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HISTOIRE
ANCIENNE
DES
PEUPLES DE L'ORIENT
/
^^^^
PARIS. — TYPOGRAPHIE LAHURE
Rue de Fleoras, 9
HISTOIRE
ANCIENNE
DES
PEUPLES DE L'ORIENT
PAR
G. MASPERO
Professeur de langue et d'archéologie égyptiennes
au Collège de France
OUVRAGE CONTENANT NEUF CARTES ET QUELQUES SPECIMENS
DES ÉCRITURES HIEROGLYPHIQUES ET CUNEIFORMES
DEUXIEME EDITION
AUGMENTÉE D^CN INDEX GÉNÉRAL
PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET G'«
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
1876
A
TABLE GÉNÉRAXE
LIVRE PREMIER.
l'Egypte jusqu'à l'invasion des pasteurs.
Chapitre I". L'Égypto primitive 1-53
Le Nil et TÊgypte, p. 1. — Origine des Égyptiens, les nomes, p. 13 ; — de
la religion, p. 26. — Établissement de la monarchie historique : Mena,
p. 52.
CnAP. IL Période Mempliite 54-96
Mena et les dynasties Thinites, p. 54. — Les trois premières dynasties
Memphites et l'époque des Pyramides, p. 60. — La littérature égyp-
tienne pendant la période Memphite, p. 78. — * De la VI" à la XI* dy-
nastie, p. 88.
Chip. III. Période Tliébaine 97-130
La XI* dynastie, débuts de la puissance Thébaine, p. 97. -^ La XII* dynas-
tie ; conquête de la Nubie; le lac Mœris, p. 101. — De la Xlli* i la
XV» dynastie, p. 127.
LIVRE II.
l'ASIE AVANT ET PENDANT LE TEMPS DE LA DOMINATION ÉGYPTIENNE.
Chap. IV. La Chaldée 131-180
Les populations primitives de la Chaldée, p. 131. ~- Histoire fabuleuse de
la Chaldée; le déluge; les premiers rois historiques, p. 152. — L'inva-
sion cananéenne et les pasteurs en Egypte, p. 168.
Chap. V. La Conquête égyptienne 180-231
La Syrie et l'empire chaldéen depuis l'invasion cananéenne jusqu'aux in-
vasions éi^yptienncs, p. 180. — La XVIII* dynastte, p. 198.— La XIX* dy-
nastie : Sèti 1°' et Ramsès II, p. 213. *
Chap. VI. Les grandes migrations maritimes et la vingtième dy-
nastie • 232-273
La colonisation sidonienne et l'Asie Mineure, p. 232. — Les migrations des
oeuples de l'Asie Mineure et l'Exode, p. 247. — Ramsès III et la XX* dy-
nastie, p. 261.
vr Table générale
L[VRE m.
l'empire assyrien et le monde OBIENtAL JUSQD'A t'ATÉNEMENT
* DES SàRGOMIDES.
Chap. VII. Le premier empire assyrien. — Les Juifs au pays de
Canaan 274-305
L'Assyrie; Ninus et Sémlramis; Touklat habal-asar !•', p, 374. — > Gonqaète
du pays de Canaan par les enfants d'Israël; Moïse; Josué, p. 286. — La
Palestine et 1^ Phénicie au temps des Juges, p. 293.
Chap. VIIL L'Empire juif. 305-341
Débuts de la royauté juive; Samuel, Saûl et David p. 305. — Salomon ; le
schisme des dix tribus, p. 321. — Israël et Juda jusqu'à Tavénement
d'Orari ; la XXI* dynastie cgyplienne; Sbeshonq I*'; commencement du
royaume de Damas, p. 3:3.
Gna?. IX. Le second empire assyrien jusqu'à l'avènement de
Saryoukin , . . . 342-393
Assour-nazir>habal et Salmanassar III; les rois de Damas et la maison
d'Omri, p. 342. — Décadence momentanée de l'empire assyrien. Les
prophètes d'Israël : Jéroboam II; Touklut-habal-asarll; chute de Da>
mas, p. 360. — La XXIl« et la XXtIl* dynastie. Les Éthiopiens en Egypte
Piànkbi et Shabak; chute du royaume d'Israël- » .^76.
LIVRE IV.
LES SARGONIDES ET LE MONDE ORIENTAL JOSQU'a L'aVÉNEMENT
DS KYROS.
Chap. X. Les Sargonides 394-439
Saryoukin (72l-70i) ; guerre contre l'Egypte, l'Élam et l'Arménie ; con-
quête de laChaldée, p. 39*. — Sin-akhéirib (704-681), Tahraqaet Hiz-
kiah; guerres contre l'Êlara ; Assour-akhé-idin (fi8t-637); campagnes
d'Arabie, p. 40'*. — Les Assyriens en Egypte : Tahraqa (692-666); con-
quête de 1 Egypte par Assourakhéidin (672) ; Assour-ban-habal (667-6. .} ;
Conquête de TÉlam, p. 476.
Chap. XI. L>sie au temps des Sargonides 439-472
Les Sémites occidentaux: la Phénicie; la Judée, p. 439. — La Médie et
les migrations iraniennes, p. 452. — La religion iranienne : Zoroaare ;
les Mages, p. 463.
Chap. XIÏ. Le monde oriental au temps de Tempire mède. . . 472 509
L'empire mède; Kyaxarês; les Kimmériens en Asie; chute de Ninive ('i2'0;
la Lydie, p. 472. — La XXVI" dynastie; Ps.miétik I*' et Néko II; bataille
de Karkémish, p. 48'*. — L'empire chaldéen et le monde oriental depuis
a bataille de Karkémish jusqu'à la chute de l'empire roêde, p. 497*
TABLE GÉNÉRAIJ5. VM
LIVRE Y.
L*BUPIRE PEASI
Ceaf. Xin. La conquête perse 510-550
Le inonde oriental i l'avènement de Kyros; Krœsos et la Lydie ; AhmèsII
et l'Egypte ; Naboud-nahid et la Cbaldée; conquête de la Lydie (S54); les
Perses dans l'extrême Orient (5&4-539); chute de l'empire cbaldéen (536),
p. SIO. — Kambysès; Ahmès II et Psamétik III; conquête de 1 Egypte
tentatives sur la Libye et rÉlhicpie ; le faux Smerdis, p. &23. — Gaa-
mata et Darios I; réorganisation et division de l'empire perse; expé-
ditions vers le Nord et vers l'Est, en Scylhie et en Grèce, p. S38.
Chap. XIV. La décadence et la chute de Tempire perse 550-569
Xerxès I"; les guerres médiques; Artaxerxès I«'; Dirios U, p. 550. — Ar-
taxerxès II (4U5-36'i); Artaxerxès III Okhos (36?-34(0 Les dernières dy-
nasties indipènes de l'Egypte ; Darios ÎII et Alexandre de Macédoine
chute de Tenipire perse, p. 560.
Ghap. XV. Les écritures du monde oriental 570-608
Des procédés employés à la formation des écritnres antiques ; les carac-
tères cunéiformes, p. $70. — Les écritures égyptiennes : Tnlphabet, le
syllabaire, les signes déterminatifs, p. S84. — Origine de l'alphabet phé
nicieo ; ses dérivés ariens, p. 599.
Index général 609-658
FIN DE LA TAnE GÉNÉRAUT
CARTES
CONTENUES DANS l'hiSTOIRB ANCIENNE
DES PEUPLES DE l'ORIENT
Pages
Egypte pharaonique ■ 24
L'Assyrie et la Chaldée d'après les données monumentales. ... t36
La Syrie au temps de la donïinatioD égyptienne 180
L'empire Égyptien de la xviii" à la xx* dynastie 200
Les colonies phéniciennes dans le bassin de la Méditerranée.. 232
Les Xri Tribus d'Israël 296
Empire Assyrien au temps des Sargonides 392
Empire Chaldéen et empire Mède 472
Empire Perse au temps de Darios 544
J
HISTOIRE ANCIENNE
DBS
PEUPLES DE L'ORIENT
LIVRE PREMIER.
L'EGYPTE JUSQU'A L'INVASION DES PASTEURS.
CHAPITRE PREMIER.
L'EGYPTE PRIMITIVE.
Le Nil et l'Egypte. — Origine des égyptiens; les nomes. — De la
religion égyptienne. — Établissement de la monarchie liistorique ;
Mena.
I<e Ifll et nËuPTFte.
Des hautes chaînes de montagnes neigeuses qui bor-
dent au Sud et à l'Est le plateau de l'Afrique centrale,
s'échappent une foule de torrents et de rivières qui se rejoi-
gnent bientôt et forment au fond de la vallée une série de
bassins superposés, sortes de mers intérieures d'où leurs
eaux désormais confondues dans un même lit s'écoulent
vers le Nord. En quittant la région des grands lacs où il
cache ses sources, le nouveau fleuve court à travers d'im-
menses savanes entrecoupées de bois et de marais. Il en
sort pour incliner légèrement à l'Est, comme s'il voulait se
jeter dans la mer Rouge; mais, arrêté à mi-chemin par un
massif montagneux au travers duquel il ne peut passer, il
se redresse et s'unit sur la gauche au Bahi^l-Azrek et au
mST. ANC. 1
2 CHAPITRE I.
Tacassi qui lui apportent les eaux de l'Abyssinie. Il se
heurte bientôt après contre le plateau du Sahara et s'y
creuse un lit tortueux où son cours, interrompu quatre
fois par des rapides, s' étage et descend lentement vers la
Méditerranée sans plus recevoir aucun affluent. C'est la
partie septentrionale de cette vallée, entre la première ca-
taracte Bt la mer, qui a fotmé de tout teùips 1*6 territoire
de l'Egypte.
Le premier des voyageurs qui ait visité l'Egypte, le pre-
mier du moins qui nous ait laissé le récit de son voyage,
Hérodote d'Halicarnasse, a résumé l'impression que pro-
duisit sur lui cette terre des merveilles en uiie seule phrase
souvent citée : « L'Egypte est un don du Nil*. » L'Egypte
n'est qu'une bande de terre végétale tendue à travers le
désert, une oasis allongée aux bords du fleuve et sans
cesse pourvue par lui de l'humidité nécessaire à la végéta-
tion. Il faut l'avoir vue au moment des plus basses eaux,
un mois avant le solstice d'été, pour se figurer ce qu'elle
deviendrait si quelque accident la privait de son fleuve
nourricier. « Le Nil s'est resserré entre ses rives au
point d'être réduit à la moitié de sa largeur habituelle,
et ses eaux troublées, limoneuse^, Magnantes, semblent à
peine couler dans une direction quelconque. Des bancs
plats ou des masses abruptes d'une boue noire, cuite et re-
cuite au soleil, forment les deux berges de la rivière. Au
delà, tout n'est que sable et sjtérilité, car c'est à peine si
le khamsin, ou vent chargé de sable qui dure quarante jours,
a cessé de souffler. Le tronc et les branches des arbres
apparaissent çà et là à travers l'atmosphère poudreuse,
aveuglante, enflammée, mais les feuilles sont tellement
revêtues de poussière, qu'à distance on ne peut les distin-
guer du sable du désert qui les environne. C'est seulement
au moyen d'arrosages pénibles et laborieux qu'on parvient
à entretenir quelques semblants de verdure dans les jar-
dins du Pacha. Enfin, — -et c'est le premier indice qui an-
nonce la fin de <^ette terrible saison, -^ le vent du Nord,
1. fiérodote. II» 7.
L'ÉGYÏ^TE PRMÏTIVE. 8
rÈtésien dt^ Orrecs, se lève et se met à souffler avec force,
parfois méiûe avec furie, pendant tout le jour. Grâce à lui
le feuillage des bosquets qui recouvrent la Basse Egypte
est bientôt débarrassé de la poussière et reprend sa couleur
verte. Les ardeurs dévorantes .du soleil, alors au plus haut
de sa Course, sont aussi fort à propos amoindries par le
vent q€ii règne <5e mois-là et les trois suivants sur tout lo
pays d'Egypte.
« Bientôt un changeaient se produit dans le fleuve. On
signale au nilomètre du Caire une hausse d*un pouce ou
deux ; les eaux perdent le peu de limpidité et de fraîcheur
qpui en faisait hier encore une boisson délicieuse. Elles
prennent la teinte verte, gluante et terne de Teau saumâtre
entre les tropiques, sans que filtre au monde ait réussi
jusqu'à ce jour à les séparer de la substance nauséabonde
et malsaine qui cause ce changement. Le phénomène du
Niî vert provient, à ce qu'on dit, des vastes nappes d'eau
stagnante qwe le débordement annuel laisse sur les larges
plaines sablonneuses du Darfour, au sud de la Nubie.
Après avoir croupi six mois et plus sous le soleil des tro-
piques, ces eaux sont balayées par l'inondation nouvelle et
rentrent dans le lit du fleuve. Il est heureux que ce phé-
nomène dure rarement plus de trois ou quatre jours, car,
si 'Côurt que soit ce temps, les malheureux contraints de
s'abreuver au Nil, lorsqu^l est dans cet état, éprouvent des
dotileurs de vessie insupportables. Aussi les habitants des
villes ont-ils la prévoyance d'approvisionner d'eau leurs
réservoirs et leurs citernes.
« Dès lors la rivière augmente rapidement de volume et
devient trouble par degrés. Il s'écoule pourtant dix ou
dïmze jours avant Tapparition du dernier et du plus ex-
traordinaire phénomène que présente le Nil. J'essaierai de
décrire les «premières impressions qu'il me fit éprouver.
Crétait à la fin d'une nuit longue et accablante, à mon
juger du moins : au moment oii je me levai du sopha
sur lequel j'avais tenté vainement de dormir à bord de no-
tre bateau que le calme avait surpris au large de Beni-
sûûef, ville de la Haute Egypte, le soleil montrait tout
4 CHAPITRE J.
juste le bord supérieur de son disque au-dessus de la
chaîne Arabique. Je fus surpris de voir qu'à Tinstant où
ses rayons vinrent frapper l'eau, un reflet d'un rouge pro-
fond se produisit sur-le-champ. L'intensité de. la teinte ne
cessa d'augmenter avec Tintensité de la lumière : avant
même que le disque se fût dégagé complètement des colli-
nes, le Nil offrait l'aspect d'une rivière de sang. Soupçon-
nant quelque illusion, je me levai à la hâte, et, me pen-
chant par-dessus le bordage, ce que je vis me confirma
dans ma première impression. La masse entière des eaux
était opaque, d'un rcmge sombre et plus semblable à du
sang qu'à toute autre matière avec laquelle j'aurais pu la
comparer. En même temps, je m'aperçus que la rivière
avait haussé de plusieurs pouces pendant la nuit, et les
Arabes vinrent m' expliquer que c'était là le Nil rouge,
La rougeur et l'opacité de l'eau sont soumises à de con-
stantes variations, tant qu'elle reste dans cette condition
extraordinaire. A de certains jours, quand la crue n'a pas
dépassé un pouce ou deux, les eaux redeviennent à demi
transparentes, sans perdre toutefois cette teinte d'un rouge
sombre dont j'ai parlé. Il n'y a point là de mélange nuisi-
ible, comme au temps du Nil vert : l'eau n'est jamais plus
saine, plus délicieuse, plus rafraîchissante que pendant
l'inondation. Il y a des jours qù la crue est plus rapide, et,
par suite, où la quantité de limon charrié dépasse, dans la
Haute Egypte, la quantité entraînée par toute autre rivière
à moi connue : même, en plus d'une occasion, j'ai pu m'a-
percevoir que cette masse opposait un obstacle sensible à
la rapidité du courant. Un verre d'eau que je pris alors et
que je laissai reposer pour un peu de temps, fournit les
résultats suivants : la partie supérieure du liquide resta
parfaitement opaque et couleur de sang, tandis qu'un pré-
cipité de boue noire remplissait environ le quart du verre.
Une» portion considérable de ce limon est déposée avant
que la crue atteigne la Moyenne et la Basse Egypte, où je
n'ai jamais vu l'eau du Nil en cet état.
« Il n'y a peut-être pas dans tout le domaine de la na-
ture un spectacle plus gai que le spect«icle présenté par la
L'EGYPTE PRIMITIVE. 5
crue du Nil. Jour après jour et nuit après nuit, son cou-
rant troublé roule et s'avance majestueusement par delà
les sables altérés des immenses solitudes. Presque d'heure
en heure, tandis que nous remontions lentement poussés
par le vent du nord, nous entendions le fracas produit par
la chute de quelque digue de boue ; nous voyions, au mou-
vement de toute la nature animée vers le lieu où le bruit
venait de retentir, que le Nil avait franchi un nouvel ob-
stacle et que ses eaux bondissantes allaient répandre la
vie et la joie au milieu d'un autre désert. Des impressions
que j'ai reçues, il y en a peu dont le souvenir me laisse
autant de plaisir que l'impression causée par la vue du
Nil, à sa première invasion dans l'un des grands canaux
de son débordement annuel. Toute la nature en crie de
joie. Hommes, enfants, troupes de bœufs sauvages, gam-
badent dans ses eaux rafraîchissantes, les larges vagues
entraînent des bancs de poissons ddtit l'écaillé- lance des
éclairs d'argent, tandis que des oiseaux de toute plume
s'assemblent en nuées au-dessus. Et cette fête de la nature
n'est pas restreinte aux ordres les plus élevés de la créa-
tion. Au moment où le sable devient humide à l'approcho
des eaux fécondantes, il s'anime littéralement et grouille
de millions d'insectes. L'inondation gagne Memphis ou le
Caire quelques jours avant le solstice d'été : elle atteint
sa plus grande hauteur et commence à décliner aux en-
virons de notre équinoxe d'automne. A peu près au mo-
ment de notre solstice d'hiver, le Nil est de nouveau
rentré dans ses rives et a repris sa teinte bleu clair. Les
semailles ont été faites durant cet intervalle et se termi-
nent en même temps que finit l'inondation. Le printemps
est suivi sur-le-champ par le temps de la moisson, et la ré-
colte est rentrée d'ordinaire avant le lever du khamsin ou
vent de sable. L'année d'Egypte se partage donc naturelle-
ment en trois saisons : quatre mois de semailles et de
croissance, qui correspondent approximativement à nos
mois de novembre, décembre, janvier et février; quatre
mois de récolte, qu'on peut de même indiquer d'une ma-
nière vague en les comparant aux mois de notre calendrier
Ô CHAPITMl h
qui sont compris entre mars et juin inclusivement; les
guatre mois ou lunes de Tinondation complètent le cycle
de Tannée égyptienne*, »
Jadis toute la partie du pays aujourd'hui connue sous
le nom de Delta était recouverte par les eaux : la Méditer-
ranée venait baigner de ses vagues le pied dii plateau sa-
blonneux que domine la grande Pyramide, et le Nil se ter-
minait un peu au nord de remplacement où s'éleva plus
tard la ville de Memphis. A la longue, les matières terreu-
ses qu'il amène avec lui des montagnes d'Abyssinie, se dé-
posèrent en bancs de boue sur les bas-fonds de la côte et
comblèrent une partie du golfe ; elles produisirent de gran-
des plaines marécageuses entrecoupées d'étangs à travers
lesquelles les eaux durent se frayer passage. Consolidés par
les apports de la mer, ces terrains nouveaux formèrent un
Sremier Delta dont la pointe se trouvait un peu au-dessous
e Memphis et les extrémités près de quinze lieues plus bas,
dans les parages d'Athribis. Puis, le fleuve continuant tou-
jours son travail et les alluvions gagnant toujours, la chaîne
des dunes qui bordait au nord ce premier Delta vit la mer
se retirer peu à peu et se trouva délaissée dans l'intérieur
des terres, où ses restes indiquent encore par endroits
la direction de l'ancien littoral : dès les commencements de
la période historique, le Nil avait reporté ses embouchures
au delà de la ligne normale des rivages environnants. Près
du villagç antique de Kerkasore, il se divisait en trois
branches : la Pélusiaque tournait au N, E. et se terminait
$ur leg confins du désert de Syrie ; la Ganopique se diri-
geait vers le N. 0. en longeant les derniers versants du dé-
sert Libyque; la Sébenny tique, tracée dans le prolonge-
ment de la vallée, courait presque droit vers le Nord et
coupait le Dçlta en son milieu *. Ces trois grands bras
étaient unis l'un à l'autre par un lacis de canaux natu-
rels et artificiels, dont quelques-une tombaient directe-
1. Osburn, The Monumental mstoru ofEgypt, 1 1, p. 9-14. -^ 2. Hé-
rodote, II, 17.
L'EGYPTE PRIMITIVE. . 7
ment dans la mer et portaient le nombre dea bouches du
Nil à sept* et même à quatorze*, selon les époques. Iol
plaine triangulaire qu'ils enfermaient et dont chaque por-
tion avait été apportée grain à grain du fond de T Afrique,
compte aujourd'hui environ 23000 kilomètres carrés de
superficie et s'agrandit chaque année.
Les prêtres, qui connaissaient par tradition l'état pri-
mitif du pays, croyaient pouvoir déterminer avec certitude
l'espace de temps qui avait suffi au fleuve pour accomplir ce
travail. Ils racontaient à Hérodote que Menés , le pilemier
des rois de race humaine, avait trouvé l'Egypte presque
entière plongée sous les eaux : la mer pénétrait jusqu'au
delà de l'emplacement de Memphis en pleine Heptano-
mide, et le reste du pays, moins le nome de Thèbes, n'était
qu'un marais malsain*. Us se trompaient étrangement
dans leur appréciation. Le Nil, soumis à des débordements
annuels, abandonne la plus grande partie des matières qu'il
charrie sur les campagnes riveraines, et s'appauvrit de plus
en plus à mesure qu'il avance ; il n'arrive à la mer que
dépouillé du gros de ses allu viens. C'est à peine si les
plages basses qui sont en voie de formation au débouché
des branches Ganopique et Sébenny tique s'accroissent, bon
an mal an, l'une de quatorze hectares, l'autre de seize;
c'est une moyenne d'un mètre de progrès annuel pour tout
le front du Delta. En s'appuyant sur ces données, on a
pu calculer que, dans les conditions actuelles, il aurait
fallu environ sept cent quarante siècles au Nil pour com-
bler son estuaire. Sans accepter aucunement ce chiffre
dont l'exagération paraît évidente, car la marche progres-
sive des boues était plus rapide autrefois qu'elle ne l'est
aujourd'hui dans ces contrées, on n'en sera pas moins
forcé de conclure que les prêtres ne soupçonnaient guère
ytge réel do leur pays. Le Delta existait depuis longtemps
déjà à l'avènement de Mena; peut-être même était-il en-
tièrement terminé à l'époque où la race égyptienne mit
1. Hérodote, II, 17 ; Skylax, Peripl, § 106; Strabon, XVII, i.— 2. Pline,
Hist, naU, Y, 10. — 3. Hérodote, II, 4.
8 . CHAPITRE I.
•
pour la première fois le pied dans la vallée qui devint sa
demeure.
Le Nil n'a pas seulement créé le sol de l'Egypte ; il a
déterminé l'aspect général du pays et le genre de ses pro-
ductions. Une vallée qui est sortie tout entière du sein
des eaux et qui se trouve chaque année envahie par elles,
ne peut nourrir qu'un nombre assez restreint d'espèces
végétales. Le sycomore et plusieurs sortes d'acacias et de
mimosas y prospèrent ; le grenadier, le tamarin, l'abrico-
tier, le figuier ornaient les jardins, et la présence du per-
séa sur les monuments de la douzième dynastie nous
prouve que» Diodore commit une erreur en attribuant au
Perse Kambysès le mérite d'avoir le premier introduit cet
arbre*. Deux espèces de palmiers viennent presque sans
culture ; mais aucune de nos grandes essences européennes
ne s'est acclimatée dans la partie de la. vallée plus spécia-
lement connue des anciens.
Par contre, les plantes aquatiques s'y développent avec
un luxe de végétation extraordinaire, et donnent au pays
un aspect caractéristique. Elles ne se trouvent pas, en
général , au long des berges , où la profondeur de l'eau et
la force du courant ne leur permettraient guère de croître
en paix; mais les canaux, les étangs, les mares que l'inon-
dation laisse derrière elle, en sont littéralement encombrés.
Deux espèces surtout, le papyrus et le lotus, sont connues
en Europe à cause du rôle qu'elles jouent dans l'histoire,
la religion, la littérature sacrée ou profane de l'Egypte.
Le papyrus se plaisait dans les eaux paresseuses du Delta
et devint l'emblème mystique de cette région ; le lotus au
contraire fut choisi pour symbole de la Thébaïde. Les
anciens confondaient sous ce nom des individus apparte-
nant à trois espèces de nymphéas différentes. Deux d'entre
elles, le lotus blanc et le lotus bleu, portent des fruits
assez semblables pour la forme à ceux du pavot : leurs
capsules renferment de petite^ graines de la taille d'un
grain de millet. La troisième espèce, le Nymphœa
1. Diodore, I, 34.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 9
nehmibo ou nénufar rose, est décrite fort exactement par
Hérodote. « Elle produit un fruit porté sur une tige diffé-
rente de celle qui porte la fleur et qui sort de la racine
même : il est semblable pour la forme aux gâteaux de
cire des abeilles, » ou, plus prosaïquement, à une pomme
d'arrosoir. Il est percé, à la partie supérieure, de vingt ou
trente cavités dont chacune contient une graine « de la
grosseur d'un noyau d'olive, bonne à manger fraîche ou
desséchée.* » C'est là ce que les anciens appelaient la fève
d'Egypte*. « On cueille également, ajoute l'historien, les
pousses annuelles du papyrus. Après les avoir arrachées
dans les marais, on en coupe la tête qu'on rejette, et ce
qui reste est à peu près de la longueur d'une coudée. On
s'en nourrit et on le vend publiquement; cependant les
délicats ne le mangent qu'après l'avoir fait cuire au
four*. » Ce a pain de lys » était une friandise recherchée
et figurait sur les tables royales*; mais, quoi qu'en dise
Hérodote % la nourriture habituelle du peuple était le blé
et les différentes espèces de céréales, le froment, l'orge, le
sorgho, ïolyra [Triticmfn spelta) et la zéa (Triticum mo-
nococcum] que le sol d'Egypte produit en abondance.. La
vesce, le lupin, la fève, le pois chiche, la lentille, plu-
sieurs espèces de ricin venaient naturellement dans les
champs; la vigne prospérait dans certaines parties du
Delta et de l'Heptanomide ; l'olivier était rare et circon-
scrit dans quelques districts ^
Plusieurs des espèces animales qui vivent à présent sur
les bords du Nil, le cheval, le chameau^, la brebis" ne
sont pas figurés sur les monuments des plus anciennes
dynasties et paraissent n'avoir été introduits que long-
temps après la fondation du royaume. En revanche, les
Égyptiens possédaient plusieurs races de bœufs à lon-
gues cornes, analogues aux bœufs de Dongolah, plusieurs
1. Hérodote, II, 92. — 2. Diodore, I, 34. — 3. Hérodote, II, 36. —
4. Papyrus Anastasi ÎV, pi. XIV, 1. 1.— 5. Hérodote, II, 36. — 6. Stra-
bon, 1. XVII, 1. — 7. Fr. Lenormant, sur l'antiquité de l'Ane et du Che-
val ^ p. 2. .—'8. Bragsch, die ^gyptische GrœbenoeU, p. 14.
10 QHAPITRE I.
variétés de chèvres et de ehieng, le chien-renard à robe
fauve, au nez effilé, aux oreilles pointues, à la queue
épaisse, le sloughi ou grand lévrier d'Afrique à oreilles
longues et droites, le basset, le chien hyénoïde*. L'âne,
d'origine africaine, garda sous le climat favorable de
l'Egypte, une beauté de formes et une vigueur que n'a
point notre baudet d'Europe *. A côté des espèces domes-
tiques, les premiers émigrants trouvèrent le lièvre à lon-
gues oreilles, l'ichneumon, une quantité innombrable de
gazelles, algazelles, defassas, antilopes à cornes en forme
de lyre qu'ils finirent par apprivoiser à moitié*; puis des
animaux plus redoutables, le chat sauvage, le loup, le
chacal, l'hyène striée et mouchetée, le léopard, le gué-
pard, le lion enfin * , qu'ils combattirent sans relâche et
parvinrent à refouler vers le désert. Deux monstres amphi-
bies, le crocodile et l'hippopotame, vivaient sur les bords
du Nil et rendaient l'accès du fleuve dangereux pour les
hommes et pour les bestiaux. Les hippopotames, assez
nombreux sous les premiers rois, diminuèrent bientôt
grâce aux poursuites acharnées dont ils furent l'objet, et
se retirèrent dans les marais de la Basse Egypte: quelques
individus de leur espèce y subsistaient encore vers le
milieu du treizième siècle après Jésus-Christ. Le croco-
dile, adoré et protégé dans certains nomes, exécré et pour-
suivi dans certains autres, s'est maintenu jusqu'à nos
jours. « Quand il passa devant Qéneh, Ghampollion vit
jusqu'à quatorze crocodiles réunis en conciliabule sur
un îlot. 8i pareille bonne fortune n'échoit jamais mainte-
nant au voyageur, c'est' que le crocodile recule de plus en
plus vers le sud devant les armes à feu et l'agitation pro-
duite par les bateaux à vapeur, et que bientôt le Nil jus-
qu'à Assouan ne les connaîtra plus que par tradition ^ »
1. Pr. Lenormant, sur les Animaux employés par les anciens Égyp^
tiens à la chasse et à la guerre, p. 2-3. — 2. Fr. Lenormant, sur Vanti-
quité de l'Ane et du Cheval, p. 2. — 3. Fr. Lenormant, iVb^c* d'un voyage
en Egypte^ p. 17. — 4. Hartmann, Zeitschrift fur jEgyptische Spra^
ehCf 1864-1865. — * 5. Mariette, Itinéraire des Invités, p. 1T5.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 11
L'Egypte possède une grande quantité d'oiseaux, Taigle,
l'épemer, le faucon, le vautour à tête chauve, la pie, le
pigeon, la tourterelle, Thirondelle, la perdrix, le moineau.
Les ibis blancs et noirs, les pélicans, le cormoran, Toie,
le canard, remplissent les marais et couvrent les eaux du
fleuve de leurs variétés infinies. L'oie et le canard, appri-
voisés de toute antiquité, remplissaient la basse-cour des
sujets de Mena et tenaient la place du poulet encore
inconnu*. Les différents bras du fleuve fourmillent litté-
ralement de poissons, la plupart bons à manger, « le rou-
get deç marais de Péluse (?), engraissé dans les lotus, le
mulet tacheté des étangs artificiels, le mulet ordinaire
mêlé aux fatrahas^y » l'oxyrrhynque au museau pointu, la
torpille, la grande tortue d'eau douce. La nature semble
avoir créé le fatraka dans un moment de bonne humeur.
CTest ui^ poisson allongé qui a la faculté de se gonfler à
volonté ] quand il est tendu outre mesure, et que le poids
de son dos l'emporte, il bascule et s'en va à la dérive, le
ventre en l'air et tout semé d'épines qui lui donnent
l'air d'un hérisson. Au moment de l'inondation, les eaux
en se retirant l'abandonnent dans les champs limoneux
où il devient la proie des oiseaux et des hommes, et sert
de jouet aux enfants*. Les embouchures du Nil sont fré-
quentées par un grand nombre de poissons de mer qui
viennent frayer en eau douce, et de poissons d'eau douce
qui vont déposer leur frai en pleine mer.
Ainsi tout en Egypte se règle sur le Nil, le sol, ses pro-
ductions, l'espèce des animaux qu'il porte et des oiseaux
qu'il nourrit. Les Égyptiens le sentaient mieux que per-
sonne et s'en montraient reconnaissants: ils avaient fait
de leur fleuve un dieu qu'ils appelaient Hâpi et dont ils
ne se lassîûent jamais de célébrer la bienfaisance. « Salut,
6 Nil, — ô toi qui t'es manifesté sur cette terre — et qui
viens en paix — pour donner la vie à l'Egypte ! — Dieu
1. Brugscli, JEgyptische Grasherwelt, p. 14. — 2. Papyrus Anastasi
llly pi. II, «1. 6-7. Cf. Maspero, du Genre épistolairey p. 104 sqq. —
3. Gbampollion-Figeac, VÉgypte ancietiM, p. 19, a.
12 CHAPITRE I.
caché! — qui amènes les ténèbres au jour qu'il te plaît les
amener, — irrigateur des vergers qu'a créés le Soleil —
pour donner la vie à tous les bestiaux, — Tu abreuves la
terre en tout lieu, — voie du ciel qui descend, — Dieu
Seb, ami des pains, — dieu Nepra, oblateur [des grains],
— dieu Phtah qui illumines toute demeure. — Seigneur
des poissons, quand tu remontes sur les terres inondées,
— aucun oiseau n'envahit plus les biens utiles ; — créa-
teur du blé, producteur de l'orge, — il perpétue la durée
des temples; — repos des doigti est son travail — pour
les millions de malheureux. — S'il décroît, dans le ciel,
les dieux — [tombent] sur la face, les hommes dépérissent.
— Il A FAIT ouvrir par les bestiaux la terre entière*, —
[et] grands et petits se reposent. — Les hommes l'invo-
quent, lorsqu'il s'arrête, — [et alors] il devient semblable
à Khnoum*; — Se lève-t-il, la terre est remplie d'allé-
gresse, — tout ventre se réjouit, — tout être organisé a
reçu sa nourriture, — toute dent broie. — Il apporte les
provisions délicieuses ; — il crée toutes les bonnes choses,
-^ le seigneur des nourritures agréables, choisies; — s'il
y a des offrandes, c'est grâce à lui. — Il fait pousser l'her-
bage pour les bestiaux, — il prépare les sacrifices pour
chaque Dieu, — l'encens est excellent, qui vient par lui.
— Il se saisit des deux contrées ' — pour remplir les entre-
pôts, pour combler les greniers, — pour préparer les biens
des pauvres. — Il germe pour combler tous les vœux, —
sans s'épuiser par là: — il fait de sa vaillance un bouclier
[pour le malheureux], — On ne le taille point dans la
pierre; — les statues sur lesquelles on place la double cou-
ronne, — on ne le voit pas en elles ; — nul service, nulle
offrande n'arrive jusqu'à lui. — On ne peut l'attirer dans
les sanctuaires; — on ne sait le lieu où il est, — on ne le
trouve point dans les chasses peintes; — Point de de-
meure qui le contienne, — point de guide [qui pénètre]
1. TO-R-ZER-EW, la terre entière, un des noms les plus fréquents de
l'Egypte. — 2. Le dieu créateur, celui qui avait modelé l'œiif du monde
sur son tour à potier. — 3. La Haute et la Basse Egypte.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 13
en ton cœur. — Tu as^réjoui les générations de tes en-
fants : — on te rend hommage au Sud, — stables sont tes
décrets, quand ils se manifestent — par devant les servi-
teurs du Nord. — Il boit les pleurs de tous les yeux, —
et prodigue l'abondance de ses biens ^. »
Origine des Ésyptlens ; le« nemes.
Les Égyptiens paraissent avoir perdu de bonne heure le
souvenir de leur origine. Venaient-ils du centre de l'A-
frique ou de l'intérieur de l'Asie? Au témoignage presque
unanime des historiens anciens, ils apjpartenaient à une
race africaine qui, d'abord établie en Ethiopie sur le Nil
moyen, serait graduellement descendue vers la mer en sui-
vant le cours du fleuve. « Les Éthiopiens affirment que
l'Egypte est une de leurs colonies.... Le sol lui-même y est
amené par les dépôts du Nil.... D y a des ressemblances
frappantes entre les usages et les lois des deux pays : on
donne aux rois le titre de dieux; les funérailles sont l'objet
de beaucoup de soins ; les écritures en usage dans TÊthio-
pie sont celles mêmes de l'Egypte, et la connaissance des
caractères sacrés, réservée aux prêtres seuls en Egypte,
était familière à tous en Ethiopie. D y avait, dans les deux
pays, des collèges de prêtres organisés de la même ma-
nière, et ceux qui étaient consacrés au service des dieux,
pratiquaient les mêmes règles de sainteté et de pureté,
étaient rasés et habillés de même ; les rois avaient aussi
le même costume et une urœus* ornait leur diadème....
Les Éthiopiens ajoutaient beaucoup d'autres considérations
pour prouver leur antériorité relativement à TÉgypte, et
démontrer que cette contrée est une de leurs colonies' . »
Ces analogies, qui paraissaient si concluantes aux anciens,
perdent leur valeur quand on leur oppose le témoignage
des documents hiéroglyphiques. On sait aujourd'hui à n'en
pas douter que l'Ethiopie, loin d'avoir colonisé l'Egypte
1. P. Saîlier IL — 2. On nommait ur^eus la vipère lovée qui ornait
la couronne des dieux et des rois. — 3. Diodore de Sicile, 1. III, c. 8.
14 CHAPÏtKE I.
au début de l'histoire, a été colonisée par elle sous la
douzième dynastie, et a fait pendant des siècles partie
intégrante du territoire égyptien. Au lieu de descendre
le cours du Nil, la civilisation Ta remonté.
D'autre part la Bible attribuait aux Égyptiens une pro-
venance asiatique. Mizraïm, fils de Gham, frère de Koush
TÉthiopien et de Canaan, se fixa sur l«s bords du Nil
avec ses enfants*. Loudim, Taîné d'entre eux, personnifie
les Égyptiens proprement dits, les Rotou ou Lodou des
inscriptions hiéroglyphiques. Anamim représente assez
bien la grande nation des Anou qui fonda On du Nord
(Héliopolis), et On du Sud (Hermonthis) dans les temps an-
téhistoriques. Lehabim est le peuple des Libyens qui vi-
vent à l'occident du Nil, Naphtouhim [No-Phtah] s'éta-
blit dans le Delta au nord de Memphis; enfin Pathrousim
[Pa-lO'reSj la terre du Midi) habita le Saïd actuel entre
Memphis ^et la première cataracte^. Cette tradition, qui fait
venir les Égyptiens d'Asie par l'isthme de Suez, était con-
nue des auteurs classiques, car Pline l'Ancien attribue à
des Arabes la fondation d'Héliopolis ' ; mais elle n*eut
jamais parmi eux la popularité de l'opinion qui faisait
descendre les Égyptiens du fond de l'Ethiopie.
Pendant les temps modernes les affinités ethnographi-
ques des Égyptiens ont fourni matière à de longues discûis-
sions. A l'époque où l'on ne connaissait rien d'eux, qtie
des noms royaux grécisés maladroitement et défigurés à
plaisir par les copistes du moyen âge, quelques momies
en mauvais état , quelques menus amulettes conservés
comme raretés inappréciables, dans les cabinets de curio-
sités, il était difficile de Se faire une idée exacte du sujet
et d'arriver à des conclusions plausibles. Aussi ne doit-on
pas trop s'étonner si la plupart des voyageurs, trompés à
l'apparence de certains Coptes abâtardis, ont soutenu que
les anciens Égyptiens devaient avoir le visage bouffi, l'œil
à fleur de tête, le nez écrasé, la lèvre charnue et présenter
1. Genèse, ch. x, v. ïB, 13. — S. De Rougé, liecherches sur les monu^
ments, p. 4-8. — 3. Pline, IStist, ndt., 1. VI, c. 29.
• L'ÉGYPTB PRIMITIVE. 15
les Crtiits élEiractériBtiquea de la racé aègre. dette opânion,
populaire encore au commencement du siècle, disparut
sans retour dès que la Commission française eut publié son
grand ouvrage. En examinant les innombrables reproduc-'
lions de statues et de bas-reliefs dont il est rempli, il
fallut bien reconnaître que les Égyptiens représentés sur
les monuments, loin d'offrir la couleur et Taspect générai
du nègre, avaient la plus grande ressemblance avec les
races blanches de l'Surope et de TÂsie occidentale. L'é-
tude anatomique des momies confirma bientôt cette pre-
nûère impression, et convainquit les plus incrédules. « Les
anciens !^yptiens appartenaient à une race d'hommes tout
à fait semblables aux Kermous ou BarabraSy habitants
actuels de la Nubie. On ne retrouve chez les Coptes de
l'Egypte aucun des traits caractéristiques de l'ancienne
population égyptienne. Les Certes sont le résultat du mé-
lange confus de toutes les nations qui successivement ont
dooainé sur l'Egypte. On a tort de vouloir retrouver chez
eux les traits de la vieille race *. »
Aujourd'hui, ii n'y a plus grand effort d'imagination à
se figurer, je ne dirai pas le contemporain de Sésostris,
mais l'j^yptien du temps de Khéops qui contribua pour
sa part à la construction des pyramides* Il suffit d'entrer
dans un musée et d'*examiner les statues d'ancien style
qui «'y trouvent réunies. Au premier coup d'oeil, on voit
que l'artiste chargé de les faire a^ dans le modelé de la
tête et des membres, cherché la ressemblance avec le per-
sonnage qu'il désirait représenter ; mais, en faisant Abs-
traction des particularités propres à chaque individu, on
retrouve sans peine le type commun de la race. L'Égyptien
était en général grand, maigre, élancé. Il avait les épaules
larges et pleines, les pectoraux saillants, le bras nerveux
et terminé par une main fine et longue, la hanche peu
développée, la jambe sèche; les détails anatomiques du
genou et les muscles du m<diet sont assez fortement ac^
cusés, comme c'est ie cas pour la plupart des peuples
1. cr. ChampoUion le Jeune, Grammaire ég\fptiennef Introd., p. xnc.
'If
^.t]
•3 i
16 CHAPITRE I. . .
marcheurs^ les pieds longs, minces, aplatis à l'extrémité ^u
par l'habitude d'aller sans chaussure. La tête, souvent ^m
trop forte pour le corps, présente d'ordinaire un caractère bn
de douceur et même de tristesse instinctive. Le front est tïlai
carré, peut-être un peu bas, le nez court et rond; les %
yeux sont grands et bien ouverts, les joues arrondies, les iseï
lèvres épaisses, mais non renversées; la bouche un peu gii
longue, garde un sourire résigné et presque douloureux. iî^ji
Ces traits communs à la plupart des statues de l'ancien et :::p
du moyen* empire, se retrouvent plus tard à toutes les :\u
époqpes. Les monuments de la dix-huitième dynastie, les irma
sculptures saïtes et grecques, si inférieures en beauté ar-
tistique aux monuments des vieilles dynasties, conservent "m.
sans altération sensible le type primitif. Aujourd'hui
même, bien que les classes supérieures se soient défi-
gurées par des alliances répétées avec l'étranger, les sim- .^g
pies paysans ont gardé presque partout la ressemblance j^
de leurs ancêtres, et tel fellah contemple avec étonnement yr.
les statues de Khawrâ ou les colosses, des Ousortesen qui ^
reproduit trait pour trait à plus de quatre mille ans de vj
distance la physionomie de ces vieux Pharaons*. ;i^
La race égyptienne se rattache aux peuples blancs de ^
l'Asie antérieure par ses caractères ethnographiques : la
langue égyptienne se rattache aux langues dites sémiti-
ques par sa forme grammaticale *. Non-seulement un grand
nombre de ses racines appartiennent au type hebraeo-ara-
méen; mais sa constitution grammaticale se prête à de
nombreux rapprochements avec l'hébreu et le syriaque.
L'un des temps de la conjugaison, le plus simple et le plus
ancien de tous, est composé avec des pronoms suffixes iden-
tiques dans les deux langues. Les pronoms, suffixes et
1. L'une des plus belles statues en bois du Musée de Boulaq a été
nommée par les gens du Caire le Cheikh-el-Beled, parce qu'elle est
trait pour trait l'image du Cheikh-el-Beled actuel de Saqqarah. —
2. Benfey, Veber dos Verhâsltniss der JEgyptisehen Sprache zum se-
mitischen Sprachstamm, Leipzig, 1844 ; Schwartze, Das cUte Mgupteny
1. 1, 2*" Theil, p. 2003 sqq.; de Rougé, Recherches sur les monuments,
p. 2-4; Lepsius, Zeitschrift, 1870, p. 91-92.
u
L'EGYPTE PRIMITIVE. 17
absolus, sont exprimés par les mêmes racines et jouent le
même rôle en égyptien et dans les langues sémiticjues*.
Sans nous étendre sur ces rapprochements dont quelques-
uns laissent encore prise au doute ^, nous pouvons dès à
présent affirmer que la plupart des procédés grammaticaux
mis en œuvre par les langues sémitiques se retrouvent en
égyptien à Tétat rudimentaire. Aussi bien Tégyptien et les
langues sémitiques, après avoir appartenu au même
groupe, se sont séparés de très-bonne heure, à une épo-
que où leur système grammatical était encore en voie de
formation. Désunies et soumises à des influences diverses,
les deux familles traitèrent d'une façon différente les élé-
ments qu'elles possédaient en commun. Tandis que Té-
gyptien, cultivé plus tôt, s'arrêtait dans son développement,
les langues sémitiques continuaient le leur pendant de
longs siècles encore avant d'arriver à la forme que nous
connaissons aujourd'hui ; « en sorte que, s'il y a un rap-
port de souche évident entre la langue de l'Egypte et
celle de l'Asie, ce rapport est cependant assez éloigné
pour laisser au peuple qui nous occupe une physionomie
distincte*. »
Les Égyptiens appartiendraient donc aux races pro-
to-sémitiques. Venus d'Asie par l'isthme de Suez, ils
trouvèrent établie sur les bords du Nil une autre race,
probablement noire, qu'ils refoulèrent dans l'intérieur*.
L'Egypte, si riche et si fertile aujourd'hui, devait être
alors l'image de la désolation. Le fleuve, abandonné
à lui-même, changeait perpétuellement de lit. Il n'at-
teignait japaais dans ses débordements certaines par-
ties de la vallée, qui restaient improductives; ailleurs,
au contraire, il séjournait avec tant de persistance qu'il
changeait le sol en bourbiers pestilentiels. Le Delta, à moi-
tié noyé par les eaux du fleuve, à moitié perdu sous les flots
1. Maspero, Mémoires de la Société de Linguigt, de Paris ^ t. H^
p. 1-8. — 2. Vait Renan, Histoire des langues sémitique^y 4' éd., t.i;
p. 80-92/— 3. De Rougé, Recherches, p, 3, — 4. Lepsius, ZeitschrifL
1870, p. 92.
HIST. ANC. 2
IS CHAPITRE I.
de la Méditerranée, était un immense marais semé de
quelgues îles sablonneuses et couvert de papyrus, de lotus
et d'énormes roseaux à travers lesquels les bras du Nil se
frayaient paresseusement un cours sans cesse déplacé. Sur
les deux rives, le désert envahissait toute la partie du sol
qui n'était pas chaque année recouverte par l'inondation :
on passait sans transition de la végétation désordonnée des
marais tropicaux à l'aridité la plus absolue. Peu à peu
les nouveaux venus apprirent à régler le cours du fleuve,
à l'endiguer, à porter par des canaux d'irrigation la fer-
tilité jusque dans les coins les plus reculés de la vallée.
L'Egypte sortit des eaux et devint dans la main de J'bomme
une des contrées les mieux appropriées au développement
paisible d'une grande civilisation.
La période de formation du soj et de la nation dura long»-
temps, des myriades d'années au dire des anciens eu?r
mêmes, entre trois et quatre mille ans d'après les calculs
les plus modérés de la plupart des savants contemporains.
Avec cette naïveté instinctive qui porte les peuples à cher-
cher la perfection daijs le passé, les Égyptiens en étajeiît
venus à considérer les premiers siècles de leur séjour au
bord du Nil comme un âge heureux entre tous les âges, et
leurs ancêtres à demi sauvages comme des hommes pieux
qu'on appelait d'une mani^ère généraleh^ Shesou-Hor (Ser-
viteurs d'Horus) *. C'est à ces générations sans histoire que
revient l'honneur d'avoir constitué l'Egypte telle que nou^j
la connaissons dès le déhut de la période historique. D'a-
bord divisées en un grand nombre de tribus, elles com-
mencèrent par établir sur plusieurs points à la fois de
petits États indépendants dont chacun avait se& lois et soi^
culte. Avec le temps ces États se fondirentles uns dans les
autres : il ne resta plus en présence que deux grandes prin-
cîpa^uté^, la Basse Egypte (To-mera) ou pays du Nord
1. Lepsius, Venkm.y lU, 5 a; Dûmichen, Bauurkunde der Tempelon^
lagen von Venderah, pi. XVI; Cf. de Rougé, Recherches fur les monu-
menu qu'on peut attribuer aux six premières dyfwliet <fe Manétlwn,
p. \%, note 1, p. 166 sqq.
L'ÉGYPïe PRIMITIVE. 19
{To-^meh^) dans ie Delta, la Haute Egypte ou payp du Sud
[To-res) depuis la pointe du Delta jusqu'à la première ca-
taracte. La réunion sous un même sceptre forma le pa-
trimoine des Pharaons ou pays de Kémit, mais ne fit pas
disparaître la division primitive : les petits États devinrent
provinces et furent l'origine des circonscriptions adminis-
tratives que les Grecs ont appelées nomes.
Les nomes se composaient d'une ou plusieurs villes et
d'un territoire assez restreint * ; le plus grand d'entre eux
était loin d'avoir l'étendue d'un seul de nos départements.
Le territoire de chaque nome était subdivisé en plusieurs
parties : 1° la ville capitale [nout), siège de l'administration
civile et militaire et centre de la religion provinciale ; T les
terres de production [ouou), cultivées en céréales et fécon-
dées ch|ique année par l'inondation; 3" les terres maréca-
geuses (peh'ou)j sur lesquelles les débordements du Nil
laissaient des étangs trop profonds pour être desséchés fa-
cilement : on les mettait en pâturages quand on pouvait, on
y cultivait le lotus et le papyrus, on y faisait en grand
l'élève des oiseaux d'eau; 4" enfin, les canaux dérivés du
Nil pour les besoins de l'agriculture et de la navigation ^.
En tête de l'administration civile et militaire on trouve
des gouverneurs héréditaires (hîq)y et plus souvent des no-
marques (mer-nout tsât-to ou simplement mer nout tsat]
nommés directement par le roi % L'autorité religieuse était
exercée par le grand prêtre du temple, dont la dignité était
tantôt élective, tantôt héréditaire. Les habitants du nomo
payaient au roi et à ses fonctionnaires un impôt en i^aturo
proportionnel à la richesse foncière et dont la répartitiop
exigeait des recensements et des cadastres fréquents. Iif9
étaient soumis à une espèce de conscription pour le ser-
vice militaire et à la corvée pour l'exécution de tous Les
travaux d'utilité publique, qull s'agît d'élever un temple
1. Brugsch, Geographische Inschriftenf 1. 1, p. 93 sqq. — 2. Jacques
de Rougé, Textes géographiques du temple â^EdfoUy p. 29. — 3. Lepsius,
Denknxler, il, pi. 12^125. Cf. Brugsch, G, Inschriften, t. I, p. 111-
116. —4. Maspero, une Enquête judiciaire à Th^es, p. 9, notel.
20 CHAPITRE I.
OU une forteresse, de tracer une route, de construire une
digue ou de creuser un canal.
Le nombre des nomes varia selon les temps. La plupart
des historiens anciens en comptent trente-six * ; les listes
égyptiennes en donnent parfois quarante-quatre, dont vingt-
deux pour la Haute Egypte et vingt-deux pour la Basse '.
Le plus méridional d'entre eux s'appelait To-Qens, comme
la Nubie à laquelle il confinait. La capitale était Abou, FÉlé-
phantine des Grecs, et plus tard, au temps des Romains,
Noubit (Ombos). Il comprenait, avec la ville de Souannou
(Syène), les deux îles célèbres de Senem (Beghe) et deLak
(Aa-laq, Pi-lak, Philae), qui servirent de refuge aux der-
niers païens d'Egypte contre les persécutions chrétiennes.
Venaient ensuite les nomes de Tes-Hor (Apollonitès) avec
Deb (ApoUinopolis Magna, Edfou) et Khennou (Silsilis) et
de Ten (Latopolitès) . La capitale de ce dernier fut d'abord
Nekheb', que ChampoUion identifia avec la ville grecque
d'Eilithyia. Le nom de Nekheb est mêlé aux faits les plus
importants de l'histoire d'Egypte. Sous la dix-septième dy-
nastie, au temps où les pasteurs occupaient le Delta, les
princes indépendants du Sud avaient fait de cette ville un
de leurs boulevards et quelquefois leur capitale. Le gou-
vernement en était confié à un prince de la famille royale,
qui prenait le titre de Royal fils de Nekheb. Plus tard, à
l'époque gréco-romaine, Nekheb, déchue de son rang de
capitale, céda le premier rangàSni (Latopolis), la moderne
Esneh ♦.
Au sortir du nome de Ten on entrait dans le nome de
Ouas% le Phathyritès des Grecs. La capitale est Ape,
T-ape, la Thèbes aux cent portes d'Homère, la demeure
d'Ammon-Râ, roi des dieux et créateur du monde (Pa-
Amen, Diospolis Magna). Son origine se perdait dans la
nuit des temps : les traditions nationales en faisaient la
1. Diodore, I, 44; Strabon, 1. XVII, c. 1.— 2. Bragsch, G. Insch,, 1. 1,
p, 99. — 3. Le nom a été lu Souvan et Nében jus<|ae dans ces derniers ^
temps. — 4. Brugsch, G. Insch,^ 1. 1, p. 178. —-5. Le nom a été lu Z(lm
et Ouab jusque dans ces derniers temps.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 21
patrie terrestre d'Osiris* et la résidence d'une des dynas-
ties liumaines antérieures aux dynasties historiques. A
Vépoque de sa splendeur, elle s'étendait sur les deux rives
du Nil, du pied de la chaîne libyque au pied de la chaîne
arabique. Capitale de TÉgypte sous neuf dynasties consé-
cutives, de la onzième à la vingtième, puis déchue de son
rang à partir de la vingt et unième dynastie, prise et pillée
successivement par les Éthiopiens, les Assyriens et les
Perses, elle fut détruite par Ptolémée Lathyre et à moitié
renversée par un tremblement de terre en Fan 27 avant le
Christ. Sur ses ruines s'élevèrent un grand nombre de
villages de peu d'importance ^ qui subsistent encore au-
jourd'hui sous des noms arabes : El-aqsoraïn (Louqsor) et
Karnak, sur la rive droite; Gournah, Medinet-Habou, Deir-
el-Bahari, sur la rive gauche. A partir de cette époque,
la capitale du nome fut On du Midi ou Her-Month (Her-
monthis), dont l'origine remontait jusqu'aux âges anté-
historiques^
Au nord de Thèbes on rencontrait successivement, sur
la rive gauche du fleuve, le nome de Horoui (Coptitès) avec
Kebti (Goptos), l'une des forteresses et l'un des marchés les
plus importants de la Haute Egypte ; sur la rive gauche, le
nome Tentyritès avec Ta-rer ou Ta-n-tarer (Tentyris, Den-
derah) ; sur les deux rives, le nome de Ha-sekhekh (Diospo-
litès) et le Thinitès, dont la capitale, après avoir été
Théni, fut plus tard Aboud (Abydos). Aby dos était une
des plus considérables parmi les cités égyptiennes. Stra-
bon, qui la vit dans une décadence complète, rapporte que
jadis elle occupait le second rang*; et de fait, après
Thèbes, je ne connais pas de ville qui soit mentionnée plus
souvent sur des monuments de toute sorte. Non qu'elle fût
gra'nde ou bien peuplée : resserrée entre le désert et un
canal dérivé du Nil, elle occupait entre les villages mo-
dernes d'El-Kherbeh et d'Harabat-el-Madfouneh une bande
de terre fort étroite et ne put jamais s'étendre beaucoup.
1. Brugsch, G. Insch., t. I, p. 176. —2. Strabon, 1. XVII, cl. —
3. Brugscli, G. Insch., t. I, p. 193-195. —4. Strabon, 1. XYII, c. 1.
22 ' GfiAPÏ+RÈ h
(Test (îôiïïiiie vUle saiïite qu'elle était universellement con-
nue; ses temples étaient célèbres, éon dieu Osiris vénéré,
ses fêtes suivies par toute l'Egypte ; les gens riches des au-
tres nomes tenaient à honneur de se faire ensevelir dans sa
nécropole autour du tombeau d'Osiris. Sous les Ptolémées,
Abydos perdit son titre de capitale, qui fut attribué au
bourg de Souï (Syis, P-^ouï, Psoi). Ce bourg, agrandi et
colonisé par Ptolémée Soter, prit le nom de Ptolémaïs*.
Les nomes de FÊgypte moyenne, entre Abydos et Mcm-
phis, sans jamais avoit obtenu une prépondérance marquée,
ont pesé d'un grand poids dans les destinées du pays'. Rem-
plis d'Une population nombreuse, couverts de places fortes
situées avantageusement sur les différents bras du Nil, ils
pouvaient couper à volonté les communications entre Thèbes
et Memphis et arrêter longtemps la marche des armées. On
y trouvait d'abord, sur la rive droite du fleuve, Apou ou
Khem (Panopolis ou Khemmis), dans lé nome de Khem.
Khem ou Min y était adoré, et les Grecs, trompés par une
gimple analogie de son, avaient cru reconnaître dans l'un
des titres de ce dieu, Pehrer ou Pehres, « le coureur, n
le nom de leur hét'os Pei'sée'. Plus bas, toujours sur la
rive droite, venait Pahornoub, dans le nome dé Douw (An-
tœopolitès) *; sur la rive gauche, dans le nôme de Baar
(Hypsélitès), la forteresse de Shashotep (Shôtp)', et dans
le nome Atew supérieur (Atewkhent, Lycopolitès), la ville
importante de SaoUt (Lycônpolis, Osyout)^ On rencon-
trait ensuite TAtew inférieur (Atew peh^ou), dont la capi-
tale était Kast (Khusae) aux temps pharaoniques» A l'é-
poque gréco-romaine, son territoire fut réparti entre les
deux provinces voisines '.
Le nom antique d'Hermopolis était Scsounnôu, la ville (Jes
huitdieux, etOunnou. Elle était située dans le nome de Oun
1. Corpus insci grœc.y n» 4925» — 2. Sept de ces nomes, détachés de
la Haute-Égypté et réunis en un seul gouvernement, formèrent, à l'é-
poque romaine, la province d'Heptanomide. — 3. Hérodote,l. ir-,c. 91. —
J. de Rougé. JLevue arcMologique,\m\\Qi 1870, p. 5-6. —5. Id., p. 1 sqq.
— 6. Brugsch, G. Insch., 1. 1, p. 217-219. — T. J.' de RoUgé p. 12-15.
L'ÉGtPtE PRIMITIVE. 23
(ËéWnôpoîîtès), âèsez loin du Nil et proche le canal appelé
aujourd hui encore Bahr-el-Yousouf. C'était une des plus
anciennes villes de l'Egypte : elle avait été le théâtre d'une
dès grandes victoires d'Hor sur Set, et son dieu épo-
liyine Thot avait pris une part glorieuse aux guerres osi-
riennes. Son territoire confinait au nord et à Test avec celui
du nome de Meh* *, Tun des plus célèbres parmi les nomes
de la Thébaïde. La capitale était H'ebennou (Touho, Théô-
dosiopolis) • ; mais il renfermait plusieurs autres villes im-
portantes, Nowrous (Koum-el-Ahmar) etPanoubt (Speos Ar-
temidos, Beni-Hassan) sur la rive droite, Menât-Khouv/ou
sur la rive gauche. Menât-Khouwou avait été fondée ou
agrandie par Khouwou (Kiiéops); elle florissait encore sous
la douzième dynastie, et son nom, transmis d'âge. en âge,
est devenu chez les Arabes d'Egypte l'origine du nom de
Minieh*. Au nord du nome de Meh, et sur la rive occiden-
tale du fleuve s'étendaient les deux nomes de Pa avec H^â-
Bennou (Hipponon) pour capitale*, et de Maten (Aphro-
ditès) avec Pa Nebtep-ah'e (Aphroditopolis, Atfieh) ; sur la
rive occidentale, entre le Nil et la chaîne libyque, le nome
deOuab (Oxyrrynchitès), ville principale Pa-Madjat (Oxyr-
tynchoSjPemsje), celui duNeht supérieur (Heracléopolitès),
chef-lieu Hâ-khnensou ou Hnès (Héracléopolis Magna),
enfin celui duNeht inférieur ', auquel on rattachait le To-
she ou pays du lac Meri (le Fayoum) . Le Neht inférieur ren-
fermait la ville deMeri-Toum ouMeï-Toum (Meïdoum) , si-
tuée au pied de la chaîne libyque. A l'époque gréco-romaine
il n'existait plus. La portion de son territoire qui étajlt si-
tuée entre le Nil et la niontagne fut annexée au nome He-
racléopolitès. Le Fayoum forma un nome nouveau, TArsi-
noïtès,#dont Grocodilopolis, l'ancienne Shed, fut désormais
la capitale.
A quelques kilomètres au N. de Meïtoum, on franchissait
]. Âppôlé d'oirdinàirë nomè de dah^ Cf. & ce sujet Jacques de Rougé
dans la Revue ûrchéoloffique, février 1872, p. 68 sqq. — 2. Id., p. 70-76.
-^ â. Brugsch, G. Inschrifién, 1. 1, p. 224.-4. Jacques de Rougé, p. 76.
— 5. Id., p. 76-80.
1
24 CHAPITRE 1.
la frontière de la Basse Egypte et l'on entrait dans le nome
du Mur Blanc (Sebt-h'at ou Aneb-h'at, Memphitès) ; on pas-
sait sous les murs de Tetaouï, un des boulevards du Delta
contre les invasions du Midi, et Ton arrivait à Mannower
(Memphis).Memphis, la ville de Phtah^, Hakaptah', dont
les Grecs ont tiré le nom d'Egypte ' , était Tune des places
les plus fortes de TÉgypte. Elle se composait d'une ville
vieille, le Mur Blanc (Sebt-h^at ou Aneb-h^at), où s'élevait
le grand temple de Phtah, et de plusieurs quartiers dont le
principal, Ankhtaouï, était devenu à l'époque persane le
séjour favori des étrangers, surtout des Phéniciens*.
Amoindrie par la fondation d'Alexandrie, la fondation du
Caire acheva sa perte : vers le treizième siècle de notre
ère, ce n'était plus qu'une ruine imposante. « Malgré
l'immense étendue de cette ville et la haute antiquité à
laquelle elle remonte,... ses débris offrent encore aux yeux
des spectateurs une réunion de merveilles qui confond
l'intelligence, et que l'homme le plus éloquent entrepren-
drait inutilement de décrire.... Les pierres provenues de
la démolition des édifices remplissent toute la surface de
ces ruines : on trouve en quelques endroits des pans de
murailles encore debout, construits de ces grosses pierres
dont je viens de parler; ailleurs, il ne reste que les fonde-
ments ou bien des monceaux de décombres. J'ai vu l'arc
d'une porte très-haute dont les deux murs latéraux sont
formés chacun d'une seule pierre ; et la voûte supérieure,
qui était aussi d'une seule pierre, était tombée au devant
de la porte.... Les ruines de Memphis occupent actuelle-
ment'une demi-journée de chemin, en tous sens*. » Abd-al-
lalif parlait ainsi au treizième siècle ; depuis son temps,
une partie de ces débris, exploités comme carrière, a
servi à construire les maisons du Caire et des bourgs
voisins : les sables du désert et le limon du fleuve ont
recouvert le reste.
1. Brugsch, G, Tnseh,, t. I, p. 83.-2. Hérodote III^ 91:.... Iv t$
>eux(i> TsCx» Tû év Méfjiçt. Cf. Brugsch, Zeitschrift fur ^gyptùche
Sprache, année 1863, p. 9. — 3. Abd-al-latif (traduction de Sacy), 1. 1,
ch. 4.
MASPERO _ttstoiPc ancienne
2«
OnuoëtparEphitura'
DeMvàte' /f€ir Ji Gauitiar .
L'EGYPTE PRIMITIVE. 25
Près de la pointe du Delta, sur la rive gauche du Nil, et
confinant au désert Libyque, les anciens plaçaient le nome
Létopolitès avec Sekhemt (Latopolis) et Kerkasore*; sur la
rive droite, et confinant au désert Arabique, le nome Hélio-
politès. On du Nord, l'Héliopolis des Grecs, en était la ca-
pitale. Située sur une hauteur artificielle, elle n'occupait
qu'un espace assez restreint, et n'avait pas une population
nombreuse; elle n'en était pas moins une des capitales
religieuses de l'Egypte et le siège d'une école de théologie
célèbre dans le monde entier. D'après la tradition grecque,
Solon^ Pythagore, Platon, Eudoxe, y avaient passé plusieurs
années de leur vie dans l'étude des sciences et de la philo-
sophie égyptiennes. Deux villes voisines, Kher et H'â-ben-
ben, avaient joué un grand rôle dans les guerres osiriennes,
et étaient des sanctuaires renommés. Sur les bords du Nil
s'élevaient Babylone et Trouwou. Trouwou était située pres-
que en face de Memphis : ses carrières ouvertes par les rois
des premières dynasties ont été exploitées à peu près sans
interruption jusqu'à l'époque arabe. Les Grecs l'appelaient
Troja, et prétendaient qu'elle avait été bâtie par des pri-
sonniers troyens, comme sa voisine Babylone d'Egypte l'a-
vait été par des prisonniers babyloniens \
La nomenclature des provinces du Delta n'est pas encore
établie avec assez de certitude pour que je me hasarde à la
donner en détail. Il me suffira de citer : sur la branche
Ganopique du Nil, rive droite, Saï (Sais) dans le nome
Saïtès ; entre la branche Ganopique et la branche Sébenny-
tique, IQisôou (Xoïs) et Pa-outs (Bouto) , cette dernière dans
le nome Am inférieur ou Patonouts (Phthénéotès *) ; sur la
branche Sébennytique, rive gauche, Thebnouter (Sebenny-
tos), rive droite, Hâ-ta-ab-ra (Athribis) ; entre la branche
Sébennytique et la branche Pélusiaque , Pabanebdad ou
Dadou (Mendès) et Tanis. Au delà de la branche Pélusiaque,
entre le Nil et le Désert, s'flevait la ville de Tsal, forteresse
1. Brugsch, G, Insch., t. ï, p. 243-244. — 2. Diodore de Sicile, 1. I,
ch. 56; Strabon, 1. XVII, ch. 1. Cf. sur Trouwou, Bnip^sch, Zeitsch.^
1867, p. 89-95. — 3. Brugsch, Zeitschriftj 1871, p. 11-13.
26 CHAPITRE I.
frontière de l'Egypte du côté de la Syrie, et dont l'empla-
cement est encore inconnu *. Aussi bien ces villes du Delta,
malgré leur antiquité et leur richesse, n'eurent dans l'his-
toire d'Egypte qu'un rôle secondaire. Des vingt premières
dynasties, elles n'en fournirent qu'une seule, la quator-
zième, originaire de Xoïs, et encore est-elle insignifiante.
Vers Je onzième siècle, elles n'arrivèrent à la vie politique
et à la prépondérante que pour présider à la décadence du
pays, et l'accélérer par leurs rivalités perpétuelles. La
fondation deNaucratis, et surtout d'Alexandrie, les ruina
si complètement, qu'au premier siècle de notre ère la
plupart d'entre elles étaient réduites à la condition de
simples bourgades.
Telle était la répartition des nomes à la surface du pays.
Leur origine remontait, comme je l'ai dit plus haut,
jusqu'aux générations antéhistoriques ; c'est à peine si
les générations postérieures purent compléter ou modifier
on quelques-unes de ses parties le système administratif
établi par leurs ancêtres. Aussi bien les Shesou-Hor avaient
eu le mérite de fonder presque toutes les institutions de
l'Egypte historique. On leur attribuait, ou plutôt on attri-
buait aux dieux qu'on disait avoir régné sur eux, l'établis-
sement des premières lois civiles, la découverte des arts
utiles à la vie ou au plaisir de l'homme, l'invention du pa-
pier et de l'écriture. La religion de l'Egypte était, en partie
au moins, leur ouvrage : ils avaient créé la plupart des
noms divins, et fixé presque tous les dogmes dont nous
trouvons l'exposé sur les monuments d'époque posté-
rieure.
De la religion égyptienne.
Lorsqu'on parcourt les grandç recueils où leg savants
de notre siècle ont reproduit en partie les restes des mo-
numents égyptiens, ce qui frappe tout d'abord, c'est l'abon-
1. Brugsch (Zeilichrip, 1872, p. 16) propose de Tiâentifier avec
Tanis.
L'ÉGYI>TE PRIMITIVE. 27
daince presque incroyable de tableaux mystiques et de
scènes religieuses qui sont parvenues jusqu'à nous. Il n'y
ïi presque pas de planches où l'on ne retrouve une des
figures de la divinité recevant d'un air impassible les of-
frandes et les prières du prêtre ou du roi prosterné devant
elle. On dirait, à voir tant de représentations sacrées, que
ce pays était habité surtout par des dieux et renfermait
d'hommes juste ce qu'il en fallait pour les besoins du culte.
Les Égyptiens étaient un peuple dévot : soit tendance na-
turelle, soit effet de l'éducation, ils voyaient Dieu pai*tout
dans l'univers, ils vivaient en lui et pour lui. Leur esprit
était plein de ses grandeurs, leur bouche pleine de ses
louanges, leur littérature pleine d'oeuvres inspirées par ses
bienfaits. La plupart des manuscrits échappés à la ruine
de leur civilisation ne traitent que de matières religieuses,
et, dans ceux mêmes qui sont consacrés à des sujets pro-
fanes, les allusions et les noms tnyîhologiques se présen-
tent à chaque page, souvent à chaque ligne*.
Au commencement étaitle Non, l'Océan primordial dans
les profondeurs infinies duquel flottaient confondus les
germes des «choses. De toute éternité. Dieu s'engendra et
s'enfanta lui-même au sein de cette masse liquide sans
forme encore et sans usage. Ce Dieu des Égyptiens était
un être unique, parfait, doué d'une science et d'une intel-
ligence certaines, incompréhensible à ce point qu'on ne
peut dire en quoi il est incompréhensible. Il est le « un
unique, celui qui existe par essence, le seul qui vive en
substance, le seul générateur"dans le ciel et sur la terre
qui ne soit pas engendré ) le père des pères, la mère des
mères. » Toujours égal, toujours immuable dans son im-
muable perfection, toujours présent au passé comme à
l'avenir , il remplit l'univers sans qu'image au monde
puisse donner même une faible idée de son immensité ;
on le sent partout, on ne le saisit nulle part.
Unique en essence, il n'est pas unique en personne. Il
1. Cf. de Rougé, Études sur le Rituel Funéraire dans la Revue 4r-
chéologique de 1860, p 69 sqq.
1
28 CHAPITRE I.
est père par cela seul qu'il est^ et la puissance de sa na-
ture est telle qu'il engendre éternellement sans jamais
s'affaiblir ou s'épuiser. Il n'a pas besoin de sortir de lui-
même pour devenir fécond ; il trouve en son propre sdin
la matière de son enfantement perpétuel. Seul, par la plé-
nitude de son être, il conçoit son fruit, et comme en lui la
conception ne saurait être distinguée de l'enfantement, de
toute éternité il produit en lui-même un autre lui-même.
Il est à la fois le père, la mère et le fils de Dieu. Engen-
drées de Dieu, enfantées de Dieu, sans sortir de Dieu, ces
trois personnes sont Dieu en Dieu, et, loin de diviser
l'unité de la nature divine, concourent toutes trois à son
infinie perfection.
Ce Dieu triple et un a tous les attributs de Dieu, l'im-
mensité, l'éternité, l'indépendance, la volonté toute-puis-
sante, la bonté sans limites. Il développe éternellement
ces qualités souveraines, ou plutôt, pour me servir d'une
expression chère aux écoles religieuses de l'ancienne
Egypte , « il crée ses propres membres , qui sont les
dieux* » et s'associent à son action bienfaisante. Chacun
de ces dieux secondaires, considéré comme identique au
Dieu un, peut former un type nouveau d'où émanent à
leur tour et par le même procédé d'autres types inférieurs.
De trinités en trinités, de personnifications en personnifi-
cations, on en arrive bientôt à ce nombre vraiment in-
croyable de divinités aux formes parfois grotesques et sou-
vent monstrueuses, qui descendent par degrés presque
insensibles de l'ordre le plus* élevé aux derniers étages de
la nature. Néanmoins, les noms variés, les formes innom-
brables que le vulgaire est tenté d'attribuer à autant d'ê-
tres distincts et indépendants, n'étaient pour l'adorateur
éclairé que des noms et des formes d'un même être. « Le
Dieu, quand il en vient à la génération et qu'il amène à la
lumière la force latente des causes cachées, s'appelle Am-
mon; quand il est l'esprit qui résume en soi toutes les
intelligences Imhotep ('Ijjiouôyiç) ; quand il est celui qui
1 . Todtenhuch,, ch. xvii, 1. 8.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 29
accomplit toutes choses avec art et vérité, Phtah ; enfin
quand il est le Dieu bon et bienfaisant, Osiris^, » Am-
mon, Imhotep, Phtah, Osiris, n'étaient pas adorés indif-
féremment par tout le pays. Chaque nome de l'Egypte
de même qu'il avait sa dynastie, avait son Dieu national
qui était une des formes et portait un des noms du Dieu
unique. Formes et noms du Dieu unique s'étaient par-
tagé la vallée en autant de domaines qu'il y avait de
nomes et avaient constitué à côté de la féodalité politique
une sorte de féodalité divine. Toum régnait sur Héliopo-
lis; Théni et plus tard Abydos, étaient sous l'autorité
immédiate d'Osiris; Ammon possédait Thèbes, et Phtah
vint dans les temps historiques s'établira Memphis. Cha-
cun de ces dieux, identique en substance au dieu lies autres
nomes, reconnaissait de bonne grâce cette identité fonda-
mentale. Ammon de Thèbes, donnait l'hospitalité dans
son temple à Min ou Khem de Goptos, à Toum d'Hélio-
polis, à Phtah de Memphis, qui, de leur côté, lui faisaient
place auprès d'eux dans leurs propres sanctuaires. L'ha-
bitude de réunir dans une même adoration les formes dif-
férentes de la divinité amenait perpétuellement leur fusion
en une seule et même personne, Sevek du Fayoum, asso-
cié à Râ, se changeait en Sevek-Râ; Phtah se confondait
avec Sokari, sous le nom de Phtah-Sokari; et celui-ci,
rapproché d'Osiris, devenait Phtah-Sokar-Osiris. Tous les
types divins se pénétraient réciproquement et s'absorbaient
dans le Dieu suprême. Leur division, même poussée à l'in-
fini, ne rompait en aucune manière l'unité de la substance
divine : on pouvait multiplier à volonté les noms et les
formes de Dieu, on ne multipliait jamais Dieu.
Son action s'étendant sur le chaos primordial le dé-
brouilla sans effort. Il dit au soleil : « Viens à moi » et
le soleil, venant à lui, commença de briller. A son ordre
Shou, le lumin'îux, aplanit la terre et sépara les eaux en
deux masses distinctes. L'une, répandue à la surface du
sol, donna naissance aux fleuves et à l'Océan; l'autre, sus-
1. Jamblique, de Mysteriis, sect. vni,c.3, p. 159.
30 CHAPITRE I.
pendue dans les airs, forma la voûte du ciel, les eaux
d'en haut, sur lesquelles les astres et les dieux, entraînés
par un courant éternel, se mirent à flotter. Mais en éta-
blissant les lois qui règlent Tharmonie du monde, l'ordon-
nateur universel avait par cela même soulevé contre lui
les forces malfaisantes de la nature. Leur chef, que les
monuments représentent sous la figure d'un long serpent
sinueux nommé Apap, essaya d'anéantir l'œuvre divine :
la bataille s'engagea entre les dieux lumineux, fécondants,
et les fils de la rébellion, ennemis de la lumière et de la
vie. Terminée non sans peine, à l'avantage des premiers,
elle n'amena pas de résultats décisifs. Tant que dure le
monde, les monstres seront vaincus, affaiblis, mais non dé-
truits. Sans .cesse en révolte contre le pouvoir qui les ac-
cable, ils menacent sans cesse l'ordre de la nature. Afin
de résister à leur action destructrice. Dieu doit, pour
ainsi dire, créer de nouveau le monde au matin de chaque
jour.
La lutte éternelle de Dieu et des mauvais principes, les
Égyptiens l'avaient transportée des régions mystiques
de la religion dans le domaine matériel de la nature. Ils
comparaient Dieu au Nil nourricier et le mauvais principe
au désert qui assiège l'Egypte de ses vagues ardentes : la
guerre de Dieu contre le mauvais principe devenait alors
la guerre du Nil contre le désert. Ils assimilaient Dieu
au soleil, dont la naissance journalière leur paraissait être
l'emblèpixe le plus évident de la perpétuelle génération
diyine, et le mauvais principe aux ténèbres de la nuit.
Tantôt Râ, 1q soleil, n'était pour eux que la créature la
plus brillante du Tout-puissant et comme le corps vivant
de la divinité. Ta^ntôt il était Dieu lui-même et revêtu des
pouvoirs souverains. « Hommage à toi, momie qui se ra-
jeunit et renaît [perpétuellement, être] qui s'enfante lui-
même chaque jour 1 Hommage à toi, qui luis dans le Nou^
pour vivifier tout ce qu'il a créé, qui as fait le ciel et en-
veloppée djd my^tèr^ spn horizon ! Hommage à toi, Râ, q^ai
[apparaissant] à ton heure, lances des rayons de vie pour
les êtres intelligents | Momm^^f» i toi, ^ui as fait tes dieux
L'EGYPTE PRIMITIVE. 31
dans leur totalité, Dieu qui se cache et dont on ne con-
naît point rimage ! Hommage à toi ! quand tu circules au
firmament, les dieux qui t'accompagnent poussent des
cris de joie * ! y> L'assimilation et parfois l'identité com-
plète du Dieu suprême avec le soleil une fois admise, Tas-
similation et l'identité complètes des formes secondaires
de Dieu avec Râ devint toute naturelle. Ammon, Osiris,
Hor, Phtah lui-même furent regardés tantôt comme
râ/me vivante de Râ^ tantôt comme Râ lui-même. Les plias-
ses de son cours^ étudiées et distinguées à l'envi, furent
considérées comme autant de manifestations, autant de
formes [Khoper] de son être. Le soleil fut nommé Atoum
avant son lever, Hor-em akhou-ti, Hor dans les deux hori-
zons, l'Harmachis des Grecs, au moment de son lever et de
son coucher, Khoper ou Harpocrate (Hor enfant) à son
lever, Râ, Shou, Anhour, Hor en son midi, Nower-Toum à
son coucher, Osiris pendant la nuit, lorsqu'il s'est enfoncé
dans les ténèbres et traverse les régions du ciel inférieur.
Sa vie journalière, depuis le moment où il apparaît à l'ho^
rizon du matin jusqu'au moment où il disparaît derrière
la montagne d'Occident, devint la vie du Dieu suprême,
et sa lutte contre l'obscurité, la lutte de Dieu contre les
mauvais principes.
C'est lui : le voici qui se dégage lentement des étreintes
de la nuit. Il ne fait qu'apparaître « à l'horizon oriental du
ciel 5>, et déjà « les rayons vivants de ses yeux pénètrent,
animent, fortifient tous les êtres. » Debout dans la cabine
de sa barque sacrée, « la bonne barque des millions d'an-
nées, » enveloppé dans les replis du serpent Mehen qui
est l'emblème de son cours, il glisse lentement sur le cou-
rant éternel des eaux célestes, guidé et suivi par cette ar-
mée de dieux secondaires dont les peintures nous mon-
trent les formes bizarres. Hor, debout à l'avant, sonde
l'horizon du regard çt signal^ l'ennemi qu'il se tient prêt
9
1. De Sougé, Enai sur une ^èU funéraire de la eolleeHon Fanage'
qua, Berlin, 1849; G. Maspero, sur la LiUérature religieuse, dans la
Hevu6 politique, 1872, p. 461.
32 CHAPITRE T.
à percer de sa lance; uii autre Hor tient le gouvernail.
Les Akhimou-Ourdou, ceux qui jamais ne reposent, et les
Akhinjou-Sekou, ceux qui jamais ne halent, armés de lon-
gues rames, manœuvrent la barque et la maintiennent au
fil de Teau : ils se recrutent sans cesse parmi les âmes pu-
res, et les rois des deux Égyptes eux-mêmes tiennent à
honneur d'en faire partie.
« Tu t'éveilles bienfaisant, Ammon-Ra-Harmakhis ; tu
t'éveilles véridique, AiQmon-Râ, seigneur des deux hori-
zons! 0 bienfaisant, resplendissant, flamboyant! Ils ra-
ment tes nautoniers, ceux-là qui sont les Akhimou-Ourdou !
Us te font avancer tes nautoniers, ceux-là qui sont les
Akhimou-Sekou ! Tu sors, tu montes, tu culmines en bien-
faiteur, guidant ta barque sur laquelle tu croises, par Tor-
dre souverain de ta mèreNout*, chaque jour! Tu parcours
le ciel d'en haut, et tes ennemis sont abattus ! Tu tournes
ta face vers le couchant de la terre et du ciel : éprouvés
sont tes os, souples tes membres, vivantes tes chairs, gon-
flées de sève tes veines, ton âme s'épanouit ! On adore ta
Majesté Sainte, on la suit sur le chemin des ténèbres; tu
entends l'appel de ceux qui t'accompagnent derrière la
cabine [dé ta barque], les exclamations des nautoniers
[dont] le cœur est content [parce que] le seigneur du ciel
a comblé de joie les chefs du ciel inférieur, les allégresses
des dieux et des hommes qui poussent des exclamations et
s'agenouillent devant le soleil sur son pavois, par l'ordre
souverain de ta mère Nout, [et dont] le cœur est content
[parce que] Râ a renversé ses ennemis ! Le ciel est en allé-
gresse, la terre est en joie, les dieux et les hommes sont
en fête, afin de rendre gloire à Râ-Harmakhis, lorsqu'ils le
voient se lever dans sa barque et qu'il a renversé les en-
nemis à son heure ! La cabine est en sûreté, car le serpent
Mehen est à sa place et l'uraeus a détruit les ennemis.
« Avance sur ta mère Nout, seigneur de l'éternité I Après
avoir récité pour toi les charmes de l'enfantement, elles se
relèvent Isis et Nephthys, lorsque tu sors du sein de ta
1. La voûte céleste.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 33
mère Nout ! Lève-toi, Râ-Harmakhis ! Ton lever luit comme
un rayonnement, comme ta parole de vérité contre tes ad-
versaires. Fais ouvrir ta cabine ! Repousse le méchant en
son heure, afin qu'il n'avance pas, Tespace d'un moment!
Tu as anéanti la valeur de l'impie; l'adversaire de Râ
tomie dans le feu de la désolation, lorsqu'il attaque en ses
heures. Les enfants de la rébellion n'ont plus de force;
Râ prévaut contre ses adversaires. Les obstinés de cœur
tombent sous les coups; tu fais vomir à l'impie ce qu'il
avait dévoré. Lève-toi, Râ, dans l'intérieur de ta cabine :
a Fort est Râ ; faible, l'impie !
ce Haut est Râ; foulé, l'impie! • •
a Vivant est Râ; mort, l'impie!
« Grand est Râ ; petit, l'impie !
ce Rassasié est Râ; affamé, l'impie!
ce Abreuvé est Râ; altéré, l'impie!
« Lumineux est Râ ; terne, l'impie 1
c< Bon est Râ ; mauvais, l'impie !
« Puissant est Râ; faible, l'impie I
ce Râ existe ; Apap est anéanti !
Oh ! Râ ! donne toute vie au Pharaon ! Donne des pains à
son ventre, de l'eau à son gosier, des parfums à'sa cheve-
lure ! Oh ! bienfaisant comme Râ, Harmakhis, navigue avec
lui, par ordre souverain! Ceux qui sont dans ta barque
sont en exultation ; troublés, confondus, sont les impies !
ce Un bruit de joie est dans le lieu grand; la cabine de
la barque est en exultation. Ils poussent des exclamations
• dans la barque des millions d''années les nautoniers de Râ;
leur cœur est joyeux quand ils voient Râ. Les dieux -sont
en exultation; le grand cycle divin est comblé de joie en
rendant gloire à la grande bari ; des réjouissances se font
dans la chapelle mystérieuse.
ce Oh lè.ve-toi, Ammon-Râ-Harmakhis, qui se crée lui-
même ! Tes deux sœurs * se tiennent à l'Orient, elles sont
accueillies, elles sont portées vers ta barque, cette bonne
barque de toute procréation. Râ, qui a émis tous les biens,
1. Isis et Nephihys.
HIST. AlfC. 3
34 CHAPITRE I.
viens, M qui se crée lui-même ! Fais que le Phafaon re-
çoive les offrandes qui se font dans Hâ-benben*, sur les
autels du Dieu dont secret est le nom ! Honneur à toi,
vieillard qui se manifesta en son heure, seigneur aux faces
nombreuses, Urœus qui produit les rayons destructeurs des
ténèbres ! Tous les chemin§ sont remplis de rayons. G^est à
itoi que les cynocéphales donnent les offrandes qui sont
dans leurs mains, à toi qu'ils adressent leurs chants, dan-
sant pour toi, faisant pour toi leurs incantations et leurs
prières*. Ils sont appelés dans le ciel et sur la terre; ils
sont conduits à tes gracieux levers ; ils t'ouvrent (variante,
ils brisent pour toi) les portes de Thorizon occidental du
ciel ; ils font aller Râ dans la paix, dans T exaltation de ta
mère Nout. Ton âme examine ceux qui sont dans le ciel in-
férieur, et les âmes sont dans le ravissement matin et soir.
[Car] tu fais le fléau qui tue et tu adoucis la souffrance
d'Osiris, tu donnes les souffles à (|ui est dans la vallée fu-
néraire.
<c Tu as illuminé la terre plongée dans les ténèbres ; tu
adoucis la douleur d'Osiris. Ceux qui sont goûtent les
souffles de la vie, ils poussent des exclamations vers toi, ils
s'agenouillent devant cette forme qui est tienne de Sei-
gneur des formes! Us rendent honneur à ta force dans cette
figure bienfaisante qui est tienne de Dieu Matin! Les
dieux tendent leurs bras vers toi, lorsqu'ils sont enfantés
par ta mère Nout. Viens au Pharaon, donne-lui ses mérites
dans le ciel, sa puissance sur la terre, ô Râ ! qui as réjoui
le ciel, ô Râ ! qui as frappé la terre d'une crainte respec-*
tueuse!
a 0 bienfaisant Râ-Harmakhis !
ce Tu as soulevé le ciel d'en haut pour élever ton âme ;
tu as voilé le ciel inférieur pour [y cacher] tes formes funé-
raires !
ce Tu as élevé le ciel d'en haut à la longueur de tes bras;
tu as élargi la terre par [l'écartement de] tes enjam-
bées.
1. La demeure du Phénix, le grand temple d'Héliopolis. —2. Les mo-
numents nous montrent en effet les cynocéphales adorant le soleil levant.
L'EGYPTE PRMmVE. 35
ce Tu as réjoui le ciet d'en haut par la grandeur de tcm
âme; la terre te craint grâce à F oracle de ta statue.
ce Épervier saint, à Taile fulgurante; Phénix aux multi-*
pies couleurs ;
« Grand lion qui se défend soi-même et qui ouvre les
voies de la barque Sekti*, ♦
a Ton rugissement abat tes adversaires, tandis que tu
fais avancer la grande barque ;
ce Les hommes t'invoquent, les dieux te craignent ; tu as
abattu les ennemis sur leurs faces.
9 Coureur qu'on ne peut atteindre au matin de ses nais*
sances, élevé plus que les dieux et les hom;mes,
ce Lève-toi pour nous, nous ne connaissons pas ton
image; apparais à notre face, nous ne connaissons pas ton
corps !
ce .0 bienfaisant Râ-Harmakhis !
ce Tu te rues, mâle [sur les femelles].
ce Taureau la nuit, chef en plein jour, beau disque bleu,
a Roi du ciel, souverain sur la terre, grande image
dans les deux horizons du ciel,
ce Râ — : créateur des êtres, Totounen, vérificateur des
êtres intelligents,
ce Que le fils du Soleil, le Pharaon, soit vénéré pour tes
mérites ; qu'il soit adoré quand tu te lèves bienfaisant à
l'horizon oriental du ciel. C'est lui qui dirige ta course,
qui renverse tes ennemis devant toi, qui repousse tous
tes adversaires, qui examine pour toi Yûzâ^ en son
lieu*. »
Cependant le Dieu passe enveloppé de cette lumière
éblouissante qui ne permet pas à l'œil humain de sonder les
profondeurs de son être :
<« 0 Dieu qui t'es ouvert les voies, ô toi qui as percé à
travers les murailles ! Oh ! Dieu qui se lève en qualité de
soleil ! Être qui devient sous la forme de Khepra dans le
1. La barque Sekti était la barque du Soleil. -^ 2. Vûaa est Tœildu
dieu. L'œil droit du dieu est le Soleil, son œil gaucbe est la Lune. — >
3. Lepsius, Denkm., VI, pi. CXV. — PI. CXVIÏ.
36 CHAPITRE I.
double horizon ! Tu as éveillé ceux qui te font parcourir
les chemins du ciel ; tu t'approches du Grand Chef pour
faire le plan du temps durant le cours de l'éternité !
« Enfant qui nais chaque jour,
« Vieillard [enfermé] dans les bornes du temps ,
« Vieillard qui parçoursbrétemité!
« Si immobile, qu'il ouvre toutes ses faces,
« Si élevé qu'on ne peut l'atteindre!
« Seigneur de la demeure mystérieuse où il se tient
caché,
« Être caché dont on ne connaît point l'imagé !
ce Seigneur des années, qui dpnne la vie à qui lui a
plu!
<c
« Tu es venu, tu as ouvert les chemins, tu as parcouru
les voies de l'éternité*. » C'est ainsi, au milieu des acclama-
tions et des prières, qu'il poursuit sa marche radieuse, jus-
qu'au moment où, poussé toujours par le courant irrésisti-
ble, il plonge à l'occident et disparaît pour un temps dans
la nuit du ciel inférieur.
Les pouvoirs malfaisants vaincus et contenus, l'œuvre du
Dieu n'est pas encore complète. « Il a créé le sol, l'argent,
l'or, — le lapis vrai à son bon plaisir *. — Il fait les
herbages pour les bestiaux, — les plantes dont se nourris-
sent les humains. — Il fait vivant le poisson dans le fleuve,
— les oiseaux dans le ciel, — donnant les souffles à ceux
qui sont dans un œuf. — Il vivifie les reptiles, — fait ce
dont vivent lés oiseaux ; — reptiles et oiseaux sont égaux
[à ses yeux]. — Il fait des provisions au rat dans son trou,
— [et] nourrit l'oispau sur la branche. — Sois béni pour
tout cela, — Un unique, multiple de bras*. » Enfin «les
hommes sortent de ses deux yeux*», et se répandent à la
surface de la terre, « troupeau de Râ, » divisé en quatre
races, les Égyptiens {Retou),hs hommes par excellence et
1. Lepsius, Denkm,, VI, pi. CXX, 1. 66-77. — 2. Papyrus de Bou-
laq, t. II, pi. XI, p. 8, 1. 6-7. -^ 3, Id., pi. XI, p. 6, 1. 3-7. -r 4, Id.,
pi. XI, p. 6, 1. 3.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 37
les Nègres (Nahsi) qui sont sous le patronage d'Hor; les
Asiatiques (Aâmou) et les peuples du Nord, à peau blan-
' che, sur lesquels Sekhet, la déesse à tête de lionne, étend
sa protection*. « Salut à toi! disent-ils tous, — louange à
toi parce que tu demeures parmi nous 1 — Prosternations
devant toi, parce que tu nous crées ! » — Tu es béni de
toutes créatures ; — tu as des adorateurs en toute région,
— au plus haut des cieux, dans toute la largeur de la terre
— au profond des mers. — Les dieux s'inclinent devant ta
Sainteté ; — les âmes exaltent qui les a créées, — elles se
réjouissent de se présenter devant leur générateur, — elles
te disent : « Va en paix, — père des pères de tous les
« dieux, — qui as suspendu le ciel, — étendu la terre ;
a — créateur des êtres, formateur des choses, — roi sou-
« verain, v. s. f.*, chef des dieux, — nous adorons tes
« esprits, parce que tu nous as faits ; — nous te faisons
« [des offrandes], parce que tu nous a^ donné naissance; —
« nous te faisons des bénédictions, parce que tu demeures
a parmi nous ' . »
Au sortir des mains du créateur, Thomme ne connaissait
encore aucun des arts nécessaires à la vie ; il n'avait même
pas de langage et en était réduit à imiter les cris des ani-
maux. Dieu descendit sur la terre et se manifesta aux
humains sous différentes formes dont la succession est en-
registrée dans les dynasties divines. Le nom de ces formes
ou plutôt de ces dieux varia selon les temps et les lieux.
A Memphis, Phtah prenait la tête de la liste. Venaient
ensuite :
Le roi de la Haute et de la Basse Egypte (Ra) v. s. f.
Le roi de la Haute et de la Basse Egypte (Shou, fils de
Râ) V. s. f.
Le roi de la Haute et de la Basse Egypte (Seb) v. s. f.
1. Denkm., III, pi. CXXXV-CXXXVI. — 2. F. s. f, est l'abréviation de
la formule vie, santé, force, qui suit toujcfurs le nom des rois ou les titres
réservés exclusivement à la royauté. — 3. Papyrus de Boulaq^ t. II,
pl. XI, p. 7, 1. 2, p. 8, 1. 1. La traduction complète de cet hymne a été
donnée par M. Grébaut, Tun des égyptologues dont les débuts font le
plus bonneur à Técole française.
98 GHAPITRS I.
Le roi de la Haute et de la Basse Egypte (Osiris-^un-
MOWRS, roi dps dieux) v. s. f.
Le roi de la Haute et de la Basse Egypte (Set) v. s. f, •
Le roi de la Haute et de la Basse Egypte (Hor) v. s. f.
A Héliopolis, Atoum avait la première place. A Thèbes,
Phtah et Atoum cédaient la primauté à Ammon-Râ, le roi
des dieux, le dieu de la première fois. Lé règne de cette
dynastie divine était regardé par les Égyptiens des temps
postérieurs comme un âge d'or auqpel ils ne soîigeaient
jamais «ans envie : pour dire d'une chose qu'elle était su-
périeure à tout ce qp'on pouvait imaginer, ils affirmaient
<c ne pas en avoir vu la pareille depuis les jours du dieu
Râ»*.
Osiris était le plus populaire des dftux-rois. Je n'en-
treprendrai pas de raconter sa légende; la plupart des do-
cuments nécessaires à pareille tâche nous font encore défaut,
et ceux que nous aVons sont trop obscurs pour nous per-
mettre de démêler ce qui appartient à diacune des écoles
de théologie qui ont successivement passé en Egypte. Sçn
mythe n'est qu'une des formes sous lesquelles an se plai-
sait à représenter la lutte du bien et du mal, du dieu or-
donnateur contre le désordre du chaos. Osiris, l'être bon
par excellence ((yu/nnowré)^ est en guerre perpétuelle avec
Set (Typhon) le maudit : Osiris, dieu solaire et forme in-
fernale de Râ, est l'ennemi éternel de Set, le dieu des ténè-
bres et de la nuit. Après sa disparition à l'ouest du ciel, « le
Toi du jour, souverain de la nuit, qui avance sans station
ni relâche, » Râ, n'arrêtait point sa course. Il allait « sur
la voie mystérieuse de la région d'occident » à travers les
ténèbres de l'enfer «d'où nul vivant n'est jamais revenu^ »,
et voyageait pendant douze heures pour regagner l'Orient
et reparaître à la lumière. Cette naissance et cette mort
journalières du soleil, indéfiniment répétées, avaient sug-
géré aux Égyptiens le mythe d'Osiris. Gomme tous les
1, Voici les noms de ces dieux-rois, sous la forme grecque : *H(pai<rcoç,
*'HXto(, £âÇ) Kpovoc, "Offtpi; ("Ovvoçpiç), Tuçwv, *ûpoç.— 2. Cf. Goodvirin
dans les Records ofthe Tast, t. IV, p. 117, 1. 8 et p. 118, 1. 14.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 39
dieux, Osiris est le soleil : sous la figure de Râ, il brille au
ciel pendant les douze heures de la journée; sous la forme
d*Osiris Ounnowré, il régit la terre. De même que Râ
est chaque soir attaqué et vaincu par la nuit qui semble
l'engJoutir à jamais, Osiris est trahi par Set qui le met en
pièces et disperse ses membres pour l'empêcher de repa-
raître. Malgré cette éclipse momentanée, ni Osiris ni Râ ne
sont morts. Osiris Khent-Ament, Osiris infernal, soleil de
nuit, renaît, comme le soleil au matin, sous le nom d'Har-
pechroud, Hor enfant, THarpocrate des Grecs. Harpocrate
qui est Osiris, lutte contre Set et le bat, comme le soleil
levant dissipe les ombres de la nuit; il venge son père,
mais sans anéantir son ennemi. Cette lutte, qui recom-
mence chaque jour et symbolisait la vie divine, servait
aussi de symbole à la vie humaine. La vie n'était pas, en
effet, confinée à cette terre. L'être qui naissait à notre
monde avait déjà vécu et devait vivre ailleurs : Ijes moments
de son existence terrestre n'étaient qu'un des stages, un des
devenirs (khepraou) d'une existence dont il ne connaissait
ni le commencement ni la fin. Chacun des stages de cette
existence, et partant la vie humaine, répondait à un jour
de la vie du soleil et d^Osiris. La naissance de l'homme
était le lever du soleil à l'Orient ; sa mort, la disparition
du soleil à l'Occident du ciel. Une fois mort, l'homme de-
venait Osiris et s'enfonçait dans la nuit jusqu'au moment
où il renaissait à une autre vie comme Hor-Osiris à une
autre journée.
Pendant sa vie terrestre, l'homme se compose surtout
d'intelligence [Khou] et de corps : par l'une, il tient à Dieu ;
par l'autre, il se rattache à la matière et participe de ses
vices. Dans le principe, la parcelle d'intelligence qui fait
son être, revêtue d'une lumière subtile*, est en liberté de
parcourir les mondes, d'agir sur 'les éléments, de les oi^
donner et de les féconder selon qu'il lui semble expédient.
Mais, à l'entrer dans une prison de terre, elle dépouille cet
1. Khou veut dire briller , resplendir. De là le nom de khou, le f>rillan$,
^ f>uinine%tsç^ que porte rintelligence revêtue de lumière
40 CHAPITRE I.
habit de feu dont le seul contact suffirait à détruire les
éléments grossiers dont nous sommes pétris, et se glisse
dans une substance moins excellente, bien que divine en-
core. Cette substance qu'on appelle cmie (ba), reçoit l'in-
telligence et la tient couverte comme d'un voile qui en af-
faiblit r éclat; mais, trop pure elle-même pour se marier
directement avec la matière, elle emploie à la transmission
de ses ordres et à l'accomplissement de ses volontés un
agent inférieur qui est Vesprit ou le souffle (Nivvrou). Seul,
en raison de son imperfection, l'esprit peut se répandre
dans le corps sans l'anéantir ou le blesser; il pénètre les
veines, gonfle les artères, se mêle au sang, remplit et porte
pour ainsi dire l'animal entier. JJwme (ba) est l'enveloppe
de Y intelligence [viROn)^ Vesprit (niwou) l'enveloppe de
l'âme, le corps (khat) l'enveloppe de l'esprit : toutes ces
parties, d'origine et de vertus différentes, s'entretiennent
par un lien invisible qui dure autant que la vie, et leur
assemblage fait l'homme.
Le corps, l'esprit, l'âme lui sont communs avec les bêtes.
Mais les bêtes, dénuées de raison, vivent à l'aveugle, bon-
nes ou mauvaises par instinct ou par aventure, non par
règle certaine ; leur âme, enfoncée dans la matière, ne voit
rien au delà. L'homme a de plus qu'elles l'intelligence dont
les direcJ;ions le maintiennent dans la voie droite et lui ap-
prennent à faire la distinction du bien et du mal. L'intel-
ligence, entrée dans une âme humaine, essaie de l'arra-
cher à la tyrannie du corps et de l'élever jusqu'à soi; mais
comme elle est dépouillée de son vêtement de feu, elle n'est
plus assez forte pour mettre à néant les passions et les
désirs grossiers que la chair nous inspire. Le corps, con-
trarié dans ses inclinations, s'insurge, les mauvais instincts
se réveillent, la guerre s'engage et se prolonge avec des
chances variées. Souvent l'intelligence, trahie par l'âme
qui ne peut pas ou ne veut pas rompre ses attachements au
monde, se retire du combat pour n'y plus revenir : l'homme,
privé de l'étincelle divine, ne vit plus que par machine et
s'abaisse à la brute. Souvent aussi, à force de patience et
de courage, elle triomphe : les passions dominées devien-
L'EGYPTE PRIMITIVE. 41
nent vertus, les vertus s'affermissent et s'exaltent ; Tâme,
dégagée de ses liens, aspire au bien et devine les splen-
deurs éternelles, à travers le voile de matière qui obscur-
cit sa vue.
La fin est arrivée, Thomme est mort à la terre. Aussitôt,
Tesprit se retire dans Tâme, le sang se coagule, les veines
et les artères se vident, le corps laissé à lui-même se ré-
soudrait promptement en molécules informes si les procédés
de l'embaumement ne lui prêtaient un semblant d'éternité.
L'intelligence délivrée reprend son enveloppe lumineuse
et devient démon (khou). L'âme abandonnée de l'intelli-
gence qui la guidait, allégée en même temps du corps qui
l'aggravait, comparaît seule devant le tribunal où Osiris
Khent-Ament siège entouré des quarante-deux membres
du jury infernal*. Sa conscience, ou, comme disaient les
Égyptiens, son ccewr, parle contre elle * ; le témoignage de
sa vie l'accable ou l'absout ; ses actions sont pesées dans
la balance infaillible de vérité efde justice, et, selon qu'el-
les sont trouvées lourdes ou légères, le jury infernal porte
un jugement que l'intelligence ' est chargée d'exécuter.
Elle rentre dans l'âme impie, non plus nue et sans force,
mais armée du feu divin, lui rappelle ses conseils mépri-
sés, ses prières tournées en dérision, la flagelle du fouet
de ses péchés et la livre aux tempêtes et aux tourbillons
des éléments conjurés. Toujours ballottée entre ciel et
terre, sans jamais échapper aux malédictions qui la lient,
la damnée cherche un corps humain pour s'y loger, et, dès
qu'elle l'a trouvé, elle Je torture, l'accable de maladies, le
précipite au meurtre et à la folie'. Lorsque après des siècles
elle touche enfin au terme de ses souffrances, c'est pour
subir la seconde mort et retomber dans le néant. Mais
l'âme juste, après avoir passé son jugement, n'est pas ad-
t. Todth.j ch. cxxv. — -2. Todth.j ch. xxx, 1. 1 sqq. : « 0 cœur, cœur
qui me vient de ma mère, mon cœur de quand j'étais sur terre, ne
te dresse pas comme témoin ; ne lutte pas contre moi en chef divin, ne
me charge point devant le Dieu grand. » — 3. Les recettes médico-ma-
giques traduites par M. Pleyte [Étude sur le Papyms I, 348, de Leyde)
sont dirigées contre des esprits possesseurs de cette nature.
42 CHAPITRE I.
misé à contempler les vérités suprêmes : avant de parvenir
à la gloire, elle doit encore éprouver plus d'une épreuve et
lutter plus d'une lutte. Elle s'élance à travers les espaces
inconnus que la mort vient d'ouvrir à son vol, guidée par
Tintelligence et soutenue par l' espoir ^certain d'une pro-
chaine félicité. Sa science s'est accrue, ses pouvoirs se
sont agrandis, elle est libre de prendre toutes les formes
qu'ir lui plaît revêtira En vain le mal se dresse contre
elle sous mille figures hideuses et tente de l'arrêter par
ses menaces et ses épouvantements ^ ; identifiée avec Osi-
ris*, et partant, victorieuse comme lui, elle parcourt les
demeures célestes* et accomplit dans les Champs d'Aalou
les cérémonies du labourage mystique \ La fin de ses
épreuves approche, les ombres se dissipent peu à peu, le
jour de la bienheureuse éternité se lève et la pénètre de
ses clartés ;. elle se mêle à la troupe des dieux et marche
avec eux dans l'adoration de l'Être parfait*. Il y a deux
chœurs de dieux, les uns errants, les autres fixes; celui-
ci est le dernier degré de l'initiation glorieuse de l'âme '^. A
ce point, l'âme devient 'toute intelligeijce : elle voit Dieu
face à face et s'abîme en lui.
Cette félicité parfaite, tDut le monde ne l'espérait point :
le doute avait envahi certaines âmes à qui la mort apparais-
sait comme une nécessité terrible, et les régions d'outre-vie
comme un pays de silence où tout n'est que deuil et tris-
tesse. « 0 mon frère, ô mon ami, ô mon mari, dit une
* 1. Celles de VÉ'permer d'or {Todth., ch. Lxxvn), du Lotus {z\ï. lxxxi), du
Phénix (ch. lxxxiii), de la Grue (ch. lxxxiv), de rflirondeWe (ch. lxxxvi),
de la Vipère (ch. lxxxvii) . Il ne faut pas oublier que l'assomption de toutes
ces formes est purement volontaire et ne marque nullement le passage
de l'âme humain» dans un corps de bête. Chacune des figures que revê-
tait le Khou était une des figures symboliques de la divinité ; l'entrée de
l'âme dans ces figures ne marquait donc en fait que l'assimilation de
l'âme humaine au type divin qu'elle représentait. — 2. Dans les vi-"
guettes des Papyrus funéraires, le mauvais principe est figuré par le
Crocodile (ch. xxxi, xxxii), la Tortue (ch. xxxvi) et diverses espèces
de serpents (ch. xxxni, xxxv, xxxvii, xli). — 3. Le défunt est toujours
nommé VOsiris N. — 4. Tod^h.y ch.LXxiv-Lxxv. — 5. Id., ch. ex, gxlyi.
— . 6. Id., ch. czxxi. — 7. Id., ch, c, civ, cxi-cxvi, cxxix-cxxx.
L'ÉGYPTJE PRIMITIVE. " 43
à
femme défunte, ne cesse pas de boire, de manger, de vider
La coupe de la joie, d'aimer et de célébrer des fêtes ; suis
toujours ton désir et ne laisse jamais entrer le chagrin en
ton cœur, si longtemps que tu es sur la terre ! Car T Ament
est le pays du lourd sommeil et des ténèbres, une demeure
de deuil pour ceux qui y restent. Ils dorment dans leurs
formes incorporelles, ils ne s'éveillent pas pour voir leurs
frères, ils ne reconnaissent plus père et mère, leur cœur
ne s'émeut plus vers leur femme ni vers leurs enfants. Un
chacun se rassasie de l'eau de vie, moi seule ai soif. L'eau
vient à qui demeure sur la terre; où je suis, l'eau même me
donne soif. Je ne sais plus qù je suis depuis que j'en-
trai dans ce pays; je pleure après l'eau qui a jailli de là-
haut. — Je pleure après la brise, au bord du courant (du
Nil), afin qu'elle rafraîchisse mon cœur en son chagrin.
Car ici demeure le dieu dont le nom est Toute mort. Il ap-
pelle tout 1^ monde à lui et tout le monde vient se sou-
mettre, tremblant devant sa colère. Peu lui importent
et les dieux et les hommes; grands et petits sont égaux
pour lui. — Un chacun tremble de le prier, car il n'écoute
pas. Personne ne vient le louer, car il n'est pas bienveil-
lant pour qui l'adore : il ne regarde aucune offrande qu'on
lui tend^ »
Afin de mériter les destinées que leur promettait la re-
ligion et d'éviter la mort d'outre-tombe, les Égyptiens
avaient . rédigé comme un code de morale pratique dont
les articles se retrouvent, plus ou moins développés sur
les monuments de toutes les époques. Un grand fonc-
tionnaire contemporain des rois de la cinquième dynastie
disait déjà : « Ayant vu les choses, je suis sorti de ce lieu
(le monde) où j'ai dit la vérité, où j'ai fait la justice.
Soyez bons pour moi, vous qui viendrez après, rendez té-
moignage à votre ancêtre. « C'est le bien (qu'il a fait) ;
1. Lepsius, Âuswahh t. XVII; Bmgech, die jEgyptùche Grœherweîtj
y. 39-40. Cf. pour Texpression du même sentiment, le Chant du Uarpi&te,
traduit par M. Stern {Zeitschrift, 1874), et la chanson du roi Entew,
découverte et publiée par M. Goodwin {Records of the Past^ t. IV,
p. 116-118).
44 GHAPrPRE I.
a puissions-nous agir de même en ce monde ; » qu'ainsi
parlent ceux qui viendront après. Jamai^ je n'ai soulevé de
plaintes; jamais je n'ai tué. 0 seigneur du ciel, puissant...,
maître universel ! Je suis qui passe en paix pratiquant le
dévouement, aimant son père, aimant sa mère, dévoué à
quiconque était avec lui, la joie de ses frères, l'amour de
ses serviteurs, qui n'a jamais soulevé de plaintes*. — Je
suis venu des choses, je suis sorti du monde, enseveli
dans ce tombeau. J'ai dit la vérité, amie de Dieu, chaque
jour; c'est le bien que j'ai dit aux frères royaux. Jamais je
n'ai dit calomnie contre homme au monde par-devant la
majesté de mon seigneur (le roi) ^. »
C'est au chapitre cxxv du Livre des Morts que se trouve
l'expression la plus belle et la plus complète de ces idées
d'amour et de charité universelle. Le Livre des Morts^
dont chaque momie portait un exemplaire, était, un recueil
de prières et de formules à l'usage du défunt dans l'autre
monde. L'âme, amenée au tribunal d'Osiris, plaide sa
cause par-devant le jury infernal. « Hommage à vous, Sei-
gneurs de Vérité et de Justice ! Hommage à toi , Dieu
grand, Seigneur de Vérité et de Justice ! Je suis venu vers
toi, ô mon maître ; je me présente à toi pour contempler tes
perfections ! Car il est connu que je sais ton nom et les
noms de ces quarante-deux divinités qui sont avec toi dans
la salle de Vérité et de Justice, vivant des débris des pé-
cheurs et se gorgeant de leur sang, au jour où se pèsent les
paroles par-devant Osiris, le véridique. Esprit double, sei-
gneur de la Vérité et de la Justice est ton nom. Moi, cer-
tes, je vous connais, seigneurs de*la Vérité et de la Jus-
tice ; je vous ai apporté la vérité, j'ai détruit pour vous le
mensonge. Je n'ai commis aucune fraude contre les hom-
mes! Je n'ai pas tourmenté la veuve! Je n'ai pas menti
dans le tribunal! Je ne connais pas le mensonge! Je n'ai
fait aucune chose défendue ! Je n'ai pas fait exécuter à un
chef de travailleurs, chaque jour, plus de travaux qu'il n'en
devait faire ! ... Je n'ai pas été négligent ! Je n'ai pas été oisif I
1. Lepsius, Denkm., II, 43. — 2. Id., II, 81.
^ L'EGYPTE PRIMITIVE. 45
Je n'ai pas faibli ! Je n'ai pas défailli ! Je n'ai pas fait ce qui était
abominable aux dieux ! Je n'ai pas desservi l'esclave auprès de
son maître ! Je n'ai pas afiFaro.é 1 Je n'ai pas fait pleurer ! Je
n'ai poinj; tué ! Je n'ai pas ordonné le meurtre par fraude !
Je n'ai commis de fraude envers personne! Je n'ai point
détourné les pains des temples ! Je n'ai point distrait les
gâteaux d'offrande des dieux ! Je n'ai pas enlevé les provi-
sions ou les bandelettes des morts!... Je n'ai point fait de
gains frauduleux ! Je n'ai pas altéjcé les mesures de grain !
Je n'ai pas fraudé d'un doigt sur une paume ! Je n'ai pas
usurpé dans les champs ! Je n'ai pas fait de gains fraudu-
leux au moyen des poids du plateau de la balance ! Je n'ai
pas faussé l'équilibre de la balance ! Je n'ai pas enlevé le
lait de la bouche des nourrissons ! Je n'ai point chassé les
bestiaux sacrés sur leurs herbages ! Je n'ai pas pris au filet
les oiseaux divins! Je n'ai pas péché les poissons sacrés
dans leurs étangs ! Je n'ai pas repoussé l'eau en sa saison !
Je n'ai pas coupé un bras d'eau sur son passage! Je n'îii
pas éteint le feu sacré en son heure ! Je n'ai pas violé le
cycle divin dans ses offrandes choisies ! Je n'ai pas repoussé
les bœufs des propriétés divines ! Je n'ai pas repoussé de dieu
dans sa procession! Je suis pur! Je suis pur! Je suis pur! »
Les mêmes formules de confession négative sont répé-
tées presque mot pour mot dans la deuxième section du
chapitre, jointes chacune au nom d'un des quarante-deux
membres du jury infernal. La troisième section se borne
à reproduire sous une forme parfois très-mystique les
idées exposées dans, la première : «Salut à vous, dieux
qui êtes dans la salle de Vérité et de Justice, qui n'avez
point le mensonge en votre sein, mais vivez de vérité dans
On et en nourrissez votre cœur, par-devant le Seigneur
Dieu qui habite en son disque solaire. Délivrez-moi de
Typhon qui se nourrit d'entrailles, ô magistrats, en ce
jour du jugement suprême ; donnez au défunt de venir à
vous, lui qui n'a point péché, qui n'a ni menti ni fait le
mal, qui n'a commis nul crime, qui n'a point rendu de
faux témoignage, qui n'a rien fait contre lui-même, mais
vit de vérité et se nourrit de justice. Il a [semé partout] la
46 CHAPITRE I.
joie; ce qu'il a fait, les hommes en parlent et les dieux s'en
réjouissent. Il s'est concilié Dieu par son amour; il à
donné des pains à Taffamé , de Teau à Taltéré, des vête-
ments au nu; il a donné une barque à qui était arrêté dans
son voyage ; il a offert des sacrifices aux Dieux, ôes repas
funéraireà aux défunts. Délivrez-le de lui-mêineJ Proté-
gez-le contre lui-même (variante), ne parlez pas contre
lui, par-devant le Seigneur des morts, car sa bouche est
pure et ses deux mains ^orit pures M »
Pour affermir Thomme dans ces sentiments de piété et
de justice, les Égyptiens avaient imaginé de placer à côté
de lui siir la terre des dieux, témoins vivants de tous ses
actes. L'incarnation permanente de la divinité , faite
d'abord dans un corps d'homme au temps dés dynasties
divines, avait changé de nature après que Râ, Hor, Osiris
et les autres eurent achevé de développer dans l'homme les
qualités que le créateur y avait placées et de donner aux
premières sociétés un éiisemble de lois et de principes qui
leur permît de se suffire à elles sans l'intervention directe
de la divinité dans leurs affaires. Désormais Dieu* au
lieu de revêtir une figure humaine, se dissimula dans un
corps de bête d'où il surveilla la marche des événements
sans paraître y prendre part. Si bien caché qu'il fût
sous ce déguisement, les Egyptiens surent le reconnaître
et l'adorer. « Les sanctuaires des temples sont ombragés
par des ,voiles tissus d'or. Si vous avancez vers le fond
^ de l'édifice et que vous cherchiez la statue, un prêtre
s'avance d'un air grave en chantant un hymne en langue
égyptienne , et soulève un peu le voile comme pour vous
montrer le dieu. Que voyez-vous alors ? Un chat, un crô-
codjle, un serpent indigène ou quelque autre animal dan-
gereux. Le dieu des Égyptiens paraît : c'est une bête vaur-
trée sur un tapis de pourpre. »
Clément d'Alexandrie avait raison de tourner en ridi-
cule les animaux sacrés : il avait tort de les considérer
comme les dieux de l'Egypte. Le chat, le crocodile, le
1. Cf. Revue critique, 1872, t. II, p. 338-348.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 47
serpent dont il parle n'étaient qu'une incarnation de Dieu,
un corps dans lequel il mettait pour ainsi dire une
parcelle de sa divinité. Hor peut être représenté tantôt
comme un homme, tantôt comme un épervier; souvent
même, afin de mieux montrer le lien qui rattachait les
deux formes Tune à l'autre, on les tondait en une seule :
on posait une tête d'animal sur un corps humain ou une
tête d'homme sur un corps de bête. Hor était alors un
homme à tête d'épervier ou un épervier à tête d'homme.
Sous ces quatre formes, il est Hor et n'est pas plus lui-
même sous une d'elles qu'il ne l'est sous l'autre. Sans
doute les Égyptiens avaient eu des raisons pour consacrer
à chaque Dieu un animal particulier. Quelquefois l'attri-
bution reposait sur un simple jeu de mots : Set ou Ty-
phon (Tebh) est représenté par l'hippopotame, parce qu'en
Egypte l'hippopotame s'appelle Teb comme le dieu lui-
même. Le plus souvent nous ne pouvons arriver à saisir
les analogies qui ont déterminé le choix des Égyptiens, et
les Égyptiens eux-mêmes n'en savaient pas plus long que
nous à ce sujet.
Chaque nome avait son animal sacré, dont quelques-uns
étaient adorés par tout le pays, le scarabée de Phtah,
l'ibis et le cynocéphale de Thot, T épervier d'Hor, le
chacal d'Anubis. D'autres, vénérés dans un nome, étaient
proscrits ailleurs. Les gens d'Éléphantine tuaient le cro-
codile. Au contraire, les prêtres de Thèbes et de Shed « en
choisissaient un beau qu'ils nourrissaient après lui avoir
, appris à manger dans la main. Ils lui mettent aux oreilles
des anneaux d'or ou de terre émaillée et des bracelets aux
pattes de devant*. y> — « Notre hôte.... prit des gâteaux,
du poisson grillé et une boisson préparée avec du miel,
puis alla vers le lac avec nous. La bête était couchée sur
le bord : les prêtres vinrent auprès d'elle, deux d'entre
eux lui ouvrirent la gueule, un troisième y fourra d'abord
les gâteaux, ensuite la triture, et finirent par la boisson.
Sur quoi le crocodile se mit à l'eau et s'alla poser sur
1. Hérodote, U> 69.
\
48 CHAPITRE I.
l'autre rive. ♦Un autre étranger étant survenu avec pareille
offrande, les prêtres la prirent, firent le tour du lac, et
après avoir atteint le crocodile, lui donnèrent Toffrande de
la même manière ^ » Le culte des animaux était aussi
dispendieux que le culte des dieux à forme humaine. Il
n'était pas rare de voir un riche particulier dépenser tout
ou partie de son hien à leur faire de splendides funé-
railles*. Leur mort était un deuil public pour le nome,
parfois pour TÉgypte entière ; leur meurtre, un crime puni
de mort. Lorsqu'un indigène ou un étranger eji tuaient
un par mégarde, les prêtres réussissaient quelquefois à
préserver le coupable contre la fureur populaire en lui
imposant une pénitence ; mais le plus souvent leur inter-
vention elle-même était impuissante à le sauver. Du temps
que l'historien Diodore voyageait en Egypte, vers le mi-
lieu du premier siècle avant notre ère, un Romain, établi
dans Alexandrie, tua par hasard un chat. Le peuple s'as-
semble aussitôt, le saisit et le met à mort malgré sa qua-
lité de citoyen romain, malgré les prières du roi, qui dé-
pendait de Rome et craignait pour sa couronne '.
Les plus célèbres des animaux sacrés étaient le bœuf
Mnévis, et l'oiseau Bennou, le Phénix, à Héliopolis; le
bouc de Mendès et le bœuf H'api à Memphis. Le bouc de
Mendès était « l'âme d'Osiris » , le bœuf Mnévis « Tâme
de Râ 5>. Au dire .des Grecs, le Phénix arrivait tous .les
cinq cents ans de l'Ouest et s'abattait dans le temple de
Râ. Quelques-uns prétendaient qu'il apportait avec lui le
corps de son père enveloppé de myrrhe. D'autres disaient ^
qu'il venait se faire brûler lui-même sur un bûcher de
myrrhe et de bois odorants, pour renaître de ses cendres
et repartir à tire-d'aile vers sa patrie d'Orient*. En fait le
Bennou était une espèce de vanneau dont la tête était ornée
de deux longues plumes flottantes. D passait pour l'in-
carnation d'Osiris, comme l'Ibis pour l'incarnation de
Thot et l'épervier pour l'incarnation d'Hor.
1. Strabon, 1. XVII, ch. i. — 2. Diodore, I, 84. — 3. Diodore, I, 83.
— 4. Hérodote, U, 73.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 49
Le bœuf Hapi avait jBni par devenir aux yeux des Egyp-
tiens l'expression la plus complète de la divinité sous
forme animale. Il procédait à la fois d'Osiris et de Phtah :
aussi Tappelle-t-on « la seconde vie de Phtah » et « Tâme'
d'Osiris* ». H n'avait point de père, mais un rayon de lu-
mière venu du ciel fécondait la génisse qui le portait et ne
pouvait plus désormais avoir d'autre enfant'. Il devait être
noir, porter au front une tache blanche triangulaire, sur
le dos la figure d'un vautour, ou d'un aigle aux ailes
épioyées, sur la langue l'image d'un scarabée : les poils de
sa queue étaient doubles, ce Le scarabée, le vautour et
toutes celles des autres marques qui tenaient à la présence
et à la disposition relative des épis n'existaient pas réelle-
ment. Les prêtres, initiés aux mystères d'Apis, les con-
naissaient sans doute seuls et savaient y voir les symboles
exigés de l'animal divin, à peu près comme les astronomes
reconnaissent dans certaines dispositions d'étoiles les li-
néaments d'un dragon, d'une lyre et d'une ourse*. » Il
vivait à Memphis dans une chapelle attenante au grand
temple de Phtah et recevait de ses prêtres les honneurs
divins. Il rendait des oracles aux particuliers qui venaient
le consulter et pouvait remplir d'une fureur prophétique
les enfants qui l'approchaient*.
La durée de sa vie ne devait pas excéder un certain nom-
bre d'années fixé par les lois religieuses : passé vingt-cinq
ans, les prêtres le noyaient dans une fontaine consacrée au
Soleil. Cette règle, en vigueur à l'époque Romaine, n'exis-
tait pas encore ou n'était pas rigoureusement appliquée
dans les temps Pharaoniques, car deux Hapi contempo-
rains de la vingt-deuxième dynastie vécurent plus de vingt-
six ans ^ L'Hapi défunt devenait un Osiris et prenait le
nom d'Osar-Hapi, d'où les Grecs ont tiré le nom- de leur
dieu Sarapis. Au commencement, chaque animal sacré
\:j)e Tside, c. 20; Strabon, 1. XVII, c. 1. — 2. Hérodote, III, 28. Cf.
Pomponius Mêla, I, 9;*Plinius, VIII, 46. — 3. Man'ietie, Renseignements
sur les Apis, dans le Bulletin archéologique de l'Athenagum français j
1855, p. 54. — 4. Pline, 1. VIII, c. 4, 6. - 6. Auguste Mariette, Ren-
seignements, 1. 1, p. 94-100
UIST. AT«C* 4
50 GHAPITHE I.
uvait sa tombe isolée dans cette partie de la nécropole
Memphite que les Grecs appelaient le Sérapéion. Elle
se composait d'un édioule orné de bas-reliefs sous le-
quel on pratiquait une chambre carrée à plafond plat.
Vers le milieu du règne de Ramsès II, au tombeau isolé
on substitua un cimetière commun. On creusa dans la
roche yive une longue galerie d'une centaine de mètres
de long, sur chaque côté de laquelle ont été successi-
vement percées quatorze chambres assez grossières; plus
tard, le nombre des galeries et des chambres s'accrut
à mesure que le besoin s'en faisait sentir. La momie
d'Hapi une fois mise en place, les ouvriers muraient
l'entrée de la chambre; mais les visiteurs ou les dévots
avaient l'habitude de déposer, soit dans le mur même
qui barrait l'accès du caveau, soit dans les parties voi-
sines du rocher une stèle contenant leur nom et une
prière à l'Hapi mort. *. Ce culte, établi d'une manière dé-
finitive par le second roi de la deuxième dynastie, dura
jusqu'aux derniers jours de l'Egypte. Mais alors, après la
dispersion des prêtres, les tombes furent violées, puis
abandonnées, et le désert s'en empara : au bout de quel-
ques années le sable les avait recouvertes. Il était réservé
à M. Mariette de les retrouver en 1851, après quatorze
siècles et plus d'un oubli complet.
Telle est dans son en'semble la religion égyptienne. Nous
devons reconnaître que, malgré l'étrangeté de certaines con-
ceptions, elle ne manquait ni d'élévation ni de grandeur.
Mais au cours des siècles elle s'altéra et se perdit. Dans
les textes d'époque grecque et romaine, l'idée si haute de la
divinité que s'étaient faite les premiers théologiens de l'E-
gypte perce encore par instants; on rencontre encore maints
lambeaux de phrases, maintes épithètes qui prouvent que
le principe de la religion n'était pas oublié. Mais le plus
souvent ce a' est pas avec le Dieu infini et insaisissable des
anciens jours que nous avons affaire, c'est avec un dieu de
1» Cf. pour tout ce qui a rapport au culte d*ÂpiSj Mariette, Mémoire
sur la mère d*Apit, Paris, 1856/in-4.
L'EGYPTE PRIMITIVE, 51
chair et d'os, qui vit sur la terre et s'est abaissé à n'être
plus qu'un homme et qu'un roi. Ce n'est plus ce dieu dont
on ne connaît ni la forme ni la substance : c'est Khnoum à
Esneb, Hathor à Denderah ; c'est Hor-em-akhouti (Harma-
Ichis) patron d'Edfou, roi de ta dynastie divine. Il a une
cour, des ministres, une armée, une flotte. Son fils aîné,
Har-hout, prince de Koush et héritier présomptif de la
couronne, commande les troupes; le premier ministre
Thot, dieu de son métier et inventeur des lettres, con-
naît sa géographie et sa rhétorique sur le bout du doigt :
il est d'ailleurs historiographe de la cour et se trouve
chargé, par décret royal, du soin d'enregistrer les vic-
toires de son seigneur et de trouver pour elles des nom»
aonores.
Quand le dieu fait la guerre à son voisin Typhon, il
n'emploie pas contre l'ennemi les armes célestes dont on
pourrait supposer qu'il dispose à son gré. Il se met en
expédition avec ses archers et ses chars, descend le Nil sur
sa barque, comme aurait pu faire le dernier venu des Pha-
raons, ordonne des marches et des contre-marches savantes,
livre des batailles rsaigées, soumet des villes, jusqu'au mo-
ment où l'Egypte entière se prosterne devant lui et recon-
naît son autorité. C'est que les Égyptiens du temps des
Ptolémées au dieu unique d'autrefois avaient substitué
des dieux-rois, sur la légende desquels leur fantaisie a
brodé maints détails. Que ces détails soient le plus souvent
d'origine égyptienne et n'aient pas été empruntés aux na-
tions étrangères, rien de mieux, le fait est certain. Toute
cette végétation parasite de mythes et de traditions qui est
venue se greffer sur l'ancien mythe et l'a presque étouffé
est un produit authentique du sol national. Mais qu'on
pui^e légitimement s'appuyer sur ces élucubrations mys-
tiques des bas âges pour reconstituer le système religieux
des premiers Pharaons, c'est là ce que je n'admets à aucun
prix. Nous devons nous borner à étudier dans les textes
d'époque ptolémaïque la mythologie d'époque ptolémaïque
et rien de plus. Essayer d'en induire la religion des géné-
ratioa» antérieure» itérait au moins téméraire : autant pré-
52 CHAPITRE I.
tendre restituer avec Yhellénisme de Julien, ou le mi-
thraïsmCy la religion des héros homériques ^
lÊUi1ill|i»emeiit de la monarelile hhitortqiie ) Mena.
Dans les derniers temps de la période antéhistorique^
la classe sacerdotale avait obtenu la suprématie sur les au-
tres classes de la nation. Un homme, originaire de Théni,
dans la Haute Egypte, et nommé Mena (Menés), détruisit
la domination des prêtres et fonda la monarchie égyptienne * .
Elle dura quatre mille ans au moins, sous trente dynasties
consécutives, de Mena jusqu'à Nectanébo. On divise d'or-
dinaire cet intervalle de temps, le plus long qu'ait enre-
gistré l'histoire, en trois parties : l'Ancien Empire, de la
première à la onzième dynastie ; le Moyen Empire,- de la
onzième dynastie à l'invasion des Pasteurs ; le Nouvel Em-
pire, de l'invasion des Pasteurs à la conquête persane. Cette
division a l'inconvénient de ne pas tenir un compte suffi-
sant de la marche de l'histoire. Il se produisit en effet trois
grandes révolutions dans la vie historique de l'Egypte. Au
début des dynasties humaines, le centre de gravité du pays
est Ji Memphis : Memphis est la capitale et le tombeau des
rois, impose ses souverains au reste du pays, sert d'entre-
pôt au commerce et à l'industrie égyptienne. Vers la sixième
dynastie, le centre de gravité se déplace et tend à descendre
ver5 le sud. Il s'arrête d'abord à Héracléopolis dans la
Moyenne Egypte (neuvième et dixième dynasties), et finit
par se fixer à Thèbes avec la onzième dynastie. Dès ce
moment Thèbes devient la capitale réelle du pays et lui
fournit ses rois : à l'exception de la quatorzième dynastie
Xoïte, toutes les dynasties, de la onzième à la vingt et
unième, sont thébâines d'origine. Quand les Pasteurs en-
vahissent l'Egypte, la Thébaïde devient le refuge* de la
nationalité égyptienne, et ses princes, après avoir lutté
pendant des siècles contre les conquérants, finissent par
. 1. Cf. Maspero, sur la Littérature religieuse, p. 465-466. — 2. Héro-
dote, II, 4, 99 ; Diodore, I, 45.
L'EGYPTE PRIMITIVE. 53
affranchir toute la vallée du Nil au profit d'une dynastie
tliébaine, la dix-huitième, qui ouvre Tère des grandes
guerres étrangères. Sous la dix-neuvième dynastie, un
mouvement inverse à celui qui s'était produit vers la fin de
la première période reporte peu à peu le centre de gravité
vers le nord du pays. Avec la vingt et unième dynastie Ta-
nite, Thèbes cessa de tenir le rang de capitale, et les villes
du Delta, Tanis, Bubaste, Mendès, Sébennytos et surtout
Saïs se disputèrent le premier rang. Désormais toute la
vie politique du pays se concentra dans les nomes mariti-
mes : les nomes de la Thébaïde, ruinés par les invasions
éthiopiennes et assyriennes, perdirent leur influence ; Thè-
bes tomba en ruine et ne fut plus qu'un rendez-vous de
touristes curieux. Je proposerai donc de diviser l'histoire
d'Egypte en trois périodes correspondant chacune à la su-
prématie d'une ville ou d'une portion du pays sur le pays
tout entier.
P PÉRIODE MEMPHITE (PREMiÈRE-DIXIÈME DYNASTIES).
— Suprématie de Memphis et des rois memphites.
2° PÉRIODE THÉBAINE (ONZiÈME-VINGTiÈME DYNASTIES).
— Suprématie de Thèbes et des rois thébains. — Cette pé-
riode est divisée en deux parties par l'invasion des Pas-
teurs :
a. Ancien Empire thébain. Onzième-seizième dynasties.
b. Nouvel Empire thébain. Seizième-vingtième dynas-
ties.
3° PÉRIODE SAÏTE (viNGT ET UNIÈME-TRENTIÈME DYNAS-
TIES). — Suprématie de Saïs et des autres villes du Delta.
— Cette période est divisée en deux parties par l'invasion
perse :
a. Première période saïte. Vingt et unième-vingt-
sixième dynasties.
b. Deuxième période saïte. Vingt-septième-trentième
dynasties*.
1. Revue critique, 1873, 1. 1, p. 82-83.
54 CHAPITRE IL
CHAPITRE n-
PËBIODE MEMPBITE.
Mena et les dynasties Thinites. — Les trois premières dynasties mem-
phites et l'époque des Pyramides. — De la littérature égyptienne
pendant la période memphite. '— De la sixième à la onzième dy-
nastie.
Mena et le« dynasties Thinites.
. Vainqueur de la classe sacerdotale, Mena ne crut pas de-
voir fixer le siège de son gouvernement au lieu de sa nais-
sance. Théni, ville d'Osiris et centre du seul culte commiin
à toute TÉgypte, lui parut sans doute trop dévouée aux
prêtres donl^il venait de briser Tautorité. A nouvel empire,
nouvelle capitale : il fonda Memphis, sur la rive gauche
du Nil, à quelques lieues au sud de la pointe du Delta*.
« Ce Ménès,^au dire des prêtres, entoura Memphis de di-
gues. Jadis en effet tout le fleuve coulait vers la Libye, le
long de la montagne sablonneuse [qui borne TEgypte à
l'occident] : Mènes, à cent stades au-dessus de Memphis,
combla le bras qui va vers le midi, mit à sec Tancien lit,
et contraignit le fleuve à couler au milieu de l'espace qui
sépare les deux montagnes. Encore maintenant les Perses
surveillent avec le plus grsftid soin ce bras du Nil qui coule
dans un lit distinct, et consolident la digue chaque année ;
car si le fleuve voulait la rompre et déborder de ce côté, il
serait à craindre que Memphis entière ne fût inondée. Lors
donc que ce Mènes, le premier qui devint roi, eut enclos
de digues un terrain solide, il y fonda cette ville qui est
aujourd'hui appelée Memphis (car Memphis, elle aussi, est
1. Diodore (I, 50) attribue la fondation de Memphis à un autre roi
qu'il nomme Ouchoreus,
PÉRIODE MEMPHITE. 55
dans la partie étroite de FÉgypte) ; en dehors de la ville et
tout autour d'elle, il creusa un lac qui, dérivé du fleuve,
va vers le nord et l'ouest, car le côté de l'orient c'est le
Nil qgi l'enclôt *. 5>
La digue de Mènes existe toujours : sous le nom de
digue de Koschéisch, elle sert de clef aux réservoirs d'inon-
dation de la Haute Egypte. La nouvelle ville appelée Marir-
noweTy « la bonne place *, » fut consacrée au dieu Phtahy qui
lui donna son nom sacré de Ha-ka-Phtah^ « demeure de
Phtah, » dont les Grecs ont lait Egypte'. Sa fondation eut
sur les destinées de l'Egypte primitive une influence dé-
cisive. Jusqu'alors les nomes du sud, avec leurs sanctuaires
antéhistoriques, sièges de la domination sacerdotale, avaient
joué dans l'histoire de la civilisation le rôle principal. En
fixant son séjour à la pointe du Delta et en attirant à Mem-
phis les forces vives du pays, Mena déplaça pour ainsi
dire le centre de gravité du pays et le porta du sud au
nord. Tandis que Théni et Abydos, tombeau d'Osiris,
Thèbes, patrie du dieu, Dendérah, séjour d'Hathor, étaient
délaissées et s'enfonçaient de plus en plus dans une obscu-
rité profonde, Memphis et les villes voisines devenaient le
foyer de la civilisation égyptienne. C'est à Memphis q-ue la
littérature se développe et fleurit ; à Memphis, dans le pa-
lais des rois, que les sciences exactes sont cultivées avec
le plus de soin; à Memphis enfin que les arts plastiqiues
produisent leurs chefs-d'œuvre.
Mena, tel que nous le présente la tradition, est le type
le plus complet du monarque égyptien. D est à la fois con-
structeur et législateur : il fonde le grand temple de PHtah
à Memphis* et règle le culte des dieux ^ Il est guerrier
et conduit des expéditions hors de ses frontières*. L'his-
toire sacerdotale, sévère pour .l'homme qui avait dépos-
sédé les prêtres, attribue une fin malheureuse à une vie
1. Hérodote, II, 99. — 2. Peut-être « le bon port ». — 3. Brugsch,
G. Insch.jt. I, p. 83. — 4. Hérodote, II, 99. — 5. Diodore, I, 94, qui en
cet endroit donne à Mena le nom de Mnévis. — 6. SEanéthon» édit.
Unger, p. 78.
56 CHAPITRE II.
si brillante : elle fait mourir Mena eous la dent d'un
hippopotame, après un règne de soixante à soixante-
deux ans *. '
La légende s'attacha Lientôt à son nom. On raconta qu'il
avait perdu son fils unique à la fleur de l'âge : le peuple
avait composé à ce sujet un chant de deuil nommé Mané-
ros, dont l'air et les paroles s'étaient transmis de siècle en
siècle*. On fit de lui un roi ami du luxe, qui avait inventé
l'art de servir un dîner, et montré à ses sujets la manière
de manger étendu sur un lit *. Aussi un prince saïte,
Tawnecht, père du Bokenranw, de la vingt-quatrième dy-
nastie, pendant une expédition contre les Arabes, où Tari-
dité du pays le força de renoncer à la pompe et aux déli-
catesses de la royauté pour vivre quelques jours durant la
vie d'un simple particulier, maudit solennellement Mena,
et fit graver ses imprécations sur une stèle dressée dans le
temple d'Ammon, à Thèbes *. Gela n'empêcha point le pre-
mier roi humain de rester toujours cher aux Égyptiens :
son nom se retrouve en tête de presque toutes les listes
royales, et son culte se perpétua jusque sous les Ptolémées ®.
Nous ne savons rien ou presque rien des rois qui com-
posent les trois premières dynasties. Leurs monuments ont
péri ou n'ont pas encore été retrouvés, et le peu que nous
connaissons de leur vie tient plus de la légende que de
rhistorien Manéthon énumérait avec une complaisance su-
perstitieuse les miracles qui avaient attristé ou réjoui leurs
règnes. Une grue à deux têtes apparue dans la première
année de Têta, le fils de Mena, avait été pour l'Egypte
le présage d'une longue prospérité * ; sous Ouénéqhès une
i
1. Manéthon, p. 78-81. Cf., pour tout le rôle de Mena, Bunsen, Egypft
place, t. II. — 2. Hérodote, II, 79. Cf. sur le Manérôi, Hosychius, #.
17. Mavépcoc; Suidas,*. tTV.Mavépo); et Ilsotixavdoc. — 3. Diodore, I, 45. —
4. Diodore, I, 45; de Isiûe et OsiridCj § 8. Tawneeht et Bokenranw sont
appelés TvéçaxOoç ou Téxvaxi; et Boxxopi;. — 5. Stèle d^Ounnoioré au
Louvre, Salle historique j 421. Cf. de Rougé, Recherches sur les monU'
ments qu'on peut cUtrilmer aux six premières dynasties de Manéthon^
p. 30-31. — 6. ^lien, H. Antm., XI, 40 qui donne au iils de Mena le
nom d'OivC;.
PÉRIODE MEMPHITE. 57
grande famine avait dépeuplé le pays*. Çà et là, quelques,
détails trop brefs sur les constructions royales : Têta avait
jeté les fondations du grand palais de Memphis^, et
Ouénéphès élevé les pyramides de Kô-komè, près du:
tourg actuel de Saqqarah *. Plusieurs de ces vieux rois,,
si éloignés de nous qu'on a peine à s'imaginer qu'ils,
ont vécu, avaient ambitionné le renom d'écrivain ou de
savant. Têta avait étudié la médecine et composé des trai-
tés d'aûatomie*; le chapitre LXIV du Livre des Morts %.
et l'un des ouvrages contenus au Papyrus Médical de,
Berlin, passaient pour avoir été découverts « dans les-
jours de la sainteté du roi des deux Égyptes (Hesepti), le;
véridique*. » Sous Sémempsès, petit-fils d'jFfesep^î, une
peste- terrible décima la population : les lois se relâ-
chèrent, de grands crimes furent commis, et des révoltes,
éclatèrent, qui amenèrent bientôt la chute de la première,
dynastie.
La seconde était originaire de Théni, et se rattachait par-
quelque lien encore inconnu à la famille de Mena. Mané-
thon ne connaissait du fondateur Boutsâou (Borjôoç) iVoit-
terbaïou, que la mention d'un grand désastre : un gouffre,
s'était ouvert près de Bubaste et avait englouti beaucoup,
de gens ^. Mais avec Kakéou (Kaié/wç) commence une sé-
rie de rois législateurs, dont les décrets modifièrent pro-
fondément la constitution religieuse et politique de-
l'Egypte. Kakéou proclama dieux l'Hapi de Memphis, le;
Mnévis d'Héliopolis et le bouc de Mendès : aussi son nom:
royal signifie-t-il «le mâle des mâles » ou « le taureau
des taureaux »j par allusion sans doute aux idées symbo-
liques qui régnaient de son temps, et auxquelles la divini-
sation des animaux sacrés donna une confirmation écla-
tante*. Son successeur, ^Bamou^erow (Bivwôpiç), accorda le
1. Manéthon, édit, Unger, p. 79. — 2. Id., p.' 78. — 3. Id., p. 79;
Brugsch, G. Insch,, I, p. 124, 240; Mariette, Histoire ^Egypte, 2'édit.^
p. 134. — 4. Manéthon, édit. Unger, p. 78. — 5. Goodwin, dans la
Zeitschrift, 1867, p. 55 56. — 6. Papyrus médicaly édit. Brugsch,
pi. XV, 1. 1-2. — 7. Manéthon, édit. Unger, p. 84; de Rougé, Recher-
ches sur les monuments j p. Jo-21. — 8. Manéthon et de Rougé, loc. cit^
58 CHAprrRB n.
droit de succession aux femmes de sang royal, déterminé à
cela par des raisons religieuses autant que politiques. En
Egypte; le roi n'était pas, comme partout ailleurs, un
homme chargé de' gouverner d'autres hommes. Succès^
seur et descendant des divinités qui avaient régné sur
la vallée du Nil, il est la manifestation Vivante et Tin-
carnation de Dieu : fils du Soleil [Se Râ], ainsi qu'il
a soin de le proclamer bien haut partout où il écrit
son nom, le sang des dieux coule dans ses veines et lui
assure le souverain pouvoir. Sans doute, tant que la posté-
rité mâle ne fit pas défaut aux rois, les filles, reléguées dans
le gynécée, n'eurent aucun droit à la couronne. Quand la
lignée mâle manqua, plutôt que de laisser tomber la royauté
aux mains d'une famille humaine, on se souvint que les
filles, elles aussi, pouvaient perpétuer la race solaire, et on
leur accorda le droit de succession. Dès lors, toutes les fois
qu'une dynastie vint à s'éteindre, le fondateur de la dy-
nastie nouvelle, dont le plus grand souci était de se ratta-
cher à la famille divine, épousa les princesses du sang
royal ou les donna pour femmes à ses enfants. Cette union
renouait la chaîne un moment interrompue des dynasties
solaires, et par là même légitimait l'usurpation *.
Les autres princes de la deuxième dynastie ne nous ont
guère laissé que leur nom. Send (UsOévYiç) était encore vé-
néré à l'époque grecque^; on dit qaQ sous Nowerkara
(Necpspxép^ç) le Nil roula du miel onze jours durant; et Sé-
sochris passait pour avoir été un géant ^ Quelques-uns des
monuments trouvés dans les nécropoles de Memphis, le
tombeau de Thothotep àSaqqarah, les statues de Sepa, au-
jourd'hui conservées au musée du Louvre, paraissent pou-
voir être reportés jusqu'à cette époque. Ils présentent tous
les caractères d'un art encore dans l'enfance. » Les hiéro-
glyphes et les figures sont en relief plus vigoureux qu'ils
ne le seront par la suite. Les figures sont trapues, ébau-
1. De Rougé, Notice de quelques textes hiéroglyphiques, p. 36 sqq.;
Maspero, Essai sur l'inscription du temple d*Ahydos, p. 69-70. — 2. Dô
Rougé, Recherches, p, 31. — 3. Manéthon, édit. Unger, p. 84.
PÉRIODE MEMPHITE. 5^
cliêes à grands coups plutôt que finies. Les hiéroglyphes
sont comme en désordre ; les formes inconnues et inusitées
y sont communes; ils sont lourds, espacés, gauchement
ajustés. On n'a pas su 4es proportionner les uns avec ^s
autres, ni avec les figures qu'ils accompagnent. Les per-
sonnages ont la- paupière inférieure bordée d'une bande
verte. En ce qui regarde la langue et l'écriture, on n'en
saurait trop rien dire, vu le petit nombre d'exemples dont
nous disposons. Cependant certaines formules, qui bientôt
seront banales, semblent être inconnues. La phraséologie
est brève. Il y a un moins fréquent usage du phonétisme.
Les charges attribuées au défunt sont souvent propres à
cette époque et intraduisibles. Tout, dans l'écriture aussi
bien que dans la sculpture, présente quelque chose qui
dépayse l'œil*. 5)
Avec le dernier roi de la deuxième dynastie s'éteignit
probablement la descendance directe de Mena. Elle avait
régné cinq siècles et demi, et accompli durant cet inter-
valle une œuvre qui n'était ni sans gloire ni sans difficulté.
Mena avait réuni sous son autorité toutes les tribus qui
habitaient la vallée du Nil ; mais leur fusion en un seul
peuple ne pouvait être l'ouvrage d'un seul règne. Les
princes des nomes, réduits à la condition de gouverneurs
héréditaires, durent s'habituer difficilement à leur vasse-
lage et saisirent sans doute tous les prétextes de révolte
que leur offrirent la cruauté ou la faiblesse de certains rois.
Il est très-probable que plusieurs d'entre eux réussirent à
regagner leur indépendance et même à établir des dynas-
ties collatérales qui disputèrent le pouvoir suprême à la
famille régnante ou parfois la réduisirent à une impuis-
sance momentanée. La plupart des noms royaux qui figu-
rent sur certaines listes pharaoniques et ne se retrouvent
pas dans des listes de Manéthon, appartiennent probable-
ment à ces dynastes illégitimes. Les descendants de Mena
finirent par triompher de ces résistances et par s'imposer
au pays entier. Les princes des nomes plies à l'obéissance
1. Mariette, Sur les tombes de V Ancien EmpirCj p. 13.
60
CHAPITRE n.
devinrent les grands dignitaires de la cour pharaonique et
les premiers officiers du roi ; les tribus se mêlèrent et se
fondirent « d'Abou jusqu'à Adhou », d'Éléphantine auDelta.
Mena avait fondé un royaume d'Egypte : ses successeurs
dèfe deux premières dynasties formèrent une nation égyp-
tienne*.
I^es trois premières dynasties memphltes
et répoqiué des pyramides.
La troisième dynastie était memphite. Ce fait, attesté par
Manéthon, est de la plus haute importance pour l'histoire
de cette époque. Jusqu'alors, en effet, Théni avait retenu
son ancien prestige et continué d'imposer ses princes au
pays tout entier. En rompant avec elle, l'Egypte rompait
définitivement avec son passé sacerdotal et achevait la ré-
volution conïmencée par Mena. Dès lors, Théni ne cessa
de déchoir. Abydos, construite à quelques milles à peine
1. Voici, restitué aussi complètement qu'on peut le faire en ce mo-
ment, le tableau des deux premières dynasties.
I" Dynastie thinite.
I. — MENA (Mi^ivyi;, Mvsûtç).
II. — Teta ("AewÔiç a').
III. — ATÔTH("Aew6t;P')
IV. — Ata I
EENRÉNH2.
OrENÉ4>HZ.
V. — Hesepti (O0<ra(p(£ï8oç).
VI. — Merïba (Mvé6'.8o;).
VII. — ? (SepLéfx^/riç).
vni. •— Qabouh'ou (XouêiévTi; ?
Bievexïiç).
II* Dynastie thinite.
I. — BoDTSÀou (BoYieôç).
II. — KÂKÉOD (Kaiéx(D«),
III. — Baïnouterou (BivwOpi;).
IV. — ODTSNAS(TXà«;).
V. — Send (ïeeévYiç).
VI. — ? (XaipTi;).
VII. — Nowerkara (Neçepxépyi;).
Vin. — Nowerkasokar ' ("ïsffto-
IX. — ? (XevépTiç).
Cf. Mariette, la Table de Saqqarah et la Nouvelle Table d* Abydos;
de Rougé, Recherches sur les monuments qu'on peut attribuer aux six
premières dynasties; Dévéria, la Table d* Abydos,
PÉRIODE MEMPHITE. 61
de la vieille cité, autour clu tombeau d'Osiris, lui enleva
les hommages des fidèles. Memphis devint, de résidence
offîcielle du roi, le berceau et T apanage de la famille
royale. Reine de TÉgypte pendant sept siècles, elle produisit
successivement trois dynasties, les plus illustres de toutes
celles qui dominèrent sur la vallée du Nil en ces temps
reculés.
Les débuts de la troisième dynastie furent marqués par
des troubles sérieux. Les Libyens, soumis depuis Mena, se
révoltèrent contré le roi Nékhérôphès et menacèrent l'inté-
grité de l'empire. Au moment décisif, la superstition vint
en aide aux Egyptiens. Une nuit, tandis que les deux ar-
mées étaient en présence, le disque de la lune sembla
s'accroître démesurément, au grand effroi des ennemis qui
prirent ce phénomène pour un signe de la colère céleste et
se soumirent sans combat ^ La paix rétablie ne fut plus sé-
rieusement troublée et sa durée favorisa le développement
des sciences et des arts. Le successeur de Néchérôphês,
Tosorthros perfectionna l'écriture et la taille des blocs de
pierre. Médecin comme Téta, il avait composé des traités
qui existaient encore aux premiers siècles de l'ère chré-
tienne : aussi les Grecs l'avaient-ils identifié avec leur dieu
Asclépios, Vîrahotep des Égyptiens*. Sous l'influence de
ce roi et de ses successeurs la richesse du pays s'accrut,
les monuments se multiplièrent. Encore quelques règnes,
et les tombeaux vont nous livrer une masse de documents ,
originaux telle que nous pourrons reconstituer d'une ma-
nière certaine non-seulement l'histoire des souverains, mais
la vie des simples particuliers.
Une lieue environ à l'ouest de Memphis, la diaîne Liby-
que forme un vaste plateau qui court dans la même direc-
tion que le Nil, sur une longueur de plusieurs lieues. A
l'extrémité septentrionale, un roi demeuré inconnu, mais
qu'il faut peut-être reporter jusqu'aux temps antérieurs à
Mena, avait fait tailler dans le roc un sphinx énorme, symbole
*d'Harmakhis, le soleil levant. Plus tard un temple d'albâtre
1. Maiiétlioii> édit. Unger^ p. 86-87. — 2. Id., p. 87.
62 CHAPITRE DU
et de granit, le seul spécimen que nous possédions de Tar-
chitecture monumentale de l'AûcienEmpire, fut construit à
quelque distance de Tirnage du dieu ; d'autres temples au-
jourd'hui détruits s'élevèrent çà et là et firent du plateau
entier comme un vaste sanctuaire consacré aux divinités
funéraires. Les habitants de Memphis vinrent y déposer
leurs morts à l'abri de l'inondation. Les gens du vulgaire
étaient enterrés dans le sable à un mètre de profondeur,
le plus souvent nus et sans cercueils. D'autres étaient en-
sevelis dans de petites chambres rectangulaires,, grossière-
ment bâties en briques jaunes : le tout surmonté d'un pla-
fond en voûte, d'ordinaire ogivale. Aucun ornement, aucun
objet précieux n'accompagnait le mort au tombeau : des
vases, en poterie commune étaient placés à côté du cadavre
et renfermaient les provisions qu'on lui donjoiait pour le
voyage de l'autre vie*.
Les tombes monumentales, lorsqu'elles sont complètes,
se divisent en trois parties : une chapelle extérieure, un
puits et des caveaux souterrains. La chapelle est une con-
struction quadrangulaire qu'on prendrait de loin pour une
pyramide tronquée.. Les faces, bâties en pierre ou en
briques, sont symétriquement inclinées et le plus souvent
unies : parfois cependant] les assises sont en retraite l'une
sur l'autre et forment presque gradins. La porte, qui s'ou-
vre d'ordinaire dans la paroi de l'est , est tantôt surmontée
simplement d'un tambour cylindrique, tantôt ornée sur
les côtés de bas-reliefs représentant l'image en pied du
défunt et couronnée par une large dalle couverte d'une
inscription en lignes horizontales. C'est une prière et
l'indication, des jours consacrés au culte des ancêtres.
ce Proscynème fait à Anoup, résidant dans le palais di-
vin, pour que soit donnée une sépulture dans l'Ament,
la contrée de l'ouest, la très-grande et très-bonne, au par-
fait selon le dieu grand; pour qu'il marche sur les voies
où il est bon de marcher, le parfait selon le dieu grand,
pour qu'il ait des offrandes en pains, farines et liqueurs
U Mariette, Sur Us tombes 4» VAnok/k Empire, p« 2^3;.
PÉRIODE MEMPHTTE. 63
à la fête du commencement de Tannée, à la fête de Thot,
au premier jour de l'an, à la fête de Ouàgà^ à la grande
fàte de la chaleur, à la proceiKsiou du dieu Khem^ à la
fête des offrandes, aux fêtes du mois et du demi-mois,
et chaque jour. »
I)'haJ3itude, l'intérieur de la chapelle ne renferme qu'une
seule chambre. Au fond, à la place d'honneur e| toujours
orientée vers l'est, se dresse une stèle quadrangulaire de
proportions colossales au pied de laquelle on trouve assez
ordinairement une table d'offrandes en albâtre, granit ou
pierre calciaire posée à plat sur le sol , et quelquefois deux
petits obélisques ou deux petits autels, évidés au sommet
pour recevoir les dons en pains sacrés, en liqueurs et en
victuailles dont il est parlé dans l'inscription du lintel. Après
une prière au chacal Anubis et aux autres dieux de T Ament,
l'inscription énumère longuement les titres du défunt-, ra-
conte sa vie, cite les rois qu'il a servis et qui l'ont estimé
« plus que nul autre serviteur ». Dans certains cas la stèle
seule est gravée : mais en règle générale, on peut dire que
les parois de la chambre sont couvertes de tableaux où la
vie entière du défunt est représentée avec une richesse
de détails et une exactitude merveilleuse. Dans un coin
«ce -sont des scènes de la vie domestique ; des cuisiniers qui
-activent 1« feu et préparent le repas, des femmes du harem
qui dansent et chantent au son des violes, des flûtes et de
la harpe ; ailleurs, des épisodes de chasse et de pêche, des
joutes sur l'eau, des incidents de l'inondation, le labou-
rage, le semage, la moisson, l'emmagasinement des ré-
coltes. Sur une autre paroi, des ouvriers de toute sorte exé-
cutent chacun les travaux de son métier : des ftordonniers,
des verriers, des fondeurs, des menuisiers sont rangés et
groupés à la file ; des charpentiers abattent des arbres et
construisent une barque, des femmes tissent au métier
sou« la surveillance d'un^unuque renfrogné qui paraît peu
disposé à souffrir leur babil. Le maître de la maison, de-
bout à l'arrière d'un grand navire, commande la manœuvre
aux matelots : la mer sur laquelle il navigue est le bassin
de ^occident, et le port vers lequel il se dirige n'est autre
64 CHAPITRE U.
que la tombe. Kon loin de là, il est figuré assis et recevant
les dons que lui apportent des files de personnages dispcH
«ées en hauteur sur plusieurs registres : ce sont ses do-
maines, ceux qu'il hérita de ses ancêtres et ceux qu'il tient
de la munificence royale, qui lui présentent leurs produits
^t tiennent à honneur de contribuer aux o£frandes funé-
raires qu'on lui fait. Tous ces tableaux sont accompagnés ^
de légendes explicatives destinées à reproduire les paroles
des personnages mis en scène. « Tiens bon : saisis forte-
ment, » dit à son aide un sacriâcatëur prêt à tuer un bœuf,
a C'est prêt. Fais vite, » lui répond celui-ci. Un batelier
de bonne humeur crie de loin à un vieillard attardé sur la
rive : « Viens sur l'eau ; » et le vieillard : « Allons ! pas tant
•de paroles! >> lui dit-il*. '
C'est dans cette chambre que les descendants du défunt
(et les prêtres attachés à son culte funéraire se réunissaient
aux jours indiqués pour rendre hommage à leur ancêtre.
-Ds le retrouvaient là tel qu'il avait été durant son existence,
^escorté de ses serviteurs et entouré de ce qui avait fait
la joie de sa vie terrestre, partout présent et pour ainsi
'dire vivant au milieu d'eux. Ils savaient que, derrière
.Tune des parois, dans un étroit réduit ménagé au mi-
lieu de la maçonnerie, les statues du défunt étaient entas-
tsées pêle-mêle. D'ordinaire ce réduit ne communiquait pas
avec la chambre et restait perdu dans la muraille ; quel-
quefois il était relié avec elle par une sorte de conduit si
resserré, qu'on a peine à y glisser la main. A certains jours
les parents venaient murmurer quelques prières et brûler
des parfums à l'orifice : prières et parfums étaient censés
arriver par* là jusqu'à l'oreille du mort *.
Le puits qui descend au. caveau se trouve quelquefois
dans un coin de la chambre ; mais le plus souvent, pour
en découvrir l'ouverture, il faut monter sur la plate-forme
de la chapelle extérieure. Il est carré ou rectangulaire,
1. Mariette, Sur les tombes de l'Ancien Empire, p. 17-22; Brugsch.
Die MgypHsche GràbertoeU, p. 15-26. — % Mariette, Sur les tombes de
VAncien Empire, p. 8-9.
PÉRIODE MËMPHITK. 65
Jbâti en grandes et belles pierres jusqu'à l'endroit où
il s'enfonce dans le roc. Sa profondeur moyenne est de
douze à quinze mètres, mais il peut aller jusqu'à trente et
au delà. Au fond et dans la paroi du sud, s'ouvre un cou-
loir où l'on ne pénètre que courbé et qui mène à la cham-
bre funéraire proprement dite. Elle est taillée dans la ro-
che vive et dépourvue d'ornements; au milieu se dresse
un grand sarcophage en calcaire fin, en granit rose ou en*
basalte noir, gravé aux noms et titres du défunt. Après
avoir scellé le corps, les ouvriers déposaient sur le sol
les quartiers d'un bœuf qu'on venait de sacrifier dans la
chambre du haut, et de grands vases en poterie rouge
pleins de cendres ; puis, ils muraient avec soin l'entrée du
couloir et remplissaient le puits jusqu'à la bouche d'éclats
de pierre mêlés de sable et de terre. Le tout, largement
arrosé d'eau, 'finisssait par former un ciment presque im-
pénétrable dont la dureté mettait le mort à l'abri de toute
profanation *•
Ces tombes, véritables monuments dont l'aspect faisait
dire aux Grecs qu'elles étaient les demeures éternelles des
Égyptiens, auprès desquelles leurs palais ne paraissaient
que des hôtelleries, formaient plusieurs villes funéraires
plus étendues que la ville des vivants. A Grizeh, elles sont
disposées sur un plan symétrique et rangées le long de
véritables rues ; à Saqqarah, elles sont semées en désor-
dre à la surface du plateau, espacées dans certains endroits,
entassées pêle-mêle dans certains autres. Au plus pressé
de leur foule, on rencontre des pyramides isolées ou as-
semblées en groupes inégaux. Les unes ont sept à huit
mètres de haut et dépassent à peine le niveaji des tombes
voisines ; les autres atteignent jusqu'à cent cinquante
mètres et comptent encore aujourd'hui parmi les monu-
ments les plus considérables que la main de l'homme ait
jamais élevés. Ce sont des tombes royales. Pour les édi-
fier, chaque Pharaon avait fait tailler le roc et remuer la
1. Mariette, Notice des principaux monuments f p. 34-36; 5ur quel-
ques tombes de V Ancien Empire^ p. 9-10.
HIST. ANC. 5
66 GliAPITRE II.
•
terre dès le début de son règne ; les personnages les pluB
importants du pq,jrp avaient parcouru tout le royaume à la
recherche d'un bloc d'albâtre ou de granit digne de faire
le sarcophage d'un roi; la population de villes et de
provinces entières avait été envoyée aux carrières et aux
chantiers de construction. Un temple était joint à chaque
pyramide où le monarque défunt recevait les offrandes de
ses sujets et les hommages d'un collège de prêtres attaché
spécialement à son culte.
Du fond de ces nécropoles, l'Egypte des dynasties mem-
phites sort peu à peu tout entière et reparaît enfin au
grand jour de l'histoire. Rois et peuples, prêtres et sol-
dats, officiers du palais et simples artisans nous sont ren-
dus chacun avec ses mœurs, son costume, son histoire :
les constructeurs des pyramides semblent revivre parmi
nous et le portrait de Khawrâ fait l'ornement de nos mu-
sées. Les rois de la troisième dynastie n'apparaissent pas
encore sur les monuments de cette nature qu'on a retrou-*
vés jusqu'à présent ; mais leurs successeurs sont sortis de
l'obscurité où les traditions étrangères les avaient laissés.
Les gens de ces époques reculées sont devenus aussi réels
pour nous que le sont les &recs et les Romains; leurs
noms nous sont familiers, et des renseignements recueillis
dans leurs tombeaux on pourrait reconstituer YAlmcmcboh
royal de la cour de Ehouwoû jusque dans ses plus petifs
détails.
En ce temps-là, « voici que la majesté du roi (Houni)
mourut, et que la majesté du roi (Snewrou) s'éleva en
qualité de roi bienfaisant dans ce pays tout entier*. »
SnewroUy le Soris de Manéthon, est le fondateur de la
quatrième dynastie et le premier des rois monumentaux*.
Il fit la guerre aux tribus nomades qui harcelaient sans
cesse la frontière orientale du Delta et pénétra jusqu'au
fond de la péninsule du Sinaï. Un des bas-reliefs d'Owarfy-
MagcLToh, trophée de sa campagne, nous montre « le roi
1. Papyrus Prisse, pi. II, 1. 7, 8. — 2. De Rougé, Becherches sur let
fMWimmts, etc., p. 28-41.
PÉiUODE MEMPHITE. 6^
des deux Ëgyptes, le seigneur des diadèmes, le maître
de justÎGe, THor vainqueur, Snewrfm^ le dieu grand, »
écrasant de sa masse d'armes un barbare terrassé devant
lui^. U fit exploiter au compte de l'Egypte les mines d($
cuivre «t de turqu<»8es du Sinaî ; et, pour mettre dèsor-l
mais le Delta à l'abn des incursions, il garnit la frontière
d'une série de forteresses, dont une au moins, Shè-**
Snewro%t*y existait encore sous les premiers rois de la
douzième dynastie * . Son culte, établi immédiatement après
■a mort, se perpétua à travers les siècles et dura jusque
sous ks Ptolémées'.
Mais son renom, si grand qu'il fût en Egypte, s'efface
devant le renom de ses trois successeurs immédiats, KkouM
wou {Khéops)^ Khawrd et Menkerây les constructeurs
des pyramides, ce Rhéops bâtit le vaste monument de sa
gloire ou de sa folie dans un siècle si éloigné du temps
où commencent les données certaines de l'histoire profane,
que nous n'avons pas de mesure qui nous permette d'é-
valuer h largeur de l'abîme qui sépare les deux époques ;
si étranger à toutes les sympathies et à tous les intérêts
de la grande famille humaine qui peuple maintenant la
terre, que même l'histoire sacrée ne sait rien des hommes
de la génération de Khéops, rien, si ce n'est qu'ils vécu-
rent, devinrent pères et moururent. Et pourtant, la pyra-
naide de Ehéops domine encore de haut le sable du dé-
sert : la blancheur sépulcrale de ses blocs de nummulite
fkunboie encore au soleil brûlant, son ombre immense
s'allonge à travers les plaines stériles qui l'entourent et
sur le déclin du jourvient assombrir les champs de maïs
et de froment de Gizeh. Quand le* spectateur, placé à quel-
que point de vue favorable, arrive à se Mre une idée diis-
tmcte de l'immensité du monument, aucune parole ne peut
décrire le sentiment d'écrasement qui s'abat sur son es-
prit* Q se sent oppressé et chancelle comme sous un far-
1. Lepsius^ Denkm., II, 2. ~ 2. « L'Ouadi de Snewrou. » — 3. Cha-
bas, les Papyrus de Betliriy p. 91; de Rougé, Recherches, p. 90. —
68 CHAPITRE n.
deau. Au contraire de bien d'autres grandes ruines, les
pyramides, de quelque point qu'on les regarde, ne de-
viennent jamais des amas de débris ou des montagnes.
Elles restent l'œuvre des mains humaines. La marque de
leur origine apparaît et ressort toujours; et c'est de là
sans doute que vient ce confus sentiment de crainte et de
respect qui bouleverse l'esprit lorsqu'il reçoit pour la pre-
mière fois l'impression distincte de leur immensité*. 5>
Ce qu'il fallut d'efforts pour élever ces masses gigan-
tesques, le simple aspect des monuments nous le ferait
comprendre, quand même l'histoire ne serait pas là pour
nous le dire. Lorsque le règne de Khéops et de Khawrâ
fut bien passé, longtemps après que les Pharaons de l'An-
cien Empire et leurs sujets se furent perdus dans la nuit
des âges, le souvenir des peines qu'avait coûtées l'érection
des pyramides survécut dans l'esprit du peuple égyptien.
Au temps d'Hérodote et de Diodore, Khéops avait acquis
la réputation d'un tyran odieux. « Il commença par fermer
les temples et par défendre qu'on offrît des sacrifices; puis
il contraignit tous les Égyptiens à travailler pour lui. Aux
uns, on assigna la tâche de traîner les blocs des carrières de
la chaîne arabique ^, jusqu'au Nil; les blocs une fois passés
en barque, il prescrivit aux autres de les traîner jusqu'à la
chaîne libyque. Ils travaillaient par cent mille hommes
qu'on relevait chaque trimestre. Le temps que souffrit le
peuple se répartit de la sorte : dix années pour construire la
chaussée sur laquelle on tirait les blocs, œuvre, à mon
sembler, de fort peu inférieure à la pyramide (car sa lon-
gueur est de cmq stades, sa largeur de dix orgyies et sa
plus grande hauteur de huit, le tout en pierres de taille
et couvert de figures) ; on mit donc dix années à construire
cette chaussée et les chambres souterraines, creusées dans
la colline où se dressent les pyramides.... Quanta la pyra-
mide elle-même, on mit vingt ans à la faire ; elle est qua-
drangulaire, et chacune ^de ses faces a huit plèthres de
1. Osburn, The Monumental Hùtory ofEgypt, I, 270-271, -- 2. Pro-
bablement les carrières de Tourah,
PÉRIODE MEl^PHITE. 69
base, avec une hauteur égale ; le tout en blocs polis et
•parfaitement ajustés : aucun des blocs n'a moins de trente
pieds*. » — « Des caractères égyptiens gravés sur la pyra-
mide marquent la valeur des sommes dépensées en raves,
oignons et aulx pour les ouvriers employés aux travaux ; si
j'ai bon souvenir, l'interprète qui me déchiffrait Tinscrip-
tion m'a dit que le total montait à seize cents talents d'ar-
gent. S'il en était ainsi, combien doit-on avoir dépensé
en fer pour les outils, en vivres et en vêtements pour les
ouvrier?, puisqu'il a fallu pour bâtir tout le temps que
j'ai dit, et le temps non moins considérable, ce me semble,
qu'ont exigé la taille des pierres, leur transport et les exca-
vations souterraines^?» La tradition conservée par Héro-
dote allait plus loin encore. Elle représentait Khéops, à
bout de ressources «et réduit à faire argent de tout, ven-
dant sa jfille à tout venant'. Une autre légende recueillie
par Manéthon est moins cruelle pour le Pharaon : sur ses
vieux jours, Khéops se serait repenti de son impiété, et,
devenu dévot, aurait écrit un livre sacré tenu en grande
estime par ses concitoyens*.
« Les Égyptiens me dirent que ce Khéops régna cin-
quante ans et (ju'après sa mort son frère Khéphrên hérita
la royauté. Khéphrên en usa de même que son frère en
toutes choses et construisit une pyramide, qui n'atteint pas
aux dimensions de la première, car nous l'avons mesurée
nous-mêmes.... Les deux sont sur une colline, haute d'en-
viron cent pieds. On dit que Khéphrên régna cinquante-
six ans. On compte donc cent six ans pendant lesquels les
Égyptiens souffrirent toutes sortes de malheurs, et les tem-
ples furent fermés sans qu'on les ouvrît une seule fois. Par
haine, les Égyptiens évitent de nommer ces princes ; ils
vont jusqu'à donner aux pyramides le nom du berger PAi-
litiSj qui paissait aloBS ses troupeaux dans ces parages ^ »
D'après la tradition, ni Khéops ni Khéphrên ne jouirent
1. Hérodote, II, 124. — 2. Hérodote, II, 125. — 3. Hérodote, II,
126. Cf. Maspero, Fragment d^un commentaire sur le second livre d'Hé-
rodo^c, p. 4-7 .—4. Manéthon, édit. Unger,p. 91.— 5. Hérodote, H, 127-128
70 CHAPITRE n.
^es tombeaux qu^ila s'étaient fait élever au prix de tant de
souffrances : le peuple exaspéré se révolta, arracha leurs
corps des sarcophages et les mit en pièces*.
A côté de ces deux tyrans, la tradition place uû monar-
que débonnaire, Menkeraj fils de Ehéops, et constructeur
de la troisième pyramide. « Les actions de son père ne lui
furent pas agréables : il rouvrit les temples et renvoya aux
cérémonies religieuses et aux affaires le peuple réduit à
l'extrême misère ; enfin il rendit la justice plus équitable-
ment que tous les autres rois. Là-dessus on le loué plus
que tous ceux qui ont jamais régné sur VÊgypte; car
non-seulement il rendait bonne justice, mais à qui se plai-
gnait de son arrêt iHaisait quelque présent pour apaiser
sa colère^. » Ge pieux roi eut pourtant grandement à souf-
frir : il perdit sa fille unique et peu de temps après connut
par un oracle qu'il n'avait plus que six ans à vivre. Pour
se consoler, il fit enfermer le cadavre de son enfant
dans une génisse de bois creux qu'il déposa dans Sais et à
qui l'on rendit les honneurs divins. Le moyen qu'il em-
ploya pour éluder l'oracle est original et mérite d'être
rapporté. «U envoya des reproches au dieu, se plaignant
que son père et son oncle après avoir fermé les temples,
oublié les dieux, opprimé les hommes, eussent vécu long-
temps, tandis qi^e lui, si pieux, devait périr si vite. L'ora-
de lui répondit que pour cela même sa vie serait abrégée,
j[^ar il n'avait pas fait ce qu'il fallait faire. L'Egypte aurait
dû souffrir cent cinquante ans, et les deux rois ses prédé-
cesseurs l'avaient su, au contraire de lui. A cette réponse,
Mykerinos se jugeant condamné, fabriqua nombre de
lampes, les alluma chaque soir, à la nuit, et se mit à boire
et à se donner du bon temps, sans jamais cesser, nuit et
jour, errant sur les étangs et dans les bois, partout où il
pensait trouver occasion de plaisir. Il avait machiné cela,
afin de convaincre l'oracle de faux, et de vivre douze ans,
jes nuits comptant commodes jours*. »
1. DiodoiQ dA SiAttaV 1, 64. — %. Hérodote, 11, 129. -^ 3. Eérodote.
n, 129-133.
PÉRIODE MEMPHITB. 71
Oricé atix découvôrtes récentes, il est aisé de discerner
Ce (ju'îl y a de vrai dans le récit des historiens grecs. Il
est impossible que Khéphrên ait été le frère de Khéops :
la durée des deux règnes s'y oppose entièrement. Même
Khéphren ne fut pas le successeur immédiat de Khéops :
les listes monumentales intercalent entre les deux un
toi nommé Doud&w-râ ^ ^ dont il nous reste quelques
souvenirs. Le règne très-court de ce prince, qui n*a
d'ailleurs aucune importance historique, peut nous ser-
vir à expliquer Tun des points de la légende recueillie
par les Grecs. Peut-être Dovd-ew-tiâ était-il le fils de
Khéops et le frère aîné de Khéphrên. De là cette notion
^tie Khéphrên était le frère de son prédécesseur immé-
diat, et comme Doud-ew-Râ disparut, sans laisser aucune
trace dans la mémoire du peuple, cette notion que Khéops
itait le prédécesseur immédiat et par suite le frère aîné
de Khéphrên.
L'impiété traditionnelle des deux rois n*est pas moins
problématique que leur parenté. Les titres qu'ils prennent
et ceux que portent les personnes de leur famille ou
de leur cour témoignent du respect qu'ils marquaient
ponr la religion. Khéphrên s'appelle « THor et le Set »,
« THor, cœur puissant », « le bon Hor, le dieu grand, sei-
gneur des diadèmes»; sa femme, la reine Meri^sânkhy
est prêtresse de Thot ^ ; un de ses parents , le prince
Khem-An^ était grand prêtre de Thot à Sesoun ou Her^
mopoliê*. Enfin, une stèle dans laquelle la princesse
Wont-sen enregistre la construction de sa pyramide funé-
luirô nous montre le Khéops historique édifiant et repa-
ient des temples à l'inverse du Khéops légendaire. « L'Hor
vivant, [celui qui écrase ses ennemis?], le roi d'Egypte
(Khouwou)^ vivificateur, a trouvé le temple d'Isis, rectrice
1. De Rougé, BÊchircheff p. 52-54» 11. de Rougé lit le nGfn M^i^t-eU)
et identifie le prince ayeo le Rathoitès de Manétkon, cinquième rei dtf
la quatrième dynastie. Mais l'analogie des autifes noms foire» à lire
I^oûdeW'rd, comme on dit Menkeré^ et non pas Bâ-met^ha. Il ifte
semble donc qu'il faut renoncer et à la lecture et à ridentiilcatîott |Ho*
posées par M. de Rougé. — 2. Id., p. 54. — 3. Id., p. 62.
72 CHAPITRE II.
de la pyramide, près du temple du Sphinx, au nord-ouest du
temple d'Osiris, seigneur du Rosta^; il a construit sa pyra-
mide près du temple de cette déesse, et a construit la py-
ramide de sa royale fille, H'ont-seriy près de ce temple. —
11 a fait à sa mère Isis, mère divine, à Hathor^ dame des
eaux [d'en haut]'. Inscrivant sa donation sur une stèle, il
lui a donné de nouveau un apanage, il a reconstruit son
sanctuaire en pierre, et il trouva ces dieux dans son tem-
ple ». Suit la liste et Tirnage de ces dieux : Hor et Isis,
sous plusieurs de leurs formes, NephthySj Selk, Phtah
Sakhty Osiris, Hapi. Derrière chaque image se trouvent in-
diquées les matières dont elle était faite : la barque d'Isis"
l'épervier d'Hor, Tibis de Thot étaient en bois doré;
Isis était en or et en argent; Nephthys en bronze doré;
Sakht en bronze *. Ailleurs, nous voyons que le même
prince avait fait construire ou du moins réparer le temple
d'Hathor^ à DenderahK Nous voilà bien loin du Khéops
d'Hérodote qui fermait tous les temples de FÉgypte et
proscrivait les dieux.
Khéops et Khéphrên, ou plutôt, comme les nomment les
mBCTiptions, Khouwou et Khàtvrâ^nons apparaissent comme
des rois puissants, pieux envers la divinité et redoutables
à leurs ennemis, non moins qu'à leurs sujets. Khouwou fit
la guerre aux nomades du désert d'Arabie, et défendit vic-
torieusement contre leurs attaques les établissements mi-
niers que Snewrou avait fondés dans la péninsule du Si-
naï '. Les prisonniers faits dans cette campagne furent sans
doute employés, d'après l'usage, à la construction de sa
pyramide. Est-ce à dire pour cela que la tradition populaire
soit entièrement fausse et qu'il ait ménagé ses sujets? Le
nombre des prisonniers, si grand qu'on le suppose, ne
pouvait suffire à l'immensité de l'œuvre : il fallut avoir re-
1. Un des noms de THadès égyptien. — 2. Le ciel^ comme au premier
chapitre de la Genèse. — 3. Mariette; Notice des principaux monuments
du musée de Boulaqj 2* édit., p. 207-209. Cf. de Rougé, Becherches,
p. 46-50. — 4. Damichen, Bauurkunde, pi. XVI^ a, b, — 5. Lepsius,
Denkm,y II, 2.
t.
PÉRIODE MEMPHITE. 73
cours aux Ëgyptiens de race pure et les mettre en rëquisi-
tion, comme le rapporte Hérodote. « Il y eut une grande
clameur d'un bout à l'autre de son empire F une clameur
de l'oppressé contjre l'oppresseur; une clameur de tour-
ment et d'amère angoisse; une clameur telle qu'elle ré-
somie encore dans ma mémoire tandis que j'écris; une de
ces clameurs qui, depuis les jours de Souphis^ se sont sou-
vent élevées de la terre d'Egypte et ont percé les oreilles du
seigneur des armées. Et Souphis s'en inquiéta? Pas plus
que Mohammed-Ali ou Ibrahim-Pacha ! Le caprice égoïste
du tyran, que ce soit la grande pyramide ou le barrage,
avance : qu'importent au maître les souffrances de son
peuple*?» L'Egypte peut changer de religion, de lan-
gue et de race : que le souverain s'appelle pharaon,
sultan ou pacha, la destinée du fellah est toujours la
même. Les historiens grecs ont recueilli à quatre mille
ans de distance l'écho des malédictions dont les Égyp-
iens chargèrent la mémoire de Khouwou. Rien n'empêche
de croire que cette révolte dont parle Diodore* eut vrai-
ment lieu : des statues de Khâwrâ brisées ont été re-
trouvées, près du temple du Sphinx, dans un puits où
elles avaient été jetées anciennement, peut-être un jour
de révolution*.
L'idée de piété que la tradition populaire attachait au rè-
gne de Menkerâ, le Mykerinos d'Hérodote, est confirmée
par le témoignage des monuments : non que ce prince ait,
comme on le dit, rouvert les temples (nous avons vu qu'ils
n'avaient jamais été fermés), mais il ordonna à l'un de ses
fils, Hor-doudou-w, de parcourir les sanctuaires de l'E-
gypte, sans doute afin de restaurer ceux qui se trouve-
raient en mauvais état et de faire dans toutes les villes des
fondations nouvelles. C'est au cours de cette inspection que
le prince découvrit, suivant quelques documents, le chapi-
tre LXiv du Rituel Funéraire, «à Sésoun (Hermopolis), aux
pieds du dieu Thot, écrit en bleu sur une dalle d'albâ-
1. Osburn, The Monumental History ofEgypt, t. I, p. 275-276. — 2.
Diodore, 1,64. — 3. Mariette, Lettre à M, le vicomte de Rougé, p. 7.
74 CHAPITRÉ IL
tre.... Le prince l'apporta au roi comme un objet miracu-
leux ^ » Ces révélations de livres religieux ou scientific[ues
sont fréquemment mentionnées dans Tancienne littérature
égyptienjie. Nous avons déjà vu que l'invention du chapi-
tre LXiv est attribuée par quelques autorités au roi Hesep-
ti et que le roi Teta passait pour avoir trouvé un livre de
médecine dont nous possédons encore la meilleure part. Un
autre traité de médecine récemment signalé remonterait de
la même manière au règne de Khéops. U avait été décou-
vert à Debmout^ une nuit, par un ministre de la déesse qui
était entré dans la grande salle du temple et avait pénétré
jusqu'au fond du sanctuaire. « Or, la terre était plongée
dans les ténèbres, majis la lune brillait sur ce livre de tout
côté. Il fut apporté, en grand merveille, à la sainteté du
roi (Khouwou) , le véridique ^. » Le chapitre lxiv, résumé de
la doctrine égyptienne sur la vie future et la condition de
l'âme, est une des parties les plus obscures du Livre des
Morts : « Tu viens a moi, » dit .un scribe de l'époque des
Ramessides, « bien muni de grands mystères, tu me dis
au sujet [des formules] du prince Hor-^doud-ew : « Tu n'y
« as rien connu ni bien, ni mal. Un mur d'enceinte est
a par devant que [nul profane ne saurait forcer]* » Toi, tu
es Un scribe habile, à la tête de ses compagnons, instruit
[dans les livres], châtié de cœur, parfait de langue, et
quand tes paroles sortent, une seule phrase de ta bouche
est trois fois importante; tu m'as laissé muet de terreur'.»
Les modernes qui ne saisissent pas toujours le sens de ces
morceaux mystiques peuvent se consoler; les anciens
Egyptiens n'étaient pas beaucoup plus avancés qu'eux.
. ^ pé]
du Portugal avec le navire qui le transportait en Angle-
terre. Nous n'avons plus aujourd'hui que le couvercle
1. Todth.y LXIV, 30-32; Birch,' On formulas relating to the heart,
dans lA ZHtKhrift, 1867, p. 64-5.S. -- 2. Birch, STedical Fapyrvs with
the name ef Cheop^f dans la gei^chrift, I87K p, 61^4. — 3. Êapurus
Anastasi I, pi. X, 1. 8, - pi. XI, 1. 4. ^^
PÉRIODE MEMPHITE. 75
du cercueil eu bois de sycomore dans lequel reposait la
momie du pharaon. Ce cercueil, de forme humaine, porte
une inscription : <c 0 TOsiris , le roi des deux Êgyptes
[Menkerâ)', vivant pour l'éternité, enfanté par le ciel,
porté [dans le sein] de Nout , germe de Seb ! Ta mère
Nout s'étend sur toi en son nom d'abîme du ciel. Elle te
divinise en mettant à néant tes ennemis, 6 roi (MefUcerâ)^
vivant pour l'éternité * ! »
Âpres ces trois pharaons on ne trouve plus à signaler
qu'AseS'kar^U)^ successeur de Menkerâ^ nommé Asychis
par Hérodote, et Sasj/cAîs par Diodore de Sicile. « Il éleva
dans le temple de Phtah, à Memphis, le portique «méridio-
nal, le plus beau et le plus grand de tous; car, s'ils sont
tous ornés de sculptures, si l'aspect de la construction y
varie à l'infini, ce côté est plus varié et plus magnifique
encore que les autres.... Dans l'intention de surpasser ses
prédécesseurs, il bâtit en briques une ppamide où se
trouve l'inscription suivante gravée sur une pierre : « Ne
« me méprise pas à cause des pyramides de pierre ; je l'em-
« porte sur elles autant que Jupiter sur les autres dieux.
« Car plongeant une pièce de bois dans un marais et réu-
« nissant ce qui s'y attachait d'argile, on a fait la brique
« dont j'ai été construite'. » Au témoignage de Diodore,
Âseskaw aurait été l'un des cinq grands législateurs de
TÉgypte : il aurait réglé avec le plus grand soin les céré-
monies du pulte, inventé la géométrie et l'art d'observer
les astres *. Il re;idit aussi une loi sur le prêt, par laquelle
il permettait à tout particulier de mettre 6n gage la momie
de son père, avec permission au prêteur de disposer du
tombeau de l'emprunteur. Au cas où la dette n'était pas
payée, le débiteur ne pouvait obtenir sépulture pour lui
1. Wyse, Pyramids ofGixeh^ t. II, p. 86 sqq.; Ch. Lenormant, ifcîair-
dtiemmts sur le cercueil de ifycerinus; de Rougé, Recherches sur les
numumenU, p. 63-66. Je dois dire qae ce cercaeil se rapproche plus du
type de la vingt-cinquième dynastie que du type de PAncien Empire;
peutrétre le premier cercueil, tombé en poussière, a-t-il été remplacé à
cette époque par le cercueil dont nous avons les débris. — 3, Hérodote,
n, 136. — 3. Diodore, I, 94.
76
CHAPITRE II.
ou pour aucun des siens, ni dans la tombe paternelle, ni
dans aucune autre tombe*.
Les rois de la cinquième dynastie entreprirent au dehors
plusieurs guerres heureuses contre les nomades d'Asie;
au dedans, ils s'occupèrent à construire leurs pyramides
funéraires, à réparer les temples, à élever des villes nouvel-
les *. Somme toute, ils maintinrent TÉgypte au point de
prospérité et de grandeur où les rois de la dynastie précé-
dente avaient su Tel e ver '.
De la Uttératnre ésyptlenne pendant la période memphlle.
Dans un des tombeaux de Gizeh, un grand fonctionnaire
des premiers temps de la sixième dynastie prend le titre de
1. Hérodote , II, 136. — 2. De Rougé, Recherches, p. 83. — 3. Voici,
restitué aussi complètement qu*on peut le faire en ce moment^ le ta-
bleau des troisième, quatrième et cinquième dynasties :
IIP Dynastie memphite.
IV* Dynastie memphite.
I Bebi (T'at'i) I
Nexepuxpïic-
I KHO0WOU Îj. ^?;J,(JUo4.)
Il Neb-ka 11
T69op6po;.
III TSR8AR III
Tupst;.
II DouD-Ew-aA ?
IV TSESAR-TETA IV
SéfftoXpiÇ.
m Khâwbâ III lovçiç (Xeê-
V Setès V
Zoàuçiç.
pr)v).
VI NOWERKARÀ VI
TodéoTafftç.
IV Menkerâ IV MevxéoYiç
VII Neb-ka-rA VII
'Axnç-
(Muxepîvoç)
VIII H'ouNi VIII
Si^çovpi;.
V ASES-KA-W ?
IX Snewrou IX
*Kep9épY);.
V 'PaToCffijç.
VI Bi'xepiç.
VII SeèepxépYjç.
VIII eotixçeiç.
V* Dynastie memphitb. |
I OUSOUR-KA-W I
II Sah'ourA II
OOffgpxépïjç.
SéppYiç.
VI OusoorenrâAnJ,^^^^^*,
VI PaOoupKjç.
III Kaka
?
VII Menkeh'or VII Mevxépïjç.
IV Nowerar- III
Neçepxépr,;.
VIII Tatkrrâ Assa VIU Tavx'épï};.
K/VRÀ
TX OuNAS IX 'Ovvoç.
V ASESKARÂ IV
SiGÎpY);.
PÉRIODE MEMPHITE. 77
Gouverneur de la maison des livres *. Cette simple men-
tion jetée incidemment entre deux titres plus élevés suffi-
rait, à défaut d'autres, pour nous montrer le développe-
ment extraordinaire qu'avait pris dès lors la civilisation
égyptienne. Non-seulement il y avait déjà une littérature,
mais cette littérature était assez considérable pour remplir
des bibliothèques, et son importance assez grande pour
îu'un des fonctionnaires de la cour fût attaché spéciale-
ment à la Conservation de la bibliothèque royale. D avait
sans doute à sa garde, avec les œuvres contemporaines,
des livres écrits sous les premières dynasties, des livres
datés de Mena et peut-être des rois antérieurs à Mena.
Le fonds de cette bibliothèque devait se composer d'ou-
vrages religieux, de chapitres du Livre des MortSy copiés
d'après les textes authentiques conservés dans les tem-
ples^; de traités scientifiques sur la géométrie, la méde-
cine et l'astronomie ; de livres historiques oii étaient con-
servés les dits et faits des anciens rois, ensemble le nom-
ire des années de leur vie et la durée exacte de leur règne;
des manuels de philosophie et de morale pratique; peut-
être aussi quelques romans. Tout cela, si nous l'avions,
formerait « une bibliothèque qui serait bien plus précieuse
pour nous que celle d'Alexandrie * ; » par malheur, nous
ne possédons plus de tant de richesses que les fragments
d'un recueil philosophique. Pour tout le reste, nous en
sommes réduits à de rares indications qui, éclairées et
complétées au moyen des données monumentales, nous
permettent à peine de déterminer avec quelque certitude
l'étendue des connaissances qu'avaient alors les Égyptiens.
Dès les premiers jours, les astronomes égyptiens recon-
nurent qu'un certain nombre des astres qui brillaient au-
dessus de leurs têtes paraissaient animés d'un mouvement
de translation à travers les espaces, tandis que les autres
demeuraient immobiles. Cette observation, répétée maintes
et maintes fpis, les conduisit à établir la distinction des
l'Lepsius, Denkm,, II, 50. — 2.Voy. plus haut, p. 73-74. — 3. De
^Q^gé, Uecherches sur les monuments, p. 73.
78 CHAPITRE IX*
étoiles voyageuses « qui ne reposent jfimaia » {éMmtkow-
ourdou) et des étoiles fixes ({ui «jamais ne bougent 9 (âkhi-
mour-sekou). Bs comptèrent parmi les premières « Hor,
guide des espaces mystérieux » [Har'-tap-6hetarOu)y notre
Jupiter^ que son éclat fit mettre à la tête des plwètes ;
« Hor, générateur d'en haut » [Ha/T'-kch-her), Saturne,
la plus éloignée des planètes que l'œil humain puisse aper-
cevoir sans le secours des instruments ; iformô/c/iis, AÊsurs,
que sa couleur rougeâtre fit appeler aussi ffor-desAer,
THor rouge, et dont le mouvement rétrograde en «.pparence
à certains moments de l'année ne leur échappa point ; Se-
vek ou Mercure; Vénus enfin, qui dans son rôle d'étoile du
matin se nomme Douâou^ et Bennou peut-être dans son
rôle d'étoile du soir ^ Il semble même résulter de textes
fort anciens qu'ils assimilaient la terre aux planètes et lui
attribuaient un mouvement de translation analogue à celui
de Mars ou de Jupiter *. Le soleil lui-même, ce centre fixe
de tous les systèmes anciens, subit chez eux la loi du mou-
vement universel et voyagea dans le ciel en compa^poie des
étoiles errantes *.
Pour les astronomes égyptiens comme pour l'écrivain
du premier chapitre de la Genèse, le ciel est une masse li-
quide qui enserre la terre de toutes parts, et repose sur
l'atmosphère comme sur un fondement solide. Nous avons
déjà vu comme aux jours de la création, quand le chaos ge
résolut en ses éléments, le dieu Shou souleva les eaux d'en
haut et les répandit dans l'espace *. C'est sur cet océan
céleste, le Nou, que flottent les planètes et généralement
tous les astres. Les monuments nous les montrent figurés
par des génies à formes humaines ou animales et navi-
guant chacun dans sa barque à la suite d'Osiris. Une autre
théorie, aussi répandue que la première, présentait les
étoiles fixes comme des lampes [khàbesou) suspendues à la
1. De Rougé, Recherches sur le nom égyptien des planètes, dans le
Bulletin archéologique de VAthenasum français, 1856, p. 18-21, 25-28.
— 2. Chabas, Sur un texte égyptien relatif au mouvement de la terre,
dans la Zeitschrift, 1864, p. 91-103. — 3. Papyrus de Merlin, »• Yin,
1. 56. — 4. Voy. p. 30.
PÉRIODJE MKMPHITE. 79
voûte céleste et qu'une puissance divine allumait cha<jue
soir pour éclairer les nuits de la terre. Au premier rang de
ces astres-lampes, on mettait les décans^ simples étoiles
ou groupes d'étoiles en rapport avec les trente-six ou trente-
sept décades dont se composait l'année égyptienne : Sopt
ou SotkiSy saint à Isis ; Oriou-^aAow, notre Sirius, consa-
cré à Osiris et considéré par quelques-uns comme le sé-
jour des âmes heureuses; les Pléiades, les Hyades, et beau-
coup d'autres dont les noms anciens n'ont pu encore être
identifiés d'une manière certaine avec les noms modernes.
Bref, toutes les étoiles qu'on peut apercevoir à l'œil nu
avaient été relevées, enregistrées, cataloguées avec soin.
Les observatoires de la Haute et de la Basse Egypte, à
Denderab, Théni, Memphis, Héliopolis, signalaient leurs
phases et dressaient chaque année des tables de leurs le-
vers et de leurs couchers dont quelques débris sont arri-
vés jusqu'à nous.
De tous ces astres, le mieux connu et le plus important
était l'astre d'Isis, Sirius, que les Égyptiens nommaient
Sopt^ d'où les Grecs ont fait Sothis. Son lever héliaque, qui
marquait le commencement de l'inondation, marquait
aussi le commencement de l'année civile, si bien que tout
le système chronologique du pays reposait sur lui. L'an-
née primitive des Égyptiens, ou du moins la première an-
née que nous leur connaissions historiquement, se compo-
sait de douze mois de trente jours chaque, soit en tout
trois cent soixante jours. Ces douze mois étaient partagés
en trois saisons de quatre mois : la saison du commence-
ment [Shà], qui répond au temps de l'inondation; la sai-
son des semailles [Pro]^ qui répond à l'hiver; la saison des
m^nssons [Shemou] , qui répond à l'été. Chaque mois se
composait de trois décades; chaque jour et chaque nuit se
divisait en douze heures : si bien que midi répondait à la
sixième heure du jour, et minuit à la sixième heure de la
nuit.
Ce système, pour simple qu'il parût, avait ses inconvé-
nients qu'on ne tarda pas à reconnaître. Entre l'année des
Égyptiens telle qu'elle était alors et l'année tropique, il y
80 CHAPITRE n.
avait une différence de cinq jours un quart; à chaque douze
mois qui s'écoulèrent, Técart entre Tannée égyptienne et
Tannée fixe augmenta de cinq jours un quart, et par suite
les saisons cessèrent de s'accorder avec les phases de la
lune. Des observations nouvelles faites sur le cours du so-
leil décidèrent les astronomes à intercaler chaque année,
après le douzième mois, et avant le premier jour de Tannée
suivante, cinq jours complémentaires qu'on nomma les
cinq jours en sus de Vcmnée ou jours épagomènes. L'é-
poque de ce changement était si ancienne que nous ne
saurions lui assigner aucune date et que les Égyptiens
eux-mêmes l'avaient reportée jusque dans les temps my-^
thiques antérieurs à Tavénement de Mena. « Rhéa [Nout)
ayant eu un commerce secret avec Kronos (Seb), le soleil
(Ra), qui s'en aperçut, prononça contre elle un charme qui
Tempècha d'accoucher dans aucun mois et dans aucune
année; mais Hermès (Thot), qui avait de Tamour pour la
déesse, joua aux dés avec la Lune et lui gagna la soixan-
tième partie de chaque jour, dont il forme cinq jours
qu'il ajouta aux trois cent soixaiite autres jours de Tan-
née*. »
Dans ce système, Tannée vague de trois cent soixante-
cinq jours ne répond pas encore exactement à Tannée as-
tronomique de trois cent soixante-cinq jours et quart. Il y
eut donc tous les quatre ans un retard d'un jour sur cette
année, si bien que pour 365 X 4 ou 1460 années astrono-
miques, on compta 1461 années civiles écoulées. Au bout
de quatorze siècles et demi, l'accord, si longtemps rompu,
était parfait de nouveau : le commencement de Tannée ci-
vile coïncidait alors, et pour une fois seulement, avec celui
de Tannée astroeomique ; le commencement de ces deux
années coïncidait avec le lever héliaque au matin de Sirius-
Sothis et par suite avec le début de l'inondation. Les
prêtres célébrèrent le lever de l'astre par des fêtes solen-
nelles, dont l'origine devait remonter plus haut que les rois
de la première dynastie, au temps des Shesou-Hor^ et don-
■
1. De Iside et Osiride, c. 22.
PÉRIODE MEMPHITE. 81
nèrent à la période de 1460 =1461 qui ramenait cette
comcidence merveilleuse le nom de période sothiaqus.
De la littérature mathématique de Tépoque, nous ne
connaissons rien. Les monuments nous prouvent cepen-
dant que dès le temps des pyramides la géométrie devait
être fort avancée : sinon la géométrie théorique, au moins
la géométrie pratique, celle qui sert à mesurer les surfaces
et à calculer le volume des corps solides. Les architectes
qui ont bâti les pyramides et les grands tombeaux de Saq-
qarah étaient nécessairement des géomètres fort estima-
bles. Malheureusement nous n'avons plus rien des livres
dans lesquels ils enregistraient leurs doctrines : le seul
traité de géométrie qui nous soit parvenu est postérieur
de deux mille ans au moins à l'âge des pyramides, et nous
donne l'état de la science pour les temps relativement mo-
dernes de la dix-neuvième dynastie.
Pour nous figurer, ce que pouvait être la médecine égyp-
tienne, nous n'en sommes pas réduits à de simples induc-
tions. Outre un traité dont l'invention était attribuée au
règne de Chéops et qui n'a pas encore été publié, nous pos-
sédons deux livres : le premier, composé sous le roi
Kerhbarâ (Kerphèrês, Bikhérês?), renferme aussi des re-
cettes attribuées à des savants étrangers*; le second,
trouvé sous Hesepti, aurait été complété par Send*. Les
manugjsrits de ces deux ouvrages remontent ,à la XVIII* et
à la XIX* dynasties : le texte avait dû s'en modifier à la
langue, mais l'ancienneté de leur origine les maintenait
dans les écoles. Us faisaient sans doute partie de cette
bibliothèque du temple à'Imhotep, à Memphis, qui existait
encore au temps romains et fournissait des remèdes aux
médecins grecs*.
LTÊgypte est naturellement un pays fort sain. « Les
1. G. Ebers : Papyros EberSj der Bermetische Buch Ûber die Arsenei-
fuiltel der alten ^gyplen^ Leipzig, 1875.
2. Brugsch,dans VAllgemeine Monatschriftfûr Wissenschaftund Me^
rcuur, 1853, p. 44-56; et dans le Recueil de monumerUi égypHens, t. II,
p. 101-120, et pi. LXXXV-CVII; ChahaiS, Mélanges égyptologiques, l" sé-
rie^ p. 55-79. — 3. Galien^i de Compos, medic, sec. gen,, 1. V, c. 2.
BIST. ANC. 6
82 CHAPITRE n.
Égyptiens j disait Hérodote, sont les mieux portants de tous
les mortels. » Ils n'en étaient que plus attentifs à soigner
leur santé. « Ghacpie mois, trois jours de suite, ils provo-
quent des évacuations au moyen de vomitifs et de clystères;
car ils pensent que toutes les maladies de l'homme vien-
nent des aliments *. » — « La médecine ctez eux est par-
tagée : chaque médecin s'occupe d^une seule espèce de
maladie et non de plusieurs. Les médeciijis on tous lieux
abondent, les uns- pour les yeux, les autres pour la tête,
d'autres pour les dents, d^autres pour le ventre, d'autres
pour les maux internes *. » Il ne semble pas que cette di-
vision dont parle Hérodote a été aussi absolue que rhisto-
rien a bien voulu le dire. Le même individu pouvait trai-
ter toutes les mafadies en général; seulement, pour les
maux d'yeux et pour quelques autres affections, il y' avait
comme chez nous des ^écialistes que Ton consultait de pré-
férence aux praticiens ordinaires. Si le nombre en parais-
sait considérable à l'historien grec„ cela tient à la consti-
tution médicale d'un pays où les ophthalmies et les mala-
dies intestinales, par exemple, sont encoie aujourd'hui
plus fréqpientes que partout en Europe.
La médecine théorique ne semble pas avoir fait de
grands progrès, bien que les pratiques de la momifi-
cation eussent dû fournir aux * médecins TocCasion d'étu-
dier â loisir l'intérieur du corps humain. Une s<irte de
crainte religieuse ne leur permettait pas plus qu'aux mé-
decins chrétiens du moyen âge de mettre en pièce», dans
un but de puire science, le cadavre qui devait reprendre
vie un jour. Leur horreur pour quiconque rompait l'inté-
grité du corps humain était si grande, que rembaumeur
chargé de pratiquer les incisions réglementaires était
Tobjet de l'exécration universelle. Toutes les fois qu'il
venait d'exercer son métier, les assistants le poursuivaient
à coups de pierres et l'auraient assommé sur place s'il
M s'étflût enfui à toutes }amb6s. De plus, les règlements
médicaux n'étaient pas de nature à encourager les recher-
1. Hérodote, H, 7T. — 2. Hérodote, il, 84.
PÉRIODE MEMPHITE. 83
ches scientifiques. Les médecins devaient traiter le ma^
lade d'après les règles posées dans certains livres d'ori-
gine réputée divine. S ils s'écartaient ^es prescriptions
sacrées, c'était à leurs risques et périls : en cas de mort
du patient, ils étaient convaincus d'homicide volontaire et
punis comme assassins ^
Le seul point que nous connaissions de leurs doctrines
est la théorie des esprits vitaux. Le corps renfermait un
certain nombre de vaisseaux qui charriaient des esprits vi-
vifiantts. ce La tète a trente-deux vaisseaux qui amènent
des souffles à son intérieur ; ils transmettent les souffles
à toutes les parties du corps. Il y a deux vaisseaux aux
seins qui conduisent la chaleur au fondement.... Il y a
deux vaisseaux de l'occiput, deux du sinciput, deux à la
nuque, deux aux paupières, deux aux narines, deux à To-
reine droite par lescjuels entrent les souffles de la vie ; il y
en a deux de Toreille gauche, par lesquels entrent les souf-
fles^. » Les soufÛeS' dont il est question dans ce passage
sont appelés ailleurs « les bons souffles, les souffles déli-
cieux du Nord. » Us pénétraient dans les Veines et les
artères, se mêlaient au sang qui les entraînait par tout le
corps, faisaient mouvoir l'animal et le portaient pour ainsi
d'ire. Au nioment de la mort, « ils se retirent avec l'âme,
ce le sang se coagule, les veines et les artères se vident et
« ranimai périt*. »
Les maladies dont il e&t question dans les Papyrus ne
sont pas toujours faciles à reconnaître. Ce sont, autant
qu'on peut en juger, des ophthâlmies,. des varices ou des
ulcères aux jambes, une sorte d'érysipèle, le ce ver », « la
maladie divine mortelle » le diviniis morhus des Latins,
l'épilepsie. Un chapitre spécial traite de quelques points
relatifs à la conception et à l'accouchement. La dia-
gnose est donnée dans plusieurs cas et permettrait
peut-être à un médecin de reconnaître la nature de l'af-
1. Blodorc de Sicile, I, 82» — 2. Tapyrus médical de Berlin, pi. XV,
1. 5; pi. XVI, 1. 3. Cf. Cliabasj Uél. égyft,, î, p. 63-64, — 3. Pœman-
der (édit. Parlhey), X.
84 CHAPITRE II.
tection. Voici celle d'une sorte dlnflammation : « Lour-
deur au ventre; le col du cœur, malade; au cœur, inflam-
mation, battements accélérés. Les vêtements pèsent sur
le malade ; beaucoup de vêtements ne le réchauffent pas.
Soifs nocturnes. Le goût pervers, comme celui d'un
homme qui a mangé des fruits de sycomore. Chairs amor-
ties comme celles d'un homme qui se trouve mal. S'il va
à la selle, son ventre est enflammé et refuse de s'exo-
nérer *. 5>
Les médicaments indiqués sont de quatre sortes : pom-
mades, potions, cataplasmes et clystères. Ils sont com-
posés chacun d'un assez grand nombre de substances em-
pruntées à tous les règnes de la nature. On trouve citées
plus de cinquante espèces de végétaux, depuis des herbes
et des broussailles jusqu'à des arbres, tels que le cèdre
dont la sciure et les copeaux passaient pour avoir des pro-
priétés lénitives, le sycomore et maints autres dont nous
ne comprenons plus les noms antiques. Viennent ensuite
des substances minérales, le sulfate de cuivre (?), le sel,
lenitre, la pierre memphite [aner sopd) qui, appliquée
sur des parties malades ou lacérées, avait, dit-on, des
vertus anesthésiques. La chair vive, le cœur, le foie, le
fiel, le sang frais ou desséché de divers animaux, le poil et
la corne de cerf, jouaient un grand rôle dans la confection
de certains onguents souverains contre les inflammations.
Les ingrédients constitutifs de chaque remède étaient piles
ensemble, bouillis et passés au linge. Ils avaient d'ordi-
naire pour véhicule l'eau pure ; mais souvent on les mé-
langeait avec des liquides d'espèces variées, la bière [haq)^
la bière douce (haq notsem) ou tisane d'orge, le lait de
vache et de chèvre, l'huile d'olive verte et l'huile d'olive
épurée [baq notsem) ^ ou même, comme dans la médecine de
Molière, l'urine humaine ou animale. Le tout, sucré de
miel,, se prenait chaud matin et soir.
Mais les maladies n'avaient pas toujours une origine
naturelle. Elles étaient souvent produites par des esprits
1. Papyrus de Berlin^ pi. XIII, . 3-6. Cf. Brugsch. t. ?., p. 112-113.
PÉRIODE MEMPHITE. 85
malfaisants qui entraient dans le corps de Thomme et
trahissaient leur présence par des désordres plus ou moins
graves. En traitant les effets extérieurs, on parvenait tout
au plus à soulager le patient. Pour arriver à la guérison
complète, il fallait supprimer la cause première de la ma-
ladie en éloignant par des prières l'esprit possesseur.
Une bonne ordonnance de médecin se composait de
deux parties : d'une formule magique et d'une formule
médicale. Voici une conjuration destinée à corroborer Tao-
tion d'un vomitif : a 0 démon qui loges dans le ventre
d'un tel fils d'une telle, [ô toi] dont le père est nommé
Celui qui abat les têtes, dont le nom est Mort, dont le
nom est Mâle de la Mort, dont Je nom est Maudit pour
Téternité * ! » Pour guérir le mal de tête on n'avait qu'à
dire : « Le devant [de la tête] est aux chacals divins, le
derrière [de la tête] est un pourceau de Râ. Place-les sur
un brasier ; quand l'humeur qui en sortira aura atteint le
ciel, il en tombera une goutte de sang sur la terre. Ces
parole» devront être répétées quatre fois*. » Si ce galima-
tias ne guérissait pas le malade, au moins le débarrassait-
il des terreurs superstitieuses dont il était assailli. Le
médecin, après avoir calmé l'esprit du patient, pouvait
essayer sur le corps l'efficacité des remèdes traditionnels.
L'invocation magique passait pour anéantir la cause mys-
térieuse ; le traitement combattait les manifestations visi-
bles du mal.
Le Papyrus donné par M. Prisse à laKBibliothèque na-
tionale de Paris renferme les seuls fragments qui nous
restent de la philosophie primitive des Égyptiens '. D fut
écrit sans doute sous l'un des premiers règnes de la
douzième dynastie, et renferme les œuvres de deux au-
teurs dont l'un vivait sous la troisième, l'autre sous la
1. Papyrus de Leyde, I, 348, verso; pi. Xin, 1. 5-6. Cf. Pley te , études
égyptologiques, t. I, p. 145-146. — 2. Id., pi. IV, 1. 9-10. Cf. Pleyte,
ÉtudeSy t. f, p. 61-62. — 3. Ce Papyrus a été publié à Paris, en l847,
chez Franck, in-folio; il a été analysé par M. Chabas, dans la Revue
archéologique, 1'* série, t. XIV, p. 1 sqq.^ et traduit en anglais par
M. Heatb, en allemand par M. Lauth.
86 CHAPITRE U.
cinquième ; ce n'est donc pas aans raison qu'on l'a nommé
le plus cmcien livre du monde. Incomplet au début, il
contient d'abord la fin d'un traité de morale composé
par un certain Kaqimna à l'avènement du Pharaon
Snewrou. Venait ensuite un ouvrage aujourd'hui perdu :
un des possesseurs antiques du Papyrus l'avait fait effa^
cer afin de lui substituer un autre morceau qui n'a jamaiB
été écrit. Les quinze dernières pages sont remplies par un
opuscule déjà célèbre dans la science sous le nom d'/n-
structions de Ptahhotep,
Ce Ptahhotep était fils d'un roi de la einquième dyiuuik
tie. Il était sans doute assez âgé à l'époque où il écrivit
son livre, car il entre en matières par un portrait peu
flatté de la vieillesse. <c Le nomarque Ptahhotep dit :
0 Hanhan *, seigneur du grand âge, quand la vieillesse
se produit, l'impuissance arrive et la faiblesse {enfantine]
vient à nouveau. Le vieillard reste couché, souffrant, dnêr-
i{ue jour ; les deux yeux se rapetissent, les deux oreilles s'a^
moindrissent, la force s'use : plus de repos du cœur. La
bouche se tait : elle ne parle plus. Le cœur e'obseurcit : il
ne se rappelle plus hier. Les os souffrent à leur tour. Le
bon tourne en mauvais : le goût s'en va tout à fait. La
vieillesse rend un homme misérable en toutes choses : le
nez se bouche, il ne respire plus. C'est fatigue égale de se
tenir debout ou de s'asseoir. Dans la condition où je suis
que fera nn autre vieillard? Lui dirai -i^je les paroles de
ceux qui ont écouté l'histoire des temps antérieurs, celles
que les dieux eux-^mémes ont écoutées? Agis selon elles, re-
poussant le mal des êtres intelligents; attaque les mau-
dits (?) 1 » La Sainteté de ce Dieu ^ a dit : «c Instruis^le dans
les paroles 'du passé, et il fera l'étonnement desen&ntsdes
grands ; ce qu'on entendra près de lui, pénétrera, car œ
sera justesse de cœur. Ce qu'il dira ne donnera jamais de
satiété '. » Gomme on voit, c'est afin de montrer aux vieil-
le C'est 1q nom d*ua dieu, peut-être d'Osiris, *»• % C'est le dieu
tf4«feaft qui répond à riiiyoç«Uo& de Pt«}ibotep, «^ s. Pofifrmt PHue,
PÉRIODE MEMPHITE. 87
lards le moyen de se rendre utiles que Ptahhotep prend
le calame en main. H veut leur enseigner la sagesse des
ancêtres, afin qu'ils puissent l'enseigner à leur tour aux
jeunes gens et maintenir la vertu dans le monde.
n ne faut pas s'attendre à trouver dans cette œuvre unei
grande profondeur de conception. Les analyse? savantes,
les distinctions raffinées, les abstractions métaphysiques
n'étaient pas de mode à l'époque de Ptahhotep. On négli-
geait les idées spéculatives pour les faits positifs, la théorie
pour la pratique ; on observait l'homme, ses passions, ses
habitudes^ ses tentations, ses défaillances, non pas afin de
construire à ses dépens un système de philosophie nou-
Teau, mais afin de réformer ce que sa nature ft d'impai^
fait en soi, et de montrer à l'âme le chemin de l'éternité
glorieuse. Aussi Ptahhotep ne se met-il pas en frais d'ifir
Tentions et de déductions. Il donne les réflexions et l^s
conseils qui lui viennent à l'esprit, tels qu'ils lui vieiit-
nent, sans les grouper et sscns en tirer la moindre conclu-
sion d'ensemble. La science est utile pour arriver à la
connaissance du bien : il recommande la science. La dou-
ceur envers les subalternes est nécessaire au salut : il fait
l'éloge de la douceur. Le tout est entremêlé de conseils
sur la conduite à tenir dans les diverses circonstances de
la vie, quand on se trouve devant un homme impérieux,
quand on va dans le monde, quand •on prend femme. <cSi
tu es sage , munis bien ta maison ; aime ta Yemme sans
querelles, nourris-la, pare-la, c'est le luxe' 4e ses mem-
bres. Parfume-la, réjouis-la, le temps que tu>4i : c'est
un bien qui doit être digne de son possesseur. N^seis
pas brutale » Analyser en détail un tel ouvrage est im-
possible : le traduire entièrement, plus impossible en^
core. La nature du sujet, l'étrangeté de certains préceptes,
la tournure du style, tout concourt à dérouter l'étudiant et
à l'égarer dans ses recherches. Dès les temps les plus t^-^
culés, la morale a été considérée comme une scienco^
bonne et louable en elle-même, mais tellement rebattue^
1. Papyrus Prisse, Pi. X, 1. 9-lQ
88 CHAPITRE II.
qu'on ne peut la rajeunir que par la forme. Ptahhotep n'a
pas échappé aux nécessités du genre qu'il avait choisi.
D'autres avaient dit et bien dit avant lui les vérités qu'il
prétendait exprimer de nouveau : il lui fallut, pour allé-
cher le lecteur, chercher des formules imprévues et pi-
quantes. Il n'y a pas manqué : dans certains cas il a su
donner tant de recherche à sa pensée que le sens moral
de la phrase nous échappe sous le déguisement des mots.
De la sixième h la onKlème dynastie.
Il semble que le passage de la cinquième à la sixième
dynastie ne se fit pas sans trouble. Tandis qu'un roi Teta
continuait à Memphis la lignée de Mena, un autre prince
originaire d'Abou (niléphantine)* ou plutôt d'Aboud (Aby-
dos), Ousor-ka-râ Ati, TOthoès de Manéthon, régnait dans
le sud de TÉgypte. Il fut, dit-on, tué par un de ses
gardes*, mais la couronne nîen resta pas moins dans sa fa-
mille, et passa à Meri-Râ Papi I®', au détriment des derniers
rejetons de la cinquième dynastie.
A partir de Meri-Râ Papi I«' (Phios), l'autorité de Mem-
phis sur le reste de l'Egypte commença de décliner. Les
princes de la dynastie nouvelle, sans abandonner l'an-
cienne capitale, paraissent lui avoir préféré les villes de
la Moyenne Egypte, . et surtout Abydos, dont la nécro-
pole a conservé tant de souvenirs de leur passage. Du
reste , ils no laissèrent pas- la grandeur du pays péri-
cliter entre leurs mains : ils l'agrandirent et portèrent
leurs conquêtes plus loin qu'aucun autre Pharaon n'avait
fait avant eux. Papi P', le second roi de la dynastie,
en est aussi le héros. Pendant un règne qui dura au moins
dix-huit ans, son activité ne se ralentit jamais. Secondé
habilement par Ouna, son premier ministre, il reprit sur les
nomades asiatiques les établissements du Sinaï que ses
prédéceseurs avaient perdus, soumit l'Ethiopie et couvrit
î'iÉgypte de monuments.
1. Manéthon, édit. Unger, p. 101-102, d*après la correction de
Lepsius. — 2. Manéthon, édit. Unger, p. 101.
PÉRIODE MEMPHITB. 89
Ouna avait débuté tout enfant à la cour du roi Teta. D'a-
bord simple page (porte^ouronné)^ il avait bientôt obtenu
un emploi au ministère du labourage et un titre sacerdotal
de peu d'importance. Papi le prit en grande amitié dès le
début de son règne et lui donna successivement les charges
à*amiy de surveillant des prophètes de la pyramnide funé-
raire^ à! auditeur^ dont il s'acquitta mieux que personne
avant lui ; aussi fut-il envoyé à Bouwou chercher dans les
carrières un bloc de pierre Ijlanche pour en faire un sarco-
phage. L'activité dont il fit preuve en cette occasion lui
valut de nouvelles faveurs : il fut élevé à la dignité à*ami
royaly nommé surintendant de la maison de la reine, et prit
peu à peu la direction de toutes les affaires. « Je faisais,
dit-il, toutes les écritures avec l'aide d'un seul secré-
taire. » L'Egypte n'eut pas à se plaindre de son administra-
tion. Les mines du Sinaï, exploitées avec plus de suite et
soumises à des inspections régulières, donnèrent des ré-
sultats qu'on n'avait jamais obtenus auparavant. Une route
fut tracée à travers le désert de Goptos à la mer Rouge et
ouvrit une nouvelle voie au commerce. L'exploitation des
carrières de Rohannou fut poussée avec vigueur, et bien que
touiii les monuments édifiés alors aient disparu sans laisser
aucun vestige, les inscriptions sont là pour témoigner de
l'activité avec laquelle furent menés les travaux de con-
struction. Une ville nouvelle fut fondée dans l'Heptanomide.
Le temple d'Hathor à Denderah, élevé par les serviteurs
(THor aux temps fabuleux de l'histoire d'Egypte et ruiné
depuis, fut rebâti en entier sur les plans primitifs qu'on
retrouva par hasard. Cette piété envers l'une des divinités
les plus vénérées fut récompensée comme elle méritait l'être
par le titre de fils d'Hathor que Papi fit désormais insérer
dans son cartouche royal.
Au dehors, le ministère d'Ouna fut signalé par la soumis-
sion de la Nubie et par une série d'expéditions victorieuses
contre les Aa/mou et contre certaines tribus de la Syrie
du sud, les Heroushâ^ qui s'étaient révoltées contre Pha-
raon. Les Heroushâ formaient, paraît-il, une nation puis-
sante : ce ne fut pas trop pour les vaincre de toutes les
'
90 CHAPiraE II.
forces de TËgypte. «Sa Sainteté eut àrepoussejr les damou
et les Heroitëhâ. Sa Sainteté fit une armée de plusieurs fois
dix mille soldats, pris dans le pays tout entier, depuis Élé*-
phantine jusqu'à la terre du Nord, dans toutes les maisons,
dans les villes, dans les places fortes, dans le pays A*Aare-
thetf parmi les nègres du pays de ....m, parmi les nègres
du pays d'Amam, parmi les nègres du pays de Ouaouat,
parmi les nègres de Kaaou, parmi les nègres du pays de
Tomam, et Sa Sainteté m'envoya à la tête de cette armée.
Voici que les généraux, voici que les chambellans, voici
que les amis du palais, voici que les chefs, les princes des
villes du midi et du nord, les a/mis doréSy les chefs des
prophètes du midi et du nord, les intendants des temples
à la tête des capitaines du midi et du nord, des villes et des
temples, instruisirent les nègres de ces régions » Ge ne
fut pas une mince affaire d'organiser ces recrues d'un nou-
veau genre. « C'était moi qui les dirigeais, » ajoute Ouna,
et, à travers les phrases mutilées qui suivent on devine les
difficultés de toute nature contre lesquelles il dut lutter.
On eut, paraît-il, quelque peine à organiser le service des
vivres et de rhahiUement. A force de patience et d'indus-
trie, l'ordre finit par s'établir et l'expédition se mit en camr-
pagne.
«c Cette armée alla [en paix] : elle entra, comme il lui
plut, au pays des [Heronshâ], Cette armée [alla] en paix :
elle écrasa le pays des Heroushâ. Cette armée alla en paix :
elle fit brèche dans [toutes leurs] enceintes fortifiées. [Cette
armée alla] en paix: elle coupa leurs figuiers et leurs vi-
gnes. Cette armée alla en paix : elle incendia [tous leurs
blés]. Cette armée alla en paix : elle massacra leurs soldats
par myriades. Cette armée alla en paix : [elle emmena leurs
hommes, leurs femmes et leurs enfants] en grand nombre,
comme prisonniers vivants, ce dont Sa Sainteté se réjouit
plus que de toute autre chose. » Ces prisonniers, employée
aux travaux publics ou vendus comme esclaves à des par-
ticuliers, contribuèrent pour leur part à la prospérité du
règne de Papi. « Sa Sainteté m'envoya [pour écraser ses
ennemiSi et j'allai] cinq fois frapper la terre des Herouâbâ
PÉRIODE MEMfHITE. 91
pour abatUie leur rébellion avec cette armée; et j'agis de
telle sorte cpe le roi fut satisfait de cela plus que de toute
autre chose. » Malgré ces Tictoires répétées, la guerre n'é-
tait pas encore terminée : « On vint dire gue des barbares
s'étaient assemblés au pays de Takhebà [?]. Je partis en-
core dans des navires avec cette armée, et je pris terre aux
extrémitéB reculées de cette région, aji nord du pays des
Heroushâ. Voici que cette armée se mit en chemin : elle les
battit tous, et détruisit tous ceux d'entre eux qui s'étaient
assemblés. » Cette afiaire décisive mit fin à la lutte et en-
traîna la soumission complète des ennemis. Au retour de
ces expéditions, Ouna^ déjà comblé d'honneurs, reçut la fa-
veur la plus insigne qu'un roi pût accorder à un sujet, la
permission de garder ses sandales dans le palais et même
en U présence de Pharaon.
La paix régnait h rintériejir : au dehors, !a Nubie, la
libye et les parties de la Syrie contiguës au Delta recon-
naissaient la suzeraineté de l'Egypte. Jamais, de'puisRhéops,
le pays n'avait été plus puissant et plus heureux. Papi ne
jouit pas longtemps de sa gloire. Peu de temps après le re-
tour d'Ouna, il mourut laissant la couronne à Mer-en-Râ
IMent-em-saw?)^ l'aîné des fils qu'il avait eus de sa seconde
temme la reine RaQivmeri-^nkhrnas.
Merenrâ n'eut pas de longues guerres à soutenir. Le
souvenir des victoires de son père était encore trop présent
& l'esprit des barbares pour qu'ils éprouvassent la tentation
de se révolter. Ouna, qui avait tant fait pour la grandeur du
roi précédent, fut confirmé dans tous ses emplois et reçut
de nouvelles charçes. Il fut nommé prince gouverneur des
pays du Sud depuis ïlléphantine jusqu'à la pointe du Delta :
a Jamais sujet n'avait eu cette dignité auparavant. >> Selon
l'usage, il commença par suspendre les autres travaux pour
s'occuper sans retard du tombeau destiné au nouveau roi.
La construction de la pyramide funéraire le força à entre-
prendre, dans les pays soumis à son autorité, plusieurs
voyages longs et difficiles. « Sa Sainteté m'envoya au pays
d'Abeha pour y chercher le sarcophage royal avec son cou-
vercle et le pyramidion précieiu de la pyramide funéraire
92 CHAPITRE U.
Hont-Khâ-nower de Merenrâ. Sa Sainteté m'envoya
vers Éléphantine pour en rapporter le granit du naos
et du seuil, le granit des corniches (?) et des linteaux (?),
pour ramener le granit des portes et des seuils de la cham-
bre (?) supérieure de la pyramide Hont-Khâ-nower de
Merenrâ. Je partis pour la pyramide Nower-Khâ de Me-
renrâ avec six chalands, trois bateaux de transport, trois
radeaux (?) et un navire de guerre : jamais dans le temps
d'aucun ancêtre Abeha ou Eléphantine n'avaient construit
navires de guerre. Sa Sainteté m'envoya au pays deHanoub
pour en rapporter une grande table à libations en albâtre
du pays deHanoub. Je lui fis amener cette table à libations
en dix-sept jours. » Pour mettre à flot et transporter tous,
ces blocs de pierre, il avait fallu entreprendre et mener à
bonne fin quantité de travaux secondaires, construire des
navires, creuser des bassins et des canaux au sud d'Élé-
phantine, dans le pays nouvellement conquis de l'Guaouat.
Ouna réquisitionna à cet efl'et les peuplades noires qui lui
avaient déjà fourni une armée sous Papi. « Voici que le
prince des pays de Arrethety Ouaouaty Arrwmiy a four-
nirent le bois 3>' nécessaire aux navires.» En un an, les dif-
férentes missions étaient achevées; les vaisseaux con-
struits en Nubie passaient la première cataracte à la
faveur des hautes eaux et descendaient le Nil. Pour la
première fois peut-être depuis Mena, la barrière natu-
relle qui séparait l'Egypte de l'Ethiopie était franchie non
sans peine. Le roi Merenrâ visita lui-même les travaux
et, pour laisser à la postérité le souvenir de son passage,
fit graver son image de plain-pied sur les rochers d'As-
souan. La construction de la pyramide Nower-Khâ fut le
dernier grand acte administratif de la vie d'Ouna. U mou-
rut peu de temps après et son souverain ne tarda pas à le
suivre au tombeau*.
Merenrâ eut pour successeur son frère cadet Nower-
karâ, dont les listes grecques font un second Papi. Mané-
thon accordait à ce prince cent années de règne, et son témoi-
1. De Rougé, Recherches sur les VMnùmentSy p. 80 sqq.
PÉRIODE MEMPHITE. 93
gnage est confirmé par le Papyrus de Turin qui attribue
à un pharaon dont le nom est malheureusement détruit, un
règne de quatre-vingt-dix ans au moins. Une inscrip-
tion d'Ouadi-Magarah, datée de la onzième année, montre
qu'il fit continuer F exploitation des mines du Sinaï et sut
repousser de ce côté les attaques des barbares. D'autre
part, le nombre et la beauté des tombeaux qui portent
son cartouche semblent attester que, pendant une partie
au moins de ce règne séculaire, TÉgypte ne perdit rien
de sa grandeur et de sa prospérité. Mais, aussitôt après la
mort de Papi H, le trouble se mit dans l'État : Mentésou-
phis [Mentemsa/U)?) fut assassiné dans une émeute une
année à peine après son avènement. Sa sœur, Nitaqrit, la
Nitokris des légendes, la belle aux joues de rose^ dont,
selon l'usage, il avait fait sa femme, lui succéda et n'ac-
cepta la royauté que dans l'idée bien arrêtée de le venger.
ce Elle fit bâtir une immense salle souterraine ; puis, sous
[)rétexte de l'inaugurer, mais en réalité dans une tout au-
tre intention, elle invita à un grand repas, et reçut dans
cette salle bon nombre d'Égyptiens, de ceux qu'elle savait
avoir été surtout les instigateurs du crime. Pendant le re-
pas, elle fit entrer les eaux du Nil dans la salle par uù ca-
nal qu'elle avait tenu caché. Voilà donc ce qu'on raconte
d'elle. On ajoute que, après cela, la reine se jeta d'elle-
même dans une grande chambre remplie de cendres, afin
d'éviter le châtiment*.»
Pendant les sept années de son règne, Nitokris avait ter-
miné la troisième des grandes pyramides que Menkerâ
avait laissée inachevée. Elle avait plus que doublé les di-
mensions du monument et lui avait donné ce coûteux revê-
tement de syénite qui excitait, plus tard, à si juste titre,
l'admiration des voyageurs grecs, romains et arabes. C'est
au centre même de cette pyramide, au-dessus de la cham-
bre où le pieux Mykerinos reposait depuis plus de huit
siècles, qu'elle fut ensevelie à son tour dans un magnifique
sarcophage de basalte bleu dont on a retrouvé les frag-
1. Hérodote, II, 100
94 . CHAPITRE H.
ments. Cela donna lieu plus tari de lui attrituer, au dé-
triment du fondateur réel, la construction de k pyramide
entière. Les voyageurs grecs, à qui leurs exégétes racon-
taient l'histoire de la belle aux joues de roscy changèrent
la princesse en courtisane et substituèrent au nom de Ni-
taqrit, le nom plus harmonieux de Rhodopis. Tin jour
qu'elle se baignait dans le fleuve, un aigle fondit sur une
de ses sandales, Fempoïta dans la direction de Memphis et
la laissa tomber sur les genoux du roi qui rendait alors ta
justice en plein air. Le roi, émerveillé et par la singularité
de l'aventure et par la beauté de la sandale, fit chercher
par tout le pays la femme â qui elle avait appartenu, et
c'est ainsi que Rhodopis devint reine d'Egypte. A sa mort,
elle eut pour tombeau la troisième pyramide*. Le christia-
nisme et la conquête arabe modifièrent encore une fois le
caractère de la légende sans effacer entièrement le souve-
nir de Nïtokris. << L'on dit que Tesprit de la pyramide
méridionale ne paroiêt iamais dehors qu'en forme d'une
femme nue, belle au reste , et dont les manières d'agir
sont telles que, quand elle veut donner de l'amour à quel-
qu'un et luy feire perdre l'esprit, elle luy rit, et, incon-
tinent, il s'approche d'elle et elle l'attire â elle et l'af-
fole d'aïnour; de sorte qu'il perd l'esprit sur l'heure et
court vagabond par le pays. Plusieurs personnes l'ont veuë
tournoyer autour de la pyramide sur le midy et environ
soleil couchant *. » C'est Nitokris qui hante ainsi le monu-
ment dont elle avait achevé la construction.
De la mort de Nitokris à Favénement définitif de la on-
zième dynastie, près de cinq siècles s'écoulèrent sur les-
quels l'histoire reste â peu près muette. Quatre dynasties
s'élevèrent, puis retombèrent rapidement pendant cet inter-
valle, sans laisser aucun monument qui n,ous permette de
déterminer les noms et l'ordre de succession des Pharaons
qui les composent. Manéthon indiquait d'abord une sep-
tième dynastie memphite, qui, d'après une version, aurait
î. Strabon, 1. XV, c. 1. Cf. Hérodote, II, 134-135. — 2. VÊgypte
de Murtadi, fils du Gaphiphe, de la traduction de M. Pierre Wattier.
A Paris, mdc lxvi, p. 66.
PÉRIODE MÊMPHITE. 95
(taré seulement soixante-dix jours et ù'aurait pas compté
moins de soîxante^ix rois ; d'après une autre, aurait été
formée de cinq rois et aurait régné soixante-quinze ans. D
parlait ensuite d'aune seconde dynastie memphite, la hui-
tième, dont les vingt-sept souverains n'exercèrent l'autorité
que pendant cent quarante-six ans. Le Papyrus de Turin,
tout mutilé qu'il est, nous donne en effet pour cette époque
l'indication de règnes forts courts. Le roi Now&rka, suo-
cessenr immédiat de Nitaqrît, garda le pouvoir deux ans^
un mois, un jour; le roi Notvrovs^ quatre ans,^ deux mois,
un jour; le roi ^6, deux ans, un mois, un jour; un autre
roi, dont le nom est illisible, un an et huit jours. Il faut
voir dans l'insignifiance de ces chiffre» la preuve des trou-
bles incessants et des guerres civiles qui ruinèrent l'Egypte
et amenèrent probablement sa division en plusieurs États
indépendants sur lesquels les princes de la dynastie offi-
cielle, retirés à Memphis, n^eurent plus qu'un droit de
suzeraineté purement nominal.
Après un siècle et demi d'agitations et de luttes, la li-
gnée memphite finit par s'éteindre et fut remplacée par
une famille d'origine héracléopolitaine. Hâ-khnensoiUen^ y
THéracléopolis des géographes grecs, dont le nom, altéré
Buecessivement en Khininsou et Hnès^y est reconnaissable
encore aujourd'hui dans la forme arabe Ahnasr^l-Medineh,
était l'une des villes les plus anciennes et les plus riches
de l'Egypte. Située au cœur même de l'Heptanomide, à
trente lieues environ au sud de Mempbis, elle s'élevait
dans une île assez considérable formée par le Nil à l'orient,
par le grand canal qui longe le pied de la montagne Liby-
que, à l'occident. Fondée^ aux temps anléhistodiques, au-
tour de l'un des sanctuaires les plus vénérés du pays, elle
n'avait pas encore de rôle politique, lorsqu'un de ses prin-
ces, dont le nom nous est arrivé sous la forme grecque
d'Âchthoès, la tira de son obscurité et parvintt à lui donner
la prééminence qui avait si longtemps appartenu à Mem-
phis. « Il fut le plus cruel de tous ceux qui avaient régné
1. Littér., la demeure de Penfant ftf^, — 2'. Ésaîô, XXX, 4; Cham-
pcdUoB) VÉ^^ftB 9mf les Phtxraons, 1. 1; p. ^OQ-STC. •
96
CHAPITRE II.
jusqu'alors et commit beaucoup de crimes. Il finit par être
frappé de démence et mis en pièces par un crocodile*.»
Après sa mort, Héracléopolis, devenue pour un temps ville
dominante, produisit successivement deux dynasties, la
neuvième et la dixième. Les fragments du Papyrus de Tu-
rin, la deuxième rangée supérieure de la table d'Abydos,
le canon d'Ératosthènes, nous ont conservé sans doute
quelques-uns des noms de cette époque. L'absence com-
plète de monuments originaux ne nous permet point de
classer et de répartir entre les dynasties les rois dont les
cartouches plus ou moins mutilés sont parvenus ainsi jus-
qu'à nous. Régnèrent-ils trois siècles comme l'affirment les
uns ou six comme le veulent les autres ? Réussirent-ils à
étendre leur autorité* sur toutes les régions comprises entre
la première cataracte et les côtes de la Méditerranée, ou ne
possédèrent-ils qu'une partie du pays? Ce sont là autant de
questions auxquelles il est impossible de répondre dans
l'état actuel de la science. On voit seulement que les der-
niers d'entre eux, après avoir lutté vainement contre la ré-
volte des provinces du midi, finirent par succomber sous
l'effort toujours croissant des princes thébains qui forment
la onzième dynastie de Manéthon *.
1. Manéthon, édit. Unger, p. 107. — 2. Voici, restitué aussi complè-
tement qu'on peut le faire en ce moment^ le tableau des siidème, sep-
tième, huitième, neuvième et dixième dynasties :
'Je
VP Dynastie éléphantine (abydénienne).
y ( Teta (à Memphis)
I ÂTi (dans le Sud)
II MerihI Papi I
III Mbrenrâ [Mentemsaw I]
IV NowbrkarA [Papi II?]
V Merenrâ Mentemsaw II
VI NiTAQBIT *
VII* Dynastie memphite.
?
VIII" Dynastie memphite.
?
IX* Dynastie héraclkopolitaine. I. — îiY86tj;.
?
X* Dynastie héracléopolitaine.
I
OOoY);.
II
*i6ç.
ni
MeQéaouçtc.
IV
^m^.
V
MevOéaouçtc.
VI
MÎTfidXplÇ.
PÉRIODE THÉBAINE. 97
CHAPITRE m.
PERIODE THEBAEfE.
DE LA ONZIÈME ▲ LA QUINZIÈME DYNASTIE (HOTBN EMPIBB.)
La onzième dynastie; débuts de la puissance thébaine. — La douzième
dynastie; conquête de la Nubie; le lac Mœris. —De la treizième à la
quinzième dynastie.
liA OB Blême dyiuMttel début* de la pnMmnauee thébaine.
Depuis ravénement de Mena, toute la civilisation égyp-
tienne semblait s'être concentrée dans la partie moyenne
du pays, entre Memphis et Abydos. C'est à Memphis que
les princes avaient régné, à Memphis que les arts s'étaient
développés et avaient produit leurs chefs-d'œuvre : les
nomes du sud n'avaient joué qu'un rôle tout à fait
secondaire. Leurs métropoles vivaient dans une obscu-
rité profonde; leurs dieux même étaient inconnus à ce
point que sur les monuments des six premières dynasties
publiés jusqu'à ce jour, j'ai trouvé une seule fois , dans
un nom propre, le nom du grand dieu de Thèbes, Am-
mon, le seigneur des deux mondes, le patron de l'Egypte
au temps desconquêtes.
Lorsque Memphis, après une suprématie millénaire, eut •
perdu à jamais la suzeraineté, au milieu des révolutions
C[ui troublèrent le règne des princes de Hnès, les villes
du sud de l'Egypte, Coptos, Silsilis, Thèbes surtout,
commencèrent de naître à la vie politique. Rien ne prouve
mieux l'état d'infériorité où elles étaient par rapport aux
villes du centre et du nord que l'aspect des premiers mo-
numents qu'elles nous ont laissés. Les stèles sont rudes
et grossières, chargées d'hiéroglyphes et de figures gau-
chement taillés : le» traditions artistiques en honneur
HIST. ANC* 7
Ô8 CHAPItRB m.
dans les écoles semblent différer des traditions memphi-
tes, et ne présentent avec les monuments de la sixième
dynastie aucune de ces ressemblances qui accusent des
liens de parenté. Les noms des rois et des particuliers, les
titres donnés aux fonctionnaires , ont une tournure inusi-
tée ; tout est nouveau, jusqu'à la religion elle-même*.
C'est Osiris, c'est Khnoum, c'est Khem, c'est Ammon sur-
tout qu'on invoque. Phtah, Imh'otep, Râ, tous les dieux
mempnites et héliopolitains se sont abaissés au rang de
dieux provinciaux, dans le même temps que Memphis
descendait de la dignité de capitala à la condition de ville
de province.
La onzième dynastie était originaire de Thèbes : elle se
rattachait à Papi Meri-Râ par des liens encore inconnus et
fut la souche de la dix-huitième dynastie. D'abord vassale
des rois héracléopolitains, elle ne parvint que lentement
à conquérir son indépendance. Le premier de ses princes
dont nous sachions le nom, Entew I", n'avait pas droit au
cartouche : il était simple noble (erpâ)^ sans plus de titres
que leâ autres chefs des grandes familles égyptiennes. Son
fils, Mentouhotep T', tout en prenant le cartouche, n'est
encore qu'un //or, souverain partiel, chef des pays du
sud sous la suzeraineté des rois légitimes. Trois généra-
lions après lui, Entew IV rompit le dernier lien de vasse-
lage et se fit appeler Dieu 6on, maître des devi£Xi pays*. Il
ne faudrait pas toutefois se laisser abuser à ce dernier
titre et croire que l'autorité des Entew s'étendît dès lors
sur l'Egypte tout entière : les rois d'Héracléopolis con-
servaient la possession dû Delta et durent faire sentir plus
d'une fois leur pouvoir aux monarques thébains. Le premier
de ceux-ci qui parvint à « réunir les deux régions » sous
un sceptre unique fut Mentouhotep IV (Râ-neb-kherou),
â qui cet exploit valut plus tard d'occuper dans les listes
royales une place d'honneur et parfois même de représen-
1. Mariette, Catalogue, p. 26-27; Histoire d'Egypte^ p. 28. — 2. Tous
ces faits ressortent des légendes de la Table de Karnak. Cf. Prisse
tl'Avennes, iVoa'ce sur la Salle des Ancéires, p. U-15; de Rougé, Lettre à
M. Leemans, p. 5-6 et 13.
PÉRIODE THÉBÀINE. 9»
ter à îuî senl la famille dont il faisait partie*. Sw sttCCês-
fieurs lie iréussitent pas à se maintenir longtemps au pou-
voir et cédèrent la place au fondateur de la douEièttie dy-
nastie, après avoir dominé un peu moins d'un demi-siècle
sur l'Egypte entière*.
Quelques tablettes sculptées sur les rochers, quelques
stèles funéraires et quelques menus objets dispersés dans
les différents musées de l'Europe, quelques tombeaux à
moitié ruinés, voilà tout ce qui nous reste des seize rois qui
composèrent la première dynastie thébaine dans sa période
de vasselage et dans sa période de grandeur. Les luttes
constantes qu'ils durent avoir à soutenir contre les rois
héracléopolitains ûe les empêchèrent pas de fisdre quelques
expéditions heureuses contre les peuples voisins de l'E-
gypte. Mentouhotep m (Râ-neb-tàoui) se fit représenter
près de Philas, vaiilqueur de treize nations barbares;
Entew IV (Râ-noub-khoper) avait battu les Nègres et
les Asiatiques * ; (Sânkh-karâ) Ameni prétendait inspirer
la terreur à toutes les nations. Leurs succès devaient
être fort peu de chose. Au nord et à l'ouest, Un colonies
du Sinal avaient été abandonnées ; vers le sud, les con-
quêtes de Papi et de ses successeurs étaient perdues et la
frontière ne dépassait pas Êléphantine de beaucoup. C'est
aux i;ois de la douzième dynastie qu'il était réservé de ré-
duire la Nubie en province égyptienne.
Gomme rois constructeurs, les l^ntew et les Mentouhotep
ont laissé peu de traces de leur passage : les ressources
dont ils disposaient, même Au temps de leur grandeur,
n'étaient pas suffisantes pour leur permettre d'élever des
monuments considérables. La ville de leur origine, Thèbes,
fut embellie par eux dans la mesure de leurs moyens : du
moins une inscription de Fm II de Mentouhotep HI (Rft-
neb-taoui) nous apprend que ce prince envoya une expédi-
tion à la vallée de Hammâmât pour chercher la pierre ûé-
• . Mariette, la fabh de Sttqqatah, >» 6. — t. En tdut qûarante^tfois
ans, su dire de Mahëtli(A, SdU, tfnger, p* 10t. — t. ^ïMl, U Popym*
Abbottf p, 11-12,— 4. LepM^s, Venkm. II, 150,
100 CHAPITRE m.
cessaire aux constructions qu'il faisait dans Thèbes*. Les
seules ruines de cette époque qui subsistent encore, se
trouvent à Drah-abou'l Neggah, sur l'emplacement de la
nécropole. C'était là que s'étaient fait ensevelir Entew Aâ I®',
Entew Aâ II, Entew IV (Râ-noub-khoper), Mentouho-
tep IV (Râ-noub-kherou) et plusieurs de leurs successeurs.
Les tombes, déjà violées par les malfaiteurs au temps de
la vingtième dynastie ^, sont aujourd'hui détruites, excepté
celle d'Entew-Aâl*'. C'était une pyramide en briques crues,
de travail médiocre, élevée presque sur la lisière du désert.
La chambre sépulcrale, revêtue sur toutes ses faces d'une
belle maçonnerie en calcaire, renfermait, outre le sarco-
phage disparu sans retour, une stèle de l'an L, où le roi
était figuré en pied, l'uraeus au front, accompagné de qua-
tre de ses chiens favoris '.
Après Thèbes, c'est Goptos qui paraît avoir eu le plus à
se louer de l'activité des premiers princes thébains. Située
au débouché des routes qui mènent aux bords de la mer
Rouge et aux carrières deRohannou*, Coptos avait pris dès
lors un gAind développement. Entew IV (Râ-noub-khoper)
y avait élevé des édifices dont les fragments ont servi de nos
jours à la construction d'un pont ^ Mentouhotep III (Râ-
neb-taoui) avait une dévotion spéciale pour le dieu local
Min ou Khem, forme d'Ammon-Râ, générateur ^, et mar-
qua son zèle par la construction de divers monuments au-
jourd'hui détruits. L'exploration de la vallée de Hammâ-
mât devait mener plus loin encore un des derniers princes
de la dynastie (Sânkhkarâ) Ameni. Désireux d'établir des
communications directes avec l'Arabie et l'Egypte, il en-
voya un des hauts fonctionnaires de sa cour fonder une
colonie sur les bords de la mer Rouge, très-probablement
aux environs de Qoçeyr. Gomme on voit, l'esprit d'initiar
1. Lepsius, Denkm., II, 149, d, — 2. Voir les pièces du procès qui
s'engagea à ce sujet sous Bamsès IX dans Birch, le Papyrus Abbott;
Chabas, Mélanges ëgyptologiques, nv série, 1. 1; et Maspero, une Enquête
judiciaire à Thèbes. — 3. Mariette, Catalogue, p. 29CM291 . — 4. Au-
jourd'hui Wadi^l Hammâmat. — 5. Wilkinson, A Uandbook for Travel*
lers, p. 321. — 6. Brugschi Histoire d*Égypte, 1. 1, p. 51.
^ PÉRIODE THÉBAINE. 101
tive ne manquait pas à ces princes obscurs. Le développe-
ment de leur puissance fut interrompu par des révolutions
dont nous ne savons ni la cause, ni les détails. Lorsque
l'Egypte, divisée pour quelques années, se trouva de nou-
veau réunie tout entière entre les mains d'un seul homme,
la onzième dynastie avait cessé de régner.
lia douKlème dynastie i
coniiuête de la Muble i le lae HHierl*.
L'avénement de la dynastie nouvelle ne se fit pas sans
combat. Amenemhat I", d'origine thébaine comme ses pré-
décesseurs, eut à lutter contre les compétiteurs dont les
entreprises troublèrent ses premières années. « Ce fut
après le repas du soir, » dit-il dans des Instructions au roi
Ousortesen I**, qui lui sont attribuées, « quand vint la nuit,
— je pris une heure de joie. — Je m'étendis sur les cou-
ches moelleuses de mon palais, je m'abandonnai au repos,
— et mon cœur commença de se laisser aller au sommeil ;
— quand, voici, on assembla des armes pour se révolter
contre moi, — et je devins aussi faible que le serpent des
champs. — Alors je m'éveillai pour combattre moi-même,
de mes propres membres, — et je trouvai qu'il n'y avait
qu'à frapper qui ne résistait pas. — Si je prenais un assail-
lant les armes à la main, je faisais retourner cet infâme;
— il n'avait plus de force même dans la nuit : l'on ne com-
battit point, — aucun accident fâcheux ne se produisit
■contre moi * . » A force de persévérance, le roi finit par
triompher. « Soit que les sauterelles aient organisé le pil-
lage, — soit qu'on ait machiné des désordres dans le pa-
lais, — soit que l'inondation ait été insuffisante et que les
citernes se soient desséchées , — soit qu'on se soit sou-
venu de ta jeunesse pour agir [contre moi], — je n'ai
jamais reculé depuis ma naissance ^. » La guerre se
concentra enfin au sud de Memphis, autour de la forte-
1. Papyrus SaUier, II, pi. 1, 1. 9,-pl. III, l. 3. — 2. Ibid., II, pi. UI,
1. 4-6.
IQ9 GHAPITHS m.
•
ressQ de Tetaouî. La prise da cette riUe décida dn raceès
et entratna la soumifwioo de l'Egypte entière ^
Dia lors Atnefnemhai s'appliqua sans relâche à réparer
les malheurs des guerres civiles et à repousser les peuples
Yoisiiia, Libyens, Nubiens, Asiatiques, dont les incursions
perpétuelles troublaient sans cesse le repos de Tî^ypte.
« J'ai fait que V endeuillé ne fût plus en deuil, et il n'a
plus été entendu; — les batailles perpétuelles', on ne les
a plus vues , -^ tandis qu'avant [moi] l'on s'était battu
comme un taureau qui ignore le passé — [et que] le bien-
ôtre de l'ignorant ou du savant n'était pas assuré ^ » —
« J'ai [fait] labourer [le pays] jusqu'à i46ott*, — j'ai ré-
pandu la joie jusqu'à Adhau^..., — Je suis le créateur
des trois espèces de grains, l'ami de Neprat*. -^ Le Nil
a accordé à mes prières l'inondation sur tous les champs :
— r point d'affamé sous moi, point d'altéré sous moi, — -
car on agissait selon mes ordres, — et tout ce que je disais
était un nouveau sujet d'amour. -— J'ai renversé le lion
— [et] pris le crocodile; — j'ai réduit les OuaouaVy —
j'ai emmené les Matsiou^ [en esclavage]; — * j'ai forcé les
Asiatiques à marcher [près de moi] comme des lé-
vriers*. i> En Nubie, le roi avait fait ouvrir à nouveau
les mines d'or, qui depuis le temps de Papi étaient res-
tées abandonnées.
Amenemhat I^ n'était plus un jeune homme au jour de
son avènement : après dix-neuf ans de règne, il appela
au pouvoir son fils Ousortesen J*', qui dès lors partagea
avec lui les titres royaux *^ « De sujet [que tu étais]-
je t'élevai, -^ je te remis [l'usage] de tes bras, [pour que]
tu fusses craint à cause de cela. — [Quant à moi,] je me
1. C'est ainsi que j'interprète le fragment du Papyrus royat de Turin,
où le nom de Teêaoui est mentionné. — 2. Littéralement : « le grand
lieu de se battre. » — 3. Pap^frus Sallier II, pi. 1, 1. 7-9.— 4. Eléphan-
tine, la frontière méridionale de rÉgypte.— 5. Adhou, ou No^-fndhou^ldi
Na8à) d'Hérodote, dans le Delta : aussi le Delta lui-môme. — 6. La di-
vinité des grains. — 7. Peuple de Nubie, immédiatement au sud d'Élé- .
pl^Witine, — 8. Peuple de Libye. — 9. Papyrus Sallier II, pi. II,
1. 7, -pi. III, 1. 1. — 10. Mariette, Catalogue, p. 86.
PÉRIODE THÉBAINE. 103
parai des fines étoffes de mon palais, pour paraître aux
yeux comme une des plantes [de] mon jardin], -«- je me
parfumai des essences comme si je répandais Teau de mes
citernes*. » Au bout de quelques années, le rôle du vieux
roi était tellement effacé qu'on oubliait parfois d'inscrire
son nom sur les monuments à côté du nom de son fils*.
Enfermé dans son palais, il se bornait à donner des conseils
qui contribuèrent beaucoup, parait-il, à la prospérité de
TÉgypte. La réputation de sagesse qu'il s'acquit de I4
sorte devint si grande, qu'un scribe à peu près contem*
porain composa sous son nom un petit pamphlet où le roi
ce se levant comme un dieu, » est représenté adressant à
son fils quelques instructions sur l'art de gouverner,
ce ïicoute mes paroles. -— Tu règnes sur les deux mondes;
tu régis les trois régions*. < — Agis mieux [encore] que
n'ont fait tes prédécesseurs, *- Maintiens la bonne har-
monie entre tes sujets et toi, -^ de peur qu'ils ne s'aban-
donnent à la crainte; — ne t'isole pas au milieu d'eux : -^
n'emplis pas ton cœur, ne fais pas ton frère [uniquement]
du riche et du noble, — mais n'admets pas non plus au«-
près de toi les premiers venus dont l'amitié n'est pas éprou-<
vée *. » A l'appui de ses paroles, le vieux prince donne un
résumé de sa vie dont j'ai déjà cité quelques extraits. Ge
petit ouvrage, qui n'a guère plus de trois pages, devint
bientôt classique et conserva sa vogue pendant plus de
mille ans. Encore au temps de la dix^neuvième dynastie,
c'était un des morceaux qu'on faisait étudier dans les éco-*
les et que les jeunes scribes copiaient comme exercice de
style *.
Rien ne saurait mieux montrer l'état de l'Egypte et des
pays voisins à cette époque que certains passages des M^
moires d'un aventurier contemporain nommé Sineh*, Ai^
1. Papyrus SalUer, II, pi. 1, 1. 5-7.-2. Par exemple sur deux stèles
de l'an IX d'Ousortesenl*' {Louvre, C, 3, 8).-* 3* Les deux Égyptes et la
Nubie. — 4. Papyrtw Sallier, II, pi. 1, 1. 2-4. — 5. Cf. Maspero, Thê
Instructions of Amenemhat 1 unto his son Usortesen I, dans Records of
ihe Past, t. II, 1874, in'12. — 6. Voir sur ce personnage : Ghabas, Les
papyrus hiératiques de Berlin, p. 36->51, et Qoodwin> Titû story ofSik^
neha, dans le Fraser's maga»ine, 1865.
104 CHAPITRE El.
ri^é à la cour d'un petit chef asiatique, on lui demanda des
détails sur la puissance des souverains égyptiens. « Y au-
rait-il eu une mort- dans le palais i^Amenemhat sans que
nous le sachions? Alors je louai le roi en un développe-
ment poétique... Mon exil en ce pays est comme le dessein
d'un dieu ; car TÉgypte est aux mains d'un maître qu'on
appelle le dieu bienfaisant [et] dont la terreur s'étend sur
toutes les nations environnantes, comme la déesse
Sekhet [s'étend sur la terre] dans la saison des mala-
dies. Je lui dis ma pensée et il me répondit : « Nous
t'accordons l'immunité. » Son fils* entre au palais, ap-
portant abondance de biens à son père ; c'est un dieu sans
second, nul autre [comme lui] auparavant; c'est un con-
seiller sage en ses desseins, bienfaisant en [ses] décrets,
qui entre et sort à son gré : il fait fleurir les régions ; tan-
dis que son père est dans son palais, lui, annonce ce qu'il
a gagné. C'est un brave qui agit par l'épée, un vaillant
qui n'a point d'égal : il voit les barbares, s'élance [sur eux],
fond sur les pillards. C'est un lanceur de javeline, qui abat
les mains : celles qu'il frappe ne lèvent plus la lance. C'est
un redoutable', qui brise les fronts: on ne lui a point
résisté en son temps. C'est un coureur rapide, qui mas-
sacre le fuyard : aucune arme ne l'atteint. C'est un cœur
debout dans son heure. C'est un [lion] qui frappe de la
griffe * et n'a jamais rendu son arme. C'est un cœur cui-
rassé à la vue des multitudes et qui n'a rien laissé subsis-
ter derrière lui. C'est un [brave] qui se jette en avant
quand il voit la lutte. C'est un [soldat] joyeux de s'élancer
sur les barbares : il saisit son bouclier, il bondit, sans re-
doubler son coup, il tue, personne ne peut éviter sa flèche;
sans qu'il [ait besoin de] tendre son arc, les barbares
fuient ses bras comme des lévriers. La grande déesse lui
a donné de combattre qui ignore son nom; lorsqu'il atteint,
il n'épargne point (?). C'est un ami* merveilleux qui a su
1. OusortesenI*'. — 2. Mot à mot « un laveur de face ». — 3. Mot à
mot « c'est un fraffpant avec la griffe ». — 4. Mot à mot « umemer », Le
titre de semer était traduit en grec par çiXàç poaiXixâ; « ami du roi, »
PÉRIODE THÉBAINE. , 105
s'emparer de l'affection : son pays Taime plus que soi-
même et se réjouit en lui plus qu'en un dieu : hommes
et femmes accourent lui rendre hommage; il est roi, il a
commandé dès l'œuf. Depuis sa naissance, il a été un mul-
tiplicateur de naissances , [mais] lui seul est une essence
divine. La terre se réjouit de sa domination, [car] c'est un
agrandisseur de frontières qui saisira le pays du sud et ne
convoite pas les pays du nord; il s'est rendu maître des
Asiatiques jusqu'à fouler les Nemmâsha^, 5> L'association
d!Ousortesen P' à la couronne * avait habitué les Égyptiens
à considérer ce prince comme roi de fait, du vivant même de
son père. Aussi lorsque Amenemhat mourut après au moins
dix années de corégence et trente ans de règne', la transi-
tion, si délicate dans une dynastie nouvelle, du fondateur
à son successeur immédiat, se fit sans secousse. L'exemple
i' Amenemhat /" fut suivi dès lors par la plupart de ses
descendants. Après quarante-deux ans, Ousortesen /•'
associa au trône son fils Amenemhat II ^ et celui-ci, trente-
deux ans plus tard, partagea le pouvoir avec Ousortesefjfh II;
Amenemhat III et IF régnèrent longtemps ensemble*. Les
seuls règnes pour lesquels nous n'ayons point la preuve
de ce lait sont ceux d! Ousortesen III et de la reine Seveh-
nowre^ la Skémiophris de Manéthon, avec laquelle s'é-
teignit la douzième dynastie, après deux cent treize ans ,
un mois et vingt-sept jours de durée totale*.
1. D'après la forme de leur nom, les Nemmârsha devaient ôtre des
Bédouins du désert. — 2. Papyrus de Berlin, n" 1. — 3. Une stèle
du musée de Boulaq porte la date de Tan XXX d'Amen^nihat J" et de
Tan X d'Oitsortesen i*' (Mariette, Catalogue, p. 86). Une autre stèle du
même musée (Mariette, Catalogue, p. 77) donne Tan X d!Ousortesen i*',
seul. On pourrait conclure de l'absence du nom diAmer^enihat l" que ce
prince mourut en Tan XXX de son règne. Tan X du règne de son fils,
si les stèles du Louvre, citées plus haut, p. 103, note 2, ne montraient
combien il faut se défier des indications de ce genre que fournissent les
monuments. La première stèle de Boulaq prouve cpx^Amenerahat vivait
encore en Tan X de son fils : la seconde ne prouve nullement qu'il mou-
rut dans la môme année. — 4. De Rougé, Lettre à Leemans, p. 17. —
5. C'est le chiffre du Papyrus royal de Tarin, La douzième dynastie
avait été méconnue par Ghampollion, qui faisait des Amentmhai les prin-
ces de la dix-septième dynastie, contemporains des Pasteurs. L'honneur
106 CHAPITRE m.
De toutes les dynasties égyptiennes, la douzième est à
coup sûr celle dont Thistoire offre le plu9 de certitude et 1^
plus d'unité. Sans doute nous sommes loin de connaître
tous les événements qu'elle vit s'accomplir : la biographie
des huit souverains qui la composent et le détail de leurq
guerres sont encore des plus incomplets. Mais du moins on
peut suivre sans interruption le développement de leur poli-
tique; on peut, après quatre mille ans et plus,. reconsti-
tuer leur Egypte telle qu'ils se l'étaient faite et qu'ils U
léguèrent à leurs successeurs. A la fois ingénieurs et sol-
dats, amis des arts et protecteurs de l'agriculture, ils ne
cessèrent un seul instant de travailler à la grandeur du
pays qu'ils gouvernaient. Reculer les frontières de l'empire
au détriment des peuples barbares et coloniser la vallée <bl
Nil dans toute sa partie moyenne, de la première cataracte
à la quatrième ; régulariser le système des canaux et obte-
nir, par la création du lac Mœris, une plus juste réparti-
tion des eaux; orner d'édifices les grandes villes. Hélio-
polis, Thèbes, Tanis et cent autres moins connues : tello
fut l'œuvre qu'ils s'imposèrent et qu'ils poursuivirent de
père en fils pendant plus de deux siècles. Au sortir de leura
mains, l'Egypte, agrandie d'un tiers par la conquête de la
Nubie, enrichie par de longues années de paix et de bonne
administration, jouissait d'une prospérité sans égale. Plus
tard, au temps des guerres asiatiques et des conquête?
lointaines, elle eut plus d'éclat apparent et fit plus de bruit
dans le monde : au temps des Ovsortesen^ elle était plus
heureuse.
Deux champs de bataille s'ouvraient aux Pharaons,
l'un à l'est du Delta, en Syrie, l'autre au sud d'ÉIéphan-
tine, dans la Nubie proprement dite. A Test, l'Égypto,
séparée des populations syriennes par le désert, semblait
n'avoir rien à craindre derrière sa ceinture de sables. Tout
au plus lui fallait-il subir quelques incursions des Barbares
d'avoir corrigé cette erreur revient tout entier à Lepsius. Cf. à ce
sujet le mémcrire de ce savant, Ueber die xwolfte ^gyptische fesnt^t-»
djfnastie, dans les Mémoires de VAcadémie des sciences de Berlin, 1852,
PÉHIODS THËBAINE. 107
nomadeSy plus ruineuses pour la fortune de certains parti-
culiers que pour la sécurité du pays. Pour se mettre ii
l'abri de ces razziaSy difficiles à éviter malgré la vigilance
des garde-frontières , les souverains de T Ancien Empire
avaient, de la mer Rouge au Nil, élevé une série de forte-
resses et bâti une muraille qui barrait l'entrée du Ouady
'toumilftt aux pillards Odette muraille, entretenue avec soin
par Amenemhat I et ses successeurs, marquait de ce côté
Textrème limite de Tempire des Pharaons. Au delà com-
mençait le désert, et, pour les gens de cette époque, un
monde à peu près inconnu. Sur les peuples de la Syrie et
de la Palestine, on n'avait que des notions flottantes em-
pruntées aux caravanes ou apportées dans les ports de la
Méditerranée par les marins qui les fréquentaient. Parfois
cependant les riverains du Delta voyaient arriver dans leurs
villes des bandes d'émigrés ou même des tribus entières
qui, chassées de leur pays natal par la misère ou les révo-
lutions, venaient chercher asile en Egypte. Un des baa^
reliefs du tombeau de Nowmhotep à Beni-Hassan nous fait
assister à l'arrivée d'une troupe de ces malheureux. Au
nombre de trente-sept, hpmmes, femmes et enfants, ils
sont amenés devant le gouverneur du nome de Meh%
auquel ils présentent une sorte de fard verdâtre nommé
mests&m et deux bouquetins. Ils sont armés, comme les
Égyptiens, de Tare, de la javeline, de la hache, de la mas-
sue, et vêtuB de longues robes ou de pagnes étroits bri-
dant sur la hanche ; l'un d'eux, tout en marchant, joue
d'un instrument qui rappelle, par la forme, les lyres de
vieux style grec^. Les détails de leur costume, l'éclat et
le bon goût des étoffes bariolées à longues franges dont
ils sont revêtus, l'élégance de la plupart des objets qu'ils
ont avec eux, témoignent d'une civilisation avancée, bien
qu'inférieure à celle de l'Egypte. C'était déjà d'Asie que
1. Chabas, Les Papyrus hiératiques de Berlin, p. 38-39, 81-82, 91. —
2. Ce bas-relief fut signalé et décrit pour la première fois par Cham-
poUion, qui prit les émigrants pour des gens de race grecque. 11 se
trouve reproduit dans Lepsius, et dans Brugsob, Histoire d*Êçypie,
p. 63.
108 CHAPITRE HI.
l'Egypte tirait les esclaves , les parfums dont elle faisait
une si grande consommation, le bois et les essences du
cèdre, les vases émaillés, les pierreries, le lapis et les
étoffes brodées ou teintes dont la Ghaldée se réserva le-
monopole jusqu'au temps des Romains*.
Sur un point seulement du territoire asiatique, les Pha-
raons de la douzième dynastie songèrent à s'établir solide-
ment : ce fut dans la péninsule du Sinaï, auprès des mines
de cuivre et de turquoises exploitées jadis par les princes
de l'Ancien Empire. Des postes placés dans les gorges du
Sinaï protégèrent les ouvriers contre les tentatives des
Bédouins. Grâce à cette précaution, on put reprendre l'ex-
ploitation des anciens filons, ouvrir des filons nouveaux et
donner aux travaux une activité qu'ils n'avaient jamais eue
auparavant *■ . Même en cet endroit, les rois de la douzième
dynastie ne se départirent' point de leur politique habi-
tuelle ; ils ne prirent de terrain que ce qui était nécessaire
pour l'exploitation des mines et abandonnèrent le reste
aux tribus nomades du désert.
De toutes ces tribus, celles qu'ils connaissaient le mieux,
pour avoir souvqnt à repousser leurs incursions, étaient
celles des Sati ou Shasous, pillards effrontés, ainsi que
l'indique le nom qu'ils se donnaient à eux-mêmes*. Ré-
pandus sur les frontières de l'Egypte et de la Syrie , à la
lisière du désert et des terres cultivées, ils vivaient comme
les Bédouins d'aujourd'hui, sans demeure fixe, moitié de
pillage, moitié du profit de leurs maigres troupeaux. Quel-
ques-uns de leurs royaumes, celui d'Edom par exemple,
étaient fréquentés des marchands égyptiens et servaient
de refuge aux bannis. Un de ces derniers, qui vivait sous
Amenemhat et Ousortesen 7*'^ nous a raconté dans ses
Mémoires le séjour qu'il fut contraint de faire auprès d'un
cheykh Shasou^ le prince de Teanou. Sineh^ le héros du
récit, forcé de fuir l'Egypte pour des raisons inconnues,
1. Cf. sur ce sujets Ebers, Mgypien und die Bûcher Moses, t. I,
p. 228 sqq. — 2. Lepsius, Briefe, 337-338 sqq. — 3. Shctsou vient de la
racine sémitique HDU y piller, exercer le brigandage.
PÉmODE THÉBAINË. 109
après avoir franchi la grande muraille , s'enfonce dans le
désert. « Je cheminai, dit-il, pendant la nuit, et à Taube
je gagnai Peten et me dirigeai vers Qa/moër. La soif me
surprit, je me mis à courir, mon gosier se sécha, je dis :
« Voici le goût de la mort. » [Soudain] je relevai mon
cœur et raidis mes membres ; j'entendais la voue douce des
bestiaux. J'aperçus un Bédouin. Je le priai de me guider,
pour m'éloigner de l'Egypte. Il me donna de l'eau : je fis
bouillir du lait, et j'allai avec lui dans sa tribu*. »
Les Bédouins qui avaient accueilli Sineh le conduisent
"de station en station jusqu'au pays d'Edom. Un des chefs
de cette contrée l'envoie chercher et l'invite à rester près
de lui : « Demeure avec moi, tu pourras entendre le lan-
gage de l'Egypte. » Et en effet, Sineh rencontre près du
prince « certains hommes d'Egypte qui étaient parmi seâ
hôtes*. » Cette circonstance décide l'aventurier à se fixer
dans le pays, où il fait rapidement fortune. « Le chef me
mit à la tête de ses enfants, me maria à sa fille aînée, [et]
me donna mon choix parmi les terres les meilleures qui
lui appartenaient jusqu'aux frontières du pays voisin. C'est
un bon pays nommé ^a; il a des figues et du raisin, et
produit plus de vin qu'il n'a d'eau. Le miel y est en quan-
tité, ainsi que les oliviers, les plantations et les arbres.
On y trouve de l'orge; ses froments n'ont point de nombre,
non plus que ses bestiaux. Comme dans mes courses je
savais tirer iln gain considérable, il m'établit chef de tribu
parmi les meilleures du pays. Je fis des pains parfu-
més (?) et du vin, chaque jour, des viandes rôties, des
oies séchées au feu, outre le gibier du pays que je pre-
nais; de plus je prenais et je me faisais donner en plus des
revenus qui me venaient de mes cultures; je fis toute
espèce de choses et toute sorte de fromages. Des enfants
me naquirent; ils devinrent braves, chacun [d'eux] diri-
geait sa tribu. Le voyageur qui allait et revenait dans
l'intérieur du pays se dirigeait vers moi, car j'accueiUais
1. Papyrui de Berîiny n° 1, 1. 19-28* —2. Chabas^ Les Papyrus /ité-
r^tiqws de Berlin, p% 40,
110 CHAPITRE m.
bien tout le monde : Qe donnais de l'eau à qpai avait soif^
je mettais Tégarô sur sa route, je délivrais celui qu'oppres-
sait le Sati jusqu'à détruire le malfaiteur ; les princes du
pays, je les forçais de venir [se soumettre]^ Le roi de Ten-
non me fit passer plusieurs années parmi son peuple comme
général de ses soldats ; [aussi] chaque pays que j'envahis,
je le forçai de payer tribut des produits de ses terres; je
pris ses bestiaux, j'emportai ce qui lui appartenait, j'enle-
vai ses boeufs, je tuai ses hommes; il était à la merci de
mon sabre, de mon arc, de mes expéditions , de mes des-
seins pleins de sagesse qui plaisaient au toi. [Aussi]
m'aima-t-il, connaissant ma vaillance ; il me mit à la tète
de ses enfants, voyant la valeur de mon bras.
ce Un brave de Tennou vint me défier dans ma maison;
c'était un illustre, sans pareils, [car] il avait détruit tous ses
rivaux. Il dit : « Qu'il combatte avec moi, car il ne sait pas
ce ce que c'est que m'abattre, » il désirait prendre mes bes-
tiaux pour sa tribu. Le roi se consulta avec moi; je dis :
<c Je ne le connais pmnt; certes je ne suis pas son allié, je
«më suis tenu loin de lui et de sa demeure. Ai-je jamais
« ouvert sa porte ou franchi ses clôtures? [Toutefois] si
« c'est un cœur envieux de me voir [et jaloux] d'accom-
« plir sa mission [qui est] de me dépouiller de mes chats
« et de mes chiens, en plus de mes vaches; [s'il veut] en-
te lever mes taureaux, mes chèvres, mes veaux afin de se
^ les approprier, suis-je tenu de lui rendre aftection pour ce
tt qu'il a entrepris contre moi?... » 'Je bandai mon arc, je
préparai mes flèches, je donnai du jeu à mon poignard ; je
m'armai. Quand l'aube arriva, Tenrwu vint lui-même,
après avoir rassemblé toutes ses tribus et convoqué tous
fies vassaux : il désirait voir ce combat. Tous les cœurs se
tournèrent vers moi; hommes et femmes poussèrent des
acclamations, et chaque cœur s'attrista pour moi; [car] on
disait : « Y-t-il un autre brave capable de lutter avec celui-
« là? » Il prit son bouclier, sa javeline, son paquet de dards;
mais quand j'apparus, armé contre lui, je dispersai tous ses
traits sur la terre, tant que chacun de nous ne se r^ua pas
sur l'autre. Quand il me chargea, je lui lançai une flè*-
PÉRIODE THÉBAINE. 111
che^ mon trait le frappa au cou; il poussa un grand
cri et tomba à terre *. » Telle était, il y a plus de quatre
miUe ans, la yie des tribus du désert, telle elle est encore
aujourd'hui; le récit de Sinehy à peine modifié, s'applique
fort bien aux Bédouins de nos jours.
de fut surtout vers l'Ethiopie que se porta l'attention
des princes de la douzième dynastie. Là en effet l'Egypte
se trouvait directement menacée par des peuplades re-
muantes qui habitaient les deux rives du Nil et les déserts
environnants. C'étaient d'abord, au delà de la première
cataracte et jusqu'à mi-chemin de la seconde, les OtMOtbaï^
ces vieux ennemis des Égyptiens auxquels Papi avait eu
affaire. Battus par les princes de la onzième dynastie et ré-
duits par Amen&mhat /•', ils reculaient sans cesse devant
les établissements des Pharaons, et préféraient s'expatriet
plutôt que se soumettre. Plus au sud, auprès de la seconde
cataracte, on trouvait le pays de Heh et celui de Shaad,
avec des carrières de calcaire blanc *. Dans le désert et au
delà de la seconde cataracte erraient cent tribus aux noms
étranges, Shemiky Khesa, Ses, Kaâs, Arqîriy ^now', tou-
jours prêtes aux razzks, toujours battues et jamais sou-
mises. Les Pharaons comprirent combien il leur était né-
cessaire de réduire ces populations indécises et flottantes^
ût tournèrent contre elles toutes les forces vives de la na-
tion. A force de persévérance, ils parvinrent à en dompter
complètement la plupart , à détruire ou à refouler vers le
sud celles qui s'obstinèrent à la lutte et à les remplacer
par des colonies de fellahs. Dès lors toute la vallée du Nil,
depuis l'endroit où il quitte les plaines d'Abyssinie pour
entrer dans le lit étroit qu'il s'est creusé au milieu du
désert, jusqu'à l'endroit où il se décharge dans la Médi-
terranée, ne forma plus qu'un seul empire, habité par un
seul peuple, parlant la même langue, adorant les mêmes
dieux et obéissant au même souverain.
Aménemhat J" avait battu les Ouaouaï; son fils, Ousor--
1. Pà'pyrus de ËerMliy û^l, 1. 76-141, — 2. Brugsch, 6Î. înschrift, t.I,
p. 160 — 3. Id., p, 45,
112 CHAPITRE m.
tesen /•' vainquit sept peuples nègres confédérés et porta
ses armes jusqu'à Ouady-Halfa^. Sous ilmenem/iai //,1e
pays des Ouaouaï n'était déjà plus qu'une province égyp-
tienne gouvernée comme les autres nomes par un fonction-
naire royal*. Ousortesen II continua avec grand éclat, ce
semble, l'œuvre de ses prédécesseurs, que son fils, Ousor-
tesen III j acheva. Ce prince, si populaire en Egypte que
Manéthon ou ses compilateurs l'identifiaient avec le Sésos-
tris de la tradition grecque et lui attribuaient la conquête
du monde ', soumit toute la Nubie d'une manière définitive.
Après l'annexion du pays de Heh, il fixa la frontière de
l'empire à Semneh^ tout près de la seconde cataracte. Une
inscription élevée en l'an VIII constate le fait ; « [C'est
ici] la frontière méridionale réglée en l'an VIII, sous la
sainteté du roi des deux régions Khakera Ousortesen III ,
vivificateur à toujours et à jamais. Défense est faite à aucun
Nègre de la franchir en bateau, si ce n'est pour le transport
de tous bestiaux, bœufs, chèvres, moutons appartenant aux
Nègres *. » Une autre inscription de l'an XVI rappelle la
même défense, et nous apprend que « sa sainteté avait per-
mis qu'on érigeât une statue d'elle ^ur la frontière qu'elle-
même avait établie ^. »
Nul emplacement n'était mieux choisi pour servir de
boulevardà l'Egypte contre les invasions du sud. Lagrande
chaîne de rochers granitiques qui coupe perpendiculaire-
ment la vallée en cet endroit, et forme une série de rapi-
des difficiles à franchir, excepté au temps des hautes eaux,
défendait l'accès du pays contre toute flotte qui aurait
essayé de brusquer le passage. De chaque côté, sur des
rochers qui plongent à pic dans le courant, Ousortesen III
fit construire une forteresse destinée à commander entiè-
1. stèle du musée de Florence, dans Rosellini^ Monumenti Storid,
t. XXV, n*» 4. — 2. Lepsius, Denkm., II, 123, a. — 3. Cette opinion a été
reprise et soutenue par M. de Bougé dans un de ses premiers mémoi-
res : Deitxième lettre à M. Alfred Maury sur le Sésostris de la douzième
dynastie de Manéthon. — 4. Lepsius, Denkm., II, 136, i. Cf. Brugsch,
Geog, Ins.f 1. 1, p. 46-47, et Histoire d^Égypte, U I, p. 64-65. — 6. Lep-
sius, Denkm», II, 136, h*
PÉRIODE THÉBAINB. 113
rement le fleuve et la vallée. Bâtis en briques crues, comme
tous les édifices militaires de Tépoque, ces forts présentent
non-seulement les hautes murailles et les tours massives
des citadelles antiques, mais Tescarpe, le fossé, la contre-
escarpe et le glacis des places plus récentes, et pouvaient
défier pendant longtemps tous les moyens d'attaque dont
on disposai^; à cette époque. Leur enceinte renfermait un
temple dédié au fondateur, et de nombreuses habitations
aujourd'hui ruinées *,
Désormais les expéditions dirigées par les monarques
égyptiens au delà de Semneh n'eurent plus pour objet la
conquête : on se borna à exiger un tribut et à réclamer un
droit de^ suzeraineté toujours incertain. C'est ainsi qu'on
voit Amenemhat III se vanter de victoires remportées sur
les nègres éthiopiens, mais sans mention d'acquisition
nouvelle '. On se contenta de fortifier et d'embellir le pays
récemment annexé. Ousortesen III y fonda, un peu au sud
d'Éléphantine, une ville qu'il appela de son nom lier ou-
Khakerâ, « les voies de Khakerâ^ » et fit le long du fleuve
tant de fondations utiles, qu'après sa mort il fut divinisé à
Semneh * et adoré pendant plus de dix siècles sur le même
pied que Dowc?OMn, Anouké, Khnoumet les autres divinités
locales. Son temple, ruiné pendant les premiers règnes de la
dix-huitième dynastie, fut relevé par Thotmès III et a duré
jusqu'à nos jours. Son fils et successeur, Amenemhat III ^
fit construire en face de Pselkis une forteresse importante*.
Il eut aussi l'idée de faire relever les hauteurs que le Nil
atteignait à Semneh pendant les hautes eaux ; et les notes
qu'il a enregistrées sur les rochers voisins ne sont pas au
nombre des souvenirs les moins curieux ou les moins im-
portants de son règne *.
1. M. de Vogué, Fortifications de Semneh en Nubie, dans le Bulletin
archéologique de VAthénssum français, 1855, p. 81 sqq. — 2. Lepsius
Denkm,, II, 138. — 3. Lepsius, J)en)im,, II, 136, h; Brugsch, G. lns.\
t. I, p. 46; De Rougé, Inscription des rochers de Semneh, p. 2-3.
— 4. Prisse d'Avennes dans Chabas, Les inscriptions des mines d'oï-,
p. 13-14. — 5. Lepsius, Brief an Ehreiiberg, dans le Monatsherichie
de l'Académie de Berlin, 1845.
4
KST. ANC, $
114 GHA?1TRK m.
Ge» ii'^tait pas clans un simple intérêt de curiosité que
les ingénieurs égyptiens postés à Semneh se livraient à ce
travail de relevé. Ils amassaient les éléments de calcul né-
cessaires à ceux de leurs confrères gui étaient chargés en
Egypte de l'entretien des canaux. Un sent quelle devait
être l'importance de cette tâche dans un pays où le succès
de la culture dépend de la répartition des eaux à la surface
du sol^ et dans un temps où les princes ne cessaient de re-
chercher tous les moyens possibles pour remédier & l'excès
ou à l'insuffisance de l'inondation. Ousortesen /*' fît con-
struire des digues le long de la rive occidentale, contre la-
quelle portait surtout le fleuve, et ses successeurs, occupés
qu'ils étaient par les guerres nubiennes, n'exercèrent pas
moins sur le service des eaux la plus active surveillance.
Amenemfiat JII les dépassa tous par la grandeur de ses
conceptions et par l'habileté avec laquelle il sut mener à
bonne fin les entreprises les plus gigantesques. Frappé
sans doute du peu de résultats que donnaient les réservoiri^
de faibles dimensions échelonnés, alors comme aujourd'hui,
le long du Nil, il forma le projet de les remplacer, ou du
moires de compléter leur effet, par la création d'un réser-
voir énorme, où l'excédant des eaux accumulé pendant les
années d'abondance resterait emmagasiné jusqu'au jour où
une crue trop faible viendrait menacer de stérilité une par-
tie du pays. Ce réservoir, l'une des merveilles de l'Egypte
antique, portait plusieurs noms : il s'appelait Hount^ l'inon-
dation *, MeHy le lac par excellence, dont les Grecs ont fait
MceriSj et Ph-Ioum^ la mer, d'où les Arabes ont tiré le
nom de Pay,ovmy qu'il donnent à la province*.
A quelques lieues en amont de Memphis, la chaîne Li-
byque s'interrompt soudain et démasque l'entrée d'une
vallée qui, d'abord resserrée entre les .parois de la monta-
gne, s'élargit à mesure qu'elle s'enfonce vers le couchant et
finit par s'épanouir en amphithéâtre. « Au centre s'étend
un large plateau dont le niveau général est celui des
1. Pa|}yrt4« de Boulaq, vp 2. — %. caïampoUioD» Vtgypte twà» Im
Pharaons, 1. 1, p. 323.
PÉRIOPË THÉBAINE. 115
plaines de TÉgypte ; à Touest, au contraire, une dépres-
sion considérable de terrain produit une vallée qu'un lac
naturel de plus de dix lieues de long (le Birket-Qéroun)
emplit de ses eaux*.» Cet emplacement réunissait les deux
conditions essentielles à fournir un excellent réservoir:
était assez loin du Nil pour ne jamais être atteint directe^
ment par Tinondation, et pourtant se trouvait au niveau
de la vallée. Aussi Amenemhat III n'eut-il pas même be-
soin d'y pratiquer de profondes excavations : il n'eut guère
qu'à enfermer une portion du plateau central entre des di-
gues assez fortes pour contenir les eaux et prévenir leur
écoulement vers le penchant occidental de la vallée, assez
hautes pour ne jamais être submergées, même au temps
des plus fortes inondations. Les restes de ces digues exis-
tent encore aujourd'hui entre les villes modernes i'Illahoun
et de Medinet-el-Fayoïmi, Elles avaient jusqu'à cinquante
mètres de large et seulement trois mètres et demi de haut';
l'espace de terrain qu'elles enfermaient est au plus do
trente milles, contrairement au témoignage d'Hérodote,
qui attribuait au lac Mœris un pourtour de quatre-vingt-
dix milles*. Deux canaux munis d'écluses faisaient com-
muniquer le réservoir avec le Nil et régularisaient l'entrée
ou la décharge des eaux*. L'un d'entre eux branchait sur le
fleuve à quelque distance au sud et courait en diagonale
le long de la chaîne Libyque à peu près dans la direction
du Bahr-Yovsouf SiCtneil 'y l'autre branchait beaucoup plus
bas, à Test du Fayoum^ et suivait probablement le tracé
du canal auxiliaire qui s'ouvre aujourd'hui dans le voisi-
nage de Beni-Souef. C'était probablement au point d'in-
tersection de ces deux canaux qu'étaient placées les écluses,
et le rameau nord était le seul ouvert pendant le temps
des basses eaux^' La crue était-elle suffisante, l'eau em-
magasinée dans le lac, puis relâchée au Tur et à mesure
que le besoin s'en faisait sentir, maintenait l'inondation à
hauteur convenable dans toute la moyenne Egypte et sur
1. Ilariette, Aperçu de Vkistoire d*Égypte, p. 33.— 2. I^psiiu, Bfiefe^
p. 81. — 3. Hérodote, II, 149; Cf. Linant-Bey, Mémoire surUhe M^
$is. — 4. Strabon, 1. XV, ch. r. ^ 5. Wilkin»on, Jhnd^k, p. 238| Jfn
116 CHAPITRE ni.
la rive gauche du Nil jusqu'à la mer. L'année d'après, la
crue menaçait-elle d'envahir les villes ou d'emporter les
villages du Delta, malgré les terre-pleins artificiels sur
lesquels on les avait exhaussés, ou simplement de séjour-
ner trop longtemps sur les terrains bas et de les changer
en marécages, le Mœris recevait le surplus des eaux el^le
gardait jusqu'au moment où le fleuve commençait à bais-
ser. Au milieu du lac s'élevaient, dit-on, deux pyramides
couronnées chacune d'un colosse assis, dont l'un représen-
tait Amenemhat et l'autre la reine, sa femme*. Du haut de
ce piédestal le vieux Pharaon semblait dominer son œuvre
et contempler éternellement le pays dont il avait assuré la
fortune
Cet immense travail, l'un des plus utiles qui aient ja-
mais été entrepris par les souverains de l'Egypte, est attri-
bué d'ordinaire au seul Amenemhat III ^. Je ne doute
nullement que ce roi y ait eu la part principale ; mais je
ne puis m' empêcher de penser que ses prédécesseurs
avaient au moins fait exécuter les études préparatoires que
suppose pareille entreprise. On sait, en effet, que dès
l'avènement de la douzième dynastie, Amenem^hat /*' con-
struisit au Fayoumi un monument dans les ruines duquel
on a retrouvé sa statue '. Ousortesen P' avait élevé dans la
capitale du nome, Shed^ que les Grecs appelèrent Croco-
dilopolis (sous les Ptolémées, Arsinoé), des édifices con-
sidérables aujourd'hui détruits : on n'y voit plus que les
morceaux d'un obélisque qu'il avait dressé à l'entrée du
temple de cette ville*. Amenemhat III ^ pendant son long
règne, fit plus pour le Fayowm que n'avaient fait tous ses
prédécesseurs réunis. S'il ne fonda point Grocodilopolis,
comme le veulent certains auteurs classiques % au moins
l'embellit-il de ses monuments et lui donna-t-il, par la
création du lac Mœris, une importance qu'elle n'avait pas
auparavant. Il établit sa résidence dans le pays et s'y éri-
1. Hérodote, II, 149; Diodore, I, 52. — 2. Lepsius, Briefe, p. 81 sqq.;
Bnigscb, Histoire d'Egypte, t. I, p. 67-68. — 3. Brugsch, ihid,f 1. 1,
P» 53, — 4, Lepsius, Dmkm,, II, 19, — 5. Diodore, I, 89.
PÉJUODE THÉBAINE. 117
gea à la fois un palais et un tombeau ^ Le palais, devenu
temple après la mort de son fondateur, prit bientôt le nom
de Lope-ro-hount, ou temple situé à Tentrée du lac, dont
les Grecs firent plus tard leur labyrinthe*.
Le labyrinthe s'élevait à Forient du lac, sur un petit
plateau qui fait face à l'ancien site de Grocodilopolis. C'é-
tait un vaste massif quadrangulaire d'environ deux cents
mètres de long sur cent soixante-dix de large '. La façade
(jui donnait sur le Mœris était tout entière d'un calcaire si
tlanc, que les anciens le prenaient pour du marbre de
Parcs. Le reste de l'édifice était en granit*. Une fois dans
l'enceinte, on se trouvait bientôt comme perdu au milieu
d'un dédale de petites chambres obscures, toutes carrées,
toutes recouvertes d'un seul bloc de pierre en guise de
toit et reliées les unes aux autres par des couloirs si habi-
lement enchevêtrés qu'un étranger sans guide ne pouvait
en sortir *. H y en avait, dit-on, trois mille, dont moitié
sous terre ' . Les murs et les plafonds étaient couverts de
légendes et de figures sculptées en bas-relief dans le creux.
On enfermait là les emblèmes des divinités ouïes statues
des rois défunts \ et sans doute aussi les objets précieux, les
vêtements divins, les sistres, les colliers, les parures em-
blématiques, en un mot tout le matériel du culte qu'une
obscurité perpétuelle pouvait seule préserver des insectes,
des mouches, de la poussière et du soleil. Au centre du
massif on voyait douze grandes salles hypostyles, affron-
tées deux à deux, et dont les portes s'ouvraient, six au
midi, six au nord*. A l'angle nord du carré, Amerir-
nemhat III avait fait dresser son tombeau, une pyramide
6n briques crues revêtue de pierre sculptée. C'est là qu'a?-
1. Lynceas de Samos et Demoteles dans Pline^ Hùt. nat,, XXXVI, 13.
-^ 2. Mariette^ Papyrus de Boulaqj 1. 1, Introduction. — 3. Ce sont les
mesures prises sur les lieux par les membres de la Commission prus-
sienne (Lepsius, Briefe, h h). Elles diffèrent sensiblement des me-
sures données par les anciens. — 4. Pline, Hist, nat., XXXVI, 13. —
6, Strabon, 1. XVr, oh. i. — 6. Hérodote, II, 148. — 7. Pline, i. l, —
8. Hérodote, II, 148.
118 CHAPITRE m.
près Un règne de plus de quarante ans* il Ait enseveli au
milieu de ses créations.
Entretenues avec soin par tous ses successeurs, elles du-
rèrent longtemps après l'extinction de sa famille et la
chute de son empire. Vers le cinquième siècle avant notre
ère, quand les Barbares du nord , civilisés à leur tour,
commencèrent à venir admirer sur les bords du Nil les
restes de la grande civilisation qui s'y éteignait lentement,
le Mœris et le labyrinthe apparurent à leurs yeux comme
le monument le plus parfait de» l'art égyptien. « J'ai vu le
labyrinthe, disait Hérodote, et je Tai trouvé plus grand
encore que sa renommée. On rassemblerait tous les édi-
fices et toutes les constructions des Grecs^ qu'on les trou-
verait inférieurs comme travail et comme coût à ce laby-
rinthe ; et pourtant, le temple d'Éphèse est remarquable,
aussi celui de Samos. Les pyramides encore m'avaient
paru plus grandes que leur renommée, et une seule d'en-
tre elles équivaut à beaucoup des plus grandes construc-
tions grecques; et si, le labyrinthe surpasse-t-il même
les pyramides'.*» Quant au Mœris, c'est « une merveille
plus grande encore que le labyrinthe lui-même'. » La
suite du récit prouve que dès lôrs le nom d'Amenemhat III
était oublié. On raconta sérieusement au voyageur grec
que, « le lac avait été creusé par un roi du nom de Mœris ;
que pour se débarrasser de la terre provenant des excava-
tions, on l'avait jetée au Nil ; que Psamétik et ses onze
rivaux résolurent de laisser un monument commun de leur
règne, et décrétèrent la construction du labyrinthe, un peu
au-dessus du lac Mœris, en face de la ville des Crocodi-
les. » Au Psamétik et au Mœris d'Hérodote, d'autres au-
teurs substituèrent des Pharaons imaginaires, un Mné-
vis*, un Imendès% un Pétésukhis*, qu'on chercherait en
vain sur les listes de Manéthon. C'est de nos jours seule-
ment qu'on a retrouvé dans les ruines le nom du fonda-
teur véritable, méconnu pendant plus de vingt siècles.
1. La dernière date connue jusqu'à présent est de l'an XLIU. —
2. HérodQte, II, 148, — 3. Hérodote, II, 149.— 4. Pline, Hist. nat.,
XXXVI, 13. — 5. Strabon, 1. XVI, chj i. — 6. Pline, U I.
PÉRIODE THÉBAINB. 119
A cAtë de ces entreprises gigiintesques, les travaui ex6-
cntêd par Ametieinhat m lui-même et par ceut de sa race
daniB les autres parties de TËgypte n'offrent que peu d'in-
térêt. A Thebes, Ousortesen !•* commença la construction
du grand temple d'Ammon. Dans la ville sainte d'Abydos,
il restaura le temple d'Osiris. A Memphis, Amenemhat III
édifia les propylées au nord du temple de Phtah*. A Tanis,
Amenemhat !•' fonda, en l'honneur des divinités de Mem-
phis, un temple que ses successeurs agrandirent à l'envi*.
Gomme leurs prédécesseurs de l'Ancien Empire, les princes
de la douzième dynastie mettaient tous leurs soins à se
préparer des tombeaux magnifiqiies. «c Je suis, disait sous
Ousortesen I*' le scribe Merri, je suis un serviteur [du
prince], ingénieur, chef des travaux, une palme d'amour.
Mon maître m'envoya en grande mission d'ingénieur pour
lui préparer une grande demeure étemelle. Les couloirs
et la chambre intérieure étaient en maçonnerie et renou-
velaient [les merveilles] de construction des dieux. Il y eut
[en elle] des colonnes sculptées [belles comme] le ciel, un
bassin creusé (jui Communiquait avec le Nil, des portes,
des obélisques, une façade en pierre blanche de Rouwou ;
[aussi] Osiris, seigneur de l'Atoent, s'est-il réjoui des mo-
numents de mon seigneur, [et] moi-même, j'ai été dans le
transport et l'allégresse [en voyant le résultat] de mon
travail*. » La pyramide funéraire d' Amenemhat III dans
les ruines du labyrinthe et celle d'Ousortesen ni à î)as-
chour* sont les seuls de ces monuments qui subsistent
encore. Aussi n'est-ce point sur les tombes royales ou sur
les édifices publics qu'il faut compter pour se faire une
idée de la vie commune et juger de la perfection de l'art
égyptien à cette époque : les hypogées des particuliers,
mieux protégés contre la rapacité des envahisseurs de l'E-
gypte et contre les ravages du temps, ont seuls survécu et
ont fait revivre à nos yeux la vallée du Nil telle qu'elle
était il y a quatre mille ans.
l. Diodore, I, 51,-— î. De Rôugé, Cours au Collège de Prance, iS^g.
— â. Louvre, c. ni, 1. IV-VII. — 4.De Rougé, lExamen critique, p. 5!.
120 CHAPITRE IH.
C'est à Beni-Hassan, dans le cimetière des princes» héré-
ditaires de Meh*, qu'on peut le mieux comprendre quelle
était alors la condition du pays. Ces princes appartenaient
à ce que j'ai appelé ailleurs la féodalité égyptienne. Aux
temps agités delà dixième et de la onzième dynastie, leurs
ancêtres avaient probablement vécu dans uue indépen-
dance complète et formé une de ces dynasties locales in-
connues aux annales officielles du royaume, mais si vi-
vaces qu'elles reparaissaient à chaque nouvelle révolution,
qui affaiblissait l'autorité du pouvoir central. Soumis par
les Entew et les Mentouhotep avant d'avoir réussi à s'éten-
dre sur les nomes voisins, ils se contentaient pour le mo-
ment d'occuper auprès de la personne du Pharaon les
places les plus élevées auxquelles la hiérarchie du temps
leur permettait d'aspirer. Aussi rien n'est-il plus curieux
que leur biographie pour se faire une idée de la condition
des classes nobles. Le premier d'entre eux que nous con-
naissions avait été institué nomarque dans la ville de Me-
nât-Khouwou * par Amenemhat I" au cours des victoires qui
assurèrent à ce prince la possession incontestée de l'Egypte.
Lorsqu'il devint prince de Meh, son fils Nakht lui succéda
à Menât -Khouwou avec le titre de gouverneur; mais Nakht
étant mort sans postérité, le roi Ousortesen !•' voulut bien
accorder à la sœur du jeune homme, Beqet, la qualité de
princesse héritière. Beqet apporta le nome de Meh en
dot à son mari le nomarque Nehra, et doubla de la sorte
la fortune de ce dernier. L'enfant qui naquit de leur union,
Noumhotep, fut nommé tout jeune gouverneur de la Me-
nât-Khouwou, titre qui paraît avoir appartenu dans la fa-
mille à l'héritier présomptif, comme plus tard sous la dix-
neuvième dynastie le titre de prince de Koush appartenait
à l'héritier présomptif de la couronne d'Egypte. Son ma-
riage avec la dame Kheti, princesse héritière du dix-sep-
tième nome, mit sous son autorité l'une des provinces les
plus fertiles de l'Heptanomide. Sous son fils Nakht, la
1. Dans THeptanomide. Cf.' sur ces princes, Brugsch, Geog, Ins.j
1. 1, p. 111-116. — 2. Aujourd'hui Minieh, Brugsch, G, 1ns,, 1. 1, p. 224.
PÉMODE THÉBAINE. 121
famille atteignit l'apogée de la grandeur. Nakht, reconnu
dans toutes ses dignités , prince du dix-septième nome
des droits de sa mère, reçut d'Ousortesen II un grand
gouvernement, qui renfermait quinze des nomes du midi
d'Aphroditopolis jusqu'aux frontières de Thèbes*.
On voit par cet exemple avec quelle facilité les nomes,
principautés héréditaires placées entre les mains de quel-
ques grandes familles , pouvaient passer de Tune à Tautre
par mariage ou par héritage, à condition pour le nouveau
possesseur de se faire confirmer dans son acquisition par
le souverain régnant. Les devoirs de ces petits princes en-
vers leur suzerain et leurs sujets étaient fort nettement
définis : ils devaient Timpôt et le service militaire à Tun,
bonne et exacte justice aux autres. « J'ai servi mon maî-
tre, lorsqu'il marcha pour battre les ennemis dans les con-
trées étrangères. J'ai marché en qualité de fils d'un chef,
de chambellan, de général de l'infanterie, de nomarque de
Meh. Je vins contre Koush et en marchant je fus conduit
jusqu'aux extrémités de la terre. Je conduisis les butins
de mon maître, et ma louange atteignit le ciel. Quand
Sa Majesté revint en paix après avoir battu ses ennemis
dans Koush la vile, je vins le servir devant lui. Pas un de
mes soldats n'a déserté, lorsque je convoyai les produits
de mines d'or à la Sainteté du roi Ousortesen I*" vivant à
toujours et à jamais.' J'allai alors avec le prince héritier,
fils aîné du roi de son flanc, moi Ameni v. s. f.; j'allai
avec quatre cents Sommes tous choisis d'entre mes guer-
riers, je vins en paix et aucun d'eux ne déserta quand je
conduisis le produit des mines d'or. Mon entreprise me fit
louer par les rois*. » — « Moi j'étais un maître de bonté,
plein d'amabilité, un gouverneur qui aimait son pays....
J'ai travaillé et le nome entier fut en pleine activité. Ja-
mais petit enfant ne fut affligé par moi, jamais veuve mal-
traitée par moi; jamais je n'ai repoussé laboureur, jamais je
n'ai empêché pasteur. Jamais n'exista commandant de cinq
hommes dont j'ai réquisitionné les hommes pour mes tra-
1. Lepsius^ Denkm,, II, 140-143. — 2. Lepsius^ ibid., II, 122.
122 CHAPITRE ttl.
vaux. Jamais disette ne fut de mon temps, jam^âs aâkmê
sous mon gouvernement, même dans les années de di-^
sette*. Car j'ai labouré tous les terrains du nome de Meh
jusqu'à ses limites au Sud et au Nord; je fis vivre ses
habitants en leur répartissant Ses constructions , si bien
qu'il n'y eut pas d'affamés en lui. J'ai donné également
à la veuve et à la femme mariée, et je n'ai pas préféré
le grand au petit dans ce que j'ai donné. Quknd la crue
du Nil était haute et que les propriétaires de
ainsi les propriétaires de toutes choses avaient bod es-
poir, je n'ai pas coupé les bras d'eau qui arrosent les
champs*. »
Sous l'influence pacifique des vice-rois locaux, la richesse
du pays, déjà si grande même en temps de trouble, se dé-
veloppa d'une manière merveilleuse. Il faut avoir vu sur
les murailles des tombeaux de Beni-Hassan ou sur les
{blanches du grand ouvragé de Lepsius ' les peintures où
es artistes du temps ont représenté les différents métiers
alors en usage, pour se faire une idée de l'activité avec
laquelle étaient poussés tous les travaux utiles. C'est d'a-
bord le labourage à force de bœufs ou à bras d'hommes ;
le semage, le foulage des terres par les béliers ; le hersage,
la récolte et la mise en gerbes du lin et du blé, le battage,
le mesurage, le transport au grenier à dos d'ânes ou par
chalands ; la vendange, l'égrenage du raisin, la fabrication
du vin dans deux pressoirs différents, la mise en am-
phores et l'aménagement des cave^ D'autres tableaux
montrent le sculpteur sur pierre et le sculpteur sur bois
à leurs pièces; des verriers soufflant des bouteilles, des
potiers modelant leurs vases et les enfournant; des cor-
donniers, des charpentiers, des menuisiers, des corroyeurs,
des femmes au métier, tissant la toile sous la surveillance
des eunuques, sans trêve ni relâche. Malgré l'étalage de
charité que les nomarques faisaient sur leurs pierres funé-
1. Littéralement: «lorsqu'il y eut des années de faim» »**• 2. Lepsiué,
Denkm., Il, 122. Cf. Birch, On a remarkable inscription of the xii'*
dt/nasty: Brugsch, fimebmcfeee», p. 93 sqq; Geogr. Int., p. 111-116;
Hist, d'Egypte, t. I, p. 55, sqq.— 3. Lepsius, Denkm., 11, pi. CXX-CXXX.
PÉÏUDDE TfiÉBÂINE. 123
raires, la condition de ces classes ouvrières était des plus
dures > Sans cesse courbées sous le bâton du contre-maî-
tre, il leur fallait peiner du matin au soir contre une
maigre ration de vivres à peine suffisante pour leur nour-
riture et celle de leur famille. « J'ai vu le forgeron à ses
travaux, — à la gueule du four, » ^- disait un scribe du
temps à son fils. « Ses doigts sont [rugueux] comme des
objets en peau de crocodile, — il est puant plus qu'un œuf
de poisson. — Tout artisan en métaux, — a-t-il plus de
repos que le laboureur? — Ses champs à lui, c'est du bois;
ses outils, du métal. — La nuit, quand il est censé être
libre, — il travaille encore, après tout ce que ses bras ont
déjà fait [pendant le Jour],. — la nuit, il veille au flam-
beau.
« Le tailleur de pierres cherche du travail, — en toute
espèce de pierres dures. — Lorsqu'il a fini les travaux de son
métier, — et que ses bras sont usés, il se repose ; —
comme il reste accroupi dès le lever du soleil, — ses ge-
noux et son échine sont rompus. — Le barbier rase jusqu'à
la nuit : — lorsqu'il se met à manger, [alors seulement] il
se met sur son coude [pour se reposer]. — Il va de pâté de
maisons en pâté de maisons pour chercher les pratiques;
— il se rompt les bras pour emplir son ventre, comme les
abeilles qui mangent [le produit] de leurs labeurs. — Le
batelier descend jusqu'à Natho pour gagner son salaire. —
Quand il a accumulé travail âur travail, qu'il a tué des oies
et des flamants, qu'il a peiné sa peine, — à peine arrive-
t-il à son verger, — arrive-t-il à sa maison, — qu'il lui
faut s'en aller....
<c Je te dirai comme le maçon — la maladie le goûte; —
car il est exposé aux rafales, — construisant péniblement,
attaché aux [chapiteaux en forme] de lotus des maisons,—
pour atteindre ses fins (?) — Ses deux bras s'usent au tra-
vail, — ses vêtements sont en désordre; — il se ronge lui-
même, — ses doigts lui sont des pains ; — il ne se lave
qu'une fois par jour. — Il se fait humble pour plaire : — -
c'est un pion qui passe de case en case — de dix coudées
sur six; — c'est un pion qui passe de mois en mois sur
124 CHAPITRE m.
les poutres [d'un échafaudage, accroché] aux [chapiteaux
en forme de] lotus des maisons, — y faisant tous les tra-
vaux nécessaires. — Quand il a son pain, il rentre à la mai-
son, et bat ses enfants..,.
ce Le tisserand, dans l'intérieur des maisons, — est plus
malheureux qu'une femme. — Ses genoux sont à la hauteur
de son cœur; il ne goûte pas Tair libre. — Si un seul jour
il manque à fabriquer la quantité d'étoffe réglementaire,
— il est lié comme le lotus des marais. — C'est seulement
en gagnant par des dons de pains les gardiens des portes,
— qu'il parvient à voir la lumière [du jour]. — Le fabri-
cant d'armes peine extrêmement — en partant pour les
pays étrangers : — c'est une grande somme qu'il donne
pour ses ânes, — c'est une grande somme qu'il donne pour
les parquer, — lorsqu'il se met en chemin. — A peine ar-
rive-t-il à son verger, — arrive-t-il à sa maison, le soir, —
il lui faut s'en aller. — Le courrier, en partant pour les
pays étrangers, — lègue ses biens à ses enfants, — par
crainte des bêtes sauvages et des Asiatiques. — Que lui
arrive-t-il quand il est en Egypte? — A peine arrive-t-il
à soù verger, — arrive-t-il à sa maison, — il lui faut s'en
aller. — S'il part, sa misère lui pèse; — s'il ne s'en va pas,
il se réjouit. — Le teinturier, ses doigts puent — l'odeur
des poissons pourris ; — ses deux yeux sont battus de fa-
tigue ; — sa main n'arrête pas. — Il passe son temps à
couper des haillons ; — c'est son horreur que les vête-
ments.— Le cordonnier est très-malheureux; — il mendie
éternellement ; — sa santé est celle d'un poisson crevé ;
— il ronge le cuir [pour se nourrir] *. »
Les portraits ne sont pas flattés : s'il fallait les prendre
au sérieux, on n'aurait rencontré que misère dans l'E-
gypte de la douzième dynastie. Aussi bien l'auteur à qui je
les emprunte est-il un vieux scribe gourmé et tout infa-
tué des avantages de sa profession, qui veut dégoûter
son fils des métiers et l'encourage à suivre la carrière
des lettres. « J'ai vu la violence, j'ai vu la violence; —
U Maspero, Du genre épistolaire, p. 50-62.
PÉRIODE THËBAINE. 125
[c'est pourquoi] mets ton cœur après les lettres ! — J'ai
contemplé les travaux manuels, — [et] en vérité, il n'y
a rien au delà des lettres. — Comme on fait dans l'eau,
plonge-toi au sein du livre Qemi^ — tu y trouveras ce pré-
cepte en propres termes : « Si le scribe va étudier à Sil-
a gilis, — son inactivité [corporelle] ne sera point sur lui.
ce — Lui, c'est un autre qui le rassasie ; — il ne remue
« pas, il se repose. » — « J'ai vu les métiers figurés y> y
est-il dit en propres termes, — « [aussi] te fais-je aimer la
littérature, ta mère; je fais entrer ses beautés en ta face.—
Elle est plus importante que tous les métiers, — elle n'est
pas un vain mot sur cette terre ; — celui qui s'est mis à
en tirer profit dès son enfance, il est honoré; — on l'en-
voie remplir des missions. — Celui qui n'y va point reste
dans la misère*. » — « Celui qui connaît les lettres — est
meilleur que toi par cela seul. — Il n'en est pas de même
des métiers que j'ai mis à ta face : — le compagnon y mé-
prise son compagnon. — On n'a jamais dit [au scribe] :
«Travaille pour un tel ; — ne transgresse pas tes ordres. »
— Certes en te conduisant à Khennou, — certes j'agis par
amour pour toi ; — [car] si tu as profité un seul jour dans
l'école, — c'est pour l'éternité, les travaux qu'on y fait sont
[durables] comme les montagnes. — C'est ceux-là, vite,
vite, que je te fais connaître, que je te fais aimer, — car
ils éloignent l'ennemi *. » L'étude des lettres sacrées et
le rang de scribe menaient à tout ; les examens passés, le
scribe pouvait être, selon ses aptitudes, prêtre, général,
receveur des contributions, gouverneur des nomes, ingé-
nieur, architecte. Aussi la littérature, considérée comme
moyen de parvenir, était-elle fort en honneur à cette épo-
que, et a-t-elle laissé un certain nombre de morceaux con-
sidérés comme classiques dans les siècles postérieurs. J'ai
déjà eu plusieurs fois occasion de citer presque toutes
les œuvres qui nous restent de la douzième dynastie, les
Mémoires de Sineh', les Instructions du roi Amenem-
1. Maspero, Du genre épistolaire, p. 49-50. — 2. Ihid., p. 66*67. —
3.V.p. 103-105, 108-111.
126 GHAPITRB m.
hat I h son fils Ousortesen *, les Recommandations du
scrihe Douaouw-se-Kharda à son fils Papi*, et le bel
hymne au Nil du Musée britannique'. On jugera par les
extraits que j'en ai donnes^ du mérite qu'elles pouvaient
avoir aux yeux des Égyptiens.
Nous sommes encore mieux placés pour apprécier laper-^
fection que les arts plastiques avaient atteinte. Sans doute
nous ne pouvons nous figurer exactement ce qu'était un
temple ou un palais ; le temps a fait disparaître presque
jusqu'aux débris des grands édifices qui ornaient alors
toutes les villes royales de TÉgypte. Les portiques des
tombes de Beni-Hassan nous permettent cependant d'af-
firmer que l'architecture avait dès lors produit des chefs-
d'œuvre. L'un d'eux est décoré de colonnes doriques du
style le plus pur et antérieures de deux mille ans pour
le moins aux plus anciennes colonnes de cet ordre qui aient
été élevées en Grèce. La sculpture, bien qu'inférieure en
certains points au grand art de l'Ancien Empire, nous a
laissé tant de morceaux admirables, qu'on se demande où
l'Egypte a pu trouver assez d'artistes pour les exécuter.
Les statues d'Amenemhat I*' et d'Ousortesen I*' que M. Ma^
riette a récemment découvertes à Tanis sont presque aussi
parfaites que la statue de Khawrâ. Elles paraissaient si
belles aux Égyptiens eux-mêmes, que les Pharaons d'é-
poque postérieure, Ramsès II et Ménephtah, les ont usur-
pées *. En général le style de ces monuments est ren^ar^
quable par une vigueur souvent exagérée ; les jambes soïit
traitées avec une grande liberté de ciseau. Tous les acce^
soires, dessin des ornements, gravure des hiéroglyphes,
ont atteint une perfection qu'ils ne retrouveront jamais
plus. Les bas-reliefs, toujours dénués de perspective, sodt,
comme pendant la période memphite, d'une extrême finesse;
on les revêtait de couleurs vives qui conservent encore au-
jourd'hui tout leur éclat premier. L'art de la douzième
dynastie, pris dans son ensemble, était de bien peu ioJÉi-
1. V. p. 101-103. — 2. V. p. iaa-125.— 3. V. p. 11-13. — 4. Mariette,
Catalogue, p. 260-261.
PËRIOPE TSiÉ^^INE. 127
rieur à T^it 4^9 dymsties memphites. Leç défauts qui plus
taid arrêtèreut le développement de la sculpture égyptienne,
la convention dans le rendu des détails, la lourdeur des
jointures, la raideur hiératique, se laissaient à peine sen-
tir. Toutes les fois qu'au milieu de la décadence artis-
tique, une renaissance partielle se produisait, les sculpteurs
de la dix-huitième et de la vingt-sixième dynasties allaient
chercher leur modèle parmi les œuvres de la douzième ou
de la quatrième et s'essayaient à reproduire le style de
leurs prédécesseurs.
L'Egypte était donc en pleine prospérité à la mort d'A-
menemhat III. La douzième dynastie avait conquis la Nu-
bie et recouvré la péninsule du Sinaï, assaini le sol, régu-
larisé l'inondation, orné les principales villes de temples et
de monuments, assuré la bonne administration et par suite
doublé la richesse du pays : en un mot, elle avait terminé
l'œuvre de réparation que la dynastie précédente n'avait pu
qu'ébaucher. C'est à ce moment qu'elle s'éteignit après
deux règnes insignifiants, ceux d'Amenemhat lY et de sa
sœur Seveknowre. Treize ans et quelques mois s'étaient à
peine écoulés depuis la mort d'Ânxenemhat III, quand le
Thébain Sevekhotep I'' (Râkhoutaoui) monta sur le trône
et commença la treizième dynastie.
Elle dura, dit-on, quatre cent cinquante-trois an» et
compta soixante rois, dont l'ordre de succession est en-
core incertain. Pendant ce long intervalle de temps, la sé-
rie dynastique, plusieurs fois interrompue par le manque
de lignée mâle, se renoua sans secousse, grâce aux droits
héréditaires que possédaient les princesses , et qu'elles
transmettaient à leurs enfants. Sevekhotep II (Râskhem-
Qiuitstaoui)j fils d^un simple prêtre, Mentouhotep, et d une
princesse royale, hérita de sa mère la couronne d'Egypte^;
Nowerhotep II [Ré^haseshesh), dont le père n'appartenait
1. Brugsch^ HûMfe é'Égifpte, 1 1, p. 74. Cf. Louvre^ C, 8.
128 CHAPITRE m.
pas à la famille régnante, devint roi du chef de sa mère
Kama*. A côté de ces substitutions pacifiques, il semble
qu'on puisse reconnaître la trace de quelques révolutions
militaires. Un grand colosse de granit gris trouvé à Tanis
par M. Mariette porte les légendes d'un Pharaon Râs-
menkhkaMermeschou*. << Mermeschou, c'est-à-dire legéné-
rai.... Je n'ai pas besoin de faire remarquer ce que ce nom
royal a de singulier. Qu'est-ce en effet que ce général qui
se sert de son seul titre pour former son cartouche-norr^ ?
Les grands prêtres qui enlevèrent le pouvoir aux derniers
Ramsès usèrent d'un procédé analogue ; mais ces usurpa-
teurs ne cachèrent pas leur nom, et s'ils inscrivirent leur
dignité dans un cartouche, on notera comme une diffé-
rence radicale que ce fut dans un cartouche-prénom*. »
L'hypothèse la plus vraisemblable est celle d'un général
rebelle que ses victoires auraient porté au trône; mais elle
est loin d'être assurée. Il y a donc là un problème que de
nouvelles découvertes nous permettront seules de résou-
dre.
Quoiqu'il en soit de ces interruptions dans la succession
directe des souverains, l'examen des monuments nous
montre que la treizième dynastie assura à l'Egypte quel-
ques siècles de prospérité. Les Sevekhotep et les Nowreho-
tep qui se pressent sur ses listes, et dont les noms rap-
pellent involontairement à l'esprit les dix-huit rois éthiopiens
qui, au dire d'Hérodote, étaient bien antérieurs à Saba-
con *, surent conserver les conquêtes de leurs prédéces-
seurs et parfois même les étendre. Le vingt-quatrième ou
vingt-cinquième souverain de la dynastie* faisait ériger
des colosses dans l'île d'Argo au fond de l'Ethiopie, à peu
près cinquante lieues au sud de Semneh^ A l'intérieur,
m
1. LepsiuSjPenfem., II, 151, g. — 2, M. de Rougé lit ce nom Mermen
totou. Ilm'a paru qu'au temps de TAncienet du Moyen empire, mâshou
était le phonétique le plus ordinaire du signe qui entre dans ce nom,
et j'ai gardé la lecture de M. Mariette. — 3. Mariette, Deuxième lettre
à M. le vicomte de Rougé sur les fouilles de Tanis, p. 4-5. — 4. Héro-
dote, 11,100.— 5. Sevekhotep IV, d'après de Rougé, VI d'après Brugsch,
Histoire, 1. 1, p. 74. — 6. Lepsius, Denkm., II, 151, i.
PÉRIODE THÉBAINE. 129
ils continuèrent les travaux d'hydrographie entrepris par
les Ousortesen et les Amenemhat. L'un d'eux, Râkhemkhou-
taoui Sevekhotep *, faisait relever et inscrire à l'observatoire
de Semneh les hauteurs de la crue du Nil pour les quatre
premières années de son règne ^. Us mirent tous leurs
soins à l'embellissement des grandes villes de l'Egypte, et
firent exécuter des travaux considérables à Thèbes dans le
grand temple d'Ammon, à Abydos', à Bubaste dans le
Delta où fut trouvée, dit-on, la belle statue de Sevekho-
tep III aujourd'hui conservée au Louvre *, à Tanis, dont ils
semblent avoir fait une de leurs résidences favorites *. Le
style des œuvres de cette époque est déjà inférieur au
style des œuvres de la douzième dynastie : les proportions
de la figure humaine commencent à s'altérer, le modelé
des membres à perdre de sa vigueur et de son fini. Malgré
ces défauts souvent peu apparents, la plupart des statues
royales jusqu'à présent connue» sont des chefs-d'œuvre
que l'art des époques postérieures a rarement égalés. Il suf-
fit d'examiner avec soin l'un de ces morceaux et de se rap-
peler qu'on en a trouvé de semblables tout le long de la vallée
du Nil, depuis la troisième cataracte jusqu'à l'embouchure
du fleuve , pour rester convaincu que l'Egypte était alors
une grande puissance, réunie sous un seul sceptre et non
pas, comme le voudraient certains auteurs, un État divisé
en deux -royaumes indépendants l'un de l'autre *, ou pos-
sédé militairement par les rois Pasteurs établis dans le
Delta ^
Les dernières années de la treizième dynastie furent-elles
aussi heureuses que les premières? On ne saurait le dire
1. Sevekhotep IV de Brugsch, Histoire, t. I, p. 73.-2. De Rougé,iSttr
une inscription trouvée à Semneh; Lepsius^ Venkm,, II, 151 & et d. —
3. Louvre, C. 11-12. — 4. Louvre, A. 16. — 5. Mariette, Première et
detixième lettre à M* le vicomte de Rougé sur les fouilles de Tanis. —
6. Bjrugsch, Histoire, t. I, p. 71-72. — 7. Cette théorie, qui est de Lep-
sius, a été combattue dès sa naissance par M. de Rougé, Examen cri-
tique, deuxième article, p. 30, sqq. Les résultats obtenus par M. Ma-
riette dans ses fouilles de Tanis l'ont rendue de plus en plus difûcile à
soutenir.
filST» ANC. 9
130 CHAPITRE m.
dans l'état actuel de la science. Les listes de Manéthon
révèlent un fait certain : vers cette époque le centre de la
puissance égyptienne se déplaça. La prépondérance cpie
Thèbes avait maintenue pendant sept cents ans et plus sur
le reste de l'Egypte lui échappa et passa aux populations
du Delta. Les Pharaons de la douzième et surtout ceux de
la treizième dynastie avaient préparé ce résultat en favo-
risant les villes du nord, Mendès, Sais, Bubaste, Tanis
surtout, au détriment des villes du midi. Quand ils dispa-
rurent, Thèbés perdit son rang de capitale et ce fut une
ville de la basse Egypte, Xoïs, qui lui succéda. Xoïs, si-
tuée au centre même du Delta, entre les branches phat-
métique et sébennytique du Nil*, était Tune des villes les
plus anciennes du pays, mais n'avait jusqu'alors joué qu'un
rôle des plus effacés. La quatorzième dynastie, sortie de
ses murs, compta, dit-on, soixante-quinze rois qui régnè-
rent quatre cent quatre-vingt-quatre ans. Les noms mu-
tilés de ces princes couvrent les pages du Papyrus royal
de Turin, mais leur histoire est inconnue. Tout au plus
pourrait-on supposer que les derniers d'entre eux furent
assaillis par des révolutions et des guerres civiles qui ame-
nèrent letir chute et la ruine complète du pays.
i
XI« DYNASTIE DIOSPOLITAINE.
?
Xn* DYNASTIE BIOSPOLITAINE.
I. Rl-SHOTEP-HET AMENEMHAT I 'ApLEvIpiY)?.
II. Ri-KHOPER-KA OUSOHTESEN I Isao-^/moiÇ^.
III. RÂ-NOUB-KKOU AMENEMHAÏ II j!Vfi{i.avéjA>l<;«
IV. RÀ-KHÂ-KHOPER OUSORTESEN II SedOXTTpi;.
V. RA-KHÂ-KEOU OuSORTESEN III Aa/apYj;.
VI. RÂ-N-MÂT Amenemhat III 'AtlipTi;.
VIT. RA-mA-kherou [Amené mhat IV] 'AfxevéaTiç.
VIII. SEVÉH-NOWRE-rA ' ÎXE(JLlOÇpl^
Xlir DYNASTIE DIOSPOLITAINE.
?
XIY* DYNASTIE XOÏTE.
9
1. Xoïs est aujourd'hui Sahlia (GbampoUion, VÉgyplc sous les Phth
raon^, t. II, p. 211-225)
LIVRE II.
L^ASIE ANTÉRIEURE AVANT ET PENDANT LE TEMPS
CE LA DOMINATION ÉGYPTIENNE.
CHAPITRE IV.
LA CHALDfit!.
Le9 ftrpiilàtiaiti pi^imitiVe» <ie lA tbftldéè. -^ HiaUôitô fabtil6tt»e dd la
Chftblée; le dékigd; le» premiers rois historiées. «• LliKTâsldn
casanëeime et le& Pasteurs en Égypt».
ifê» p&pwââÉà»Mi pHtaMàtem éë fa tkêklàéë.
•
Au nord et â Test de ITÉgypté, stir rimmense étefidue
dô territoire comprise entre la Méditerranée, la lîïer Noire,
le Cancase, la Càspieùûe, rindtis et les mers qui Èaigûefit
leît côtes méridionales de l'Asie, s'agitâfeût cofiftïsémeût
des nations d'origine diveréd, pour la plupart inconnues
aux premiers pharaons. Séparée d^elles par le désert et
Îar la mer, l'Egypte n'avait pris jusqu'alors aucune part
leurs révolutions : tout au plus avait-eîle établi des co^
lonies minières sur le revers du Sinaï et fondé quelques
forteresses afin de proléger les calons. P'otir le resté, une
muraiKo' élevée en travers de l'isthme et garnie de posfes
fortifiés lui servait de barrière contre les Asiatiques et lui
permettait de suivre à l'abri des invasions du Nord le
cours de ses destinées.
Ouôlques-unes de ces nations sans nùm encrcyre ei sans
tîsf dire appartenaient sanâ doute aux raceér prffflitires (Jùl
couvraientle sol à des époques A feciiléeâr, qu'il appartient
132 CHAPITRE IV.
au seul géologue d'en rechercher la durée. Mais le plus
grand nombre d'entre elles se rattachaient à des races plus
nobles et plus fortes, distinctes de langue, de mœurs et de
tendances, unies cependant par un fonds commun de tra-
ditions. Toutes gardaient, mêlé aux vagues légendes de
leur enfance, le souvenir d'une première patrie où leurs
ancêtres avaient vécu avant de se disperser. C'était une
haute montagne ou plutôt un immense plateau, carré de
figure, et si élevé qu'il était comme suspendu entre terre
et ciel. Du milieu jaillissait un grand fleuve, qui se divi-
sait bientôt en quatre bras ou canaux et se répandait sur
les quatre régions environnantes. Là était le nombril du
monde et le berceau de l'humanité. Les peuples can-
tonnés entre la Méditerranée et le Tigre se rappelaient
que ce pays légendaire s'étendait vers l'orient; les peu-
ples de l'Iran et de l'Inde croyaient le trouver dans la
direction du nord. Les modernes ont réussi à en dé-
terminer le site plus exactement que n'avaient fait ies
anciens. Ils l'ont placé dans les monts Bolor (Belour-
tagh), à peu près vers l'endroit où cette chaîne se réunit
à l'Himalaya, sur le plateau de Pamir.
Là en effet, et là seulement, se trouve un pays qui sa-
tisfasse aux données géographiques conservées aux livres
sacrés de l'Asie. Du plateau de Pamir, ou plutôt du massif
montagneux dont ce plateau est le centre, s'échappent quatre
grands cours d'eau, Plndos,' l'Helmend, l'Oxus et l'Iaxarte,
qui s'écoulent dans les directions les plus diverses et répon-
dent assez bien aux quatre fleuves de la tradition. Malgré
quelques oasis au long des rivières et dans les vallées, le
pays est pauvre et plus propre à nourrir des tribus no-
mades que des nations civilisées. Pourtant les peuples qui
l'avaient habité, cédant sans doute au penchant qui porte
les hommes à chercher un âge d'or dans le passé, en firent
un jardin sans pareil, un lieu de délices (Êden) où leurs
pères avaient vécu dans un état d'innocence et de bon-
heur parfaits. Chassés de ce paradis terrestre en punition de
leur désobéissance aux ordres du Créateur, et condamnés
désormais au travail^ ils s'établirent au pied de la mon-
LA CHALDÉE. 133
tagne sainte et en peuplèrent les alentours. Dix patriar-
ches ou dix rois se succédèrent à leur tête; mais les
crimes des hommes excitèrent la colère de Dieu et ame-
nèrent de nouveaux désastres. La race entière périt dans
un déluge, sauf une famille choisie du Très-Haut pour
perpétuer l'espèce et repeupler Tunivers. Ces traditions,
communes à la plupart des nations orientales, nous mon-
trent sous une forme légendaire tout ce qu'elles sa-
vaient de l'humanité primitive détruite par le déluge
asiatique. Les tribus échappées à la mort emportèrent
avec elles la géographie de leur patrie ancienne et l'appli-
quèrent chacune à sa patrie nouvelle. Les unes, arrivées à
l'occident de la Caspienne, placèrent leur Éden sur le mont
Ararat, au milieu des pics neigeux de l'Arménie, et substi-
tuèrent à deux des quatre fleuves primordiaux les deux
fleuves qui traversent la Mésopotamie, le Tigre et l'Eu-
phrate. Les autres transportèrent la montagne sacrée sdr
les bords mêmes de la Caspienne et jusqu'en Phrygie, à
l'Albordj et au Bérécynthe*.
La tradition antique rapportait qu'avant l'avènement des
grandes nations conquérantes, l'Asie entière fut pendant
quinze siècles aux mains des Scythes*. Les Scythes, « les plus
anciens des honlmes, >> appartenaient au moins en partie à
ces peuples de race touranienne qui, des marais de la
Finlande aux bords de l'Amour, habitent encore aujour-
d'hui le nord de l'Europe et de l'Asie. La race toura-
nienne telle que nous la connaissons aujourd'hui ne pré-
sente pas un type unique : elle paraît être une race mixte
formée par le mélange de la race blanche et de la race
jaune. Certaines tribus ont tous les caractères distinctifs
des nations blanches; certaines autres en arrivent à se
confondre entièrement avec les nations jaunes : entre ces
1. Voir, sur les traditions relatives au paradis terrestre, l'ouvrage
d'Obry : Sur le berceau de Vespêce humaine selon les Indiens , les Persans
et les HéhreuXj et le résumé de M. Renan, Histoire générale des langues
sémitiqueSj 3* édit.,t. 1, p. 476-490. — 2. Justin, 1. II, ch. m. Les chro-
nographes chrétiens donnaient à cette période le nom de XxuOt9(jLOc.
Cf. Jean Malala, Chronogr.j p. 25-26; Epiphan., Adv. Hœres., I, 5-7.
134 CHAPITRE IV,
deux extrêmes on obeerye des yariétés nombreuses qui
nous font passer sans secousse et par gradations succès^
sives du type Je plus parfait de l'Européen au type le plus
parfait du Chinois. L'unité originaire de la famille à la--
quelle appartiennent sinon tous au moins la plupart de ce9
peuples est prouvée par la parenté des idiomes qu'ils
parlent. Le touranîen est plutôt un stage qu'une forme
définie du langage ; il est à la fois plus simple, plus gros^
sier, moins travaillé que n'importe lequel des dialectes
ariens ou sémitiques aujourd'hui connus. Ses différents
rameaux ne possèdent pas en eommun un vocabulaira
étendu y et nont point partout uniformité de particules
grammaticales. « Les substantifs les plus nécessaires,
père^ mèrej fils^ fille, disparaissent souvent et sont rem-i-
placés par des synonymes dans les différentes branches
de cette famille : on trouve des mots communs à toutes,
mais non pas avec la même constance et la même régula-r
rite que dans les dialectes ariens et sémitiques. Les noms
de nombre et les pronoms touraniens se ramènent à une
seule origine ; mais ici encore la ténacité de ces dialectes
nomades ne saurait se comparer à la ténacité des langues
politiques de l'Asie et de l'Europe : les racines communes
découvertes dans les idiomes nomades les plus éloignés
sont pour la plupart de forme et de caractère beaucoup
plus généraux que les racines des trésors ariens et sémiti^
ques*. » Les langues touraniennes ont plutôt communauté
d'instincts et de tendances que communauté de formes pa--
sitives. Elles indiquent toutes les catégories possibles du
langage et marquent toutes les relations possibles de mots
à mots au moyen de particules invariables qui viennent
s* agglutiner aux racines, sans jamais s'altérer elles-mêmes
ni les altérer. « Leurs déclinaisons et leurs conjugai-
sons peuvent encore se décomposer en toutes leurs
parties constituantes; et, bien que .les terminaisons
n'aient pas toujours retenu leur valeur de mots indé-
pendants^ on sent encore que ce sont des syllabes mo-
1. Max Mttller, lAnguages ofihe seat of War, 2* édit., p. 88.
LA CHALDÉE. 135
dificatrices et distinctes des mots auxquels elles LonL
ajoutées*. »
Une tradition, encore aujourd'hui courante parmi les
Turcs nomades, place le berceau de la race un peu au
nord du plateau de Pamir, dans une des vallées de TAltaï.
Cette vallée était à Torigine enclose de tous côtés par de
hautes montagnes riches en fer : un incendie, en fondant
les roches ferrugineuses, détruisit la barrière qui la sépa-
rait du reste du monde, et permit aux premiers hommes
de quitter leur prison. Une partie de la nation s'éleva vers
Touest et se répandit jusqu'aux extrémités de l'Europe, où
les Basques sont peut-être ses derniers représentants. Le
reste descendit vers le sud , occupa les plaines de la Bac-
triane , franchit la. grande chaîne de Tlndou-Koush , et
s'établit d'abord à la lisière du plateau de l'Iran. Au pied
même de la montagne, le pays est bien boisé et bien arrosé;
mais à mesure qu'on avance vers l'intérieur, les rivières
diminuent de volume. Elles finissent par se perdre dans
les sables, à l'exception de deux ou trois qui vont se jeter
au grand lac Hamoun. Sauf la bande de terre qui court le
long de leurs rives, le reste du pays n'est qu'un vaste dé-
sert salé, dont le sol est formé tantôt de gravier, tantôt
d'un sable fin et mouvant que le vent soulève en immenses
vagues longitudinales, tantôt d'une arffile durcie et cuite
au soleil. La masse de la nation s'établit solidement sur
le plateau, surtout dans la partie occidentale, à laquelle
on a donné plus tard le nom de Médie. Plusieurs tribus
allèrent vers l'ouest en Atropatène, en Arménie et jusqu'en
Asie Mineure. D'autres poussèrent droit au sud et vinrent
se fixer au pied du plateau de l'Iran, dans les plaines de
la Susiane et sur les bords du Tigre et de TEuphrate.
Le Tigre et l'Euphrate prennent leur source en Armé-
nie au mont Niphatès (Keleshin^Dagh) , la plus élevée des
diâînes parallèles qui courent entre le Pont-Euxin el:
1. Max MûUer, ibid., p. 90. Cf. H. Rawlinson, On the ethnie Affi-
nities of the nations of Western Asia, dans THérodote de 0 .Rawlinson,
2*édit.,t. I, p. 529-530.
136 CHAPITRE IV.
la Mésopotamie, la seule qui atteigne en maint eîidroit
la limite des neiges éternelles *. Ils coulent d'abord pa-
rallèlement Tun à l'autre, TEuphrate de Test à Touest,
jusqu'à Malatiyeh, le Tigre « vers l'est dans la direc-
tion de l'Assyrie". >> Au delà de Malatiyeh, l'Euphrate
tourne brusquement au sud-ouest, se fraye un passage à
travers le Tauros, comme s'il voulait aller rejoindre la
Méditerranée', puis incline vers le sud-est, dans la direc-
tion du golfe Persique. Au débouché des montagnes, le
Tigre tourne immédiatement au sud et se rapproché gra-
duellemeht de l'Euphrate :' à la hauteur de Bagdad, les
deux fleuves ne sont plus séparés l'un de l'autre que par
quelques lieues d'un terrain bas et uni *. Toutefois ils ne
se mêlent pas encore : après avoir couru'presque parallèle-
ment l'espace de vingt à trente milles, ils s'écartent de
nouveau pour ne se rejoindre qu'à près de quatre-vingts
lieues plus bas, former le Shatt-el-Arab et se jeter dans
le golfe Persique. Dans la partie moyenne de son cours
l'Euphrate reçoit sur la gauche deux grands affluents,
le Balikh^ et le Khahour^ qui lui apportent les eaux du
mont Masios''. Depuis sa jonction avec le Khàbour jus-
qu'à son embouchure il n'a plus aucun tributaire. Le
Tigre, au contraire, est grossi sur la gauche par les eaux
du Kentritès^j le Zab supérieur et le Zab inférieur, le
Gyndès^. Aussi les deux fleuves sont-ils navigables de
bonne heure, l'Euphrate à Soumeïsat^^y le Tigre près de
Mossoul : au moment de la fonte des neiges, vers le
commencement ou le milieu d'avril, ils grossissent outre
mesure, débordent et ne rentrent dans leur lit qu'en juin,
au temps des plus fortes chaleurs **. .
1. G. Rawliason, The five great Monarchies, 1. 1^ p. 6. — 2. Genèse,
II, 14. — 3. « Occidentem petit, ni Taurus obstet, in nostra maria ven-
turus. » Pomponius Mêla, De situ Orbis, III, 8. — 4. G. Rawlinson, The
five great Monarchies j t. I, p. 7. — 5. Ancien Bilichos. — 6. Ancien
Aborras ou Chaborras, — 7. Strabon, XI, xn, § 4; xiv, § 2. Aujourd'hui
le Karadjah-Dagh, — 8. Xénophon, Anabase, IV, m, § 1. Aujourd'hui
BitliS'Khaï, — 9. Aujourd'hui Diyaleh. — 10. L'ancienne Samosate. —
11. Layard^ Nineveh and Babylon, p. 297; G. Rawlinson, The five
JNASP F.R 0 Uisloii^ ancieiine .
daui>èKle.s donnecii nioniiuiontale.s.
I.
IL-
5**
sa»
mt
(intor pa4 £t'harri .
LA CHALDÉE. 137
Lie hassîn du Tigre et de FEuphrate n'avait pas à toutes
les époques Taspect qu'il présente aujourd'hui. Au com-
mencement de notre période géologique, les deux fleuves
couraient l'espace d'environ cinq degrés dans une grande
plaine ondulée, de formation secondaire, sillonnée par les
quelques cours d'eau qui descendent du mont Masios*.
C'est un territoire fertile au bord des rivières et dans les
endroits où jaillissent des sources, stérile et nu partout ail-
leurs*. L'extrémité méridionale de cette plaine formait
le rivage de la mer, et les deux fleuves se jetaient à quel-
que vingt lieues l'un de l'autre, dans un golfe qui prolon-
geait le golfe Persique de nos jours, et s'étendait à Test
jusqu'aux derniers contre-forts des monts de l'Iran, à l'ouest
jusqu'au pied des hauteurs sablonneuses, qui marquent la
limite du plateau d'Arabie. Toute la partie inférieure de
la vallée n'est qu'un terrain de formation relativement mo-
derne, créé par les alluvions du Tigre, de l'Euphrate et des
civières comme VAdhem, le Gyndès,\e Khoaspès, qui, après
avoir été longtemps indépendantes et avoir contribué à
combler la mer dans laquelle elles se jetaient, ont fini par
devenir de simples affluents du Tigre. Aujourd'hui encore,
le Delta du Shatt-el-Arah avance rapidement, et l'accrois-
sement du rivage monte à près d'un mille anglais par
soixante-dix ans*; dans les temps anciens, le progresses
terres était plus sensible et devait s'élever à environ un
mille par trente ans*. Il est donc probable qu'au moment
où les colons descendirent dans la vallée, le golfe Per-r
sique pénétrait à quarante ou quarante-cinq lieues plus
haut qu'il ne fait aujourd'hui * : le Tigre et l'Euphrate se
great HonarchieSy 1. 1, p. 11-13. Le témoignage des modernes est con-
traire au témoignage d'Hérodote^ d'après lequel « la rivière ne se répand
pas d'elle-même^ comme en Egypte, sur les terres ensemencées, mais y
est répandue au moyen de machines. » (Hérodote y 1, 193.) — 1. G. Raw-
linson, Ibid., t. I, p. 3-4. — 2. G. Rawlinson, Ihid., t. I, p. 182. —
3. Lof tus, Chaldœa arid Susiana, p. 282. — 4. H. Rawlinson, dans le
Journal of the Geographicaî Society, vol. XXVII, p. 186. — 5. Loftus,
dans le Journal of the Geographicaî Society, vol. XXVI, p. 142;
G. Rawlinson, The five gréât Monarchies, t. I, p. 4-5,
138 CHAPITRE IV.
jetaient dans la m^ à quelque distance l'im de l'autre et
ne confondirent leurs eaux que plusieurs siècles plus tard,
La région des alluvions, et surtout la partie de cette ré-
gion qui confine aux rives du golfe Persique, servit d'a-
sile aux premiers colons. C'était une immense plaine basse
dont aucun ^accident de terrain ne rompait la monotonie.
L'Eupbrate, mal encaissé dans ses rives, lançait à droite
et à gauche des branches, dont les unes allaient rejoindre
le Tigre, et les autres se perdaient dans des marais. Une
partie du sol, toujours privée d'eau, se durcissait aux
rayojis d'un soleil brûlant : une autre partie disparaissait
presque en entier sous les monceaux de pable qu'apporte
le vent du désert ; le reste n'était qu'une lagune empestée, t
encombrée de joncs énormes, dont la haCuteur varie entre
douze et quinze pieds *. Pour faire de ce pays désolé un
des plus riches, sinon le plus riche pays de l'univers, il
fallait régler le cours des eaux, répartir équitablement au
moyen de canaux et de digues l'inondation qui tendait à se
porter sur certains points de préférence à certains autres :•
ce fut l'œuvre que durent entreprendre les premiers colons
de la Ghaldée.
Le pays , même en cet état , était loin de manquer
de ressources. Il renferme peu d'espèces d'arbres uti-
les, « car il ne possède ni le figuier, ni la vigne, ni l'oli-
vier^; » en revanche, il porte naturellement le froment * et
le dattier. « Le sol y est si favorable aux céréales, qu'elles
y rendent habituellement deux cents pour un, et, dans lés
terres d'une qualité exceptionnelle, trois cents. Les feuil-
les du blé et de l'orge y sont larges de quatre doigts.
Quant au millet et au sésame, qui pour la grandeur de-
viennent là de véritables arbres, je ne dirai pas leur hau-
teur, bien que je la connaisse par expérience, sachant bien
qu'auprès de ceux qui n'ont pas été en terre babylonienne,
ce que je dis des productions ne rencontrera qu'incrédu-
1. Tous les traits de ce tableau sont empruntés à l'état moderne 4e la
contrée, mais s'appliquent fort bien au passé. Cf. Loftus, Susiana and
Chalisea, p. 14 sqq. — 2. Hérodote, J, 193. — 3. Bérose, Fra^m., T,
édit. Lenormant, p. 6.
LA CHALDÉE. 139
lité.On nese sert nullement d'huile d'oliye, mais on extrait
de rhuile du sésame*. ^>-.- « Le palmier fournît à tous les'
autres besoins de la population. On en, tire une sorte de
pain, du vin, du vinaigre, du miel, des gâteaux et toute
espèce de tissus ; les forgerons se servent de ses noyaux en
guise de charbon ; ces mêmes noyaux concassés et macé-
rés servent de nourriture aux bœufs et aux moutons qu'on
engraisse. On dit (ju'il y a une chanson perse qui énumèrc
trois cent soixante usages difTérents du palmier *. » Les
poissons abondent dans les rivières et les marais, surtout
le barbeau et la carpe : ils entrent encore pour beaucoup
dans r alimentation des habitants modernes de laChaldée*.
Dès le temps de leur arrivée aux bords de l'Euphrate,
les Touraniens étaient constitués en corps de nation, pos-
sédaient l'écriture *, les principales industries nécessaires
à l'humanité, une législation et une religion complète.
Leur écriture était à l'origine purement hiéroglyphique
comme celle de l'Egypte. C2iaque signe était l'image de la
chose même qu'on voulait représenter ou de l'objet maté-
riel qui paraissait offrir le plus d'analogie avec l'idée abs-
traite qu'il s'agissait d'exprimer. Ainsi pour marquer
l'idée de dieu on prenait l'étoile à huit pointes; pour
rendre celle du roi, on employait l'abeille y^ . La mala-
dresse du graveur et de l'écrivain altéra ces deux signes
et leur substitua des équivalents plus ou moins in-
fomes : i-^J^ et -^ à l'étoile, §<ail]IJl]ÎI> ^^
et fc^> à l'abeille. L'image primitive s'altéra de plus en
plus, si bien qu'il devint impossible de retrouver dans
l'ensemble de traits ou de clous qui forme un groupe, le
type que ces traits avaient représenté. Par bonheur, au
moment où s'accomplit cette modification, l'on n'avait déjà
plus besoin pour lire le caractère de reconnaître l'objet
dont il avait été la figure. Le signe de l'étoile >-^ ■ rap-
1. Hérodote, I, 193; cf. Théophraste, Hist. Plant., VIII, 7, et Pline,
ff, If., XVIII, 17, 45.-2. Strabon, XVI, i, xiv; cf. Théophraste, Hùt.
Plant., Il, 5, et Pline, H. iV., XIII, 4. — 3. Layard, Ninevehand Babf^
Ion, p. 567. — 4. Cela a été prouvé par M. Oppert.
140 CHAPITRE IV.
pelait aux yeux l'idée de dieu^ et l'idée de dieu éveillait
dans l'esprit du lecteur le mot qui répond à cette idée, an.
Aussi »*$i|^, tout en conservant le sens symbolique de dieu,
devint le représentant de la syllabe an dans une foule de
mots qui n'ont aucun rapport avec la divinité. En grou-
pant ensemble plusieurs signes, on obtint des expressions
de mots dont le son se composait en partie de la pronon-
ciation d'un signe, en partie de la prononciation d'un au-
tre signe. If représente trois gouttes d'eau, signifie eau^
se lit a; joint au signe *-^| qui représente l'étoile, si-
gnifi.e dieu, se lit an ; il forme un groupe ]] •-*-[, a -{- an,
aan, qui veut dire pluie. Ce système présente de graves
inconvénients. Nombre de signes peuvent avoir plusieurs
\ valeurs et se lire de plusieurs manières différentes.
►— • rend les idées de finir, vieillir, achever, mourir,
ouvrir, sang, cadavre, et se lit, selon l'idée qu'il rend, be,
BAT, TiL, KHOUR, ous : en un mot c'est un polyphone. Entre
tous ces sens et toutes ces prononciations dissemblables,
le lecteur choisissait, d'après la marche générale de la
phrase et la position du signe, le sens et la lecture qui lui
paraissaient le mieux convenir. L'obscurité résultant de
cette polyphonie était telle, que les Assyriens et les Baby-
loniens eux-mêmes s'y perdaient quelquefois. « Nous n'en
voulons pour preuve que le nombre des fragments de syl-
labaires et de vocabulaires grammaticaux tracés sur des
tablettes d'argile, et destinés à révéler les arcanes 'du
système graphique national, qu'on a trouvés en telle abon-
dance dans les ruines de Ninive. Une bonne moitié de ce
que nous possédons de monuments de l'écriture cunéiforme
se compose de guide-ânes qui peuvent nous servir à dé-
chiffrer l'autre moitié, et que nous consultons exactement
comme le faisaient il y a deux mille cinq cents ans les
étudiants de l'antique pays d'Assour * . »
1. Fr. Lenormant, Essai sur la propagation de Valphàbet phénicien^
1. 1, p. 48. M. Halévy a voulu prouver dans ces derniers temps rorigine
sémitique de récriture et de la civilisation chaldéennes {Journal asia-
tique y 1875) . Son opinion n'a été admise par aucun assyriologue. Cf, Fr.
Lenormant^ La langue primitive de la Chaldée ; Oppert dans le Journal
Asiatique, Wb, et Schrader dans le Zeitschrift d, D. Morg, G,, 1875.
LA CHALDÉE. 141
Parmi ces hiéroglyphes on trouve des signes spéciaux
pour désigner les métaux usuels et les métaux précieux.
Les Touraniens vivant au milieu des gisements de l'Altaï,
où les minerais et les métaux à peu près purs se rencon-
traient presque à fleur de terre, apprirent bien vite Fart du
mineur, du fondeur et de Torfévre : ils l'implantèrent en
Chaldée. Les plus vieilles tombes de ce pays renferment des
objets en or, en bronze et en fer, couteaux, hachettes, faux,
bracelets, boucles d'oreilles ciselées*. « A côté se trouvent
encore, et concurremment employés, des instruments et des
armes en silex taillé et poli, têtes de flèches, haches et mar-
teaux. Le métal le plus répandu est le bronze ; c'est en
bronze que sont tous les instruments métalliques. Quant
au fer, il est plus rare et semble avoir encore le caractère
d'un métal précieux par la difficulté de la production ; au
lieu d'en faire des outils, on en forme des bracelets et au-
tres parures grossières *. » Des autres industries, comme
le tissage, il ne nous est rien resté. La constitution poli-
tique et la législation nous sont presque entièrement in-
connues. Le seul fragment que nous possédions de l'ancien
droit touranien traite des liens et des devoirs de la famille.
Il nous prouve que la femme jouissait de droits et d'hon^
neurs assez grands. Même en puissance de mari, elle pou-
'vait avoir une propriété personnelle. Le mari qui reniait
sa femme devait lui donner en guise d'indemnité une demi-
ïnine d'argent. Le fils qui reniait sa mère. était « exclu de
la terre et de l'eau ». Le fils qui disait à son père : « Tu
n'es pas mon père, » était condamné à rétracter sa parole
et payait l'amende. Par contre , la femme qui reniait son
mari était jetée au fleuve; le père et la mère qui refusaient
de reconnaître leur enfant étaient passibles de la prison *.
Les Touraniens de Chaldée se représentaient la terre
comme une barque renversée et creuse par-dessous *, non
pas une de ces barques oblpngues en usage parmi nous,
1. G. Rawlinson, The fne gréai Monarchies, t. I, p. 98-99. —2. Fr.
Lenormant, Les premières civilisations^ 1. 1, p. 118-119. — 3. J. Oppert,
dans le Journal asiatique y V* série, 1. 1, p. 371 sqq.; Fr. Lenormant,
£a migie chex les Chaldéens, p. 310-312. — 4. Diodore de Sicile^ !!> 29.
'
142 CHAPITRE IV.
mais cette espèce d'auge entièrement ronde que les bas-
reliefs nous montrent si souvent, et dont les tribus du bas
Euphrate se servent encore aujourd'hui. Dans le creux in-
férieur était caché Tabîme (ge)^ séjour des ténèbres et de la
mort. Sur les pentes de la surface convexe s'étendait la terre
proprement dite (/Ici), enveloppée de tous côtés par le fleuve
Océan [zouab] : la Ghaldée était regardée comme le centre
du monde. Bien loin au delà du Tigre se dressait la mon-
tagne d'Orient (Khoursak-kov/rra]yqui unissait le ciel à la
terre. Le ciel [anna] avait la forme d'une vaste calotte hé-
misphérique dont la partie inférieure reposait sur les extré-
mités de la barque terrestre, au delà du fleuve Océan. Le
firmament, « déployé au-dessus de la terre ainsi qu'une
couverture, » tournait comme sur un pivot autour de la
montagne d'Orient et entraînait dans sa course perpétuelle
les étoiles fixes [moût] dont sa voûte était semée. Entre ciel
et terre circulaient d'abord les sept planètes (Zowfea^), sortes
de grands animaux doués de vie, puis les nuages, les vents,
la foudre, la pluie. La terre reposait sur l'abîme, le ciel sur
la terre : l'imagination des premiers Chaldéens n'allait pas
jusqu'à se demander sur quoi reposait l'abîme.
• Cet univers en trois parties était peuplé d'une foule d^êtres
et de races diverses, les unes renfermées, comme les hommes
et les animaux, dans une petite portion du grand tout, les
autres répandues indistinctement à travers les régions du
monde, comme les esprits et les dieux. Les esprits [zi) sont
la personnification des forces bonnes^ mauvaises ou indif-
férentes de la nature : ils font le bien et le mal à leur gré,
règlent l'ordre et la marche des corps célestes, partant des
saisons, soufflent le vent et versent la pluie, germent le
crain et lèvent la moisson, vivifient ou tuent ce qui a vie.
Les dieux [an, dingir, dimir) sont des esprits de haut rang
qui président aux grandes divisions du monde ou aux
grands phénomènes de la nature. A chacune des trois ré-
gions de l'univers commande, un dieu suprême : Anna
dans le ciel, Ea amr la terre et Moulgé au fond de rfiJ[>tsie.
Anna, l'esprit du ciel, était à la fois le corps et fâme du
ciel, le ciel matériel et l'intolligence qui régit la matiëro
LA CHALDÉE. 143
céleste. Ea, l'esprit de la terre [zi-kîr-a], règne sur la BWt-
face terrestre et sur Tatmosphère, mais sa demeure favo-
rite est le fleuve Océan; aussi lui donne-t-on parfois pour
mère une déesse Riah, « le fluide, Teau par excellence. »
Lui-même est appelé souvent « le grand poisson de TOcéan,
le poisson sublime » : il parcourt son empire sur un vais-
seau symbolique manœuvré par les dieux ses enfants,
comme chez les Égyptiens la barque solaire par les formes
de Râ. Sa compagne Dcmikina ou Davkina est la persoife-
nification de la terre : le dieu s'étend sur elle, la féconde,
et de leurs embrassements naissent les eaux matérielles
qui font tout verdir. Moidgé et sa forme féminine Ningé
vivent dans Tabîme infernal et reçoivent les âmes humaines
au Sortir de la vie. Transportées au delà du fleuve étemel,
les âmes arrivent au pied de la grande montagne d'Occi-
dent, derrière laquelle se couche le soleil, et pénètrent dans
« le pays immuable [Koumoudé] », dans « la région d'où Ton
ne revient pas, la demeure où Ton entre sans en sortir, le
chemin qu'on descend sans jamais rebrousser, la demeure
t)ù l'on entre toujours plus avant, la prison, le lieu où l'on
n'a que la poussière pour sa faim et la boue pour aliment,
6ù Ton ne voit plus la lumière et où Ton erre dans les té^
ûèbres, où les ombres, comme des oiseaux, remplisseibt la
voûte. » Il n'y a là ni récompense pour les justes, ni châti-
ment pour les impies : la rémunération du bien et du mal
commence et finit sur la terre. Pourtant dans un des re-
coins de Tabîme est cacbjêe une source de vie que les
génies infernaux dissimulent [avec un soin jali>ux à la vue
des mânes : seuls les dieux peuvent en ouvrir l'accès et
renvoyer sur la terre l'âme qu'ils ont abreuvée de ses eaux.
Au-dessoui^ des grands dieux s'agitait un peuple innom-
brable de dieux et d'esprits toujours en lutte les uns contre
ks autres. Le dieu du soleil diurne, Owd, « fait évanouir les
mensonges, dissipe les mauvaises influences et déjoue les
complots méchants. » — « Soleil, dans le plus profond de»
cieux, tu brilles; tu ouvres les verrous qui ferment les
cieux élevés, tu ouvres la porte du ciel. Soleil, vers la su-
perficie delà terre, tu tournes ta face; soleil, tu étends au-
144 CHAPITRE IV.
dessus de la superficie de la terre , comme une couverture»
l'immensité des cieux. » Le feu [Izbar ou bilgi), supérieur
au soleil même, est « le pontife suprême à la surface de la
terre », soit qu'il brûle dans la flamme du sacrifice, soit
qu'il brille au foyer domestique. « Je suis la flamme d'or,
la grande, la flamme qui jaillit des roseaux secs, l'insigne
élevé des dieux, la flamme de cuivre, la protectrice qui
darde ses langues ardentes ; je suis le messager de Silik-
moulovr-khi. » Silik-moulour-khi, « celui qui dispose le
bien pour les hommes, » est le fils d'Ea, l'intermédiaire
entre son père divin et l'humanité souffrante. C'est par lui
qu'Ea fait connaître ses décrets aux hommes et aux dieux
et révèle le grand nom, le nom mystérieux qui met les dé-
mons en fuite. « Devant sa grêle, qui se soustrait? Sa vo-
lonté est un décret sublime que tu établis dans le ciel et
sur la terre.... Seigneur, tu es sublime : qui t'égale?»
Les démons et les mauvais esprits sortent de l'enfer. Ils
se glissent partout et se dissimulent sous toutes les formes
pour nuire aux bons esprits et aux hommes. Les uns ont
rang de demi-dieux et sont connus sous les noms de maSy
combattants, lammay colosses ; les autres sont rangés hié-
rarchiquement par classes de sept, les alaly destructeurs,
les telaly guerriers, les maskira ou tendeurs d'embûches,
« qui se cachent au plus profond de l'abîme et dans les en-
trailles de la terre, ni mâles ni femelles, n'ayant pas d'é-
pouses et ne produisant pas d'enfants. » Certains d'entre
eux s'attaquent à l'ordre général de la nature et s'ef-
forcent de bouleverser l'univers. D'autres se mêlent aux
hommes pour le mal : « de maison en maison ils pénètrent ;
dans les portes comme des serpents ils se glissent. Ils em-
pêchent l'épouse d'être fécondée par l'époux; ils ravissent
l'enfant sur les genoux de l'homme ; ils font fuir la femme
libre de la demeure où elle a enfanté;... ils font fuir le
fils de la maison du père. » Ils vivaient de préférence
dans les lieux déserts et n'en sortaient que pour assail-
lir les hommes et les animaux. Ils s'introduisaient dans
les corps et y faisaient naître les maladies. La peste et la
fièvre [jidpa)^ le fantôme, le spectre^ le vampire^ les in-
LA CHALDÉE. 145
cuhes et les succubes étaient autant d'êtres distincts appar-
tenant à cette engeance redoutable. Sans cesse en butte à
leurs attaques, Thomme se trouvait sur la terre comme un
voyageur égaré dans une terre inconnue, au milieu de tri-
bus sauvages. Pour se défendre, il devait se ménager des
alliés parmi les dieux et les esprits, se munir d'armes of-
fensives ou défensives contre les démons, en un mot avoir
recours à la magie. Le culte touranien est en effet une vé-
ritable magie où les hymnes à la divinité prenaient tous
plus ou moins la tournure d'incantations et où le prêtre est
moins un prêtre qu'un sorcier *.
A côté des Touraniens, les monuments nous font con-
naître une autre race, de tempérament et de tendances fort
différentes, la race de Koush. Les Koushites avaient la
taille petite, le corps élancé et bien fait, . la chevelure
abondante, souvent frisée, mais jamais crépue comme
celle du nègre; le teint foncé, variant du brun clair au
noir; les traits réguliers, parfois délicats; le front droit,
étroit, suffisamment élevé;, le nez long, mince et fin, d'une
saillie moins accusée que le nez d'un arien; seule la
bouche était défectueuse, munie de lèvres épaisses et char-
nues*. La tradition place leur berceau en Bactriane, au
pays de Koush qu'arrose le Gihon^ Quelques-unes de
leurs tribus s'établirent sur les bords de l'Amou-Daria et
du Syr-Daria,' au pied de la montagne qui sépare les
plaines de la Boukharie du plateau de l'Iran et qui porte
encore le nom d'Hindou-Koush \ D'autres pénétrèrent jus-
qu'en Asie Mineure, s'il faut en croire les légendes qui
font des Gares et de leurs congénères un rameau de la race
touSîite''; plusieurs descendirent le long de l'Indos et se
répandirent dans le Décan. Les plus hardies, traversant la
1. Tout cet exposé est emprunté au travail de M. Fr. Lenormant sur
h Magie chez les Chaldéens et les origines accadienneSj in-8", Pa-
ris, 1874. — 2. Pritchard, Physical history of Mankindj t. II, p. 44. —
3. Genèse, ii, 13. — 4. Obry, op. cit., p. 103-125 ; d'Eckstein, dans
y Athenssum français y 22 avril, 27 mai, 19 août 1854; De quelques lé-
9^des brahmaniques j dans le Journcd asiatique de 1856. — 5. D'Eck-
stein, les Cares dans Vantiquité,
S(ST. AKC 10
H6 CHAPITRE IV.
Perse et TArabie, poussèrent jusqu'au détroit ^e Bab-el-
Mandeb, le franchirent et se fixèrent sur les bords du
Nil Bleu, où leur postérité, « Koush la vile, » fut pendant
des piècles l'ennemie acharnée des Égyptiens. Les Kou-
shites paraissent avoir eu de bonne heure le goût de la
pier. «Depuis les bouches de Tlndus, les côtes du Catoch,
du Guzerate, du Goncanet du Malabar; depuis les rivages
de la Gédrosie, de la Caramanie, de la Perside, ainsi que
par tous les contours du golfe Persique, il y a une série
d'exploits mythologiques gui remontent à eux comm.e''à
leur principe. Ils longent les côtes de l'Arabie jusqu'aux
rives de l'Afrique éthiopienne, où ils s'étendent vers la
région de Sofala ; ils pénètrent par le détroit de Bab-el-
Mandeb et s'avancent jusqu'à l'extrémité du golfe Élani-
tique. Leur activité franchit ces bornes. Nous pouvons les
suivre sur la route de la Méditerranée, depuis le Delta de
l'Egypte jusqu'à Joppé sur les rivages de la Palestine*. »
Ainsi du Gange au Nil, de la mer de Grèce à la mer des
Indes s'étendit Koush, la plus importante peut-être des
races primitives dont l'humanité ait gardé souvenir. Sa
renommée et son pouvoir, bien affaiblis pourtant aux
siècles où les tribus helléniques naissaient à la vie de
l'histoire, pénétrèrent jusqu'en Grèce; les poètes mirent
enscèneMemnon*,le fondateur de Suse', l'allié de Priam,
et le vieil Homère célébra les Éthiopiens, les plus sages
et les plus lointains des hommes, dont les uns habitent
au soleil levant, les autres au soleil couchant*.
Les Koushites parlaient une langue apparentée de très-
près à l'hébreu, à l'arabe et aux autres idiomes sémitiques.
L'explication la plus simple de ce phénomène est celle qui
verrait dans les Koushites et dans les Sémites, non pas des
1. D'Eckstein dans VAthenœum français, 22 avril 1854. — 2. Hésiode^
Théogonie, 984 ; Pindare, Néméennes, III, 62-64 5 Eschyle dans Strabon,
XV, 3/8 2.— 8. Hérodote, V, 54; Diodore de Sicile, II, 22, § 8. —
4. Al6Co7cac, toi ôix^à 6e5a(aTai, loxafoi àv8p<3v, 01 ji-èv Su<TO(iévou
*riïepiovoç, ol d'àvtôvToç. Odyssée, L 2d, 24. Éphore entendait ce passage
de la division des Éthiopiens en Ethiopiens d'Afrique et en Éthiopiens
d*Asie {Fragm., 38) ; quoi qu'en dise Strabon, l'explication d*Éphore
est la vraie.
LA GHALDÉE. 147
races entièrement distinctes, mais les deux partie» d'une
même race civilisées à des époques différentes. Les Kou-
shites, a cette branche ancienne de la famille sémitique,
partie la première du berceau commun, la première aussi
parmi cette foule de hordes longtemps nomades, se fixa,
puis s'éleva à la civilisation, pour devenir à ses frères
demeurés pasteurs un objet d'envie et d'exécration tout à
la fois*. » Aussi bien les plus anciennes traditions des
Sémites nous montrent-elles les peuples de cette race éta-
blis sur les confins de laChaldée. Ils arrivaient de l'Orient,
et descendaient de ce plateau central d'où sont sorties
toutes les races nobles de l'ancien monde; ils apportaient
avec eux le souvenir de leur patrie transoxienne et du grand
déluge qui les en avait chassés. D'abord cantonnés en
Arménie, au pied de l'Ararat, entre le cours supérieur du
Tigre, de l'Euphrate et du Kyros', ils se répandirent vers
le sud, au pays d'Arphaxad', en Mésopotamie, et de là
plus tard en Syrie. Plusieurs de leurs tribus poussè-
rent jusqu'en Ghaldée, et ajoutèrent aux deux éléments
que renfermait déjà ce pays un troisième élément moins
important que les deux autres. Les unes se fondirent
bientôt avec les Koushites, dont elles parlaient la langue ;
les autres, après s'être maintenues un temps plus ou
moins long, finirent par quitter la Ghaldée et par aller
chercher au loin un sol plus favorable à leurs goûts no-
mades.
Trois des principaux peuples Koushites se fixèrent dans les
alentours du golfe Persique. Le premier, appelé Kosséens
ou Kissiens par les auteurs classiques, s'établit dans la
région montueuse qui s'étend à l'orient du Tigre*. Le
second s'échelonna le long du Tigre et de l'Euphrate
1. Greutzer et Guignia^ut, Religions de Vantiquitéf t. II, 3* partie^
p. 822. — 2. Amos, IX, 17; Gesenius, Thésaurus , s. v. Kîr; Knobel,
Die Vœlkertafel der Genesis, p. 150, sqq ; Renan, Histoire des langues
sémitiques, p. 29 sqq. — 3. Àrph-Kasdim, Awr-Kasdim, litt. : « Fronr
tière des Ghaldéens. » Michaëlis, Spicilegium, II, p. 75 ; Gesenius, The-
sawrus. — 4. Hérodote appelle la Susiane Ki^ffCvi y^n (V. 49) ou x««>P>i
(V. 52; VI, 119) et ses habitants Kitrenoi (III, 92 ; VU, 62-86-210); d'autres
ont la forme Koa«etCa et Kooroaïoi (cf. Ârrien^ Indica, 40^ b)*
148 CHAPITRE IV*
inférieurs, où il forma plus tard rélément prépondérant
de la population chaldéenne. Le troisième vint habiter les
rives méridionales du golfe Persique qu'il quitta plus
tard pour aller s'installer aux bords de la Méditerranée.
Ce ne fut pas d'abord sur le continent même, ce fut dans
les petites îles de la côte que les Koushites élevèrent
leurs sanctuaires les plus vénérés, sans doute pour les
mettre à Tabri d'un coup de main et les soustraire aux
chances d'une invasion. Les gens de la troisième tribu, qui
furent plus tard les ancêtres des Phéniciens, avaient occupé
les Bahréïn, et surtout deux d'pntre elles, qu'ils appe-
lèrent Tsour et Arad*. Une autre île sacrée, Dilmoun ou
Dilvoun, était située à quelque distance de l'embouchure
du Tigre, sur la côte susienne*. C'est dans ces retraites
inviolables que s'organisèrent à loisir les premiers collèges
sacerdotaux où s'élabora la civilisation à la fois religieuse
et scientifique des populations koushites. En astronomie,
on leur doit l'invention du zodiaque et de ses douze divi-
sions en trois cent soixante parties ou degrés, dont chacun
se subdivisait en soixante minutes, la répartition du jour
naturel ou nycthémère en douze heures équinoxiales for-
mées chacune de deux heures ordinaires. Les Grecs trou-
vèrent, dit-on, à Babylone, des séries d'observations notées
sur tablettes d'argile cuite et remontant à une fort haute
antiquité'. Les fouilles modernes nous ont livré les frag-
ments d'un ouvrage de mathématiques où sont enregistrés
les carrés des nombres fractionnaires ^ 2 jusqu'à fg 2
ou^V*-
Au fond des religions koushites comme au fond de toutes
lès religions, nous retrouvons un dieu à la fois un et
multiple : un, parce que la matière émane de lui et qu'il
se confond avec la matière ; multiple parce que chacun des
1. Tyros et Arados, Strabon, 1. XVI, p. 766. D'après Pline, VI, 32,
nie se nommait Tylos. Cf. Androsthènes dans Théophraste, De caiLs.
plant, f II, 5, 5. — 2. Fr. Lenormant, Essai sur un document mathéma-
tique chaldéen, p. 123-145; cf. Essai de commentaire, p. 220-222. —
3. Epigènes dans Pline, VII, 65. — 4. Fr. Lenormanl, Essai sur un dop
cument mathématique chaldéen, Paris^ 1868^ in-8*.
LA CHALDÉE. 149
actes qu'il accomplit en lui-même sur la matière est con-
sidéré comme produit par un être distinct et porte un nom
spécial. Au début ces êtres distincts ne sont pas encore
groupés et distribués selon une hiérarchie régulière ; ils
coexistent sans être subordonnés, et chacun d'eux est
adoré de préférence à tous les autres dans une ville ou par
un peuple, Anou dans Ouroukh, Bel à Nipour, Sin à Our,
Mardouk à Babylone. Anou, Bel, Sin, Mardouk ne sont
qu'une substance unique, et pourtant la substance unique
dont ils sont les noms possède double essence : elle réunit
en une même personne les deux principes nécessaires de
toute génération, le principe mâle et le principe femelle.
Chaque dieu se dédouble en une déesse correspon-
dante, Anou et Sin en la déesse Nana, Bel en Bêlit, Mar-
douk en Zarpanit. Les êtres divins ne se conçoivent plus
isolément, mais par couples, et chacun des couples qu'ils
forment nest qu'une expression du dieu primordial uni-
que, malgré le dédoublement de sa nature, comme il est
unique malgré la multiplicité de ses noms. L'ordre de
préséance de ces couples divins se règle au hasard de la
politique ; celle des villes qui exerce l'hégémonie sur les
autres villes chaldéennes impose son dieu aux autres dieux.
Sin a le pas au temps de la suprématie d'Our ; Samas au
temps de la suprématie de Larsam. Ce fut seulement deux
mille ans avant notre ère, sous Saryoukin 1% roi d'Agané,
et sous son fils Naramsin, que les prêtres, travaillant sur
le vieux fonds des traditions, essayèrent d'établir un sys-
tème régulier où les émanations de la divinité, au lieu
d'être toutes placées sur le même rang, furent subordon-
nées les unes aux autres. Ils réussirent à former une reli-
gion officielle qui remplaça les cultes locaux et régna désor-
mais sur toute la Ghaldée^
Au sommet de la hiérarchie trône le dieu suprême, Ilou,
qu'à Ninive on nomme plus tard Assour. Du dieu suprême
émana le chaos primordial, la matière encore sans forme
et dans laquelle toutes les formes sont confondues. La
1. Fr. Lenormant, la Magie chez les Chaldéens, p. U3-124.
150 CHAPITRE IV. •
volonté, le verbe de dieu, sépara les éléments du chaos;
la lumière de dieu pénétra l'univers, l'anima et maintint
l'ordre établi par le verbe. Ces trois puissances, la matière,
le verbe, la providence, sont la première trinité de la reli-
gion chaldéenne, celle qui sort directement de dieu et nous
montre les formes divines employées à la création et à la
conservation du monde: la matière s'appelle Anou (Oan-
nès); le verbe, Bel; la providence, Nouah. Sur les monu-
ments, Anou, ce l'antique, le père des dieux, le seigneur
du monde inférieur, le maître des ténèbres et des trésors
cachés, » a la figure d'un hommes à queue d'aigle, coiffé de
la tête d'un poisson monstrueux dont le corps lui retombe
sur les épaules et sur les reins. Bel, « le démiurge, le
seigneur du monde, le maître de toutes les contrées, le
souverain des esprits, » est un roi assis sur un trône. Il a
deux formes secondaires : Bel-Mardouk, à Babylone, et Bel-
Dagan au corps de poisson surmonté d'un buste humain.
Nouah, nommé aussi Nisrok et Shalmanou (le sauveur),
« le guide intelligent, le seigneur du monde visible, le
maître des sciences, de la gloire, de la vie, » est un génie
muni de quatre ailes éployées comme les chérubins. Cha-
cun de ces dieux se dédouble en une divinité femelle qui
est sa forme passive et comme son « reflet 3>, Anat (Anaïtis),
Bélit (Bêltis, Mylitta) et Tihavti (Thauatth). Anat, Bélit et
Tihavti, moins vivaces que leurs associés mâles, se per-
dent aisément les unes dans les autres et se réunissent le
plus souvent en une seule qui prend le nom de Bélit et
représente le principe féminin de la nature, la matière
humide et féconde*.
Cette première trinité ne renferme que des êtres d'un
caractère vague et indéterminé. La seconde se compose du
dieu-lune Sin, du dieu-soleil Samas et de l'atmosphère
Bin. Les Chaldéens, astronomes avant tout, accordaient le
pas au dieu-lune sur le dieu-soleil ; Sin pétait pour eux
« le chef, le puissant, l'étincelant 5> et aussi « le seigneur
1. G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. I, p. 115-123 ; Fr. Le-
normant; Histoire d'Orient, t. II, p. 182-184 ; tatd àe êommentaire
des fragments cosmogoniques de Bérose, p. 64-70.
LA GHALDÉE. l5l
des trente jours du mois. » Samas est « le grand moteur,
le régenty ^arbitre du ciel et de la terre. » Bin^ « le minis-
tre du ciel et de la terre^ le distributeur de Tabondance,
le seigneur des canaux, » joue un rôle à la fois bienfaisant
et terrible : « chef de la tempête, du tourbillon, de l'inon-
dation, » il tient à la inain, comme une épée flamboyante,
la foudre au quadruple dard. Apres cette seconde triade,
viennent les dieux des planètes : Adar (Saturne), Mar-
douk (Jupiter), Nergal (Mars), Istar (Vénus) et Nabou
(Mercure). Adar, souvent désigné sous le nom de Sam-
dan (le puissant), n*est autre que l'Hercule assyrien : c'est
lui (jTue les grands bas-reliefs du Louvre nous montrent
sous les traits d^un géant qui étouffe un lion entife ses
bras. Aussi lui donne-t-on les titres les plus énergiques :
il est « le terrible, le seigneur des braves, le maître de la
force, lé destructeur des ennemis, celui qui châtie les
désobéissants et extermine les rebelles, le maître du fer. 55
Mardouk, de dieu planétaire, devint plus tard le dieu
principal de Babylone et se confondit avec Bel. Nergal
passe pour « le grand héros, le roi des mêlées , le maître
des batailles, le champion des dieux ; 5> il a la figure d*un
lion à tête ou à buste d^homme. Istar, de même qu'Anat
et Bêltis, personnifie la nature. Dans un de ses rôles, elle
est guerrière, « reine de victoire » et « juge des exploits
de la guerre ?> ; comme telle on la voit debout sur un lion
ou sur un taureau, coiffée de la tiare étoilée, armée de
l'arc et du carquois. Elle est aussi la déesse de la volupté
et de la génération, et prend alorâ le strmom de Zi^-banit,
« productrice des êtres 5> ou Zarpanit : elle est repré-
sentée de face, toute nue et les deux mains pressées con-
tre la poitrine. Nabou, enfin, est « le Capitaine de l'ûfiivérs,
1 ordonnateur des œuvres de la nature, qui fait succédef
a-u lever du soleil son coucher. 5> ; on le regardait (îomme le
type de tout ce qu'il y avait de parfait sur la terre, et le
ïûodèle auquel les rois devaient s'efforcer de ressembler*.
1. Fr. Lenormant, Histoire, t. II, p. 184-186; Essai de commentaire,
p. 93-124.
152 CHAPITRE IV.
Les dieux des cinq planètes, unis aux dieux des deux
Irinités et au dieu souverain, formaient le grand conseil
des douze dieux, les seigneurs des dieux qui présidaient
aux douze mois de Tannée et aux douze signes du zodiaque* .
Leur culte était répandu par tout le pays et faisait le fonds
(le la religion officielle ; mais la religion populaire plaçait
au-dessous d'eux nombre de divinités secondaires. Quel-
ques-unes de ces divinités n'étaient en réalité que des for-
mes secondaires des grands dieux auxquelles la tradition
locale donnait une existence distincte : Zagar est une des
opithètes d'Adar, Bélit-Balati « la dame de vie », une des
opithètes de Bélit personnifiée. D'autres étaient de vérita-
bles personnes et avaient des fonctions d'une certaine im-
portance, présidaient à des constellations comme Ashmoun
etKoummout, ou veillaient sur les récoltes comme Serakh ;
Bel-Aoura était le génie du feu, Baou le Chaos, Martou, fils
d'Anou, rOccident et Shadou l'Orient. Plusieurs avaient été
empruntées à des peuples voisins, aux Susiens, comme
Lagamar et Sousinka ou peut-être aux Syriens. Les trente-
six décans étaient représentés par autant de dieux qu'on
nommait « dieux secondaires ». « De ces dieux secondaires,
la moitié habite au-dessus, l'autre moitié au-dessous de la
terre pour la surveiller : tous les dix jours, l'un d'eux est
envoyé en qualité de messager de la région supérieure à
l'inférieure, et un autre passe de celle-ci dans celle-là par
un invariable échange *. »
Histoire ffabulease de la Chaldée; le délai^ei
les premiers rois hlslorlqaes.
Placées Tune à côté de l'autre et comme enchevêtrées
l'une dans l'autre, les tribus touraniennes et koushites ne
tardèrent pas à s'allier et à se confondre. De leur union sor-
tirent des populations mixtes , dont le domaine, compris
entre le plateau de l'Iran et le grand désert d'Arabie, se
divisa naturellement en deux parts. A l'est du Tigre se
l.Diodore de Sicile, II, 30. — 2. Id., II, 30.
LA CHALDÉE. 153
forma la nation susienne et le royaume d'Élam; à Touest,
s'éleva le premier empire chaldéen.
L'Élam commence aux bords du fleuve par une riclie
plaine d'alluvions aussi fertile que la Ghaldée elle-même.
Le froment et Torge y rendaient cent et parfois deux cents
pour un • ; le palmier et le dattier y croissaient abondam-
ment, surtout dans le voisinage des villes ; d'autres espèces
d'arbres, l'acacia, le peuplier, étaient répandues en abon-
dance à la surlace du pays*. Bientôt cependant le sol s'élève
gradin à gradin vers le plateau de Médie ; le climat devient
de plus en plus froid, la terre de moins en moins produc-
tive. Des montagnes coulent nombre de rivières, dont les
plus importantes, le Khoaspès, le Pasitigris, TEulseos
^Oulaï), sont dans leur partie inférieure aussi larges que
le Tigre et l'Euphrate. Au confluent des deux bras du
Khoaspès, sur la lisière de la grande plaine et à huit ou
dix lieues des montagnes, les rois d'Élam avaient bâti Suse,
leur capitale. La forteresse et le palais royal s'élevaient sur
un monticule qui dominait au loin la plaine : à ses pieds
et dans la direction de l'Orient s'étendait la ville construite
de briques séchées au soleiP. Plus haut, sur le fleuve, on
rencontrait Madaktou, la Badaca des auteurs classiques; le
le reste du pays était couvert de grandes cités, Naditou,
Khamanou, qui portent, pour la plupart, le titre de villes
ïoyales*. La Susiane formait en effet une sorte d'empire
féodal, divisé en petits États indépendants l'un de l'autre,
mais réunis sous l'autorité d'un même prince, qui résidait
de préférence à Suse. L'élément touranien y dominait et
avait fini par faire dominer sa langue, au moins comme
langue officielle et comme idiome commun"; néanmoins les
Koushites gardèrent jusqu'aux derniers temps leur natio-
nalité et sont reconnaissables sur les bas-reliefs ninivites
à leur type négroïde. La Susiane devint tout d'abord le
siège d'une civilisation puissante, antérieure même à celle
1. Strabon^ 1. XV^ 3. — 2. Loftus, Chaldâsa and Susiana, p. 270-346.
"" 3. Id., ibid,, p. 347.— 4. Finzi, Ricercheper lo studio dell* antichità
owiro, p. 293-304. — 5, Fr. Lenormant, La Magie, p. 320.
154 CHAPITRE IV.
de la Ghaldée. Le peu que nous savons de sa religion par
les monuments d'époque postérieure nous transporte dans
un monde nouveau, plein de noms et de formes étranges. Au
sommet de la hiérarchie divine, il semble qu'on trouve un
dieu et une déesse suprêmes, nommés à Suse Sousinka et
Nakhounté : la statue de Nakhounté, inaccessible aux. pro-
fanes, était cachée dans le bois sacré de Suse, dont Assour-
ban-nabal la tira au septième siècle avant notre ère. Vien-
nent ensuite six dieux de premier ordre, répartis en deux
triades et dont le plus connu, Oumman, est peut-être le
Memnondes Grecs*. Pour le reste, la civilisation susienne
paraît avoir présenté toujours les plus grandes analogies
avec la civilisation chaldéenne. Autant qu'on peut en juger,
Susiens et Ghaldéens avaient à peu près les mêmes mœurs,
les mêmes usages militaires, les mêmes aptitudes indus-
trielles et commerciales.
A l'ouest du Tigre dominaient deux nations souveraines,
les Soumirs et les Accads, dont la fusion produisit la race
chaldéenne^. En arrivant sur le sol de la Ghaldée, les émi-
grants n*y avaient trouvé ni carrières ni mines*. Ils en fu-
rent réduits à construire leurs habitations avec les plantes
de marais : liant plusieurs tiges ensemble et courbant les
faisceaux en manière d'arche, on obtenait une sorte de
charpente sur laquelle des nattes étendues formaient les
murs\ Plus tard, on substitua aux joncs le palmier, puis
la brique. Le sol de la Babylonie fournit en effet une ar-
gile excellente qui, séchée au four, ou simplement exposée
au soleil, devient assez dure pour entrer dans la construc-
tion d'un édifice. Cest avec ce» matériaux divers que furent
construites les premières villes de la Ghaldée, Our *, Ou-
l. Fr. Lenormant, La Magie^ p. 137-323. — 2. M. Oppért tient les
Soumirs pour Touraniens ; l*écol6 anglaise et M. F. Lénorlûant consi-
dèrent les Soumirs comme Koushites et voient des Touraniens dans les
Accads. — 3. G. Rawlinson, Thefivegreat Monarchies, p. 38. —4. C'est
encore la façon dont les Arabes chaldéetis constf uisÉmt leurs huttes.
Cf. Layard, Nineveh et Babylm, p. 554-555; Loftusj Chaldasa and
Susiana, p. &I.g2. — 5. Aujourd'hui Moughéir « la Intuminée *.
LA CHALDÉE. 155
routh *, Larsam*, Nipour*, Sippara*, Borsip', Babel. Our,
•située sur la rive droite de TEuphrate, non loin de Tan-
cienne embouchure, fut le grand entrepôt du commerce
maritime de ces premiers temps : ses vaisseaux allaient au
loin, sur le golfe Persique et jusque dans la mer des Indes®.
Elle s'élevait au milieu d'une plaine basse, coupée çà et là
de collines sablonneuses. Au centre se dresse un temple à
trois étages, construit en briques revêtues de bitume; tout
autour de la ville règne une ceinture de tombeaux, que les
voyageurs ont largement exploités au profit de la science '.
Sur les deux rives de l'Euphrate, entre Our et Sippar, s'é-
chelonnaient Zirgilla", Eridou', Karrak*®, Kouti", Aganê*^.
La plupart de ces villes ont laissé des ruines considérables,
(jui, sans remonter tout à fait aux premiers temps de la
colonisation touranienne, nous reportent vers une antiquité
si reculée, qu'on n'a pas encore réussi à l'évaluer avec cer-
titude.
C'est dans l'enceinte de ces vieilles cités aujourd'hui per-
dues que se fit l'énorme croisement de races et d'idées d'où
sortirent la nation et la civilisation chaldéennes. La fusion
de deux éléments aussi contraires que le sont l'élément
koushite et l'élément touranien ne put s'accomplir qu'au
1. Erekh ou Orekk de la Bible {Genèse j xiy, 1), YOrchoé des anciens
(Strabon, XVI, 1 ; Ptolémée, Y, 20), aujourd'hui Warka. — 2. Peut-
être la LaranchâP' de Bérose (Fr. I, édit. Lenormant) et la Larissa d'Âp-
poUodofc {Biblioth. II, 4, 4), aujourd'hui Senkereh ou Sinkara (Oppert,
Expédition^ t. I, p. 266, sqq). — 3. La Nopher du Talmud, la Calneh
{Gênèsêj X, 10) ou Calno {Isaîey x, 9) des Hébreux; d*après Oppert
(Histoire des empira de Chaldée et d'Assyrie^ p. 21), Ilekal Anou • la
demeure du dieu Anou », aujourd'hui Niffer. — 4. La Sepharvaïm de
l'Écriture ; cf. Finzi, Ricerche per îo studio, etc., p. 193-195. —
5. Id., ibid., p. 189-190. — 6. H. Rawlinson dans le Journal of the
geographical Socretij, t. XXVII, p. 185. —7. 0. Rawlinson, The five
ffraat kùnarehieSf t. I, p. 1&-16; Finzi, Ricerche, p. 174-177. — 8. Au-
jourd'hui Zergkoul (Fr. Lenormant, Études accadiennes, t. I, 3* partie,
p. 77). — 9. Lai Rata de Ptolémée (V, 22); cf. Oppert, Expédition de
Mésopotamie, I, 269,- qui lit le signe Rat. — tO. Fr. Lenormant, Études
accakiermes, X. 1,3* partie, p. 77. — 11. Cutha (Finzi, Ricerche, p. 190-
192). — 12. C'était un quartier de Sippara, situé sur la rive droite
de l'Euphrate et qu'on regardait comme une ville distincte (Fr. Le-
normani, Les Premières civilisations, i, II, p. 105).
156 CHAPITRE IV.
milieu de luttes sanglantes et de déchirements perpétuels.
Nul écho de ces guerres lointaines n'est encore arrivé jus-
qu'à nous. Si haut que les monuments nous fassent remon-
ter dans rhistoire, nous trouvons les Soumirs et les Accads
mêlés en un seul peuple. La terre de Soumir n'est plus,
comme la terre salique des écrivains du moyen âge, qu'un
souvenir à demi effacé, une tradition du passé dont on re-
cherche curieusement l'origine*. La langue touranienne
s'éteint peu à peu et ne survit plus que dans les temples ou
dans les écoles comme langue sacrée '. Le syllabaire toura-
nien, adapté aux usages des Koushites, sert à écrire un
idiome sémitique : chaque caractère répond à de nouveaux
sons, sans laisser pour cela de garder sa valeur primitive.
Le son ilou, qui rend l'idée de dieu, s'attache au caractère
*- >■ J— sans lui faire perdre le son an. Le signe ^J, soleil et
jour, a la prononciation shamas, youm à côté des valeurs
touraniennes out, oud, par, parra. Les deux cultes se sont
mêlés l'un à l'autre dans des proportions inégales. Le kou-
shite Mardouk s'unit au touranien Silik-molou-khi*, Eâ se
confond avec Nouah, Sin avec Hourki; mais les dieux
à noms sémitiques l'emportent sur leurs rivaux. Les dieux
touraniens en sont réduits à se réfugier dans les pratiques
de la magie et forment, à côté de la religion officielle, une
sorte de religion populaire, ou plutôt une sorcellerie soli-
dement organisée. Le sacerdoce magique se^divisait en trois
classes : les conjurateurs, les médecins, les théosophes. Il
a essayait de détourner le mal et de procurer le bien, soit
par des purifications, soit par des sacrifices ou des enchan-
tements*. » Les rites et les incantations qu'il employait
sont conservés en partie dans un grand ouvrage dont les
débris se trouvent au Musée britannique.
Il était divisé en trois livres. Dans le livre des Mauvais
esprits sont les formules dirigées contre les démons;
le second livre est rempli d'incantations contre les mala-
dies; le troisième, d'hymnes mystérieux, destinés à évo-
1. Norris, Assyrian JHetion., part. II, p. 701. — 2. Fr. Lenormant, La
Magie, p. 289, 199. — 3. Id., ibid., p. 9, 18, 175-177. — 4. Diodore de
Sicile, II, 29.
LA CHALDÉE. 157
quer les dieux. La plus efficace des formules préserva-
trices empruntait sa puissance « au grand nom suprême »
de la divinité qu'Eâ seul connaît et dont il communique la
science à Silik-moulou-khi. Aux formules d'incantation ve-
naient se joindre les talismans de diverses espèces, bandes
d'étoflfe attachées aux meubles et aux vêtements, amulettes
de bois, de pierre ou de terre cuite, statuettes de monstres
et de génies. Le porteur ou" le possesseur de ces talismans
était inviolable même aux dieux; car le talisman était « une
borne qu'on n'enlève pas, une borne que les cieux ne fran-
chissent pas, borne du ciel et de la terre qu'on ne déplace
pas, qu'aucun dieu n'a déracinée; une barrière qu'on n'en-
lève pas disposée contre le maléfice ; une barrière qui ne
s'en va pas et qu'on oppose au maléfice. » On peut voir au
Louvre une statuette en bronze qui représente un démon
au corps de chien, aux pieds d'aigle, aux bras armés de
griffes de lion, à la queue de scorpion, à la tête de squelette
et aux cornes de chèvre : quatre grandes ailes éployées om-
bragent son dos. C'est un talisman. Une inscription toura-
nienne tracée le long des reins nous apprend que « ce joli
personnage est le démon du vent du Sud-Ouest » et qu'il
suffisait d'en placer l'image à la porte ou à la fenêtre
d'une maison pour éloigner les mauvais génies.
A côté du magicien d'action bienfaisante, il y avait l'en-
chanteur qui évoque les démons dans une intention crimi-
nelle, le charmeur, la charmeuse, le jeteur de sorts, le fai-
seur de philtres. Le sorcier chaldéen, comme ses confrères
modernes, vendait des poisons, envoûtait, déchaînait par
ses imprécations les esprits de l'abîme. « L'imprécation
agit sur l'homme comme un démon mauvais,... l'impréca-
tion de malice- est l'origine de la maladie. » Tout malade
passait pour ensorcelé et ne pouvait être guéri que par l'ef-
fet d'une conjuration contraire à la conjuration qui l'avait
frappé. Aussi n'y avait-il pas à proprement parler de méde-
cins à Babylone* : il y avait des prêtres sorciers qui ven-
daient des philtres et des amulettes contre les maladies.
|. Hérodote,!, cxcvii,
158 CHAPITRE IV.
Sans doute Texpérience des siècles leur avait fait connaître
les vertus d'un certain nombre de plantes et de substances
médicinales : leurs breuvages et leurs poudres magiqxies
étaient souvent de véritables remèdes appliqués aux diffé-
rentes maladies. Mais poudres et breuvages n'allaient ja-
mais sans Tincantation : si le malade guérissait, l'incanta-
tion et non le remède avait Thonneur de la cure*.
En se fondant, les races chaldéennes perdirent la mé-
moire de leurs origines : le souvenir de leurs migrations et
de leurs luttes s'effaça de leur esprit. Elles localisèrent aux
bords du Tigre et de TEuphrate les traditions qu'elles
avaient apportées de leur patrie transoxienne, et placèrent
en Ghaldée l'origine des hommes et des choses. Tout un
cycle de légendes épiques et religieuses se développa « dont
la conception et la marche ont quelque chose de très-ana-
logue aux épopées de l'Inde. C'étaient de même des his-
toires de héros divins, de dieux transformés en rois pri-
mitifs, dont on racontait les actions, l'existence terrestre,
les exploits guerriers, les aventures fabuleuses, les fonda-
tions de villes et d'empires, histoires qui servaient d'occa-
sion et de prétexte pour amener au cours des événements
les légendes cosmogoniques'. » Bérose et les débris delà
littérature assyrienne nous permettent de reconstituer au
moins en partie quelques épisodes de ces légendes qui for-
maient l'histoire fabuleuse de la Ghaldée.
ce Dans l'origine, il y eut à Babylone une grande multi-
tude d'hommes de races diverses qui avaient colonisé la
Ghaldée. Us vivaient sans règle à la manière des animaux.
Mais dans la première année apparut, sortant de la mer
Rouge, en l'endroit où elle confine à la Babylonie, un ani-
mal doué de raison, nommé Oannés*. Il avait tout le corps
d'un poisson, mais par-dessous sa tête de poisson une au-
tre tête [qui était celle d'un homme], ainsi que des pieds
d'homme gui sortaient de sa queue de poisson : il avait la
voix humaine, et soa image se conserve encore aujour-
1. Fr. Lenormant, LaMagte, p. 11-20. —2. lenormant^ Les Premières
civilisations, t. II, p. 82. — 3. Helladius dans Photius {Biblioth^ cod.
279, p. 1593) l'appelle 'ÛVjç; Hygia (Fàb. gclxiv), i'u/wneî.
LA CHALDÉE. 159
d'hui. Cet animal passait la journée au milieu des hommes
sans prendre aucune nourriture; il leur enseignait la pra-
tique des lettres, des sciences et des arts de toute sorte,
les règles de la fondation des villes et de la construction
des temples, les principes des lois et la géométrie, leur mon-
trait les semailles et les moissons ; en un mot, il donnait
aux hommes tout ce qui contribue à radoucissement de la
vie. Depuis ce temps, rien d'excellent n'a été inventé. Au
coucher du soleil, ce monstrueu^^ Oannès se plongeait de
nouveau dans la mer et passait la nuit sous les flots : car il
était amphibie. Il écrivit sur Torigine des choses et de la
civilisation un livre qu'il remit aux hommes ^ y>
Un long intervalle s'écoula entre cette première mani-
festation du dieu et l'apparition d'une dynastie mythique,
a Le premier roi fut Alôros, de Babylone, Ghaldéen, duquel
on ne conte rien, si ce n'est qu'il fut choisi de la divinité
même pour être pasteur du peuple. Il régna dix sares^ ce
qui fait trente-six mille ans, car le sare est de trois mille
six cents ans, le nère de six cents ans, le sâsse de soixante
ans. Alôros étant mort, son fils Alaparos commanda trois
sares durant; après quoi, Amillaros^, de la ville de Panti-
biblia', régna treize sares. C'est sous lui que sortit de la
mer Erythrée le second Annêdôtos, très-rapproché d'Oan-
nès par sa forme semi-divine, moitié homme, moitié pois-
son. Après lui, Ammenon, aussi de Pantibiblia, Ghaldéen,
commanda l'espace de douze sares : sous lui parut, dit-on,
rOannès mystique. Ensuite Amelagaros de Pantibiblia,
conjmanda dix-huit sares. Ensuite Davos, pasteur, de Pan-
tibiblia, régna dix sares ; sous lui sortit encore de la mer
Erythrée le quatrième Annêdôtos, qui avait la même figure
que les autres, mélangée d'homme et de poisson. Après lui
régna Evèdoranchos, de Pantibiblia, pendant dixrhuit sa-
res ; de son temps, sortit encore de la mer un autre mons-
tre, nommé Anôdaphos. Ces divers monstres développèrent
soigneusement et point par point ce qu'Oannès avait exposé
1. Bérose, Fragm., I, édit. Lenormant.— 2. Var. Almelôn. — 8. Sip^
para, ou plutôt^ d*après les recherclies nouveUes de M. Fr. Lenormaat
ILa langue primUive de la ChtiMée^ p. 841-342)^ Ouroukh.
160 CHAPITRE IV.
sommairement. Puis régnèrent Amempsinos de Larancha*,
Chaldéen, pendant dix sares, et Obartès ^, aussi de Laran-
cha, Chaldéen, pendant huit sares. Enfin, Obartès étant
mort, son fils Xisouthros * tint le sceptre pendant dix-huit
sares. C'est sous lui qu'arriva le grand déluge, de sorte
que Ton compte en tout dix rois, et que la durée de leur
pouvoir monte ensemble à cent vingt sares *.
Les écrivains classiques se sont moqués du chiifre fa-
buleux d'années que les Chaldéens attribuaient à leurs pre-
miers rois*. Il semble en effet que du commencement du
monde au déluge on admettait un intervalle de six ceni
quatre-vingt-onze mille deux cents ans, dont deux cent
cinquante-neuf mille deux cents s'étaient écoulés à l'avéne-
ment d'Alôros, et quatre cent trente-deux mille étaient ré-
partis généreusement entre lui et ses successeurs immé-
diats ^ Aussi la plupart des historiens modernes se sont-ils
accordés à revêtir ces dix rois d'un caractère astronomique
et à reconnaître en eux la personnification de dix des signes
du zodiaque ^ La durée de quatre cent trente-deux mille
ans attribuée à l'ensemble de leurs règnes, soit quarante-
trois mille deux cents ans pour chacun d'eux, a été calculée
évidemment de manière à entrer dans une grande période
astronomique de douze fois quarante-trois mille deux cents
ans dont l'existence paraît prouvée, bien que l'origine et la
raison en soient inconnues. Les temps qui précèdent le dé-
luge représentaient une période d'essai pendant laquelle
l'humanité encore barbare eut besoin des secours d'en haut
pour surmonter les difficultés qui l'entouraient. Ils sont rem-
plis par six manifestations de la divinité, qui sans doute ré-
pondaient au nombre de livres sacrés dans lesquels les prê-
tres voyaient l'expression la plus complète de la loi révélée *.
1. Larsam, ou, s'il faut admettre la correction proposée par M. Le-
normant {La langue primitive, p. 342) au texte de Bérose, l£ou]pà[TC]xa
pour [Aa]pà[y]xa, Sourippak. —2. Var. Otiartès. — 3. Var. Sisithès. —
4. Bérose {Fragm. IX, X, XI, éd. Lenormant).— 5. Cicéron, De Divina-
tione, 1, 19; African., ap. Syrie,, p. 17.— 6. Fr. Lenormant, Essai d'inter-
prétation, p. 226-240. — 7. Movers, Die Thcenixier, t. I, p. 105 sqq.;
Lenormant, Essai, p. 236-240.— 8. Movers, Die JPhœnijsier, 1. 1, p. 93, sqq.
LA GHALDÉE. 161
Une nuit, le roi Xisouthros <c entendit le dieu.Nouah^
qui lui dit : « Homme de Sourippak, fils d'Obartoutou,
a fais un grand vaisseau pour toi [et les tiens; car] je vais
a détruire les pécheurs et la vie... Fais entrer en ce vais-
cc seau la semence de vie de la totalité des êtres pour les
c< conserver. » Il lui commanda d'enfouir les livres, ceux
qui contenaient le commencement, le milieu et la fin, dans
la ville de Sippara, et, après avoir tout préparé, de partir.
Gomme Xisouthros lui demandait : «Où aller?» il répondit :
ce Vers les dieux, » et saoula qu'il fallait prier pour qu'il
arrivât du bien aux hommes. Xisouthros obéit et se con-
struisit un navire calfeutré de bitume. « Tout ce que je pos-
sédais, je le réunis; tout ce que je possédais d'argent, je le
réunis; tout ce que je possédais d'or, je le réunis; tout ce
que je possédais de la semence de vie, je le réunis ; le tout,
je le fis entrer dans le vaisseau. Tous mes serviteurs mâles
et femelles, les animaux domestiques des champs, les ani-
maux sauvages des champs et les jeunes hommes de l'ar-
mée, eux tous, je les fis entrer. » L'opération terminée,
le- dieu Samas éleva la voix au milieu de la nuit : « Je
a ferai pleuvoir du ciel abondamment : entre dans le vais-
a seau et ferme ta porte. » Il suscita l'inondation et il parla,
disant dans la nuit : « Je ferai pleuvoir du ciel abondam-
« ment. » Dans le jour où je célébrai sa fête, le jour qu'il
avait déterminé, j'eus peur, j'entrai dans mon navire et je
fermai ma porte : pour guider le vaisseau vers les sommets
inaccessibles des montagnes, je confiai la demeure au pi-
lote.
« Au matin, la fureur d'une tempête s'éleva et s'étendit
largement sur le ciel. Bin^ tonna au milieu du ciel, Nébo*
et Sarou* s'avancèrent en face; les dévastateurs marchèrent
sur les montagnes et les plaines; NergaP, le destructeur,
bouleversa (tout) ; Adar marcha en avant et terrassa ; les
Génies portèrent partout la destruction et balayèrent la
terre dans leur gloire : la terre brillante fut changée en un
1. Saturne dans le texte de Bérose. — 2. Le dieu de la tempête. —
3. Le dieu de la planète Mercure. — 4. Génie qui accompagne Nébo. —
5. Le dieu de la planète Mars.
HIST. ANC. U
162 CHAPITRE IV.
désert.... Le frère ne vit plus son frèrel La tempête n'épar-
gna pas le peuple ; les dieux mêmes la craignirent dans le
ciel et cherchèrent un refuge : ils montèrent Jusqu'au fir-
mament. » Istar pleura sur le sort de Thumanité, et « les
dieux ainsi que les esprits pleurèrent avec elle; les dieux
sur leurs trônes se lamentèrent.... Six jours et six nuits
passèrent; le tonnerre, la tempête et Fouragan, dominaient.
Dans le cours du septième jour l'ouragan se calma et la
tempête, qui avait tout détruit comme dans un tremble-
ment de terre, s'apaisa. La mer se dessécha; le vent et la
tempête prirent fin. Je fus porté à travers la mer : celui
qui avait fait le mal et toute la race humaine qui avait
tourné au péché, leurs corps flottaient comme des roseaux.
J'ouvris la fenêtre, et la lumière entra dans ma retraite ; je
m'assis tranquille, et la paix vint sur ma retraite. »
L'arche qui renfermait les destinées de la race humaine
vint s'arrêter au pays de Nizir, sur le sommet des monts
&ordyaeens. Après sept jours d'attente « je Iftchai dehors une
Colombo, et elle partit. La colombe partît, elle chercha, et,
ne tik)uvant pcfint de place où se reposer, elle revint. Je lâ-
chai dehors une hirondelle, et elle partit. L'hirondelle par-
tit, elle chercha, et, ne trouvant point de place où se repo-
ser, ellft revint. Je lâchai dehors un corbeau, et il partit.
Le corbeau partit, et il vit des cadavres sur les eaux, et il
les mangea; il flotta et erra au loin et ne revint pas. Je lâ-
chai dehors les animaux aux quatre vents. Je versai trac
libation, je bâtis un autel sur le pic de la montagne. » Les
prières de Xisouthros et des dieux calmèrent enfin la colère
de Bel : il consentit à laisser vivre ce que l'arche avait
sauvé de l'humanité et à ne jamais renouveler le déluge,
a Quand sa sentence fut décidée. Bel entra au milieu du
vaisseau; il prit ma main et me conduisit dehors; moî il
me conduisit dehors et fit amener ma femme à mon côtô.
Il purifia le pays, établit un pacte et prit en main le peu-
ple. » La légende ajoutait qu'après avoir offert le sacrifice
avec sa femme, sa fille et le pilote, Xisouthros, « pour être
semblable aux dieux,, fut emporté » et disparut à jamais,
a Ceux qui étaient restés à bord ne le voyant pas rentrer
LA CHALDÉiB. 103
débarquèrent et se mirent à le cherdief en TappelttAt par
son nom. Il ne se montra pas Ini-^même, mais nfte toix ^dnt
du ciel qui leur ordonna d'être pieux enirers les dieux : car
lui, en récompense de sa piété, il «Hait hd^iter avee len
dieux, et sa femme, sa fille et le pilote, partageaient Uf
même honneur. Il leur dit de retourner à Babylone; qu'il
leur était réservé à eux, partis de Sippara, de déterrer letf
livres et de les remettre aux bommes; enfin, que la terre
où ils se trouvaient était la terre d'Arménie. Après avoir
entendu ces paroles, ils sacrifièrent aux dieux et s'en allè-
rent à pied à BabyI6ne. Une partie de cette arche qui s'était
arrêtée en Arménie subsiste encore dans les monts Gor-*
dyaeens d'Arménie : quelques pèlerins raclent l'asphalte
c[ui la recouvre et s^en servent comme d'amulette pour dé-
tourner les maléfices '. Arrivés à Babylone, les compagnons
de Xisouthros déterrèrent les livres de Sippara, écrivirent
beaucoup de livres, construisirent des temples et fondèrent
de nouveau Babylone*. ^
La race qui peupla de nouveau k terre fui une race de
géants, ce On. raconte que les premiers hommes, enflés de
leur force et de leur grandeur, méprisèrent les dieux et se
crurent supérieurs à eux : ils élevèrent donc une tour très**
haute, à l'endroit où est maintenant Babylon>e. Déjà elle
approchait du ciel, quand les vents, accouras au secours
des dieux, renversèrent la constructioïi sur le* ouvriers :
les ruines en sont appelées Babel. Jusqu'alors les hommeiSF
n'avaient eu qu'une seule langue : mais les âiewi les for-
cèrent àparler désormais des idiomes différents*. »Lamêma
tradition se retrouve à peu près sous la même forme dans
les livres sacrés des Hébreux*. Elle est d'ailleurs Idéalisée
1. On a trouvé, en effet, des amulettes babyloiiiens de basée épeque
faite d'un morceau de bitume sur lequel sont gravés des mots cabalis-
tiques en lettres grecques. — 2. Bérose, Fragm., 15-16^, édît. Lenop-
mant. Le récit du déluge est emprunté, partie aux fragments de Bé-
rose, partie aux tablettes assyriennes traduites pour la première Ibîspar
6^. Smilb, The CJwMëswh ûccmmt of th» Déluge^ dïuis les Trmfumtiont'
êftkeSoeietgefBihUcal Arthaiùlogyj t. I, p. 313^234; cf. Lenormant,
lespremiètes dvi^oHont, 1. 1, p. l-^Hil et &, Smi«h, Âss^Hm DiteweriM
1875, p. leS'-Sîî.— 2. Béroee, Fragm., XVH, XVIIF*— 4. Ge^e, XI, 1-9.
164 CHAPITRE IV.
dans la plaine de Sennaar, c'est-à-dire en CSialdée , et fait
entièrement défaut aux autres peuples de la famille sémiti-
que, à plus forte raison aux peuples de race aryenne *■ ou
touranienne. Il y a donc lieu de croire que c'est une tra-
dition propre aux Koushites des bords de l'Euphrate. Une
des versions du récit mettait la Tour des Langues dans
Our ou Calanneh, Tune des plus anciennes, sinon la plus
ancienne, parmi les métropoles de la Ghaldée méridionale ^ :
mais la tradition le plus généralement acceptée la place non
loin de Babylone ou dans Babylone même. Non que Téty-
mologie biblique Babel, de belel , confondre^ soit conforme
à l'orthographe réelle du mot : Babel ^ Bab-ilou, signifie
simplement « la porte du dieu Ilou ». Quant à là tour elle-
même, les Ghaldéens l'identifiaient avec la tour de Borsippa,
qui, au témoignage du roi Naboukoudouroussour, était res-
tée inachevée de temps immémorial *. Elle se composait de
sept terrasses superposées, consacrées chacune à un dieu
différent et peinte de la couleur propre à son dieu. Chaque
terrasse avait la forme d'un carré parfait et était construite
en retraite sur la terrasse inférieure, si bien que l'édifice
présentait l'aspect d'une vaste pyramide à gradins, très-
large à la base, très-étroite au sommet. Le tout reposait
sur un (soubassement rectangulaire qui portait à huit le
nombre des étages superposés. Les faces de l'édifice, et
non les angles, étaient orientées d'après les quatre points
cardinaux, contrairement à l'usage babylonien *.
Aussitôt après le déluge et la confusion des langues se
plaçait l'avènement de la première dynastie humaine. Au
dire de Bérose, elle était chaldéenne et comptait quatre-
vingt-six rois, qui avaient régné en tout trente-quatre mille
quatre-vingts ans : les deux premiers d'entrevcux, Évçkhous
et Khomasbêlos, étaient restés sur le trône deux mille
quatre cents et deux mille sept cents ans. D'après le Syn-
l. Les Arméniens exceptés, qui l'ont empruntée, soit aux livres sacrés
des Ghaldéens, soit aux livres sacrés des Hébreux. — 2. Esàiey IX^ 10
(Version des LXX). — 3. W,A. L T. I, 51. 1; O^ipeTt, Études assyriennes,
p. 91-132, et Fr. Lenormant, Essai d interprétation, p. 351-352. —
4f Oppert, Expédition en Mésopotamie, t. I, p. 168-182; 200-216,
LA GHALDÉE. 165
celle, elle ne se composait que de six monarques : Ëvè-
khous, Khomasbêlos, Pôros, Nekhoubas, Nabios, Onibal-
los et Zinziros, et n'avait régné que deux cent vingt-cinq
ans*. Il ne faut chercher à ces noms aucune valeur histori-
que, ni essayer de ramener à la vraisemblance la durée de
cette première dynastie. Les Ghaldéens avaient rempli les
époques primitives de leur histoire de fables et de légendes
épiques dont la tradition et les monuments nous ont gardé
quelques traces. Au nord, ils faisaient régner « Nimrod,
qui commença d'être puissant sur la terre. — Il fut un
puissant chasseur devant TÉternel ; c'est pourquoi Ton dit
jusqu'à ce jour : Gomme Nimrod, le puissant chasseur de-
vant l'Éternel. — Et le commencement de son règne fut
Babel, Érekh, Accad et Galneh, au pays de Sennaar*. »
Josèphe lui attribuait la construction de la Tour des
Langues*. Les interprètes chrétiens l'identifiaient avec Bê-
les *. La légende arabe prétend qu'il jeta Abraham le Juif
dans une fournaise ardente et qu'il essaya de monter au
ciel sui* un aigle \ Aujourd'hui encore, au pays de sa gloire,
la tradition attache son nom à toutes les ruines importan-
tes de la haute et de la basse Ghaldée ^. Mais lui seul a su
échapper à l'oubli : ses successeurs sont inconnus, on ne
dit pas combien de temps lui survécut son empire, ni même
si son empire lui survécut.
D'autres légendes plaçaient à côté de lui Izdoubar^, roi
de Sourippak. A l'aide de son serviteur Nouahbani, il
capture un taureau ailé, prototype des taureaux qui ornè-
rent plus tard les palais des monarques assyriens. Avec son
veneur Ssaïd il délivre le pays d'un monstre marin nommé
Boul, qui dévorait les jeunes filles exposées à sa fureur.
« Izdoubar dit à son veneur : Va, mon veneur, avec la
femme Hakoitou et la femme Oupasamrou, et quand le
monstre paraîtra, sortant de son empire, que chaque femme
•
1. Bérose, Fragm., dans MûUer, H, Gr, Fragm., t. II. — 2. Genèse y
X, 8, 10. — 3. ArU, Jud., 1, 4, § 2. — 4. Moïse de Khoren, Trad. liai.,
p. 23,1.1, ch. 711.— 5. Le Coran, Sourate 29, v. 23. Yakout, Lesrie. geogr.
s. V. Niffer. — 6. G. Rawlinson, Tke five grecA Monarchies ^ 1. 1, p. i54
— 7. La lecture du nom est douteuse.
l«e CHAPITJEUB IV.
dépose «00 vêtement: aio«i leur beauté ^V9. en vii«, et lui,
le monstre, se précipitera vers elles. Ak>rs, toi, immple-le
se livrant ainsi» 3» Au bout de trois jours Ssaïd rentra triom-
phant dans la ville d'Ouroukh^ Ces exploits contre les mon&-
^ très sont accompagnés de guerres contre les hommes et
d'unions avec les dieux. Izdouhar « avilit Bélésou. Gomme
un taureau, il foula son pays après lui ; —^ il le détruisit, et
sa mémoire périt, — Le pays fut subjugué, et après il prit
la tiare. » — « Avec complaisance la reine Istar tourna ses
yeux vers Izdoubar, et elle lui parla ainsi : Izdoubar, tu
seras mon mari ; ta parole me liera dans des liens ; tu
seras mon mari et je serai ta femme.... Alors te seront sou-
mis rois, seigneurs et princes; ils t'apporteront les tributs
des montagnes et des plaines, ils te donneront des présents
d'hommage.,.. Tu n'auras pas de rival. »
Cependant l'amour de la déesse n'a pu préserver le hé-
ros de la maladie ; il « craint la mort, ce dernier ennemi de
Thomme, »I1 se résout à consulter son ancêtre Xisoutbros,
pour apprendre de lui comment on cesse d'être moYtel.Un
songe lui révèle la route qu'il doit suivre pour aller rejoin*-
dre Xisoutbros, et les sortilèges du magicien Ourbel ^ lui
abrègent le chemin. Izdoubar et Ourbel s'embarquent sur
l'Euphrate, le descendent un mois et demi durant et parviens
nent dans un pays situé au milieu des marais où demeure
le vieux roi divinisé ; ils l'aperçoivent à distance, endormi
auprès de sa femme, mais ne peuvent franchir le cours
d'eau qui les sépare de la région divine, Xisoutbros, enfin
éveillé, raconte comment sa piété l'a sauvé du déluge et
lui a valu l'immortalité*. Il finit par enseigner à Izdoubar
les cérémonies expiatoires qui lui assureront une vfe per-
pétuelle. Tels étaient les récits merveilleux que les poètes
chaldéens avaient placés aux commencements de leur his-
toire'.
Chaque ville, au moins chaque ville importante, paraît
avoir en ses rois particuliers et ses dynasties locales, qui
1. OttHEftomM^ d'après M. Smith.^2. Ici se place le réeitdu déluge.-^
3. Fr. Lenormant, les-premières çimlisàtiom, t. II, p. 1-146; Schrader^
Die Hôllenfahrt der Istar, 1874, p. 66-68 ; G Smitb> Astunwfk DUcow-
ries, p. 165-222.
LA GHAU>Éfi. 167
tantôt subissaient l'influence des rois voisins, tantôt les
rangeaient sous leur domination. Le plus ancien groupe de
rois dont nous ayons des monuments avait sa capitale à
Our. Le nom du premier d'entre eux qu'on a lu dan»
ridiome sémitique Ouroukh ou Ourkham, dans l'idiome
touranien Likbagas.^, se trouve dans la Ghaldée entière, à
Larsam, à Ouroukh, à Nipour, à Sippar, aussi bien que dans
la capitale elle-même. Tout ce qui nous reste de lui porte le
caractère d'un* antiquité incontestable. Non-seulement les
briques estampées à son nom sont enfouies plus profondé-
ment que celles des autres princes chaldéens, mais le style
même des monuments où on les trouve employées est rude
et primitif. Ce sont des temples de proportions gigantes-
ques, dont les quatre angles étaient orientés soigneusement
sur les quatre points cardinaux du ciel. Les débris du plus
grand d'entre eux, celui d'Ouroukh, forment un monticule
d'environ soixante-dix mètres de côté et trente-cinq mètres
de haut ; près de trente millions de briques ont dû entrer
dans sa construction *. Les autres monuments de Likba-
gas, bien que de moindre étendue, présentent encore des
dimensions considérables. Leur nombre et leur grandeur
suffisent, en l'absence de tout autre document, à nous
donner une idée de la civilisation du peuple et de la
puissance du prince qui les a élevés. C'est à la conquête
seule que le roi d'Our pouvait demander le nombre d'ou-
vriers nécessaires à bâtir tant d'édifices sans épuiser son
empire*.
Les grands travaux entrepris par Likbagas furent conti-
nués sous Doungi et Ilgi, ses successeurs; on ne connaît
guère de ces princes et des vice-rois [patesi] de Zirgilla et
d'Eridou, leurs vassaux, que des noms sans histoire. Il sem-
1. La lecture Ouroukh, Ouriyak, avait été proposée par MM. RawlinsoA
et Hincks, en souvenir du roi Àriokh de la Genèse yXVf, 1; la lecture Our^
khammou, par M. Oppèrt, en Souvenir du roi Or charnus de la légende
classique (Ovide, Metam., IV, 212). — 2, Loftus, Chaldxa and Simana,
p. 167 sqq.; G. Rawlinson, The fice great Monarchies, t. I, p. 156. —
3. Oppert, Bistoire^ p. 46 sqq.; G. Rawlinson, t. I, p. 156; G. Smith,
Notes on the early history of Baî>yîonia,
168 CHAPITRE IV.
ble seulement que la ville d'Our perdit sous eux sa puis-
sance et fut remplacée dans rhégémonie de la Ghaldée par
la "ville que les textes touraniens nomment Nisin et les
textes sémitiques Karrak. Les princes de Karrak, d'origine
koushite, Gamil-Adar, Ismi-Dagan, etc., finirent par s'em-
parer de tout le pays, même d'Our et d'Ouroukh, puis, au
bout de quelque temps, furent dépossédés à leur tour par
les rois de Larsam, Sin-Idinnouv, Nour-Bin. L'autorité de
ces princes semble ne pas avoir dépassé Nipour, vers le
Nord; Babylone, gouvernée par ses rois pontifes (sakka-
nakkou), et Aganê, restaient indépendantes des dynasties
méridionales*. Une invasion des Elamites mit fin à cette
première époque de l'histoire chaldéenne. Entre 2300 et
2280 avant notre ère*, un roi de Suse, Koudour-Nakhounta,
descendit dans les plaines de l'Euphrate, ravagea le pays,
prit les villes depuis Our jusqu'à Babylone et emporta
comme trophée les images des dieux chaldéens. Il se retira
après avoir imposé le tribut à tout le pays, et ses succes-
seurs formèrent une dynastie nouvelle que Béjose appelle
Mède et qu'on a prise à tort pour une dynastie aryenne * .
§ 3. — li^lnvaslon Cananéenne et le« Pastevr» en igjpte,
La chute de l'empire chaldéen avait été précédée de plu-
sieurs migrations volontaires ou forcées. L'une d'elles sor-
tit vers Assour * et s'arrêta dans le bassin du Tigre moyen ;
Tharé, l'ancêtre mythique des Hébreux, quitta Our des
Chaldéens pour venir s'établir près de Kharrân, en Mésopo-
tamie*^; les nations du golfe Persique abandonnèrent leurs
sanctuaires de Tyr et d'Arad et passèrent au pays de Syrie.
Je ne sais si l'on doit voir dans ces mouvements de peuples
1. G. Smiih, Notes ;Fr. Lenormant, Études accckdiennes, 1. 1, fasc. 3,
p. 76-79. — 2. La date est donnée parune inscription d'Assour-ban-habal.
— 3. Voy. à ce sujet Oppert, Histoire j p. 9-10; Fr. Lenormant, fftsioire,
t. II, p. 21-23, 28-29; G. Rawlinson, The five great Monarchies^ t. I,
p. 159-161. — 4. Genèse, X, 11-12. — 5. ibtd., XI, 31. Dans ces derniers
temps, M. Halévy a voulu prouver que Dur Casdim et Harran étaient
non pas en Ghaldée, mais dans les environs de Damas {Mélanges dépi'
graphie sémitique, p. 72-86).
LA GHALDËE. 169
des événements contemporains Tun de l'autre, ou s'il con-
vient d'y voir trois migrations successives ; en tout cas, ils
ine paraissent provenir d'une seule et même cause, l'appa-
rition dans l'Asie occidentale de nouvelles populations tou-
raniennes. Les historiens qui recueillirent plus tard le vague
écho des traditions asiatiques mettaient cette invasion sur
le compte des Scythes : un roi Scythe, nommé d'une ma-
nière invraisemblable Indathyrsês, aurait couru en vain-
queur l'Asie entière et pénétré jusqu'en Egypte *. L'Egypte
ne devait pas en effet échapper aux désastres de l'inva-
sion.
Nous avons déjà montré qu'une grande partie des tribus
koushites s'était concentrée dès la plus haute antiquité sur
la rive occidentale et méridionale du golfe Persique. Favo-
risées par la nature des lieux, elles avaient appris l'art de
la navigation, et, rayonnant sans cesse au dehors, s'étaient
enrichies par le commerce avec l'Inde. Leurs caravanes
poussaient à travers le désert jusque vers les côtes de la
mer Rouge et de là jusqu'en Afrique. C'est pour cela sans
doute que le nom national d'une de ces tribus, Poun,
Pœniy Puni^ fut appliqué par les Égyptiens à l'Arabie et
au pays des Somâl *. La tradition classique attribuait à de
violents tremblements de terre le départ précipité que nous
attribuons de préférence à une invasion. Les Koushites du
Pount quij;tèrent leur patrie et se dirigèrent vers l'Occi-
dent, entraînant à leur suite les peuples qu'ils rencon-
trèrent sur leur passage. Selon une version, ils auraient
longé le cours de l'Euphrate, se seraient reposés aux en-
virons de Babylone, sur les bords du grand lac d'Assyrie
(Bahr-i-Nedjif), et auraient pénétré en Syrie par la route du
Nord*. D'après les historiens arabes, ils traversèrent la
gorge de la péninsule arabique de l'embouchure de l'Eu-
phrate à la vallée du Jourdain* . A leur arrivée, ils culbu-
tèrent sans peine Jes nations à demi barbares, Réphaïm,
1. StraboD, 1. XV, c. 1, Indica, 9-6. — 2. Mariette, Sur une découverte
récemment faite à Kamak dans les Comptes Rendus 1874, p. 247-249. Dès
laiv* dynastie, il est mention d'Hathor, dame de Pount.— 3. Justin, l.XVIII,
c. 3, §2. — 4. Cf. Caussin de Perceval, WùfotVe des ilra6e^, 1. 1, p. 38 sqq.
170 GHAPITaE IV.
Né£lim, Zomzoïnmim, et prirent poseession du pay^ tout
entier, depuifl la riyière d'Euplimte jusqu'à llsthme â«
Suez« Leur marche en avant ne s'arrêta pas là : plusieurs
da leurs tribus, attirées sans doute par le renom de ri-
chesse de l'Egypte, franchirent le désert qxd marque la
limite entre l'Afrique et l'Asie et pénétrèrent dans la
vallée du Nil*, * .
Les circonstances étaient . alors particulièrement favora-
bles à une invasion. Gomme à toutes les époques troublées
de son histoire, l'Egypte se trouvait partagée en petites
principautés toujours en lutte Tune contre l'autre, toujours
en révolte contre le souverain légitime. La quatorzième
dynastie, reléguée àXoïs, au centre du Delta, achevait de
s'éteindre au milieu du désordre et des guerres civiles :
les restes de son pouvoir furent rapidement renversés par
les conquérants. « Il nous vint un roi nommé Timaeos.
Sous ce roi donc, je ne sais pourquoi Dieu souffla con*
tre nous un vent défavorable; et, contre toute vraisem-
blance, des parties de l'Orient, des gens de race ignoble
venant à Timproviste envahirent le pays et le prirent par
force aisément et sans combat*. » Ce fut comme une nuée
de sauterelles qui s'abattit sur l'Egypte. Villes et temples,
tout fut ruiné, pillé, brûlé. Une partie de la population
mâle fut massacrée ; le reste, avec femmes et enfants, ré-
duit en esclavage. Memphis prise et le Delta conquis en
son entier, les Barbares élurent pour roi un de leurs chefs
nommé Shalit (Salatis, Saïtês). Shalit établit parmi eux
un commencement de gouvernement régulier : il choisit
Memphis pour capitale et frappa d'un impôt ses sujets
égyptiens.
Deux périls k menaçaient. Au sud, les princes Thé-
bains, pi'enant en main la direction des affaires après la
chute des Xoïtes, avaient fondé la quinzième dynastie
diospolitaine et organisé la résistance du pays. Au nord,
il fallait contenir la convoitise des tribus cananéennes qui
1. L*origîne cananéenne des rois Pasteurs et de leur peuple est attes-
tée par Manéthon^ édit. Unger,p. 140 sqq. — 2. Manéthon, édit. Unger^
p. 140
LA GHALDÉB. 171
étaient dfiméurées en Syrie et l'ambition des conquérants
élamites de la Ghaldée * . Shalit vit tout de suite ce qu'il avait
à faire. Les Égyptiens, divisés et abattus par leurs revers,
n'étaient guère à craindre pour le moment : il se contenta
d'établir sur les points stratégiques de la vallée des postes
fortifiés dont la possession lui assurait la soumission des
nomes environnants et reporta le gros de ses forces sur la
frontière de l'isthme. Les immigrations pacifiques, si fré-
quentes au temps de la douzième dynastie, avaient déjà
introduit dans le Delta oriental des populations asiatiques.
Il fonda au milieu d'elles et sur les ruines d'une an-
cienne ville, Hâouâr (Avaris), dont la légende se ratta-
chait au mythe d'Osiris et de Typhon, un vaste camp re-
tranché capable de contenir deux cent quarante mille
soldats. Il s'y rendait . chaque année en été pour assister
a,ux exercices militaires, payer la solde et faire les distri-
butions de vivres. Cette garnison permanente mit le nou-
veau royaume à l'abri de toute invasion et devint pour les
successeurs de Shalit une pépinière inépuisable d'excel-
lents soldats, avec lesquels ils achevèrent la conquête de
l'Egypte. Il fallut plus de deux cents ans pour réduire les
princes de Thèbes : cinq rois, Bnôn, Apachnas, Apapi I«',
Jannas et Assès, usèrent leur vie a à faire une guerre per-
pétuelle, désirant arracher jusqu'à la racine de l'Egypte *. »
Assès finit par renverser la quinzième dynastie et par
rester seul maître de l'Egypte entière.
Les Égyptiens donnaient aux tribus nomades de la Syrie
le nom de Shous, Shasou, pillards, voleurs, qui convenait
alors comme aujourd'hui aux Bédouins du désert. Ils l'ap-
pliquèrent à leurs vainqueurs asiatiques : le roi des Cana-
néens devint dans leur bouche le roi des Shous, Hiq-Shous,
dont les Grecs ont fait Hykoussôs, Hyksôs*. Quant au peu-
ple, on l'appela d'une manière générale Mentiou, les pas-
teurs, ou SatioUy les archers. Le souvenir de leurs cruautés
resta longtemps vivant dans la mémoire des Égyptiens et
1. Manétbon les appelait improprement Assyriens. — 2. Manéthon,
édition Unger, p. 141. — 3. Idem, ibid.y p. 142.
172 CHAPITRE IV.
exaltait encore, à vingt siècles de distance, le ressentiment
de rhistorien Manéthon. La haine populaire les chargea
d'épithètes ignominieuses et les traita de maudits, de pes-
tiférés, de lépreux*. Pourtant ils se laissèrent apprivoiser
assez rapidement. S'ils avaient un rang supérieur dans
Tordre militaire et politique, ils se sentaient inférieurs à
leurs sujets en culture morale et intellectuelle. Leurs rois
trouvèrent bientôt qu'il y avait plus de profit à exploiter le
pays qu'à le piller, et, comme aucun des envahisseurs *
n'aurait pu se reconnaître au milieu des complications
du fisc, il fallut employer des scribes égyptiens au ser-
vice du Trésor et de l'adminîstration. Une fois admis à
l'école de l'Egypte, les barbares entrèrent rapidement dans
la vie civilisée. La cour des Pharaons reparut autour des rois
Pasteurs avec toute sa pompe et tout son cortège de fonc-
tionnaires grands et petits ; le protocole royal des Khéops
et des Amenemhat fut adapté au3ç noms étrangers d'Ian-
nès et d'Apapi. La religion égyptienne, sans être adoptée
officiellement, fut tolérée, et la religion des Cananéens su-
bit quelques modifications pour ne pas blesser outre me-
sure la susceptibilité des adorateurs d'Osiris. Soutekh le
guerrier, le dieu national des conquérants, fut identifié
avec le Set égyptien. Tanis, devenue capitale du pays, vit
rouvrir ses temples et augmenter le nombre de ses palais.
On a retrouvé daixs ses ruines des sphinx et des statues
qui nous montrent ce qu'était la sculpture au temps des
Pasteurs. « Les yeux sont petits, le nez est vigoureux et
cliqué en même temps que plat, les joues sont grosses en
même temps qu'osseuses, le menton est sailJant et la bou-
clic se fait ï^marquer par la manière dont elle s'abaisse
aux extrémités. L'ensemble du visage se ressent de la ru-
desse des traits qui le composent, et la crinière touffue qui
encadre la tête, dans laquelle celle-ci semble s'enfoncer,
donne au monument un aspect plus remarquable encore*. »
Cette civilisation nouvelle, moitié égyptienne, moitié sémi-
1. Chabas, MéL égyplologiques, 1" série, p. 28-41. — 2. A. Mariette,
Lettre à M. U vicomte deRougé sur les fouilles de Tanis, p. 9.
LA GHALDÉE. 173
tique, se développa sous cette seconde dynastie des rois
Pasteurs que les historiographes nationaux avaient fini par
adopter et par considérer comme la seizième de leurs dy-
nasties nationales «
Si, du temps des Pharaons, les peuples de Syrie étaient
accourus en foule sur cette terre d'Egypte qui les traitait
en sujets, peut-être en esclaves, le mouvement d'immigra-
tion dut être plus considérable encore du temps des rois
Pasteurs. Les nouveaux venus trouvaient établis sur les
bords du Nil des hommes de même race qu'eux, tournés
en Égyptiens, il est vrai, mais non pas au point d'avoir
perdu tout souvenir de leur langue et de leur origine. Ils
furent reçus avec d'autant [plus d'empressement que les
conquérants sentaient le besoin de se fortifier au milieu
d'une population hostile. Le palais des rois s'ouvrit plus
d'une fois à des conseillers et à des favorites asiatiques;
le camp retranché d'Hâouâr enferma souvent des recrues
syriennes ou arabes. Invasions, famines, guerres civiles,
tout semblait conspirer à jeter en Egypte non pas seule-
ment des individus isolés, mais des familles et des nations
entières. Chassées d'Our, les tribus sémitiques jusqu'alors
établies dans la Ghaldée méridionale avaient remonté le
cours de l'Euphrate sous la conduite du légendaire Tharé
et s'étaient fixées sur la rive gauche du fleuve près deKhar-
rân en Mésopotamie. Bientôt après, une partie d'entre
elles franchit l'Euphrate avec un chef que la tradition ap-
pelle Abram ou Abraham, et, sous le nom d'Hébreux*,
traversa la Syrie dans toute sa longueur, du nord au sud.
Les gens d' Abram se fixèrent aux alentours de Kiriath-
Arba ou Hébron et rayonnèrent de là sur toute la terre de
Canaan. Les uns passèrent le Jourdain et formèrent les
tribus de Moabet d'Ammon; les autres s'enfoncèrent dans
le désert méridional, où ils se mêlèrent aux Édomites. Le
reste prit du surnom mystique d'un de ses chefs le nom
de Bnou-Israël ' sous lequel il s'est rendu célèbre, et, après
1. Les gens d'au delà le fleuve. — 2. Isiaièl, celui qui lutte contre Dieu.
C'est le surnom que Jacob prit, selon la légende, après sa lutte avec
Dieu {Genèse, XXXII, 24-32).
Ï74 CHAPITRE IV.
ftTOir lougtempe pfromené ses tentes à travers les plaines
et les montagnes de Canaan, descendit en Egypte avec tous
tes biens de la tribu.
D'après la légende, le patriarche Jacob avait douze fils.
Le plus jeune, Joseph, devint odieux à ses frères à cause
ie la préférence que son père lui témoignait. Ils le vendi-
rent à une caravane de marchands qui se rendait en Egypte
et persuadèrent à leur père qu'une bête fauve avait mis en
pièces son enfant bien-aimé. Mais l'Éternel était avec Jo-
seph et le faisait prospérer. Vendu à l'un des grands ofB-
ôiers de la couronne nommé Pétéphra, il devint bientôt
l'intendant du maître et le premier ministre de Pharaon.
Une année que ses frères, poussés par la famine, étaient
venus acheter du blé en Egypte, il se découvrit à eux
et les amena devant le roi. Alors Pharaon dit à Joseph :
« Dis à tes frères : Faites ceci : chargez vos bêtes et par-
tez pour vous en retourner au pays de Canaan ; prenez vo-
tre père et vos familles et revenez vers moi; je vous donne-
rai du meilleur du pays d'Egypte, et vous mangerez la
graisse de la terre*. »
Israël partît donc avec tout ce qui lui appartenait, « et
les enfants d'Israël mirent Jacob, leur père et leurs petits
enfants et leurs femmes, sur les chariots que Pharaon avait
envoyés pour les porter. Ils amenèrent aussi leur bétail et
leur bien qu'ils avaient acquis au pays de Canaan, et Jacob
et toute sa famille avec lui vinrent en Egypte^. » Ils s'éta-
blirent entre la branche sébennytique du Nil et le désert,
au pays de Goshen^ où ils multiplièrent outre mesure*. La
tradition place leur descente en Egypte sous un des rois
Pasteurs (ju'elle nomme Aphobis *. C'est évidemment l'un
des Apapi, peut-être celui-là même qui embellit Tanis et
dbnt M. Mariette a retrouvé les monuments.
Sous la domination des rois étrangers comme sous la
domination des rois indigènes, TÉgypte avait continué d'ê-
1. Genèse, XLV, 17-18. — 2. Ihid., XLVI, 5-6. —3. Sur retendue du
pays de Goschen, consulter avec quelques restrictions l'ouvrage de
G. Bbers, Dwrch Goien fum Smmé -^ 4. Jeaa d'Antioche, fr. 39^ dans
MùUer, Fragm, H, Gr,, t. IV.
LA CSÂJJVèM. 175
tre administrée féodAkment. Les Pasteurs possédaient le
Delta avec Memphis, Hâouâr et Tanis , mais au delà de
Mempbis leur autorité directe ne parait pas s'être étendue
plus loin que le Fayoum^. La Haute Egypte et la portion
de la Nubie qui s'y rattachait étaient^ comme au temps
de la onzième dynastie, entre les mains de tyrans locaux
relevant du roi de Tanis et soumis à un tribut annuel.
Thèbes, toujours prépondérante depuis Amenemhat !•»,
exerçait sur ces petits princes une sorte d'hégémonie qui
faisait de ses dynastes les rivaux naturels des souverains
du Delta. Plus d'une fois pendant la durée de la seizième
dynastie les Thébains durent essayer de secouer le joug,
mais sans aucun succès : ce fut seulement après deux siè-'
des de vasselage qu'une révolte décisive éclata. Apapi ré-
gnait alors à Tanis, et le prince de Thèbes , Rasqenen
Taâà !•», qui plus tard fut foi (souten)^ n'était encore que
régent (hiq) des pays du sud. Au dire des Égyptiens *, la
guerre eut pour premier motif une querelle religieuse et
une contestation au stget de la distribution des eaux.
Apapi dans un accès de fanatisme déclara qu'il ne recon-
naîtrait plus d'autre maître que Soutekh, le dieu national
des Pasteurs*, et lui fit élever près de son palais un temple
magnifique, le même sans doute dont M. Mariette a décou-
vert quelques débris. C'était se mettre en lutte ouverte
avec le^ sentiments religieux des Égyptiens et surtout avec
ceux du prince de Thèbes, qui adorait Ammon-Râ, roi des
dieux. Des négociations s'engagèrent entre la cour de Ta-
nis et celle de Thèbes, mais sans aboutir à aucun résultat.
Taâà I*' prit le titre de roi, fonda, en opposition des Pas-
teurs, la dix-septième dynastie diospolitaine, et la guerre de
Tindépendance commença.
Tous les petits princes égyptiens jwrirent parti pour le
prince de Thèbes contre l'ennemi national. Les Pasteurs
forent chassés des positions qu'ils occupai'ent d'ans la
Moyenne Egypte et refoulés sousMemphis. Après une lutte
l. A. Mariette, Notice, p. 56.— 2. les débuts de la guerre sont ra^
contés dans un passage malheureusefflent trè»>mutilé du Ptpp^rus SaU
lier, u» I, p. 1, 1. 1 ; p. Hl, I. ».
176 CHAPITRE IV.
acharnée Memphis fut prise par un roi que Manéthon ap-
pelle Alisphragmouthosis; les Pasteurs, expulsés de la par-
tie occidentale du Delta, se trouvèrent acculés à leur camp
retranché d'Hâouâr. Ils y tinrent longtemps encore malgré
les efforts désespérés des Thébains : Rasqenen lU Taâà-
qen j Kamès et leurs vassaux, vinrent échouer contre la for-
teresse des Pasteurs. Ahnîès !•', successeur de Kamès, fut
plus heurejax : dans la cinquième année de son règne, il
réussit à s'emparer d'Hâouâr. Les débris de Tarmée bar-
bare se retirèrent en Syrie, où les Égyptiens vainqueurs les
poursuivirent et les battirent encore une fois près de Sha-
rouhen, en Tan VI d'Ahmès. Après six siècles et plus de
domination étrangère, TÉgypte se trouvait libre enfin des
cataractes aux bords de la Méditerranée^.
La guerre de l'indépendance avait duré plus de cent cin-
quante ans : elle avait désorganisé entièrement l'Egypte et
couvert le sol de ruines. Ahmès dut s'occuper avant tout de
remettre l'ordre dans l'administration des affaires. Les
petits princes qui l'avaient aidé dans la lutte contre les
Pasteurs furent réduits à la condition de gouverneurs hé-
réditaires des nomes ; pour les consoler, on leur laissa les
honneurs et le titre de roi [souten)^ que beaucoup d'entre eux
avaient pris et qu'ils continuèrent de porter jusqu'à leur
mort^. Afin de se faire des alliés parmi les tribus nègres
d'Ethiopie, Ahmès avait épousé une femme de leur race,
la reine noire Ahmès-Nowertari. Les Pasteurs expulsés,
Ahmès songea à rétablir sur les régions du haut Nil la do-
mination qu'avaient exercée ses prédécesseurs de la dou-
zième et de la treizième dynastie : les auxiliaires éthiopiens
d'alliés devinrent sujets '. Au moins eurent-ils la satisfac-
tion de voir leur compatriote Nowertari comblée d'hon-
neurs par son mari, élevée au rang de régente et plus tard
1. Pour rétude de cette époque^ yoir Lepsîus, Chronologie; Brugsch,
Histoire, t. I, p. 75-81; Maspero, Jiet?ue critique f 1870, p. 116, et Une
enquête judiciaire à Thèhes, p. 71-81. M. Chabas a réuni dans un ou-
vrage spécial à peu près tout ce qu'on sait à présent des Pasteurs,
Les Pcbsteurs en Egypte, Amsterdam, 1868. — 2. Birch, Le Papyrus Àh'
hott, p. 17. —3. Lepsius, Auswahl, t. XIV, eiDer^km., III, 37.
LA CHALDÉE- 1T7
de déesse*. Tandis qu'Ahmès rétablissait ainsi l'empire
égyptien dans son intégrité, il s'efforçait de relever ou de
réparer les ruines que la guerre avait laissées dans les
grandes villes. Les rois des trois dynasties précédentes,
trop affaiblis ou trop préoccupés, n'avaient pas continué à
Thèbes les grandes constructions commencées par les rois
des dynasties précédentes. Ahmès fit restaurer à Karnak
le sanctuaire d'Ammon et jeter les fondations de plusieurs
autres édifices religieux*. Memphis, disputée longtemps
entre les Égyptiens et les Pasteurs, avait dû souffrir et ses
temples tomber en ruine. L'an XXII de son règne, Ahmès
rouvrit en grande pompe les carrières de Tourah et de
Massarab, et commença la restauration du grand temple de
Phtah*. Naturellement les prisonniers de guerre faits sur
les Pasteurs et sur les nègres servirent aux travaux: de
manœuvres les Égyptiens passèrent contre-maîtres, tandis
que les Asiatiques se remettaient à tirer la pierre et à
mouler la brique, comme avant l'invasion. Manéthon rap-
portait que le roi, pour se débarrasser des débris de l'ar-
mée vaincue, lui avait accordé une capitulation aux termes
de laquelle elle s'était retirée en Syrie *. Le gros de la
nation, établi entre le désert et les branches orientales du
Nil, préféra l'esclavage sur la riche terre d'Egypte aux
chances de liberté que lui offrait une émigration. Les Pas-
teurs, et avec eux les tribus juives et syriennes auxquelles
ils avaient accordé l'hospitalité, restèrent sur le sol, mais
non plus en maîtres. Leur camp retranché d'Hâouâr fut
détruit; la forteresse de Tsal fut construite autant pour
les contenir que pour servir d'avant-poste à l'Egypte contre
un retour offensif des populations asiatiques. Tanis, la ca-
pitale d'Apapi, fut traitée en ennemie et laissée dans l'état
de désolation où la guerre l'avait mise : pendant plusieurs
siècles elle disparaît entièrement de l'histoire ®.
1. Brugsch, HUtoirSy t. I, p. 85-86. — 2. De Rougé, Élude sur les
monuments du massif de Kamak, dans Us Mélanges d*arehéologie
égyptienne, t. I. — 3. Lepsius, Denkm., III, pi. 71; cf. Brugsch, His-
toire, t.. I, p. 85, et Zeitschrift, 1867, p. 89-93. — 4. Manéthon, édit.
Unger, p. 150-151.— 5. Mariette, Notice desMomments, p. 272-273.
BIBT. AMGo 1)
178 QHAPITEB XV.
Ahmis I^ le libérateur resta toujours en grand hon-
neur auprès des Égyptiens : ils en firent un dieu et le fon-
dateur d'une dynastie nouvelle, la dix-huitième. Son suc-
cesseur, Amenhotep I*' (Aménophis), le fils de la reine
noire, ne dévia point de la politique paternelle. Au nord
il se tint sur la défensive % mais au sud il agrandit les
frontières de son empire. Une série d'expéditions habile-
ment dirigées porta les armées égyptiennes au cœur de
l'Ethiopie et en acheva la conquête ^, Désormais les Pha-
raons n'eurent plus de grandes guerres à soutenir dans les
régions du midi : il leur suffit de quelques razzias rapide-
ment conduites pour maintenir dans une demi-obéissance
les tribus du désert et pour approvisionner TÉgypte d'es-
claves noirs en nombre suffisant. La civilisation égyp-
tienne reconquit et dépassa même de ce côté le terrain que
l'invasion lui avait fait perdre depuis la quatorzième dy-
nastie; elle remonta le Nil jusqu'à ^Napata et plus haut
peut-être. Des colons furent placés à demeure sur les deux
rives du fleuve, des villes et des temples construits partout
où la nature du terrain le permettait ; la langue, les mœurs,
le culte des Thébains, s'établirent solidement entre la pre-
mière et la quatrième cataracto l'Ép/pte couvrit réelle-
ment la vallée du Nil depuis les pi«i.ines de Sennaar jusqu'à
là eôte du Delta.
Mais la guerre de l'indépendance et les expéditions qui
l'avaient suivie avaient éveUIé dans la nation l'esprit mili-
taire, dans les princes l'esprit de conquête. Par une sorte
de réaction contre l'oppression brutale qu'elle avait subi«
pendant tant de siècles, l'Egypte fut saisie d'une force
d'expansion qu'elle n'avait jamais eue jusqu'alors, et sentit
Je besoin d'opprimer à son tour. Du côté du sud, l'œuvre
ÔM conquête était terminée, mais vers l'orient, dans ces
l^ontrées asiatiques dont les soldats du premier empire thé-
^ain avaient à peine entamé la lisière, il y avait matière à
des exploits profitables en même temps que glorieux. Les
légions égyptiennes s'ébiaulm^iit lourdement et prirent le
1. nrugsch, Hùtoifê, i k Pi M^î» ^ 2» Upslvia, Âuswahl, t. XI?,
LÀ GHALDÉË. 179
chemin de FAsie, que les débris des Pasteurs leur avaient
ouvert: elles ne l'oublièrent plus. Dès lors ce ne fut plus,
des sources du Nil Bleu aux sources de TEuphrate, sur toute
TÉthiopie et sur toute la Syrie, que victoires et conquêtes
perpétuelles. Un jour, on apprenait à Thèbes la défaite des
nègres d'Abyssinie, l'arrivée du général ou du prince vic-
torieux, de son butin, de ses soldats. Des processions fan-
tastiques de girafes menées au licol, de cynocéphales en-
chaînés, de panthères et d'onces apprivoisés, s'allongeaient,
s'allongeaient indéfiniment dans les rues. Le lendemain, vic-
toire remportée à l'occident du Delta sur les Libyens et
leurs alliés. Les barbares du nord^ coiffés de casques
étranges ou la tête encadrée dans le mufle d'une bête
fauve dont la peau flottait sur leurs épaules, venaient étaler
aux yeux des Egyptiens brunis leurs grands corps blancs
ornés de peintures et de tatouages. Puis c'était un succès
sur les Routen ou la prise d'une place forte, entrepôt
du commerce syrien. Le défilé recommençait aux fanfares
du clairon et aux roulements du tambour; les acclama-
tions de la multitude et les chants des prêtres accueil-
laient partout le cortège triomphal du Pharaon. C'était le
temps des fortunes rapides : le fils d'un batelier s'en allait
simple soldat et revenait générale II fallut cinq siècles de
guerres perpétuelles pour calmer l'humeur belliqueuse des
Égyptiens.
Jeter les Pasteurs sur TÉgypte, et par contre-coup l'E-
gypte sur l'Asie, tel fut le résultat de .l'invasion qui ren-
versa le premier empire chaldéen. Avec l'entrée des Égyp-
tiens en Syrie s'ouvre une nouvelle époque dans les destinées
des nations antiques : l'histoire des peuples isolés finit,
Vhistoire du monde commence.
1* Voy. dans le Mémoire de M. de Rougé et dans Brugsch, Histoire
'<i'^dS^9 ^* h P* ^> ^* eurievse bistoire û'Ahmès se Ahna,
180
CHAPITRE IV.
TV* DYNÂSTIÏ.
Dans le Delta,
r* dynastie des Pasteurs.
I. Shalit làlaxii, £atTY](.
II Buâ>v.
III. ÂP. . . j^icaxvâv.
lY. ÂPàPI. 'Açcoftç^ 'Açtoêic.
V £Taàv ou 'làvvac.
VI 'AffO^O, "ÀffiTYlC.
XVI» DYNASTIE.
V dynastie des Pasteurs
sur toute TÉgypte.
Dans la Haute-Egypte.
Dynastie thébaine.
? — Apàpi RÂ-AA-qenen.
XVn« DYNASTIE.
3* dynastie des Pasteurs.
43 rois (?). • 43 rois thébains.
I. ApAPI Rl-Âl-QENBN. I. TA-U I" RiSQENEN I".
IL TJL-U II RlSQENBN II.
?
•• • ? (^Xi(yçpaY{i.ou6a)ffi;).
? (Téôtiwffiç).
? TJLUqen Râsqenen III.
î &AMÈS RÂ-OUATS-KHOPEB.
- ■ ^ ^1
CHAPITRE V.
LA CONQUÊTE EGYPTIENNE.
■•
La Syrie et Tempire cbaldéen depuis Tinvasion cananéenne jusquVux
invasions égyptiennes. — La dix-huitième dynastie. — La dix-neu-
vième dynastie. — Séti I*» et Ramsès II.
lia Syrie et Templre chaldéen depuis riiiTaslon eananéenne
Jusqu'aux Invasions égyptiennes.
Ce fut Thotmès I«', fils et successeur d'Amenhotep, qui
le premier entraîna les Égyptiens à la conquête de TAsie.
Le pays qu'ils rencontrèrent au delà de Tisthme portait
M^VSPERn Hmoii
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 181
dès lors le nom de Syrie * . La Syrie se termine vers le nord
aux derniers escarpements du mont Tauros. Elle est
bornée à l'est par TEuphrate et le désert, au sud par la
mer Rouge, à Touest par la Méditerranée. Elle est traversée
du sud au nord par deux chaînes de montagnes parallèles,
le Liban et l'Ântiliban; entre les deux s'étend une large
vallée parcourue dans toute sa longueur par le Natsana
(Litany) et l'Oronte. L'Oronte prend sa source dans l'Anti-
liban. Il est formé par la réunion d'un nombre considérable
de petits ruisseaux et de torrents. Il coule d'abord au nord-
nord-ouest, mais, arrivé dans la plaine, il tourne à l'est,
traverse un lac d'environ trois lieues de long sur une lieue
de large, puis incline au nord et court presque parallèle-
ment à la mér jusque vers 36° de latitude. En cet endroit
il se jette brusquement à l'ouest, puis au sud, et se précipite
dans la mer après un cours d'environ soixante lieues, dont
la violence lui a fait donner par les riverains le nom de
Nahr-el-Assy, le fleuve rebelle. Le Natsana* naît dans l'An-
tiliban, à quelques kilomètres de l'Oronte, et se dirige vers
le sud-sud-ouest. A mesure qu'il s'éloigne de sa source,
la vallée s'étrécit peu à peu et le force à resserrer son
cours : elle finit par former une gorge abrupte de plus de
trois cents mètres de profondeur, et si étroite qu'en un en-
droit des masses de rochers détachés d'un des flancs de la
montagne sont venus s'arc-bouter sur le flanc de la mon-
tagne opposée et forment comme un pont naturel au-dessus
de la vallée. Le Natsana ne sort de ce ravin que pour
tomber dans la mer, à trente lieues environ de sa source
principale. Le bassin des deux rivières n'est qu'une seule
vallée d'environ quatre-vingts lieues de long et coupée à la
naissance du Natsana et de l'Oronte par une mince chaîne
1. Le nom égyptien est Khar, ou, par dégénérescence de Faspirée
hh en shuintante Shar. C'est peut-être une variante du nom d^ÀkharroUf
VOeeident, sous lequel les Assyriens désignaient la côte syrienne de la
Méditerranée. Les monuments égyptiens des basses époques donnent la
forme Àshar. — 2. Sur le nom de Natsana j cf. Maspero, dans les Mé-
langeSy t.I, p. 140-141.
182 • CHAPITRE V.
de collines peu élevées. Peu de pays du monde antique
étaient aussi fertiles que cette région creuse de la Syrie.
Yers le sud, ce sont des champs de blé et des vignobles qui
tapissent le fond de la vallée et s'étagent aux flancs de la
montagne, partout où le pied de Thomme a pu atteindre.
Au nord, les alluvions de TOronte ont produit un sol noir
et fécond, riche en céréales et en fruits de toute. sorte.
Aussi la Syrie Creuse (Cîœlé-Syri^), après avoir nourri tour
à tour les conquérants égyptiens, assyriens, persans, ma-
cédoniens, qui ont passé sur elle, a-t-elle fini par devenir
entre les mains des Romains un des greniers de l'univers.
Autour de cet heureux pays, qui est comme le noyau de
la Syrie entière, s'étendent dans toutes les directions, au
nord, au sud, à Test, à l'ouest, des régions de nature et
d'aspects différents. Vers le nord, entre l'Oronte et l'Eu-
phrate, se trouve une contrée aride et pauvre, bordée à sa
partie septentrionale et occidentale^par le Tauros et le Kha-
mana (Amanos). De ces deux montagnes se détachent des
contre-forts qui s'abaissent graduellement et se déploient
bientôt en plateaux crayeux ou rocheux, semés de collines
à croupe arrondie et pelée, ravinés de vallées étroites et
tortueuses ouvertes vers l'Euphrate, FOronte et le désert.
Aux plateaux succèdent de vastes plaines traversées par des
rangées de collines basses et nues : le sol est sec et pier>
reux, la végétation rare, les cours d'eau sont peu nom-
breux et d'un faible débit. Le plus important est la rivière
d'Alep (le Khalus de Xénophon), qui traîne lentement son
cours du nord au sud et va se perdre à la lisière du désert
dans un petit lac salé semé d'îlots. A peu près à égale
distance entre le Khalus et l'Euphrate se trouve un second
lac salé d'assez vastes dimensions, mais sans écoulement.
Les céréales, la vigne, l'olive, la pistache, croissent à grand'-
peine dans ces régions brûlées : la partie montagneuse est
seule assez riche pour nourrir ses habitants.
A l'est de l'Antiliban s'étend la Syrie Damascène, véri-
table jardin dominé par les cimes neigeuses de THermon
et où deux rivières, l'Abana et le Pharphar, entretiennent
en face du désert une végétation luxuriante. C'est une large
LA GONQUiTfi ÉGYPTIENNE. IM
plaine entrecoupée de canaux : au contraire^ le JNiyB iitisii
à l'ouest du Liban n'est qu'une bande de terrain dont la lar-
geur n'excède pae huit ou dix lieues. De Fembouchure dti
Natsana à celle de l'Oronte se déroule comme un long ra«-
ban de sable creusé de havres nombreux et coupé frêcpiem-
ment de pointes rocheuses qui s'avancent assez loin danfi
la mer pour former des ports excellents. Au delà de là
plage, sur les premiers versants des collines et dans les
ravins, l'olivier, la vigne, le blé, croissent à merveille. Leti
parties hautes de la montagne étaient revêtues jadis d'im^
menses forêts de chênes, de sapins et de cèdres. Nulle
grande rivière, mais partout des torrents impétueux, le
Léon, le Lykos (Nahr-el-Kelb), qui s'élancent presque d'un
seul bond des sommets du Liban dans la mer.
Sur le flanc ouest de THermon, à l'extrémité méridio^
nale de l'Antiliban, commence une vallée qui ne ressemble
à aucune autre au monde. C'est une déchirure produite à
la surface de la terre par les actions volcaniques, une large
fissure qui s'est entre-bâillée au commencement des siècles
et ne s'est jamais plus refermée. Le Jourdain qui l'arrose
y forme, à quelques lieues à peine de sa source, un lac, celui
de Merom, dont le niveau concorde avec le niveau de la
Méditerranée. Mais à partir de ce point la vallée se creuse
et s'enfonce pour ainsi dire en terre ; le fleuve descend du
lac de Merom au lac de Génésareth, du lac de Génésareth
à la mer Morte, où la dépression du terrain atteint son
maximum d'intensité, quatre cent dix'-neuf mètres au-des-
sous du niveau de la Méditerranée. Au sud de la mer
Morte la vallée se resserre, s'élève rapidement jusqu'à
une hauteur de cinq cents mètres avant de venir expirer
au fond de la mer Rouge.
Rien de plus différent comme aspect que les pays situés
à l'est et à l'ouest du Jourdain. A l'est, le terrain monte
brusquement jusqu'à une hauteur d'environ mille mètres,
puis se déploie et forme un immense plateau légèrement
ondulé sur lequel cpurent les grands affluents du Jourdain
et de la mer Morte, l'Yarmouk, le JabboketTAmon. Al'ouest
ce sont des masses confuses de collines arrondies dont là
184 CHAPITRE V.
crotipe pierreuse et à peine recouverte d'un sol maigre
produit néanmoins le Lié, Tolive et le figuier. Un rameau
détaché de la chaîne principale un peu au sud du lac de
Génésareth, le Garmel (Karmana), se projette vers le nord-
ouest et va droit à la mer. Le pays au nord du Garmel, la
Galilée, abondait en eaux fraîches et en vertes collines; « les
grosses fermes étaient ombragées de vignes et de figuiers ;
les jardins étaient des massifs de pommiers, de noyers, de
grenadiers. Le vin était excellent, s'il en faut juger par ce-
lui que les Juifs recueillent encore à Safed. » Au sud du
Garmel, la contrée se partage naturellement en trois zones
parallèles. G'est 'd'abord une plage sablonneuse qui court
le long de la mer, puis une large étendue de plaines boi-
sées par endroits et arrosées par des rivières encombrées
de roseaux, enfin la région montagneuse qui sépare le ver-
sant maritime de la vallée du Jourdain. La région des du-
nes est susceptible de culture, et les villes qu'elle renferme.
Gaza, Joppé, Ashdod, sont entourées de bosquets d'arbres
fruitiers. La plaine est d'une fertilité merveilleuse, formée
d'un sol d'alluvion qui produit chaque année des moissons
considérables sans engrais et presque sans travail. Les
montagnes, assez bien boisées dans certains endroits, de-
viennent de plus en plus nues à mesure qu'on avance vers
le sud. Les vallées y sont sans eau ; le sol aride et brûlé
perd peu à peu de sa fertilité et finit par se confondre avec
le désert. Dès lors ce n'est plus jusqu'à la mer Rouge
qu'une série de plaines sablonneuses, ravinées par le lit
de torrents à sec et dominées par des massifs volcaniques,
à l'est le Séïr, au sud le Sinaï. Les pluies du printemps y
développent pendant quelques semaines une végétation
hâtive qui suffit aux besoins des tribus nomades et de
leurs troupeaux.
Les peuples qui occupaient cette vaste étendue de terri-
toire au temps de l'ancien empire égyptien avaient disparu
presque entièrement de la scène du monde au moment où
les lourds bataillons de Thotmès P' franchissaient pour la
Ï)remière fois l'isthme et le désert. Surpris et débordés par
a grande invasion cananéenne, ils avaient été en partie
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 185
détruits, en partie absorbés par les conquérants. C'est à
peine si quelques-unes des tribus primitives purent gar-*
der leur indépendance. La conquête hébraïque trouva en- ^
core des Rephaïm établis à l'orient du Jourdain *. « Un peu- ^
pie grand et de forte stature 5>, les Anakim, et de qui on/
disait : « Qui peut tenir devant les enfants d'Anak *? »^
vivait dispersé dans les massifs montagneux qui bordent
la mer Morte. Un de leurs chefs mythiques, Arba, y avait ^
iondé,« sept ans avant Tanis d'Egypte'», la ville deKiriath-
Arba, qui plus tard devint Hébron*. Sur les confins du
désert, les Horim habitaient les parages du mont Séïr' et
les Awim la plaine au sud-est de Gaza ®. D'autres tribus
durent échapper et pe maintenir au moins pour quelque
temps sur quelques points du territoire : mais celles-là
mêmes succombèrent à la longue. Leur nom s'éteignit, leur
souvenir s'effaça ou se perdit au milieu des fables. On se
figura les anciens maîtres du pays comme des géants
(Rephaïm), à la voix bourdonnante et indistincte [Zorn-
zommim) , des monstres formidables {Emim) ' devant qui
les autres peuples «paraissaient comme des sauterelles*».
La Syrie entière, renouvelée par des invasions successives, se
trouva bientôt divisée et comme répartie entre trois gran-
des races issues d'une souche commune et parlant les dia-
lectes d'une même langue : les Araméens au nord et à l'est
du Liban ; les Cananéens le long des côtes, au cœur et au
midi de la contrée, dans les vallées de l'Oronte supérieur,
du Natsana et du Jourdain ; les Térachites au midi et à
l'orient de la mer Morte, sur les confins du désert d'A-
rabie.
Les Araméens établis sur les deux rives de TEuphrate,
, en Mésopotamie aussi bien qu'en Syrie, ne se sont jamais
avancés bien loin vers le sud. Plusieurs de leurs tribus, les
Solymes, les Érembes, franchirent l'Amanos et se glissè-
rent le long des côtes méridionales de l'Asie Mineure jus-
1. Deut., m, 8. — 2. Ibid,, IX, 2. — 3. Nomb.y XIII, 22. — 4. Juges,
I, 10; Josué, XIV, 15. — 5. Gen,, XIV, 6; Deut,, II, 12-22.— 6. DeuL,
U, 28. — 7. Dent., II, 10-11, 2001. — 8. Nomb,, XIII, 34.
186 GHÂPITRB V.
qu'en Lycie*. Les antres s'échelonnèrent sur les plateanr
rocheux de la Syrie du nord et sur le versant oriental de
TAntiliban, entre la montagne et le désert : elles formè^
rent bientôt deux grands centres de population, TAramée
du nord entre TEuphrate et l'Amanos, l'Aram Dammesek
ou Syrie Damascène autour de la grande ville de Damas.
Grâce à sa position intermédiaire entre les deux j)rinci-
paux États du monde antique, la'Ghaldée et l'Egypte,
i'Aramée du nord ne tarda pas à devenir un des marchés
les plus riches de l'Orient. Les caravanes, au lieu d'af-
fronter le désert et d'aller directement des bords de la mer
Morte et du Jourdain aux bords de l'Euphrate et du golfe
Persique, remontaient la vallée du Natsana et de l'Oronte
pour aller rejoindre le cours moyen de l'Euphrate et de là
redescendre sur Babylone. Les Araméens, maîtres en cet
endroit des deux rives du fleuve, avaient construit des
forteresses sur chacun des gués qui mènent de la rive sy-
rienne à la rive mésopotamienne. Au gué le plus méridio»
nal s'éleva Toui^méda ou Thapsaque^; au gué central,
Earkemish; au gué le plus septentrional, Samosate. Le
gué de Samosate, situé au débouché des montagnes, au-
rait forcé les chefs de caravanes à faire un détour inutile
de près de quarante lieues : il fut peu fréquenté par les
marchands qui allaient d'Egypte en Ghaldée. Thapsaque
était trop rapprochée du désert et par conséquent trop ex-
posée aux incursions des Bédouins. Karkemish, au con-
traire, placée au cœur d'un pays civilisé, à peu près à égale
distance des barbares du sud et des barbares du nord
devint bientôt le passage préféré et l'entrepôt des cara-
vanes. Elle était à quelques kilomètres du fleuve, auprès
d'une source qui fit donner le nom de Mabog d'abord au
quartier religieux de la ville, et plus tard à la ville entière-
Les Grecs, qui la confondaient parfois avec l'antique Ni-
nive*, en attribuaient la fondation à Sémiramis, à Denca-
1. Movers, Die PhônUier, t. II, p. 176 sqq.; Knobol, Dié VôlkmafeL
p. 229-231 ; Renan, Hist, de$ longuet sémU., 1. 1, p. 49-52. — 2. Movérs,
DiePhônizier, t. II, V^ Thtil,p. 164.— 3. Ammien MarceUin, 1. Xiy,2^
LA G0NQUÊTJ5 ÉGYPTIENNE. 187
lion, au dieu Bacchos, au Lydien Âttès. Lee Syriens de
l'époque chrétienne racontaient qu'elle avait été bâtie au
tempe du prophète Ëlijah par deux mageB, le Thrace Or-
phée et le Perse Zoroastre. Elle devint bientôt le centre d'un
grand mouvement commercial et religieux. Les fêtes de sa
grande déesse Atargath furent un rendez-vous pour les
dévots et l'occasion de véritables foires annuelles où les
marchands de tous les pays a£Gluèrent sous couleur de re-
ligion ^
A quelques lieues au sud-ouest de Karkemish s'élevaient
Padan (Batnaa) et Khalep (Alep) ^. Ehalep, moins favorable-
ment située que Karkemish, n'eut jamais l'importance de
sa voisine : c'était pourtant une ville considérable et re-
nommée jusqu'en Egypte pour les produits de «ses champs
altérés^ ». Au sud' de ces villes on rencontrait l'Aram Tso-
bah, dont le territoire s'étendait des rives de l'Oronté aux
hves de l'Euphrate*, et sans doute aussi plusieurs petits
Ëtats de moindre valeur, perdus dans les vallées de l'Anti-
liban, qui formaient comme une chaîne de tribus araméen-
nes entre l'Aramée du nord et l'Aramée du sud. Damas,
la métropole de l'Aramée du sud, occupe un des sites
que la nature semble avoir destinés de tout temps à l'em-
placement d'une grande ville. D'après la tradition hé-
braïque, elle avait été fondée par Ouz, fils d'Aram, arrière-
petit-fils de Noé. Elle s'allonge dans la plaine au milieu
des vergers qui la serrent de toutes parts et pénètrent dans
ses murs, coupée en deux parties inégales par l'Abana et
sans cesse ra&aichie par les canaux que ce fleuve lance
dans toutes les directions. Encore aujourd'hui sa vue ar-
rache un cri d'admiration au voyageur qui débouche
des goi^es de l'Antiliban* « U a devant lui la ville, dont
quelques édifices se dessinent déjà à travers les arbres ;
derrière lui, le dôme majestueux de l'Hermon, avec ses
sillons de neige qui le font ressembler à la tête chenue
d'un vieillard; sur sa droite, le Hauran, les deux petites
1. Sur Karkemish voy. G. Maspero, De Carchemis oppidi situ, Paris^
lS73,in-S». — 2. Chabas, Voyage d'un Égyptien, p. lOl-llO. —3. Pa-
pyrus de Leyde, I, 343, pi. VII, 1. 8. —4. Knobel, Die Vôlk., p. 127-128
188 CHAPITRE V.
chaînes parallèles qui resserrent le cours inférieur du
Pharphar*, et les tumulus de la région des lacs ; sur sa
gauche, les derniers contre-forts de TAntiliban, allant re-
joindre THermon. L'impression de ces campagnes riche-
ment cultivées, de ces vergers délicieux, séparés les uns
des autres par des rigoles et chargés des plus beaux fruits,
est celle du calme et du bonheur.... Vous vous croyez à
peine en Orient dans ces environs de Damas ^, et surtout,
au sortir des âpres et brûlantes régions de la Gaulonitide
et de riturée, ce qui remplit Tâme, c'est la joie de retrou-
ver les travaux de l'homme et les bénédictions du ciel.
Depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours, toute
cette zone qui entoure Damas de fraîcheur et de bien-être
n'a eu qu'un nom, n'a inspiré qu'un rêve, celui du « pa-
radis de Dieu'». La domination de Damas s'étendait sur
toutes les villes situées dans la plaine et sur tous les vil-
lages nichés dans les gorges de l'Hermon, sur Abila, sur
Khelbon, la ville des vins, et sur quelques petits États voi-
sins, l'Aram Rohob*, l'Aram Maacha% le pays de Gessour* ,
situés dans la vallée du haut Jourdain. Damas n'avait pas
encore à cette époque le rôle important qu'elle joua plus
tard. Elle n'était pas sur la route que suivaient les cara-
vanes, et vivait au milieu de ses jardins, séparée du- reste
de la Syrie et protégée contre les invasions par la chaîne
de l'Antiliban.
Bientôt après la conquête, les tribus cananéennes s'é-
taient séparées en deux groupes. Les iines s'étaient répan
dues dans les vallées de l'intérieur de l'Amanos au Séïr
et dans les plaines qui s'étendent au sud du Garmel jus-
qu'au désert et à la frontière d'Egypte. Les autres s'étaient
logées le long des côtes entre le Garmel et l'embouchure
de rOronte, le mont Liban et la mer. La différence de sites
amena entre ces deux groupes une différence de mœurs et
de caractère. Les Cananéens de l'intérieur, agriculteurs ou
1. Nahr-el'Avjadj. — 2. La plaine est, en effet, à plus de dix-sept
cents mètres au-dessus du niveau de la mer. — 3. Renan, Les Ap/itreSf
II, p. 177-178. —4. n Sam., X, 6, 8.-5. 1 Chron., XIX, 6. — 6. II Sam.,
XV, 8.
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 189
pasteurs selon les localités, se subdivisèrent en un grand
nombre de tribus sans cesse en guerre les unes contre les
autres. Les Cananéens de la côte, étouffés entre la mon-
tagne et la mer, se firent marins et commerçants.
L'antiquité classique donnait aux Cananéens de la côte
le nom de Phéniciens. Selon certaines traditions grecques,
ils avaient été appelés ainsi de Phénix, fils d'Agénor et
fondateur de la race*. Selon divers auteurs, Phœnikes si-
gnifiait simplement le peuple rouge, soit en souvenir de la
mer Rouge (Erythrée), aux bords de laquelle ils avaient
habité si longtemps, soit à cause des faJbriques de pour-
pre qu'ils établirent dans toutes leurs colonies, soit enfin
par allusion à la teinte de leur visage. L'opinion la plus
reçue jusqu'à ces derniers temps voit dans Phœnix le
nom du palmier, et dans Phœnikia le Pays des Palmes*,
En fait, Phœnix est une forme élargie de Phoun [Pœniy
Puni)y vieux nom national que les Cananéens portaient
dans leur patrie primitive et qui les suivit dans toutes
leurs migrations. Les monuments égyptiens les plus an-
ciens identifient les régions orientales de l'Arabie au pays
de Pount : les Cananéens du golfe Persique firent passer le
nom de Pnénicie en Syrie, les Phéniciens de Syrie le me-
nèrent en Afrique, et les Phéniciens d'Afrique [Pœni) le
répandirent jusque dans leurs colonies les plus lointaines.
La Phénicie syrienne comptait un grand nombre de
villes, dont plusieurs très-importantes. C'étaient, en allant
du sud au nord, Ako (Saint-Jean d'Acre), Akhzib, Ous, Tyr,
Sarepta, Sidon, Bérouth, Gebel, Arka, Sinna, Botrys, Tri-
poliSy Simrôn, Simyra, Arad, Marath, Karne et Paltos. Ces
villes, réparties d'une manière inégale entre les différentes
tribus, finirent par fori&er de petits États indépendants
les uns des autres, ceux des Sidoniens, des Giblites, d'Arka,
4e Sinna, de Simyra. Au début, les Giblites semblent
avoir exercé sur le reste des Phéniciens une autorité
réellb*. Ils avaient deux royaumes : ceux de Gebel et de
1. Et. de Bysance, 8. v. *oiv(xri. — 2. Movers, Die Phônixmi t. II,
l»" TUeil, p. 1-4. — 3. d., II, 1'" Theil, p. 105-107»
190 CHAPITRE V.
Bérouth. Grebel ou Gebôn*, que les Grecs appelaient By-
blos, se vantait d'être la ville la plus vieille du monde.
Elle avait été bâtie par le dieu El au commencement des
âges, sur un emplacement coiffèrent de Celui qu'elle eut
dans la suite. Elle s'élevait alors à quelques lieues dans
l'intérieur des terres, sur la rive septentrionale du Nahr-
el-Kelb. Plus tard elle fut abandonnée, et la population,
reportée au bord de la mer, construisit, près du fleuve
Adonis, une seconde ville qui prit le nom de la pre-
mière. Bérouth, « la cité des puits, » partageait avec Ge-
bel la gloire d'avoir le dieu El pour fondateur : c*était un
port bien abrité, situé à l'extrémité d'une des plaines les
plus fertiles de la Phénicie. Le territoire de ces deux villes
ne possédait qu'une étendue de côtes assez restreinte, mais
s'avançait assez loin dans l'intérieur des terres. Au nord,
il confinait avec le pays des Arkéens et des Sinites, les uns
établis sur la mer entre la montagne d'Akkar et le Nahr-
el-Kébir (Éleuthéros), les autres logés au cœur même du
Liban. Venaient ensuite les Simyréens, dans une grande
{)laine bien arrosée, et de l'autre côté de la montagne, sur
e moyen Oronte, la grande ville royale d^Hamath. Tous
ces États, trop faibles pour garder longtemps leur indé-
pendance, étaient condamnés d'avance à disparaître : leur
territoire fut démembré, leurs villes furent prises, coloni-
sées, ou si bien détruites qu'on n'en trouve plus le moin-
dre vestige^.
Par l'affaiblissement des Gibîites 8idon devint rapide-
ment la plus importante des villes phéniciennes, « le pre-
mier-né de Canaan. y> Malgré ce titre ambitieux, Sidon
n'était d'abord qu'un simple village de pêcheurs * de beau-
coup inférieur à Tyr, à Gebel, à Bérouth*. Elle avait été
fondée en même temps que Tyr par Bel, l'Agénor des
Grecs, sur le penchant septentrional d'un petit promontoire
1. La forme Gebôn pour le nom de cette lïfie est donnée par le
Pap, Anastati I, pi. XX, 1. 17. Cf. Ghabas, Le wyage d'un Égyptim,
p. 156-160. — 2. Movers, Die Phônixier, t. II, !*•' Theil, p. 113-117. —
3. D'où son nom TsmôN, pêcherie, — 4. Movers, Die Phônizier, t. II,
I»' Thetl, p. 250 sqq.
LA GONQUATB égyptienne. 191
qui se projette obliquement vers le sud-ouest. Le port, si
célèbre dûs l'antiquité, est formé par une chaîne basse de
rocbers qui part de l'extrémité nord de la péninsule et
court parallèlement au rivage sur une longueur de quel-
ques centaines de mètres. La plaine environnante est arro*
sée par le <« gracieux Bostrên x> (Nahr^l^Aotuily) et cou-
verte de jardins dont la beauté avait fait donner à la ville
le nom de Sidon la fleurie*.
Sidon avait deux rivales : Arad au nord, Tyr au sud.
Arad s'élevait sur un îlot, à quelque distance du continent.
« C'est un rocher de tous côtés battu par la mer, et d'en-
viron S0pt stades de tour. Il est tout couvert d'habitations
et si peuplé encore à présent, que les maisons y ont un
grand nombre d'étages. Les habitants boivent de l'eau de
pluie conservée dans des citernes, ou de l'eau qu'on fait
venir de la côte opposée. » Il y avait dans le détroit même,
entre Ttle 'et la côte, une source d'eau douce qui jaillissait
au fond de la mer 'et servait à l'approvisionnement de
l'Ile en temps de guerre. Des plongeurs portaient une clo-
che en plomb munie à son extrémité supérieure d'un long
tube de cuir, et l'appliquaient sur l'orifice de la source.
L'eau, emprisonnée de^ la sorte, montait dans le tube se-
lon les lois de l'hydrostatique et arrivait douce à la sur-
face, où on la recueillait'. En face d'Arad se trouvaient
deux grandes villes. Rame et Marath, toutes deux sou-
mises aux Aradiens. La domination de ce petit peuple
s'étendait assez loin le long de la côte et jusque dans
l'intérieur des terres. Au nord, ils possédaient Gabala
et PaltOB ; au sud^ ils avaient soumis la tribu et la ville de
Simyra; à l'est, Hamath sur l'Oronte leur obéit pendant
quelque temps.
Le territoire des Sidoniena, borné au nord par le Ta-'
mour et le royaume de Bérouth, allait au sud jusqu'à l'em-
bouohure du Natsana : au delà de cette rivière commençait
le domaine propre des Tyriens. Dans les premiers ftges du
1. £i56v« &v6c|ft6eff9av (Denys le Fériégète). «- 2. Stralxm^ 1. ZYI,
Ch. 3, p. 753; cf. PUne, 1. II, 103; V, 31.
192 CHAPITRE V,
monde, quand les dieux viYaient encore au milieu des
hommes, Samemroum construisit sur le continent une
ville de roseaux et de papyrus, en face de laquelle son frère
Isôos, le premier marin, occupa quelques petits îlots où
il éleva des colonnes sacrées. Ce fut le commencement de
Tyr. Vint ensuite Melkarth, FHercule tyrien. Les prêtres
de ce dieu racontaient à Thistorien Hérodoteîque « le tem-
ple avait été fondé en même temps que la ville elle-même :
or ils habitaient la ville depuis deux mille trois cents ans. »
Le calcul des prêtres tyriens nous reporte vers Tan 2750,
c'est-à-dire vers le temps des Pasteurs et de l'invasion
cananéenne. Gomme Arad, Tyr avait une partie insulaire
où s'élevaient ses temples et ses arsenaux, une partie con-
tinentale qu'on appelait la vieille Tyr (Palae-Tyros). La
Tyr insulaire n'avait pas, comme Arad, la ressource d'une
fontaine sous-marine : ses habitants n'avaient- pour s'a-
breuver que l'eau de citerne ou celle qu'ils faisaient venir
du continent dans des barques *. Tyr possédait toute la
côte depuis l'embouchure d4i Natsana jusqu'au mont
Garmel.
Les Cananéens de l'intérieur, répandus depuis l'Amanos
jusqu'à la pointe méridionale de la mer Morte, ne for-
maient pas une masse aussi compacte que les Cananéens
de la côte. La plupart de leurs tribus s'étaient divisées en
fractions plus ou moins considérables et fixées sur diffé-
rents points du territoire. Les Hittites, la plus importante
de toutes, avaient deux établissements principaux, l'un au
nord du pays dans les gorges de l'Amanos, l'autre au sud,
dans le massif montagneux situé à l'ouest de la mer Morte.
Les Hittites du nord, connus des Égyptiens sous le nom
de Khétas, occupaient les deux versants de l'Amanos jus-
qu'à l'Oronte d'une part, jusqu'au Tauros de l'autre. Les
Hittites du sud, après avoir dominé sur le cours moyen du
Jourdain, s'affaiblirent graduellement et finirent par se
concentrer autour d'Hébron, où les difficultés du terroir
les protégèrent longtemps encore contre l'invasion des
> 1. Pop. Ànastasi I, pi. XXI^ 1. 1-^; cf. Ghabas, Le myage d'un Egyp-
tien, p. 165-171.
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 193
peuples Yoisins ^ Après les Hittites venaient par rang
d'importance les Amorrhéens, les Hivites et les Girgaséens.
Le gros de la nation amorrhéenne, campé sur le plateau à
l'est du Jourdain, y avait deux royaumes principaux : celui du
nord, capitale Êdréî, entre THermon et le Jabbok,- confinait
àTAramBammesek; celui du sud, entre le Jabbok e.trAr-
non, touchait vers le midi aux Ëtats des Térachites et avait
Eliesbon pour capitale^. Une tribu avait poussé jusque dans
la vallée de l'Oronte, où elle possédait la célèbre Kadesh ';
une autre vivait au bord de la mer entre Ékron et Joppé*;
une troisième, installée à Jébus autour du mont Moriah,
se faisait appeler Jébusites'; d'autres enfin s'étaient fixés
près de Sichem et au sud d'Hébron, en assez grand nombre
pour imposer aux montagnes qui bordent la mer Morte
le nom de monts des Amorrhéens*. Les Hivites ^ vivaient
.à l'orient de Sidon, dans les vallées du haut Jourdain et du
Natsana : leurs colonies allaient au nord jusqu'à Hamath,
au sud jusque dans le pays d'Édom. Quant aux Girga-
séens, la dernière et la plus obscure des grandes races ca-
nanéennes, une. partie d'entre eux paraît avoir habité à
l'orient du Jourdain ^, le reste dans la Syrie du nord, non
loin des Hittites septentrionaux *.
Les tribus Térachites n'avaient alors qu'une importance
secondaire. Les enfants d'Israël, enfermés en Egypte, y
devaient rester de longs siècles encore, ayant de revenir au
pays de leurs pères. Les> Ammonites disputaient aux
Amorrhéens la possession du pays situé au nord de l'Ar-
non. Les Moabites vivaient au sud de l'Amon et se main-
tenaient à grand'peine sur les bords de la mer Rouge.
Les Édomites, ralliés autour du mont Seîr, touchaient
vers le nord aux Moabites, et s'étendaient au sud dans la
direction de la mer Rouge. Ils avaient sans cesse à batail-
ler contre les tribus aitibes du désert, Amalécites et autres,
1, Genèse, xiv, 13; xxiii, 3 sqq. — 2. Knobel, Die Vôîkertafel,
p. 201, sqq. — 3. Brugsch, G, îns,, t. Il, p. 21-22. — 4. Juges, 1, 34. —
5» Movers, Die Phcenixier, t. II, 1"' Theil, p. 80. — 6. Deutéronome, 1,
71, 19-20, etc. — 7. Knobel, Die Vôlkertafely p. 336. — 8. W., p. 333.
— 9. Ils sont nommés Qirqasha dans les textes du temps de Ramsès II*
HISTé ANC. 13
194 GHAPITtUS V.
ftt« le» £^y]pti<giui dMfriudeiit sons U nota générique dt
SMb (pîl^ar4te). des 8ho8 ou Shasou répandus de l'iathme
de Sues aux borde de rEuphrate, à la lleière des terres cut-
tivéeS) ne eessaient de harceler tous les peuples de Syrie.
On les trouTsit dans les plaines du Sud comme dans
celles du Noisl; la Gœlé^Syrie et la Phénkie même étaient
sujettes à leurs ineursions et le Toyageur les rencontrait
jusque dans les gorges du Liban *«
Au delà de TBuphrate commençait, sinon l'empire ciial>
déeu, au moins les nations placées plus directement sous
rinfluence des rois de Ghaldée. La conquête élamite n'avait
pas suffi 4 détruire les petits états qui se partageaient le
bassiu inférieur du Tigre et de l'Euphrate : elle les aurait
rendu tributaires d'un étranger, mais leur ayait laissé
Tetistence. Koudour^ekhounta, le premier d'entre eux,
gouvernait de. Suse et ses successeurs immédiats agirent
'^mme lui. Les plus connus d'entre eux, Koudour-Laga-
mer et Koudour-Mabouk, entreprirent des conquêtes loin-
taines. La Bible noue raconte queKeudour^Lagamer (Kho-
dor-Lftomer) envahit la Syrie avec ses vassaux, Amraphel,
roi de Sinéar, Ariekh, roi d'ÉIaesar et Thargal, roi des na-
tions barbares de la Mésopotamie. Il battit les princes de la
Syrie du «ud eonfêdérés contre lui, et leur imposa le tribut
pendant douze années consécutives. La troisième année fut
marquée par un soulèvement générai : Koudour-Lagamer
accourut, vainquit les révoltés dans la vdiée de Siddim et
pilla leurs villes. (Test au retour de cette expédition qu'il fut,
diï-oa, «tiaqué par Abraham, dief des Hébreux, et essuya
une légère délaite ^. Un de ses successeurs, Kondour*Ma-
bouk, conduisit encore des expéditions en Syrie; mais après
lui le pouvoir de la dynastie élamite ne cessa d'aller tou-
jours diminuant. Les rois de la OhaMée du sud, eurtout
peux de Larsam, affirmèrent hautement leur indépendance,
tandis qu'au nord les princes d'Aganê commençaient d'éten-
dre les frontières de leur territoire. L'élément sémito-kou-
1. Pap. Àmastasi 1, pi. XII, 1. 1-2. Cf. Chabas, Vm/age, p. 112, 199.
•^ 2.Cnidw,ziv,1; 6. Ravrlinson, The flve great Monarchiêë, p. 161-163;
Fr. Ltaema&t (Ia Ungw primiêiim 4» Im OhMéê, p. 972-379).
LA CONQUÈT» JÉaTPTIÉNNE. 105
l'éléi»£at (our^inieiay réagissait conim roppreMion à k-
•quelle il ay^H éié fioumis : Saryoukin I, roi d'Aganâ et Tua
des béi?os4i9 Tanûquité ebfiiàét^m^ finit p^r Le £ûre triom-
pker»
J>fiaYeatm*e$ dç Si9.ryQuki& Idppnèrent osjaibiliicb à des lê^
gend^s p^^mkire» q^« l'iiistoire officielle fiait par reeueillir.
La statue qui luii futélevéte plus tard dans la ville d'Aganè
portait »ur sa ba^e l'ii^scription suivante : « garyoukin, le
■ roi puissant, le roi d'Aganâ, c'est moi. Ma mère ne eonnut
point mon pèr/^; niais ma famj^lle apparteiiait aa^^ maîtres
du pay s^ JBI9 U ¥ÂlIe d'j^ivmm, qui est située sur l^s j)prd0
de rSupbjcate, ma mèrt^ me conçut : elle me mit au monde
,dMs uQie plac^ ^ecrèt^* EUo m^ déposa daniB une corbeille
de jouQB dont elle fern^ le çwverple avec d^ bitume et m»
jeta aij)«i lau fleuve dont l'^au n^ put pénétrer jusqu'i. moi,
Ij^ ri'vière m'entr^tna : elle m'emporta jusque yers Akki^
ï'^uvriLer tireur 4' e|LU. Akki, l'ouyrj^r tireur d'eau, dans h
bonté ijde M>» cceur], me rfeçueillit; Akki, l'ouvrier tireur
d'^u« m'éley^. comme sou propre fiU.; Akki» T ouvrier tireur
d'^ew, m'établit cpm«)«n«fj*rdia^ier,,..; [ziaus ma prQfcs^
sion] de jardjmier» Istar me fit prospérer, [au boutd^*-*] «^n^^
j^ m'^mp^9^ du pouvoir royal, ?> G'eet toujours l'iustoire
populaire de^ fouda|;^ursd<^ religion ou d'empire : l'bist<oir«
de MoûBe jeté sur les eau^ et recueilli p^^ la. fille 49 Pb^-
jmUf rbi^toire 4q RyPQs et ds Bomulus id^^»^ #t uourrif
par un berger jusqu'à rpdoles^ceupeK
Sary Qukiu l fut un ponquéraut : il souiftit 1^8 petite roy^iu-
mes cb^idii^nfi k rje^Gieptiou de ceux de Laraam ejt 4'ApiFj9Lk.i
et pénétra j?wq»' au golfe Persiqw, puifip sfî tour^aftjt ^out/^
les Slamit^, lo» vainquit et le^ ç^n^r^guit au tribut, hm
tribus du nord, 1^ Goutim., qui o^upa^euît tout le pays en-
tr^ l'^luptotte «et U» w>9^ éordy$e»3, furent réduites, #1
l, gmitb, Notes m ih€ early hilftory^ et |?pj Wbpt, 4 franm^nf ^
196 CHAPITRE V.
Saryoukin, reprenant les voies tracées par les conqiiérants
élalnites, pénétra jus(jue dans la Syrie. Au retour de ces
expéditions, il fit rebâtir le temple d'Aganê et la pyramide
Oulbar, consacrée à la déesse Anounit. Son règne marque
au dehors Tapogée de la puissance chaldéenne, au dedans
le commencement de la prépondérance des races sémito-
koushites sur toute la CUialdée. Il fonda à Ouroukh une
bibliothèque qui fit bientôt donner à cette ville le nom
de Ville des Livres. Pour la remplir, il fit rechercher tous
les vieux livres qui renfermaient les traditions du sacer- '
doce chaldéen et composer des livres nouveaux en langue
sémitique. Un des grands ouvrages résumait les règles
d'augures et les observations des astronomes antérieurs;
un autre donnait les règles de grammaire des d^eux langues
sémitique et touranienne. Pour les* traités de magie et
de législation, qui avaient été rédigés primitivement dans
le vieil idiome touranien, Saryoukin les fit traduire et
commenter. Rassemblés et transcrits à grand'peine sur
des tablettes de terre cuite, ils subsistaient encore plus de
quinze siècles après; le roi d'Assyrie Assour-ban-habal,
en fit prendre des copies, dont les débris trouvés à Ninive
forment une des richesses du Musée britannique*.
Saryoukin I eut pour successeur son filsKaram-sin, comme
lui roi guerrier et grand constructeur. Il combattit en Ghal-
dée, en Syrie, et poussa [jusqu'au pays de Magan, riche en
cuivre, probal)lement jusqu'à la péninsule du Sinal^. Mais
après lui le pouvoir tomba aux mains d'une femme, EUat-
baou. Le prince qui régnait alors à Larsam, Rim-akou, en
profita pour reconquérir toute la Ghaldée méridionale : il
allait sans doute se jeter sur Babylone elle-même, quand il
fut prévenu par un ennemi plus redoutable. Khammoura- -
gas, roi des Kassi du pays d'Élam, détrôna la reine EUat-
baou et s'intronisa à sa placé.. Il fit réparer les canaux an-
1. Smith, Notes on the early history; Fr. Lenorman^ Études acca-
diennes, 1" partie, troisième fascicule^ p. 79; Les premières civilisa-
tions, t. II, p. 105-106. — 2. Smith, Ibid.; Fr. Lenormant, Études acca-
diennes, 1" partie, troisième fascicule, p. 79-80 ; cf. Haigh dans la
Zeitschrifty 1874, p. 20-23, et Schradier dans la Zeitschrift, 1874, p. 50-53.
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 197
ciens, rectifier le cours du fleuve et creuser des bras
nouveaux, restaurer les monuments de ses prédécesseurs.
Il se tourna ensuite contre Rim-akou et acheva la con-
quête de toute la Ghaldée^ Babylone agrandie devint sa
capitale, et celle de ses successeurs après lui. La dynastie
cissienne, dont il fut le fondateur, continua de régner pen-
dant plusieurs siècles, sans grand éclat à ce qu'il semble :
si nous avions d'une manière complète les annales de cette
époque, nous n'y trouverions guère que des révoltes contre
l'autorité centrale, interrompues çà et là par des luttes
contre des Élamites, l'indication des temples restaurés et
fondés, des canaux nettoyés ou creusés à nouveau. La Ghal-
dée, replié^ sur elle-même, avait perdu les conquêtes loin-
taines de Koudour-Lagamer et de Koudour-Nakhounta, de
Saryoukin I et de Naram-sin.
Cependant au nord de Babylone et dans les pays jusqu'a-
lors occupés par les Goutim, venaient de s'élever une ville et
un royaume nouveau", Elassaret le pays d'Assour. Elassar^
était construite sur la rive gauche du Tigre, à soixante kilo-
mètres au-dessus de sa jonction avec le Zab inférieur. Sur la
même rive du fleuve, mais plus haut vers la source, au delà
du Zab supérieur, on rencontrait la forteresse de Nini, ou
Ninive *. Le pays d'Assour, gouverné d'abord par des souve-
rains pontifes ou Patis, relevait de la(jhaldée. Ses premiers
princes connus, Ismi-dagan et Samsi-Bin, régnaient à la fois
surNipour et sur l'Assyrie : ils vivaient entre 1800 et 1760
avant notre ère * et se trouvaient contemporains des premiers
rois de la dix-huitième dynastie. Leurs successeurs, sinon
eux-mêmes, étaient destinés à sentir bientôt le poids de
la puissance égyptienne.
1.J» Menant; Inscriptions de Hammourabi; J. Oppert, Histoire des
empires, p. 34-37; G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. I,p. 168-
169 ; Fr. Lenormant, Études accctdiennes, p. 80 ; G. Smith, Notes. —
2. Aujourd'hui KcUahSherghat. — 3. Nini, Nii, est la forme égyp-
Uenne du nom. ^ 4. J. Menant, Annales des rois d'Assyrie^ p. 17-19.
10» CHAPITRE V.
£• diz-fciililèiiie Ûjmmmià;
n gendt èutlâtix de coiiûaître l'impreàsion qne fit Cê
monde ilotiyeaii sur lee ptetoiets Ëgyptiefis, qui s'y aven-
turèrent* Par malheur, le récit des campagnes de Thot-
mè» ï** n'egt pa« arrivé jusqu'à nous. Nous savons seule-
ment que dès l'an I de son règne, il poussa jusqu'au nord
de la Syrie * et qu'il éleva ses stèles de victoire sur les bords
de l'Éuphrate*, probablement dans les environs de Kar-
kémish. Cette première Campagne, ou plutôt ce voyage de
découverte, tra^a la route que les armées égyptiennes de-
vaient suivre désormais dans tontes leurs guerres, sans
jamais s'en écarter. Au sortir d'Egypte elles marchaient sur
Raphia, la plus méridionale des villes syriennes, de là sur
Gaza^ Asdalôn et lertsa. A la station de louhem, la route
se divisait en deux branches. La première, de moitié plus
courte que l'autre, menait droit an nord, laissant un peu sur
la gauche le grand port de Jopé et ses jardins délicieux : près
d'Aaloun elle s'enfonçait dans les gorges du Carmel, puis
reparaissait dans la plaine, un peu au nord de Taânak, une
des villes royales des Cananéens, et, quelques milles plus
loin, aboutissait à Mageddo. L'autre branche tournait à
Test, au sortir de Jouhem et courait à travers les monts
Attiorrhéens; elle remontait vers le Jourdain par Tsewta,
contournait les massifs d'Êphraïm par Ophra la Grande et
Ophra la Petite, laissait un peu sur la droite Bethshear,
puis descendait dans la plaine de lesréel par Kishion et Shou-
nem, pour aboutir derrière Mageddo, à peu près à mi-
chemin entre la ville et le Thabor. Mageddo, bâtie au bord
du torrent de Qina, barrait les voies du Liban et pouvait à
volonté ouvrir ou fermer la route aux armées qui marchaient
vers TEuphrate. Aussi joua-t-elle dans toutes les guerres
des Egyptiens en Asie un rôle prédominant : elle fut le
point de ralliement des forces cananéennes et le poste
1. Lepsius, Derikm,, III^ ô. -* 2. De Rougé^ Annales de Touthmès III,
p. 17.
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 100
ayancé dds peuples du Nord contre les attaques venues du
sud. Une bataille perdue souB ses murs livrait la Palestine
entière aux mains du vainqueur et lui permettai^de toit*
tinuer sa marche vers la Gœlé-Syrie.
An sortir de Mageddo, les Égyptiens franchissaient lè
Thabor et débouchaient sur les bords de la mer. de Galilée,
auprès de Kinneret^ remontaient le Jourdain presque jus*^
qu'à sa source par Mérom, Kadesh (plus tard Kadesh de
Naphtali], Laîs, Hazor, Rohob et franchissaient les collines
qui séparent la vallée du Jourdain de celle de Natsàna, non
loin du bourg actuel de Ohazté. Ils remontaient jusqu'à la
source du Natsana, non* loin de Tibekhat (Baalbeck?) et
descendaient la vallée de TOi^onte Jusqu'à Hamath. Ràdesh
la Grande était la plus importante des villes qu'ils rencon*
traient en chemin. Elle était bâtie aux pays des Amorrhêens,
sur la rive et dans un des replis de l'Oronte. Les ehefs sy-
riens, battus à Mageddo, rétrogradaient d'ordinaire jusqu'à
cet . ville et livraient leur seconde bataille sous ses murs.
Vaincus, ils n'avaient d'autre ressource que de se disperser
et de s'enfermer chacun dans sa forteresse. Les rois d'E-
gypte longeaient l'Oronte, prenaient Hamath, puis, arrivés
à peu près à la hauteur d'Antioche, tournaient à droite et
gagnaient Ehalep et Patan (Bâtante) ^ De là à Rarképiish il
n'y avait que quelques heures de marche.
Les peuples situés à droite et à gauche de eette route mi*
litaire reconnurent l'autorité des Pharaons et firent partie
de leur empife. Les uns, à l'exemple des Phéniciens, se
soumirent presque sans combat; il fallut, pour réduire les
autres, de longues guerres et des batailles acharnées. Aussi
bien ne peut-on guère se représenter la domination égyp*
tienne comme quelque chose d'analogue à ce que fut plus
tard la domination romaine. La Syrie, l'Arabie, l'&thiopie
ne devinrent jamais des provinces assimilées aux nomes de
l'Egypte et administrées par des ofSeiers de race égyp**
tienne. Elles gardèrent leurs anciennes lois, leurs anciennes
religions, leurs anciennes coutumes, leurs dynasties, res-
«
1. 0. Uaspero, de CatchemU oppidi sUu, p. ô.
200 CHAPITRE V.
tèrent, en un mot, ce qu'elles étaient avant la conquête. Elles
formaient une sorte d'empire féodal dont le Pharaon était le
suzerain, et les chefs syriens ou nègres les grands vassaux,
•Les vassaux devaient hommage au suzerain, lui payaient
tribut, accordaient aux troupes égyptiennes «t refusaient
aux ennemies le libre passage sur leur territoire. Pour le
reste, ils étaient maîtres chez eux et pouvaient s'attaquer
les uns les autres, faire la paix, chercher des alliances, sans
que le suzerain songeât à s'y opposer.
Un empire établi de la sorte n'était pas des plus solides.
Tant que le pouvoir suprême était aux mains d'un prince
énergique, ou plutôt tant que le souvenir de la défaite res-
tait assez vivant dans l'esprit des vaincus pour étouffer
leurs velléités d'indépendance, les chefs syriens demeu-
raient fidèles à leur vasselage et payaient l'impôt. Mais la
mort du souverain régnant et l'avènement d'un nouveau
souverain, un échec ou simplement le bruit d'un échec
subi par les généraux égyptiens, le moindre événement
suffisait à soulever une révolte générale. Chaque peuple
refusait l'impôt, les différents royaumes redevenaient indé-
pendants, l'Egypte se trouvait en quelques jours réduite à
son seul territoire. Il fallait alors recommencer tout à nou-
veau. D'ordinaire une coalition se formait et ses troupes réu-
nies attendaient le choc sous Mageddo ou sous Kadesh. Une
ou deux batailles avaient raison de cet effort : les alliés se sé-
paraient et couraient se fortifier chacun dans son royaume
ou dans sa ville. Les Égyptiens ne trouvaient plus devant
eux de grandes armées ; mais ils devaient poursuivre cha-
que prince rebelle et l'assiéger longuement avant de le ré-
duire. La révolte avait renversé l'empire en un jour : il
fallait plusieurs années de combat, parfois même tout
un long règne pour le rétablir en son intégrité. C'est en
vain que le vainqueur avait recours aux moyens de ri-
gueur, saccageait les campagnes, enlevait les troupeaux,
rasait les forteresses, mettait les villes à feu et à sang,
déposait et faisait mourir les chefs, emmenait des tribus
entières en esclavage : rien n'y faisait. Après avoir conquis
le pays pendant la durée de chaque règne, on le perdait
=i
f V
il
Ê
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. . 201
au commencement du règne suivant, pour le reconquérir
et le reperdre plus tard, sans arriver jamais à rien fonder
qui durât.
Quelque temps avant sa mort, Thotmès !•' avait associé
au trône sa fille Hatasou^, et l'avait mariée selon l'usage à
son jeune frère Thotmès II*. Le règne de Thotmès II
dura quelques années à peine et ne fut marqué par aucun
événement^considérable. Quelques expéditions contre les
Syriens et les Nègres suffirent à maintenir lu suzeraineté
de TÉgypte sur l'Asie et sur l'Ethiopie. Les tribus du
Soudan, sans cesse en armes depuis l'époque d'Ahmès I,
semblèrent enfin se résigner à la perte de leur indépen-
dance. Elles formèrent une vice-royauté qui s'étendit de
la première cataracte aux montagnes d'Abyssinie. D'abord
confié à de grands fonctionnaires, le gouvernement de l'Ë-
* thiopie devint bientôt une des charges les plus importantes
de l'État, et l'usage s'établit à la cour d'Egypte d'y nom-
mer l'héritier de la couronne avec le titre de' prince de
Koush. Quelq[uefois ce titre était purement honorifique : le
jeune prince demeurait auprès de son père tandis qu'un '
chef administrait pour lui le pays. Souvent il gouvernait
lui-même et faisait dans les régions du haut Nil l'appren-
tissage de son métier de roi.
La reine Hatasou tenait du chef de sa mère Ahmès et de
sa grand'mère Ahmès Nowertari des droits supérieurs
même à ceux de son père et de son mari. Elle était aux
yeux de la nation l'héritière légitime du trône et le re-
présentant direct des dynasties anciennes. Aussi quand
Thotmès !•', sur la fin de ses jours, prit le parti de l'ap-
peler itu pouvoir, la raison d'état eut au moins autant
de part que l'affection paternelle à sa résolution. L'auto-
rité de la reine, consacrée par le chef de la famille, ne fit
que grandir pendant la vie de Thotmès II, et parvint à l'a-
pogée quand te prince mourut sans laisser d'héritiers
mâles. Hatasou, chargée de la régence pendant la minorité
1. Ou bien Hatshepou, — 2. De Rougé^ Étude des motmments du mas-
sif de Kamaky dans les Mélanges d^archéologie égypHenne, t. I^ p. 50.
308 tïHAPITRB V.
Aê ton lecond frère^ ne tarda pas à mettre de pùtê lê sou-
verain enfant et à s'attribuer la plénitude du pouvoir^. iSlld
construisit et dédia des temples en son nom, offrit le M.^
orifice royal, commanda les armées ; elle alla même jus-
qu'à se faire représenter en homme avec la barbe postiche
des souverains. Elle sut d'ailleurs maintenir intacte la
la souveraineté sur les pays du Sud et du Nord, reçut
comme son père le tribut des Routen ou peuples de la
Syrie septentrionale, et porta ses armes jusque dans le To-
nouter, où nul Égyptien n'avait mis le pied. Le To-nouter
confinait au Pount et se trouvsdt sans doute sur les côtes
méridionales de l'Arabie. Situé presque à mi-diemin entre
les deux grandes régions commerciales de l'ancien monde,
rinde et l'Asie sémitique, il était devenu une sorte d'en*
trepôt général pour le négoce des nations orientales. Les
vaisseaux du DecCan y apportaient leurs marchandises, que *
les Arabes et les Ghaldéens transportaient à Babylone, en
Assyrie, au Naharaïn, en Phénicie, et jusque sur les côtes
égyptiennes de la mer Rouge, où les marchands de Goptos
venaient les recevoir. Hatasou, maîtresse de la Syrie et de
l'Ethiopie, résolut de « connaître la terre de Pount, jus-
qu'aux extrémités du To-nouter », et de joindre à son empire
un pays qui produisait les boia de luxe, les gommes, les
aromates, l'or, l'argent, le lapis^^laJculi, les pierreries, toutes
les denrées précieuses que l'Egypte recherchait pour les
besoins du culte et de la civilisation. Elle assembla sur la
mer Rouge une flotte de guerre, la première sans doute
qui ait navigué dans ces parages, et la conduisit elle-même
aux rivages de Pount. Les habitants se soumirent presque
sans combat, et la reine, satisfaite de ce premier succès, ne
jugea pas à propos de pousser jusqu'au To-nouter. Elle re^
vint en Egypte suivie d'un butin énorme, où les produits
de l'Inde se mêlaient à ceux de l'Arabie et de l'Afrique.
Elle emportait avec elle trente-deux arbrisseaux à parfum
disposés dans des paniers avec des, mottes de terre, et
*1. De Rougéy Éttide desmonuminU du massif de Karnak, dans les
Mélanges d'archéologU égyptienne, U l, p. 4VôO«5l4
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 203
^'elle fit planter ensuite dans ses jardins de Thèbes. C'est
là, je crois, le premier essai connu d'acclimatation ^«
r Hatasou mourut vers Tan XXI du ràgne officiel de son
jeune frère Thotmès III, et sa mort fut suivie bientôt
d'une violente réaction contre sa mémoire. On se plut à eon^
sidérer comme une usurpatrice la femme dont la vie avait
été si glorieuse pour TÉgypte* Les inscriptions oà étaient
racontées ses grandes guepres furent martelées^ ses caiv
touches effacés^ ses titres remplacés par ceux de ses frères.
Une formidable «insurrection marqua Tarrivée du nou-«
veau roi aux affaires. Le Routen refusa l'impôt, et les con-
trées voisines suivirent son exemple : en quelques jours
la Syrie entière était perdue, à l'exception de Qaza. Thot-
mès se rendit dans cette ville, y célébra les fêtes de son
couronnement et prit lentement la rout^ du nord : dix
jours après son départ, il n'était encore qu'à une vingtaine
de lieues de Gaza, près du bourg de Jouhem, et attendait
les rapports de ses éclaireurs pour régler définitivement
son plan de campagne. Le 16, il apprit enfin que les con-
fédérés, commandés par le prince de Radesh, s'étaient ré-
tranchés un peu en .avant de Mageddo, au débouché des
gorges du Garmel et couvraient avec des forces imposantes
la route du Liban. Quelques généraux égyptiens, redoutant
les dangers que pouvait présenter une attaque de front,
proposèrent de tourner la position par le chemin qui passait
à Tsewt^ et tombait danâ la plaine de lezréel entre Mageddo
et Thabor sur les derrières de l'ennemi. Thotmès rejeta
leur avis, qu'il trouvait entaché de lâcheté. Trois jours de
marche rapide l'amenèrent au bourg d'Aaloun, que les Sy-
riens avaient négligé d'occuper. Parti d'Aaloun, le 20 de
bon matin, il franchit le col sans renoiçjitrer d'autre ob-*
stacle. que la difficulté du terrain, s'arrêta un instant
sur le versant septentrional de la montagne pour rallier
son arrière^garde attardée, et déboucha en plaine vers la
1. Les textes relatifs à cette campagne ont été publiés pai^ J. Dûmi*
clien dans son grand ouvrage, Die flotte einer jEgyptischen Kônigin.
Cf. Mariette, ^ittairef p. 48-51 ; de Rougé» Étude des monuments du
massif de Karnak, dans les Mélanges d'arehéologie égyptienne, 1. 1^ p. %9.
204 CHAPITRE V.
septième heure. Gomme il était trop tard pour rien entre-
prendre le jour même, il établit son camp au bord du
Qina, en face du camp ennemi.
Le 21, dès Taube, l'armée égyptienne se rangea en ba-
taille. La droite s'appuyait au torrent de Qina, la gauche
s'étendait en plaine jusqu'au nord-ouest de Mageddo, sans
doute afin de déborder l'ennemi et de le rejeter sous les
murs de la ville : le roi était au centre. Les Syriens, sur-
pris par une brusque attaque, furent saisis de paiiique. Us
abandonnèrent leurs chars et leurs chevaux et s'enfuirent
dans la direction de Mageddo ; comme ils se précipitaient
pour pénétrer dans l'enceinte, la garnison, craignant
de voir entrer les Égyptiens après eux, leur ferma les
portes. C'est tout au plus si l'on consentit à hisser les gé-
néraux sur le rempart au moyen de cordes. Le reste de
l'armée se dispersa et gagna la montagne avec tant de ra-
pidité qu'elle n'eut pas le temps d'essuyer des pertes con-
sidérables. Il n'y- eut que quatre-vingt-trois morts et trois
cent quarante prisonniers ; mais les Égyptiens trouvèrent
sur le champ de bataille deux mille cent trente-deux che-
vaux, neuf cent quatre-vingt-quatorae chars, et tout le
butin que les Asiatiques avaient abandonné dans la déroute.
Mageddo, qui à elle seule valait « mille villes », tint à
peine quelques jours : elle se rendit avec tous les princes
qui s'y trouvaient renfermés et sa chute décida du succès
de la campagne*. Les chefs de la "Syrie et de la Mésopo-
tamie, celui du pays d'Assour tout le premier,. se hâtè-
rent de payer le tribut et de rendre hommage au vain-
queur.
Mais bientôt le prince de Kadesh, remis du trouble où
l'avait jeté la défaite de Mageddo, reprit les armes et sou-
leva le nord de la Syrie. L'an XXIX, Thotmès s'empara de
Tounep, de Khalep et d'Arad ; l'an XXX, il vint mettre le
siège devant Kadesh même. La ville fut enlevée d'assaut
et pillée, son enceinte fortifiée détruite en partie : la prise
1. De Rougé, Annales de Touthmès III, p. 8-9, 26-28; Sur quelques
textes inédits du règne de Touthmès III, p. 35-40.
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 205
de Simyra et d'Ârad acheva la campagne. Thotmès reçut
les chefs à merci, mais se fit livrer leurs fils et leurs frères,
cpi'il envoya en Egypte. Si quelqu'un des princes régnants
venait à mourir, il le remplaçait par un des otages. Après
s'être assuré ainsi de la fidélité des provinces syriennes,
il franchit TEuphrate en Tan XXXIÏI, non loin de l'en-
droit où son père Thotmès I avait dressé sa stèle de vic-
toire, à l'occident du fleuve, et s'enfonça dans les plaines de
la Mésopotamie. Il vainquit les Araméens et les mit en
fuite a sans que nul osât regarder derrière lui », traversa le
Khabour, parvint aux bords du Tigre et remonta jusqu'à
Niiîive. Le chef du pays d'Assour n'offrit aucune résistance
et l'expédition se changea en marche triomphale. L'armée
se livra avec passion à la chasse des grands animaux qui
peuplaient alors l'Asie antérieure : cent vingt éléphants
furent tués et leurs défenses rapportées en Egypte parmi
les tributs des nations étrangères. Thotmès revint de cette
lointaine expédition sans rencontrer aucun obstacle : les
peuples tributaires lui apportaient sur son passage les pro-
visions nécessaires aux troupes et l'impôt annuel dont il
les avait grevés. L'Asie semblait soumise à tout jamais,
et pourtant dès l'année suivante la guerre recommença.
La Syrie du nord reprit les armes en l'an XXXIV, la Mé-
sopotamie en l'an XXXV. Kadesh, sortie de ses ruines, se
plaça à la tête d'une nouvelle coalition et fut emportée
d'assaut en l'an XLII. La révolte toujours comprimée écla-
tait toujours à nouveau, sans que ni rigueur ni clémence
pussent la prévenir *.
Au sud, il ne se passait guère d'année où le vice-roi
d'Ethiopie n'eût affaire aux Ouàouà. Les tribus nègres du
haut Nil, habituées de longue date à trembler devant les
Égyptiens, tenaient à peine et cherchaient un refuge dans
le désert, les montagnes ou les marais ; le vainqueur en-
trait dans les villages abandonnés, pillait et brûlait les ca-
banes, y faisait quelques prisonniers, ramassait les trou-
1. Cf. Ebers, Thaten und Zeit Tothmes III , dans la Zeitschrift, 1873,
t> J, sqq.^ et diia'bas> Méh égypt, 3* série, t. II, p* 279 sqq.
30# GHAPITRiB V,
paaiuc et les objets précieux, bmg d'ornement, poudre et
liogots d'or, vaBee de métal émailiéà ou ciâelés, plumes d'au**
trucbe, que les pauvres gens n'avaient pas eu le temps ie
oacber ou d'emmener avec eux, puis rentrait triomphale^
ment en Egypte après quelques semaines de victoires &-
ciles. An sud comme au nord le long règne de Thot^
mes m ne fut qu'une série de guerres toujours heureuses ;
aussi n'est-ce pas sans raison qu'on a donné à ce prinqe le
nom de Crrand. Sans cesse en marche d'une extrémité de
son empire à l'autre, une année sous les murs de Ninive et
r^nnée d'après au fond de l'Ethiopie, il rendit à ses suo^
cesseurs le monde Égyptien plus large qu'il ne l'avait reçu
et tel qu'il ne fut jamais après lui : quoi d'étonnant si ces
guerres incessantes ont inspiré dignement les poètes a^^
semblés à sa cour :
u Je suis venu «» lui dit le dieu Ammon sur une stèle
découverte à Kamak, «je suis venu, je t'accorde d'écraser
les princes de TboH; jfà les jette sous tes pieds à travers
leurs contrées ; -«■ je leur fais voir ta majesté, telle qu'un
seigneur de lumière, lorsque tu brilles sur leurs tête»
comme mon image,
ff Je suis venu, je t'accorde d'écraser les twrbare»
d^Asie, d'emmener en captivité les chefs des peuples Rour*
iennou^"—}^ leur faMi voir ta majesté couverte de ta parure
£de guerre], quand tu saisis tes armes, sur le ch9.r«
« Je suis venu, je t'accorde d'écraser la terre d'Orient;
K.ewa. et Asi. sont sous ta terreur ; — je leur fais voir ta
majesté comme un taureau jeune, ferme de cœuv, muni de
#e« coiïias aiiquei on n'a pu résister,
ce J« suis venu, je t'accorde d'écraser les peuples qui ré^
«ident dans leurs ports et les régix)ns de Mâden tremblant
muM ta terreur; -^ je leur fais voir tft majesté commo
l'hippopotame, seigneur de l'épouvante s«r les eauir, H
qu'on n'fi pu approdier.
« Je suis venu, je t'accorde d'évaser les peuples qm
résident dans leurs îles ; ceux qui vivent au sein de la mer
sont sous ton rugissement; — je leur fais vpir ta majesté
comme un vengeur qui se dresse sur le dos de Sft victim9«
LA GONQUâTE ÉaTS»TI£NNE. 107
« h «uis i«Bkn^ je t'aocorde d'écraser les TaheiinoQ ; -les
tl«8 des DanaeiiB sont au pouvoir de ton esprit ; — je leur
taifi voir ta majesté telle cpi'an lion furieux qui se eouehe
sur leurs cadayres à travers leurs vallées.
« Je suis ¥snu, je t'accorde d'écraser les contrées mari-
times, tout le pourtour de la grande zone des eaux est lié à
ton poing; — je leur fais voir ta majesté telle que le maî-
tre de Taile (l'épervier), qui embrasse en un eUn d'œil ee
qui lui plaît.
«c Je suis venu, je t'accorde d'écraser les peuples qui ré-
sidant dans leurs higunes, de lier les maîtres des sables
(Herousliâ) en captivité; — je leur âds voir ta majesté sem-^
blable au ckacal du midi, seigneur de vitesse^ coureur
qui rôde à travers les deux régions.
<K Je suis venu, je t'accorde d'écraser les barbares dé
Nubie ; jusqu'au peuple de Pat, tout est dans ta main; —
je leur âiis voir ta majesté semblable à tes deux &ères, dont
j'ai réuni les bras pour assurer ta puissance *. »
Tbotmès III mourut le dernier jour de Phamenoth après
cinquauite^quatre ans de règne '. Le souvenir de ses vic-
toires était encore si présent à l'esprit des chefs syriens
qu'ils accueillirent sans révolte l'avénemènt d'Amenho-
tep IL Seuls les rois d'Assyrie qui se croyaient suffisamment
garantis par la distance, osèrent se déclarer indépendants.
Le ra se mit en mardiie pour aller les châtier : il franchit
l'Ëuphrate et « comme un lion furieux » se dirigea vers
Ninive. Le 26 Tybi, il se trouvait Sur les bords du fleuve
Arasât qu'il franchit le jour même après une reconnais-
sance dirigée vers le pays d'Anat par des cavaliers syriens
auxiliaires, une batiolle >iédsive s'engagea daps laquelle
les 'Égyptiens fiupent vainqueurs. Amenhotep hiverna en
Mé^^opotamie e% ne reprit les opérations qu'au mois d'Ëpiphi
1. Mariette, Revue générale de V Architecture, 1860, t. XVIII, col.
^7, SO) et JVdtiM deê principaux monuments exposés au musée de Boum
laqj 3* édit.) p. 78-80; Birch, Ar^ixologia, t. XXVIII; de RovLgéj Revue
a/rchéologiquey 1861; Haspero, Du genre épistoiaire, p. 85-69. —
% Ebers^ Thtktcn mmd Xeit Tothmes III, dans le Zeitschrift^ 1873, p. 7.
La durée exacte est cinquante-quatre ans et onze mois.
208 CHAPITRE V.
de Tan IL Le 10 Épiphi, il était devant Ninive, qui se sou-
mit sans combat : ce les habitants, hommes et femmes,
étaient sur les murs pour honorer Sa Majesté. » Il des-
cendit ensuite le cours du Tigre et parvint jusqu'à la ville
d'Accad, dont il s'empara*. L'an III, après une campagne
d'environ deux ans, la révolte était complètement étouffée
et le Pharaon put rentrer en Egypte. Sa barque triomphale
portait suspendus à la proue les corps de sept chefs du
pays de Takhis qu'il avait tués lui-même au cours de ses
victoires. La tête et les mains de six d'entre eux furent
exposées sur les murs de Thèbes ; le septième fut trans-
porté à Napata, pour servir d'exemple aux petits princes
nègres et leur apprendre à respecter l'autorité de Pharaon*.
Amenhotep II parvint à conserver et même à étendre l'em-
tûre : son fils, Thotmès lY, sans porter ses armes aussi
oin, sut commander le respect aux nations étrangères par
des expéditions heureuses en Syrie et en Ethiopie'. Sous
Amenhotep III qui succéda à Thotmès IV, les limites de
la domination égyptienne étaient! fixées vers TEuphrate au
nord, au sud vers le pays des Gallas^. Les guerres n'a-
vaient plus pour but la conquête : c'étaient des razzias,
des chasses à ïesclave ei^treprises pour recruter la popu-
lation ouvrière et suffire aux grandes constructions qui
s'élevaient dans la vallée du Nil.
Les premiers rois de la dix-huitième dynastie, Ahmès et
Amenhotep, avaient assez à faire de chasser les pasteurs
et de réorganiser l'Egypte. Ils se bornèrent à rouvrir les
carrières voisines de Memphis et à réparer les monuments
qui avaient le plus souffert pendant l'invasion et la guerre
de l'indépendance.. Thotmès I", au retour de son ex-
pédition d'Asie, employa comme maçons les nombreux pri-
sonniers qu'il ramenait à sa suite et commença de grands
travaux, que ses successeurs continuèrent sans interruption.
1. Champollion, Not, man., t. II, p. 185-186. — 2. Lepsius, Denkm,,
III, pi. 65, 1. 16-20. — 3 Lepsius; Ibid,, III, pi. 69, e, f; Sharpe, Eg'.
Insc.y pi. 93, 1. 5-6; Louvre, C, 202. —4. Lepsius, Denkm.y III, pi. 77, c;
Louvre, Salle historique, vitrine N, 582; British Muséum, n* 138; cf.
Brugsch, Histoire, t. I, p. 1 15.
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 209
Toute la vallée du Nil de la quatrième cataracte à la mer se
couvrit de monuments. A Napata, Amenhotep III fonda un
temple dont les avepues sont précédées de béliers accroupis
en guise de sphinx; il embellit le temple de Thotmès III à
Soleb, entre la deuxième et la troisième cataracte. Thot-
mès ni restaura le temple élevé à Semneh en Thonneur du
grand conquérant de la douzième dynastie, Ousortesen III,
et commença près d'Amada la construction d'un temple de
Râ qui nous a conservé quelques-uns des textes historiques
les plus curieux de Fépoque *. A Eléphantine, à Ombos, à
Esneh, à Eilithyia, à Goptos, dans la plupart des grandes
villes de TEgypte propre, on trouve encore aujourd'hui lés
traces de l'activité des Pharaons de la dix-huitième dynas-
tie. Seule Tanis, la capitale des rois Pasteurs et le centre
du culte de Soutekh, fut négligée par eux. Ahmès avait dé-
mantelé la ville, ses successeurs Toublièrent systémati-
quement'•
Au temps^ des rois Memphites ,' Thèbes n'était qu'une
petite ville de province, bâtie sur la rive droite du Nil et
sans autre monument d'importance qu'un sanctuaire con-
sacré à la triade d'Ammon, Moût etKhons. Sur l'autre rive,
à Drah abou'l Neggah, s'élevaient les pyramides funéraires
des princes de Thèbes et les tombeaux de leurs sujets.
Les rois de la douzième dynastie travaillèrent de leur
mieux à l'embellissement de la ville. Amenemhat I«' a laissé
sur la rive gauche, à l'Assassif, les traces de son passage*.
Ousortesen I" commença la construction d'un temple de-
granit et de grès, auquel travaillèrent Amenemhat II et
Amenemhat III*. Les monuments de cette époque, entrete-
nus soigneusement pendant la domination des Pasteurs,
existaient encore sous les rois de la dix-huitième dynastie ;
Thotmès !•' n'y toucha point et les entoura d'un cercle
d'édifices dont la construction fut achevée par Thotmès II
et par la régente Hatasou. Thotmès III éleva un second
1. Cf. sur ce temple Gbabas, Une inscription historique du temps de
Séti f*.— 2. Mariette, Lettre à Jf. de flougf^.— S.Wilkinson, Jrandftoofc of
a traneller, p. 328, — 4. Ibid,, p. 328, 376, 378; Champollion, Not. man.,
t. T, p.45; cf. Mariette, ICamafc in-fol. 1875, avec uiiyol.in<4<>de Texte.
mST. ANC. 14
s 10 CHAPITRE V.
sanctuaire en granit^ dans les cours duquel il fit graver le
récit de ses victoires. Ses successeurs , Amenhotep II,
Thotmès lY^ Amenhotep lU, continuèrent les travaux des
rois précédents et en entreprirent de nouveaux ; le temple,
agrandi par ces additions successives, finit par former un
tout immense dont les diverses parties étaient rattucdiées
les unes aux autres^ soit par de longues avenues de sphinx,
soit par des murs en briques crues ^
Au sud de Karnak, Amenhotep III fonda un autre tem-
ple, consacré au culte d'Ammon* Il est construit au bord du
fleuve, à l'endroit nommé maintenant Louqsor, el peut
passer pour un des chefs*-d'œuvre de Tart égyptien*. Sur la
rive gauche du Nil^ lés souverains de la dix4iuitième dy-
nastie ont laissé des traces nombreuses de leur passage.
Ils travaillèrent à TAssassif, à Médinet-Habou^ à Deir-el-
Babari^ où la reine Hatasou fit peindre et sculpter, en dé-
tail sa campagne contre T Arabie. Devant le temple- con-
struit par Amenhotep m et aujourd'hui ruineuse dressaient
deux statues colossales qui firent pendant longtemps Téton-
nement du monde ancien. L'une d'elles fut brisée pendant
le grand tremblement de terre de Tan 27 av. J^ G» ; la par-
tie supérieure se détacha et tomba sur le sôl^ l'inférieure
resta seule en place% Bientôt après le bruit se répandit que
du socle de la statue sortaient [chaque matin, au lever du
soleil, des bruits semblables au son que produit en se bri-
sant une Gorde de harpe ou de lyre*. Les touristes accou-
rurent^ et bientôt une légende se forma. Malgré le témoi-
gnage des habitants de Thèbes\ les Grecs se révisèrent à
voir dans la statue vocale un colosse du Pharaon Amenho-
tep m : ils la prirent pour une ima^e de Memnon l'Éthio-
pien^ fils de Tithon et de l'Aurore, qui après la mort
d'Hector était venu au secours de Priam contre les Grrecs
et avait été tué par Achille. ToUs les matins^ Memnon, en
fils bien élevé^ saluait d'une voix kartnoDÎettse l'Aurore,
sa mère. Vers le milieu du second siècle de notre ère,
t%M BMgé^^Saf II» «fumumenls tf u «nluff^ ite JTttma*, dans IM JH-
UftflW ^arthéolègiêy 1. 1, p. 36-51» t6-74. ^ 2. Mariette, KwtmÊât. —
3. «IMi)ea, 1. KVII^ «. 1* ^ 4. Pailsàiiiaâ» i» tt. »«
LA CONQOfiTB ÉGYPTIENNE. SU
l'empereur Hadrien et Timpératrice Sabine entreprirenl
le voyage de la Haute Egypte pour entendre sa voix mira*
culeuse. La piété toujours croissante des adorateurs de
Memnon finit par leur inspij^er le désir de restaurer la
statue divine ^ l'empereur Septime Sévère la fit rétablir
telle qu'elle était avant sa chute. Mais, contre toute attente,
Memnon se tut. « Je ne nie pas la réalité des harmonieux
accords que tant de témoins affirment unanimement avoir
entendus moduler par le merveilleux colosse aussitôt qu'il
était frappé des premiers rayons du soleil. Je dirai seu*-
lement que plusieurs fois, assis au lever de Taurore sur
les immenses genoux jdo Memnon, aucun accord musical
sorti de sa bouche n'est venu distraire mon attention du
mélancolique tableau que je contemplais, la plaip^e de
Thèbes, où gisent les membres épars de cette aînée de$
villes royales*. »
Amenhotep III avait épousé une femme d'origine et de
religion étrangères, la reine Taï ^. Il en eut un fils, qui lui
succéda sous le nom d' Amenhotep IV. Le portrait d'Amen^
hotep IV, tel que nous le font connaître les monuments^
nous force à a reconnaître dans tout l'eneemble de sa per-r
sonne ce type particulier et étrange que la mutilation
imprime sur la face, les pectoraux et l'abdon^en » des evk^
nuques. D'autre part, on sait qu'il épousa fort jeune la
reine Nowertïouta et en eut sept filles. « H est donc pr<H
bable que s'il éprouva réellement ]e malheur dont ses traita
semblent porter l'évidence, ce fut pendant les guerree
d' Amenhotep III, au milieu 4es peuplades nàgres du
sud. L'usage de mutiler les prisonniers et lee blessés est
parmi ces peuplades auesi ancien que le monde'. » Amen-*
hotep IV, saos doute imbu des idées religieusea de sa
mère, maiiifesta une grande horreur pour le culte d'Ai^
Xûjon et reporta ses hommages sur les divinités eolaires,
principalement »ui h disqu^. Ia crfiipte de ^Ottlev|f unie
1. Qiampollion, Lettres écrites â^Égyptey p. 312. Cf. potir Phistoiro
anecdotkipB 4u colosse, les laémoirfis do XptroBiie sur Xa fk^u$ wcàle
de M^mm* û3h4% 1^^ ^ 2. Brugsch, Hùioirf. t.i, f« IIJB. •«« 3. if^
nette» dans le Bulletin archéologique, 1855>, p. 57.
212 CHAPITRE V.
révolte parmi ses sujets l'empêcha d'abord d'afficher trop
ouvertement son hérésie. Il se contenta de changer son
nom d'Amenhotep, qui renfermait le nom d'Amnaon,
contre celui de Khounaten^ splendeur du disque solaire^
et continua de rendre hommage en même temps à son père
Amenhotep et au dieu Ammon lui-même*. Plus tard le
fanatisme religieux l'emporta sur la prudence. Le culte
d'Ammon fut proscrit, son nom effacé partout où l'on put
l'atteindre. Les Égyptiens de race pure, devenus suspects
pour cause de religion, disparurent de l'entourage du roi :
ils cédèrent la place à des personnages asiatiques modelés
à l'image du Pharaon et privés comme lui de la virilité.
Thèbes, remplie de monuments consacrés au dieu disgra-
cié, perdit son rang de capitale; Khounaten se construisit
à Tell-el-Amarna une capitale nouvelle où rien ne pouvait
lui rappeler le souvenir de l'antique religion.
Le soleil était le dieu principal de la religion nouvelle :
toutes les anciennes divinités solaires, Râ, Harma-
khis, Hor, furent respectées^. Les monuments nous mon-
trent le dieu sous forme d'un disque dont les rayons des-
cendent vers la terre ; chaque rayon est terminé par une
main qui tient la croix ansée, emblème de vie. Le disque
se nommait Aden, Aten^ et ce n'est peut-être pas sans
raison qu'on a comparé ce nom à celui d'Adonaï dans les
religions sémitiques. Partout où va le roi, le disque solaire
l'accompagne et répand sur lui la bénédiction. Les préoc-
cupations religieuses n'empêchèrent pas Khounaten d'être,
à l'exemple de ses ancêtres, un grand constructeur et un
conquérant. Il travailla en Ethiopie, à Thèbes, à Memphis*,
et continua d'exercer l'autorité souveraine sur la Syrie
aussi bien que sur l'Afrique. A sa mort, la couronne passa
au prince Aï, son frère de lait et le mari de sa fille aînée
Taï. Le nouveau roi, sans renoncer à la religion du dis-
que, suspendit les persécutions dont Ammon avait été l'ob-
jet et rendit un culte aux anciennes divinités du pays.
1. Lepsius, Den&m., III, 91, HO. — 2. Birch, On a remarktbbU ohjeci
in the Arch. Journ., 1851. -^ 3. Nicholson, On some remaint of th$
Disk-Worshippers.
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 213
11 eut pour successeurs deux de ses beaux-frères, Toutan-
khamen et plus tard Râsâakakheprou, d()nt le règne assez
court paraît avoir été prospère. Au moins Toutankhamen
est-il représenté comme un Pharaon tout-puissant auquel
les peuples étrangers rendent hommage en tremblant.
Mais, après eux, des guerres civiles et religieuses désolè-
rent TÉgypte : on vit passer successivement sur le trône
des princes éphémères dont les noms mêmes nous sont in-
connus. Le roi Haremheb (Armais) rétablit la paix, sup-
prima la religion solaire', détruisit les monuments de
Khounaten et restaura partout Tancien culte. Au de-
hors, il reconquit TÉthiopie un moment perdue, imposa
un tribut à la terre de Pount, mais ne tenta aucune expé-
dition en Syrie. Les conquêtes des Thotmès et des Amen-
hotep, si chèrement achetées de ce côté, avaient été per-
dues pendant les guerres de religion. Les petits princes
locaux avaient cessé de payer le tribut : pour les réduire à
nouveau, il fallut toute une génération de conquérants.
MM dlx-neuTlème dynastie | 8étl I*' et lunnsès II.
Haremheb mourut sans laisser d'héritiers directs, et la
couronne passa dans une famille nouvelle. Le chef de la dix-
neuvième dynastie, Ramsès I, paraît avoir été originaire des
districts sémitiques de la Basse Egypte et .se rattachait
peut-être à la race royale des Pasteurs *. Après avoir servi
sous Aï et sous Haretnheb, il finit par arriver au trônq
dans un âge assez avancé et profita de son autorité pour ré-
tablir dans le pays Tordre et la paix. Une expédition de
Tan II contre TÉthiopie •, une courte campagne contre les
Syriens, suivie d'un traité avec les Khêtas, signalèrent au
dehors son passage sur le trône. Au bout de six à sept an-
nées il mourut, laissant pour successeur son fils Séti, le
Séthos des traditions grecques.
Dès les premiers jours de son règne, Séti s'annonça
1. Mariette^ La stèle de Van 4Q0. — 2. Louvre^ G^ 57.
t\k CHAPITRE V.
coittttiê uti eon^éfant. Une expédition, commencée contre
les Bédouins-Shasou, le conduisit en Palestine, et de là au
pied du Liban, dans la vallée de TOronte. Ce premier suc-
cès, après un demi-siècle au moins de paix intérieure, eni-
vra les Egyptiens. La rentrée du vainqueur fut un triomphe
perpétuel, depuis la frontière, où les grands et les prêtres
vinrent Taccueillir de leurs acclamations, jusqu'à Thèbes,
où il présenta les prisonniers qu'il avait faits à son père
Ammon ' : l'figypte put se croire revenue aux beaux temps
des Thotmès et des Amenhotep. Par malheur, ces victoi<-
res avaient plusd'apparence que de fonds. L'état de l'Asie
avait changé depuis un siècle. La Syrie méridionale, »écra-
dée par le passage des armées, avait abandonné toute idée
de résistance acharnée et se livrait presque sans combat.
Les Phéniciens trouvaient qu'un tribut volontaire coûtait
moins qu'une guerre contre les Pharaons et se consolaient
amplement de la perte de leur indépendance en accaparant
le commerce maritime de TEgypte. Mais au nord les Rou-
ten, affaiblis par leurs défaites incessantes, avaient fait place
aux Khètas. D'abord cantonnés sur les croupes de l'Ama-
nos, les Khètas avaient longtemps subi l'ascendant des
Routen et fait partie de lagrande confédération commandée
par ces peuples ; vaincus en même temps qu'eux, ils
avaient comme eux payé tribut à Thotmès III et à ses
successeurs. Vers l'époque des rois hérétiques, ils s'affran-
chirent de là, sujétion dans laquelle ils avaient vécu jus-
qu'alors. Leur suprématie s'étendit sur tout le Naha-
raïn, de Kadesh à Karkémish, et le premier de leurs rois
qu'on connaisse, Sapalel, attaqué par Ramsès I«', força ce
prince à le traiter d'égal à égal. Dès la seconde année de
son règne, Séti P' le rencontra à la tête de ses ennemis.
La lutte se concentra dans le pays des Amorrhéens, autour
de Kadesh, et tourna encore à l'avantage des Egyptiens.
Après plusieurs combats heureux la ville tomba entre les
mains de Pharaon, et ses dépouilles allèrent enrichir le
1. Brugsch, Biiigbeîiehie aw JSgypUriy p. U9 nqq.
LA CONQUÊTE ÉaYPTIENNE. 91&
jgraiid simetaaire d'Ammon Thèbain^ Lu lutt9 0« prolon-
gea pluaieurs années, pendant laquelle la ténacité des
KhètaSy toujours vaincus mais toujours prêts h reoom-
menoer, lassa la patience de leurs adversaires. De guerre
lasse, Séti traita avec le roi Motour (Motener) et conclut
une alliance offensive et défensive qui dura jusqu'à sa
mort.
Désormais la frontière égyptiennne ne dépassa plua
l'embouchure de rOrdnte : l'autorité des Pharaons^ re»«
treinte à la Syrie, du Sud et à la Phénîcie, n'en devint que
plus solide sur ces contrées. Au lieu d'epger simplement
le tribut, Séti imposa aux peuples vaincus des gouverneura
de race égyptienne et mit des garnisons permanentes dami
les places fortes, Gaza, Ascalon, Mageddo : la révolte devint
moins facile et la pai^ mieux assurée*. C'était là un grand
résultat, mais, si on le compare aux résultats obtenus par
Tbotmès m, on ne peut s'empêcher de remarquer combien
l'Egypte était plus puissante au temps de la dix«-buitiàme
dynastie. Jamais les Pharaons d'alors n'auraient considéré
les roitelets syriens comme des égaux avec qui l'on pouyait
conclure une paix honorable : ils ne voyaient en euK que
des ennemis qu'il fallait vaincre, ou des rebelles qu'il fal-
lait châtier, La guerre se terminait par leur soumission
sans conditions ou par leur ruine complète , mais non par
une simple convention. Séti avait beau se décerner les
titres de vainqueur du Jlouten et du Pount, se vanter de
ses victoires sur les Bédouins, proclamer que son empire
s'étendait des bords de la Méditerranée aux bras du Vent
[Bab-el-Mandeb] : les régions adjacentes à l'Euphrate
lui échappaient sans retour. Il ne pouvait aller guerroyer
à son gré en Mésopotamie ou en Chaldée ; un petit peuple,
la veille inconnu, tenait ses armées en écheo et lui barrait
le chemin de la haute Asie.
Du vivant de son père, il avait épousé une princesse
de l'ancienne famille royale, petite-fiUë d'Amenhotep III,
et nommée Taî comme sa grand'mère : il avait de la
1. Brugsch, Histoire, 1. 1, p. 128-130. — 2. Ibid,, p. 135.
216 CHAPITRE V.
sorte légitimé rusurpation dont Ramsès I" s'était rendu
coupable. Le fils qui naquit de cette union, Ramsès, hé-
rita naturellement tous les droits de sa mère et dès l'in-
stant de sa naissance fut considéré par les Égyptiens loya-
listes comme seul souverain de droit. Son père, roi de lait,
fut contraint de Tassocier au trône alors qu'il était en-
core « petit garçon 5>, sans doute pour éviter une révolte. Ce
ne. fut d'abord qu'une fittion légale , agréable sans doute
aux amis des vieilles traditions politiques, mais indiffé-
rente au reste de la nation, et peu respectée par Sétî lui-
même ou par les ministres de son gouvernement. Pendant
toute cette première partie de son existence, Ramsès ne
fut précisément ni roi, ni prince héréditaire : il occupa
entre ces deux conditions une place intermédiaire et pro-
bablement assez mal définie. Souverain reconnu des deux
Êgyptes, en principe il avait droit à tous les insignes et
à toutes les prérogatives de la royauté, mais en fait il ne
portait pas toujours les uns et n'exerçait nullement les
autres. Il avait droit à l'urœus et à la double couronne,
mais s'en tenait le plus souvent à la coiffure ordinaire
des simples princes royaux, une grosse tresse recourbée
et pendante. Il avait droit aux deux cartouches et aux qua-
lifications les plus pompeuses de la chancellerie égyptien-
ne, mais les scribes chargés de rédiger les inscriptions
ouljliaient souvent d'y insérer son nom, et ne lui accor-
daient que les titres modestes de « fils qui aime son
père » ou d'héritier. U avait droit au poste d'honneur et au
rôle principal dans les cérémonies du culte, mais les mo-
numents nous le montrent toujours au second rang : il
tient un plat. d'offrande, verse une libation ou prononce les
invocations tandis que son père accomplit les rites sacrés.
Ramsès n'avait du roi que le titre et l'apparence : les scri-
bes de la chancellerie oubliaient ses droits indiscutables
ou, s'ils venaient à se les rappeler, ce n'était que par oc-
casion et par boutade *.
1. G. Maspero, Essai sur IHnseripHon d^Ahydos, et Revue eritique,
1870, t. II, p. 35-40.
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 217
Dès l'âge de dix ans Eamsès fit la guerre en Syrie, et
s'il faut en croire les historiens grecs, en Arabie. C'est à
la suite de ces campagnes qu'éprouvé par l'habitude du
commandement militaire et mûri par l'âge, il commença
de prendre une part active au gouvernement intérieur de
ses États et réclama son héritage royal. La transforma-
tion du prince obscur et presque inconnu de ses sujets en
roi Maître des deux mondes et craint de tous ses ennemis
se produisit lentement, graduellement, au fur et à me-
sure que la valeur personnelle de Ramsès se développait
et s'accentuait de plus en plus. Séti, vieilli et fatigué par
les guerres de sa jeunesse, lui céda peu à peu le pouvoir et
finit par disparaître presque entièrement devant son glo-
rieux fils. Retiré dans ses palais, il y acheva sa vie entouré
d'honneurs divins. Certains tableaux du temple d'Abydos
le montrent assis sur le trône, au miUeu des dieux; il
tient la massue d'une main et de l'autre un sceptre com-
plexe formé par la réunion des divers symboles de force et
de vie. Isis est à ses côtés et les dieux parèdres, rangés
trois à trois, siègent derrière le couple tout-puissant aur-
quel Ramsès rend hommage. C'est une apothéose anticipée
dont la conception fait honneur à la piété du nouveau roi,
mais ne laisse aucun doute sur la situation réelle de Séti
dans sa vieillesse. On adore un dieu, mais il ne règne pas.
Séti ne faisait pas exception à cette règle commune; on
l'adorait, mais il ne régnait plus*.
La paix lut troublée soudain par un danger -imprévu.
Les peuples de l'Asie Mineure, qui jusqu'alors étaient res-
tés en dehors de la sphère d'action de l'Egypte, firent con-
tre le Delta une tentative d'invasion. Des peuples nouveaux,
les Shardanes, lesTourshâ (Tyrsênes), débarquèrent sur la
côte d'Afrique et s'allièrent aux Libyens. Ramsès II les
battit. Les prisonniers qu'il avait faits sur eux furent incor-
porés dans la garde royale^. Le reste retourna en Asie Mi-
1. Maspero, dans la Hevue critique y 1870. ^ 2. De Rougé, ]?«(ra^l
â^un Mémoire tiir Ui attaques, p. 5-6.
218 CHAPITRE V,
neure, emportant un t^l souTenir de sa défaite que l'E-
gypte fut à l'abri de leurs incursions pendant près d'un
siècle.
La paix assurée au nord, Ramsès se rendit en Ethiopie,
où il passa les dernières années du règne de son père à
combattre et à réduire les tribus qui peuplent les rives du
haut Nil. Il remporta même dans ces régions des succès
importants, que la tradition grecque eut|le tort d'exagérer,
a II dirigea d'abord ses armées contre les Éthiopiens, les
défit et leur imposa des tributs consistant en bois d'ébène,
en or et en dents d'éléphant. Il détacha ensuite vers la
mer Rouge une flotte de quatre cents navires et fut le pre-
mier Égyptien qui ait construit des vaisseaux de guerre,
dette flotte prit possession des îles situées dans ces parages
ainsi que de tout le littoral jusqu'à l'Indos^ » D'après
Strabon, il avait pénétré en Afrique jusqu'à la région qui
produit la cannelle : on y montrait des stèles qu'il y avait
laissées. Il avait colonisé aussi les côtes de la mer Rouge,
où certains endroits s'appelaient encore du temps des Grrecs
ce le mur de Sésostris », et placé une inscription au pro^
montoire Dire, sur le détroit de Bab-el-Mandeb ^. Ces ré-
cits sont évidemment exagérés : Sésostris n'eut jamais de
flottes et n'alla jamais jusqu'à l'Indos. Rien n'indique non
plus qu'il ait soumis les peuples riverains de la mer Rouge
et qu'il soit parvenu à l'Océan d'Afrique. Il se borna, comme
l'indiquent les monuments, à faire contre les tribus nègres
du haut Nil quelques razzias productives et peu dange-
reuses.
A la nouvelle de la mort de son père, Ramsès II, désor-
mais seul roi, quitta l'Ethiopie et alla prendre possession
du pouvoir à Tnèbes. Il était alors dans la force de l'âge
et avait autour de lui un grand nombre d'enfants, dont
quelques-uns étaient déjà assez âgés pour combattre sous
ses ordres. Ses premières années ne furent troublées par
aucune guerre d'importance; c'est à peine si les monu-
ments signalent deux courtes expéditions en Syrie, dont
1. Hérodote, II, 102. — 2. Slrabon, 1. XV, 2.
LA GONQUÈTB fiOTPTIENNjB. 919
•
Tune le conduisit au bord du Nahr-el-Kélb^ prèi de B4-
routh^. Les EhêtaSy fidèles au traité d'alliance conclu ayec
Séti, ne cherchèrent pas à exciter de révolte. Les peuples
de Canaan, maintenus par la présence des garnisons égyp-
tiennes, ne bougèrent pas. Tout semblait donc aller pour le
tnieux, quand vers la fin de Tan IV une guerre terrible
éclata. Tous les peuples de la Syrie du nord, les Khètas, le
Kati, Karkémish, Aadesh, Arad, formèrent une coalition
dans laquelle entrèrent des nations qui jusqu'alors n'a-
vaient pris aucune part aux guerres contre TEgypte. Les
Khètas, logés sur les deux versants de l'Amanos et du
Tauros, appartenaient en même temps à l'Asie Mineure et
à la Syrie t ils pouvaient pousser d'une part jusqu'aux
AjBorrhéens, d'autre part jusqu'à l'Hellespont. Ils rencon-
trèrent dans leurs courses vers le nord et vers l'ouest lés
populations troyennes et lyciennes, comme eux à la recher-
che de butin et' d'aventures. L'espoir de piller sinon l'Egypte
elle-même, du moins les provinces égyptiennes de la Syrie,
décida Ilion, Pêdasos, les Dardaniens, les Mysiens, les
Lyciens, à s'allier aux coalisés contre Sésostris. On vit les
armées troyennes traverser la péninsule dans toute sa lon-
gueur et venir camper en pleine vallée de l'Oronte, à trois
cents lieues de leur patrie'. Ramsès établit sa base d^opé-
rations à la frontière de l'Egypte et du désert Arabique,
dans la ville nouvelle qu'il venait de fonder sous le nom
dePa-Ramsès Aanakhtou (la ville de Ramsès le très-brave),
traversa Canaan qui- lui obéissait encore, se porta rapide-
ment sur les contrées septentrionales et ne s'arrêta qu'à
ghabtoun^ bourgade syrienne située un peu au sud-ouest
de Kadesh et en vue de la ville. Il s'y arrêta quelques jours,
étudiant le terrain et tâchant de discerner la position des
ennemis, sur laquelle il n'avait que des données assez va-
gues. Les alliés au contraire, pariaitement renseignés par
leurs espions qui appartenaient pour la plupart aux tribus
nomades des Shasou^ n'ignoraient aucun de ses mouvements.
1. Lepsius^ Denkm,, III,' 170. — 3. De Hougé, Extrait d'un Mémoire
iwr les attaquet, p. 4 ; Maspero, De Carchemit pppidi situ, p. 37-58.
220 CHAPITRE V.
Le prince de Ehêta, leur chef, conçut et exécuta une ma-
nœuvre habile qui mit Tarmée égyptienne à deux doigts
de sa perte et n'échoiia que devant la valeur personnelle
dif Pharaon.
Un jour que Ramsès s'était avancé un peu au sud de
Shabtoun, deux Bédouins vinrent lui dire : « Nos frères,
qui sont les chefs des tribus réunies avec le vil chef de
Khêta, nous envoient dire à Sa Majesté : Nous voulons ser-
vir le Pharaon v. s. f. Nous quittons le vil chef de Khêta;
il est dans le pays de Khaîep au nord de la ville de
Tounep, où, par crainte du Pharaon, il a rétrogradé ra-
pidement. » Le roi fut trompé par ce rapport qui ne man-
quait pas de vraisemblance : rassuré contre une surprise
par Téloignement présumé de Tennemi (Khalep est en effet
à quarante lieues au nord de Kadesh), il s'avança sans dé-
fiance à la tête de ses troupes, escorté seulement de sa
maison militaire, tandis que les légions d'Ammon, de Phra,
de Phtah et de Soutekh qui formaient le gros de son armée.,
le suivaient à distance. Au moment même où il divisait
ainsi ses forces, les alliés que des traîtres lui représentaient
comme fort éloignés se massaient en secret ai:b nord-est de
Kadesh et se tenaient prêts à fondre sur l'armée égyptien-
ne pendant la marche de flanc qu'elle devait nécessaire-
ment exécuter le long de cette place. Leur nombre était
considérable à en juger par ce fait qu'au jour de la ba-
taille, un seul d'entre eux, le prince de Khalep, pouvait
mettre en ligne dix-huit mille soldats d'élite ; le poëme de
Pentaour nous apprend d'ailleurs qu'ils comptaient, deux
mille cinq cents chars, dont chacun portait trois hom-
mes.
Sur ces entrefaites, les éclaireurs amenèrent deux nou-
veaux espions qu'on]venait de saisir. Le roi, qui semble dès
lors avoir conçu quelques soupçons, fit bâtonner vertement
les prisonniers et leur arracha des aveux complets. Ils re-
connurent avoir été envoyés pour surveiller les manœuvres
de l'armée égyptienne et déclarèrent que les forces des al-
liés, concentrées depuis longtemps derrière Kadesh, n'at-
tendaient pour se montrer qu'une occasion favorable.' Ram-
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 221
ses convoqua son conseil de guerre et aipprit aux officiers la
situation critique dans laquelle il se trouvait. Les géné-
raux s'excusèrent de leur mieux, alléguant l'imprudence
des gouverneurs de province qui avaient négligé de recon-
naître chaque jour la position de Fennemi, et dépêchèrent
un exprès vers le gros de Tarmée pour le ramener, s*il en
était temps, au secours de son chef. Le conseil était encore
réuni quand on apprit que Tennemi venait de se démas-
quer et d'entrer en mouvement. Le prince de Khêta fit pas-
ser rapidement ses forces au sud de Kadesh, tandis que le
roi était déjà au nord de la ville sur la rive occidentale de
rOronte, détruisit la légion de Phra qui marchait au centre
et coupa en deux Farmée égyptienne. Le roi dut charger
lui-même à la tête de sa maison militaire. Huit fois de
suite, il s'élança sur l'ennemi qui l'entourait, rompit les
rangs, rallia ses troupes dispersées et soutint le choc pen-
dant le reste de la journée. Vers le soir, l'ennemi, perdant
l'avantage qu'il avait remporté le matin, dut hattre en re-
traite devant le gros de l'armée égyptienne qui entrait enfin
en ligne : la nuit suspendit le comhat et la bataille fut
remise au lendemayi. Après une lutte sanglante, les Khê-
tas et leurs alliés, enfoncés sur plusieurs points, se mi-
rent en pleine déroute. L'écuyer du prince de Khêta,
Garbatous, le général de son infanterie et de ses chars, le
chefs des eunuques et Khalepsar, l'écrivain des livres, sans
doute l'annaliste officiel, chargé de transmettre à la posté-r
rite les actions de son souverain, restèrent sur le champ de
bataille.
Une partie de l'armée syrienne, acculée à l'Oronte, se
jeta dans le fleuve pour essayer de le franchir à la nage.
Le frère du prince de Khêta, Mizraïm, réussit à gagner
l'autre rive; le chef du pays de Nissa, moins heureux, se
noya, et le prince de EJialep fut retiré du courant à moitié
mort. Les tableaux de la bataille nous le montrent suspendu
par les pieds et dégorgeant l'eau qu'il avait absorbée. Les
vaincus auraient probablement tous péri, si une sortie de
la garnison n'avait arrêté le 'progrès des Égyptiens et per-
mis aux habitants de Kadesh de recueillir les blessés et les
»t8 CHAPITRE V.
fugitifb. Dès le lendemain, le prince de Ehèta fit demander
et obtint la paix'.
Au contraire de ce qu'on devait attendre, cette victoire
ne termina paa la guerre. Le pays de Canaan et les pro-
vinces voisines se soulevèrent sur les derrières de rarmée
victorieuse. A la faveur de cette diversion inespérée, Khêta
reprit courage, répara ses forces et rompit la trêve : la
Syrie entière était en feu des bords de l'Euphrate aux
bords du Nil. La confédération, écrasée à Kadesb, ne se
reforma pas : les peuples, d'Asie Mineure abandonnèrent la
partie et ne reparurent pas dans la lice* Il n'y eut plus de
grandes batailles, mais une série d'affaires de détail et de
sièges qui occupèrent près de quinze ans; la guerre se por*
tait tantôt sur un point, tantôt sur un autre, éclatant aii
nord quand elle se terminait au sud, sans aucun plan dé-
terminé. L'an Vni vit les armées égyptiennes en Gralilée,
où elles réduisirent Mérom et Thabor. L'an XI« la ville
importante d'Ascalon fut prise, malgré la résistance héroï-
que des Cananéens qui la défendaient. Dans une autre
campagne, le roi transporta la guerre plus au nord, et prit
deux villes du pays de Khêta où il trouva sa statue. La
guerre traîna ainsi d'année en année juscpi'au moment où
lee deux peuples, épuisés par tant d'efforts inatilee, ae
décidèrent à poser les armes. Le nouveau prince de Khèta,
Ehêtasar, qui avait succédé à son frère Moteur, assassiné
pendant la lutte, proposa la paix au souverain de l'Egypte.
Elle fut acceptée et conclue en l'an XXI.
La minute du traité avait été rédigée primitivement dans
la langue des Ehêtas : elle était gravée sur une lame d'ar-
gent qui fut solennellement remise au Pharaon dans la ville
de Eamsès. lies bases du traité furent essentiellement les
mêmes -que celles des traités conelus auparavant entre les
rois d'Egypte et les princes de Ehetau temps de Bamsès I^
et 4e Séti I*'. U y ait stipulé que la paix serait éternelle
1. De Rougê, U poème de Pentaour; Cours de l868-*69, ré^mé par
H. Kobiûu dans U JUvue tofUemporaine; Qiabas^ Analyse Ûe Vinscr^
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 2i8
entre les deux peuples. « Si quelque ennemi marche contre
les pays soumis au grand roi d'Egypte et qu'il envoie dire
au grand prince de Khèta : « Viens, amène-moi des forces
c< contre eux, » le grand prince de Khêta fera [comme il lui
aura été demandé par le grand roi d'Egypte]; le grand
prince de Khêta détruira ses ennemis. Que si le grand
prince de Khêta préfère ne pas venir lui-même, il enverra
les archers et les chars [du pays de Khèta au grand roi d'E-
gypte] pour détruire ses ennemis. 3» Une clause analogue
assure au prince de Khêta l'appui des armées égyptiennes*
Viennent ensuite des articles spéciaux destinés à protéger
le commerce et l'industrie des nations alliées et À rendre
plus certaine chez elles l'action de la justice. Tout criminel
qui essayera de se soustraire aux lois en se réfugiant dans
le pays voisin sera remis aux mains des officiers de sa na^
tion; tout fugitif non criminel, tout sujet enlevé par force,
tout ouvrier qui se transportera d'un territoire à l'autre pour
s'y fixer à demeure, sera renvoyé chez son peuple, mais sans
que son expatriation puisse lui être imputée à crime. « Celui
qui sera ainsi renvoyé, que sa faute ne soit pas élevée contre
lui^ qu'on ne détruise ni sa maison, ni sa femme, ni ses en*
fants; qu'on ne tue pas sa mère; qu'on ne le frappe ni dans
ees yeux, ni dans sa bouche, ni dans ses pieds; qu'enfin au-
cune accusation criminelle ne s'élève contre lui. » Egalité et
réciprocité parfaite entre lès deux peuples, alliance offensive
et défensive, extradition des criminels et des transfuges,
telles sont les principales conditions de ce traité, qu'on peut
considérer jusqu'à présent comme le monument le plus
ancien de la science diplomatique ^
Ainsi se terminèrent les guerres de Hamsès II. Si glo-
rieuses qu'elles fussent en réalité, la tradition ne les trouva
pas suffisantes. Suivant les historiena grecs, Sésostris* au-
rait pénétré jusqu'au fond de l'Asie, soumis la Syrie, la
Médie, la Perse, la Bactmne, l'Inde jusqu'à l'Océan; puis,
1. Le terte de 00 traité a été pablié dans Ch«B{K4tion| N^ inan.,
t. n; Bnigseb, Sûs^wm^nn, 1. 1 , pi. XXVIII, et daat le grand ouwage
àe t.0p8iu9. -^ t, té ftem 6éM9«ri& et sesoMt «st «iré d^ua des noms
populaires de Ramsès lï^ Uàl^iHfâ e« iStUMHtt.
224 CHAPITRE V.
revenant par les déserts de la Scythie, il se serait avancé
jusqu'au Tanaîs et aurait laissé dans les environs de la
Palus Mœotis un certain nombre d'Égyptiens qui donnèrent
naissance au peuple de Colchide^ On dit même qu'il passa
en Europe et ne s'arrêta qu'en Thrace, où le manque de
vivres et la rigueur du climat mirent fin à ses conquêtes. Il
revint en Egypte après avoir, pendant neuf ans, couru de
victoire en victoire, laissant partout comme marque de son
passage des statues ou des stèles qui portaient son nom '.
Hérodote avait vu plusieurs de ces monuments en Syrie
et dans Tlonie. On a retrouvé en effet près de Beyrout,
à l'embouchure du Nahr-el-Kelb, trois stèles gravées dans
le roc et datées des ans II et JV de Ramsès II. L'une des
deux figures qu'Hérodote disait exister de son temps en
Asie Mineure, se voit aujourd'hui encore près de Ninfi,
entre Sardes et Smyrne. Au premier abord, elle semble
avoir réellement le caractère des CEuvres pharaoniques;
mais un examen attentif y fait reconnaître une foule de dé-
tails étrangers à l'art égyptien. La chaussure est recourbée
à la pointe comme les souliers à la poulaine du moyen âge,
la coiffure plus semblable à une tiare phrygienne qu'à la
double couronne, et la calasiris striée de droite à gauche au
lieu de l'être de haut en bas *. Il est vraisemblable que
cette sculpture n'est pas due au ciseau d'un Égyptien, et
tout à fait certain qu'elle ne représente pas Sésostris.
De l'an XXI à la mort du roi, pendant quarante-six ans,
la paix ne fut plus troublée. Les conditions du traité furent
loyalement observées de part et d'autre ; bientôt même une
alliance de famille vint resserrer les liens d'amitié qui s'é-
taient formés entre les deux souverains. Ramsès épousa la
fille aînée du prince de Khêta et, quelques années après,
invita son beau-père à visiter la vallée du Nil. « Le grand
1. Hérodote, II, 103-105. M. Hyde Clarke a essayé de prouver la réa-
lité de cette tradition par la philologie, Memoir on the comparative
Grammar of Egyptian, Coptie and Ude. London, 1873. — 2. Hérodote,
II, 102-107. —3. Charles Texier, Asie Mineurey II, 304. On nomme cala-
siris Tespèje de jupon court et bridant sur la hanche, qui était la pièce
la plus importante du costume national égyptien.
LA CONQUÊTE ËGTPTIJâNNE. S35
chef de Ehêta envoie mander au prince de Rati : « Prépare*
ce toi, que nous allions en Egypte. La parole du roi s'est
« manifestée, o];>éissons à Sésostris. U donne les souffles de
ce la vie à ceux qui Taiment : [aussi] toute terre Taime, et
a Khêta ne fait plus qu'un avec lui *. » Le prince syrien vi-
sita en Tan XXIII la ville de Ramsès, peut-être même celle
de Thèbes; On fit graver à cette occasion une stèle sur
laquelle il est représenté en compagnie de sa fille et de son
gendre. Ce ne fut pas sans une sorte d'étonnement mêlé
de reconnaissance que TÉgypte vit ses ennemis les plus
acharnés devenir ses alliés les plus fidèles et « les peuples
du Remit n'avoir plus qu'un. seul cœur avec les princes de
Khêta, ce qui n'était pas arrivé depuis le temps du dieu
Râ. » . •
A la faveur de cette paix profonde, le roi put se livrer à
son goût pour les constructions monumentales. « Il fit,
disent les historiens grecs, bâtir un temple dans chaque
ville à la divinité principale du lieu. » Et de fait, Ramsès II
est le roi constructeur par excellence. Pendant les soixante-
sept années de règne qui lui furent si largement mesurées,
il eut le temps d'achever ce que ses prédécesseurs avaient
commencé et d'élever partout de nouveaux édifices. On peut
dire sans s'écarter de la vérité qu'il n'y a pas une ruine en
Egypte et en Nubie qui ùe porte son nom '. Le grand spéos
d'Isamboul était destiné à perpétuer le souvenir des cam-
pagnes contre les Nègres et les Syriens; quatre colosses
monolithes de vingt mètres de haut en décorent l'entrée.
A Thèbes, le temple d'Amenhotep III (Louqsor) fut ter-
miné et orné de deux obélisques en granit, dont le plus
beau se trouve aujourd'hui sur la place de la Concorde, à
Paris. Le second pylône du grand temple d'Ammon (Kar-
nak) fut couvert de tableaux représentant la bataille de
Kadesh. Le temple de Gournah, commencé par Séti en
l'honneur de Ramsès I*', fut achevé et consacré. Le Rames-
seïon, connu des anciens sous le nom de Tombeau d'Osy-
1. Pwp. AnasiaH II, pi. II; Pap. ÀnastasilV, pi. VI, 1. 7-9. Cf.
Chabas, Mél. Égypt.y 2« série, p. 151, et G. Maspero, Pu genre épis-
totaire, p. 102. — 2. Mariette, Histoire d^Égypte, p» 60^1.
mST. ANC< 1&
fill6 GHAPITEË V.
manJiaSy ruppela une fois de plus dans ses sculptures le
spuyenir de la eampagne de Tan V. Partout, dans le temple
d'Âbydos, comme à Memphis et à Bubaste, aux carrières
de Silsilis comme aux mine^ du Sinaî, on retrouve la main
de Ramsès II. Le grand temple de Tanis, négligé par les
souTerains de la dix-huitième dynastie , fut restauré et
agrandi par lui; la ville elle-même, rebâtie presque en en-
tier, se releva de ses ruines. Dans plusieurs endroits, les
architectes, pressés de tr&vail, commirent de véritables
usurpations : ils firent effacer sur des statues et des temples
le nom des roi» constructeurs pour y substituer les car-
touches de Ramsès II*.
Les travaux d'utilité publique eurent leur large part de
soin et d'argent. Dès l'an III, le Pharaon, désireux d'as-
sure^ l'exploitation facile des mines d'or de Nubie, avait
fait construire sur la route qui mène du Nil au Gebcl-Ol-
Is^i une série de stations munies de citernes et de puits '.
Il fit plus tard nettoyer et compléter le réseau de canaux
qui sillonnait la basse Egypte, entre autres le canal des
deux mers*. Il éleva sur la limite du désert une série de
postes fortifiés destinés à mettre l'Egypte à l'abri des Bé-
QOuinB. Les nécessités de la politique le forçant à résider à
Torient du Delta, il avait fondé dans cette partie du pays
plusieurs villes nouvelles, dont la plus importante portait
son nx)m. I^es poètes du temps nous en ont laissé des des-
criptions pompeijses. «Elle s'étend, disent-ils, entre la Pa-
lestine et l'Egypte, — toute remplie de provisions déli-
cieuses. — Elle est comme la reproduction d'Hermonthis ;
— sa durée est celle de Memphis ; — le soleil se lève — et
se couche en elle. — Tous les hommes quittent leur ville et
s'établissent sur son territoire *. » — « [Les riverains] de la
1. Le grand sphinx k,2l, du Ijouvre, pur ezempl», a été taiUésous
un ro^ 4* U dottzi&BQA ou de 1^ treizième dynastie, -r 2. Blrch^ Upon
ajA hUiprical tabîet of Uatnsef II, dans VArçhasologiaf t. XXXIV^ p. 357^
399 ; Chabas, Les Inscriptions des mines d'or, p. Î3, 199. — 3. Aristote,
Météièr,, I, U; 5M-al>Qtt, 1. 1, S 1 j L XVII, § 1; PU^e^ B. i\r., YI, 29,
S 166. Tous pes auteurs disent que Tentreprise fut commencée, mais non
achevée. Un lOûn^ment du temps de 6éti l*'* nous montre le canal en
activité dès avant Ramsès II. — 4. Pap. Anastasi II, pi. I^ 1. 3-5; Vap*
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. 827
•
BOBr lui apportent en hommage des anguilles et des poi»^
SOHS, — et lui donnent le tribut de leurs marais. — Les
tenants de la ville sont en Yêtemenf^ de fête, chaque jour,
— de l'huile parfumée {sur leur tête dans des perruques
neuves; — ils se tiennent à leurs portes, — leurs mains char-
gées de ponqu&tBy — de rameaux verts [du bourg] de Pâ-i
Hathor, — de guirlandes [du bourg] de Pahour, — au jour
d'entrée du Pharaon....» — La joie règne et s'étend — sans
que rien l'arrête, — ô RarOusoT-màêtep-enrRâ! v. s. f. dieu
Month dans les. deux Égyptes, — Rfi^rnsès-Maïamoun! v.
s. f. le dieu ' ! »
Comité on voit, la poésie florissait au fiemps de Ramsès II,
et les manuscrits nous ont conservé le nom et les œuvres
des poètes alors en vogue, Amenemapt et Pentaour. Ce
damier, est Tauteur d'une des oeuvres les plus considéra-
bles et les mieux inspirées de la littérature égyptienne, le
poème nù sont racontées la campagne de l'an V et la ba-
taille de Eadeeh. On sait d^à quelles ^ont les dminées du
poème : le roi, surpris par le prince de Khêta, est réduit à
chargerlui-mêmeàlatête de sa maison militaire, a Ypiei que
Sa Majesté se leva comme »cm. père Montfa; die saisit ses
armes et revêtit sa cuir^s^e, semblable à Baal en son heure.
Les graxuls dievaux qui portaient S^ Majesté, « Victoire à
«c Thèbes » était leur nom, sortaient des écuries de Râ-
ousorHDQiastep-en'&â,aiméd'Ammon.Le roi, s'ét^nt lancé,
pénétra dans les rangs de ces Khétas pervers. U était seul
de sa personne, «ucun autre avec lui; s' étant ainsi avancé
à la vuje de ceux qui étaient derrière lui, il se trouva en-
veloppé par deux mille cinq cents chars, coupé dans sa re-
traite par tous les guerriers du pervers Khêta et par les
peupL^ nombreux qui les accompagnaient, par les gens
d'Arad, de Mysie, de Pédase. Chacun de leurs chars portait
trois hommes, et ils s'étaient tous réunis.
a Aucun prince n'était avec moi 1 au^un général, anruq
/F, pi." VI, 1. 2-4. Cf. Chabas,if^?. Égypt., V série, p. UljMasperoj
Du genre épistolairef p. 102. — 1. Pap. Anastasi Illj pi. III, 1. 1-9. Cf.
C^iabàs, MéLÉg,, V série, p. 132-134; Maspero, Du genre épisioîairc,
p.lO^iOS.
228 . . • CHAPITRE V.
officier des archers ou des chars. Mes soldats m'ont abaa-
*
donné, mes cavaliers ont fui devant eux, et pas un n'est
resté pour combattre auprès de moi. » Alors Sa Majesté dit:
« Qui es-tu donc, ô mon père Ammon? Est-ce qu'un père
oublie son fils? Ai-je donc fait quelque chose sans toi?
N'ai-je pas marché et ne me suis-je pas arrêté sijr ta pa-
role? Je n'ai point violé tes ordres. Il est bien grand, le sei-
gneur de l'Egypte qui [renverse] les barbares sur sa route !
Que sont donc auprès de toi ces Asiatiques ? Ammon énerve
les impies. Ne t' ai-je pas consacré des offrandes innombra-
bles? J'ai rempli ta demeure sacrée de mes prisonniers;
je t^ai bâti un temple pour des millions d'années, je t'ai
donné tous mes biens pour tes magasins. Je t'ai offert le
monde entier pour enrichir tes domaines.... Certes, un sort
misérable soit réservé à qui s'oppose à tes desseins ! bon-
heur à qui te connaît ! car tes actes sont produits, par un
cœur plein d'amour. Je t'invoque, ô mon père Ammon ! Me
voici au milieu de peuples nombreux et inconnus de moi ;
toutes les nations se sont réunies contre moi, et je suis seul
de ma personne, aucun autre avec moi. Mes nombreux sol-
dats m'ont abandonné; aucun de mes cavaliers n'a regardé
vers moi ; quand je les appelais, pas un d'entre eux n'a
écouté ma voix. Mais je pense qu' Ammon vaut mieux pour
moi qu'un million de soldats, que cent mille cavaliers,
qu'une myriade de frères ou de jeunes fils, fussent-ils tous
réunis ensemble ! L'œuvre des hommes n'est rien, Ammon
l'emportera sur eux. J'ai accompli ces choses par le conseil
de ta bouche, ô Ammon ! et je n'ai pas transgressé tes con-
seils : voici que je t'ai rendu gloire jusqu'aux extrémités
de la terre 1 »
Songez qu'il se trouve sur un champ de bataille, que les
Syriens l'entourent et qu'il est seul contre tous. Il ne s'agit
plus pour lui de vaincre, mais de rompre la ligne ennemie
et de mourir comme il convient à un roi : malgré le danger
qui le presse, son premier mouvement le porte vers Pieu.
Au moment de se précipiter dans 4a mêlée et de risquer
Teffort suprême, il prend à témoin son père Ammon et l'ap-
pelle au secours, non pas brièvement, par quelques mots jetés
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. . 229
au hasard entre deux coups d'épée, mais longuement, avec
autant de calme et de sérénité que s'il était encore dans les
sanctuaires pacifiques de Thèbes. La pensée divine s'est
emparée de lui et Ta pour un instant ravi à la terre : le
danger a disparu, les ennemis se sont évanouis, le monde
entier sçmble s'être dérobé sous ses pas ; il se trouve porté
sans secousse aux confins d'un monde si calme et si haut,
que le bruit de la bataille n'arrive plus jusqu'à lui. Il con-
temple Ammon lace à face, lui rappelle les honneurs qu'il a
rendus aux dieux, les bienfaits dont il a comblé leurs tem-
ples, et réclame l'aide des puissances célestes, non pas,
comme un simple mortel pourrait le faire, en termes hum-
bles et suppliants, mais sur un ton grandiose et impérieux
où perce le sentiment de sa propre divinité.
Le secours ne se fait pas attendre. « La voix a retenti
jusque dans Hermonthis, Ammon vient à mon invocation :
il me donne sa main. Je pousse un cri de joie , il parle
derrière moi : « J'accours à toi, à toi Ramsès-Meïamoun,
a v. s. f.; je suis avec toi. C'est moi, ton père! ma main est
«c avec toi et je vaux mieux pour toi que des centaines de
ce mille. Je surs le seigneur de la force aimant la vaillance;
«j'ai trouvé un cœur courageux et je suis satisfait. Ma vo-
ce lonté s'accomplira. » Pareil à Month , de la droite je
lance mes flèches ; de la gauche je bouleverse les ennemis.
Je suis comme Baal en son heure, devant eux. Les deux
mille cinq cents chars qui m'environnent sont brisés en
morceaux devant mes cavales. Pas un d'entre eux ne trouve
sa main pour combattre ; le cœur manque dans leur poi-
trine et la peur énerve leurs membres. Ils ne savent plus
lancer leurs traits et ne trouvent plus de force pour tenir
leurs lances. Je les précipite dans les eaux comme y tombe
le crocodile ; ils sont couchés sur la face, l'un sur l'autre,
et je tue au milieu d'eux. Je ne veux pas qu'un seul regarde
derrière lui ni qu'un autre se retourne : celui qui tombe ne
se relèvera pas. »
L'effet produit par cette subite irruption de la divinité au
milieu de la bataille est grand, même pour un moderne, ha-
bitué à considérer l'intervention des dieux comme unesim-
230 CHAPITRE V.
t)le machine de théâtre. Pour un Égyptien, élevé au respect
llimité des forces surhumaines, il devait être irrésistible. Le
prince de Khêta, tout triomphant qu'il paraisse être, se sent
comme arrêté soudain au milieu de sa victoire par un pou-
voir invisible, et « recule frappé de terreur. Il fit alors avan-
cer des chefs nombreux munis de leurs chars et de leurs
tens exercés à toutes les armes : le prince d'Arad, celui de
Mysie, le prince dllion, celui de jLycie, celui de Dardanie,
le prince de Karkèmish, celui deQarqisha', celui deKhaleb.
Ces alliés de Khêta réunis ensemble formaient trois mille
chars. » Tous les efforts sont superflus. « Je me précipitai
sur eux pareil à Monthj ma main les dévora dans l'es-
pace d'un instant; je tuai et je massacrai au milieu d'eux.
Ils se disaient l'un à l'autre : « Ce n'est pas un homme qui
K est au milieu de nous, c'est Soutekh le grand guerrier,
« c'est Baal en personne. Ce ne sont pas les actions d'un
« homme, ce qu'il fait : seul, tout seul, il repousse des cen-
« taines de mille, sans chefs et sans soldats. Hâtons-noùs,
ce fuyons devant lui, cherchons notre vie et respirons [ën-
« core] les souffles ! » Quiconque venait pour le combattre
sentait sa main affaiblie; ils ne pouvaient plus tenir ni l'arc
ni la lance. Voyant qu'il était arrivé à la jonction des routes,
le roi les poursuivit comme le griffon. »
Les ennemis en déroute, c'est alors seulement qu'il ap-
pelle ses soldats, moins pour leur deniander secours que
pour les prendre à témoin de sa valeiir. « Soyez fermes,
afiermissez vos cœurs, ô mes soldats ! vous voyez ma vic-
toire, et j'étais seul : c'est Ammon qui nà'a donné la force,
sa main est avec moi. » Il encourage son écuyerMenna, que
le nombre des ennemis remplit d'effroi, et se jette au mi-
lieu de la mêlée. « Six fois je chargeai à travers les enne-
tnis. 55 Enfin son armée arrive vers le soir et le dégage : il
l'assemble ses généraux et les accable de reproches. x< Que
dira la terre entière, lorsqu'elle apprendrai que vous m'avez
laissé seul et sans un second? que pas un prince, pas un
officier de chars ou d'archers n'a joint sa main à la mienne?
J'ai combattu, j'ai repoussé des millions dépeuples, à moi
seul. Victoire à Thèbes et NoUrà satisfaite étaient mes
LA CONQUÊTE ÉGYPTIENNE. S31
grands chevaux, c'est eux que j'ai trouvés sous ma main
q[uand j'étais seul au milieu des ennemis frémissants. Je
leur • ferai prendre moi-même leur nourriture devant moi,
chaque jour, quand je serai dans mon palais , car je les ai
trouvés quand i'étais au milieu des ennemis, avec le chef
Menna, mon écuyer, et avec les officier» de ma maison qui
m'accompagnaient et sont mes témoins pour le combat :
voilà ceux que j'ai trouvés. Je suis revenu après une lutte
victorieuse et j'ai frappé de mon glaive les multitudes as-
semblées. »
Le combat du premier jour ne fut que le préliminaire
d'une action plus considérable. Le lendemain matin, la ba-
taille recommença, avec quel succès pour les Égyptiens et
quelles pertes pour les Asiatiques, nous l'avons montré
plus haut. Peûtaour n'edtre pas dans le détail de cette se-
conde journée ; il la décrit rapidement en quelques lignas
consacrées tout entières à l'éloge du roi. C'est qu'en effet le
sujet du poème n'est pas la victoire de Kadesh et la défaite
des années syriennes : pour importants à l'historien que
soient ces événements^ le poète les laisse presque entière-
ment de côté. Il a voulu chanter le courage indomptable de
Sésostris, sa foi dans le secours des dieux, la forée irrésis-
tible de son bras; il a voulu montrer le héros surpris,
abandonné des siens, et rachetant par sa vaillance les fautes
de ses généraux , marchant seul à l'ennemi , le taisant six
fois reculer et le tenant en échec jusqu'au coucher du so-
leil. Tous les faits qui pourraient nuire à l'impression
générale ou diminuer l'éclat de la vaillance royale ôont
rejetés dans l'ombre. De la maison militaire une seule meh-
tion ; du second jour de la bataille une description insuf- '
fisante. Le roi des Kiêtas implore la paix : Sésostris la •
lui accorde et rentte triomphant dans ses États. « Ammon
vint le saluer en disant : « Viens, notre fils chéri, ô Ram-
cc ses Meïamoun! »Les dieux lui ont doùné les périodes in-
finies de l'éternité sur le double trône de son père Atoum,
et toutes les nations sont renversées sous ses sandales *. 55
1. Le texte du poème se trouve aux Papyrus Raifé et Sallût W^
232 CHAPITRE VI.
CHAPITRE VI.
LES GllArft>E8 MIGRATIONS MARITIMES
ET LA VINGTIÈME DYNASTIE.
La colonisation sidonienne et TAsie Mineure. — Les migrations des
peuples de TAsie Mineure et TExode. — Ramsès III et la vingtième
dynastie.
I«a colonisation sidonienne et TAsIe Hlnenre.
De tous les peuples de Syrie les Phéniciens étaient ce-
lui qui avait le mieux profité de la conquête égyptienne.
Placés en dehors de la route ordinaire des armées, ils n'a-
vaient pas à souffrir de leur*passage non plus que des pé-
ripéties de la lutte, comme les autres nations de Canaan.
Les gens d'Arad et de Simyra avaient, sous Thotmès III,
pris part aux révoltes des Rotennous, et avaient été châtiés
d'une manière qui leur avait ôté l'envie de recommen-
cer. Gebel et Bérouth, Sidon et Tyr, étaient restées fidèles
à leurs maîtres étrangers depuis le temps de Thotmès P'
jusqu'à celui de Ramsès IL Elles avaient acquis le privi-
lège de faire le commerce en Egypte pour le compte des
étrangers, et à l'étranger potrr le compte de l'Egypte.
Grâce à ce privilège, Sidon, qui avait succédé aux Giblites
dans la suprématie de la nation phénicienne, avait pu dé-
velopper sa marine et était parvenue au plus haut point
de richesse et de gloire.
Le Gommerce des Phéniciens avec les peuples du de-
hors se faisait à la fois par terre et par mer, au moyen de
caravanes et sur des vaisseaux. Toutes les route« qui, des
grands marchés de l'extrême Orient, de l'Inde, de la Bao-
ainsi qu'à Ibsamboul, Louqsor, Karnak, et au Ramesseîon. La traduction
est de M. de Rougé, Recueil de travaux, 1870, t. I. p 1-8.
3L\SI'KH0 Uisloii»e anc'ipiiue
LES COLONIES PHENICIENNES
le Bassin de la Méditerranée
*)
7-
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LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 233
triane, de la Ghaldée, de l'Arabie, des régions du Caucase,
se dirigeaient vers TOccident, venaient aboutir à Sidon et à
Tyr. Il est assez difficile de savoir si les marchands phéni-
ciens allaient chercher eux-mêmes l'or des monts Altaï et
les produits du Gange, ou s'ils se contentaient de tirer
leurs denrées des entrepôts intermédiaires de TArabie et
de la Chaldée. Ce qui est certain, c'est qu'ils s'étaient éta-
blis aussi loin que possible sur les grandes voies du com-
merce et en avaient occupé les points principaux au gué
des rivières et au défilé des montagnes*. Laïs, aux sourbes
du Jourdain, non loin de l'endroit où la route qui mène
d'Egypte en Assyrie passe de la Syrie méridionale dans la
Gœlé-Syrie, était une colonie deSidoniens*. Hamath, dans
la vallée de l'Oronte , Thapsaque, au gué de l'Euphrate',
Nisîbis*, près des sources du Tigre, passaient pour être
de fondation phénicienne. Ces villes, et d'autres encore
dont l'histoire n'a pas gardé souvenir, étaient comme au-
tant de jalons que les marchands de Sidon avaient plantés
sur la route de leurs caravanes, et d'entrepôts où ils amas-
saient les produits des régions environnantes pour les diri-
ger sur leurs magasins du Liban.
Mais Hamath, Nisib, Thapsaque, perdues au milieu des
terres, n'étaient pas à proprement parler des possessions
sidoniennes : c'étaient des comptoirs dépendants des prin-
ces ou des tribus voisins, nullement de la métropole.
Le commerce maritime avec les peuples méditerranéens
amena, au contraire, la création d'un véritable empire
colonial. L'histoire et les progrès de cette colonisation,
qui fit de la Méditerranée une mer phénicienne, ne nous
-sont qu'imparfaitement connus : les documents et les re-
lations que renfermaient- à ce sujet les archives de Tyr et
de Sidon sont aujourd'hui détruits, comme les ouvrages
que les écrivains d'époque gréco-romaine avaient composés
à leur aide. Presque tout ce que nous savons nous est
parvenu sous forme de mythe. On contait que Melkarth,
1. Movers, Die Phônixier, t. II, 2»" Theil, p. 159-165. — 2. Josué,
xm, 6 ; Juges, xvm, 7-28. — 3. Movers, Die Phôniaier, t. II, 2*" Theil,
p. 164. — 4. £t. de Bysance, s. y., Niai6ic.
234 CHAPITRE VI.
THercule tyrien, avait rassemblé une armée et une flotte
nombreuse dans le deôsein de conquérir Tlbérie, où ré-
gnait Khrysaor, fils de Géryon. Il avait soumis, chemin
faisant, l'Afrique, y avait introduit l'agriculture et fondé la
ville fabuleuse d'Hécatompyles, franchi le détroit auquel il
donna son nom, bâti Grades et vaincu l'Espagne. Après
avoir enlevé les bœufs mythiques de Géryon, il était revenu
en Asie par la Gaule, l'Italie, la Sardaigne et la Sicile. A
cette tradition d'ensemble qui résume assez bien les prin-
cipaux traits de la colonisation phénicienne, venaient se
joindre mille traditions locales. C'était Kinyras à Chypre et
à Mélos; c'était Europe enlevée par Zeus.Kadmos, envoyé
à la recherche de sa sœur, visitait Chypre, Rhodes, les
Cyclades , bâtissait la Thèbes de Béotie , et allait mourir
en lUyrie. Partout où les Phéniciens avaient été, la gran-
deur et l'audace de leurs entreprises avaient laissé dans
l'imagination du peuple des traces ineffaçables. Leur nom,
leurs dieux, le souvenir de leur domination, étaient passés
à l'état de légendes, et c'est avec ces légendes mêlées de
fables qu'on parvient à reconstruire en partie l'histoire per-
due de leurs découvertes.
A peine établis dans leur nouvelle patrie, les Phéniciens
s'étaient jetés à la mer. Les Griblites avaient les premiers
lancé leurs colonies sur les côtes environnantes *. Les Si-
doniens, vainqueurs des Giblites, avaient continué et
poussé plus loin leurs explorations : après avoir occupé les
embouchures de l'Oronte, ils avaient débarqué à Chypre.
Au jugement des anciens, Chypre n'était inférieure à au-
cune des îles du monde alors connu *. Elle est longue d'en-
viron soixante lieues et large en moyenne de vingt ; elle
projette vers le nord-est une péninsule étroite et assez
semblable à un doigt tendu vers l'embouchure de l'Oronte.
Elle est traversée par une chaîne de montagnes peu éle-
vées et possède quelques plaines favorables à la culture.
Boisée dans l'antiquité', elle a été peu à peu dénudée par
1. Movers, Uie Phôni;sier, t. II, 2'" Theil, p. 103 sqq. — 2. Str bon,
1. XIV, 6 ; Eustathe, Ad Dionys.j v. 508. — 3. Ératosthène dans Stra-
bon, 1. XIV, 6.
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 235
la main de L'homme. Le sol est généralement fertile,
produit du blé en quantité suffisante pour la nourriture
des habitants et se prête à Télève de la vigne et de Tolivier;
sa principale richesse est dans ses mines. Les collines de
Tamassos renfermaient tant de cuivre, que les Romains
prirent Thabitude de donner à ce métal le. nom de cyprium^
qui est passé depuis dans toutes les langues de TEurope.
Dès le moment de l'arrivée des Phéniciens en Syrie, Chy-
pre fut peuplée par deux rameaux de la race chana-
néenne : les Hamathites et les Khittites ou Kittites, qui
refoulèrent à l'intérieur les aborigènes et fondèrent les
deux villes d'Hamath (Amathonte) et Kitîon. Des immigra-
tions fréquentes vinrent renforcer les envahisseurs, et fini-
rent par livrer toute l'île aux Phéniciens. Byblos fonda sur
la côte ouest le grand sanctuaire de Paphos ; ftolgos, La-
pethos, Kourion, Karpasia, Tamassos, s'élevèrent sur diffé-
rents points et formèrent autant de petits États indépen-
dants gouvernés par des rois. D'abord soumis à l'influence
de Byblos, les royaumes de Chypre passèrent sous l'au-
torité de Sidon. Us reçurent des colonies sidoniennes qui
assurèrent leur soumission à la métropole et achevèrent de
faire de l'île un pays sémitique*.
Vers le sud, les Phéniciens ne formèrent pas d'établisse-
ments durables. Ils eurent des postes fortifiés sur la côte
méridionale de la Syrie, à Dor, à Joppé, à Ascàlon, au
ni6nt Gasios, sur la frontière de l'Egypte. Au delà du mont
Cas^ios, leur pouvoir s'arrêtait : Pharaon n'aurait jamais
permis à des étrangers de posséder des forts ou des comp-
toirs indépendants sur son territoire, à l'embouchure
de son fleuve. Ils durent se contenter d'avoir dans les
grandes villes du Delta, à Tanis, à Bubaste, à Mendès,
à Sais, des entrepôts relevant de l'autorité égyptienne.
Leurs magasins, établis à Memphis, au quartier Aù-
Uitaoui, acquirent un développement considérable et de-
vinrent une véritable ville*. D'Egypte leurs vaisseaux s'a-
1. Morefs, Die Pkônixier, t. Il, 2"'Theil, p. 203-246. — 2. Brugsch,
dans la ieUtckrifl fût agyptùche Sprache, 1863, p. 9.
236 CHAPITRE VI.
vancèrent yers l'ouest le long de T Afrique', mais d'abord
sans grands résultats : les côtes inhospitalières de la Mar-
marîque durent arrêter pout quelque temps de ce côté
l'essor de la colonisation.
Aussi bien les pays du nord offraient aux marins de By-
blos et de Sidon'un vaste champ d'explorations et d'aven-
tures. Un peu au delà de l'Oronte, le rivage tourne vers
l'ouest et ne quitte plus dé longtemps cette direction :
la Syrie cesse, l'Asie Mineure commence. De même que
les pays de l'Asie antérieure, elle affecte la forme d'un
plateau massif, borné de* tous les côtés et sillonné par
de puissantes chaînes de montagnes : c'est comme « un
petit Iran qui s'élève du sein de trois mers », la Mé-
diterranée, la mer Egée et le Pont-Euxin*. Au sud, le pla-
teau est borné par le Tauros; au nord, par une chaîne de
moindre hauteur, détachée du Caucase, qui court parallè- .
lement à la mer Noire et se termine à l'Olympe de Mysie,
entre Nicée et Dorylée. Une ligne de collines peu élevées
rejoint le Tauros à l'Olympe et traverse la Péninsule en
diagonale du sud-est au nord-ouest ; à l'est , le pays est
adossé à l'Euphrate et au massif montagneux de l'Arménie.
Les eaux qui descendent à l'intérieur vers le centre du
plateau n'arrivent pas toutes à la mer. Seuls, le Pyramos et
le Saros au sud, l'Iris, THalys et le Sangarios au nord, ont
assez de force pour se frayer un chemin à travers l'épajsse
barrière qui les sépare du rivage. Les autres rivières se
terminent dans des bas-fonds, où elles forment des marais
et des lacs analogues aux lacs de l'Iran et de la Tartarie. Le
plus grand de ces lacs, le Tatta, est salé, et varie d'éten-
due selon les saisons.
« Nulle part plus qu'en Asie Mineure on n'observe le con-
traste de la région de l'intérieur et de celle du littoral. La
côte est comme une autre terre, soumise à d'autres lois que
l'intérieur*. » Dans la région occidentale, ce sont de larges
vallées ouvertes à l'ouest et arrosées par des fleuves tra-
1. « Wie ein kleines Iran baut es'sich ans der Mitte dreier Meere
auf » (E. Gurtius, Griechisehe Gesekichte, t. I, p. 5). — 2. S. Curtius,
Die loniervorder lonischer Wanderung, p. 9.
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 237
vailleurs dont les alluvions empiètent chaque année sur la
mer : le Kaîkos, THermos, le Gaystre, le Méandre. Tous ces
fleuves roulaient Tor en abondance, au moins dans la haute
antiquité; ils sont séparés Tun de l'autre par des lignes de
montagnes qui se dressent subitement sur la surface unie
de la plaine comme des tles à la surface de TOcéan, le Mes-
sogis [Kast(mehr-dagh)\ entre le Méandre et le Gaystre ; le
Tmôlos [Kisiliarmousar-dagh\ entre le Gaystre et THermos.
La côte, profondément dentelée, est semée de grandes îles
fertiles r^Lesbos, Ghios, Samos, Gos, Rhodes, la plupart
assez rapprochées du continent pour en commander les dé-
bouchés, assez éloignées de lui pour être à Tabri d'une in-
vasion soudaine. Terroir riche en blés, en vignes, en oli-
ves, comme en marbres et en métaux, ports nombreux et
sûrs, la région occidentale de TAsie Mineure réunissait
tous les avantages d'un pays de culture et d'un pays de
commerce : elle devait devenir le siège de peuples à la fois
laboureurs. et marins, producteurs et marchands. Elle était
enserrée entre deux groupes de montagnes détachés du
plateau central : au nord , l'Ida , couvert de forêts, riche
en métaux, riche en troupeaux; a:u sud, les cimes volca-
niques de la Lycie, où la tradition plaçait la chimère au
souffle de flamme. A l'ouest de la Lycie et au sud du Tau-
ros s'allongeait une côte abrupte, interrompue par l'em-
bouchure de torrents qui descendent à pic du sommet de la *
montagne à la mer, et forment autant de petites vallées
parallèles l'une à l'autre. Vers l'extrémité orientale, à peu
près à l'angle déterminé par la rencontre de la Gilicie et de
la Syrie, les efforts réunis du Pyramos et du Saros avaient
créé une vaste plaine d'alluvions, à laquelle les anciens
avaient donné le nom de Gilicie plane (Cilicia campestris)^
par opposition aux régions pierreuses du Tauros [Cilicia
Trachœa],
Toutes les races du monde antique semblent s^être
donné rendez-vous en Asie Mineure. Au début de l'his-
toire on y trouve les Touraniens et les Kouçhites établis
chacun selon ses instincts nationaux, les Touraniens sur
les côtes du Pont et sur le plateau central, dans un pays
238 CHAPITRE VI.
de montagnes et de mines; les Koushites sur le versant de
la mer Egée, dans des régions propres à la culture et au
commerce maritime. Les Koushites disparurent les pre-
miers sans presque laisser de traces; c'est à peine sll est
permis de reconnaître dans les Gares primitifs les restes
d'une de leurs tribus les plus puissantes*. Les Touraniens^
retranchés derrière leurs montagnes, résistèrent, bien
qu'amoindris, jusqu'à l'époque romaine. Les peuples de la
Golchide, les Saspires, les Oialybes, livrés de tout temps
à l'exploitation des métaux, fournissaient dé fer et d'étain
l'Asie antérieure. Plus au sud dominaient deux nations
unies par des liens étroits d'amitié, les Mouskaî et les
Toublaï, le Meshekh et Toubal de la Bible. Les Toublaï,
établis dans le bassin de l'Iris, touchaient à la mer Nrâre ;
les Mouskai occupaient les deux rives de l'Euphrate supé-
rieur et s'étendaient jusqu'à l'Halys. Des deux capitales
de la Gappadoce classique, l'une, Mazaca, sur le mont
Argéion, avait gardé leur nom; l'autre, Koumanou (Co-
mana), avait été fondée par eux et leur avait longtemps ap-
partenu. Il fallut des siècles de lutte pour les déposséder
de leur patrimoine et les refouler vefs le Caucase.
Les Touraniens de l'Asie Mineure, comme les Toura-
niens des bords de l'Euphrate et de l'Iran, succombèrent
BOUS les attacpies combinées des Aryens et des Sémites. H
est assez probable que, dans les premiers moments de l'in-
vasion, les Sémites ne se .bornèrent pas à coloniser la
Syrie et les bords de l'Euphrate, mais jetèrent des ra-
meaux à l'ouest vers le Pont-Euxin et la mer Egée; par
malheur, la preuve historique de ce fait est encore impos-
sible à donner. La plupart des mots qui nous restent des
langues anciennes de l'Asie Mineure se rattachent à la
souche aryenne ; les mythes et la religion des peuples sonC
apparentés de plus près aux mythes de la Grèce qu'aux
religions sémitiques. On a bien identifié Loud, fils de Sem,
avec les Lydiens; mais, quand même cette assimilation
»
.1. D^Eckstein, Questions relatives aux antiquités des peuples sémi^
iiquts, p. 37 sqq., et Les Caves dans Vantiquité.
LES GRANDES 'MIGRATIONS MARITIMES. 289
serait certaine, elle ne prouyerait rien quant à l'origine
du peuple lui-même. Les tables ethnographiques de la
Genèse rangent dans la catégorie sémitique tant de peu-
ples à langues non sémitiques, que la présence de Loud
parmi les fils de Sem ne saurait être un argument contre
l'origine aryenne des Lydiens. Si quelques tribus sémi-
tiques s'ayenturèrent sur les hauteurs de la Phrygie, elles
furent bientôt refoulées ou détruites ; c'est en Lycie seule-
ment, et le long de la côté méridionale, qu'elles parvin-r
rent à s'établir solidejnent. Un rameau de la branche ara-
méenne, fixé au sud du Tauros, colonisa la Gilicie et
forma bientôt avec les Solymes et les Érembes l'avant-
gi^rde des peuples sémitiques contre les nations de race
aryenne.
Les Aryens d'Asie Mineure appartiennent tous à une
même fiimille dont le domaine s'étendit du massif de l'Ar-
aaénie au Tauros et à la mer de l'Archipel. Le gros de la
naticm se concentra sur la partie occidentale du plateau,
dans la par|;ie arrosée au nord par le Sangarios, au su4
par le Méandre. Ce pays, auquel on donna le nom de
Phrygie, a toujours été renommé pour la fertilité de ses
champs et la beauté de ses prairies ; assez chaud pour se
prêter à la culture de la vigne, assez tempéré pour con-
server aux émigrants toute leur vigueur native, il devint
bien|;ôt le siège d'mi royaume puissant et d'une race labo-
rieuse. La langue phrygienne est apparentée au grec de
plus près peut-être que le gothique n'est au moyen haut-
allemand^; sa déclinaison et sa conjugaison avaient les
fleidons et subissaient au moins en partie les lois phoné-
tiques du grec'. Séparés de la mer par des peuples de la
même famille, les Phrygiens s'isolèrent bientôt et donnè-
rent à leur (âvilisation un tour particulier. Leurs tradi*
1. E. Curtius, Griechische Geschichte, 1. 1, p. 3!.— 2. Ainsi le change-
ment de m final en n (E. Curtius^ Griechische GeschicMe,t, 1, p. 63). Le
nominatif singulier est marqué par — as, — w, —«,—<», et —a; le
génitif par— af o;, le datif par— al^— e(. La troisième personne du sin-
gulier du verbe, tosesaU (ezstruxit), etc., se termine par le »! au lieu
du — ç grec, etc.
240 CHAPITRE VI.
tioms nous montrent les plus puissants de leurs rois éta^
blis aux sources du Sangarios. C'est là que vivaient et
Gordios et Midas, le fils de Gordios et de la déesse Kybèlé.
Midas est un prince riche et guerrier que les deux villes
de Prymnêsos et Midaïon honoraient comme héros fonda-
teur. La royauté phrygienne prospéra et s'étendit sous une
série de rois dont plusieurs portèrent le nom rendu fameux
par leur ancêtre. Près des sources du Sangarios, un voya-
geur anglais, Leake, découvrit au commencement du siècle
une vallée pleine de tombeaux antiques. « Ces tombeaux
sont d'une époque inconnue, mais de beaucoup antérieure
à la domination grecque et romaine ; leur caractère tout
indigène nous révèle le style architectural des vieux Phry-
giens. La langue même des inscriptions est purement
phrygienne; et cette langue, avec l'alphabet encore incom-
plètement déchiffré qui nous en a conservé les rares
débris, reste enfermée dans les limites de l'ancien royaume
où régna la dynastie de Midas. Dans toute l'étendue de
pays où se trouvent ces restes vénérables du peuple indi-
gène, on ne voit que de rares débris de monuments appar-
tenant à l'époque romaine; il semble que les conquérants
successifs de la contrée aient ignoré ces vallées solitaires
où plus tard des familles chrétiennes vinrent chercher un
refuge contre la persécution du paganisme, peut-être aussi
contre l'invasion musulmane ^ » Quelques tombeaux, des
ruines de forteresses et des bas-reliefs inexpliqués', c'est
là tout ce qui nous reste de ces rois de Phrygie si célèbres
au début de l'histoire grecque par leur richesse, leur
amour pour les chevaux et l'adoration fanatique qu^ls
rendaient à la mère des dieux et à Dionysos. Le char royal
de Midas et son nœud gordien restèrent longtemps intacts
comme un souvenir de l'ancienne suprématie phrygienne :
il fallut l'épée d'Alexandre pour trancher le nœud, et l'in-
vasion grecque pour faire oublier les vieux rois nationaux.
1. Ch. Texier, Description de VAsie Mineure, p. 153. — 2. V.ces bas-
reliefs et le plan des forteresses dts Picbmich-Kalé-si et Giaour-Kalé-
si dans Perrot, Exploration archéologique, p. 135-149, 156-163, etc.,
et pi. 8, 9, 10, 34-52, 53-68, etc.
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 241
Au nord dd la Phrygie, quelques tribus aryennes peu
nombreuses se répandirent dans les forêts qui bordent la
côte du Pont-Euxin, et devinrent entre le Billseos et THa-
lys la race obscure des Paphlagoniens. A leur gauche,
les Thraces, sous le nom de Thyni, Bithyni, Bebrykes,
occupaient les deux rives du Bosphore. Plus à gauche
encore, la grande nation des Mysiens et les peuplades qui
tiraient d'elle son origine, Teucriens, Kébrênes, Dardanes,
couvraient la vallée du Rhyndakos et celle du Gaïque, le
massif de Tlda et la péninsule qu'il forme entre la Propon-
tide, THellespont et la mer Egée. La légende racontait de
Dardanos qu'il avait, sous les auspices de Jupiter Idéen,
fondé la ville de Dardania, et qu'il était devenu la souche
des Dardanes. Une partie de ses enfants descendit delà mon-
tagne aux rives du Scamandre et s'y bâtit une ville sur
une colline escarpée qui domine au loin la plaine et la
mer. « Entourée à l'orient par un large repli du fleuve,
cette colline s'abaisse vers l'ouest en pentes douces. Les
nombreux filets d'eau qui jaillissent sur ces pentes s'as-
semblent et forment deux ruisseaux qui se distinguent par
leur abondance et leur température toujours égale en toutes
les saisons de l'année. C'est comme une marque immuable
qui nous permet de reconnaître dans cette citadelle escar-
pée la forteresse d'Ilion. Ils sont restés les mêmes qu'au
temps où les Troyennes descendaient pour puiser l'eau et
laver le linge ; aujourd'hui encore -les vieux murs con-
tiennent l'eau et la rassemblent^ »
Les fouilles entreprises dans les derniers temps ont fait
retrouver près de l'emplacement où fut Troie les ruines
de plusieurs villes superposées*. Les débris découverts
dans la plus ancienne de ces villes prouvent l'existence
d'une civilisation originale où l'on chercherait en vain
les traces d'une influence égyptienne ou assyrienne. La
plupart des outils sont en pierre ou en os taillé , mais
leur usage n'exclut pas l'usage des métaux. Le cuivre, l'or,
■
1. S. Gurtius, Grieehisehe Gesehichtey t. I, p. 66. —2. Le résultat de
ces fouilles a été publié par M. Schliemann.
HIST. ANC. ^6
242 CHAPITRE . VI.
l'argent et ses alliages, étaient connus et employés | Ter
surtout. Les poterie i étaient faites à la main sans le se-
cours du tour; eili s ne sont ni peintes ni vernies, mais
seulement lustrées au moyen d'uil polissoir en pierre. La
première Troie péril dans un incendie allumé sans doute
t)ar des tribus voisines confédérées contre elle, mais sortit
•bientôt de ses ruines. « Sur les pentes adoucies de la mon-
tagne s'éleva la ville même; au-dessus se dressa, sur une
roche escarpée, la forteresse Pergame. Du haut de ses cré-
neaux l'œil embrassait toute la plaine étendue jusqu'à la
mer où le Simoïs et le Scamandre mêlaient leur coursj et,
par delà la plaine, la vaste mer, du point où les flots puis-
sants de l'Hellespont se précipitent dails là mér Egée,
jusque vers Ténédos, Aucune ville royale de l'Ancien
Monde n'était plus heureusement située que cette forte-
resse troyenne : bien couverte et sûre^ elle avait vue
6ur tout ce qui l'entourait et cotniïiandait au loin. Der-
rière elle, les versants boisés et riches en troupeaux de la
montagne; à ses pieds, la plaine féconde; devant elle, une
large mer du sein de laquelle les cimes lointaines de Samo-
(hrace, vigie de Poseïdôn^ se dressaient en face de l'Ida où
Zeus siège en sa gloire S »
Au sud de la Troade et de la Mysie habitait tout un
groupe de races indécises. Lydiens, Léléges, Lyciëns et
Gares. Les Lydiens exploitaient les riches vallées de l'Her-
mos, du Gaystre et du Méandre. Les plus anciennes tra-
ditions du pays conservaient la mémoire d'un État puissant
établi sur les flancs du mont Sipylos, entre la vallée de
l'Hermos et le golfe de Smyrne. Il avait pour capitale Ma-
gnésie, la plus vieille des villes, le siège primitif de la ci-
vilisation en ces contrées, la résidence de Tantale, l'ami
des dieux, le père de Niobé et des Pélopides. Les Léléges
apparaissent sur tous les points de lit côte à la fois, mêlés
aux souvenirs les plus lointains de la Grèce et de l'Asie
Mineure. Ils se trouvent en Lycie comnie eh Troade^ sur
les bords du Méandre comme sur les versants de l'Ida. Les
1. £. Curtius^ Griechische Geschichte^ 1. 1, p. 67.
. LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 243
légendes de Mégare plaçaient au commencement des âges
un héros, Lelex, qu'elles faisaient venir d'Egypte; la Pe-
dasos du Satnioeis était une de leurs fondations ; en Garie^
on montrait encore au temps de Strabon des tombeaux à
moitié détruits et des villes ruinées auxquelles on donnait
le nom de Lelegia. A côté des^ Léléges, les Gares , mêlés
de sang koushite, dominaient sur les côtes et les îles de la
mer Egée ; les Lyciens, resserrés au sud entre les Solymes
et les Gares, s'étendaient dans l'intérieur jusqu'aux bords
de l'Halys et de l'Euphrate, où les monuments assyriens
signalent leur présence*. Une partie de la Troâde au sud
de l'Ida s'appelait Lycie; il v avait une Lycife en Attiqùe^
des Lyciens en Crète ^. Ces trois nations, les Gares, les
Lyciens, les Léléges, sont tellement mêlées à l'origine,
qu'il est impossible de fixer les limites précises de leur
domaine, et qu'on se voit souvent obligé d'appliquer à
toutes ce qui n'est affirmé que d'une seule.
Les Phéniciens n'avaient pas rencontré d'opposition en
Gilicie et dans le pays des Solymes : aussi couvrirent-ils
la côte de leurs colonies, Kibyra, Masoura, Rouskopous^
Sylion, Mygdalê, Phaselis, Sidyma*. Il n'en fut plus de
même dès qu'ils sortirent du domaine sémitique pour
entrer dans les régions occupées par les races aryennes^
Au lieu d'accueillir amicalement les marins qui leur appor-
taient les produits des civilisations orientales^ les Lyciens
s'opposèrent à leur établissement et ne permirent point
la fondation de colonies. Du promontoire Sacré à la pointe
de Gnide il n'y eut sur le continent qu'un seul comptoir'
phénicien d'importance, Astyra, en face de Rhodes *< Les
Gares offrirent moins de résistance. Ils laissèrent les Sido-
niens débarquer à Rhodes, refouler dans les montagnes
les habitants indigènes et s'emparer des trois ports, Ja-
lysos, Lindos et Gamyros^ Ils se mirent au service des
•
1. De Rougé, Mémoire sur les Attaques j p. 29-30; Finzi, Ricerchey
p. 256. — 2. E. Curtius, Die loniêr vor der ionisehet Wandehingy
p. 34-36. — 3. Movers, Die Phônizieri t. II, 2"' Theil, p. 346; — 4. Et.
déBysance, s. v. "Acrcupa; cf. Movers, Die Phôni$ier, 1. 11^ 2'"Theili
p. 247-257. — 5. Idem, ibid., p. 247-257.
244 CHAPITRE VI.
étrangers, s'unirent à eux par des mariages et reçurent
une telle proportion de sang phénicien qu'on donna parfois
à leur pays le nom de Pbœnikê, terre phénicienne. Le
peuple qui sortit de ce mélange eut pendant longtemps
une importance incommensurable pour le développement
de la civilisation dans les pays qui bordent la mer Egée.
Il se répandit au loin, à Mégare, en Attique, où plusieurs
des grandes familles du pays tiraient de lui leur origine;
puis il disparut entièrement sans avpir laissé une histoire
durable, comme c'est le cas pour la plupart des peuples
bâtards. L'arrivée et le contact des Phéniciens l'avaient
fait naître à la vie civilisée; lyii aux Phéniciens et monté
sur leurs vaisseaux, il courut le monde à leurs côtés ;
quand la puissance des Phéniciens commença de décroître,
les Gares reculèrent. Ils disparurent de l'histoire géné-
rale le jour où la dernière colonie égéenne des Phéniciens
succomba sous l'influx de la civilisation grecque.
Au delà de Rhodes, deux voies s'ouvraient au navigateur.
Il pouvait tourner au nord, remonter la côte d'Asie et gagner
l'embouchure de l'Hellespont. Une partie des flottes phé-
niciennes suivit cette route. Toujours écartées du conti-
nent par les aryens, elles se dédommagèrent de leur im-
puissance en occupant celles des Sporades et des Gyclades
que leur position ou leurs richesses naturelles désignaient
à l'attention des conquérants ^ Aidées par les Gares *, elles,
colonisèrent et Délos, et Rhénée, et Paros. Oliaros tomba
aux mains des Sidoniens' et Mélos aux mains des Gî-
blites*. Mélos produisait en abondance le soufre, l'alun,
le blanc de foulon ; elle avait des mines aussi riches que
celles de Thèra et de Siphnos. Il y eut des pêcheries de
pourpre à Nisyra, à Gyaros ; des teintureries et des manu-
factures d'étoffes à Gos, Amorgos, Mélos. Toutes ces îles
devinrent autant de postes moins faciles à attaquer et plus
. Movers, Die Phônixier, t. II, V Theil, p. 262-263. — 2. Thucy-
dide, I, 4-8. — 3. Héraclide de Pont dans Et. de Bysance, s. v. 'ÛXCapo;.
— 4. Et. de Bysance, s. v. MîiXoç ; cf. Movers, Die Phônizier, U II,
2"' Theil, p. 130-131.
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 245
faciles à défendre que n'étaient les comptoirs de terre ferme *.
Les Sidoniens ne s'en tinrent pas là; ils remontèrent aux
côtes de Thrace et commencèrent d'exploiter les mines d'or
du mont Pangée. Leurs colonies couvrirent Samothrace^
Lemnos, Thasos, mais sans grand succès : il appartenait
aux Tyriens de reprendre et de développer l'œuvre que les
Sidoniens avaient tentée en ces régions.
Des^Gyclades les Phéiûciens rayonnèrent sur tous les
pays environnants. Toujours à la recherche de nouveaijx
débouchés pour leur commerce, ils s'engagèrent dans l'é-
troit canal de l'Hellespont et tombèrent dans un bassin
spacieux et tranquille bordé au sud de grandes îles sur
lesquelles ils abordèrent. Après s'être assuré la possession
du détroit par la fondation de Lampsaque et d'Abydos^
ils se logèrent à Pronectos^, à l'entrée du golfe d'As-^
canie, au débouché des mines d'argent que les Bithy-
nieûs exploitaient dans leurs montagnes'. Au fond de cette
première mer intérieure, ils découvrirent un nouveau ca-
nal, plus semblable à l'embouchure d'un grand fleuve qu'à
un détroit; ils le franchirent avec peine,. sans cesse en dan-
ger d'être jetés à la côte par la violence du courant et bri-
sés contre les écueils qui semblaient se rapprocher pour les
écraser*, et se trouvèrent devant une mer immense, aux
flots orageux, dont les rives boisées s'étendaient à perte
de vue vers l'orient et l'occident. Us filèrent le long de la
côte orientale où les attirait la renommée des mines du
Caucase. A l'aide de leurs alliés les Gares, ils établirent, du
Bosphore à la Golchide, une série de postes fortifiés, Hé-
raclée Pontique, Sesamos, Karambys, Sinope, qui plus
tard, sous la domination grecque, devinrent des villes
florissantes. Une nouvelle Tyr s'éleva à l'embouchure du
Dnieper, et les Sidoniens s'aventurèrent même daps les
grandes plaines de la Russie méridionale *. Ils rapportèrent
1. Movers, DiePhônùier, t. II, 2»«' Theil, p. 263-373. —2. Et. de
Bysance^ s. v. IIpovsxTo;. — 3. Movers, J)ie PhônUier, t. II, 2'" Theil,
p. 295-297. — 4. Cf. chez les Grecs la légende des SymplégadeSf qui
écrasaient les galènes à la sortie da Bosphore. — 5. Movers, Vie Phô^
nizier, t. Il, 2"' Theil, p. 297-308.
«46 . CHAPITRE VI,
de. ces mers lointaines le thon et là sardine^ la pourpre,
l'ambre, Tor et l'argent, le plomb, l'étain nécessaire à la
fabrication du bronze, et qu'ils recevaient auparavant par
voie de terre, à travers l'Arménie et la Syrie.
De Rhodes on aperçoit au loin, vers le sud, les cimes
des n^ontagnes Cretoises. Tandis qu'une partie des flottes
phéniciennes courait à la découverte du Pont-Euxin, une
autre partie cingla vers la Crète et l'occupa. Cette île
barre, vers le sud, l'entrée de la mer Egée, et forme à elle
seule comme un petit continent qui se suffit à lui-même.
Elle renferme des vallées fertiles et des montagnes cou-
vertes de forêts. Les Phéniciens chassèrent de la plaine
les indigjsnes, qui se réfugièrent dans les replis de l'Ida.
Les pêcheries de pourore d'Itanos furent ouvertes ;• Lappa
et Kairatos^ au nord, Phœnikê ou Arad,. Gortyne, Lebênê
au sud, furent occupées ou fondées^. De Crète on passa
bientôt à Gythère. Cythère, située à l'entrée du golfe de
Laconie, à trois lieues à peine du continent, servait de re-
lâche aux navires qui se rendaient d'Orient en Italie ou^en
Sicile*. Le nvu/rex brandariSj dont on tirait la « pourpre
des îles* », s'y trouvait en telle quantité, qu'à une certaine
époque l'île prit le nom de Porphyroessa, « la pourprée *. »
Les Phéniciens s'y établirent à demeure et y bâtirent un
sanctuaire d'Astartè, le premier peut-être qui eût jamais
été élevé en Grèce •. Us se répandirent de là au long du
Péloponèse, puis en Illyrie et en Italie'. La Grèce conti-
nentale, entamée au sud par Cythère, à l'est par les Cy-
clades, ne tarda pas à recevoir elle-même leur visite.
L'isthme de Gorinthe et les îlots qui le précèdent,
Égine, Salamine, l'ArgoUde, l'Attique, furent explorés
tour à tour. Kadmos, le fondateur de Thèbes et l'inven-
teur des lettres, établit en Béotiè une colonie puissante *.
1. Plus tard Knôsos. — 2. Movers, Die Phônixier, t. H, 2^' Theil,
p. 258-261. — 3. Thucydide, IV, 53. — 4. Ézékiel, xxvn, 7. — 5. Et.
de Bysance, s. v. Kûeyjpo. — 6. Hérodote, I, 105; Pausanias, I, 15, 5;
in, 23, 1. — 7. Movers, Die Phônixier, t. II, 2»*' Theil, p. 341-343. —
— 8. Idem, «btd., p. 85-92; Fr. Lenormant, La légende de Cadmus eî
U9 iUibUsxemenU phéniciens en Grèce, dans les premières civilisationSf
tu.
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. ' 2kl
Aucun de ces établissements ne devait survivre à l'iavesion
dorienne; mais leur présence au milieu des populations
primitives de la Grèce eut sur le caractère et la religion de
la race hellénique une influence dont on commence à re^
chercher les traces après l'avoir niée trop longtemps.
lies mlgratloiis des peuples de l'Asie Mlnenre
et rExode.
Certaines nations de TÂsie Mineure, les Gares et les
Lydiens surtout, avaient subi l'ascendant des nations sé-
mitiques au point de perdre en partie leur physionomie
aiyenne ; d'autres, les Lyciens p.a sud, les Phrygiens et les
Mysiens au nord, résistèrent plus énergiquerrrent et se
maintinrent pures de tout mélange étranger. « Nous don-
nons aux peuples maritimes de l'Asie Mineure, à ceux du
moins qui appartiennent à la race phrygo-pélasgique, le
nom de Grecs orientaux. Si différent qu'ait été le maintien
de chacun d'eux vis-à-vis des Phéniciens, tous sans excep-
tion surent s'approprier la civilisation du peuple plus cul-
tivé et lui prendre habilement ses arts. Habitués de longue
date à la pêche, ils commencèrent à munir leurs barques
de quilles qui les rendirent capables de trajets plus auda-
cieux ; sur le modèle du navire le commerce, aux formes
arrondies et au large ventre, ils construisirent le « cheval
a de mer, » comme ils l'appelaient; ils apprirent à se ser-
vir de la voile en même temps que de la rame ; le pilote, h
son banc, tint le regard fixé, non plus sur les accidents
successifs du rivage, mais sur les constellations. Les Phé-
niciens avaient découvert au pôle l'étoile sans éclat qu'il*
reconnaissaient comme le guide le plus sûr de leurs
courses nocturnes ; les Grecs choisirent une constellation
plus brillante, la Grande Ourse, mais, s'ils ne déployèrent
pas en cela la même sûreté d'observation astronomique
que leurs maîtres , ils devinrent pour tout le reste leurs
disciples et leurs rivaux heureux. Par là ils réussirent à
chasser entièrement les Phéniciens de leurs eaux; de là
vient que, malgré tout, on trouve sur les rivages de la mer
248 * CHAPITRE VI. .
d'Ionie si peu de traces de la domination phénicienne*. »
Les Sidoniens et les Gares ne s'étaient pas fait faute
d'exercer la piraterie dans les mers de l'ArchipeL Gomme
les Normands du moyen âge, ils s'en allaient au loin à la
recherche des aventures profitables; ils rôdaient le long
des côtes, toujours à l'affût des belles occasions et des bons
coups de main. S'ils n'étaient point en force, ils débar-
quaient paisiblement, étalaient leurs marchandises et se
contentaient comme pis*aller du gain légitime que pouvait
leur valoir l'échange de leurs denrées. S'ils se croyaient
assurés du succès , l'instinct pillard reprenait le dessus :
ils brûlaient les moissons, saccageaient les bourgs et
les temples isolés, enlevaient tout ce qui leur tombait
entre les lAains, principalement les femmes et les enfants,
qu'ils allaient ensuite vendre comme esclaves sur les mar-
chés de l'Orient, où le bétail humain était taxé à plus haut
prix. Les Grecs « s'habituèrent à voir dans la piraterie un
métier comme un autre, celui de chasseur ou de pêcheur,
par exemple : quand des inconnus abordaient quelque
part, on leur demandait ingénument (c'est Homère qui
l'affirme) s'ils étaient marchands ou pirates. » Les flottes
et les factoreries phéniciennes furent attaquées à leur tour,
les Gyclades reconquises. Les Sidoniens ne songèrent bien-
tôt plus qu'à se maintenir sur quelques points importants,
à Thasos au nord, à Mélos et à Théra dans les Gyclades, à
Rhodes et à Gythère au sud. Les Étéocrétès, renforcés sans
doute par . des émigrants du continent, chassèrent les co-
lons cananéens : la Grète délivrée forma un royaume de
cent villes, dont la capitale fut Gnôsos. « Le premier em-
pire de la Grèce antique fut un État d'îles et de côtes; le
premier roi,- un roi de mer, » Minos. G'est à Minos qu'on
attribuait la gloire d'avoir détruit la piraterie dans les îles
de l'Archipel et d'avoir réprimé les courses des Phéniciens
et des Gares. L'avènement de la domination Cretoise marque
la fin de la domination sidonienne dans les mers de la
Grèce : les quelques colonies qui se maintinrent çà et là
1. E. Gurtius, Griechische Geschichte, t. I, p. 37-38.
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 249
ne purent subsister qu'à force de concessions et de mé-
nagements*.
Autant qu'on peut en juger, cette révolution s'accomplit
vers les dernières années de la dix-huitième dynastie. Les
Phrygiens isolés dans l'intérieur des terres n'y prirent au-
cune part et laissèrent le soin de l'achever à cette catégo-
rie de peuples à moitié légendaires : Méoniens, Tyrsé-
niens, Troyens, Lyciens, que les historiens classiques et
les monuments égyptiens nous ont fait connaître '. D'après
les traditions du pays, Manès,. fils de Zeus et de la Terre,
eut Ciotys de Gallirrhoé, fille de l'Océan. Gotys engendra
Asios, qui donna son nom à l'Asie, et Atys, qui fonda en
Lydie la dynastie des Atyades. Gallithea, fille de Tyllos et
femme d'Atys, mit au monde deux fils, nommés, selon les
uns, Tyrsênos ou Tyrrhênos et Lydos*, selon les autres,
Torrhêbos et Lydos^. L'examen de cette généalogie, où
sont compris tous les héros éponymes du pays, montre
qu'il y eut d'abord sur la côte ouest de l'Asie Mineure un
grand peuple appelé Maeones , formé de plusieurs tribus :
les Lydiens , les Tyrsênes ou Tyrrhênes (Toursha), Jes
Torrhèbes, les Shardanes. Quelques-unes de ces tribus,
attirées vers la mer sans doute par l'attrait de la pirate-
rie, finirent par quitter le pays et par aller chercher for-
tune au loin. « Aux jours d'Atys, fils de Manès*, il y eut
une grande famine par toute la terre de Lydie.... Le roi
se résolut à partager la nation par moitié et à faire tirer
les deux portions au sort : les uns devaient rester dans le
pays, les autres s'exiler. Il continuerait de régner lui-
même sur ceux qui obtiendraient de rester : aux émigrants
il assigna pour chef son fils Tyrsênos. Le tirage accom-
pli, ceux qui devaient partir descendirent à Smyrne, coq<
1. E. Gurtius, Griechùche Getehichte, t. I, p. 58-62. — 2. Pour leâ
sources égyptiennes, voir de Rougé^ Extrait d'un Mémoire sur les at-
' <<>qtt€s, dans la l^evue archéologique, septembre 1867; Ghabas, Éludes
^rVAntiquité historique^ p. 191 sqq. — 3. Hérodote, I, 94. — 4. Xan-
thos de Lydie, dans Denys d'Halicarnasse, Ant. Rom.y. l, xzvm. —
^* Atys était petit-fils de Manès, d'après les autres généalogies.
250 CHAPITRE VI.
stniisirent des navires , y chargèrent tout ce qui pouvait
leur être utile et partirent à la recherche de r^^bondance et
d'une terre hospitalière. Après avoir passé bien des peu-
ples, ils parvinrent en Ombrie, où ils fondèrent des villes
qu41s habitent jusqu'à ce jour. Ilp posèrent leur nom de
Lydiens et, d'après le fils de roi qui leur avait servi de
guide, se firent appeler Tyrséniens*. ?> Quoi qu'en dise
Hérodote, cette migration ne se fit pas en une seule fois
et dans une seule direction : die se prolongea pendani
près de deux siècles, du temps de Séti I" au temps de
Ramsès III, et porta sur les régions les plus divjBrses. On
trouve les Pélasges tyrrhéniens à Imbros , à Lemnos , à
Samothrace et dans la péninsule de.Ghalcis, sur les côtes
et dans les îles de la Propontis, à Gythère et à la pointe
méridionale de la Laconie. Arrivés en Afrique, ils s'al-
lièrent aux Libyens et attaquèrent TÉgypte vers la fin du
règne de Séti I*'. Nous avons déjà vu qu'ils furent repous-
sés si rudement qu'ils s'abstinrent de toute hostilité pen-
dant le règne de Ramsès IL Les Shardanes, faits prison-
niers dans cette campagne, furent incorporés à l'armée
égyptienne et se distinguèrent dans la guerre contre les
Khêtas. Ils s'y trouvèrent face à face avec les Lyciens, les
Mysiens et les Troyens , qui essayaient d'accomplir par
terre, et avec l'aide des Syriens, ce que les peuples de la
mer n'avaient pu faire avec les Libyens^. La défaite de
Kadesh dégoûta les Troyens des expéditions lointaines : à
partir de ce moment, ne prirent aucune part aux coalitions
contre l'Egypte.
Au moment du traité avec le prince de Ehêta, Ramsès II
était déjà âgé d'au moins cinquante ans et avait fourni qua-
rante années de guerres*. On conçoit qu'il ait éprouvé le
besoin du repos et délégué le pouvoir royal à l'un de ses
fils. Les trois premiers étant morts, il choisit vers l'an XXX
le quatrième, Ehâmouàs, qui était chef du sacerdoce mem-
phite. L'autorité de Khâmouàs dura jusqu'à sa mort, en
1. Hérodote, 1. I, 94. — 2. V. plus haut, p. 217-222. — 3- Maspero,
Essai sur Vinscription âHAhydoSy p. 80*
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. S51
Tan LV, et passa au treizième fils du roi, Ménephtah. Nommé
très-jeune prince héritier, décoré de titres honorifiques fort
élevés, Ménephtah paraît avoir partagé avec la princesse Bet-
Anat et le prince Khâmouas, tous deux, comme lui, enfants
de la reine IsJ-Nowert, la faveur particulière de Sésostris.
Au moins est-il qualifié plusieurs fois de prince «qui a
surgi comme Phtah au milieu des multitudes pour établir des
lois excellentes sur les deux terres. 9>^I1 fut régent douze ans,
de l'an LV à Tan LXVII, et devint roi à la mort de son père
sous les titres de Bânrâ memouterou, fils du Soleil, Mé-
nephtah hotep-hi-ma. C'est du premier de ces noms qu'Hé-
rodote a tiré son Phéron*, et du second que Slanéthon ou
plutôt ses compilateurs ont tiré Amenephthès ou Améno-
phis, successeur de Ramsès Meîamoun.
Au début de son règne, Ménephtah n'était plus un jeune
homme. Né au plus tard dans les premières années du règne
de son père, il devait avoir soixante ans, sinon plus : c'était
donc un vieillard succédant à un autre vieillard, dans un
moment où TÉgypte aurait eu grand besoin d'un roi jeune
et actif. Néanmoins les premières années furent heureuses.
Au dehors, les garnisons des villes syriennes ne furent
•point troublées*; les Khêtas, qu'une famine désolait, reçu-
rent d'Egypte des secours en blé et ne rompirent point la
paix par reconnaissance. Au dedans , les grandes construc-
tions continuèrent à Thèbes, à Abydos, àMemphis, surtout
dans le Delta, où Ménephtah, à l'exemple de son père, avait
fixé sa résidence. Tout semblait annoncer un règne paisible,
sinon un règne glorieux. Mais, depuis leurs défaites sous
Séti et sous Ramsès II, les peuples de l'Asie Mineure et
de la Libye avaient eu le temps de reprendre courage. La
présence du vieux roi sur le trône les avait tenus à l'écart :
l'avènement de Ménephtah les décida à faire une nouvelle
tentative. On apprit soudain à Thèbes que les flottes de
l'Archipel avaient débarqué sur la côte de Libye des ban-
des deTyrsènes, deShardanes et de Lyciens, accompagnées
d'auxiliaires jusqu'alors inconnus, les Achéens et les Sha-
1. Hérodote, 1. II, 111. — 2. Pap, Anâstasi III, verso des pages 5-6.
252 CHAPITRE VI.
kalash. Le roi des Libyens, Mermaïou, fils de Deîd% se
joignit à eux avec les Tamahou, les Mashouash et les
Kehak, et tous ensemble prirent le chemin de l'Egypte.
L'armée d'invasion ne se composait que de troupes d'éfite ;
c'étaient des hommes de premier choix, pris parmi les cou-
reurs les plus agiles de leur pays. Ils partaient avec la
ferme résolution, non pas de faire une simple razzia, mais
de conquérir le Delta et de s'y établir en colonie.
L'annonce de leur approche surprit l'Egypte. La longue
paix dont on avait joui depuis Tan XXI de Ramsès II, pen-
dant un demi-siècle, avait calmé singulièrement l'ardeur bel-
liqueuse des Égyptiens. L'armée, réduite en nombre, n'avait
plus de corps auxiliaires; les forteresses, mal entretenues,
laissaient la frontière ouverte. Le premier mouvement des
populations directement menacées fut de se soumettre sans
combat. Ménephtah, accouru sur le lieu du danger, rétablit
partout l'ordre et la discipline. Il rassembla et recruta l'ar-
mée, fit venir d'Asie des troupes mercenaires et lança sa
cavalerie en avant pour signaler l'arrivée de l'ennemi. Lui-
même couvrait Memphis avec le gros de ses forces et for-
tifiait le grand bras du Nil, pour mettre au moins la
partie orientale du Delta à l'abri de toute incursion.
Les préparatifs étaient à peine achevés, que l'ennemi parut
dans les plaines de Paarisheps (Prosopis) * et . se répandit
sur tous les pays environnants, comme s'il voulait s'y éta-
blir à demeure. Ménephtah lui opposa' d'abord sa cavale-
rie et ses troupes auxiliaires, et promit aux généraux d'a-
vant-garde de les rejoindre avec le reste de l'armée au bout
de quatorze jours. Dans l'intervalle le dieu Phtah lui appa-
rut en songe et lui ordonna de ne point se montrer sur le
champ de bataille'. Cette circonstance fâcheuse ne troubla
pas, à ce qu'il paraît, l'ardeur des Égyptiens : le 3 Épiphi,
après six heures de lutte, ils mirent en pleine déroute les
I^ibyens et leurs alliés. La garde de Mermaïou fut enfoncée
et détruite, lui-même obligé de prendre la fuite en aban-
1. Sur ce nom, voy. Goodwin, dans la Zeitschrift, 1868, p. 39. —
2.Brugsch, dans la Zeilschrift, 1867, p. 98. — 3. De Rougé, Mémoire
sur les Atktques^ p. 9» .
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 253
donnant son arc, son carquois et sa tente. Le camp fut
enleTé, le butin reconquis : les barbares, poursuivis sans
relâche par la cavalerie ég3rptienne, ne purent se reformer et
quittèrent le pays plus vite qu'ils ne l'avaient envahi. C'est
tout au plus si le chef libyen réussit à s'échapper sain et
sauf. La nouvelle de cette victoire remplit l'Egypte d'un
enthousiasme d'autant plus sincère que l'effroi avait été plus
grand. Le retour du roi à Thèbes ne fut qu'un long triom-
phe, ce D est très -fort, Bânrâ v, s. f . ; — très-prudents
sont ses projets ; — ses paroles sont bienfaisantes comme
Thot, — tout ce qu'il fait s'accomplit. — Lorsqu'il est
comme un guide à la tête des archers, — ses paroles pé-
nètrent les murailles. — Très-amis de qui a courbé Bon
échine — devant Meîamoun v. s. f. — ses soldats vail-
lants épargnent celui qui s'est humilié — devant son cou-
rage et sa force; — ils tombent sur les.... — consument le
Syrien. — Les Shardanes, que tu as ramenés de ton glaive,
— font prisonniers leurs propres tribus. — Très-heureux
ton retour à Thèbes, — triomphant ! Toil char est traîné
à la main ; — les chefs vaincus marchent à reculons devant
toi, — tandis que tu les conduis à ton père vénérable, —
Ammon, mari de sa mère ^ »
Cette victoire délivra le pays des envahisseurs ; mais pour
l'arracher à l'abattement que signalent les inscriptions, il
aurait fallu une main plus ferme que celle d'un vieillard
de soixante à soixante-dix ans. La faiblesse de Ménephtah
dut encourager les espérances des princes qui se croyaient
des droits à la couronne : il semble même que certains
d'entre eux n'attendirent pas sa mort pour afficher . ouver-
tement leurs prétentions. Sur une stèle d'Abydos, con-
servée au musée de Boulaq, un premier ministre du roi,
Ramessès em per-en-Râ, surnommé Merïou, fait suivre
son nom de la formule inusitée : aimé de Ramsès
Meïamoun comme le soleil pour l'éternité. « En se rappe-
«
1. Pap. Anastasilly pi. IV, 1. 4; pi. Y, 1. 4. Cf. .de Rougé, Mémoire
tur les lltaguef, p. 36^36; Maspero, Du genre ^piftokitre, p. 82-83;
Chabas, Recherches powr servir à Vhistoire de la III* dynastie^
p. 93-94.
254 CHAPITRE VI.
latit que Ramsès II a t§tê divinisé, et en suppléant après
aimé de Ra/m$ès Meïamoun les mots tâ-ankh (vivifica-
teur), on n'en sera pas moins surpris de voir qu'un particu-
lier, si éleTé en dignité qu'il ait pu être, se soit attribué uû
titre ordinairement réservé aux rois. En l'absence de do-
cuments, il nous est impossible d'apprécier à sa valeur l'es-
pèce d'usurpation dont cette stèle porte la trace *. 5> Apl'ès
tout, ce Ramsès per-en-Râ, au lieu d'être un usurpateur,
n'était peut-être qu'un vice-roi, revêtu de titres extraor-
dinaires et de la même autdritê que Ménephtah lui-inéme
avait eue du vivant de son père.
Mais, tout en admettant qud les usur J)ations plus Ou moins
déguisées ne commencèrent peut-être pas sous le règne de
Ménephtah, on ne saurait trop nier qu'elles se produi-
sirent après sa mort *. Au milieu de l'obscurité qui re-
couvre cette époque ressort un fait à peu près certain :
Séti II, fils de Ménephtah, qui, du vivant de son père, était
déjà prince de Kou^ et héritier présomptif; ne monta pas
immédiatement sur le trône d'Egypte. Il fut supplahtê par
un prince nommé Amenmesès, fils ou petit-fils d'un des
enfants de Ramsès II, mort avant leur père *. Amenmesès
était originaire du nome d'Aphroditopolis, de la ville de
Kheb, ce d'où Isis l'a tiré pour le faire régner sur tout le
pourtour du soleil*; » son autorité s'étendait sur Thêbes et
probablement sur l'Egypte entière. Son successeur, Méne-
phtah II Siphtah, originaire comme lui de la ville de Kheb,
parvint à s'établir sur le trône de son père, grâce au dé-
vouement de son ministre Bai ' et sans doute aussi grâce
à son mariage avec la reine Taousert, dont le nom se trouve
toujours accolé au sien. Il gouvernait l'Ethiopie et.se vante
d'avnir reçu les envoyés de toutes les nationi^^. Il semble
1. Mariette, Catalogue du musée de Bôulaq, p. 156. —2. Chabas, Re-
cherchet pour servira Vhistoire de la IIX* dynastie, p. 114-118, a
compris d'une manière dififérente toute l'histoire de cette époque.
Jusqu'à nouvel ordre, je suis Tarrangement proposé par M. de Rougé
Étv4e sur une stèle, p. 186 sqq. -- 8. Cf. i cet égard G. Maspero, Lettre
à jr. G. d'EicMhal, p. 40-43. — 4. Lepsius, DeïUttn,, ni, 201 . —5. Idem,
ibid., 202, c. — 6. Idem, ihid., 201, a.
LES GRANDES llilQRATlONS MARITIMES. 255
*
qu'un compromis s'établit entre ses partisans et ceux du
fils de Ménephtah : un Séti, qui paraît bien être le
même que Séti II, vivait auprès de lui comme « prince de
Koushy gouTemeur des mines d'or appartenant à Ammon,
flabeUifère à la droite du roi^ intendant du palais, directeur
de la bibliothèque royale; » La seule date précise qu'on ait
du règne de ces princes est de l'an III de Siphtidi, et les
listes, de Manéthon semblent n'indiquer pour eux qu'une
douzaine d'années tout au plus. Après la mort du dernier
d'entre eux, Séti II monta enfin sur le ttône, soit à la suite
d'une révolution heureuse, soit à la faveur d'un compromis
entre les deux branches rivales. Une inscription de l'an II
lui attribue des victoires sur les nations étrangères *, et
l'un des papyrus du Musée Britannique loue sa grandeui*
en termes éloquents. Je ne sais trop jusqu'à quel point on
doit se fier à ces indications : le chant de victoire contenu
au papyrus Anastasi lY n'est que la copie presque mot
pour mot d^un chant de triomphe dédié jadis à Ménephtah,
et approprié à Séti II par une simple substitution de noms.
Plusieurs documents contetnporains semblent indiquer,
sous lui, des troubles et des usurpations analogues à celles
qui attristèrent les dernières années, de Ménephtah. Séti II,
qui était déjà sans doute d'un certain âge à l'avènement de son
père, à moins qu'on ne préfère voir eii lui un enfant de la
vieillesse de Ménephtah, écarté pendant dix à douze ans du
trône par l'usurpation des |)rinces de Rhéb, était un vieil-
lard à son arrivée au trône, et ne devait plus avoir l'éner-
gie nécessaire pour faire face aux circonstances. Une des
statuettes du Louvre représente « un homme accroupi
tenant entre ses jambes un nao*s où figure le dieu Phtah-
Sokaris. Les cartouches du roi Séti II sdnt gravés sur 6eë
épaules et déterminent son époque; son nom se lit Aïari.
Ses titres sont telleçient élevés, qu'ils ne conviendraient
qu'à lin prince héritier du trône, si les troubles profonde
qui std^ireiit le règne dé Ménephtah né hous permettaient
1. Lepsius, penkm., lU, 304. Cf. les légendes de l'hypogée ^ dans
Ghampoliion, NoL-Desc, X. l, p. 459.
256 CHAPITRE VI,
pas de soupçonner ici l'usurpation d'un degré d'honneur
illégitime. Outre les titres ordinaires du souverain pontife
de Memphis, que notre personnage s'attribue comme droit
héréditaire, il se qualifie héritier dans la demeure du dieu
Seb (l'Egypte), et héritier supérieur des deux pays. La fin
de la légende est brisée , mais aucune parenté royale n'est
alléguée, malgré ces titres si éminents *. »
Toutes ces causes diverses, impuissance des rois trop
âgés, révoltes des hauts fonctionnaires, usurpations des
dynasties collatérales qui depuis près d'un demi-siècle tra-
vaillaient TÉgypte, amenèrent enfin sous le règne de
Séti II, ou immédiatement après sa mort, la dissolution
complète, je ne dirai pas de l'emjpire égyptien, mais de
l'Egypte elle-même. « Le pays d'Egypte s'en allait à la
dérive * : les gens qui s'y trouvaient, ils n'avaient plus de
chef suprême, [et cela pendant] des années nombreuses,
jusqu'à ce que vinrent d'autres temps, car le pays d'Egypte
était aux mains de chefs de nomes qui se tuaient entre eux,
grands et petits. D'autres temps vinrent après cela, pen-
dant des années de néant ', où un Syrien nommé Arisou *
devint chef parmi les princes des nomes, et força le pays
entier à payer hommage devant lui : chacun complotai!
avec le prochain pour piller les biens l'un de l'autre, e(
comme on traita les dieux de même que les hommes, il n'y
eut plus d'offrandes faites dans les temples '. » Les termes
sont explicites et témoignent d'un anarchie complète. IJr
nous montrent avec quelle facilité l'agrégat de nomes qui
formait l'Egypte pouvait se séparer dès que le pouvoir cen-
tral venait à faiblir. Sésostris parcourait l'Asie et l'Afrique
à la tête de ses armées victorieuses ; moins de cinquante
ans après sa mort, l'Egypte était morcelée. « Supposez que
I
1. De Rougé, Noiiee d$t Monuments, 3* édit., p. 37-38, A, 71. —
3. litt. : « était jeté, se jetait au dehors. » — 3. Litt. : « des années
vides. » -— 4. Cf. ^D^IN, nom du fils d'Hamon. — 5. Grand Papyrus
HarriSy pi. lxzv, 1. 2-6. Cf. Eisenlohr, On the politieal condition o[
Egypt before the reign of Ramtes 111, dans les Transactions of the So-
ciety of Biblical Archasologyy t. I, p. 355-384, et Ghabas, RBcherehes
pour servir à Vhistoire de la IIX* dynastie, p. 1-23.'
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 257
•
le désert devienne plaine et que les montagnes s'abaissent,
disait un scribe du temps, les barbares du dehors vien-
dront en Egypte. » ' Il n'y eut pas besoin de ces miracles
pour que l'invasion se fit. Depuis Ramsès II, la puissance
militaire de l'Egypte et sa domination extérieure avaient
rapidement décliné. Ménephtah avait entretenu l'alliance
hittite et tenu garnison dans les principales villes de la Pa-
lestine. Mais sous Amenmesès, sous Siphtah, sous Séti II
lui-même, bien qu'on trouve des affirmations de victoires,
on ne voit plus la trace de grandes expéditions au dehors.
Il avait fallu sans doute retirer les troupes des provinces
syriennes, afin de parer aux éventualités des guerres civiles.
Quand les peuples étrangers, jusqu'alors repoussés dans
leurs tentatives, essayèrent une fois de plus la fortune, ils
ne trouvèrent plus devant eux qu'une résistance des plus
molles et réussirent pour un moment dans leurs entre-
prises.
A la faveur des troubles et de l'invasion, les esclaves
étrangers que les Pharaons de la dix-huitième et de la
dix-neuvième dynastie avaient emmenés en Egypte se sou-
levèrent de toutes parts. « On dit que ceux des prisonniers
de Sésoôsis qui étaient Babyloniens se révoltèrent contre
le roi, incapables qu'ils étaient de supporter plus longtemps
les travaux auxquels on les soumettait. Ils s'emparèrent
d'une position très-forte qui domine le fleuve, livrèrent
divers combats aux Égyptiens et gâtèrent tout le pays en-
vironnant; à la fin, quand on leur eut accordé l'impunité,
ils colonisèrent la place et l'appelèrent Babylone, du nom de
leur patrie. » On contait une histoire analogue sur la bour-
gade voisine de Troja^ Condamnés à extraire la pierre,
à mouler la brique, à creuser les canaux, à construire les
temples, les palais et les forteresses, les esclaves avaient
une vie fort pénible et ne pouvaient être maintenus dans le
devoir que par une surveillance perpétuelle*. A la pre-
1. Diodore de Sicile, 1. I, 56. Trûja est la ville égyptienne de !IVot4-
toow(Brug3ch, Zeitschrifty 1867, p. 89 sqq.); Babylone est probable-
ment Hâbenben^ dont on a les variantes Hârbehen^ Hd-bêber. — 2. Voir
HIST. ANC. 17
iise cfiÂPiTftB V.
ê
ÉMtB iséession ils b« réToltuent et cherchaient à s'éehajv-
per. Leur notnbr^ était considérable, surtout dans la
Biidse-Sg3r{»te^ où les Pharaons aTaient transplanté des tri-
i^s entières d'origine libyenne et sémitique, les Wen-
khoë^ les Matsiâou. iParmi eux se trouvaient les enfants
fistaêl, ceux du moins i|ui ataient préféré rester enSgypte
après Texpulsion des Pasteurs. Réduits à la condition d'es-
elares publics^ ils n'aTâient pas tardé à regretter le temps
des Pharaons <« qui connaissaient Joseph* ». Banisès II plus
que tout autre dut leur être cruel : privé par la. paix avec
ies Ehètas des ressources que lui procurait la guerre, il
se servit, pour la construction de ses monuments, d'Égyp-
tiens et surtout des tribus étrangères établies en Egypte.
Les traditions nationales des Hébreux faisaient de la con-
dition de leut peuple pendant son temps une peinture
lamentable. « lis établirent sur le peuple des eommisk
saires d'impôts pour l'affliger en le surchargeant; car le
{peuple bâtit des villes fortes à Pharaon, savoir : Pithôm et
Ramsès; -^ Mais pliis ils Taffligeaieitt, plus il multipliait
et crissait en toute abondance; c'est pourquoi ils haus-
saient les enfants d'Israël. — Et les Égyptiens Msaient
tsertir les enfants d'Israël avec rigueur; — tellement qu'ils
leur rendirent la vie amère par une rude servitude, leur
fatisant faire du mortier de briques et toute sorte d'ouvrage
qui Sé iBdtaux champs; tout le service qu'on tirait d'eux
était avec tigueUr*.» De même que les antres prisonniers,
les Hébreux n'attendaient qu'une occasion pour se dérober
à leur servitude.
La tradition la plus atîcréditée place l'Exode sous le rè-
gne de Ménephtah^ Ce prihce serait le Pharaon de la Bi-
ble, celui qui refusa aux Hébreux la permission'd'allcr sa-
crifier dans le désert. Mais, à tenir compte des monuments
jusqu'à présent connus, rien encore dans l'état de l'Egypte
à cet égard Brugsch, Histoire d'Egypte, t, I, p. 106, et Chabas, Mél,
^fllfP^-, 2* série, p. 108-166. — 1. EmidCy i, 8. — 2. Bxode, I, 11-14- —
3. De Rougé, Essamoi critàqite de Vouvrage de Jf. le chevalier de Bunsen,
%• partie, p. 74»,
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 259
sons Ménefbiàh n'indique une décomposition asses profonde
pour que la réTolte et la fuite d'une tribu conflidériJble aient
pu se produire heureusement. L'attaque des peuples de la
mer porta à l'occident du Delta et ne pénétra jamaiB jus-
qu'au pays de Goshen, où led liyres juifs nous montrent les
principaux cantonnements du peuple hébreu. Elle ne dura
pas assez longtemps pcfur donner aux esclaves étrangers le
temps de se concerter et de prendre les mesures néces-
saires à leur délivrance» Ge n'est donc pas sous le règne de
Ménephtah, après une victoire qui maintint quelque temps
encore à l'extérieur le prestige des armées égyptiennes, et
dans un moment où toutes les forces de l'Egypte étaient
prêtes à la répression^ que les Hébreux auraient pu effec-
tuer impunément leur périlleuse sortie. Cest seulement
pendant les années qui {«recédèrent et suivirent la mort de
Séti n que se trouvent réunies les conditioas £a,vorablesà
l'Exode : décomposition et démembrement de la monarchie
égyptienne, invasioti étrangère, guerre contre les envahis-
seurs, qui s'étendirent sur tout le Delta et durèrent long-
tempi^ On comprend aisément qu'au milieu du désordre
général une tribu étrangère persécutée par les Égyptiens
et lasse de la persécution ait pu quitter ses cantonnements
et prendre le chemin du désert sans être énergiquement
combattue par ses anciens maîtres, trop menacés dans leur
propre existence pour [s'inquiéter beaucoup de la fuite d'une
bande d'esclaves.
Les traditions nationales des juifs contaient que Pha-
raon, soucieux de l'accroissement d'Israël, voulut faire
tuer tous les enfants mâles qui naîtraient. Une femme de
la tribu de Lévi, après avoir cadié le sien pendant trois
mois, l'exposa sur le Nil dans un berceau d'osier, à l'en-
droit où la fille de Pharaon avait accoutumé de venir se
baigner. La fille de Pharaon eut pitié de l'enfant, l'ap-
pela Moïse, le sauvé des eaux, et le fit élever près d'elle
dans toute la science de l'Egypte. Il avait déjà quarante
ans lorsqu'un jour il assassina un Egyptien qui frappait
un Hébreu et se sauva.au désert du Sinaï. Après qua-
rante années d'exil, Dieu lui apparut dans uu buisson ar<^
260 CHAPITRE VI.
dent et lui ordonna de tirer son peuple d'esclavage. Moïse
et son frère Aaron se rendirent à la cour du roi et deman-
dèrent pour les Hébreux Tautorisation d'aller sacrifier dans
le désert. Ds ne Tobtinrent qu'après avoir frappé le pays
des dix plaies légendaires et fait périr tous les premiers-
nés de la nation. Poursuivis par Pharaon, les Hébreux
traversèrent à pied sec la mer Rduge, dont les eaux se
séparèrent pour les laisser passer et se refermèrent pour
engloutir les Egyptiens*. Alors Moïse et les enfants d'Israël
chantèrent ce cantique à l'Eternel et dirent : « Je chan-
a terai à l'Éternel, car il s'est hautement élevé; il a jeté
a dans la mer le cheval et celui qui le montait, — L'Éter-
« nel est ma force et ma louange et il a été mon Sauveur,
« mon Dieu fort. Je lui dresserai un tabernacle, c'est le
a Dieu de mon père, je l'exalterai. — L'Éternel est un
ce vaillant guerrier, son nom est l'Étemel. — Il a jeté dans
« la mer les chariots du Pharaon et son armée; l'élite de
« ses capitaines a été submergée dans la mer Rouge. — Les
« gouffres les ont couverts ; ils sont descendus au fond des
« eaux comme une pierre. » — .... L'ennemi disait: «Je
« poursuivrai, j'atteindrai, je partagerai le butin; mon âme
« sera assouvie d'eux ; je tirerai mon épée, ma main les dé-
« truira. — Tu as soufflé de ton vent : la mer les a cou-
« verts ; ils ont été enfoncés comme du plomb au profond
« des eaux*. »
La tradition égyptienne prenait les choses autrement. Le
roi Aménophis eut, dit-elle, la fantaisie de contempler
les dieux comme avait fait Hôros, un de ses ancêtres. Un
voyant qu'il consulta à cet égard lui répondit qu'il devait
avant tout délivrer le pays des lépreux et autres hommes
impurs; sur quoi il fit rassembler au nombre de quatre-
vingt mille tous les Égyptiens affligés de vices corporels
et les jeta dans les carrières de Tourah. Il y avait parmi
eux des prêtres, et ce sacrilège irrita les dieux ; le voyant,
craignant leur colère, écrivit une prophétie dans laquelle
il annonçait que certaines gens s'allieraient avec les Im-
1. Exode f i, 14. — 2. Ihid., xv, l-lO»
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 261
purs et domineraient l'Egypte pendant treize ans, puis se
tua. Le roi finit par avoir pitié des proscrits et leur con-
céda la ville d'Avaris, demeurée déserte depuis le temps
des Pasteurs. Ils s'y constituèrent en corps de nation sous
la conduite d'un prêtre d'Héliopolis, Osarsyph ou Moïse,
qui leur donna des lois contraires aux coutumes égyp-
tiennes, les arma en guerre et conclut une alliance avec
les débris des Pasteurs réfugiés en Syrie depuis plusieurs
siècles. Tous ensemble attaquèrent l'Egypte et l'occupè-
rent sans combat. Âménophis se rappela la prédiction du
voyant, rassembla les images des dieux et s'enfuit en
Ethiopie avec son armée et une multitude d'Égyptiens.
« Les Solymites, qui avaient envahi le pays avec les Im-
purs, se comportèrent si indignement envers. les hommes,
que leur domination devint insupportable à ceux qui du-
rent alors subir leurs impietés. En effet, non-seulement
ils brûlèrent les villes et les villages, et ne se retinrent
point de pillej les temples et de briser les images des
dieux, mais ils se servirent pour leur cuisine des animaux
les plus révérés et forcèrent à les immoler et à les dépecer
les prêtres et les prophètes qu'ensuite ils jetaient tout nus
au dehors.... Après cela, Aménophis revint d'Ethiopie avec
une grande armée ainsi que son fils Ramsès qui, lui aussi,
avait une armée. Tous deux attaquèrent ensemble les Pas-
teurs et les Impurs, les vainquirent et, après en avoir tué
un grand nombre, les poursuivirent jusqu'aux frontières de
Syrie *. »
Bam ém IIX et la ▼Instlème dynastie.
Au milieu du désordre général une dynastie nouvelle
s'éleva. Son chef Nekht-Séti, descendant de Ramsès II
et maître de Thèbes, réduisit les rebelles et déposséda le
Syrien Arisou. «Il fut comme les dieux Khepra et Soutekh
en sa violence, remettant en état le pays entier qui était
en désordre, tuant les rebelles qui étaient dans le Delta,
1. ManéthoD^ dans Josèphe, Contra Âpionem, î, zxvi, xxvn.
268 CHAPITRE VI.
purifiant le grand trône d'Egypte; il fut régent dos deux
terres à la place de Toum, s'appliquant à réorganiser ce qui
avait été bouleversé, si bien que chacun reconnut un frère
dans ceux qui avaient été séparés de lui pendant si long-
temps % rétablissant les temples et les sacrifices, si bien
qu'on rendit aux cycles divins leurs hommages tradition-
nels ^. »
Son fils Eamses III, qu'il avait déjà associé au trône de
son vivant, fut le dernier des grands souverains de l'E-
gypte. Pendant les tf ente-deux années de son règne, il ne
cessa de travailler à rétablir au dehors l'intégrité de l'em-
pire, au dedans la prospérité du pays. Malgré les suceès
qu'avait obtenus son père, il trouva les provinces syriennes
perdues et les frontières entamées de toutes parts. Â
l'ouest les Bédouins harcelaient les postes fo'rtifiés du
Delta et les colonies minières du Sinaï ; à l'est les na-
tions de Libye avaient envahi la vallée du Nil. Entraînés
par leurs chefs, Déïd, probablement le fils du Mermaîou
qui avait été battu sous Ménephtah , Mashaken, Tamar et
Tsaoutmar,les Tahennou,les Tamahou, les Kehak et leurs
voisins avaient quitté les plateaux sablonneux du désert.
Us avaient occupé le nome Maréotique, le nome Saïtique,
les embouchures du Nil jusqu'au grand bras du fleuve,
bref toute la partie occidentale du Delta depuis la ville de
Karbana à l'est ' jusqu'à la banlieue de Memphis au sud.
Ramsès III, après avoir châtié vertement les Bédouins, se
tourna contre les Libyens en l'an V, et les battit complè-
tement, a Ils furent épouvantés comme des chèvres atta-
quées par un taureau qui bat du pied, frappe de la corne
et ébranle les montagnes en se ruant sur qui Tapproche. »
Les ravages des barbares avaient exaspéré les Egyptiens :
ils ne firent point quartier dans la bataille. Les Libyens
s'enfuirent en désordre: quelques-unes de leurs tribus
1 . litt. : « son frère de ceux qui avaient été murés, » — 2. Grand Pa-
pyrus Harris , pi. LXXVI, 1. 8-9. Cf. Eisenlohr, On thé political con-
dition, p. 363, 364; Chabas, Recherches pour servir à Vhistoirê d€ la
XIX" dynastie, p. 23-27. — 3. Sur Çarhana, voir G. Masp^ero^ dans les
Mélanges d'ar(kéolo$ie égyptienne, !;« I^ p. 1 10.
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 263
attardées dans le Delta furent surprises, eslerées et incor-
porées à l'armée auxiliaire ^
 peine délivré de ce c6té, Ramsës m dut se tourner
contre la Syrie. Les peuples de l'Asie Mineure et des îles
de la Orèce, encouragés par le désordre où ils avaient vu
TÉgypte plongée, s'étaient levés en [masse et avaient pris
une Ibis encore le chemin du Delta. Les Danaens, les
Tyrséniens, les Shakalash, les Teucriens, qui avaient suc-
cédé aux Dardaniens dans rhégémonie des nations troyen-
nés, les Lyciens, les Philisti, entrèrent dans la confédéra-
tion. Les uns, montés sur les navires, devaient attacpier les
côtes ; les autres devaient traverser là Byrie entière et as-
saillir les forteresses de l'isthme. Le rendez-vous de la
flotte et de l'armée de terre était à la pointe orientale
du Delta, non loin du site où plus tard s'éleva Péluse.
Ramsès lU arma les bouches du Nil, mit les places des
nomes limitrophes en état de défense et se porta à la rea-
eoÀre de l'ennemi en l'an VIH. Les alliés avaient écrasé
et entraîné à leur suite les Khêtas, les gens de Karkémish,
du Kati, d'Arad, de Radesh ; après avoir séjourné quelque
tenips aux environs de cette ville dans le pays des Amor-
rhéens, ils avaient poussé droit sur l'Egypte. Leur armée
et leur flotte rencontrèrent l'armée et la flotte égyptiennes
qui les attendaient entre Raphia et Péluse, sous les murs
d'un château fort qu'on appelait la Toiw* de Rarnsès III .
« Les embouchures du fleuve étaient comme un mur
puissant de galères, de vaisseaux, de navires de toute
sorte, garnis de la proue à la poupe de vaillants bras ar-
més. Les soldats dlnfanterie, toute l'élite de l'armée d'E-
gypte, étaient là comme des lions rugissants sur la mon-
tagne ; les gens de chars, choisis parmi les plus rapides des
héros, étaient guidés par toute espèce d'officiers sûrs
d'eux-mêmes *. Les chevaux frémissaient de tous leurs
membres et brûlaient de fouler aux pieds les' nations.
Pour moi, dit Ramsès, j'étais comme Month le belliqueux :
1. Chabas, Études sur V Antiquité historique ^ p. Î3Û-260, -^ 2« Uit. :
connaissant leur main»
264 CHAPITRE VI.
je me dressai devant eux, et ils virent Teffort de mes mains.
Moi, le roi Ramsès, j'ai agi comme un héros qui connaît
sa valeur et qui étend son bras sur son peuple au jour
de la mêlée. Ceux qui ont violé mes frontières ne mois-
sonneront plus sur la terre : le temps de leur âme est
mesuré pour l'éternité.... Ceux qui étaient sur le rivage,
je les fis tomber étendus " au bord de l'eau, massacrés
comme des charniers; [je chavirai] leurs vaisseaux; leurs
biens tombèrent à l'eau ^ »
Cette victoire si prompte ne termina pas cependant les
guerres de Ramsès III. Les anciens alliés des peuples de
la mer, les Libyens, n'auraient pas mieux demandé que de
prendre part à la campagne de l'an VIII contre l'Egypte :
s'ils ne le firent pas, ce fut sans doute parce qu'ils n'a-
vaient pas encore eu le temps de réparer leurs pertes. Dès
qu'ils se sentirent prêts, ils entrèrent en scène. Leur chef
Kapour et son fils Mashashar entraînèrent les Mashouash,
les Sabata, les Kaïqash et d'autres tribus moins in^or-
tantes, puis, aidés par des auxiliaires tyrséniens et ly-
ciens, envahirent le Delta en l'an XI. « Leur âme s'était
dit pour la deuxième fois qu'ils passseraient leur vie dans
les nomes de l'ïlgypte et qu'ils en laboureraient les vallées
et les plaines comme leur propre territoire. » Le succès
ne répondit pas à leur attente. « La mort vint sur eux en
Egypte, car ils étaient accourus de leurs propres pieds vers
la fournaise qui consume la corruption, sous le feu de la
vaillance du roi qui sévit comme Baal du haut des cieux.
T0U15 ses membres sont investis de force victorieuse; de sa
droite il saisit des multitudes ; sa gauche s'étend sur ceux
qui sont devant lui, semblable à des flèches contre eux,
pour les détruire; son glaive est tranchant comme celui de
son père Month. Kapour, qui était venu pour exiger
l'hommage , aveuglé par la peur, jeta ses armes, et son
armée agit comme lui : il éleva au ciel un cri suppliant et
1. Greene, Fouilles à Thèhes^ 1855. Cf. de Rougé, Notice, de quel-
ifues textes hiéroglyphiques, dams VAihenaeum français, 1855, et Chabas^
Études sur VAntiquité historique j p. 250-288.
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 265
son fils suspendit son pied et sa main. Mais voilà que se
leva près de lui le dieu qui connaissait ses plus secrètes
pensées. Sa Majesté tomba sur leur tête comme une mon-
tagne de granit; elle les écrasa et mélangea la terre de
' leur sang comme de l'eau : leur armée fut massacrée, mas-
sacrés leurs soldats.... On s'empara d'eux; on les frappa,
les bras attachés, pareils à des oiseaux jetés au fond d'une
barque, sous les pieds de Sa Majesté. Le roi était sembla-
ble àMonth; ses pieds victorieux pesèrent sur la tête de
l'ennemi ; les chefs qui étaient devant lui furent frappés et
tenus dans son poing. Ses. pensées étaient joyeuses, car
ses exploits étaient accomplis/. » Les Libyens se gardèrent
de troubler désormais la paix de l'Egypte.
Les victoires de ces douze années réparèrent, les dé-
sastres des années précédentes. Les anciennes provinces
syriennes, les nations alliées de Khêta, de Karkémish, du
Kâti, s'étaient soumises sans résistance après la défaite
des peuples de la mer. Une expédition maritime fut di-
rigée bientôt après contre l'Arabie. « J'équipai des vais-
seaux et des galères, pourvus de nombreux matelots et de
nombreux ouvriers. Les chefs des auxiliaires maritimes s'y
trouvaient avec des vérificateurs et des comptables pour
les approvisionner des produits innombrables de l'Egypte :
il y en avait de toute grandeur par dizaines de mille. Al-
lant sur la grande mer de l'eau de Kati*, ils arrivèrent
aux pays de Pount, sans que le mal les abattît, et prépa-
rèrent le chargement des galères et des vaisseaux en pro-
duits de- Tonouter, avec toutes les merveilles mystérieuses
de leur pays, et en des quantités considérables de parfums
de Pount, chargés par dizaines de mille, innombrables.
Leurs fils, les chefs du Tonouter, vinrent eux-mêmes en
Egypte avec leurs tributs ; ils arrivèrent sains et saufs au
pays dé Goptos, et abordèrent en paix avec leurs richesses.
Ils les apportèrent en caravanes d'ânes et d'hommes et les
chargèrent dans des barques sur le fleuve, au port.de.
1. Cliabas, Études sur l'Antiquité historique, p. 242-249.— 2. Un des
noms de la mer Rouge.
266 OHAPITKB VL
Goptos ^ » D'autres expéditions dans la pfimnftule du Sinaî
replacèrent les districts miniers sous Tautorité du Pha-
raon 2. L'empire égyptien se trouva reconstitué tel qu'il
était un siècle auparavant au temps de Ramsès II. On ne
vit plus les Shardanes, les Tyrsènes, bs Lycieaa, les'
Troyens, débarquer en masse sur les côtes d'Afrique. Le
courant de l'émigration asiatique, tourné contre la vallée
du Nil pendant cent cinquante ans au moins, reprit sa
route vers l'Ouest et arriva en Italie à la suite des colonies
phéniciennes. Les Tyrséniens prirent terre au nord de
l'embouchure du Tibre ; les Bhardanes occupèrent la graade
île qui fut plus tard appelée Sardaigne. Il ne resta bientôt
plus en Asie et en Egypte que le souvenir de leurs dépré-
dations et le récit légendaire des migrations qui les avaient
conduits des côtes de l'Archipel aux côtes de la Méditerrar-
née occidentale. Un seul des peuples confédérés, celui des
Philisti, réussit à s'établir en Syrie : il se logea le long de
la côte méridionale entre Joppé et le torrent d'Egypte, dans
une région occupée jusqu'alors par les Cananéens , et y
vécut d'abord dans le vasselage de Pharaon. A l'autre fron-
tière du Delta, une tribu libyenne, celle des Mashouasb,
obtint de même une concession de territoire : les soldats
mashouash levés soit en Libye même, soit dank la portion
de la tribu campée aux bords du Nil, formèrent un corps
d'élite dont les chefs jouèrent bientôt un grand rôle dans
l'histoire intérieure de l'Egypte.
Hérodote racontait qu'au retour de ses campagnes S4-
sostris faillit être tué par trahison, ce Son frère, à qui il avait
confié le gouvernement, l'invita h. un grand repas et avec
lui ses enfants, puis il fit entourer de bois la maison où se
trouvait le roi et ordonna qu'on y mît le feu. Le roi l'ayant
appris, délibéra sur-le-champ avec sa femme, qu'il avait
amenée avec lui : celle-ci lui conseilla de prendre deux de
ses six enfants, de les étendre sur le bois enflammé et de se
sauver sur leurs corps comme sur un pont. Sésostrislefit, et
K €rand Papyrus Barris. Cf. Ckahas, Beeherehes sur la J{X^dtf
nastie, p. 59-63. — 2. Idem, ibid, , p. 63-68. •
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. S67
brûla de la sorte deux de ses enfants; le reste se «auTa avee
le père*. » Les monuments nous ont prouvé que le Sésostris
de la légende d'Hérodote est ici non pas Ramsès II, mais
son homonyme Ramsès III. Un des frères du roi que les do-
cuments désignent sous le nom Aptit de Pentaourt conspira
contre lui avec un certain nombre de grands officiera et de
femmes du harem : il s'agissait de tuer le Pharaon et de
mettre fion frère à sa place. Le complot fut découvert, les
conjui^s cités devant les tribunaux et condamnés, les uns à
mort, les autres à la prison*. Ramsès III, délivré de toute
inquiétude, passa en paix les dernières années de son règne.
Il construisit à Thèbes, en souvenir de ees guerres, le grand
palais de Médinet-Habou, agrandit Kamak, restaura Louq-
8or. Le détail de ses fondations dans le Delta nous a été
conservé par un manuscrit de la bibliothèque d'Héliopolis,
le grand papyrus Harris* : on voit par cç document que
TÉgypte avait non-seulement recouvré son empire extérieur,
mais repris toute son activité commerciale et industrielle.
Les beaux jours de Thotmès III et de Ramsès II sembliûent
être revenus.
Pourtant la décadence était proche. L'Egypte, épuisée
par quatre siècles de guerres perpétuelles, devenait de plus
en plus incapable d'un effort sérieux : la population, déci-
mée par le recrutement, mal renouvelée par l'introduction
incessante d'éléments étrangers, n'avait plus la patience et
l'enthousiasme des premiers temps. Les classes élevées, ac^
coutumées au bien*étre et à la richesse, n'estimaient plus
que les profession^ civiles et raillaient tout ee qui touchait
au militaire. « Pourquoi dis-tu que l'officier d'infanterie est
plus heureux que le scribe? demandait un scribe à son
élève. — Arrive, que je te peigne le sort de l'officier d'in-
fanterie, l'étendue de ses misères ! — On l'amène, tout en-
fant, pour l'enfermer dans la caserne : — une plaie qui le
coupe se forme sur son ventre^ —une plaie d'usure est sur
1. Hérodote, II, 107. *- 2. Th. Devéria, LêPapyrut judieiaiv de Tu-
^in, où les pièces du procès sont traduites et eommoi^tées. ^ 3. Voir,
sur ce papyrus, Ghabas^ Le Papyrtu fnagique Harris, p. 2, et les tra-
ductions de MM. Bireh et Eisenlobr, dans \ak MeUschnift, 16T3-1674.
268 CHAPITRE VI.
son œil, — une plaie de déchirure est sur ses deux sour-
cils; sa tête est fendue et couverte de pus*. — Bref, il est
battu comme un rouleau de papyrus, — il .est brisé par la
violence. — Arrive, que je te dise ses marches vers la Syrie,
— ses expéditions en pays lointains ! — Ses pains et son
eau sont sur son épaule comme le faix d'un âne — et font
son cou et sa nuque semblables à ceux d'un âne ; — les
jointures de son échine sont brisées. — Il boit d'une eau
corrompue, — puis retourne à sa garde. — Atteint-il l'en-
nemi, — il est comme une oie qui tremble, — car il n'a
plus de valeur en tous ses membres. — Finit-il par aller
en Egypte, — il est comme un bâton qu'a mangé le ver.
Est-il malade, l'alitement le saisit-il, — il est emmené sur
un âne; — ses vêtements, des voleurs les enlèvent; — ses
domestiques se sauvent^. » — Voilà pour le fantassin; le
cavalier n'est pas beaucoup mieux traité. « Le scribe Ame-
nemapt dit au scribe Penbesa : « Quand te sera apporté cet
ce écrit de communication, applique-toi à devenir scribe;
ce — tu primeras tout le monde. — Arrive, que je te dise
ce les devoirs fatigants de l'officier de chars. — Lorsqu'il
ce est placé à l'école par son père et sa mère, — sur cinq
ce esclaves qu'il possède (?) il en donne deux'. — Après que
ce Ton a dressé, il part pour choisir un 'attelage — dans
ce les écuries, en présence de Sa Majesté v. s. f.; — à peine
ce a-t-il pris les bonnes cavales, — il se réjouit à grand
ce bruit. — Pour arriver avec elles à son bourg j — il se
ce met au galop, — mais n'est bon qu'à galoper sur un
ce bâton. — Gomme il ne connaît pas l'avenir qui l'attend,
ce — il lègue tous ses biens à son père et à sa mère, —
ce puis emmène un char — dont le timon pèse trois outen^
ce — tandis que le char pèse cinq out&ri^, — Aussi, quand
ce il veut s'en aller au galop sur ce char, — il est forcé
«
1. C'est une description des plaies produites par l'usage du casque et
de la cuirasse. — 2. Papyrus Anastasi 111, pi. V, 1. 5; pi. VI, 1. 2;
Ihid. l'V, pi. IX, 1.4; pi. X^ 1. 1; de Rougé, Discours d'ouverturCf
p. 34-35; Maspero, Du genre épistolaire, p. 41-42. —3. Sans doute
pour payer les frais de son éducation. — 4. C'est-à-dire un char de
pacotille dont les parties sont mal proportionnées.
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 269
« de mettre piedil terre et de le tirer. — Il le prend, tombe
a sur un reptile, — se rejette dans les broussailles : — ses
ce jambes sont mordues par le reptile, — son talon est percé
<i par la morsure. — Lorsqu'on vient pour faire l'inspection
« de ses effets, sa misère est au comble : — il est allongé
<c sur le sol et frappé de cent coups*. » — Songez que ces
lignes furent écrites sous le règne de Ramsès II et au bruit
des chants de triomphe. La multitude se laissait encore
emporter à l'enthousiasme de la victoire et suivait de ses
acclamations le char triomphal du Pharaon. La première
ivresse passée, les classes populaires, épuisées par des
siècles de guerres incessantes, écrasées sous le poids des
corvées et des impôts, retombaient dans leur décourage-
ment habituel; les lettrés tournaient les souffrances du
soldat en ridicule. Cet ennui du succès, ce dégoût de la
victoire sanglante et chèrement payée, nous expliquent
bien des points obscurs de l'histoire d'Egypte et furent
pour beaucoup dans la chute rapide de l'édifice si labo-
rieusement élevé par les princes de la dix-huitième et de
la dix-neuvième dynastie. L'Egypte de Thotmès III vou-
lait la guerre : l'Egypte de Ramsès III voulait la paix à tout
prix*.
On le vit bien au cours de la vingtième dynastie. En
l'an XXXII, Ramsès, fatigué du pouvoir, appela son fils
Ramsès IV à le partager*, et mourut peu après. Ramsès IV
lui-même paraît n'avoir pas régné plus de trois à quatre
années, et eut pour successeur un parent éloigné qui prit
le nom de Ramsès V. Vinrent ensuite les quatre fils de
Ramsès III^ Ramsès VI, Ramsès VII, Ramsès VIII et
Meîamoun-meri-toum, qui passèrent rapidement sur le trône
sans laisser grandes traces de leur activité. Le règne de
Ramsès IX s'écoula tranquillement, et, pour trouver quel-
que événement digne d'être rapporté , il faut descendre jus-
qu'à Ramsès XI Meïamoun II. Ramsès XI étendait en-
core son autorité non-seulement sur l'Ethiopie , mais sur
1. Papyrus Ànastasi III, pi. VI, 1. 2-10; Maspero, Du genre épisto-
laire, p. 42-43. — 2, Idem, ibid., p. 43-44. — 3. Chabas, Recherches,
p. 73-15.
S70 GHAPITBB VL
la Syrie entière. Au début de son règne^ dans une visite
qu'il $t en Palestine^ un des chefs du pays lui avait envoyé
sa fille aînée comme otage : Ramsès Taima et en fit sa pre-
mière femme. Quelques années après, il apprit que la jeune
sœur de cette reine, ibentreshit^ était atteinte d'une maladie
qu'on attribuait à la puissance d'un esprit possesseur. Il
envoya pour la délivrer le chef des magiciens royaux^ Tho-
temhebi, dont le savoir échoua devant la ténacité de la ma-
ladie et de l'esprit. Après dix années d,e souffnuices, le
père de la jeune fille se décida à réclamer Un secours plus
efficace i a II envoya une seconde fois vers le roi pour lui
dire : <£ Souverain supr^e, é mon seigneur, plaise TaMa-
«jesté ordonner qu'un dieu soit apporté au pays de
« Bakhtan pour combattre cet esprit ! » Cette nouvelle de-
mande parvint au roi en Tan XXVI, le 1"* du mois de
Pakhons^ pendant la panégyrie d'Ammon; Sa iMajesté
était alors en Thébalde. Le roi revint en la présence de
Khons * dieu tranquille dans sa perfection, pour lui dire :
ce Mon bon seigneur, je reviens pour t'implorer en feiveur
« de la fille du prince de Bakhtan* » Puis il fit conduire
KhonSy dieu tranquille dans sa perfection. Vers Kbons^ con-
seiller de Thèbes, dieu grand qui chasse les rebellés. Sa
Mcyesté dit à* Khons^ dieu tranquille dans sa periection :
«c<.Mon b<m seigneur^ si tu voulais tourner ta face vers
^c EJicms, le conseiller de Thèbes, ie grand dieu qui chassse
« les rebelles, et l'envoyer au pays de Bakhtan parune grâce
« insigne ! » Puis Sa Mi^sté dit : « Donne-lui ta v^tu di-
« vine, j'enverrai ensuite ce dieu pour qu'il guérisse la fille
« du prince de BaJ^htan. » Par sa faveur la plus insigne,
ËLhons de Thébaîde, dieu tranquille dans sa perfection,
donna quatre fois sa vertu diviiu à £hens, eonseiller de
Thèbes. Le roi commanda qu'on fît partir Khons^ conseiller
de Thèbes; ûé nombreux cavaliers marchaient à sa gauche
et à sa droite.
ce Le dieu alrriva au pays de Bakhtan, après un voyage
d'un an et cinq mois. Le prince de Bakhtan vint avec ses
soldats et ses chefs à la rencontre de Khons le conseiller;
s'étant prostc^rné ventre à terre, il lui dit : « Tu viens donc
LES GRANDES MIGRATIONS MARITIMES. 271
« vers aoud| tu descends chez nous par les ordres du roi
« d'Egypte, le soleil seigneur de justice, approuvé du dieu
a Râ. x> Voici que ce dieu vint à la demeure de Bent-
rechit ; lui ayant communiqué sa vertu, elle fut soulagée
à l'instant. L'esprit qui demeurait en elle dit en présence
de Rhons, le conseiller de Thèbes : a Sois le bienvenu,
« grand dieu qui expulses les rebelles; la ville de Bakhtan
« est à toi, ses peuples sont tes esclaves, moi-même je suis
« ton esclave. Je m'en retournerai vers les lieux d'où je
ft suis venu pour satisfaire ton cœur sur le sujet de ton
a voyage. Que Ta Majesté veuille ordonner qu'une fête soit
« célébrée en mon honneur par le prince de Bakhtan! »
Le dieu daigna dire à son prophète : « Q faut que le prince
<K de Bakhtan apporte une ridae offrande à cet esprit. »
Pendant que ces choses se passaient et que Khons, le con-
seiller de Thèbes, conversait avec l'esprit, le prince de
Bakhtan restait avec son armée, saisi d'une crainte pro-
fonde. Il ht offrir de liches présents à Khons, conseiller de
Thèbes, ainsi qu'à l'esprit, et célébra une fête en leur hon-
neur ; après quoi l'esprit s'en alla paisiblement où il voulut
sur l'ordre de Khons, le conseiller de Thèbes. Le prince fut
transporté de joie, ain&i que toute la population de Bakh-
tan; puig il se dit en lui-même : <c II faudrait que ce dieu
^ pût rester à Bakhtan ; je ne le laisserai pas retourner en
^ %ypte. » Il y avait trois ans et neuf mois que le dieu
Khons demeurait à Bakhtan, lorsque le prince, reposant
sur son lit, crut le voir quitter Bon naos; il avait la forme
de l'épervier d'or et s'élevait au ciel dans la direction de
l'Egypte. Le prince s'étant éveillé se trouva souffrant; il
dit alors au prêtre de Khons, conseiller de Thaïes : « Le
<^ dieu veut nous quitter et retourner en Egypte : faites
^ partir son char pour ce pays. » Khons rentra dans son
temple de Thèbes chargé de présents *.
Les Ramessides firent çà et là quelques expéditions, ja-
^ûs de grandes guerres : ils passèrent leurs jours dans la
pûx du dehors et la paix du dedans, et, s'il est vrai que ces
1. De Rougé, Étude sur une stèle égyptienne appartentiht û là Biblto'
Chèque imperiaîc, Paris, iii-8, 1856.
272 CHAPITRE VI.
peuples-là sont heureux qui n'ont point d'histoire, TÊgypte
fut heureuse sous leur sceptre. Plus de luttes annuelles,
plus de courses lointaines aux montagnes d'Arménie et aux
sources du Nil. La Syrie continua de payer tribut pendant
quelque temps, car, si TÉgypte était épuisée de sa victoire
et avait à peine la force* de se faire obéir, la Syrie était
épuisée de sa défaite et n'avait plus la force de se révolter.
Mais il y avait entre les deux pays cett^ différence que Tun,
âgé déjà de trois mille ans d'histoire, touchait à la vieillesse
et ne devait plus se relever, tandis que l'autre se remit
promptement de ses blessures. Des révolutions intérieures
vinrent bientôt achever ce que la lassitude avait commencé.
Les grands prêtres d'Ammon, chefs suprêmes du sacer-
doce thébain, n'avaient cessé de croître en influence poli-
tique depuis l'avènement de la XX' dynastie : ils avaient
successivement envahi toutes les hautes fonctions civiles
et militaires, étaient devenus généraux, magistrats, gou-
verneurs des provinces du midi et du nord, princes de
Koush. Quelques années après la mort de Ramsès XI, l'un
d'eux, Her-hor, osa déposséder le Ramsès qui régnait alors
et se faire roi à sa place. Il prit bravement pour cartouche
prénom le titre même de sa dignité Hon nouter tep en
Arnen^ Premier prophète d'Ammon, et ceignit le diadème.
Son autorité fut d'abord reconnue même à l'étranger ; il
put se vanter de recevoir les tributs de la Syrie comme
ceux de l'Ethiopie. Mais les partisans de Ramsès ne le
laissèrent pas 'longtemps jouir de son triomphe. Son fils
Pinotsem I ne régna pas et fut obligé de rester grand
prêtre, un ou deux Ramsès se succédèrent sans bruit
sur le trône. Piankhi I, fils de Pinotsem, réussit à recou-
vrer la couronne et à se faire proclamer roi, dans le sud.
Une dynastie nouvelle, la XXI', s'éleva àTanis avec Smen-
dès et s'établit dans le Delta. Dans les guerres- qui sui-
virent, l'Egypte usa le peu de force qui lui restait et per^
dit la suprématie nominale qu'elle avait gardée jusqu*alors
en Syrie. Elle avait dominé près de sept siècles sur l'Asie
antérieure et sur l'Ethiopie.
18* DYNASTIE.
DIOSPOLITAINB
I. Ahmès I; RJLnebpehti.
II. AMENHOTEP I, RiSARKA.
III. Tahoutmes I, RÂIakhopbrka.
IV. Tahoutmes II, RÂIakhoperen.
V. ÂMENKHNOUMT HaTASOU, RÂUAICA.
VI. Tahoutmes III, RJLmenkhoper.
VII. Amenhotep II, RÂIakheprou.
VIII. Tahoutmes IV Khakhaou, Ramenkheprov.
DL Amenhotep III, RÀMiNEB.
X. Amenhotep TV, RJUanowrou, Khounaten.
XI. Nouter atew A! haq nouter ouJLs, Râkhoper kheprou ah Mi.
XII. Toutankhamen haq On-res, Rakhoprovmeb.
XIII. RAsAaKAIHEPROU^ RliNKHKHEPROU.
? Hawkmhwb MeÎamoun, RItseserkheprou STBPBà Bi,
19* dynastie.
DIOSPOLITAINS
I. Ramessou I, Ramenpehti.
II. SETI I MeNEPHTAH, RÂ.MAMEN.
m. Ramessou II Meïamoun I, Râousormastepenba*
IV. Ménephtah I HoTEPHiMA, Banra Meïamoun.
V. Amenmeses haq On, Râmenkha stepenra.
VI. Ménephtah II Septah, Khounra stepenra.
VII. Seti II Ménephtah, Râousorkheprou Meïamoun»
(?Arisou).
20* DYNASTIE.
DIOSPOLITAINB
I. Neeht Seti MeriRI Meïamoun Râousor&haou Meïamoun
II. Ramessou III haq nouter on, RXousorma Meïamoun.
III. Ramessou IV haq ma Meïamoun, Râousorma stepenamen.
IV. Ramessou V Amen-hi-khopesh<bw Meïamoun, RIousorma
SKHOPERENRA.
V. Ramessou VI Amen-hi-khopssh-ew nouter haq On Ra nbbma
Meïamoun.
VI. Ramessou VII At-Amen Nouter haq On RJLolsorma Meïamoun
stepenra.
VII. Ramessou VIII Sbt-hi-khopesh-ew Mbïamoun RIousobma
Khounamen.
VIII. Meïamoun Meritoum. ...»
IX. Ramessou IX Septah SekhanRa Meïamoun.
X. Ramessou X Meïamoun Nower-kaou-Ra stepenrI.
XI. Ramessou XI Meïamoun II RAousorma stepenra.
XII. Ramessou XII Khàmouas Nouter haq On Meïamoun Rambn
MA STBPENPTAH.
XIII. Ramessou XIII Meïamoun Amen-hi-khopesh-ew RA Khoper ma
STEPENRA.
XIV. [Herhor se-amen Nouter hon tepen Amen.]
XV. ? Ramessou XIV?
XVI. ? Ramessou XV?
XVII. ? Ramessou XVI?
HIST. ANC. 18
LIVRE HL
^EMPIRE ASSYRIEN ET LE MONDE ORIENTAL
JUSQU'A L'AYÉNEMENT DES SARWNIDES.
CHAPITRE VII.
LE PREMIER EllIPIRE ASSYRIEN. — LES JUIFS
AU PAYS DE CANAAN .
L'Assyrie; Nino» et Sémirami»; Touklatrhabal-asar I". — Conquête du
pays de Canaan par les enfants dlsraêl; Moïse; Josué; les Juges. —
La Palestine et la Phénicie au temps des Juges.
li'AM^rlej ft*noH et sémlraml»; Tovklai-halial-asar I"'.
La Syrie est ainsi placée qu'elle ne peut- être indépen-
dante qu'à la condition de ne pas avoir de voisins puis-
sants. Dès qu'un État conquérant s'élève Bur le Nil ou sur
îe Tigre, il semble que les richesses de Damas et de Sidon,
de Karkémish et de Gaza l'attirent invinciblement. L'E-
gypte, délivrée des Pasteurs, s'était ruée sur le pay« de
Khar, avait tenu garnison dans les villes, imposé le tribut
à toutes les nations grandes ou petites, et cela pendant
plusieurs fiièclefi. Les armées égyptiennes n'en étaient pas
encore sorties, que les armées assyriennes se présentaient
pour y entrer.
Le pays d'Assour occupait la partie moyenne du bassin
du Tigre depuis le conûue&t du Koumib jusque vers l'en-
droit où il débouche dans les plaines d'alluvion de la
Ghaldée. A l'est, le cours moyen du grandZab et quelques
^ LE PREMIER EMPIRE ASSYRIEN. 275
contreforts du ^agros le 6éparaieii;t comme une barrière
naturelle de la contrée de Namri et des tril)ji3 touraniennes
de la Médie. Au nord le mont Masios^ au sud -est TÂ-
dhem, lui servaient de limites; à Touest et au sud-ouest,
il s'allongeait vers le Khabour et l'Euphrate, sans qu'on
sache s'ii atteignit jamais ces deux fleuves ^ La part jâ
orientale arrosée par de nombreuses rivjières/le Kournib
ou Khabour^ le petit et le grand Zab, TAdhem, sillonnée
de collines, était ricbe en métaux et en minéraux, fertile
en blés et en fruits de toute sorte. Dans l'antiquité, une
foule de canaux dérivés du Tigre et de ses afQuents cou-
vraient le pays et suppléaient à la rareté des pluies pen-
dant les mois d'étés On y trouvait beaucoup de villes ri-
ches et populeuses .dont les noms remplissent les annales
des rois et dont les ruines parsèment encore le sol^ sans
qu'il soit toujours possible de les identifier avec certitude :
deux des capitales de l'Assyrie, Ninive et Kalakh, y
• avaient été fondées par les premiers colons chaldéens. A
l'ouest du fleuve, c'était un vaste plateau largement on-
dulé et à peine interrompu à la hauteur de Singar par
quelques groupes de collines crayeuses. I^dans un can-
ton maigre et mal arrosé, excepté sur les bords m^mes du
Tigre, s'élevaient Singar et Êl-Assour, la plus ancienne
des villes royales de l'Assyrie.
Depuis le temps de Thotmès lU, la position relative des
Etats qui dominaient en ces régions avait changé. La Ghaldée *
déjà fort affaiblie n'avait cessé de s'affaiblir encore : As-
sour, au contraire, commençait à s'agrandir. Aux premiers
pontifes rois (patesi) Ismi-Dagan, Samsi-Bin, Iri-Amtouk,
dont plusieurs avaient payé tribut aux Pharaons, avaient
succédé des rois {sar) indépendants de l'Egypte et surtout
de la Qialdée, Assour-Narara, Naboù-Dagan, Assour-Bel-
Nisisou, dont les règnes nous reportent vers le quinzième
siècle avant notre ère. Grâce aux efforts de ces souverains,
1. Aux ievaps classiques ie aoia d'Assyrie servit U désigner des ré-
gions d'étendue fort diversç^ Hérodote l'applique à la Ghaldée, I^ 106,
192 ; III, 92; Pline à toute la Mésopotamie, M. N., 2fi. Cf. Strabon,
XVI, 1. Le district de Ninive s'appelait plus spécialement 'ATupia.
276 CHAPITRE VII.
encore obscurs, Assour avait appris à se faire respecter de
ses voisins. Assour-Bel-Nisisou et son fils Bousour-Assour
(entre 1400 et 1370). traitaient déjà d'égal à égal avec Ka-
ra-indas et son successeur Bournabouriyas I, rois de Ghal-
dée. Ce dernier épousa une fille d'Assouroubalat, suc-
cesseur de Bousour-Assour, à qui ce mariage fournit
l'occasion d'intervenir dans les affaires intérieures de
Babylone. Karardas, fils de Bournabouriyas, ayant été tué
dans une révolte des Kassi et remplacé par un certain
Nazibougas, Assouroubalat entra en Babylonie, tua l'usur-
pateur et rétablit à sa place le second fils de Bournabou-
riyas, nommé Kourigalzou. Un siècle s'était à peine écoulé
qu'un autre prince assyrien, Touklat-Adar I (vers 1270),
entrait à Babylone, non plus en auxiliaire, mais en con-
quérant, et soumettait toute la Ghaldée*. Dès lors Babylone
fut considérée comme vassale de l'Assyrie ; les princes que
le vainqueur y établit furent traités en sujets et soumis
au tribut. Il fallut que la Chaldée attendît huit siècles pour
recouvrer complètement son indépendance.
Plus tard, vers l'époque perse , des légendes mythologi-
ques furent substituées au récit des faits que nous venons
d'énoncer. On raconta qu'au début de l'histoire un chef
nommé Ninos s'était illustré par ses conquêtes et avait
fondé un empire qui comprenait la Babylonie, l'Arménie,
la Médie et toutes les contrées situées entre la Méditer-
ranée et l'Indos. Il construisit Ninive au bord du Tigre.
« On donna à la ville la forme d'un carré long, dont le
plus grand côté avait cent cinquante stades et le plus court
quatre-vingt dix : l'enceinte totale avait quatre cent qua-
tre-vingts stades de pourtour (quatre-vingt-neuf kilomè-
tres)... Outre les Assyriens qui formaient la parde la plus
riche et la plus importante de la population, Ninos admit
dans sa capitale un grand nombre d'étrangers, et bientôt
Ninive devint, la ville du monde la plus grande et la plus
1. G. Rawlinsoû, The five great Monarchies, t. Il, p. 54-59; Lenor-
mant, Histoire, t. II, p. 55-59; Menant, Annales, p. 15-28; Bdbylom
et la Chaldée, p. 117-124.
LE PREMIER EMPIRE ASSYRIEN. 277
florissante. » Une guerre contre la Bactriane vint arracher
le roi à ses travaux de construction : il alla mettre le siège
devant Bactres. Il y rencontra Sémiramis, à laquelle on at-
tribuait une origine divine. On la disait fille d'un simple
mortel et de la déesse Derkétô d'Ascalon. Exposée à sa
naissance, elle avait été recueillie par un berger ùommé
Simas ; Oannès, gouverneur de Syrie, Tavait épousée pour
sa beauté et menée avec lui à la guerre. Ninos, émer-
veillé de sa bravoure, l'enleva à son mari, la prit pour
femme et en fit son héritière.
Une fois reine, Sémiramis fonda Babylone sur un plan
mieux entendu encore que celui de Ninive. Le mur d'en-
ceinte eut trois cent soixante stades (soixante-six kilomè-
tres) de long : il était flanqué de deux cent cinquante
grosses tours et assez large pour laisser passer six chars de
front. L'Euphrate fut endigué, bordé de quais sur un
développement de cent soixante stades (trente kilomètres),
et ses deux rives réunies par un pont. Au milieu de la
ville s'éleva le temple du dieu Bel. Les travaux étaient à
peine terminés qu'une révolte éclata en Médie : Sémiramis
la réprima et se mit à parcourir les diverses provinces de
son empire. Elle fonda Ecbatane en Médie, Sémiramocarta
en Arménie sur le lac de Van, Tarse en Gilicie. Partout où
elle allait, elle perçait les montagnes, brisait les rochers,
pratiquait de grandes et belles routes. Dans les plaines,
elle érigeait des tumulus qui servaient de tombeaux à ses
généraux morts pendant l'expédition ou de base à des
villes nouvelles. Arrivée aux confins de la Syrie, elle
franchit l'isthme, soumit l'Egypte et l'Ethiopie. La renom-
mée des richesses de l'Inde la ramena des rives du Nil à
celle de l'Indos : mais là sa fortune l'abandonna. Elle fut
battue par le roi Stratobatês et rentra dans ses États pour
n'en plus sortir. Elle avait élevé ses stèles de victoires aux
confins de la terre habitable, en pleine Scythie, non loin
de riaxarte, où le grand Alexandre les retrouva, encore
intactes. « La nature, y disait-elle, m'a donné le corps
d'une femme, mais mes actions m'ont égalé au plus grand
des hommes. J'ai régi l'empire de Ninos qui vers l'ouest
278 CHAPITRE VU.
totiehe an fleuYeHinasiali (ladoe?)^ vers le sud aux pays de
l'encens et de la myrrhe, vers le nord aux Sakes eiaia
Sogdiens. Avant moi, auenn Assyrien n'avait vu la mer :
j'en ai vu quatre que personne n'abordait, tant elles étaient
éloignées. J'ai contraint les fleuves de couler où je voulais,
et je ne l'ai voulu qu'aux lieux où ils étaient utiles : j'ai
rendu féconde la terre stérile en l'arrosant Ide mes fleuves.
J'ai élevé des forteresses inexpugnables, j'ai percé avec le
fer des routes à travers des rochers impraticables. J'ai
frayé âmes chariots des chemins que les bêtes féroces elles-
mêmes n'avaient jamais parcourus. Et au milieu de ces
occupations j'ai trouvé du temps pour mes plaisirs et pour
mes amis. »
Tous ces exploits ne la mirent pas à l'abri des conjura-
tions. Ayant appris que son fils Ninyas conspirait contre
elle, elle abdiqua en sa faveur et se changea en colombe.
A ee dernier trait on reconnaît la déesse. Ninos et Sémi-
ramis n'appartiennent pas à l'histoire : ils forment un
couple divin et cachent sous leur nom la figure d'Adar-
Samdan et d'Istar, l'Hercule et la Vénus assyriens. Leurs
exploits doivent être rangés au nombre des fables dont
l'épopée babylonienne avait rempli les premiers âges du
monde*. Ce fut seulement au temps des rois perses que
rhistorien Ctésias de Gnide recueillit les récits épars sur
eux et fit de ces deux personnages mythologiques des rois
véritables ^.
Il y a loin du roman de Ninos et de Sémiramis à l'his-
toire véritable des premiers rois assyriens. La conquête
de la Ghaldée entraîna les successeurs de Touklat-Adar
dans une longue suite de guerres sanglantes. A sa mort,
Bin-bal-idin, un des chefs qu'il avait imposés au pays
vaincu, se révolta contre son fils Bel-koudour-oussour,
chassa les garnisons assyriennes et, après avoir reconstruit
les vastes fortifications de Nipour, envahit l'Assyriç. Bel-
1 . Voir pîiïs haut, p. 164-166.— 2. Fr.Lenormant, laLégende deSémi-
ramis, 1872. Récemment tm sAvant anglais, M. Daniel Haigh, a émis
la prétention d'identifier la Sémiramis de Babylone avec la reine Ahmès
Nowertari d'Egypte {Zeitsehrift, 1874, p. 18-23).
LE PREMIER EMPIRE ASSYRIEN. 279
koudour-oussour fut battu et tué ; le sceau royal de Tou-
klat-Adar enlevé dans la déroute fut déposé comme tro-
phée au trésor de Babylone, où il resta six cents ans. Adar-
habal-asar reprit l'offensive : « après avoir organisé le
pays d'Assour et institué le premier les armées assyrien-
nes », il réussit à battre Bin-bal-idin sous les murs d'El-
Assar. Dès lors la puissance des Ninivites alla' toujours
croissant. Assour-Dayan , fils d'Adar-habal-asar , « sur-
passa tout ce qui avait été avant lui. » Il remporta des suc-
cès importants sur Zamana-zikir-idin , roi de Babylone,
prit les villes de Zabba, Irriga, Agarsal, et rentra dans ses
Etats chargé de butin. Ses deux successeurs, Moutakkil-
Neboet Assour-ris-isi, furent plus heureux encore. Le der-
nier d'entre eux « attaqua les contrées des rebelles et sou-
mit les princes de toute la terre, n Deux fois Nabou-kou-
dour-oussour I, roi de Babylone , envahit l'Assyrie : deux
fois il fut contraint de fuir, laissant ses chars, son bagage
et l'étendard royal qu'on portait devant lui, entre les mains
du vainqueur*.
L'Assyrie formait un royaume compacte et puissant dont •
toutes les forces pouvaient être concentrées sur un même
point de manière à briser toute résistance. Sauf vers le
sud, où la Chaldée était' à craindre, ses rois n'avaient de-
vant eux que des tribus isolées, sans lien et sans consis-
tance, qu'ils écrasaient sans peine les unes après les au-
tres. Aussi depuis longtemps avaient -ils étendu leur
domination sur le haut bassin du Tigre et sur la Mésopo-
tamie : le pays de Koummoukh (la Commagène) ^, une
partie du Naïri* leur payaient tribut. Touklat-habal-asar I
(Tiglath-Phalasar) agrandit considérablement ce domaine.
Dès le début de son règne, les Mouskai (Moskhiens) *,
commandés par cinq rois, descendirent des montagnes où
1. Menant, Annales, p. 29-32; Bahylone et la Chcddée, p. 125-127.—
2. Ce n'est pas la Commagène des historiens classiques^ mais une autre
Commagène plus étendue, qui occupait les tersants du Tauros, près de
Samosate, et tout ie tiaut bassin du Tigre, jusque vers Diarb«kir. -—
^ Le pays situé sur les deux versants du mont Masios, entre le haut
Tigre et le moyen Euphrate. — 4. Voir plus haut, p. 219.
280 CHAPITRE VIL
ils étaient cantonnés et envahirent la Commagène. Us
avaient jadis obéi aux rois d'Assyrie, mais s'étaient révol-
tés soixante ans auparavant et avaient conservé leur indé-
pendance. Toukiat-habal-asar courut à leur rencontre et
les battit, « Je remplis de leurs cadavres les racines de la
montagne. Je leur coupai la tête. Je renversai les murs de
leurs villçs. Je pris des esclaves, du butin, des trésors
sans nombre. Six mille des leurs qui s'étaient soustraits à
ma puissance me prirent les genoux et je les fis prison-
niers. » La conquête de la Commagène suivit de près la
défaite des Moskhiens. Les Assyriens franchirent le Ti-
gre, et enlevèrent la capitale de la province malgré l'in-
tervention de quelques tribus voisines. « Le reste de leurs
soldats qui avait craint mes armes terribles et n'avait pu
résister au choc de ma puissante attaque s'était dirigé
pour sauver sa vie vers le sommet des montagnes sur des
plateaux élevés , vers les clairières des forêts, par les ra-
vins tortueux des montagnes que le pied de l'homme peut
à peine traverser. Je montai derrière eux; ils en vinrent
aux mains avec moi et je les mis en fuite : je passai comme
une tempête sur les rangs de leurs combattants, au milieu
des ravins des montagnes J'ai soumis le pays de Koum-
moukh dans toute son étendue, et je l'ai compris désormais
dans les limites de mon empire.
« [Car] je suis Touklat-habal-asar, le roî puissant, le
destructeur des méchants, celui qui anéantit les bataillons
ennemis. »
La conquête de la Commagène et la soumission des
Moskhiens ne pouvaient être durables, si les tribus voisi-
nes restaient indépendantes. L'année suivante, tandis qu'une
partie de ses troupes franchissait le petit Zab et exécu-
tait des razzias heureuses dans les montagnes du Kourdis-
tan, Touklat-habal-asar « marcha contre les pays de Kha-
ria et les armées du vaste pays de Kourkhié, dans des
forêts impénétrables qu'aucun roi n'avait encore explorées.
Le dieu Assour, mon seigneur, me dit de marcher; je dispo-
sai mes chars et mes armées et je m'emparai des forteresses
du pays d'Itni et du pays d'Aya, sur les pics élevés des
LE PREMIER EMPIRE ASSYRIEN. 281
montagnes impénétrables, aiguës comme la pointe d'un
poignard et qui n'offraient pas de passage à mes chars.
Je laissai mes chars dans la plaine et je pénétrai dans les
montagnes tortueuses. >> Cette expédition le mena au cœur
du massif montagneux de T Arménie. Il y battit les habi-
tants du pays de Kourkhié et prit vingt-cinq villes du
pays de Kharia. «Je couvris de ruines les pays de Saranit et
d'Ammanit ; depuis un temps immémorial, ils n'avaient pas
fait leur soumission. Je me suis mesuré avec leurs armées
dans le pays d'Arouma, je les ai châtiés, j'ai poursuivi
leurs guerriers comme des bêtes fauves, j'ai occupé leurs
villes, j'ai emporté leurs dieux. J'ai fait des prisonniers, je
me suis emparé de leurs biens et de leurs trésors, j'ai
livré les villes aux flammes, je les ai démolies, je les ai dé-
truites, j'en ai fait des ruines et des décombres, je leur ai
imposé le joug pesant de ma domination et, en leur pré-
sence, j'ai rendu des actions de grâces au dieu Assour,
monseigneur*. »
La soumission des pays du nord et de l'est assurée,
Touklat-habal-asar se dirigea vers la Syrie. Sa première
campagne dans cette direction fut consacrée tout entière à
la conquête du Naïri.. « Brave dans la mêlée, courageux
dans les batailles^ j'ai marché sans égal contre les rois des
bords de la mer supérieure, qui n'avaient jamais fait leur
soumission, et qu'Assour m'avait signalés. J'ai traversé
des marais inaccessibles, des contrées fiévreuses, dans
lesquels personne parmi Jes rois antérieurs n'avait ja-
mais pénétré; j'ai passé par des chemins difficiles, dans
des fourrés épais. » Les tribus situées à l'est de l'Euphrate
n'opposèrent pas une grande résistance et se soumirent
presque sans combat* Mais au delà du fleuve il fallut
U M. François Lenormant croit cette campagne dirigée contre les
parties centrales de l'Asie Mineure ; Kourkhié serait pour lui la Cilicie
Trachée ou pays de Korykos, Adcmit, la ville d'Adana, en Cilicie.
Korykos et Adana sont toutes deux situées près de la Méditerranée,
et Touklat-habal-asar dit n'avoir atteint la Méditerranée que dans la
campagne suivante contre la Syrie. (Essai de commentaire sur J5J-
rose, p. 146-147.)
282 CHAPITRE VII»
disputer le terrain pied à pied. Vingt-trois rois du Naïrî^
rassemblèrent leurs troupes^ firent venir du secours des
tords de la Méditerranée et livrèrent bataille aux Assy-
riens. Ils furent battus, leurs villes détruites, leurs fila
eminenés en otages. Ce succès ne fut que le prélude de.
succès plus gr.ands encore. Touklat-habal-asa.r partit
d'Élassar l'année suivante « après avoir fixé un jaur propice
d'après un songe qu'il avait eu, et marrcha sur le pays
d'Aram, qui ne reconnaissait pas Assour, son seigneur. »
Il remonta l'Eupbrate à partir de Fembouôliure du Kha-
bour, battit les Tsoukhi, les poursuivit jusqu'en face de
Karkémish, franchit le gué à leur suite et se trouva le
premier de sa race sur le territoire dés Hittites septentrio-
naux.
Depuis près de deux siècles, la puissance des Hittites
n'avait fait que décroître. Accablés par la grande invasion
des peuples de la mer, puis déJiirrés par Ramsès III, ils
avaient accepté sans difficulté l'autorité de ses faibles suc-
cesseurs : même Her-hor leur avait imposé tribut *. Leur
nom avait fini par s'appliquer à tous les peuples de la
Syrie du nord compris entre TEuphrate et le golfe d'Issos,
par opposition aux Araméens qui vivaient plus au sud
entre le Liban et l'Euphrate. Touklàt-habal-asar, arrivant
chez ces peuples encore récents de la domination égyptienne,
n'eut pas de peine à les réduire. Il traversa la Syrie du
nord, franchit le Liban et entra dans le pays d'Akharrou ;
Arvad lui ouvrit ses portes et lui prêta ses vaisseaux. U se
donna la satisfaction de s'avancer en pleine mer et tua. un
dauphin de sa propre main. Le bruit de ses victoires se
répandit sur tous les pays du sud et jusqu'en Egypte : le
Pharaon qui régnait alors crut prudent de ne pas réclamer
contre cette violation des droits que ses ancêtres avaient
pu lui léguer sur les Khêtas. Il envoya des cadeaux
au puissant roi d'Assyrie, entre autres des crocodiles
[na/msoukh) et des hippopotames (ot^mmi). Ces bêtes, in-
connues sur le» bord» du Tigre, y excitèrent la plus vive
1 . Voir plus haut, p. 284.
LB PREMIER EMPIRE ASSYRIEN. 283
curiosité, et la mention de leur envoi fut jugée digne de
figurer parmi les faits intéressants du règne.
Le récit de ces guerres ne peut manquer de donner une
haute opinion du caractère du prince qui les entreprit et de
son peuple. Gomme autrefois les grands Pharaons de la
dix-huitième et de la dix-neuvième dynastie, ïouklat-habal-
asar est avant tout un général infatigable. Il conduit en
personne la plupart des expéditions, attaque et réduit d'in-
nombrables tribus, court d'une extrémité à Tautre de son
empire, sans souci de la distance et. des obstacles maté-
riels ; de plus, grand chasseur de lions et grand tueur d'a-
nimaux sauvages. Les Assyriens étaient sans contredit l'une
des mieux douées parmi les races de l'Asie antérieure. Ils
avai(^nt moins d'originalité que les Ghaldéens, leurs maî-
tres en civilisation, mais plus de ténacité et d'énergie. Ils
possédaient au plus haut degré les qualités militaires, la
force physique, l'activité, l'adresse, le sang-froid, la bra-
voure imperturbable : ils cherchaient le taureau sauvage
ou le lion qui abondait dans leur contrée, et l'abordaient
face à face. De grands vices déparaient ces vertus. C'était
un pei'iple de sang, plein de violence et de mensonges *,
sensuel, orgueilleux à l'excès, fourbe et traître par mépris
des ennemis. Peu de nations ont abusé plus insolemment
des droits du plus fort. Ils démolissaient et brûlaient
les villes sur leur passage, empalaient ou écorchaient vifs
les chefs rebelles : malgré l'éclat et les raffinements de leur
civilisation extérieure, ils demeurèrent toujours desbarbares.
Et c'était au nom d'Assour qu'ils commettaient ces atro-
cités, car ils étaient le peuple religieux par excellence,
ce Le roi se glorifie beaucoup, mais glorifie les dieux encore
plus. Il combat pour sa propre gloire et pour l'extension
de son territoire, mais combat aussi pour l'honneur des
dieux que les autres nations rejettent et pour répandre
leur culte au loin dans tous les pays connus. Ses guerres
sont des guerres de religion autant au moins que des
guerres ~de conquête; ses constructions, celles du moins
1. Cf. Nahomn, lu, h
284 CHAPITRE VH.
sur lesquelles il appuie avec le plus de complaisance, sont
des constructions religieuses *. 5) — « Le temple d'Anou
et de Bin, les grands dieux, mes seigneurs, que dans le
temps de Samsi-Bin, Patis d'Assour, fils dlsmi-Dayan,
Patis d*Assour, avait construit six cent quarante et un
ans auparavant, était tombé en ruines. Assour-Dayan,
roi du pays d^Assour, fils d'Adar-habal-asar, roi du pays
d'Assour, démolit ce temple, mais ne le reconstruisit
pas. Pendant soixante ans on ne toucha pas à ses fonda-
tions. » Touklat-habal-asar le rebâtit plus grand qu'au-
paravant, et l'entoura de temples et de palais dont il vante
la splendeur. Malgré ces éloges, rarchitecture assyrienne
ne saurait se comparer à Tarehitecture égjrptienne, ni pour
la grandeur du dessin, ni pour le choix des matériaux. Ses
masses sont insignifiantes à côté des masses de Louqsor et
de Karnak, ses formes gauches et empruntées. Elle se
servait surtout de briques, recouvertes de minces dalles de
pierre travaillée et sculptée, tandis que les architectes
égyptiens employaient de préférence le calcaire et le granit.
Les palais et les temples assyriens n'ont pas eu la durée .
des monuments égyptiens : ils se sont effondrés en mon-
ceaux informes.
Après la conquête du Naïri, Touklat-habal-asar avait
fait dresser à Tune des sources du Tigre une stèle de vic-
toire. « D'après la volonté d'Assour, de Samas, de Bin, les
grands dieux, mes maîtres, moi, Touklat-habal-asar, roi
du pays d'Assour, fils d'Assour-ris-isi, roi du pays d'As-
sour, fils de Moutakkil-Nebo, roi du pays d'Assour, le
vainqueur des peuples depuis la grande mer jusqu'au pays
de Naïri, pour la troisième fois j'ai soumis le pays de Naïri. »
Une nouvelle expédition amena la conquête du pays de
Khoumanou (Gomana) . Une autre porta le roi au cœur de
la Ghaldée : deux années durant, il la parcourut en tous
sens; Dour-Kourigalzou (Akkerkouf?), Sippar, Babylone,
Oupi (Opis), furent prises, le pays de Tsoukhi, ravagé.
Mais des revers éclatants ne tardèrent pas à effacer la gloire
1. G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. II, p. 72-73.
LE PREMIER EMPIRE ASSYRIEN.
285
de ces premiers succès. Mardouk-idin-akhê, roi de Ba-
bylone, chassa les envahisseurs, pénétra à leur suite en
Assyrie et s'empara de la ville d'Hékali. Il en enleva les
statues des dieux et les transporta à Babylone, où elles res-
tèrent quatre cent dix-huit ans prisonnières.
Assour-bel-kala répara les désastres de son père : il
prit Bagdada (Bagdad), ravagea les environs de Babylone
et força le roi Nabou-zapik-iskoun à demander la paix.
Elle dura sous son successeur Samsi-Bin II, comme lui fils
de Touklat-habal-asar. Mais Assour-rab-amar, fils de
Samsi-Bin, eut un règne malheureux. Il fut battu non loin
de Karkémish par les Hittites confédérés et perdit toutes
les conquêtes de son grand-père. La Syrie échappa aux
mains des Assyriens et resta maîtresse de ses destinées ^
1. J. Menant^ Annates, p. 53-56. Voici le tableau des premières dy-
nasties assyriennes autant qu'il m'a été possible de le reconstruire :
I.
II.
I.
II.
m.
IV.
V.
VI.
VII.
VIII.
IX.
PATIS D
— Ismi-Dayan (v. 1800).
— Samsi-Bin (v. 1760).
ROIS D\
— ASSOUR-NARARA et Na-
BOU - DAGAN
(V. 1500).
'ASSOUR
III. — TE....BA.
IV. — Iri-amtouk (v. 1520).
/ISSOUR
X.— Bel-koudour-oussour
(v. 1260).
XI. — Adar-habal-asar
(V. 1250).
XII. — ASS0UR-DAYANJ(V. 1190).
XIII. — MOUTAKKIL - NaBOU (v.
1150).
XIV. — AssouR-Ris-isi(v.ll50).
XV. — Touklat-habal-asarP'
(V. 1130).
XVI. — Assour-bel-kala(v.1090)
XVII.— Samsi-Bin II (v. 1070).
XVIII.— Assour-rab-amar (v.
1060).
— ASSOUR - BEL - NISISOO
(V. 1406).
— Bousour-Assour(v.1390).
— ASSOUROU BALAT (V. 1 370) .
— Bel-nirari (v. 1350).
— POUDIEL (v. 1330).
— Bin-nirariI"(v. 1310).
— Salman-asar1"(v.1290).
— TOUKLATADARl"(V.l270).
286 CHAPITRE VII.
Au sortir de l'Egypte, les enfants d'Israël avaient d'a-
bord marché vers le nord-est, comme pour entrer en Asie
par le chemin le plus court ; à la troisième étape, ils tour-
nèrent vers le sud^ franchirent la mer Eouge et gagnèrent
le désert. C'était le moment où les Libyens et les peuples
de la mer menaçaient l'Egypte : il fallait se tenir à l'écart
des grandes voies militaires, afin d'éviter le choc des bar-
bares et la poursuite de Pharaon. Le peuple d'Israël s'en-
fonça dans la péninsule du Sinaî.
Il est certain que Moïse tira les juifs d'Egypte, leur
donna .des lois et les conduisit aux frontières du pays de
Canaan, mais le détail de sa vie est tellement mêlé de
légendes qu'on ne peut l'établir avec certitude. On sait
qu'arrivé au Sinaï* il promulgua les dix articles de la
loi fondamentale et prétendit les avoir reçus de Dieu lui-
même au milieu des éclairs et du tonnerre. Du Sinaï les
émigrants remontèrent vers le nord et traversèrent le désert
de Pharan : à Kadesh-Barnéa, sur la lisière de Canaan, ils
jugèrent prudent de reconnaître le pays avant de s'y en-
gager. Les rapports des espioas les frayèrent tellement
qu'il fallut rebrousser chemin et redescendre vers la mer
Rouge : trente-huit années durant ils errèrent dans le dé-
sert de l'égarement entre Kadesh-Barnéa et le bourg d'Ët-
siôngeber. Aussi bien était-ce lé temps des grandes guerres
de Ramsès III : la Syrie méridionale n'était plus qu'un
champ de bataille disputé par les Égyptiens aux peuples
de la mer et à leurs alliés. Mieux valait rester dans le désert,
s^y exerce au métier des armes et à la vie indépendante,
y préparer une constitution. Les Hébreux étaient dès lors
1. L'emplacement réel du Sinaï n'est pas connu. La tradition le place
au Djebel-Moussa ; un grand nombre d'auteurs anciens et modernes,
Eusèbe, Jérôme^^ Cosmas, Lepsius, le placent au Djebel-Serbàl. Cf. le
dernier ouvrage sur la matière, E\)eTS,Durch Gosen ;ium Sinaî, p. 385-
LES JUIFS AU PAYS DE CANAAN. 287
divisas en douze tribus qjx branches, doxU dix, Jiida,Siméoii,
Benjamin, Dan, Ruben, Gad, Isaafihajr, Naphitali, Zebulon,
Asber, venaient directement du patriarche Jacûb, et les deiq^
autres^ Ëpluraam ei Manassé, se ^[^attachaient i Joseph ; une
treizième, celIedeLévi, consacrée tout entière au sacerdoce,
n'avait pas d'existence politique. Chaque tribu, indépendant^
des onze autres, avait «es autorités civiles r^guHèrenijenl
constituées qui dirigeaient les afi'aires : elle se divisait fm
race$g qui elles^memies se l^ubdivisaient en maisons. h&»
chefs de races et de naaisons, les anciens, formaient un
conseil dont les décisions étaient souveraines. Les tribus
étaient auteint de petites républiques qui tantôt s'isolaieiEU
Tune de l'autre, tantôt s^unissaient -en confédéi^ations de
trois ou quatre: elles n'avaient d'autre lien «ntr^ «lias
qu une origine et une foi vcommunes.
Les Cananéens et les triJ^us térachites autres que les Hé-
breux, Edom, Âmmoh, Moab, possédaient des religions
analogues à celle de la Chaldée et de l'Assyrie. Mais àBaby-
lone les mythes, travaillés par .une caste sacerdotale puis-
sante, avaient fini par se coordonner et par former un en-
semble de dogmes complet. En Syrie, ils étaient demeurés
à l'état flottant, et les dieazx se partageaient le pays comme
autant de princes féodaux. L'adoration de Baal, le maître,
le seigneur suprême, et de sa compagne Astarté, impli-
quaient la croya/Qce primitive au <fieu unique, de même
que l'adoration de Tammouz et de Baalit, de Marna et de
Derkéto, d'Hadar et d'Atàrgath. « La multiplicité des Baa-
lim secondaires ne prouve pas plus contre cette unité pri-
mordiale que la subdivision du dieu égyptien en ses puis-
sances divinisées; seulement en Phénicie » et en Syrie
« cette répartition de la puissance divine est plus géographi-
cfue et politique -que pluloeophique. Ce sont moins les at-
tributs divins ^{ue lés sanctuaires locaux qui ont donné
naissance aux dieux secondaires, Baals éponymes des prin-
cipales villes. Baal, adoré à Tyr, à Sidon,. à Tarse, devient
Ijiial-Tsour, Baal-Sidon, Baal-Tars. Comme tel, il peut re-
cevoir un nom particulier qui achève de détruire dans l'es-
prit du vulgaire son caractère primitif, mais qui n'en
288 CHAPITRE VII.
*
laisse pas moins subsister la notion confuse de l'unité
primordiale ; c^est ce qu'une inscription nous démontre en
deux mots. Melqarth, le grand dieu de Tyr dont le culte
avait été porté au loin par les colonies tyriennes, n'était
autre que le Baal de la métropole : « au dieu Melqarth, Baal
de Tyr.* » L'hommage aux dieux se rendait sur les hauts
lieux (bamâth) et dans les bocages sacrés. D admettait des
pratiques licencieuses et barbares dont la seule idée faisait
horreur aux prophètes d'Israël. Moloch exigeait des sacri-
fices humains et voulait qu'on Êrulât des enfants devant lui.
Astarté (Astoreth), à la fois guerrière et voluptueuse, avait
pour prêtresse des courtisanes sacrées [kedeshâth). En
Phénicie et à Chypre comme à Babylone, toutes les femmes
devaient une fois au moins pendant leur vie s'enfermer dans
l'enceinte du temple et s'y offrir au premier venu : le salaire
de leur infamie appartenait au trésor de la déesse.
Seuls, parmi les nations cananéennes, les Phéniciens
avaient essayé de réunir leurs mythes en un corps de doc-
trine. Un pïêtre, que la tradition nomme Sankhoniathôn,
avait composé une sorte de Genèse phénicienne. « Au com-
mencement, disait-il, était le chaos (6o/iom), et le chaos était
plein de ténèbres et troublé, et le souffle [roiuih) flottait
sur le chaos. — Et le chaos n'avait pas de fin et il fut ainsi
des siècles et des siècles. — Mais alors le souffle se prit
d'amour pour ses propres principes et il se fit un mélange,
et ce mélange fut nommé désir (khephets) : — or le désir
fut le principe qui créa tout, et le souffle ne connut pas sa
propre création. — Le souffle et le chaos se mêlèrent et
mât (le limon) naquit, et de mot sortit toute semence de
création, et mât fut le père de toutes choses : or m,ât avait
la forme d'un œuf. — Et le soleil, la lune, les étoiles et les
grandes constellations brillèrent. — Il y eut des êtres vivants
privés de sentiment, et de ces êtres vivants naquirent des
êtres intelligents, et on les appela Tsophéscmivm (comtem-
plateurs des cieux). — Or l'éclat du tonnerre dans la lutte
de ces éléments qui commençaient à se séparer éveilla ces
1. De Vogué, Mélanges d'archéologie orientale, p. 51-52.
LES JUIFS AU PAYS DE CANAAN. 289
êtres intelligents comme d'un sommeil, et alors les êtres
mâles et les êtres femellea commencèrent à se mouvoir (et
à se rechercher) sur la terre et dans la mer. * » D est mal-
heureux que ces débris nous soient parvenus si mutilés
qu'à peine on peut en rétablir le sens.
Les croyances des Israélites formaient avec les religions
cananéennes le contraste le plus frappant. On trouve bien
çà et là quelques traces confuses d'un paganisme pri-
mitif, des dieux (elohim), des pierres sacrées (Beth-elj Bé^
tyles), des idoles {teraphim)^ qui sont les dieux de la famille
et dont les images font partie du patrimoine de la tribu ;
mais, en fait, ils sont monothéistes. Et même leur mono-
théisme n'est jamais caché sous une enveloppe panthéiste
comme celui de l'Egypte et de l'Assyrie : il est au fond et
à la surface. Ils n'ont qu'un seul dieu et ne confondent pas
ce dieu avec l'univers, n'admettent pour lui ni la subdivi-
sion, ni le sexe. Leur dieu est séparé du monde, n'engen-
dre pas et n'est pas engendré, ne conçoit pas et n'est pas
conçu, n'a ni semblable, ni inférieur. La nature entière est
l'œuvre de ses mains; les lois de la nature ne sont pas ses
puissances divinisées, mais restent toujours les efTets
voulus de sa divinité. Le tonnerre est sa voix; l'éclair,
sa lumière; la grêle et l'orage, son arme. Tonnerre, éclair,
grêle ne deviennent jamais des êtres indépendants : ce
sont des actes de dieu.
Ce dieu unique, ce Jahveh*, est avant tout le Dieu natio-
nal d'Israël, comme Kamosh est le dieu national de Moab,
et Marna le dieu national de Gaza. Au commencement, il a
fait un pacte avec le père mythique de la nation, Abraham,
et ce pacte plusieurs fois renouvelé assure aux enfants
d'Israël son étemelle protection. Il a pris l'engagement de
1. Sankhoniathon, fr. I, dans MûUer, Fragm. H. Gr^se,, t. II. Cf.
Bunsen^ Egypt't place, t. V, p. 257-295. — 2. Jahveh est probablement
U lecture du tétragramme mystique ni iT. Par respect, on ne pronon-
çait pas ce nom, auquel on substituait d'ordinaire, soit Adonaî, soit
Slohim» C'est pourquoi, lorsqu'on commença de noter les points
voyelles, les quatre lettres deniH^ furent ponctuées de manière à se
lire Tékova ou léhoviy selon le mot dont on se servait dans la récita-
tion.
HISTé JiTXC. 19
2^ CHAPITRE VU.
défendre s<Wï peuple envers et contre tous, à eoit^Kioïï qire
son peuple n'adore aucun* autre Dieu. Si le peuple rompt
ÉB, foi et court après les Batalim, JaHvéh retire ÉtC main
de lui e< le livre aux entreprises des voisins. Pour reirtrer
en grâce, il faut briser les idoles et revenir à: Tolservânee
de la loi. « Je suis Miveh, ton Dieu, qtfî t'ai retiré dû pays
d'Egypte, de la maison de servitude. — Tù n'auras pas
d'autres dieux devant tnu face. — Tu ne prendras point le
nom de Jfahveh ton Dieu en vain ; car il ne tiendra point
pour innocent celui qui aura pris son noM en vain. —
Souviens-toi du jour du repos pour lé sanctifier. — Tu
travailleras six jours ef tù feras toute ton œuvre, mais le
septième jour est le repos de Jahveh ton Dieu. — Tu ne
feras aucune œuvre ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille,
ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger
qui est dans tes portes. — Honore ton père et ta mère afin
que tes jours soient prolongés sur la terre. — Tu ne tueras
point. — Tu ne commettras pas adultère. — Tù ne déro-
beras point. — Tu ne porteras pas de faux témoignage con-
tre le prochain; — tu ne convoiteras pas la maison du pro-
cbain; tu ne convoiteras pas la femme du prochain, ni
s^on serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni
aucune chose qui soit au prochain^. » Le signe extérieur
de Talliance entre Jahveh et le peuple était l'arche, sorte
de naos en bois de cèdre lamé d'or, analogue pour la forme
aux naos représentés stir leff bas-réliefs égyptiens. On
portait l'arche au milieu du peuple et sa présence lui in-
spirait une confiance illimitée dans le pouvoir dé dîèù.
Aux dix préceptes fondamentaux se joignait sans doute
Un code de lois plus ou moins développé. Certaines pres-
criptions rituâlistiques, certaines cérémonies empruntées
évidemment aux pratiquas du culte égyptien doivent se
reporter jusqu'au tempfroù les enfants d'Israël, àpeine «oMis
d'Egypte, adaptèrent au culte de Jahveh nombre de rites
qu'ils avaient vu célébrer devant les statues d'Ammon
et de Phtah. Mais en somme, ce qu'on sait et ce qu'on
1. Exode, XX, 2-17.
LES JUIFS ÀÙ PAtà bÈ CANAAN. 2§1
{re^sèâ^ de k iégislatidii primitive dets Hébreux se rédtih
preE^qnë à rien. C'est tout au plus si on peut attribuera
MMôe,- «inon pour la forme, àû moins pour le fond, les dix
êomfflâridemetitsfet peut-être un petit nombre de prescrip-
tions êparses au milieu des loiiS postérieures dans les livres
écrits soùs son nom. La perte de la législation mosaïque,
si taiit est cpi'il y ait jamais eu Vraiment une législation
mosaïque, rie diminue en rien la grandeur du rôle joué
Çàr M<^se. Moïse fdt Forganisateur du peuple kébretr.
Il Ittî laiësasa constitution patriarcale et. assura Tindépen-
dancé des tribtls, mais en resserrant le lien qui les avadt
unies. lï fit du dieii national, juscjtfalors traité à pétt près
sur 1er inèinepied que les dieux étrangers, ùiï dieu jalotlx
et eieluslf dont le culte réunit lés douze tribus dans
une mêiâe âdoràtibfi. Il Tiristitùà roi iitvîsïble du peuple,^
légiélàteut et juge souverain, maître et propriétaire des
bieô§ de là îiatiôri; Et ce dieu un n'eut qu'un seul sanc-
tuaire pytlr tous ses enfants, l'arche d'alliance. Chaque
ânnéife le pfetrplé se rassembla autour du lieu saîiit et célébra
de grandes fêtes, la Pâque, la Pentecôte, la fêf e des Tentes.
Il était sorti d'Egypte façonné à la servitude et à l'idolâ-
trie^ prêt à reprendre sa chaîne et à renier son dieu : grâce
à Mcrtôe, il softit du désert ferme dans sa foi et tout armé
pour là conquête. *
QuàfAbte années, dit-on, s'étaient écoulées de;tmis le
passage de la mer Rouge, quand il obtint la permission
d'eiiti^r dans la Terre promise. La puissance égyptienne,
affermie par les victoires de RamsèsIII, s'étendait toujours
sur la Syrie. Mais les Ramessides, fidèles à la politique
traditionnell-é de leur race, n'occupaient que les points
stratégiques. ïl leur suffisait de posséder Gaza, Mageddo"
et les quelques places fortes situées sur la grande toie mi-
litaire; peu leur importait après cela qui dominait lô' resté'
du pays. Pour écarter toute chance de querelle avec un
voisin si feirt, Moï^ évita de se porter d'abord silr ié§
contrées èittiéèi à Poécident de la fher Morte. B préféra
passer par le pays de Moab. Sihon, roi desAmorrhéens,
et Og, roi de Bashan^ furent battus l'un après l'autre : tout le
292 CHAPITRE VH.
pays da Gilead resta aux mains du peuple d'Israël, des
rives de TAmon au pied de l'Hermon. Trois tribus ou
fractions de tribus s'y établirent, Ruben au sud, entre
TAmon et le torrent d*Arbôth, Gad le long du Jourdain
jusqu'à la mer de Galilée, la moitié de Manassé dans le
royaume de Bashan, et quelques familles de Juda près de
la source du fleuve. Il ne restait plus que le Jourdain à
franchir : Moïse ne le franchit point. Il vit de loin la
Terre promise et mourut « et personne n'a connu son
tombeau jusques aujourd'hui ^ » Son successeur dans le
commandement, Josué, fils de Noun, passa le fleuve un
peu au-dessus de son embouchure et prit Jéricho. La chute
de cette place entraîna celle des villes voisines, Aï, Béthel,
Sichem. Sichem au cœur même du pays devint aussitôt le
poi^it de ralliement du peuple : Josué y fixa sa résidence
et fit élever sur le mont Êbal un grand autel de pierre où
étfdent gravés les principaux titres de la loi. Une première
coalition, formée par les Cananéens du Sud aux ordres
d'Adonisédek, roi de Jébus, fut battue sous les murs de
Gibéon et ses chefs mis à mort. Une seconde, organisée
par Jabin, roi d'Hazor, ne réussit pas mieux : Jabin fut défait
près des eaux de Merom, sa capitale prise et brûlée. Israël
' se trouvait maître de tout le pays à droite et à gauche du
Jourdain, depuis Kadès-Barnéa jusqu'aux sources du fleuve :
la plaine et la côte placées sous la domination directe des
Égyptiens furent respectées pour le moment.
Les tribus se partagèrent sans retard le territoire con-
quis. Juda prit la partie méridionale du pays entre la mer
Morte et la plaine de Gaza : il confinait vers le sud-ouest
à Siméon, vers le nord à Dan et à Benjamin. Au centre,
Éphraïm et ce qui restait de Manassé : Issashar, Zébulon,
Nepthali et Asher se fixèrent le long de la côte au nord du
Garmel et dans la plaine de Jezréel. La tribu de Lévi « n'eut
point d'héritage, car l'Éternel, dieu d'Israël, est son héri-
tage*. » Ça et là quelques villes cananéennes surent garder
leur indépendance et vécurent isolées au milieu des Israé-
1. Deutironome, xxxiv, 6. — 2, Josué, xui, 33.
\
LES JUIFS AU PAYS DE CANAAN. 293
lites : Jebus, Gibeon au sud, Laïs au nord et d'autres
moins importantes. L'arche d'alliance, établie d'abord à
Guilgal en avant de Jéricho, puis à Shilo et confiée à la
garde d'Éphraîm, demeura le sanctuaire commun de la
nation.
Mtm palesitee et la PSiénlele an temps des jrages.
Josué n'eut pas de successeur. Le culte national fut
maintenu tant bien que mal après sa mort, <x. tout le temps
des anciens qui lui survécurent, » et la conquête continua;
mais le manque d'unité dans le commandement et le dé-
cousu des efforts individuels ne permirent pas d'obtenir des
résultats décisifs. Au sud, Juda et Siméon battirent les Ca-
nanéens à Bezek et chassèrent toutes les tribus indigènes
qui habitaient la montagne des Amorrhéens, à l'exception
des Jébusites : ils n'osèrent pas affronter en rase campa-
gne les chariots et les lourds bataillons vêtus de fer des
Philistins. Au centre, Manassé négligea de prendre Beth-.
shean et sa banlieue; Taanak et Mageddo, situées sur la
grande route d'Egypte en Mésopotamie et placées sous la
surveillance spéciale des Pharaons, ne furent pas attaquées.
Au nord, les petites tribus d'Asher, de Zébulon, de Naph-
tali,d'Issashar et de Dan purent à peine occuper la moindre
partie du territoire qui leur avait été assignée *.
De ce côté, les enfants d'Israël avaient rencontré dans
les Sidoniens de redoutables adversaires. Pendant quatre
siècles, la Phénicie avait payé tribut à Pharaon, et s'é-
tait trouvée heureuse d'acheter, au prix de quelques sa-
crifices, le monopole du commerce égyptien. Elle avait tiré
le plus grand parti possible de la protection que l'Egypte
lui avait accordée et du développement que l'ouverture des
riches marchés du Delta avait donné à sa marine. L'essor
de la colonisation dans la mer Egée avait été arrêté, il est
vrai, par l'influence toujours croissante des Grecs et par
les migrations des peuples de la mer : chassés de la Crète
1. Juges,!,
e$ i^s GyeladiQS, 1^ Sî<ii»ii.en0 n^ gardaient pins que ear-
laias podtes importanii, Ebodee, MéloB, ThasoB, Cythère,
au débouché des gr^de@ voieç sa^S'riaiiiâBf. Partout ail-
leurs, le cerck de leure naFigatiaoâ s'était agraudi et le
nombre de leurs colonies avait augmenté. De Grèce et d'I-
talie ils passèrent en Sicile ; de Sicile, à Malte et en Afrique.
Kambé s'éleva sur l'emplacçnjent pu fuj plu9 tar4 Carthage,
et Utique non loin de là*.
Tout, por^e ^ pf oire qu'ils rencpntrèreiit w Afrique des
fiicjçs app9.r^^téefj ^ ^ ^^T- 4 la fiuitp a^e r.iftvagipn iie^
Pastejijrs efx Égypt/e, quelgues-uneç de§ trilfPI caRwéen-
nes , ajj liei^ de s'arrêter daM le t^^lt^f «pntjftuèrpm de
marcher veps rOccid^f^);. l^U» lougèf e^t 1^ t^mtpipe de la
Libye jusqif'ai^ jijslà ^» Syrtej?, fr^çhirex^t }^§ eflafcpuiîbu-
fe3 du lac Tritpu, et ^'^^rê^pr^nt dans leç p^l^ppa fertUe3
4^ la Byzacènis^^ .Qrac^ a^ cppcpurs 4q l^Ui'P dpspez)4apts,
Içji Sidpiueus purent fonder si^r 1^ .côte dp npiif^brpu^ ppstes
pomi^erpiaux (^mporia). Prêtait à peu pfès Ip pipmeutp^ les
Hébreux, franchissant le Jpurdaip, phaçsaieiit devant eu:^ les
populations établies dans les fpontagpes du paya dp Ca-
naan. Réfugiés sous laprotêctipu des phénicie^^ p^ mez^a4[^é6
à chaque ipstant d^être jet.és ^ Jp mef, le^ restes des jOa^a-
néens s'embarquèrenj; pour l'Occident. Uue tradition cpu-
i:ante epopre au sixième çiècle de npt|:e ère rappprtait que
les Girgaséens s'éfaient sauyés ep Af^iqup 4 l'approcbe des
Isri^éli|;ps ppmipandés par Jo^ué et s'étaiept répandus jus-
qu'auijL cpLoun^s d'Hercule. « Ils y babUe^t pnapre, dit
I-bistorien Procppe, et se servpnt dp la la^giie phépi-
cienue. Ils bâ);irept un fprt ddjas unp ville dp la ^upaidip,
pp est piaiptpnant Tjgigi^. I| y a là, priés 4p la grande fo»-
taipe, depx stèles dp pierrp blaf^phe^ pQuyer|;ea de carac-
tères p^épiciens qu|, eu Ifiugue phêpiciepAp, pi^primept
cp quJL suif : pfous soirm^gs ç§s\iqi qui mt pns h (wkf de-
pmt jQsyéf fils de Nauê^, » J^eur prriyép ebi^gea ips
1. Voir plus haut, p. 251-252. — 2. Mgvers, J>ie Fhopnixierf h H, ^f
Theil, p. 509-514. — 8. Movers, Ibid., t. II, 2**' fheil, p. 412-442.
— 4. Procope, De heUo vandalieo, 1. Il, ch. xx. Cf. Movers, DiePhc^
niaier, t. II, 2'" theil, p. 427-435.
LES JUIFS AU PAYS I>£ CANAAN. 295
posle» ^eoBU&woîiwac en y)éni«i)le9 colonies. Upe nation
nottveU^, eél» des Libyphémciens, naquit du mélange
dos jQLOuveauz yenns avec les descendants des tribus cana-
néeiua^ eit les gens de rajoe berbère, qui formaient le
fond dbe la p<q^ulation autochtbone : Z^eptis, ^Ëa, Sabrata,
TbapftnSy CoEent i»>nstruites sur les rivages de la Syrte.
Tout ie comj&ecQB de rÀihque occid^tale paçsaaiiqL mains
des ËA^oxâens.
Les richesses accumulées dans les villes de Pbénicie du-
Tefx% Ht» pour ks Hébreux un sujet perpétuel de convcû-
tifi^, jsiais de convoitise difficile à satisfaire. Malgré leurs
victoires, les enfants d'Israël n'étaient pas, à proprement
parler, un peuple militaire. Les flèches du Philistin les
* mettaient en déroute : ils n'osaient guère s'aventurer en
rase campagne contre les soldats armés de fer des Cana-
néens de la plaine, à plus forte raison attaquer des villes
aussi bien défendues que l'étaient les villes du littoral.
A^her, Napàtali, Zébulon, chargés de s'emparer du ter-
ritoire sidonien, reculèrent devant l'entreprise. D'autre
part, les Sidoniens, voyant les Israélites en possession de
la plupart des routes de terre qui conduisaient en jËgypte,
€^ Arabie et enGhaldée, avaient intérêt à ménager les nou-
veaux maîtres du pays. Par une sorte de compromis tacite,
ils leur accordèrent la permission de s'établir en métèques
sur le territoire de leurs villes. «Alterne déposséda point
les baba tant s d'Acco, ni les habitants de Sidon, ni d'Akh-
lab , ni d'Akhsib, ni de Rohob; — mais ceux d'Asb^r ha-
bitèrent parmi les Cananéens, habitants du pays, car ils ne
les dépoésédènent point ^. » Les gens de Dan, que les Amor-
rhéens harcelaient sans cesse, faillirent troubler cet accord :
ils suj^rirent en pleine paix la colonie sidonienne de Lais,
passèrent le peuple au £1 de l'épée et construisirent une au-
tre ville qu'ils nommèrent Dan, <t selon le nom de Dan, leur
père, qui était né en Israël'. )> Sidon se consola aisément de
la perte de ce poste isolé au miHeu des terres et conserva ses
relations pacifiques avec les tribus. Ceux d'Asher, de Zébu-
1. Juges, I, 31-32. — 2 Juges, xvin.
296 CHAPITRE VH.
Ion, d'Issashar, de^aphtali, employés comme constructeurs ,
comme agriculteurs, comme conducteurs de caravanes, gar-
dèrent toute leur liberté, et prirent part aux actes de la vie
nationale, aux offrandes et aux fêtes annuelles, même aux
guerres contre les Cananéens. Plus tard, la domination
phénicienne s'appesantit sur eux : ils furent traités en su^
jets, transportés au loin et vendus comme esclaves à Té-
tranger. Sidon compta au premier rang parmi les oppres-
seurs d'Iôraël*.
Cependant le lien qui rattachait entre elles les douze tri-
bus devenait de plus en plus lâche à mesure que se perdait
le souvenir de Moïse et de Josué. En théorie, Tarche d'al-
liance, établie à Shilo, en Éphraïm, restçiit toujours le sanc-
tuaire commun de la nation ; en fait, les unions répétées
avec les races indigènes ne tardèrent pas à diminuer
encore le sentiment religieux déjà fort amoindri. « Us
prirent pour femmes les filles des Hittites, des Amor-
rhéens, des I^hérésiens, des Hivites et des Jébusites, et
ils donnèrent leurs filles à leurs fils, et servirent leurs
dieux. Les enfants d'Israël firent donc ce qui déplaît à
Jahveh : ils oublièrent Jahveh, leur Dieu, et servirent
es Baalim et les bocages^. » L'unité religieuse rompue,
'unité politique tomba d'elle-même. Éphraïm continua de
remplir le rôle le plus important, mais sans réussir à se
placer d'une manière incontestée à la tête du peuple. Les
guerres de tribu à tribu éclatèrent ; les races les plus fortes
laissèrent les Cananéens opprimer les races les plus faibles,
et se montrèrent elles-mêmes impuissantes à défendre leur
indépendance. Israël, malgré ses quarante mille hommes
en état de porter les armes, devint la proie des peuples voi-
sins. Les Amorrhéens, les Ammonites, les Moabites, les
Philistins, dominèrent tour à tour sur les diverses fractions
du peuple et lui firent payer en détail les maux que
Josué leur avait infligés au temps de l'invasion. « Partout
où les enfants d'Israël allaient, la main de Jahveh était
contre eux en mal, comme Jahveh le leur avait juré ; et
1. Movers; Die Phœni^tier, t. II, 2"' Theil, p. 302-315. — 2. Juges,
III, b-7.
LES JUIFS AU PAYS DE CANAAN. 297
ils farent dans de grandes angoisses. Alors Jahveh leur
suscitait des Juges, qui les délivraient de la main de ceux
qui les pillaient. Mais ils ne voulaient pas même écouter
leurs Juges; ils paillardaient après d'autres dieux et se
prosternaient ; ils se détournaient aussitôt du chemin par
lequel leurs pères avaient marché, obéissant aux comman-
dements de Jahveh ; mais eux ne faisaient pas ainsi. Or,
quand Jahveh leur suscitait des Juges, Jahveh était aussi
avec le juge, et il les délivrait de la maiti de leurs en-
nemis pendant tout le temps du juge, car Jahveh se re-
pentait pour les sanglots qu'ils jetaient à cause de ceux qui
les opprimaient et les accablaient. Puis il arrivait qu'avec
la mort du juge, ils se corrompaient de nouveau plus que
leurs pères, allant après d'autres dieux pour les servir et
se prosterner devant eux : ils ne diminuaient en rien leur
mauvaise conduite ni leur entêtement*. »
L'autorité des Juges s'étendait rarement sur toute la
nation : ' le plus souvent son action était locale. Une
tribu ou un groupe de tribus perdait patience sous Top-
pression et chassait l'étranger : l'homme qui s'était mis à
la tête de la révolte heureuse exerçait, quelques années ou
sa vie durant, l'autorité suprême. La plupart des Juges
sont loin de répondre à l'idée que s'en firent plus tard les
écrivains théocratiques de la Judée. Ce sont rarement des
héros de douceur et de piété : Gédéon s'appelle aussi
Jéroubaal (celui qui craint Baal), et dresse une idole dans
sa ville; Abimélek est un tyran de la pire espèce, et
Jephtah débute par se faire voleur de grand chemin. « La vie
de quelques-uns est racontée tout au long. Nous n'avons
sur les autres que des détails insignifiants. Celui sur
lequel nous possédons les récits les plus étendus, le fort
Samson, doit être considéré, il est vrai, comme un person-
nage historique ; mais la description de ses exploits et de
ses souffrances a un caractère tout légendaire et montre
un tel mélange de raillerie amère et de profondeur tragi-
que qu'on ne rencontre rien de semblable dans l'Ancien
1. Juges, u, 15-19,
Tesliaiaep^^ » ^ ichroioyologie lés^ulta^i^t 4^ j^cit9, p^rtar
po8é« ^^t «rtiJBici^eUç et presque ^ans yalei^ pour ru^toire;
e^e 3Xfi Unàp^i k, rien niojjis qu'à placer ^n fptervaUe de
ci^q £ièi/de9 e^tre la sortie d'Egypte et rayé^enieat de I9.
royauté juive. Les données de la chronologie égyptienne
nous ont forcé de di];alnue^ £:Onsjidérablen^cnt ce chiffre*
Huit années (^ant, Kousan-Rishatauny roi de la Syrie
du Nord, opprij»^ le pays entier j après quoi Othniel, »e-
veu de £aleb, délivra ses compatriotes^ et £i^t le premier
juge, le prei^ier du Xfiobx» iopX on ai^ j^ention. JSient.ôt
aprèi^, Ëhoud ]e Benjanûnite et Samgar Jiils d'Anath af-
franchirent les trii)^s> paéridioDales de H dp^nati.on des
Moabites et des Philistin^. saAS r^us^ir jt rejnettre Tordre
en Isr^P. Au nord^ yers les soi^ces du ^j^.urdain, les .Ga-
n^^éens contraignent les tribifs de ]l^ajQ:^Ulé,e à payer tri-
but à Jabin, roi d'Hazor. Or, ce en Cib ^eznps-là, Déborah,
p^opbétesse^ femme de L^pidoth, jugeait Israël. ]Bt Dé-
borah se tenait sous ui^ pali^ier, entre ]BLama et Béthel^ en
la 0iontagne d'Epbraïm^ et les ei^ants ,d'Israêl montaient
vers elle pour être jugés. » Elle appela sm^ armes Barak^
le Naphtalite, fils d'Abinoam, et coav.oqi^a les do^ze tribus
contre les Ghanéens. Juda et Siméop^ Dan et Asher^ une
partie jd^ ^^^ de Ruben et tpi^s ceux de fîrilead, ne ré-
pond^ent pas ^ $on jaLp[jel> Zébiilonel Napbtali attaquèrent
Sisera,géj;^éralde Jabin, auprès du j^QntTbabor et le bat-
tirent. Barak poursuivijt les chariots jusqu'à Arose.tjbi deg
lotions, et toute Tarmée de Sisera tat pi^sée au fil de Té-
5ée ; il n'en demeura pas un seul. Et Si^er^ s'e^juit à pied
ans latente de Jael, femme d'Hébjer^Kénjte^ qui le, tua pen-
dant son ao]Q3imej[l ^ lui enfons^n^ un plou dans la trempe.
La guerre, si hiejx Cipmmenc^, Qp;ntiniia avec le ^e^cours
d'Éphraïm, d'Issasbfg: et de Benjapûn : « la puissaQce des
enfants d'Israël s'avança et se renforça de plus en plus
Qontre Jabin, roi de jG^gaai^, jusqu'à ce qu'ils l'eurent
exterminé. >> La victoire, inspira à Débor^^bi un cantique
1 . Th. Nœldeke, Histoire littéraire de Vancien Testament, trad. Soury
et H. Derenbourg, p. 62. — 2. Juges, m.
LES JUIFS AU PAFS DE CANAAN. %Q9
d'ffit^ons 4q grftc^M qu'on pen^ li^ger panni lea plus beaux
di^ la littérature tébraîq^p. ^ Béfiissez Jah^eh 4^ çp qu'i}
a ^i de ^elle^ yengewce0 en Israël, j&t de cq quç \p pisu-
pl^ ^ ,été porté de bonp§ ^pionté. -»- Vous, fois, éQqu4
tpx; you», pri»ceç, préfet Toreillp; mpi, je çj^a^terai ^
J^iyieh, jj^ p«a|pipdier4 » J^b^^^^ le Dieu d'fsrael. — ....
4ux jo^r§ 4p 3^9^} ÏÏ^ d'A^^'^^} ^^^ jours de Jael, Ips
grands c)^pizis n'étai^nj; plus battus, et ceux q^i pliaient
p^r If^s ck^o^i2^ ^l^pi^t par ^e? fout^s détourné^. — ]Les
yille^ ^f>^ murées n'étaient plus babitéejsi ^n {sraêl; elles
^'ét^eni ppint b^b^tées, jusqu'^ ce que je me sois I^véj^,
mpi I)éborab, jusqu'à ce que je me sqiç levée pour ptre
]|x$re ep I^raël. — ^veille-toi, éveille-toi, Déborab; éveille-
toi, éveili^-toi. liève-tpi, ]P^ra)t, et emmène ei^ captivité
ceux que tu as faits paptifs, fil^ d'Abinoam. — .... Béuie
8i}is-tu par-dessus toutei^ le§ feinmes, Jael , femme d'Hé-
ber, K.émte : béi^ie sois-tu p^-dessus toutes les femmes
qui §û tien^ept daçs Ips teu|;e^ | — Il a demandé de l'eau,
elle lui ^ donné du lail^; elle lui a présenté de la crème
dans la coupQ d^s maguifiques. — Elle a étendu sa main
gauebe vi&r^ li^ clpii et sa main droite vers le marteau des
ouvriers; elle ^ frappé Sisera et lui a fendu la tête;, elle a
t^aQspprPé et traversé ses tempes. — Il s'est affaissé entre
le§ pieds 4@ J^l; il est tombé, il s'est affaissé entre les
pi.eds de i^l ; il s'est affaissé, il est tombé, et au lieu où
il ^'e^t affaissé, il glt tout défiguré. — Cependant la mère
de Siser» regardait par la feni^tre et s'écriait en regardant
à tr9,y.e^j9 les treilliB ; v Pourquoi son cbar tarde-t-il tant
a ^ v^pir? Spuj^quoi fles chariots ¥ont-ils si lentement? »
r-ilt les plu^ i&ages de bqb dames lui ont répondu, et elle
aussi se répondait à soi-même : « N'ont-ils pas à trouver
« et h p^tftger le butin, une, deux jeunes fiilps par tète,
« le bj^tki des étoffes bariolées et peintes qui est pour
a giseri^? » -T- Qu'ainsi périssent tous tes ennemis, ô Jah-
y^ji; et que «eux qui t'aiment soient ^mme le soleil qtiand
il sort' en sa force*. »
300 CHAPITRE VII.
La victoire de Barak avait délivré les peuples du Nord ;
ceux du Sud, qui n'avaient pris aucune part à la lutte, eu-
rent bientôt affaire aux petits princes du désert d'Arabie.
« Quand Israël avait Semé, Madian montait avec Amalek et
les Orientaux, et ils montaient contre lui ; — et faisant un
camp contre eux, ils ravageaient les fruits du pays jusqu'à
Gaza, et ne laissaient rien de reste en Israël, ni vivres, ni
menu bétail, ni bœufs, ni ânes. — Car eux et leurs trou-
peaux montaient, et ils venaient, avec leurs tentes, en aussi
grand nombre que les sauterelles, tellement qu'eux et leurs
chameaux étaient sans nombre, et ils venaient au pays
pour le ravager. » Un homme de la tribu de Manassé, Jé-
roubaal, qui est aussi Gédéon, sauva Israël. A la tête de
quelques hommes résolus, il surprit les Madianites pen-
dant la nuit et lés mit en pleine déroute : les fugitifs fu-
rent achevés, au passage du Jourdain, par les gens d'É-
phraïm. Le succès fut ^i grand qu'on" proposa au vainqueur
de lui donner le titre de roi pour lui et pour ses enfants ;
il répondit : ««Moi, je ne dominerai point sur vous, ni
mon fils ne dominera sur vous ; Jahveh dominera sur vous. »
Gédéon se faisait de son Dieu une idée assez étrange*, s'il
est vrai que pour mieux l'honorer il ait fondu, avec Tor
du butin, une idole qu'il établit à Ophra, dans sa maison ;
aussi l'auteur du livre des Juges a-t-il soin d'ajouter que
cette idole « devint un piège pour Gédéon et pour sa mai-
son ». L'un des soixante-dix fils du héros, Abimelek, fit
égorger tous ses frères à Sichem, et se proclama roi; il
périt au bout de trois ans dans une révolte. L'anarchie
qu'il avait essayé de combattre recommença plus forte que
jamais' et livra Israël sans défense aux entreprises des
Philistins.
Il y a longtemps déjà qu'on a reconnu l'origine étrangère
des Philistins. « Une hypothèse très-vraisemblablB, adoptée
par les meilleurs exégètes et ethnographes, les fait venir
do Crète 2. Le nom seul de Plischti ('AXXoçuXoi) indique
1, Juges, iii-ix. —2. Hitzig. Urgeschiehte und Mythologie der Phi-
listœer, p. 14 sqq. ; Gesenius, Thésaurus, aux mots Caphtor, Crethi,
LES JUIFS AD PAYS DE CANAAN. 301
•
une origine étrangère ou de longues migrations, et rappelle
celui des Pélasges, Plusieurs fois ils sont appelés dajis les
écrivains hébreux Crethi^^ mot où Ton ne peut se refuser à
reconnaître le nom de Cretois. Ailleurs *, ce mot paraît
s'échanger contre celui de Cari (Carions?), pour désigner
la garde du corps des rois de Juda : on sait que les Ga-
rions étaient alliés aux Cretois, et jouaient^ comme eux
dans l'antiquité le rôle de mercemdres. Les traditions hé-
braîqiies sont du moins unanimes pour faire venir les Phi-
listins de l'île de Caphtor ^, mot vague qui, comme les noms
de Kittiniy de Tharsis et d'Ophir^ n'offrait aux Hébreux
d'autre idée que celle d'un pays maritime et lointain. Le
mot Caphthor, il est vrai, correspond assez bien à celui
de Kupros. Mais quand on voit les Hébreux désigner
en général toutes les îles et les côtes de la Méditerranée
par Kittim (nom propre de la ville de Kittin/m^ dans Tîle
de Chypre) et Tharsis (la colonie phénicienne de Tar-
tesse en Espagne), on admet facilement qu'ils aient pu
appliquer le nom de l'île de Chypre à bien d'autres îles, et
en particulier à la Crète. Etienne de Byzance' nous pré-
sente la ville de Gaza comme une colonie Cretoise*. » Les
monuments égyptiens confirment cette hypothèse et nous
donnent la date de la migration philistine. Les Philistins
faisaient partie des tribus qui envahirent l'Egypte au temps
^e Ramsès IH. Battus par ce prince, ils préférèrent entrer
4 son service plutôt que de retourner dans leur patrie loin-
'etc.; Evald, Geschiehte des Volks Israelf î, p. 325 sqq., 2* édit.; Ber-
theau, Zur Geschiehte der IsraeliUn, p. 188 sqq.; Movers, Die Phceni-
aier, I, p. 3-4, 10, 27-29, 33 sqq., 663 ; Tuch, CommerUar ûher die Ge-
nesis, p. 243; Lengerke, Kenaan, I, p. 193 sqq.; Knobel, Die VœU
kertafel die Genesis, p. 215 sqq; Munk, Palestine, p. 82 sqq. —
1. 1 Sam,, XXX, 14; Sophon,, n, 5; Éxéch,, xxv, 16.— 2. II Sam,,
XX, 23; II, JRotf, xi, 4, 19. — 3. Ewald, Geschiehte, I, 285; Winer, Bibl,
iieahD,,aii, Krethi und Plethi ; Berlheau, Zur Geschiehte, p. 307, 312
sqq. —4. Le chapitre x, 14, de la Genèse semble les faire venir d'E-
gypte ou du pays des Casluhim, mais il est probable qu'il y a en cet
endroit une transposition et qu'il faut placer les mots.... et les Caphto-
rim après Casluhim. — 5. Aux mots TàÇa et Mtvwa. — 6. E. Renan,
Sistoire générale des langues sémitiqwiS, 4* édit., t. I, p; 53-55.
Soi ' mAPttÉE Vn;
tàîtÉè et èlrtinrèiït dé Itti là pèrKtii^ioii de s'étdDlir sur la
eôte mérîdiotialê de la Sytiè*.
Lt territoire qui leur fut concédé à Tihigle dé la Syrie él
flu désert s'étendait du torrent d'Égypfe aux entîron» de
Jôppé. On y trouvait rus(^'lt cincf villes Cttnsidérabièdi
Gaza, Ascrtîènj AsMod, Bki'on et (Hth, qvA tout&é celmraan^
âaîent léi^ débôuèliéé Se k i^ale^tiUe d les «bOrds de
Tisthme. Aussi lels Phïll^krtis âtaiént-ils cherché dès long-
lenips à i'éte^ref là fcfe^ëéêkm dti paya^. Thôtmès HI,
Sétl P', RàÉfcli^ès il avâiè^nl éffltretenU dès garidàons sétai-
figues k Oazà *.- Ràm^èë lÈE introduisit tiné tribu étrâiigère
èur la fidélité de laquelle il pénèâit pouvèit cotiapter. Leï
PhiKiïtiÉiSf troùvèterit la CâMpagtiè et les bcriÉtgs ouverts
dont elle étsEÎt seinêè occupés par les Awim,qui n'offrirent
auctme résistance. Ils prirent possession des cinq villes et
i^unlrènt par des alliances répétée^ à la pôptflatioÉi primi-
tive, dont ils adoptèrent la langue et lit religiorn : Mania
dé Gfaza et les dieùi-;{)Ofissons d'Ascal^, Dtfgo'fl ei Derkéto,
devilti^etit leurà dieux. La race- qui résulta de t& mélange
se dirisfâ naturellement en deux classes : uttè classe po-
pulaire, formée Surtout des fefriillés àuthofchtonès, et tme
aristocratie miKtairë, descèiïdue des colons de Ramsès in.
A leur entrée danè W Palestine, lei Israélites,' intéressés à
fie pas attîtei^ sur èto k èolère des %yptîèlis, n'eurèih
garde d'attaquer les Philistins, vassaux directs des Pha-
raons. Ils Fèussent fait, qu^ils n'auraîetrt pas rétiSsi : Gtoza,
Ashdod, Ascalon, Ekron et Gath, attribuées pour le prin-
cipe à Juda, ne furent jamais soupiises. Les Enakim,
chassés des environs d'Hébron, et les Amorrhéens, dié-
]j)Ossédés de lèiirs montagnes, trouvèrent un asile assuré
sous les inùrs d'Ekron, aÂshdod et de &atïi. L'arrivée de
1. M. Chabas conteste cette opintoû', Étdâkè $ur l*dnHqttité Kistcriqvie,
î" édition, p. 292-29^ ; Èecherches sur VHiMoire de la dist-neuviirhe
dynastie f p. 99-t0ii; cf. à ce sujet Maspero dans la Revnû critique,
Ï873, t. II, p. 84-85 et Fr. Lenormant, Histoire ancienne, t.I, p*. 207-^.
— 2. Voir au Papyrus Ahastasi III, verso, pi. t-vi, la liste des cbéfs
sémites en garnison à Gaza, sous lilénepïïtah I*', xm demi^siède â^pèu
près avant Tarrivée des PMlistinï. Cf. Chabas, ^cherchés ÉUr Tmi'
ioire de la XIP dynastie, p. 95-99.
LES JUIFS AU f>AYé DE (fANAAN- 303
ces fiigitifSSf àccrët ï& notniTé des t^IiiKBfins et ne contribua
psts pett à rafferitiissement dé leur puissance. Les cinq
« villes Étettrs » détinrent bientôt lès capitales dé cinq
prîiïcipautéâ ùùieâ^ {)àr ÙÀ lien dé fédération très-étroit.
Guza êlèrçdt jfôrdinairè une sorte d'hégémonie justifia
pKt VîxtipotiAticë milhûté ël commerciale de sa position :
Vëïisient ensuite p&n^ding (f'înfiuéncé Asiidod, Âscalon, Gath
et Ekf (m. CSiâctrûe cPelIes^ était gouvernée par un cbef mi-
litaire ou Seren; à Gatb, dont la population était inêlée
pltïs fortement qu'ailleurà d'éléments cananéens, le Séren
était héréditaire et J)ori2LÎt le titré de foî (melek). Les cinq
Sarairti se réuiïisgderit eti conseil péùr délibérer des it-
feires et pour otfrîr les éàcrîfîces au noiîn de la confédérà-
tîotï : ils fais^scient là guerre en commun, chacun à la tête
du contîgènt de là cité dont il était chef. Leur principale
force consistait en chars montés par là nol)Iesse et en àr-
âiefS dîont FstJrè^ôe êtsût proverbiale en Israël **.
Çoand lés rô'îff-pYêtï'eé^ durent renoncer même S la do-
nrinatîorn notùittale (juô lès Égyptiens exerçaient encore sur
la Syrie, ten PMÎistins avaient déjà fait Fessai de leur
puissance suit ïes nations voisines. Lèùf première tentative
coèti^é Israël, repoitssêé par Sàmgàf, paraît avoir été insi-
^Wftscttté : ils (*éf£Ment encore le métier dé pirates à là
gûerffrde hrfë. Levtri véSsfeeaiix, partis d'Ascalon.ou de
maïduinas, lé port dfe Gaza, écumaient les mers et couraient
Sus atrl Phéniciens. Leur audace s'accrut tellement,
qu'une dé letïrfe flottéà* commandée par le chef d'Ascalon^
atta(|ua SidoÏÏ, battît Pescadre sidoriienné et prit là ville \
Cet échec porta un cou][) mortel à là domination des Sido-
tncni, Ij'àristocrâtîe se réfugia à îyf, où eue pensait
trouver un asile sûr contre les entreprises des pirates :
Sidon ^rdît Sôtï ràùg dé capitale et .disparut de la scène
peifdant -(fluâîetrrà sîè'cïès. Sa chute fut pour lès Israélites
des petites tribus du Nord uii événement heureux : elle les
délivra des Phéoticiens et leur assura la paix pendant un
1. Sur les Philistins consulter l'excellente monographie de Starke,
Gaxa und die PhUistxisehe Kûste, léna, 1852. — 2. Justin, 1. XYIII,
ch, n, Gfr, Movers, Die Phœnizier, t. II, !*•' Theil, p. 3tr)-317«
304 ^ CHAPITRE VIL
demi-siècle. « Tolah, fils de Poiiah, fils de Dodo, homme
d'Issashar , fut suscité pour délivrer Israël ; et il habitait
àSamir dans la montagne d'Éphraïm. ^—D jugea Israël
pendant vingt-trois ans; puis il niourut et fut enseveli à
Samir. Après lui fut suscité Jaïr, Galaadite, qui jugea
Israël vingt-deux ans; — et il eut trente fils, qui mon-
taient sur trente ânons, et qui Avaient trente villes, qu'on
appelle les villes de Jaïr jusques à ce jour, lesquelles sont
au pays de Gilead * .»
Au sud, les Philistins ne tardèrent pas à devenir me-
naçants. Tandis que les Ammonites et les Amorrhéens en-
vahissaient la Pérée, ils attaquaient Dan, Siméon et Juda.
Jephtah de Gilead, qui avait commencé par exercer le métier
de brigand au pays deTob, battit successivement les Amor-
rhéens et les Anjmonites^ On dit que pour obtenir la vic-
toire il promit à TÉternel de lui offrir en holocauste tout ce
qui. sortirait de sa maison au-devant de lui quand il revien-
drait en paix du pays des enfants d'Ammon. « Gomme il
venait à Mitspah en sa maison, voici, sa fille qui était seule
et unique, sans qu'il eût d'autre fils ou fille, sortit au-
devant de lui avec tambours et flûtes. — Et il arriva qu'aus-
sitôt qu'il Teut aperçue, il déchira ses vêtements et dit :
Ah! ma fille, tu m'as entièrement abaissé, et tu es du nom-
bre de ceux qui me troublent; car j'ai ouvert ma bouche à
Jahveh, et je ne m'en pourrai point rétracter. — Et elle
répondit : Mon père, as-tu ouvert ta bouche à Jahveh, fais-
moi selon ce qui est sorti de ta l^ouche; puisque Jahveh
t'a vengé de tes ennemis, les enfants d'Ammon. — Toute-
fois elle dit à son père : Que ceci me soit accordé : Laisse-
moi pour deux mois, afin que je m'en aille et que je descende
par les montagnes, et que je pleure ma virginité, moi et
mes compagnes. — Et il dit : Va. Et il la laissa aller pour
deux mois. Elle s'en alla donc avec ses compagnes et
pleura sa virginité dans les montagnes. — Et au bout de
deux mois elle retourna vers son père, et il lui fit selon le
vœu qu'il avait voué. Et ee fut une coutume en Israël, —
l. Juges jX, 1-4.
LES JUIFS AD PATS DE CANAAN, 305
que, d'année en année, les filles d'Israël allaient pour la-
menter la fille de Jephtahy de Griléad, cpiatre jours dans
l'année ^. » Les Tic^oires de Jephtah remportées sur les Am-
monites n'avaient affranchi que les tribus du centre et de
la Pérée : celles du Sud restaient toujours en butte aux ag-
gressions des Philistins. La résistance du peuple des cam-
pagnes, personnifiée dans Samson le Danite, avait beau
multiplier les miracles : Israël s'affaiblissait chaque jour,
sans qu'il fût aisé de prévoir le moment où s'arrêterait
son déclin.
CHAPITRE YlII.
L'EMPIRE JUIF.
Débuts de la royauté juive; Samuel, Saûl et David. — Salomon;
le schisme des dix tribus. — Israël et iuda jusqu'à Tavénement d'Omri ;
la vingt et unième dynastie égyptienne : — Sheshonq!**; commen-
cements du royaume de Damas.
Bébiito de 1a royauté Juive ; Sainiiel, S*al e( BatIiI.
Après avoir soumis Juda et Siméon, les Phili»tins se
portèrent contre les races du centre, Éphraïm, Benjamin
et Manassé. Le peuple crut trouver un remède à ses maux
dans la réunion du pouvoir civil et de la puissance sacer-
dotale : il choisit le grand prêtre Éli pour juge et chef
d'armée. Tant que dura sa jeunesse, Éli ne faillit pas à
l'espoir d'Israël ; mais, devenu aveugle sur ses vi)BUx jours,
les violences et les débauches de segf fils éloignèrent de sa
maison l'amour du peuple. Les Philistins envahirent la
plaine de Jezréel, vinrent camper en Aphek, et tuèrent
quatre mille hommes aux Israélites dans un premier combat.
Alors les anciens d'Israël dirent; «Pourquoi Jahveh nous
2. Juges, xu.
mST. ANC. 20
806 CHAPITRE Vin.
a-*t-ii battus aujourd'hui devant las Philistias? Faiso&n-
nous amener deShilo l'Axche d'âlliaacede Jakv^h, et qu'elle
^deane au milieu de nous et uou8 déUire de la maia des
ennemis. 3» — « Bt, comme l'Arche d'alhance entrait au
camp, tout Israël se lyiit à jeter de si grands cris de joie,
que la terre en retentissait. » Quand les Philistins apprirent
la nouvelle^ ils eurent peur et dirent : «c Malheur à nous !
caur ceci p' est pas arrivé aux jours passés. — Malheur à nous!
qui nous délivrera de la main de c^s dieui^à si glorieux?...
— Philistins, renforcez-vous et soyez hommes , de peur
que vous ne soyez asservis aux Héhreux, comme ils vous
ont été asservis ; soyez donc hommes et CQwhattez. »
Mille trois hommes dlsraël restèrent sur le champ de
bataille et TArche fut prise. « Or, un homme de Benjamin
s'enfuit de la bataille et arriva à Shilo ce même jour-là,
ayant ses vêtements déchirés, et de la terre sur sa tête. —
Et comme il arrivait, voici, Éli était assis sur un siège à
côté du chemin, attentif; car son cœur tremblait à cause
de l'Arche de J}ie^. jGtet hqmme ^Qmi vint portant les nou-
velles dans la viil^ et toute la ville se mit à crier. — Ëli,
entendant le bruit de ce cri, dit : « Que veut dire ce grand
tumulte? » Et cet homme se hâtant, vint à Èli et lui raconta
tout. — Or Éli était âgé de quatre-vingt-dix-huit ans j et ses
iyeux étaient tout ternis, et il ne pouvait voir. — (jet homme
donc dit à £!li : « Je suis celui qui vieiit 4q l^ liataiU^, car je
a nie suis échappé aujourd'hui de la bataillj^. » Éij Jui (Jit .*
« Qu'y est-i| arrivé, mon fils ? — Et celui qui portait l^s
nouvelles répondit, et dit : « Israël a fui dey^^t lp^ PUiUi^-
cc tins et même il y 4 eu une grande ^élaite du peuple; §t
oc tes deux fils, Ophni et Phinéas, sp^^t piortp, et T^^pîtie de
ce Dieu a été prise..» — Et aussitôt qu'jl eu];' f^i^ mention
de TÀrche de Dieu, Éli tomba à \s^ repver^g de (ies^^:js
son siège à côté de la porte et se rompif 1^ p^i^o Au
cou et mourut : car il était vieux et pesant*. »
tJn prophète sauva Israël. De tout temps on av^t yu p^-
raltre^ au mUieu de ïa foule, desyoyai^t^ 1^^^» HçiiéV des
1. 1 Samuel t it, 1-18*
L*^PIE£; ;JUIF. 3P7
sert ppur par^^r *u|[ JjpiyiHi^s, « ej p'est poîi^'^ioi il pmploie
8Quy.ea^ 1^ prep^ière pe^oïxi^^ qiLumdDiëu parle. Ilia person-
nalité }^0i^e 4ispAf^U parfois cbeï lyi complètement,
mais c'eçjt pojir reparaître l)i^nt6t avec écl^t: c^ cettQ
form^ ^ langag.e i^'est qu'une «xpreçsion 4^ la plus haute
ipspirati.QB, ou de l'intioie .coQyictipn ({ue h volonté ou la
peûsé^ 4.Q V)^o^^P ^e ^^^ <{R'ui^ ayec }a volonté ou U
pea^ép4e Dieii. Qelui-1^ s^ule^t ui^ prophète qui est animé
par 46S pe;fsée3 ejt i^es sentimei^ts piprau^ et religieux, e(
(fni Içi» m^t au semce fie 1^ religion (flsraêl. U n'^ que Tap-
parei^cp pï\ pQpiflauji i^vec Ip devin^ l'exf^^tiq^e ^t ie convuj-
sioî^ij4ir.Ç *• » Samuel, Sis d'Elt^uah, pé après de longues
aiiftégs 4e fitérilité, avait été voué au culte 4o J^aliveli pa^:
^ mère H^nnab. Il fut dès l'içiafai^ce envoyé h Sbilo : yêtii
<c d'un épkod d.e ]in ^ pt d'un p^tjt mantea^^ que sa mère»
lui apjportoft ehaque ^nn^, qu^i^d ellp ven^t ^yec son mar^
offrir le sacrifice 3q}^nneL il servit TËteniel en présence
d'ïllij Jusqu'au Jour où îxnspira^on diyiijQ le saisit, pèg
lors <c J^veh f^^ ayçc lui et ne laissa point tpmber à terre
une seule de ses paroles. — Tout Israël, depuis Dan jus-r
qmsg à Bersbéba, connut que c'était chose assurée que Sa-
muel serait prophète de Jahveh '. »
ViQgt ^ILnées après Le désastre d'Aphek, Samuel crut 1q
moment v^nu de secouer le joug Plulistin. Il exhorta l^
peuple à renoncer au culte des B^aljm et le convoqua à
MitfspAh pour faire pénitence de s^s péchés. Les Philistins^
inquiets 4e ce rassemblement qui ne présagestit rien àf^
bon ^ leur autorité, <x montèrent contre Israël ; ce que le^
enfants d'Israël ayant appris, ils eurent peur des Philis-
tins. — Alors Samuel prit un agneau de lait et Toffrit tout
entier à Jahveh en holocauste; et Samuel cria &. Jahvel),
pour Içfaél çt Jahveh re:^usa« ^ Las Philistins, mis §n
> 1. Th. NœldeLdy Bûtoire litléraim de Tanaen Testament^ p. 293-284.
^ 2. 1 SamM4,f i«m»
308 CHAPITRE Vm. •
déroute par les grondements du tonnerre, eurent peine k
rentrer sur leur territoire. « Alors Samuel prit une pierre
et la mit entre Mitspah et le rocher ; et il appela le nom de
ce lieu la Ebenezer, et dit : « L'Étemel nous a secourus
« jusques en ce lieu-ci ». Il se hâta de profiter delà victoire,
frappa les Tyriens, les Amorrhéens, reprit les villes per-
dues*. Il ne put empêcher toutefois les ennemis d'élever
une citadelle à Mikhmas, de tenir garnison à Gibéa et de
désarmer les habitants des tribus méridionales. Dans tout
le pays d'Israël il ne se trouva plus aucun forgeron, car
les Philistins avaient dit : « Il faut empêcher que les Hé-
breux ne fassent des épées ou des hallebardes. — C'est
pourquoi tout Israël descendit vers les Philistins, chacun
pour aiguiser son soc, son coutre, sa cognée et son hoyau,
lorsque leurs boyaux, leurs contres et leurs fourches à
trois dents et leurs cognées avaient la pointe gâtée, même
pour raccommoder un aiguillon •. » Samuel se consola de
son impuissance en restaurant du mieux qu'il put le culte
de Jahveh. Il fixa sa résidence à Rama, sa ville natale, où
il avait bâti un autel à l'Éternel : chaque année, il quittait
sa résidence, et s'en allait en tournée à Béthel, à Guilgal,
à Mitspah, où il tenait des assemblées populaires et «ju-
geait Israël*».
Devenu vieux, « il établit ses fils pour juger sur Israël.
— Son fils premier-né avait nom Joël, et le second avait
nom Abijah; et ils jugeaient à Bershéba. » Il en fut d'eux
ce qui avait été des fils d'Éli; « ils se détournèrent après le
gain déshonnête et ils s'éloignèrent de la justice. » Is-
raël, las de leur domination, las aussi de ses divisions et
de l'impuissance à laquelle elles le condamnaient, résolut
de faire comme les nations voisines et de se choisir un roi.
Samuel essaya de les dissuader de ce projet par la pein-
ture des maux que cette décision attirerait sur eux. « La
roi prendra vos fils et les mettra sur ses chars et parmi
ses gens de cheval, et ils courront devant son char. *— Il
les prendra aussi pour les établir gouverneurs sur milliers,
1. 1 Samuel, vn. — ;?. I Samuei, mi, 19-21, ^3. 1 Samuel, vu, 16.
L'EMPIRE JUIF. 309
et gouverneurs sur cinquantaines, pour faire son labou-
rage, pour faire sa moisson et ses instruments de guerre
et tout l'attirail de ses chariots. — Il prendra aussi vos
filles pour en faire des parfumeuses, des cuisinières et des
boulangères. — D prendra aussi vos champs, vos vignes
et les terres où sont vos bons oliviers et il les donnera à
ses serviteurs. — Il prendra vos serviteurs et vos servantes,
et l'élite de vos jeunes geQS et vos ânes et les emploiera à
ses ouvrages. — Il dîmera vos troupeaux et vous serez ses
esclaves. — En ce jour-là vous crierez à cause de votre roi
que vous vous serez choisi ; mais Jahveh ne vous exau-r
cera pas en ce jour-là. » Le peuple ne voulut rien écouter :
a II y aura un roi sur nous. — Nous sergns alors comme
toutes les nations, et notre roi nous jugera. Il sortira de-
vant nous et conduira nos guerres*.» Du moment qu'il
fallait leur donner un roi, Samuel se promit de leur en
donner un qui fût à sa discrétion.
Nahash l'Ammonite était venu mettre le siège devant
Jabès de Giléad et la serrait de près. Ce fut en vain que
les habitants essayèrent d'obtenir une paix honorable;
il refusa leur s offres. « Je traiterai avec vous à condition
de vous crever à tous l'œil droit et de jeter ainsi l'opprobre
sur Israël.» Ils envoyèrent des messagers dans les douze
tribus pour implorer secours, et partout où les messagers
passaient, tout le monde se mettait à gémir. Saûl, fils de
Kis, s'indigna de la lâcheté et des larmes inutiles de ses
compatriotes : il prit une paire de bœufs qu'il ramenait
des champs, les coupa en morceaux et envoya les quar-
tiers dans Israël, avec menace de traiter ainsi les bœufs de
ceux qui ne suivraient point Saûl et Samuel. Saûl était
fort, bien. fait, plus grand d'une tête que le reste du
peuple : on s'assemble à sa voix, et Jabès fut délivrée.
Samuel crut avoir trouvé l'homme qu'il lui fallait et pro-
clama Saûl roi dans Guilgal.
L'accord ne dura pas longtemps entre le prophète et sa
créature. Samuel comptait bien être le maître réel sous le
1. I Samuel, ?ni.
Sief OïiAPITilÈ VIÎI.
nom de Sâûly et Sft6I, de son eftté^ ne tâfâa pus à cicr lasser
de la tutelle dans laquelle Samuel ettieitdtàt le malntcmâr.
Pour avoir sous la main une force toujours prête, 11 avait
organisé une petite armée permanente de trois mille hom-
mes, dont deux mille restaient aVéte Itii et mille étaient
Sous les ordres de son fils lonatbàn. Jonathan en profita
pour enlever aux Philistins la fortereSi^e de Gibêa iji/ils
possédaient depuis longtemps déjà : atidsitAt Saûl cotÈvù-
qua le peuple à Guilgal et pria Samuel d'offrir au Sri-
gneur le sacrifice expiritoire. « Il attendit sept jours, mais
Samuel ne vint pas à Guilgal et le peuple s'écarta de
Saûl. — Et Saûl dit : Amenez-moi tin holocatrste et des
sacrifices de prospérités. Et il offrît l'holocauste. y> A peine
avait-il fini, que Samuel arriva et, jalorux de ce qu'il consL
dérait ccymme une usurpation, accabla le roi de reproches,
tt Jahveh aurait affermi ton règne pour Isrdël à toiifotfrs.
— Mais maintenant ton règne ne sera pas affermi. Jîdïveh
s'est cherché un homme selon son' ccetir et Ini â c6m-
mstndé d'être le conducteur de soft peuple, parce' que tu
n'as poiùt gardé le commandement de Jahveh. * Saûl, ré^
duit à six cents hommes, ô'en battit pas moins les Phïlis^
tins près de Mithmas, et les poursuivit jt^squ'à Beth-Avefè.
Cette victoire affermit son autorité et rendit cotfrage «trx
Israélites : les MoaMtes, les Ammonites, les Bdomites,
les rois syriens de Tsobah furent vaincus tour à tour.
Ainalek fut frappé le dernier et les circonstances qui ac-
compagnèrent sa défaite augmentèrent ericore 1* hain^ de
Samuel pottr le roi.
Samuel' avait ordonné aux Israélites de déti^uire Amalek
«Fais mourit tant les hommes que les femmes, les adt^hes
comme les enfants à la mamelle, le gros et le mentr hétâil,
ïes chameaux et les ânes. » Saûl vainqueur épstrgna le roi
Agag et réserva lé meilleur du butin. Sanrrfeï,- iAdigné de
cette désobéissance, maudit Saûl encore une fois. « K'esl-
il pas vrai qu'au temps où tn étais petit à tes piro^res
yeux, tu as été fait chef des tribut d'Israël, et Jahvèfe fa
oint pour roi sur Israël? — Or Jahveh t'avait envoyé
pour cette expédition et t'avait dit : Va et décrois ces pé-
L*E!rfPmB JUIF. 31 i
chehTÈ; lè§ A&dlèHife; et fàîs-lenr là gtiefrô jtiôqti'» ce
qn*ils sdleîît coiiôuiriêà. — Pourquoi n'ats-tu pas bhêi à la
voix de JàHtëH ? 5> Saûl essayât en vdfi Aé s'e'xcuser; Samuel
liii tépoftdit : é Je ôe rettruraerai pas avec toi, pktté que
ttt âè rejelé là parble de JaKveh.ct que Hh^eU t'a rejeté
afirî que tu ne sois |)ltls roi sur Israël. » — Et cdnime Sa-
ibtiël se tburîiâit pour s'en àlleir, Sàul Itii pi-it Ife' pari de
son màiitèau, qui ëe décîiira. — Alors Samuel lui dît :
ce JahireH a aujourd'hui déchiré le royaume dlsraêl de des-
sus toi et l'a donné à ton prothâili qiii est meilleur que
toi.» — Bt Sàûl répondit : J'ai péché, mais hctoorê-ittoi.
lîïâintënàrii, je té prié, en la J)résence dès anciens de îrion
]JèiipIe et éh la présence d'Israël et rètouriie-t'éii âteC
lîïoi éi je me prosternerai devant Jahveh tbn Dîetr. » Sa-
muel y consentit, et donna Tordre qu'on lui amenât Agàg.
Qtiàm cëlttf-ëi parut, Sëiiïiièll ^écnai : « Gommèl ton épée
É pfi'^é lès femmes de leurs eftrTânts, ainâi k mëré feetâ
pi-îiéë d'ëiifanté entre les felmriies. » Et il mit Agag en
pi4ce§ devant Jahvëh S Suil^al, et is'en fetouriià â RàAal.
Satil ne le fevit pltis dé ce jouf
Aussi Bien le viëtix prophète île songeait S îîeh icloins
que «fiiscitet roi cotitrè roi dans Israël. Il se rendit à Beth-
léhëm^sôtië prétexte d'J feélébrër uit sacrifice, et sacra mys-
tériëu^cïnent cotufne héritier du trône Dâv;d, le pltiS jëtrie
des fîlél dit riche Is^iï (Jessé). Appelé à là cour pour dis-
traire le roi de là mélancolie dans laquelle il était tombé,
Dïi^id détint bientm le fàvbfi dé SàfA et l'imi de coeur de
Jdnathâri. Ses exploits et son corira^ë dans iihe guerre
Centre les Philistins le désigiîèreift à Pattèntion du peu-
|)le. <t Cdïnme il reveïiaitj des femmes sortirent dé toutes
les villes d'Israël en etantant et eà dàttsant àii-dètant
dtf rbî Salfîl, avec des tatnboun* et des cymbales. — Et
les femmes qui jouàieiit des instruments se tépétaienf
Tuùe à l'autre : « Saûl a frappé ses mille, et David ses
dix mille". » La jalousie de Saûl s^éveilla : dabfs tm accè^
de fttt^ttr,* il ei^aya de percer Dëvid de s* lance; Heveritt
à lui-même, il éloigna le jeune homme, le lit capitaine et
bientôt, en récompense de ses services, lui donna la main
312 CHAPITRE VIII.
de sa seconde fille Mikhal. Sauvé à plusieurs reprises par
sa femme, par son beau-frère Jonathan et par le grand
prêtre Akhimelek, David finit par quitter le pays et par se
retirer chez Akhis, roi de Grath, et de là au pays de Moab.
n mena désormais Texistence aventureuse d'un condot-
tiere, un jour allié aux Philistins, le lendemain leur en-
nemi, poursuivi avec acharnement par Saûl et ne vivant
que de la charité d'une femme ou de ce qu'il prenait dans
les champs. La fortune semblait l'accabler de toutes les
manières : Samuel mourut à Rama ; Saûl fit tuer son
ami le grand prêtre Âkhimelek et lui enleva sa femme
Mikhal pour la marier à un autre homme. De guerre
lasse, il se réfugia chez les Philistins : Akhis le reçut
avec bienveillance et lui donna pour résidence la ville de
Tsiklag.
Il y était depuis un an et demi quand la guerre éclata.
Saûl rassembla son armée au nord d'Ephraïm sur les monts
de Gilboa; mais son cœur se troubla pour la première fois
et son âme fut remplie de sombres pressentiments. La
légende raconte que dans un moment de découragement il
se rendit chez une magicienne d'Endor et la pria d'évo-
quer l'ombre de Samuel. Samuel apparut, la figure en-
veloppée de son manteau et. renouvela les malédictions
qu'il avait lancées contre Saûl. « Jahveh a déchiré le
royaume entre tes mains et l'a donné à ton serviteur Da-
vid, parce que tu n'as pas obéi à la voix de Jahveh et
que tu n'as pas exécuté l'ardeur de sa colère contre
Amalek; à cause de cela, Jahveh t'a fait ceci aujourd'hui.
Et même Jahveh livrera Israël avec toi entre les mains
des Philistins, et vous serez demain avec moi, toi et tes fils ;
Jahveh livra aussi le camp d'Israël entre les mains des
Philistins*. » Le lendemain, en effet, les Israélites furent
battus à Gilboa : Jonathan et deux de ses frères périrent
dans le combat : Saûl, désespéré, se perça de son épée. Les
ennemis lui coupèrent la tête, et pendirent le cadavre de
Saûl à la muraille de Bethshean, où les habitants de
1. 1 Samuel, xxvni| 8-19.
L'EMPIRE JUIF. 313
Jabès de Giléad vinrent l'enlever. A la nouvelle de ce dé-
sastre David éclata en sanglots : « 0 Israël, ceux qui ont
été tués sont sur tes hauts lieux ! tes hommes forts sont
tombés ! — Ne Tallez point dire dans Gath et n'en portez la
nouvelle sur les places d'Ascalon, de peur que les filles des
Philistins ne s'en réjouissent, que les filles des incirçoncis
n'en tressaillent de joie. — 0 monts de Gilboa, que la rosée
et la pluie ne tombent point sur vous, ni sur les champs
qui y sont haut élevés; car c'est là qu'a été jeté le bou-
clier des héros et le bouclier de Saûl, comme s'il n'eût pas
été l'oint du Seigneur. — L'arc de Jonathan ne revenait
jamais sans le sang des morts, et sans la graisse des forts;
et l'épée de Saûl ne retournait jamais sans effet. — Saûl
et Jonathan, qui s'aimaient dans leur vie, n'ont pas été
séparés dans leur mort. Ds étaient plus légers que les ai-
gles, ils étaient plus forts que les lions. — Filles d'Israël,
pleurez pour Saûl, qui faisait que vous étiez, vêtues d'écar-
îate, que vous viviez dans l^s délices et que vous portiez
des ornements d'or sur vos vêtements. — Hélas! les forts
sont tombés, au milieu de la bataille ; il a été tué sur les
hauts lieux! — Jonathan, mon frère, ie suis dans l'an-
goisse pour l'amour de toi : tu faisais tout mon plaisir,
l'amour que j'avais pour toi était plus grand que celui
qu'on a pour les femmes. — Hélas! les forts sont tombés
et les instruments de guerre ont péri M »
Contre toute attente, les Philistins ne poursuivirent pas
leur succès : ils se retirèrent dans leurs villes et posèrent les
armes. Aussi bien, il semblait qu'Israël n'eût plus besoin
pour succomber des attaques du dehors, mais suffît à con-
sommer sa propre ruine. Au lieu de s'unir devant l'en-
nemi, les douze tribus se séparèrent et la guerre civile
éclata. Tandis que David se faisait proclamer à Hébron
par Juda, Abner ralliait les débris de l'armée et donnait
pour roi au reste de la nation Ishbaal (Ishboseth), fils de
Saûl : Makhanaîm, au pays de Giléad, devint le siège de
la nouvelle royauté. Les hostilités durèrent plus de sept
l.n Samuel, h \M%
314 CHAPITRE Vin.
ansayec châtiées diverses. Ë^les allaient peut-être se ter-
miner au désavantage de David, lorsque 4i>ûer, insuité gra-
vement par son maître , l'abandonna : Ishbaal fut bientôt
après assassiné par deux de ses gens et David resta sans
rival. Les représentants des tribus se rendirent à Hébron
et le firent sacrer en présence des ajiciens. Les f^tes du
couronnement diif èrent trois jours : dé partout^ même des
contrées lointaines , d'Asher, de Zébulon et de Naphtali,
a on apportait du pain sur des ânes et sur des cjiameaux,
sur des mulets et sur des bœufs, de la farine, des figues
sèches, des raisins secs, du vin, de l'huile, et on amenait
des bœufs et des brebis en abondance, car il y avait joie en
Israël*. »
Hébron^ située «u centre de Juda, était la capitale natu-
relle de la tribu, mais noi^ celle d'un royaume qui s'éten-
dait sur tout Israël : David chercha une ville moins reculée
vers le sud, et choisit la forteresse cananéenne de Jétus.
Jébus s'élevait sur une éminenee entourée à l'est, au .sud
et à l'ouest par le lit du Kédron et la gorge de Hinnôm,
bornée au nord par une légère dépression de terrain. Elle
ne présentait pas une surface unie : elle était coupée en
deux par un ravin pîrofond qui courait du nord au sud et
séparait les hauteurs de Sion des collines de Millo et de
Moriah. Un assaut vigoureux, conduit par Jdab, fit tomber
la ville aux mains des Hébreux,. En changeant de posses-
seur, elle changea de nom :, elle devint Jérusalem. David
se hâta de la mettre en état dé défense : laissant Moriah au
peuple, il établit sa résidence à Sion et fortifia Millo, sans
toutefois enfermer ces trois. points dans unfe enceinte con-
tinue*. Plus tard, quand le succès de ses premières guer-
res lui donna quelques instants de repos , il se fit con-
Stnrire, par des ouvriers tyriens, un palais en bois de cèdre
et en pierre de taille * : pour le moment, il alla chercher
l'arche à Kiriath-Jearim, où elle était restée, depuis la mort
d'Éli et \à plaça auprès àë lui sur la colline de Sion*.
i. II Chroniques, xii, L6. — 2. Il Sdni., V, 5-gr; I bht., tu 4-8. —
3. II Sam., V, 11; I Chron., xiv, 1. — 4.^1 Sam , vi ; I Chron., xin,
xv-xvi.
L'È]rfi>lftÈ JUrt". 315
O'mit faire de J€ft^Âlètf , àati-§étrîéffiênf , la eà^ikU p6-
Htiqne, maïs la fcâ|ritale f eligîensè 9ti pays : les Hébremt
s'hàbitnèrent ft voir âatis là ville fionvelléinèfïli ednqiiîse
le sîége dû roi eft le siégef de Diett. TtR^ïi stit tirer pfoÛt
de cette disposition. Assis êHv la frOiiti§rô de Bfenjàlfiiîl,
adosBé â Jtida, il fldùvaif dei^fendrë flaf JéHclio sur Ist -^al-
lée dn Jourdain ért passer de là ati ffâys de Giléad. S^iiè
ddtite, Zébnlon, Alshet, SfapHtàli étaierit tHéoté éloigiiées Aé
lui plus t[tt'îl tfétait iécessaire : rUhis c'étaient des tribtïs
de peu d'împôrtatïèé. Pcraf doiriiûéi'j il fallait tènit en main
ÊphraLiîûèt Jûda : t'esi à qiibî lé §ite de igfusàlèiii se fir*-
tàit âdiïïirablèment.
TëxLt qulshhad vécut, les Piïlîstins, dont lès discordes
d'Israël assumaient la ttanqùillité, n'avaient pîÉS troublé
là pstix : la réunion des dotizé frîbtis leur causa des crairi-
tes sérieuses. Ils résolurent d'attàquef lé iouveau rôi avstet
qu'il eût if ouvé le iéiUpé de rétablir Tordre è't d'organiser
une arnoiée. Juda fut èttvàliï, Jéru^aléiri menacée, BetB-
lébem assiégée', lé tout ëH Vaiii. Da^id battit lès PhiKstïAfè
à deux fepriiSes, les f ottr^vit de' Gàbaôîf Jui^if à Gùéier ',
et, sans leur lâîésèt le' temp^ de se rèùfèttre, p'asssl de k
défensive à î'(yfreûëivè. Là Itftte erigâgée ^t tôiitè k froô-
tière de Gàtïi à Êkf on dura lô'rfgtertip^ âvaut de produîi'e
aùcûii résultât î pendant ^'Itisieurs àttnées, ce té furent
qu'infcursions, surprises, ëèCarïfiaUches perpétuéflles Été
part ef d'autre. Ùavid rie se ménageait point 6t payait bra-
vement de sa personne. Ùri jour, il S'àvàUÇa d loîiï dans la
inêïéè, qù'Abisàï eût peiné â lé tirer du daugèr : ses corif-
pàgîions lui défendirent désorfïistiâ dé preridre paft aùi ba-
tailles. Il avait toujours àuprè's â& Ixii ÙU càrp^ de ^h
cents braves [gîbborim) qui formaient ïè' noyâti de' son ar-
mée et dont les chefs, Joab et Abîsaï, Éléàzai", fils de Oodd,
Èîtiiànâri de ^^ethléhcnùf, JonattsÉn, Benàïab i-estêferit à
jamais populaires èri I^aël. Qn ^e râcôtitàit ÏWi^temps
après leur inort comment Jâb'éô'thaLïù , fils dé Satknfôtd,
avait mis bas trois cents hommes à lui tout seul, un jour
1. II Èdm.y V, Ï7-25; I Chfon.^iiy, 8-11
316 CHAPITRE VIII.
de bataille ^, et comment c< Benaïali aussi, fils de Jehoïa-
da, fils d'un vaillant homme de Kabtséel avait fait de
grands exploits. U tua deux des plus vaillants hommes de
Moab et il descendit et frappa un lion au milieu d'une
fosse, un jour de neige. Il tua aussi un homme égyptien
qui était haut de cinq coudées. Cet Égyptien avait en main
une lance grosse comme une ensouple de tisserand ; mais
il descendit contre lui avec un bâton, arracha la lance des
mains de l'Égyptien et le tua de sa propre lance *. ?> Les
Philistins, toujours battus, demandèrent la paix. Gath
et les villages de son ressort demeurèrent au pouvoir des
Israélites* : les quatre autres villes gardèrent leur indé-
pendance et ne furent pas même astreintes à un' tribut ré-
gulier. Israël n'eut plus désormais à redouter leurs sou-
daines attaques : leur puissance militaire était détruite et
ne se releva jamais entièrement.
L'heureuse issue de cette longue guerre mit David en
goût de succès : son royaume s'affermit et se développa
sur tous les points à la fois avec la rapidité propre aux
monarchies orientales. Moab succomba le premier : les
deux tiers de la population furent massacrés de sang-froid,
le reste se soumit *. Au Nord, les Hébreux rencontrèrent
un ennemi plus puissant. La Syrie était divisée comme au
temps des Egyptiens en royaumes rivaux, ceux de Damas,
de Maacha, de Rohob, de Tsobah, d'Hamath. Le prince
qui régnait alors sur Tsobah, Hadarezer, fils de Réhob,
les réduisit les uns après les autres et finit par établir un
semblant d'unité. La fondation d'un grand État dans la
vallée de l'Oronte ne pouvait être bien vue de David : il
attaqua l'Aram-Tsobah au moment où Hadarezer « allait
pour recouvrer ses frontières sur le fleuve d'Euphrate, »
et remporta une victoire signalée. Les gens de Damas,
arrivés trop tard pour prendre part à la bataille, l'atten-
daient au retour : il les battit, prit leur ville et y laissa
une garnison. La nouvelle de ces succès remplit de joie,
1. 1 Chron.j xi, U. — 2. II Sam,, ma, 20-21 ; I Chron.j ii, 22-23
— 3. 1 Chron., xvin, 1.— 4. 11 Sam,, vm, 2; I Chron., xvm, 2.
l'empire juif. 317
non-seulement les Hébreux, mais plusieurs princes syriens
que gênait l'humeur inquiète d'Hadarézer : Thoï, roi d'Ha-
math, envoya son fils Joram à David pour le féliciter de sa
victoire*. Cette conquête en entraîna d'autres : afin d'occu-
per Damas, il avait fallu dégarnir les territoires du sud et
laisser Juda sans défense. Les Iduméens en profitèrent pour
recommencer leurs razzias sur la frontière : David détacha
en toute hâte une partie des forces qui faisaient la guerre
en Syrie. Joab et Ahisaî battirent les Iduméens dans la val-
lée du Sel, au sud de la mer Morte*. Le roi périt dans
l'action, et son fils Hadad s*enfuit en Egypte avec quelques
serviteurs fidèles. Joab tua tous les hommes qui lui tom-
bèrent entre les mains : le pays fut occupé militairement^,
et des garnisons juives s'installèrent à Elath et à Etsion-
gaber à la pointe orientale de la mer Rouge. David consa-
cra à l'Étemel le butin de ces guerres et l'Éternel recon-
naissant « le garda partout où il allait^ ».
Quelques années d'une politique habile avaient suffi à
faire des Hébreux un peuple conquérant. Leur autorité s'é-
tendait des bords de l'Euphrate au torrent d'Egypte et aux
rives de la mer Rouge. Moab, Édom, Damas relevaient
directement de leurs officiers ; les Philistins fournissaient
le froment et Thuile à la table royale ; la Phénicie cherchait
à gagner leur amitié en ofi'rant ses bois précieux et en
prêtant ses artistes : Tsobah, Hamath et les États de l'A-
ramée payaient le tribut. L'empire de David était un vé-
ritable empire oriental, formé sur le même modèle que
ceux d'Egypte et de Chaldée, mais moins large et moins
durable. Les peuples tributaires n'avaient pas abdiqué
tout désir d'indépendance : au fond de leur cœur, ils reje-
taient la souveraineté d'Israël et n'attendaient qu'une oc-
casion bonne ou mauvaise pour tenter de nouveau la for-
tune des armes. Nahash, roi des Ammonites étant mort,
David, qu'il avait jadis protégé contre les poursuites de
Saûl envoya complimenter son fils Hanoun. Hanoun s'ima-
«
1. II Sflm.j.vm, 3-tO; I Chron., xvm. 3-10. —2. llSam*y vm, 13-14;
I Chron. y xvin, 12-13; P«. ix. — 3. 1 Rois, xi, 15-16. — 4. Il 5am., vm,
11-12; I Chron,, xxm, 10-11.
318 GP4PITRB JFSIt
giu que hn «ipl)9yM94.eur« éf^^t de« pSBfo;^ cb$fg^s 4o
Ie¥er ie pUu 4f s» 37iU« r&ynl^ : il )^|ir £f nuqr 1^ ^i^
de la hèxhùy couper h wpitié des yè^ments jusqu'à 1^
ceiniure et les renvQya igi]L<^fpii4^p#pmeat, Q^ fii^ Le signal
de la guerre. Le« Ammoai^^ii e'^tesdir^n^ ^v^ ^adaréze^r
et réfifisii^at à /soulever h &ym ' ^û^^ P^ll^ ]wmp^ de
Rohû^, mille de Màiui^f dpu^ mile d^ ^ob ^ V^xxaè^
de ifspbah tout eatiàre mfi^^J:m^^i 4 l^ur ^d^. 3(^^ q^i
eommaadait en l'aiMie»ce à» Hwàf 9(^ irp^F^ pri^ eiitrje les
Ajnmonitee et lea Irpupeft 4e s^pours : jl parlÀge^ son
am^e en deux fiOfp^, gfifd» Ifi ^qq^^jf^i^m^ui de /celui cfpi
Mbûi &Qe aux S§rpien« et çém^!^ V^U^^ ^ fOf^ &épe Âbi^
i^ai. Les SyriAns furent ep&iM^^, l^i Afflg?O^Jjfi# 1^ d^
bandèrent et Joab ne jiigea pM 4 pPQPPf à^ 1^ ppureuiyxfi
jusque dans leu^ ville. Bedaïqézer r^^pibl4 toi^J ee qu'i|
avait de soldats et envojr^ m$In^ ifomnàQj^ d^ ren|brti$
aux Âraméens d'au deli l'Bitf^rel^. G^it§ tqi%, i[)^jj4 Sflf
Voffansire : il fcendût le iQUf^^ >Qt ë'a^an^^ ji^^qi^-^u-
près d'Aiam, oà Sebakb^ général d'JÏ94a^9^r9 V^tt^^j^i^^ f
la tôte d^ ses tf ûupes. Les Syrieee pUère^^ de ii^h^^^ ;
Sobakh l'ut tué dan^ la dérgute et Qe4^éiev, ^s^drâné 4^
toue eee alliée, ee eoiimit. L'^nnéQ eiM^wte, Joab jz^it
le siège defani 94)^. Au «pm^l pà Ja p^§ î^^alt
céder, il appela le roi au ^anip po^r lui Um^t rboç^uf
de la (conquête. Les Aaifiipnites fi;ren| tr^g^ j|u$4 du-
rement que leure coueine de Mp^ ; <f on Us z^it i^pi^ 4^^
soies, et sous des bercée de fer, ut mm ^m b^c^ è^
kVf et on les fit pae^er par lep {e^iirneaiàx où o^ ^ui| ]^
brigue*. >) Lp. élément ne eomptait p.ei#t ppjini ieg ^eirtuf
fityprit^fi de Dayid.
ta &ym avait »iïîâ» tïpuy^é ioq jnaîJrii i;^^ A w?ieft§ f ^
j#|és sur le Tigre par h défoite d'iU^P^p-rab-^iwa^r ne «g^-
g^ai^nt pluaàrinqui^ter, et r%ypt§ m^it da»e des guerfe^
^isriliu» le ppu d'^ergie qui lui rpetait : l'ocpaeion éfait fayo-
rable pour faire m eeul Stat ^t un «eul peaople d^ «>aUa«M»
situées entre FEuphrate et la mer Rouge. La création de
U II Sam., z*xu; I Chron., zis-zx«
L-£MPiaË JUIF. 319
l'empire juif ae doniia pas à la. Syrie l'uoité qui lui aurait
été nécessaire pour se maiatemr indépendante e| r^sii^ter
avep quelque ehance de succès aux tentatives de ses puin^
sants voisins. L'antagonisme des religions auffi^^it à entre-
tenir l'antagifnisme des peuples : ^ la rigueur Baal piurai^
pu s'axxïommoder de Jahveh, si Jahf^eb avait vpulu ^e prjStei?
Il une transaction. Mais Jahveb ne pouvait spufirir aucu^
autre dieu près de lui: ses fidèles ne devaient, adorer
et connaître que lui. Qu^nd même on aurait per8up,dé
aux Juifi^ de tolérer l'idolâtrie syrienne, on aup^t ôctxpu^
devant d'autres obstacles. Les maillots pfaénioiemg, 1^ ma^r
chands de )>a]nas, les agricuiteifrs de la ûœlé-3ypie p^Ur
Yaiént plier un instant devant les Israé^te^ 0u dj^v^nl
toute autre nation militaire assez forte pour s'ii^p^s^^î
mais commi^nt les décider à sa comprendre les ^^ le§
autres et à se fondre en un seul peuple? L'eiupir^ juif n^
fut ^'un amas de provinces et de royaumes v^^s^^u^ ioni
les parues mal soudées tendirent sans cesse à se disJQiii4re.
La ibrce les avilit soumis : la force pouvait se^le les cqu-
tenir. Le jour où la force dlsraôl 4ispaxut, Tempipe tomba,
de lui-même et fut oublié de tous aussi complétemeut cpie
s'il n'avait iam.ais existé.
David aurait du mourir au lendemain de sa dernière
victoire : comme la plupart des grands souverains d'Orient,
il vécut plus qu'il ne fallait et passa par les épreuves mi-
sérables qui attdstent d^ordinàire la fin d'un long règue.
Pendant !e siège de Rabbah, il avait séduit Batb^heba,
femme d^Uriab le Hittite et fait tuer le mari dont la pré-
sence lui devenait gênante : vertement réinrimandé par le
prophète Nathan, il s'était repenti et avait gardé la femmeK
Sa 'maison n'était déjà que trop peuplée : les querelles
entre enfants de mères différentes ne tardèrent pas à f
éclater. Amnon, né d'Akhinoam viola sa sœur Tamar,
fille de Maacha: Absalom, frère de Tamar, se vengea de
ce crime e;i assassinant le criminel. Gracié par son père,
il ffe révolta biei^rt* Wfès,? et entjra^j^ tqut le peuple. Sçs
U U Samuel, xXtiSL — 2. Le t«^ bébreu dit t «m ^iK 4f 4<imi9|f#
320* CHAPITRE VIU.
hésitations au moment décisif laissèrent à David le temps
de se réfugier au delà du Jourdain : la multitude indisci-
plinée qu'il traînait après lui fut aisément dispersée par
la petite armée royale, et lui-même tué par Joab dans la
déroute*. Le chef mort, il semblait que la guerre civile
n'eût plus d'objet : la jalousie des tribus contre Juda la
fit traîner quelques temps encore. Elle ne se termina que
sous les murs d'Abel-beth-Maacha par la mort de Sibah
le Benjaminite*. David n'eut plus de révoltes populaires
à craindre ; mais le choix de son successeur le jeta dans
des difQcultés inextricables. Selon l'ordre naturel, le trône
devait appartenir à son quatrième fils Adonijah : Bath-
sheba et le prophète Nathan décidèrent le vieux roi à faire
proclamer Salomon dan9 Jérusalem et à lui remettre le
pouvoir de son vivant. David survécut quelques mois à
peine à cette abdication : il mourut à l'âge de soixante et
onze ans, dans la quarante et unième année de son règne'.
La mémoire de ses fautes et de ses crimes s'effaça bientôt.
On oublia qu'il avait servi les Philistins dans sa jeunesse,
que plus tard il n'avait pas reculé devant; l'adultère et avait
prodigué le meurtre, pour ne plus voir en lui que le
vrai fondateur du royaume, « l'homme selon le cœur de
Dieu. 5> L'amant de Bathsheba et le meurtrier d'Uriah
devint le prototype du Messie, de celui qui devait venir
pour purifier Israël. On lui attribua toutes les poésies re-
ligieuses que la littérature hébraïque produisit jusqu'à
l'époque des Machabées, et on ajouta à sa gloire politique
une gloire littéraire plus durable. Entre les éloges exagérés
des vieux écrivains et les attaques passionnées de beaucoup
d'écrivains modernes, il faut prendre un terme moyen.
David ne fut pas toujours « l'homme selon le cœur de Dieu » ;
mais il ne fut pas toujours «un homme de sang». Son
œuvre poétique a péri presque tout entière* : mais ce qui
ans {Il Samuel, xVy 17). Le texte syriaque et Josèphe (Ant. Jud., VU,
9, 2) donnent seulement quatre ans, — 1. II Samuel^ xiii-xii. —
2. JMd. XX. — 3. I RoiSy i-n. — 4. Nous n*avons plus de David
que les morceaux contenus au second livre de Samuel et peut-être quel-
ques psaumes (xxiv^ 7-10; a^ etc.).
L EMPIRE JUIF. 321
en reste lui assure le titre de grand poète, comme ce que
nous savons de sa carrière politique suffit à lui assurer la
renommée d'un grand roi,
Salom«n; le sehltfine des 4lx tribus.
Aussitôt après la mort de son père, Salomon se débar-
rassa de ses rivaux et de ses ennemis. Adonijah et Joab
furent assassinés, ce dernier dans le lieu saint où il s'était
réfugié : le grand prêtre Abiathar fut remplacé parTsadok
et relégué daps la ville d'Anathoth. Tous les sujets de
David s'inclinèrent devant son successeur : Tyr, qui seule
alors égalait en richesse l'empire Juif, rechercha son
alliance. Depuis la chute de Sidon, Tyr était devenue la
capitale de la Phénicie. D'abord gouvernée par deux shophe-
tîrrvy elle s'était donnée un roi Abibaal, à peu près dans
le même temps que les Hébreux acclamaient David à
Hébron. ffirom I", fils d' Abibaal, avait toujours entretenu
des relations d'amitié avec David : il lui avait fourni des
bois et des artistes phéniciens pour la construction du.
palais royal. Il continua la même politique sous Salomon
et gagna à cette conduite habile, sinon une extension de
territoire, au moins la paix et la liberté. Tyr, qui avait déjà
colonisé la Sicile, le Nord de l'Afrique et le pays de Thar-
shish*, put consacrer tout ce qu'elle avait de force et d'éner-
gie à l'agrandissement de son empire lointain.
Lorsque Salomon monta sur le trône, la paix durait
presque sans interruption depuis un quart de siècle, et
avait favorisé partout le développement de la population.
« Juda et Israël étaient en grand nombre, comme le sable
qui est sur le bord de la mer, tant ils étaient en grand
nombre; ils mangeaient, buvaient et s'éjouissaient.... Ils
habitaient en assurance thacun sous sa vigne et sous son
figuier, depuis Dan jusqu'à Bersheba^. y> Le sol était
naturellement fertile et ne demandait qu'un peu de travail :
îl produisit bientôt en abondance le blé et Torge, l'huile,
1. L'Espagne mîêridionale. <- 2. I KoiSy iv, 20> 25}
ËIST. ANC» 2X
322 CHAPITRE VlU.
le miel, le vin, les laines, pour lesquels il avait été re-
nommé. Cette augmentation de richesse amena comme il
était juste une augmentation de charges : Salomon frappa
d'impôt les restes des tribus cananéennes qui jusqu'alors
avaient vécu au milieu dlsrAél sans rien payer*, et as-
treignit les Juifs eux-mêmes à la prestation en nature pour
Tentretien de la maison royale. Le territoire fut partagé,
sans distinction de tribus, en douze at-rondissements finan-
ciers placés aux ordres de douze commissaires « qui fai-
saient les provisions du roi et de sa maison; et chacun
avait un mois de Tannée à pourvoir de vivres. ^ Dé-
frayer une cour et une armée aussi considèrabJes que l'é-
taient la cour et l^àrmée de Salomon devait être pour le
pays une lourde charge : il fallait chaque jour « trente
kors^ de fine farine et soixante de farine bise, dix bœufe
gras, vingt bœufs des pâturages et cent moutons, sans les
cerfs, les daims, les buffles et les volailles engraissées*. »
Le revenu des domaines de la couronne, les trésors amas-
sés par David au Cours de ses longues guerfes, les tributs
annuels des niations vassales, complétaient le rendement
des impôts et firent du roi des Hébreux un des princes les
plus riches de son temps.
Il voulut joindre & ces ressources les produits du com-
merce et de l'industrie. Jusqu*alors Israël s'était borné à
écouler Sur les marchés phéniciens le surplus du blé, de
l'huile et des autres denrées qu*il ne consommait pas dans
le pays ; il n'avait pris aucune part au grand commerce de
caravanes qui se faisait entre l'Egypte, la Phénicie et les
régions de l'Euphrate. Salomon prétendit qu'il en eût sa
part. La route suivie d'ordinaire par les marchands remon-
tait jusqu'à Karkémish*: il en occupa fortement toute la
partie qui courait sur son territoire. Hamath devint le
principal entrepôt de la frontière juive, et le dernier an-
neau d'une chaîne de postes qui s'étendait au long du
Liban pour protéger les caravanes et servir de relais*.
1. II Chron., viii, 7-é. — 2. Le fcor valait environ 388 litres. — 3. 1
Jiois, IV, 7-29. — 4. Voir plus haut, p. 190. -- 6? I Rois, u, 19; II
Chroî^.f Yin, 4-6.
L*BMPIRE JUIF. - 323
Mais il y avait d'autres voies qui menaient de la frontière
d'Egypte eu Mésopotamie, sans sortir un seul instant des
terres juives î elles quittaient la route ordinaire, soit près
de Dama», soit près de Hamath, s'enfonçaient dans le dé-
sert «t allaient rejoindre l'Euphrate à Thapsaque. Les mar-
chands araméens et cananéens, les gens d'Arad et de Tyr,
les fréquentaient metlgré les déprédations des Arabes et
le manque d'eau ; Salomon voulut les améliorer et y faire
passer tout le commerce de la Phénicie et de rÊgypte. Il
« bâtit Tadmor au désert* ». La situation de Tadmor, la
ville des palmes, a quelque analogie avec celle de Damas,
lîaais il lui manque un Abana et un Pharphar pour chan-
ger son désert en un paradis : elle est au pied d'une chaîne
d« collines qui court du S.O. au N. E.; deux sources peu
abondantes l'arrosent et entretiennent les bouquets de
palmiers qui lui ont valu son nom*. Depuis longtemps
déjà ce devait être une station recherchée des marchands,
quand Salomon la choisit et l'entoura de murailles*. La
soumission de Hamath-Tsobah affermit la domination
des Israélites sur ces contrées*. De Damas ou d'Hamath
à Tadmor, de Tadmor à Thapsaque, les caravanes passèrent
désormais sans avoir à redouter les Arabes ou les Araméens.
Par sa frontière méridionale, Tempire confinait à TE-
gyple et à la mer Rouge. Salomon rechercha Talliance de
rÎÉ^ypte. La ville de G uéaer s'était révoltée, et les Hébreux,
inhabiles à la guerre de siège, ne savaient comment la ré~
duire. Salomon demanda en mariage la hile du Pharaon *
de Tanis % et décida son beau-père à intervenir. Les in-
génieurs égyptiens eurent bientôt raison de la ville, la dé-
mantelèrent, et la remirent au roi juif comme dot de sa
nouvelle femme' . Les rapports commerciaux entre les
deux pays devinrent plus étroits. Depuis l'invasion des
Pasteurs, les chevaux s'étaient multipliés en Egypte :
chaqpie grande ville du Delta et de THeptanomide avait
1. lAotS; ïx, 18; II Chron., vm, 4. C'est la tradition ordinaire. Le
texte primitif avait Tamar et non pas Tadmor, Palmyre. — 2. Porter,
JGfo»dboofc,p. 543. — 3. Josèphe,^n«. Jud., vm, 9. — 4. II C/tron., viu, 3.
^5. C'était Psinakhès ou Psousennès II. -- 6. I Rois, m, 1; vir, 8; ix,16.
324 CHAPITRE VŒ.
ses haras et ses fabriques, où les rois voisins venaient se
fournir de chevaux et de chars*. Salomon s'attribua le
monopole de la vente des chevaux égyptiens : « chaque
chariot montait et sortait d'Egypte pour six cents pièces
d'argent, et chaque cheval pour cent cinquante ; et ainsi
on en tirait, par le moyen des fermiers royaux, pour tous
les rois des Hittites^ et pour tous les rois d'Aram*. » Lia
possession des ports de Tldumée, sur la mer Rouge, lui
inspira un projet des plus hardis. Hirom lui prêta des
ouvriers et des matelots phéniciens qui construisirent
une flotte à Etsiôngaber, Téquipèrent et partirent à la
recherche des pays d'Ophir *, ils revinrent au bout de
trois ans avec de Tor, de l'argent, de l'ivoire, des* pierre-
ries, des bois précieux et des animaux curieux, tels que
des singes et des paons. Le succès de ce premier voyage
d'exploration encourageait à le renouveler : pendant une
partie au moins du règne, la flotte fit des voyages réguliers
qui mirent les Juifs en rapport avec les princes de l'Arabie
méridionale*. Le profit réel de ces expéditions lointaines
ne dut pas être considérable, mais l'audace qu'elles sup-
posaient frappa vivement les imaginations et valut à Sa-
lomon plus de renommée légendaire que les autres entre-
prises de son règne.
Les richesses qui provenaient de tant de sources diver-
ses, il les dépensa royalement. Le luxe de sa cour dépas-
sait tout ce que les Hébreux avaient imaginé jusqu'a-
.lors, et prit encore dans la légende des proportions
1. Fr. Lenormant, Le cheval dans le nouvel empire égyptien, dans
les Premières civilisationsy 1. 1, p. 306 sqq. — 2. î\ s'agit ici des Hit-
tites du. Nord, Khêtas ou Khattiy non soumis à Salomon. — 3. I RaiSy
X, 29-29 ; II Chron., i, 16-17. — 4. On ferait une bibliothèque entière
rien qu'avec les traités qu'on a écrits sur l'emplacement du pays d'Ophir.
On a voulu le placer en Arabie, sur la côte d'Afrique, en Perse, dans
l'Inde, à Java et jusqu'au Pérou. Les noms du bois d'Almougy des paons,
paraissent être d'origine indienne et ont fait pencher la balance en fa-
veur de l'Inde. U se pourrait cependant qu'au lieu d'aller chercher ces
objets dans l'Inde même les matelots de Salomon les aient trouvés dans
un des nombreux comptoirs de la côte d'Afrique, qui étaient en rapport
direct avec l'Inde depuis une haute antiquité. — 5. I i?ow, ix, 26-28 ; x,
11, 15, 22 ; II Chron., viir, 17-18; ix, 10, 13, 31.
L'EMPIRE JUIF. 325
exagérées. Il s'était fait fabriquer un trône d'ivoire revêtu
d'or fin, les boucliers de sa garde étaient en or, sa vais-
selle en or également : « il n'y en avail pas en argent, car
l'argent n'était estimé au temps de Salomon.... non plus
que les pierres du chemin*. » Au moins une partie de ces
trésors passa-t-elle à des dépenses utiles. On releva les for-
tifications de Mageddo et d'Hazor ; Guézer et les deux Be-
thoron rebâties à nouveau couvrirent la frontière philis-
tine^. Les routes qui conduisaient à Jérusalem furent pavées
de basalte noir du pays de Bashan', et la ville entourée
de murailles. Salomon y fit construire un palais pour lui-
même et un palais pour la fille de Pharaon, des piscines,
des portiques splendides : « le bois de cèdre n'était non
plus prisé à Jérusalem que les sycomores qui sont dans
les plaines, tant il y en avait*. ?>
David avait choisi l'emplacement du temple : Salomon
se chargea de l'élever. Le Moriah avait une figure irrégu-
lière dont la surface naturelle se prêtait mal à l'usage au-
quel on la destinait : il en rectifia les contours par des
murs de soutènement qui, selon les exigences du terrain,
s'appuyaient sur les flancs de la montagne ou descendaient
jusqu'au fond de la vallée; l'espace circonscrit entre ces
murs fut comblé de terre et forma une sorte d'esplanade
carrée sur laquelle reposa le temple. Moyennant une con-
tribution annuelle d'huile et de blé, Hirom se chargea de
fournir les ouvriers, les ingénieurs et les bois de construc-
tion nécessaires à l'entreprise ^ L'édifice construit par les
architectes tyriens faisait face à l'Orient : il était large de
vingt coudées, long de soixante et haut de trente. Les murs
étaient en gros blocs de pierre, et les boiseries en cèdre
sculpté et doré; pour y entrer, on passait sous un porti-
que [oulam) et entre deux colonnes de ^ronze ciselé, qu'on
nommait Yakîn et Boaz. L'intérieur ne comprenait que
deux chambres, le lieu saint (hékal)^ qui renfermait l'autel
des parfums, le chandelier à sept branches et la Table des
1. 1 Rois, X, 16-21, 27 ; II Chron., i, 15-20, 27. — 2. I Rois, x, 15-19;
II ChroTUy vm, 5-6. — 3. Josèphe, Ant. Jud,, vm, 7, § 4. — 4. I Rois,
X, 27. — 5. Ibtd., V, 7-11; II Chron., u, 3-11.
326 CHAPITRE Vin.
pains de proposition; le Saint des Saints (debir), où 1 -arche
d'alliance reposait aux ailes de deux chérubins en bois
doré. Sur trois des côtés de la nef, et jusqu'à moitié de la
hauteur, s'étageaient trois rangées de cellules où l'on gar-
dait les trésors et le matériel sacré. Le grand-prêtre avait
le droit d'entrer une fois l'an au Saint des Saints. Le lieu
saint était accessible aux prêtres, et servait aux cérémonies
ordinaires du culte : on y brûlait les parfums, et on y dé-
posait les pains de proposition. Dans le parvis intérieur et
vis-à-vis de l'entrée du temple se trouvaient le grand autel
des holocaustes, la fner de bronze et les dix bassins de
moindre taille, où on lavait les différentes pièces des vic-
times, les chaudières, les couteaux, les pelles, tous les us-
tensiles qu'on employait dans les sacrifices sanglants. Un
mur bas, couronné d'une balustrade en bois de cèdre, sé-
parait cette cour intérieure d'une autre cour où le peuple
avait accès en tout temps. L'an XII de son règne, Salo-
mon dédia lui-même le temple : il transporta l'arche d'al-
liance de Sion au Saint des Saints, et offrit les sacrifices
au milieu de la joie et de l'admiration universelles ^ L'inex-
périence des Hébreux en matière d'architecture leur fit
considérer l'œuvre de Salomon comme un modèle unique :
en fait, il était aux édifices grandioses de l'Egypte et de la
Ghaldée ce que leur empire lui-même était aux autres
empires du monde antiq\ie, un petit temple pour un petit
peuple. .
 peine terminé, il commença de prendre sur les desti-
nées du peuple d'Israël une influence décisive. Salomon y
faisait célébrer en grande pompe les trois fêtes principales
de l'année agricole, la Pâques, la Pentecôte et les Taber^
nacles, auxquelles la légende avait déjà rattaché des sou-
venirs empruntés aux premiers temps du peuple d'Israël*.
1. 1 Rom, vi-vra ; II Chron., n-vn. — 2. La Pâques ou fête des paing
azymes { Hag Hammatçôth) annonçait le commencement de la récolte :
elle durait depuis lé 14 d'Abib au soir, jusqu'au soir du 21. On la célébra
plus tard en commémoration de la sortie d'Egypte* Sept semaines après,
la Pentecôte signalait la fin de la récolte des céréales ; la tradition en
fit l'anniversaire de la proclamation de U loi. Le quinzième jour du
l'empire juif. 327
Le désir de voir le temple aussi biçm quQ U piété ftttiya
à Jérusalem les Juifs provinciaux ; le rapprochement
des distances rendit ces voyages aisés et peu çoûteui^;
bientôt, sous l'influence sacerdotale, les trois grandes fêtes
annuelles devinrent des pèlerinages obligatoires. Les an-
ciens sanctuaires de Shilo, de Guilgal, de Mitspah, de Rama,
furent désertés; les sacrifices offerts sur les hauts lieux
tombèrent en désuétude et ne tardèrent pas à être consi-
dérés comme des marques d*idolâtrie. Au lieu qu'autrefois
tout enfant d'Israël pouvait égorger la victime, le prêtre du
temple devint l'intermédiaire obligé entre le fidèle et Dieu.
Les familles sacerdotales quittèrent leurs tribus pour s'é-
tablir dans la ville sainte: une fois réunies, elles commen-
cèrent à sentir leur force et à s'organiser mieux qu'elles
n'avaient fait jusqu'alors. Elles se divisèrent en deux clas-
ses, selon la nature du lien réel ou supposé qui les rat-
tachait à la tribu de Lévi, Celles qui passaient pour descen-
dre directement d'Aaron et de ses fils formèrent le haut
clergé, les prêtres [cohanim) chargés des fonctions du
sacerdoce proprement dit. Elles se répartirent en vingt-
quatre classes qui avaient chacune un chef et se relayaient
dans l'accomplissement de leurs devoirs. Les cohanîm en-
traient dans le lieu saiQt, y allumaient les parfums sur
l'autel d'or matin et soir, nettoyaient le grand candélabre
d'or, renouvelaient l'huile des lampes, posaient chaque
semaine sur la table sacrée les pains de proposition, pro-
nonçaient la bénédiction solennelle à la fin des sacrifices
publics ; au dehors du temple, ils visitaient les malades et
expliquaient la loi. Les autres, qu'on appelait simplement
Lévites, se partageaient les menus emplois. Ils chantaient
et jouaient des instruments, ouvraient et fermaient le
septiàme mois oommençait la fâto des eabanes ou Tabernacles {sukhôth),
qui marquait la clôture de toutes les récoltes, la rentrée de tous les
fruits des arbres et de la vigne. Pendant sept jours les Hébreux devaient
demeurer dans des cabanes de feuillage, qu'on dressait soit dans les
rues et sur les places publiques, soit sur les toits et dans la cour des
maisons. On prétendit plus tard que c*clait pour rappeler la vie nomade
du désert.
328 CHAPITRE VIH.
temple, nettoyaient les vases sacrés, préparaient les pains
de proposition et les pâtisseries, veillaient aux trésors et
aux provisions, montaient la garde aux portes et dans les
parvis. Tous ces gens, réunis par un même sentiment reli-
gieux et par une communauté de privilèges, formèrent
bientôt une sorte de nation sacerdotale au milieu de la
nation. Leur chef, le grand prêtre, ne tarda pas à prendre
une part plus grande aux affaires politiques. Peu à peu
son importance augmenta : il égala d*abord, puis dépassa
l'autorité des rois, et finit par faire de Jérusalem la capitale
d'une véritable théocratie.
Salomon était loin de prévoir qu'il préparait un maître
à ses successeurs dans le temps où il élevait le temple.
Quoiqu'il fût plein de respect pour la loi juive, il ne se
piquait pas, comme son père, d'une fidélité exclusive au
Dieu national. Moitié débauche, moitié politique, il avait
multiplié le nombre de ses femmes outre mesure et rempli
son harem d'étrangères, esclaves achetées sur les marchés
d'Egypte et de Phénicie, ou simples otages qui répondaient
de la fidélité de leur père ou de leurs frères : la mère de
son fils aîné, Rehabeam, était une Ammonite, la reine
une Égyptienne. De même' que les Pharaons, sans rien re-
lâcher de leur piété, avaient fait des offrandes aux dieux
des vaincus, Salomon, pour plaire à ses femmes et sans
doute aussi à ses vassaux païens, non-seulement toléra,
mais pratiqua lui-même à l'occasion les cultes . étrangers.
« Il servit Astarté, la divinité des Sidoniens, et Milkom,
dieu des Ammonites;... il bâtit un haut lieu à Kamosh,
dieu des Moabites, sur la montagne qui est vis-à-vis de
Jérusalem, et à Moloch, dieu des enfants d'Ammon*. »
Ce que nous savons de son caractère nous montre en
lui des tendances philosophiques qui devaient le prédis-
poser à regarder sans horreur les divinités étrangères. De
même qu'on attribuait à son père presque toute la litté-
rature lyrique, on mettait sous son nom toute la litté-
rature philosophique du peuple hébreu. « Dieu donna
î. ijflots, XI, 1-13, 33.
L'EMPIRE JUIF. 329
à Salomon une science et une sagesse extraordinaires,
et un esprit aussi étendu que les sables de la mer....
Et la science de Salomon dépassa celle de tous les Arabes
et la science de TÉgypte. — Il s'éleva en sagesse au-dessus
de tous les hommes, au-dessus d'Bthan, Ezrahite, et de
Héman, et de Calcol, et de Darda, fils de Mahol*, et son
nom se répandit chez les nations environnantes. — Il pro-
nonça trois mille proverbes [m.aschal) et composai mille
et cinq cantiques [shîr], — Et il traita de tous les arbres,
depuis le cèdre qui est au Liban jusqu'à Thysope qui s6rt
des murailles ; et il parla des quadrupèdes, des oiseaux ,
des reptiles, des poissons. — Et l'on venait de tous les
pays entendre la science de Salomon, de la part de tous les
rois qui avaient ouï parler de sa sagesse ^. » Les ouvrages
de Salomon sont perdus : ceux qu'on lui a longtemps at--
tribués, le Cantique des Cantiques^ les Proverbes^ VEc-
clésiaste^ la Sagesse, appartiennent à des époques diffé-
rentes. Les traditions relatives à ces livres n'en montrent
pas moins la haute idée qu'on se faisait du génie poétique
de Salomon et la part qu'il prit au mouvement littéraire
de son siècle.
Tout donc, la puissance extérieure, le commerce, les
arts, la littérature, concourait à donner à ce règne un ca-
ractère unique dans l'histoire d'Israël. Plus tard, au mi-
lieu des douleurs de l'exil et de la captivité, les Juifs se
reportèrent vers ce temps de grandeur et se plurent à
l'embellir encore de légendes. On raconta que Jahveh avait
apparu à Salomon trois fois, le lendemain de la mort de
David, pour lui accorder la sagesse et la prospérité*; après
la dédicace du temple, pour le confirmer dans la pratique
du culte*; vers la fin de sa vie, pour lui reprocher ses fai-
blesses idolâtres et lui prédire la chute de sa maison ^, On
le mit en correspondance réglée avec tous les rois de l'uni-
vers ®, et l'on fit venir la reine de Saba du fond de l'Arabie
1. Ce sont des chanteurs auxquels la tradition attribue plusieurs
psaumes. — 2. 1 Rois, iv, 39-34. — 3. Ihid., m, 4-5 ; Il Chron., vu,
7_12. — 4. I Bois, IX, 1-9; II Chron., vu, 12-22. — 5. I Rois, ix, 9-13, —
6. J6id.,iv, 34; cf. Eupolemos, dans Eusèbe, Prop. ev., 1. ix,c. wi«.
1
330 GHAPITRK Vin,
{»our lui rendre hommage ^ Gomme il arrive souvent dans
es monarchies orientale», la fin du règne ne répondit pas
aux commencements, Salomon avait laissé la puissance
militaire de son père décroître entre ses mains. Les gé-
néraux et les vétérans de David étaient morts; aucune
Î;uérre d'importance n'avait donné aux troupes nouvel-
es Toccasion de s'exercer, et le roi n'était pas belli-
Sueux de nature. Pourtant, dans la confiance de sa force,
avait accablé les peuples sujets et blessé les rois
vassaux. Hirom, qui l'avait aidé à la construction du
temple et lui avait fourni des matelots, n'avait reçu en
échange de ses services que vingt misérables bourgs de
la Galilée : il les rendit à leur maître avec dédain, mais
n'osa pousser plus loin son mécontentement et risquer
.la fortune de Tyr dans une lutte inégale*. L'Egypte avait
changé de dynastie et était devenue l'asile de tous les mé-
contents. Elle avait permis à Hadad, fils du roi d'Édom
tué sous David, de rentrer dans son royaume avec une poi-
gnée d'aventuriers. H y commença une guerre . d'escar-
mouches dont Salomon ne put triompher, et qui arrêta
le commerce de la mer Rouge*. Au nord-est, Rézon,
qui avait jadis servi Hadarézer, roi de Tsobah, s'em-
para de Damas et chaessa des pays environnants les garni-
sons hébraïques *. Son royaume barra la route de Tadmor
et dut faire perdre jiux Juifs la possession du désert de
Syrie
 l'intérieur, des signes non équivoques de décadence
se manifestaient de toutes parts. Les trésors de David
et les revenus du commerce avaient d'abord suffi aux
grandes entreprises et au luxe de la maison royale, mais à
la longue ces ressources s'étaient épuisées et les charges
étaient devenues insupportables. L'érection du temple,
en assurant à Juda la suprématie religieuse aussi bien
1. 1 Rois, T, 1-13 ; II Chron,y ix, 1-12. Les Ethiopiens se sont em-
parés de la légende de la reine de Saba et en ont fait un épisode da
leur histoire nationale, Cf, Prœtorius,. De FahtM regin-K Siiba apiM
JEthiopas, 1871 — 2. ÎR<m,ix, 11-14; cf. II Chron,^ viH,8. — 3. IRoii,
XI, 14-22. — 4. Ibid., H, 23-24.
l'empire juif. 331
que la suprématie politique, avait soulevé la jalousie des
autres tribus; Éphraïm surtout ne pouvait s'accoutu-
luer à la perte de son autorité. Les prêtres et les gens
Ï)ieuz déploraient en secret la tolérance du roi, tandis que
es prophètes Taccusaient publiquement d'impiété ; ils al-
lèrent jusqu'à menacer sa famille de déchéance et à lui
désigner un successeur de son vivant. Un d'entre eux, Akhi-
jah de Shilo, donna Jéroboam, fils de Nébat, de la tribu
d'Éphraîm , pour chef aux mécontents. Il alla le trouver
aux champs, lui déchira en douze pièces le manteau neuf
qu'il portait sur les épaules et lui en remit dix, « car ainsi
a dit Jahveh , le dieu d'Israël : « Voici que je m'en vais
ce arracher le royaume des mains de Salomon et que je t'en
« donnerai dix tribus. » Après une pareille prédiction, Jé-
roboam n'avait rien de mieux à faire que quitter le royaume
an plus vite : il s'enfuit en Egypte et y resta près de She-
shonq jusqu'à la fin du règne de Salomon ^
Salomon venait à peine de mourir (929), quand la révolte
éclata de toutes parts contre son fils Rehabeam. Le peuple
se rassembla en Éphraïm, dans la vieille cité de Sichem :
Jéroboam, qu'on avait été chercher dans son exil, se char-
gea de présenter au nouveau roi les plaintes d'Israël.
<c Ton père a mis sur nous un joug pesant, mais toi, al-
lô^c la rude servitude de ton père et le joug pesant qu'il
a mis sur nous, et nous te servirons. » Rehabeam demanda
un délai de trois {ours, et commença par consulter les
vieux serviteurs de la couronne, qui lui conseillèrent de
céder. L'avis des jeunes gens qui l'entouraient prévalut :
quand Jéroboam revint, ce fut pour recevoir des outrages
et des menaces, ce Mon père avait mis sur vous un joug
pesant, et moi je rendrai votre joug plus pesant encore ;
mon père vous a châtiés avec des verges, moi je vous
châtierai avec des fouets garnis de pointes. » La déser-
tion fut générale : toutes les tribus du nord et de l'est,
les Philistins, Moab, Ammon, reconnurent la prééminence
d'Éphraïm et proclamèrent Jéroboam roi d'Israël. Il ne
3. 1 Rois, zii, 26-40 ; II Chron,, ix, 29 ; x, 2.
332 CHAPITRE VIII.
resta plus au fils de Salomon que Juda, le territoire de
Siméon, quelques villes de Dan et de Benjamin, et la su-
zeraineté sur Edom. Ce qui demeurait encore des conquê-
tes de David vers le nord fut perdu à jamais, et passa des
mains des rois d'Israël aux mains des rois de Damas*.
Ainsi tomba la maison de David et avec elle Tempire
qu'elle avait essayé de fonder. Certes, à ne prendre que le
caractère des deux rois qu'elle fournit, on ne peut s'em-
pêcher de penser que son entreprise méritait de mieux
réussir. David et Salomon offrent l'assemblage si curieux
de qualités et de défauts qui font les grands princes des
races sémitiques. Le premier, soldat de hasard et héros
d'aventure, nous représente bien le fondateur de dynas-
tie, fourbe, cruel et dissolu, mais brave, prévoyant, ca-
pable de dévouement, de générosité et de repentir ; le se-
cond est le monarque fastueux, sensuel, dévot à la fois et
philosophe, qui succède d'ordinaire au chef de la famille.
S'ils n'établirent rien de durable, c'est qu'ils méconnu-
rent l'un et l'autre la nature du peuple auquel ils avaient
affaire. Les Hébreux n'étaient pas une race guerrière, et
David les jeta dans la guerre; ils n'étaient ni marins, ni
constructeurs, ni portés alors au commerce ou à l'in-
dustrie, et Salomon leur imposa des flottes, des routes,
des relations commerciales. Ils avaient l'horreur de l'é-
tranger et le fanatisme de leur religion : il leur donna
l'exemple de la tolérance. Le hasard des circonstances pa-
rut un moment les favoriser. L'affaiblissement de l'Egypte
et de l'Assyrie, les divisions de l'Aram et de la Phénicie,
permirent à David de gagner des batailles et de faire des
conquêtes : l'alliance intéressée de Tyr fournit à Salomon
le moyen de réaliser ses projets de commerce et de con-
structions. Mais l'empire qu'ils avaient fondé ne reposait
que sur eux : dès qu'ils eurent disparu, il s'évanouit sans
secousse et sans bruit par la seule force des choses.
1. I Rois, XII, 1-19 ; II C/iron., x.
l'empire juif. 333
Bi«rael et #iida Juaqn^ii l'avènement d^Omrl f la Tingè-
et unième dynastie égyptienne : Sheshonq I"') eommen-
eement» du royaume de Damas.
Malgré Tapparence, la force réelle des deux royaumes
était la même. Israël avait pour lui Tétendue et le nombre,
mais Juda était plus compacte et mieux organisé. Il pos-
sédait avec Jérusalem les arsenaux et les trésors de Salo-
mon, tandis que Jéroboam était contraint de créer une ad-
ministration et de grever son peuple d'impôts. La rude
leçon que Rehabeam venait de recevoir ne fut pas perdue
pour lui. Il avait songé d'abord à revendiquer son droit
par les armes, mais la prudence et les conseils du pro-
pTiète Shémaïah l'en détournèrent. Il appliqua ses res-
sources à mettre le royaume en défense, à fabriquer des
armes nouvelles et à relever les murailles des places
fortes'. Jéroboam de son côté ne resta pas inactif. Il s'éta-
blit de sa personne à Sichem et, pour surveiller les tribus
orientales, fortifia sur la rive gauche du Jabbok le bourg
de Penuel*. Après avoir ainsi pourvu à la sûreté générale,
il songea à régler les affaires religieuses de ses États. Sous
Salomon, le temple de Jérusalem avait servi de* sanctuaire
commun aux douze tribus. « Jéroboam dit en soi-même :
Maintenant le royaume pourrait bien retourner à la
maison de David. — Si ce peuple monte à Jérusalem pour
faire des sacrifices dans la maison de Jahveh, le cœur de
ce peuple se tournera vers son seigneur Rehabeam roi de
Juda, et ils me tueront et ils retourneront à Rehabeam roi
de Juda. » Pour remédier à ce danger, il n'était pas néces-
saire de rejeter Jahveh : il suffisait de donner un culte
nouveau à la divinité antique. Pendant son séjour en
Egypte, Jéroboam avait pu voir les figures mystiques aux-
quelles les prêtres rendaient hommage : c'était le mofment
où le culte d'Hapi se développait dans toute sa splendeur
et prenait à Memphis une importance qu'il n'avait jamais
eue jusqu'alors. « Le roi fit deux veaux d'or et dit au peuple :
1. I Rois, XII, 21-24; II Chron.^ xi, M2. — 2. I Bois, xn, 25.
334 CHAPITRE Vm.
« Ce vous est trop de peine de monter à Jérusalem : -voici
«tes dieux, ô Israël, qui t'ont fait sortir du pays d'Egypte.»
Deux images furent établies, Tune à Dan sur la frontière
du Nord, l'autre à Béthel sur la limite de Juda et
d'Ephraïm *. A tout prendre, ce que faisait Jéroboam n'était
pas une innovation : les Hébreux avaient adoré des images
avant lui et ne cessèrent d'en adorer que fort tard. Jusque
sous Hizkiah, les prêtres de Jérusalem offrirent de l'encens
au grand serpent d'airain*. Rehabeam lui-même en faisait
autant, sinon piS) do son côté. Il était fils deNaamah l'Am-
monite, et honorait le dieu de sa mère, comme Salomon
avait fait ceux de ses femmes. A son exemple le peuple de
Juda consacrait partout des hauts lieux, plantait des bois
sacrés et se prosternait devant les anciennes divinités ca-
nanéennes'. Jéroboam porta atteinte aux privilèges de la
classe sacerdotale. Non content d'enlever au temple de
Jérusalem la plus grande partie de ses fidèles, il ne re-
connut pas aux Lévites le droit d'être seuls prêtres, mais
choisit au hasard parmi les tribus : « Quiconque voulait
se consacrait et était des sacrificateurs des hauts lieux ;
et cela tourna en péché à la maison de Jéroboam^ de
sorte qu'elle fut retranchée et exterminée de dessus la
terre. » U mit le comble à son audace en élevant non»
seulement temple contre temple, mais fête contre fête.
Il choisit le huitième mois pour célébrer à Béthel la
fête des récoltes, et pour offrir des sacrifices devant le
veau d'or ^, Les prêtres ne lui pardonnèrent jamais cette
offense : tout ce qu'il y avait dans Israël de Lévites et de
gens pieux émigra vers Juda, afin de pouvoir sacrifier à
Jahveh dans le temple, aux époques et selon les rites tra-
ditionnels».
L'Egypte, seule des États environnants, était alors assez
forte pour songer à tirer parti des embarras des Juifs. Le
temps qui s'était écoulé depuis l'usurpation des rois-prê-
tres et l'évacuation de la Palestine par les dernières trou-
]. I Rois, xn, 26-30. — 2. Ibid., xvni, 4. — 3. Ibid., xiv, 22-24. —
4. Ibid.j xn, 31-33 ; xiii, 33-34.-5. II Chron., xi, 13-17.
L'EMPIRE JUIir. 335
peâ de Pharaon avait été rempli de guerres civiles et de
révolutions. Une ïîgypte était morte, la vieille Egypte des
grands rois thébains, et une Egypte nouvelle était née
en sa place : la vie avait commencé à se retirer du Sud et
de Thèbes pour se reporter vers le Nord et dans les villes
du Delta. Tant que les conquêtes des Pharaons étaient
restées à peu près enfermées dans le bassin du Nil, Thè-
bes avait été le centre naturel du pays. Placée à peu près
au point d'arrivée des principales voies commerciales de
l'Afrique et de l'Arabie, elle était comme un vaste entre-
pôt où^ venaient s'entasser toutes les richesses des con-
trées étrangères, depuis le golfe Persique jusqu*au delà du
Sahara, depuis la Méditerranée jusqu'à la région des grands
Jjacs. Les cités du Delta, tournées vers des nations avec
lesquelles on n'entretenait encore que des relations irré-
gulières, avaient peu d'influence : Memphis elle-même,
malgré son étendue, malgré les souvenirs de Mena et
des premières dynasties, n'arrivait qu'en seconde ligne.
L*ilivasion des Pasteurs, en faisant de la Thébaïde le
refuge et le dernier rempart de la nationalité égyptienne,
augmenta cette importance : pendant les siècles de lutte,
Thèbes ne fut plus la première ville du pays , mais
le pays lui-même et le cœur de PÊgypte battit sous ses
murailles. Les victoires d'Ahmès, les conquêtes de Thot-
mès I*"" élargirent le cercle du monde, l'isthme de Suez
tut franchi, la Syrie soumise, l'Euphrate et le Tigre tra-
versés, au profit et à la grandeur de Thèbes ; pendant deux
cents ans elle vit tous les peuples vaincus défiler à l'om-
bre de ses palais. Mais, quand vinrent les temps anxieux
de la XIX* et de la XX* dynastie, quand les barbares
d'Asie, si longtemps foulés, je redressèrent et tinrent
tête aux Pharaons, on commença de trouver qu'il y avait
bien loin de Kamak à la frontière de Syrie et qu'une ville
située à plus de cent lieues dans l'intérieur était un mau-
vais quartier général pour des princes •toujours en alerte.
RamsêsII, Ménéphtah, Ramsès III, passèrent la plus grande
partie de leur vie active dans la région orientale du
Pelta, Ils y agrandirent les vieilles villes et en fondèrent
336 CHAPITRE Vin.
de nouvelles que le commerce avec TAflie enrichit prompte-
ment. Le centre de gravité de l'Egypte, qui après la chute
du premier empire avait été reporté au Sud vers Thèbes
par k conquête de TÉthiopie et le développement de la
puissance égyptienne dans le Soudan, remonta peu à peu
vers le Nord et vint tomber dans le Delta. Tanis, Bubaste,
Sais, se disputèrent le pouvoir avec des chances à peu près
égales et devinrent tour à tour villes royales, sans jamais
approcher la splendeur de Thèbes ni produire aucune dy-
nastie comparable aux dynasties des rois thébaïns.
Sous les derniers Ramsès, Thèbes était restée par habi-
tude la capitale de TÉgypte. Quand Herhor voulut substi-
tuer l'autorité des grands prêtres d'Ammon à celle des des-
cendants de Ramsès III, les cités du Nord réclamèrent contre
cette prétention. Tanis se souleva sous les ordres de Si-
mentou Meïamoun, le amendés de Manéthon, et devint la
capitale d'une dynastie nouvelle, la XXI®. Ce ne fut pas
sans difficulté que Simentou parvint à se faire reconnaître
par tout le pays, et ses successeurs eurent à lutter contre
des résistances perpétuelles. Thèbes ne leur obéit que par
intervallies ; TEthiopie, trop éloignée du Delta pour être
aisément maintenue dans le devoir, se rendit indépendante
sous un descendant des grands prêtres d'Ammon. Les
nomes, obéissant à leurs traditions de libertés locales, s'in-
surgèrent contre le pouvoir central; la population égyp-
tienne, amoindrie par les guerres étrangères, cessa de
fournir des contingents suffisants pour recruter les armées.
Les Pharaons de Tanis en furent réduits à rechercher l'ap-
pui des peuples voisins, à marier leurs filles aux rois juifs
ou leurs fils à des princesses cananéennes : pour se main-
tenir, ils livrèrent l'Egypte aux barbares.
L'irruption des barbare! dans les affaires de l'Egypte
fut moins soudaine et moins imprévue qu'on ne pourrait
le supposer au premier abord. De tout temps, on avait
considéré comme d'^ne bonne politique de combler avec
des prisonniers les vides que la guerre faisait dans la pTF*
pulation. Les Pharaons de la XII^ dynastie s'étaient vantés
déjà de transporter au Midi les nations du Nord et au Nord
l'empire JDIF. 337
les nations du Midi : ils avaient implanté dans la vallée du
Nil des peuples entiers. L'invasion des Pasteurs en livrant
le pays pour. des siècles à des gens venus du dehors aug-
menta considérablement le nombre des étrangers. Après
la victoire d'Ahmès, la famille royale et la classe guerrière
émigrèreiit en Asie, mais le gros de la population resta
sur le sol : Haouar, Tanis, les villes et les nomes situés au
Nord-Est du Delta, particulièrement aux environs du lac
Menzaleh, restèrent pour ainsi dire aux mains des Sémites.
Sujets égyptiens, les Sémites ne perdirent pas leurs tra-
ditions nationales: ils gardèrent une sorte d'autonomie,
refusèrent de payer certains impôts et se vantèrent de ne
pas être de la race des Pharaons. Leurs voisins de vieille
souche égyptienne leur donnèrent des sobriquets d'étran-
gers, Po-s/^emour*, les barbares (Baschmourites), Pi-amow,
les Asiatiques [B^ahm^ites^). Sous la XVIII* dynastie, qud-
ques-uns d'entre eux obtinrent des commandements im-
portants ou parvinrent aux hautes charges du sacerdoce.
Leurs divinités, Soutekh , Baal, Baal-Tsephon , Marna,
Astarté, Anata, Kadesh, s'introduisirent dans le Panthéon
égyptien et eurent leurs temples à Memphis. Vers le
milieu de la XIX* dynastie , les conquêtes de Sésôstris et
l'alliance étroite que ce prince conclut avec le souverain des
Khêtas mirent à la mode l'usage des dialectes syriens.
On tint à honneur de les enseigner non-seulement aux en-
fants libres, mais aux esclaves nègres et libyens ; les gens
du monde et les savants se plurent à émailler leur langage
de locutions étrangères. Il ne fut plus de bon goût d'habiter
une ville [nout) , mais une qiriath; d'appeler une porte
rOy mais tarda; de s'accompagner sur la harpe [hent]^
mais sur le kinnor. Les vaincus, au lieu de rendre hom-
mage [a^a^u) au pharaon, lui firent le salam^ et les trou-
pes ne voulurent plus marcher qu'au son du toupar ou
toph (tambour). Le nom sémitique d'un objet faisait-il
défaut, on s'ingéniait à défigurer les mots égyptiens
1. A. Mariette, dans les Mélanges d'archéologie égyptienne et assy-
rienne, 1. 1, p. 91-93.
9IST. Ane. 22
538 CHAPITRE VIH.
pour leur donner au moins Tapparence étrangère. Au lieu
d'écrire kliabes^ lampe, sensh, porte, on écrivait khabousa^
sanesfuwu. Les raffinés de Thèbes et de Memphis trou-
vaient autant de plaisir à sémitiser que nos contemporains
à semer le français de mots anglais mal prononcés ^
A l'occident du Delta, autres races, autres influences.
Sais et les villes voisines, placées en rapport constant avec
les tribus libyennes, leur avaient pris une partie de leur
population. Les Matsiou et surtout, depuis le règae de
Ramsès III, les Mashouash, y prédominaient ; mais, tan-
dis que les Sémites devenaient à la longue agriculteurs,
lettrés, prêtres, marchands, aussi bien que soldats^ les
Libyens conservaient toujours leur tempérainent guerrier
et leur organisation militaire. Depuis plus de deui^ mille
ans, les. Matsiou étaient campés et non établis sur le eol;
c'étaient des mercenaires par droit héréditaire plutAt qpie
des habitants paisibles. Ils formaient des corps de police
placés dans chaque nome à la disposition du gouvemaur
et des autorités, garniissaient les postes de la frontière, ac-
compagnaient le P^iaraon dans ses expéditions lointaines ;
les idées d'armes et de lutte étaient si étroitement liées à
leur personne, qu'aux époques de décadence de la langue
leur nom altéré en M^sUoï devint pour les Coptes le terme
générique de soldat. Les Mashouash gardèrent toujours
leur costume et leur armement spécial; on les reecmiialt
sur les monuments à la pièce d'étoffe qu'ils portent en
guise de coiilure. Sans cesse recrutés parmi l'élite des po-
pulations libyennes que les hasards de la guerre ou l'appât
d'une haute solde attiraient du dehors, ils ne tardèrent pas
à former la force principale et le fond des années égyptien-
nes. Les Pharaons s'entourèrent de ces étrangers comme
d'une garde plus sûre que les troupes indigènes et leur
donnèrent pour commandants des princes de sang royal.
Les (Jiefs des Masiumash finirent par se rendre à peu
près indépendants de leur suzerain : le» uns s'appuyèrent
sur leurs soldats pour ^s'élever au trône, les autres aimè-
1. G. Maspero^ Du genre épUtolaire, p. 9.
l'empire juif. 339
rcnt mieux faire et défaire les rois à leur gré. Dès la fiji de
la vingt et unième dynastie, J'Égypte se trouvait en proie
aux étrangers : elle n'eut plus d'autres maîtres que ceux
qu'il leur plut lui infliger*.
Les Sémites et les villes situées à Torient du Delta
eurent d'abord le dessus. Vers le milieu de la vingtième
dynastie, un Syrien nommé Bebaï^ vint s'établir à Bubastc
ou dans les environs. Ses descendants y prospérèrent, et
le cinquième d'entre eux, nommé Slieshonk, épousa une
princesse de sang royal, Meht-en-ousekh. Son fils Nimrod
joignit aux dignités religieuses dont il était revêtu le titre
militaire de commandant des Mashouash. Son petit-fils
Sheshonq eut une fortune plus brillante encore. On le ren-
contre tout d'abord traité de Majesté, et qualifié Prince des
prinreSy ce qui semble montrer qu'il tenait le premier rang
parmi les chefs des Mashouash. Plus tard, il marie son fils
Osorkon à la fille du dernier roi Tanite, Hor-Psiounkhâ-
Meïamoun, le Psousennès II de Manéthon. A la mort de
ce prince, il s'empare de la couronne et fonde une nouvelle
dynastie, la vingt-deuxième ' . C'était bien une famitk sé-
mite que le hasard des événements portait jusqu'au trône
d'Egypte : malgré sa longue résidence sur le sol de sa pa-
trie adoptive, elle n'avait perdu ni le souvenir de soi^ ori-
gine ni la mémoire de ses dieux nationaux. Officiellement
Sheshonq rendait hommage à Ammon-Râ, à Isis, à Bast
surtout ; en particulier il conservait le culte des divinités
syriena^es et faisait acheter en Palestine des esclaves mâles
et femelles pour honorer son père Nimrod, à la mode de
ses ancêtres^. Il sut d'ailleurs ramener les petits chefs
à l'obéissance et réunir l'Egypte entière sous un même
sceptre. Si du côté de l'Ethiopie il ne parvint pas À eou-
1 . Brugsch, Histoire, 1. 1, p.23T-24l.— 2. Le nom est écrit Bouoi{lJîfe)^ soit
Boubouaï. Il me paraît être analogue m nom hébreu, i^^. — 3. Iiep-
sios, Ueber die XXII MgypHsehe Kdwigsêyname, p: ^2 s'qq. ; Brugsch,
Eiit&vre d'ÉgypU, t. I, p. 219-222. — 4. Brugsch, dans la ZeitocArtft,
1871, p. 85^. Le tahleau de la vin^et unième dynastie peut se dresser
à p«ii fkcès «omme ii 4Hiit i
340 CHAPITRE VIII,
mettre les princes de Napata, en Syrie sa politique fut
plus heureuse. Sans rompre avec Salomon, il ouvrit son
royaume à tous les mécontents : Hadad Tlduméen et Jéro-
boam trouvèrent asile auprès de lui. Cinq années après le
schisme des tribus il envahit la Judée et « monta contre
Jérusalem». Tous les trésors que Salomon avait amassés
dans le temple et dans le palais tombèrent entre ses mains*:
de là il passa dans Israël, dont les forteresses lui ouvrirent
leurs portes sans résistance^. De retour dans son royaume,
il fit graver sur les murailles de Karnak le nom des villes
qu'il avait réduites. Ce fut là, avec le butin qu'il rapporta,
le profit le plus net de sa campagne; il mourut bientôt
après, et ses successeurs ne songèrent pas à revendiquer
la suzeraineté qu'il avait un moment exercée sur la Syrie.
Après la retraite de Sheshonq, Juda et Israël ne firent
que s'enfoncer de plus en plus dans leurs guerres civiles,
Jéroboam mourut en 908 et son fils Nadab fut assassiné
devant Gibbéthon par Baesha, fils d'Akhijah, après deux
années de règne. Le nouveau roi se jeta sur Juda, où Asa,
fils d'Abijam, petit-fils de Rehabeam, venait de monter sur
le trône, et fortifia Rama à deux lieues au nord de Jérusa-
lem. Asa, qui avait su repousser, au dire de la légende, une
armée prodigieuse d'Éthiopiens et de Libyens', ne se crut
VINGT ET UNIEME DYNASTIE TANITE. j
I
I. — RA-NOUTER-KHOPER STEPENAMEN Si MENTOU MEÏAMOUN, ïpiev^ijç. t
n. — RA-JlA-KHOPER STEPENAMEN PSIOUNKHI MEÏAMOUN, Toufftvvîjç o' j
m. — Neçe\;^4pTjç,
IV. — RA-OUSOR-MA STEPENAMEN ÀMENEMKAM MEÏAMOUN, 'A|Asywç6îç. !
V. — • 'Offo^^ùp.
VI.— Vivaxîç.
VII.— RA-ODTS-HIQ HOR PSIOUNKHi. MEÏAMOUN, Toufftvvilç ^ .'
1. 1 Rois, XV, 25-26. — 2. Un grand nombre de villes d'Israël sont
nommées dans la liste de Karnak à côté des ^villes de Juda. — 3. Les
Chroniqites, II, xiv, 9-13, qui nous parlent de cette invasion plus que sus-
pecte, nomment Zerakh, le chef des envahisseurs. ChampoÙion croyait y
voir OsorkonI, de la vingt-deuxième dynastie {Précis du système hiérogly^
phique, 2S1-262) ; Brugsch, Histoire, t. I,p. 228, prétend y reconnaître le
nom d'un roi éthiopien, Atserk Amen, qui est de beaucoup postérieur
L'EMPIRE JUIF. 341
pas assez fort pour résister aux Israélites et appela au se-
cours le roi de Syrie. Depuis la révolte de Rézon, Damas
n'avait cessé de croître en importance et en vigueur mili-
taire sous Hézion *, sous Tabrimmon, sous Benhadar I^ ^ :
elle avait conquis Hamath, la Cœlé-Syrie et toutes les par-
ties du désert qui confinent à l'Euphrate. Benhadar saisit
Toccasion qui s'offrait d'étendre sa domination vers le sud :
il envahit la Galilée et en* prit les villes. Baesha, rappelé
au nord, ne put se maintenir dans Rama, et Asa mit sa
frontière à Tabri en fortifiant Gibea et Mitspah. Pas plus
que Jéroboam, Baesha ne réussit à fonder une dynastie du-
rable ; comme il avait fait à Nadab, Zimri fit à son fils
Êla. Cette fois* encore, l'armée était au pays des Philistins
et devant Gibbéthon quand le meurtre fut commis : elle se
souleva, acclama son chef Omri et marcha contre les meur-
triers. Zimri, forcé dans Tirzah, mit le feu au palais royal
et s'y brûla après avoir régné sept jours. Omri vainqueur
trouva un rival dans Thibni fils de Ginath ; la guerre civile
entre les deux partis dura quatre ans et ne se termina que
par la mort naturelle ou violente de Thibni et de son frère
Jehoram^ La prise de Jérusalem par Sheshonq, l'hostilité
constante de Juda et d'Israël, les crimes et les luttes in-
testines des Israélites, achevèrent d'affaiblir le peuplehébreu
et lui enlevèrent le peu de prestige qui s'attachait à son
nom depuis David. L'hégémonie passa de Jérusalem à Da-
inas. Les descendants de Rézon essayèrent de réunir les
différentes nations de Syrie en un seul empire, et ils
auraient peut-être réussi dans leur tâche, sans l'interven-
tion décisive des armées assyriennes.
1. Le nom d'Hézion n'est peut-être qu'une corruption de celui de
Rézon : en ce cas, il faudrait rayer Hézion de la série des rois de Da^
mas. — 2. L'orthographe ordinaire Ben-hadad est fautive, comme le
prouvent et l'assyrien Bin-hidri et la traduction ulèç *Aôèp des 'Sep-
tante. -~ 3, D'après Josèphe, ArU. Jud.j viii, 12, 5, Thibni fut assassiné.
342 CHAPITRJB IX.
■^tifc^i^ il 1 I r ■ r>
CHAPÏTRË IX.
LE SECOND EMPIftE AftSlmiBn
fV9qV*A I/ATËNEMElfT BE SARTOUKIIf .
àssotir-nazir-bakal et fealmanàsar III ; les rois de Damas et la inni-
son d'Omri. — Décadence momentanée de l'empire Assyrien ; i :;
prophètes d'Israël : Jéroboam lï; Touklat-habal-azar II; ch...^
de Damâs/ — La vingt-deuxième et la vingt-troisièmô dyûastie :
les Éthiopiens en Égypie : Piànkbi et Shabak; ebute dii royauûie
d'Israfil.
A0fl«ur**DaBlr-babal ei salmanasar lll ; lea rois
de l^amaii eé la maison d'Oiurl.
Les anùées qui suiyirent la défaite d'Asaour-rab-amar
furent pour TAssyricdes années de misère. Non-seulement
elle pet-dit les conquêtes de Touklat-habal-asar en Syrie,
mais les pays du Nord et du Sud échappèrent à sa domi-
nation. La Babylonie toujours impatiente tejeta le joug;
les peuplades de l'Arménie et de la Gappadoce recouvrèrent
leur indépendance ; la Mésopotamie elle-même se sépara .'
c'est à peine si les monarques assyriens conservèrent les
districts qui environnaient leur capitale. La vieille dynastie,
abreuvée d'humiliations, ne survécut pas longtemps à son
désastre. Quelque temps après la mort d'Assour-rab-amaf
uiî roi nouveau, Bel-kat-irassou, s'éleva et « fut l'origine de
la royauté » (vers 1020) : ses descendants Salmanasar II,
Irib-bin, Assour-idin-akhé, Assour-dan-il I*"", Bin-nirari H,
travaillèrent pendant près d'un siècle et demi à relever la
grandeur de la monarchie. Ils réparèrent les villes et les
temples, creusèrent et nettoyèrent les canaux d'irrigation,
firent consolider les grandes digues qui protégeaient la
plaine contre les invasions du Tigre. Touklat-Adar II
(880-883), fils de Bin-nirari, reprit enfin l'œuvre de con-
quête si longtemps interrompue et se rendit célèbre par son
courage et par sa férocité : « il exposa sur des pals les corps
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 343
des vaincus. » Les rois d'Assyrie passaient, à fortifier
patiemment leur empire, le temps que les rois d'Israël et
de Damas avaient usé dans des luttes stériles*.
A mesure que leur autorité s'étendait vers le Nord, El-
Assour perdait peu à peu l'importance qu'elle avait eue dans
les premiers temps de la monarchie : elle cessait d'être le
point central de 1 empire et ne gardait son rang de capitale
que par respect pour la tradition. Assour-nazir-habal,
successeur de Touklat-Adar, lui porta un coup mortel en
se choisissant une autre résidence. Près de cinq siècles
auparavant, un des vieux rois d'Assyrie, Salmanasar I"
avait construit àïCalakh, sur la rive gauche du Tigre et au
confluent de ce fleuve avec le grand Zab, une ville à laquelle
le hasard des révolutions ne permit pas de se développer. La
quatrième année de son règne, Assour-nazir-habal fit raser
ce qui restait des constructions de son antique prédéces-
seur et jeta les fondements d'une cité nouvelle. Dès lors et
pendant un siècle au moins, tous les rois d'Assyrie, Salma-
nasar Hf, Samsi-Bin, Bin-nirari, ne cessèrent de l'embelli :•
et vinrent l'habiter dans les rares instants de répit que leur
laissa la guerre. « Palais après palais s'éleva sur la riche
plate-forme qui soutenait la ville, chacun richement orn:;
de bois taillé, d'or, de peinture, de sculpture et d'émail,
chacun rivalisant de splendeur avec les premiers construits :
des lions de pierre, des sphinx, des obélisques, des sanc-
tuaires, des tours sacrées, embellissaient la scène et en
rompaient la monotonie par leur diversité. La haute pyra-
* mide à degré [ziggourat] attachée au temple d'Adar domi-
nait tout et ralliait autour d'elle cet amas de pilais et
d'édifices. Le Tigre, qui baignait à l'ouest le pied de l.i
plate-forme, reflétait la ville dans ses eaux et, doublant la
hau eur apparente des édifices, dissimulait un peu l'écra-
sement des masses, qui est le point faible de l'architecture
assyrienne. Quand le soleil couchant plaquait sur cette vue
1. Oppwt, Histoire dei empires de Chaldée et d* Assyrie, p. 61-69 ;
G. Rawlinson, The five great Monarchies^ t. II, 80-83 ; Fr. Lenormant,
Histoire d'Orient, t. II, p. 64-65 ; J. Menant, Annales des rois d'Assy-
rie, p. 59-64.
Skk CHAPITRE IX.
ces teintes éclatantes qu'on ne voit qu'au ciel d'Orient,
Kalakh devait sembler comme une vision du pays des fées
au voyageur qui l'apercevait pour la première fois *. »
C'est de là que les monarques d'Assyrie partaient presque
chaque année pour leurs guerres. Adossés au plateau de
Médie, bornés par les massifs de l'Arménie, ils ne devaient
guère être tentés de s'étendre vers le nord et vers l'est :
ils auraient trouvé dans ces régions beaucoup de peine et
peu de profit. Tout au plus cherchèrent-ils à maintenir sous
le joug les tribus remuantes qui habitaient l'extrême fron-
tière de la vallée du Tigre et les montagnes du Kourdistan :
s'ils dépassaient parfois ces limites, ce fut pour entre-
prendre quelques razzias vers la mer Noire et la mer Cas-
pienne ou pour pousser des pointes hardies à travers la
Médie jusque sur l'Indos. Leurs grands champs de bataille
n'étaient pas dans cette direction : ils se trouvaient au sud
à Babylone et dans l'Élam, à l'ouest et au sud-ouest en
Syrie. Pendant deux siècles, les armées assyriennes refirent
chaque année, mais en sens inverse, tout ou partie du
chemin parcouru huit siècles auparavant par les armées
de Thotmès III et d'Amenhotep IL Ils attaquèrent la Syrie
et l'enlevèrent pièce à pièce malgré sa résistance obstinée,
prenant d'abord Karkémish, puis la Phénicie et Damas,
puis Israël et Gaza; abattant l'une après l'autre chacune
des barrières qui les séparaient de l'Egypte, jusqu'au
jour où les deux grands empires du monde oriental se
trouvèrent de nouveau face à face comme au temps des
Pharaons de la XVIII* dynastie. Cette fois les rôles .
étaient changés. Alors c'était l'Egypte qui venait au-devant
de sa rivale et traversait l'Asie antérieure pour arri-
ver sous les murs de Ninive: maintenant, au contraire,
l'Assyrie attaqué et l'Egypte se défend à grand'peine.
Memphis reçut une garnison étrangère, et les généraux
d'Assour-ban-habal pillèrent les temples de Thèbes.
Assour-nazir-habal commença cette marche en avant.
Grâce à lui l'empire assyrien s'éleva tout à coup et se dé-
1 , G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. II, p» 98-99.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 345
veloppa sur toutes ses frontières à la fois. Ce fut d'abord
une expédition dans le Kourdistan et dans les régions
occidentales de l'Arménie. Les indigènes, incapables de
tenir en bataille rangée, « se retirèrent sur les montagnes
inaccessibles et se retrancbèrent sur les sommets, afin que
je ne pusse les atteindre; car ces pies majestueux s'élèvent
comme la pointe d'un glaive, et les oiseaux du ciel dans leur
vol peuvent seuls y parvenir... En trois jours je gravis la
montagne, je portai la terreur dans leurs retraites... leurs
cadavres jonchèrent les pentes comme les feuilles des
arbres, et le surplus chercha un refuge dans les rochers. »
Après avoir incendié les villages de ces malheureux, le
conquérant s'abattit sur le district de Karkhi* ; «j'y passai-
Ï)ar les armes deux cent soixante combattants, je leur coupai
a tête et j'en construisis des pyramides. » Après Karkhi,
ce fut le tour du pays de Koummoukh. Il avait déjà reçu
le tribut des Mouskaï et se préparait à pousser plus loin
vers le nord, quand la révolte d'une ville de Mésopotamie
le contraignit à revenir sur ses pas. Les révoltés jetèrent
les armes à son approche et implorèrent le pardon de
leur faute : il fut impitoyable. « J'en tuai, dit-il, un
sur deux... Je construisis un mur devant les grandes por-
tes de la ville; je fis écorcher les chefs de la révolte et
je recouvris ce mur avec leur peau. Quelques-uns furent
murés vifs dans la maçonilerie, quelques autres crucifiés
ou empalés au long du mur; j'en fis écorcher un grand
nombre en ma présence et revêtir le mur de leur peau. Je
fis assembler leurs têtes en forme de (?ouronnes et leurs
cadavres transpercés en forme de guirlandes. 55 Le chef
principal fut emmené à Ninive, écorché et sa peau clouée
à la muraille. Après cela, on ne peut trop s'étonner, si les
gens du pays de Laki se soumirent sans lutte. D'autres
révoltes qui éclatèrent dans des recoins de l'Arménie furent
étouffées avec non moins de promptitude et de cruauté : en
rentrant à Kalakh vers la fin de celte première année,
Assour-nazir-habal pouvait se vanter d'avoir fait sentir la
1. Aujourd'hui KourkU.
346 CHAPiTHJS 1%.
{(yree de 8<m hn.^ dan» toute retendue de «un téfritoite et
sur tous le» points de sa frontière.
Les années qui suÎTirent ne démentirent pas Ie« pro-
messes de ce» heureux débuts. En 881 , guerre contre les
peuples situés dans la région du Zagros ; en 880, guerre
contr^ l'Arménie; en 879, guerre contre le Kounîmoukh,
le Naïri et la plupart des tribus du Haut-Tigre. Ce sont
toujours les mêmes récits de 7ictoires et les mêmes cruautés
contre les vaincus. En 879, les habitant» de Karkhi, attaqués
une seconde fois, « abandonnèrent leur» places fortes et
leurs châteaux ; pour sauver leur vie, ils s'enfuirent vers
Matni, un pays puissant. Je me mis à leur poursuite : je
semai mille cadavres de leurs guerriers dans la montagne,
je jonchai la montagne de leurs cadavres, j'en remplis les
ravins. Deux cents prisonniers étaient tombés vivants entre
mes mains: je leur tranchai les poignet». » Il restait encore
au milieu de la Mésopotamie un certain nombre de villes
et de tribus indépendantes : une campagne suffit à les ré-
duire. Assour-nazir-habal descendit le Kharmis et le Kha-
bour jusqu'à TEuphrate, puis TEuphrate depuis le confluent
du Khabour jusqu'à Anat. Ce fut une promenade mili-
taire plutôt qu'une guerre : toute» les villes riveraines,
Sadikanni*,Bit-ILhaIoupiê, Sirki*, Anat, payèrent le tribut
sans se faire prier. Le prince de Tsoukhi, qui osa résister,
fut vaincu dans une bataille de deux jours et s'enfuit par
delà l'Euphrate au désert d'Arabie. Il avait avec lui quel-
ques troupes chaldéennes commandées par un général du
nom de Bel-bal -idin et par Zabdan, frère de Nabou-bal-
idin, roi de Babylone. Ces deux personuftges tombèrent aux
mains du vainqueur, et Assour-nazir-habal en profita pour
déclarer qu'il avait triomphé de la Ghaldée. « La crainte
de ma puissance s'étendit sur le pays de Kar-Dounîas ; la
terreur de mes armes entraîna le pays de Raldou. » C'était
bien des mots pour un fait insignifiant. Nabou-bal-idin ne
s'inquiéta pas autrement de ces fanfaronnades, et le roi
d'Assyrie, satisfait de sa victoire, jugea qu'il serait prudent
1. Aujourd'hui Arhan, — 2. Circésium, au confluent du Khabour
et de l'Euphrate. Cf. Fox Talbot, Assyrian Texts, p. 30-31.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 347
de ïie pas la connprdmettre par une inyasion en Ghaldée.
Aussi bien les Tsoukhi se souleyèrent-ils en 878, et
AssoTir-nazir-habal dut parcourir une fois encore le théâtre
de sa campagne précédente. Tous les districts gui s'étendent
le long du Khabour et de TEuphrate furent ravagés sans
pitié, les villes brûlées, les prisonnniers empalés ou mis en
croix. C'était avec justice qu'il pouvait s'écrier : « Sur les
ruines ma figure s'épanouit, dans l'assouvissement de
mon courroux je trouve ma satisfaction*. 5>
L'année d'après le vit dans des régions où nul monarque
assyrien n'avait mis le pied depuis, près de deux siècles.
Au printemps de 877 il quitta Kalakh, s'enfonça dans la
Mésopotamie, travel'sa le Khabour et le Balikh, et parvint
aux rives de l'Euphrate. La Syrie du Nord était partagée
en petits États indépendants réunis, comme au temps des
Égyptiens, en une sorte de confédération. La plupart des
peuples qui l'habitaient quelques siècles auparavant n'exis-
taient plus. Les Routen avaient disparu sans laisser aucune
trace de leur passage. Les Khêtas ne subsistaient plus
comme corps de nation, mais leur nom du moins avait
survécu : le pays situé entre l'Euphrate, l'Oronte et TA-
manos, s'appelait encore pays de Khatti. Le Khatti était
divisé en une vingtaine de royaumes, dont la position
exacte n'est pas connue : Mounzigani, Kaharga, Akhassi,
latouri, laraffi, etc. ; les principaux étaient Karkémish
(Gargamish) et Batnae (Pateni), dont le domaine s'étendait
jusqu'au pied de l'Amanos ^. C'était un pays riche et bien
peuplé, à la fois industrieux et commerçant : les métaux
précieux et usuels, or, argent, cuivre, étain, fer, y abon-
daient; le commerce avec la Phénicie y amenait la pourpre
et les étoffes de lin, les bois d'ébène et de santal. L'attaque
d'Assour-nazir-habal paraît avoir surpris les chefs des Khatti
en pleine paix. Sapgar, roi de Karkémish, laissa les Assy-
riens franchir l'Euphrate sans leur disputer le passage, et
leur ouvrit les portes de sa ville. Loubarna, roi de Kou-
nouloua, « redo\ita la puissance de l'ennemi et l'issue de la
1. Oppert, Histoire, p. 92.— 2. Finzi, Uicerche, p. 357 sqq.
I
348 CHAPITRE IX.
bataille ; il paya vingt talents d'or, un d'argent, deux cents
d'étain, cent de fer; donna mille bœufs, dix mille moutons,
mille vêtements de laine et de fil, sans compter les meu-
bles, les armes et les esclaves. Le pays de LoukHouti
résista et fut traité en conséquence : les villes furent mises
à sac et les prisonniers crucifiés. Après cet exploit, Assour-
nazir-habal occupa les deux versants du Lib^n et descen-
dit au bord de la Méditerranée. La Phénicie n'attendit
pas son arrivée pour lui rendre hommage : les rois de
Tyr, de Sidon, de Gebel et d'Arvad, « qui est au milieu
de la mer », lui envoyèrent des présents. Les Assyriens
employèrent leur temps à couper sur le Liban et sur
TAmanos des cèdres, des pins et des cyprès, qu'ils trans-
portèrent à Ninive pour construire un temple à la déesse
Istar * -
A partir de ce moment, nous ne savons plus rien d'As-
sour-nazir-habal. Il régna huit ans encore, et ce que nous
connaissons de son caractère ne nous permet pas de croire
qu'il les passa dans le repos. Son fils Salmanasar III lui
succéda en 858, et ne cessa de batailler à l'exemple de son
père. Dès Tannée de son avènement, il franchit l'Euphrate,
reçut la soumission des Hittites, et ne s'arrêta qu'aux
bords de la Méditerranée. Il employa les quatre années
suivantes à réprimer des révoltes et à consolider le pou-
voir qu'il exerçait sur la Syrie. Karkémish et Pateni sou-
mises, il s'engagea dans la vallée de l'Oronte, où l'atten-
daient le roi de Damas et ses vassaux^.
Après avoir vaincu Thibni, fils de Ginath, Omri avait
cherché à consolider son pouvoir. Jusqu^alors Israël n'avait
pas eu de capitale fixe ; Sichem, Tirzah, Rama, avaient tour
à tour servi de résidence aux successeurs de Jéroboam et de
Baesha. Dans les 'derniers temps, Tirzah avait semblé l'em-
1. Oppert, Histoire^ p. 69-104 ; G. Rawlinson, The five great Monar-
chies j t. 11,84-89; Fr. Lenormant, Histoire, t. II, p. .66-68; J. Menant,
Annales,^. 64-90. —2. Oppert, Histoire, p. 108-lil; G. Rawlinson,
The five great Monarchies, t. II, p. 111 ; Fr. Lenormant, Histoire, t. II,
p. 68-69; J. Menant, Annales, p. 96-99, 105-112.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 349
porter sur ses rivales ; mais son palais avait été brûlé par
Zimri, et d'ailleurs la facilité avec laquelle elle avait été
prise ne pouvait qu'exciter les inquiétudes d'un chef de
dynastie. Omri choisit pour site de sa ville royale une
colline élevée située un peu au nord-ouest de Sichem et
du mont Ébal : il l'acheta du propriétaire, qui s'appelait
Shemer, et lui donna le nom de Shimrôn (Samarie)*. Ce
choix était habile et judicieux : le développement rapide
que prit la ville le prouva bientôt. Placée dans une vallée
large et profonde qu'elle dominait de toutes parts, bien
pourvue d'eau et puissamment fortifiée par la nature,
Shimrôn devint pour le royaume d'Israël ce que Jérusa-
lem était pour celui de Juda, un centre de résistance au-
tour duquel la nation se rallia au moindre danger. L'im-
portance de cette fondation n'échappa point aux contem-
porains : le nom d'Omri s'attacha dans leur esprit à l'i-
dée du royaume d'Israël et n'en fut plus séparé. Désor-
mais Samarie et Israël lui-même furent pour les étrangers
Beth-Omri, la maison d'Omri, et ce nom persista long-
temps après qu'Omri et sa maison eurent cessé de régner
sur les Hébreux*.
Le vieux Ben-hadar !<"*, qui avait fait la guerre à Baesha,
profita des troubles où les guerres entre Omri et Thibni
avaient jeté Israël, pour renouveler ses attaques : il enleva
plusieurs villes et força le roi d'accorder aux Syriens la
possession d'un quartier spécial de Samarie '. Jamais de-
puis Saloraon Israël n'avait été plus près de perdre son
indépendance. Démembré peu à peu, il se trouvait exposé
à partager dans un temps plus ou moins long le sort
des districts de la Syrie centrale, et à devenir une simple
province du royaume de Damas. Omri le sentit bien et
chercha un appui au dehors. L'Egypte était trop loin, les
Assyriens venaient à peine de franchir l'Euphrate, les
baines religieuses mettaient un abîme entre lui et Juda :
1. 1 Rois, XVI, 24.-2. Oppert, Histoire, 105-106; Schrader, Die
Keilinschriften und das AUe Testament, p. 91-93. — 3. 1 Rois, xx, 34.
350 CHAPITRE IX.
il se tourna du côté de la Phénicie, et obtint pour son fils
Akhab la main d'Izebel, fille d'Ithobaal, roi de Tyr.
Depuis la mort d*Hirom !•% Tami de David et de Salomon ,
Tyr avait été troublée par des révolutions sanglantes. Ba-
leastart, fils et successeur d'Hirom, était mort après un
règne de sept ans à peine. L'aîné de ses enfants, Abdas-
tart^ fut tué dans une révolte populaire. On sait Tinfluence
dont jouissent en Orient les nourrices de roi : les quatre
fils de la nourrice d'Abdastart, élevés à la cour et placés
par leur mère, assassinèrent le roi et mirent le plus âgé
d'entre eux sur le trône. Soutenus par cette masse d'es-
claves, de soldats mercenaires et de populace sans fortune
que Tenfennaient les villes phéniciennes, ils se maintin-
rent douze ans au pouvoir. Leur domination eut des effets
désastreux : une partie de raristocrade émigra au loin, les
colonies se séparèrent de la mère-patrie et se rendirent
indépendantes. C'en était fait de l'empire tyrien, si cet état
de choses avait duré. tJne révolution chassa l'usurpateur
et rétablit l'ancienne lignée royale sans rendre à la mal-
heureuse ville la tranquillité dont elle avait besoin : les
trois fils survivants de Baleastart, Astart, Astarim et Phéli,
passèrent rapidement.sur le trône. Le dernier fut assassiné
après neuf mois de règne par un de ses parents, Ithobaal,
grand prêtre d'Astarté, qui s'empara solidement du pou-
voir et le garda trente-deux ans *.
Le commencement de ces troubles avait coïncidé avec la
scission des douze tribus : le» Hébreux, occupés de leur
guerre civile, n'avaient pu mettre à profit les malheurs
de leur voisine. Néanmoins il était toujours à craindre
qu'un roi plus entreprenant ou moins absorbé que ses
prédécesseurs ne se laissât tenter aux richesses de la Phé-
nicie et ne cherchât à s'en emparer. Ithobaal saisit avec em-
pressement l'occasion qui s'offrait à lui d'écarter ce
danger et de contracter une alliance de famille avec la
nouvelle maison royale d'Israël. Izebel devint la femme
d' Akhab et prit bientôt un empire absolu sur son mari.
1. MoY^rs, Die Fhœnixier, 1. 11^ l"» Thdl^ p. 340-346.
LB SECOND 5MPI^ ASSYRIEN. 351
Si^eratitieus^ comm» toixt^ Ub femm^, et du reste
nourrie à la piété par son père, qui aTait été grand prâ--
tre d'Afitarté avant de devenir roi, elle sut décider Akhab
à pratiquer ouvertement le culte des divinité3 phénicien^
nés. Baal et Astarté eurent leurs temples dans Samarie et
leurs bois sacrés sur toutes les coUinee; leurs prêtres et
leurs prophètes s'assirent à la table royale et se répandi-
rent sur le pays, tandis que les prêtres et les prophètes de
Jahveh en étaient réduits à se cacher pour échsq^per à la
persécution. La masse de la nation resta indifiérente entre
les deux partis. Le prophète avait beau lui dire : « Si
Jahveh est Dieu, suivez-le; mais si Baal est Dieu, suivez--
le ; » il ne répondait rien et continuait à « boiter des deux
côtés ^ » Le roi lui-même, plus superstitieux que vraiment
religieux^ ne savait se déclarer ouvertement ni pour Jahveh
ni pour Baal : un jour il laissait massacrer les prophètes
phéniciens ^, et le lendemain livrait les prophètes hébreux
à la vengeance d'LsebeP. Les fidèles au dieu national
trouvèrent un chef dans Élijah de Thisbé, dont les aven^
tures et les exploits nous sont arrivés mêlés de tant de
prodiges, qu'il est impossible de discerner la part de vé-
rité qu'ils renferment, Élijah, inspiré par l'esprit de Dieu,
se rend devant Akhab, lui annonce qu'il n'y aura dans les
années suivantes ni rosée, ni pluie, sinon à sa parole, et
s'enfuit au désert pour échapper à la colère du roi. Il est
nourri d'abord par des corbeaux qui, soir et matin, lui
apportent de la viande et du pain, puis, quand la source à
laquelle il buvait fut tarie, par un baril de froment et une
cruche d'huile inépuisables dont il partage le contenu
avec une veuve de Sarepta au pays de Sidon. Le fils de
cette femme meurt subitement : Eiijahleresssuscite au nom
de Jahveh, et toujours guidé par l'esprit d'en haut quitte
sa retraite pour se présenter de nouveau devant le roi,
AMàab le reçoit sans lui marquer aucune haine, rassemble
les prophètes païens et les met face à face avec lui sur le
GarmeiU IJes Phéniciens invoquent à grands cris leurs
1. I Rois, xvm, 21. — 2. Ibid,, vm, ^ '^^l^i(L, TO^ 2*
352 CHAPITRE IX.
Baalim, se déchirent le corps à coups de couteaux. Êlijah,
après les avoir laissés s'épuiser en contorsions et en
prières, implore à son tour Jahveh : le feu du ciel descend
à sa voix et consume Tholocauste en un moment. Le peuple
se jette sur les prêtres, les massacre, et la pluie com-
mence à tomber. On dit qu'après cette victoire Êlijah se
retira encore une fois au désert et accomplit beaucoup de
miracles; après quoi il se donna Élisha pour successeur,
et monta vivant au ciel sur un char de feu*. Ainsi le
veut la tradition, et son exagération même nous montre
quelle impression puissante avait faite le grand prophète
sur Tesprit du peuple d'Israël.
. Aux querelles de religion s'ajoutèrent les malheurs d'une
guerre étrangère. Benhadar P' était mort et Akhab avait
sans doute essayé de recouvrer son indépendance, à la fa-
veur des troubles qu'un changement de règne soulève pres-
que toujours dans les monarchies orientales. Benhadar II
convoqua ses vassaux et marcha droit sur Samarie. Akhab,
bloqué dans sa capitale par des forces supérieures, demanda
la paix aux conditions qu'il plairait au vainqueur de lui
imposer : la réponse à ses ouvertures était si outrageante
que les Hébreux se résolurent à tout tenter plutôt que de
se rendre. La fortune leur revint avec le courage : Ben-
hadar fut surpris en plein midi par une brusque sortie des
assiégés, la panique se mit dans son camp et son armée
se sauva en désordre jusque sur le territoire de Damas.
Elle revint à la charge l'année suivante, mais, au lieu de
s'engager sur lé territoire montueux d'Éphraïm, où elle
perdait l'avantage du nombre, elle vint camper dans la
plaine de Jezréel, près de la petite ville d'Aphek. Elle fut
battue comme elle l'avait été sous les murs de Samarie,
et Benhadar pris dans la déroute. Malgré ces défaites
répétées, la puissance de Damas était encore si grande et
la prise du roi si loin d'avoir fini la guerre, qu'Akhab
n'osa point pousser sa victoire à fond. Il accueillit le vaincu
ce en frère », malgré l'opposition jalouse de quelques pro-
1 . 1 RoiSj xvn-xix ; II Rois, i-n.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 353
phètes, et lui rendit la liberté après lui avoir fait signer un
traité d'alliance offensive et défensive. Israël rentra en
possession des places qu'il avait perdues sous les règnes
précédents, et le» Juifs obtinrent le droit ^'occuper à Da-
mas un quartier particulier : c'était la contre-partie et la
revanche du traité conclu entre Omri et Benhadar I*' *.
La lutte venait à peine de prendre fin quand les Assyriens
parurent sur la frontière septentrionale du royaume de
Damas. Benhadar avait suivi d'un œil inquiet les progrès
rapides qu'ils faisaient chaque jour dans la Syrie du nord
et s'était préparé à les recevoir. Il avait renouvelé ses
alliances avec Hamath, Arvad et les autres villes de Phé-
nicie, réclamé le secours d'Israël et des -Arabes, racolé
des auxiliaires jusqu'en Egypte et au pays d'Ammon.
Lorsqu'à l'automne de 854, Salmanasar III franchit l'Eu-
phrate pour l'attaquer, il marcha bravement au-devant
dee Assyriens et leur offrit bataille à Karkar*. Il avait
avec lui deux mille chars et dix mille Juifs envoyés
par Akhab, sept cents chars, sept mille cavaliers, dix mille
fantassins de Hamath, mille mercenaires égyptiens, mille
Ammonites qui, joints aux troupes de ses vassaux, formaient
une armée de soixante-deux mille neuf cents fantassins,
huit mille deux cents cavaliers et quatre mille huit cent
di^ chars; un chef arabe nommé Djendib avait amené
un corps de mille chameaux. Les alliés perdirent la
bataille : quatorze mille des leurs périrent ' , le reste
s'enfuit au delà de l'Oronte. Néanmoins la lutte avait été
si chaude que Salmanasar ne put tirer parti de son suc-
cès : il repassa l'Euphrate sans avoir reçu la soumission
de Damas et sans avoir imposé de tribut *. Il ne revint pas
les années suivantes, occupé qu'il était au sud-est de son
empire. Mardouk-inadinsou, roi de Babylone, trahi et
1. 1 RoiSj XX. — 2. Menant (Annales, p. 112) lit ce nom Bourkarou.
— 3. Un autre texte porte vingt mille cinq cents, — 4. Oppert, Histoire j
p. 111-119; 136-142; G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. II,
p. 102-103 ; Fr. Lenormant, Histoire, t. II, p. 68-90; Schrader, Die Keil-
inschriften und das Àlte Tesiament^ p. 94-104; J, Menant, Annales,
p. 99, 112-113.
BIST» ÀNCé ?3
354 CHAPITRE IX.
vaincu par son frère illégitime Mardouk-bel-ousatè, avait
appelé le roi d'Assyrie. Salmanasar accourut et dans une
première campagne (852) réduisit les districts, situés au
, nord du Dhournat. L'année suivante il fut encore plus heu-
reux : il battis le prétendant, le tua, s'empara de Baby-
lone, de Barsip, . de Kouti, et descendit dans la Ghaldée
maritime *. Cette conquête achevée, il reprit ses projets
contre Damas.
La défaite de Karkar avait ébranlé un moment la puis-
sance de Benhadar. En se faisant rendre les villes juives
prises sur ses prédécesseurs, Akhab avait négligé de men-
tionner Ramoth-Gilead. C'était cependant une place ipa-
pprtante : elle commandait toute la rive gauche du Jour-
dain et menaçait à la fois Israël et Juda. Akhab voulut
profiter pour la reprendre de l'issue malheureuse de la
campagne contre les Assyriens et chercha des allias qui
pussent l'aider dans cette entreprise. Un grand change-
ment d'esprit et de politique venait de se faire à Jéru-
salem. Jehoshaphat, comme son père Asa, était un adora-
teur fervent de Jahveh : il s'efforçait de réprimer l'idolâtrie
et avait dû ressentir vivement la persécution dirigée par
son voisin contre les prophètes *. Mais sa piété ne le rendit
pas aveugle aux nécessités politiques du temps présent.
L'expérience des règnes passés avait montré combien
était funeste la rivalité d'Israël et de Juda : pendant les
guerres civiles, Moab, Ammon, Édom, les rois des Phi-
listins s'étaient soulevés; Damas un moment ville juive
était devenue la capitale d'un royaume puissant et me-
naçait de rétablir à l'avantage de Benhadar l'empire de
Salomon. Jehoshaphat se convainquit, malgré l'opposi-
tion des prophètes, qu'il fallait avant tout faire cesser le^
discordes et réunir toutes les forces de la nation contre les
Syriens. Il maria son fils Jehoram avec Athaliah, fille du
roi d'Israël % et quand Akhab vint le prier de l'aider dans
1. Oppert, Histoire, p. 112 ;' G. Rawlinson, The five grecU Monarchies,
t II, p. ï02; Fr. Lenormant, Histoire, t. II, p. 71; J. Menant, Annales,
p. 99-100, 114. — 2. I Rois, xxii, 43-44 ; II Chron., xvii, 3-4. — 3. Cf.
II Rois, VIII, 18, avec II Rois, yiii, 26,
LE SECOND ElfPmfi ASSTRIEN. 355
son entreprise oontre«Ilamotb-GiIead, il coasentit à rac-
compagner et vint le rejoindre à Sainiurie ^ Pour la pre»
mière fois depuis près d'un siècle, Tarniée de Juda entra
sans intentions hostiles sur le territoire d'BSpbraîm et se
rangea sous le même drapeau.
Jehoshaphat s'était montré dès le début de son règne
actif et belliqueux : il avait conduit contre ses voisins du
sud plusieurs expéditions heureuses qui affermirent son
autorité sur Édom ^. Toute sa valeur ne put prévaloir con-*
tre la fortune de Benhadar. Il manqua d'être pris dans la
bataille qui s'engagea sous les murs de Hamoth-Gilead, et
son armée fut à moitié détruite. Akbab, blessé mortelle-
ment d'une flèche au commencement de la journée, suc-
comba vers le coucher du soleil, et ses soldats, saisis de
panique, se débandèrent dans toutes les directions, Akha-
ziah ramena le corps de son père à Samarie ; Jehoshaphat
s'enfuit jusqu'à Jérusalem * : il semblait que Benhadar
n'eût qu'à s'avancer pour s'emparer sans effort d'Israël
et de Juda (851). I^'intervention des Assyriens sauva les
Hébreux d'une ruine imminente. Le roi de Damas, rappelé
vers le nord, trouva Salmanasar maître de tout le pays
situé entre TEuphrate et l'Oronte, et fut battu complè-
tement malgré les secours d'Hamath et de la Phénicie,
battu en 850, battu l'année suivante. Dix mille des
siens périrent, une partie de ses chariots et de son maté-
riel de guerre resta sur le champ de bataille. Mais les
Assyriens, toujours victorieux, se trouvaient toujours trop
affaiblis par leur victoire pour en profiter aisément. Ils
employèrent les deux années suivantes à soumettre quel-
ques tribus de l'Arménie et des marches médiques, et ne
revinrent à la charge qu'en 84G, avec leur succès habituel^.
Benhadar fut vaincu encore une fois sans laisser entamer
son royaume : à peine débarrassé de ces adversaires, il se
retourna contre les Juifs.
1. I jRott, xxn, 1-19 ; II Chron., xvm, 1-27. — 2. /Md., xvn. —
3. 1 Rois, xxn, 20-29 ; U Chxon,, xvia, 2S-34. -^ 4. Oppert, Bittoire,
p. 112, 120; Fr. Lenormant, Çistoire. t» II, p. 71; J. Meaant, IfinaJet.
p. 100-114,
356 CHAPITRE IX.
Il les trouva remis de leurs défartes. Akhaziah n'avait
fait que passer sur le trône de Samarie, mais son frère
Jehoram s'était trouvé assez fort pour entretenir des idées
de conquête. Après la bataille de Ramoth-Grilead, Mesha,
roi des Moabites, s'était soulevé et avait refusé le tribut
que son peuple payait depuis quarante ans aux rois
d'Israël. Jehoram et Jehoshaphat* essayèrent de le ré-
duire. Gomme ils n'osaient l'attaquer vers le nord, par
crainte des garnisons syriennes qui étaient au pays de
Grilead, ils passèrent au sud de la mer Morte et vinrent
l'assiéger dans sa ville royale *. Malgré quelques vic-
toires partielles, la campagne ne fut pas heureuse : non-
seulement les Moabites restèrent indépendants, mais ils
s'étendirent au détriment des gens de Ruben, et Mésha, dans
le seul monument de son règne qui soit parvenu jusqu'à
nous *, put se vanter « d'avoir rendu leurs anciens noms
aux villos qu'il annexa au pays de Moab. » L'invasion de
Benhadar dut être pour quelque chose dans le triomphe
des Moabites. Les armées syriennes se répandirent sur
Éphraïm et montèrent jusqu'à Samarie : la ville tint bon
et Benhadar, désespérant de la prendre, leva le siège au
moment où la famine l'avait réduite à la dernière extré-
mité. Il ne devait plus rentrer en Israël : tombé malade
et déjà mourant, il fut achevé par un de ses officiers nommé
Khazaël, qui se fit roi en sa place *. Il avait régné près de
trente ans, non sans gloire et sans succès. Il avait noué
d'étroites alliances avec Hamath et la Phénicie, dominé
trente-deux rois vassaux et résisté vaillamment aux Assy-
riens ; il avait essayé de conquérir la Palestine entière, et,
s'il n'avait pas réussi dans cette entreprise, au moins
avait-il soumis presque tout le pays de Gilead, entre le
Hauran et la frontière de Moab. Damas était devenue entre
ses mains la capitale réelle et le boulevard de la Syrie.
Elle ne garda pas longtemps ce rang éminent. Khazaël
eut, il est vrai, d'heureux débuts : il soumit les deux ver-
1. II Rois, ni, 4-27. — 2. C'est la fameuse stèle de Dhibân, décou-
verte en 1869 par M. Clermont-Ganneau et dont les fragments sont
conservés au musée du Louvre. — 3. II Rois, vi, 8; viii, 15.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 357
sants de T Anti-Liban et la majeure partie de TAram. Jeho-
ram d'Israël et Akhaziah de Juda renouvelèrent contre
Ramoth de Grilead la tentative qui avait été si funeste à
leurs prédécesseurs quelques années auparavant : ils
échouèrent comme Akhab et Jehoshaphat *. Un grand dé-
sastre e£faça bientôt l'impression qu'avaient produite ces
premiers succès. Salmanasar, après avoir combattu les tri-
bus du haut Euphrate (845), poussé une pointe surleplateau
de Médie (844) e,t guerroyé contre les peuples de TA-
manos (843) reprit les hostilités contre TAram. Khazaël
l'attendit dans une position choisie avec soin et fut vaincu.
Ce fut la bataille la plus sanglante qui eût été livrée jus-
qu'alors par les Assyriens aux gens de Damas. Il perdit
seize mille hommes de pied, quatre cent dix cavaliers,
onze cent vingt et un chars : Damas fut prise ainsi que
plusieurs autres places fortes; les Assyriens pénétrèrent
jusque dans les montagnes du Hauran, pillant et brûlant
tout sur leur passage. Les rois de Sidon et de Tyr, crai-
gnant pour leurs États un sort pareil, s'empressèrent de
reconnaître la souveraineté du vainqueur. Celui d'Israël
envoya en tribut des barres d'or et d'argent, des plats, des
coupes et des ustensiles d'or, des sceptres et des armes :
ce fut le commencement des relations entre les Hébreux
et l'Assyrie (842) *.
Dans les quelques mois qui venaient de s'écouler, les
deux royaumes avaient été bouleversés par des révolutions
sanglantes. Les prophètes n'avaient jamais pardonné à la
maison d'Omri l'introduction des religions phéniciennes
et les persécutions dont le culte national avait été l'obiet.
Déjà Elijah avait songea détrôner Akhab et à le remplacer
par Jehu*; Élisha, le disciple favori et le successeur
d'Êlijah, exécuta le projet de son maître. Jehoram avait
été blessé devant Ramoth et s'était retiré pour se guérir
1. Il Roi», vm, 28-29. — 2. Oppert, Histoire, p. 113, 118 ; G. Raw-
linson, The five great Monarchies, t. II, p. 104-106; Schraderf Die
Keilinschriften und dos AUe Testament^ p. 104-108; J. Menant, AnncUes,
p. 100, 115-116. — 3. I Rois, xix, 16.
aSS CHAPITRE IX.
an palais de Jfezréel, loin de sa capitale et de son armée. TJn
émissaire d'Élisha se rendit au camp, sacra Jehu et Itii
ordonna au nom de Dieu de détruire la maison d'Âkhab
et de venger la mort des prophètes. Jehu se fit acclamer
par toute Tarmée et marcha contre Jezréel. Akhaziah de
Juda était venu rendre visite à son oncle et à sa grand'mère
Izebel. Quand la vigie annonça qu'on voyait avancer une
armée, les deux rois, au lieu de s* enfuir, montèrent sur
leurs chariots pour aller à sa rencontre. Jehu perça Jeho-
ram d'une flèthe, et fit assassiner par les gens de sa suite
Akhaziah, qui essayait de s'échapper. Ce ne fut que le com-
mencement de la tragédie. En apprenant le meurtre et
l'approche du meurtrier, la vieille Izebel voulut du moins
mourir en reine : « elle farda son visage , orna sa tête et
regarda par la fenêtre . — Et comme Jehu entrait dans la
porte, elle dit : « En a-t-il bien pris à Zimri gui tua son
« seigneur? » — Et il leva sa tête vers la fenêtre et dit :
« Qui est ici de mes gens? qui? » Alors deux ou trois eu-
nuques regardèrent vers lui. — Et il leur dit : « Jetez en
« bas. » Et ils la jetèrent, de sorte que son sang rejaillit
contre la muraille et contre les chevaux; et il passa par-
dessus elle. » Restaient les princes de la maisoti d'Akhab :
il se fit envoyer leurs têtes de Samarie et les exposa en
deux tas à la porte du palais de Jezréel. Les princes de* la
maison de Juda qui venaient rejoindre Akhaziah, furent
tués de même sur le bord de la route ; les adorateurs et les
prêtres de Baal, réunis par trahison dans le temple furent
égorgés jusqu'au dernier, et le culte de Jahveh rétabli dans
toute sa pompe, sinon dans toute sa pureté. Le contre-
coup de cette révolution se fit sentir jusque dans Jérusa-
lem d'une manière assez imprévue. Athaliah, fille d'Izebe]
et mère d' Akhaziah, voyant la maison royale â peu près
détruite, fit exterminer ce qui restait des descendants de
Jehoshaphat : un seul enfant, Jehoash, échappa par les
soins du grand prêtre. Le massacre achevé, elle saisit le
pouvoir, s'entoura d'une garde phénicienne, et se rangea
au culte des Baalim. Les crimes de Jehu avaient donc pro-
duit ce résultat singulier de rétablir tant bien que mal la
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 359
religion nationale en Israël pour la renverser dans Juda :
Jahveli trôna dans Samarie et Baal dans Jérusalem*.
. Khazaël restait toujours menaçant. Deux ans après sa
première défaite, en 840, il avait de nouveau affronté les
Assyriens sans succès : il avait perdu quelques forteresses
et payé tribut de même que les rois 4e Tyr, de Sidon et de
Gebel^. Ce fut son dernier essai de résistance contre Sal-
manasar : plutôt que de s'exposer encore à des défaites
inévitables, il préféra acheter par la soumission le droit
de poursuivre en paix ses entreprises contre les Israélites.
Elles lui réussirent au delà de toute espérance : Jehu ne
put tenir contre lui et fut vaincu « sur toutes ses frontiè-
Tea, — depuis le Jourdain jusques au soleil levant, dans
tt)ut le pays de Gilead, des gens de Gad, de Ruben et de
Manassè, depuis Aroer qui est sur le torrent d'Arnon jus-
ques en Gilead et en Bashan'. 5) Damas, humiliée au nord
Îar les Assyriens, était encore assez puissante pour humilier
es Juifs. Mais son ascendant ne pouvait être que passa-
ger : épuisée par tant, de guerres successives, elle tendait
à s'affaisser sur elle-même au premier choc sérieux. C'était
encore le boulevard de la Syrie , mais un boulevard bran-
lant et à moitié ruiné.
L'œuvre véritable de Salmanasar était accomplie. Son
père avait conquis la Syrie du Nord : il fit. un pas de
plus dans la direction de TÉgypte , en abattant Jes
royaumes de la Syrie centrale. Le reste de son règne se
passa presque entier dans des expéditions contre les peu-
ples du Nord et de TEst. Deux années de guerre lui li-
vrèrent les deux versants de TAmanos et la Gilicie plane :
Tarzi (Tarse) elle-même tomba entre ses mains (831). Le
pays d'OurartoU et de Van en Arménie résista trois ans
et finit par céder *. Cependant l'âge était venu et avec lui
les infirmités: le vieux roi, épuisé par trente années de
guerres, dut quitter les camps et céder le commande^
ment à ses généraux. Son fils aîné, Assour-danin-habal,
1. II fiow, ix-xi, 2 ; II Chron., xxii. — 2. Oppert, BistoirCy p. 121;
Menant, Annales, p. lOl. — 3. U Rois, x, 32-33. — 4. J. Menant, Anna-
les, p. 101-104.
360 CHAPITRE IX.
trouva qu'il vivait trop longtemps et souleva contre lui
plus de la moitié de son empire. Assour, Amid, Arbèles
et vingt-quatre autres villes, prirent part à la rébellion :
Kalakh et Ninive demeurèrent fidèles. Salmanasar remit
la direction des affaires à son second fils, Samsi-Bin. En
moins de quatre ans, la révolte fut étouffée. Assour- danin—
habal fut tué, et Salmanasar eut du moins la consolation
de mourir en paix après trente-cinq ans de règne (823) *.
Décadence momciitanée de l'emptre assyrien; les pi
pliètes d'Israël : ^érobeam II 5 Tonklat-halial-asar m ;
ehnte de Damas.
Après lui, la suprématie militaire de TAssyrie se main-
tint quelque temps encore. Samsi-Bin III (823-810) par des
expéditions répétées réduisit les tribus du Naïri et conquit
la Médie jusqu'au pays de Bartsou ", à l'extrémité orien-
tale de la mer Caspienne. Mardouk-balat-irib , le plus
ient alors sur la Chaldée
L l'Assyrie, malgré l'appui
Mésopotamie : il perdit
sept mille bommcs, deux cents chars avec son étendard
royal et ses bagages, à la bataille de Daban (819). Cette
victoire rie fut pas décisive, non plus que deux autres ex-
péditions dirigées en 812 et 811 contre Babylone. Elle
prépara du moins les voies à Bin-nirari II (810-780), qui
asservit les rois de la Chaldée. Bin-nirari se montra aussi
remuant que l'avaient été son père et son aïeul: chacune
des années de son règne est marquée par une campagne
victorieuse. Il pénétra sept fois en Médie, envahit deux
fois le pays de Van et trois fois la Syrie. Mariah, roi de
Damas et l'un des successeurs de Benhadar III, s'était ré-
volté : il l'assiégea et le prit dans sa ville royale. La rapi-
dité avec laquelle les rebelles furent châtiés empêcha les
1. Oppert, Histoire j p. 122; G. Rawlinson, The fivegreat Monarchies,
t. II, p. 109-110; Fr. Lenormant, Histoire^ t. II, p. 73; J. Menant,
Annales, 118-120, — 2. Ul parthyène^ comme l'indique M. Fr. Lenor-
mant, et non la Perse,
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 361
•
autres rois de Syrie de suivre Texemple de Mariah : la Phé-
nicie, Israël, Edom, les Philistins, n'osèrent point s'agiter
pendant toute la durée du règne * . L'empire assyrien s'é-
tendait alors sur la plus grande partie de l'Asie anié-
rieure : par ses vassaux il touchait d'une part au golfe
Persique et à l'Elam, d'autre part à la mer Rouge et à
l'Egypte. A l'Orient, il dominait sur la plupart des tribus
touraniennes de la Médie et sur quelques-unes des tribus
aryennes qui commençaient alors à s'avancer dans le plateau
de l'Iran. En Arménie, peu de progrès avaient été faits de-
^ puis le temps de Touklat-habal-asarl"': on occupait le pays
des bords du lac de Van aux sources du Tigre, mais au
delà les difficultés du terrain et la vaillance des habi-
tants n'avaient pas permis de faire des conquêtes durables.
La Mésopotamie, la Ghaldée, la Syrie du Nord, reconnais-
saient la souveraineté d'Assour ; même Salmanasar et ses
successeurs avaient dépassé le Tauros et l'Amanos; les
plaines de la Gilicie, les Toubal, les habitants de la Cap-
padoce, leur obéissaient. La côte syrienne, de l'embou-
chure de l'Oronte à Gaza, et tous les royaumes de
l'intérieur entre la mer et le désert, relevaient de Ninive.
On pouvait déjà appliquer au roi d'Assyrie les paroles. du
prophète hébreu : il était « comme un cèdre au Liban,
dont la hauteur s'est élevée par-dessus tous les arbres
des champs. — Tous les oiseaux du ciel ont fait leur nid
dans ses branches, et toutes les bêtes des champs ont fait
leurs petits sous ses rameaux et les grandes nations ont
habité sous son ombre ^. »
Arrivé à ce degré de gloire et de puissance, l'empire
parut s'affaisser tout d'un coup. Salmanasar IV (780-
770) usa son règne à. lutter sans succès contre l'Arménie
1 . Uiie des femmes de Bin-nirarl se nommait Sammourramit. Comme
ce nom est le type original du nom de Sémiramis, on a proposé de re-
connaître dans la femme de Bin-nirari la Sémiramis d'Hérodote^ qui
vivait un siècle et demi avant Nabopolassar et qui avait embelli Baby-
lone. Cette Sémiramis elle-même serait le prototype de la Sémiramis
légendaire. Ces deux hypothèses n'ont pas été généralement admises.
— 2. Éxékhielj xxxi, 3-6.
362 CHAPITRE IX.
et la Médie : après une seule expédition contre Damas
(772) il fut contraint d'abandonner la Syrie. Sous As-
sour-dan-Il II (770-752) ce ne sont plus seulement les
vassaux de date récente qui se soulèvent : la révolte
éclate aux portes mêmes de Ninive, dans le pays d'Ar-
rapha et dans la ville de Gôzan. L'esprit militaire dé-
clinait ; les souverains ne conduisaient plus leurs troupes
en personne et renonçaient souvent à la guerre. Au lieu
qu'Àssour-nazir-habàl, Salmanasar in, Samsi-Bin, Bin-
nirari, avaient marqué chaque année d'une expédition heu-^
reuse, Assour-dan-Il resta en paix neuf années de son
règne sur dix-huit. Sous Assour-nirari II (752-745), ce fut
pis encore : en huit ans, il n'y eut que deux campagnes,
dirigées toutes deux contre le pays de Namri, à quelques
journées à peine de la capitale^. Les traditions classiques
S laçaient vers cette époque une première destruction de
[inive. Elles ignoraient le nom des grands princes du
siècle précédent et les remplaçaient par une lignée de
rois fainéants issus de Kinos et de Sémiramis. Sarda^
napale, le dernier d'entre eux, passait, dit-on, sa vie dans
le harem, entouré de femmes, habillé en femme et livré
aux travaux d'une femme. Deux des princes vassaux,
Arbakês le Mède et Bélésys de Babylone, se révoltèrent.
L'imminence du danger éveilla dans Sardanapale les
qualités guerrières de sa race: il se mit à la tête de
l'armée qui lui restait, battit plusieurs fois les rebelles et
allait les réduire, quand des troupes qui arrivaient de Bac-
triane à son secours jBrent défection et passèrent à l'enne-
mi. Il s'enferma dans Ninive et y résista deux ans à toutes
les attaques ; la troisième année, le Tigre gonflé par
les pluias déborda et renversa les murailles sur une lon-
gueur de vingt stades. Il se rappela alors qu'un oracle lui
avait garanti la victoire jusqu'au jour où le fleuve se tour-
nerait contre lui et ne voulut pas tomber vivant aux mains
de ses sujets rebelles. Il se brûla dans son palais avec ses
trésors et ses femmes, et l'empire périt avec lui *. Il est
1. Oppert, Histoire, p. 122-139; G. Rawlinson, The five gréai Jfo-
narchies, t. II, p. 110-127; J. Menant, Annales, p. 119-134. — 2. Sur la
LE SECOND EMPIRE ASSTRIEN. 963
certain aujourdTitii que la première defitruction de Ni-
nive est un rômati historique : mais les monument» ndUd
prouvent que pendant trente aniiées entre Bin-nirari.II
et Touklat-habal-asar m la puissance de rAssyrie ne fit
que déchoir*.
Cette décadence momentanée avait rendu les peuples de
Syrie à eux-mêmes ; ils n'usèrent de leur délivrance que
pour se déchirer mutuellement et s'ahîmer de plus en plus
dans leurs guerres civiles. Athaliah avait voulu détruire
la maison de Jehoshaphat et établir officiellement eti Juda
le culte de Baal : elle ne réussit ni dans Tune ni dans
l'autre de ces entreprises. Le grand prêtre Jehoïada avait
dérobé ail massacre un enfant d'Akhaziah et Tavait élevé
Secrètement dans le temple. Le parti des prêtres avait
déjà fait à cette époque des progrès considérables. Comblé
d'honneurs par Asa et par Jehoshaphat, toléré ou confirmé
dans ses possessions par leurs successeurs, il avait su ga-
^er la confiance du peuple et commençait à se mêler de
politique. JehoIàda gagna les commandants de la garde
royale et d'autres chefs militaires, leur révéla l'existence
de Jehoash et le proclama roi dans le temple. Athaliah ac-
courue au bruit fut tuée et Mattan, le grand prêtre de Baal,
|)artagea son sort*. Jehoïada s'imposa comme tuteur au
nouveau roi, qui avait sept ans à peine S ce filt le règne
des prêtres. Ds se firent remettre l'administration des biens
du temple et profitèrent de leur pouvoir pour s'approprier
une partie des revenus sacrés : le scandale causé par leurs
prévarications devint si fort que Jehoash dut retirer à Jehoïa-
da et aux sacrificateurs la libre disposition de l'argent du
temple. Israël était dans une situation pire encore que celle
légende de Sardanapale voir Ctésias, Fragments, édit. Didot, p. 39-41 ;
cf. Diodore, II, 23-28; Athénée, XII, 7, etc. — 1. C*est ici que M. Op-
pôrt plaèe la lacune de trente années qu'il a cru reconnaître dans le
Canon assyrien (Inscriptions assyriennes des Sargonides, p. 3-18 ; la
Chronologie biblique fixée parles éclipses des inscriptions cunéiformes y
1-17) . M. Lenormant, qui dans son Histoire d'Orient, t. II, p. 77-82,
. ftvait adopté Topinion de M. Oppert, s'est rangé depuis à l'opinion con-
traire soUtetiue par MM. G. et H. Rawlinson, Smith «t Schrader. -^
2. II jRo», XI ; II Chron., xxn, 10-12, zzm.
364 CHAPrrRB IX.
de Juda. Malgré ses qualités militaires, Jehu ne put
tenir tète aux ennemis qui le pressaient de toutes parts.
E^azaêl parcourut le royaume de Samarie en maître sans
que rien pût l'arrêter. D pénétra jusqu'à Gath sur la fron-
tière philistine, la prit « et tourna son visage pour monter
vers Jérusalem.» Jehoash acheta la paix : «il prit ce que Je-
hoshaphat, Jehoram et Âkhaziah, ses pères, avaient consa-
cré, et tout l'or qui se trouva dans les trésors du temple et
du palais, et l'envoya à Khazaël, qui se retira de devant
Jérusalem*.»
La misère parvint au comble sous le fils de Jehu. « Jehoa-
khazfit ce qui déplaît à Jahveh, et la colère de Jahveh s'em-
brasa contre Israël et le livra entre les mains de Khazaël,
roi de Syrie, et entre les mains de Ben-hadar, fils de
Ehazaêl, durant tout ce temps-là *..» Jehoash, délivré par la
retraite des Syriens des attaques du dehors et par la mort
de Jehoîada d'un maître dont l'autorité lui pesait depuis
longtemps, essaya de se soustraire à l'influence des prêtres.
Il ne réussit qu'à soulever leur haine contre lui, et finit
par être assassiné dans son lit'. Son fils Amatsiah le fit
enterrer au tombeau des rois et vengea sa mort sur les
meurtriers : mais, avec une générosité rare chez les gens
de son siècle, « il ne fit point mourir les enfants de ceux
qui avaient tué son père *.» Deux années auparavant, Jehoa-
khaz était mort, laissant à son fils un trésor épuisé , une
armée impuissante et un État réduit de moitié '.
Au milieu du désordre et de la démoralisation générales ,
les prophètes avaient redoublé d'activité et d'énergie. Leur
action s'exerçait surtout dans le royaume du Nord, où
l'absence d'un sacerdoce régulier et la lutte des religions
phéniciennes contre le culte national entretenaient une
agitation perpétuelle parmi les esprits. D'abord peu nom-
breux, ils s'étaient multipliés en raison même des peiv
1. Il Roi», xn, 17-18. — 2. Ibid,, xm, 1-8. — 3. Le livre des Chro-
niques altère et contredit le récit du livre des Rois, pour disculper les
prêtres autant t[ue possible. J'ai suivi exclusivement pour le règne de
Jehoash le récit de II Rois, xn. — 4. II Rois, xiv, 5-6; II Chron., xxv,
3.4, __ 5. Il jRot>; xm, 9-10, XIV, 1.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 365
sécutions que les rois avaient dirigées contre eux et des
obstacles qu'ils rencontraient dans la tiédeur du peuple.
Ils s'étaient faits d'office les avocats de l'opprimé contre le
juge inique ou vénal : sans titre ni pouvoir reconnu, ils
maniaient le peuple par la seule force de leur volonté. Ils
réclamaient de tous et du roi lui-même le respect de la
justice, l'amour de Diçu, l'observance des lois, et, quand
ils ne persuadaient pas, ils prenaient sur eux de punir :
Elijab, Elisha et leurs amis plus obscurs avaient eu assez
d'influence pour soulever des révolutions et provoquer des
cbangements de dynastie. Mais ces vieux prophètes étaient
hommes de parole et d'action plutôt qu'hommes de plume :
ils n'écrivaient pas et s'inquiétaient peu de voir leurs
discours survivre à l'effet produit. D ne demeura de leur
personne et de leurs actes qu'un souvenir confus propor-
tionné à la grandeur des événements et à l'impression
qu'ils avaient faite sur l'esprit des contemporains. Leur vie
se mêla d'imaginations puissantes et grandioses comme
pour Elijah, de miracles exagérés ou de légendes puériles
comme pour Elisha. Dans «kida, où le corps sacerdotal
était plus fortement constitué, l'esprit prophétique fut moins
répandu, maisi plus productif en œuvres littéraires. Parmi
les prêtres et les lévites qu'on élevait dans l'art du chant et de
la composition, il s'en trouva peu que l'inspiration saisit>
mais ceux c[u'elle saisit réellement eurent à leur service
toutes^ les ressources d'une langue épurée et d'un art ha-
bile jusqu'à la minutie. Il n'y avait guère place à Jérusa-
lem pour un illuminé soulevant les masses populaires : on
eut des poètes et des hommes d'État dont les écrits agirent
sur les esprits d'élite et sur la classe éclairée. Les malheurs
du peuple firent sortir des rangs les premiers prophètes
dont nous ayons les livres, Joël d'abord, puis Amos et
Hoshea. Bès lors l'histoire du temps nous apparaît à tra-
vers les écrits prophétiques et par les yeux des prophètes
telle qu'ils l'entendent et parfois même telle qu'ils la
font *.
1. Sur la révolution qui s'opère alors dans Tesprlt du prophétisme,
Voir Ewald^ Gesehichte des Volket Israël, t» HI, r* partie, p. 276 sqq.
86fi CPAPITRË IX,
I^'a^énemeat da Jehoash au trône d'Israël et d'Amatsiah
au trône de Juda sembla rendre quelque vigueur au peuple
hébreu. Jehoash commença par battre Benhadar III, prèa
d'Âphek% et fut vainqueur dans trois autres combats sans
parvenir à chasser complètement les Syriens. On coûtait
qu'avant d'entreprendre cette guerre.de délivrance il avait
consulté le vieil Elisha mourant. Le prophète lui ayait
ordonné dé tirer des flèches contré terre en sa présence.
« Le roi frappa trois fois, puis s'arrêta. — Et l'homme de
Dieu se mit fort en colère contre lui et lui dit : <c II fallait
ff frapper cinq à six fois, et tu aurais frappé les Syriens
« jusqu'elles anéantir; mais maintenant tu ne les frappe-
« ras que trois fois*. » Amatsiah de son côté avait vaincu
les Édomites dans la vallée du Sel, sur le vieux champ de
bataille de David, et leur avait pris Sélah leur capitale.
Enivré de son succès, il se crut appelé ^ rétablir.le royaume
de Salomon et envoya défier Jehoash dans Samarie. Le roi
dlsraël répondit à sa provocation par une parabole : a Le
chardon qui était au liban fit dire au cèdre qui est au
Xiban : « Donne ta fille pour femme à mon fils. » Mais
une bête sauvage du Liban vint à passer et foula le char-
don aux pieds. — Parce que tu as rudement frappé Édom,
ton cœur s'est exalté. Contente-toi de ta^ gloire et te tiens
dans ta maison : pourquoi soulèverais-tu le mal par lequel
^u tomberas, toi et Juda avec toi? x> La rencontre eut lieu
à Beth-shemesh sur la frontière philistine. Amatsiah fut
vaincu et pris : Jehoash entra sans opposition dans 'Jéru-
salem, la démantela sur une longueur de quatre cents cou-
dées, pilla le . temple, emmena des otages et retourna à
Samane, où il mourut bientôt après ^ Jéroboam II accom-
plit ce que son père avait à peine eu le temps de com-
mencer. Les rois d'Assyrie avaient laissé échapper la
suzeraineté sur l'Aram et sur la Phénicie. Damas, ruinée par
ses guerres contre Salmanasar III et plus récemment encore
par les défaites de son roi Mariah, ne put résister à l'attaque
1. U Rois, xm, 17. — 2. Ibid., im, 25. — 3* Ibid^^ XIY, M5; II
Chron., xjly, 1, 24.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 367
des Hébreux. Jéroboam reconquit au uorcl et h Teat
tous les territoires qtie David et Salomon avaient possédés :
les pays de Moab et d'Ammon, la Gœlé-Syrie, Damas et
Hamath elle-même, tombèrent entre ses mains*. Après les
longues années de misère durant lesquelles « les Syriens
avaient déchiré Gilead avec des herses de fer*, » son règne
apparut comme une époque de paix et de sécurité : le
commerce avec la Phénicie et TÉgypte reprit, et « les en-
fants d'Israël habitèrent de nouveau sous les tentes comme
aux jours dupasse*. »Ge furent quarante années de paix et
de gloire, les dernières du royaume d'Israël. Six mois
après la mort de Jéroboaip, son fils Zak^riah fut assas-
siné, en présence du peuple, parShalïum, filsdeJabèsh, et
la maison de Jehu cessa de régner*. Shallum lui-même ne
demeura qu'un mois au pouvoir : il fut tué dans Samarie
et remplacé par Menakhem, fils de Gadi\ Taphsakh et plu-
sieurs autres villes qui avaient essayé de résister à Tusur*
pateur furent traitées avec une cruauté sans égale.
Le châtiment ne se fit pas attendre. En 745, une révolte
éclata à Kalakh, dans laquelle disparut Assour-uirari % et
le pouvoir échut aux mains d'un homme peu disposé à me-
ner la vie de roi fainéant. On ne sait d'où sortait Touklat-
habal-asar II, s'il appartenait à la même famille que ses
prédécesseurs, ou s'il n'était qu'un usurpateur habile.
Si son origine est encore obscure, sa personne brille, dans
l'histoire du temps, d'un éclat incomparable. Ce fut un
roi taillé sur le patron des grands conquérants d'autre-
fois,* actif et ambitieux, plus assidu au camp que dans son
palais. Venant comme il faisait après des années de fai-
hlesse et de décadence, son règne est un des points tour-
nants de l'histoire d'Assyrie. Un successeur d'Assour-nirari
qui aurait suivi les errements d'Assour-nirari aurait con-
sommé la ruine du royaume : Touklat-habal-asar II re-
leva les énergies de la nation, lui montra de nouveau le
l. II RoiSj XIV, 23-28. — 2. Amos, I, 3. — 3. II, Hois, xm, 5, où le
passage est appliqué au temps de Jehoakhaz. — 4. II Rois, xv, 8-12. —
5. Ibid,, XV, 13-17. — 6. Menant, Annales, p. 134.
368 CHAPITRE IX.
chemin de l'étranger et la conduisit plms loin qu'elle n'avait
jamais été avant lui. Par malheur ce règne si brillant est
l'un des règnes les plus difficiles à faire entrer dans le
cadre reçu des histoires orientales : les données que ses
monuments nous fournissent sur Israël et la Judée diffè-
rent tellement des récits hébraïques, qu'on ne saurait pour
le moment en établir la chronologie exacte sans chance
d'erreur ou de contradiction*.
Il monta sur le trône le 13 lyyar (avril) de l'an 745 et se
mit à l'œuvre sur-le-champ. Sa première campagne n'eut
1. Touklat-habal-^sar eut affaire à trois rois dlsraêl, Menakhem,
Pekakh, Hoshea, et à deux rois de Juda, Asriyahou et Jeoakhax, dont
les noms figurent sur ses monuments. La chronologie biblique ordi-
naire et des difficultés de lecture ont porté M. Oppert à considérer :
t* le Menakhem des Assyriens comme un Menakhem II non mentionné
dans la Bible et qu'il intercale au milieu du règne de Pekakh ; 2* Asriya-
hou de Juda, comme le nom du fils de Tabéel, que Retzin et Pékakb
voulurent substituer à Akhaz (Jehoakhaz) de Juda (Oppert, la Chrono-
logie biblique, etc., p. 29-32). J'ai adopté au contraire l'opinion de Schra-
der, qui raccourcit tous les chiffres donnés par la Bible et fait d' Asriya-
hou de Juda Azariah ou Ozziah le Lépreux. Les différences des deux
systèmes seront mieux résumées dans le tableau suivant, qui présente
les dates des règnes en litige d'après la Bible :
Azariah (Ozziah) aurait régné de 809 à 759
Menakhem — de 771 à 761
Pekakh — de 758 à 738
D'après les monuments assyriens :
Azariah aurait encore régné de 745 à 739
Menakhem — en 738
Pekakh — en 734 et même en 729
ce qui nous force à modifier considérablement le cadre généralement
reçu. J'ai de plus considéré Touklat-habal-âsar comme répondant à la
fois au Phoul et au Tiglath-Pileser de la Bible. Le nom Touklat-habal-
asar sera, probablement devenu Hàbal-asary-pms Hàbal,Baly Pal on
Pkoul (Scbrader, Die Keilinschriften und das.Âlte Testament, p. 114-
154, 29i-306). J'ai partout sacrifié les données chronologiques du récit
biblique au témoignage des monuments contemporains, car c'est à
cette époque surtout qu'il convient d'appliquer les paroles de saint
Jérôme dans sa lettre au prêtre Vital is : « Relege omnes et Veteris et
Novi Testamenti libres, et tantam annorum reperies dissonantiamj et
numerum inter Judam et Israël, id est, inter regnumutrumque, con-
fusum, ut hujuscemodi hœrere quxstiotiibus non tam studiosi quam
otiosi hominis esse videatur. » (Sancti Hieronymi Opéra, édit. Martia->
nay, Paris, 1669, t. II, col. 622.)
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 369
guère pour objet que de constater la suzeraineté d'Assour
sur la Ghaldée septentrionale. Nabou-natsir (Nabonassar),
qui régnait alors à Babylone (747-733), ne fit aucune ré-
sistance et fut maintenu*. Nabou-ousabsi, roi de Beth-
Sbilan, fut battu et mis en croix devant la porte de sa ville.
Les royaumes environnants se soumirent et Touklat-
habal-asar rentra dans sa capitale après avoir pris officiel-
lement fe titre de roi des Soumirs et des Akkads^. Après
une expédition sans importance au pays de Namri par delà
le Zab (744), il passa en Syrie et convoqua, près de la ville
d'Arpad*, tous les vassaux qu'il avait dans cette région.
Les princes de Tyr, de Karkémish, de Commagène, et sept
autres, répondirent à son appel ^ : si beaucoup refusèrent
1. Nabou-natsir est la forme originale du nom de Nabonassar, par le-
quel Ptolémée commence son Canon astronomique. Depuis longtemps
on a reconnu que l'ère de Nabonassar ne reposait ni sur une observation
de phénomènes célestes, ni sur le renouvellement d'une des grandes pé-
riodes en lesquelles les Ghaldéens divisaient la vie du monde. On en a
conclu qu'elle devait commencer par un fait historique important et
on a essayé de retrouver ce fait dans les traditions classiques ou dans
les données des monuments contemporains. Les uns ont identifié Na-
bonassar avec le Bélésys qui avait vaincu Sardanapale ; d'autres —
et c'est le plus grand nombre — ont fait de Nabonassar un fils ou un
parent de Phul-Bélésys et le premier roi légitime du nouvel empire
babylonien. M. Fr. Lenormant a proposé {Essai sur les fragments cos-
mogoniques de Bérose, p. 192-197) une explication plus vraisemblable.
I^s vieux rois de Babylone n'admettaient dans le comput officiel que
l'année purement lunaire, mais à partir de Nabonassar on trouve
les dates exprimées le plus souvent dans l'année solaire de 365 1/4
iours.. La révolution opérée par Nabonassar aurait donc consisté à
substituer l'année solaire à Tannée lunaire. Si Ptolémée a com-
mencé la série des observations astronomiques certaines à NaSo-
nassar, c'est que les observations antérieures, notées dans le système
lunaire d'après les années de règne des rois, ne pouvaient être utilisées
qu'après une série de calculs fort longs et peut-être impossibles à faire
dès l'époque alezandrine. — 2. Les inscriptions jusqu'à présent con-
nues confondent en un seul récit les deux campagnes de 745 et de 731.
J'ai suivi les indications de Schrader, Die Keilinschriften und dos Alte
Testament, p. 140. — 3. Aujourd'hui TeUErlàdj à deux lieues environ
au nordd'Alep (Kiepert, dans la Zeiis. derD. Morgl, Ces., xzv, p. 655)
— 4. n est probable, mais non certain, que Menakhem de Samarîe et
Retsln de Damas se soumirent au tribut Cf. Smith, Assyrian History,
clans la Zeitschnft, 1869, p. 92.
HJST. ANC. 24
370 CHAPITRE IX,
de cofDpaf âître derrant lui, nne révolte de TAfâiénîe le
rappela dans les provinces septentrionales de son empire
et rempêcha, pour le moment, de les châtier (IkS). H ro-
vint Tannée suivante afin de combattre nne ligue qui s'était
formée en son absence à Finstigation des gens d'Arpaa.
Le roi d'Hamath, plusieiirs des princes de la côte et même
des personnages aussi éloignés du théâtre des événements
que Tétait Azariah de Juda, entrèrent tour à tout dans la
coalition sans pouvoir en retarder la ruine. Arpad ftîf prise
après trois ans de siège (742-746) ; Hamath succomba bien-
tôt après, et une partie de ses habitants fut transportée
dans les villes d'Oullouba et de Birtou que le roi venait de
saecager (739). Cet exemple décida les réfractàireiï : dix-
huit rois se soumirent, parmi lesquels figurent cette fois
Menakhem de Sàmarie et Retzîn de Damas*,
Les quatre années qui suivirent furent employées an
nord et à Test contre T Arménie et la Médie (798-^735).
Depuis longtemps, le» peuples de la Mésopotamie entre-
tenaient avec TInde et les régions centrales des relations
suivies. Trois routes principales menaient de la vallée du
Tigre moyen au plateau de TIrân : Tune, la plus em-
ployée, franchissait le grand Zab et débouchait dans le
bassin du lac d*Ouroumiyèh par le col de Kéli-shin ;
l'autre conduisait à travers la passe de Banneh jusqu'à
TEcbatane du Nord; une troisième enfin remontait le petit
Zab. Par ces trois routes, les caravanes apportaient à Ni-
nive les produits de TInde et de la Bactriane, Tor, le fer el
le cuivre, les étoffes, les pierres précieuses, comme la cor-
naline, l'agate et le lapis-lazuli, quelquefois enfin dei^
animaux curieux, Téléphant, le rhinocéros et le chameau
à deux bosses de la Transoxiane^. Aussi la plupart des
rois ninivites avaient-ils tenu à posséder le pays de Namii
auquel aboutissaient les grandes voies commercidi^s. Qnel-
ques-*uns avaient pénétiré jusqu'à Textrémité orientale de
1. Smith, Thê Annale of Tifiath-Piîener ÎI, dans la Zeitsthfift, 1869,
fy 1\-U ; Se'hrad^, Dié KêUinsehriften nnd dos Àïte Testament, 114-
120, 1^144. — î. G. RawliMOo, The fi9e greon Morwrcliies, t. n,
p. Ô53-Ô54 ; 5&7-558.
LE SECOND ËMPmÈ ASSYRIEN. 371
la Caspieùne, au pays de Bartsou * ; nul ne s'était aventuré
au delà du désert de Médie, dans les contrées lointaines de
Textrême Orient. Au printemps de 736, Touklat-habal-asar
envahit le Namri pour la seconde fois depuis son avènement,
et monta jusqu'au district de Barroua' et au pays de Matti,
sur les bords du lac d'Ouroumiyèh^ Il tourna ensuite à Test
et, longeant la rive méridionale de la Caspienne, parvint
au pays de Partsoua dont il prit les principales villes :
Abdadan*, Ourzikki^ et Istar*. Ses prédécesseurs s'étaient
arrêtés dans ces parages et ne s'étaient pas souciés de s'é-
loigner davantage de l'Assyrie : il se lança dans la direc-
tion du Mont NâP, traversa les districts de Zikrouti', de
Nissa", de Tsibour*^, puis divisa son armée en deux colon-
nes, dont l'une descendit vers le sud, dans la direction du
lacHamoun, par les provinces de Paria *^ et deBoustous**,
tandis que l'autre continuait vers l'est, à travers FAriar-
va*' et la vallée de l'Étymander. Les deux divisions se
réunirent dans l'Araqouttou ** et, continuant leur pointe
vers le sud, arrivèrent dans la vallée de Tlndus au pays de
Sakbati ** et de Silkhari , auquel les marchands babylo-
niens qui fréquentaient ces parages donnaient le nom de
Rouad. Ce fut le terme de leur marche : ell*s regagnèrent
l'Araqouttou par Ousqaqqana *^ et les f^h. tons orientaux de
la Gédrosie, puis rentrèrent à Ninive nai la route qu'elles
avaient suivie en allant. Des conquêtes aussi lointaines ne
pouvaient être qu'éphémères ; Touklat-habal-asar était à
peine de retour en son royaume, que les nouvelles pro-
1. Voir p. 360, note 2. —2. La 0{;fpa de Strabon, 1. XI, 13, 3, peut-être
Ecbatane du Nord, peut-être Gazaca. — 3. Les Ma-rtYivoî d'Hérodote, VII,
72. — 4. Aujourd'hui Abadan. — 5. 'Aperàx (corrigé d"A(Taàx) d'Isidore
de Charax, § 12, édit. C. Mûller. — 6. Aujourd'hui Aster-Ahad.—l. Peut-
être le Paropamisos, peut-être la chaîne qai sépare l'Arachosie de l'Inde
et près de laquelle Ptolémée signale une ville de Naulibê, aujourd'hui
iVi7ab. — 8. Les Savàptioi d'Hérodote, I, 125; cf. Inscript, de Be-
histoun, col. II, § 15. — 9. La Niaaia d'Isidore, § 12 ; aujourd'hui Nisa-^
pour, — 10. Peut-étrela Laçpt d'Isidore, § 12; aujourd'hui Sherif-abad (?).
— 11. <>pà (Isidore, § 16) ou 4>pàÔa [EL deByzance), aujourd'hui Far-
ràh, — 12. BiuT ou Bwt (Isidore, § 19), aujourd'hui Bost ou Bist ^
13. L'Arie. — 14. L'Arachosie. — - 15. Les £a(iLP(XTai de Ptolémé6; Yh
1, 2. -^ 16. Peut-être la OoKdva de Ptolémée^ VI, 21, 5.
372 CHAPITRE IX.
vinces se soulevèrent. D revint sur ses pas et pénétra
jusqu'en Arie (735). L'autorité de TAssyrie dura quel-
ques mois à peine après son départ, mais le souvenir
de cette expédition ne s'éteignit pas. Longtemps après
Touklat-hahal-asar, on savait que les Assyriens avaient
dominé un moment les pays au sud du Caucase indien,
mais on attribuait à Sémiramis tout l'honneur de la con-
quête. Il appartenait à la science moderne de redresser
cette erreur et de rendre à qui de droit tout le mérite de
cette grande entreprise*.
Cet épisode brillant de l'histoire de l'Assyrie était à
peine terminé, que des soins plus pressants appelèrent
Touklat-habal-asar au sud et à l'ouest de son empire.
Jusqu'alors les rapports de Juda avec l'Assyrie avaient été
rares et indirects. Après sa défaite par Jehoash, Amatsiah
avait employé le reste de son règne à réparer ses pertes.
Son fils Azariah ou Ozziah acheva la conquête d'Édom et
recouvra sur la mer Rouge le port d'Elath perdu depuis
Jehoshaphat. Surpris par la lèpre vers ]a fin de son règne,
il associa son fils Jotham au trône. Grâce à l'énergie de ces
deux princes, Juda redevint puissant et prospère au moment
même où le demi ' ^espoir d'Israël tombait avec Jéroboam II.
Sa renommée se répandit au loin, et lorsque Hamath pressée
par Touklat-habal-asar chercha des appuis, elle ne sut
mieux faire qu'iirplorer l'aide d'Azariah. Cet essai d'al-
liance ne fut pas heureux et aurait pu avoir pour les Juifs
des conséquences fâcheuses; si le monarque assyrien n'avait
pas eu affaire en Médie*. Azariah et bientôt Jotham mou-
rurent en paix après avoir relevé leur royaume*. Israël,
au contraire, s'abaissait de plus en plus. Toute l'énergie
féroce de Menakhem ne put le mettre à l'abri des en-
treprises assyriennes : il dut acheter leur retraite au
prix de ses trésors *. Son fils Pékakhiah, qui lui succéda, fut
1. Cf. sur cette campagne : E. Norris, Assyrian DicHonaryj s. v.
Namrif Zikroutt, Ariarva, Araqouttou ; Fr. Lenormant, Sur la campa-
gne de Teglathphalaxar H dans l'Ariane, dans la Zeitschrift, 1870,
p. 48-55, 69-71.-2. Voir p. 370. —3. II Rois, xiv, 17-21 ;xv, 1-7;
32-38; II C/irow., XXV, 25-28; xxvi-xxvii. — 4. II Aow, xv, 19-20, oîi
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 373
assassiné l'année d'après par un de ses généraux, Pekakh,
fils de Ramallah*. Pekakh gagna à ce meurtre un royaume
épuisé et pressé de toutes parts. Damas n'avait pas gardé
longtemps les garnisons de Jéroboam II : après un Ben-
hadar IV dont on ne sait rien', Retsîn ceignit la couronne.
Sous sa direction, Damas sortit enfin de la torpeur où elle
était resté plongée pendant un demi-siècle et reprit la
haute main sur les affaires de Syrie. Il ne se sentit pas
d'abord assez solidement établi pour tenir tête à TAssyrie
et reconnut la suzeraineté de Toukiat-habal-asar ' ; mais
au Sud, dans les pays soumis jadis à Benhadar n et à
Khazaël, son ambition se donna carrière. Pekakh, trop
faible pour lui résister, trop pauvre pour l'éloigner à prix
d'argent, se fit son vassal, et tous deux tournèrent leurs
armes contre Juda. Un jeune homme de vingt ans, Akhaz *,
venait de succéder à Jotham : il fut battu en deux rencon-
tres, ses campagnes furent ravagées, et les Juifs entraînés
à Damas encombrèrent les marchés d'esclaves de la Syrie.
Aussitôt les Édomites se révoltèrent, les Philistins se je-
tèrent sur les villes du Midi et de l'Ouest, Beth-Shemes,
Ajalon, Socho, Timnah; dans une de ses pointes vers le
Sud, Retzîn poussa jusqu'aux bords de la mer Rouge et
prit Élath. Gomme malgré tout Akhaz résistait encore, les
deux alliés résolurent de le détrôner et de mettre en sa
place une de leurs créatures, le fils de Tabéel, sur la fidé-
lité duquel ils pouvaient compter*. Dans cette extrémité,
Akhaz tourna les yeux vers le seul prince assez puissant
pour le tirer de danger et assez ambitieux pour saisir un
prétexte d'intervenir en Palestine : il mit à sec les trésors
. du temple et envoya une ambassade porter tribut au roi
d'Assyrie*.
Touklat-habal-asar a le nom altéré de Phoul. — 1. II RoiSj xv, 22-25.
— 2. Ce Benhadar est mentionné dans les textes assyriens comme père
de Retsin. Cf. Schrader, Die Keilinschrif., p. 152-153.— 3. Voir p. 370.—
4. Les textes assyriens l'appellent Jehoakhaz. — 5. M. Oppert a supposé
<iue le nom du fils de Tabéel était Asriah d'après les monuments assyriens
(cf. la Chronologie biblique, etc., p. 29-32). J'ai admis, comme M. Schra-
der, l'identité de l'Asriyahou des monuments assyriens avec Àzariah de
Juda.— 6. II Rois, xvi, 1-8; II Chron., xxviii, 1-19 ; Jésaia/i, vn,vra, ix.
374 CHAPITRE XI*
Touklat-habal-asar accourut : voyant combien la force
de Retzîn avait augmenté pendant son absence, il n'atta-
qua point Damas de front, mais se jeta sur Israël. Pékakh
n'était pas de taille à lutter et s'enferma dans Samarie,
laissant le reste du royaume à la discrétion du conquérant.
Les tribus du Nord et de TEst, déjà plus d'à moitié ruinées
pendant les guerres contre Damas , reçurent le dernier
coup. Touklat-habal-asar « vint et prit Ijon, Abel-Beth-
Maacha, Janoha, Kedes, Hatzor, Giléad et la Galilée,
même tout le pays de Naphtali, et en transporta le peu-
ple en Assyrie *.3> Le royaume d'Israël ne s'étendit plus
que sur le territoire d'Ephraïm et sur quelques cantons
voisins. Cette exécution sommaire remplit d'effroi la Pa-
lestine et précipita les soumissions. Hannon, roi de
Gaza, qui en sa qualité d'ennemi d'Akhaz se croyait plus
directement menacé, s'enfuit en Egypte ; le pays des Phi-
listins se reconnut tributaire' (734). Soit crainte, soit
faiblesse réelle, Retzîn avait laissé écraser son allié, sans
tenter aucune diversion : Touklat-habal-asar se retourna
aussitôt contre lui. Isolé qu'il était, il résista deux années
entières (733-732), mais à la fin ses forces s'épuisèrent,
sa capitale fut prise et lui-même tué. Huit mille habitants
furent transportés à Kir, en Arménie, la contrée réduite
en province assyrienne, et rien ne subsista plus de l'em-
pire qu'elle avait exercé sur la Syrie *. Avant de s'éloî- .
gner, Touklat-habal-asar convoqua ses vassaux (732), et
1. II RoiSj XV, 29. — 2. Schrader, Die Keilinschriften und das AUe
Testament, p. 145-146. — 3. II Rots, xvi, 9; cf. Isa Je, xvii, 1 sqq.
Schrader, Die Keilinschriften^ p. 151-154; cf. Smith, The annaU of
Tiglath-J^ilezer H, dans la ^eitschrift, 1869, p. .14. Voici autant qu'on
peut la connaître, la liste des rois de Damas depuis Salomon :
RÉZON.
Benhadar III.
Hézion(?)
[Mariah.
Tabrimmon.
Ben-hadar P'.
[Benhadar IV.]
Benhadar II.
Retzîn,
P)-732.
Khazael.
•
LE SECOND EliPIRE ASSYRIEN. 375
•
vingt-cinq rois ^e rendirent à son appel. Akhaz yint
comme les autres apporter son tribut et remercier son li-
bérateur*.
Toute la Syrie était conquise ou tributaire : il sem-
blait que les Assyri^is, pour compléter leur domination
sur l'ancien monde, n'eussent plus qu'à passer en Egypte.
La Ghs^ldAe. les rappela des bords de la Méditerranée aux
rives de l'Euphrate. Babylone leur restait toujours fidèle
et les rois qui avaient succédé à Nabou-Natsir, Nâhid
(733-731), Oukinzir et Poul (731-726), préféraient payer
tribut plutôt que de courir les chances d'une lutte inégale.
Les petits princes du Sud furent plus rudement traités
encore qu'ils ne l'avaient été dans la campagne de 745.
« Dougab^ le fils d'Amoukkan, je l'enfermai dans Sapiya
sa ville royaje,; j'élevai des monceaux de cadavres devant
ses portes. Les plantations, les lentisques qui étaient
devant son palais, je les coupai.... Toutes ses villes, je les
ai détruites, désolées, brûlées. Le pays de Beth-Shilân,
celui de Beth-Amoukkan et de Sahalli, je les ai rendus^
déserts, je les ai changés en collines et en monceaux de
débris. » Le reste du pays n'attendit pas Tarrivée des
Assyriens pour s'humilier. Balazou (Bélésvs), Nadin et
même Mardouk-bal-idinna (Mérodach-Baladan), roi de
Beth-Yakin, vinrent apporter leur hommage sous les murs
de Sapiya, Beth-Yakin n'avait jamais encore prêté ser-
ment au roi d'Assyrie: c'était une longue bande de terrain
étendue aux embouchures de TEuphrate et du Tigre, pro-
tégée au nord et à l'est par les marais, au sud par le
golfe Persique, confinant à l'Élam et au désert d'Arabie*.
La soumission de la Ghaldée méridionale (731) fut le der-
nier fait important du règne. C'est à peine si la révolte de
Mutton n, roi de Tyr, et l'assassinat de Pekakh (729) rendi-
rent nécessaire une nouvelle intervention en Syrie : Hoshea
fut installé roi disraël en la place de sa victime et paya comme
cadeau d'avènement dix talents d*or et mille talents d'ar-
1. II Rois, XVI, 10 ; Chron.j xxvi, 20-21. — 2. Schrader, Die KeiJr
imchriften und dos Alte Testament, p. 128-132.
376 CHAPITRE IX.
gent*. Quelque temps après, Touklat-habal-asar II mou-
rut en paix à Kalakh, après dix huit-années d'un des
règnes les plus glorieux et les mieux remplis qu'ait enre-
gistrés rhistoire de son pays (727).
IM Tliist-ileaxtème et 1* Tlnii^-trolslème dynMitle ; le»
Kthloplens en ûgjpte t PlAnklii et Sluibak $ elmAc du
royanme d'israëL
A la mort de Touklat-habal-asar une révolte générale
éclata dans les pays nouvellement conquis : Israël et la
Phénicie entière prirent les armes. Salmanasar V accourut
en toute hâte. Un soulèvement des Kitiens contre Tyr lui
rendit la victoire facile : la Phénicie rentra dans le devoir*,
et Israël abandonné à ses propres forces n'osa pas résister,
ïïoshea se résigna de nouveau à payer tribut, et sa sou-
mission conjura pour quelque temps encore le danger qui
menaçait Sàmarie *.
' Pour quelque temps, mais non pour longtemps. Hoshea
n'était ni plus pervers ni plus méprisable que la plupart
des rois qui l'avaient devancé au trône ; peut-être même
valait-il mieux que beaucoup d'entre eux, car les tradi-
tions nationales, tout en le comprenant dans la censure
générale qu'elles infligent aux princes d'Israël, affirment
que, « s'il fît ce qui déplaît à Jahveh, il ne le fit pas au-
tant que ceux qui avaient été avant lui *. » Mais son
royaume ne se soutenait plus : les pays au delà du Jour-
dain, le territoire des tribus du nord, la Galilée, étaient
perdus ; le jour était venu où nulle énergie ne pouvait
plus sauver Éphraïm. Chacun le savait, le disait tout haut
et s'y résignait presque par avance. Gomme toujours les
prophètes voyaient dans ce qui arrivait le dessein de Dieu :
« Samarie, disait le prophète ïïoshea, sera désolée, car eDe
s'est révoltée contre son Seigneur ; ses habitants tomberont
sous l'épée, leurs petits enfants seront écrasés, et on fen-
1. n Rois^ XY, 30. Cf. Schrader^ Die Keilinsehriften und das Alte
Testament, p' 146 sqq. — 2. Ménandre d'Éphèse, dans Josèphe, Ant.
Jud.y IX, 4. — 3. II RoiSf xvii, 3. — 4., Ihid., xvn, 2.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 377
■
dra le sein de leurs femmes "enceintes*. » Du fond de Juda,
Jésaïah joignait sa voix à celle des voyants d'Israël : « Mal-
heur à la couronne d'orgueil des ivrognes drÉphraïm, à la
fleur fanée, la gloire de leur parure, qui est au front de la
grasse vallée de ces gens étourdis par le vin ! — Voici, un
fort et puissant homme vient de Dieu, comme une tem-
pête de grêle, comme un orage destructeur; comme un
tourbillon de grosses eaux débordées il jette tout à terre
avec violence. — Elle est foulée aux pieds la couronne
orgueilleuse des ivrognes d'Éphraïm ; — et la fleur fanée,
gloire de leur parure, qui est au front de la grasse vallée,
tombe comme une figue hâtive, avant la cueillée '. »
Hoshea lutta du moins autant qu'il put, malgré les con-
seils et les prédictions sinistres. Babylone et TÉlam, ces
ennemis perpétuels de T Assyrie j, étaient si loin, qu'en ce
temps de communications malaisées il ne devait pas comp^
ter sur leur appui ; Juda, les Philistins, Tyr, la Phénicie,
étaient trop faibles pour s'engager de grand cœur dans une
entreprise hasardeuse : toutes les anciennes alliances
d'Israël lui manquaient à la fois. Il en chercha de nou-
velles.
L'expédition de Sheshonq P' en Palestine n'avait été dans
l'histoire de la vingt-deuxième dynastie qu'un épisode glo-
rieux, mais peu durable. Il était arrivé alors à TÉgypte
ce qui arrive souvent aux peuples vieillis : l'avènement d'un
prince actif et vaillant semble leur rendre quelque chose
de leur vigueur première. Les troupes égyptiennes, même
celles d'alors, bien commandées et lancées résolument con-
tre les masses désordonnées des bandes syriennes, ne pou-
vaient manquer de réussir : Jérusalem tomba sous leur
effort et les villes de la Judée devinrent la proie du vain-
queur. Seulement, il n'y avait plus moyen de rendre cette
supériorité permanente : les éléments en demeuraient sans
efficacité dès qu'un Pharaon médiocre arrivait au pouvoir.
On le vit bien dans les siècles qui suivirent. Les succes-
seurs de Sheshonq ne surent pas tirer le même parti que
1. Hoshea, xm, 16. — 2. Jésaiah, xxvyi, 1-4.
378 CHAPITRE I?.
lui des ressources qui restaient entre leurs mains; ils
abandonnèrent sa conquête et ne parurent pas^se soucier
de ce qui se passait au dehors. Enfern^és dans les limites
de leur royaume, ils vécurent en paix avec tous leurs voi-
sins, j'entends avec ceux de leurs voisins qui voulurent
bien leur laisser la paix. Au moins employèrent-ils les
années tranquilles de leur règne à des travaux d'utilité pu-
blique. Ils construisirent dans toutes les grandes villes de
la Basse-Egypte, à Bubaste, leur résidence habituelle, à
Tanis, à Memphis*. Depuis la chute des Ramessides,
Thèbes avait toujours été perdant de son importance. La
population, attirée jadis par le séjour des rois et le mouve-
ment du commerce, s'était éloignée peu à peu : elle avait
presque entièrement disparu par endroits, mais elle s'était
maintenue assez dense autour des principaux temples pour
y former autant de bourgs et de villages que la ville an-
tique comptait de grands édifices. Les Pharaons, que leur
origine et les nécessités de la politique attachaient au
Delta, ne pouvaient remédier aux progrès de celte ruine.
Thèbes n'avait pas été seulement la capitale de rÉgypte,
elle avait été la capitale du monde à une époque où le
monde était égyptien : suffisg,nte pour un empire, elle était
trop grande pour un royaume et ne devait plus subsister.
Quelque soin que Ton mît désormais à réparer ses monu-
ments et même à en élever de nouveaux, on ne put y ra-
mener la vie qui se retirait peu à peu : ce fut moins une
ville qu'une sorte de musée où TÉgypte des dynasties glo-
rieuses se retrouva tout entière.
Osorkon P% Takelôt I*"", Osorkon II, Sheshonq II, s'étaient
succédé sur le trône, les Bubastites régnaient depuis cent
ans déjà; à n'en juger que l'apparence, rien n'était changé
dans 1 état général du pays, et pourtant des actions et des
réactions dont nous commençons enfin à deviner la nature
avaient porté l'Egypte quelques degrés plus bas sur la
pente qui la menait à la ruine. Pour éviter des usurpations
analogues à celle des grands prêtres d'Ammon, Sheshonq
et ses descendants s'étaient fait une loi de confier les
charges importantes à des princes de la famille royale. Un
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 379
fils du Pharaon régnant, et d'ordinaire le fils aîné, était
grand prêtre d'Ammon et gouverneur de Thèbes *, un autre
commandait à Sesoun, une autre à Elxnensou, d'autres
encore dans toutes les grandes villes du Delta et de la
Haute-Egypte. Chacun d'eux avait avec lui plusieurs ba-
taillons de ces soldats libyens Matsiou et Mashouash qui
faisaient alors la force de l'armée égyptienne et sur la fidé-
lité desquels il pouvait compter. Bientôt ces commande-
ments devinrent héréditaires, et l'ancienne féodalité des
chefs de nomes se rétablit au profit des membres de la fa-
mille royale. Le Pharaon continua de résider à Memphis
ou à Bubaste, de toucher l'impôt, de diriger autant que
possible l'administration centrale et de présider aux
grandes cérémonies du culte, telles que l'intronisation ou
l'ensevelissement d'un Hapi; mais, en fait, l'Egypte se
trouva partagée en un certain nombre de principautés dont
les unes comprenaient à peine quelques villes, tandis que
d'autres s'étendaient sur plusieurs nomes continus. Bientôt
les chefs de ces principautés s'enhardirent jusqu'à rejeter
la suzeraineté du Pharaon : appuyés sur des bandes de
mercenaires libyens, ils usurpèrent non-seulement les
fonctions de la royauté, mais Le titre de ^oi, tandis que la
dynastie légitime, réléguée dans un coin du Delta, conser-
vait à peine un reste d'autorité. Cette décomposition de
l'Egypte dut commencer bientôt après la mort de Shes-
honqP', mais on n'en rencontre aucun indice certain avant
le règne de Takelôt H. Le fils aîné de ce prince, Osorkon,
grand prêtre d'Ammon, gouverneur de Thèbes et des pays
du Midi, ne préserva l'intégrité du royaume qu'au prix de
guerres perpétuelles ^. Les révoltes augmentèrent de gra-
vité sous les successeurs de Takelôt II, Sheshonq III,
Pimaï et Sheshonq IV. Quand ce dernier mourut après
trente-sept ans au moins de règne *, l'autorité des Bubas^
1. Lepsius, Demkm.j III, 253, s. 244, p, 265, a, b, c, 256*— 2. Idem,
ibid., 256 ; cf. Brugsch, Histoire d'Egypte, t. I, p. 233, et Chabas,
Mél<mges égyptologiques, 2* série, p, 73-107. — 3. Mariette, Uensei-
gnements sur les Apis, dans le Bulletin archéologique de VAthenâeum
français, 1855, p. 98-100.
380 CHAPITRE IX.
tites était tellement affaiblie que la suzeraineté leur
échappa et passa aux mains d'une autre famille originaire
de Taûis. La dynastie Tanite jeta un instant d'éclat dans
ce siècle de révolutions rapides ; son fondateur Petsebast se
substitua à l'héritier de Sheshonq IV, pénétra jusqu'à
Thèbes* et parvint à établir sur ses contemporains une
suzeraineté précaire gu'Osorkon III et Psemout maintin-
rent tant bien que mal pendant près d'un demi-siècle *.
Sous leur domination l'Egypte en arriva à ce point de di-
vision qu'elle se trouva partagée entre près de vingt princes
dont quatre au moins s'attribuaient le cartouche et les in-
signes de la royauté *.
Au milieu de ces roitelets turbulents et pillards," une
famille parut que son énergie politique et le mérite des
hommes qui la composaient portèrent sans peine au-dessus
de ses rivales. Certes, il ne manquait ni d'habiles ni d'am-
bitieux à Tanis, à Khnensou, à Bubaste ; mais aucune des
villes ni aucun des souverains de cette époque ne jouèrent
un rôle aussi prépondérant que celui de Sais et des princes
qui la gouvernaient. Actifs, remuants, batailleurs, mêlés
à tous les événements qui s'accomplissent autour d'eux,
dès l'instant que nous les voyons apparaître sur la scène,
les Saïtes ont un but unique vers lequel tendent tous leurs
efforts : ils veulent déposséder les petits princes et fonder
sur les débris des dynasties locales qui ruinent le pays
une dynastie nouvelle dont l'autorité s'étende sur l'Egypte
entière. L'histoire du temps est au fond l'histoire des
tentatives qu'ils font pour arriver à leurs fins et des échecs
qui retardent à chaque instant les progrès de leur am-
bition. Les petits princes coalisés contre eux, mais in-
capables de résister, appellent l'étranger à leur secours
et trahissent l'intérêt de la patrie commune au profit de
leurs intérêts particuliers. De là les invasions éthiopien-
nes : la dynastie koushite arrête un moment les empiéte-
ments de la famille Saïte, sans pouvoir ni' l'abattre, ni
1. Lepsius. Denkm., III, 259, a, b. — 2. Idem, Ueher die IXir* Ko-
nigsdynastie. — 3. Cf. de Rougé, Mémoire sur une inscription histori-
que de Piârikhi Meriamoun, p. 15 sqq.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 381
même la décourager. L'insuccès de Tawnekht ne sert pas
de leçon à Bokenranw ; le désastre de Bokenranw ne fait
pas hésiter ses successeurs. L'intervention assyrienne n*est
pour eux qu'un moyen d'user la puissance éthiopienne.
Les Éthiopiens vaincus, les Assyriens occupés en Asie,
Psamétik reprend l'avantage et finit par donner de la réa-
lité au rêve constant de sa race. En quelques années, il
réunit sous sa main le pays tout entier et établit solide-
ment cette vingt-sixième dynastie sous laquelle l'Egypte
devait vivre encore quelques jours de^ gloire et de prospé-
rité *.
Tawnekht est le premier des Saïtes qui nous soit connu
par les monuments. Il était d'origine obscure et ne possédait
de son chef que la petite ville de Nouter, près de GaLnope '.
Quelques expéditions heureuses contre ses voisins les plus
proches lui permirent bientôt d'étendre le cercle de ses en-
treprises. Ce fut surtout une guerre de sièges. Les souve-
rains locaux, maîtres chacun d'une part ou d'une parcelle
du territoire national, ne pouvaient durer que par la force
des armes : ils se sentaient en pays ennemi, et pour se met-
tre à l'abri des ambitions riyales ils avaient dû se retran-
cher fortement. Depuis un siècle, le sol s'était hérissé de
citadelles nouvelles, placées aux points stratégiques de la
vallée, Sur les rares monticules qui s'élèvent au bord du
Nil, dans les îles du fleuve ou à la rencontre des canaux
de navigation. Embastillés dans leurs châteaux et dans
leurs villes fortes, entourés de mercenaires Mashouash et
Tahennou, les petits princes opposaient à l'envahisseur une
résistance acharnée. Tawnekht triompha d'eux. Il s'em-
para de tous les nomes situés à l'occident de la bran-
che principale du fleuve, le Saïte, l'Athribite, le Libyque,
le Memphite. Respectant les régions situées à l'orient du
Delta, où les Tanites continuaient de régner, il remonta le
cours du Nil : Meïtoum, le Fayoum, Khnensou et son roi
Pewââbast, Sçsoun et son roi Osorkon, le reconnurent pour
1. Maspero, dans la. Revue critiqike, 1869, t. H, p. 377. — 2. En copte
Manouti, près de Ganope (Brug^ch.^ G, Ins, t. I, p. 289-290^ et Gham-
pollion^ UÉgypte sous les Pharaons, t. II, p. ^62).
383 CHAPITRE IX.
maître. Il passa ensuite sur la rive droite et reçut Thom-
mage de On et de Panebtepâhe. Il poursuivait le cours de
ses succès et venait de mettre à contribution le nome de
Ouàb, quand les cbefs encore insoumis du Delta et de la
Haute-Egypte s'adressèrent au seul pouvoir qui fût alors
capable de lui tenir tête, à TÉthiopie *.
Les descendants des rois-prêtres d'Ammon-Râ, exilés en
Nubie par les Pharaons de la XXI® dynastie, y avaient
fondé, avec les provinces conquises vingt siècle» plus tôt
par les Ousortesen , un royaume indépendant dont la ca-
Î)itale était Napata *. Bâtie au pied d'une colline à laquelle
a piété des habitants avait donné le nom de montagne
sainte [Dou ouab) et longtemps considérée comme un des
chefs-Keux de la province égyptienne d'Ethiopie, Napata,
aux mains de ses nouveaux maîtres, devint une sorte de
Thèbes éthiopienne modelée, autant que possible, à Timage
de Thèbes d'Egypte. Ammon-Râ, roi des dieux, avec Moût
et Khons, y trônaient en souverains; le temple était con-
struit à l'imitation des sanctuaires de Kamak^ les cérémonies
qu'on y célébrait étaient les cérémonies du culte thébain.
Les rois, prêtres avant tout^ comme ils l'avaient été
dans leur patrie thébaine, étaient les chefs d'un État sa-
cerdotal dont les limites varièrent selon les époques, mais
qui s'étendait d'ordinaire des montagnes d'Abyssinie à la
seconde cataracte.. Dans la vallée même, depuis Syène jus-
qu'au confluent du Tacazzé, les colons de race égyptienne
formaient le fond de la population ; dans les pleines du
haut Nil se trouvaient des nations de races différentes. Les
unes étaient noires; les autres, alliées aux Bimyarites et
venues de l'Arabie méridionale, parlaient un idiome sémi--
tique; d'autres enfin se rattachaient par le type et la
langue aux Égyptiens et aux Berbères. Pendant les pre-
miers temps, l'élément égyptien l'emporta et dirigea la
politique générale. Sans cesse ramenés vers Thèbes par
tous les souvenirs de leur origine et par leurs traditions
1. Mariette, Monuments diveti, t. I, pi. I, l. 1-7. Cf. de Rougé, Mé-
moire sur une inscription historique de Piânkhi Méiamoun, p. 3-4^
21 -23. — 2. Voir plus haut, p. 336.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 383
religieuses, les rois-prêfres de Napata essayèrent de re-
couvrer au moins le sud de l'Egypte. Ils y réussirent vers
le milieu de la XXHI^ dynastie et poussèrent leurs avant-
postes jusque dans les environs d'Abydos.
Piânkhi-Meîamoun, celui d'entre eux à qui les princes
égyptiens adressèrent leur requête, régnait déjà depuis
viûgt ans lorsqu'on vint lui proposer la conquête de TÉ-
gypte. L'idée de réunir toute la vallée du Nil sous un
même sceptre lui sourit, il donna aux troupes qu'il avait
en /rhébâïde l'ordre de se porter en avant sans retard,
tandis que lui-inême rassemblait à Napata le gros de ses
fol-ce^ et se préparait à entrer en campagne. La guerre
débuta par un succès : la flotte éthiopienne rencontra au
nord d'Abydos la flotte de Tawnekht qui cinglait vers
Tbèbes, chargée de soldats et de munitions, en détruisit
une partie et força l'autre à la retraite. Une autre flotte,
montée par les contingents de trois rois et de tous les vas-
saux de Tawnekht, fut battue après un combat de trois
jours, et les Éthiopiens vinrent aborder au nome d'Oun.
La lenteur de leurs mouvements permit au roi Nimrod de
se jeter dans Sesoun et de la mettre en état : une partie
des troupes d'invasion resta en observation devant la
place, tandis que le reste continuait de marcher vers le
nord et prenait sur la rive gauche Pamatset, sur la rive
droite Ta Tehni Oernakhtou * et Hebennou. Nimrod, cerné
de tous côtés, ne pouvait plus espérer le secours de ses
alliés ou de son suzerain : il n'en continua pas moins la
résistance et tint les envahisseurs en échec. D fallut pour
le réduire l'arrivée de Piânkhi lui-même, à la tête de nom-
breux renforts. Piânkhi changea le blocus de Sesoun en
siège régulier : il fit élever des ag gères contre la muraille
ef dresser des tours chargées d'archers et de frondeurs.
En trois jours la place, battue de tous côtés à la fois, ne
fut plus tenable, et son commandant fit demander grâce
par sa femme, la reine Nestentnes, et par les dames dû
I. Aujourd'hui Tehneh, sur la rive droite du lïîl^ un peu au-dessouft
de Minieh. Cf., sur Tehneh^ Wilkinson, EaMhooh^ p. 275-^76.
384 CHAPITRE IX.
harem. Piânkhi le reçut à merci, entra dans la ville au
bruit des acclamations, -alla prier au temple de Thot et
prit solennellement possession du butin au nom d'Am-
mon Thébain. La chute de Sesouu entraîna la soumission
de toute là moyenne Egypte. Khnensou se rendit sans ré-
sistance, ainsi que Pa Râ-Khemkhoper*, qui commandait
rentrée du Fayoum. Meïtoum, Pa SokarsehatsetmêmeTe-
taouî, suivirent cet exemple : Piânkhi parvint aux portes
de Memphis presque sans coup férir.
A peine arrivé, il envoya sommer la viUe. « Ne fermez
point [vos portes] ; ne combattez point contre le pays de
l'intérieur*. Shou, le dieu de la création, quand j'entre, il
entre; quand je sors, il sort: [aussi] ne peut-on résister à
mes attaques. Je ne veux qu'offrir des offrandes à Ptah et
aux dieux du nome Memphite; je veux honorer Sokar
dans sa chapelle, voir le dieu Res-anb-ew, et puis je re-
tournerai en paix. [Si vous me livrez] Memphis, elle sera
épargnée, et on n'y fera pas même un petit enfant pleurer.
Voyez les nomes du Midi : on n'y a massacré personne,
excepté les impies qui avaient blasphémé Dieu. On a
exécuté ces obstinés. » Piânkhi avait fait appuyer ses pa-
roles d'un détachement d'archers, de matelots et de soldats
du génie, qui devaient s'emparer du port de Memphis. La
garnison était sur ses gardes : elle repoussa ces troupes
et leur infligea des pertes sérieuses. Bientôt après Taw-
nekht profita d'une nuit obscure pour se jeter dans la
place avec un grand convoi d'armes et un corps de huit
mille hommes, fortifia les. points faibles de l'enceinte et
partit \iers le nord afin de rassembler une nouvelle armée.
Il comptait sur une longue résistance, mais la flotte éthio-
pienne, trompant la vigilance des assiégés, pénétra par
surprise dans le port et y captura tous les navires qu'elle
trouva, tandis qu'une partie de l'armée se glissait le long
de la rivière et s'introduisait dans la ville par les quais.
Après deux jours de bataille dans les rues, la garnison
1. Place forte située à l'entrée du Fayoum, aujourd'hui Illahoun, —
2. Khennou, la Haute-Egypte et rÉthiopie.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 385
mit bas les armes, et Piânkhi put reprendre sa marche en
avant. Il s'empara de toutes les forteresses avoisinantes et
ne s'arrêta qu'un instant à Héliopolis pour y célébrer le
sacrifice royal. « Il monta Tescalier qui conduit au grand
adyton pour y voir le dieu qui réside dans Ha-benben, lui,
lui-même. Tout seul, il tira le verrou, ouvrit les battants,
contempla son père Râ dans Ha-benben, mit en ordre la
barque Mâd de Râ, la barque Seket de Shou ; puis il ferma
les battants, plaça la terre sigillaire et y imprima le sceau
royal. » C'était en quelque sorte prendre possession du pou-
voir suprême. Gsorkon de Bubaste reconnut le nouveau
Pharaon ; un mouvement des Éthiopiens décida les autres
princes du Delta à suivre son exemple, Tawnekht, aban-
donné de ses vassaux, demanda la paix, et Piânkhi la lui
accorda sans conditions. Après avoir reçu non loin d'Athri-
bis, au cœur même de la basse Egypte, l'hommage de ses
sujets, il reprit le chemin de son royaume et rentra dans
Napata, chargé de gloire et de butin, « d'or, d'argent,
de bronze et de vêtements précieux, de tous les bons pro-
duits des pays du Nord, de toutes les denrées de la Syrie et
de l'Arabie*. »
Pour la première fois depuis deux cents ans, le royaume
des Pharaons était reconstitué des sources du Nil Bleu
aux bouches du fleuve, mais non plus au profit de l'E-
gypte. L'Ethiopie, si longtemps vassale, devenait maî-
tresse à son tour : Napata régnait à la place de Thèbes et
de Memphis. On ne sait combien de temps dura ce pre-
mier asservissement : peut-être autant que la vie de Piân-
khi, peut-être moins. La victoire des Ethiopiens n'avait
pas détruit les éléments de discorde qui s'agitaient dans
le pays. Les petits rois qui avaient appelé l'étranger à
leur aide ne s'étaient pas livrés sans réserve : ils avaient
voulu garder leur indépendance et la gardèrent, en effet,
sous* des apparences de soumission. Tawnekht avait été
vaincu, mais non réduit à l'impuissance. Il avait même
1. La grande stèle de Piânkhi, publiée par Mariette, Monuments
ttfvers, pi. I-VIII, a été traduite en français) par M. de Bougé, en alle-
tn.ind par M. Lauth, et en anglais par M, Cook.
ttist. iNû» 35
366 CHAPtTËE IX.
gagné à sa défaîte la reconnaissance de son pouvoir. Ce
n'était plus seulement un aventurier heureux, un chef
militaire sans autre titre que ses victoires-, sans autre
droit que le droit du plus fort. Piânkhi, en le recevant
à merci, lui avait donné Tinvestiture officielle pour lui et
pour sa famille. Il régnait désormais à Sais aussi légiti-
mement qu'Osorkon III à Buhaste, Nimrod à Sesoun,
Pewââbast à Khnensou, et les autres princes dans les
autres villes de TÉgypte. L'Ethiopie était loin, la dynastie
tanite sans force et sans prestige ; il ne dut pas tarder à
reparaître sur la scène.
Les événements favorisèrent son ambition et celle de
son fils. Piânkhi mourut quelque temps après son re-
tour d'Egypte, et nous trouvons à sa place un certain
Kashta, dont le nom trahit une origine étrangère à la
lignée des grands prêtres d'Ammon. Kashta était ar-
rivé au trône par son mariage avec une princesse en-
core inconnue de la famille thébaine, peut-être avec une
fille de Piânkhi. On est porté à croire que son avène-
ment et le changement de dynastie amenèrent des trou-
bles qui Tobligèrent à retirer les troupes de la moyenne et
de la basse Egypte*. Bokenranw, qui venait de succé-
der à Tawnekht, reprit les projets de son père et, ne trou-
vant plus d'Éthiopiens devant lui, réussit à les exécuter.
Le succès fut grand et l'homme ne manquait ni de valeur,
ni d'énergie : longtemps après sa mort, le peuple racontait
sur son compte toutes sortes de légendes merveilleuses*.
Il était, dit-on, faible de corps et manquait d'extérieur,
mais rachetait ces défauts par la finesse de son esprit ' : il
avait laissé la renommée d'un prince simple dans son
genre de vie *, d'un législateur prudent * et d'un juge in-
tègre ^ Les rares monuments que nous avons de son règne
1. Sur Kastila, v. Mariette, Notice des principaux monuments , et
Monûmetiis divers, ^l. XLVIII, s.; dé l^ougé, Etude sûr les monu-
ments du règne de Tahraka, dans^ le» Mélanges d'' archéologie égyptienne
et assyrienne, t. I, p. 87-88. — 2. Élien rappelle.... tov Boxx^ptv xèv 4^86-
IJievov êxfeTvov (tt. An., xn, 3).— 3. Diodore, I, 65,94.-4. Alexis, ûSlus
Athénée, X, 13; 418. — 5. Ciodore, II, 94.-6. Plutarque, Devitios, Pud. 3.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. éÉi
sont iïiuetB sur ses actions*, mais ce que nous savons de
la vie de Tavirneklit éclaire d'une vive lumière là vie del
son fils. Cô fut une lutte incessante contre les petits prin-
ces, une série de guerres perpétuelles, d'abord!^ pour con-
quétir lé Delta et l'Egypte moyenne, ensuite pour conserver
la conquête et y maintenir à grand'peine une domination
précdrè. Les contemporains n'avaient pas foi dans la du-
rée de la dynastie, et les dieux eux-mêmes annoncèrent sa
chtite par divers présages nienaçaiits ^. Et de fait la ca-
tastrophe ne se fit pas longtemps attendre. Kashta était
mort, laissant pour héritier un fils, Shahak (Sabacon), et
une fille, Amieniritis. Shabak .était, comrne l'événement le
prouva bientôt, un priùcè actif et énergique, à qui la ré-
bellion des Saîtes et l'établissement d'une dynastie nou-
velle ne pouvaient convenir. Il partit à la conquête de
l'Egypte et fut, sans doute, aidé dans son entreprise
comme Piânkhi l'avait été auparavalit par tous les petits
princes des nomes. Bokenranw, battu, fut pris dans Saïs
après sept ans de règne et brûlé vif comme rebelle*. Cette
fois la dynastie saïtè s'était attiré un échec qui semblait
devoir mettre ses prétentions à néaiit. Dépouillés de leurs
titres et de leurs domaines , les parents de Bokenranw s'en-
fuirent dans les marais du Delta et réussirent à y mainte-
nir leur indépendance. L'histoire de leur vie errante finit
par y devenir populaire et donna naissance à la légende de
Taveugle Anysis qui, rélugié dans une petite île du lac Men-
iàleh*, y attendit cinquante ans le départ des Éthiopiens ^
Il ne s'agissait plus, cotnme au temps de Piânkhi, d'éta-
blir une- sorte de vasselage sur l'Egypte : Shabak prit le
]|>rotocole des Pharaons, et devint le chef d'une dynastie
1. Ifcs sont aujourd'hui au Louvre, et se rapportent tous aux funé-
railles de TApis mort en l'an yi de Bokenra^iw. Cf. Mariette, Rensei-
ânemenis sur tes Apis y dans le Bulletin archéoiogique de l^Athenœum
ftançais; 1856, p. 58-62. — 2. Ainsi TapparitioA d'un bélier à deux
têtes et à huit pattes* doué de voix humaine (Elien, M. An., xii, 3) ;
ôf. Manéthon, édit. Unger, p, 241. — 3. Manéthon, édit. Unger,
p. 246; cf. de Rougé, Inscription historique de Piânkhi Meïamoun,
p. 23. — 4, Thennêsis, d'après* Lepsius. — 5. Hérodote, II, cxxxyii-cxl.
388
CHAPITRE IX.
nouvelle composée tout entière de rois éthiopiens*. Il
essaya du moins de réorganiser le pays auquel il s'impo-
sait, et de faire oublier par la sagesse de son administra-
tion l'odieux de son origine étrangère. Les princes locaux
furent respectés, mais surveillés de près et contraints à
obéir comme de simples gouverneurs. Leur soumission
et la réunion du pays entre les mains d'un seul homme
rendirent faciles certains travaux d'ensemble que les
guerres des siècles antérieurs n'avaient pas permis d'exé-
cuter. Les chaussées furent réparées, les canaux nettoyés
et agrandis, le sol des villes exhaussé et mis à l'abri
de l'inondation. Bubaste surtout gagna à ces travaux*,
mais les autres villes ne furent pas négligées. Par ordre
du roi, plusieurs des temples de Memphis qui étaient
tombés en ruine furent restaurés et les inscriptions ef-
1. Voici, autant qu'il est possible de le recomposer jusqu'à présent, le
tableau des vingt - deuxième, vingt - troisième et vingt-quatrième dy-
nasties :
OjopOùy.
MeSâmoun,
VINGT-DEUXIEME DYNASTITE BUBASIFE
I. — Râ-OUTS KHOPER 8TEPENRA SHESHONQ I*' MEÏAMOUN
n. — Ra-khem-khoper stepenra Osorkon I**" Meïamoun
ni. — Ra-outs stepenamen nooter-hiq-an Takelot !•'
Se Isi.
rv. — Ra-ousbr-ma stepenamen Osorkon n MeTamoun Se Bast.
V. — Ra-sekhem-khoper stepenamen Sheshonq II Meïamoun.
VI. — > Ra-outs-khoper stepenra Takelot II Meïamoun Se Isi ,
TaxiXotOiç.
VII. — Ra-odsor-ma stepenamen Sheshonq III Meïamoun Se Bast.
VIII.— Ra-ousor ma stepenamen Pimaï Meïamoun.
IX. — Ra-aa-khoper Sheshonq IV Meïamoun.
VINGT-TROISIÈME DYNASTIE TANITE
1. — RA-SEHER PeTseBAST, niTOuSâ(rci(.
II. -~ Ra-aa-khoper stepenamen Osorkon III Meîamoun-Ra 'Omfjfi
m. — RA-OUSOR-PTAH stepenra PSEMOUT. VttjfcjJiooç
IV.— — — ZiIt.
VINGT-QUATRIÈME DYNASTIE SAITE
{Tawnehhtf Tlxvatiç, Tvc'çaxOo;, Tvsçaxôàç, NeoxaSiC*)
I. — RA-OUAH-KA BOKSNRANW. * Bàwtç
Ji
IlcroJoto, It, 136-138; Diodorc, I, G5.
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN 389
facées par le temps furent gravées à nouveau*. Thèbes,
placée directement sous Fautorité de la reine Ameni-
ritis, profita largement de la bienveillance de ses nouveaux
maîtres. A Louqsor, on refit la décoration de la porte
placée entre les deux massifs du grand pylône ; à Karnak,
on répara plusieurs parties du temple d'Ammon. Pour
trouver les bras nécessaires, Shabak remplaça la peine de
mort par celle des travaux publics, et cette politique bien
entendue lui valut par toute TÉgypte un renom de clé-
mence *. Le pays, rendu enfin à la tranquillité, commença
dé réparer ses ruines avec cette puissance de vitalité mer-
veilleuse dont il avait déjà donné tant de preuves.
Une renaissance aussi inattendue devait attirer l'atten-
tion des peuples étrangers. Si naguère encore les rois
d'Israël et de Juda avaient recherché Tappui d'un roitelet
confiné à Tanis dans un coin du Delta, que ne devaient-
ils pas faire pour s'assurer l'amitié d'un prince dont la
domination s'étendait des régions fabuleuses de l'Ethio-
pie aux rives de la Méditerranée, et qui pouvait mettre sur
pied des armées aussi considérables que celles du roi
d'Assyrie? Phéniciens, Juifs et Philistins, tous les peuples
que l'ambition de Touklat-habal-asar avait inquiétés, sen-
tirent que, si le salut pouvait venir de quelque part, ce no
pouvait être que d'Egypte. Hoshea envoya des présents
à Shabak et lui demanda son alliance contre Salmana-
sar*. Divers motifs poussaient l'Éthiopien à bien ac-
cueillir ces ouvertures. Il savait que ses prédécesseurs
égyptiens avaient possédé la Palestine et porté leurs
l.Sbarpe, Egypt. Inscript. , I, 30; cf. deRougé, Sur quelques mo-
numents du règne de Tahrakaj dans le Recueil, l, p. 12, 20-21 ; Good-
Yrin, Upon an inscription of the reign of Shahaka, dans Chabas, Mé-
langes égyptologiqueSy 3' série, t. I, p. 349 sqq. — 2. Hérodote, H,
137 ; Diodore, I, 65. -— 3. II, Rois xvii, 4. Le texte hébreu nomme
K*1D, Sévé, Soita, 5(5, le Pharaon auquel Hoshea s'adressa; d'autre part les
textes assyriens nomment Shabak, Suabé et son successeur Shabatak,
Shabtié. m. Oppert a donné la raison de ces divergences extraordinaires
entre l'égyptien, l'assyrien et l'hébreu {Mémoire sur les rapports de VÉ-
gypte et de l* Assyrie, p. 12-14). Le ghéez possède une classe de gutturales
particulières qu'on ne retrouve dans aucune autre des langues sémitiques
et dont une entrait dan» le nom des deux monarques éthiopiens. L'hé*
390
CHAPITRE IX.
armes jusqu'au Tigre : ce qui avait éti jadis possiblfi
e| glorieux lui paraiss^t être possible encore à Pheuir^
présente. Et quand même le désir d'ajouter un nom de
plus à la longue liste des pharaons conquérants ne l'aurait
pas bien disposé ep faveur des Juifs, la prudencQ lui con-
sQillait de ne pas les décourager. Le progrès des Assyrien^
VQrs l'isthme de Suez, lent d'abord, av9.it pris depuis vingt
ans une rapidité menaçante et d^venait pour l'Egypte unp
source de craintes perpétuelles. Il fallait ou vaincre les
nouveaux maîtres de l'Asie et les rejeter ^u delà de TSu-
ptir^te, ou du moins maintenir devant eux une })^rière
de petits royaumes, contre laquelle vînt s'amortir l'^iïort
de leurs attaques. Sbabak affecta de considérer les prése|its
d'Hosbea comme un tribut et ses demandes de secours
comme un hommage : les mui'ailleç de I^arnak, qui avaient
j^dis enregistré tant de fois les noms des peuples vaincus,
enregistrèrent complaisamment ce que la vanité de TÉtbip-!
pi§n appelait « les tributs de la Syrifi ».
Ces négociations n'avaient pu être si secrètement con-
duites qu'elles échappassent à l'attention des Assyriens.
SalmaQasar, informé de ce qui se passait, manda Hosbea
près de lui, et le Juif, pris à l'improvistfi, dut obéir aux
ordres de son suzerain. S'il s'était imaginé pouvoir justi-
fier sa conduite, cette illusion fut crqellemeiit déçue : i^
fut jeté en prison et y disparut oublié de tous. L'arméa
assyrienne entra sur le territoire d'Israël ^t mit une der^
nière fois le siège devant Samarie. L'aristocratie d'Éphraïm,
breu supprime entièrement cette lettre embarrassante, Sévé, S<ma,
S6 ; l'égyptien lui donne pour équivalent le son plus rude de &, "i , Sha-
bak ; l'assyrien enfin prend un terme moyen entre ces deux extrêmes
et rend la lettre en question par un signe qui équivaut à peu près au
V hébraïque. On a donc pour les noms des rois éthiopeins la gamme
de variantes :
Éthiopien.
Shabak*
Shabatok*
Tahraqa
l^gyptien.
Shabak
Shabatok
Tahraqa
Assyrien.
Shabé'
ShabtW
Tarqou
Ilëbren. Grec.
£affafx«*y
T«pw)ç.
Teifaxoç.
Sévé, Souaf So ZaSebcMv (Hér.)
Tihrakah Tm^xA (Strab.)
e«e«lxigç (Jos.)
■ ■ ■ \ - -
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN. 391
privée de son chef, n'en résista pas moiiiQ bravement.
Sbabak ne jugea pas à propos d'intervenir au profit d'al-
liés dont la cause paraissait si complètement perdue,
mais le secours vint d'autre part. Tyr avait fini par
triompher des Kitiens et son roi Louliya venait de se ré-
volter à. son tour contre l'Assyrie. Salmanasar laissa un
corps d'armée devant Samarie et se rendit de sa personne
en Phénicie. Le domaine de terre ferme des Tyriens tomba
rapidement en son poiyoir, mais la ville elle-même, pro-
tégée par la mer, défiait tous ses efforts. Il rassembla chez
ses vassaux de Sidon, de Gebel et d'Arad soixante vaisseaux
sur lesquels il embarqua des troupes assyriennes, afin de
tenter une descente dans l'île. Cette flotte fut détruite par
une escadre de douze navires tyriens, et cinq cents Assy-
riens tombèrent aux mains de l'ennemi. Salmanasar re-
nonça dès lors à toute attaque directe, et changea la guerre
en une sorte de blocus continental, dans l'espoir que le
manque d'eau obligerait Tyr à se rendre*. Il .y usa les
forces de son royaume et le reste de sa vie : le blocus de
Tyr et celui de Samarie duraient déjà depuis deux ^ns,
quand il mourut sans laisser d'enfants, après cinq ai^nées
de règne. Saryoukin (Sargon), l'un des grands officiers de
la couronne, lui succéda dans le commandement dq l'ar-
mée et dans l'administration de Tempire ^.
1. Ménandre 4'Éphèse dans Josèpbe, Ant. Jud., VIII. — 2. Volci^
autant qu'il est permis de le rétablirai le tableau dç la seconde dynastie
assyrienne :
I. — Bel-kat-irassou (vers
1020-1010).
II. — Salman-asar II (1010-
990).
III. — iRiB-Bm (990-950) .
IV. — ASSOUR-IDIN-AKHÉ ( 950-
930).
V.'— A^SOUR-DAN-IL I*' (930-, m).
VI. — BiN-NIRARI II (...-889).
VII, — TOUKLAT - AdAR II
(889-882).
VIII. — ASSOUR - NAZIR - HABAL
(882-857). I XVI.—
IX. — Salman-asar III (827-
.822).
[ASSOUR - DA.NIN - HABAL]
(829-822).
X. — Samsi-Bin III (822-809).
XI. — BiN-NiRARi III (809-780) .
XII. — Salman-asar IV (780-
770).
XIII.— ASSOUR-DAN-IL II (770-
752).
XIV. — AssouR-NiRARi (752-745) .
XV. — TOUKLAT-HABAL-ASAR II
(745-726).
Salman-asarV (726-721).
392 CHAPITRE IX.
On ne sait trop quels droits Saryoukin pouvait avoir à
la couronne : peut-être il se rattachait par quelque alliance
lointaine à la famille qui venait de s'éteindre ; peut-être
il n'avait d'autre titre à la royauté que sa valeur person-
nelle et l'éclat des services rendus pendant les règnes pré-
cédents. Dès le début, il se trouva engagé sur deux points
à la fois en Susiane et en Syrie. La Syrie était loin de
Ninive : un échec aux bords de la Méditerranée ne com-
promettait pas l'existence de TeÉDipire : le nouveau roi
courut au plus pressé. Les Susiens qui avaient cru pouvoir
tirer parti des troubles qu'un changement de dynastie au-
rait dû soulever, furent déçus dans leurs espérances.. Ce
fut en vain qu'ils rallièrent l'armée chaldéenne afin de se
mettre au moins le nombre de leur côté. Saryoukin battit
Susiens et Ghaldéens réunis dans les plaines de Kalou, puis
hâta de tourner ses armes contre les peuples de Palestine.
La ténacité de Tyr et la. résistance prolongée de Samarie
avaient encouragé bien des princes à la révolte ; il fallait
réprimer leurs velléités sur-le-champ, ou se résigner
à lutter dans un bref délai contre une coalition générale
des populations syriennes. Saryoukin se porta de sa per-
sonne au camp devant Samarie : le siège, mené vivement
contre une garnison déjà épuisée par deux ans de lutte, se
termina bientôt par la chute de la place. Elle fut pillée et
toute la population emmenée en captivité <c à Kalakh et
sur le Khabour, sur le fleuve de Gozan et dans les villes
des Mèdes*. » Elle fut remplacée par des Ghaldéens faits
prisonniers à Kalou, et plus tard par des colons venus
d'Hamath : un gouverneur assyrien s'installa dans le palais
des rois d'Israël, et les temples des dieux se dressèrent à
l'endroit où s'étaient élevés les autels de Jahveh. Une
partie du peuple des campagnes ne put supporter la dpmi- '
nation étrangère et s'exila : les uns s'arrêtèrent en Judée
auprès du roi Hizkiah, les autres s'enfuirent jusqu'en
Egypte ^
1. 27 280 âmes, au témoignage de Saryoukin lui-même (Oppert, /n-
scnpHon du. palais de Khorsahad). — 2. II JRow, xvir, 30; cf. Schrader,
VfSxiiu' par t /. (ran/ti\'/'
i
LE SECOND EMPIRE ASSYRIEN.
393
Ainsi tomba Samarie, et avec Samarie le royaume d'Is-
raël, et -avec Israël la dernière barrière qui séparait l'E-
gypte de TAssyrie". La marche en avant commencée par
Assour-nazir-habal était enfin terminée : comme jadis sur
TEuphrate et le Tigre, les deux puissances rivales se trou-
vaient face à face sur la frontière de l'Afrique et de l'Asie,
toutes prêtes à se disputer une fois encore l'empire du
monde.
Die Keilinschriften und dos AUe Testament y p. 158-168. — 1. Voici la
listp des rois' d'Israël :
I.
— JÉROBOAM I".
1 II. — Nadab.
MAISON DE BAESHA.
III.
— Baesha.
1 IV. — Elah.
V. — ZIMRI.
MAISON D'OMRI.
VI.
VIL
— Omri.
— Akhab.
VIII. — Akhaziau.
IX. — Jehoram.
MAISON DE JEHU.
1
X.
XI.
— Jehu.
— JEIIOAKHAZ.
XII. — Jehoash.
XIII. — Jéroboam II.
XIV. — Zakariah.
XV. — Shalldm.
XVÏ. — Menakhem.
XVII. — Pékakhïah.
XVni. — PftKAKH.
XIX. — HOSHEA.
LIVRE IV.
LES SARGONIDES ET LE MONDE ORIENTAL
JUSQU'A L' AVÈNEMENT DE KYRQS.
CHAPITRE X-
LES SARGONIDES^
Saryoukin (721-704) ; guerres contre TÉgypte, rÉlam et rArménie ;
conquête de la CliaWée.^— Sin-akhè-irib (704-681); Tahraqa et Hiz-
kiah; guerres contre TËlam; Assour-akhé-idin (681-667); campagnes
d'Arabie. — Les Assyriens en Egypte ; Tahraqa (692-666) ; conquête
de l'Egypte par Assour-akhè-idin (672) ; Assour-ban-habal (667-6. .);
conquête de l'Élam
Saryouklit (ftl-fe4)} guerres contre l'iË^ypte, l'ÉUun
et l'Arménie | eenc|pête 4ci la Chaldée.
La croissance de l'Assyrie s'était faite jusqu'alors aux
dépens de tribus à moitié barbares ou de petits royaumes
impuissants à résister longtemps contre des forces supé-
rieures. La destruction pystématicrue de ces tribus et la
chute progressive de ces royaumes la laissèrent partout en
présence d'États aussi solidement organisés qu'elle-même
pouvait l'être et capables non-seulement de lui tenir tête,
mais de la battre. Au sud-ouest elle confinait à l'Egypte ;
au nord, elle rencontra le royaume d'Ourarti ; au sud-est,
la conquête des principautés chaldéennes la mit en con-
tact direct avec le vieil empire d'Élam. L'Egypte, l'Ou-
rarti, l'Élam, arrêtèrent son élan et formèrent entre elle
et le reste du monde une barrière qu'elle ne parvint ja-
1 . Le nom patronymique des descendants de Saryoukin a été dérivé
de la forme Sargon, que le nom de Saryoukin prend dans Jésaïah,xx,l.
L£S SAKaONIDBS. 39^
mais i frapchir. Saryoukin et ses successeurs ne cessèrent
pas, un demi-siècle durant, de remporter des victoires sur
les armées de ces trois royaumes, d'envahir leurs villes,
d'y installer des gouverneurs, des princes vassaux et desf
garnisons. Il n'était pas aussi facile d'occuper un pay^
comme l'Egypte que de mettre la main sur Hamath oi^
sur Samarie. Les succès des Assyriens aux bords du
Nil, de l'Aras et de l'Oulaï ne furent que succès éphé-
mères, promptement effacés par des désastres : leurs soir
dats furent chassés autant de fois qu'ils crurent avoir
réussi à s'établir solidement. Il est vrai qu'ils finirent par
user leurs ennemis à force de victoires ; mais leurs vic-
toires les usèrent eux-mêmes. En abattant l'Egypte et
l'Élam, ils croyaient travailler pour eux : ils travaillaient
pour les Perses.
Dès les premières années de son règne, Saryoukin fut
engagé avec ces trois ennemis de sa puissance. A Kalqu, en
721, il avait frappé le roi d'ÉJam, Khou^mbanigas ; l'année
d'après il eut affaire à l'Egypte. La ruine dlsraël n'ave^it
porté atteinte ni aux projets de Shabak, ni aux espérances
des Syriens. Tous les princes encore ij^dépendants, depuis
l'Euphrate jusqu'au Sinaï, sans cesse menacés de la dépo-
sition, de l'exil ou de la mort, tournaient leurs yeux vers
le monarque éthiopien et n'attendaient plus qu'un signal
de lui. Jahoubid*, roid'Hamath, usurpateur comme Sarypu-»
kin lui-même et le personnage le plus important du pays
depuis que Retzîn ét^it mort, les chefs d'Arpad et de
Damas, les Phéniciens de Simyra, les quelques Juifs
demeurés à Samarie, étaient prêts à prendre les armes.
Les Tyriens défiaient tous les efforts tentés pour les ré-
duire. Jjes chefs Philistins, les rois de Moab et d'Ammon,
Juda lui-même, étaient ouvertement ou secrètement hos-
tiles à l'Assyrie. Depuis 727, Jérusalem était gouvernée
1. n est nommé ailleurs Ilou-bid par échange du nom diyin lahou^
lahvehj avec le nom divin Ilou, On a quelque raison de croire que
certaines inscriptions en un caractère hiéroglyptiique spécial trouvées
récemment à Hamath appartiennent au règne de ce prince^ ou du moins
au siècle dans lequel il vivait,
396 CHAPITRE X.
par Hizkiah, fils d'Akhaz. Hizkiah avait montré dès sa
jeunesse une piété ardente et s'était remis aux mains des
prophètes. Le plus célèbre d'entre eux et celui qui eut le
plus d'influence sur les destinées du peuple juif, Jesaïah,
fils d'Amots, devint en quelque sorte le conseiller et le
ministre du roi. Grâce à son influence, les prophètes eurent
autant d'autorité sous Hizkiah que les prêtres en avaient
eu pendant la minorité de Jehoash ; mais, plus hardis que
Jehoïàda, ils voulurent réformer le culte national. Ils dé-
truisirent les hauts lieux et toutes les images divines,
même le grand serpent de bronze qui était dans le tem-
ple et à qui on avait offert de l'encens jusqu'à ce jour*.
Ce premier succès sur les dieux étrangers leur inspira
des ambitions plus hautes : Jesaïah essaya de faire pas-
ser dans la religion populaire les conceptions des pro-
phètes sur la divinité et sur les destinées du monde.
Il voulut qu'on regardât Jahveh, non plus comme le Dieu
national d'Israël, mais comme le seul vrai Dieu « qui a
mesuré les eaux du creux de sa main et le ciel de la paume,
qui a enfermé ^ouîq la poussière de la terre dans un bois-
seau et pesé a la balance montagnes et collines^. » Ce
changement dans l'idée de Dieu entraînait un changement
dans l'idée du culte. Sinon tous les prophètes, au moins
Jesaïah ne pouvait s'empêcher d'éprouver un sentiment
de dégoût pour les boucheries qu'on décorait du nom de
sacrifices. « Qu'ai-je à faire, dit Jahveh, de la multitude
de vos sacrifices ? Je suis rassasié d'holocaustes de mou-
tons et de la graisse des bêtes grasses ; je ne prends point
de plaisir au sang des taureaux, ni des boucs, ni des
agneaux.... Ne continuez plus de m'apporter des offrandes
de néant ; l'encens me dégoûte ; mon âme hait vos nou-
velles lunes, et vos sabbats et vos fêtes solennelles. —
Quand vous étendez vos mains, je cache mes yeux de
vous, et quand vous multipliez les prières, je n'entends
point, car vos mains sont pleines de sang^ » L'offrande
agréable à Dieu, c'est la pureté, l'équité, la simplicité et
1. Il Rois, xviii, 4. — 2. Jesaïahj xl, 12. — 3. Idem, i, 1M5.
LES SARGONIDES. 397
la droiture d'esprit, la charité. « Lavez-vous, purifiez-
vous, ôtez de devant mes yeux la malice de vos œuvres,
cessez de mal faire. — Apprenez à faire le bien, recher-
cliez le droit, aidez les opprimés, rendez justice à Torphe-
lin et prenez en main la cause de la veuve * . »
Lia piété, la crainte de Dieu, la bonne volonté envers les
hommes, doivent être la règle et la défense du peuple :
si le peuple agit comme ses prophètes le lui commandent.
Dieu lui-même sera « son épée et son bouclier », Si Té-
tranger opprime le peuple, c'est que le peuple a péché,
et Dieu le punit : le devoir est de ne pas résister et de
s'humilier sous la verge qui châtie. On conçoit quelle
influence cette manière d'envisager les choses exerça sur
la politique extérieure de Juda. Tandis qu'un parti nom-
breux, inquiet des progrès constants de l'Assyrie, et
craignant sans cesse pour Jérusalem le sort de Sàmarie,
cherchait au dehors la force qui manquait au dedans,
les prophètes exhortaient les Juifs à la soumission et les
décourageaient. L'Assyrie est à leurs yeux le fléau de
Dieu dont il se sert pour écraser les méchants : lui tenir
tête est se révolter contre Dieu, même et se révolter sans
espoir. « Passez jusques à Kalneh, et regardez, puis vous
en allez de là en Haraath la Grande, puis descendez
à Gath des Philistins : n'étaient-elles pas meilleures que
vous, et leur pays n'était-il pas plus étendu que votre
pays*? » Ni Kalneh, ni Hamath, ni Gath n'ont pu tenir :
l'Egypte elle-même « n'est qu'un roseau cassé ; qui s'ap-
puiera sur lui, il lui entrera dans la main et la lui per-
cera*. » Quand il s'agit de savoir si Juda devait se join-
dre à Shabak ou rester neutre dans la querelle, le parti
de la prudence l'emporta. Hizkiah ne prit point les ar-
mes lorsque Jahoubid se mit en campagne avec, les prin-
ces d'Arpad, de Simpa et de Damas, et l'événement
montra qu'il avait eu raison d'agir de la sorte. Jahoubid
fut battu à Karkar, pris et écorché vif*, ^vant que le roi
1 . Jesmah, i, 16-1 7. — 2. Amos, vi, 2.— 3. Jesaïah, xtxtl, 6. — 4. Op-
pert, Grande inscription du palais dffKhorsa})ad,p, 84-93; J. Menant^
398 CHAPITRE X.
d'Egypte eût le temps d'accourir à son aide. Stalbat venait
à peine de déboucher en Syrie et de rallier les troupes de
son allié Hannon, roi de Gaza, lorsque Sargon parut en
Palestine. Le choc des deux armées eut lieu à Ropeh (Ra-
phia), au sud de Gaza, dans l'endroit même où, cinq; siècles
plus tard, Ptolémée Philopator rencontra Antiochos le
Grand : les Égyptiens furent vaincus, Hannon pris, et
Shabak, égaré dans sa fuite, ne dut son salut qu'à un Ler-
ger philistin qui le conduisit à travers le désert*. La dé-
faite de Raphia mit à néant les rêves de conquête que
Shabak avait pu concevoir et compromit son autorité. Les
petits princes du Delta relevèrent la tête et finirent par
refouler les Éthiopiens vers Thèbes. Tanis, Bubaste,
Knnensou, redevinrent indépendantes : un des parents de
Biokenranw, nommé Stéphinatès par Manéthon, rétablit
la principauté de Sais et prit le titre de Pharaon. Cette
révolution était achevée en 714, et ce fut sans doute pour
l'annoncer officiellement au dehors que le nouveau roi de
race indigène envoya cette année-là des présents à Sâfyou-
kin. Shatak, réfugié dans la Haute-Egypte, y mourut tien-
,tôt après, laissant à son fils Shabatok la possession de
Thèbes et des nomes voisins *.
L'Egypte vaincue, ce fut le tour de l'Ourartî. Le pays
montagneux où le Tigre et TEuphrate prennent leur
source était habité alors par une seule race, différente des
Arméniens modernes % mais affiliée aux Géorgiens et à
quelques autres nations du Caucase*. Il était morcelé en
un grand nombre de petits États dont ixotis savons les
noms, sans qu'il soit toujours facile de leur assigner sur la
carte une posîtioii certaine : le Naïri, aux sources du Tigre
Annales, p: \9ft et 50Ô-201 ; G. Stalth, Assenait Uiftory, dans la ZeU-
schfifty 1869, p; 97. — 1. Oppert, GraMe instfiption, p. 74-77 ; JKmoir*
sur les rapports de l* Egypte et de V Assyrie, p. 11-15- Shabak est nommé
dans le texte ShiltanJisQlon d'autres Tartan), mais non Pharaon d'E-
gypte. Le titre de Pharaon, Pif où, parait àvofr é^é réservé par lés As-
syriens aux petits rois indigènes. — 2. Maspero^ dans la Revue critique,
1870, t. II, p. 378-370. — 3. H. Rawlinson, On the Alarodians of Hero-
dot, dans G. Rawlinson, Herodotus, t. IV^ p. 2Ô3-206. — 4. Fr. Lenor-
mant, lettres Assyriolagiques, !'• série, 1. 1, p. 124-129.
LES SARGONIDES. 398
et de TEuphrate; le Manna (Van) au sud-6st, et le Mous-
sassir (Arsissa), au nord du lac de Van; les principautés'
du mont Mildis * et de Milid (la Mélitène) ; enfin TOurarti
ou Ararti', qui avait réussi à réunir dans une même confé-
dération toutes les tribus voisines. Tou^lat-habal-asar I"
avait envahi le Naïri •, ses successeurs en avaient soumis
la majeure partie : au neuvième siècle, presque toute la
vallée du haut Tigre était vassale ou sujette des As-
syriens. Assour-nazir-habal commença la conquête du
Manna; Salmanasar III alla plus loin et s'attaqua à
rOurarti. Il battit le roi Aramê en 841, son successeur Sa-
douri en 832, les troupes du roi de Manna en 830, celles
d'Ourarti Tannée suivante, le tout sans grand résultat :
les ennemis toujours battus relevaient toujours la tête.
Biû-nirari III dirigea deux expéditions contre le Marina
en 813-814; Salmanasar IV fit quatre campagnes contre
rOurarti (787-784), bientôt suivies de deux autres (782
et 780). Au contact de TAssyrie le paya se civilisa : il
prit les arts de ses rivaux et nîême leur écriture. Un de
ses rois, Èeliddouris I" , fils de Loutibri, fit venir de
Nitiive des scribes qui rédigèrent ses inscriptions offi-
cielles dans leur langue et lui prodiguèrent les épithètes
rotiflantes du protocole royal assyrien. L'idiome de Ninive
fut quelques années durant la langue savante de l'Ourarti,
ptilè,^ feous Isbôuinis T', fils de Beliddouris, le système
graphique fut appliqué avec quelques modifications à
l'écriture des dialectes indigènes. Avec Touklat-habal-
asar II, TAssyrie reprit Tavantage : Sarda, roi d'Ourarti,
fut battu eu 742, puis en 734, et si bien qu'il renonça à
la guerre*.
Minouas I*', successeur de Sàrda, n'avait pas fait parler
de lui ; Saryoukîn trouva dans Oursa, fils aîné de Minouas,
wn dès adversaires les plus redoutables de sa politique.
Oursal foulait rétablir la suprématie de son peuple et usa de
tous les moyens pour toucher à son but. Il essaya d'abord
i. Aujourd'hui le districi d'Erzeroum. — 2. Cf. VÂraratàe la Bible et
les Alarodiens d'Hérodote, lU, 94, VII, 79.— 3. Voir p. 279-202. —4. Fr.
Lenormant, Lettres Assyriologiques, 1" série, 1. 1, p. 121-122. 138-145,
400 CHAPITRE X.
de détacher de Talliance assyrienne Iranzou, roi deManna,
et, comme ce prince refusait, il excita une insurrection con-
tre lui de concert avec Mitatti, roi de Zikartou (Sagartie) .
Saryoukin accourut au secours de son vassal, enleva d'as-
saut les deux villes de Souandakhoul et de Dourdoukka, qui
s'étaient données à Mitatti, les livra aux flammes et trans-
porta les habitants en Syrie (719). Des révoltes graves,
éclatées sur plusieurs points de l'empire à la fois, l'em-
pêchèrent de poursuivre ; il dut employer deux années à
vaincre le pays de Sinoukta (718) et à détrôner Pisiris
de Karkémish (717). Lorsqu'il revint en Arménie, Iran-
zou de Manna était mort, son fils Aza avait été assassiné
dans une émeute et remplacé par Oullousoun, qui avait
remis à Oursa en gage de fidélité vingt-deux de ses places
fortes. Saryoukin, accouru en toute hâte, battit Oullousoun
et Mitatti, ravagea le pays, depuis le lac d'Ouroumiyèh jus-
qu'au lac de Yan ; Bagadatti , roi du mont Mildis , étant
tombé entre ses mains, il le fit écorcher vif à T endroit
même où Aza avait été assassiné. Oullousoun, craignant le
même sort, « s'enfuit comme un oiseau,» puis vint se jeter
aux genoux du vainqueur. Saryoukin le reçut en grâce et lui
rendit ses domaines. Oursa allait être atteint, quand le
pays de Kharkhar se souleva et força son gouverneur à re-
connaître pour souverain Dalta, roi d'Ellibi. Saryoukin
châtia rudement les rebelles (716) ; rappelé vers le nord par
une révolte d'Oullousoun, il n'eut qu'à paraître pour faire
tout rentrer dans le devoir et revint achever la conquête du
pays d'Ellibi (715). Libre du côté de la Médie, il put
enfin porter un coup décisif. En 714, il envahit l'Ourarti
et remporta sur son adversaire une grande victoire ; Oursa
s'enfuit presque seul dans les montagnes, où il erra près de
cinq mois sans pouvoir trouver un asile assuré. Son
royaume fut pillé ; plusieurs de ses villes données à Oul-
lousoun, son dernier allié, Ourzanade Moussassir, vaincu^.
1. Le cachet d'Ourzana est aujourd'hui au musée de La Haye. Il a été
publié par Dorow, Dié Àssyrische KeUschrift^ t. I, et par Cullimorei
Cylinders, pi. VUI, 40.
LES SARGONIDES. 401
A la nouvelle de ce désastre, il désespéra de sa cause et
se tua *. . .
Sa mort n'entraîna pas la soumission du pays; son frère
Ârgistis lui succéda et tint tête aux Assyriens avec succès.
La victoire sur TOurarti permit à Saryoukin de reporter ses
forces à Test, dans la Médie, qu'il parcourut tout entière et
occupa en partie (713), au nord-ouest, en Gilicie, et dans le
pays de Koumanou (Gomana) , auquel il donna un roi de sa
main (712) ; son autorité sur l'Asie Mineure s'étendit jus-
qu'à PHalys et au S3.ros. En Syrie, il avait été forcé vers
715 de lever le blocus de Tyr en se contentant d'une sou-
mission nominale ; cet échec fut plus que réparé par l'hom-
mage de Pharaon et d'une reine des Arabes (714). Un mo-
ment, on put craindre qu'une guerre sérieuse n'éclatât de
ce côté. Azouri, roi d'Ashdod, avait refusé de payer le tri-
but; il fut remplacé par son frère Akhmiti, mais les Phi-
Hstins chassèrent leur nouveau roi et donnèrent la cou-
ronne à un certain Yavan qui n'appartenait pas à la fa-
mille royale. Yavan, inquiet pour son pouvoir et pour sa
vie^ entra en pourparlers avec les pays voisins de Juda,
d'Édom et d'Egypte ; ses ouvertures furent bien accueillies,
mais la décision et l'énergie de Saryoukin les empêchèrent
d'aboutir. Avant même que les confédérés eussent eu le
temps de rassembler leurs troupes, le général (tartan) as-
syrien était en Palestine. Juda, Édom et les Philistins ne
firent même pas mine de résister. Yavan s'enfuit en Li-
bye, au pays de Miloukh *, dont le roi le livra enchaîné
aux Assyriens (711) *.
Rien ne bougeait plus à l'ouest, au nord et à Test;
le moment était venu d'attaquer la Ghaldée. Depuis la
défaite de Kalou, Mardouk-bal-idinna avait employé toutes
1. Fr. Lenormant, Lettres Assyriologiques, 1" série, t. I, p. 53-55,
148-151 ; G. Smitb, AssyrianBistory, dans la Zeitschrift, 1869, p. 98-99.
*— 2. On considère généralement Miloukh comme le nom de Méroé : mais
Méroé s'appelait Beroua et ne renfepmait aucun ho\x kh finale. M. Fr.
Leùormant a eu raison de voir dans Miloukha ou Miloukhi le Meleh ou
Mereh égyptien, le pays de Marea et des lacs de Natron.— 3. G. Smith,
Assyrian History, dans la Zeitschrift, 1869, p. 99-100, 106-108.
H|ST. AUC ^
/40a CHAPITRE X.
ses ressources à mettre son royaume en état de défense. Il
avait réparé les forteresses, augmenté le nombre de ses
soldats et entretenu avec soin Talliance élamite. Ses pré-
cautions ne Tempêchèrent pas d'être surpris au moment
où il s'y attendait le moins. Au lieu de marcher droit sur
Babylone et de se heurter de front aux forces de la Gbaldée
et de TÉlam réunies , Saryoukin s'étudia à séparer Mar-
douk-bal-idinna de son allié Soutrouk-Nakhounta, fils de
Khoumbanigas*. Il partagea son armée en deux corps.
Le premier, opposé aux Susiens, entra dans le canton de
Rasi ^ et força le roi d'ÉIam à se replier dans la montagne
pour couvrir Suse et Madaktou. Le second, placé aux
ordres du roi lui-même, descendit vers la mer en suivant
le cours du Tigre, soumit en passant le pays d'Yatbour,
battit un des généraux de Mardouk-bal-idinna sous les
murs de Dour-Atkhar, prit cette ville, y établit une gar-
nison et se rendit maître de tout le Gamboul. Le but prin-
cipal de la campagne se trouvait atteint ; Mardouk-bal-
idinna, coupé, de son allié, ix'essaya même pas de défendre
Babylone. Il déroba une marche aux Assyriens, franchit
le Tigre et tenta de forcer la ligne de postes qui l'enve-
loppait à l'est. Repoussé , il n'eut plus d'autre ressource
que de se rejeter vers le sud et d'aller s'établir au bord
de la mer dans son ancienne principauté de Bet-Yakin, où
il se fortifia de son mieux. Babylone, abandonnée à. eUe-
même, ouvrit ses portes au vainqueur. Saryoukin s'y fit
proclamer roi de Çhaldée et y passa l'hiver de 710 '.
Il reprit la campagne au printemps de 709. « Mardouk-
« bal-idinna avait mis h contribution les villes d'Our, de
ce Larsam et de Kisik, la demeure du dieu Lagouda ; il avait
ce réuni ses forces à Dour-Yakin et avait armé sa citadelle. »
La bataille décisive se livra sous les murs de Dour-Yakin*
1. c'est l'orthographe des inscriptions suziennes; les textes de Saryou-
kin appellent ce prince Soutikrak-Nakhoundi. — 2. La Mésobatère des
géographes classiques. — 3. Son nom, légèrement altéré en jipxéavoç
pour [Sjapxéavoç, figure à partir du commencement de 709 dans le ca-
non royal de Ptolémée — 4. Aujourd'hui Mohammerah, à l'embouchurd
du Shatt-el-Arab.
LES SARGONIDES. 403
en vue de b mer. « J'étendis mes combattants en même
« temps sur toute la ligne de ses canaux , et ils mirent
« l'ennemi en fuite. Les eaux des fleuves roulèrent les
« cadavres de ses soldats comme des troncs d'arbres
« J'anéantis les gardes du corps et les gens de Marsan, et
« j 'emplis de la terreur de la mort le reste des bataillons en-
ce nemis. Mardouk-bal-idinna abandonna dans son camp les
« insignés de la royauté, le palanquin d'or, le trône d'or, le
« sceptre d'or, le char d'argent, lès ornements d'or, et il
« ^'échappa par une fuite clandestin^e. » Dour-Yakin
tomba bientôt après aux mains du vainqueur et fut dé-
truite. « Mardouk-bal-idinna , reconnaissant sa propre
<ç faiblesse, fut terrifié; la crainte immense de ma royauté
« s'empara de lui; il quitta son sceptre et son trône
« çn présence de mon envoyé, il baisa la terre. Il aban-
« donna ses châteaux , il s'enfuit , et l'on ne revit plus ses
« traces. » A la place du vieux roi fugitif, Saryoukin éta-
blit son fils comme prince de Bet-Yakin (709) *.
Deux échecs marquèrent la fin de ce rèjgne glorieux.
Pendant que les armées assyriennes étaient occupées en
Chaldée, l'Ourarti était sorti de ses ruines. Moitié force,
moitié adresse, Ârgistis avait reconquis presque toutes les
provinces que son frère avait perdues ; les Assyriens eux-
mêmes avaient été l'objet de ses attaques et n'avaient pu
garder la province de Manna. En 708 , menacé par le re-
tqur de Saryoukin, il détourna l'orage sur le pays de Koum-
moukh; le roi de ce pays perdit la couronne, mais Argistis
Qe fut pas inquiété et resta en possession de Manna, dont
il fit une de ses résidences favorites '. Une guerre contre
rSIam n'eut pas plus de succès. Soutrouk-Nakhounta,
battu dans l'EUibi, en 707, prit sa revanche l'année sui-
vante ; non-seulement il recouvra les districts qu'il avait
perdus en 710, mais il enleva aux Assyriens plusieurs de
leurs villes frontières* (706). Saryoukin ne survécut pas
1. Fr. Lenormant, les Premières civilisations , t. II, p. 241. —
2, Fr. Lenormant, Lettres ÀssyrioIogiqueSy V série, t. I, p. 151-154. —
3. G. Sxmtb, Àuyrian History, dans la Zeitschrijt, 1869, p. 109-110.
404 CHAPITRE X.
longtemps à ce revers : en 704, il fut assassiné dans le pa-
lais de Dour-Saryoukin * qu'il venait de construire , et
remplacé par son fils, Sin-akhé-irib, le Sennachérib de
la Bible K
^In-akhè-lrlb (9«4-«Si) ; Tahraiia et Htsldahi saerre« con-
tre rKlani; Aimour-akliè-ldlii (4I81-II09) ; camiiagues cl*Ara-
lilc.
La nouvelle du meurtre se répandit rapidement par tout
Tempire et fournit aux mécontents Toccasion qu'ils atten-
daient de se révolter. Sin-akhè-irib, accouru en toute hâte
de Babylone où il commandait, n'arriva à Ninive que pour
assister au prélude d'un soulèvement général. La Ghaldée,
déjà troublée quelques mois avant la mort de Saryoukin,
commença de s'agiter ouvertement. Un des frères du nou-
veau roi qu'il avait laissé à sa place pour gouverner Baby-
lone, mourut quelques semaines après son élévation, et un
certain Hagisa, d'ailleurs parfaitement inconnu, lui suc-
céda. Moins d'un mois après, Hagisa fut surpris et tué par
le vieux Mardouk-bal-idinna, qui venait de reparaître en
scène. Les peuplades de TArrapakhitis et de la Médie
prirent les armes, tandis qu'à l'Occident la plupart des
princes de la Phénicie et de la Palestine se déclaraient in-
dépendants. Louliya (Êlulaeos), roi de Sidon, refusa le tri-
but, et son exemple fut suivi par le roi d'Ascalon. Les habi-
tants d'Ekron, mécontents de Padi, le roi que Saryoukin
leur avait imposé, se saisirent de sa personne et l'envoyèrent
àHizkiah de Juda. Celui-ci hésita un moment entre les con-
seils pacifiques de Jesaïah et ceux du parti de la guerre;
les promesses de secours des rois d'Egypte finirent par
le décider. Il accepta le don que les habitants d'Ekron
lui faisaient de leur ville; mais, au lieu de mettre Padi à
mort, comme le voulaient ses anciens sujets, il se contenta
de le retenir prisonnier. Recevoir l'hommage des re-
1 . Aujourd'hui Khorsabad. C'est de là que viennent la plupart dei^
DQOiîijmeftts assyriens du Louvre. — 2, J. Menant, Annales, p. 209.
LES SARGONIDES. 400
belles était se mettre en état d'hostilité ouverte contre
TAssy rie. Plus prudents qu'Hizkiah et queLouliya, les pe-
tits princes d'Arad, de Byblos, d'Ashdod, les rois de Moab
et d'Ammon, attendirent pour se décider que la fortune se
fût prononcée en faveur de Tune des parties belligérantes.
Après deux ans d'attente, consacrés sans doute à prépa-
rer ses ressources, Sin-akhè-irib se porta de sa personne
en Chaldée où le danger était le plus pressant. L'armée
de Mardouk-bal-idinna , composée en partie de Babylo-
niens, en partie de Syriens auxiliaires, fut entièrement
vaincue près de Kis, et son chef, échappé presque seul
du champ de bataille, se réfugia auprès du roi d'Élam.
Babylone fui prise, soixante-dix-neuf villes fortes et
plus de quatre cents villages tombèrent entre les mains
du vainqueur. Sin-akhè-irib ne se retira qu'après avoir
établi comme roi un Assyrien, « Bel-ipnou, l'astrologue
qui avait été élevé dans son palais. » Au retour, il sacca-
gea le territoire occupé par les tribus aràméennes du moyen
Éuphrate , mit leurs chefs en croix , amena leur bétail et
rentra àNinive chargé de gloire et de butin. Une campagne
rapide dans les montagnes du Kourdistan fit rentrer dans le
devoir les peuples rebelles de l'Arrapakhitis. Une partie de
leur territoire fut colonisée militairement avec les prison-
niers araméens, élamites et chaldéens faits l'année précé-
dente et réduite en province assyrienne*.
La tranquillité assurée au nord , à l'est et au sud, par
cette suite rapide de succès, il se hâta de porter ses armes
en Syrie. Là encore la célérité de ses marches et de
son attaque déjoua les projets de ses ennemis. Louliya,
le premier atteint , n'osa même pas résister. Il s'enfuit
dans une des colonies insulaires dépendantes de Si-
don, et son royaume fut livré à Ithobaal IL Sin-akhè-irib
put, comme ses prédécesseurs, faire graver sa stèle de vic-
toire sur les rochers du Nahr-el-Kelb, à côté des stèles do
Ramsès II. Les rois d'Arad, de Byblos, d'Ashdod , d'Am-
1. Oppert, les Sargonides, p. 41-45; G. Rawlinson, The five great
Monarchies, t. II, p. In6-159; Fr. Lenormant, Histoire, t. II, p. 98;
McDaiit, Annales, 214-218,
406 CHAPITRE X.
mon, de Moab , s^emptessêrent de faire leur soumission.
Le roi d'Ascalon, qui persista dans la révolte, fut pris et
transporté en Assyrie avec toute sa famille.
Los résistances sérieuses ne commencèrent que sous
les murs d'Ekron : au premier bruit de l'arrivée des Assy-
riens, les princes du Delta avaient rassemblé leurs armées
et s'étaient portés au-devant de l'envahisseur. La rencontre
eut lieu près d'Altakou*, et cette fois encore la fortune de
l'Assyrie l'emporta sur celle de l'Egypte. Les Égyptiens,
défaits à grande perte, laissèrent entre les mains du vain-
queur la majeure partie de leurs chars et les enfants d'un
de leurs rois. Le fruit immédiat de la victoire fut la prise
d'Altakou, que suivit celle de Tamnah, forteresse voisine :
Ekron se rendit. « Je dégradai les officiers et les dignitai-
res qui s'étaient révoltés, et je les tuai; je mis en croix
leurs cadavres sur les enceintes de la ville; je vendis comme
esclaves les hommes de la ville qui avaient commis des
violences et des vilenies. Quant aux personnes qui n'a-
vaient pas perpétré de crimes ou de péchés, et * qui ne
méprisaient pas leurs maîtres, je prononçai leur absolu-
tion^. »
Seul de tous les rebelles Hizkiah de Juda restait encore
debout. On se demande pourquoi il n'avait pas joint son
armée aux armées égyptiennes, afin d'écraser les Assyriens
dans une affaire décisive. Sans doute, en s'abstenant de tout
acte d'hostilité ouverte, il pensait désarmer la colère du
monarque assyrien. Il fut trompé dans son attente. Après
la prise d'Ekron, Sin-akhè-irib envahit Juda. « Voici, Jah-
veh s'en va rendre le pays vide et l'épuiser; et il en ren-
versera le dessus, et dispersera ses habitants. Et tel sera le
sacrificateur que le peuple ; tel le maître que Son serviteur ;
telle la dame que sa servante ; tel le vendeur que J'ache-
teur; tel celui qui prête que celui qui emprunte; tel le
créancier que le débiteur. Le pays sera entièrement vidé,
et entièrement pillé : car Jahveh a prononcé cet arrêt....
1. Eltekeh, sur Tancien territoire de la tribu de Dan {Josuéj XTX, 44).
— 2. Oppert , Mémoire sur les rapports de VÉgypte et de l'Assyrie,
p. 22-29.
LES SARGONIDES. -407
lie Tin excellent a mené deuil, la vigne languit, tous ceux
qui avaient le cœur joyeux soupirent. La joie des tambours
a eessé ; le bruit de ceux qui s'égayent est fini; la joie de
la harpe a cessé. On ne boira plus de vin avec des chansons;
la cervoise sera amère à ceux qui la boivent. La ville défi-
gurée a été ruinée ; toute maison est fermée, tellement que
personne n'y entre*. » Les paroles du scribe assyrien com-
plètent les paroles du poëte : « Aidé par le feu, le massa-
cre, les combats et les tours de siège, je les emportai, je
les occupai : j'en fis sortir 200 150 personnes, grandes et
petites, mâles et femelles, des chevaux, des ânes, des mu-
Jets, des chameaux, des bœufs, des mouton^ sans nombre,
et je les pris comme capture. 5> Le souvenir de ces désas-
tres resta si amer au cœur des Juifs que plusieurs siècles
après Démétrios faisait de la captivité de Sin-akhé-irib
l'une des captivités et la considérait comme aussi funeste
à sa race que la captivité de Samarie par Saryoukin et la
captivité finale de Babylone*.
L'ennemi approchait et rien n'était prêt. Jérusalem elle-
même était àpeine en état de défense *. Depuis quelque temps
seulement on avait observé que les brèches de la cité de
David étaient grandes, et l'on avait abattu des maisons
afin de fortifier la muraille*. On boucha à la hâte toutes
les fontaines qui sont hors de la ville et le torrent qui se
répandait sur le pays. On établit un réservoir entre ces
deux remparts pour les eaux du vieil étang ^ ^(, Et le roi
ordonna des capitaines de guerre sur le peuple et les as-
sembla auprès de lui dans la place de la porte de la ville et
leur parla selon leur cœur en disant : « Fortifiez-vous, ne
craignez point et ne soyez point effrayés à cause du roi des
Assyriens et de toute la multitude qui est avec lui; mais
Jahveh, notre Dieu, est avec vous pour vous aider et pour
conduire vos batailles*.» Sin-akhè-irib avançait toujours :
après avoir mis à sac la meilleure partie du territoire du
Juda, il venait d'emporter la forteresse de Lakhis et 8e
I. Jesaïahj xxiv, 1-3, 7-12,— 2. Dem. ap. Cl. d'Alex., Strom., I, p. 403.
•3. JesaiahyXxïij 9.-4. fd., 10.— 5. /d., 11.— 6. II Chron., xxxii, 6-8.
408 CHAPITRE X.
préparait à paraître devant Jérusalem : Hizkiah résolut de
traiter à tout prix. Il envoya dire au roi des Assyriens :
«J'ai fait une faute : retire-toi de moi, je payerai tout ce que
tu m'imposeras. » Pour compléter les trois cents talents
d'argent et les trente talents d'or qui furent exigés, le tré-
sor royal ne suffit pas : il fallut mettre en pièces les portes
du temple de TÉternel et les linteaux que le roi lui-même
avait fait couvrir de lames d'or peu de temps auparavant ^
Padi, remis en liberté, fut rétabli dans Ekron, et reçut en
dédommagement de son temps de captivité quelques villes
de Juda. D'autres portions du territoire juif furent livrées
à Mitinte, roi d'Ashdod, et à Ismi-Baal, roi de Gaza,pour
les récompenser de leur fidélité au milieu des épreuves
que l'Assyrie venait de traverser.
Tandis qu'Hizkiah se soum ettait sans combat, ses alliés
d'Egypte remis de leur défaite d'Altakou se préparaient à
lui venir en aide. Sin-akhé-irib était encore à Lakhis, oc-
cupé à recevoir le tribut, quand il apprit qu'une armée
égyptienne était en voie de formation à Péluse, et que
le roi d'Ethiopie, Tahraqa, amenait les tribus du Haut-
Nil au secours de la Judée. A cette nouvelle, il crut sans
doute qu'Hizkiah n'avait traité avec lui que pour donner
aux Africains le temps d'arriver : furieux de se voir joué,
il envoya à Jérusalem trois des principaux personnages
de son armée, le général en chef (tartan), le chef des eu-
nuques (rab-saris) et le Rabshaké, pour lui demander rai-
son de sa conduite. « Ainsi a dit le grand roi, le roi des
Assyriens : « Quelle est cette confiance sur laquelle tu
t'appuies? Tu parles, mais ce ne sont que des paroles;
le conseil et la force sont requis à la guerre. Mais en qui
t'es-tu confié, pour te rebeller contre moi ? Voici mainte-
nant tu t'es confié en Egypte, en ce bâton de roseau
cassé sur lequel si quelqu'un s'appuie, il lui entrera dans
la main et la percera; tel est Pharaon, roi d'Egypte,
à tous ceux qui se confient à lui. Que si vous me dites :
« Nous nous confions à Jahveh, notre Dieu ! » n'est-ce pas
1. Jesaiah, xxxn, 14-16.
LES SARGONIDES. 409
celui dont Hizkiah a détruit les hauts lieux et les autels, et
a dit à Juda et à Jérusalem : «Vous vous prosternerez devant
cet autel à Jérusalem?» Or maintenant donne des otages au
roi des Assyriens, notre maître, et je te donnerai deux
mille chevaux, si tu peux donner autant d'hommes pour
monter dessus. Gomment donc ferais-tu tourner figure au
moindre gouverneur d'entre les serviteurs de mon maître?
Mais tu te confies en TÉgypte à cause des chariots et des
gens de cheval. Mais maintenant suis-je monté sans Jah-
veh contre ce lieu-ci pour le détruire ? Jahveh m'a dit : •
« Monte contre ce pays-là, et le détruis. » Alors Éliakim,
jBls de Hilkija, et Sebna, et Joah, dirent au Rabshaké : « Nous
te prions de parler en langue syriaque à tes serviteurs, car
nous l'entendons ; et ne nous parle point en langue judaïque,
le peuple qui est sur la muraille l'écoutant. » Au lieu de se
rendre à ces prières, Rabshaké se tint debout, et s'écria à
haute voix en langue judaïque, et parla , et dit : « Écou-
tez la parole du grand roi, le roi des Assyriens. Ainsi a
dit le roi : « Qu'Hizkiah ne nous abuse point , car il no
pourra peint vous délivrer de ma main. Qu'Hiskiah ne
vous fasse point confier en Jahveh, disant : Jahveh indu-
bitablement nous délivrera, et cette ville ne sera point li-
vrée entre les mains du roi des Assyriens. N'écoutez point
Hizkiah, car ainsi a dit le roi des Assyriens : Faites com-
position avec moi, et sortez vers moi ; et vous mangerez
chacun de sa vigne, et chacun de son figuier, et vous boi-
rez chacun de l'eau de sa citerne ; jusqu'à ce que je vienne,
et que ie vous emmène en un pays qui est, comme votre
pays, un pays de froment et de bon vin, un pays de pain
et de vignes, un pays d'oliviers qui portent de l'huile, et
un pays de miel : vous vivrez et vous ne mourrez point.
Mais n'écoutez point Hizkiah, quand il vous voudra per-
suader, en disant : Jahveh nous délivrera. Les dieux des
nations ont-ils délivré chacun leur pays de la main du roi
des Assyriens? Où sont les dieux de Hamath et d'Arpad?
Où sont les dieux de Sépharvaim, de Hénah et de Hivah ?
Même a-t-on délivré Samarie de ma main? Qui sont ceux
d'entre tous les dieux de ces pays-là qui aient délivré leur
410 CtîAPITRE X.
•pkys de ma main, pour dire que Jahveh délivrera Jéru-
salem de ma main?5> Et le peuple se tut, et on ne luirépon-
• dit pas un mot, car le roi tivait commandé, disant.: Vous
ne lui répondrez point. Après cela, Éliakim, fils deHilkijah,
maître d'hôtel, et Shebna le secrétaire, et Joah, fils d'Asaf^h,
commis sur les registres, s*en revinrent, les vêtements dé-
cliirés, vers Hizkiah , et lui rapportèrent les paroles du
Rabshaké*. 5>
Sur les conseils de Jesaïah, Hizkiah se résolut à la ré-
"sistance. En arrivant à Lakhis, les envoyés assyriens n'y
trouvèrent plus leur roi : il avait levé son camp et s'é-
tait porté contre les Egyptiens, sans doute afin de les écra-
ser avant l'arrivée de Tahraqa. En partant, il avait encore
une fois menacé les Juifs de sa colère; « Que ton Dien en
qui tu te confies ne t'abUse point en te disant : Jérusalem
ne sera point livrée entre les mains du roi des Assyriens.
Voilà, tu as entendu ce que les rois des Assyriens ont fait
à tous les pays, en les détruisant entièrement ; et tu échap-
perais ? Les dieux des nations que mes ancêtres ont dé-
truites, savoir^ de Gozan, de Rharan, de Retseph, et dès
enfants d'Héden, qui sont en Télasar, les ont-ils délivrées ?
Où est le roi de Hàraath, le roid'Arpad, et le roi de là, ville
de Sépharvaïm, Hamath et Hivah^?3> On sait quel démenti
la fortune donna à ces paroles hautaines ; pendant là mar-
che sur le Delta, l'armée assyrienne fut à moitié anéantie
par la peste, et se trouva réduite à un tel état de désoi-gani-
sation que fein-akhè-irib rentra â Ninivé presque seul'.
Leg Juifs et les Égyptiens, étonnés par la grandeur du dé-
sastre, attribuèrent chacun à leur dieu tout l'honneur du
succès qui les délivrait. Selon les Juifs, Hizkiah, après avoir
entendu les menaces du roi d'Assyrie, se serait mis en priè-
res, et Dieu lui aurait fait dire par Jesaïah : « Je t'ai exaucé
dans ce que tu m'as demandé touchant Sin-akhé-irib, roi
des Assyriens Il n'entrera point dans cette ville, il n'y
jettera même aucune flèche, il ne se présetltera point contre
elle avec le bouclier, et il ne se dressera point de terrasse
1. Il Rois, XYiii, 28-37. — ^, îbid., xix, i0-l3. — 3. Ihid.y aix^ 20.
LES SARGONIDES. 411
contre elle. Il s'en retourliera par le chemin par lequel il
est venu, et il n'entrera point dans cette ville, dit Jahveh.
Car je garantirai cette ville, afin de la délivrer, pour Ta-
mour de moi, et pour Tamour de David, mon serviteur. Il
arriva donc cette nuit-là qu'un ange de Jahveh sortit, et
tua cent quatre-vingt-cinq mille hommes au camp des As-
syriens ; et quand on fut levé d'un bon matin, voilà, c'é-
taient des corps morts. Et Sin-akhè-irib, roi des Assyriens,
partit de là; il s'en alla, et s'en retourna, et se tint à Ni-
nive*. » Au dire des Égyptiens, quand Sin-akhé-irih entra
en Egypte, « la caste guerrière refusa de se battre pour le
roi Séthon, prêtre de Ptah, qui l'avait dépouillée d'une par-
tie de ses privilèges. Le prêtre, enveloppé dans ces diffi-
cultés, entra au temple et, devant la statue, se lamenta au
sujet des dangers qu'il allait courir. Pendant qu'il gémis-
sait, le sommeil vint à lui et il lui sembla, en une vision,
qu'un dieu, se tenant à ses côtés, le rassurait et lui pro-
mettait qu'il n'éprouverait aucun échec en résistant à l'ar-
mée des Arabes : car lui-même devait envoyer des auxi-
liaires. Plein de confiance en ce songe, il réunit ceux des
Égyptiens qui voulurent le suivre pour les conduire en
armes à Péluse, porte de l'Egypte de ce côté. Nul des guer-
riers ne l'accompagna, mais des petits paarchands, des fou-
lons, des vivandiers. Ils arrivèrent *à leur poste, et, durant
la nuit, une nuée de rats des champs se répandit sur leurs
adversaires, dévorant leurs carquois, les cordes de leurs
arcs, les poignées de leurs boucliers, de telle sorte que, le
lendemain, les envahisseurs, se voyant dépouillés de leurs
armes, s'enfuirent, et qu'un grand nombre fut tué. On voit
maintenant dans le temple de Ptah la statue en pierre
de ce roi, ayant sur la main un rat, et cette inscription :
« Que celui qui me regarde soit pieux?. »
Sin-akhè-irib ne revit J)lus jamais la Palestine. Non que
laperte d'une seule armée fût un coup assez rude pour ame-
1. IIiloM,xix, 32-36. — 2. Hérodote, II, ch. cxLi.Oppert, Mémoire sur
Us rapports de VÉgypte et de V Assyrie, p. 29-38; Fr. Lenormant, His"
toire, t. II, p. 99-100; Schrader, Die Keilinschriften und dos AUe Tes-
tament, p. 168-205; J. Menant, innaîcs, p. 218^219,
412 CHAPITRE X.
ner, comme le prétend Josèphe, la destruction de Tcmpire
ninivite : il se refit promptement de sa défaite et reparut
bientôt sur les champs de bataille, plus terrible que ja-
mais ; mais les guerres sanglantes cpi'il eut à soutenir vers
l'orient et le nord ne lui permirent pas d'envoyer en Sy-
rie la moindre partie de ses forces. Tandis qu'il étaJLt
occupé sur les confins de l'Egypte, la Ghaldée, fatiguée
du gouvernement de l'Assyrien Belipnou, s'était soulevée
et donnée de nouveau àMardouk-bal-idinna. Celui-ci, qui
s'attendait à une guerre immédiate, avait tâché tout d'abord
de s'assurer des auxiliaires. Il avait déjà l'alliance de l'Elam , |
il rechercha celle de la Judée. Le désastre de Sin-akhè-irib
avait en effet répandu au loin la réputation d'Hizkiah et l'a- i
vait a élevé à la vue de toutes les nations* ». Avec les tributs
et les présents que les petits princes voisins lui envoyèrent':
il avait refait son trésor royal, épuisé par la rançon qu'il '
avait payée : « Hizkiah donc eut de grandes richesses et une
grande gloire, et amassa des trésors d'argent, d'or, de pierres
précieuses, de choses aromatiques, de boucliers et de toute
sorte de vaisselle précieuse. Et il fit des magasins pour la
récolle du froment, du vin et de l'huile, et des étables pour
toutes sortes de bêtes, et des rangées dans les étables. Il
se fit aussi des villes, et il acquit des troupeaux du gros et
du menu bétail en abondance; car Dieu lui avait donné de
fort grandes richesses. Hizkiah boucha aussi le haut canal '
des eaux de Guihon, et en conduisit les eaux droit en bas,
vers l'occident de la cité de David. Ainsi Hizkiah prospéra
dans tout ce qu'il fît^. » L'alliance de Juda était dési-
rable à tous égards, mais il fallait trouver un moyen d'en-
trer en relation avec lui. Une maladie dont Hizkiah faillit
mourir et à laquelle il n'échappa qu'à grand peine lui four-
nit un prétexte naturel. Mardouk-bal-idinna envoya une
. ambassade, soi-disant pour féliciter le prince juif de sa gué- |
rison miraculeuse, en fait pour sonder ses intentions au
sujet de l'Assyrie. « Hizkiah en fut joyeux et leur montra i
les chambres où étaient toutes ses richesses, l'argent et l'or,
1. II Chron., xxvii, 23. — 2. II Chron., xxxii, 27-30,
LES SARGONIDES. 413
et les choses aromatiques, et les onguents précieux, tout
son arsenal, et tout ce qui se trouvait dans ses trésors. Il
n'y eut rien qu'il ne leur montrât, ni dans sa maison ni
dans sa cour*. » On dirait qu'enivré de son triomphe inat-
tendu et de l'hommage qui lui venait de si loin, il se
soit senti disposé à accueillir les propositions des Baby-
loniens. Jesaïah, plus prévoyant que son maître, sut s'in
terposer à temps. « Écoute, lui dit-il, la parole du Dieu
des armées : voici venir les jours que tout ce qui est dans
ta maison, et ce que tes pères ont amassé dans leurs trésors
jusques à aujourd'hui, sera emporté à Babylone ; il n'en
demeurera rien de reste, a dit Jahveh. Même on prendra de
tes fils qui sortiront de toi et que lu auras engendrés,
afin qu'ils soient eunuques au palais du roi de Babylone^.»
L'événement montra bientôt combien ces conseils étaient
sages : Mardouk-bal-idinna et son lieutenant Souzoub,
battus et poursuivis jusque dans les marais "de la Basse
Chaldée , s'enfuirent en Élam , où le premier mourut peu
de temps après. Sin-akhè-irib, de retour à Babylone, y
établit comme roi Assournadin, son fils aîné.
La paix était à peine établie en Chaldée qu'elle fut
troublée sur les confins de la Médie. On alla relancer les
tribus du mont Nipour jusque dans leurs repaires. « Elles
avaient établi leurs demeures comme des nids d'oiseaux,
en citadelles imprenables, au-dessus des monticules du
pays de Nipour, et sur de hautes montagnes. Elles ne s'é-
taient pas soumises. J'ai laissé les bagages dans les plaines
du pays de Nipour, avec les frondeurs et les porteurs de
lances, et les guerriers de mes batailles incomparables; je
me posai devant elles comme un portique de colonnes. Les
débris des torrents, les fragments des hautes et inaccessi-
Dles montagnes, je les transformai en trô^e; je fis aplanir
une cime sur la-montagne pour y poser le trône. Je bus
l'eau de ces montagnes, Teau auguste, pure, pour étancher
ma soif. Quant aux hommes, je les surpris dans les cre-
vasses des forêts montueuses ; je les vainquis, j'attaquai leurs
U Jesaïah, xxxix, 2. -^ 2. Id.f xxxix, 5-7
41^ CHAPITRE X.
yilles, en les dépouillant de^ leurs habitants, je les détruisis,
je les démolis, je les réduisis en cendres*. » Il se laissa en-
traîner à entreprendre une expédition contre les Dahae.
ce Perché sur les hauteurs des crêtes inaccessibles, le roi
Maniya, fils de Bouti, attendait l'approche de moa ar-
mée ; il avait abandonné la ville d'Oukkou, la ville de sa
royauté, et s'était enfui vers le lointain. J'assiégeai et je
pris la ville d'Oukkou, j'emmenai les habitants, j'empor-
tai de la ville ses biens, ses dépouilles, le trésor de son
palais, je le gardai comme bonne pri^e. J'occupai trente-
trois villes de son territoire et son district; les hommes,
les bêtes de somme, les bœufs et les moutons, je les en-
levai des villes que je détruisis, démolis et réduisis en
cendres *• »
Il semblerait qu'après tant d'années de luttes Sin-
akhè-irib eût acquis le droit de se reposer en paiiç dans
Je palais qu'il venait de se faire bâtir à Ninive. Une nou-
velle révolte l'appella encore une fois en Ghaldée. La
j^ Lierre commença dans les régions marécageuses qui
hordent la rive du golfe Persique, à l'Occident de l'Eu-
pluato. Les gens de Bet-Yaliin, las de la domination
niaivite, « rassemblèrent leurs dieux, les embarquèrent
sur leurs navires » et vinrent s'établir de l'autre côté
du golfe, sur une portion du territoire susien, que
leur céda le roi Kouaoar-Nakhounta, fils du Soutrouk-
Nakhounta, qui avait tenu tête à Saryoukin et sup-
porté Mardouk-bal-idinna dans ses dernières tentatives.
Sin-akhè-irib . se mit à la poursuite des fugitifs , bien
résolu, cette fois, d'en finir avec l'Élam. Il fit venir des
matelots syriens qui descendirent TEuphrate et trans-
portèrent son armée au cœur même du pays rebelle.
« Les guerres fréquentes qu'ils avaient faites sur la côte
syrienne avaient * familiarisé les Assyriens avec l'idée, si-
non avec la pratique de la navigation; comme la suze-
raineté qu'ils exerçaient sur la Phénicie mettait à leur
disposition une quantité considérable d'ouvriers . habiles
1. Oppert, les Sargonides, p.} 46-47. — 2. Idem, ibid,, p. 47«
les; SARGONIDËS. 415
et noml^re des meilleurs marins qu'il y eût au monde, ils
lurent tout naturellement amenés à employer des forces
de mer aussi Lien que des forces de terre a l'agrandisse-
ment de leur domination. Nous avons vu que dès le temps
de Salmanasar les Assyriens s'étaient hasardés sur des
navires , et, d'accord avec les Phéniciens du continent,
avaient livré bataille aux flottes de la Tyr insulaire. Il est
probable que le précédent ainsi établi fut suivi par les rois
postérieurs et que Saryoukin et Sin-akhè-irib eurent, sinon
d'une manière permanente, du moins par occasion, le ser-
vice d'une flotte opérant sur la Méditerranée. Mais il y
avait une énorme différence à se servir des marines vas-
sales sur les mers où elles étaient accoutumées, et à trans-
férer aux extrémités opposées de l'empire les forces
jusqu'alors confinées dans la Méditerranée. Cette pensée,
qui certainement ne pouvait pas s'offrir à l'esprit du pre-
mier venu, paraît s'être présentée pour la première fois
à Sin-akhè-irib. Il conçut l'idée d'avoir une marine sur
les deux mers qui baignaient son empire, et, comme c'était
sur la côte occidentale seulement qu'il avait une quantité
suffisante d'ouvriers habiles et de matelots, il résolut de
transporter de la côte occidentale à la côte orientale ce qu'il
faudrait de Phéniciens pour lui permettre d'accomplir son
projet. Les constructeurs de Tyr et de Sidon furent ame-
nés à travers la Mésopotamie sur les bords du Tigre ; ils y
construisirent pour le monarque assyrien une flotte de na-
vires semblables à leurs propres galères, qui descendit la
rivière jusqu'à son embouchure, et donna aux yeux étonnés
des populations riveraines du golfe Persique un spectacle
jusqu'alors inconnu dans ces eaux. Bien que les Ghaldéens-
eussent navigué depuis des siècles dans cette mer inté-
rieure, cependant, ni comme matelots, ni comme construc-
teurs de navires, leur habileté n'était comparable à celle
des Phéniciens. Les mâts et les voiles, la double rangée de
rames, les éperons pointus des navires syriens, furent pro-
bablement des nouveautés pour les habitants de ces con-
trées lorsqu'ils virent pour la première fois déboucher du
Tigre une flotte avec laquelle leurs propres navires étaient
416 CHAPITRE X.
incapables de lutter^. » Les Susiens s'étaient attendus à
une attaque par terre, et avaient sans doute massé leurs
forces le long de TEuphrate. L'invasion maritime les prit
entièrement par surprise. « J'emmenai captifs les hommes
de Bet-Yakin, et leurs dieux, et les serviteurs du roi d'É-
lam. Je n'y laissai pas le moindre reste debout, et je les
embarquai dans des vaisseaux et les menai sur les bords
opposés; je fis diriger leurs pas vers l'Assyrie,. je détruisis
les villes de ces districts, je les démolis, je les réduisis en
cendres, je les changeai en déserts et en monceaux de
ruines*. » Une diversion inattendue sauva les Susiens d'une
ruine complète. Le peuple de Babylone, voyant le roi en-
gagé dans une expédition lointaine, au delà des mers, se
souleva de nouveau et remit le pouvoir à Souzoub. Cette
révolte rappela Sin-akhè-irib en Ghaldée. Souzoub fut
vaincu, fait prisonnier et conduit en Assyrie; quelques
jours après, l'armée susienne, qui accourait au secours de
son allié , fut battue et refoulée, sans que cet échec fût
assez décisif pour décider Koudour-Nakhounta à traiter.
La guerre recommença donc au printemps suivant. Deux
villes, que Soutrouk-Nakhounta avait gagnées à Saryoukin
et qui jusqu'alors étaient restées au pouvoir des Élamites,
furent enlevées d'assaut et revinrent après plus de vingt
ans aux mains de leurs anciens maîtres. Ce premier succès
ouvrit à Sin-akhè-irib toute la partie basse de la Susiane,
qu'il mit à feu et à sang. « Trente-quatre grandes villes et
les petites villes des environs, dont le nombre est sans
égal, je les assiégeai et les pris ; j'enlevai les captifs, je
les démolis et les réduisis en cendres; je fis monter dans les
vastes cieux la fumée de leurs incendies comme celle d'un
seul sacrifice. 5> La nouvelle de ces désastres remplit Kou-
dour-Nakhounta de terreur* il ne se crut plus en sûreté
à Madaktou et se retira avec toute son armée auprès de
la ville de Khaïdali , dans les districts peu connus qui
bornent la Médie, afin d'y préparer, à l'abri de ses mon-
1. G. lUwlinson, The five great Monarchies^ t II, p. 171-172. -^
2. J, Oppart, Us Sargonides, p. 48; J. Menant, Annales^ 232,
LES SAR60NIDES. 417
tagneSy une résistance désespérée. Sin-akhè-irib n'alla
pas le relancer dans sa. dernière retraite. Au moment où
il se préparait à marcher sur Madaktou, les augures se
montrèrent si défavorables , qu'il préféra renoncer à son
expédition et rentrer en Aseyrie. Trois mois après, Kou-
dour-Nakhounta mourut, et, selon la coutume du pays,
son jeune frère, Oumman-Minanou, lui succéda*.
Au retour, Sin-akhè-irib apprit que Souzoub, trompant
la vigilance du préfet de Lakhir, son gardien, s'était
échappé de sa prison et réfugié dans les marais de la Ghal-
dée, d'où il essayait de soulever Babylone. La présence du
roi d'Assyrie coupa court à ces tentatives. Souzoub, trop
aible pour livrer bataille, n'eut que le temps de s'enfuir
chez Oumman-Minanou. Il revint quelques mois après avec
l'alliance des Susiens, et les Babyloniens « lui confièrent
la royauté des Soumirs et des Accads ». Afin de mieux
s'assurer l'appui d'Oumman-Minanou et de se ménager
les ressources qui lui manquaient, il ne craignit pas de
commettre un sacrilège. « Il ouvrit le trésor du grand
temple pyramidal; l'or et l'argent de Bel et de Zarpanit et
des temples j il le pilla pour le donner à Oumman-Mina-
nou, roi d'Élam. Il lui fit mander : « Dispose tes troupes
et divise tes forces, marche vers Babylone et fortifie nos
mains ^.» Grrâce à cette subvention, le Susien refit son
armée, détruite dans la campagne précédente. Les tri-
bus de la Perside et du bas Euphrate firent leur jonction
avec lui, et se réunirent à Babylone aux nouvelles le-
vées de Souzoub. « Ils vinrent pour commettre des crimes,
comme des Arabes qui arrivent en masse et veulent piller.
Au-dessus de la terre monta aux vastes cieux, sous leurs
pas, comme une nuée de sauterelles, la poussière de leur
marche *• » La bataille décisive de la guerre fut livrée près
de Khalouli. Une première fois vaincue, mais non enta-^
mée, l'armée des rebelles s'était repliée, sans que le vain-»
queur osât l'attaquer dans sa retraite. Il iallut que Sin-i
1. Oppert, les Sargonides, p. 48. — 2. Idem, tbid., p. 49. — 3. Idem,
Ibid.y p. 50.
UI8T. A.KC» ^1
418 GHAPITRB X.
tfchè-irll) aebetit au chef d'ét&t->ma}or d'Oommaa-Minanou
les plans de campagne des alliés. Malgré cette trahison, la
victoire ne fut obtenue qu'à grand'peine. « Sur la terre
mouillée, les harnais, les armes prises dans mes attaques,
nageaient tous dans le sang des ennemis, comme dans un
fleuve ; car les chars de bataille qui enlèvent hommes et
bêtes avpiient dans leurs courses écrasé les corps sanglants
et les membres. J'entassai les cadavres de leurs soldats
eomme des trophées, et je leur cOupai les extrémités. 3e
mutilai ceux que je pris vivants comme des brins de paille,
et pour punition je leur coupai les mains ^. » Oumman-
Minanou et So.usoub s'échappèrent presque seuls. Toute
l'aristocratie chaldéenne tomba aux mains du vainqueur
ou périt dans la bataille. Babylone fut prise, et Sin-akhè-
irib, exaspéré par le danger qu'il avait couru, résolut d'en
finir avec la cité rebelle. « La ville et les temples, depuis
leurs fondations jusqu'à leur toit, je les abattis, les minai,
les brûlai par le feu; les forteresses et les chapelles, les
t^urs de briques et de terre, je les détruisis toutes, et je
comblai le grand canal de leurs débris. » Dans un des sanc-
tuaires violés, il trouva les statues du dieu Bin et de la
déesse Sala, que le roi Mardouk^idinH^akhè avait enlevée
de la ville de Hekali après la défaite de Touklat-habal-
ftsar P^ quatre cent dix-huit ans auparavant, et le sceau de
Salmaoasar I'', consacré par Bin-bal-ôdinna victorieux aux
dieux de sa patrie. Ces trophées des antiques défaites, de-
venus les trophées d'une victoire éclatante -, furent rap-
portés à Ninive et installés triomphalement dans un des
temples de la ville. Pendant huit années, Babylone, à moi-
tié ruinée, resta sans roi et presque sans habitants, et ne fut
rétablie dans toute sa splendeur que par Assour-akhè-idin.
La destruction de Babylone termina d'une manière
triomphante la carrière militaire de Sin--akhè-irib. Au
moins ne connaît-on que deux expéditions, toutes deux
assez peu importantes, qu'on puisse mettre dans les der-
1. Oppert, les Sargonides, p yl.
LES SARGOMIDES, 419
sièms années de son régna : l'une, dirigée contre les
Arabes, amena la soumission de leur roi; dans Tauti^e,
qui. eut pour dié&tre la Cïlicie, il eut affiure aux Grecs,
qu'il battit sut terre et sur mer.
Au milieu de ces guerres incessantes , on se demalide
comment il eut le temps de songer à l'administration de
»on empire et à la construction de temples ou de palais.
Cependant, c'esl peut-être de tous les rois d'Assyrie celui
qui a laissé le plus de monuments importants. Grâce à sa
prodigalité, grâce aussi aux nombreux prisonniers de guerre
qu'il enleva de leur pays natal et fit travailler à ses édifices,
l'art assyrien prît sous son règne un développement ex^
trmordinaire , et dépassa tout ee qu'il avait produit jus-^
qu'alors. <c Le caractère le plus frappant dé l'ornementa-
tion adoptée par Sin-akhè4rib est un réalisme très-fort
et très-'marqué. Ce fut sous lui que la coutume se répan-
dit de compléter chaque tableau par un fond semblable à
eelui qui existait au temps et dans la localité de l'événe^
ment représenté; les montagnes, les rochers, les arbres,
les routes, les rivières, les lacs, furent figurés régulière-»
mant^ et Fon essaya de reproduire la localité telle qu'elle
était av«c aotani de vérité que le permettaient Thabileté de
l'artiste et la nature des matériaux. Dans ces essais on ne
aie bornait pas à reproduire les traits généraux et les
grandies* lignes de la soàne. Évidemment on voulait com-
prendre tous les menus accessoires que l'œil observateur de
l'artiste aurait pu noter, s'il avait fait son dessin d'après
nature. Les différentes espèces d'arbres sont indiquées dans
les basHreliefs ; les jardins, les champs, les étangs, les Jones,
sont représentés avec soin; les animaux sauvages, cerfs,
sangliers, antilopes, sont inti^eduits avec leurs traits carac-
téristiques ; les oiseaux volent d'arbre en arbre, ou sont
perchés sur leurs nids, tandis que leurs petits allongent
le cou Tara eux; les poissons jouent dans l'eau; les
pêcheurs «uareant lanr métier; lès bateliers et les ouvfier»
des champs poutattiiv«nt« leum travaux ; U scène est pour
ainsi dira pfaotogmpkiée dans tous ses dét^ls,*-*— ks
moindres comme les plus importants — également mar^
420 . CHAPITRE X.
qués, sans qu'on ait essayé; de faire un choix ou de pour-
suivre Tunité artistique.
ce Dans le même esprit de réalisme, Sin-akhè-irib choisit,
comme sujet de représent9.tion artistique, les scènes tri«
viales de la vie journalière. Les longues files de serviteurs
qui entraient chaque jour dans son palais avec du gibier
pour son dîner, des gâteaux et du fruit pour son des-
sert, ont encore sur les murs des corridors l'apparence
exacte qu'ils avaient au temps qu'ils passaient à travers
les cours chargés des friandises que le roi aimait. Ailleurs,
il met devant nous tous les procédés employés à la sculp-
ture et.au transport d'un taureau colossal, depuis le mo-
ment où l'on tire de la carrière l'énorme hloc non dé-
grossi, jusqu'au moment où il est hissé sur le tertre
artificiel qui sert de soubassement à un palais, afin de dé-
corer la porte monumentale d'une résidence royale. Nous
voyons les haleurs traînant au cours d'une rivière le bloc
brut porté sur un bateau à fond plat, et disposés par pelo-
tons, sous les ordres de contre-maîtres qui jouent du bâton à
la moindre provocation. La scène doit être représentée tout
entière : aussi tous les haleurs sont-ils là, au nombre de
trois cents, costumés chacun à la mode de son pays, et
dessinés avec autant de soin que s'ils n'étaient pas la repro-
duction exacte de quatre-vingt-dix-neuf autres. Puis on
observe le bloc mené à terre, et taillé rudement en forme
de taureau : dégrossi de la sorte, il est chargé sur un
traîneau et amené. sur un terrain uni par des escouades
d'ouvriers, arrangés à peu près de la même manière qu'au-
paravant, jusqu'au pied du tertre où il doit être placé, La
construction du tertre lui-même est représentée en détail.
On voit les briquetiers moulant les briques à la base, tandis
que des maçons, la hotte au dos, pleine de terre, de
briques, de pierres ou de décombres, montent pénible-
ment — car déjà le tertre est à moitié de sa hauteur — et
déchargent leur fardeau. Alors le taureau, toujours étendu
sur son traîneau, est hissé jusqu'au sommet, le long d'un
plan incliné, par quatre escouades de manœuvres, en
présence du monarque et de sa suite. Après quoi, la
LES SAROONIBËS. 421
sculpture est Complétée, et le colosse^ dresdé'sur ses pieds,
est conduit à travers la plate-forme jusqu'à la place exacte
qu'il doit occuper*. »
De toutes les villes de l'empire, Ninive fut celle qu'il se
complut surtout à embellir. Abandonnée par Saryoukin,
et déchue du rang de capitale, elle était tombée jrapide-
ment. Les murailles ruinées formaient brèche en maint
endroit, les aqueducs anciens étaient rompus; le Tigre, mal
contenu dans ses quais, menaçait la ville de ses déborde-
ments. Quant au palais, ce n'était plus qu'une ruine. « La
cour des dépendances, les rois, mes pères et prédécesseurs,
l'avaient construite pour y déposer les bagages, pour exer-
cer les chevaux, pour la remplir d'ustensiles. Son soubas-
sement ne supportait plus qu'on l'habitât; son pourtour
sculpté était ruiné par la durée du temps; sa pierre an-
gulaire avait cédé; ses assises s'étaient effondrées; son
sommet s'était penché^. » Il rendit à la ville son antique
splendeur, rétablit les anciens aqueducs et en édifia de
nouveaux, refit les quais du Tigre, fortifia l'enceinte et
répara tous les vieux monuments. « J'ai reconstruit les rues
anciennes, j'ai élargi les rues étroites et j'ai fait de la ville
entière une cité resplendissante comme le Soleil. » Le pa-
lais royal fut abattu entièrement, et une vaste colline ar-
tificielle élevée de ses ruines. « Dans un mois heureux, au
jour fortuné, j'ai construit, selon le vœu de mon cœur,
au-dessus de ce soubassement, un palais d'albâtre et de
cèdre, produit de la Syrie, et le palais le plus élevé, dans
le style de l'Assyrie J'ai restauré et achevé ce palçds,
depuis ses fondations jusqu'à son pignon ; j'y ai mis la
consécration de mon nom. A celui qui, dans la suite des
jours, sera, parmi mes fils, appelé à la garde du pays et
des hommes par Aâsour • et Istar, je dis ceci : Ge palais
vieillira et tombera en ruines dans la suite des jours ! Que
mon successeur relève les ruines, qu'il rétablisse les lignes
qui contiennent l'écriture de mon nom. Qu'il restaure les
1. G. Rawlinson, The five great Monarchies^ t. II, p. 181-188. —
2. J. Oppert, les SargonideSj p. 51.
4Si GHAPITRS X.
peintnraB, qu'il nettoie les bas-reliefs et qu'il lei remette
en place I Alors Assour et Istar écouteront sa prière. Mais
celui qui altère mon écriture et mon nofû^ qti'Assoiir, le
grand dieu, le père des dieux, le traite en rebelle, qu'il
lui enlève son seeptre et son trtoe, qu'il abaisse son
glaiye^. » L'avenir, et un avenir prochain, se chargen de
donner un démenti sanglant aux promesses d'éternité que
renfermaient ces paroles orgueilleuses. Bntr^ la dédicace
de ce palais et la destruction irréparable, il tt'y & guère
plus de soixante ans.
Le règne se termina par une tragédie. Un jour que Sin*
akhè^irib était dans la maison de Nisroch, son dieu, « il
arriva qu'Adrammeleoh et Saresser, ses fils, le tuèrent avec
Tépée*. » Les meurtriers ne profitèrent pas de leur érime.
Adrammelech essaya de se faire reconnaître comme roi,
mais l'empire refusa de lui obéir. Son frère, Assour^-akhé-
idin (Esai^faadden), né d'une autre mère, acclamé par l'ar-
mée d'Arménie qu'il commandait, marcha sur Minive et
battit ses compétiteurs. Au dire des uns, Adrammelech
périt dans le combat ; d'après les autres, il s'échappa avec
son frère et se réfugia en Arménie. S'il faut en croire la
tradition locale, le roi du pays accueillit les vaincus avec
bienveillance et leur donna des terres qui restèrent aux
mains de leur postérité'. Dès le début du règne, une cam-
pagne dirigée contre les districts montagneux qui sépa-
rent le bassin du Tigre de la Caspienne assura une sou-
mission momentanée de plusieurs peuplades aryennes de
la Médie, Deux guerres contre les gens de Van, les Tou-
bal, les Mouskaî et les Eimmériens d'Albanie, portèrent
la domination assyrienne jusqu'aux bords de la mer Noire
et jusqu'au pied du Caucase. Ces guerres avaient rempli
quatre années, de 680 à 676. Assour-akhè^-idin fut rap*
pelé au sud-est de l'empire par une révolte des Chaldéens.
Un fils de Mardouk-baMdinna, Nabou-zimab-azir, s'é-
tait emparé des pays qui bordent Tembouchure de l'Sa-
1. Oppert, Us Sargonides, p. 52-53. —2. Il Bois, xix, 37. — 3t Moïse
de Khorène, Hist, Arm,, 1. I^ p. 22.
LE9 SAROONIDES. 43S
phratei av^e laide des Susiens : Assour-akhè-idin le prit
et le remplaça par Nabou^nahid, auquel il imposa tin lourd
tribut. La Ghaldée à peine pacifiée, ce fut le tour de la Sy-
rie :1e roi de Sidon, Abdimilkouth, se révolta. Battu sut
terre, il s' enfuit daaa llle de CShypre, où il se croyait hors
d'atteinte/ Assour-akhè-idin traversa la mer « comme un
poisson M, fit don ennemi prisonnier , puis se tourna contre
leis régions montagneuses de la Phénicie qu'il mit à feu
et à sang. Sidon fut détruite, ses grands furent égorgés,
le roi et les habitants furent transportés en Assyrie et rem-*
placés par des colons venus do la Ghaldée et de la Susiane.
Assour-akhè-idin put tourner ses armes vers des régions
nouvelles et entreprendre des expéditions lointaines, à tra*
vers des pays où n'avaient jamais pénétré ses ancêtres.
Jusqu'alors, les rois d'Assyrie n'avaient eu affaire qu'à
telles des tribus arabes qui bordaient les rives de TÈu*
phrate ou vivaient sur les confins de la Palestine et de la
Syrie, tribus nomades et pillardes pour la plupart, qu'ils
avaient attaquées plutôt afin de prévenir ou de punir leurs
brigandages qu'ann d'étendre les frontières de l'empire.
C'est ainsi que, dès le huitième siècle, Salmanasar III
avait lutté contre Djendib l'Arabe, que Touklat'-habal-asar II
avait reçu successivement l'heinmage de deux reines d'Ara-
bie, et que Saryoukin avait entretenu des relations avec
Ël-Etymiar, roi de Saba. Mais plus tard, lorsque le cercle
des opérations se fut agrandi et que Ninive n'eut plus rien
à craindre en Syrie, les monarques assyriens cherchèrent
à porter le regard par-dessus ee rideau mouvant de tribus
qui leur fermait l'entrée de l'Arabie, et commencèrent à
convoiter la possession de l'Yémen, dont les caravanes
ismallites on les navires babyloniens leur apportaient les
produits.
En effet, depuis le jour où Ramsès IV , le dernier des
Pharaons qui se soit occupé d'entretenir des rapports
entre l'Arabie et l'Egypte, ouvrit une voie nouvelle au
commerce et peut-être essaya faiblement de rétablir sur
le Tonouter et le Pount la suzeraineté exercée jadis par ses
glorieux ancêtres de la dix-huitième et de la dix-neuvième
424 CHAPITRE X.
dynastie, le Yémen n'avait jamais cessé de prospérer, d'a-
bord sous les derniers Adites, puis, quand Yarôb, fils de
.Gahtân, eut soulevé les tribus Jectanides contre leurs maî-
tres de race koushite, sous les successeurs immédiats de
ce prince. Malgré la perte de leur souveraineté, la plus
grande partie des tribus koushites resta comme vassale
dans le pays qu'elle avait si longtemps dominé. Quelques-
unes se réfugièrent dans les montagnes du Hadhramaout,
où elles se maintinrent jusqu'aux premiers siècles de notre
ère. Un plus grand nombre passa en Afrique, où elles ren-
forcèrent les tribus établies depuis longtemps au delà du
détroit de Bab-el-Mandeb. Leur arrivée à peu près vers
le temps où l'Egypte, épuisée par ses conquêtes, laissait
échapper l'empire de l'Asie, et où les prêtres thébains,
vaincus par Jes Pharaons de la vingt et unième et de la
vingt-deuxième dynastie, établissaient au Gebel-Barkal
un royaume rival, eut sur les destinées de la vallée du Nil
une influence décisive. Grrâce à ces recrues inespérées, les
Koushites purent combler les vides que la conquête égyp-
tienne avait faits dans leurs rangs pendant des siècles, et
fournirent, à Piânkhi d'abord, aux rois de la vingt-cinquiè-
me dynastie ensuite, les armées qui luttèrent parfois avec
succès contre les forces de l'Assyrie.
Cette révolution intérieure n'avait rien enlevé à l'activité
commerciale des Sabéens. Malgré l'émigration des Kou-
shites et l'établissement d'une véritable féodalité dont les
chefs ne reconnaissaient pas toujours l'autorité du roi éta-
bli à Mareb, le pays ne cessa pas d'être le grand entrepôt
du commerce de l'Inde et de la Phénicie. Sin-akhè-irib,
vainqueur des Égyptiens et des Juifs, parait avoir songé à
les attaquer, eux et les autres peuples de l'Arabie lointaine
qu'on devait aisément confondre avec eux. « La charge
' contre l'Arabie. Vous passerez pêle-mêle la nuit dans la
forêt, troupes de Dédanim. Eau, venez au-devant de
celui qui a soif; les habitants du pays de Téma sont venus
au-devant de celui qui s'en allait errant çà et là avec du
pain pour lui. Car ils s'en sont allés errants çà et là de de-
vant les épées, de devant l'épée dégainée, et de devant l'arc
L£S SARQONIDËS. 425
tendu, et de devant le fort de la bataille. Car ainsi m'a dit
le Seigneur : «Dans un an, tels que sont les ans d*un mer-
ce cenaire, toute la gloire de Kédar prendra fin; et le reste
ce du nombre des forts arcbers des enfants de Kédar sera
«c diminué : car Jahveh, le Dieu d'Israël, a parlé*. » Les
révoltes perpétuelles de Babylone ne laissèrent pas au mo-
narque assyrien le temps d'accomplir les menaces conte-
nues dans cette prophétie. Seulement, vers la fin do son
règne, il intervint dans les affaires du Hedjaz, et par la
soumission du pays d'Ad-doumou, le Doumat des géogra-
phes arabes, et du pays de Hagar (Hedjir) dans le district
de Bahreïn, prépara les voies pour une conquête future de
l'Arabie méridionale.
Le premier soin d'Assour-akhè-;^ddin, avant de se diriger
vers le midi de la péninsule, fut d'assurer les conquêtes
de son père et de se ménager une base d'opérations dans le
Nord. La ville d'Ad-doumou, qui s'était révoltée, fut mise à
la rançon, et ses dieux emmenés en Assyrie prisonniers
de guerre : sur quoi, la reine du pays fit sa soumission.
Les statues des dieux qui avaient été mutilées dans le
transport furent restaurées et renvoyées en grande pompe,
après qu'on eut écrit sur elles « les éloges d'Assour et la
gloire de mon nom. » Les Arabes payèrent cette concession
de leur indépendance : Assour-akhè-idin leur imposa la
reine Tabouya, qui avait été élevée dans le palais de Ni-
nive et devait être toute dévouée à la politique assyrienne.
Une augmentation de soixante-cinq chameaux sur le tribut
payé jadis à Sin-akhè-irib fut considérée comme une com-
pensation équitable pour la restitution des dieux. Dans le
même temps, Khazael, roi d'Ad-doumou, étant venu à mou-
rir, on accorda l'investiture royale au prince Yalâ, fils du
défunt, mais à la condition que le tribut annuel serait aug-
menté de dix mines d'or, mille escarboucles et cinquante
chameaux de l'espèce la plus esitimée.
Sa base d'opérations assurée, Assour-akhè-idin se lança
vers les régions du' Sud, sans doute avec l'intention d'at-
1. Jesdiah xxi, 13-17.
4S6 CBâPVSKR X.
teindre rYémen. Les éés«^ti qxA eou?f6nt I0 ééntre de
FArabie arrêtèrent Ba mcirche. Il se éotitenta Aé sotimeltre
le pays de Bàzou, « dont le site est lointain, un pai^sage
de dépérissement, une région de défftillànee, un lieu où
règne la soif, et celui de Rhaziou, dans lequel il tua huit
rois. J'emportai en Assyrie leurs dieux, leura dépouilles,
leurs trésors et leurs sujets. loyale, roi de Tadih, s'était
soustrait à ma domination } il entendit le rapt de ses dieux,
il comparut devant moi àNinive, la tille de ma royauté, il
s'inclina devant moi. Je lui remis son péché, je Tabordai
avec bienveillance. Quant à ses dieux, j'écrivis au-dessus
de leurs images les éloges d'Assour, mon maître, je les
apportai et je les lui restituai. Je lui confiai ce pays de
Bâzou et je lui imposai de payer un tribut à ma royauté. »
Assaur-akhè-idin, maître de l'Arabie, put tourner ses re-
gards vers TAfrique, où le progrès toujours cruissant de la
dynastie éthiopienne commençait à Tinquiéter.
I«e0 Amtjr^em» en ^grptei Tahru^» (••f -•••) 1 eomiiaéfa
de l'iÉgypte par iissoar-akhé'idln (69t]i AiMiour-bau-
lialuil (6«f ••. .) f ean^aéte de l'iUmi.
La victoire de Béthon sur ëin^akhè^rib ftvdt délivré
l'Egypte sans lui rendre sa force et son unité. Tandis que
les deux principales dynasties du Nord, fat Salte et la
Tanite, se disputaient la suprématie dans le Delta, la
dynastie éthiopienne végétait misérablement àThèbes. Un
instant on put croire qu'elle réussirait à reeouvrer quelque
chose de sa grandeur passée : âhabatok, fils et successeur
de Shabak, réussit à se faire r<icennaître dans tout le pays *•
L'invasion de Tahraqa mit fin à ce succès éphémère : Sha-
batok fut vaincu, pris et tué ^^ le Delta soumis et Stéphi-
nàtès, qui représentait encore la dynastie sa!te, dépouillé
de Memphis. Tahraqa, poiy consacrer sa victoire, appela
d'Ethiopie sa mère qu'il quahfia grande régente, dame des
1. Oppert, Mémoire sur les rar) ports de l'Égypfe et de V Assyrie, p. 14;
Marielte,Jfonuw€ntedti?«r*,pl.29;/.— 2.Manclhon, édit., Unger, p.2Sl.
LES SAROONIDES. 427
deux pay», maltresie de tontes les nations «. Ld nom de
l'Egypte figura au Gebel-Barkal et jusqne sur les murailles
défi temples thébains parmi les noms des peuples vaincus ^.
Au bout de vingt ans do règne, Tahraqa pouvait se croire
solidement établi sur le trône, quand Tinvasion assyrienne
vifit remettre en question son autorité. Assour-akhè-idin
pénétra par Péluse dans la vallée du Nil, b&ttit les Éthio-
piens et les dispersa si complètement que Tahraqa dut
o'enfuir Jusqu'à Napata. Memphis tomba entre les mains
des ennemis^ Thèbes fut pillée : les statues des dieus et
des déesses, les parures d^or des prôtros et des prêtresses,
tout le matériel du culte fut envoyé en Assyrie et consacré
eomme trophée dans les temples. Assour-ahkè^idin s'oc-
cupa ensuite d'organiser le pays à la mode ajssyrienne t
il rendit Tindépendance aux vingt petits princes qui se
partageaient le territoire de FËgypte, leur imposa à chacun
un tribut séparé, et plaça à leur tète, comme chef de la
confédération, Néko P', roi de Saïs. Stéphinatès était mort
vers 681, laissant pour héritier son fils Nékhepso, grand
magicien et grand astronome, s'il faut en croire la tradi-
tion classique * , mais piètre roi, qui resta sa vie durant
vassal des Éthiopiens (681-674). Néko P', successeur de
Nékhepso, était sur le trône depuis deux années environ,
quand l'invasion assyrienne le délivra de Tahraqa. C'était,
comme la pljupart des hommes de sa race, un prince actif,
remuant, prêt à tout oser pour arriver au but que pour-
suivait depuis un siècle l'ambition héréditaire de sa fa^
mille^ la restauration de l'ancienne monarchie égyptienne.
Il n'éprouva aucun scrupule à se faire l'allié des Assy-*
riens, puisque cette alliance lui valut la suprématie sur
les autres princes et la restitution de Mempnis. Afin de
prévenir un retour offensif des Éthiopiens, Assour-akhé-
idin plaça dans les forteresses des garnisons sémitiques,
puis reprit le chemin de Ninive. L'abaissement de l'É-
1. De Rougé^ dans les Mélanges éTÀrchéoîogiê égyptienne et assy-
Tienne, t. I, p. 82. — t. Brugsch^ Histoire, 1. 1, p. 345. — 3. Galien,
De simpl. meêiaxm. facuU,,'iJ, 2, 19; Ausone, Epig,, 19; Firmicus,
Astronom., vin, &.
428 CHAPITRE X,
gypte, que tpus ses prédécesseurs avaient préparé incon-
sciemment, se trouvait accompli. Il avait rendu à Thèbes
l'affront que Thotmès III et Amenhotep II avaient infligé
' neuf siècles auparavant à Ninive. En rentrant dans ses
États, il fit sculpter sur les rochers du Nahr-el-Kelb et à
côté des stèles triomphales de Ramsès II une longue in-
scription où il racontait ses victoires et s'intitulait roi
d'Egypte, de Thèbes et d'Ethiopie * (672).
Il employa les trois années de paix qui suivirent (671-669)
à mener activement les travaux de construction qu'il avait
entrepris au commencement de son règne. Il éleva en
Assour et en Accad trente-six sanctuaires « revêtus de
lames d'or et d'argent et resplendissants comme le jour. »
Le palais qu'il construisit à Ninive, sur les ruines d'un
ancien trésor, dépassait en grandeur tout ce qu'on
avait fait jusqu'à ce jour. La toiture était en poutres de
cèdre sculpté, supportée p^r des colonnes de cyprès cer-
clées d'argent et de fer ; aux portails se dressaient des lions
et des taureaux de pierre ; les portes étaient en ébène et en
cyprès incrusté de fer, d'argent et d'ivoire*. Son psdais
de Babylone est entièrement détruit, et celui qu'il com-
mença à Kalakh avec le butin d'Egypte ne fut jamais ter-
miné. L'ornementation en était à peine ébauchée lorsque
en 669 il tomba gravement malade. Tahraqa envahit l'E-
gypte, battit les Assyriens sous les murs de ])tiemphis, et
enleva la ville après un siège meurtrier *. Assour- akhè-
idin , incapable de reprendre la campagne , abandonna la
couronne à son fils aîné Assour-ban-habal et se retira à
Babylone où il mourut peu après (667).
Assour-ban-habal partit aussitôt pour l'Egypte. Il rallia
en passant les contingents syriens, pénétra dans le Delta
sans obstacle et rencontra l'armée éthiopienne près de
Karbanit. Tahraqa fut battu et contraint d'évacuer Mem-
1. Oppert^ Mémoire sur les rapports de VEgyple et de V Assyrie, p. 38-
43; 80 sqq; G*. Smith^ Egyptian Campaigns of Esarhaddon and
Assurbanipal , dans la Zeitschrift, 1868, p. 91-94; G. RawlinsoD^ The
five great Monarchies, t. II, p. 192-194. — 2. Oppert, les Sarg&nides,
p. 57. — 3. G. Smith, dans la Zeitschrift, 1868, p. 94-95.
r
LES SARGONIDBS. 42d
phis, puis Thèbes, où les Assyriens s'arrêtèrent quelque
temps. Les rois tributaires furent rétablis et le pays remis
dans l'état où Assouivakhè-idin l'avait laissé cinq années
auparavant. Assour-ban-habal le quitta, convaincu qu'il
en. avait fini avec l'Ethiopie. Il était à peine rentré dans sa
capitale qu'une révolte éclata. Tahraqa vaincu paraissait
encore plus redoutable aux dynastes égyptiens que le
monarque ninivite. Ils lui envoyèrent des émissaires et
conclurent avec lui un traité secret par lequel ils s'enga-
geaient à le rétablir sur' le trône des Pharaons. Les
gouverneurs assyriens, instruits de ces menées, saisi-
rent les chefs de la conjuration, Sarloudari de Tanis,
Paqrour de Pasoupti et Néko, qu'ils envoyèrent à Ninive
chargés de chaînes ; ils saccagèrent, pour l'exemple, Saïs,
Mendès et Tanis, qui avaient donné l'exemple de la révolte,
mais ne réussirent pas à arrêter la marche de Tahraqa.
L'Éthiopien reprit successivement Thèbes et Memphis, où
il célébra les fêtes d'intronisation d'un nouvel Apis, et
menaça de s'emparer du Delta. Dans cette conjoncture,
Assour-ban-habal comprit qu'il convenait d'user de clé-
mence envers, les princes égyptiens qu'il tenait prison-
niers. Après avoir mandé Néko devant son trône, il le
fit revêtir d'un vêtement d'honneur, lui donna un cimeterre
à fourreau d'or, un chariot, des chevaux, des mules : non
tentent de lui rendre Saïs, il lui confia pour son fils aîné
' Psamétik * le gouvernement d'Athribi. Néko, de retour en
Egypte, n'y trouva plus Tahraqa. Le vieux monarque,
prévenu par un songe *, s'était retiré en Ethiopie et venait
d'y mourir (666) ; il avait régné vingt-six ans sur l'Egypte
et près de cinquante ans sur l'Ethiopie.
Les Assyriens occupèrent Memphis sans difficulté, mais
n'osèrent pas s'aventurer dans le Sud. Ourd-Amen, beau-
fils de Tahraqa', se fit proclamer roi à Thèbes, concentra
1. Psamétik prit par reconnaissance le nom assyrien de Nabou-sezi>
l)anni. — 2. Hérodote, II, 152, où le nom de Sabacon a été substitué à
celui de Tabraqa. »- 3. Divers savants (D. Haigh, dans la Zeitschrift,
1868, 80-83; 1869, p. 3-4, et cf. Smith, Hùtory of Assurhanipàl, p. SU-
BI) ont proposé d'identifier Ourdamen avec le roi éthiopien ^ouâf [niri\
4d0 CHAPITRE X.
ies force» et reprit l'oi«&»ive. Les Aesyriesui furent v^k^
CU8 une seconde fois en avant de Memphie, enferxné^ d«iui
la ville et forcés de se rendre après un long siége« Néko,
tombé entre les mains du roi éthiopien^ fut lais à mort et
Psaniétik n'eut qu^ le temps de s'enfuir en Syrie pour
éviter le môme sort ^. Àssour-ban-habal résolut à' m finir^
une fois pour toutes, avec les velléités d'indépea^dan^ de
l'Egypte et les prétention» conquérantes de TEtluopie. Ourdr*
Amen, battu dans le Delta, s'enfuit àThèbes^ où il espérait
se refaire une année. Poumuivi l'épée dans les reins, il
abandonna la ville sans résistance et se sauva jusqu'à Kip*
kip en Ethiopie (666^65). Thèbes, qui comm^nigait à se re-
lever des ruines qu'Assour-^akkè^idin y avait faites en 672,
fut saccagée de nouveau. La population entière^ hommes»
^t femmes, fut emmenée en esclavage^ ^ Vor, l'argent, les
métaux et les j^erres précisuses^ tous les trésors des palais,
les étoffes teintes en berom , » que le gouverneur MeU"
toumhâ venait de placer dans les temples', « deux obélii^
ques du poids de cent talents i> qui étaient à la porte â'un
temple, furent tmnsportés INinive^. Le pays fut de nouveau
reconstitué à Taesyrienne et les vingt rois rétablis sur le
Uône pour la troisîième fois depuis, six ou s^t aiis« Pea^
métik hérita la principauté, mais non le rling de s<m père;
Paqrour, prince de Pasoupti, devin'l le chef de la ligue.
Ourd-Amen réfugié en Ethiopie ne reparut plus, et l'E-
gypte fut pour quelques années la vassale docile de l'As-
syrie*. Un soulèvement dès Phéniciens et de la Gilkie qui
s'était produit en même temps que l'invasion d'Ourd-Amen
fiit promptement étouffé : Baal, roi de Tyr, obtint Tamsm;
Yakinlou, roi d'Arvad, se tua plutôt que de tomber au
pouvoir du vainqueur; une- courte campagne déicida du
amùun. Cést une prétention difficile à soufeâif et que tii M. de Rougé
(Mélanges d'Archéologie égyptienne et assyrienne, 1. 1^ p. 89-91] ni moi
n'avons pu admettre. — * 1. Hérodatei 11^ )b%,m9t Ite meurtre de N^o I"
sur le compte de Sabaeoii. •--- 2. De Rougé, (lans le» Mékmges d'ÀrcMo*
logie égyptienne et assyrienne, U l, p. 17-20. — 3. Auuuien Marcellia,
XYII , 4^ attribue aux Carthaginois le sac de Thèbes. — «4. Oppert,
Mémoire sur les rapporU de V£gypte et de VÀssyrie, p. 81 sqq.
LES '84E0QNir)ES. 431
sort d« 1« Gilieie. Sn ^5 tout étdt Xmaàoi, et là teaonx-
mée d'Assour-bao^-habal ii bien établie qu'un prince jus-
qu'alors mconuu^ GrygèSy roi de Lydie^ lui rendit hom-
mage et implon^iikoa Aide contre lei Kimmériena. L'empire
d'Assyrie s'étendit i4i moins nominalement jusqu'à la mer
Egée*,
Une guerre insigjufiante avec les g^ae de Manna tourna
un moment vers les pays du Nord l'atteotioit d'Âseour-baur-
babal ^. On put croire qu'il allait recommencer contre
VOurarti les entreprises de Baryoukin« L'Ëlam se jeta à
la traverse de ses projets et attira sur adi les désastres qui
menaçaient l'Arménie. Assour-bau-habal avait pourtant
essayé de se mettre en relations amicales avec le roi Ourtaki.
Pendant une grande feimine qui désola la Susiane, il lui
avait envoyé du blé et dés secours de toute sorte. Ceux dee
Ël^teB qui s'étaient réfugiés, sur la territoir» amyriefi
avec leurs familles, pour échapper aux horreurs de la &}m,
n'y avaient pas été retenus en esclavage : après les avdir
nourris le temps nécessaire, on les avait renvoyés dans leurs
&yers. Ourtaki oublia vite les générosités de son rival :
vers 659*, il envahit des districts qui relevaient de la
vice-royauté de Babylone et les mit à feu et à sang. Yaineu
par les Assyriens, il ne rentra dans ses Ëtats que pour y
périr de la main d'un de ses sujets ^. Il était arrivé au
pouvoir par une usurpation : comme il avait fait à son
frère aîné Oummanaldas et aux enfants de ce dernier,
son plus jeune frère Téoumman fit à ses enfants *. Chassés
d'Élam, ils s'enfuirent en Assyrie, tandis que leur oncle se
proclamait roi. Assour-ban-habal, encouragé par ces que-
relles domestiques, reprit la campagne l'année suivante.
1. Fr, Lenormant, Bistoire, t. II, p. 115-116; Smith, History of
Assurhanipalj p. 58-78; Menant, AnnaLes, p. 257-259. — 2. G. Smith,
Ilistory of AssurhaniptU,!^. 84-99. — .3. Le canon des Immoii assyriens
eesse brusquement en 665 à la troisième année d'Âssour-ban-habal.
A partir de ce moment il devient difficile d'établir pour l'histoire
d'Assyrie une chronologie certaine. — 4. G. Smith, History of Àssur-^
lanipal, p. 100-109; Menant, Annales, p. 281-282; G. Rawlinson, The
five great Monei^ehies, t. II, p. 204-205. — 5. Pour mieux faire com-
prendre au lecteur le récit qui va suivre, il nu sera pas inutile de
n
432 CHAPITRE X.
Les prodiges se multiplièrent en sa faveur : le soleil s'é*
clipsa et la déesse Istar lui apparut en songe, l'arc à la
main, pour lui ordonner de tout détruire. Téoumman se
retira derrière l'Oulaî et se retrancha dans le bourg de
Toulliz, la rivière en front, un bois sur ses derrières : il fut
vaincu et pris avec son fils aîné. Ses deux neveux, qui
avaient combattu dans les rangs des Assyriens, furent mis
à sa place et reconnus, Tammaritou vice-roi de Khaîdala,
Oummanigas, roi de Suse et de Madaktou sous la suze-
raineté d'Assour. Une expédition dans le pays de Gamboul,
qui s'était déclaré pour les Élamites, acheva la guerre. Les
chefs vaincus furent traités avec toute la cruauté assyrienne :
Téoumman et son fils furent décapités, plusieurs de leurs
généraux écorchés vifs, aveuglés ou mutilés. L'horreur causée
par tant de supplices n'abattit pas le courage des Élamites :
leur roi, élevé par les Assyriens et vassal de Ninive, se laissa
bientôt gagner aux sentiments patriotiques de son peuple
et devint l'ennemi acharné de ses anciens protecteurs.
Assour-akhè-idin avait remis la vice-royauté de Baby-
]one à son second fils Saoul-masadd-youkin. Ce prince
vécut d'abord en bonne intelligence avec son frère ; mais le
succès des- guerres contre Téoumman lui fit craindre pour
son autorité : il ne voulut pas rester l'humble vassal de
son frère et songea à la révolte. Assour-ban-habal ressentit
dresser au moins'dans ses parties essentielles le tableau généalogique
de la famille royale susienne à cette époque :
I. KHOUMéANIOAS II (?], 680-675.
I
I 1 I
II. OUMMANALDAS I*', 67S-670. III. OURTAKI, 670-659. IV. TEGDMAf AN, 659-657.
V. OUMMANIGAS I*', 657-650. OUMMANALDAS II. TAMMARITOU.
I
VI. TAMMARITOU.
G. Smith, History of Assurhanipalf p. 3C7 ; G. Rawlinson^ The fiie
great Monarchies^ t. Il, p. 205.
LES SARGONIDES. 433
amèrement l'ingratitude des Babyloniens. « Les enfants
ce de Babilou, je les avais placés sur des trônes, je leur
a avais donné des vêtements superbes, je leur avais mis
ce aux pieds des anneaux d'or; les enfants de Babilou, ils
ce avaient été reçus au pays d'Assour et honorés suivant
ce mon ordre exprès. Et pourtant, lui, Saoul-masadd-you-
ce kin, mon jeune frère, il ne tint aucun compte de ma
ce suprématie, il souleva le peuple d'Accad, de Kaldou et
ce d'Aram, et les peuples de la côte..., et il les suscita contre
ce mon pouvoir. » Pour obtenir les secours de TÊlam,
Saoul-masadd-youkin donna les trésors du temple de Bel
à Babylone et du temple de Nebo à Barsip. Des courriers
envoyés par toute la Ghaldée et en Arabie décidèrent ce les
ce rois du pays de Gouti, du pays de Martou, du pays de
ce Miloukhi, à faire cause commune avec lui. » La coalition
allait de l'Egypte aux bords du golfe Persique, et Assour-
ban-habal ne savait encore rien du complot qui se tramait
contre lui. Un incident imprévu le tira soudain de sa
tranquillité et lui révéla toute l'étendue du danger. Le gou-
verneur assyrien d'Ouroukh apprit du gouverneur d'Our
qu'un messager de Saoul-masadd-youkin venait d'arriver
dans cette ville et «y excitait le peuple à la rébellion : après
avoir en vain essayé de rétablir l'ordre, il donna avis à son
suzerain de ce qui se passait. Saoul-masadd-youkin essaya
de conjurer l'effet de cette révélation en faisant protester
de son dévouement à l'Assyrie par une ambassade solen-
nelle. B gagna de la sorte le temps nécessaire pour com-
pléter ses préparatifs : au retour des ambassadeurs, il jeta
le masque et se proclama roi de Babylone *.
Assour-ban-habal faiblit d'abord devant l'imprévu de
cette attaque. Un songe lui rendit courage : c< Voilà, lui dit
« le dieu Sin, ce que je prépare à ceux qui complotent
« contre Assour-ban-habal, roi du pays d*Assour : un
« combat aura lieu, après lequel une mort honteuse les
« attend. Adar détruira leurs vies par l'épée, par le feu,
1. Smith, Uiitory of Assurhanipàlf p. 1 10-1 50; J. Mènent, Annales,
p. 282-285; G. Rawlinson, The five great Monarchies , t. Il, ip, 205-206;
fr. Leûormant, Histoire^ t. II, p. 115-117.
filST. ANQ. 28
1
434 CHAPITRE X.
« par la famine. » J'entendis ces paroles et je me préparai
a dès lors à remplir la volonté de Sin mon seigneur. » Les
discordes de la famille royale paralysèrent les forces de
TÉlam. Tammaritou, fils d'Oummanigas, voyant que son
père avait envoyé la fleur de son armée à Babylone, se
révolta contre lui, le prit et le fit décapiter. A la faveur de
cette diversion, Assour-ban-habal vainquit son frère en
rase campagne et força les débris de son armée à s'enfer-
mer dans Babylone, Sippar, Barsip et Kouta. H assiégeait
ces quatre places quand Tammaritou « s'avança contre lui
a pour combattre. J'adressai, dit-il, ma prière à Assour el
« à Istar : ils accueillirent mes supplications et entendi-
« rent les paroles de mes lèvres. Son serviteur Indabigas
« se révolta contre lui et le mit en déroute sur le champ
a de bataille. » Le vaincu n'eut d'autre ressource que de
s'enfuir à Ninive et de se remettre à Id merci du roi d'As-
syrie. « Il embrassa mon pied royal et se couvrit la tête
a de poussière devant l'escabeau de mes pieds.... Moi,
« Assour-ban-habal, au cœur généreux, je l'ai relevé de sa
« trahison, je l'ai reçu lui et les rejetons de la famille de
« son père dans mon palais. » Privé, par cette catastrophe
imprévue, de son allié le plus efficace, Saoul-masadd-youkin
ne pouvait plus remporter la victoire. Il s'enferma dans Ba-
bylone et y résista jusqu'à la dernière extrémité : la famine
fut telle que les assiégés « en furent réduits, pour se nour-
cc rir, à prendre la chair de leurs fils et de leurs filles. »
Saoul-masadd-youkin, tombé aux mains de son frère, fut
brûlé vif, a et le peuple qui l'avait suivi ne trouva pas sa
« grâce. Ce qui ne fut pas brûlé avec Saoul-masadd-
« youkin, son maître, s'enfuît devant le tranchant du fer,
« l'horreur de la famine et les flammes dévorantes, pour
« trouver un refuge. La colère des grands dieux, mes sei-
« gneurs, qui n'était pas éloignée, s'appesantit sur eux;
« pas un ne s'échappa, pas uû ne fut épargné, ils tom-
« bèrent tous dans mes mains. Leurs chariots de guerre,
« leurs harnais, leurs femmes, les trésors de leurs palais,
ce furent apportés devant moi. Ces hommes dont la bouche
« avait tramé des compltJts perfides contre moi et contre
LES SÀROONIBES. 4d6
<i Assoar, mon seigneur, j'^ai arraché ]çur langue et j'ai
a aeeompli leur perte. Le reste du peuple fut exposé mant
« deyant les grands taureaux de pierre que Sin-akhè-irib,
<K le père de mon père, avait élevés, et moi, je les ai jetés
<K dans le fossé, j'ai coupé leurs membres, je les ai fait
ce manger par des chiens, des bêtes fauves, des oiseaux de
<K proie, les animaux du ciel et des eaux. En accomplissant
a ces choses, j'ai réjoui le cœur des grands dieux, mes sei-
« gneurs. » C'était la deuxième fois, en moins d'un demi-
dècle, queBabylone était saccagée par les Assyriens. Quand
les soldats et le roi lui-même furent fatigués du massacre,
Qc le reste des enfants de Babilou, de Keuta, de Sippar,
« qui avait résisté aux souffrances et aux privations, reçut
« son pardon. J'ordonnai qu'on épargnât leur vie... Je
<c leur imposai tes lois d'Assour et de Beltis, les dieux du
« paya d'Assour, les tiibuts et les redevancés de provinces
« soumises à ma domination *. »
Depuis la fuite de Tammaritou, l'Elam n'avait pris
aucune part à la guerre. Indabigas, secrètement favorable
à Saoul-masadd-youkin , s'était tenu sur la réserve : il
craignait, en éloignant son armée, de s'exposer à quelque
révolte des princes de sa famille. Après la chute de Baby-
lone, il donna asile à plusieurs chefs chaldéens, et entre
autres à Nabou-bel-soumê , petit-fils de Mardouk-bal-
idinna, et, comme son grand' p.ère, roi de Beth-Yakin.
Assour-ban-habal réclama les fugitifs, Indabigas refusa
de les livrer; des négociations s'engagèrent pendant le»*
quelles un général susien, Oummanaldas, assassina son
maître et se mit sur le trône. Assour-ban-habal profita de
ces dissensions pour envahir l'Elam, «Bet-Imbi, l'ancienne,
tt est la capitale des places fortes du pays d'EJam, elle en
« divise la frontière comme une muraille. Sin-akhè-irib,
« roi du pays d'Assour, le père du père qui m'a engendré,
« l'avait prise; les Élamites avaient construit devant Bet-'
1. G. Smith; History of Assurhanipalf p. 151-204 ; J. Menant^ iin-
nales, p. 261-264; G. Rawlinson» The five great Xonarchies^ t. 11^'
p. 205-207* ^
436 CHAPITRE X.
itclmbi l'ancienne une autre ville, ils l'avaient fortifiée, ils
te avaient élevé ses remparts et l'avaient nommée Bet-Imbi.
ce Je l'ai prise au cours de mon expédition. J'ai détruit les
<c habitants qui ne sont pas venus solliciter l'alliance de
ce ma royauté, je leur ai coupé la tète, je leur ai arraché
ce les lèvres, et, pour les faire voir aux habitants de mon
ce pays, je les ai envoyés au pays d'Assour. » Oummanaldas
quitta Madaktou et s'enfuit dans les montagnes. Tamma-
ritou, qui avait suivi Assour-ban-habal, fut rétabli sur le
trône comme vassal de l'Assyrie. Mais bientôt, las du rôle
odieux qu'il jouait, il complota de massacrer les garnisons
assyriennes ; il fut trahi et livré au vainqueur. Cette diver-
sion inattendue donna à Oummanaldas le temps de réparer
ses forces; il rentra dans Madaktou, et s'empara même
de Bit-Imbi. Ce ne fut qu'un succès passager. Au prin-
temps de l'aûnée suivante, Assour-ban-habal parut en
Élam , emporta l'une après l'autre toutes les lignes de dé-
fense qu'Oummanaldas avait établies en avant de Suse, et
finit par enlever cette ville elle-même, ce Par la volonté
ce d'Assour et d'Istar, je suis entré dans ses palais et je
ce m'y suis reposé avec orgueil. J'ai ouvert leurs trésors,
ce j'ai pris l'or et l'argent, leurs richesses, tous ces biens
ce que le premier roi d'Élam et les rois qui l'avaient suivi
ce avaient réunis et sur lesquels aucun ennemi encore
ce n'avait mis la main, je m'en suis emparé comme d'un
ce butin... J'ai enlevé Sousinak, le dieu qui habite dans les
ce forêts, et dont personne n'avait encore vu la divine
ce image, et les dieux Soumoudou, Lagamar, Partikira,
ce Amman-Kasibar, Oudouran, Sapak^ dont .les rois du
ce pays d'Elam adoraient la divinité. Ragiba, Soungoum-
cc soura, Karsa, Kirsamas, Soudounou, Aipaksina, Biloul,
ce Panintimri, Silagara, Napsa, Nalirtou et Kindakourbou,
ce j'ai enlevé tous ces dieux et toutes ces déesses avec leurs
ce richesses, leurs trésors, leurs pompeux appareils, leurs
ce prêtres et leurs adorateurs, j'ai tout transporté au pays
ce d'Assour. Trente-deux statues des rois en argent, en or,
« en bronze et en marbre, provenant des villes de Sousân,
« de Madaktou^ de Houradi, la statue d'Oùmmanigas, le
LES SARGONIDES. 437
a fils d'Oumbadara, la statue d'Istar-Nakhounta , celi
« d'ilallousi, la statue de Tammaritou, le dernier roi qui,
« d'après l'ordre d'Assour et d'Istar, m'avait fait sa soumis-
ce sion, j'ai tout envoyé au pays d'Assour. J'ai brisé les
ce lions ailés et les taureaux qui veillaient à la garde des
« temples. J'ai renversé les taureaux ailés fixés aux portes
« des palais du pays d'Êlam et qui jusqu'alors n'avaient
ce pas été touchés ; je les ai jetés bas. J'ai envoyé en capti-
« vite les dieux et les déesses. Leurs forêts sacrées, dans
« lesquelles personne n'avait encore pénétré, dont les fron-
ce tières n'avaient pas été franchies, mes soldats les envahi-
« rent, admirant leurs retraites, et les livrèrent aux
« flammes. Les hauts lieux de leurs rois, les anciens et les
(c nouyeaux qui n'avaient pas craint Assour et Istar, mes
« seigneurs, et qui étaient opposés aux rois mes pères, je
« les ai renversés, je les ai détruits, je les ai brûlés ai?
« soleil; j'ai emmené leurs serviteurs au pays d' Assour
ce yai laissé leurs croyants sans refuge, j'ai desséché lec
« citernes. » Pendant un mois et vingt-cinq jours, toute k:.
partie basse du pays d'Élam fut livrée aux soldats et sac-
cagée. Ce qui resta de la population au bout de ce temps
fut envoyé ce comme des troupeaux de moutons » dans les
villes où siégeaient les dieux, les préfets, les commandants
militaires et les gouverneurs de l'Assyrie.
Oummanaldas tenait encore dans la montagne ; pour ob-
tenir la paix , il offrit au monarque assyrien de lui livrer
Nabou-bel-soumê. Plutôt que de tomber vivant aux mains
de l'ennemi, Nabou-bel-soumê se fit tuer par son écuyer.
Son corps fut remis aux messagers du roi d'Assyrie, qui
le décapita et le jeta à la voirie en défendant de lui don-
ner la sépulture. La tête salée et préparée fut suspendue à
Tun des arbres du jardin royal de Ninive ; un bas-relief,
aujourd'hui conservé au Musée Britannique, représente
Assour-ban-habal banquetant avec ses femmes en présence
de ce hideux trophée ^ Cette lâcheté ne sauva pas Oumma-
naldas ; les vainqueurs le poursuivirent jusque dans les
l. Fr. Lenonnant, les premières CivUisations, t. 11^ p. 3Û6«
438 CHAPITRE X.
déserts où il s'était retiré et le. contraignirent à cpitter le
pays sans espoir de retour. Lui chassé , tout son royaume
fut réduit à l'état de province et placé directement sous la
surveillance des généraux assyriens. L'Élam, le plus ancien
des États de l'Asie antérieure, disparut do la scène du
monde; les souvenirs de son histoire réelle s'effacèrent au
milieu des légendes ; le fahuleux Memnon remplaça dans
la mémoire des peuples ces lignées de souverains amhi-
tieuK et de hardis conquérants qui avaient possédé Baby-
lone et la Syrie en des temps où Ninive n'était qu'une sim-
ple bourgade *.
Une guerre heureuse contre les Nabatéens et contre les
Arabes situés entre la vallée du Jourdain et celle de l'Eu-
phrate assura la frontière de l'Assyrie sur le désert : un
traité avec Sadouri, roi d'Ourarti, mit les régions duNaïri
à l'abri de toute attaque. L'Egypte s'était rendue indépen-
dante, sans doute pendant la révolte de Saoul-masadd-
youkin, et h Lydie avait rompu ses relations avec Assour-
ban-habal. C'étaient toujours les mêmes dangers et les
mêmes difficultés qu'au temps d'Assour-nazir-habal ou de
Touklat-habal-asar II; pour maintenir leur autorité, les
rois d'Assyrie étaient contraints de courir sans, relâche d'une
extrémité de leur empire à l'autre. Toute guerre qui du-
rait quelques années et retenait leurs armées à l'Est re-
lâchait en Occident les liens d'allégeance ; il fallait régu-
lièrement recommencer la conquête ou renoncer à l'acquis
des expéditions précédentes. Assour-ban-habal, fatigué de
sa lutte contre l'Élam, résigna ses droits à la .suzeraineté
sur l'Egypte et sur la Lydie, Il n'en resta pas moins le
souverain le plus puissant du monde oriental. Presque le
(id^nier de sa race, il fut celui dont la domination s'étendit
le plus, et dépassa tous ses prédécesseurs en activité, ea
courage, en énergie, en cruauté, comme si l'Assyrie, se
isentant près de sa ruine, avait voulu réunir en un seul
l.G. âmitii, Bittùry of Assurhanipài, p. 906-t!&6, 809-967) Xéaani,
Annales, 264-270; G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. II,
p. 206-2(>V3 Fr. lisnormant, Histoire, U II, p. US- 1^2.
LES SAROONIDSS. 439
homme toutes les qualités qui avaient fait sa grandeur et
tous les défauts qui ont «ouiUô 0a gloire.
CHAPITRE XI.
L'ASIE AU TEMPS DES SARGOIinDES.
Les Sémites occidentaux ; la Phénicie ; la Judée. — La Médie 6t les
tnigrations iraniennes. — La religion iranienne Zoroastre; les
Magei.
IMi mémÊàm tetâ— 1»«| te WhémiitMmt te mmâé^.
Les Sargonides avaient fondé sur les débris des royau-
tés partielles un grand empire sémite. Araméens, Juifs ,
Phéniciens, les gens de TAseyrie et de la Ghaldée, môme
les Arabes, tout ce qui parlait un dialecte sémitique
entre Tisthme de Suez et l'embouchure de TEuphrate, re-
connaissait un même chef et faisait pour la première fois
partie d'une même domination. Les peuples conquérants
d'autrefois, Egyptiens, Élamites, Touraniens de Médie ou
de Ghaldée, avaient succombé tour à tour sans espoir de se
relever jamais. Mais le triomphe de la race sémitique sur
ces vieilles races civilisées de l'ancien monde avait été
ehèrement acheté. Nous avons vu quel avait été le sort de
Babybne et des Sémites orientaux pendant les dernières
guerres; les Sémites occidentaux avaient souffert encore
plus de la conquête que leurs cousins de Mésopotamie et
de Ghaldée. La Syrie, jadis si riche et si peuplée, était en
pleine décadence ; Kadesh n'existait plus que dans le sou-
venir des scribes égyptiens; Karkémish, Damas, Hamath,
perdaient chaque jour de leur importance politique ou
commerciale. L'Aram, écrasé par dix siècles de lutte,
était à la merci du premier ennemi venu; Moab, Ammon,
les Philistins, étaient plus qu'à moitié ruinés; Israël avait
440 CHAPITRE XL
disparu : seuls les Phéniciens et les Juifs conservaient
encore quelque apparence de prospérité et de vie.
L'histoire intérieure des Phéniciens, depuis le temps
d'Ithobaal l" jusqu'à Favénement d'Assour-ban-habal, peut
se résumer en quelques mots. Tyr avait succédé à Sidon
dans rhégémonie de la nation ; elle était à la tête d'une
confédération composée des différentes cités sidoniennes, à
l'exception de celle d'Arad, qui. continuait de mener une
vie indépendante; mais les membres de cette confédéiu-
tion, toujours jaloux de la suprématie de Tyr, cherchaient
à s'y soustraire et ne négligeaient aucune occasion de
marquer leur hostilité. Les désordres de la nation ne fai-
saient que rappeler en grand les discordes de la ville
elle-même, où l'aristocratie d'origine sidonienne était sans
cessa en lutte ouverte avec la classe populaire. Peudant
son long règne , Ithobaal avait réussi à maintenir la paix
entre les partis; mais bientôt après sa mort les mêmes
accidents qui avaient suivi la mort d'Hirom !•' se pro-
duisirent avec plus de force et des suites plus désastreuses.
Baletsor, son fils , ne régna que huit ans ; il eut pour hé-
ritier un enfant de huit ans ,* Mutton , dont la jeunesse
favorisa l'ambition des chefs de la faction populaire. Mut-
ton lui-même ne laissa pour lui succéder qu'une fille,
Élissar, mariée à son oncle Sicharbal, grand prêtre de
Melkarth, et un enfant en bas âge du nom de Pygma-
lion*. Sicharbal, frère de roi, et en sa qualité de grand
prêtre le premier dans l'État après le roi, avait été désigné
par Mutton pour être régent pendant le temps de la mino-
rite. Il fut renversé par le parti populaire et, quelques an-
1. Tous ces noms ont été altérés plus ou moins par les écrivains
grecs et latins qui nous les ont conservés. BaXéÇcopo; est •lljp Hyiî
Baal de Tyr (Movers, Die Phœnizier, 2*" Theil, p. 353, noie 63) ; Mutton
s'appelait ITTÛy comme le grand prêtre de Baal à Jérusalem au temps
d'Athaliah Voir p. 363 de cette histoire). La variante '£Xt<r9oc est pour
*£Xi9(rap, comme *A|j.CXxqic est pour 'Ât&iXxap, et Sicharhas pour 5t-
eharhal (Movers, Die Phcenixier, t. II, 2'" Theil, p. 353, note 64 ; 355,
note 67 ; 362, note 91). VAcerbas de Justin est pour lS]acerbai-Sichar-
bOM,
L'ASIE AU TEMPS DES SARGONIDES. 441
nées après, assassiné par son neveu. ÏUissar voulut venger
son mari et ourdit une conspiration ou Taristocratie entra
tout entière. Découverte, elle s'empara par surprise d'une
flotte qui se trouvait alors dans le port prête à mettre à la
voile , y embarqua ses partisans et se dirigea vers l'Afri-
que. Elle débarqua dans la Zeugitane, à l'endroit où les
Sidoniens avaient fondé plusieurs siècles auparavant la
ville de Kambê, acheta du terrain au roi des Liby-Phéni-
ciens et fonda sur les ruines de l'ancienne ville une ville
nouvelle, Kiriath - Hadeshât * y dont les Grecs ont fait
Karkhèdôn et les Romains Garthage *.
La fondation de Garthage fut pour Tyr ce que l'émigra-
tion de l'aristocratie sidonienne à Tyr avait été pour Si-
don : le commencement de la décadence. Déjà sous Itho-
baal I*' les Assyriens avaient fait leur apparition en
Phénicie; Assour-nazir-habal avait franchi le Liban et
poussé jusqu'à la mer*. Les Tyriens suivirent à son égard
la même politique que les Sidoniens avaient pratiquée à
l'égard des Égyptiens; ils calculèrent qu'il serait plus
profitable de se soumettre sans lutte que de résister à
chances inégales et achetèrent la paix. La Phénicie du
Nord, Arad et Simyra, ne voulut pas suivre cet exemple et
s'attira de rudes leçons : Arad s'allia aux rois de Damas
contre Salmanasar, fut battue et pillée à plusieurs re-
prises. Quand, après le règne de Samsi-Bin, le pouvoir
des Assyriens commença de décliner, Tyr cessa de recon-
naître leur suzeraineté et fit l'économie du tribut qu'elle
leur avait payé pendant un demi-siècle; mais cinquante
ans plus tard, sur un ordre de Touklat-habal-asar H, elle
se hâta de reprendre sa chaîne, et son roi, Hirom II, vint,
en 742 , à Arpad apporter au vainqueur la rançon de ses
suîets*. Dans l'intervalle, Sidon s'était emparée d'Arad,
Vavait colonisée (vers 751)'^; l'autorité de Tyr sur la
Phénicie avait décliné et Sidon avait repris l'ascen-
1. Prononcé probablement Kart-Hadshât. — 2. Movers, Vie Phœ^
nisier, t. Il, V Theil, p. 350-371. — 3. iVoir p. 347-348. — 4. Voir
p. 369. — 5. Movers, Die Phœnixier, t. II, 1»" Theil, p. 368-370.
kk% CHAPITRE XL
dont, La défait© de Mutton II * , succesBeur d'Hirom , (jui
voulut profiter de ralliance de Retsin pour recouvrer son
indépendance, devint le signal d'une révolte dans l'tle
4e Chypre. Elouli' réussit à Tétouffer; mais quand, à
Texemple de son prédécesseur, il entra en lutte contre
TAssyrie, toutes les autres villes de Phénicie l'abandon-
nèrent et mirent leurs vaisseaux à la disposition de Sal-
manaflar Y. Ëlouli abandonna la Tyr continentale et s'en-
ferma dans la ville maritime, d'où il défia les efforts de ses
adversaires, La flotte phénicienne, montée par des Assy-
riens, fut battue, le siège changé en blocus % mais ni Sal-
manasar ni Saryoukin ne réussirent à triompher; en 715,
Saryoukin leva le siège après dix ans d'une guerre sans
résultat* Il se vengea de son échec, en 708, par la con-
quête de Chypre *, et son fils Sin-akhè-irib finit par ayoir
raison de Torgueilleuse cité. Il la prit en 700 et remplaça
le vieil Élouli par Ithobaal II, qui se reconnut son tribu-
taire '^. Cette défaite porta le dernier coup à la puissance
continentale de Tyr, Sidon redevint la métropole de la
confédération, mais pour quelques années seulement.
Vers 660, son roi Abdimilkout s'insurgea contre Assour-
akhè-idin, sans succès, comme toujours. Le vainqueur
rasa les murailles de Sidon et transporta une partie de la
population en Assyrie *; Tyr recouvra un semblant de su-
prématie, que son roi Baal compromit de nouveau vers 666
en s'aliiant à l'Éthiopien Ourdamani contre Assour-ban-
habaL Assour-ban-habal eut bien vite raison de ces velléi-
tés d'indépendance; Baal implora et obtint son pardon; le
roi d'Arad, qui résista, succomba à la peine et fut déposé ^
La Phénicie, épuisée d'hommes, ne bougea plus jusqu'à la
chute de Ninive *.
1. Il est appelé Mitenna par les textes assyriens, ^ % 'Sloû^MOcde
Néo^uidre, ùauUya des textes cunéiforines. — 3. Voir p. 391. ^ 4. Voir
p. 401. — 5. Voir p. 405. Le fragment de Ménandre attribue à Eloulxos
trente-six ans de règne. Les monuments assyriens ne placent entre la
mention de Mitenna vers 730 et la prise de ïyr en 700 que trente ans.
Il est donc probable qu'il faut corriger en vingt-siz le chiffre trente-six
de Ménandre. — 6. Voir p. 423. — 7. Voir p. 430. — 8. Fr. Lenorœant,
L'ASIE AU TEMPS DES SARGONIDES. 443
L'empire coloniil avait éprouvé les mêmes vicissitades
que les villes du continent. Il avait continué de croître
jusqu'à Ithobaal I** et même pendant le règne de ce printie.
Zja Mauritanie et l'Espagne du Sud, occupées en partie par
des peuples miites nés de Talliance des Sémites avec les
tribus indigènes, n'étaient déjà plus la limite extrême du
(U)mmerce des Phéniciens vers l'Occident. Les amiraux de
Tyr avaient exploré la côte du Maroc bien loin au sud, et
fondé, entre le détroit de Gradir et le Sénégal, des colonies
nombreuses ; ils avaient remonté la côte d'Espagne, tra-
versé la mer des &aules et pénétré jusqu'aux lies de
l'Étain, peut-être même jusque au delà de la Grrande-
Bretagne. Tyr était vraiment la métropole commerciale du
monde entier. Les troubles qui suivirent la mort d'Itho-
baal I*' interrompirent ce mouvement d'expansion et amoii>-
drirent la force du pays au moment même où des ennemis
puissants commençaient à l'attaquer çur plusieurs points
à la fois. La marine étrusque arrêta ses progrès sur les
côtes d'Italie et de &aule, tandis que la marine grecque,
après avoir enlevé dans la mer Egée ce qui restait de la
Histoire ancienne, t. III, p. 74-86. Pour juger de l'étendue des rensei-
gnements que les monuments assyriens nous ont déjà fournis sur l'his-
toire intérieure de la Phénioie, il suffit de comparer les quelques
pages que je lui ai consacrées au chapitre de Kovers qui traite de cette
époque {Die Phœni^iier, t. II, 1"' Theil, p. 350-371). La liste des rois
Tyriens a reçu également de notables dé?eloppements, comme le prouve
la liste suivante :
Abibal,
HiROM I".
Abdastart.
(Anonyme).
ASTAtlT.
ASTiRYtf,
Phelles.
Ithobaal P».
ProHuioif. .
[fliROM H] •
[MUTtON II]
£toi;ti
(iTfiOBAiJ» IIJ
[BaalI
Balbtsor.
444 CHAPITRE XI.
yieille colonisation Sidonienne, couvert de ses colonies
les côtes méridionales de l'Asie Mineure et pris pied à
Chypre, s'aventurait jusqu'en Sicile. En 734, une première
expédition fondait au pied de l'Etna Naxos et Mégare ; en
734 , les Corinthiens et les Corcyréens bâtissaient Syra-
cuse : en quelques années les Grecs occupèrent toute la
côte orientale et méridionale de l'île. Carthage acheva ce
qu'ils avaient commencé. L'aristocratie tyrienne transpor-
tée en Afrique y déploya, pour la grandeur de sa nouvelle
patrie, l'activité qui avait fait la grandeur de Tyr pen-
dant les siècles précédents. La Ville neuve éclipsa ses voi-
sines, Utique, Adrumète, Leptis, et ne tarda pas à entrer
en rivalité d'intérêts avec la mère-patrie : soixante aimées
à peine après sa fondation, elle conquérait pour son compte
la partie méridionale de la Sardaigne. Les Phéniciens de
Sicile, refoulés parles Grecs dans Makhanath (Panormos),
Motya et Képher (golonte), ceux de la côte d'Espagne et
ceux de la côte d'Afrique, harassés sans cesse par les bar-
bares, tous les peuples et tous les comptoirs que Tyr . em-
pêchée par ses guerres contre l'Assyrie ne pouvait plus
défendre, se mirent sous la protection de Carthage. Le
vieux nom national de Pœni^ d'abord entendu sur les rives
du golfe Persique, résonna sur les eaux de la Méditerranée
et de l'Océan Atlantique, et l'empire Punique remplaça en
Occident l'empire Phénicien. Chypre fut conquise par les
Assyriens en 708 ; Thasos par les Pariens à peu près dans
le même temps. Vers la fin du règne d'Assour-ban-habal, la
Phénicie n'avait plus une colonie qui reconnût son auto-
rité. Sa richesse et son commerce n'en souffrirent point :
« elle fit le métier de revendre aux peuples en plusieurs
ce îles 55 et servit de commissionnaire en marchandises au
monde entier, aux Carthaginois et aux Grecs comme à ceux
d'Egypte et de Syrie. Sa force n'en était pas moins brisée :
réduite à son territoire continental, elle garda assez d'éner-
gie pour résister aux assauts des conquérants étrangers et
pour succomber glorieusement, mais n'eut plus assez de
puissance effective pour peser d'un grand poids dans les
destinées de la Syrie.
L'ASIE AU TEMPS DES SARfiONIDES. 445
Nous avons laissé les Juifs au lendemain de la défaite
de Sin-akhè-irib ^ Hizkiah avait attribué sa délivrance à
un miracle et s'était senti confirmé dans sa piété par le
désastre des Assyriens. Docile aux conseils de Jesaîah, il
avait décliné Talliance de la Ghaldée et Tappui de TÉgypte.
Il s'était borné à mettre son royaume en état de défense
du mieux qu'il pouvait, sans provoquer les soupçons du
monarque assyrien, tout-puissant malgré son désastre de
Libnah. Juda sembla refleurir. « Le peuple qui marchait
dans les ténèbres a vu une grande lumière, et la lu-
mière a relui sur ceux qui habitaient au pays de l'ombre
de la mort. Tu as multiplié la nation, tu lui as accru la joie;
ils se réjouiront devant toi, comme on se réjouit en la
moisson, comme on s'égaye quand on partage le butin. Car
tu as mis en pièces le joug dont il était chargé et le bâton
dont on lui battait ordinairement les épaules, et la verge
de son exacteur comme au jour de Madian ^. » L'influence
de ces quinze années de paix où « les campagnes se revê-
tirent sans cesse de troupeaux et les vallées se couvrirent
de froment * » se fit sentir jusque dans la littérature. Hiz-
kiah, défenseur éprouvé de Jahveh, et poète lui-même,
protégea la poésie religieuse, dans laquelle il trouvait
encouragement et consolation. C'est à ses chantres que Ton
doit une bonne partie des Psaumes qu'on attribua plus
tard à David; c'est lui qui fit rassembler et mettre en
ordre plusieurs des monuments les plus anciens de la poé-
sie hébraïque, entre autres les vieux dictons populaires qui
couraient sous le nom de Salomon *.
Dans cette sorte de renaissance littéraire, dont les pro-
phètes Joël, Amos, Hoshea, avaient été les précurseurs, Je-
saîah joua le plus grand rôle. Il donna, dans ses écrits, le
type de la plus haute perfection que la langue hébraïque
ait jamais atteinte. «Tout ce qui constitue les œuvres ache-
vées, le goût, la mesure, la perfection de la forme, se ren-
contre dans Isaîe^ et atteste chez lui un degré de culture
* li Voir p. 413* — 2. Jesaiahi xxxiv, 10-15. — 3. Idem, ch. ix, v, 1*3.
-^ 4* Proverbes, xxv, l.
446 CHAPITRE XL
littéraire inconmi aux psalmistes et aux voyasts dea Iges
plus aneiens*. » Pendant les dernières années d'Hizkiah,
il vit le culte de JahYeh rétabli dans toute sa splendeur
et Juda ramené de nouveau à la crainte do Dieu. Et
pourtant son esprit était rempli de funàbres visions
et de sombres pressentiments. Il eennaissait trop son
peuple, ce peuple « qui disait aux voyants : Ne voyez
point ; et à ceux qui voient des visions : Ne voyez
point de visions de justice^ mais dites^nons des . choses
agréables, voyez des visions trompeuses ', » pour se &ire
illusion sur la durée probable de ee temps do sagesse
et de prospérité. Il savait qu'un parti mombreux, attaché
au culte des dieux, n'attendait qQ« la mort du vieux rei
pour relever la tète et faire retomber Juda dans les erre-
ments d'où l'on avait eu tant de peine à le tirer. Il voyait,
dans un avenir prochain, les autels renversés, le temple
souillé de nouveau par les sacrifices païens, l'idolâtrie
triomphante et provoquant la colk'e de rËterael. Ses
chants d'allégresse sont toujours entremêlés do sinistres
prédictions : « Femmes qui êtes à votre aise, leve&-vous,
écoutez ma voix; filles qui vous tenez assurées, prêtez
l'oreille à ma parole : Dans un an, et quelques jours au
delà, vous qui vous tenez assurées, serez troublées, car la
vendange manquera; la récolte ne viendra plus. Vous qui
êtes à votre aise, tremblez ; vous qui vous tenez assurées,
soyez troublées; dépouillez-vous, quittez vos habits et
vous ceignez de sacs sur les reins* On se frappe la poitrine
à cause des mamelles, à cause des champs désirables, à
cause de la vigne abondante en fruit. Les épines et les
ronces monteront sur la terre de mon peuple, même sur
toutes les maisons où il y a de la joie et sur la ville qui
d'égayé. Car le palais va être abandonné ; la multitude de
la cité va être délaissée ; les lieux inaccessibles du pays et
les forteresses seront autant de cavernes à toujours ; là se
joueront les ânes sauvages, et les troupaux y paîtront *• »
1. Renan, Histoire générale des langues sémitiques^ U Ij p. 191«^*
2. Jesaïah, xxx, 10. — 3. Idem, xxxn, 9-14, "^
L'ASIE AU TEMPS DBS SARGONIDES. 447
ce Sîon sera détruite. Elle ne sera ôteittte ni nuit ni
jour ; sa famée montera éternellement ; elle sera désolée
de génération en génération, il n'y aura personne qui passe
par elle à jamais. Et le cormoran et le butor la posséde-
ront ; le hibou et le corbeau y habiteront ; et on étendra
sur elle la ligne de confusion et le niveau de désordre.
Ses magistrats crieront qu'il n'y a plus là de royaume, et
tous ses gouverneurs seront réduits à rien. Les épines
croîtront dans ses palais, les chardons et les buissons dans
ses forteresses, et elle sera le repaire des dragons et le par-
vis des chats-huants. Là les bêtes sauvages des déserts ren-
contreront les bêtes sauvages des îles, et la chouette criera
à sa compagne ; là même se posera l'orfraie, et y trouvera
son repos. Là le martinet fera son nid, il y couvera, il y
éclora, et il recueillera ses petits sous son ombre; et là
aussi seront assemblés les vautours l'un avec l'autre*. »
Le peuple de Dieu lui-même « est emmené captif parce
qu'il n a point eu de connaissance ; et les honorables
d'entre eux sont des pauvres, morts de faim, et leur mul-
titude est asséchée de soif. O'est pourquoi le sépulcre s'est
élargi, et a ouvert sa gueule sans mesure ; et sa magnifi-
cence y descendra, et sa multitude et sa pompe, et ceux
qui s'y réjouissent. Ceux du commun seront humiliés, et
les personnes de qualité seront abaissées, et les yeux des
hautains seront abaissés *. »
Si sombres que soient les couleurs sous lesquelles il
peint l'avenir prochain, sa confiance en la miséricorde
divine lui donne, pour les siècles futurs, la certitude d'une
parfaite félicité. L'Étemel a choisi Israël pour être son
peuple : comment pourrait-il vouloir détruire son peuple
et livrer toute la terre à l'idolâtrie? Si Jérusalem est
brûlée, si le temple est détruit, si Juda est emmené en
servitude, les malheurs du temps présent ne sont qu'une
épreuve passagère : Dieu veut purifier son peuple par la
douleur. Lorsque les jugements dont le Seigneur frappe
toutes les nations, les fortes aussi bien que les faibles,
l. Jesdidh, xxxiv, 10-15. —2. Idem, y, 13-16.
448 CHAPITRE XI.
seront accomplis, quand, dans Juda, le criminel et le pé-
cheur, le serviteur des idoles et le faux prophète, auront
disparu, « quand le Seigneur aura lavé la souillure des
filles de Sion, et qu'il aura essuyé le sang de Jérusalem
d'au milieu d'elle *, » des ruines de la Jérusalem cou-
pable sortira une Jérusalem parfaite, gouvernée par un roi
idéal, dont la gloire se répandra partout. « Or il arrivera,
aux derniers jours, que la montagne de la maison de
Jahveh sera affermie aux somme'ts des montagnes ^ et
qu'elle sera élevée par-dessus les coteaux, et toutes les
nations y aborderont. Et plusieurs peuples iront et diront :
Venez, et montons à la montagne de Jahveh, à la maison
du Dieu de Jacob; et il nous instruira de ses voies, et
nous marcherons dans ses sentiers : car la loi sortira de
Sion, et la parole de Jahveh sortira de Jérusalem. Il
exercera le jugement parmi les nations, et il reprendra
Plusieurs peuples; ils forgeront de leurs épées des
oyaux, et de leurs hallebardes des serpes; une nation
ne lèvera plus l'épée contre l'autre, et ils ne s'adonneront
plus à la guerre. Venez, ô maison de Jacob 1 et marchons
dans la lumière de Jahveh. Certes, tu as rejeté son
peuple, la maison de Jacob, parce qu'ils se sont
remplis d'Orient , et de pronostiqueurs , comme les
Philistins, et qu'ils 'se sont plu aux enfants des étran-
gers. Son pays a été rempli d'argent et d'or, et il n'y a
point eu de fin à ses trésors ; son pays a été rempli de
chevaux, et il n'y a point eu de fin à ses chariots. Son
f)ays a été rempli d'idoles ; ils se sont prosternés devant
'ouvrage de leurs mains, devant ce que leurs doigts ont
fait. Et ceux du commun se sont inclinés, et les personnes
de qualité se sont baissées : ne leur pardonne donc point.
Entre dans la roche et te cache dans la poudre, à cause de
la frayeur de Jahveh, et à cause de la gloire de sa
majesté. Les yeux hautains des hommes seront abaissés,
et les hommes qui s'élèvent seront humiliés, et Jahveh
sera seul haut élevé en ce jour-là. Car il y..a un jour assi-
1. Jésaiiah, iv, 4*
LES SARGONIDES. 449
gné par le dieu des armées, contre tout orgueilleux et
hautain , et contre tout homme qui s'élève , il sera
abaissée »
Les prévisions du prophète ne tardèrent pas à s'accom-
plir. Lorsque Manashéh remplaça son père sur le trône, à
Vêige de douze ans, le parti païen, tenu à l'écart pendant
toute la durée du règne précédent, recommença de s'a-
giter, et réussit bientôt à faire tomber le nouveau roi
dans les errements de son grand-père, Akhaz. Il rétablit
les images et releva les bois sacrés, « bâtit des autels
à toute l'armée des cieux dans les deux parvis de la
maison de l'Eternel*. » Le Baal et l'As tarte phénicienne
furent adorés sur la montagne de Sion; la vallée de
Hinnom, où Akhaz avait déjà sacrifié un de ses enfants,
vit de nouveau s'allumer le bûcher de Moloch. « Manashéh
fit passer son fils par les flammes ; il pronostiqua les
temps et observa les augures , dressa un oracle de
démons et de diseurs de bonne aventure; il faisait de plus
en plus ce qui déplaît à Jahveh pour l'irriter '. » La
plus grande partie de la nation suivit Texemple du roi
et revint à l'idolâtrie. Beaucoup parmi les prophètes
commencèrent à deviner par le moyen des rêves ou à pro-
phétiser au nom de Baal. Beaucoup parmi les prêtres reniè-
rent Jahveh et adorèrent les dieux de pierre et de bois.
Il y eut autant de dieux qu'il y avait de villes dans le pays*.
Les fidèles de l'ancienne religion furent dépouillés de leurs
biens et mis à mort, malgré les malédictions des prophètes.
« Manashéh répandit une grande abondance de sang inno-
cent jusques à en remplir Jérusalem d'un bout à l'autre*. »
D'après les traductions rabbiniques, le vieux Jesaîah périt
dans cette persécution : le roi, importuné de ses conseils
et de ses anathèmes, le fit enfermer dans un tronc d'arbre
évidé, et scier en deux. Un roi pareil n'était guère à
craindre pour l'Assyrie ; il en rrfsta l'humble vassal sa vie
1. Jésaiah, ii, M2. — 2, IV Rois^ x]ti, 1-6. — 3. Jér.^ ît, 8, ÎO, Î6-30.
. 5. II Rois, Xxii 16.
filST. ÀKC. 29
450 CHAPITRE XI.
durant, et obtint par là de mourir en paix sur le
trône * (640).
Le règne d'Ammon ne fut que le prolongement du règne
de Manashéh : il se termina par une tragédie. Ammon fut
assassiné (840) et remplacé par Joshiah, un enfant de huit
ans. Le parti sacerdotal ^'empara de l'éducation de ce
prince et gouverna sous son nom. Non-seulement les cul-
tes étrangers furent proscrits de nouveau, mais sous l'in-
fluence du grand prêtre Hilkiah une révolution religieuse
Se prépara dont Tinfluence fut décisive sur les destinées du
peuple. Les Juifs possédaient un grand nombre de livres
historiques, dont nous n'avons plus que des fragments. Les
plus vieux de ces documents, ceux du moins qui se rap-
Sortaient aux époques les plus anciennes, dérivaient de
eux sources différentes : dans les uns Dieu s'appelait
Blohim, et Jahveh dans l'autre. Après avoir subi à plu-
sieurs reprises des refontes portant sur des détails de
style et d'arrangement, ils reçurent, vers le milieu du
huitième siècle avant notre ère, une forme à peu près
définitive. Le recueil qui fut divisé plus tard en quatre
livres : la Genèse, l'Bxode, le Lévitique et les Nombres, con-
tient des récits traditionnels sur rdrigine du monde et sur
l'histoire du peuple hébreu jusqu'à la descente en Egypte,
sur la sortie d'Egypte et les courses des Hébreux dans le
désert, sur la prétendue législation mosaïque et sur la vie
de Moïse. Le tout forme une compilation dont les parties
mal soudées entre elles sont assez faciles à reconnaître.
Quels que soient le nombre et la nature des remaniements
successifs auxquels elle a été' soumise, on ne saurait douter
qu'elle n'ait été faite par un rédacteur yéAovtsfe, c'est-à-dire
employant dans sa narration le nom de Jahveh. Jusqu'au
temps d'fiiikiah les lois et les prescriptions qu'elle renfer-
mait avaient suffi à diriger le peuple : l'apparition des
écrits prophétiques et surtout la crainte qui s'était em-
1. ^e ^'ai pas cru devoir parler de sa captivité ea Assyrie, cet éyé-
tiement ne nous étant connu que par le témoignage plus ^ue spspect
des GUironiques (II CAron., uxiii, 11 '13j.
LES SARGONIDES. 451
parée des esprits depuis la chute de Samarie les firent trou-
ver insuffisantes. Ob crut qu'elles ne défendaient plus as^
sez la pureté de la foi, qu'elles ne proscrivaient pas assez
sévèrement Tidolâtrie et les alliances avec l'étranger. De
nouveaux prophètes apparurent qui renchérissaient en-
core sur les menaces de Jésaîah, et Jérémiah commença sa
carrière.
Dans la dix-huitième année du roi Joshiah (622), le grand
prêtre Hilkiah et le scribe Shaphan annoncèrent qu'ils
avaient trouvé dans le temple le «Livre de la Loi* ». On sait
quel sens les Orientaux attachaient à cette formule : elle
marquait simplement (jue l'auteur, ppur donner plus d'au-
torité à son écrit, le plaçait sous la protection divine ou lui
attribuait une origine surnaturelle. Les pj^êtres égyptiens
prétendaient avoir trouvé au pied de la statue des dieux
1q^ c)i^,piltres les plus y^pérés de leur Livre des morts
et le§ traités le§ plus iijaportants 4^ leur littérature scien-
tifique. Lorsqu'on lut au roi le nouvel écrij:,ll fut rempli
d'épouvante ^t déchira ses vêtements, jjli'écriyain ipconnu
supposait que Moïse, arrivé au terme de sa carrière, avait
voulu exhorter le peuple à respecter Ja loi. D énumérait les
coiniuaiidements, les complétait de nouvelles prescriptions
et ^urtçut menaçait de châtiments terribles la moindre in-
fidélité. Joshiah revenu de sa terreur convoqua les anciens
et se ren,4it avec eux au temple, où les prophètes, les prê-
tyei^ et les gens du peuple accoururent en foule. Il fit Jire
devant cette assenj^blée le nouyeau « Livre de TalUancç», la
secQnde Ipi [D^eutérpriome), et cojnmpnça une réfornje con^i-
plète du culte. Les dieu^ étrangers qui jetaient adorés dans
le temple f. côté de JaJ^veJi furent détruits, le^ hauj;s-lieux
de Ç^I.Of^on ejt ^e ^o^ successeurs souillés h loisir. Qu^d
tout fut purifii^ et que les prêtres des 13aa}fpa eurent «été
égQ^gé^ çur leurs propres autels, Joshiah ordonna de célé-
brai: la Pâ,<I^ô a en la manière qu'il est prescrit aiu LJyre
de cette alliance. — Et certes jamais Pâque ne fut célébrée,
ni au temps des juges qui avaient jugé en Israël^ ni ^u
1. Il Rots, XXIT, 3.
452 CHAPITRE XI.
temps des rois d'Israël et des rois de Juda, — • comme cette
Pâquequifut célébrée en Thonneur de Jaliveh, dans Jéru-
salem, la dix-huitième année du roi Joshiah^»
Les Juifs pouvaient réformer leur culte et se préparer
par la pénitence au rôle qui leur était réservé dans le dé-
veloppement religieux de l'humanité; leur rôle politique
touchait à sa fin.. Impuissants comme les Araméens, comme
les habitants de la Phénicie, ils ne devaient être d'aucun
secours aux Sémites dans la lutte contre les races aryennes
de la Médie.
Les contrées à Test de l'Assyrie se divisent assez na-
turellement en deux régions : une région de montagnes qui
sépare le bassin du Tigre de celui de la Gaspienne, et une
région de plaines qui s'en va au sud vers l'océan Indien, à
l'est vers l'Helmend. La partie montagneuse s'appuie
contre une sorte de massif à peu près triangulaire, élevé
sur les côtés, déprimé au centre : les eaux accumulées au
fond de la dépression y ont formé un grand lac sans
issue', allongé du N.-N.-O. au S.-S,-B., situé coipme la
mer Morte bien au-dessous du niveau de l'Océan et telle-
ment saturé de sel que nul poisson n'y peut . vivre. L'El-
bourz se détache de ce massif à Test, et, après avoir côtoyé
la rive méridionale de la Caspienne, va rejoindre au loin
rindou-Koush : un de ses sommets, le Démavend, s'élève
en pyramide à près de vingt mille pieds dans les airs
et passe pour être la plus haute montagne de cette région'.
Sur le côté opposé courent cinq à six rangées parallèles,
connues des géographes grecs et romains sous le nom de
Khoatras et de Zagros. Elles sont dirigées en général du
N.-N.-O. au S.-S.-E. et forment une contrée entrecoupée
de torrents et de ravins profonds, de sommets presque inac-
•
1. II Bois^ xxxn-xxxin ; II Chron., xxxiv-xxxv. — 2. Aujourd'hui le
lac d'Ouroumiyèh. — 3. L'Ararat n'atteint que 17 000 pieds^ et le plus
haut pic du Caucase n'en dépasse pas 18 000.
LES SARGONIDES. 453
cessibles et de vallées fertiles qui débouchent sur T Assyrie
ou TÉlam et portent leurs eaux dans le Tigre. Derrière ces
lignes naturelles, comme derrière les murs d*un vaste camp
retranché, s'étend un immense plateau légèrement ondulé
dont la lisière, bien arrosée par de nombreux cours d'eau,
peut nourrir une population nombreuse ^ à mesure qu'on
s'éloigne de la lisière pour s'enfoncer dans l'intérieur du
plateau, les rivières se perdent et le désert apparaît. Tout ce
pays, sans approcher de TÉgypte et de la Ghaldée, abondait
en ressources. Les ' montagnes renferment du cuivre, du
fer, du plomb, de l'or et de l'argent en petite quantité,
plusieurs espèces de marbre*, des pierres précieuses et sur-
tout un lapis-lazuli fort estimé des anciens*. Nues par en-
droits, elles sont le plus souvent revêtues d'épaisses forêts
où le pin, le chêne, le peuplier, s'étagent au-dessus du plane
oriental, du noisetier et du saule. Les vallées du Zagros et
de rOuroumiyèh sont de véritables vergers : elles produi-
sent la poire, la pomme, le coing, la cerise, l'olive, la pêche,
qui paraît être indigène. Sur le plateau, les arbres ne crois-
sent qu'en petit nombre au voisinage des rivières et des
étangs ; mais les parties où l'eau ne manque pas sont fé-
condes en céréales et en légumes excellents. On y trouvait,
à côté de bêtes féroces appartenant aux espèces les plus re-
doutables, le lion, le tigre, le léopard'. Tours, une foule
d'animaux domestiques ou susceptibles de le devenir, l'âne
sauvage, le buffle, la chèvre, le chien, le dromadaire et le
chameau à deux bosses, alors presque inconnu en Assyrie
et en Egypte, même plusieurs races de chevaux, dont une,
la niséenne, était renommée pour sa force, sa taille et son
agilité *.
Les races qui ont peuplé l'ancien monde avaient de tout
temps parcouru ces contrées. Les bandes Koushites et sé-
mites traversèrent le plateau du nord au sud, de l'est
à Fouest, mais sans s'y arrêter. Une première invasion
1. Entre autres le marbre de Tebriz. — 2. On ne trouve plus aujour-
d'hui de lapis-lazuli dans ces contrées. — 3. Le lion, le tigre et le léo-
pard ont presque disparu aujourd'hui. — 4. G. Rawlinson^ The five
gréai Monarchies, t. 11^ p. 251-305.
454 CHAPITRE XI.
aryenne jr laissa J)lusieur8 peuplades échelonnées en-
tre la Bactriane et l'Asie Mineure*. La plus importante;
\ celle des Mata ou Matiâni, avait fcomme jalonné de seé
; établissements la route suivie par les éitiigrants. Quel-
ï^ues-unes des familles qui la fcomposaîeiit étaient restées
en Sogdiane*; le gros de la nation s'était fixé au sud du
lac d'Ouroumiyèh, dans ce qui fut plus tard la Médie Atro-
patène'; une tribu, emportée par Tesprlt d'aventure, avait
poussé de là jusque sur les bords deTHàl^s*. Les Toilraniens
avaient trouvé le pays â leur convenance et l'avaient occupé
dans toute son étendue. Ils le défendirent loiigtertips avec
succès contre les attaques des Aryeni^ au notd et des Sé-
mites à l'ouest. Les grands rois dé là dii-huitième dynas-
tie n'arrivèrent pas jusqu'à eux; les premiers cotiqué-
rants assyriens, Tôtiklat-Adâr et Touklat-habal-asar !•',
n'essayèrent pas de fraùchir la barrière que lèë chaînes dû
Khoatras et du Zagrbs opposaieiit à leur ambition. Ils eil-
tamèrent à peine quelques tribus descendues des monta-
gnes dans les plaines arrosées par le Tigré. Ce fut ati
neuvièine siècle seùlemeilt, à partir de Toilklàt-Adât II
et d'Assour-nazir-habal, que les Assyriens cdnimencèrent
â gagner du terrain sur les nations de l'Est.
Sauf les Mata, Assour-nazir-habal ne trouvât devant lui
que des populations touraniennes. C'étaient en premiêl-e
ligne, et à commencer par le sud, le Kharkharet le Nâiiirl :
le Kharkhar sur le haut Gyndès et le haut Khoaspès- le
Namri, sépiaré de l'Assyrie par le Zab inférieur, tous detix
à cheval sur le Zagros et étendus au loin vers l'est, mais
la {)artie occidentale dé leur territoire habitée en partie
au moins par des populations d'origine koushite. Au iiord
du Namri et par delà le Zab supérieur coihmeiiçait le pays
de Khoubouskiâ, qui courait le long du mont Khoatraiî,
depuis la passe de Rowandiz jusqu'aux environs du lac de
1. G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. II, p. 371-376; Hero-
dotusj t. I, p. 546. — 2. Fr. Lenormant, Lettres assyriologiquèSj V sé-
rie, t. I, p. 24. — 3. Pline, H. N.y IV, 16. —4. Hérodote, î, 72. —
5. Thotmès III et Amenhotep II ne paraissent pas avoir de beaucoup
dépassé Ninive.
LES SARGONIDES. 455
Van. Placés en contact immédiat avec l'Assyrie^ left p^ii«
pies de ces régions ne furent pas ^argnés ; ils n'en ré^
sistèrent pas moins avec obstination et se firent détruire à
moitié plutôt que de se soumettre. Derrière eux Assour-
nazir-habal et Salmanasar IV rencontrèrent, dans le bassin
d'Ouroumyièh, les Mata, qui touchaient au Hhoubouskia,
puis le Madakhir, sur les rives septentrionales, et le
Kharrou, sur les rives orientales du lac. Au delà du Khar-
rou, mais tirant vers le sud, le Mesa ; enfin, séparés du
Mesa par « trois pics qui se perdent dans les nues et
dont nul oiseau n'atteindrait le sommet dans son vol », U
pays de Giratbounda et ses cinq cents villes *. Au sud de
ces régions commençaient le pays d'Arazias*, qui confi-
nait à la fois au Khàrkhair et au Namri, et par delà l'Ara-
zias, le peuple de Barsou ou Parsou, qui dominait alors
depuis le grand désert jusqu'à la Caspienne*. Salma-
nasar m écrasa toutes ces tribus, comme son père avait
fait avant lui. En 842, pendant sa quatrième campagtie,
l'ardeur de la poursuite l'entraîna plus loin que le Parsou,
dans des régions où nul prince assyrien n'avait pénétré
avant lui. Il y rencontra un peuple nouveau, les Amadàï
ou Madaï, qu'il battit et soumit au tribut.
Les Mèdes appartenaient à la race indo-européenne et
formaient avec les Perses le gros de la famille iranienne.
Us portaient le nom générique d'Aryas *, et remontaient
par le souvenir jusqu'aux âges où ils vivaient dans l'Ai-
ryanem-Vâedjô % aux abords du plateau de Pamir. Un de
leurs livres sacrés raconte qu^avant de venir se fixer sur
le sol de l'Iran ris avaient longtemps couru le monde et
habité des terres diverses qu'Ahoura-Mazdâ, le dieu bien-
faisant, créait pour eux, mais d'où les manœuvres du mau-
vais principe, Angro-Mainyous, finissaient toujours par
les chasser'. Forcés par le froid de quitter l'Airyanem-
1 . Les Cadusii des auteurs antiques, aujourd'hui le Ghilân et le Ma-
zanderân. — 2. La Médie propre. — 3. Fr. Lenormant, Lettres assyHO'
loques, 1" série, t. I, p. 23-26. —4. Hérodote, VTI, 62 : 01 Bï M^Soi
iKttXéovTo naXat izpbi îcàvxwv "Apioi. — 5. « Demeure des Aryens. » —
6. Véndidad-Sadé, I" Fargard. Ce texte géographique a été l'objet de
456 CHAPITRE XI.
Vaêdjd, ils se répandirent sur laÇoughdhft* etlaproyince .
de Môurou •. Les guerres civiles et les incursions des no-
mades voisins les contraignirent de s'exiler encore une
fois. Ils remontèrent vers Test , dans Bâkhdhî , « le
pays des hautes bannières*, ?> puis vers le sud -est,
dans la contrée de Niçâya, « qui est entre Bâkhdhi et
Môurou*. » Jusqu'alors ils étaient restés enfermés dans
le bassin de TOxus : la crainte des tribus toùraniennes les
avait retenus d'escalader les pentes de THindogLi-Koush et
d'aborder le plateau qui s'étend de la Caspienne à l'océan
Indien. Au sortir du Niçaya, ils y pénétrèrent par THa-
rôyou* et descendirent sur le Vâekereta-Douhzaka*, où ils
se séparèrent en plusieurs corps de nation'. Les uns traver-
sèrent THaraqaïti' l'Haêtoumat®, et débouchèrent dans la
vallée de l'Indus, Heptahendou *• ; ils y rejoignirent les
tribus d'origine aryenne qui s'y trouvaient déjà et se fon-
dirent dans leur masse. Les autres poussèrent vers le
sud-ouest et ne s'arrêtèrent cpi'à la limite orientale de
TÉlam, dans un canton montagneux qu'ils appelèrent
Parçâ — la Perse. Les Mèdes, au lieu de s'enfoncer dans
lé désert qui sépare le bassin de l'Helmend du mont Za-
gros, s'élevèrent lentement vers le nord-ouest, à travers
nombreux travaux. Cfr. Rhode, Die Heilige Sage des Zenàvolks^
p. 61 sqq. ; Lassen, Indische AUerthumskundej t. I, p. 526 sqq. ;
Kiepert, dans les Monatsh, d. Berl, Akad», 1856; Spiegel, Avesta,
t. I, p. 59-67, et Commentar, t. I, p. 1-48; Haug^ The First chapter
ofthe Vendidad, dans Bunsen, EgypVs place, t. III; Fr. Lenormant,
Lettres assyrioîogiques, V série, t. I, p. 29-34. Les données géogra-
phiques sont acceptées en général comme étant d'une exactitude ri-
goureuse ; voir pourtant M. Bréal. — 1. La Sogdiane des auteurs clas-
siques. — 2. La Margiane, le Margous des inscriptions achéménides ;
aujourd'hui le canton de Merv. — 3. C'est-à-dire « le siège delà royauté.»
Bâkhdhî est la Bakhtris des textes perses, la Bactriane. — 4. La
Ni<Tata de Strabon et de Ptolémée (YI, 10, 4). — 5. Haraiva des Perses,
Aria ou Ariana des auteurs classiques. — 6. D'après Lassen et Haug, le
Seïstan actuel, où se trouve la ville ruinée de Doushak (Djellabad),
sur la rive orientale du lac Hamoun, au sud des embouchures de
THelmend. — 7. Le Vendidad*Sadé n'indique en cet endroit que deux
directions : vers la Médie et vers l'Inde. — 8. iirafcowWou des Assyriens;
Arachosia des géographes grecs. — 9. Position incertaine. — 10. Le
J^endjab actuel.
LES SARGONIDES. 457
l'Ourvâ*, le Khnenta Vehrkanâ*, puis inclinèrent vers le
sud et s'établirent à Torient des Parsouas, dans les con-
trées de Rhagâ' et de Tchakhrâ*, où Salmanasar IV dut
les rencontrer en 841.
Les Perses ne paraissent pas avoir rencontré beaucoup
de résistance : les peuplades koushites et. touraniennes
assez clairsemées qui habitaient entre TËlam et la Car-
manie ne tinrent pas devant eux^. Les Mèdes durent con-
quérir pied à pied le sol de leur nouvelle patrie. L'histoire
a perdu le détail de leurs premières luttes contre les Tou-
raniens, mais les traditions persanes ont conservé jusqu'au
moyen âge le récit des exploits fabuleux qui les signalè-
rent et les noms des héros légendaires qui y furent enga-
gés. A partir du neuvième siècle avant notre ère, les
indications des monuments assyriens nous permettent
d'entrevoir les progrès de la conquête aryenne vers l'occi-
dent. En 831, Salmanasar IV trouvait encore le pays dans
l'état que nous avons décrit plus haut. Presque aussitôt
après sa retraite, les Mèdes se mirent en mouvement dans
la direction du Zagros. Les Parsouas, acculés à l'Assyrie
vers l'ouest, au désert vers le sud, n'eurent d'autre res-
source que de se réfugier dans les cantons montagneux
qui formèrent plus tard la province de Parthyène. En
moins de vingt ans les Aryens franchirent l'espace qui les
séparait de la frontière assyrienne : ils s'emparèrent du
pays de Varena* et du pays d'IUipi ^ Les campagnes de
1 . Ni Lassen ni Spiegel n'ont proposé d'identification précise pour ce
nom. M. Haug place l'Ourvâ dans le Kaboulistan^ sur la route de l'Inde;
M. Meinel^e dans la partie orientale de la Parthyène. M. Fr. Lenormant
le rapproche du pays nommé Ourivdn dans les monuments assyriens,
VApauarctisene d'Isidore, § 13, VApavortene de Pline, VI, 18. — 2. Le
Varkdna des inscriptions perses, THyrcanie des Grecs et des Romains,
aujourd'hui le Djourdjan. — 3. Sauf, je crois, M. Kiepert, tous les com-
mentateurs sont d'accord pour voir, dans Rhagâ, Rhagse, « la plus grande
ville de Médie, » au dire d'Isidore, § 7. — 4. Karkh, à l'extrémité nord-
ouest du Khorassan, d'après M. Haug. — 5. Fr. Lenormant, Histoire
ancienne, t. II, p. 331-332. — 6. Le quatorzième séjour des Iraniens,
d'après le Vendidad ; peut-être la Khorênê de Strabon (1. XI), la Khoa-
riné d'Isidore, § 8, la Choara de Pline, VI, 17. — 7. D'après M. Oppert
Vlllipi ou lUibi serait l'Albanie. M. Fr. Lenormant {Lettres assyriolo-
458 CHAPITRE XI.
Sâmsi-Bin III (820-816) les forcèrent de s'arrêter un mo-
ment ; mais durant les règnes qui suiyirent, la décadence
momentanée de TAssyrie favorisa leurs entreprises et leur
laissa toute liberté de s'affermir dans leur conquête. Quand,
plus d'un demi-siècle après Bin-nirari, Touklat-habal-
asar II ramena les années assyriennes vers Test, la Médie
s'étendait déjà du Zagros au désert et des frontières sep-
tentrionales de TËIam aux bords de la Caspienne*. Des
nations qui avaient jadis possédé ce vaste territoire, les
unes avaient été ou dispersées ou réduites en servage;
d'autres avaient émigré, comme les Parsouas ; quelques-
unes maintenaient à grand' peine un reste d'indépendance.
Le Eharkhar et le Namri avaient perdu toute la partie de
leurs domaines qui était située sur le plateau. Les Aryens
avaient partout l'avantage sur les peuples de Tourân *.
Quelques siècles après ces événements, au temps où lés
Grecs connurent les Iraniens, les légendes populaires et
les convenances politiques avaient déjà altéré l'histoire
de la conquête. Les Perses , successeurs des Mèdes dans
l'empire d'Asie, ne pouvaient admettre qu'un peuplé
de leur race eût été si récemment encore l'humble
vassal de l'Assyrie. Ils composèrent pour cette époque
une sorte de roman glorieux, dont Gtésias de Gnide re-
cueillit et consigna dans ses livres les principales disposi-
tions. Vers 788, quand Bin-nirari m venait à peine de
vaincre les premières tribus aryennes de la Médie, Gtésias
place la révolte d'Arbakès, la prise deNinive, et la fondation
d'un grand empire mède qui se prolongea sans interruption
jusqu'à Kyros. Les noms de ces prétendus rois manquaient
ainsi que les années de leur règne; il créa de toutes
pièces une dynastie*. Les monuments assyriens nous ont
donné la preuve de cette fraude. Lorsque Touklat-habal-
giques, 1'* série, 1. 1, p. 38-41) a montré que c'était la Médie supérieure.
>- 1. M. Haug pense que les mots qui servent à désigner au Vendidad
la seizième station des Iraniens signifient « sur les bords de la mer. •
Ce ne peut être en ce cas que le littoral de la mer Caspienne dans le
Tabaristân. — 2. Fr. Lenormant, Lettres assyriennes, !'• série, t Ij
p. 26-41. — 3. Volney a dé^couvert la méthode dont Gtésias s'est servi
' LES SARGONIDES. 459
asar II envahit la Médie, dans les années qui corres-
pondent au règne du prétendu Mandaukas, le pays était
réparti entre un grand nombre de chefs indépendants qui
exerçaient l'autorité chacun silr son canton ou sur sa ville,
et ne relevaient d'aucun pouvoir supérieur. Il se borna a
conduire vers l'Iiide quelques expéditions lointaines, et à
faire sur le plateau de l'Iran (Quelques razzias productives.
Vingt ans plus tard, Saryoukin entreprit sérieusement la
conquête du pays. Il l'envahit vers 712, à la tète d'une
nombreuse armée, s'empara dé la pilupart des villes et les
annexa, à l'Assyrie, coni^truisit sur plusieurs points impor*
pour fabriquer sa dynastie. Plaçant la liste qu'il donne des rois mèdes
à côté de celle que fournit Hérodote :
■ÉaODOTX CIÉ8IA8
Interrègne » Arbakès 28
Défokès . . . . . • ;...• 53 Handaukas 50
Sosarmos 30
Artykas 50
Phraortès 2i Àrbianès.' 22
ArtœoS 4
ârtynès 22
Kyaxarès 40 Astybaras 40
on voit que, tout en changeant les noms d'Hérodote, Gtésias répète
ses nombres deux à deux :
! Arbianès ... 22
Artœos 40)
Artynès .... 22 [Kyaxarès 40
Astybaras . . 40]
A la place dés quatre premiers rois, Hérodote indiquait Déïokès et
un interrègne de longueur indéterminée. Gtésias prit pour les cin-
quante-trois ans de Déïokès le nombre rond de cinquante ans, et sub-
stitua à l'interrègne un règne qu'il évalua à la durée moyenne d'une
génération humaine. Il appliqua à ce nouveau couple royal le procédé
de reproduction dont il s'était servi pour le couple précédent :
Arbakès 28
i Handaukas. 50
Sosarmos... 30
Artykas .... 50
La substitution de vingt-huit pour trente au règne d'Ârbakès n'est
là que pour donner à tout le catalogue un air de vraisemblance. (Cf.
Volney, Hecherches sur Vhistoire ancienne, 1. 1, p. 144 sqq. ; G. Raw-
linson, HerodotuSjt, I, p. 329-330).
Interrègne • . • • o
460 CHAPITRE XL
tants des forteresses destinées à maintenir ses nouveaux
sujets dans Tobéissance. Fidèle aux traditions de la poli-
tique assyrienne, il transporta des Mèdes dans les pro-
vinces occidentales de son empire, à Hamath, dans la Gœlé-
Syrie, et sema la Médie de colonies syriennes : une partie
des Juifs de Samarie fut établie de la sorte au milieu des
peuples aryens*. Gomme tribut enfin, il exigea chaque
année Tenvoi d'un certain nombre d'étalons niséens. Sa
domination comprenait toute la province de Médie, depuis
le pays de Bikni, à Test *, jusqu'au canton de Karalla, aux
confins de TAtropatêne*. Il régnait en souverain sur tous
les chefs de cette région, sur celui d'Allabria* et sur celui
d'Ellibi, sur les princes d'Agazi*, d'Ouriakkou% d'Am-
banda', de Zikartou', et sur vingt autres dont nous ne sa-
vons où placer les domaines*. Sin-akhè-irib n'eut pas de
peine à conserver la suzeraineté de l'Assyrie : Assour-akhè-
idin, dans sa dixième année (671), pénétra de nouveau
dans le Bikni. Pendant un demi-siècle, la Médie fut com-
plètement sous -la dépendance des rois de Ninive.
Ici encore les traditions nationales avaient transformé une
époque de soumission en un temps de gloire. Les Perses
racontèrent à Hérodote que vers 708, c'est-à-dire au mo-
ment où Saryoukin venait de coloniser une partie du pays,
toutes les tribus éparses de la Médie s'étaient réunies en
un corps de nation et avaient fondé le royaume mède. « Il
y avait chez les Mèdes un homme sage, à qui était nom
Déïokès, le fils de Phraortès. Ce Déïokès, énamouré du
1. II Rois y xvn, 6 ; xvin^ 11. — 2. Le pays de Bilrnt,Ia partie extrême
de la Médie à Test, paraît répondre aux environs de la ville que Ptolé-
mée (VI, 2, 17) appelle 'Aêàxaiva (Fr. ienormant, Lettres assyriologi-
queSj 1'" série, 1. 1, p. 45). — 3. Fr. Lenormant, l. l, — 4. M. Fr. Lenor-
mant (op. cit,, p. 36-37) voit dans Allahria une forme touranienne du
nom IJarô-BerexaUi de l'Ëlbourz, et dans le canton d* Allahria le dis-
trict situé au nord de Rhags, dans la montagne. — 5. Yar. Agagi. Cf.
"AyaÇa ou 'A^aya de Ptolémée, VI, 2, 8, dans TAtropatêne. — 6. Peut-
être r'AXotiaxa de Ptolémée, VI, 2, 10.— 7. Probablement la ITom-
pada des inscriptions achéménides, la Cam&adtn^ d'Isidore, St.Parth.^
S 5. — 8. La Sagartie des auteurs classiques. ••- 9. Cf. Fr. Lenormant,
op, dt.f p. 44-49.
LES SARGONIDES. 461
pouvoir, fit comme il suit : Les Mèdes vivaient par bour-
gades; lui qui était, dès avant cela, des plus considérés
dans la sienne, mit de plus en plus son étude à la pra-
tique de la justice ; et il en agissait ainsi quand le
désordre était grand par toute la Médie, sachant combien
l'injustice est ennemie du juste. Les Mèdes de sa bour-
gade, voyant ses manières, le choisirent pour leur juge.
Et lui, comme il courtisait le pouvoir, était droit et juste.
Agissant de la sorte, il eut louange non petite de ses
concitoyens, à ce point qu'apprenant ceux des autres
bourgades qui avaient été jusqu'alors frappés d'injustes
sentences, comment Déîokès était le seul homme qui
jugeât selon le droit, dès qu'ouïrent la chose, tout
contents accoururent vers Déîokès et, jugés eux aussi,
à la fin ne s'adressèrent plus à aucun autre. Gomme la
.foule des clients augmentait toujours à mesure qu'on se
persuadait de l'équité de ses jugements, voyant Déîokès
que tout reposait sur lui, plus ne voulut s'asseoir au lieu
où s'asseyant jusqu'alors avait rendu justice, et assura
qu'il ne voulait plus juger; car point ne trouvait son
compte à négliger ses propres affaires pour juger tous
les jours celles d'autrui. Les rapines et le désordre reve-
nant dans les cantons plus qu'ils n'avaient fait aupara-
vant, les Mèdes s'assemblèrent en un même lieu et se
consultèrent entre eux, parlant sur ce qu'il convenait
faire. Selon ce que je pense, les amis de Déîokès par-
lèrent plus que tous les autres : « Nous ne pouvons
<c continuer d'habiter le pays dans l'état où nous sommes,
ce Allons, établissons un d'entre nous comme roi, et ainsi
« le pays sera bien gouverné et nous retournerons à nos
« affaires, et nous ne serons pas maintenus par l'injustice
« dans un état de trouble perpétuel. » Parlant à peu près
ainsi, ils se persuadèrent qu'ils voulaient un roi. Et sur le
champ on examina qui on élirait roi : Déîokès fut proposé et:
fort loué par un chacun, si bien qu'ils convinrent de
rélire roi^ » Une fois maître, Déîokès se construisit un
1. Hérodote, I> 96-98.
462 GHAPITRfi XI.
grand pt^lais et s'entoura d'une garde royale. Il commanda
ensuite à ses sujets d'abandonner leurs villages et de se
réunir auprès de lui, dans les ipurs d'une grande capi-
tale, ce Les Mèdes, dociles à ses ordres, bâtirent cette vÛle
immense et bien fortifiée qu'on nomme Acbatana. Ses
enceintes sont excentriques et construites de telle sorte
que chacune dépasse l'enceinte inférieure seulement de
la hauteur de ses créneaux. L'assiette du lieu, qui s'élève
en colline, favorisa cet arrangement. U y avait en tout
sept enceintes, et dans la dernière le palais et le trésor
du roi. Le pourtour de la plus grande égale à peu près
le pourtour d'Athènes. Les créneaux de la première sont
peints en blanc; ceux de la seconde en noir; ceux de la
troisième en pourpre; ceux de la (quatrième en bleu;
ceux de la cinquième sont d'un rouge orangé. Aux deux
dernières les créneaux sont argentés pour l'une et dorés
pour Fautre. Toutes ces fortifications, Déïokès lea fit
élever pour lui-même et pour son palais; il commanda
au peuple de se loger hors de la citadelle. La ville ter-
minée, il posa le premier en règle que nul n'entrerait
chez le roi, mais que toutes les affaires s'expédieraient par
l'entremise de certains officiers qui les rapporteraient au
monarque; qu'il serait indécent de regarder le prince en
lace, de rire ou de cracher en sa présence. D établissait
ce cérémonial autour de lui pour ne pas donner à ses
contemporains élevés avec lui, aussi bien nés et aussi
bien doués que lui, l'occasion de s-aigrir à sa vue et de
conspirer contre lui : il pensait qu'en se rendant invisible
à ses sujets ils finiraient par le considérer comme un être
d'une nature différente*. »
Le personnage de Déïokès n'a rien d'historique*; le nom
a été Retrouvé sur les monuments. En 713, Sargon soumit
un pays de Bet-Dayakkou, ainsi nommé d'après son sou-
verain : Dayakkou répond évidemment à Déïokès*. Mais il
1. Hérodote, I, 9^99. — %, Voir siir la touroure grecque de i'bis-
toire de Déïokès les obseryations de Grote (History of Greece, t. m,
p. 307 sqq.) et G. Rawlinson {Herodottis, t. I, p. 321) ; The five gréai
MonarchieSy t. II, p. 380-383). — 3. M. Henri Rawlinson avait pensé
LES SAA60NIDES. 463
y a entre Dayakkou et Déiokès une différence essentielle :
Dayakkou fut et resta toute sa vie un petit chef obscur de
Mé^ie; Déiokès est un fondateur d^empire. U faut donc
regarder et le personnage» de Déiokès et son règne de cin*
quante-trois ans comme une fiction poétique agréable à la
vanité des peuples aryens, démentie par Thistoire '. Sous
Saryoukin, sous 8in-akhè-irib, sous Assour- akhè-idin,
c'est-à-dire pendant le demi-siècle de puissance que la lé^
gende accorde généreusement à Déiokès (708-655), la Mé-
die était morcelée en petites principautés dont la plupart
payaient tribut à l'Assyrie'. •
lia rellston Iranienne ) Zoroaatre ) les liages*
m
La religion des Mèdes et des Perses dérivait du culte
des anciennes populations aryennes, tel que nous le font
conna.ître en partie les livres sacrés de Tlnde. Ç'avaient
d'abord été les mêmes rites, les mêmes croyances, les
mêmes noms divins a'ppliqués aux mêmes idées j puis,
des divergences s'étaient montrées, d'abord presque insen-
sibles, bientôt assez accentuées pour former deux systèmes
de dogmes contradictoires. IjCS Aryens connaissaient d'une
manière confuse un dieu unique d'essence, multiple en ses
manifestations et comme perdu en elles. Son' unité se
décomposait en une pluralité d'attributs dont chacun était
susceptible de s'animer et de devenir une personne indé-
pendante. C'est de cette conception une à la fois et multi-
ple que sortirent par des procédés différents les religions
polythéistes de Tlnde et de l'Europe ; c'est d'elle qiie sor-
tit la religion dualistique des peuples Iraniens.
Les légendes nationales reportaient sur le prophète
que Dé'iokès répondait à Dahak, secon(} élément du nqm d'Àj-dahak,
le serpent qui mord, en grec '^^çtvçIyyi; iNôtes on the Early HUtoryof
Babylonia, p. 30, note 2). Je crois que M. Fr. Lenormant ^ raison
d'identifier le mot Déïokès avec Dayakkou. — 1. M. Fr. }.enormant a
essayé récemment de démontrer Tauthenticité du Déiokès d'Hérodote
(Lettres assyriologiques, l" série, t. I, p. 55-62). — 2. G. feawlinson,
Herodotus, 1. 1, p. 328-331 ; Thefive great Monarchies, i\ II, p. 379-383.
464 CHAPITRE XI.
Zarathoustra (Zoroastre ) ' Thoimeur d'avoir établi la vraie
religion. Presque tous les écrivains de Tantiquité classique
s'accordent à placer te personnage sur les plans les -plus
reculés de l'antiquité fal)uleuse. Hermippos et Eudoxe le
faisaient vivre six ou sept mille ans avant la mort
d'Alexandre; Pline le disait de mille ans antérieur à
Moïse', et Xanthos de Lydie prétendait qu'entre sa mort
et l'avènement de Darios il s'était écoulé six cents ans^.
Zarathoustra vivait aux premiers âges de la race iranienne,
au temps où les tribus étaient encore campées en Bac-
triane. U était de race royale et fut choisi par Dieu, dès
avant sa naissance, pour régénérer le monde. Son enfance
et sa jeunesse se passèrent dans des luttes incessantes
contre les démons : toujours assailli, il était toujours
vainqueur et sortait plus parfait de chaque épreuve. Quand
il eut trente ans, un génie supérieur, Vôhou-manô, lui
apparut et le conduisit en présence d'Ahourâ-mâzdâ. Invité
à interroger Dieu, il demanda « quelle était la meilleure
des créatures qui sont sur la terrée » On lui répondit que
celui-là était parfait parmi les hommes dont le cœur est pur.
Il voulut ensuite connaître le nom et la fonction de chacun
des anges, la nature et les attributs du mauvais principe.
Il traversa une montagne de flammes, se laissa ouvrir le
corps et verser dans le sein du métal fondu, sans éprouver
aucun mal ; après quoi il reçut des mains de Dieu l'Avesta,
le livre de la loi, et fut renvoyé sur la terre. Il se rendit à
Balkh, auprès de Vîstâçpa, fils d'Aourvat-açpa *, qui ré-
gnait alors sur la Bactriane, et y défia les sages de la cour.
Pendant trois jours, ils essayèrent de le combattre et de l'é-
garer, trente à sa droite, trente à sa gauche. Lorsqu'ils se
furent avoués vaincus, Zarathoustra déclara qu'il venait de
1. Le nom de Zarathoustra peut signifier la splendeur de Tor, mais il
y a d'autres étymologies possibles. — 2. Plin., H. N», XXX, 1, 2. —
3. Xanthos, dans 0. MûUer, Frag. H. GrasCy t. I^ p. 44. Gtésias faisait
de Zoroastre un roi de Bactriane contemporain de Ninos et Sémiramis.
— 4. Les livres persans modernes nomment ce roi Goushtasp, fils de
Lohrasp. Vlstâçpa-Goushtasp est devenu en grec ^Yorâoinic, mais le
personnage de Vistàçpa n*a .rieki de commun aVec le pbre de Darios«
LES SAR60NIDES. 465
Dieu et commença de lire l'Âvesta au roi. Persécuté par
les sages, accusé de magie et d'impiété, il finit par l'empor-
ter- à force d'éloquence et de miracles. Vîstâçpa, sa femme,
son fils, crurent en lui, et la plus grande partie du peuple
suivit cet exemple. La légende ajoute qu'il vécut longtemps
encore, honoré de tous pour la sainteté de sa conduite.
Selon les uns, il mourut frappé de la foudre ; selon les au-
tres, il fut tué à Balkh par un soldat touranien. On s'est
demandé souvent s'il était un personnage historique ou
seulement un héros mythique égaré dans l'histoire*. On
ne saurait trancher pareille question d'une manière déci-
sive. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que, si Zoroastre
a vécu réellement, nous ne savons rien de lui que le nom,
— le »om et l'œuvre à laquelle il consacra sa vie*.
Les livres attribués à Zoroastre ont subi le sort de tous
les livres sacrés : ils ont été mutilés et interpolés tant de
fois, qu'on ne sait pas toujours discerner avec certitude ce
qu'ils renferment d'authentique. Nous n'avons de l'Avesta
que des fragments conservés dans trois recueils : le Ven-
didad-Sadé, le Yesht-Sadé et le Boundéhesh. Le Vendidad-
Sadé se compose du Vendidad ou « livre contre les dé-
mons », du Yaçna et du Vispered : il est écrit en zend,
de même que le Yesht-Sadé. Le Boundéhesh est rédigé
dans la langue vulgaire de la Perse au temps des Sassa-
nides, ile pehlevi. Il y a dans ces trois recueils des mor-
ceaux de tout âge et de toute valeur, les uns assez anciens
pour nous donner, sinon la forme originelle, au moins
l'esprit de la doctrine iranienne; les autres modernes et
mêlés de formules étrangères. Les Iraniens adoraient un
seul dieu, Aouramazdâ*, l'esprit sage, « le lumineux, le
1. Voir sur cette question Kern, Over het woord Zaraihustra en den
mythischen Persoon van diesen Noam, dans les Mémoires de VAcadé^
mie des sciences des Pays-Bas, t. XI, 1867. Tout le récit de la vie de
Zoroastre repose sur des légendes modernes dont Fautorîté est des plus
douteuses. — 2. Spiegel, Erdnische AUerthumskundef 1. 1, p. 668-711. —
3. C'est l'orthographe des inscriptions cunéiformes perses. Le zend dit
Àhour6-mazdâo et le persan moderne Ormouzd. De Maxdd vient le
nom Masdéisme, qu'on donne souvent au système religieux des Iranien.?.
HISr. ANC. 30
466 CHAPITRÉ XL
tesplendissant, le très-grand et très-bon, le très-parfait
et très-actif, le très-intelligent et très-beau*. » Il est
încréé, mais a créé toute chose par le verbe. Et sa créa-
tion n'est pas, comme dans beaucoup d'autres cosmogo-
nies, la mise en œuvre d'éléments préexistants : par l'acte
de sa parole il à tout tiré du néant, esprit et matière*.
Dès le commencement, il s'est donné, comme coadjuteurs
dans l'administration du monde, six génies d'ordre supé-
rieur qu'on appelle les Amesha-çpenlas (A.msbaspands),
« les immortels », Vôhou-manô, le « bon esprit », Asha-
vahista, le « très-pur », Khshathra-vairya, le « royaume
«désirable, » Çpenta ârmaïti^ la « sagesse parfaite »,
Haourvatât, la santé, Ameretât, l'immortalité ^ Après les
Amesha-çpentas viennent les Yazatas (Yzeds), répaii'àus par
milliers dans l'univers pour veiller à la conservation et
au jeu de ses organes, l'esprit da soleil, Milhra, le vent,
Vayou, les différents génies de l'eaû, du feu, de l'air et
des astres*. Ils'touchent de près à une classe d'êtres spé-
ciaux, les Fravarshis (Prohar ou Feroûer) . Chaque homme,
chaque Yazata et Aouramazdâ lui-même avait son Fra-
varshi qui veillait sur lui et se dévouait à sa conserva-
tion. Après la mort de l'homme, le Fravarshi restait au
ciel et y devenait une sorte de génie indépendant, d'au-
tant plus puissant pour le bien que la créature à laquelle
il s'était attaché sur la terre avait montré plus de pureté
et de vertu*.
Aouramazdâ avait fait le monde et avait voulu le faire
bon. Mais la création ne peut subsister que par l'équilibre
de forces opposées qu'elle met en jeu. L'opposition de ces
forces inspira aux Iraniens l'idée qu'elles étaient mues par
deux principes ennemis, Tun bon et utile, l'autre mauvais
et nuisible à l'homme. Ce mauvais principe n'est pas
coétemel au bon principe : tant qu'Aouramazdâ ne créa
point le monde, le mal ne fut point : mais, le jour où
L Taçnd, I, L — 2. S^iegel, Erânische Alterthumskunde,t. II, p. 21-
31 y a résumé tous les passages des livres sacrés où il est question
d*Aouramazdâ. — 3. Idem, tbid., t. II, p. 31-40. — 4. Idem, ibid.,
p. 41-91. — 5. Idem, ibid., p. 91-88,
LES SARGONIBES. 467
dans l'œavre dé la création il tira la matière du néant
et suscita les forces qui la régissent, leurs actions et
leurs réactions firent apparaîtrfe, sans qu'il y eût de
sa volonté, un génie destructeur, que les hommes appe-
lèrent AngrômaïnyouB (Ahriman) , le destructeur. De
même qu'Aoutamazdâ se ilianifestait dans tout ce qu'il
y a d'utile et de beau, dans la lumière, dans la jus-
tice, dans la vertu, Angrômaïnyous se montrait dans
tout ce qui est nuisible et laîd, dans les ténèbres, dans
le crime, dans le péché. Le désir de détruire l'harmonie
de Tunivers rendit créateur ce pouvoir malfaisant*. Aux
six Amesha-çpentas il opposa six esprits égaux en force
et en puissance : Akômanô, le « mauvais esprit », Andra,
ijui cherche à semer dans le monde le chagrin et le pé-
ché, Çaourou, qui pousse les rois à la tyrannie, les hom-
mes au vol et au meurtre, Nâonghaihya, Taourou et
Zaïrica^. Contre les Yaratas il suscita les Daêvas (devs)
ou démons, qui ne cessent d'assiéger la nature et de
s'opposer à la régularité de ses mouvements*. Au mo-
ment de la création, tandis (ju'Aouramazdâ faisait appa-
raître la lumière, l'homme, tout ce qu'il y a de bon en ce
monde, Angrô-maïnyous tirait du néant les ténèbres, les
animaux :et les plantes nuisibles : jaloux de l'homme, il
cherche à le faire décheoir. Avant l'arrivée de Zoroastre,
ses créatures mâles (Yétous) et femelles (Païrikas, Péris)
BB mêlaient librement aux hommes et contractaient des
alliances avec eux : Zoroastre brisa leurs corjis et leur dé-
fendit de se manifester autreinent que sous forme d'ani-
maux*. Leur pouvoir ne sera complet èmeiit détruit qu'à
la fin des temps. Alors trois prophètes issus de Zoroastre,
Oukhshyat-ereta, Oukhshyat-âemô, Çaoshyaiaç ou Açtvat-
eretô, apporteront au monde trois nouveaux livres de la
loi qui en compléteront le salut. Les ténèbres disparaîtront
devant la lumière, la mort d'evant la vie, le bien devant le
mal. Angrô-maïnyous lui-même devra reconnaître la sou*
1. Spiegel, Erânische Àlterihumsieunde, 1. 11^ p. 121-1!26. ^2. Idem^
tWd., p. 126-Ï30.— 3. Idem, ihid., p. 130-141.— 4. Idem, ibid., p. 145-148. *
468 CHAPITRE XI.
veraineté d'Aouramazdâ , et la perfection régnera sur
Tunivers * .
Au milieu de la lutte entre les deux principes, Thomme,
assailli par les Daêvas, défendu par les Yazatas, doit
vivre selon la loi et la justice dans la condition où le sort
Fa jeté. A côté du prêtre et du soldat, le législateur a
réservé une place d'honneur à celui cjui cultive la terre.
« C'est un saint, celui qui s'est construit ici-bas une mai-
son dans laquelle il entretient le feu, du bétail, sa
femme, ses enfants et de bons troupeaux. Celui qui fait
produire du blé à la terre, celui qui cultîVe les fruits des
champs, celui-là cultive la pureté : il avance la loi
d'Aouramazdâ autant que s'il offrait cent sacrifices^. »
L'homme a été placé ici-bas afin de disputer à Angrô-
maïnyous les parties stériles du sol : labourer est son pre-
mier devoir. Pour le reste, on avait soin de ne pas sur-
charger sa vie de formules : on exigeait de lui qu'il crût
en Dieu, qu'il lui adressât des prières et des sacrifices,
qu'il fût simple de cœur, sincère de paroles, loyal dans
tous ses actes. « Nous adorons Aouramazdâ, le pur, le sei-
gneur de pureté; nous adorons les Amesha-çpentas, les
possesseurs du bien, les distributeurs du bien; nous
adorons tout ce que le bon esprit a créé, tout ce qui
peut servir au bien de sa création et à l'extension de
la vraie foi. — Nous louons toutes les bonnes pensées,
toutes les bonnes paroles, toutes les bonnes actions
qui sont ou qui seront, et nous conservons en pureté
tout ce qui est bon. — Aouramazdâ, être toujours bon,
toujours heureux! nous nous efforçons de penser, de
parler, d'agir comme il convient pour assister les deux
vies* », celle de l'âme et celle du corps. Aouramazdâ
n'avait ni statues, ni sanctuaires mystérieux, ni au-
tels*; mais sur les hauteurs s'élevaient des pyrées ou
temples du feu où la flamme sacrée était entretenue d'âge
on âge par des prêtres dont le devoir était de ne pas la
t. Spiegel, Erâ/nische Alterthumskxmde, t. II, p. 153-158.— 2. Yaçif'^
^XIII, 2-3. — 3. Ihid., XXXV, 1-3. — 4. Hérçdote, I, J32 .
LES SAR60NIDES. 469
laisser s'éteindre*. La principale victime était le cheval*;
mais on offrait aussi le bœuf, la chèvre et la brebis. Après
avoir préparé et distribué aux assistants le Haôma, sorte
de boisson enivrante que les Iraniens avaient reçue des peu-
plades aryennes primitives*, le prêtre tuait Tanimal et en
plaçait les morceaux non pas dans le feu que le contact
aurait souillé, mais devant le feu sacré. La cérémonie se
terminait d'ordinaire par un banquet solennel où Ton
mangeait la chair de la victime ^.
Après la mort, on ne devait ni brûler le corps, ni l'ense-
velir, ni le jeter dans une rivière : c'eût été souiller le feu,
la terre ou l'eau. On avait deux manières différentes de se
débarrasser du cadavre sans dommage pour la pureté des
éléments. On pouvait le recouvrir d'une couche de cire et
l'enterrer* : l'enduit passait pour empêcher la souillure
qu'aurait produite un contact direct avec la terre. On pou-
vait l'exposer en plein air et le laisser dévorer aux oiseaux
pu aux bêtes de proie ' : en ce cas de grandes tours rondes
servaient de cimetières'. L'âme, après être restée trois
jours encore dans le voisinage de sa dépouille mortelle,
la quittait à l'aube du quatrième pour se rendre au lieu
du jugement. Le génie Rashnou pesait ses actions bonnes
et mauvaises dans la balance infaillible et l'acquittait ou
la condamnait selon le témoignage de sa propre vie. Au
sortir du tribunal, on la menait à l'entrée du pont Çinvat
qui était jeté sur l'enfer et menait au paradis. Lnpie, elle
ne pouvait le franchir et tombait dans Tabîme, où elle
devenait l'esclave d'Angrô-maïnyous ; pure, elle le passait
sans peine avec l'aide de l'ange Çraosha. Yohou-manô lui
1. Strabon, 1. XV, 3.— 2. Xénophon, Cyrop,, VIII, 3, g 24 ; Taçna^
XLIV, 18; où il est question d*un sacrifice de dix chevaux offerts par un
seul individu. — 3. Le haôma, en sanscrit sôma, était extrait de la
plante haoma ou soma, une sorte d'Asclépioi ou Sarcostema viminalis,
— 4. G. Rawlinson, The /it?e grecU Monarchies, t. II, p. 337-339, ;i45-346.
— 5. Strabon, 1. XV, 3; Hérodote, I, 140. — 6. Strabon, l, l. ; Héro-
dote (1, 140) semble croire que les corps étaient enterrés après avoir
été dévorés seulement en partie par les chiens ou par les oiseaux. —
7. Ces tours s'appellent dak^^mas «monuments » (Vendidad, Farg.,
v-vm).
470 GHAPITAB XI.
souhaitait la bienvenue, la présentait au trdne d'Âouia-
mazdâ, comme il avait fait Zoroastre, et lui indiquait la
place qu'elle devait occuper désormais jusqu'au jour de la
résurrection des corps ^.
Transplanté sur le plateau de Tlran, le Mazdéisme s'y
modifia selon les temps et les circonstances. Il se conserva
longtemps intact chez les Perses, et s'altéra chez les Mèdes
au contact des superstitions étrangères. Gomme la plupart
des peuples de leur race, les Touraniens de Médie consi-
déraient que le bon principe est clément par essence et n'a
pas besoin d'être adoré : ils réservaient leurs prières et
leurs sacrifices pour les puissances infernales et téné-
breuses. Leur culte était une sorte de sorcellerie plutôt
qu'un culte réel, et s'adressait aux esprits du mal; leurs
prêtres avaient des rites et des pratiques barbares par
lesquels ils se flattaient de vaincre les démons et de les
plier à la volonté humaine *. Sujets des Aryens, ils ne re-
nièrent pas leurs croyances : ils les fondirent dans celles
de leurs maîtres. Us identifièrent leurs dieux bienfaisants
avec Aouramazdâ et ses anges de lumière, leurs divinités
malfaisantes avec Ang^ô-maïnyous et ses démons, et cette
invasion des génies touraniens dans le système de
Zoroaàtre en changea complètement la nature. Angrô-
maïnyous avait été regardé jusqu'alors comme un être de
race inférieure : on le chargeait de malédictions, et lui
rendp hommage était se condamner à l'enfer pour jamais.
A l'exemple des Touraniens, les Mèdes commencèrent à
voir en lui une personne moins auguste que le bon prin-
cipe, mais plus redoutable et plus nécessaire à fléchir : ils
finirent par admettre qu'il était l'égal d'Aouramazdâ en
puissance et en force, avait la même substance que son
rival et durerait autant que lui. Restait à expliquer Texis-
1. 6. Rawlinson, The five great àlonarchies, t. II, p. 339-340; Spiegel,
Srdnische AUerihumskunde, t. 11^ p. 148-1&1. — 3. Les vieilles croyan-
ces touraniennes des peuples de Uédie paraissent s'être maintenues
fort altérées dans le culte bizarre des YexidiSj adorateurs du diable
(Layardy Ninevek and JBabylon, p. 41 sqq. ; Oppert, Rapport au Mi'
nistre de VInstruction publique, 1856).
LES SAHGONIDES. 471
tenc^ de ces deux êtres consubstantiels et pourtant enne-
mis : on supposa qu'ils n'avaient pas existé de tout temps,
mais émanaient d'un je ne sais quoi préexistant qu'on
nomma le temps sans bornes [Zrvan-akarana)^. A ce
point, l'évolution était complète. Le dualisme tel que
Zoroastre l'avait conçu sans résoudre les problèmes qu'il
soulevait, ^'existait plus qu^ de nom. Aouramazdâ n'était
plus l'être incréé créateur de tout : dérivé d'un être anté-
rieur, il avait organisé un univers préexistant en puissance.
Sa lutte contre Angrô-maïnyous était la lutte de deux pou-
voirs égaux et si exactement balancés, qu'aucun d'eux ne
Rêvait l'emporter sur l'autre. Le bien et |e mal émanés
d'une seule substance divine, distincts pour quelques
siècles seulement et en apparence, étaient destinés à se
réunir de nouveau dans le sein du même être indifférent
d'où ils étaient sortis jadis, avec tout le cortège de la
création ^.
En même temps que le dogme, la forme extérieure du
culte s'altéra profondément. Les Touraniens de Médie
avaient une caste sacerdotale dont les membres tenaient
leur office par droit d'hérédité : ces prêtres, qu'on appelait
magoush (mages), s'imposèrent aux vainqueurs et devin-
rent une des six tribus constituantes de la nation '. Ils
infectèrent les Aryens de leurs pratiques superstitieuses,
développèrent le culte du feu et des corps célestes et se
posèrent en intermédiaires nécessaires entre l'homme et
Dieu. On ne pouvait offrir le sacrifice ou faire acte de religion
I . Sur ce personnage et ses succédanés le temps fini (Zrvan dareghô
qadhâta), V espace infini {Thwâsha) et V espace fmiiMiçvdna), la. lumière
sans fin {Anaghra raoçâo) et les ténèbres sans fin {Anaghra tetndo),
voirSpiegel, Erânische AUerthumskundej t. II, p. 4-20. La croyance
au Zrvan-akarana donna naissance à de nombreuses sectes, dont les plus
célèbres, celles des Zervaniens, ont duré bien avant dans le moyen âge
(Spicgel, Erânische Àlierthumskunde, t. II, p. 165-187) : elle fait en-
core aujourd'hui partie du dogme religieux des Guèbres ou Parsis de
Bombay. — 2. Fr. Lenormant, Histoire, t. II, p. 335-338; LeUres assy-
riologiques, 1" série, t. I, p. 97-1 U; Essai de commentaire sur les
fragments cosmogoniques de Bérose, p. 15G sqq. ; la Magie, p. 191-215.
— 3. G. Rawlinson, TUe five great Monarchies, t. II, p. 348-349.
472 CHAPITRE XII.
en leur absence ^ Vêtus de longues robes blanches, coiffés
de hautes tiares, les mains chargées du faisceau sacré de
tamarisque {pareçma^ harsom] sans lequel on ne devait
rien faire ^, ils se rendaient en procession aux autels, pré-
Î)araient la victime, versaient les libations et chantaient sur
'offrande les formules mystérieuses qui lui donnaient
toute sa vertu. Ils se vantaient de posséder des facultés
surhumaines, d'expliquer et de rendre les oracles, de pré-
dire l'avenir. Les auteurs classiques affirment que sous des
apparences d'austérité ils cachaient des vices mons-
trueux, qu'ils permettaient et pratiquaient l'inceste le plus
horrible, celui du fils avec la mère*, qu'ils ne reculaient
devant aucun crime pour satisfaire leurs passions. Ce que
nous savons de leur vie par les monuments originaux ne
ndus permet pas de combattre ou d'approuver ce jugement.
Les mages acquirent une grande influence sur le peuple et
sur les grands ; ^s'ils en abusèrent parfois, ils ne firent ni
mieux ni pis que d'autres n'avaient fait avant eux.
CHAPITRE XII.
LE MONDE ORIENTAL AU TEBIPS DE L'EMPIRE MÊDE
L'empire mède; Kyaxarès; les Kimmériens en Asie ; chute de Ninive
(625) ; la Lydie. — La XXVP dynastie ; Psamétik !•'; Néko II; ba-
taille de Karkémish. — L'empire chaldéen et le monde oriental
depuis la bataille de Karkémish jusqu'à la chute de Tempire mède.
li'emplre mède i Kyaxarès i les Klmmérlena en Asie j
chute de Nlnlve (%99) % la I<yiUe«
Les traditions recueillies par Hérodote donnaient pour
1. Hérodote, I, 138; Ammien Marcellin, XXIII, 6. ^ 2. Straboo,
1. XV, 3 ; Yendiàad, Farg. XVIII, 1-6. — 3. Cette pratique est rapportée
par plusieurs auteurs ecclésiastiques sur la foi de Xanthos de Lydie et
de Ctésias , deux écrivains d'une bonne foi suspecte. M. George Raw«
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 473
successeur à Déïokès un certain Phraortès (655-633) qui,
après avoir soumis les Perses et conquis le plateau de Tlran,
.aurait péri en 632 dans une expédition contre Ninive * . Je
ne m'arrêterai pas à ce personnage dont le nom, Fravartis,
a la tournure mède, mais dont Thistoire est aussi peu au-
thentique que celle de son prétendu prédécesseur*. Ou-
vakhshatara, que les Grecs appellent Kyaxarès,fut le véri-
table fondateur du grand empire médique*. D'après Héro-
dote, il était fils de Phraortès et succédsuà son père dans la
possession d'un empire solidement établi*. On croit au-
jourd'hui qu'il n'était pas originaire de la Médië propre,
mais était né sur les bords de la Caspienne, entre TAtrek
et rOxus : il se mit avec son père à la tête d'une nouvelle
migration qui déboucha sur le plateau de l'Iran et doubla
les forces de la* race aryenne en ces parages. Les petits
Etats qui se partageaient le pays furent soumis sans grande
difficulté et réunis sous un même sceptre : les nouveaux
venus, entraînés par la force de l'impulsion, ne s'arrê-
tèrent pas à la chaîne du Khoatras, et voulurent des-
cendre dans la plaine du Tigre. Hérodote nous apprend
comment se termina cette première tentative des Mèdes sur
l'Assyrie* : le vieil Assour-ban-habal , ou son successeur
Assour-edil-ilâni, se porta à la rencontre des envahisseurs
et les vainquit. Phraortès périt dans la bataille : Kyaxarès
ramena en arrière les débris de son armée et remonta sur
le plateau de Médie pour y préparer une 'nouvelle guerre*.
Il venait de se former une armée régulière' et de recom-
mencer la guerre avec l'Assyrie, lorsqu'un ennemi inat-
tendu vint séparer les deux pouvoirs rivaux. Bien loin vers
le nord, au delà des fleuves de l'Arménie et des pics du
Hnson {The five great Monarchies^ t. II, p. 351-353) n'admet pas le biea
fondé de cette accusation. — 1. Hérodote, I, 102. — 2. Cf. Rawlinson,
The five great Monarchies, t. II, p. 383. M. François Lenormant {Lettres
assyriologiques, 1" série, 1. 1, p. 64-72) a récemment essayé de défen-
dre l'authenticité du récit d'Hérodote. — 3. Cf. Eschyle, Perses, V,
761-764 : Mrjôo; y*? ^v ô upûxo; ii-^t\ùù>f orTpaTou, 'AXXoç ô' èxsivov ocaîc
TÔô'IpYOv ^vuore* TpiTo; fi' an* auxoû Kûpoç.... — 4. Hérodote, I, 103. —
5. Hérodote, 1, 102.— 6. Cf. Rawlinson, The five great Monarchies, t. II,
p. 220; Herodotus, 1. 1, p. 331-333. — 7. Hérodote, I, 103.
474 G^APITJEl|l XU.
Caucase^ dans les vastes steppes ^u continent eui^opéen,
vivaient de^ tribus à moitié sauvages, que les peuples an-
ciens ont connues SQus les noms assez vagues 4e Kimmériens,
Scythes, ^armâtes. Pepuis une haute antiquité, les Eam-
mériens avaient Tbabitude dq franchi^ presque chaque son-
née la barrière du Caucase povir venir piller les peuples de
l'Asie. Leurs première? incursions avaient été dirigées de
préférence vers le sud-oiiest, dans la direction de l'Asie Mi*
neure : ils avaient ravagé les contrées qui bordent le Pont-
Euxin, traversé la Pbrygie, la Mysie, la Lydie, atteint les
villes grecques et barbares qui s'élevaient sur la côte orien-
tale de la mer Egée*. Plus tard, la renomçaée de l'As-
syrie pénétra jusqu'à eux et alluma leur convoitise.; ils
descendirent dans .la direction du sud et rencontrèrent,
quelquefois à leur désavantage, les armées assyriennes?
Vers 632, le gros d^ la nation, dépossédé par la tribu
desScolotes% s'ébranla, passa le long de la Caspienne ; en
arrivant dans le bassin du Tigre, leç Barbares trouvèrent
deux armées en présence. Kyaxarès avait battu les Assy-
riens et forcé leur roi à se renfermer dans i^ capitale.
A l'approche des K-imméri^ns, il Iqvç^ le çiége et courut
au-devant des envahisseurs. Il avait snr euî l'avantage
de l'armement et de la discipline, ms^is ses soldats suc-
combèrent sous le nombre. Madyès, chef des Barbares,
remporta la victoire et imposa aux vaincns un tribut an-
nuel. La Médie ne souiïrit pas hpaucQup : elle n'était
pas encore assez riche pour tenter la cupidité des îScy-
thes ; mais sa suprématie sur les nattions voisinetif pamt être
un moment compromise ^.
Le courant de l'invasion s'éjqigna des montagnes dQ
riran pour se jeter sur les pays de l'Euphrate et de la Mé-
diterranée. L'Assyrie, que les Scythes avaient sauvée sans
le savoir, souffrit la première de leurs ravages; elle fut
dévastée tout entière, et, si Ninive leur échappa, Iqs autres
1. Strabon, 1. 1, 2; m, ^\ XIV. 1 ; Orose, I, 21. Cf. G. Rawlinson, The
five great Monarchies, %. II, p. ^Ok;Uerodoius, t. I, p. 299-301. — 2. Les
Gimirri ou Kimmerii 50»t mçptionnés déjà sous Assour-akhè-idin,
Ters 678. — 3. Hérodote, I, 104. — 4. Idem, 1, 103 ; Strabon, 1. I, 3.
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 475
villes royales, Kalakh, El-Âssour, furent brûlées et sacca-
gées de fond en comble. La Mésopotamie et la Ghaldée
furent plus d'à moitié dépeuplées. Comme les Huns dix
siècles plus tard, les Kimmériens n'épargnaient ni l'âge
ni le sexe. Us détruisaient les moissons, abattaient ou en-
levaient les troupeaux, incendiaient les villages pour le
seul plaisir de détruire ou d'efirayer ; les habitants qui n'a-
vaient pas réussi à se sauver dans la montagne ou à s'enfer-
mer dans les forteresses étaient massacrés ou traînés en
esclavage. Trop ignorants en l'art de la guerre pour assied
ger les places fortes selon les règles, ils les laissaient d'or-
dinaire en repos moyennant un léger tribut; si les richesses
enfermées dans une ville leur faisaient espérer un riche
butin, ils la bloquaient jusqu'à ce que la famine la réduisît
à se rendre. Mainte vieille cité où s'étaient accumulés les
trésors â^es générations passées fut mise à feu et à sang ;
maint canton fertile et populeux fut ruiné et désolé. Ils
allèrent ainsi de province en province, de la Mésopotamie
dans la Syrie du Nord et dans la Phénicie, de la Syrie du
Nord au pays de Damas et en Palestine ^ Ils arrivèrent
enfin aux frontières de l'Egypte et se préparaient à les
franchir, quand Psamétik P' les écarta par de riches pré-
sents. Us revinrent sur leurs pas, et pillèrent au passage
. le temple de Derkètô, près d'Ascalon. A partir de ce mo-
ment leur pouvoir commença à décliner ^. Engagés chaque
année dans des guerres nouvelles, ils réparaient difficile-
ment les vides que la victoire creusait dans leurs rangs;
les excès de toute sorte les décimèrent ; leur nombre dimi-
nua rapidement. Les vaincus relevèrent la tète et commen-
cèrent à remuer.
Les Mèdes furent les premiers à secouer le joug.Kyaxarès
invita le chef des Scythes et 6es principaux officiers à un
grand banquet ; après les avoir enivrés, il les fit tous tuer,
et dès le lendemain prit la campagne. Malgré la trahison
qui les avait privés de leurs généraux, les hordes kimmé-
riennes tinrent bravement tête à l'orage ; il fallut pour les
1. Hérodote, I, 105; Justin, n, 3. — 3. Hérodote, 1, 105.
476 CHAPITRE XII.
expulser une guerre longue et sanglante dont les détails
nous sont inconnus. Selon son habitude, Gtésias de Cnide
a brodé sur ce thème toutes sortes d'aventures merveil-
leuses ou romanesques. Les Scythes unis aux P'arthes
étaient, dit-il, commandés par la reine Zarinaea, qui battit
les Mèdes plusieurs fois et finit par traiter avec eux à con-
ditions égales ; la paix signée, elle se retira dans sa capitale
*Roxanakê et y termina ses jours ^ En fait, Kyaxarès chassa
les Scythes de Médie, et après sa victoire ils ne se main-
tinrent pas longtemps dans le reste de l'Asie. Les survi-
vants rentrèrent en Europe par le Caucase *, et leur expul-
sion fut si complète qu'on pourrait assurer qu'elle n'a laissé
aucune trace, sans qu'une tradition douteuse leur attribue
l'origine du nom de Scy thopolis que prit Beth-Shean , ville
de Palestine*. Hérodote prétend qu'ils dominèrent vingt-
hiiit ans sur l'Asie, depuis la défaite de Kyaxarès jusqu'au
soulèvement des Mèdes*. Il faut en rabattre beaucoup sur
ce chiffre. Leur domination dura sept ou huit années au
plus, de 634 à 627*.
Les Scythes étaient à peine partis, que le roi des Mèdes
songea de nouveau à envahir TAssyrie. Elle avait été ruinée
de fond en comble par les Scythes et essayait en vain de se
relever sous Assour-edil-ilâni. Kyaxarès, rendu prudent
par ses premiers échecs, chercha des alliés parmi les
vassaux de son rival. Assour-edil-ilâni avait confié le
gouvernement de la Ghaldée à un de ses généraux, Nabou-
bal-oussour; lui-même se réservait de tenir tête aux Mèdes.
Nabou-bal-oussour, au lieu de faire son devoir, se proclama
roi de Babylone (625) et envoya proposer à Kyaxarès une
alliance offensive et défensive. Le Mède accepta et cimenta
le traité par le mariage de sa fille Am'ytis avec Nabou-
koudour-oussour, fils de son nouvel ami. Le roi d'Assy-
1. Biodore, II, 34, d'après Gtésias ; Nicolas de Damas, Fragm,, 12 ;
Anonymus de Claris Mulierihus, §2.-2. Hérodote, IV, 1. — 3. Po-
lyhistor dans Eusèbe, Prap, Ev,, IX, 39. — 4. Hérodote, I, 106. —
5. De Saulcy, Chronologie des empires de Ninive, de Babylone et d'EC'
hatane, p. 69; G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. II, p. 221-
227 ; Fr. Lenormant, Lettres assyriologiques, V série, t. I, p. 74-83-
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 477
rie, trahi, s'enferma dans Ninive, y résista le plus long-
temps qu'il put et se brûla dans son palais plutôt que de
tomber vivant aux mains de l'ennemi (625)*.
Ninive détruite, l'empire d'Assyrie tomba : au bout de
quelques années il était passé à l'état de légende; moins
de deux siècles après, on ne connaissait plus d'une ma-
nière certaine le site de sa capitale. Certes les autres
grandes nations de l'Orient, l'Egypte et la Ghaldée, n'a-
vaient pas aux jours de leur gloire épargné les vaincus : les
Pharaons des dynasties thébaines avaient foulé l'Afrique et
l'Asie sous leurs sandales et emmené en esclavage des po-
pulations entières. Mais du moins, à côté de leur œuvre de
colère, ils avaient accompli une œuvre de civilisation. C'est
d'Egypte et de Chaldée que sont venus les arts et les
sciences de l'antiquité ; l'Egypte et la Chaldée nous ont
donné les premières connaissances sérieuses qu'on ait eues
en astronomie, en médecine, en géométrie, dans les sciences
physiques et naturelles ; si les monuments de la Chaldée
ont péri sans retour, ceux de l'Egypte sont encore debout
pour nous prouver à quel degré de perfection les premier-
nés des hommes avaient porté l'architecture. Et si mainte-
nant nous demandons à l'Assyrie autre chose que des con-
quêtes, nous ne trouvons rien en elle qu'elle n'ait emprunté
à ses voisins. Elle prit ses sciences à la Chaldée, ses arts à
la Chaldée et un peu à l'Egypte, son écriture à la Chaldée,
sa littérature scientifique et religieuse à la Chaldée ; la seule
1. Diodore, II, 23-28, d'après Ctésias; Abydène dans Eusèbe {Chron.
Can,, pars I, c. 9); Polyhistor, dans le même (pars I, c. 5). Cf. G. Rawlin-
son, The five great Monarchies, t. II, p. 228-233; Herodotus, 1. 1, p. 334,
398-401 ; Fr. Lenormant, Lettres assyriologiques, V* série, 1. 1, p. 83-92.
Voici le tableau de la dynastie des Sargonides :
Saryoukin, 721-704.
SiN-AKHÈ-IRIB, 704-680.
ASSOUR-AKHÈ-IDIN II, 680-667.
ASSODR-BAN-HABAL, 667-....
ASSOUR-BDIL-ILÂNI, ..-625.
478 CHAPITRE XII.
chose qui lui appartienne en propre, c'est la férocité de ses
généraux et la bravoure de ses soldats. Du jour qu'elle
apparut dans l'histoire, elle ne vécut que pour la guerre et
pour la conquête; le jour où sa population épuiséfe ne lui
permit plus les succès du champ de bataille, elle n'eut |)lus
sa raison de vivre et disparut. Kyaxarès se réserva l'Assyrie
propre et ses dépendances immédiates au nord et au nord-
ouest; Nabou-bal-oussour joignit à la possession de Baby-
lone la suzeraineté sur rÉlâm, la Mésopotamie, la Syrie
et la Palestine. Deux grands royaumes sortirent à la fois
des ruines : le chaldéen, dans les contrées où Thistoirc de
l'Orient civilisé avait été enfermée jusqu'alors; le mède,
dans les régions presque inconnues du nord et de l'est et
chez des peuples qui venaient à peine de naître à l'his-
toire. Soit toléràtice, soit crainte lînitùelle, ils se respec-
tèrent l'un l'autre et restèrent ïimis pendant plus d'un
demi-siècle, et leur entente assura la paix du monde.
Kyaxarès, vainqueur de Ninive, ne s'en tint pas à ce
premier succès. L'Ourarti et les pays voisins, à moitié
ruinés par les Kimmériens, ne lui résistèrent pas. Les tri-
bus touraniennes qui habitaient à l'ouest de l'Euphrate,
Mouskaï et Toubals, forent refoulées vers la mer Noire ou
le Caucase et remplacées par des nations, les unes d'origine
jihrygienne comme les Arméniens, les autres d'origine ira-
nienne comme le peuple des Katpatouka (Gappadociens).
Moins de dix ans après la chute de Ninive, Kyaxarès pé-
nétrait au cœur de l'Asie Mineure *. Il trouva l'intérieur
du pays habité à peu près de la même manière que les
Égyptiens l'avaient connu neuf siècles auparavant. Les
Phrygiens avaient continué de vivre obscurément, respectés
pour leur richesse et leur bravoure. Midas, uh de leurs
derniers rois, avait manifesté l'intention d'entrer en rap-
port avec les peuples du dehors ; le premier parmi les Bar-
bares, il avait envoyé des présents à l'oracle de Delphes*.
Cette tentative de rapprocnetnent n'eut ^as de suites; la
Phrygie retomba dans son isolement. La plupart des autres
1. Hérodote, I, 103. — î. Idem, 1, 14,
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 4'>9
peuples, Troyens, Lyciens, Càres, avaient diminué ou même
disparu coihplétemeht sous Tefifort de races nouvelles ve-
nues du continent européen. Au nord, les tribus thraces
n'avaient pas cessé de franchir le Bosphore ; elles avaieht
refoulé les indigènes et s'étaient établies en Bithynie. l)e-
puis le onzième siècle, les colons grecs avaient afflué dans
la partie du pays qui fait face à l'Hellade ; les Éoliens dans
i'ahcienne Troade, à l'embouchure de l'Hermos, à Lesbos,
dans les villes de Mitylène, de Kymê, d'Elœa, de Magné-
sie; les Ioniens à.Ghios, à Samos et, sur la côte, à Pho-
cée; à Smyrne, à Téos, à Colophon, à Êphèse, à Priène,
à Milet; les Doriens à Rhodes, à Garpathos, à Gos et sur
les grandes presqu'îles de la ÎGarie. La plupart de leurs
villes, devenues métropoles à leur tour, avaient couvert
de colonies les côtes de la Cilicie et de la Lycie au sud,
celles du Pont-Euxin au nord*. Par position et jpar intérêt
elles étaient en lutte constante avec la plupart des peu-
ples de l'intérieur, Cariens, t'hraces et Lydiens.
Depuis l'émigration eh Italie des Tourshas, des Shar-
danes et des autres « jpeuples de la mer », la Lydie avait
changé deux fois de dynastie. Vers la En du treizième
siècle *, les Atyades avaient été remplacés par une famille
d'Héraclides dont le iFondateur, Àgron, possède une généa-
logie plus mythique encore que sa personne. Il descendait
d'Hercule et d'une esclave de lardanos par Alkaeos, Bêlos
et Ninos. Lès deux preiiiiers noms nous reportent vers la
Grèce et les deux derniers vers l'Assyrie, sans qu'il soit
possible de soupçonner quels motifs ont pu déterminer les
premiers chronographes lydiens à donner le grec Alkœos
pôUr père à l'Assyrien Bêlos. Quelques écrivains d'époque
postérieure rattachèrent l'établissement de la dynastie nou-
velle à une prétendue domination des preniiers rois de Ni-
hive sut l'Asie Mineure. Gtésias rangeait , la Lydie au
nombre des provinces soumises au fabuleux Ninos, et con-
1. Voir au volume de cette collection consacré à V Histoire grecque le
récit détaillé de la qolonisation des Grecs en Asie Mineure. — 2. Ver?
1229; d'après les indications d'Hérodole (1, 7). Les monuments assyriens
prouvent qu'il faut abaisser cette date d'une vingtaine d'années au moins.
480 CHAPITRE Xn.
sidérait Tapparition soudaine de Memnon le Koushite, au
siège de Troie, comme un secours envoyé par le roi d'As-
syrie à son vassal Priam*. On a conclu de ces indications
qu'Agron était un fils de Ninos, placé par son père sur le
trône de Lydie *, que son nom , rapproché de TAssjrrien
Agroun, signifiait le fugitif et marquait un prince chassé
du pays d'Assour par une révolution. « Les appellations
qu'Hérodote présente comme celles des trois ancêtres
d'Agron, Bêlos, Alkaeos, Hérakiès, sont précisément la
traduction du nom et du titre de l'Hercule assyro-chal-
déen, surnommé SamdaUy « le fort, le puissant, » et
quelquefois assimilé à Bel, Bel-Adar-Samdan. Le fonda-
teur de la dynastie des Héraclides de Lydie se révèle donc
clairement, dans les traditions recueillies par le père de
l'histoire, comme un prince assyrien et fugitif, issu
d'une famille qui regardait le dieu Adar comme son au-
teur ou son protecteur spécial. Si nous nous reportons
maintenant aux annales assyriennes, nous y voyons que,
juste vers l'an 1200, régnait à Ninive le véritable fonda-
teur de la puissance de cette monarchie, appelé Adar-
palassar. « Adar protège son fils ; » des descendants de
ce prince étaient, on le voit par le sens de son nom, très-
naturellement appelés en grec Héraclides. Agron, « le
fugitif, » nous semble, en conséquence, devoir être re-
gardé comme un fils d'Adarpalassar, un frère puîné
d'Assourdayan, qui, par suite d'événements à nous in-
connus, probablement d'une compétition avec son frère,
se retira en Lydie et s'y empara du pouvoir*. » Tout
cela est plus ingénieux que solide: mieux vaut regar-
der la généalogie d'Agron comme l'invention d'un historien
désireux de rattacher les rois de Lydie aux héros les plus
célèbres de la Grèce et de l'Orient *.
L'histoire de la seconde dynastie est aussi peu connue
que celle de la première. Agron eut pour successeurs vingt
1. Ctésias, Frag,y 2, 18, édit. C. Mûller — 2. Volney, Recherches sur
Vhistoire, 1. 1, p. 419. — 3. Fr. Lenormant, Histoire, t. II, p. 384-385
Essai de commentaire sur les fragments cosmogoniques de Bérose
p. 145-147. —4. Cf. Rawlinson, Herodotus, t. I, p. 291-293.
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 481
et un rois, chacun fils du précédent et dont les règnes réu-
nis forment un total de cinq cents ans^. Les noms de la
plupart d'entre eux sont perdus, et ce qu'on nous dit des
autres nous transporte en pleine légende. Kamblês était si
vorace qu'une nuit, pendant son sommeil, il dévora la
reine 2; la femme de Mêlés donna naissance à un lion *. Le
récit de l'expédition, en Palestine, d'un général lydien qui
aurait fondé Ascalon sous le règne d'Alkimos *, peut être
un souvenir efiacé des migrations tyrrhéniennes et semble
montrer que, longtemps encore après le temps des peu-
ples de la mer, les Lydiens allaient faire la course sur
les côtes d'Egypte et de Syrie. Vers 700% les Héracli-
des furent renversés à leur tour : Gygès, fils de Dasky-
los, assassina le roi Gandaule et s'empara de la royauté.
Son histoire devint bientôt pour les Grecs un sujet de ro-
man sur lequel leur fantaisie s'exerça sans contrôle, Héro-
dote contait déjà, d'après le poète Archiloque, que le roi
Gandaule, affolé par la beauté de sa femme, la montra nue
à Gygès : la reine, outrée de ce qu'elle considérait comme
un affront, força le favori à tuer son maître, puis lui donna
sa main et la couronne *. Le récit de Platon est plus mer-
veilleux encore. Après un orage terrible, un berger du roi
de Lydie aperçoit une fente dans le sol et y descend. Il y
trouve un grand cheval de cuivre à moitié brisé, et dans
les flancs du cheval le cadavre d'un géant, qui porte au
doigt une bague d'or. Il s'aperçoit que la bague peut le
rend;:e invisible à volonté, se rend à la cour, séduit la reine,
assassine le roi et le remplace''. D'après une troisième
légende, il ne tue le roi et ne monte sur le trône que pour
accomplir un oracle ^. Le changement de dynastie ne se fît
pas sans lutte. Les partisans des Héraclides prirent les
1. Hérodote, I, 7. — 2. Athénée, X, 8, probablement d'après Xan-
thos de Lydie. — 3. Hérodote, I, 84. — 4. Xanthos dans Etienne de
Byzance, s. v. j^axaXwv. — 5. 724 d'après la chronologie ordinaire
fondée sur les calculs d'Hérodote. Les monuments assyriens prouvent
que Gygès vivait encore entre 666 et 660, et nous forcent d'abaisser le
chiffre traditionnel. — 6. Hérodote, I, 8-13. — 7. Platon, Républû
que, II, 3. — 8. Nicolas de Damas, dans MtUler, Fragm, Hist» Grâsc,^
U III, p. 380-386, peut-être d'après Xanthos de Lydid.
BIST. ANC. 31
482 CHAPITRE XII.
armes et se préparèrent à soutenir la cause des souve-
rains légitimes. Gygès, soutenu par des mercenaires ca-
riens, préféra s'en rapporter à la décision de roracle de
Delphes, et cette décision lui fut favorable. « Dès qu'il fut
fermement assis sur le trône, il envoya à Delphes des
présents considérables, comme en font foi les offrandes
en argent qu'il plaça dans le sanctuaire. Outre cet argent,
il donna un grand nombre de vases en or, parmi lesquels
les plus remarquables sont les gobelets, au nombre de
fiiix, et du poids de trente talents, qui sont déposés dans
le trésor corinthien*. »
Les Lydiens avaient toujours été une race vaillante et
belliqueuse, riche en hommes et en chevaux : Gygès les
poussa à la conquête. De ses guerres à l'intérieur on ne
sait rien, si ce n'est qu'il réunit à son empire la Troade
entière, et probablement quelques cantons de la Phrygie*.
Les colonies grecques occupaient la côte et lui barraient
le chemin de la mer : il se tourna contre elles, envahit le
territoire des Ioniens, mit le siège devant Milet et Smyme
sans succès, prit Golophon*. Ici encore la légende s'est
mêlée à l'histoire pour étendre son autorité et donner une
cause extraordinaire à sed succès. On conta qu'il avait
pour favori un jeune homme d'une beauté merveilleuse,
nommé Magnés, et que les Magnésiens défigurèrent au
point de le rendre méconnaissable : il vint assiéger la
place et ne se retira qu'après en avoir châtié les habitants *•
Rien ne prouve que le roi de Lydie ait jamais réussi à pren-
dre une ville grecque autre que Colophon.
Son règne se termina par un désastre. Pressé des Kim-
mériens, il avait reçu en rêve l'ordre de rendre hommage
au roi d'Assyrie Assour-ban-habal, dont les preipaiers suc-
cès remplissaient de bruit le monde oriental. Aussitôt
après la victoire il se repentit de sa démarcli^e et envoya de-
mander secours aux Egyptiens révoltés. A8sour-l}an-habal
lâcha les Eimmériens contre lui. Gygès fut tué au cours
1. Hérodote, I, 13-14. — 2. Strabon, 1. XIII, 2.-3* Hérodote,
1, 14. ^ 4. r^icolaa <le Damas, dansl^s Frçtgm, Uish Grœc,. t. III.
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 483
de Finvasion et son corps laissé sans sépulture*, la Lydie
entière dévastée, Sardes prise, à l'exception de la cita-
delle, qui tint bon (660)*. Ardys, fils de Gygès, parvint à.
leur recouvrer la plus grande partie du territoire perdu et
s'agrandit aux dépens des villes grecques *. Ses deux succes-
seurs, Sadyattès (637-625) et Alyattès (625-568), continuè-
rent la politique traditionnelle de leur race et s'attaquèrent
de préférence à Milet. Après de longues luttes sans résul-
tat, Alyattès, désespérant de réduire la ville par la force,
essaya de la faire tomber par la famine. « Chaque été, dès
que les fruits et les moissons commençaient à mûrir, il
partait à la tête de son armée, qu'il faisait marcher et
camper au son des instruments. Arrivé sur le territoire
des Milésiens, il détruisait entièrement les récoltes et
les fruits, et se retirait ensuite, » De guerre lasse, il
finit par traiter, se rejeta sur d'autres villes moins fortes,
enleva Smyrne *, et il venait de rétablir la suzeraineté des
Lydiens jusqu'à la rive gauche de THalys, quand les Mèdes
parurent sur la rive opposée. L'Asie Mineure était trop
riche. et trop fertile pour ne pas exciter la convoitise de
Kyaxarès : il chercha et trouva sans peine un prétexte pour
l'envahir. Un corps de Scythes nomades, qu'il avait à son
service, le quitta soudain et se réfugia auprès d' Alyattès :
il les réclama comme transfuges, n'obtint pas leur extradi-
tion et déclara la guerre. Elle durait depuis six ans à suc-
cès égal, et les deux armées, après plusieurs batailles in-
décises, venaient de se rencontrer une fois encore^ lors^
qu'au milieu du combat le soleil s'éclipsa soudain. Elles
se séparèrent sur-le-champ, et la crainte superstitieuse
dont les remplit le phénomène leur inspira le désir de
1. Cf. Smith, Hisîory ofÀssurhanipulj p. 64-68, 71-75. — 2.!Héro(ïote,
I^' 15. Je considère la mention d'Hérodote comme se rapportant à la
grande invasion où périt Gygès, et non pas à une invasion postérieure.
(Cf. Fr. Lenormant, Lettres assyriologiques, r» série, 1. 1 p. 79.) --'
3. Hérodote, I, 15, attribue quarante-neuf ans de règne à Ardys:
Eusèbe lui en donne trente-huit. Dans Tétat actuel de la science, il
n*est guère possible de le ftdr« régner pl9S de visf^trola anS; de 660
ou 659 à 63T, ^ 4. Hérodote, î, 16-^6, ^.,
484 CHAPITRE SU.
la paix. Deux des principaux chefs, Syennésis de Gilicie,
allié du roi lydien, et Nabou-nahid (Labynètos), comman-
dant du contingent babylonien qui servait dans l'armée
de Kyaxarès, proposèrent un armistice et finirent par
décider les rivaux à s'accommoder. L'Halys resta la li-
mite officielle des deux royaumes : pour consolider l'al-
liance, Âlyattès donna sa fille Aryènis en mariage à Astya-
gès, fils de Eyaxarès. Selon l'usage du temps, les deux
princes, après s'être prêté l'un à l'autre le serment d'ami-
tié, scellèrent le contrat en se piquant mutuellement le
bras et en buvant le sang qui coulait de la blessure (610)*.
Kyaxarès renonça bientôt après à la guerre, et passa
-dans une paix profonde les derniers temps de sa vie : il
mourut en 596. Â son avènement, la race mède, partagée
en petites tribus indépendantes, était à la merci de qui
voulait l'avoir : à sa mort, l'empire mède s'étendait du dé-
sert d'Iran à la rive orientale de l'Halys, et présidait aux
destinées de l'Asie Antérieure.
lialatUe de Karkémiiili.
Après de longs siècles de luttes intestines et de guerres
contre l'Assyrie, la Chaldée se trouvait enfin réunie aux
mains d'un seul maître. La chute de Ninive et l'amitié de
la Médie lui assuraient la possession indisputée du bassin de
TEuphrate et de la Syrie: Nabou-pal-oussour jouit, quinze
années durant, de sa nouvelle fortune, sans attaquer aucune
des nations voisines et sans être attaqué d'elles. S'il prit
part aux luttes de Kyaxarès contre les Lydiens, ce fut
\
1. Hérodote, I, IMk, La date c(e 610^ admise par la plupart des his-
toriens (cf/Grote, History of Greece, t. II, p. 418; Rawlinson, Hero-
dotus, 1. 1, p. 302-304, et The five great Monarchies, t. II, p. 409-413),
a été rejetée par d'autres, qui ont préféré voir dans Téclipse mention-
née par Hérodote celle de 597 (Fr. Lenormant, Histoire, t. II, p. 353),
ou celle du 28 mai 585 (Bosanquet, Fàll of Nineveh, p. 14). Cicéron (de
Divin., I, 86), Pline (H. N., II, 12), Eusèbe {Chron. Can., II, p. 331),
placent la guerre sous le règne d'Astyagès,
L*ORIENT AU TBMPS DE L'EMPIRE MÈDE. «k85
seulement pour rester fidèle à ses engagements : son in-
tervention au moment opportun décida de la paix et donna
aux nations de l'Asie Antérieure un demi-siècle de tran-
quillité.
Vers la fin de ses jours, un danger imprévu le menaça.
Depuis l'expulsion des Assyriens, TEgypte avait passé
par des fortunes diverses. Les petits rois qui se la par-
tageaient, à peine échappés à la domination d'Assour-ban-
habal, étaient retombés sous le joug de TÉthiopie. Un
des successeurs d'Ourdamani, Nouat-Méiamoun, décidé
par un songe qui lui promettait la royauté du midi et du
nord, avait, dès les premiers jours de son règne, envahi
la Thébaïde. A Thèbes même et dans les environs, où les
descendants éthiopiens des grands-prêtres d'Ammon avaient
toujours conservé un parti puissant, il n'avait rencontré
aucune résistance. Sur son passage, les « riveraihs de
l'ouest et de l'est se réjouirent en grand joie, disant :
« Va en paix 1 Sois en paix ! Rends la vie à l'Egypte ! Re-
<c lève les temples qui tombent en ruine, redresse les sta-
« tues et les images des divinités ! Rétablis les fondations
« faites aux dieux et aux déesses, les offrandes pour les
<c mânes! Remets le prêtre à sa place pour satisfaire à
« toutes les cérémonies du culte. y> Il battit les troupes des
rois confédérés sous les murs de Memphis, enleva la ville
et s'enfonça dans le Delta à la poursuite des vaincus. Ils
n'osèrent plus l'attendre en rase campagne, s'enfermèrent
dans leurs places fortes et le réduisirent à commencer une
guerre de sièges interminable. Impatienté de cette résis-
tance, il rentra à Memphis et ne savait comment sortir à
son honneur de cette difficile entreprise, quand les chefs
égyptiens le tirèrent d'embarras par leur soumission in-
attendue. Le plus puissant d'entre eux, Paqrour de Pa-
soupti, celui-là même qui avait été tour à tour l'allié et le
rival de Néko, les amena rendre hommage au conquérant,
ce Ils dirent : « Accorde-nous les souffles de vie, car il ne
ce peut plus vivre, celui qui te méconnaît! Nous te serons
a comme les gens qui sont sous toi, ainsi que tu l'as dé-
« claré dès le début, le jour même où tu devins roi! »
486 CHAPITRE XII.
Le cœur de Sa Majesté fut rempli de joie quand elle en-
tendit ce discours : elle leur fit donner des pains , de la
bière, toutes sortes de bonnes choses. » Après avoir passé
quelques jours à Memphis auprès de leur nouveau suze-
rain, ils dirent : « Pourquoi restons-nous ici, ô prince
« notre maître? » Sa Majesté leur répondit : «Pourquoi?»
Ils dirent : « Laisse-nous aller dans nos villes, que nous
ce donnions des ordres à nos gens et que nous t'apportions
« nos tributs ! » Ils revinrent quelques semaines après, et
Nouat-Méïamoun rentra dans son royaume chargé de bu-
tin*. «Son autorité sur le nord ne dura probablement que
le temps de son séjour à Memphis : elle continua de s'exer-
cer trois années au moins en Thébaïde *, puis disparut on
ne sait comment*.
Tout vaincu qu'il était, Paqrour n'en demeurait pas
moins le plus puissant des princes du Delta : aussitôt
après le départ des Éthiopiens, les Saïtes commencèrent à
lui disputer la primante. Psamétik I®', fils de Néko, avait
hérité le génie entreprenant de son père. Tant que les As-
syriens lui avaient été utiles, il les avait soutenus : le jour
où leur domination parut chanceler, il les abandonna sans
scrupule. L'ambition le jeta dans toutes sortes d'aventures
où plus tard la légende se donna carrière. En ce temps-
là, disait-on, l'Egypte était partagée entre douze princes
confédérés ; mais un oracle avait prédit qu'elle finirait par
appartenir entière à celui qui 'ferait une libation au dieu
Phtah dans une coupe d'airain. Un jour qu^s étaient
réunis dans le temple de Memphis, le grand prêtre leur
présenta les coupes d'or dont ils avaient accoutumé de
se servir; mais il se trompa sur le nombre, et Psamétik
n'en eut point. Afin de ne pas différer le sacrifice, le roi
1. UsLÛetie, Monuments divers, t, ï, pi. VII-VIII; Maspero, LasièUdu
songe, dans la Revue archéologique, 1868, t. I, et dans les Records of
the^Past, t. IV; de Rougé, dans les Mélanges d* Archéologie égyptienne
et ckssyrienne, t. I, p. 89-91. -^ 2. Lepsius, Catalogue du Musée^de Ber-
lin, p. 45, n" 223^ 224. — 3. Nouat-Méïamoun est le dernier des quatre
princes éthiopiens qui, d'après Diodore^ I, 44, avaient régné sur l'E-
gypte.
r-
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÊDE. 487
de Saïs prit le casque d'airain qu'il avait sur la tête et
s'en servit comme d'un vase à linations. Les autres s'en
aperçurent, se rappelèrent l'oracle et exilèrent le cou-
pable dans les marais du Delta, avec défense de jamais en
sortir. L'oracle de Bouto , qu'il envoya consulter secrète-
ment, afin de savoir ce qu'il pouvait attendre des dieux,
lui répondit que la vengeance viendrait de la mer, le jour
où les hommes d'airain en sortiraient. Il crut d'abord que
les prêtres se jouaient de lui; mais, peu de temps après^
des pirates carienset ioniens, jetés à la côte, descendirent à
terre revêtus de leurs cuirasses. L'Égyptien qui en apporta
la nouvelle n'avait jamais vu auparavant un soldat armé
de toutes pièces : il raconta que des hommes d'airain, sortis
de la mer, pillaient la campagne. Psamétik reconnut aus-
sitôt que l'oracle était accompli : il courut à la rencontre
des étrangers, les enrôla à son service et renversa les onze
rois *. Un casque d'airain et un oracle l'avaient détrôné;
un autre oracle et des hommes d'airain le rétablirent sur le
trône. .
En écartant le merveilleux de ce récit, on doit conclure
que Psamétik avait repris les projets ambitieux de sa fa-
mille. Vaincu une première fois par une coalition des chefs
du Delta, et contraint de se réfugier dans les marais, il
avait enrôlé des bandes de mercenaires ioniens et cariens
qui étaient venus chercher fortune en Egypte. Ce secours
imprévu lui permit de reprendre la campagne. Les princes
confédérés, battus près de Momemphis, furent détrônés ou
réduits à la condition de sujets •. La Thébaïde, qui depuis
longtemps déjà ne pesait plus d'aucun poids dans les des-
tinées du pays, se soumit sans résistance. Shabak en avait,
jadis confié le gouvernement à sa sœur Ameniritis, et celle-
ci prit pour mari un certain Piankhi dont nous avons quel-
ques monuments. De cette union était née une fille, Sha-
V
1. Hérodote, II, 147-152. Selon Polyen, 5frat., 1. VU, § 3, l'oracle
avait dit à Tementhès, un des douze, de se méfier des coqs, Psamétik
apprit que les Cariens avaient les premiers mis des aigrettes sur leurs
casques, et prit à sa solde un grand nombre de Cariens qui lui assurè-
rent la victoire, — 2. Diodore, 1, 66.
kSS CHAPITRE Xn.
penlep, en qui s'incarna le droit héréditaire des Tieilles
dynasties. Psamétik épousa cette princesse, qui devait être
au moins aussi âgée que lui, et ce mariage donna à son
autorité le caractère de légitimité qui lui manquait. Jus-
qu'alors il n'avait été qu'un usurpateur heureux : il fut
désormais le seul roi légal*. On ne sait pas exactement en
quelle année cet événement s'accomplit. Psamétik faisait
remonter son avènement officiel à la mort de Tahraqa
(666). L'expulsion des Assyriens, la dernière conquête
éthiopienne, les guerres contre les petits princes, rempli-
rent au moins une dizaine d'années. Ce fut en 656 au plus
tôt, et d'après la tradition grecque en 651*, qu'il resta
seul maître du pays situé entre la première cataracte et les
côtes de la Méditerranée. Le but que ses ancêtres avaient
poursuivi sans défaillance depuis un siècle était enfin
atteint.
La dynastie saïte fut la dernière des grandes dynasties
nationales. Elle trouva l'Egypte dans un état déplorable de
misère et d'abandon. Toutes les grandes villes avaient plus
ou moins souffert : Memphis avait été assiégée et pillée à
plusieurs reprises, Thèbes saccagée et brûlée deux fois
par les Assyriens : de Syène à Tanis il n'y avait pas une
bourgade qui n'eût été maltraitée par l'une ou l'autre des
invasions. Les canaux et les routes, réparés sous Shabak,
avaient été négligés depuis sa défaite; les campagnes
avaient été dévastées et la population décimée périodique-
ment. Des ruines de la vieille Egypte Psamétik fit sortir
une Egypte nouvelle. Il rétablit les canaux et les routes,
rendit la tranquillité aux campagnes, favorisa le dévelop-
pement de la population. ^Ses soins se portèrent sur les
travaux nécessaires à l'achèvement et à la restauration des
édifices sacrés. A Memphis, il construisit les propylées du
temple de Phtah, qui sont à l'orient et au midi % et bâtit la
1. E. de Rougé, Notice de quelques textes hiéroglyphiques récemment
publiés par Jf. Greene, p. 36-52; J. de Rougé, Étude sur les textes géo^
graphiques du temple d'Edfou, p. 59-63. — 2. Diodore fait durer la do-
décarchie quinze années après la retraite des Éthiopiens (I, 66). —
3. Hérodote, II, 160; Diodore, I, 67.
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 489
grande cour où Ton nourrissait le bœuf Hapi^ A Thèbes,
il fit relever les parties du temple de Karnak détruites
pendant l'invasion assyrienne. La vallée du Nil devint
comme un vaste atelier, où Ton travailla avec une ac-
tivité sans égale. Les arts, encouragés par le roi lui-même
et par les hauts fonctionnaires, ne tardèrent pas à refleu-
rir. La peinture et la gravure des hiéroglyphes prirent une
finesse admirable; les belles statues et les bas-reliefs se
multiplièrent de toutes parts. L'art saïte est caractérisé par
une élégance un peu sèche, par une grande entente du dé-
tail, par une habileté merveilleuse dans Fart d'assouplir
les matières les plus rebelles au ciseau. Les proportions
du corps s'amincissent et s'allongent; les membres sont
rendus avec plus de souplesse et de vérité. Ce n'est plus
le style large et quelque peu réaliste des époques mem-
phites ; ce n'est pas le style grandiose et souvent rude des
monuments de Ramsès II : c'est un art doux et pur, plein
de finesse et de chasteté ^.
Ce ne fut pas seulement dans les arts que l'avènement
de la vingt-sixième dynastie marqua une véritable renais-
sance : la politique extérieure redevint ce qu'elle avait été
au temps des grands rois, large et intelligente. L'Egypte
n'était plus comme autrefois entourée de petits États ; au
f^ud et au nord-est, elle touchait à deux grands empires
conquérants, l'Ethiopie et l'Assyrie ; même à l'est, la fon-
dation de Gyrène par les Grecs (entre 648 et 625 av. J. G.)
venait de donner quelque consistance aux populations flot-
tantes de la Libye. Il s'agissait avant tout de mettre en
état de défense les points vulnérables du pays, les débou-
chés de la route de Syrie à l'est, les environs du lac Ma-
réotis à l'ouest, et au sud ceux de la première cataracte.
Contre les Assyriens, il fortifia Daphné, près de l'ancienne
forteresse de Tsal. De fortes garnisons, établies près
d'Abou et de Maréa, mirent la Thébaïde et les régions
1. Hérodote, II, 160. — 2. Voyez au musée du Louvre la reproduction
en plâtre de la statue de la reine Âmenirîtis; les statues Â, 83, 84, 86,88,
91, 93, 94; les sarcophages D, 8, 9, 10; le naos D, 29 ; les stèles d'Apis^, S,
2240, 2243, 2244, 2259, et le beau lion de Sérapéum.
490 CHAPITRE XII
occidentales du Delta à Tabri des Libyens et des Éthiopiens *.
Ce point gagné, il passa de la défensive à l'offensive. De
ses campagnes en Nubie nous ne saurions rien, si quelque
mercenaire grec ne s'était avisé de graver son nom et celui
de ses chefs sur la jambe d'un des colosses qui décorent la
façade du temple d'IbsambouP. Les Égyptiens remon-
tèrent le Nil jusqu'à Kerkis, dans le voisinage de la se-
conde cataracte, et restèrent maîtres de cette portion du
Ï)ays, qu'on appela plus tard le Dodécaschène^, En Syrie,
es expéditions ne furent pas poussées bien loin : Psamé-
tik borna sagement son ambition à la conquête de la Phi-
listie. Hérodote raconte qu'il employa vingt-neuf ans au
siège d'Ashdod : c'est là une de ces exagérations dont sont
prodigues les historiens grecs. Peut-être les interprètes
d'Hérodote lui dirent-ils que la prise d'Ashdod tombait
en l'an XXIX de Psamétik P', soit en 627. Si cette hypo-
thèse pouvait être tenue pour vraisemblable, la guerre de
Syrie aurait eu lieu dans le temps où les Assyriens, serrés
de près par les Mèdes, ne pouvaient déjà plus protéger
ceux de ses sujets qui se trouvaient à l'extrême occident
de l'empire. Quelques années auparavant, les Kimmêriens
avaient menacé l'Egypte* : Psamétik acheta la retraite des
barbares à force de présents ', et sauva par quelques sa-
crifices d'argent son peuple, qu'il n'était plus en état de
défendre par les armes.
Un désastre imprévu venait en effet de frapper le pays.
A l'imitation des grands Pharaons d'autrefois, Psamétik
avait essayé d'attirer les étrangers en Egypte. Après la
chute de Samarie et les guerres de Saryoukin, un grand
nombre de Juifs et de Syriens s'étaient réfugiés dans
1. Hérodote, II, 30. — % Corpus Inseriptionum Grmearum, n* 5126;
LepBius, Denhm. VI, pL XGVIII-XCIX. Quelques soldats phéniGiens ou
syriens suivirent l'exemple de lebrs camarades grecs et gravèrent à côté
des inscriptions analogues. (Cf. Halévy, Mélanges d^éptgraphie et d'ar-
chéologie sémétiques, p. 89-96.) — 3. Ce nom signifie le pays des « douze
schènes », parce que d'Éléphantine à sa frontière méridionale on comp-
tait environ douze schènes, soit trente lieues communes de vingt-cinq
aii degré. Cf. Hérodote, II, p. 29 ; Ptolémée, IV, 5. — 4. Hérodote, IL
157. — 5. Idem, I, 105; cf. Strabon, 1. XV, 1.
L'ORIENT AU tBMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 491
le Delta. A côté de ces populations sémitiques toujours
croissantes il voulut placer des tribus de race diffé-
rente. Il concéda* des terres le long de la branche pélu*-
siaque aux Gariens et aux Ioniens, dont les services lui
avaient été si utiles*. Des colons milésiens, encouragés
par cet exemple, vinrent aborder avec trente navires à l'en-
trée de la branche bolbitine, et y fondèrent un comptoir
fortifié tju'ils nommèrent le Camp des MiWstens*. D'autres
bandes d'émigrants vinrent successivement renforcer ces
premiers établissements. Le roi leur confia des enfants du
pays pour apprendre parfaitement la langue grecque et
servir d'interprètes •. L'histoire ne dit pas si les Grecs con-
fièrent à leurs hôtes des enfants pour apprendre la langue
égyptienne; mais le fait en lui-même est peu probable. Les
Grecs ont toujours montré peu de goût pour l'étude des
langues étrangères *. Le nombre des interprètes s'accrut
rapidement, à mesure que les relations de commerce et
d'amitié devinrent plus fréquentes ; ils finirent par former
dans les villes du Delta une véritable classe, dont la fonc-
tion unique était de servir d'intermédiaire entre les deux
peuples ^ En mettant ses sujets en contact avec une nation
active, industrieuse, entreprenante, pleine de sève et de
jeunesse, Psamétik espérait sans doute se faire bien venir
d'eux, n se trompait : TÉgypte avait trop souffert depuis
deux siècles des étrangers de toute nature pour être dispo-
sée à les bien accueillir sur son territoire, même quand ils
se présentaient comme alliés. Peut-être aurait-elle toléré
des peuples qu'elle connaissait depuis longtemps, des Phé-
niciens, des Juifs, môme des Assyriens : elle ne voulut pas
accepter les Grecs. Les Grecs, frappés d'étonnement à la
vue de cette civilisation si grande encore et si imposante
dans sa décadence, s'énamourèrent de l'Egypte : ils vou-
lurent rattacher à ses dieux l'origine de leurs dieux, à ses
1. Hérodote, II, 154. —2. Mi>ti(»Cwv TiT/oç. Strabon, 1. XVII, 1. —
3. Hérodote, II, 154. — 4. Letronne, Mémoire «tir la cicilisaiion égyp-
tienne depuis V arrivée des Grecs sous Psammitichus jusqu^à la conquête
d'Alexandre, dans les Mélanges d'érudition et de critique historique,
p. 164-166. — 5. Hérodote, H, 164.
492 CHAPITRE XH.
races royales la généalogie de leurs familles héroïq[ae8.
Mille légendes se formèrent dans les marines du Delta sur le
roi Danaos et sur son exil en Grèce après une révolte contre
son frère Armais*, sur les migrations de Kékrops et sur
l'identité d'Athênê avec la Neit de Saïs*, sur la lutte d'Her-
cule contre le tyran Busiris, sur le séjour d'Hélène et de
Ménélas à la cour du roi Protée *, L'Egypte devint une
école où les grands hommes de la Grèce, Selon, Pythagore,
Eudoxe, Platon, allèrent étudier les principes de la sagesse
et des sciences. En retour de tant de respect, elle ne rendit
aux Grecs que méfiance et mépris. Le Grec fut pour
l'Égyptien de vieille race un être impur à côté duquel on
ne pouvait vivre sans se souiller. Les gens des classes in-
férieures refusaient de manger avec lui, d'employer son
couteau ou sa marmite^. Les gens des hautes classes le
traitaient comme un enfant sans passé et sans expérience,
dont les ancêtres n'étaient que des barbares quelques siècles
auparavant '.
Sourde au début , l'hostilité des indigènes contre les
étrangers en vint bientôt à se manifester ouvertement.
Psamétik avait comblé de faveurs les Ioniens et les Cariens
qui avaient aidé à le faire roi : il en avait fait sa garde du
corps et leur avait confié le poste d'honneur à l'aile droite
de l'armée; au titre de garde du corps était attachée
une haute paye considérable*. Quand les Mashouash et
les troupes indigènes se virent enlever par les nouveaux
venus les avantages qui leur avaient été réservés jusqu'a-
lors, ils commencèrent à murmurer. Une circonstance fâ-
cheuse mit le comble à leur mécontentement : les garnisons
établies à Daphné, à Maréa et dans l'île d'Abou, ne furent
pas relevées une seule fois dans l'espace de trois ans. Les
soldats résolurent d'en finir, et comme une tentative de ré-
volte leur parut présenter peu de chances de succès, ils
1. Manéthon, édit. Unger, p. 158, 195-198.— 2. Diodore, I, 14; Eusta-
the, In Vionys,, p. 56 ; Suidas, in. npojjiYiO. — 3. /d., II, 112-121 ; Cf.
Odyssée, IV, 82 sqq. ; Clém. d'Alex., Strom., I, p. 326, a. —4. Hérodote,
II, 41. — 5. On sait Tapostrophe d'un prêtre égyptien à Platon. — 6. Hé-
rodote, II, 168.
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 493
prirent le parti de s'exiler. Deux cent quarante mille d'entre
eux s'assemblèrent avec armes et bagages et se mirent en
route pour l'Ethiopie. Psamétik, averti trop tard de leur
projet, se lança à leur poursuite avec une poignée de
inonde, les atteignit et les supplia de ne pas abandonner
les dieux de leur pays, leurs femmes et leurs enfants. L'un
d'eux lui répondit avec un geste brutal que partout où ils
iraient ils seraient sûrs de se procurer des enfants et des
femmes. Le roi de Napata accueillit avec joie ce renfort im-
prévu : il les prit à son service et leur accorda la permis-
sion de conquérir pour son compte un territoire occupé
par ses ennemis. Ils s'établirent dans la presqu'île que
forment, à partir de leur réunion, le Bahr-el-Azrek et le
Bahr-el-Abyad, et y formèrent un peuple considérable. En
souvenir de l'insulte qui leur avait été faite, ils s'appe-
lèrent eux-mêmes les Asmakh^ les gens à la gauche du
roi*. Les voyageurs grecs leur donnèrent tour à tour les
noms à'Automoles et de Semhrites^ qu'ils conservèrent
jusque vers les premiers siècles de notre ère*.
Cette désertion en masse au moment où l'Egypte avait
plus que jamais besoin de toutes ses forces porta un coup
cruel aux ambitions de PsaiHétik. Il vit la ruine de Ninive
sans pouvoir en profiter. Après avoir usé la plus grande
partie de sa vie à rendre la paix au pays, il employa les an-
nées qui lui restaient à lui refaire une armée et à lui don-
ner une flotte. Il mourut en 611 et fut enterré à Saïs *, lais-
sant pour successeur un fils déjà âgé et qui portait comme
son grand-père le nom de Néko. Néko II fut un roi éner-
gique, taillé sur le modèle des grands Pharaons et à qui il
ne manqua, pour égaler la gloire des Thotmès et des Séti,
que des ressources semblables aux leurs. L'armée recon-
stituée par son père «était forte et bien commandée; il porta
tous ses soins à la formation d'une marine militaire qui per-
mît à l'Egypte de dominer à la fois sur la mer Rouge et sur
1. Cf. de Horrack, dans la Revae archéologique y 1864. ■"- 2. Hérodote,
lï, 30; Diodore, I, 67; Ératosthène dans Strabon, . XVII, 2; Pline,
h VI, 30; Ptolémée, IV, 7. — 3. Hérodote> II, 169; Strabon, 1. XV, 1.
494 ^ CHAPITRE Xn,
la Méditerranée. Des ingénieurs grecs lui construisirent
des chantiers maritimes et remplacèrent le vieux matériel
par une flotte de trirèmes ^ *En même temps, il songeait à
rétablir le canal des dçux mers, abandonné et ensablé depuis
les dernières années de la vingtième dynastie. La tradition
contait qu'après avoir perdu cent vingt mille hommes dans
cette entreprise il l'avait abandonnée sur la foi d'un ora*
cle : on lui avait prédit qu'il travaillait pour les Barbares^.
Déçu de ce côté, il tourna son activité vers un autre objet.
Les expéditions des Tyriens et des Carthaginois avaient fait
connaître, le long de la côte d'Afrique, des pays riches en
or, en ivoire, en bois précieux et en produits de toute sorte,
mais la politique jalouse des deux peuples empêchait les
autres nations d'arriver à travers la Méditerranée jusqpie
dans ces régions lointaines. Néko ordonna aux nmtelots
phéniciens de sa flotte d'aller les chercher en partant du
golfe Arabique et de rentrer en Egypte par les Colonnes
d'Hercule. L'entreprise, hardie en tout temps, était des
plus périlleuses pour les peUts vaisseaux de l'époque; les
marins devaient toujours se tenir ^ vue des côtes, et les
côtes d'Afrique sont d'une navigation difficile. Lies Phéni-
ciens ne se laissèrent pas rebuter aux dangers de l'aventure
et se lancèrent bravement dans l'inconnu. Pendant plusieurs
mois ils marchèrent vers le sud, U droite au continent qui
s'allongeait devant eux, la gauche à l'orient. Vers l'au-
tomne, ils débarquèrent sur la plage la plus proche, semè-
rent le blé dont ils s'étaient munis et attendirent que le
grain fût mur : aussitôt après la moisson, ils reprirent la
mer. Le souvenir précis de leurs observations et de leurs
découvertes se perdit bientôt : on sait seulement qu'arrivés
à un certain endroit ils virent avec stupeur que le soleil
sembla modifier son cpurs et ne cessa plus d^ se lever à
leur droite. Ils avaient doublé la pointe méridionale de
l'Afrique et commençaient à remonter vers le nord. La
1. Hérodote, II, 159. — 2. Id., ibid., 158. Gf. Diodore, 1,33. Le
chiSre de cent vingt mille hommes est évidemment exagéré ; dans une
entreprise pareille, le creusement du canal d'Alezandriey Iféliémet-AU
ne perdit que dix mille hommes.
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIKË MÈDE. 495
troisième année, ils franchirent les Colonnes d'Hercule et
rentrèrent au port. Leur voyage n'ouvrit aucune voie nou-»
velle au commerce; il demeura comme un fait curieux,
mais sans résultat. Les prêtres égyptiens le racontèrent
à Hérodote, et Hérodote lui-même nous Ta raconté sans
trop y croire *.
Le règne de Néko ne se passa pas tout entier dans des
entreprises pacifiques. La vieillesse de Nabou-pal-ous-
sour invitait h l'attaquer : au printemps de 608, Néko
quitta Memphis et pénétra en Asie. Une fois de plus les
armées égyptiennes s'acheminèrent le long de la route
traditionnelle qui les avait autrefois menées jusqu'à l'Eu-
phrate. Elles avaient déjà dépassé Ashdod et comptaient
pénétrer sans combat dans la vallée du Jourdain et di;
Natsana, lorsque au débouché des gorges du Garmel elles
rencontrèrent Jes avant -postes d'une armée ennemie. C'é-
tait celle de Joshiah. Avant d'entrer en campagne, Nékq
lui avait fait dire de rester tranquille dans Jérusalem ;
par scrupule de conscience, le roi juif essaya de barrer
le chemin à l'adversaire de son suzerain. La bataille se
livra près de Mageddo, à l'endroit même où, dix siècles
auparavant, Thotmês III avait vaincu les Syriens confér-
diérés*. Les Juifs ne tinrent pas devant le choc de l'armée
égyptienne : Joshiah fut tué, et Néko, sans plus s'inquié-
ter^ de ce que devenait le royaume de Juda, poussa droit
vera le nord. Il revit l'antique Kadesh ', parut sous les
murs de Karkémish et ne s'arrêta qu'à TEuphrate. Après
avoir placé des garnisons égyptiennes dans les postes im-
portants, il redescendit vers le sud et s'arrêta quelque
temps à Riblah, près d'Hamath, pour y recevoir l'hommage
des petits princes syriens. Il y apprit que les Juifs, sans
1. Hérodote, II, 42. — 2. II Bois, xnn, 29-30 ; H Chrenpques; xxxv,
20-24; Hérodote, H, 159, aoaime paf erreur Hagd^los la ville où se li-
vra la bataille. — é. Kadesh avait perdu toute son importance ; elle
avait probablement changé de nom et n'était plus connue que dans la
tradition éjsjptienne. Hérodote la confond avec Gaza, dont il entendit
parler en Ëg^te sous le nom de Kûltmou, Ka)MUm : de là le nom de
KdfiuTic qu'il lui donne et qu'il applique égaleiaent à Gaza.
496 CHAPITRE XU.
attendre ses ordres, avaient proclamé roi Jehoakhaz, fils de
Joshiah. Il le manda à Riblah, le déposa après trois mois
de règne et le remplaça par son frère Eliakim, auquel il
imposa le nom de Jehoïakin : la Judée fut frappée d'une
amende de cent talents d'argent et d'un talent d'or^. De
retour en Egypte, il voulut récompenser les services
des mercenaires grecs qui l'avaient servi dans cette cam-
pagne, et fit consacrer dans le temple d'Apollon Branchi-
des, à Milet, la cuirasse qu'il avait portée^. Après cinq
siècles de faiblesse et de discorde, l'Egypte se trouvait une
fois encore maltresse de la Syrie '.
Sa domination ne dura que trois ans, pendant lesquels
le vieux Nabou-pal-oussour, engagé dans la guerre de Lydie,
ne songea pas à engager la lutte. Enfin, vers 605, il résolut
de tenter un effort pour recouvrer les provinces perdues,
et envoya son fils Nabou-koudour-oussour * contre Néko :
la bataille décisive s'engagea sur les bords de l'Euphrate,
non loin de Karkémish'. Les Égyptiens furent complète-
ment battus et n'essayèrent même pas une seconde fois la
fortune des armes. Nabou-koudour-oussour rentra en pos-
session de tout le territoire, reçut en passant la soumission
de Jeboîakin et des petits rois indigènes, et allait passer en
Egypte, quand la mort de son père l'arrêta dans sa marche.
Il craignit qu'un compétiteur ne s'élevât en Ghaldée pendant
son absence, conclut avec Néko un traité et partit en toute
hâte. Son impatience d'arriver ne put s'accommoder aux
longueurs de la route ordinaire par Karkémish et la Méso-
potamie : il se lança à travers le désert d'Arabie avec une
légère escorte, et entra dans Babylone au moment où on l'y
attendait le moins ^
1. Il Rois f xsan, 30-35; II Chroniques, xxxvi, 1-5. — 2. Hérodote, II,
159. — « 3. Le seul monument égyptien que nous ayons des conquêtes
de Néko est un gros scarabée du Musée de Boulaq publié dans Mariette,
Monuments divers j t. I , pi. 48, c. — 4. Le nom de ce prince est écrit
d'ordinaire Nabuchodonosor, Nabucadnezzar, par suite d'une confusion
entre le 1 r et le 3 n. Les Septante transcrivent Nabucodorossor, et les
textes originaux nous donnent la £orme pleine Nabou-koudour-oussour,
« Nabo, protège la couronne. » — 5. Jérémie, xlvi, 2; Josèpbe, In-
tiq. Jud.y X, 7. — 6. Bérose, Fragm, 1 1 , dans Josèphe, Antiq,^ X, 1 1 >
L'ORIENT AU ,TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 497
li^emiplre ehaldéen et le monde oriental depuis la
bataille de KarfcémiBli Jusqu^H la chute de l'empire
mède.
Il trouva tout en ordre. Les prêtres avaient pris la direc-
tion des affaires et gardé le trône à l'héritier légitime : il
n'eut qu'à paraître pour se faire acclamer et obéir*. Son
règne fut long et prospère. De même que Kyaxarès avait
été le héros de l'empire mède, Nabou-koudour-oussour II
fut le héros de l'empire chaldéen. Sans lui, Babylone n'au-
rait eu dans l'histoire autre renom que d'une ville de com-
merce et d'industrie ; grâce à lui, elle fut connue de tout
l'Orient pour ses victoires et sa puissance.
On sait que Nabou-koudour-oussour fit la guerre long-
temps et avec bonheur, mais aucune inscription ne nous a
révélé le détail et l'étendue de ses entreprises. Du côté du
nord et de l'est, son alliance avec la Médie le mit à l'abri
de toute attaque sérieuse ; il n'engagea avec les rois d'Ou-
rarti que des hostilités sans importance^. A l'ouest et au
sud, la paix de son empire fut troublée souvent et ses suc-
cès furent mêlés de revers. Il avait de ce côté une position
analogue à celle où les rois d'Assyrie s'étaient trouvés
moins d'un siècle auparavant. L'expérience des dernières
années avait prouvé que le dernier but où tendait l'ambi-
tion des conquérants asiatiques était la possession de Mem-
phis et de Thèbes, voire de l'Ethiopie : comme Saryoukin
et Sin-akhè-irib , Nabou-koudour-oussour maître de la
Syrie était un danger perpétuel pour l'existence de l'Egypte.
Les Pharaons des dynasties précédentes avaient essayé de
s'abriter derrière les États syriens, et la politique de Sha-
bak avait consisté à maintenir la barrière de royaumes qui
s'élevait entre lui et l'Assyrie. Damas et Samarie tombées,
il ne restait plus à Pharaon d'autre ressource que de se faire
conquérant et de s'emparer, s'il le pouvait, de la côte phéi-
1. Bérose, Fragm, 11^ dans Josèphe, Antiq. Jud,y 1. X, c. 11. —
2. Fr. Lenormant, lettres assyriologiques, !'• série, 1. 1, p. 156-158.
BIST. ANC* 32
498 CHAPITRE XH.
nicienne. Psamétik !•.' avait commencé cette œuvre par la
prise d'Âsbdod. Néko II avait paru Tacliever après la ba-
taille de Mageddo. La défaite de Karkémish avait tout ren-
versé, mais en prouvant la justesse de vue des hommes
d'État égyptiens. Si la bataille perdue par Néko l'avait été
entre Péluse et Gaza, c'en eût été fait de l'Egypte * : livrée
sur les bords de TEuphrate, elle donnait au vaincu le temps
de mettre la vallée du Nil en état de défense. Malgré son
insuccès, Néko ne perdit pas courage. Il appartenait à une
race persévérante, qui avait mis un siècle à gagner la cou-
ronne et ne l'avait conquise qu'à force de patience et d'ob-
stination. Il refit sa flotte et son armée en silence, comptant
sur l'esprit remuant des Phéniciens et des Juifs pour trou-
ver une occasion de prendre sa revanche.
Depuis ses luttes désastreuses contre l'Assyrie, la Phé-
nicie avait conservé une haine profonde pour tous ceux de
ses maîtres qui lui venaient de l'est. Il en était de même
de la plupart des États syriens qui avaient encore un
semblant d'indépendance, Ammon, Moab, les Nabatéens,
le royaume de Juda. Néko exploita habilement ces haines;
quatre ans après sa défaite, il décida Jehoïakin à se révolter
contre les Ghaldéens. Nabou-koudour-oussour se rendit
sur les lieux, de sa personne, et comprima le mouvement
avant que l'Egypte eût le temps d'intervenir; Jehoïakin
rentra dans le devoir^. Trois ans plus tard, il se souleva
de nouveau, toujours à l'instigation de Néko. Cette fois
Nabou-koudour-oussour ne prit pas la direction des opé-
rations militaires. H se contenta, d'envoyer un de ses
généraux avec les contingents d'Ammon et de Moab,
toujours prêts à oublier leur haine contre le Ghaldéen,
lorsqu'il s'agissait de satisfaire leur haine contre le Juif.
Jehoïakin mourut pendant le siège de Jérusalem et fut
remplacé par son fils, un jeune homme de dix-huit ans
qui prit le nom de Jékoniah ou Jehoïakin II. Ce prince
ne régna pas longtemps. Au moment même qu'il montait
1. On le vit bien plus tard> lors de la guerre entre Psamétik III et
Kambysès. — % II Rois, xxiv, 1.
l'orient au temps de l'empire MÈDE. 499
sur le trône, Nabou-loudour-ousaour arrivait au camp
ennemi. Sa présence précipita le dénoûment ; trois mois
après, Jéhoïakin II se rendit à discrétion. Le vainqueur
épargna Jérusalem. Il se contenta d'enlever ce qui restait
des trésors du temple et d'exiler le roi en Chaldée avec
toute sa famille. L'armée juive fut réduite en esclavage, la
population ouvrière transportée à Babylone, où on l'employa
aux grandes constructions ; le demeurant fat remis au der-
nier fils de Joshiah, Mattaniah, alors âgé de vingt et un
ans (597). Mattaniah, comme ses prédécesseurs, changea
de nom en changeant de condition : il se fit appeler Zé-
dékiah*.
Deux ans après, Néko mourut sans avoir rencontré l'oc-
casion qu'il cherchait (595) ^, et son fils Psamétik II n'eut
pas le temps de rien entreprendre contre l'Asie. Vers 591,
une attaque du roi de Napata l'appela en Ethiopie, d'où il
ne t-evint que pour mourir (589) '. Pendant cet intervalle,
la Syrie, tranquille en apparence, n'avait cessé de s'agiter
sourdement; les partis, qui ne voyaient le salut de la patrie
que dans une alliance étroite avec l'Egypte, s'étaient rele-
vés du coup dont les avait frappés Téchec de Néko et de
Jéhoïakin. A Jérusalem, le courant qui portait les esprits
vers l'Egypte devint si fort que Zédékiah, créature de
Nabou-koudour-oussour, s'y laissa entraîner. Dès le com-
mencement de son règne, il assembla des envoyés de Tyr
et de Sidon, d'Ammon et de Moab, pour délibérer avec eux
sur la meilleure manière d'abattre la puissance du Ghal-
déen. Cette réunion ne produisit rien, soit par l'influence
du prophète Jérémiah qui s'était donné la tâche de décou-
rager ses compatriotes, soit plutôt par le sentiment que
les confédérés avaient de leur impuissance *. L'avènement
d'Ouhabrâ au trône d'Egypte leur rendit confiance. On le
1. II Rois, XXIV ; II Chroniques^ xxxyi, 5-11. Cf. Jérémîe, xxir,
XXV, XXVI, XXXV, XXXVI, etc. — 2. Manéthon (édit. Unger, p. 280) attri-
bue six années de règne à Néko, et Hérodote, II, 1, seize. Deux stèles
de Florence et de Leyde confirment ce dernier chiffre (Leemans, Lettre
à noseîlini, p. 125-132). — 3. Hérodote, II, 160. — 4. Jérémie, xxvu-
xxvni.
500 CHAPITRE XU.
savait entreprenant, ambitieux, préparé de longue main
aux chances d'une guerre : Tyr et la Phénicie, Jérusalem
et les pays situés au delà du Jourdain, se soulevèrent d'un
commun accord. Nabou-koudour-oussour, accouru au pre-
mier bruit de la révolte, et placé entre trois adversaires,
hésita un moment. « Il s'arrête au carrefour des chemins
pour consulter l'avenir; il mêle les flèches divinatoires,
interroge les Téraphim, inspecte le foie des victimes*. »
Son indécision ne fut pas de longue durée. Juda était le
nœud de la coalition ; son territoire reliait les confédérés de
la côte à ceux du désert, les forces de TÉgypte à celles de
la Syrie méridionale. Tandis qpi'une armée ravageait la
Phénicie et commençait le blocus de Tyr, le roi de Baby-
lone se jeta sur la Judée avec le gros de ses troupes. Zédé-
kiah n'osa l'attendre en rase campagne et se renferma dans
Jérusalem. Cette fois Nabou-koudour-oussour était résolu
d'en finir avec les Juifs ; il ravagea leur pays à loisir, livra
les habitants des campagnes à la merci des Philistins et des
Edomites, et ne parut devant la capitale qu'après avoir tout
mis à feu et à sang *. D commençait déjà à la serrer de près
quand il apprit qu'Ouhabrâ venait de déboucher dans le
sud de la Palestine avec une armée considérable. Il leva
aussitôt le siège et courut à la rencontre de ce nouvel en-
nemi '. On ne sait pas exactement ce qui se passa en cette
occurrence : selon les uns, le roi d'Egypte se retira sans
combattre*; selon d'autres, il accepta la bataille et fut
vaincu*. Nabou-koudour-oussour reparut sous les murs
de Jérusalem plu^ menaçant que jamais. La chute de la
ville n'était plus qu'une question de temps, et la résis-
tance ne pouvait plus servir qu'à irriter le vainqueur. Les
Juifs ne s'en défendirent pas moins avec l'obstination hé-
roïque et malheureusement aussi avec l'esprit de discorde
dont ils devaient plus tard donner tant de preuves. Tandis
que Jérémie et les prophètes ne cessaient de prêcher la sou-
1. Éxékiel, zxi, 26. Cf. Fr. Lenormant, La divination chez les Chai'
dêens, 1875, p. 18. — 2. Jérémiah, xxxiv, 7. — 3. Idem, xxxvn, 5, 11.
—4. Jérémiah, xxxvîi, 7 : « L'armée de Pharaon, qui est sortie à votre
secours, va retourner en Egypte. • — 5. Josèphe, Ant, Jud», X, 10
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 501
mission*, Zédékiah et ses conseillers se montraient décidés
à tenir jusqu'à la dernière extrémité. La famine se joi-
gnit bientôt aux ravages de la guerre et des maladies : il
n'y avait plus de pain, et l'on ne parlait pas encore de
se rendre. Enfin, après un an et demi de souffrances,
ce la onzième année de Zédékiah, au quatrième mois,
le neuvième jour du mois, il y eut une brèche faite au
mur de la ville. — Et tous les principaux capitaines du
roi de Babylone y entrèrent et se portèrent à la porte du
milieu. » Zédékiah essaya de s'enfuir au delà du Jour-
dain: pris dans la plaine de Jéricho, il fut conduit à Riblah,
où Nabou-koudour-oussour tenait cour plénière. Le roi de
Babylone traita le vaincu comme les gens de sa race étaient
accoutumés de traiter leurs vassaux rebelles : il fit égor-
ger ses fils et tous les magistrats de Juda en sa présence,
puis commanda qu'on lui crevât les yeux et qu'on l'en-
voyât à Babylone chargé de doubles chaînes. La ville fut
démolie et brûlée sous les yeux de Nabou-sar-adan, un des
grands officiers de la couronne que Nabou-koudour-oussour
délégua à cet effet. Les soldats, les prêtres, les scribes, tous
les gens de liante classe furent transportés en Chaldée et
dispersés dans différentes villes. Il ne resta plus au pays
que le petit peuple des campagnes, à qui le vainqueur
donna les vignes et les champs des riches. L'œuvre de
destruction accomplie, les Chaldéens se retirèrent, laissant
le gouvernement de la nouvelle province à un ami de Jéré-
miah, nommé Guédaliah*.
(îuédaliah ne vécut pas longtemps : il fut assassiné à
Mitspah, avec les troupes juives et chaldéennes qui le sou-
tenaient, par Ismaël, fils de Nataniah, de la race de David*.
Ismaël fut attaqué à son tour par Jokhanan, fils de Kareah,
1. cf. les paroles de Jérémiah à Zédékiah : « Si tu s(^rs yolontairement
pour aller vers les principaux du roi de Babylone^ ta vie te sera con-
servée » (xxxvm, 17)^ et celles des généraux de Zédékiah au sujet
de Jérémiah : « Il rend lâches les mains des hommes de guerre qui res-
tent dans la ville^ et les mains de tout le peuple en leur disant de telles
paroles. » (xxxvm, 4.) — 2. Jérémiah, xxxix; II Rois, xxv, 1-24; II
hron.i XXXVI, 13-21, — 3. Jérémiah, xl-xli, 1-4.
502 CHAPITRE XU.
et contraint de s'enfuir presque seul chez les Ammonites^
Les Juifs, qui avaient vengé Guédaliah et battu Ismaêl,
craignirent à leur tour que la colère de Nabou-koudour-
oussour ne retombât sur eux ; ils s'enfuirent en Egypte, en-
traînant le prophète Jérémiah et une partie du peuple *.
Ouhabrâ leur donna des terres près de Daphné, d'où ils se
répandirent à Migdol, à Memphis et jusque dans la Thé-
baïde^ Même après cette catastrophe, la mesure des maus
de Juda ne fut pas comble. En 581, les débris de la popu-
lation s'allièrent aux Moabites et tentèrent la fortune des
armes. Une nouvelle défaite, suivie d'un nouvel exil, acheva
la ruine du pays. Jérémiah assista de loin à ce désastre,
et pleura l'anéantissement de sa race. « La Judée a été
emmenée captive, tant elle est affligée et tant est grande
sa s.ervitude ; elle demeure maintenant parmi les nations
et ne trouve point de repos. — Les chemins vers Sion
mènent deuil, parce que personne ne vient plus aux
fêtes; ses portes sont béantes, ses sacrificateurs sanglo-
tent, ses vierges sont accablées de tristesse ; — ses enfants
vont en captivité par devant l'ennemi. — 0 Jahveh, tu
demeures éternellement et ton trône dure d'âge eu âge!
— Pourquoi nous oublierais-tu à jamais? Pourquoi nous
délaisserais-tu à toujours? — Ramène-nous à toi, que
nous nous convertissions; renouvelle nos jours comme
ils étaient autrefois*. 3>
La défaite des peuples situés au delà du Jourdain
suivit de près le désastre de la Judée. Ammon , Moab et
les Nabatéens furent rudement châtiés de leur révolte';
l'Arabie subit à son tour le choc de l'invasion. Gomme les
rois assyriens ses prédécesseurs, Nabou-koudour-oussour
se sentait attiré par le ronom fabuleux de richesse dont
jouissaient les régions lointaines du Yémen : les trésors
accumulés par le commerce dans cet entrepôt du monde
oriental excitèrent sa convoitise. Laissant d^ côté les
1. Jérémiah, xli, 11-15. — 2.1d., xli, 17-18; xtn; — 3. Id., xLin-
XLiv, 1. — 4. Lamentations, i,'3-5; v, 19-21.— 5. Jérémiahf iLhyui,
Xlix; Josèphe^ 1. X, ch. xi.
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 503
populations éparses» sur le plateau du Nedjed, il porta
ses efforts sur le ïïedjâz et sur les autres parties du pays
où passait la grande route des caravanes. Les traditions
arabes disent qu'après avoir battu et dispersé, près du
bourg de Dhât-îrk, les Djorhom Jectanides, qui voulaient
lui barrer le chemin de la Kaâbah, il arriva aux frontières
du Yémen occidental. La fatigue de son armée l'empêcha
de pousser plus loin : il revint sur ses pas, emmenant avec
lui une foule de captifs et deux tribus entières, celles d'Ha-
dhourâ et d'Ouabar, qu'il établit en Ghaldée. Ce fut une
grande razzia plutôt qu'une expédition régulière : il n'en
retira d'autre profit qu'un butin considérable et une suze-
raineté nominale bientôt perdue. Les Arabes n'oublièrent
pas le conquérant qui les avait si rudement frappés ; Bokht-
nassar devint pour eux un héros légendaire auquel se rat-
tachaient mille souvenirs héi'oïques ou fabuleux*.
De tous les peuples qui s'étaient alliés en 589, Tyr et
l'Egypte restaient seuls debout. Tyr, à l'abri derrière les
murailles de son île, commandait la mer et bravait les ef-
forts des Ghaldéens. Après treize années d'efforts infruc-
tueux, ils se résignèrent à traiter avec le roi Ithobaal III,
Î[ui avait conduit la défense* (674); Nabou-koudour-oussour
ut libre désormais de se tourner contre TÊgypte. Une ten-
tative des Ghaldéenâ contre ce pays était attendue depuis
longtemps •: dès le lendemain de la défaite de Néko il ne
s'était guère passé d'année où les prophètes juifs ne l'eus-
sent décrite comme prochaine. Jérémiah l'avait plusieurs fois
â. Câassin de Fercevalj HUtoire des Arabes, t. I, p. 81>99, —2. Mé-
nandre dans Josèphe, Cont. Apionem, I, 21, et Clément d'Alexan-
drie, Stromataj I, 21, § 127. La plupart des auteurs ecclésiastiques
ont soutenu que Tyr avait été prise par Nabou-koudour-oussour, contre
ietémoignage formel des annales phéniciennes et des historiens grecs
(Jérôme, Comment, in Ezech,, c. xxvi, xxix ; Op, omnia, t. III, p. 875,
908 ; Cyrille d'Alexandrie, Comment, in Jesdiam, 23, Op, omnia, t. II,
édit. Aubert). Le Chaldéen, disent-ils, avait rattaché Tlle au continent
par le moyen d'une digue analogue à celle que construisit plus tard
Alexandre. Encore au onzième siècle de notre ère^ la tradition locale
voulait qu'il n'eût pas réussi dans son entreprise (Guillaume de Tyr^
Hist., XIII, 4).
504 CHAPITRE XII.
prédite sans se laisser décourager par le néant de ses prédic-
tions* : en apprenant la reddition de Tyr, Ézékiel l'annonça
de nouveau. « Ainsi a dit le Seigneur Jahveh : « Je ferai périr
le peuple d'Egypte par la puissance du roi de Babylone.
— Lui, et son peuple avec lui, les plus terribles d'entre
les nations, seront amenés pour ruiner le pays, et ils
dégaineront contre TÉgyptien, et ils joncheront la terre
de morts. — Or je mettrai les canaux à sec, et je livrerai
le pays aux mains des ennemis ; je désolerai le pays et
tout ce qui s'y trouve par la main des étrangers. Moi,
Jahveh, j 'ai parlé ainsi . » —Ainsi a dit le Seigneur Jahveh :
Je détruirai aussi les idoles, j'anéantirai les faux dieux
de Memphis, et il n'y aura plus de prince qui soit du
pays d'Egypte, et je répandrai la terreur au pays d'E-
gypte. — Je désolerai la Thébaïde, j'incendierai Tanis,
et j'exercerai des jugements dans Thèbes; — et je répan-
drai ma fureur sur Péluse, qui est la force d'Egypte, et
j'exterminerai la multitude qui est à Thèbes. — Quand
je mettrai le feu en Egypte, Péluse sera grièvement tour-
mentée et Thèbes sera rompue par diverses brèches, et il
n'y aura à Memphis que détresse en plein jour. — La
jeunesse d'On et de Bubaste tombera par l'épée, ou s'en
ira en captivité; — et le jour faudra dans Daphné, lors-
que je romprai les portes de l'Egypte et que l'orgueil de
sa force sera abattu; une nuée la couvrira, et ses villes
iront en captivité ^. »
S'il fallait en croire Josèphe, la prédiction du prophète
aurait reçu son entier accomplissement : Nabou-koudour-
oussour aurait envahi l'Egypte, battu et tué Ouhabrâ,
dévasté le pays, puis installé un gouverneur sur sa nou-
velle conquête, et serait retourné en Chaldée, emmenant
avec lui les Juifs qu'il avait trouvés établis dans le Delta '.
Les récits égyptiens ne nous permettent pas d'admettre
l'authenticité de cette tradition; ils prouvent au contraire
que Nabou-koudour-oussour subit un échec sérieux.
1. J^rëmto/i, IX, 25-26 ;xLUi, 8-13; xlix, 30;xlvi. — 2. Ézékiel, xul^
10-18. — 3. Josèphe, AnU Jud,, X, 11.
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPÏRE MÈDE. 505
La flotte d'Ouhabrâ, équipée par des Grecs, battit la flotte
phénicienne au service des Chaldéens ; son armée de
terre enleva Sidon d'assaut et força les autres villes à se
rendre sans résistance *. Toute la côte syrienne tomba
aux mains des Êgyptiçns sans que Nabou-koudour-ous-
sour pût rien faire pour la leur disputer ou la leur repren-
dre. Les garnisons de Pharaon occupèrent Gebel et s'y
construisirent, en pierre du pays, un temple dont les
explorations récentes ont mis les ruines au jour^. Par un
coup de fortune Ouhabrâ venait d'atteindre le but que
ses ancêtres avaient poursuivi vainement pendant un
demi-siècle : il put s'intituler « le plus heureux des rois
qui avaient vécu auparavant, » et s'imagina, dans son or-
gueil, que <c les dieux eux-mêmes seraient incapables de
lui nuire*. »
Ce fut la dernière guerre de Nabou-koudour-oussour, la
dernière du moins dont l'histoire ait gardé la trace. Au
temps où elle se termina*, le roi de Ghaldée était déjà vieux
et devait songer à toute autre chose qu'aux armes. H est
probable que son ambition se borna désormais à poursuivre
et à terminer les grands travaux de construction qui rendi-
rent son nom fameux dans l'antiquité. Pendant le siècle
qui avait précédé la chute de Ninive, Babylone avait cruel-
lement souffert des Assyriens. Elle avait été saccagée deux
fois par Sin-akhè-irib et Assour-ban-habal, sans compter
les sièges et les pillages, partiels qu'elle avait subis au
cours de ses révoltes perpétuelles. Nabou-pal-oussour
avait déjà commencé l'œuvre de réparation; il semble l'avoir
menée au nom d'une de ses femmes qui, par un hasard
1. Hérodote, II, 161 ; Diodore, 1, 68.-2. E. Renan, Mission de Phé-
nicief et le Mémoire de M. de Rougé sur les débris égyptiens trouvés
enPhénicie par M. Renan. — 3. Hérode, II, 161. Pour toute l'histoire
de la guerre contre Tyr et TÉgypte, j'ai adopté les conclusions de Mo-
vers, Die Phœnizier, t. II, !»•' theil, p. 426-428. — 4. La guerre d'Ou-
habrâ contre la Phénicie ne put avoir lieu taat que le siège de Tyr du-
rait encore, c'est-à-dire de 588 à 575. D'autre part, Ouhabrâ ne règne
que dix-neuf ans, de 589 à 569 (Manéthon, édit. Unger, p. 281-283). La
guerre de Phénicie doit donc se placer entre 674, date de la soumis-
sion de Tyr par les Chaldéens, et 569, date de la révolte d'Âmasis.
506 CHAPITRE XU.
étrange, porte dans la tradition classique le nom égyptien
de Nitôkris*. Il rétablit les canaux qui unissaient le Tigre
à TEuphrate au-dessus de Babylone, répara les grands ré-
servoirs où les rois des vieilles dynasties avaient reçu pen-
dant l'inondation et emmagasiné les eaux de TEuphrate,
reconstruisit le pont qui mettait en communication les
deux moitiés de la ville. 11 employa aux travaux les nom-
breux captifs syriens, juifs, égyptiens, arabes, qull s'était
procurés dans ses guerres. Le grand mur de BabyJone
fut édifié à nouveau, ainsi que le grand temple de Nebo
à Barsip; le réservoir de Sippar, le canal royal, une
partie au moins du lac Pallacopas, furent creusés; Kouti,
Sipar, Barsip, Babel, sortirent de leurs ruines. Infatigable
dans ses entreprises, Nabou-koudour-oussour fut pour la
Chaldée ce que Ramsès II avait jadis été pour l'Egypte, le
roi constructeur par excellence. Il travailla sans relâche à
toutes les cités et à tous les temples : il n'y a pas autour
de Babylone un endroit où l'on ne trouve son nom et la
trace do sa merveilleuse activité *.
Le successeur de Nabou-koudour-oussour, Avil-Mardouk
(Evil-Mérodach), fut assassiné, après deux ans de règne
(559), par son beau-frère Nirgal-sar-oussour (Neriglissor),
qui lui-même mourut en 556, laissant pour successeur un
enfant du nom de Bel-labar-iskoun (Laborosoarkhod).
Neuf mois après son avènement, Bel-labar-iskoun fut
mis à mort et remplacé par Nabou-nahid * , La maison de
Nabou-koudour-oussour s'éteignit avec lui, et l'imagina-
tion populaire, étonnée d'une chute si rapide après tant de
grandeur, vit dans cet événement la main de Dieu. La tra-
1 . Hérodote, I, 185 ; Oppert, Rapport adressé au ministre de Vin-
struction publique, p. iô; Fr, Lenormant, HistoirCyt. II, p. 216^218. —
2. Oppert, Inscription de Nàbuchodonosor sur les merveiUes de Baby-
lone, in-12, Reims, 1866; cf. G. Rawlinson, Thefive great Monarchies^
t. III, p. 55-58; J. Menant, Babylone etla Chaldée, p. 196-248. — 3. Bé-
rose, 1. III, dans Josèphe, C. Ap. I, 21, et dans Eusèbe, Prœp, Evang.^
IX, 40-41; Fr, Lenormenit, Histoire, t. II, p. 239-241; cf. G, Rawlm»
son, The fîve great Monarchies, t. III, p. 62-64. ta variante touranienne
du nom de Nabou-nahid est Nabou-imtouk, d'où semble provenir la
variante grecque de NaSovv^Soxo;.
L'ORIENT AU TEMPS DE L'EMPIRE MÈDE. 507
dition nationale racontait que, vers la fin de ses jours,
T^abou-Tioudour-oussour, saisi de l'esprit prophétique, était
xnonté sur le toit de son palais et avait prédit aux Ghal-
déens la ruine prochaine de leur empire *. La légende juive,
implacable pour le prince qui avait renversé Jérusalem et
détruit le temple, disait qu'enivré de sa gloire il s'était
cru régal de Dieu et avait été changé en bête par la colère
de Jahveh. Pendant sept ans il vécut dans les champs, se
nourrissant d'herbes comme les bestiaux, puis reprit sa
forme première et rentra en possession de la royauté^.
Si pendant toute la durée de son règne Nabou-koudour-
oussour n'était pas entré en lutte avec son voisin de Médie,
cela tenait surtout au caractère du prince qui régnait alors
à Ecbatane. Azi-dabak*, que les Grecs ont nommé Astya-
gès, fils de Kyaxarès, n'avait pas été élevé, comme son
père, pour la vie des champs de bataille. Sauf une guerre
contre les Gadusiens *, qui se termina par la soumission
de ce peuple, il n'entreprit aucune expédition. Il vécut
dans le faste d'une cour orientale, entouré de gardes et
d'eunuques, sans autre passe-temps que la chasse dans les
parcs de ses palais ou sur les confins du désert'. Bien que
ïnarié plusieurs fois, il n'avait pas d'enfant mâle, et la cou-
ronne devait passer après lui à sa fille Mandanô, ou aux
enfants de sa fille. Mandanê, donnée à l'un des vassaux
de son père, Kambouzia I" (Kambysès), roi des Perses, en
avait eu Kourous (Kyros), qui était élevé à la cour d'Ec-
batane, partie comme petit-fils du suzerain, partie comme
otages Kyros ne tarda pas à reconnaître combien l'hu-
meur pacifique d'Astyagès avait affaibli la constitution
militaire des Aryens de Médie et les faisait impuissants
sous leur apparence de force et de grandeur. Il forma le
dessein hardi de se révolter contre son grand-père, et de
1. Bérose et Abydènedans Eusèbe, Pnep, Evang., IX, 41. —2. Da*
mei, IV. — 3. Fr. Lenormant, Lettres assyriologiques, 1" série, t. I,
p. 97-99. — 4. Nicolas de Damas, édit. C. Mûller; Moïse de Khoren (I,
Î3-29) lui attribue de longues guerres avec un monarque arménien du
nom de Tigrane. — 5. Cf. Rawlinson, The five great Monarchies, t. II,
p. 415-47. — 6. Hérodote, 1, 107-199; Xénophon, Kyrop., 1, 1, etc.
508 CHAPITRE XII.
substituer à l'empire des Mèdes Tempire du peuple dont
lui-même était issu, les Perses*.
Dès les premiers temps de Finvasion aryenne, les Perses
avaient occupé les pays à TEst de TElam. Ils avaient sou-
mis sans peine les rares tribus touraniennes et koushites
qui Thabitaient, et s'étaient établies sur le versant méridio-
nal du plateau iranien et sur les rives du golfe Persique.
La Perse proprement dite s'étend depuis l'emboucliure de
rOroatis (Tab) à l'ouest jusque vers l'embouchure du dé-
troit d'Ormuzd. La région qui borde la côte est formée de
bancs d'argile et de sable rangés parallèlement : elle est
stérile et mal arrosée. Le reste du pays est coupé par plu-
sieurs chaînes de montagnes qui vont, s'élevant toujours, de
la mer au plateau : il est infécond par places, surtout au
nord et à l'est, mais boisé en maint endroit et fertile en
céréales. Quelques rivières seulement, l'Oroatis (Tab),
l'Araxês (Bendamir) et le Kyros (Kourab) rompent les bar-
rières de montagnes qui les séparent de la côte et par-
viennent jusqu'à la mer : la plupart des cours d'eau n'ont
pas d'écoulement et forment, au fond des vallées, des lacs
plus ou moins étendus, selon les saisons. Les tribus des
Perses partagèrent leur conquête en plusieurs districts : la
Parsetakênê et la Mardiênê, dans la région des montagnes ;
la Taokênê, au long de la côte, et la Karmanie, vers
l'orient. Ds s'y bâtirent quelques gros villages, Ormuzd,
Sisidôna, Agrostana, Taôkê, sur la mer ; dans l'intérieur,
Karmana et les deux capitales Persépolis et Pasargades.
Ils y vécurent dans l'obscurité, d'abord indépendants,
puis, à partir de Phraortès, ou plutôt de Kyaxarès, sou-
mis aux Mèdes. Ils prenaient leurs rois dans la famille
d'un certain Akhamanish (Akhêmênês), qui avait été leur
chef au moment de l'invasion ; Akhamanish avait eu pour
successeur Téispa (Têispês) et Téispa Eambouzia (Kam-
bysès). Abrités par leur éloignement contre la corrup-
tion des mœurs babyloniennes, ils avaient conservé plus
de simplicité et d'énergie que les Mèdes : Kyros, qui le
1. Cf. RaAvlinson, The five great UonanhUs, X. Il, p. 418-99.
l'orient au temps de l'empire MÈDE. 509
savait, décida son père à courir les chances d'une révolte.
Il s'échappa de la cour, dispersa une troupe envoyée à sa
poursuite et rentra en Perse. Battu dans une première ba-
taille et son père tué, il finit par rester vainqueur et par
faire Astyagès prisonnier : son roi captif, la Médie ne ré-
sista plus et se livra tout entière au vainqueur. Ce fut un
changement de dynastie plutôt qu'une conquête étrangère.
Astyagès et ses prédécesseurs avaient été rois des Mèdes
et des Perses, Kyros et ses successeurs furent rois des
Perses et des Mèdes *.
1. Cf. Rawlinso»; The fiv$ great Momrchm, t. Il, 422-426; t. m,
p. 369.
LIVRE CINQUIÈME
L'EMPIRE PERSE.
CHAPITRE Xra.
LA CONQUÊTE P£RSE
Le inonde oriental à ravénementMe Kyros : Krœsos et la Lydie;
Ahmès II et TÉgypte; Nabou-nahid et la Chaldée; conquête de la
Lydie (554) ; les Perse? dans Pextrême Orient (554-539) ; chute de
Tempire chaldéen (536) — Kambysès ; Ahmès II et Psamétik IH;
conquête de TÉgypte ; tentatives sur la Libye et TÉthiopie ; le faux
Smerdis. — Gaumatà et Darios I*'; réorganisation et division de
Tempire perse; expéditions vers le Nord et versTEst : en Scytbie et
en Grèce.
Mie monde oriental à ravénement de Kyros : Krœsos et la
liydie; Ahmèa IX et Vigjpie ; Habon-nalild et la Chaldée;
eonqaéte de la liydie (ftftâ); les Perses dans rextrême
Orient (M4^ft9]} ehute de Templre ehaldéen (•&•}.
Depuis le traité de 608, la paix n'avait pas été troublée
entre les trois grands États qui se partageaient l'Asie An-
térieure, la Médie, la Chaldée et la Lydie. Chacun d'eux,
sûr de l'appui ou de la neutralité des deux autres, avait
reporté toutes ses forces vers les régions où il comptait ne
pas rencontrer de rivaux sérieux : la Médie vers les pays
de l'extrême Orient, la Chaldée vers la Syrie, la Lydie
vers les colonies grecques et les nations indigènes de l'Asie
Mineure. Alyattès avait employé les dernières années de
son règne à la construction d'un tombeau gigantesque à
peine inférieur pour la masse aux grands édifices de ITB-
gypte et de Babylone*. Toutes les ressources du royaume
1. Hérodote^ î, 93. Le tumulus d'Alyattès a été décrit par Hamilfon,
Âsia Minor, vol. II, p. 145-146, et par Ch. Teiier, Asie Mineure, vol. II,
p. 252> 399; il a été fouillé par M. Spiegentbal; consul de Prusse I
LA CONQUÊTE PERSE. 611
a^^aîent à peine suffi à ce travail : il fallut suspendre les
guerres pour subvenir aux frais de l'entreprise. Krœsos,
fils d'Alyattès, monta sur le trône (568) et se jeta sur les
Orecs : Ephèse succomba la première, les villes de Tlonie
ot de TÉolide tombèrent Tune après Tautre. Il eut un
moment la pensée d'équiper une flotte et d'attaquer les
Cyclades. L'inexpérience des Lydiens en matière de na-
vigation le força de renoncer à ce projet*. Il se retourna
contre les nations de l'intérieur et réduisit en quelques
années les Maryandiniens, les Thraces d'Asie, les Bithy-
nienSj les gens de la Paphlagonie, les tribus phrygiennes
qui avaient échappé à ses prédécesseurs, la Lycaonie, la
Pamphylie et la Carie: sauf la Lycie et la Cilicie, tous
les pays compris entre le Pont-Euxin, l'Halys et la Mé-
diterranée reconnurent son autorité^. L'acquisition de tant
de provinces fertiles et industrieuses fit de lui un des
souverains les plus opulents de l'époque, et la générosité
avec laquelle il sut dispenser ses trésors excita au plus
haut degré l'admiration des contemporains'. Il consacra
des offrandes somptueuses dans les différents temples
de l'Hellade, dans celui d'Apollon Branchides près de
Milet, d'Artémis à Éphèse et de Zeus Ismênios à Thèbes
de Béotie, dans le sanctuaire d'Apollon Delphien et dans
celui du héros Amphiaraos*. Les Grecs lui rendirent en
éloges et en reconnaissance ce qu'il leur donna en pré-
sents ; ils lui firent une renommée de richesse qui se
répandit par tout le monde et dure .encore dé nos jours.
En apprenant la chute de l'empire mède, Krœsos se sen-
tit directement menacé et chercha des secours au dehors.
L'Egypte fut le premier pays auquel il s'adressa*. Elle
avait été pendant les dernières années le théâtre de révo-
lutions sanglantes au milieu desquelles avait disparu la fa-
mille de Psamétik. Ouhabrâ, vainqueur de la Phénicie,
Smyrne {Monatsh der K. P. Akademie der Wissensch. Xu Berlin, 1854^
p. 700-702). — 1. Hérodote, I, 26-27. — 2. Hérodote, I, 28. Cf. Arrien,
Periplus P. Eux.j xv. — 3. Cf. Hérodote, VJ, 125, l'histoire des dons qu'il
fit à rAthénien Alcméon. — 4. Hérodote, I, 50, 77, 92 ; V, 36 ; VHI,
95. Cf. Théopompe, Frag, 184> édit. G. MuUer. — 5. Hérodote, I, 77.
512 CHAPITRE Xm.
ne jouit pas longtemps du fruit de ses succès. Les tribus
libyennes de la côte, sans cesse harcelées par les colons
grecs de la Gyrénaïque, s'étaient, adressées à lui comme
à leur protecteur naturel et lui avaient demandé secours
contre les empiétements de leurs voisins. Il n*eût pas été
prudent de mettre les mercenaires en face de leurs com-
patriotes. Ouhabrâ dépêcha contre Gyrène une armée égyp-
tienne qui se fit battre près du bourg d'Irasa et souffrit si
cruellement dans la déroute qu'un petit nombre des fuyards
seulement parvint à regagner la frontière du Delta*. Leur
retour produisit des troubles. Ouhabrâ avait encouru la
haine des prêtres et de la populace pour la protection qu'il
avait accordée aux étrangers. On crut ou on affecta de croire
qu'il avait envoyé ses troupes égyptiennes en Libye pour
les y exposer à une mort certaine et se débarrasser de gens
dont il tenait la fidélité pour suspecte : une révolte éclata^.
Il avait alors à sa cour un homme de basse extraction du
nom d'Ahmès, que sa bonne humeur perpétuelle et son ha-
bileté avaient élevé des derniers rangs de l'armée au grade
de général*. Il l'envoya au camp des rebelles avec ordre
de les ramener au devoir. Ahmès commençait de haran-
guer les troupes, quand un soldat lui mit un casque sur
la tête et le proclama roi. Devenu d'ambassadeur chef
de la révolte, il marcha contre Sais, et battit près de Mo-
memphis* les trente mille mercenaires qui soutenaient
encore le roi légitime (569). Ouhabrâ, pris dans la déroute,
fut d'abord épargné et traité avec honneur ; réclamé au
bout de quelque temps par la populace de Sais, il fut livré
à ses ennemis et assassiné *. Ahmès II consolida son pou-
voir en épousant une femme de sang royal, la reine Ankh-
1. Hérodote, IV, 159. — 2. Id., |II, 161; Diodore, I, 68.-3. Hé-
rodote, II, 172, 174, où il est dit qu'Amasis était de Siouph, près de
Sais. Hellanicos de Lesbos {Fragm. 151, édit. G. MûUer) contait qu'A-
masis avait gagné la faveur du roi par le don d'une couronne de fleurs
le jour anniversaire de sa naissance. Platon {Timée, p. 199, t. II, édit.
Bidot) assure qu'Amasis était de Sais même. — 4. Hérodote, ir, 163,
169; d'après Diodore, I, 68, la bataille s'engagea près de Marea. —
5. Hérodote, II, 162-163, 169. Diodore, I, 68; Cf. Hellanicos, Fragm.
151, édit. G. Millier^ où Ouhabrâ est nommé Patarmis,
LA CONQUÊTE PERSE. 513
nas>Rânowerhet, petite-fille de Shapentep et de Psamé-
tik I«' * ; au dehors il maintint la suprématie égyptienne en
Phénicie et compléta Tœuvre de ses prédécesseurs par la
concpête de Chypre*. A changer de maître TÉgypte n'a-
vait rien perdu de sa force et de son influence.
Les ambassadeurs de Krœsos furent d'autant mieux re-
çus qu'Ahmès lui-même voyait dans Tavénement de Kyros
un danger prochain pour son royaume. Une alliance offen-
sive et défensive fut conclue à laquelle adhérèrent bientôt
Nabou-nahid de Babylone et les Lacédémoniens * ; en 555,
le roi de Lydie était à la tête d'une coalition dont les
forces auraient mis aisément les Perses à la raison, s'il
avait pu se résigner à n'agir que de concert avec ses
alliés. Son impatience et sa présomption perdirent tout.
Il s'était adressé aux différents oracles de la Grèce pour
connaître l'avenir et en avait reçu plusieurs réponses am-
biguës qu'il lui plut interpréter de la manière la plus fa-
vorable à ses intérêts ; on lui avait dit que, s'il attaquait
les Perses, il détruirait un grand empire, et que la puissance
de sa nation durerait jusqu'au jour où un mulet s'assiérait
sur le trône de Médie *. Il crut que les dieux lui promet-
taient la victoire et ne songea plus qu'à porter la guerre
sur le territoire ennemi. Au printemps de 554, il franchit
l'Halys, envahit la Ptérie et s'empara des villes principales
de cette province. Kyros, pris à Timproviste, essaya do
soulever une révolte sur les derrières des Lydiens et manda
des messagers aux Grecs d'Ionie pour les inviter à se
joindre à lui; ils refusèrent moins par amitié pour Krœsos
que par crainte de la domination perse. Kyros, désappointé
de ce côté, employa une partie de l'été à rassembler ses
troupes et se porta à la rencontre des Lydiens. Ils accep-
tèrent la bataille, bien qu'ils fussent inférieurs en nombre,
1. De Rougé^ Notice de quelques textes hiéroglyphiques récemment
publiés par M. Grecne, p. 49, 54. — 2. Hérodote, II, 182. Polyen {Strat.f
1. VII, 13) lui attribue une expédition contre les Arabes. — 3. Héro-
dote, I, 77. Cf. Xénophon, Kyropédie^ VI, 2, g§ 10-11, où sont énumcrés
0'une manière assez exacte les aUiés et Us sujets de Krœsos. — -
4. Hérodote, I, 53, 55.
HIST. ANC. ^ 5?
5>14 CHAPITRE XIH.
Q% tinrent toute une journée sans riejî perdre ni rien
gagner. Le lendemain, Krœsos, voyant que l'ennemi ne
bougeait plus, crut qu'il s'avouait battu ; comme le petit
nombre de ses troupes et l'état avancé de la saisdû ne
lui permettaient pas de tii^r parti de s%|Xrictoire supposée,
il se replia dans la direction de Sardes, licencia ses mer-
cenaires et envoya à ses alliés de Grèce, de Ghaldée et d'E-
gypte l'intimation de se réunir au printemps suivant
pour une campagne décisive. Il avait compté que les Perses
n'oseraient pas le suivre et passeraient l'hiver en Gappadoce :
mais Kyros sentit que, s'il attendait quelques mois encore,
sa cause serait sinon tout à fait perdue, au moins grave-
ment compromise. Attaqué de front par les contingents de la
Lydie, de Lacédémone et de l'Egypte, menacé en flanc et
sur ses derrières par les Ghaldôeas, il serait contraint de
battre en retraite ou de diviser ses forces. Il franchit
l'Halys malgré l'hiver et poussa droit à Sardes. Krœsos,
surpris à son tour, rassembla tout ce qu'il avait de troupes
indigènes et vint offrir la bataille aux assaillants. Même
en ces circonstances défavorables il aurait remporté la vic-
toire, si sa cavalerie, la meilleure qu'il y eût alors au monde,
avait pu donner. Mais Kyros avait mis des chameaux sur
le front de son armée; leur odeur effraya tellement les
chevaux lydiens qu'ils se débandèrent et refusèrent de
chargera Krœsos, forcé à la retraite après une résistance
héroïque, rentra dans Sardes et dépêcha message sur mes-
sage à ses alliés, afin de hâter leur venue. La ville était
bien défendue et passait pour imprenable ; elle avait déjà
repoussé un assaut et paraissait disposée à tenir longtemps
encore, lorsqu'un accident précipita sa chute. Un soldat de
la garnison laissa tomber son casque du haut de la citadelle,
descendit le ramasser et remonta par le chemin qu'il avait
pris. Un aventurier perse l'aperçut, escalada les rochers sur
lesquels repose la citadelle et pénétra avec quelques-uns de
1. Xénophon {Kyrop., Yl^ 2, §§11, 14) place le lieu de Faction au
bourg de Thymbrara, surle Pactole. Hérodote, I, 80, prétend qu'elle se
livra à l'ouest de la ville, c'est-à-dire du côté opposé à celui d'où
venaient les Perses.
LA CONQUÊTE ^m^E. 515
ses compagnons dans le cœur de la pkce. Elle succomba
après quatorze jours de siège ' (554).
La Lydie ruinée, la coalition se défit d'eile-môme. Les
Iiacédémoniens restèrent chez eux * ; Ahmès, que son éloi-
gnement mettaitiiors d'atteinte, se garda de bouger ;Nabou-
nahid demeura sur la défensive et se prépara à repousser
les assauts qu'il prévoyait. Tous les rois d'Orient^ grands
et petits, comprirent qu'ils étaient désormais à la discré-
tion des Perses, et cherchèrent à éviter le moindre sujet de
querelle. Une campagne de quelques jours avait suffi à
détruire l'œuvre de trois années de négociations. La chute
si rapide de Krœsos remplit les Grecs de stupeur. C'était
la première fois qu'ils voyaient se jouer sous leurs yeua une
de ces grandes tragédies dont est remplie l'histoire du
monde oriental. L'empire de Lydie les avait effrayés par
sa puissance, éblouis par sa richesse, gagnés par sa géné-
rosité; ils l'avaient cru invincible et ne pouvaient pas
s'imaginer qu'il eût été vaincu par des moyens naturels.
JLrœsos devint pour eux l'exemple le plus frappant de
l'instabilité des choses humaines : sa vie fournit à leur
imagination un thème inépuisable de légendes et de ro-
mans. Dès' avant Hérodote on disait que Krœsos, aux jours
de sa grandeur, avait reçu la visite de l'Athénien Selon ot
lui avait demandé qui était le plus heureux des hommes.
Solon avait nommé successivement Tellus d'Athènes, les
Argiens Gléobis et Biton, et, comme le roi se récriait, il lui
avait déclaré qu'on ne peut juger du bonheur d'un homme
tant qu'il vit-, « car souvent Dieu nous donne un éclair de
prospérité et nous plonge ensuite dans la misère. » Krœsos
ne comprit pas la sagesse de cet avis sur le moment ; mais
l'événement ne tarda pas à lui ouvrir les yeux. Son fils
Atys fut tué à la chasse par un homme à qui il donnait
l'hospitalité; il n'était pas encore consolé de ce malheur
1. Hérodote, I, 84; Xénophon, Kyropédie,YUl,2,§ 1-13. Ctésias, Per-
sicGi § 4, et Xanthos, rapportaient l'issue du siège différemment (Polyen,
Strat.j VII, 6,§§ 2, 10). Environ quatre siècles plus tard, Sardes fut prise
de la même manière par un des généraux d'Ântiochos le Grand (Polybe^
VII, 4-7). — 2. Hérodote, I, 81-83.
516 CHAPITRE Xm. .
quand la prise de Sardes fit de lui un mendiant et un es-
clave. Il faillit être tué dans la foule par un soldat perse
qui ne le connaissait pas ; un autre de ses fils, sourd et
muet de naissance, vit le danger et en fut si effrayé que
la parole lui revint aux lèvres : « Soldat,' cria-t-il, ne tue
pas Krœsos!>> Tels 'furent ses premiers mots, et depuis
il conserva la faculté de parler. Krœsos, mené devant
le vainqueur, fut condamné à mourir. Il était déjà sur le
bûcher quand les paroles de Solon lui revinrent à l'esprit
avec tant de force qu'il s'écria par trois fois : « Solon ! »
Kyros, frappé de cette exclamation, l'interrogea, apprit son
histoire et lui fit grâce. jLa flamme refusait de s'éteindre
et Krœsos allait périr quand un orage amassé par Apollon
éclata soudain et noya le bûcher en quelques instants ^
Bien traité par Kyros, il devint l'ami fidèle et le conseiller
du vainqueur, l'accompagna désormais partout et lui fut
utile en plus d'une circonstance. En passant l'Halys il avait
détruit un grand empire, mais cet empire était le sien.
Le fils de Kambysès le Perse et de la femme mède, le
Mulet, comme l'avait appelé l'oracle, retourna à Ecbatane
après sa victoire et laissa à ses lieutenants le soin d'a-
chever la conquête. Mazarès réprima une révolte de Sardes,
prit l'imb après l'autre les villes grecques de la côte et
mourut à la peine. Son successeur, Harpagos, acheva
sa tâche et conquit la Lycie, qui avait résisté avec succès
à toutes les tentatives des rois de Lydie. Quelques-uns
des colons grecs, les gens de Phocée et de Téos, s'expa-
trièrent; la population entière de Xanthos se fit massacrer
plutôt que de se rendre. Le reste se résigna aisément à
son sort et reconnut la souveraineté des Perses *.
Tandis qu'Harpagos achevait la soumission de l'Asie
Mineure, Kyros s'eiïonçait dans les régions lointaines de
l'extrême Orient. La Bactriane fut frappée la première.
Ses habitants comptaient parmi les meilleurs soldats du
1. Hérodote, I, 29-46, 85-91. Cf. Ctésias, Persica,^ 4; Nicolas de
Damas, édit. C. MûUer, où certaines circoostances du récit primitif
sont passées ou acioucjes. — 2. Hérodçte, ï, 141-176.
LA CONQUÊTE PERSE. 517
xaonde, et durent ne céder qu'après une résistance acharnée ;
Ctésias affirme pourtant qu'ils mirent bas les armes en
apprenant que Kyros avait épousé une fille d'Astyagès*.
On ne voit pas trop en quoi le mariage du conquérant
aTCC une princesse mède pouvait exercer quelque influence
sur la décision des Bactriens; Gtésiàs n'aura fait sans
cloute que reproduire, une légende reçue de son temps à
la cour de Suse. La conquête de Bactres entraînait celle
de la Margiane, de l'Ouvarazmiya (Khorasmie*) et de la
Sogdiane. Kyros occupa solidement ces provinces et y con-
struisit plusieurs places fortes, dont la plus célèbre, Kyro-
polis ou Kyreskhata, commandait un des gués principaux
du fleuve laxartès '. Les steppes de la Sibérie arrêtèrent
sa marche vers le nord, mais à l'est, dans les plaines de
la Tartarie chinoise, vivait un peuple de race touranienne,
les Çakâ ou Saces, renommés pour leur bravoure et leur
richesse. Kyros les attaqua, prit leur roi Amorgès et crut
les avoir réduits; mais Sparêthra, femme d'Amorgès,
rassembla ce qui lui restait de troupes, battit les envahis-
seurs et les contraignit à lui rendre son mari en échange
des prisonniers qu'elle avait faits*. Malgré leur victoire,
les Saces se reconnurent tributaires", et formèrent désor-
mais l'avant-garde de l'empire contre les nations de l'Est.
En les quittant, Kyros remonta vers le sud sur le plateau
de l'Iran et conquit THaraiva (Arie), les Thatagous (Sat-
tagydie), l'Haraouvati, le Zaranka, le pays entre la rivière
de Caboul et le fleuve Indos^ On ne sait s'il poussa bien
loin au delà du grand lac Hamoun et parvint jamais aux
bords de la mer Erythrée; une tradition d'époque posté-
rieure prétendait qu'il avait essayé de soumettre la Gé-
drosie et n'avait réussi qu'à perdre son armée dans les
déserts sans eau de cette région '•
1. Ctésias^ Persica,%2, — 2. Aujourd'hui le pays au sud de la mer
d*Aral, entre l'embouchure de l'Amou-Daria et le golfe de Kara-Bogbâz.
Cf. Ctésias dans Etienne de Byzance, s. v. Xa)pa(xvaToi. — 3. Arrien,
AnahasUy IV, 2, S 1 î 3, § 1-5. — 4. Ctésias, Persica, §3.-5. Héro-
dote, III, 93. — 6. Aujourd'hui le Kohistân et le Kaferistan. Cf. Arrien,
Historia Indica, I, 2. <- 7. Stiabon, 1. XV, 1 ; Arrien, Anahasis , VI, 24,
51B CHAPITRE Xïït.
Ces guerres roccupèrent quinze années sans rteîàche, dti
554 à 539 ' . 'Elles doublèrent l'étendue de son empire et
lui fournirent les forces nécessaires à la conquête de la
Chaldée. Depuis la défaite de Krœsos, Nabou-nahid n'a-
vait pas cessé de se préparer à la résistance. D avait
recruté son armée, réparé les fossés et les murailles, com-
plété Tapprovisionnement des villes fortes : il s'était mé-
nagé dans Babylone une place de refuge où il comptait se
retirer en cas de défaite et lasser la courte patience des-
Perses*. Lorsque la guerre éclata, en 538, il était prêt à la
lutte et se tenait pour assuré de la victoire finale. L'évé-
nement parut d'abord lui donner raison : Kyros se trouva
arrêté, dès le début de la campagne, par un accident qui
éveilla les craintes superstitieuses de son armée. Au pas-
sage du Gyndès, un des chevaux sacrés fut entraîné par le
courant et se noya. Il n'en fallait pas davantage pour frap-
per les esprits et faire mal augurer de l'issue. Kyros, ann
de rallier les courages, s'emporta contre le fleuve et jura
solennellement de le rendre si faible à l'avenir, que la pre-
mière femmelette venue pourrait le franchir sans se îmouil-
1er les genoux. La marche fut suspendue, l'armée se sépara
en deux corps et s'acharna tout Tété à creuser sur chaque
rive cent quatre-vingt canaux où le Gyndès s'engloutit et
disparut. Le travail achevé, la saison était déjà trop avan-
cée pour qu'il fût prudent de commencer les opérations.
Kyros remit l'attaque au printemps de Tannée suivante **
La résistance fut moins dure qu'il ne l'avait supposé. Il
passa le Tigre sans obstacle et marcha droit sur Babylone :
à quelques kilomètres en avant, il rencontra l'armée chai-
déenne aux ordres de Nabou-nahid et la dispersa. La plus
§ 3, d'après Néarque (Fragm, 23, édit. Mûller). Cf. Spiegel, Erânisch^
Alterthumskunde j t. II, p. 286-287.— 1. Hérodote, 1, 17T, les résume en
quelques mots : Ta àvo) ^«rtY); Kùpoç àvaoxata fiuoie, îcSv ë6vo; xata-
«TTpeçojjLsvo; xai oùÔàv itapieiç. •— 2. Hérodote, I, 190. — 3. îd., ibid.,
189. Cette histoire a été regardée comme une fable par différents au-
teurs (Spiegel, Erânische Allerthumskundej t. II, p. 287, note 2; H.
Rawlinson, dans VHeiodotus de G. Rawlinson, 1. 1, p. 262); elle a été
acceptée par d'autres sans discussion, comme un trait de despotisme
oriental (Grote, Historj^ of Greece, U IV, p. 284-285).
LA CONQUÊTE PERSE. 519
grande J)artie des fuyards se jeta dans la plat5e : le toi cou-
rut s'établir à Barsip avec quelques soldats*. Peut-être
imaginait-il engager les Perses à le poursuivre et à divi-
ser leurs forces; peut-être espérait-il avoir le temps de
rassembler une nouvelle armée et de descendre en plaine
une seconde fois. Son fils, Bel-sar-oussour, qu'il venait
d'associer au trône *, prit le commandement, en son absence
et repoussa les entreprises de l'ennemi avec tant d'é-
nergie, que Kyros commença à douter du succès. Lais-
sant un corps d'observation sous les murs de Babylone, il
s'alla poster à quelques lieues plus haut et exécuta sur les
bords de l'Euphrate les travaux de dérivation qui lui avaient
si bien réussi sur les bords du Gyndès. Il établit des bar-
rages, remit en état et agrandit le réseau de canaux qui
faisaient communiquer la rivière avec les réservoirs à moi-
tié vides, dont la légende populaire plaçait la construction
au compte de la reine Nitôkris, et se ménagea la faculté
de mettre à sec, en quelques heures, la partie du fleuve
qui traverse la ville. Les travaux terminés, il attendit pour
faire écouler l'eau le moment où les Babyloniens célé-
braient une do leurs grandes fêtes, engagea son armée
dans le lit à moitié vide, et se glissa le long des quais à
la tombée de la nuit. Si les assiégés avaient veillé tant soit
peu, ils pouvaient prendre l'armée perse d'un coup de
filet et la détruire sans qu'il en échappât un seul homme ;
Kyros avait compté sur leur négligence, et l'événement
donna raison à sa témérité. Il trouva les murs déserts, les
portes ouvertes et sans gardes : les sentinelles avaient
abandonné leur poste pour se joindre à la fête. Le cri de
guerre des Perses éclata soudain au milieu des chants de
fête : la foule affolée se laissa massacrer sans se défendre,
Bel-sar-oussour périt dans la bagarre, le palais royal prit
feu. Au point du jour, Kyros était maître de la ville ^ Le
reste de la Ghaldée ne résista pas : Nabou-nahid se rendit
1. Bérose, Fragm. 14, édit. MùUer. —2. G. Rawlinson, The five great
MoTiarchieSj t. III, p. 70; J. Menant, Babylone et la ChaldéCj p. 256,
258-260.— 3. Hérodote, 1,90-91; Xénophon, Kyropédie, VII, 5, §§ 1-37.
520 CHAPITRE XIII.
sans même avoir essayé de défendre Barsip (538). Il eut là
vie sauve en récompense, fut exilé en Garmanie avec sa
faipille, et ne tarda pas à mériter l'approbation des Perses
par la sagesse de sa conduite. Le successeur de Nabou-
koudour-oussour, le. prince qui avait régné dix-huit ans
sur la moitié de l'Asie, devint gouverneur de province au
service de ses vainqueurs* : Assour-edil-ilâni n'avait pas
eu pareille fortune.
Les pays qui avaient appartenu au Chaldéen, la Méso-
potamie, la Syrie, la Palestine, passèrent aux mains des
Perses. La Phénicie, entraînée par Texemple, se détacha
de TÉgypte sans qu'Ahmès ftt rien pour la retenir : il vou-
lait la tranquillité à tout prix et sacrifia ses possessions
lointaines à l'amour de la paix. Les Sémites perdirent
1. Bérose, Fragments 9, 14. Voici, d'après le canon de Ptolémée et
les monuments^ le tableau des rois de Cbaldée depuis Nabou-nàtslr :
I
Nabou-natsir,
NaSovaffffdpou,
747-733
II
Nahid,
NaSéou,
733-731
m
OOKINZIR et POUL,
XtvCipou xat IIcopou,
731-726
IV
ILOU-ILLOU,
'IXouXaîou,
726-721
V
Mardodk-bal-idinna ,
Mapooxe{i.icà8ov,
721-709
VI
Sartoukin,
^pxeàvoy,
709-704
Premier interrègne,
^@aat>eutov icpcoTov
, 704-702
VII
Bel-ipnod,
BT]Xt6ou^
702-699
VIII
ASSOUR-NADIN-SOUM,
*A(T<rapa5{vou^
699-693
IX
Riou-Bel,
'PrjYcêr.Xov,
693-692
X
Mousisi-Mardouk,
M6(JYl<7ljlOp8àxOU,
692-688
Deuxième interrègne,
'Aêa(Ti>EVTOvSeuTspou, 688-680 |
XI
ASSOUR-AKHK-IDIN,
!!^(rapa6tvou,
680-S67
XII
Samoul-masadd-youkin,
SaoaSouxivou,
667-647
XIII
ASSOUR-BAN-HABAL,
ASSOUR-EDIL-ILANr,
1
KivïjXaôovou, •
647-625
XIV
Nabou-bal-oussour,
Na6oicoXa(r(Tàpou,
625-604
XV
Nabou-koudour-oussour
II, NaêoxoXaffffàpov,
604-561 '
XVI
Avil-Mardouk,
'IXXoapov8à{jLOU,
561-559
XVII
NraGAL-SAR-OUSSOUR,
Bel-labar-iskoun,
f NyjpiYaffoXacopou,
559-555
XVIII Nadou-nahid,
Na6ova§lou,
555-538
Cf. Schrader^ Die Keiîinschriflen und das Alte Testament, p. 332.
LA CONQUÊTE PERSE. 521
leurs anciens maîtres et en gagnèrent de nouveaux sans
■plus s'inquiéter du changement que s'il ne se fût point
agi -d'eux et de leurs intérêts : du moment qu'ils ne pou-
vaiient plus être libres, peu leur importait qui régnait.
Seuls les Juifs accueillirent la chute de Nahou-nahid
a^ec enthousiasme, et saluèrent de leurs vœux Tavénement
de Kyros comme roi de Babylone. Pendant les cinquante
années de leur exil, ils avaient vécu dispersés au milieu
des Chaldéens sans renier leur foi et sans perdre le senti-
ment de leur nationalité. Au lendemain de la victoire, ils
demandèrent au conquérant la permission de retourner
dans leur pays et d'y rétablir leur temple. Kyros avait be-
soin, sur les frontières d'Egypte, d'un peuple énergique et
dévoué : il trouva que les Juifs réunissaient ces deux
q;ualitéB et leur accorda la faveur qu'ils demandaient.
Quarante-deux mille personnes des tribus de Juda et de
Benjamin partirent aussitôt pour la terre promise, vinrent
se loger sur les ruines de Jérusalem, et commencèrent
sans plus tarder l'édification d'un nouveau temple. Ils
avaient pour chefs Seroubabel, fils de Salthiel, et le grand
prêtre Jeshua* (536).
Une guerre immédiate contre l'Egypte semblait être
imminente : Kyros hésita un instant, puis se rejeta vers
l'Est et disparut d'une manière mystérieuse (529). Au dire
de Xénophon, il mourut dans son lit, entouré de ses
enfants, et ne cessa d^'édifier ceux qui l'approchaient par la
sagesse plus qu'humaine dont il fit preuve à ses derniers
moments'. Gtésias contait qu'il avait été blessé dans un
engagement contre les Derbikes, peuple à moitié sauvage
de la Bactriane, et qu'il avait succombé aux suites de sa
blessure trois jours après la bataille*. Selon Hérodote, il
1. II Chroniques, xxxvi, 22-23; Esdras, i-iii. — 2. Xénophon, JTt/ro-
pédie, l. VIII, c. vn, § 3-38. — 3. Ctésias, Persica, § 6-8. Une légende
très-postérieure contait que Kyros, parvenu à Tâge do cent ans, avait
demandé à voir tous ses amis. On lui répondit que son fils Kamb^sès
les avait fait mettre à mort; le chagrin que la cruauté do son fils lui
causa le tua en quelques jours (Lucien^ Macrdb,, xiv, d'après Onésicrite,
Fragm, 32, édit. C.'' Millier)
522 CHAPITRE XIH.
fit demandeur en mariage Tomyris, reine des MassagMes,
et fut reponssé. Le dépit le poussa à la guerre : il franchit
le fleuve Araxès*, battit les Massagètes et prit le fils de
leur reine, Spargapisès, qui se tua de désespoir. « Tomy-
ris ayant rassemblé ses forces, attaqua lés Perses. De
toutes les batailles livrées entre barbares, celle-là me
paraît avoir été la plus sanglante, à en juger du moins
par ce que j'ai ouï dire. Ils commencèrent par se cribler
de flèches à courte distance; quand les flèches leur man-
quèrent, ils tombèrent les uns sur les autres à coups de
piques et de sabres. Ils soutinrent la lutte pendant long-
temps sans qu'aucun parti voulût fuir : à la fin les Mas-
sagètes prirent le dessus. La plus grande partie de l'armée
perse resta sur le champ de bataille ; Kyros lui-même y
périt après un règne de vingt-neuf ans. Tomyris ayant
rempli une outre de sang humain, ordonna qu'on cherchât
parmi les morts le cadavre de Kyros: dès^ qu'oii l'eut
trouvé, elle lui fit plonger la tête dans l'outre et Taccabla
d'injures. « Bien que je vive et que je sois victorieuse, lu
« m'as perdue en m'enlevant mon fils par ruse : aussi moi
c<N te rassasierai-je de sang*. » Les Perses parvinrent à re-
couvrer le corps de leur roi et le transportèrent à Pasar-
gades, où ils l'ensevelirent somptueusement dans les jar-
dins de son palais '.
La poésie populaire, qui avait défiguré sa vie et substitué
des histoires fabuleuses au récit véritable de ses actions,
s'attacha à faire de' lui le portrait idéal d'un prince d'O-
rient : il devint dans la légende le plus brave, le plus
doux, même le plus beau des hommes. En fait, il paraît
avoir eu toutes les qualités d'un général, l'activité, l'é-
nergie, la bravoure, l'astuce et la duplicité si nécessaire
en Asie au succès de la conquête : il n'eilt pas les quali-
tés d'un administrateur et ne fît rien pour consolider
1. Peut-être le laxartès. — 2. Hérodote, I, 204-214. — 3. Arrien,
Ânahasis, 1. VI, 19, § 4-9, d'après Aristobule {FràgiA, S7, édiL C. Mùl-
1er). Cf. Pseudo-Callisthenes, 1. II, ch. 18, où Tauteur place à côté
l'un de l'autre le tombeau de Kyros et celui de « Nabonasar, que les
Grecs appellent Naboukhodonosor. »
LA CONQUÊTE PERSE. 523
1* empire qu'il avait fondé. En Lydie seulement il mit un
gou-verneur pef se :' partout ailleurs il se contenta d'une dé-
claration d'obéissance et laissa le gouvernement aux mains
des indigènes. Il avait su réunir tous les pays du vieux
monde, l'Egypte exceptée, sous la domination de son peu-
ple : il laissait le soin d'organiser la conquête à ceux qui
tiendraient après lui^.
teimiibysèss Ahmès II et JPsanicllk III; con«inête de
1*1^971»^ I tehitetives sur là Iilbye et l'iétlil^ples le faux Smerdis.
Kyros avait légué l'empire à l'aîné de ses enfants, Kam-
bouzia II, que les Grecs appelèrent Kambysès, et le com-
mandement de plusieurs provinces à Bardiya (Smerdis),
son second IBls*. Réglant sa succession par avance, il s'é-
tc^it flatté de prévenir les querelles qui accompagnent d'or-
dinaire en Orient un changement de règne. Son espoir fut
déçu : Kambysès, à peine monté sur le trône, fit mettre son
frère à mort. Le crime fut commis avec tant de prudence
et de secret qu'il passa inaperçu du vulgaire: le peuple cl
la cour crurent que Bardiya avait été enfermé dans quel-
que palais éloigné de la Médie et s'attendirent à le voir
reparaître bientôt *.
Après s'être débarrassé d'un rival qui pouvait devenir
dangereux, Kambysès ne songea plus qu'à la guerre. Seule
parmi les grandes nations du vieux monde l'Egypte de-
meurait indépendante : protégée par le désert et les marais
du Delta, elle bravait la puissance des Perses et suivait
en paix le cours de son développement. Depuis son inter-
1. G. Rawlinson, The five gteat KonarchieSj t. III, p. 388-390. —
2. Hérodote, I, 208; Ctésias, Persica, §8; Xénophon, Kyropédie, VIII,
7', § 11. Ctésias donne à Bardiya le nom de Tanyoxarkès et lui attribue
le gouvernement de la Bactriane, des Khorasmiens, des Parthes et des
Cârmaniens. Xénophon l'appelle Tanaoxarès et le fait régner sur les
Mèdes, les Arméniens et les Cadusiens. — 3. Hérodote, III, 30 ; J. Me-
nant, les Achéménides, p. 106. D'après Hérodote, l'assassinat eut lieu
pendant rexpédition d'Egypte; d'après l'inscription de Bchisloun, il eut
lieu auparavant.
524 CHAPITRE Xm.
vention malheureuse en Lydie, Ahmès II s'était toujours
conduit de manière à ne fournir à ses voisins aucun pré-
texte de guerre. Il réussit à se tenir en bonne intelli-
gence avec Kyros et profita des vingt-cinq années de
tranquillité que sa prudence lui assura pour porter son
royaume au plus haut degré de la prospérité. Le réseau
des canaux fut réparé et agrandi, l'agriculture encouragée,
le commerce étendu : « on dit que TÉgypte ne fut jamais
plus florissante ni plus prospère, que jamais le fleuve ne
fut aussi bienfaisant pour la terre, ni la terre aussi fé-
conde pour les hommes, et qu'on y comptait alors vingt-
mille villes habitées*. » Les carrières de Trouwou et de
Souan furent rouvertes et exploitées comme aux plus beaux
jours *. Thèbes, où Tune des femmes d' Ahmès, la reine
Onkhnas, paraît avoir passé la plus grande partie de sa vie',
reprit quelque animation ; les monuments de Kamak furent
restaurés à grand soin, et quelques riches particuliers se
firent creuser des tombeaux qui, pour l'étendue et le fini
des bas-reliefs, ne le cèdent en rien aux plus belles tombes
d'autrefois. Le reste de la haute Egypte était déjà trop
dépeuplé pour qu'il fût nécessaire d'y entreprendre des
travaux considérables; les forces vives du pays se con-
centrèrent sur Memphis et sur les villes du Delta. A
Memphis, Ahmès II fit bâtir un temple d'Isis qu'Hérodote
qualifie de « très-grand et très-digne d'être vu ?> ; ce
temple a malheureusement disparu, ainsi que le colosse
couché de soixante-quinze pieds de long que le même
prince avait placé devant le temple de Phtah ♦. A Sais, il
construisit dans le temple de Neith des propylées « qui
surpassaient beaucoup les autres ouvrages de ce genre
tant par leur élévation et leur grandeur que par la
grosseur et la qualité des matériaux. » Ils étaient ornés
de colonnes énormes et précédés d'une longue avenue de
sphinx. On y admirait deux grands obélisques, une statue
1. Hérodote, II, 177. — 2. Id., ibid., 175. — 3. Le sarcophage de la
reine Onkbnas est aujourd'hui au British Muséum. — 4. Hérodote, H,
176.
.rt-i..
.i..
LA CONQUÊTE PERSE. 525
couchée en tout semblable à celle de Memphis, et une cha-
pelle monolithe en granit rose que le roi avait fait venir
d'Abou. Deux mille bateliers avaient été occupés pendant
trois ans à la transporter. Elle avait à l'extérieur environ
11™ de long, 7", 38 de large et 4 mètres de haut; évidée à
rintérieur, elle pesait encore près de cinq cent mille kilo-
grammes. Elle ne fut jamais placée au fond du sanctuaire,
mais demeura toujours à l'entrée du temple. « On conte
que Tarchitecte, au moment même où le monument at-
teignit son site actuel, poussa un soupir, songeant au
temps qu'avait exigé le transport, et lassé par ce rude
labeur. Ahmès entendit le soupir, et, le tenant à présage,
point ne voulut qu'on menât plus loin la pierre. D'autres
disent toutesfois qu'un des ouvriers employés à la ma-
nœuvre fut écrasé et tué par la masse et que ce fut la
raison pourquoi on la laissa à l'endroit où elle est
maintenant*. »
La révolution qui avait porté Ahmès au trône avait été
faite par le parti national égyptien contre les étrangers.
Les mercenaires et les marchands grecs avaient soutenu
Ouhabrâ contre son rival : on pouvait craindre que celui-ci
une fois vainqueur ne les chassât de son royaume. Il n'en
fut rien : Ahmès roi oublia les injures d'Ahmès prétendant
à la couronne.. Ses prédécesseurs avaient bien accueilli les
Grecs ; lui, les aima passionnément ^, et se fit aussi Grec
qu'il était possible à un Égyptien de le devenir. Moitié
politique, moitié caprice, il épousa une femme de Gyrène,
Ladikê, fille, selon les uns, d'Arkésilaos le roi, ou de Battos,
selon les autres, d'un riche particulier nommé Gritobou-
los *. Il entretint des relations amicales avec les princi-
paux sanctuaires de l'Hellade et leur fit des présents à plu-
sieurs reprises. En 548 le temple de Delphes fut brûlé, et
1. Hérodote, II, 175; Letronne, la Civilisation égyptienne depuis
l'établissement des Grecs, sous PsammitichuSy jusqu^à la conquête d'A"
exandre, p. 23-26. Le Musée du Louvre possède un naos monolithe plus
petit que le naos décrit par Hérodote, mais taillé, comme lui, sous le
règne d'Ahmès II (D, 29). — 2. Hérodote. II> 178^ rappelle f iX^t^v. —
3. Id., tWrf., 181,
5a6' CHAPITRE XUI.
les Ampbictyona s'engagèrent à le rebâtir moyeigai9'iit trois
cents talents dont un quart fourni par les Delphiens. Pour
se procurer le reste de la somme il fallut quêter chez tou-
tes les nations amies : Ahmès leur donna pour sa part
mille talents d'alun d'Egypte, le plus estimé de tous, dont
les quêteurs surent tirer bon profit*. Il envoya à Gyrène
une statue de sa femme Ladikê, et une statue de Neilh
dorée complètement ; à la Minerve de Lindos, deux statues
de pierre et une cuirasse de lin d'une finesse naerveil-
leuse * ; à Junon Samienne deux statues en boia qui exis-
taient encore au temps d'Hérodote '.
Aussi les Grecs affluèrent en Egypte et s'y établirent
en si grand nombre que, pour éviter toute querelle avec
les indigènes, il fallut régler à nouveau leur position. Les
colonies fondées le long de la branche Pélusiaque par les
Ioniens et les Gariens de Psamétik I" avaient prospéré et
possédaient déjà une population qu'on peut évaluer à près
de deux cent mille âmes *. Ahmès la trçjQsféra à Memphis
ou dans les environs pour se garder contre ses sujets égyp-
tiens ^. Il concéda aux nouveaux venus près de la boucha
Ganopique une ville qui prit le nom de Naucratis et qu'D
leur abandonna complètement ^ Ge fut une vraie républi-
que, gouvernée par des magistrats indépendants, prostate»
ou timouques ' 3 on y trpuvait un Prytanée, des Dionysia-
ques, des fêtes d'Apollon Komajos, des distributions de vin
et d'huile, le culte et les mœurs de la Grèce ^ Ge fut dé-
sormais le seul port ouvert aux étrangers. Lorsqu'un navire
marchand poursuivi par les pirates, assailli par la tem-
pête ou contraint par quelque accident de mer, abordait
sur un autre point de la côte, son capitaine devait se pré-
•
1, Hérodote, II, 180. — 2. Les débris en subsistaient encore au temps
de Pline TAncien, H. iV.,XIX, 1, mais les curieux en arrachaient les
iflorceaux, afin de vérifier si, comme l'assure Hérodote (HI, 47), chacun
dQ9 £U& était formé de trois ceut soiza9teH:iiQq brins, tous visibles à rœll
nu. — a. Hérodote, ^I, 182, — 4, Letronne, la CivilisaHon égyptienney
p, 11. — 5. Hérodote, H, 154, — 6. Id., ibid,, 178. — 7. Hermias
de Naucratis dans Athénée, IV, 149. — ft. liOUonne, la Cwilisation
égyptienm, p« U-12; G. Lun^brQsp, iiep^cCSt;M.^«r llé&owmie politique
de Vtgypie sous les Lagides^ p. 222-223.
LA CONQUÊTE PERSE. 5^27
senter devant le magistrat le plu» proche, afin d'y jurer
qu'il n'avait pas violé la loi de son plein grô, mais forcé
par des motifs impérieux. Si l'excuse paraissait valable, on
lui permettait de faire voile vers la bouche Ganopique;
quand les venta ou l'état de la mer s'opposaient h ce qu'il
partît, il pouvait embarquer sa cargaison sur des bateaux
du pays et la transporter à Naucratis par les canaux du
Delta *. Cette disposition de la loi fit l£^ fortune de Nau-
cratis : elle devint en quelques années un des entrepôts les
plus considérables du monde ancien. Les Grecs de tous
pays la remplirent et ne tardèrent pas à se répandre sur
lea campagnes environnantes, qu'ils semèrent de villas et
de bourgs nouveaux.
Les marchands qui ne tenaient pas h vivre sous le régime
des lois grecques fiireiit autorisés à s'établir dans telle ville
d'Egypte qu'il leur plairait choisir et à s'y bâtir des fac-
toreries. Ahmès leur accorda même le libre exercice de
leur culte et leur donna le droit d'élever des temples aux
dieux de leur patrie. Les Éginètes construisirent un tem-
ple à Zeus, les Sa^miens à Hêra, les Milésiens à Apollon.
Neuf villes d'Asie Mineure s'entendirent pour édifier à
frais communs un temple qu'elles nommèrent l'Hellênion ^.
La haute Egypte et le désert lui-même ne furent pas à
l'abri de cette invasion pacifique. Les marchands grecs
sentirent de bonne heure la nécessité d'avoir des agents
sur la route des caravanes qui viennent de l'intérieur de
l'Afrique : des Milésiens s'établirent dans Tantique cité
d'Abydos ', et les Samiens de la tribu iEskhrionie avaient
poussé jusque dans la Grande Oasis *. La présence de ces
étrangers au milieu d'eux ne dut pas peu scandaliser les
indigènes de la Thébaïde, et ne contribua pas à diminuer
les sentiments de haine qu'ils avaient voués au roi usurpa -
teur. Les Grecs de leur côté rapportaient de ces régions
1. Hérodote, U, na. — 2. li, iWd.. 1T8. — 3. Etienne de By-
zance, s. v, "ASuSo;, raconte que les Milésiens avaient fondé Abydos
d'JÉgypte. M. Letronne {la Civilisation egijptienne, p. 13) a fort bien vu
qu'il s'agissait ici d'une factorerie fondée par les Milésiens vers le rè-
gne d'Abmts. — 4. Hérodote, HI, 26.
528 CHAPITRE XHI.
lointaines des récits merveilleux qui soulevaient la curio-
sité de leurs compatriotes et des richesses qui excitaient
leur cupidit.é : philosophes, marchands, soldats, s'embar-
quaient pour le pays des merveilles, à la recherche de k
science, de la fortune ou des aventures. Ahmès, qui crai-
gnait toujours une attaque des Perses, accueillait les émi-
grants à bras ouverts : ceux qui restaient s'attachaient à sa
personne, ceux qui partaient emportaient avec eux le sou-
venir des bons traitements qu'ils avaient reçus et prépa-
raient en Grèce les alliances dont l'Egypte devait avoir
besoin dans quelques années au plus tard.
Dès que Kyros fut mort, Ahmès se prépara à la guerre :
Kambysès ne cherchait qu'un prétexte à la déclarer et sai-
sit le premier qui s'offrit. Au dire des Perses, il fit de-
mander en mariage la fille du vieux roi dans l'espoir
qu'on la lui refuserait et qu'il aurait une injure à venger :
Ahmès, au lieu de sa propre fille, envoya Nitêtis*, fille d'Où-
habrâ. « Quelque temps après, Kambysès se trouvant avec
elle l'appeJa par le nom de son prétendu père. Sur quoi
elle dit : « Je vois, ô roi ! que tu ne soupçonnes pas com-
cc bien tu as été trompé par Amasis : il m'a prise et, me
a couvrant de parures, m'a envoyée à toi comme étant sa
a propre fille. De vrai, je suis l'enfant d'Apriès, qui était
a son seigneur et maître jusqu'au jour qu'il se révolta et,
a de concert avec le reste dès Égyptiens, le mit à mort.» Go
discours et le motif de querelle qu'il renfermait soulevèrent
la colère de Kambysès, fils de Kyros, et attirèrent ses ar-
mes sur l'Egypte'. » En Egypte, on contait les choses au-
trement. Nitêtis avait été envoyée à Kyros et lui avait
donné Kambysès' : la conquête n'avait été qu'une reven-
dication de la famille légitime contre l'usurpateur Ahmès,
et Kambysès montait sur le trône moins en vainqueur qu'en
petit-fils d'Ouhabrâ. C'est par une fiction aussi puérile que
les Égyptiens de, la décadence se consolaient de leur fai-
blesse et de leur honte. Toujours orgueilleux de leur gloire
1. La forme égyptienne de ce nom est Seitirttts ou Nettartis. -<•
2. Hérodote, III, 1; cf. Athénée, XIII. — 3. Hérodote, UI^ 2,
LA CONQUÊTE PERSE. 529
paâséô, mais incapables de vaincre et de commander, ils
n'en prétendaient pas moins n'être vaincus et commandés
que par eux-mêmes. Ce n'était plus la Perse qui imposait
son roi à l'Egypte : c'était l'Egypte qui imposait le sien à
la Perse et parla Perse au reste du monde.
Depuis longtemps le désert et les marais formaient le
véritable boulevard de l'Egypte contre les attaques des
princes asiatiques. Entre le dernier poste important de la
Syrie, Jénysos * ël le lac Serbônis, où se trouvaient les
avant-postes égyptiens, il y a près de quatre-vingt-dix ki-
lomètres d'intervalle, qu'une armée ne pouvait faire en
moins de trois journées de marche*. Dans les siècles pas-
sés, l'étendue de désert avait été moins grande : mais les
ravages des Assyriens et des Ghaldéens avaient dépeuplé le
pays et livré au pouvoir des Arabes nomades des régions
jacGis assez faciles à parcourir. Un événement imprévu tira
Kambysès de l'embarras où le jetait la traversée du désert.
Un des généraux d'Ahmès, Phanès d'Halicarnasse, déserta
et vint prendre du service en Perse. Il avait du jugement,
de l'énergie et une profonde connaissance de l'Egypte. Il
conseilla au roi de s'entendre avec le sheikh qui dominait
sur cette côte et de lui demander un sauf-conduit. L'Arabe
disposa tout le long de la route des relais de chameaux
chargés d'eau en quantité suffisante pour les besoins d'une
armée*.
En arrivant devant Péluse, les Perses apprirent qu'Ah-
mès était mort * et que son fils Psamétik III l'avait rem-
placé. Malgré leur confiance aux dieux et en eux-mêmes,
les Égyptiens étaient en proie à de sombres pressentiments.
Ce n'étaient plus seulement les nations du Tigre et de l'Eu-
phrate, c'était l'Asie entière, du Gange à THellespont, qui
se ruait sur la vallée du Nil et menaçait de l'écraser. Le
peuple, tourmenté par la crainte de l'étranger, voyait par-
tout des signes et changeait en mauvais présage le moin-
dre phénomène de la nature. La pluie est rare dans la Thé-
1. Aujourd'hui Khan-Toûnous, — 2. Hérodote, lU, 5. '^ 3. Id., tdtd.,
4-9. — 4. Id., ibid., 10; Diodore, I, 68.
BIST. ANC. 34
5d0 CHAPITRE XUI.
baide et les orages ne se produisent guère qu'une ou deux
fois par siècle. Quelques jours après. Tavénement de Psa-
métik, « la pluie tomba à Thèbes en petites gouttes, ce
qui n'était jamais arrivé auparavant*. y> La bataille qui
s'engagea en avant de Péluse fut menée de part et d'autre
avec une bravoure désespérée. Pbanès avait laissé ses en-
fants en Egypte. Ses anciens soldatSj les Gariens et les Io-
niens au service de Pharaon, les égorgèrent sous ses yeux,
recueillirent leur sang dans un grand iHise à moitié plein
de vin, burent le mélange et se lancèrent comme des fu-
rieux au plus fort de la mêlée. Vers le soir, la ligne égyp-
tienne plia enfin et la déroute commença. Au lieu de rallier
les débris de ses troupes et de disputer le passage des ca-
naux, Psamétik, perdant la tête, courut s'enfermer dans
Memphis. Kambysès Tenvoya sommer de se rendre, mais
la foule furieuse massacra les hérauts. Après quelques
jours de siège, la ville fut prise. La Haute-Egypte se sou-
mit sans résistance, les Libyens et les Cyrénéens n'atten-
dirent pas qu'on les attaquât pour offrir un tribut. Une
seule bataille heureuse avait suffi pour détruire l'empire
des Pharaons' (523).
Cette chute rapide d'une puissance qui depuis des siècles
défiait tous les efforts de l'Orient, et le sort de ce roi qni
n'était monté sur le trône que pour tomber aussitôt, rem-
plirent les contemporains d'étonnement et de pitié. On
contait que, dix jours après la reddition de Memphis, le
vainqueur voulut éprouver la constance de son prison-
nier. Il fit défiler devant lui sa fille habillée en esclave,
ses fils et les fils des principaux Égyptiens qu'on me-
nait à la mort, sans qu'il se départît de son impassibilité.
Mais un de ses anciens compagnons de plaisir étant venu
1. Hérodote, HI, 10. Jus^a'à nos jours les gens de ki Haute-Egypte
ont considéré la pluie comme un événement de mauvais augure. Un
(feux disait, au commencement du siècle, en parlant de l'expédition
Ù\ï général Bonaparte : « Nous savions qu'un grand malheur nous me-
naçait : il avait plu à Thèhes un peu avant Tarrivée des Français. » —
2. Hérodote, III, 10-13 ; Diodore, I, 68, ignore Psamétik III, el Cté-
•8îas, Fersica, § P, le nomme Amyrtaîos,
LA CONQUÊTE PERSE. 53i
à passer^ couvert de haillons comme un mendiant, Psamé-
tik éclata en sanglots et se battit le front de désespoir.
Kambysès, étonné de cet excès de douleur chez un homme
qui venait de marquer tant de fermeté, lui en fit deman-
der la raison. « A cette question il répondit : « 0 fils de
<c Kyros 1 mes infortunes personnelles sont trop grandes pour
« qu'on les pleure, mais non pas le malheur de mon ami.
« Quand unhomme tombe du luxe et del'abondance dans la
« misère auseûitde la vieillesse, on peut bien pleurer sur
« lui. » Lorsque le messager rapporta ces paroles àKamby-
sès, il reconnut que c'était vrai ; Krœsos éclata en pleurs,
lui aussi, — car il était en Egypte avec Kambysès, — et
tous les Perses présents se mirent à pleurer. Même Kam-
bysès fut touché de pitié. » Il traita son prisonnier en roi
et allait peut-être le rétablir comme vassal sur le trône d'E-
gypte, quand il apprit que Psamétik conspirait contre lui.
Il le fit mettre à mort* et confia le gouvernement de l'E-
gypte au Perse Aryandès*.
1. Héîodote, IIÎ, 14-15. ï)*après Ctésîas, Persicd,$^, le roi d'Egypte
fut envoyé à Suse et y mourut prisonnier. —2. Hérodote, IV, 166. Voici
le tableau de la famille Saïte depuis Tawnekht :
I.
— Tawnkèht,
•
ïvsçaxôoç.
■
XXIV« Dynastie.
II.
m.
IV.
V.
— RA.-0U0H-îfA BOKENRANW,
£ts«ivàT7iç.
Nexaci) a.
1
1
— Néko Î",
XXVI» Dynastie.
VI.
— RÂ-ouH-AB Psamétik P'",
TajlflTiTlXO; a, ^ra;;.;;--
VII.
VIII.
IX
I.
II.
— RÂ-OUAHEM-AB NÉKO II;
— RÂ-NOWER-UET Psamétik II,
— RÂ-HÂÂ-AB OUHABRi,
Nexaà) p, Nexw;. |
^à{ji.{jL0u8i; ô %ai U*o;i.-
OiJdtçpTi, 'Airpirjç.
, "AiJiMfftç p, *A{ittffi.'.
^a{x|j.EX£piTvi;, Tau.- ,
— RX-KHNOUM-AB AhmÈS II, Si-NEIT
— RÀ-ANKH-KA-N PSAMETIK III,
i
532 CHAPITRE XlII.
Tout l'ancien monde civilisé était pour la première fois
sous un seul sceptre : on pouvait se* demander s'il serait
possible de maintenir longtemps dans un même empire les
gens du Caucase et ceux de TÉgypte, les Grecs de l'Asie
Mineure et les Touraniens de Médie, les Aryens de la Bac-
triane et les Sémites des bords de l'Euphrate. Kambysès
essaya d'abord de se concilier, ses nouveaux sujets en se
pliant à leurs mœurs et à leurs préjugés. Il prit le double
cartouche, le protocole et le costume royal des vieux Pha-
raons ; tant pour satisfaire ses rancunes personnelles que
pour se mettre dans les bonnes grâces du vieux parti loya-
liste, il se rendit à Sais, fit violer le tombeau d'Ahmès et
brûler sa momie'. Cet acte de justice posthume contre l'u-
surpateur accompli, il traita bien Ladikê, veuve de son
rival, et la renvoya chez ses parents *. Il ordonna qu'on
évacuât le grand temple de Neith, où des troupes perses
s'étaient logées au grand mécontentement des dévots, et
répara à ses frais les dommages qu'elles avaient causés. D
' poussa le zèle jusqu'à s'instruire dans la religion et reçut
l'initiation aux mystères d'Osiris des mains du prêtre
Outsa-Hor-soun*. Il songeait à faire de l'Egypte une base
d'opérations solide pour la conquête de l'Afrique entière.
A l'ouest, la renommée de Garthage, accrue encore par l'in-
certitude et la distance, excitait sa cupidité. Il voulut d'a-
bord l'attaquer par mer, mais les Phéniciens qui montaient
sa flotte refusèrent de servir contre leur ancienne colonie*.
Forcé de l'aborder par voie de terre, il envoya de Thèbes
une armée de cinquante mille hommes chargée d'occu-
per l'Oasis d'Ammon et de frayer le chemin au reste des
troupes. Elle périt tout entière dans les sables, et Tem-
1. Hérodote, m, 17. Plus tard, les partisans d'Ahmès, pour laver sa
mémoire de cet outrage, prétendirent que, prévenu par un oracle, il
avait donné ordre qu'on substituât à son corps un autre corps embaumé
royalement; c'était cette fausse momie que Cambysès avait violée,
tandis que la momie du roi reposait en paix dans un caveau secret.
— 2, Hérodote, II, 181. — 3. De Rougé, Mémoire sur la statuette noo-
phoredu Vatican» — 4. Hérodote, III, 17, 19.
LA CONQUÊTE PERSE. 533
pire perse ne réussit pas à dépasser de ce côté les frontières
de TEgypte*.
L'entreprise vers le sud paraissait plus facile : il sem-
blait qu'en remontant toujours le Nil on pourrait arriver
sans grande difficulté au centre même de TAfrique. Depuis
la retraite de Nouat-Méïamoun, le royaume de Napata
avait cessé d'entretenir des relations avec les nations
de l'Asie. Attaqué par Psamétik P' et Psamétik II, il
avait su conserver son indépendance et avait rompu
ses relations avec l'Egypte. Les contrées de la Nubie in-
férieure entre la première et la seconde cataracte, si peu-
plées au temps des grands rois égyptiens, étaient devenues
presque désertes : les villes fondées par les princes de la
XVni'' et de la XIX« dynastie étaient en ruines et leurs
temples commençaient à disparaître sous les sables. Au
delà de la seconde cataracte commençait le royaume de Na-
pata, divisé en deux régions comme TÉgypte ; dans le
To-Qens se trouvaient, en remontant le fleuve, Pnoubs*
Dengour', la capitale Napata, sur la Montagne Sainte*, .
Astamouras, au confluent du Nil et db TAstamouTas *, Be-
roua enfin, la Méroé des géographes alexandrins ; au delà
de Beroua commençait le pays d'Alo^, qui s'étendait le
long du Nil Blanc et du Nil Bleu jusque dans la grande
plaine de Sennaar. Sur la frontière méridionnle du pays
d'Alo résidaient les Asmakh, descendants des soldats égyp-
tiens émigrés en Ethiopie au temps de Psamétik I*^ A Test,
au sud et à l'ouest, entre le Darfour, le massif d'Aby ssinie
« et la mer Rouge, vivaient une foule de tribus à moitié sau-
vages, les unes noires, les autres de race africaine, d'au-
tres de race sémitique, les Rehrehsa, au sud de Baroua,
1. Hérodote, m, 25, 26. Cf. Diodore, X, 13, §3.-2. Brugsch, Geog.
Intchrift.y t. I, p. 120. — 3. Dongolah. Cf. Maspero dans les Mélanges
d'archéologie, 1. 1. — 4. Dououab, aujourd'hui Gebel-Barkal. — 5. Asta-
boras des géographes grecs, aujourd'hui le Tacassi. Cf. Maspero, l, l. —
6. Le royaume d'Aloah des géographes arabes du moyen âge. Quatremère,
Mémoires historiques sur V Egypte, t. II, p. 18 sqq. Cf. L. Burckhardt,
Travels, p. 452 sqq. ; Maspero dans les Mélanges d'arçJiéologie, t. II.
534 CHAPITRE XUI.
entre lo Nil Bleu et le Tacassé*, les Madi ou Maditi, entre
le Tacassé et la chaîne de montagnes qui bordent la mer
Rouge*. L'humeur belliqueuse des rois de Napata trouvait
dans ces régions populeuses matière à victoires faciles et
profitables : deux d'entre eux qui vivaient à peu près dans
le même temps que Kambysès, Horsiatew et Nastosenen,
avaient soumis la plupart de ces tribus et ruiné par des
razzias incessantes celles d'entre elles qui résistaient*.
La royauté éthiopienne était élective, au moins de nom.
L'élection se faisait à Napata, dans le grand temple d'Am-
mon, sous la surveillance des prêtres et en présence d'un
certain nombre de délégués choisis à cet effet par les ma*
gistrats, les lettrés, les soldats et les officiera du palais.
Tous les frères royaux^ membres de la famille régnante,
étaient introduits dans le sanctuaire et mis en présence. de
la statue du dieu, qui indiquait par quelque signe convenu
d'avance l'élu de son choix*. Nommé par les prêtres, le
souverain restait toute sa vie durant sous leur domination.
Il ne pouvait entreprendre aucune guerre, ^.ccomplir aucun
acte important, sans en demander la permission au dieu et à
ses ministres. S'il venait à désobéir ou simplement à mar-
quer quelques velléités d'indépendance^ le clergé lui en-
voyait l'ordre de se donner la mort, et il n'avait d'autre
ressource que de se soumettre à cet arrêt. La loi si dure
pour lui n'était pas plus tendre pour ses sujets, La moin-
dre divergence d'opinion, le moindre changement introduit
dans les pratiques du culte était considéré comme une hé-
résie et traité en conséquence. Vers la fin du septième siècle,
quelques prêtres do Napata méditèrent une sorte de ré-
forme religieuse. Ils voulurent, entre autres choses, substi-
tuer au sacrifice ordinaire du vieux rite égyptien différentes
cérémonies, dont la principale consistait à manger crue la
1. Peut-être les Rhausi de Tinscription d'Adulis, Rhapsii de Pto-
lémée. — 2. Les Mataïa de l'inscription grecque d'Axoum, Matita de
Pline et de Ptolémée. — 3. Maspero, The stèles of King Horsiatew and
of King Nastosenen, dans Records ofthe Past, t. VI. — 4. Mariette,
Quatre pages des Archives officielles de VÉthiopiey dans la Revue archêo-
'^gique, sept. 1865; Maspero, la Stèle de V Intronisation,
LA CONQUÊTE PERSE. 535
viande des sacrifices. Cette coutume, sans doute d'origine
nègre, parut abominable aux yeux des orthodoxes. Le roi
se rendit au temple d'Ammon, en chassa les hérétiques, et
fit brûler vifs tous ceux qu'il put trouver. L'usage sacré de
la viande crue n'en persista pas moins : il gagna du terrain
à mesure que Tinfluence égyptienne^ allait s'affailjlissant et
finit par s'établir si solidement, qu'il résista même au chris-
tianisme '. Encore au commencement de notre siècle, les
Abyssins se régalaient de viande crue, qu'ils appelaient
brindé •.
L'isolement dans lequel les Éthiopiens vivaient depuis
qu'ils avaient perdu l'Egypte avait été plus profitable que
nuisible' à leur renommée. A peine entrevus dans la dis-
tance par les nations de la Méditerranée, ils avaient été in-
vestis peu à peu de vertus merveilleuses et presque divi-
nes. On disait d'eux qu'ils étaient .les plus grands et les
plus beaux des hommes ', qu'ils duraient jusqu'à cent vingt
ans et au delà, qu'ils avaient une fontaine merveilleuse
dont l'eau entretenait dans leurs membres une jeunesse
perpétuelle *. Près de leur capitale, il y avait une prairie
sans cesse couverte de boissons et de mets préparés : qui
voulait venait et mangeait à sa fantaisie ^ L'or était si
commun qu'on l'employait aux usages les plus vils, même
à enchaîner les prisonniers : le cuivre était rare et
très-recherché •. Kambysès fît reconnaître le pays par des
espions, et, sur leur rapport, quitta Memphis à la tête do
son armée. Au lieu de remonter le Nil jusqu'à Napata, il
prit la route plus courte du désert : mais il avait mal pris
ses précautions : les vivres lui manquèrent au quart du
chemin, et la famine l'obligea de revenir en Egypte après
avoir perdu beaucoup de monde ^ Ce désastre l'exaspéra :
1. Maspero, la Stèle de V Excommunication, dans la Revue archéoîO'
giquey mars 1873, et dans les Records ofthe Past^ t. IV. — 2. Valentia
et Sait, Voyages dans PHindoustanj à Geylan, sur les deux côtes de la
mer Rouge, en Ahyssinie et en Egypte, traduct. franc., t. III, p. 283; IV,
68. — 3. Hérodote, III, 20. — 4. Id., ibid., 23. — 5. Id., ihid., 17-18,
23. — 6. Id., ibid.j 23. — T. Id., ihid., 25. Diodore prétend que Kam-
bysès arriva jusqu'à Mcroé et y fonda une ville nouvelle (I, 3^3).
536. CHAPITRE Xin.
il oublia le peu de sens politique qu'il avait montré jus-
qu'alors et se laissa emporter à la violence de son caractère.
Le bœuf Hapi était mort en son absence, et les Égyptiens,
après avoir pleuré le défunt le nombre de jours réglemen-
taires, venaient d'introniser un nouvel Hapi qiiand les dé-
bris de Tarmée perse rentrèrent à Memphis. Kambysès
trouva la ville en fête et s'imagina qu'elle se réjouissait de
SCS malheurs. Il manda auprès de lui les magistrats, puis
les prêtres, et les fit mettre à mort sans écouter leurs ex-
plications. Il commanda qu'on lui amenât le bœuf et lui
perça la cuisse d'un coup de poignard dont l'animal mourut
quelques jours après*. Ce sacrilège excita dans le cœur
des dévots plus d'indignation que n'avait fait la ruine de
la patrie : leur haine redoubla quand le Perse mit autant
de soin à heurter leurs préjugés qu'il avait pris de peine
à les concilier auparavant. Il entra dans le temple' de Phtah
à Mçmphis et se moqua d'une des formes sous lesquelles
on avait accoutumé de représenter ce dieu. Il fit violer les
tombeaux anciens, afin d'en examiner les momies. Les
Aryen* eux-mêmes et les gens de sa cour n'échappèrent
pas à sa rage. Il tua sa sœur, dont il avait fait sa femme
malgré la loi qui défendait les mariages entre enfants
du même père et de la même mère. Une autre fois, il
perça d'une flèche le fils de Prexaspès, fit enterrer vifs
douze des principaux parmi les Perses, ordonna de mettre
Krœsos à mort, s'en repentit et cependant condamna les
officiers qui n'avaient pas exécuté l'ordre qu'il se repen-
tait d'avoir donné. Les Égyptiens prétendirent que les
dieux l'avaient frappé de folie en punition de ses sacri-
lèges^.
Rien ne le retenait plus aux bords du Nil : il reprit la
route d'Asie. Il était déjà dans le nord de la Syrie lors-
qu'un héraut se présenta devant lui et proclama à l'ouïe
de toute l'armée que Kambysès, fils de Kyros, avait cessé
de régner, et somma tous ceux qui lui avaient obéi jusqu'a-
1. Il est dit dans le de Iside que Kambysès tua THapi et le donoa aux
chiens. — 2. Hérodote, III, 27-38.
LA CONQUÊTE PERSE. 537
lors de reconnaître pour roi Bardiya, fils de Kyros. Ram-
I>ysès crut d'abord que son frère avait été épargné par
l'officier chargé de l'assassiner : il apprit bientôt que ses
ordres n'avaient été que trop fidèlement exécutés et pleura
.au souvenir de ce crime inutile. U finit par savoir que
l'usurpateur était un certain Graumatâ dont la ressemblance
avec Bardiya était si frappante, que les personnes même
prévenues s'y laissaient aisément tromper. Ce Gaumatâ
avait pour frère un certain Patizêithès à qui Kambysès
avait confié la surveillance de sa maison *. Tous deux con-
naissaient la mort de Bardiya; ils savaient aussi que la
plupart des- Perses l'ignoraient et croyaient le prince encore
vivant. Gaumatâ profita de ces circonstances pour se pro-
clamer roi, et son imposture fut bien accueillie partout* :
les provinces orientales de l'empire venaient de se sou-
mettre à lui sans opposition quand l'un de ses hérauts
rencontra l'armée de Kambysès. D'abord atterré de cette
nouvelle, Kambysès allait partir à la tête des troupes qui
lui étaient restées fidèles, lorsqu'il mourut d'une manière
mystérieuse. L'inscription de Béhistoun semble dire qu'il
se tua de sa propre main dans un accès de désespoir. Hé-
rodote raconte qu'en montant à cheval il s'enfonça la
pointe de son poignard dans la cuiëse à l'endroit même où
il avait blessé le bœuf Hapi : « Se sentant blessé à mort,
il demanda le nom de l'endroit où il se trouvait, et on lui
répondit « Agbatana * ». Or, avant cela, il lui avait été an-
noncé par l'oracle de Bouto qu'il finirait ses jours à Ag-
batana. n avait compris l'Âgbatana de Médie, où tous ses
1. Denys de Milet, qui vivait un peu avant Hérodote, donne à Pati-
zêithès le nom de Panzythès. Ctésias {Persicay § 10) et l'inscription de
Béhistoun (L, U) ne mentionnent qu'un seul mage, que Ctésias appelle
Sphendatès, et Tinscription Gaumatâ. Ce Gaumatâ est le Coméiès de
Trogoe-Pompée et de Justin, I, 9. — 2. Behùtoun, I, 48. Cf. Spiegel,
ErAnisehe AlUrLhumskunde, II, p. 302, et G. Rawlinson, The five great
Monarchies, t. III, p. 398. — 3. Etienne de Byzance mentionne une
Ecbatane syrienne, et Pline, H, iV., V, 19, assure que la ville de Carmel
s'appelait d'abord Ecbatane. On a voulu identifier l'Agbatana syrienne
d'Hérodote avec Batanœa oii avec Hamath ; peut-être faut- il la rappro-
cher du Bakhtan des textes hiéroglyphiques.
538 CHAPITRE XHI.
trésors étaient, et avait pensé qu'il y mourrait dans un
âge avancé : mais Toracle entendait Agbatana de Syrie.
Lors donc qu'il eut ouï le nom de l'endroit, il revint à lui :
il comprit le sens de l'oracle et dit : <c C'est donc ici que
Kambysès, fils de Kyros, est condamné à mourir. » U
expira vingt jours après, sans laisser de postérité et aaos
avoir désigné son successeur^.
daamatft et Darlos 1**'^ réorganlsMlon et division de
Templre perses expéditions vers le lyord et Ters l'Est s
en Seylhte et en C^rèee.
•
On a considéré souvent la révolte de Gaumatâ comme
une sorte de mouvement national qui rendit aux Mèdes
leur ancienne suprématie et enleva un mcnnent aux
Perses l'empire de l'Asie^. Gaumatâ n'était pas Mède: il
était né en Perse, dans la petite ville de Pisyaouvada, près
du mont Arakadris*. D'abord soutenu par les provinces
centrales et orientales, il fut reconnu de tout l'empire
aussitôt après la mort de Kambysès. On le tenait généra-
lement pour Bardiya, et cela suffisait pour lui assurer le res-
pect et la fidélité des Perses. Afin de gagner à sa cause les
1. Hérodote, III, 64-65. Ce conte du perspnnagô auquel on prédH
qu'il mourra dans un endroit connu, et qui est frappé à mort dans un
endroit inconnu du même nom, a servi plusieurs fois dans Phistoire.
Témoin l'exemple de l'empereur Julien et celui du roi d'Angleterre
Henri IH, à qui on ayait annoncé qu'il mourrait à Jérusalem^ e( qui
mourut, en effet, dans une chambre du château de "Westminster qu'on
appelait Jérusalem. Ctésias {Persica, § 12) raconte que Kambysès sô
blessa à Babylone un jour qu'il s'amusait à sculpter du bois. —
2. La plupart des écrivains anciens ont partagé cette opinion (Héroi
dote, HI, 61, 199,* Platon, lots, III, p. 694-695, etc.), que le plus grand
nombre des écrivains modernes a cru devoir adopter à leur suite (Nie*
buhr, Vortràae ûber alte Geschiehte, I, 157, 399; Grote, ffùfory of
GreecejlVj p. 301-302; Spiegel, ^^rdnisc/ie Aîterthumskunde, II, p. aïO).
M. Georges Rawlinson a fort bien montré que le mouvement de Gau-
matâ n'avait pas pris naissance en Médie et n'avait rien cbangé à la do-
mination persane : il a^met que l'usurpation des Mages était le pré-
. lude d'une révolution religieuse {On the Magian Révolution and lA«
Tteign of the pseudo-Smerdis, dans Herodotus, t. HI, p, 454-459). —
3. Behistoun, Col. I, § II, 1. 3.
LA CONQUÊTE PERSE. 539
peuples vaincus, il les dispensa pour trois ans de l'impôt
et du service militaire*. Six mois durant il régna sans
que personne soupçonnât l'imposture et vît en lui autre
chose que l'héritier légitime du trône, le fils du grand
Klyros et le frère de Kambysès.
A la fin pourtant la crédulité publique commença de
s'ébranler. Les révélations faites par le dernier roi sur son
lit de mort n'avaient trouvé d'abord que peu de créance :
on les avait attribuées à la jalousie ou à la haine frater-
nelle et on avait passé outre. D'autres faits survinrent qui
semblaient montrer que Kambysès avait eu raison de
parler comme il l'avait fait. Selon Pusage, le nouveau roi
avait pris avec la couronne le harem de son prédécesseur;
on sut que les femmes en étaient tenues séquestrées et ne
pouvaient plus communiquer entre elles ou avec le monde
extérieur que par messages secrets au péril de leur vie.
On apprit même, s'il faut en croire la tradition, que le pré-
tendu Bardiya était essorillé, et Ton conclut de cette
mutilation qu'il n'était pas le fils de Kyros*. Sept des
principaux personnages de la cour, et parmi eux Daryavous
(Darios^), fils de Vistaçpâ (Hystaspês), qui appartenait à
la famille akhéménide, surprirent Gaumatâ dans son pa-
lais, et le forcèrent à se réiugier en Médie dans le fort de
Sikthaouvatis. Il y fut tué avec les Mages qui l'avaient
soutenu, et Darios monta sur le trône en sa place (521).
Il avait régné six mois *.
1. Hérodote, HI, 67. — 2. Id., ihid. — 3.SU'£^l)on savait déjà que le
véritable nom du prince appelé Aapeïo; par les Grecs était Aapiau7]ç. —
4. Tous les récits d'Hérodote, III, 68-88, sur la mort du faux Smerdis,sur
la délibération des sept conjurés, sur la manière dont Darios fut élu roi
grâce à une ruse de son écuyer, doivent être mis au rang des légendes*
L'inscription de Behistoua ^çol. 1,§ 13) dit simplement : « Je priai vers
Aouramazda, et Aouramazda me fut secourable. Le 10 du mois de
BagayadiSydivec mes fidèles, je tuai ce Gaumatâ, le Mage, et ceux qui
étaient ses principaux complices. Le fort Sikthaouvatis, dans le district
do Médie nommé Nisaya, c'est là que je le tuai. Je le dépossé-
dai de l'empire. Par la grâce d'Aouramazda je devins roi; Aouramazda.
m'accorda le sceptre.... L'empire qui avait été enlevé à notre famille,
je le recouvrai. »
540 CHAPITRE XIII.
Les deux révolutions qui venaient de se succéder coup
sur coup en moins d'une année avaient ébranlé la puis-
sance des Perses. L'empire tel que l'avait établi Kyros
ne différait guère des anciens empires de TÉgypte, de
l'Assyrie et de la Ghaldée. A part Tétendue, c'était le même
assemblage hasardeux de provinces administrées par des
gouverneurs, de royaumes vassaux, de villes et de tribus
mal soumises. Tout prétexte était bon à révolte pour ces
sujets impatients du maître. Au regret du souverain qui
avait allégé leurs charges se mêla bientôt le désir de pro-
fiter de sa mort pour recouvrer l'indépendance. La Susiane
se souleva la première sous la conduite d'un certain
Atrina, et de Susiane la contagion passa sur-le-champ en
Ghaldée. Nadintav-Bel, fils d'Aniri, se donna pour le fils
de Nabou-nahid et prit le nom de Nabou-koudour-oussour,
qui rappelait aux gens de sa race les souvenirs les plus
glorieux de leur passé. Babylone s'insurgea ( 520 ), le
reste du pays suivit bientôt cet exemple, et la révolte s'é-
tendit à ce point que Darios, laissant à ses généraux le
soin de battre Atrina, prit le commandement des troupes
destinées à agir en Ghaldée. Il força le passage du Tigre,
rencontra les rebelles sur les bords de l'Euphrate près d'un
bourg nommé Zazannou, les battit et en jeta une partie à
la rivière. Nabou-koudour-oussour s'échappa avec quel-
ques cavaliers et courut s'enfermer dans Babylone. La
ville n'était pas préparée à soutenir un long siège ; il dut
se rendre après quelques semaines de résistance et fut
mis à mort* (519). La légende ne tarda pas à défigurer
le récit de cette guerre; moins d'un demi-siècle plus tard
on contait déjà que Darios, arrivé devant Babylone,
l'avait trouvée toute prête à la défense. Les habitants
avaient réparé les murs, coupé les canaux, assemblé des
provisions, et s'étaient débarrassés des bouches inutiles en
tuant toutes leurs femmes, excepté celles dont on avait
1. Behistouriy I, § 16; II, § 1; Cf. J. Menant, les Achéménides,
p. 108-109, et Schrader, Die Assyrisch'Bahylonisiche KeUinschriftcn^
p. 344-345.
LA CONQUÊTE PERSE. 541
lesoîn pour faire le pain. Vingt mois s'étaient écoulés et
les Perses commençaient à désespérer du succès, quand
iZopyros, un des sept, se coupa le nez et les ^oreilles, se
déchira le corps à coups de fouet, et s'introduisit dans la
place comme transfuge et victime des cruautés de son
maître. Mis à la tête d'un corps de troupes, il fit plusieurs
sorties heureuses, obtint la garde du rempart et livra deux
portes aux assiégeants. Trois mille Babyloniens furent
mis en croix ; les murs détruits et la ville repeuplée de
colons étrangers^. L'antiquité entière admira sur la foi
d'Hérodote la trahison de Zopyros ; la découverte des mo-
numents originaux a prouvé que c'était un conte de plus à
retrancher de l'histoire.
Darios était encore engagé en Chaldée, lorsqu'une in-
surrection formidable éclata au nord et à l'est dans
les provinces qui avaient fait partie de l'empire mède.
La Média, l'Arménie, l'Assyrie, reconnurent pour roi
Fravartis, qui descendait de la race de Kyaxarès et prit
en montant sur le trône le nom de Khshâtritâ. Avant de
se lancer dans une lutte aussi redoutable, Darios voulut
en finir avec les rebelles du sud. L'insuccès d'Atrina
n'avait pas découragé l'Elam ; un Perse nommé Martiya
s'y fit proclamer roi sous le nom.d'Oumman. Darios n'eut
qu'à paraître pour triompher de ce rival; à la nouvelle
de son approche, les Êlamites saisirent Martiya et le
mirent à mort *. Libre de ce côté, il dépêcha trois de ses
généraux contra Fravartis ; il confia à Dâdarshis l'Ar-
ménien le comm9.ndement de l'armée destinée à agir en
Arménie, à Vaoumiça le soin de réduire l'Assyrie, à Vi-
dama, l'un des sept, la tâche plus difficile de reconquérir
1. Hérodote, III, 150-160. Ctésias {Persiea, § 22) place le siège de Ba-
bylone sous Xerxès; d'après lui ce fut Mégabyzos^ ûlsde Zopyros, et
non pas Zopyros lui-même, qui se mutila et livra la ville. Polyen
{Stràtag., VIII, 11, § 8) prétend que le stratagème de Zopyros fut conçu
à rimitation d'un Sace habitant au delà de l'Oxus. Les écrivains latins
ont transporté Thistoire de Zopyros en Italie et Tont placée à Gabies
(Tite-Live, I, 59-54; Ovide, Fastes, II, 683-710), mais Sextus Tarquin ne
pousse pas le dévouement jusqu'à se mutiler. — 2. Béhistoun^ U, §§ 3|
%; J. Menant, les Âchéménides, p. 109-110.
542 CHAPITRE XIII.
la Médie propre. Les trois généraux attaqueront de concert
les troupes du prétendant et les battirent à plusieurs re-
prises sans obtenir d'ayantage décisif; THyrcanie et la
Parthyène, qui jusqu'alors étaient restées indécises, se joi-
gnirent aux rebelles, et tout le bassin de la Caspienne fut
perdu pour les Perses. L'imminence du danger décida
Darios à donner de sa personne l il quitta Babylone^ pé-
nétra en Médie par la passe de Kerend, rallia Yidama et
rencontra Tennemi près du bourg de RoudoilrouB. Fra-
Tartis battu s'enfuit Ters le nord, sans doute afin de
gagner la montagne et d'y prolonger la guerte; il fut
pris près de Ragâ, conduit à Ecbatane et crucifié à la tue
de ses anciens sujets ^(518). Lui vaincii, la soumission des
autres proTinces ne fut plus qu^ne affaire de temps. Gîtra-
takhma, qui tenait encore en Sagartie, succomba le pre-
mier; Vistâçpa, père de Darios, réduisit THyrcanie, et le
gouverneur de Bactres comprima un mouvement de la
Margiane. Une révolte de la Perse et de l'Arachosie, à
l'instigation de Vahyaidâta, qui se fit pasôer pour Bar-
diya, fils de Kyros^ un second soulèvement de Babylone,
une troisième insurrection de TËlam, furent étouffés
promptement ; les Saces^ attaqués par Darios lui-même, ne
posèrent les armes que longtemps après la défaite des
autres rebelles*. Aucune des provinces occidentales n'avait
bougé. Un instant seulement on put craindre quelques com-
plications du côté de l'Asie Mineure. Droites, gouverneur de
Lydie, affectait des allures d'iûdéfeûdance et menaçait
de devenir dangereux; il fallut l'assassiner pour s'en débar-
rasser. Bagfieos, envoyé à Sardes, remet aux troupes perses
qui s'y trouvaient Tordre royal de lie fjlus garder Oroîtès.
« Aussitôt ils mirent bas leurs piques. Lors, Bagœos,
voyant qu'ils obéissaient à Ce décret, prit courage et remit
aux mains du secrétaire une dernière lettre où il était
dit : ce Le roi Darios commande aux Perses qui sont à
1. BehistoUnf IT, B-13. C'est â cette révolte de ftédie qu'Hérodote fait
aUusion dans le livre I, 130, de son histoire. — 2. Behistoun, II, 13; IV,
1; J. Menant, les AchémcnideSj^, 110-119,
LA CONQUÊTE PERSE. 543
« Sardes de tuer Oroitèë. * Stir quoi l€18 gardes tirèrent
leurs sabres et le tuèrent sur-le-champ*. » Vers le milieu
de 516 tout était fini: Dariôs régtiait en paix sur le terri-
toire que Kyros et Kambysès avaient possédé *.
L'expérience de ces six années ne fut pâs perdue pour
liii. Il voulut rompfe aveô la trâditioîi du passé et fonder,
sur des principes nouveaux, un véritable état perse diffé-
rent de ce qu'avaient été jusqu'alors les empires asiatiques.
H ne songea pas à fondre leâ races qui peuplaient son do-
maine. Loin de là, il les encouragea à retenir leur langue,
leurs mœurs, leur religion, leurs lois, leurs constitutions
particulières. Les Juifs obtinrent la permission d'achever la
construction de leur temple' • les Grecs d'Asie gardèrent
leurs gouvernements variés, là Phéilicie conserva ses rois
et ses suffètes, l'ïigyptô ses nomarques héréditaires. Mais
il y eut au-dessus de ces pouvoiri^ locaux une autorité
unique, supérieure à tous et la tnême partout. Le territoire
fut divisé en grands gouvernements, dollt le nombre varia
selon les temps. Au début, il y eii avait vingt-trois :
1* La Parçâ ou Perse proprement dite ;
2° L'Ouvajâ, Élam, oÛ ëe trouvait Sus8, l'une des rési-
dences favorites de Darios ;
8° Babirous, la Ghaldée ;
4° Athourâ, l'Assyrie du ELhabour au mont ZagroS;
5» Arabayâ, la Mésopotamie entre le Khabour et l'Eu-
phrate, la Syrie, la Phénicie et la Palestine ;
6*» .L'Egypte (Moudrâya) ;
l"" Les peuples de la Mer (Tyiya darayahyâ), parmi les-
quels on comptait les CSliciens et les Chypriotes ;
8** L'Yaounâ, qui renfermait, outre la Lycie, la Carie et
1. Hérodote, 11, 126-128. — 2. H. Rawlinson, The Persian Cuneiform
Inscription at Behistun, dans le Journal of the Royal Asiatic Society y
t. X, 1849, et dans G.» Rawlinson, Herodotus, t. II, p- 490-308; Oppert,
les Inscriptions des AchéménideSj Paris, 1852; Schrader, Die Àssyrisch"
.Babylonische Inschrifléh, p. 339-359,* J. Menant, les AchêménideSy'pAOU
126; G. Rawlinson, The ^ve great Moimrchies, t. III, p. 409-415; Spie-
gel, EràniHhe AU&rt^mskmde^ t. Il, p. 316-327. — 3i JFXfû, V, 2]
Haggaï, I, 14.
544 CHAPITRE XIE,
la Pamphylie, les colons grecs de la côte, Ioniens, Eoliens
et Doriens;
9^" La Lydie et la Mysie (Çpardâ) ;
lO^^LaMédie;
11" L'Arménie;
12^ La Katpatouka, c'est-à-dire toute la région centraJe
de l'Asie Mineure, du Tauros au Pont-Euxin;
13" La Parthyène et THyrcanie (Parthava) ;
14" La Zarânka (Zarangie);
15" L'Haraïva (Arie);
16" L'Ouvârazmiya (Ghorasmie) ;
17" La Bactriane (Bakhtrîs) ;
18» La Sogdiane (Çoughdâ);
19" La Gandarie (Gandara);
20** Les Çaka ou Saces, aux plaines de la Tartarie, près-
que sur les confins de la Chine;
21" Les Thatagous ou Sattagydes, dans le bassin supé-
rieur de l'Helmend;
22" L'Haraouvatis (Arachosie) ;
23" Les Maka, qui habitaient les pays à l'occident de la
Caspienne, entre le Caucase et le lac d'Ouroumiyèh. Ce
nombre s'accrut encore par la conquête : à la fin de son
règne, Darios comptait dans l'empire trente et une sa-
trapies*.
Si chacun de ces gouvernements avait été régi par un
seul homme, investi de pouvoirs royaux, et à qui il ne man-
quait du roi que le titre et l'hérédité, l'empire aurait couru
le risque de se résoudre bientôt en un amas confus de
principautés sans cesse en lutte contre la Perse. Pour évi-
ter des révoltes perpétuelles, Darios évita de concentrer
dans les mêmes mains l'autorité civile et le commande-
ment militaire. Il établit dans chaque gouvernement trois
officiers indépendants l'un de l'autre, et qui relevaient di-
rectement de la cour : le satrape*, le. secrétaire royal
1. Behistounj § 1, § 6. L'inscription de Persépolis compte yingt-<;inq
satrapies ; celle de Nach-i-Roustem en renferme trente et une ; Héro-
dote (III, 90-95) n'en énumère que vingt. — 2. En perse : khshairapd,
khshâtrapan, khshatrapdva.
LA CONQUÊTE PERSE. 545
et le général. Les satrapes étaient choisis par le roi. Bs
pouvaient être pris dans n'importe quelle classe de la na-
tion, parmi les pauvres comme parmi les riches, parmi les
gens de race étrangère comme parmi les Perses ' : mais
l'usage s'établit de ne confier les satrapies importantes
qu'à des personnages alliés par le sang ou par un mariage
à la famille royale. Ils n'étaient pas nommés pour un
espace de temps déterminé, mais restaient en charge aussi
longtemps qu'il plaisait au souverain les y maintenir.
Ils exerçaient le pouvoir civil dans toute sa plénitude,
avaient des palais, des parcs ou paradis, une cour, des
gardes du corps, des harems bien fournis, répartissaient
l'impôt à leur guise, administraient la justice, possédaient
le droit de vie et de mort en matière civile et criminelle.
Ds avaient auprès d'eux un secrétaire royal; ce personnage,
chargé ostensiblement du service de la chancellerie, n'é-
tait en réalité qu'un espion occupé à surveiller tous les
actes et toutes les démarches de Von chef pour en rendre
compte à qui de droit. Les soldats perses, les troupes indi-
gènes et les mercenaires cantonnés dans la province, étaient
sous la main d'un général, souvent ennemi du satrape et
du secrétaire. Ces trois pouvoirs rivaux se balançaient et
se tenaient mutuellement en échec, de manière à rendre
une révolte, sinon impossible, au moins difficile. Ils étaient
en rapports perpétuels avec la cour par des services de
courriers, régulièrement établis, qui transportaient leurs
dép"éches d'un bout de l'empire à l'autre en quelques se-
maines. Pour surcroît de précautions, le roi envoyait
chaque année dans les provinces des officiers qu'on nom-
mait ses yeux et ses oreilles, parce qu'ils étaient chargés
de voir et d'entendre pour lui ce qui se passait sur les par-
ties les plus reculées de son territoire. Us paraissaient à
l'improviste, examinaient l'état des choses, réformaient cer-
tains détails d'administration, réprimandaient et suspen-
daient au besoin le satrape : ils étaient accompagnés d'un
1. Hérodote^ ÎX, 107, connaît au moins un satrape grec^ Xénagoras
4*Halicarnasse.
HI5T. AUC 3ô
546 CHAPITRE XHI.
corps de troupes qui appuyait leurs décisions et donnait à
leurs conseils une autorité qu'ils n'auraient peut-être pas
eue sans cela. Un rapport défavorable de ces offî^^iers, une
désobéissance légère, même le simple soupçon d'une déso-
béissance, suffisaient à perdre un satrape ; quelquefois on
le déposait, souvent on le condamnait à mort sans procès,
et on laissait aux gens de sa suite le soin de son exécu-
tion. Un courrier arrivait à l'improviste, remettait aux
gardes l'ordre de tuer leur chef, et les ga.rdes obéissaient
sur simple vue du firman royal.
Cette réforme administrative ne plut pas aux Perses : ils
se vengèrent par des railleries de l'obéissance à laq;ueUe
Darios prétendait les plier. Kyros, disaient-ils, avait été un
père, Kambysès un maître : Darios n'était qu'un cabaretier
affamé de gain *. La division de l'empire avait eu un but
financier autant et plus encore qu'un but politique : répar-
tir, lever, verser l'impôt^ était le grand devoir des satrapes.
La Perse propre fut dispensée de charge régulière : ses
habitants étaient seulement tenus de faire un cadeau au
roi toutes et quantes fois il traversait leur pays. Le cadeau
était proportionné à la fortune de l'individu; ce pouvait
n'être qu'un bœuf ou un mouton, même un peu de lait ou
de fromage, quelques dattes, une poignée de farine ou des
légumes^. Les autres provinces furent frappées, en raison
de leur étendue et de leur richesse, d'un tribut payable
partie en argent, partie en nature. Le revenu en argent
s'élevait à 1460 talents euboïques, ce qui fait en poids
82 799 866 francs, et en tenant compte de la valeur
relative de l'argent aux différentes époques, environ
663 000 000 de francs. Afin de rendre le» payements moins
difficiles, Darios mit en circulation une monnaie d'or et
d'argent à laquelle on a donné son nom. Les dariques
portent au droit une figure de roi armée de l'arc ou de la
javeline : elles sont épaisses, irrégulières, grossières de
1. Aap&toç (jkèv xànvjXoç, Ka|i,0U(n]ç 6è SeaicoT));, Kûpo; ôè naxi^p,
lièv ÔTt êxaiiToXeue wovTa Ta icp(XY(iaTa.... (Hérodote, III, 89). — 2. Héro-
dote, m, 97; BUen, For. Bût., I, 31.
LA CONQUÊTi! PERSE. 547
frappe. Tout l'argent brut qu'on recevait était coulé dans
des vases de terre et conservé dans les trésors royaux,
d'où il ne sortait que pour être monnayé selon les be-
soins ou le caprice du moment. L'impôt en nature n'était
pas moins considérable. L'Egypte fournissait le blé né-
cessaire aux lâÛOOO hommes qui l'occupaient militaire-
ment ^ Les Mèdes donnaient chaque année 100 000 mou-
tons, 4000 mulets, 3000 chevaux; les Arméniens, 30 000
{)0ulains*; les gens de Babylone, 500 jeunes eunuques;
a Cilicie, 366 chevaux blancs, un pour chaque jour de
l'année*. Les taxes royales n'avaient rien d'exagéré, mais
elles ne sauraient donner la mesure des charges que sup-
portait chaque province. Les satrapes ne recevaient aucun
traitement de 1 État : ils vivaient sur le pays avec leur
suite et sô faisaient payer largement par les indigènes. Le
seul gouvernement de Babylone rendait chaque jour à son
f)0ssesseur une pleine artabe d'argent* : l'Egypte, l'Inde,
a Médie, la Syrie, ne devaient pas rapporter beaucoup
moins, et les provinces les plus pauvres n'étaient pas les
moins lourdement frappées. Les satrapes coûtaient à entre-
tenir au moins autant que le roi.
Avec tous ses défauts, ce système était de beaucoup pré-
férable à celui qu'on avait employé jusqu'alors dans tout
l'Orient. Il assurait au souverain un budget régulier, met-
tait les provinces sous sa main, et rendait les révoltes na-'
tionales fort difficiles. La mort de chaque roi ne fut pas
suivie comme autrefois de soulèvements dont la compres-
sion remplissait une bonne partie du règne suivant. Darios
n'eut pas seulement la gloire d'organiser l'empire perse : il
trouva une forme de gouvernement qui servit désormais
de type aux grands États orientaux. Sa renommée d'orga-
nisateur a même nui à sa gloire militaire : on a trop sou-
vent oublié qu'il avait agrandi ses domaines dans le temps
qu*il en réglait l'administration. A force de victoires, les
I. Hérodote, 111,91.-2. Strabon, 1. XI, 13, 14. — 3. Hérodote, III,
91; VI, 42. — 4. Id., .1, 192. Cela fait par an, en poids, près de
2600000 francs de notre monnaie.
548 CHAPITRE XIE,
Perses en étaient arrivés à ne plus trouver d'issues que
dans deux directions opposées, à Test vers Tlnde, à Touest
vers la Grèce. Partout ailleurs ils étaient arrêtés par des
mers ou par des obstacles presque infranchissables aux
lourdes armées de l'époque, au nord : la mer Noire, le Cau-
case, la Caspienne, les steppes de la Tartarie ; au sud, la
mer Erythrée, le plateau sablonneux de T Arabie, le désert
d'Afrique. Un moment, vers 512, on put croire qu'ils al-
laient se jeter à l'est*. Du haut des montagnes qui bor-
nent l'Iran, ils dominaient au loin les immenses plaines
de THeptahendou (Pendjab) . Darios envahit ce pays, y con-
quit des territoires étendus, dont il forma une satrapie nou-
velle, celle de l'Inde, puis, renonçant à pousser plus loin
vers le Gange, fit reconnaître les régions du sud. Une
'flotte construite à Peukéla et placée sous les ordres d'un
amiral grec, Skylax de Karyanda, descendit l'Indos jusqu'à
son embouchure et soumit sur son passage les tribus ,qui
bordaient les deux rives du fleuve. Parvenue à la mer, elle
cingla vers le couchant et releva en moins de trente mois
les côtes de la Gédrosie et de l'Arabie.
Une fois engagés dans l'Inde, les Perses auraient pu
y fournir sans grand péril une carrière brillante et
lucrative. Je ne sais quelle circonstance les empêcha
de poursuivre leurs premiers succès et ramena leur atten-
tion sur les pays de l'Occident. Darios forma le dessein
de soumettre les Grecs d'Europe. Mais, avant de se lancer
dans cette expédition, la prudence lui commandait de
conquérir ou du moins d'effrayer les peuples qui au-
raient pu inquiéter sa marche : il attaqua les Scythes. Une
première expédition, commandée par Ariaramnès, satrape
de Cappadoce, franchit le Pont-Euxin, débarqua sur la côte
opposée quelques milliers d'hommes et ramena des prison-
niers qui fournirent aux généraux perses toutes les infor-
mations dont ils avaient besoin^. Darios, renseigné
1. La satrapie de l'Inde n'esfc pas nommée dans rinscription de
Béhistoun, mais se trouve sur les listes de Persépolis et de Nach-i-
Roustem. L'expédition de Darios doit donc se placer entre 515 et ^12. —
?• Ctésias, PcfiîCd, § 16.
LA CONQUÊTE PIîIRSE. 549
par eux, franchit le Bosphore avec huit cent mille
hommes , soumit la côte orientale de la Thrape et
passa le Danube sur un pont de bateaux construit par les
Grecs d'Ionie (508). Les Scythes n'acceptèrent point la ba-
taille qu'il leur offrait : ils détruisirent les fourrages, com-
blèrent les puits, emmenèrent le bétail et se retirèrent
dans l'intérieur, le laissant aux prises avec la famine et les
difficultés du terrain. L'intendance perse avait pris ses
précautions et rassemblé toutes les provisions nécessaires :
deux mois durant, Darios parcourut les steppes de l'Ister
au Tanaïs. Il pénétra au cœur même de la Russie, brûla
les villages, saccagea tout ce qu'il rencontra, puis revint
vers le sud sans autre perte que celle de quelques malades.
Pendant son absence, les Barbares avaient engagé les
Grecs à détruire le pont de bateaux et à retourner chacun
dans sa ville. Miltiades d'Athènes, tyran de Chersonèse,
voulait qu'on suivît leur conseil : HistiœosdeMilet s'y op-
posa, et son avis prévalut*. Darios, revenu sain et sauf,
rentra en Asie, après avoir laissé à Mégabyzos une armée
de quatre-vingt mille hommes qui soumit l'une après l'au-
tre les tribus indigènes et les villes grecques de la Thrace
et força le roi de Macédoine à se reconnaître tribu-
taire (506). L'expédition de Scythie est considérée d'or-
dinaire comme un caprice de despote : en fait, ce fut une
entreprise bien conçue et bien menée. Elle valut à la Perse
une province nouvelle, la province de Thrace, et, ce qui va-
lait mieux, elle assura à l'empire la tranquillité. Les Scy-
thes terrifiés se gardèrent bien de l'inquiéter et en res-
pectèrent désormais les frontières. Darios, assuré de ce
côté, fut libre de poursuivre ses projets de conquête sur
rOccident.
La Thrace et la Macédoine soumises d'une part, les
Grecs de la Cyrénaïque réduits de l'autre (506), les Perses
se trouvaient mis directement en contact avec la Grèce
propre. L'invasion qu'ils méditaient fut prévenue par une
révolte de la Grèce d'Asie. Il n'entre pas dans le plan de
1. Hérodote» IV^ 143; V, 2> 10; etc.
••- -, ;u,av.
550 CHAPITRE Xm.
cette liistoife de raconter en détail le soulèTement da TIo-
nie et les événements qui suivirent. Pour la première fois
depuis Tavénement de Kyroa, l'empire perse éprouva un
échec sérieux qui compromit sa sécurité. Sardes fut prise
et brûlée; la Carie, les peuples de l'Hellespont, Chypre,
rejetèrent le joug du grand roi : sans leurs désunions les
Grecs d'Asie auraient réussi peut-être à rester libres. Leur
défaite et leur soumission assurées, Darios songea à tirer
vengeance des Athéniens et des Brétriens, qui avaient pris
part à la lutte. Une première expédition sous Mardonios
échoua (492). Deux ans plus tard, Datis et Artaphernès,
débarqués en Attique, furent battus à Marathon (400).
Ces désastres ne découragèrent pas le vieux roi : trois an-
nées durant il rassembla des armes, des provisions, des
soldats, des vaisseaux t il allait se mettre en marche en
487, quand un accident imprévu l'arrêta.
m^^
CHAPITRE XIV.
LA BËGABEIfGE £Ï tA CflUtË DE L'EU^IRË PëHBB
Xetxèsl**; les guerres médiquës; Artaxerxès I"; Darios IL — Arta-
xerxès II (405-362). — Artaxerxès III Okhos (362-339); les dernières
• dynasties indigènes de l'Egypte (404-343) ; Darios IIÎ et Alexandre
de Macédoine; chute de Tempire perse.
Xerxès K"i les guerres médlqaes; Àrlaxerxès I^|
Darios II.
Depuis son avènement, ÏDàrlbs fe'était toujôttrs étudié â
mériter Tamour, ou du moins â gagner là tolérance de sefl
sujets égyptiens. Avec iin peuple dévOt et plein de sa
vieille gloire, le meilleur mojreû d'y réussilr était dé i^es-*
pecter la religion et de s'incliner devant un passé dont le
retour n'était pas à craiadré. Il releva les teiiiples abattus
DÉCADENCE ET CHUTE DE L'BMPIRE PERSE. 551
par Eambysès et accorda sa faveur aux prêtres persécutés*.
La conduite oppressive du satrape Aryandès faillit un mo-
ment détruire les résultats de cette politique : il le destitua
et le mit à mort *, pas assez tôt cependant pour prévenir
une révolte. Il accourut en toute hâte, et le hasard voulut
qu'il arrivât à Memphis quelques jours après la mort d'un
Hapi. Eambysès s'était moqué du dieu et l'avait frappé :
Darios le pleura et promit, dit-on, cent talents d'or à qui
en trouverait un nouveau. Sa piété ramena les rebelles : ils
se soumirent sans combat *. Avant de quitter le pays, il
visita le grand temple de Phah et voulut y placer sa statue
à côté de celle de Sésostris. Les prêtres iie le lui permirent
point, ce car, dirent-ils, Darios n'a pas égalé les actions
« de Sésostris l'Égyptien. Il n'a pas vaincu les Scythes
« que Sésostris avait vaincus. » Darios répondit qu' « il
« espérait faire autant que Sésostris, s'il vivait aussi long-
« temps que Sésostris avait vécu, » et s'inclina devant l'or-
gueil patriotique des prêtres ses sujets*. Il rétablit du
mieux qu'il put les anciennes voies commerciales qui
avaient jadis porté en Egypte toutes les richesses du
monde ancien. Il rouvrit le canal des deux mers, auquel
lé voyage de Skylax avait donné plus d'importance que
jamais* : les marchandises arrivèrent directement des
bouches de l'Indos dans les ports de la Méditerranée. U
exploita la route qui va de Goptos à la mer Rouge, et celle
qui mène de Siyout et d'Àbydos au Soudan. La grande
Oasis, où les princes saïtes avaient déjà envoyé des colons
grecs, reçut de fortes garnisons et devint un des postes
les plus importante de l'Bgypté. Il Jr fit cdîistlruire, dahs la
1. De
2. Hérodote
Rougé) Mémoire suf la statuette naophàre du Vatican, —
iote^ ly, 166.— 3. Polyen., Sirat.^ \lï, \l, 7. L'Hapi en question
ne peut être l'Hapi mort en 517; rinscription de Béhistoun ne marque
aucune révolte de TÉgypte, et d'ailleurs la conquête de la Gyrénaïque
par Aryandès (Hérodote^ IV, 166-167,, 200-204 J^ est pqstérieure à
f expédition de Scythie. Le yoyage de barios en Egypte doit donc se
placer vers ie temps de la révoite d'ïonie, eijtre 504 et ^98. — 4. Hé-
rodote, 11^ lié; Diodore, I, 58^ 5.— 5. Hérodote, . II, 1^9; On ^.trouvé
sur plusieurs points de l'isthmei et notamment à Ghalouf, des stèles tri-
lingues de Darios.
552 CHAPITRE XÎV.
petite ville de Hib ^, un grand temple d'Ammon^ dont les
ruines subsistent encore aujourd'hui^. Les Égyptiens le
mirent au nombre des six législateurs dont ils vénéraient
le nom et la mémoire. •
La reconnaissance ne fut pas assez forte pour étouffer en
eux le souvenir de l'indépendance ou le désir de la liberté.
En 486*, ils chassèrent les Perses et proclamèrent roi
Ehabbash, qui descendait probablement de la &mille de
Psamétik. Darios ne voulut pas arrêter pour si peu sa
grande expédition contre la Grèce : il rassembla une nou-
velle armée et se préparait à mener les deux guerres de
front, lorsqu'il mourut dans la soixante-treizième année de
son âge, et dans la trente-sixième année de son règne
(485) *. Avant d'être roi, il avait eu trois enfants d'une
première femme, fille de Gobryas. Artabazanès, l'aîné
d'entre eux, avait longtemps été considéré comme héritier
présomptif et avait probablement exercé la régence en cette
qualité pendant l'expédition de Scythie^. Mais au moment
de la révolte d'Egypte, quand Darios eut à désigner, son
successeur, la reine Atossa lui remontra qu'il valait mieux
choisir l'aîné de ses enfants à elle, Khshayarsha (Xerxès),
qui était né dans la pourpre et descendait par elle de Kyros.
Son influence était toute-puissante sur le vieux roi : il céda*,
et peu de temps après Xerxès monta sur le trône sans
opposition. C'était un homme d'environ trente-quatre ans,
faible d'esprit et de caractère. Il songea d'abord à suspen-
1. Aujourd'hui el-Khargeh, — 2. Cailliaud, Vogage à Voasis de Thè-
mes, pi. X, 399; Hoskins, Visit to the great Oasis, p. 118; Lepsius, Hte-
Toglyphisehe Inschriften in den Oasen von Khàrigeh und Dàkhileh, dans
la Zeitschrifty 1874, p. 73-83. — 3. Le contrat démotique 3231 du Louvre
porte la date du troisième mois de la seconde saison de Tan zzzt de Da-
rios P'.La révolte de Khabbash eut donc lieu entre juin et septembre 486
(Unger, Mcmetho, p. 289). — 4. C'est le calcul d'Hérodote. D'après Cté-
sias, Persica, § 19, il avait vécu soixante-douze ans et régné trente et
un. Sur Darios I*% y. G. Rawlinson^ The five great Monarchies, t. m,
p. 404-444; Spiegel, Erânische AUertkumskunde, t. Il, p. 315-317. —
6. Cf. à ce sujet G. Rawlinson, The five great Moruirchies, t III, p. 145-
146. — 6. Hérodote, VII, 2. Ctésias^ Periiea, § 20, ne dit rien de ces
événements.
DÉCADENCE ET CHUTE DE l'EMPIRE PEUSE. 553
dre les armements contre la Grèce, mais les conseillers de
son père lui remontrèrent qu'il ne pouvait laisser sans
vengeance Féchec de Marathon, et finirent par l'entraîner à
la guerre . Avant de passer en Europe, il voulut réduire
de nouveau TÉgypte à l'obéissance. Le roi Ehabbash avait
fait de son mieux pour recevoir chaudement les Perses. Il
avait employa les trois années de répit qu'ils lui avaient
données à parcourir les côtes du Delta, à mettre les marais
et les bouches du fleuve en état de défense, afin de repous ■
ser l'attaque par mer qu'il prévoyait*. Ses précautions ne
lui servirent de rien au moment décisif : Xerxès l'accabla
sous le nombre. Les nomes du nord , qui avaient pris le
plus de part à la révolte, furent imposés lourdement, les
prêtres frappés d'amende et le temple de Bouto dépouillé
de ses biens*. Khabbash disparut au milieu du désas-
tre, sans qu'on sache au juste ce qu'il devint; Akhéménès,
frère du roi, fut nommé satrape et prit toutes les mesures
de rigueur nécessaires pour empêcher un autre soulève-
ment. Il ne vint pas à l'esprit de Xerxès de changer la
constitution politique du pays : il laissa les nomes aux
mains de leurs princes héréditaires, sans songer qu'en res-
pectant les petites dynasties locales il donnait aux futures
révoltes égyptiennes des chefs toujours préparés à l'ac-
tion (582).
L'Egypte étajt à peine soumise, que des troubles écla^
tèrent en Chaldée : Babylone chassa la garnison perse et se
déclara indépendante. Mégabysos, fils deZopyros, qui était
satrape de la province par droit d'hérédité, réduisit la ville
après un long siège, et la traita avec une rigueur inaccou-
tumée : le temple de Bel fut pillé, les tombes royales vio-
lées et dépouillées, une partie de la population vendue en
esclavage (581)*. Xerxès partit pour l'Europe : on sait ce
1. Mariette, Monuments divers, t. I, pi. xni; Brugscli dans la
ÎSeitschrift, 1871, p. 1-13. On a de Khabbash une date de Tan II trouvée
au Sérapéum. — 2. Mariette, Monumenis divers, 1. 1, pi. XIII, Cf. Hé-
rodote, VII, 4. — 3. Gtésias, Persica, §§ 21-22, place ici sous le nom
de Mégabyzos l'histoire qu'Hérodote raconte de Zopyros et de son dé-
vouement.
554 CHAPITRE XIV.
qu'il y trouva, quelques succès bientôt effacés par les
désastres de Salamine et de Platées. Le grand roi, âj[)rê8
avoir vu la destruction de. sa flotte des hauteurs du
cap Golias, s'enfuit précipitamment et rentra en Asie sans
attendre, la dérouté de son armée. Les victoires des Grèce
préservèrent, dit-on, TEurope de la barbarie et sauvè-
rent la civilisation. Cette phrase, souvent répétée, irenferme
plusieurs erreurs. Les Perses n'étaient pas des barbares aii
sens où nous prenons le mot : ils avaient une civilisatioii
d'un type différent, inférieure en bien des points, mais eti
quelques endroits supérieure à la grecque. De son côté, la
Grèce était encore trop vivante à ce moment pour qii*iiîiè
défaite et une soumission passagères pussent arrêter son
développement; Pour que la civilisation grecque pérît, il
aurait fallu que la race grecque fût anéantie par lé choc de
l'Asie. Les Perses n'étaient pas un peuple destructeur;
ils ne cherchaient pas à anéantir des nations entières : ils
exigeaient le tribut et l'obéissance, et pour le reste per-
mettaient à chaque peuple de se conduire à sa guisè.
La conquête perse aurait pu changer le cours de l'his-
toire grecque et modifier, jusqu'à un certain point, le
développement de la civilisation : elle ii'aùraîl pu Tàr-
rêter.
Le résultat immédiat de la défaite de Xerxès fat le
retrait de la frontière perse. Quelques garnisons restèrent
au delà du Bosphore, à Byzance jusqu'eh 478*, à Bîon,
jusqu'en 477^, à Doriskos jusqu'en 450 et même plus
tard*. Leur maintien fut une satisfaction accordée à l'or-
gueil du grand roi plutôt que le résultat d'une nécessité
politique : Xerxès aimait à se figurer qu'il avait pied en
Europe et pourrait recommencer la guerre un jour ou
l'autre, mais la Thessalie, la Macédoine, la Péonie. la
Thrace, recouvrèrent leur indépendance. Bien plus, l'Asie
fut menacée à som tour et les flottes athéniennes parcou^
rurent à leur gré les parages où les flottes phéniciennes
au servieé du grand roi avaient jusqu'alors régné sans
1. Thucydide, I, 94. — 2. Id., I, 98. — 31. Mérodôtè, tfî, l06.
DÉCADENCE ET CHUTE DE L'EMPIRE PERSE, 555
riTales. Si la Grèce avait pu prévenir ses discordes et
poursuivre les avantages qu'elle venait d'obtenir, toutes
les colonies de l'Asie Mineure étaient délivrées. Par mal-
heur^ Sparte n'aimait pas les aventures lointaines, Athènes
avait assez à faire de relever ses murailles et de reconsti*
tuer sa puissance : la Perse fut sauvée d'une invasion.
Et tandis que le sort de son empire pendait dans la ha-
lance^ que faisait Xerxès? Xerxès usait^ dans des intrigues
et des débauches de harem^ le peu de courage qui lui res-
tait. Douze années durant, la guerre traîna sans qu'il son-
geât à faire un nouvel effort, ni même à prévenir une
attaque» Vers 466, une flotte athénienne parut sur les
côtes de Garie et de Lycie^ en chassa les garnisons et
rencontra la flotte du grand roi mouillée à la bouche de
l'Eurymédon. Go fut un nouveau Mycaje : la flotte enne-
mie détruite^ les équipages athéniens débarquèrent et
mirent en déroute l'armée qui l'accompagnait. Le vain-
queur se dirigea vers Chypre, dispersa une seconde flotte
de quatre-vingts voiles, et rentra au Pirée chargé de bu-
tin (466). Xerxès ne survécut pas longtemps à cette humi-
liation : il fut assassiné par l'eunuque Aspamithrès et le
chef des gardes Artabanos (485)*» La même nuit, les
meurtriers se rendirent auprès de son plus jeune fils, Arta-
khshathra (Artaxerxès), accusèrent du crime un autre fils du
nom de Darios, et le tuèrent sous prétexte de venger le par-
ricide. Ils essayèrent ensuite de faire périr Artaxerxès lui-
même, mais furent trahis par un de leurs complices et mis
à mort. Les fils d' Artabanos voulurent venger leur père et
rassemblèrent quelques troupes : ils périrent les armes à la
main< Enfin, comme si ee n'était pas assez de tant de
crimes, le frère aîné du nouveau roi, Hystaspès, qui était
absent à la mort de Xerxès et aurait dit hériter la cou-
ronne^ se fit proclamer dans son gouvernement de Bac-
triane et vint réclamer ses droits à la tête d'une puissante
1. Hérodote, IX, 69; Diodore, XI, 69 ; Ctésias, Persica, § 29 ; Justin,
ni, 1, et Ëiien, Var. Hist^ XIII, 3, qui raconte que Xerxès fut assassiné
la nuit, par son fils.
556 CHAPITRE XIV.
armée. Il fallut deux campagnes pour avoir raison de lui
(462) ♦.
Au milieu du désordre général, l'Egypte chercha une fois
de plus à recouvrer son indépendance. Le prince de
Marea*,Inaros, fils d'un Psamétik, se mit à la tête du mou-
vement et entraîna à sa suite tous les chefs du Delta (463).
Seul, il ne pouvait espérer triompher des Perses : il s'a-
dressa aux Grecs. Depuis leur victoire d'Eurymédon, les
Athéniens n'avaient cessé d'entretenir une flotte dans les
eaux de Chypre : les deux cents navires qui la composaient
alors reçurent l'ordre de se rendre en Egypte et d'y rester
à la disposition des chefs insurgés '. Leur arrivée fut mar-
quée par une victoire éclatante : Akhéménès, frère de
Xerxès, et depuis 485 satrape de la province, fut battu
près de Papréinis et son armée presque entièrement exter-
minée. Inaros le tua de sa propre main dans la mêlée et
envoya son cadavre à Artaxerxès, peut-être par bravade,
peut-être par respect pour le sang de la victime. Quelques
jours après, l'escadre athénienne, aux ordres deKharitimi-
dès, surprit une flottfe phénicienne qui accourait au secours
des Perses, lui coula trente navires et lui en prit vingt. Les
alliés remontèrent le fleuve et parurent devant Memphis,
où s'étaient réfugiés les débris des Perses et les troupes
indigènes restées fidèles. La ville succomba bientôt, mais
la forteresse du Mur-Blanc tint jusqu'au bout, et sa résis-
tance donna au grand roi le temps de rassembler une nou-
velle armée. La force des rebelles était moins dans les
masses égyptiennes et libyennes que dans le petit corps
d'hoplites et de matelots athéniens. Avant d'aventurer ses
troupes dans le Delta , Artaxerxès tenta d'opérer une di-
version en Grèce : ses envoyés essayèrent d'acheter les
Spartiates et de les engager à envahir l'Attique. La vertu
Spartiate fut cette fois, par hasard, à l'épreuve des dariques
persanes. Mégabysos, envoyé en Egypte, battit l'armée
1. Ctésias, Versica, §§30-31.— 2. Thucydide, I, 104; Ctésias, Versiea^
S 32, qui nomme le satrape vaincu Âkhœménidès, frère d* Artaxerxès.
— 3. Thucydide, I, 104; Ctésias, P&rsica, § 32.
DÉCADENCE ET CHUTE DE L'EMPIRE PERSE. 557
ennemie et força les vaincus à s'enfermer dans l'île de Pro-
sopitis, où ils soutinrent un véritable siège de dix-huit
mois*. Au tout de ce temps,. Mégabysos parvint à détour-
ner un des bras du fleuve, mit à sec la flotte athénienne
ôt donna l'assaut. Inaros, trahi par les siens, tomba aux
mains de l'ennemi et fut mis en croix. La plus grande
partie des auxiliaires grecs périt dans le combat : quel-
ques-uns réussirent à gagner Kyrène et à rentrer en
Grèce. Pour comble de malheur, un renfort de cinquante
navires, qui arriva à l'embouchure mendésienne peu de
jours après, fut surpris par la flotte phénicienne et plus d'à
moitié détruit (455) ^. Thannyras, fils d'Inaros, fit sa sou-
mission et reçut en récompense le royaume de son père ' ;
l'Égyptien Amyrtaeos, qui avait pris parti pour Inaros, se
réfugia dans les marais de la côte qui avaient servi plu-
sieurs fois d'asile aux Saïtes *, et s'y défendit longtemps
encore avec succès.
L'intégrité de Tempire était rétablie, mais la guerre avec
les Grecs durait toujours. Six ans après leur désastre d'E-
gypte, les Athéniens équipèrent une flotte de deux cents
voiles, qu'ils placèrent aux ordres de Cimon : il s'agissait de
conquérir Chypre, ou du moins d'occuper solidement plu-
sieurs villes chypriotes. nPour diviser les forces de l'ennemi,
Cimon fit mine de vouloir recommencer la campagne d'É-
gyple et envoya une escadre de soixante navires au roi
Amyrtœos : lui-même bloqua la place de Kition avec ce qui
lui restait d'hommes et de vaisseaux. Il mourut bientôt après
des suites d'une blessure, et ses successeurs furent obligés de
lever le siège faute de vivres. En passant devant Salamine,
ils défirent une flotte phénicienne et cilicienne, puis dé-
barquèrent et battirent une armée perse qui se tenait près
de la ville. Artaxerxès ne résista pas à ce dernier échec : il
fîraignit que les Athéniens, une fois maîtres de Chypre, ne
1. Clésias remplace le nom de Prosopitis par celui de Byblos, « ville
forte de TÉgypte. » {Persica,%§ 33-34; cf. Et. de Byzance, s, t?. B^êXo;.)
558 CaBEAPITRE XIV.
Sarvînssent à souleter l'Egypte, toujours mal asservie, et
écida de traiter à tout prix. La paix lui fut accordée à con-
dition que les Grecs d'Asie resteraient libres. Aucune
armée perse ne pourrait approcher à moins de trois jour-
nées de marche de la côte ionienne. Aucun navire de
guerre perse ne pourrait naviguer dans les eaux grec(jues,
depuis les lies Khélidoniennes juscju'aux roches K.yanées,
c'est-à-dire depuis la pointe est de la Lycie jusqu'à
l'entrée du Pont-Euxin. Ce traité mit fin à la première
guerre contre les Perses ^t les Grecs (449) : les hos-
tilités avaient duré un demi-siècle, depuis Kncendie
4e Sardes jusqu'à la di]ç-septième année d'Artaxerxès I"
(501-449).
Les empires orientaux ne vivent qu'à la condition d'être
toujours en guerre et toujours victorieux. Ds ne peuvent ni
se restreindre dans certaines limites, ni rester sur la dé-
fensive; du jour qu'ils s'arrêtent dans leur mouvement
d'expansion, la décadence commence pour eux : ils sont
conquérants ou ils ne sont pas. La Perse suivit la loi com-
mune. Ce ne fut plus désormais que révoltes dans les pro-
vinces, en Egypte, en Ghaldée, en Bactriane; tragédies de
palais, où le poignard et le poison jouèrent leur rôle;
guerres civiles, dans lesquelles les satrapes tournèrent
contre le suzerain l'habileté qu'ils auraient dû tourner
contre ses ennemis. La paix avec la Grèce était à peine
signée, que Mégabysos, satrape de Syrie, mécontent de la
manière dont le roi l'avait traité après la victoire dlnaros,
souleva sa province. Deux généraux, envoyés contre lui,
furent battus l'un après l'autre : Mégabysos imposa ses
conditions et ne fit sa soumission qu'après les avoir obte-
nues*. Le succès de sa révolte eut des conséquences déplo-
rables : les satrapes virent qu'il n'était pas impossible de
tenir tête au roi avec succès, et se relâchèrent de leur
obéissance. Quelques années plus tard, Zopyros, fils de
Mégabyzos, suivit l'exemple de son père et souleya Is^ Cime
et la Lydie ^. La fidélité des gouverneurs de province ne fut
1. Ctésias, Persica, §§ 37-41, — 2. Id., ibid., § 43.
DÉCADENCE ET CHUTE* DE L'EMPIRE PERSE. 559
plus désormais qu'une affaire de caprice ou de circon-
stance.
Artaxerxès mourut en 425, et Ton vit recommencer après
lui les intrigues et les crimes qui avaient ensanglanté le
début de sou règne. Son fils légitime^ Xerxès II, fut assas-
siné au bout de quarante-cinq jours par un de ses frères
illégitimes, gogdianos ou Sekudianos*. Celui-ci fut détrôné
à son tour et tué, aprèfs six mois ^t demi, par un autre fils
illégitime du vieux roi, Okhos,, qui prit, en montant sur le
trône, le nom de Darios ^. Sa vie ne fut qu'un long tissu de
misères et de primes. Dès les premiers jours, son frère
Arsitès et Artyphios, fils de Mégabyzos, prirent les armes
en Asie Mineure, enrôlèrent des mercénaiipes grecs et bat-
tirent par deu^ fois les troupes envoyées contre eux. L'or
perae fit ce que la vaillance perse ne pouvait plus faire :
les deux rebelles, trahis par leurs soldats, se rendirent à
condition qu'ils auraient la vie sauve. Darios II avait
épousé sa tante Parysatis, une des femmes les plus cruelles
et les plus dépravées qui soient entrées dans le harem de
r Orient : sur son conseil, il viola la parole donnée et fit
périr Arsitès dans là cendre ^ Cet exemple ne découragea
point le satrape de Lydie. Pissuthnès appartenait à la fa-
mille royale * : il était en place depuis vingt ans au
moins ^ et avait eu le temps de se préparer longuement à
la guerii'e. Tissaphernès, envoyé contre lui, acheta les
mercenaires qu'il avait à sa solde, et le força de se rendre
à discrétion : Darios le mit à mort et donna sa succession
au vainqueur*. Cette exécution ne termina pas les troubles
de l'Asie Mineure : Amorgès, fils naturel de Pissuthnès,
souleva la Carie, s'arrogea le titre de xo\ et résista jusqu'en
412 aux efforts de Tissaphernès ^
C'était le temps où la guerre du Péloponnèse mettait en
1. Ctésias, Persica, § 43. — 2. Id., t btd., §§ 44-4S. les Grecg nommè-
rent ce prince NéOoc^ le bâtard, — 3. Id.^ ibid.y 40-51. Sur le supplice ^e
la cendre, cf. Valère Maxime, IV; 2, 7; Ovide, Ibis, 317-318, etc. —
^4. D'après Thypothèse fort vraisemblable de G. Rawlinson, The five great
Monarchies, t. III^ p. 478. — 5. Thucydide, I; 115^ le mentionne dès avant
440. — 6. Ctésias, Pernca, $52.-7. Thucydide, Vm, 5, 19, 28.
660 CHAPITRE XIV.
feu la Grèce entière. Athènes venait de perdre le meilleur
de sa flotte et l'élite de ses soldats en Sicile. Lorsque la
nouvelle du désastre arriva en Orient, Darios vit que Toc-
casion était favorable à rompre le traité de 449. Il envoya
aux satrapes de Mysie et de Lydie Tordre de réclamer le
tribut aux villes grecques de la côte et de traiter à tout
prix avec les Lacédémoniens. Sparte accepta l'alliance qui
s'offrait à elle; dès lors les différent^ États de la Grèce ne
furent plus que des jouets dans la main du grand roi et de
ses agents. Tissaphernès et Pharnabazos s'appliquèrent d'a-
bord à tenir la balance égale entre les Doriens et les Athé-
niens, sans permettre à aucun des peuples rivaux de porter
à l'autre un coup mortel. Cette politique de juste milieu ne
dura pas longtemps. Darios avait deux fils, dont le second,
nommé Kyros comme le fondateur de l'empire, obtint, par
l'influence de Parysatis, le commandement suprême des
provinces d'Asie Mineure. Kyros arriva au pouvoir avec
des vues d'agrandissement personnel qui le rendirent
traître aux véritables intérêts de sa nation. H espérait
que sa mère obtiendrait pour lui la succession dévolue
de droit à son frère aîné, Arsakès; en cas d'échec, il
comptait revendiquer le trône par la force des armes.
Athènes, puissance maritime, n'était guère à même de
l'aider dans une expédition dirigée contre les provinces
de la haute Asie : il inclina vers Sparte et lui donna un
appui si efficace, qu'en deux ans la guerre fut terminée à
l'avantage des Péloponnésiens, par la bataille décisive
d'iEgos-Potamos (405)*. *
Artaxerxès XX (4eft-S69). — Artaxerxès XIV Okhos (S«9-«J«).
les dernières dynastie» Indigènes de Fcgypte ; Darios XII
et Alexandre de macédoine; chute de remplre perse.
Le brusque dénoûment que l'intervention du jeune Ky-
ros donnait à la guerre de Péloponèse et les menées se-
•
}
In G. Rawlinson, 77ic fivcgreat Monarchies, t. IIï, p. 479-481.
DÉCADENCE ET CHUTE DE L^EMPIRE PERSE, 561
crêtes dont les satrapes de l'Asie Mineure accusaient ce
prince parurent suspectes à bon droit. Darios appela son fils
à Suse pour lui demander compte de sa conduite. Kyros
arriva juste à temps pour assister à la mort de son père et
à Tavénement d'un nouveau roi : Arsakès prit le nom royal
d'Artakhshathra (Artaxerxès) et monta sur le trône en dépit
des efforts de Parysatis*. Pendant les cérémonies du cou-
ronnement, Kyros se cacha dans le temple et voulut tuer
son frère au pied de l'autel : dénoncé par Tissaphernès et
par un des prêtres, il fut saisi et aurait été mis à mort,
si sa mère ne l'eût enveloppé de ses bras et n'eût empêché
le bourreau de faire son office^. Pardonné à grand peine,
il retourna en Asie Mineure avec la ferme résolution de
se révolter à la première occasion. Malgré la surveil-
lance de Tissaphernès, il réunit sous divers prétextes treize
mille mercenaires grecs et cent mille hommes de troupes
indigènes, quitta Sardes à Timproviste (401), traversa l'Asie
Mineure, la Syrie du nord et la Mésopotamie, sans être
inquiété, rencontra l'armée de l'empire près de Gunaxa,
à quelques lieues au nord de Babylone, et se fit tuer dans
la bataille. Sa défaite et sa mort furent un véritable
malheur pour la Perse." Il était brave, actif, ambitieux,
doué de toutes les qualités qui font un bon monarque
oriental. Il avait appris au contact des Grecs à connaître
les côtés faibles de sa nation et paraissait tenir à cœur, d'y
remédier : s'il avait triomphé, peut-être eût-il réussi à raffer-
mir l'empire pour un moment et à l'arrêter sur la pente
qui l'entraînait à la ruine. Lui tombé, l'armée indigène
qu'il avait amenée à sa suite se dispersa sur-le-champ.
Les mercenaires, trahis par leurs alliés d'Asie, ne perdi-
rent pas courage et gagnèrent les côtes du Pont-Euxin
à travers l'Assyrie et l'Arménie. Jusqu'alors les Grecs
avaient considéré l'empire comme un État compacte et
redoutable qu'on pouvait vaincre sur mer et tenir éloigné
1. Ctésias, Persica, § 57; Plutarque, Vie d'ArtaxerxèSy 2. — 5. Xéno-
phon, Anàbase, I, § 3; Ctésias, Pertica, § 57; Plutarque, Vie d^Ar"
taxerxèsy 3 sqq*
klIBTé ÀKC» 3
562 CSU^PITRE XIV*
de l'Europe^ mais qu'on ne pouvait attaquer chez lui sans
imprudence. L'exemple des Dix Mille prouva qu'une poi-
gnée d'hommes perdus en pleine Ghaldôe^ privés de leurs
chefs par la trahison, sans guides, sans cartes, sans alliés,
pouvaient traverser impunément les domaines du grand roi
et rentrer en Grèce sans pertes considérables. lies résultats
de cette expérience ne se firent pas attendre. Sparte victo-
rieuse avait repris vis-à-vis des Grecs d'Ionie le r61e pro-
tecteur d'Athènes : la mort du jeune Kyros avait rompu
ses attaches à la Perse et lui avait rendu sa liberté d'ac-
tion. Pendant quatre ans de suite elle entretint la guerre
en Asie : son roi Agésilas pénétra au cœur mêsae de la
Phrygie et se préparait à pousser plus avant sur la trace
des Dix Mille, si l'or perse n'avait opéré en Europe une
puissante diversion. Athènes reprit les a^mes : sa flotte
unie à la flotte perse parcourut la mer Egée, et s'enspara
de l'île de Gythère ; les longs murs furent reconstruits aux
frais du grand roi. Sparte n'oublia pi^s la leçon qu'elle ve-
nait de recevoir : elle reùonça à délivrer les Grecs d'fonie
et s'efforça de traiter. Ântalkidas envoyé à la cour de Suse
réussit à l'amener à ses vues et conclut avec Artaxerxès un
traité célèbre dans l'histoire de la Grèce. Un ordre parti
de Suse vint notifier à tous les peuples au nom du grand
roi qu'ils eussent à suspendre les hostilités et à se res-
pecter désormais les uns les autres (387). Personne n'é-
tait* de force à résister : il fallut obéir. Un peu plus d'un
demi-siècle auparavant, Athènes traitant avec un Ar-
taxerxès lui avait arraché la liberté des Grecs d'Asie :
Sparte traitant avec un autre Artaxerxès lui livrait )es Grecs
d'Europe, La revanche de la Perse êtsdt complète^.
Un désastre en Afrique compensa largement ce trions
phe. L'Egypte un moment écrasée après k défaite d'Inaros
n'avait pas tardé à s'agiter de nouveau. A Pausiris, fils
d'Âmyrtœos I*', avait succédé un second Aàiyrtaeos,
aussi insoumis qu'avait été son grand-père. Dès 410, des
troubles éclatèrent dans le Delta ; en 404^ à la mort de
1, Pour le détail de ces événements, Y, riTistoir^ flfrecgt*? de H, Dttn^
DÉCADENCE ET CETUTB DE L'EMPIRE PERSE. 563
Dsrids, te ffôutètémeirt devint général. Amyrtaeos, reconnu
par la plus grande partie du pays, reprit le vieux protocole
pharaonique et devint le chef d'une dynastie nouveUe, k
XXVIII*, qui dura autant que lui, c'est-à-dire six ans*.
a ne réussit pas à chasser entièrement les Perses, car
Artaxerxès avait encore des troupes égyptiennes dans son
armée, en 401, au moment de Fexpédition du jeune Kyros *. '
Amyrtœos eut pour successeur Naïwâouroud (Nephoritès)
de Mendès, qui compléta Tœuvre de délivrance et fonda la
XXIX* dynastie (399). Avec NaSwâouroud TÉgypte rentra
en pleine possession d'elle-même et retrouva son ancienne
activité. Sa conduite politique était tout indiquée par les
circonstances : comme au temps des Saïtes, il fallait re-
chercher ram^é des Grecs et détourner vers le nord les
forces des puissances asiatiques. C'était le moment où
Sparte venait de déclarer ïa guerre a la Perse : Agésilas
préparait son expédition en Phrygie. Naïwâourôud; conclut
un traité d'alliance offensive et défensive avec les Lacédé-
moniens et leur envoya une flotte chargée d'armes, de blé
et de munitioiiâ. L'Athénien Conbn la rencontra à la han-
tent de Rhodes et la dispersa. La rétraite d'Agésilas et
l'abandon de l'Asie Mineure par les Spartiates refroidirent
les bonnes dispositions du roi d'Egypte : il concentra sur
laf frontière de Syrie les forces qu'il avait paru disposé à
lancer au loin et se prépara à soutenir de son mieux un
assaut qu'il pensait imminent.
L'attaque ne vint pas aussitôt qu'on s'y attendait. La
retraite des Grecs n'avait pas terminé les affaires d'Asie
Mineure : depuis la tentative de Kyros la plupart des peu-
ples indigènes, Mysiens, Pîsidiéns, geûs du Pont et de la
Paphlagonie, avaient secoué le joug. Il fallut les soumettre
à nbùveati et dépenser contre eux les forces qu'on aurait
1,. La date de rayénement d'Amyrtseos et des événements qui Is pré-
cé^rent a ét^ Tobjet de nombreuses controverses. On a voulu identi-
fier 'Â|jLupTa?oç avec le nom Roud-Amen d*un roi égyptien : il paraît
assez bien prouvé aujour^'luii que ce RouflfAmen était un des. petits
rois locaux de l'époque éthiopienne . et n'a riei^ do commmLavec ]i&-
prédécesseur de Naïwâouroud, — 2, Xénophon^ Anç,J)a$ef I; 8^ § 9«
564 CHAPITRE XIV,
dû envoyer en Egypte. Les Grecs de Chypre commandés
par Évagoras, tyran de Salamine, profitèrent des embar-
ras du maître pour reconquérir leur indépendance. Dès
391, ils traitèrent avec Athènes, avec Hékatomnos, roi re-
belle de Carie, et avec TÉgypte. Hakori venait de succéder
& Naïwâouroud (393) : il accepta l'occasion qui s'offrait
de créer des embarras à la Perse et promit son secours.
Évagoras, ainsi soutenu, prit Toffensive, enleva Tyr d'as-
saut et s'attaqua d'une part à la Cilicie, de l'autre à la
Palestine. Une première expédition dirigée contre lui
par Autophradatès, satrape de Lydie, manqua complète-
ment. Mais, après la paix d'Antalkidas, Artaxerxès ras-
sembla une flotte de trois cents trirèmes, une ai^mée de
trois cent mille hommes, et jeta toutes les forces de l'em-
pire sur l'île de Chypre. Evagoras fut défait sur mer, défait
sur terre, enfermé dans Salamine et contraint de traiter
après ime résistance de six ans (380). Non-seulement il
obtint le pardon de sa révolte, mais la reconnaissance de
son titre royal et l'assurance qu'il ne serait pas troublé
dans l'exercice de sa royauté *, Une guerre contre les Gadu-
siens, que le grand roi avait voulu conduire en personne,
n'eut pas d'issue aussi heureuse : l'armée, réduite à la fa-
mine et harcelée dans sa marche par im ennemi insaisis-
sable, aurait été détruite sans l'adresse d'un des généraux
perses, Tiribazos, qui décida les barbares à demander la
paix au moment même où ils allaient triompher^. Les an-
nées qui suivirent furent employées à rétablir en Asie
Mineure et en Syrie la suzeraineté des Perses fortement
ébranlée par la révolte d'Évagoras. Ce fut seulement après
avoir rétabli l'ordre partout qu'on songea à tourner contre
l'Egypte les armes de l'empire.
Hakori n'était pas resté inactif : tandis que les Perses
étaient occupés en Chypre, il avait mis le pays en état de
défense et s'était efforcé de recruter en Grèce une armée
et des généraux. Il était mort en 38â^ et ses successeurs,
»
1. Voir pour le détail de cette guerre VHittoire grecque de M. Dumy.
—2. Plutarque, Vie d'Àrkucerxès, 2k; Corn. Nepos, Datâmes, § 1.
^ DÉCADENCE ET CHUTifi DE L'EMPIRE PERSE. 565
Psemouth (383-382) et Naïwâouroud H, n'avaient fait que
passer sur le trône*. Un prince de Sebennytos, Nakht-hor-
heb (Nectanébès I"), fondateur d'une dynastie nouvelle,
la XXX', acheva les préparatifs et confia le commande-
ment de ses troupes à Tun des condottieri les plus re»
nommés do l'époque, Khabrias d'Athènes. Khairias s'é*
tablit sur la branche pélusiaque dans une forte position,
qu'il couvrit de retranchements et qui garda son nom : de
là il surveillait les débouchés de la Syrie et commandait
les approches du désert. La Perse fit des efforts propor-
tionnés à Timportance de l'entreprise : elle confia à Phar-
nabazos une armée de deux cent mille hommes, fit venir-
Iphicratès d'Athènes, réussit par obtenir des Athéniens
qu'ils rappelassent Khabrias d'Egypte. L'armée, partie
d'Ako sur la côte de Syrie, débarqua à l'entrée de la bran-
che mendésienne, et battit les corps égyptiens chargés de
garder la côte. Iphicratès voulait marcher sur Memphis
qu'il savait dégarnie de troupes : Pharnabazos hésita à
suivre cet avis et laissa à Nakht-hor-heb le temps néces'-
saire pour, revenir de sa surprise. Les Perses furent bat-
tus à plate couture près de Mendès, et contraints de
se retirer. Pharnabazos rentra en Syrie; Iphicratès fit
voile vers Athènes : l'Egypte fut délivrée pour un quart de
siècle *.
Cet échec n'ébranla en rien l'influence que le grand roi
avait exercée sur la Grèce depuis la paix de 387. Sparte,
Athènes et Thèbes se disputèrent son alliance avec plus
d'acharnement que jamais. En 372, Antalkidas reparut à
la cour de Suse pour demander une nouvelle intervention ;
en 367, Pélopidas et Isménias obtinrent un rescrit impé-
rial ordonnant à tous les Grecs de rester en paix; en 366,
Athènes envoya des ambassadeurs qui lui obtinrent les
subsides de la Perse. Il semblait que It grand roi fût devenu
pour les États helléniques une sorte d'arbitre suprême
• devant lequel chacun venait plaider sa cause. Mais cet ar-
1. Manéthon, édit. Unger, p. 309. — 2. Diodore, XV, 29, 41| 43;
Corn. Nepos, Iphicratès, § 2, etc.
566 iCHAPITBfi XIV.
bUre souverain qui imposait sa volonté au d^ofs n'était
pas maître chez lui. Doux, facile d'Immeur^ pius enclin i
pardonner qu'à sévir, Artaxerxès n'avait pas Fénergîe né-
cessaire pour comprimer l'ambition des gouverneurs de
provinces. Aiiobarzanès de Phrygie, Aspis de Gappadoce,
Datâmes, s'iusurgèrent tour à tour contre lui et défièrent ses
armes : on ne put se débarrasser d^eux que par le meurtre
et la trahison. Bientôt après tous les satrapes des provia-
ces occidentales, des frontières de i'Égypte'à i'Hellespont,
formèrent une alliance offensive et défensive : l'eijipire al-
lait s'effondrer, si les dariques n'étaient encore une fois
intervenues dans la querelle. Orontès de Phrygie et Rheo-
mithras vendirent leurs con^plices^ mais trop tard pour em-
pêcher la paix d'être troublée. L'Egypte, toujours à l'affût,
avait trouvé dans la révolte une occasion nouvelle de mon-
trer sa haine contre la Perse. Nakht-hor-heb était mort en
364 : son successeur Takho rassembla quatre-vingt mille
hommes de troupes indigènes, dix mille mercenaires
grecs, deux cents vaisseaux, et se jeta hardiment sur la
Phénicie. Sa maladresse et sa mauvaise fortune sauvèrent
Artaxerxès d'un désastre certain. Takho avait avec lui le
vieil Agésilas : au lieu de lui remettre le commandement
suprême, il se borna à lui confier les corps auxiliaires et
réserva pour lui-même la direction suprême des opérations.
A peine débarqué en Phénicie, il apprit que l'Egypte se
soulevait derrière lui aux ordres de Nakhtnébew ; Agésilas,
qu'il avait offensé, se déclara contre lui avec l'armée et le
contraignit de passer dans le camp des Perses (361).
Nakhtnébew se prépara d'abord à continuer là guerre :
une révolte du gouverneur héréditaire de Mendès coupa
court à ses projets. Bloqué dans Tanis et presque réduit
à se rendre, Agésilas rétablit ses affaires^ défît le com-
pétiteur et remît tout en ordre. Au railieu de ces luttes^
il avait fallu renoncer à la conquête de la Syrie, et cela
dans le temps où les discordes de la famille royale perse
offraient des chances inespérées de succès. Artaxerxès avait
eu trois fils, Darios, Ariaspès et Okhos : Darios, impatient
de régner, conspira et fut mis à mort; Ariaspès se tua;
DÉCADENCE BT CHUTE Dfi L'EMPIRE PERSE. 567
Okhos, resté seul, abreuva son père de tant de dégoûts
que le vieux roi mourut de -chagrin à l'âge de quatre-
vingt-quatorze ans (362). Okhos prit en montant sur le
trône le nom d'Artaxerxès et débuta par un acte de cruauté
jusqu'alors sans exemple dans les annales de la Perse : il
fit mettre à mort tous les princes et toutes les princesses
de sang royal. Sa férocité cachait du moins quelque éner-
gie : il voulut rétablir Tempire dans son intégrité et s'atta-
qua à l'Egypte. Son armée mal conduite fut battue par
Nakhtnebew ou plutôt par les généraux grecs au service
de Pharaon , Diophantos d'Athènes et Lamios de Sparte
(351). A la nouvelle de cet échec, la Phénicie se souleva
tout entière : Bidon massacra sa garnison perse et Chypre
se déclara indépendante. Okhos employa les quatre an-
nées qui suivirent à combattre ces révoltes : Sidon, trahie
par son roi Tenues, fut brûlée et ce qui survivait de ses
habitants vendu comme esclaves, La Phénicie vaincue, ce
fut le tour de TEgypte : Okhos vint mettre le siège devant
Péluse avec une armée de trois cent trente mille Asiati-
ques et de quatorze mille Grecs. Deux siècles aupara-
vant, Psamétik III, attaqué par Kambysès, avait du moins
lutté bravement : Nakhtnebew était fait pour les arts de
ïa paix plutôt que pour la guerre. Il avait employé les
instants de répit que lui accordait la fortune à restaurer
les vieux monuments de l'Egypte et même à en construire
4e nouveaux* On a trouvé les traces de son activité tout le
long de la vallée du Nil, à Philae, à Thèbes, à Tourah,
dans le Delta; ^ses bas-reliefs et ses statues comptent au
nombre des chefs-d'œuvre de l'art saïte *. S'il avait déployé
comme général la même activité qu'il montra comme con-
structeur, et, dit-on, comme magicien^, le triomphe de
l'Égypté était certaii}. Le malheur voulut qu'il fût lâche i
il se sauva sans attendre la bataille. Il abandonna Péluse
et les mercenaires grecs qui la défendaient, se retira {^
1. Voir au Louvre les statues (A, 28), les sphinx (Â^ 29, 30^ 30 bis) et
les bas-reliefs (B, 33) de Nectanèbo. — 2. Voir dans le Pseudo-Calliam
thènes le récit des exploits magiques de Nectanèbo (1. I, 1-14).
568 CHAPITRE XIV.
Memphis et de Memphis s'enfuit en Ethiopie avec tous
ses trésors. L'Egypte abandonnée de son chef se soumit
sans résistance et rentra pour toujours sous la domination
de l'étranger (345)*.
Ce fut un grand succès pour la Perse, le dernier de tous.
Déjà la Macédoine commençait à prendre la direction des
affaires : encore quelques années, et elle se jettera sur
l'Asie. Okhos mourut en 340, empoisonné par l'eunuque
Bagoas; son fils Arsès ne fit que passer sur le trône et
céda la place à un parent éloigné de la famille Akhémé-
nide , Kodomannos , qui changea son nom en celui de
Darios (337). Darios III monta sur le trône là même année
qu'Alexandre : il vit les dangers que lui préparait l'am-
bition macédonienne et fut impuissant à les prévenir.
1. On peut reconstituer comme il suit la liste des dernières dynasties
égyptiennes :
XXVII» DYNASTIE PERSE.
I. — RàMESOUT KàMBAT, KaiL^ûoiiç.
II. — (Gaumata).
III. — RASTOUT NTARIOUSH. Aaptioç a.
[SNEN TANEN STEPENPTAH KHABBA8H].
IV. — KHSHAIRSHA, EipCi]« «.
V. — ARTAKSHARSHA, "A^-eali^i a.
VI. — EipCit« p.
VII. — SoY^lavoc.
VIII. — MeUMGUNRA NTARIOUSH, Aa^cTof p.
XXVm* DYNASTIE SAITE,
la— *A|&upTaTo(
XXIX* DYNASTIE MENDÉSTENNE.
I. — BANRA MEI-NODTEROD NaTWAOUROUD, Niçcplniç «.
IT. — BAKHNOUM mat STEPENKHNOUM, HAKORI *Axwpi{.
m. — [PSEMODTH] VipLiiou-nç.
IV. — NAÏWAOUROUD Nif eçiniç p.
XXX* DYNASTIE SÉBENNYTIQUE.
I. — Rasnotsemhet stepenanhour Nakhthorheb
MEIANHOUR SE ISI, Nex-cavieii^.
n. — [TaKHO], Tâxoç, Té«ç.
m. — RAKHOPERKA NAKHTNEBEW, N>xTavi6i](, Nerrâvatfic.
*»■
DÉCADENCE ET CHUTE DE L'EMPIRE PERSE, 569
Battu au Granique (33^), battu à Issos (333), battu près
d'Arbèles (331), il fut trahi et tué dans sa fuite par un de ses
satrapes (330)*. La Macédoine hérita son empire et la race
grecque joua désormais le rôle prépondérant que la Perse
avait joué pendant deux siècles. Quant aux peuples civi-
lisés de l'ancien monde, Égyptiens, Juifs, gens de la Phé-
nicie et de la Ghaldée, ils étaient trop habitués à la domina-
tion étrangère pour recouvrer jamais leur indépendance.
Ils vécurent sous leurs maîtres grecs le même genre de vie
qu'ils avaient vécu sous leurs maîtres iraniens, et durèrent
par la force des choses près de huit siècles encore. On con-
tinua de parler et d'écrire l'égyptien à Memphis, le phéni-
cien à Tyr, le chaldéen dans les écoles d'Ouroukh ; il y eut des
empires d'Egypte et de Syrie, des rois de Babylone et de
Jérusalem. A jeter les yeux sur la carte du monde, il sem-
bla que rien ou presque rien ne fût changé depuis le
huitième siècle avant notre ère : les vieux peuples se mou-
raient ou étaient morts, mais le nom en était demeuré.
1. Voir pour le détail de ces événements VHistoire grecque de
M. Durùy. Voici la liste des princes de la famille akhéménide qui ont
régné sur la Perse :
IT
I. ^ KOUROUS, Kûpoç.
n. — KAMBOUZrrA, Ka{ieû<n)«.
m. — {GaUMATA, V«w4o £llipj^].
rV. — DARATAVODS !•% Aapiïoç a.
V. *- KHBHATARBHA !•', *ipÇiQÇ «•
VI. ~ ARTAKHSHATHRA I**, *AfTa^ipCi|{ « Moxp^x**?»
Vn. — KH8HATAR8HA II, EipCilÇ p.
VIII. — 2oY*iavoç.
IX. — DARATAVOUS U, Aoftîoç p ^fixo^ i^ M%oç,
X. — ARTAKHSHATHRA D, ^Afxall^ni ^ Mvi|(fcMy.
XI. — ARTAKHSHATHRA El, 'ApTaÇipÇijç y 'ûX»**
XII. — Apoijc.
Xm. — DARATAVOUS TII> Aapileç y Ko^^|ucyvo(.
5T« GHAHTRE KT.
Ç^1PITRB XV.
lES ÉCRITURES DU MONDE ORIENTAL,
Des procédés employés à la formation des écritures antiques. — Les
caractères cunéiformes. -^ Les écritures éf^pttenfies : Talphabet , le
syiiabairop les caractères déterminatifs. — Ong^iue 4^ ralpMJ)et ph/é-
nicien, ses dérivé» sé^piti^esi ses -dérivées ariens,
Def procédés employés é, I9 formalJoii des éeritpres
suitl%11.es* KiOS caractères epné|lii>ri||es.
Peur fîiier l'expresdion de la pensée, rfamnme a mis en
(BUAnre deux procédés qu'il peut appliquer ftéparémeat ou
ensemble : Vidéogrsphùme ou peinture des idées, lephoné-
tisme ou peinture des sons. On peut représenter les idées
de deux manières : directement, par figure des objets eux-
noemes; symboliquement, par reproduction d'un objet
matériel pu dune pgure .copv.enue pour rendre uij^ idée
abstraite. On peut de même représenter les sons de deux
manières : par syllabes, en exprimant d'un seul sign^ un
ensemble formé d'une ou plusieurs consonnes ^t d'une
voyelle; par caractères alphabétiques, qui repnésentent
chacun une seule consonne ou une seule voyelle. Tous les
systèmes d'écriture onjt commencé par peindre les idées
et ne sont arrivés que lentement k la peinture des sons.
Le procédé qui consistait à exprimer l'objet par ta pein-
ture de l'objet mime, le soleil par un disque o^ la lune
par un croissant }, ne permettait de rendre qu'un certain
nombre d'idées toutes matérielles. Il fallut aussitôt recou-
rir aux symboles. Les symboles sont de deux sortes , simples
ou complexes. Les simples se forment : par synecdoche,
en peignant la partie pour le tout, la prunelle, •, pour
Vœil, -«>^; la tête de hœuf, ¥, pour le ftœtt/' complet, '"^bj.
Par métonymie, en peignant la cause pour l'effet, l'effet
pour la cause, ou l'instrument pour l'œuvre accomplie, le
disque solaire, o, pour le jour; le brasier fumant, j» pour
LES ÉCRITUBES DO MONDE ORIENTAL. ^1
i»feu; le pincêott, fencrigr et la palette du scribe, gif , pouf
¥ écriture. Par métaphore, en peignant un objet qui avait
quelque ressemblance réelle ou supposée avec Tobjet de
ridée exprimée, les parties antérieures du lion, — *, y, pour
marquer Tidée de priorité; la gaépe, y^y pour la royauté;
le têtard de grenouille ^ \^ pour les centaines de mille. Par
énigme, en employant Tirnage d'un objet qui n*a que des
rapports fictifs ^vec Tobjet d^ Tidée à aoter^ i^n épervisr
sur un perchoir, ^, pour l'idée de dieu; une plume d'au-
proche, f , pour ridée ^justice. Les idéogranones complexes
jse forment d'après les mêipes prinicipe^ que les idéo-
^ammes simpfes. Ils .consistent, à l'origine, dans la réu-
pjlon de plusieurs in^ages dont 1^ iqoo^inaison rend uae
idée ^u'i^ ^çy^ibole simpjLe ^'aura^t pu noter. Ainsi, ep
/égyptuen- up croissant renversé ojcfipmpagné d*une étoile,
"^, ri^ad ridée 4^ ifpois; un veaji coupait ef Ifi signe de Veau,
^dî» celle de soi). L^éoiture idéographique était un
moyen fort incomplet de fixer et de transmettre la pensée.
Bile ne pouvait que placer des images et des symboles
à côté les uns des autres, sans étaldir de distinction
entJre les différentes parties du discours, sans noter les
flexions spéciales aux temps du verbe , aux cas et au nombre
des noms : il fallut joindre la peinture des sons à la pein-
ture des idées. Bien que par nature les symboles d'idée ne
représentent laïucun son, celui qui les lisait était obligé de
les traduire par le mot attaché dans la langue parlée à l'ex-
p^es^ion^de la même idée. Au bout d'un certain temps, ils
^éveillèrent dans l'esprit de qui les voyait tracés, en même
temps qu'une idée, le mot ou Les mots de cette idée, par-
tant une prononciation : on s'habitua à retrouver sous
ehaque figure et sous chaque symbole une ou plusieurs
Mononciations fixes et habitudies qui firent oublier au
lecteur la valeur purement idéographique des signes pour ne
produire s]xv lui q]ae J'impressipn 4'un oij de plusieurs sops.
î^e preqaier ess,^ de p^jo^étiso^e §§ fit p^r réhj^; on ^e
^vit 4^ images saas t^nir eomp^ des idées pour repré-
senter le son propre à leur sens pretnier. On en vint,
572 CHAPITRE XV.
à peindre, de la même manière, des mots semblables
de son, mais divers de sens dans la langue parlée. Le
même assemblage de sons nower marquait, en égyptien,
ridée concrète de luth, et l'idée abstraite de honte : le signe
{ rendit par figure l'idée de luth, par rébus l'idée de honte.
En groupant plusieurs signes on écrivit de longs mots,
dont la prononciation se composait, en partie, du son
de tel signe, en partie de celui de tel autre. Le lapis-
lazulise dit, en égyptien, khesdeb; on écrit quelquefois
ce mot par la figure d'un homme qui tire (khes) la queue
d'un cochon {DEB)^1P9t^. Dans une langue où tous les mots
n'ont qu'une seule syllabe, en chinois par exemple, l'em-
ploi du rébus ne pouvait manquer de produire une écri-
ture où chaque signe idéographique , pris dans son accep-
tion phonétique, représentait une syllabe isolée. Dans les
autres langues , le système de rébus ne donnait pas encore
un moyen facile "de décomposer les mots en leurs syllabes
constitutives et de représenter chacune d'elles séparément
par un signe fixe et invariable. On choisit un certain
nombre de caractères auxquels on attribua non plus la va-
leur phonétique qui résultait du son de toutes les syllabes,
mais cdle qui résultait du son de la syllabe initiale. On
en vint de la sorte à former des systèmes d'écriture où tous
les caractères idéographiques à l'origine ne représentaient
plus à l'ordinaire que des syllabes simples ou complexes ^
Les Touraniens de Chaldée nous ont laissé l'exemple le
plus ancien d'une écriture syllabique. Leur système adopté
par les Assyriens se répandit au nord et à l'est en Arménie,
en Médie, en Susiane, en Perse, et ne cessa d'être employé
que vers les premiers siècles de notre ère*. Outlié pen-
dant toute la durée du moyen âge; il n'a été sérieusement
étudié que depuis une centaine d'années. Niebuhr (1765),
Tychsen (1798), Mùnter (1800), frayèrent la voie à Gro-
tefend, qui le premier, en 1802 , réussit à déchiffrer les
1. Fr. Lenormant, Essai sur la propagation de t Alphabet phénicien parmi
les peuples de t Ancien monde, t. h p* i-53. — 3. L'inscription cunéifonne
la plus moderne porte le nom d*un roi parthe Paconis, qui rés^uiit entra
77 et 111 après J. G. Voir Oppert dans les Mélanges d^archémogie égyp
tienne et assyrienne, 1 1, p. ad-ag.
LES ECRITURES DU MONDE ORIENTAL. 573
cunéiformes persans et donna un alphabet rectifié et com-
plété en i836 par les recherches d'Eugène Burnouf en
France, de Christian Làssen en Allemagne. Quelques an-
nées plus tard un Anglais, Henry Rawlinson, porta l'é-
tude des inscriptions Achéménides à un tel degré de per-
fection que les travaux de MM. Oppert et Spiegel n'ont pu
changer que des détails k ses premières traductions. Le
déchiffrement du perse ancien n'était qu'un acheminement
à l'intelligence des textes babyloniens, assyriens et mèdes.
La découverte de Ninive par M. Botta, consul de France à
Mossoul (i846), les fouilles de M. Layard à Koyoundjik
et à Ninaroud (i849-i85i), livrèrent au public une grande
quantité de documents nouveaux que MM. Rawlinson,
Hincks et Fox Talbot en Angleterre, de Saulcy et Oppert
en France, parvinrent à déchiffrer avec certitude. Dès lors
les progrès de la science assyrienne ont toujours été cons-
tants; après avoir lu les textes bab^oniens, ninivites et
mèdes on s'est attaqué aux débris de la vieiUe littérature
chaldéenne. En moins de trente ans, un monde nouveau
de langues 'et de peuples inconnus s'est ouvert à l'étude :
trente siècles d'histoire sont sortis des tombeaux et ont re-
paru au grand jour \
Les écritures des différents systèmes sont toutes formées
par les combinaisons d'un même signe horizontal »^, ver-
tical |, ou tordu en forme de crochet ^. Cet élément a le
plus souvent l'aspect d'un clou ou d'un coin, d'où le nom
de cunéiformes qu'on donne le plus souvent aux écritures
de ce type*. Nous avons vu ailleurs que les paquets de clous
qui forment aujourd'hui les caractères dérivent de signes
hiéroglyphiques défigurés peu à peu au cours des âges.
Quelques-uns d'entre eux sont de véritables idéogrammes;
le plus grand nombre expriment des syllabes, les unes
simples, c'est-à-dire composées d'une voyelle et d'une con-
sonne; les autres complexes, c'est-à-dire formés de plu-
sieurs consonnes*
1. Pour Thistoire du déchiffirement, voir J. Méilant, Les écritures cm»
lnéiformes, in-S**, Paris, i864. — 2. Quelques savants aiîfiiais avaient pro-
posé le nom de arrow-headed, à pointe aç f^che^ qui n a pas été admis
généralemeut
5r74
G»tf mus %T
Le tableau des sylkbes sknpks peut se dresser eôaéàsie
il suit :
, *; i^^-» *«#
H, A, ^.
LES ÉCRITQRilS W> MOîfDE ORmNTAL. S75
5?,
D, P, tîn, pa, ^^]. ap; ^J-*-, pi, j^jj, ip; ^Tj, pifc, '
Les syllabes complexes peuvent s'écrire de deux ma-
Éières : i*" en les déconiposant de manière à en former deux
^Habes simples , dont la seconde commence toujours, dans
la prononciation , par la voyelle de la première. Ainsi , le
ot NAPSAT, âme, peut se chiffrer w^T t=^ V f^î» ^^ +
mot NAPSAT, ame, peut
i*p + si + iir; 2° au moyen d'un caractère spécial répon-
dant à la syllabe : tsJ ii^.i ^^^ + sat, au lieu de ^^^\ ttj
576
CHAPITRE XV.
Xpf K=^3» IfA-hAP + SA-^- AT. L
complexes est très-considérable :
BL
BP
BR
BS
BT
GK
GL
GM
GN
Gts
GP
GR
GS
GT
DKH
DK
^ im
\
.4=^
Mllî
J— î
rriiiî
a
35
n«^
H^iHff
LES ÉCRITURES DU MONDE ORIENTAL.
577
DL
DM
DN
DP
DR
DS
ZK
ZL
ZM
ZN
ZP
ZR
KHL
KHM
KHN
KHS
KHP
A.
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I>
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4-
J— ï
I.
I
if
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iv
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^■B>^Bii*I
<îtrîîîî
^ >r —.1
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S
IIIST. A^X.
37
578
KHT
KR
CHAPITRE XV.
:::UJ-
^4
9
*
f
es:]]
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•4 4-4
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ï
Jfcd
0.
I
f
e
^^A
a
^^
-^4-ïïî
îlT^
LES ÉCRITURES DU MONDE ORIENTAL. 579
LL
LM
LP
LT I
MKH
MK
ML
MN
MTS
MR
MS
MT
NK
NM
NN
NP
f ;
«
<f-
I
ff
mm
i«<
•41
41
<-fc.T— T
580
CHAPITRE XV.
NR
NS
NT
S'KH
S'K
S'L
S'M
S'N
S'P
S'R
PKH
PK.
PL
PM
PN
PR
PS
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Mm
«
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I.
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Ai
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I
LES ÉCRITURES DU MONDE ORIENTAL. 58i
m
CHAPITRE XV.
SKH
SK
SL
SM
SN
SP
SR
ss
ST
TK
TKH
TL
TM
TN
TP
TR
TS
m
ff
e=^
—TU
Jtd
LES ECRITURES DU MONDE ORIENTAL. 583
L^eiiamen de ce tableau montre que la plupart des signet
peuvent exprimer plusieurs sons différents. Ce phénomène,
qu'on a nommé polyphonie, est une des grandes difficultés
du déchifi'rement. 11 ne m'appartient pas d'exposer ici les
procédés que les assyriologues emploient pour arriver à
clés lectures certaines. Je me contenterai de clonner la trans-
cription et l'explication d'une phrase assyrienne, afin de
montrer la manière dont se combinaient les éléments du
système cunéiforme :
<ihk:i^ ^ i-f- e^ jm jm >\ z^ :zz
ÂR - Kl SU NaBV - KUDUR - UTSVR NI - RI -
Après lui , Naboukoudouroussour (I) les armemenls
5^ SU JS - 8A-A Â-NA ZA - AN - U BtR - W
de soi il porta aux défilés des frontières
SA ASSUR A- NA KA - SA - DI ÎL - Lï - KA
d* Assour pour la conquête il vint.
On remarquera que les noms propres d'hommes et de pays
sont précédés de signes spéciaux qui les annoncent. \ se
met devant le nom de Naboukoudouroussour. afin de mon-
trer qu'il va être question d'un homme ; ^ devant le nom
d' Assour, pour montrer qu'il va être question d'un pays.
Nàbou-koudour-oussour est formé de trois éléments signifi-
catifs, dont le premier est un nom divin, celui de Neho :
ce fait est annoncé par la présence du signe idéographique
des dieux » ] , derrière le clou vertical \ et devant le signe
idéographique du dieu Nebo fct=. Les deux autres élé-
ments sont également idéographiques, mais leur valeur
est prouvée par la variante purement sylla]:)ique, T >*— T
\ ^* |. NA'Bi'Ur-KU'DU'UR'Bi'U-Tsu'UR^ dcs briqucs de Ba-
bylone. Le nom de l'Assyrie est écrit avec l'idéogramme
da dieu Assour >*-^^ précédé du déterminatif des pays
584 CHAPITRE XV
-V. Les autres mois sont écrits syllabe à syllabe au moyen
des signes ordinaires dont j'ai donné le tableau \
Le système cunéiforme, légèrement modifié, fut em-
ployée écrire, outre Içs dialectes sémitiques de TAssyrie,
quatre autres langues non ariennes ', les dialectes toura-
niens de la Chaldée\ de la Médie*, de la Susiane et la
langue des gens d'Ourarti. Vers le vi* siècle avant notre
ère les Iraniens s'en emparèrent et firent, parmi les signes,
. un choix destiné à rendre les articulations de leur langue ^
1 )e cette opération sortit le système des cunéiformes ariens
le plus simple de tous et le plus facile à lire. La plupart
des signes qui le composent sont alphabétiques ; quelques-
uns sont restés syllabiques ou sont employés comme idéo-
grammes. 11 n'a jamais servi à écrire que les inscriplioni
rédigées dans les dialectes iraniens de la Perse et de la
Médie au temps des rois Achéménides : apparu avec Kyros,
il disparaît deux siècles plus tard avec Darios Godoman.
Wjem é«rttareB égyptiennes*
L'alphabet 9 le syllabaire, les signes déterminatllte*
Lorsqu'à la renaissance des lettres, les savants s*occu-
[>èrent de recueillir les fragments relatifs à l'antiquité, les
ivres consacrés aux écritures de l'Egypte et en particulier
des hiéroglyphes d'Horapollon attirèrent leur attention.
Égarés par les témoignages grecs et latins, les uns erronés,
les autres mal compris, ils imaginèrent que les caractères
hiéroglyphiques représentaient chacun une idée. Pendant
deux siècles et demi , les savants perdirent leur temps à
1 . Pour r étude de Tassyrien , voir Oppert, Expédition en Mésopotamie,
t. n, et Grammaire assyrienne, 2* édit. Paris, 1867; J. Menant, le Sylla-
baire assyrien, in-4% Paris, 1869-1872, et Leçons dépigraphie assyrienne,
in-8*, Paris, 1874; Sayce, Assyrian (rrammor, ia-i 2, Londres, 18^2; E.
Schrader, Die assyrisch - babylonischen KcHinschrifien , in -8*, Leipzig,
1872. — 2. De là le nom de cunéiformes anariens qu on a donné aux sys-
tèmes dans lesquels sont écrits ces quatre lances. — 3. Fr. Lenormant,
Élades accadiennes, 1-2 , Paris, in-4", 1872-1874. — à» Norris, Memoûr on
thescythic version ofdie Behistan inscription, dans le Journal of the royal
Asialic Society t vol. XV, part i. — 5. 0^\iex±^ Journal asiatîqac , 1874,
LES ECRITURES DU MONDE ORIENTAL. 585
rechercher sur les rares monuments, alors connus en
Europe, les signes idéographiques dont les auteurs clas-
siques leur donnaient le sens. Les uns, comme le jésuite
Kircher, improvisèrent, de toutes pièces, un système ingé-
nieux*; les autres, s'adressèrent à Thébreu, au chaldéen,
au chinois*, pour y retrouver des analogues à l'égyptien.
Tous les • efforts avaient été vains et le livre de l'Egypte
semblait devoir rester scellé à jamais, lorsqu'en 1799 un
officier d'artillerie français , M. Boussard , trouva , près de
Rosette, une inscription rédigée en trois écritures : hié-
roglyphique, démotique et grecque. Le texte grec montra
ique c'était un décret solennel, rédigé par les prêtres, en
l'honneur d'un Ptolémée, le cinquième du nom. Sil-
vestre de Sacy\ et bientôt après le Suédois Akerblad* en
étudièrent la partie démotique qu'en raison de son aspect
cursif on présumait 4tre de nature alphabétique. Aker-
blad, avec une sagacité merveilleuse, démêla quelques-
uns des principaux caractères du système nouveau qu'il
avait sous les yeux, et dressa un premier alphabet démo-
tique, dont la plupart des éléments sont restés acquis à la
science : s'il avait persévéré dans la voie qu'il s'était tracée,
il aurait peut-être résolu le problème des écritures égyp-
tiennes. Rebuté par le mauvais état du texte hiéro^y-
phique, il laissa à d'autres le soin de reprendre son œuvre
et de retrouver la clef du système.
Zoega avait remarqué déjà que les cartouches des obé-
lisques devaient renfermer des noms de roi écrits au moyen
de signes alphabétiques. Un savant anglais du plus grand
mérite, Th. Young, essaya de reconstituer l'alphabet des
cartouclies. De 181 4 à 1818, il s'exerça sur les divers sys-
tèmes d'écriture égyptienne, et sépara mécaniquement
les groupes différents dont se composaient le texte hiéro-
glyphique et le texte démotique de l'inscription de Josette.
Après avoir déterminé , d'une manière plus ou moins
exacte, le sens de chacun d'eux, il en essaya la lecture :
1. Kircher, Œdipus jEgypUacus, f, Romae, i652-i65A, 3 parties en
h vol. — 2. De Guignes, dans les Mémoires de t Académie des inscriptions
cl helUs lettres, XXIX, 11, XXXIV, i. — 3. Lettre aa citoyen Chaptal sur
t inscription éayptienne du monument de Rosette , in-8*, Paris, 1802. —
à. Lettre sur (inscription égyptienne du monument de Rosette, iu-8', 1802.
586 CHAPITRE XV.
les signes du cartouche ( " ^ ^ M P i '^^ parurent ex-
primer le nom de Ptolémée, sans qu'il réussit à leur assi-
gner à tous leur valeur exacte. Il reconnut que B, ^ et
\ \ répondaient à p, t, i; mais il considéra jj( comme un
caractère superflu, et donna au lion couché, j%At la valeur
syllabique ole, à ^=z celle de ma, à [1 celle de ôs , ose.
Encouragé par ce succès relatif, il prit le^ nom de Béré-
nice dans les textes de la Description de l'Egypte, et cher-
cha à déterminer le son des hiéroglyphes qui le compo-
saient. Analysant f ^ y y -* ^|^ % J » ^^ trouva les lectures
^ = Bin, «=» = E, f"*^ =: JY, Vj^ = KE, KEN; il considéra A
comme inutile, ainsi que a et %. Défalquant les fausses
valeurs qu'il avait cru découvrir, restait un total de cinq
caractères exacts : B,.p; •, r; H, i; '"'^t ^i et « — , f, v,
qu'il avait reconnus. Toutes ses tentatives pour aller au
delà restèrent infructueuses : il déchiffra Arsinoé, où il y
avait le titre Autokratâr, et Evergétés où il y avait Kcesar^.
Ses idées étaient justes en partie, mais sa méthode impar-
faite; il entrevit la terre promise, mais sans pouvoir y en-
trer.
Le véritable initiateur fut François Champoliion, qu'on
appelle Champoliion le Jeune pour le distinguer de son
frère aîné, ChampoUion-Figeac. Dès son enfance, il s'était
livré à l'étude des langues orientales et surtout à celle du
copte. Il publia^, de 1811 à i8i4, les deux prenoiiers vo-
lumes d'un grand ouvrage intitulé : ï Egypte sous les Pha-
raons, dans lequel il rétablissait au moyen des documents
coptes la géographie nationale de l'Egypte. La compa-
raison des monuments avec les manuscrits le porta à re-
connaître que les trois systèmes de l'écriture égyptienne,
l'hiératique, le démotique et l'hiéroglyphique ne diffé-
raient pas en réalité : l'hiératique et le démotique n'é-
taient que des tracés de plus en plus cursifs de l'écriture
ordinaire. Après avoir cru fermement que les hiéroglyphes
1. Th. Young, ÂrchœoJo^ia, 1817, XVH, 60 \Encyclo'pœdia Brit, 4* edit.
IV, 1'^ part; Account of discoveries ia hieroglyphic literature, 8% Loudon,
1825.
LES ÉCRITURES PU MONDE ORIENTAL.
sa?
étaient des signes d'idées, il finit par reconnaître qu'ils
étaient des signes de sons, et repnt, vers 1821, le pro-
lolème que M. Young n'avait pas résolu. Le premier résul-
tat de ses travaux, publié en septembre 1822, dans une
lettre adressée à M. Dacier, secrétaire perpétuel de l'Aca-
démie des inscriptions et belles- lettres, fut accueilli avec
une curiosité mêlée de quelque incrédulité. Le Précis du
système hiéroglyphique, paru deux ans plus tard, convain-
quit toutes les personnes de bonne foi et ne laissa sub-
sister aucun doute sur l'authenticité de la découverte.
ChampoUion, après avoir décomposé le nom de Ptolémée
en ■ , p; m, r; ^ , o; -Aa, l; -<=, m; < <, /; P, 5, essaya les
valeurs qu'il avait obtenues sur les cartouches
de CiPHy:). de (j.!^.krk:]|
et de
g '^l ^^IB^^ ^ /M^M^ "^ ■ 11^ ^Ê
où il lut les noms de Bérénice , de Cléopâtre et d'Alexandre.
Il obtint de la sorte un alphabet
, I.
, ^s», L, R4
p.p-
qu'il compléta bientôt par l'analyse des autres noms royaux
qui appartenaient à l'époque grecque ou romaine, et plus
tard par l'étude de cartouches plus anciens, tels que ceux
de f H P^^^ 1» PsMTK, Psammétique (xxvi' dynastie);
f^d^Pj, Thotms, roa(/imdm (xvm' dynastie), etc, On
588 CHAPITRE XV.
pouvait penser que cette manière d'écrire les sons avec un
alphabet était propre aux noms royaux, et qu'en dehors
des cartouchci on ne trouverait que des signes idéogra-
phiques. ChampoUion prouva que son alphabet appliqué
aux textes courants permettait d'y retrouver, non -seu-
lement beaucoup des mots, mai^ beaucoup des formes
grammaticales de la langue copte. On le mettait au défi de
déchiffrer autre chose que des noms propres; il traduisit
des phrases et prouva le bien fondé de ses traductions.
L'opposition n'en devint que plus forte, surtout chez les
savants qui se connaissaient ou prétendaient se connaîlie
en langue copte. M. Etienne Quatremère ne daigna même
pas examiner le système et le condamna. Klaproth ne Tétu-
dia que pour le combattre, avec une mauvaise foi et une
animosité que la mort même de ChampoUion n'apaisa
jamais.
Malgré ces attaques, la science s'imposa aux gens non
prévenus. Lorsque ChampoUion mourut, en i832, MM. Ch.
Lenormant et Nestor L'Hôte, en France; Salvolini, Rosel-
lini, Ungardli, en Italie; et bientôt après MM. Leemans,
en Hollande; Osburn, Birch et Hincks, en Angleterre; Lep-
sius, en Mlemagne,se mirent courageusement à l'œuvre.
Les écoles qu'ils fondèrent ont prospéré depuis, et l'égyp-
tologie a fait , en un demi-siècle , des progrès considérables.
lUustrée, en France, par MM. Enomanuel de Rougé, le
second chef de l'école après ChampoUion, de Saulcy, Ma-
riette , Chabas , Devéria , de Horrack , Lefébure , Pierret , J. de
Rougé, Grébaut; en Allemagne, par MM. Brugsch, Dûmi-
chen, Lauth, Eisenlohr, Ebers, Stern; en Hollande, par
M. Pleyte; en Norwége, par M. Lieblein; en Angleterre,
par MM. Goodwiû et Lepage-Renouf, elle ne cesse de
s'affermir chaque jour. Ses recherches s'étendent, ses tra-
vaux gagnent en solidité; dans quelques années, les égyp-
tologues déchiffreront les textes historiques et littéraires
avec autant de certitude que les latinistes lisent les œuvres
de Gicéron et de Tite-Live.
L'égyptien des époques classiques (xn*, xvm'-xx* dynas-
ties), possédait vingt-deux articulations différentes, et se
LES ECRITURES DU MONDE ORIENTAL.
589
servait, pour rendre chacune d'elles, d'un ou plusieurs
signes alphabétiques dont voici le tableau :
A l
A OU A . . j^.
A ou A... .».-i, w.
I M.^v
u ç.y
WouF... «
BouV,.. J.
M !Il.^.T.V
RL -=>
.p.
H
HouH*..
•
XouKh. •.
S ^
S^.S'.Sh. h
Q X
K w
T m
D T -*-^
T',TS,DJ, '^.
Les signes employés à rendre la même articulation s'ap-
pellent homophones, égaux de son. y^esihomophone de ^=z
et de I , c'est-à-dire que ces trois signes expriment indif-
féremment dans l'écriture l'articulation m. On pense bien
que, pendant les cinq mille ans pour lesquels nous avons
des documents écrits, la phonétique de l'égyptien dut
s'altérer. Jusqu'à présent les modifications ne sont bien
sensibles que pour les dentales et les gutturales. (, ts,
a cédé successivement la place à -^ip-, d, puis à a, r; le
"^^* InP l V jyL» J^ESTSETS, haïr, est devenu fllP ]p,
MeSTSED, puis III P^^, MESDED, puis fljl'^, MESTET, et CU-
fin fllP w , MESDi, ou 111 P^, MÔSTE. Daus l'état actuel de
la science il nous est impossible de retrouver la plus grande
partie des altérations analogues qui se produisirent au
cours des siècles.
Mêlés aux signes alphabétiques, on rencontre à chaque
instant dans l'écriture d'autres signes qui représentent à
590
CHAPITRE XV.
eux seuls une ou plusieurs articUlatiobs formant syllabe.
On les nomme syllahiques.
AJL • • •
AB. • •
AP. ..
AM...
AN...
4B-** *
Ao. . .
AT...
AD...
A.
T.* ^» »•. Ti ■#•■
f^^.
Ad. • • •
i
AA • • • • * '"•
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AM..** \t ■'■"'i I» !•
AN. • • •
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LES ÉCRITURES DU MONDE ORIENTAL.
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CHAPITRE XV.
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LES ÉCKirURES DU MONDE ORIENTAL.
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TSA. • • • J,, z^*»
TSR. • • • ^.
TSD.... |,
La plu{)art des syllabiques étaient pofyphones, c*est- à-dire
susceptibles de plusieurs sons. Pour éviter Tincertitude
qui aurait pu résulter de leur valeur multiple, on avait
soin de leur adjoindre un ou plusieurs compléments pho-
nétiques, c'est-à-dire une ou plusieurs des lettres qui for-
maient Texpression phonétique du mot. Ainsi, j répond
aux articulations ab et meb; lorsqu'il devait avoir la valeur
AB on le faisait suivre du a, J J ; lorsqu'il devait avoir la
valeur mer, on écrivait f „_^. ^ peut se lire également ad,
SEM ou SOTEM, DEif OU TEN ; si je trouve dans un texte le
groupe ^ j^ = a? + Jf , coname ni ad, ni den ne renferment
la lettre m, il faudra que je donne à ^ la valeur de se3i
où soTCM^ entendre. Si, au contraire, je trouve ^ ou ^iJ^ ,
je devrais lire ad ou Dey. Lorsque le scribe a négligé do.
!)reDdre cette précaution, c'est quç le contexte indiquait
e sens du mot, et par suite la valeur phonétique du signe,
de manière à rendre toute erreur impossible. Ainsi, dans
le membre de phrase ^ J^ P i i i ^ 1 ly Su * — ♦ Au-seN Sa-
TBM ou AD ou DeN kheru-w, ils sa voix; il faut tra-
duire nécessairement le signe ^ par entendre, écouter, et,
nécessairement aussi le lire scm ou sotcm. En résimié,
les signes syllabiques peuvent s'empteyer isolés J , b'on;
•<i^, Nés; twn^ nub; ou nien se combmer avec un ou plu-
IIIST. ANC. 38
M4 CBAPITSE VI.
sieurs signes alphabétiques correspondant à chacune des
articulations dont ils sont formés. Dans ce cas ils peuvent
se placer :
' i"* Derrière tous les signes alphabétiques dont ils sont
l'équivalent syilabique, '""^ (, jj^l , notscm, ioum, agréable;
^ P K ^5, flûte, roseau;
2" Entre deux des signes alphabétiques "'^ \ j^, Norseu,
y Devant tout ou partie des signes alphabétiques ( \,
NOTSeM, l P, AS.
Ou trouve, enfin « k côté das àgsfm «dphabétiques un
grand nombre de signes idéo^aphiques. Parfois ils servit
à rendre dans récriture une idée exprimée dans le langage
par un mot plus ou moins long : |, se lit ^, iruTeM, et
signifie dieu; t, se lit „.^®, et signifie vie. Le plus sou-
vent ils ne se lisent pas et rentrent dans la classe des déter-
mintUifs. On appelle dàterminalifs les signes d'idée placés
après l'expression phonétique de chaque mot, de manière
à figurer aux yeux par une i^page Tobjet ou l'idée dont
les signes précédents nous donnent la valeur littérale. Le
mot ^ <aE>, pairi:, se compose de deux parties : la pre-
mière "i* ^ phonétique est formée du syllabique "5^, aq,
et de son complément j, q; la seconde <^ représente
l'objet même, le pain. Les déterminatifs sont de deux na-
tures. Les uns ne conviennent qu'à un seul objet ou à une
seule idée : ce sont les déterminatifs spéciaux. L'oreille ^
est un déterminatif spécial, car elle ne s'emploie que dans
les mots qui expriment l'idée d'oreîUe: ||lP^^, MesTsen,
' T^^ÂNKB, j^,^9.DeN. Les autres sont génériques, c'est-à-
aire se placent après un graud nombre de racines qui
I n'ont que des' rapports éloignés de sens les unes avec les
autres. Ainsi , 3l détermine : V tous les mots qui marquent
ua aoie m^térid de la bouche : f )^ ^^ ^i ^i» manger;
LES ÉCRITURES DU MONDE ORIENTAL. 595
KHenu, crier; ^ Jl, tsod, parler; 2"* fous le$ mots qui
marquent une idée abstraite, entraînant ou pouvant en-
traîner un acte matérid de la bouche ®^ 2) ♦ ^^^^> ^^'
diier; ^ 3l» ^^^» connaître, savoir; i^2i» ap, juger.
Quand le même mot a plusieurs détenninatifs, c'est ordi-
nairement le dernier qui donne le sens de la racine. \ ,^«^
l aW» B'ereB, a le déterminatif des saisons i ou X.» d'a-
bord, le cheval Jfj^ ensuite. Il signifie : cheval, attelage de
chevaaœ.
Le nombre des déterminatifs est considérable; voici la
liste de ceux qu'on trouve le plus fréquenmient dans l«ft
textes :
»— », !• [PE], ciel, plafond; a' élever, supériorité.
'^ ^ 'jr, nuit, obscurité.
O , i"* [RÂ] , soleil, lumière ou absence de lumière ; s"* divisions du
temps.
•d«, pays montagneux, par suite pays étrangers, FÉgypte étant
un pays de plaines.
Q, i"* circonscription de territoire; a' ville ou viilage.
;, nome..
, g,„^y Teau et toutes les idées d arrosage, de lavage, de
purification, de soif qui s'y raltacheot.
H, le feu, la chaleur, la flamme.
Ml )i • l*homme et la femme ordinaires.
4^ ^« les dieux, les ancêtres, les rois, toutes les personnes
vénérables.
JU> toutes les actions : i"* de la bouche, 2° de la pensée*
J^, le repos, la tranquiQité, la faiblesse.
^, ^, l'adoration.
596 CHAPITRE XV.
^1, I* Timpiété, le crime; a"* Tennemi.
jHy 1* la hauteur; a* Texaltation , la joie.
\%, !• le chef; a' la dignité.
jf), i' reniant; a* Téducation; 3* le renouvellement.
], 1* embaumement ; a"* rites , usages ; 3* images , formes.
IB^., 1* la chevelure, les poils; a"* la noirceur; 3** le deuil.
j^^^ 1* la vue; a' la veille; 3"* la science.
/^, Jm ^ 1* Todorat; a' la respiration; 3* la joie, le plaisir;
4* la tristesse; 5* la prison.
^M, \, 1* Taiimentation ; la parole; 3"* les matières terreuses
4* V seul, les districts, les villes.
V-Ji toutes les actions exigeant le développement d'une force.
^«-a, Téloignement, récartement.
J , j , A , A. , la marche dans les diverses directions.
7 « i"" les quadrupèdes; a* la peau et les objets ea peau.
%., t« les membres.
^, les oiseaux et les insectes.
'V«, i"" la petitesse; a"" le mai, Timpiété.
), les arbres.
%^^, le bois.
liK, 1** les herbages; a* les plantes en général.
d3« les édifices.
tti, i"" les chemins; a* la marche; 3* le temps écoulé.
■, la pierre.
kdL^, i" les barques; a* la navigation; 3* le voyage.
nTi i* le vent; a* la fraîcheur.
•*^, 1* écritures, livres; a" peinturets; 3' toutes les idées abs-
traites*
LES ÉCRITURES DO MONDE ORIENTAL. 597
«»V» i* écriture; a* peinture; 3' le lien, Tattache.
75 , I i , les étoffes.
C 1^, $, les différents liquides, vin, lait, parfum, etc.
• • •, les matières granulées, blé, couleurs, sable, etc.
Sll, i"* Tembaumement; a** les comptes, les calculs.
•
Pour mieux faire comprendre le jeu des différents élé-
ments dont se composait récriture égyptienne, on me per-
mettra de donner la transcription et l'analyse d'un passage
emprunté à la grande stèle triomphale de Thotmès III :
Le premier groupe J f, se lit eï; il est composé du sylla-
bique J et de la lettre ^, et veut dire aller. "-^ J^ ;v-/. N
est l'indice du passé, et / le pronom de la première per-
sonne du singulier. EI-N-I, se traduit donc je suis allé.
û, DIT est donner, J, / est encore une fois le pronom de la
S remièrepersonne: DU-/ jedonncj'occorde. ^^^^ ^^-^, tata,
étermine par v-i, signifie : écraser, assommer; -mm^^ k,
est le pronom de la seconde personne du masculin singu-
lier. TatA'K, tu écrases. Le signe ii^ , trois fois répété pour
marquer le pluriel, se lit ua, oêr, grand, chef; 1 JV^ITl,
déterminé par le signe des pays, étrangers , ^^ est le nom
de la côte cananéenne Tslm : oér-u, Tsàhi, les chefs de
pays de Tsàhi. Tous ces mots réunis forment un premier
membre de phrase : EÏ-NI DU-I T AT A-K OER-U TSAHi,
je suis alléfj accorde [que] tu écrases les chefs de Tsàhi. Dans
le second membre de phrase se trouvent ^^ ^^^j, ses', je-
ter*^ y^^ser, pronom de la troisième personne du pluriel;
^, KHeR, sous; j j, signe idéographique se lisant rut, les
Îneds; 'v^, k, toi; @ ^ , KHer, littéralement à la suite de^
ocution adverbiale qui signifie ici avec; *^^^seT, et répété
598 CHAPITRE XV.
trois fois pour le pluriel, ser-u; f7^, seN, pronom delà
troisième personne du pluriel, dont les deux éléments al-
phabétiques s et TV sont suivis des trois barres III, signe
idéographique du pluriel. En réunissant toutes ces doD-
nées on a le membre de phrase : SeS'-I SeT KHeR RàTeK
KHeT SeT-USeN, je jette eux (les chefs) sous [les] pieds de
toi avec [les] pays d*eux.
L'écriture hiéroglyphique ne s'employait guère que sur
les monuments publics ou privés; pour les usages de la
vie courante et pour la propagation des œuvres littéraires,
on se servait d'une écriture cursive dérivée des hiéro-
glyphes et nommée hiératique, par les modernes. Tandis
que les hiéroglyphiques s'écrivaient indiflféremnient de
droite à gauche ou de gauche à droite , l'écriture hiératique
s'écrivait toujours de droite à gauche. En voici quelques
spécimens. Le premier emprunté au papyrus Prisse ( xi* dy-
nastie) *,
se transcrit lettre à lettre :
BAN BU eM KHoPeR NoWeR BU
mal en devient îê bien.
Les deux suivants nous reportent à la xix* dynastie :
ilatlS^
MÛ N ÛA KHoPeRU DUT H*eR RÂ PÀ AU
eau une être faire à Soleil le fut'*
itâbj«^
eW RaN UÀS M NaKHTU
de lui le nom [est] Thébaîdeen Force*.
1. Pap. Prisse, pi. V, 1. i. — 2. Pap. d'Orhiney, p\ VI, l. 6. — 3. Pap,
SaUierlII, pi. !, 1. 6.
LES ÉCRITURES DU MONDE ORIENTAL. 599
Le dernier est d'époque gréco-romaine :
s^ttiitj:
NuB eM BaK eM K KHoPRU NeK ABU
d*or épervier eotatran&fo^nationTua8fait^
Entre îa x\i* et la xxv' dynastie, le système hiératique se
simplifia pour la commodité des transactions commerciales.
Les caractères s'abrégèrent, diminuèrent de nombre et de
volume et formèrent une troisième sorte d'écriture, la
populaire ou démotiqae, employée dans les contrats à par-
tir du règne de Shaoak et de Tahraqà. L'étude du démo-
tique a été négligée à cause des difficultés que présente le
déchiffrement et de l'aridité des textes connus jusqu'à pré-
sent. Le passage suivant :
WN-AMWADToPenMARaKH eWAN
en lui il était monde du le lieu ne sut lui Point*.
suffira à montrer ce qu'était devenue entre les mains des
derniers Égyptiens l'écriture large et hardie des vieux
scribes.
OwîglÈMÈm dm Iffdphabet phénielen) ses dérlTés «riens.
Les Assyriens s'étaient arrêtés au syUabisme, les Égyp-
tiens avaient trouvé le caractère sdpnabétique sans pou-
voir se débarrasser des syllabes et des idéogrammes, des
homophones et des polyphones : les Phéniciens inven-
tèrent l'alphabet proprement dit\
Dès le début, CbampoUion émit l'opinion que l'alpha-
1. Pap, de Boulaq, n' 3, p. 3, i. 20. — 2. Roman démotique, pi. UI,
1. 1. — 3. Platon, Phœdon, p. 27^; Diodore, I, i5; Tacite, Annales, XI,
l^tCtC.
000 CHAPITRE XV.
bet phénicien dérivait des hiéroglyphes d*Égypte^ Ses
idées développées par Salvohni % modifiées par MM. Ch.
Lenormanl et Van Drivai, n'avaient reçu aucune consécra-
tion scientifique , lorsque M. de Rougé reprit le problème
pour son compte et en donna la solution '. Il prouva qu'au
temps où les Pasteurs régnaient en Egypte, les Cananéens
avaient choisi, parmi les formes de l'écriture cursive, un
certain nombre de caractères répondant aux articulations
fondamentales de leur langue. Sa démonstration, repro-
duite en Allemagne par MM. Lauth, Brugsch et Ebers, fut
considérée comme décisive et les résultats en ont été ad-
mis généralement *.
L'alphabet phénicien se compose de vingt-deux, lettres,
dont quinze sont assez peu altérées pour qu'on reconnaisse
leur prototype égyptien du premier coup d'oeil, et dont
les autres se ramènent au type hiératique sans blesser les
lois de la vraisemblance \
1. Leitrt k M, Dacier, p. 8o. — a. Analyse grammaticale de tinscrwtian
de Rosette, p. 86 sqq. — 3. Dans un mémoire lu en iSôg devant rÂca-
déniie des inscriptions et belies-lettres , publié en 1 874 , par M. J. de Rougé.
— 4. M. Halévy a essayé de prouver que le caractère phénicien dérivait
non pas des formes hiératiques, mais des formes hiéroglyphiques defé-
cnture égyptienne {Mélanges d'épigraphic sémitique, p. 168-189). —
5. De Rougé, Ménwir^. sar ia propagation , ^l. I.
LES ÉCRITURES DU MONÙE ORIENTAL. 001
Cet alphabet, employé d^abord dans le pays de Canaan,
s'y modifia selon les localités et forma successivement les
alphabets araméens, paimyréniens , hébreux. Transporté
par les Sidoniens et les Tyriens dans les contrées ou les
menait le commerce, il devint comme la souche com-
mune d^où se détachèrent tous les alphabets du monde
connu, depuis Tlnde et la Mongolie, jusqu'à la Gaule et
l'Espagne. Je n'ai pas à m'inquiéter ici des systèmes qu'il
enfanta chez les peuples de l'extrême Orient ou de l'ex-
trême Occident : il me suffira de montrer comment de
Phénicie il passa en Grèce, puis de Grèce en Italie.
Les Grecs connaissaient l'origine phénicienne de leur
alphabet. La tradition la plus accréditée, parmi eux, attri-
buait à Kadmos l'honneur d'avoir le premier répandu l'é-
criture sur le continent européen ' ; d'autres légendes nom*
maient, au lieu de Kadmos, Orphée*, Linos*, Musée* et
surtout Palamède. Les titres de Palamède à l'invention ou
plutôt à la propagation de l'alphabet parurent si bien fon-
dés qu'on essaya de trouver une combinaison qui réservât
ses prétentions sans diminuer la gloire de Kadmos. On
imagii^a que Kadmos avait apporté çn Grèce un alphabet
de seize ou dix-huit lettres , complété plus tard par Pdia-
mède. Les lettres cadméennes primitives étaient, selon les
uns. A, B, r, A, E, 1, K, A, M, N, G, H, P, S, T, T; selon
les autres, A, B, T, A, E, Z, 1, K, A, M, N, 0, P, S, T, T,
O. Les lettres de Palamède étaient tantôt au nombre de
trois : 6, O, X, tantôt au nombre de quatre : Z, O, 0, X,
ou bien. H, ■*•, O, X^ ou d'autres encore', La science mo-
derne a prouvé qu'en matière d'alphabet comme en bien
autre chose, les Grecs s'étaient laissé trop vite emporter à
leur imagination. L'alphabet cadméen se composait des
vingt-deux lettres de l'alphabet phénicien plus ou moins
modifiées pour satisfaire aux exigences de la phonétique
grecque. Les gutturales douces et les semi-voyelles des
1. Hérodote, V, 58. — 2. Alcidam. ConU Pahuned. p. 75, t. VIII, édit.
Eeiske. — 3. Diodore, III, 66. — 4. Bekker, Anecdota grœca, t. H,
p. 783. — 5. Servius, Ad. Mneîd, II. 83; Plutanvie. Symposion, IX, 3;
Pline, H.iV. VII, 56, etc.
002
CHAPITRE XV,
langues sémitiques qui n'avaient que faire dans les idiomes
helléniques furent transformées en voydles véritables :
/J^ en A, a; ^ en 3 , e; y en X, X , ou, y; o en O, o; ^ en
I , I. L'aspirée g prit double valeur : elle fut selon les cas
une voydle longue ou un signe d'aspiration. De ces alté-
rations de valeur résulta un alphabet que les inscriptions
archaïques de Théra nous ont conservé en entier.
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Alphabets archaïques de th^ra.
Sur les textes les plus anciens il s'écrit de droite à gauche
comme son prototype phénicien; puis, l'usage s'intro-
duisit de ranger les lettres en lignes Sexueuses autour
des figures qui ornaient le monument. Cette dispositioQ
' LES ECRirURES DU MOxUE ORIEiNTAL. Ô03
rappela à l'esprit des contemporains la marche du bœuf
attelé à la charrue, que le laboureur fait revenir sur lui-
même pour tracer un second sillon à côté du premier ; ils
lui donnèrent le nom de Boustrophédon, qui lui resta. Plus
tard , on substitua aux lignes flexueuses des lignes droites
parallèles dans lesquelles la direction des caractères alter-
nait régulièrement : la première ligne était écrite de droite
à gauche, la seconde de gauche à droite, et ainsi de suite
jusqu'à la fin du texte. Le boustrophédon servit de transi-
tion entre les systèmes sémitiques où les lignes se lisent
de droite à gauche, et le système européen où toutes les
lignes se lisent de gauche à droite.
L'alphabet cadméen ne tarda pas à s'altérer selon les
lieux et à former des variétés qu'on divise parfois en deux
classes, plus souvent en quatre: i** les alphabets éolo-do-
riens en usage dans la Béotie, l'Eubée et les colonies chai-
cidiennes, la Phocide, k Locride, la Laconie, l'Élide,
l*Achaïe et ses colonies, Égine, Mégare, Céphallénie, la
Thessalie et la Grande-Grèce^ 2" l'aiphabet attique; 3" les
alphabets des Grecs insulaires; A*" l'alphabet ionien. Le
plus complet, l'alphabet éolo-dorien, compte vingt-huit
signes répondant à autant d'articulations distinctes ; le
plus incommode est l'alphabet attique. Tous restèrent en
usage jusqu'à la fin du v' siècle avant notre ère : sous l'ar-
chontat d'Euclide en l'an II de la xcvi" olympiade (4o3
av. J» G. ) les Athéniens se décidèrent à adopter l'alphaÎDet
ionien de vingt-quatre lettres et leur exemple fut bientât
suivi par tous les peuples delà Grèce. Il n'y eut plus désor-
mais qu'un alphabet commun :
ÂBrAEZHeiKAMNSOnPSTT^XH^Û
différant sensiblement de l'ancien alphabet cadméen par
l'ordonnance et la nature des lettres.
De Grèce l'alphabet cadméen se répandit sur tous les
!)ays environnants. L'Asie Mineure ne nous a pas encore
ivre de monuments assez anciens pour nous permettre de
suivre l'histoire des transformations que subirent les écri-
tures d'origine phénicienne chez les différents peuples de
la côte ou de l'intérieur. Les alphabets des inscriptions
004
CHAPITRE XV.
lyciennes et phrygiennes ne nous sont connus que par
des documents de date ré-
cente. Ils renferment l'un
et l'autre un fond commun
d'origine grecque et non pas
directement phénicienne ,
car ils possèdent les lettres
F, <ï>, X, ajoutées, par les
Grecs , aux vingt-deux lettres
sidoniennes. Mais les Ly-
ciens, dont la langue pré-
sentait un système de voca-
lisation délicat et compliqué,
ont multiplié les types de
voyelles. Dans les signes qui
répondent à Va on reconnaît
un élément générateur, Y ou
V emprunté à l'alphabet cad-
méen; mais les signes pour
à, ï, û, V, ô, sont tracés
arbitrairement et ne répon-
dent à aucune des formes
connues de cet alphabet*
Quelques monuments de la
Carie portent des inscrip-
tions tracées dans un carac-
tère différent du phrygien
et du lycien. C'est une écri-
ture mixte : certaines lettres
semblent se rattacher aux
prototypes cadméens ; d'au-
tres paraissent provenir di-
rectement du phénicien,
d'autres, enfin , ont un aspect
tout particulier. Aucune ten-
tative sérieuse n'a été faite
Jour déchiffrer les textes ré-
igés en carien , et pour dé-
terminer, d'une manière cer-
taine, la valeur des signes aui en composent l'alphabet.
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ALPHABET LYGIEN.
Si les peuples de l'Itdie avaient emprunté directement
aux Phéniciens leur système graphique, on s'expliquerait
difficilement la présence dans l'alphabet étrusque de lettres
qui ne sont pas phéniciennes d'origine. Tacite a eu raison
d'affirmer que les Étrusques reçurent des Grecs l'usage de
l'écriture \ et l'étude des monuments prouve qif il faut
étendre son assertion aux autres peuples itdiens. Trans-
porté en Italie, par les colons helléniques de la Sicile et
de la Campanie , l'alphabet éoloKiorique s'y modda sur deux
types, l'étrusque et le latin. Au type étrusque se rattachent
les alphabets ombriens, osques, sabelliques au centre de
606
CHAPITRE XV.
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ALPHABETS LATINS.
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Ga&pmus xy.
ritalie; euganëen, rhé tique et salasse dans le bassin du
Pô. L'alphid)et latin était d*abord composé de vingt et une
lettres, et s^arrétait à X, que Quintilien nomme ultim
A A
B B
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A /K
B B
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I
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ALPHABETS GREC DB GAMPAMIB ET LATIN.
nostraram, la dernière de nos lettres originelles*. H se
compléta plus tard par ¥Y et le Z, et donna le type d'oi
sont dérivés avec qudques variantes tous les alphabets
employés aujourd'hui par Jes peuples de race latine, ger-
manique où slave *.
1. InstiL orat. I, At 9* — 2. Les alphabets intercales dans le texte anx
pages 6oa , 6o& , 6o5 . 6o6 , 607 et 608 , sont empruntes à Tarticle de
M. F. Lenormant sur YAlphàbel dans le dictionnaire des Antiquités GrtC'
quet et Romames, de MM. Daremberg et Sa^o, 1. 1, p. 188-218.
typographie Uhure^ ïue de Pleurus, 0^ à Par»
INDEX GÉNÉRAL
(Les chiffres indiquent les pages).
Aa (paysd*). f09.
Aalaq. Voyez Philœ,
Aalou (les champs d'), 42.
Aaloun, Yille cananéenne, 198, 203.
AAMOU, un des noms ({ae les Égyptiens
donnaient aux Asiatiques» 37 } soumis
par Papi, 89.
Aarbthet, Arrkthbt, peuple nubien
battu par Papi, 90; soumis a Merenrâ,
92.
Aabon, frère de Moïse, 260 ; ses descen-
dants forment la classe des prêtres,
327.
Ab, roi d'Egypte, VII» ou VIII» dyn.? 95.
ABADAN. Voy. Abdadan,
ABAILGNA. Voy. Bikni.
Abana, rivière de Damas, 182, 187, 333.
ABDADAN, ABADAN, contréc 8oumis6 par
Touklat-habal-asar II, 371.
Abdastart, roi de Tyr, 350
Abdimilkout, roi de Sidon, 423, 442.
ABEHA (pays d')^ 91-92.
Abel-bëth-Maacha, prise par David,
320; par Touklat-habal-asar II, 374.
AB1AM; Voy. Abijam.
ABiATHAR, le grand prêtre, 321.
Abibaal, roi de Tyr, 321.
ABiJAH, fils de Samuel, 308.
Abijam, Abiam, roi de Juda, 340.
Abila, soumise à Damas, 188.
AB1MELECH, roi dss Hébreux, 297, 300.
ABiSAï, frère de Joab et un des Gibbo-
rim, sauve David un jour de ba-
taille, 315; bat les Iduméens, 317;
Içs Ammonites, 318.
Abneb, proclame roi Ishbaal, 313; Ta-
bandonne, 31 4.
Aborras. Voy. Khabour.
Abou, éléphantine, capitale du nome
de To-Qens, 20; lieu d*origine delà
VI* dynastie, 88; ville frontière sous la
XI* dyn., 99, et sous la XXVI*, 489,
492; constructions des rois de la
XVIII* dyn., 209. — D'Abou jusqu'à
Adhou, locution égyptienne, 60, 102.
Aboud. Yoy» Abydoâ,
HIST. ANC.
ABRAHAM, Abram, chcf des Hébreux.
173; bat Koudout-Lagamer, 194: son
pacte avec Jahveh, 289; d'après la
tradition arabe, ieté dans une four-
naise par Nimrod, 16S.
Abricotier (l*) indigène en Egypte, 8.
ABSALOM, Absalon, fils de David, sa
révolte et sa mort, 319-320.
1. Abtoos d'Asie, colonie phénicienne.
.245.
2. Abtdos, Aboud, d'Egypte, sa descrip-
tion, 21-22; est consacrée à Osiris.
21, 29; succède à Théni, 60-61; est
peut-être le lieu d'origine de la VI*
dyn., 88; bataille près d'Ab^rdos, 383 ;
leçoit un comptoir de Milésiens, 527.
— Constructions d'Ousortesen I, m»;
de la XIII* dyn., ti9; deSéti I, 217;
deRamsès II, 226; de Ménephtah I,
251.
Abyssinib (montagnes d'), 6 et passim.
Acacia (1*), indigène en Egypte, 8; en
Élam, 153.
Acbatana. Voy. Ecbatane,
ACCAD (ville d*), appartient à Nimrod,
165; prise par Amenhotep II, 208;
(peuple d'). 1S4.
ACGO. Voy. Ako.
Acbrbas. Voy. Sicharbal.
Achab. Voy. Akhab.
ACHAZ. Voy. Akhax.
ACHÉENS, envahissent TÉgypte sous Mé-
nephtah I, 251-253.
AcHEMÉNiDES. Voy. AkhéménideiJ
ACHTHOÉs, roi d'Egypte, IX* dyu., 95-96.
AcoRis. Voy. Hakori.
ACRE (St-Jean d'). Voy. Ako.
AÇTVAT-ERETô, le prophète, 467 .
Adanit, n'est pas Adana de Ciiicie, 281,
note 1.
Adar, identifié à la planète Saturne,
151 ;son temple à Kalakh, 343.
Adar-habal-asar, Adar-pal-assar,
roi d'Assour, 279, 284; serait l'ori-
gine d'une dynastie lydienne, 480.
Adar-Samdan est Ninos, 27Ç.
. 39
610
INDEX GÉNÉRAL.
ÀD-DOUMOU, DouMAT, p«Tf d*Anbie,
tournis par Sin-akhé-irio, 425; par
A88oar-aKhé-idin, 435-4t26.
Aden. Vov. Aten,
Adhem, affluent du Tigre, 137, 375.
Adhou. Voy. Abou,
ADiTES (les) dans le Yémen, 424.
ADONAi, identifié avec Aden, 212; prête
■a vocalisation à Jahveh, 289, note 2.
Adonias, Adonuah, fils de David, 320;
sa mort, 321.
Adonis, fleuve de Phénicie, 190.
Adonisbdek, roi de Jébus, 292.
Adrammélech, assassine Sin-akhé-irib,
422.
Aoos-POTAMOB (bataille d'], 560.
Afrique (colunisation phénicienne en),
91>4-295, 821, 441, 443-444; périple de
l'Afrique parordredeNéko II, 494*495.
AoAO, roi d'Amalek, 810-311.
AGAOA, AoAGi. Vov. Agaza^ Agazi.
Agané, ville de Cnaldee, 155; sa pré-
pondérance, 194-195; embellie par
Saryonkin I, 196.
AoARSAL, ville de Chaldée, 279.
Agate (l*) Importée en Assyrie, 370.
AOAZA, Agazi. Agaga, Agagi, contrée
de Médie, 460.
Agbatana. Voy. Ecbatane.
AGÉNOR, identifié à Bel, 190; Cf. 189.
AoÉ8iLAS,r(ii de Sparte, envahit la Phry-
gie, 562; en Ëgyi)te, 566.
AoRON, AGnocN, Toi de Lydie, 479-480.
1. AHMès I, AMASis I, AMôsis I, roî d'E-
gypte (XVIII» dyn.), l76-»77; ses
constructions, 208.
2. Ahmès II, AiiAsis II, Am6si8 II, roi
d'Egypte (XXVI« dyn.), devient roi.
AKHAUANiSH. Voy. Ahhéménèâ^
AKHARROu. Voy. Syrie,
AKHASSi, province de la Syrie, 347.
AKHAZ. ACHAZ, Jehoajlhaz, roi de Juda,
37.V374.
Akhaziah, Ochosias, roi d'Israël, S55-
356; — roi de Juda, 357-358.
1. Akhéménès, Akhamanish, Achémé-
NÈs, roi de Perse, 508.
2. Akhéménès, AKHÉMBNiDès, satFape
d'Egypte, 5)3; sa mort, 556.
Akhéménides (les), 508.
AKHiiMÉNiDÈs. Voy. 2. Akhéménês.
Akhès, roi d'Egypte, III* dyn., 76.
1. Akhijah, père de Baesha, 340.
2. Akhijah, le prophète, 331.
AKHi MELEE, le grand prêtre, 312.
AKHiMou (les) OURDOU, 32^ 78 ; — SB-
KOU, 32, 78.
Akuinoam, une des femmes de David,
319.
Akhis, roideOath, 312.
Akhlab, ville cananéenne, 295.
AKHMiTi, roi d'Ashdod, 401.
AKHZfB, ville cananéenne, 189; reste
aux Sidoniens, 295.
Akkar (mont d*), i9o.
Akkerkouf. Voy. Dour-Kourigalzou.
AKKi, l'ouvrier, f9S.
AKO, Acco, ST-JEAN-d'AcRE , ville ca-
nanéenne. 189; reste aux Sidoniens,
295; base d'opérations contre l'Egypte,
565.
AKÔMAN6, un des démons iraniens, 467.
AE.AL, une des classes de démons, chez
les Chaldéens, 144.
Alam (vicloire de David à), 318.
A LAPA nos, un des rois mythiques de la
Chaldée, '159.
512-513; s'allie àKrœsos, 513; garde ,
la neutralité, 515; perd la Phénicie, 1 Alarodiens. Voy. Ourarti.
520; son administration, 523-528; sa 1 albordj (le mont), 133.
mort, 529; outrages à sa momie, 532.
S. AHMÈs (la reine), 201.
4. Armés Nov^tert-ari (la reine), 176,
201; n'est pas Sémiramis, 278, note 2.
Ahnas-el-Mbdineh. Voy. Hâkhnensou.
AHOURA mAzdA. Voy. Âoura-mazda.
Ahriman. Voy. Artgrâ'Maïnyous.
1. Aï, roi hérétique (XVIIl* dyn.), 212-
213.
3. Aï, Tille de Palestine, 292.
AIari, le fonctionnaire, 255-256-
Aigle (1), indigène en Egypte, il.
AlPAESiNA. dieu Élamite, 436.
▲ÎRTANrM-VAEOJO (1'), 455.
AJALON, prise par les Philistins, 373.
Aj-oahak. Voy. Azi-dakak,
Akerblao, ses travaux, 585.
AXHAB, ACHAB, roi do Juda, 350-351;
ses guerres contre Damas, 352-353.
354-355; son alliance avec Benhadar |
Alcméon, enrichi par Krœsos, sii,
note 3.
ALEP. Voy. KheUep.
Alkxandrb de Macédoine, détruit Tem-
§ire Perse, 568-569 ; trouve les stèles
e Sémiramis, 277 ; coupe le nœud
goidien. 240.
Alexandrie, sa fondation ruine les
villes du Delta, 26.
Algazelle (1') apprivoisée par les Égyp-
tiens, 10.
ALisPHRAGMOUTHOSis, rot d'Egypte,
XVII« dyn., 176.
ALKiGOS, roi de Lydie, 479.
Alkimos, roi de Lydie, 481.
Allabria (pays d'), Elbrouz, Harô-
BEREZAÎTI, 460.
AUuvions (les) du Nil ont formé l'E-
gypte, 2; et le Delta, 6; leur accrois-
sement à l'embouchure du fleuve.
II, S5S; avec Jehoshaphat, 364; sa i 6-8 ; — du Tigre et de l'Euphrata ont
mort,S55f' I formé U Chaldée, i37-iS8î '
INDEX GÉNÉRAL.
611
AJLMÉLÔN, nn des roif mythiqnei de U
Chaldée, 159, note 3.
Almoug (le boie d*), 824, note 4.
Alo Cle pays d*), 533.
Alûros, le premier roi mythique de la
Chaldée, i&9.
ALOUAKA. Vuy. Ouriakkou,
Alphabet (!') égyptien, 589; — phéni-
cien, 599-601; — grec, 601-603; —
phrygien, 604: — lycien, 605; —
étrusque, 606; — latin, 607-608.
Altakou , Eltekeh , victoire de Sin-
akhé-irib, 406.
Alun (1*) de Mélos, 244; d*Égypte, 526.
ALTATTES, roi de Lydie, son règne,
483*484; son tombeau, 510-511.
AM inférieur, nome du Delta, 25. ,
AMADA (temple de Thotmès III à), 209.
AMADAÏ. Voy. Madaï.
AMALÉCITES, AMALEK, leur positlou,
193-194; oppriment Israël, 300 ; bat-
tus par Saûl, 311.
Amam, peuple de Nubie, soumis à Papi,
90; à Merenrà, 92.
Amanos, Khaiianâ (le mont), 182, 188
et passim.
Amaour. Voy. Amorrhéeni.
Amasias. Voy. Amatsiah.
Amasis. Voy. 1-2. Ahmè».
AMATHONTB. Voy. 1. HamoMde Chypre.
Amatslah, âmasias, roi de Juda, 364,
372; bat Édom, 366; battu par Jehoash,
366.
AMBANDA, KAMPADA, CAMBADINÉ , 460.
Ambre (1*) tiré du Pont par les Phéni-
ciens, 246.
Ame [\'\ Bà, chez les Égyptiens, 40-42 ;
les âmes heureuses prennent tontes
les formes, 42, note 1 ; habitent Sa-
hou, 79; s*ablment en dieu, 42 ; les
âmes pures passent dans la barque
divine, 32; les dieux sont Tâme
vivante de R&, 31 ; ~ T&me chez les
Iraniens, 469-470.
AMELAGAROS, un des rois mythiques de
la Chaldée, 159.
Amempsinos, un des rois mythiques de
la chaldée, 159.
AMEN. Voy. 3. Ammon,
AMBNBif APT, le scribe, 227 ; sa lettre à
Penbésa, 968-269.
AmbnemhAt I, roi d'Egypte (XLI« dyn.),
sonrègne^ 10i-i05;8a statue, 126; ses
constructions à Thèbes. 209; àTanis,
119; au Fayoum, 116; ses ln9truction$
à son ûls Ousortesen I, loi, 102-103,
125-126.
âmbnbmhât II, bat lesOuaouaï, 112; ses
coDfitructions à Thèbes, 209.
AmenemhAt UI, ties victoires, 113; ses
travaux de canalisation, 114-116; ses
constructions an Favoum, 11^118 ; à
Sfemphis, 119; à Thèbes, 209.
AiibnemhAt IV, ton règne, 127.
AMENEMKAM, AMÉNOPHTHÊs, roi d'E-
gypte (XXI« dyn.), 340,
Aménéphthês. Voy. Ménephtah L
AMENHOTEP (AMÉNOFHIS) I, roi d'Égyptê
(XVIII* dyn.}, 178; ses constructions,
208.
AMENHOTEP II, ses guerres, 207-208; ne
dépasse pas Ninive, 454, note S; ses
constructions à Karnak, 210.
AMENHOTEP III, son règuo, 208-211; tes
constructions, Q09, 210-211.
AMENHOTEP IV, Khounatbn, son règne,
211-212.
Ameniritis (la reine), son autorité sur
la Thébaïde, 887, 487-488; embellit
Thèbes, 889.
AMENMÉsÉs, roi d'Egypte (XIX* dyn.),
254-255.
1. AMÉNOPHis. Voy. Ammhotep,
2. AMéNOPHis , d'après Manéthon , le
Pharaon de PExode, 260-261.
3. AMÉNOPHIS. Voy. Ménephtah 1.
Aménophthés. Voy. Amenemham,
AMBRETÂT.undes Amesha-çpentas, 466.
Amesha-çpentas, Amshaspands (les),
466.
AMio, se révolte contre Salmanasar ni,
360.
AMiLLAROS, un des rois mythiques de
la Chaldée, 159.
amman-Kasibar, dieu des Élamites,
436.
Ammanit (pays d*), soumis par Tooklat-
faabal^asar I, 281.
Amh^non, un des roii mythique» de là
chaldée, 159.
1. Ammon, roi de Juda, 4S0.
2. Ammon, Ammonites (lea), leur ori-
gine, 173; leur position géographi-
que, 193; leur religion, S87s leur dieu
Milkom, 328; dominent les £[ébi>euz,
296; sont battus par Jephtah, 304;
par Saûl, 310; par David, 3l8-ai9;
passent sous l'autorité du royaume
d'Israël, 331; sont soumis par Jéro-
boam II, 367; par Sin-akhé-irib, 405,
406; ruinés par les invasions . aanr-
riennes, 439; s'allient à la Ghaldee,
498; sont réduits par Nabou-koudonr-
oussour, 502.
3. AMMON, Amen, dieu de Thèbes, 20,
29; ce qu'il est, 28; mentionné une
seule fois avant la XI* dyn., 97 ; pro-
scrit par Amenhotep IV, 21 1-212; iaen-
tifié a Rft, 82 : le dieu de la pre-
mière fois, 28 ; nvmnes à Ammon R&,
32, 35; devient le dieu principal de
Napata, 29. — Son temple à Thèbes,
209-210; y donne l'hospitalité au
dieux voisins, 29 ; Tawnekht 7 dresse
une stèle, ft6. — Son temple dana 1#
612
INDEX GÉNÉRA.L.
grande Otsls, SS1-S52. — Sa légion,
220.
AMNON- fila de David, 3t9.
1. Amoboès, roi des Saces, 517.
«. AMORGÈs, roi de Carie, 559.
AM0R008, colonie phénicienne, 244.
AM0RRHÉBN8 (Amaoor), lenr situation,
198; Boomis aoz peuples de la mer,
263; soumis en partie par Joda et
Siméon, 293; dominent les Hébrenz,
296: une partie se réfugie chez les
Philistins, 302; sont battus par Jeph-
tah, 304; par Samuel, 308.
AMOS, le prophète, 365, 445.
AM<)Bis. Voy. Ahmi9 /.
AMOU-DARIA <r), 145 et passim.
AMPHiARAOS (l'oracle d') reçoit les dons
de KroBSOS, 511.
Amraphel, roi de Sinéar, 194.
AiiRi. Voy. Omri.
AMSHA8PANDS. Vov. Ameshorçpentas,
Amulette fabrique avec le bitume de
Tarche, 163.
AMYRTiEOS I, roi d'Éeypte, 557.
AMYRT^os n, roi d.'Égypte (XXVIII*
dyn.), 562-563.
AMTTis, fille deNabou-bal-oussour, 476.
AN. Voy. Ousourenrà An,
ANAGHRA RAOÇAO et ANAGHRA TEMAO,
471, noie 1.
ANAïns. Voy. 2. AfMt,
ANAK (les fils d'), ANAKIM GCS), 185.
Anamim, fils de Mizfaïm. Voy. Anou.
1. ANAT, soumise par les Égyptiens,
207; par Assournazir-habal, 346.
2. Anat, Anata, Anaïtis, divinité sémi-
tique, 150; adorée à Memphis, 337.
ANATHôTH. ville de Bashan. 821.
Ancêtres (le culte des) en Egypte, 64.
Anciens (les) d'Israël, 287.
Andra, un des démons iraniens, 467.
Ane (1') d'Egypte, 10; de Médie, 453.
AMBB-HAT. Voy. Mémphitès (nome),
ANORô-maInyous, Ahriman, ses créa-
tions, 466-468; modifications qu'il
subit, 470-471; chasse les Iraniens
des terres créées par Aoura-mazda,
455.
AMHOUR, le soleil en son midi, 31.
Animaux (les) sacrés, sont l'incarna-
tion de die», 46; ne sont pas les
dieux mêmes, 46-47; énumération
des animaux sacrés, 47-50.
ANKHNAS Ranowerhbt (la reine), 512-
513. . ^
Ankhta, Ankhtaodi, quartier de Mem-
phis, 24; comptoir phénicien, 235.
ANNA, le ciel chez les Touraniens de
Chaldée, 142.
ANNÉDOTOS (les), 159.
Année (1*) égyptienne se partage en trois
saisons, s-6; sa constitution, 79-81.
ANÔDAPH08, 159.
1. Anou, Anamim, fondent les deux On,
14; soumis par.Oasortesen I, lit.
2. ANOU. Voy. Oannès.
ANOUKÉ (la déesse), 113.
ANOUNiT (la déesse), 196.
ANOUP. Voy. Anubis.
ANTiEOPOLiTÊs (nomc). Voy. Dowc
(nome de).
ANTALKiDAS (traité d'), 562; à Suse,
565.
ANTILIBAN (1'), 181 et passtm.
Antilope (!') apprivoisée par les Egyp-
tiens, 10. , . ' .
Anubis, Anoup, le chacal lui était con-
sacré, 47. ,. ,
ANYSis (l'aveugle), 387; son lieu de
refuge, 557, note 4.
AoD.Voy. Ehoud,
AOURAM AZD A , AHOURA-MAZDÂ , AHOURÔ-
mazdAq, Ormouzd, sa nature, 455, 465-
466; ses créations, 466-467 ; son rôle
dans la religion médique, 470-471 ; son
entrevue avec Zarathoustra, 464.
AOURVAT-AÇPA, LoHRASP, Foi de Bac-
triane, 464.
APACHNAS, un des rois pasteurs (XV*
dyn.), 171. , ^. , .
APAP, sa lutte avec le dieu lumineux,
30 33*
1. APAPi I", APHOBis, un des rois pas-
teurs (X.V« dyn.), 171; d'après la
tradition, le Pharaon de Joseph, 174.
2. APAPI, un des rois pasteurs (XVI«
dyn.), 175.
APAUARCTISÉNÊ , APAVORTÉNE , 457,
note 1.
APE. Voy. Thèbes d'Egypte.
Aphek, victoire des Philistins, 3O.5-306-,
dAlthab, 352; de Jehoash d'Israël,
386.
APHOBIS. Voy. Apapi.
APHRODiTÊs (nome). Voy. Maten (no-
me de). '
Aphroditopolis. Voy. Panebtepahe.
APiRAK, non soumis à Saryoukin 1, 193.
APIS. Voy. H api.
APOLLiNOPOLis Magna. Voy. Deb.
APOLLON BRANCHi DES rcçoitles présents
de Nélco II, 496; de Krœsos, 511;
— Delphien, reçoit les présents de
Krœsos, 511; d'Ahmès II, 525-526;
— Komsos À Naukratis, 526.
APOLLONiTÈs (nome). Voy- Te*'Bor
(nome de).
Apou. Voy. Pnnopolis.
APRïés. Voy. Ouhabi^â.
ArabayA, une des satrapies, 543.
ARABES (les) fondent Héliopolis, 14; at-
taqués par Tawnekbt, 56 ; par Ah-
mès II, 513, notes; par Kambysès,
529.
Arabie, nommée Pount (Voy. oe mol)
par les Égyptiens, 169; en relations
INDEX GÉNÉRAL.
613
commerciales avec Salomon , 324 ;
attaquée par Sin-akhé-irib, 419; par
Assour-akné-idin, 423-426; par Na-
bou-koudour-oussoor, 502-503.
Arachosib, Araqouttou, Harauva
Tis, traversée par Touklat-habal-
asar II, 371; se révolte contre Da-
rlos, I, 5'é2 ; forme une satrapie, 544.
1. Arad, Arados, une des Bahréïn,
148.
2. Arad, Arados, Aryad, ville de Phé-
nicie, 189; sa position, 191; s'allie
toujours aux Rotennou contre l'Ë-
g3rpte, 232; en guerre avec Thot-
mès III, 204. 205 ; contre Ramsès II,
219, 227, 230; contre Ramsès III,
263-264; soumise à Toukiat-habal-
asar 1 , 282 ; commerce à travers
le désert de Syrie, 323; soumise
par Assour-nazir > habal, 348; en
lutte contre Salmanasar III, 353;
fournit une flotte à Salmanazar Y,
3^1; réduite par Sin-akhé-irib,
405, 406; indépendante de Tyr, 440:
colonisée par les Sidoniens , 441 ;
sa lutte contre Assour-ban-habai, 430,
441 , 442.
Arade (PHŒNiKè), colonie phénicienne,
346.
Arados. Voy. Arad.
ARAKADRis (le mont), 538.
Aram, Aramée, sa description, 182,
185-188; soumis par Toukkt-habal-
asar I, 282; ses rois achètent des
chevaux en Egypte, 324; ruiné au
VU» siècle, 439.
Aram Dammesbk. Voy. Damas,
aram maacha, 188.
Aram-Rohob, 188.
Aram Tsobah. Voy. Tsobah.
Aramé, roi d'Ourarti, 399.
Aramée. Voy Aram,
Araméens (les), 139 ; en Asie Mineure,
239; de Mésopotamie aident Mardouk-
balat-irib, 360.
Araqouttou. Voy. Arachosie.
1. Ararat. Voy. Ourarti.
2. ARARAT (le mont), 133> 147 ; sa hau-
teur, 452, note 2,
ARARTi. Voy. Ourarti.
ARASAT (le fleuve), 207.
Arasias (le pa^s d')) 455.
1. Araxés, auj. le Bendamir, 508.
2. Araxês, p-ét. Plaxartès, 522.
Arba, fonde Hébron, 185.
ARBAKÉs,le Mède, 362, 458, 459 note.
Arban. Voy. Sadikanni.
Abbèles, se révolte contre Salmana-
sarlll, 360; victoire d'Alexandre, 569.
Arbianès, an des rois fictifs de' la
Mèdie, 459 note.
Arbôth (le torrent d*), 292.
Arcésilas. Voy. Arkésilaos.
Arche <r) d*a1Iiance, 290 ; reste sons la
garde d'Éphraim, 293; prise par les
Philistins, 306; transportée a Sioa
par David, 314; dans le temple par
Salomon, 326.
Archiloque ( le poëte) chante le roi
Candaule, 481.
Architecture (1') assyrienne comparée à
l'égyptienne, 284.
Ardys, roi de Lydie, 483.
AROÉïoN (le ii:ont), 238.
Argent (!') exploité en Bithynie, 245;
sur les côtes du Pont, 246; en Médie,
453.
Aroistis, roi d'Ourarti, 401, 403.
Aroolide (1') colonisée par les Phéni-
cienp, 246.
Ariaramnès (le satrape), 548.
Ariarva. Voy. Arie.
Ariaspès, fils d'Artaxerxès II, 566.
Arie, Ariarva, Haraïva, Harôtou,
traversée par Tooklat-habal-asar II,
371, 372; une des stations des Tra-
niens, 456; conquise par Kyn»» 517;
forme ane satrapie, ik*.
ARIENS, ARYENS, ARYAS, 455, 463 tiptU-
8im; en Asie Mineure. 239-243.
Ariobarzanés, satrape ae Phrygie,566.
Ariokh, roi d'Élassar, 194. Voy. Likba-
gas.
Arisou s'empare de l'Egypte, 256-257
chassé par Nekht-Séti, 261.
ARKA, ArkÉENS, 189, 190.
ARKKANOs, nom de Saryoukin II à Ba*
bylone, 402, note 3 .
Arkésilaos, Arcésilas de Cyrène,
525.
1. Armaïs. Voy. Boremhéb.
2. Armais (le;gende d'). 492.
Arménie, sa description, 398-399 ; habi-
tée par les Touraniens, 135; par les
Sémites, 137 ; d'après la légende,
conquise par Ninos, 276 ; et par Sé-
miramis, 277 ; entamée par Touklat-
habal-asar I, 399 ; indépendante
après Assour-rab-amar, 3<t2 ; en lutte
contre Assour-nazir-habal, 345; con-
tre Salmanazar IV, 361-362; contre
Touklat habal-asar II . 370; contre
Saryoukin, 399 ; envahie par les
Ariens, 478; se révolte contre Da-
rios I, 541-542; forme une satrapie,
544 ; son tribut, 547 ; traversée par
les Dix-Mille, 561.
Arnon (le torrent d'), 133, 292, 359.
Aroer, 359.
Arôseth des nations, 298.
Arooma, district d'Arménie, 281*
Arpad, Tell Erfad. sa position, 369
note 3 ; Touklat-haoal-asar II y con-
voque ses vassaux, 369 ; se soulève
contre Touklat- habal-asar II, 370 ;
614
INDEX GÉNÉRAL.
contre Saryookiii» 395, 397 ; Cf. 409,
410.
ARPHâXAD. ARPH-KA.SDIM,.t47.
Arqin, trioa nubienne, lii.
Arrapakhitis, se soalève contre Sin-
ikhé-irib, 404, 405.
Arrapha, se révoUe contre Assonr-
dan-il II, 362.
Arrondissements (les) financiers de
SaJomon, 323.
Arsak. Voy. Oursikki,
ARSAKis. Voy. Artaxerxès IL
ARsis, roi de Perse, 568.
ARSiNoi, l'ancienne YÎUe de Shed (q. t.),
116.
ARsiNOîTis (le nome), 23.
Arsissa. Voy. Moussassir,
Arsitès, sa révolte, s 59.
ARTABANOs, assassln de Xerxès I,
555.
A&TABAXANàs, fils de Darios I, 552.
ARTJEOa, un des rois fictifs de la
Médie, 459, note.
ARSAKUSBArHBA. Voy. Ârtoxercés.
Artaphbhnès, son expédition contre la
Orëce, 550.
ARTAXBRxàs (Artakhshathra) I, roi de
Perse, 5SS-5S9.
A&TAXERxàs II, ARSAKÈs, son règne,
. 561-567.
ÀRTAXBRxàs m, ôKHOs, son règne,
567-568.
Artémis d'Éphèse reçoit les dons de
Krœsos, 51 1.
Arttkas, Arttnès, rois fictifs de la
Médie, 459, note.
Arttfhios, sa révolte, 5S9.
Arvad. Voy. Arad.
ARTANDÈs, nommé gouverneur d'E-
gypte, S31;sa mort, 551.
Artas. Voy. Ariens j
ASA« roi de Juda, 340, 341, 354.
AsAAK. Voy. Ourzikki.
AsARHADOON. Voy. Assouf-akhé-idin.
ASGALON, ville cananéenne, 198 ; diaprés
la tradition fondée par les Lydiens,
481; colonisée par les Phéniciens,
235 ; reçoit garnison égyptienne, 215 ;
prise par Ramsès II, 222 ; occupée
parles Philistins, 302; son roi prend
Sidon, 303; sa guerre contre Sin-
akhé-irib, 404-406 ; son temple pillé
par les Kimmériens, 475.
AscANiB (le golfe d'), 245.
AscLÉPios. Voy. Imhotep.
AsBSKARA, roi d'Egypte, V« dyn., 76.
A8E61LAW, AsYGHis, Sastchis, roi d'E-
gypte, V« dyn., 75-76.
ASHAR. Voy. Khar.
AsHAYAHiSTA, UR dcs Amesha-cpcn-
tas, 456.
AsHDOD, AzÔTOs, ville cananénne, 184;
occupée par les Philistins, 302; en
lutte contre Saryouldn, 401 ; con-
tre Sin-akhé-irib, 405, 400; prise
par Psamétik I, 490.
ASHBR, AssER, ÂSER, Une des donie
tribus, 287 ; sa position, 392 ; n'oc-
cnpe qu'one parti? du territoire assi-
gné. 293; compose avec les Sido-
niens, 295 ; ne répond pas à l'appel
de Barak, 298 ; prend part aux fêtes
du couronnem^'Ut de David, 314.
AsHMOUN, divinité chaldéenne, 152.
Asi, peuple soumis par Thotmès III,
206.
Asiatiques. Voy. Admou,
ASIE Mineure, sa description géogra*
phique, 236, 237 ; ses populations,
236-243 ; ses côtes colonisées par les
Phéniciens, 243-246.
Asios, donne son nom à l'Asie, 219.
ASMAKH, Sbmbrites, leur origine, 493,
533.
ASPAMITHRÉS (l'eunuqoe\ 555.
Aspis, satrape de Cappadoce, 566.
ASRITAHOU. Voy. Azariah.
AssA. Voy. Tatkera.
AssASSiP (El-), travaux d*Amenemhàt
I, 2o9 ; de la XVIII* dyn., 210.
AssÈs, un des rois pasteurs, 171.
1. AssouR, dieu suprême de Ninive, 149,
280, 281, 283, 284 et passim.
1. AssouR, AssTRiBNS, ASSYRIE, SB si-
tuation géographique, 274-275 ; carac-
tère du peuple, 383-284 ; colonie de
Chaldée, i68; fondation du royaume,
197 ; soumis par Thotmès III, 203,
204; ne cesse de s'agrandir, 275; le
S remier empire assyrien, 275-286; sa
écadence après Assour-rab-amar,
342 ; conquiert la Syrie, 343-394; se
révolte contre Salmanasar III, 360 ;
sous les Sargonides, 394-478 ; prend
Thèbes, 21, 344, 428-430, 488 ; miné
par les Kimmériens, 474 ; sa chute,
477-478; devient partie de l'empire '
mède, 478: se révoUe contre Darios I,
541-542; forme une satrapie, 543.
ASSOUR-AKHÉ-IDIN, ASARnAODON, ESAR-
HADDON, roi d'Assyrie, ses premières
guerres, 432-423; contre l'Arabie,
423-426 ; contre l'Egypte, 427-428 ; sa
mort, 428.
ASSOUR-BAN-HABAL, ASSOURBANI-PAL,
roi d'Assyrie, see guerres contre 1^-
gypte, 428-430 ; contre l'Élam et la
Chaldée, 431-438; son caractère, 438-
439; ses conquêtes en Médie, 460;
enlève le dieu susien Nakhounté,
154.
AssouR-BEL-KALA, roi d'Asâyrie, 285.
AssouR-BBL-Nisi-sou , rol d*Assyrie,
275-276.
ASSOUR- DAN-iL I, roi d'Assyrie, 342.
AssouR-DAN-iL II, roi d'Assyrie, 362.
INDEX GÉNÉRAL.
615
AS80UR-DANIN-HABAL, St réTOlte, 359-
360.
AssoDR-DATAN I, roi d'Assyrie, 279.
Absour-datan II, roi d'Assyrie, 284.
AssoDR-KDiL-iLAm, dernier roi d'Assy-
rie, 473, 476-477, 520.
AsBouR-ioiN-AKHÉ, roi d*Assyrie, 342.
AssouR-NADiM, roi de Babylone, 413.
AssouR-NARARA, roi d'Ass^iie, 27$.
AssouR-NAZiR-HABAL , roi d'AsKyrie ,
343; ses çaerres, 345 348 commence
la conqiiete du pays de Nfanna, 399 ;
en Médie, 454-455; en Phénicie, 347-
348, 441 ; rebâtit Kalakh, 343-344.
AssouR-NiRARi II, foi d*Assyrie, 363|
367, 391.
Absourouralat, roi d'Assyrie, 276-
ABSOUR-RAB-AMAR, Toi d'Assyrie, 285,
342.
AssouR-Ris-iBi, roi d'Assyrie, 279. 284.
AsTAMOURAS, AsTABORAS, Ville et flcave
d'Ethiopie, .«iSS.
ASTARIM, roi de Tyr, 350.
AsTART, roi de Tyr, 350.
ABTARTé déesse phénicienne, 287 ; ses
prétresses, 288 ; adorée par Salomon,
328 ; à Memphis, 337 ; à Samarie,
Sar Alchab, 351 ; par Manasheh, 449 ;
ans nie de Cythère, 246.
Aster- ABAD. Voy. htar.
Astres (les) flottent sar les eaax d 'en
haut, 30.
Astronomes (les) égyptiens, 77-79;
KoQshites, 148.
AsTYAOëB. Voy. Àzi-dahak.
Abttbaras, un des rois fabuleux de la
Médie, 459, note.
AsTTRA, colonie phénicienne, 243.
AsTCHis. Voy. Aseakaw.
ATA, roi d'Êçypte, I" dyn., 60, note i.
▲taroath (Ta déesse), 287 ; à Karké-
mish, 187.
Atbn, Aden, AoonaI, son culte, 212.
Atew (les deux nomes), 22.
Atbieh. Voy. Pan^tepahe,
Athaliah, Athalie, épouse Jehoram,
354 ; devient reine, 358-339 ; assas-
sinée par les prêtres, 363.
Athènê, identifiée avec la Nith de SaTs,
492 ; — de Lindos, reçoit les dons d'Ah-
mèi II, 526.
Athènes, aide les Grecs d'ionie contre
les Perses, 550; ses succès eu Chypre,
555 ; soutient les Égyptiens, 556-557 ;
traite avec Artaxerzès 1^ 558 j Isattue
par Sparte, reçoit les subsides des
Perses, 562. 567.
Athôt, Athôtis II, roi d'Egypte,
I" dyn., 60.
AthourA, une des satrapies, 543.
Athribis, HatabrA et nomeATHniBiTE,
6, 25 ; prise parPi&nkhi, 385; donnée
à Psamétik par A8ieiir*]Mui-htbal,
429.
ATI OosorkarA (Othoès), roi d'Egypte,
VI« dyn., 88.
Atossa (la reine), 552.
Atoum, Toum, le soleil avant son le-
ver, 31 ; le premier des dieux dynastei
à Héliopoiis, 38.
Atrina, se révolte contre Darios I,
540, 541.
ATROPATÈNE (la Médie), 454 ; occupée
par les Touraniens, i.^5.
Atserk-Am EN, roi d'Ethiopie, n'est pas
le Zerakti de la Bible, S4o, note 3.
Attês (le Lydien), fonde Karkémish,
186-187.
Attiqub (r) reçoit des colons lyciens,
243; Cariens, 24'«; Piiéniciens, 246;
envahie par les Perses, 55o.
Attadbs (les), une des dynasties ly«
diennes, 249, 479.
Atts, roi de Lydie, 2'*9.
automoles, leur origine, 53 3.
AUTOPHRADATÉs , Satrape de Lydie,
564.
AVARIS. Voy. Haouar,
Aypsta (P) révélé à Zoroastre, 464; ses
fragments, 465.
Avil-Mardouk, EviL-MéRODACH, roî
de Chaldée, 506.
AvviM (les), tribu cananéenne. 185;
leur territoire occupé par les Philis-
tins, 302.
ATA, pays soumis par Touklat-habal-
asar I, 280,
AzA, roi de Manna, 400.
AZARIAH, ASRITAHOU, OZZTAH, OZIAS le
lépreax, roi de Juda, 368, note 1 ; s'al-
lie avec Arpad,370; bal les Édomites
372.
Azr-DAHAK, Aj-DAHAK, A8TTAOÉ8,roi de
Médie, 507-509.
AzôTOS, AZOTE. Voy. Ashdod,
AzouRi, roi d 'Ashdod, 401,
AzpiRANNi, ville de Chaldée, 195.
B
Ba, Tàme chez les Égyptiens 40; Cf.
Ame.
1. Baal, dieu suprême des Sidoniens,
287 ; les Baalim locaux, 287 ; adoré A
Memphis, 337 ; à Samarie, 35! ; dans
Juda, 449 et passim.
2. Baal, roi de Tyr, «30, 44).
Baalbeck (Tibekhat ?) 199.
BAALIM (les). Voy. Baal.
Baalit, Bêlit, Beltis, divinité eana-
néenne, 287 ; Cf. Myliita.
Baar, nome Hypsélitès, 22.
Baasa. Voy. Baesha.
Babel, Bab-ilou. Voy. Babylone,
616
INDEX GÉNÉRAL.
BABiRorst BABTLOHE.mie des latnpias
S43.
1. Babtlons d'Egypte (ra-benbbn), 35 ;
fondée Mr des captifs babyloniens, 35|
357; eir. S4, note i.
3. Babtlonb, de Chaldée, 155; origine
de son nom, 164 ; d'après la légende,
fondée par Sémiramis, 377 ; habitée
par des races dîTerses, 158 ; ses fem-
mes, 288: la Tour des langues, 163-
164; appartient i Nimrod, 165 ; prise
par Koudour-Nakhounta, 168; con-
qolse par Tonklat-adar I, 376 ; prise
par Touklat-babal-asar I, 384 ; mena-
cée par Assour-bel-kala, 385 ; indépen-
dante après Assonr-rab-amar, 342;
expéditions de SamsI-Bin, 360^ prise
par Saryoukin, 402; par Sin-akhé-
irib 405; se révolte contre lui, 416,
417; pillée, 418-419; restaurée par As-
sou r-akbé-idin, 419; sa lutte contre
Assour-ban-habal, 432-435; réparée
par Nabou-pal-oussour, &05; par Nabou-
koudour-oussonr,506; prise par Kyros,
518-520; par Darios I, 540-541, 542;
forme une satrapie, 543; son tribut,
547 ; pillée par Xerxès I, 553 ; — son
dieu Mardouk, 149.
Bacchos, un des prétendus fondateurs
de Karkémish, i86-f 87.
Bactbxs, Balkh, Zoroastre y est tué,
464-466: assiégée par Ninos, 277.
BACTniANE, BaKHTBÎS, BAKHDHÎS, OCCU-
5ée par les Tooraniens, 13.*^; bercea
es Koushite^, 145; un des séjouis
des Iraniens, 456 ; patrie de Zoroastre,
464-465 ; conquise par Sésostris, 223 ;
J>ar Ninos, 277; par Kyros, 516-517;
orme une satrapie, 544 ; soulevée con-
tre Artaxerxës I, 555-556.
Badaca. Voy. Madaklou.
Baesha, baasa, roi d*lsraël. 340-341.
Baoadattj, roi du Mont-Mildis, 400.
Baojeos, met Oroilës à mort, 542-543.
Baoatadis, un des mois de Tannée
perse, 539, note 4.
Baodada, BAGDAD, priso par Âssour-
bel-kala, 28S.
Baooas (l'eunuque). 568.
Bahréin (les tles), premier séjour des
Phéniciens, 148; — (district de) con-
quis par Sin-akhé-irib,' 425.
Barr-el-azrek, le Nil Bleu, l, 493,533.
BAHR-EL-YOL'ZOUP, 23.
Bahri-nedjip, lac d'Assyrie, 169.
Baï ( le ministre), 254.
Baînouterou, BiNôTHRis, Toi d*Égypte,
!!• dyn., 57-58, 60.
BAKHDHis, BAKHTRîs. Voy. Boctrcs et
Bactrmne,
Bakhtan (le pays de), son chef, 270-271 ;
peut-être Ecbatane de Syrie, 537,
note 3.
BALATi. Voy. BélH.
Balazou, soumis par Touklat-abal-asar
11,375.
Baleastart, roi de Tyr, 350.
Baletsob, roi de Tyr, 4«o.
Baliku, Bilichos, un des afOoents de
l'Euphrate, 136 ; trayersé par Assour
nazir-babai, 347.
Balkh. Voy. Bactres.
Bamôth, les hauts lieux, 288, 327.
Banneh (passe de), 370.
Banra. origine du nom de Phéron, 251.
Baou, le chaos, 152.
Barabras (les), habitants actuels de
la Nubie, 15.
Barak , de Naphtali,bat Sisera, 298-299.
Barbares (les) introduits en Egypte par
les Pharaons, 336-337.
Bardiya, smerdis, tanyoxarkès, tué
par Kambysès, 523. Cf. gaumatA et
vahyazdAta.
Bareçma ou Babsom (le), 472.
Barque ila) des millions d*arirées, 31.
Barroua, Ouera.. Gazaka(?), soumise
par Toukiat-habalasar II, 371.
Babsip, Borsip, Borsippa, ville de
Chaldée, 155 ; emplacement de la Tour
des langues, 16'*; prise par Assour-
ban-habsl, 434-435; réparée par Na-
bou-koodour-oussour, 506; refngede
Nabou-nahid, 5 1 9; se rend à Kyros, 520.
Baksom. Voy. bareçma.
Barsou,Bartsou,Baktsoua,partsou,
la Parthyène et non la Perse, 360,
note 2, 370-37 i ; écrasée par Salma-
nasar IV, 455; soumise par Samsi-
Bin, 860.
Bashan (le pays de), occupé par
Manassé, 292; par Khazaël, 359;
basalte noir de Bashan, 3*25.
Bashmouritbs. Voy. Pa-^hemour.
Basquks (les), sont peut-être d'origine
Touranienne, 135.
BATANiE. Voy. Padan.
Batiisheba, Bethsabéb, femme d*Uriab
le Hittite, 319; fait donner la cou-
ronne à Salomon, 320.
Batn£. Voy. Padoiu
Battus de Cyrène, 525.
Bazou, pays d'Arabie, 426.
Bebai ( Bouai), s'établit i Bubaste, 339.
BEBi (Tati), roi d'Egypte, III» dyn. 76.
Bëdrykes, tribu thrace établie en Aate
Mineure, 241.
Beghe (Ile de), Voy. Senem.
1 Bel, Dieu desChaldéens, 149, 150; son
temple à Babylone, 277, 417, 433, 553.
2. Bel, bélos, dieu phénicien, identifié
avecA{;énor, fonde Sidon, 190.
Bel-adar-samdan, 480.
Bel-aoura, le feu, 152.
Bel-bal-idin, général Chaldéen, 346.
Bel-Dagan, dieu Chaldéen, 150.
INDEX GÉNÉRAL.
617
BÉLézou, roi mythiqae de Ghaldée, 168.
BÉLésTS, de Babylone (bâlazou), sa
légende, 362; identifié par quelques
ons à Nabonassar, 369, note 1.
BELIBU8. Yoy. Belipnou.
BEL1DDOUR18 I, roi d'Oarartî, 399.
Bélier (XJn) monstraeuz sons Boccho-
ris, 387* note 2.
Bbl-ipnou, Belibus, régent de Baby-
lone, 405, 412.
BÉLiT, BÉLTis, Baalit, déesse Chaldé-
enne, 149. et phénicienne, 287;— Bélit-
Balàti, 152; Cf. Mylitta,
Bel-kat-irassou, roi d'Assyrie, 343.
BEL-KOUDO13R-0U8S0UR, FOI d'Assyrio,
278-279.
Bel-labar-iskoun, laborosoarkhod,
roi de Chaldée, 506.
Bel-mardouk, divinité babylonienne,
150.
Bel-nirari, roi d'Assyrie, 285.
1. BÊL08, un des rois mythiques de la
Lydie, 479.
2. BÊLOS. Voy. Bel,
Belour-tagk. Voy. Bolor.
Bel-sar-oussour, fils de Nabou-nahid,
519.
BÉLTI8. Voy. Bélit.
Bet^aiah, un des Gibborim, 315-316.
Bendamir. Voy. l.Araxia.
Benhaoad, faute pour Benhadar, 341,
note 2.
Benhadar, Binhidri I, roi de Damas,
s*&llie à Asa, 34u; soumet la Galilée,
34i ; bat Omri, 349; sa mort, 352.
Benhadar II , première guerre contre
les Hébreux, 352-353; contre Salma-
nasar 111,1 353-354; deuxième guerre
contre les Hébreux, 354 356 ; contre
Salmanasar, 355 ; sa mort, 356.
Benhadar III, roi de Damas, 360; ses
guerres contre les Hébreux, 364, 366.
Benhadar IV, roi de Damas, 373.
Beni-hassan (les tombes de), 107, 120-
122, 126. Cf. PA-NOUBT.
Beni-Souep, ville de la haute Egypte,
3-4.
Benjamin, une des douze tribus, 287 ;
sa position géographique, 292 ; s'unit
à Barak, 298 ; attaqué par les Philis-
tins, 305; reste fidèle à Rebabeam,
332; revient de Texil sous Kyros,
521.
BENNou, le Phénix, sorte de vanneau,
48; — la planète Vénus, 78.
Bentreshit, son histoire. 27 (j-271.
Béotib, colonisée par Kaamos, 246.
Beqet (la princesse), 120.
Berceau (le) de ^humanité, 132-133.
BÉBÉCTNTHE (lemout) identifîéà l'Ëden,
133.
BéROSE, ses récits sur les temps fabu-
leux de la Chaldée, 158*165. j
BEROUA, MéRoi, ville d*Éthiopie, 4oi,'
note 2, 533.
BÉROUTH, BéRTTOS, BETROUT, vUle
phénicienne, 189-190; soumise aox
Pharaons, 232 ; stèle de Bamsès II,
224.
Bersheba, ville de Siméon, 307; rési-
dence des fils de Samuel, 308.
Béryte, Bérytos. Voy. Bérouih,
BeT'Anat, fille de Ramsès II, 251.
Bet-d a yâkkod, soumise par Saryoukin,
462.
B eth-âmoukkan, ville de Chaldée, 375.
Beth-Aven, ville de Palestine, 310.
t.BETH-BL. Voy. Bétyles,
2 . BÉTHEL, ville de Palestine, 298; prise
{»ar Josué, 292 ; Samuel y convoque
e peuple, 308 ; Jéroboam y installe un
veau a*or, 334.
BETBLÉHEM. Samuel y sacre David, Sll;
assiégée par les Philistins, 315.
Beth-Omri, nom que porte Israël dans
les textes assyriens, 349.
Bethoron (les deux) rebâties par Sa-
lomon, 325.
Bethsabée. Voy. BatHaheba.
Bethshean, Bethshear, Scythopolis,
ville cananéenne, 198; reste indépen- *
dantede Menasse, 293; le cadavre de
Saûl est pendu à ses murailles, 312-
313 ; origme du nom de Scythopolis,
476.
Betb-Shemesh, prise par les Philistins,
373 ; Amatsiah y est battu, 366.
Beth-Shilan, ville de Chaldée, 369;
prise par Toukiat-habal-asar II, 375.
Beth-Yakin, soumis k Touklat'habal-
asar II, 375; émigration de ses habi.*
tants, 414-416.
Bet-Imbi, ville d'Élam, 4S5-436.
Beyrout. Voy. Bérouth.
BÉZEK, défaite des Cananéens, 293.
Biabmites (les). Voy. Pi-amou.
Bibliothèques (les) en Egypte, 76*77;
médicales de Memphis,81 ;deNinive,
140; d'Ouroukh, 196.
Bienekhés. Voy. Qabouhou,
Bi^re (la) employée comme médica»
ment en Egypte, 84.
BiKHERés. Voy. Kerhbard.
BiKNi, abak^na, soumis à Saryoukin ,
460.
BiLicHOS. Voy. Balikh.
BiLLiEOS, rivière d'Asie Mineure, 241.
BiLOUL, dieu Ëlamite,436.
BiN, dieu de Tatroosphère, iSO, 284; son
temple reconstruit par Samsi-Bin,
284; sa statue reconquise par Sin-
akhé-irib, 418.
BIN-BAL-IDIN, BIN-BAL-IDINNA I, roi de
Chaldée, 278-279, 418.
BiN-HiDRi. Voy. Benhadar,
BiN-NiRARi I, roi d'Assyrie, 285.
618
ÎNDEX GÉNÉRAL.
Bm-imiAia il, roi d^Aisyrie, tk% 891.
BiN-NiRARi III, roi d'Assyrie, son règne,
3«<H36l ; ses guerres en Médie, 4S8;
dans le ptys de Manna, 399.
BmôTHius. Voy.fiaS^ouierott.
BiRGH, égyptologae anglais, »88.
BiRKBT-QEROUN, Servait de déversoir au
llœris, 115.
BiRTOD, ville prise par Touklat-habal*
asar II, 370.
BIST. Voy. Bouatous.
BiTHTNiENs, d'origins thrace, 241; 479;
leurs mines d'argent, 345 ; soumis par
Krcesos, 511.
BiT'KHALOUPiâ, paye tribut à Assour-
narir-habal, 346.
BiTLis-KHAi. Voy. Kentritës.
Blé (le) est la nourriture habituelle des
Égyptiens, 9 ; en Chaldée, 1 38.
Bnôn, roi pasteur, XV* dyn., 171.
Bnou-israel, origine de ce nom, 173.
Cf. ISRAÉLITES, HÉBREUX, JUIFS.
BOAZ, une des colonnes du temple,
835.
Bocages sacrés (1«8\ 288.
BoccHORis. Voy. Bokenranw.
. BoÉTHOS. Voy. BotHèaou.
Bœuf (le) indigène en Egypte, 9 ; sacré
de TÉgypte, 48-50 ; le sacrifice du
bœuf chez les Iraniens, 469.
Bois (le) sacré de Suze, 154.
Bokenranw, Bocchoris, roi d'Egypte,
XXIV* dyn., 56, 386-387.
BoKHT-NASSAR. Voy. iVoôott-fcottdottf-
BoLBiTiNB (branche), lesMiléslens s'y
établissent, 491.
BoLOR (les monts). Belour^taoh, 132.
BORSIP, BORSIPPA. Voy. Barsip.
Bost. Voy. BùU8t<nt8.
Bostrên, Nahr-el-aoualy, 191.
Botrts, ville de Phénicie, 189.
Botta-, découvre les ruines de Ninive,
573.
BOUAI. Voy. Bebaï,
Bouc (le) de Mendès est Pâme d'Osiris,
48 : reconnu par Kakéou, 57.
Boucnes (les) du Nil, 6-7, 11 et pas-
sim.
BOCL (le monstre), 165.
BoUNDÉHESH, uu des livres sacrés de
riran, 465.
BouRKAROU. Voy. Kàrkar.
BouRNABOURiYAS I, foi dcCbaldée, 276.
BoussARD.découvre la pierre de Rosette,
585.
BousouR-ASBouR, roi d'Assyrie, 276«
BousTOUS, bïst, bost, 371.
Boustrophédon (le), 603.
Bouto. Voy. Pa-out8,
BouTSAOu, BOÉTHOS, roi d'Egypte, II«
dyn., 57, 60.
BRANCHIDES.Voy. ApOllOTl,
Brebis (la) ne figure pas sur les monn-
mente des premières dynasties, 9*,
sacrifiée par les Iraniens, 469.
Briadé (le) des Abyssins, 534-535.
Briques (les) de Babylone, 105.
Bruosch, h., égyptologue allemand, 588;
propose d'identifier Tsal avec Tanis,
26, note 1; Atserk-Amen avec Zerakh,
340, note 3.
BUBASTB, PA-BAST, villc du Delta, 53 ;
embellie par la XIII* dynastie, 1129;
par Ramses II, 226 ; possède »d comp-
toir phénicien, 235 ; siège de la XXn*
dynastie, 339-340, 378 ; embellie par
Shabak, 388; se révolte contre lai,
398 ; un gouffre s'ouvre près de Bu*
baste, 57.
Buffle (le) indigène en Médie, 453.
BURNOUF Eug., ses travaux sur les
cunéiformes perses, 573.
BusiRis, sa légende, 462.
1. Btblos de Phénicie. Voy. Gtbel.
2. BTBLOS d'Egypte, 557, note 1.
BTZAcàNE (la) colonisée par les Cana-
néens, 294.
BiZANGE, perdue par les Perses, 554.
(Chercher sous k et kh les mots qui ne
se trouvent pas dans la série c et
ch).
Gadusiens, giratbounda,455, note l ;
en guerre contre Astyagés, 507 ; con-
tre Artaxersès II, 564.
Caicos, Caique, rivière d'Asie Mineure,
241.
Çakas. Voy. SakeSf Saces.
G.ALANNEH, CALNEH , GALNO , HEILAL-
ANOU, ville de Chaldée, 155, note 3;
vojr. Nipour.
Galasiris (Is) égyptienne, 224.
Calcol, poëte hébreu, 329.
Callirrhoé, fille de TOcéan, 249.
Callithea, femme d'Atys le Lydien,
249.
Cambtse. Voy. Kantbysèi.
Camp (le) des Milésiens, 491.
1. Canaan, fils de Cham, 14.
2. Canaan. Voy. Canawfens.
Canal (le) des deux mers, réparé sous
Ramsès II, 226; sous Néko II, 494;
soas Darios I, 551.
Cananéens (les), leur père mythique
Canaan. 14; leur établissement sur le
golfe Persique, 148; leur migration
en Syrie, 168-170; description du pays
de Canaan, 185, 188-193; leur lutte
contre Ramsès II, 222 ; leurs religions
analogues aux religions assyriennes,
INDEX GÉNÉRAL.
61d
387 ; leurs établiisein«nts en Afrique,
294 ; battus à Bézek, 393 ; imposes par
Salomon, 322.
Canard (le) indigène en Egypte, ti.
Candàulb, roi de Lydie, 481-482.
Canopiqub (la branche) du Nil, 6, 7 ;
ouverte aux Grecs sous Ahmès II,
S28-527.
Cantique des Cantiques (le) attribué à
Salomon, 329.
Çaoshtang (le prophète), 467.
Çaourou, un des démons iraniens, 487.
Caphtor (lie de), lieu d'origine des Phi-
listins, 301.
Gappadocb (la), ses capitales, 238; in-
dépendante après Assour-rab^amar,
843; envahie par les Katpatouka, 478 ;
forme une satrapie, 544; Cf. Kat'
patouka.
CABI, gares, CARIEN8 (ICS), CARIE (la),
sont peut -être d'ongine kou»hite,
145, 238 ; subissent l'ascendant phé-
nicien. 243, 244, 245, 247; pirates,
S48 ; aans le Pont Euxin, 245 ; for-
ment la garde des rois hébreux, 301;
diminués et attaqués par les Doriens,
479 ; au service de Psamétik I, re-
çoivent des terres le long de la bran-
che Pélusiaque, 491; forment l'aile
droite de l'armée égyptienne, 493;
sont transférés à Memphis par Ah-
mès II, 526 ; la Carie soumise par
KroBsos. 5tr, fait partie de la Yaounâ,
543 ; se révolte contre Darios II, 559.
GARMEL (le mont), karmana, 184, 188,
198, 203-204, 537, note 3.
Carpathos, occupée par les Doriens,
479.
Carthaoe, kiriath-hadeshat, kart-
hadshAt, KARKHÊDéN, fotidée sur
l'emplacement de Kambé, 394, 441 ;
se substitue à Tyr en Occident, 444 ;
d'après Ammien, pille Thèbes d'E-
gypte, 430, note 3 ; explore la côte
d\Afrique, 494 ; expédition de Kamby-
ses, 582.
Cartouches (les) leur rôle dans le dé-
chiffrement des écritures égyptien-
nes, 585-587.
Gasluhim (les), 301, note 4.
Caucase (le), ses minesj 345.
Cayster, Catstre, rivière de Lydie,
337, 242.
Cerise (la) indigène en Médie, 453.
Chabas Fr., égyptologne français, 588 ;
son opinion sur TSxode, 254, note 3.
Chaborras. Voy. Khabour,
Chacal (le) indigène en £gypte, 10;
consacré à Anubis, 47.
Chalcis (la péninsule de) occupée par
des Pélasges tyrrhéniens, 250.
CHALDéB (la), sa description géographi-
que, 137-139; ses premiers habitants
139-141, 145-148; leurs religions, 141-
145, 148-152; son histoire fabuleuse,
152-166; ses premiers rois, 166-168;
conquise par les Élamites, 168, 194 ;
Sremier empire chaldéen, 194-197; sa
écadence, 245-376: ses premières lut-
tes contre l'Assyrie, 366-385; soumise
par Salmanàsar III, 353-35'4 ; par Bin-
nirari II, 360-361 ; par Tonktat-habal-
asar II, 368-369, 375 ; par Saryonkin,
392. 401 ; révoltée contre Sin-akhé-irib,
404-405, 4l3-4i3j 415^419; contre As-
soor-ban-habal, 433-435 ; ravagée par
les Kimmériens, 475; le second empire
chaldéen, 47S 478 , 484-485, 495-507,
513,515, 518-530; se révolte contre Da-
rios I, 540, 541, 543; forme une satra-
pie, 543 ; son tribut, 547 ; se révolte
contre Xerxès I, 553.
CBALOUF'(les stèles de), 551 , note 5.
Cbaltbes (les), peuple d'Asie Mineure,
338.
Chalybon. Voy. Khfilep et Khelbén,
CHAM, père de Mizraîm, 14.
Chameau (le) 9, inconnu anx premiers
Éjgyptiens, t i ; à deux bosses en Mé-
die, 453 ; effraye la cavalerie lydienne,
514.
Chamos. Voy. Kamosh.
Champollion le jeune, ses travaux,
586-588 ; admet l'origine égyptienne
de l'alphabet phénicien, 599-600;
identiûe Nekheb avec Eilithyia, 30;
Zerakh avec Osorkon I, 340, note 3.
Char (le) de Midas, 340.
Chat (!e) indigène en Egypte, lo.
Chêne (le) indigène en Médie, 453.
Cheval (le) ne figure pas sur les pre-
miers monumentségyptiens, 9; intro-
duit par les Pasteurs, se multiplie en
Egypte, 333-334 ; en Médie, 453 ; offert
en sacrifice par les Iraniens, 469;
cheval de mer, nom du vaisseau grec,
347.
Chèvre (la) indigène en Egypte, 10; en
Médie, 453 ; offerte en sacrifice par
les Iraniens, 469 .
Chien (le) d'£gypte, jo; de Médie,
453.
Chics, colonisée par les Ioniens, 479.
Chypre, sa description géographique,
334-335 ; ses femmes, 388; visitée par
kadmos et Kinyras, 334; colonisée
par les Phéniciens, 335; se révolte
contre Tyr, 443 ; conquise par Sar-
youkin , 443 ; par Assour-akhé-idin,
433, 444; envahie par les Grecs, 444;
conquise par Ahmès II, 513; fait par-
tie clu Tyiya-darahyabya, 543 ; se sou-
lève contre Darios I, 550; attaquée
par Cimon, 557 ; visitée par les flottes
athéniennes, 555-556; se soulève contre
Artaxerzès II, 564.
620
INDJEX GÉNÉRAL.
Giucn (U), sa position, 2t7; eoloniiée
par loi Aramée&i. 239 ; par les Phé-
niciens, 243 ; par les Grecs, 479 ; soa-
mise i Salmanasar III, 359 ; à Saryou-
kin, 401 ; à Sin-akhé-irib, 4i 9; révoltée
contre AsBoar-ban^habal, 430-431 ; in-
dépendante de Krœsos, 511; fait par-
tie du Tyiya-darahyahya, 543; son
tribut, 547 ; attaqaee par Ëvagoras,
564.
CiMON l'AthénieD, 557.
ÇiNVAT (le pont), 469.
CiRÇÉsiUM. Voy. Sirkû
CiTRATAKHMA, sa réTolts contre Da-
rios I, 542.
Clément d'Alexandrie, sur les animaux
sacrés de l'Egypte, 46-47.
Glermont-oanneau découvre la stèle
de DhibÂn, 356, note 2.
Cnosos, KAiiiATOS,colonie phénicienne,
246 ; capitale de Minos, 248.
CoDOMAN. Voy. Darios II F.
Cœlb-Strie (la), sa description géogra-
phique, 181-182; boumise à Damas,
341 ; à Jéroboam II, 367.
Cœur (le), la conscience chez les Égyp-
tiens, 41 .
COHANIM (les). Voy. Prêtres.
Coing (le) indigène en Médie, 453.
CoLCHiDE (la), colonisée par les Toura-
niens, 238 ; selon Hérodote, par les
Égyptiens. 224.
Colombe (la) du déluge, 162.
GOLOPHON, colonie ionienne, 479; prise
par Gygès, 482.
GOMANA. Voy. Koumanou.
Comètes. Voy. Gaumatà,
Gomma GÈNE. Voy. Koummoukh,
Compléments (les) phonétiques de l'É-
gyptien, 593-5-94.
Confession (la) négative de Tàme, 44-45.
Coi^urations (les) médico-magiquee, 84-
85 ; chez les Chaldéens, 155-158.
CONON TAthénien, 563.
Coptes (les) ne présentent plus aucun
des traits de l ancienne race, 14-15.
CoPTiTÊs. Voy. nome d^Horoui.
CoPTOS, Kebti, Kevt, ville d'Egypte,
21 ; son commerce avec l'Arabie, 265-
266, 551 ; devient importante sous la
XI* dyn., 97, 100 ; constructions delà
XVIH«dyn., 209.
Coqs (les), leur légende, 487, note 1.
Corbeau (le) du déluge, 162.
Corinthe, risthme occupé par les Phé-
niciens, 246.
Cormoran (le) indigène en Egypte, U.
Cornaline (la) apportée en Assyrie,
370.
Ces, 237 ; colonisée par les Phéniciens.
244 ; par les Doriens, 479.
Cosmogonie (la) chaldéenne, 14M42;
phénicienne, 288-289.
GoTTS, fils de ManèSt 249.
çouGHDA. Voy. Sogdiane.
ÇPABDA, une des satrapies, 544.
ÇPENTA-ARMAiTi, un des Amesha-Qpen-
tas. 466.
Création (la), selon les Égyptiens, 29-
30, 36-37.
Crète (la) colonisée par les Lyciens,
243 ; r&r iss Phéniciens, 246 ; les Phé-
niciens expulsés, 293-294; siège du
royaume de Minos, 248-249 ; lieu dV
rigine des Philistins, 300.
Crethi, nom que les Juifs donnent anx
Philistins, 301.
Critdbooulos de Cyrène, 525.
Crocodile (le) disparait de l*Égypte, 10 ;
une des formes du mal, 42. note 2;
envoyé en présent à Tooklat-habal-
asar I, 282.
Crocodilopolts. Voy, Sked,
Ctésias de cnide, recueille la légende
de Ninos et Sémiramis, 278 ; ses ré-
cits sur l'empire Mède, 458-463 ; sur
les Mages, 472, note 3 ; sur les Kim-
mériens. 476; sur la Lydie, 479; snr
la conquête de la Bactnane, 517 ; snr
la mort de Kyros, 521, et de Kam-
bysès, 538, note 1.
Cuivre (le) origine du nom de cyprium,
235 ; se trouve à Chypre, 235 ; en Mé-
die, 453; apporté en Assyrie, 370.
Cunaxa (bataille de), 561.
Cunéiformes (les), leur origine tonra-
nienne, 139-140; leur déchiffrement,
572-573; exposé du système, 573-
584.
Cutha. Voy. Kouta,
Ctclades (les) sont visitées par Kad-
mos, 234 ; colonisées par les Phéni-
ciens, 24'4-245, 246; reprises par les
Grecs, 248, 293-294.
Cynocéphale (le) est consacré à Thot
47 ; adore le soleil levant, 34.
Cyprium. Voy. Cuivre,
Ctrène, sa fondation, 489 ; attaquée par
Oubabrà, 512 ; reçoit les donsd*Ahmès
.II, 526 ; se soumet à Kambysès, 530;
à Aryandès, &51, note 3; sert de re-
fuge aux mercenaires dlnaros, 557.
Ctthére. porphyroessa, colonisée par
les Tyrrhéniens, 250 ; par les Phéni«
ciens, 246, 248, 494; prise par les
Athéniens, 562.
D
Daban, victoire de Samsi-Bin, 360.
DÂDARSHIB, général de Darios I, 541,
542.
Dadou. Voy. Mendèi,
INDEX GÉNÉRAL.
621
DiéTAS, DEYS, démons iraniens, 467,
488.
Daoon, dieu d*A8Calon, 30^.
Dah£, attaqués par Sin-akbé-irib, 4i4.
Bakhmas, tour des morts, 469, note 7.
Dalta, roi d*Ellibi, 400.
Damas, abam dammesek, strie da-
MASCÈNB, Description géographique,
182-183, 187-188 ; soumise parHadar-
ézer, 316 ; par David, 316 ; par Salo-
mon, 323; révoltée contre Salomon,
330 -, succède à Israël dans la supré-
matie de la Syrie, 332, 341 ; ses luttes
contrôles Hébreux, 341, 349, 352-353,
354, 357, 359; contre Salmanasar III
358, 355, 357, 359, 360, 362 ; prise par
Jéroboam II, 366 ; se sdulève contre
les Juifs, 373 ; réduite en province
assyrienne, 369-370, 373, 375; se ré-
volte contre Saryoukin, 395, 397 ; perd
de son importance au septième siè-
cle, 439; souffre des Kimmériens, 475.
Damkina. Yoy. Davkina.
Damnés (les) deviennent des esprits
possesseurs, 41.
1. Dan, une des douze tribus, 287; son
territoire, 2^2-293 ; s*empare de Laïs,
295 ; ne se joint pas à Barak, 298; at-
taqué par les Philistins, 304 ; quel-
ques-unes de ses villes suivent Re-
habeam. 332.
3. Dan (Cf. Lais), prise par lesDanites,
295 ; Jéroboam I y dresse un veau
d'or, 334; de Dan jusqu'à Bersheba,
308.
Danaens (les), soumis à Tbotmès III,
207 ; attaquent l'Egypte sous Ramsès
III, 263-264.
Danaos, sa légende, 492.
Daphné, fortifiée par Psamétik l, 489,
492 ; les Juifs s'y établissent, 502.
Darda, 329.
DARDANiA, ville d'Asie Mineure, 241.
Dardaniens, leur origine, 241 ; s'allient
aux Khétas contre Ramsès II, 219,
230.
Dabdanos, sa légende, 241.
1. Darios,Dariaués, DAryavous, tue
Gaumatà, 539 ; comprime les révol-
tes des provinces, 540-542, ; organise
l'empire, 543-547; conquiert l'Inde,
548 ; ses guerres en Scytbie, 548-549;
en Thràce, 549 ; en Grèce, 549-550 ;
l'Egypte se révolte contre loi, 550-552 ;
sa mort, 552.
2. Dârios II Okhos . son règne, 559-
561.
3. DARIOS III kodomannos, SOU règne,
568-569.
4. Darios, fils de Xerxës, 555.
5. Darios, fils d'Artaxerxès, 566.
Dariques (les) perses, 546, 547, 566.
Dashour, ses pyramides, 119.
Dasktlos, pèr«de Gygès, 48t.
DATAMES, sa révolte, 566.
Datis, général perse, 550.
Dattier (le) en Chaldée, 138-139; en
Élam, 153.
David, sacré par Samuel, 311; ses dé^
mêles avec Saûl, 311, 3l2; son exil,
312: son cantique sur la mort de
Saûl, 313 ; sa lutte contre Ishbaal,
313-314; fonde Jérusalem, 314-315;
ses conquêtes, 315-319 ; ses malheurs
domestiques , 31 9-320 ; les œuvres
qu'on lui attribue, 320, 32i, 325 ; son
caractère, 320-321, 332.
Davkina, Damkina, la terre, 143.
Davos, on des rois mythiques de la
Chaldée, 159.
Datakkou, n'est pas le Délokês d'Hé-
rodcte, 462-463.
Deb, Apollinopolis magna, edfou,
20 ; consacrée à Horemakhouti, 51.
Debir (le) ou Saint des Saints, 326.
Debmout, ville d'Egypte, 74.
DÉBORAH, son cantique, 298-299.
Décalogue (le) des Hébreux, 290.
Décans (les) , chez les Eg^'ptiens, 79 ;
chez les Assyriens, 152.
DÊDANiM (les), peuple d'Arabie, 424.
Défassa (le) apprivoisé par les Égyp-
tiens, 10.
1. DEïD, roi de Libye, 252.
2. DÉÎD, fils de Mermaïou, 262-263.
DÉïGKÊs, DÉjocÈs, Dayakkou, sa lé-
gende, 460-463, 458, note 3.
DÉiB-EL-BAHARi, Village sur l'emplace-
ment de Thèl>e8, 21 ; monuments de
la XVII 1* dynastie, 210.
DÉJOCÈS. Yoy. Déïokés,
Delphes, son oracle consulté par Mi-
das, 478 ; par Gygès, 482 ; son temple
enrichi par AhmesII, 525-526.
DÉLOS, colonie phénicienne, 244.
Delta (le), 6 ; sa formation, 6-7 ; exis-
tait au temps de Mena, 7-8; la vigne
y prospère, 9; ses noms, 18-19; ses
villes, 25-26 ; conquis par les Pasteurs
170 ; repris par les princes Thébains,
175-176; envahi sous Ménephtah 1,
252, 253 ; par Arisou, 256-257 ; sous
Ramsès III, 261-265 r florissant sous
Ramsès II, 226-237 ; ses villes pren-
nent la suprématie après la xx« dy-
nastie, 53, 3^5-336 ; subit l'influence
sémite, 336-338, et libyenne, 338-339;
chaque ville y a ses haras, 323-324;
soumis à Tawnekht, 380-485 ; à Sha-
bak, 387-389; révolté contre lui, 398;
soumis à Tahraqa, 426 ; aux Assy-
riens, 427-430 ; sous Psamétik I ,
487-491 ; colonisé par les Grecs, 490-
493, 525-527 ; révolté contre Darios I
et Xerxès I, 552-553; contre Ar-
628
INDEX GÉNÉRAL.
Uxenèt I, SM-Sit ; Mai l«i dtr-
niëres dynaitict indigAnes, 562-5é8.
Déloge U^) ■A^on les Ghaldétns, l«i-
166.
DiMAVBND (le mont), 452.
Démont (les) en Egypte, 41 ; chez les
Chaldéens, 144-145, 156-157-, chex les
Iraniens, 466-468.
Démotique (le), son origine , 586 ; mo-
dèles d'écriture, 599 ; travaux sur ré-
criture dçmotique, 585.
DENOÉRAH, TA-RER, TA'N-TARBR, Ten-
TYRis, Tille de la haute Egypte, 21 ;
sa déesse Hathor, 51 ; obscure sous les
premières dynasties, 55 ; son temple
réparé par Khouwou, 72; par Papi I
89; son observatoire, 79.
Denoour, Donoolah, ville de Nubie, 6,
533.
Derbikes, peuple de la Bactriane, 521.
DERKÉTO, déesse d'Ascalon, alliée à
Marna, 287 ; mère de Sémiramis, 277;
adoptée par les Philistins, 302.
Désert (le) assimilé à Set, 30.
Déterminatifs (les) de récriture égyp-
tienne, 594-597.
Deucalion, un des fondateurs de Kar-
kémish, 186-187.
Deutéronome (le) trouvé soas Joshiah,
451.
Devèria, Th., égyptologue français, 588.
Devs. Voy. Dmvcu.
DhAt-Ireh, les Arabes y sont battus,
503.
DhibAn (la stèle de) 356, note 2.
DiDON. Yoy. Êlissa.
Dieu, idée que s*en faisaient les Égyp-
tiens, 27-29 ; assimilé au Soleil, 3o ;
les dieux flottent sur les eaux d'en
haut, 30; chea les Touraniens de
Chaldée, 141-145; chez lesKoushites
148-152; chez les Chaldéens, 156*158;
chez les peuples cananéens, 287-289;
chez les Juifs, 289-290; chez les Aryens
et les Iraniens, 463*471.
Digue (la) de Koshéish, 55.
DiLMouN, DiLvouN, lie du golfs persl-
que, 148.
DiMiR, Dingir, nom de dieu chez les
Touraniens de Chaldée, 142.
DiODORE DE SICILE, sor le perséa en
Egypte, 8 ; donne à Mena le nom de
Mnèvis, 55, note 5 ; attribue à Ou-
choreus la fondation de Memphis, 54,
note 1; sur les rois Éthiopiens, 486,
note S ; sur la durée de la Dodécar-
chie, 488, note 2; sur la défaite d'Où-
habra, 512, note 4; sur les animaux
sacrés, 48.
DioPHANTos d'Athènes, 567.
DiospoLis MAGNA. Voy. Tkébes.
DiospoLiTès. Voy. Ha-sekhekh (le
npme).
DiTALEH. Voy. Gundès.
Djellabad. Voy. iDousfitik.
Djendib TArabe, 353, 423.
Djorhoh (les), tribu Jectanide, S03.
DODÉCARCHIE (la) en Egypte, 4B6-48S.
Dodécaschènb (le), conquis par Psa*
métik I, 490.
Donoolah. Voy, Dengour.
DDR, colonie phénicienne, 235.
DORiBNS (les) en A^ie Minenre, 479,
compris dans la satrapie de Yaouni,
544.
DORisKos^ perdue par les Perses, 554. '
DoDAou, an des noms isgyptieiis de la
planète Vénus, 78.
DOUAOUW-SE-KHARDA , BCS itUlrvO
ItOfM, 125*126.
Doud-ew-rA, roi d'Egypte, nr» dyn. 71,
76.
DouDOUN, dieu nubien, 113.
DouGAB, roi de Sapiya, 375.
DOUMAT. Voy. AcHioumou.
DouNGi, roi de Chaldée, 167.
DouR-ATKHAR, victoiie de Saryookio
402.
DouRDonKKA, ville du pays de Manna,
400.
D0DR-K0URIGALZ0n,AKKEREOUF, prise
par Toukiat-habal-asar I, 284.
Dour-Sartoukin , KHORSABADy Sar-
youkin y est assassiné, 404.
Dour-Yakin , MOHAMMERAH (bataille
de), 402-403.
DousHAK, Djbllabad, 456, note 6.
Douw (nome de), ANTiEOPOUTÈs, 22.
Drah abou 'l Neggah , ses tombes
princières, ioo, 209.
Dromadaire (le) en Médie, 453.
Dynasties (les) égyptiennes, leur divi-
sion, 52-53 ; dynastie divine, 37-38,*
l'MII* dynastie, 54-60; IV» et V«, 6©-
78; VI«-X«, 88-96; XI* , 97-101;
XII», 101-127; Xm«-XV«, 127-180;
XV"-XVns 170-180; XVIII«-XX«, 180-
273; XXIS 272, 336-339; XXII», 839-
340, 376-380; XXIII«-XXIV«, 380-387
XXV«. 387-390, 397-398, 4«4, 406, 410-
411, 426, 430; XXVI«, 485-501, 503-
505, 511-513, 523-531; XXVII*, 532-
562 ; XXVni«-XXX«, 562-568.
E
Êa, dieu des Touraniens de Chaldée,
142, 143; identifié avec Nooah, 156.
Eaux Hes) d'en haut, 29-30.
ÉBAL (le mont), son autel de pierre.
292.
Ebenézer, 3(^8.
INDEX GÉNÉRAL.
623
Ebers G., égyptologue allemand, 588 ;
son papyrus, 81.
1. ECBATANE, AGBATANA de Syrie, p.-
être Bakhtan, 537, note 3.
2. EcBATANE, AGBATANA de Médie, au-
rait été fondée par Sémiramis, 277 ;
au débouché de la passe de Bannefa,
370; sa description par Hérodote,
462 ; Kyros y est élevé, 507 ; Khshà-
trilâ. y est crucifié, &42.
Ecclésiaste (X) attribué à Salomon, 329,
Écoles (les) religieuses de l'Egypte, 28.
Écritures (les) antiques : procédés em-
ployéa à leor formation , 570-572 ;
écritures idéographiçiues , 570-571 ;
cunéiforme, 571-584; égyptienne, 584-
599 : écritures alphabétiques, 599-608.
ÊDSN, légendes sar le jardin, 132.
£oFOU. Voy. Deb.
ËDOM, ÉDOMITE8, IDUMÉE, IDUMÉENS,
position d^Édom, 193 ; ses dieux, 287;
visitée par Sineh, 109; à Saû], 310;
à David, 317; soulevé contra Salo-
mon , 330 ; sous la suzeraineté de
Juda, 332; soutjis par Jelioshaphat,
355; par Âmatsiah, 366; parAzariah,
372; révolté contre Akhaz, 373.
ÉDRÉï, capitale d'un État amorrhéen,
193.
EGÉE (la mer) parcourue par les Phé-
niciens, 844-247 ; délivrée d'eux, 248-
249, 293-294.
ÉoiNE , colonisée par les Phéniciens ,
246 ; construit un temple à Zeus, en
Egypte, 527.
EGYPTE, H akaptah,Kemit,Mizraïm, Ori-
gine de son noip, 24, 55 ; son aspect,
2-8; sa fauneetsa flore, 8-11; son état
primitif, 17-18 ; origine de ses habi-
tants, 13-17 ; sa langue, 16-17; ses di-
visions géographiques, 18-26; sa reli-
gion, 26 52 ; son histoire de la 1'* à la
XIV* dyn., 53-1 30; envahie par les Pas-
teurs, 169-175; délivrée d'eux, 175-
178; sa suprématie sur le monde orien-
tal, l78-!273; son épuisement sous
Ramsès III, 265-269 , déchirée par les
'guerres civiles, 334-338; sa faiblesse
après Sheshonq I, 377-379; soumise
par les Éthiopiens, 382-389. 426-427,
485-486, et par les Assyriens, 404
411, 427-430; recouvre son indépen-
dance, 438. 486 ; sa prospérité sous
laXXVI« dynastie, 487 -5us, 511 513,
523-529; conquise parKambysès, 529-
531 ; forme une satrapie, ses révoltes
contre les Perses, 550-553, 556-558,
543 ; son tribut, 547 ; ses dernières dy-
nasties indépendantes, 562-568 ; selon
la légende, conquise par Sémiramis,
277.
?)ifOUD, AoD, ijn des ji|ges d'Israël, 298.
EiLiTHTiA, NEXHEBf 30 ; constructions
de la XVIII* dynastie, 209, note 16.
EîoN, perdue par les Perses, 554.
EiSENLOHR, égyptologue allemand, 588.
Ekron, une des villes philistlnes, 302 ;
prise par Sin-akhé-irib, 104-406.
El, construit Bérouth et Gebel, 190.
Ela, roi d'Israël, 341.
ÉLiEA, colonie éolienne, 479.
ÉLAM, ÉLAMiTES, SusiANE, sa descrip-
tion, 153; sa civilisation, 153-154;
conquiert la Chaldée, 168 ; sa supré*
matie sur l'Orient, 194 ; vaincue par
Sayroukio I, 19S; soutient la Chal-
dée contre Samsi-Bin, 360*, est le
grand ennemi de ^'Assyrie à l'Est, 395;
sa lutte contre Saryoukin II, 401-402,
403 ; contre Sin-akhé-irib, 412, 414-
418; contre Assour-ikhé-idin, 422-
423 ; contre Assour-ban-habal, 431-
438; réduit en province assyrienne,
438; passe a Nabou-bal-oussour, %78;
ses révoltes contre Darios I, 540-542
I forme une satrapie, 543.
El-aqsoraïn. Voy. Louqsor,
ËL-ASSAR, El-assour, la plus ancienne
des villes royales de l'Assyrie, 275 ;
ses premiers souverains, 197 ; victoire
d'Adar-habal-assar, 279; perd son
importance au milieu du dixième
siècle, 343 ; détruite par les Kimmé-
riens, 475.
ÉLATH, reçoit une garnison juive, 317 ;
prise par Azariah, 372 ; par Retzln,
373, note 4.
Elbû (nie d'), 557, note 4.
Elbrouz (le mont). Voy. Allabria.
ÉLÉAZAR, un desGibborim, 315.
Éléphant (1'] chassé en Mésopotamie
par Thotmes III, 205 ; amené de l'In-
de en Assyrie, 370.
ÉLÉPHANTINE. VOV. AtoU,
El-Etymiar, roi de Saba, 423.
ÉLEUTHÈROS, NAHR-EL-KÉBIB, 190.
ËLi, un des juges d'Israël, 305-306.
ÉLiAKiN. Voy. Jéhoiakin /.
ÊLiAKiM, fils d'Hilkijah, 409.
ÉLiEN, donne à Téta le nom de Oinis,
56, note 6.
ÉLijAH, ÉLiE, de Thisbé, sa lutte contre
Akhab, 351-352, 357 ; sa légende, 365.
ELISÉE, ÉLiSHA, 457 ; 366 ; sa légende,
365.
ÉLissA, ÉLissAR,DiD0N, fondc Carthagc,
440-441.
Elkhanan de Béthléhem, 315.
El-Khargeh. Voy. Hib.
ËL-KfiARBEH, sur l'emplacement d'A.
bydos, 21.
Ellat-baou, reine de Chaldée, 196.
Ellibi, Ellipi. Voy. JUibu
Elohim, an des noms de dieu, chez les
Hébreuxi 1^99, ^50; les élohistes, 459.
624
INDEX GÉNÉRAL.
Elouli, Elul^os. Voy. LoulU
ELTEKEH. Voy. Altakou,
Emim (les), 185.
Emporia (les) des Sidoniens ea Byza-
cène, 3lf4.
Enakim (les) se réfugient chez les Phi-
listins, 802.
Endor, sa pythonisse, 312.
Entew MV, rois d'Egypte, XI» dyn.,
98-lOC.
ÉOLIENS (les) en Asie Mineare , hl9 ;
soumis par Kroesos, 511 ; font partie
de la Yaounà, 543-544.
Êpagomènes (les jours) des Égyptiens,
80.
Épervier (1') indigène en Egypte, il ;
incarnation d'âorus, 47 , 48 ; Téper-
vier d*or, 42, note 2.
ÉPHÈSE, ville ionienne, 479; soumise
par Krœsos, 5ii.
ËPHORE, son opinion sur les Éthiopiens.
146, noie 3.
ÉPHRAÏM, une des douze tribus, 287 ;
son territoire, 292; sa suprématie au
temps des juges, 299 ; ^ joint à Ba-
rak, 298; attaqué par les Philistins
305; jaloux de Juda, d3i ; prophé-
ties de Jésaïah contre lui, 377.
Erekh. Voy. Ourouk.
REMI
239.
Erembbs
oy. cil
(les),
tribu araméenne, 185,
ÉRÉTRiENS (les) aident les Grecs d'Asie,
550.
Eridou, HATA, ville de Chaldée, 155;
ses patesi, 167.
ErpA, titre des nobles en Egypte, 98.
Erzerodm. Voy. Mont Milais,
Esclaves, leurs révoltes en Egypte, 259-
261.
ESNEH. Voy. Sni.
Esprits (les) possesseurs en Egypte, 41;
possession de la princesse de Bakh-
tan, 270-271 ; en Chaldée, 156; — les
esprits vitaux en Egypte, 83.
Étain (r) vient du Pont, 246; les lies de
rétain exploitées par les Tyriens, 443.
Étéocrètes (les) délivrent la Crète, 248
Ethan, Ezrahite, 329.
Ethbaal. Voy. IthohaaU
Ethiopie, Éthiopiens (Cf. Koush,
KousHiTES) : les, Éthiopiens n'ont pas
colonisé régypte 13-14; leur origine,
145-146; soumis par Papi I, 88; indé-
pendants après la VI* dyn., 99 ; con-
quis par la XII* dyn., 111-113; et de
nouveau par Ahmès I, 176-177 ; par
Amenhotep I, 178 ; forment une vice-
royauté égyptienne , 201. ; attaqués
par Horemheb^ 213 ; par Ramsès I,
213; par Ramses II, '21 8; indépendants
sous les grands prêtres d'Ammon, 336,
382 ; d'après la légende, soumis à Sé-
miramis, 277, et vaincus par Asa de
Juda, 340, note 3 ; s'approprient la
légende de la reine de SalMi, 33«,
note 1 ; renforcés par les Kooshita
d'Arabie , 424 ; leur suprématie sir
TÉgypte, 382-389, 426-427, 485-486; at-
taqués par Psamétik I, 490, et Psa-
metik II, 499 ; reçoivent les émigns
égyptiens, 493 ; étendue et coastita-
tionde leur royaume, 533-S35; atta-
qués par Kambysès, 535 ; donnent
asileàNakhtnebew, 568.
ETIENNE de Bysance fait de Gaza une
colonie Cretoise, 301.
Étoiles (les), leur division chez les
Égyptiens,^ 77-79 ; chez les Toura-
niens de Chaldée, 142.
ÉTRUSQUES (Cf. Toursha), arrêtent la
colonisation tyrienne en Italie, 443 ;
leur alphabet, 605-606.
Etbiônoaber , 286 ; occup^ par les
Hébreux, 317 ; Salomon y équipe une
flotte, 324.
Etymander. Voy. Helmend,
EuDOXE, étudie en Egypte, 25, 492.
Euhanes. Voy. Oannès,
EoLiEos, OuLAÏ, rivière d'Élam, 153.
EUPHRATE, son cours, 135-137, â33,
529 et passim .
Europe enlevée par Zens, 234.
EURYMÉOON (l') , défaite des Perses,
555.
ÉVAOORAS. se révolte contre Artazer-
xès II, 564.
ÉvÉDORANCHOs, uu des Fois mythiques
de la Chaldée, 159.
ÉvÊKUôus, roi fabuleux de la Chaldée,
164-165.
EviL-MÉRODACH. Voy« ÂvH-Mardouk.
Exode (l') composé vers Je huitième
siècle, 450; 1 exode da peuple juif.
256-261,286-293.
EzÉCHiAS. Voy. Hizkiah.
Ezékhiel, prophète hébreu, 504.
F
Farbah. Voy. Paria,
Fatraka (le^, poisson d'Egypte, U.
Faucon (le) indigène en Egypte, il.
Fayoum (le), sa description. 23, 114-
115; limiie de la domination immé-
diate des rois pasteurs, 175.
Femmes (les), leur drcit de succession
au trône réglé par Bsunouterou, 57-58;
cf. 201, 215-216, 339, 487-488, S28-
529.
Fer (le) se trouve en Médie, 453.
Feroukh. Voy* Fravarshi.
Fève (la) d'Egypte, 9.
Figuier (le) indigène en Egypte, S.
INDEX GENERAL.
6â5
Fils (les) delà rébellion contre leidlenx
lomineuz, 3o.
Fox Talbot, assyriologue anglais, 573.
Fbavak&hi, Frohar, Frrouer, ^66.
FRAVARTis. Voy . PhraoTtés et Knshâ-
trild.
Frohar. Voy. Fravarshi,
Froment (le) indigène en Egypte, 9 ; en
Élam, 138.
G
Gabala, ville phénicienne, 191.
Gabaon. Voy. Gibéon,
G AD, une des douze tribus, 287 ; son
temlolre, 292; soumis à Khazael,
359.
GADÈ8, Gadir, fondée par Melkarth,
234.
G ALAAD . Voy . Gilead.
Galilée, sa description, 184; réduite
par Ramsès II, 222; par Benhadar I,
341 ; par Touklat-habal-asar II. 374.
Gallas (le pays des), limite de l'empire
égyptien, 208.
Gamboul (le pays de), soumis par Sar-
youkin, 412; par Assour-ban-habal,
432.
GamiL'Adar, roi de Chaldée, 168.
Gandara» Gandarie, une des satrapies,
544.
Garbatovs, nom d*un Khêta, 221.
Gath, ville des Philistins, 302 ; son roi
héréditaire, 303; sous Akhis, 312;
prise par les Israélites, 316 ; atteinte
par Khazaël, 364 ; cf. 397.
Gauib traversée par Melkarth, 234,
GâcmatA, Comètes, Baroita,Pseudo-
SMERDIS, 536-539.
Gaza, ville cananéenne, 184, 198 ; d'ori-
gine Cretoise (?), 301 ; occupée par les
Égyptiens, 203, 215, 274, 291, 302;
par les Philistins, 302-303; son al-
liance avec l'Egypte, 397 ; avec l'As-
syrie, 408.
Gazaka (barroua?), ville de la Médie
Atropatëne, 371, note 2.
Gazelle (la) apprivoisée par les Égyp-
i tiens, 10.
r; GÉ, l'aibîme chez les Touraniens de
Chaldée, 142.
y Géants (les) après le déluge, 163.
Gebel, Gebôn, les GiBLiTES, ville et
y peuple de Phénicie, 189-190; colo-
fi, nies à Chypre, 234, 235; à Mélos,
^ 244; soumis aux Pharaons, 232; à
Assour-nazir-habal, 348 ; à Salmana-
0 sar II, 359 ; prête une flotte à Salma-
nasar V, 391.
Gebel^llaqui, ses mines d'or, 226.
f' HIST. ANC.
Gebôn. Voy. GebeL
GÉoéoN« GiDÉoN, Jeroubbaal, un des
JQges d'Hraël, 297, 300.
Gelboé. Voy. Gilboa.
GÉDRGSIE (la), 371, 517.
GÉNBSARETH (le lac de), 188.
Genèse (le livre de la), époque proba-
ble de sa rédaction, 450.
Géométrie (la) chez les Égyptiens, 81.
Gergéséëns (les), Giroasbens, Qir-
QASHA, peuple Tïananéen, 193; ses
établissements en Afrique, 294.
GÉRYON, ses bœufs, 234.
Gessen. Voy. Goshen,
Gessour, soumis à Damas, I88.
Ghilan, un des pays habités par les
Cadusiens, 455, note 1.
GiBBÉTHON, assiégée par Nadab, 340;
par Ela, 341 .
GiBBORiM (les) ou hommes forts de Da-
vid, 315-316.
GiBÉA, ville de Judée, reçoit une gar-
nison phi4istine, 308 ; prise par Jo-
nathan, 310 ; fortifiée par Asa, 341.
GiBÉoN, Gabaon, 315; Adonisédek y
est battu, 292 ; indépendante, 293.
Giblites. Voy. GebeL
610 ÉON. Voy. Gédéon,
Gihon, fleuve de Bactriane, 145.
Gilboa (monts de), Gelboâ, 312-313.
GiLÉAD (le pays de), Galaad, soumis
aux Hébreux, 291-2»2; ne répond pas
à Barak, 298; soumis par Benha-
dar II, 356; par Khazaël, 359 ; rava-
gé par Touklat-habal-asar II, 874.
Gimirri. Voy. Kimmériens,
GiRATBouNDA. Voy. Cadustefut.
GiZEH, ses pyramides, 65.
GOBRTAS, noble perse, 552.
GODOLiAS. Voy. Guédaliah,
GOLGOS, ville de Chypre, 235.
GooDWiN, égyptologoe anglais, 588.
GoRDios, roi de Phrygie, 240 ; le nœud
gordien, 240.
GoRDTiEENS (les mouts), Tarche s'y ar-
rête, 162-168.
GORTYNB, colonie phénicienne, 246.
GosHEN (pays de), Gesskn, où s'établi-
rent les Hébreux, 174,259.
Gouffre (un) s'ouvre près de Bobaste,
57.
GouGOU. V. Gygès,
GouRNAH, 21, ses monuments, 225.
GousiiTASP. Voy. Vistâçpa.
UouTis, GouTiM, battus par Saryou-
kin 1,195; révoltes contre Assour-
ban-habal, 433.
GdzAN, se révolte contre Assour-dan-
il II, 362 ; les Juifs y sont exilés,
410.
Grand prêtre (le) chez les Égyptiens,
19; les grands prêtres d'Ammon dé-
trônent les Ramessides, 272, 336
40
626
indépendant! en Ethiopie, 33«, 382;
ehec les Juifs, 3o5<3O0, 312, 321, 52 1 ;
toat-puissants avec Jéhoîadah, 363-
394, et Hilkiab. 450-451.
GRA.NIQUE, victoire d'Alexandre, 569.
GRÉBAUT (B.)i pgyptologue français,
588 ; sa traduction de l'hymne à Am-
mon-Râ, 37, note 3.
Grecs (les), origine de leur alphabet,
601-6O3 ; colonisés par les Phéniciens,
INDEX GÉNÉRAL.
HadhottrA, trlba arabe, 503.
HADHRAMAOUT, contrée de rArabie,
424,
Hadrien, visite le colosse de Memnon,
211- . ,
Haétoumat, une des stations dès Ira-
niens, 456. .
Hâoar (le pays de), hedjir, soumis a
Sin-akhé-irib, 425.
HAGfSA, règne à Babylone, 4o4.
601-6«3 : colonisés par lesPbeniciens, "^aia-v . <'B/««' - «-"/ ■^"^« ;:^:
246-247 { réagissent, 247-249; battus haigh ^Daniel) veut identifier Semiramis
enCilicJeparSin-ak!ié-irib.4l9;colo- «» Nowertari, 278, note 2.
". .. L. .. ;^ ^, ,11 .!>»«;« itavâdtatt nom de MemoniS. 24: ICS
enCiliciepar Sin-akhé-irib, 419; colo-
nisent la Sicile et Chypre, 444 : l'Asie
Mineure, 479; en Egypte sous Psame
tik I, 490-492*, sous Ahmès II, 5i5-
528 ; les Grecs d'Asie et leurs rapports
avecKrœsos, 5i i, si5-518 ; avecKyros,
513; soumis aux Perses, 516; font par-
tie de la Yaounâ, 544 ; se révoltent
contre Darios I, 549-550 ; affranchis
par Athènes, 558 ; repris par Darios II,
560 ; protégés par Sparte , 562, et
passim.
Grenadier (le) indijgène en Egypte, 8.
Grotrfend. déchiffre les cunéiformes
perses, 572-513.
Grue (la), 42, noie 1 ; grue à deux tètes,
sous Téta, 56.
Guerres, Parsis (les), 471, note 1.
GuéoALiAH, GoDOLiAS, assassiué , 501-
Guépard (le) en Egypte, 10.
GuÈZBR, 315; prise par les Égyptiens,
323; rebâtie par Salomon, 325.
Gdihon (les eaux de) à Jérusalem, 4! 2.
GuiLGAL, l'arche y est déposée, '293; Sa-
muel y tient des assemblées popu-
laires, 308; Saûl y est proclamé roi,
309 ; y offre l'holocauste, 310; son
sanctuaire abandonné, 327.
Gtaros, colonie phénicienne, 244.
GTGÈs, GOUGOU, roi de Lydie, 481-483;
son hommage à Assour-ban-habal ,
431.
Gyndès, Ditalbh, affluent du Tigre, 1 36 ;
ses alluvions, i37; dérivé par Kyros,
518.
H
tîÀ-hBNBEN. Voy. Babylone d'Egypte.
HA-BENNOU, aiPPONON, ville d'Égypto,
23.
HADAD, se réfugie en Egypte, 317, 340;
reconquiert lldumée, 330.
Hadadézer. Voy, Hadarézer.
Hadar, divinité cananéenne, 287.
HADAREZER, roi de Tsobah, 316; ses
guerres contre David, 316-318.
et Nowertari, 278, note 2.
Hakaptah, nom de Memphis, 24 ;
Grecs en font Êjçypte, 24, 55.
HAKHNENSOU, HAKHNENSOUTEN,KHNBN-
sou, KHININSOU,HÉUACLÉOPOLIS MA-
GNA, HNÈS, AHNAS-EL-MEDINEH, vUlC
de rHeptaaomide, 23, 95 ; fournit deux
dynasties, 95-96; sous la xxii* dyn.,
apanage princier, 379 ; crise par Taw-
nekht, 381 ; par Piânkhi, 384; se sou-
lève contre Shabak, 398.
Hakoïtou (la femme'), 165.
Hakori,Acoris, roi d'Egypte, xxix* dyn.
564. , . . ^ ,
HALÉvi, sa théorie sur les origines chal-
déennes, 140, note 1 ; sur les origines
d'Abraham, 168, note 5; sur la déri-
vation de l'alphabet phénicien, 600,
note 4.
Hallousi, roi d'Élam, 437.
Halys, fleuve d'Asie Mmeiire. 236, 241;
sert de frontière à Saryoukin, 4oi ; a
la Médie et à l'Assyrie, 483-484 ; fran-
chi par Krœsos, 513; par Kyros, 514.
1. Hamath de Chypre, Amathonte,
235.
Hamath de Syrie, Hamath la Grande,
ville cananéenne 190, 233; soumise
auxAradiens, 19U à Hadarézer, 316;
à David, Sl7; à Salomon, 322, 323;
guerres contre Salmanasar III, 353,
355, 356; prise par Jéroboam II, 367;
par Touklat-habal-asar II, 870, 372;
contre Saryoukin, 395, 397, 409,410;
perd son importance au milieu du
septième siècle, 439; son système
hiéroglyphique, 395, note 1.
HAMMAMAT (valléo de), ROHANNOD, 99,
HAMMOURABi. Voy. Khammouragos,
HAMOUN (lac), 135, 371, 456.
Hanhan, un des noms d'Osiris, 86.
HANNAH, mère de Samuel, 307 .
HANOUB (le pays de), 92.
1. Hanoun, Hannon , roi de Gaa, 374.
398.
2. HANOUN, roi des Ammonites, 317-
318.
Haôm'a, Sôma, liqueur sacrée des Ira-
niens, 469.
HAouAR, AVARI8, camp des Pasteurs,
175 ; prise par Ahmès I, 76-177 ; aux
V,
INDEX GÉNÉRAL.
627
Impara, 261 ; occapée par les sémites,
337.
KaourvatATi un des Amesha-çpentas,
46t}.
1. Hapi (le bœuO, Apis, ce qu'il est, 48-
50 ; proclamé par Kakéou, 57 ; introni-
sation parTahraqa, 429; tué parKam-
bysès, 536 ; de Darius I. 551.
2. Hapi, nom du Nil, il ; nymne ao Nil,
11-13. Voy.à Nil.
HARABAT-EL-M.\DirooîfE3 , vilUjçe mo-
derne sur remplacement d'Abydos,
21.
HARAÏVA. Voy. Arie»
Haraouvatis. Voy. Arachosie.
HARAQAÏTi, ARACHOSIE, uue des Sta-
tions des Iraniens, 45*1.
Har DEsnsR, la planète Mars, 78.
Har bout, fils et héritier d'Harmakhis,
51.
Har Ka HEl\, nom de la planète Sa-
turne, 78.
HarmaKhis. Voy. Boremakhoutû
Harô-berezaÏti. Voy. Allabria.
HARÔTOO, ABiE, uue des stations des
Iraniens, 460.
Harpagos, soumet les Grecs d'Asie et
la Lycie, 516.
Harpekhroud. harpocrate, 3i;Yenge
son père Osiris, 39.
Harran. Voy. Kharran.
Har-tap-shetaou, nom de ia planète
Jupiter, 78.
Ha-sekhekh, le nome Diospolitès, 21.
Ha-souten-khnew. Voy. Hakhnensou.
HatabrA. Voy. Afhribis.
Hatasou, H^TSHEPOU (la reine"), 201-
203 : ses constructions àKarnak, 210;
i Deir-el-Bahari, 2i0.
Hathor, dame des eanx d'en haut, 72;
son temole à Dendérah , 51 ; réparé
par Khéops, 72, 89, et par Papi, 89.
Hatshepou. Voy. Hatasou.
Hauts (les) lieux. Voy. Bdmâlh.
Hazor, ville cananéenne, 19.9; brûlée
par les Hébreux^ 292 ; fortiûée par
Salomon, 325; par Touklat-habal-
asar II, 374.
Hebbnnou, Touho, Théodosiopolis,
23 ; prise par Piànkhi , 383.
Héber, Kénite, 298-299.
Hébreux (les), Bnou-israel, Israéli-
tes, juifs, leur oriKine, 168-169; en
Egypte, 173-174; leur exode, 257-
261 ; conquièrent le pays de Canaan,
286*293 ; gouvernés par des Juges, 293-
308 ; par des rois, 308 ; leur empire,
309-322; divisés en deux royaumes,
331 ; en lutte contre Damas, 323-341,
348-359, 363-367; contra l'Assyrie, 370,
372-375,376-377; chute di| royaume
d'Israël, 389-392; lutte.de Juda contre
l'Assyrie, 395-398, 4o4-4t3, 445-452;
contre l'Egypte, 495-496 ; chute de Jé-
rusalem, 4V6-502; reviennent de cap-
tivité sous Kyros, 521 ; sous Darios I,
.543.
HÉBRON, KiniATH ARBA, Ville Cananéenne
185 ; établissement d'Abraham. 173 ;
aux Hittites du Sud, 192-193; David
y est proclamé roi, 313 314.
HÉCATOMPYLES, viUc foudéo par Mel-
karth, 234.
HÉDEN, 410.
H£DJAZ, à Sin-akhé-irib, 425 ; à Nabou*
koudour 0 ussour, 5o3.
Hedjir. Voy, Hagar,
Heh, pays de Nubie. Ut ; conquis par
Ousortesen IIl, 1 12.
HÉKAL, le Jieu saint, 325.
HÉKAL-ANOU. Voy. Nipour.
HÉKALi, ville d'Assyrie, 285, 419.
HÉRATOMNOS, rot de Carie, 564.
Hélène en Egypte, 49?.
HÉLIOPOLIS, ON du Nord, 14, 25 ;appar*
tientAToum, 29; ses animaux sacrés,
48; son observatoire, 79; ornée par la
xu* dyn., 106; prise par Piànkhi, 385.
HÉLioPOLiTÈs. nome de TÉgypte, 25.
Hblladius, cité |f. 158, note 3.
Hellanikos de Lesbos, sur les origines
d'Amasis, 512, note 3.
Hellénion, en Egypte, 527.
Helmeno, Ei'YMANOER, rivière de l'Iran
132, 371, 456, note 6.
Hf.maN, 329.
HÉNAH, 409.
Heptahbndou, Pendjab, un des séjours
des Iraniens , 456 ; conquis par Da-
rios I, 548.
HEPTANOMioE(r), 7,8apo8ition,22, note
2; la vigne y prospère, 9; ses haras,
323-324
héraclée pontique , colonie phéni-
cienne, 245
HÉRAGLéoPOLiSMAONA. Voy. Hâkkn^n-
80U.
HÉRACLÉoPOLiTÈs , uu dos Domes de
l'Heptanomide, 23.
HÉRACLiDES (les) en Lydie, 479^481.
Hercule Tyrien. Voy. Mtlkarth ; grec,
tue Busins, 492.
Herhor, grand prêtre et roi d'Egypte,
XX» dynastie, 272, 336.
Hermès. Voy. Thot,
Hbrmom (le mont), 182, 187, 292.
Hermonth, Hbrmonthis, On du Sud,
14, 21, 229.
Heruopolis Magna, Oun, Sesounnou,
22-23; soumise à Tawnekht, 381; prisé
par Piànkhi, 383-384; devient un apal-
nage royal sous la xxii« dyn., S79.
Hermopolitès, Oun, un des nomes de
TÉgypte, 22-23.
Hermos, rivière de Lydie, 237,242.
Hérodote, sur l'Egypte, 2; sur l'ori-
628
INDEX GÉNÉRAL.
sine da Delta, 6, 7 ; sar le lotus, 8-9;
sur La noarritnre des Égyptiens, 9 ;
sar le0 rois constructeurs des pyra-
mides, 68-73 ; sur Asychis, 75 ; sur
Sésostris, 23S<2n, 266-267; sur la
migratioQ des Tyrséaiens, 249-250 ;
sur Phéron, 251; applique le nom
d*Assyrie à toute la Châldee, 27 5, note
1 ; sur Sémiramis, 361. note 1 ; sur
les débuts de Tempire Mëde, 488-463,
471-473 ; sa légende sur la ville d*Asli-
dod, 490 ; raconte le Périple de Néko
II, 495 ; confond Kadesh et Gaza, 495;
son récit de la murt de Kyros, 521-
522.
Bkrou KhAkbrA, ville de Nubie, lis.
HER0U8HA (les) battus par Papi, 89-90;
par Tbotmès III, 207.
Hesbon. Voy. Hhesbon,
HisBPTi, OusAPHAïDos, rol d'Egypte,
II* dyn., 57, 58, 60, 81.
HËziON, roi de Damas, 341.
HiB, KL-KHA.ROBH, SOU temple d*Ammon,
552.
Hiératique, écriture cursive des Égyp-
tiens, 585; spécimens, 593-596.
Hiéroglyphes (les) d'HorapoUon, 584.
Hiéroglyphique (Fécriturej, ses princi>
pes, 588-599.
HiLKiAH, grand prêtre des Juifs, 450-
451.
HiNAifAN (le fleuve), peut-être Tlndos,
278.
HiNCKS, égyptologue anglais, 573, 588.
HlNDOU-XOUSH (n, 145,456.
HiNNOM (la gorge de), 314.
HIPPONON. Voy. Hahennou.
Hippopotame (y) indigène en Egypte, lo ;
toe Mena. SS-56; envoyé en présent
à Touklat-nabal-asar I, 282.
HiQ, prince des nomes, 19.
HiQ-SHOS, HÏQ-SHASOU. Yoj. Hyksoi.
HiROM, HiRAM I, roi de Tyr, son amitié
avec les. Hébreux, 321 ; fournit des ou-
vriers et des matelots à Salomon, 324,
325, 230 ; sa mort, 350.
HiROM II, roi de Tyr, 441 .
Hirondelle (1*) indigène en Egypte, il ;
une des formes mystiques de l'âme,
42, note 1.
HIBTIJBOS de Milet, 549.
Hittites. Woy. Khétcu.
HIVAH, 409, 410.
HiviTES (les), nation cananéenne, 193;
leurs alliances avec les Hébreux, 296.
HiZKiAH, ËzÉCHiAS, rol de Juda, 395-
397 ; sa guerre contre Sin-akhé-irib,
404-411 ; refuse l'alliance de Mar-
douk-bal-idinna, 411-413; prospérité
de son règne, 445-449.
Hnâb. Voy. Hâkhnensou,
Homère, snr la Thèbes d'Egypte, 20;
sur le métier de pirate, 248.
Hommes (les) sortent des yeux de Ri,
36 ; sans langage à l'origine, 37 ; de-
viennent Osiris après la mort, 39.
Homophones (Les) des écritures anti-
ques, 589.
HoNT-KHA-NowER (la pyramide), 91-93.
HONT-SEN, fille de Rhouwoû, 71-72.
1. HOR, titre princier, 71, 98.
2. HoR, HOROs, fils d'isis et d*Osiris,
est le soleil en son midi, 31 ; se tient
à l'arrière et à l'avant de la barque
solaire, 31-32; a les Nègres soas son
patronage, 37; ses formes diverses,
47-48 ; identifié à Râ et à Osiris, 38-
39 ; est le huitième roi de la dynastie
divine, 38 ; bat Set i Sesoan, 23 ; sa
guerre contre Typhon, 51 ; son culte
est proscrit par Amenhotep IV, 212 ;
— enfant. Voy. Harpekhroud.
HORAPOLLON, ses Hiéroglyphiques, 584.
HoRDOUDOUw, fils de Menkarâ., 73-74.
Horemheb, Aruaïs, roi d*Égypte,XVIlI"
dyn., 213.-
HOREMAXBOUTI , Harmachis , 31; le
Sphinx de Giseh est son symbole, 61 ;
est la planète Mars, 78 ; son culte est
prosent par Amenhotep ly, 212; pa-
tron d'Edfou, 51 .
HORIM, peuple cananéen, 185.
HOROUi, nome Coptitês, 2t.
l.HOROS, roi légendaire de rÉgypte,260.
2. HOROS. Voy. 2. Hor,
HOR-PSIOUNKHA MEIAMOUN, PSOUSEN-
NÉS, roi de la XKI* dyn., 339.
HORRACK (de), égyptologue frauçais,
588.
HoRsiATEw, roi de Napata, 534.
1. HosHEA, Osée, prophète hébreu, S6a,
376-377, 445.
2. HosHEA, Osée, roi d'Israël , 375-376;
son alliance avec Shabak, 376-377, 389;
fait prisonnier, 390.
HouNi, roi d'Egypte, iii'dyn., 66, 76.
HouNT. Voy. Jfa;rt«(lac).
HouRADi, ville d'Élam, 436.
HoùRKi, divinité chaldéenne, 156.
Hozé, un des noms que les Hébreox
donnaient aux prophètes, 306.
Hyades (les) observées par les Égyp-
tiens, 79.
HTDARNès. Vo^. Vidama,
Hyène (!') indigène en Egypte, 10.
Htgin, cité, p. 158, note 3.
Htkodssos, Htksos, Hiq-shos, Hiq-
SHASou, en Egypte, 171-179; leurs
débris en Syrie, 261.
Hymne à Ammon-Râ cité, 36-37; i
Hormakhouti, 31 36; au Nil, 11-13.
HTPséLiTÉs (nome). Voy. Baar.
Htrcanib, Khnenta-vehrkana, 457; se
foulève contre Darios 1, 542; fait par-
tie de la satrapie de Parthava, 544.
I. HYSTASPÈS, ViSTÂCPA, Goushtasp,
INDEX GÉNÉRAL.
629
roi mythique de la Bactriane, 464«
465.
2. Hystaspés, VîstAçpa, père de Da-
rios I, 464, 539-542.
3. HYSTASPES, VisTAçpAygoaverneurde
Bactriane, 555-558.
I
lÀRAKi, ane des provinces da Khatti.
347.
lATOURi, une des provinces da Khatti.
347.
lAXARTE, lAXARTÈS, 132. 517; p.-êt.
l'Araxès (voy. ce mot) ; stèles de Sé-
miramis, 277.
iBÉBifi, soumise par Melkarth, 234.
Ibis (]•) indigène en Egypte, li ; consa-
cré à Thot, 47, 48.
IBSAMBOUL, le spéos creusé par Ram-
ses II, 225 ; inscriptions grecques et
phéniciennes, 490.
lehneamon (!') indigène en Egypte, lo.
Ida (le mont) de Mysie, 241, 242, 243 ;
de Crête, 2i6 ; Zeus idéen, 241, 242.
Idéographisme (!'), sa déQnition, 570;
en Égyptien, 594.
IDPA , la fièvre chez les Chaldéens,
144. '
IDUMÉE, IDUMÉENS, Voy. Edom.
lERTSA, ville cananéenne, 198.
Don, détruite par Touklat-habal-asar II,
374.
ILOI, roi de Chaldée, 167.
ILioN, sa description, 241; en guerre
contre Ramsès il, 219-222, 230.
ILLAHOUN, ville da Payoum, 115.
iLLiBr, Ellipi, Ellibi, en guerre contre
Saryoukin, 400, 460 ; soumis par les
Mèdes, 458.
ILLYBIE, visitée par Kadmos, 234; colo-
nisée par les Phéniciens, 246.
ILOU. dieu suprême des Chaldéens, 149,
ILOÙBID. Voy. Jahouhid.
IMBBOS, colonisée par les Tyrrhéniens,
250.
iMENDÈs, un des prétendus construc-
teurs du labyrinthe, 118.
IMHOTEP, iMouTHÈSy AscLÉPios, sa na-
ture, 28; son temple à Memphis, 81 ;
identifié au roi Tosortho?, 61 •
Impurs (les) en Egypte, 260-26I.
INAROS, sa révolte contre les Perses,
556-557.
Incarnations (les) des dieux égyptiens,
36, 46-50.
Incubes (les) chez les Chaldéens, 144.
INDABIGAS, roid'Êlam,435.
INDATHYRSÈS, Foi des Scythss, 169.
INUB, les routes qui y conduisent, 370 ;
entamée par Darios T, 548 ; selon la
légende, conquise par Sésostris, 223 ;
attaquée par Sémiramis, 277; selon
quelques-uns, l'Ophir des Juifs, 324,
note 4.
INDOS, 132, 277 ; descendu par Skylax,.
548. ^
Inondation (T) du Nil, 3-8; du Tigre et
de l'Eu phrate, 136.
lONiE, Yaounâ, Ioniens (les) s'établis-
sent en Asie Mineure, 479 ; attaqués
par Gygës, 482 ; mercenaires au ser-
vice de Psamétik 1, 487 ; établis le long
de la branche Pélueiaqne, 491 ; mis à
l'aile droite de rarroée égyptienne,
492; transférés à Memphis par Ah-
mës II, 526 ; soumis par Krœsos, 51]«;
par Kyros, 516; se soulèvent contre
Darios I, 549-550; les prétendus mo-
numents de Sésostris en lonie, 224.
iPHiCRATÈs en Egypte, 565.
Iras*, les Égyptiens y sont battus, 512.
Iran (le plateau de r), sa description,
I35;etpassim.
Iraniens. Voy. Mèchs et Perses,
IRANZOU, roi de Manna, 400.
IRI-AMTOUK, patis d'Assour, 275.
IRIB-BIN, roi d'Assyrie, 342.
Iris, rivière de l'Asie Mineure, 336,
238.
IRRIGA, ville de Chaldée, 379.
ISAÏ, JESSÉ, père de David, 311.
ISAÏB, Voy. Jésaïah,
ISBOSETH. Voy. hhbaal.
iSBOUiNis I, roi d'Ourarti, 399.
ISHBAAL, ISHBOSETH, ISBOSETH, filS de
Saûl, il 3-3 14, 315
Isi-NOWERT, reine d'Egypte, 251.
Isis, mère et sœur du Soleil, 32-33 ; ses
temples à Gizeh, 71-72 ; à Memphis,
524; identifiée à Sothis, 79.
ISMAEL assassine Guédaliah, 501-502.
ISMÉNIAS en Perse, &65.
ISMi-BAAL, roi de Gaza, 408.*
Ismi-Dagan, patis d'Assour, 168, 197,
275, 284.
Isôos, d'après les Phéniciens, le premier
marin, 192.
ISRAËL, nom mythique du patriarche
Jacob, 173.
ISEiAÉLiTES. Voy. Hébreux.
IssASSHAR, IssACUAR, une dos douze
tribus, sa position, 292; sa faiblesse,
293, s'unit à Barak contre Jabin, 298 ;
Cf., 304.
Issos, victoire d*Alexandre, 569.
1. ISTAR, déesse chaldéenne, 278; son
mariage avec Izdoubar, 166 ; apparait
à Assour-ban-habal, 432; la planète
Vénus, 151; son temple à Ninive, 348.
2. ISTAR, AsTER-ABAD, soumis par Tou-
klat-habal-asar il, 371.
ISTAR-NAKaouNTA, rol d*£lam, 437.
630
INDEX GÉNÉRAL-
ITALIE, traversa par Meikarth, 234;
colonisée par les Phéniciens, 2ï6.
lTANos« colonie phénicienne, 246.
Ithobaal; Ethbaal, I, roi de Tyr,
350, 443; les Assyriens pénètrent en
Phéaicie de son temps, 441 ; sa mort,
440.
Ithobaal II, roi de Tyr, 405, 442.
Ithobaal III, roi de Tyr, 503.
iTNi, soumis par Toaklat-habal-asar l,
280.
IZBAR, le fea chez les Chaldéens, 144.
IzoouBAR, roi mythique de la Chaldée,
165-166.
IZBBELy JÉSABEL, épouso Akhab, 350'
3S1 ; assassinée par Jébu, 358.
Jabbok, affluent du Jourdain, 183, 333.
JABÈS de Giléad, délivrée par 8aai, 309;
ses habitants enlèvent le cadavre de
Saai, 312-313.
1. Jabin I, roi dHazor, tué, 292.
2. Jabin II, roi d'Hazor, battu par Ba-
rak, 298-299.
Jabsokham, un des Gibborim, 315.
Jacob, prend le nom d'Israël, 173, note
3; sa légende, 174; aïeul des douze
tribus, 287.
JABL, tue Sisera, 298-299.
Jaffa. Voy. Jopé.
jAHouBiD, ILOUBID, roi de Hamath, 395;
battu à Karkar, 397-398.
JAHVEH, JÉHOVAH, JÉHOvi, nom du dicu
national des Hébreux, 289-291 ; livre
les Hébreux aux Cananéens, 296-^97 ;
ne s'accommode pas des dieux étran-
gers, 319; apparaît à Saloinon, 329;
idée que s'en fait Jésaïah, 396-397 et
passim^
JAïR, un des juges d'Israël, 304.
Jaltsos, colonie phénicienne, 243.
Jannas, un des rois Pasteurs, XV« dyn.,
171.
Janoha, prise par Touklat-habal-asarll,
374.
JAVA, selon quelques-uns l'Ophir des
Hébreux, 324, note 4*
JÉBUS, JÉBUSiTES, viUe et tribu ca-
nanéenne, 193; reste indépendante
des Hébreux, 293 ; ses alliances avec
eux, 296; prise par David, devient Jé-
rusalem, 314-316.
Jbctanides (les tribus) de l'Arabie, 424.
1. Jehoakhaz, Joakhaz, roi de Juda,
495-496.
2. Jehoaehaz, nom d'Akhaz sur les mo-
numents assyriens, 368, note 1.
3t Jehoakhaz, roi d'Israël, 364.
1 . Jehoash, Joash, Joas, roi dlsna,
366.
2. Jehoash, roi de Juda, 358-359, 36i,
364.
Jehoïada, Joïada, grand prêtre de Jé-
rusalem, 363-364.
JÉHOïAKiN I, JOACHiM, roi de Juda, 496,
498.
Jehoîakin II, roi de Juda, 498-499.
1. Jehoram, Joram, fils de Thoî, roi de
Hamath, 317.
2. JEHORAM, frère de Thibni, 341.
3. JEHORAM, roi de Juda, 354; aasasàné
par Jéhu, 358.
4. JEHORAM, roi dlsraël, 356 ; batta
par Khazaël, 357.
JÉHOSHAPHAT, JOSAPHAT, rol de JudS,
354-355.
JÉHOVISTES (les), 450.
JEHU, roi d'Israël, ses crimes, 357-358 ;
ses désastres, 359, 363-364.
JÉKONiAH, premier nom de JéhoSakin U,
498.
JÉNTSOS, Khan-Younous, vllle fron-
tière de la Syrie, 529.
Jephtah, Jephté, un des juges dlsraël,
297, 304-305.
Jérémiah, Jérémie, prophète hébreu,
499-504.
JÉRICHO, prise par Josué, 292; Zédé-
kiah y est arrêté, 501.
JÉROBOAM I, se réfugie en Egypte, 331,
340; élu roi à Sichem, 331-332; son
règne, 333-334 ; sa mort, 340.
JÉROBOAM II, roi d'Israël, 366-367.
JÉRÔME (Si), sa lettre au prêtre Vitalis,
368, note 1.
JÉROUBBAAL. Voy. Gédéon.
JÉRUSALEM , devient la capitale des
Israélites, 315; embellie par Salomon,
324-326; capitale du royaunoe de Juda,
333; prise par Sheshonq I, 340; assié-
gée par Kbazaël, 364. prise par Je»
hoash d'Israël, 366; réparée par Biz-
kiah, 407 ; sommée par Sin-akhé-irib,
408-410 ; prise par Nabou-koudoor-
oussour, 498-499; détruite, 500-501;
colonisée sous Kyros, 521 .
JÉSAÏAH, ÉSAÏR, ISAÏE, SCS prophétie!
contre Ëphraïm, 377; son influence
sur les idées religieuses, 396-397, 445-
449 ; son rôle politique, 404-405, 412-
413; sa mort, 449.
Jeshua, grand prêtre des Juifs, 531.
Jessé. Voy. Isai.
JÉZABEL. Voy. Izebel.
JEZRÉEL (La plaine de), 198, 292, 305,
357-358, etc.,
Jo...., chercher sous Jeho.... les noms
hébraïques qui ne se trouvent pas
sous la rubrique Jo....
JoAB, chef des Gibborim, 315; prend
Jébus, 314; bat le8£dom;tes,3i7; les
INDEX GÉNÉRAL.
631
Ammonites, 318; tae Absalom, 32o;
assasiné par ordre de Salomon, 321.
JOAH, an des officiers d'Hizkiah, 409,
410.
JOATHAN. Yoy. Jotham,
1. Joël, un des fils de Samuel, 308.
2. Joël, prophète hébreu, 365, 445.
JOKHANAN, attaque Ismaël, 501-502.
1. Jonathan, Jonathas, fils de Satll,
prend Gibéa, 310; sauve David, 312;
sa mort, 312-313.
2. Jonathan, an des Gibborim, 315.
JopÉ, JOPPÉ, Jappa, purt cananéen,
184, 198; colonisé par les Phéniciens,
235.
Joseph, sa légende, 174, 258; père
d'Éphraim et de Manassé, 287.
JosÈPHE, son récit sur la conquête de
l*Égypte par Nabou-koudour-oassour,
504.
JOSHIAH, J0SIA8, roi de Juda, 450-453 ;
tué à Mageddo, 495.
josuÉ, fils de Noun, conquiert Canaan,
292-293, 294.
JOTHAM, JOATHAN, roi de Juda, 872.
JOUHEM, ville cananéenne, 198-203.
Jourdain (le), sa vallée, 183; franchi
par Moïse, 292; et passim.
Juda, une des douze tribus, 287; en
partie aux sources du Jourdain, 292 ;
sa position, 292; vainqueur des Cana-
néens, 298 ; ne s'unit pas à Barak, 298 ;
attaqué par les Philistins, 304-315;
proclame David, 313; sa suprématie,
330-331; — royaume de Juda, 331-832;
plus compact qu'Israël, 333; ses des-
tinées jusqu'à la chute de Samarie,
333-334, 340, 354-359, 363-366; sous
Hizkiah, 396-397, 404-413, 445-449;
jusqu'à la chu te de Jérusalem, 449-452.
495-502; revient de l'exil sous Kyros,
521; rebâtit le temple sous Darios
I, S43.
JuoES (les) des Hébreux, 293-311.
Juifs. Voy. Hébreux et Juda,
JUNON; Samienne, enrichie par Âhmès
II, 526.
1. Jupiter. Voy. Zeus.
2. Jupiter (La planète). Voy. Har-tap-
ihelaou et Mardouk,
Jury (le) infernal des Égyptiens, 4i.
K
KAABAH (la), attaquée par Naboo-kou-
dour-onssour, 503.
Kaaou, peuple nubien battu par Papi,
90.
Kaas, peuple nubien, ill.
1. KADE8H, déesse cananéenne, adoré*
à Memphis, 337.
2. Kadesr, ville cananéenne, 199, 300;
aux Amorrhéens, 193 ; ses guerres con-
tre Thotmès III, 203-204, 205; contre
Séti I, 214-215; contre Ramsès II,
215, 219 222, 227-231, 250; contre
Ramsès III, 263; disparue an VII*
siècle, 439; mentionnée sous le nom
de Kadytis, 495.
3. Kadesb-Barnéa, une des stations des
Hébreux, 286; limite méridionale
d'Israël, 292.
4. Kadebh de Naphlali, Kedes, 199.
prise par Touklat-habal-asar II, 374,
Kadmos, ses voyages, 234, 246*247 ; se-
lon les Grecs, inventeur de l'écritore,
601; ses lettres, 601-603.
Kadytis. Voy. 2. Kadesh et Gaza.
Kaharoa, un des états du Khatti, 347,
Kaîékhôs. Voy. Kakéou.
Kaïqash, peuple Libyen, 264-265.
Kaïhatos. Voy. Knôsot.
KAKA, roi d'Egypte, V« dyn., 76.
Kakéou, Kaîékhôs, roi d'Egypte, II*
dyn., 57, 60.
KALAKH, ville d'Assyrie, 275 ; sa des«
cription, 343-344 ; reste fidèle à Sal-
manasar II, 360 ; se révolte contre
Àssour-nirarill, 367; Touklat-habal-
asar Il y meurt, 376 ; constructions
d'Assour-akhé-idin, 428; saccagée par
les Kimmèriens, 475.
Kaleb, 298.
Kalneh. Voy. Nipour,
Kalou, victoire ae Saryoukin, 393, 395.
Kama, reine égyptienne, 128.
Kambé, colonie phénicienne, 294, 441 .
Kamblès, roi de Lydie, 481.
Kambysès I, Kambouzia I, roi de
Perse, 507-509.
Kambysès II, roi de Perse, tue Bar-
diya, 523 ; conquiert l'Egypte, 528-
531; ses tentatives sur la Libye, 532-
533 ; sur l'Ethiopie, 533-535 ; sa folie,
535-536 ; sa mort, 536-538; n'a pas
introduit le perséa en Egypte, 8.
Kamès, roi d'Egypte, XVII* dyn., 176
Kakosh, Chamos, dieu de Moab, 289
328.
Kamyros, colonie phénicienne, 243.
Kapour, chef libyen, 264-265.
Kaqimna, scribe égyptien, 86.
Karâ-indas, roi de Chaldée, 276.
KaradjaH'Dagh. Voy. Masios.
Karalla, pays de la Médie, 460.
Karambys, colonie phénicienne, 245.
Karardas, roi de Babylone, 276.
Karbana, Karbanit, ville du Delta,
262 ; Tahraqa y est défait, %28.
Karxar, Bourkarou. défaite de Ben-
hadar II, 353 ; de Janoubid, 397.
KARKÈMISH, MABOO, HIÉRAPOUS, Ville
638
INDEX GÉNÉRAL.
de Syrie, 186-187, S22; soumise à
Thotmès I, 198 ; passe aaz Khétas,
214 ; contre Ramsès II, 319, 230 ; con-
tre Ramsès III, 263, 264, 265 : soumise
à Toukiat habal-asar I, 274, 282;
défaite d^Assoiir-rab-amar, 'iSS; un
des ËtatsduKhatti, 344, 347 ; se sou-
met À Àssour nazir-habal , 347 ; à
^almanasar III, 348; à Touklat-htibal-
asar II, 369 ; à Saryoukin, 400 ; perd
son importance au septième siècie,
439; prise par Néko II, 49S; par
Nabou-koudour-ouBsoar, 496.
KABKH. Voy. Tchakra.
Karkhi, Kourkh, soumis par Touklat-
habal-asar I, 280-38! ; par Assour-
nasir-habal} 345, 3'46.
1. Karuana. Voy. Carmel (le mont).
2. Karmana, ville de Perse, 508.
Karmanie, partie de la Perse, 508;
Nabou-nahid y est exilé, 520.
Karnak, village moderne sur rempla-
cement de Thebes, 21 ; ses monuments
restaurés par Ahmês I, 177 ; con-
structions de la XII* et de la XVIII*
dyn„ 208-210; de Ramsès II, 225 ;
de Ramsès III, 267; réparées par
Shabak, 389; par Psamétik I, 489.
Karné, ville phénicienne, 189 ; appar-
tient aux Aradiens, 191.
Karpasia, ville de Chypre, 235.
Karrak,Nisin, ville deChaldée, (55,168.
Karsa, un des dieux Élamites, 436.
Kart-hadshAt. Voy. Carthage.
Kashta, successeur de Plânkhi, 386.
Kasios (le mont), sa colonie phéni-
cienne, 235.
Kassi. Voy. Kissiens.
Kast, KHUSiE, ville d'Egypte, 22.
SLastaneh-Dagh. Voy. MessÔgis.
1. Kati, peuple de la Syrie septentrio-
nale, sa lutte contre Ramsès II, 219 ;
son prince visite l'Egypte, 225 ; en
guerre contre Ramsès III, 1263 264,265.
2. Kati (l'eau de), un des noms de la
mer Rouge, 265.
Katpatouka, une des satrapies, 544;
cf. Cappadoce.
KÉBRÊNES, peuple de Mysie, 241.
Kebti. Voy. Copias.
KÉDAR, tribu arabe, 425.
Keoes. Voy. 3. Kades.
Kedeshôt, les courtisanes sacrées, 288.
KÊDRON (le torrent de), 314.
Kehail, tribu libyenne, envahit l'E-
gypte sous Alénephtah, 252-253 ; sous
Ramsès III, 262-263.
KÉKROPs, sa légende, 492.
KELESHIN ou KELISHIN-DAGH. Voy.
Niphatès.
KÉMiT, nom national de rÉgypte,19.
Kemkenès, roi d'Egypte, i'« dyn., 60.
Kennous, les habitants actaéls de la
Nubie, 15.
Kentritès, Bitlis-Khaï, afflaent da
Tigre, 136.
Kephbr , SOLONTE , colonie phéni-
cienne, 444.
Kerend (la passe de), 542.
Kerhbara, Kebpherês (?), Bikherss,
roi d'Egypte, III« ou IV« dyn., 76;
son Traité de médecine, 8t.
Kerkasore, ville d*Égypte, 6, 25.
Kerkis, ville de Nubie, 490.
Kerpherés, roi d'Egypte, IIP dyn.
76 ; Cfr. KERHBARA.
Kevt. Voy. Copias.
Kewa, soumis par Thotmès III, 206.
Khabbash, roi d Egypte, XXVII« dyn.,
552-553.
Khabesou. Voy. Étoiles.
Khabour, Aborras, Chaborras , af-
fluent de l'Euphrate, 139 ; campa-
gnes d'Assour-nazir-habal, 346-347.
Khabrias, en Egypte, 565.
Khaïdali, ville d'Elam, 416-417, 432.
Kh AIRES, roi d'Egypte, II« dyn., 60.
Khalbp, Chaltbon, Alep, sa situa-
tion, 187, 19;^ ; sa rivière, 182; sou-
mise par Thotmès III, 204 ; contre
Ramsès II,2'i0, 221, 230.
Khalepsar, un des Khètas, 221.
KHALOULi, victoire de Sin-akhé-irib,
417-418.
Khalus, rivière de la Syrie du Nord,
182.
Khamana. Voy. Amanos.
Khamanou, ville d'Élam, 153.
KHAMMOURAGAS, HAMMOURABI, FOi d*â-
lam, 196-197.
KHAMOUAS, fils de Ramsès II, 250-251.
Khan-Younous. Voy. Jénisos.
KuAR, Shar, Ashar, nom égyptien de
la Syrie, 181, note 1.
Kharia, soumis par Toaklat-habal-
asar I, 280-281.
KHARiTiMiDÈs, amiral athénien, 556.
Kharkhar, pays de Médie, 400, 4S4,
458.
KHARMis, affluent du Khabour, 346.
Kharran (le pays de), 173, 410.
KHARROU, canton de Médie, 455.
Khat, nom du corps chez les Égyptiens,
40.
Khatti. Voy. K hélas.
KhawrA, Khephrén, roi d'Egypte, !?■
dyn., 16, 66, 67-73.
1. Khaza:l, roi de Damas, 356-357;
battu par Salmanazar III, 357-359;
ses victoires sur les Juifs, 364.
2. Khazael, roi d'Ad-doumou, 425.
KHAZOUj pays d'Arabie, 426.
Kheb, ville d'Egypte, 254.
Khiîlbôn, Chalybon, ville de Syrie, 88.
Khélidoniennes (lies), 558.
INDEX GÉNÉRAL.
633
1 . KHEM (MIN), dieu de Panopolis, 22 ;
sa procession, 63; identifie par les
Grecs avec Persée, 22 ; diea de Cop-
tos, 29, 100.
3. Khem, ville et nome d'Egypte, 22 -,
cf. Panopolis.
Khem-An, grand prêtre de Thot, 71.
Khemmts. Voy. Panopolii.
KHÉNÈRÉs, roi d'Egypte, II« dyn., 60.
KUENNOU. Voy. SUsilis,
KHÉOPS, SOUPHIS, SÔYPHIS, KHOUWOU,
construit la grande pyramide, 67-68;
sa légende, 68-6^ ; son histoire, 71-72 ;
Traité de médecine trouvé sous son
règne, 74 ; fonde Menât-Kbouwou,
23; cf. 15, 66.
Khéphrên. Voy. Khawrâ.
1. Khepra, Khoper, le soleil à son le-
ver, SI, 35, 261, etc.
2. Khepra, Khoper, Khepraou , les
devenirs successifs de l'homme, 39.
Kher, un des bourgs voisins d'Héliopo-
lis, 24, 25.
Khbrês, roi d'Egypte, V* dyn., 76.
KnsSA, peuple nubien, 111.
KHK8B0N, Hesbon, viUo cananéenne,
193,
Khéti, princesse égyptienne, 120.
KHÉTA, Khatti, Hittites, leur subdi-
visionendeux rameaux, 192-193; leur
traité avec Ramsès 1 , 222 ; leurs
guerres contre Séti I, 214-215 ; con-
tre Ramsès II, 219-223, 224-225; se-
courus par Ménephtah I, 251; sous
Ramsès III, 263-264, 265; sous les
Ramessides,27l ; leur alliance met les
dialectes syriens à la mode en Egypte,
337-338; donnent leur nom à la Syrie
du Nord, 3^7 ; soumis par Touklat-ha-
bal-asar I, 28i ; batteut Assour-rab-
amar, 285 ; leurs rois se fournissent
de chevaux en Égvpte 324; soumis à
Assour-nazir-babsl, 347-34»; àSaima-
nasar III, 348; les Hittites méridio-
naux s'allient aux Juifs, 296
Khétasar. roi des Khétas, 222-223 ; sa
visite à Rjimsès II, 224-225.
Khininsou. Voy. Hakhnensou.
KHiNZiHOS. Voy. Oukinzir.
Khnenta-Vbhrkana, varkana, Htr-
CANIE, 457.
Khnoum, dieu égyptien, 12, 98; adoré
à Esneh, 51, 113.
KnoARA, Khoarjné. Voy. Varena.
Khoariné. Voy. Varena.
KHOASPÈs, rivière de l*Élam, 153; ses
alluvions, 137.
KHOATRAS (le mont), franchi par les
Iraniens, 452, 473.
Khodor-Laouer. Voy. Koudour-Laya-
mer.
KHOMASBÉLOS, un dcs rois mythiques
delà Chaldée, 164, 165*
KHONS, dieu de Thèbes, 209, 270, 271;
de Napata, 382;
Khorasmib. Voy. Ouvâraimiya.
KHORâABAD. Voy. Dour-Saryouktn,
Khou, l'intelligence chez les Égyptiens,
39.
Khoubiénês. Voy. Qabouhou.
Khoubouskia, canton de Médie, ksk-
455.
KHOUMANOU, KOMANA, uno des capi-
tales de la Cappadoce, 238 ; soumis»,
par Touklat-hidial-asar I, 384; par
Saryoukin, 401.
Khoumbanioas, roi d'Élam, 395.
Khounaten. Voy. Amenhotep IV.
Khoursak-kourra, la montagne d'O-
rient, l42.
Khouwou. Voy. Khéopê,
Khrysaor, fils de Géryon, 234.
KHSHATRAPA, KHSHATRAPAVA. Voy. Sa-
trapes,
Khshatra-vairta, un des Amesha-çpen-
tas, 468.
KhshatritA, frayartis, compétiteur
de Darios I, 541-542.
Khshayarsha. Voy. Xerxèe.
Khsôou. Voy. Xoïs.
KHUSiE. Voy. Kast,
Kl, la terre chez les Touraniens de Chal-
dée, 142.
Kibyra, colonie phénicienne, 248:
KIMMÉRIBNS, GIMIRRI, SCYTHES, battUS
par Assour-akhé*idin, 422 ; leur do-
mination sur l'Asie, 473-476; éloignés
d'Egypte par Psamétik I» 490; en-
vahissent la Lydie, 482-483.
Kindakouubou, un des dieux d'Ëlam,
436.
Kinneret, ville cananéenne, 199.
Kinyras, sa légende, 234.
KiPKiP, ville d'Éthio}'ie„ 430.
Kir, ville d'Arménie, 374.
KiBCHER, Ath.,ses travaux sur les hié-
roglyphes, 585.
KiRiATH-ARBA.Voy. Bébron^
Kiriatu-hadeshAt. Voy. Carthage,
KiRiATH-jBARiM, l'aTche y est déposée,
314.
KiRSAMAS, dieu Élamite, 436.
1 . Kis, père de Sattl, 309.
2. Kis, victoire de Sin-akhé-irib. 405.
KiSHiON, ville cananéenne, 198.
KisiK, ville de Chaldée, 402.
KisiLiA-MousA-DAGH. Voy. Tmâlos,
KissiENS, KossÉBNS, KASSf, uns des tri-
bus élamites 147 ; conquièrent la Chal-
dée, 196-197; tuent Karardas, 276.
Kition, ville de Chypre, 235 ; bloquée
par Cimon, 557.
KiTTiM, Khittim, KiTiENs, peuple de
Chypre, 235, 301 ; se révoltent contre
Tyr, 376, 391 ; leur nom sert à dési-
gner tous les peuples lointains, 301.
634
INDEX GÉNÉRAL.
KLAPROTH, M8 ftttaqnM contre Cham«
poUion, 588.
Knosos, kaïratos, colonie phénioienne
246 ; capitale de Minos, 948.
Ko xoMÊ, SAQQA.nAH, sa pyramide, 57.
KORTKOB n*e8t pasKOUKKHi, !281,notet.
K08HÉ18H, digne de Mena. S5.
KoaséBNS. Voy. Kiisiens.
KODDODR-LAGAMER, KHODOR-LAOMER,
rold'Élam, 194.
KODDOUR-MABOUK, Foi d'Élam et de
Chaldée, 194.
KouDOUR-NAKHOUNTA I, Toi d*Élam et
de Chaldée, 168, 194.
KOUDODR-NAKHOUNTA II FOi d^Élani,
414-416.
K0U00UR0U8, victoire de Darios I,
542.
KouuANOU. Voy. Khownanou,
KOUM-EL-AHMAR. Voy. NoWTOW/f
KOUMIfOUKH, GOMMAGÈNEf Sa pOSitlOD,
279 ; soumise par Toaklat-habal-asar
I, 280 : par Âssour-nazir-habal, 345,
346 ; par Toiiklat-habal-asar II, 369 ;
par Saryoukin, 403
KouMMOUT, dieuchaldéen, 152.
KouNOULOUA, ville de Khatti, 347-348.
KoURAB, KTROS, rivière de Perse, 508.
KOURDISTAN CMontagnes du), 345 et
passim.
KouRiaALZou, roi de Babylone, 276.
KODRiON, ville de Chypre, 235.
KouRKH, KOURKHiÉ. Voy. Karkkt,
KoDRNiB ou KHABOUR, affluent de gau-
che du Tigre, 274, 275.
KouRNOUDâ, l'autre monde chez les
Chaldéens. 143.
KouROUs. Voy, Kyros.
KousAN-RisHATAïM, roi de Syrie» 298.
1. KousH, KousHiTES, lour origine, t45i
leurs migrations, 145-146 ; apparen-
tés aux Sémites. 146-147 ; les Khou-
shites de Chaldée, 146 ; leur religion,
146-149; se mêlent aux Touraniens,
152-153; forment l*Ëlam, 153-154, et la
Chaldée, 154-157 ; Konshites du golfe
Persique, 147-148, 168-170 ; d'Afrique
146, 4^4 etc.: — du Yémen, 423-4-14;
passent en Afrique, 424 ; en Asie Mi-
neure, 237-238, cf. Ethiopie.
2. KousH, fils de Cham, 14.
KOUTA, KouTi, cuTHA, ville de Chaldée
155 ; prise par Assoor-ban-habal, 434
435 ; réparée par Nabou-koudour-ous*
sour, 506.
KOYOUNDJiK, fouilles de Layard, 673.
KRŒ803, roi de Lydie, 511, 513-515;
sa légende, 515-516; menacé de mort
parKambysès,536.
Kyanées (les roches), 558.
Ktbélé, mère de Midas, 240.
Ktmé, ville éolienne, 479.
Ktreskhata , KYROPOLis , "viUe mr
riaxartès, 517.
1. KTR08. Voy. Kourab.
2. KTROS, KouROUS, Ctrds. Fol de Perse,
sa jeunesse, 507-508 ; renverse l'em-
pire Mède, 508-589 ; conquiert la Ly-
die, 513-516; Textréme Orient, 516-
517 ; la Chaldée, 518-521 ; sa mort,
521-523 ; partage l'empire entre ses
deux fils, 523; le père des Perses,
546.
S. KTROS (le jeune), 560; sa révolte,
560-561.
LAB0R080ARKH0D. Voy. BeldaboT-i»-
koun.
LABYNÉT08. Vov. Nabou-nahid.
Labyrinthe (le) d*Égypte,LoPEaoHOUNT,
117-118.
Lacédémoniens Çles). Voy. Sparte.^
Laconie, colonisée par les Tyrrhéniens,
250.
Ladiké, femme d'Ahmes II, 525, 526,
532.
Lagamar, dieu d'Élam, 436 ; adopté
par les Chaldéens, 152.
Lagouda, dieu chaldéen, 402.
Lais, ville cananéenne, 199; colonisée
par les Sidoniens, 233 ; reste indé-
pendante, 293 ; prise par les Danites
et nommée Dan, 295; cf. 2. Dan,
LAK (lie de). Voy. Philse,
LAKHiR, son préfet, 417.
Lakhis, Lakhish, prise par Sin-akhé-
irib, 407-410.
Laki, soumis à Assour-nazir-habal,
345.
Lamios de Sparte, 567.
LAMMA, nom d'une classe de génies eo
Chaldée, 144.
Lampsaque, colonie phénicienne, 245.
Lapéthos, ville dé Chypre, 235.
Lapis-laznli (le) de Médie, 453 ; apporté
en Assyrie, 370.
Lappa, colonie phénicienne, 246.
LARANCHA, LARANKH^, pCUt-êtrO Laf-
sam, 155; peut-être à corriger enSoa-
rapkha, 160, note i.
Larsam, Larissa, Senkerbh, Tille de
Chaldée, 155; consacrée an dieu St-
mas, 149 ; ses rois, 168 ; indépendante
de l'Élam, 194; de Saryoukin 1, 195;
sa prépondérance sur la Chaldée,
196-197.
LAS8EN Chr., ses travaux sur les ca-
néiformes, 573.
Latin (le), son alphabet, 605, 607-608.
LAT0P0U8. Voy. Senem,
INDEX GÉNÉRAL.
635
LAUTH, égyptologue allemand, 588.
r.AYALÉ, roi de Yadih, 416.
1. A YARD, fes fouilles, 573.
LAbêné, colonie phénicienne, 246.
IjEEMAns, égyptolosue hollandais, 588.
Lefébure Eug., égyptologue français,
588.
Légendes (les) épiaues de la Chaldée,
158 sqq ; de la Medie,' 458-463.
X.EHAB1M, fils de Mizraïm, 14.
X<éKA. Voy. Lycie.
L»BLÉOE8 (les), leur origine, 242-343 ;
les Lelégia de Carie, 243.
r.ÉLEX (le héros) à Mégare, 243.
LiEMNOS, colonisée par les Sidoniens,
245 ; par les Tyrrhéniens, 250.
LENORMANT Ch., égyptologue français,
588.
LenormaNt Fr., 588; son opinion sur le
Touranisme des Accads, 154, note 2;
corrige Larancha en Sourapkha, 160,
note 1 ; son hypothèse sur Nabonas-
sar, 369, note l ; soutient Tauthen-
ticité du Déîokès d'Hérodote, 463,
note 1.
Lentille (la) indigène en Egypte, 9.
LÉON, rivière de Phénicie, 183.
Léopard (le) indigène en Egypte, 10 ;
enMédie, 453.
Lepaoe-Renouf, égyptologue anglais,
588.
Lépreux, épithète de mépris donnée
aux Pasteurs par les Égyptiens, 172;
légendes sur les lépreux ou impurs,
260-261.
LEPT18, colonie sidonienne, 295, 444.
LEPSius. égyptologue allemand, 588 ;
son mémoire sur la XII* dyn., Ii6,
note 4.
LE8B08, 2S7 ; colonisée par les Ëoliens,
479.
LÉTOPOLiTÈs (le nome), 25.
LÉvi, consacrée tout entière au sacer-
. doce, 287 ; ses membres divisés en
deux classes, 327 ; leurs charges, 327-
328; atteints dans leurs privilèges
par Jéroboam I, 334
Lévites (les). Voy. le précédent.
Lévitique (le), un des livres du Penta-
teuque, 450.
Liban, montagne de Phénicie, 181 ; in-
festé par les Bédouins, 194 ; et pas-
sim.
Libye, Libtens, Lobod, Lehabim, Ro-
Bou, U ; se révoltent contre Nékhé-
rôphès, 61 ; soumisàPapi,91 ; à Ame-
nemhàt I, 102; à Séti I, 217-218;
alliés aux Tyrrhéniens, 250 ; envahis-
sent TÉgypte sous Ménephtah I,25i-
253; sous Ramsès III, 262«263, 264-
265.; établis dans le Delta. 338-339;
soumis à Tawnekht, 381; implorent
Ouhabrà, 512; se soumettent à Kam-
bysès, 530.
Libypuêniciens (les), leur origine, 295.
LiBYQUE (le nome) soumis À Tawnekht,
381.
LiEBLEiN, égyptologue norwégien, 588.
Lièvre (le) à longues oreilles, indigène
en Egypte, 10.
LIKBAGAS, OUROUKH, OURITAK. OUR-
KHAM, ORCHAMUS, roi de chaldée,
167.
LiNDOS, colonie phénicienne, 243.
Lion (le) indigène en Egypte, 10 ; en
Médie,4^53.
LiTANY. Voy. Natsana.
Livre (le) des morts ou Rituel funéraire,
44; cité, 41, note 2, 44-46, 57,:73-74.
Livre (le) de la loi des Juifs, rédigé
sous Joshiah, 451.
LOHRASP. Voy. Aouroataçpa,
LOPEROROVNT. voy. Labyrinthe,
LOTOU, ROTOU, LOUDIM , uom nationa
des Égyptiens, 14 ; sortent de rœil
de Rà, 36.
Lotus (le) en Egypte, 8-9 ; une des for-
mes mystiques de Tàme, 42, note 1.
LouBARNA, roi de Kounouloua, 347.
LocBAT, nom des planètes chez les
Chaldéens, 142.
LouD, fils de Sem, 238-239.
LouDiM, fils atné de Mizrafm, 14'.
LouEHOUTi, région du Khatti, 348.
LouLiTA, Elouli, ELOULiEOS, roi phé-
nicien, ses luttes contre l'Assyrie, 391 ,
404-405, 442.
Loup (le) indigène en Egypte, lo.
LouQsoR, El-Aqsoraïn, Village mo«
derne sur l'emplacement de Thèbes,
21 ; ses monuments, 210-211, 325,
267, 389.
Lune (la) est Tœil gauche de Dieu, 35,
note 2 ; perd contre Thot les cinq jours
épagomenes, 80.
Lupin (le) indigène en Egypte, 9.
LYGAONiE (la), soumise à Krœsos
511.
Lycie. Lyciens, Leka, 217; leur origine,
242-243; leur diffusion sur Tancien
monde. 243 ; résistent à la colonisation
sémitique. 242-247 ; en guerre oontre
Ramsès II, 229, 230, 249, 250 ; contre
Ménephtah I, 25t; contre Ramsès III,
263-264; envahis par les Grecs, 479;
non soumis à Krœsos, 511; soumis
parHarpagos, 516; font partie delà
satrapie de Yaounà, 543; l'alphabet
lycien, 604-605.
LYCÔNP0L18, Lycopolis. Voy. Saout.
Lycopolitès (le nome). Voy. Aiew,
Lydie, Lydiens, Louoim, leur origine,
238-239, 242; subissent l'ascendant
des Sémites^ 247; d'après Ctésias,
soumis à Ninive, 479 ; leur histoire
636
INDEX GÉNÉRAL.
jusqu'au septième siècle, 349-250, 479-
484; attaqués par les Kimmériens.
431, 474, 482-488 ; sons Kroesos, 510-
515 ; placés par Kyros sous l'autorité
d'un gouverneur perse, 523 ; sous
Oroftès, 542-543 ; font partie de U sa-
trapie de çpardà, 544.
Lydos, héros éponyme de la Lydie, 249.
H
1. MAACHA, une des femmes de David,
319.
3. Maacha , région de TAramée, 316,
318; cf. Aram-MiMcha et Ab$l-Beth-
Maaeha.
MABOO. Voy. Karkémiih.
Macédoine, soumise par Darios 1, 549 ;
perdue par Xerxès i, 554 ; renverse
l'empire des Perses, 568-589.
Mad, nom d'une des barques de Rà,
385.
Madakhtr, pays de Médie, 455.
MADAKTOU, BADACA, ville d'ËIam, 153 ;
Koudour-Nakhounta II s'y réfugie,
416-417; prise par Onmmanaldas,
436.
Madaî. Voy. Médie.
Madkn, pays soumis par Thotmès III,
206.
Madi, Maditi, Mataïa, peuple d'Ethio-
pie, 534.
Madian, Madunites, défaits par Gi-
déon, 300.
Maditi. Voy. Madi.
Madtès, roi des Kimmériens, 474-475.
M^ONES, M^ONIE, 249.
MAOAN, conquis par Naram-Sin, 196.
Magdôlos, au lieu de Mageddo, 495,
note 2.
Mageddo, son rôle dans les guerres
égyptiennes, 198-199, 200 : victoire de
Thotmès III, 203 ; prend une garnison
. égyptienne, 215 ; occupée par les Ra-
messldes, 291 ; indépendante des Hé-
breux, 293 ; fortifiée par Salomon,
325; victoire deNéko 11,495.
Mages, Magodsh, leur rôle, 471-472;
soutiennent Gaumatà, 537-539.
Magie (la) en Egypte, 84-85; à Baby-
lone, 156.
Maonès, sa légende, 482. ^
Magnésie (les deux), 242, 479, 482.
Magoush. Voy. Mages.
MaToumas, le port de Gaza, 303.
Maisons (les), subdivision de la tribu
hébraïque, 287.
Maka, une des satrapies, 544.
Makhanaïm , résidence d'Ishboseth ,
313.
Mâkhanath, Panormos, Palerke, co-
lonie phénicienne, 444.
Malatiyëh, 136.
Malte, colonisée par les Sidoniens.
294.
Manahem. Voy. Menakhem,
Manasheh, Manassé, Manassès, roi de
Juda, 449-450.
Manasheh, Manassé, une des douze
tribus, 287 ; sa subdivision, 292 ; ne
peut prendre Beth-shean, 293 ; atta-
quée par les Philistins, 305 ; soumise
à Khazaël, 359.
Mandanê, mère de Kyros, &07.
MANDAUKAS, uu des Tols fictlfs de la
Médie, 4S9.
Manéros, chant de deuil égyptien, 56.
Manès, fils de Zeus, 249.
Manéthon, avait recueilli les légendes
courantes sur les trois premières dy-
nasties, 56-58 ; ses récits sur Khéops,
69 ; sur Othoès, 88 ; sur la yil« dyn.,
94-95 ; sur IaIX«, 95-96 ; sur les Pas-
teurs, 170-172, 177 ; sur l'Exode, 255,
260-261.
Maniya, roi des Dahœ, 414.
Manna, Van, un des États de l'Onrarti,
399 ; ]80umis aux Assyriens, 399 ; con-
quis par Argistis, 403 ; par Assour-
ban-babal, 431.
Mannower. Voy. Memphis,
Manouti. Voy. pfouter.
Marath, ville de Phénicie, 189; aux
Aradiens, i9l.
Marathon, les Perses battus, 55o.
Mardiéné, canton de la Perse, 508.
MARDOKEifPAD. Voy. Mardouk-bal-
idtnna.
Mardonios, son ezpéditiou contre la
Grèce, 550.
Mardouk, Mérodach, divinité chal-
décnne, 149, 151; identifiée à Silik-
molou-khi, 156; la planète Jupiter,
151.
Mardouk -BALAT-iBiB, roi de Chald^e,
360.
MARDOU]^-BAL-rDINNA, MÉRODACH-Ba-
ladan, se soumet à Touklat-habal-
asar II, 375; lutte contre Saryoukin,
401-403; contre Sin-akhé-irib, 404-
405, 412-413 ; sa mort, 413; S20.
Mardouk-brl-odsaté, sa révolte et sa
mort, 353-354.
Mardouk-idin-akhè, roi de Babylooe,
285, 418.
Mardouk-inadinsou, roi de Babylone,
353-354.
Marea, Merbh, Mbleh, Milodkhi,
401, note 2 ; fortifiée par Psamétik I,
489, 492 ; d'après Diodore, Ouhabrà
y est battu, 512, note 4 ; cf. 433, 556.
Mareb, en Yémen, 424.
MARE0T1QUE (nomo et lac), enyahi sons
INDEX GÉNÉRAL.
637
Bamsès 111,489; fortifié sous Psamé-
tik 1, 489.
Margiane, MAROOUSfMÔDRou, uoedes
stations des Iraniens, 456 ; conquise
par Kyros, 517; révoltée contre Da-
rios I, 542.
MARiAH, roi de Damas, 360-361, 366.
Mariette a., égyptologae français,
588; découvre le Sérapéam de Mem-
phis, 50; cité, 10, 58-59, 114-117, 172-
173, 174, 175.
Marmarique, 236.
AlAANA, diea de Gaza, 287, 289; adopté
par les Philistins, 302 ; adoré à Mem-
phis, 337.
Maroc, ses côtes explorées par les Phé-
niciens, 443.
Mars (la planète). Voy. Hor-dether et
NérgaL
Martiya, Oukman, se révolte contre
Dariosi, 54 1.
Martou, divinité chaldéenne, 152.
Martandiniens (les) soumis par Krœ-
SOS, 511.
MAS, Maskim, nom d'une sorte de dé-
mons chez les Chaldéens, 144.
Mashaken, peuple de Libye, 262,
Mashashab, pnnce libyen, 264-265.
Mashouash, peuple libyen, envahit lÉ-
gypte sous Ménephtah I, 252; sous
Bamsès III, 26^-265; établi dans le
Delta, 266, 338; son influence, 338-
339; forme une sorte de féodalité
militaire, 379; au service de Taw-
nekht, 381 ; jaloux des mercenaires
grecs de Psamétik I, 492.
Masios (montj, Karadjah-dagh, 136,
137.
Maskim. Voy. Maê.
Masoura, colonie phénicienne, 243.
Massagètes, leur guerre contre Kyros,
522.
Massarah (les carrières de) ouvertes par
Ahmèsl, 177.
Mata, Matti, Matiani, Matiâni, leurs
migrations, 454 ; soumis par Touklat-
habal-asar II, 371.
Mataïa. Voy. Madi,
Maten (nome de), aphroditès, 23.
Mathan. Voy. Mattan.
Matiani, MATiÊNi. Voy.. lfa*a.
Matni, pays soumis par Assour-nazir-
habal, 346.
Matoï. Yoy. Matsiou.
Matsiou, matoï, tribu libyenne, sou-
mise par Amenemhàt I, i02 ; établie
en Egypte, 258, 338; y forme avec
les Mashouash une sorte de féodalité
militaire, 379.
Mattan, Mathan, grand prêtre de Baal,
363.
Mattaniah. Voy. Zédékiah.
Matti. Voy. Mata.
MAZAKA, ville delà Gappadoce, 238.
MAZANDÉRAN,undes pays jadis occupés
par les Cadusiens, 455, note 1.
Mazarês réprime la révolte de Sardes,
516.
Mazdéisme, origine de ce mot, 465, note
3 ; ses modifications, 470-471.
Méandre, rivière d'Asie-Mineure, 239,
242.
Médecine (la) en Egypte, 81-85 ; à Baby-
lone, 157-158.
MÉDiE, Madaï, Amadaï, d'après la légen-
de, conquise par Sésostris, 223 ; par
Ninos,276,etSémiramis,277; descrip-
tion du pays, 452-453 ; peuplé par des
tribus touraniennes , 275, 454-455;
leurs luttes contre l'Assyrie, 360-362,
371; envahi par les populations ira-
niennes, 455; leurs migrations, 455-
457 ; battues par Salmanasar III, 455,
457 ; soumettent les Touraniens, 458;
soumis à Ninive, 400-401 . 404, 418-
414, 422, 458-463; légendes sur les
commencements de leur empire, 458-
462; l'empire Mède, 472-484; sa fid-
blesse sous Astya^ès, 507-508 ; sa chu-
te, 508-509; soutient Gaumatà, 538;
se révolte contre Darios I, 541-543;
son tribut, 547.
Medinet-el-fayoum, 115.
Medinet-habou, village moderne sur
l'emplacement de Thèbes, 21; con-
structions de la xviii* dyn., 210 ; de
Ramsès III, 267.
1. MÉGABYzos, fils de ZopyroSjSa légen-
de, 541, note 1; satrape de Chaldée,
553 ; bat Inaros, 556-557; sa révolte,
558.
2. MÉOABTzos soumet la Thrace et la
Macédoine, 549.
1. MÉGARE, colonisée par les Lélèges,
243, et les Gares, 244.
2. MÉGARE de Sicile, 444.
Meh (le nome), S ah, 23 ; ses princes,
120-121.
Mehen (le serpent), emblème du cours
du soleil, 31.
MehT'EN-ousekh, princesse égyptienne,
339.
Meïamoun MERiTOUM,roi d'Egypte, XX*
dyn., 269.
Meïtoum, Méïdoum, MBfiiTOUM, 23 ; pri-
se par Tawnekht, 381 ; par Piànkhi,
384.
Meleh. Voy. Marea.
MÊLÉS, roi de Lydie, 481.
Melkarth, l'Hercule tyrien, 192,288 ; sa
légende, 233-234.
MÉLOS, colonie phénicienne, 234, 244 ;
reste aux Phéniciens, 248, 294.
Memnon le Koushite, 146, 438,480; peut-
être Oumman, 1 54 ; ses colosses à Thè-
bes, 210-211.
638
INDEX GÉNÉRAL.
Mkmphis, uannower, hakaptah, 24 ;
le Nil se jetait d'abord dans la mer nn
pea aa nord de l'emplacement où elle
fut bâtie, 6*7 ; fondée par Mena, 54;
•es noms, 24, SS; sa description, 24,
S4-55 ; consacrée à Phtah, 29. 55 ; son
obsenratoire, 79; sa bibliothèque mé-
dicale, SI ; succède à Théni, 60-61 ;
reste Jusqu'à la viii* dyn. la capitale
de l*Bg]ppte, 52, 95-97; les dynasties
Memphites. 60-95; appartient aux Pas-
teurs, 175; prise par Alisphragmou-
thosis, 176 ; réparée par Atimès 1, 177;
construction de Khounaten, 2i2; de
Ramsès II, 226 ; menacée par les Li-
byens, 25 1-25 1\ constractions de la xxi*
dynastie, 378; prise par Tawnekbt, 381;
par Piânkhi, 384-38S; constructions
de Shabak, 388; prise par Tabraqa,
436-428; parles Assyriens, 344, 427,
428-429, 488 ; donnée à Néko I. %27 ;
prise par Ourdamani, 430 ; par Nouat-
Meïamoun, 485,486 ; constructions de
Psamétik I, 488-489 ; reçoit des exilés
juifs, 502 ; embellie par Ahmès II, 52'^;
reçoit des colons grecs, 526 ; prise par
Kambysès, 530, 536 ; visitée par Da-
rios I, 551; prise par Inaros, 556.
Memphites (le nome), le Mur-Blanc,
Sbbt-hat ou Anbb-hat, 24.
MENA, MENÉS, MNÉVI8, premier roi d'E-
gypte, 7, 52, 54-55, 56.
Menakhem, Manarem, roi d'Israël, 367;
achète la paix de Touklat-habal-asar II,
369, 370, 372; hypothèse de M. Oppert
sur ui second Menakhem, 368, no-
te 1.
MbnAt-Khouwod, MINIEH, 23, 120.
Mendès, Pabanebdad, Dadou, ville du
Delta, 25, 53 ; son bouc, 48, 57 ; pos-
sède des comptoirs phéniciens, 235 ;
pillée par les Assyriens, 429; origine
de la XXIX* dyn., 563; les Perses y sont
battus. 565 ; se révolte contre Nakht-
nebew, 566.
MÉNBLAS, en Egypte, 492.
MÉNEPUTAH I, AMÉNÉPHTHés, BANRA,
PBéBON,roi d'Egypte, XIX» dyn., 251-
254, 335; tient garnison à Gaza, 302,
note 2; n'est pas le Pharaon de
l'Exode, 258, sqq.
MéNBPHTAH II, Stputah, roi d'Egypte,
XIX« dyn., 254-255.
Menés. Voy. Mena.
Menkehor, Menkherés, roi d'Egypte,
V«dyn., 76.
MbnkbbA, Menkherês, Mykerinos, roi
d'Egypte, IV«dyn., 67, 70, 73. 75.
Menkhkrês. Yoy. Menkehor et Menkerd,
Menna, écuyer de Ramsès II, 230-231.
Mentemsaw I. Voy. Merenrâ.
Mentbmsaw II, mentésouphis?, roi de
la VI« dyn., 93.
Mentiou, un des noms des Pastenis,
171.
1 . Mentouhotep I-IV, rois d'Egypte, XI"
dyn., 98-100.
2. Mbntouhotep (le prêtre), 127.
Mentoumha, gouverneur de Thèbes.
430.
Menzaleh (le Iac},Ânysis s'y réfugie,
387.
Méoniens. Voy. Mseones.
Mer (la) de Bronze, 3'i6; — la mer Morte,
183.
Mercure (la planète). Voy. Sévek et No-
bou.
MEREH. Voy. Marea.
Merenrâ, Mentemsaw l?, roi d'Egypte,
VI» dyn., 91-92.
Meri. Voy. Jfœrw.
Msriba, Miébidos, roi d'Egypte, l"
dyn., 60.
Merisankh, reine d'Egypte, 71.
Meritoum. Voy. JHfïtoumei Melamoun.
M RRMAÏou, chef libyen, 252-253.
Mermenwiou ou Mermeshou, roi d'E-
gypte, xiii« dyn.? 128.
Mernout Tsat. Voy. Nomarque,
MBRODACH.Voy. Mardouk.
MÉROÉ. Voy. Beroua.
MÉROM, ville cananéenne, 199; prise par
Ramsès II, 222 ; — lac de Mérom, 183;
Jabin y est défait, 292.
Mbrri (le scribe), 119.
Mesa, canton de la Médie. 455.
Mesésimordakos. Voy. Jfotist>t-ifar-
douk,
Mesha, Mésa, Misa, roi de Moab, 356.
Meshekh. Voy. MouskaX.
MÉSOBATÈRE.Voy. R(ui.
Mésopotamie, soumise à Thotmès III,
204, 205 ; à Amenhotep II, 207-208 ;
indépendante après Assour-rab-amar,
342 ; soumise par Assour-nazir-habal,
346-317 ; ravagée par les Kimmériens,
475 ; passe à Nabou-bal oussour. 478;
comprise dans la satrapie d'Arabayà,
543.
Messôqis (le mont), Kastaneh-dagh,
237.
Métiers (les) représentés dans les tom-
beaux Memphites, 63-64 ; à Beni-Has-
san, 121 ; décrits dans les Inatruc-
Kton«, 123-125.
MigvAna, l'espace fini, chez les Ira-
niens, 471, note 1.
MiDAÏON, ville de Phrygie, 240.
1 . MiDAS, roi mythique dé la Phrygie,
240.
2. MiD\8, roi de Phrygie, 478.
MiÉBioos. Voy. Meriba.
MioDOL, les Juifs s'y réfugient, 502.
MiKHAL, fille de Sauf, 312.
MiKHMAS, fortifiée par les Philistins,
308 ; victoire de Saûl, 310.
INDEX GÉNÉRAL.
639
MiLDis (mont), Erzeroum, canton de
roararti, 399.
MiLET, M1LÉSIEN8 , colonie ionienne,
479 ; s^établissent en Egypte, 491.527;
Milet est assiégée par Gygès, 482 ; par
Alyattès, 483.
MiLiD, MÉLITÈNE, Qn des états de l*Ou-
rarti, 399.
MiLKOM, diea des Ammonites, 328.
MiLLO (colline.de), 314.
M1LOUK.H, MiLOUKHi. Voy. Marea,
MiLTiADÈs d'Athènes, 549,
Mimosa (le) indigène en Egypte, 8.
Min. Voy. Khem,
Minerve. Voy. Athênê.
Minier. Voy. Menài-Kfu>uwùu.
MiNOs, roi de Crète, 248-249.
Misa. Voy. Mesha.
MiTATTi, roi de Zikarton, 400.
MiTENNA. Voy. Mut ton //.
MiTHRA, un des génies iraniens, 466.
MiTiMTÉ, roi d'Aslidod. 408.
M1T8PAH, 304; Samuel y convoque le.
peuple» 307 ; son sanctuaire aban-
donné, 327; fortifiée par Asa, 341;
Guédaliah y est assassiné, 501.
MiTYLÊNE, colonie éolienne. 479.
t. MiZRAÏM, MiTSRAiMffilsde Cham, i4.
2. MiZRAÏM, frère du prince des Ehêtas,
221.
1. MNÉvis.Voy. Mena.
2. Mnévis, bœuf sacré d*Héliopolis, 48;
proclamé parKakéou, 57.
3. Mnévis, un des Pharaons fictifs, 118.
MoAB, MOABiTES, Icur origine, 173;
leur position géographique, 193 :
leur religion, 287 ; leur pays traversé
par Moïse, 291 ; dominent les Hé-
nreux, 296 ; vaincus par Ehoud, 398 ;
parSaûl, 3io; David se réfugie chez
eux, 312; sont soumis à David, 316 ;
subissent l'autorité du royaume d'Is-
raël, 331 ; leur roi Mesha, 356 ; sont
sou mi» par Jéroboam II, 367 ; par
Sin-akhé-irib, 405; ruinés vers le mi-
lien du septième siècle, 439 ; contre
Jéhoïakin I, 498 ; contre Nabou-
koudnDrK)ttssour, 499; soumis à la
Chaldée, 502.
Mœris (le lac), Meri, 23, 114-116.
Moineau (le) indigène en Egypte, 11.
MoîSE^ tire les Juifs d'Egypte, 256-291;
le détail de sa vie est inconnu, 286 ;
ce qu'on sait de lui, 287-292; cf. 450.
MoLOCH, divinité cananéenne, 288, 328.
MoiiEMpHis, victoire de Psamétik I,
487 ; défaite d'Ouhabrâ, 512.
Mont (le) sacré, à Napata, 382.
Morale (la) Égyptienne, 43-46.
MoniAH (le mont), 193, 314; Salomon
y construit le temple, 325.
Mort (la seconde) cnex les Égyptiens,
MosTNÂQUES. Voy. Mouskaï.
MoTENER, MOTOUR, roi dcs Khétas, 215,
222.
MOTYA, colonie phénicienne, 44%.
MoudrAya. nom perse de TÊgypte, 543.
Moughéïr; Voy. Our.
MoDL, nom des étoiles fixes chez
Chaldéens, 142.
MouLoé, nom de l'abîme chez les Chal-
déens, 142, 143.
MouNziGANi, un des cantons du Khatti,
347.
Môurou. Voy. Marginne.
Mousassir, ARsissA, uu dcs cantons de
rourarti, 399.
Mousisi-Mardouk, Mesêsimordaxos,
520.
M0U8KAÏ, Neshekh, Môstnèques, peu-
ple Tooranien, 238; soumis par Ton
klat-habal-asar I, 279, 280; par
Assour-nazir-habal, 345 ; par Assour-
akhé-idin, 422; refoulé par les Ira-
niens, 478.
Moutakxhil-Nebo, roi d'Assyrie, 279,
284.
Mouth, à Thèbes, 209 ; à Napata, 382.
1. Mulet (le), poisson d'Egypte, 11.
(le)
516.
2. Mulet (le) sur le trône de Média, 513,
Monter, ses travaux sur les écritures
cunéiformes, 572.
Mur (le) Blanc, 1.— nom du nome Mem-
phite (Voy. Memphitès); 2. — delà
citadelle de Memphis, 24; assiégé par
Inaros, 556.
Murex (le) Brandaris à Cythère, 246.
Mutton I, roi de Tyr, 440.
MUTTON XI, MiTENNA, Toi de Tyr, 375,
442.
Mtooalé, colonie phénicienne, 243.
Mtxérinos. Voy. Menkfrâ.
Mtutta, Bélit, divinité chaldéenne,
150.
MTsiE, Mysiens, leur position géogra-
phique, 241 ', résistent à l'influence
sémitique, 247; en guerre contre Ra-
msèsll, 219, 227, 250 ; ravagés parles
Kimmériens, 474 ; inclus dans la sa-
trapie de ç'pardà,' 544.
N
Naamah, mère de Rehabeam, 328, 334.
Nabatéens, battus par Assour-ban-ha-
bal, 438 ; par Nabou-koudour-oussour,
502.
Nabi, un des noms des prophètes chez
les Hébreux, 307.
Nabios, un des rois fabuleux de la
Chaldée, 165.
640
liNDEX GENERAL.
Nâbonabsàr. Yoy, Nabour^wtzir.
NABONNÉDOKH08. Voy. Naboii-nahid,
Nabopolassar. Voy. Nabou-bcU-oua-
«our.
Nabou. nom de la planète Mercure
chez les Chaldéena, 151 ; cf. Nébo.
Nabou-bajl-idin, roi de Babylone, 346.
NAB0U-BAL-0U8S0UR , NaBOU-PAL-OUS-
80UR, Nabopolassar, roi de Baby-
lone, détrait l'empire assyrien, 476-
478 ; son règne, 48.>-486 ; attaqué par
par Néko II, 495-496 ; sa mort, 496.
Nabou-bel-soumê, roi de Beth-Yakin,
435-437.
Nabou-daoan, roi d'Assyrie, 273.
Nabou-imtouk. Voy. Nabou-nahid.
NABOu-KOUDOUR-oussouR I , rol de
Babylone, 279.
Nabou-koudour-gussour II, Nabuco-
DONOSOR, roi de Babylone, 496-507.
Nabou-koudoua-oussour III, Nadin
tav-Bel, roi de Babylone, 540-541.
1. NABou-NAHiD, Nabou-imtouk, Nabo-
NiTÈs, Nabonnédokhos, roi de Baby-
lone, 506; allié de Krœsos, 513-515,
renversé par Kyros, 518-520.
2. Nabou-nahid , roi de Beth-Yakin ,
423.
3. Nabou-nahid, labynétos, général
chaldéen, 484.
Nabou-natsir , Nabonassar, roi de
Babylone, S69i 520.
Nabou-ousabsi , roi de Beth-Shilàn,
369.
Nabou-sar-adan , officier chaldéen ,
501.
Nabou-Sezibanni, nom assyrien de Psa-
métik I, 429, note 1 .
Nabou-zapik-iskoun, roi de Babylone,
285.
Nabou-zirnab-azir, roi de Beth-Yakin,
412-423.
Nabucadnezzar , Nabucodonosor ,
Nabukodorossor. Voy. A'a6ou-fcou-
dour-oussour IL
Nadab, roi d'Israël. 840.
Nadin, roi de Babylone, 375.
Nadintav-bel. Voy. Nabou-koudour'
oussour II f,
Naditou, Tille d'Ëlam. 153.
Naharina, Naharaîn. Voy. Naïri
Nahash, roi des Ammonites, 309, 317.
Nahid, roi de Babylone, 375, 520.
Nahr-el-Aoualt. Voy. Bottrén,
Nahr-el-asst. Voy. Oronte.
Nahr-el-Awadj. Voy. Pharphar.
Nahr-el-kebir. Voy. Eleutheros.
Nahr-el-kelb, Lykos, rivière de Phé-
nicie , 183, 190; stèles de Ramsès II,
218-219, 224, 405, 428 ; de Sin-akhé-
irib, 4os ; d'Assour-akhé-idin, 428.
NAnsi, nom que les Égyptiens donnaient
aux Nègres, 37.
Naïri, Naharina, sa position, 279. a.
conquis par Touklat-habal-asar
281-282 ; par Assour-nazlr-habal, 34
par Samsi-Bin, 360 ; une des dépt
dancesde rourarti, 398-399.
NAÏWAOUROUD I , NÉPHORITÊS , I
d'figyple, XXIX» dyn. 563, 564.
NAÏWAOUROUD II, NEPHÉRITÉS, TOid
gyple, XXIX* dyn., 56^.
Nakhguktê, divinité élamite, 154.
Nakht, prince deMeh, 120,
Nakhthorreb, Nektanbbês, roi d'
gypte, XXX» dyn. 565-566.
Nakhtnebew , Nectanêbo , roi d
gypte, xxx«dyn. 566-568.
NAL (le mont), Paropanisos ? 371.
Nalirtou, divinité élamite, 436.
Namri, peuple de la Médie, 275, 3:
371 , 454 ; attaqué par Assour-Dirari 1
362 ; j^ar Touklat-habal-asar II, 3fi
envahi parles Mèdes, 458.
Nana , déesse élamite et chaldéeno
149.
NAONGHAiHYA, un des démons iraniei
467.
Napata, capitale du royaume d*Éthi
pie, 382, 533 ; colonie égyptienne, 17
.constructions de la XVIII* dyn., 20
209 ; indépendante de la XX II» dyn
339-340; accueille les transfuges d'
gypte, 493 ; campagne de Psamet
II, 499; temple d'Ammon à Napat
534-535.
NAPHTALi, Nephtali, Une des don;
tribus, 287, 292 ; ne peut occuper ei
tièrement le territoire qui lui est ass
gué, 293 ; s'ailie aux Phéniciens, 29
s'unit à Barak, 2yS ; prend part ai
fêtes du sacre de David, 3i4 ; dépei
plé par Toukiat-habalasar II, 374.
Naphtouhim (No-phtah), fils de Mi.
raïm, 14-
Napsa, dieu d'Ëlam, 436.
Naramsin, roi de Chaldée, i49, 196.
Nastosenen, roi d'Ethiopie, 534.
Nathan, prophète sous David, 3 19, 320
Natsana, Litany, fleuve de Syrie, J8i
191, 192.
Naucratis, colonie jgrecqae du Delta
26, 526-527.
Naulibé, nilAb, peut-être à rapproche!
du mot Nàl, 371, note 7.
Naxos de Sicile, 444.
Nazibouoas, roi illégitime de Babylone,
276.
Neben. Voy. Nekheb.
Neb-ka, roi d^gypte, 1II« dyn., 76.
NEB-KA-RA, roi d'Egypte, iii« dyn,,
76.
Nebo, nabou, divinité chaldéenne,433.
NÉcHAO.Voy. Néko.
NÉCTANéBÉs, Nectanébo. Voy. Nakht-.
horheb et Nakhtnebew,
INDEX GÉNÉRAL.
641
i •<
1.*
«■
Ii^ÉFTLiM (les) refoulés par les Cananéens,
170.
Nègres (les).Voy. Nahsi.
ISTehra. prince de Meh. 120.
Neht (les deux nomes fle),'23.
NEiT, Neith, NiTH.de SaÏ8,R24-52fi; iden-
tifiée à Athéné, 49'2; son temple res-
tauré par Kambysès, 53 1 .
NEiTARTis, Neitiritis. Voy. Silêt's.
KEKHEB, SouvaNjNeben, l'Eilithyia des
Grecs, 20.
NÉKHEPso. roi de Sais, 427.
NÈKHÉROPHÉs, roi d'Egypte, III« dyn.,
61, 76.
NÉKHouBAS, nn des rois fabuleux de la
Chaldée, 165.
NÉKO I, roi de Saïs, 427, 428-429, 430.
NÉKO II, NÉCHAO, roi d'Egypte, XXVI*
dyn., 4fl3-'«99.
NemmashA (les), nom égyptien des Bé-
douins, 105.
Nemrod. Voy. Nimrod,
NÉOKHABis. Voy Tawnekht,
NéPHEKITÉS, NÉPHORITÉS. VOy. Noï-
waouroud,
NÉPiiERKHÉRÉs. Voy. Nowcrarkarâ et
Nowerkard.
NiiPHTALi. Vov. Naphinli.
NEPUTHYs, déesse égyptienne, 32-^3,
72.
Nepra , le dieu des grains, 12.
Nère (le) chez les Chaldéens, i 5P.
Nergal, nirgal, la planète Mars chez
les Chaldéens, 15 1.
NÉRiGLissoR. Voy. Nirgal-sar-ous-
sour.
Nestentnes, reine égyptienne, 383-384.
NESTOR LHÔTE, égyptologue français,
588.
NiçAyA, Nis^a, Nisapour, Nissa, une
des stations des Iraniens, 456.
NiEBUHR, ses travaux sur les cunéifor-
mes, 572.
NiFFER. Voy. Nipour.
Nii. Voy. Mnive.
NIL, Hapi, sa description, i-7 : son in-
fluence sur TÊgypte, 7-il ; assimilé à
Dieu dans sa lotte contre le désert,
1 1, 30; roule du miel sous Nowerkarâ,
.58; hymne au Nil des Papyrus du
British Muséum, 11-13.
KilAb. Voy. NaïUibé.
1. NiMROD, Nemrod, roi mythique de
la Chaldée, 165.
2. NIMROD, grand-père de Sheshonq I,
339.
3. Nimrod. roi de Sesounnon, 383-884.
NiMROUD, fouill^-s de ayard. 573.
NiNFi, has-reliefs attribués aux Égyp-
tiens, 224.
NiNGR, nom d'une divinitéchez les Ton-
raniens de Chaldée, 143.
NixiVE, NiNi, Nii, une des capitales de
msV. ANC.
TAssyrie, 197, 275; confondne avec
Karkémish 186; sa construction attri-
buée h Nino% V76; selon la tnidition,
d truite au huitième siècle, 362; sou-
. mise à Thotmès iil, 2«»5 ; à Amenho-
tep II 2:47. 20;v, reste fidMe à Salmana-
sarlIT, "^60; embell eparSin akhé-irib,
414, 421. 422: par Assonr-akbé idiq,
4'^8 : fouilles modernes, 573, et passim.
1. NiNos. roi fabuleux de TAssyrie, 276-
2-7, 464, note 3.
2. NiNOS, roi fabuleux delà Lydie, 479.
NiNYAS, roi fabuleux de l'Assyrie, 278.
NiODR, de Phrygie, v42.
NiPHATès(lemont),KÉi.ESHiN-DAaH,135,
136; sapasse, 370.
NIPOUR, Kalneh, Calno, Kalanneh,
Hrkal Anou, Nopher, Niffkr, ville
de la Chaldée. lf>5, 397; son dieu Bel.
149: la Tour des Langues, 164 ; à Nim-
rod, 1(^5; ses fortifications reconstrui-
tes par Bel-bal-idin. 218.
NlPCAL-SAR-OUSf^^OUR, NÉRIGLISSOR, roi
de Babylone, 506
NiSiEA, NîSAPouR. Voy. Niçdyd.
NiSAYA. district delà Médie, 539, note
2; ses chevaux, 4.S3.
Nt8!BIs, colonie phénicienne, 233.
NisiN, Karrak, ses princes, 168.
NisROc.i, divinité assyrienne, 422; con-
fondue avec Nouah, 150.
1 . NissA. Voy. Niçâyâ,
2 NissA, canton de la Syrie, 22f.
NisTRA, colonie phénicienne. 244.
NiTAKRiT, NiTOKRis, reine d'Egypte, VI*
dyn., 93-9*.
NiTÉTis, Neitartis, NEITIRITIS, sa lé-
gende, .<)28.
NiTH. ,Voy. Néit.
1 . NiTOKRis. Voy. Nitakrit.
2. NfTOKRTS, reine de Babylone, 505-
506, 519.
Nivsrou, les esprits, les souffles chez les
Êg>'ptiens, 40-41 -
NiziR (le pays de), l'arche s'y arrête,
162.
Nomarque fie), Mernout ts.\t-to, 19.
Nombres (les), époque de leur rédaction,
4S0.
Nomes (les) de l'Egypte, 19-26; leurs re-
ligions, 29; leurs animaux sacrés, 47;
et passim.
Nopher. Voy. Nipnur.
No-PHTAH. Voy. Naphiouhim,
NOTHOS. Voy. Dario» If.
Nou (le), l'Océan primordial, 27, 30,
78.
NOUAH, divinité chaldéenne, 150, 150,
161.
NouAHBANi, serviteur d^lzdoubar, 165.
Nouat-Meïamoum, roi d'Ethiopie, n'est
pas Ourdamani, 429-430, note 3; con-
quiert l'Egypte, 485-486.
41
642
INDEX GÉNÉRAL.
NOUBiT, Ombos, Tille d'Egypte, 30 ; con-
siruciions de la XVHl* dyn., t209.
NouMHOTbp, prince de Meh, 107.
Noun-HIN, rut de Larsam. lOn.
f . NOUT, la ville capitale d'an nomé,
19.
9. NocT, déesse égyptienne, S3, 33, 34,
75,80.
NotiTER, Manouti, ville d'Egypte, 381
NwlVEHARK VRA. NKPIIEnK.lÉRÊ», fOi d*E
gypte, V«dyn., 7»*.
NUW IIHOTEP II. BA-KHA SESHESH, fOl
d'Egypte, Xlil* dyn,. 1V7-I2H.
NowKHKA. roi d'itgyple, Viiodyn.? 95.
1. NOWëRKAHA NEPHERKHÉRÊa, TOid'É-
pypie, il" dyn , s», 6o.
a.NowERKARA, roi d*Égypte, III* dyn.,
• 76.
3. NOWERKABA (PAPiIIÎ), rol d'Egypte,
Vl« dyn., 9i-i»3.
NowERKASOKAn, fo! d Egypte, Il« dyn.,
60.
NOWER KiA. Voy. ffonl khâ-no'rêr,
NowEhTiOUTAffeine égyptienne, 2ii.
NowBR-TouM, le soltii à son coucher,
31 ; cf. T'Um,
1. NOWHOUS, KOUM-EL-AHMAR, Ville d'É-
gyiile, '2i.
2. Now.ious, roi d'Egypte, Vi« dyn.. »s.
NiiB.E (la), haoilée aujourd'hui par le <
Barat>rH8, i.s; soumise à Pri>i, 89; à
Amenemhàt i, 10.*; par les princes de
la XII* dyn., Iu6, iii-ili; ses mines
d'or, v?6; campagne de Psamélik I,
49<>; etpassiro.
Nymphca(le) Nélumbo ou Lotus d'Hé-
rodote, 8*9.
0
I.OanRès.anou.EuhanÉs, ôés. dieu-
poisson de laChaldée. 1S8-1^9; sym-
Doiife la matière, iso; adoré à Ou-
roukh, 149; samsi-Din I lai construit
un temple, 'J84.
i2. Oannèr, le premier mari de Sémira-
mis,277.
Oa<is,— laGrande, reçoit des colons Sa-
miens, 5'i7 ; Darios l y construit ( n
temple, 5!>i-.'»}'i; — d'Ammon, atta-
quée par Kambyt^ès, 532.
OBARTÈS, Obartoutou, Otiartès. un
des rois it«yibiqaes de la ChalUée,
160, 161.
Obéli»qr.e (P) de Louqsor, ?35.
OCHOSIAS. Voy. Akt'iztnh,
CE Ai coloni** phénie enne. 29^.
lŒii (O de Rà, les hommes en sortent,
36.
ÔÊS. Voy. Oannè»,
UOi roi du Basbun, 291.
0'e(n apprivoisée en Egypte, 11.
OîNis. nom qu'Slien donne an fils d
Mena, fts, note 6.
1 . UKHOS. Voy. Arlojrerxès III,
2. ÛKHOS. Voy. barto* //.
Oliaros, colonie phénicienne, 24'4.
Olivier 11') r^re en Egypte, 9; se troovi
dans la Syrie du nord, I8'i*, en Phi:m
cie, 18 ( ; en K'édie, 4 '3.
Olvmpf. (te mont) de Myrie, 215.
Olyra (1'; indigène en Egypte, 9.
Ombos. Voy. Nout>U.
Ombrik. une partie occupée par lesTyr
rbéniens. ..ho.
Omri. AMRi, roi d'Israël, 341 : fonde Sa-
mar e, 348-34y ; s'allie à la Phénicie.
3^9-3.so.
t. On du Non1,nÉLîoror.is, sa fondafioo,
1 d ; s;i description, 2 > ; prise par Tav-
nekht, 38*2.
3. On du Su<1, Hermonthis, sa Ion-
dation, 14 ; devient, aux basses épo-
ques, la capitale du nome thébain.
•il ; cf 229.
OxFS CMiTE, son récit sur Ja mortdt
Kyros, .1^1, note 3.
Dmdall^s, un des rois fabuleux deb
Childée, t(i5.
OnkhnAs, reine égyptienne, 524.
Onn'opikus. Voy. Ounnoiore,
ONNOS. Voy. Ounnu.
OP'IIK, p;<ya exploré par ]es ilotes ds
Salomon, 324; devient un nom vaeue
pour toutes les régions lointaines.
3(M.
Ophni, fils d'ÉIi, 306.
Ophra. ville cnnanéenne, 198; Gidéoi
y établit une idole, 3uo.
Oppkrt(J.). asRyriologtie français. S7S
a prouve l'oriui ne tuuranienne de ré-
criture cuneifurme. 139; croit qut
les sonmT reciésentent rélémeal
touranien, 154. note 2; son étymolO'
gie du nom de Kalneb, 155. notel:
croit reconnaîtie une lacune d*
trente années dans le canon dit
éponymes assyriens, 363, note 1 ; so»
hypothèse pour la chronologie bi-
blique, 368, note 1; sur le fils deT^
héel, 373, note 5; sur les uomidi
Shabalr et Shabaiok, 389« note 3
Or (l) da Pangee, ^45 ; du Pont, S4î:
amené de Tlude en Assyrie^ 37o; ^
Méd e. 45"^.
OrChamus. Voy. Likbagas,
ORcaoK, Orech. Voy. Owoukh*
Orge (l*) indigène en ÉgypWi^»^
Âlam. t. s 3.
Orion. Voy. Sahnu.
1. OnuuzD, vi le de la Perse, 508; le w*
troit <1 Ormhsd, S<>8.
2. Ormlzo. Voy. Aouramaada,
INDEX GÉNÉRAL*
64â
.a
OROATis (!'), Tab, rivière de Perse,
508.
Oroatès, gouvemear de Lydie, 543-
543.
Oronte, Nahr-el-Assy, fleuve de Sy-
rie, 181 ; forme la fronlière égyp-
tienne sous la XIX« dyn.,'ii5.
ORONTÈs. satrape de Phrygie, SOS.
Orphék, un de* prétendus fondateurs
de Kaikéfnish, 187 ; un des prétendus
inventeurs de Tecritare, 6ui.
Osar-Hapi, Sabapjs, SÉHApiS, l'Hapi
défont, 49. . ,
OSBURN, égyptologue anglais, 588; cite
2-6.
OsiRis, le soleil nocturne, 3i, 38; le
dieu bon, a8-29 ; roi mythique ue
VÉgypte, sous le nom d'Ouunowré,
38-39; né à Tbèbes. vo-ai ; en lutte
contre Set, 35-39; sa tombe à Abydos
22, 60-61*, dieu d'Abydos,22,2y, sous
le nom de Kbenl-Ament, juge l'âme,
39, 41; seigneur du Ro-stà, 72; iden-
tifié à Râ, 80 ; à l'étoile Orion, 79;
s'incarne dans le Benriou, 48. et dans
Hapi, 49-50; Kambysès se fait initier
à ses mystères, bi'i ; le défunt s'iden-
tifie avec lui, 42, note 3.
OsKANA. Voy. Ousq'iqqa"a.
1. OsoKUOR, Voy. O^orkon îïl.
2. OSOKHOR, roi dÉgypte, XXI« dyn.,
340.
1. OsoRKON I, OsoRTHON,roi d'Egypte,
XXIL» dyn., épouse la fille du der-
nier Tanite, 3j9; n'est pas Zérakn,
340, note 3; 378, 388.
2. OSORKON II, roi d'Egypte, XXIPdyn.,
378, 3»8.
^ 3. OsoBKON m, OSOKHOR, roi dEgypte,
*. XXlll«dyn., 388.
t''\ 4. OsoRKON, filsde Takelôt, 379.
'^~^'l 5. OsORKON, roi de Bubasle, 385.
!■ OsoRTHoN. ^'oy. OsOlAOrt /.
ki^ osYMANDiAS {le tombeau d'). Voy. Ra-
;;i*'' messeïo^ïi.
s '^, OsYouT. Voy. Saout.
a ^ Othniel, Othoniel, un des juges d'is-
e ^ raël, 298.
i^^^J! 0TH0È8. Voy. AU.
tir#^ Othoniel. Voy. Othniel.
r<^' Otiartès. Voy. Obarlès.
:\s'^ l, OUAB. Voy. Ouas.
!««,* 2. OUAB, le nome Oxyrrhynchitès, 33 ;
ii^ conquis par Tawnekht, 6^2.
i):ii» OUABAR, tribu «rabe, 503.
Ouadi-Halfa, la seconde cataracte du
,ii. Nil, 111-112.
r^w, OUadi-Maoarah, sous Snéwrou, 66-67;
î^' sous Nowerkarà, 93.
Ouaui-ToumilAt, sou accès défendu
.. par un mur, io7.
r»,^ OUAGA, une des lêtee égyptiennes, 63.
Ouaouaï, OUi^ouAT, soumis par Papi.
90 ; par Merenrà, 92 ; par Amenem-
bàt I, 102 ; refoulés par les princes
de la XII* dyn., llt-112; en lutte
contre Tbotmès III, 2o5-iu6.
OUAPHRÉs. Voy. Outiabrd.
OUAS,OL'AB.Ie nomePbatbyritès,20,2i.
OucHOBEUS, d'apiès Diodore, le fonda-
teur de Mempnis, 54, note f .
OUD, le soleil diurne chez les Chaldéens,
OuDOURAN, dieu d'Élam, 436.
Olénéphès, roi d'Egypte, I»® dyn., 57,
60, note 1.
OUERA. Voy. BarrouGé
OUHABRÂ, APRIÉS, OUAPHRÊS, TOÎ d'Ê-
gyote, XXV1« dyn., son intervention
en* Syrie, 499-5t u ; accueille les Juifs
exiles, 502 ; prédictions contre lui«
503-504; comiuiert la Phénicie, Su4-'
5Un ; sa mon, 511-512.
Oukhshyat-Erlta, Oukhshyat-nemô,
prophètes iraniens, 467.
Oukinzir,Khinziros, roi de Babylonej
375.
OUKKOU, ville desDabae, 414.
OuLAï, EULiGOS, rivière d'Élam, 153,
432. •
OULAM, le portique du temple, 325.
OULBAH (ia pyramide), l»6.
OULLOUBA, >i*le ruinée par Touklat-
babal-asar II, 370.
OULLOUSOUN, roi de Manna, 400.
OuMBADARA, Tol d Êlam, 437.
1. OummaN, dieu d'Elam, 154.
7. OUWMAN. Voy. AJartiya.
OUMMANALDAS I. rol d'Élam, 431, 432.
OUMMAN ALDAS H, roi d'Élam, 4J5-438.
Oummanioas, roi d'Ëlam, 432-434.
OuMMAN-Mi.NANOU, fol d'Élam, 417-418i
OuN, le nome Hermopolitès, 22-23.
OUNA, sa vie, 88-92.
OUNAS, Onnos, roi d'Egypte, V« dyn.,
76.
OuNNOU. Voy. Sesounnou,
Odnnowbé. Voy. Osiiù.
Ouou, le territoire du nome, 19.
OuPASAMROU, la femme, 165.
Oupi, Op.s, ville deChaldée, 28i.
OUR, MouGUCÏR, ville de Cbaldée. 154-
155; consacrée au dieu Sin, 149 ; ses
rois, 167-168 ; mise à contribution par
&lardouk-bal-idinna, 402 ; son gouver-
neur, 433.
OURARTI,OURARTOU, ARARTI, ARARAT,
Alarodikns, sa description, 398-399 ,*
entamé par Salmanasar IIl, 399 ; le
grand ennemi de l'Assyrie au nord,
394 ; ses guerrirs avec Saryoukin, ô99-
401, 4u3 ; avec Assour-ban« habal,438;
ravagé par les Kimmériens, 478;
guerres contre Mabou-koadour-oua;-
sour, 497.
644
INDEX GËNËfiAL.
OURBBL, 0DRKHAM8I, magicien chal-
déen, 168.
OnRDAMANB, roi d'Ethiopie et d'Egypte,
4^9 430. 442.
OuRiAKKou, AlodakAi cantoD de Mé-
die, 460.
Ou m VA N. Voy. Ournâ.
OuRiTAK. Voy. Likhagts.
OuRKHAM. Voy. Likbagas.
OuRKHAMSi. Voy. Ourbel.
1. OUROUKH. ERECH, ORF.CH, ORCHOÉ,
Warka, ville de la Cbaldèe, 154-155;
consacrée à Anoa, 149; à Nemrod,
165 ; prise parles princes de Larsam,
168 ; Saryoukin I y fonde une biblio-
thèque, 196; son Rouverneur, 433.
2. OUROUKH. Voy. Likbagas.
OUROUMITÈH (le lac d'), 370,371, 452.
Ours (1') se trouve en Médie, 453; Té-
toile de la Grande-Ourse sert de
guide aux Grecs, 247.
0UR8A, roi d'Oorarti, 399-401,
OuRTAKr, roi d'Élam, 431.
OuRvA, OuRivAN, Apauarctiséné, unc
des stations des Iraniens, 457.
OuRZANA, roi de Moasasair, 4oo.
OURZiKKi, Arsak, soumis par Touklat-
habal-asar II, 371. *
Ous, ville phénicienne, 189.
OusAPHAÏDOs. Voy. Huepti.
Ouserkhêrés. Voy Ou^ourkaw.
OusoRTESEN I, roî d'Égyptc, XII«dyn.,
associé à son père, loi; ses victoires,
11 1-1 12; ses travaux de construciion,
114; au Fayoum, 116; à Thèbes, 119,
209.
OUSORTESEN II, roi d'Egypte, XII«dyn.,
112.
OUSORTESEN III, SÉSOSTRIS, roi d'É-
. gypte, Xtl* dyn., 113; sa pyramide
a Dashour, il 9.
OusourekrA An, roi d'Egypte, V« dyn.,
76.
OusouRKAw, Ouskrkhérês, roi d'E-
gypte, V« dyn., 76.
OusQAQQANA, OsKANA, pays soumis par
Touklat-habal-asar II, 371.
OUTSA-HoR-souN, prêtre de Sais, 532.
OUTSNAS, Tlas, roi d'Egypte, ll'dvn.,
60.
OuvajA, £lam, une des satrapies, 543.
Ouvakiishatara. Voy. Kyaxarés.
OuvArazmiya, Khorasm'ie, conquise
par Kyros, 517; forme une satrapie,
544.
Ouz, le fondateur mythique de Damas,
187.
Oxus, DJfHON (?), un des quatre fleuves
de l'Êden, 132.
OxTRRYNCHiTÉs (le nomc). V. 2. Ouab.
OxTRRHTNCHOS. Voy. Pawatset.
Oxyrrhynquc (!'), poisson do Nil, M.
OziAS, OzziAH. Voy. Azarijafi.
Pa, nome de la moyenne Egypte, 23.
Pa-Amsn. Voy. Tnèbes d'Egypte.
Paarisheps, Prosopis, victoire de Mé-
nephtah I, 252-253.
Pabaneboao. Voy. Mendès.
Pacorus/ de son règne date Tinscrip-
tio» cunéiformela plus moderne, 572,
note 2.
PADAN, PaTENI, BATNiE, BATANTE, 187,
199; un des États du Khatti, 347;
soumis p«r Salmanasar III, 348.
Padi, roi d'Ékron, 404, 406, 408.
Pahornoub, ville d'Egypte, 22.
Pain Cle) de lis, chez les És^yptiens. 9.
PaIrikas. PÉRIS, génies femelles chez
les Iraniens, 467.
Pal^e-Tyros, la Tyr continentale, i92.
Palamede, 601.
Palerme. Voy. Makhanath.
Palestine, sa description géographi-
que, 183-184; en guerre contre Sin-
akhé-irib, 404; ravagée par les Kim-
mériens, 475; passe à Nabou-bal-ous-
sour, 478; à Kyros, 520; comprise
dans la satrapie d'Arabayà, 543 ; at-
taquée par Ëvagoras, 564.
Pallacopas (le lac), 506.
Palmier (le) indigène en Egypte, 8, 139-
Paltos, ville de la Phénicie, i89; aux
Aradiens, 191.
Pamatset, Oxxrrynchos, Pemsje, 23:
prise par Piànkhi, 383.
Pamir (le plateau de], Bolor (monts),
Belour-tagh, 13*2-133.
Pauphylie, soumise à Krœsos, su ;
comprise dans la satrapie de Yaou-
nà, 543-544.
Panertepahe, Aphrooitopolts, At-
fies, 2:t : prise par Tawnekht, 381.
Pangée (le mont), ses mines d'or, 24&.
Panintimri, divinité d'Êlam, 436.
PANOPOLIS, APOU , KHEM , KHEMMIS,
ville d'Egypte, 2i.
Panormos. Voy. Makhanath.
PAN0U8T, BENI-HASSAN, SPEOS-ARTE-
MIDOS, 23 ; cf. BENI-HASSAN.
pANTiBiBLiA, Sippara ouOnroukh, 159.
note 3, 196.
Panzithès. Voy. Patizéithès,
Paons (les) rapportés d'Ophir pour Sa-
lomon, 324, note 4..
PA-ouTS, BouTO, 25 ; son temple dé-
pouillé par Xerxès I, 553; réponse de
son oracle à Psamétik I, 487.
Paphlaoonie, Paphlagoniens, 241 ;
soumise à Krœsos, 511; soulevée con>
tre les Perses, StfS.
Paphos, ville de Chypre, 235.
Papi I» Meri-rA (^Phios), roi d'Egypte,
VI« dyn, 88-91.
INDEX GÉNÉRAL.
6(i&
PaPi II, Voy. Nowerkarâ.
Paprémis (bataille de). 556.
Papyrus (le), 8, ses usages, 9; — papy-
rus médicaux, 57, 81-85; fanéraires,
43, note 2.
Paqrour de Pasoupti, en guerre con-
tre AsEOur-ban-habal, 4'^^; le chef
des princes du Delta, 430 ; se soumet
à Nouat-Meïamoun, 485-486.
Paque (la), Hag Hammatsôth, 291 ;
son origine, 3'J6, note 2.
Par^takénc» canton de la Perse, 508.
ParAkhemkhoper (ILLAHOUN?), prise
par Piftnkhi, 384.
Pa Ram ses Aanakhtou, Ramsés, fon-
dée par RamsèsII, 219, 226-227, 258.
ParçA. Voy. Père.
Paria, Phua, Prrada, Farrah, 371.
PARopANisos. Voy. Nàl.
Paros, colonie phénicienne, 244; les
Pariens conquièrent Tbasos, 444.
Parsis. Voy. Ouèbres.
Parsoua. Voy. liartêova,
Parthava, Parthyène. Voy. Bar-
Isotia.
Partikira, dieu d'Élam, 436.
Parysatis (la reine), 559, 561.
PASAGARDiG, une des capitales de la
Perse, 508.
Pashëmour, Bashmourites, sobriquet
des Sémites, 337.
Pasitigris, rivière d'Élam, 153.
Pa-sokar-sehats, bourg d'Egypte, 384.
Pasteurs (les). Voy. aykaos.
Patan. Voy. Paian.
PATARSfis, nom d'Oubabrâ dans Hella-
nikos, 512, note 5.
Patesi, Patis, pontifes-rois de Zergoul
et d'Éridou, 167; d'Asosur, 197, 275.
Pathrousim (Pâtures), fils de Miz-
raïm, 14.
PATizÉiTiiÈ*, PANziTHÈs, frère de Gau-
matà, 537.
Patonol'ts, Phthénéotès, nomed'Am
inférieur, 25.
Patores. Voy. Pathrousim.
Pausiris, roi égyptien 562.
Pécher (le) en Médie, 453.
PÉDASOs du Satnioeis, fondée par les
Lélèges, 243; en lutte contre Ram-
sés II, 227.
Pehlevi (le), un des États de la langue
iranienne, 465.
PEROU, les terres marécageuses des
nomes, 19.
Pehrer, Perres, identifié par les Grecs
avec Persée, *^2.
Pekakh, Phacéb, roi d'Israël, 368, no-
te 1 ; 373, 375.
Pekakbiah, Phacéïa, roi dlsraël, 372-
373.
PélASOES TYRRHÉNIBN8. Voy. TOW'
8ha.
Pélican (le) indigène en Egypte, 11.
PélOPIDAs àSuse, 565.
PÉLOPiDES (les), descendants de Tan-
tales, 242,
PÉLOPONNÈSE (le), colonisé par les Phé-
niciens, 246.
PÉLLsn, ville d'Egypte, 263, 408, 4U,
427 . bataille de Péluse, 529-530,* as-
siégée par Okbos, 567.
PÉLUsiAQUB (la branche) du Nil, 6, il;
étahliftsements eariens et ioniens ,
4N1, 526.
Pemsie. Voy. Pamatset.
penbesa, scnbe égyptien, 268.
Pendjab. Voy. Heptahendou.
1. Pentaoub, scribe égyptien, 227; son
poème sur la bataille de Kadesh, 227-
231.
2. Pentaol-rt, frère de Ramsés III; 267.
Pentecôte (la), 291 ; son origine, S26,
note 1.
PÉNUEL, fortifiée par Jéroboam I, 333.
PÉONIE, 554.
Perdrix (la) indigène en Egypte, II.
Feboame, forteresse de. Troie, 242.
Péris. Voy. Païrikcu.
PÉROU, selon quelques-uns, l'Ophir de
Salomon, 324, note 4.
Perse, ParçA, sa description, 508; les
Perses gardent pur le Mazdéisme, 470;
soumettent les Mèdes, 508-509 ; Kyros
fonde l'empire perse, 510, 5i9; la
Perse se soulève contre Darios l, 542 ;
selon quelques-uns, la Perse est l'O-
phir de Salomon, 324, note 4 ; selon
la légende, est soumise par Sésostris,
223 ; — les cunéiformes Perses, 584.
Pereéa ' le) indigène en Egypte, 8.
Persée. Voy. Pehrer.
Persépolis, une des capitales de la
Perse, 508.
Persiqub (le golfe}, sa description, 137-
138 ; parcouru par une flotte assy»
rienne, 414-416.
Peste (la) en Égvpte sous Sémempsés,
57; un des démons chaldéens, 144.
Petkn, bourg d'Egypte, lo9.
Pétèphra, Putiphar, nom du maître de
Joseph, 174.
Pétksucbis, roi fabuleux de l'Egypte,
118.
Petséba8T,Pbtouba8Tés, roi d'Egypte,
XXIU" dyn., 38U, 388.
Peukéla, ville de l'Inde. 548.
Peuples (les) de la mer, envahissent
l'Egypte sous Seti l, 217-218 ; sous
Ménephtah I, 251-2&3; sous Ram-
sés m. 263-264 ; leurs migrations, 249-
250, 266, 300-301 ; — du Nord, sous
la protection de Sekhet, 37.
Peuplier (le) en Médie, 453; en Éiam,
153.
Pewaabast, roi deKhnensou, 381.
646
INDEX aÉNÉRAL.
Phacée. Voy. Pekakh.
PiiACR'A. Voy. l'eknkhiah.
PHANisd'Halicarnasse, 52Q, 530.
PBARAN (le désert de), les Hébreaz y
séjournent, 286.
Phauaon, fils du Soleil, 35; incarna-
tion de Dieu sur la te'*re. 51 ; le Pha-
raon de PExode, 358-36 1; de Tanis
donne sa fille i Salomon, 3v3 ; fait des
présenta à TouloalbabaUusar 1, 382-
383; à Saryoïikin. 4ul.
Prarnabazos, satrape, S60.
Pharphar. Nahb-el-Awadj, rivière de
Damas, 183, 188, 333.
PnAsÉLis, colonie phénicienne, 3A3.
Phathtritès (le nome). Voy. Oua«.
Phèli, roi de Tyr, 350.
Phénicie, Phéniciens (Piioun, Poun,
Fœni, Puni), d'abord établis sur le
golfe Persique, i48; leurs migrations
169-170; description de la Pbénicie,
183; ses divisions polit qnes, 189-1 i*T,
soumise aux Pharaons de la XVIU* et
de la XIX' dynastie, 199, 3i4; les Phé-
niciens ont le monopole du commerce
égyptien, 393; leur comptoir à Mem>
pais, 34; leurs colonies en Asie, 232-
233 ; à Chypre, 23'4-235 ; en Asie Mi-
neure, 385-337, UV3-345; en Grèce,
34'i-345 ; en Crète, 246-347 ; en Afri-
que. '^93*395; s'allient à David, 3i7 ;
a Salomon, 2t3l, 334-335, 3J0; soumis
à Assotti-nazir>habal, 348; se soulè-
vent contre Snlmanasar V, 376 ; contre
6iu-alché-irib. 4o4-406 ; leur histoire
générale depuis Ithobaal I jusqu'à
Assour-ban-habal, 44o-4'i4 ; se soulè-
vent contre Assoar-ban-habal, 43u;
attaqués par les Kimmériens, 475 ;
font le^periple de l'Afrique pour Néko
II, 49^-495 : en guerre contre Nabou-
koodonroussimr , &00 ; soumis par
Ouhnbrà, 50S; à Ahmès II, 5i3; aux
Perses, 530-^31 ; refusent d'attaquer
Garthage, 5.S3 ; compris dans la sa-
trapie d'ArabayA, &43 ; attaqués par
Takho, 5^6 ; en révolte contre O'^hos,
569 ; origine et dififusion de leur al-
phabet, f>99-603.
1. PHÉNIX, Bennou, consacré à Rà, 34,
43; note 48.
3. PHÉNIX, Phœkix, fils d'Agénor, 189.
PHÈRÉziENs, se mêlent aux Hébreux,
296,
Phéron, origine de ce nom, 2S1 ; cf.
Ménephtah I.
Phil^, Pi-LAK, Aa-lak, LaO; île et
ville d'É ypte, in ; coustructions de
Nakhtnebew, &67.
Philistins, Pl'Schti, description de
leur pays, tsi; leur origine étrangère,
300-3UI ; attaquent l'Egypte, 363; é'a-
blis par Rampes lil en Syrie, 266,
301-303 ; leur organisation, 302- S03 ;
indépendants des Hébreax, 393 : bat-
tus par Samgar, 2 '8, 3u3 ; prennent
Sillon, 3o3; o priment Israël, I9ô,
300, 3o4 3u8 ; battus par SaQi à Mikh-
mas, 310; par David, 315-316-317:
dans la dépendan e du royaame d'Is-
raël, 331'; attaquent Akhaz, 37S ; tri-
butaires de Toukiat-habal-asar II ,
374; contre S^ryoukin, 401 ; ruinés
vers le milieu du septième siècle, 439;
sûcmis par Psamétil; I, 499.
Philitis (le be'ger), 69.
Philosophie (la) égyptienne, 85-88.
PRINÉAg, fils d'fi>i, 306.
Ph-iolm. Voy. Faynum.
PHOUL,identiqneàTouklat-habal-asarII,
3(i8, note I ; S7'i, note 4.
Phocék, colonie Ionienne, 479 ; les Pho-
céens s'expatrient, 516..
PHŒNiKiA. Phœnikes, expllcatton de
ce num, 189.
PHŒNtKÈ. Voy. Amie.
Phœnix. Voy. Phénix.
Pbonétisme (le>, sa définition et ses
emplois, &70 8qq.
PHOt:L est Touklat-habal-asar II, 368,
note 1.
Phoun. Voy. PAmictVn?.
Phra. Voy. Paria et Râ,
Phhada, Voy. Poria.
1. Phr aortes, père de DéTokès, 460.
2. PHRAOïtTÉs, Fravartis , père de
Kyaxarès, 47-M7J.
Purygie, PHRY6ii£NS, leur histoire pri-
mitive, 339-34n : leur isolement, 2 «9 ;
résistant à 1 influence sémifqne, 347;
leur histoire jusqu'au septième siècle,
478 ; luinés par les K*mmér)ens, 474 ;
conquis par G^gè«, 483 ; par Krœsos,
511 ; la Phryme ( nvabie par Agé&ilas,
563; Talphabel phiygien, 604.
Phtah, Ptah, HÉPHiGSTOs, divinité
égyptienne de Memphis, 12, 27, 28,
39 ; le scarabée 1 i est consacré, 49 ;
la seconde vie d'Hapi, 49 ; identifié à
Sokar et à Osiris, aevient Phtah -So-
karis et Phtah-Sokar-Osiris, 29; le
premier dieu-roi à Memphi», 37 ; son
temp'e à Memphis, 3'4, 55; réparé
par Ahmès I, 177 ; la statue de sé-
tlion, 41 1; réparé par Psamétik I,
488-489; par Abmës II, 524; mal-
traité par Kambysès, .536; vi&ité par
Darios I, 5.)i ; Phtah apparaît en
song4 à Ménephtah I, 252; légion de
Phtah. 2V0.
PHTIIÉNÉOTÈS. Voy. Potonout»,
Pi-AMOU, Biahmites, sobriqust des Sé-
mites. C37.
1. PiAnkhi, roi d'Egypte, XX" dynastie,
372.
INDEX GÉNÉRAL.
647
2. piAnkhi Meïamoun. roi d'Ethiopie,
3S3-383.
3 P Ankiïî. mari d'^mériTiti?', 4S7-488.
Pie (Is») înd*gène en fijyptp, il.
PiKKRET ►*.,éçyj>toIogue fr.ifç.ii*, 588.
Pigeon (l«*) inii'^è'te en Égypld, 11.
Pl-LAQ. Voy. PiiiLiC.
PiM.vï, roi ri figvpte,X\'TI» dynastie, 379.
Pin (le) indigencn Ët^yple, '4'^3-
PlNOTShM I, roi d'Ègyp.e, XX* dynasl.
PiROU, fome assyrienne de Pharaon,
398, note I.
PisiDiENS les), en révolte contre les
Perses 563.
PisiRis, roi de K^rkémish 4oo.
PissuTHNÉs. sa r»>volte, 5^9.
Pistache (la) dans la Syrie da Nord,
181.
PiSYAonvADA., patrie de Gaamatâ, 538.
PiTiiOM, consiiuite par les Hébreux,
2'i8.
Planètes (les). — leurs noms en ÉgypU»,
78; en>:tialiée, IV^, 13 1, 15i; cî
LOUBAT.
Plant^'s (les) fluviales foisonnent en
ftgypte, 8.
Platék-S, victoire des Grecs, 5'>4.
Platon, en Egypte, 75, 492 ; sa version
de U légende de Cindauie, 481 ; sur
Amasif, 513, note 3.
Pléiades (les) observées par les Égyp-
tiens, 79.
Plkyte Fr. — égyptologne hotlanlais.
5»8; traduit des rejeitdiinéjico- ma-
giques, 41, note 3.
Pline l'Ancien, ^ttribne arx Arabes la
fondation d*Héti<polis, 14; appligne
le nom d'As£>rie h toute la ^.éAupo
tamie. 375, note t,
PHS«:HTI. Voy. l'kiiistius.
Plomb (le) JaiiS le Pont, 246; en Médie
453.
Pnoubs, ville de Nubie. 533.
PŒNi. Voy. Phé'noienn.
Poire (la) indigène en Médie, 451.
Pois (le) fthiche indigène en Egypte,
9.
Polyphonie (!a^ en Assyrien, 583; en
Égyptien. 59 i 594.
Pomme (1h) indigène en Médie 453.
roNT se 80 lève contre l^s Pertes, 563.
PONT-Fux N (le), parcouru par les flot-
ts phéniciennes, v4i-24u; traverse
par Aria' am nés, 54 8 -.549.
1. Pônos, un des rois fabuleux de la
Chaldéf, 165.
2. Pô nos. Voy. Pnul.
PORi'UvaOiiSSA. Voy. Cyfhère.
PouDiKi.. roi d'Assyrie, '/«.s.
PouL, PÔHOS roi de BaUylone, 375.
Pou'ei (le) in.'.onnu au temps des pre-
mières dynast. es, 11.
PouNT, PonN (Pœnt, PdnO, l'Arable et
le pays de Sdmal, 169 ; expédition de
la reine llaUsou, 30 /-'^iS : fonmi)* à
Horemh'b, 3i3 : à Rnmfcèâ III, 36j-
3(i« ; k R;imsès IV, 4^3.
Pouf-pre 1 1), 'ii-A^ 340
PhEXASPÈs, son tîls tué parRambysès,
.53«.
Priam, roi de Troie, 210, 48*».
PniÈve, colonie ionienne, 479.
Prisse (le Papyrus , 8.S-88.
Pro, noMi d'une 8ai:«on m Egypte, 79.
ProcoP'-', sur les colonies cananéennes
en Afrique, 3»4
Pron'ECTOb, colonie phénicienne, 2'i5.
Prophètes les) hébreux, 30a-307, 353-
364 -33.1, 44î sqq.
PnopoNiis, Ses liords colonisés pAr les
Phéniciens, 2.5 , p -r les T^rrhôniens,
350.
pkosopts. Voy. PnarifhepM.
«Prosop.t s vie dt), ass.égée par les
Perses, 5i6-5s7.
Prot^e, reçoit Hélène et Ménôlai,
4^3.
Proverbes (les) attribués à Salomon,
3 1» ; recueillis en partie sous Uixkiah
445.
Prtmnm^sos. fondée par Mirlas, 240.
1. I-SAMKTIK I. PSAMUÉTiQUR (»ABO-
SFZ BANNI). raituouverneurd'AtMribis
par les Assyrien», 43 » ; se réfu.'ie en
^yrie, 43o ; rui de Sais, 43o ; légendes
Sirsi j'fune se, 4}(6-'87; fcn«ie la
XX Vl'dynast., 487: son règne, 487-4^8;
eciirte les Kimmér en9,475; sa petite
fille épuiise Ahmè" II, 513.
3 PSAMériK II, roi d'Egypte, XlVI*dyn.
4w9.
3. Ps.\mrtikTH, Ps.vMMF.NiTos rol d'É-
gvpte XXX vr dyn. 5'J9-53i.
4. PSAvii^.TiK, roi de Libye, père d'Ina-
ro-«, s.'»^.
PSAyMÉCHFRITÈS, PSAMMÉNITOS. Voy.
PSAMM'iUS, PSAMMOUTHIS. Voy. P««*
inouth.
Psei.Kis, ville de Niibie, 113.
1. PSEMOUTU. PSAMM us. PSAMMOU-
Tilis, roi dT.uyi»t*, XXIIl» dyn. 388.
3. PS..MOUTH, roi d Egypte, XXiX* dyn.
5Si, 568.
Ps;nakuês, roid'f^.gyp'e,XXI*dyn. 340;
|i.-èi. le beau-p«>re de Salomon, 323.
PS oi!NKhA, Psousennés, ruid*É^ypte,
XXI* dyn, i^O.
PS ï. Voy. Souï.
PsoiSKN.NÈ-t, Voy. Piiounkhd et Hor
PT'HHOTEp. littérateur égyptien 8C-88.
PtÉiuk, envahie par Krœ.soS| à 13 514.
PTOLÉM.US. Voy. 6oui,
648
INDEX GÉNÉRAL.
1. PtolémébLathyrb détruit Thèbes,
2t.
2. Ptoléuée Sotbr, agrandit Souî, 92.
S. Ptollméb. commihce son canon as-
tronomique à N:ibonassar,3o9, note 1.
Puni. Voy. Phénic en$.
PuT.PHAit. Voy. l'éi^phra.
PYOMAL.t'N, roi de T)r. 440-441.
Pyranides les) d'Egypte sont des tom-
bes royali s, 6.> et*; pyiauiide de Oué-
uépbèttf 57; de Kbëop», 67-0!^, de Kbâ-
wrà et de Aierikerû,. 74 ; ttiniinée par
Mitaiirit, 93vx4 ; d'Aseskaw, l.S ; d-,
Papi, 8» ; de Merenr&, i^i- 2; de Dr-
fthour, ll9;U'AiiieneajbâtlII, 116, HT-
118, iiv'i — eti Cbaldue, ib4, iye,
343.
PTRAMOS, rivière de Cilicie, 236.
Pyrees (les) des Iraniens, 4^8-469.
Ptthagore en Egypte, ui, 492.
Q
QABOUHOUfKHODBIÉNÉS, BlÉNÉKHÉS, roi
d'Egypte, !'• dyn., to
Qaiioer, i»ourg u'Ê)$ypte, I09.
Qarqisha, QiHQASHA. Voy. Gtryashi,
QINA, torrent, l»s, vo4.
Quatri^mèhe Et., condamne Gbampol-
lioni 588.
R
BA, le soleil chez les Égyptiens, 30-31,
80; associé à Sevek, 2U; liymnes à Râ,
30-ii, 3'2-35', son cuite proscrit par
Amenbotep IV, 212; deuxième roi de
la dynastie divine, ^7.
RABBAH,RABBATHAMMoii, priso parDa-
▼lU, 318.
RABtAR.s, RAB-BHAKà, tîtres de deux
ofucidi-s asaxrienti, 408-4lU.
Races (lâs quaiie) humaines cbez les
Égyptiens, 3b-37 ; cbez les Hébreux,
subdivision de la tribu, ti87.
Raoa, RuaoA, RAOiG, Rai, une des sta-
tions des iraniens, 457 ; Kbsb&tritA y
est pris, 54 i.
RagibA) dieu d'Êlam, 436.
Rai. Yuy. Raoa.
Rama, '299; résidence de Samuel, 308 ;
Samuel y meurt, 312; son sanctuaire
abandonne, j27; lorlitiee parBaesba,
S4u; reprise pjàr Asa, 341.
RAMbSSÉ ON Oe) à Ibèbe:», 225-226.
RAMESSÉS-RM'PbR-liM-RÂ, 253254.
' MBSSiukS (les), 271-V72; se contentent |
de posséder les pointa stratégiques de
la Syrie. 291.
Ramoth-Giléad, les Juifs hattus sons
ses murs, 25'i-'i55, 3.s7.
I.Ramsks I, loi d'Egypte, XLX'dyn.,
213, 214. T2i.
2. RaMSÈS II MblAMOUN I, SESTOU-aA,
SKSOSTiilS, S. ssuu-HA, Sesous S, roi
d'Ivgypie, XlX'-'dyn., &a minorité, ilti:
ses premièies guenes, v 17-21 s; seul
roi, wl8 ; ses (.ueirt-s syrienneâ, vl9-
'i23; sa légende, 223- 22^1, 266-V67; ses
constructions, u2^ -v27; |.>oème dePeo-
taour, 22. -'i3i; tient garnison à Gaza,
3v'2 ; la régence de ses ûJs, 2 iu-25i; u
mort, 251 ; sa statue à Meoipbis, 551;
cfr., 15, 337-;i38.
3. RAMsès III, roi d'Egypte, XX* dyn.,
délivre l'Egypte, ufi\-262 ; ses guerres
contre les Libyens, 262-^63, 264-265;
contre les peuples de la mer, 763-2^4;
conspirations contre lui, 266-267 ; ses
constiuciiuns, 267; faiblesse de l'E-
gypte, 267-26» ; établit les Pbilistios
en Syrie, w66, 3ui-3U2; ses guerres
tiennent les Hébreux éioignêsde Syrie,
286.
4. Bamsès IV, roi d'Egypte, XX" dyn.,
2b9; son expédition ea Arabie, 4*^3-
424.
5. RAMSÈs y-X, rois d'Egypte, XX< dyn.,
269.
6. Ram ses XI Meîamoun II, roi d'Egyp-
te, XX« dyn., •i69-271.
7. Ramsès Xil-XVI, rois d'Egypte, XX'
dyn., w7 1-273.
8. Ramsès. Voy. Pa Ramsès Aanakh'
tou,
Raoumbhi ankhnas , reine d*Égypte,
91.
Raphia, Ropeh, ville cananéenne, 198,
263, 398.
RasAakakhoprou, roi d'£gypte, XYIH*
dyn., ^13.
RAS..NOU, un des génies iraniens, 469.
Rasi, Mésobatèri£, canton de^la Susia-
ne, 4u2.
1. Rasqenen I TAAA,roi d'Egypte, XVII*
dyn., 175.
2. hASQENhNlIITAAAQEN, roi d'Egypte,
XVll«dyn., 176.
RathoIsès, loi d'Egypte, IV« dyn., 76;
n'est pasDoudewra, 71, note i.
RATHOURÉs roi d'Éijypte, V« dyn., 76.
Ra-tot-lw. Voy. Uoud-ewrd.
Rawlinsj.n h., assyriologue anglais,
573.
Rehabeam, Roboam, Gis de Salomonet
d'une Ammonite, 328, 3J4; peid dix
tribus, 331-332; son règne, 333*334;
340.
Réhob, père d'Adarézer, 316.
INDEX GÉNÉRAL.'
649
Rehrehsa, Rhacsi, Bhapsii, peuplade
éthiopienne, 533.
Religion {\h.) égyptienne, 26-52; chal-
déenne, i<il-i4'), 148-152, 15i-i58; ca-
nanéenne. 287-^8s: hébraïque, 288-
290; iranienne, 4()3-472.
RÉHUAÏM Cte^), 185; cbassés par les Ca-
nanéens, 16:/.
RES-ANB-i:.w, Une des formes d£ Phtab,
381.
Retou. Voy. Loudim; nom que se don-
naient !• 8 É^ypliens, 36.
Retseph, 4 lu.
Retzin, roi de Damas, 369, note 4, 370,
373-374.
RÉzON, roi de Damas, 330, 34t.
RhagA. Voy. Hoga.
Rhapsi I, RHiLsi. Voy. Rehrehsa.
Rhéa. Voy. Mou t.
Rhénée, colonie phénicienne, 244.
Rhéom.thras, sa trahison, 566.
Rhinocéros (le) amené en Assyrie, 370.
RHODbS, 237 ; visitée par Kadmos, 234 ;
colonie sidonienne, «43; reste aui Phé-
niciens, 248, 294 ; colonisée par les Do-
riens, 479.
Rhodop.s, sa légende, 94.
Rhyndakos, rivière d'Asie Mineure,
341.
RiAH, divinité chaldéenne, 143.
RiBLAH, ville de Syiie, 495-496, 501.
Ricin (le) indigène en Egypte, 9.
RiM-AKOU, roi de Larsam, 196-197.
Rituel (le) Funéraire. Voy. Livre des
Morts.
ROBOAM. Voy. Behaheam.
RoÉ, un des nociis du prophète chez les
Hébreux, â06.
RoHANNOU, HAMMAiiAT, 868 Carrières,
89.
RoHOB, cité cananéenne, 199; indépen-
dante des Hébreux, 295; soumise à Ha-
darézer, 316,318.
RoPEH. Voy. liapfiia.
RosELLiNi H., égyptologue italien, 588.
Rosette (la pien e de;, son importance,
585.
RosTA, l'Hadès égyptien, 72, note i.
ROTOU. Voy. L*'uuitn et Retou.
ROUAD de l'Inde. Voy. Silkhari.
RotD AMEN, roi d'Egypte, n'est pas
Amyrtttoa, 563, note i.
i. RouoB (E. de), égyptologue Trançais,
588;son opinion sur Doudewri, 71,
notel; sur Ourd Amen, 429, noie 3; sa
traduction du poëme de Pentaour,
231, note 1; de U stèle de Piànkbi,
385, note i; son mémoire sur Ahmès,
179, note i; son clas.-ement des suc-
cesseurs de Ménephtah 1, 254, note 2;
démontre l'origine égyptienne de l'al-
phabet phénicien, 600.
2. RoUQÉ (J. de), égyptologue français,
588.
Rouget (le) dei marais de Péluse, 11.
RousKOPOUS, cohmie pbenic;enne,243.
RoUTtiiN, ROUTENNou, soumis par Thot-
mes lil, 2u3, 206; disparaissent devant
les KhéUts , '^14; n'existent plus au
temps d'Assour-nazir-habal, ;»47.
RowANDiz (la pHSse de), 454.
Kouwou. Voy. Trouwou.
RoxANAKÊ, ville fabuleuse de l'Asie,
• 470.
RuBKN, une des douze tribus, 287 ; ses
limites, 29'i; ne s'unit pas à Barak,
2i>8; attaqué parMesba, 356; parKha-
zaël, 359.
SABA (la reine de), sa légende, 329-
330.
Sabacon. Voy. Shdbak.
Sabatas, peuplade libyenne, 264.
Sabéens (leb), leur richesse, 424-425.
Sabine (l'impératrice) en Egypte, 211.
Sabrata, colonie phénicienne, 295.
Sages, ÇakA, «oumis à Kyros, 517; se
révoilenl contre oarios 1, 542; forment
une des satrapies, 54%; limite de l'em-
pire de Sémiramis, 278.
Sacre (le promontoire), 243.
SACY (Sylvestre de), ses travaux sur le
démotique, 585.
Sadikanni , ARBAN, paye tribut à As-
sour-nazir-habal, 3ii6.
Sadouri, roi d'Ourarti, 399, 438.
Sadyattès, roi de Lydie, 483.
Safed, son vin, i%*.
SAGART.E. Voy. Zikrouti,
Sagesse ^le livre de 11) attribué à Salo-
mon, 329.
Sah. Voy. Mth.
Sahalli , soumis par Touklat-habal-
asar II, 375.
Sahou, l'étoile Orion, 79.
SAHOUBA. roi d'Egypte, Y* dyn., 76.
Saï, Sais, ville du Delta, 25 ; Menkerà
y dépose le cadavre de sa fille, 70 ; les
Phéniciens y ont un comptoir, 235 ;
prend de l'importance à partir de la
XX* dyn., 336; subit l'influence li-
byenne, 338 ; rôle et ambition de ses
princes, 380-386 ; la XXIV* dynastie,
386-387 ; Saïs se révolte contre Sha-
bak, 398; pil.ée par les Assyriens,
4v!9 ; la XXVI* dynastie , 48^-488 ;.
Psuméiik 1 enterré à Saïs, 493 ; Ah-
mes II y naît, 512, note 3; Ouhabr&
y est lué, 512;Ahmè8 H l'embellit,
524-525 ' Kambysès à Sais, 532 ; la
XXVIIl* dynastie, 563.
650
INDEX OËNËRÂL.
Safnt (le) des Saints. Voy. Vebir.
SàItb (le nome) ou SaïT'QUE, vs ; eon-
mis aux Libyens rous Ramsès III,
282; à Tawn^kht, 3817
SaTiês. Voy. Shnlit,
Sakdati, SAMBATiG, peuple de Ilnde,
371.
Sakes. Voy. SarfK.
Sakht. Voy. Sekhet.
Sakranakkou, titre des rois de Baby-
lone, 168.
Sala, divinité chaldSenne, 418.
1. Salamine de Chypre, victoire des
Athéniens, 5S7 ; as&iégée par les Per-
ses, 564.
9. Salaminr d'AttIqne. colonisée par
les Phéniciens , 246 ; victoire des
Grecs. 554.
SALATis.Voy. Shalit.
Salmanasar I, roi d'As«yrîe, 985:
fondi- K»lakh, 343; son sc«aa repris
par Sin-akhé irib, 418.
Salmanasar II, roi d'A««8yric, 342.
Salmanasar III. roi d'Assyrie, ses gner-
res dans la Syriâ du Nord, 348-349;
contre Benhadar m, 35 <, 3.<)5; con-
tre Khaz ëU 357; soumet laChaldée.
354; rbiirarti, 359,399; l'Asie Mi-
neure, 359; la Médie, 455; reçoit
1 hommage de Djeiidib TArabe, 423;
sa mort, 360.
Salmanasar IV. roi d'Assyrie, 361-363;
attxque TOurarli, 399.
Salma>'asar V, roi d'Assyrie, 376; sa
mort, 3M1.
Salomon. proclamé du vivant de Da-
vid, 3'>0; son règne. 3îî-33l; fon
CHraclère, 332; ses trésors enlevés
par Sheshonq I, '*4«; s^es Prn*ebe»
recuJUis en partie sous Hizkiab .
445.
SALVOLiNi, égypMogue italien, 588,
600.
Samarif, Sh'Mrôn, fondée par Omri,
3'«9; assiégée par Benhadar F, 3'i2 :
par Salmanasar V, 390-391; détruite
par Saryo'ikin, 393.
Samas, le dieu Soleil, en Chaldée, 149,
l.iO, 161,384.
SAMBATiE. Voy. Sakbali.
Samdav, l'Herc le chaMéen, 151^480.
Samemroum, fonde Pal»-ïyr, 192.
Samoar, Sangar, un des juges des
Hébreux, 298, 299, 3u3.
Samir, dans la montagne d'Éphraïm,
304.
Sammouramit, p.- et. la Sémiramis
, d'Hérodote, 861, note 1.
Sam os, 3.^7; colonisée parles Ioniens,
479 : étab it un comptoir dans la
grande Oasis. 527.
Samosaie, Soumlîsat, 136 ; son gué,
186.
SAMOTHPACE, colonîsée par les pbé<
niciens, 243; par les Tyrrhén'ens,
2&0.
Samsi-b'n I, palis d'Assour, 197, 27S,
28i, 2^5.
SAMSi-RiN ir, roi d'Assyrie, 385.
Sampi Bin m, roi d'Assyrie; 3S0; em-
bellit K^ilakh, 343; ses guerres en
Nîédie, 458.
Samson le Danite. 297. 3QR. aft.*».
SaMubl, nn des juges, 307-3<9; choi-
sit SaOl pour roi, 309 ; ses querelles
avec Saûl, 3"9-3ti ; sace David, ?ii;
«a mort, 313; son apparilion à Saûl,
312.
t. SAvaAR, roi de Karkémisb, 347.
2. Sangar. Voy. Samgar.
SANfiARios, rivière d Asie Mineure, 236,
23», 240.
SAnkrkarA (Amrni) , roi d'Egypte ,
XI» dyn., 99, 1.0.
Sankhôniathôn, fragment de sa Ge-
wè«c, 28S.
SAOUL masadd-touktk, Saosooukhtn,
sa révolte contre Assour-ban-haJbal,
433-435.
SAOUT, S'YOUT. Ostout, Lycônpolis,
ville d'Egypte, 2?.
Sapak. divinité d'Élam, 436.
Sapalel. roi des Kbétas, 314.
Saphri. Voy. 7"»tjK)Mr.
Sapiya, ville de Chaldée. 375.
Saqqarah, sa nécrorole, 57, S8, 65.
Saranit, pays soumis par Touklat-
bahal-a«ar I, 381.
SARAPiS. Voy. Osnr-Hapi,
Sarda, roi d'Ourarti, 399.
SAHDAi6NE(la'^. conquise par Melkarth,
2i4; occupée par les i^hardanes, 266;
par Carthsige, 4U.
Sardanapale, sa légende, 863.
Sardes, prise par les Kimmérienti, 483:
pjir Kyios, 5t4->l.'»; SI lévolte. ré-
iTim^e par Mazarès, 516; biûléepar
les Grecs, 5.>o.
SarJine (la> péchée dans le Poni-Eaxin,
246.
Sare (le) des Ghaldéens, 159.
Sarkpta, ville phénicienne. 189, 351.
SARES:»ER.aseassine Sin-akhé-irib, 433.
Sargon. Voy. Siryotikhi,
Sahoonides (Us), origine de ce nom,
394, note 1.
Sari.ouoari, roi de Tanis,429.
Sarm.ates. Voy. Kimmérient,
Sahniu. Voy. Seren.
Saros , rivière d'Asie Mineure , 336 ;
frontière de Siryoukin. 4oi.
S VTiTOUKiN I, Sargon, roi d'Aganè, sa
Jé^en^ie , 195; ses conquêtes, 195-
19t{; cf 149.
Saryoikin II. Sargon, roi d'Assyrie,
succède à Salmanasar V, 391 ; son
INDEX GÉNÉRAL.
651
règne, 392-404; ses gnerres contre
ItfS Arabes, A2); en Medie, 4S9-460.
Saspirr*-, leur origine touranienne, 'J38.
Sastch s. Voy. Axe^knw
Sati Satiou, les Bédouins, 108; les
Hyksos, 171.
Satnioeis, rivière d'Asie Mineurs, 2't3.
Satrapit'S (les), leur nombre, s4>^44.
Sa' râpes (les), Khshatrapa, Khsha-
TRAPAVA, leurs fonctions, 544-54^.
Sattagydie. Voy. Thatogouy,
Saturne, identifié avec Seb (q. v.) ;
cf. ADAR et HAR KA-HKH.
SAÏJL, roi des Hébreux, 309-311.
Saulct (de), ses études sur les cunéi-
formes, 573 ; sur les hiéroglyphes,
58t.
Saille (le) indigène en Médie, 453.
SCAMANDRE, rivière de Triade, 241.
Scarabée (le), consacré à Phtab, 47.
ScHRAOER Eb.. assyriologiie »llemand;
eon opinion sur Touklat-hsibal-asar II,
368 note 1 ; sur le fils de Tabéel, 373,
not.e 5.
Scoi.OTEs, chassent les Kimmériens,
474.
SCT'iHES, SCTTHTE, leur empire sur l'A-
sie, IG9 (Cf T IIJRANIENS (t KIMMÊ-
RIEN8); HonmiTi par Sésostris, 224;
campagne de D.irios I, 548 549.
SCYTHOPOi.is, un des noms de Beth-
shean, 476.
Seb, Saturne, divinité égyptienne,
12, 75, KO; quatrième roi de la dy-
nastie divine. 37.
SÉBI-NNYTOS, Thebnouter , ville du
Delta, 'iS. 53; origine de IaXXX« dy-
nastie, 5Aft ; — la branche- sébenny-
tique du Nil. C-7.
Sf.bt-hat. Voy. M'-mphite (nome).
SÉÏR (lemomj, 184, 185, 188, 191.
SÉÏSTAN. Cf. VAKKEUETA DOUHZAKA.
Seket. Voy. s élit i,
Sëkhem. LAT0P0LI8, vllledela Basse-
Egypte, 25.
SEKHET. Sakht,72; protectrice des Asia-
tiques et des Barbares du Nord, A7.
Srkti,Sfket, barque du Soleil, 33,385.
Sekuoianos. Voy. SoQ'Hairos.
SÉLAH, prise p ir Amalsiah, 366.
Skmbrites. Voy. A*maki\,
Sémempsès, roi d'Égypie, I*** dynastie,
57,61.
1. SÉM.RAMis, sa légende, 277-27S ; d'a-
près quelques-uns. fonde Karkéntish,
i86 ; est contemporaine de Zoioastre,
464, note 3; elle nest pas Ahmès
Nowertari, 278, note 2.
2. SÉMiRAMis d'Hérodote. Voy. Sam'
mouratnii.
SÉMiRAMOGARTA, Ville d'Arménie, 277.
SÉMiTts (les), leur origine, 147: tra
versent 1 Iran, 453 ; leurs migrations
en Chaldée et en Syrie, 173-174; en
Asie Mineure, 2)8-239 : leurs établis-
sements dans le Dt-l<a. 337-338; do-
minent en Ég> ptt avec laXXil"dyn.,
33i<; leur étal au milieu du sep-
tième siècle, 439-452.
Semneh, ville de Nubie, 112, 113, 114|
129. 209.
SnMYRFBNS. Voy. Simyra.
Send, Sethénès, loi d'Egypte, !!• dy-
nastie, 58. 60, Hl.
Sknem (l'e de), Beghe, *J0.
Senkbreh. Senkamati. Voy. Larsam.
Sennaar de Cb»ldée, 163-164.
SENNACnÉniB. Voy. Si»» akhé-irib.
SÉPA, sa sralue au Louvre, 58-59.
SÉpfiARVAÏM. Voy. Sippam.
SÉPHouRis. roi d'Égyi>te, III» dyn., 76.
Septimp Sévère, rekiaure le colosse de
^emnon, 211.
Serakh, divinité cha'déenne, 152.
SÉHAPÉioN, SÉRAPÉL'M. tombeau des
Hapi. 49-50.
Serbônis (le l»c), 529.
Serën, sarnim, flom des chefs Philis-
tins, 3u3.
SÉRouBABEL. ZOROBABEL, ramène les
Juifs de captivité, .521.
Serpent (le) d'iirain sons Hizkiah, 334.
Serrés, roi d'Égynte. V« dyn., 70.
Serviteurs (les) d'Horas. Voy. Shêsou-
Hor.
SES, peupladf» nubienne, tll.
SÉSAK. Voy. Sh''shO'>q,
Sksamos, colonie phénicienne, 245.
SÉsôKHRis, roi d'Egypte, 1I1« dyn., 58,
76.
SÉsoNKHis. Voy. Sheshonq f,
SÉSOOSIS, SESSC-U-Ra, SÉSiiSTRTS, 'SES-
tou-Ra. Voy. Ramsès ii, et Odsor-
TESEN III.
Sesoun, Sesounnou, Ounnou, Hermo-
pOLis Maon'a, ville deTHeptanomide,
22-'3: devient un apanaue isons la
XXII" dyn., 379; prise par Tawnekht,
381; uar Pi&nichi, 383-384.
Set, Typhon, Tebh. sa lutte contre
Osiriser Horus, 3«t-39t 51: battu par
Horus à Sesoun, 23: identilié à i'hip>
popotame, 47 ; sixièine roi de la dynaa- ,
tie divine, 38 ; confondu avec Soutekh, *
i72; — titre royal, 71.
Sktès, roi d'Rgypte, III* dyn., 76.
SÉTHKNÈs. V< y. Send.
SÉTUON, sa légen'le, 411, 426.
SÉTi I, SRrH08,SéTUÔsi8, roî d'Egypte,
XIX" dyn., 21 s-/ 18; entretient una
garnison à Gaza, 3(i2.
SÉTi II, loi d Egypte, XIX* dyn., 2a4*
V56.
SÉvÉ. Voy. Shahak.
SEVRE, dieu du Fayonm, 39; kt planète
Mercure, 78.
652
INDEX GÉNÉRAL.
Sevekhotep I, RAXHOUTAOui, Toi d'E-
gypte, XIII" dyn., 127.
Sevekhotep ll-iv, rois d'Egypte, XIII*
dyo., 127-130.
Seveknowrr, Skémiophris, reine d'£-
gyple, XIl* dyii., 1U5, I27.
SEVEUKHÉitts, roi d'Egypte, iy« dyn.,
76.
Sha, nom d'une paifon en Egypte, 79.
SHAAt), peuplade de Nubie, m.
SHABAK, SaBaCON, SH.\BÈ, SÉVÉ, SÔ-
roi d'Étbiopie et d'Egypte, XXV* dyn.,
387 ; s'allie aux Syriens, 395 ; défait
par Saryoukin, 3^^7-398; répare les
canaux et les loutes, 487-488; cf. 389,
note 3.
Shabatok, Shabtié, Sbbikhôs, roi d'E-
gypte, XXV* dyn., 398 } mis à mort par
Tanraqa, 426 ; cfr. 389, note 3.
Shabtoun, bourgade^ syrienne, 219-
220.
Shaoou, dieu de l'Orient en Cbaldée,
152.
Shakalash, Shakelosh, envahissent
l'Egypte, sous Ménephtahl, 251-253;
sous RamBès III, 2o3-264.
SHALiT, Salatis, Saïtés, le premier
des rois pasteurs, XV'dyn., 170-«1.
Shalll'm, roi d'Israël, 367.
Shaluanou, divinité Cbaldéenne, 150.
Shapentep, épouse Psamétik I, 487-
488; sa petite fille épouse Abmès II,
512-513.
SHAPHAN (le scribe), 451.
Shar. Voy. Khar.
Sharoanes, peuple de l'Asie Mineure,
249; envahies* ni l'Egypte âous Sétil,
217-218; servent dans l'armée Égyp-
tienne, 250 ; leurs attaques sous Mene-
pbtah I, 251-253; émigrent en Sar-
daigue, 266, 479.
SHAiiuuHEN, ville cananéenne, 176.
SHASiioTiiiP, Shôtp, ville d'Egypte, 22
Shasou, Saôs, les Bédouins, 108, 171,
194, 314, 219-22U.
SBATT-EL-ARAB, 136,137.
Shebna (le secrétaiie), 409-410.
Shechem. Voy. Sictiem.
Sheo, Chocooilopolis, ville du Fa-
* youm, 23; adore le crocodile, 47-48;
constructions d'Ousortesen I, 116,
117.
Shemaïah. prophète hébreu, 333.
Shemer, de son nom Samarie, 349.
SHEMiK, peuplade nubienne, lil.
Shemou, nom d'une saison en Egypte
79.
Sheshonq I, Shisha'k, Sésac, Sou-
SAKiM, SÉsôNKHis, roi d'Egypte, XXII*
dyn., 339-340; accueille Jéroboam,
331 ; ses conquêtes peu durables,
377-378.
I SHESHONQ II, roi d*Égypte, XXII* dyn.
378, 388.
Sheshonq III-IV, rois d*Égypte, XXII»
dyn., 379, 3b8.
SBÈ-SNLWROu,bourgaded'Égypte,66,67.
SHEsoti-HoR (tes), serviteurs d'Horos,
18,26. 80.
SniLO, l'arche y séjourne, 293 ; son sanc-
tuaire abandcnné, 327.
Shiltan (TARTAN), 398, note 1.
SHiMhdN. Voy. Sntnane.
Shophetim, gouvernent Tyr, 321.
Shôs. Voy. Shasuu.
Suou, Sôs, un des dieux cosmiqaei!,
29, 31,78, 384, 385 ; roi de la dynastie
divine, 37.
Shounem, ville cananéenne, 198.
Shous. Voy. S/ia»ou.
SiBAH le Benjaminîte, 320.
SICUARBAL, SlCHARBAS, ACERBAS, 440-
441.
SiCHEM, Shechem, prise par Josué, 292;
son roi Abimelekn, 300; son rôle sous
Jéroboam I, 331, 333, 348.
Sicile, traversée par Melkarth, 234
occupée par les Phéniciens, 294 ; par
les Grecs et les Carthaginois, 444.
SiDDiM (vallée de), 194.
SiDON, ville de Phénicie, 189, 374; son
territoire, 190-191 ; soumise aux Pha-
raons, 232 ; ses colonies, 233-st47, 294-
295; ses pirates, 248-249; opprime
Israël, 295-296; détruite par les Phi-
listins, 303 ; l'hégémonie passe à Tyr,
3vi ; soumise à Assour-nazir-halMil,
348 ; à Salmanasar III, 357, 359; à
Salmanasar V, 391; détruite par
Assour-akhé-idin, 423, 442; colonise
Arad, %4l; complote contre Nabou-
koudour-oussour, 499 ; prise par
Oubabrà, 505; brûlée par Okhos, 567.
SiDYMA, colonie phénicienne, 243.
SiHON, roi des Amorrhéens 291 .
Sikthaodvatis, fort de Medie, 539.
Silagara, dieu d'Élam, 4>6.
SiLiK-MOLou KBi, divinité cbaldéenne,
144, 15(5, 157.
SiLKHARi, ROUAD de l'Inde, 371.
SiLSiLis, Kh£nnou, ville d'Egypte,^,
97; son école, 124, 125; monuments
de Ramsès II, 226.
SiMAS ;le berger), 277.
SlMENTOU MEÏAMOUN, SMENDÈS, roi
d'Egypte, XV* dyn., 272, 336.
SiMÉON, une des douze tribus, 287; sa
position, 292; vainqueur à Bezek, 293;
ne s'unit pus à Barak, 29»; attaque
par les Philistins, 3o4 ; reste à Reha-
beam, 332.
Si MOIS, rivière de Troade, 242.
SiMRôN, ville cananéenne, 189.
SlMYRA, TSIMYRA, SEMTBÉENS, Ville de
Phénicie, 189, 28 2| aux Aradiens
INDEX GÉNÉHAL.
653
fl91 ; prise par Thotroès III, 204-20» :
se révolte contre rAssyrie, 395 , 397
441.
SiN, le dieu Lune, 149, 150, 156; appa-
raît à Assour-ban-habal, 433-434.
SiNAÏ (le mont), 18^; ses m f nés occu-
pées par Snewrou, 68-67 ; par Paçi.
89; par Nowerkarà, 93; perdues après
la VI« dynastie; 99; recouvrées à la
XII", 108; peut-être le Magan des
Chaldéens , 196; sous Ramsès II,
' 226 ; sous Ramsès III, 262, 266 ; Moïse
s'y réfugie. 259 ; y promulgue le Dé-
calogue, 286.
SiN-AKHé-iRiB, Sennachèrib, rol d'As-
syrie, 402-422; prend Tyr, 442.
SiNEH, ses Mémoires, 103-105, 106-111,
125.
SiNGAR, ville d*AS8vrie, 275.
SiN-iDiNNOUv, roi de Chaldée, :68.
SiNNA, SiNNiTBS, peuple cananéen, 189,
190.
SiNOPE, colonie phénicienne, 245.
SiNOUKHTA, conquis par Saryoukin,
400.
SiON (la colline de), 314.
SiPHNOs. une des Cyclades, 244.
SiPHTAH. Voy. Ménephtah II.
SiPPAR, SiPPARA, SÉPHARVAÏM, ville de
Chaldée, i55. 409-410; Xisouthros y
enterre les Livres Sacrés, 161 : prise
par Touklat-babal-as»r I, 284; par
Assour-ban-hnbal, 434; reconstruite
par Nabou-koudoor-oussour, 506.
SiPTLOS (le mont), 242.
SiRius. Voy. Soihis.
SiRKi, CiRcésiuM, paye tribut à Assour-
ban-babal, 346.
SISERA, tué par Jaël, 298-299.
SisiDôNA, ville de Perse. 508.
SisiRÉs, roi d'Egypte, V« dyn., 76.
SisiTHÈs. Voy. Aiêoulhros.
SKÉMiopnnis. Voy. Seveknoxjore,
Sktlax de Karyanda, 5^8.
Sloughi (le) figuré sur les monuments
d'Egypte, 10.
SliENDÈs. Voy. Simentou.
Smbrdis. Voy. Bardiya.
Smyrne, colonie ionienne, 479 ; assié-
gée par Gygès, 482 ; prise par Aly-
attès, 483.
SNEWROU, roi d'Egypte, III* dyn., 66-
67, 76, 86.
Sô. Voy. Shabak.
SOBAKH, général d'Hadarézer, 318.
SocHO, prise par les Philistins, 373.
SOGDIANF, ÇOUGHDHA. ÇOUGDA, fO'l-
roise par Sémiramis, 278 ; une des
statiuns iraniennes, 456 ; soumise par
Kyros, 517; forme une satrapie.
544.
SooDiANOS, Sbsuoianos, roî de Perse,
S$9.
SoKARi. Voy. Phiah.
SOLKB, temple de Thotmes III, 209.
Soleil (le). Voy. RA.
SoLON en £gypte, 25, 492; chezKrœ-
SOS, 515, 51f>.
SOLONTR. Voy. Kepker^
SOLYMES (les), peuple d'Asie Mineure
185, 219, 24^.
SoLTMiTEs (les) envahissent l'Egypte,
261.
SôMA. Voy. Baôma.
SôMAL (le pays des). Voy. Pount.
SOPT. Voy. Sothit.
Sorgho (le) indigène en Egypte, 9.
SoRis, roi d'Egypte, III» dyn., 76.
Sôs. Voy. Shoxi.
SosARMOs, un des rois fictifs de la
Médie, 459, note.
SossE (le), chez les Chaldéens, 159.
SoTHis, SOPT, SiRius, 79 ; la période
sotbiaque, 79-81.
SOUAN, SOUANNOU, SYÉNE, ASSOUAN.
20 ; ses carrières rouvertes sous
Ahmès II, 524.
SOUANDAKHOUL, vlIle de Manna, 400.
SouDOUNDu, dieu d'Élaro, 436.
Souffle (le) dans l'Ame, 40.
Soufre (le), exploité à Mélos, 244. '
Souï.Syis, Psouî, Psôï.Ptolémaïs, 22.
SouMÉiSAT. Voy. Samoêaie.
SouMiRS (les), peuple de Chaldée, 1S4,
156, 369.
SouMouDon, dieu d'ËIam, 436.
SouNGOUMsouRA, dieu d'Élam, 436.
SouPHis. Voy. Khéops.
SOURIPPAK, ville de Chaldée, 161, 165.
SOUSAKIM. Voy. Shfshnnq.
SousiNAK, SousiNKA, dlcQ d'fiUm, 152,
154, 436.
Soutekh, identifié à Set, 172, 261; est
cause de la guerre contre les Pas-
teurs, 275; sa légion, 220; adoré à
Memphis, 337.
Soutikrak-Nakhounta, Soutrouk-
NAKHOUNTA, rol d^lam , 402-403,
414, 416.
SODVAN. Voy. Nekheb.
SouzouB, se réfugie en Elam, 413;
pris par Sin-akhé'irib, 416 ; roi de
Babylone, 417-418.
SÔYPHis. Voy. Khéops.
Sparéthra, reine des Sacés, 517.
Spargapisés. fils de Tomyris, 522.
Sparte, LAcéDéMONB. s'allie à Krœsos,
513, 515 ; s'allie aux Perses, 560; pro-
tège les Grecs d'Asie, 562.
Spéos Artemidos. Voy. Panoubt.
SPHENDADATÉS, 537, ROtS 1.
Sphinx (le grand) de Gizeh, 61 .
Spiegel, ses travaux sur les cunéifor-
mes, 578.
Sporades (les), colonisée» par lesPhé-
I nicieaft, 244.
65«
INDEX GÉNÉRAL.
SsaTo (le venenr). ld!>-t<6.
STÉPHINATÈS, roi de Sais, 39R, 426, 427.
Stkrn (L ).ég>-plologue aUemand, hM.
Stbabon, sur Abydos, 'il : sur les cro-
codiles pscréb, 47-<;8 ; sur les Éthio-
piens« l4a, note 4.
Stratobatês, roi de Tlnde, Q77.
Succubes (le») ch^z les Cbaldéens, 145.
SUKZf l'Egypte colonisée par la voie de
ristbme, t4, 17; franchi par les Pas-
teurs, 170.
ScsB, fondée par Memnon. 146: sa po-
sition, 153; ses dieux, 154; prise et
pillée par As^our-ban-habal, 43f{,437;
résidence de Darios I, 543 ; de Da-
rios II, 561.
SusiANK, SusiENS. Voy. Étam.
Sycomore (le) indigène en Egypte, 8.
Syénb Voy. Souan.
Sykknèsis de Cilicie, 48&.
Syîs Voy. Sont.
Stlion, colonie phénicienne, 243.
Syllabaires (le^) assyriens, 140, 573-
582 ; — égyptiens, 590-593.
SYMPLÉOADf.s (les lles), 245| note 4.
Syracuse, colonie grecque, 44'«.
Syr-Daria, rivière d'Asie. t45.
STRIE, Khar, Shar, Akharrou, sa
description, i80-ls>4; la côte méii-
dionMle colonisée unr les Phéniciens,
235; envahie par les Ëlamites, '.9k :
par Sar}Ouliin I, 19S; sous la dooii
nation égyptienne, ii»9, 201 etsuiv.,
sous Ramsèbl, 213 ;sous Ramsès II,
217, 2I8--'1«, 2i3-22i ; les Syriens en-
vahissent 1 Egypte, 25d*2fi2 ; soumis
aux peuples de la mer, 263-264 ; sous
Ramsès ÎII, 'i63-v64,265; sous lesRa-
mess:des, 269 272; les dialectes sy-
riensàiamode en Ég>pte, 3^7-338 ; la
Syrie perdue pour 1 Egypte, 272; en
v^ble par les Assyrien», 27 4-2^ 3 : per-
due pour eux, vgs * soumise à David,
316-319, et à Salomon, 319-321 ; son
état au temps d'Absour-nazir-habal,
347: perdue sous Salmanasar IV. 362;
reconquise sous Touklat habal-asar II,
369, sqq.; ruinée au milieu du sep-
tième siècle, 439 ; rav;igi>e par les
Kimmériens, 475 ; passe à Nabou-
bai-oussour, 4' 8; sous Néko II et
Nabou-koudour-oubsour, 496; à Ky-
ros, 520 : comprise dans l'Arabayà,
543 ; envahie par Takho, 566.
Syrtes (les), 294.
T
TAA,^. Voy. Ba*qen*n !,
Taa>iak, vile cananéenne^ 188 ; indé*
poadaute des Juifs^ 293.
TAÂQEN. voy. Rasqenen lll,
Tab. Voy. OroaliM.
TABÉKL (le fils de), 368, note 1, 373.
Tabernacles (la fête des), 326, note 2.
Tabouya, rein»^ des Ar.ibes, 425.
Tabriumon, roi de Damas, 341.
Tacassi, Tacassê, y, 534.
Tadmor, Palmyre, sa situation, 323.
Tahennou, peuplade libyenne, 207,
2C2-263 ; mercenaires dans rarmée
égyptienne, 381.
Tahraqa, Tirhaeah,Tarqod,Tbarkô,
roi d'Ethiopie, 408 ; conquiert l'E-
gypte. 4'i6; ses guerres contre l^Assy-
lie, 427-429; cf. 389, noie 3.
1. Taï, femme d'Amenhotep lil, 211.
2. Taï, femme d'Aï, 212.
3 Taï, femme de Seti I, 215-216.
Takf.lôt, takellôthis I, roi d'Egypte.
XXII" dyn.,378, 388.
Takelôt II, roi d'Egypte, XXII* dyn.,
379, 3S8.
Takheba (le pays de), 91.
Takhis, £Oumis par Amenhotep Hi
208.
Takho, Téos. Takhos, roi d'Egypte,
XXX* dyn., 566.
Tamahou, un des noms des Libyens,
'2hl-'2S3, U62.
1. Tamar, 323, note 1.
2. Tamar, Peuplade libyenne, 363.
S T.AMAR, sœur d'Absalom, 319.
Tamarin (le) indigène en Egypte, 8.
Tamassos. ville de Chypre, Y3it.
TAMMAniTou, vice-roi de KhaSdala, 433:
roi d*Élam. 434-H36.
Tammouz, divmilé cananéenne, 287.
Tamnaii, prise par les Philistins, 373 ;
par Sin-akbe-irib,400.
Tanaïs (le), franchi par Sésostrls^ 224 ;
atteint par Darios I, 549.
Tanaoxarés Voy. Bardiya.
Ta ms, S-an, ville d'Égypie, 25, 53; d'après
Brugscb, Ti$at,26, note 1 ; fondée sept
ans après Hèbron, 18 >; par la XI1<
dynastie, 106; par la XIiI«, 129; ré-
sidence des PdSteurs, 182. stjq ; né-
gligée sous la XVIIl» dyn., 177, 209;
restaurée par Ramsès II, 226; comp-
toir phénicien, 235 : fonde la XXI* d.,
272, 336-338 ; constructions sous Ja
XXII» dyn., 378 ; la XXIIl* dyn., 380 ;
Tanis se révolte contre Shabak, 3^8 ;
pllee par les Assyriens, 4.29, 48S ; pré-
diction contre Tanis, 504; Nakhtneb-
ew y e4t assiégé, hdû.
TANKHÈRÈs Voy. Ta'kera.
Tamtale. roi de Phrygie. 242.
Ta.ntarer. Voy. Dendé'ah,
Tanyoxarkès. Voy. HarJiya, ,
lAOKé. Taokéné, ville et canton de
la Per£e9!>08.
INDEX GÉNÉRAL.
655
Taourou , un des démons iraniens,
Taousert» reine d'Egypte, XIX* dyn.
25'4.
Tape. Voy. Thèbes d'Egypte.
Taphsakh , Thapsaque I ville d'Israël,
367.
Tarer. Voy. Den'iérah,
Tarqou. Voy. lahraqa.
Tarse, Tarzu fondée par Sémiramis,
2*27 : prise par Salmanasar lll, 359.
Tars.s. Voy. Tharshûh,
Tartan Voy. ShiUan ; devant Jérasa-
lem, 408-410.
Tarzi. Voy. Tarse.
TA-TEaxi oer-nakhtoUjTehseh, prise
par Fiànkbi, 383.
Tatkera Assa, Tankhérés, roi d'E-
gypte, V« dyn., 76.
Tatta (le lac), *io6.
Taureau (le) ailé d*fzdonbar, 165; trans-
port d*un taureau, 4*20-4*21.
TAUROS (le mont), 136, 181, ^(6, 339etc.
TAWNEKHT, INÉPHAKHTHOS, TEKH.NA-
Tis, prince Saïie, 381 -38i; sa guerre
contre Fi&nktii, .^83-385 ; son expédi-
tion en Arabie 56.
Tchakra. Kahku, une des stations des
Iraniens, 45V
TÉARKô, Voy Tahraqa.
T£B, nom de l*liippopotame en égyptien,
47.
TE...BA, patis d*Assour, 285.
Ter H. Voy. Sut.
Teuneh Voy. Ta-lehni oer-nakhtou.
TÉisPA, TÉispÉs, roi de Perse, 508.
Tekbnat.s. Voy Tawnekf.t.
T£LAU niini d'une classe de génies chez
les Ghaldéens, 144.
Telasar, 410.
Tell-el-AiarNa, capitale de Khouna-
ten, '21*2.
TÈMA, pays d'Arabiâ, 4'24.
TÉMbNTUEs, un des dodécarques, 487,
note 1.
Temple (le) de Jérusalem, 325-328 ; dé-
truit par Naboukoudour-oussour,
500 ; reconstruit sons Darios I, 543.
Ten (le nome de), Latopoutés, 20.
TÉNÉOOSf '2H2.
Tennès, roi de Sidon, 567.
Tennou, contrée de Syrie, 108.
Tentyris Voy. Denaérah,
Tentybitès (le nome)i ai .
TÉos, colonie ionienne, 479; ses habi-
tants s'expatrient, si 6.
TÈouMMAN, roi d'ÉlMm, 431-432.
TÉRACHITLS (les), 1S5. 193 194, 287.
Tepaph.m les , — des Juifs, 289 ; in-
terrompes par Nabou-koodour-oussour,
500.
Tes-hor (nome de), Apollonitès, so.
TÉTA, Athôtis, OÏNis, roi d'Egypte, i»«
dyn.. 56-i>7, 74,88.
Tétaoui, forteresse en avant de Mem-
phi.*i, 24; p^i^e par Ameoemh&t I,
lM-i02; rar Piâi.kiii, 384.
Teucriens, 241 ; en Egypte, sous Ram-
sès IH, 263.
1. Thabor, ville prise par Ramsès IL.
222.
2. 'IHABOR, (le mont\ 298.
Thamphthys, roi d'Egypte, V« dynas-
tie, 76.
Thannyras. fils d'Iiiaros, 557.
TUAPSAWUE, TOLR-MÉDA, 186, 323 ; CO-
lonie phénicienne, 233.
Thapsos, colonie phénicienne, 295.
Th.aré. ses migrations, 168, 173.
TuAHGAL, roi des nations, l<<4.
Thabshisii. Tabsis, Tartessos, colonie
poénicienne, 30i, ZuL
THASOS. colonisée par les Phéniciens,
245, 248 ; pi ise par les Pariens, 444.
Thatagous, Sattaoyoie, soumise par
K>T09, 517 ; lornie une satrapie, 544.
Thauatth. Voy. Tittavti.
1. TuÉRES de Béotie, 234, 246, 565.
2. Thèbes d'Egypte , Pa-ami-.n , No-
amen, D:ospous MAGNA, Tape, sa
description, \o-ul ; son dieu Ammon,
2tf ; adore le crocodile, 47 ; inconnue
avant la XI* dyn., 55, 97 ; capitale de
la XI* à' la XXI» dyn .52-53; coni^truc-
tionsdelaXl«dyn.,99-tuo; de la X1I%
106,119,209; de laXlIL», 129; sa
lutta contre les Pasteurs, I7u-I77 ;
construction d'Ahmès I, 177 ; de la
XVIL* dyn., 209-21 1; d'Amenhotep
IV, 212 ; entrée triomphale de Sétil,
214 ; constructions de Ramsès II, 225;
de Ménepbtah I, v5i : de Hamsès lil,
267 ; son rôle s'amoindrit, 33.)-336,
378 ; apanage royal, 379 ; conquise
par Petsebast, 380; aux Éthiopiens,
• 428 ; pillée par les Assyrien», 427, 429-
430, 488 ; à Nouat-Mefamoun, 482 :
sous Ahmès II, 524, 529-530; SOUS
Nakbtnebew. 567.
Thebnoutbr. Voy. Sebennytos.
Théni, Tuims, Th:s. 21, 29; perd sa su-
prématie par Mena, 54; origine des
deux premières dynasties, 57 ; dé-
cheoit après la IL* dyn., 50; son ob-
servatoire, 79.
Thennésis (.1 île de), 387, note 4.
THRODOSiOPOLis. Voy. Htbtnnou,
Tuera, une des Cyclades, 244; reste
aux Phéniciens, 248.
Thessalie, 554.
Th'bni, fils de Oinath, 341.
Th<ni8, This. Voy. Thénù
ThoI, roi d'ilamath, 317.
Tbon [}%) péché dans le Pont-Euxin,
246.
656
INDEX GÉNÉRAL.
Thot, diTinité égyptienne, 21, 47, 48,
51, 72, 80, 384.
Thotemhebi (le magicien), 270.
Thothotep, son tombeau, 58.
Thotmès I, Thouthmôsis, roi d'E-
gypte, XVIII* dyn., 180, 198-201; ses
constroclions, 208-?09.
Thotmès II, roi d'Egypte XVIII» dyn.,
201, V09.
Thotmès III, roi d'Egypte, XViii«dyn.,
201-207 ; tient garmson à Gaza, 3o2 ;
ne dépasse pas Ninive, 454, note 5 ;
ses constructions, 209-210-
Thotmès IV, roi d'Egypte, XVIII"dyn.
208 ; ses constructions. 2f0.
THRACE.coloniséeparlesPhéniciens,245;
soumise par Darios I, .549 ; perdue par
Xeriès 1 , 554 ; — les Thraces en Asie
241, 479; soumis à Krœsos, 511.
Thwasba, l'espace infini, 47 f , note 1.
Thymbrara, ville d'Asie Mineure, 514,
note 1.
Thtni, tribu tbraee d'Asie Mineure,
24t.
TiBEKHAT, BAALBECK? 199.
Tioisis, ville de Nuroidie, 29^.
Tiolath-Phalazar. V. ToukUtt'habal'
axar.
1. Tigre (le), son cours, 135-136, 137,
518 et passim.
2. Ti^re (le) se trouve en Médie, 453.
TlHAVTr, TlHAMTI, THAUATTH, 150.
TiM^os, roi d'Egypte, XV'ayn. ? 170.
Timnah. Voy. Tamuah,
TiRiBAZOS, satrape, 564.
TiRZAH, capitale d'Israël, 348-349 ; brû-
lée par Zimri, 341.
TissAPHERNÈs, Satrape, 559, 561.
Tlas. Voy. Outinas.
TMOLOS, KiSILtA-MOUSA-DAGH, 287.
Tnépiiakhthos. Voy. Tawnekht.
ToB (le pays de), 304 ; contre David.
318.
TOLAH, un des JifP'^s d'Israël, 304.
ToMAM, soumis à Papi, 90. •
Tombes (les) Memphites, 62-66 ; de Bé-
ni-Hassan, 107-108, 122-123 ; — chal-
déennes, 14 1.
ToMEH, ToMERA, nom du nord de l'E-
gypte, 18, 19.
ToMYRis, reine des Massagètes, 522.
To-NOUTER, un des noms égyptiens de
l'Arabie, 202-223, 265-266, 423.
To-Qens, la Nnbie, 2o5, 33.
To-RES. Pa-to-res, I*athrusim le sud
de TÉgypte, i4, 19.
Torpille (la) indigène en Egypte, 11.
Torrhèbes , peuple d'Asie Mineure ,
249.
Ti^RRHÈBos, fils d'Atys. 249.
Tortue (la) en Egypte. Il ; une des for-
mes du mal chez les Égyptiens, 42,
, note 2.
TosBRTASis, roi d'Egypte, III" dyn. 76.
To SHE, le Fayoum, 23.
TosoRTHROS, roi d'Egypte, III» dyn. 76;
identifié à Imbotep, 61.
ToTOUNBN, divinité égyptienne, 35.
TouBAL, TouBLAî, p upU d'Asîe Mi-
neure, 238; vassaux de l'Assyrie tous
Bitinirari II, 36 1; sous Assour-a&hé-
idin, 422; refoulés par Kyaxarès, 4î8-
TouHo. Voy. Hebennou.
Touklat-Adar I, roi d'Assyrie, 276-
279.
Touklat-Adab II, roi d'Assyrie, 342-
343.
Touklat-habal-asar(Tiglath-Phal.\-
ZAR) I, roi d'Assyrie, 279-284 ; battu à
Hékali, 41lB; sa conquête du Naîri,
399 ; ses conquêtes syriennes p2rdnes
après la défaite d'Assour-rab-amar.
285, 342.
Touklat-habal-asar II, roi d'Assyrie,
367-373 ; ses campagnes en Ourarti,
399; contre les Arabes, 423 ; en Médie,
458-459.
Toulliz. ville d'Élaro, 433.
Toum, Atoum, divinité égyptienne, 29 et
passim.
TouNEP, ville de Syrie, 2o4. 220.
TouRAHf ses carrières, 177, 260, 567:
cfr. Trouwou.
TouRANiENS (l«s), Icuf oriçine 133-136;
— en Chaldée. 139-, leur écriture, 139
140, 572; leur droit, 141; leur religion,
141-145 :8e mêlent aux Koashites, 15*2:
forment les royaumes d'Élam, 153-154,
et de Chaldée. 155 sqq.; — en Asie Mi-
neure, 237-238: refou'éspar les Arien?.
478; — en Medie, 275, 454-455; sou-
mis aux Ariens, 453-458 ; leor religion,
470-471.
TOUR-MÉDA. Voy. Thapsaqêk.
TOURSHA, TYRSÉNIENS, PÉLASGES TyB-
RHÉNiENS, leurs migrations en Egypte
sous Séti 1,217-218; sous Méneph-
tah [, 251-253; sous Ramsès m, 263-
264 ; — en Italie. 245-250, 266, 479.
Tourterelle (la) en Egypte, 11.
TouTANKHAMEN , roi d'Egypte, XVIIl*
. dyn., 213.
Tribus (les douze), leur organisation,
287.
Trinités (les) égyptiennes, 28 sqq.; —
assyriennes, l.îo-l5i.
Tripolis, colonie phénicienne, 189.
Triton (le lac), en Afrique. 294.
Troade, Troie, ses èabitants, 241-242;
soumise aux Eoliens, 47»;à Gygès,4jB2;
les Troyens contre Ramsès II, 249,
250.
Troja, Trouwou, Tourah, Rouwou
INDEX GÉNÉRAL,
657
ville d'Ég[y])te, 25, 243. S34; légende de
sa fondation, 2S,357 (cfr. 177. 26u).
TsADOK, grand préire des Hébreux, 821.
TsAHi. soumis par Thoimës III, 20S.
T8AL, Tsar, ville d'ÊfiypIe, 25-26, 177.
TSAOUTMAR. tribu libyenne, 262.
TSESAR, roidT^pte. III* dyn., 76.
TsESAR-TETA, Toi d*Êgypte, III* dyn.,
76.-
tsEWTA, Tille cananéenne, 198, 203.
TSIBOUR, SAPHRI, 37 I .
TsiKLAO. ville pbilistine, 312.
Tbobah. battu par Sauf, 310 ; sous Ha-
darézer, 316 ; soumis à David, 316-
317.
TsoPHÈsAMiM (les) de la Genèse phéni-
cienne, 288.
TsouKHijbattasparTonklat-babal-asarl,
282-284; par Assour-nazir-habul, 346,
347.
TsouR. Voy. TyJoê.
TUREis, roi d'Egypte, III* dyn., 76.
Ttchsen. ses travaux sur les cunéifor-
mes. 572.
TriTA DARAHTAHTA, Une des satrapies,
543.
Ttllos, père de Gallithea, 249.
Ttlos, Tsour, une des Bahréln, 148.
TYPHON. Voy. S$t.
1. Ttr, Tyras, colonie phénicienne,
2«5.
2. Tyr, ville de Pbénicie, 189, lsi-192;
soumise à l'Egypte, 232; refuge de
raristocratiesùionienne, 303; frappée
fiar Samuel, 308; succède à Sidondans
'hégémonie 321 ; ses colonies, 3'il-
322 ; se soumet à Assour-nazir-babat,
348, 440, 442; son histoire intérieure
de \ irom I à Ithobaal l, 35u ; sou-
mise à Salmanasarni,'359; à Touklat*
babal-asarll, 369; assiégée parSalma-
nazar V, 391, et par Saryoul(in, 401 ;
prise par Sin - alihé - irib, 442 ; par
Assour ban-habal, 430, 442; liste de
ses rois, 443, note ; ruine de son
empire, 443-4^4; fait le périple de Fa-
frique, 494 ; ses démêlés avec Nabon-
koudour-oussour, 499, 500, 503 ; prise
par f^.vagoras, 564.
Tyrrhènes et Tyrsênes. Voy. Tour-
sha.
Tyrrhênos, Tyrsénos, héros mythi-
que, 249.
u
UnoaRelli, égyptologae italien, 588.
Uriah le Hittite, 3i 9.
Utique, colonie phénicienne, 294.
UZA, Tœil de dieu en Egypte, 35.
HI3T. ANC.
VAEKERETA DOURZAKA, SéiSTAN, Une
des stations des Iraniens, 456. ^ .^
VahyazoAta, Bardiya, contre Darios I,
542.
Vallée (la) du sel, victoire de Joab, 317;
d'Amatsiah, 366.
Van. Voy. Mayma.
Vanneau (le), le Phénix des Grecs, 48*;
cf. benmou.
Vaoumisa, Vomisès, général de Da-
rios I, 5il -542.
Varéna, Khoara, Khoréné, une des.
stations des Iraniens, 457.
Varkana. Voy. Khnenta Vehrkana.
Vautour (le) en f.gypte, il.
Vayou, un des génies iraniens, 466.
Veaux (les) d'or de Jéroboam, 333334.
Vkndioad, Vendidad-Sadb, 465.
VÉNUS. Voy. lie"vouJ)ounou^ htar.
Vesce (U) indigène en Egypte, 9.
VibARNA, Hydarnès , général de Da-
rios I, 541-542.
Vigne (la) en Egypte, 9; en Syrie, 182^
183, 184; en Phrygie, 239.
Vipère (la) une des formes de l'àme, 42,
note 1 .
Vispered, un des livres sacrés des Ira'-"
niens,465.
VîstAçpa. Voy. Hyslaftpèi*
VOHOUMANÔ, un des Amesha-çpentas,
466 ; apparaît à Zanithoustra, 464.
Voi.ney, sur la série des rois Mèdeb
458, note 3.
V0.MISÉ8. Voy. Vaoumisa.
V. S. F. pour Vie, Santé, force, 37, no-
te 2.
w
Warka. Voy. Ouroukh.
Wenkhou, établis dans la basse Egypte,
258.
1. Xanthos, ville de Lycie, 516.
2. Xanthos de Lydie, sur les Mages,
472, note 3; sur Gygès, 481, note 8.
XÉNAGORAS, satrape, !>45,notel.
XÉNOPHON. sur la défaite de Krœsos,
514, note 1; sur la mort de Kyros,
5'M
Xerxès, Khsbayarsha I, roi de Perse,
552-555.
42
658
INDEX GÉNÉRAL.
Xnizto n, roi «le Perso. sx9.
ZisouinROS, SisiTiiÈs, roi mythique de
U Chaiilâo, 160-10 i. l^ff.
Zols, Sakiia, Kasô^u, vi|ied<> In bas^e-
jKitypte, '2S, 'itf, u; la dynastie Xoite,
16, ISO, 170.
TAÇifÀ, Dilues liTres sacrés des Iraaieos,
4hs.
TADin, principauté arabe, 4S6.
Yakin. une .des colonnes da temple, 325.
Takinlou, roi d'Arad, 430.
YalA. roi d'Ad doumou, 42S.
YaounA. une de» satfiipie», .'>43-544.
Yahmouk, arflaentdu Jourdain, 183.
Yar6b, fils de Caht n, 4'i't.
Yatbouh, pays soumis par Saryoulcin,
40 i.
Yatocs, une classe de génies iraniens,
467.
Yavan, roi d*Ashdo(l, 401.
Yazatas, Yz. Ds, classe de génies ira-
niens. 4^6-464
YÉMEN. s« richespe, kQZ-k'i^ ; attaqué
inf Nabo^-koaUour-oussour , &02 •
SO]
YE811T SADé, nn des livres sacrés de
Tiran. 4(1 't.
YÉzro:8 (les), 470. note 3.
YuuNt» 1 h , 9tê travaux sur les hiéro-
glyphes. .'iSi-.SSi.
YXibOS. Vby. Yasatas.
2ab (\t% denz) rlTières d'Assyrie, iSS,
274, 275, 17<' et passim-
Zadua, ville de Chaldee,279.
Zabdan, battu par Assour-nazir-habal,
346.
Zauulon. voy. Z^bulm,
Zacharir. V. y. Zakariah.
ZAOAn, d'vinit'^chaldéenne, 152.
Zaoros (le mont). i75, 3^6, 452 et
pan>im.
ZaThica, un des démon» i-aniens, 437
Zarariah, ZACiiARiË, rol d'Israël, 367.
Zam, 20, note 5.
ZAïiANA-zi&iA-ifiiN, roi do Babylone.
279.
Zaranka, Zaha^votens, soamîs par
Kyroâ, 517; forment une satraLte,
.'>4'«.
Zaratiiodstra. ZonoASTnR, salé^çende,
4ti3-4(i.'i ; ses livres, 4 ■'> ; d'aprss one
lradition,fonde Kirkém'Sb, i»7.
ZARiNiGA, renie Jes Scythes, 476.
Zakpanit, ZiRBANiT, déessede Chaldéct
I4r, 151, 417.
Zazannuu, victoire de Dartos I, 540.
Zea (la) indi{;ène ec Egypte, 0.
ZÉBULON, ZABU1.0N, III e des doaze tri-
bus, 287, 292 ; ne peut occuper tout le
territoire qui lui estassgné, 293;
s^allie aux Phéniciens, 295; s'unit à
Barak, 2yK; prend part aux fêtes do
sacre de David, 3l'«.
ZÉDRKIAII, MATTANIAO, SÉDÉCIA8, roi
de Juda, 499 .^Ot.
ZriND, une des formes de la langue ira«
nienne. 46>.
ZÉHAKH ri^lhiopien, 340, note 3.
zbrgiioul Voy. 'li<giUa.
ZeRVANllf:^s, secte iranienne, 471, note
I.
ZÊT, roi d'Egypte, XXIII* dyn., 388, note
1.
Zel'S, enlève Europe, 234; — Is-ré-
nios, reçoit les présents de Krœsos,
511.
Z(, nom des esprits, dans l'idiome ton-
ranien de ChaMée, 142.
ZiGGOURAT. pyramide a degrés en Chal-
dee, 343.
Z^K A. un des noms d*Éa, 143.
ilKAHTOU, Z.KROUTI, SAGARTIE, 371,*
soumis à Saryoïikin, 4uo, 40i,460.
ZiAini. roi d'Israël, 3ïi.
ZrNzmos, roi mythique de laChaldée,
fbS.
Z itBAXiT. Voy. Zarpanit.
ZinctLLA, ZKRoiiouL, ville de Chaldée,
15); ses paie*'!, 167.
ZoKGA, orientaliste Danois, 585.
ZoMzoMMiM, peuple de ia Syrie, 170,
185.
'. ZOi'YROSt'sa légende, 54o 541.
l ZopvRos, nisJe Mégabysos, 558*
'«^oiiOA&TRK. Voy. ZaratUnu»tra.
7<o:i(>BABKL. Vuy. Séro'.babel.
ZO(]AB, I Océiin chez les Touraniensde
Ciialdee, 142.
Zavan, le lem^s chez les Iraniens, 471,
note 1.
Paris, Si Décembre 1875.
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Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
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