,  victimes  dans  cette  journée.     2G8 
Marche  pour  défendre  le  pont  de  Siegbourg.     .      .  ibid. 

La  division  se  retire  sur  la  Wupper 269 

Marche  rétrograde  vers  Oppladen ibid. 


AX  IV. 


(  4(u;  ) 

On  arrive  à  Dnsseldorf. 

Reçu  fourrier  pour  action  d'édat.  .  . 
Comment  il  paie  sa  bienvenue.  .  .  , 
Rapport  fait  après  la  retraite.  .  .  . 
Lieux  occupes  par  une  portion  du  corps. 


ibid. 
ihicL 
ibicL 
270 
ibid. 


CHAPITRE   XLI. 


179G,      La  troupe  part  de  Dusseldorf.     ... 
Ai''  îv.     £lle  traverse  Midlicim 

La  io5""'   detacliée   sur  Pextréme  gauolie 

Rapport  lie  la  maixlie  en  avant  de  l'armée 

Bataillons  en  mouvement  versTlillcmlsourg 

On  veut  déborder  la  droite  de  l'ennemi. 

Remarque  sur  les  fusils  à  vent. 

Le  pays  c|ue  l'on  parcourt  est  boisé 

Rapport  de  l'aUatpie  de  AVildendorf. 

La   loo™^  dans  les  environs  d'Herborn 

On  s'arrête  à  minuit 

En  passant  la  Lalm ,  on  rejoint  la  division 

On  se  dirige  à  gauche  de  Piutzbach. 

Combat  d'Ober  et  INider-Merle.      . 

La  io5"'*  n'a  pas  lieu  de  donner 

Une  aft'aire  s'engage  à  Ockstadt. 

La  division  sc-jouine 

On  s'approcbe  du  Mein.      .      .      . 

Francfort  est  cerné 

Sommation  aux  magistrats. 

Menace    du  général 

La  ville  est  bombardée  .... 

On  prend  possession  de  cette  capitale 

Rapport  à  ce  sujet 

Toute  l'armée  se  dispose  à  continuer  ses  conquêtes. 

Lieux  occupés  par  une  portion  du  corps.     .     .     , 


ibid. 
ibid. 
ibid. 
27'jt 
ibid. 
ibid. 
ibid. 

ibid. 
ibid. 


ibid. 
ibid. 
ibid. 

.   2^4 

ibid. 
ibid. 

ibid. 


ibid. 
ibid. 
ibid. 

275 
ibid. 
ibid. 

276 
ibid. 


(  467  )  , 
CH.U'ITRE  XLII. 

La  division  se  rend  à  Hanau n.^'j      i-'QÔ. 

Cheniius  difficiles.      . l'bid.     an  iv. 

Situation  de  la  loS""*" i^id. 

EiTots  d'un  orage ibid. 

Ou  a   séjour ibid. 

La  division  arrive  à  Gemiinden ibid. 

Elle  se  rend   à  ScliAveinfurt 2^8 

Observation   relative  au   costume  des   femmes.   .     .  ibid. 

Ripport  sur  la  prise  de  cette  ville ibid» 

Mouvement  vers  Lauringen ibid. 

Dépêche  du  Directoire  exécutif ibid. 

Procès-verbal  dressé  pour  des  objets  précieux.     .     .     279 

Le  général  en  clief  malade.     .  ' 280 

Capitulation    de  Kœnigshofen      .......  ibid» 

Réflexion  sur  la  troupe ibid. 

Un  soldat  est  fusillé ibid. 

Discours  à  ce  sujet.     . 281 

Les  officiers  montrent  un  grand  courage ibid. 

On  continue  Ja  route  sur  Bamberg ibid. 

Rapport  de  la  prise  de  cette  ville .  ibid. 

Autre  rapport  du  même  jour 283 

Combat    de    Strullendorf .  ibid. 

On  marche  sur  Forcheim ibid. 

Rapport  de  la  prise  de  cette  place ibid. 

Le  général   Kléber  malade .     283 

Avant-garde  à  Neuhof ibid. 

Ou  occupe  Bullac. ibid. 

Marche    sm*    Loch ibid, 

La  place  de  Rottenberg   se  rend ibid. 

Rapport  qui  en  a  été  fait ibid. 

Plusieurs  divisions  réimies ibid. 

Extrait  de  l'ordre  général 284 

Autre  de  celui  du  général  en  chef. ibid. 

1.  32 


(  468  ) 

Combat  en  avant  de  Sulzbach 283 

Fusillade  pendant  la  nuit ibid^ 

Effet  quelle  produit ibicL 

Piapport  de  cette  bataille ibid.^ 

On  s'avance  sur  la  Vils 286 

La  troupe  séjourne ibid. 

Arrivée  de  la  division  auprès  de  la  Nab ibid. 

Le  quartier-général  est  à  Nabburg 287 

Remarque  relative  à  l'armée .  ibid. 

Incendie  dans  la  ville ibid. 

CILIPITRE  XLIII. 

1796.     On  bat  en  retraite 288 

'ak  IV.     Extrait  de  Tordre  général ibid. 

La  di^'ision  prend  position ibid. 

Rétaljlissemait  du  général  Kléber .  ibid. 

Le  rapport  détadlé  de  la  retraite 289 

Soldats  buvant  de  la  bière  par  excès 290 

Défaut  de  grandes  routes ibid. 

Extiait  de  l'ordre  général 291 

La  division  passe  par  Yilseck ibid. 

Ouvrage  cité  sur  les  dangers  que  court  l'armée.     .    292 

Village  dont  le  cloclier  est  foudroyé ibid. 

On  passe  à   Peguitz ibid. 

La  troupe  est  fatiguée ibid. 

Chaque  corps  reste  sous  les  armes ibid. 

La  division  va  à  "Weyterbach ibid. 

Extrait  de  Tordre  du  général  en  chef 293 

Les  habitants  révoltés  fatiguent  la  troupe ibid. 

On  traverse  un  village  incendié 294 

Bon  usage  de  deux  pains ibid. 

La  division  s'approche  de  Forcheira ibid. 

Course  dans  cette  ville ibid. 


(  4^'0  ) 

CHAPITRE  XLIV. 

On  se  dirige  le  long  de  la  Rednitz  .    . «gS     1796. 

Habitations  incendiées ibid.     am  iy« 

Position  devant  le  gué  de  Seussling ibid. 

Querelle   avec  un  foui'rier 296 

On  rejoint  la  division ibid. 

Position  prise  par  la  troupe ibid. 

L'ennemi  se  présente  en  force ibid. 

Ordres  copiés  pour  le  chef  d'état-major ibid. 

plusieurs  villages  incendiés 297 

Ce  qui  arrive  au  moment  d'une  charge ibid. 

Observation  sur  la  bravoure  de  plusieurs  femmes  .    .  ibid. 

Course  dans  Bamberg 298. 

Distributioh  des  vivres ibid. 

Occupation  de  Bamberg  par  l'ennemi ibid. 

L'armée  continue  sa  retraite ibid. 

Extrait  relatif  à  la  marche  de  l'armée ibid. 

CHAPITRE  XLV. 

O  n  passe  le  Mein  à  Halstadt 3oo      Ï79S* 

Chute  dans  une  espèce  d'étang ibid.     ak  iv. 

Séché ,  il  aperçoit  de  la  vermine ibid. 

On   prend    position 3oi 

Mouvement    sur   Zeil ibid. 

Combat  particulier  avec  un  fourrier ibid. 

Son  adversaire  est  blessé ibid. 

La  troupe  auprès  de  Lauringen ibid. 

Nouvelle  organisation  que  reçoit  l'armée 3o3 

Le  général  Kléber  ,  malade  ,  se  retire  de  l'armée  .    .    .  ibid 

Bataille  de  Wurtzbourg ibid. 

La  105"^  escorte  les  blerisés  de  cette  affaire ibid. 

Convoi  dirigé  sur  Hanielburg ibid. 

On  continue  la  route  par  Bruckenau ibid. 


(  470  ) 

Le  convoi  epronve  des  privations ihid. 

A  Fulde,  on  donne  des  secours  aux  blessés  ....     3o3 

Eloge  des   habitants  et  de  la  troupe ibid. 

Difficultés  pour  le  transport ibid. 

En  route,  blessés  abandonnés  la  nuit  dans  un  bois  .     3o4 
Observation  à  ce  sujet • ibid, 

CHAPITRE  XLVI. 

1796.     Le  convoi  arrive  à   Grunberg 3o5 

Â'n  IV.     S:npiise  de  la  ville  par  l'ennemi 3o6 

■Départ  du  convoi ihid. 

•On  bivouaque  auprès  de  Giessen •  ihid. 

Le  convoi  continue  sa  route ilnd. 

■  Rapport  de  la  retraite Soj 

Autre  rapport  sur  la  position  de  l'armée  .    .    .    .    .  ibid. 

Infanterie  enfermc-e  dans  Giessen ibid, 

Marche  de  la  division  par  une  autre  route 3o8 

Lieux  qu'elle  a   parcourus ibid, 

CHAPITRE  XLVII. 

Ï796.     Position  près  de  la  Lahn 309 

AN  IV.     Le  canon  est  tiré  sur  les  avant-postes  .......  ibid. 

Autrichiens  dans  Giessen.  Le  général  Bonnaud  blessé  .  ibid. 

La  io5'"*  arrive  en  face  de  cette  ville 3 10 

Plusieurs  ennemis  tués  par  des  pierres •  ibid. 

On  permet  aux  Autrichiens  d'enlever  leurs  morts  .    .     3 1 1 

Retiaite  sur  Herborn ibid. 

La  division  s'établit  à  Altenkirchen ibid. 

Rapport  de  la  retraite ibid. 

Le  général  Marceau  blessé  mortellement ibid. 

Quatre  rapports  qui  ont  été  faits 3i2 

La  division  en  avant  d'Ukerath 3 1 3 

Elle  se  transporte  auprès  de  Bensberg  .......  ibid. 


(470 

Rapport  cle  la  retraite ihid.     an  v. 

Le    géne'ral  Jourdan  donne  sa  démission ibld. 

Son  ieinpiarant  est  le  général  Beuinonville  ....     3i4 

Force  de  la    io5'"* 'V^iV/. 

Service  durant  cette   campagne ibid. 

L'ennemi  attaque  . ilnd. 

Rapport  qui  en  a  été  fait ibid. 

La  io5™'' se  rend  à  Langenbourg ibid. 

Elle  bivouaque  dans  la  forêt  de  Bensberg 3i5 

Quelques  escarmouches ibid. 

Dépôt  à  la  jambe  gauche ibid. 

L'ennemi  surprend  les  grand'gardes  . ., ibid. 

Un  soldat,   nommé  Lecourt,  l'emporte ibid. 

Dragon  qui  les  accoste 3i6 

Il  traverse  la  plaine  à  cheval ibid. 

Sou  compatriote  reçoit  ses  remercîments ibid. 

Entrée  à  l'hôpital ibid. 

Il  n'y  a  point  de  rapport.  Pamphlets  contre  l'armée  .    817 
Lettre  du  général  Lefebvre  concernant  des  libelles  .  ibid. 

Occupations  pendant  qu'il  se  rétablit ihid. 

La  io5"'*  traverse  Cologne ihid. 

Rapport  de  la  marche  de  la  division ihid. 

Certificats  de  convalescence ibid. 

Il  travaille  chez  le  conamissaire  .    .    .  ' ibid. 

Suspension  d'armes 3i8 

Rapport   à  ce  sujet ibid. 

Départ  de  Cologne 319 

Il  loge  à  Andernach ibid. 

Un  poste  de  Pandoures  fait  feu  sur  lui ibid. 

Arrivée  à   Sohalkenbach ibid. 

Décompte  fait  en  argent ibid. 

Itinéraire  delà   io5™^ ibid. 

Lieux  qu'elle  a  occupés 320 


(  47^  ) 
CHAPITRE  XLVIII. 

l'jqn,     ^^  compagnie  fait  le  service  au  pont  de  Neuwied  .    .    822 
ÀV  Y.     Retour  au  cantonnement •     .    •  ibid. 

On  se  rend  à  PistorfF ,    .  ibid. 

L'armistice  est  rompu ibid. 

On  passe  le  Rhin  sur  le  pont  de  Neuwied  .....  ibid. 

Pourparlers  entre  les  généraux  des  deux  armées  .   .    .     323 

La' bataille  s'engage ibid. 

Détail  des  prises ibid. 

Rapport  qui  en  a  été  fait 824 

Ce  qu'il  y  a  eu  de  capturé 826 

On  se  rend  à  Moiitabaur ibid. 

Marche  par  Liui bourg ibid. 

La  troupe  se  dirige  sur  la  Lahn  ,  qu'elle  passe  .    .    .  ibid. 

Elle  s'élance  vers   Kœnigstcin ibid. 

On  se  transporte  auprès  de  Francfort ibid. 

Des  obstacles  vaincus.  Le  général  Ney  prisonnier.  .    .    827 

L'ennemi  suspend  sa  marche ibid. 

Sacs  mis  à  terre  pour  mieux  se  battre ibid. 

Dispositions  de  paix  annoncées ibid. 

Rapport  à  ce  sujet ibid. 

Préliminaires  de  la  paix 829 

Visite  de  plusieurs  dragons  de  la  Tour ibid. 

La  Nidda  sert  de  démarcation ibid. 

On  distribue  les  cantonnements ibid. 

Lieux  occupés  par  la  io5"'* ibid. 

CHAPITRE  XLIX. 

\n(\n.     La  compagnie  couche  à  Ober-Merle 33 1 

AN  V.     Elle  cantonne  à  Munster ibid. 

Le  magister  du  village  est  son  hôte ibid. 

Rapport  de  l'entrée  en  cantonnement ibid. 

Dans  ce  village  ,  il  n'a  point  d'occupations ibid. 


(473) 

Distribution  de  ses  instants 33l 

Il  les  continue  de  même ibid. 

On  le  nomme  membre  du  conseil  d'administration  .    .  ibid. 

Sentinelle  en  faction  depuis  36  ans ibid. 

Manière  de  s'habiller 333 

Les  cantonnements  sont  changés ibid. 

Compagnie  se  dirigeant  sur  Arnelsheim       ibid. 

Elle  se  rend  à  Erbenlï^im 334 

On  se  transporte  à  Limborn ibid. 

Ensuite  à  W  ohnercheim ibid. 

Départ  pour  NideiTelle ibid. 

En  marche  sur  Irgstein ibid. 

On  couche  à  Ober-Rosbach ibid, 

La  troupe  passe  à  Roderad .  ibid. 

Elle  cantonne  cà  Maybach ibid. 

Son  logement  est  chez  un  fermier ibid. 

Genre  d'existence  qu'il  se  trace ibid. 

Sortie  du  village  et  retour ibid. 

On  le  félicite  sur  sa  manière  d'écrire ibid. 

Grand  bruit  dans  les  airs ibid. 

Invitation  aux  habitants  pour  des  souliers 335 

Mort  du  général  Hoche ibid. 

La  compagnie  se  rend  à  Hombourg ibid. 

Elle  rejoint  l'armée ibid.     an  vi. 

Cérémonie    funèbre ibid. 

Anêté  du  Directoire  à  ce  sujet 336 

Epitaphe  du  défunt ibid. 

Le  général  Augereau  commande  en  chef  .  ' ibid. 

Nouvelle  dénomination  que  reçoit  l'armée ibid. 

On  réorganise  la  loS"^ ibid. 

La  compagnie  se  rend  k  A^'^isbaden 33^ 

Ouragan  sur  le  Rhin ibid. 

Marche  jusqu'à    Schwalbach ibid. 

Le  corps  du  général  est  inhumé  ...» ibid. 

Rapport  à  ce  sujet ibid. 

Transféré  à  la  Toia- Blanche ibid. 


(  474  ) 

La  compagnie  se  dirige  sur  Caub 33S 

£lle  se  transporte  à   Wisbaden ibid. 

On  se  rend  à  Kœnigstein  ............  ibid. 

Demeure  chez  un  boulanger ibid. 

Explication  d'un  proverbe  allemand ibid. 

L'ne  visite  au   prieur  des  Capucins ibid. 

Voyage  à   Francfort ibi-d. 

Kapport  d'un  mouvement  de  l'armée ibid. 

Une  partie  du  foit  s'écroule  .     .  ^ 33g 

Mavence  se  rend ibid. 

Rapport  à  ce  sujet ibid. 

On  se  livre  aux  plaisirs ibid. 

^7'J"'     fête  donnée  par  le  général  en  chef ibid. 

CHAPITRE   L. 

i79>"^       La  compagnie  se  rend  à  AVisbaden 34o 

AJN  VI,     Observations  sur  les  cantonnements ibid. 

La  loS*"'  dans  Mayence ibid. 

On  loge  à  la  citadelle 34 1 

Maître  de  langue  qu'il   prend ibid. 

Départ  d'un  Danieriat ibid. 

Congé  qu'il  fait  obtenir ibid. 

Dispositions  de  départ ibid. 

La  iod"^  repasse  le  Rbin ibid. 

Compagnie  à    Ober-Reifenberg  .     .     .     .     .      .  ,  .  ibid. 

On  fait  de  la  musique  tous  les  soirs 34** 

Usage  de  danser  le  dimanche ibid. 

Le  ministre  corrige  ses  thèmes ibid. 

IMort  de  sa  sœur  et  de  sa  mère ibid. 

Il  se  livre  à  la  douleur ibid. 

On  reçoit  Tordre  de  départ 343 

La   io5"^  se  réunit  à  Cassel 'bid. 

Observations  sur  les  cantonnements ibid. 

Départ  pour  Alzey ibid. 

Chemin  dirigé  par  Worms 344 


(  ^f^  ) 

i\îarrhe  du  côté  de  Spire ibid. 

Piéflexion  sur  les  anabaptistes ibid. 

On  va  k  Landau ibid. 

Machine  imitant  le  tonnerre ibid. 

De  jeunes  personnes  font  de  la  musique 3/p 

La  troupe  se  rend  à  A\  eis^'embourg ibid. 

On  s'achemine  vers  Haguenau ibid. 

Airivée  à  Slrasl)ourg ibid. 

Lieux  occupés  par  une  portion  du  corps ibid. 

Chirurgien- major  consulté 34<> 

Du  fourrier  est  malade ibid. 

Livres  loués ibid. 

Détail  des  ouvrages ibid. 

Entrée  à  l'hôpital ibid. 

Tatouage  sur  le  bras  gauche 347 

t*romenade  par  la  ville ibid. 

îletour  à  son  poste ibid. 

Dispositions  de  départ ibid. 

Un  discours  d'acUeu 343 

CHAPITRE  LL 

En  route  pour  Benfeld ;    .    *    .    349     t-q8. 

Direction  prise  par  Schélestadt ibid.     ax  vi. 

Transport  jusqu'à  Colmar ibid. 

Logement  reçu  à  Cernai ibid. 

Marche  sur  Béfort ibid. 

Séjour  à  Porentrui ibid. 

Passage  du  Picrre-Pertuis ibid. 

En  route  pour  Bienne 35o 

Arrivée  à  Morat ibid. 

Observations  sur  les  sculptures  de  cette  ville ibid. 

Ils  sont  dirigés  sur  Aveuclie 35 1 

Motif  du  fameux  ossuaire  de  Morat .  ibid. 

Diminution  des  os ibid. 

Le  commandant  les  traite  mal 352 

t.  55 


(  47^î  ) 

Destruction  du  charnier  de  Morat ihuL 

On  les  regarde  comme  des  curiosite's 353 

Chagrin  qu'ils  e'prouvcnt ibid. 

On  reniar(jue  une  dame ibid. 

Discours  qui  lui  est  adressé ihidi 

Elle  (  n  éproUve  une  émotion 35^ 

Le  fourrier  est  indigné ibid. 

Il  hai'angue  le  peuple ibid^ 

On  les  conduit  hors  de  la  ville  d'Avenche ibid. 

Fuite  de  la  femme  qui  les  guide 335 

Arrivée  à  Fribourg ibid. 

Emplettes  de  plusieurs  choses ibid. 

Remarque  sur  le  pays ibid. 

Nouvelles  de  la  io5"" 356 

En  maiche  pourPa\erne ibidé 

Logement  reçu  à  Moiidon ibid. 

Kuit  passée  à  Montprevayre  , ibid. 

Arrivée  à  Lausanne ibid. 

Séjour  dans  cette  ville ,.•...  ibid. 

Le  logement  est  à  Carouges ibid. 

Promenade  dans  Genève 35^ 

Ateliers  d'horlogerie ibid. 

La  route  continuée  pour  Lyon ibid. 

CHAPITRE  LU. 

1798.     En  route  pour  Collonge 358^ 

AN  VI.     Lieu  où  se  perd  le  Rhône  . ibid. 

Marche  sur  Nantua 359 

Logement  à  Bourg  .    .    .   • ibidt 

Promenade  dans  la  ville •    .  ibid. 

On  passe  au  Pont  d'Ain ibid. 

Gîte  reçu  à  Meximieux ibid. 

Arrivée  à  Lyon ibid. 

jNouvelles  de  la    io5"'^ ibid. 

Séjour  employé  dans  la  ville  .    • ibid. 


(  477  ) 

Observation  sur  le  titre  de  Citoyen SCto 

En  route  pour  Rivc-dc-Giers ihuL 

Ou  va  à   S.iiiit-Etienne «    .  ilnd. 

Remarque  sur  le  briquet  pneumatique ihid. 

Arrivée  à  Moiitbrison 36 1 

Fatigué,  il  prend  du  repos ihid. 

Lieux  occupés  eu  son  absence ihid. 

Malade  ,  il  couche  à  Saiut-Simpliorien 3(S2 

En  route  pour  Lyon ihid. 

Logeaient  reçu  à  Bourgoin ibid. 

Transport  à  la  Côte-Saint-André ibid. 

Chemin  sur  iVloirans ibid. 

arrivée  à   Grenoble - ibid. 

Livres  loués 363 

Il  entre  à  l'hôpital ibid. 

Jiffet  de  la  sommité  des  Alpes ibid. 

\isite  du  médecin  ...    .\  ...    * ibid. 

Lecture  faite  poue  s'instruire ibid. 

Il  reçoit  des  leçons  de  musique ibid. 

Dans  le  bain ,  il  se  trouve  mal ibid. 

Les  remèdes  sont  impuissants 36^ 

Son  billet  de  sortie  lui  est  remis ihid.     an  Vil. 

En  route  pour  Moirans ibid. 

Transport  sur  la  Côte-Saint-André ibid. 

Chemin  vers  Bourgoin ibid. 

Arrivée  à  Lyon ibid, 

Vue  des  Alpes ibid. 

Ce  qui  se  passe  chez  un  perruquier ibid' 

Rapport  sur  les  cadenettes 365 

Conjiaissauce  d'un  capitaine  d'Epernai ".    366 

Entrée  des  spectacles ibid. 

Il  connaît  M.  Saint-Ange ibid. 

Punition  de  huit  jours  d'arrêts ibid. 

Chien  hydrophobe  tué 36^ 

Procuration  envoyée  à  son  père ihid. 

Belle  tenue  delà  loS™" ibid. 


(  4-s  ) 

Le  «ort  le  désigne  pour  la  107"'" ibid, 

Oi-  ]iù  remet  une  lettre  de  recommandation  ....    368 
Dispositions  de  départ ibid, 

CHAPITRE  LUI. 

1798.     On  quitte  la  ville  de  Lyon 869 

AK  vu.     La  poste  aux  ânes ihid. 

Pjomenade  dans'  la  ville  de  Vienne ihid. 

On  se  rend  à  la  Cùte-Saint-André ihid. 

En  marche  pour  Moirans •     ...  ihid. 

Arrivé  à  Grenoble  ,  il  compte  à  la  107""*  .....    .ihid. 

Composition  du  corps ihid. 

Le  logemiMit  est  dans  un  couvent 870 

Entri'es  i^ralis  au  spectacle ihid. 

Il  va  à  des  noces  auprès  de  Vizille ihid. 

Partie  de  chasse 871 

On  loge  chez  les  habitants ihid. 

Conscrits  pour  le  corps ihid, 

^799*     Enlrée  à  l'hôpilal .    .  ihid. 

L'n  caporal  tombe  en  léthargie 872 

Querelle  avec  un  hussard ihid. 

Le  combat  cesse 378 

Ruse  découverte iijid. 

Le  2"*  de  la  107'"*  va  à  Pierre-Latte ihid. 

Sortie  de  l'hôpital ihid. 

En  route  pour  Moirans  , ihid. 

La  nuit  est  passée  à  Saint-Marcellin 874 

Marche  sur  Romans  .    • ihid. 

Séjour  à  Valence .   ihid- 

Route  continuée  par  Loriol.     ..,,....  ihid. 

Logement  reçu  à  Montélimavt ihid. 

Passage  retardé  à  Douzère  ,  à  cause  des  voleurs.     .     .  ihid. 

Arrivée  à  Pierre-Latte ibid' 

Un  riche  part  culier  est  «on  hôte. ihid. 

ïdées  sur  les  vers  à  soie ihid. 


(  479  ) 

Chnnt  (le  la   cigale ; 3^5 

Ordre   de   départ ihid, 

Dfjcuuer  avec  des  petits  pâte's ibicL 

CHAPITRE  LIV. 

En  route  ponr  Montélimart.  Il  est  incommodé.      ,     .    3^6     17Q9. 

Ln<;euient  à    Loriul ibid.     an  vri» 

Arrivée  à  Valence ,  où  l'on  passe  la  revue  ....  ihid' 

le  chemin  est  dirigé  sur  Crest ibid' 

On  loge  à  Die ibid' 

La  nuit  passée  à  Luc 3^^ 

Transport  à    Saint-Pierre ibid. 

Arrivée  à  Gap ibid. 

Contrôles  préparés ibid. 

Revue   passée ■ ibid. 

Le  commandant  est  mécontent  de  lui ibid, 

II  est  puni  à  l'avant-garde 3^8 

Passage  à    Embrun ibid. 

Logement  à  Saint-Crépin ibid. 

Manière  de  vivre  des  montagnards ibid. 

Ce  qu'ils  font  au  dégel 379 

On  traverse  Briançon  et  le  Mont-Genèvre 38o 

Idées  de  la  chaîne  des  Alpes  Cot tiennes ibid. 

Marche  de  la  troupe 38 1 

Le  hâvre-sac  d'un  soldat  est  englouti ibid. 

Description  d'une  avalanche ibid- 

Proverbe  allemand 38^ 

On  arrive  à  Oulx  en  même  temps  que  le  Pape  .     .     .  ibid. 

Sa  Sainteté  donne  sa  bénédiction ibid. 

Rapf)ort  relatif  à  la  marche  du  Saint-Père  ....  ibid. 

Le  bataillon  loge  à  Suze ibid. 

On  se  rend  à  Avilliaue 383 

Arrivée   à   Turin ibid. 

On  le  met  en  liberté .  ihid. 

Le  général  Schérer  commande  l'armée ibid. 


(  48o  )      • 

Article  du  Moniteur  à  ce  sujet ibicL 

Promenade  dans  la  ville ibid. 

Des  prêtres  dans  les  cafés 384 

Improvisateurs  . ibid. 

Désignation  de  l'anTie'e  austro-russe ibid. 

Le  de'sarmement  des  Turinois ibid. 

Bataillon  de  la  I  07"'' à  la  citadelle. 385 

Force  de  la  garnison ihid. 

Cuisine  malfiiisanle ibid, 

CHAPITRE  L^' . 

179g.     Les  Austro-Russes  s'approchent  de  Turin.     ....    386 
AN  vu.     Trahison  des  habitants  et  surprise  de  la  ville  .     .      .  ibid. 

Il  met  le  feu  à  une  pièce  de  canon ibid. 

Le  généial  Fiorella  se  rend  sur  le  rempart.  .  .  .  387 
Des  mihtaires  se  précipitent  dans  les  fossés.      .     .      .  ibid, 

Iiitre'pidité  d'un 'soldat. ibid. 

Lu  parlemeutaire  ennemi  paraît  .......  ibid. 

Sacs  laissés  sur  l'esplanade 388 

Du  sable  mêlé  avec  de  la  poudre  dans  les  cartouches,  ibid. 

On  fait  feu  sur  des  barbets. ibid. 

Bâtiments  incendiés 389 

On    ne  tire  plus  du  côté  de  la  ville ibid. 

Rapport  relatif  à  la  position  de  l'ennemi     ....  ibid. 

On  fait  sauter  un  mur ibid. 

Moyen  que  l'on  a  prétendu  être  employé.  .     .     •     890 

Une  fusillade  a   lieu ibid. 

La  garnison  fait  quelques  sorties ibid. 

Durant  la  nuit ,  la  tranchée  est  ouverte  ....  ibid. 
L'ennemi  commence  le  siège  de  la  citadelle  .  .  .  ihid. 
Détails  à  ce  sujet.  Sergent  qui  a  la  jambe  cassée     .     •     Sgi 

Il  n'y  a  qu'un  blindage ibid. 

Malheurs  causés  par  l'ennemi     .     .     * ibid. 

On  entre  en  pourparler Sg'î 

s  lin  caporal  enlevé  clans  les  airs  (  le  citoyen  Cheval  ).     .  ibid. 


(48.) 

Seigent-niajor  mort  sans  être  frappé  (le  citoyen  Filet),  ibid. 

Trait  de  courage  d'une  vivandière ibicL 

Magasin  à   pondre  donnant  dos  craintes     ....     SqS 

Le   bombardement    reconunence ibicL 

Tout  est  prêt  pour  l'escalade ibidi 

INouvelles  de  soldats ibid. 

Incendie  d'un  dépôt  d'effets  de  campement     .     .     .     394 

On  arrête  une   capitulation ibid. 

Voici  les  conditions  qui  ont  été  conclues     ....  ibid. 

Ptapport  des  opérations  du  siège 899 

Citation  du  Dictionnaire  des  Batailles ibid. 


CHAPITRE  LVI. 


On  évacue  la  citadelle     .  '.     i i    ^oZ     ^799' 

Musique  pénible  h  entendre ibid.     as  vu. 

Bonne  contenance  de  l'escorte.  Révolte  des  barbets.     .  ibid. 

Observation  à   ce   sujet 4^4 

Dispositions  du  siège ibid. 

Remarque  sur  l'artillerie  étrangère ibid. 

Force  de  la  garnison  à  sa  sortie ibid. 

Récit,  en  cinq  paragraphes,  des  Victoires  et  Conquêtes,  ibid. 

Citation  à   cet  égard ibid. 

Marche  jusqu'à  Saint-Georges 4°^ 

Distribution  des  logements ^on 

On  se  rend  à  la  Novalaise ibid. 

Avant-postes  français ibid. 

Passage  du   Moat-Cénis     , ibid. 

Trois  descriptions  de  cette  partie  des  Alpes     .     .     .     4^^ 

Arrivée  à  Lans-le-Bourg 409 

Lettre  adressée   au   Gouvernement     .     .     ,     .     ,     .41*' 

On  se  reîid  à  Vernei 4i2 

Logement  à  Modane.  Bergère  des  Alpes     ....  ibir^. 

Séjour  à  Saint-Jean  -  de  -  Maurienue ibid. 

Aiguebelle.  Apparition  d'un  ours.  Goitreux  et  Crétins .  ?Z'/V/, 
On  loge  à  Montmélian ^l'i 


(  482  ) 

Séjour    k  Cliambéri *     .     .  ibich 

On  se  rend  aux  Echelles.  Rocher  coupé ibidi, 

La  troupe  va  au  Pont-Je-Reauvoisin ibidi 

Cascades  que  l'on  apeiçoit  sur  la  route: ibid. 

On  se  dirige  vers  la  Tour-du-Pin  ....*..  ibid. 
Logement  reçu  à  P»ourgoin  ....*...  .4^4 
Arrivée  à  Lyon,  où  l'on  séjourne     .     .     ^     .     i     ,     .ibid* 

En  route  pour  Saint-Simpliorien ibid. 

On  reste  à  Montbrison  poui'  se  reposer     .     ^     .     .     .  ibidt 

CHAPITRE   LVIL 

*799*  Partant  pour  riiopital  ,  il  va  à  Saint-Simpliorien  .  .  4*5 
AN  vn.     Etant  à  l^yon ,  il  obtient  une  convalescence     .     .     .  ibid. 

Départ   pour    Yillefranche ibid. 

Logement   reçu  à  Mâcou      .     .     .     .    *     i     .     ,     .416. 

IXult  passée  à  Tournus ibid- 

Séjour  à  Cliâlons-sur-Saône ibid. 

Chemin  continué  vers  Chagnl     ....<...  ibid. 

En  route  pour  Pieaune ibid. 

Logement  reçu  à  Nuits.  Pays- aux  fameux  vins     .     .  ibid. 

Séjour  à  Dijon ibid. 

Départ  pour  Chanceau ibid. 

Passage  à  Troyes ibidi 

Chemin  par  Arcis-sur-Aube 4^7 

Route  dirigée  vers  Sommessous ibid. 

'  Arrivé  h  Châlons ,  il  visite  M.  Collardeau     ....  ibid. 

Il  parvient  à  Epernai ibid. 

Terme  de  son  voyage  à  Dameri     .......  ibidi 

Sa  manière  de  vivre ibid. 

Lettre  écrite  à  son  capitaine 4^^ 

Départ    du  côté  de   Sézanne ibid. 

On  va  à   Yillenauxe ,     .  ibid. 

En  chemin  pour  Provins.  Roses  de  l'Orient     .     .     .  ibid. 

Arrivée  à  Cessoi ibid. 

On  y  reste  8  jours ^     .     .  ibid. 


(  485  ) 

Retour  par  Provins 4^9 

On   se  transporte  à  la  Ferté-Gaucher ihi(L 

En  route  vers  Montmirail ihnL 

Chemin  continué  sur  Dornrans •    .  ihid. 

Arrivée  à  Dameri ibid. 

Voyages  dans  divers  lieux ibid. 

ISouvellc  lettre  à  son  capitaine ibid. 

Date  de  cette  épître ^10.     an  viiu 

Bains  de  vin  pris  dans  des  cuves ibid. 

Vin  vendu  à  un  marchand  insolvable  .......  ibid. 

En   route  pour  Fère-en-Tardenois ibid. 

Transport  jusqu'à  Soissons ibid. 

Oa  fait  résilier    le  marché 4^^ 

Lanuit,on  voit  un  météoreigné.  Phénomènelumineux.  ibid. 

On  arrive  à  Dameri ibid. 

Réponse  de  son  capitaine ibid. 

Dispositions  pour  rejoindre  la  107"^ 4^^     1800. 

CHAPITRE  LVIII. 

En  route  pour  Château-Thierri 4^^     1800. 

Passage  à  Meaux ibid.     an  vin. 

Arrivé  à  Paris ,  il  y  rejoint  M.  CoUardeau ibid. 

Etablissements  pubhcs  qu'il  parcourt ibid' 

Spectacles  où  il  va.  Restaurateur  et  carte ^1^ 

Le  comité  de  santé  lui  accorde  un  mois ibid. 

Il  écrit  à  son  capitaine  pour  lui  annoncer  son  retour  .  ^iS 
Départ  p'"  Orléans,  où  Jeanne  d'Arc  s'est  renduecélèbre./^iV/, 
Résolution  de  voguer  sur  la  Loire ibid. 

Manière  de  vovaçîer ibid. 

o 

On  aborde  k  Amboise ibid. 

Pvécit  des  malheurs  de  la  Vendée  .........  4^6 

Auteur  cité ibid. 

Observation  ;.  ce  sujet ibid. 

Logement  à  Port- la-Vallée,  après  avoir  failli  périr  .  ibid. 

Il  paie  son  transport 4^7 

i.  34 


(4B4) 

Arrivée  à  Angcvs .  ihicl. 

Il  voit  les  édifices  piililics  et  remet  ses  papiers  .    .    .  ibid. 

La  compagnie  est  au  Lion-d'Angers ^  ibid. 

\\  reprend  ses  fonctions 4^^ 

Leçons  d'armes  qu'il  reçoit ibid. 

Pacification  avec  les  Chouans  .    .    .    , ibid. 

On  retourne  à  Angers ibid. 

Troupe  logée  au  Roncerai  ...........  ibid. 

Jeunes  militaires  versificateurs  avec  qui  il  se  lie  .    .    .  ibid. 

Le  bibliothécaire  lui  confie  des  livres ibid. 

Décret  poui:  organiser  la  gendarmerie  à  pied  ....  ibid. 

Lettre  de  MM.  Paillnrt  à  ce  sujet 4^9 

Correspondance  avec  les  mêmes .ibid. 

11  lui  parvient  une  dépêche 4^0 

Ordre  du  citoyen  Noireau ibid. 

Visite  à  ce  chef  de  division ibid. 

Il  copie  sa  lettre  de  passe  de  brigadier  . 4^1 

Réflexion  qui  en  est  la  conséquence ibid. 

Lettre  au  général  Wirion ibid. 

On  le  prévient  qu'il  doit  partir  sous  peu ^Zi 

Les  sous-officiers  s'assemblent  pour  nommer  un  sergent,  ibid. 
Il  en  instruit  plusieurs  du  motif  de  la  convocation  .  .  4^^ 
On  le  choisit  à  runanimité  ;  i*  est  reçu  sergent  .  .  .  ibid. 
Son  nouveau  capitaine  règle  son  compte  ...    .    .    .     4^4 

,        Il  se  rend  chez  le  quartier-maître -    •    •      ibid. 

Copie  de  son  congé ibid. 

iHoo.     Observation  à  ce  sujet  . ibid. 

AN  viu.     Décompte  cjui  lui  est  fait 4^^, 


FIN    DE   LA   TABLE    DU    PREMIER    VOLUME. 


(485) 
APPENDICE. 


Page  25o,  entre  les  lignes  9  et  10,  intercaler  le  pava- 
graphe  que  voici  : 

Dans  ce  moment ,  le  6"*  régiment  de  chasseurs  à  cheval 
fila  au  trot,  à  côté  de  nous,  pour  inquiéter  la  gauche  de 
l'ennemi.  Le  fourrier  Bouvrain  Georges-François,  qui  en 
faisait  partie ,  pressa  la  main  de  plusieurs  Dameriats ,  ses 
compatriotes.  Les  Impériaux,  peu  après,  firent  une  dé- 
charge sur  cette  cavalerie  ;  et  le  citoyen  Bouvrain  ,  atteint 
d'une  balle  qui  lui  traversa  la  jambe  droite,  fut  contraint  de 
se  retirer  du  conxbat.  En  repassant  devant  nous  ,  chacun  lui 
promit,  en  hâtant  le  pas  ,  de  venger  sa  blessure. 

Page  25o  ,  ligne  dernière  ,  et  iSi ,  ligne  1'  %  ajouter  à  la 
suite  de  ces  mots  :  je  m'élançai  sur  lui ,  et ,  «  Fincere  mit 
»  mo?n  (i)  !  «  je  lui  plongeai  ma  baïonnette,  etc.  (i)  Vaincre 
ou  mourir  \ 

Page  346  ,  ligne  dernière  ,  lire  après  agréablement: 

A  cette  époque,  tous  les  Français  de  18  à  ^5  ans,  étant 
obligés  de  servir,  un  iiuuvait,  Jaiis  les  grades  inférieurs, 
des  jeunes  gens  qui  étaient  fort  érudits  ,  et  qui  avaient  reçu 
une  excellente  éducation  ;  la  classe  de  fourriers  se  faisait 
particuhèrement  remarquer  sous  ce  rapport. 

Page  367,  entre  les  lignes  23  et  26  ,  lire  ce  qui  suit  : 

Ces  militaires,  tant  par  leur  boime  conduite,  la  modéra- 
tion de  leurs  principes  politiques,  que  par  leur  obéissance 
aux  lois  de  la  subordination,  gagnèrent  l'estime  générale 
des  habitants.  Ceux  qui  voulurent  y  former  des  établisse- 
ments ,  trouvèrent  des  femnies  riches ,  ou  des  partis  plus 
avantageux  qu'ils  n'auraient  pu  l'espérer  dans  toute  autre 
circonstance. 


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