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L.-J. GRAS
Secrétaire général de la Chambre de Commerce de Saint- Etienne,
Professeur d^Economie industrielle d l'Ecole des Mines,
Ancien Président de la Société d'Etudes économiques de la Loire,
Lauréat de l'Ecole libre des Sciences politiques.
Diplômé de PHcole des Hautes Etudes Commerciales.
Histoire
Economique Générale
des
Mines de la Loire
TOME II
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CHAPITRE VIII
Le Régime des Mines de 1855 à 1914
§ I. — LE RÉGIME DE L'EXPLOITATION
'année 1854 vit la dissolution de la grande
Compagnie des Mines de la Loire. La première
loi modifiant la loi de 1810 qui intervint depuis
oette époque, fut promulguée le 9 mai 1866.
Cette loi concernait plutôt la métallurgie que
les mines. Elle affranchissait les usines minéralurgiques de la
tutelle établie en 1810 (i). Eli© supprimait également la servitude
créée au profit de ces usines sur les minières et même sur les
mines du voisinage
La seconde loi, beaucoup plus importante, porte la date du
27 juillet 1880. Elle suivit l'enquête parlementaire de 1874-1875
sur rind-ustrie houillère.
Le Comité des houillères de la Loire publia, à l'occasion de
cette enquête, un long mémoire sur les modifications à apporter
à divers articles de la loi de 1810 et à l'article 10 de la loi de
(1) V. mon Histoire de la Mélallvrgle de la Loire, p.
— 474 —
1838 (1). Le Comité déclarait que « la loi de 1810 était un des
monuments les plus remarquables que nous ait légués H
législation d'une grande époque et qu'il était seulement néces-
saire de mettre quelques-uneô de ses dispositions en harmonie
avec les progrès de l'exploitation ».
L'article 7 de 1810 donne au concessionnaire la propriété
perpétuelle de la mine, mais exige l'autorisation préalable en
cas de partage. La Commission parlementaire d'enquête, dont
le rapporteur était M. de Marcère, proposa d'exiger l'autori-
sation pour tous les modes de transmission, sauf pour la
transmission par héritage. Le Comité fit remarquer que le droit
de libre transmission découlait du droit de propriété et qu'il
participait à la même inviolabilité. Voter la modification pro-
posée eût été donner à la loi un effet rétroactif.
Aux termes de rarticle 11, le concessionnaire ne pouvait,
sans 'le consentement formel du propriétaire de la surface,
faire des sondes, ouvrir des puits, des galeries, établir des
machines et des magasins, à moins de 100 mètres des habi-
tations, cours, jardins ou clôtures murés, ceux-ci fussent-ils
d'une date postérieure à l'acte de concession. Par suite du
resserrement du champ ouvert à l'exploitation et de la mul-
tiplication de la population établie sur le sol des bassins
houillers, les bâtiments et les clôtures avaient surg"i en grand
nombre. En outre, l'esprit de spéculation avait aggravé cette
servitude. L'article 11 était donc un obstacle aai' développement
de rindustrie houillère. Le Comité proposait de restreindre la
zone d'interdiction à dix mètres des maisons et de supprimer
cette servitude à l'extérieur des clôtures, ou encore de res-
treindre la portée de l'article 11 aux habitations antérieures à
la concession.
Il demandait aussi de rapporter le décret de 1852 interdisant
la réunion des conoessions sans l'aoïtorisation du Gouvernement.
Au sujet des articles 43 et 44 de la loi de 1810, il demandait
que la loi autorisât le Gouvernement et même les préfets à
déclarer l'utilité publique des vo^l'es de communication néces-
(1) Observations du Comiité des Houillères de la Loire relatives aux
modifications à la loi du Î1 avril' 1810 (et non 2/ avril 1870, oomme
l'indique par errenr le titre de cette brochure), imp. Théolier, Saint-
Etienne, 1875,
— 475 —
saires pour les approvisionnements de la mine et pour le
transport de ses produits La jurisprudenoo avait restreint
l'application do ces articles au périmètre de la concession.
Enfin, le Comité demandait l'abrogation do l'article 10 de
la loi de 1838, relatif au retrait de la concession et à l'adju-
dication de la 'mine dans les cas prévus par l'articlo 49 do la
loi de 1810, c'est-à-dire dans le cas où l'exploitation est res-
treinte ou suspendue de manière à inquiéter les consommateurs.
Cet article était une atteinte au droit de prop^riété et l'article 49
laissait toute latitude à l'Administration et aux Tribunaux pour
provoquer ou prendre le® mesures do droit commun que com-
portait la situation, voire même la résiliation du contrat de
concession.
Un Comité de propriétaires, composé do MM. E. Buhot,
Grubis, G. Neyron do Saint-Julien, Palluat do Bosset, Camille
Thiollièro, publia un mémoiroi en sens contraire do celui du
Comité des houillères de la Loire, visant les modifications aux
articles 11, 43 et 44. Les concessions, disaient-ils, ont été ac-
cordées sous l'empire de la loi de 1810. Modifier la loi, c'est
modifier le contrat do concession. Elle doit rester intangible.
Ces articles n'ont d'ailleurs pas empêché loa Sociétés exploi-
tantes de se développer dans une magnifique proportion. Les
propriétaires du sol, toujours désireux de jouir en paix do leur
propriété, sont assez soucieux de leurs intérêts comme tré-
fonciers pour no pas chercher à entraver ce développement. Les
difficultés qui ont pu naître du fait de l'application de ces
articles ont été vidéos amiabloment d'après la loi de l'offre et
do la demande. Si les embranchoments demandés par les
Compagnies sont réellement d'intérêt public, ces Sociétés se
pourvoiront pour obtenir la déclaration d'utilité publique,
conformément à la loi de 1841. Mais il serait inadmissible qu'un
préfet accordât, sans enquête et sans débat, une autorisation
qui équivaudrait à cette déclaration.
Entre les deux opinions, la Chambro de Commerce de Saint-
Etienne avait adopté un moyen terme (i). Elle proposait de
limiter à 20 mètres la zone d'interdiction prévue par l'article
11 pour les clôtures murées, et de permettre à l'exploitant
d'établir, entre 20 et 100 mètres, dos paiits, des galeries ou
(1) V. llisioire de la ChdmUrc de Commerce, p 204.
— 476 -
magasins, en payant des dommages-intérêts au propriétaire du
sol. Pour les habitations, l'article 11 de 1810 serait resté sans
changement.
Au sujet de® articles 43 et 44, la Chambre de Commerce
proposait de déclarer d'utilité publique toute voie de communi-
cation destinée à relier un siège d'exploitation aux routes,
canaux ou chemins de fer déjà existants.
La loi fut promulguée le 27 juillet 1880. Elle eut pour rap-
porteur M. Brossard, député de la Loire. Un projet de loi
général, déposé en 1877, avait été retiré parle Gouvernement.
La loi de 1880 n'a pas modifié l'article 7 (l'autorisation préa-
lable pour les mutations ou amodiations n'est exigée que depuis
la loi du 13 juillet 1911, art. 138). Egalement, l'article 10 de la
loi de 1838 est resté sans changement. Mais les artJioles 11, 43
et 44 et d'autres articles (23, 26, 42, 50, 70, 81, 82) de 1810 ont
été plus ou moins remaniés.
Au sujet de l'article 11, la loi de 1880 a réduit la zone de
protection de 100 à 50 mètres à p-artir des habitations et des
terrains compris dans les clôtures murées y attenantes, mais
l'interdiction ne s'applique plus qu'aux puits ou galeries. Pour
les magasins, machines et ateliers et pour les sondages, il n'y a
pas de zone d'interdiction au delà des clôtures murées, cours
et jardins. Le consentement des propriétaires peut d'ailleurs
leveir les défenses dans un cas comme dans l'autre.
Le décret de 1852 sur les réunions de concessions n'a pas été
rapporté.
Les articles 43 et 44 de 1810 ont été profondément modifiés.
Sur oe point, les demandes des représentants des houillères
ont reçu satisfaction, car le législateur a créé, au nom de
l'intérêt publia, une véritable servitude sur la propriété du sol
au profitl de la propriété minière, servitude qui avait été seu-
lement indiquée imipilicitement dans l'ancienne rédaction. Dans
le périmètre de la concession, un simple arrêté préfectoral,
pris après que les propriétaires ont été inviltés à présenter leurs
observations, peut autoriser le concessionnaire à occuper les
terrains pour l'exploitation de la mine, le lavage des com-
bustibles, l'établissement des routes ou celui des chemins de
fer ne modifiant pas le relief du sol. Si le relief du sol se trouve
modifié ou si les voies de communication doivent être exécutées
en dehors du périmètre de la concession, l'utilité publique doit
- 477 -
être déclarée par décret en Conseil d'Etat et, dans co cas, ces
voies de communication peuvent être affectées à Fusage public.
Les canaux sont explicitement compris dans les voies, dont il
s'agit. Leur établissement, en effet, modifie toujours le relief
du sol. La même procédure est prévue pour la déclaration
d'utilité publique des travaux de secours (puits ou galeries
d'aérage et d'écoulement des eaux) à exécuter en .dehors du
périmètre de la concession. La loi de 1841 sur les expro-
priations trouve ici son application pour la dépossession des
terrains et pour les indemnités. Il faut d'ailleurs se reporter
au texte des nouveaux articles et aux commentaires de la
doctrine et de la jurisprudence pour apprécier la portée exacte
de la loi de 1880 et la procédure qu'elle a établie.
Depuis la loi de 1880, la loi du 23 juillet 1907 a modifié
l'article 50, déjà modifié en 1880. Cet article est spécial au
pouvoir de surveillance du préfet quant aux travaux d'exploi-
tation proprement dits (texte de 1810), quant aux travaux de
recherche et d'exploitation (texte de 1880) et dans le but d'as-
surer la sûreté des exploitations, aussi bien que celle des
ouvriers, aiinsi que la sécurité du sol et des habitants, et
(addition de 1880) la conservation des voies de communication,
des eaux minérales, et celle des sources qui alimentent les
agglomérations. La loi de 1907 a ajouté « l'hygiène » à la
« sûreté » des ouvriers mineurs. Je cite plus loin les arrêtés
pris depuis 1854 par le Préfet de la Loire.
Enfin, la loi de finances du 13 juillet 1911, art. 138, a subor-
donné les mutations de propriétés et les amodiations de
concessions minières, par actes entre vifs, à l'autorisation par
décret rendu sur avis conforme du Conseil d'Etat. L'avis
conforme de cette haute Assemblée, préalablement à la signa-
ture d'un décret, constitue une exception très rare dans le Droit
administratif. Les avis du Conseil d'P]tat, en effet, sont consul-
tatifs et non impératifs^ la décision appartenant au Pouvoir
qui a la responsabilité, c'est-à-dire au Gouvernement.
Sans parler des propositions émanant de l'initiative parle
mentaire, souvent incohérentes, des ^irojcts de loi ont été
déposés par le Couverncment en 188G (projet Haïliaut) et en
- 478 —
1894 (projet Jonnart), tendant à codifier et à refondre la légis-
lation des mimes. Un autre projet a été déposé en 1901 pour
modifier quelques points particuliers. Enfin, un nooiiveau projet
général a été présenté en 1908 (projet Barthou) et repris en 1910
(projet Mille rand), au début de la législature. Aucun de ces
projets n'a pu aboutir, jusqu'à la loi du 9 septembre 1919.
Des décrets sont intervenus depuis 1854 pour l'application
des dispositions législatives, notamment le décret du 25 sep-
tembre 1882, modifiant l'ordonnance de 1843 pour l'exécution
de l'article 50 de la loi de 1810. Les circulaires ministérielles
sont innombrables (i). Beaucoup plus importants sont les deux
textes suivants : 1° le règlement d'administration publique
du 14 janvier 1909 sur l'exploitation des mines, qui renferme
dix-neuf articles et qui a abrogé les ordonnances de 1842 et
1843, ainsi que le décret de 1882 ; 2° le règlement d'adminis-
tration publique du 13 août 1911, en deux cent trente-trois
articles (un véritable code) sur l'exploitation des mines de
combustibles (2). Le premier règlement est contresigné par
M. Barthou, le second par M. A.ugagneur. Le règlement de 1911
n'a pas abrogé celui de 1909. Il ne peut entrer dans le cadre
de cet ouvrage d'analyser ou de reproduire ces règlements.
Les arrêtés ou règlements locaux pris par le Préfet de la
Loire depuis 1854 peuvent être consultés dans le Recueil des
Actes admiri^'stratifs de la Préfecture. En voici l'énuimération :
1° Arrêté du 14 juillet 1858, en trois articles, ordonnant que,
dans tous les puits ou l'emploi du guidage et des cages porte-
wagons est adopté, la recette supérieure sera disposée de façon
à ce que le rond du puits ne soit accessible aux receveurs que
du côté et au moment oii la cage se trouve au niveau de la
recette ;
2° Arrêté du 31 mars 1863, en treize articles, modifiant les
dimensions des bennes employées à la descente et à la sortie
des ouvriers. Ces bennes, de forme cylindrique ou un peu
bombée, devaient avoir de 0 m. 85 à 0 m. 95 de hauteur et
(1) Voir leur nomenclature dans le Recueil annoté de Législation
minérale, de M. Michel.
(2j Un règlement général pour l'exploitation des mines autres que
les mines de combustibles a été promulgué le 20 janvier 1914 [Journal
Officiel, 30 janvier).
- 479 —
0 m. 80 à 0 m. 90 de diamètre. Elles devaient recevoir deux
hommes au moins et quatre hO'mm.es au plus, avoir une vitesse
maximum de 1 m. 20 à 1 m. 50 par seconde, être miunies d'un
chapeau en tôle placé à 1 m. 20 ou i m. 50 du bord supérieur
pour protéger les ouvriers contre la chute des matériaux, enfin
être suspendues par quatre chaînes en fer de premier choix
se réunissant à un même anneau. Ces dispositions ne s'appli-
quaient qu'aux puits non guidés ;
3° Arrêté du 26 février 1880, en quatre articles, sur les
mesures de sûreté concernant les écuries souterraines, inter-
disant notamment réclairage à feu ;
4*^ L'arrêté du 28 janvier 1895 sur l'emploi des explosifs dans
les mines et les carrières à remblais ; cet arrêté ne figure pas
au Recueil des Actes administratifs ;
5° L'arrêté du 1" septembre 1895, en cinquante et un articles,
portant règlement sur les mines à grisou ,
6° L'arrêté du 15 mars 1899, en soixante-deux articles, portant
règlement sur la police des mines ;
7° L'arrêté du 15 janvier J909, modifiant les articles 3, 43,
46, 51 et 58 du règlement précédent et les articles 2, 3, 6, 7,
11 et 20 du règlement du 28 janvier 1895 sur l'emploi des
explosifs dans les mines et les carrières à remblais, les articles
35 à 42 du règlement sur les mines à grisou ;
8° L'arrêté du 23 mars 1912 portant délégation à l'ingénieur
en chef des mines pour accorder les dérogations ou prendre les
décisions prévues par les articles 8, 9, 21, 23, 42, 54, 58, 67,
182, 193, 216 du règlement général du 13 août 1911 (en vertu
de l'article 230 de ce règlement).
TouiS ces arrêtés (à l'exception du dernier) ont été abrogés
par le règlement général du 13 août 1911.
Nous venons d'esquisser les modifications au régime des
mines intervenues depuis 1854, date de la dissolution de la
grande Compagnie de la Loire. Comment ce régime fut-il
appliqué depuis cette date ?
Une concession — la dernière du bassin houiller de la
Loire — fut accordée en 1856 : la concession de Comberigol, à
- 480 —
l'est cb la concession de Saint-Chamond, à l'ouest de celle de
la Faverge, au nord des concessions du Plat-dc-Gier et de la
Péronnière. C'était la dernière parcelle libre du terrain houiller
à la suite de la limitation de l'ancienne concession de Saint-
Chamond et de la délivrance des trois concessions susnommées.
Le décret du 30 avril 1856 accorda la concession de Gombe-
rigol au sieur Terret, représentant de la Compagnie des
Fonderies et Forges de la Loire et de l'Isère, aux sieurs
Dumont, Magdinier, Albert, Fonthieure (P.-C), Lafay,
Bouircier, Jaboulay, et à M"'^ Pochin, veuve de F. Fonthieure.
Le tarif des redevances, très inférieur pour les mêmes pro-
fondeurs au tarif des concessions de la Faverge et du Plat-de-
Giier (1), est dégressif jusqu'à 1.000 mètres. Au-delà de 1.000
mètres, il varie de 1/15. OOœ' pour les couches de moins de
0 m.. 50, à l/2.50œ« pour les couches de 2 mètres et au-dessus.
Ge tarif est applicable nonobstant les stipulations contraires
résultant de conventions antérieures.
Pour exposer l'application du régime minier, il faudrait
passer en revue toute la jurisprudence minérale, travail for-
midable qui a été tenté et a donné lieu à de savantes publi-
cations, notamment au livre de MM. Bréchignac et Michel,
qui remonte à 1887. Nous ne citerons que quelques cas isolés,
plutôt historiques que juridiques et se rapportant à l'existence
civile des concessions.
Une concession, comme toute propriété, mais sous réserve
de l'application des règles spéciales du droit minier, peut être
transmise, louée ou amodiée, expropriée, licitée, hypothéquée,
partagée, réunie à d'autres concessions. Elle est susceptible
d'usufruit. Son périmètre peut être réduit oui augmenté. La
concession enfin peut être révoquée.
La transmission d'une concession par aliénation entre vifs,
par testament ou succession, n'était soumise à aucune règle
spéciale en dehors des prescriptions du droit civil, jusqu'à la
(1) Exemple : A ciel ouvert, pour les couches de 2 mètres, le tarif
de Comberigol prévoit une redevance de 1/12« ; de 300 à 350 m., une
redevance de 1/60® ; pour les concessions de la Faverge et du Plat-de-
G'ier, la redevance respective est die 1/4 et de 1/20®, c'est-à-dire trois fois
supérieure à la précédente. Toutefois, cette proportion n'est pas absolue
pour toutes les profondeurs et suivant la puissance des couches.
— 481 —
loi du 13 juillet 1911, art. 138, qui a subordonné les mutations
entre vifs à l'autorisation du Gouvernement. Les acquisitions
des propriétés par succession ou par donation testamentaire ne
donnent pas lieu à l'application de cette disposition (i).
Les transmissions de concessions ou de droits de propriété
sur les concessions ont été infiniment nombreuses. Je n'ai eu
ni les moyens, ni la prétention d'en dresser un tableau,
indiquant les propriétaires successifs des soixante-quatre con-
cessions de la Loire, propriétaires qui avaient changé
fréquemment lors de la consb^tution de la grande Compagnie.
Si, ^n général, les Sociétés par actions qui existaient au
moment ou par suite de la dissolution de cette Compagnie ont
conservé les concessions qu'elles exploitaient, des modifications
les concernant sont intervenues. D'autres Sociétés ou d'autres
concessionnaires ont disparu et ont été remplaxiés. On trou-
vera quelques renseignements historiques à ce sujet aux
chapitres de la SUimtion générale des Mines depuis 1854, les
modifications importantes se rattachant très souvent à la
marche générale de l'industrie houillère. Mais là encore nous
n'aurons pas la prétention de faire œuvre complète, faute
d'éléments suffisants et aussi parce que nous écrivons une
histoire générale des mines de la Loire, et non une histoire
spéciale de chacune des mines du bassin.
Depuis la loi de 1911, je citerai, comme application de cette
loi, le décret du 14 septembre 1913 autorisant la mutation de
propriété de la concession de la Montagne^du-Feu, dans le
territoire de Rive-de-Gier, cédée par M. Viliemagne à
M. Graûé p). Un décret du 4 février 1914 a autorisé l'acqui-
sition, par la Société des Mines de la Haute-Cappe, des
oonoesôions du Ban-Lafaverge, de la Cappe et de Corbeyre (^).
Un décret du 14 juillet 1920 a autorisé la cession de la con-
cession de la F^omme à la Société des charbonnages de Saint-
Jean, et un autre décret la cession de la concession de la
Porchère aux Verreries Mesmer, à Andrézieux (J. 0. 19 et 20
janvier 1921).
(1) Circulaire min.istérielle, 21 février 1912 {Annales des Mines).
(2) Journal Officiel, 20 septembre 1913.
(3) lhi<l., 11 février 1914.
— 482 -
La location ou amodiation d'une conoession offre ce carac-
tère partiouilier que le charbon extrait par l'amodiataire est
un produit non renouvelable de la propriété. Dès lors, il n'y
a pas en réalité contrat de louage, mais contrat de vente
mobilière. En amodiant, le concessionnaire ne peut altérer
l'indivisibilité de la conoession. Sauf son recours contre l'amo-
diataire, le concessionnaire reste personnellement obligé, vis-
à-vis des tiers, des charges de la concession et par conséquent
doii paiement des redevances tréfoncières, des dégradations
commises à la surface du sol, des indemnités d'occupation, de
l'épuisement des eaux.
Les amodiations ont été très nombreuses. En 1913, dans le
bassin de la Loire, on ne comptait pas moins de dix con-
cessions exploitées par des Compagnies ou personnes autres
que les concessionnaires. A titre d'exemple, la loi de 1911 a
reçu son application par les autorisations concernant les mines
de Couloux (amodiation par M. Antoine Paret à MM. Hercelm
et Graùé, décret du. 14 septembre 1913), et la concession de la
Montagne-du-Feu (amodiation à MM. François Fournat et
Dumortier, décret du 15 mars 1920).
Une mine peut être expropriée sur saisie des créanciers. Le
cas s'est présenté, notamment le 13 mai 1911, où la concession
de la Montagne-du-Feu, saisie au préjudice des consorts Pater,
a été vendue par expropriation forcée (i).
Pour rexpropriation pour cause d'utilité publique, il faut
également sc' reporter au droit commun.
Une mine peut être licitée, c'est-à-dire vendue en justice ou
à l'amiable pour faire cesser l'indivision entre propriétaires.
Mais l'indivisibilité de la mine exige que la lioitation se fasse
en un seul lot. On a cité des cas de licitation en justice (^). Le
plus célèbre est sans contredit celui de la licitation de la con-
cession de Beaubrun, en 1893. Par suite des traités sous seing
privé conclus en 1824 entre les premiers concessionnaires (et ce
cas fut plutôt général qu'isolé pour l'ensemble des concessions),
trois champs d'exploitation distincts s'étaient formés dans cette
concession. En 1845, deux de ces exploitations furent acquises
(1) Mémorial de la Loire, 16 avril 1911.
(2) Bréchignac et Michel, p. 101.
— 483 —
par la Compagnie des mines de la Loire. En 1847, MM. D... et
consorts, qui n'avaient pas sans doiuite estimé suffisantes les pro-
positions faites pour entrer dans la fusion, trouvèrent à propos
de modifier l'attitude qu'ils avaient gardée jusque-là. Ils re-
nièrent les conventions d& 1824 et en demandèrent la résolution
en justice, en invoquant la loi de 1810, qiuii interdit la division des
concessions. Finalement, un arrêt de la Cour de Besançon
(14 juillet 1853) prononça l'illégalité et la nullité des actes sous
seing privé de 1824. Les droits de MM. D... et consorts furent
déclarés proportionnels à l'étendaie que leur réserve occupait
dans le périmètre de la concession, soit 38 %.
En 1889, la Compagnie de la Loire, successeur de la grande
Compagnie du même nom, demanda la licitation de la mine
de Beaubrun pour faire cesser l'état d'indivision. La Cour
d'appel de Lyon lui donna gain de cause. Le l*"" juin 1893, cette
Compagnie fut déclarée adjud'icataire de la concession au prix
total de 10.100.000 francs. La Compagnie n'avait à tenir compte
aux dissidents que des 38 centièmes de oettei somme (i).
La mine, propriété distincte de celle de la surface du sol,
peut être hypothéquée comme une propriété ordinaire. Elle
est susceptible d'usufruit. La loi de 1810 (art. 7) interdit le
partage de la concession sans auitorisation du Gouvernement.
On a cité des cas de partage et les décisions intervenues à ce
sujet. Quelques-uns se rapportent à des amodiations par-
tielles (2). Enfin, depuis le décret de 1852, la jiéunion .des
concessions est interdite sans autorisation. A titre d'exemple,
un décret du 17 juin 1873 a autorisé la Société des Houillères
de Saint-Etienne à réunir la concession du Grand-Ronzy à ses
autres concessions. Le décret de septembre 1913, autorisant
l'amodiation de la mine de Couloux et la cession de la mine
de la Montagne-du-Feu, a autorisé également la réunion entre
les mains de MM. Hercelin et Oraiié des concessions ci-dessus.
En 1898, la Société des Houillères de Saint-Etienne a présenté
une demande tendant à fusionner les diverses concessions lui
(1) Leseure, p. 144 et 230 ; v. le Mémorial de la Loire des 2G et 20 mal,
19 juin 1«91 ; 7 mal et 11 Juin 1893. La sentence d'adjudication (impri-
merie Théolier, 18931^ forme une brochure de 180 pages.
(2) V. niirnnfiNAc o\ Miciiki., p. 10Î) ol suivantes.
- 484 -
appartenant. Le groupement conserve à chacune d'elles sa per-
sonnalité juridique et ses charges spéciales. La fusion, au con-
traire, aurait permis de rendre l'exploitation plus complète et
plus économique (i). La fusion n'a pas été- autorisée.
Le périmètre de la concession peut être réduit. Cette question
se lie à celle de la renonciation à la concession, car la réduction
du périmètre est une renonciation à une parcelle de la con-
cession. Dans un cas comme dans l'autre, il faut qu'il y ait
accord entre le Gouvememetnt et le concessionnaire, qui, lorsque
la renonciation est acceptée, est libéré) die ses charges et privé
de ses droits sur la parcelle supprimée. Les créanciers peuvent
intervenir pour empêcher cette renonciation. A titre d'exemple,
un décret du 24 juillet 1913 a réduit le périmètre de la con-
cession de Rocherla-Molière à 4.641 hectares, au lieu de 5.856 (2).
L'extension du périmètre ne peut se faire sans la délivrance
d'une nouvelle concession ou sans une réunion autorisée de
plusieurs conoessiions. Tout autre est la question de l'extension
du périmètre exploitable. Les cahiers des charges ont imposé,
dans de nombreux cas, l'interdiction d'exploiter sous les agglo-
mérations d'habitants, sous les canaux, voies ferrées, etc...,
sauf autorisation spéciale. Un exemple récent est dans toutes
les mémoires. Malgré les protestations des propriétaires du sol,
la Compagnie des mines de Villebœuf a été autorisée par arrêté
préfectoral (2 février 1911) à étendre son exploitation sous la
ville de Saint-Etienne, dans la région de Chavanelle et de
Villebœuf, à la condition d'employer le remblayage hydrau-
lique et de créer une caisse spéciale destinée à payer les indem-
nités pour les dommages. Cette Compagnie était en instance,
en 1914, pour obtenir une nouvelle extension de son périmètre
d'exploitation (3).
Au sujet des dommages et principalement des dégâts à la
surface, qui donnent lieu à tant de procès et qui constituent une
si lourde charge pour les exploitants des mines de la Loire,
(1) V. Leseure, p. 271.
(2) Journal Officiel, 31 juillet 1913.
(3) V. le texte de l'arrêté de 1911 dans le Mémorial de la Loire du
12 février 1911. V. le Bulletin municipal de la Ville de Saint-Etienne,
29 août 1913.
— 485 —
il est bon de rappeler que le Comité des Houillères de ce
bassin a pris l'initiative de suivre dans toutes les juridictions
un procès célèbre (procès Prat) pour arriver à faire décider
par la Cour de Cassation que les concessionnaires n'étaient
tenus de payer qu'à leur valeur simple les terrains dégradés
par les travaux des mines et que seuls les terraans occupés pour
les besoins de l'exploitation devaient être payés au double de
leur valeur (i).
Il est arrivé que les travaux d'un concessionnaire empiétaient
sur la concession voisine. Il y a là Violation de propriété, com-
mise de bonne ou de mauvaise foi et donnant lieu à une
réparation (et en outre à une sanction pénale en cas de mauvaise
foi). Comme exemple historique, on peut citer l'empiétement
de l'ancienne Société des Mines de Montaud sur le périmètre
de la Compagnie des Houillères de SaintrEtienne. Le compte
rendu des procès a défrayé la chronique locale (2).
Enfin, une concession j>eut être retirée ou révoquée, ou, si
l'on préfère, le concessionnaire peut être déchu de ses droits.
La mine est 'une propriété d'un genre spécial, dont le conces-
sionnaire ne reçoit la propriété que sous certames conditions :
celles de se conformer à la loi et au cahier des charges de la
concession. La iloi de 1810 (art. 49 et 50) laissait vaguement en-
trevoir la sanction de la déchéance dans les cas où l'exploi-
tation était restreinte- ou suspendue de manière à inquiéter la
sûreté publique ou les besoins de la consommation, ou encore
si les travaux de recherche et d'exploitation compromettaient
la sûreté publique, la conservation des puits, la solidité des
travaux, la sûreté des ouvriers mineurs oui celle des habitations.
La loi de 1838, relative à l'assèchement et à l'exploitation des
mines (art 6, 9, 10 ; ce dernier article renvo*ie à l'article 49 de
1810), a formellement édicté la déchéance contre les conces-
sionnaires récalcitrants. Le retrait de la concession entraîne
une nouvelle adjudication.
(1) Notice du Comité des Houillères de la Loire à l*occasion de VExpo-
sition de Saint -Louis, 1f}04 (rôle, travaux et exposition du Comité),
p. 56.
(2) V. le Mémorial de la Loire des 14 février 18H4. 28 mai et 11 juin
1893.
— 486 -
§ 2. — LE RÉGIME TRÉFONCIER
Les redevances iréfoncières, qui pèsent si lourdement sur
l'exploitation des mines de la Loire et dont l'élaboration du
tarif légal a été si laborieuse (v. p. 235), ont fourni matière à
d'innombrables contestatiions. Par suite des transmissions par
successions ou autres, elles se sont émieitées sur un très
grand nombre de personnes, voire même sur des personnes
morales (villes, hospices) ou encore sur des ouvriers mineurs
blessés (legs Sajuzéa). Certains concessionnaires ont cédé leurs
droits aux Compagnies, moyennant des redevances spéciales,
souvent plus lourdes que les autres redevances.
Aucune disposition législative n'est venue modifier cette partie
dui régime minier. Aucun texte précis n'autorise le concession-
naire à racheter les redevances contre la volonté du redevancier,
ni ne fixe les bases de ce rachat. Mais le projet Baïhaut de
1886, comme le projet Jonnart de 1894, prévoyaient le rachat
des redevances au gré dut concessionnaire, pour débarrasser
celui-ci « d'une intervention éventuelle gênante^ des pi*oprié-
taires superficiaires ». A défaut d'entente amiable sur le capital
représentatif du droit aux redevances proportionnelles, l'éva-
luation devait être fixée par le Conseil de Préfecture (projet
Baïhaut) ou par le Tribunal (projet Jonnart). Cette disposition
fut combattue par les consedils ou repirésentants des tréfonciers.
Ils firent valoir, notamment, que la faculté du rachat consti-
tuerait pour rexploitant un privilège exorbitant, préjudiciable
au droit du redevancier. L article 17 de la Déclaration des
Droits deil'Homme : « La propriété est inviolable et sacrée... »,
servit à démontrer que ces deux projets admettaient l'expro-
priation des redevances, non pour nécessité publique, mais
pour raison d'intéirêt privé, les Compagnies restant libres de
racheter ou de ne pas racheter. La loi, ajoutaient-iils, ne peut
avoir une effet rétroactif, les redevances sont des indemnités
d'expropriation et plus que tous autres les règlements d'expro-
priation sont irrévocables, etc., etc.. (l).
(1) V. dans ce sens un mémoire imprimé (Urbain Balay, St-Etienne,
1895) de M« Mazodier, avocat à Saint-Etienne, et l'adhésion à ce mémoire
de M«« MORNARD et Roger-Marvaise, avocat et ancien avocat au Conseil
d'Etat et à la Cour de Cassation.
— 487 —
J'ignore si le Comité dies Houillères de France et le Comité
des Houillères de la Loire prirent position, à œtte époque, sur
ce point spécial des deux projets de loi précités. Mais la
question soulevée par l'initiative gouvernementale remettait en
discussion toute la théorie juridique et historique de la pro-
priété des mines et 'le caractère d'utJité publique de la
législation minérale. On comprendra que nous ne> pouvons, ni
ne voulons réinstituer le débat.
Toutefois il n'était pas juste d'écrire, comme on la fait, que,
par suite de la profondeur chaque jour croissante de l'extraction,
la charge de ia redevance est devenue mànime et presque in-
sensible, car dans le plus grand nombrei des actes de concession
le taux de la redevance est invariable pour l'extraction à des
profondeurs supérieures à 300 mètres. L'exploitation coûteuse
à de grandes profondeurs est taxée comme l 'exploitation à
300 mètres. Une charge moyenne de 0 fr. 50 à 0 fr. 70 par
tonne, du fait des redevances, grevait le prix de revient en
1863 (1). En 1914, il fallait compter 1 franc par tonne (2). Cette
charge est très lourde.
Les projets de loi de 1908 et de 1910 n'ont pas reiproduit la
disposition proposée en 1886 et 1894. Un de leurs articles sti-
pulait que les redevances tréfonoières dues en vertu, des actes
de concession étaient maintenues dans leurs règles et teneur.
Un fait historique à signaler est la constitution de la Société
civile des Tréfonds, étudiée dès 1875 par M. Alexandre Saignol,
ancien élève de l'Ecole polytechnique. J'emprunte à une notice
sur la Société, publiée en 1906, les renseignements qui suivent :
La formation de la Société exigeait, avant tout, une évaluation
comparative des tréfonds à mettre en Société, afin de distribuer, au
prorata des valeurs apportées, les actions ou parts de la nouvelle
Société à créer. Pressé par ses clients, M. Saignol se mit à l'œuvre,
et, après de nombreuses réunions des intéressés, réunions qui se
succédèrent pendant plus d'une année, en 1881 et 1882, chaque
question étant étudiée à son tour dans des mémoires imprimés et
5oumi.se ainsi aux réflexions des intéressés, une méthode d'évalua-
tion comparée approximative fut proposée et adoptée, avec l'appro-
bation d'ingénieurs faisant partie de l'Assemblée. Bien entendu,
(1) BullHin (Le L'Industrie Minérale, !« série, t. IX, p. 386.
(2) Pour la Société dos Mines de la Loire {Uapp. sur les Mines et la
MéMllurgie à VExpusitian de Lyon en 1914, p. 91).
— 488 —
cette méthode ne tenait compte que de ce qui restait à exploiter
dans chaque tréfonds, et de l'époque probahle d'exploitation, et
non de ce qui avait déjà été extrait et payé.
Dans le courant du mois de juin 1883, aidés des conseils de
M« Testenoire-Lafayette, notaire honoraire, le plus grand nombre
des principaux intéressés appelés tombèrent d'accord, malgré les
incertitudes forcées de l'évaluation comparative, qui n'avait que
la valeur d'un renseignement, et constituèrent la Société de Tré-
fonds par acte reçu M^« Grubis et Testenoire-Lafayette, notaires, les
26 et 30 juin 1883.
Le noyau était formé, et formé dans des conditions telles que la
Société se suffisait sans avoir besoin de compter sur de nouvelles
adjonctions ; car elle possédait, pour 16.418 parts ou actions créées,
des produits annuels de plus de 300.000 francs.
Mais les adjonctions étaient à prévoir, et, en effet, il s'en pro-
duisit. Depuis qu'elle fonctionne, la Société a créé 4.135 actions de
plus, ce qui fait qu'elle en compte aujourd'hui (en 1906) 20.553, avec
un produit ayant permis une distribution de 21 fr. 50 par action en
1905. De plus, avec ses réserves, elle a déjà acheté de nombreux
tréfonds.
La Société a pris la forme d'une Sociélé civile.
Elle ne comporte aucun appel de fonds, ni à l'origine, ni à aucun
moment. Son objet est simplement de percevoir des redevances et
de les répartir entre les associés. D'après les statuts, si l'on acquiert
des tréfonds contre argent comptant, on les paie avec les réserves,
et on ne peut faire des dettes.
Si l'on s'annexe de nouveaux tréfonds contre création d'actions
nouvelles, les produits annuels, augmentés du produit des tréfonds
annexés, se distribuent entre un plus grand nombre de parts ou
actions..., et si les tréfonds acquis ou adjoints, aussi bien que les
tréfonds primitifs, donnent moins, les membres de la Société ne
peuvent être exposés qu'à recevoir moins annuellement.
Le Conseil d'administration a le droit et le devoir d'acheter, au
moyen de réservas dont le minimum est fixé à 5 % par an, les
tréfonds qui peuvent être à vendre contre argent comptant.
L'Assemblée générale, sur proposition dû Conseil, a le droit et
le devoir de créer des parts nouvelles à remettre à de grands pro-
priétaires tréfonciers qui désirent faire partie de la Société, en
échange de l'apport de leurs droits de tréfonds.
L'administration, par un Conseil et par les Assemblées générales,
y est réglée comme dans toutes les autres Sociétés : chaque membre
présent aux assemidées a autant de voix qu'il possède d'actions ;
toutefois, nul ns peut réunir plus de trois cents voix.
Le nombre des parts de la Société est actueillement de 22.000.
— 489 —
Les dividendes se paient trimestriellement, h' Annuaire des
Agents de change de Lyon indique le dividende distribué
depuis 1883 (24 fr. par an de 1910 à 1913, 30 fr. en 1918). Cours
moyen en 1919 : 490 fr.
On a dit qu'il y avait ià une mobilisation de la propriété
tréfoncière, qui, par elle-même, n'a pas une valeur marchande
ou courante, puisque le produit de chaque tréfonds est irré-
gulier et incertain, sa quotité et l'époque de sa prestation
dépendant de l'exploatation (i).
La hausse fantastique des prix des charbons, depuis la guerre,
a amené une hausse correspondante des redevances, sorte de
rente de la terre pour employer l'expression des économistes qui
ont discuté la théorie de Ricardo.
§ IH. - LE RÉGIME COMMERCIAL
Jusqu'à la loi du 9 septembre 1919, l'exploitation des mines
n'était pas considérée comme un commerce (art. 32 de la loi
de 1810). II en était tout autrement pour les actes de trans-
formation des produits de la mine, c'est-à-dire pour la fabri-
cation du coke et des agglomérés.
Par voie de conséquence, toutes les Sociétés exploitantes
étaient dos Sociétés civiles avant la loi de 1893. La doctrine,
aussi bien que la jurisprudence, ont longuement commenté ces
points importants du droit mimer.
Ces Sociétés ne pouvaient être déclarées en faillite. Elles
pouvaient seulement tomber en état de déconfiture (2).
L'exploitation des mines échappant à la compétence des
Tribunaux de Commerce, on ne s'esl jamais préoccupé, à Saint-
Etienne, de faire figurer un exploitant an tableau des membres
(1) V. laj notice fîitée (p. 482), \k brochure de M. Leblanc (p.W) et le Mémo-
rial de la Loire <^u 25 mai 1888. — M. Alexandre Saipnol, administrateur-
directeur, né h Saint-Etienne, le 26 février 1834, est mort dans cette ville
le 3 janvier 1906. Il a été remplacé par son gendre. M. Rey-Herme,
itif^énieur des Arts et Manufactures.
(2) Le Mémorial de la Loire du 3 novembre 1856 annonçait que le
Tribunal de Commerce de Paris, par jugement du 17 octobre, avait
relervé de sa faillite la .Société des Mines de VUlebœuf. II y avait une
erreur juridique dans l'expression employée.
— 490 —
de ce Tribunal, bien que, comme demandeur, un exploitant
polisse actionner un commerçant devant cette juridiction et être
actionné lui-même devant elle pour des actes étrangers à l'ex-
ploitation. Ici se posait une question d'électorat et d'éligibilité,
qui fut résolue surtouft à propos des élections à la Chambre de
Commerce de Saint-Etienne.
Une Chambre consultative des Arts et Manufactures avait
été créée à Saint-Etienne en 18Q4. Nuil ne pouvait en faire partie
s'il n'était ou n'avait été au moins pendant cinq ans manufac-
turier, fabricant, directeur de fabrique.
Une ordonnance diui 16 juin 1832, applicable aux Chambres
de Commerce et Consultatives, décida que nul ne serait nommé
s'id n'avait exercé le commerce ou une industrie manufacturière
pendant cinq ans au moins. Auouin exploitant ne figura à la
Chambre Consultative de SaintrEtienne, supprimée en 1 832 'et
remplacée par la Chambre de Commerce. Mais à cette dernière
Compagnie on nomma, en 1840, M.Wéry, directeur des mines de
la Chazotte, en 1843 M. Vachier, exploitant de Côte^Thiollière,
en 1846 M. de Rochetaillée, propriétaire et exploitant du Cros.
Les procès-verbaux d'élection mentionnent que ces deux
derniers membres réunlissaient les qualités requises pouir être
élus ; les élections ayant paru régulières, le Ministre les
approuva (l).
L'arrêté du 19 juin 1848 ilimitait aux commerçants patentés
depuis un an le droit à l'électorat et à l'éligibilité, à l'exclusion
des faillis non réhabilités et des commerçants ayant subi une
condamnation à la probité et aux moeurs. M. de Rochetaillée
fut réélu sous cette législation.
Le décret du 30 août 1852 limita l'éligibilité à ceux qui
exerçaient ou qui avaient exercé un commercei ou une industrie
manufacturière. M. de Rochetaillée fut encore réélu et ses
collègues le nommèrent président de la Chambre de Commerce,
parce qu'il était un des rares exploitants non inféodés à la
grande Compagnie. Il fut le présiident de protestation contre
le trust des houillères. Cette fois, le Ministre' annula l'élection
(1) M, de Rochetaillée est porté comme propriétaire et exploitant de
mines sur le procès-verbal d'élection. L'indication de la profession
n'existe pas pour les deux autres membres, ni pour ceux qui furent
réélus en même temps qu'eux.
— 491 —
(18 mars 1853). L'exploitation des mines, disait-il, n'est pas
considérée par la loi comme un commerce. En vain, M. de
Rochetaililée prétend que la redevance proportionnelle lui tient
lieu de patente :
Ce raisonnement est réfuté par l'article 32 de la loi de 1810
ci-dessus énondé, qui ne laisse aucune place à l'interprétation, et
par Tarticle 34 de la même loi, qui assigne un tout autre caractère
et une formelle destination au produit annuel de la redevance
proportionnelle ; le premier moyen n'a donc aucun fondement.
Le second est plus spécieux : le candidat élu affirme avoir payé
une patente, comme fabricant de co'ke, en 1846, et, de ce fait, il
tire la conclusion qu'il doit être rangé dans la catégorie des anciens
négociants, qui peuvent concourir jusqu'à concurrence d'un tiers
à la formation des Chambres de Commerce, en vertu du para-
graphe 2 de l'article 4 du décret du 30 août 1852.
En admettant comme certain ce qu'affirme M. de Rochetaillée et
dont la preuve n'est point établie au dossier, il n'en n'aurait pas
davantage la qualité d'ancien négociant, nécessaire pour valider
son élection. La patente, en effet, est un impôt prélevé sur le revenu
de certaines professions ; elle est impuissante à donner par elle
seule le caractère de commercialité à certains actes et la qualité de
commerçants à certains individus. Ce qui constitue lé commerçant,
c'est l'habitude des actes de commerce et, sans vouloir examiner ici
la question de savoir si la carbonisation de la houille ou la fabri-
cation du coke de la part d'un exploitant de mines ne doit pas être
considérée comme un simple accessoire de l'exploitation houillère,
toujours paraît-il évident que M. de Rochetaillée ne peut être pris
pour ancien négociant, par cela seul qu'il aurait payé un droit de
patente en 1846. Cette circonstance accidentelle, passagère, dont
les causes ne sont point rapportées et dont la durée a été si courte,
exclut précisément l'habitude des actes de commerce qui, seule,
rat'onnellement et logiquement peut constituer le commerçant.
M. dei Rochetaillée s'adressa au Conseil d'Etat et la décision
ministérielle fut annulée pour les motifs suivants :
Considérant que, si aux termes de l'article 32 de la loi du 21 avril
1810, la qualité de concessionnaire de mines ne donne pas par elle
la qualité de commerçant, il est établi par l'instruction, et non
dénié par notre Ministre de l'Intérieur, de l'Agriculture et du
Commerce, que le sieur de Rochetaillée, déjà plusieurs fois élu
membre et président de la Chambre de Commerce de Saint-Etienne,
se livre, à raison de l'exploitation de ses mines, à de nombreuses
opérations de banque et de change ;
Qu'il comparaît, soit comme défendeur, soit comme demandeur,
devant le Tribunal de Commerce :
— 492 —
Que sa signature est admise avec celle des autres négociants
au Comptoir d'Escompte de Saint-Etienne et à la succursale de la
Banque de France dans la dite ville, et qu'en raison de ces circons-
tances il remplit les conditions d'aptitude exigées par l'article 4 du
décret du 30 août 1852...
La décision du Conseil d'Etat fut enregistrée, suivant 'la lé-
gislation en viguieur, dans un décret de l'Empereur du 22
août 1853.
M. doRochetaillée mourut le 19 janvier 1857. Depuis cette date
jusqu'en 1872, les mines ne furent pas représentées à la Chambre
de Commerce. En 1863 (25 novembre), cette Compagnie, recon-
naissant l'opportunité qu'il y aurait d'admettre les Directeurs
de mines dans son sein, nomma une Commission pour de-
mander de modifier la législation de 1810 dans ses conséquences
électorales. Cependant, on vivait toujours souis le régime légis-
latif où M. de Rochetaillée avait été élu. Je ne vois pas le
rapport qui fut déposé.
Aux élections de 1869, une réclamation fut formuilée tendant
à faire écarter de la Chambre un directeur de Société métal-
lurgique anonyme (M. Verdie, à Firminy). Le Ministre appro>uva
néanmoins cette nomination, <( parce que les directeiurs des
Sociétés dont s'agit sont pour la plupart d'anciens négociants
ayant transformé leur maison en Société anonyme et possédant
à un très fort degré les qualités des négociants ».
Enfin, le décret du 22 janvier 1872 résolut la question en
déclarant que les « directeiMs de Sociétés anonymes de com-
merce, de finance ou d'industrie » pouvaient être inscrits sur
la liste électorale et étaient éligibles. Depuis ce moment, les
mines ont toujours été représentées à la Chambre de Commerce.
La loi du 19 février 1908, qui a remplacé le décret de 1872,
déclare, par application de ila loi du 8 décembre 1883, ces
directeurs électeurs et éligibles. Il est à remarquer que la loi
de 1883 constitue la charte électorade des Tribunaux de Com-
merce et que le décret de 1872 ne faisait qu'appliquer aux
Chambres de Commerce les dispositions du Code de Commerce
alors en vignieur pour ces Tribunaux (l).
(1) L'exploitation des mines étant réputée aujourd'hui acte de com-
merce, ces questions n'ont plus qu'un intérêt historique.
— 493 —
Ce qui s'e.st produit pour la Chambre de Commerce s'est
produit également pour les Conseils de Prud'hommes. Un
décret du 12 octobre 1854, en augmentant le nombre des
membres du Conseiil de Saint-Chamond, comprit l'exploitation
des mines parmi les industries relevant de cette juridiction.
Or il fut juge qu'un Conseil de Prud'hommes était incom-
pétent pour statuer sur la demande d'un ouvrier mineur contre
un concessionnaire de miines, bien que le décret d'institution
ait compris l'exploitation des mines parmi les industries
appelées à concourir à l'élection. Le droit du Gouvernement de
désigner ces industries ne pouvait modifier les attributions
légales des Conseils de Prud'hommes (i).
L'imposition à la patente était la condition nécessaire pour
être électeur et éligible dans la section patronale de la Prud'-
homiie. En outre, les Tribunaux de Commerce étaient juges
d'appel des Prud'hommes jusqu'en 1905.
Un auteur, qui fit autorité dans la juridiction prud'homale,
estimait que la décision susvisée du Tribunal de Douai cessait
d'être applicable s'il s'agissait d'une exploitation de mines
ayant acquis le caractère commercial, soit en se livrant à des
opérations commerciales, soit en revêtant la forme commer-
ciale P).
En fait, des exploitants de mines fiurent élus au Conseil de
Saint-Chamond. M. Boudiinhon, directeur de la Compagnie des
mines de ce nom, y siégea de 1868 à 1875, M. Ract-Madoux en
1862-1868. Un ouvrier mineur, M. Furminieux, y siégeait en
1858 (•'^), ainsi qu'un gouverneur de mines, M. Grangicr
Antoine, en 1865-1872, et un autre ouvrier minetuir, M. Joanny
François, en 1858-1865. Des renseignements qui m'ont été com-
muniqués par M. Héthenod, ancien président de ce Conseil, il
résulte qu'à deux ou trois reprises, dans la période de 1880-1900,
des ouvriers mineurs vinrent en conciliation avec leur ingénieur-
directeuir devant oe Tribunal.
(1) Tribunal de Douai, 8 Janvier 1869.
(2) Sahrazin : Code pratique des Prud'hoînmes, 1885.
(3) Procès-verbaux des élections (Archives départementales). Dans
VAnnuaire de la Loire de 1858, M. Furminieux est indiqué ouvrier
forgeur.
— 494 —
Depuis la loi du 15 juillet 1905, les Tribunaux civils ont
remplacé îles Tribunaux de Commerce comme juridiction
d'appel de la Prud'homie. La loi du 27 mars 1907 a décidé que
la compétence des Gonseiils de Prud'hommes pouvait être
étendue à toutes les professions commerciales ou industrielles.
Des décrets de réorganisation ont étéi pris en conséquence. Les
représentants des mines, comme ceux des ouvriers mineaiirs,
siègent aujourd'hui dans les assemblées prud'homales, tandis
qu'auparavant ils n'y isiégeaient qu'exceptionnellement et, à
notre avis, illégalement.
En 1867, après le vote de la loi sur les Sociétés anonymes,
le Gouvernement ouvrit une enquête sur les Sociétés de mines.
J'ai publié le rapport qui fut adopté par la Chambre de Com-
merce de Saint-Etienne (i). Les mines n'étaient pas alors
représentées à la Chambre. Celle-ci demandait que la liberté
la plus grande fût laissée aux Sociétés dont il s'agit pour se
constituer en Sociétés civiles ou commerciales.
Six Sociétés de la Loire avaient revêtu la forme anonyme :
Houillères de Saint-Etienne, Mines de la Loire, Houillères de
Montrambert et de la Béraudière, Mines de la Chazotte, Mines
de Saint-Chamond, Houillères de Rive-de^Gier. Elles n'en
étaient pas moins des Sociétés civiles.
La loi du 1*' août 1893, qui modifia l'article 68 de la loi de
1867, décida, trente ans après l'enquête précitée, que, « quel qiuie
soit leur objet, les Sociétés en commandite ou anonymes qui
seront constituées dans les formes du Code de Commerce ou
de la présente loi, seront commerciales et soumises aux lois
et usages du commerce ».
Ces Sociétés sont donc soumises aux lois commerciales, elles
peuvent être mises en faillite ou en /liquidation judiciaire ;
elles doivent tenir les livres prescrits pour les commerçants, et
les contestations entre associés sont àa ressort des Tribunaux
de Commerce.
(1) V. Histoire de la Chambre de Commerce de Saint-Etienne, p. 287.
— 495 —
Mais le législateur ne s'était pas occupé du caractère des actes
de ces Sociétés. Les actes d'exploitation conservaient donc,
jusqu'à la loi du 9 septembre 1919, le caractère civil, et en
semblable matière les faits avaient une influence majeure pour
formuler une appréciation (i).
D'ailleurs, la loi de 1893 n'avait statué que pour l'avenir. Elle
avait établi des dispositions transitoires p>our permettre aux
Sociétés civiles constituées à ce moment, soûls la forme com-
merciale ou sous une autre forme, de se transformer en Sociétés
commerciales (art. 7).
Cette transformation fut opérée dans plusieurs Sociétés de
la Loire. VAnrmmi.re des Agents de chcmge de Lyon pour 1914-
1920 fournit les renseignements ci-après sur les Sociétés dont
les actions sont cotées à la Bourse de Lyon :
Houillères de Monttamhert et de la Béraiidière. — Aucune modi-
fication, jusqu'en 1920, à l'acte de 1854 résultant du fractionnement
de l'ancienne grande Compagnie de la Loire ; le capital social est
divisé en 80.000 actions, représentant chacune l/80.000« de l'actif
social. Cette Société, par conséquent, était restée une Société civiie.
Un décret du 25 décembre 1920 l'a autorisée à se transformer en
Société libre. Siège social à Lyon.
Houillères de Bive-de-Gier. — Cette Société, qui résulte également
du fractionnement de 1854, a été transformée en 1898 en Société
anonyme, dans les termes des lois des 24 juillet 1867 et l*»" août 1893
(décret du 31 juillet 1902). Elle est devenue par conséquent une
Société commerciale. Capital social 2.665.000 francs, représenté par
26.650 actions. Siège social à Lyon. (Le Tribunal de Commerce de
Lyon a déclaré, le 6 septembre 1911, la liquidation judiciaire de
cette Compagnie.)
Houillères de Saint-Etienne. — Résulte également du fractionne-
ment de 1854. Transformée en Société anonyme libre (commerciaje^
en 1896 (décret du 10 mars). Capital social 8 millions, divisé en
80000 actions. Siège social à Lyon.
Mines de la Haute-Cajyp^e. — Constituée en 1905, capital social
1.250.000 francs, divisé en 2.500 actions. Siège social à Paris.
Société commerciale.
Mines de la Loire. — Société qui résulte du fractionnement de
1854. Transformée en Société anonyme libre (commerciale), en 1894
(décret du 24 août). Capital 8 millions, divisé en 80.000 actions (2).
Siège social à Paris.
(1) nevue (le Législation des Minea, 1897. p. 193 (De la commerciali-
sation des Sociétés par actions ayant un objet civil, par Ch. Lyon-Caen).
(2) Le capital a (>.\6 pryri6 h ir» millions en 1920.
- 496 —
Mines de la Péronnière. — Ancienne Société civile, constituée en
1822, transformée en Société anonyme en 1887, statuts plusieurs fois
modifiés (1889 à 1910). Capital social ramené en 1898 à 1.560.000 fr.,
divisé en 15.600 actions. En 1910, le capital a été remboursé et les
actions sont devenues des actions de jouissance. Sièg'e social à
Lyon. Société civile (je ne vois pas le décret de transformation).
Mines de Ro)che-la-MoUère et Firminy. — Constituée en 1895, par
la transformation de l'ancienne Société civile constituée en 1869,
qui faisait suite à la première Société de 1820. Capital social
3.600.000 francs, divisé en 36.000 actions. Une modification iflti'por-
tante a été opérée, en 1920, dans la constitution financière de la
Société (1). Siège social à Lyon. Société commerciale.
Mines de Villebœuf. — Transformée de Société en commandite
par actions en Société anonyme, en 1840. Statuts modifiés de 1904
à 1913. Capital composé de 4.000 actions ordinaires, de 500 francs,
et de 1.900 actions de priorité de 500 francs, libérées d'un quart, et
productives d'un intérêt cumulatif de 5 %. Siège social à Saint-
Etienne. Société civile.
Les Sociétés œmmerciales faisant principalement des actes
civils (c'était le cas des Sociétés créée® ou transformée® depuis
1893) ressemblaient à des commerçants qpui ne feraient pas ou
ne feraient qu*accessoi rement des actes de commerce. A pre-
mière vue, il y avait là une anomalie ou, si l'on préfère, une
chinoiserie. Qu'on sei rappelle cependant les difficultés d'ordre
pratique et juridique soulevées par la liquidation de certaines
Sociétés civiles, comme en fait foi le rapport précité de la
Chambre de Commerce. Qu'on oppose ces difficultés à la lé-
gislation claire et précise des Sociétés commerciales. Qu'on
se rappelle surtout qu'avant la loi de 1893 les Sociétés pour
la construction des canaux étaient considérées comme des
Sociétés civiles et que cei fut pour ce motif que la Hqui dation
fut prononcée. C'est d'ailleurs ce cas particulier qui fit com-
pléter la législation.
Il va sans dire que les Tribiunaux de Commerce ont, à
plusieurs reprises, fait application de la loi de 1893 aux Sociétés
de mines. J'ai cité la liquidation judiciaire de la Compagnie
des Houillères de Rive-de-Gier, déclarée en 1911, compagnie
qui connut jadis tant de jours heureux. La liquidation a été
amenée par l'épuisement du bassin de Rive-de-Gier. Le fait
déterminant fut le salivant :
(1) Le capital a été porté à 18 millions.
— 497 —
Un procès intenté par la Compagnie de la Péronnière avait
été perdu par la Compagnie de Rive-de-Gier, qud avait interjeté
appel. La Cour de Lyon ayant confirmé le jugement de pre-
mière instance, il en résultait pour Rive-de-Gier l'obligation
immédiate de verser une somme de 50.000 francs environ, et,
pour l'avenir, une charge annuelle d'exploitation de 21.000 fr.
C'est à la suite de cette décision que le Conseil décida de
demander la mise en liquidation j^uidiciaire. Cette mesure fut
vivement attaquée à l'Assemblée par un groupe d'actionnaires,
qui prétendaient qu'une solution meilleure aurait pu être
adoptée. Mais naalgré cette opposition les décisions du Conseil
furent ratifiées (i).
Le Tribunal de Commerce de Paris a déclaré en 1913 la fail-
lite de la Société anonyme des Mines d'anthracite de Communay
(Isère), ancienne Société civiile constituée en 1884 et transformée,
en 1898, au capital de 1.800.000 francs.
L'article 5 de la loi du 9 septembre 1919, qui déclare que
l'exploitation des mines est considérée comme un acte de
commerce, ajoute que cette disposition s'applique aux Sociétés
oiviles existantes, sans qu'il y ait lieu pour cela de modifier leurs
statuts (2).
Le Tribunal de Commerce de SaintrEtienne avait déclaré
qu'un amodiataire est uin commerçant (3) parce que l'acte qui
investit le oessionnaire, moyennant une somme payable pé-
riodiquement, du droit d'extraire les produits d'une mine, est un
bail et non une vente, la nature des redevances payées propor-
tionnellement à la quantité du charbon extrait n'étant pas autre
chose que le prix d'achat de ce charbon, devenu chose mobi-
lière piar son extraction. Or, l'article 632 du Code de Commerce
répute acte de œmmeroe tout achat de choses mobilières pour
les revendre.
Déjà, en 1905 (24 février), Mme veuve Payen, amodiataire de
la concession de Terrenoire, avait été déclarée en faillite par
(1) Extrait de la circulaire d'une banque locale. 5 octobre 1911.
(2) V. une disposition importante concernant les Sociétés civiles dans
la loi de finances du 31 Juillet 1920, art 18.
(3) 28 Juillet 1905, syndic Vve Payen contre Vve Payen {Revue de
LégislaHon des Mines, 1907, p 246).
— 498 —
le même Tribunal. A d'appui de ce jugement étaient cités de
nombreux arrêts de Cassation, rendus en matière d'enreg-is-
trement et dans lesquels l'acte d'amodiation était considéré
comme une vente de choses mobilières (i).
On ne contestera pas cependant que l'amodiataire est Vex-
ploitant de la mine amodiée. Dès lors, que devenait l'article 32
de la loi de 1810 : L'exploitation des mines n'est pas considérée
comme un commerce ? Nous retombons dans la situation
anormale du commerçant qui nei fait pas des actes de commerce
O'ui qui n'en fait pas l'objet habituel de son industrie. La juris-
prudence a des raisons que la raison ne connaît point. Par
raison, il faut entendre ici le bon sens public.
Un point juridique important est à signaler en matière de
commerce des charbons. J'ai reproduit l'arrêté préfectoral
de 1853, rendu dans la période du Monopole, réglementant
la vente, du combustible, ordonnant notamment qu'elle ne
pouivait se faire qu'en un lieu déterminé et à certaines con-
ditions de prix, sans préférencei entre les acheteurs. Cet arrêté,
a déclaré la Cour d'Appel de Lyon en 1873, n'a aucune valeur,
la législation ayant donné à l'Administration un pouvoir de
surveiLlance sur l'exploitation, et non sur le commerce de la
houille extraite. La Cour de Cassation rejeta, en 1874, le pourvoi
formé contre cet arrêt (2).
Pendant l'hiver de 1900-1901, où la crise des charbons s'est fait
vivement sentir dans la région, on a évoqué inutilement l'arrêté
de 1853 et même l'arrêt de 1728 créant une Réserve autour de
Saint-Etienne. L'Administraijion s'est gardée de renouveler ces
vieillie? prescriptions qui, en temps de crise, avaient leur utilité.
En 1900, le Gonsedl municipal nomma une Commission extra-
municipale qui entra en relations avec les Compagnies et qui
négocia avec elles une réglementation de la vente au
comptant (3).
(1) Ces arrêts sont cités également dans l'ouvrage de MM. Bréchignac
et Michel, p. 100.
(21) V. Bréchignac et Michel, p. 526.
(3) V. Les journaux locaux des 19 décembre 1900, 6, 10 et 11 janvier 1901.
— 499 —
Ajoutons qu'un arrêté du Maire, rendu à la même époque,
a enjoint aux marchands vendant dui combustibde dans leurs
magasins ou sur la voie publique, d'avoir constamment avec
eux des instruments de pesage et de meisurage pour les mettre
à la disposition des acheteurs. Il est d'usage que les sacs de
combojistible vendus sur la voie publique par les marchands
ambulants pèsent 50 kg. (i).
Pour terminer cette partie du régime commercial, je renvoie
au véritable traite de comptabilité des mines publié par
M. Grand'Eury, dans le Bidletin de Vlndiistne minérale (1869-
1870) sous le titre suivant : Sur Vécononâe et la comptabilité
des mines de houille. Cette étude, déjà ancienne, mérite une
mention historique, qui s'ajoute aux nombreux titres de
M. Grand'Eury, l'homme de France et peut-être de i'éftranger
qui connaissait le mieux la flore houillère. J'ajoute que l'étude
de M. Grand'Eury est le seul exposé français de la Comptabilité
des houillères. Mais peutrêtre aurait-elle gagné à être plus clai-
rement rédigée pour les profanes.
Le régime commercial des mines a été bouleversé totalement
depuis 1914. J'y reviendrai dans un autre chapitre.
§ IV. — LE REGIME FISCAL ET DOUANIER
Commie sous l'ancien régime, les Mines paient à l'Etat uoie
redevance qui n'a aucun rapport avec la redevance tréfoncière.
Le mot « redevance », inscrit dans la loi de 1810, évoque, à la
différence des mots « impôt » oiu « contribution », l'idée féodale
du servis payé au proprîétaire éminent^ c'est-à-dire au seigneur
qui délivrait des concessions de terre. La même loi stipule que
la redevance proportionnelle sera une contribution annuelle.
Les travaux préparatoires de la loi indiquent que le Conseil
d'Etat résolut par l'affirmative la question posée par Napoléon,
qui assistait à la séance : « Les mines seront-elles sujettes à
Vimpôt ? » Redevance, impôt ou contribution sont en fait syno-
nymes, mais si Ton n'a pas dénommé « redevances » les impôts
(1) V. l^fS jouimaux locaux du 4 avril l'MH.
- 500 —
en général ou l'ensemble des contri'butions, si l'on n'a pas
dénommé « impôt sur les mines » la redevance payée à l'Etat,
il faut reconnaître que la tradition hdstorique a fait maintenir
ce terme de notre ancien droit. C'était un point à signaler dans
un ouvrage historique.
Cette redevance, on le sait, se compose d'une taxe fixe par
kilomètre carré ou par hectare de concession, et d'une taxe
proportionnelle sur le produit net de l'exploitation. La rede-
vance fixe surtout se rattache aux anciennes redevances féodales,
servies au seigneur par ses tenanciers pour reconnaître sa
qualité de propriétaire éminent. Mais ces redevances féodales
elles-mêmes ne tardèrent pas à se compliquer d'une redevance
proportionnelle dont la dîme fut la forme la pl(us impopulaire.
Pour les mines, il semble que la redevance proportionnelle fut
la seule appliquée. Qu'on se. rappelle, en effet, l'impôt du
dixième sur les produits de Textraction des minerais (v. p. 102).
Les textes qui ont complété ou modifié sur œ^ point la loi
de 1810 sont assez nombreux. On leis retrouve aisément dans
les recueils de législation et de jurisprudence minérales, qui
malheureusement ne peuvent être tenus à jour par des éditions
annuelles. Avant 1899, ces textes étaient plutôt rares. Depuis
cette épK>que, iils tendent à se multiplier. Le principal et les
accessoires (centimes additionnels) du taux de la redevance
ont été augmentés.
A la suite de la loi de 1810 intervinrent : le décret organique
du 6 mai 1811, qui posa les règles d'application de la loi ; ]a
loi de finances du 23 septembre 1814 (art. 20), qui supprima la
spécialisation de cet impôt, que la loi de 1810 affectait aux
dépenses de l'Administration des mines, aux recherches, ouver-
ture et mise en activité des mines nouvelles ou rétablissemeint
de mines anciennes ; les décrets des 30 juiin 1860, 27 juin 1866
et 11 février 1874, modifiant le régime de^ l'abonnement à la
redevance proportionnelle ; ce dernier décret., qui n est pas
spécial à l'abonnement, concerne également l'établissement de
cette redevance.
Abstraction faite des circulaires ministérielles, qui ne lient
que il' Administration et ne s'imposent pas aux concessionnaires,
les textes précédents formaient rensemble de la législation sur
la matière. Depuis 1899, au contraire, on a beaucoup légiféré
— 501 —
et réglementé, sans parler de l'élaboration des lois spéciales
oomma oeille duj 9 avril 1898 sur les accidenta du travail, qui
imposa sur îles mines (art. 25) une taxe spéciale de 5 centimes
par hectare concédé, à titre de participation au fonds de ga-
rantie de ces accidents. C'était une augmentation de 50 % de la
redevance fixe; qui était alors de 10 centimes par hectare.
Le décret du 8 septembre 1899 supprima les Gomités de pro-
position qui donnaient leur avis sur la déclaration du conces-
sionnaire et qui, à défaut, procédait à une première propo-
sition du revenu net. La pratique avait démontré que ces
comités avaient cessé ou presquei cessé de fonctionner effecti-
vement. Le décret de 1899 décida que l'évaluation serait faiLe
par l'ingénieur de l'Etat.
La loi de finances, du 31 mars 1903 fixa le nombre des
centimes pour frais de perception à 3 centimes par franc de
la redevance. C'était la régularisation d'un état de fait (i).
La loi de finances du 16 juillet 1903 fixa le nombre des cen-
times représentant la part des exploitants dans les allocations
prévues par la loi du 31 mars 1903 pour l'amélioration des
retraites des ouvriers mineurs. Les lois de finances postérieures
ont modifié les dispositions de 1903 (15 juillet 1907, 16 juillet
1908, 12 juillet 1909, 8 avril 1910, 18 juillet 1911 et 12 juillet 1912).
Cette dernière loi fixe le nombre de ces centimes à 7 c. 5 sur
la i-edevance fixe et sur la redevance proportionnelle. Nous y
reviendrons.
La loi de finances du 8 avril 1910, art. 4, a modifié complè-
tement la redevance des mines en élevant le taux de la
redevance fixe à 50 centimes par hectare, au lieu: de 10 cen-
times, et le taux de la redevance proportionnelle à 6 % au lieu
de 5 % du produit net. La redevance fixe fut réduite à 15 cen-
times pour lies mines de combustibles dont le périmètre n'est
pas supérieur à 300 hectares, et le revenu net inférieur a
1.500 francs, à la condition que le combustible soit habituel-
lement employé au chauffage domestique dans un rayon de
30 kilomètres. La redevance proportionnelle appartient à
l'Etat (5 %) et aux communes (1 %). La part des comm<unes est
(1) Le décret de 1811 avait laiss(^ au Ministre des Finances le soin
de fixer le nombre de ces centimes. V.n outre,, la loi de 1810 (art. 36j
imposa un décime par franc pau-r le fonds de non-valeurs.
;i3
— 502 —
divisé© en deux fractions : la première est attribuée aux com-
munes sous ilesquelles est située la concession ; elle est répartie
d'après le principal de la contribution foncière des propriétés
bâties ; la seconde fraction forme un fonds commun réparti
chaque année entre les communes où se trouvent domiciliés
des ouvriers et employés mineurs ou appartenant aux industries
annexes et au prorata de leur nombre. En outre, la redevance
proportionnelle n'est plus cailculée suivant la méthode com-
pliquée qui était auparavant en vigueur pour déterminer le
produit net de l'exploitation ©t qui soulevait tant de contes-
tations. Lorsque le concessionnaire est une Société par actions,
le produit net est forfaitairement évalué au dividende distribué
l'année précédente. En réalité, il y a là une majoration, car le
dividende comprend, indépendamment du produit net distribué,
le revenu des réserves accumulées par la Société. A défaut du
paiement de la redevance pendant deux années, la déchéance
peut être prononcée. Cette même loi a maintenu à 1 décime les
centimes par franc en sus pour non-valeurs, et à 3 centimes par
franc les frais de perception.
Le décret du 24 décembre 1910 a été rendu pour l'application
de la loi précédente.
Le décret du 3 août 1911 est relatif à l'abonnement à la rede^
vance proportionnelle pour les mines dont le produit doit être
évalué administrativement.
La loi du 30 décembre 1916, art. 7, a porté à 1 franc par
hectare le taux de la redevance fixei et à 20 % la redevance pro-
portionnelle sur le produit net de rexploitation pendant l'année
précédente'. Elle a porté à 5 francs par hectare le taux de la
redevance fixe sur les concessions inexploitées.
Voyons maintenant les observations qu'ont motivées la re-
devance payée à l'Etat et les modifications au taux de cette
redevance.
La loi de 1810 (art. 35) indiquait que la redevance propor-
tionnelle serait réglée chaque année, mais qu'elle ne pourrait
jamais s'élever au-dessus de 5 % du produit net. Ce maximum
devint la règle générale. En outre, la redevance devait former
— 503 —
un fonds commun spécial appliqué aux dépenses de l'Admi-
nistration des mines, aux recherches, ouvertuire et mise en
activité de mine® nouveliles oiu; rétablisôement de mines an-
ciennes. Cette spécialisation fut supprimée, nous l'avons dit,
en 1874. Aussi le Comité des Houillères françaises, dans une
brochure signée par son secrétaire, M. Burat, publiait on 1864
la déclaration suivante :
Le chiffre total de l'impôt devait servir simplement à solder les
dépenses de l'Administration des mines, et à fournir des subven-
tions et des encouragements aux entreprises minières. Aujourd'hui,
on perçoit sur les mines le double de ce que coûte l'Administration
spéciale, bien que cette administration ait été étendue à d'autres
services. Quant aux subventions et aux encouragements qui devaient
être donnés aux exploitants, il serait, nous le croyons du moins,
assez difficile d'en trouver les traces.
Ce n'est pas tout : un mode de calcul tout à fait en dehors de
ceux qui servent aux entreprises à déterminer leurs produits nets
ou bénéfices a été imaginé, de manière à porter l'impôt, non plus
à 5 %, mais à 8 et quelquefois à 10 % des bénéfices réels et dispo-
nibles de la mine.
Cela vient de ce que l'Administration s'est attribué le droit de ne
pas admettre certaines dépenses, non pas qu'elle en conteste la
réalité, mais parce qu'elle ne les considère pas comme dépenses
nécessaires à l'extraction. L'Administration, nous devons le recon-
naître, a, sous ce rapport, modifié, dans ces derniers temps, les
exigences qui donnaient lieu aux réclamations que les exploitants
ont portées devant elles ; elle est ainsi entrée dans une voie dont
ils doivent lui savoir gré, et qui leur permet d'espérer des réformes
nouvelles.
Aujourd'hui que, pour la plupart, les grandes exploitations sont
des Sociétés anonymes qui publient leurs comptes, on peut constater
l'anomalie qui existe entre la pratique et la loi.
Le bénéfice n'est-il pas la somme disponible et distribuée aux
actionnaires, qui sont ici les véritables propriétaires imposés ?! Cela
nous paraît démontré, mais n'est point admis par l'Administration,
dont les calculs arrivent à un produit net toujours plus fort que ce
que nous appelons le bénéfice.
Ce système d'impôt donne lieu chaque année à des réclamations
multipliées, de telle sorte que, pour un produit qui ne dépasse pas
1.500000 francs, il s'est établi un état de lutte permanent entre les
exploitants et l'Administration. Le Gouvernement a voulu mettre
fin à ces discussions en établissant largement l'abonnoinent, et déjà
le décret qui a établi les bases de cet abonnement donne li€u à de
nouvelles difficultés.
- 504 —
Nous avons dit que les mines, en Angleterre, n'étaient soumises
à aucun impôt, et l'on nous a objecté que les houillères anglaises
payaient le royalty, équivalant à nos redevances proportionnelles.
Il y a ici confusion, et nous le démontrerons en peu de mots : les
nobles lords qui possèdent de puissantes houillères payent-ils des
droits de royalty ? Non ! Pas plus que tout propriétaire de mine
qui exploite lui-même.
Le royaltij, c'est le droit d'amodiation, parce que le plus grand
nombre des houillères est, en effet, exploité par des fermiers. Ce
droit existe également en France, lorsque, ce qui est rare, une
houillère est amodiée à des entrepreneurs.
Ainsi, en Angleterre, lorsqu'un propriétaire de houillère ne veut
pas exploiter lui-miême, il livre sa mine, avec ses puits, ses travaux
souterrains, ses chemins, et souvent même avec un matériel plus
ou moins complet, à des entrepreneurs qui lui paient une redevance
dite royalty par tonne de houille extraite. Cette redevance, qui est
en général de 0 fr. 60 à 0 fr. 75 par tonne, représente chez nous
l'intérêt du capital engagé dans les concessions, et ne peut être
assimilée à nos redevances proportionnelles payées à l'Etat.
La loi, en Angleterre, a toujours évité d'entraver par des impôts
la production des matières premières ; nous voudrions quil en fût
de même en France et que l'on se décidjât à abandonner le système
des redevances proportionnelles, qui produit évidemment de
mauvais résultats.
En 1909, dans le pirajet de loi de finances pour 1910, le
Ministre des Finances, M. Cochory, proposa des réformes im-
portantes qui, modifiées, fuirent adoptées par le Parlement
(v. p. 496). La redevance' fixe do 10 centimes par hectare eût
été portée à 1 franc. La Chambre de Commerce de Saintr Etienne,
adoptant un rapport qui lui fut présenté par le Comité des
Houillères de la Loire, s'éleva contre œ projet de majoration (i).
Le Parlement éleva la redevance fixe à 50 centimes par
hectare.
Le Gouvernement proposait de porter de 5 % à 6 J % la
redevance proportionnelle, dont 6 % au profit de l'Etat et 1/2 %
au profit des communes. La Commission du Budget réduisit
le taux à 6 %, dont 5J % pouH l'Etat et 1/2 % pour les com-
munes. Je renvoie au rapport du Comité des Houillères adopté
par la Chambre de Commerce.
(1) Compte rendu des Travaux de la Chambre de Commerce de Saint-
Etienne pour 1909, p. 113.
— 505-
Le Parlement, fixa le taux de la redevance proportionnelle
à 6 %, dont 1 % pour les commiumes. Pour des mines exploitées
par des Soaiétés p^ur actions, il évalua forfaitairement le produit
net au dividende distribué.
Le rapport du Comité des Houillères suffit à réfuter cette
idée, exprimée trop souvent dans certains milieux commerciaux
mal informés : les mines ne payent pas la patente. On demandait
qu'elle fussent assujetties à cet impôt. EiUes n'eussent pas
demandé mieux. Ces milieux — • composés de commerçants et
de fabricants notableis — ignoraient la redevance payée- à l'Etat,
ou du moins ils en avaient entendu parler si vaguement qu''ils
la confondaient avec les droits de tréfonds, c'est-à-dire avec la
redevance tréfoncière. Ils ignoraient surtout que la redevance
payée à l'Etat était plus lourde quie la patente. La question du
régime fiscal des usines d'agglomération, sur laquelle délibéra
également la Chambre de Commerce en 1911 (Compte rendu,
p. 130), était non moins ignorée que la précédente^.
En 1816, première année- où fut perçue la redevance des
mines, cet impôt produisit, dans le département de la Loire,
une somme de 32.616 francs.
En 1913, son produit fut de 620.133 francs. Le produit de la
redevance n'est pas indiqué dans le dernier rapport du directeur
des Contributions directes au Préfet (2® session ordinaire du
Conseil général 1920).
A
Les Ministres des Finances proposèrent plusieurs fois, de
1900 à 1914, sans succès, d'établir un impôt sur le charbon. La
Chambre des députés adopta cependant un projet de taxe, le
4 mars 1913.
Le Comité des Houillères de la Loire protesta et sa protes-
tation fut insérée dans une délibération de la Chambre de
Commerce [Compte rendu 1913, p. 187).
Le projet de taxe de 50 centimes par tonne fut réduit à
25 centimes. La Chambre de Commerce protesta une seconde
fois (17 juillet 1913) et la malencontreuse taxe disparut du
budget.
— 506 —
Une nouvelle proposition fut insérée au budget de 1914. Elle
tendait à frapper d'un impôt de 20 % le bénéfice net de l'exploi-
tation, déduction faite de 2 francs par tonne sur oe bénéfice,
afin de laisser une marge aux exploitants. Ce nouvel impôt
devaiit doubler le prodmt de la redevance des mines, qui, pour
l'ensemble de la France, s'élevait à 7.583.934 francs. La Chambre
de Commerce de Saint-Etienne protesta, dans sa séance du
11 décembre 1913^ et le projet de taxe disparut avec son auteur,
M. Charles Dumont, ministre des Finances.
D'un travail publié à cette époque (1) il résulte que cette
taxe de 20 % sur le superdividende excédant 2 francs par
tonne eût coûté aux seules Compagnies de Roche-la-Molière,
Montrambert, SaintrEtienne et la Péronnière, qui dépassent
oe quœntuïïYi, la somme de 607.200 francs, sensiblement égale
par conséquent au produit global de la redevance payée par
l'ensemble des mines du départemient. La taxe, ramenée à la
production de chacune de ces Compagnies, eût été de 0 fr. 20
par tonne pour Roche-la-MoIière, 0 fr. 36 pour Montrambart,
0 fr. 144 pour Saint-Etienne, 0 fr. 42 pour la Péronnière. Son
inégalité était évidente.
La guerre nous a valu la taxe de péréquation des charbons,
dont je parlerai en son temps. Elle nous a valiui aussi V impôt
sur le chiffre d'affaires. Les mines sont dispensées de l'impôt
sur les bénéfices industriels et commerciaux (loi du 31 juillet
1917, art. 53).
La question des droits d'octroi sur les matériaux employés
par les mines a donné lieu à un long procès entre la ville de
Saint-Etienne et des exploitants, procès qui a duré de 1875 à
1886. La Ville avait modifié son tarif en 1873, et elle exigeait
l'application de la taxe sur les buttes et écoins destinés au
boisage des mines. Les exploitants prétendirent d'abord que
ces bois n'étaient point destinés aux constructions et par con-
séquent soumis à l'octroi. Ils furent battus. Ils soutinrent
ensuite que ces bois étaient des matières premières employées à
la préparation de produits non frappés par l'octroi. Ils furent
(1) Mémorial de la Loire, 4 décembre 1913.
— 507 —
encore battus. En 1886, le Conseil d'Etat finit par leur donner
raison, en décidant que la Ville ne pouvait plus réclamer des
taxes sur les bois dont il s'agit, mais qu'elle n'aurait pas à
rembourser les sommes perçues jusque-là (l).
J'ai consacré, dans mon Histoire de la Chambre de Commerce
de Saint-Etienne, p. 182 et suivantes, un chapitre au régime
douanier de la houille depuis la Révolution. Je renvoie par
conséquent à cet ouvrage. Depuis 1863, le droit d© douane sur
le charbon à l'entrée en France est resté fixé à 1 fr. 20 par
tonne. Les revisions douanières de 1881, 1892 et 1910 ne l'ont
pas modifié. Dans il'enquête de 1908, qui précéda la revision de
1910, le représentant des Houillères de la Loire déclarait P) :
Nous n'avons pas à nous plaindre de la concurrence étrangère,
parce que nous sommes assez éloignés de la frontière. Nous ne
nous trouvons pas dans la même situation que les houillères du
Nord et du Pas-de-Calais, ou les houillères du littoral de la Médi-
terranée, que des modifications au tarif des douanes peuvent
intéresser plus directement. Ce. qui paralyse le plus lourdement
notre industrie minière, c'est l'application des nouvelles lois sur le
repos hebdomadaire, sur la durée du travail dans les mines, sur la
journée de huit heures, etc..
Le charbon, sur le carreau de la mine, valait, dans notre
région, 12 francs la tonne en 1863. Il valait, en 1913, 27 francs.
La protection du droit de douane avait dimimié de plus de
moitié.
*
(1) V. Bréchignac et MicHEi., p. 427, Mémorial de lOr Loire, 15 novembre
1883 et 24 mai 1886.
(2) Chambre <\e Commerce de Saint-Etienne : Enquête sur les tarifs
fie douane, cu/mpLe rendu de Ventrevue de M. Klotz, président de la
Commission des Douanes, avec les délégations de la Jjdre, p. 93.
CHAPITRE IX
Le Régime des Ouvriers mineurs
de 1800 à 1914
1. — PÉRIODE DE LA RÉVOLUTION A 1845
N 1808 et en 1810, à la suite d'accidents survenus
au puits Charrin, à Grand'Croix, l'ingénieur de
l'Etat, Guényveau, avait constaté qu'il n'existait
ni médecin, ni Caisse de secours dans le bassin
de Rive-de-Gier. L'Administration insista pour
que la Compagnie de Grand'Croix créât une Caisse. La
Compagnie s'inclina. Sa Caisse fonctionnait en 1812, admi-
nistrée par la Compagnie et alimentée par une retenue de
0 fr. 50 par quinzaine et par ouvrier. Les blessés recevaient
1 franc par jour et les veuves 6 à 9 francs par mois, selon le
nombre de® enfants (i).
(1) Widmer, Les Caisses de secours et de retraites des ouvriers
mineurs (thèse de doctorat, Paris, imp. Guy et Cie, à Aleiiçon), p. 9.
On a imprimé par erreur Charri pour Charrin, Grand'Cran au lieu de
Grand'Croix, 1809 au lieu de 1810, date de l'accident au puits Charrin
(5 novembre) ; Brcssard, p. 220 et 221, indique que l'Administration,
après cet accident, tenta sans succès de créer une Caisse de secours
à Rive-de-Gier ; voir les noms des associés de Grand'Croix, ibid,
p. 392-393.
— 509 —
L'un des exploitants de Grand'Oroix, Fournas, membre du
Conseil général de la Loire, prit part, en 1812, au concours
ouvert par la Société d'encouragement à l'industrie de Jem-
mapes, en envoyant un mémoire sur les moyens de prévenir
les effets du grisou (l).
Au Code des Mines de 1810 vint s'ajouter le Code des Mineurs
de 1813. Je donne ce nom au décret impérial du 3 janvier 1813,
qui, par seis dispositions sur la prévention des accidents, sur
les mesures à prendre en cas d'accidents et sur la police des
ouvriers, constitue, en effet, la première législation moderne
sur la matière. Ce décret est em vigueur. Il figure dans tous les
codes miniers. Il est analysé dans tous les traités de législation
minérale. Il ne servirait à rien d'indiquer ses dispositions,
même à titre sommaire, dans cet ouvrage d'histoire. Deux de
ses articles (4 et 26) ont été modifiés, notamment l'article sur
les livrets d'ouvriers (modifié par la loi du 22 j'uin 1854 et le
décret diui 30 avril 1855, abrogé par la loi du 2 juillet 1890) (2).
L'autre modification résulte de- l'institution des délégués
mineurs en 1890. Une légère modification était intervenue par
la loi de 1880.
Si la grande industrie n'était pas encore née pour motiver
notre formidable législation contemporaine du Travail, la
sollicitude éclairée de Napoléon se manifestait en faveur de la
catégorie d'ouvriers la plus exposée^ aux accidents. La respon-
sabilité pénale des exploitants et même leur responsabilité
civile étaient prévues et indiquées dans le décret (art. 22). Sans
doute, ce décret ne fut que le point de départ du colossal
appareil législatif actuel concernant les ouvriers mineurs. Mais
les exploitations patriarcales d'alors n'étaient en rien compa-
rables aux grandes exploitations de nos jours. Le fait même
que le décret de 18i3 n'a été retouché légèrement — sauf sur
la question du livret — qu*en deux ou trois articles sur trente,
prooive à lui seul la solidité de la législation de cette» époque.
(1) Journal du Département fie la Loire, 28 mars 1812.
{2}} Ce décret (art. 20) interdit l'emploi, dans les mines, des enfants
au-dessous de <\ x ans, tandis que la première loi sur le travail des
enfants dans les usines n'intervint que le 22 mars 1841. Pour prévenir
les accidents, la loi de 1810 (art. 50 modifié en 1880 et 1907) donnait
simplement au Préfet le droit de prendre les mesures nécessaires.
— 510 —
L'attention de l'Empereur ne se manifestait pas seulement
par des lois et des décrets, qui reflétaient si fortement 'a
volonté du chef de l'Etat. La décoration de la Légion d'honneur,
que les grognards n'obtenaient pas toujours après vingt
combats, fut accordée à un mineur ayant sauvé soixante de
ses camarades dans une explosion survenue aux mines du
département de l'Ourthe (10 janvier 1812) (i). C'est même à la
suite de cette explosion qu'intervinrent le concours de Jem-
mapes, le décret du 3 janvier 1813, et le décret du 26 mai
suivant autorisant la Société de prévoyance des bouilleurs de
l'Ourthe (pays de Liège), qui ne survécut pas à la réunion, en
1814, de la Belgique à la Hollande.
Le sous-bassin de Rive-de-Gier, alors plus important que
celui de Saint-Etienne, ne fut désigné que par une ordonnance
royale du 25 juin 1817 pour l'organisation d'une Caisse de
prévoyance. Les bases suiivantes furent assignées à cet établis-
sement (2) :
Les fonds dont il disposera se composent :
1° De ceux que la munificence royale s'est réservée d'accorder ;
2° Du versement fait par les extracteurs de i centime par hecto-
litre de houille extraite dans leur exploitation, déduction faite du
nombre d'hectolitres livrés à titre de redevance aux propriétaires
de la surface ;
3« Du versement fait par les propriétaires du sol de 2 cen-
times sur chaque hectolitre de houille qu'ils reçoivent comme
redevance ;
4° Des dons volontaires inférieurs à cette quotité qui pourront
être offerts par toute personne, sans néanmoins donner le droit de
faire partie de la Société.
L'administration de la Caisse est gratuite. Elle est confiée à un
Comité général et à une Commission permanente.
Les ouvriers prennent part à F administration, en ce sens que
lorsqu'il y a lieu à distribution de secours, le gouverneur, un
piqueur et un traîneur de l'exploitation où l'accident est arrivé
sont appelés à la séance de la Commission, mais sans voix délibé-
rative.
Le recouvrement des fonds est confié à un caissier, qui réunit les
fonctions de secrétaire et dont le traitement est de l.OOO francs.
(i; Ce mineur -^ le premier décoré — s'appelait Goffin (Widmer, p. 8).
(2) Les dispositions de cette ordonnance et du règlement qui intervint
le 8 novembrei suivant sont reproduites dans Duplessy : Essai statis-
tique sur le Département de la Loire (1818), p. 84.
— 511 —
Les secours sont exclusivement réservés aux ouvriers, veuves ou
enfants d'ouvriers appartenant à des exploitations soumissionnaires
pour le versement des fonds nécessaires pour faire partie de la
Société.
L'ouvrier blessé ou malade, par suite de travaux, recevra par
jour 50 centimes jusqu'à parfaite guérison. Il pourra lui être
accordé 25 centimes par jour pour sa femme, et pareille somme à
chacun de ses enfants incapables de travailler.
Tout ouvrier de 60 ans et au-dessus, incapable de travailler et
qui justifiera de trente ans de travaux dans les mines, aura une
retraite de 75 centimes par jour.
Les veuves Et les enfants des ouvriers tués dans les travaux, ou
morts à la suite, une pension de :
50 centimes par jour pour les veuves ;
25 centimes par jour pour chaque enfant au-dessous de dix ans ;
50 centimes par jour pour chaque orphelin au-dessous de dix ans.
Les veuves des ouvriers morts dans l'indigence et sans accidents
extraordinaires pourront aussi recevoir des secours, que la Com-
mission déterminera.
La Caisse fournira aussi une portion des frais de traitement des
ouvriers blessés.
L'ouvrier qui perdra un bras ou une jambe aura une pension de
75 centimes par jour, et ses enfants au-dessous de dix ans jouiront
de 25 centimes également par jour.
Les comptes de la Caisse sont rendus chaque année au Comité
général.
Il y ai loin de la coupe aux lèvres. La Restauration ne mit
aucun empressement, aucune énergie à poursuivre l'exécution
de ses propres ordonnances sur la matière. Les temps étaient
changés ! Le. Souverain était incapable de s'abaisser aux
détails de l'administration. Il n'était plus, dans cet ordre d'idées
et dans tant d'autres, qu'un simple signataire.
En effet, la caisse de Rive-de-Gier resta longtemps à l'état
de lettre morte. Elle n'était pas organisée au moment do
l'élaboration des clansis cL conditions générailes des concessions,
puisqu'on songea à insérer dans ces clauses l'obligation de créer
une Caisse de secouirs et de retraites. L'article final se bornera
à rappeler les articles du décret de 1813 (15, 16, 22, 25) visant
l'organisation des secours, la responsîibilité pénale et la res-
ponsabilité civile (1).
(1) V r.iiossMM), p ?.;,:•, :u:{, 347.
— 512 —
En 1824, date de la délivrance des concessions, aucune Caisse
n'était organisée dans le territoire de Rive*-de-Gier (l). En 1827,
PeyretrLallier disait que la création prévue en 1817 n'avait
rencontré d'autre obstacle que la difficulté de réunir les inté-
ressés pour arrêter son organisation. Il critiquait d'ailleurs les
bases de 1817 et demandait que l'ouvrier, comme le conces-
sionnaire, contribuât aux versements par une retenue de 2 %
sur son salaire. Le versement patronal de 1 centime par hec-
tolitre de houille ne lui paraissait pas équitable, car la vente
des menuis donnait peu ou point de bénéfices (on n'avait pas
inventé encore l'agglomération). Il proposait : 1 centime par
hectolitre (80 kg.) de gros charbon, 3/4 de centime pour 'e
moyen ou chapelé, 1/2 pour le menu grêleux, 1/4 pour le
menu (2).
Peyret-Lallier indiquait cependant que quelques exploitants
avaient établi à cette époquie des Caisses de secours. Un autre
auteur a cité, en effet, parmi les plus anciennes caisses, celles
des puits Saint- Vincent (situé dans le périmètre des Houillères
de Saint-Etiennei), de Firminy, Combes, Egarande, le Treuil, etc.,
qui dataient de 1820 (?). En 1833, vingt concessions étaieilt
pourvues de ces institutions (3).
Ces Caisses étaient alimentée® par des versements patronaux
et ouvriers, et par le produit des amendes. Mais, écrivait Peyret-
LatUiier en 1838, cette institution n'est pas générale. Il demandait
l'organisation d'une Caisse centrale du bassin de Rive^de-Gier,
au lieu des Caisses isolées. Deux pour cent du personnel des
minies avait été atteint chaque anniée par les accidents pendant
la période 1817-1831 (358 ouvriers tués et 340 blessés). Le lundi
était le jouir oià les accidents étaient les plus nombreux.
Les prescriptions du décret de 1813 étaient mal observées,
notamment quant à l'obligation de tenir un journal de l'ex-
ploitation (art. 6) et d'entretenir, dans chaque exploitation,
les médicaments et les moyens de secours indiqués par l'Ad-
ministration (art. 15). Le Ministre pouvait obliger les grands
(1) Ihid., p. 229.
(2) Bulletin de la Société agricole et manufacturière de Saint-Etienne,
1827, p. 218.
(3) WiDMER, op. cit.f p. 11. — Bréchignac, Les Caisses de secours des
mineurs, 1869, p. 11.
— 513 —
exploitants à entretenir à leurs frais un chirurgien spécialement
attaché à leur établissement. Jusque-là, au contraire, Us
envoyaient les blessés dans les hospice® voisins et ils ne
payaient même pas les frais du traitement, bien que ces frais
fussent à leur charge (art. 20) (i).
En 1839, sur 4. 706 ouvriers, 119 furent victiimes d'accidents,
dont 63 accidents mortels. Proportion des accidentés : 2 1/2 %.
En 1840, pour 4.824 ouvriers, on comptait 58 victimes d'ac-
cidents, dont 43 accidents mortels. Comme avant 1830, le lundi
était le jour où les accidents étaient les plus nombreux p).
L'Administration et les Tribunaux, depuis la Révolution de
Juillet, prirent cependant quelques sanctions contre les ex-
ploitants, leaiirs préposés ou les employés coupables. Emu
par le nombre des accidents, le Tribunal correctionnel de Saint-
Etienne jugea, en 1832, deux délits de morts d'ouvrieirs mineurs
causées par l'imprudence d'un gouvemeiur et d'un machiniste.
Il poursuivit plusieurs concessionnaires pour inexécution des
règlements (3).
« Dans les entreprises industrielles en général et principa-
« lement dans celles-ci, on fait beaucoup trop abstraction des
« classes ouvrières, disait en 1840 Alphonse Peyret, le fils de
« Peyret-Lallier. Le moyen le plais sûr de moraliser et de
« pacifier les masses, c'est d'améliorer leur sort et de s'intéresser
« à leur avenir. » A. Peyret réclamait une Caisse centrale de
secours pour le bassin de la Loire, pour laquelle, disait-il, il
faut 500.000 francs par an. Il demandait d'augmenter les
salaires pour alimenter ila Caisse (^).
L'idée d'une Caisse centrale fut reprise par le journal l'Ami
des Ouvriers^ en 1841 (18 avril) (5).
Le 19 novembre 1842, le Tribunal correctionnel de Saint-
Etienne condamna Morillot, directeur des mines de Firminy, à
500 francs d'amende et aux dépens pour l'explosiion du 18
(1) Ibid., 1838. p. 109.
(2) Ibid., 1842. p. 257.
(3) Ibid., 1833, p. 371. — Mercure Ségusien, 4 août 1832.
(41) Bulletin de la Société d'Agriculture, 1840. p. 291.
(5) Offl<;e du Travail, Les Associations professionnelles ouvrières, t. I,
p. 331.
— 514 -^
octobre, au puits de la Tour, ou quinze^ ouvriers furent tués et
treize blessés. L'explosion avait été causée par Finsuffisance
de l'aérage et par l'emploi des lampes ordinaires, qui cependant
avait été interdit. Le Tribunal admit plusieiurs circonstances
atténuantes : Mon Ilot avait interdit d'emploi des lampes ordi-
naires dans les chantiers supérieurs, mais cet ordre n'avait
pas été respecté. En outre, il était absent depuis un mois, pour
cause légitime, j'uisqu'à la veille de l'explosion ; enfin, il s'était
porté, aux risques de sa vie, au secours des victimes. Mais le
substitut Lenormand n'en avait pas moins prononcé ies paroles
suivantes. On vivait sous le régime de Louis-Philippe (l). A
entendre le substitut, on se croirait à cinquante ans plus tard :
Messieurs, nous réclamons contre M. Morillot une condamnation
sévère. Cette condamnation l'atteindra justement, car il y a eu de
sa part persistance dans les imprudences qu'on lui reproche. La
décision que vous allez rendre aura, en outre, un effet salutaire. Les
directeurs de mines comprendront que les arrêtés ne sont pas lettre
morte, et qu'ils n'ont jamais le droit de mettre leur arbitraire à la
place de décisions qui font leur loi. Et peut-être qu'à laide des
secours de la science, de la surveillance de TAdministraiion, on
parviendra à conjurer le retour de ces catastrophes que nous
déplorons tous. Il ne faut pas qu'on s'habitue à les considérer
comme des nécessités qu'on doit subir, que l'on se dise que 1 exploi-
tation des mines coûte des hommes comme elle coûte de l'argent.
Le devoir du maître est de veiller sur la vie de l'ouvrier, malgré
l'ouvrier lui-même ; et il peut être sûr, toutes les fois que des
désobéissances seront signalées, que l'appui du ministère public ne
lui manquera pas pour les réprimer.
Le Gouvernement, en 1843, par une ordonnance royale du
26 mars, promulguée le 15 avril, édicta de nouvelles mesures
concernant la sécurité des ouvriers mineurs et la sûreté pii-
blique (2). Le 10 mars de la même année, par une circulaire,
il avait préconisé la création de Caisses de secours, qui
n'exisitaient en France qu'en biiem petit nombre Ç-^).
De 1845 date la constitution définitive de la Grande Com-
pagnie des Mines de la Loire, dont nous examinerons les
institutions ouvrières au sous-chapitre suivant. En cette même
(1) Mercure Ségusien, 20 novembre 1842.
(2) V. Michel, Eecveil de jurisprudence minérale, p. 189.
(3) WlDMER. p. 14.
— 515 —
année, la Compagnie de Firminy créa l'hôpital Lachaux, au
centre d© la ville, le plus ancien établissement particulier des
exploitations houdl 1ères de la Loire (i).
Il ne faudrait pas s'illusionner sur la valeur philanthropique
des institutions ouvrières antérieures à celles de la Grande
Compagnie. Meugy, ingénieur de l'Etat, écrivait à œ sujet (2) :
Voici comment le service de santé est organisé à Rive-de-Gier.
Chaque Compagnie a une Caisse particulière, où elle verse chaque
jour une retenue de 5 centimes, faite sur le salaire de chaque
ouvrier. Cette Caisse devrait être uniquement destinée à secourir
les malades, blessés, invalides et infirmes, ainsi que les veuves et
orphelins en bas 'âge ; mais il n'en est pas ainsi, et sous ce rapport
le service de santé pourrait recevoir de grandes améliorations. En
effet, les appointements du médecin sont pris sur les fonds de la
Caisse, et c'est là une contravention évidente à l'article 20 du décret
de 1813, qui veut que les secours donnés aux blessés soient à la
charge des exploitants. Il existe même certaines Compagnies qui
ne suppléent pas à la Caisse, lorsque celle-ci vient à faire défaut.
Ce n'est pas tout. Les intérêts des sommes versées dans chaque
Caisse devraient être acquis à l'ouvrier, puisque ces sommes pro-
viennent d'une retenue faite sur son salaire. Or, il n'en est rien.
Les Caisses de secours, telles qu'elles sont instituéas à Rive-de-Gier,
donnent donc lieu à de graves abus, qu'ir serait urgent de réformer.
Pour y parvenir, on pourrait réunir toutes les Caisses particulières
en une seule, dont l'administration serait confiée à un Comité
spécial, tel que celui dont il est fait mention dans le règlement
annexé à l'ordonnance royale du 27 juin 1817, laquelle n'a jamais
reçu son exécution à Rive-de-Gier. Les ressources que présenterait
cette Caisse générale seraient de plus une garantie de son efficacité.
Avant l'existence de la Compagnie (c'est-à-dire avant le Trust),
disait en 1853 la Compagnie des Mines de la Loire, il y avait
autant de Caisses de secoojirs que d'exploitations. Leur unique
revenu consistait dans une retenue de 1/2 à 3 % sur les salaires.
Il variait par conséquent avec le mouvement des travaux et il
était tari quand l'exploitation était abandonnée. Les secours,
très insuffisants, ne représentaient pas même la dépense du
pain. Parfois, ils cessaient brusquement et définftivement.
Sans pouvoir l'affirmer, la Compagnie indiquait que l'hôpital
(1) Notice sur c^tte Compa^ni^ à l'Kxposition de 1889, p. 35.
(2) MniGY, Historique des Mines de Rive-dle-Cier, 1848 (Cet oiivmRo a
été préparé quelques années auparavant comme l'Indiquent les statis-
tiques, qui s'arrtHent à 1844).
— 516 —
de Firminy était entretenu égailement au moyen d'un prélè-
vement sur les salaires 0).
Ajoutons cependant, d'après M. Brèchignac, que le pro-
priétaire de la mine s'imposa lui-même et promit de suppléer
au déficit. Les secours étaient alloués sur les délibérations d'un
Conseil dont le propriétaire de la mine était l'âme. Pour
quelques Caisses, l'actif était augmenté par des amendes.
Ce genre d'association ne prit point naissance à la suite d'un
contrat écrit. C'était un usage qui se créait. Si plus tard on
fit uin règlement, ce fut pour constater cet usage, qui d'ailleurs
n'existait pas dans toutes les exploitations p).
Le règlement primitif deis Mines de la Chazotte (1^ novembre
1845) imposait une retenue de 10 centimes par journée de
travail et ne prévoyait comme risque à secourir que la perte
complète d'un bras ou d'une jambe. La victime recevait alors
50 centimes par jour (3).
J'indique au chapitre concernant l'Ecole des mines les cours
créés à cette école pour les ouvriers mineurs pendant cette
période.
§ 2. — PERIODE 1845-1854
Cette période est celle du trust des houillères de la Loire.
Le décret-loi du 2 mars 1848, limitant à douze heures la
durée effective dfu travail, fut abrogé par le décret du 9 sep-
tembre suivant, restreignant cette limitation aux usines et aux
manufactures. A cette époque, la journée de douze heures était
la règle générale.
J'ai raconté, dans un autre chapitre, la participation des
mineoiirs au mouvement ouvrier de 1848 (v. p. 346). Ils consti-
tuèrent alors teur première A^sociaition professionnelle : l0 Société
(1) Mémoire cité au paragraphe suivant.
(2) Brèchignac, Les Caisses de secours des ouvriers mineurs, 1869,
p. 11-12.
(3) Antoine Gerest, La liquidation de Vancienne Caisse de secours de
la Chazotte {Gazette de Saint-Etienne, juijlet 1910) La concession de la
Chazotte, accordée en 1825 (v. p. 249), devint en 1876 la propriété de la
Compagnie P.-L.-M.
— 517 —
des ouvriers mineurs et charbonniers de la Loire ^ dont le Comité
central joua un certain rôle. J'ai lieu de croire que cette Société
eut pour filiale la Société de secours mutuels des mineurs de
Rive-de-Gier, fondée le l^'' janvier 1849 et qui comptait 363
adhérents eni 1^51. Cette Société fut dissoute par le Préfet au
lendemain du Deux-Décembre, le 3 janvier 1852. Elle ne
comptait plus que neuf membres, qui s© partagèrent les
228 francs en caisse (l).
On venait de voter la première loi sur les Sociétés de Secours
mutuels (15 juillet 1850). Mais sous le couvert de la mutualité
le Gouvernement ne tolérait pas l'organisation révolutionnaire.
La Compagnie de la Loire, qui monopolisa presque totalement
l'exploitation de 1845 à 1854, a tracé l'historique et l'organi-
sation de ses institutions ouvrières dans la note ci-après, jointe
à une lettre du 26 novembre 1853 adressée à l'Ingénieur en chef
du Département (2) :
NOTE SUR LE SERVICE D'ASSISTANCE
DE LA COMPAGNIE DES MINES DE LA LOIRE
en 1853
Le service d'assistance, organisé par la Compagnie des mines de
la Loire en faveur de ses ouvriers de Saint-Etienne et de Rive-de-
Gier, comporte :
1° Trois établissements spéciaux, comprenant : des infirmeries
pour les ouvriers blessés, des pharmacies et un service médical
gratuit pour les ouvriers malades et pour tous les membres de leurs
familles, des écoles, des ouvroirs et des salles d'asile pour leurs
enfants, des chapelles régulièrement desservies ;
2° Une Caisse générale de secours pour les ouvriers frappés
temporairement d'incapacité de travail, et de pensions viagères pour
les invalides et pour les veuves des ouvriers morts par suite
d'accidents :
(1) Office du travail, Les Associations professionnelles, I, p. 333.
Toutes les mutuelles furent dissoutes, pendant l'état de siège, par le
général de Castellane, qui commandait ù, Lyon et qui avait le dépar-
tement de la Loire diris son commandement. Quelques-unes furent
rétablies.
(2) Archives de la Société actuelle des Mines de la Loire.
34
— 518 —
3° Des secours dits extraordinaires pour les familles d'ouvriers
qui, n'ayant pas de droits à la Caisse de secours, se trouvent dans
le besoin, par suite de circonstances dignes d'intérêt ;
4° Des subvevltions aux hospices des aliénés et des sourds^muets,
aux écoles de diverses communes, à une boucherie dans laquelle
les ouvriers obtiennent la viande à prix réduit, etc... ;^
5" Des dons en argent ou en charbon, pour les familles indigentes
qui sont complètement étrangères à la Compagnie.
Infirmeries et Ecoles
Trois établissements ont été fondés, en 1846, 1847 et 1848, au Soleil,
pour le bassin de Saint-Etienne ; au Montcel, pour le bassin de La
Ricamarie ; à Lorette, pour le bassin de Rive-de-Gier.
Ils ont coûté, en prix d'achat (construction et mobilier) :
297.804 fr. 34.
Ils sont desservis par trente-quatre sœurs, appartenant à l'ordre
de Saint-Vincent de Paul, comme la plupart des établissements
hospitaliers créés et entretenus par le Gouvernement, les départe-
ments et les grandes villes.
Ces sœurs sont chargées de soigner les blessés dans les infirme-
ries, les malades à domicile, et d'élever les enfants dans les écoles.
Il y a, en outre, une sous-maîtresse pour chaque classe, un infirmier
pour chaque infirmerie, un jardinier pour chacun des vastes jardins
annexés aux trois établissements.
La Compagnie n'a rien négligé, en restant dans les conditions de
simplicité essentielles à de pareils établissements, pour l'installation
des divers services, et plus spécialement pour celle des infirmeries.
Elle a voulu, en mettant ainsi sous les yeux de ses ouvriers et de
leurs enfants l'exemple du confortable et de la propreté, leur en
inspireK le goût dans l'intérieur des familles, qui, sous ce rapport,
offrent un spectacle des plus affligeants dans le bassin de la Loire.
Nous pouvons ajouter que cette influence a déjà eu des résultats
très appréciables.
Huit médecins sont attachés au servie© de la Compagnie, dont
cinq à Saint-Etienne et trois à Rive-de-Gier.
Trois de ces médecins se rendent chaque jour, à des heures fixes,
aux infirmeries, pour visiter les blessés et donner des consultations
aux malades qui se présentent.
Un règlement spécial prescrit £.ux médecins de se rendre au domi-
cile de& malades dans les délais déterminés, sur des avis délivrés
par les ingénieurs ou contrôleurs, et de renouveler leurs visites
aussi souvent que l'état des malades peut l'exiger.
Les médicaments nécessaires à tous les malades sont délivrés
gratuitement et des sœurs sont spécialement chargées d'en surveiller
l'emploi.
— 519 —
V
Les supérieures des établissements sont, en outre, autorisées
distribuer des secours en viande, pain, linge, etc.
En 1852, il a été reçu dans les infirmeries 249 blessés, savoir :
Au Soleil 113
Au Montcel 75
A Lorette 61
249
Le nombre des blessés reçu,» à Lorette est comparativement peu
considérable, surtout si l'on tient compte du nombre des ouvriers
au centre desquels il se trouve. Cela tient à ce que cet établissement
a été créé le dernier et qu'il a fallu là, comme au Soleil et au
Montcel, assez longtemps pour vaincre la répugnance qu'éprouvent
les ouvriers à se laisser transporter dians des hospices. Mais cette
répugnance a complètement cessé et les lits de Lorette sont main-
tenant toujours occupés. Voici, d'ailleurs, quelle a été la progres-
sion des blessés reçus :
1*^ semestre (1852) 22
2« — — : 39
3« — (1853) 44
Le séjour des blessés dans les trois infirmeries est représenté,
dans son ensemble, par 10.387 journées, d'où résulte une moyenne
de 42 journées par homme.
Pendant l'année 1852, il a été fait, par les médecins de la
Compagnie, 10.259 ordonnances, pour lesquelles des médicaments
ont été fournis gratuitement par les pharmacies des trois établis-
sements. Ces ordonnances se répartissent comme suit :
Ouvriers 4.623
Femmes. . . 3.004
Enfants. . • •. 2.632
ToTAi ho.259
Pendant la même année, il a été fait, soit par les médecins, soit
par les sœurs, 6.564 visites à domicile.
M faudrait faire de très longues recheirches pour établir avec
précision le nombre des individus (jui ont reçu les soins des méde-
cins et des sœurs, comme aussi pour fixer la durée moyenne des
maladies. Les médecins, consultés à ce sujet, évaluent à deux par
personne en moyenne le nombre des ordonnances et des visites,
et à quinze jours la durée des maladies.
Sur ces bases, plus de 5.000 personnes environ, soit une par
famille en moyenne, auraient participé au service médical organisé
— 520 —
par la Compagnie, 3.300 auraient été visitées à domicile, et l'en-
semible des journées de maladie serait de 75.000.
Il est impossibl,e de distinguer, dans les dépenses du service
médical, la part afférente aux infirmeries de celle qui s'applique
aux malades so'^gnés à domicile. Les médecins, les sœurs, les
pharmacies sont communs aux deux parties du service-
Voici, d'ailleurs, pour chacuii des trois établissements, le détail
des dépenses pendant l'année 1852 :
Aliments
Médicaments . .
Blanchissage
Chauffage
Mobilier
Jardins
Réparations et entre-
tien
Secours à domicile, en
pain, viande, linge,
etc
Pensions des soeurs..
Honoraires des mé-
decins
Impôts
Ecoles et salles d'asile
Totaux
Soleil
franc*
.371 46
.031 29
587 24
563 56
281 43
515 76
431 48
1.227 45
5.000 »
5.000 «
516 91
547 30
29.073 88
Montcel
francs
3.324 41
2.241 55
590 20
440 60
42 05
210 50
3.053 40
985 60
4.000 ).
1.600 »
200 »
874 20
17.562 51
Lorette
francs
2.849 85
5.449 05
499 »
434 80
484 60
93 90
4.426 95
1.720 65
4.500 »
3.015 ))-
» »
504 45
23.978 25
Total
francs
11.545 72
11.721 89
1 676 44
1.438 96
808 08
820 16
12.911 83
3.933 70
13.500 »
9.615 »
716 91
1.925 95
70.614 64
A ces dépenses, dont l'ensemble s'élève à 70.614 fr. 64, ii est juste
d'ajouter l'intérêt des 298.000 francs immobilisés par la Compagnie
pour l'achat et raménagement des trois établissements, soit 15.000 fr.
La dépense totale de l'année 1852 se trouve ainsi portée' à
85.614 fr. 64.
Il est à remarquer que leis édoles et salles d'asile ne sont com-
prises que pour 1.925 fr. 95 dans les dépenses ; mais il convient de
faire porter sur cette partie du service :
1° La moitié des pensions payées aux siœurs ;
2° La moitié des intérêts du capital ;
3° La moitié du chauffage ;
4° Une partis de la dépense pour aliments ; car, chaque jour,
on donne la soupe aux enfants, pour qu'ils n'aient pas à rentrer
dans leurs familles avant la fin de la journée.
— 521 —
Voici quel a été le personnel des écoles pendant Tannée 1852 :
I" classe
2» classe
3* cla"fese
Ouvroir
Asile
Total
Soleil
54
65
73
62
156
410
Montcel
63
73
))
94
204
434
Lorette
TOTAT, ..
36
62
76
33
152
359
153
200
149
189
512
1.203
Le nombre des élèves va toujours progressant, notamment dans
rétablissement de Lorette, qui a été fondé le dernier. On y compte
maintenant près de 500 enfants.
A la fin de chaque année, il est fait des distributions de prix, qui
ont été souvent présidées par les autorités supérieures en résidence
dans r arrondissement.
Caisse de secours. — Avant l'existence de la Compagnie, il y
avait autant de caisses de secours que d'exploitations. Ces caisses
avaient pour unique revenu une retenue faite sur les salaires et
variant de 1 ^ à 3 % Cette ressource n'était pas seulement insuf-
fisante, elle était subordonnée à toutes les vicissitudes des exploi-
tations. Elle était plus ou moins considérable, suivant que les
travaux étaient plus ou moins actifs ; elle était complètement
anéantie pour les caisses des exploitations qui étaient abandonnées.
Dans de pareilles conditions, les secours attribués aux invalides,
aux veuves, aux ouvriers temporairement frappés d'incapacité de
travail, étaient toujours insuffisants, souvent Us ne représentaient
pas même la dépense du pcùin, et parfois ils cessaient d'une manière
absolue, définitive.
Dès 1846, la Compagnie, sans rien changer à l'organisation des
caisses, leur a alloué les subventions nécessaires pour augmenter
les secours et en assurer le service régulier. Lorsque T exploitation
a laquelle appartenait une caisse était interrompue, la Compagnie
prenait à sa charge la totalité des pensions dont elle était grevée.
La Compagnie a même rendu à un assez grand nombre de veuves
et d'invaJides des pensions qui avaient cessé, pour cette causie,
d'être payées depuis longtemps par les exploitants auxquels elle
s'est substituée.
En 1850, après une enquête à laquelle concoururent des délégués
nommés par les ouvriers, la Compagnie centralisa toutes les caisses
de secours pour n'en former qu'une seule, commune aux exploita-
t ons de Saint-Etienne et de Rive-de Gier. Les secours furent unifor-
mément élevés au taux de 1 franc par jour pour les ouvriers^ de
50 cen.tim<ïs pour les veuves ; les (mvriers et les veuves reçoivent,
— 522 —
en outre, 25 centime® pour chacun de leurs enfants âgés de moins
de 12 ans.
La retenue sur les salaires a été uniformément fixée à 2 %, et
la Compagnie s'est engagée à faire une subvention égale à la rete-
nue. On verra que la subvention a été beaucoup plus considérable.
La Compagnie fait seule, en outre, les frais du service médical
annexé à la Caisse de Secours.
L'Administration de la Caisse a été confiée à un Conseil, composé
de 18 membres, dont 12 sont nommés par les ouvriers et 6 par le
Conseil d'administration de la Compagnie.
Voici quelles ont été, sur cesi bases, les opérations de la Caisse
de Secours pendant Tannée 1852 :
Des secours ont été alloués à trois mille cinq cent quatre-vingt-
dix-huit personnes, comme suit :
Ouvriers. . • 1 .393
Enfants de ces ouvriers (âgés de moins de 12 ans) 1 .529
Veuves 340
Enfants de ces veuves (âgés de moins de 12 ans) 318
Orphelins - 18
Total 3.598
L'ensemble des, secours alloués à ces 3.598 personnes, pendant
l'année 1852, s'est élevé à 133.975 francs.
Le produit de la retenue faite sur les salaires a contribué à cette
dépense pour 50708 fr. 01.
Pour comibler le déficit, la Compagnie a dû porter sa subvention
à 83.266 fr. 99.
Ainsi la Compagnie, qui, sans y être tenue par aucune loi et
contraArement à Vusage étahU de tout temps, existant encore en
dehors d'elle, dans le bassin de la Loire, s'était engagée à verser
une subvention égale au produit de la retenue, n'a pas mis à cette
subvention d'autres limites que celle des besoins de la Caisse de
Secours, et, au lieu de verser SO.OOO francs, elle en a donné
83.000, soit près du double de ce qu'elle avait volontairement promis.
Si l'on répartit la totalité de la dépense entre les chefs de famille
(ouvriers et veuves) qui ont été secourus, la moyenne des alloca-
tions faites sera de 77 fr. 30 par individu.
Si, comme sur les exploitations étrangères à la Compagnie, la
Caisse n'avait pas eu d'autre ressource que le produit de la retenue,
cette moyenne eût été réduite à 29 fr. 20.
Sous une autre forme, le produit de la retenue n'aurait pas même
suffi à payer les pensions des veuves, qui sont comprises dans la
dépense pour 74.850 francs.
Ceci nous conduit à faire remarquer que la Caisse de Secours,
teiHe que l'a constituée la Compagnie, est, sous certains rapports
et dans des proportions considérables, une véritable caisse de
— 523 —
retraites. En effet, on vient de voir qu'elle servait à 340 veuves des
pensions permanente.» viagères, dont l'ensemble s'est élevé à près
de 75.000 francs en 1852.
Nous ajouterons que des pensions, également permanentes et
viagères, sont servies à plus d.e cent ouvriers invalides. Le nombre
de ces invalides ne peut, pas être fixé avec précision, parce que,
pour quelques-uns, l'incapacité de travail p«ut cesser, mais nous
pouvons évaluer à plus de cent ceux dont les pensions datent de
deux ans au moins.
Aussi re^ste-t-il peu de chose à faire à la Compagnie pour cons-
tituer, à côté de sa caisse de secours, une caisse de retraites propre-
ment dite^ qui s'appliquerait aux ouvriers remplissant certaines
conditions de séjour dans les mines et d'âge. Depuis longtemps elle
a décidé que ce complément indispensable serait donné à son
système d'assistance, eUe en a préparé la réalisation, qui serait
déjà accomplie si on avait laissé à la Compagnie sa liberté d'action,
au lieu de la contraindre à défendre ses droits, son existence, contre
des attaques injustes, contre des menaces passionnées. %
Quoi qu'il en soit, même dans son organisation actuelle, la
Caisse de Secours de la Compagnie comporte le service de près de
500 pensions viagères, dont elle a librement, spontanément, pris la
charge, qui seraient anéanties le jour où la Compagnie cesserait
d'exister, ou qui, du moins, seraient réduites à leur prélèvement
proportionnel sur la retenue imposée aux salaires, c'est-à-dire à
un chiffre qui, ainsi que nous le disions, suffirait à peine aux
pensiomitaires pour acheter du pain.
Secours extraordinaires
{Subventions à des Hospices et Ecoles, etc.)
Nous n'entrerons pas dans les détails des autres parties du service
d'assistance organisé par la Compagnie. Nous nous bornerons à
constater sommairement que, en 1862, il a été dépensé 34.463 fr. 43
en dehors des infirmeries, des écoles et de la Caisse de Secours.
Ces dépenses ont eu pour objet :
1° Des secours à des familles d'ouvriers qui se trouvaient dans
des conditions de misère exceptionnelles (distributions de pain,
viande, linge, paiements de loyers, etc..) ;
2° I>es abonnements aux hospices des sourds et muets et des
aveugles, des subventions aux écoles des communes qui sont situées
à de trop grandes distances de nos établissements pour que les
enfants des ouvriers puissent suivre nos écoles spéciales ;
3° Une subvention à un bovicher qui s'est engagé à livrer la
viande à prix réduit aux ouvriers de la Compagnie.
Il n'a encore été fait, sous ce rapport, qu'un essai partiel, pour
les ouvriers situés dans la ville et la banlieue de Saint'Etienve ;
— 524 —
mais le service de cette boucherie doit être généralisé aussitôt que
l'expérience aura fourni les éléments nécessaires à son organisation ;
4° Le paiement d'une demi-journée de salaire et les frais du
service religieux, dans toutes les communes, à l'occasion de la fête
de Sainte-Barbe, patronne des ouvriers mineurs ;
5° Enfin, une distribution d'au moins 20.000 quintaux métriques
de charbon, par l'entremise des maires ou des bureaux de bienfai-
sance d'un grand nombre de communes. La Ville de Saint-Etienne
est comprise, tous les ans, dans cette distribution pour plus de
IjO.OOO quintaux métriques.
Résvmié des dépenses du service d'assistance en 1852
En résumé, pendant l'année 1852, les dépenses du service d'assis-
tance de la Compagnie se sont élevées à 203.345 fr. 06, comme suit :
Entretien de trois établissements 70.614 64
Subvention à la Caisse de secours 83.266 99
Secours extraordinaires 34 .463 43
Intérêts du capital consacré à l'acquisition des trois
établissements. . 15.000 »
Total , 203.345 06
Résumé général des dépenses du service d'assistance
du /^ janvier 18^6 au 30 juin 1853
Achat, construction et mobilier des trois établissements 297.804 34
Entretien des établissements 344.488 78
Honoraires des médecins 57.950 »
Subvention à la Caisse de secours 407.952 98
Secours extraordinaires 344 .984 76
Intérêts des capitaux consacrés à l'acquisition des
trois établissements 105.000 »
Total 1.558.180 86
Lettre de la Compagnie à Vîngénieur en chef des mines
Saint-Etienne, le 26 novembre i8.^3.
Nous avons l'honneur de vous transmettre, en réponse à vos
lettres des 23 et 24 courant, une note sur le service d'assistance
de la Compagnie des mines de la Loire.
Vous remarquerez que cette note va au delà de vos questions, en
ce qu'elle contient des détails, non seulement sur le service médical
et les écoles fondés par la Compagnie dans trois établissements
— 525 —
spéciaux, mais aussi sur la Caisse de secours organisée, subven-
tionnée par elle, et enfin sur tous les autres secours, de diverse
nature, alloués par la Compagnie en dehors de ses établissements et
de sa Caisse de secours, soit aux familles de ses ouvriers, soit en
général aux indigents.
Conformément à vos indications, nous avons pris pour base de la
note ci-jointe les faits et les chiffres de l'année 1852 ; mais, pour
que vous puissiez, ainsi que M. le Ministre des Travaux publics,
apprécier toute l'importance, toute l'étendue du service d'assistance
de la Compagnie, nous avons établi le résumé général des dépenses
du l^r janvier 1846 au 30 juin 1853.
(Su'it le résumé général précédent dont le total s'élève à
1.558.180 fr. 86.)
Nous regrettons. Monsieur l'Ingénieur en chef, que vos occupa-
tions ne vous aient pas permis de visiter, ainsi que nous vous en
avons exprimé le désir, au moins un de nos trois établissements,
dans tous ses détails. Nous sommes convaincus, en effet, qu^ cette
visite vous aurait mis en mesure, beaucoup mieux que ne peuvent
le fa/ire des chiffres, d'apprécier et de faire connaître à M. le Minis-
tre des Travaux publics la nature et les résultats des institutions
spéciales que la Compagnie a fondées pour améliorer, autant qu'il
dépend d'elle, la situation physique et morale des nombreuses
familles ouvrières attachées à ses exploitations.
Nous devons croire, Monsieur l'Ingénieur en chef, que vous aurez
pris, sur le service d'assistance des autres exploitants du bassin
de la Loire, des renseignements qui vous permettront d'établir une
comparaison entre ce qu'ils ont fait sous ce rapport et ce qri'a fait
notre Compagnie. En effet, les résultats que nous constatons dans
la note ci-jointe perdraient en grande partie leur signification, si
on ne les comparaît aux résultats qui ont été obtenus en dehors de
la Compagnie. Or, nous n'hésitons pas à affirmer que là où nous
avons déjà toute une grande organisation, les autres exploitants
n'ont rien ou presque rien. Une seule Compagnie, celle de Roche-la-
Molière et Firminy a, pour la moitié de ses ouvriers, une infirmerie
et une école, qui, du reste, si nous sommes bien renseignés, sont
entretenues au moyen d'un prélèvement fait sur les salaires. Sur
toutes les exploitations étrangères à la Compagnie, les Caisses de
secours n'ont pas d'autre revenu que ce prélèvement, et il en
résulte, pour la plupart, une insuffisance qili condamne à la misère
les ouvriers frappés d'incapacité de travail et les veuves. Ainsi,
lorsque nous avons repris, au 1'*' jan^^er, par cessation d'amodia-
tion, les mines de la Tardiverie, les secours étaient réduits à
35 centimes par jour pour les ouvriers, et à 20 centimes pour les
veuves.
Nous n'avons pas besoin d'ajouter qu'en établissant ce parnllMe,
il n'entre pas dans notre pensée d'en faire sortir un bliîme pour les
autres exploitants. S'ils n'ont pas fait comme nous, autant que
— 526 —
nous, il ne faut s'en prendre qu'à l'impuissance du morcellement.
Des établissements pareils à ceux que nous avons fondés ne sont
possibles que par la ceriitralisation des exploitations et par le
groupement d'un grand nombre d'ouvriers ; des dépenses aussi
considérables que celles que nous nous sommes imposées, non seule-
ment dans le passé, mais aussi dans l'avenir, ne seraient pas
acceptables pour l'industrie houillère, si elle n'était pas transformée
par la centralisation de l'association en une propriété collective, de
manière à répartir ces dépenses sur plusieurs milliers de personnes.
Veuillez agréer, etc..
Les institutions ouvrières de la Compagnie furent très
attaquées dans les brochuires et dans les journaux hostiles au
Monopole. On confondait ces institutions avec le Monopole lui-
même. Camille Jacqueniont, ancien magistrat, écrivait en 1846 :
Les délégués de la Compagnie annoncent l'établissement prochain
de plusieurs hospices. Ce sera fort beau, mais fort cher, et l'on se
demande qui en paiera les frais. Les anciens exploitants de mines
gagnaient peu ; les Compagnies qui leur ont succédé perdaient
beaucoup, la Compagnie générale, qui a acquis à des conditions
plus onéreuses encore, puisqu'elle a surpayé de plusieurs millions
certaines adjonctions, voudrait^elle donc se ruiner en ajoutant à la
générosité de ses marchés, aux amples rétributions de certains
employés, aux négociations larges de quelques habiles, le luxe de
la philanthropie ? J'ai peur de sa charité, et dans son intérêt comme
dans le nôtre, je lui conseille de confier encore pour quelque temps
ses ouvriers blessés aux Hospices de Saint-Etienne, dans lesquels
le service médical et les soins das aux malades ne laissent rien à
désirer. Seulement, que la Compagnie veuille bien acquitter avec
plus d'exactitude que par le passé le modique prix d'un franc par
chaque journée d'ouvrier traité dans les hospices. Puis, qu'elle
daigne prendre souci des droits de redevances qui leur reviennent !
La justice avant la charité... et avec celle-ci la prudence et la
modestie !
Le même auteur écrivait encore :
Les ouvriers demandaient l'établissement d'une Caisse de secours
dans laquelle ils consentaient volontiers à verser les retenues
journalières faites sur leur salaire, mais sous la condition que la
gestion de cette caisse serait surveillée par des syndics nommés
par eux, par les redevanciers et autres personnes qui concourraient
à sa dotation. Ils se plaignaient en même temps de l'ignorance où
on les avait laissés jusqu'à ce jour de l'emploi des sonunes qui y
— 527 —
avaient été versées, et ils signalaient des abus que je m'abstiens
de rapporter.
On a vu que la Caisse centrale fut créée en 1850 et que les
ouvriers furent appelés à nommer des délégués au Conseil
d'administration.
D'autre part; la Ville de Saint-Etienne, dans une brochure
reproduisant un rapport du 20 novembre 1849 publié en 1850
et adressé « aux Grands Pouvoirs de l'Etat », déclarait par
l'organe de son rapporteur :
La Compagnie a relevé avec emphase les institutions qu'elle a
fondées en faveur de ses ouvriers. Les principales sont : une maison
pour le traitement des ouvriers blessés ou malades, une caisse de
secours. La première n'est que l'exécution du décret du 3 janvier
1813, article 15, qui oblige les concessionnaires de mines à entretenir
sur leurs établis s enient\s, dans la proportion du nombre des ouvriers,
les médicaments et les moyens de secours.
Quant à la seconde, voici ce qu'en dit M. Anselme Petetin {Hevne
indépendante du 25 décembre 1846) :
« Une ordonnance royale du 25 juin 1817 avait institué une caisse
« de prévoyance, de retraite et de secours pour les ouvriers mineurs.
(( Elle prescrivait le versement : l'' par l'ouvrier, de 5 centimes par
« journée de travail ; 2° par le propriétaire du tréfonds, de 2 cen-
« times par chaque hectolitre de sa redevance ; S° par l'exploitant,
« de 1 centime par hectolitre extrait.
« D'après les statuts de la caisse de secours et de prévoyance
« organisée par la Compagnie, que j'ai sous les yeux, la proportion
(f des versements qu'elle institue est celle-ci :
(( 1« De la part de l'ouvrier, non plus 5 centimes, mais 2 % du
(( salaire. L'ouvrier gagne en moyenne 3 francs à 3 fr. 50, c'est donc
« 6 à 7 centimes par jour. Augmentation aux dépens de l'ouvrier :
" 1 ou 2 centimes ;
« 2** De la part du propriétaire du tréfonds, 1 centime par hecto-
« litre au lieu de 2 centimes ;
« 30 De la part de l'exploitant (c'est-à-dire la Compagnie bienfni-
(( trice), 1/2 centime au lieu de 1 centime par hectolitre.
« Ainsi, la philanthropie de la Compagnie commence par
« augmenter la contribution de l'ouvrier, et puis ells réduit sur le
« reste la moitié de ce qui est dû rigoureusement à la caisse en vertu
« de l'ordonnance.
« N'est-il pas humiliant d'avoir h divulguer les secrets de ces
« gasconnade^ d'humanité ? »
Nous ajouterons que, si la Compagnie paraît avoir maintenu Je
taux des «salaires, elle l'a réellement réduit en exige^int un plus
p^rand travail des ouvriers.
— 528 —
Les mêmes accusations étaient renouvelées dans une autre
délibération du 10 août 1850 (v. p. 386) et, en général, par tous
les adversaires de la Compagnie. Celle-ci répondait parfois
à ces allégations, comme elle le fit dans V Avenir républicain
des V' et 6 août 1850 (v. p. 3T3).
Dans tous les cas, les conclusions de sa lettre du 26 novembre
1853 (p. 520) nous paraissent très fondées. La Compagnie pouvait
à juste titre, comparer avantageusement ses créations philan-
thropiques à celles des autres exploitants et en tirer argument
en faveur de la centralisation contre le morcellemeTit, l'agglo-
mération des capitaux permettant seule d'engager des dépenses
considérables. Qu'étaient-ce que les ridicules ou affligeantes
institutions ouvrières qui existaient dans les mines de la Loire
avant 1845 ? Combien tous ces propriétaires exploitants et tré-
fonoiers étaient qualifiés pour reprocher à la Compagnie le bien
qu'elle avait pu faire, à côté du mal et de l'inquiétude qu'elle
avait réellement causés à la consommation ! Il suffisait que la
Compagnie exerçât un monopole dangereux pour que toutes
ses créations fussent blâmées par ses adversaires.
III. — PÉRIODE DE 1854 A 1880
Cette période fait suite à la répart" tion, entre quatre Com-
pagnies, des concessions réunies par la grande Compagnie de
la Loire. Elle précède l'orientation parlementaire vers la prépa-
ration de nombreuses lois sor le travail. Elle verra renaître et
s'accuser le mouvement ouvrier. Ce chapitre n'ayant pour objet
que l'historique de la législation des ouvriers mineurs et des
institutions ouvrières, l'historique du mouvement ouvrier sera
repris, avec p'ius de 'développement, aux chapitres sur la
situation générale.
Législation et réglementation ouvrières. — Peu de textes sont
à signaler pendant cette période. Le plus important est la loi
du 25 mai 1864 sur la liberté des coalitions, dont les ouvriers,
qui avaient perdu l'habitude des grèves, ne tardèrent pas à
user, comme le prouva la grève des mineurs de 1869, marquée
par les événements sanglants de La Ricamar^ie.
— 5^ —
Contrairement à ce qu'on suppose, la loi de 1864 punit
quiconque, à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou
manœuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté
d'amener ou de maintenir une cessation concertée de travail.
Les peines sont aggravées quand les faits précités résultent d'un
plan concerté." Sont punis également ceux qui, à l'aide
d'amendes, défenses, proscriptions, interdictions prononcées par
sudte d'un plan concerté, portent atteinte au libre exercice de
l'industrie ou du travail (i). En résuméi, depuis cette loi, les
coalitions ne furent permises que dans les limites sus-indiquées.
Auparavant, toute coalition était un délit. La loi de 1864 modifia
les articles 414, 415 et 416 du Gode pénal.
La loi du 19 mai 1874 réglem'enta le travail des enfants et
des femmes. Elle fut complétée par plusieurs décrets, no-
tamment par celui du 12 mai 1875 sur le travail dans les mines.
Les enfants ne purent être employés (au jour ou à l'intérieur)
avant 12 ans révolus, au lieu de 10 ans (décret de 1813). Les
filles et les femmes ne purent être occupées aux travaux sou-
terrains. Les enfants masculins de 12 à 16 ans ne purent être
employés à l'intérieur plus de huit heures par jour, coupées
par un repos d'une heure au moins. Certains travaux leur
furent interdits. La loi fixait des conditions de durée du travail,
applicables dans toutes les industries, aux femmes et aux filles.
Le travail de nuit était, en principe, interdit (2).
La loi du 26 mars 1877 institua une Commission pour l'étude
des moyens propres à prévenir les explosions de grisou.
Un arrêté du Préfet de la Loire de 1863 modifia les dimensions
des bennes employées à la descente et à la remonte des
ouvriers (3).
Cf/Lssr., d(> Secours el de Retraites. — Après la dissolution
de la grande Compagnie de la Loire, la Caisse de secours créée
(Ij Cette (If rrii.re disposition fut abrogée par la loi du 21 mars 1884
sur les SVM'I .i;i! ;.
! m riKiri Histoire de la Chambre de Commerce de St-Etienne,
1 I tservations présentées au sujet de la réglementation
-■lA.irif . t ;iiirv:. !;l loi de 1874.
(3) Mémorial de hi i,"ir>\ i .;.viii 1863
— 530 —
par cette Compagnie (v. p. 524) disparut. Les quatre Compagnies
qui lui succédèrent organisèrent chacune une nouvelle Caisse.
L'organisation des principales Caisses et la jurisprudence
qu'elles motivèrent ont fait l'objet d'une brochuîre publiée en
1869 par M. Victor Bréchignac. On y trouve les statuts des
Caisse des diverses Sociétés (i).
A partir de 1854 commencèrent les premières contestations
entre ouvriers et exploitants au sujet de ces Caisses. De nom-
breux procès furent intentés, chaque année, par des ouvriers
aux administrateurs. La difficudté, pour le tr'ibunal, n'était pas
de déterminer la quotité du secours dû, car les prestations
étaient fixées par l'usage ; elle était dans la question de savoir
si le demandeur avait droit aux secours de la Caisse.
Dès l'origine, la jurisprudence admettait que l'accident créait
le droit au secours, aussi bien qu'à l'indemnité à payer par
l'exploitant. Mais quand on reconnut que les Caisses ne sub-
sistaient que par la participation des exploitants, un© juris-
prudence contraire, déjà vieille en 1869, décida que le droit au
secours n'était ouvert que lorsque^ l'accident dérivait de la force
majeure, du cas fortuit ou de la propre fautes de l'ouvrier. Quand
rexploitant était irespon&able de l'accident, il avait charge d'in-
demniser lui-même l'ouvrier (2). On voit d'ici à quelles
contestations pouvaient donner lieu : la détermination de la
responsabilité de l'accident, détermination qui ne pouvait se
faire immédiatement et pendant laquelle l'ouvrier recevait des
secours de la Caisse ; le caractère mixte que pouvait prendre
cette responsabilitéi ; la fixation de la durée de l'incapacité du
travail ; le renouvellement de l'anciienne incapacité de travail
par le fait d'un nouvel accident, etc., etc., toutes questions que
lo Tribunal avait à trancher en l'absence de textes précis sur
les accidents du travail.
(1) Bréchignac, Les caisses de secours des ouv^ners mineurs dans le bas-
sin de la Loire (Chevalier et Bénevent, éditeurs, Saint-Etienne, 1869).
V. dans le Bulletin de Vlndustrie minérale, 1860-61, p. 655, le règlement
de la caisse des ouvriers mineurs de la Compagnie des Fonderies et
Forges de la Loire et de l'Ardèche (Terrenoire, Lavoulte et Bessèges).
(2) Bréchignac, p, 28-29.
— 531 —
La subvention des Compagnies à ces Caisses était volontaire.
A l'origine, les retenues sur les salaires constituaient le seul
actif.
Les Compagnies géraient ces Caisses. Leur contribution était
variable. En 1S69, on restimait à 50 % de la dépense, quoique
pour quelques Compagnies elle fût très inférieure à cette
proportion (i). Cette contribution volontaire remplaçait, dit
M. Bréchignac, les obligations du décret de 1813 (art. 15, 16, 20) ;
elle attirait les ouvriers, augmentait l'autorité des exploitants,
évitait parfois des procès. Quelques Compagnies mettaient en
réserve des capitaux pour constituer des pensions de retraites.
Mais ce but était loin d'être atteint (2).
Avec le temps, les ouvriers ou ceux qui prétendaient parler
en leur nom avaient relevé les nombreux défauts, souvent
réels, de ces instHutions : comptabilité ignorée des ouvriers,
statuts changeants, sans valeur juridique, état de sujétion de
la Caisse par rapport à l'exploitant, fortune et durée de la
Caisse liées à l'exploitation, absence de contrôle, rupture du
contrat de louage par le patron faisant perdre à l'ouvrier le
bénéfice de ses retenues, etc., etc. Le mal était en germe dans
l'institution elle-même. Depuis trente ans, ces Caisses n'avaient
pas prospéré. « Elles ne secourent ni les malades, ni les
vieillards, elles n'ont pu créer aucun fonds de réserve, elles
dépensent presque autant en frais de procès qu'en distributions
de secours. Elles se sont traînées jusqu'à nous par la force de
l'usage, mécontentant à la fois les ouvriers et tes patrons (3). »
De là, l'idée de la centralisation des Caisses, poursuivie à
partir de 1864.
Les premières négociations dans ce sens échouèrent. Puis un
procès célèbre fut intenté par les ouvriers de deux exploitations
importantes, en vue de la reddition des comptes et de la liqui-
dation des Caisses de secours. Plaidées par Jules Favre, ces
demandes furent repoussées par le Tribunal de Saint-Etienne (4).
(1) Bréchignac, p. 16.
(2) Ibid., p. 41.
(3) Ibid., p 85.
(4) V. Mémorial de la Loire, 26-31 mal, l»'-! Juin 1866.
— 532 —
C'est alors que fut fondée, en juin 1836, la Caisse fraternelle
des ouvriers mineurs.
Les Compagnies modifièrent ensuite les statuts de leurs
Caisses et le Comité des Houillères de la Loire créa en 1869 une
Caisse centrale.
Les statuts de la Fraternelle figuTent dans la brochure de
M. Bréchignac (p. 120). Sous le couvert de la mutualité, cette
Association était un véritable syndicat. En 1868, sur 10.000
mineurs du bassin, elle comptait 5.000 adhérents. Ses pro-
moteurs, membres pour la plupart de V Internationale^ lan-
cèrent la Société dans les luttes politiques lors des élections
de 1869. Ce fut la cause d'une division, les sociétaires n'ayant
pu se mettre d'accord sur le candidat à soutenir. La même
année, le Bureau de la Fraternelle organisa la grève su/r les
réclamations suivantes : centralisation des Caisses de secours,
augmentation des salaires, journée de huit heures, ou tout au
moins diminution des heures de travail. Cette grève aboutit à
Féchauffourée de La Ricamarie. La Fraternelle^ ayant épuisé
ses ressources, disparut après la déclaration de guerre de 1870.
L'un des pirincipaux fondateurs de la Fraternelle était
Michel Rondet, qui pendant pLus de vingt ans joua un rôle
important dans le monde des mineurs. Très jeune encore (il
était né en 1841, à la Ricamarie) il avait pris part à la campagne
de Dorian, élu au Corps législatif en 1863 comme député de
l'opposition. Il avait obtenu que Jules Favre vînt plaider à
Saint-Etienne pour les ouvriers en 1866. Condamné après 'a
grève de 1869, condamné une seconde fois pour sa participation
à la Commune de 1871 à Saint-Etienne, libéré en 1877, Rondet
ne cessa de prendrei part au mouvement politique, ouvrier et
syndical. Secrétaire de la Fédération des Mineurs en .1884, il
fut victime de l'ostracisme et mourut oublié en 1908 à Saint-
Etienne. Les mineurs lui élevèrent, par souscription, une
statue, oeuvre de Lamberton, qui fut inaugurée le 12 janvier
1913 à la Ricamarie, sur un terrain offert par les Hospices de
Saint-Etienne (l).
(1) Voir les discours d'inauguration dans la Tribune, journal de
Saint-Etienne (13 janvier 1913). Ils sont remplis de déclamations contre
les puissances capitalistes, mais Us font le silence sur les accusations
et les injures dont Rondet fut accablé par ses anciens amis.
— 533 —
La réorganisation des Caisses patronales, à la suite des dé-
cisions judiciaires de 1866, aboutit à un léger relèvement du
taux des secours. Les ouvriers furent acceptés dans les Conseils
d'administration. Ces Conseils furent chargés de vérifier les
opérations effectuées depuis le l^"" octobre 1854 jusqu'au 31 dé-
cembre 1865. Â titre d'exemple, je cite les chiffres enregistrés
dans le procès-verbal de vérification de la Caisse de la Société
des Mines de la Loire, que j'ai sous les yeux :
Les secours payés s'élevaient à 363.093 fr. 25, le produit de
la retenue sur les salaires à 247.168 fr. 88, la subveintion de la
Compagnie, représentée par la différence, était de 115.924 fr. 37.
En outre, la Compagnie avait payé 78.712 fr. 72 pour secours
extraordinaires, frais d'hospitalisation, médicaments, frais fu-
néraires, etc. Elle avait servi pour 36.405 fr. 80 de pensions
judiciaires. Total des dépenses à la charge de la Compagnie :
231.042 fr. 89, égal sensiblement au montant des retenues.
Les statuts, refondus en 1867, de la Caisse de cette Com-
pagnie figurent dans la brochure de M. Bréchignac. Comme
dans les statuts des autres Caisses, lies secours ne s'appliquaient
qu'aux ouvriers blessés dans l'exécution de leurs travaux.
Cette disposition était générale. Tout ouvrier cessant pour une
cause quelconque de travailler pour la Société perdait ses
droits à la Caisse. Les retenues sur les salaires étaient fixées
par la Commission administrative, d'après les dépenses de
l'année précédente. Les versements de la Compagnie étaient
fixés par la Com,pa^nie elle-même. Le tautx des secours était de
1 franc par jour ouvrable, avec 25 centimes en sus par enfant de
moins de 12 ans ; 60 centimes pour les veuves avec le même
supplément. Des secours extraordinaires pouvaient être accordés
dans des cas spéciaux. L'organisation des retraites était
prévue (1). Le Conseil d'administration de la Caisse était com-
posé de six délégués de la Compagnie et de neuf délégués
oiuivriers. Ces derniers délégués devaient avoir au moins 30 ans
d'âge et 10 ans de services à la Compagnie.
(1 A 55 aiis d'âge et 30 ans de services à la Société ou dans les
Sociétés qui se seraient concertées pour la création d'une Caisse des
retraites, pour les ouvriers qui ne pourraient plus, par leur travail,
subvenir à leur existence.
35
- 534-
Le& statuts dos autres Caisses, publiés par M. Bréchignac,
sont d'une origine antérieure aux précédents. Ceux de la
Caisse des Houillères de Rive-de-Gier, datés de 1859, pré-
voyaient une retenue de 2 % sur les salaires et un versement
de 1 % par la Compagnie. Les ouvriers étaient représentés au
Conseil d'administration, mais le mode de nomination de leurs
délégués n'était pas indiqué. Le taux des secours était de 1 franc
par jour de travail pour les hommes mariés, 75 centimes pour
les veufs, célibataires et veuves, 25 centimes poutr les enfants
au-dessous de 12 ans, jusqu'à concurrence de trois enfants (ij.
Les veuves qui se remariaient perdaient tout droit à la Caisse,
mais recevaient un capital de deux aimées de pension, soit
450 francs.
La Caisse de secours des mines d'Unieux et Fraisses, réor-
ganisée en 1865 par MM. Petin et Gaudet, concessionnaires,
gérants des Aciéries de la Marine, prévoyait une retenue de
3 % sur les salaires et des subventions discrétionnaires de la
Compagnie, des secours de 1 franc par jour, plus un sup-
plément de 25 centimes par enfant de moins de 10 ans, jusqu'à
-concurrence de quatre enfants ; 50 centimes pour les veuves,
avec lie même supplément. La pension cessait pour la veuve
qui se remariait ou qui vivait en concubinage, mais les enfants
continuaient à toucher leur pension. Les statuts prévoyaient
des pensions de 50 centimes par jour ouvrable, pour infirmités
à la suite de blessures contractées dans le service, et une
retraite d'égale importance pour les ouvriers ayant 60 ans
d'âge et 25 ans de services. Les ouvriers avaient des délégués
au Conseil] d'administration.
La Compagnie de Montrambert et celle des Houillères de
Saint-Etienne étaient à la veille de modifier l'organisation de
leur Caisse de secours. A Montrambert, la retenue, qui était
de 2 %, avait été portée à 3 % en 1861 p). La subvention de
la Compagnie était discrétionnaire. En 1878, les subventions de
la Compagnie à la Caisse de secours et ses autres subventions
aux ouvriers, depuis 1854, représentaient 72 % des secours distri-
bués. Le taux des. secours était identique à celui de la Compagnie
(1) Ce n'était pas fait pour encourager les familles nombreuses. Mais
on ne connaissait pas encore dans le peuple de province le néo-malthu-
sianisme.
(2) Notice sur la Compagnie (Exposition de 1878).
— 536 —
de la Loire. A partir du i*'' janvier 1866, une retraite de 1 franc
par jour ouvrable était accordée à tout ouvrier âgé de 60 ans,
travaillant dans les mines de la Société ou dans celles des
autres Sociétés ayant adopté la même mesure, et qui serait
reconnu incapable de continuer son travail. Le Conseil d'admi-
nistration était composé de six délégués de La Compagnie et
de neuf délégués ouvriers élus par les ouvriers ayant plus de
21 ans, mais choisis parmi ceux ayant au moins 30 ans d'âge
et 10 ans de services.
La Caisse de secoure de Roche-la-Molière et Firminy n'avait
pas de règlement écrit. Les usages en vigueur dataient de plus
de trente ans. A Roche, la retenue était de 1 %, le taux des
secours de 1 fr. 50 par journée de travail pour les ouvriers
blessés à l'intérieur (1 fr. 25 pour les jeunes gens), de 1 franc
pour les blessés à l'extérieur (0 fr. 50 pour les trieurs). A Fir-
miny, lia retenue était de 3 %, le taux des secours de 1 franc
sans distinction, sauf pour les trieurs (0 fr. 50). Le taux de la
retenue et celui des secours avaient été calculés d'après les
dangers de l'exploitation. Les veuves recevaient, soit à Fir-
miny, soit à Roche, 15 francs par mois, 5 francs en sus si elles
avaient plus d'un enfant. La moitié de la pension de la veuve
était réversible aux enfants, jusqu'au mariage ou à la majorité.i
La Compagnie contribuait pour une « forte part » aux frais
de la Caisse. Elle délivrait des bons de chauffage, payait les
soins médicaux et pharmaceutiques,, les frais d'hospitalisation,
ceux d'instruction primaire, etc. (i).
Les statuts ou usages des Caisses des autres exploitations qui
existaient à. cette éfpoque ne me sont pas connus. L'auteur de
la brochure faisait une exception en faveur des Compagnies
précitées, dans ses critiques sur l'organisation générale des
Caisses.
Je citerai encore la Caisise de la Chazotte, fondée en 1845.
Le nouveau règlement, adopté en 1859, prévoyait une retenue de
3 %, un taux de secours de 1 franc, plus 25 centimes par enfant ;
(1) Les usages des autres Compagnies ne sonA pas Indiqués à la suite
des statuts de leurs caisses de secours, dans Jn brochure précitée. Le
taux différentiel des secours pour les trieurs était prévu dans quelques
statuts.
— 536 —
pour la veuve, 1 franc et 25 centimes par enfant ; pour les
orphelins de père et de mère, 50 centimes. L'ouivrier qui perdait
l'usage d'un bras ou d'une jambe reçut 1 franc par jour, au lieu
de 50 centimes auparavani. Ses enfants furent traités comme
les veuves. A 30 ans de services et 60 ans d'âge, l'ouvrier
recevait une retraite de 50 centimes par jour (i).
Nous avons dit que le Comité des Houillères de la Loire
étudia: et fit aboutir l'organisation d'une Caisse centrale. A la
suite du procès de 1866, le Préfet soumit lun projet aux
exploitants, qui fut adopté et mis à exécution en 1867 par quatre
Compagnies seulement (La Loire, Montrambert, Saint-Etienne,
La Péronnière) lesquelles refusaient, comme les autres Com-
pagnies, toute participation à la Fraternelle. Ce projet fut repris
en 1869, après la grève et avec l'acceptation de deux autres
Compagnies (Beaubrun et Villebœuf). D'après les statuts, le
mineur âgé de 55 ans, ayant 30 ans de services dans les Com-
pagnies adhérentes, bénéficiait d'une retraite de 300 francs,
augmentée de 25 francs par année supplémentaire de services.
La pension était réversible sur la tête de^ la veuve ayant 55 ans
d'âge et 5 ans de mariage à la mort de son mari. La Caisse
était alimentée par des retenues sur les salaires et par une
subvention égale des Compagnies. Elle distribuait également
des secours aux ouvriers blessés, à leurs veuves et à leurs
orphelins.
Les Caisses particulières continuaient à fonctionner. Elles
n'avaient plus à leur charge que les secours aux ouvriers dont
les blessures étaient moins graves, et les soins et les secours à
donner en cas de maladie aux ouvriers et à leur famille.
Pendant les deux premiers exercices, la Caisse centrale
servit, en pensions ou secours, une somme totale de 236.000 fr.
en 1870, 241.000 fr. en 1871. Mille à onze cents personnes
(blessés, veuves, enfants, retraités) étaient inscrits sur ses con-
trôles.
Pour alimenter les Caisses, dit M. Widmer (2), il "était fait
sur les salaires une retenue qui variait, suivant les mines, entre
(1) Ant. Gerest, Gazette de Saint-Etienne, juillet 1910.
(2) Op. cit., p. 20.
— 537 —
2 et 3 %. Sur le produit de cette retenue, versé dans la Caisse
particulière, celle-ci prélevait la moitié de la somme des dé-
penses mises de son fait à la charge de la Caisse centrale. Les
Compagnies associées s'étaient engagéets à contribuer, de leurs
propres deniers, à ces dépenses, pour la seconde moitié, pendant
toute la durée doii contrat. En 1895, le total des pensions servies
aux blessés, aux veuves et aux orphelins s'élevait à 209.961 fr.
et celui des pensions de retraite à 137.317 fr. En 1904. le Comité
des Houillères indiquait que le montant des pensions servies
annuellement par la Caisse centrale était de 390.000 fr. (i).
En 1869, la Compagnie de Montrambert avait décidé que les
anciennes subventions aiux blessés seraient calculées pour tous
les jours de l'année, et non pour les jours ouvrables seulement.
La pension des veuves avait été élevée de 50 à 60 centimes.
A partir de 1869 également, cette Compagnie donnait à tous ses
ouvriers 1 franc par jour de chômage pour cauise de maladie.
Elle leur procurait, ainsi qu'à leurs familles, les secours mé-
dicaux gratuits. En 1873, elle supprimait la retenue de 3 % sur
les salaires et prenait a sa charge tous les frais de secours et
de retraites lui incombant d'après les statuts (2).
La Compagnie de Roche-la-Molière et Firminy ne faisait point
partie du groupe de la Caisse centrale des retraites. Mais dès
le 1®"" avril 1873 elle prenait à sa charge toutes les dépenses des
pensions aux veuves et aux orphelins et des secours aux blessés :
1 franc par jour et, en siuis, 25 centimes par enfant de
moins de 12 ans ; 75 centimes aux veuves (1 fr. si elles avaient
moins die 50 ans) et, en sus, 25 centimes par enfant. La Caisse
de retraites, alimentée, comme la Caisse de secours, par les
seuls deniers de la Compagnie, assurait à l'ouvrier âgé de
55 ans et comptant 30 ans de services une pension de 300 francs
réversible par moitié sur la tète de la veuve. Enfin, la Com-
pagnie créait une Caisse de prévoyance en faveur de ses
employés pour leur assurer un capital pendant leur vieillesse.
Cette Caisse était alimentée par un prélèvement annuel du
dixième sur les bénéfices de la Compagnie (3).
(1) Notice du Comité (Exposition de Saint-Louis), p 5
(2) Notice sur la Compagnie (Exposition de 1878), p. 31.
^3) Notice de la Compagnie (Exposition de 1878), p. 28 et suiv.
— 538 —
Une Caisse de prévoyance pour les employés était créée par
la Compagnie de Montrambert en 1881 et alimentée exclusi-
vement par la Compagnie (1).
A ces améliorations, qui étaient loin d'atteindre tous les
ouvriers du bassin, Michel Rondet, délégué du Syndicat d-es
mineurs de la Loire au Congrès ouvrier socialiste de Saint-
Etienne en 1881, répondait par les déclarations suivantes (2) :
Aujourd'hui, les diverses Compagnies de la Loire ont créé des
Caisses de secours avec une retenue faite sur le maigre salaire de
l'ouvrier, Caisses qu'elles administrent sans son concours. Par ce
moyen, elles sonit complètement maîtresses de la Caisse, et l'ouvrier
très souvent est obligé d'avoir recours aux tribunaux ; de plus, ces
secours sont insuffisants, car le rude métier du mineur l'expose
souvent aux accidents et à la maladie. Ces secours sont ainsi
répartis : 1 franc par jour à l'ouvrier blessé, plus 25 centimes à
chacun de ses enfants au-dessous de 12 ans ; 0 fr. 60 par jour à la
veuve du mineur tué à la mine, plus 0 fr. 25 aux orphelins au-
dessous de 12 ans.
Depuis une dizaine d'années, six Compagnies seulement se sont
'entendues pour faire une pension de 300 francs par an à leurs
ouvriers ayant 55 ans d'âge et 30 ans de service à lune ou à l'autre
des six Compagnies, ce qui fait pour chacun 0 fr. 82 par jour. Les
autres Compagnies font la même retenue et ne donnent point de
pension. Il y a, dans ces exploitations, des mineurs qui, malgré
leurs 40 années et plus de travail, ne peuvent obtenir une pension.
Avec un pareil procédé, les neuf dixièmes des mineurs ne reçoivent
pas de pension.
Pour remédier à ces souffrances et permettre aux mineurs de
s'organiser pour la grande lutte, la révolution sociale, la Chambre
syndicale propose d'organiser une Caisse de secours et de retraites,
centralisée et solidaire, pour les mineurs de la Loire. Cette Caisse
serait alimentée par : une retenue proportionnelle prélevée sur le
salaire de chaque ouvrier ; un versement par les Compagnies égal
à la retenue faite aux ouvriers ; une retenue double de celle de
l'ouvrier, prélevée sur les sommes payées aux redevanciers ; une
subvention accordée par l'Etat ; les dons qui pourraient être faits
par les particuliers. La Caisse serait administrée par un Conseil
composé d'un tiers de délégués des Compagnies et des deux tiers
de délégués des ouvriers.
(1) Nous regrettons de ne pas posséder sur toutes les Compagnies des
renseignements sur les œuvres philanthropiques d'après un plan uni-
forme. Notre enquête n'a donné que des résultats incomplets.
(2; Office du Travail, op. cit., p. 343.
— 539 —
Autres institutions ouvrières des Compagnies. — Je cite les
créations philanthropiques de trois Compagnies pendant la
période 1854-1880, d'après les renseignements contenus dans
leurs notices à propos des I^xpositions. Les notices des autres
Compagnies n'indiquent pas d'une manière précise les dates de
ces fondations.
La Compagnie de Roche-la-Molière créa en 1874 une première
cité ouvrière à Roche, cité comprenant dix-huit maisons réunies
en un seul groupe!, avec façade d'une part sur un chemin et
de l'autre sur de très petits jardins. En i880, la Compagnie
acheta un vaste terrain, mieiutx situé, pour y édifier une cité de
trente-deux maisons accouplées par deux et entourées de
jardins. Ces logements furfent beaucoup plus recherchés que les
précédents, car ils étaient mieux situés et mieux disposés. La
première cité avait coûté 98.600 francs. Les locations y étaient
de 80 ou 100 francs. Chaque maison de la seconde cité avait
coûté 3.500 francs, terrain non compris. Le prix de location était
de 120 francs par an.
Cette Compagnie possédait deux hôpitaux : l'hôpital Lachaux,
fondé en 1845, et celui du Crêt, près de Roche (8 lits). L'assis-
tance médicale continuait à être accordée à tous les ouvriers
et à leurs familles. En 1873-74 des gratifications mensuelles,
s'élevant au total à 10.000 francs, environ, furent allouées aux
ouvriers à cause de la cherté de la vie.
Le personnel recevait du charbon pour son chauffage, la
plupart des ménages gratuitement, à raison de 6 hectolitres par
mois. Les ouvriers étrangers à la localité recevaient en général
1.500 kg. tous les trois mois, au prix de / fr. 50 la tonne.
La Compagnie entretenait aussi des écoles. Toutes ces
charges : service médical, hôpitaux, médicaments, secours
gratuits, chauffage, écoles, fête de Sainte-Barbe, de 1873 à 1879,
représentaient une dépense annuelle de 50 à 60.000 francs, poptée
à 80.000 francs en 1873 et à plus de 100.000 francs en 1874, à
cause des distributioniS de secours gratuits. Indépendamment de
ces charges, la Caisse de secours avait coûté à la Compagnie,
ï)endant la même période, de 88.0(X) à 122.000 francs par an.
La Caisse des retraites, qui commençait à jouer, coûtait
13.000 francs à la Compagnie en i879. I^a Caisse de prévoyance
des employés, indépendamment d'une mise de fonds de
— 540 —
56.000 francs en 1873, recevait une subvention annuelle de 6 à
7.000 francs. Enfin, la Compagnie allouait en 1879 pour 23 à
24.000 francs, de dons en argent et du charbon à divers éta-
blissements (1).
La Compagnie de Montrambert possédait l'hospice du Montcel
(50 lits), des salles d'asile, un ouvroir pour les jeunes filles. Elle
subventionnait également les éooles communales, l'établis-
sement des sourds-muets à Saint-Etienne, le Cercle musical des
mineurs de La Ricamarie (fondé en 1865). Elle avait créé, en
1876 un lieu de réunion sous le nom de « Cercle des Amis de
l'Instruction », avec bibliothèque, salles de jeu, etc. Tous les
quinze jours, le dimanche, les ingénieurs et les médecins de
la Compagnie y faisaient des conférences aux ouvriers.
La Compagnie évaluait à 1.630.000 francs l'ensemble de ses
dépenses philanthropiques depuis sa fondation, en 1854,
jusqu'en 1877 inclusivement, et à 170.000 francs la moyenne de
ses dépenses annuelles de même nature depuis quelques
années (2).
Les conférences aux ouvriers sur les sciences et sur l'exploi-
tation des mines avaient été organisées en 1877 par M. Pinel,
ingénieur divisionnaire (3).
La Société des Houillères de Saint-Etienne, ayant ses exploi-
tations situiées en grande partie dans la ville, s'était moins
préoccupée des créations de maisons, d'écoles, de magasins de
denrées, etc. Elle subventionnait cependant diverses écoles.
Qtuiant aux secours, la Société suivit d'abord les errements de
l'ancienne grande Compagnie de la Loire. De 1854 à 1865, les
dépenses de la Caisse de secours s' ét-aient élevées à 795.000 fr.,
dont 475.000 francs étaient représentés par des retenues sur les
(1) Notices sur la CompagïLi>e (Exposit. de 1878 et 1889).
(2) Notice sur la Compagnie (Exposit. de 1878). En 1879, ces dépenses
s'élevaient à 155.000 francs, c'est-à-dire à 68 francs par ouvrier, non
compris 70.000 francs de chauffage gratuit (Notice sur l'Exposit. de 1889).
Pour la Compagnie de Roche-la-Molière, la même année, la dépense
totale s'élevait à 198.000 francs, c'est-à-dire à 81 francs par ouvrier
(6,70 % des salaires) ; avec la Caisse de prévoyance des employés et les
subventions aux établissements publics, à 288.000 francs (0 fr. 46 par
tonne).
(3) Mémorial de la Loire, 6 mars 1889
— 541 —
salaires. La différence représentait la contribution de la Com-
pagnie, à laquelle il fallait ajouter 403.000 francs de subventions
eit secours divers.
A partir de 1865 la Caisse de secours fut administrée, non plus
par la Compagnie, mais par un Conseil composé du directeur
et de sept ingénieurs ou employés et d'un nombre égal d'ou-
vriers élus par leuirs pairs.
De 1865 à 1869, la différence vergée par la Compagnie à la
Caisse fut, comme pendant la période précédente, d'environ
60 % des dépenses. De 1869 à 1880, la Société, adhérente à la
Caisse centrale, versa tant à cette Caisse^ qu'à la Caisse parti-
culière, ou en secours obligatoires et indemnités pour accidents,
des sommes variant entre 114.000 francs et 158.000 francs par
an, pour des dépenses concernant ses ouvriers (Caisse de
secours, secours gratuits, -indemnités pour accidents), non com-
prises les dépenses extraordinaires payées par la Compagnie
à l'occasion des catastrophes du puits Jabin en 1871 et 1876 (i).
La gratuité scolaire date de la loi de 1882. Mais un décret
de 1860 stipulait, pour les enfants des mineurs, la déduction des
frais d'école du produit brut de l'exploitation pour connaître
le produit net servant à calculer la redevance proportionnelle.
En somme, progrès très sensibles dans la situation du mineur
pendant cette période.
En 1861, un médecin de l'Hôtel-Dieu de Saint-Etienne, le
docteur Riembault, avait publié un ouvrage important sur
VHygiène des ouvriers mineurs (^).
Créations émanant de V initiative ouvrière. — La Fraternelle
de 1866 (v. p. 527) avait sombré dans les luttes politiques. Les
autres créations furent sans conséquence à cause du personnel
très limité auquel elles s'appliquaient. Mais la fin de cette pé-
riode vit la naissance des Syndicats, que la Fraternelle avait
devancés.
(1) Notice de la Compagnie (Exposition d'économie sociale, 1889). Les
indemnités payées k la stiite de ju^'oments sont comprises dans ces
sommes.
(2) Paris, Baillère et fils édlt.
— 542 —
Une Société de Secours mutuels des mineurs de Sorbiers fut
créée en 1859. Elle comptait au début 20 membres actifs, 3 ho-
noraires. Quarante ans plus tard, elle avait 178 membres actifs
et 2 honoraires et possédait un avoir de 24.000 francs (l).
Une modeste coopérative de production, la première Mine
aux Mineurs^ fut constituée en 1868 sous le nom de Compagnie
nouvelle du Ban. Son histoire est exposée dans plusieurs ou-
vrages p). L'exploitation Meunier, à Gellieu, près de Rive-de-
Gier, ayant été arrêtée parce que la mine était considénôe comme
épuiisée, 8 mineurs de cette ecxploitation s'associèrent, achetèrent
la mine et l'exploitèrent pour leur compte avec le concours
d'auxiliaires en nombre variable. Suivant les années, le nombre
des travailleurs oscilla entre 15 et 40, associés compris. De 1868
à 1885, l'extraction fut de 62.000 tonnes. Le salaire des associés
ressortit en moyenne à 6 fr. 50 par jour. lia mine, complètement
épuisée, fut vendiue en 1888 à la Compagnie des mines de ^-a
Haute-Gappe.
Le premier Syndicat ouvrier (abstraction faite diu Conùté
central de 1848 et de la Fraternelle de 1869, qui étaient des
syndicats déguisés) fut créée en 1876 sous le nom de Chambre
syndicale des Mineurs de la Loire. L'Office du Travail a publié
un extrait de ses statuts {op. cit., p. 341]. Elle compta au début
1.800 membres et tomba à 50 en 1880. A pa;rtir de cette date
elle prit une nou^velle activité, sous rimpailsion dei Michel
Rondet, condamné pour sa participation à la Gommune à Saint-
Etienne en 1871 et revenu à Saint-Etienne en 1877.
Une Chœmbre syndicale des Mineurs du bassin du Gier, créée
en 1878, groupa au début 120 ouvriers de la Compagnie de Rive-
de-Gier.
En août 1878, quatre ceints mineurs réunis à Rive-de-Gier,
après avoir entendu MM. Arbel, sénateur, Richarme et
Bertholon, députés, demandèrent le vote d'une loi sur les Syn-
dicats et la création de Prud'hommes mineurs (3).
(1) Office du Travail, op. cit., p. 334.
(2) Laur, La Mine -aux Mineurs (Paris, Dentu, 1887). — Leseure, Histo-
rique des Mines de houille de la Loire, p. 3^1. — Office du Travail, op. ait,.
p 337, _ Joseph Bréchignac, La Mine aux Mineurs de Monthieux, ch. III.
(3) V. Mémorial de la Loire, 26 août 1878.
— 543 —
,^ IV. — PÉRIODE 1880-1900
LÉGISLATION ET RÉGLEMENTATION OUVRIÈRES. — A la Suite dU
déplacement de l'axe de la politique intérieiure, les lois ins-
pirées par le souci des intérêts des travailleurs et aussi par le
souci électoral devinrent très nombreuses. Des catastrophes
minières émurent justement l'opinion et décidèrent le vote de
quelques-unes d'entre elles.
Toutes les lois ouvrières ne sont pas spéciales aux mineurs.
Mais, comme les mineiuiris sont à « ravant^garde du monde du
travail », les lois ouvrières générales les intére?sent à un degré
éminent.
J'ai cité d'autre part les règlements locaux sur la police des
mines et notamment l'arrêté préfectoral du l*'" septembre 1895
sur les mines à grisou (l). Par décret du 12 février 1887, le
Gouvernement institua une Commission pour l'étude de l'emploi
des explosifs dans les mines dont il s'agit.
La loi sur les délégués mineurs (8 juillet 1890), réclamée si
souvent par les Syndicats, fut votée pendant la période des
grandes catastrophes minières de la Loire (1887-1891). Ces dé-
légués visitent les travaux souterrains dans le but exclusif
d'en examiner les conditions de sécurité pour le personnel. En
cas d'accidents, ils examinent les causes qui les ont produits et
et les circonstances qui les ont accompagnés. Je laisse aux
hommes de l'art le soin d'apprécier le fonctionnement de l'ins-
titution. Depuis quelques années, un journal de Saint-Etienne
publie les rapports de ces délégués. Ce sont le plus souvent des
réquisitoires contre les Compagnies, auxquels d'ailleurs, en
principe, il n'est jamais répondu.
La loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants et des
femmes a maintenu l'interdiction d'employer les femmes dans
les travaux souterrains. îjes enfants du sexe masculin peoivent
y être admis dans les conditions d'âge indiquées pour les autres
(1) Bncueil des actes administratifs de la Préfedurt, 18%, p. 193.
Bulletin de Vlndustric minérale, IW[>, p. 717.
— 544 —
industries : 13 ans au minimum, 12 ans pour ceux ayant leur
certificat médical et le certificat d'études. La durée du travail
pour le personnel protégé est plus limitée que dans la loi de
1874. Il me paraît inutile d'insister sur les dispositions de cette
loi et des décrets rendus pour son exécution (i).
La loi du 12 juin 1893 sur l'hygiène et la sécurité des tra-
vailleurs n'est pas applicable aux mines. Mais elle est appli-
cable aux établissements industriels qui leur sont annexés en
fait, sans en être la dépendance légale P).
Nous reviendons sur la loi de 1894 relative aux Caisses de
secours.
La loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail a posé le
principe du risiquie professionnel et du règlement à forfait des
indemnités, laissés jusque-là à l'appréciation des tribunaux (3).
Les journaux de l'époque, en rendant compte des procès in-
tentés à des ingénieurs à la suite des catastrophes minières,
indiquent comment la responsabilité minière patronale ou sous-
patronale fut appréciée au point de vue pénal par les tribunaux.
J'indique au chapitre de la situation générale quelles furent ces
catastrophes (puits Ghâtelus, Verpilleux, Villebœuf, de la Ma-
nufacture, etc...) (4).
Il résulte d'une statistique pour l'ensemble des houillères
françaises que la proportion du nombre des ouvriers tués par
accident, par rapport à rensemble des ouvriers des houillères,
n'a cessé de décroître de 1850 à 1902. De 34 pour 10.000 en
1850-57, elle est tombée à 11 (exactement 10,92) en 1902. Si on
ne considère que les ouvriers du fond, cette proportion est
tombée de 47 à 12 pour 10.000 ouvriers, pendant la même
période (5).
(1) V. le Cours de Législation des Mines de M. Etienne, p. 296 et suiv.
(2) Circul. 27 mars, 5 juillet 1894.
(3) V. dans VHistoire de la Chambre de Commerce de Saint-Etienne,
p. 310, une demande de la Chambre et du Comité des Houillères pour
mettre à la charge des Caisses de secours les soins aux blessés et le
paiement de l'indemnité pour incapacité temporaire.
(4) V. notamment Mémorial d\e la Loire, 4 et 8 sept. 1890, 7 et 25 janv.
1891, 17 déc. 1892
(5) V. cette statistique dans Etienne, Cours de Législation minérale,
p. 315.
-545-
Dans l'enquête parlementaire de 1884 sur la situation des
ouvriers de Lyon et de Saint-Etienne (enquête des 44), le rap-
porteur, M. de Lanessan, indiquait, d'après M. Laur, les incon-
vénients de la législation antérieure à l'adoption du principe
du risque professionnel (i) :
Prenons un exemple : Voici un ouvrier mineur, il descend dans le
puits, arrive dans son chantier. Tout y est en ordre, les boiseurs
sont venus et ont mis les étais nécessaires, le gouverneur ou porion
a sondé à l'aide du pic le toit du chantier. Auciui son fêlé caracté-
ristique, aucun danger apparent. Néanmoins, au bout d'une heure,
par suite d'une cassure inaperçue, d'une surface de glissement
imprévue et fréquente, d'un miroir enfin, un bloc se détache de la
voûte, l'homme est atteint, il meurt écrasé.
Voyons ce qui va se passer au point de vue de la responsabilité
de l'accident.
Au bout d'un jour ou deux,' le garde-mines descend, prend un
petit croquis du chantier, le nom du mort, quelques notes sous la
dictée de l'ingénieur de la mine qui dépose. On appelle le gouver-
neur qui a sondé le toit ; quelques ouvriers, compagnons du mort,
sont entendus aussi, séance tenante. Enfin, huit jours après, les
ingénieurs des mines mettent au bas du rapport du garde-mines
que l'accident est dû à lui cas fortuit, et qu'il n'y a pas lieu de
poursuivre correctiofmellement l'ingénieur de la mine. C'est la
formule-
Souvent les choses en restent là, parce que la veuve et les parents
du mort savent bien qu'il n'y a rien à faire. Quelquefois cependant,
ils s'entêtent, forts de leur bon droit, forts des circonstances drama-
tiques de cette mort. Ils ne peuvent concevoir, malgré tous les
raisorinements des avoués, que cet homme, employé de la mine, tué
dans la mine sans avoir rien fait pour causer sa mort, victime de
son devoir professionnel, ayant versé à la Caisse de secours enfin,
ne doive pas être indemnisé dans la personne de ses ayants droit,
par la Compagnie des mines.
Alors, il y a procès, et six ou huit mois après l'accident la veuve
intente une action judiciaire, où elle a contre elle : le point de droit
(cas fortuit), le rapport du garde-mines, seule pièce authentique sur
laquelle nous, experts, nous puissions statuer, l'ingénieur, le gou-
verneur et les ouvriers encore dans la mine. Aucun document
contradictoire. Nous, experts, nous entendons généralement quel-
ques témoins, et nous concluons fatalement à l'irresponsabilité de
la Compagnie.
Tout compte fait, la veuve et les enfants ont encore un millier
de francs de moins à leur avoir.
(1) Chambre des Déput-és, documftnts parlenventalres, 1884, p. 2306.
— 546 —
D'autres fois, l'ouvrier a commis une imprudence, le gouverneur
lui a dit, en passant, de buter telle paroi menaçante de son chantier.
Il a répondu : oui, et, insouciant du danger (comme on le devient
dans toutes les mines), il renvoie à la minute suivante ce qui ne
doit pas être différé. La paroi s'éboule, il meurt.
La seule parole du gouverneur, souvent dite vaguement, d'une
manière générale, comme acquit de conscience, suffit pour dégager
la responsabilité de la Compagnie. Le rapport du garde-mines
consigne cette parole, elle suit dans toutes les enquêtes, et la veuve
n'a aucun espoir de voir sa cause triompher : « Il y a eu imprudence
de la part de l'ouvrier tué I »
Ce que je dis des morts a lieu pour les blessés, et j'ajouterai
comme fait caractéristique que je n'ai statué dans aucune affaire
d'accidents où la Compagnie pour sa défense n'ait soulevé la ques-
tion d'imprudence, de cas fortuit ou de force majeure. Il est, en
effet, toujours possible de trouver quelque raison dans les nom-
breux règlements, dans les prescriptions faites de vive voix, dans les
ordres donnés aux gouverneurs, etc., etc. Je ne blâme pas la mine
qui se défend avec des armes légales, je constate.
Et puis, le vice originel est toujours dans le rapport du garde-
mines, rapport incontrôlé, non contradictoire. C'est ce point qui a
fait aboutir à la nomination des délégués mineurs dans la nouvelle
loi proposée. L'ouvrier blessé serait dans ce cas représenté avant le
changement de l'état de lieux, au moment voulu, et les constatations
contradictoires suivraient l'enquête judiciaire ultérieure.
M. Laur demande que « la mine soit responsable dans les cas
d'accidents intérieurs, même fortuits ».
La Commission parlementaire avait conclu également au
principe de la limitation des heures de travail dans les mines,
réclamée au Congrès socialiste de 1881 et au Parlement en 1882.
Les mineurs prirent une part importante à la manifestation
ouvrière du 1^"" mai 1890 — la première en date — pour réclamer
les « Trois-Huit ».
Le legs Sauzéa. — Avant d'aborder la question des Caisses de
secours et de retraites pendant cette période de 1880-1900, il
faut signaler le legs généreux de M. Hippolyte Sauzéa en faveur
des ouvriers mineurs blessés.
Quand, partant de Saint-Etienne, vous suive^z rancienne route
royale de Lyon, par la Montât, vous apercevez à gauche, après
avoir dépassé la Montât,, les ruines à peine distinctes d'un
— 547 —
ancien château dominant une prairie et un verger. C'était là
le château de Monteil, dont M. Broutin a écrit l'histoire.
Ce château, construit au xvii* siècle par un d'Allard, en avait
remplacé un autre très ancien. L'écrivain stéphanois du xvr-
xvir siècle, Marcellin Allard, était de cettei famille. Au xviii'
le château devint la propriété de la famille Sauzéa, qui se disait
originaire d'Espagne et venue en France à la suite des routiers
du XV* siècle (i).
Il y a quarante ans, ce château, très dégradé, était habité par
un octogénaire, Hippolyte de Sauizéa, qui mourut en laissant
une fortune que l'imagination populaire affirmait colossale.
C'était un des plus grands propriétaires fonciers et tréfonciers
de l'arrondissement. On lui connaissait plus de cent fermiers.
Malgré sa fortune, il vivait parcimonieusement, sordidement
même. Il avait été inscrit au barreau et avait plaidé souvent
contre les Compagnies de mines aoii sujet des redevances de ses
tréfonds. Il avait écrit contre les Compagnies et en faveur des
Caisses de secours. Il faisait beaucoup de bien, mais le plus
discrètement possible, comme le jour, par exemple, où il fit
un don anonyme de 50.000 francs au Bureaui de bienfaisance.
Il allait jusqu'à économiser sur la journée des ouvriers pour en-
richir un jour les malheureux p).
Il mourut le 15 juin 1883. Ses immeubles furent estimés à
2.469.986 francs, ses redevances tréfoncières à 104.574 francs
en moyenne par an. Par ses testaments (il y en avait une série)
Sauzéa manifestait la volonté de laisser la majeure partie de
sa fortune aux hospices, à la condition de délivrer de nombreux
legs particuliers, et surtout : 1" de fonder et d'entretenir une
institution d'arbitrage pouir éviter les procès et indemniser les
victimes d'erreurs judiciaires ; 2** d'organiser des secours pour
les ouvriers mineurs blessés et leurs familles.
H. Sauzéa n'avait comme héritiers naturels que des neveux,
à Saint-Etienne et à Saint-Chamond, en général fort riches. H
(1) V. Broutin, Les châteaux historiques du Forez, I, p. 289. Cette
origine est purement Imaginaire. Sauzéa a la niême origine que SaiKet,
Duzauzey, Saussaye, Sauze, etc., noms fort répandus (v. Gai-LEY, VElec-
lion de Saint-Etienne, ji. 271).
(2) V. Tony Joannon : Hippojytr de Sauzéa, su rir, sr.s œuvres et son
testament fl^aris. Aiif,^oi (''dit., lHSr>). p. 223.
-548-
ne les fréquentait guère. Il leur laissa quelques avantages no-
tables, mais il y avait loin de ces avantages à l'importance du
legs fait aux Hospices.
Les Hospices acceptèrent. Les héritiers attaquèrent le tes-
tament prétendant que c'était « une œuvre inconsciente et sans
valeur ». Ils contestèrent surtout la validité des conditions.
Très jeune à cette époque, je me rappelle combien l'opinion
publique bénissait la mémoire du vieil original et appréciait
sévèrement l'attitude des héritiers. Le jugement du Tribunal
civil (6 avril 1885), repoussant les prétentions des héritiers, fut
commenté favorablement dans toutes les familles (i).
Les héritiers en appelèrent à la Cour de Lyon, « en deimandant
l'annulation du testament à raison de l'état d'esprit du tes-
tateur ». Mais bientôt ils vinrent à comiposition et consentirent
notamment à l'affectation du tiers des redevances tréfoncières
auK ouvriers mineurs blessés. Cette destination du tiers des
redevances était prévue dans le testament du 16 juillet 1882,
La Cour d'appel de Lyon (28 juillet 1886) reconnut que Sauzéa
était en état de disposer de sa fortune. Elle déclara non valable
la libéralité relative à la création de la Société des arbitrages.
Après bien des formalités, après qu'une Société des ouvriers
mineurs blessés se fuit constituée pour la répartition des secours,
combinaison qui fut écartée par l'Administration supérieure,
un décret en Conseil d'Etat du 26 juillet 1889 autorisa les Hos-
pices à accepter le legs universel Sauzéa, et créa, comme annexe
des Hospices, sous le nom de Fondation Sauzéa^ une Caisse de
secours aux ouvriers mineurs blessés du département de la
Loire et à leurs familles. Le même décret approuva la déli-
bération de la Commission des Hospices allouant à cette Caisse
une somme de 100.000 francs pour accroître l'émolument du
legs Sauzéa en faveur des mineurs. Les statuts de la nouvelle
institution, qui reçut la personnalité civile, étaient annexés au
décret. Un règlement intérieur, voté par le Comité de répartition
des secours, fut approuvé par le Préfet, le 14 septembrei 1892 P).
(1) V. p. le testament le Mémorial de la Loire, 16 juin 1883 et jours
suivants.
(3) Ce décret, ces statuts et ce règlement ont été publiés par M. Lefort,
avocat au Conseil d'Etat, dans l'historique de la Fondation Sauzéa
{Revue de Législation des Mines et Statistique des Houillères en France
et en Belgique, 1890, p .74 et 1894, p 65).
— 549 —
En résumé, oette Caisse reçut le tiers du produit des tréfonds
Sauzéa. Les Hospices eurent tous les domaines, non compris
les tréfonds.
La Fondation Sauzéa a réparti, depuis l'origine jusqu'en 19i::l
inclusivement, une somme totale de 682.416 fr. 25, dont :
Blessés Veuves Orphelins Ascendants
20.233 fr. 10 en 1909 entre 1.136 482 15 42
27.207 fr. 45 en 1^10 entre .... 1.207 489 H 41
21.725 fr. 10 en 1911 entre 1.212 443 13 34
12.416 (p. 70 en 1912 entre 1,257 447 7 36
18.728 fr. 00 en 1913 entre 1.257 438 8 32
Les 18.728 francs répartis en, 1913, entre 1.735 personnes, ne
représentent en moyenne que 10 francs par assisté.
Les Caisses de secours et de retraites (i). — La Commission
parlementaire des Quarante-quatre, dans son enquête de 1884,
aborda la question des Caisses de secours et de retraites. Elle
estima : que les retenues sur les salaires devaient être rem-
boursées à l'ouvrier qui quittait la Compagnie pour une cause
quelconque ; que les ouvriers devaient participer d'une façon
effective à l'administration des Caisses ; que les conditions
d'admission à la retraite devaient être abaissées à 50 ans d'âge
et 25 ans de services ; que l'Etat ne devait pasi subventionner
ces institutions, afin de n'être pas appelé à subventionner
d'autres institutions analogues, mais qu'il pouvait imposer la
création de ces Caisses aux Compagnies. Enfin, la Commission
proposait d'abaisser les redevances tréfoncières pour augmenter
les versements des Compagnies aux Caisses de secours. « Les
propriétaires tréfonciers seraient mal venus à se plaindre, disait
la Commission, car ils jouissent d'ume situation absolument
privilégiée, inconnue à ceux de toutes les autres régions houil-
lères, et les redevances considérables qu'ils ont perçues ont
déjà payé plusieurs fois leurs propriétés (2). »
(1) Voir pour les périodes antérieures, p. 505, 516, 524.
(2) La Chambre syndicale des Mjneurs de la Loire, dans ses revendi-
cations au Parlement, en 1882, demandait la retraite A 2 francs par jour
après 25 ans de travail, sans corKlitlon d'â^e. et un pr<^lèvement de 10 %
sur les redevances trôfoncières au profit des cai.sses de secours (Office
(lu Travail, op. ril.^ p. 345).
— 550 —
L'Exposition de 1889 mit en lumière, un© fois de pkiiS, les
institutions ouvrières des Compagnies. Quatre Sociétés de la
Loire obtinrent des médailles d'argent dans le Groupe de
l'Economio sociale et publièrent des notices que je ne possède
qu'en partie. Le rapport de M. Gheyason sur les institutions
patronales est une étude d'ensemble qui ne peut servir pour des
études monographiques (l).
En 1891, la ville de Saint-Etienne organisa une exposition
sur laquelle M. Marins Vachon a écrit un livre intéressant.
Bien que la section des mines n'ait pas fait figurer à cette expo-
sition des renseignements sur les instituitions ouvrières,
M. Vachon fît un exposé rapide de ces institutions :
Les Compagnies des mines de la Loire, de M ont r ami) est, de Saint-
Etienne, de la Péronnière, de Villebœuf et de Beaubrun ont
constitué une caisse centrale de pensions, qui reçoit annuellement
de chacune d'elles une somme proportionnelle pour ses dépenses,
et qui s" est constitué, au moyen d'un versement supplémentaire de
25 %, un fonds de réserve assurant dès la première heure le service
des pensions acquises. Cette caisse donne 300 francs de retraite à
l'ouvrier ayant 55 ans d'âge et 30 années de service dans les usines
de l'une ou l'autre Société adhérente. Cette pension est augmentée
de 25 francs pour chaque année de travail accomplie depuis le titre
acquis à la retraite, La veuve de l'ouvrier décédé en possession de
la retraite, ou ayant acquis le droit d'en obtenir la liquidation,
reçoit la moitié de la pension, pourvu qu'elle ait 55 ans et qu'elle
ait été mariée depuis cinq ans. L'administration de la caisse centrale
est confiée à un Conseil de vingt-deux membres, dont onze sont
délégués par les Compagnies, et onze par les ouvriers.
Chaque Compagnie a, en outre de cette caisse centrale, une caisse
particuhère fonctionnant par des retenues de salaires, ou* à l'aide
de versements des Conseils d'administration.
Dans le dernier bilan de la Société de Montrambert, présenté à
l'Assamblée générale du 28 mars 1891, les frais de secours et
indemnités aux blessés, aux malades, pour les écoles, l'hospice et
les pensions de retraite, s'élèvent à 231.217 francs, soit environ 5 %
des bénéfices de l'année. Le Conseil d'administration a proposé
d'élever en 1891, de 40.000 francs pour la première année, et progres-
sivement dans des proportions plus fortes encore pendant quinze ans,
le fonds des retraites et des secours aux veuves et aux blessés perma-
nents. La Compagnie a fondé en 1876 un hôpital de cinquante lits.
(1) Groupe de l'Economie sociaie, 2® partie, p. 351-517 (Rapp. du jury).
Ce rapport ne renferme des renseignements analytiques que pour les
exposants ayant obtenu un grand prix.
— 551 —
avec pharmacie, bains. La Société possède au village du Montcel-
Ricamarie des salles d'asile et deux écoles, une pour les garçons,
l'autre pour les filles, qui reçoivent tous les enfants que les ouvriers
veulent y envoyer. Les salles d'asile gardent les enfants des deux
sexes, jusqu'à l'âge de 7 ans ; leur nombre varie entre 230 et 250.
L'école des garçons renferme six classes, contenant ensemble de 300
à 320 élèves. La classe supérieure prépare les enfants pour l'obten-
tion du certificat d'études primaires. L'école des filles, qui contient
cinq classes, est suivie par 220 élèves. Celles des classes supérieures
peuvent aussi se présenter pour obtenir le même certificat. Elles
apprennent les travaux d'aiguille dans un ouvroir annexé à l'école.
Le compte de l'exercice 1890, dans la Société des mines de la
Loire, fait figurer au chapitre des secours et subventions aux écoles
une somme de 85.432 francs, soit environ 9 % des bénéfices de
l'année. Depuis 1870, la caisse de retraite et de secours de la Société
a été réorganisée. Sans augmenter la retenue de 3 % sur les
salaires, elle fournit, en outre, des secours exclusivement accordés
par la première aux blessés, aux veuves et orphelins des ouvriers
morts des suites de leurs blessures, tous les soins médicaux, les
secours en argent aux malades, et assure des pensions de retraite.
Par suite du fonctionnement parallèle de la caisse de retraites et
de la caisse centrale, la Compagnie des mines de la Loire assure :
1** un franc par jour à l'ouvrier blessé, avec un supplément de
0 fr. 25 pour chaque enfant au-dessous de 12 ans ; 2° un franc par
jour à l'ouvrier malade, après le cinquième jour de sa maladie ;
cette allocation cesse au bout de six mois ; 3° des secours extraordi-
naires aux ouviiers et à leur famiUe dans une situation particulière-
ment intéressante, après décision du Conseil d'administration ;
4° 0 fr. 60 par jour à la veuve, et 0 ir. 25 à chacun des entants de
l'ouvrier mort des suites de ses blessures ; la pension de la veuve
est supprimée si elle se remarie ; 5° 300 francs de retraite à l'ouvrier
ayant 55 ans d'âge et 30 années de services dans les mines qui ont
adhéré à la caisse centrale. Les ouvriers de la Société, habitant à
Saint-Etienne ou aux environs, sont mêlés au reste de la population.
Dans ces conditions, des écoles spéciales paraissaient inutiles.
Avant la nouvelle loi sur l'instruction primaire, la Société assu-
rait la gratuité aux enfants de ses ouvriers par des subventions
convenables. Aujourd'hui, elle paye encore des cours d'adultes,
donne gratuitement les fournitures scolaires et accorde des livrets
de caisse d'épargne aux enfants (jui obtiennent le certificat
d'études.
Aux Houillères de Saint-Etienne, le chiffre des secours divers
accordés en l^JO s'est élevé à 232.904 francs, soit plus de 11 % des
bénéfices de l'année. La Compagnie possède, au Soleil, un hospice
dont l'entretien a coûté, pendant la même période, 17.850 francs ;
à Firminy et Roche-la-Molière, le compte « ét4il)li.ss<Mnent hospitalier,
caisse de secours, subventions au.x veuves, dons et pensions», atteint
— 552 —
presque 250.000 francs, soit plus de 8 % des bénéfices nets de l'exer-
cice. La Compagnie a fondé deux hospices, contenant vingt-huit lits,
dont la dépense, avec les secours à domicile, s'élève à 70.000 francs
environ. Une caisse de retraites pour les vieux ouvriers fonctionne
depuis 1873, alimentée exclusivement par le Conseil d'administra-
tion. La pension, assurée à partir de 55 ans, est variable suivant
l'emploi de l'ouvrier, elle n'est jamais moindre de 300 frariics et
représente souvent le double. La Compagnie, de ce chef, a dépensé,
en 1890, plus de 60-000 francs. Elle alloue annuellement de 6 à
8.000 francs de subventions à une caisse de prévoyance pour les
employés, qui a reçu, lors de sa fondation, un don exceptionnel de
55.000 francs. Deux cités ouvrières, comprenant 50 maisons avec jar-
dinets, qui se louent 120 et 180 francs par an, ont été bâties à Roche.
La Compagnie entretient, à Roche et à Firminy, deux asiles, qui
reçoivent annuellement 350 enfants, une école professionnelle de
filles et diverses écoles féminines de hameaux, dont la population
est de 205 élèves en moyenne.
Ajoutons qu'on 1890 la Compagnie de Montrambert avait
majoré les retraites de façon à porter le taux de la pension à
i fr. 50 par jour (547 fr. 50 par an) pour les ouvriers de l'in-
térieur, et à 1 fr. 25 pour oeiux de l'extérieur. On sait que cette
Compagnie avait oessé, depuis 1873, de faire subir une retenue
sur les salaires. En outre, la pension des blessés permanents
était élevée de i fr. à 1 fr. 50, celle des veuves de 0 fr. 60 A
0 f r. 75, non compris 0 fr. 25 pour chaque enfant.
La Compagnie de la Péronnière avait réalisé des améliorations
analogues à oelles de Montrambert.
La Compagnie de Roche-la-Molière construisit en 1882 sa
cité ouvrière de Lanlyre, composée de seize maisons doubles
avec jardins, et en 1890 sa cité des Vialles, comprenant douze
logements loués de 90 à 100 francs. Le taux de la pension de
secours fut porté à 1 fr. 50 pour les hommes, à 0 fr. 75 pour
les femmes. Le taux des pensions de retraite fut modifié en
1892 : 520 francs pour les o-uivriers de l'intérieur, 440 francs
pour ceux de l'extérieur, à 55 ans d'âge et 30 ans de services.
La Société des Houillères de Sàint-Etienne avait versé, de
1869 à 1888, à la Caisse centrale de secours ou à la Caisse par-
ticulière, ou encore en secours obligatoires et indemnités pour
accidents, une somme de 2.667.000 francs.
Je regrette de ne pas posséder des renseignements sur les
autres Sociétés. A la Chazotte, en 1889, on assimila les malades
553 —
aux bliesaéts et on porta- la retenu© sur les salaires de 3 à 5 %
pour parer aux nouvelles dépenses (i).
En 1883, le Gouvernement avait ordonné une enquête sur les
institutions de prévoyance dans les houillères. Les résultats
furent consignés dans le rapport de M. Keller, ingénieur en
chef (25 janvier 1884). En 1892, une nouvelle enquête, spéciale
aux Caisses de secours et de retraites, fut ouverte.
Une série de propositions de loi sur ces Caisses avaient été
déposées de 1880 à 1883 p). Elles firent l'objet d'un rapport de
M. Mazeron (1885) dont le dispositif fut repris, à titre de pro-
position de loi, par M. Audiffred, député de la Loire, dans la
législature suivante. M. Audiffred fut également rapporteur
de sa proposition et de celle de> M. Brousse (1887). Discutée à
la Chambre en 1888, ballottée entre la Chambre et le Sénat,
rapportée de nouveau par M. Audiffred, la proposition ne
devint loi que le 9 juin 1894 (3). Elle a été complétée par des
décrets (25 juillet et 14 août 1894) et modifiée, avant 1900, par
les lois des 19 décembre 1894 et 16 juillet 1896.
La loi de 1894 distingue les pemsions de retraites des Sociétés
de secours. Pour les pensions, le prélèvement minimvm sur
les salaires et le versement de l'exploitant sont de 2 % respec-
tivement (total 4 %), susceptibles d'augmentation si les deux
parties sont d'accord. L'entrée en jouissance est fixée à 55 ans
(1) V. sur cette caisse, ♦p. 530. Cette concession, depuis 1876, était la
propriété de la Compagnie P.-ÎL..-M., qui suivit les errements de la
Compagnie de la Chazotte. Les lil>éralit'és des Compagnies devraient
être comparées aux redevances tréfoncières et aux dividendes. Mais je
n'ai pas en mains tous les éléments du problème.
(2) V. l'énumération dans Widmer, op. cit., p. 178-179. MM. Brossard,
Marins Ghavanne, Girodet, députés de la Loire, étaient au nombre des
auteur die ces propositions. Sur la proposition Brossard, v. le Mémorial
de la Loire, 1«' janvier 1883. V. également le Correspondant du 26 dé-
cembre 1882.
(3) V. dans mon Histoire de la Chambre de Commerce de Sl-Etienne,
p. 312, les observations au sujet de oert-te loi. V. au sujet de l'application
le rapport de l'Ingénieur en chef des Mines au Préfet (Conseil général
de la Loire, session d'aotit 1895, p. 737).
— 554 —
et peut être différée. Les versements s'effectuent, soit à la Caisse
nationale des retraites pour la vieillesse, soit à une Caisse patro-
nale ou syndicale spécialement autorisée, dont las fonds doivent
êtrei employés en valeurs nominatives déterminées, caisse
contrôlée par l'Administration des Finances et administrée dans
les conditions des décrets d'autorisation. Les sommes inscrites
au nom de chaque ouvrier sont transférées, le cas échéant, à
une autre Caisse ou à la Caisse des retraites pour la vieillesse.
Les Caisses des Sociétés de secours sont alimentées par une
retenue maxima de 2 % du salaire, par un versement patronal
égal à la moitié de celui des ouvriers, par des amendes,
par des subventions de l'Etat et, le cas échéant, par des dons
et legs. L'Administration de ces Sociétés appartient, pour un
tiers, aux représentants des exploitants, pouir les deux tiers
à ceux des ouvriers. Le mode d'élection est fixé par la loi. Le
premier Conseil d'administration dresse les statuts et les
soumet à l'approbation de l'autorité supérieure.
Dans la Loire, pour les retraites, la loi de 1894 fut appliquée
aux ouvriers embauchés posté riieurement à sa promulgation.
Pour les anciens ouvriers, les droits à la retraite étaient en
cours d'acquisition. Conformément à la loi, ils furent appelés
à opter entre la retraite légale et celle de la Caisse centrale des
Compagnies. La majorité des ouvriers opta pour la Caisse
centrale.
Pour la Compagnie de Villebœuf, la liquidation de la Caisse
fut faite par la Commission arbitrale instituée par le légis-
lateur (1). Les autres Sociétés adhérentes au Comité des
Houillères de la Loire avaient proposé de recourir également à
cette Commission. La majorité des votants opta pour ce procédé,
mais le quantum par rapport aux électeuirs inscrits ne fut pas
atteint. Conformément à la loi, il fallut s'adresser au Tribunal,
qui homologua le mode de liquidation que la Commission
arbitrale avait institué.
La Caisse centrale du Comité des Houillères de la Loire, en
1894, avait distribué 127.000 francs de pensions de retraites et
272.000 francs de pensions de secours.
(1) La sentence de cette Commi'ssion figure dans les réponses du
Comité des Houillères de la Loire à l'enquête parlementaire sur le?
Mines (1902).
— 555 —
Pour les secours de maladie, il n'y avait pas de droits en
cours d'acquisition à sauvegarder, sinon pour les ouvriers en
traitement au moment de la transformation. Le service des
secours fut donc transféré de l'ancienne institution à la nou-
velle, sans grandes diffiouiltés.
La loi de 1^94 laissait en dehors de . ses prescriptions la
question des accidents du travail. Les pensions acquises ne
changeaient rien à la situation des bénéficiaires. On pourvut,
par des moyens provisoires et variables suivant les Compagnies,
aux mesures pour la garantie des ouvriers dans l'avenir,
mesures remplacées par la loi de 1898 sur les accidents du
travail. En général, le service des pensions acquises fut à
la charge exclusive des exploitants et, dans quelques cas rares,
à la charge d'une Caisse de liquidation (i).
Avant la loi de 1898, les Compagnies de la Loire assuraient
aux infirmes, aux veuves des ouvriers morts des suites d'ac-
cidents et aux orphelins, des pensions de 365 francs pour les
premiers, 220 francs pour les secondes, 0 fr. 25 par jour pour
les orphelins jusqu'à 12 ans. L'ensemble de ces pensions repré-
sentait plus de 270.000 francs par an p).
A titre de renseignements, la Compagnie de Roche-la-Molière
et Firminy assurait gratuitement, avant la loi de 1894, les
soins médicaux et les médicaments aux ouvriers malades, à
leurs femmes et à leurs enfants de moins de 12 ans. Elle leur
distribuait en outre des secours en argent. Depuis cette loi,
on a institué une Société de secours pour Firminy et une pour
Roche-la-Molière et la Varenne. Le prélèvement sur les salaires
est de 2 % à Firminy, de 1 franc par mois pour les hommes et
de 50 centimes pour les femmes et les enfants à Roche et à
la Varenne. Le versement de la Compagnie est égal à la moitié
du prélèvement. L'indemnité journalière est de 1 fr. 50 pour
les hommes et de 0 fr. "75 pour les enfants de moins de 16 ans,
à partir du quatrième jour si la maladie ne duTO pas plus de
onze jours, à partir du premier jour dans le cas contraire
(1) WiDMER, op. cit., p. 306. Ces renseignements ne sont pas spéciaux
au bassin de la Loire.
(2) Notice du Comité des Houillères de la Loire (Exposlt. ée St-Louis,
1904, p. 36).
— 556 —
(Firminy). A Roche et à la Varenne, les trois premiers jours
ne sont jamais payés. Ces indemnités cessent au bout de neuf
mois à Firminy et de six mois à Roche. En outre des indem-
nités réglementaires, les Sociétés distribuent deis secours. Le
sociétaire a droit aux soins médicaux et pharmaceutiques
gratuits pour lui, sa femme et ses enfants de moins de 13 ans.
Antérieurement à la loi de 1898 sur lies accidents, la même
Compagnie allouiait à son personnel en cas de blessure : 1 franc
par journée du mois, plus 25 centimes par enfant de moins
de 12 ans. Cette indemnité était réduite à 50 centimes pour
lesi femmes et pour les enfants de moins de 16 ans. La
veuve d'un ouvrier mort d'un accident recevait 75 centimes par
jour (1 fr. si eWe avait plus de 50 ans) et 25 centimes pour
chaque enfant de moins de 12 ans. Les orphelins de père et de
mère recevaient 50 centimes par jour jusqu'à 16 ans. Souvent
la Compagnie accordait une indemnité supplémentaire.
La notice que cette Société a publiée à l'occasion de l'Expo-
sition de 1900, à laquelle j'emprunte ces renseignements,
énumère les institutions qu'elle a créées. Aux cités ouvrières
déjà construites, la Compagnie avait ajouté en 1899 la cité du
Pontin (18 miaisons doubles, prix du logement : 120 fr.) pour la
section de la Varenne. Elle avait créé en 189^, à Roche, un
hotel-pension pour les ouvriers célibataires. Ses dépenses, en
1899, comprenant service médical, hôpitaux, médicaments,
secours gratuits, chauffage, écoles, caisse d'e® malades, fête de
Sainte-Barbe, s'élevaient à 146.000 francs. La Caisse de retraites,
alimentée exclusivement par la Compagnie, avait entraîné une
dépense de 145.000 francs (l). Les déoenses oour accidents repré-
sentaient une somme sensiblement égale. La première du
bassin de la Loire, cette Compagnie installa, au puits Combes,
des lavabosrvestiaires (1898-1899). Ln Société des Fonillères de
Saint-Etienne a établi des lavabos- vestiaires en 1900 (2).
Il est regrettable que toutes les Compagnies n'aient pas publié
des notices aussi complètes que celles de Ha Compagnie de
Roche-la-Molière et Firminy.
(1) Pres<7ue tons les ouvriers avaient opté pour la caisse de la Com-
pagnie. Celle-ci, en 1899, créa des primes à l'ancienneté et à l'aspidnité
qui servirent pour augmenter les retraites ou furent placées à la Caisse
d'épargne.
(2) V. Mémorial de la Loire, 6 mai 1913.
- 557 —
A la Compagnie de Montrambert et de la Béraudière, la re-
tenue isur l'es salaires, pour la Société de secours instituée en
1894, est de 1 %, la contribution légale de la Compagnie de 1/2 %
et sa cotisation volontaire de 1/2 % également. Une Caisse de
prévoyance reçoit les dépôts des employés et des ouvriers
jusqu'à 5.000 francs de capital et 'eur sert un intérêt de 4 %.
Les charges de la Compagnie (secours, retraites, libéralités
diverses) s'élevaient en 1899 à 361.000 francs, non compris le
chauffage gratuit (25.000 tonnes par an). Dans ce chiffre sont
compris les versements patronaux pour les retraites, constituées
conformément à la loi de 1894, aussi bien que les charges des
retraites antérieures à cette loi.
Il convient de dire un mot de la liquidation de l'ancienne
Caisse de la Chazotte. Après des expertises longues' et minu-
tieuses, la Compagnie P.-L.-M. fut condamnée à verser à la
Caisse des dépôts et consignations la somme de 1.029.305 fr. 22,
représentant l'actif net de la Caisse de secours. La comptabilité
de cette Caisse était devenue très obscure dès les premiers jours
de la déconfiture de la Compagnie de la Chazotte-. Le premier
expert, nommé en 1897, ne parvint pas à discerner les dépenses.
Ce fut M. Saint-Etienne, ingénieur, qui établit le compte défi-
nitif homologué par le Tribunal (l).
La liquidation du fameux million de la Chazotte n'était pas
encore terminée en 1910, époque où M. Antoine Gerest écrivait
l'historique de cette difficile question, dams une revue stépha-
noise dont il n'a été publié que quelques numéros (2). Il fut
décidé que cette liquidation se ferait par une distribution entre
les ayants droit. Un partage provisionnel de la moitié des
sommes à distribuer a eu lieu en avril 1910. Le reliquat restait
à partacrer. Pour cela, il fallait additionner les journées de
travail de tous les ouvriers, diviser le chiffre obte;nu par la
masse à distribuer, multiplier par le nombre de journées de
chaque ouvrier le quotient correspondant à une journée de
travail et répéter cette opération pour les 1.600 ouvriers admis
au règlement provisoire.
(1) M. Saint-Ktfonnc. qui était du Gard et non de Saint-Etienne, s'était
fait une réputation dans œtte ville comme expert auprès des Tribunamx.
(2) Gazette de Saint-EHnnne (juiîjet 1910). Le magistrat qui a dirigé la
procédure est M. SSrol.
- 558 —
Aux termes d-es statuts, rouvrier ayant quitté prématurément
la mine avait aliéné au profit de la masse le montant d© ses
cotisations. Sur la réclamation des anciens cotisants, le Tri-
bunal et k Cour ont confirmé cette disposiition.
L'Ecole des apprentis gouverneurs. — C'est pendant cette
période, en 1892;, que le Comité des Houillères de la Loire créa
l'Ecole des apprentis-gouverneurs établie à Saint-Etienne, rue
du Chambon, 6. J'extrais d'une notice publiée par le Comité des
Houillères de la Loire, en 1904, à l'occasion de l'exposition de
Saint-Louis, les renseignements qui suivent (i) :
Pendant longtemps, dans les mines de lia Loire, les gou-
verneurs (surveillants des travaux du fond) avaient été choisis
exclusivement parmi leisi ouvriers les plus intelligents, très au
courant des détails pratiques du métier, mais dépourvus de
connaisisarices théoriques!.
Ce personnel avait rendu de grands services, mais, depuis
quelques années, lesi ingénieurs s'apercevaient qu'il tendait à
devenir insuffisant à mesure qu'augmentaient les difficultés
d'exploitation (profondeur pins grande des travaux, déhouil-
lement plus intensif, nouveMos méthodes d'exploitation plus
perfectionnées et plus délicates, emploi des machines à l'in-
térieur, règlements administratifs de plus en plus compliqués
dont les gouverneurs devaient surveiller l'exécution).
Les exploitants cherchaient donc un nouveau mode de rporn-
tement des gouverneurs, lorsqu'en 1892 ringénieiuï* en chef des
mines, M. de Castelnau, proposa au Comité desi Houillères de
créer une école des aspirants-gouverneurs. Il ne s'agissait pas
de fonder une école semblable à celles d'Alais et de Douai, qui
forment plutôt des géomètres et des sous-ingénieurs que des
maîtres-mineurs. L'enseignement devait être plus élémentaire.
On limita l'examen d'entrée à une dictée et à des opérations
et problèmes d'arithmétique. On admit à subir cet examen les
ouvriers ayant au moins deux ans de séjour dans la mine et
ayant fait leur service militaire.
(1) Dans le chapitre relatif à l'Ecole des mines, J 'indiquerai les essais
de création d'un enseignement à l'usage des ouvriers.
— 559 —
Les cours eurent lieu de 3 heures à 6 heures chaque jour. Les
élèves continuaient à travailler dans la mine le matin, de
6 heures à 1 heure de l'après-midi. Cette journée de travail,
un peu abrégée, était payée 5 francs. La durée des cours était
de 10 mois.
L'enseignement fut confié à deux professeurs. L'un, licencié
es sciences, faisait des cours d'arithmétique, de géométrie, de
lever des plans, de mécanique, physique et chimie, en se
bornant à donner des notions pratiques. L'autre, ingénieur
de l'Ecole des mines de SaintrEtienne, enseignait l'exploitation
des mines, expliquait les règlements, donnait quelques indi-
cations sur la comptabilité et l'hygiène. A lia suite de l'exarfien
général de sortie, les élèves reçurent un certificat.
Le Comité de direction fut composé de l'ingénieur en chef
des mines, du président et de deux membres du Comité des
Houillères. L'école coûtait annuellement 7.000 francs à ce
dernier Comité.
De 1892 à 1902, l'école reçut 134 élèves, sur lesquels 102 furent
brevetés et 100 placés, bien que l'école ne garantisse pas un
poste de surveillant à la sortie. L'âge moyen des élèves variait
de 26 à 29 ans, le plus jeune avait 22 ans, le pl^s âgé 42.
Chaque exploitant faisant partie du Comité des Houillères
peut envoyer à l'école un ouvrier pour 200.000 tonnes d'ex-
traction annuelle ou fraction de 200.000. Les exploitants n'en
faisant point partie peuvent demander l'admission de leurs
ouvriers, le Comité restant libre de raccorder ou de la refuser.
Les « Mines aux Mineurs » (i). — C'est pendant cette période
que naquit et que mourut la Mine aux Mineurs du Gicr. L'his-
toire de cette coopérative de production, amplement racontée
ailleurs, nous dispen?^^ d'un exposé (2). Tout le monde en connaît
(1) .Sur la Mine aux Mineurs du lian, voir pape 537.
(2) V. l'étmle do M. m: Rilly {Annales des Mines, 18î>7^ F Laum, La
Mine aux Mineurs (Paris. Dentu, édit.. 1887) Statistique des HmiilUres
d€ France et de Belgique, 1891, p. 207. Office du Trava'l : J.es Associa-
tions professionnelles ouvrières, t. I, p. 350 et suivantes. Leskimu- : Histo
rique des Mines de houille de la Loire, p 323. J-osoph nnteniCNAC :
Préface de La Mine aux Mineurs de Monthieux. Mémorial de la Loire^
13 août, 15 &ep^., 29 déc. 1886 ; 21 mal 1889 ; 12 sept., 14 déc. 18dt ;
13 sept. 1892, etc.
- 560 —
les grandes lignes : la Société des Houillères de Rive-de-Gier,
jadis si prospère, arrêtant en 1886 l'exploitation de plusieurs de
ses concessions, mise en demeure par le Préfet de reprendre
ses travaux sous peine de déchéance ; la Chambre syndicale
des mineurs de Rive-de-Gier demandant la rétrocession de ces
concessions par Tintermédiaire de M. Laur, député de la Ivoire ;
cette rétrocession consentie par la Compagnie . ; douze con-
cessions aux -noms historiques deMontagne-du-Feu, Crozagaque,
Gravenand, Verchères-Féloin, Verchères-Fleurdelix, etc., de-
venues la propriété des ouvriers ; le Syndicat se transformant
en Société de fait par la signature d'un pacte social ; les dons
envoyés aux prolétaires, notamment par M™* Arnaud, de
l'Ariège, « une femme comme la République sait en produire »
disaient les journaux républicains ; la découverte d'un gisement
ignoré ; les regrets de la Compagnie d'avoir cédé ses con-
cessions ; les procès maladroits — pour ne pas dire plus —
qu'elle intenta aux ouvriers pour les dépossiéder et qu'elle
perdit ; le retour offensif des ouvriers contre la Compagnie et
le procès en restitution des loyers d'amodiation renouvelées en
fraude de leurs droits, procès qui se termina à l'avantage des
ouvriers et leur procura des sommes importantes ; le lyrisme
de la Presse opportuniste, radicale et socialiste, célébrant avec
enthousiasme cette reconstitution de la propriété collective et
primitive ; la discorde enfin pénétrant au sein de cette orga-
nisation ouvrière, les luttes intestines, les procès, et pour finir,
la vente des concessions vers 1898 !
Le « Paradis charbonnier » (VEden, devrais- je dire) n'existait
que dans l'imagination des reporters, car l'exploitation ne fut
rien moins que fructueuse. Chaque exercice financier laissa des
pertes. Le peu de valeur des concessions, les procès, le manque
de direction et de discipline furent les causes principales de
l'insuccès.
De 1886 à 1895 la Société civile de la Mine aux Mineurs du
Gier occupa de 48 à 110 ouvriers, auxiliaires compris. L'ex-
traction atteignit son point culminant en 1892 : 12.710 tonnes. En
dix ans elle atteignit à peine 84.000 tonnes, non compris
10.500 tonnes extraites de 1891 à 1895 par des dissidents.
La Chambre syndicale avait donné naissance à la Société
des Mineurs du Gier (1889). Les disputes entre la mère et la
— 561 —
fille aboutirent à deux exploitations différentes : celle du Syn-
dicat et celle de la Société. La Société intenta un procès en
déguerpissement au Syndicat. Les exploitants du Syndicat
formèrent une seconde Société civile. Il y eut dès lors, à partir
de 1896, la Société civile anonyme des Mineurs du Gier et la
Société civile anonyme du Syndicat des Mineurs du Gier. Celle-
ci était sans droits au point de vue juridique. La première
Société n'osa pas la contraindre au déguerpissement, même
après la vente des concessions. En 1900, sept mineurs tra-
vaillaient j>éniblement à extraire par jour une tonne de mauvais
charbon aux Combes, à Egarande et au Gourd-Marin (i).
L'histoire d'une autre coopérative de production, la Mine aux
Mineurs de Monthieux, a fait l'objet d'une brochure très impar-
tiale et très documentée p). La concession de Monthieux,
délivrée en 1825 à M. Charles Dugas des Varennes, échut en
héritage à M. Camille de Rochetaillée. Elle avait été amodiée
en 1835 et depuis 1870 l'amodiataire était une Société anonyme.
En 1891, cette Société avait dépensé tout son capital. La ferme-
ture des chantiers fut annoncée ; 500 ouvriers allaient se trouver
sans travail.
La Chambre syndicale des Mineurs de la Loire se porta
acquéreur de l'amodiation. p]lle obtint des subventions impor-
tantes : 50.000 francs de M. Marinoni, directeur du Petit
Journal ; 50.000 francs du Parlement ; 10.000 francs du Conseil
municipal de Paris ; iO.OOO francs diu Conseil municipal de
Saint-Etienne, etc., etc.. La Société stéphanotse de la Mine aux
Mineurs fut constituée et l'acte de vente signé avec les liqui-
dateurs de la Société amodiataire. L'inauguration fui célébrée
solennellement le 5 décembre 1891.
(1; Leseure, p. 329.
(2) Joseph Bhiîchicnac : La Minr aii.r ^finr1lrs de Monthieux (Loire)
(Lyon. Paul Phlly. écJW.. 1011).
— 562 —
Comme à la Mine aux Mineurs du Gier, des discussions vio-
lentes ne tardèrent pas à éclater entre le Syndicat et la Société.
Les récriminations du Syndicat eurent d'abord pour effet de
frustrer la Société dos subventions du Parlement et de la ville
de Paris, qui furent attribuées par le Préfet aux mineurs sans
travail de la Compagnie de Monthieux et au Bureau de bien-
faisance. Il y eut procès. Le Conseil d'administration fut
débarqué par une Assemblée générale que le Tribunal déclara
illégale, mais il se démit peu de temps après de ses fonctions.
Une réorganisation partielle de la Société fut faite en faveur
du Syndicat, qui exerçait uine sorte de tutelle. Néanmoins, le
caractère coopératif se développa au détriment du caractère
syndical. Mais il évolua dans le sens capitaliste. Les auxiliaires
embauchés pour augmenter le personnel ne purent obtenir le
titre de sociétaires. Le 20 mai 1894, ils envahirent la salle des
réunions et furent congédiés le lendemain par le Conseil d'ad-
ministration.
Le Tribunal de Saint-Etienne admit en principe la demande
des auxiliairesi au titre de Sociétaires (1895). A ce moment, la
situation de la mine devint précaire. Beaucoup de sociétaires
abandonnèrent rentreprise. Pour ne pas laisser tomber le
produit net de rextraction au-dessous des charges annuelles,
on embaucha néanmoins de nouveaux auxiliaires, avec, dans
l'engagement, une clause restrictive les plaçant dans la simple
situation de salariés. Pendant ce temps, les sociétaires tra-
vaillaient à perte, avec la foi en des jours meilleurs, et sous la
direction d'ingénieurs expérimentés. Une diminution nouvelle
du nombre des sociétaires, urne augmentation du nombre des
auxiliaires s'ensuivirent : 200 auxiliaires contre 65 sociétaires.
Avec la crise des charbons de 1898-1900, la situation financière
se releva notablement. De 29.000 tonnes en 1894 la production
s'éleva à 42.000. Les sociétaires de la mine, par des modifications
aux statuts, restreignirent de plus en plus l'accès du sociétariat,
imitant les anciennes corporations qui restreignaient l'accès à
la maîtrise. C'est alors qu'en 1901 les auxiliaires, formés on
Société, assignèrent la Société de la Mine aux Mineurs devant le
Tribunal, qui, s'appuyant sur la convention d'embauchage,
reipoussa leurs demandes (10 juin 1901). Nous reprendrons la
question au sous-chapitre suivant (Période 1900-1914).
563
Les Syndicats (i). — Il nous reste à parler du mouvement
syndical et mutualiste pendant la période 1880-1900, qui vit
promulguer la loi du 21 mars 1884, charte des syndicats, qui
auparavant vivaient sous utn régime de pure tolérance.
La Chambre syndicale des Mineurs de la Loire avait présenté
son programme de' revendications au deuxième Congrès socia-
liste de la région de l'Est à Saint-Etienne (6 juin 1881) : journée
de huit heures, abolition du travail à la tâche, création d'^uine
Caisse centrale de secours et de retraites pour les mineuirs de
la Loire, institution des délégués mineurs.
Le Secrétaire général du Syndicat, Rondet, fit une active
propagande en faveur de l'idée syndicale. Les revendications
furent soumises au Parlement en 1882.
Le premier Congrès des mineurs eut lieu à SainirEtienne du
24 au 31 octobre 1883. Ce fut dans ses assises que fut fondée
la Fédération nationale. Un autre Congrès fut tenu en janvier
1886, un autre en février 1887 (2).
Des mineurs de Lorette avaient fondé en 1883 la Solidarité
humanitaire, société de secours mutuels, qui comptait en 1897
306 membres actifs et 10 honorai res (^). La Chambre syndicale
créa en 1885 la Société générale de Secours mutuels des mineurs
de la Loire, qui ne compta au début que 60 membres. Elle en
eut jusqu'à 900 et n'en comptait plus que 70 en 1897. L'unité
syndicale, déjà compromise par la création de la Chambre
syndicale des ouvriers mineurs du bassin du Gier (1876), fut
encore compromise en 1888 par la création de la Chambre syn-
dicale des ouvriers mineurs de Villars. A cette date, le Syndicat
de la Loire déchaîna une grève parmi les ouvriers de la Com-
pagnie des Mines de la Loire.
J'ai mentionné la participation du Syndicat du Gier à la
création de la Mine aux Mineurs du Gier (v. p. 556). En
(1; Pour les périodies précédentes, voir page 537.
(2) V. les Journaux locaux de l'époque.
(3) Deux autres Sociétés avalent été créé.- • i , nicamari.e. en 18H(>
ef. Ift84.
— 564 —
1897, oe Syndicat ne comptait plus que 30 membres. Quant au
Syndicat de la Loire, il s'était émietté après la grève de 1888.
Une oentainei de mécontents créèrent la Chambre syndicale de
Côte-Chaude (1888). L'année suivante, les mineurs de- Saint-
Chamond fonderont aussi un Syndicat. Le personnel do la Com-
pagnie de Roche-la-Molière créa une Société de Secouirs
mutuels (1889).
L'émiettement amena la formation d'une Fédération déjmr-
tenientale (1889), qui publia de 1890 à 1892 le Réveil des Mineur s .
Alors commencèrent les tiraillements avec la Fédération
nationale, qui avait aussi son siège à Saint-Etienne et dont le
secrétaire était Rondet. La départementale fit décideir qu'un
Congrès national se réunirait à Commentry en 1891.
On créait des Syndicats locaux : à la Talaudière, à la Rica-
marie, à Grand'Croix en 1890. Celui de Grand'Croix, appelé
Chambre syndicale des mineurs de la vallée du Gier, fut fondé
après la grève de. la Péronnière. Il grou<pa de 7 à 800 membres
et soutint une grève au puits Saint-Louis à Rive-de-Gier, en
1891, grève qui échoua et réduisit le Syndicat à une centaine
de membres. Le Syndicat de la Loire, qui comptait un millier
de membres, perdit une grande partie de son effectif.
A Firminy, une Chambre syndicale, formiée^ en 1890, décréta
la grève, qui dura du 8 octobre au 11 novembre. Ce Syndicat
périclita à la suite de sa participation aux élections municipales
de 1892, où ses membres se divisèrent. Une seconde Société
de Secours mutuels fut formée à Roche-la-Molière en 1891 et
de petites Sociétés dui même genre à Saint-Chamond et à la
Talaudière en 1892, un Syndicat à Saint- Jean-Bonnefonds (1891).
Ainsi le Syndicat de la Loire avait vu éclore huit ou neuf
Syndicats indépendants. Très affaibli, il se' retira momenta-
nément de la Fédération nationale, à la suite de rivalités
personnelles, et y adhéra de nouveau lorsque cette Fédération
fut réorganisée au Congrès de la Ricamarie en 1892 (i). Depuis
1891, son activité avait été absorbée par l'organisation de la
Société de la Mine aux Mineurs de Monthieux, avec laquelle
(Il V. sur ce Congrès les journaux locaux des 29 septembre 1892 et
jours suivants. Le premier Congrès international des Mineurs avait eu
lieu à Jolimont (Belgique) du 20 au 23 mai 1890.
— 565 —
il ne tarda pas à entrer en conflit. Quelques mineurs de
Monthieux formèrent en 1893 V Association des mineurs de la
Loire pour la défense de leu\rs droits^ qui fusionna en 1894
avec le Syndicat de la Loire.
La même année, les mineurs du puits Verpilleux, à Saint-
Etienne, créaient une petite Société de Secours mutuels.
Dissoute en 1893, après la réorganisation de la Fédération
nationale, la Fédération départementale fut reconstituée en 1897,
quand le siège de la Nationale fut transféré de Saint-Etienne
à Lens (1896), puis à Garmaux (1897). Elle eut pour secrétaire
M. Cotte. Vers la fin de 1898, les rapports avec les Compagnies
étaient très tendus. Un Congrès national s'ouvrit à Saint-Etienne
le 21 décembre, sous la présidence de Calvignac, ancien maire
de Garmaux, que' la grève de 1892 avait rendu célèbre. Dans la
Loire, la grève générale éclata le 26 décembre 1899, en pleine
crise d;u charbon. Elle était terminée le 6 janvier 1900.
A celte date, la Fédération des Mineurs de la Loire comptait
3.770 membres, répartis entre les Chambres syndicales de Côte-
Chaude, La Ricamarie, Sain-Bel, Saint-Etienne et Villars. La
Chambre syndicale des Mineurs de la Loire accusait 3.000
membres (i). Venaient ensuite, par ordre d'importance : les
Syndicats de Grand'Croix (984 membres), Firminy (905), La
Talaudière (610), Côte-Chaude et Quartier- Gaillard (450), La
Ricamarie (200), Roche -la-Molière (130), Villars (120), Saint-
Ghamond (115), Rive-de-Gier (22), Saint-Jean-Bonnefonds (16).
Tout cela représentait 6.552 membres, nombre peut-être exa-
géré, enregistré sans contrôle. Au 31 décembre 1897, l'Office du
Travail n'en comptait que 3.497, répartis entre dix Chambres
syndicales (au lieu de onze), pour 17.663 ouvriers mineurs du
bassin (2). \S Annuaire des Syndicats pour 1898-99 indiquait le
chiffre de 3.422 pour onze Chambres. En un an, ce chiffre avait
presque doublé. La grève de 1900 avait-elle eu ce résultat ?
(1) Annuaire des Syndicats professionnels, 1900. Sur l'Annuaire de
1898-99, ce syndicat nV^talt porté que pour H49 membres.
(2) Office du Travail : /.r.s Associddons professionnelles ouvrières,
t. I. p. .172.
37
566
§ V. PÉRIODE 1900-1914
La législation ouvrière a été tellement abondante — on peut
dire tellement touffue — pendant cette période qu'il n'est pas
possible d'en donner un aperçu sans sortir du cadre étroit que
nous sommes obligés de lui assigner dans cet ouvrage.
Durée de la journée de travail. — En 1901, une proposition
de loi fut déposée! par M. Basly pour limiter à huit heures la
présence des ouvriers du fond de la mine. Le Comité des Houil-
lères de la Loire (i) estimait que cette réduction diminuerait
le rendement de 20 % pour l'ouvrier diui fond et de' 16 % au
moins pour l'ouvrier du jour. Aucun des moyens proposés ne
lui paraissait praticable pour parer à la diminution de ce ren-
dement, qui devait avoir pour conséquenoe une augmentation
énorme du prix de revient. La réduction 'de la journée devait
aboutir logiquement à la diminution du salaire. Mais, pour s'y
opposeir, les Syndicats ouvriers disposaient de la grève générale
et d'ores et déjà ils réclamaient du Gouvernement l'établis-
sement d'un salaire minimum.
L'élévation du prix de revient de la houille devant avoir une
répercussion considérable sur les industries consommatrices, la
Chambre de Commerce de Saint-Etienne appuya les concluisions
du Comité des Houillères P).
La loi qui fut promulguée le 29 juillet 1905 fixa pour les
ouvriers occupés à Vabatage une limite à atteindre par étapes :
9 heures à partir du 5 janvier 1906 ; 8 heuires 1/2 au 5 janvier
1908 ; 8 heures deux ans après.
L'application de ces paliers en 1906 et en 1908 faillit amener
des grèves, qui furent heureusement évitées.
(1) Délibération imprimée.
(2) Résumé des Travaux de la Chambre de Commerce, 1902, p. 43.
— 567 --
Une nouvelle proposition de loi, déposée en 1906 par M. Basly,
étendait l'application des huit heures à tous les autres ouivriers
de l'intérieur de la mine. Cette application eût entraîné de
graves inconvénients au point de vue des dérogations tempo-
raires, du reicrutement d'un personnel nouveau et de l'aug-
mentation du prix du charbon, déjà si élevé (i).
La proposition de loi flotta entre la Chambre des Députés et
le Sénat, qui furent sept ans sans se mettre d'accord. Le texte
de 1905 ne limitait point la durée des dérogations. Le Sénat,
en 1910, les fixa à 90 heup:^es, la Chambre, en 1912, les réduisit
à 30, le Sénat, en 1913, les porta à 150, la Chambre les réduisit
à 60.
La, Chambre avait étendu le bénéfice de la réglementation à
tous les ouvriers du fond. Le Sénat en écarta les spécialistes
(mécaniciens, chauffeurs, etc.) et reporta à trois ans après la
promiulgation de la loi son application aux rouleurs et
chargeurs. Par transaction, la Chambre décida qu'une consigne
visée par l'ingénieur en chef réglerait le sort des spécialistes et
que les rouleurs bénéficieraient de la loi deux ans après la pro-
mulgation.
Celle-ci intervint le 31 décembre 1913. Dans la Loire, elle
occasionna une grève du 2 au 10 juillet 1914, à la veille de la
guerre. Les mineurs voulaient comprendre le temps du repos
dans la durée de la journée de huit heures. Les Compagnies
résistèrent. I^ loi ne laissant place à aucune transaction, la
Fédération des Mineurs reporUi ie débat sur les consignes fixant
les heures d'entrée et de sortie. Sur ce nouveau terrain, une
transaction mit fin à la grève (~).
Un député de la Loire, M. Durafour, élu en 1910, prit une
part considérable aux travaux préparatoires de la loi de 1913,
et se ci^ une popularité chez les ouvriers.
Les pronostics de 1901, quant au rendement et au prix de
revient, se sont-ils réalisés ?
En 1905, dans le bassin de la Loire, le nombre total des ou-
vriers était do 18.739 et la production de 3.664.000 tonnes. Le
rendement moyen ressortait h 215 tonnes.
(1) nésumé des Trai-aux de la Chambre de Commerce, 1906, p 55.
(2) V. le chapitre Situation générale, 1900-1914.
- 568 —
En 1912, It nombre total des ouvriers était de 20.199 et celui
de la production de 3.778.000 tonnes. Le rendement moyen était
d-e 188 tonnes.
La diminution du rendement a été de 12,55 %. En 1901, on
l'avait évalué à 20 % pour l'ouvrier du fond et à 16 % au moins
pour l'ouvrier du jour.
Une Compagnie a publié des chiffres détaillés (l). Nous
trouvons la diminution suivante par journée d'ouvrier :
de de , ,,. ^, .
,,. . , . 1, »^ . de l'intérieur
l'intérieur l'extérieur et de l'extérieur
Production par journée en 1905.. 1,302 2,698 0,878
— — 1912.. 1,189 2,367 0,791
Différences. 0,113' 0,331 0,087
Pour cent 9 o/^ 12 o/^ lO o/^
Ajoutons que. ni en 1905, ni en 1912, aucune grève n'a in-
fluencé la production.
Quant aux prix, tout le monde sait qu'ils ont augmenté. Le
prix moyen sur le carreau pour le bassin de la Loire, d'après
la Statistique de Vlndustrie minérale, était de 15 fr. 15 la tonne
en 1905 et de 18 fr. 15 en 1912. Différence : 3 francs ou 19,80 %.
Il est vrai que les Compagnies ont subi des aggravations de
charges autres que celles résultant de la réduction de la journée
de travail.
Participation aux bénéfices. — Un. projet de loi sur le régime
général des mines, dépoisé en 1908, fut repris en 1910, avec
quelques modifications dont l'une tendait à rendre obligatoire
la participation des ouvriers aux bénéfices. De la délibération
prise par la Chambre de Commerce de Saint-Etienne sur le
rapport du Comité des Houillères, je détache les passages
suivants p) :
(1) Société des Houillères de Saint-Etienne (Notice publiée à roocaslon
de l'Expositloïi de Lyon en 1914, p. 7-8).
(2) Compte rendu des Travaux, 1911.
— 569 —
L'ouvrier n'est intéressé que par le salaire global effectivement
touché, sous une forme ou sous une autre ; or, dans les entreprises
privées qui ont déjà institué la participation aux bénéfices, ce
salaire global, participation comprise, n'est en général pas plus
élevé qu'ailleurs...
Avec la participation aux bénéfices, l'immixtion des ouvriers dans
l'administration et dans la fixation du bénéfice à distribuer sera
inévitable ; fascinés par le désir d'accroître leur gain immédiat, ils
s'opposeront aux amortissements et à la constitution des réserves,
et la bonne gestion des entreprises sera ainsi compromise.
Dans chaque industrie, les diverses entreprises sont inégalement
prospères ; l'importance de la participation variera donc d'une
entreprise à l'autre ; de là des différences dont les ouvriers s'accom-
moderont difficilement (1).
Accidents du travail (2). — Pour les accidents du travail, je
me borne à citer des chiffres comparatifs extraits des rapports
des ingénieurs de l'Etat. On trouvera dans les procès-verbaux de
l'enquête de la Commission parlementaire des Mines en 1903
les observations des Compagnies et celles des Syndicats ou-
vriers au sujet de la loi de 1898, modifiée en 1902 et 1905.
1900 1912
Nombre d'ouvriers 19.798 20.197
Nombre d'accidents 5.212 8.941 (3)
Accidents mortels 27 18
Nombre de tués par 1.000 ouvriers
occupés 1,36 (^) 0,9 (»)
Nombre de tués pour 100.000 tonnes
extrAites 0,68 0,47
(1) La participation a été inscrite dans la loi du 9 septembre 1919,
qui ne s'applique qu'aux corcess-ons futures.
(2) Pour les périodes antérieures, voir pages 504, 507, 514, 539.
(3) Pour la ville de Saint-Etienne, 4.498 a:ciden)ts enregistrés dans
l'extraction de la houille sur 9.913 dans toutes les professions.
(4; 1,67 par 1.000 ouvriers au fond. En 1899 : 2,00 par 1.000 ouvriers au
fond et au Jour, et 2,80 par 1.000 ouvriers au fond à cause de la catas-
trophe du puits Couchoud.
(5) En 1911 : 2,34 par suite de la caitastrophe du puits des Flaches.
Le rapport n'indique plus la proportion par ouvrier au fond.
— 570 —
Le nombre des accidents a prodigieusement augmenté, si on
compare les statistiques postérieures à 1898 à celles antériejures
à la loi promulguée à cette date, et oepenïlant jamais les me-
sures d'hygiène et de sécurité n'ont été plus multipliées. S'il
y a beaucoup d'accidents, c'est que tous, sans exception, sont
déclarés, ce que la loi n'imposait pas autrefois.
Déjà dans l'enquête de 1903, les ingénieurs de l'Etat faisaient
resssortir le très grand accroissement du nombre des journées
d'incapacité de travail à la suite de l'application de la loi de
1898, l'augmentation considérable du nombre des procès, celle
très notable des charges pour les Compagnies, correspondant à
une amélioration du sort des ouvriers blessés, « mais aussi peut-
être, pour une part, à quelques abus » (i).
Les causes générales des accidents étaient, pour les ouvriers
du jour, les chutes ou le choc d'un outil ; pour les ouvriers du
fond, ces deux causes et les éboulements, chutes de pierres ou
de pièces de boisage, heurts de bennes ou de convois p).
Les Syndicats des ouvriers ou les délégués mineurs donnaient
à ces causes une origine commune, le « mauvais entretien de
la mine », ce qui équivaut à dire que les Compagnies avaient
intérêt à avoir des accidents !
Le Comité des Houillères disait : « Toutes les mesures propres
à assurer la sécuritél des travaux sont prises ; il en est de même
de celles concernant l'hygiène. »
Les Syndicats ouvriers répondaient : (« Les prescriptions
d'hygiène et de sécurité sont très insiuiffisantes. Il convient de
les compléter. » Des délégués mineurs ajoutaient : « Nos
rapports sont souvent restés lettre morte. »
Les ingénieurs de l'Etat affirmaient qu'il n'était pas douteux
que, dans l'ensemble, lesdites prescriptions (relatives à l'hy-
giène et à la sécurité) fussent observées d'une façon satisfai-
sante : « Toutes les fois que l'utilité d'une mesure nouvelle se
fait sentir ou qu'il paraît opportun de modifier un règlement
en vigueur, nous en faisons la proposition à M. le Préfet ;
nous n'avons, pour le moment, à faire aucune proposition de
ce genre. »
(1) Procès-verbaux de la Commission des Mmcs. t. III, p. 93.
(3) Comité des Houiillères (Réponse à l'enquête de 1903).
— 571 —
Au Congrès de l'Industrie minérale à Saint-Etienne en 1908,
M. Siegler, ingénieur au Corps des Mines, disait : « Dans le
développement général des méthodes d'exploitation et d'outil-
lage, oe ne sont pas seulement les patrons qui ont profité du
progrès. L'ouvrier qui aurait à choisir entre les petits chantiers
mal aérés d'autrefois, le travail prolongé dans une atmosphère
viciée, et la journée réduite actuelle, dans de grandes tailles
bien assainies, n'hésiterait pas. L'hygiène du mineur a été
transformée ; les lavabos-douches, quie les exploitants de la
Loire ont été des premiers à installer, se généralisent de plus
en plus et viennent compléter de la manière la plus heureuse
pour l'ouvrier l'amélioration de ses conditions d'existence » (i).
Hygiène. — L'installation des lavabos-vestiaires fut com-
mencée vers 1898. Elle ne> fut pas appréciée dès son début par
les ouvriers. Le même fait s'est répété lors de l'installation des
lavabos dans les usines. On ne s'en servait pas. Ce n'est que
peu à petui que ces soins élémentaires de propreté hors de chez
soi — comme chez soi — sont entrés dans les habitudes.
Quoi qu'il en soit, on ne rencontre plus aujourd'hui, comme M
y a vingt ans, en plein midi, dans les rues de Saint-Etienne, des
mineurs ^sortant de la mine les jambes et les pieds nus, noirs
comme des charbonniers, en costume du fond et le crisieu h
la main. Le pittoresque y a perdu. Il ne faut pas le regretter.
Une maladie spéciale aux mineurs, Vankylostomiase, a fait
l'objet de plusieurs études médicales, notamment, en 1904, d'une
thèse de M. le docteur Briançon, ex-interne des hôpitaux, qui
s'est attaché surtout à la réfgion de la Loire. M. le docteur
Roussel, en 1906, a adressé un rapport au Ministre des Travaux
publics sur cette maladie dans le bassin houdller de la Loire.
Une proposition de loi fut déposée par M. Basly dans les
derniers iours de 1904. L'ankylostomiase se révèle par la pré-
sence dans l'intestin d'un ver de 10 à 18 millimètres de
longueur, dont l'éclosion est favorisée par la température à la
fois chaude et humide des galeries de mines. La présence de
(1) Bulletin de Vlndnstric minérale, 4» série, t. X, 1909, p. 28.
— 572 —
oe parasitei entraîne une déchéance physique, une incapacité
partielle ou total© de travail. Mais cette maladie ne se ren-
contre pas que cheiz les mineurs. Elle a été constatée il y a
longtemps (l).
La loi de finances du 13 juillet 1911, art. 139, en mettant les
dépenses à la charge des exploitants, a décidé que pendant le
temps du traitement les mineurs receivraient rindemnité jour-
nalière^ prévue par la loi sur les accidents du travail.
J'aurais voulu donner un tableau comparatif de la mortalité
chez leS' mineursi de Saint-Etienne. Mais les comptes rendus
du Bureau d'Hygiène de Saint-Etienne n'ont publié les chiffres
quie pour les années 1888-91 et 1892-95.
On ne peut déterminer d'ailleurs dans ces publications si le
nombre des décès en 1888-91 (796, y compris les victimes des
grandes explosions) s'appliquait aux 6.861 mineurs travaillant
dans la commune en 1891 ou aux mineurs domiciliés dans la
commune (4.453 en 1891), à leurs femmes et à leoirs enfants
réunis. En 1892-95, le nombre des décès est tombé à 449 (3.605
mineurs domiciliés d'après le dénombrement de 1896), en y
comprenant leurs femmes et leurs enfants, parce qu'il n'y avait
pas eu de grandes catastrophes comme pendant la période
précédente. Est-il besoin d'ajouter que les données du dénom-
brement laissent à désirer, certaines indications de professions
étant trop vagues (manœuvres, journaliers, etc..) ? « La déter-
mination du taux de la mortalité professionnelle des mineurs
est impossible, disait M. le docteur Fleury, chef du Bureau
d'Hygiène, en l'absence du chiffre précis de cette catégorie de
la population Que l'on réduise les accidents et surtout les
grandes catastrophes, et là mortalité professionnelle des mineurs
sera ramenée à un taux satisfaisant. Telle qu'elle est à Saint-
Etienne, leur vie moyenne est équivalente à celle des ouvriers
des charbonnages anglais (2). »
(1) V. le compte rendu du Bureau d'hygiène de Saint-EtJenne pour
les années 1888-91, p. 233. Il constaite que l'aérage a cons'jdérablement
modifié l'hygiëne des mines, mais qu'on lui reproche les explosions
répandant la mort. La conflagration se transmet de proche en proche
comme un ouragan. Les années 1887-91 ont été marquées par les grands
accidents des puits Châtelus (77 victimes), Verpilleux (207), Pélissier
(116), et du puits de la Manufacture (62;.
(2) Ibid., p. 234-248.
— 573 —
L'âge moyen aiuquel arrivaient les mineurs était de 43 ans
11 mois. Il était de 49 ans 2 mois pour les armuriers et de 57 ans
4 mois pour les piassemen tiers. Si l'on faisait abstraction des
morts violentes — car nous parlons toujours de la période
1888-91, marquée par des catastrophes — - l'âge moyen des
mineurs se relevait à 52 ans 6 mois. Pendant cette période, la
durée moyenne de la vie pour la population stéphanoise était
de 37 ans. Trente ans auparavant, elle n'était que de 26 ans.
Les conditions sanitaires de la popuilation n'avaient pas encore
subi des améliorations incontestables.
On chercherait en vain dans les comptes rendus du Bureau
municipal d'Hygiène, à partir de 1895, d^s essais de statistique
sur la mortalité professionnelle. Dès lors, les opinions particu-
lières peuvent se donner libre cours et chacun, méthode
déplorable, peut prendre ses observations ou ses impressions
comme étant l'expression de la vérité.
Le rapport de M. Siégler au Congrès de l'Industrie minérale
en 1908 a constaté l'augmentation de l'insttabilité du personnel
ouvrier des mines, conséquence de la crise de rapprentissage.
« On ne naît pas mineur, on le devient et il faut le devenir
jeune Les jeunes gens ne descendent plais dans la mine
qu'en petit nombre. Peut-être cette crise ne prendra-t-elle fin
définitivement que quand la demande de personnel aura été
diminuée par le développement des procédés mécaniques au
fond » (1).
Depuis 1900, plusieurs arbitrages oai' conventions collectives
entre les exploitants et les ouvriers ont réglé la question des
salaires et d'autres questions relatives à l'organisation ' du
travail. Ces actes ont terminé et quelquefois prévenais des grèves.
Nous les indiquons aux chapitres reîatifs à la situation générale.
Caisses de retraiter ou de secours P). - Dans les insti-
tutions de prévoyance, il faut distinguer essentiellement les
Caisses de retraites des Caisses de secours.
(1) Bulletin de l'Industrie minérale, 190Î). t. X. p. 28-29.
(2) Pour les périodes antérieures, voir pages 503, 505, 51C, 624, 544.
— 574 —
L'enquête de 1903 a motivé — naturellement — des réponses
divergentes des Compagnies et des ouvriers. Par contre, les
rapports des ingénieiuirs de l'Etat ne sauraient être sérieusement
contestés.
Je rappelle que, pour les ouvriers embauchés diepuis la loi
de 1894, les retraites ont été constituées conformément à cette
loi. Par suite d'un accord tacite, dans les très petites exploi-
tations, les versements n'étaient pas effectués. Dans les grandes
exploitations, la mobilité du personnel rendait rétablissement
des livrets fort difficile ; 8.600 ouvriers sur 12.200 en pos-
sédaient.
Quant ajuix ouviriers embauchés avant 1894, ils bénéficiaient
des avantages fixés lors de la liquidation des anciennes Caisses,
à titre gratuit à Firminy, Montrambert, HouillèTes de Saint-
Etienne, la Péronnière, moyennant une retenue de 1 % à la
Loire et à Villebœuf. Le Cros avait porté à 3 % son versement
légal à la Caisse des retraites. La Chazotte, indépendamment de
la retraite légale, accordait à 60 ans d'âge eit 30 ans de services
une peinsion de 1 % diu salaire par année de travail.
Ces retraites étaient accordées à 55 ans d'âge et 30 ans de
services à la Compagnie de Firminy ou dans l'une des Com-
pagnies affiliées à T ancienne Caisse générale, et elles étaient
réversibles par moitié sur la veuve. Leur minimum était de
300 francs par an, plus 25 francs par année de services, après
55 ans d'âge et 30 ans de seTvices. Montrambert accordait une
majoration spéciale pour les années passées à la Compagnie.
A Firminy, le taux des retraites variait suivant la catégorie de
l'ouvrier. A la Péronnière, il y avait une autre modalité. Ces
six Compagnies comptaient, en 1901, 1.030 pensionnés touchant
420.000 francs.
Quant aux observations, disaient les ingénieurs de l'Etat, ce
sont surtout les représentants des ouvriers qui sont à même de
les fournir. Ils constataient que les retraites de la loi de 1894
étaient en général beaucoup plus faibles.
Les Caisses de secours étaient au nombre de vingtrtrois en
1901, comptant 21.400 membres (ouvriers et employés). Elles
avaient délivré des secours pour 281.000 journées de maladie,
touché 779.000 francs dont 476.000 sur les salaires, distribué
— 575 —
478.000 francs en secours, payé 284.000 francs en frais médicaux
et pharmaceutiques. Leur avoir s'élevait à 356.000 francs.
La distinction entre blesséis et malades a souvent donné lieu
à des contestations. Le blessé est à la charge de la Compagnie.
La loi sur les accidents du travail lui est applicable. Le malade
est à la charge de la Société de secours. Le médecin de la
Compagnie peut reconnaître malade un ouvrier que le médecin
de la Société reconnaît blessé. Il faut alors l'arbitrage d'un
troisième médecin. Presque partout, les Sociétés ont renoncé
à avoir le même médecin que la Compagnie, malgré l'augmen-
tation de charge qui en résulte.
Egalement, des Sociétés d© secours ont changé de médecins
ei « le nombre des journées de^ maladie a augmenté parfois
dans des proportions extrêmement frappantes ». Nouvelle
charge pour la Société.
Telles étaient, en substance, les réponses des ingénieurs de
l'Etat (1). Les Syndicats ouvriers demandaient une retraite de
2 francs par jour ou de 700 francs par an à 50 ans d'âge ou
25 ans de services P). Ils faisaient remarquer qu'à Firminy la
Compagnie, qui n'était pas affiliée à la Caisse centrale, se
réservait de congédier l'ouvrier sans que celui-ci puisse se
prévaloir d'un droit à acquérir la retraite (dont la Compagnie
faisait tous les frais). Au sujet des Caisses de secours, ils
signalaient qu'on voulait très souvent charger ces Caisses des
indemnités pour accidents.
Les réponses patronales exposaient très complètement l'orga-
nisation des Caisses de retraites. Elles déclaraient que les
Caisses de secouirs fonctionnaient d'une manière satisfaisante.
Depuis cette époque, de nombreuses dispositions législatives
vinrent améliorer la retraite des mineurs.
La loi de finances du 31 mars 1903, art. 84 à 9S, affecta
1.500.000 francs chaque année : pour un tiers à bonifier les
pension- -icquises ou on instance de liquidation au i*"" janvier
(Ij Proc^s-vprbavx de la Commission d*enquMc, t. ITT, p. 02 -9i.
(2) 700 francs était le maximum do li r.tiaUc i",nr l"s ouvriers de
l'extérieur à Firminy («00 franrs pour ceux de ruihiit'ur).
— 576 —
de chaque année, et pouir deux tiers à donner des allocations
de faveur aux autres ouvriers ayant au l*"" janvier do chaque
année 55 ans d'âge et 30 ans de services. La niajoration ou boni-
fication nie pouvait élever la pension à plus de 360 francs.
L'allocation ne pouvait dépasser 240 francs, y compris (comme
pour la majoration) tous aiuires revenus de l'intéressé ou de son
conjoint, mais indépendamment de bout salaire et (pour les
bénéficiaires de l'allocation) de toute pension acquise confor-
mément à la loi de 1894, ou d'une pension de 50 francs au plus
accordée' par une des anciennes Caisses. Ce texte embrouillé
se comprend néanmoins. La loi de 1903 a été faite en faveur des
vieux mineurs les moins avantagés. Ses dispositions ont été
complétées ou modifiées par une série de lois de 1905 à 1912 :
lois de finances de 1905 (art. 65) et 1906 (art. 66), loi de finances
du 31 décembre 1907 (art. 48 à 50), loi du 14 avril 1908 et loi
du 27 février 1912 (art. 63). Dans les 1.500.000 francs inscrits
annuellement au budget, l'Etat intervenait pour un million, ce
qui fit dénommer la loi le million des mineurs. Les autres
500.000 francs devaient être produits par des centimes addi-
tionnels à la redevance des mines.
Nous arrivons de la sorte à la fameuse loi de 1914 qui a créé
la Caisse autonome des Mineurs de France. Je voudrais dire
auparavant quelle était la situation au moment du vote de cette
loi. Elle est exposée dans le rapport annuel au Préfet, en 1913,
de l'ingénieur en chef de l'arrondissement minéralogique. Les
chiffres se rapportent à l'année 1912 :
Montant des retraites
Nombre servies par les anciennes
de pensionnés caisses
Roche-la-Molière.
Montrambert. • .
Loire
Saint-Etienne. . .
Villebœuf. . . ...
Péronnière. . . .
602
285.178 fr.
G03
284.738 »
333
105.174 »
155
54.027 »
20
5.610 »
104
41.707 »
1.817
776.434 fr.
— 577 —
La Compagnie de Roche-la-Molièr© avait consacré, en 1912,
156.053 francs au service des primes mstituées en faveur de son
personnel.
Près de huit cent mille francs par an, c'est un denier, quand
on songe que non seulement l'Etat n'est pas intervenu finan-
cièrement, mais que ces Caisses ont été créées par l'initiativi;
privée, quand on songe qu'avant la liquidation de 1894, aucun
versement n'était demandé aux ouvriers, sauf dans deux Com-
pagnies où la participation ouvrière était de 1 % seulement du
salaire. Sans doute, il n'y a pas là de quoi crier au miracle ; le
miracle, d'ailleurs, n'est pas le fait de l'homme, mais il y a
lieu> de constater impartialement les résultats de l'initiative
privée, assurant quelques centaines de francs à de vieux tra-
vailleurs jusqu'à leur mort.
Ces renseignements peuvent être complétés par les notices
publiées par les Compagnies à l'occasion de l'Exposition de
Lyon en 1914, notices qui ont été résumées dans le rapport du
Juiry. Malheureusement, les notices d'expositions n'étant pas
rédigées sur un plan uniforme, les comparaisons sont diffi-
ciles et même impossibles. On, est obligé de prendre ce qu'on
vous donne.
Roche-la-Molière et Firminy. — L'ancienne Caisse de re-
traites, alimeTîtée exclusivement par la Compagnie, pensionnait,
au 31 décembre 1913, 437 ouvriers et 166 veuves ; total des
pensions de l'année, 290.149 francs ; pension normale à 55 ans
d'âge et 30 ans de services : ouvriers de l'intérieur, 520 francs ;
de l'extérieur, 440 francs (A) ; majoration par année supplémen-
taire, 40 ou 32 francs ; diminution par année manquante après
50 ans d'âge et 30 ans de services, 20 francs ou 16 francs ; pension
maxima, 800 francs ou 700 francs. — Périmes d'assiduité (moins
de dix journées d'absence) : 160.000 francs distribués annuel-
lement.
IjQe, deux Caisses de secours comptaient 2.200 participants
à Firminy, 2.491 • à Roche ; elles avaient reçu, en 1913,
121.765 francs à Firminy, 116.383 francs à Roche, et dépensé
respectivement 16.9i8 francs et 3.331 franc/v. Ce6 Caisses étaient
(1) Je néglige les autres catégories : gouverneurs, etc.
— 578 —
alimentées par un prélèvement de 2 % sur les salaires, un ver-
sement de moitié de ce prélèvement par la Compagnie, enfin
par le produit des amendes. Indépendamment des soms mé-
dicaux et pharmaceutiques, l'allocation journalière aux malades
était : à Firminy, de 1 fr. 50 pour les hommes, 0 fr. 75 pour les
femmes et enfants de moins de 18 ans à partir du deuxième
jour ; à Roche, de 2 francs et i franc à partir du quatrième jour.
Les femmes et les enfants des sociétaires recevaient gratuitement
les soins médicaux ; ils payaient la moitié des frais pharma-
coutiques à Firminy, le quart à Roche.
Montrambert. — L'ancienne Caisse de retraites en liqui-
dation assurait, sans retenue sur les salaires, à 55 ans d'âge et
30 ans de services, 1 fir. 50 par jour (ouvriers de l'intérieur),
1 fr. 25 (extérieur), réversibles par moitié sur la veuve ; aug-
mentation de 25 francs par année de services supplémentaire ;
retraite proportionnelle à partir de 50 ans d'âge et 25 ans de
services aux ouvriers invalides. Ces pensions du régime an-
térieur à 1894 entraînaient, en 1913, une dépense de 308.000 fr.
pour la Compagnie ; celles de la loi de 1894, une dépense de
74.000 franc®.
La Société' de secou/rs comptait 3.821 participants. Retenue
sur les salaires 1 %, contribution 'légale de la Compagnie 1/2 %,
contribution volontaire 1/2 %, charge de la Compagnie en 1913
59.000 francs.
Loire. — La Notice ne donne que le total des charges sociales,
y compris celles qui résultent des accidents du travail, du
chauffage gratîuit, des gratifications, etc. (i) et non le détail
pour les Caisses de retraites et de secours.
Saint-Etienne. — De 1869 à 1895 la Société a versé 4.089.000 fr.
à ses institutions philanthropiques. En 1899, elle a supprimé
la retenue de 1,50 % sur les salaires, alimentant pour partie
la liquidation de la Caisse centrale, reteniuie! qui s'appliquait à
90 % du nombre des ouvriers. Ce sacrifice, de 1899 à 1912
inclusivement, se chiffra par la somme de 450.000 francs (2).
(1) 853.000 fr. en 1913 (1 fr. 03 par tonne) au lieu de 89.000 en 1863
(0,27 par tonne). A Montrambert, en 1913, chauffage gratuit non compris,
805.000 fr. (1 fr. 14 par tonne).
(2) Voir l'étude publiée par la Société en 1914 sur un statut de
retraites en faveur de ses agents : ingénieurs, employés, chefs ouvriers.
579 —
La loi dei 1894 ne pouvait donner son plein effet qu© très
longtemps après sa promulgation et les lois de 1903-1907 avaient
pour but d'améliorer, pendant la période transitoire, le sort
des vieux mineurs les moins favorisés. En 1911, la Fédération
nationale des mineurs élabora une refonte complète de la Légis-
lation des retraites dans le sens d'une très forte; amélioration.
Son projet, amendé, fut déposé sur le bureau de la Chambre
le 16 janvier 1912, par M. Albert Thomas. Adopté le 12 juillet
de la même année par la Chambre, adopté le 20 février 1913
avec modifications par le Sénat, renvoyé de nouveau à la
Chambre, il fut adopté par celle-ci le 25 février 1914 et pro-
mulgué le même jour, non sans beaucoup de péripéties et après
une grève.
Cette loi du 25 février 1914 institue une Caisse autonome des
retraites des ouvriers mineurs. Caisse jouissant de la person-
nalité civile, tandis que la loi de 1894 confiait à la Caisse
nationale des retraites pour la vieillesse le soin de centraliser
les versements. Cette Caisse est administrée par six repré-
sentants ouvriers, six représentants des exploitants, six
représentants de l'Etat et neuf suppléants choisis de la même
manière. La Caisse des retraites pour la vieillesse est débitrice
des rentes correspondant aux versements reçus en exécution de
la loi de 1894. Les versements obligatoires à la nouvelle Caisse
restent fixés à 4 %, par moitié entre l'exploitant et l'ouvrier.
Tous les ouvriers et employés (comme en 1894) s'y trouvent
inféodés jusqu'à 3.000 francs d'appointements (au lieu de
2.400 fr.). A 55 ans d'âge et 30 ans de travail, chaque mineur
reçoit une allocation annuelle d.e 1(X) francs de la part de l'Etat.
Bien que la gestion de la Caisse autonome appartienne à la
Caisse des dépôts et consignations, gérante de toutes les Caisses
organisées par VKUd (celle des retraites pour la vieillesse comme
les autres), l'autonomie apparaît dans le pouvoir donné au
Conseil d'administration de la Caisse autonome de désigner ses
placements. Elle apparaît encore beaucoup plus dans la création
d'un fonds spécial ou fonds de répartition destiné à majorer
joisqu'à 730 francs la retraite des hommes, jusqu'à 365 francs
celle des veuves des pensionnés, destiné aussi à donner des
— 580 —
allocations aux anciens mineurs non pensionnés ni allocataires
ayant quitté le travail avant l'application de cette loi. Ce fonds
est constitué par un prélèvement sur le salaire que fixe le
Conseil (V administration jusqu'au taux de 1 %, par un ver-
sement patronal égal, par une subvention annuelle minima
de 2 millions servie par l'Etat, par des offres de concessionnaires
en vue d'obtenir les actes de concession signés après le 1"
février 1912, par des dons et legs. Ce fonds est appelé « de répar-
tition » parce qu'il n'est pas capitalisé, à la différence des
versements de 4 % imposés par la loi.
Je ne puis citer toutes les dispositions de la loi. On demandait
d'abaisser l'âge de la retraite à 50 ans. Le Parlement recula
devant l'énormité de la dépense. « Le nombre des retraites
serait doublé, la moyenne de survie passerait de 12 à 17 ans ;
inversement, l'opération ferait perdre cinq années de versement
et cinq années de capitalisation », disait la, Commission de la
Chambre des Députés. « Nous sommes convaincus qu'une
annuité de 25 millions serait insuffisante. » Au sujet du ver-
sement supplémentaire de 1 %, la Commission espérait que la
majeure partie des ouvriers en serait exemptée, certains
exploitants majorant eux-mêmes les pensions de leurs ouvriers.
Un article jeta la division dans le monde des mineurs et
détermina la grève. C'était rarticle 12 du projet de la Com-
mission devenu' l'article 11 de la loi, qui attira sur le député
Basly, son inspirateur, les foudres de la Fédération de la
Loire (i). Cet article affranchit l'exploitant et ses ouvriers
de tout versement au fonds de majoration, si le premier assure
des retraites de 730 francs aux ouvriers et employés, et de
365 francs aux veuves, à la condition que la charge assumée
ne soit pas inférieure à la cotisation de^ 1 %. Des tractations
dans ce sens entre patrons et oufvriers avaient eu lieu dans le
Nord et le Pas-de-Calais et les adversaires de l'article 11 ac-
cusaient les partisans du projet d'être la cause d'une scission,
d'une atteinte à l'unité minière, à la « force morale de la corpo-
ration (force de combat contre les Compagnies, cela va sans
dire) ».
(1) V., à titre de ren&eignementis, La Tribune, journal de St-Etienne,
des 20, 21 janvier, 5 et 17 février 1913.
— 581 —
Malgré la création du fonds de répartition pour relever très
fortement la retraite produite par la capitalisation des ver-
sements de 4 %, on ne savait pas quel serait le chiffre de la
retraite. Les ouvriers demandaient 2 francs par jour. On ré-
pondait par un chiffre hypothétique. En outre, les ardoisiers
n'étaient pas 'appelés à bénéficier de la loi. Pressé de toutes
parts, le Ministre du Travail, M. Métin, promit que les mineurs
obtiendraient une retraite qui ne serait pas sensiblement infé-
rieure à 730 francs. Le budget, chaque année, était là pour
pourvoir à tous les besoins.
Contrairement à ce que l'on pourrait supposer, la loi de 1914
ne fut pas l'œuvre exclusive d'un parti. Des libéraux et même
des' conservateurs intervinrent à plusieurs reprise^ pour amé-
liorer les conditions proposées par le Gouvernement, qui avait
la charge de défendre les finances publiques, souci médiocre
chez certains parlementaires. Mais, comme les conservateurs et
les libéraux ne pouvaient compter sur les voix des mineurs,
leur intervention désintéressée mérite d'être signalée (i).
C'est l'article 11, ancien article 12, ai- je dit, qui déclencha
la grève. Dès le mois de janvier, le Comité fédéral de la Loire
déclarait que, si le Sénat persistait à refuser la retraite à 2 francs
par jour et la suppression de l'article 12, il engagerait la
bataille, au besoin malgré le Congrès national. La grève fut
virtuellement déclarée le 23 février.
La Fédération de la Loire reprochait au Sénat : le minimum
d'âge de 55 ans au lieu de 50 ans, le maintien de l'article 12, la
non-assimilation dies ardoisiers, contrairement aux résolutions
du Congrès d'Angers en 1912.
Des mesures d'ordre sérieiuôes furent prises par le Préfet.
Mais on était à une époque de crise du charbon, coïncidant
avec une reprise métallurgique. Sur la demande de la Chambre
de Commerce et du Comité des Forges de la Ivoire, le Gouver-
nement autorisa un tarif de pénétration pour faire venir des
charbons de la Sarre. Néanmoins, au début, il y ont des
chômages dans les usines.
(1) V. rii publié dans le Mérnorial de la l.nirr du 25 février
1914. sons \r i.iir .' Ln prr'vp dos niiiipurs »
38
— 582 —
La grève éclata aussi dans les autres bassins. Elle fut très
partielle dans le Nord, où les vieux Syndicats dirigés par Basly
résistèrent aux jeunes Syndicats adhérents à la G. G. T., les
premiers acceptant la loi « comme pis aller ».
Enfin, sur la promesse que, si le chiffre de la retraite
s'éloignait trop de 730 francs, on pourvoirait au manquant en
recourant à de nouvelles subventions budgétaires, une détente
se produisit. Le Gonseil national décida la reprise pour le 3
mars. Le délégué de la Loire, M. Duranton, qui était allé à
Paris pour faire voter la continuation de la grève, n'eut aucun
succès. La Fédération de la Loire ratifia la décision du Gonseil
national.
Je signale pour ordre les décrets des 31 mars et 13 juillet 1914,
rendus pour l'exécution de la loi, et les élections du 3 mai au
Gonseil d'administration de la Gaisse autonome.
Indépendamment (jusqu'à un maximum d'appointements
déterminés) de leur affiliation à la Gaisse nationale des retraites
— • prévu© en 1894 comme en 1914 — les employés bénéficient
dans les Gompagnies importantes d'un statut spécial de pré-
voyance. Mais, comme les notices piubliées à l'occasion des
Expositions sont établies sur des modèles très différents, j© n'y
trouve pas des renseignements qui puissent être comparés entre
eux. Une enquête personnelle conduirait trop loin (i).
Habitations ouvrières. — La retraite esi^ une institution de
prévoyance. Le secours^ tel qu'il est organisé par des Gaisses
mixtes, tient à la fois de la prévoyance et de l'assistance. Les
autres institutions, soit de prévoyance, soit d'assistance, se sont
développées pendant cette période 1900-1914. Là encore, on
manque de renseignements comparatifs, c'est-à-dire établis
d'après un modèle 'uniforme et concernant les hôpitaux, le
chauffage gratuit, les écoles, enfin et surtout les habitations
ouvrières, chose dont on ne se préoccupait guère dans le passé.
Voici quelques renseignements isolés :
(Ij Pour ce qui concerne les caisses de retraites et de secours depuis
1914 voir le dernier chapitre.
— 583 —
Aux doux cités ouvrières créées en 1874 et 1890 (cité du Buisson
et cité des Vialles) qui étaient du type à logements contigus,
la Compagnie de Roche-la-Molière a ajouté cinq autres cités de
1900 à 1914, toutes du type à maisons isolées et jardin parti-
culier. Chaque maison comprend deux logements, composés
chacun d'une cave, de deux pièces au rez-de-chaussée, d'une
grande chambre et de deux chambrettes à l'étage. Chaque lo-
gement oomprent en outre des W.-C. et un cabinet de débarras.
Un jardin de 300 mètres y est attenant. Le prix de location était
de 120 à 144 francs par an. Ces cités sont : la nouvelle cité des
Vialles, les cités de Lanlyre, du Barrage, du Pontin et de
Beaulieu. En y comprenant les anciennes cités, la Compagnie
disposait en 1914 de 340 logements occupés par 482 ouvriers et
au total par 1.259 habitants. Malgré l'effort considérable
accompli, il faïuit constater que ces 482 ouvriers ne représentent
que le dixième du personnel de^ la Compagnie.
La Société des Mines de la Loire a formé en 1910, avec l'aide
des Hospices civils et de la Caisse d'épargne de SaintrEtienne,
une Société anonyme d'habitations à bon marché, la Ruche
immobilière^ qui a construit 23 logements individuels de 3
ou 4 pièces avec caves et W.-C, eau, gaz et jardin, à Cha-
vassieux (aux portes de Saint-Etienne, sur la route de Saint-
GenestrLerpt) loués de 18 à 20 francs par mois. La Société de
la Loire a souscrit une large part des actions de la Société de
Crédit immobilier L'Aide au foyer stéphanois^ qui a consenti
des prêts pour une quarantaine d'habitations. Enfin, elle est
entrée dans la voie de la construction directe à la Doa, région
de la Chana (l).
En 1905, dans les locajux de l'hôpital de la Compagnie de
Montramlxîrt, fut installée^ la première « Goutte de Lait », dont
l'initiative revenait à M"* Murgue et à M. le docteur Mounier,
femme et gendre du Directeur de la Compagnie. En 1911, cette
œuvre avait assisté 47 enfants et distribué 39 layettes du premier
âge et 32 du second. Une consultation do nourrissons et une
(1) J'Indique sommairement au dernier chapitre de rc livre les
constructions effectuées depuis 1W4.
— 584 -
pesée ont lieu une fois par semaine. On no saurait trop
insister sur l'importance des oeuvres de ce genre dans la lutte
contre la mortalité infantile et regretter que la Loire se soit
laissée distancer par d'autres bassins, puisqu'en 1905, époque
de la création de la Goutte de Montrambert, le Pas-de-Calais
comptait déjà 127 Gouttes de lait.
Je résume ici les autres institutions ouivrières des Com-
pagnies.
Roche-la-Molière possède deux hôpitaux, dont j'ai déjà parlé
dans un autre paragraphe. La dépense de la Compagnie pour
le chauffage gratuit des ouvriers et employés représentait, en
1913, 146.000 francs, en appliquant des prix d'oirdre notablement
inférieurs aux prix de vente. La Compagnie entretient un asile
pour enfants et deux ouvroirs pour jeunes filles. Elle sub-
ventionne des écoles. Elle distribue des primes pour assiduité
au travail (moins de dix journées d'absence par an) pour un
total de 160.000 francs.
Montrambert possède un hospice-hôpital et une école enfan-
tine et de jeunes filles, complétée par un patronage, une école
de garçons. La Compagnie distribue des subventions au culte
(qui assure la nourriture de l'âme), au Bureau de bienfaisance,
aux Sociétés de secours mutuel. Elle distribue 25.000 tonnes
pour le chauffage gratuit (usage général dans le bassin). Elle
a installé, comme les autres Comipagnies, des lavabos-vestiaires.
Ses charges ouvrières, en dehors des salaires et du chauffage
gratuit (secours aux blessés, retraites, contribution à la Caisse
de secours en cas de maladies, libéralités diverses) repré-
sentaient 412.000 francs en 1900 et 805.000 francs en 1913, soit
respectivement 0 fr. 55 et 1 fr. 14 par tonne.
La Société de la Loire a décrit dans sa Notice de 1914 ses
installations de vestiaires-douches avec monte-habits mus par
des chaînes mouflées et cadenassées. Ils lui ont valu la plus
haute récompense à l'Exposition d'hygiène de Dresde en 1913.
La Compagnie a compté que ses charges fiscales et sociales, qui
étaient de 89.000 francs en 1863 (0 fr. 27 par tonne) s'élevaient
à 197.000 francs en 1893 (0 fr. 41 par tonne), à 562.000 francs
en 1903 (0 fr. 91), à 853.000 francs en 1913 (1 fr. 03). Ces charges
croissent plus vite que les redevances tréfoncières et dépassent
de beaucoup la moyenne des dividendes des vingt dernières
années.
- 585 —
La Notice de la Société des Houillères de Saint-Etienne sur le
statut des retraites des employés, que j'ai citée, renferme un
historique de la question deis retraites et in fine un tableau des
charges ouvrières de la Société, tableau qui commence en 1869,
mais s'arrête en 1895 (230.000 francs à cette dernière date, contre
48.000 francs en 1869). J'ai indiqué les chiffres récapitulatifs
(v. p. 573). La Société ayant ses exploitations sous la ville de
Saint-Etienne, la question des constructions ouvrières ne se
posait pas comme pour les autres Sociétés.
Dans ces conditions," et si l'on veut y réfléchir, si l'on veut
surtout être impartial, on ne peuit méconnaître l'effort accompli
par les Compagnies. Mais alors que les charges augmentaient
le oouirs des actions baissait, et tel petit actionnaire — il y en a
beaucoup — ayant placé ses économies dans l'achat de quelques
actions houillères il y a quinze ou vingt ans, n'a pas été en-
chanté d'en voir baisser le cours. Où donc est le « somptueux
festin » des actionnaires, dont les orateurs des grèves nous ont
rebattu les oreilles ? Le mot faisait bien, jeté dans les masses
ouvrières (i).
La Mine aux Mineurs. — Je passe aux Sociétés ouvrières et
d'abord aux Coopératives de production. J'ai exposé dans Je
paragraphe précédent la première phase de la Mine aux
Mineurs de Monthieux (2). Il me reste à raconter sa fin. En butte
aux attaques du Syndicat parce qu'elle n'était plus que la pro-
priété des sociétaires, à l'exclusion des auxiliaires simplement
salariés, la Mine connut de nouveau les déficits budgétaires à
partir de 1903.
L'indiscipline aggrava le mal.
Les créanciers réclamèrent. Un eéque^re, M. liailly, fut
nommé en 1908. Le Tribunal de Commerce, en 1909, refusa
la faillite demandée par les créanciers. Il prononça la liqui-
dation judiciaire à la suite du dépôt de son bilan par la Société.
L*actif fut vendu aux enchères.
(1) On a rîK'me dit : Tf11<î Société ne rtistribnnit pas do dividendes, ce
qui ne lui a pas fait faire faillite ! {Tribune, 5 novembre 1920.)
(2) V. p. :>:if^.
— 586 —
Dans rétude qu'il lui a consacrée, M. Joseph Bréchignac
(mort au champ d'honneur) a attribué la chute de la Société
à diverses causes ei d'abord à des causes techniques : insuf-
fisance de capitaux, difficultés d'exploitation, pauvreté du
gîte ; ensuite à son caractère de coopérative de production.
« La coopération n'est pas un progrès et, tentée plus spécia-
lement dans la grande industrie, elle est destinée à périr ou
alors à reconstituer, suivant l'expression do M. Gide, les formes
mêmes qu'elle sc' proposait d'éliminer. » La théorie n'est souvent
que de la chimère. Les ouvriers n'acceptèrent une direction
technique qu'à regret. Ils la rendirent intenable à force d'ob-
struction. Quand ils ne s'en prenaient pas aux ingénieuirs, ils
attaquaient leurs pairs du Conseil d'administration. La Mine
prospéra quand elle devint- une société formée de petits capi-
talistes. Mais la crise économique, provoquant de nouveau la
lassitude et le découragement, amena la révolte et l'anarchie.
Le capital, si modeste soit^il, doit savoir et doit pouvoir pa-
tienter, tandis que le travail demande sa rémunération
immédiate. Ici, le capital et le travail ne faisaient qu»'un, mais
le travail ne pouvait pas attendre. « Supprimer le vieil anta-
gonisme du capital ei du travail par la réunion dans les
mêmes mains de l'un et de l'autre, c'est évidemment l'idéal.
Mais l'idéal n'est pas de ce monde. » Quand on pense que le
jour de l'inauguration, Basly avait félicité les organisateurs de
préparer l'avènement de l'ère socialiste ! Il est vrai que les
paroles ne comptent guère, quand on. parle beaucoup. Mais elles
slincrustent quand même dans certains cerveaux.
Syndicats ouvriers (i). — J'emprunte les renseignements sta-
tistiques aux Annuaires des Syndicats professionnels publiés de
1900 à 1914 et je ne cite que les Syndicats qui ont fonctionné
pendant cette période :
Saint-Ettenne. — La vieille Chambre syndicale des ouvriers
mineurs de la Loire, fondée en 1876, la Chambre-mère, comptait
3.000 membres en 1900 et 3.999 en 1914 (siège social, Bourse du
Travail).
(1) V. pour les périodes précédentes, p. 537, 558.
— 587 —
La Chambre syndicale du Quartier-Gaillard, fondée en 1888,
comptait 25 membres en 1910-1911.
Un Syndicat professionnel de défense des ouvriers mineurs
victimes d'accidents du travail, 3, rue Brossard, à- Saint-Etienn«, a
existé en 1902-1903 (18 menLbres).
L'Union fraternelle des mineurs (section de Beaubrtin), 9, rue
Buisson, a fonctionné en 1903-1905 (42 membres).
L'Union fraternelle des mineurs du bassin de la Loire, créée en
1903, 44, rue Neyron, comptait 58 membres en 1904-1908.
Un Syndicat des mineurs et ouvriers similaires des mines de
Beaubrun a existé en 1904-1905 : 250 membres.
Un Syndicat des mineurs et ouvriers similaires des mines de
Saint-Etienne, 40, rue de Tardy, fondé en 1904, comptait 278 mem-
bres en 1908-1909.
Uû Syndicat des chauffeurs et mécaniciens des mines de la
Loire, 14, place du Peuple, créé en 1906, comptait 215 membres en
1914.
Un Syndicat libre des ouvriers mineurs de Côte-Ghatide, fondé en
1909, comptait 25 membres en 1912.
Seuls sont inscrits sur V « Annuaire » de 194â la Chambre
syndicale des mineurs de la Loire et le Syndicat des chauffeurs et
mécaniciens. Voilà pou/r la Ville de Saint-Etienne.
FrRMiNY, — Chambre syndicale des ouvriers mineurs de Firminy
et environs, fondée en 1891, 905 membres en 1900, 1.350 en 1914.
RocHE-LA-MoLiÈRE. — Chambre syndicale des mineurs, créée en
1898, 130 membres en 1900, 1.010 membres en 1914.
Saint-Genest-Lerpt. — Chambre syndicale des mineurs, créée en
1898 (section du Syndicat précédent), 160 membres en 1902. Ne figure
plus sur les Annuaires suivants.
Union syndicale des ouvriers mineurs, créée en 1903, 70 membres
en 1904, 68 en 1914.
ViLLARs. — Syndicat des ouvriers mineurs, créé en 1888, 120 mem-
l)res en 1900, ^5 membres en 1914.
La Ricamarie. — Syndicat créé en 1890, 200 membres en 1900,
900 en 1912 ... ? en 1914.
Saint-Jean-Bonnefonds. — Syndicat créé en 1891, 16 membres en
1900, 32 membres en 1905, ne figure plus sur les Annuaires suivants.
Sorbiers. — Syndicat indépendant des ouvriers de la Chazotte,
créé en 1903, 130 meîhbres en 1904, 25 en 1914.
La Tai.audière. — Syndicat créé en 1890, 610 membres en 1900,
573 en 1914.
Terrenoire. — Syndicat créé en 1903, 27 membres en 1905, uc
fîgure plus sur les Annuaires suivants.
Saint-Chamond. — Syndicat créé en 1889. 115 moinbros on 1900,
42 membres en 1914.
— 588 —
Grand'Groix. — Syndicat créé en 18U0, D84 membres en 1900,
325 en 1914.
RrvE-DE-GiER. — Syndicat créé en 1878, 22 membres en , 1900,
2 membres en 1903, ne figure plus sur les Annuaires suivants.
UNIONS DE SYNDICATS
FÉDÉRATION DES MINEURS DE LA LoiRE^ reconstituée en 1897, elle
groupait 5 syndicats et 3.770 membres en 1900, 11 syndicats et
7.897 membres en 1914.
FÉT)ÉRATiON NATIONALE DES MINEURS DE FRANCE, créée en 1894, cut son
siège à Saint-Etienne, en 1895-96, 1898-99 et de 1901 à 1903, époque
où il a été transféré à Paris. A cette époque, elle groupait deux
Uniions de Syndicats, ayant leurs sièges sociaux à Doyet (Fédéra-
tion du centre) et à Saint-Etienne (Fédération de la Loire), repré-
sentant 11.529 membres et 14 Syndicats, ayant leur siège à Alais,
Bessèges, Cognac, Carmaux, Chamborigaud, Denain, Epinac,
Fuveau, Gardanne, Lens, Montchanin, La Motte-dAveillans, Sin-le-
Noble, Trets, représentant 45.163 membres. Total : 56.692 membres.
L'effectif syndical des mineurs de la Loire en 1914 repré-
sentait 8.822 membres, chiffre déclaré à l'Office du Travail
mais non contrôlé, pour une popiulaticn active de 20.000 âmes,
dans laquelle sont compris les femmes, les enfants et les
ouvriers de la campagne qui, l'été, retournent travailler
chez eux.
C'est aux chapitres de la Situation générale que j'exposerai
l'action des Syndicats dans les événements économiques, action
considérable de 1900 à 1914 et liée intimement à la marche de
l'industrie. Qu'il me suffise de rappeler les nombreuses con-
ventions avec Le Comité des Houillères qui quelquefois ont
terminé des grèves et quelquefois les ont prévenues, ce qui est
mieux : arbitrage Gruner-Jaurès en 1900, arbitrage Ballot-
Beaupré en 1902 ; conventions d© 1906, "1908, 1910, 1913, con-
ventions pour l'application de la jo'Uirnée de 8 heures en 1908 et
1914. Qu'il me suffise de rappeter également les noms de
quelques-uns des secrétaires de la Fédération régionale do la
Loire, grands gréviculteuirs, très forts déclamateurs, qui ont
fini par trouver de plus forts qu'eux-mêmes et qui se sont fait
traiter de traîtres et de vendus, comme ils avaient traité leurs
prédécesseurs. Rondet, le fondateur du mouvement syndica-
liste, mouTut isolé et oublié. Plus tard, il est vrai, on lui éleva
une statue. Cotte, qui succéda à Rondet, plus farouche encore
que Rondet, connut aussi la roche tarpéienne. Il cumulait le
— 589 —
secrétariat do la Fédération régionale avec celui de la Fédération
nationalo. Il diut démissionner de la Fédération régionale. Vers
la fin de' la grève de 1902, il fut violemment malmené par les
exaltés de la corporation. J'ignore ce que devint Beauregard,
le successeur de Gotte^. Duranton, le secrétaire actuel, a traité
dans les journaux Basly de traître et de vendu' à propos de
l'article 12 de la loi des retraites, Basly, le roi des mineurs du
Noird et dui Pas-de-Calais, oabaretier de profession, Basly, le
député-maire de Lens, que les Allemands ont emmené en capti-
vité où il a dû réfléchir à nos querelles intérieures pendant
que l'ennemi fourbissait ses armeis contre la France !
Pour terminer au sujet des Syndicats ouvriers, citons un
extrait d'un article de VEcho des Mines et de la Métallurgie du
22 janvier 1914 :
Qu'est-ce donc au juste que ces Fédérations qui parlent, semble-
t-il, au nom des mineurs de France ? Elles représentent bien peu de
chose à la vérité, si Von ne veut tenir cormne adhérents que les coti-
sants effectifs. Le Syndicat Basly lui-même — et c'est le plus impor-
tant — compte-t-il plus de 4 ou 5-000 cotisants ? Nous en doutons.
Quant à cette Fédération de la Loire qui lance un défi au Sénat,
c'est moins que rien, une ombre. Mais elle possède un bureau, un
président, un secrétaire, et ces gens-là veulent qne Ton parle d'eux
de temps à autre. C'est, du reste, la plaie des syndicats ouvriers
que leur bureau. Il se trouve là un secrétaire appointé qui veut de
toute nécessité justifier ses appointements par quelque chose. En
temps normal il n'est rien, mais en temps de g-rève, son nom est
sur les affiches, dans les journaux, et voilà pourquoi le secrétaire
syndical pousse toujours à la grève dans toutes les corporations.
C'est sa raison d'être pour ainsi dire, et en plus il n'a jamais rien
à y perdre personnellement...
Les Syndicats de mineurs et les Fédérations constituent un bhiff...
ils ne représentent pas 10 % des mineurs.
Les Compagni^^s... (en signant des conventions de travail) les consi-
dèrent comme représentant véritablement les ouvriers, parce qu'elles
n'ont pas d'autres délégués devant elles...
Les mineurs véritables acquiescent de coeur et ne refusent jamais
aucune des conquêtes faites en leur nom, même sans leur consente
mont. Mais, comme finalement c'est le pu])lic qui paye ces conces-
sions incessantes, celui-ci finira bien par se lasser...
Jo trouve dans le même journal (l*"" novembre 11)20) une com-
paraison entre les Syndicats des mineurs en France et les trade-
unions anglaises, très fortement organisées. Kn France, les
cotisations sont très difficiles à faire rentrer.
— 590 —
On sourit quand certains syndicats annonicent des milliers d'adhé-
rents, ils le sont de oœur peut-être, mais de bourse, c'est autre
chose. Aussi, chez nous, les syndicats sont-il relativement pauvres,
et en cas de grève, les secours sont distribués très parcimonieu-
sement.
Les mineurs anglais, au contraire, versent rigoureusement
une cotisation prélevée sur leurs salaires et ne perdent jamais
de vue la totalisation de ces prélèvements.
Ils considèrent que ce n'est pas un versement à fonds perdu, mais
une sorte de placement qu'ils doivent retrouver un jour. Comme
ces sommes s'accumulent et ne sont jamais affectées qu'à soutenir
des grèves, les mineurs finissent par s'impatienter quand ces grèves
ne se produisent pas. Ils veulent rentrer dans leur argent et manger
la cagnotte... Les mineurs ne souffrent donc pas de la grève d'une
façon générale, et l'égoïsme qui est au fond du caractère anglais
leur rend indifférent le sort des autres catégories de travailleurs
qui sont réduits au chômage.
« Le métier (de mineur) ne possède dans le Syndicat qu'un
rudiTYient (T organisation, dont l'activité épisodique ne peut rien
instituer de durable. Ne préparant que la grève, le Syndicat
apparaît comme un corps de partisans destiné à tenter quelque
coup de miain heureux (i). » Il faut opposer ces paroles aux
étatistes, qui voient dans le Syndicat la forme supérieure de
l'association (2).
Sans doute, les Syndicats ont obtenu de grosses augmentations
de salaires pour leursi membres. Mais, si le salaire nominal a
beaucoup augmenté du fait des grèves, le salaire réel est loin
d'avoir suivi la même progression, puisque les augmentations
du prix de la main-d'œuvre ont fait renchérir — ce n'est pas
la seule cause — le prix de la vie (•^).
(1) Jacques Valdour : Les mineurs, observations vécues (Rousseau,
éditeur, 1919). — L'auteur a vécu de la vie des mineurs, en 1910 ei 1912,
Aussi son livre est d'une lecture attrayante et impressionnani»:; Il doit
être recommandé à ceux qui supposent que la mentalité du mineur
peiTnet à ceilui-ci de raisonner comme une personne ayant reçu une
édiucation soignée, vivant dans l'aisance ou la fortune, pouvant s'offrir
des distractions variées, Intellectuelles ou autres.
(2) M. Paul Pic, notamment, professeur à la Faculté de droit de Lyon,
auteur d'un Traité de Législation industrielle, très étatiste mais très
apprécié.
(3) Le mouvement syndicaliste depuis 1914 est exposé dans le dernier
chapitre.
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CHAPITRE X
Le Transport des Charbons
depuis la Révolution jusqu en 1914
usqu'a rétablissement du chemin de fer, le
transport des charbons s'opéra par les mêmes
voies qu'à la fin de l'ancien régime : chemins
terribles de cette époque, canal de Rive-de-Gier
à Givors, Loire depuis le port de Saint-Rambert
et ensuite depuis le port de la Npirie. Mais le régime de ces
transports subit des changements considérables. Nous les indi-
querons successivement pour la Révolution, le Consulat et
TKmpire, la Restauration, en distinguant le territoire de Rive-
de-Gier de celui de SaintrEtienne.
§ I.
PENDANT LA RÉVOLUTION
L'entretien ixjur ainsi dire nul des routes pendant cette
période d(îvait amener des plaintes qui retentirent jusque sous
la Ilt>st<iu ration et au delà. Très vives déjà sous l'Kmpire, qui
entreprit dos trava-ux considérables, ces plaintes étaient muettes
sous la Révolution. Personne n'osait élevi i Ii v«ii,\.
— 592 —
Le territoire do Rive-de-Gier approvisionnait Lyon. Pendant
l'hiver 1794-1795, on réquisitionna, à Rivo-de-Gier et dans les
environs, de quatre-vingts à cent voitures pour transporter du
charbon à Lyon. Mais les autorités résistèrent malgré les
menaces d'arrestation, impuissantes contre les éléments. Les
chevaux étaient chers, l'avoine ei les fourrages manquaient. On
demandait des chevaux de réforme. De Paris, l'Agence des
Mines répondait qu'elle avait demandé au Gouvernement des
chevaux, contre paiement, et l'ouverture de chemins.
En 1797, lors de la suppression du monopole des messageries
donné à ferme, on avait établi la taxe des barrières pour l'en-
tretien des routes, qui subsista jusqu'en 1806 et qui fut
remplacée par l'impôt du sel rétabli. On a dit souvent les in-
convénients de cette taxe. Les extracteurs de Rive-de-Gier
bénéficièrent, en 1799, d'une modération, ayant fait réparer à
leurs frais tout le pavé de la commune, seul espace de la route
qu'empruntaient leurs voitures pour aller de la mine au canal.
Le Directoire prit un arrêté dans ce sens, en décidiaint que cet
arrêté ne serait point imprimé (l).
Le canal ne pouvait servir pendant l'hiver terrible de 1794-
1795. D'où la nécessité de voiturer la houille par terre. D'ailleurs,
le canal avait subi des vicissitudes. Erigé en fief par lettres
patentes de 1789 au profit de la Compagnie (2), il attira sur
celle-ci toute l'impopularité qui atteignait les institutions
féodales. Les nouvelles autorités lui furent violemment hostiles,
et, par suite d'opposition d'intérêts. Le nombre de ses ennemis
s'accrut encore. La Compagnie du Canal eut touit le monde
contre elle. Sans doute, elle avait contribué à ce dénouement en
exagérant son monopole et en s'enorguei Hissant de sa sei-
gneurie, qui lui donnait le droit de commandement et de justice
sur la voie navigable, c'est-à-dire les pouvoirs de l'Adminis-
tration réunis à ceux d'un tribunal et à ceux d'un concession-
Ci} brossard, p. 216, 219.
(2) Le texte de ces lettres figure dans l'ouvrage de M. Chomienne,
MiQiûire de Rive-de-Gier.
— 593 —
naire. C'était vraiment trop au moment où éclatait la grande
Révolution.
Avec le fief, la juridiction s'évanouit. On ameuta les
habitants. Parmi les excitateurs se trouvaient de purs réac-
tionnaires comm^ Fleurdelix, futur défenseur de Lyon, ennemi
juré par intérêt de la Compagnie, qu'il avait voulu faire com-
poser pour la cession de ses terrains. Le barrage fut disloqué
en mai 1790 par un débordement du Féloin et du Gier qu'il
eût été facile d'empêcher. On s'opposa à son rétablissement,
que le Directoire du département de Rhône-etr Loire finit par
autoriser en 1791. Une loi intervint pour la ratification, ordonna
l'acquisition par la Compagnie des terrains ravagés et des
terrains nécessaires pour le réservoir et pour la création des
francs-bords. Elle confirma le règlement de 1782 sur les porte-
faix. Les canaux furent assujettis à l'impôt foncier.
Vint la Terreur. La Compagnie ne put empêcher les re-
cherches de houille sous le canal et le port de Rive-dei-Gier. Tout
droit de péage fut supprimé après la reddition de Lyon. Les
actionnaires furent séquestrés. Quatre syndics sur six de la
Compagnie subirent le deirnier supplice. Les Représentants du
Peuple chargèrent la Ville d'administrer le canal au pr-ofit de
la Nation. L'indemnité! pour la privation de® droits de navi-
gation fut réglée après thermidor, mais ne fut pas payée (i).
Le canal rendit cependant d'immenses services. Dès la
réaction thermidorienne on vit renaître les demandes des auto-
rités pour obtenir son prolongement jusqu'à la Loire, non
seulement jusqu'à Houthéon, mais jusqu'à Roanne. Gontard,
Riivel, Jovin aîné, Praire^, correspondants à SaintrEtienne du
Bureau du Commerce établi près le Comité du Salut public,
exposaient la question dans letur mémoire sur le commerce
passé, présent et futur de Saint-Etienne (15 messidor an 111).
I^s représentants en mission, Ronet, Misson, Patrin, appuyaient
ces vues par des arguments et des chiffres qui décidèrent
l'Agence des Mines, à Paris, à charger un inspecteur des mines
do l'examen de la question. I/avis de cet hornuK^ de scienrv,
(1) Cailhava, Histoire du Canal de (iivora {op. cit.). Bnos.SARD, p. 211
Gaixky, Saivt-Klhmne cl non dUlrlcl, II, p. SWi. AnEiui:, HUi. de Uiiuirs,
p. 229 ; Bulletin de la Diana, 1<J20 (p. 397).
— 594 —
nommé Duhamel, fut très favorable. L'Agence adopta son
opinion. On était en 1796. Les choses en restèrent là (i).
Le territoire de Saint- Etienne alimentait Paris, et Paris était
privé deisi charbons anglais. L'inspecteur des mines, Monnet,
commissaire du Comité du Salut public, avait l'ordre de faire
expédier chaque mois 1.500 voies à Paris, 750 pour les armées.
La voie de Paris étant de 1.275 kg., c'étaient respectivement
1.912 tonnes et 956 tonnes environ (car on employait les mesures
de capacité) que Saint-Etienne devait envoyer mensuellement
dans la capitale et aux armées. Total 2.868 tonnes par mois,
35.000 par an si on avait dû en expédier autant en hiver qu'en
été. On était en janvier 1794, pendant le terrible hiver. On com-
mença par réquisitionner 1.000 voies. Mais les bateaux n'étaient
pas assez nombreux et la houille... se peirdait en route, car les
mariniers la vendaient en cours de trajet. Le Comité du Salut
public rendit les municipalités riveraines responsables des
retards, et les marchands, mariniers et acheteurs, passibles de
peines sévères pour les détournements. Il encouragea par des
primes ceux qui transporteraient des charges en excédent.
D'autre part, le Comité révolutionnaire de Rambert-Loire
(Saint-Rambert) exerça une surveillance sur l'enlèvement des
bateaux et siuir leur construction. Le Directoire de district ou
arrondissement, qui siégeait à Boën (Montbrison étant décapi-
talisé), avait appliqué la loi du maximum à cette construction,
créé une Commission chargée de réquisitionner les bois et les
ouvriers, et fixé le prix de chaque bateau à 574 livres 16 sols.
On construisit de la sorte deux bateaux par jour à Saint-
Rambert. C'était insuffisant. Les constructeurs n'étaient ni très
zélés, ni très scrupuleux, ne se trouvant sans doute pas assez
payés. Les bateaux manquaient de solidité et des dimensions
nécessaires. En plein thermidor, un arrêté du représentant
Reverchon décida que la terrible loi des suspects serait ap-
pliquée aux propriétaires des bois refusant de vendre au tarif
du maximum, et aux maîtres et ouvriers constructeurs de
(1) Le rapport des correspondants du Bureau du Commerce (fabri-
cants de rubans, de quincaillerie ou d'armes) est déposé aux Archives
■najtionajtels (F»' 10S36). M. BrosS'ard en a donné un extrait dans sa
Notice historique sur le CanoJl de jonction de Icu Loire au Rhône (An-
nuaire de la Loire, 1885).
— 595 —
bateaux qui, les jours de travail, s'absenteraient ou seraient
trouvés dans les cabarets. Les marchands de charbon de Saint-
Just devaient conduire les bateaux. Les propriétaires, culti-
vateurs, fermiers ou grangers de Roche-la-Molière, Saint-
Genest-Lerpt et Saint- Victor étaient réquisitionnés pour con-
duire les charbons à Saint-Just. Pour se rattraper, les mariniers
se dispensèrent de payer le péage à la Compagnie La Gardette
ou à ses représentants, de 1793 à 1802.
Après la Terreuir, on préconisa des mesures moins révolu-
tionnaires — qui avaient produit néanmoins un effet ( il faut,
en des temps exceptionnels, des mesures exceptionnelles) — et
qui eussent certainement amélioré très notablement la situation
si on les avait réalisées. Il s'agissait de la réfection des chemins
et de l'ouverture d'une voie navigable de Saint-Etienne à la
Loire. L'économie des transports eût été formidable. L'écou-
lement des charbons se serait fait natuirellement. Une voie de
charbon de SaintrRambert (1.800 kg:.) coûtait 8 livres à la mine,
à Roche-la-Molière, et 15 livres de transport juisqu'à Saint-
Rambert. « Les chemins sont dans le plus mauvais état, disait
le représentant Patrin — le seul des représentants peut-être qui
ait vu clair — et les voitures si prodigieusement rares et chères
que le transport par terre est à peu près impraticable. » Patrin
préconisait l'achèvement du' canal de Givors, de Rive-de-Gier
à la Loire par Saint-Etienne, à traveirs « la contrée la plus riche
en mines de houille ».
Neuf cents bateaux, portant près de 14.000 tonnes, avait des-
cendu la Loire à partir de Saint-Rambert en 1792. De 1793 à
1801, il on descendit 10.800 portant 165.000 tonnes, soit une
nioycniif de \:^in\ hateaux et de 18.000 tonnes par an (1).
M) M. nitf)S-\Tm, fini) , Vir'isfuiir ,lr la l{rr(>h!;inn iltuis /r Dr inirlcnirut
'/'■ '" /."//'' II. '■',:>' W-- u iinlhiiir ;iiissi la. itMiiiisilKiii (it". iiiariiiuMs ,'t
(les l);it<'riiix .i HoaiuM l.a nir me ctaii i^aaiiTa le |iniir |,| l.on,. v\ ses
affluents. l-os mailn 'ir l,at(Mii\ (■•taiciit ma i iitrnii-; à !a -. 'îkI ii , te di»
J eu rs bateaux priidaii! W.nt le temps de Lan arli\:l,. Mr h;,tis
VInVcfUairr ilrs Vo/rs ,lr M ninss,,nl |> Jâ ; , ..n I \r lii . , M drs
prix (In " iiiaxiiiiiim ,, l'.ni-, | ■ I. . lui |..ai
— 596 —
5^ 2. — SOUS LE CONSULAT ET L'EMPIRE
Je parlerai d'abord des transports par voie de terre et ensiuite
des transports par eau.
Les rouîtes étaient dans l'état épouvantable où les avait laissées
le manque d'entretien sous la Révolution, état particulièrement
grave sur les routes fatiguées par les charrois de charbon. En
1803, sur la route de Lyon, à cause des ornières, il fallait
doubler les attelages. Le transport de 100 kg. de marchandises
sur 40 kilomètres, payé jadis 2 francs, coûtait 5 francs. En
1805, on évaluait à 600.000 francs la perte qui en résultait pour
le commerce.
Vers la fin de la Révolution, lors de la suppression du
monopole des messageries qui était donné à ferme, on avait
établi une taxe des barrières pour l'entretien des routes. Pour
une voiture de charbon de 500 kg., d'une valeur de 3 francs,
on payait 0 fr. 20 de droit de passe. Cette taxe était affermée
pour 80.000 francs dans le départemeint, dont 40.000 francs
entre Saint-Etienne et la Madeleine (extrémité^ de Kive-de-Gior)
et 27.000 francs seulement entre^ Roanne et la Pacaudière, c'est-
à-dire suir la grande route de Paris à Rome par le Bourbonnais,
Roanne, Tarare et Lyon. Ginquantei mille francs sur le produit
de cette taxe^ furent affectés à l'entretien de la route de Saint-
Etienne à Lyon en 1803. Le Conseil général de la Loire déclarait
ce crédit insuffisant.
Le GO'Uvernement écoiuita les doléances. Aussi le Conseil
général put déclarer, en 1808-1811, que la route de Lyon était
assez bien entretenue dans le département de la Loire. Par
contre, elle exigeait beaucoup de réparations dans le dépar-
tement du Rhône. Le Conseil demandait la reconstruction du
pont de Rive-de-Gier ou pont de la Ville, sur lequel passait la
route nationale, qui empruntait la rue Richarme (alors Grande-
Rue), pour éviter le passage à g\i(é à Egarande, impossible par
les temps de pluie (1808). Ce pont, après bien des discussions
au sujet de son déplacement, fut reconstruit sous la Restau-
ration.
De Saint-Etienne à Saint- Just-sur-Loire, où on embarquait
les charbons, la route ne se trouvait pas dans des conditions
— 597 —
moins défectueuses. Aux demandes de réparations, le Conseil
général, en 1806, ajouta la suggestion de distribuer des primes
aux voituriers de charbons allant à Saint-Rambert, pour les .
encourager à remonter des chargements de cailloux. L'idée fut
adoptée en 1810.
La lioire n'étant navigable que pendant quatre à six mois
de Saint-Rambert à Roanne et les bateaux ne pouvant porter
que 10 voies (18.000 kg.), le Conseil général réitérait la demande
si souvent présentée pour la construction d'une rouie de Roanne
au Rhône par Saint-Etienne, vieux projet qui datait de l'ancien
régime. La Révolution en avait amorcé l'exéoution, en ouvrant
la première section de la grande artère qui traverse Saint-
Etienne, entre la place de la Liberté (place du Peuple) et la
place Chalier, appelée depuis « Les Travaux » et, en 1801,
place Marengo. La construction de cette route fut autorisée par
une loi de 1806 et les ingénieurs dressèrent immédiatement les
projets. L'approvisionnement de Paris en charbons de Saint-
Etienne, disait le rapporteur, ne dépendra plus des caprices
de la navigation. Jusqu'à son achèvement, en 1832, cette route
motiva des délibérations du Conseil général. Son achèvement
détermina des concours financiers importa,nts. Reliant Roanne
à Feurs, à Saint-Etienne, à Annonay et à Tournon, route mé-
diane du département, ouvrant à Saint-Etienne le Nord et le
Midi, remplaçant d'affreux chemins raccordés qui remontaient
au moyen âge, voire même à l'époque gallo-romaine, cette
route, qui porte aujourd'hui le n*' 82, sera réclamée comme une
nécessité par tous les Corps élus (i).
En 1811, parut un décret important en matière dei voirie —
le plus important depuis Turgot — qui classa les routes en
nationales et départementales [nationales, et non impériales
comme sous le second Empire) et publia la nomenclature des
(1) (:<es affreux chemins se voient encore, en partie, sur le terrain.
Ils »ont Indiqués sur les cartes comme chemins ruraux en amont diu
Treyve (commune do Bouth<^on) jusqu'à Pinay. De la Fouijiouse à
Saint-Etienne, leur tracé a, croyons-nous, disparu. Go tra»ré est In-
termédiaire entre la Ivoire et la route nationale actuelle, snuf dans
la commune de Cuzieu où il pQjsse au levant d.e 1a rout« et se trouve
d'ailleurs interrompu. On l'appelle chemin de Lètra A Salnt-l^iirent
la-Conche, Marclopt, Montron<l. ancien chemin de lloannc à Salut-
Eticnne, à Cuzieu et à Veauche, etc.
S9
— 598 —
routes de la première catégorie. La roiite projetée de Roanne au
Rhône, la route de Lyon à Toulouse par Saint-Etienne et le Puy,
.ancienne route royale empruntant l'affreux tracé du Devey entre
SaintrEtiemne et Firminy, étaient classées comme routes natio-
nales et mises à la charge de F Etat, au moins comme entretien.
Les Conseils généraux devaient établir le classement des routes
départementales. Il s'ensuivit le classement de certains chemins
vicinauK en routes départementales et vice-veirsa. En prévision
de l'ouverture de la route de Roanne au Rhône, le Conseil
général de la Loire classa parmi les routes départementales
une route de Saint-Etienne à Montbrison par la Fouillouse et
Andrézieux. La route de Saint-Etienne à Montbrison par Sainte
Just devint chemin vicinal, mais elle devait servir encore pour
l'embarquement des charbons de Samt-Etienne jusqu'à l'achè-
vement de la route de Roanne au Rhône, qui, entre la Fouillouse
et Andrézieux, était encore en construction en 1818. A ce titre,
elle devait être entretenue comme route départementale. En
outre, elle devait servir encore pour embarquer les charbons
de Roche-la- Molière.
Un décret du 29 juillet 1811 établit une imposition addition-
nelle de 21.400 francs sur le départeme/nt, avec participation du
Trésor pour la création des routes départementales de la Loire,
au nombre de quatre ou cinq, création qui était, en général,
une rectification. On demanda encore, en 1815, la réparation
de la route de Saint- Just, dégradée par les charrois de charbons.
Vers la fin de l'Empire également, on construira un chemin
vicinal de Saint-Etienne à Firminy par le vallon de la Ricamarie
et du Chambon, chemin qui sera préféré à l'affreusei route du
Devey et de la Maison-Blanche (chez Goyard) et qui, rectifié
et élargi, deviendra vers 1830 la route nationale actuelle de
Saint-Etienne à Firminy, section de la route de Lyon à
Toulouse (1).
La voie de charbon (1.800 kg.) coûtait 8 livres à la mine de
(1) Cet ancien chemin vicinal reliait Valbenoît© (Grange-de^l'Œuvre)
à la Béraudière {Le Forez il y a cent ans, 1813, p. 40 et 37), traversait
La Ricamarie. se détachait de la route actuelle à Montrambert, passait
au hameau de Pontcharra, reprenait le tracé actuel de la route, passait
à Trablalne, empruntait la Grande-Rue du Chambon et aboutissait au
Mas, puis aux Trois-Ponts, à Firminy, où il rejoignait la route du
Devey.
- Ô9Ô —
Roche-la-Molière et i5 livres de- transport de la mine à Saint-
Rambert, en 1801 (i).
Quand le calme succéda à l'agitation révolutionnaire, la
Compagnie du Canal de Givors se réorganisa. Elle poursuivit
les exploitants qui tiraient du charbon sous le canal. Un des
délinquants sapa les piliers des voûtes, qui s'écroulèrent. Un
tassement, des fuites se produisirent dans le lit du Gier. La
mine fut inondée. Les Tribunaux ne sévirent pas. Ils étaient
hostiles à toutes les Compagnies, à toutes les concessions.
Empêcher un propriétaire foncier d'exploiter librement ses
tréfonds leur paraissait contraire au droit de propriété.
La Compagnie créa une gare d'eau' à Givors. Le projet en fut
établi en 1811. Le réservoir de Couzon pour l'alimentation du
canal, commencé en 1789, repris en 1799, ne fut achevé qu'en
1812. La gare coûta 224.000 fr., le réservoir plus de i.200.000 fr.
Ce réservoir sert aujourd'hui à l'alimentation de la ville.
La Compagnie eut à lutter contre l'animosité des ingénieurs
des Ponts et Chaussées, contre les municipalités de Givors et
de Rive-de-Gier à propos de la police des portefaix, détenteurs
d'un véritable monopole. En 1808, Joannès Fleurdelix, fils de
l'ancien greffier de la Sénéchaussée de Lyon, était nommé maire
de Rive-de-Gier. Il avait hérité de l'inimitié paternelle pour
la Compagnie, motivée par des questions d'intérêt privé. Sauf
pendant les Cent-Jour"s, il régna à la mairie jusqu'en 1823, date
de sa mort, où il fut remplacé jusqu'en 1830 par son frère Jean-
Mario. Les deux frères manifestèrent une haine profonde contre
les conoossionnaires du canal.
Mais, d'autre part, la Compagnie connut des jours pros-
pères (2). La navigation avait repris avec intensité, les recettes
allaient en augmentant. Trois mille bateaux descendaient par
an. Ils portaient chacun de 700 à 900 hectolitres, soit 70 tonnes
environ. Le trafic dépassa 140.(X)0 tonnes en 1807 et en 1812. Le
droit de navigation était de 0 fr. 27 par hectolitre, mesure de
vente, le droit de remontage jusqu'à Lyon de 0 fr. 20 ; il s'était
élevé jusqu'à 0 fr. 40 et même 0 fr. 50. Le prix de la hoiville
(1) Brossahd p. 187.
(2) Dè^ 1799, les actions de 15.000 fr. en vajaient 35.000. En 1810. le
Conspil K'^n^^ml d-e la Loire les disait décuplées (V. Dull. Diana. 1920.
V. :i97).
— 600 —
rendue chez le consommateur lyonnais était à pieu près le double
du prix à la mine (i fr. 95 contre 1 fr. le quintal de grêle).
Zacharie n'avait pas prévu l'accroissement de la consom-
mation (1).
Les demandes pour continuer le canal jusqu'à la Loire seront
renouvelées fréquemment sous l'Empire : en 1800, 1809, 1812,
par le Conseil général de liai Loire ; en 1802, par le Conseil de
Commerce de Saint-Etienne, etc.
En 1807, on fit des expériences pour le remontage de Givors
à Lyon d'après un système de Thilorier, qui estimait pouvoir
réduire le prix de ce transport à 1 sol, au lieu dei 4 ou 10 sols par
hectolitre, et ramener la durée du trajet à 10 heures au lieu
de deux jours. L'expériencei fut annoncée par le Journal du
Département de la Loire (14 octobre). Thilorier se proposait de
former une Compagnie au capital de 200.000 francs. J'ignore
la suite de ce projet. 11 est à remarquer que, sur le Rhône,
les charbons représentaient le tiers de la navigation à la
remonte P).
Siur la Loire, un arrêté deis Consuls du 29 frimaire an X
autorisa les représentants de la Compagnie Lagardette à per-
cevoir des péages entre Roanne et Saint-Rambert, confor-
mément au tarif de leur concession en 1702. Mais, sur un
rapport du Préfet que, pour 2.200 bateaux il serait perçu
319.000 francs d'après le tarif de 1702 et 96.000 francs seu-
lement d'après le tarif de 1746, tandis que les frais de balisage
n'étaient que de 6.000 francs, un nouvel arrêté (9 fructidor
(1) Mém. de Cailhava, op. cit. Brossard, p. 227. Journal du Départe-
ment de la Loire, 14 octobre 1807. Le dro-t de 0 fr. 27 par hectolitre
(80 kg.) est cité par M. Brossard. Il correspond à 3 fr 33 par tonne.
Le même auteur dit : 1 fr. de houille à Rive-de-Gier se payait à Lyon
1 fr. 95 rendu chez le consommateur. Le charbon grêle valait 1 fr.
le quintal, 10 fr. la tonne à la mine, 19 fr. 50 à Lyon, dont 3 fr. 33
de droits sur le canal et 2 fr. 50 sur le Rhône. (M. Abeille dit que de
1793 à 1807 la navigation fut exempte de tous droits.)
(2) Thilorier (1750-1818), avocat au Parlement de Paris, défenseur de
Cagliostro dans l'affaire du Collier, devint, sous le Consulat, avocat
au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation. Auteur d'ouvrages philo-
sophiques, inventeur d'un radeau-pûongeur pour remonter les fleuves
et d'une voiture passe-partout ou à croix (Larousse).
— 601 —
an X) décida que le tarif de 1746 serait appliqué provisoirement
et qu'il serait statué ultérieurement sur um tarif définitif.
La question fut tranchée dans un autre sens. Le l*^" floréal
an XIII, le droit de péage Lagardette fut supprimé et remplacé
par un droit de navigation au profit de l'Etat, sauf aux repré-
sentants Lagardette à faire liquider leurs prétentions.
Le nombre des bateaux qui descendit la Loire fut en moyenne
de 1.600 par an sous l'Empire, contre 1.200 sous la Révolution.
Il atteignit, en 1810, point culminant de la période, 2.200
bateaux, portant 34.000 tonnes (15 tonnes par bateau) et rap-
portant 33.000 francs à l'Etat (l). Le droit perçu ressortait donc
à 0 fr. 97 par tonne pour la totalité du parcours jusqu'à
Roanne.
Sur le canal de Givors on payait plus de trois fois plus, mais
toute cette voie navigable était l'œuvre de l'art e-t non de la
nature. Au tarif Lagardette de 1746, 2.200 bateaux (34.000 tonnes)
auraient payé 96.000 francs. Le droit eût été à peu près le
même que sur le canal de Givors (3 fr. environ), mais pour une
distance sept fois plus grande. Le droit eût donc étéi sept fois
moins élevé (2).
En 1812, le Conseil général de la Loire demanda que l'Etat,
qui s'était substitué à la Compagnie Lagardette et percevait uin
droit de péage, débarrassât la Loire des roches qui encombraient
la navigation.
Il demanda aussi d'ouvrir la Loire à la navigation en amont
de Saint-Rambert. Une Compagnie, disait-il, avait offert, en
1809, de commencer ces travaux moyennant un péage. Elle les
avait commencés, puis abandonnés.
Cette Compagnie ne pouvait être (contrairement à ce qu'a-
vance Alphonse Peyret) celle des propriétaires de la concession
houillère de Firminy et de Roche-la-Molière, car le concession-
naire d'Osmond ne fut remis en possession qu'en 1810, où ses
agents furent d'ailleurs chasséô par les exploitants. D'Osmond
dut attendre la Restauration pour rentrer dans ses droits.
Les premiers essais de navigation descendante de la Noirie
à Saint-Rambert datent de 1817. En 1821, la Compagnie des
(1) Bhossahi), p. 189 , A. Peyhet, p. 108.
(2) Il y a 12 km, de Rive-de-Gler à Givors et 85 de Saint-Rambert a
Roanne par la Loire.
— 602 -
Mines, dirigée par J.-.J. Baude, ot à qui d'Osmond avait rétro-
cédé sa concession, offrit de donner à la Loire, aux époques de
crues, un tirant d'eau de 35 ce-ntimètres de Retou.rnac à la
Noirie et de 54 centimètres entre la Noirie et Saint-Rambert.
On ne naviguait qu'aux époques de crues, c'est-à-dire cinq ou
six fois par an et huit à dix jours chaque fois. En 1822, quatre
cents bateaux, chargés de 50 à 70.000 hectolitres de houille,
partirent de la Noirie (i).
J'anticipe sur l'un des paragraphes suivants. Mais je n'ai pas
voulu séparer le commencement et la fin de l'histoire de la Noirie
qui furent très rapprochés, car, en 1833, il descendit moins de 70
bateaux, dont 30 étaient chargés. Les premiers chemins de fer,
auxquels les mines de Roche-la-Molière et Firminy furent
reliés, par route d'abord, ensuite par embranchement, bien
avant la construction du chemin de fer de Saint-Etienne à
Firminy, première section de la ligne du Puy (une route fut
construite de Roche à Saint- Just en 1828), éteignirent totalement
l'activité du petit port. Celui-ci, complètement abandonné, ne
présente plus aujourd'hui que des ruines qui, à première vue,
paraissent séculaires, bien qu'il y a moins de quatre-vingts
ans les embarquements s'y effectuassent encore. Délaissée
pouir la plage voisine du, Pertui:set, la Noirie n'est même plus
un but de promenade. C'est une crique isolée et détournée du
chemin que suivent les foules. Et cependant, c'est de la mise
en activité de ce port que datci le développemeTit des mines de
Firminy, privées jusque-là de moyens de communication (2).
(1) Dès 1820, la maison Vve Monterrad et flls, marchands de charbon
à Lyon, actionnaires de la Compagnie des Mines de Firminy, avait fait
apport à cette Société des magasins qu'elle possédait à la Noirie et
à Saint-Just-sur-Loire. J.-J. Baude agrandit considérablement le premier
de ces magasins, dont les expéditions de charbon dépassèrent, en 1825
et 1826, 4.000 tonnes II fit baliser le lit du fleuve entre la Noirie et
Saint-Just et le fit purger des roches les plus dangereuses, notamment
à la levée du moulin de Joannade. Pendant tout le temps que durèrent
les expéditions par le po'rt de la Noiirie, la Compagnie eut des ouvriers
occupés à l'entretieTi du lit de la Loire, qui était entièrement à sa charge
(Note de M. Voisin).
(2) M. Prajoux, dans un© notice sur Cornillon, dit que ce port fut
créé à la fin du xviiie siècle, qu'il eut une certaine animation sous
l'Empire, qu'établi en avE^l du confluent de l'Ondaine, il fut transféré
en amont à cause de l'ensablement, que de 1815 à 1830, 150 bateaux
chargés descendirent chaque année, que ce port fut reconstruit en 1836,
car il avait été endommagé par les eaux. Il y a plusieurs contradic-
tions entre M. Prajoux et Alph. Peyret.
Alphonse Peyret a donné sur les bateaux qui descendaient la
Loire à partir de SaintrRambert des détails à retenir. Chaque
bateau avait 26 mètres de longueur, 3 m. 50 de largeur,
iOO mètres carrés de surface, 8 à 10 centimètres de tirant d'eau
à vide. Il coûtait 350 francs. On construisait oes bateaoïK à
Saint-Rambert (aux Barques) et à Retournac. Ceux de Retournac
étaient à demi-chargés à la Noirie, mais le tiers ou la moitié
étaient conduits directement à Saint-Just, plus tard à An-
drézieux. De trois bateaux partis d'Andrézieux, on garnissait
avec leuir chargement deux bateaux à Roanne. Le troisième
bateau était vendu avec un rabais de 100 francs pour les
transports de vins et de houille du Creuisot ou de Decize.
Feurs était la station principale pour les mariniers, entre
Saint-Rambert ou Andrézieux et Roanne. Dès que la Loire gros-
sissait, les bateaux arrivaient par flottes et s'amarraient sous
les ombrages de Bigny ou les berges de Randan oii, avant la
Révolution, les moines allumaient la nuit un fanal pour guider
la navigation. Les mariniers étaient reçus à bras ouverts par
les hôteliers de Feurs. Leur arrivée était jour de fête. Ils
recrutaient dans la ville un aide pour la navigation, fort diffi-
cile dans les gorges de Pinay. A Roanne, les mariniers confiaient
leurs bateaux et leurs chargements aux mariniers de Roanne. Ils
regagnaient Samt-Rambert ou Andrézieux à pied, non sans
faire beaucoup d3 stations dans les cabarets (i).
UAlmanach du Commerce en 1811 (le Bottin de nos jours)
cite un négociant notable en charbons à Saint-Just-sur-Loire :
Mandard.
^3.— LES TRANSPORTS PAR TERRE DEPUIS 1815
Ivos réclamations au sujet des routes continuèrent longtemps
après les débuts des chemins de for, mais allèrent on s'affai-
blissant. C'est d'ailleurs à partir de 183Ô que, à l'exemple de
l'Angleterre, on améliora notablement le mode de construction
das routes.
(1) Broutin, îli<^f (le Feurs, p. 202.
— 604 —
Les 4 février 1820, 14 mars 1821, l'^'" et 4 mars 1822, la
Chambre consultative des Arts et Manufacture© deSaint-Ktienne
signalait l'état déplorable des routes de l'arrondissement. Le
17 janvier 1823, elle revient à la charge pour la route» de Lyon
à Toulouse et elle critique les mesiures proposées : On va recons-
truire les ponts d'Oullins et de Brignais et rectifier la traversée
de Briguais. Un emprunt de 250.000 francs est prévu pour ces
deux ponts. Pour l'amortir, un péage sera établi sur le pont
de Brignais. Or, on évite souvent Brignais et la plaine qui
Tavoisine, où la route est mauvaise, pour prendre le chemin
de Vourles. De plus, le péage sera acquitté en majeure partie
par les voitures de Rive-de-Gier, Saint-Ghamond, SaintrEtienne,
allant à Lyon ou en revenant. Il vaudrait mieux établir un
péage sur le pont d'Oullins, qui intéresse davantage les
Lyonnais.
La délibération du l*'" mai 1823, absolument mémorable, qui
fut imprimée et que j'ai analysée (i), donne une idée des diffi-
cultés auxquelles se heurtaient les transports. Non seulement
la route 106 (aujourd'hui 88), de Lyon à Toulouse, était dans
un état indescriptible, mais la route 100 (de Roanne au Rhône),
aujourd'hui 82, et inachevée jusqu'à Bourg- Argental, mais
terminée en 1816 aux abords de Saint-Etienne, avait été ruinée
en 1822. J'ai dit ce que l'Administration fit ou répondit pour
ces deux routes. En 1826, en 1829, en 1836, les réclamations
pi eu valent encore (2).
L'ouverture de la rouite n" 100, de Roanne à Saint-Etienne, avait
fait décider la construction de la section de route de la Gouyon-
nière (où était le relais de poste) à Andrézieux, devenu, par
suite, le port d'embarquement des charbons de Saint-Etienne,
aux lieu et place de Saint- Just-sur-Loire. Il existait déjà un
vieux chemin houiller, de la Fouillouse à Andrézieux, partant
(1) Voir Histoire de la Chambre consultative des Arts et Manufactures
de Saint-Etienne, p. 86
(2) V. Histoire de la Chambre consultative des Arts et Manufactures
de Saint-Etienne, p. 87 ; Histoire de la Chambre de Commerce, p. 129 :
Mercure ségusien, 11 novembre 1829. La route de Lyon à Toulouse ne
fut rectifiée, entre Saint-Etienne et Saint-Chamond, que longtemps
après. Elle passait alors par Côte-Thiollière et le Grand-Cimetière de
Saint-Jean-Bonnefonds.
— 605 —
des Perrotins et aboutissant au hamoau de la Renardière (i).
L'embarquement à Andrézieux et le déclassement de Saint-Just
étaient déjà choses faites en 1824, sauf pour les charbons de
Roche-la-Molière, à cause de la route de Roche à Saint-Just,
que fit construire la Compagnie des Mines en 1828. Ce chemin,
partant du puits de Rhins, passe au Marais, à la Combette, au
Treyve, à la Croix-des-Sagnes, où il rencontre le chemin vicinal
d'intérêt commun n° 25, à Pierre-Etroite, à Etrat, où il s'écarte
de ce chemin vicinal ou route nouvelle. Il va aboutir ensuite
directement au ruisseau de Chazelon p). Le mot Etrat indique
le passage d'une voie antique [strata).
Mais la route de Lyon était l'une des plus fréquentées de
France. Descreux indique qu'en un mois (septembre 1828)
10.285 voitures, attelées de 20.757 chevaux, passèrent à la
Montât, allant sur Lyon ; 11.775 voitures, attelées de 19.183
chevaux, revinrent de Lyon. En supposant la charge moyenne
de 700 kg. par cheval (3), ce transport représentait 27.000 tonnes
ou, pour un an, 324.000 tonnes.
Le prix du transport par terre est de 5 centimes par quintal
et par lieiue, disait la Chambre consultative (l*"" mars 1822), à
propos du tarif du canal de Givors. La tonne kilométrique
entre Saint-Etienne et Lyon coûte 34 centimes, disait le Mercure
Ségusien (11 novembre 1829). Elle n'en coûterait que 27, si la
route n'était pas si mal entretenue ; 200.000 tonnes circulent
entre Saint-Etienne et Lyon. Il y a concordance entre ces
chiffres, car la Chambre consultative parlait du quintal de
100 livres ou 50 kg. A 0 fr. 34 la tonne kilométrique, le prix
du transport par quintal de 50 kg. et par lieue de 4 kilomètres
ressortiiit à 0 fr. 068. En 1830, le prix moyen du trans[X)rt de
(1) Sur ce chemin se trouve un hameau, ou plutôt une maison
(lôsipnéc, sur le cadastre, sous le jol' nom énigmatique de Péché de
la Cane ! '
(2) D'après un plan <luo m'a envoyé M. \ Oisin. ancien (hrcctcur ilos
mines de Roche-la-Moli^re.
(3) La charge était moins lonid» <i"' 'I^î nos Jours, les routes ayant
un profil plus accentué.
— 606 -^
Saint-Etienne à Lyon par terre ressortait à 18 francs la tonne
(0 fr. 339 la tonne kilométrique) (l).
Le voiturier achetait le charbon, le transportait et le vendait
lui-même.
Le décompte suivant, emiprunté au Bulletin de la Société
(T Agriculture (1830, p. 98) indique le bénéfice résultant de ces
opérations :
Nous avons établi nos calculs sur le voiturage entre Saint-
Etienne et Lyon, parce que c'est celui auquel se livre le plus grand
nombre, et qu'il procure, dit-on, de plus grands bénéficeis.
Un voiturier conduit deux voitures, chacune attelée d'un cheval
ou de deux boeufs. Pour ne pas multiplier les supputations, nous
nous bomeronis à établir nos données sur l'emploi exclusif des
chevaux.
Chaque voiture contient en été 10 hectolitres, ©t 8 au plus en
hiver, soit une moyenne de 9 hectolitres (2). On estime le poids
d'un hectolitre à 96 kg. en chaplé ; nous le porterons à la. somme
ronde de 100 kg.
Ainsi, à chaque voyage, un voiturier conduit à Lyon, sur ses deux
voitures, 18 hectolitres, ce qui forme plus que la charge ordinaire.
Il vend ces 18 hectolitres à raison de 2 fr. 90 52 20
Au retour, il prend des fers, des farines, ou autres mar-
chandises, d'un poids de 1.800 kg. qui, au prix moyen de
1 fr. 60 les 100 l^g., donne 28 80
Sa recette brute est donc de ■ 81 »
Mais le retour n'est pas toujours favorable, et l'on a calculé
qu'il se faisait à vide une fois sur trois. Nous le supputerons à
une fois sur quatre. C'est donc un quart, à déduire sur 28 fr. 80,
c'est-à-dire 7 fr. 20, ci 7 20
Ce qui ramène le produit brut à 73 80
Mais de cette somme, il convient de soustraire le montant des frais
d'achat, de voyage, nourriture du voiturier et de ses chevaux, etc..
Le voiturier a payé :
(1) Chambre consultative, 25 novembre 1830.
(2) 'Cette supputation est évidemment au delà de la vérité, car un
cheval ne peut pas, pendant toute l'année et par des chemins en aussi
mauvais état, traîner une charge moyenne de 900 kilogrammes ; mais
nous avons préféré mettre les recettes au pdus haut, et les dépenses
au plus bas.
— 607 —
1° Prix d'achat de 18 he<ytolitres, chaplé à 1 franc 18 »
2° Il a employé pour aller charger à la mine, faire le trajet
et le retour, y compris le séjour à Lyon, cinq journées, qui
coûtent : pour nourriture de l'homme, à 1 fr. 50 par jour 7 50
Pour nourriture de deux chevaux, foin, avoine et son, à
1 fr. 75 par cheval, 3 fr. 50 pour les deux par jour 17 50
Pour salaire du conducteur, à 1 fr. 50 par jour 7 50
50 50
On nous opposera peut-être que le voiturier a employé à la nour-
riture de ses chevaux les foins de sa récolte ; mais ce foin, n'étant pas
employé aux besoins de la ferme, devient une dépense réelle qu'il
convient de porter en déduction de la recette, puisqu'elle forme en
partie le débit d'un compte dont le produit brut est le crédit.
On pourra encore dire que, le fermier conduisant lui-même ses
voitures, nous ne devions pas lui appliquer un salaire, puisque ce
salaire n'est pas déboursé. Nous répondrons que le fermier, s'il fût
resté chez lui, aurait employé son temps à des travaux de culture ;
que ces travaux n'ayant pas eu lieu, ou ayant été faits par des
domestiques, il y a nécesisairement pour le maître une perte que
noue avons dû évaluer, et que certes nous avons portée au plus bas.
Ainsi, la recette brute étant de 73 80
Et la dépense de 50 50
Il reste net par voyage. 23 30
Et pour l'année, en supposant quarante-cinq voyag-es, ce q*ui est
beaucoup, si l'on déduit les semaines fériées et les temps où les
routes sont absolument impraticables, on aura un total de
1.048 fr. 50.
Mais, en outre des frais que nous venons de porter en compte,
il existe encore ceux d'entretien des voitures et harnais, ceux du
ferrage, et de plus la moins-valufi des chevaux. On ne peut guère
estimer l'entretien de deux voitures *à moins, de 100 »
Le ferrage des deux chevaux à 96 »
L'entretien dos hai-nnis ù 50 »
La moins- value des chevaux, par tête, y compris l'intérêt
du capital, à 80, et pour deux 160 »
'1'6tai 406 »
Partant, le produit net ne sera donc en ;*éalito «pu» de M2 fr. :à).
Et comme le voiturier, pour arriver à ce résultat, îiura passi'
deux cent vingt-cinq journées sur le^s routes, le produit de chaque
jouniée, pour lui et ses deux l>êtes, se réduira à 2 fr. 86.
— 608 —
Mais ce bénéfice, tout exigu qu'il soit, existe-t-il bien réellement ?
Non, certainement non, et nous allons le prouver.
D'abord, comme vous l'aurez sans doute remarqué, nous n'avons
porté les frais de nourriture des deux chevaux et de l'homme, et les
salaires de ce dernier, que pour les deux cent vingt-cinq journées
de voyage ; nous aurions dû ajouter aux dépenses, et par conséquent
réduire d'autant le produit net, les mêmes frais pour le reste de
l'année, c'est-à-dire pour le temps consacré au repos ou pendant
lequel les intempéries des saisons rendent les charrois impossibles.
Cependant, bien que cet article soit encore d'une assez grande
importance^ nous éviterons, en le passant sous silence, le reproche
de nous arrêter à des minuties, et nous admettrons que ce surcroît
de frais est compensé par les travaux de culture auxquels l'homme
et ses deux chevaux peuvent être employés.
Mais il reste à examiner si, pour le plus grand nombre, et nous
pourrions dire pour la presque totalité des voituriers, les dépenses
se réduisent bien réellement au taux auquel nous les avons établies,
et si nous ne sommes pas, au contraire, restés bien en-dessous de
la réalité.
Quiconque a eu de fréquentes occasions de parcourir la route de
Saint-Etienne à Lyon, a pu connaître le genre de vie habituel des
voituriers pendant le trajet, et surtout durant leur séjour dans cette
dernière ville. C'est un fait avéré, et l'un de nous l'a déjà fait
remarquer, que le vin, la bonne chère, le jeu, les dédommagent des
ennuis de la route et des privations que s'impose ordinairement le
cultivateur sédentaire ; de là ces habitudes que le temps enracine
chaque jour davantage, et qui expliquent ce penchant à l'ivrognerie,
cette humeur querelleuse trop justement reprochée aux habitants
de nos campagnes ; s'il était possible d'obtenir que chaque volturier
tînt un compte exact de toutes les dépenses qu'il fait au delà du
strict nécessaire, si l'on ajoutait au résultat de ce compte celles
auxquelles il ne craint pas de se livrer dans son pays, par suite de
ce goût de dissipation qu'il n'a plus la force de surmonter, on verrait
que la moyenne de toutes ces dépenses réunies excéderait, et de
beaucoup peut-être, le minime bénéfice dont nous venons de pré-
senter l'aperçu.
Et si, à cet égard, il pouvait exister encore des doutes, nous
demanderions aux incrédules de vouloir bien interroger MM. les
Maires et MM. les Curés : de leur demander si partout le cultivateur
sédentaire, exclusivement occupé des travaux agricoles, n'est pas,
toutes circonstanices égales, plus aisé que celui qui passe une bonne
partie de l'année sur les grands chemins. Tous répandront ce qui
nous a été répondu, quand nous sommes allés puiser aux meilleures
sources les renseignements dont nous avon^ dû nous étayer, tous
diront, comme le maire de l'une des communes de l'arrondissement
où se trouvent le plus grand nombre de voituriers, et dont nous allons
textuellement citer les expressions : « Il est constant, nous écrivait
— 609 —
« cet estimable fonctionnaire, que le fermier qui fait des voitures
(( et s'absente souvent du domaine, ne gagne presque rien, parce
(( que, outre les dépenses qu'il s'accoutume à faire, il cultive mal
({ ses fonds, et que les fumiers sont perdus pour la ferme. Il est
(( avéré, au contraire, que le fermier sédentaire a un bétail beaucoup
« plus beau, des récoltes bien supérieures ; le premier est presque
(( toujours gêné,' paie mal ses contributions et ses fermages, tandis
« que le second est, en général, dans l'aisanice, a des mœurs
« infiniment plus douces, élève mieux ses enfants, etc., etc. »
De tels faits résolvent la question bien mieux que nous ne saurions
le faire, et nous pourrions terminer ici la discussion ; mais notre
tâche n'est pas entièrement accomplie, et, après vous avoir fait
connaître les bénéfices au moins apparents que retire le voiturier,
il nous reste à établir quels seront ses profits réels, quand la
suppression des charrois l'aura enfin rendu aux travaux des
champs. Toutefois, pour ôter tout prétexte à des objections qu'il
nous serait facile de repousser, nous admettrons comme certain ce
prétendu produit net dont nous avons parlé. Nous supposerons
donc pour cela que tous les voituriers, sans en excepter un seul, ne
dépensent rien au delà de ce qui est indispensable, que tous sont
animés du seul désir de pourvoir aux besoins de leurs familles, et
d'accroître leur bien-être ; qu'enfin tous rapportent chez eux la
totalité du produit sous la seule déduction des dépenses rigoureuse-
ment nécessaires ; certes, nous aurons fait là une concession assez
large, puisque nous aurons admis dans son intégralité le bénéfice
net par année de 642 fr. 50.
La Chambre consultative des Arts et Manufactures était d'un
avis différent de oedui de l'auteur de l'article précédent. Dans
une délibération du 17 avril 1822, elle prenait la défense des
fermiers- voituriers contre le chemin de fer projeté de Sainlr
Etienne à Andrézieux, qui ne manquerait pas de les ruiner :
Actuellement, le transport des houilles des puits d'extraction au
port rembarquement sur la Loire s'opère par des voitures traînées
par (Ils boeufs ou par des chevaux. Tous les fermiers, à une assez
grande distance, s'occupent exclusivcnit nt de ce transport. C'est la
pi iii(i|);il(', et prfS({uo la seule indu.uric des fermiers de la banlieue,
1.1 -I Mlle (lu liions (lui leur donne les moyens d'acquitter les prix
(le Iciiis frinic- Les ciilculs Ics plus modérés portent à ^}00.(MM) fi-ancs
les prix niiiris (II) tr.insport (h's liouilics (ju'on cmbaiMpii' sur la
Loue ; itri peut lia l'diiiiciit siippu-f r ipic le- tnim r-, tir la liaiiliruo
re^nivcnl 1-'^ deux uns de rrtlc ^iiliiliic. lies I lii>I;ilil (Ml un clicMlill
de l'cr (i[)('r('r;i !<■ 1 i;iiis|)(iil drs tiMinllrs ii iiicllcin- iii;ii-i'|ic, :1 est
bien éviilint >\i\f \r ti;iii-piil| p.ir des \niliiii'v ;ilt- liT- de ImimiI's nii
de chev;iux (("--^i r;i ; dis Idis, uih' industrir luiporlauto pour tout
-éiô-
le canton sera totalement déplacée, anéantie même ; les boeufs, les
chevaux, seront sans emploi ; tout le mobilier acquis par les
fermiers pour exercer cette industrie leur deviendra inutile et
restera sans valeur ; bientôt, le prix des fermes éprouvera une dimi-
nution énorme, résultat nécessaire de l'impossibilité où les fermiers
vont se trouver de tirer aucun parti des fourrages qui composent la
presque totalité de leurs récoltes, car inutilement supposerait-on
que les fermiers pourront faire des élèves, engraisser du bétail, etc. :
leurs habitudes s'y opposent ; jamais ils ne se sont livrés à ce genre
d'industrie ; de temps immémorial ils n'en connaissent pas d'autre
que celle des transports.
Le prix de transport d'un char de 10 hectolitres avait varié.
Il s'était élevé à 5 francs pour une distance de 16 kilomètres
(Saint-Etienne à Andrézieux). La conourrence l'avait fait
tomber à 3 fr. 50 et même a 3 francs. En 1822, on l'estimait
à 4 francs, c'est-à-dire à 0 fr. 25 par kilomètre pour 10 hecto-
litres (1). A 900 kg-, les 10 hectolitres, ce prix représenterait
0 fr. 277 par tonne et par kilomètre. A 800 kg., car tout le
charbon n'était pas du cha-plé, cela représenterait 0 fr. 312, chiffre
exorbitant par rapport aux tarifs des transports par fer (avant
1914), qui ne peuvent être comparés aux transports terrestres,
lesquels s'effectuent de porte à porte et ne nécessitent point de
transbordements, causes de frais supplénientaires et de déchets.
La Société d'Agriculture et la Chambre consultative avaient
raison toutes les deux. Il eût mieux valu que le paysan cultivât
sa terre plutôt que de transporter du charbon. Mais les terres
qui recouvrent le bassin houiller sont d'un rendement faible,
et c'est pourquoi les paysans travaillaient à la passementerie
ou à la « clincaille », ou bien transportaient du charbon, quand
ils n'allaient pas se louer eux-mêmes pour travailler dans les
mines.
Pour les routesi, depuis 1833, je renvoie à V Histoire de la
Chambre de Com/merce de Saint-Etienne^ p. 129, en attendant
que je paiblie V Histoire des Transports dans cette région.
(1) Chambre Consultative. 2 août 1822.
— 611 —
^ 4. — LES TRANSPORTS EN LOIRE
DEPUIS 1815
J'ai parlé des essais de navigation descendante au port de
la Noirie, sur la Loire (v. p. 601). Les expéditions allèrent en
augmentant jusqu'en 1826. La prospérité des mines do Firminy
date de cette époque. Ge,s mines expédiaient annuellement de
2.000 à 4.600 tonnes de houille. Chaque bateau portait de 14
à 16 tonnes. Toutefois les expéditions se ralentiront et, à partir
de 1845, ce port fut abandonné (i).
En 1821, la Compagnie des mines de Firminy offrit do baliser
la Loire entre Retournac et la Noirie, moyennant la concession
d'un péage perpétuel. Alphonse^ Peyret a donné le détail du
devis dressé à cet effet (p. 200).
La même Compagnie fit construire, en 1828, une route de
Roche à Saint-Just pour l'embarquement de ses charbons
(v. p. 605j. Cette construction fit abandonner le projet d'un port
à Chamousset, où aboutit la gorge de la Pomaraize. Elle fut
la cause première du délaissement do la Noirie, où les bateaux
ne tiraient pas plus de 0 m. 45 et no partaient qu'aux époques
des crues, cinq ou six fois par an, crues qui duraient huit à dix
jours chaque fois. En effet, le prix de transport do la Noirie a
Saint-.lust était de 4 fr. 55 par tonne. Or, on payait le même
prix de Rocho-la-Molière à Saint-Just.
ï^ port de Saint-Just fut dévasté en 1846, à la suite d'une
crue terrible, qui emporta le magasin de la Compagnie. En
1835, on y chargeait 88.000 tonnes et, en 1837, 115.000 tonnes.
Les prix de transport étaient jalonnés de la manière sui-
vante (1828) :
De Roche-la-Molière à St-Just, jî^ar chars. 4 fr. 55 la tonne.
De St-Etienne à Andrézieux, — 5 fr. 40 —
— — par for (i). 3 fr. 80 —
D'Andrézioux à Roanne, environ 10 fr. » —
De Rojinne à Paris (port S^iint-Panl) 28 fr. 80 —
Vv\x total de la mine à Paris, de 42 fr. 60 à 44 fr. 20.
(1) A. Pfytu T. |i. "^01 : I.KSEunn:, p. 186.
— 612 —
Gomme le oharbon (menu de forge) coûtait 5 fr. à la mine,
le prix de revient à Paris était de 47 à 49 francs. Il fallait
compter 1 ou 2 francs par tonne de bénéfice, non compris le
i3énéfice du mélange avec les charbons inférieurs.
Les droits de navigation étaient fort élevés. Il faut les sup-
primer, disait la Chambre consultative de Saint-Etienne
(4 février 1820), si on ne peut augmenter les droits de douane
sur les charbons. Un bateau de 500 hectolitres payait 168 fr. 70
de droits de Saint-Just à Nantes (4 fr. 38 par tonne en comptant
une tonne pour 13 hectolitres).
M. Leseure (p. 187) a décrit les bateaux employés, chargés
à 25 tonnes, qui coûtaient 300 francs pièce et qu'on revendait
de 80 à 100 francs pour le dépeçage. A Roanne, le bateau était
chargé à 36 tonnes, aiui delà de Briare à 42 et 55 tonnes.
Mais la description écourtée de M. Leseurei doit être complétée
par l'article, beaucoup plus explicite, de M. Paul Bonnaud,
La dernière marine de Loire en Pays haut (Revue Rodumnaj
juillet 1914). Je ne saurais trop conseiller de s'y reporter, ainsi
qu'aux articles de M. Portallier : L'Industrie de la batellerie et
le Commerce de la houille à Saint-Jiist-Saint-Rambert aux xvm^
et xix^ siècles, articles qui n'ont été publiés qu'après la mise a
rimpression de ce livre (i).
L'ouverture du canal de Saint-Quentin (1820), l'amélioration
des cours de l'Escaut et de l'Oise permirent aux charbons du
Nord et aux charbons belges de refouler de Paris les charbons
du Centre (2).
La « Marine de Loire » connut des jours prospères jusqu'en
1858. Le chemin de fer reliant Saint-Etienne à Paris lui donna
le coup de grâce (3). De 1850 à 1870, les bateaux contsruits à
Saint-Rambert descendaient videis à Roanne. Le ralentissement
se produisit peu à peu et le dernier bateau partit de Saint-Just
en octobre 1885 (4).
(1) Mémorial de la Loire, 16 mai et 20 juin 1921.
C2) M. Leseure a donné dies renseignements sur ces différentes ques-
tions (p. 185 à 189). L'emploi du chemin de fer obligeait à charger sur
char à la mine et à supporter les déchets.
(3) Paul BONNAMD, Rodumna, 1914, p. 223.
(4) PoRTAiLLER, article cité.
613
,^ 5. — LE CANAL DE GIVORS ET LES PROJETS
DE CANAL DE LA LOIRE AU RHONE
DE 1815 A 1835
La Compagnie du canal de Givora connut une grande pros-
périté. L© transport des charbons y atteignit le chiffre de
240.000 tonnes en 1825. Ce fut le point culminant.
Les actions, dit M. Leseure (p. 166), qui valaient 30 à 35.000 fr.
avant 1800, atteignirent, vers 1820, 200.000 francs, les intérêts
étant toujours servis à 7 %. Ces actions étaient, à l'origine, de
15.000 francs.
Le tarif autorisé dans 1 acte de concession de 1761 était d'un
sou par quintal (de 100 livres) et par lieiue de 4 km. 44, c'est-
à-dire de 0 fr. 206 par tonne kilométrique (v. p. 134). En 1779,
la durée de la concession fut portée à 99 ans et le péage fut
doublé, par conséquent porté à 41 centimes. Mais, dès 1784,
la Compagnie n'appliqua que l'ancien tarif, celui de 1779 étant
excessif. Or, en 1822 (l'''" et 4 mars), la Chambre consultative des
Arts et Manufactures de Saint-Etienne demanda la revision de
ce tarif de 5 centimes par quintal et par lieue, « qui était le
prix ordinaire du transport par terre ». La route était dans un
état épouvantcihlo et le public supposait que la Compagnie du
Canal voulait en empêcher la réfection. En al>aissant son tarif,
elle eût complètement supprimé les transports par route.
Le transport total était tarifé à 12 c-entimes par quintal de
50 kg., soit à 2 fr. 40 par tonne. Jamais les quittances n'avaient
fait allusion au tarif double de 1779 0).
Loin d'abaisser le tarif de 1761, la Compagnie appliqua le
tarif de 1779 : deux sous par quintal et xmv lieue. En vain la
Chambre consultative de Saint-Etienne et celle de Saint-
Chamond protestèrent. En vain les protestations du Commerce
furent portées devant le Conseil d'EUit. La requête» fut déclarée
(1) liislitirr de la ChitmUrc de Commerce, p. 4.'U. M. Lkskuhe (p. Iftfi),
dont (iLic^lciUfs .fi(li<'Mti()ii-s sont à roitifler dh 2 fr. 00.
— 614 —
non recevable en 1824, l'acte de 1779 n'ayant jamais été
rapporté, et la Compagnie devint maîtresse absolue des trans-
ports (1).
La Compagnie du Canal allait recevoir le châtiment de sa
cupidité. Le développement de la verrerie et de la métallurgie,
à Rive'-de-Gier, éleva la consommation locale au détriment des
expéditions par le canal.
Un ennemi plus sérieux, qui devint son allié pour l'anéantir
complètement, surgit dès 1826. C'était le chemin de fer de Sainl-
Etienne à Lyon. En vain, la Compagnie du Canal voulut s'op-
poser à sa construction. La Chambre consultative de Saint-
Etienne cribla la Compagnie de traits acérés. Ecoutons le maire
de Saint-Etienne, Hippolytei Roy et, à la séance du 11 mars 1826 :
Aujourd'hui je viens vous communiquer avec quelque peine les
démarches d'une Compagnie qui, non contente des droits abusifs
qu'elle a exercés sur le commerce, voudrait s'arroger le monopole des
transports^ et prétend trouver dans les actes constitutifs qu'elle a
surpris aux Gouvernements de diverses époques des titres d'opposi-
tion à la bienfaisance du Gouvernement actuel.
Vous avez tous reconnu, Messieurs, à ce simple exposé, la
Compagnie anonyme du canal de Givors, qui, partout présente et
toujours cachée, paraît être le génie malfaisant qui s'attache à notre
prospérité commerciale. A la simple lecture des lettres patentes
dont elle prétend exciper, rien n'autorise ses prétentions, rien ne
doit faire naître la plus légère crainte. Mais l'esprit d'envahissement
et de monopole est l'apanage de toutes les grandes Compagnies, elles
ont dans leurs membre® des protecteurs puissants, et leurs manda-
taires, en dépassant les borneis du juste, pour atteindre les plus
grands avantages de leur Société, croient ne remplir que scrupuleu-
sement les obligations de leur mandat
C'est ainsi que la Compagnie du canal de Givors a cru devoir
protester contre l'établissemient du chemin de fer de Saint-Etienne
à Lyon.
Il est aussi de notre devoir. Messieurs, de protester contre des
prétentions aussi contraires aux intérêts sociaux et industriels, et
d'éclairer la religion de son Excellence sur le danger d'admettre
ces prétentions comme fondées.
La Chambre suivit le Maire, en demandant au Gouvernement
de passer outre aux oppositions de la Compagnie.
(1) Histoire de la Chambre consultative de Saint-Etienne, p. 92.
— 615 —
Le 16 mai suivant, une délibération analogue confirma celle
du 11 mars :
Ce n'est pas sans quelque surprise que la Chambre consultative
a pu voir les nouvelles démarches de la Compagnie du canal de
Givors pour a^rréter l'exécution de lentreprise la plus utile qui
puisse être formée pour l'arrondissement de Saint-Etienne, et sur-
tout que la Compagnie appuie ses prétentions sur les services qu'elle
prétend avoir rendus au comîiierce de l'arrondissement.
La pétition mise en cet instant sous les yeux de la Chambre
consultative démontre d'tme manière si évidente l'inexactitude,
pour ne pas dire la fausseté, des assertions contenues dans la
pétition de la Compagnie du canal ; elle établit d'une manière si
palpable que cette Compdgnie a constamment abusé de son privilège
au détriment du commerce, qu'elle n'a jamais rempli toutes les
obligatiions qui lui étaient imposées, qu'elle a ^scandaleusement
favorisé certaines industries au préjudice de plusieurs autres, enfin
que, loin de procurer une économie dans les transportSf elle lutte
avec désavantage contre ^eux qui s'opèreni par la voie de terre, que
la Chambre consultative doit s'empresser d'y adhérer et de l'appuyer
de tout son pouvoir.
Le chemin de fer fut autorisé en 1828. La Compagnie demanda
Tautorisation de prolonger le canal jusqu'à Grand'Groix. La
Chambre consultative de Saint-Etienne, dans une délibération
importante (9 mars 1830), que je .reproduis tout entière, voulait
le prolongement jusqu'à Saint-Etienne et môme jusqu'à la
'Loire. Elle protestait contre le tarif de deux sous péir quintal
et par lieue, y compris le halage (50 centimes par tonne kilo-
métrique) qui, semble-t-il, n'était pas appliqué en 1830, ainsi
(|ue la délibération paraît l'indiquer :
La Chambre consultative des Arts et Manufactures de Saint-
Etienne (Loire), appelée à donner un avis sur la demande de la
Compagnie du canal de Givors en prolongement de ce canal de
Rive-de-Gler à la Grand' Croix, et sur le tarif qu'elle propose, a
adopté à l'unanimité les observations et l'avis suivants :
Si la demande de la Compagnie du canal était formée par un motif
d'utilité publique, elle ne se bornerait pas au prolongement du canal
de Rive-de-Gier à la Grand'Groix, elle devrait comprendre tout ce
qui reste à exécuter du canal pour mettre en communi cation le
Rhône avec la Loire, ainsi que l'avait proposé François Zacharie,
en 17f)0, ou du moins faire remonter le canal jusqu'à Saint-Etienne.
La (^ompjignie reconnaît l'utilité du prolongement du canal
jus(nrà Saint-Ktienne ; elle voit, dit-elle, dttns un avenir assez
— 616 —
rapproché, le rnoinent où son intér&t et les besoins publics Venguye-
ront à sollicUer Vautorisation de prolonger le canal jusqu'à Saint-
Etienne, et cependant elle ne propose que l'exécution de la partie du
cajial de Rive-de-Gier à la Grand' Croix.
Le premier fondateur de la Compagnie avait aussi manifesté
l'intention d'exécuter entièrement le canal de jonction des deux
fleuves. La première partie, de Givors à Rive-de-Gier, est construite
depuis 1780 ; si un demi-siècle s'est écoulé avant que l'on ait songé
à le continuer, si on se borne à n'autoriser la continuation du canal
que dans une étendue de 5.000 mètres, il faudra un siècle et plus,
avant de voir terminer le canal de jonction.
Au lieu d être conçue dans un but d'utilité publique, la demande
de la Compagnie n'a été présentée que dans son intérêt et pour
éviter la concurrence du chemin de fer qu'elle redoute ; elle ne
satisfait ni les besoins du commerce, ni les vœux de la contrée.
Dans l'état, l'autorisation sollicitée par la Compagnie ne saurait
être accordée. Deux raisons puissantes s'y opposent :
1° Tout ouvrage d'utilité publique doit être adjugé publiquement
et avec concurrenice. C'est une règle suivie par le Gouvernement,
dont il a reconnu les effets salutaires et dont il ne sécartera pas
dans cette circonstance. Sans la concurrenice, le péage du chemin
de fer de Saint-Etienne à Lyon n'a\irait pas été réduit à 9 c. 80 cen-
tièmes par tonneau et kilomètre, tandis que celui du chemin de fer
de Saint-Etienne à Andrézieux, fixé sans publicité ni concurrence,
est porté à 37 c. 20 centièmes ; c'est la concurrence qui protège les
intérêts du public.
2» Le canal qui doit être lobjet d'une adjudication publique doit
comprendre tout l'espace qui sépare Rive-de-Gier de Saint-Etienne ;
l'utilité de cette voie artificielle est sentie depuis soixante-dix ans,
puisque François Zacharie en avait fait le projet. La Compagnie le
reconnaît elle-même ; les commerçants et les exploitants de mines
en ont exprimé fréquemment la demande, il est donc essentiel de ne
pas ajourner plus longtemps l'exécution dun canal reconnu néces-
saire pour satisfaire aux besoins publics. On doit d'autant moins
syncoper l'adjudication de toute cette partie de canal que l'étude,
les plans et nivellements du terrain ont été faits jusqu'à Saint-
Etienne, ainsi que l'a expliqué M. l'ingénieur Michal dans son
rapport, et qu'il se présentera des entrepreneurs pour la totalité.
L'autorité supérieure reconnaîtra que, si l'on autorisait les
5.000 mètres de canal que la Compagnie demande à exécuter, il
serait impossible de voir exécuter le surplus jusqu'à Saint-Etienne.
La Compagnie actuelle ne le demanderait jamais, et une Compagnie
nouvelle ne prendrait pas l'engagement de construire la partie du
canal qui serait la plus dispendieuse et la moins productive. Il vaut^
mieux pour la contrée que la continuation du canal n'ait pas lieu
que de la voir bornée à la petite étendue proposée.
— 617 —
La Compagnie dit bien que son intérêt et les besoins publics la
détermineront à l'exécuter dans un avenir assez rapproché, mais
cette perspective, mise en avant pour faire accueillir sa réclamation,
aurait le même sort que le projet de Zacharie, projet que ses succes-
seurs, après soixante-dix ans, ne paraissent pas empressés d'exé'cuter .
malgré les énormes bénéfices que leur a procurés le canal de Givors.
Si la continuation du canal doit avoir lieu comme le commande
l'intérêt général, elle doit s'étendre au moins jusqu'à Saint-Etienne,
pour que les fabriques, les exploitations de mines et les hauts four-
neaux qui existent dans son territoire, puissent profiter de ce
nouveau moyen de transport.
Le péage demandé par la Compagnie est exorbitant. Ce n'est pas
la première fois que le commierce de Saint-Etienne a élevé ses
plaintes. A ce sujet, il a réclamé surtout lorsqu'en 1822 la Compagnie
du canal de Givors s'est, pour la première fois après quarante-deux
ans, prévalue des lettres patentes du 12 août 1779, qui. sans aucune
instruction préalable propre à garantir les intérêts du commerce,
doublèrent le droit de péage autorisé par celles du 6 septembre 1761.
Le droit primitif était d'im sou par quintal et par Jieue, y compris
les frajs de voiture ou de halage.
Le droit actuel que Von demande est d'un sou six deniers, ou de
deux sous y compris le halage^ c'est-à-dire 50 centimes par tonne de
1.000 kg. et par ^dlomètre.
Ce péage est si excessif qu'il excède de beaucoup les frais de
voiture par terre, il est cinq fois plus élevé que les droits perçus au
canal du Languedoc, au canal d'Orléans, au canal du Centre, et que
celui du chemin de fer.
Le tarif proposé n'est donc point en harmonie avec celui des autres
canaux et avec celui adopté par la loi du 14 août 1822.
Inutilement la Compagnie dit-elle^que la concurrence du chemin
de fer, en offrant au commerce un nouveau moyen de transport, lui
laisse toute liberté de choisir entre le service du chemin de fer ou
l'usage du canal, qui n'est point obligé.
TJn canal, pour être autorisé, ne doit pas seulement offrir un
avantage égal aux routes de fer ou de terre, il doit en offrir un plus
considérable ; s'il ne devait pas en résulter un avantage pour le
commerce et l'industrie, il n'y aurait pas un motif d'utilité publique,
le seul qui puis.se autoriser l'expropriation dos propriétaires dont
If's fonds et usines seront occupés ou asservis.
Plus inutilement encore dit-on que la partie (hi canal dont il
s'agit coûtera 1.600.000 franco.
D'autres Compagpiies pourront se charger de l'oiitreprise entière
et se contenter d'un péage plus modéré, la concurrence abaissera
les prétentions et stipulera en faveur du public.
On ne répondra rien à ra-s.sertion de la Compagnie d'avoir rendu
de grands semces au commerce et d'avoir fait de longs sncriflces,
— 618 —
il suffira de faire observer que chaque actionnaire a reçu annuelle-
ment 22.000 francs pour le versement d'un capital primitif de
36.000 francs (1), c'est-à-dire plus de 60 % des fonds employés. Si
elle a servi le commerce, elle en a reçu un ample salaire-
Par ces motifs, la Chambre est d'avis : 1° que la continuation du
canal de Rive-de-Gier à Saint-Etienne est une entreprise très utile
au commerce, aux fabriques et aux exploitations de mines, et qu<2
l'adjudication doit en être donnée, avec concurrence et publicité, à
celui qui se contentera du péage le plus modéré ;
2*^ Que ce serait entraver l'exécution de cette entreprise que
d'accueillir la demande de la Compagnie du canal de Givors, et de
borner la continuation du canal à l'étendue de 5.000 mètres de Rive-
de-Gier à la Grand'Croix ;
3« Que le péage demandé par cette Compagnie est exorbitant, sans
proportion avec le tarif des autres canaux ; que, bien loin d'être
concédé, il doit être fixé au maximum du tarif annexé à la loi du
14 août 1822, et susceptible d'être réduit par la concurrence des
soumissions.
Ont signé : le Maire, président : H. Royet, A. Colcombet, Joseph
Manaud, J.-B. Faure, Foujols-Benevend, Aimé Royet.
La continuation du canal de Givors jusqu'à Grand'Croix fut
autorisée par ordonnance royale du 5 décembre 1831, qui peirmit
à la Compagnie d'élever son tarif. Alphonse Peyret (p. 202-205)
a donné dans sa Statistique Industnelle une description des
plans et devis. Il regrettait que le canal ne fût pas continué
jusqu'à la Loire ou, du moins, jusqu'à Saint-Etienne. Il ne
croyait pas que les irésultats financiers de rentpeprise, ainsi
limitée, fussent avantageux pour la Compagnie. Le tonnage des
houilles transportées ne serait augmenté que de 100.000 tonnes
qui, au tarif autorisé et pour une distance de 3 kilomètres, ne
rapporteraient que 30.000 francs (10 centimes par tonne et par
kilomètre) et 23.000 francs au tarif qui était alors peirçu (0 fr.077
par tonne et par kilomètre) (2). En outre, le trafic à la remonte
eût été presque nul.
(1) Le Mémoire de Cailhava indique 15.0(X) livres (v. p. 134).
(2) La délibération précédente (1830; dit que le tarif demandé estait
de 1 sou 6 deniers (0 fr. 075) par quintal et par lieue, y compris ]e
halage, « c'est-à-dàre 50 centimes par tonne de 1.000 kilos et par kilo-
mètre », soit le double du tarif appliqué en 1830 (25 centimes).
Or, Alph. Peyret écrivait en 1835, et, d'après M Leseure (p. 166), peu
de temps après 1831 la Compagnie abaissa le tarif de 25 centimes à
12 centimes. Vers 1831-1832, le péage du canal de Givors éta't, par
tonne, de 3 fr. 90. Abaissé en 1833, il était, en 1835, de 2 fr. 10 (Lesetjre.
167168).
— 619 -
Alphonse Peyret prévoyait qu'un des principaux obstacles
viendrait des inondations, par suite de la filtration des eaux
dans un sol tourmenté par des tassiements et des fissures, et
du dérangement des maçonneries et des portes d'écluses occa-
sionné par les mouvements de terrains.
Ce fut la cause, en effet, de l'abandon, en 1841, de la section
Grand'Croix-Lorette et, en 1851, de l'abandon de la ser^-tuin
Lorette-Rive-de-Gieir. Les deux sections avaient (Mé acliovées
en 1839.
En 1830, on achevait le canal de Roanne à Digoin, décrété
en 1822. Cette décision motiva une pétition des exploitants des
mines pour prolonger ce canal jusqu'à Saint-Etienne. Les
motifs invoqiués et les projets de canal de la Loiire au Rhône
dressés sous la Restauration ont été exposés dans une notice
de M. Brossard, publiée dans VAnnnmre de la Loire en 1885
et tirée à part (i).
On s'occupait aussi du canal latéral au Rhône, encore au-
jourd'hui à l'état de projet. La Chambre consultative de Saint-
Etienne (22 octobre 1821) demandait qu'il n'y eût pasi de trans-
bordement à Givors. F^lle espérait que l'établissement du canal
latéral diminuerait les droits de navigation sur le Rhône.
J'ai signalé deux délibérations relatives au monopole des
crocheteurs ou débardeurs du canal de Givors. La première,
en 1830, se rapportait à une demande de la Compagnie du Canal
tendant à la suppression de ce monopole légal, établi en 1782,
OUI du moins une modification considérable dans les tarifs,
dont l'élévation gênait le trafic, ce que la Compagnie ne voulait
pas comprendre quand il s'agissait de ses propres tarifs. La
Chambre consultative était hostile, en principe, aux monopoles.
Mais il y avait une longue yx)ssession de fait et elle déclara
surseoir jusqu'à ce que le Préfet ait entendu la corporation.
\j<i deuxième délibération ast de 1832 P). Les crocheteurs
(1) Sur ho canal de Roanne à Digoin, voir : A. Pkyhkt, Statistique
industrirljr du Départ nue ut de la Loire, p. 2^.
(2) Et non 1K22, connue on l'a imprima inexactement dans mon
Histoire de la Chambre consultative (p. 93).
— 620 —
revendiquaient le monopole des manutentions, non seulement
sur le canal, mais pour le chemin de fer. Ils étaient de 150 à
200. La Chambre consultative donna un avis défavorable à cette
prétention excessive.
A la remonte du Rhône, des équipages de 80 chevaux hâtaient
quatre bateaux, chargés à 60 tonnes. Les remorqueurs de
Seguin et Montgolfier pour le halage à vapeur, sur le Rhône,
datent de 1828. Un remorqueur remontait trois bateaux entre
Givors et Lyon, portant 210 tonnes. Le coût, par tonne, était
descendu de 1 fr. 50 à 1 fr. (1).
M. Leseure a donné le détail des prix de transport, de Rive-
de-Gier à Lyon et à Mulhouse, vers 1831 et 1835 (p. 167-168).
Pour Lyon, ce prix ressortait à 4 fr. par tonne par le canal et le
Rhône, 3 fr. 90 par le chemin de fer et le Rhône, 4 fr. 80 par
le chemin de fer ; pour Mulhouse, à 31 ou 32 francs. La tonne
de malbroug'h (toutr- venant), valant à Rive-de-Gier, sur le port,
14 fr. 50, revenait ainsi, à Lyon, à 18 ou 19 francs ; à Mulhouse,
à 47 ou 48 francs.
Les bateaux du canal pouvaient descendre le Rhône. A cause
de cela et de routillage encore défectueux du chemin de fer
primitif, la déchéance de la voie navigable construite par
Zacharie se trouva retardée.
6 — LE CHEMIN DE FER DE SAINT-ÉTIENNE
A ANDRÉZIEUX DE 1823 A 1833.
Je réserve l'histoire des premiers chemins de fer pour un
ouvrage spécial. Comme ces chemins furent créés uniquement
pour le transport des charbons, il convient de citer l'opinion
des Corps représentatifs de l'industrie sur les demandes en
concession, et de considérer les tarifs et l'importance des
transports.
On a dit que le département de la Loire préféra les chemins
de fer aux canaux et que c'était pour ce motif que nous
(1) Leseure, p. 167.
--- fi21 —
attendions encore le canal de la Loire au Rhône. Si, au con-
traire, on avait demandé un canal plutôt qu'un chemin de fer,
6n aurait obtenu la voie fluviale et, plus tard, la voie ferrée.
Cette opinion est inexacte. Je n'en veux pouir preuve que
l'avis exprimé, le 18 octobre 1821, par la Chambre consul-
tative des Arts' et Manufactures de Saint-Etienne, sur la pétition
présentée au Ministre de rintérieur par MM. de Lur-Saluces,
Milleret et consorts, demandeurs en concession du chemin de
fer de Saint-Etienne à Andrézieux (l) :
La Chambre consultative des Arts et Manufactures de la ville de
Saint-Etienne s'est réunie souis la présidence de M. Royet, maire.
La Chambre consultative, qui s'était occupée dans plusieurs
séances de la discussion de l'avis qu'elle a à émettre sur la pétition
présentée à S. Ex. Mgr le Ministre de rintérieur, par MM. de Lur-
Saluces, Milleret et consorts, pour l'établissement d'un chemin de fer
de Saint-Etienne à là Loire, a continué cette discussion dans sa
séance actuelle. Elle a adopté la rédaction de son avis ainsi qu'il
suit :
La Chambre ne contestera point la grande utilité d'un chemin de
fer pour les exploitations qtii avoisinent la ville de Saint-Etienne.
Mais elle pense qu'on ne saurait nier que l'établissement d'un canal
ne présentât des avantag'es beaucoup plus étendus. Sans doute, un
canal coiitera plus qu'un chemin de fer ; mais, à ce sujet, la Chambre
croit devoir faire remarquer que l'on s'exagère les dépenses qu'un
canal peut entraîner, ainsi que les difficultés que présente sa
construction. Les travaux que viennent de commencer MM. les Ingé-
nieurs des Pontes et Chaussées fournissent déjà des données
susceptibles de redresser les faux calculs auxquels on s'est livré.
Aussi la Chambre croit-elle devoir demander, dans l'intérêt de la
contrée, et particulièrement dans celui de la ville de Saint-Etienne,
quii a besoin que les transports jusqu à la Loire, et réciproquement,
soient rendus aussi faciles et aussi économiques que possible,
qu'aucune décision définitive ne soit prise à l'égard de l'établisse-
ment du chemin de fer. avant qu'on ait réuni les données relatives
au canal que MM. les Ingénieurs des Ponts et Cljiaussées s'occupent
à rassembler, et qu'on ait balancé les deux projets.
La Chambre aurait désiré trouver dans la pétition de MM. de Lur-
Saluces, Milleret et consorts des explications sur le poiiit de départ
du chemin de fei-. afin de pouvoir juger s'il remplira éminemment
le but dans lequel on propose son établissement. Le défaut de ce
renseignement entrage la Chambre è demander que les' pétitionnaires
soient tenus de le fournir, et que leurs propositions ;\ cet égard
(1) Cettp f>>rrii)agnie avait ét-é formr-e par Beannier. iii^rénienr en rhof
des miiie-s à Sa'nt-Ktifrnio et (lirpctciii- de l'Ecole des Mineurs
— 622 —
puissent être débattues, tant par elle que par les ox[)loitants qui y
sont intéressés.
Les pétitionnaires s'engagent à opérer le transport des houilles
à trente pour cent au-dessous du prix actuel. Il est difficile de faire
une offre plus vague. D'abord, les prix varient sans cesse, puisqu'ils
sont subordonnés et à la valeur des denrées, et au plus ou moins
d'occupations des nombreux fermiers répandus dans le voisinage
de Saint-Etienne. Adopter une base pareille serait mettre les exploi-
tants à la merci des pétitionnaires, ou créer entre eux miatière
à mille difficultés. D'ailleurs, il est possible et même probable que
d'autres objets que des houilles seront transportés sur les bords de
la Loire, au moyen d'un chemin de fer, et rien, dans l'état des
choses, n'indiquerait à quel prix le transport doit sopérer. La
Chambre pense donc que le prix de toute espèce de transports à
exécuter au moyen du chemin de fer doit être établi à raison de
l'espace à parcourir et du poids à transporter.
La Chambre fera observer à ce sujet que, dans la pétition, on
exagère les résultats des prix de transport actuels sur la valeur de
la houille rendue sur les bords de la Loire. Car on expose que le
prix du transport triple le prix de la houille. Cette assertion n'est
pas exacte à l'égard de la houille menue ; à plus forte raison ne
l'est-elle pas à l'égard des autres qualités. La houille menue vaut
à la mine 45 c. la benne ; elle coûte communément de transport
65 c. Ainsi, elle vaut, rendue au port, 1 fr. 10, ou environ deux
fois et demie son prix à la mine. Mais cette proportion est bien
inférieure lorsqu'il s'agit des autres qualités. En relevant ainsi
l'assertion des pétitionnaires, la Chambre n'entend nullement
contester Futilité du projet ; mais elle le fait parce qu'elle croit
nécessaire que le Gouvernement ne reçoive que des renseignements
exacts.
Maintenant, si on examine que le transport des houilles de
diverses qualités de Saint-Etienne à la Loire n'est pas en dessous
de 400.000 bennes, on trouve que le prix de leur transport s'élève à
260.000 francs. Déduisant de cette somme 30 %, il resterait pour les
frais de transport par le chemin de fer 182.000 francs, somme bien
au-dessus de celle que doit produire un établissement qui, selon
toute apparence, n'exigera pas une mise de fonds de plus de
POO.OOO francs.
Les pétitionnaires proposent de considérer les chemins de fer
comme une sorte de caiiaux aecs. La Chambre adopte volontiers
cette dénomination, mais elle ne voudrait pas que le canal sec
projeté de Saint-Etienne à la Loire (1), ne fût exploité et parcouru
(1) Cette dénomination de canal sec, donnée au chemin de fer, a en-
traîné celle du port sec donnée aux premières gares. Par contre, on dilt
aujourd'hui gare d'eau pour .les ports fluviaux desservis par des voies
ferrées.
qu'au bénéfice exclusif d'une Compagnie, parce qu'encore une fois
elle pense que ce moyen de transport peut et doit s'appliquer à
plusieurs espèces de marchandises. Dès lors, elle demande qu'il en
soit usé ici comme dans les canaux ordinaires ; c'est-à-dire que
chaque particulier soit autorisé à se servir du chemin de fer pour
tel transport qu'il voudra y opérer, pourvu toutes fois quil
n'emploie que des chariots des formes et dimensioniS requises, qu'il
se soumette aux règlements adoptés pour les heures de départ et
de retour, et enfin qu'il acquitte les droits fixés par le tarif. Au
moyen de dispositions semblables, le chemin de fer méritera réelle-
nïent le nom de canal sec ; son utilité s'approchera autant que
possible de celle des canaux ordinaires, et, s'il est démontré que des
obstacles invincibles s'opposent à la construction d'un canal de
Saint-Etienne à la Loire, du moins on sera parvenu à obtenir dans
les moyens de transport et dans la modération de leurs prix toutes
les améliorations que le commerce réclame depuis longtemps.
La Chambre ne terminera pas son avis sans présenter une obser-
vation qu'elle croit de la plus grande importance, et qu'à ce titre
elle ose recommander à la sagesse du Gouvernement.
Dans toutes les circonstances semblables à "^lle qui se présente,
les tarifs sont calculés sur l'échelle de consommation la plus basse
et de manière à assurer à chaque Compagnie le juste dédommage-
ment qu'elle a droit d'attendre de sa mise dehors ; mais presque
toujours les résultats dépassent les espérances ; le commerce s'étend
à mesure qu'on facilite ses débouchés ; les bénéfices des Compagnies
s'accroissent en proportion et finissent par dépasser les bornes
qu'on aurait dû leur assigner. La Chambre demande que, pour
donner au chemin de fer toute l'utilité que le commerce a droit
d'en attendre, le tarif des droits soit susceptible d'être revisé tous
les dix ans, soit sur la demande du commerce, soit sur celle des
actionnaires. La justice de cette mesure, en garantissant tous les
intérêts, doit lui mériter l'assentiment général.
Signé : Antoine Thiollière-Npyron, Hippolyte Royet, maire ;
H. Peyret-Plotton.
1x3 17 avril 1S22, la Chambre consultative reconnaissait qiue
« réftablissemeait d'un chemin de fer de Saint-Etienne à la
F>oire était une entreprise capable d'influer d'une manière
sensible sur la prospérité de la ville de Saint-F.tienne et de ses
environs ». Mai? h cet avis, favorable en principe, se mêlaient
des restrictions.
L'établissement du chemin de for doit être utile sous rertaiîis
rapports, mais la plus grande utilité sera pour la Compagnie, qu'il
enricliira, et pour les provinces auxfiuellcs il fera parvenir nos
- 624 —
houilles à meilleur marché qu'elles ne sont actuellement. Ces avan-
tages seront-ils partagés par la ville de Saint-Etienne ? On peut dire
hardiment : non, en exceptant toutefois le petit nombre d'entrepre-
neurs d'exploitations qui ont intérêt à ce que leurs entreprises
prennent le plus de développement possible.
Il est difficile, dans l'état actuel des choses, de raisonner sur ce
que pourraient être les intérêts de la masse des propriétaires, si on
avait fixé les bases d'un bon système d'exploitation ; mais tout est
encore dans le vague à cet égard ; et même plus il va, plus il
semble que tout s'embrouille. En attendant, quel((ues propriétaires,
qui avaient pris les devants antérieurement à la loi du 21 avril 1810,
continuent seuls à exploiter ; d'autres propriétaires, jouissant de
fortunes considérables, ayant de vastes propriétés riches en tré-
fonds, ne peuvent obtenir la permission d'ouvrir aucune exploitation,
et ne savent quand et comment il sera fait droit à leurs demandes.
Ce n'est donc qu'un petit nombre d'exploitants qui peut avoir intérêt
à l'établissement du chemin de fer.
Tous les autres propriétaires ont un intérêt contraire, et, parmi
ces propriétaires, il faut mettre en première ligne les hospices de
Saint-Etienne, qui possèdent des biens considérables dans l'étendue
du territoire houiller, et particulièrement dans la banjlieue de Saint-
Etienne.
La Chambre faisait allusion au retard apporté à la déli-
vrance des concessions de mines. Elle prenait ensuite la
défense des fermiers ou paysans qui voituraient du charbon
et dont le chemin de fer allait supprimer l'industrie. J'ai cité
l'extrait de la délibération en parlant des transports par terre
(v. p. 609).
Maintenant, les inconvénients que Von vient de signaler seront-ils
coînjjensés par quelques avantages offerts, soit à la ville de Saint-
Etienne, soit aux propriétaires du territoire houiller, soit aux fer-
miers ? Le projet proposé n'en présente aucun.
S'il en résultait une diminution dans le prix des houilles que
consomment les manufactures de Saint-Etienne, ce serait sans doute
un objet à prendre en considération ; miais rien, jusqu'à présent,
ne doit faire présumer un pareil résultat. Car, si le prix des houilles
a augmenté dans des circonstances où l'exportation en a été res-
treinte par diverses causes, alors qu'elle se trouvera facilitée par la
l'éduction du prix du transport, il est plutôt à croire qu'il subira une
nouvelle augmentation. 11 est également raisonnable de supposer
qu'une grande exportation obligera bientôt les exploitants à attaquer
les couches inférieures des houillères, ce qui, en augmentant les
frais d'exploitation, contribuera encore à élever le prix des houilles.
Ainsi, sous aucun rapport, les facilités données à l'exportation
-^ — 625 —
n'offrent les moindres avantages au commerce de Saint-Etienn,€. Le
contraire est seul présumable.
Lors même qu'il serait vrai de dire que le prix de la houille
n'augmentera pas et que les manufactures sont désintéressées dans
la question, on ne saurait affirmer la même -chose des nombreux
artisans, tels que selliev^s, bowreiiers, inarécliauxt charrons et
autres, auxquels un commerce de transport considérable donne
nécessairement de V occupation et des moyens d'existence. Leur
ruine est la suite indispensable de rétablissement du chemin de fer.
Déjà on a établi que les propriétaires verraient les prix de leurs
fermes subir dénormes réductions, et que les fermiers perdraient
leur seule industrie. Or, on ne saurait apercevoir aucune compensa-
tion à d'aussi funestes résultats. Si on avait seulement l'espoir de
voir les contributions énonnes qui pèsent sur le canton recevoir un
allégement proportionné aux pertes qu'on essuiera, on trouverait là
un adoucissement aux maux qu'on redoute ; mais il n'en sera rien.
Les contributions de toute espèce continueront à accabler les pro-
priétaires et les fermiers, et tous les bénéfices de l'industrie qui les
soutenait passeront aux mains d'une Compagnie qui ne supportera
aucune des charges publiques.
Il ne saurait entrer dans les intentions de la Chambre de s'opposer
aux mesures qui tendent à faciliter le transport d'un objet de pre-
mière nécessité, tel que le combustible tiré des houillères, et à le
rendre nloins dispendieux pour les provinces qui en ont besoin. Sans
doute, la nature a fait beaucoup pour les habitants de Saint-Etienne,
en les plaçant sur l'un des territoires les plus riches en houille qui
existent, et ce serait de leur part le comble de la déraison et de
l'injustice que de vouloir se réserver à eux seuls la jouissance de
pareilles richesses. Mais ce serait aussi une mesure trop violente de
faire tourner contre eux les dons que la nature leur a faits^ et tel
serait à peu près le résultat de rétablissement du chemin de fer dans
l'état actuel des exploitations et dans le vague absolu des proposi-
tions et des prétentions de la Compagnie qui se présente pour
l'exécuter.
La Chambre consultative, instruite que le Conseil général du
département a pi-oposé d'ouviir la concurrence des soumissions
pour l'entreprise du chemân de fer, ne balancerait pas à appuyer
cette proposition s'il s'agissait d'un canal de navigation, parce
qu*wn canal, facilitant les transports dans tptis les sens» donne
miLssunce à une multitude d'industries (jui peuvent remplacer celles
qu'il a d'abord supprimées. Mais le chemin de fer, ne pouvant servir
qu'à l'exportation des houilles, anéantit une industrie considérable
sans offrir amiino couipeusation quelconque.
Ainsi, dans l'intérêt des nombreuse.s manufactures de cette ville,
dans celui des propriétaires du territoire houilier. et spécinlomeiit
des hospices de Saint-Ktienne. dans relui tU'^^ fermiers qui s'occupent
- 626 —
au transport des liouilles et des artisans dont lindustrie est liée
à celle des fermiers, la Chambre consultative croit devoir demander :
1° Quavant de statuer sur rétablissement du chemin de fer, il
soit enfin statué sur les nombreuses demandes en concession de
mines qui ont été formées par les divers propriétaires, depuis dix
ans et plus, et que l'on fixe la quantité de puits qui devront être
rigoureusement tenus en état d'exploitation ;
2° Que les bases d'après lesquelles la Compagnie du chemin de
fer sera formée et le tarif d'après lequel elle sera autorisée à perce-
voir, soient rendus publics, afin d'être soumis à la discuission, tant
des autorités locales que de tous les intéressés ;
3« Qu'au nombre des conditions de la concession, il soit imposé
celle d'acquitter la contribution foncière de l'entier chemin, à la
décharge du canton de Saint-Etienne, et celle que le directeur de
la Compagnie devra avoir un domicile à Saint-Etienne, pour y
acquitter, au nom de la Compagnie, sa part des contributions
publiques assignées à ladite ville ;
4« Que le tiers des actions de la Compagnie soit affecté, par
préférence à tous autres, aux propriétaires et fermiers du canton
houiller de Saint-Etienne payant au moins cent francs d'impôt ; et
que l'Administration des hosipices soit spécialement autorisée à
prendre de ces actions dans la proportion de la contribution foncière
des biens qu'elle possède dans ledit canton, à moins que l'on ne
préfère lui céder gratuitement le nombre d'actions qui sera jugé
convenable pour l'indemniser de la réduction de ses fermages ;
5*^ Enfin, qu'attendu que les fonds que le chemin de fer est dans
le cas de parcourir sont des prairies de première qualité du pays,
et que des experts munis de connaissances locales sont seuls à
même d'apprécier, il soit expressément statué, sans égard à la
demande de la Compagnie, que les estimations des indemnités de
dépossession seront faites conformément à la loi du 8 mars 1810. -
Signé : Hippolyte Royet, maire ; Eustache Thiollière-Neyron,
A. -P. Praire, Gerin, H. Peyret-Plotton.
Les passages en italiques me dispensent d'insister sur les
motifs qui inspiraient les membres de la Chambre consultative,
dont trois appartenaient à l'industrie des rubans, deux à celle de
la quincaillerie : le souci de voir de nombreux artisans ruinés
parce que leur clientèle était celle des voituriers, le souci de
ne pas favoriser l'exportation d'un objet de première nécessité
comme le charbon, souci qui avait inspiré la création de la
Réserve de 1702 autour de la ville, le regret de ne pas voir
préférer un canal au chemin de fer.
— 627 —
Le regret de ne pas voir entreprendre un canal fut exprimé
encore le 2 août 1822. :
Dans sa délibération du 16 octobre 1821, la Chambre a appelé
l'attention du Gouvernement sur les avantages d'un canal, bien
supérieurs à ceux du chemin de fer. Elle ne doit pas laisser
échapper la circonstance présente pour faire remarquer que l'utilité
de ce chemin sera bien circonscrite, tant qu'on n'aura pas exécuté
un canal latéral à la Loire de Ddgoin à Andrézieux. Ce canal est le
complément nécessaire de celui qui va être entrepris de Briare à
Dtigoin.
La Chambre regrettait aussi qu'on n'ait pas accordé encore
les concessions de mines.
Elle était satisfaite du choix du point de départ et du pomt
d'arrivée du chemin de fer projeté.
La Compagnie du chemin de fer n'avait point expliqué quel en
serait le point de départ. Dans sa délibération du 16 octobre 1821,
la Chambre a demandé une explication à ce sujet. On a désigné le
lieu appelé le Pont-de-rAne, sur la route de Saint-Etienne à Lyon,
pour point de départ, et pour point d'arrivée le sommet des
magasins établis au port d'Andrézieux, de manière à ce que des
embranchements particuliers donnent les moyens de vuider la
houille dans chaque magasin particulier. Cette explication a paru
à la Chambre satisfaisante pour l'intérêt des principales
exploitations.
La Chambre consultative discuta le tarif pi-oposé, repoussa
la comparaison avec le tarif exagéré du canal de Givors et basa
se6 propres propositions sur le coût du transport par terre, qu'il
fallait, réduire de 30 %. Le taïux auquel elle s'arrêta était de
0 fr. 017 par hectolitre de houille et par kilomètre. Mais comme
ce taux ne comprenait ni le chargement, ni le déchargement,
qu'opérait le voiturier, la Chambre posa le principe du droit
d'embranchement. Cette délibération était mêlée de regrets sur
la perte que le chemin de fer allait causer à la ville de Saint-
Etienne 1
I/e chemin de fer, construit pour expédier de la houille,
devait ramener des matériaux de construction au tarif, proposé
par la> Chambre, de 0 fr. 01 par hectolitre et par 1.000 mètres.
Le tarif devait être revisé tous les dix ans.
La Compagnie avait d'abord offert d'exérut<er le transport de la
houille avec un rabais de trente pour cent sur les pnix actuels.
— 628 -
Mais elle ne s'était point expliquée sur ce qu'elle entendait par ces
mots prix actuels. La Chambre consultative s'est plainte du vague
de ces expressions ; depuis, la Compagnie a ojfert d'opérer le trans-
port moyennant deux ceiUimes par hectolitre et par mille mètres, et
en taisant cette offre, elle l'a accompagnée de l'observation que ce
prix est inférieur d'un tiers aux frais supportés jusqu'à ces
dernières années par la navigation du canal de Givors.
Avant de discuter l'offre de la Compagnie, la Chambre consultative
croit devoir faire remarquer, au sujet de l'observation qui raccom-
pagne, que les frais de navigation du canal de Givors sont exagérés
et hors de toute proportion avec ceux de tous les autres canaux du
royaume ; que cette assertion est prouvée, et par les mémoires qui
ont paru depuis quelques mois, et surtout par la conduite du
commerce, qui n' emprunte la voie onéreuse de ce canal que lorsqu'il
ne peut pas mieux faire ; qu'ainsi la Compagnie du chemin de fer,
en prenant les frais de navigation du canal de Givors pour point de
comparaison, part d'une base que les intérêts du commerce ne
permettront jamais d'admettre.
Maintenant, quel serait le résultat de l'admission de loffre de la
Compagnie ? Un char attelé d'un cheval transporte dix hectolitres
de houille. Ce serait donc vingt centimes par 1.000 mètres. La
distance à parcourir du Pont-de-l'Ane à Andrézieux est évaluée à
17.000 mètres. Ainsi le transport d'iin char de houille partant de ce
point reviendrait à 3 fr. 40. Les principales mines actuellement en
exploitation se trouvant d'au moins 1.000 mètres plus rapprochées
d' Andrézieux, le transport des 10 hectolitres reviendrait pour elles
à 3 fr. 20.
Ces prix offrent-Us un rabais de 30 % sur les prix actuels ? La
Chambre consultaUve dit affirmativement .- non. En effet, s'il est
vrai de dire que les pnix du transport dun char de 10 hectolitres
ont varié, et qu'ils se sont élevés jusqu'à 5 francs pour une distance
moyenne (comme de 16.000 mètres), il ne l'est pas moins que ces
prix ont duré peu de temps ; que la concurrence en a bien vite
opéré la réduction ; que, depuis deux à trois ans, ces prix ne se sont
guère élevés au-dessus de 3 fr. 50, et que, depuis assez longtemps, ils
sont tombés à 3 francs. Après avoir consulté les principaux extrac-
teurs de la banlieue, la Chambre consultative s'est assurée que le
prix du transport d'un char de iO hectolitires devait être fixé au taux
moyen de i francs, et cela tant dans l'intérêt du voiturier que du
propriétaire extracteur. Elle prendra ce prix pour base de ses
calculs.
Un rabais de 30 % sur ce prix porte les frais de transport de
10 hectolitres- à 2 fr. 80 ; un rabais du tiers les réduit à
2 fr. 66 c. 7/10. En comparant ces rétsultats avec ceux qu'on obtient
en portant le prix du transport à 2 centimes par hectolitre et par
1.000 mètres, on voit que la moindre différence est de 40 centimes. Elle
est trop considérable pour pouvoir être négligée. Il ne serait, ni
dans lintérêt de la Compagnie, ni dans celui des propriétaires,
qu'on acquiesçât à une pareille demande ; d'abord, quant à la
Compagnie, parce qu'elle ne saurait espérer de retirer quelque
profit de son entreprise qu'autant qu'elle offrira un certain avantage
et que, par là, elle anéantira la concurrence du transport par la
voie ordinaire * et, quant aux propriétaires dont les fonds seront
traversés par le chemin de fer, parce qu'il serait on ne peut plus
désagréable pour eux de faire la cession d'une portion de leurs
inmieubles pour un chemin qui ne présenterait qu'une utilité très
circonscrite et presque problématique.
En partant de ces données, la Chambre consultative pense que le
prix du transport d'un he'(^tolitre de houille ne saurait sans incon<vé-
nient être fixé au-dessus d'un centime et sept dixièmes par mille
mètres. Et, en proposant cette fixation, non seulement elle est
persuadée que la Compagnie fera un bénéfice considérable, mais
elle pense que ce prix ne doit être accordé que sous certaines condi-
tions, dont elle expliquera tout à l'heure les motifs.
Au moyen du prix qui vient d'être indiqué, on voit que le prix du
transport de 10 hectolitres reviendra, pour un espace moyen de
16.000 mètres, à 2 fr. 72. Cette somme surpasse de 5 c. 3/10 le prix
de 4 francs, réduit d'un tiers. Elle est inférieure de 8 c. à ce même
prix réduit de 30 %. Il est difficile de se rapprocher davantage des
offres faites par la Compagnie.
Maintenant, il est indispensable d'expliquer que le voiturier qui
opère le transport de iO hectolitres de houille pour 3 francs en fait
lui-même le chargement à la bouche du puits et le déchargement
aux magasins du propriétaire ; de sorte que celui-ci n'a aucuns
frais accessoires à payer. Si donc la Compagnie n'en agissait pas
de la même mamère, si elle n'allait pas prendre la houille à la
bouche des puits, si elle n'en faisait pas opérer le déchargement
dans les magasins à Andrézieux, ou si elle exigeait pour tout cela
un surcroît de frais, alors ce ne serait plus 1 c. 7/10 qu'il convien-
drait de lui allouer, mais un prix bien .inférieur.
Pour pouvoir opérer le chargement à la bouche des puits^ il faut
que des embranchf^ments y soient dirigés. Sans doute, on ne peut
raisonnablement exiger que la Compagnie fasse cette dépense à la
volonté de chaque propriétaire extracteur ; mais lorsque celui-ci
se soumettra à fournir une exportation de 300 hectolitres par four,
la Compagnie ne doit pas pouvoir se refuser à sa demande.
Dans sa délibération du 17 avril dernier, la Chambre consultative
a consigné ce fait important que l'établissement du chemin de fer
déplacera et anéantira même une industrie considérable ; que le
pnix des fermes, dans toute la banlie^ie, ne peut manquer d'éprouver
une réduction proportionnée aux pertes que les fermiers vont
essuyer Elle a fait remarquer que les avantages résultant de la
modéralion du. prix du transport de la Iiouille de Saint-FAienne au
port d'embarquement ne pouvaient être partagés que pctr les
41
— 630 —
comommatieurs et par les exploitants, qui sont actuellement en
petit nombre. Quant aux bénéfices résultant de Ventreprise du
chemin de fer, personne ou presque personne dans la ville de Saint-
Etienne ou sa banlieue n'y participera^ ou n'est appelé à y parti-
ciper, puisque rien n'annonce que l'entreprise doive être adjugée à
la Compagnie qui fera les offres les medlleures. Ainsi, la ville de
Saint-Etienne et sa banlieue vont perdre annuellement des sommes
considérables, et aucun dédommagemeni ne leur est offert.
Depuis qu'il existe une communication facile avec Andrézieux, il
se rend journellement à Saint-Etienne une quantité considérable de
chaïuc de Sury. Le sable nécessaire pour les constructions est rare à
Saint-Etienne, cher et de mauvaise qualité. Les voituriers ont eu
quelque peine à se mettre en usage de faire des retours d' Andrézieux
en sable de la Loire. Aujourd'hui, il arrive journellement une
grande quantité de voitures chargées de sable, et déjà la
concurrence en a fait baisser le prix. Si aucune obligation n'est
imposée à la Compagnie du chemin de fer pour le transport de ces
objets et autres analogues, il est évident que la ville n'aura plus
aucun moyen de se les procurer à bas prix, dès le moment où il
n'existera plus aucune voiture qui ait des retours à faire en ces
objets. Mais, comme ils sont en eux-mêmes de peu de valeur, ce
ne serait accorder à la ville aucun avantage que de les taxer à
l'égal de la houille. En demandant, ainsi que la Chambre le fait
ici d'ime manière expresse, que la Compagnie contracte l'obligation
de former ses retours en \chaux, pierre à chaux, sable, cailloux: et
autres objets analogues au prix d'un centime par hec'tolitre et par
i.OOO mètres, et avec la condition de ne pouvoir refuser le charge-
ment de ces objets toutes les fois que leur poids n'excédera pas le
quart du poids du chargement à la descente de Saint-Etienne à
Andrézieux, elle croit ne solliciter qu'un bien faible dédommagement
des pertes que la ville va essuyer par suite de l'établissement projeté.
D'ailleurs, il est d'usage que le transport de ces objets par les
canaux ne soit assujetti qu'à un droit extrêmement modique ; ainsi
la Chambre ne réclame rien que de bien juste, et l'intérêt de la
Compagnie s'y trouvera, puisqu'elle est assurée d'avoir des retours
constants, dès le moment où elle versera les divers matériaux sur
le marché de Saint-Etienne à un prix qui permettra d'en faire
emploi.
Mais on ne peui imposer une pareille obligation à la Compagnie
sans l'astreindre à former un embranchement qui se dirige sur la
ville de Saint-Etienne. Cette seconde obligation est une conséquence
de la première, elle ne doit point être à charge à la Compagnie,
parce qu'il est bien constant que de Saint-Etienne même il pourra
partir tous les jours des chargements, non pas seulement en houille,
mais encore en pierres de taille, en briques, tuiles, carreaux, etc.,
destinés pour la plaine du Forez. A quel lieu aboutira un pareil
embranchement ? La Chambre consultative n'entreprendra pas de le
— 631 —
décider. Elle pense que la Compagnie devra s'entendre à cet égard
avec l'Administration municipale.
Indépendamment de ces diverses conditions particulières à l'éta-
blissement dont il est ici question, il en est une multitude d" autres
que l'on est dans le cas d'imposer à toute Compagnie qui entreprend
d'exécuter à ses frais une communication quelconque. Le cahier
des charges qui les contiendra sera-t41 rendu public ou soumis au
moins à la discussion des a;utorité,s locales ? Rien ne le fait encore
pressentir, mais, s'il en est autrement, comment seront garantis
des intérêts de localités dont à Paris on ne peut avoir la moindre
notion ?
Ce qui se passe actuellement au sujet du canal de Givors
démontre la sagesse de la loi qui fixe à des époques rapprochées la
revision des tarifs des canaux. La Chambre consultative a déjà
demandé qu'il soit procédé^ après un intervalle de dix ans, à la
revision du tarif du chemin de fer. Elle persiste dans cette demande
et elle pense que l'intérêt puhlic exige que ce délai ne soit pas
davantage prolongé.
En se résimiant, la Chambre consultative est d'avis : 1° que le
prix du transport d'un hectolitre de houille soit fixé à un centime
sept dixièmes par mille mètres, sous les conditions expresses
d'opérer pour ce prix le chargement de la houille à la bouche des
puits et son déchargement dans les magasins, de faire, en consé-
quence, tous les embranchements nécessaires et particulièrement
ceux (]ui seront réclamés par des extracteurs qui garantiront une
exportation de 300 hectolitres par jour ;
2° Que le prix du transport des matériaux, tels que chaux, pierre
à chaux, sable et cailloux, et autres analogues, dans le cas d'être
chargés à Andrézieux pour Saint-Etienne, soit fixé à un centime par
hectolitre et par mille mètres, avec l'obligation d'effectuer ce trans-
port dans la proportion du quart des chargements ordinaires, et
de former un embranchement qui aboutira dans la ville de Saint-
Etîenne ;
.3« Que le cahier des charges soit, avant toute adjudication défini-
tive, soumis à la discussion des autorités locales ;
4« Qu'il soit expressément statué que le tarif du chemin de fer
sera revisé après un intervalle de dix ans, conformément aux dispo-
sitions de la loi du 30 floréal an 10.
Si^é : Hippolyte Royet, maire ; II. Peyret-Plotton, Oerin.
Eustache Thiollière-Neyron, J.-B. Lamotte aîné .
Tel fut l'avis exprimé, au nom du commerce et de l'in-
dustrie de Saint- Etienne, sur la construction du premier
chemin de fer de France. La Chambre consultative des Arts et
Mamifactures ne comptait, parmi ses membres, aucun repré-
sentant des mines, qui, alors, n'étaient pas considérées comme
une industrie, mais comme une exploitation se rattachant à
celle du sol, le propriétaire de la surface étant propriétaire du
tréfonds. Elle avait comme président le maire Hippolyte Royet,
un des magistrats municipaux les plus remarqiuable-s qu'ait
possédés notre ville. Toutes ces délibérations, dont l'importance
historique est considérable à cause du sujet et que je reproduis
pour ce motif, étaient marquées au coin du bon sens stéphanois,
sens laborieux, un peu timoré, incliné vers les transformations
justifiées par l'expérience, mais non vers les innovations
hardies.
La concession du chemin de fer de Saint-Etienne à An-
drézieuK fut délivrée par ordonnance royale du 26 février 1823
à MM. de Lur-Saluces et consorts, sous le titre de « Compagnie
du chemin de fer ». La concession était perpétuelle. Une or-
donnance du 30 juin 1824 approuva le tracé. Une a/utre ordon-
nance du 21 juillet 1824 autorisa la constitution et approuva
les statuts de la Société.
Le tarif kilométrique légal ou maximum fut fixé à 0 fr. 0186
par quintal de 50 kg. de marchandises ou par hectolitre de
houille (75 à 80 kg.). Il oscillait donc entre 0,2325 ou 0,248 par
tonne kilométrique pour les charbons, et 0 fr. 372 pour les
autres marchandises. Mais la Compagnie appliquait, en 1834,
un tarif uniforme de 0 fr. 19 (i).
Ce chemin de far partait du Pont-de-l'Ane et son parcours
représentait 17.695 mètres. On voit encore la gare d'Andrézieux
(maison Riboulon) près du pont, et une partie de l'ancienne
ligne, qu'on appelle les « voies basses >> et qui sert au transport
des sables.
Un embranchement de 2.249 mètres partait du Marais et des-
servait les mines du Treuil, du Soleil, de Bérard et du Gagne-
Petit.
La construction de cette première voie ferrée coûta 2.087.000 fr.
Le produit net de l'exploitation correspondit à 4 % du capital.
(1) Elle abaissa le tarif d'abord à 23 centimes à la descente, puis à
19 et finalement à 15 (descente et remonte). Le tonnage transporté fut
de 20.000 tonnes en 1830, 45.000 en 1832, 60.000 en 1833, 76.000 en 1835,
110.000 en 1837 (voir Alph. Peyret, Statistique, p. 206 et 227 ; Delestrac,
Les premiers chemins de fer de la Loire, \. F. A. S., 1897, 2® volume,
p. 499 ; Leseure, Historique, p. 190).
— 633 —
La ligne fut ouverte le i""" octobre 1828. Les transports s'effec-
tuèrent au moyen de chevaux, divisés en quatre ou cinq relais.
On mettait deux heures pour descendre, quatre pour remonter.
Ce mode de transport coûtait 0 fr. 04 par tonne kilométrique à
la Compagnie. Celle-ci possédait, en 1835, 270 wagons cubant
chacun 3 mètres et contenant 2.400 kg. de charbon.
A partir de 1832, la Compagnie transporta des voyageurs. Les
locomotives ne furent employées qu'en 1844.
Le l*"" juin 1833, cette ligne fut reliée au chemin de fer de
Saint-Etienne à Lyon, et le 15 novembre suivant, au chemin de
fer d'Andrézieux à Roanne.
§ 7 - LE CHEMIN DE FER DE St-ÉTIENNE A LYON
de 1823 à 1833
L'ordonnance royale instituant la concession du chemin de
fer de SaintrEtienne à la Loire était à peine rendue, que la
Compagnie demanda à être autorisiée à construire la seconde
partie de ce chemin, sur le versant du Rhône, à partir du Pont-
de-l'Ane et par Saint-Chamond et Rive-de-Gier.
La Chambre consultative des Arts et Manufactures de Saint-
Etienne, le 28 octobre 1823, déclara qu'elle n'avait pas à déli-
bérer sfur l'utilité de cette ligne :
Les mêmes motifs qui ont déterminé la concession dti chemin de
fer de Saint-Etienne à la Loire doivent faire adopter le projet de
la prolongation de ce chemin au Rhône. L'utilHé de ce chemin est
parfaitement démontrée. L'ordonnance royale qui a autorisé la
concession de la première partie de ce chemin ne laisse aucun
doute à cet égard, parce qu'il est de principe que des entreprises
de ce genre ne peuvent être autorisées que pour cause d'utilité
publique. Ce serait donc remettre en problème une question déjà
jugée.
La partie du chemin de fer sur le versant du Rhône n'offrirait
pas moins d'avantages pour le transport de la houille et des mar-
chandises de toute espèce. Aux mêmjes avantages se joindrait celui
d'établir une concurrence désirable avec les droits de navigation sur
le canal do divors, (pii sont à un taux r-xnriiitnnt.
— 634 -
Mais la Chambre consultative insistait surtouit pour que les
prix de transport soient inférie^urs à ceux de la voie ordinaire :
Il paraît donc superflu d'agiter la question de Tutilité d'un
chemin de fer qui ne peut, être contestée et qui est généralement
reconnue. Mais, dans l'état, il faut que l'intérêt public ne soit pas
compromis. S'il est de toute justice de faciliter et d'encourager
des entreprises de ce genre, il est nécessaire que les bénéfices des
entrepreneurs n'excèdent pas leur juste proportion avec les frais
de construction et d'entretien du chemin proposé ; il faut surtout
que les prix de transport par cette voie soient inférieurs à ceux
établis par la voie ordinaire. Ce doit être la première condition
pour l'admission de l'entreprise. Cette vérité est si bien reconnue
et si palpable qu'il n'est pas besoin de chercher à l'établir, et
MM. les actionnaires l'ont si bien senti qu'ils ont offert un rabais
de trente pour cent sur les prix actuels.
^ La Chambre n'examinera point si les actionnaires auraient pu
faire une offre plus avantageuse, elle consentirait volontiers à un
tarif fait dans cette proportion. Mais il serait facile de démontrer
qu'elle n'a pas été observée dans l'allocation d'un centime 86 cen-
tièmes de centime, par mille mètres de distance et par hectolitre
de houille. On peut même aller plus loin et soutenir que ce tarif
dépasserait de beaucoup les prix actuels, lors même que les lignes
à parcourir ne se prolongeraient pas, pour la première partie du
chemin de fer, au delà de 18000 mètres, et, pour la seconde, au
delà de 40.000 mètres ; comme encore, dans le prix actuel du trans-
port, les voituriers sont tenus des frais du chargement et décharge-
ment des voitures, et l'ordonnance garde le silence à cet égard,
cependant il convient que les actionnaires s'expliquent sur cet
objet, parce qu'il importe de ne rien laisser pour l'avenir à
l'arbitraire, ni matière à la moindre contestation.
La Chambre a donc Phonneur de représenter que, si la seconde
partie du c^hemin était concédée aux mêmes clauses et conditions
que la première, cette concession deviendrait plus onéreuse que
profitable, et ne pourrait obtenir son assentiment.
Les propriétaires verraient avec peine d'être dépouillés 9e leurs
propriétés, sans aucun but réel d'utilité publique.
Dans l'état, elle croit devoir se reporter aux avis par elle émis
dans ses délibérations précédentes, et notamment à celle du 2 août
1822, en persistant dans les amendements qu'elle a proposés, et qui
sont la garantie des droits réciproques des propriétaires extracteurs
et de la Compagnie.
Le il mars 1826 — près de deux ans après la délibération
précédente — la Chambre consultative prit connaissance du
cahier des charges de la ligne à construire. Elle considéra réta-
blissement de ce chemin comme la mesure la plus utile qui
— 635 —
pouvait être prise dans l'intérêt du commerce de l'arrondis-
sement. Elle protesta contre toutes les démarches de la Com-
pagnie du canal de Givors pour empêcher ou retarder la oon-
straction de cette ligne (v. p. 614). Une délibération analogue fut
prise le 16 mai de la même année (v. p. 615). Cette délibération
était une approbation de la pétition d'un grand nombre de pro-
priétaires, fabricants et manufacturiers, adressée aux députés
de la Loire.
L'adjudication de la ligne avait été passée le 27 mars 1826 à
la Compagnie Seguin frères, Biot & C'^ (i). Elle fut homologuée
par ordonnance royale du 7 juin 1826. Les statuts de la Société
furent approuvés le 7 mars 1827.
Le 20 novembre 1828, la Chambre consultative avait à se
prononcer sur le choix des ports secs^ ou points de chargement
et de déchargement. L'exposé du Mairei explique l'origine du
fameux port seo de Bérard, qui existe encore et qui n'est pas
près de disparaître, car sur ce port se trouvent les principaux
magasins d'alimentation, les Magasins Généraux, TEntrepôt des
Douanes. Cet exposé est aussi la justification renouvelée du
droit d'embranchement, avec la conception simpliste de la fa-
culté pour l'industriel expéditeur d'atteler ses chariots (ou
wagons) à l'un des convois de la Compagnie, en la prévenant
un peu à l'avance, et de les en retirer au. point qu'il choisira
lui-même.
Le chemin de fer de Lyon, comme celui de la Loire, devait
partir du Pont-de-l'Ane, à 2.400 mètres de la ville. Mais la
ligne de Lyon pénétrait ensuite joisquà Bérard (2). La ligne
d'Andrézieux traversait la plaine du Treuil. Joindre Bérard
au Treuil, c'est-à-direétablir une jonction en un point rapproché
de la ville et très accessible, c'était faciliter le oomimercc - on
n'envisageait pas encore le transport des voyageurs — et éviter
une grande partie du voiturage par terre.
J'ai entendu souvent critiquer l'établissement de la gare à
Chflteaucreux, entre Pont-de-l'Ane et Bérard {où elle fut d'abord
(1) Les cinq frères Seguin faisaient partie dp la Société. Blot était
le fils du savant physicien (Chomienne, Histoire de nive-de-Gier).
(2 f.a prare était au n° 27 de la rue <lc la Montât, où on a plarîé
récemment une plaque commémorative, qui attend encore son inau-
guration.
— 636 —
établie). On aurait voulu voir cette gare dans la plaine du Treuil,
qui fut couverte en grande partie, depuis cette époque, par la
construction de la Manufacture nationale d'Armes et par les
Abattoirs. C'était là son emplacement naturel, emplacement
proposé par la Chambre consultative des Arts et Manufactures
et pair le Maire de Saint-Etienne le 20 novembre 1828.
Voici cette délibération :
La Chambre consultative des arts et manufactures de la ville de
Saint-Etienne s'est réunie dans le lieu ordinaire de ses séances,
ensuite d6 l'autorisation contenue dans la lettre de M. le Préfet
de la Loire du 9 juin dernier. Etaient présents : MM. Lamotte,
Monaud, Royet aîné, Faure et Salichon.
M.' le Maire, président, a dit : Messieurs, la Compagnie du
Chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon a soumis à l'approbation
de M. le directeur général des ponts et chausséesi les plans du lieu
de chargemient et de déchargement de ce chemin pour le service
de la ville de Saint-Etienne. Mais avant de prendre une décision à
cet égard, M. le directeur général a demandé, par sa lettre du
6 juin dernier, l'avis de la Chambre consultative, afin de savoir si
le lieu désigné par la Compagnie est favorablement situé pour le
commerce.
Pour que la Chambre puisse émettre son opinion sur cette affaire,
j'ai fait dresser un plan des lieux présentant les changements qu'il
m'a paru nécessaire d'apporter, dans l'intérêt public, au projet
conçu par la Compagnie. Je vais vous faire connaître les motifs
qui m'ont déterminé à proposer ces modifications.
Le port sec ou le point de chargement et de décliargennent parti-
rait, d'après ce projet, du boulevard de la Montât jusqu'à la
rencontre de la branche du chemin de fer de la Loire au lieu de
Bérard ; il aurait dans toute son étendue une largeur de 20 mètres,
y compris deux rues latérales, destinées à en faciliter les abords.
Mais il est possible que, par la suite, le port sec doivent être pro-
longé jusqu'à la rencontre du chemin de Monteil ; dans ce cas, il
est nécessaire que la Compagnie Seguin soit autorisée et assujettie
à couvrir le chemin de fer de la I^ire, non pas seulement dans la
largeur du nourveau chemin, mais dans une étendue de 20 mètres,
pour pouvoir étendre plus loin le lieu de chargement, si ce prolon-
gement est reconnu ultérieurement nécessaire.
Le quartier de la Montât et ses environs prennent depuis peu de
temps un accroissement extraordinaire de population et de cons-
tructions. Les boulevards projetés, l'établissement des magasins de
la Compagnie et du port sec vont augmenter la tendance qu'a ce
faubourg à s'agrandir et se développer. Déjà la nécessité d'ouvrir
de nouvelles communications se fait sentir ; le plan que j'ai fait
— 637 —
dresser indique les rues que l'on ne peut tarder de livrer aux
besoins de la circulation. La Compagnie Seguin doit consentir,
sans indemnité, à ce que les rues transversales que l'administra-
tion pourrait faire ouvrir, quelle que soit leur largeur, traversent le
port sec. Ces rues, loin de porter préjudice à la Compagnie, servi-
raient au contraire à rendre l'accès du port plus commode, et à le
dégager dans tes cas d' encombrement.
Il est une autre obligation à laquelle la Compagnie devrait être
soumise, ce serait de donner aux propriétaires bordant le port sec
dans toute son étendue le droit de charger au devant de leur pro-
priété sans pouvoir être tenus de transporter leurs marchandises
dans les magasins.
Il est indispensable dapporter une légère modification dans la
construction des magasins de chargement et de déchargement
projetés ; si ce changement n'avait pas lieu, il en résulterait que
le boulevard serait jeté sur la montagne voisine où le tracé serait
difficile et coûteux. Il conviendrait, dès lors, de rectifier l'angle
foraié par l'axe de ces magasins, de manière qu'il coupe à angle
droit celui du chemin de fer.
Afin de faciliter aux grands établissements qui se trouvent dans
les points intermédiaires, entre deux lieux de chargement, le
mouvement de leurs produits et matières premières, il est juste
que la Compagnie soit assujettie à laisser pratiquer par ces établis-
sements des embranchements qui conduiront dans leurs mines et
magasins, et à se charger des matières et marchandises dont ils
voudront lui confier le transport, sous les seules conditions de
fournir un tonnage de 7.500 tonnes par an au plus, et de payer le
prix du transport comme si la distance entre les deux lieux de
chargement était entièrement parcourue.
Inutilement la Compagnie Seguin dirait-elle qu'elle n'est pas
tenue d'établir des bureaux et entrepôts sur chacun des points où
les manufacturiers ou exploitants voudront établir des embranche-
ments. Il ne s'agit pas ici d'obliger la Compagnie d'avoir des
entrepôts et des bureaux. Le service des embranchements peut ?e
faire sans commis ni entrepôt. L'expéditeur qui veut réunir à l'un
des convois de la Compagnie un ou plusieui's chariots, en prévient
I<'s employés de l'entrepôt le plus voisin. Le convoi part avec
autant moins de chariots qu'il en doit prendre sur la route. Dans
ce cas, il est juste que la Compagnie reçoive le prix du transport
tout comme si le chariot était parti de rentre])ôl
La Compagnie se plaindrait-elle de ce (jue la réunion au convoi
des chariots amenés par les embranchements entraînera quelque
retard dans la marche du convoi ? Mais pour éviter un léger
inconvénient faut-il priver les exploitants de ruines et les manufac-
turiers qui se trouvent à la proximité du chemin de fer des
avanUiges (jue leur offre ce nouveau moyen de transport ? C'est
dans l'intérêt public que le Gouvernement autorise re.xpnypriation
— 638 -
des terrains nécessaires à la construction d'une route de fer. Il
faut que le public et les propriétaires expropriés retirent de cette
voie nouvelle toute l'utilité qu'elle peut présenter.
Les précédents ne sont pas nombreux en France, mais ils le sont
beaucoup en Angleterre. Tous sont favorables à la faculté
d'établir des branche® de chemins de fer qui se rattachent au tronc
principal. La Compagnie Beaunier (1) les permet à tous les
propriétaires riverains qui peuvent en retirer un avantage. Elle se
charge des transports sur quel point du chemin que les chariots
soient chargés {sic). En Angleterre, ainsi que l'atteste Tredgold
(page 30), les principaux chemins de fer sont joints à quantité de
chemins particuliers qui communiquent aux forges et aux mines
de houille ou de fer.
De même que les chariots chargés doivent être admis sur le
chemin de fer sur quel point que ce soit, il doit être permis aux
expéditeursi de les en faire sortir au point qu'ils voudront, autre-
ment ragriculture ne pourrait retirer aucun avantage du nouveau
moyen de transport. Comment pourrait-on faire voiturer sur le
chemin de fer les fumiers, la marne, la chaux et les autres engrais,
si on ne pouvait les faire décharger sur les points où on veut les
employer ?
Une autre question importante pour le commerce, c'est de savoir
si la ionction du chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon avec celui
de la Loire doit s'opérer au lieu du Pont-de-l'Ane, à 2.400 mètres
environ de distance de la ville de Saint-Etienne, ou s'il ne serait
pas plus convenable de faire opérer cette jonction par un embran-
chement partant de l'entrepôt de la Montât jusqu'à la rencontre du
chemin de la Loire, au lieu du Treuil, distant d'environ 8 à
900 mètres.
Ce dernier mode de jonction ne serait pas moins avantageux à
la Compagnie Seguin qu'à la ville de Saint-Etienne et au commerce
en général. La Compagnie serait dispemsée d'établir des entrepôts
et des bureaux au lieu du Pont-de-l'Ane, pour la réexpédition des
marchandises ou matières destinées pour le bassin de la Loire. Les
chargements de convois étant adressés en partie au commerce de
Saint-Etienne, et en partie pour les villes du Nord, il est presque
indispensable que ces chargements arrivent en entier à l'entrepôt
général de la Montât, pour classer les marchandises suivant leurs
destinations ; la surveillance y serait plus facile, et le service des
réexpéditions plus commode.
La ville de Saint-Etienne y trouverait un double avantage. Située
entre les deux fleuves du ÏRhône et de la Loire, elle est placée
convenablement pour devenir l'entrepôt des marchandises expé-
diées du midi au nord. Ce transit de marchandises deviendra par
(ï) Chemin de fer de Saint-Etienne à la Loire.
— 639 —
la suite fort important. Pour le faciliter, il est indispensable que la
jonction des deux chemins de fer ait lieu au point le plu» rapproché
de la ville.
Il remonte de la Loire par le chemin de fer des sables, cailloux,
pierres calcaires, bois, etc., mais les points de déchargement ou
entrepôts sont à la distance d'environ 1.500 mètres du centre de la
ville, ce qui la prive de l'économie du transport, car, en réunissant
le prix de la voiture par les routes de communication avec celui du
chemin de fer, il s'ensuit qu'il n'y a aucune différence pour le
consommateur, et que le transport lui coûte autant que s'il avait
eu lieu entièrement par la route de terre. L'embranchement de la
Montât au Treuil est si bien senti (sic) à Saint-Etienne que, si
aucune des deux Compagnies Seguin ou Beaunier ne se déterminait
à l'exécuter, une troisième Compagnie demandera à l'entreprendre.
Enfin, le commerce a un intérêt direct à ce que la jonction des
deux chemins ait lieu de cette manière.
En voici la démonstration :
Du Pont-de-l'Ane au Marais, en passant par le chemin de la
Compagnie Beaunier, la distance est de 2.670 mètres, laquelle
coûtera, savoir : (A).
Pour la houille
2.670 mètres, à raison de 24 cent. 80'100« les
LOOO kg. et par 1.000 mètres parcourus 66 cent. 21/mr
Pour le.s marchandises
La même distance, à raison de 37 cent. 20/100®
les 1.000 'kg. et par 1.000 mètres 99 cent. 32/100"
Tandis que, si le transit a lieu par l'entrepôt de la Montât, il y
aurait une réduction dans les frais de transport dont voici le
résultat :
(A) Le djx)it que ces deux Compagnies sont autorisées à percevoir
s'établit par la distance de 1.000 mètres, sans égard aux fractions ; do
sorte que 1.000 mètres entamés sont payés comme s'ils ava'ent été
parcourus.
Dans le calcul que l'on fait, on a compris les fractions par la raison
que le Marais. n'est f>as un point où doivent s'arrêter les marcliandises ;
c'est l'endroit où se réunissent les deux chemins et que l'on a pris
pour terme de comparaison dans les <leux projets.
On fait aus.si remarquer que les droits sur île chemn de la Loire sont
de 1 cent. S6/100" par rhaciue hectolitre de houille ou de coke et d'une
semblable sonuue par 50 kil. de marchandises, tandis que ceux du
chemin du Rhône ne sont (pie de 9 cent. K/10" les 1.000 kll.. sans distinc-
tion de matières et de marc- han dises.
Pour rendre plus sensible la différence des droits des deux tarifs, on
a tra/lU'it l'hectolitre en kll. et on a ramené le tarif du chemin Beaunier
sur la même échelle que celui du chemin du Rhône, c'est-à-dTe à. un
poids de 1.000 kil., qui est la valeur de la tonne.
640 —
Pour la houille
2.400 mètres du Pont-de-FAne à la
Montât, à raison de 9 cent. 8/10«
par 1.000 kg. et par 1.000 mètres.. 23 cent. 52/100'^
900 mètres de la Montât au
Marais, à raison de 24 cent. 80/100^ (
par 1.000 kg. et par 1.000 mètres. . 22 cent. 32/10O« )
Pour les marchandises
Les 2.400 mètres à 9 cent. 8/10«.. 23 cent. 52/100' )
Les 900 mètres à 37 cent. 20/100*^. . 33 cent 48/100«
'45 cent. 84/100«
57 cent.
RÉSULTAT DE LA COMPARAISON DES DEUX TARIFS HOUILLE
Ainsi 1.000 kg. de houille transportés au Marais
par le chemin Beaunier donnent 66 cent. 21/100*
Tandis que par l'entrepôt de la Montât, ils ne
coûteront que 45 cent. 84/100^
Avantage en faveur du commerce de 20 cent. 37/100*'
Marchandises
Le même poids de marchandises par le chemin
Beaunier donne 99 cent. 32/100^
Par l'entrepôt de la Montât 57 cent.
Différence 42 cent. 32/100^
Mais cet avantage serait bien plus considérable, si le transit
n'avait pas lieu par la Montât, et que de ce point on voulût expédier
des marchandises sur la Loire, ce qui arrivera assez fréquemment.
Dans cette supposition, on aura à parcourir d'abord la distance de
la Montât au Pont-de-FAne, qui est de 2.400 mètres
Ensuite, celle de ce dernier point au Marais, qui
est de 2.670 —
Je ne m'attacherai pas à réfuter une prétention attribuée sans
doute par erreur à MM. Seguin, qui aurait pour but de faire payer
les prix de transport pour toute la distance d'un entrepôt à l'autre,
quoique l'objet transporté n'ait parcouru qu'une partie de cette
distance. Cette prétention est trop contraire à l'article 6 du cahier
des charges de leur adjudication, pour qu'ils aient pu la mettre
en avant. Le droit doit se calculer par distance de mille mètres,
sans égard aux fractions. Voilà leur règle et celle du public.
— 641 —
Ils ont, dit-on, proposé de diminuer le prix de transport à la
descente, et de laugmenter à la remonte, mais ce changement du
tarif qui serait préjudiciable au commerce de Saint-Etienne est
inadmissible. Le contrat formé par ladjudicatiori entre MM. Seguin
et le public est irrévocable, il ne peut recevoir aucune atteinte.
Après c«t exposé, la matière a été mise en délibération.
La Chambre consultative,
Adoptant les motifs développés dans le rapport que vient de lui
faire son président,
Est d'avis :
1° Que, dans le cas où par la suite le prolongement du port sec
fût jugé nécessaire, la Compagnie du chemin de Saint-Etienne a
Lyon soit autorisée à couvrir la branche du chemin de fer de la
Loire partant de la Verrerie (1), dans une longueur de 20 mètres ;
2° Que toutes les rues transversales qui pourront être ouvertes
par la suite passeront au travers du port sec, sans indemnité ;
S"* Que les propriétaires bordant ce port sec dans toute sa
longueur auront la faculté de charger leurs marchandises sans être
tenus de les transporter dans les magasins de la Compagnie ;
4« Que langle formé par l'axe des magasins de chargement de la
Montât sera rectitié de manière qu'il coupe à angle droit celui du
chemin de fer (sic) ;
5° Qu'il soit permis aux divers établissements et exploitations de
mines situés entre deux lieux de chargement, de former des embran-
chements au chemin de fer, sous la condition de payer la distance
entre les lieux d'entrepôt comme si elle était entièremient parcourue,
et de fournir, par an, un poids de cinq mille au moins ou de sept
mille cinq cents tonnes au plus ,
6° Enfin, que pour la facilité du transport des marchandises
en transit, la Gompa^ie soit tenue détablir un rail qui, partant
de l'entrepôt de la Montât, ira joindre l'embranchement du chemin
de fer de la Loire au Treuil.
Et ont tous les membres présents signé : Le Maire, président :
Hippolyte Royet, J.-B. Lamotte aîné, Joseph Manaud, Aimé Royet,
Salichon aîné, J.-B. Faure.
Suir le chemin de fer de Lyon, le maximum de la taxe kilo-
métrique avait été fixé k 0 fr. 15 par tonne. Il fut ramené à
0 fr. 008 par le rabais de Tadjudiciitiori. F.n raison du surcroît de
(1) Fn bas (hi (juartior Salnt-Fraiiçols.
— 642 —
dépenses imprévues occasionnées par les travaux, les conces-
sionnaires demandèrent de porter le tarif, à la remonte
seulement de Givors à Rive-de~Gier, à 0 fr. 13, ei entre Rive-
de-Gier et SaintrEtienne à 0 fr. i7. J'ai indiqué l'avis émis par
les Chambres consultatives de SaintrChamond et de Saint-
Etienne. Une ordonnance royale de 1831 permit de percevoir
à la remonte 0 fr. 12 de Givors à Rive-de-Gier, et 0 fr. 17 de
Rive-de-Gier à Saint-Etienne. Cette faveur pour la Compagnie
ne fut pas obtenue sans de hautes interventions (i).
Le droit d'embranchement fut reconnu par un arrêté du Préfet
du 11 novembre 1829, mais cet arrêté devmt une source de con-
testations (2). Il fut annulé, dans ses dispositions essentielles,
par un avis — vraiment extraordinaire — du Conseil général
des Ponts et Chaussées, en 1837, avis suj' lequeil je reviendrai.
La Compagnie émit 2.0(X) actions de 5.000 francs chacune, non
compris 400 actions d'apport, qui ne devaient être remises aujî
fondateurs qu'après l'achèvement du chemin et lorsque les
actions de capital produiraient 7 %.
On adopta les rails en fer, pliuis durables que les rails en fonte
du chemin de fer d'Andrézieux. On pensa que des locomotives
pourraient faire le service. On ne songeait pas au transport des
voyageurs, mais on le réalisa dès l'ouverture de cette ligne.
Commencés en 1827 et poussés avec activité, les travaux, très
considérables à cause des tunnels, ponts, ponceaux, terras-
sements, nécessitèrent, vers 1829, un emprunt de 2 millions, qui
fut couvert par les actionnaires à 4 %.
La section de Rive-de-Gier à Givors fut mise en service le
28 juin 1830, pour les marchandiseis seulement. Celle de Lyon
à Givors fut ouverte le 3 avril 1832 (marchandises et voyageurs).
Celle de Rive-de-Gier à Saint-Etienne fut ouverte le l*'" octobre
1832 au service des voyageurs, et le 25 février 1833 aoi. service
des marchandises.
Alphonse Peyret a donné le détail des dépenses générales. La
Compagnie possédait, en 1833, 1.210 wagons et 12 locomotives.
(1) Histoire de la Chambre consultative des Arts et Manufactures de
Saint-Etienne, p. 90 ; Histoire de la Chambre de Commerce de Saint-
Etienne, p. 438 ; Histoire de la Métallurgie de la Loire, p. 166, note 2.
(2) Voir Histoire de la Métallurgie de l'a Loire, p. 177, note 1.
— 643 —
d'une force de 12 chevaux, marchant à la vitesse moyenne de
4 m. 050 par seconde (14 km. 58 à l'heure), fonctionnant entre
Lyon et Rive-de-Gier, mais principalement entre Lyon et Givors.
MM. Seguin proposèrent à cette date de substituer les locomo-
tives aux chevaux à la remonte entre Rive-de-Gier et Saint-
Etienne. Ils ne purent convaincre leurs actionnaires. Aussi, bien
que la première locomotive ait été mise en service en 1832, la
traction mécanique ne fut généralisée qu'en 1844.
Le tonnage annuel transporté était de 315.000 tonnes à la des-
cente', de 36.000 seulement à la remonte.
Le bénéfice d'exploitation s'élevait à 472.000 francs, c'est-à-
dire à moins de 4 %, mais le revenu augmenta rapidement. Le
transport des voyageurs devint une source abondante de profits.
Le second exercice accusa 719.000 francs de recettes d'exploi-
tation et 432.000 tonnes transportées, dont 63.000 à la remonte (i).
M. Coste, ingénieur des mines, succéda, en 1835, à Marc
Segiuiin, comme directeur de la Compagnie. Mort en 1840, il fut
remplacé par M. Gervoy, également ingénieur des mines et
professeur à l'Ecole de Saint-Etienne, qui resta directeur jusqu'à
la fusion avec le Grand-Central p).
La Compagnie du chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon,
l>eaucoup plus importante que celles d'Andrézieux à Saint-
Etienne et d'Andrézieux à Roanne, devait soulever jusqu'à Ja
fin de ses jours d'innombrables réclamations. Je ne crois pas
m'avancer beaucoup en disant que l'esprit général qui inspira
son administration a persisté pendant longtemps dans les
burea^uK de la Compagnie P.-L.-M., tempéré par les sentiments
de bienveillance et de courtoisie des Directeurs et du haut
personnel. Ku matière de Lîirifs et en matière de concurrence
à la navigation par exemple, la Compagnie P.-L.-M. a suivi les
traditions de son ancêtm de 1828.
(1) Voir A. Peyret, Statistique industrielle du département de la Loire,
p. 208 ii 212. Con.sulter également V Appendice, p. 228 à 231, et surtout
DH.ESTRAC, Les premiers chemins de fer dans le département de la Loin»
(A. F. A. S. St-Rtlenne, 1897).
(2) A. Peyret, op. cit. Bull clin de la Société agricole de Saint'Ktienne,
1840, p. 319, THIOF.MER, Notices Industrielles, p. 44
— 644
,^8 - LE CHEMIN DE FER D'ANDREZIEUX A ROANNE
de 1828 à 1833
Enfin, la Chambre consultative fut saisie, le 26 avril 1828, ae
l'examen dai cahier des charges pour l'établissement du chemin
de fer d'Andrézieux à Roanne.
Je rappelle que ce. chemin fut concédé, le 27 août 1828, à la
Société formée par les sieurs Mellet et Henry ; que le tracé par
la rive droite de la Loire fut adopté ; qu'au lieu des tranchées
et des tunnels on préféra employer les plans inclinés, où des
machines fixes placées aiui sommet de ces plans, à Neulise et
près de Balbigny, remorquaient les wagons. A la Quérillère
(ou Renardière), la remonte du plan incliné, vu sa faible pente,
se faisait à l'aide de chevaux.
Ce chemin de fer ne supprima point le transport des charbons
par la Loire, d'Andrézieux à Roanne. On ne transporta par fer
que le charbon destiné à compléter à Roanne le chargement des
bateaux (i).
Le trafic annuel était de 50 à 60.000 tonnes ei le tarif de 0 fr. 15
par tonne kilométrique à la descemte, de 0 fr. 18 à la remonte.
Ces chiffres furent ramenés à 0 fr. 145 et 0 fr. 175 par le rabais
de radj^udication. On transportait également des voyageurs.
La ligne avait été livrée à la circulation à la fin de 1833. En
1836, la Compagnie était en faillite. L'Etat ne vint à son secours
qu'en 1840.
En 1834, une loi autorisa la concession de l' embranchement
de Montbrison à Montrond, ouvert en 1839, abandonné en 1848.
Voici la délibération prise par la Chambre consultative de
Saint-Etienne le 26 avril 1828 :
La Chambre consultative des arts et manufactures de la ville de
Saint-Etienne s'est réunie sous la présidence de M. Royet, maire,
dans l'une des salles de la mairie.
(1) Voir Alph. Peyret, op, cU. j Delestrac, op. cit. ; Histoire de la
Chambre consultative de Saint-Etierine, p. 90. Même pour Andrézieux,
le transport de la bouille, en 1829, continuait à se faire par voie de
terre et non par voie ferrée {ibid., p. 91).
— 645 —
Un des membres a pris la parole et a dit :
Messieurs,
Par les soins de M. le Préfet de la Loire, nous avons eu connais-
sance du cahier des charges pour l'établissement d'un chemin de
fer d'Andrézieux' à Roanne. Ce projet, qui parait toucher de près à
.son exécution, est dune importance assez grande, et dans l'intérêt
industriel de Saint-Etienne et dans celui de toutes les propriétés
foncières de la plaine du Forez, pour motiver une sérieuse attention
de notre part et l'expreasion bien franche de nos réflexions. C'est
encore un devoir pour nous, à qui l'expérience a donné quelques
leçons, de les rendre utiles à nos concitoyens du département de
la Loire.
On ne saurait contester l'avantage immense que peut produire
dans un Etat l'organisation en compagnie d'actionnaires d'un
certain nombre de riches capitalistes, pour exécuter des entreprises
quaucune fortune particulière n'oserait aborder, et qui, par leurs
combinaisons industrielles, ne rentrent pourtant pas dans le
domaine des travaux du Gouvernement.
L'Angleterre est là pour répondre aux objections qu'on élèverait
contre ; mais une vérité tout aussi constante, et qui est devenue
vulgaire à force d'être redite^ c'est que ces Compagnies, qui souvent
n'existent qu'en vertu de privilèges^ sont envahissantes, exigeantes,
quelquefois même despotes, com^me tous les corps privilégiés, et
toujours très difficiles dans leurs transactions. Il est donc prudent
de prévenir les difficultés. Le canal de Givors et peut-être bientôt
la Compagnie Seguin peuvent être appelés -en témoignage, au
besoin de preuves.
On connaît les prétentions exorbitantes du canal de Givors.
Quant à la Compagnie Seguin, il est bon de rappeler ici son
exigence vis-à-vLs de l'entreprise des hauts fourneaux de Janon, à
qui elle prétend de faire payer trois fois la distance du parcours
nécessaire pour arriver au premier lieu de chargement, usant à cet
égard de l'heureuse idée de faire rétrograder d'une lieue à l'ouest
ce qui devra ensuite parcourir deux lieues à l'orient.
Puisque l'Angleterre a été notre devancière dans ce mode de
grande exploitation d'industrie, puisque nous l'avons importé de
chez elle, pourquoi n'admettrait-on pas aussi en France les précau-
tions conservatrices des intérêts de tous ceux qui peuvent être
froissés nu protégés par ces grands établissements, ainsi qu'on ie
fait en Angleterre ? Pourquoi une enquête préalable et un appel
à tous les intérêts pour donner leur avis n'auraient-ils pas lieu ?
En attendant que cette sage précaution soit Ji'Ioptée par le Gouver-
nement, il est du devoir des Chambres consultatives d'y suppléer,
et j'ai l'honneur de vous proposer d'adresser lee réflexions sui-
vantes sur le cahier des charges dont il s'agit an Ministre de
l'Intérieur, au Ministre du Commerce, au Directeur général des
4i
— 646 —
Ponts et Cliaussées et à M. le Préfet de la Loire, en suppliant le
Ministre compétent d'introduire les modifioations que l'intérêt
général et la justice me semjjlent réclamer.
Réflexions sur le caMer des charges pour Vétahlissement d'un
chemin de fer d' Andrézieux à Roanne.
Il conviendrait d'ajouter à l'article 2 :
<( Les plans seront déposés pendant un mois, au chef-lieu de
chaque aiTondissemient, et les propriétaires intéressés, dûment
avertis, pourront en prendre connaissance et présenter leurs
observations sur le tracé. »
Cette condition a pour motif de soustraire les propriétaires inté-
ressés à l'influence d'un tracé exclusif, qui porterait une atteinte
grave à leur propriété, bien qu'il puisse souvent être remplacé par
des modifications convenables ; ou bien d'échapper à un tracé
fictif qui n'a lieu sur un point important que pour laisser aux
entrepreneurs les moyens d'obtenir quelquefois gratuitement le
passage sur un autre point, ou bien encore, pour ne pas leur aban-
donner le monopole des acquisitions de terrains sur des points
connus d'eux seuls, et s'appliquer exclusivement des avantages qui
doivent naturellement appartenir aux propriétaires:.
Art. 3. — Cet article ne conserve aux propriétaires ou aux com-
munes que le droit des choses existantes. Mais il convient,
puisqu'on change les intérêts locaux, de prévoir d'autres besoins
dans lavenir pour le public, et d'autres ^intérêts pour les par-
ticuliers. C'est ainsi qu'un propriétaire ayant maintenant la
faculté d'établir dans son, héritage des chemins sur tel point qu'il
lui convient, des cours d'eau, partout où elle peut lui être avanta-
geuse, pourquoi le ohemin de fer coupant en deux sa propriété le
priverait-il de ces avantages s'ils sont réels ? Pourquoi ne les
conserverait-il pas toutes les fois qu'il ne portera aucun dommage
au chemin de fer ? On propose donc d'ajouter après le premier
paragraphe :
« Elle (la Compagnie) contracte aussi l'obligation de laisser dans
l'avenir établir aux frais des intéressés tous chemins ou cours
d'eau qui seraient jugés nécessaires, soit pour un propriétaire sur
ses fonds, soit pour le public, dans l'intérêt du commerce et de
l'agriculture, en sie conformant aux conditons de l'article 11 »
Art. 4. — Le vague de la fixation à venir des lieux de chargement
et déchargement peut faire naître des discussions graves entre la
Compagnie et les intéressés. Le chemin Seguin en offre encore
l'exemple. Il conviendrait donc de multiplier les lieux de charge-
ment et déchargement, et de proposer la rédaction de cet article
ainsi qu'il suit :
<( Tous les terrains destinés à servir d'emplacement au chemin
de fer et à ses dépendances, aux lieux de chargement et de déchar-
— 647 —
gement, dont le nombre et la surface seront ultérieurement
déterminés, mais à des distances qui n'excéderont pas un vfiyifa-
mètre. » Le reste comme au cahier des charges, et à la fin da
même article, ajouter :
« Dans tous les cas, il doit être permis aux propriétaires rive-
rains et manufatcturiers d'établir à leurs frais des embranchements
qui s'unissent au chemin de fer pour le transport de leurs
produits. »
Art. 8. — Il serait bien d'expliquer si les prix de chargement et
déchargement sont compris dans le prix du transport.
Art. 9. — C^t article serait une véritable proscription de toutes
les marchandises sortant de nos fabriques, La moitié des objets
de quincaillerie et d'armurerie, et tous les objets de soierie se
trouveraient ainsi hors du tarif ; les grains, les légumes, les pommes
de terre, les bois de chauffage, toutes ces productions si imipor-
tantes pour la plaine du Forez seraient à la merci de l'exigence
d'une Compagnie. Il en serait de même des engrais, dont la plaine
a un si grand besoin, et le Gouvernement ne peut vouloir user
d'une exception au droit de propriété que dans l'intérêt général,
et non pour favoriser les prétentions arbitraires d'une Compagnie.
Il serait donc également juste, prudent et sage, de proposer la
fixation de la qualité de marchandises encombrantes seulement à
celles dont le poids ne s'élèverait pas à 100 kg. le mètre cube, au
lieu de 500 kg. Encore convient-il de leur assigner un tarif connu.
Le droit de passage sur le chemin devrait être reconnu pour les
piétons.
Art. 11. — Dans l'intérêt des propriétaires dépossédés, il convient
d'ajouter à cet article le paragraphe suivant :
« Les propriétaires riverains doivent être autorisés à hàtir et
pren,dre des jours sur le chemin de fer, en suivant l'alignement
prescrit par l'administration départementale, attendu qu'an
chemin de fer est une voie publique. »
Voilà, Messieurs, les points les plus importants sur lesquels j'ai
cru devoir appeler votre attention. Sans doute, une enquêta eût
jeté une lumière plus vive sur la discussion de tous ces intérêts
et d'autres qui peut-être me sont restés inaperçus, mais en son
absence j'ni pensé que ce serait aggraver le mal que de garder
le silence. Je livre donc mes avis à vos sages réflexions-
La matière mise en délibération, et après avoir recueilli l'opinion
dos divers membres,
La Chambre consultative arrête à l'iman imité : 1" que le Gouver-
nement de sa Majesté est prié de modifier les articles 2, 3, 4, 8, 9
et 11 du caliier des charges dont il s'agit ; 2" qu'il sera encore
supplié, pour l'avenir, de vouloir en pareil cas provoquer une
enquête locale, où les intéressés fussent entendus dans leurs obser-
vations ; 3" qu'il sera incontinent adressé copie de la présente
— 648 —
délibération au Ministre de l'Intérieur, au Ministre du Commerce,
au Directeur général des Ponts et Qiaussées, et à M. le Préfet de
la Loire.
Signé : Le Maire, H. Royet ; J.-B. Lamotte aîné, Mathieu Flotard,
Joseph Basson, Girerd Tonin, Eustache ThioUière-Neyron, Jean-
Baptiste Peyret-Dubois.
§ 9 - SUITE ET FIN DU CANAL DE GIVORS
LES PROJETS DE CANAL DE LA LOIRE AU RHONE
Très menacée par la ooncurrence du chemin de fer de Lyon,
la Compagnie du canal de Givors recherchait le moyen d'éviter
la déchéance de son monopole de fait.
Elle proposa de construire un chemin de fer de Grand'Groix
à SainihEtienne faisant concurrence au chemin de fer de Lyon
(1837). Mais le Gouvernement préféra recommencer une fois de
plus les études pour rachèvement du canal de jonction (i).
Quelque temps après, en 1841, la Compagnie du canal signa un
engagement avec les frères Richard, de Saint-Chamond, qui
voulaient demander la concession dan prolongement du canal
jusqu'à Pont-Nantin, près de la Varizelle (2). Il advint de ce
projet ce qu'il advint des autres.
D'ailleurs, pour les raisons que j'ai indiquées, la section du
canal entre Lorette et Grand'Groix était abandonnée en 1841.
Le prolongement de la voie navigable paraissait impossible. La
section de Lorette à Rive^de-Gier resta en activité jusqu'en 1851.
Les deux sections, achevées en 1839, jouaient de malheur.
La Compagnie du canal abaissa son tarif à 8 centimes par
tonne kilométrique. La Compagnie du chemin de fer, très in-
quiète, lui proposa alors une entente, qui fut signée en 1841,
pour vingt ans. Les deux Compagnies mettaient en commun
(1) Histoire de la Chambre de Commerce de Saint-Etienne, p. 143.
(2) Ibid.
— 649 —
leurs recettes bmite, à répartir savoir : 70 % au chemin de
fer, 30 % au canal (i).
La concurrence aboutissait au monopole.
La Compagnie des mines réunies de Saint-Etienne, en 1845,
prit le canal à bail pour 82 ans, du 1*''^ janvier 1846 au 14 août
1928. Le prix de bail était fixé à 150.000 francs pour les trois
premières années, 180.000 francs pour les trois suivantes,
210.000 francs pour les septième, huitième et neuvième années,
240.000 francs pour la dixième année^ et les années suivantes.
La Compagnie des Mines prenait à sa charge le solde de
l'emprunt contracté par la Compagnie du canal, s'élevant au
31 décembre 1845 à 3.350.000 francs P).
Quelques jours après, la Compagnie des Mines réunies de
Saint-Etienne fusionnait avec la Compagnie des Mines de la
Loire, qaii donnait son nom au Trust. Maître du canal, maître
de la production, le Trust avait tenté de louer également le
chemin de fer. Le Gouvernement s'y opposa, mais la location
officielle fut remplacée par une revision du traité' de 1841.
L'entente fut complète. Canal, chemin de fer, extraction, tout
était dans les mains de» la Grande Compagnie. Ce nouveau traité
fut gardé secret, mais l'opinion publique, très montée contre
le Trust, devina le traité. Elle ne le connut complètement que
lors de sa dénonciation.
Par ce traité, la Compagnie des Mines s'engageait à n'as-
surer au canal qu'un trafic de 286.000 tonnes par an. Par contre,
le chemin de fer assurait une ristourne de 0 fr. 80 par tonne,
au delà de 750.000 tonnes, à la Compagnie des mines. C'est à
caïuse d'un traité particulier de ce genre, interdit par les
règlements sur les voies ferrées, qui constituent un service
public, que fut condamné la Standard OU ou Trust du Pétrole,
il y a quelques années, en Amérique.
(1) Avant l'ouvert nie du chemin de fer, la Compapnie du canal per-
cevait, \Hn\v de transport entre Riv€-de-Gier et Givors, 0 fr. 27 par hec-
tolitre de houille, dont 0 fr. 23 de droit de navigation et 0 fr. 04 de
prime. Ce t^irif fut .ihaissô par l'ordonnance royale du 5 décenil)ie 1831,
de mani^re à offiir un avantage réel sur le transport par fer (Meugy,
op. cit., p. 69).
(2) Voir BuosSARD, Eluda historlqvxis sur les Mines de la Loire, p. 477-
479.
— 650 —
A son touir, la propriété du chemin de fer changea de mains.
En 1853, elle fut cédéi© à la Compagnie de Rhône -et- Loire-, la
môme année à la Compagnie du Grand-Central, en 1857 à la
Compagnie P.-L.-M.
D'autre part, en 1854, La Grande Compagnie des Mines de la
Loire fut fractionnée en quatre Compagnies et le canal fut
attribué à la Société des Houillères de Rive-de^Gier.
Or, le trafic des houilles augmentait sans cesse. La ristourne
à payer par le chemin de fer à la Compagnie des Mines
atteignait 337.000 francs en 1857. Cette ristourne menaçait de
s'élever de plius en plus.
La Compagnie P.-L.-M. dénonça le traité de 1851, qui avait
été conclu pour vingt ans. Déboutée devant tes tribunaux, elle
accepta les transactions imposées par le Ministre des Travaux
publics en 1862. En plus des ristournes à verser jusqu'à cette
date inclusivement, la Compagnie paya 2.500.000 f/ranos à la
Société desi Houillères, qui, dès lors, s'inquiéta moins que
jamais de l'entretien du canal.
La navigation sur le canal, qui avait donné tant d'espérances
et tant de^ revenus, et qui transportait, en 1840, 123.000 tonnes
et, en 1850, 185.000 tonnes, ne transportait plus, en 1865, que
31.000 tonnes et, en 1875, 3.500 tonnes. A partir de 1878, elle
disparut complètement (i).
M. Letseure, dans uine étude publiée en 1859 sur l'industrie
minérale de Rive-de-Gier, ignorait à ce moment la teneur exacte
du traité de 1841 et celle du traité de 1851 (2) :
La Compagnie du chemin de fer, disait-il, pour arrêter une lutte
d'abaissement des tarifs, fit intervenir une transaction qui prépa-
rait, dans un avenir prochain, la ruine de la navigation. A qui
aura profité un tel marché ? On ne le sait pas encore. Cette transac-
tion date de 1841, et les deux tableaux suivants en font bien voir
les conséquences :
(1) Voir Leseure, Historique, p. 233 à 237.
(2) Bulletin de l'Industrie minérale, ld>^9-&}.
651
ANNÉES
QUANTITÉS EXPORTÉES (quintaux métriques) 1
par terre
par le canal
par le chemin de fer
181-2
31.000
1.43^1.000
))
1825
' 172.000
2.508.000
»
1835
150.000
1 130.000
1.860.000
1845
150.000
1.300. 000
2.876.000
1858
1 50 . 000
577.500
3.571.900
Frais de transport par le canal et le Rhône
par le chemin de fer
ANNÉES
deRive-de-Gier
de Rive-de-Gier
de Rive-de-Gier
de Rive-de-Gier
à Givors
à Lyon
à Givors
à Lyon !
le quintal
le quintal
le quintal
le qu ntal
1812
0,38
0,78
»
»
1825
0,38
0,78
»
M
1835 ■
0,20
0,45
0,225
0,54 1
1845
0,21
0,36
0,15
0,36 !
1858
0,175
0,375
0,15
0,36
Il faut ajouter qu'un nouveau traité, plus décisif, a été conclu
postérieurement à 1845, et que, griâce à ce traité, le chemin de fer
a pu aisément maintenir son tarif de 0 fr. 10.
Il faut ajouter aussi que le canal est trop étroit, et qu'on n'a pas
disposé, sur les bords du Rhône, des quais convenables pour Je
déchargement et le dépôt des charbons.
Le canal de Givors, après bien des discussions, fut racheté
par l'Etat en vertu d'une loi du 16 août i886, et pour le prix
de deux millions en principal. La Compagnie du canal existait
encore, mais la Société des Houillères de Rive-de-Gier, l'une
des héritières de l'ancienne Compagnie de la L#oire, possédait
5.900 actions sur 6.000. La question du rachat du canal fut liée
à celle de l'alimentation en eau de Rive-de-Gier, cette ville
pouvant puiser dans le réservoir de Gouzon 3.000 mètres cubes
d*eau par jour, moyennant le paiement à l'Etat d'une rede-
vance de 30 à 40.(XX) francs (1).
(1) Voir Jlhltdrp de la Chambre de Commerce de SainhEttcnne,
p. 148-149. G. Hkîiss : Alimentation en eau de Saint'FJlenne et de ses
environs (A. F. A. S. .Saint-Etienne, 1897). On trouvera dans les docu-
ments parlemfrit.iirps relatifs à cette loi lont l'historique dn rachat.
— 652 —
Un jour, en écrivant l' Histoire des Transports, je raconterai
l'odyssée de la gare d'-eau de Givors.
Quant aux innombrables projets, rapports ou délibérations
pour l'exécution du canal de la Loire au Rhône, on en trouvera
l'indication dans la notice historique de M. Brossard (Annuaire
de la Loire, 1885), dans V Histoire de la Chambre de Commerce
de Saint-Etienne (p. 141 et suivantes), dans les Résumés et
Comptes rendue des travaux de ceite Compagnie, publiés à
partir do 1898, enfin dans les rapports du Conseil général et
les comptes rendus de cette Assemblée.
Tous les exploitants de mines n'ont pas été unanimes — loin
de là — à réclamer ce canal de jonction. Ils craignaient de
favoriser l'importation, dans le bassin industriel de Saint-
Etienne, des charbons des autres bassins. S'il y eut des parti-
sans très déterminés du caniali, comme M. Verny et surtout
comme M. Voisin, directeur des mines, de Firminy, auteur de
rapports très étudiés et très remarquables, il y emt, sinon des
opposants, du moins des indifférents notoires et notables. Le
Corps des Mines fut plus que réservé. Le service des Ponts et
Chaussées manqua d'enthousiasme. Le Conseil général des
Ponts et Chaïuissées, à deux reprises différentesi, en 1909 et 1919,
s'est montré franchement hostile (i). Tout cela est très regret-
table. La région devrait être mieux défendue, car elle est un
joyau industriel de la France.
^ 10 - LES TRANSPORTS PAR FER
de 1833 à 1857
La première délibération de la Chambre de Commerce de
Saint-Etienne, créée le 10 mars 1833, constituée le 2 mai suivant
et installée le 18 juin, fut de demander un règlement de ser-
vice pour lie chemin de fer de Lyon. Le Conseil eénéral, !e
Conseil d'arrondissement, la Chambre consultative des Arts
et Manufactures émirent le même vœu.
(1) L'avis émis en 1919 émanait du Conseil supérieur des Travaux
publics, élar^issemeint du Conseil général des ponts leit chaussées.
— 653 —
Beaucoup de questions, ©n effet, minutieusement réglées
aujourd'hui, étaient alors abandonnées à l'arbitraire de !a
Compagnie, dont le cahier des charges était l'a seule loi. De là,
une source d'innombrables contestations. « La Compagnie du
chemin de fer de Lyon a toujours suscité les plaintes du public,
disait la Chambre de Commerce en 1837. Jrmais son admi-
nistration n'a voulu satisfaire à tous les besoins de transports
qu'exigeaient le commerce et l'industrie. »
La Compagnie d'Andrézieux et la Compagnie du chemin de
fer de Roanne à Andrézieux échappaient aux critiques. C'était
d'ailleurs sur la ligne de Lyon que s'effectuait de beaucoup le
plus gros trafic.
En 1835. une Commission d'enquête ?v«if été constituée par
l'Administration supérieure et cette Commission avait étendu
ses investigations à toutes les réclamations. J'ai analysé dans
V Histoire de la Métallurgie (p. 166 et suivantes) le gros volume
de cette enquête. J'indiquerai sommaiirement les réclamations et
décisions, en poursuivant les indications jusqu'à la constitution
des grandes Compagnies en 1857, et en tenant compte de docu-
ments non signalés dans VHistoire de la Métallurgie.
Entre temps, intervint l'ordonnance royale du 15 novembre
1846, portant règlement sur l'exploitation des chemins de fer
Intervinrent également :
A° ha, fusion, en 1853, des tt^ois lisrnes de la Loire en une
seule Compagnie, dite des chemins de fer de Rhône-et- Loire ;
2° En 1853. l'absorption de cette Compagnie par la Compa-
gnie du Grand-Central.
Je renvoie aux pagesi suivantes de VHistoire éconormque de
la Métallurgie de la Loire pour les questions se rapportant :
1° Au chargement et au déchargement (p. 169) ;
2" Au maximum et au minimoim de poids (p. 169) ;
3° Aux frais accessoires (p. 170) ;
4" A l'exonération de responsabilité (p. 171, 176) (1).
(1) L'exonération de responsabilité <*tait en contradiction avec les
dispositions du Code de Commerce ponr les retards et avaries, avec les
dispositions <ln Code civil pour les accidents. T,es rftples de' respon-
sabilité furent nppliqu<^es à la Compagnie, notamment par lo Tribunal
de Commerce de T.yon, le 20 janvier 1R35 (PF-vnRT-T>AU,iER. Traité de
T.éfjisfation des Mines, lft/i2, p. i73).
— 654 —
Au sujet du déclia.rgemcnt, je relève dans le Mercure Segu\sien
du 17 octobre 1841 l'article suivant :
L'administration du chemin de 1er de Saint-Etienne à Lyon fait
exécuter en ce moment une machine au moyen de laquelle les
wagons se déchargeront d'eux-mêmes. Elle consiste principalement
en une grande cage, dans laquelle le wagon est introduit et
s'emprisonne lui-même ; la cage tourne alors autour de deux forts
tourillons, disposés de telle sorte que le wagon, en se renversant
avec elle par son propre poids, se vide et revient ensuite de lui-
même et presque instantanément à sa première position. Cette
ingénieuse machine, dont la première application a été faite aux
mines de Boston, en Angleterre, pour les petits chars à benne, va
recevoir ainsi une extension nouvelle, en effectuant les décharge-
ments des grands wagons des chemins de fer. Outre l'économie
considérable de temps et de main-d'œuvre qui en résultera, on
arrivera ainsi à ne plus battre les wagons à coup de maillet pour
les vider par la trappe et la dépense d'entreti<en. de ce matériel
éprouvera par suite une très notable diminution.
Distribution des wagons. — La Gompavernie du chemin de fer
de Lyon distribuait les wagons à sa convenance en les adjugeant
sous le titre d'abonnement à un petit nombre de maisons puis-
santes et en en privant totalement les petites exploitations et
le petit commerce' du port sec. Plusieurs marchands de houille
du port sec de Bérard faisaient constater, en 1836, qu'ils ne
pouvaient obtenir le matériel demandé. Alors, la Compagnie fit
annoncer qu'à partir du l'"" janvier 1837 elle distribuerait indis-
tinctement les wagons aux consommateurs, marchands et ex-
ploitants de charbon. Un Syndicat d'exploitants fut même
constitué pour fixer à l'avance la distribution. Néanmoins, en
1838, dix-sept exploitants protes^taient contre la distribution.
Ces plaintes étaiemt péiriodiques (l).
Raccordement du chemin de fer de Lyon et du chemin de fer
d'Andrézieux. — Le raccord dans la plaine dui Treuil, à Saint-
Etienne, entre le chemin de fer de Lyon et celui d'Andrézieux
n'avait point été exécuté, malgré les demandes de la Chambre
consultative de Saint-Etienne (v. p. 641), malgré l'ordonnance
royale du 4 juillet 1827 et l'arrêté du Préfet du 11 septembre
^1) Histoire de la MétaUlurgie, p. 172 ; Mercure Ségusîen, 9 mars,
9 novembre 1836, 28 janvier 1837, 10 novembre 1838.
— 655 —
1829. La Compagnie de Lyon n'acceptait les houilles venant de
la ligne d'Andrézieux qu'en imposant des taxes arbitraires aux
exploitants. Les deux chemms étaient soudés à Pont-de-l'Ane.
La Commission d'enquête de 1835 se prononça en faveur de la
« libre et respective » circulation, résultant du raccordement
et de l'écartement uniforme des voies (1 m. 44 entre les rails).
Le Conseil général des Ponts et Chaussées, s'en tenant à la lettre
du cahier des charges, estima que la Compagnie était tenue
exclusivement de mettre son chemin en communication avec
celui de la Loire. « Cette communication existe au Pontrde-
l'Ane. On ne peut rien exiger de plus A l'époque où la
concession a été faitei, on ne supposait pas la possibilité d'une
libre circulation Lcis wagons qui n'appartiennent pas à
la Compagnie ne peuvent circuler sur le chemin dont elle est
concessionnaire. » Mais le Conseil ne s'opposait pas à des con-
ventions particulières ne lésant point les intérêts généraux C^).
Ports secs et gares de stationnement. — I^ port sec était
le lieu de chargement et de déchargement, la gare de station-
nement en était le diminutif, la halte de nos jours. Il n'y avait
que trois ports secs entra Saint-Etienne et Lyon (Saint-Chamond,
Rive-de-Gier et Givors). La Commission d'enquête demandait
qu'ils fussent situés au centre des villes (place Bellecour à Lyon,
place Marengo à Saint-Etienne). Il n'y avait aucune gare de
stationnement, mais la Compagnie débarquait, sans y être
obligée, les voyageurs à Terrenoire. Grand'Croix, Châteaucreu.x,
Irigny-Vernaison, le Pont d'Oullins, etc.. La Commission de-
manda une gare à Terrenoire et une à Grand'Croix.
Trois nouveaux ports secs furent autorisés par ordonnance
royale diu. 8 octobre 1846.
Exécution des transports. li'article 6 du cahier dos
charges obligeait la Compagnie à exécuter constamment, avec
soin, exactitude et célérité, h ses frais et par ses pTOpres moyens,
tous les transp^-irts qui hii seraient confiés, svz/rs pomurir en
aucun cas les refuser.
Or, la Ciompagnie ne doiiii.nl piis -;ili>f;icti(iii au connutTcc,
par suite de muiuivais moyens de trtiction, d'insuffisance de
(1) Merntre Séffiisim, ;is juin 1837.
— 656 —
matériel, soit pour le transport, soit pour le chargement ou le
déchargement. ^
L'appréciation de cette clause, disait la Commission, relève
des tribunaux et il n'appartient pas à l'Administration d'en
limiter l'application par un règlement.
La Compagnie avait été condamnée par le Tribunal de Com-
merce de Saint-Etienne, le 18 novembre 1834. Elle interjeta
appel. La Cour de Lyon renvoya les parties à sei pourvoir devant
l'administration pour obtenir l'interprétation de l'article 6. Il
s'agissait d'un acte administratif.
Le Ministre des Travaux publics, le 24 février 1838, prit
l'arrêté interprétatif suivant (i) :
Considérant que, pour interpréter sainement le contrat passé
entre l'Etat et la Compagnie, il faut se reporter à l'époque à laquelle
ce contrat a été passé, et tenir compte à la Compagnie des tâtonne-
ments inévitables auxquels elle était assujettie, en raison du peiu
d'expérience acquise à l'époque de sa concession, relativement au
nouveau mode de transport qu'elle avait à organiser ;
Considérant que, s'il n'a point été question du transport des
voyageurs dans le cahier des charges, c'est qu'en 1826, on ne
croyait pas que ce service pût être organisé par le chemin de fer
de Saint-Etienne à Lyon ; mais que, plus tard, cette possibilité
ayant été reconnue, on a dû en profiter dans l'intérêt général,
aussi bien que dans celui de la Compagnie ;
Considérant que la combinaison du transport des voyageurs avec
celui des marchandises exige évidemment l'intervention d'un règle-
ment, mais que ce règlement ne pourra disposer que pour l'avenir,
sans qu'on puisse l'invoquer pour les faits antérieurs à sa
promulgation,
Arrête ce qui suit :
Article premier. — Le dernier paragraphe de l'article 6 du cahier
de charges du chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon doit être
interprété de la manière suivante :
Le mot : constamment doit s'entendre d'un transport régulier,
continu, et qui n'est suspendu que dans le cas d'interruption
légale, de réparation du chemin ou de force majeure.
Les mots : avec célérité n'ont pu s'entendre seulement dans le
sens restreint de célérité dans la marche des convois, mais dans
le sens plus général et plus étendu de célérité dans le service.
La célérité, considérée sous le dernier rapport, et en supposant
d'ailleurs que la Compagnie fût pourvue d'un nombre suffisant de
(1) Mercure Ségusien, 23 mai 1838.
-657 —
wagons, résulte de divers éléments, et principalement de la marche
des convois et du temps employé au chargement et au décharge-
ment des wagons.
Le temps employé à la marche des convois a dépendu de la
gestion de la Compagnie: et le temps employé aux chargements et
aux déchargeipents des wagons a pu dépendre des expéditeurs et
de leurs commissionnaires.
Par conséquent, et en admettant qu'il y ait eu défaut de célérité
dans le service, la cour royale aurait à juger si ce défaut est du
fait de la Gompagnie ou du fait des personnes étrangères à ladite
Compagnie.
Il faut ajouter qu'on prendrait, relativement au chemin de fer
de Saint-Etienne à Lyon, une fausse idée du mot célérité, si on y
attachait le sens qu'on y applique aujourd'hui, pour les voies en
fer créées depuis quelques années, ou seulement en projet. On ne
doit pas, en effet, perdre de vue : 1« que ce chemin, concédé en
1826, nétait d'abord destiné qu'au transport des marchandises ;
2° qu'il nétait nullement dans l'intention d'y employer des
machines locomotives ; 3° qu'il comprend, sur le tiers de son par-
cours, des pentes de 0 m,014 .par mètre, qu'on évite soigneusement
sur les voies nouvelles, où l'on ne tolère, au maximum, que des
pentes de 0 m, 005.
Les mots : sans pouvoir, en aucun cas, les refuser doivent
s'entendre en sens que la Compagnie est tenue, non seulement à un
service continu qui ne doit pas s'interrompre hors les cas ci-dessus
spécifiés, mais qu'elle ne doit aussi se permettre aucun tour de
faveur ; toutefois, il ne faudrait pas en conclure que la Gompagnie
fût tenue de transporter Immédiatement et à la fois tout ce qu'il
plaira aux expéditeurs de lui apporter. La Compagnie doit être
pourvue d'un matériel en rapport avec la masse qui se transporte
dans le cours d'une année. Le service doit être régulier, continu,
égal pour tous.
Par ces mots : marcimndises qui lui sont confiées, on ne doit pas
entendre que la Compagnie ait l'obligation de recevoir les mar-
chandises sur tous les points du chemin de fer ; une telle condition
serait incompatible avec la nature même de la communication. Il
est nécessaire que les marchandises soient apportées aux lieux de
chargement et de déchargement, autrement dits ports secs. Si le
nombre de ces ports secs n'est pas suffisant, c'est aux intéressés ô
faire connaître leurs besoins à l'administration, qui instruira leurs
demandes et qui déterminera, après une enquêta, s'il y a lieu
d'établir de nouveaux ports secs et dans (juels emplacements.
Mais les questions qui soulevèrent le plus de réclamations
furent : 1° la question des embranchements particuliers : 2° la
question des Uirifs de transport. Je leur consacre deux paru-
graphes.
- 658 —
^U - La FUSION des CHEMINS DE FER de la LOIRE
La fusion des trois Compagnies concessionnaires à perpétuité
des chemins de fer de la Loire fut réalisée en 1853.
Le chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon, par des amélio-
rations successives, avait plus que doublé ses frais de premier
établissement. La recette atteignait plus de 100.000 francs par
kilomètref. Elle dépassait les plus fortes recettes kilométriques
connues. Pour relier cette ligne aux réseaux qui allaient aboutir
à Lyon, à Givors et à Saint-Etienne, on devait doubler la voie
et les souterrains, afin d'ailleurs de répondre au développement
toujours croissant du trafic.
Le chemin de fer de Saint-Etienne à Andrézieux présentait
encore des courbes de 100 mètres de rayon et des rampas inad-
missibles dans une grande exploitation.
Le chemin de fer d' Andrézieux à Roanne avait des plans
inclinés à 50 millimètres par mètre et des machines fixes. A
ne présentait pas les conditions de vitesse, de sécurité et d'éco-
nomie nécessaires.
Le Gouvernement était lié par la perpétuité des concessions.
11 ne pouvait imposer ni améiliorations matérielles, ni réduc-
tions de tarifs.
Une Compagnie, sous le titre de Société des Chemins de fer
de jonction du Rhône à la Loire, se forma le 30 décembre 1852
et se fit céder, sous réserve de ratification, les lignes du dépar-
tement de la Loire. Elle signa avec le Gouvernement une
convention où il fut stipulé, notamment, les conditions
suivantes :
1*" Des rectifications et améliorations seraient exécutées sur
les trois lignes, pour une dépense totale de 35 millions.
2° Le remboursement du prêt de 4 millions fait par l'Etat
à la Compagnie d' Andrézieux à Roanne, et dont cette Compa-
gnie n'avait jamais pu payer les intérêts, devait être intégral ;
3° Les tarifs étaient remaniés, le tarif de la houille unifor-
misé à 10 centimes par tonne et par kilomètre ;
4° Les lettres étaient transportées gratuitement, les troupes
et les services de l'Etat bénéficiaient de réductions ;
5" Le droit d'embranchement était .reconnu (art. 55, 57,
58, etc.) ;
6** La concession était ramenée à 99 ans à partir de la
convention ;
7° L'Etat g-arantissait pendant cinquante ans, aux trois
Compagnies propriétaires, et avant tout prélèvement sur le
produit net de Tentreprise, une annuité de 3.628.000 francs,
dont 3.073.000 francs pour le Chemin de fer de Lyon, 220.000
francs pour celui d'Andrézieux, 334.000 pour celui d'André-
zieux k Roanne (art. 69) ;
8'' La nouvelle Compagnie était autorisée à émettre des
actions pour 30 millions et des obligations pour le surplus du
capital nécessaire à ses travaux et à son fonctionnement (l).
La loi fut promulguée le 10 juin 1853.
Les administrateurs de la Compagnie étaient : le duc le
Mouchy, Charles Seguin, Désarts et Gustave Delahante, l'admi-
nistrateur-directeur de la grande Compagnie des Mines de .a
liOire.
Le chemin de fer d'Andrézieux avait coûté 1.700.000 francs.
Son produit avait toujours été très satisfaisiant. Les action-
naires recevaient régulièrement un intérêt à 5 % et des divi-
dendes importants. Les recettes brutes totales étaient de
420.000 francs.
Le chemin de fer de Lyon s'était constitué au capital de
11 millions. Il avait coûté plus du double et la Compagnie avait
contracté, de 1831 à 1852, cinq emprunts représentant plus de
15 millions. I^a recette bnite totale s'élevait à 5 millions, et les
actions étaient montées de 5.000 à 12.750 francs.
Le chemin de fer de Roanne, constitué aiu capital de 5
millions, avait dû suspendre ses travaux. L'Etat lui avança
4 millions. Sur poursuites des autres créanciers, la Société fut
expropriée et le chemin de fer adjugé, le 27 février 1851, à une
(1) Rapport de la Commission au Corps légialntlf {Llndvfitrip, jonma»
dp Saint-Etlenne, 10 Juin l^fB ; la rnnvpaition a M^'^ pnMi<^»» dans les
mjiTn'^ros <les 11 Juin et jours suivants).
nouvelle Compagnie aui capital de 6 millions. Les produits
étaient si faibles qu'ils pouvaient à peine couvrir les dépenses.
La Compagnie de Rhône-et-Loire racheta ces trois lignes :
l'' Le chemin de fer d'Andrézieux pour 4.525.000 francs ;
2° Le chemin de fer de Lyon pour 59.378.650 francs ;
3° Le chemin de fer de Roanne pour 5.800.000 francs.
Ces prix étaient représentés par des obligations de 625 francs
(500 fr. pour le dernier chemin) à 4 %, remboursables en 99 ans.
La Compagnie prenait à forfait l'actif et le passif des trois
anciennes Compagnies. Le passif s'élevait :
1" Pour la Compagnie d'Andrézieaaix à 700.000 francs ;
2*^ Pour la Compagnie de Lyon à 15.640.000 francs ;
3** Pour la Compagnie de Roanne à 7.140.000 francs, dont
4 millions prêtés par l'Etat (loi du 15 juillet 1840) ; cette der-
nière créance devait être remboursée à partir de 1859, en 30
annuités.
L'ensemble de ce passif devait être acquitté par des obli-
gations rembouirsables, comme le prix principal.
C'était une somme de plus de 93 millions que la nouvelle
Compagnie prenait à sa charge, en ajoutant le passif au prix
de cession (l).
La loi ordonnant la fusion des trois lignes de la Loire était
de juin 1853. En septembre de lia même année, la fusion de
la nouvelle Compagnie des chemins de fer du Rhône à la
Loire avec la Compagnie du Chemin de Fer Grand-Central
était chose décidée, et la question soumise aux actionnaires
des deux Compagnies le 15 octobre.
Le Grand-Central n'était régulièrement constitué que
depuis le 30 juillet 1853. La loi du 11 juin 1842 avait déterminé
les grandes lignes à construire de Paris aux extrémités du
territoire. Mais, pour celles de ces lignes dirigées sur le
centre de la France, les concessions antérieures à 1853 s'arrê-
taient à Glerment d'une part, à Limoges de l'autre.
(1) Journal VIndustrie, 17 septembre 1853.
— 661 —
Le Ciiand-Uentral était destiné à continuer Les lignes inter-
rompues et à desservir la région entre Lyon, Bordeauix,
Glermont, Montauban, Limoges et Agen.
Une des premières préoccupations de œtte Compagnie fut de
s'assurer une arrivée directe à Lyon. Son tracé empruntait la
ligne de Lyon' à Saint-Etienne. En fusionnant la Compagnie
du Rhône-et- Loire avec le Grand-Central, celui-ci se substituait
au Rhône-et-Loire pK)ur effectuer les rectifications et amélio-
rations nécessaires.
Les traités de la Compagnie de Rhône-et-Loire avec les trois
lignes primitives lui assuraient la jouissance de leurs produit-^
à dater de 1853. « L'accroissement des recettes était déjà tel
qu'il' donnait à la nouvelle Compagnie un bénéfice certain. »
Le Grand-Central lui en tint compte en lui accordant une plus-
value de six millions, « en compensation de laxjuelle la Com-
pagnie de Rhône-et-Loire apportait des ressources immédia-
tement réalisables consistant en une créanoe, une mine de
houille et divers terrains situés à Lyon et sur la ligne du chemin
de fer (i) ».
Au lieu de convertir les actions de Rhône-et-Loire en actions
du Grand-Central, comme on l'avait d'abord décidé, la Com-
pagnie de Rhône-et-Loire se contenta d'un revenu de 375.000 fr.,
en obligations à 3 %, amortissables en 99 ans, en échange de
l'abandon de tx>us ses avantages.
I..es produits bruts de l'exploitation des chemins de fer de la
Loire pour 1853 étaient présumés devoir s'élever à 8.500.000 fr.,
et les produits nets à 4 millions. Les charges d'amortissement
et autres, à prélever sur le bénéfice net, devaient s'élever à
3.200.000 francs. En y ajoutant 396.000 francs pour l'intérêt et
l'amortissement des ol)ligati()ns délivrées à la Compagnie de
Rhône-et-I/oire, il restait encore une large part de bénéfices pour
le Grand-Central.
Sans doute, les charges devaient progresser pendant quelques
années, mais U»*» rtvcettes devaient }>rogresser en même temps.
En 1853, elles s'ét<iient accrues de 20 %, grâce h la reprise des
affaires, la ropris(» exceptionnellement brillante du Second
(1) Rapport fhi Conspil (rnclmlnistration du Grand-Central h l'Assem-
hlée (lu ir> œtolire IKOS {L'Iitduslrie, Journal de Saint Etienne, 27 octobre
1853).
48
— 662 —
Empire. Dans cinq ans, elles étaient présumées devoir s'élever
à 12 millions, grâce à rachèvement des travaux de rectification
et à la jonction de ces lignes avec d'autres lignes en construction
ou projetées, et à l'accroissement général des recettes sur. tous
les réseaux. En estimant les frais d'exploitation à 35 %, le
revenu net serait de 7.800.000 francs.
A ce moment, les charges de toute espèce poyir le rachat des
chemins de jonction se présentaient de la manière suivante :
1*" Annuité aux anciennes Compagnies conces-
sionnaires des trois lignes 3.628.000 »
2"* Annuité pour le remboursement à l'Etat du
prêt de 4 millions à la Compagnie de Roanne 204.077 »
3** Intérêt à 5 % du capital-obligations de 30
millions, dépensé en travaux 1 .500.000 »
4*" Intérêt et amortissement des obligations ^
délivrer à la Compagnie de Rhône-etrLoire 396.000 »
Total, non compris l'amortissemeint du capital
de 30 millions (pour les travaux) 5.728.077 »
En déduisant cette charge totale du revenu net d'exploitation
de 7.800.000 francs, il resterait un bénéfice de plus de 2 millions,
soit pour chacune des 180.000 ac-tions du Grand-Central, et
seulement de ce fait, un revenu de 11 à 12 francs.
Le Grand-Central devait réaliser le capital de 30- millions de
la Compagnie de R,hône-et-Loire, non plus en actions, mais en
obligations spécialement affectées aux travaux d'amélioration
et de rectification des chemins de fer de la Loire.
Le Président du Conseil d'administration diui Grand-Central
était M. de Mbrny, une des plus hautes personnalités dui Second
Empire, frère naturel de l'Empereur, et qui, d'après Persigny
et tant d'autres, ne négligeait jamais ses intérêts personnels.
Parmi les administrateurs, je trouve : Gustave Delahante, le
grand administrateur-délégué du trust des houillères de la
Loire ; le vicomte de Rainneville, qui avait été député de
Roanne sous la Restauration ; M.. Chatelus, « ex-chef de la
division des chemins de fer au Ministèire des Travaux publics » ;
le marquis de La Tour-Mauibourg, etc...
L'adjonction de la concession des chemins de fer de jonction
du) Rhône à la Loire à celle du Grand-Central fut approuvée
- 663 -
par décret du 26 décembre 1853. Le Grand-Central s'obligeait
à exécuter tous les engaê'ements contractés par la Compagnie
du Rhône à la Loire. Le: cahier des charges stipula que le
capital de 30 millions, que cette Compagnie devait réaliser en
actions, serait réalisé en obligations. Le tarif annexé à la loi
du 10 juin l'853 pour la Compagnie de Rhône-et-Loire fut
déclaré applicable à Vcnscmble des lignes comprises dans les
concessions du Grand-Central. Le droit d'embranchement fut
maintenu tel qu'il avait été reconnu dans le cahier des charges
de la Compagnie de Rhône-et-LQirei ; le tarif pour la fourniture
et l'envoi du' matériel de la Compagnie sur les embranchements,
fixé à 12 centimes par tonne pour le premier kilomètre et, en
outre, à 4 centimes par tonne et j>ar kilomètre en sus du
premier (l).
M. de Morny, président du; Conseil d'administration du
Grand-Central, vint à Saint-Etienne le 15 janvier 1854 pour
prendre possession des chemins de fer de la Loire et recueillir
d^ renseignements pour la construction de la ligne de Saint-
Etienne à Clermont par le Puy. M. de Morny descendit à l'hôtel
du Nord, où il offrit un grand dîner. Il fut reçu au Cercle des
Arts et du Commerce, le Grand Cercle actuel.
La Compagnie du Grand-Central nomma directeur des
chemins de fer de la Loire, avec résidence à Lyon, M. Bousson,
ingénieur.
M. Eyssautier, délégué du Ministre des Travaux publics,
arriva à Saint-Etienne le 17 janvier pour faire un rapport au
Ministre sur la section de Saint-Etienne à Clermont. Après les
renseignements fournis au délégué par la Chambre de Com-
merce et la Société industrielle et agricole (Société d'Agricul-
ture), M. Eyssautier laissa pressentir que le tracé par la vallée
de la Ijoire, le Puy et Ijempde^» était préférable.
Les travajuK de rectification de la section entre Saint-Etienne
et Lyon commencèrent à Rérard, vers le 20 septembre 1854 (2).
(1) Voir VIndustric, 31 décembre 1853. v
(2) Volrilp Mémorial de la TMre (nouveau titre du Journal Vîndustrie),
15 et 30 Janvier 1854. — Notes de De.scheux. — J'ai oonsacrt^ dans l'Ilis
laite de la Chambre de Onrimerre de Saint-KMenne un chapitre ùl'iMa-
blis.m'rnent <I('h diverses lifcTii'es de clvemins d*"» fer d'inUHOt général.
m
Le chemin de fer de Saint-Ktienne à Lyon, su,r lequel passaient
à ce-ttfe époque 1 million de voyageurs et plus de 1.500.000 tonnes
de marchandises., n'avait que des rails pesant 13 kg. le mètre.
La distance entre les deux voies n'était que de 1 mètre (au lieu
de 2 mètres sur les chemins de fer à grande section), et il y
avait 2.500 mètres de tunnels (on disait alors « souterrains ")
à une seule voie. Les wagons portaient au maximum 3 t. 1/2.
Entre Saint-Etienne et Roanne, il n'y avait qu'une seule voie,
et le tracé comportait deux plans inclmés à machines fixes.
On adopta les rails du poids de 37 kg. 1/2. La capacité des
wagons à houille fut portée à 7 et 8 tonnes. On dut élargir les
tunnels de Terrenoire et de la Mulatière. Celui de Rive-de-Gier
fut reimplacé par un autre tunnel passant plus près de la ville.
La gare d© Rive-de-Gier, quii s'était affaissée, fut reconstruite
et , ses matériaux employés à la construction de la gare de
Lorette, en 1860. La ga;re de Gouzon fut reportée en aval du
souterrain. La gare de Grand'Groix, qui était au centre du
bourg (37, rue de Lyon), fut reportée à la Bâchasse, et la routt'
nationale déviée sur 500 mètres, avec pont, siur le chemin de
fer, en remplacement du passage à niveau. La gare de Saint
Ghamond, qui était rue de Plaisance, fut reportée en aval du
souterrain, à Grange-Pourrat. On construisit à Saint-Etienne
la gare de Ghâteaucneiux, qui n'était pas exactement sur l'em-
placement de la gare actuedle, mais plus rapprochée du port
sec de Bérard. Elle remplaça, pour les voyageurs, les gares de
Bérard et de la Terrasse.
L'exécution des travaux de rectification fut confiée ti
MM. Parent et Schaken, chargés en même temps de la traction
et du mouvement de l'exploitation.
Jusque-là, le service de la traction était fait par des entre-
preneurs qui étaient en même ternps constructeurs de machines
et qui travaillaient dans leurs propres usines.
Les machines Seguin, de 14 tonnes, n'étant pas assez puis-
santes pour remorquer les trains à la remonte, cette traction
avait été effectuée par des chevaux ou des bêtes à cornes
jusqu'en 1844. A partir de cette date, on leur avait substitué
les machines Verpilleux, avec tender à roues couplées, dé
— 665 —
23 tonnes. Verpilleux lui-même avait pris Tentreprise de la
remonte pour "dix années, de Rive-de-Gier à Saint-Etienne.
Clément Désormes se chargeait de la traction entre Lyon el
Rive-de-Gier, et sur toute la ligne pour les voyageurs et les
messageries de nuit (i).
Désormes avait son atelier de construction à OuUins, très
important et admirablement disposé pour les travaux de cons-
truction et de réparation du matériel des chem.ins de fer. La
Compagnie du Grand-Central acheta ces ateliers et les loua
à MM. Parent et Shaken (2). Telle fut l'origine des ateliers
d'OuUins (3).
Les nouvelles locomotives pesaient 35 à 37 tonnes (^0-
L'exploitation ne fut pas interrompue pendant la durée des
travaux. Mais les voyageurs furent transbordés par omnibus
de Terrenoire à Saint-Etienne, pendant la reconstruction du
tunnel (5).
La ligne d'Andrézieux à Saint-Etienne disparut. La rectifi-
cation de la ligne d'Andrézieux à Roanne motiva des dis-
cussions passionnées, car Montbrison insistait pour que la nou-
velle ligne empruntât la rive gauche de la Loire (6). Un décret
du 26 décembre 1855 trancha la question en faveur de la rive
droite. La Compagnie devait exécuter à ses frais un embran-
chement de Montbrison à Montrond. Elle était autorisée à em-
prunter une partie de la route départementale, en l'exhaussant
aux abords du pont de Montrond, et le pont lui-même. On se
souvient qu'un premier embranchement de Montbrison à
(1) Voir Dklesthac, Les premiers Chemins de fer du Département de
la Loire (A. F. A. 8. Saint-Etienne, 1S97). Chomienne, Histoire de Rive-
de-Gier, p. 203, 'etc.
(2; La société Parent, Shaken, GoWsmitli ei C'«, qui possédait de nom-
hreuses forges dans l'Indre, le Cher, etc., fusionna en novembie 1R54
avec la Conipaj4iiif «i( s Ai iriios de la Marine (Voir Histoire de In
\îé:allurgie, p. 20],
(3) Voir le Mémorial de la Loire du 17 février 1855, qui donne le texte
du contrat entre la Compagnie du Grand-Central et MM. Parent et
Shaken.
(4) Leskijhk, p. .rA'*
{5) Ihid. — Méniuitiii ,/r lu L>>iit\ M) août 1856. Ce trnnsbordonient cessa
le V" septembre 1856
(6) Voir Histoire de la Chambre de Commerce, p. 72.
Montrond, concédé au ôieur Gherblanc, avait été abandonné
en 1848.
Ce décret approuvait une convention entre le Gouvernement
et la Compagnie diui ctiemin de fer d© Paris à Lyon par le
Bourbonnais.
Cette Société était ime Société en participation formée entre
les trois Compagnies de Paris à Lyon, Paris à Orléans, et du
Grand-Central. Il s'agissait de créer une ligne du -Bourbonnais,
partant de Corbeil et de Moret, se dirigeant sur Nevers et de
là sur Roanne en empruntant la ligne de Moulins concédée
à la Compagnie d'Orléans (i). Cette ligne devait arriver à Lyon
de deux côtés différents, par Tarare et par Saint-Etienne.
En conséquence, le Grand-Central faisait l'apport du chemin
de fer de jonction du Rhône à la Loire, aux charges et con-
ditions où il le possédait lui-même, ainsi que de tous traités
relatifs à la construction ou à l'exploitation de ce chemin et
postérieuirs à la fusion.
Cette convention, sanctionnée par un décret, fut modifiée par
la grande fusion de 1857, date de la Naissance de la Compagnie
P.-L.-M. (2)^ Cette fusion, ratifiée par un décret et une loi du
19 juin 1857 (les statuts furent sanctionnés par décret dui 3
juillet) groupa en une concession unique les réseaux en cons-
truction ou concédés des Compagnies de Paris à Lyon, de Lyon
à la Méditerranée, de Lyon à Genève, les sections rétrocéd^ées
par le Grand-Central, la ligne du Bourbonnais (non encore
construite), divers chemins et embranchements nouveaux.
A l'embranchement de Montbrison à Montrond, prévu en
1855, on substitua un embranchement de Montbrison à An-
drézieux. Le cahier des charges stipulait que cet embran-
chement se détacherait à ou près de la Fouillouse et passerait
à on près d'Andrézieux (3).
En 1856, la Compagnie de Lyon à la Méditerranée avait
(1) La Compagnie d'Orléans devait achever cette ligne jusqu'à Roanne
bien qu'elle ne fît pluis partie ûe» son réseau {Mémorial, 8 avril 1856).
Elile fut ouverte en 1858.
(2) Voir Meinadier : La Compagnie des Chemins de fer P.-L.-M. (Ha-
chette 1908, p. 77. 80 et suivantes).
(3) Bulletin des Lois 1857, 2^ semestre, p. 279-285.
— 667 —
ouvert rembranohemieiit de Givors reliant le bassin de Saint-
Etienne à la rive gauche du Rhône (l).
Lgs trois rachats successifs des premières lignes de la Loire
ont eu une conséquence généralement ignorée. Rachetées
chaque fois à un prix correspondant à leur revenu sans parler
des majorations, l'ensemble' de ces lignes revient à la Com-
pagnie P.-L.-M. à 1.800.000 francs le kilomètre, dépense bien
supérieure à celle prévue pouir le canal do la Loire au Rhône
avant la guerre, et qui était considérée pourtant comme exces-
sive. Ce coût kilométrique est hors de proportion avec la valeur
des travaux. Néanmoins, il impose à la ligne totale Roanne-
Saint-Etienne-Lyon une charge annuelle (T amortissement de
plus de 14 millions. Gomme le bénéfice net annuel de V exploitation
est de 9 millions^ le déficit annuel est de 5 inillions (chiffres
d'avant guerre). Ge déficit, qui figure dans le compte rendu
aux actionnaires du P.-L.-M. a été souvent invoqué pour écarter
toute concurrence, soit d'un canal, soit d'une deuxième ligne,
voire même des abaissements de tarifs.
En 1913, les gares de l'arrondissement de Saint-Etienne expé-
diaient 2.807.000 tonnes de houille. Il y a loin de là aux 350.000
tonnes de 1835.
§ 12 - LES EMBRANCHEMENTS PARTICULIERS
« Le droit de pratiquer des embranchements a été, dans
l'origine, considéré comme une conséquence de l'autorisation
de la ligne pnncipale ; on a pensé qu'un chemin de fer peut
être comparé à un arbre qui fructifie d'autant plus que se«
branches sont plus nombreuses, à une rivière dont le volume
d'eau augmente par les affluents (2) ».
Lolil d'apporter des obstacle© au drx>it d'embranchement,
la Compagnie du chemin de fer de Saint-Etienne à la Loire
(1) MénUJTidl lie 1(1 Lnirc, K .ivril \KA\
(2Î, Peyret-Laixieh, Traité sur la législation drs yfinrs, 1S42. p. 160.
— fi68 —
(Andrézimix) permit à tous les ppopnéiaires ou exploitants de
mines de créer des embranchemenis. Elle fournissait à ses
frais « l'entrée du rameau ».
Pour le chemin de fer de Lyon, sur la demande des adj»!-
dicataires eux-mêmes, les préfets du Rhône et de la Loire
prirent deux arrêtés (11 septembre 1829 et 15 mars 1830) re-
connaissant le droit d'embranchement.
T/'arrêté du préfet de Ha Loire (art.. 8) reconnaissait le droit
de s'embrancher sur un point quelconque des lieux de char-
gement ou de déchargement, quelle que soit la quotité des
transporté fournie par l'embranché au chemin de fer.
Le même arrêté (art. 12) reconnaissait le droit d'embran-
chement entre deux points de chargement et de décharge-
ment, à la condition : 1*^ de fournir annuellement au chemin
de fer 5.000 tonnes au moins à transporter ; 2** de payer la
distance entière entre les deux points de chargement et de
déchargement entre lesquels l'embranchement se trouvait
placé. -^
Divers embranchements furent établis dans ces conditions,
puis M Compagnie se refusa à exécuter l'arrêté (l).
La Commission d'enquête nommée en 1835 se prononça en
faveur des exploitants (2).
Ne considérant que la lettre du cahier des charges, le Con-
seil général dé® Ponts et Chau-sséesv en 1837, émit l'avis
suivant — vraiment extraordinaire — qui était la négation
formelle du droit d'embranchement. Je reproduis cet avis,
qui fut adopte pair le Ministre le 10 avril 1837 et notifié le 10
mai par les soins) même du Préfet, dont l'arrêté était annulé
dans ses dispositions essentielles (3) :
Le Conseil général des norfs et chaussées, considérant d'abord
que les arrêtés préfectoraux des 11 septembre 1R29 et 15 mars 1830
n'arrêté du 15 mars 1830 est émané de M. le Préfet dn Rhône)
n'ont pas encore reçu la sanction ministérielle... ;
(1) Sur les motifs invoqués, voir Peyret-Lallter, Traité sur la Légis-
lation des Mines, p. 162.
(2) Voir Histoire de la Métallurgie, p. 169.
(3) Mercure Ségusi£n, 28 juin 1837. Peyret-Lallier ne fait pas mention
de cet avis, mais d'un arrêt-é interprétatif du 24 avril 1838.
A l'égard des articles 8 et 12, le Conseil, avant d'exprimer son
opinion sur ces articles, croit nécessaire d'établir d'abord quelle
est la véritable position de la Compagnie du chemin de fer de
Saint-Etienne à Lyon ; cette position diffère essentiellement de celle
qui dérive des cahiers des charges récemment adoptés par l'admi-
nistration pour la concession des chemins de fer. Dans les cahiers
des charges, il' est stipulé que la Compagnie ne peut faire obstacle
aux embrancliemens régur*èr«ment autorisés, et que les wagons
qui circuleront sur ces embranchemens pourront continuer leur
route sur la ligne principale.
A cet effet, le péage est divisé en deux parties, représentant, l'une
le loyer du chemin, l'autre les frais de traction ; de semblables
dispositions n'existent pas dans le cahier des charges du chemin
de fer de Saint-Etienne à Lyon ; à l'époque où la concession en a
été faite, on ne supposait pas (en France du moins) la possibilité
d'yne libre circulation sur les chemins de fer, et la Compagnie
Seguin a été investie dn monopole des transports sur son chemin.
Cef[te condition peut être fâcheuse, mais elle existe, elle doit régir
la question. Or, il suit de là qu'à moins de conventions parti-
culières auxnuelleis l'administration ne pourrait s'opposer qu'autant
que les intérêts généraux placés sous sa protection auraient à en
souffrir, il suit de là que les rails des chemins d'embranchement
dirigés soit sur les ports secs, soit sur les po^mts intermédiaires, ne
peuvenif se sonder avec les rails de la Compagnie :
Que les wagons gui n'appartiennent pas à la Compagnie ue peU"
nent circider sur le chemin dont elle est concessionnaire ;
Qn* enfin, la Compagnie n^est pas obligée d'envoyer ses wagons
sur les chemins d'embranchement.
Ceci posé, le Conseil examine et discute successivement les
-articles 8 et 12.
T.' art' cl p S est ainsi conçu :
Tous les propriétaires ou directeurs d'établissemens industrielf»
ou agricoles, et les exploitans des mines qui voudront s'embran-
cher sur un point guelcong^ie des lieur de chargement et dr
déchargement, auront droit de le faire quelle (fue soit la quotité des
transports qu'ils pourront fournir anmiellement an chemin de fer,
et en jouissant d'ailleurs des mêmes avantacres dont jouiront ceux
qui chargeront et déchargeront immédiatement sur lesdits lieux de
chargement et de déchargement.
r,es exploitans demandent le maintien do co\ article et
prétendent nu'il entraîne pour la Comparmie l'oblioration d'envoyer
ses wagons sur les embranchemens f>our ill» r chercher le charbon
jus()u'aux puits d'où il est extrait.
La Compagnie réclame l'annulation de ce même article : elle
expo.so 'l'i ri ne peut s'embrancher inNii passant sur un terrain,
— 670 —
et que consacrer cette disposition ce serait prononcer contre elle
une véritable expropriation.
Le Conseil pense que ni l'une ni l'autre de ces prétentions n'est
fondée.
Il est impossible que la Compagnie du chemin de fer méconnaisse
le droit d'aller sur les lieux de chargement et de déchargement,
autrement dits ports secs. Un port sec est un lieu public déterminé
par l'administration. Il a été établi au profit du public. Le public
doit donc pouvoir y accéder avec toute la facilité possible ; les
voitures qui arrivent par les cjiemins ordinaires doivent pouvoir
charger et décharger immédiatement sur le port sec. Il est évident
qu'à raison de leur composition toute spéciale, les chemins de fer
d'embranchement ne jouiraient pas du même avantage, si les rails
de ces chemins ne pouvaient pas être prolongés et disposés sur le
port sec de manière que les wagons qui les ont parcouiiis puissent
accoster les wagons de la Compagnie. C'est là le sens qu'il convient
de donner à l'article 8 ; mais, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de cette
faculté d'accès et, si Ton veut, de prolongement des rails d«s
chemins d'embranchement sur le port sec, il n'en résulte pas,
d'une part, pour les propriétaires de ces embranchements le droit
de souder leurs rails avec ceux de la Compagnie et, d'autre part,
pour la Compagnie, l'obligation d'envoyer des wagons sur les
chemins d'embranchement.
De telles dispositions peuvent bien exister en vertu de conven-
tions privées, mais elles ne dérivent pas du cahier des charges
accepté par la Com^pagnie du chemin d)e fer, elles ne sauraient lui
être obligatoirement imposées ; au surplus, et ainsi qu'on l'a
exposé, les term,es de l'article 8 n'ont pas cette portée, cet article
d'ailleurs doit être annulé par les motifs suivans :
Il semble vouloir créer un droit nouveau, le droit d'accès sur les
ports secs, et ce droit est incontestable ; la Compagnie ne peut y
faire obstacle tant qu'il sera exercé ainsi que nous l'avons expliqué
plus haut.
Il procède par voie de disposition générale, tandis que l'autorité
préfectorale doit intervenir dans chaque cas particulier. Le droit
d'accès sur un port sec est incontestable, mais il n'est pas indéfini ;
ce port est limité, et le nombre des chemins de fer d'embranchement
qui peuvent y accéder doit l'être également ; il est permis à tout le
monde de bâtir sur le bord des grandes routes, cependant un
particulier ne peut user de ce droit qu'en vertu d'une permission
spéciale. Il y a ici assimilation parfaite, le droit d'accès est
général, mais il ne doit être exercé qu'en vertu d'arrêtés spéciaux.
Dans chaque cas particulier, le préfet doit intervenir ; il doit faire
examiner les lieux, entendre la Compagnie et régler les conditions.
Par tous ces motifs, le Conseil est d'avis que Varticle 8 doit être
annulé.
— 671 —
VaHicle 12 aurait pour but de consacrer des dispositions encore
plus graves.
Voici la teneur de cet article :
Il sera permis à tout propriétaire^ aux directeurs d'établissemens
industriels ou agricoles, ou exploitans, situés entre deux points de
chargement et de déchargement, d'établir des embranchemens suV
le chemin de fer, et d'y faire charger et décharger leur produits et
marchandises à l'exportation et à l'importation, sous la condition :
1° de fournir annuellement au chemin de fer une quantité de trans-
ports équivalant au mioins à 5.000 tonnes, ou à 50.000 quintaux
métriques ; 2*^ de payer la distance entière existant entre les deux
points de chargement et de déchargement entre lesquels l'embran-
chement se trouvera placé, comme si cette distance était réellement
parcourue.
Cet article déroge à la fois aux règles de l'administration, aux
droits du public et aux obligations de la Compagnie ; il permet à
un particulier de se créer à lui-même un port sec, en un point
quelconque du chemin de fer, tandis qu'un port sec ne peut exister
qu'au point déterminé par l'administration, et qu'en vertu d'une
ordonnance royale rendue après une enquête préalable. Ce même
article oblige le particulier à payer sur le chemin de fer une
distance plus grande que celle que ses denrées ou marchandises
y parcourent effectivement, tandis qu'il ne doit acquitter que la
distance réellement parcourue, et que la Compagnie n'a droit de
rien exiger au delà. L'article 12 de l'arrêté du Préfet de la Loire
est donc essentiellement contraire aux principes de la matière, et
déroge d'ailleurs aux conditions du cahier des charges qui déter-
mine les droits et les devoirs de la Compagnie ; le Conseil propose
en conséquence de l'annuler.
Quant à l'interprétation donnée par les exploitais à cet article
comme à l'article 8, d'après laquelle la Compagnie serait tenue
d'envoyer ses wagons jusqu'à l'origine de» chemins d'embranche-
ment qui viennent se rattacher à la ligne principale, entre les
lieux de chargement et de déchargement, le Conseil croit devoir
exposer que l'obligation dont il s'agit ne résulte pas des termes
mêmes de l'article 12 ; qu'elle est positivement contraire à Vesprit
du cahier des charges qui n'admet pas que les chemins d'embran-
chement puissent se souder directemenit av^c la Ihg-ue principale,
à moins du consentement de la Compagnie, et tiu'ainsi elle ne
pourrait exister que par suite de conventions privées.
Le Conseil pense que la décision mini.stériello à intervenir dans
cette affaire, en statuant pour l'avenir conformément à ce (jui
précède et en s'oxpliquant sur le véritable .sens (juc doivent recevoir
les articles 8 et 12, doit déclarer en même temps qu'elle n'entend
pas intervenir dans les mêmes conventions privées qui peuvent
exister entre les exploitants <•( la Com|);ignio ; tju»» les trilninatur
- 672 —
auront à jiKjer si la imwxière donl 1rs articles S et 12 de l*arrété
préfectoral du 11 septetritrre 1HW (ml été interprétés et e.récutés par
les parités, peut constituer des conventions de eette nature, et
quelles peuvent être la validité et la durée de ces cowvenHons.
Enfin, à l'égard des chargemens, qui ne sont pas encore légale-
ment autorisés, comme aucun motif d'ordre public n'en réclame
la suppression, le Conseil est d'avis qu'il y a lieu d'en tolérer
l'existence sous toute réserve des droits publics, et en ce qui ne
poi-te pas atteinte aux droits de la Compagnie, tels qu'ils ont été
définis plus liaut ; à l'égard, en effet, soit des pQints de contact de
ces cmbrancliemens avec les rails du chemin de fer, soit de leur
mode de service, on ne peut que se référer aux explications données
au sujet des articles 8 et 12 de l'arrêté préfectoral du 11 septembre
1829, sur les droits qui dérivent pour la Compagnie de la teneur
de son cahier des charges, sans rien préjuger toutefois sur les
conventions privées qui seront reconnues exister entre ladite Com-
pagnie et les exploitans, conventions dont lappréciation et le
jugement appartiennent ainsi qu'on la dit, aux tribunaux
ordinaires.
Ainsi la décision minisiériellJe «>umettait la création des
embranchements au bon plaisir de la Compagnie. Or, des
embranchements existaient. Le public en était depuis long-
temps en possession. La Compagnie avait même sollicité leur
établissement.
La Chambre de Commerce de Saint-Etienne prolesta vive-
ment, dans une note du 18 juin 1837 :
Le Gouvernement crut encore qu'en concédant un chemin de fer
(de Saint-Etienne à Lyon) à notre riche contrée, les transports se
feraient à meilleur marché et en telle abondance que tout le monde
serait satisfait. Les intentions du gouvernement d'alors n'étaient
pas douteuses ; elles ressortent du cahier des charges imposées au
chemin de fer de Samt-Etienne à Lyon, mais nous avons à nous
plaindre de la manière dont ce cahier des charges a toujours été
et continue encore d'être exécuté ; nos doléances à cet égard ont
souvent frappé l'oreille des ministres et surtout du directeur
général des mines d'aujourd'hui ; non seulement nous n'avons
obtenu aucune amélioration dans les transports toujours incertains
par le fleuve, toujours difficiles et comme impossibles par le
chemin de fer, mais encore tout nouvellement un arrêté du Conseil
général des ponts et chaussées et des mines, approuvé par
M. le Ministie du Commerce, vient d'annuler le tarif et nous
soumettre entièrement à l'arbitraire de radministration de ce
chemin.
— 673 —
L'arrêté lui accorde le droit de refuser des embranchements
qu'elle avait cependant sollicités et dont le public était depuis
longtemps en possession, il lui permet de ne recevoir des charbons
à transporter qu'à un point de chargement qui n'existe pas ; on
est donc forcé de ne plus compter sur un tarif, et de subir les
conditions qu'il plaît au chemin de fer dimposer.
Autrefois, ce chemin ne transportait pas également pour tout
le monde, il avait ses expéditeurs privilégiés, il ne transportait
pas la moitié des marchandises qu'on avait voulu lui confier. Les
procès avec tous les expéditeurs et extracteui"s du pays en font foi,
mais au moins il recevait le peu dont il consentait à se charger
partout où l'on pouvait le lui livrer. 11 n'en est pas de même
aujourd'hui. L'arrêté du Conseil général des ponts et chaussées et
des mines (dûment signifié) a bien voulu cependant, pour ne pas
tarir toutes les expéditions, autoriser à se servir encore des anciens
embranchements, mais moyennant seulement des traités parti-
culiers dont l'administration du chemin de fer demeure l'arbitre.
Il en résulte qu'elle est maîtresse absolue de son prix ; que l'on ne
peut compter sur aucune expédition (car qui peut en élever les
conditions selon son caprice, peut par cela même la refuser). 11
en résulte que les livraisons promises n'ont pu s'exécuter, que les
consommateurs s'adressent ailleurs ; que les ouvriers de la contrée
sont sans travail ; que le plus riche dépanement est devenu un des
plus à plaindre, et que le chemin de fer lui-même, à force d'hosti-
lités et de mauvaise volonté contre le pays, se nuit à lui-même, car
ses wagons ont corrunencé à séjourner inactifs sur les rails en
septembre dernier (v. les journaux de septembre).
11 est fiâcheux d'avoir à accuser ce -chemin de fer toutes les fois
qu'il est question de l'industrie de notre département, mais c'est
(fiL'U en est vérUablenierit la plaie par la manière dont il est
exploité, et en frappant notre industrie, il frappe également toutes
les autres qui en dépendent ; et les grandes usines, les ports
maritimes repoussés de nos bassins houillers poilent, malgré eux,
leur argent comme un tribut à l'étranger.
Toutes ces considérations font sentir combien il est urgent que
la Compagnie du canal de Givors obtienne la permission de pro-
longer son oanal jusqu'à nous par un chemin de fer, ainsi qu'elle
le denjande ; alors seulement qu'il y aura une véritable concurrence
pour le transport des houilles hors de nos bassins houillers, nous
pourrons donner à l'extraction de ce combustible toute l'aptivité et
Téconornie qu'elle réalame, ajors nous pourrons alimenter les
départements voisins, et la France cessera de fou ru h dt-^ cnpitjinx
à l'étranger.
î^ CompapTiie persistai dans son système d'opy^osilion. Kn
vain iino Commission rninist/iriclh' nornîTiiV» on lî^MO so montra
- 674 —
favorable à robligation du droit d'embranchement. I^a Com-
pagnie, qui voulait une augmentation de son tarif de transport,
se récria. Finalement, par arrêté du 8 décembre 1840, le
Ministre éleva ce tarif. Sans astreindre la Compagnie à desseirvir
les embranchements, il lui alloua une prime fixe de 0 fr. 50
par wagon pour l'envoi de son matériel sur les embranchements,
outre 0 fr. 04 par tonne et kilomètre parcouru.
Cet arrêté du 8 décembre 1840 motiva de vives réclamations
de la part de la Chambre de Commerce et de la part des
exploitants des mines contre la prorogation de l'augmentation
du tarif perçu sur la ligne de Lyon. Le Ministre provoqua des
conférences et consigna les plaintes du public relatives aux
tarifs, aux embranchements et à diverses parties de l'exploi-
tation, dans un arrêté du 17 juillet 1841, qui faisait ressortir
la nécessité de plusieurs résolutions longuement énumérées,
notamment au sujet des embranchements. Ces résolutions
reconnaissaient formellement le droit d'embranchement, sous
certaines conditions à remplir, parmi lesquelles celle de payer
ume prime de 0 fr. 50 par wagon et, en outre, de 0 fr. 04 par
tonne et par kilomètre parcouru. Sur ce point, l'arrêté de
juillet 1841 répétait donc l'arrêté de 1840. La Compagnie était
tenue de dire si elle acceptait les dispositions du nouvel arrêté,
faute de quoi celui de 1840 serait rapporté et le statu quo ante
rétabli.
Je reproduis l'arrêté de juillet 1841 (publié par le Mercure
Ségusien les 28-30 juillet) dans le paragraphe relatif aux tarifs
perçus sur le parcours du chemin de fer (et non sur les em-
branchements) afin de ne pas en diviser le texte.
La Compagnie jugea onéreuses les conditions de l'arrêté de
juillet 1841. Aussi, le 15 août 1841, un autre arrêté rétablit le
statu quo ante. Mais, le 25 octobre, un quatrième arrêté conso-
lida provisoirement les tarifs perçus sur la ligne sans statuer
sur les embranchements (i).
En 1847, la Chambre de Commerce constatait encore que
la Compagnie refusait de recevoir sur ses lignes les wagons
(1) Voir Histoire de la Métallurgie, p. 175. Le ministre était M. Teste,
bien connu à Saint-Etienne depuis les Cent Jours, et qui fut condamné
pour concussion en 1847.
— 675 —
des particuliers. Elle demandait d'imposer cette obligation
moyennant un péage modéré (i).
En 1853, la Cour de Cassation invoquait la fameuse déci-
sion ministérieille de 1837, que j'ai reproduite, pour décider h
son tour que le droit de s'embrancher ne pouvait résulter que
de conventions particulières. Je cite V Industrie, journal de
Saint-Etienne, du 19 novembre 1853 (2) :
Dans son audience du 15 novembre, la Chambre des requêtes de
la cour de cassation a décidé que le droit de s'embrancher sur le
chemin de fer de Saint-Etienne, avec soudure des rails, ne peut
résulter^ aux termes de la décision ministérielle du 10 avril 1837,
que de conventions spéciales ; quant au droit d'embranchement
sans soudure, il n'est pas autre chose que le droit de chargement
et de déchargement consacré par la même décision, au profit des
propriétés cantiguës aux ports secs ; mais l'exercice en est subor-
donné au contrôle de l'autorité administrative.
En conséquence, la cour a rejeté le pouvoir du sieur Sauzet
contre un arrêt de la cour impériale de Lyon, du 4 août 1852.
Le droit d'embranchement fut reconnu formellement dans
l'article 55 du cahier des charges annexé à la convention
réunissant en une seule concession les lignes du Département
de la Loire (Société des Chemins de fer du Rhône à la Lo^'re)
en cette même année 1853 (•^). L'article 57 de cette convention
maintenait les embranchements existants, à charge par les
propriétaires de se pourvoir d'une autorisation régulière.
Le droit d'embranchement figure dans les cahiers des char-
ges des grandes Compagnies actuelles (art. 62). Les embran-
chements dont la situation est réglée par cet article sont ceux
qui ne font pas l'objet d'une concession spéciale (Picard,
Traité des Chemins de fer, IV, p. 952), c'est-à-dire qui ne béné-
ficient pas de la déclaration d'utilité publique. 11 suffit qu'il
y ait entente entre la Compagnie, l'embranché, et naturelle-
ment les propriétaires des fonds traversés.
Comme l'indiquait l'avis du Conseil de© Ponts, et (Chaussées
de 1837 (p. 669), dans les cahiers des charges des concessions
délivrées à cette époque il était stipulé que les Compagnies
. (1) Voir Hisloirc de In M/'Idllurnic, p. 170.
(2) Ce joiimal prit le nom de Mhiuiriai do la Loire en 1R54.
(3) Publié <lans le jomnal de .Sainf-KticiiMe. f.'Indusfrir, Il juiji et
Jours suivants.
ne pouvaient pas faire obstacle aux embranchements réguliè-
rement autorisés, mais tel n'était pas le cas pour la Compagnie
Seguin. Samt-Etienne payait la gloire de • possédeir le premier
chemin de fer.
J'ai dit . qu'un certain nombre d'embranchements furent
établis dès la construction des premières lignes et avec le
consentement des Compagnies. La Chambre de Commerce
l'indiquait dans une délibération du 18 novembre 1847 :
Il est de notoriété publique que les premiers embranchements
ont été établis non seulement sans rétribution,, mais encore qu'ils
ont été provoqués et facilités par la Compagnie, afin d'augmenter
ses transports ; ce n'est que plus tard qu'elle commença à percevoir
une prime de 0 fr. 50 par wagon, laquelle fut portée, en 1841,
jusqu'à 2 fr. 12 (1).
Le premier embranchement fut construit en même temps
que la ligne d'Andrézieux. Il se soudait au Marais et desser-
vait les mines du Treuil, du Soleil, de Bérard et du Gagne-
Petit (2). La grande Compagnie des Mines de la Loire relia la
plupart de ses puits aux chemins de fer par un vaste réseau
d'embranchements (v. p. 436 et 466).
Voici les embranchements anciens dont je retrouve la trace
dans les délibérations ou dans les journaux. Mais l'exposé
précédent indique qu'il fut établi antérieurement d'autres
lignes.
En 1840, une enquête fut ouverte sur la création d'un embran-
chement entre les mines de Chaney et les chemins de fer de
Lyon et de la Loire (3).
En 1840, enquête pour un embranchement de la Terrasse
à Montmmbert, avec soudure aux deux chemins de fer ae
Lyon et de la Loire. Une Société civile s'était formée, en
1839, pour l'exploitation des deux mines de Montrambert et
du Quartier-Gaillard, achetées en 1838 à M. Deville pour
4 millions. En 1843, une ordonnance du 2 avril autorisa cette
Compagnie à construire un chemin de fer de la gare du Treuil
(1) La prime avait varié comme importance {Histoire de la Métallur-
gie, p. 174. note 1, et p. 176, note 2).
(2} Leseure, p. 190.
(3) Voir Histoire de la Chambre de Commerce, p. 9gt
- 677 -
à ces deux mines. La Compagnie des Minea réunies de Saint-
Etienne, qui absorba, en 1844, la Société précédente, fit
aboutir le tracé au Gagne-Petit, sur la ligne de Lyon (ordon-
nance 4 juillet 1844). La grande Compagnie des Mines de la
Loire, héritière de la Compagnie des Mines réunies, vendit
à la Compagnie du chemin de fer la ligne de Montrambert en
1850 (1).
En 1852, enquête pour un embranchement entre les mines
de Sorbiers et lesi deux chemins de fer de Lyon et d'André-
zieux (2). Il fuit autorisé par décret du 28 juillet 1853. La ligne
du Pont-de-l'Ane à Sorbiers fut livrée à la circulation en
1856 (3).
En 1854, un décret du 24 novembre autorisa un embranche-
ment des mines de Monthieux à la ligne de Roanne à Lyon
par Saint-Etienne.
La ligne de Roche-la-Molière au Cluzel était ouverte en
1857 {^). Ce chemin de fer de Roche-la-Molière, avait été con-
cédé par le décret du 15 décembre 1855. Il fut raccordé avec
celui du Cluzel, qui appartenait à la Société des Mines de la
Loire et qui fui acquis en 1873, par la Compagnie de Roche-
la-Molière (^).'
Vers 1857 également, les puits de Montrambert furent reliés
à la gare de la Ricamarie. La première section de la ligne
de Saint-Etienne au Puy fut ouvertie au trafic en 1859 (Saint-
Etienne à Firminy). On supprima le plan incliné avec ma-
chine motrice de la Béraudière à Montrambert. L'ancien
(1) Histoire de la Chambre de Commerce, p. 98. Mercure Ségiti^ien,
17 mai 1843, 31 juillet 1844. Leskure, p. ^^3. Mémorial judiciaire de la
Loire, 5 janvier 1848 (Voir, dans le numéro du 29 janvier 1848, le Juge-
ment au sujet du curieux procès entre la première Société et la
Compagnie des Mines réunies).
(2) Histoire de la Chambre de Commerce, p. 98
(3) LesÉure, p. 245.
(4) Voir dans la notice de îa Compagnie à propos de l'Exposition de
1889, p. 30, l'historiq-ue dos embranchements de cette Compagnie de
1856 à 1887. En 1893, on a mis en service le chemin de fer de Roche-
la-Molière à la Malafolie. Il complète une ligne de 15 kilomètres, soudée
à ses deux extrémités au réseau P.-L.-M. et qui, traversant la conces-
sion du nord au sud, dessert tous les puits. Ce chemin de fer a nécessité
trois tunnels (Notice sur l'Exposition de Lyon, 1P94).
44
— 678 —
cliemin de fer de Montrarnbert ne desservit plus que les
puits de la Béria-udière et de Montrarnbert (i).
J'arrête là, c'esit-à-dire à la formation des grandes Compa-
gnies actiuelles, celte énumération. Même aujourd'hui les
embranchements concédés, c'est-à-dire ayant fait l'objet d'une
déclaration d'utilité publique, sont, dans notre bassin, extrê-
mement rares.
.^ 13 - LES TARIFS DE CHEMINS DE FER
Ce fut la question capitale, discutée avec passion, s'éterni-
sant dans les délibérations, donnant lieu à la constitution de
formidables dossiers, ayant aujourd'hui la même importance
qu'elle eut à l'origine des chemins de fer.
J'ai indiqué le tarif initial de la Compagnie de Lyon, tarif
augmenté en 1831 pour une période de 10 ans jusqu'au 1*'
janvier 1842 (v. p. 641). Il était de 0 fr. 098 d'après l'adju-
dication. L'ordonnance de 1831 l'avait porté, à la remonte, à
0 fr. 12 de Givors à Rive-dei-Gier, à 0 fr. 13 de Rive^de-Gier
à Saint-Etienne, par tonne kilométrique.
Non seulement lia Compagnie voulait conserver ce dernier
tarif, mais elle voulait encore le faire augmenter. J'ai indi-
qué sa demande de 1839, l'opposition de la Chambre de
Commerce, le refus du Ministre C^). Un arrêté ministériel
du 8 décembre 1840, imposant à la Compagnie la reconstruc-
tion du pont de la Mulatière, accorda cependant un
relèvement : 0 fr. 12 de Saint-Etienne à Lyon à la descente
e:t de Lyon à Givors à la remonte ; 0 fr. 14 de Givors à Rive-
de-Gier et 0 fr. 15 de Rive-de-Gier à S t-E tienne à la remonte.
Cet arrêté souleva beaucoup de réclamations. C'est alors
qu'après bien des négociations intervint l'arrêté du 17 juillet
1841 mettant la Compagnie en demeure d'accepter d'impor-
tantes conditions énoncées dans l'arrêté, faute de quoi
l'arrêté de 1840 serait rapporté, c'est-à-dire l'augmentation
Leseure, p. 246.
(3) Histoire de la Métallurgie, p. 172-173,
— 6t9 —
supprimée, voire même le tarif ramené au taux de Fadjudi-
cation de i826, puisque Farrété de 1831 cessait de produire
son effet le 31 décembre 1841. Ces conditions étaient relatives
aux embranchements, aux tarifs des voyageurs, aux droits
acceissoires, aux traités particuliers, à l'accès des ports secs,
au prolonge^ment de la ligne à l'intérieur de Lyon.
En résumé, œt arrêté consacrait une transaction pour mettre
fin à des « difficulftés sans cesse renaissantes ». L'augmenta-
tion de 184Q était accordée en échange de l'acceptation des
conditions de l'arrêté de 1841.
Pour ce motif, à cause de l'importance de ses considérants,
nous croyons reproduire in extenso cet arrêté du 17 juillet 1841,
publié au Mercure Ségusien des 28-30 juillet.
Nous, ministre, secrétaire d'Etat des Travaux puiblics,
Vu notre arrêté du 8 décembre 1840 qui, par les motifs et sous
certaines conditions y exprimés, a réglé provisoirement le tarif
pour le transport des marchandises sur le chemin de fer de Lyon
à Saint-Etienne, par tonne et par kilomètre, ainsi qu'il suit, savoir :
A la descente de Saint-Etienne à Lyon et à la remonte de Lyon
à Givors, à douze centimes ;
A la remonte de Givors à Rive-de-G{ier^ à quatorze centimes ;
Et à la remonte de Rwe-de-Gier à S aint'E tienne, à quinze
centimes ;
Vu les réclamations à nous adressées les 17 décembre 1840 et
18 février 1841, par les Chanubres de Conomerce de Saint-Etienne
et de Lyon, et, à diverses dates, par les exploitants de mines,
négociants et industriels de Saint-Etienne, de Saint-Chamond, Rive-
de-Gier et Givors, contre l'augmentation de tarif accordée à la
Compagnie du chemin de fer ;
Vu la lettre par nous écrite, le 14 mai 1841, tant à la Compagnie
([uanx Chambres de Commerce de Lyon et de Saint-Etienne, «pour
leur faire connaître les résolutions auxquelles nous subordonnions
la décision à prendre sur les réclamatiojis sus énoncées ;
Vu les observations produites, aoit par les exploitants de mines
de houille du bassin de la Loire et par les délég'ués do la Chambre
de Commerce de Sajat-Etienne, soit par les membres du Conseil
d'administration de la Compagnie du chemin de fer, dans diverses
(jonférences auxquelles nous les avons appelés, lesquelles confé-
rences ont porté ;
1« Sur la situation financière de la Compagnie, rappréciation de«
chances probables de l'exploitation ;
2** Sur l'influence que pourrait exercer Taugmentation du tarif
à l'égard non seulement des exploitations houillères du bassin de
la Loire, mais en,core des établissements industriels qui, par les
chemins de fer, reçoivent leurs approvisionniements et exportent
leurs produits ;
3° Sur les divers motifs de plainte allégués contre la Compagnie
par les personnes qui usent de son chemin, lesquels motifs peuvent
se résumer ainsi qu'il suit :
La Compagme se refuse à recevoir, au moins à des conditlilons
équitables, les embranchements qui doivent amener au chemin de
fer les produits des exploitations houillères ;
La Compagnie refuse d'envoyer sur les embranchements établis
les wagons qui lui appartiennent, à moins que les exploitants ne
consentent à des abonnements onéreux, et entre autres au payement
de distances qu'ils nie parcourent pas effectivement sur la ligne
principale ;
La Compagnie perçoit arbitrairement les divers droits accessoires,
et entre autres le droit de trappe qui ne représente même pas un
service rendu ;
La Compagnie fixe à son gré les tarifs pour le transport des
voyageurs ;
Les ports secs que la Compagnie devait établir n'existent pas,
ou du moins ils n'existent pas tels qu'ils avaient été déterminés
par l'administration supérieure, et ils sont, dans tous les cas, tout
à fait insuffisants ;
Le chemin ne se prolonge pas dans Lyon, ainsi que l'avait stipulé
l'ordonnance royale du 27 avril 1834 ;
Vu les notes et les observations qui nous été adressées par les
parties dans le cours et à la suite des conférences ouvertes devant
nous ;
Vu l'ordonnance royale du 7 juin 1836 et le cahier des charges
y annexé ;
Vu les ordonnances des 7 juillet 1827, 3 décembre 1829, 27 avril
et 16 septembre 1831 ;
Vu les décisions ministérielles des 10 avril 1837 et 28 avril 1838 ;
Vu la loi du 9 août 1839 .;
Considérant qu'en statuant provisoirement sur l'augmentation du
tarif, en vertu du droit qui nous a été conféré par la loi du 9 août
1839, nous n'avons pas entendu ni pu entendre que toute voie de
réclamations contre cette mesure serait fermée aux intérêts qui se
prétendraient lésés, et encore moins nous interdire d'apprécier
ultérieurement le mérite de ces réclamations ;
Que l'abrogation, et à plus forte raison la modification de notre
arrêté du 8 décembre est non seulement un droit, mais même un
devoir, si de nouveaux renseignements et une discussion contra-
dictoire concourent à en démontrer la justice ;
— 681 —
Que c'est dans cet esprit et dans ce but que les intéressés ont été
amenés à des explications auxquelles la Compagnie du chemin de
fer n'a pas hésité à prendre part ;
Considérant d'ailleurs que le but principal de la faculté donnée
au Gouvernement par la loi du 9 août 1839 a été précisément de lui
permettre de faire des expériences sur les tarifs, de manière à
concilier autant que possible l'intérêt puiblic avec celui des Compa-
gnies, sans qu'aticun terme ait été assigné à ces expériences ;
Considérant qu'il résulte clairement de la discusision contradic-
toire qui a eu lieu devant nous, et de nouveaux documents produits
par les intéressés :
D'une part, que pendant l'année 1840 le mouvement des trans-
ports sur le chemin de fer de Lyon à Saint-Etienne a reçu un très
notable accroissement ; que le tonnage en marchandises s'est élevé,
dans le cours de cet exercice, de 579.000 tonnes à 600.000, -et le
nombre des voyageurs de 389.000 à 431.000 ; que cet accroissement,
qui n'est d'ailleurs que la confirmation d'une progression constante,
n'était pas entré dans les considérations qui ont déterminé notre
arrêté du 8 décembre dernier, bien qu'il soit de nature à procurer
à la Compagnie une augmentation successive de recettes, et par
conséquent de bénéfices ;
D'autre part, que le chiffre auquel la Compagnie avait élevé le
montant probable des réparations à faire sur le chemin de fer, par
suite des inondations des mois d'octobre et novembre derniers, a
été reconnu susceptible d'une notable réduction, ce qui atténue le
motif principal de raugmentation accordée par l'arrêté du
8 décembre ;
Considérant qu'il est d'autant plus impossible de ne pas tenir
compte des faits nouveaux qui se sont manifestés depuis ledit
arrêté, que les exploitations houillères du bassin de la Loire
subissent elles-miêmes l'influence des circonstances qui pourraient
compromettre cette branche importante de l'industrie française, si
les transports étaient assujettis à des conditions onéreuses ;
Considérant toutefois que l'augmentation de tarif, si elle est
maintenue en tout ou en partie, peut trouver une juste compen-
sation dans la régularisation du service du chemin de fer et dans
la .solution é^juitable des questions que font naître les réclamations
des exploitants sur le mode d'exploitation ;
Que, dans le but de concilier ainsi les intérêts divei's et de
ramener la Compagnie au droit commim de» chemins de fer, tel
qu'il a été consacré par les lois de concessions récemm^ent votées
par les Chambres, des explications contradictoires ont eu lieu
devant nous, afin de modifier et compléter le cahier des charges de
la GompiLgnie, de manièio n tarir hi source des contestations, et de
balancer par des règl( s |n(M ises l'avantage résultant pour elle du
tarif augmenté ;
— 682 —
Que ces crpUccition^ ont eu pour résultai de faire ressortir la
nécessité des résolutions suivantes :
1» La Compagnie sera tenue d'envoyer ses wagons sur les
embranchements établis sur son chemin, et sur tous ceux que le
Gouvernement jugerait utile d'autoriser après enquête et la Compa-
gnie entendue, à la charge par les exploitants de mines ou antres
permissionnaires qui se serviraient de ces embranchements, de
satisfaire aujc conditions suivantes :
A. L'exploitant ou le permissionnaire ne pourra se servir des
wagons de la Compagnie sur les embranchements que pour le
transport des produits de son exploitation.
B. L'exploitant ou la réunion d'exploitants qui voudra obtenir
un embranchement, devra fournir annuellement un tonnage
minimum de 5.000 tonneaux de 100 kg.
C. Dans aucun cas, les marchandises qui auront été amenées
par les embranchements dans les wagons de la compagnie, sur
un po^nt quelconque de la ligne principale, ne pourront emprunter
une voie autre que cette ligne que pour se rendre à leur destination
ultérieure.
Si des embranchements établis ou à établir venaient à être
conduits ultérieurement jusqu'au canal de Givors, ou jusqu'à toute
autre voie rivale, la Compagnie ne serait pas tenue de les desservir.
D. Les wagons de la Compagnie qui circuleront sur les embran-
chements, ne pourront être chargés que de marchandises destinées
à parcourir en partie ou en totalité la voie du chemin de fer.
E. Le chemin de fer de Saint-Etienne à Andrézieux ne sera consi-
déré comme embranchement que sur une distance de dix kilomètres
à partir du Pont-de-rAne, et la Compagnie ne sera tenue d'envoyer
ses wagons sur les rameaux qui dans cette limite viendraient
se souder audit chemin qu'autant qu'ils n'auraient pas pïus de
six kilomètres de longueur.
Pour le service des embranchements , la Compagnie percevra une
prime fixe de 0 fr. 50 par wagon, et en outre 0 fr. 04 par tonne et
par làlomètre parcouru sur l'embranchement, lorsque la longueur
totale parcourue excédera un kilomètre. Tout kilomètre entamé sera
payé comme s'il avait été parcouru en entier, mais il ne sera payé
que le nombre de kilomètres effectivement parcourus sur la ligne
principale ; toutefois, pour toute distance parcourue moindre de
six kilomètres, le droit sera perçu comme pour six kilomètres
entiers.
La Compagnie devra amener ses wagons à l'origine de l'embran-
chement ; les exploitants ou tous autres permissionnaires les
feront conduire à leurs frais et par leurs propres moyens dans leurs
établissements, pour y être chargés ou déchargés, et les ramèneront
ensuite à la ligne principale.
— 683 —
Les wagons ne pourront rester sur les embranchements parti-
culiers au delà de six heures, lorsque l'embranchement n'aura
pas plus d'un kilomètre ; ce temps sera augmenté d'une demi-heure
par ikilomètre en sus du premier, non compris les heures de la nuit
depuis le coucher jusqu'au lever du soleil.
Les embranchements devront être établis et entretenus de
manière à ce qu'il n'en résulta aucune entrave à la circulation, ni
aucuns frais particuliers pour la Compagnie. Les gardes d'aiguilles
et les barrières seront à la charge des exploitants ou autres permis-
sionnaires.
Ne seront pas considérées comme embranchements les voies de
dégagement établies pour le service des ports secs : sur celles de
ces voies qui n'appartiennent pas à la Compagnie, il ne sera perçu
aucun droit d'accès à la ligne principale, mais la Compagnie est
dès à présent dégagée de l'obligation d'établir les quatre branches
de 245 mètres de longueur perpendiculaire® à la voie principale
auxquelles elle est tenue d'après ses plans approuvés le 8 septembre
1839 ;
S*' Le nombre de wagons que la Compagnie devra mettre annuel-
lememt à la disposition des exploitants pour le service de» embran-
chements, se réglera d'après l'interprétation donnée à l'article 6
du cahier des charges par la décision ministérielle du 24 avril 1838 ;
S*' Les prix actuellement perçus par la Compagnie pour le trans-
port des voyageurs seront conservés, mais ils deviendront des
maxivia que la Compagnie ne pourra dépasser.
La Compagnie pourra avoir, dans chaque convoi, des voitures
spéciales, pour lesquelles les prix seront réglés par l'administra-
tion, sur la proposition de la Compagnie, mais il est expressément
stipulé que le nombre des places à donner dans ces voitures
nexcédera pas le dixième du nombre total des places du convoi ;
4*» Les droits de toute nature accessoires au tarif proprement dit,
tels que ceux de chargement, de déchargement, de gare, d'entrepôt,
de maga.sinage et autres, seront déterminés par des tarifs spéciaux
que l'administration arrêtera après avoir entendu la Compagnie.
Le droit dit droit de trappe sera supprimé ;
5° La perception des taxes devra se faire par la Compagnie
indistinctement et sans aucune faveur, les réductions accordées à
un ou à plusieurs exploitants seront déclarées immédiatement
applicables à tous les autres, et ces prix ne pourront être relevés
qu'après un délai de trois mois.
Cette clause ne fera pas toutefois obstacle à ce (lue la Compagnie
établisse des prix différents dans le« limitées du tarif sur différentes
parties du chemin, mais les mêmes prix devront toujours être
perçus entre les mêmes points, sur tous les transports, sur ceux
mêmes qui auraieîit déjà circulé sur d'iiutres parties du chemin
et avec des prix différents.
— 684 —
Tous changements apportés dans les tarifs devront être homo
logués par des décisions administratives, rendues sur la proposition
de la Compagnie et annoncées au moins un mois d'avance par des
affiches.
Les diverses dispositions du présent article seront applicables
aux prix pour le transport de® voyageurs ;
6° L'entrée des ports secs des chemins de fer sera ouverte à tout
le monde, sans aucun privilège pour personne ainsi que cela est
d'ailleurs de droit commun, sous l'observation bien entendu des
règlements de police établis ou à établir ;
7° La Compagnie sera tenue de présenter, sous un court délai,
l'état des travaux damélioration qu'elle entend exécuter. Parmi
ces travaux doit figurer en première ligne le prolongement cLu
chemin de fer dans V intérieur de la ville de Lyon, tel qu'il a été
déterminé par l'ordonnance royale du 27 avril 1831 ;
8° Le pont de la Mulatière sera reconstruit en totalité, selon les
conditions qu'exige l'intérêt de la navigation, et d'après les projets
qui seront arrêtés par l'administration supérieure ;
9° Pendant une année, à dater des présentes, la Compagnie
aura la faculté de renoncer à l'augmentation de tarif qui lui serait
accordée, et de revenir purement et simplement aux conditions de
son cahier des charges primitif et à son ancien tarif ;
10<* L'augmentation de tarif qui serait accordée à la Compagnie
sera maintenue, sauf l'approbation des Chambres législatives, pen-
dant trente années, à dater de ce jour ; mais les autres modifica-
tions apportées au cahier des charges seront considérées comme
irrévocables.
Considérant enfin, qu'il est désormais indispensable de donner ime
issue définitive à des difficuUés sans cesse renaissantes, soit en
attachant à une augmentation de tarif sagement arbitrée les amé-
liorations que réclament le service et les intérêts de Findustrie, soit
en ramenant la Compagnie au tarif et aux conditions antérieures
à l'arrêté du 8 décembre dernier,
Nous avons arrêté et arrêtons ce qui suit :
Article premier
La Compagnie du chemin de fer de Saint'Etienne à Lyon sera
mise en demeure d'accepter, comme éléments d'un nouveau cahier
des charges de son exploitation, les conditions énoncées dans les
motifs du présent arrêté (des n"» 1 à 10 inclusivement), sauf les
modifications de détail qu'elle pourrait signaler et qui seraient
jugées admissibles avant l'expiration du délai ci-après indiqué.
Article 2
A défaut par elle cVavoir fait connaître son acceptation avam^t le
15 août yrochain, notre arrêté du 8 décembre 18W sera rapporté et
cessera d'avoir son effet à dater dudit jour.
En conséquence, les choses seront remises en l'état où elles
étaient auparavant.
Paris, le 17 juillet 1841.
Signé : Teste.
Ces conditions parurent onéreoases à la Compagnie, qui
refusa do s'y soumettre. En conséquence, l'augmentation de
tarif accordée par l'arrêté du 8 décembre 1840 ne fut pas
appliquée. Mais, comme le tarif de 1831 expirait le 31 dé-
cembre 1841, un nouvel arrêté du 25 octobre 1841 prorogea
provisoirement le tarif de 1831 : de Givors à Rive-de-Gier
0 fr. 12 ; de Rive-de-Gier à Saint-Etienne 0 fr. 13, à la remonte
seoilement (l). A la descente, le tarif restait de 0 fr. 098.
En 1847 et en 1851, la Chambre de Commerce protestait en-
core contre le maintien du tarif de 1831. Cette prorogation,
disait-elle, sera-t-elle éternelle Z Les bénéfices de la Compagnie
dépassent 2 millions par an. Dans le Nord, on transporte les
marchandises à 0 fr. 05 (2), etc., etc.
On payait 0 fr. 098 à la descente, mais il fallait y ajouter
2 fr. 12 par wagon de 37 hectolitres de houille (0 fr. 057 par
hectolitre) de droit d'embranchement.
Le canal de Givors qui, poitr toute la distance entre Rive-
de-Gier et Givors, percevait 0 fr. 27 par hectolitre (0 fr. 23 de
droit de navigation et 0 fr. 04 de prime) avait, par application
(le l'ordonnance d'u 5 décembre 1831, abaissé son tarif à 0 fr. 08
par tonne kilométrique, ce qui lui avail valu la préférence sur
le chemin de fer (à partir de Rive-de-Gicr seulement).
Mais, en 1841, la Compagnie du Canal et la Compagnie du
chemin de fer signèrent un traité pour vingt ans et se répar
tirent les bénéfices (v. p. 649). Toute concurrence était anéiintie.
\jCS prix furent les- mêmes sur les deux voies de transport ('i).
(1) Voir mon Histoire de la Métalhirfiie, p. 175 Mercure Ségusieu,
7 novembre ISil.
(2) Voir mon HUUiirc de la Métallurgie, p. 176-177.
(3) Meugy, Historique des Mines de Hit^-dc-Gier (1848). p C9
— 686 —
En 1853, lors de la fusiui; dos trois Compagnios de chemins
de fer de la Loire en une seule Compagnie, dite Compagnie du
chemin de fer de jonction du Rhône à la Ivoire, le tarif des
houilles et cokes fut unifié à 10 centimes par tonne kilomé-
trique, dont 6 oeiutimes pour le péage et 4 centimes pour le
transport. Avant cette fusion, sur les lignes autres que celle
de Lyon, il était encore de 16 centimes (i).
Ce tarif de iO centimes par tonne et par kilomètre, inauguré
en 1826, ne disparut qu'en 1863, à* la suite des conventions de
1859 avec les grandes Compagnies. Il avait été appliqué, dès
leur origine, par la Compagnie Segiuim, par la Compagnie des
chemins de fer de Rhône-et-Loire, par la Compagnie du Grand-
Central, enfin par la Compagnie P.-L.-M. Voici comment cette
dernière Compagnie motiva sa réduction à 8 centimes dans une
lettre du 12 septembre 1863, répondant à une réclamation du
Conseil général de la Loire. La réclamation et la réponse furent
publiées P) :
Quant au maintien des anciens tarifs d,e Rhône et Loire, l'Admi-
nistration, qui a homologué successivement toutes les réductions
(lue la Compagnie a apportées à ces tarifs, sait à quoi s'en tenir
à cet égard. Lorsque la Coniipagnie a pris possession des chemins
de la Loire, un tarif uniforme de iO centim)es par tonne et Idlomètre
était appliqué aux transports de houille^ entre Saint-Etienne et
Lyon, quelle que fût la destination définiiive de ces transports.
Entre Saint-Etienne et Roanne, les tarifs s'élevaient, sur certains
points, à ià et iS centimes. Or, il suffit de jeter les yeux sur nos
tarifs actuels pour reconnaître que, pour tous grands parcours, les
prix sont aujourd'hui de 3 à à centimes, c'est-à-dire qu'ils atteignent
le taux le plus bas qui ait été appliqué jusqu'ici sur aucune ligne.
Grtâce à ces tarifs, qu'on représente comme entravant l'industrie
du bassin de Saint-Etienne, les transports de houille ont doublé sur
les lignes de Rhône et Loire, dans le cours des quatre années qui
ont suivi la prise de possession de la Compagnie die Lyon à ia
Méditerranée. Nous ne pensons pas qu'il soit possible de citer beau-
coup d'exemples d'un développement aussi rapide pour les bassins
houillers d'une importance analogue à celui de Saint-Etienne.
Pour notre part, nous n'en connaissons pas.
Restent les transports à faible parcours, qui sont restés jusqu'ici
taxés à 10 centimes. La. Compagnie a déjà bien des fois, trouvé
(1) Rapport au Corps législatif (journal L'Industrie, 10-11 juin 1853}.
(2) Mémorial de la Loire, 30 août et 16 septembre lées.
_- 687 — )
l'ocoasion de démontrer : 1° que ce tarif est inférieur à celui perçu,
dans des conditions analogues, par les chemins anglais ; 2° que,
dans les limites où il s'exerce, il n'apporte aucune entrave réelle
au développement des industries locales ; 3° qu'il est largement
justifié d'ailleurs 2^ar les dépenses excessives qu'ont entraînées le
rachat et la réfection des lignes de Rhône et Loire, et par les condi-
tions d'exploitation de ces ligrnes. Mais cette démionstration perdrait
aujourd'hui tout intérêt et tout à-propos en présence d'un fait
capital, dont on s'étonine de ne trouver aucune trace dans la pétition.
Nous voulons parler de la réduction que la convention du 1^^ mai
1863, entre VEtat et la Compagnie de Paris à la Méditerranée,
stipule pour le tarif des houilles, et qui recevra son application à
partir du 1^ jan^^er prochain. Aux termes de l'article 6 de cette
convention, le tarif spécial réduit, qui n'était applicable jusqu'ici
qu'à la section de Lyon à la Méditerranée, s'étendra désormais à
tout notre réseau, y compris les lignes du Rhône et Loire. Ce tarif
e^t de 8 centimes pour les transports de moins de 100 kilomètres,
avec maximum de 5 francs ; — de 5 centimes pour les transports de
101 à 300 kilomètres, avec maximum de 13 fr. iiO ; — enfin de 5 cen-
Unies seulement pour les distances au delà de 300 kilomètres. Ainsi
disparaît « l'exception », d'ailleurs si bien justifiée, qui a servi de
thème aux réclamations du département de la Loire. Cet abaisse-
ment de tarif, (^ui témoigne à un si haut degré de la sollicitude du
Gouvernement pour le bassin de Saint-Etienne, constitue pour la
Compagnie un sacrifice des plus importants ; il est donc permis «le
s'étonner que le Conseil général de la Loire n'ait pas jugé «^e
sacrifice digne d'une mention, et qu'il ait choisi le lendemain, pour
ainsi dire, de la signature de la nouvelle convention pour se
plaindre de la « ro'deur inconnue nulle part ailleurs » avec laquelle
la Compagnie applicpie ses anciens tarifs.
Ainsi, tarif de 10 centimes en 1826, tarif de 8 centimes en
1863. Tels furent les tarifs de base pour le transport des houilles
fie la Loire.
Nombre de fois, depuis cettj éix)qu<\ rabaissement do oe
tarif de 8 centimes fut demandé pour les distances inférieures
à KM) kilomètres. Aux delil>érations que j'ai citées (l), j'ajouterai
les vœux du Comité des Houillères de la Loire présentés aux
(iOmmissions d'enqu(^to parlrmentniro de 1874 et de 1884 (2).
(1) Histoire dr la Mridilurgie de la Loire (Les Transports), Histoire
de la Chambre de Connnerce de Saint-Elicnnc (Les tarifs de chem ns
le fer).
(2) Enquête parlementaire de 1874 (Voir le Mémorial de la Loire <ies
7 avril et jours suivants), FriqiiAte itarlemeiitaire de 1884 dite dos 4'»
(Journal officiel^ docnmcnls purlcriKMiia ros. Chainhic dos !)('>put(''s. 1884.
p. 2209).
— 688 —
Le Comité disait en 1874 :
Lyon, Roanne, Le Puy, subissent le tarif de 0 fi*. 0^ pour les
houilles et de 0 fr. 10 pour les cokes... Cett-e taxe excessive affecte
vivement toutes nos industries, dont les établissements s'échelon-
nent dans les vallées que le chemin de fer parcourt... Situées à
1.6 kilomètres d'Andrézieux et de la Loire, à 78 ikilomètres de Roanne,
à 37 kilomètres de Givors, nos houilles paient sur le chemin de fer
jusqu'au port d'embarquement le tarif si onéreux de 0 fr. 08-.. Il
est une des causes qui restreignent dans des limites étroites les
expéditions de nos houilles par les voies navigables, etc., etc.
La Commission d'enquête déclarait en 1884 :
La Compagnie P.-L.-M. ne maintient ses tarifs du bassin de la
Loire à un taux exceptionnellement élevé que parce qu'elle est dans
cette région à l'abri de toute concurrence... Saint-Etienne est le seul
point sur lequel la houille paye, à l'heure actuelle, 8 centimes par
tonne et par ikilomètre... La Compagnie fait preuve d'une impré-
voyance singulière, car elle ne manquerait pas, si l'état actuel des
choses se prolongeait, de tuer la poule aux œufs d'or.
La Commission demandait d'homologuer, dans le plus bref
délai, les tarifs à l'étude « donnant une satisfaction complète
à l'industrie houillère ».
Ces nouveaux tarifs furent homologués en -1885. époque de la
réforme générale des tarifs, préparée depuis 1881.
Avant 1885, les houilles étaient transportées au tarif général
sous le régime de la série spéciale et suivant les tarifs spéciaux
23, 90, 95 (1).
A cette série spéciale, le projet substituait la 6"'' série, dont
le tarif de base était de 0 fr. 08 jusque à 25 kilomètres, 0 fr. 04
de 26 à 100, 0 fr. 03 au delà de 100.
Auparavant, la taxe était de 0 fr. 08 de 0 à 100 kilomètres ;
0 fr. 05 de 101 à 300 ; 0 fr. 04 au delà de 300.
Ces nouveaux tarifs ne furent homologués qu'après bien des
négociations. La réforme s'appliquait à tous les tarifs généraux
et spéciaux. Il serait inexact de dire qu'elle donna satisfaction
complète à l'industrie houillère, pas plus qu'aux autres in-
dustries.
J'ai signalé, en effet, les réclamations qu'elle souleva, comme
j'ai signalé les principales délibérations relatives aux tarifs de
(1) Depuis 1885, les tarifs spéciaux de la houille portent les n»» 7,
107, 307. Ils comportèrent jusqu'en 191!) de nombreux prix fermes.
— 689 —
transport des houilles avant comme après 1885, dans VHisioire
économique de la Métallurgie de la Loire ^ dans V Histoire de
la Chambre de Com^nierce de Saint-Etienne et dans les Résumées
des Travaux et Comptes rendt&s des Travaux de la Chambre de
Commerce (i). Il serait fastidieux de reproduire ou de résumer
cette langue analyse. Ici j'ai voulu marquer simplement les
trois étapes dçs tarifs de base pour le transport des charbons
de la Loire :
En 1826 : 0 fr. 10, quelle que soit la destination ;
En 1863 : 0 fr. 08, de 0 à 100 km. ;
,. .oo. \ 0 fr. 04, de 26 à 100 km. ;
I 0 fr. 08, de 0 à 25 km.
Je fais abstraction des nombreux prix fermes.
La réforme de 1863 avait avantagé les charbons de Saint-
Etienne par rapport à ceux de Rive-de-Gier. Le Mémorial de
la Loire (13 avril 1864) précisait cet avantage :
Rive-de-Gier vendait ses charbons sur place 2 fr. 40 par tonne
de plus que Saint-Etienne, parce que le chemin de fer transportant
a 10 centimes par tonne et par kilomètre et la distance entre Je
bassin de Rive-de-Gier et celui de Saint-Etienne étant de 24 kilo-
mètres, il y avait un bénéfice net de 2 fr. 40 à vendre les charbons
de Rive-de-Gier aux mêmes prix que ceux de Saint-Etienne. Mainte-
nant que le chemin de fer transporte à raison de 0 fr. 08 par tonne
et par kilomètre, la différence ne sera plus que de 1 fr. 92, et Rive-
de-Gier perd ainsi 48 centimes par tonne. Première cause de
dépréciation.
La réforme de 1885 eut un effet analogue souligné par l'in-
génieur en chef des mines (^) :
La « réduction (du prix de vente) a été très sensible pour les
houilles du bassin de Rive-de-Gier par suite de l'application
des nou-veaux tarifs de transport des charbons à destination de
(1) On trouvera dans i' Histoire de la Chambre de Commerce (p. 80;
un résumé historique, depuis 1869. de la question d'une deuxième Uone
d€ Saint-Etienne h Lyon pour concurrencer la ligne P.-L.-M. En réalité,
l'origine de cette question ost l>eaucoup plus anoienn^ et remonte A
1^37. — Le Comité <les Houillères de la Loire crut devoir s'aKstenir on
1?75 dans la quiestlon de la deuxième Ugn* (V. Lkskurk, p. &.%).
(2) Rajjport du Pr<^fct au Conseil g(^n(^r:il, l^sn, jt. Mf».
— 690 —
Lyon. D'après ces tarifs, les transports de SaintrEtienno sur Lyon
ont vu leurs prix s'abaisser de 1 fr. 80 par tonne, tandis que
ceux de Rive-de-Gier à Lyon n'ont été abaissés que de 1 franc.
Comme l'acheteur a été seul à bénéficier de cet abaissement
des tarifs, les mines de Rive^de-Gier ont dû consentir une ré-
duction de 0 fr. 80 sur les prix de vente, dans lei seul but de
combler la différence' résultant de ces transports, afin de con-
server ainsi le marché de Lyon (l) ».
M. Leseure (p. 261) a indiqué les réductions obtenues en 1885
pour d'autres destinations (Paris, le Greusot, Marseille, Mo-
dane, etc.) et portant sur des prix fermes ou prix fixes de gare
à gare, c'est-à-dire indépendants du barème kilométrique à base
décroissante de 8 centimes, 4 centimes, etc..
Les tarifs communs à plusieurs Compagnies ne furent pas
changés.
En somme, malgré des améliorations assez notables, l'iné-
galité des prix kilométriques au détriment de Saint-Etienne
fut maintenue. Le bassin de la Loii^ continua à subir un régime
exceptionnellement défavorable. Dans une brochure publiée en
1896, Note sur les tarifs successifs du transport des combustibles
du bassin houiller de la Loire depuis 1840, le Comité des houil-
lères n'hésita pas à attribuer à raction des tarifs la décadence
du» bassin de Saint-Etienne (2).
Une nouvelle réforme générale des tarifs^ comportant l'uni-
fication pour toutes les Compagnies, à l'étude depuis 1018, a
motivé pour les combustibles minéraux une proposition insérée
au Journal Officiel du 16 septembre 1918 et une décision portant
homologation, insérée au Journal Officiel du 24 novembre 1919
(application du 1*^'' décembre). En outre, la loi du 31 mars 1918
a majoré tous les tarifs de 25 %, la loi de finances du 29 juin
1918 (art. 32 et 34) a établi de nouveaux impôts sur les transports
en P. V. et enfin la loi du 14 février 1920 a relevé encore les
tarifs de 115 %, majoration qui s'ajoute à celle de 25 %, sans
(1) La réduction opérée par le tarif n'était gue de 1 fr. 32, mais à
cause de la réduction des frais de gare à 0 fr. 25, elle arrivait à 1 fr. 80.
(âj Dans son Historique des Mines de houille de la Loire (p. 194, 195,
242, 244, 255, 259, 268), M. Leseure a fourni des précisions intéressantes
sur la répercussion et la modification des tarifs de chemins de fer.
— 691 —
porter sur cette dernière majoration. Le produit du relèvement
de 115 % n'est pas passible des impôts établis en 1918.
Les ooefficients de relèvement (en tenant compte des majo-
rations d€ 140 % et de T impôt), par lesquels il convient de
multiplier les taxes anciennes pour retrouver les nouvelles,
atteignent 2,89 à 100 km. ; 2,83 à 300 km. ; 3,08 à 500 km. ;
3,35 à 800 km. En outre, de nombreux prix fermes ont été
supprimés.
Mais la crise des charbons a atteint, de 1917 à 1920, un tel
degré d'acuité que, malgré les prix à la mine (tarifés par le
Gouvernement), malgré la taxe de péréquation, malgré le coût
du transport, on assiégeait les bureaux de répartition et les
détenteurs de combustible pour avoir le pain noir du chauffage
domestique, le pain de l'industrie. A l'heure où j'écris, la crise
de chômage a succédé à la crise des charbons et ces tarifs, ainsi
que les prix, pèsent lourdement sur les industries consom-
matrices.
)5 14 - LE TRANSPORT DE LA HOUILLE
A L'INTÉRIEUR DE St-ÉTIENNE
J'en aurai fini avec la question du transport des houilles en
signalant trois arrêtés du Maire de Saint-Etienne (l*"* octobre
1851, l*"^ avril 1853, 5 mars 1859) relatifs ao transport des
houilles à l'intérieur de la ville.
L'arrêté de 1851 ordonnait que les houilles de l'ouest et diu
nord-ouest, destinées à être chargées soit sur le chemin de fer
de Lyon, soit sur le chemin dei fer d'Andrézieux, seraient em-
Ikirquées sur l'embranchement de Montrambert, à la gare des
Troù-Cains.
Cette prescription resta Scins effet, faute d'emplacement
pour les déchargements. I.#es rue^s «issigné^^s à la circulation des
houilles étiiient trop étroites, la circulation générale y était en
danger.
L'arrêté de 1853 décida qaie les houilles venant de l'ouest ne
yionrniient rejoindre la route de liyon qii'on suivant hs rn<*s du
- 692-
Puy, des Pénitents, Beaubrun, le cours SaintrPaul, la rue de
la Pareille et la rue de la Paix.
L'arrêté de 1859 ordonna que les houilles amenées de l'ouest
et destinées aux gares de Chàteaucreiux et de Bérard ou aux
fours à coke et usines en dehors de 1 octroi urbain n'emprun-
teraient pas les voies urbaines. Elles devaient être transportées
par la gare du Clapier, récemment construite, à moins d'em-
prunter les voies non pavées hors de la limite de l'octroi. L'ar-
rêté défendait de décharger le charbon bur le sol des rues. Il
fallait retirer la houille des tombereaux dans des sacs ou des
paniers.
Cet arrêté, inspiré par le souci de la propreté des rues et
celui de la conservation des pavés, est toujours en vigueur (i).
(1) Recueil des Règlements de police de La ville de Saint-Etienne (1859).
^^ ^L ^L JjA^ ^^ ^^ ^^ ^^ ^^ ^^ ^^ « ^^
CHAPITRE XI
Les Institutions Scientifiques
M-L'ÉCOLE NATIONALE des MINES de St-ÉTIENNE
'histoire de cette éoole a été écrite par M. Bahn,
ingénieur au Corps des Mines et directeur-
adjoint do l'Ecole (1). Il ne saurait être question
d'en donner ici ume analyse. Je me permettrai
de rappeler certains points et d'en compléter
quelques autres.
L'ancienne monarchie, en 1766, avait songé à créer une Ecole
des Mines. Elle avait choisi Roche-la-Molière pour l'y installer.
Il est fâcheux que ce projet n'ait pas reçu son exécution, le
Gouvernement n'ayant pu obtenir de ceux qui les devaient les
(1) Extrait du nuW'tin de l'Industrie minérale, 1900 ; voir la notice
complémentaire publif^e par M. Friedkl, directeur, dans le même BtillO'
tin, en 1910. De^)uis que ce sous-chapitre a été rédigé, l'Ecole a célébré
son centenaire. A cette occasion, de nombreux faits historiques ont
été rappelés et sont consi^és dans la brochure Le Centenaire de l'Ecole
des Mines de Saint-Etienne (1921), h laquelle U convient <le se reporter.
M. Petit y a évoqué la mémoire des célébrités sorties de l'Ecole.
M, Perrin-Pelletier, directeoir-ad joint, a retracé magistralement l'histo-
rique de l'Ecole, et un élève, M. de Ceccaty, le rôle de l'Ecole i>endant
la guerre.
45
- 694 —
subventions nécessaires (i). L'Ecole des Mines de Paris fut
créée par arrêt du 19 mars 1783, à l'instar de l'Ecole royale
des Ponts et Chaussées (2).
Cette école fut supprimée en fait, puis rétablie sous la Ré-
volution. Dans le bassin de Saint-Etienne, les agents de l'Etat,
le Comité d'instiiiction publique réclamaient la création de
l'institution différée en 1766. La commune do Saint-Etienne
autorisa <( le citoyen Duihamel, inspecteur des mines de la Répu-
blique », à professer un cours gratuit de minéralogie (1795) (•^).
Vint le Consulat, qui ferma de nouveau l'Ecole de Paris, et
qui créa les écoles pratiques de Geislautern (Sarre) et de Pesey
(Savoie), l'une pour les houillères et les mines de fer, l'autre
pour les mines métalliques, de plomb et de cuivre principa-
lement. L'B^cole de Pesey, reprise par le Gouvernement sarde,
subsista officiellement jusqu'en 1846 (4).
Par suite des traités de 1815, Geislautern et Pesey cessèrent
de faire partie de la France. Beaunier, directeur de- l'Ecole de
Geislautern, fut nommé ingénieur em chef à Saint-Etienne.
Tous ses efforts tendirent à créer dans cette' ville une Ecole
« tant pour l'instruction pratique des élèves sortis de l'Ecole
des mines de Paris que pour l'instruction des directeurs et
maîtres-ouvriers des mines et usines de France ». Le besoin de
directeurs locaux des mines se faisait d'autant plus sentir qu'il
n'y avait peut-être pas un seul maître mineur sachant lever un
plan souterrain.
(1) Voir suprà, p. 83, 87, et Brossard : Etudes historiques sur les Mines
de houille de la Loire, p. 98, 99, 101, 103 et 109.
(2) La notice historique die M. Aguillon sur l'Ecole des Mines de Pari-s
{Annales des Mines, 1889) rens-eigîie sur les tentatives pour la création
d'un enseig-nement à Paris avant 1783, et sur les écoles de PeSey et de
Geislautern.
(3) Brossard, p. 186 ; Galley, Saint-Etienne sous la Révolution, IIT,
p. 59.
(4) La Savoie et la Haute-Savoie formaient alors le département du
Mont-Blaii(C. L'Ecole de Pesey fut transférée à Moûtiers, en 1803, dans les
bâtiments occupés aujourd'iiui par l'hôpital, sur la route de Bourg-
Saint-Maurice. La belle fonderie de cuivre et de plomb de Conflans, à
Albertville, dont les bâtiments sont occupés aujourd'hui par une
fabrique de pâtes alimentaires, servit aux études pratiques des élèves
et fut créée dans ce but {Annales des Mines, 1889, p. 525, 527, 540).
— 695 —
Mais le Con&eil général des Mines dénatura le projet de
Beaunier, p»rétendant ne pas vouloir effrayer les mineurs par
l'aspect de tout un appareil de science qui pourrait les écarter
de l'Ecole.
L'Ecole des Mineurs de S aint-È tienne fut créée par ordon-
nance royale du 2 août 1816 (1-). Une autre ordonnance, du 5
décembre suivant, rétablit l'Ecole loyale des Mines de Paris où,
indépendamment des élèves ingénieurs de l'Etat, se présen-
tèrent librement d'anciens élèves de l'Ecole polytechnique,
admis sans concours, et où se présentèrent aussi en grand
nombre les candidats ayant échoué à rEcole polytechnique. Ce
mouvement fut à peine ralenti en 1829, lors de la création de
l'Ecole centraJe des Arts et Manufactures (2).
Les clauses et conditions générales des cahiers des charges
des concessions de la. Loire stipulèrent (art. 34) que les conces^
sionnaires procureraient un libre accès dans leurs mines aux
élèves des Ecoles de Paris et de Saint-Etienne (3).
L'Ecole de Saint-Etienne fut installée « rue d'Artois, au delà
de la place Marengo », dans la maison portant aujourd'hui le
numéro 3 de la rue de la Préfecture. Dans le partage des col-
lections des écoles de Pesey et de Geislautern, Saint-Etienne
fut sacrifié. Il ne reçut qu'une^ partie de >ce. que les décisions
officielles lui attribuaient.
De cette époque datent les tiraillements entre les Ecoles de
Paris et de Saint-Etienne.
Le caractère officiel modeste de l'institution à ses débuts se
transforma immédiatement, grâce à la valeur des candidats
admis à l'Ecole. I>e Conseil général des Mines et l'Ecole de
Paris supposèrent, au contraire, pendant longtemps, que les
élèves de Saint-P]tienne ne possédaient que les connaissances
très élémentaires exigées par l'ordonnance de 1816. Ils ne vii*ent
en eux que de futurs maîtres mineurs.
Dans toutes les ciroonstancee où le Conseil central des Ecoles d€s
mines eut à s'occuper de propositions relatives à l'Ecole de Saint-
(1) Sur le projet de Beaunier, comparer BROSSAno, p. 330-332, et Babu,
p, 17-26. Sur le rôle^ de Beaunier dans la Sarre, v(.:r la Bévue des Deux»
Mondes (15 juin 1918).
(2) AGUiLLON, Armalrs des Mines, 18ft0, p. 566.
(3) V..ii l'.nnssAUi). i>. 347-348.
— 696 -
Etiemie, il s'efforça de lutter contre l'extension de plus en plus
grandie que les directeurs de cette école tendaient continuellement
à lui donner. La Commission spéciale de 1848 avait déjà développé
cette idée ; elle avait fait remarquer que l'Ecole de Saint-Etienne
avait été détournée de sa destination primitive, qu'on prétendait
y préparer des directeurs, alors qu'elle avait été créée pour y
former des ch^fs d'ateliers et des contremaîtres ; elle avait reconnu
qu'il était trop tard pour revenir sur l'état actuel des choses, mais
elle avait pensé qu'il fallait résister à toute nouvelle extension (1).
Or, les élèves de Saint-Etienno avaient reçu une éducation
et une instruction soignées sur les mathématiques et sur les
sciences physiques, voire même sur le droit. De 1816 à 1830,
sur deoiix cents élèvets admis depuis l'origine, cinq ou six seu-
lement étaient fils d© mineurs ou de chefs ouvriers et ne pos-
sédaient qu'une instruction primaire. Aussi, pour permettre à
ces derniers élèves de suivre les cours, il avait fallu créer deux
sections. Les élèves sortis de l'Ecole dirigeaient effectivement
de grandes exploitations et des établissements métallurgiques
importants (2). Dès ses débuts, l'Ecole formait donc des ingé-
nieurs civils^ le mot civils étant réquivalent de libres (sans
attache avec l'Etat), signification qu'on lui donne en Angleterre,
pays d'origine du Génie civil.
Parmi ces ingénieurs, il y avait de futures célébrités :
Fourneyron, inventeur des turbines hydrauliques, qui appartmt
à la première promotion (1819), et Boussingault, qui appartint
à la promotion suivante. La Société amicale des anciens élèves"
possède les bustes de ces « ancêtres », et aux cérémonies d'inau-
guration, le président de la Société, M. Murgue, a exposé
longuement leur vie et leurs œuvres. Grâce aux Mémoires de
Boussingault — qui n'ont pas été mis en vente, mais dont
l'Ecole possède un exemplaire — M. Murgue a évoqué devant
l'auditoire les souvenirs des premières années de l'Ecole. Dans
(1) Aguillon, Notice historique sur l'Ecole des Mines de Paris {Annales
des Mines, 1889, p. 614). Le Conseil de cette Ecole avait été transformé,
en 1848, en Conseil central des Ecotes des Mines.
(2; Babu, p. 80.
— 697 —
son livre, M. Babu a cité aussi des extraits de ces Mémoires.
Je tiens à leur faire de nouveaux emprunts, car, grâce, à eux,
on peut reconstituer le souvenir des hommes et des choses de
ce temps-là.
Boussingault, né à Paris, voulait apprendre le « métier de
mineur », où il utiliserait ses connaissances scientifiques. Elevé
dans un lycée de Paris, il avait suivi les cours publics du
Collège de France. Le programme d'admission à l'Ecole de
Saint-Etienne n'avait pas prévu oo genre de candidat. A
l'examen d'entrée de l'Ecole — examen qu'on ne passait pas
obligatoirement à Saint-Etienne — on demandait peu de
choses : la géométrie, l'algèbre jusqu'aux équations du second
degré et mnie composition française. L'examinateur Trémery,
ingénieur des mines, ne comprenait pas ce que des Parisiens
allaient faire à l'Ecole des Mineurs !
On mit dans le trousseau du jeune homme un habit bleu
d'officier, destiné à devenir l'uniforme de l'Ecole, habit d'un
oncle qui avait fait les campagnes de l'Empire. C'était en 1818.
Boussingaai'lt fit à pied la route de Paris à Saint-Etienne, avec
50 francs dans sa poche pour ses frais de voyage. Chaque mois,
il recevait 60 francs pour sa pension, dont 10 francs donnés par
sa mère en cachette. Très fatigué à l'arrivée, il entra dans la
ville dans un char à charbon vide, où le voiturier voulut bien
le laisser monter (l).
Saint-Etienne lui parut triste, noir et malpropre. L'Ecole était
à la sortie de la ville, sur la route de Montbrlson P). Son labo-
ratoire de chimie, établi sur des plans rapportés d'Angleterre
par de Gallois, était autrement élégant qiue celui du Collège
de France. I^a bibliothèque était assez complète.
Il y avait neuf élèves dans chacune des deux divisions.
Fourneyron, le plus malin des élèves, « très avocat », très
amusant, fut, ses éludes terminées, employé au. tracé du premier
(1) Oïl cnti.Lit par la route rlo CAto-Thiolliôre et de la Montât, la
route actuelle de Saint-ChamoiDdl n'étant pas encore construite.
(2) Léffftrn nrrpiir. I /Ecole était sur la route de Roanne, qui, d'aijleura,
devait ôtre i-m m i colle de Monii.ri i, par la Gouyonnic'^re et André-
zieux), laquelle II! ai)aridonncT la n.iiic pai- r.Atc r.ii.nide et Saint-Just.
chemin do fer (1). La plupart dt^s élèves et Fourneyron lui-
même sortaient du collège communal de Saint-Etienne. Ils
étaient laborieux, très gais, bienveillants. Parmi eux se
trouvaient quelques gouverneurs de mines, passablement in-
cultes, et des ouvrier® qui ne pouvaient suivre tous les cours,
mais qui furent très utiles pour l'enseignement pratique.
Dyèvre faisait partie de ces élèves ainsi que Baude, élève
libre.
Le directeur de l'Ecole, Beaunior, enseignait très bien la
géologie. D'après Boussingault, son talent de chanteur aurait
contribué à son avancement. Boussingault a manifesté ici le
caractère frondeur de tout élève contre ses professeurs. Ecrivant
ses Mémoires longtemps après sa sortie de l'Ecole, il aurait
pu rappeler cependant la personnalité très éminente de
Beaunier et les services immenses rendus par celui-ci à la
région de/ la Loire.
De Gallois, professeur de métallurgie, était suppléé par
Thibaud, aspirant des mines, très laborieux, brouillon et
pédant (2).
Burdin, Savoyard d'origine, professeur de mathématiques,
esprit original, peu clair, peu pratique, eut l'idée des turbines.
Il s'associa à Fourneyron pour entreprendre leur construction.
Mais ils ne purent s'entendre. L'association dura deux ans.
Fourneyron amena la turbine à un étonnant degré de perfection.
Burdin, qui était un rêveur, essaya de tout et ne fit rien de bon.
Il n'eut pas la loyauté de déclarer que la turbine qu'on avait
réussi à faire fonctionner n'était pas la sienne.
Desroches ou Moisson-Desroches, professeur d'exploitation
des mines, était un nain avec une figure de singe (son portrait,
en uniforme d'ingénieur des mines, est au Musée de Saint
Etienne). D'un caractère excellent, il possédait un talent d'ex-
position et un talent de dessinateur remarquables. Il adressait
au Roi des mémoires suir le gouvernement de la France, il
bâtissait des théoriies impossibles sur tous les sujets. Il engagea
(1) Boussingault parle de l'année 1820. Le chemin de fer ne fut con-
cédé qu'en 1823. On en parlait depuis le retour d'Angleterre de De
Gallois, en juin 1818.
(2) Sur Beaunier et de Gallois, voir mon Histoire de la Métallurgie,
p. 27 et 32.
— 699 —
une discussion dans les journaux sur une question» thérapeu-
tique avec un médecin de Saint-Etienne, Lanyor. Cette polé-
mique amena un duel entre Lanyer et l'élève de l'Ecole des
mines Laulanier, en 1826, duel que M. Murgue a raconté dans
une circulaire de la Société des Anciens Elèves. Moisson-
Desroches est mort en 1865. Sa tombe, au cimetière de Mont-
brison, porte' l'inscription : Promoteur des chemins de fer.
Guényveau, professeur de chimie et de métallurgie, qui avait
un bras plus court que l'autre, était un excellent homme, spi-
rituel, très timide, récitant à midi- la leçon apprise à dix heures.
Sperowitz, maître de géométrie souterraine, autrichien venu
à Saint-Etienne avec les armées, ennemies, conduisait les élèves
dans les mines pour lever des plans. Il était très ignorant.
Le Boulanger, ingénieur des mines, attaché au laboratoire,
avait une infirmité g-rave de l'estomac. Son état physique et
moral empira. Il finit balayeur de rues à Lyon, où i'un de ses
camarades l'arracha à ces fonctions. Boussingault dit qu'il
devait à Le Boulanger beaucoup de ce qu'il avait appris et que
Le Boulanger l'avait en grande affection (i).
Boussingault, de concert avec un camarade, loua une
chambre garnie à Saint-Etienne, au prix de 15 francs par
mois. Les deux amis préparaient eucx-mêmes leurs repas ; on
se procurait aisément du vin du Rivage à 10 centimes la bou-
teille. Il loua ensuite une autre chambre pour 20 francs par
mois, ei il prit ses repas dans un cabaret voisin de l'école, où
les élèves mangeaient à table d'hôte pour 35 francs par mois.
Le menu se composait : d'une soupe, d'un rôti (du chevreau
généralement), de légumes et de fromage. Le vin et le pain
étaient à discrétion.
Les élèves fréquentaient beaucoup le théâtre où, au parterre,
ils payaient 60 centimes. Le théâtre de Saint-Etienne était alors
rue de la Comédie.
L'uniforme de l'F^cole était bleu de ciel, avec deux pics
(1) \J Annuaire des Anciens Elèves indique, comme cadre de l'Ecole
en 1819-1820 : HeaunJer, directeur ; Desroches, Burdin, De Gallois, pro*
fesseurs ; Thibaud, suppléant. Le Boulanger figure dans le cadre de
1824. Il n'était pas titulaire en 1820.
— 700 —
croisés en "or ; dansi les grands jours, on portait le chapeau à
cornes et l'épée (i).
Tous les élèves étaient libéraux et lanticléricaux. Baude,
élève libre, organisait les manifestations contre les plantations
de croix do mission, manifestations qui consistaient à chanter
des chansons de Béranger (2).
On distribuait des prix aux élèves. Les dames assistaient à
la distribution. Boussingault obtint un beau niveau d'eau,
comme premier prix dans la deuxième division.
Il est regrettable que d'autres anciens élèves de l'Ecole n'aient
pas publié des mémoires.
Très peu de temps après Boussingault, Combes était pro-
fesseur à l'Ecole. Il devait succéder à Baude comme directeur
des Mines de Firminy, être « l'artisan de la transition de la
mine ancienne à la mine moderne », publier le premier traité
français d'exploitation des mines ei entrar à l'Académie des
sciences. Nommé en 1823, Combes ne professa qu'à partir de
1826 (3).
La même année, Jabin (Pierre-Félix) était nommé professeur
de dooimiasie et de minéralurgie. C'était le fils d'un ancien colonel
de la garde d'Eugène de Beaiuihamais, vice-roi d'Italie. Jabin
dirigea une verrerie, et ensuitei la mine de Bérard qui porte
son nom, et où, âgé de 31 ans, il mourut d'un accident de
machine le 31 mars 1833 (^).
(1) « Les élèves sont aunonsés à porter un frac bleu de roi^ croisé
sur la poitrine, avec des boutons de métal jaune ayant pour légende
Ecole des Mineurs de Saint-Etienne, et, au centre, une fleur de lis. Les
élèveis brevetés ont seuls le droit, après leur sortiei, de porter l'uniforme
de l'EcoJe » (Duplessy, Essai statistique sur le Département de la Loire,
1818, p. 88). L'uniforme fut modifié en 1830, consacré officiellement dans
le règlement de 1831 et modifié encore en 1853 (Voir Babu, p. 75, 76, 126).
(2) Baude, qui devait fonder en 1820 la Compagnie des Mines de Boche-
la-Molière et Firminy, et être son premier diirecteur, avait 28 ans. Il
avait déjà été sous-préfet die Saint-Etienne et de Boanne (Voir p. 232).
(3) Bulletin de VIndustrie minérale 1900. p. 453. Dans ce bulletin et
à la Suite de l'historique de M. Babu, M. Jouguet, professeur à l'Ecole,
a publié la liste de tous les directeurs et professeurs de l'Ecole, avec
des notices sur les principaux d'entre eux. Sur Combes, v. p. 276.
(4) Bulletin de la Société industrielle de V arrondis sèment de St-Etienne,
1833, p. 243. Lei même Bulletin a publié (p. 117) le discours que Jabin
prononça à la distribution des prix de l'Ecole le 15 août 1832.
» — 701 —
Un an après Jabin, en 1827, Fénéon était nommé professeur
de minéralogie et de géologie. Il resta à l'Ecole jusqu'en i850
où, victime momentanée des polémiques que souleva le trust
des houillères' de la Loire, il fut révoqué. C'était un professeur
très distingué et ses élèves lui adressèrent une belle lettre de
regrets. Mais sa disgrâce dura peu, car, en 1851, il était nommé,
avec avancement, ingénieur en chef de première classe à
Avignon (l).
A cette pléiade des premiers professeurs appartenait Blavier,
qui créa en 1826 le premieir cours public de mécanique indus-
trielle professé à Saint-Etienne p). Gruner, professeur de chimie
et de métallurgie, ne fut nommé qu'en 1835.
En 1831, une ordonnance royale et un règlement relevèrent
les conditions d'admission et le niveau des études. Ils substi-
tuèrent cà l'ancien brevet de sortie des brevets de 1"^, 2°^^ et 3'"'
classes ; ceux de 1"^ et de 2*"^ classes conféraient, en fait^ les
fonctions d'ingénieur, bien que le mot ne fût pas prononcé.
En même temps, on créait des cours pour les ouvriers, cours
du soir et du dimanche, qui n'eurent pas grand succès. Annoncés
par la Presse locale, ils durèrent une vingtaine d'années (3).
UEcole des Maîtres mineurs dWlais^ créée par ordonnance
du 22 septembre 1843, rendit ces cours moins utiles. Plus
tard, en 1893, le Comité des Houillères de la Loire crée.ra V Ecole
des Aspirants Gouverneurs.
Relevés en 1841, en 1867, en 1882, en 1887, les programmes
d'admission et les cours firent porter la durée des études en 1879
à trois ans, au lieu de deux (4). Les établissements préparatoires
devancyiient d'ailleurs les aiuieménlations officielles de pro-
grammes et anticipaient sur les cours. Dès l'origine, l'ensei-
gnement effectif avait dépassé celui prévu par les règlements.
(1) Avenir Râptiblicain, joiiinnl *\o Saint l.tiiniio, 2^ novomlnp 1850,
18 mars 1851.
(20 Mercure Sénusien, 21 janvier 182&.
(3) Rabiî, p. 83 ; Mercure Ségusien, 9 novembre 1834 ; Le Coninirrcc
sféphanois, 21 (K'cembre 1845.
(4) A l'Ecole flos Mines do Paris, la. srolarit(\ pour los cours profes-
si'Tinc! , fut )>(.r-1i'c ;i fims ans en 1H4S, missi hicii j)()iir les élèves-
-- 702 -
Aussi, en ' 1846, un magistrat stéphanois appelait l'Ecole du
Saint- Ktienne : r Ecole puly technique de la Province, bien que
la grande Compagnie des Mines de la Loire, celle du monopole,
dirigée par des ingénieurs d€ Pans, l'appelât encore, en 1853 :
V Ecole secondctlre de Saint-Etienne (l).
Kn 1882, un décret substitua le titre d'Ecole des Mines à celui
d'Ecole des Mineurs, qui créait une confusion avec les écoles
de maîtres mineurs d'Alais et de Douai. Mais, en 1883, l'Ecole
de Paris reçut le titre d'Ecole nationale supérieure des Mines.
Ce ne fut qu'en 1887 — tant les résistances éprouvées à Paris
étaient grandes — qu'une décision stipula que les brevets de
l'Ecole de Saint-Etienne porteraient la mention : « Brevet
d'ancien élève apte à exercer les fonctions d'ingénieur ». Or,
déjà en 1865, sur 546 élèves, 474 avaient rempli ou remplissaient
les fonctions d'ingénieur.
J'interromps ce bref exposé pour parler du « château de Ghan-
tegrillet », où fut logée et où est encore logée l'Ecole. Sans la
guerre de 1914-1918, un nouveau transfert aurait eu lieu, et le
château serait tombé sous le pic des démolisseurs.
Ce château fut construit vers la fin du xviir siècle par Jean
Claude Chovet de la Chance p), desoeindant d'un sieur Guillaume
Chovet, enrichi dans le commerce et l'industrie de la soie ou
des rubans, et qui s'offrit le luxe de faire enregistrer ses
armoiries par d'Hozier. Ses successeurs achetèrent des terres
nobles, c'est-à-dire grevées de servitudes féodales, de telle sorte
que J.-C. Chovet, en 1789, était seigneur de la Chance (aux
ingénieurs (du Corps des Mines) que pour les élèves externe? (lîbresl.
La communauté des études entre les élèves de Polytechnique et les
autres élèves détermina la création pour ces derniers, en 1844, de cours
préparatoires à l'Ecole même' {Annales des Mines, 1889, p. 72 et 605\ Les
décrets de 1919 décident que l'enseignement est de deux années pour
les élèves sortis de Polytechnique, et de trois années pour les autres
élèves. Pour l'Ecole de Saint-Etienne, iJls décident que la durée des
études est de trois années, mais qu'elle peut être réduite temporaire-
ment à deux, qui est la durée fixée pour les anciens élèves de l'Ecole
Polytechnique.
(1) V. p. 322. et 429.
(2) Broutin : Familles nobles du Forez, p. 17 ; notes de Descreux,
23 juillet 1847.
— 703 —
Hayes, près de Gondirieii), de Chagnon, de la Faye, de Ghe-
vrières, de Saint-Médard, d'Aveizieux, etc., etc.. Un véritable
accapareur de seigneuries !
Rallié aux idées libérales, il avait découronné le château de
Chovrières de ses créneaux, château que ses enfants cédèrent
à la famille Neyrand, en 1825. Cet acte de vandalisme prouvait
peiui en sa faveur. J.-G. Ghovet était aussi lieutenant de maire
(principal adjoint) à St-Etienne, aide-major du rx>yal Jeu d'Ar-
quebuse, membre du bureau de Saint-Etienne de. la Société
royale d'Agriculture de Lyon, et riche, disait-on, à '2 millions.
Ayant séjourné à Lyon pendant l'insurrection contre la Gori-
vention, il fut porté sur la liste des ôonspirateurs, mais il
échappa aux poursuites. On lui délivra même un certificat de
civisme, parce qu'il offrit au Gomité stéphanois des subsistances
les blés de ses domaines de Rochetaillée ei de Val benoîte.
Après la Terreur, il fut nommé maire de Saint-Etienne et, en
1797, administra tetuir du département. Le Gonsulat l'envoya
siéger au Gon&eil général de la Loire, au Gonseil d'Agriculture,
Gommerce et Arts de Sain tr Etienne. En 1803, il fut nommé
(]éputé au Gorps législatif, et renommé en 1807. Enfin, en 1810,
l'Empereur le créa baron. Il mourut en 1812, ayant traversé avec
bonheur des régimes très différents ei figuré, sous chacun d'eux,
sauf pendant la Terreur, au premier plan de sa province.
Gomme son nom l'indique, il avait eu de la chance !
Quand le Préfet de la Loire venait de Montbrison à Saint-
p]tienne, il descendait à Ghantegrillet, chez. Ghovet de la
Ghance.
Après la mort de^ J.-G. Ghovet, le château devint la propriété
et la résidence du fils aîné, J.-B. Ghovet de la Ghance, qui était
déjà sous l'Empire maire d'Outre-Furens, le château étant situé
dans cette commune. Ce castel reçut des visites princières qui
marquent la période la plus brillante, mais non la plus féconde
de son histoire.
La première de ces visiU'8 fut celle du comte d'Artois, qui
logea au château le 22 septembre 1814. Taiiile la bourgeoisie, In
veille encore napoléonienne, se prosterna devant celui qui
n'avait rien appris, ni rien oublié. Le préfet Rambuteau avait
pourvu à toutes les habitudes et à tous les agréments du prince.
— 704 —
Alt bal offert par le Commerœ, les dames de la ville exécu-
tèrent une cantate. Le château fui illumirié. Une immense fleur
(le liis en charbon enflammé se dessinait suir une pente escarpée
de la montagne. Rambuteau, qui exagère peut-être, dit qu'on
y avait employé deux oeiits voitures de charbon. Pour quatre
francs on pouvait avoir, à cette époque, une tonne de bon menu
de forge.
En 1816, le 3 août, le duc d'Angoulême descendit au château
de Ghantegrillet. On fit monter dans les appartements les métiers
à lacets de M. Bonnand (ces métiers étaient alors une nou-
veauté) et le métier à ruban de M. Boutarel, qui avait servi a
fabriquer les garnitu;res de l'une des deux robes offertes à la
duchesse de Berry.
Le 29 juin 1826, troisième visite princière : celle de la Dau-
phine, duchesse d'Angoulême, qui logea aussi au château de
Ghantegrillet. Mais ce château n'appartenait plus à Ghovet de
la Ghance, qui l'avait cédé au recevefur des finances de Saint-
Etienne, Pierre Julliard. La princesse offrit un grand dîner.
Dans la prairie du château, en présence de dix mille personnes,
on tira un faui d'artifice^.
La fortune de Julliard, qui hébergea « l'Antigone française »,
devait sombrer avec la monarchie légitime. Sa faillite — car
certains receveurs des finances faisaient de la banque — fut dé-
clarée en 1830. A la requête des syndics, on mit en vente, en 1834,
le domaine de Ghantegrillet, d'une surface de 118.000 m. carrés.
Gette propriété fut achetée par les Frères des Ecoles chrétiennes,
qui firent constronire, plus tard, le collège Saint-Michel, situé
alors dans la commune de Montaud. Ils esipéiraient vendre ces
bâtiments à l'Etat pour servir de caserne, mais l'Etat préféra
faire construire la caseirne de la Badouillère. Les Frères son-
gèrent alors à se défaire de Ghantegrillet. Les Stéphanois
auraient voulu que la Ville achetât château et domaine pour
y loge-r le miuisée et pour servir de promenade publique. Mais
le directeur de l'Ecole des Mines, Roussel-Galle, avait, depuis
plusieurs années, proposé l'acquisition de Ghantegrillet pour y
loger l'Ecole. Il obtint l'autorisation du Gouvernement et l'ac-
quisition fut chose faite en 1848 (i). Je renvoie, stur ce point, au
(1) Mercure Ségysien du 4 décembre 1830, 2() octobre 1834, 16 avril
1847. Le .Tardin des Plantes, acheté en 1845 à la famille Pélissier, ne
vit commencer ses plantations qu'en 1849.
— 705 —
livre (le M. Babu. Un plan du château et de ses dépendances,
annexé à l'ouvrage, indique l'état des lieux en 1850 (i). Une
partie de la prairie, sur la rue de Fontainebleau, fut vendue
à la Ville en 1856.
L'Ecole des Mines fut installée à Ghantegrillet en 1850. Elle
abandonna son local primitif de la route de Roanne, qui était
beaucoup trop exigu. Les Jésuites y ouvrirent, la même année,
le collège Saint-Michel. En 1851, ils s'installèreint dans les bâ-
timents des Frères, rue du Vieux-Montaud (^), qui, en 1848,
avaient servi d'entrepôt national des marchandises. Le^ collège
devait rester dans ces bâtiments jusqu'en ces dernières années.
Le château de Ghantegrillet logea les directeurs de l'Ecole
des Mines. Des bâtiments furent construits pour les cours, les
salles d'études, les collections, les laboratoires, la bibliothèque.
Le château reçut cependant la visite de l'un des « successeurs »
du comte d'Artois, devenu roi de France sous le nom de
Charles X. Ce successeur était M. P'élix Faure, président de la
République, qui visita l'Ecole le 30 mai 1898. Le groupe des
élèves, en grand uniforme, fut photographié par le corres-
pondant de V Illustration. L'Harmonie des Houillères de Saint-
Etienne joua la Marseillaise.
Quant à la famille Ghovet de la Ghance, elle s'est éteinte à
Lyon, en 1901. Déjà en 1841, J.-B. Ghovet avait,été ruiné dans
la banqueroute d'un notaire de Paris, où il perdit 1.300.000 fr.
\\ mourut en 1853. G'est lui qui, à la fin du premier Empire,
avait ouvert sur ses terrains la partie orientale de la rue ac-
tuelle de la rue de la République, qu'on appela rue Impériale,
puis rue Royale. La petite rue de la Ghance, dans le quartier
Saint-François, ne reçut oe nom qu'en 1857. Elle est dans le
prolongement de- la rue de la République
Une loi autorisant la reconstruction de l'Ecole des Mines f\
été promulguée le 4 août 1913. La dépense prévue était de
1.093.000 francs, dont 605.000 francs fournis par le dép^irtement
(1) La surface indiquée dans le livre de M. Rahii 6U\'n de 123.987 mètres
carrés.
(2) Avenir mpubllcMn, 10 octobre 1851. Ces hAtiinoiits furent achetés
par une Sociét/6 civile formée par des notables st(''plianois : MM. Ralny,
Palluat, Geriii, Diiplay, Colcombet, etc.
• - 706-
(je kl Loire, la Ville et la Chambre de Commerce de Saint-
Etienne, les Sociétés houillères et métallurgiques, la Compagnie
P.-L.-M. On devait édifier les nouveaux bâtiments près de la
rue Fontainebleau, et l'on espérait que le Président de la Répu-
blique poserait, en 1914, la première pierre. La gojerre a retardé
l'exécution du projet. En 1919, on lui a substitué un autre
projet sur un emplacement plus éloigné, cours Faairiel, près du
Rond-Point. Mais là encore on a rencontré des résistances de
la part des Administrations. Je regretterai, pour ma part, le
« vieux décor » de Chantegrillet.
Je reviens à l'Ecole. Légalement, en 1889, elle était sous le
régime de l'ordonnance royale de 1831, bien que le programme
d'admission établi par rarrêté ministériel de 1887 fût analogue
aux programmes de l'Ecole des Mines' de Paris et de l'Eoole
centrale. Mais l'acte organique de 1831 n'en faisait qu'une école
technique secondaire. En conséqueince, pour l'application de la
loi militaire du 15 juillet 1889, le Conseil d'Etat classa l'Ecole
de Saint-Etienne avec les Ecoles de Douai et d'Alais. Tandis
que les élèves diplômés de l'Ecole de Paris ne faisaient qu'une
année de service, cet avantage n'était réservé qu'aux quatre
premiers cinquièmes des élèves de Saint-Etienne ayant obtenu
65 % du total des points.
Tous les Corps constitués de la région prirent délibération
sur délibération pour faire décréter l'assimilation avec l'Ecole
de Paris. Ce fut en vain.
Plus favorisés encore que les élèves de l'Ecole de Paris, les
Centraux recevaient l'instruction militaire à l'Ecole même. Ils
accomplissaient, en qualité d'officiers de réserve, une année de
service' au régiment.
La situation faitei à Saint-Etienne motiva cependant le décret
du 18 juillet 1890, qui abrogea l'ordonnance de 1831. Ce décret
décide (article l*''") que « l'Ecole des Mines de Saint-Etienne a
pour but de former des ingénieurs et des directeurs d'exploi-
tation de mines et d'usines métallurgiques ». L'ordonnance de
1831, quant au but de l'Ecole, renvoyait à l'ordonnance de 1816.
Elle indique que l'Ecole était établie « pour l'enseignement des
jeunes gens qui se^ destinaient à l'exploitation et aux travaux
des mines ».
— 707 —
Les brevets de l*"" et de 2°'*' classes furent remiplacés en 1890
par le ce diplôme d'ancien élève apte à exerceir les fonctions
d'ingénieur », délivré aux élèves ayant obtenu 65 % du total
des points. Le programme d'admission de 1887 fut maintenu.
La loi militaire du 21 mars 1905 égalisa le service militaire
des élèves de toutes les écoles du Génie civil : une année dans
un corps de troupe aux conditions ordinaires, instruction mili-
taire à l'école, une année dans un corps de troupe comme officier
de réserve. L'Ecole de Saint-Etienne fut placée sous ce régime.
Saint-Etienne n'ayant qu'une garnison d'infanterie et de cava-
lerie, les élèves reçurent l'instruction du fantassin. Il eût été
facile, au contraire, de faire venir, sinon un cadre d'artillerie,
avec ses chevaux, ses pièces et ses caissons, du moins un cadre
du génie. Dans cette arme, les élèves auraient rendu des ser-
vices appréciés (i).
La loi militaire de 1913, rétablissant le service de trois ans,
que la loi de 1905 avait réduit, supprima toutes les déro-
gations, sauf pour l'Ecole polytechnique et l'Ecole forestière.
L'Ecole de Saint-Etienne reçut la personnalité civile en 1905
et l'autonomie financière en 1907 (^j. En 1909, un décret de réor-
ganisation, du 21 janvier, lui donna le titre d'Ecole naiionale
des Mines de Saint -Etienne, ayant pour but « de former des
ingénieurs aptes à diriger les exploitations de mines et d'usines
métal loiirgiques ». Le diplôme fut désormais un « diplôme d'in-
génieur civil » (art. 30), alors que les brevets et diplômes
précédents éludaient le titre en consacrant la chose. On trouvera
dans la notice de M. Eriedel {Bulletin de r Industrie miner aU\
1910) tous les renseignements qui complètent l'historique de
M. Babu sur les admissions, les cours, les exercices pratiques,
les Conseils de l'Ecole, le budget, etc...
Je signale que les programmes d'admission ont été encore
modifiés en 1906 et que, depuis cette date, la préparation j\
(1) Aujourd'hui rinsti-urtion militaire est ^Miiihc |mi' nu capitalTie
«lu pénle.
(2) I,ois (le flnances du 22 avr-iil 1905, art. f>:i, cl du :U) janvier 1907.
art. 76.
- 708 —
rKoole po'ut etiiie donnétî dans tous ies lycées pourvus do clcuàsots
de mathématiques spéciales, tandis qu'auparavant le pro-
gramme comiportait certaines matières, en chimie notamment,
qui ne figuraient pas au programme d'admission à l'Ecole po-
lytechnique. Aussi la préparation à l'Ecole des Mines se faisait-
elle uniquement dans trois établissements secondaires de Saint-
Etienne : le Lycée, la rue Désirée (Frères des Ecoles chrétiennes)
et Valbenoîte (Frères Maristes) (i).
Pour 35 à 37 élèves admis chaque année, de 1907 à 1913, il
y eut de 154 à 212 candidats. Le concours donne aux études
préparatoires une supériorité très remarquable, et aux études
de l'Ecole un maximum de rendement utile.
Deux déeirets du 19 septembre 1919 ont réorganisé les Ecoles
de Paris et de Sainir Etienne. L'article l*'** de ces décrets définit
le but identique de ce© Ecoles, avec la seule différence que
l'Ecole de Paris forme, non seulement, comme celle de Saint-
Etienne, des « ingénieurs civils aptes à diriger des exploitations
de mines et des usines métal lurgicfues », mais encore des ingé-
nieiuirs du Corps national des Mmes, c'est-à-dire des ingénieurs
de l'Etat (2). Les diplômes portent le titre de « diplôme d'ingé-
nieur civil des mines de l'Ecole de Paris » et de « diplôme
d'ingénieur civil de l'Ecole de Saint-Etienne ». Ces décrets
donnent une plus grande autonomie à ces Ecoles, comme l'ont
demandé les représentants de l'industrie houillère.
Avec un budget des plus modestes, une installation très dif-
férente de celle de l'hôtel Vendôme, où siège l'Ecole de Paris,
et « dont on ne voudrait pas dans un chef-lieu d'arrondissement
pour une école primaire supérieure (3) », l'Ecole de Saint-
Etienne a fait de grandes choses. Sa « pauvreté féconde » lui
(1) En toute justice, il faut rappeler les succès éclatants remportés
par Le Pensionnat des Frères des Ecoles chrétiennes, rue Désirée, pour
l'entrée à l'Ecole, jusqu'à la laïcisaiion de 1904, qui a fait créer un
étabdissement similaire à Lyon.
(2) Le décret du 25 février 1914 sur l'Ecole des Mines de Paris défi-
nissait ainsi je but de l'Ecole : « Former les ingénieurs du Corps
national des Mines et donner l'enseignement aux élèves externes fran-
çais et étrangers qui veulent obtenir le diplôme d'ingénieur civil des
mines conféré par cette Ecole ».
(3) Rapport de M Audiffred au Sénat (Voir Méianrial de la Loire,
6 janvier 1908).
— 709 —
fait honneur. On a* signalé, en 1904, que chaque élève revenait
seulement à 538 francs par an à l'Etat ! (^).
Je ne rappellerai pas avec quelle facilité s'opère le placement
des élèves à leai;r sortie de l'Ecole, facilité qu'enviaient jadis
et qu'envient peut-être encore d'autres grandes Ecoles de Paris,
l'Ecole Centrale notamment (^) ; ni les chiffres tant de fois cités
et qui attestent la place prépondérante que les ingénieurs de
l'Ecole de Samt-Etienne occupent dans les mines françaises (3) ;
ni les noms des morts à la mine, victimes, du devoir, inscrits
au martyrologe de l'Ecole ; ni le long martyroîbge de la guerre
de 1914-1918 où, sur 468 niobilisés, 141 anciens élèves ou élecr^
sont tombés au Champ d'honneur (ces mobilisés ont obtenfiu 5
rosettes de la Légion d'honneur^ 125 croix de chevalier, 14 mé-
dailles militaires, 313 croix de guerre, au total 63S citations) ; ni
enfin le rôle remarquable, éminent même, joué par tant
d'anciens élèves dans la science ou dans T industrie, sur les
1.900 ingénieurs sortis de l'Ecole de 1816 à 1914.
L'Ecole de Saint-Etienne, malgré les règlements et l'hostilité
qu'on lui manifesta à Paris, « a toujours été, dès l'année de
sa fondation et par la force môme des choses, un établissement
d'enseignement technique supérieur ». Le vieux brevet de l'Ecole
des Mineurs était un titre modeste. Ses possesseurs lui ont
donné une haute valeur, et on a dû reconnaître ce qu'il était :
l'équivalent des diplômes des prandes écoles techniques de la
capitale (^).
Les titulaires du professorat ont généralement appartenu au
Corps des Mines, comme l'indiquent les actes organiques de
l'Ecole (5). J'ai cité ceux qui firent partie du cadre des premières
années. A la suite du livre de M. Babu, on trouvera le tableau
(1) Rapport fie M Gervais, député {IMd., 30 mai 1904).
(2) Voir dans le Mémorial de la Loire du 17 décembre 1903 un article
sur la situation des grandes écoles d'ingénieurs.
(a) Fn 1896 : 182 de Saint-Etienne contre 35 de Paris et 22 de Centrale :
on 1905 : 280 de Saint -Etienne contre 72 de Paris et 32 de Centrale, etc.
(4) Bulletin de Vlndustrle Minérale, 1910, vol. 12, p. 482. *^
(5) Cette (jualité n'est plus strictement obligatoire depuis le décret
de 1919. C'est le Conseil de l'Ecole qui propose au M-inlstre la nomi-
nation des professeurs titulaires, adjoints, suppléants, maîtres de
conférences, répétiteurs, chefs des travaux pratiques et chargés de cours
temporaires.
4(i
— 710 —
historiquia des professeurs et des notices sur Beaunier, Burdin,
Combes, Glapeyron, Gruner, Gallon, Phillips, Bour, Lan, du
Souich, Massieu, Mallard, Dupont (l). En dehors des professeurs
titulaires, il y a eu et il y a encore des chargés de cours désignés
par leurs spécialités, ou. pour suppléer à l'insuffisance -numé-
rique du cadre réglementaire des professeurs.
Je reproduis ci-après la liste des directeurs successifs de
l'Ecole :
MM.
Beauni^ir, 1817-1835.
R.ouss€l-Gall-e, 1835-1852.
(iruner, 1852-im
Du Souich, 1858-1860.
Dupont, 1860-1868.
Cacarrié, 1868-1873.
De Cizancourt, 1873-1879.
Castel, 1879-1880.
Liénard. 1880-1881.
MM.
Meurgey, 1881-1882.
Gonthier, 1882-1887.
Oliy, 1887-1888.
Leseure, 1888-1893.
De Castoinau, 1893-1896.
Tiauzin, 1896-1908.
G. Fr.iedel, 1908-1919.
Chippart, 1919.
La Société des Anciens Elèves a inauguré en 1908, lors du
Congrès de l'Industrie minérale, « l'hôtel des Ingénieurs », ou
plutôt « l'hôtel des Sociétés d'ingénieurs », où elle a installé
son siège social. Les bureaux de la Société de l'Industrie miné-
rale, le oeircle des Elèves de l'Ecole des Mines, les Comités des
Houillères et des Forges de la Loire et les Syndicats métallur-
giques patronaux siègent dans cet hôtel. Tout le monde connaît
cet élégant immeuble, à l'angle de la rue du Grand-Moulin et
de l'avenue Président-Faune, dont les architectes, nommés au
concours en 1904, furent MM. Teissère et Clermont, et le
statuaire M. Paul Graff. Pendant la guerre, un hôpital de la
Croix-Rouge, entretenu par de larges subventions des industries
houillères et métallurgiques, a été installé dans cet immeuble.
(1) La brochure sur le Centenaire de VEcole (1921) renferme également
des notes importantes sur les célébrités de l'Ecole : directeurs, profes-
seurs, 'anciens élèves.
711 —
!^ 2 - LA SOCIÉTÉ DE L'INDUSTRIE MINÉRALE
et les REVUES TECHNIQUES de la RÉGION
La Société' des Anciens Elèves de l'Ecole des Mines de Saint-
Etienne est une Société amicale. La Société de l'Industrie mi-
nérale est une Société savante ouverte à tous les ingénieurs,
voire même à toutes les personnes qu'intéresse le but de la
Société et qui sont présentées par deux membres aui Conseil
d'administration. Ce but consiste à « concourir au progrès de
l'airt des Mines et de la Métallurgie et des industries qui s'y
rattachent ». En fait, la Société est le prolongement de l'Ecole
ou piliutôt des Ecoles des Mines.
Ce but avait été poursuivi, à l'origine de l'Ecole de -Saint-
Etienne, par les élèves brevetés. Ils créèrent, en effet, en 1826,
une publication périodique : Correspondance des élèves bre-
vetés de V Ecole des Min.eMrs de Saint-Etienne. Un numéro parut
en 1827, six numéros seulement dix ans après, en 1836-37. Cette
Société scientifique de correspondance, à peu près dissoute, fut
reconstituée en 1842 (i). Elle continua ses publications jusqu'en
1847.
Des ingénieurs de la région collaboraient aussi à la rédaction
du Bulletin de la Société agricole et manufacturière de Saint-
Etienne, rccoiistitu('e en 1820. (je périodique renfermait alors de
nombreux articles dont on ne retrouve plus depuis longtemps
l'équivalent.
En 1848 fut constituée à Paris la Société des Ingénieurs civils
de France^ société savante, composée en grande partie d'anciens
élèves de l'Ecole centrale, mais ouverte néanmoins à tous les
ingénieurs. Je rappelle à ce sujet que le président- fondateur de
la Société, Eugène Flachat, était d'un<' f.iniille originaire de
Saint-Chamond et que, par souscription entre les ingénieurs, on
(1) ItnUi'lin (ir la Sori/'U; industrielle de Vnrrondiasemcnl de Saint-
h:tlrnnr, 1«;ts, p ^>f};\ ■ Mrrnirr S/'«i,is}rn, 7 décembre 1842.
— ?12 —
lui éleva un buste en 1898, à Paris, boulevard Péreiro. Le
piédestal porte sur l'une des faces l'inscription : A Eugène
Flachat, ingénieur^ et sur l'autre face : Initiateur du génie civil
en France.
" Eugène Flachat (1802-1873), qui ne sortait d'aucune école
technique, fut surtout un ingénieur des chemins de fer et un
ingénieur métallurgiste. Peu connu dans noire région stépha-
noise, ignoré même à Saint-Chamond, j'aî essayé de rappeler
ses mérites et de reconstituer la vie de son grand-père, Jean-
Claude Plachat (1718-1775), qui, après un séjour de quinze
années en Orient, créa à Saint-Chamond une Manufacture royale
de teinture et fut l'un des initiateurs de^ l'industrie cotonnière
du Beaujolais et du Roannais.
En 1855, la Société des Ingénieurs civils était surtout com-
posée d'ingénieurs-constructeurs des chemins de fer (i). Gruner,
qui était alors directeur de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne,
déplorait que les personnes qui s'occupaient de l'art desi mines
et de la métallurgie fussent sans lien commun. Il groupa
quelques ingénieurs qui jetèrent les bases de la Société de l'In-
dustrie minérale et qui invitèrent à sa participation toute per-
sonne prenant quelque intérêt aux travaux des mines et des
usines métallurgiques.
Cet appel fut entendu. Dès la première année 256 ingénieurs
donnèrent leur adhésion. Saint-Etienne fut choisi pour siège
social, parce que c'était le lieu de résidence des fondateurs et le
centre du plus important district de forges et de mines que
possédait alors la France. On ne prétendait pas y river à jamais
l'entreprise (^).
Depuis cette époque, le Nord et l'Est ont dépassé la Loire,
comme importance métallurgique et minière. Mais le siège
de la Société est resté fixé au lieu de sa fondation. Les trans-
plantations sont nuisibles aux arbres profondément enracinés,
et d'ailleurs, à deux repriseis depuis 1855, le Nord et l'Est ont
été occupés et dévastés par l'ennemi, tandis que la Loire restait
l'arsenal suprême de la France.
(1) Buhletin de l'Industrie minérale, 1855, p. I (Rapport de Gruner).
(21) Ibid., p. 2.
— 713 —
La Société ne devait, pas s<3 borner à publier des mémoires
sur l'industrie minérale ou l'industrie sidérurgiq'ue. Elle devait
être vraiment une association où, dans des réunions périodiques,
il y aurait échange de communications et d'observations, où
les Sociétaires seraient invités à recueillir des renseignements
précis et à diriger leurs observations sur des points, des mé-
thodes, des appareils spéciaux, observations que l'on classerait,
que l'on comparerait et que tous pourraient consulter. En un
mot, on devait stimuler l'esprit de recherches et d'activité « là
où auparavant régnaient la routine et l'apathie ».
Dans son rapport prélimmaire aiui fonctionnement de la So-
ciété, Gruner reproduisit, dans un questionnaire de huit pages,
les programmes arrêtés par les trois Commissions des mines,
de la métallurgie et des constructions qui venaient d'être cons-
tituées.
La Société de^ l'Industrie minérale a répondu au but de ses
fondateurs. A la différence de tant d'autres Sociétés — même
savantes — mal constituées ou dans lesquelles des germes de
mort ont été introduits, elle a vécu en pleine vigueur, elle a
pris une extension considérable et elle n'a cessé de publier
régulièrement les comptes rendus de ses travaux et son im-
portant Bulletin, recueil de mémoires précieux cités à d'innom-
brables reprises dans les ouvrages de haute science et dans les
grands traités cjassiques, citations plus nombreuses peut-être
que celles empruntées aux Annales des Mines, organe du Corps
des Mines, et aux Annales de la Société des Ingénieurs civile.
Depuis le 1^** janvier 1921, ce bulletin est devenru la Revue de
/Industrie minérale, à la suite d'un accord avec le Comité
central des Houillères de France, dont la Revue remplace une
importante partie des ci roud aires économiques, statistiques et
techniques.
Bien que ce hvre n'ait aucun caractère technique, j'ai cité à
de nombreuses reprises le Bulletin de l'Industrie minérale parmi
mes sources de documentation. J'en profite pour rendre à la
Société l'hommage que tout auteur doit à ceux qui l'ont ren-
seigné.
La création de la Société de l'Industrie minérale a eu pour effet
de faire cesser à peu près complèU^ment la collaboration des in-
génieurs tm' Bulletin de la Sortrfr Industrielle de Varrondis-
— 714 —
senienl de Saint-Etienne, devenu les Amtales de la Société
d'Agriculture, Industrie, Arts, Sciences et Belles-Lettres de la
Loire. Cette Société, la plus ancienne des Sociétés savantes de la
région, existait déjà à l'état embryonnaire en 175-2, comme bureau
particulier de la Société royale d'Agriculture de Lyon. Recon-
stituée à Saint-Etienne en 1920, elle fusionna en 1850 avec la
Société des Sciences naturelles ot des Arts de Saint-Etienne,
créée en 1847. Elle a vu échapp3r à son Bulletin, non seulement
les matières traitées par les ingénieoiirs, mais encoire les matières
concernant l'hygiène publique, lorsque fut créée, en 1857,
la Société de médecine de Saint-Etienne. La fondation, en 1862,
de la Diana, Société historique et archéologique du Forez, di-
minua, sans la supprimer complètement, la collaboration des
Historiens locaux. La création d'une Société d'Economie poli-
tique à Sainti-Etienne en 1880, reconstituée en 1891 sous le nom
de Société d'Etudes économiques de la Loire, la création en
1898 de la section stéphanoisa da Géographie commerciale, lui
enlevèrent encore des collaborateurs. Seule, ragriculture reste
son domaine particulier, sinon exclusif, car il existe des Sociétés
de viticulture, d'apiculture, de motocuilLure et d'horticulture.
La Société de l'Industrie minérale comptait 1.100 membres
en 1900, 1.570 en 1913, 1.624 en 1920, répartis en districts de
Paris, du Centre, du Sud-Est, du Nord, de l'Est, du Sud-Ouest
et du Nord de l'Afrique. Chaque district a ses réunions et son
bureau particuliers. Douze Congrès de la Société ont été réunis
en France et en Belgique, le premier à Saint-Etienne, en 1875,
l'avant-dernier à Saint-Etienne, en 1908, le dernier en 1911, dans
le Nord et le Pas-de-Calais. La Société fut chargée de publier
les travaux du Congrès international des Mines et de la Métal-
lurgie, réuni à Paris pendant l'Exposition de 1900.
La Société a eu pour présidents successifs des directeurs de
FEcole des Mines de Saint-Etienne, à l'exception de M. Lan, qui
était professeur à l'Ecole. Parfois ces directeurs ont été chargés
également du service des mines de rarrondissement minéralo-
gique de Saint-Etienne. Parfois aussi, ils ont conservé la prési-
dence de la Société de î' Indu strie minérale après avoir été
nommes inspecteurs généraux dos Mines et transféré leur rési-
dence de Saint-Etienne à Paris. Ce fut le cas pour M. Castel et
pour M. Tauzin.
— 715 —
Voici la liste des présidents :
Gruner, président de 1855 à 1858, directeur de l'Ecole des mines
de Saint-Etienne de 1852 à 1858.
Lan, président de 1858 à 1860, professeur à l'Ecole de 1851 à 1862.
Dupont, président de 1860 à 1S68, directeur de l'Ecole de 1860
à 1868.
Cacarrié, président de 1868 à 1873, ingénieur en chef de l' arron-
dissement minéralogique de 1862 à 186D, directeur de l'Ecole de
1868 à 1873.
De Cizancourt, président de 1874 à 1880, directeur de l'Ecole de
1873 à 1879.
Castel, président de 1880 à 1898, directeur de l'Ecole de 1879 à
1880, ingénieur en chef de l' arrondissement minéralogique de 1880
à 1884.
Tauzin, président de 1898 à 1921, directeur de l'Ecol-e et ingénieur
en chef de l'arrondissement minéralogique de 1896 à 1908.
Chippart, président depuis 1921, directeur de l'Ecole depuis 1919.
Pour terminer ce paragraphe sur les Sociétés et les publica-
tions savantes de l'industrie houillère et métallurgique, je rap-
pelle que, depuis le 27 septembre 1875, le Mémorial de la Loire
publiait un Bulletin hebdomadaire intitulé jadis Les Industries
de la région, rédigé par un ingénieur et consacré spécialement
aux mines, à la m.étallurgie, aux eaux minérales, à la méca-
nique, l'électricité, etc... k\x pseudonyme de « Laferrière,
ingénieur civil » a succédé celui de « A. Ferrier, ingénieur
civil ». Ce Bulletin a cessé de paraître à la déclaration de
guerre en 1914 et il n'a eu qu'un Tuiméro depuis l'armistice.
C'est à Saint-Etienne qu'a pris naissance, en 1876, VEcho des
Mines et de la Métallurgie, journal d'informations, fondé par
M. Laur, ingénieur de l'Ecole de Saint-Etienne, qui fut député
de la Ijoire, paiis de la Seine. La publication de ce journal fut
interrompue de 1877 à 1883 et continuée à Paris, où le journal
paraît toujours sous la direction de M. Robert Pitaval, ingénieur
de l'Ecole de Saint- Etienne et gendre daM. I^aur.
--^VtS«--
CHAPITRE XII
Organes Généraux des Mines de la Loire
LE SERVICE DES MINES
L a pour objet principal d'assurer l'exécution
des lois et règlements sur les mines, minières,
carrières, appareils à vapeur, eaux minérales.
Le personnel se compose d'inspecteurs
généraux, ingénieurs en chef, ingénieurs
ordinaires, élèves ingénieurs, formant les uns et les autres
le Corps des Mines j et de sous-ingénieurs (anciens contrôleurs
et jadis garde-mines). Un décret du 29 juin 1920 a donné le
titre d'ingénieurs des travaux publics de VEtat aux sous-
ingénieurs des Mines et des Ponts et Chaussées. Ce titre
d'ingénieur créera certainement des confusions
Le territoire de la France est réparti en divisions (anciennes
inspections) ayant à leur tête un inspecteur général résidant
à Paris ; les inspections comprennent plusieurs arrondissements
miner alogiqy es ayant à leur tête un mgénieur en chef ; les
arrondissements se divisent en sous arrondissements ayant à
leur tête un ingénieur ordinaire ; les sous-arrondissements 3"
subdivisions ayant à leur tête un sous-ingénieur.
Le département de la Loire relève de la division du Centre.
— 717 —
Saint-Etienne a toujours été le siège d'un arrondissement mi-
néralogique, qui, avant 1893, se subdivisait en sous-arrondis-
sements ayant leur siège à Saint-Etienne, à Rive-de-Gier et à
Lyon. La cir<x3nscription de ces sous-arrondissements fuit mo-
difiée de 1875 à 1879 (l).
Depuis 1893 Rive-de-Gier a cessé d'être un chef-lieu de sous-
arrondissement, les mines de ce sous-bassin étant moins im-
portantes qu'autrefois. Il y eut dès lors un sous-arrondissement
do Saint-Etienne-ouest, un sous-arrondissement de Saint-
Etienne-est pour le département de la Loire, et un sous-
arrondissement ayant son siège à Lyon pour le département
du Rhône (2).
Un arrêté du 8 octobre 1919 (3) vient de modifier cette orga-
nisation. Lyon forme un chef-lieu d'arroridissement minéralo-
gique très vaste, qui s'étend depuis la Côte-d'Or et le Doubs
jusque et y compris la Savoie et la Ha.ute-Savoie. Les soois-
arrondissements de cette circonscription ont leur siège à Lyon,
à Chalon-sur-Saône et à Grenoble, qui, auparavant, était le
chef-lieu d'un arrondissement minéralogique.
Saint-Etienne reste le siège d'un arrondissement mméralc-
gique comprenant le département de la Loire et qui est
subdivisé en sous-arrondissements de Saint-Etienne-ouest et
Saint-Etienne-eet. Chaque sous-arrondissement comprend trois
subdivisions.
A
C'est en 1784, pour' l;i première fois, qu'un ingénieur du
Corps des Mines, un ingénieur du Roi, un « inspecte-ur »
comme on disait alors, fut établi en permanemce à Saint-
Etienne et chargé du service. Cet ingénieoir était Laverrière
(v. p. 109). Ses fonctions furent supprimées en 1790 et rétablies
rn 1704. En 1801, Laverrière était nomnii' in^^énicur en chef (').
(1; IvESEURE, p. 341, nOtC.
(2) Rapport '(!<» l'ing^^nionr on rriof (Coiispji f^f^iK^ral do la T.oiro, i\o\)\
1«94, p. 704).
(3) JonmfLl Offlc'u'l, 11 wtobre.
(4' Voir HFinssAiU). p. 130 renvoi 3 ; G.vf.i.iiv : Saint-I\(icinic prndani la
névoïnfhni, J, p. 161.
— 718 —
Le Service dos Mines avait été remplacé par une Agence des
Mines^ créée par le Comité du Salut public en l'An II.
En 1807, ringénieur Guényveau succéda à Laverrière (i).
Dans V Annuaire de la Loire de 1809 il porte le titre d'Inspecteur^
seul chargé du service. J'ai parlé de Guényveau dans V Histoire
de la Métallu;rgie (p. 38).
• Le Corps des Mines fut réorganisé après la promulgation de
la loi du 21 avril 1810, par un décret du 18 novembre suivant.
En 1812, Beaunier, ingénieur en chef, fut chargé d'exécuter
le plan et le nivellement du territoire houillor de Saint-Etienne,
avec Guényveau sous ses ordres p). La personnalité de Beaunier,
créateur de l'Ecole des Mines et du premier chemin de fer,
l'un des initiateurs en France de la fabrication de l'acier, est
trop connue pour rééditer ici sa biographie (3).
Nommé en 1813 directeur de l'Ecole pratique des Mines de
Geislautern (Sarre), Beaunier revint, en 1816, dans le dépar-
tement de la Loire. A ce moment, et pendant toute la d'urée
de la procédure des concessions de mines, Beaunier et de Gallois
(appelé en 1814 dans le département), l'un et l'autre ingénieurs
en chef, furent placés à la tête de la « Commission temporaire
des Mines de la Loire » chargée d'instruire les affaires de con-
cession. Ces ingénieurs étaient, en même temps, chargés de
« l'inspection journalière des exploitations ». Le service des
Mines avait donc deux chefs dans le bassin de la Loire (^).
Les concessions furent délivrées en 1824. De Gallois mourut
en 1825. Beaunier quitta Saint-Etienne en 1830, tout en restant
directeur de l'Ecole des Mines jusqu'à sa mort, en 1835. 11
avait un directeur-adjoint, Delsériès, qui l'avait remplacé
comme ingénieur en chef de rarrondissement minéralogique (5).
En 1848, Delsériès fut nommé ingénieur en chef à Mâcon.
en remplacement de l'ingénieur en chef Drouot, nommé à
Saint-Etienne (6).
(1) Brossard, p. 163, 303.
(2) Brossard, p. 315.
(3) Voir p. 2.
(4) C'est ce qu'indique la Statistique du Département de la Loire de
DuPLESSY (1818). Voir Brossard, p. 329.
(5) Babu, VEcole des Mines de Saint-Etienne, p. 77.
(6) Avenir républicain, 4 avril 1848.
— 719 —
En 1851, ringénieur en chef était Baudni.
Puis vinrent successivement :
MM. Dusouich, ingénieur en chef de 1852 à 1862.
Guillebot de Nerville, — en 1862.
Gacarrié, — de 1862 à 1869
Tournaire, — de 1870 à 1875.
Gastel, — de 1875 à 1884.
Ghosson, — de 1884 à 1891.
de Gurières de Gastohiau, — de 1891 à 1896.
Tauzin, — de 1896 à 1908.
Primat, - de 1908 à 1914.
M. Primat, fils d'un ancien maire de Saint-Etienne, est mort
en fonctions le 31 décembre 1914.
M. Frantzen, ing-énieur ordinaire, a exercé Fintérim jusqu'au
16 décembre 1916 et M. Soulage, sous-ingénieur, du 16 dé-
cembre 1916 à février 1917.
M. Lavaste, ingénieur ordinaire, nommé à cette dernière
date, a été titularisé ingénieur en chef le i^'" juillet 1918.
Il a été remplacé, le l^"" février 1919, par M. Grussard, et
celui-ci, le 1" octobre de la même année, par M. Vaudeville,
ingénieur en chef à Grenoble.
Les bureaux de l'ingénieuir en chef et de l'ingénieur ordi-
naire, jadis dispersés — l'ingénieur en chef fut quelquefois en
même temps directeur de l'Ecole des Mines, et ses bureaux
étaient alors à l'Ecole — ont été réunis de 1908 à 1921 dans les
anciens locaux du Gomité des Houdllères de la Loire (rue du
Palais-de-Justice, 10) qui, lui-même, s'est installé à l'hôtel des
Sociétés d'ingénieurs, édifié par la Société des Anciens Elèves
de l'Kcole des Mines.
7i30
,^ 2 - Les MINES et le COMMERCE des CHARBONS
à la CHAMBRE de COMMERCE de S AINT-ÉTIENNE,
aux CHAMBRES CONSULTATIVES des ARTS
et MANUFACTURES, au TRIBUNAL de COMMERCE
et aux CONSEILS DE PRUD'HOMMES
Les Mines ne furent représentées ni au Conseil du Gonimorce
de SainirEUenne (1801-1804), ni à la Chambre consultative des
Arts et Manufactures de Saint-Etienne (1804-1833), sinon par
quelquies propriétaires exploitant ou faisant exploiter (Jovin,
Neyron, etc.), mais exerçant une autre profession. Un exploitant
de mines n'était pas considéré comme un industriel, au moins
juridiquement.
A la Chambre de Commerce de Saint-Etienne, où les mines
ouïrent des représentants spéciaux depuis 1840, la question de
l'éligibilité des exploitants fut résolue négativement par dé-
cision ministérielle du 18 mars 1853, décision annulée par le
Conseil d'Ekt. La question de l'éligibilité des directeurs de
Sociétés anonymes, soulevée en 1869, fut résolue affirmati-
vement par décision ministérielle. Depuis 1872, la loi reconnaît
aux directeurs de ces Sociétés rélectorat et l'éligibilité (v. p. 485
à 487).
Voici les membres de la Chambre de Commerce qui ont re-
présenté l'mdustrie houillère :
MM. Wéry Edouard, directeur des mines du Treuil et de la
Ghazotte, m.embre de la Chambre de 1840 à 1842 (1) ;
Vachier Jeaji-Barthélemy, propriétaire de mines à Saint-
Etienne (2), menibre de 1843 à 1846 ;
De Rochetaillée Camille, propriétaire des mines du Cros, membre
de 1846 à 1856 ;
(1) Il ne faut pas confondre M. Wéry (Edouard), sorti de l'Ecole des
Mines de Saint-Etienne en 1824, avec M. Wéry (Jules), sorti en 1829 et
ingénieur au Treuil et à la Cha<z.otte, ni avec M. Wéry (Jules-Louis-
Joseph', sorti, en 18613, directeur des mines de la Ghazotte, mort en 1899.
(2) Sorti de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne en 1822, père de
M. Douvreleur.
-m -
De Rivière, directeur des mines de Roche-la-Molière et Firminy,
inemibre de 1872 à 1876 ;
Hutter Henri, directeur des mines de Montrambert, membre de
1877 à 1879 ;
Verny Léonce, directeur des mines de Roc;he-la-Molière et
Firminy, membre de 1881 à 1900 ;
Villiers Benjamin, directeur des houillères de Saint-Etienne,
membre de 1893 à 1900 ;
Du Rousset Pierre, directeur des mines de la Loire, membre de
1901 à 1906 ;
Voisin Honoré, directeur des mines de Roche-la-Molière et Fir-
miny, membre de 1901 à 1919 ;
Murgue Daniel, directeur des houillères de Montrambert, membre
de 1907 à 1918.
Petit Paul, directeur des houillères de Saint-Etienne, membre
depuis 1919.
Biver Charles, directeur des mines de la Loire, membre depuis
1919.
M. de Rochetailliôe a été président de 1847 à 1856.
M. Petit est président depuis 1920.
M. Vaohier fuit secrétaire de 1844 à 1846.
M. Verny fut secrétaire de 1883 à 1896.
M. du Rousset fut sec rétaire de 1905 à 1906.
La Chambre de Commerce a compté parmi ses membres un
marchand de charbons, M. Premier François, à Roanne,
membre de 1853 à 1857. L'arrondissement de Roanne, jusqu'en
1864, faisait partie de la circonscription de la Chambre de Com-
merce de Saint-Etienne.
A la Chambre consultative des Arts et M arm factures de Saitit-
Chamond, créée en 1804, les mines ont été représentées par :
MM. Ract-Madoux, directeur des mines de Saint-Chamond, de
1856 à 1866 ;
Brun Louis, président de la Compagnie des houillères de Saint-
Chamond, nommé en 1903.
A la Chambre consultative des Arts et Manufactures de Rive-
de-Gler, créée en 1832, les mines ont été représentées par :
MM. Teillard Antoine, extracteur de charbon, de 1853 à 1861.
Hoimard Germdin, extracteur de charbon, nommé en 1857, et
président en 1860.
Benoît Fleury, directeur de mines, de 1883 à 1901.
r.hn rousset ,diiecteur dos mines de la Péronnière, do 1903 m
1910.
— 722 —
Les marchands de charbon ont été représentés à la Chambre
consultative de Rive-de-Gier par :
MM. Binachon Antoine, de 1S39 cà 1841, et de 1841 à 1845.
Delay J-ean-Pierre, de 1843 à 1846.
Fulchiron Benoît, de 1864 à 1872.
Prugnat François, de 18î64 à 1878.
Au Tribunal de Commerce de Salnt-Elienne, les exploitants
de mines n'ont pas été représentés, à cause du caractère juri-
dique civil de leur profession, auquel la loi doi 9 septembre
1919 vient de reconnaître le caractère commercial. Mais les
marchandsi de charbon ont compté plusieurs représentants :
MM. Béthenod Louis, élu en 1867.
Blol Joseph, élu en 1892.
Goubeaud Jules-Denis, élu en 1884.
Sanial Emile, élu en 1898.
Béthenod Joannès, élu en 1913.
Aux Conseils de Prud'hommes, les mines ne sont repré-
sentées que depuis la loi du 27 mars 1907. Exceptionnellement,
et même illégalement à mon avis, le Conseil de Prud'hommes
de Saint-Chamond avait compté auparavant, parmi ses
membres, des représentants de rindustrie houillère (v. p. 488).
Les Conseils de Prud'hommes de Saint-Etienne, Saint-
Chamond, Rive-de-Gier et Firminy ont été réorganisés, en con-
formitéi de cette loi, par des décrets de 1909.
Au Conseil de Prud'hoiïimes de Saint-Etienne ^ créé en 1810,
les représentants des mines sont depuis 1909 :
MM. Michel, chef du contentieux des houillères de Saint-Etienne
(de 1910 à 1920).
Rossillol, chef du contentieux des mines de la Loire (de 1910
à 1920).
Beraud, chef du contentieux des houillères de Montrambert
(depuis 1920).
Deville, chef du contentieux des mines de Villebœuf (depuis
1921).
Argaud, mineur (depuis 1910).
Bartuel, mineur (de 1910 à 1911).
Bouille, mineur (de 1911 à 1920).
Dmnond, mineur (depuis 1921).
Au Conseil de Prud'hommes de Saint-Chamond, créé en
1811, les mines ont été représentées par :
— 723 —
MM. Boudinhon, directeur des mines de Saint-Chamond, de 1868
à 1875.
Grangier Antoine, gouverneur de mines, de 1865 à 1872.
Joanny François, ouvrier-mineur, de 1858 à 1865.
Ract-Aladoux, directeur de mines, de 1862 (1) à 1868.
Au Conseil de Prud'hommm de Rive-de-Gier, créé en 1896,
il n'y a eu jusqu'ici aucun représentant de la profession.
Au Conseil de Prud'honmies de Flrminy, créé en 1907, les
mines ont été représentées de 1911 à 1920 par M. Landrivon,
ingénieur, secrétaire général de la Compagnie de Roche-la-
Molière et Firminy, et par M. Faure, ouvrier mineur.
M. Landrivon était président du Conseil de Prud'hommes.
Depuis 1920, les représentants sont MM. Baudron, chef du
contentieux de la Compagnie, et Pantel, ouvrier mineur.
§3- Le COMITE CENTRAL des HOUILLERES
de FRANCE et le COMITÉ des HOUILLÈRES
de la LOIRE
La première tentative pour grouper les exploitants des mines
de la Loire, dans le hut de défendre leurs intérêts communs,
remonte à 1822, auitant que les documents en ma possession
permettent de l'affirmer. A cette dabo, un certain nombre d'ex-
ploitants signèrent un mémoire au Ministre en faveur du projet
de canal de la Loire au Rhône.
Kn 1<s4(), les exploitants furent invités à adhérer à Vlrnion
des ilouiin-rrs françaises, qui ven.iil de se constituer. Mais,
étant très nombreux et la pliuipart peu importants — les grandes
Compagnies n'étaient pas encore constituées — ils ne parvinrent
pas à s'entendre et leur adhésion ne fut que partielle. Je cite le
Mri( ifir Srf///s/('/i dcs 15 ct 17 avril l<S''i() ;
i:m()\ des houillères KH\\( \ISKS
{Tf'.rie (h; hi rirculaire adressâc aux iiiuirijKtiir crploitatits
de Fra,ncr.)
Ont ^\<^i\{', los iik'iiiImv'^ (lu Comité : MM. Marc Jennioigs, repré-
M l'Iii :n,;itit 1868
- 724 -
sentant des mines d'Anzin (Nord) ; Arnoiix, représentant des mines
de Bruille (Nord) ; Marcnard, représentant des mines d'Epinac
(Saône-et-Loire) ; J. Chagot, représentant des mines de Blanzy
(Saône-et-Loire) ; de Coincy, représentant des mines de la Haute-
Loire.
Statuts de VUnion des houillères françaises,
arrêtés dans V Assemblée du 2 mars iS^O
Article premier. — L'Union des houillères françaises a pour but
de favoriser les progrès des exploitations nationales, et de veiller
à la défense de leurs intérêts communs ;
Elle s^ compose des exploitants qui auront adhéré aux conditions
ci-dessous :
Art. 2. — L'Union est représentée par un Comité actif de sept
membres, choisis par elle parmi les intéressés qui résident habi-
tuellement à Paris.
Art. 3. — JLe Comité a pour mission spéciale de faire toutes les
démarches et toutes les publications utiles aux intérêts communs.
Art. 4. — Il est adjoint au Comité un -secrétaire chargé de la
rédaction des publications, de la correspondance et du travail
courant.
Le secrétaire aura droit à une Indemnité annuelle qui sera fixée
par le Comité.
Art. 5. — Le siège de l'Union est établi au domicile du secrétaire.
Art. 6. — Pour subvenir aux dépenses de T Union, lesquelles sont
faites sous la direction du Comité, et consistent spécialement en
publications, en insertions et en honoraires du secrétaire, les
membres souscripteurs s'engagent à payer annuellement une coti-
sation fixée à 50 centimes par 1.000 hectolitres de houille extraits
dans les exploitations dont ils sont les représentants. Toutefois,
la cotisation ne pourra excéder 150 francs, même pour les entre-
prises qui ne sont pas en extraction.
Le montant des souscriptions sera versé chez MM. Perler frères,
banquiers, rue Laffitte, 17, à Paris.
Les banquiers ne devront effectuer de paiement que sur le visa
de deux membres du Comité.
Art. 7. — Le Comité arrêtera tous les ans l'état des recettes et
dépenses ; il en rendra compte à l'Union, et il déterminera, à la fin
de chaque année, l'appel de fonds à faire aux souscripteurs, pour
l'année suivante, sans que cet appel puisse jamais excéder pour
chacun d'eux le montant de la cotisation fixée par 1 article
précédent.
Art. 8. — La durée de l'Union est fixée à trois ans.
- 725-
Umc'n des houillères françaises (1)
Sous ce nom, les principaux extracteurs de houille de la France
ont formé une Société pour défendre leurs intérêts, suivre auprès
du Gouvernement tout ce qui peut améliorer l'industrie et la pro-
duction houillère.
Le 2 mars dernier, une première Assemblée a eu lieu, dans
laquelle a été formé le Comité :
MM. Marc Jennings, représentant des mines d'Anzin (Nord) ;
Amoux, représentant des mines de Bruille (Nord) ; Marcnard, repré-
sentant des mines d'Epinac (Saône-et-Loire) ; Schneider, représen-
tant des mines de Montchaiiin, ou en son absence, M. J. Ghagot,
des mines de Blanzy (Saône-et-Loire) ; de Coincy, représentant des
mines de la Haute-Loire.
Deux places de membres du Comité ont été réservées pour les
exploitants du bassin de Saint-Etienne^ parce qu'ils ne se trou-
vaient pas en nombre suffisant pour faire un choix définitif.
Le 9 de ce mois, les extracteurs du bassin houiller de Saint-
Etienne se sont réunis à VHôtel de Ville, pour délibérer sur leur
adjonction à cette Société.
V Assemblée, par mallieur, n'a pu parvenir à s'entendre, et
personne n'a voulu consentir à se soumettre à la décision de la
majorité.
Quelques membres seulement ont consenti à acquiescer aux pro-
positions de la Société et à envoyer quatre représentants à Paris
pour chacun des deux bassins de Rive-de-Gier et de Saint-Etienne.
Mais, comme presque dans toutes choses F esprit d'économie et de
lésijierie, ou plutôt de jalousie, se glisse partout, on a souscrit pour
un an seulement au lieu de trois ans.
Nous espérons que l'on reviendra plus tard sur cette question,
quand on l'aura mieux étudiée. D'elle dépend l'avenir de nos exploi-
tations. A cette commission est donnée la mission de défendre tous
les intérêts généraux des extracteurs de houille : protection de nos
houilles contre la concurrence étrangère, abaissement des droits de
navigation sur les canaux et sur les fleuves, question qu'il n'est
donné qu'à l'Association de résoudre.
Combien de temps dura l'Union des Houillères françaises ?
Mes recherches n'ont pu me permettr© de le préciser. Mais
pendant l'existence du trust des Mines de la Loire — de 1845
à i854 - trust qui avait négocié une fusion avec le Gard et
l'Aveyron d'une part, et même avec MM. Chagot et Schneider
d'autre part — les instigateurs du mouvement avaient appris
à se connaître. Quand le trust fut brisé, un ingénieur-conseil
des Houillères du Centre fHlanzy et le Crcinsot), M. Amédéo
(1) Mcrrurr séfiusini, i:> ;i\iil |s'»0.
— 726 —
JJurat, professeur à l'Ecole centrale, réunit Les préoccu-
pations communes. Telle fut l'origine du Cormté des Houillères
françaises dont on retrouve certaines publications de 1855 à
1869, date de la mort de M. Uurat, qiu;i en éUiit le seul élément
connu du public.
Il faut attendre jusqu'en 1883 pour voir se constituer, au
siège de la Compagnie des Mines de la Loire, à Paris, une
Commission d'études pour les questions législatives concernant
les Mines. Dissoute en 1886, cettCi Commission était reconstituée
sous le nom d'Association pour la Défense des droits et intérêts
des Com^pagnies houillères. Un an après, en 1887, l'Association
se transformait en Convité central des Houillères de France (i).
Ce Comité (55, rue de Châteaudun, à Paris), d'après V An-
nuaire des Syndicats, groupait 110 membres en 1914. Son pré-
sident depuis 1887 est M. Darcy, président de la Société des
Mines de Blanzy, de la Compagnie des Forges de Châtillon-
Commentry et de diverses Sociétés industrielles. Le Secrétaire
général du Comité est M. de Peyerimboff, maître des requêtes
honoraire au Conseil d'Etat. L'Annuaire du Comité paraît
depuis 1894.
Le Comité des Houillères de la Loire, créé en 1859, ne figure
pas sur l'Annuaire des Syndicats. Il a pour but de s'occuper
des intérêts généraux du bassin de la Loire, d'en préparer et
d'en suivre la défense, de provoquer les réforme^ et amélio-
rations nécessaires, enfin de réunir les documents d'un intérêt
général en ce qui touche l'exploitation. Ce Comité, en 1869, a
organisé la Caisse! centrale de secours, et, en 1892, créé l'Ecole
des aspirants gouverneurs. Son rôle dans les questions de
législation et de jurispiiidemce des mines, de législation ou-
vrière, de transports, et, depuis moins de vingt ans, dans
l'élaboration des contrats collectifs entre exploitants et ouvriers,
a été très important.
Les dépenses du Comité sont couvertes au moyen d'une con-
tribution proportionnelle au tonnage de la houille extraite par
chacune des Compagnies.
Le siège du Comité, qui était établi -à Saint-Etienne, rue du
(1) Ces renseignements m'ont été fournis par M. Gruner, vice-prési-
dent et ancien secrétaire général du Comité, fils du fondateur de la
Société de l'Industrie Minérale.
— 727 —
Pal ais-de- Justice, iO, a été transféré en 1908 à rhôtel des Sociétés
d'ingénieurs, construit par la Société amicale des Anciens
Elèves de l'Ecole des Mines, 19, rue du Grand-Moulin.
Le Comité se compose actuellement des directeurs des Com-
pagnies de Roche-la-Molière et Firminy, de Montrambert et
la Béraudièrei, de la Loire, des Houillères de Saint-Etienne, de
Villebœuf, de Saint-Chamond et de la Péronnière,
Les Présidents du Comité ont été :
MM. Hutter, directeur des Houillères de Montrambert, président de
1859 à 1879.
Houpeurt, directeur des Mines de la Loire, président de 1879
à 1889.
Villiers, directeur des Houillères de Saint-Etienne, président
de 1889 à 1900.
Du Roussel, directeur des Mines de la Loire, président de
1900 à 1906.
Murgue, directeur des Houillères de Montrambert, président
de 1906 à 1910.
Voisin, directeur des Mines de Roche-la-Molière, président de
1910 à 1919.
Petit, directeur des Houillères de Saint-Etienne^ président
depuis 1919.
Le Secrétaire général du Comité fut pendant longtemps
M. Vier, ancien notaire. On nomma dans la suite M. Leseure,
ingénieur-conseil du Comité. Depuis 1901, le secrétaire général
est M. AUimant, ingénieur.
Je relève dans les joaiirnaux qu'en 1886, l'ingénieur Jules Gar-
nier fut nommé représentant à Paris du Comité des Houillères
de la Loire (i).
L'Annuaire indique deux Syndicats de marchands de
charbons dans le département : le Syndicat des marchands de
charbon en gros de Saint-Etienne et de la région, fondé en 1905,
siège au Grand-Cercle, J5, place de rHôtel-de-Ville, 22 membres
en 1914, présidents : M. Sanial, de 1905 à 1912, et M. Béthenod,
depuis 1912 ; le Syndicat des marchands de charbon au détail
de la ville de Saint-Etienne, fondé en 1905, 27, rue de la Pré-
fecture, 16 membres en 1914, présidents : M. Oriol, 1903 ;
M. Digonnet, 1905 ; M. Saint-Cyr, ; M. Meillor, 1915 ;
M. Merkel, 1919.
Pour les Syndicats ouvriers, je renvoie au chapitre IX (p. 508).
(1) Mémorial de la Loire, 26 mars 1886.
CHAPITRE XIII
Situation Générale de 1855 à I870
^ 1 - LES SOCIÉTÉS EXPLOITANTES
@jj^^ approuva les statuts des ^ quatre Compagnies
^^^,<» nouvelles, identiques dans leur forme, chaque
f^à^^' T^' • ^ actionnaire reçut une action de chacune des
quatre nouvelles Sociétés, qui avaient ainsi chacune 80.000
actions.
Chaque Société demeurait tenue du passif de la Société dis-
soute. La part contributive de chacune d'elles se régla annuel-
lement sur le chiffre de la production houillère, et de manière
que cette contribution dépassât d'un dixième le montant de
l'annuité à payer, ce dixième devant constituer un fonds com-
mun de réserve.
Dans le cas où la somme des dividendes réunis des quatre
Sociétés pour un exercice dépassait 50 francs, une part de
l'excédent était applicable à l'extinction anticipée de la dette.
Celle-ci se composait d'un emprunt de conversion de 1852,
représenté par 18.000' obligations de 1.000 francs, rembour-
sables en 75 ans, au prix de 1.250 francs, et de plusieurs em-
— 729 —
prurits anciens, en partie remboursés, sur lesquels il restait
4.528 obligations de 1.000 francs remboursables à 1.250 francs ;
enfin de différentes dettes immédiatement exigibles.
La nouvelle Société des Mines de lia Loire fut chargée du
service des emprunts et remboursements pour la dette com-
mune, et une Commission de huit administrateurs, délégués en
nombre égal p.ar chacune des quatre Sociétés, régla toutes les
questions relatives aux emprunts.
p]n 1890, il; ne restait plus que 7.510 obligations rembour-
sables à 1.250 francs (1).
La production de la nouvelle Compagnie de la Loire, en 1855,
fut de 170.000 tonnes, et sa part dans la concession de Beaubrun
de 97.000. Total : 267.000 tonnes. En 1868, cette production
s'élevait à 519.000 tonnes, et, en 1869, année de la grève, à
489.000. La cote des actions oscilla entre 122 francs en 1859 et
211 francs en 1868 ; le dividende distribué, entre 8 francs (1858)
et 15 francs (1867).
Son directeur fut M. Houpeurt, nommé le 3 novembre 1854,
et qui resta en fonctions jusqu'au 5 miairs 1887, oii il fut remplacé
par M. Billion du Rousset, ingénieur principal depuis le 4 sep-
tembre 1874. M. Houpeurt avait été ingénieur en chef à la
grande Compagnie.
La Société des Houillères de Saint-Etienne, indépendamment
des concessions qui lui étaient attribuées, avait ramodiation
de Côte-Thiollière, appartenant à la Compagnie des Fonderies
et Forges de Terrencire. Cette amodiation prit fin en 1880. Par
contre, cette Société fît l'acquisition, en 1870, de la concession
du Grand-Ronzy.
La production de cette Société fut, en 1855 de 385.000 tonnes,
en 1868 de 529.000 tonnes, en 1861) de r,-.^7.000 tonnes.
Les actions furent cotées entre 223 francs en 1869 et 240 francs
en 1870. Le dividende oscilla entre 8 francs en 1858 et 15 frnnrf;
de 1867 h 1870.
(1) Stntifitiqiip. drs IJmiiUf'ra^ rv Franre ef en nelrjtqvr, 1891, p. 502.
Cette revue connue dans le monde des mines sons \o nom do Urv-ur
îlnuqe, h. raiise rie .sp couverture, a puldi^. on 1891 (p. 0.') et suivantes),
dos Monoqrnphies et atalistiqvea détnWée<!. du Jiassin de la Loire,
auxquelles nous ferons plusieurs emprunts. 11 n'y a pns toujours ronoor-
danro entre In valeur des actions et le <liv:idende indiqu<^s dans ces
miono^Taohles. ot les Indications donnf^es par V.intnniirr drs afiriifs df
rhnnqe de Lyon.
— 730 —
Le directeur fut M. César Courtin, depuis 1854 jusqu'à avril
1862, puis M. Galixte Bayle de 1862 au 31 mars 1872, ingénieur
principal de 1854 à 1862. M. Benjamin Villiers lui succéda
comme ingénieur pnncipal en 1862. Il devait succéder à
M. Bayle comme directeur en 1872 (l).
La Compagnie de Montrambert et de la Béraudière donnait
alors moins d'esj>éranoes qu'aujourd'hui. L'ancienne Compagnie
de la Loire n'avait pas jugé à propos de forcer le faisceau de
Montrambert. Aussi la nouvelle Comipagnie ne reçut qu'une très
faible somme pour son développement. Elle dut faire peu à
peu les travaux nécessaires pour préparer sa production. Le
Conseil d'administration divisa les bénéfices en deux parts :
Tune pour le dividende, l'autre pour les travaux d'avenir. Quand
les travaux neufs commencèrent à produire, les bénéfices furent
divisés en trois parts : la première pour les travaux neufs, la
seconde pour les réserves, la troisième pour les actionnaires.
La production de cette Compagnie ne fut que de 146.000
tonnes en 1855. En 1868, ellie atteignit 376.000 tonnes, et en 1869.
année de la grève, 329.000. La valeur desi actions de la Com-
pagnie ne suivit pas une progression constante pendant cette
période. Peut-être la confiance du public n'était-elle pas encore
affermie. Je Ites vois cotées 240 francs en 1855, descendre jusqu'à
125 francs en 1861, se relever à 225 francs en 1869. Le dividende
oscilla entre 9 et 13 francs. C'est dans la période suivante que
l'augmentation devait être considérable
Le directeur fut M. Hutter. du 7 novembre 1854 au 14 août
1879, avec M. de Villaine comme ingénieur principal, qui devait
lui succéder.
J'ai parlé de M. Hutteir (v. p. 462). M. Félix de Villaine,
technicien éminent, a laissé un grand nom dans l'industrie
minérale, un nom justement honoré et qui vivra lougtemps
encore dans le monde des ingénieurs, autiant q\^e dans Tesririt
des générations de La Ricamarie (^).
La Société desi Houillères de Rive-de-Gier paraissait la plus
favorisée des quatre Compagnies issues de la ronipagnie de
(1^ le parle dans un autre parao^raplie des mines de Montaud dont
le directeur, en 1863, était M Voron.
m V p. 463. Je parle plus loin des exploitations de PetHe-nicamarie
et du Montcel-Ricamarie.
-. 731 —
la Loire. Ses concessions avaient une antique célébrité. Sa pro-
duction atteignit, en 1855, 489.000 tonnes. La déchéance cepen-
dant devait bientôt commencer, à cause de Tépuisement des
couches de ses concessions. Nous y reviendrons dans un para-
graphe suivant. La production diminua à partir de 1857. Ellie
tomba à moins de 300.000 tonnes en 1866, pour se relever
faiblement à>313.000 tonnes en 1868, puis retomber à 267.000
en 1869, annéei do la grève.
Les actions, cotées 260 francs en 1862, tombaient à 79 francs
en 1867 et 1868. Le dividende, qui atteignait 27 francs et
27 fr. 50 en 1855 et 1856, tombait à 8 francs en 1866, k 3 fr. 50
en 1870 (l).
Le directeur de cette Société fut M. Imbert (Philibert), l'un
des administrateurs-délégués de la grande Compagnie de l'a
Loire et directeur, a^vant la formation du trust, de la première
Société générale des Mines de Rive-de-Gier (v. p. 329 et 462).
C'est M. Imbert qui, vers 1840, jeta les bases de la compta-
bilité appliquée encore uniformément dans les mines de notre
bassin.
Il resta en fonctions jusqu'en avril 1863, où il fut remplacé
par M. François Allimand, qui se retira en avril 1879 P).
La concession de la Porchère était indépendante à ce moment
de la Compagnie de Rive-de-Gier. Les Annuaires de la Loire
indiquent comme directeur M. Soulenc, puis M. Brun.
La Compagnie de Roche-la-Molière et Firminy était restée
officiellement en dehors du trust. Mais celui-ci était propriétaire
d'un certain nombre de ses actions. L'acte de sociétéi originel de
1820 avait été modifié en 1837 (M« Delaroa, notaire à Firminy),
en 1855 (M« Gonon, notaire à Firminy), et en 1869 (M" Messimy,
notaire k Lyon). Le texte de 1869 était encore en vigueur en 1891,
où le fonds social était divisé en 36.000 actions ou parts d'in-
térêts nominatives.
(1) ,Tp n'ai na-s besoin de rappeler qn^ la valeur de l'action n'est pas
fonction d'il dividende r(^parti, ni le dividende r<^part: fonction du béné-
fice ne(t. I^ dotation des réserves vafl'ie en effet de Clonipaernie jï Compa-
gnie et le dividende n'est détermi^né qu'après cctt-e dotation. En outre,
la valeur de l'action dépend dm deffré de confiance des capitali.stes dans
l'avenir d'une Société. Klle dépend au.ssj de l'état du niarcbé. de Toffre
et de la demamlie.
(2) Ancien élève <le l'Ecole des M;n;es de Saint-Etienne (1846), inpén eiir
aux mln€s de la Péronniére, pui.s à Rive-de-Gler, mort on oftobre 101."».
— 732 —
La production fui de 306.000 tonnes en 1862, de 499.000 en
1868 et de 452.000 en 1869, année de la grève. La valeur des
actions oscilla entre 393 francs on 1859 et 742 francs en 1869.
Le dividende à ces deux dates fut respectivement de 20 francs
et de 34 francs.
A M. Morillot avait succédé, en mai 1853, M. Eicher de
Rivière, qui resta en fonctions jusqu'en juin 1876 (v. p. 444).
Voici quelques renseignements sur les autres Compagnies ou
concessions, sans ordre de priorité :
En 1850, avait été constituée la Compagnie des Mines
d'Unieux et Fraisse. En 1865, elle subit l'expropriation de ses
immeubles et laissa un passif considérable. MM. Petin, Gaudet
et C^ (Aciéries de la Marine) achetèrent la concession, mais
l'exploitation fut peu prospère (i). Directeur : M. Prévost.
Production : 40.000 tonnes en 1855, 18.000 en 1868.
La Société des Mines de Beaubrun, dont la production fut
de 124.000 tonnes en 1855 et de 268.000 en 1868. ne comptait
que 9 parts sociales, de quotités différentes. La Compagnie du
Creusot posisédait 19)/100^, la Société des Mines de la Loire
62/100®, les 19/100* restants appartenaient à d'autres associés.
Un jugement du Tribunal de Saint-Etienne (28 juillet 1857)
décida que, dans le silence des actes sociaux, les décisions
devaient être prises à l'unanimité I^ directeur devait être
nommé de cette façon et, à défaut, désigné par le Tribunal. '
Ce directeiur était alors (en 1857) M. Ernest Locard, sorti de
l'Ecole des Mines de Saint-Etienne en 1832, où il fut ensuite
professeur. Directeur des Mines de Chaney, enfin directeur de
Beaubrun et du Gros, M. Loeard est mort le 2 octobre 1884, à
Salvizinet, près de Feurs (2).
Je m'arrête sur la famille de M. Locard, qui a joué un certain
rôle. Son frère aîné, Eugène Locard, fut ingénieur principal du
chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon. Il publia, en 1854, ses
Recherches sur les rails et leurs suxfrports (-5).
Le père d'Ernest et d'Eugène Locard était Locard-Denoël.
(1) Voir Statistique des Houillères, op. cit , 1891, p. 105.
(3) Voir le Mémorial de la Loire des 3 et 6 octobre 1884. M. Ernest
Locard, qui était chevalier de la Légion d'honneur depuis 1873, a laissé
un fils, M. PJerre Locard, colonel d'artillerie.
(3; Voir Mémorial de la Loire, 9 mars 1854.
• — 733 —
Entré dans les bureaux du Comité du Salui public après le
U thermidor, il devint chef du cabinet de Lucien Bonaparte, et,
en 1810, s'adonna à l'industrie. Etabli à Saint-Etienne vers 1825,
il fut secrétaire, pendant vingt ans, de la Société agricole et
manufacturière. Il créa, en 1827, le journal Le Stéphanois, et
mourut en 1856 (1).
Les Mines du Gros se composaient .
1" De La concession du Gros, accordée en 1824 à Camille de
Hochetaillée, décédé en 1855. Cette concession était devenue la
propriété de la famille. Directeur : M. Locard. Production :
11.000 tonne© en 1855 et 66.000 en 1868 ;
2° De l'a concession de la Sibertière, accordée à divers (voir
p. 261). L'extraction y fut abandonnée en 1854. reprise en- 1855.
En 1866, on fit quelques recherches sans importance et de
courte durée ;
3° De la concession de Saint-Jean-Bonnefonds, accordée à
divers, parmi lesquels Camille et Charles de Rochetaillée. Les
concessionnaires se constituèrent en Société civile en 1838. Pro-
duction : 21.000 tonnes en 1855. Les travaux furent arrêtés en
1866. De 1848 à 1866, la production totale fut de 217.000 tonnes.
Directeur : M. Barbier, puis M. Brun P).
Les Mines de la Ghazotte se composaient :
1° De la concession de la Ghazotte, mise en exploitation en
1842, et de la concession du Montcel. Production de la Ghazotte
en 1855 : 6.000 tonnes, en 1868 : 245.000 ; production du Montcel :
47.000 tonnes en 1855, 91.000 en 1868 (3) ;
2" De la concession de la Calaminière, mise en exploitation
en 1845 ; proïkiction en 1855 : 15.000 tonnes, en 1868 : néant ;
3° Des c>oncessions de Beuclas et de Sorbiers, mises en exploi-
tation en 1846, mai© où leis travaux furent arrêtés en 1863 à la
siutite de l'épuisement du gîte ; production en 1855, de Beuclas :
i2.(K)0 tonnes, de Sorbiers : 16.000 tonnes.
Beuclas, Sorbiers ei la Calaminière furent acquises par la
(1) Mémorial de la Loire, 22 fieptembrc ls5('».
(2) I/es Aimunifcs de la Ivoire n.' (loiniciit les noms dos dinM^toiirs (]uo
flf»p"is 1«67,
(3) Chiffres extraits de r.\ii'iii;iiiv drt- la I.oiic.
— 734 —
Compagnie de la GhazoUo et, e,n 1875, ces quatre concessions
devinreni la propriété de la Compagnie P.-L.-M. Le Montoel
eut, de 1866 à 1870, comme directeurs, M. Janicot, puis
M. Desbiefs. Il ne faut pas confondre cette concession de
Montoel- Sorbiers avec le Montcel-Ricamarie.
Directeur de la Chazotte : M. -Maximilion Evrard, ingénieur
éminent, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.
La concession de Villebœuf, accordée aux sieurs Péliissier et
Molle, fut exploitée par les concessionnaires, puis par la Société
en commandite par action Nan et C*", à laquelle succéda, en
1880, la Société des Mines de Villebœuf, continuation de l'an-
cienne Société en commandite. Production en 1855 : 200 tonnes,
en 1868 : 42.000 tonnes (1). Directeur : M. Nan.
La concession de Monthieu, instituée en faveur de Dugas
des Varennes, appartint plus tard au baron de Rochetaillée.
Une Société civile constituée en 1838, à laquelle succéda en
1869 une Société anonyme, en devint amodiataire. Production
en 1855 : 81.000 tonnes, en 1868 : 109.000 tonnes. Directetur :
M. Ponchard.
La concession de Janon fut accordée à la Compagnie des
Fonderies et Forges de la Loire et de l'Isèrei, devenue la Com-
pagnie des Fonderies et Forges de Terrenoire, Lavoulte et
Bessèges. Production en 1855 : 37.000 tonnes, en 1868 : 35.000
tonnes.
La concession de la Baraillère, accordée au sieur Roustain,
propriétaire de la surface, appartenait en 1870 à MM. Lacroix,
Deville et consorts. Production : 5.000 tonnes en 1855, 15.000
en 1868.
La concession de la Péronnière avait été instituée en 1842.
Les concessionnaires, Gillier, Jouimoud, Mortier et C^ avaient
formé, en 1822, une Société civile, modifiée en 1851 et trans-
formée en Société anonyme en 1868, au capital de 960.000 francs
divisé en 1.920 actions de 500 francs P). Production en 1855 :
16.000 tonnes ; en 1868 : 112.000 tonnes. Le dividende distribué.
(1) Chiffres extraiis ^e l' Annuaire deJa Loàre et contenant sans doute
parfois des erreurs.
(2) Bévue Industrielle du Centre, 22 juin 1912, p. 6. Il y a quelques
différences entre les indications de cette Revue, d'une part, la Statis-
tique des Houillères, V Annuaire des Agents de Change, d'autre part.
— 735 —
qui était de 190 francs en 1859, pour chacune des 960 parts ou
actions, atteignait 700 francs en 1868. Directeurs : M. Vial, puis
M. Garnier.
La concession de Gomberigol, accordée en 1857, était exploitée
imr une Société civile où dominait la Compagnie dos Fonderies
et Forges de Terrenoire, propriétaire de 5.292 actions sur 8.064.
Le directeur était M. Hyvernat, assisté comme ingénieur-conseil
de M. Payen. Production en 1868 : 30.000 tonnes.
La concession du Plat-du-Gier, qui devait être acquise en 1889 (
par la Société concessionnaire de la Péronnière, formait une
Compagnie spéciale. Directeur : M. Perrot. Production : 250.000
tonnes en 1855, 18.000 tonnes en 1868.
La concession dui Ban fut instituée, en 1824, en faveur de
deux Sociétés d'exploitants, qui se partagèrent le territoire
suivant la limite de leurs propriétés. L'une d'elles (Bonjour,
Rey et G'*) obtint, en 1851, la concession de la Faverge. Di-
recteur du Ban : M. Fara, propriétaire à Cellieu ; directeur de
la Faverge : M. Pailleux, à Grand'Croix, qui dirigea aussi le
Ban. Le Ban produisait 20.000 tonnes en 1855, 1.800 seulement
m 1868. La Faverge procluiisait 21.000 tonnes en 1855, 38.000
tonnes en 1868.
La concession de Gravenand avait été exploitée par une
Société anonyme, depuis 1840, au capital de 720.000 francs. Cette
Société, en 1846, tomba en déconfiture. Elle fut achetée, par
moitié, par la grande Gompacinie de la I^ire et par la Société
des mines de la Chichonne. Elle figurait en 1870 parmi les
concessions de la Compagnie de Rive-de-Gier. Production en
1855 : 4.000 tonnes, en 1868 : néant.
r^a concession de Combeplaine passa, vers 1848, des mains
des sieuirs Matheron et consorts, concessionnaires de 1825, dans
celles de M. Bonnard, qui devait la vendre en 1871 à la Société
des mines du Grand-Recon. Production en 1855 : 6.000 tonnes,
en 1868 : 450 seulement.
La concession de Saint-Chamond appartenail h la famille -de
Mondragon, qui s'adjoignit des associés, puis céda st\s droits,
vers 1839, à MM. Bonnard, de Rive-de-Gier. Ceux-ci formeront
vers 1845 une S<x!iété civile, transformée ^n Société anonyme
on 1853, et qui devait durer jusqu'en is::, INodiK-fion : 'M.{)(¥)
tonnes en 1855, 33.000 en 1S68. r.o directeur de oetfce Société
— 736 —
était, depuis 1848, M. Ractmadoux (v. p. 326). Son siiccosseur
fut M. Boudinhon (t).
La concession du Mou il Ion était passée aux mains d'une
société civile, la Comipagnie des Mines dui Mouillon, qui la
posséda jusqu'en 1882. Directeur : M. Richoud, puis M. Drillon.
Production : 24.000 tonnes en 1855, 13.000 en 1868.
La concession du Couloux, passée entre les mains d'une
société civile, fut vendue, en 1867, à une autre société dite
Compagnie des mines du Couloux. Production en 1855 : 18.000
tonnes, en 1868 : 212.
Les concessions de Frigerin, Montbressieu, la Pomme, Tré-
molin, les Grandes-Flaches et la Catonnière appartenaient,
depuis 1841, à une Société civile dite Compagnie des Grandes-
Flaches (Béthenod, Dugas, Bonnard & C*'') au capital de 4.800
actions. La Catonnière fut inexploitée depuis 1868 et les
Grandes-Flaches depuis 1870. Directeur en 1870 : M. Benoît. La
production de toutes ces concessions, qui était en 1855 de
42.000 tonnes, tombait à moins de 20.000 en 1868, où seules
Montbressieu et les Grandes-Flaches étaient encore exploitées.
La concession de Tartaras, accordée en 1808 à J.-B. Dugas,
revendue deux fois en 1821 et une troisième fois en 1845, fut
cédée en 1857, pour 430.000 francs, à la Compagnie du Gaz
de Lyon, qui l'exploita de 1857 à 1869. Le directeur était
M. Maurice. La Compagnie, ayant cessé tous travaux, amodia
la concession, en 1870, à MM. Grange et Bruyas, qui en de-
vinrent propriétaires en 1874. Production : 13.000 tonnes ^n
1855, 7.000 en 1868.
On voit combien le bassin de Rive-de-Gier avait perdu de
son importance extractive.
(1) Bulletin de l'Industrie Minérale, 1865-66, p. 341, et Mémorial de Ui
Loire, 29 mars 1866. M. Boiidinhon (Adrien); né à Monistrol en 1835,
appartenait à la famille du général Wald-eck Boudinhon, qui fit les
guerres de l'Empire. Sorti de l'Ecole des Mineis dei Saint-Etienne en 1859,
ingénieur aux forges de Crans (Haute-Savoie), aux mines du Mouillon,
à Rive-de-Gier, à, Lorette, il fut directeur, de 1866 à 1877, de la Compagnie
des Mines de Saint-Chamond, dont il devait êtr^ nommé liquidateur
en 1896. Avec M, Grand'Eury. il découvrit le prolongement du bassin
liouiller de Saint-Eloi et contribua par suite, à la mise en exploitation
des mines de la Bouble. Mort à Saint-Cbamond, le 7 février 1913.
- 737 —
Une Compagnie dite Petite-Ricamarie avait Torigine et eut
la fin suivantes (i) :
Par ordonnance royale du 4 novembre 1824, la concession de la
Béraudière fut accordée à divei'ses personnes au nombre desquelles
se trouvait M. Delainaud ; ce dernier était propriétaire, dans le
périmètre, de domaines d'une grande étendue.
Antérieurement à cette ordonnance était intervenu un acte
notarié (dit acte de conciliation), à la date du 23 janvier 1824, qui
consacrait l'accord de tous les demandeurs, en vue d'une demande
collective. Cette entente avait été réalisée sur l'initiative des ingé-
nieurs des mines, MM. Beaunier et Delsériès, car il était difficile à
TAdministration de donner satisfaction à tous les droits acquis par
les exploitants antérieurement permissionnaires sans amener un
morcellement du gîte que la loi voulait éviter.
Cet acte de conciliation contenait une clause d'après laquelle
chacun des signataires conservait le droit exclusif d'exploiter sous
ses propriétés territoriales ; les parcelles appartenant à des tiers
devaient être exploitées en commun par les associés, mais en
géîiéral un second acte précisait que ces parcelles seraient jointes
de telle ou telle façon au périmètre appartenant à chacun des
futurs concessionnaires, en sorte que la concession se trouvait
divisée en autant de fractions qu'il y avait de concessionnaires.
M. Delainaud n'avait encore commencé aucun travail d'exploita-
tion lorsque, le 12 septembre 1836, il subrogea les enfants de
M. Claude Micolon-Bérardier pour \\\\ tiers à ses droits de co-titu-
laire de la concession de la Béraudière ; l'année suivante, le
19 septembre 1837, il céda à MM. Cessieu et Beraud les droits
dexploitation sous les fonds qu'il possédait à La Ricamarie.
Peu de temps après, le 2 novembre 1837, trois des héritiers de
M. Claude Micolon cédèrent à M. Ceissieu leurs droits dexploitation ;
le quatrième héritier conserva ses droits jusqu'en 1864, date à
laquelle la totalité des droits d'exploitation revint à la Société de
La Ricamarie, à la suite d'une vente par licitation.
MM. Cessieu et Beraud commencèrent l'exploitation de la mine
en 1838, lorsque, par acte du 3 avril 1838, M. Cessieu vendit à
M. Gauchier, bancpiier à Paris, la part d'intérêt lui appartenant
dans la Société qu'il avait "fonnée avec M. Beraud, pour l'exploita-
tion de la mine de La Ricamarie.
Une Société civile fut constituée par acte des 4 et 5 mai 1838
(passé devant M*' Esnée, notaire à Paris), entre MM. Gauchier,
Beraud et diverses autres personnes. Le capital social fut fîxé à
(1) Note de la Société des Houillères de Montramben et de la Bérau-
dière. Voir épalpmnnt Revue de Législation des Mines et Statistique des
Houillères, 1 'M i 05.
— 738 —
un mi 11 ion, duiii iSOO.iXX) francs iepié.>entés par les apports de
MM. liaucliior et Beraud, et 200.000 francs en espèces par les autres
societaiics.
En 1850, les concession iiaiies de la Béraudière cédèrent leur part
à la Compagnie générale des mines de la Loire, dont le fractionne-
ment, qui eut lieu en 1854, donna naissance à diverses Sociétés,
parmi lesquelles la Société de Montrambert et de la Béraudière.
Seule, la Société de La Ricamarie voulut rester en dehors de cette
fusion et continua à vivre d'une vie indépendante.
La constitution de la Société de La Ricamarie avait cependant
ému les autorités ; elles y voyaient une violation de la volonté du
législateur, qui avait voulu que toute mine concédée formât un
tout indivisible, et qu'elle ne pût être partagée en nature. Dès le
20 août 1838, le Préfet de la Loire avait demandé au Procureur
du roi d'examiner s'il n'y avait pas des charges suffisantes pour
diriger des poursuites conformémjent à l'article 7 de la loi du
21 avril 1810. L'Administration intervint encore à diverses reprises,
notamment en 1845 et en 1867, mais le principe de l'unité de conces-
sion fut considéré comme sauvegardé par la nomination d'un seul
directeur et d'un représentant légal unique pour toute la concession
de la Béraudière.
L'exploitation fut arrêtée en 1884. Le 30 décembre de cette année,
un arrêté préfectoral, constatant le déhouillement complet de toutes
les couches de ce périmètre, autorisait la Société à abandonner
l'exploitation. Il restait bien un massif relativement important à
enlever ; mais son exploitation avait été interdite définitivement
par l'arrêté préfectoral du 19 décembre 1861, dans le but de protéger
le tun^nel de Bellevue à La Ricamarie, creusé vers 1856. Cette inter-
diction donna lieu, contre la Compagnie du chemin de fer, à un
long procès devant le Conseil de Préfecture, procès qui se termina
en 1885 et en 1887, par le paiement d'une indemnité aux héritiers
de M. Delainaud et à la Société de La Ricamarie.
Une série de procès fut également provoquée par les conditions
dans lesquelles la Société s'était constituée. Les auteurs des ventes
de 1836 et 1837 ou leurs héritiers revendiquèrent devant toutes les
juridictions civiles une part de la concession. Un épisode de cette
lutte fut la licitation de 1864, qui fit passer tous les droits d'exploi-
tation à la Société de La Ricamarie.
Enfin, après l'épuisement complet de son gisement, ladite Société
revendiqua, dans la concession de la Béraudière, la part indivise
qu'elle prétendait tenir en vertu des actes de 1824 ; ces prétentions
furent repoussés par jugement du Tribunal civil de Saint-Etienne
du 28 juin 1890, confirmé par la Cour de Lyon, le 9 juin 1893, et par
la Cour de Cassation, le 25 avril 1895 ; le traité de 1824 fut déclaré
nul dans les clauses relatives au partage en nature de la concession,
nullité d'ordre public prononcée par l'article 7 de la loi de 1810 ;
en conséquence, le périmètre Delainaud fit retour à la concession
— 739 —
de la Béraudière (1) ; les couches de houille qu'il pourrait encore
contenir seraient, à l'avenir, exploitées par la Société de Montram-
bert, qui tiendrait compte à la Compagnie de La Ricamarie du
bénéfice réalisé, sous déduction des charges d'exploitation. Il n'y
avait pas lieu de modifier dans le passé la répartition des produits
de la concession, le traité de 1824 ayant été reconnu licite dans les
parties qui réglaient les droits de chaque concessionnaire.
Une autre Compagnie, dite du Montcel-Ricamarie ^ exploitait
le puits du Montcel, également dans la concession de la Bé-
raudière. Le< droit d'exploitation appartenait dans le principe
à un sieair Chomier, en vertu de rordonnance de concession
de 1824 et de traités particuliers entre les demandeurs de cette
concession. Ce droit fut cédé par le sieur Chomier au sieur
Guerrier, en 1837, et transmis, en 1856, par Guerrier aux sieurs
Bouchu et Guillemin, qui oonstitiuèrent la Société civile dite
Compagnie des Mines de houille du Montcel-Ricamarie (1857).
A cettci Compagnie, dite « propriétairei », était juxtaposée une
« Société arnodiataire des IVIines du Montcel-Ricamarie »,
formée en 1839. L'histoire de ces deux Sociétés, fort embrouillée,
ne saurait intéresser le public. Une autre Société fut substituée
au(x précédentes en 1874-76. C'était la « Société anonyme des
Mines du Montcel-Ricamarie. » Un extrait des statuts indique
la composition du fonds social :
Ajar. 7. — Le fonds social sera divisé en cinq mille six cent qua-
rante-deux parts (5.642), donnant droit chacune à un cinq mille
six cent (^u armante-deuxième (1/5.642*^) dans toutes les valeurs de la
Société, dont trois mille quatre cent quatre-vingts (3.480) sont attri-
hiHM s aux iictioiitiaires de la Compagnie propriétaire, dans la pro-
portion pour laquelle chacun d'eux a droit dans ladite Société
propriétaire, et deux mille cent soixante-deux (2.162) aux action-
na ii «s de la Compagnie amodiataire autres que les propriétaires,
dans la proportion de quarante-sept actions nouvelles pour une
.1 M ri (-n ne.
Kn IH7S, la Société civile des Mines de la Porchère amodia
à la Société anonyme des Mines du Montcel-Ricamarie les droiN
d'oxploitiitiori qui lui appartenaient dans cette concession. Va\
l'Ss:'). vu la situation préc<iire de la Société et leis rapports de
\1M. l>(!hlanc et Pialat, ingénieurs, dont les conckijsions, ideii-
liqii'- à c^Hles de M. Sonlarv, directeur du Montcel en IH.SO,
iiffir ni.iK ni que (M'.- niiih - clait ni lelloment épuisées qu'elles ne
(1, I.»' «iiiaiticr a I'ciihVm- du hoiiiu^ de la Ricamario. m viiani de
Saint i:ti(Minu, .s'appelle (oujnui^ Utlainaud,
— 740 —
pouvaient plus satisfaire à une exploitation fructueuse, une
Assemblée générale approuva le projet de vente à la Société de
Montrambert et de la Béraudière (i).
^'2 - PROGRÈS dans L'EXPLOITATION de 1854 à 1870
Je renvoie pour ce paragraphe, non pas au livre très connu
de M. Leseure sur V Historique de^ Mines de Houille du Dépar-
tement de la Loire, mais à Tétiude spéciale que M. Leeeaire
publia, en 1897, dans le livre Saint- Etienne, à l'occasion du
Congrès de l'Association française pour l'avancement des
Sciences. J'en donne un extrait chronologique, combiné avec
d'autres éléments.
Je rapipelle qu'à part des essais isolés et sans trop de suite,
c'est la grande Compagnie de la Loire qui, en 1846 et 1848, entra
résolument dans la voie rationnelle de la bonne exploitation
où Favaient précédée, en 1841, les mines d(u Creusot.
C'est M. de Villaine, à Montramberl, qui a ouvert ia marche
dans ce sens. A Montrambert. et à la Béraudière, le feu existait
presque partout. Certaines couches étaient appelées les Brû-
lantes, nom qu'elles portent encore aujourd'hui. M. de Villaine
s'occupa d'abord de compléter la reprise des travaux. Il sut
vaincre les difficultés en appliquant de nouvelles méthodes
d'exploitation avec remblais, appropriées aux différents cas
qui se présentaient. Ces méthodes servirent de base à la pros-
périté de la Compagnie et, rapidement connues, établirent ;i
jamais sa réputation d'ingénieur.
Le grand mérite de M. de Villaine fut de concevoir d'abord
un plan général d'exploitation et de le faire exécuter avec intel-
ligence, ordre et méthode. De 1863 à 1871, il modifia les engins
extérieurs, créa les puits jumeaux et les puissantes installations
qui permirent de doubler rapidement le personnel et la pro-
duction p).
(1) Statuts de 1876 et procès- verbaux des assemblées des 10 jan-
vier 1878 et 21 mai 1883, communiq'ués par la Société dte Montrambert.
Voir : Mémorial de la Loire, 5 février 1888 ; bibliothèque de Saint-
Etienne (carton LXIV, p. 13).
(2) Mémorial de la Loire du 22 juin 1895.
- 741 --
Les méthodes d'exploitation des grandes couches n'existaient
pas pouir ainsi dira avant M. de Villaine. Les méthodes avec
remblais par rabattages au puite Marseille, tranches inclinées
au puits Saint-Mathieu, et bientôt la méthode en travers par
tranches horizontales à la Béraudière, sont devenues classiques.
Ces méthodes fixées, il fallait doter la Compagnie de moyens
puissants d'extraction. C'est alors que furent installés les puits
jumeaux de Villaine et Dyèvre. Les premiers, après bientôt
un demi-siècle d'existence, et sans avoir subi de remaniements
fondamentaux, comptent encore au nombre des sièges d'ex-
traction les plus puissants (i).
Aux mines de Beaubrun, où la grande couche avait une mcli-
naison de 10 à 15^, on pratiqua, depuis 1855, la méthode par
tranches inclinées de 2 m. 50 d'épaisseur.
La Péronnière ne tarda pas à imiter l'exemple de Beaubrun.
Je renvoie à l'étude de M. Leseure pour l'exploitation des
grandes couches à Firminy et sur d autres points.
L'abatage par tailles montantes fut appliqué pour ^a pre-
mière fois, semble-t-il, par M. Villiers, au puits de l'Eparre,
de la Compagnie des Houillères de Saint-Etienne.
Aux mines de la Loire, en 1869, les tailles chassantes avaient
été employées au puits Gallois.
Pour le tirage par coups de mine, l'étoupille Bickford rem-
plaça la canette depuis 1855. La dynamite, fut introduite pour
lo percement des galeries au rocher, en 1871, à Firminy et à
Montrambert.
Pour les transports intérieurs, la capacité de la benne avait
été portée à 4 et 5 hectolitres (au lieu de 3 hectolitres) de 1846
H 1860. M. Villiers fit l'essai des traverses métalliques en 1868.
L'extraction par étrier suspendu au câble, adoptée de proche
en proche et assez vite, fut perfectionnée en 1856 et 1857 à
Montrambert et aux Houillères de Saint-Etienne, par le rem-
placement de rétrier à deux montants par l'étrier à quatre
montants, dans lequel les benne© étaient portées sur quatre
points de leur bord inférieur.
Il semble que M. Haure installa K premier la cage d'ex-
traction avec taquets d'arrêt, à Comlx^rigol, en 1857.
(1) Diftcoiirs de M. Rcxlde, inprénlenir principal <\q la Coinpaprnie, aux
funérailles de M. de Villaine {Mémorial de. la Loire, 20 décembre 1013).
48
- 742 —
Roche-la-Molière avait reçtu en 1856 une machine à action
directe à deux cylindres conjugués et à distribution de vapeur
par soupapes. En 1860, M. Bessy faisait poiser un guidage en
bois au puits de la Loire. En 1861 et 1864, les étriers étaient
remplacés par des cages d'extraction avec planchers aux Houil-
lères de Saint-Etienne, et en 1866-67 on adoptait les guidages
en bois et les cages, à Firminy et à Roche-la-Molière.
M. Villiers plaça le chevalement en fer au puits Jabin en 1863.
Ce chevalement, exposé à Paris en 1867, présentait le© avantages
d'une durée presque indéfinie sur les chevalements en bois (i).
A Montrambert, on annula l'excès de poids dui câble des-
cendant (pour la descente des remblais par des puits spéciaux,
qui sont presque toujours des puits d'aérage) en faisant usage
du câble d'équilibre.
En 1854-55, M. Lunyt, mgénieur principal du groupe de Rive-
de-Gier, appliqua les procédés de cuvelage usités dans les puits
du Nord.
Les premiers ventilateurs furent installés par M. Guibal en
1869-70 à Firminy, et d'autres ventilateurs furent installés à
la même époque aux Houillères de Saint-Etienne et de Mont-
rambeirt.
Dès 1868, à la suite des travaux d'une Commission de la
Société de l'Industrie minérale, la lampe Mueseler, recom-
mandée par M. Mallard, professeur à l'Ecole des Mines de Saint-
Etienne et depuis membre de l'Académie des Sciences, était
adoptée aux Houillères de Saint-Etienne, de Firminy et de la
Ghazotte.
Je parlerai au paragraphe suivant des explosions de grisou
qui survinrent pendant cette période.
Le Bulletin de l'Industrie minérale reflétait les progrès réa-
lisés. M. de Villaine, en 1858-59, y décrivait les méthodes
appliquées à la grande couche de Montrambert ; M. Leseure,
en 1859, à la grande couche de Rive-de-Gier ; M. Villiers, en
1863-64, à une petite couche du bassin de Saint-Etienne ,
(1) Rapport du Jury, exposition 1867, t. VIII, p. 76. La Compagnie des
Houillères de Saint-Etienne faisait figurer un modèle en petit de J'instal-
lation du puits Saint-Louis.
— 743 -
M. Ghansselle, alors ingénieur à Firniiny, analysait les mé-
thodes exposées à Paris, en 1867, et appliquées dans les dif-
férentes mines d'Europe.
MM. Ernest Javal et Jules Garnier (i), ingénieurs, décrivaient
la nitro-glycérine dans le même Bulletin, en 1868 ; en 1869, ils
décrivaient la dynamite, produit alors nouveau.
L'étude des 'machines d'épuisement employées dans la Loire
motivèrent des articles nombreux de MM.' Luyton pour Firminy
(1855-56), Soulary et' Desbief pour Gôte-Thiollière (1857-58),
Lombard pour Monthieux (1858-59), de divers ingénieurs pour
Rive-de-Gier (1859-60), de Soulary, directeur des Mines de
Sainte-Foy-l'Argentière (1862-63), de Leseure, ingénieiur de l'Etat
(1863-64), de Renodier pour Beaubrun (1863-64), etc...
Egalement les questions de- câbles, de cages et de machines
d'extraction, manèges, furerit traitées par MM. Mâle et Payen,
ingénieurs aux mines de Monthieux, Dange au Grand-Treuil,
Boudinhon, ingénieur à Lorette, Villiers, Leseure, etc..
L'agglomération fit de rapides progrès depuis 1858. En 1872,
les briquettes étaient devenues l'aliment indispensable de l'ex-
ploitation des chemins de fer. Leur fabrication était spéciale
à la France et à la Belgique, où l'extraction fournissait une
forte proportion de menus fin®.
Inventée pair Marsais en 1843 (^2)^ l'agglomération reçut son
premier perfectionnement en 1853, de Maximilien Evrard, jeune
ingénieoir de l'Ecole de Saint- Etienne. Ayant débuté aux mines
du Treuiil et de la Petite-Ricamane, sous les ordres d'Edouard
Wéry, Evrard avait occuipé ensuite divers postes en Saône-et-
Ijoire, à la grande Compagnie de la Loire, et en Algérie. Il fut
directeur des mines de la Chazotte, de 1852 à 1872 {^).
(1) Je rappelle que Jules Gaiiiier (Hait de Saint-Etienne et ancien
élève de son Ecole des Mines.
(2) V. p. 284 et rapport du Jury de l'Exposition de 1867 (t. VIII, p. 84) :
le premier brevet iH)ur les ajîKi'.omérés fut pris par Marsais, dont l'usine
de Givors appartient aujourd'hui à ja Compagnie dies Houillères de
Saint-Etienne. Elle a été développée et an^liorée par M. Bayle, diirec-
teur de cette Société.
(3) Né à Maroille (Nord), le 12 juin 1821, mort à Sorbiers (Loire), le
l.'i janvier 1005 (Notice dans les Anitalcs ttc la SocU'l/^ d' ifiifriiltiirr dr
la Luire, en IIXK)).
• — 744 —
Le brevet de 1853 s'appliquait à un système de compression
à moule ouvert à production continue. Le rapport siur l'Expo-
sition de Londres en 1862 (t. I, p. 48-50) qualifiait ce système
de « machine ingénieuse » employé<> déjà en France, en Bel-
gique, en Autriche. A la mon d I'a tard, Al. Murgue, président
de la Société des Anciens! élèves de l'Ecole des Mines, rappela
que son camarade avait trouvé la « solution élégante » du
problème de l'agglomération.
M. Evrard a décrit son procédé dans le Balle tin de V Industrie
minérale^ en 1858-59 et 1863-64. Il montait une usine à la Gha-
zotte en 1855. Ce fut le système Evrard qu'adopta la Compagnie
P.-L.-M., quand elle créa ses grands ateliers d'agglomération
à Chasse, à Brassac et à Nîmes.
M. Revollier, constructeiur-mécanicien à Saint^Etienne, cons-
truisit pour Blanzy en 1860, et po'u,r le Plat-du-Gier, un appareil
d'aggloméiration. J'ai parlé de Revollier dans la notice sur la
construction mécanique annexée à VHistoire de la Métallurgie
de la Loire (p. 394).. Cette industrie régionale a coopéré lar-
gement à doter les mines dui matériel puissant d'extraction,
d'épuisement, d'agglomération, etc., qu'elles possèdent au-
jourd'hui.
La préparation mécanique des charbons fit aussi de grands
progrès, les chemins de fer exigeant pour les cokes et les
agglomérés une faible teneur en cendres, et la concuirrence
poussant à livrer des charbons mieux débarrassés de matières
impures. Le triage primitif (i) avait été complété, à partir de
1840, par l'installation de grilles mclinées et barreaux, et par
le lavage des mienus sales dans des bacs à piston mus à bras,
inaugurés par M. Dyèvre, ingénietur à Bérard. Le procédé éitait
généralisé en 1862 et, déjà en 1856, fonctionnaient les procédés
les plus variés de lavage : lavoir Bérard, lavoir Gervais
(Monthieux), lavoir Robert (Quartier-Gaillard), lavoir Ract-
madoux (Saint-Ghamond), lavoir Baure (Reveux). L'appareil
Bérard, inventé en 1848 et adopté dans un grand nombre d'ex-
ploitations en France et en Belgique, fut modifié par M. Evrard,
en 1862-64, à la Ghazotto. Son invention, exposée en 1867 a
Paris, s'appliquait à la fois au lavage et au criblage. En 1863,
(1) Voir LESEURE, A. F. A. S., 1897.
— 745 —
M. Villiers employa un « trommel briseur et classeur » pour le
traitement des menus sales, aux Houillères de Saint-Etienne.
En 1864, M. Re vol lier construisit son lavoir pour les mines de
la Porchère. Il fut adopté en 1866 par M. Luyton, dans l'atelie-r
de préparation mécanique organisé à Firminy. En 1868, M. de
Villaine supprimait les cribles à secousses et le lavage, rendus
inutiles par la qualité de ces charbons. Il améliorait le triage
par une forme particulière du couloir et du crible de triage.
Les premiers essais de lavage de la houille remontent à une
trentaine d'années et ils ont été faits à Saini^Etienne, disait le
rapporteur de l'exposition de 1867. Cette opération est devenue
courante pour les charbons employés pour les agglomérés et
les cokes et même pour les menus consommés en nature (i).
Au sujet de la carbonisation, il convient de citer la fondation,
en 1858, de la Société de Carbonisation de la Loire, Carvès
é (7^% qui construisit 'une usine à Saint-Etienne, dans le quartier
du Marais. Citée à l'Exposition de Londres en 1862 (t. I,
p. 48-50), elle était « arrivée après de longs efforts à tirer parti
de tous les produits accessoires de la distillation de la houille,
en fabriquant des cokes de bonne qualité ». Elle comptait
88 fours. En 1867, elle en comptait 188 pour la fabrication
simultanée du coke, propre à tous les usages de l'industrie, du
gaz d'éclairage, du goudron et des eaux ammoniacales, avec
tous les appareils accessoires pour l'extraction du gaz, la dis-
tillation du goudron et des eaux ammoniacales. Elle consommait
100.(X)0 tonnes de houille par an et occupait pluis de 200 ou-
vriers et 80 chevaux. Cinq machines à vapeur y étaient utilisées
au lavage, au criblage et au broyage de la houille. Elle pro-
duisait annuellement : 70.000 tonne© de coke, 2.500 de goudiron,
150 d'huiles de goudron, benzine, acide phénique, etc., 300
d'ammoniaque et de sels ammoniacaux. MM. Carvès montiiierit,
à Bessèges, pour le compte de la Compagnie de Terrenoire,
une batterie de 100 fours à coke et tous les accessoires néces-
saires P).
L*usine Carvès fut transférée dans la suite à Terrenoire.
Atteinte par la chute de la Société des Forges de Terrenoire,
(1) Rapport du Jury. t. VIII, p. 82. Sur le lavage, voir pages 285 et 403.
(2) Archives fie l.i r.h.irn])ro de Commerce.
— 746 —
en 1888, elle fut exploitée par MM. Chevalier et Oziol jusqu'en
1914, et ensuite, pendant deux ou trois ans, par la Société des
Mines de Janon.
La carbonisation était d'ailleurs une industrie annexe fort
importante' de nos mines (Voir au 3*"* § le^s chiffres de pro-
duction). En 1865-66, M. Baroulier publia, dans le Bulletin de
nndustric minérale^ une étude sur la carbonisation, particuliè-
rement au four Appel t.
Je rappelle les nombreuses protestations que l'installation
des fours à coke souleva à Saint^Etienne de la part des fa-
bricants de rubans et des passementiers, protestations dont la
Chambre de Commerce se fit l'écho jusqu'en 1860. Depuis c^tte
époque, les perfectionnements ap'portés à ces fours pour en
éluder les inconvénients au point de vue des fumées, perfec-
tionnements étudiés par M. Janicot, ingénieur, dès 1852, et
peut-être le peu de succès des réclamations, ont éteint ou sta-
bilisé le conflit entre la Fabrique de Rubans et les usines à
feu (1).
A l'Exposiition de Londres, en 1862, Gruner exposa sa carte
géologique du Département de la Loire au 1/160.000® et plusieurs
cartes spéciales au 1/15.000^ avec texte expilicatif. Des dessins
reproduisaient la coupe générale du terrain houiller, ainsi que
des dispositions des puits d'extraction.
A l'Exposition de Paris, en 1867, Gruner exposa son étude
du bassin houiller de la Loire comprenant une carte d'ensemble
au 1/40.000®, des plans et des coupes au i/5.000^ et un texte
encore inédit. L'exposition collective des mines de la Loire
comprenait, notamment, un très bon modèle en relief du mode
d'exploitation avec remblais, généralement employé dans le
bassin.
^ 3 - STATISTIQUES, PRIX, GRÈVES, EXPLOSIONS,
MARCHE GÉNÉRALE de 1855 à 1870
De 1855 à 1869 inclusivement, la production totale du bassin
oscilla entre 1.946.000 tonnes (1858) et 3.373.000 (1868). Le chiffre
de 3 millions fut atteint en 1864. La production de 1869, année
(1) Voir mon Histoire de la Eubanerie, p. 377.
— 747 —
de la grève, fut de 3.079.000 tonnes. On trouvera dans VHisto-
rique de M. Leseu,re le tableau de la production annuelle soit
de Saint-Etienne, soit de Rive-de-Gier, le nombre des ouvriers,
'la vaileur de la production. Olle-oi oscilla entre 23 millions
de francs (1858) et 38 millions (1868), ce qui indique une valeur
moyenne respective de 11 à 12 francs par tonne. Le no^ibre des
auivriers s'éleva entre 9.000 les premières années et 15.000
en 1868.
Cette période fut marquée pa,r un très grand développement,
grâce à la construction du réseau des chemins de fer, à Inac-
tivité de l'industrie métallurgique, aux débouchés nouveaux
ouverts par le© voies ferrées, aux progrès réalisés dans l'ex-
ploitation. M. Leseure {Historique, p. 247) a donné pour l'année
1868 le détail des expéditions et de la consommation intérieure.
Il y eut des ombres au tableau. Au déboit de la période, la
rectification ou la reconstruction des chemins de fer de la
Loire avaient obligé les Sociétés exploitantes à diminuer leur
production, alors qu'elles étaient en mesure de la développer,
mais cet état de choses dura peu de temps (1).
Les rapports du Préfet au Conseil général, en 1857-59, si-
gnalaient la situation critique de la métallurgie, alarmée par
des décrets douaniers tendant au libre-échange et, par voie de
conséquence, de l'exploitation des mines, qui réclamait l'abais-
sement du fameux tarif de transport de 10 centimes la tonne
kilométrique.
Dans le Bulletin de Vïudustrie minérale, en 1859-60,
M. Leseure a publié des Noies statistiquies fort intéressantes
sur l'industrie minérale à Rive-de-Gier, de 1763 à 1858. Les
salaires, en 1858, étaient ies suivants :
Gouverneurs 5 à 8 fr. en 1858 - 5 à 8 fr. en 1845
Piqueurs 4 à 4 fr. 75 — - 3 fr. 50 à 4 fr. —
Tralneurs et rouleurs . 2 fr. 50 à 3 fr. — - 3 fr. 50 à 3 fr. 75 —
Rép«raiionnaires . 3 fr. 25 à 3fr. 65 — - 3 fr. h 3 fr. 25 —
Ouvriers divers . . 2 fr. à 3 fr. . — - 1 fr. 50 à 3 fr. 25 —
La hausse tenait au renchérissement des denrées à la suite
de mauvaises récoltes, peutrêtre au mouvement ouvrier de 1848,
enfin aux grands travaux d'utilité publique du Secx:>nd Empire,
qui avaient fait renchérir la main-dVt» uvre.
(1) Voir M^mnrln] dr la Loire, 8 mars 1856.
— 748 —
Cette progression était très sensible pour les piqueurs et les
ouvriers divers. Pour les autres catégories d'ouvriers, il fallait
tenir compte de diverses circonstances :
Le gouverneur, qui avait toute la responsabilité de l'intérieur à
répoque où les propriétaires s'improvisaient extracteurs, n'est
plus aujourd'hui qu'un chef d'ouvriers placé sous la surveillance
de ringénieur.
Le traîneur, qui avait un grand travail à développer et jouait
le rôle principal, a à peu près disparu depuis l'introduction des
chemins de fer dans les mines, vers 1847, et a été remplacé par le
routeur.
Le réparationnaire (ou boiseur), qui était presciue inconnu lors-
qu'on travaillait à plein massif, a aujourd'hui beaucoup à faire
dans certaines mines, où le charbon est tendre et où la masse du
toit a été ébranlée et brisée par les éboulements et dépilages
antérieurs.
Voici, d'autre part, les prix des fournitures, de 1812 à 1858, relevés
dans les res^istres de la Société des houillères de Rive-de-Gier •
ANNÉES
-e i
Poudre
ê 'S
=2 %
le quint.
.il
a.
•Il
< -2
J «
1 =
le quint.
Pelles
le quiiit.
Tôle
le quint.
au bois
2 -î
1 i
le quint.
le mètre
le kilog
le quint.
le quint.
le quint.
1812
0f.40à0f.60
3.20
90 »
»
90M20
B
58»
430»
<)0 ).
50 »
4825
id.
2.80
70 ))
40 »
100»
))
»
135).
140»
à la hou.
45 »
4835
id.
2.60
63 »
38 »
400»
170»
53»
125»
90,75
45 *
4845
id.
2 »
57 »
28 »
80»
440»
44»
120»
80,52
42 »
4851
0f.45à0f.60
2 »
46 »
24,28
80»
95»
34»
146»
80,42
30 »
1858
id.
0 j^
48 »
24 .
78»
80»
38»
143»
80,40
30 »
Câbles
Câbles
Plâtre
ANNEES
en
en
Foin
Son
Avoine
chanvre
fil de fer
gris
Fr.
JFt.
le quint.ll
Fr.
Fr.
Fr.
Fr.
4842
420-460
»
4- 10
40-44
15-18
4 »
1825
id.
))
6-10
40 »
14-45
4 »
4835
140-450
»
id.
Il »
45-46
4 »
1845
id.
200 »
6-7
10-13
40-42
4 »
4851
145-460
88-430
5 »
10 »
44,50
3 50
4858
130-440
84-430
8 »
12,80
20 »
3 60
- 749 —
Les objets fabriqués, fers, poudre, aciers, etc., ont baissé très
notablement ; c'est le fait du prog-rès des méthodes d'élaboration.
Les oâbles en chanvre sont restés au même prix en apparence ;
en réalité, ils sont devenus plus gros et plus difficiles à fabriquer,
les puits étant, en général, beaucoup plus profonds.
L'emploi des oâbles en fil de fer apporte, d'ailleurs, une grande
économie sur l'emploi des câbles en chanvre.
Les denrées 'Cmipruntées à l'agriculture n'ont pas varié, par-
ticulièrement le son et les bois. Les cours du foin et de l'avoine
paraissent ne dépendre absolument que de la succession des bonnes
années et des années plus ou moins stériles.
Si le blé suit les variations de l'avoine, il faudrait en conclure
que l'agriculture ne trouve pas aujourd'hui de prix plus rémunéra-
teui-s qu'au commen-cement du siècle ; que la révolution opérée en
1789 a été profonde, universelle et rapide ; que les effets en étaient
réalisés dans la période même du Consulat et de l'Empire.
Cela concorde parfaitement avec cette circonstance que, depuis
30 ou 40 ans, le prix des terres est toujours resté le même autour
de Rive-de-Gier, au dire des personnes les mieux autorisées en cette
m/atière, et d'après les ventes authentiques. Il est bien entendu qu'il
ne s'agit pas ici des terrains devenus propres à recevoir des cons-
tructions ou à servir de magasins ; je ne parle que de ce qui est
resté terre de culture.
Poursuivant son étude, M. Leseure abordait les variations du
prix de revient (main-d'œuvre et fournitures réunies) dans le
groupe du Sardon :
De 1825 à 1851, la main-d'œuvre et les fournitures tendent à
diminuer, quoique les salaires tendent à augmenter, et que l'on
consomme une plus grande quantité de matières pour les besoins
de l'exploitation.
Cela tient, d'une part, à ce que l'introduction des chemins de fer
souteri-uins réalise une économie notable dans la main-d'œuvre,
et à ce que les prix des matières restent constants ou sont en
baisse.
En somme, on peut dire que, de 1825 à 1851, le prix de revient
spécial est plus avantageux de 5 à 10 centimes, et cela malgré les
difficultés qu'occasionnent naturellement la reprise des anciens tra-
vaux sur plusieurs points et la recherche des lambeaux laissés
derrière les crains. Un tel résultat n'a été obtenu que par le talent
des ingénieurs habiles qui ont pris là place des anciens extrac-
teurs, et ont substitué à une exploitation do hasard dos méthodes
rationnelles et une organisation régulière.
On n'a pas cheixîhé, par exemple, à réaliser une ]>his grande
puissance de production en creusjint un grand nombre de puits,
mais en augmentant la force des machines et l'extraction de chaque
puits.
— 750 —
Si, de 1851 à 1858, les prix remontent à leur niveau primitif, il
faut en attribuer la cause à Tappauvrissement croissant des champs
d'exploitation, au grand nombre d'avancements en stérile, et à la
diminution des quantités de charbon extrait par suite de la mévente
de ces dernières années.
Je termine la citation par le iableaiui du prix des charbons, à
Rive-de-Gier, prix du quintal mélriquc. Le prix moyen, par
tonne, s'était élevé do 4 francs en 1763 à 9 francs en 1845 (avè-
nement de la grande Compagnie), à 13 fr. 60 en 1858.
FR^IX DES CH-A.R,BON"S
{au qh
linial iriéAruine)
Nature
des charbons
1763
1812
1825
1S35
1S15
185.S
Pérats
Menus de forge..
Menus de verrerie.
Menus divers. . . .
1 Coke
1 Prix moyen général
0,50
»
»
0,30
»
0,40
1,30 à 2 »
0,80
0,50
0,35
»
0,95
1,60 à 2 »
0,65
0,50
0,45
1 à 1,10
0,96
2,40 à 2,70
0,65 à 0,75
0,50 à 0,60
0,40 à 0,50
1,20 à 1,40
0,92
2,40 à 2,80
0,85
0,70
0,60
1,60 à 1,80
0,90
2,30 à 2,80
1,40
1,20
0,80 ai » 1
2,'i5à2,55
1,36
L'extraction des houillères dans le département ne s'est pas
ralentie, disait le Préfet au Conseil généiral en 1860. Jamais elle
n'a été plus considérable, ajoutait-il en 1861. En 1863, il cons-
tatait un ralentissement impoirtant dans la consommation, à
cause de l'hiver exceptionnellement doux et d'une moins grande
animation dans les affaires industrielles. En 1864, signalant la
diminution de lexploitation à Rive-de-Gier, il l'attribuait soit
à la concurrence du bassin de Saint-Etienne, plus active depuis
l'abaissement des tarifs de chemins de fer, soit à l'appauvris
sèment des mines.
En novembre 1863, le quartier de Bérard à Saint-Etienne
avait été envahi par des émanations délétères provenant d'in-
cendies dans les anciens travaux entre les puits Neyron et Gris-
de-Lin (i).
Le groupe de Rive-de-Gier était, en effet, en décadence. De
1855 à 1870, sa piroduction annuelle oscilla entre 514.000 (1869)
(1) Voir L.-J. Gras : Il y a cinquante ans (1863), publié dans le
Mémorial du l«r décembre 1913.
— 751 -
et 686.000 tonnes (1861). En 1864, les actions de la Compagnie
étaient affectées d'une baisée considérable qui, à raison de sa
persistance', causait de vives alarmes aux porteurs de ces
actions. Le Salut public de Lyon et le Mémorial de la Loire
(13 avril) commentaient les causes de cette dépréciation en
laissant dans l'ombre la cause principale : l'épuisement du gîte,
exploité jadis d'une manière beaucoup plus intense que dans
le bassin de SaintrEtienne. Ces journaux signalaient l'abais-
sement du tarif des houilles, effectué en 1863 (0,08 par tonne
kilométrique au lieu de 0,10j et la perte qui en résultait pour
Rive-de-Gier. Ses charbons étaient" vendus aux même prix que
ceux de Saint-Etienne, et ceux de Saint-Etienne bénéficiaient
davantage de cette économie, à cause du parcours plus long
de la mine au lieu de vente. En outre le canal de Givors était
délaissé au profit du chemin de fer. Or la Compagnie d^^'s
Houillères, ayant pris la location du canal, n'en payait pas
moins un dividende fixe, convenu, aux actionnaires.
Il ne reste donc pour les actionnaires des mines, ajoutait le Salut
pyblic, que les bénéfices sur rexploitation. Malheureusement, pour
des causes diverses^ ces bénéfices, qui ont atteint dans le temps
2 millions, sont descendus, en 1863, à 600.000 francs.
L'extraction de la houille a été plus active qu'elle ne l'avaii:
jamais été, disait le Préfet en 1865.
Le temps d'arrêt dans l'exploitation à Rive-d^-Gier développa
autour de Saint-Etienne quelques établissements importants.
Parmi ces établissements, la Chambre de Commerce citait, en
1865, l'usine de carbonisation Carvès. Elle ajoutait que, dans
l'ensemble, les affaires devenaient difficiles. Le dernier hiver
avait été bénin.
D'après le rapport de l'ingénieur en chef des mines pour
1866 (1), le temps d'arrêt marqué dans la progression de la
production, en 1865, fut suivi dune nouvelle période d'accrois-
sement, r^a production de houille carbonisée avait atteint
10-4.000 tonnes en 1864, 157.000 en 1865, 144.000 en 1866.
Je rapproche du prix de revient indiqué par cet ingénieur en
1865 (8 fr. 60) le prix de vente donné par la Chambre de Com-
(l) r^s rapports n'ont HA puMi^^s (pio depai.s 1872 et anne.xés auA'
comptes rendus fie la session du c:<>n.s-«'il }rcn«''ral dp la Loire. Celui qno
je cite <• • (h I >.,<,'• ;i)ii\ archives ûv la (.li.niii.i- ^ic Commerce.
— 752 —
merce (12 fr. 27 a 12 fr. OU), prix qui n'avait pus aensibloment
changé en 1866 (i).
Le nombre des u^uivriers tués avait suivi les variations ci-
après :
18G0 29
1861 59
1862 33
1863 44
1864 46
1865 55
1866 54
1867 75
1868 49
Le chiffre d'extraction de 1868 (3.373.000 tonnes), le phis élevé
jusque-là, provenait principalement de la bonne marche des
aciéries. M. Gaoarrié, ingénieur en chef des mines, insistait sur
la situation dans laquelle &e débattait Rive-de-Gier, où la
plupart des gîtes exploitebles étaient en partie déhouillés et
où les cassuires du sol, produites par les anciens travaux et
qui donnaient passage aux eaux de la surface, augmentaient les
dépenses d'épuisement et grevaient les prix de revient. Au delà
de Grand'Groix et jusqu'à Saint-Ghamond, on recherchait sans
succès le prolongement de la grande couche.
L'année 1869 fut marquée par une grève dont le souveinir
est encore dans toutes les mémoires, à cause de la collision
sanglante de la Ricamarie.
J'ai exposé (v. p. 526) les origines lointaines de la grève, le
fonctionnefment des anciennes Gaisses de secours, le procès in-
tenté, en 1866, aux Gompagnies pour la reddition des comptes
et la dissolution de ces Gaisses, la création, la même année, de
la Caisse fraternelle des Mineurs, véritable syndicat, politique
plus encore que social, créé sous le couvert de la mutualité,
enfin le rôle de Michel Rondet.
Il manque quelque chose au tableau. Non seulement la loi
de 1864 avait reconnu la liberté de coalition, mais de plus en
(1) On trouvera les prix courants du charbon, par trimestre, dans le
Bulletin de Vlndustrie Minérale, qui cessa ce genre de publication.
— 753 —
plus l'Empire déviait* à gauche par faiblesse et illusion de
Napoléon III. Les adversaires de l'Empire, loin de se rallier à
lui, usèrent des nouvelles libertés pour l'attaquer avec plus de
véhémence. La liberté de réunion et la liberté de la presse
(liberté par rapport au régime antérieur), accordée en 1868,
plus encore que la liberté de coalition, préparèrent le tombeau
de la monarchie impériale, tombeau qui fut scellé à Sedan.
La Fraternelle des Mineurs, qui comptait 5.000 adhérents
en 1868, prit part aux luttes politiques très violentes qui carac-
térisèrent les élections législatives de 1869 et qui, dans la Loire,
furent accompagnées de troubles graves (i). Les sociétair^es ne
purent se mettre d'accord sur les candidats à soutenir. Une
scission menaçait de se produii-e au sein de la Société. Il fallait
à tout prix sauver la mise. Les agitateurs engagèrent une cam-
pagne pour obtenir : la centralisation des Caisses de secours,
l'augmentation des salaires, la journée de huit heures ou du
moins une diminution de la journée de travail. L'agitation
gagna tout le bassin. La grève était générale le 11 juin.
Une bande de cent cinquante individus, parmi lesquels les
mineurs n'étaient peut-être pas les plus nombreux, parcourut
les sièges d'exploitation. « On brisait les portes des plâties et
des magasins, on levait les soupapes des chaudières, on coupait
ou l'on menaçait de couper les câbles d'extraction. On détruisait
les voies ferrées. »
Le 16 juin fut la journée tragique de la Ricamarie. J'en
emprufnte le récit à un chroniqueur de Saint-Etienne qui —
quarante ans après, alors que les passions populaires suscitées
par l'événement étaient depuis longtemps calmées — essaya de
reconstituer impartialement la scène (2) :
Ce jour-là, vers onze heures et demie, les mineurs en grève
s'étaient attroupés là-bas autour du puits de TOndaine, voulant
s'a.ssurer qu'on n'avait point enlevé du charbon demandé, le matin
même, par l'usine Holtzer et Dorian, d'Unieux. L'officier qui com-
mandait le détachement les engagea à se disperser, ce qu'ils firent
d'assez bonne grâce.
Mais, à une heure de l'après-midi, ils repaiiirent phis bruyantes,
plus menaçants et renforcés de petites bandes isolées, (ju'ils avaient
recrutées dans le voisinage.
(1) Voir notamment le Mémorial de la Lofrr, 2r> mai ?^ juin 1809.
(2) Aîi unies Foréziennes, 16 août lîXK).
— 754 —
C'était le moment où trois compagnies du 4^ de ligne, qui depuis
deux jours gardaient le puits de i'Ondaine, allaient être relevées
par trois compagnies du l?'' de ligne, arrivant directement de Vienne.
Les soldats qui venaient occuper le poste étaient en vue, ceux qui
allaienit le quitter se disposaient à partir. Les mineurs, pris
inopinément entre les deux détiachements, se trouvèrent en grande
partie dans l'impossibilité de fuir. Les compagnies du ¥ de ligne
n'eurent en quelque sorte qu'à s'ouvrir en éventail pour recevoir la
tête de colonne. Une quarantaine de grévistes furent faits
prisonniers.
La troupe, formée sur deux rangs serrés, avec les captifs au
milieu, se mit en marche pour regagner Saint-Etienne.
Le capitaine commandant, M. Gausserand, ayant jugé prudent
de ne point traverser en cet équipage la grande rue de La Rica-
marie, prit par le chemin du Brûlé.
La troupe, forte d'environ 180 hommes, marchait assez pénible-
ment dams ce chemin, et voyait grossir d'instant en instant une
foule considérable d'hommes et de femmes qui la suivaient avec
des démonstrations hostiles. On demandait les prisonniers, on les
voulait, on les aurait.
Arrivé à la hauteur du puits du Brûlé, le détachement fit halte.
Le passage était dangereux. Les grévistes, qui connaissaient bien
les lieux, étaient accourus, à travers champs, prendre position sur
les hauteurs qui commandaient le chemin.
Il est deux heures environ. Le capitaine Gausserand parlemenle
avec la foule pour l'inviter à dégager la route. Des jets de pierre
et deux coups de pistolet interrompent ses exhortations. Quatre
soldats sont atteints plus ou moins grièvement.
Que se passa-t-il alors en un instant aussi rapide que l'éclair ?
Nul ne put le dire, personne n'avait entendu le commarwlement
de : feu !
Mais les fusils partirent, faisant des morts et des blessés, mettant
en fuite aussi la foule des grévistes.
Les morts étaient au nombre de neuf, huit hommes et une femme :
Jacques Fanget, mineur ; femme Boileau ; Joseph Franchon,
mineur ; Joseph Chatagnon, mineur ; Paulet, ferblantier ; Claude
Choulat, mineur ; Antoine Goudon, mineur ; Claude Clémençon,
mineur, et Barthélémy Revol, mineur.
Deux des blessés, transportés à l'hospice de La Ricamarie, y
mouraient le lendemain matin : une femme Revol et un garçonniet
de trois ans, enfant d'une veuve Fleurine, tué dans les bras de sa
mère.
La mère elle-même était dangereusement blessée.
Le 4^ de ligne, à cette époque, était commandé par le colonel
Martinez, d'origine espagnole, que l'on disait protégé, en raison de
cette considération, par l'Impératrice Eugénie.
Membre du Grand-Cèrcle de Saint-Etienne, ainsi que plusieurs
— 755 —
autres officiers supérieurs, on lui battit froid à la suite de la jour-
née de La Ricamarie. Le colonel comprit vite et cessa de fréquenter
le cercle.
Un incident autrement caractérisé se produisit, d'ailleurs, pres-
que en même temps. Quatorze conseillers municipaux de Saint-
Etienne venaient d'écrire au maire, M. Benoît Charvet, l'invitant
à réclamer de l'autorité supérieure l'éloignement du ¥ de ligne.
M. Charvet fit connaître le jour même qu'il déclinait cette mission.
Dès le lendemain, le préfet, M. Gastaing, prononçait la dissolu-
tion du Conseil municipal et le remplaçait par une Commission
de trente-sept membres — M. Benoît Charvet restant maire —
parmi lesquels : MM. Duplay-Balay, docteur Bruny, Claudius
Courally, Denis Epitalon, Auguste Faure, président du Conseil de
Prud'hommes ; Duterrail, Cl. Gérentet, Guitton-Nicolas, Marcellin
Giron, Hutter, directeur des mines de Montrambert ; Lacroix-
Descours, Guinard, pharmacien ; Philippe Peuvergne, Penel, fabri-
cant de lacets ; J. Tempier, etc...
On sait qu'une légende obstinée a longtemps fait tuer le capitaine
Gausserand, pendant la guerre franco-allemande, par une balle
vengeresse des morts de La Ricamarie.
Le capitaine Gausserand — qu'un décret impérial, soit dit en
passant, avait fait chevalier de la Légion d'honneur le 13 août
1869, soit moins de deux mois après la collision — tomba à l'ennemi,
dans la journée de Rezonville, le 16 août 1870, frappé d'un éclat
d'obus à la tête.
Cet événement — déformé par la Presse et dans les discours —
eut un retentissement énorme dans toute la France. Ce fuit un
nouveau prétexte pour attaquer rKmpire et pour en détacher
complètement les masses populaires. Vingt ans, trente ans plus
tard, les journalistes rappelaient encore la fusillade de la Ri-
camarie. Ce fut grâce à ce douloureux conflit que ce bourg
d'ouvriers, mconnu en France, acquit une réputation tristement
célèbre. Zola s'en inspira, en le corsant, pour son tableau de
Germinal.
De nombreuses arrestations suivirent cet événement : soixante-
douze grévistes furent poursuivis pour atteinte à la liberté du
travail. Ijc 7 août, le Tribunal correctionnel de Saint-Etienne
prononça cinquante-six condamnations de 15 jours à 15 mois de
prison ; six condamnations par défaut de 3 k 15 nioi^ ; dix
prévenus furent acquittés.
Quelques jours après, les condamnés bénéficièrent de l'am-
nistie générale, accordée à l'occasion du centenaire de la
naissance d<» Napoléon T"*. Ainsi fui iruni^uré ce système d'ain-
— 756 —
ni&tie pour délits de grève, si fréquemment pratiqué depuis
cette époque, qui équivaut à l'impunité, c'est-à-dire qui encou-
rage à recommencer. Autre chose serait la grâce individuelle
accordée pour des cas particuliers, d'autant plus dignes de
commisération que, dans les troubles quii accompagnent les
grèves, les agitateurs se tiennent prudemment à l'écart et sa-
crifient leurs simples soldats.
Les administrateurs de la Fraternelle firent parvenir leurs
« revendications » aux Compagnies. Celles-ci furent intransi-
geantes sur la question du taux uniforme des salaires, qui ne
tenait pas compte, dit M. Leseure, de la différence des con-
ditions de travail suivant les mines. La question des Caisses de
secours devait être résolue la même année par la création de
la Caisse centrale (v. p. 531). Au sujet des heures de travail, la
journée, d'après M. Leseure (p. 251), était de onze heures, dont
dix passées à l'intérieur. Les di.recteurs déclaraient qu'ils
n'avaient jamais demandé dans V ordinaire plus de huit heures
de travail effectif, sauf quelques exceptions dans les moments
de presse ou par suite d'accidents. Ce temps nei comprenait pa,s,
naturellement, celui de la descente et celui de la remontée, pas
plus que celui employé au cassencroûte. Il était constant que,
faute de chargeurs et de rouleurs, Le travail se prolongeait en
général de deux oui trois heures i}). En demandant de limiter
à 11 heures le séjour de l'ouvrier dans la mine, les ouvriers
ne montraient pas des prétentions exagérées p). Il est regret-
table que le patronat n'aille pas de lui-même au-devant des
réformes les plus justifiées !
La grève échoua, car elle se termina faute de grévistes, lassés
par le chômage et par les privations (15 juillet). Des bandes
parcouraient la campagne et obligeaient les habitants des
fermes à leur donner des vivres. Quelquefois elles se livraient
sur eux à de mauvais traitements (3).
Les fonds de la Fraternelle étaient complètement épuisés.
(1) \J Opinion Nationale, journal de Paris, 6 octobre 1869. Cette feuille
a publié à cette époque une série de Lettres de Saint-Etienne, au sujet
dtes mineurs, sous la signature de M. Louis Jazierski.
(2) Mémorial de la Loire, 16 juillet 1869.
(3) Mémorial de la Loire du 14 juillet 1869.
-75t-
La désagrégation de cette Société fut achevée par la grève. Le
président Ernest Renoult, car Rondet n'était que l'um des vice-
présidents, donna sa démission (i).
En septembre, il y eut un© nouvelle grève, peui importante et
très courte, à Rivo-de-Gier, qui se termina par une augmen-
tation de 25 centimes sur les salaires et par une réduction à
huit heures de la journée effective de travail ("2).
La Chambre de Commerce constatait, le 3 juillet 1869, que
l'accroiasement de la production (avant la grève) tenait à une
demande importante des industries métallurgiques, qui avaient
dû se procuiper du charbon à tout prix. Mais seule, disait-elle,
l'exportation pourrait vivifier notrei production. C'est à peine
si nous pouvons approvisionner quelques points très rares de
la Méditerranée et du Levant. L'augmentation du prix de la
main-d'œuvre est donc une question délicate. Quelle que soit
la situation, la grève auira un effet redoutable.
J'ai indiqué le chiffre de la production de 1869 et -le nombre
des. ouvriers (v. p. 747). Cette production représentait le quart
des extractions totales de la France (3).
Les prix indiqués par la Chambre de Commerce en 1869 :
11 fr. 61 (Saint-Etienne), 13 fr. 10 (Rive-de-Gier), sont des
moyennes auxquelles il ne faut accorder qu'un crédit relatif.
Plus intéressante est la liste des prix courants publiés alors dans
le tlullrtin de Vlndiistrie rainer aie et qui s'appliquent aux dif-
férentes qualités de charbons, cokes et aggloméré®. Je ne puis
reproduire ces documents à cause de leur longueur (-i).
(1) Ihid., 22 août 1869. Voir, sur lo firève, Office du Travail : Les
Afinacialions pr(/frssionnr,iles ouvrières, I, p. 337; Ijkseure, Historique
p. 2Ô0 ; les jouriinux de l'époque fl3 ju:n-13 août) ; les articles publiés
dans' la TMre d,e.^ 10-10 juiillet 1«69, par Erncsl Le Nordez, ont été réunis
en une brochure : Tm vérité sur la grève des Mmeurs. Cette brochure
est k consulter, car l'auteur, peu suspect di'antipathie pour les ouvriers
et obligé de se consiituer prisonnier, y «appréci-e très sévèrement Je rAle
des afritateurs.
(2) Mémorial, 2 à 8 octobre 1860 et jours suivants.
(3) Voir le détail par bassins et d'autres statistiques rétrospectives
dans la circulaire n« 2040 du Comité des Houillères de Frajice ; llndus-
trie houillère en France de 1H11 à 1902
(4) Il est surton.t intéressant nie coniparer les prix du premier seineslre
185.''> {linUeyin de Vludustrie minérale, 1855-50, p. 132) avec ceux du pivniirr
49
- 758-
D'après une étude publiée par M. Grand'Eury en 1869, sur
l'économie et la comptabilité des mines de houille (l), la main-
d'œuivre intérieure autour de Saint-Etienne ressortait à plus
de 4 francs et la main-d'œuvre extérieure à plus de 2 fr. 50.
M. Leseure (2) précise que, de 1862 à 1868, la journée moyenne
de l'intérieur s'était élevée de 3 fr. 60 à 3 fr. 92 et qu'en 1869,
avant la grève, le salaire du piqueur était de 4 fr. 20 à 4 fr. 60
dans les mines de la campagne, de 4 fr. 99 à Saint-Etienne.
Il atteignait même 5 fr. 25 à Beaubrun.
M. Grand'Eury indique le coût des soins donnés aux chevaux,
en excluant la nourriture : pansement, 1 fr. 25 par cheval et
par mois ; ferrage, 3 à 4 francs par cheval et par mois ; harna-
chement, 3 fr. 30 par mois pour les gros et 2 francs pour les
petits. L'amortissement était calciulé à 0 fr. 50 par journée de
travail pour les gros et 0 fr. 30 pour les Vendéens, que l'on
substituait aux Corses dans l'intérieur des mines.
Malgré les progrès réalisés, le grisou faisait des victimes.
J'omets les autres accidents (ruptuires de câbles, éboulements,
etc., etc.), qui souvent causèrent la mort de plusieurs ouvriers.
Descreux en a relevé un grand nombre dans ses Notes manm-
crUes, en 1862-64. On était loin de prendre, autant de précautions
qu'aujourd'hui. Les mesuires de sécurité ont été tardives.
En septembre 1855, au puits Charles à Firminy, une explosion
tua cinq ouvriers et en blessa cinq autres. En février, le même
puits avait été le théâtre d'une autre explosion. La population
se rappelait encore l'explosion plus importante de 1842 (3).
En 1856, nouvelle explosion au puits Charles : quatorze tués,
non compris les blessés (4).
semeiatire 1869 {Ibid., 1868-69, p. 171 et 396), bien que la classification ne
soit pas semblable'. En 1855, la tonne d^e menu de forge de première
qualité, à Saint-Etienne, se payait 16 francs, et celle de deuxième
qualité 12 francs ; en 1869, les prix étaient : première qualité, 14 à 16 fr. ;
deuxième qualité, 12 à 13 francs.
(1) Bulletin de Vindustrie minérale, 1869-70.
(2) Historique, p. 251.
(3) Voir Mémorial de la Loire, 3 septembre 1855.
(4) IMd., l«r janvier 1857.
— 759 —
Le 4 avril 1857, au puits Saint-Mathieu (des Littes), à la?
Ricamarie, sept ouvriers furent asphyxiés par le grisou (i).
Le 26 mai 1861, au puits do la Pompe, au Treuil (Saint-
Etienne) : vingt et un ouvriers tués pa<r une explosion (2).
Le 18 avril 1863, au puits Gharrin, à Grand'Groix : vingt-
quatre victimes.
En octobre '1867, explosion à Villars : trente-sept victimes (3).
En juillet 1868, explosion au. puits Sainte-Barbe, à Rive-de-
Gier : treize morts et plusieurs blessés (^)..
Le 23 août 1868, explosion au puits. Montorrad, à Firminy :
cinq morts.
Le 21 mai 1869, au même puits : quinze morts (5).
Le 24 août 1869, au même puits : dix-neuf morts, trois
blessés (6).
C'est à la suite de cet accident que la Compagnie remplaça
les lampes de sûreté en usage, du type « Saint-Etienne », dé-
rivé de la lampe Davy, par des lampes Mueseler.
(1) Voir Mémorial de la Loire, 6 avril 1R57.
(2) Annales Foréziennes, 22 octobre 1911.
(3) Voir Mémorial de la Loire, 12 octobre 1867.
(4) Ibid., 20 juillet 1868.
(5^ Ibid., 22 mai 1869.
(6) Ibid., 24 et 25 août 1869. A T^ornito, le «'/Iblo du puits .r\<^,»mv
rompit et cinq ouvriers furent tii<^s {Ihid., 2 .s(>i)t.).
CHAPITRE XIV
Situation grénérale de 1870 à 1888
1. — LES SOCIETES EXPLOITANTES
Houpourt, ingénieur au Corps des Mines,
chevalier de la Légion d'honneur depuis 1861,
directeur de la Société des Mines de la Loire
depuis 1854, conserva la direction de cette
Société jusqu'au 5 mars 1887. Il avait été
pendant dix ans président du Comité des Houillères de la
Loire. Il mourut en 1890 (i).
M. Du Rousset lui succéda comme directeur, après avoir été
deux ans sous-directaur, et ingénieur principal depuis 1874.
Ce fut M. Porquet, ingénieur desi Arts et Manufactures, qui
remplaça M. Du Rousset comme mgénieur principal (2).
Pendant cetie période, la production de la Société atteignit
(1) Voir le Mémorial des 11 mars 1887, 28 et 30 janvier 1890.
(2) Pierre-G\istave BiL'ion Du Rousset, né au Mans (Sarthe), le
20 décembre 1842, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, officier d'artil-
lerie démissionnaire, ancien élève die l'Ecole des Mines de Paris, entré
en 1867 comme ingénieur à la Société des Mines de la Loire, président
du Comité des Houillères de la Loire, administrateur de la Banque de
France, membre et secrétaire de la Chambre de Commerce de Saint-
Etienne, mort à Sa:nt-Etienne, ae 27 mars 1906. Ingénieur des plus
distingués.
— 761 -
les chiffres extrêmes de 458.000 tonnes en 1886, de 609.000
tonnes en 1883. Ses actions furent cotées 360 francs en 1876 pour
tomber à 174 francs en 1888. Elles devaient descendre encore
dans la période suivante, la Compagnie étant très atteinte par
la moindre richesse de ses gisements.
A la Sociéité des Houillères de SaintrEtienne, M. Bayle, di-
recteur, fut remplacé le 1^*' avril 1872 par M. Villiers (Ben-
jamin), qui devait rester en fonctions jusqu'à sa mort, en 1903.
M. Villiers, qui était ingénieur principal depuis 1862, a joué
un rôle important dans la technique de l'exploitation (i).
M. Villiers fut remplacé comme ingénieuT en chef par
M. Chansseillo (Jules), qui devait rester en fonctions jusqu'en
1893 (2).
Pendant cette période, la production de la Compagnie oscilla
entre 641.000 tonnes (1873) et 390.000 (1878). Le cours des actions
oscilla entre 365 francs (1875) et 211 francs (1878).
Un décret du 7 juin 1873 autorisa la Société des Houillères
de Saint-Etienne à réunir la concession du Grand-Ronzy à ses
autres concessions. Cette concession avait été acquise le 20
avril 1870.
Les droits sur la concession de Côtei-Thiollière n'étaient qu'une
amodiation. Cette concession appartenait à la Compagnie des
Forges de Terrenoire. Cette amodiation prit fin en 1880. Cette
concession et celle de Reveux furent acquises le 28 septembre
1889 (3).
A la Société des Houillères de Montrambert et de la Bérau-
(1) Bt.'iij;iiiiiii \ i|licr<. II'' ;i l5;i.L^iit'aux (Yoniiie), en 1830, major de
rBcole des Min.- <lf S;iiiit-i:i icniu" o\\ 1H.")0. ingénieur à la grande
Conipngnie M - Mm. > de l.i Loire, puis ;i i;i SocKHr ;los Houillères de
Saint-Etieniir <mi l^:>.). i licxnlieT do la Lr^rinn (riionnonr, membre de la
CfiambiT <1<' r.-iiiinci-(f «le Snint-l'irtMinc. iii-(''sid(>nt du Comité des
Houilllrn'^ '!(■ 1,1 l.oiic. irioii le 'M) juin I!H>;i, à Sa,iut-K(i('ime. Un des
I)remiei-. I ippliqua dans le li.issiu de la Loire les procédés scientifiques
ii l'expl'i fil! (i[i des mines.
('2 M. Chausstdlc. (ils <ruri luofcsscur du lycée de Saint-Etienne, major
dp rF^olc df-. Mine- ,11 ]s:,<.\, diiiu-(';i, après son d-èpart do Saint-Etienne.
'•■- rli;irli<.i!i:;i:'.'- d I rd,;iii\- M loni^ rnO. Il uioui'Ut ;\ Urgolvy (Hongrie),
!■ :'.u juin pm;',, i. ni.iii,' joui- (|ii,. M. \ iiiiors. Il collaborait à la rédac-
ti'ui du bulhdiii ndii di-i<i <iu Mémorial, de la Loire.
' ^ ' ■' ' ■ ' ' llniitJli ri's et nrriir rie J.ôrjnlnfjnn dr^ ^fnlrK, \^9\
\< •■ i;i |>i iidii I K m iiidiiiiic^ dan->rtd!i' r,'\iic d i !!.■!•, miI
'' : ■. i-uldirs i|;iiis |r> ni^tiirs d(\s ('.(•ni|paL;uh's, à ri.(,( asioii
— 762 —
dièro, M. Huttor, directeur depuis 1854, resta en fonctions
jusqu'en 1879 et fut remplacé par M. de Villaine, ingénieur
principal, qui devait être directeur jusqu'en 1895 (l).
La production de la Société oscilla entre 469.000 tonnes en
1877, abstraction faite de celle des années 1870 et 1871 (376.000
et 381.000 tonnes), et 600.000 tonnes en 1888, voire même 624.000
en 1889, c'est-à-dire trois fois environ la production de la pé-
riode de 1860. Le cours des actions, qui n'était que de 200 à
225 francs en 1868-70, atteignit 963 francs en 1881.
Dans la notice publiée à l'occasion de l'Exposition de 1878,
la Compagnie de Montrambert a exposé l'historique de l'exploi-
tation depuis la période qui précéda la constitution de la grande
Compagnie de la Loire jusqu'en 1878. On ne saurait trop re-
commander de consulter cet historique — qui fait généralement
défaut dans les notices des autres Compagnies. Alors qu'avant
1847 on n'exploitait qu'à 80 ou 100 mètres, en 1863 on était en
mesure d'exploiter au-dessous des anciens travaux jusqu'à 200
mètres, en 1874 jusqu'à 300 mètres. A cette date^, on avait com-
mencé les travaux permettant l'exploitation jusqu'à 400
mètres p).
A la Société des Houillères de Rive-de-Gier, M. Allimand. di-
recteur, fut remplacé, en avril 1879, par M. J.-B. Girard, et
M. Girard, le 1^'' janvier 1885, par M. Raveaud, qui devait rester
en fonctions jusqu'en 1890.
La production de cette Société, qui était de 278.000 tonnes
en 1870, n'était plus que de 69.000 en 1887. Le couirs de ses
actions, qui atteignait 162 francs en 1873, tomba à 15 francs en
1886, se releva à 145 francs en 1888 et tomba à 8 francs en 1889.
On ne saurait imaginer une déchéance plus comp>lète. Le
cours, dans la suite, devait rarement dépasser 50 francs.
Le compte rendu de rAssemblée des actionnaires du 24 mars
1890 faisait ressortir que la différence entre le bénéfice du pré-
oéQent exercice (10.000 fr.) et le béné-fice de l'année anté-
rieure (145.000 fr.) provenait de la liquidation de grosses in-
(1) Sur M. Hutter, voir p. 462 ; sur M. de Villaine, p. 463.
(2) En 1889, M. Vautier, né à Paris en 1818, administrateur des Houil-
lères de Montrambert, vint à décéder, et les journaux rappelèrem le
grand rôle qu'il joua dans l'industrie ou gaz d'éclairage. Vautier sortait
de l'Ecole centraile (Mém., 5 février 18891^.
— 763 —
demnités. aux propriétaires de la surface. En 1889, on en avait
payé pour 158.000 francs au lieu de 49.000 francs en 1888. Doré-
navant, d'après le rapport, les indemnités ne devaient pas
dépasser 50.000 francs et tomberaient même à 20 ou 25.000 fr.
L'Assemblée extraordinaire du 24 octobre 1890 constata que,
par suite du rachat du canal de Givors par l'Etat (1886), la
Compagnie se trouvait à la tête de sommes importantes, mais
qui, provenant d'une aliénation du capital, ne pouvaient être
distribuées souis forme de dividendes. L'Assemblée estima qu'il
fallait consacrer une partie importante du capital disponible à
rechercher de nouveaux gisements ailleurs que dans le péri-
mètre épuisé. Cette recherche aléatoire consistait à retrouver,
sous le bassin de Saint- Chamond, la grande couche de Rive-
de-Gier.
En conséquence, l'Assemblée adhéra à la formation d'une
Société au capital de 1.200.000 francs, à laquelle la Compagnie
de Saint-Chamond faisait apport de sa concession et de son
actif net, pour 400.000 francs. La Compagnie de Rive-de-Gier
devait fournir de 400 à 600.000 francs, selon la part qu'y mettrait
la Compagnie des Aciéries de la Marine. Le reste devait être
fourni par divers souscripteurs (l).
A la Compagnie des Mines de Roche-la-Molière et Firminy,
le directeur, M. de Rivière, fut remplacé, en janvier 1877, par
M. Verny, qui devait rester en fonctions jusqu'en 1895 P). Son
collaborateur, M. Mire, ingénieur principal, fut remplacé par
M. Voisin en 1881, qui devait succéder à M. Verny comme
directeur.
Pendant cette période, l'extraction de la Compagnie ne fut
jamais inférieure à 508.000 tonnes (1886), ni supérieure à 643.000
(1889). On ne peut qu'admirer la bonne régularité de l'exploi-
tation. Le coojrs des actions, qui n'avait jamais atteint 1.000 fr.
(1) statistique des Hoiûillùres, 1891, p. 167, 171.
(2) V^ny (Léonce), né à Pont-d'Aubenas (Ardèchf), élève à
1 Boole Polytechnique, inR'éni'eur de la Marine, membre de la Chambre
de Commerce de Saint-Etienne, chevai:er de la Légion d'honneur. Sous
sa direction, on procéda an fonçage des puits Gnnier, de Troussieux,
Combes, à Roche-la-Molière ; dti Soleil et de la Tardive, ti Fiirminy ;
à la création d'un atelier d'a^prloniération h la Malafolie (1881), à l'ou-
verture dm chemin de fer des r.panpes, au Ban (1892), h la fondation
des ouvpoirs de Lachaud (1882) el de Roche (1891), fi la construction des
cités de Lanlyre, des Viallws et de Roche, etc. (Note de M. Voisin).
M. Vemy est décédé à Pont-d'Anhenas, le V mai 1908.
— 764 —
avant 1873, s'est maintenu constamment très au-dessus depuis
cette époque. Il atteignit 2.361 francs en 1876 ei il était do
1.070 francs en 1887, cours le plus bas de 1873 à 1888. La Com-
pagnie venait en tête de toutes les Compagnies de la Loire, au
moins depuis 1854. Elle s'est maintenue à ce rang.
Sans parler de ses travaux d'exploitation, rappellerai- je que
ce fut pendant cette période que la Compagnie dévia la rivière
de rOndaine sur une longueur de '700 mètres ? Elle canalisa le
ruisseau de l'Echapre, sur une longueuir de 1.120 mètres, et le
ruisseau du Péchier, sur une longueuir de 900 mètres ; elle
installa l'éclairage électrique pour ses ateliers de triage, de
lavage, de carbonisation, etc..
Voici quelques indications sommaires sur les autres exploi-
tations :
La concession de Beau brun, dont j'ai indiqué les ayants droit
avait pour directeur, à la fin de cette période, M. Baretta,
successeur de M. Locard (^). L'extraction annuelle représentait
entre 257.000 tonnes (1886) et 370.000 (1873). Le bénéfice total
net était, en 1889, de 550.000 francs.
Les mines du Cros accusaient de 130.000 à 173.000 tonnes.
Le directeur était M. Desvignes, successeur de M. Locard. Les
recherches entreprises da.ns les concessions d la Sibertière et
de Saint- Jean-Bonnefonds échouèrent complètement.
En 1875, les quatre concessious de La Chazotte, Beuclas,
Sorbiers, La Calaminière, devinrent la propriété du P.-L.-M.
Beuclas avait été vendu devant le Tribunal, à la suite de la
faillite Binachon. Il en était de même pour Sorbiers. La Cala-
minière appartemait, en 1865, à Pétin et Gaudet, de Saint-
Chamond. La Compagnie de Montcel-Sorbiers était formée par
des banquiers de Besançon et les parts étaient peu nombreiuses.
En 1884, les propriétaires proposèrent de céder leur concession
à la Compagnie P.-L.-M. Les directeurs de l'ensemble de ces
exploitations furent MM. Maximilien Evrard, Batut et Wéry.
L'extraction. maxima fut celle de l'année 1873 : 350.000 tonnes,
(1) M. Locard, directeur die Beau brun et du Gros, mourut en 1884.
M, Baretta, qui lui succéda à Beaubrun, y était ingémi'eur depuis vingt
ans. M. Desvignes, qui lui succéda au Gros, y était ingénieur depuis
douze ans. (V. Mém. de la Loire, 3, 6 et 10 oct. 1884.)
— 765 —
la plus grosse part représentée par la Chazotte. M. Wéry fut
nommé en i876 (l).
La concession de Villebœuf était exploitée, depiuis 1880, par
une Société anonyme, qui continuait la Société en commandite
par actions Nan & G'^ M. Nan était le directeur de la Com-
pagnie. Production annuelle : de 23.000 à 91.000 tonnes.
La Société anonyme de Monthieux, constituée en 1869, amo-
diataire de M. de Rochetaillée, directeur M. Ponchard, puis
M. Simon, avait arrêté l'extraction en 1883, époqiue à laquelle
la huitième couche était épuisée. Elle exploitait, en 1889, les
onzième et douzième couches ; on terminait le traçage de la
treizième ; on devait mener rexploilation de ces trois couches
de front. Production annuelle : 125.000 tonnes en 1872, 20.000
en 1888.
La concession de Janon, après la chute de la Compagnie des
Forges de Terrenoire en 1888, fut acquise en 1890 par
MM. Rohmer et Nicolot, négociants à Lyon. Directeur, M. Payen.
Production : 30.000 tonnes en 1870 et 215 tonnes seulement
en 1885. Aucune exploitation, à la fin de cette période, n'était
faite dans la concession. Celle de M. Payon s'effectuait dans
une bande longeant le tunnel de Terrenoire, dans la concession
de Terrenoire, et amodiée par les Houillères de Saint-Etienne.
La Compagnie de La Péronnière fut, en 1887, transformée
de Société civile et particulière en Société anonyme. Le fond?
social fut représenté par 1.92Q actions, entièrement libérées, au
capital nominal de 500 francs chacune.
Le 19 juillet 1889, la Compagnie du Plat-du-Gier (directeur
M. Perrot) fusionna avec la Péronnière. Le fonds social fut
représenté par 3.120 actions de 500 francs. La production du
Plat-du-Gier était de 30 h 40.000 tonnes (2).
r.,es directeurs de la Péronnière, de 1870 à 1888, furent suc-
cessivement MM. Garnier, Vial et Gharousset. I>a production
ÎTioyenne, de 1870 à 1888, représentait lOOiOOO tonnes (limites
extrêmes : 83.000 et 110.000 tonnes).
lia Péronnière se rendit acquéreur, en 1890, de la conéession
de Comberigol, où dominai I, dans la Société exploitiinte, la
(1) AfHn. (le. la Loirr, 1{) aoiU 1876.
(2) L'acquisition (hi P'Iat-dfii-Glep par la PcKuiiiiciv fut signalée par
le Mf-mnrhil de la iJtirr du 20 janvW-r 1H88.
_ 766 —
Compagnio des Forges de Terrerioire, sa créancière pour une
somme considérable (2.700.000 francs). Le bilan de 1878 accusait
une perte s'élevaiit, depuis 1857, à plus de 3 millions. Les deux
Sociétés (Terrenoire et Comberigol) sombrèrent en même temps.
Le prix d'adjudication, à la Péronnière, fut de 415.000 francs (l).
Ijô Compagnie des Mines de la Haute-Cappe exploitait la
concession du Ban et était amodiataire de la concession de
Collenon, appartenant à la Société des Houillères de Riye-de-
Gier. Directeur, M. Langlois.
La concession de Gravenand, une des plus anciennement
exploitées, fut adjugée en 1888, moyennant 300 francs (sic) aux
sieurs Dubuit frères et Raymond fils. La production, nulle de
1880 à 1887, s'éleva à 5.000 tonnes en 1888, à 10.000 en 1889.
La concession de Gombeplaine, vendue en 1871 par le sieur
Bonnard à la Société civile des mines du Grand-Recon, fut
vendue en 1883 aux s^èurs Dubuit frères et Raymond
moyennant 0 fr. 04 par 100 kg. de charbon extrait. L'exploi-
tation, qui accusait 10.000 tomes en 1880, tomba à 0 en 1888
et 1889.
La concession de Saint-Chamond était exploitée par une
Société anonyme qui subsista jusqu'en 1875 où, par suite- d'un
nouvel apport pour la recherche des grandes couches faite par
la Compagnie des mines de Blanzy, elle devint la Société en
commandite Siraudin & G'*'. Les fonds apportés par Blanzy
ayant été épuisés sans que l'on soit arrivé à la découverte
espérée, la Société fut mise en liquidation amiable en 1886.
p]n 1890, par le concours de plusieurs des liquidateurs, l'ad-
hésion de la Société des Houillères de Rive-de-Gier était chose
faite pour constituer une nouvelle Société chargée de rechercher,
sous la concession de Saint-Chamond, la grande couche de
Rive^de^Gier. Les directeurs successifs furent MM Boudinhon,
Siraudin, de Beauvais, Guilhaumat {^). La production oscilla
entre 22.000 et 40.000 tonnes.
La Compagnie de La Faveirge, qui exploitait la partie méri-
(1) statistique dcb Howùhlères, 1891, p 157.
(2) En 1884, la, Compagnie supprima le poste de directeur. M. de
Beauvais, déjà directeur, fut nommé gérant en remplacement de M.
Siraudin [Mémorial de la Loire, 3 cet. 1884).
— 767 —
dionale de la concession du Ban, prit la forme anonyme en 1890.
Capital : 2.000 actions de 100 francs chacune. Production : de
17.000 à 55.000 tonnes. Directeur : M. Pailloux, puis M. Girard
Teillard.
La" Compagnie des Mines du Mouillon, société civile, ex-
ploita jusqu'en 1882 la concession de ce nom, la plus ancienne
du bassin. Cette concession fut vendue judiciairement, adjugée
au sieur Caniche-, cédée au sieur VillecouT, affermée pour six
ans. aux sieurs Bouquet et Montchamp, qui la vendirent en
1886 au sieur Laffay. La production, de 1882 à 1888, oscilla
entre 1.000 et 5.000 tonnes. L'extraction fut abandonnée en 188'0
et reprise en 1890, où elle n'occupait qu'une dizaine d'ouvriers.
La Compagnie des Mines du Couloux exploita, jusqu'en 1885,
la concession du Couloux, vendue judiciairement pour 30 francs
{sic) au sieiuir Paret, ouvrier mineur.
La Compagnie houillère des Grandes-FIaches possédait les
concessions de la Pomme, des Grandes-FIaches, de la Caton-
nière. de Montbressieu;, concessions à peu près épuisées en 1889.
Les Grandes-FIaches et la Gatonnière furent vendues aux sieurs
Cossange, bijoutier à Rive-de-Gier, et Deschanel, ancien gou-
verneur aux mines de Rive-de-Gier. La Compagnie possédait
diverses parts dans la concession de Trémolin. Elle avait aliéné
l'intérêt qu'elle possédait dans la concession de Frigerin (Houil-
lères de Rive-de-Gier.). La production, qui était de 34.000 tonnes
en 1870, n'était que de 17.000 en 1889. Directeur : M. Benoît.
La concession de Tartaras était exploitée par la Compagnie du
Gaz de Lyon. Ku 1870, cette Compagnie amodia la concession
à MM. Grange et Bruyas, qui en devinrent propriétaires en 1874
au prix de 110.000 francs. Depuis 1885, la concession appartenait
à MM. Bruyas et Corday. Prrxluction : de 7.000 à 15.000 tonne.-.
J'ai parlé précé<lemment des Sociétés dites de la Petit e-
Ricamarie et du Montcel-Ricamarie (p. 737) et de la Société
des Mineurs du G ter (v. p. 559) (^).
En 1877. M. l/aiir publia, h la lihiairie Chevalier, h Saint-
(1) Sur la oe-sslon de la mine dn Montcel-Ricamarie h la Compnpnlp
de Montiambert., voltr le Mhnnria] do. la Loire dçs 5 février et l**" Juin
18«3. I,a (:(»rn[)aj,mie du Montrel avait amodié les mines de la Porchère
en 1H7« (V. MhmtrUtl, r)-f) mars 1878). Sur M. Soulary, direrteur de la
(.((iiipajrnie du Montoei, voir la notice biographique publiée dans le
Mrtfioritti du 12 «diécembre 1881.
— 768 —
Etienne, une carie des concessions houillères d© la Loire, dressé©
et complétée d'après la carte de Gruner (1847) (1).
En 1881, M. Tyrode publia une carte houillère de la Loire (2).
C'est en 1883 que mourut un des plus grands marchands d©
charbons de France, M. Limousin, fondateur à Lyon d'une
importante maison. Il était né en 1807 à Firminy où, avant de
s'installer à Lyon, il exerçait le commerce des charbons. Grâce
aux chemins de fer, il étendit le réseau de ses succursales et
arriva à une situation considérable Ç^).
,^2.— LES PROGRÈS TECHNIQUES de 1870 à 1888
Pour ce paragraphe et les paragrapihee similair&s, je rappelle
les indications et réserves que j'ai formulées à la page 740.
Les techniciems placés à la tête des exploitations étaieni les
mêmes pendant cette période que psndant la période précé-
dente : MM. De Villaine, Villie-rs, Evrard, etc. Je ne reviendrai
pas sur leurs mérites. D^autres techniciens arrivaient aussi à la
renommée. Le Bidletiii de Vhidustne m nèrale conserva le sou-
venir de leurs innovations et de leurs travaux
Les grandes tailles chassantes étaient employées en 1869 aux
mines de la Loire, aux mines du Treuil depuis 1873, à Mont-
rambert depuis 1875. A Firminy, elles prévalaient de-puis 1883.
En 1887, les tailles montantes de 30 à 35 mètres d© front étaient
pratiquées aux mines de la Loire.
La dynamite était introduite pour le percement des galeries
en 1871, à Firminy, à Montrambert, au puits de La Ghana, où
l'on fit Le premier essai de tirage des coups de min© par l'élec-
tricité.
En 1887, M. Villiers adaptait, pour les transports intérieurs,
une voie ferré© Decauvill© avec aiguillage automatique. En
1875, il avait inventé un régulateur hydraulique pour la deis-
oente des cas:es à remblais.
(1) Mémorial de la Loire, 23 mai 1877.
(2) Ibid., 31 octobre 1881.
(3j Ibid., 24, 28 décembre 1883.
- 769 -
La transmission de forcé par l'électricité pour le travail d'ex-
traction était introduite, en 188i, aux Houillères de Saint-
Etienne et à la Péronnière (i).
Des machines à rotation étaient construites pour le puits
Chêne, en 1875, et le puits Verpilleux, en 1890. En 1885,
MM. Revollier et Biétrix construiisirent une machine compound
pour le puits du Crêt, à Roche-la-Molière (2).
Les agglomérés, en 1872, étaient devenus l'aliment indispen-
sable des chemins de fer. De 1878 date le compresseur Couf-
finhal, modifié en 1886 (3). En 1888, la Péronnière introduisait
une machine donnant de petits agglomérés ovoïdes pour le
chauffage domestique.
En 1873, M. Maximilien Evrard inventait son laveur-classi-
(li En 1881, dans le Ualletin de Vlndustrie minérale (p. 853 ), M. Ros-
siGNEUX, ingénieur dlivisionnaire aux Houillères de Saint-Etienne,
publiait une note sur (la transmission du travail par l'électricité. La
machine Gramme avait été im ventée djouze ans auparavant par un
simple ouvrier, et, d'abord appareil de laboratoire, elle recevait des
applications de plus en plus nombreuses (éclairage, transmission à
distance, etc.). La même année, M. Chansselle, ingénieur principal aux
Houi'ilères de Saint-Efenne, remdkait compte des travaux du Congrès
d'électricité à Paris. Son exposé historique de l'éilectricité est des plus
intéressants (1881, p. 687, et 1882, p. 227). En 1882 (p. 5) et 1883 (p. 197),
.MM. Charousset ei Bagne, ingénieurs à la Péronnière, exposaient les
expériences sur les machines électriques installées par cette Compagnie.
Voir, dans le Méjnorial <le Icù Loire du 17 avril 1882, un article sur la
transmf.ssion des forces motri'ces par l'électricité dans Les min/es du
bassin, et dans île numéro du 29 janvier 1883, un arfcle sur l'installation
faite h la Pér'vnnière. Dans le Bti.llePin de (^Industrie minérale, en 1889
(p. 727), .M. C:hansselle i-appela que les applications pratiques de l'élec-
tricité ne commencèrent qu'en 1878-79 ; en 1881, les Houillères de Saint-
Etienne installèrent, au puits Thlbaud, un treuil électrique ; la même
année, la Compagn'e ide la Péronniène ,commanda à la Compagnie de
L'Hormie une installation pour l'extraction en vallée ; diverses instîtl-
latlons de communications téléphoniques et de sonneries avaient été
faites, en 1880, pour le fonçage rlu puits .Tabin (Honillères de Saint-
Etienne), et ensuite A, la Péronnière ; enfin, diverseis transmissions de
force électriq"ue à l'intérieur «les mines furent installées, en 1882, au
Montcel-Sorbiers et à Saint-Chamond. Les applications s'étaient ralenties
<lans les dernières années.
(Z Voir, dans le Mémorial de la Loire du 28 novembre 1884. une
description des machines à distributeur rotatif construites aux ateliers
de la Chaléassière, et livrées en France et à l'étranger.
(3) M. Couftinhal, ingénieur primipal <le l'usine RevoUier-Biétrlx,
titulaire d'un grand nondue <le brevets, an<î.ien élève d(\s A.rts et
Métiers, est îflort î'i Saint-Etienne, le 7 mars 1911. Né en 1843. j\ Du<'
(Ave>Ton). Ses fils, auxipiels il s'était associé, ont créé »ine usine do
construction éli'cf i \i\\i<\
-770-
ficateuret, en 1888, il imaginait la nouvelle disposition du lavoir
à palettes (l).
En 1875, à Roche-la-Molière, on fit la première application
de la toile sans fin pour le criblage. Aux Houillères de Saint-
Etienne, les installations de criblage de nouveau type étaient
inaugurées en 1882.
Aux ventilateurs Guibal succédaient le vemtilateur Râteau
et le ventilateur Mortier. M. Murgue publiait ses belles études
sur l'aérage (2). Il n'y avait, en 1876, d'autres lampes employées
que la lampe Mueseler. En 1872, M. Villiers imagina un sys-
tème de fermeture de la lampe déjouiant toute tentative impru-
dente. En 1883, nouvelle modification de cette lampe par
M. Baretta, ingénieur principal des mines de Beaubrun (3). La
lampe Marsaut, inventée en 1882, fut adoptée à partir de
1886-87.
Les procédés pour la recherche du grisou furent très
nombreux à partir de 1877, et principalement à partir de 1889 :
procédés Coquillion, Leclerc, Le Ghâtelier et Lebreton, Ghes-
neau, etc., pour ne citer que ceux antérieurs à 1896 (^).
Chaouin des noms cités, sans parler d'autres noms très
nombreux, mériterait une biographie. La plupart se rattachent,
de près ou de loin, au bassin de la Loire.
M. Gruner était rapporteur du Jury à l'Exposition de Vienne
en 1873. A Saint-Etienne, disait-il, à l'époque qui précéda l'ex-
ploitation par remblais complets, c'est-à-dire entre 1840 et 1850,
la production spécifique (par homme et par an) était de 250 à
(1) Voir dans le Mémorial de lu Loire : une notioe sur M. Evrard et
9iir seis inventions (3 janvier 1879; ; une description du nouveau lavoir
Max. Evrandi (4 juin 1886) ; le compte rendu d'u procès Evrard-Marsaut
devant la cour die Montpellier, au sujet d'appareils pour le lavage, le
classement et le triage des .charbons menus (7 septembre 1883).
(2) Voir Bulletin de VIndustrie minérale, 1873, p. 445 ; 1875, p. 747 ;
1880, p. 5 ; 1881, p. 19 ; 1884, p. 673 ; 1886, p. 81 ; 1887, p. 863 ; 1893, p. 5.
(3) Voir Mémorial de la Loire, 19 octobre 1883.
(4) Voir V Exploitation des Mines dans le bassin de la Loire, par A.
Leseure (Saint-Etienne, A. F. A. S., 1897). Sur les moyens pour prévenir
les accidents de grisou, on trouvera l'exposé de l'antique méthode des
pénitents dans un articiie de M. Soulary, alors directeur de la mine du
Montcel-Ricamarie {Bulletin de VIndustrie minérale, 1875, p. 575). Sur
la carbonisation, voir le BulleUn de VIndustrie minérale (1875, p. 60.5)
au Sujet des fours de la Péronnière, et le même périodique (1876. p. 46)
sur la Société de carbonisation Carvès, qui, à cette époque, carbonisait
80.000 tonnes de houille.
- 771 -
300 tonnes. En 1869, elle n'était plus que de 200 tonnes.
« L'emploi plus général des machines et des chevaux n'a pas
compensé la diminution de la production spécifique, due au
déhouillement plus complet des couches. »
A l'Exposition de 1878, à Paris, la Compagnie de Roche-la-
Molière faisait figurer de nombreuses empreintes de plantes
carbonifères. ' La plupart des mines, en France, avaietnt
d'ailleurs exposé des empremtes végétales, « indice de l'intérêt
plus marqué que les exploitants semblent commencer à prendre
aux indications paléonto logiques dont les travaux de M. Grand'-
Eury, entre autres, ont mis en Lumière l'importance (i) ».
La Compagnie des Mines de la Loire exposait le relief en
plâtre de la huitième couche, divisée en plusieurs lambeaux,
coupée de failles.
La Compagnie de MontramberL exposait un modèle de ses
exploitations. L'introduction de l'exploitation par remblais
complets datait, à Montrambert, de 1849. La méthode par ra-
battage fut appliquée, en 1849, à la grande couche, puissante
de 20 à 25 mètres, et inclinée à 45". Celle par tranches inclinées
fut appliquée à la couche des Littes (10 à 12 mètres^ de puissance,
25" à 45° d'inclination). En 1866, les couches devenant tout à
coup moins propres et moins puissantes ou plus tendres et plus
puissantes, on adopta définitivement les méthodes par tranches
horizontales, modifiées suivant les Ccis.
Une mention spéciale était donnée aux puil^ jumeaux de Mont-
rambert et de la Béraudière, « solution heureux du problème
de l'établissement de puits à grande production dans des
terrains rendus instables par l'exploitation. Cette solution con-
sistait dans l'établissement de deux puits jumeaux de faible
diamètre, desservis par une machine unique placée entre eux ».
Le rapporteur citait encore les cribles de Montrambert, bien
appropriés à la nature du charbon, le laveur-classiflcateiur
Evrard, appliqué au Mon to^l- Sorbiers, le modèle complet d'une
installation de lavage exposé par la Compacrnio de Rociio-Ia
(1) Rapport de M. Zeiller, Ingénieur des Mines (section I, classe 43 :
Substances minérajesii. Voir, dani? le Mémorial de la Loire du 5 mars
1886, le compte rendu de la découverte, à Môons, d'un arbre foss-ilo
dont M. Grand'Eury étudia les caiact^res. Sur M. Grand'Eury, v. p. H.
- 772 —
Molière, les nuicliiiie^s à agglomérer des atoliei^s Biétrix et la
presse Gouffinhal, les machines d'épuisement construites éga-
lement par la Maison Revollier, etc., etc.
Les notices publiées par la Compagnie de Montramhert et la
Compagnie de Roche-la-Molière, à l'occasion de l'exposition de
1878, constituent, ainsi que tooiites les notices publiées à l'oc-
casion des autres expositions, des documents historiques de
premier ordre. Malheureiusement, l'Exposition terminée, on
traite ces intéressantes publications avec le mépris des
ignorants pour les vieux papiers, et elles deviennent rapidement
introuvables.
J'aurais voulu donner une analyse des rapports du Jury
(cl. 48) à l'Exposition de 1889, qui résument tous les progrès
accomplis depuis 1878. Mais cas documents, très longs, ne sont
pas résumables. C'est à cette Exposition que fut présentée au
public, pour la pre^mière fois, le plan en relief du territoire
houiller de Saint-Etienne, limité par La Fouillou.se, La Vari-
zelle, La Valette (au sud de Saint-Etienne) et le Pertuiset, plan
dressé par M. Perrin, géomètre des Houillères de Saint-Etienne.
Ce plan figura également à l'Exposition de Saint-Etienne, en
1891, et aux Expositions suivantes. M. Perrin a reconstitué l'his-
toire cartographique des couches exploitées et créé le bureau
des plans de sa Compagnie ; il fut l'auteur des coupes sur
verre, donnant la physionomie générale du bassin houiller de
la Loire, du modèle en relief de la huitième couche, etc., qui
lui valurent de nombreuses récompenses aux Expositions (i).
Ce fut pendant cette période, en 1879, que fut constituée une
Société pour effectuer des sondages dans la plaine du Forez, à
l'effet de rechercher le prolongement du bassin houiller de la
Loire. M. Fénéon, professeur de minéralogie et de géologie a
l'Ecole de Saint-Etienne, vers 1832 ou 1833, considérait que cette
plaine pouvait avoir reçu un dépôt houiller. En 1856,
M. Fournet, professeur à la Faculté des Sciences de Lyon, en
1873, deux ingénieurs de l'Ecole de Saint-Etienne, MM. Maussier
et Chansselle, attirèrent Tatteintion du public savant sur la
présence de lambeaux de houille servant de liaison entre les
terrains anthracifèires du Roannais et le bassin houiller de
(1) M. Perrin, ingénieur, né dans le Gard, est mort à Saint-Etienne,
en juillet 1918.
— 773 -
Saint-Etienne. M. Laur esquissa le plan de cette recherche.
Avec le concours de M* Buhet, notaire, il constitua un Comité
d'études.
Les sondages effectués près de la gare de Saint-Galmier et
à Montrond tirent découvrir, parmi des grès durs mêlés de
sables, de gores et d'argiles, à 180 mètres, une source d'eau
thermale dont le débit et la minéralisation s'augmentaient à
mesure que le forage se faisait plus profond.
A 280 mètres, la température de l'eau^était de 32° au griffon.
Le Conseil départemental d'hygiène (1880) la jugeait supérieure
à l'eau de Vichy, avec laquelle elle présentait une grande ana-
logie (1).
Le 23 septembre 1881, le sondage atteignait 502 mètres', quand
l'eaui jaillit brusquement en geyser magnifique qu'on alla voir
de loin. Il fit entrevoir pour Montrond l'avenir d'un nquveau
Vichy. Si ces. espérances, que je raconterai un jour dans
V Histoire des Eaux minérales du Forez, ne se sont pas complè-
tement réalisées, par contre, Montrond, situé au croisement des
routes et des voies ferrées de la plaine, est devenu le pavillon
central de chasse de la province et une grande station de pêche
à la ligne.
Dans le Bulletin de Vlndustrie minérale^ en 1885, l'ingénieur
Jules Garnier publia une notice sur la découverte' des minerais
de nickel en Nouvelle-Calédonie. Il était arrivé, en 1863, dans
cette! île, chargé du service des mines par le Gouvernement. Il
découvrit, lors de ses premières courses, la présence de ce
minerai.
Jules Garnier était un enfant de Saint-Etienne, un ancien
élève de son Ecole des Mines. En 1905, lors du Congrès des
Sociétés de Géographie, ume plaque commémorative fut apposée
(1) Voir Francis Laur : Sonda fjr de la 'plaine, du Forez, 1879, Géologie
et hydrologie de la plaine du Forez (Extrait des Annales de la Société
d*AgriculuTc de la Loire, 1881). M. Ijaiir, inponieur de TEcole de Saint-
Etienne, a eu nue vie politiqure dns plus mouvementées. Il fut député
de la Loire et l'un des partisjins les plus ardents du général lîoulanger.
Chargé de la chronicpje imlfustrielle du Mémorial de la Loire, fondateur
et directeur d'C VEeho des Mines et de la Mélalluruie, auteur de nom-
breux ouvrages, dont trois gros volumes .sur VAeeaparement ; il efii né
à Novers, le 5 septembre 1844
so
- 774 —
sur la maison où il naquit, rue de la Préfecture, 25. Le buste
de Jules Garnier est exposé à l'Hôtel des Ingénieurs, à Saint-
Etienne (1).
,^ 3 - STATISTIQUES, PRIX, GRÈVES, EXPLOSIONS,
MARCHE GÉNÉRALE de L'INDUSTRIE HOUILLÈRE
de 1870 à 1888
A partir de 1870, les rapports annuels, de l'ingénieur en chef
des Mines du détparteiment ont été publiés dans les comptes
rendus de la session d'août du Conseil général. Les chiffres que
ces rapports mdiquent pour la production ne concordent pas
toujours avec ceux publiés par M. Leseure, mais les différences
sont peu importantes. Chose singulière, les chiffres de la Statis-
tique de rinduistrie minérale n& concordent souvent ni avec
ceux de l'Ingénieur en chef, ni avec ceux de M. Leseure. Mais
les écarts sont peu sensibles. Ils piroviennent sans doute de la
distinction entre les chiffres provisoires et les chiffres définitifs.
Ces rapports indiquent également les travaux neufs exécutés
chaque année pour reconnaître la richesse des concessions et
créer de nouveaux champs d'exploitation. Mais cette partie des
rapports ne peut être résumée et l'ensemble de ceis nomencla-
tures annuelles est trop considérable pour pouvoir être annexé
aux notes économiques suivantes :
1870
Production : 3.274.000 tonnes, 40 millions de francs, 15.579
ouvriers (2).
La grève de 1869 avait fait écouler les stocks et hausser les
prix. Cette circonstance surexcita la production pendant le
premier semestre 1870.
(1) Mort le 8 mai 1904, à Menton, chevalier de la Légion d'honneur
(Voir le discours die M. Murgue, à l'inauguration de la plaque comme
morative, le 6 août 1905).
{2) Le tonnage est indiqué d'après l'Ingénieur en chef, la valeur
d'après M. Leseure le nombre d'ouvriers d'après l'Ingénieur en chef
quand ce nombre est indiqué dans son rapport, ou, à défaut, d'après
M. LlîSElîRE.
- 775-
La guerre fut moins préjudiciable que la grève, car la pro-
duction de 1869 n'avait été que de 2.971.000 tonnes (l).
Comparant la production pandant le premier semestre à
celle pendant le deuxième semestre, la Chambre de Commerce
(7 mars 1871) faisait ressortir que la diminution provenait de la
présence de l'ennemi sur plusieurs marchés d'écoulement, de
l'appel de nombreux ouvriers dans la garde mobile ou la garde
nationale mobilisée, et de ce qu'enfin les moyens de transport
avaient souvent fait défaut.
La consommation locale, augmentée par l'activité des in-
dustries de l'armement, racheta en partie le déficit deis expé-
ditions à destination lointaine.
La valeur vénale moyenne de la tonne était de 12 fr. 40,
contre 12 fr. 10 en 1869.
Le plus grave accident fut l'explosion au puits Villebœuf,
à Saint-Etienne : neuf tués et trois blessés (^).
L'ingénieur en chef, M. Tournaire, déclarait que la scission
qui s'était opérée dans les esprits était un mal auquel
il serait difficile de remédier. Le mineur, disait-il, débute
entre 12 et 14 ans, comme conducteur de chevaux ou rou-
leur. Il échappe à toute instruction S'il a su quelque chose,
il ne tarde pas à l'oublier. « Faudra-t-il plus tard lui en vouloir
beaucoup s<'il se livre à la débauche, à l'indiscipline et aux
menées des ambitieux de bas étage ? » On devrait lui donner,
outre le dimanche, deux jours ou au moins un jour de repos
corporel pour les consacrer à l'étude des connaissances élémen-
taires, et plus encore à l'évangélisation spirituelle. Sans doute
ce serait une difficulté dans l'organisation du travail, mais non
certes insoluble. Sans doute encore les parents comptent sur
la journée de leur fils, mais on pourrait vaincre cet obstacle
par un sacrifice d'argent que les exploitants devraient s'imposer.
A la longue, ce serait de l'argent bien placé. -
(1) M. Lkskihe a publié les chiffres comparatifs des années 1868 oi 1S70
{Historique, p. 253).
(2) Mémorial dr. In l.>r,r<\ |k juillet 1870.
— 776 —
1871
Ce fut une année de recueillemont, dit M. Le&eure.
Production : 3.139.000 bonnes, Vcaleu-r : 39 millions de francs,
15.564 ouivriers.
C'est en 1871, le 8 novembres qu'eut lieu la première des
grandes explosions du puits Jabin à Saint-Etienne. Elle coûta
la vie à soixante-dix ouvriers. Les derniers cadavres furent
retirés seulement le 10 janvier 1872. Une souscription en faveur
des victimes atteignit 24.000 francs.
1872
Production : 3.568.000 tonnes, 50 millions de francs, 18.682
ouvriers.
La production s'éleva à un chiffre considérable, malgré une
affluence exceptionnelle des eaux dans les travaux souterrains.
Les prix de vente étaient forteanent em hausse. La grande acti-
vité é& la métallurgie, les demandes considérables du com-
merce, les exportations en Italie, commencées avec l'ouverture
du Mont-Genis, en étaient les principales causes. La reprise
industrielle se manifestait de toutes parts ; reprise facti^
d'ailleoirs, car il fallait refaire ce que la guerre avait détruit.
La Compagnie du Creusot se rendit maîtresse de V amodiation
de Montaud pour 1 million, et des 12/100*^ de la mine de
Beaubrun, au prix de^ 5 millions, avec faculté de prendre en
nature la même quote-part des produits.
Les accidents mortels les plus graves furent l'explosion de
la Porchère (4 tués, 5 blessés) et l'explosion d'Unieux
(10 février).
Il y avait pénurie de main-d'œuvre, hausse du prix de la
vie. La hausse des salaiires s'opéra pacifiquement. Une menace
de grève à Pirminy et à la Compagnie de la Loire fui écartée
par une conciliation. L'augmentation accordée en 1872 dans tout
le bassin était de 25 centimes. En 1873, une autre augmentation
de 25 centimes fut accordée dans la plupart des mines. Plusieurs
Compagnies supprimèrent les retenues pour les Caisses de
secours, tout en conservant ces Caisses.
1873
Production : 3.936.000 tonnes, 71 millions de francs, 20.032
ouvriers.
— 777 — •
L'extraction avait atteint son chiffre maximum. Les houillères
étaient impuissantes à satisfaire aux demandes et principa-
lement à celles de la métallurgie, emportée dans une « poussée
vertigineuse ». Mais cette' <( activité fiévreuse » dura peu. Dès
l'automne, les stocks se reformèrent autour des puits.
Les prix avaient subi un© hausse considérable. Ils fléchirent
à partir d'octobre.
Marche satisfaisante, disait la Chambre de Commerce. Une
petite grève, du 16 au 22 juin, à Firminy, Villebceuf, Villars,
Dourdel, Montsalson, Quartier-Gaillard, se termina par une
augmentation de salaire de 25 à 40 centimes par jour.
La disette de charbon, en 1872-73, motiva une enquête parle-
mentaire en 1874. Le Comité des Houillères de la Loire déclara
que la hausse constituait à peine, pour les houillères moins
favorisées que d'autres, un prix suffisamment rémunérateur,
et qu'elle stimulait énergiquement la production.
La crise houillère ayant été générale, l'importation étrangère
n'avait pu combler l'insuffisance de la production nationale.
Le Comité attirait rattention du Parlement sur l'imprudence
de trop compter sur cette importation. En cas de guerre ou de
grande activité industrielle, elle Cuvait faire défaut au pays.
Il fallait accroître la production, c'est-à-dire rechercher des gi-
sements inconnus et développer les exploitations existantes (l).
Une mission en France et en Angleterre avait été confiée par
le Gouvernement, en 1866, à M. de Ruolz, inspecteur général
des mines et membre du Comité' consultatif des chemins de
fer, pour étudier la question des houilles:. Les résultats de cette
enquête, dûment complétée, ne furent publiés qu'en 1872-74.
Ils remplissent quatre volumes. On y trouve une monographie-
du bassin de la Ix)ire en 1864-1873. Je signale, entre autres ren-
seignements statistiques, le décompte du prix de revient moyen
de la houille dans le bassin de Samt-Etienne en 1867 (t. Il,
p. -474).
(1) Les i»''|^on.ses de la Chainbro de Commerce de Saint-Etienne et dii
Comit-6 (liOsS Houillères <1p In lyoiro à l'enqutMe parlementaire d'C 1874 ont
été publiées dans le Mcvwrinl de, la Loire (31 mars, 7, 8, 9 avril 1874).
Elles visent Ij-es amélloi-aLion.s à la loi de 1810 et les quesUoas de chemin.s
de fer.
— 778 —
De toutes parts, Ja crisiei commerciale de la houille sollicitait
l'attention du monde technique et du monde économique (i).
1874
Production : 3.543.(X)0 tonnes, 63 millions de francs, 17.850
ouvriers.
La crise était passée. « La chute fut brusque et profonde
pour la métallurgie. Elle fut plus lente sur le marché des
charbons. » La production diminua de 14 % L'emploi de plus
en plus grand des fours à gaz (Siemens) dans la métallurgie
faisait rechercher les houilles à la fois très pures et très riches
en gaz, celles de Montrambert, de la Béraudière, de la Malafolie
principalement.
L'accumulation des stocks ne faisait que grandir (120.000
tonnes au 31 décembre 1874). Les prix baissèrent de 2 fr. 50 à
3 fr. 50 par tonne pour les bonnes qualités, et davantage pour
les qualités inférieures. Au début de 1875, la baisse s'accentua •
on obtenait à 16 ou 17 francs les houilles à gaz de Montrambert,
à 19 fr. 50 celles de la Malafolie, les menus impurs de Roche-
la-Molière à 14 ou 15 francs, les cokes métallurgiques à 26 ou
27 francs au lieu de 40 francs (2).
La plupart des Com.pagnies avaient usé avec sagesse des
bénéfices extraordinaires de 1873 et constitué de fortes réserves
pour améliorer et développer leur exploitation (3).
1875
Production • 3.333.000 tonnes, 56 millions de francs, 18.500
ouvriers.
De 1875 à 1879, les circonscriptions minénalogiques furent
modifiées. Aussi la comparaison des chiffres avec ceux des
années précédentes n'est possible que pour l'ensemble des deux
groupes (Saint-Etienne et Rive-de-Gier) (^).
L'extraction continua à suivre la marche descendante inau-
(1) Voir : La crise commerciale de la houille, 1870-74 (Revue univer-
selle d€;s Mines, de la Métallurgie, des Travaux publics, etc., l'"^ série,
volume XXXVI, p. 296).
(2) Rapport de l'Ingénieur en chef (M. Leseure cite un marché de
coke à 60 fr.).
(3) Ibid.
(4) Leseure, p. 341
— 779 — ^
gurée vers la fin de 1873. La diminution des ventes était
beaucoup moins forte et les stocks s'abaissèrent à 53.000 tonnes.
L'année 1875 fut encore plus mauvaise pour la métallurgie.
La baisse des prix s'accentua et fut un peu supérieure à
1 franc par tonne (i).
Les salaires moyens étaient de : 5 fr. 75 pour les piqueurs,
4 fr. 65 pour' les mineurs (ouvriers qui abattaient au rocher) et
les boiseurs, 3 fr. 80 pour les rouleurs, 3 fr. 85 pour les rem-
blayeurs.
Les ouvriers descendaient de 5 heures à 6 heures du matin
. et remontaient de 4 à 5 heures du soir, après avoir suspendu
le travail de 11 h. 1/2 à 1 heure.
L'antique benne avait disparu. On descendait au moyen de
cages guidées et mises en mouvement par des machines (^).
Une explosion se produisit le 5 avril, au puits Dolomieu, à
Roche-la-Molière : 7 morts, 2 blessés.
1876
Production : 3.452.000 tonnes, 60 millions de francs, 18.204
ouvriers.
La production dépassa notablement celle de 1875, mais les
ventes n'ayant pas suivi la même marche, les stocks s'accu-
mulèrent. L'hiver très doux et la crise métallurgique étaient
les causes de cette situation.
Les prix de vente baissèrent de 1 fr. 40. Le prix moyen était
de 16 francs, se rapprochant de celui de 1872.
Une catastrophe éclata au puits Jabin, à Saint-Etienne, le
4 février, dépassant en horreur celle de 1871 : 186 ouvriers
périrent. En avril 1876, on retirait encore des cadavres et i'
en restait 25 à retrouver (3). Cet accident excita une émotion
profonde dans le pays et un remarquable élan de charité
publique. Le Comte de Chambord souscrivit pour iO.OOO francs.
Le maréchal-Président de la République fit remettre au Préfet
une somme de 5.000 francs. Le général d'Abzac, aide de camp
(1) Rapport (le l'Ingénieur en chef, M. Castel, successeur de M, Toiir-
naire (Conseil général, 1876).
(2) Mémorial de la l.<>ii>\ li septembre 1875.
(3) Mémorial de la Lidrc, 25 avril 1876.
_ 780 —
diui maréchal, assista aux funérailles des victimes. M. de Meaux,
ministre de l'Agriculture et du Commerce, député de la Loire,
était présent.
Ce funeste événement, disait l'ingénieur en chef, a mis à
l'ordre du jour l'étude du grisou, et des moyens à employer
pour en prévenir ou du moins pour en atténuer les effets.
L'Académie des Sciences nomma, en effet, une Commission du
grisou (^).
Il y eut une grève le 4 mai à Grand'Croix, une autre grève
au début du mois de juin à Lorette. Les grévistes de Grand'
Croix étaient au nombre de 580 et demandaient 0 fr. 25 d'aug-
mentation, demande qui fut re jetée par la Compagnie de Rive-
de-Gier. Le 13 mai, tout était rentré dans l'ordre P).
1877
Production : 3.292.000 tonnes, 53 millions de francs, 18.567
ouvriers.
La production avait encore diminn.é. L'industriel et su'rtout
la métallurgie étaient en état de souffrance.
Les Compagnies cherchèrent à maintenir la population, ou-
vrière, en réduisant le nombre des journées et en augmentant
considérablement leurs stocks.
Les prix diminuèrent d'environ 1 franc par tonne.
Comme les années précédentes, les travaux neufs étaient
poussés avec activité pour reconnaître la richesse des con-
cessions et créer de nouveaux champs d'exploitation.
Plusieurs des découvertes faites en 1877 ne manquaient pas
d'importance, notamment celles de Firminy, de la Béraudière,
de Beaubrun et de Méons.
187^
Production : 3.117.000 tonnes, 49 millions de francs, 16.900
ouvriers.
Encore en diminution par rapport à l'année précédente. Par
(1) Mémorial de la Loire, 27 mars 1876. Je rappelle que l'ingénieur
Jabin, professeur à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne, qui s'était signalé
par son dévouiement lors die l'inondation de la mine du BoOs-Monzil, en
1831, mourut le 31 mars 1833, dans un aocident de macliine à la mine-
de Bérard.
(2) Rapport de l'Ingénieur en chef (Conseil général, 1876). Mémorial
de la Loire, 6 et 8 ma^ 10 juin 1876.
— 781 —
suite de la situation génépale, la diminution de la production
eut pour corollaire une dimiDution dans la population ouvrière
et une nouvelle baisse des "prix.
Une explosion de grisou se produisit à Ptive-de-Gier (i). Elle
n'est même pas signalée spécialement dans le rapport de
l'Ingénieur en chef.
Formés en 'Chambre syndicale depuis 1876, les mineurs
formulèrent des revendications : augmentation des salaires,
journée de huit heures, etc.. (2).
J'ai signalé la participation des mines de la Loire à l'Expo
sition de 1878.
1879
Production : 3.048.000 tonnes, valeur 46 millions, /1 6.200 ou-
vriers.
Les dix premiers mois furent encore plus défavorables que
l'année 1878. Une reprise sérieuse se manifesta en novembre
et décembre, à cause de la rigueur de l'hiver (la Seine gela
à Paris) et de la reprise momentanée en métallurgie.
Parmi les faits remarquables d'exploitation (3) l'ingénieur en
chef signalait : à Beaubrun, l'installation, près de la recette du
puits de la Gulatte n° 1, de deux chambres muraillées devant
servir de salle d'attente, en dehors du courant d'air, aux ouvriers
prêts à remonter au jour ; à Beaubrun, l'installation de signaux
électriques de sonnerie et de signaux télégraphiques entre les
recettes intérieures du puits Châtelus n" 1 et le jour ; au Gros,
le remplacement de toutes les écairies souterraines au charbon
par des écuries au rocher ; à Méons, l'installation au puits
Saint-Louis d'un ventilateur, de pompes et de machines inté-
rioures d'extraction actionnées par l'air comprimé ; à Combe-
rigol, um arrosage bien organisé des galeries poussiéreuses.
Une c<itastrophe au puits Dolomieu, à Roche-la-Molière, le
24 décembre, fit 20 victimes. Le feu, allumé dans une écurie
souterraine, amena l'asphyxie de ces ouvriers (^*).
(1) Mémorial de la Loire, 14 octobre 1878.
(2) Ibid., 28 novembre 1878.
(3) A partir die oette date, les rapports de llnjîi'^nieur en chef, après
avoir énum«^r(^ les travaux neufs, résument les Fails remarquables de
VexplnitniUm.
(4) Hapijort (le riiig^ni«ur en chef (1H8<)). Mcmoiiai de la Loire,
il décembre 1879.
— 782 —
1880
Production : 3.542.000 tonnes, .52 millions de francs, 18.000
ouvriers.
L'accroissement était considérable : 433.000 tonnes par
rapport à 1879, grâce à la reprise métallurgique.
L'exploitation fut arrêtée en 1880 dans trois concessions :
la Baraillère, Unieux, Frigerin.
A Corbeyre et à Grand'Groix, on avait introduit, pour l'ex-
tinction des incendies souterrains, l'emploi de l'eau rendue
boueuse au moyen des poussières de charbon. Cet emploi avait
donné de bons résultats. L'usage de ces poussières est cependant
critiquable, disait l'ingénieur en chef ; il vaudrait mieux se
servir d'un mélarige de sable et d'argile.
Au puits Gharrin, à Grand'Groix, on exploitait les menus
laissés auitrefois comme remhlais. Le produit lavé donnait une
excellente houille.
Un incendie au puits Adrienne, à la Malafolie, fit 11 victimes
(27 décembre). De grands éboulements au puits Monterrad
(Malafolie) le 1^^ juin, au puits Dyèvre à la Béraudière (13 avril),
aiQ puits Luicy, à la Ghazotte, causèrent la mort de plusieurs
ouvriers.
A la suite de l'incendie à Roche-la-Molière, en 1879, le Préfet
(26 février 1880) interdit dans les écuries souterraines l'emploi
des lampes à feu nu: Il défendit l'accès de ces écuries à d'autres
personnes que les maîtres mineurs et les palefreniers.
Une grève éclata aux mines de Firmmy au mois de janvier (i).
1881
Production : 3.498.000 tonnes, 50 millions de francs. Nombre
d'ouvriers : 17.606.
La situation fut satisfaisante, les prix se maintinrent.
Parmi les faits remarquables d'exploitation, on signalait
l'installation au puits Thibaud, à Terrenoire, et aux puits
Saint-Antoine et du Ghêne à la Péronnière, de machines électro-
magnétiques pour actionner soit une pompe, soit un treuil de
plan incliné.
Le 17 mai, au puits Sagnat à Roche-la-Molière, une explo-
sion coûta la vie à huit ouvriers et en blessa trois autres, dont
(1) Voir le Mémorial de la Loire du 3 au 12 janvier 1880.
— 783 —
deux moururent le lendemain. Depoiis cette époque, il n'y eut
plus d'explosion de grisou à la Compagnie de Roche-la-Molière,
sauf cell« du puits Chapelon en 1890 (1 mort, 3 blessés).
D'autres accidents, sans conséquence au point de vue des
personnes, eurent des suites graves pour l'exploitation : incendie
du chevalement du puits Mars à Méons, le 24 août, qui amena
un chômage d'uH mois ; explosion de la poudrière du Montcel,
le 24 septembre, qui causa de nombreux dégâts ; rupture d'une
bobine d'extraction au puits Pélissier le 8 décembre ; incendie
souterrain au puits Sainte-Camille, à la Péronnière, le 18 no-
vembre.
Une grève fut signalée aux mines de lia Péronnière (i).
Le mouvement ouvrier prit un caractère très accusé à partir
du Congrès ouvrier socialiste de Saint-Etienne, le 16 juin 1881,
où Rondet formula le programme des mineurs : journée de
huit heures y compris une demi-heure pour la collation, abo-
lition du travail à la tâche, organisation d'une Caisse de secours
et de retraites centralisée et solidaire pour les mineurs du
bassin, création de délégués mineurs, conseil de prud'hommes.
1882
Production : 3.567.000 tonnes, 51 millions de francs, 16.y68
ouvriers.
La situation continuait à être satisfaisante. Les prix variaient
peu. Toutefois, on pressentait une crise métallurgique.
Une découverte d'une grande importance était la rencontre
à 600 mèkres, par le fonçage du; puits Sainte-Marie à Mont-
rambert, de la grande couche (3'"*) avec une puissance de
6 mètres de charbon d'une pureté remarquable.
L'usage des machines électro-magnétiques tendait à se ré-
pandre. On en installait dans plusieurs puits.
On employait l'eau boueuse à la Péronnière pour éteindre
un incendie souterrain, emploi qui était devenu d'un usage
courant à Commentry, où il avait été introduit par M. Fayol,
et dans les mines de Saône-et-Loire. Ce procédé était très
efficace (2).
(1) MéViniini, !■■ ;i.,,ii |,H81.
(2) Rapport de ringéniour en chef d<« Mines, M. Casteil.
— 784 —
Au puits Saint-Marcellin, à Comberigol (600 mètres), on
employait un no-uveau système de bennes pour les hommes,
dans les puits non guidés et très profonds. La benne était en
tôle d'acier, à deux étages et pouvait contenir douze hommes.
Une grève éclata le 14 juin à Saint-Chamond, 200 ouvriers
cessèrent le travail en demandant le renvoi de l'ingénieur, qui
ne fut pas accordé. La grève cessa le 26 juin (i).
C'est en cette année 1882 que se produisirent les événements
causés par des anarchistes à Montceau-les-Mines P).
La Chambre syndicale des Mineurs de la Loire soumit, en
1882, ses revendications au Parlement. Elle entra en rapport
direct avec un certain^ nombre de députés.
1883
Production : 3.614.000 tonnes, 58 millions de francs, 17.886
ouvriers.
La situation restait satisfaisante, les prix étaient sans
changements importants.
Indépendamment de la découverte faite à Montrambert
l'année précédente et poursuivie en 1883, il faut signaler les
découvertes aux puits Montmartre n° 1 et n" 2 de Beaubrun, de
plusieurs couches de bonnes puissance et qualité, les recon-
naissances sur la 15^ couche au puits du Fay (Montcel- Sorbiers),
la découverte de la Bâtarde avec une belle puissance, au. puits
Piney, de la Péronnière.
En 1883-84, l'exploitation de la Petit e-Ricamarie (v. p. 738),
concession de la Béraudière, cessa par suite d'épuisement dans
la portion en dehors de Vinvestison du tunnel de la
Ricamarie (3).
Les propriétaires de l'amodiation du Montcel-Ricamarie
(v. p. 739), dans la même concession, après avoir terminé le
dépilage des Brûlantes au niveau de 116 mètres du puits Catain,
cédèrent leurs droits à la Compagnie de Montrambert et de la
Béraudière, qui continua les travaux jusqu'au 16 juillet 1883 et
qui les abandonna à cause de la mauvaise qualité du charbon (4).
(1) Ihid. — Voir Mémorial de la Loire, 18 ju:n-3 juillet 1882.
(2') Le ju^emeat a été reproduit dans le Mémorial de la Loire du
19 octobre 1882.
(3) Rapport d.e l'ingénieur en chef, 1884.
(4) lUd.
— 785 —
On découvrit d'anciens travaux très voisins du sol à
Beaubrun, sous la rue Marthourey et les maisons de cette rue,
travaux que les concessionnaires furent invités à remblayer.
Une machine à air comprimé avait été installée au puits
Rigaudin à Saint-Ghamond, en 1882, pour le remontage des
bennes sur un plan incliné intérieur. Son fonctionnement
donnait toute satisfaction. Au puits de la Loire (Quartier-
Gaillard) les signaux se faisaient avec un appareil électrique
double. L'emploi de l'eau boueuse pour l'extinction des in-
cendies fut introduit à Gorbeyre. Au puits Grégoire (Reveux)
on arrosait d'une façon constante les chantiers, à cause de la
nature poussiéreuse du charbon. Au puits du Grand-Treuil,
sous la Manufacture d'armes, les galeries de traçage dans les
travaux de la 8^ couche étaient conduites à grande section sur
12 métrés de largeur, avec remblai au milieu sur 6 à 7 mètres,
disposition permettant de mieux aérer le front de taille d'avan-
cement.
Le premier Congrès national des Mineurs tint ses assises à
Saint-Etienne du 24 au 31 octobre 1883, et c'est au cours du
Congrès que la Fédération nationale des Mineurs fut fondée.
1884
Production : 3.189.000 tonnes, 47 millions. Nombre d'ouvriers :
16.130.
Il y avait une diminution de 400.000 tonnes par rapport à
1883. La métallurgie, déjà en diminution notable en 1883 par
rapport à 1882, était encore en décroissance à cause de la con-
currence des usines du littoral et de la Lorraine. Celles-ci,
grâce au procédé Thomas et Gilchrist pour la déphosphoration
des fontes, surgissaient comme par enchantement et menaçaient
d'enlever aux usines du Centre la fabrication totale des rails et
des produits marchands. Cette crise amena la faillite de la
Compagnie des mines de la Chazotte et, en 1888, celle de la
C>>mpagnie des Fonderies et Forges de Terrenoire, La Voulte et
Hessèges.
Les prix des menus et du coke métallurgique baissèrent. Les
autres prix sul)irent peu de changement.
La concession du Montcel-Sorbic^rs fui nclK'h'r |),ir la Com-
pagnie P.-Fj.-M. (octobre 1884).
— 786-
Les découvertes ae quelque importance furent : la recoupe
au puits Troussieux, à Roche-la-Molière, de la couche dite de
la Varenne, dune puissance de 15 m. 50, celle de la grande
couche de Rive-de-Gier dans la concession de Gomberigol, la
découverte de la couche Dure-Veine au puits Montmartre n'' 1
(Beaubrun).
Les amodiataires de Montaud, à Saint-Etienne, abandon-
nèrent et remblayèrent le puits des Marronniers' et le puits Neuf,
qui servaient à l'exploitation de cette amodiation.
A la Petite-Ricamarie , les glanages étant terminés, le puits
Delaynaud fut mis en chômage et désarmé.
Enquête de la Commission parlementaire des 44. — Une Com-
mission de la Chambre des Députés, chargée de faire une
enquête sur la situation des ouvriers de l'industrie et de l'agri-
tîulture en France, Commission présidée par M. SpuUer, nomma
une délégation chargée d'étudier sur place les causes de la crise
industrielle à Lyon et à Saint-Etienne. Cette délégation, pré-
sidée par M. Floquet, débarqua le 7 octobre à Saint-Etienne et
entendit les délégations patronales et ouvrières de toutes les
industries (i).
Le rapport de cette délégation indique la moyenne des sa-
laires dans les mines de la Loire, en 1854 et en 1883 :
1854 1883
Fr. Fr.
Piqueurs • ... ... 4-55 6 33
TraîneurSj rouleurs, etc ... 2 80 417
Remblayeurs 2 82 3 83
Boiseurs 3 60 4 60
Mineurs C) 3 93 4 78
Manœuvres 3 06 3 58
Gouverneurs 5 89 5 97
Ouvriers de l'extérieur {^) 2 19 2 63
La moyenne de l'augmentation, d'après la Commission, était
(1) Rapport de la délégation : Journal officiel, documents parlemen-
taires (Chambre), annexe 3446, p. 2.189.
(2) Ouvriers chargés d'ouvrir la mine à travers banc.
(3) Il s'agit d'une moyenne. Les forgerons, serruriiers, charpentiers,
gagnaient en 1854 : 2 fr 59, et en 1883 : 4 fr. 23.
— 787 —
inférieure à celles des objets de nécessité et des logements
(valeurs que la Commission n'indiquait pas).
Mais, en 1854, la moyenne de la journée était de 10 heures
et, en 1883, de 8 h. 1/2. Ce point était fort controversé. Rondet,
secrétaire de la Chambre syndicale des mineurs, déclarait que
la jo-urnée atteignait, dans certains puits, 13 h. 1/2 et même
14 h. 1/2. M. Villiers, directeur des Houillères de Saint-Etienne,
indiquait; pour' sa Compagnie, 8 h. 1/2 de travail réel, non
compris 3/4 d'heure pour descendre, 3/4 d'heure pour remonter,
I h. 1/4 pour déjeuner.
La délégation constatait l'élévation du prix de revient de la
houille dans le bassin, à cause des redevances tréfoncières (et
des difficultés d'extraction), en 1880 : 12 fr. 17 dans la Loire,
II fr. 25 en Saône-et-Loire, 10 fr. 55 dans le Gard, 10 fr. 16
dans le Nord et le Pas-de-Calais. S
En 1881, le prix de revient étant de 12 fr. 43 et le prix de
vente moyen de 15 fr. 61, le bénéfice brut était de 3 fr. 28. Mais
les dépenses d'extraction admises par l'Administration ne com-
prenaient ni les impôts (0 fr. 30), ni les frais d'administration
et de justice (0 fr. 10), m les charges financières des exploitants
(0 fr. 80). Total 1 fr. 20, ce qui ramenait à 2 francs le bénéfice
réel, résultat modeste eu égard aux risques et à l'incertitude
de l'exploitation.
Partant de ces chiffres, fournis par le directeur de la Com-
pagnie la plus prospère du bassin (Hoche-la-Molière) et qu'elle
considérait comme problématiques, la délégation concluait que,
pour une production de 3 millions de tonnes, le bénéfice ékiit
de 6 millions, réserves non déduites, et que C€ bénéfice per-
mettait, sinon d'augmenter les salaires, du moins de constituer
une épargne pour la vieillesse des ouvriers et pour le chômage.
Le prix (\v vente iiioNon était, en 1880, sur le carreau de la
mine, de 15 fr. 18 dans la Ijoire, de 13 fr. 77 en Saône-et-Loire,
de 12 fr. 10 dans le Gard, de 11 fr. 70 dians le Nord et le Pas-de-
(îalais.
L'extraction était restée stationnai re depuis 1865, puisqu'on
ixs:', rorririif en 1865 elle était de 3.100.000 tonnes, tandis que
'IN' du xNord et du Pas-de-Calais s'élevait de 3.600. (XX) tonnes
: ; '.49.000.
A 'M i <■ ilf l.i crise (|iii >(''\'iss;iil en ISS^ la r('Miu('li()ii de
- 788 —
travail était de 20 à 25 %,-et les renvois forcés d'ouvriers de
10 % (2.000 à 3.000 ouvriers d'après le Syndicat). La majeure
partie des ouvriers ne travaillaient que pendant une partie de
la semaine (3 ou 4 jours).
La délég-ation exposait le malaise causé de tout temps par la
cherté des transports. Le bassin de la Loire était taxé aux tarifs
les plus élevés pouT la houille. Il demandait le canal de la Loire
au Rhône.
Sur les réclamations des ouvriers, la délégation estimait
qu'on pouvait limiter la durée de la jouirnée à 10 heures, en y
comprenant le temps de la descente, de la montée et des repas,
de manière à ne faire que 8 heures de travail effectif. J'ai parlé
ailleurs de l'opinion de la Commission sur les Caisses de secours
et de retraites et sur la législation des accidents (v. p. 549).
1885
Production : 2.977.000 tonnes, 43 millions. Nombre d'ou-
vriers : 14.375.
Il fallait remonter bien en arrière pour retrouver une pro-
duction aussi peu importante. Les induistries de la Loire étaient
en pleine crise.
Les prix subirent une réduction notable, non seulement à
cause de la crise, mais par suite de la réduction des tarifs de
transport.
La réforme des tarifs en 1885 (v. p. 688), en effet, abaissa de
1 fr. 80 par tonne le prix de transport des charbons entre Saint-
Etienne et Lyon. Par suite d'une distance moindre, cet abais-
sement ne fut que de 1 fr. de Rive-de-Gier à Lyon. Dès lors,
il se produisit ce qui était arrivé en 1863 (v. p. 751), les mines
de Rive-de-Gier durent consentir une réduction de 0 fr. 80 sur
les prix de vente, dans le seul but de combler la différence et
de conserver le marché de Lyoïn. Au)ssi, l'année fut-elle parti-
culièrement lourde pour les Compagnies de Rive-de-Gier.
L'iabaissement de leurs prix n'atteignit pas moins de 2 francs
par tonne (i).
Dans la concession du Quartier-Gaillard, on découvrit la 8^
couche en fonçant le puits de la Loire, et un massif important
de cette couche au delà de la faille de La Chaux.
(1) Rapport de ririgéniieur en chef des Mines (Conseil général, 1886).
— 789 —
Dans ia concession de Méons, la Ib"" couche fut découverte au
puits Mars.
Dans la concession de Monthieux, les 11'', 12* et 13*^ couches,
en fonçant le puits du Noird-Ouest.
Enfin, dans la concession de la Péronnière, un massif de
quelque importance de la grande couche de Rive-de-Gier.
1886
Production : 2.751.000 tonnes, 49 millions. Nombre d'ou-
vriers : 13.354.
Il fallait remonter à vingt ans en arrière pou.r trouver une
production aussi faible.
Les prix subirent un nouvel affaissement, principalement sur
les cha.rbons pour usines et chaudières.
Les découvertes de quelque importance se résumaient ainsi :
au puits Montsalson, un lambeau de la 3*^ co'uche ; au puits
Rambaud (Gluizel), une couche de 1 m. 80 de puissance ; au
puits de la Pompe (le Treuil), une couche de 1 m. 20 de puis-
sance, de médiocre qualité ; au puits Ambroise (Villebœuf), la
11* couche ; au puits Saint-Antoine (La Péronnière), un lambeau
de grande couche ; au puits des Orès (Collenon), le prolon-
gement de la grande couche.
La Compagnie des Houillères de Rive-de-Gier cessa ses
travaux dans les divisions de Rive-de-Gier et de Lorette, où
depuis longtemps elle était en pjrte. Elle ne conserva plus en
activité que la division de Grand'Groix (i). C'est alors qu'in-
tervint la Chambre syndicale des Mineurs du Gier, qui avec
le concours de M. Laur, député, obtint l'abandon de propriété
des concessions, et qui créa la Mine aux Mineurs du Gier
(v. p. 559).
T^ne catastrophe au puits Ambroise, à Villebœuf, motiva des
IMjur.suites correctionnelles (2).
C'est en 1886 que fut assassiné, pendant la grève de Decaze-
ville et dans des circonstances époiivan tables, le malheureux
Watrin, ingénieur de l'Ecole de Saint-Etienne, qui avait été
attaché à la Compagnie des Fonderies et Forges de Terrenoire
— 790 —
(usines de Saint-Julien, Vienne, La Voulte et Bessèges). Watrin
était accusé d'être trop sévère, de vouloir réduire le salaire,
d'exploiter l'ouvrier par des économats. Cet assassinat fut glo-
rifié par le parti socialiste. Rocliefort employa couramment le
verbe watriner pour désigner l'assassinat d'un patron. Depuis
cette époque, VAnmiaire de la Société amicale des Anciens
Elèves rappelle que Watrin fut assassiné pour avoir voulu
rester fidèle à son devoir (i).
1887
Production : 2.951.000 tonnes, 49 millions. Nombre d'ou-
vriers : 13.181.
La période de décroissance paraissait arrivée à son terme,
la métaillurgie accusant un léger relèvement.
Aucune variation sensible n'affectait les prix de vente.
Les découvertes de houiille effectuées en 1887 furent de mi-
nime importance : une petite couche au puits Rambaud, un
banc de houille au puits Ambroise, la 12^ couche au puits
Saint-Louis, etc..
En 1887, commença la série des terribles explosions de grisou,
qui ne devait cesser qu'avec l'année 1891. Le l^'" mars, au puits
Ghâtelus n*' 1 (BeaAiibrun), à 9 heures du matin, une explosion
fit 85 victimes. Il y eut 79 morts (2).
1888
Production : 3.119.000 tonnes, 40 millions. Nombre d'ou-
vriers : 13.709.
L'accroissement fut assez important, grâce à un surcroît
d'activité métallurgique et malgré la chute retentissante de la
Compagnie des Forges de Terronoire. Les autres usines étaient
bien outillées pour la fabrication de certains produits spéciaux,
en faveur desquels elles délaissèrent de plus en plus les produits
d'usage courant, comme les rails et les fers marchands.
Les travaux de recherches, en 1888, n'eurent qu'une très faible
importance et donnèrent peu de résultats. Le seul fait à retenir
(1) Voir le dliscours prononcé à la Société {Mémorial de la Loire,
21 mai 1886).
(2) Ce grave accident donna lieu à des poursuites correctionnelles
(Voir Mémorial de la Loire, 11 mars
se rapportait à la petite couche de 1 m. 30, découverte à
l'étage de 405 mètres au puits Rambaud.
Depuis la grève de 1869, les conflits collectifs qui avaient
éclaté dans le bassin de la Loire étaient de peu d'importance.
L'année 1888 et l'année 1890 virent naître des grèves longues,
sérieuises et générales.
Les ouvriers de la Compagnie des Mines de la Loire, groupés
en Syndicat spécial, réclamèrent la journée de huit heures, la
suppression des retenues pour alimenter les Caisses de secours
et de retraites. Sur le refus de La Compagnie, la grève éclata
et dura quarante jours. L'accord s'établit &uir la durée de la
journée et l'heure de sortie de la mme. La durée de la journée
resta fixée à 10 heures. La Compagnie accorda. 50 centimes
d'augmentation aux piqueurs.
Le mouvement gréviste gagna les concessions de Beaubrun
et de Villebœuf. Une grave échauffourée eut pour théâtre le
puits du Treuil, le 25 septembre (i).
Cette grève provoqua des tiraillements et des dissensions, qui
aboutirent à la fondation de syndicats dissidents.
RENSEIGNEMENTS RÉCAPITULATIFS (1870-1888)
De 1870 à 1888 la production annuelle atteignit son maximum
en iS73 et son niinimuni en iSSO.
Ce sont ces années 1873 et 1886 que je prendrai pour types de
comparaison (2).
1873 1886'
Tonnage de la production 3.941.000 tonnes 2.788.000 tonnes
Valeur de la production. 71 millions de francs 38.980.000 francs
Prix moyen par tonne. . . 18 fr. 04 13 fr. 98
Nombre d'ouvriers 20.191 14.168
Journées de travail 6.016.467 3.752.772
Salaires 23.028.561 francs 15.364.371 francs
(1) Voir Mémuriai d.. i,i Loire, 26 avril et jours suivants (grève par-
tielle au puits (Je la Loire). 2() juillet (grève à Beaubrun), !«■• août (tin
de la grève de Villars, oa'l-e de Beaubnm oontinue), 21 et 22 septembre
(longs artif'hîs .sur la grève des mineurs de la Ix>ire), 24 septembi-e, 26
sept/embre (échauffourôe au puiits du Treuil), 9 août (grève à Villebœuf).
(2) Statistique de L'Industrie minérale.
- 792 —
On sait que le prix moyen de la tonne ne signifie pas grand
chose au point de vue oommercial. Il faut considérer les prix
par natuire et qualité. Je cite quelques prix H) .
1872 (*)
(15 novembre)
Pérats durs l'"" qualité 35 à 40 fr.
Charbon pour le gaz, l'^ qualité 20 à 21 »
Menu de forge 1^« qualité. 19 à 20 »
Charbon de chauffage l" qualité 18 à 19 »
— — 2« — .... 16 à 17 »
Coke pour hauts fourneaux 30 à 32 »
Petit coke pour chauffage 22 à 25 »
188»)
1
"■ août
33 à 36 fr
18
à 20 »
22
à 25 »
13 à 14 »
11 »
18
à 19 »
19
à 20 ).
Pour les salaires moyens, je prends les indications fournies
par deux Compagnies importantes du bassin (3) •
A l'intérieur
A 1 extérieur
Ensemble
1873
1886
1873
4886
4873
4886
Fr.
Fr.
Fr.
Fr.
Fr,
Fx.
C'« de Roche-la-Molière. . .
4 25
4 63
2 58
2 98
3 66
3 99
Société Houillères de Saint-
Etienne
4 50
4 67
2 71
2 82
4 09
3 98
La Société des Houiillères de Saint-Etienne, depuis l'Expo-
sition de 1889, a publié, dans ses notices à roccasion des
expositions, des tableaux statistiques récapitulatifs remontant
à l'origine de cette Société^ c'est-à-dire à 1854, et s'appiiquant
(1) Prix-courants {Bulletin âk Vlndustrie minérale).
(2) Il manquiB à nctre coilLeiction le Bulletin de Vlndustrie minérales
de 1873. En outre, les prix d'hiver (1872) sont forcément plus élevés que
les prix d'été (1886). — M. d^e Ruôiz, dans son enquête (t. II, p. 476)
donne une liste de prix-courants au 20 décembre 1873.
(3) D'après les notices publiées par ces Compagnies, à ro<Jcasion
die l'Exposition de Lyon.
— 793 —
à la production totale de ses concessions, à la production par
homme, à la production par journée, au prix moyen des
journées, à l'agglomération et à la carbonisation. Ces documents
sont extrêmement utiles à consulter. Les autres Compagnies
auraient bien dû imiter cet exemple.
Je relève les salaires moyens de 1854 à 1888 aux Houillères
de Saint-Etienne, de cinq en oinq ans :
A l'intérieur A l'extérieur Ensemble
1854 3,43
1859 3,59
1864 3,89
1869. . 4,09
1874 4,59
1879 4,59
1884 4,75
1888 4,62
C'est un exern^ple de plus de la hausse continuelle du salaire
nominal, hausse indépendante des fluctuations de Vindustrie.
Toutefois, il y a un correctif sérieux à apporter à cette con-
clusion. Il faudrait conniaître non seulement le salaire moyen
par jour, mais surtout le salaire annuel. En temps de crise, en
effet, les ouvriers subissent des chômages, et, dans les mines,
le nombre des journées de travail par semaine se trouve réduit.
Le Comité des Houillères de la Loire, dans lia notice à l'oc-
casion de l'Exposition de Saint-Louis, en 1904, n'a indiqué le
prix moyen de la journée qu'à partir de 1882, et pour l'ensemble
des Compagnies adhérentes au Comité :
Intérieur Extérieur Knsomblc
1HK:>. . 4,63
1884 4,66
1886. . 4.66
1888 4.7:}
2,19
3,11
2,49
3,34
2,38
3,55
2,52
3,70
2,73
4,15
2,80
4,14
2,89
4,08
2,83
3,94
2,96
4.11
3,08
4,11
3,08
4,09
3,11
4,17
— 794 —
Le Comité indiquait que, de 1882 à 1888, la durée du temps
consacré au travctil était de 6 heures du matin à 4 heures du
soir et au delà (l).
Les rapports de l'Ingénieur en chef des Mines n'indiquent
qu'à partir de 1881 la production moyenne annuelle -par
ouvrier :
Production Production
par ouvrier par ouvrier
de de l'intérieur
rintérieur et de Pextérieur .
Saint-Etienne 303 t. 203 t.
En 1881 ^ Rive-de-Gier 208t. 170t.
Bassin entier 289 t. 197 t.
Saint-Etienne 371t. 239t.
En 1888 <! Rive-de-Gier 225 t. 161t.
/Bassin entier 348t. 227t.
]
En 1881, le maximum par ouvrier était atteint au Gros :
402 tonnes par ouvrier de l'intérieur, 281 par ouvrier soit de
l'intérieur, soit de l'extérieur.
En 1888, le maximum était atteint à Montramberfc : 424 tonnes
et 300 tonnes suivant les distinctions précédentes.
Je relève, dans la notice précédente de la Société des Houillères
de Saint-Etienne, les chiffres de prod2iction par journée d'ou-
vrier à rinlérieur :
1855.
1869.
1881.
1888.
Il n'est pas nécessaire de faire remarquer que la production,
soit totale, soit individuelle, est influencée notamment par les
variations très grandes que présentent les exploitations entre
elles.
de l'intérieur
piqueur
1 t. 38
non indiquée
1 t. 55
—
1 t. 45
6 t. 19
1 t. 61
7 t. 21
(1) Notice, p. 25.
795 —
La distribution des combustibles extraits du bassin de la
Loire fut la suivante en 1873 et en 1886 :
Loire 1.257.000 t.
Rhôn- '... 944.000t.
Ardèche 357.000 t.
Isère 268.000 t.
Saône et Loire.. 213.000t.
de 50.000 à
100.000 t.,
suivant le
département.
de 20.000 à
50. 000 tonnes,
suivant le
département.
Var, Savoie, ( de 10.000 à
Drôme, Loiret,
Seine. Jura, Côte-
d'Or, Ain.
Bouches - du - i
Rhône, Nièvre,
Doubs.
Vaucluse, Seine- \ 20. 000 tonnes,
suivant le
département.
de 1.000 à
10.000 tonnes,
suivant le
département.
et -Marne, Haute-
Loire.
14 départements,
divers.
13 départements.
moins de
1.000 tonnes
par
département.
Italie 158.170
Suisse 7:Mr,0 \ -.'37.780 t,
Allemagne. ..tj, 'iGU
-1886
Loire 1.198.000t.
Rhône 781.000t.
Isère 247.000t.
Ardèche
Drôme.
Ai
S
[ dé
de 50.000 à
100.000 t.
par
département.
Savoie, Bou-
ches-du-Rhône,
Haute-Loire, Saô-
ne-et- Loire, Côte-
d'Or.
de 20.000 à
50.000 tonnes
par
département.
Haute-Savoie, [ de 10.000 à
- \ 20.000 tonnes
Puy-de-Dôme, Sei
ne, Nièvre, Vau-
cluse.
13 départements.
7 départements.
Italie..
Suisse
28.900
47.200
par
département ,
de 1.000 à
10.000 tonnes
par
département.
de 200 K
1 . 000 t(»nn«'s
par
département.
7H.10I) t
- 796 -
La consommation du dé parlement de la Loire, en 1873 et
1886, était alimentée par les bassins énurnérés ci-après :
1873
Loir€. .
Brassac.
Saint-Eloy.
Roanne (anthra-
cite).
Sainte-Foy-l'Argen-
tière. •
Ahun
Valenciennes.
1.257.000 t.
7.950 t.
6.380 t.
5.020 t.
3.000 t.
140 t.
20 t.
ISHfi
Saint-Etienne. . .
Roannais
Creusot^ et Blanzy
Ghapelle-s/-Dun. .
Bert
Sainte-Foy-rArgen
tière. .
Commentry. • . . .
1.198.500 t.
2.500 t.
13.600 t.
8.200 t.
6.300 t.
6.300 t.
300 t.
Pour terminer, je cite les chiffres de Ja consomm^atioii et de
la -production françaises en 1873 et 1886 (l) :
1
1
Années
Consommation
(tonnes)
Production
(tonnes)'
PRIX
MOYEN
sur les lieux
d'extraction
sur les lieux
de consommation
1873
1886
24.702.000
29.519.000
17.479
19.910
16 fr. 61
11 fr. 19
31 fr. 83
19 fr 79
(1) L'Industrie houillère de 1811 à 1902 (circulaire du Comité des
houillères de France. N" 2640, 16 mars 1904).
CHAPITRE XV
SITUATION GÉNÉRALE de 1889 à 1899
u lieu de répartir — comme dans les deux
précédents chapitres — les renseignements de
cette période en trois paragraphes distincts, nous
groupons ces renseignements en un seul para-
graphe chronologique.
1889
Production : :i404.000 tonnes, 42.800.000 francs, 14.627
ouvriers.
I.a prodiiciioii chiii en progression sensible depuis 1886.
L'élt''\ -ili'ii (lu |)ti\ (le vente (en moyenne 0 fr. 75 par tonne)
se nianifc.-^l.i ;i pirlii- du dernier trimestre, principalement sur
les cokes cl rwr N s menus.
l'-ii jiiil'cl, (\rr '^vi'Vi'-- |);irl iclic- iiuilcrt'iil le hassin : au puits
.\nil)r<ii,-i', de la (:<Mii|»aLj nie dt- VilJehonrf, et à iSt-Chamond (1).
Lc.> >alaires n'auLiiaiilcrent que d'une manière très légère :
de 0 fr. 05 ; à Rive-de-Gier, où ils étaient restés inférieurs à
ceux fie- aiih'cs niiucs du hassin. di* 0 fr. 25.
l/in'_( iiicur <Mi fi ici'. M. r,li()s>()n, préconisait la construction
'lu caual df la Loire au lUn^iic |M)ur- facililci' rccouU'ment des
cliatlMifc (II' la Loire.
(1) V(»ir Mniininil di- lu l.mn-, i. |;.' jiiilhV
— 798 —
Une épouvantable catastrophe se produisit le 3 juillet au
puits Verpilleux, des Houillères de Saint-Etienne. Elle fit
213 victimes, dont 207 morts et 6 blessés. Le commandant
Cordier, de la maison du Président de la République, les
Ministres de Tlntérieur et des Travaux publics, MM. Constans
et Yves Guyot, assistèrent aux obsèques. Le Parlement vota
un secours de 200.000 francs. Des souscriptions, ouvertes dans
toute lia France, produisirent une somme de 606.000 francs.
L'Exposition de 1889 conserva, dans le rapport de la classe 48,
la documentation abondante éparse dans les notices des Com-
pagnies houillères de la Loire : Montrambert, Roche-la-Molière,
la Loire, Saint-Etienne.
1890
Production : 3.531.000 tonnes, 49.862.000 francs, 16.946 ou-
vriers.
La marche ascendante de la production continuait. Le ma-
ximum, eu, égard amx moyens d'extraction dont disposaient les
Compagnies, était atteint. Mais ce maximum eût été dépassé
sans les grèves de l'année 1890 et sans les accidents.
Les grèves furent très nombreuses. Tout le bassin fut agité :
Fin janvier, grève laru puits Desrosiers, de la Compagnie de
la Loire.
Du 17 au 24 février, grève à Monthieux de 450 ouvriers, à
cause du renvoi d'un ouvrier pour insubordination. La punition
fut transformée en mise à pied de huit jours.
Le 3 mars, grève de 500 O'uvriers à la Péronnière, qui ré-
clamaient 0 fr. 50 d augmentation, le chauffage gratuit, le droit
de choisir le médecin, les médicaments gratuits. Cinq jours
après, sur les instances du Préfet, ils obtinrent 0 fr. 25 d'aug-
mentation, 2.400 kg. de charbon par an, le droit de choisir entre
quatre médecins, les médicaments gratuits.
Le 12 mars, grève aux mines du Gros.
Le 25 mars, grève des trieurs de charbon à la Péronnière.
Le 6 juin, grève des mineurs de Villebœuf.
Le 8 juin, grève générale décrétée à la suite du Congrès de
Jolimont (Belgique) et sur la base des revendications du
— 799 —
Congrès : journée de huit heuires à 8 fr., réforme des Caisses de
retraites et de secours mises à la charge des Compagnies, etc.,
La grève, qui s'étendit à 10.000 mineurs, se termina le 20 juin
par un échec.
Le 8 octobre, grève à Firminy et à Roche-la-Molière de
1.800 ouvriers, pour obtenir une augmentation des salaires. Elle
se termina le 11 novembre. La Compagnie répondit que les
salaires à Firminy étaient aussi élevés qu'à Montrambert, et
que, si on lui signalait des infériorités, elle les ferait dispa-
raître ; 180 ouvriers ne furent pas repris, la plupart quittèrent
le pays. La Compagnie augmenta ses libéralités pour les Caisses
de secours et de retraites, et créa une Caisse de maladies (l).
Ces grèves s'étaient étendues à tout le bassin de Rive-de-
Gier pendant le premier semestre, aux Compagnies de Vil-
lebœuf, du Cros, de iMonthieux, de Beaubrun et des Houillères
de Saint-Etienne au mois de j>uin, à la Compagnie de Roche-
la-Molière et Firminy en octobre-novembre. Seules les grèves
de janvier-février à Saint-Etienne n'avaient affecté que le puits
Desrosiers (Quartier-Gaillard) et le puits Jabin (concession de
Terrenoire) (2). '
A l'occasion de ces grèves, on vit éclore de nombreux syn-
dicats locaux. La Fédération déparlementale, créée en 1889,
avait décrété la grève générale du mois de juin (v. p. 564).
En outre, la production fut affectée par* la catastrophe du
puits Pélissier, à Saint-Etienne, le 29 juillet. L'explosion de
grisou fit 156 victimes : 116 morts et 40 blessés. Le cardinal-
archevêque de Lyon, Mgr Foulon, présida la cérémonie funèbre,
pli le Président de la République fut représenté par le capitaine
de vaisseau de Maigret. M. Yves Goiyot, ministre des Travaux
publics, assista aux obsèques.
Le ministère public intenta des poursuites au sujet de cette
explosion et de l'explosion de Verpilleux en 1889. Le procès
de Verpilleux se déroula du 3 au 17 septembre devant le Tri-
bunal correctionnel, le procès de Villeboeoif commença le 23 oc-
tobre. Le Tribunal prononça un acquittement pour Verpilleux,
(1) Le.seurk, p. 105. Dans le livre <le (l'Office du Travail : Lea asso.
dations proft'SffionneUes ouvrières, î, p. 364, il ast dit que la Compa-
pnie promit d^e réviser les tarifs, de maJiière à les iN^ndre »''(]niv;ileiit»^
à ceux d«s autres Compagnies. •
(2) Rapport do l'iiisi^nienr on rhrf.
- 800 —
mais le ministère public en appela à la Cour (0 janvier 1891).
Il y eut des condamnations pouir Villebœuf et une interpellation
à la Chambre (24 janvier 1891). On trouvera le texte des ju-
gements et arrêts dans les collections des journaux locaux, aux
dates correspondantes.
La loi de 1890 sur les délégués mineurs fut motivée en partie
par la volonté d'enm.yer ces accidents.
Sans ces faits accidentels graves et surtout sans les grèves,
l'extraction eût dépassé notablement 3.536.000 tonnes. La seule
grève de Firminy avait fait perdre 60.000 tonnes.
Les prix accusèrent, par rapport à 1889, une hausse de i fr.
à 1 fr. 25 par tonne portant de préférence sur les qualités indus-
trielles.
Les recherches n'eurent qu'une minime importance en 1890.
On découvrit cependant, à la profondeur de 630 mètres, la
13^ couche, par le puits du Treuil.
C'est en 1890 que fut formée une nouvelle Compagnie houil-
lère de Saint-Chamond (^).
Aux Houillères de Rive-de-Gier, M. François Bonnet succéda
à M. Raveaud, directeur.
La Compagnie de la Péronnière se rendit acquéreur de la
concession de Comberigol, à la suite de la liquidation de la
Compagnie des Forges de Terrenoire.
1891
Production : 3.751.000 tonnes, 56.892.000 francs, 18.768 ou-
vriers.
L'augmentation de la production, qui atteignit le maximum
connu jusque-là, tint aux demandes très nombreuses et très
importantes pendant les trois premiers trimestres. Le ralen-
tissement fut considérable pendant le quatrième. Mais l'im-
portance de la production tint aussi à l'absence des grèves.
Les prix de vente augmentèrent également, l'effectif du per-
sonnel subit un accroissement sensible (28 % depuis 1889, 10 %
depuis 1890). Le montant des salaires s'éleva à 25 millions de
francs. La production individuelle par ouvrier avait encore
baissé (994 kg. par journée en 1891, contre 1.121 en 1890).
(1) Voir Mémorial de la Loire, 28 mars 1890.
— 801 —
Je ne puis analyser les observations générales techniques de
l'ingénieur en chef. Elles comportent une longue énumération
quant aux découvertes, plus ou moins importantes, à Roche-la-
Molière, Montrambert, Saint -Etienne, Beaubrun, Le Gros. Le
puits Gouchoud, au Plat-du-Gier, avait atteint la grande
couche de Rive-de-Gier, à 775 mètres, couche d'une épaisseur de
charbon de 8 m.' 95, ce charbon étant plus maigre que celui des
autres régions de la même couche.
Les travaux furent repris dans la concession d'Unieux et
Fraisses (Aciéries de la Miarine) et dans celle de la Baraillère.
Des améliorations importantes avaient été réalisées dans
l'aérage et l'éclairage des mines à grisou et dans le tirage des
Qoups de mine (i). Sous l'impulsion de l'Administration des
Mines et en particulier de l'inspecteur général Laur, le nombre
des mines grisouteuses aérées par simple action naturelle di-
minuait considérablement.
Enfin, l'année 1891 vit disparaître les anciens modes de
fermeture des lampes de sûreté. Dans les nouveaux systèmes
(fermeture magnétique inventée par M. Villiers et fermeture
aui rivet de plomb) l'ouverture laissait des traces apparentes.
La poudre noire, interdite pour le tirage des coups de mine
en 1890 (l*"" août), fut remplacée par des explosifs de sûreté
(grisoutine, grisounite ou explosif Favier, coton octo-nitrique).
G'est en 1891 que la Société amodiataire des Mines de
Monthieux œssa son exploitation et que se constitua la Mine
aux Mineurs de Monthieux (v. p. 561).
G'est également en 1891 que le Gomité des Hooiillères de la
Loire décida de créer les cours pratiques pour les aspirants-
gouverneurs, « excellente école pour les sous-officiers qui en-
cadrent l'armée des travailleurs des mines », disait l'ingénieur
en chef, M. de Castelnau (2).
Il n'y eut, en fait de chômage volontaire, qu'une grève d'une
centaine de mécaniciens des Gompagnies, et une autre grève
dans un puits de la Société de Rive-de-Gier. Diverses Gom-
(1) Voir Ja iiorneiKlatiiro dans le rapport <ile l'ingénlieuir en ch€f
{Conseil général de la Loire-, août 1890.1.
(2) Voir |) 55K ot !<• rapport de rinxériiemr en rhef {Conseil général
1802, ses.sion d'aoïV. i» r..ll, ]m< p. 716, 1894, p. 69«).
— 802 —
pagnies, celles de Montrambert et de la Péronnière notamment,
accordèrent des améliorations de salaires et augmentèrent le
taux des retraites (^).
Une explosion de grisou se produisit au puits de la Manu-
facture, de la Société des Houillères de Saint-Etienne, le
6 décembre 189J. Elle fit une soixantaine de victimes. Ce fut
la dernière de la série des grandes explosions, commencée en
1887. Elle eut également des suites judiciaires (2). M. Yves
Guyot, ministre des Travaux publics, assista aux funérailles.
La i-éunion des concessions de Comberigol, du Plat-du-Gier
et de la Péronnière fut autorisée par décret du 28 décembre 1891.
C'est en 1891 que mourut, à Toulon, M. Leroux, architecte
renommé à Saint-Etienne, né à Prunoy (Loir-et-Cher), ancien
élève des Arts et Métiers d'Angers, organisateur des expositions
houillères de la Loire.
Les Compagnies, après avoir décidé en principe de s'abstenir,
prirent part tardivement et incomplètement à l'Exposition de
Saint-Etienne en 1891, organisée place du Treuil, depuis place
Sadi-Carnot. Le livre de M. Marins Vachon a conservé le sou-
venir de cette exposition, soit pou,r les houillères (p. 92 et
suivantes), soit pour les autres industries. Un arc de triomphe
en charbons agglomérés, éclairé le soir par des lampes de
mineurs, fut élevé par les Sociétés de la Loire, Saint-Etienne,
Villebœuif et le Gros, et ce portique improvisé attira beaucoup
plus l'attention des profanes que le côté scientifique de l'ex-
ploitation.
1892
Production : 3.492.000 tonnes, 51.598.000 francs, 17.633 ou-
vriers.
Un arrêt de la Cour d'appel de Lyon, du 10 août 1892, pro-
nonça la liquidation de La Compagnie des Mines de Beaubrun.
La concession de Beaubrun fut mise en vente par devant le
Tribunal de Saint-Etienne. La Société des Mines de la Loire,
qui possédait 62 parts sur 100 dans la Compagnie de Beaubrun,
(1) Voir Mémorial de la Loire, Il mai 1891 : Office du Travail, op.
cit. p. 365.
(2) Ibid. 17 décembre 1892.
— 803 —
se rendit acquéreur de la concession pour 10.100.000 francs
(1*"" juin 1893), dont elle n'eut à payer que les 38 centièmes aux
co-propriétaires de la concession. La mise à prix était de
5 millions. Cette Compagnie avait demiandé la licitation pour
faire cesser l'indivision (i).
La concession de Chaney (Houillères de Saint-Etienne) fut
remise en activité. Il en fut de même pour les concessions de
Trémolin et des Grandes-Flaches. L'exploitation prit fin dans
la concession de la Pomme.
La diminution de La, production avait commencé à la fin de
l'année 1891. Elle tenait à des causes diverses : un hiver très
doux, le refoulement des charbons de la Loire par la baisse du
fret de l'Angleterre sur Marseille, la concurrence des prix des
houillères allemandes sur le marché suisse, etc..
Les prix de vente diminuèrent en moyenne de 1 franc par
tonne.
Le montant des salaires payés fut de 22 millions, car le
nombre des ouvriers occupés diminua (2).
Des progrès importants avaient été réalisés dans l'outillage
des mines du bassin de Rive-de-Gier et l'aénage puissant et
rationnel des mines à grisou faisait des progrès de plus en plus
sensibles.
1893
Production : 3.448.000 tonnes, 49.954.000 francs, 17.437 ou-
vriers.
La réunion de la concession de la Porchère à la Compagnie
de Rive-de-Gier, qui l'avait achetée en 1886, fut autorisée par
un décret du 21 août 1893. Cette concession fut amodiée à
M. Ponsonnard.
M. Pinel, sous-directeur de la Compagnie de Montrambert,
fut remplacé le V' juin 1893 par M. Murgue, ingénieur à la
Compagnie de Bessèges. Les beaux travaux de M. Murgue
(1) Voir p. 482 et le Mémorial de la Loire des 9 mars 1889 (Hiatoriqw
de la concession de Beaubrun), 26, 29 ma: ejt 19 juin 1891, 7 mai et
11 Juin 1893.
(2) Le rapport de l'inpénieur en clief, M de Castelnau. beaucoup
plus complet qu<» relui <lo s<>s pr<^décesseurs, rcnformp un tabWMU de
salaires en 1892.
— 804 —
sur l'aérage des mines, publiés dans le Bulletin de Vlnduslrie
minérale, avaient été traduits en anglais dès 1881 et publiés
à Londres (i).
M. Murg^ue devait, le T'" juillet 1895, succéder à M. de
Villaine, directeur de la Compagnie de Montrambert, et rester
en fonctions jusqu'au 31 décembre 1914. Je renvoie à la belle
notice que M. Paul Petit, directeur des Houillères de Saint-
Etienne, a publiée en 1919 dans le Bulletin de V Industrie
vvinérale (;2).
Aux Houillères de Saint-Etienne, M. Chansselle, ingénieur
principal, fut remplacé par M. Paul Petit, qui avait été chargé
d'une partie du service de M. Chansselle depuis le l*"" novembre
1892. Les catastrophes dues au grisou ne furent pas étrangères
au départ de M. Chansselle. M. Petit, ingénieur de l'Ecole de
Saint-Etienne, venait des mines du Nord. Il devait succéder à
M. Villiers, directeur, en 1903.
Aux Houillères de Rive-de-Gier, M. Mathevon, ancien ingé-
nieur à Terrenoire, remplaça M. Bonnet.
Les mines de Montaud, à Saint-Elienne, exploitées ancien-
nement par une Société civile, avaient été achetées vers 1874
par la Compagnie du Creusot. En 1884, leur production était
de 60.000 tonnes. Le prix de revient était supérieur au prix de
vente à cause de la qualité des charbons et des déchets de
lavage. L'exploitation empiétait sur celle de la Cornpagnie des
Houillères de Saint-Etienne. Le territoire de ces mines était
compris dans le périmètre des concessions de la Compagnie de
la Loire Cet empiétement motiva une instance judiciaire fort
longue, qui débuta par un jugement du Tribunal civil de Saint-
Etienne en 1884. En 1893, après cassation, le procès revenait
devant la Cour d'appel de Nîmes (3).
En 1893 fut constituée la première Société des Mines de la
(1) Mémorial de la Loire, 17 novembre 1881,
(2) M. Murgue (Danie|l),nié le 7 août 1840 à Saint-Etienne, mort à
Lyon le 9 octobre 1918, ing-énieur de l'Ecole de Saint-Etienne, chevaliieir
de la Légion d'bonneuir, membrie de la Chambre de Commerce de
Saint-Etienne, Président du Comité dies houillères de la Loire.
(3) Voir Mémorial de la Lovre, 11 janvier et 14 février 1884, 28 mai
et 11 juin 1893.
— 805 —
Haute-Gappe. La Société actuelle de la Haute-Cappe exploite
un ensemble de concessions dont l'origine est diverse :
La majeure partie des couches affleurant dariiS la région haute
(le ces. conces"sions était exploitée, antérieurement à 1890, par
diverses Sociétés ou particuliers, à l'aide de « descenderies » ou
petits puits, La plupart du temps, arrivés à un petit accident, l'aille,
serrée, etc..., Ifes exploitants s'arrêtaient pour ne pas engager de
dépenses trop considérables. En outre, ils disposaient de moyen»
d'épuisement primitifs, et l'eau fut pour eux un très grand
obstacle dès qu'ils allaient «n, profondeur. Dans la partie basse de
ces concessions, au contraire, des exploitations furent conduites
par des Sociétés qui ouvrirent divers puits sérieux, notamment Je
puits Saùit-Denis, mais une partie de ces travaux fut perdue par
suite d'une mauvaise connaissance des couches de cette région.
•Ces couches se décomposent en : couche supérieure ou » Décou-
verte », dune puissance moyenne de 0 m. 80 ; une grande couche
célèbre par la qualité de ses produits et dont l'épaisseur varie de
6 à 10 mètres, et un faisceau de couches inférieures dites « Bâtar-
des )), dont la puissance est très variable et ne semble pas dépasser
3 mètres dans la meilleure partie.
Les travaux du puits Saint-Denis, entrepris pour rechercher la
grande couche, tombèrent sur la « Découverte », qui fut prise pour
une déformation de la grande couche, et dans laquelle des travaux
furent conduits pour chercher son élargissement qui, bien entendu,
ne vint jamais.
En 1893, M. René Simon entreprit une étude méthodique de cette
région, et arriva à la certitude que des lambeaux importants de la
grande couche devaient se trouver dans la partie inexploitée, et
notamment dans les concessions de Corbeyre, de Collenon et du
Reclus, décrites dans l'ouvrage de M. Gruner connue devant
renfermer une couche très irrégulière et très affaiblie.
Associé à MM. Giraudet, Langlois et Guillemin, il créa une petite
Société, constituée en 18'93, au capital de 300.000 francs, sous le
nom de Société anonyme des mines de la Haute-Cappe. Il com-
mença par arrondir son domaine minier en amodiant les conces-
sions de Corbeyre et de la Cappe, car la Société ne possédait en
propre que la concession de Collenon. Pendant quelques amiées,
cette petite Société vécut en faisant des travaux de glanage dans
la partie haute de ces concessions et ses bénéfices, joints à des
ressources nouvelles, lui permirent d'entreprendre en 1890 le
fonçagc du puits (iuilicmin, en même temps que l'épuisement était
conduit par le vieux puit.s de Corbeyre. En 1902, le puits Guillem.in,
après avoir traversé à 210 mètres de profondeur la « Découverte »,
atteignait à 300 mètres de profondeur la grande couche dans un
lambeau très régulier, d'une épaisseur moyenne de 9 mètres, limité
par trois failles, lamix-au (|ui a déjà donné onvimn, ,'KK).0(K> toniies,
<'t (lui n'«'st pis (■(icoif épuisé, l-ji VM)i, M. l^'né Simon était. l)rus-
- 806 —
quement emporté par la maladie, au moment où il venait d'amodier
une partie de la concession du Reclus, dite aujourd'hui concession
d'Assailly, concession qui renfermait les vieux puits d'Assailly et
Saint-Denis.
La Société des mines de la Haute-G'appe, dont le capital était
insuffisant pour une exploitation devenue importante, puisqu'elle
atteignait, dès 1905, 50.000 tonnes, fut alors dissoute et reconstituée
la même année, avec siège social à Paris, au capital de
1.250.000 fr. (1).
Je reviens à la situation générale.
La production de 1893 était en baisse sur celle de 1892, qui
elle-même était en diminution par rapport à celle de 1891. On
signalait cependant une amélioration pendant le second se-
mestre. Dans l'ensemble, les prix subirent une diminution
moyenne de 0 fr. 39 par tonne.
La production du coke était de 116.000 tonnes et celle des
agglomérés de 209.000, contre 106.000 et 236.000 tonnes en 1892.
Le montant des salaires représentait 22.428.000 francs. Il y
eut quelque agitation chez les ouvriers, mais une seule grève —
partielle — fut signalée au puits Verpilleux (2).
Parmi les faits techniques, un des plus importants fut la
mise en exploitation de la 13*^ couche au puits du Treuil, des
Houillères de Saint- Etienne, à 620 mètres de profondeur. De
nouveaux progrès furent réalisés dans raérage des mines.
1894
Production : 3.284.000 tonnes, 47.500.000 francs, 16.657 ou-
vriers.
La Compagnie des Mines de la Loire, usant de la faculté
prévue par la loi de 1893, demanda et obtint de se transformer
en société libre. Cette transformation la dispensa d'une auto-
risation pour rémission d'un emprunt de 5 millions, destiné à
payer l'achat de la concession de Beaubrun.
Les concessions de Gravenand et de Frigerin furent remises
en activité, celle de Gravenand fut amodiée à une Société de
quatre ouvriers.
C'est en 1894 que M. Michalowski devmt ingénieur en chef
(1) Note fournie par la nouvelle Société des mines de la Haute-Cappe,
(1911).
(2) Voir Mémorial de la Loire, 11 avril et 10 octobre 1890.
— 807 —
de la Compagnie, sous la direction de M. Du Rousset, à qui il
devait succéder en 1906 et jusqu'en 1911 (i).
La Compagnie des Mines de Saint-Chamond en liquidation
mit en. adjudication la concession, au prix de 400.000 francs.
Aucun acquéreur ne se présenta.
La diminution de la production était consécutive à la baisse
des affaires dans la métallurgie, à la douceur de l'hiver, à la
réduction des débouchés en Suisse et en Italie.
La production de coke fut de 86.000 tonnes et celle des agglo-
mérés de 188.000.
Les prix subirent une certaine diminution pour quelques
qualités, mais le prix moyen ne fut pas affecté par des variations
sensibles.
Le montant des salaires distribués s'élevait à 21.605.000 francs.
Le salaire moyen à l'inférieur était de 4 fr. 76, à l'extérieur de
3 fr. 30, pour l'ensemble 4 fr. 25. A quelques centimes près, ces
salaires étaient ceux de 1893.
C'est en 1894 (29 juin) que fut promulguée la loi sur les
Caisses de retraites et de secours des ouvriers mineurs.
La nomenclature des observations de l'ingénieur en chef sur
la technique de l'exploitation remplit près de douze grandes
pages.
Plusieurs Compagnies et le Comité des Houillères de la Loire
prirent p<irt à l'P.xposition de Lyon.
1895
Production : 3.434.000 tonnes, 48.600.000 francs, 17.093 ou-
vriers.
La concession de Combeplaine (Dubuis et Raymond) fut re-
mise en activité par un amodiataire, M. Benoit.
(1) M. Michalowskl (Paul), ingénieur de l'Eoole de Saint-Etieiuie,
n<é à Paris, mort à Saint-Etienne le 15 octobre 1914, tHait le fils du
docteur Miichalowski, qui eut .son. heure de célc^hrité à Saint-Ktiennie,
où on le connaissait .sous le nom du « Polonais ». Il était Polonais
de naissance et «! s'était réfugié en France après ^'insurrection <lie 1H32.
Reçu (loct-eiir en 18,%, ;"i Mont[>elLier, il se fixa à Saint-Etienne sur U^^
conseils de .lulos Janin. Ant/eur de nombreux articles dans les Atmalcs
fie la Société (VAuriruUurc, de la Ivoire e>X d'un ouvrage Quarante ans
de 'pratique rnédiralc. C'éUi/it J'oncle du compositeur Ma,«senpt. Vers
1876 11 .se retira à Paris comme bibliothécaire de la liibliothéque |h>I()-
naiise, où il mourut. (Voir Mémorial de la Loire, 18 nuil 1893). M.
Paul Michailowski était le père du notaire mort des blessures reçues
an rharnp d'honneur en 1914.
La Compagnie de Roche-la-Molière et Firminy, société civile
constituée en 1869 pour faire suite aux modifications intervenues
dans la Société créée en 1820, se constitua en Société anonyme le
9 mai 1895 au capital de 3.600.000 francs, représenté par 36.000
actions nominatives de 100 francs, mais dont la valeur en
Bourse était bien supérieure.
C'est en octobre 1895 que M. Voisin succéda à M. Verny,
directeur de cette Compagnie. Ingénieur en chef au Corps des
Mines, ingénieuir en chef à la Compagnie, de Roche-la-Molière
depuis 1881, M. Voisin est resté directeur jusqu'en 1919. Sa
direction a été des plus fécondes (i).
M. Garand remplaça M. Voisin comme ingénieur en chef.
Avant M. Voism, ce poste avait été occupé par M. Luyton de
1853 à 1874, et par M. Mire de 1875 à 1881.
A Montrambert, M. Murgue remplaça à la direction M. de
Villaine (v. p. 803-804). L'ingénieur principal fut M. Buisson de
1891 à 1899, et ensuite M. Rodde.
Aux Houillères de Rive-de-Gier, M. Antonin Couchoud rem-
plaça à la direction M. Mathevon de 1895 à 1899.
La durée exceptionnelle de l'hiver et la légère reprise qui
(1) M. Voisin (François-Honoré) (est né à Pagny-la-B^anche-Côte (Meuse)
en 1848. Miembre de ia Chambre die Commerce de Saint-Et'enne, pré-
sident dfa Comité des Houillèreis de la Lyoire, chevalier de la Lég-ion
d'honneur depu's 1900, officier depuis 1920. — Voici un état des faits
qui ont signalé sa direction :
Ponçage du puits Cambefort à la Malafolie, approfondissement du
puits Gruner à Roche. Ponçage de divers puits d'aérage ou à remblais
(puits de lia Girard; ère, de Poule-Noire, de l'Essartery I .et II, de
Frécon à Roche, puits de la Cour à Pirminyj. — Installation de
pompes électriques, d'ateliers de criblage mécanique, d,e puissants
lavoirs à la Malafolie eit à Roche (celuiKîi P'Cut traiter 80 tonnes de
charboiu à l'heure) ; des .stations électrogènes à la Malafolie, à la
Varenne, à Rocli.e ; d'une b.atterie de fours à coke à récupération
de sous-produ;t,s, à Roche (une partie du gaz de ces fours à coke,
amenée par une conduite de 6 km. de longueur, sert à l'éclairage des
villes de Firminy et d,u Chambon' ; canalisation de l'Ondaine, de
l'Echapre, etc., pour empêcher T'cau de descendre dans la mine par
les fissures produites par i'eixploitati.on souterraine. — En 1899, instal-
lation à la Varen;n,e d'un premier vestiaire-lavabo avec bainis-douches
(c'était ie premier du bassin houiller de la I/Oire). — Etablissement
des primes accordées aux ouvrliers pour ancienneté et assiduité au
travail. — Construction des citéis ouvrières du Pontin, die Beaulieu
et du Barrage. — A rédigé, comme membre de la Chambre de Com-
merce de Saint-Etienne, tro-iis rapports sur le canal de la Loire au
Rhône i,1910, 1918, 1919) et un rapport siur le canal de Saint-Etienne
à Roanne (1911), qui ont été publiés. — Auteur d'une étude sur les
sources minérales de Vichy, publiée dans les Annales des mines.
— 809 -
se manifesta, dans les derniers mois, dans la métallurgie firent
augmenter la production des houillères. Néanmoins, le prix
moyen sur le oarreau de la mine descendit de 14 fr. 31 en 1894
à 14 fr. 15. La Compagnie de la Loire arrêta ses fours à coke
du Cluzel et la Compagnie de la Péronnière renonça à cette
fabrication. Seules, les Compagnies de Firminy et de Saint-
Etienne restèrent producteurs de coke. Il restait aussi quelques
fours à Beaubrun.
Les salaires moyens étaient, pour l'intérieur, de 4 fr. 78 et,
}X>ur l'extérieur, de 3 fr. 29, pour l'ensemble de 4 fr. 25. Le
salaire annuel avait augmenté. Il y avait eu moins de chômage
qu'en 1894 (288, moyenne des postes, contre 280).
1896
Production : 3.500.000 tonnes, 49 millions de francs, 17.000
ouvriers.
Les concessions de Janon, Frigerin, Couzon et Crozagaque
furent mises en chômage. La concession de la Pomme fut
achetée par MM. Perret et Blachet.
La Société des Houillères de Samt-Etienne se transforma en
Société anonyme. Les acquéreurs de la concession de Saint-
Chamond se constituèrent également en Société anonyme.
La forte demande des charbons industriels et particulièrement
des menus à coke fit augmenter la production, qui atteignit le
chiffre de 1890. Le mouvement de reprise fut assez accentué
vers la fin de l'année. L'augmentation fut considérable surtout
dians la concession de Roche-la-Molière. La prodiuction de coke
s'éleva de 91.000 tonnes à 113.000. Une légère baisse se pro-
duisit, sur les agglomérés, les chemins de fer P.-L.-M. con-
sommant de plus en plus des menus pour le chauffage des lo-
comotives.
Le prix moyen était de 13 fr. 91. 11 y avait une baisse de
0 fr. 26 par rapport à i895, bien que la demande ait été plus
forte, mais cette demande n'atteignait pas l'importance de la
pr(xiuction. En outre, les houilles de la \A)'ive luttaient de plus
en plus contre la concurrence des houillères du Gard et de
l'Aveyron, refoulées par les houilles anglaises à Marseille et
à Bordeaux, et contre les charbons de Blanzy amenés p«r eau
il Lyon et à Roanne.
— 810 —
Les charbons d'usine se maintenaient au prix de 15 francs ;
les ookes, s'écoulant (liifîcilement par suite du petit nombre de
hauts fourneaux, tombèreni à 23 francs et 20 francs (l).
Salaires moyens : 4 fr. 76 à l'intérieur, 3 fr. 28 à l'extérieur,
4 fr. 24 dans l'ensemble. Le salaire annuel avait augmenté à
cause du petit nombre de jours de chômage. Il était estimé par
l'ingénieur en chef à 1.470 francs (intérieur), 1.004 francs (ex-
térieur), 1.307 francs (ensemble).
1897
Production : 3.707.000 tonnes, 50 millions de francs, 17.649
ouvriers.
La concession de Couzon fut remise en exploitation.
C'est toujours la demande des charbons industriels qui dé-
terminiait l'augmentation de la production.
Cependant le prix moyen était tombé à 13 fr. 71 ; mais, d'après
l'ingénieur en chef, ce résultat devait être partiellement attri-
bué au mode de calcul plus exact de l'extraction adopté par les
ingénieurs des mines ; les charbons de service, qui figuraient
pour la première fois dans la statistique avec leur poids réel,
étaient, en effet, des produits de moindre qualité.
La Chambre de Commerce constatait que les prix n'avaient
pas vairié sensiblement, mais une tendance à la hausse s'était
manifestée pendant les deux derniers mois sur une faible partie
des livraisons, car une forte proportion consistait en marchés
contractés au cours de l'année.
Il n'y eut pas de chômage proprement dit, mais seulement
u^ne petite grève de cinq jours aux mines de Villebœuf (.t
un peu d'agitation dans la vallée du Gier. Les salaires jour-
naliers s'étaient légèrement relevés : 4 fr. 80 au fond, 3 fr. 22
au jour, dans l'ensemble 4 fr. 29. Les salaires annuels étaient
évalués à 1.456 francs (fond), 971 francs (jour), 1.285 francs
(ensemble).
Déjà on parlait de la houille blanche, destinée à remplacer
complètement un jour ia houille noire. L'expression avait été
inventée en 1892 par M. Berges, à Grenoble.
(1) Rapport de la Chambre de Commerce.
' - 811 ^
1898
Production : 3.863.000 tonnes, 60 millions de francs, 18.194
ouvriers.
La demande des charbons industriels fut telle, à cause de
la grande activité métallurgique, que le Bassin aurait pu
écouler une production plus grande, mais nombre de mines
manquèrent d'ouvriers pour augmenter le tonnage, et sur phi?
d'un point les travaux préparatoires étaient en retard.
La carbonisation et ragglomération furent très actives :
110.000 tonnes de coke et 192.000 d'agglomérés.
Le prix moyen de la tonne de houille se releva à 14 fr. 23.
La hausse se produisit d'abord sur les charbons industriels.
Salaires journaliers moyens : 4 fr. 98 (fond), 3 fr. 41 (jour),
4 fr. 45 (ensemble).
Salaires annuels : 1.524 fr. (fond), 970 fr. (jour), 1.285 fr.
(ensemble).
Il y eut de l'agitation dans le monde des mineurs à la fin de
l'année. Les Gom.pagnies accordèrent quelques augmentations
ou firent quelques concessions quant aux institutions de pré-
voyance.
La Société civile des Mineurs du Gier (Mine aux Mineuirs)
vendit les cinq concessions du Reclus, de la Verrerie, de Ghan-
tegraine, de la Montagne-du-Feu, du Gourd-Marin et de Groza-
gaque.
G'est en 1898 que la Société des Houillères de Saint-Etienne
demanda la fusion de ses concessions pour éviter' les incon-
vénients de l'application rigoureuse de la loi de 1810, qui
conserve à chaque concession son individualité propre et ses
charges particulières. Ges inconvénients se réfèrent au calcul
de la redevance proportionnelle et suiHout aux travaux communs
qui peuvent amener la cassation de l'exploitation dans l'une
des concessions et l'application des sanctions de la loi de 1810 (i).
Je ne puis passer sous silence le retour en 1898, en qualité de
secrétaire général, à la Gompagnie de Roche-larMolière et
Firminy, où il avait dé])uté ingénieur, de M. F^andrivon qui, à
son départ de- mi' . - de Trélys (Gard) en 1882, avait été l'objet
d'une manifestation très touchante et très rare de la part des
(1) Voir Leseuhe, p. 271.
— 812 —
ouvriers mineurs. Kn souvenir des regrets que leur causait son
départ, les mineurs de Ilochessadoule remirent à leur chef
vénéré une grande médaille d'or avec cette inscription :
A M. Landrivon, ingénieur^ ses ouvriers reconnaissants (i).
Le poste de secrétaire général fut créé en 1895 à la Com-
pagnie de Roche-la-Molière et Firminy, fut occupé parM.Imbert
jusqu'en 1896, par M. Planchard de 1896 à 1898, et enfin par
M. Landrivon.
1899
Production : 3.809.000 tonnes, 58 millions de francs, 18.500
ouvriers.
La Société de la Haute-Cappe fut autorisée, par décret du
10 août, à réunir les trois concessions de Corbeyre, de la Gappe
et de Collenon.
Les concessionnaires de la Baraillère furent déchus de leurs
droits par arrêté du 18 avril 1900.
La Société des Mineurs du Gier vendit les concessions de
Combes, Egarande, Verchère-Féloin, Verchère-Fleurdelix et
Couzon.
Aux Houillères de Rive-de-Gier, M. Vital Arnaud remplaça
M. Coucho'ud, directeur.
Légèrement inférieure à la production de 1898, celle de 1899
fut influencée par la grève de la Chazotte au mois d'août, et par
la grève générale du 26 décembre 1899 au 8 janvier 1900. Mais
au cours de l'année les mines manquèrent de bras.
La carbonisation et l'agglomération conservèrent une grande
activité : 113.000 tonnes de coke et 208.000 d'agglomérés.
La grève éclata au moment où la production ne pouvait suf
fire à la consommation. Elle coïncida avec la longue grève des
tisseurs en rubans. Des menaces avaient été lancées en 1898.
En décembre 1899, le Comité fédéral ouvrier demanda 0 fr. 50
d'augmentation par jour, la reconnaissance du Comité par les
Compagnies, la réduction de la journée de travail. Les Com
(1) Voir Mémorial de la Loire du 25 septembre 1882. M. Landrivon
(Antoine), né à Feurs en 1852, appartient à la promotion 1873 de
l'Ecole des mines de Saint-Etienne.
— 813 —
pagnies offrirent 5 % d'augmentation, puis 0 fr. 25, puis 0 fr. 30,
et la remonte à 3 heures quand la tache était finie, à moins
de force majeure. Sur la question de la reconnaissance, elles
s'en référèrent à l'arbitrage, Waldeck-Rousseau dans la grève
du Greusot.
La grève avait éclaté le 26 décembre. Elle fut générale le 28.
Les 4-6 janvier intervint l'arbitrage Jaurès-Gruner (i). Les
salaires furent relevés de 9 %, avec minimum de 0 fr. 30 et
maximum de 0 fr. 50. Une procédure spéciale régla, par puits,
les questions relatives à l'heure de la remonte. La présence dans
la mine fut réduite d'une demi-heure (de 6 heures du matin à
3 heures au lieu de 3 h. 1/2, avec repos de 11 heures à midi),
mais à la condition que la quantité de travail à fooiirnir par les
ouvriers à la tâche ne serait pas dimmuée du fait des ouvriers.
En 1901, une autre procédure arbitrale devait déterminer si
les conditions de l'industrie permettaient des augmentations.
La grève fut terminée le 7 janvier 1900.
Elle fit perdre 70.000 tonnes à la production. Des ateliers
furent mis en chômage. Des usines ne continuèrent à travailler
qu'en faisant venir du charbon anglais. Pour la première fois
ce charbon fut importé à Saint-Etienne.
En 1899, les salaires avaient continué à progresser lentement :
4 fr. 91 (fond), 3 fr. 40 (jour), 4 fr. 40 (ensemble). Salaire an-
nuel : 1.485 francs (fond), 997 francs (jour), 1.317 francs (en-
semble).
RENSEIGNEMENTS RÉCAPITULATIFS (1889-1899)
Sociétés exploitantes. - J'ai donné au cours des pages qui
précèdent, année par année, les principaux changements inter-
venus. Il ne reste qu'à les compléter :
IjCS actions do la Gompagnie de Montrambort pendant cette
(1) Jaurès pour les ouvriers, Grurier pour les compagnies. M. Gruner,
secrétaire ^én^Tal du Comité des liouLLlôivs de FrajK-^ (depuis, vice-
président) est le fils de l'aniien d'irecleiu- <U' i'I'X'ole des mines de
Saint-Etienne.
— 814 — '
période oscillèrent entre 805 francs en 189G et 952 francs en 1890.
Les actions de la Société des Houillères de Saint-Etienne,
transformée en Société anonyme libre en 1896, subirent une
hausse considérable. De 252 francs en 1889, elles s'élevèrent à
490 francs en 1899.
Les actions de la Société des Mines de la Loire, transformée
en Société anonyme libre en 1894, qui éitaient de 142 francs en
1889, s'élevèrent à 267 francs en 1899. La Société était devenue
seule propriétaire de la concession de Beaubrun.
Les actions de la Compagnie de Roche-la-MoIière et Fir-
miny, cotées 1.289 francs en 1899, étaient cotées 1.873 francs
en 1899.
Enfin, les actions de la Société des Houillères de Rive-de-Gier
n'avaient qu'une valeur très réduite 'à cause de l'épuisement
des concessions de ce sous-bassin. Le plus haut cours moyen
annuel, celui de 1894, fut de 53 francs.
J'ai cité et je complète les nominations intervenues dans les
hautes fonctions de ces Compagnies : MM. Murgue, directeur
à Montrambert (1895), Voisin à Firminy (1895), plusieurs di-
recteurs successifs à Rive-de-Gier. En 1899, la Porchère aippar-
tenait aux Houillères de Rive-de-Gier, elle était exploitée par
M. Ponsonnard. A ViUebœuf, M. Perrève avait remplacé
M. Nan. Janon et Reveux, appartenant jadis à la Compagnie des
Forges de Terrenoire, appartenaient aux Houillères de Saint-
Etienne ; Monthieux appartenait à la Mine aux Mineurs. Les
ooncessionnaires de la Baraillère étaient déchus de leurs droits.
Le groupe de la Chazotte, la Calaminière, Beuclas, Sorbiers,
Montcel, appartenant à la Compagnie P.-L.-M., avaient pour
directeur M. Sangoy, successeur de M. Wéry. La Société des
Houillères de Rive-de-Gier avait vui disperser une partie de ses
concessions, les unes cédées à la Mine aux Mineurs de Rive-de-
Gier et revendues par cette Société ouvrière. Elle ne possédait
plus le Reclus, qui appartenait à MM. Arbel, Cossange et
Deschanel ; Collenon, Ccrbeyre et lai Cappe, exploitées par la
Société de la Haute-Cappe (directeur, M. Simon) ; la Montagne-
du-Feu et les Verchères-Féloin, appartenant à MM. Berne
frères ; le Gourd-Marin, à MM. Monnet et Pironnet ; Croza-
gaque, à MM. Robert frères ; les Verchères-Fleurdelix, à
MM. Joassard et Vivier ; Combes et Egarande, à M. Roussel ;
— 815 —
Gouzon, à M. Fond ; Gravenand, à MM. Dubuit frères et
Raymond ; le Sardon et le Martoret, à M. Dubuis ; la Verrerie,
à M. Gossange. Il restait à la Gompagnie de Rive-de-Gier :
Grand'Groix, Gorbeyre, la Gappe et Frigerin.
La Péronnière avait acheté le Plat-duGier et Gomberigol ;
directeur, M. Gharousset. Le Ban et la Faverge étaient réunis
sous la direction de M. Girard-Teillard ; au Mouillon, M. Balp
avait remplacé M. Laffay ; au Gouloux, M. Paret avait remplacé
MM. Exbrayat et Richier ; à Gombeplaine, M. Benoit avait
remplacé M. Debuit ; à Tartaras, M. Gorday avait remplacé
M. Bruyias. La Gompagnie des Grandes-Flaches (directeur,
M. Benoit) qui possédait les Grandes-Flaches, Montbressieux,
la Gatonnière, la Pomme et Trémolin, avait ses concessions
dispersées. Les Grandes-Flaches, la Gatonnière appartenaient h
M. Gossange, qui possédait aussi Frigerin, Verrerie et Ghante-
gra.ine ; Montbressieux était à M. Béthenod, la Pomme à
MM. Peyret et Blacheyre ; Trémolin à M. Françon.
Enfin, la nouvelle Société de Saint-Ghamond avait pour di-
recteur M. Duc.
Sur les soixante-quatre concessions de houille, il n'y en avait
que quarante -cinq en activité en 1899. Dans le sous-bassin de
Saint-Etienne, Gôte-Thiollière, Reveux, la Baraillère, Janon,
Sorbiers, Ronzy, Saint-Jean-Bonnefonds, Beuclas, La Sibertière,
et, dans le sous-bassin de Rive-de-Gier, la Gappe, Gorbeyre,
Grozagiaque, Gouzon, Frigerm, Gourd-Marin, les deux con-
cessions des Verchères, le Martoret, Gouloux figuraient avec des
guillemets dans la statistique de 1899. Tandis que la riche
concession de Roche-la-Molière et Firminy dépassait 905.000
tonnes, celle de la Pomme n'accusait que 83 tonnes. I^ sous-
bassin de Saint-Etienne accusait 3.442.000 tonnes, celui de
Rive-de-Gier n'en accusait que 367.000. Les principales Gom-
pagnies étaient celles de Roche-la-Molière (905.000 tonnes),
Montrambert et la Béraudière (754.000 tonnes), les Mines de
la Loire (651.000 tonnes), les Houillères de Saint-Etienne
(607.000 tonnes). Venaient ensuite la Péronnière (233.000 tonnes),
le groupe P.-L.-M. de la Ghazotte (193.000 tonnes), le Gros et
VillehfBuf, qui dépassaient chacun 1(K).0()0 tonnes, la Mine aux
Mineurs de Monthieux (55.000 tonnes), les Houillères do Rive-
de-Gier (43.000 tonnes), Saint-Ghiimond (32.000 tonnes), le Ban-
— 816 -
la Faverge (27.000 tonnes). Je crois inutile de continuer la
^amme descendante.
Observations techniques. — Il m'était impossible de résumer
les observations techniques, parfois très longues, de l'Ingénieur
en chef énumérant dans les rapports annuels les recherches,
les améliorations aux méthodes d'exploitation et à l'outillage,
les questions rekitives au grisou et autres feux, les statistiques
de l'épuisement des eaux, du remblayage, du lavage, des ac-
cidents, ni de résumer également les nombreux mémoires
publiés par des ingénieurs de la région dans le Builelin de
Vlnduslrie imnérale. A mesure qu'on pénètre dans la période
contemporaine, les documents, rar issmies à une épKDque reculée,
clairsemés à une époque pl'us récente, deviennent de plus en
plus nombreux, au risque de défier l'histoire, qui, d'ailleurs,
ne s'écrit qu'à distance. A vouloir tout signaler, on risque des
omissions certaines, essentielles et regrettables. D'ailleurs,
pendant la période 1889-1899, trois ingénieurs en chef se suc-
cédèrent : MM. Chosson jusqu'en 1891, de Casteln.au de 1891
à 1896, Tauzin depuis 1896. Le cadre des rapports annuels de ces
hauts fonctionnaires fut changé trois fois, à chaque nomination.
Ces changements ne permettent pas toujours de faire des com-
paraisons.
L'Exposition de 1900, inalgré ses dimensions, ne pouvait
présenter qu'un inventaire incomplet de l'industrie houillère.
Les rappoirts du Jury (classe 63) décrivirent : le guidage par
longrines éclissées des mines de Montrambert pour compenser
les effets de tassement des puits ; l'installation du poiits de la
Pompe à Saint-Etienne, réalisée dans une descenderie de
remblais pour l'obtention de l'air comprimé ; l'évite-molettes
de M. Villiers destiné à agir automatiquement, avant rarrivée
des cages au jour, sur un frein à double énergie et sur les tiroirs
de distribution de la vapeur aux machines ; les barrières semi-
automatiques pour les recettes des puits d'extraction des mines
de Montrambert ; la pompe électrique du puits de la Loire ;
les ventilateurs Râteau et les ventilateurs Mortier (l) ; l'ajus-
(1) M. Râteau était alors professeur à l'Ecole des mines de Saint-
Etienne. M. Mortier est un anc'én élève de cette éooSe.
— 817 -
tage convergent-divergent des Houillères de Saint-Etienne,
destiné à remplacer la porte à guichet pour accroître l'intensité
du courant d'air d'un circuit dérivé ; l'appareil réchauffeuT
d'air des mines de Montrambert ; l'auto-capteur de* M. Petit,
destiné à capter automatiquement et presque sans discontinuité
l'air grisouiteux de la mine, en effectuaint des prises d'une durée
réglable à vol où té, qu'on analyse au laboratoire par la méthode
des limites d'inflammabilité (l) ; l'appareil enregistreur du
volume d'air par seconde dans une galerie de mine, imaginé
par M. Murgue ; la machine à agglomérer Gouffinhal ; les
presses à agglomérés ovoïdes de l'Horme et de la Buire, etc....
Renseignements statistiqijes. — De 1889 à 1899, la production
annuelle atteignit son maximum en 1898 et son minimum
en 1894.
Ce sont ces deux années que je prends pour type de com-
paraison :
1894 1898
Tonnage de la production 3.284.000 t. 3.863.000 t.
Valeur de la production 47.500.000 fr. 54.989-000 fr.
Prix moyen par tonne.* 14 fr. 48 14 fr. 23
Nombre d'ouvriers 16.657 18-194
I intérieur 4 fr. 76 4 f r. 98
Salaire moyen ) extérieur ' 3 fr. 30 3 fr. 41
( ensemble. 4 f r. 25 4 fr. 45
Produjction moyenn,e \ intérieur 318 tonnes 324 tonnes
par ouvrier / fond et jour 205 — 212 —
Je rappelle que la production individuelle, si elle dépend
de la personnalité de l'ouvrier, dépend aussi des conditions
naturelles du gîte et de l'organisation des mines, de leur en-
tretien, de leur <iérage, de l'organisation du travail au chantier,
du mode d'établissement du salaire. Un ouvrier qui travaille
dans ime atmosphère purifiée et rafraîchie par un bon courant
d'air ï)r(Kluit i)his (\\ir <\] iTm à r('S[)inM' (|irim i\\v chaud et
(1) M. Petiit, lnfféni<Mir «mi cin'f (l(\s Hoiiillcros dv Sa^nt-Eticime, publia
en 1900, dans le Bulletin de Vlndustrie minérale, une étuiAe sur raérape
dos ti':iv:ii|v |>|-(''[»;irMto!?«w (\;\\i<< Ic^ tllillOs ;"l ^tIsom.
— 818 —
contaminé par les gaz et les émaniations. Ici on constate une
fois de plus V accord qui existe si souvent entre V intérêt écono-
miqwe de V exploitant et celui de la sécurité de V ouvrier (i).
L'Ingénieur en chef ayant été changé en 1896, le cadre du
rapport annuel, modifié par le nouveau titulaire, ne donne pas
les mêmes renseignements que celui de son prédécesseur. C'est
ainsi que le nombre des journées de travail, la moyenne des
salaires par tonne, le montant des salaires distribués figurent
dans le rapport pour 1894, et non dans celui pour 1898. Le
montant des salaires ne résulte pas de la multiplication du
salaire moyen par le nombre d'ouvriers, car il faut tenir compte
des jours de chômage.
Egalement, les rapports des années 1891 et suivantes in-
diquaient les prix des charbons par nature et qualité. Ces
indications disparurent à partir de 1894. Le Bulletin de V In-
dustrie minérale, qui publiait ces prix, a cessé à partir de 1895
de les faire paraître.
Je cite quelques prix de 1889 et de 1895 :
1889 1895
(15 avril) (15 août)
Pérats durs, 1^^ qualité 27 à 28 fr. 29 à 31 fr.
Charbons pour gaz, V^ qualité 17 à 20 » 20 »
Menus de forge, l'« quahté 21 à 25 » 22 à 25 »
Charbon de chauffage, X^" qualité 13 à 14 » 16 à 20 »
— — 2« — 11 » 12 à 14 »
Coke pour hauts fourneaux 17 à 18 » 18 à 20 »
Petit coke pour chauffage 24 à 25 » 21 à 25 »
Le Comité des Houillères de la Loire indique que le temps
consacré au travail était : de 1888 à 1897, de 6 heures du matin
à 3 h. 45 (au lieu de 4 heures et au delà, comme auparavant) ;
de 1897 à 1899, de 6 heures à 3 h. 30 ; en 1899 et les années
suivantes, de 6 heures à 3 heures p).
(1) Rapport de l'i'ngéni'eur en chef pour 1894 {Conseil général de la
Loire, août 1895, p. 679).
(2) Notice pour l'E^cposition de Saimt-Louiis, 1904.
— 819
La distribution des combustibies minéraux extraits du bassin
de la Loire fut la suivante en 1894 et 1898 :
Loire 1.270.000 t.
Rhône. . .' . . . 982.000 t.
Isère. 296.000 t.
Saône-et-Loire . . 153.000 t.
Ain. 110.000 t.
Ardèche, Côte- i de 23.000 à
d'Or, Savoie, Drô- * 55.000 tonnes,
me, Haute-Savoie, j suivant le
Haute-Loire. f département.
Puy-de-Dôme, I de 10.000 à
Jura, Nièvre, Yon- ) «a nan *r.
,1 , ' ' 20.000 tonnes,
ne, Vaucluse, Bou-
ches-du -R 11 on e, i suivant le
Allier. f département.
15 départements..
7 départements. .
de 1.000 à
10.000 tonnes,
suivant le
département.
moins de
1 .000 tonnes,
par
département.
Sui.s.se 78.000 t.
Italie 2^1.000 t.
nses
Loire. . 1.402.000 t.
Rhône. 975.000 t.
Isère. . 310.000 t.
Saône-et-Loire. . . 138.000 t.
\m. 80.500 t.
Drôme. • 70.900 t.
Ardèche. 70.800 t.
Côte-d'Or, Haute-
Loire, Savoie.
de 27.000 à
36 000 tonnes,
suivant le
département.
Bouches-du-Rhône, i de 11.000 à
Haute- Savoie. \ 19.000tonnes,
Puy-de-Dôme, j suivant le
Allier, Vaucluse. [ département.
16 départements..
6 départements
i
Compagnie P.-L -M . .
Chemins de 1er de
l'Etat
Autres lignes
Suisse
Italie
de 1.000 à
10. 000 tonnes,
suivant le
département
moins de l 000
tonnes par
département.
446 000 t.
2.300 t.
2.600 t.
95.000 t.
39.000 t.
— 820 —
La consommation du département de la Loire en 1894 et
i898 fut alimentée par les bassins ci-après :
Loire (bassin de St-
Etienne) 1. "270. 000 t.
Roannais... 200 t.
Le Creuset et Blanzy 38.500 t
La Chapelle-sou s-
Dun 18.800 t.
Commentry 6 . 500 t.
Ste-Foy-1'Argentière 6.300 t.
Bert 4.100 t.
St-Eloi 2.100 t.
Mais , 1.300 t.
Le Drac 1.200 t.
^S9S
Loire (bassin de St-
Etienne) 1.402.300 t.
Le Creusot et Blanzy 55 . 800 t.
La Chapelle-sous-
Dun 13.500 t.
Commentry.. 10.400 t.
Ste-Foy-1'Argentière 6.100 t.
Decize 3.300 t.
Bert 2.900 t.
St-Eloy 2.600 t.
Le Drac 2.400 t.
Bourg-Lastic . . . . . . 2.200 t.
Brassac 1.400 t.
Alais yOOt.
Communay ....... 600 t.
Le Roannais 600 t.
Langeac 100 t.
Pour terminer, je cite les chiffres de la production et de la
cclnsomm,ation françaises en 1894 et 1898 [}■) :
Années
Consommation
(tonnes)
Production
(tonnes)
PRIX ]
VIOYEN
sur les lieux
d'extraction
sur les lieux
de consommation
1894
1898
38.000.000
43.295.000
22.417.000
32.356.000
11 fr. 22
11 fr. 22
19 Ir. 73
19 fr. 46
^
(1/ Circulaire 2.640 du Comité des houillères de France (6 mars
1904) : L'industrie houillère (le 1811 à 1902.
om
î^
CHAPITRE XVI
SITUATION GÉNÉRALE":DE 1900 à 1914.
E me suis servi, pour la doc^umentation de ce
chapitre, des Rapports annuels des Ingénieurs
en chef des Mines, de la Situation générale des
Industries et Commerces publiée chaque année
par la Chambre de Commerce, des mes Années
forezieimes, enfin de quelques documents particuliers.
1900
Production : 3.946.000 tonnes, 72 millions de francs, 19.798
ouivriers.
Dans l'augmentation de la production, là Compagnie de
Roche-la-Molière ne gagnait pas moins de 37.000 tonnes. Sans
les inondations de septembre dans les puits de la Malafolie,
Taugmentatiorî eût été plus importante. La Chazotte gagnait
47.000 tonnes. La Mine aux Mineurs de Monthieux, « très sa-
gement cond'Uflte », accusait 78.000 tormes, soit 22.000 de plus
qu'en 1899.
Production du coke : 115.000 tonnes ; des agglomérés : 197.000
tonnes.
L'année 1900 atteignait le maximum de la production enre-
gistrée jusqaie-là. La production eût été encore plus grande
sans la grève générale du début de l'année (v. p. 813),, sans les
grèves partielles au puits Châtelus et aux mines du Gros, et si
les ouvriers n'avaient pas eu « la fâcheuse tendance de profiter
M
— 822 —
de l'augmentation de 9 %, qui leur avait été accordée par l'ar-
bitrage, plutôt sous la forme d'une diminution de travail que
sous celle d'une augmentation effective de salaire (^) ».
J'ai indiqué, en 1899, comment la grève se déclara et comment
elle se termina en 1900.
Le prix moyen de vente s'accrut de 2 fr. 78, mais les hauts
cours de l'année s'abaissèrent lors du renouvellement des
marchés de la métallurgie, en juin. Les menus sortants de toute
première qualité se vendaient à la mine 25 et 26 francs.
L'aiigmentation des salaires, des prix des fers, fontes et aciers,
des câbles en aloès et aussi la demande très forte des charbons
étaient les causes de la hausse.
Le rapport de l'ingénieur en chef renferme des renseignements
intéressants sur l'instabilité du personnel ouvrier. Le coeffi-
cient d'instabilité était de 90 % à la Loire, 82 % à Firminy et
aux Houillères de Saint-Etienne, 77 % à la Péronnière, 35 %
seulement à Montrambert. Par contre, 139 % à Rive-de-Gier et
260 % à Villebœuf, etc.. Ce coefficient était le rapport de la
moyenne du nombre des ouvriers embauchés et de celui des ou-
vriers qui ont quitté la mine, au nombre moyen des ouvriers (2).
Salaire journalier : 5 fr. 21 au fond ; 3 fr. 78 au jour ; 4 fr. 75
ensemble.
Salaire annuel : 1.578 francs au fond ; 1.093 francs au jour ;
1.415 francs ensemble.
La sentence arbitrale permettait de prévoir davantage, mais
il y avait diminution du rendement.
Je renvoie, pooir les observations techniques de 1902 à 1913,
au rapport de l'Ingénieur en chef.
En 1900, M. Rodde fut nommé ingénieuir pirincipal des mines
de Montrambert et de la Béraudière, en remplacement de
M. Buisson.
1901
Production : 3.796.000 bonnes, 75 millions 1/2 de francs, 19.744
ouvriers.
Le ralentissement très sensible de la métallurgie, la moindre
(Ij RappoTf de VIngénieur en chef pour 1900.
(2) Bappon de VIngénieur en chef pour 1901 (Conseil général, 1902).
- 823 —
activité des demandes amenèrent le ralentissement des houil-
lères. Néanmoins « le prix moyen de vente, grâce aux majo-
rations de prix obtenues par les Compagnies au commencement
de l'année et à la persistance de bon nombre de marchés, et
malgré l'affaissement progressif des cours qui a commencé à
se pr-oduire dèg la fin de l'hiver », s'éleva à 19 fr. 91, soit
à 1 fr. 86 au-dessus de celui de 1900.
Production du coke : 95.000 tonnes ; des agglomérés : 211.000
tonnes.
La, sentence arbitrale de 1900 pour les salaires, n'ayant pas
été dénoncée à son expiration, fut maintenue en fait.
Salaire journalier moyen : 5 fr. 25 au fond , 3 fr. 57 au jour ;
4 fr. 68 ensemble. Le salaire annuel ne figure plus dans le
rapport de l'ingénieur en chef, car « il dépend trop du mode
de comptage des ouvriers ».
L'emploi de l'électricité devenait plus fréquent, soit pour
les pompes, soit pour les treaiils. Une Compagnie, celle de la
Ix)ire, mit en service des locomotives pour la traction des
bennes, et M. Morchoine, ingénieur divisionnaire, plus tard
ingénieur en chef, en rendit compte dans le Bulletin de Vin-
dustrie minérale en 1902.
L'année 1901 fut marquée par le conflit des sociétaires et des
auxiliaires de ki Mine'aux Mineurs de Monthieux (v. p. 562).
Un juge de Saint-Ktienne, M. Lesoudier, traita la question au
fKjint de vue juridique dans une intéressante brochure.
Les menaces de grève générale ne cessèrent de régner en 1901.
Le mois de janvier fut marqué par les contestations relatives
à l'application de la sentence arbitrale de 1900. Le 24 février,
le Comité de la Fédération des mineurs de France, dont le
siège est à Saint-Etienne, au moment où la grève de Montceau
battait son plein, décida la grève générale, mais sans en fixer
la (iatf. li (Icinandaau Gouvernement une réponse ferme, pour
la plein MTc (|uinzaine de mai, sur la retraite de 2 francs par
JOUI apivs 25 ans de services, la <lurée de 8 heures pour la
journée de travail, le minimum de salaires, et de prendre des
mesures ooercitives vis-à-vis de la Coinpîvgnie de Montceau.
M. W'aldeck-Ronsseau, président du Conseil, réîX)ndit, lo 2
niar-, (jur le salain- d* \;iit être fixé par les parties. Il se mont m
liisiiM^*' ;i |ii-f''-ciit('i lin pinjct SU!" l'i <lnf(M' (11! t!-a\ail ipiotidien,
-824 —
un autre projet pour ramélioration des retraites, et à favoriser
un arrangement à Montceau.
Le 13 avril, à Lens, deuxième édition du vote de la grève
générale par le Comité fédéral, vote qui devait être suivi d'exé-
oution le l*' mai, si, dans les dix jours, le Gouvernement n'avait
pas obtenu la réintégration des ouvriers montcelliens renvoyés
par la Compagnie et si, par un référendum, les mineurs se
prononçaient pour la grève. Un délai de six mois était imparti
aux pouvoirs publics pour voter les réformes.
Le référendum eut lieu le 26 avril. Dans la Loire, sur 17.000
mineurs, 5.700 votèrent pour et 4.500 contre la grève. Dans la
France entière, sur 16O.OOO inscrits, il y euit 29.000 pour et 20.000
contre. Le Comité, sur la proposition de Basly, avait décidé que
les abstentionnistes seraient rangés du côté de la majorité.
Le travail continua, car la grève effective ne fut pas décrétée,
à la grande surprise des Montcelliens et malgré les virulentes
apostrophes adressées au Secrétaire de la Fédération. Le Comité
décida un nouveau référendum pour le l^"" octobre, à l'expiration
du délai indiqué plus haut.
Le 31 mai, il y eut un Congrès international des mineurs à
Londres. La question de la grève générale internationale n'y
fut pas agitée.
Le Ministre des Travaux publics nomma une Commission
extraparlementaire du travail dans les mines pour étudier les
réformes. A partir du l*''" octobre, la France eut les yeux fixés
sur Saint-Etienne. Les membres du Comité étaient les rois de
la chronique. Le nom de Cotte, secrétaire général de la Fédé-
ration et jusque-là de la Bourse du Travail de Saint-Etienne,
s'imprimait dans tous les journaux.
Pendant ce temps, l'autorité prenait des mesures. Le Préfet
de la Loire rappelait au Maire l'arrêté de son prédécesseur
interdisant les manifestations. Il prenait un arrêté pour interdire
la vente et le transport des fusils Gras transformés. Les officiers
en permission étaient rappelés.
Le deuxième référendum donna 44.000 voix pour la grève
générale et 12.000 contre. Cotte adressa un ultimatum au Gou-
vernement, qui répondit qu'une Commission était saisie de
l'examen des réformes et que celles-ci ne se décrétaient ni à
trente jours, ni à échéance fixe. Le Comité se réunit le 20 oc-
— 825 —
tobre, à Saint-Etienne. Après trois jours de longues délibé-
rations, il décida, à la. surprise générale, de ne faire aucune
communication à la Presse au sujet de la grève ; mais, d'après
des déclarations individuelles, celle-ci était imminente. On sut
plus tard que le Comité attendait du Gouvernement une seconde
réponse, « ferme et catégorique », et que, si cette réponse
« n'était pas ce qu'elle devait être », le secrétaire, sur l'avis
des membres du Comité, devait lancer l'ordre de mobilisation.
Or, le Parlement était rentré en session le 22. Il avait voté
l'urgence sur la proposition Basly et repoussé la discussion im-
médiate. En appuyant l'urgence, écrivit M. Waldeck-Rousseau,
le Gouvernement a manifesté l'intention de poursuivre, sans
retard, la solution des questions qui lui ont été soumises. Le
projet améliorant la loi sur les retraites devait être communiqué
prochainement à la Chambre.
Le l®"" novembre, de nombreuses troupes débarquaient à
Châteaucreux pour renforcer la garnison de Saint-Etienne. Elles
furent renvoyées le 12, car la grève n'éclata pas et l'ordre ne
fut nullement troublé, au grand mécontentement de quelques
turbulents qui escomptaient sans doute une réédition de la nuit
tragique du 4 janvier 1900.
La Commission extraparlementaire multiplia ses séances.
Elle étudia dans quelle mesure la production serait atteinte
par la réduction de la journée à huit heures. La Commission
parlementaire chargée de l'examen de la proposition Basly
se substitua à cette première Commission.
Une grève partielle éclata dans le Nord. Le Comité échoua
dans ses pourparlers avec les mineurs étrangers. Il put se con-
vaincre de l'impossibilité d'-une grève internationale.
Les polémiques personnelles se substituèrent aux décisions
collectives.
En 1901, M. Vital Arnaud fut remplacé à la direction des
mines de Rive-de-Gier par M. François Verzat, qui devait rester
en fonctions jusqu'en 1909.
1902
Production : 2.754.000 tonnes, 55 millions do francs, 19.401
ouivriers.
Production du coke : 58.000 tonnes ; des agglomérés : 161.800
tonnes.
— 826 —
Le Syndicat des Mineurs de Rive-de-Gier poursuivait depuis
plusieurs années une petite exploitation, contre le gré du con-
cessionnaire, à Combes et à Egarande.^ En 1902, les derniers
membres du Syndicat se déco'uiragèrent et se dispersèrent.
Les concessionnaires des Verchères-Fleurdelix furent mis en
déchéance par arrêté du 18 février 1902.
L'énorme diminution de la production par rapport à 1901
(plus de 19 %,) tint, pour les deux tiers, à la grève générale de
50 jours de la fin de l'année et, pour un tiers, à la moindre
demande de combustible. Les Compagnies durent faire chômer
leur personnel un jour par semaine.
Le prix moyen de la tonne était de 18 fr. 11. La baisse des
prix de vente était de près de 2 francs.
Les charbons du Nord, favoirisés par les voies navigables pour
la pénétration dans la vallée du Rhône, bénéficièrent de
nouveaux tarifs réduits sur le chemin de fer (tarif 107 Nord
Est-P.-L.-M.).
Salaires moyens : au fond 5 fr. 15 ; au jour 3 fr. 82 ; ensemble
4 fr. 69.
On avait installé, pour exploiter à des profondeurs de 500
mètres et au delà, de puissantes machines d'extraction à sou-
papes ; ce type tendait à remplacer les anciennes machines à
tiroirs.
Des Compagnies, dans quelques couches moins ébouieuses
que les autres, avaient fait l'essai de baveuses mécaniques.
Firminy, où ces essais avaient été commencés en 1901, les avait
à peu près abandonnés. Par contre, la Péronnière appliquait
avec succès la perforation mécanique au fonçage du- puits
Gillier, à travers des terrains extrêmement durs.
L'emploi de l'électricité continuait à se développer (i).
Le conflit entre sociétaires et auxiliaires de la Mine aux
Mineurs de Monthieux fut solutionné par un arbitrage.
C'est en 1902, à Grenoble, qu'eut lieu le premier Congrès de
la Houille blanche.
(1) Le Mémorial de la Loire du 30 août 1902 analysa la communica-
tion de M. Morchoine sur l'installation de "la traction électrique à la
Compagnie de la Loire, et le Mém,orial du 30 mai décrivit l'installation
électrique faite è, la Mine aux Mineurs de Monthieux par l'ingénieur,
M. Laplerre.
— 827 —
L'année fut marquée par la première grève générale des
mineurs de France (i). Le citoyen Cotte, secrétaire général de
la Fédération nationale, donna, au mois de février, sa démission
de secrétaire de la Fédération régionale de la Loire, et cette
démission fut acceptée. La suite prouva que l'harmonie était
loin de régner entre Cotte et les délégués régionaux, ce qu'on
savait déjà.
Au Congrès d'Alais, en mars, on décréta la grève générale
sans nouvelles négociations avec le Gouvernement, mais, le
lendemain, le Congrès adopta une motion d'ajournement. Il y
eut de nombreuses polémiques. L'assemblée du jour de Pâques,
à Saint-Etienne, où les délégués rendirent compte de leur
mandat, fut marquée par de violents incidents.
Un Congrès international se réunit à Douvres, un second
Congrès à Dusseldorf. Dans les réuinions de la Loire, le projet
d'une Fédération scissionniste fut discuté. La popularité du
secrétaire général de la Fédération nationale subit de rudes
assauts. On songea à former une interfédéra.tion pour organiser
la grève générale avec l'appui des dockers et des employés de
chemins de fer. Le Comité national se réunit à Paris et fixa
au 17 septembre la réunion d'un Congrès à Commentry.
Quelques jours après, les Compagnies houillères de la Loire,
en raison de la baisse des prix et du manque d'écoulement des
charbons, réduisant à 3 % la prime de 9 % accordée par l'ar-
bitrage Gruner-Jaurès en 1900. La sentence arbitrale avait pris
fin légalement le 30 juin 1901. Ce fut le motif de nombreuses
réunions, discussions, entrevues, protestations, après lesquelles
on décida, par un référendum, d'ajourner la grève générale
jusqu'au Congrès de Commentry. Une minorité d'ouvriers prit
part au scrutin. A Saint-Etienne, les votants étaient 1.600 suir
5.000. Des discussions accentuèrent encore les rivalités entre les
chefs d'u mouvement, membres du Comité régional et du Comité
national. Au premier plan figuraient Beauregard, le successeur
de Cotte, et Escalier. Au Congrès de Commentry, où ces dis-
cussions trouvèrent un écho puissant, la grève générale fut
décrétée par 85 voix contre 8 abstentions.
(1) Le Comité des Houillères de France a publié en brochure les
f)onimrnts rrUitifa à In rjrf-ve (les Mineurs fin fnn?.
— 828 —
Le secrétaire de la B'édération nationale fut chargé d'en
donner le signal, après le temps matériel nécessaire à l'orga-
nisation. Un manifeste fut adressé aux mineurs, deux lettres
au Président du Conseil et au Comité des Houillères de France.
Au Ministre de l'Intérieur on demandait de dire ce que le
Gouivernement comptait faire des « réclamations » formulées
l'année dernière. Au Comité des Houillères on s'adressait pour
nommer une délégation à l'effet de discuter les salaires et l'or-
ganisation du travail. Le Président du Conseil promit de pour-
suivre activement la solution des questions soumises au Par-
lement. Avant que le Comité des Houillères eût répondu, la
grève éclata sans que le signal du Comité eût été donné, d'abord
dans le Nord et le Pas-de-Calais, puis dans la Loire, sur l'ordre
du Comité régional, le 8 octobre. Le Comité national était dé-
bordé.
La grève fut marquée par des incidents nombreux : entraves
à la liberté du travail, à la circulation des chiarbons, coups et
blessures graves, explosions de cartouches de dynamite, coups
de fusil isolés, collisions sanglantes, mort. Les mineurs qui
désiraient continuer le travail durent céder à la force. Les
voituriers qui transportaient du combustible furent attaqués,
leurs chars renversés et le charbon rapidement enlevé par des
mains expertes à s'approvisionner à bon compte. L'anxiété fut
grande pendant plusieurs jours parmi les consommateurs. De
nombreuses troupes étaient venues renforcer la garnison. Elles
gardaient les puits et se montraient peu ou pas. Au cours d'une
échauffourée, à Terrenoire, dans la nuit du 10 au 11 octobre,
un gendarme fit feu, tua un mineur et en blessa un autre. Le
gendarme était couvert de contusions. Son camarade, atteint
à la tête, avait été renversé à ses côtés. Une immense manifes-
tation se dérouila aux funérailles de la victime. Les élus socia-
listes, M. Briand notamment, y prononcèrent des discours
extrêmement violents.
Le régime des voitures renversées dura jusqu'au 16 octobre,
n avait été décrété par le Comité fédéral. Les pillards se
moquaient des agents, peu nombreux, qui escortaient les voi-
tures. Cette petite Terreur noire ne prit fin que lorsque la
Préfecture invita les industriels à se grouper par quartiers
pour que l'on pût donner à chaque convoi une force suffisante.
— 829 —
On vit alors des files de chars traverser nos rues entre une haie
mouvante de dragons, de gendarmes ou de chasseurs. Ordre
fut donné de rechercher et de signaler au Parquet les auteurs
du pillage ou du renversement des tomberaux. Les chars ne
furent plus renversés, sauf à certains moments, pendant la
dernière période de la grève.
Le 19 octobre, un arrêté préfectoral, rappelant la loi du 7
juin 1848, interdit les attroupements. La direction de la police,
pour toutes les mesures relatives à la grève, fut retirée aux
maires de l'arrondissement et concentrée entre les mains du
préfet. Le maire socialiste de Saint-Etienne, appuyé par la
majorité de son Conseil, protesta inutilement.
Dans d'interminables réunions à la Bourse du travail, les
orateurs habituels répétèrent tous les jours, et même deux fois
par jour, les mêmes choses. M. Briand interpella à la Chambre
au sujet des incidents de Terrenoire. Des actes de pillage furent
signalés dans les campagnes. Une manifestation eut lieu le
22 octobre, malgré l'arrêté contre les attroupements. Mais le
lendemain, au moment où le cortège s'engouffrait dans la rue
Gérentet, la force publique a.pparut et fit les sommations, pré-
cédées de roulements de tambour. Ce fut un sauve-qui-peut
général. On arrêta une vingtaine d'individus. Nouvelle protes-
tation du maire de Saint-Etienne. Douze des individus arrêtés
furent déférés au Tribunal correctionnel, quii refusa leur mise
en liberté provisoire et les condamna à 15, 8 et 6 jours de
prison, sans applicaition de la loi Bérenger. Le Conseil muni-
cipal de Saint-Etienne protesta une troisième fois.
Tout cela n'avançait guère l'époque de la reprise du travail .
L'appel aux antres corporations n'avait pas été entendu. Des
souscriptions furent ouvertes. Mais la grève générale corpora-
tive reru'oritîa peu d'adhérents et n'éclata nulle part dans la
région. La Jtcve des mineurs elle-même ne fut jamais abso-
lument j(''iM'i;ile en France. A Montceau notamment, les ou-
vriers, abandonru's ( n 11)01, ne cessèrent pas le travail.
T^H' détente, an (■oriini<'n('"ment de novembre, se produisit
I)arrfii les mineurs. Ils déclarèrent publiquement, le 30 oc-
tobre, acccpf- ! l.iihitraKe par région. Déjà le Pas-de-Calais it
le Nord les avaient (Icvanc'-,. l.c s novembre, après plnsicms
entrevues, on crul (luc \v. ('<)nij»i()inis allait être signé le jour
- 830 —
même. Les pourparlers furent au contraire rompus, parce qu'on
ne put s'entendre sur le choix du tiers arbitre et sur l'amnistie.
Le 13 novembre, la Fédération régionale du Nord et du Pas-
de-Calais décida la reprise du travail.
Le même jour, avec le consentement de l'autorité et sur la
demande des élus sociialistes qui « répondaient de l'ordre », une
colonne de plusieurs milliers de grévistes se rendit de Saint-
Etienne à Roche-la-Molière et à Firminy. Elle revint, par le
Chambon et la Ricamarie, à son point de départ. Cette « marche
militaire » fut marquée par quelques incidents, peu nombreux
quoique assez graves, qui prouvèrent que la responsabilité
des organisateurs n'était pas absolue. Ils ne furent d'ailleurs
nullement inquiétés. On reprit les pourparlers. Le 19, on pro-
clamait le référendum sur le compromis. Grâce à l'appoint de
la Ricamarie, la majorité fut acquise à l'arbitrage. Les arbitres,
conformément au procès verbal de l'entrevue du 15 novembre,
avaient pour mission exclusive de trancher le différend relatif
à la suppression, à la réduction, au maintien oui à l'augmentation
de la prime des salaires de 3 %. En cas de désaccord, le tiers
arbitre devait être désigné par le premier président de la Cour
de cassation, M. Ballot-Beaupré, proposé par les Compagnies.
Il avait la faculté dépendre lui-même la sentence. Relativement
à l'amnistie, la convention décidait que tous les ouvriers
seraient réintégrés, à l'exception des condamnés ou de ceux
qui pourraient l'être pour violences contre les ouvriers et em-
ployés ayant travaillé au cours de la grève, ou pour attentat
contre la propriété, à la condition expresse que, depuis le jour
de la convention et dans l'avenir, il ne serait exercé aucune
r^présaille, ni pris aucune mesure vexatoire contre les ouvriers
ayant travaillé pendant la grève. Le 21 novembre, le compromis
était signé, après de nouvelles entrevues. Les délégués des ou-
vriers demandaient deux additions à l'article 5 de la convention
relatif à l'amnistie : i° que les grévistes fussent réintégrés dans
le même emploi ; 2° qu'en cas de retard prolongé dans la reprise
du travail de certains chantiers, par suite des réparations à
faire, on établît un roulement entre tous les ouvriers indis-
tinctement, pl'utôt que d'ajourner certains d'entre eux. Les di-
recteurs déclarèrent ne pouvoir accepter ces deux additions,
en ajoutant qu'ils n'avaient pas l'intention de punir des grévistes
— 831 —
par rétrogradation ou ajournement. Le 24 novembre, les deux
arbitres, M. Cholat pour les Compagnies, M. Briand pour les
ouvriers, après plusieurs entrevues, décidaient d'en référer au
tiers arbitre. Sur plusieurs points, des ouvriers ayant voulu
reprendre le travail furent assaillis par des grévistes et sérieu-
sement contusionnés.
Le 26 novembre, le Comité fédéral régional décida la reprise
du travail pour le 28. Le 27, de très violents incidents se pro-
duisirent place Marengo. Les orateurs de 1h grève furent hous-
pillés. Cotte, secrétaire général de la Fédération nationale, fut
particulièrement malmené. La police dut dégager le café où il
s'était réfugié et auquel les mineurs allaient donner l'assaut.
Le matériel de la Bourse du travail fut saccagé, un délégué
ouvrier dut s'échapper par la fenêtre.
Le lendemain, M. Ballot-Beaupré rendait la sentence arbi-
trale. La prime de 3 % était portée à 5 % jusqu'au 30 juin 1903,
ramenée .à 4 % pour le second semestre de 1903, puis à 3 %
pour le premier semestre de 1904. Le même jour, la reprise du
travail était générale ; la grève avait duré 51 jours. Comme
résultat pratique, elle aboutissait à une augmentation de 2 %
pendant six mois, à une pugmentation de 1 % pour les six mois
suivants, résultats bien faibles comparés aux journées perdues.
La grève ne mit pas fin, loin de là, à la division entre quelques
membres du Comité national et du Comité fédéral. Le Comité
national, qui devait donner le signal de la grève et celui de
la reprise du travail, ne donna ni l'un ni l'autre. Son autorité
fut sérieusement compromise. Le refus opposé par une Com-
pagnie de reprendre quelques ouvriers, très rares mais très
qualifiés, parce que depuis la signature de la convention
d'autres ouvriers de cette Compag*nie furent assaillis, frappés
et blessés par des patrouilles de grévistes, fut le dernier écho
de la grève. La Sainte-Barbe, fête des mineurs, le 4 décembre,
fut très triste. Le séjour de la Commission d'enquête pairie-
mentaire à Saint-Etienne ne fut mnrqué par aucun incident.
ENQUÊTE PARLEMENTAIRE de 1902 - 1903
FjCS enquêtes parlementaires ont pour résultat de concrétiser
les renseign<Mnf'nts h un moment déterminé. Les procès-verbaux
— 832 —
de l'enquête commencée en 1902 furent déposés en 1903 par
M. Dron, président de la Commission, sur le bureau de la
Chambre des Députés.
Sur les 19.000 ouvriers du bassin de la Loire, les Sociétés
adhérentes au Comité des Houillères en comptaient 17.946,
savoir : Roche-la-Molière 4.718, Montrambert 3.588, la Loire
3.640, Saint-Etienne 3.357, la Péronnière 1.365, le Cros 429,
Villebœuf 651, Saint-Chamond 198 ; 8 1/2 % du total des ou-
vriers, soit 1.530 sur 18.000, avaient plus de 50 ans.
La moyenne des salaires par catégories était la suivante :
gouverneurs 6 fr. 76 ; piqueurs 6 fr. 36 ; boiseurs 5 fr. 48 ; rou-
leurs 4 fr. 43 ; manœuvres et remblayeurs 4 fr. 39 ; mineurs
5 fr. 45 ; machinistes et chauffeurs 4 fr. 53 ; receveurs, rouleurs
de l'extérieur 3 fr. 46 ; cribleurs 3 fr. 60 ; ouvriers des ateliers,
réparations 4 fr. 60 ; mianœuvres au remblai et divers 3 fr. 93 ;
triage 2 fr. En outre, géniéiralement les Compagnies accordaient
le chauffage gratuit. Le jour de la Sainte-Barbe elles distri-
buaient une demi- journée de salaire. La Compagnie de Roche-
la-Molière accordait, depuis 1899, des gratifications à l'ancien-
neté et à l'assidiuiité, s'élevant au maximum à 60 francs. Le
paiement du salaire s'effectuait par quinzaine.
La « durée du trait » ou temps de présence dans la mine
était de 6 heures dui matin à 3 heures de l'après-midi, au lieu
de 3 h. 30 jusqu'en 1899, 3 h. 45 jusqu'en 1897, 4 heures et
au delà de 1882 à 1888. La réduction opérée à la suite de l'ar-
bitrage de 1900 avait diminué le rendement individuel de 5,8 %,
bien que les ouvriers se fussent engagés à maintenir la même
somme de travail qu'auparavant. Le poste de nuit avait la
même durée que le poste de jour ; il était consacré aux remblais,
travaux d'entretien, de réparations, d'épuisement des eaux et
de descente des bois.
Depuis 1854 les capitaux employés en aménagements ou amé-
liorations dans les mines doi bassin étaient évalués par le
Comité des Houillères à 150 millions de francs au moins.
Les renseignements des Syndicats ouvriers différaient, cela
va sans dire, de ceux du Comité des Houillères. Pour les sa-
laires moyens par exemple, les chiffres du Comité étaient faciles
à vérifier d'après les livres des Compagnies. Les Syndicats
réclamaient la journée de 8 heures, descente et montée com-
prises. Ils disaient que la journée du trait qui, en 1882, était
de 10 heures et quelquefois de 12 heures, et qui en 1888 était
de 10 heures, commençait depuis 1900 à 5 heures du matin
pour se terminer à 3 heures du soir. Ils n'étaient pas en con-
tradiction avec le Comité des Houillères, car lea Syndicats
indiquaient les limites extrêmes de la première cordée descen-
dante et de la première cordée remontante. Ils réclamaient le
minimum de salaire, « parce que ce sont généralement les
ouvriers qui ont de mauvais chantiers qui travaillent le plus
et qui gagnent le m.oins ». Lia, « rapacité des Compagnies » était
la cause des conflits. Ce vieil argument socialiste fait toujours
bien dans le tableau, même quand il n'est pas justifié. Il faut
bien faire appel aux capitaux pour créer et développer une
entreprise. Or, comment attirer les capitaux sans leur promettre
une rémunéraition, qui, hélas ! ne repose pas toujours, comme
le salaire, sur la certitude ?
Les Syndicats demandaient enfin la nationalisation des mines.
Il est plus facile, en effet, de faire marcher des députés qu'un
Conseil d'actionnaires.
Le Service des Mines indiquait que la durée du travail
effectif variait, pour les ouvriers du fond, de 6 heures à 7 h. 55 ;
pour ceux du jour, de 8 heures à 11 heures. Le délai-congé de
huit jours était observé par les Compagnies, mais non le pais
souvent par les ouvriers. Les amendes, en 1901, ne repré-
sentaient que 7.500 francs sur 30 millions de salaires. Les
livrets, carnets de paye ou fiches individuelles n'étant pas en
usage dans le bassin, les ouvriers avaient demandé l'adoption
des fiches de paye, et, lors de l'arbitrage de 1902, les Com-
pa^ies avaient déclaré être prêtes à en faire l'essai. Ce qui
laissait beaucoup à désirer, c'est que, dans les réunions pu-
bliques, les affiches et la Presse, les Secrétaires des Syndicats
et les délégués mineurs ne craignaient pas de recourir aux
injures et à des allégations inexactes.
Les dividendes distribués représentaient une somme de
10 millions en iîX)l ou 1902, 7 à 8 millions les années précé«
dentés depuis 1897 (il faut proportionner ces chiffres aux
30 millions de salaires et se rappeler que des Compagnies,
comme celle de Rive-de-Gier, ne distribuaient rien). Les
capitaux employés en travaux neufs, qui étaient do 2.71 «.0(X1 fr.
- 834-
en 1895, dépassaient 6.600.000 francs en il)01.
L'enquête de 1903 a abouti à la loi de 1905 sur la durée du
travail des ooivriers occupés à l'abatage.
1903
Production : 3.302.000 tonnes ; 61 miillions de francs ; 19.444
ouvriers.
Plus forte que celle de 1902, qui avait été affectée par la
grève générale, la production de 1903 était moins forte que
celle de 1901, à cause du peu d'activité du marché. Le prix
moyen de vente s'était abaissé à 17 fr. 03.
Production du coke : 78.000 tonnes ; des agglomérés :
206.000 tonnes.
Salaire journalier moyen : 5 fr. 03 au fond ; 3 fr. 66 au jour ;
4 fr. 56 ensemble.
Salaire annuel moyen : 1.523 francs au fond ; 1.130 francs
au jour. Ces salaires étaient relativement bas, à cause des chô-
mages systématiques que les Compagnies durent pratiquer. En
outre, la prime payée aux ouvriers n'avait été en moyenne que
de 4 1/2 %, conformément à la sentence arbitrale, tandis qu'en
1902 elle était d'à peu près 8 %.
Il y eut une grève sans importaince, du 16 au 20 mai, au
puits Gouchoud, du Plat-du-Gier.
Les perfectionnements dans l'outillage furent assez nombreux
et caractérisés surtout par le développement de l'emploi de
l'électricité. Le rapport de l'Ingénieur en chef en donnait l'émi-
mération. On développait aussi les moyens d'épuisement.
Grâce aux nouveaux tarifs co*mmuns des chemins de fer, les
charbons du Nord et du Pas-de-Calais étaient venus faire con-
currence à ceux de la Loire jusqu'à Lyon et au delà. L'appli-
cation de œs tarifs allait être réduite, à partir d'avril 1904, à
la zone limitée par Nevers, Clamecy, Dijon et Besançon.
Il faut signaler, en 1903, le procès en première instance entre
les mineurs renvoyés après la grève de 1902 et les Compagnies
(7, 22 juin, 6 et 13 juillet 1903).
J'ai mentionné la mort de M. Villiers, directeur des Houillères
de Saint-Etienne, et la nomination de son successeur, M. Paul
- 835 —
Petit, ingénieur en chef depuis 1892. M. Giaudius Faure rem-
plaça M. Petit dans ce dernier poste [^).
Le siège de la Fédération nationale des mineurs fut transféré
de Saint-Etienne à Paris. Plusieurs Syndicats se séparèrent de
la Fédération.
1904
Production : 3.199.000 tonnes ; 56 millions de francs ; 18.934
ouvriers.
La concession de Montbressieu, mactive depuis 1899, fut
reprise par MM. Robert frères, exploitants du Mouillon et de
Grozagaque.
Depuis 1900 la production était en baisse et celle de 1904 était
inférieure à la production a,nnuelle depuis 1895. La difficulté
d'écoulement des charbons obligeait à recourir à des chômages
systématiques une ou deux fois par semaine. Cette langueur
de l'industrie houillère de la Loire provoqua d'intéressants
échanges de vues dans les bulletins industriels P).
Production du coke : 80.000 tonnes ; des agglomérés : 213.000
tonnes.
Prix moyen de la tonne de houille au commerce : 17 fr. 75,
prix moyen des charbons extraits, y compris les charbons de
service, ceux distribués gratuitement et ceux convertis en agglo-
mérés ou en coke : 15 fr. 89, inférieur de 1 fr. 14 à celui de
1903 (chiffres extraits du travail des redevances). C'est ce prix,
(1) M. Petit fPauf Jean-Jacqnes), né le 27 novembre 1861, au château
de Trémolin, à Saint-.JuM-en-Chevalet, major de la promotion 1884 de
l'Ecode (les Mines de Sarint-Etienne, anteur de nombreuses communica-
tions à la Sociét(^ de l'Industrie minérale et d'une Etude sur l'Aératjc
des travaux préparatoires dans les mines à orisou, présent<^e au Conjurés
international des mines et de la métallurgie, ilors de l'Exposition
universedle de 1900, inventeur de V Autocapteur pour les prises d'ailr
griisouteux, et fie la Tronçonneu^ite électrique débitant les butte.s <le
mines, offlcie.r (k* la Légion d'honneur, président du Comilé d-es Houil-
lères de la Loire •el depuis V.Ï20 f>résident dK^ la Chambre de Commerce,
de Saint-Etienne, membn* du Comité consultatif des Mines et du Comité
coni>ultatif des rharbons, membre de la Cx)mmission permanente des
recherches sJur le grisou, présidient du Conseil de l'Ecole des Mines et de
I.i Société des Anciens E'èves, vice-président de la Société de l'Industrie
minérale, président horoi-alre du Syndicat d'Initiative du Forez, ancien
présidient de l'Union des Chambres syndicales patronales de Saint-Etienne
et de la région, etc.
(2) Voir La fin de la Loire houillère, par F. Lattr {Echo des ^fir^es,
reproduit dans le Mémorial (hi 21 mars 1904 et commenté dans les
mmiéros des 4 et 11 ;i\rll).
- 836 -
multiplié par le tonnage (ïextrmtion^ qui donne la valeur totale
ci-dessus de 56 millions.
Salaires moyens : au fond 4 fr. 90 (piqueur 5 fr. 91) ; au jour
3 fr. 57.
Les salaires furent affectés par la diminution de la prime,
ramenée à 3 %, du l*'' janvier au 30 jojiin i904. A cette date la
sentence arbitrale de 1902 arrivait à expiration. Les patrons
réduisirent la prime à 1,50 %, avec maximum de 0 fr 10 et
minimum de 0 fr. 05 par journée de travail. Enfin, le salaire
annuel fut affecté par les chômages : 1.459 francs au fond.
L'emploi de réilectricité, appliquée surtout aux pompes, se
développait de plus en plus. On installaiit de nouveaux appareils
de lavage et de criblage. Montrambert poiursuivait les instal-
lations du nouveau champ d'exploitation de Trabliaiine. Firminy
fonçait le puiits Cambefort et Saint-Etienne le puits Molina.
La Loire trouvait un nouveau champ en poursuivant les re-
cherches au puits Rambaud. Un incendie au puits Camille, du
Gros, arrêta l'exploitation pendant six mois. Le rémblçiyage
hydraulique ou par emhouage, inconnu jusqu,e-là en France,
faisait l'objet de discussious dans les Sociétés et revues tech-
niques (1).
Le procès des ouvriers renvoyés en 1902 par les Compagnies
eut son épilogue en Cour d'Appel à Lyon (29 mai), qui débouta
les ouvriers de leurs demandes.
Le Comité des Houillères, l'Ecole des Mines, la. Société de
l'Industrie minérale participèrent à l'exposition de Saint-Louis
(Missouri). Le Comité exposa : le modèle au I/IO.OOO*' en verre,
avec sections transparentes coloriées, du bassin de la Loire,
dressé par M. Perrin, géomètre des Houillères de Saint-Etienne,
modèle déjà très remarqué à l'Exposition de 1900 ; la carte de
Gruuer ; un album relatif à l'exploitation et aux procédés des
Compagnies adhérentes ; enfin, une notice imprimée et une
notice sur l'Ecole des aspirants gouverneurs.
L'Ecole des Mines exposa plusieurs cours imprimés des pro-
fesseurs : Mécanique des fluides par M. Jouguet, Electricité
industrielle par M. Liénard, Minéralogie par- M. Friedel,
Législation des Mines par M. Etienne, et le livre sur UEcole
des Mines de Saint-Etienne de M. Babu.
(1) Voir Mémorial de la Loire, 15 août 1904.
- 6ât -
1905
Production : 3.664.000 tonnes ; valeur : 55 millions ; 18.700
ouvriers.
Les travaux de la mine de Janon, arrêtés en mai à la suite
de la faillite de l'amodiataire, Mme Payen, furent repris en
août par le propriétaire de la, concession, M. Reymond.
Une nouvelle Société des Mines de la Haute-Cappe se constitua
au capital de 1.250.000 francs, siège social à Paris. M. Lazare
Lévi, directeur de l'ancienne Société, où il avait succédé à son
beau-père, M. René Simon, fut maintenu en fonctions. Il devait
être remplacé, en 1910, par M. Tony Gallot, ingénieur civil
des mines. M. Sapy fut maintenu dans les fonctions d'ingénieur
principal, où M. Papillier lui succéda en 1907.
Sur le conseil de M. Pierre Termier, ingénieur en chef des
mines, cette Compagnie entreprit des recherches en profondeur,
qui donnèrent d'heureux résultats. Partant du fonds des travaux
du puits Guiilemin, elle descendit à 90 mètres environ au-
dessous des anciens travaux de la découverte du puits Saint-
Denis et elle retrouva la grande couche re jetée par une faille.
De 1906 à 1910, la production de cette Compagnie oscilla entre
50.000 et 60.000 tonnes.
Dans presque toutes les entreprises des mines -on constatait
un accroissement de production. Cependant les prix baissèrent
jusqu'à la fin de l'année, où se manifesta une légère hausse
(0,50 sur les charbons industriels ; 1 fr. sur les chairbons do-
mestiques), grâce à une reprise générale et surtout à une reprise
métallurgique. Le prix moyen de l'année, y compris les
charbons de service, les charbons livrés à la carbonisation oui
à l'agglomération, les charbons distribués gratuitement aux
ouvriers, ressortait à 15 fr. 64, prix inférieur h celui de 1904.
C'est ce prix, appliqué à la totalité du tonnage extrait, qui
donne la valeur de la production (55.500.000 fr.).
Production du coke : 97.000 tonnes ; des agglomérés : 21.300
tonnes.
ï^ développement des forces hydrauliques dans le Rhône
et le Dauphiné restreignait l'exportiition des charbons de la
Ix>ire. D'autre part, le marché de Roanne était alimenté surtout
par les bassins de Saône-et-Loire et de l'Allier. I^a voie d'cni
y transpfvrfait 84.700 tonnes do ces Imssins, tandis que la voir
&4
— 838 —
de fer n'y apportait que 9.600 tonnes du bassin de Saint-Etienne.
L'instabilité des mineurs, caractérisée chaque année par des
coefficients dans les rapports des ingénieurs en chef, s'était
accrue de nouveau. La prime de 1,50 % sur les salaires, con-
servée après l'expiration de la sentence de 1902, fut maintenue.
Dès lors, les salaires moyens furent en diminution sur ceux
de 1904 011, pendant le premier trimestre, cette prime fut de
3 ?/o. Ils étaient, en 1905, de 4 fr. 73 (fond), 3 fr. 52 (jouir),
4 fr. 31 (ensemble). Le prix moyen de la journée des piqueurs
ressortait à 5 fr. 94. Moyenne des salaires annuels : 1.451 francs
(fond), 1.091 francs (jouir). Il y eut 15 à 20 jours de chômage
dans l'ensemble de l'année.
L'outillage se perfectionnait et les moteurs électriques étaient
de plus en plus employés.
C'est en 1905 que fut promulguée la loi de 8 heures pour les
ourvriers employés à l'abatage.
Parmi les créations touchant à l'hygiène sociale, il faut si-
gnaler la première Goutte de lait, établie en 1905 à Montrambert.
Le Comité des Houillères de la Loire prit part à l'Exposition
de Liège.
1906
Production : 3.789.000 tonnes ; 60 millions de francs ; 19.178
ouvriers.
La concession de la Pomme fut vendue par M. Exbrayat à
MM. Cornet et Vitte, de Lyon, qui constituèrent la Société des
Mines de Saint-Jean-Rive-de-Gier, sous forme d'association
civile en participation pour l'étude et la recherche des couches
de houille, dans le but d'arriver à leur mise en valeur et à leur
cession ultérieure à des tiers. M. Cornet était le directeur de
cette Compagnie.
La concession de Combeplaine fut vendue par M. Malard
à M. Hémain, de Rive-de-Gier, et amodiée au fils de M. Malard.
L'augmentation de la production en 1906 était due à l'essor
général de l'activité industrielle. Les mines de la Haute-Cappe,
grâce au développement de leur exploitation du puits Guil-
lemin, accusèrent 57.000 tonnes, au lieu de 23.000.
Production du coke : 124.000 tonnes ; des agglomérés : 215.000.
La plus grosse part de l'accroissement du coke était due aux
— 839 —
Houillères de Saint-Etienne, qui avaient développé leurs ins-
tallations.
Les prix de vente furent en hausse : 2 fr. 50 à 3 francs sur
iBS charbons, 4 et 5 francs sur certaines catégories et sur les
cokes. Le prix moyen du charbon extrait, y compris les
charbons de service et ceux distribués aux ouvriers, était de
15 fr. 84. La vente portait sur 3.360.000 tonnes, la vente et la
consommation iréunies sur 3.780.000.
L'instabilité du personnel avait considérablement augmenté.
A fin mars, un mouvement se dessina parmi les mineurs. Les
tentatives de conciliation échouèrent, Tarbitrage fut repoussé
par les ouvriers, la grève éclata à Saint-Etienne. Elle fuit re-
poussée dans d'autres localités et enterrée à Saint-Etienne par
un référendum au scrutin secret. Les mineurs acceptèrent les
propositions des Compagnies dans une convention signée le
11 avril 1906, ayant effet du 1" avril 1906 au 30 j>uin 1908 :
suppression' de la prime de 1 1/2 %, augmentation par journée
de 0 fr. 30 (fond), 0 fr. 20 (jour), 0 fr. 15 (femmes et enfants).
Au début, les mineurs demandaient de 0 fr. 50 à 0 fr. 60.
Au début de mai, l'application de la journée de 8 heures
faillit amener uine nouvelle grève. Les ouvriers de certains puits
se firent remonter après 8 heures de présence dans la mine.
Après un avertissement, les Compagnies résolurent de n'ouvrir
leur exploitation qu'à ceux qui respecteraient l'horaire de la
mine. Dix puits furent fermés. Les ouvriers, liés par la con-
vention d'avril, et ne trouvant aucun appui auprès du préfet,
M. Mascle, se décidèrent à rentrer. Tout était fini le 10 mai (i).
A part ces conflits, il y eut une grève de 19 jours au puits
Trémolin et une grève d'un jour à la Haute-Cappe.
Salaires moyens journaliers : 4 fr. 92 (fond) ; 3 fr. 62 (jour) ;
4 fr. 46 (ensemble). Salaires moyens annuels : L558 fr. (fond) ;
i.153 fr. (jour).
A l'Exposition de Milan (groupe IX), la Société des Mines de
la Fjoire exposa, entre autres documents, les dessins représentant
l'installation d\me traction électrique par locomotives.
(1) Le CoinUA (\ft9. HonlU^rps do Frarice a publié en brochure l«s dooa»
monts "III- I / . . . ' Mini'i/rs m t'uu:.
— 840 —
1907
Production : 3.696.000 toniies ; 66 millions de francs ; 19.538
ouvriers.
La propriété de la concession de Ja.non passa entre les mains
de la Société des mines de houille de Janon-Terrenoire au
capital de 1 miillion, divisé en actions de 100 francs, constituée
le 12 juin 1907 et qui amodia également les mines d'Avaize
(concession de Terrenoire). Le fondateur de lia Société était le
concessionnaire de Janon, M. J.-B. Reymond, ingénieur civil.
La concession de la Montagne-du-Feu f'uft. vendue par
MM. Berne frères et Araud à M. Villemagne.
La Compagnie P.-L.-M. demanda la fusion de ses cinq con-
cessions.
La diminution de la production, par rapport à celle de 1906
(2,45 %") tenait au manque de main-d'œuvre et aux conditions
moins favorables d'exploitation. Mais la demande restait im-
portante, le combustible faisait prime, le matériel de transport
par voie ferrée était insuffisant. Une Commission municipale de
Saint-Etienne fut chargée de rechercher les moyens de réserver
à la ville un approvisionnement suffisant. On évoqua à ce sujet
l'antique privilège de la Réserve, créée par la Royauté pré-
voyante autour de la ville et supprimée par les héritiers de cette
même Royauté, lors de la délivrance des concessions (v. p. 68).
La production du coke aug'menta de 8.000 tonnes (132.000
tonnes), celle des agglomérés de 20.000 tonnes (235.000 tonnes).
A la fin de l'année, il y eut une hausse de 1 fr. 50 sur les
charbons, les agglomérés et les cokes. Le prix moyen des
charbons extraits ressortait à 17 fr. 90.
L'instabilité du personnel ouvrier, attiré vers les usines,
amenait une véritable pénurie de manœuvres (remblayeurs,
remplisseurs, etc.).
Moyenne des salaires journaliers : 5 fr. 01 (fond), 3 fr. 69
(jour), 4 fr. 54 (ensemble) ; des salaires annuels : 1.579 francs
(fond), 1.173 francs (jour).
Au débiu(t de l'année, une agitation ouvrière d'assez longue
durée, dans la région de Grand'Croix, aboutit à la signature
des conventions des 2 avril et 17 août 1907 qui, jusqu'au 30
juin 1908, accordèrent des augmentations de 0 fr. 15 et 0 fr. 10
pour les ouvriers du fond de la Péronnière et des Houillères de
— 841 -
Rive-de-Gier, et augmentèrent rallocation annuelle en charbon.
Le l^"" janvier, la Haute-Cappe avait alloué 0 fr. 15 (1). Deux
grèves partielles éclatèrent sur des questions de discipline à
la Haïute-Cappe et à Rive-de-Gier, en janvier et en juin.
A signaler en 1907 : les essais heureux de remblayage hydrau-
lique, à petite échelle, sans pression, Teau et les remblais
circulant dans des rigoles ouvertes, essais effectués à Firminy
(3*' couche Latour) ; l'emploi des marteaux pneumatiqaies pour
le forage des coups de mine au rocher ou pour l'abatage du
charbon ; les essaiis, à la Béraudière, de fabrication de gaz
paluvres provenant de schistes charbonneux contenant 25 à 30 %
de carbone. La Compagnie de Montrambert projetait le déve-
loppement de son installation, en aménageant une station
centrale électrique destinée à fournir l'énergie à ses exploi-
tations.
Le 10 novemlire 1907, sept ouvriers tombèrent dans le puits
Rambaud (Compagnie de la Loire), par suite de la rencontre
d'une benne à eau avec la cage qui les portait.
Le Gou»vernement nomma une Cx)mmission permanente du
grisou. M. Paul Petit, directeur des Houillères de Saint-Etienne,
fut désigné pour en faire partie.
1908
Production : 3.668.000 tonnes ; 69 millions de francs ; 20.239
ouvriers P).
La diminution peu sensible de la prodiniction, peu élevée,
avait une importance particulière, l'effectif du personnel ayant
été augmenté de 7 %. Elle tenait à la l)aisse du rendement de
l'ouvrier du fond et, dans quelques mines, à. certaines diffi-
cultés d'exploitation. La demande des charbons fut d'ailleurs
ralentie pendant le deuxième semestre.
Production du coke : 122.000 tonnes ; des agglomérés : 216.000.
Les prix des charbons baissèrent, vers la fin (h^ l'année, do
ft) î/nnn(^f> prc^rMonto, les Compnpriios do la r(^slon do niv<^ do Gior
n'aval-ont pas participé anx ronvontions rnnromant lia r(^pion dK^ Snint-
Rflenne. Il y avait «ai entente amiable et remplacement de la prime
de 1 fr. 50 % par une. niifrmenfation die 0 fr. 25.
(2) Le nombre moyen des ouvriers est étnhll, ebaqiio ann(V, on divi-
sant le nombre total des Journoes d<>i travail jHMxlant les Jonrs d'extrac-
ton par le nombre des jour* d'extraction.
- 842 —
1 franc pour les charbons industriels, i franc à 1 fr. 50 pour
les agglomérés, i fr. 50 à 3 francs pour les cokes. Le prix moyen
des charbons extraits ressortit à 18 fr. 95.
L'application de la loi sur la journée de 8 heures dans les
mines faillit entraîner une grève générale. M. Vivian!, ministre
du Travail, qui présida à Saint-Etienne, le 8 janvier, une
réunion mixte du Comité' des Houillères et du Comité fédéral
des mineurs, fit accepter une transaction. Un référendum autour
des puits donna, en faveur de la transaction, 2.000 voix de
majorité sur 10.000 votants et 18.000 inscrits. La convention fut
signée le 14 janvier.
En juin expirait la convention de 1906. Apirès bien des pour-
parlers et des meniaces de rupture, dans un référendum, 7.600
ouvriers, contre 4.587, acceptèrent les propositions du Comité
des Houillères. Une convention fut signée pour deux ans le
25 juillet. Les primes antérieures étaient maintenues. En Outre,
pendant un an, jusqu'au 30 juin 1909, une nouvelle prime de
10 centimes était accordée à chaque ouvrier du fond, et de
5 centimes à chaque ouvrier du jour.
Ces majorations de primes furent appliquées dans la région
de Rive-de-Gier par une convention du 23 septembre 1908.
En outre, la conventiom du 25 jiuiillet stipula certaines clauses
quant aux fiches de paie, au repos des chauffeurs et machi-
nistes, aux salaires des ouvriers pirovisoirement déplacés de leur
travail habituel et des nouveaux embauchés (l).
Quelques conflits isolés, sans aucune suite, furent signalés
à la Péronnière, à Villars, au puits Saint-Louis.
Salaires moyens : 5 fr. 07 (fond) ; 3 fr. 70 (jour) ; 4 fr. 59
(ensemble).
Salaires annuels : 1.597 francs (fond) ; 1.177 francs (jour).
Le sondage pour la recherche du prolongement du bassin de
Rive-de-Gier sous celui de Saint-Etienne commença en 1909 à
la Chazotte. Les essais de remblayage hydraulique étaient con-
tinués à Firminy et les essais de fabrication de gaz pauvre à
Montrambert.
(1) Les conventions intervenues en 1908 dans les différentes mines de
France ont été publiées par le Comité central des Houillères : Conven-
tions entre exploitants et mineurs (1908).
- 843 —
Neuf mineurs furent asphyxiés au puits Montmartre le 22 juin.
M. Viviani, ministre du Travail, assista aux funérailles.
La catastrophe du puits Rambaud, en 1908, eut son écho
devant le Tribunal civil et la Couir d'Appel de Lyon (i).
Un autre événement fut la déconfiture de la Mine aux
Mineurs de Monthieux, dont l'exploitation fut arrêtée.
La Société des Houillères de Rive-de-Gier n'exploitait plus
que les concessions de Grand'Croix, du Martoret et du Sardon.
La Porchère était amodiée à M. Gharrin, Frigerin à MM. Cos-
sange et Deschanel, La Cappe et Corbeyre à la Compagnie des
Mines de la Haute-Cappe. A cause de sa trésorerie trop étroite,
la Société de Rive-de-Gier se disposait à amodier le Martoret
et le Sardon à une nouvelle Société que devait constituer
M. Antoine Arbel, maître de forges, lequel poursuivrait aussi
le déhouillement de la concession de Grand'Croix (^).
En 1908, le Congrès de l'Industrie minérale tint ses assises
à Saint-Etienne. A l'occasion des visites organisées dans les
mines, quelques Compagnies publièrent des notices. Le Bul-
letin de rindustrie minérale publia le compite rendu du Congrès.
M. Siegler, professeur à l'Ecole des Mines, donna lecture d'un
mémoire sur l'exploitation dans le bassin de la Loire, mémoire
publié dans le Bulletin de rindustrie minérale en 1909 et sur
lequel je reviendrai.
1909
Production : 3.662.000 tonnes ; 68 millions de francs ; 20.174
ouvriers.
Par un décret du, 16 septembre 1909, les cinq concessions
appartena/nt à la Compagnie P.-L.-M. (Chazotte, Montcel, Cala-
minière, Sorbiers, Beuclas) furent fusionnées eni une seule
concession, sous le nom de Talaicdière-C hazotte . Un autre décret
du 16 novembre 1909 prononça la réuinion à c^tte nouvelle con-
cession de celle de Saint-Jecin-Bonnefonds.
r>a concession du Reclus fut divisée en deux concessions :
Assiiilly et Ix)rette (décret du 13 avril 1909).
I>aj diminution de la production, quoique très faible, marqiVHit
(1) Journaux des 6 avril et 22 JuMlet 1908.
(2) I-cho des Mines (février 1906).
— 844 -
une période de dépression, due au ralentissement (ie la métal-
lurg-ie.
Prix moyen des charbons extraits : 18 fr. 62.
Production du coke : i 12.000 tonnes ; des agglomérés : 235.000.
Conformément à la convention de joillet 1908, les primes
des ouvriers du fond furent réduites de 0 fr. 10 et celles des
ouvriers du jour de 0 fr. 05, à partir du 30 juin 1909.
Salaires moyens : 5 fr. 09 (fond) ; 3 fr. 71 (jour) ; 4 fr. G2
(ensemble).
Salaires annuels : 1.600 francs (fond) ; 1.180 francs (jour).
A partir du mois de mai, les Compagnies adoptèrent le prin-
cipe du chômage un jour par semaine.
A signaler l'extension du remblayage hydraulique à Firminy
et la continuation des essais sur l'utilisation des combustibles
pauvres (houille grise) : à Montrambert en employant des gazo-
gènes, aux Houillères de Saint-Etienne par combustion sur des
grilles inclinées à chargement automatique alimentant des
chaudières multitubulaires du type Buttner (i).
La catastrophe du puits Montmartre, en 1908, eut son épi-
logue devant les Tribunaux (2).
La Mine aux Mineurs de Monthieux fut mise en vente le
23 septembre, sur le pdx 'de 30.000 francs. Elle ne trouvfi point
d'acquéreur.
La Compagnie de Villebœuf demanda rautorisation d'étendre
son périmètre d'exploitation jusqu'au cœur de la ville de Saint-
Etienne', au delà de la grande artère, en s'engageant à exécuter
le remblayage hydraulique, pour éviter les mouvements de
terrain. Cette demande souleva de nombreuses protestations.
Les propriétaires formèrent un Syndioa.t de Défense. Le Conseil
municipal émit un avis défavorable. L'exploitation de Villebœuf
a causé de tels dégâts aux propriétés et les règlements de ces
indemnités sont souvent si laborieux que la Compagnie ne ren-
contrait aucune sympathie chez les propriétaires.
(1) M. Blache, ingénieur à Miontrambeirt, publia, en 1910, dans le
îiuilletin de VIndustrie minérale, un mémoire sur : Uutilisalion des
déchets et mauvais combustibles pour la production de la force motrice.
En 1911, M. Dessemond, Ingénieiur divisionnaire aux Houillères de Saint-
Etienne, a rendu compte de la partie des travaux du Congrès de Dus-
seidorf sur rutilisatlon des oombustibTes de faible valeur.
(3) Voir journaux des 30 mars, 7 août, 22 novembre.
— 845 —
Le 23 décembre 1909, M. Biver, ingénieur des Arts et Manu-
factures, ancien directeur des mines d'Héraclée (Asie-Mineure),
fut nommé sous-directeur des Mines de la Loire.
Le 1^'* mai 1909, M. Saiverot était nommé directeur de la
Société des Houillères de Rive-de-Gief, en remplacement de
M. Verzat.
1910
Production : 3.692.000 tonnes ; 68.466.000 francs ; 20.178 ou-
vriers.
Production du coke : 127.000 tonnes ; des ag-glomérés : 235.000.
Le marché fut assez déprimé, en raison dli peu d'activité de
la métalluirgie au début de l'année, mais, dans lia, suite, la
situation s'améliora et aucun puits ne chôma faute d'écoulement
des charbons.
Le rapport de Tingénieur en chef, à cause du départ de
M. Tauzin, remplacé par M. Primat, ne donnait plius le prix
moyen des charbons extraits, y compris les charbons de service
et les charbons distribués gratuitement, mais les prix moyens
des ventes cm commerce par Compagnie. Ces prix oscillaient
entre 15 fr. 59 et 24 fr. 86. Il faut remarquer que le prix de
15 fr. 59 appartenait à la Ghazotte, c'est-à-dire à la Gompagnie
P.-L.-M., qui emploie les charbons de cette concession, et que
le prix de 24 fr. 86 concernait la Péronnière, qui livre surtout
des boulets anthraciteux. Le prix moyen de vente pour les
quiaitre grandes Gompagnies (Roche-la-Molière, Montrambert,
la Loire et Saint-Etienne) variait entre 19 fr. 62 et 20 fr. 86.
Le prix moyen des charbons extraits ressortait à 18 fr. 62 (i).
Salaires moyens : 5 fr. 14 (fond) ; 3 fr. 74 (jour).
Salaires annuels : 1.620 francs (fond) ; 1.202 francs (jour).
Le rapport de la Ghambre de Gommerce insistait sur la con-
currence créée par les moyens de transpori; : charbons anglais
rem^)ntant le Rhône jusqu'à Valence ; Lyon de plus en phis
envahi par les charbons du Nord ; Roanne à poui près fermé
aux charbons de la Loire ; réductions de tarifs pour l'expor-
tation en Suisse accordées aux houilles belges et du Nord par
(1) Rapport (lo la Cliambro do. (Uminiercc (f;o prix s'ai^pllque uu.\
Compagnies adhérentes au Comité des Houillères d-e la Loire).
les Compagnies du Nord, de l'Kst, des Ceintures et de TEtal
en 11)07, 11)08, et proposées en 1910 (i).
La convention relative auK salaires fut renouvelée pour trois
ans, à partir du l*^"" janvier 1910, après des pourparlers qui
durèrent du 10 juin au 23 juillet et qui furent plusieurs fois
rompus. Le Comité fédéral dénonça même le contrat individuel
de travail qui lie les ouvriers aux exploitants, mais le Comité
des Houillères refusa de reconnaître ce genre de dénonciation
(21 juillet). La grève paraissait pix)bablè. La nouvelle convention
accorda une augmentation de 10 centimes par journée à l'in-
térieur, de 5 centimes aui jour, enfin une autre augmentation de
5 centimes à tous les ouvriers pour la troisième année. Une con-
vention analogue fut signée le 1*'' août pour la région de Rive-
de-Gier.
La Mine aux Mineurs de Monthieutx fut vendue aux enchères
au mois de janvier.
Une nouvelle Société coopérative à base communiste, « Les
Mineurs du Centre de la Loire » à Saint-Etienne, 9, rue de la
Sablière, publia ses statuts le 9 j'uiin.
Le sondage exécuté à la Chazotte fut arrêté à 1.152 mètres,
sans avoir rencontré le prolongement des couches du bassin de
Rive-de-Gier. Un deuxième sondiage fut commencé au Gros pour
rechercher ce prolongement p).
En 1910, M. Tony Gallot s^uccéda à M. Lazare Lévi comme
directeur des Mines de la Haute-Gappe.
1911
Production : 3.680.000 tonnes ; 645.000 francs ; 20.836 ou-
vriers.
Production du coke : 123.000 tonnes ; des agglomérés : 220.000.
La reprise de l'activité métallurgique, signalée en 1910, avait
fait augmenter la production. En septembre, il y eut pénurie
de wagons pour le transport des li.ouilles.
(li) Voir le rapport de la Chambre de Commerce (Situation générale
dies industries).
(2) Le Bulletin de Vlndmirie rmnérale, en 1910, publia : le mémoire de
M. Sangoy, directeur de la Chazotte, sur : La recherche des couches de
Rive-de-Gier sous le bassin de Saint-Etienne ; un mémoire de M. Crus-
SARD, professeur à l'Ecole des Mines, sur : Le remblayage hydraulique.
— 847 -
Un nouveau tarif de transport P. V. 107 Nord-Orléans-
Geinture fit bénéficier les mines du Nord de prix très avan-
tageux pour transporter leurs cokes sur la région de Montluçon,
dès lors perdue pour le bassin de la Loire.
Les prix moyens de vente pour les quatre Compagnies les
plus importantes oscillaient entre 19 fr, 86 et 20 fr. 70. Ces prix
étaient légèrement supérieurs à ceux de 1910. Le prix moyen
de vente pour l'ensemble des exploitations fut de 20 fr. 38 sur
wagon à la mine. C'est d'après ce prix qu'est calculée la valeur
de la production.
Salaires moyens : 5 fr. 21 (fond) ; 3 fr. 72 (jour).
Salaires annuels : 1.631 francs (fond) ; 1.186 francs (jour).
La convention du 22 juillet 1910 fut appliquée régulièrement,
nonobstant quelques difficultés.
Le sondage de l'Etivalière, entrepris par les mines du Cros,
fut arrêté le 11 juillet sans avoir rencontré le charbon. C'ét<iit
un insuccès de plus au passif des recherches du prolongement
du bassin de Rive-de-Gier.
La Compagnie de Montrambert poursuivait la reconnaissance
de la 8*^ couche, une des plus constantes du bassin. Le premier
coup de pic datait de 1907 et la découverte de 1908. Des bulletins
financiers, en 1911, commentèrent longiuiement cette découverte,
en la portant à la connaissance du public non technique.
Un arrêté préfectoral du 2 février 1911 autorisa la Compagnie
de Villebœuf à étendre son exploitation sous les quartiers de
Chavanelle et Villebceuf à Saint-Etienne, avec application du
reml)layage hydraulique et création d'une réserve spéciale
destinée à payer les indemnités pour les dégâts à la surface (i).
Une catastrophe, due à un incendie spontané, écMta le 18
octobre au puits des Flaches, de la Société des Houillères de
Saint-Ktienne. Elle fit 27 victimes, dont un ingénieur, M. Haup.
Depuis 1891 on n'avait pas enregistré un accident aussi grave.
Le Ministre du Travail assista aux funérailles.
Déjà, au mois d'<ioût, un conflit avait surgi entre la Préfec-
ture et les délégués minouirs, à liai suite d'une lettre jugée
blâmable adressée à l'un d'eux. Les délég^ués envoyèrent leur
(1) Voir le texte dans le Mémorial de la Loire du 12 février 1911.
— 848 —
démission, mais ils revinrent sur leur décision, à la suite de
l'envoi d'une lettre à la Fédération des mineurs .
Le 22 juin 1911, M. Biver, sous-directeur, fut nommé di-
recteur des Mines de la Loire, en remplacement de M. Micha-
lowski (1). La totalité du bénéfice de l'exercice précédent
(400.000 fr.) fut employée en travaux neuifs, sans aucune distri-
bution aux actionnaires {^). Cette Compagnie avait été fort
éprouvée cette année-là et les précédentes. Des accidents gra-
ves et des feux de mine avaient alourdi les dépenses d'exploi-
tation. Les bénéfices de 1911 et 1912 et (en partie) de 1913 furent
employés également aux travaux neufs.
La Compagnie de la Péronnière pot en amodiation une partie
de la concession de Saint-Chamond à l'effet de continuer, dans
cette concession, le déhouàllement de la grande couche de sa
propre concession, totalement déhouillée.
La concession de la Montagne-du-Feai', territoire de la Cappe,
à Saint-Genis-Terrenoire, fut vendue aux enchères par expro-
priation forcée, avec le matédel, le 13 mai 1911, sur la mise à
prix de 2.500 francs (!), à la requête de M. Villemagne, maître
d'hôtel à la Terrasse-su r-Dorlay, contre M. Joannès Pater et sa
famille.
La Société des Houillères de Rive-de-Gier demianda la liqui-
dation judiciaire au Tribunal de Commerce de Lyon (où était
son siège social), qui rendit un jugement dans ce sens. Un
procès, intenté par la Compagnie de la Péronnière, avait été
perdu pair Rive-de-Gier, qui avait interjeté appel. La Cour
confirma le jugement. Rive-de-Gier était condamné à payer
immédiatement 50.000 francs et, en outre, à supporter une
charge annuelle d'exploitation de 21.000 francs. C'est à la suite
de ce procès que la liquidation judiciaire fut demandée, non
sans que cette demande suiscitât une forte opposition en
assemblée générale.
Pour l'édification de l'histoire, voici comment se présentèrent
les derniers bilans de cette Société, jadis si brillante puisqu'elle
fut la première, comme importance, du bassin :
(1) M. Couriot, président du Cooseil d'administration, a rappelé, sur
sa tombe, l'œuvre de M. Michalowski à la Compagnie des Mines de la
Loire {Mém.onal de la Loire, 19 octobre 1917).
(2) Mémorial de la Loire, 16 et 30 mars 1911.
— fe49 —
Les comptes de l'exercice 1910 se soldaient par un bénéfice
d'exploitation de 15.723 fr. 60, contre 26.983 fr. 16 pour l'exercice
précédent ; aucun dividende ne fut proposé, le bénéfice étant
absorbé par l'amortissement des pertes sur le portefeuille, s'élevant
à 75.902 fr. 10, et qui se trouvaient ramenées de ce fait à 60.178 fr.. 50.
' Actif : 1909 1910
Immobilisations 2.621.379,39 2.718.111,18
Approvisionnements et stoofes 65.127,80 21.668,30
Espèces en caisse et en banques 57.973.40 68.118,60
Actionnaires et débiteurs divers 278.940,95 230.944,10
Titres en portefeuille 473.532,50 382r74'2,50
Impôts sur actions 17.952,60 19.931,70
Pertes de l'exercice sur portefeuille,
déduction faite des bénéfices d'exploi-
tation » „ 60.178,50
3.514.906,64 3.501.694,88
Passif : 1909 1910
Capital. . 2.420.000 » 2.420.000 »
Obligations 501.500 » 501.500 »
Réserves et provisions 25.509,25 60.804,25
Garantie industrielle 67.168 » 67.168 »
Main-^d'œuvre 16.482,70 10.010 »
Créanciers diverâ 457.263,53 442.212,63
Profits et pertes :
Bénéfices de l'exercice 26.983,16 » »
3.514.906,64 3.501.694,88
Le terrain houiller se poursuit, non sans aiccroc, de Rive-de-
Gier à Gommunay, où il disparaît. Une première camp^igne
de recherches fuit commencée en 1853 (premier sondage de
Simandres) pour retrouver la prolongation du houiller entre
Gommunay et Chava^nieu, dans l'Isère. Simandres n'est qu'à
2 km. 1/2 du point de disparition du houiller. En 1879-82, noiii-
velles recherches à Hois-Sai rit-Jean et Marennes, un peu phis
loin (|iie Simandres. A cette époque, so forma k Lyon la Société
des recherches d'Heyrieux, à hKiiiclle (irunor a]>iK>rtji rapfnii d(^
son autorité et de sa comi)étence. Cette Scx-irl/» fit son
- 8^ —
premier sondage à Chaponnay, au delà de Marennes, et en
i892-94 elle fit une autre recherche à Saint-Bonnet-la-Mure,
près de la gare de Ghandieu-Troussieu. Une Société nouvelle,
agissant d'aibord en commun avecrancienne Société d'Heyrieux,
puis sans elle, fit battre de nouveau la sonde, en 1905, à Test
de Saint- Bonnet-la-Mure et ensuite jusqu'à Chamagnieu. Elle
s'écarta de la ligne de Commiunay à Chamagnieu, qui avait
constitué l'axe des précédentes recherches et porta ses re-
cherches au nord, à Grenay, à Ghavagnieu, et entre Crémieu
et Leyrieu. Je reviendrai sur ces recherches.
1912
Production : 3.778.000 tonnes ; 68.721.0U0 francs ; 20.199
ouvriers.
Production du coke : 141.000 tonnes ; des agglomérés : 208.000.
Prix moyen de vente au) commerce des quatre grandes Com-
pagnies : de 20 fr. 16 à 21 fr. 43. Prix moyen des charbons
extraits : 18 fr. 19. Pour le coke, le prix moyen était de 29 fr. 28
et pour les aggloméirés de 27 fr. 39 (i).
Les principales causes de l'augmentation de la production
furent : la grève générale des mineurs anglais, qui dura six
semaines, du l""" mars au 10 avril, réduisit la production
houillère de plus de 30 millions de tonnes, et entraîna une
disette de charbon dans le monde entier ; lai hausse des frets
maritimes, qui greva l'importation des houilles étrangères ;
la très grande activité de l'industrie métallurgique.
Les 'Usines embauchèrent un grand nombre d'ouvriers, mais
la main-d'œuvre était rare et la production fut inférieure à la
demande. Du 10 septembre aiu 15 novembre, le matériel de
transport fit défaut et les charbons s'entassèrent sur les plâtres
des mines.
De nouvelles charges étaient imposées aux houillères par
le règlement d'administration publique du 13 août 1911, pres-
crivant la création de bains-douches à tous les sièges d'ex-
traction et édictant d'autres mesures d'hygiène et de sécurité.
La plupart des mineurs chômèrent le lundi 11 mars, sur un
mot d'ordre de la Fédération nationale, pour appuyer l'in-
(1) Rapport (le la CJinmhrr de Commerce (1913).
— 851 —
jonction au Piarlement de voter immédiatement la retraite à
2 francs par jour, 50 ans d'âge et 25 ans de services, et l'appli-
cation de la journée de huit heures à tous les ouvriers du fond.
Nouveau chômage le 16 décembre, sur un mot d'ordre de
la C. G. T., pour protester contre la guerre, c'est-à-dire contre
l'intervention dans le conflit des Balkans.
Salaires moyens : 5 fr. 31 (fond) ; 3 fr. 85 (jour) (l).
La Compagnie de Villebœuf installa un atelier de concassage,
actionné par l'électricité, pour le remblayage hydraulique.
Dans le Bulletin de Vlndustrie minérale^ M. Baret, ingénieur,
décrivit l'exploitation de la 8* couche aui puits Ghâtelus.
1913
Production : 3.775.000 tonnes ; 72.442.000 francs ; 19.679
ouvriers.
Production du coke : 169.000 tonnes ; des agglomérés : 233.000.
Prix moyen des ventes au commerce des quatre grandes
Compagnies : de 21 fr. 50 à 21 fr. 95. Le prix moyen des
charbons extraits ressortait à 19 fr. 19 pour la houille. Pour
le coke, le prix moyen était de 31 fr. 10 ; pour les agglomérés,
de 29 fr. 37.
L'activité industrielle qui s'était manifestée en 1912 paraissait
atteindre son apogée ; les charbons s'écoulèrent facilement, les
prix augmentèrent. Mais les prix de revient augmentèrent
aussi par suite de la hausse des matières premières (8 % sur
les bois) et de l'augmentation des salaires à partir du l*** juillet.
Des dispositions législatives (loi du 31 décembre 1913)
fixèrent à huit heures la duîrée du travail pour tous les ouvriers
du fond. Elles réduisirent à soixante heures la durée des déro-
gations. Le vote de la loi amena une grève dans le Nord ot
faillit déclencher aussi une grève dans la Lioire.
La nouvelle loi miliUiire (rétablissant le service de trois ans
augmenta, à pairtir de septem^bre, la pémiirie de main-d'œ'ivre,
en diminuant de 5 % le nombre des ouvriers.
On fut à court de charbon vers la fin de Tannée. Les usines
métallurgiques reçurent quelques milliers de tonnes de
(•harl)ons allemands ot anglais. r>a crise devait s'aggraver au
début de 1914. •
(l) Vjq rapport dn l'ingénieur on chef n'indhiiio pins los salalros
annuels.
La convention collective de travail de 1910 expirait le 30
juin 1913. Une nouvelle convention fut signée le 10 juillet,
après des négociations plusieurs fois rompues. La grève me-
naça d'éclater. Au référendum, les dernières propositions des
Compagnies furent acceptées par 5.697 mineurs, sur
10.276 votants. Femmes, enfants, employés n'étaient pas admis
au vote. La majorité contre la grève fut fournie par la Rica-
marie. Ce référendum ne s'appliquait pas aux mineurs du
Gier. Une convention spéciale intervint aussi pour la Chazotte.
La convention du 10 juillet était signée pour trois ans. Elle
augmentait le salaire de base, en y incorporant 10 centimes pour
les adultes, 5 centimes pour les femmes et les enfants. Elle aug-
mentait aussi la prime temporaire, en y ajoutant 15 centimes
pour les uns, 10 centimes pour les autres. L'augmentation totale
était donc de 25 centimes ou de 15 centimes pendant deux ans.
Pour la troisième année, les primes devaient être maintenues
si, au bout de deux ans, le cours des charbons avait varié de
moins de 1 franc ; elles devaient être augmentées ou diminuées
de 15 centimes, dans le cas d'une hiaïusse ou d'une baisse de
1 franc au moins.
Une petite grève éclata à Rive-de-Gier, chez MM. Gossange
et Deschanel.
Salaires moyens : 5 fr. 51 (fond) ; 5 fr. 31 (jour). Il y avait
12.412 ouvriers au fond.
Pas plus que les années précédentes je ne puis reproduire la
longue nomenclature des modifications aux méthodes d'exploi-
tation et à l'outillage. L'ingénieur en chef signalait que ces
modifications n'étaient pas importantes, à la différence des
installations.
La Compagnie de la Loire avait fait un effoirt financier re-
marquable pour ses travaux neufs. Au 31 décembre 1912, le
montant de ces travaux s'élevait à 1.662.000 francs (i).
Le sous-bassin de Rive-de-Gier s'épuisait de plus en plus et
sa production ne représentait plus que 215.000 tonnes, dont
188.000 pour la Péronnière, la Haute-Cappe et Saint-Chamond.
La Compagnie du Mouillon (Robert & C^^) licencia en février
ses 40 ouvriers. Le Ban-Lafaverge, en liquidation, fut acquis par
(1) Mémorial de la Loire, 24 avril 1913.
— 853 —
la Haute-Cappe. La Compagnie de Rive-de-Gier, qui ne pos-
sédait plus que les concessions de Grand'Croix, Corbeyre, La
Gappe et La Porchère, fut vendue aux enchères le 13 sep-
tembre. La concession de Grand'Groix fut acquise par la Péron-
nière au prix de 100.500 francs. Corbeyre et la Haute-Cappe
furent acquises par la CompagTiie de la Haute-Cappe pour
75.000 francs (Echo des Mines, 2 octobre).
La Compagnie de Villebœuf adressa une nouvelle demande
au Préfet pour étendre davantage son exploitation. Le Conseil
municipal de Saint-Etienne donna un avis défavorable à cette
demande (29 août). Le Directeur de cette Compagnie depuis 1898,
M. Perrève (Gustave-Léonard), ingénieur de l'Ecole de
Saint-Etienne, mourait à Saint-Etienne le 23 mars 1913. Il était
né à Sainte-Marie (Nièvre) en 1857. M. Perrève fut remplace
par M. Jaboulay, également de l'Ecole de Saint-Etienne.
Un décret du 14 septembre porta mutation, de propriété et
réunion des concessio'ns diu Couloux et de lia Montagne-du-Feu,
et l'amodiation du Couloux par M. Paret à MM. Hercellin et
Graué. M. Graué devenait cessionnaire de la Montagne-du-
Feu, cédée par M. Villemagne (i).
La Compagnie des mines d'anthracite de Communay (Isère),
qui occupait 350 ouvriers, fut déclarée en faillite par le Tribunal
de Commerce de Paris, où elle avait son siège social (2).
• M. Benoit Fleury, ingénieur des Arts et Métiers, ancien di-
recteur des Grandes-Flaches, mourut le 4 novemlvre à Rive-de-
Gier (•^). M. de Villaiiif, iiii('i','ii directeur de Montrambert,
mourait le 16, à Montagny (Loire) (v. p. 403).
Un ûécvei du 24 juillet réduisit le périmètre de la vaste con-
cession de Roche-la-Molière et Firminy à 4.(541 hectares, au
lieu de 5.850. Il y a intérêt ;t faire réduire les ixirties stériles
des concessions, h cause de la redevance ]y.\v hectare.
1914
iSkI'I' l'Illi.MIKHS MUISj
Les chiffn-s de la production pour 1914 sont indiqués dans le
chapitre sui\ ml.
(1) Journal Offlrlel, 20 septembre.
(2) Mémorial de la Loire, \?, mars 1913.
(3) Mémorial, 5 et 7 novembre.
55
-854-
La crise diUi charbon, signalée dans les derniers mois de 1913,
prit un caractère aiigu au début de 1914. Des menaces de grève,
qui se réalisèrent, faisaient craindre rarrèt de la production. Le
Comité des Forges de la Loire, appuyé par la Chambre de
Commerce, demanda et obtint, pour une durée de trois mois,
un tarif réduit de Belfort à Saint-Etienne pour faciliter
l'importation des charbons de la Sarre. Ce tarif ne prit fin que
le l""" mai. A sa faveur, 65.000 tonnes furent importées, tant à
Lyon que dans la Loire. Certaines usines métallurgiques — la
grève terminée — suspendirent pendant deuK mois leurs enlè-
vements dans les houillères de la région.
La grève — la première de 1914 — éclata le 23 février et
dura jusqu'au 2 mars. Elle visait les Pouvoirs publics — ce
fut la première grève de ce genre dans notre bassin — pour
protester contre le vote du Sénat relatif à la loi des retraites.
La grève prit fin su-r la promesse du Gouvernement de subven-
tionner la Caisse autonome des retraites des ouvriers mineurs,
pour i)ermettre de porter les pensions à 730 francs dans cer-
taines conditions.
La deuxième grève, qui était d'abord dirigée, com-me la pré-
cédente, contre les Pouvoirs publics, ou plus exactement contre
la loi du 31 décembre 1913 suir la durée du travail, commença
le 2 juillet. Cette loi fixait la durée de la journée, pour tous les
ouvriers du fond, à huit heures. Les mineurs voulaient com-
prendre le temps du repos dans les huit heures. Les Compagnies
résistèrent. La loi ne laissant place à aucune transaction sur
cette question, la Fédération des mineurs reporta le débat sur
les consignes fixant les heures d'entrée et de sortie. Une tran-
saction mit fin à la grève le 10 juillet, vingt jours avant la
mobilisation !
Le 26 mars, une grève d'un jour avait éclaté aux mines de
Janon.
Un Congrès des délégués mineuirs, le 9 juin, à Roche-la-
Molière, protesta contre la loi fixant à huit heures la durée de
la journée, non compris le repos (l).
(1) Pour traîner Les bennes, on emploie dans les mines un grand
nombre de chevaux (550 dans le bassin die Saint-Etienne), qui ne
remontent au jour que pour être abattus, sauf quand la grève est de
longue durée. Un journal de Saint-Etienne, la Tribune du 7 juillet
~85ô —
En juin, le charbon valait de 18 francs (menus fins 3*) à
37 francs (gréilassons l""^ ou menu spécial de forge) ; les bri-
quettes et boulets, de 31 à 34 francs ; le coke, de 33 à 38 francs.
Temps bénis que nous ne reverrons plus !
Un décret du 4 février 1914 «autorisa l'acquisition, par la
Société des Mines de la Haute-Cappe, des concessions du Ban,
de la Faverge, de la Cappe et de Corbeyre. Un autre décret, du
27 mars, autorisa l'acquisition, par M. Bailly (Saturnin), de la
concession de la Porchère, en suite d'adjudication. Un troisième
décret, du 30 juin, autorisa l'acquisition, par la Compagnie de
la Péronnière, de la concession de Grand'Groix.
On annonça la retraite, pouir le 31 décembre, de M. Murgue,
directeur de Montrambert, et son rempliacement par M. Pigeot,
nommé en 1914 directeur-adjoint. J'ai eu l'occasion de citer
souvent le nom de M. Murgue (v. notamment p. 804). Sa retraite
fut différée, à cause de la guerre, jusqu'au 31 décembre 1915.
M. Pigeot est ingénieur de l'Ecole de Saint-Etienne.
M. Rodde, ingénieur principal de Montrambert, précéda
M. Murgue dans la retraite et quitta la Compagnie le 30 j*uiin (i).
Il fut remplacé par M. Bouchut, ingénieur divisionnaire.
Au mois de février, M. Faure, ingénieur principal aux Houil-
lères de Saint-Etienne, nommé sous-directeur de la Société
minière et métallurgique de Penarroya, à Marseille, était rem-
placé par M. Dessemond, également de l'Ecole de Saint-Etienne.
lî)14, publia les rapports émouvants des délégués mineurs sur le sort
malheureux de ces chevaux. Malheureusement ces délégués sont les
ennemis acharnés des Compagnies. Ensuite on pourrait faire remarquer
que ce sont des ouvriers, et non les ingénieurs ou le direciteoir, qui sont
chargés de la conduite d-es animaux et des soins à leur donner. Enfin,
la cava'erie houillère est une partie du capital engagé dans (l'exploi-
tation, et comment supposer que les Compagnies gaspillent ou laissent
gaspiller ce capital ? Un membre influent de la S. P. A. m'a d'ailleurs
fait connaître que cet article avait été exagéré pour les besoins de la
cause, mais que de nombreux faits étaient mailheureusement exacts.
On n»e saurait trop faire app«el à l'esprit de compassion et, au besoin,
aux sanctions ridlicules de lia loi Grammont — inspirée à. son auteur,
le général Grammont, quand 11 commandait à Saint-Etienne, vers
1849 — pour que les animaux soient traitt'^s aven* bonté. On doit la
Justice à tout le mond<^, m<^me à ces ouvriers infériciin; qiui n'ont ni
député-s, ni jourruaux, ni syndicats, ni délégués ix)ur faire entendre
leurs plaintes, ert I>ieu sait si elles sont nombreuses !
(1) Né 71 Saint-P(mr(.yiiri (AUler), le 19 juillet IH-W. IngénicMir tic Tl-cole
de Saint-Etienne, il lit toute «a carrière à Montrambert.
— 856 ~
A partir du mois de mc'ii, les mots JjH houille aux portes de
Lyon flamboyèrent dans les journaux. On avait découvert le
précieux combustible au château de Mions, dans l'Isère, à
8 km. 500 au nord de Gbaiponnay, presque à l'angle des routes de
Saint-Symphorien-d'Onzon et de Saint-Priest, à la suite de
sondages exécutés par un consortium à la tête duquel se trouvait
la Compagnie des Mines de Blanzy. Une première couche de
2 m. 50 fut rencontrée au mois de mai, à 470 mètres. En juin,
le sondage avait recoupé une seconde couche de houille grasse
de 3 à 4 mètres de puiissance. .Les recherches avaient été faites
sur les indications de géologues éminents : M. Termier et le
directeur de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne, M. Priedel (l^.
Le 26 juin, à 15 h. 30, M. Murgue, président de la section des
Mines à l'Exposition internationale de la vie urbaine de Lyon,
inaugurait le pavillon des Mines, dont la nef principale était
réservée aux houillères de la Loire. Le même jour, à 21 h. 50,
un incendie détruisait entièrement ce pavillon, où tous les
pirogrès de rexploitation, de l'hygiène et de. la sécurité du
mineur étaient synthétisés. Le rapport du Jury et les notices
publiées par les grandes Compagnies de la Loire ne donnent
qu'une pâle idée de tant de richesses. L'exemplaire unique du
fameux plan-coupe du bassin hou i lier, par M. Perrin, périt
dans les flaimmes.
Les exposants s'efforcèrent de reconstituer, sur un autre em-
placement, un stand rappelant autant que possible le pavillon
disparui. Ce stand reçut, le 20 juillet, la visite dli Jury. Les
journaux de Lyon en faisaient connaître l'installation au public
le 31 jaijllet !
Le 31 juillet ! veille du jour où fut lancé l'ordre de mobili-
sation générale, qui marque la fin des années heureuses, des
années où l'on ne connaissait ni le massacre en grand, ni la
dévastation systématique, ni la vie abominablement chère, ni
le bolchevisme ! Heureux temps où (ironie des choses !) on se
plaignait, et que les hommes de ma génération ne reverront
plus !
(1) Voir VEcho des Mines des 7 mai et 23 juillet 1914 et le bujletin
industriel du Mémorial d\e la Loire des 11 mai, 8 juin et 3 août 1914 ;
ce dernier numéro indique l'historigue des recherches depuis 1853,
que j'ai signalées p. 849.
-- 857 —
RENSEIGNEMENTS RÉCAPITULATIFS (1900-1914)
Sociétés exploitantes. — Le cours moyen annuel des actions
de la Société des Mines de la Loire oscilla, de 1900 à 1913, entre
208 francs en 1911 et 291 francs en 1900. Le Président du
Conseil d'administration (in 1913, M. Gouriot, ingénieur des
Arts et Manufactures, avait succédé à M. Tranchant. Le di-
recteur, M. Biver, avait succédé à M. Michalowski.
Le cours des actions de la Société de Moiitrambert et de la
Béraudière oscilla entre 669 francs (1910) et 960 francs (1900).
Président du Conseil d'administration en 1913 : M. Coignet,
président de la Chambre de Commerce de Lyon, successeur de
M. Flotard ; directeur : M. Murgue, jusqu'au 31 décembre 1914.
Le cours des actions de la Société des Houillères de Saint-
Etienne oscilla entre 514 francs en 1900 et 414 francs en 1904.
Président du Conseil d'administration en 1913 : M. Jean Neyret,
maire de Saint-Etienne, successeur de M. Souchon et de
M. Douvreleur ; directeur : M. Paul Petit, successeur de
M. Villiers.
La Comimgnie des Houillères de Hive-de-Gier avait vu re-
monter ses actions à 73 francs en 1903. Elles tombaient à 3 fr. 89
en 1912, année où fut demandée la liquidation judiciaire. Ancien
président : M. Bouthéon.
Tel était l'indice de la sitiiiation financière, très différente,
des quatre ('(>m{)agnies issues de la grande Compagnie de la
l/oire. On lomiirquena. que les cours les plus élevés furent ceux
de 1900. Depuis 19(X), en effet, les ch.ir-jvs légales n'ont pas
cessé d'augmcnfcr pour les Comp-cigrrn'i^s : ;i-L;iiivati(Hi d'inipois,
réduction de l;i journée de travail, iucmiics régIcincDiaircs
d'hygièiK- cl de ;(''('iMilé, n-ira,iies. I*]n nir-inc Icmps, les grèves
et les conventions collectives de travail faisaient inignuniter le
salaire nominal, sinon, dans la même pro[H>rtion, le salaire
réel. La pari du travîuil recevait un aocroissement dans le produit
des entreprises, la fmrt du capitid était en diminution. Or, si
l'on considère que le revenu des actions en ItXX) ét<iit environ
du 4 ou 4 1/2 %, taux qui est loiîi' d'être exagéré, on conc^oit
(pu'l " festin -(.n)|ilueu.\ .., pour- enipl«i\cr rcxpression syndi-
caliste, fui M'i'\i iiux aclioiniaiies ijui achclcreiil t]('^ aclions
- 858 -
en 1900, actionnaires certainement nombreux puisque la hausse
des actions dépend de l'intensité de la demande. Des héritiers
des actionnaires primitifs ont pu conserver leurs actions, mais
en compterait-on beaucoup de cette catégorie ? Pour eux,
d'ailleurs, la plus-value de certains titres compense-t-elle
toujours les moins- values des autres valeurs ?
Le cours des actions de la Compagnie de Roche-la-Molière et
Firminy oscilla entre i.562 francs (1908) et 1.981 francs (1901).
En 1901, le dividende réparti étant de 85 francs par action, le
taux du placement n'atteignait pas 4 fr. 30 %. Le Président du
Conseil d'administration, M. Platon, successeur de M. Cam-
befort, devait être remplacé par M. Isaac, ancien président de
la Chambre de Commerce de Lyon. Directeur : M. Voisin.
Le cours des actions des Mines de Villebœuf avait oscillé
entre 136 francs fl910) et 597 francs (1902). Président du Conseil
d'administration : M. Guérin. Directeur : M. Perrève, qui
mourut en 1913, remplacé par M. Jaboulay. Cette Compagnie
supporte de lourdes charges pour la réparation des dégâts à
la surface dans les quartiers de Villebœuf et Chavanelle. La
nouvelle avenue Président-Faure, commencée en 1904, lors de
la percée de la rue de Lyon, avenue dont on espiéirait faire une
voie triomphale, a vu les quelques beaux immeubles construits
sur ces terrains, lézardés par les mouvements des mines. Une
grande construction a été arrêtée.
La Compagnie de la Péronnière remboursa son capital le
l*'" juin 1910. Ses actions avaient été cotées entre 595 francs
(1902) et 415 francs (1905). Toutes les actions de capital sont
devenues des actions de jouissance et leur cours moyen a atteint
649 francs en 1912. Président du Conseil d'administration :
M. Benoit Oriol, député de la Loire. Directeur : M. Charousset,
à qui devait succéder M. Camus (i).
Pour les actions de la jeune Société de ia Haute-Cappe, fondée
en 1905, au capital de 1.250.000 francs divisé en actions de
500 francs, V Annuaire des Agents de change de Lyon n'indique
que les répartitions annuelles.
La Société du Ban-Lafaverge, en liquidation en 1914, datait,
comme Société anonyme, de 1890. Elle faisait suite à l'ancienne
(1) L'un et l'autre ingénieurs de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne.
— 859 -
Société civile constituée en 1826. A l'origine, son capital de
500.U00 francs était divisé en parts de 1.000 francs. Il fut réduit
à 200.000 francs et divisé en parts ou actions de 100 francs. De
1890 à 1913, ces actions avaient oscillé entre 288 francs (1894)
et 49 francs (1908). En 1913, elles valaient 52 francs.
A titre de renseignement, la Société des Mines d'anthracite
de Gommunay (Isère), en liquidation en 1914, remontait à la
Société civile, créée en 1884 et transformée en Société anonyme
en 1899, au capital de 1.800.000 francs, divisé en actions de
300 francs. De 1899 à 1913, le cours miaximum avait été de
339 francs (1900) et le courts minimum de 25 francs (1913).
Pour en finir avec les charbonnages de la région dont les
actions étaient inscrites en 1913 à la Bourse de Lyon, je citerai :
La Société des Fours à coke de Bérard (rue de la Valse, à
Saint-Etienne), qui prit la suite, en 1899, de MM. Murgue et
Tronchon ; cette Société est au capital de 125.000 francs, divisé
en actions de 100 francs (Administrateurs : MM. Tronchon,
Laroudie et Thiollière). \J Annuaire des Agents de change n'in-
dique que le montant des répartitions.
L'importante Société en nom collectif « Les Fils Charvet, à
Saint-Etienne », qui occupe une si grande place dans le com-
merce des charbons, a été transformée en Société anonyme
en 1912 au capital de 4.700.000 francs, mais ses actions n'étaient
pas inscrites à la Bourse de Lyon. M. Benoît Charvet père fut
maire de Saint-Etienne de 1865 à 1870. M. Henri Charvet, in-
génieur de TEcoie de Saint-Etienne, maire de Champdieu près
Montbrison, est mort en 1919.
ï^a Société civile des Tréfonds, 7, rue de la Préfecture, à
Saint-Etienne, fondée en 1883, au capital divisé en 21.000 parts
nominatives, société présidée par M. de Fraix de Figon, a en
pour premier administrateur-directeur M. Saignol, ancien
élève de l'P^cole polytechnique (mort le 3 janvier 1906), dont le
successeur est M. Rey-Herme, ingônieuir des Arts et Manufiic-
tures. Le cours moyen de ces parts, depuis 1888, a oscillé entre
425 francs (1913) et 260 francs (1895).
Sur 61 concessions de mines de houille en 1913 (au lion de
64, à cause des fusions de la. Ghazotte), 36 étaient en activité :
\ih concession de Rocho-la-Mollère et Firminy, la plus imyior-
tante de toutes, faisant à elle seule l'objet de l'exploitation de
— 860 -
la Compagnie de ce nom, accusait une production de 935.000
tonnes.
La Société des Mines de la Loire (concessions de Dourdel et
Montsalson, Beaubrun, Villars, la Ghana, Quartier-Gaillard, le
Gluzel), 825.000 tonnes.
Les concessions réunies de Montrambert et de lia Béraudière,
726.000 tonnes.
La Société des Houillères de Saint-Etienne (concessions du
Treuil, de la Roche, de Bérard, de Méons, de Gôte-Thiollière,
de Ghaney), 668.000 tonnes.
Le groupe des concessions fusionnées dé la Gompagnie
P.-L.-M. sous le nom de la Talaudière-Ghazotte, 239.000 tonnes.
La GompagTiie de la Péronnière (Plat-du-Gier, Gomberigol,
La Péronnière), 111.000 tonnes.
La Gorapavgnie de Villebœuf (concession de Villebœuf),
77.000 tonnes.
La Gompagnie de la Hautc-Gnppc (La Faverge, Le Ban,
Gollenon, Gorbeyre, La Oappe, Assuilly), 61.000 tonnes.
La concession du Gros, à MM. de Rochetaillée, et dont le
directeur était M. Desvignes, 61.000 tonnes.
La Société des Mines de Janon (concessions de Terrenoire et
de Janon), 27.000 tonnes.
La Société de Saint-Ghamond (concession de Saint-Ghamond),
dont le directeur était M. Duc, 16.000 tonnes.
La Société des Houillères de Rive-de-Gier, en liquidation
depuis 1912, figure dans la statistique de 1913 pour 9.700 tonnes
(concessions de Gra.nd'Groix et de Lorette) (l).
La concession des Grandes-Flaches, h MM. GossaïUge et Des-
chanel, pour 3.931 tonnes (2).
La Société du Ban-Lafaverge, directeur : M. Gira.rd-Teillard,
en liquidation, figure (concession de la. Faverge) pour 2.958
tonnes ; la. concession de Graveucind, exploitée par MM. Richier
et Brailly (3), pour 2.894 tonnes ; la concussion de Gombeplaine,
à M. Louis Jay, pour 2.978 tonnes.
(1) La ooncession de Lorette était achetée par -MM. Arbel, Cossange
et Deschanel {Indicateur de St-Etienne).
(2) Cette concession, avec celles de la Catonnière, Frigeiin, Verrerie
et Chantegraine : M. Valluy, directeur {Indicateur de St-EtJenne).
(3) MM. Dubuis frères et Cie {Indiratcur <lf s>iini-l-:ii(>iiiir). Les mines
du Ban-Lafaverge fnrent exploitées i>ar la Cunipagiiie de la Haute-
Cappie, à partir du 1^'' juillet 1013.
— 861 —
Venaient enfin : la concession de Trémolin, exploitée par
MM. Gardon frères : 1.002 tonnes ; la concession du Gourd-
Maiin, à MM. Monnet et Terrât (i), 928 tonnes ; la concession
(ju Mouillon (propriétaire M. Balp), 368 tonnes ; la concession
de Grozagaque, exploitée par MM. Robert frères & G**' (2^,
l'S) tonnes ; là concession du Gouloux, exploitée par M. Per-
riiichio c^), 408 tonnes ; la concession de Montbressieu, par
MM. IMaiiL't et Ro])ert (4), 170 tonnes.
Les noms précédents, relevés sur le rapport de l'Ingénieur
en chef, indiquent les exploitants, qui peuvent n'être pas des
concessionnaires.
Cinq des concessions précédentes avaient été mises en chô-
mage au cours de l'^année 1913 : Grand'Groix, Lorette, Mouillon,
Grozagaque et Montbressieu.
Vingt concessions étaient en chômage avant 1913 : Unieux et
Fraisses (Aciéries de la Marine), La Porchère (Houillères de
Rive-de-Gier), Reveux et Ronzy (Houillères de Saint-Eficnno).
Monthieux (Mine aaix Mineurs), Baraillère (Tardy), Sibertièro
(Bonnet), Saint-Jean-Bonnefonds (P.-L.-M.), Montagne-du-Feu
et Verchères-Féloin (Villemagne), Verchères-Fleuirdelix (Ro-
l)orf frères et Gagne), Gombes-Egarande (Rousset), Gouzon
fl'ond), Sardon et Martoret (Houillères de Rive-de-Gier),
Tnitar,!- .In peaux). Pomme (Gomet), Gatonnière, Frigerin,
X'cfivfii', Ghantegraine (Valluv).
('<s concessions étaient en majorité (hi groupe de Bive-de-
^'•i<'''- l^a piodiiclioii do c^ groupe ne i-('prcs(Mit;iil (pic lMH.OOO
♦"MiH's, doiil I I 1.1)0(1 pour |;i P("ioiini('rv et 61.0(K) pour la Haute-
'"appc, r( celle di, uniiipc de Sai]il-Kf ienne 3.500.000.
I *!!<»(. i;i:s Di: i/kxim.oitation. Imi JDOS, an Gongfès dv l'Tn-
diislfie luifK'rale ;i S.iinl l'itieniie, M. Sie-lei', pi-of(\^s«Mii' à
' l''<"<»i'' de> Mille-, fil lin exposé du di-veloppcment de Texploi-
♦ dieiii d;iii- le });i-:siM de la l>oire depuis |S,^.^. d;i(<' de l.i ciini ( h m
de la SociéLô de riiidiislric iiiiiiér'ale. Si on laisse de (-((U; (os
(1) MM MmilMl .1 0,'M.iiiirt lin//r,,lrn, <l,- ^ I .l- I j rn 1 1 r\ ,
f') '.'"/.i ;iM"'' '■! !'■ M'HiiIImii ; MM |;M|,rit Imt,. Imlnuurtir ,lr >'.
(:?) M. I';iivl hnln ,ltrii, ,1, -/ ///,■///-
{'*■ MM. I;-Im I! Iirn - l,,il,r,,lrii, ^Ir W Ilirnnr).
— 862 —
questions de ventilation et de lutte contre le grisou, les grandes
lignes de la plupart des méthodes actuelles d'exploitation étaient
tracées dans les premières années de l'existence de cette Société :
enlèvement méthodique du gîte pair tranches horizontales ou
par tranches inclinées, divers degrés soit dans l'importance
du traçage, soit dans la largeur des chantiers depuis le système
de dépilage par galeries successives jusqu'à l'emploi des graindes
tailles à progression continue.
L'' ancienne tradition consistait à cheminer à l'aventure dans
les parties les plus riches de la couche, soit de niveau, soit
suivant le pendage, ou à effectuer de grossiers quadrillages en
abandonnant des piliers plus ou moins irréguliers, ou encore
à créer de vastes chantiers d'éboulement, ou à exploiter par
étages horizontaux successifs non contigus en abandonnant des
piliers dans ces étages et la totalité des étages intermédiaires.
Bien avant 1855, la nécessité' du remblayage dans les couches
puissantes commença à se faire sentir. A Rive-de-Gier, les
premiers essais dataient de 1815 à Egarande et au Sardon, avec
des remblais obtenus au moyen de chambres d'éboulement
souterraines dans les quiartiers stériles. A Montrambert, o-n des-
cendait régulièrement les remblais du jour depuis 1840.
La grande taille à progression continue date de 1848 à Mont-
rambert. Depuis 1860, on a simplifié le réseau de traçage, on
a généralisé les grandes tailles, oià le rendement de l'ouvrier
est meilleur, on a réalisé un déhouiillement de plus en plus
complet et un remblayage de plus en plus efficace.
L'abatage n'a pas subi de modification notable. Le tirage
à la poudre était courant en 1855. Pour le boisage on employait,
comme aujourd'hui, les cadres dans les avancements en galerie.
Ce qui est plus récent, c'est l'emploi de cadres à plusieurs
supports et à chapeaux.
Pour le roulage, Rive-de-Gier employait, depuis 1851, le
chemin de fer souterrain.
Pour l'extraction, on commençait en 1848 à se servir de gui-
dages pour empêcher le ballottement des charges. Les cages
guidées, avec plancher, datent de 1858. Les câbles firent l'objet
de multiples communications à l'Industrie minérale.
Comme machines d'extraction, on employa longtemps les
machines à un cylindre et à engrenages. La machine horizon-
— 863 -
tàle ou verticale, à deux cylindres et à commande directe, fut
introduite en 1856. A cette époque, les machines d'épuisement
souterraines n'étaient pas complètement inconnues.
L'aggloméiration des menus avait été inaugurée par Marsais
en 1842.
La carbonisation, en 1855, produisait 355.000 tonnes de coke.
C'est du côté de la ventilation et du grisou que les exploitants
de 1855 étaient les moins avancés. Les premiers ventilateurs
mécaniques furent introduits à la Chazotte en 1865. Pour l'é-
clairage, on ne se servait que de la lampe Davy, bien que la
lampe Mueseler fût connue. En 1907, on employait les lampes
« cuirassées » Marsaut, Fumât, Wolf.
La transformation des procédés d'aérage se produisit après
les grandes catastrophes du grisou et grâce aux travaux de la
Commission du grisou, publiés en 1882, aux travaux de
M. Murgue sur la résistance des galeries et l'adaptation du
ventilateur à la mine, aux appareils de ventilation susceptibles
de fournir un grand débit sous une grande dépression, sans
augmentation exagérée de dimension, appareils dont les plus
répandus furent créés dans la Loire ^Râteau, Mortier), à l'amé-
nagement préalable de galeries d'aérage de grande section et
souvent de grande longueur entre les puits d'entrée et de sortie
d'air, à l'emploi de l'air comprimé actionnant de petits venti-
lateurs secondaires au fond, aux recherches de M. Paul Petit
sur l'exécution des travaux préparatoires des mines à grisou.
Des mesures de précaution minutieuses et méthodiques, par-
ticulièrement étudiées à Firminy, ont notablement diminué la
probabilité des inondations causées par les coups d'eau.
Deux services paraissaient à la veille d'une transformation
radicale : l'abatage et le remblayage.
Le havage mécanique avait donné ]>eu de résultats satis-
faisants, mais, en 1908, on poursuivait les essais au moyen de
marteaux perforateuirs pour le creusement des coups de mine
ou de marteaux piqueurs pour l'i^ihatage direct do la houille,
les uns et les autres actionnés par l'air comprimé.
Fie remblayage hydraulique ne donnait lieu' encore, en 1908,
([u'à des applications très limitées. « La valeur thwrmr dv
charbon (iii'i sithsisir Kl, //s Jfi rilîr dr Sn'nitV.t'irtmc serait un
— 864 -
motif suffisant pour chercher radiaptation d'une méthode per-
mettant de l'extraire sans danger pour les constructions de la
surface. »
La généralisation de remploi de l'électricité dans les mines
était un des plus grands progrès réalisés dans la période que
nous étudions.
L'hygiène du mineur enfin laivait été transformée.
A l'Exposition de Lyon en 1914, le feu détruisit le pavillon
des mines. Mais le rapport de la section IV, rédigé par
M. Gabaud et publié en 1916, conserve le souvenir des objets
exposés. Deux grands tableaux montraient le poste central de
sauvetage créé par le Comité des Houillères de la Loire, poste
où l'on dressait à l'emploi des appareils respiratoires deux
équipes de quinze hommes, toujours prêtes à renforcer les
équipes spéciales des exploitations.
Le Comité exposait aussi le fameux plan avec coupe géolo-
gique sur verre du bassin houiller de la Loire, de M. Perrin,
géomètre en chef des Houillères de Saint-Etienne. Il faut
déplorer que l'incendie ait détruit cette image fidèle et frap-
pante de notre bassin houiller et qu'on expose des exemplaires
scientifiques uniques de cette valeur dans des constructions
aussi légères que les bairaquements d'exposition.
Les Compagnies de la Loire, de Roche-la-Molière, de Mont-
rambert, de Saint-Etienne, de la Péronnière, de VilleboB'Uf, de
la Haute-Cappe prenaient part à l'Exposition. Les quatre pre-
mières publièrent des notices, analysées dans le rapport du
Jury et auxquelles je ne puis que renvoyer, les descriptions
techniques, comme celles de l'aménagement des puits par
exemple, n'étant pas résuimables.
Ces documents présentent un intérêt plus grand que ceux des
Expositions précédentes, car il n'y aura plus de longtemps
des Expositions, comme on en a tant vu depuis un demi-siècle.
Ensuite l'Exposition de Lyon a fixé l'état de l'industrie au
moment de la déclaration de, guerre.
Statistique générale. — De 1900 à 1913 inclusivement, le
maxiinjum de la production a été atteint en 1900 (3.946.000
tonnes) et le minimum en 1902 (3.043.000 tonnes), année
marquée par une longue grève générale. Si l'on fait abs-
traction de l'année 1902, à cause de la grève, l'année la
- 865-
plus faible a été 1904 (3.524.000 tonnes). Je mniène les compa-
raisons suivantes auix deux termes extrêmes de la période :
1900 et 1913 et à Tannée 1904. L'année 1913 a été la dernière
année industrielle normale. Le cadre des lapports des Ingé-
nieurs en chef changeant avec la nomination d'un nouveau
titulaire, les 'mêmes éléments ne se retrouvent pas à deux
époques différentes.
Production totale de la
houille (i)
Production du coke
Production des agglomérés.
Valeur totale des produits
extraits
Nombre d'ouvriers
Salaire journalier moyen
(fond)
Salaire journalier moyen
(jour)
Consommation d'explosifs.
Fraction de la production
brute passant au lavage.
3.946.000'
119 332»
197.555'
71.250.000f
19.798
5 fr. 21
3 fr. 78
159.455 kg.
24,3 «/o
1904
3.524.000'
80.846 t
213.588'
61.714.000^
18.934
4 fr. 90
:\ fr 57
144.101 kg.
29,9 'V..
191S
3.775.000'
169 234'0
233.720 t(»)
72.442.000 f
19.679 I*)
5 fr. 5 1
4 fr. 07
178.813 kg.
350/0
Accidents (Nombre total)
lîXIO
l'JOl
iyi;i
5.212
27
300 '
l'.l!» •
(lliili iiiilii|iir
i8fr. (ir.
4.618
P.)
282 '
isr. '
15 fr. S'.)
j] fr. ::.
1.823
IS
30 i'
l'H '
P.» Ir. 19
21 ïv. rJ
— (Nombre de tués)
Production individuelle (fond)
Annuelle (fond et jour)
Prix moyen des charbons extraits. . .
Prix moyen de vente au commerce. .
]('^ i|i;mimi(k il ;i II -1 1 inni'S cii cnki'-- ri en ;i u.l; '< 'ini'
' .' Don! : Cl,' i\i' I!, ,Im' |;i Mnlirrr .'.O.'.s'^ ; Ci,
ll'il||||,.|,' ,|r St l'.IIrlilH. 'f'.<M-4>.
I >■ cnliiplt'liaill
l.l Lnllr C, ■>■?:. .
Cl I
!'■ 'i' ' :. 'I.' I:i '■'■lollllir'lM' S0.787 : llMiiill.Mrs ,1,. st l'.llrlll
"' :<' ;n> \ .llfli«ciir ' 1; il,- 1,1 M.iiifiv is.<.n;:;
c- ( M' ■ ;.
I)"iit li-' h,' l;i \|,.iM'i.- ', .,:;' 1,1 I . \|.-!,'i,.iii|., 1 1 :; ,;:o
Siiiiii 1 ,1 i.'iiii- .; 1.1. 1 ( Il , /, ,1 1,- I lu ; , I '- I , : , \ ■ !"i ,ii .,, ;. -
Oi-iii. 1.1,1 ,1 M, \ iIi.'Ihi'iii ) ;, :,i ( < ■
— 866 —
J*ai indiqué pour 1913 et les années précédentes les prix de
vente moyens pour les principales Compagnies, et, en 1914, les
prix des différentes qualités. Aucune publication ne conserve
les prix par qualités à des époques différentes, comme le faisait,
avant 1896, le Bidletin de V Industrie viinéTale.
Dans ce Bulletin, en 1909 (p. 19), M. Siegler a décomposé le
prix de revient par tonne dans la même concession en 1855, où
il était de 7 fr. 62., et en 1907, où il était de 13 fr. 81. L'aug-
mentation portait sur la plupart des articles. Elle était parti-
culièrement sensible sur certains d'entre eux, comme les
fournitures de bois.
M. Siegler ajoute que le prix de vente en 1855 dans le groupe
Saint-Etienne était de 11 fr. 60 pour la houille vendue au
commerce, et de 10 fr. 54 si l'on tient compte des quantités
consommées par les mines ou carbonisées. En 1907, pour l'en-
semble du bassin, le prix global était de 17 fr. 90.
Le salaire, en 1862, était de 3 fr. 60. En 1907, il était de
5 francs, toutes retenues légales déduites.
J'ai exposé la crise de l'appirentissage (voir le chapitre sur
le régime des ouvriers mineurs) et cité les coefficients d'insta-
bilité en 1900 et 1913. Il faut devenir mineur jeune. Or, les
jeunes gens ne descendent plus dans la mine qu'en petit nombre.
La distribution des combustibles de la Loire en 1900 et 1913,
limitée aux départements et pays indiqués dans le rapport de
l'Ingénieur en chef pour 1913, était la suivante :
1900 0 1913 («)
Loire. . 1.524.000 tonnes 1.163.000 tonnes
Rhône 1.015.000 -- 925.000 —
Isère 366.000 — 247.000 —
Saône-et-Loire. . 116.000 — 129.000 —
Suisse 87.000 — 111.000 —
Itahe 26.000 — 40.000 —
(1) Statistique de VIndustriie minérale,
(2) Rapport de l'Ingénieur en chef (la Statistique de VIndustrie mi-
nérale n'indique plus, depuis 1913, la distribution des combustibles de
chaque bassin).
- 867 --
La consommation des combustibles par départements a été
supprimée de la Statistique de V Industrie minérale, à partir
de 1913 inclus, comme n'offrant pas assez d'intérêt.
Le total de la consommation du département en 1900 repré-
sentait 1.630.000 tonnes et la valeur 31.438.000 francs sur le lieu
de consommation (19 fr. 28 la tonne).
En 1913, les charbons de Saint-Etienne ne représentaient que
25 % des charbons consommés par Roanne, qui était alimentée
par Saône-et-Loire et Allier. Roanne consommait même 19.000
tonnes de charbons belges, anglais ou allemands. Les charbons
débarqués par le canal représentaient 127.000 tonnes, les
charbons embarqués par le canal 5.000 tonnes (i).
La production de la houille en France était de 33 millions de
tonnes en 1900, de 41 millions en 1912.
l^ consommation était de 48 millions de tonnes en 1900 et
de no millions de tonnes en 1912.
L'importation était de 16 millions de tonnes en 1900 et de
20 millions de tonnes en 1912.
(1) nnpi^oit (le rhiLTiiiciir m chef.
CHAPITRE X\ II
RÉGIMES DES MINES ET DES MINEURS
ET SITUATION GÉNÉRALE PENDANT ET DEPUIS
LA GUERRE (1914-1921)
1914
(Cinq derniers mois) (^)
OUR l'ensemble de Fannée 1914 la production fut
de 3.329.000 tonnes, dont 1.167.000 tonnes seu-
lement pour le second semestre, diminution
amenée par les vides causés par la mobilisation.
Le premier semestre avait étéi affecté par deux
grèves.
Production du coke (ensemble; de l'année) : 138.000 tonnes ;
des agglomérés : 169.000.
Le rendement des ouvriers réfugiés ou étrangers, embauchés
pour remplacer les mobilisés, fut en général inférieur à celui
de ces derniers. Seuls, les mineurs appartenant à l'armée terri-
toriale, à sa réserve on aux services auxiliaires avaient bénéficié
d'un sursis d'appel.
La presque totalité de la production fut réquisitionnée pour
les chemins de fer, pour les établissements de la Défense natio-
nale et aussi pour approvisionner les départements voisins (^).
La réquisition totale cependant n'intervint que plus tard.
Jusque-là, La métallurgie dut s'approvisionner par entente avec
les mines. La pénurie de houille pour les usines motiva des
inquiétudes.
(1) Pour les sept premiers mais, voiir pag« 853
(2) Mémorial de la Loire, 25 décembre 1914.
- 869
1915
Production : 3.286.000 tonnes.
Production dui coke : 138.000 tonnes ; des agglomérés : 209.000.
La production de la houille était inférieure de 11 % à celle
de 1913, c'est-à-dire à la production normale. On aurait pu
craindre une diminution plus grande. L'arrivée des mineurs du
Nord (1), d'abord ,app)elés sous les drapeaux, puis mis en. sursis,
et le recrutement de la main-d'oeuvre étrangère permirent
d'éviter ce résultat.
La liberté des prix de vente fuit supprimée le l*' juillet 1915.
A cette date, les exploitants s'engagèrent à ne pas faire de
hausse, sauf en cas d'a.ugmentation notable du prix de revient
et avec l'agrément du Ministre des Travaux publics.
A fin décembre 1915, par rapport à 1914, la hausse moyenne
du prix de vente était de 4 fr. 50 environ par tonne. Les prix
des matières premières avaient augmenté (20 % sur les ma-
tériaux de construction, 70 % sur les métaux, 30 % sur les
bois).
Les salaires continuaient à être réglés par la convention du
10 juillet 1913. En conséquence, à partir du l*"" juillet 1915,
ils furent augmentés de 0 fr. 15 par journée, en raison de la
hausse des prix de vente. Par suite des heaiires supplémentaires,
les gains journaliers augmentèrent notablement. L'application
(le la loi de huit heuires fut suspendue.
Par suite de l'apport de la main-d'œuvre étrangère et de
celle des prisonniers de guerre, l'effectif du personnel se rap-
prochait de la normale (20 à 21.000).
Il y avait [>énurie de matériel pour l'expédition des charl)ons
et le transport des matières premières (bois pour les soutè-
nements, etc.).
Au mois de novembre, une Société anonyme des Houillères
de Dargoire, au capital de 40.000 francs, fut constituée pour
la recherche de la hoiiiille dans la concession de Tartaras et d(!
Saint-Jean-dc-Toulas, l'achat et l'exploitation de cette con-
cession, et éventuclh^Tncnt, l'obtention et rex[)l()itation d'autres
(1) MémoTiiii (Ir la I.olre, fi janvier 1915.
se
- 8?0 —
mines. Le fondateur et l'un des premiers administrateurs étjadt
M. Ghappard, constructeur-mécanicien à Saint-Etienne (i).
Vers la fin de l'année, l'élévation du prix des combustibles
aui détail dans toute la Fnance fit proposer la création d'un
Office central de répartition au Ministère des Travaux publics.
M. Durafour, député de la Loire, déposa un rapport sur ce
projet. A Saint-Etienne, les charbons domestiques, vendus de
3 fr. 75 à 4 fr. 70 les 100 kg. en 1913, coûtaient, fin 1915, de
4 fr. 50 à 5 fr. 70. A Paris, le prix de la tonne était monté de
75 ou 80 francs à 120 ou 130 francs. En Angleterre, les prix du
charbon à la mine étaient montés de 13 francs à 23 et 25 francs,
le Gardiff de 25 à 37 francs, le fret pour nos côtes de l'Océan
de 6 francs à 30 et 45 francs, et, pour la Méditerranée, de
10 francs à 50-55 francs. Le long stationnement sur les navires
en attendant le déchargement, l'éléivation du change portaient
le prix de la tonne anglaise de 30 à 70 francs et même davantage.
Pour les livraisons au détail, la bonne main-d'œuvre était in-
trouvable. Les chevaux et leur alimentation avaient doublé de
prix. La hausse de 10 francs par tonne dans la vente au détail,
à Saint-Etienne même, n'avait rien que de très naturel P).
Un décret du 20 avril 1915 prorogea les délais pour les re-
cherches minières. La loi du 17 août 1915, dite loi Dialbiez, sur
la répartition et l'utilisation des mobilisés et des mobilisables,
fut suivie d'une instruction du 18 septembre concernant les
houillères, et d'une instruction du 19 septembre pour les usines
de l'armement. Les hommes ayant justifié de l'exercice de la
profession de mineur pendant six mois au moins pouvaient
être laiffectés aux exploitations. Geux qui, sans réunir cette con-
dition, y étaient détachés, pouvaient être maintenus sur l'avis
d'une Gommission mixte, présidée par l'Ingénieuir en chef ou
son délégué.
L'exportation de la houille et du coke fut prohibée à dater
du 7 septembre, par le décret duj 3 septembre 1915 et sauf
autorisation spéciale.
(1) Loire républicaine, 19 novembre 1915.
(2j Voir, dans la Triburue, journal die Saint-Etienne, des 13, 15 et
23 décembre 1915, un extrailt du rapport de M. Durafour et les polémi-
ques auxquelles donnèrent lieu les affirmations qui y sont contenues.
871 —
1916
Production : 3.603.000 tonnes.
Production du coke : 193.000 tonnes ; des agglomérés : 237.000.
La production de la houille était supérieure de 316.000 tonnes
à celle de 1915, mais inférieure de 41.000 tonnes à celle de 1913,
dernière année normale, toujours à cause de l'insuffisance de la
main-d'œuvre. Cependant, aux mobilisés renvoyés à la mine
et aux prisonniers de guerre, les Compagnies avaient adjoint
des Espagnols, Arabes, Marocains, etc.. Ce personnel, recruté
en abondance et amené à grands fmis, se montrait très instable.
Malgré les engagements pris, beaucouip de ces ouvriers
quittaient la mine pour aller travailler dans les usines ou pour
émigrer dans d'autres régions. Mal entraîné, d'ailleurs, à un
travail régulier, ce personnel ne donnait qu'un rendement très
faible.
Le manque d'éitais pour les travaux souterrains entravait aussi
la production. Dépourvues de bois de mines, les exploitations
houillères vivaient au| jour le jour.
La production fut absorbée par les réquisitions et les usines
de l'Armement. Le surplus était très souvent insuffisant pour
pourvoir à la consommation privée.
Une loi du 22 avril 1916 permit au Ministre des Travaux
publics de taxer les charbons, soit sur le carreau de la niiuc,
soit à l'importation, de taxer également le fret d'Angleterre en
France sous pavillon national, d'exercer le droit de réquisition
pour l'approvisionnement de l'industrie privée et de la popu-
lation civile (1).
Un décret intervint, le 27 mai, pour les frets ; des airrêtés, les
31 mai, 15 et 29 juin pour les charbons importés, le 8 août poui
If's f'li;irl)()ns importés et les charbons français. Le chaihon de
S;iinM;f icfinc fut taxé de 31 à 47 fr. 50 la toruu», suivant (iiiali-
'• ; I' ( h.iihon de Rive-de-Gier, de 35 à r)() francs.
l-i II iM.se des prix, en 1916, fut de 4 fr*. r.o |>ar tonne, ce (pii
(M»rlait a, '.) francs ]>ar wagon, à la nnnc, la hausse tola.Ui
nioycrint' pai* i-ai)|H)it a, l'.)i4.
M l,;i riil,n/,r dr- ', |;iii\if] l'Mf, r| p^iir •ii,\:i!il. :i iv| ir. mI ii 1 1 I,' 1.
(liscoins (le M. DiiLifiMir a^'imtc, dati^ |;i d iscii.ssioii dr .rit,, hd,
— 872 —
Les prix des matières premières avaient augmenté, pair
rapport à 1914, de 70 à 80 % pouo* les métaux, de 100 % pour
les bois de mines.
Les ouvriers continuèrent à accepter sans résistance les heures
de travail suppliéimentaires qui leur étaient demandées. Un
accord fut conclu, le 29 avril 1916, devant le Préfet par les Di-
recteurs des Compagnies et la Fédération des Mineurs. A partir
du 1®*" mai 1916 et jusqu'aui dernier jour du sixième mois qui
suivrait la cessation des hostilités, les mineurs recevraient :
1" une allocation de 0 fr. 50 par journée de travail pokr tous
les ouvriers (femmes et enfants compris) de l'intérieur et de
l'extérieur ; 2" une gratification de 0 fr. 10 par journée de
travaiil pour chaque enfant de moins de treize ans, à tout chef
de famille ne recevant pas pour ses enfants l'allocation mili-
taire on l'allocation des réfugiés. La Préfecture espérait que le
prix de la vie ne s'aggraverait pas au point qu'il faille s'en
préoccuper aijne nouvelle fois pour la corporation minière (ij.
Le 11 juin 1916, les mineurs, dans une réunion à la Bourse du
Travail, en regrettant que l'augmentation n'ait pas été plus
grande, s'engagèrent « à continuer à faire touit leur devoir
envers la Nation, à leur poste de travail qui, pour eux, est
leur poste de combat (2; ».
Le 6 décembre, les mineurs présentaient une nouvelle de-
mande d'augmentaition de 0 fr. 75 par journée, à cause de
l'augmentation du prix de la vie et de la majoration des
charbons, survenoie en août 1916. Une première demande, le
23 août, n'avait pas été admise (3).
Au mois de janvier 1916, un Congrès national des mineurs,
aul sujet de l'application de la loi des retraites, fut convoqué
à Paris.
Je renvoie, pour les observations techniques, au rapport de
l'Ingénieur en chef.
La demande de concession de mine de charbon dans la région
de Mions (Isère), déposée le 22 juin 1914, était encore soumise
(1) Communication à la Presse [Mémorial du 30 avril 1916).
(2) Tribune, 12 juin 1916.
(3} Ibid., 11 décembre 1916.
— 873 —
à l'enquête réglementaire. Le maire de Lyon, M. Herriot, de-
mandait que cette piM>cédure fût activée (i). La houille « était
aux portes de Lyon », mais Lyon manquait de houille parce
qu'en guerre on appliquait les formules administratives du
temps de paix.
Un décret au 3 juin 1916 réduisit les périmiètres des con-
cessions de Ternay et de Communay (Isère).
La loi de finances du 30 décembre 1916, art. 7, doubla les
taxes de lia. redevance des mines.
Une circulaire du 21 février 1916 modifia la procédure insti-
tuée par la circulaire du 8 octobre 1915 pour la miise en sursis
d'appel des ouvriers mineurs.
Dans le second semestre, le Comité des Forges de la Loire
organisa un service d'importeiition de charbons anglais dont la
Compagnie des Aciéries de la Marine centralisa les éléments,
la comptabilité et les mouvements de caisse, très considérables.
En cours d'année, le Comité prit en location des sections de
camions automobiles prêtés par l'Etat, pour son approvision-
nement aux mines de la Ivoire. En fin d'année, il se préoccupa
de l'importation des charbons américains, à oauise de la diffi-
culté de se procurer des charbons anglais.
1917
Production de la houille : 4.530.000 tonnes.
Production» du coke : 253.000 tonnes ; des agglomérés : 158.000.
On remit en activité des concessions inexploitées : en 1915,
la F^araillère, exploitant : M. Tardy ; en 1916, Monthieux, à
MM. de Rœhetaillée ; le Reclus, exploité par la Société des
Mines du Reclus ; en 1917, Reveaix par la Société des Houil-
lères de Saint-Etienne ; Crozagaque et le Mouillon [>ar la
Société nouvelle des Charbonnages du Gier ; Coulouix h.
M. Hercelin ; Trémolin à. M. Gardon ; Tartanis et Saint-.Jean-de-
Touhus k M. Verney ; Combes et Egarande à MM. Guillot & C'^
Viir contre, la Favergc (Société de la Hauite-C^apîTo) était mise
OUI chômage en 1917 ; le Couloux, Trémolin, Gourd-Marin
l'avaient été en 1914.
(1) N(nn rin ir ^Ir I >inït, 24 aoûl, |!)I0.
— 874 —
Il fallait du charbon, on en glanait dans les antiques mines
ril)andonniées. Les voyageurs voyiaient avec surprise o^ivrir des
fendues jusqu'aui bord des routes. Des chevalements de mines,
en lK>is, d'une architectuire sommaire et primitive, s'élevaient
sur les coteaux. On était étonné de voir le précieux combus-
tible extrait d'affleurements jusque-là dédaignés.
Ce fuirent naturellement les grandes Compagnies qui augmen-
tèrent de beaucoup la production : Roche-la-Molière i. 085.000
tonnes, au lieu de 895.000 ; Montrambert 882.000, am lieu de
683.000 ; la Loire 1.007.000, au lieu de 746.000 ; les Houillères
de Saint-Etienne 913.000, au lieu de 742.000 ; Monthieux, le
Reclus, Grozagaque et le Mouillon, Gouloux, Trémolin, Tartaras
et Saint- Jean-de-Tou las donnèrent près de 5.000 tonnes, dont
3.600 pour Monthieux, 880 pour le Reclus, 323 pour Grozagaque
et le Mouillon. La Baraillère, Gombes et Egarande figurent par
des guillemets dans la statistique. Reveux est compris dans la
production des Houillères de Saint-Etienne.
Gette surproduction de 927.000 tonnes, réclamée depuis
longtemps par les besoins de la Défense nationale — le Nord
était envahi ou sous le feui de l'ennemi et les navires char-
bonniers anglais décimés par le torpillage — fut réalisée grâce,
à un afflux suffisant de main-d'œuvre, à un régime régulier
d'heures supplémentaires, à l'ajournement des travaux neufs
qui pouvaient attendre la fin des hostilités.
L'effectif a^tteignait 25.842 ouvriers, dont 16.990 à l'intérieur,
soit 6.163 ouvriers de plus qu'en 1913.
Le prix de toutes les matières premières consommées par les
mines ayant augmenté considérablement et les salaires ayant
augmenté aussi, l'appirovisionnement n'ayaint pu se faire qu'avec
de grandes difficultés, les prix des charbons furent revisés trois
fois au cours de 1917, par des arrêtés ministériels :
1" Le 20 janvier pour le bassin de Samt-Etienne et le 4 mars
pour la Haute-Gappe et la Péronnière : 1 franc de majoration
par tonne ;
2" Le 22 novembre 1917 pour les livraisons faites depuis le
l*"" octobre : majoration de 1 franc à 2 fr. 50, suivant les Com-
pagnies ; cette majoration était portée à 6 francs pour Vil-
lebœuf ; à 4 francs, puis à 7 francs pour Janon-Terrenoire
(31 décembre). Ges majorations se superposaient aux prix des
~ 875 —
boulets et briquettes, majorés eux-mêmes de 4 francs et de
t5 francs. Le Ministre, après s'être renseigné sur les prix de
revient des différentes mines, accordait des augmentations
variables de T'ume à l'autre.
3° Le 31 décembre 1917, majoration nouvelle de 1 franc pour
Roche-la-Molière, de 2 francs pour le Gros.
Pour les exploitations produisant mensuellement moins de
1.000 tonnes, une xlécision du 10 novembre autorisa l'Ingénieur
en chef de l'arrondissement minéralogiquie à relever les prix
de 6 francs au maximum, 10 francs pour les agglomérés. Une
décision du 5 janvier 19'18 autorisa une nouvelle majoration
de 3 francs.
Une circulaire ministérielle du 29 avril 1917 organisa un
Comité de répartition pour régulariser et contrôler les ventes.
Ce Comité était présidé par l'Ingénieur en chef et se réunissait
à la fin de chaque mois. Chaque Compagnie continuait à re-
cevoir directement pendant le mois les commandes de ses
clients. Le Comité comparait tous les programmes de livraisons
et les modifiait au besoin. Les livraisons n'étaient effectuées
qu'après ce contrôle.
A la date du l^'" août 1917, le Ministère de l'Armement et des
Fabrications de guerre org^anisa, en remplacement de ce sys-
tème de répartition régionale, un organisme à plusieurs
échelons ayant à sa tête le Bureau national des Charbons, qui
fixait, pour chaque collectivité, un contingent de charbons à
provenir d'un arrondissement ou de plusieurs arrondissements
minéralogiques déterminés. L'Ingénieur en chef, ayant sous ses
ordres un Bureau régional, désigrnait les mines livnancières. La
collectivité passait les ordres de livraison aniK mines ix)ur
chaque consommateur. Ces collectivités répartitrices étaient
les suivantes :
i" Pnéfets (Office départemental des charbons) pour le chauf-
fage domestique, les services publics, hi petite et moyenne in-
dustrie, le petit et moyen commerce (consommation mensuelle
(le moins de 20 tonnes) ;
2*^ Chambres de Commerce, pour la grande industritî vi le
grand commerce (consommation mensuelle de 20 tonnes et au-
dessus) ;
- 876 —
3° Groupe Intendance-Santé (fournisseurs de ces deux ser-
vices) ;
4" Groupe de l'Armement (usines traviaillant pour la
guerre) (i) ;
5° Intendance (Hôpitaux et Corps de troupe) ;
()" Usines à gaz et usines productrices d'électricité' ;
7" Navigation et routes ;
8° Chemins de fer et usines productrices de coke (alimentés
sur ordres directs du Bureau national).
Les prix des charbons destinés à l'industrie (sauf la petite
industrie) furent majorés d'une taxe de péréquation de 20 à
35 francs par tonne, suivant le département, ou profit d'une
Caisse nationale gérée par rAdministration des Chemins de
Fer de l'Etat. Cette taxe avait pour but de diminuer le prix
de vente des charbons anglais.
Le Préfet, M. Lallemand, prit le 3 à.oût un arrêté pour ré-
glementer la vente au comptant sur le carreau de la mine et
la cirouilation du charbon. A partir du 16 août, la vente était
soumise à la formalité préliminaire d'une demande adressée
au Maire et d'une autorisation écrite fixant la quantité accordée.
La Municipalité de Saint-Etienne publia des dispositions en
conséquence pour la vente des charbons destinés aiutx usages
domestiques, dispositions qui précédèrent l'institution de la
carte de charbon (2).
Le système des organismes de répartition, édicté par circulaire
du 3 juillet et par une instruction du 12 juillet diu Sous-
Secrétariat de l'Armement et des Fabrications de guerre, fonc-
tionna à plein à partir du l*"" octobre 1917. Il fut précédé d'un
recensement de la consommation industrielle. Déjà un décret
du) 22 mai avait ordonné de déclarer les stocks de plus de
i.OOO kg. existant dans les magasins ou caves des particuliers.
Un décret du 11 juin avait suspendu la distribution du gaz
à certaines heures, restreint la circulation de l'eau chaude dans
les immeubles, chargé les ingénieurs du contrôle de l'énergie
(1) Ces groupes étaient constitués par régions militaires. La Loire
faisait partie du Groupement XIIL
(2J) Voir les journaux des 8 et 15 août.
— 877 -
électrique de rechercher les industriels qui pouvaient substi-
tuer, sans transformation importante, la force électrique aux
moteurs à vapeur.
Les charbons de la Loire, par suite du nouveau système de
répartition, furent distribués dans une vingtaine de dépar-
tements alimentés, en partie, par des charbons d'aïutres bassins
ou pair des charbons anglais. Les groupements des industries de
l'Armement qui reçurent des charbons de la Loire portaient les
numéros des régions militaires 10, 11, 13, 14, 18, 19.
Le recensement fit connaître que les industriels de la Loire
du Groupement 13 avaient besoin de 130.000 tonnes ; la collec-
tivité « grande Industrie et grand Commerce », desservie par
la Chambre de Commerce de Saint-Etienne (arrondissement de
Saint-Etienne), de 15.000 tonnes, dont 5.000 pour les verreries ;
le petit commerce et la petite industrie, de 3.685 tonnes, non
compris le combustible pour le chauffage des ateliers, magasins
et bureaux.
Or, dès le mois de novembre, les premiers furent contingentés
a 80.000 tonnes, les seconds à 9.000 tonnes, les troisièmes à
2.500 tonnes. Le mois suivant, les contingents furent encore
plus réduits (7.000 tonnes pour la grande industrie et le grand
commerce). Il est vrai que le Bureau régional accordait quelques
secours individuels ou allocations supplémentaires, surtouit en
charlx>ns inférieurs. Une catégorie intermédiaire « Moyenne
industrie et moyen commerce » (consommation mensuelle de
in ;i :^o tonnes) fut créée ultérieurement et desservie par l'Office
(irparfcmentail, et ensuite, à partir du milieu de 1918, par les
(ihanibres de Commerce.
îvcs marchands de charbons craignaient de voir leur com-
merce supprimé. Ils servirent d'intermédiaires pour la réception
et le paiement des livraisons attribuées à leurs clients, quand
ceu'x-ci y consontfuent. f^s mamhands au détail furent les dé-
posil;iiF('< (lu cluubon destiné au chauffage domestique. I^a
(Ville (le eh;! thon délivrée par la ville de SnJni-l^tieiiiif iii(li(|iiaif,
à C4;ttu éiHMHie, à (jiiel déixM, riiabitant devait prendre son
charbon.
A lilr-e de renseignement, voici la, répartition faite en dé-
cenihrc r.d: par le Bureau ré'jional de Saint l'Jieniir, dii'iué
i>ar le capitaine C^'ien, délégué de ringénioureii chef {\v> M nies,
— 878 —
des 322.000 tonnes produites mensuellement dans l'arrondis-
sement minéralogigue de Saint-Etienne, qui comprenait alors
la Loire et le Rhône (l) :
1" Préfets, foyers domes-
tiques, besoins municipaux
2° Usines à gaz et élec-
tricité
Total
par
Catégories (')
Dont pour le
département
de la Loire
Observations
46.100 t.
30.545
100.000 Ç-)
6.720
97.170 (»)
5. MO
4.760
8.590
1.300
200
920
13.070
7.600
350
14.500
4.050
a
»
))
2.680
990
3.500
800
»
80
7.200 (^)
1.900
»
(1) Chacune de ces
catégories existe dans
les 19 départements
qui reçoivent des
charbons de l'arron-
dissement minéralogi-
que. - En outre cet
arrondissement, four-
nit 300 t. à la Suisse et
375 t. à Monaco.
(2) Ces 100.000 1. sont
réparties : 50.000 P.-l.-M.
28.(HK) Est.
22.1)00 P.O.
(3) Ces groupements
sont constitues par les
industriels et corres-
pondent aux régions
militaires 10, 11,13, 14
18, 19. Le groupement
13 fl3« région) reçoit
51.870 t. non compris
ce que lui envoient
d'autres arrondisse-
ments minéralogiques
et ce qu'il est autorisé
à importer en France.
(4) Dont 7.000 pour
la Chambre de Saint-
Etienne; la Chanabre de
Roanne est alimentée
en majorité par l'ar-
rondissement minéra-
logique de Chalon-sur
Saône.
3" Chemins de fer
4° Industries de l'Arme-
ment :
Etablissements de l'Etat.
Groupements régioiiaux..
Usines électriques (pour
l'Armement)
5° Intendance :
Armée (troupe) et Santé
(Hôpitaux)
Industriels ( du Groupe
Intendance-Sa'nté). .......
Battages
Marine militaire . .
6° Navigation
7° Industrie et Commerce;
Chambres de Commerce
(grande industrie et grand
commerce)
Petite industrie et petit
commerce
Sucreries, distilleries
322.435 t.
35.700 t.
L'attribution de 51.000 tonnes au Groupement XIII d^s in-
dustries de l'Armement ne représentait qu'une partie des
clmrbons consommés par ce groupement, qui jouait le rôle
d'imiportateuir de charbons étrangers, achetait des bateaux,
installait des estacades dans les ports, centralisait les paie-
ments, etc. Le mouvement de fonds de ce groupement, géré par
la Compagnie des Aciéries de la Marine, roula sur plus de
150 millions.
(1) Tableau non ofiiciel.
— 879 —
La répartition naturelle de la production du Bassin de Saint-
Etienne était donc notablement modifiée par l'intervention du
Bureau national des charbons. Les charbons convenant parti-
culièrement à la métallurgie lui étaient réservés et expédiés
plus loin que d'ordinaire. Ils étaient remplacés pour le chauf-
fage domestique, dans la zone naturelle de vente du Bassin de
la Loire, sinon dans la région houillère de la Loire, par des
charbons particulièrement désignés pour cet usage, mais venant
de bassins éloignés.
Pou'r tenir compte de l'aggravation du prix de la vie, une
convention pour les salaires fut conclue le 23 janvier 1917, avec
rétroactivité à partir du T"" janvier 1917. Les augmentations
suivantes étaient accordées jusqu'à la fin du sixième mois après
la cessation des hostilités :
1^ Augmentation de 0 fr. 30 de l'allocation de 0 fr. 50 ac-
cordée le 29 avril 1916 pour tout le personnel ouvrier (0 fr. 80
au total) ;
2" Gratification des chefs de famille doublée et portée dès
lors à 0 fr. 20 par journée de travail pour chaque enfant de
moins de 13 ans à leur charge ;
3° Le paiement de la prime d'assiduité accordée en 1915
(5 fr. pour l'intérieur, 3 fr. pour rextérieur) devait s'effectuer
par quinzaine et non par mois. Cette prime était accordée aux
ouvriers maies de plus de 16 ans qui auraient travaillé ion-
les jours de la quinzaine précédente, sauf les jours de cliù-
mage indiqojés par la Direction. La moitié de la prime devait
être payée à ceux qui n'auraient manqué qu'un jour.
A partir du l'''" juin 1917, ufne indemnité de cherté de vie de
1 fr. 50 pour les ouvriers des deux sexes (1 fr. pour ceux de
moins de 16 ans) fut allouée par journée de présence, quelle
que soit la durée de la journée (accord du 28 juin).
Ce fut — on se le rappelle — en cette année 1917 que le prix
de la vie subit une hausse formidable, auprès de laquelle celle
des deux années précédentes était modeste. Si on représente
IHir i le prix de la vie en 1914, ce prix était de 1,2 en 1915, do
1,4 en 1916, de 1,9 en 1917. Il devait atteindre 2,7 en 191S et
dépasser 3 en 1919 (l).
(1) nullctin du. mnUli-rc du Travail {\i\\c\o\\ 1hil\c(\n de l'Offlre du
rrava.il), juin-a/Ofill 1919, p. 291.
— 880 —
Il y eut un Congrès des Mineurs à Paris, fin mars 1917. 11
envisagea la suspension du travail — en pleine guerre ! —
« au cas oii il ne serait tenu aucun compte de ses revendi-
cations », qui concernaient surtout le relèvement des salaires.
Le prix de la vie, lit-on dans une délibération des mineurs syn-
diqués de Saint-Etienne, a augmenté de 100 à 110 %, tandis
qjue les augmentations obtenues, toutes primes comprises, ne
représentent que 23 '% (i).
En novemibre, M. Duranton, secrétaire de la Fédération régio-
nale, lançait un appel pour la formation d'une coopérative
minière, dont le capital devait être constitué par des actions
de 40 francs et qui devait ci^r des suoouirsales dans les localités
ayant un Syndicat. Une autre coopé'rative se montait à Firminy,
avec les mêmes statuts. « Il est inutile, disait cet appel, que
nous obtenions des augmentations de salaires, si nos augmen-
tations ne servent qu'à remplir les coffres-forts d'une bande de
gens qui n'ont pas honte "d'édifier des fortunes sur la misère
du peuple qui travaille et produit tout P). »
« Par solidarité » avec les métallurgistes, les mineurs firent
grève le 5 décembre. La grève des métalluirgistes — ouvriers
de l'Armement — était motivée par le renvoi au dépôt de son
régiment du syndicaliste Andrieux. Le Ministre de l'Armement
relaxa Andrieux.
On trouve, dans le rapport de l'Ingénieur en chef, un tableau
des dividendes distribués par les Compagnies de 1908 à 1916,
et la proportion de ce dividende par tonne extraite. L'augmen-
tation était sensiblement inférieure à celle dui prix de toutes
choses et à l'augmentation des salaires. Voici un relevé de
cette proportion, qui montre l'inégalité des profits par entre-
prises :
1913 1914 1915 1916
Roche-la-Molière 3,61
Montrambert 3,74
Loire 0,77
St-Etienne 2,99
Péronnière 4,89
3,75
4,47
6,06
3,99
4,57
4,44
0,87
1,25
1,82
3,34
3,26
3,12
4.52
4,97
5,37
(1) Voir les journaux locaux, 28 mars et 16 mai 1917.
(2) Tribune du 5 novembre 1917.
— 881 —
Je renvoie au rapport de l'Ingénieur en chef, pour les
observations techniques.
1918
Production de la houille : 4.918.000 i)onnes.
Production du coke : 287.000 tonnes ; des agglomérés : 213.000,
La concession de la Sibertière fut remise en activité à la fin
de l'année, les concessions de la Bairaillère et du Gouloux furent
miises en chômage. Un décret du 8 mars autorisa l'amodiation
de la concession de Combes et Egarande. Un autre décret du
26 janvier autorisa la mutation de propriété de la concession
des mines de houille de Tartaras et de Saint-Jean-de-Toulas
par la Société nouvelle de Trèves-Saint-Romain, à M. Henri
Verney.
A la Compagnie des Mines de Saint-Chamond, dont les Aciéries
de la Marine se rendirent acquéreurs d'un grand nombre
d'actions, M. Duc, directeur, fut remplacé par M. Gras, ingé-
nieur de l'Ecole des Mines de Liège.
La production dépassait de plus de 1 million de tonnes celle
de 1913. Le nombre des ouvriers était de 26.000, dont 17.000 à
l'intérieur.
I^ régime de répartition et de contingentement^ mis en
viguieur en 1917, continua à être appliqué en 1918. Les prix de
vente continuèrent à être fixés par des arrêtés ministériels :
un premier arrêté fixant pour chaque Compagnie une majo-
ration uniforme du: prix de la tonne, un second arrêté fixant
les prix définitifs de vente maxima, par qualité, dans chaque
Compagnie. Ce dernier arrêté majorait le taux d'afnigmentation
pour les premières sortes de charbons. Il réduisait ce taux pour
les sortes inférieures, de manière qu'étant donnés les tonnages
respectifs des diverses Compagnies et l'augmentation du prix
de la tonne appliquée à chacune d'elles, l'accmissement des re-
cettes de la mine reste celmi découlant du premier arrêté.
Trois arrêtés des 22 mars, 19 septembre et 25 novembre aug-
mentèrent le i)rix de la tonne uniformément pour chaque mine,
mais avec tamx variant d'une mine à l'autre. Les effets suixîr-
posés de ces trois hausses furent compris pour les mines de
Saint-Etienne entre 10 fr. 30 et 17 fr. 50 de hausse par tonne.
D'autres arrêtés pris, soit k la même date que l'arrêté de ma-
joration, soit à des dates différentes, fixèrent les prix définitifs.
Un décret du 4 octobre 1918 concerniaiiit la vente au détail des
combustibles : faculté pour les préfets de réglementer cette
vente, de fixer les prix au déUiil et d'instituer des cartes de
combustible ; obligation pour les détaillants d'afficher les prix,
de délivrer à touit acheteur une facture ou bordereau de li-
vraison, de justifier de ses opérations aux représentants de
l'autorité.
A cause de la cherté de la vie et après bien des pourparlers,
des meetings et même des menaces, une convention pour les
salaires fut signée le 31 janvier 1918. Elle accordait 3 francs
d'augmentation, savoir : 1 fr. 50 au salaire de base pa,r journée
normale de travaiii et 1 fr. 50 d'indemnité de cherté de vie par
journée normale, mais jouant également sur les journées établies
par les heures suppléinentaires additionnées en fin de quin-
zaine. Pour les femmes, l'augmentation du salaire de base était
de 1 franc, celle de cherté de vie de 1 fr. 50 ; pour les enfants
1 franc et 1 franc. La gratification aux chefs de famille était
portée à 0 fr. 30 par journée normale de travail et par enfant
de moins de 13 ans. Les avantages antérieurs étaient maintenus
et la convention jouait depuis le 1'''* janvier 1918 en tenant
compte de la somme de 1 fr. 25, qui avait pu être touchée sous
forme d'indemnité de vie chère depuis cette date.
Une circulaire du 24 septembre 1918 des Ministres du Travail
et de l'Armement prescrivit l'établissement de Commissions
mixtes dans l'industrie houillère en vue d'établiir des bor-
dereaux de salaires (i). Dans la Loire, cette Commission ne
put aboutir à un accord. Elle recourut à l'arbitrage des Mi-
nistres de ces deux départements, MM. Colliard et Loucheur.
La sentence, rendue le 30 octobre, accorda, à partir du 15 oc-
tobre, les augmentations minima de salaires suivantes : ouvriers
du fond 2 fr. 25 ; du jour, 2 francs pour les spécialistes, 1 fr. 75
pour les manœuvres spécialisés et 1 fr. 25 pour les autres ;
enfants de 16 à 18 ans et femmes, 1 franc ; enfants de moins
de 16 ans, 0 fr. 50.
Sur ces bases, la Commission régionale, par convention du
30 décembre 1918, valable dans le bassin de Saint-Etienne, les
mines de Saint-Chamond comprises, fixa 16 salaire minimiu'm
(Ij Journal officiel, l^r octobre 1918.
-— 883 —
de l'ouvrier non qualifié travaillajnt à l'extérieur, soit 10 fr. 75
par journée Légale de travail, prime de vie chère comprise. Elle
détermina en outre les modalités suivant lesquelles les bor-
dereaux de* salaires par catégories seraient réalisés par des
Commissions locales mixtes appelées à fonctionner dans chaque
Compagnie dès le début de 1919.
Il n'y eut pas de grèves en 1918, mais un chômage de 24
heures le 28 mai. Les mineurs se solidarisèrent avec les métal-
lurgistes en révolte contre le Go'uvernement, qui renvoyait au
front les jeunes classes des mobilisés en usines. La grève était
essentiellement révolutionnaire, et non économique. Son ca-
ractère était d'autant plus grave que l'ennemi était aux portes
de Paris.
Une assemblée de mineurs crut devoir protester, comme tant
d'autres, contre la condamnation, par la Haute-Cour, de l'ex-
ministre de l'intérieur Malvy, sous le règne duquel la Préfecture
de Police et la Sûreté générale réservaient leurs faveurs à des
individus tarés, comme Vigo dit Almereyda, directeur du
journal philoboche Le Bonnet Rouge (l).
Mais il serait injuste de confondre les mineurs avec ceux
qui déclarent parler en leur nom. Il n'y eut pas de référendum
entouré des garanties nécessaires pour sauvegarder la liberté
du vote.
Ceci dit, on ne saurait blâmer l'ouvrier de vouloir élever
son salaire en proportion du prix de la vie. Sans doute cette
élévation renchiôrit le prix de revient et se répercute sur les
prix des antres produits, de telle sorte qu'on tourne dans un
cercle vicieux. Mais le bénéfice de l'agriculteur, du com-
merçant, de l'industriel augmemiait aussi en proportion — et
même au delà — de l'augmentation du prix de la vie, l'acheteur
étant, à ce moment, à la discrétion diu vendeuir. Or, ni l'agri-
culteur, ni le commerçant, ni l'industriel ne songeaient à se
blâmer eux-mêmes.
Il y ont un autre chômage, le 10 décembre, à la Compagnie
de Firminy pour protester contre des punitions de prison in-
fligées par l'autorité militaire k des ouivriers qui avaient refusé
(1) Voir le compte rcMidu ,|, cette assemWc^o dans la Tribune du
12 aont 101R.
- 884 —
de faire des « langues coupes ». Mais la situation était moins
grave qu'au mois de mai. L'armistice était signé 1
L'assemblée du 21 avril regrettait que la G. G. T. n'ait pas
cru devoir ordonner le chômage le l*"' mai, jour où des soldats
se faisaient tuer pour sauver la France ! Chômer eût été tra-
vailler pour le roi de Prusse. Elle demandait la taxation de
toutes les marchandises. Une autre assemblée, quelques jours
après, protestait contre le régime des 100 gmimmes de viande,
que l'on devait distribuer, pendjant les jours de restrictions,
aux mineurs à la sortie de la mine. Elle déclarait préférer l'ou-
verture de boucheries administratives dans chaque quartier, et
l'institution d'une carte de viande spéciale pour les mineurs (i).
Je signale, pour terminer, un. décret dtu 10 avril 1918 et one
loi du 23 novembre 1918 modifiant lies taxes en vigueur sur
la Gaisse autonome des retraites et les Caisses de secours et de
retraites des ouvriers mineurs, et je renvoie pouir la partie
technique aux observations contenues dans le rapport de l'In-
génieur en chef. Une étude fort intéiressante sur Les Bois de
mines employés dans le bassin de la Loire fut p>ubliée en 1918
dians le Bulletin de VIndmtrie minérale par M. Seurre, inspec-
teur des eaux et forêts à Bourg, et M. Verney, ingénieur à
Saint-Etienne.
1919
Production : 3.421.000 tonnes de houille, 245.000 tonnes de
de coke et 270.000 d'aggiomérés (2).
Les concessions de la Montagne-du-Feu et du Coulouix furent
remises en activité. L'extraction n'y fut que de quelques cen-
taines de tonnes.
A signaler la constitution de la Société nouvelle des char-
bonnages du Gier^ à Rive-de-Gier, aiu) capital de 1.500.000 francs,
siège social à Paris, pour l'exploitation des mines du Mouillon,
de Crozagaque et des Verchères-Fleurdelix (^).
(1) Journaux du 27 mai 1918.
(2) Le rapporj, du nouvea ingénieur en chef, M. Vaudeville, conçu
d'après un plan nouveau et fort détaillé, ne ressemble en rien aux
rapports-squelettes des années précédentes.
(3) Voir les statuts {Mémorial de la Loire, 18 mars 1919).
- 88&~
G'est en 1919, au mois de novembre, que M. Voisin, directeur
des mines de Roche4a-Molière et Firminy (v. p. 808), prit sa
retraite et fut remplacé par M. Mazodier, ingénieur de l'Ecole
de Saint-Etienne, ancien ingénieur à Montrambert, directeur
de la Grand'Cômbe.
La producti"on de 1919 fut en baisse de 30 % par rapport h
celle de 1918, par suite du départ, en mars, des prisonniers de
guerre, au nombre de 5.0Ô0, du départ, en avril et mai, des
mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, au nombre de 4.000, de
la grève du 16 juin au 16 juillet, de la suppression des heures
supplémentaires à partir de l'armistice (1 h. 20 en moyenne par
jour, en sus des 8 heures), enfin de la loi du 24 juin réduisant
la présence au chantier.
Pour atténuer la baisse de la production, on recruta des
ouvriers français ou étrangers dont le rendement fut en géné-
ral médiocre. De 28.000 en janvier, le nombre des ouvriers>
était tombé' à 21.000 d'avril à juillet. Il se releva progressive-
ment à 25.000 en décembre. Des renseignements comparatifs
ont été publiés sur la baisse diui rendement (i).
La production du coke fut réduite également par la grève.
Elle se releva en fin d'année, la Compagnie de la Loire ayant
mis en marche une batterie de quarante fours. Des batteries
étaient en construction à Montrambert et aux Houillères de
Saint-Etienne.
Ui hausse des prix fut fantastique sous le régime étatiste
(réquisition, taxation, répartition, péréquation, compensation) (-)
(1) Rapport de l'Ingénieur en chef, op. cit. Rapport de M. Paul Pftit,
prôsid-eut de la Gliambre de Gonuiierce {Extraits des délWératlon.^ dr
la Chambre, 1920, p. 16 et suivantes). M. Bartuei., secrétaire générail de
la Fédération ouvrière du sous-sol, a répondu au rapport de l'Ing^'^ni'eur
en chef {Tribune, 16 novembre 1920). D'autre part, les allégations de
M. BAHTiiha, ont été refevées dans le Mémorial du 17 novembre 1920. Le
rapport d-e l'Ingénieur en ch-ef pour 1920 (publié en 1921) est encore plus
explicite.
(2) Il faudrait y ajouter la lirrUtation des frets pour le transport des
rharbon.s sous pavilMon français. Une loi du 14 novenil>re 1919 prorogea
la validit/î de la loi du 22 avril 1916 relative à la taxation des charl>ona
et h. iii limitation <ies frets. La loi du 23 octobre 1919 avait pix>rog/' les
lois concernant le ravitaillement national. Voir le décret du 2 décembr»»
1919 réglcrnenU'int ja répaiilition des combustibles minéraux d'im|K>rta-
tlon et ravi« publié au sujK An règlement de ce» lmi>ortat;ons {/. (tffi-
riri, V.i avril), enfin l'arrêté du 26 ikovembre (7. Otfivicl, :J0 novembre)
niodillaiit b's tarifs ihi fn-t, el<-.
5T
destiné à empêcher la hausse illicite et les abus de la concur-
rence. On peut se demander si le libre jeu de l'offre et de la
demande aurait amené une hausse pareille.
Il n'y eut pas moins de trente arrêtés — j'en oublie peut-
être — publiés à l'Officiel en 1919 pour modifier les prix. Dans
la Loire, à la ta:xation appliquée à partir du l'^'' janvier s'a-
joutèrent une laïugmentation de 7 francs environ en juin, une
augmentation variant de 24 à 39 fr. 50 après la grève, une autre
augmentation en fin d'année.
C'est à ce moment que fut éftablie la Caisse de compensation
des mines de la Loire, pour atténuer la différence des prix
de vente de la même qualité de charbon pour des Goimpagnies
différentes. Les mines à prix de revient bas versèrent de l'argent
à la Oaisse. Les mines à prix de revient élevé perçurent au
contraire des ristournes.
Pour compenser, d'autre part, la différence entre le prix du
charbon anglais, payé jusqu'à 350 francs la tonne rendue dans
nos ports, ou, suivant l'expression consacrée caf (l), et le prix
du charbon français, les industriels employant ce dernier
charbon furent frappés d'une surtaxe de péréquation (15 fr.
par tonne, en septembre 1919 ; 45 fr. le l^'" janvier 1920). Les
charbons pour le chauffage domestique étaient exonérés de
cette taxe.
De telle sorte qu'une tonne de menu sortant l'*, payée 53 fr.
le l*''" janvier 1919 et 91 fr, le l'''* janvier 1920, se facturait, avec
la taxe de péréquation, 136 fr., soit une augmentation de 157 %.
On trouvera des comparaisons de prix en cours d'année dans
le rapport dfâ l'Ingénieur en chef.
Le Bureau relouai des charbons de Saint-Etienne, orgiane
de répartition dans vingt-trois départements, fut, à partir du
1^^ juillet, dirigé par un Comité composé des représentants des
principales Compagnies, sous la présidence de l'Ingénieur en
chef des Mines.
En même temps, il intervint des modifications dans les soius-
organes de répartition. Le Groupement XIII, qui réunissait
les consommateurs des usines de la Défense nationale et qui
(1) C. A. F., c'est-à-dire chargement, assurance, fret. Les Anglais disent
C, I. P. (Insurance pouir assurance).
achetait et factunait le charbon, dut être liquidé et se trans-
former en simple organe de répartition. A côté de lui, pour les
mêmes consommateuirs et pour la plupart de ceux du Grou-
pement XIV (14® région militaire), se constitua le Groupement
charbonnier^ association en participation pour l'achat des
charbons étrar^gers, que l'on fit venir à grands frais, à titre
d'appoint, et dont l'arrivage fut très irrégulier. Le nouveau
Groupement XIII, réuni aux groupes Chambres de Commerce
(de Saint-Etienne, Roanne et Le Puy) et aux industriels de
l'ancien groupe Intendance-Santé, formèrent, sous la présidence
de l'Ingénieur en chef, le C. R. C. I. ou Comité de répartition
des charbons industriels^ qui faisait les attributions à chaque
groupe .adhérent.
Un rapport du Comité des Forges de la Loire, adopté et
publié par la Chambre de Commerce (i), renseigne sur les dif-
ficultés d'arrivage des charbons étrangers (prohibition d'expor-
tation en Angleterre, hausse excessive des frets, difficultés de
transport, néquisitions abusives, etc..) et sur les conséquences
de cette situation pour la Métallurgie. Un autre rapport, d'une
portée plus générale, présenté par le Président de la Chambre
de Commerce et président du Comité des Houillères, M. Paul
Petit, aai( début de l'année 1920, renseigne très exactement, avec
chiffres à l'appui, sur la crise et les causes de la crise des
charbons pendant la guerre et au cours de l'année 1919. La
lecture de ces documents, que je ne puis reproduire à cause
de leur longueur, est nécessaire pour apprécier l'histoire éco-
nomique de cette période (2).
J'ai indiqué l'effectif dut personnel ouvrier. Le rapport de
l'Ingénieur en chef précise la diversité des nationalités du per-
sonnel exotique, 2.769 personnes, parmi lesquelles figuraient
en l)on nombre des Marocains ou Algériens, dont la population,
en général, n'a pas eu à se louer. Les Sidi^ en effet ,ont été
mêlés à tant de rixes et tant de causes judiciaires sanglantes.
Leur caractère nomade en faisait, d'ailleurs, des ouvriers très
instables.
(1; Extraits des déHbératioms, 1910. i». 119 ot suivantes
(2) Ihifl., VVO. Il 1:5 f't .suivantes.
L'événement capital fut la grève générale du 16 juin au 16
juillet. Le Parlement avait voté, à la veille du l*"" mai, La loi
du 23 avril 1919 sur la journée de huit heures dans Tindustrie,
loi tant déplorée depuis lors, car elle a diminué la productivité
et augmenté le prix de revient en pleine crise de vie chère.
A l'étrainger, malgré les prescripitions du Traité de Versailles,
la journée de huit heures a été généralement éludée. Mais, en
votant précipitamment, on voulait briser l'effort révolution-
naire annoncé pour le l""* mai.
Les mineurs en profitèrent pour poser leurs revendications,
synthétisées dans la propositiou Dunafour. La Chambre des
Députés, les 10 et 11 juin, donna sa piréférence au projet du
Gouvernement, qui ne comportait que 6 h. 1/2 de travail
effectif et une journée légale de huit heures, depuis le moment
où l'ouvrier prend sa lampe au jour jusqu'au moment oii il la
rend à la lampisterie. Les huit heures étaient comptées du
dernier ouvrier descendant au dernier remontant. Le projet
Durafour, au contraire, comptait les huit heures du premier
mineur descendant au dernier remontant. Le travail effectif,
d'après M. Loucheur, ministre des Travaux publics, se trouvait,
avec le projet Durafour, réduit à 6 h. 10. C'est sur ces vingt
minutes de différence qu'en pleine crise suraiguë du charbon
se déclara la grève. Le 15 juin, dans uine réunion à Saint-
Etienne, après les discours de Nicolas Giraud, secrétaire .du
Syndicat des Mineurs de la Loire, de Duranton, secrétaire de
la Fédération de la Loire, et des secrétaires des divers Syn-
dicats de la banlieue, la grève fut votée par acclamiations.
Le Gouvernement capitula, en repoussant natuirellement le
mot de cajntulation et en mettant sur le compte d'un malen-
tendu ses déclarations précédentes. Le 20 juin, la loi Durafour
était votée à la Chambre et promulgujée le 24.
La grève ne faisait que comjmencer. Elle fut poursuivie sur
la question des saliaires. Les ouvriers refusèrent même de par-
ticiper à l'entretien des mines, violant ainsi ouvertement la
loi. Ceux qui auraient consenti à travailler, les renards, en
étaient empêchés par le régime de terrorisation exercé si fré-
quemment de nos jours et que l'autorité publique ne réprime
guère. Le Préfet donna l'assurance qu'aucoine réquisition d'ou-
vriers ne serait opérée. Seuls furent réquisitionnés les gou-
- 880 -
verneurs, sous-gouvern©urs, employés, ingénieurs (i). Ce ne
fut que lorsque les Syndicats acceptèrent l'arbitrage du Gou-
vernement qu'ils informèrent l'ingénieur en chef de leur dé-
cision de reprendre l'entretien des mines, en ce qui concerne
l'épuisement des eaux, la ventilation, le danger du feu (6 juillet).
La sentence 'arbitrale fut rendue le 9 juillet par MM. Lou-
clieur, ministre de la Reconstitution industrielle, et Goll'iard,
ministre du Travail, et publiée le 10 dans les journaux locaux.
Elle s'appliquait à tous les salaires des ouvriers des exploi-
tations du Centre et d'ul Midi. Les salaires étaient augmentés
de 3 fr. 50 (ouvriers du fond) ou de 2 fr. 50 (ouvriers du jour),
avec des réductions pour les jeunes gens de moins de 18 ans et
pour les femmes. Tourf^es les indemnités étaient incorporées
aux salaires, à l'exception des allocations familiales. Pour les
ouvriers travaillant à la tâche, on devait établir un salaire
minimium, inférieur de 13 % au salaire des ouvriers moyens de
la même catégorie.
Dès lors, la moyenine des salaires (fond et jour réunis) s'éleva
de 13 fr. 53 à 16 fr. 75. Comme une augmentation moyenne de
2 fr. 10 avait été accordée en octobre 1918, en moins d'un an
l'augmentation totale était de 5 fr. 32. En 1913, le salaire
moyen était de 4 fr. 99. On pourra constater, dans le rapport
de l'Ingénieur en chef, que les bénéfices des Compagnies sont
loin d'avoir subi la même proportion.
Cette hausse des salaires eut des conséquences importantes
sur le prix du charbon, sur les salaires des autres industries,
de la métallurgie notamment, sur le prix général de la vie
pour tous les consom/mateurs.
Je ne puis entrer dans le détail des observations techniques.
r^s méthodes ne subirent pas de modifications importantes (2).
Je ne puis que citer les études publiées dans le Bulletin de
rindiislrie rminérale : sur l'utilisation des déchets de mines
et des mauvais combustibles, par M. Hliiche, ingénieur <\ Mont-
rambert ; sur la fioiivcHu méthode d'exploit^ition de la couche
des Litt(!s, i)ar M. Clapier, ingénieur principal adjoint h
(1) Voir journaux du 2 juillet 1919.
(2) Des arnîtos des 1« février €t 3 avilTi 1919 ont agréé «de nouveaux
types d€ l;irri|K's de sûreté.
— 890 —
Montrambert ; sur rutilisation des vapeuirs d'échappement pour
la production directe de l'air comprimé, par M. Dessemond,
ingénieur principal aux Houillères de Saint-Etienne. C'est dans
le Bidletin de 1919 que parut l'étude du 'Taylorisme dans La
hoiâllere, par M. Laligant, ingénieur du district d'Alais, qui
reçut la médaille d'or de la Société de l'Industrie minérale.
Les conditions spéciales à l'exploitiatioin et plus particulièrement
aux travaux d'abatage restreignent le développement du ma-
chinisme et rendent extrêmement difficile l'emploi de quelques-
uns des procédés qui concrétisent habituellement le taylorisme.
Mais il est toujours possible d'en user et de s'en inspirer très
utilement.
L'année 1919 marque une date importante dans l'histoire du
régime des mines, par le vote de la loi du 9 septembre 19i9.
Depuis 1810, on ne comptait pas moins de vingt-sept tenta-
tives impuissantes de revision de la grande loi de Napoléon.
Depuis 1900, l'exécutif avait cherché à lia, détruire, à l'émietter,
disons le mot, à la saboter par de petites mesures étatistes :
décrets ou articles intercalés dans les lois de finances. Tl
laissait en suspens les demandes de concessions.
Enfin M. Loucheur vint et fit voter la loi de 1919, qui décide
que les concessions à accorder ne comporteront qu'une durée
limitée, avec participation de l'Etat et dui personnel aux béné-
fices. Cette loi a créé le Comité consultatif des Mines, composé
de techniciens, d'exploitants, d'ouvriers désignés par leurs
pairs, de membres du Parlement et de hauts fonctionnaires
(voir le décret du 14 octobre et l'arrêiéi du 3 novembre). Cette
loi, enfin, a décidé que l'exploitation des mines serait consi-
dérée comme uin acte de commerce.
Un décret du 23 octobre 1919 a organisé provisoirement
l'exploitation par l'Etat des mines de la Sarre.
Un arrêté du 8 octobre 1919 (./. 0. 11 octobre) a modifié les
délimitations des circonscriptions des ingénieurs et des con-
trôleurs de l'Etat, notamment pour l'arrondissement minéra-
logique de Saint-Etienne.
Pour ce qui concerne le régime des mineurs, j'ai cité la loi
importainte du 24 judn 1919 relative à la durée du travail
(v. p. 888).
Le rapport de l'Ingénieur en chef fournit des renseignements
— 891 —
intéressants sur les Caisses de secours. La loi du 23 novembre
1918 avait porté de 2.400 à 5.000 francs la limite des salaires
sur lesquels s'effectuent les prélèvements. En 1919, le montant
des salaires payés s'éleva à 91 millions. Le versement des
ouvriers fuit de 1,8 % de ce chiffre et celui des exploitants de
0,9 %. La mpyenne des jours de maladie par an et par ouvrier
fut de 14, le secours moyen payé de 5 francs par jour.
Pouir les retraites, une modification de détail fut apportée
par le décret du 8 mars 1919 au décret du 13 juillet 1914. Une
loi du 29 mars aug'menta le taux des allocations (240 fr. ou
120 fr. suivant le cas) et celui des cotisations oufvrières et
patronales (1 % de relèvement au maximum).
En fait de logements ouvriers, quelques constructions furent
édifiées en 1919 (pour 485 ouvriers, dont 200 à Montrambert
et 200 à la Compagnie de la rx)ire), malgré la crise que tra-
verse le bâtiment à cause des prix, malgré la difficulté de se
procurer de liai chaux et des matériaux. Les Compagnies
logeaient un huitième de leur effectif, moyenne du bassin.
Je reviendrai sur les accidents à propos de l'année 1920.
1920
ProductioTi : 3.573.820 tonnes de houille (353 millions de
francs) ; 295.900 tonnes de coke, 241.915 tonnes d'agglomérés.
La plus-value des charbons transformés en coke ou en agglo-
mérés est de 17 millions. Total de la production : 370 millions.
Il faïut y ajouter les surtaxes de péréquation : 218 millions pour
la houille, 32 millions pour le coke, 25 millions pour les agglo-
mérés, soit 275 millions, ce qui porte à 645 millions la somme
déboursée par les consommateurs (l).
Au lieu de 64 concessions, le bassin de la Loire n'en œmpte
plus que 61. On trouvera la liste des concessions en activité
(48 sur 61), avec le nom des entreprises qui en sont les pro-
priétaires ou qui les exploitent à ce titre ou autrement, dans le
raip|x>rt de l'ingénieur en chef (2). Ce rapport indique aussi les
noms des amodiataires, lesquels se sont multipliés depuis la
(1) Voir 1-e rappf)rt fie la Chambre (le Commerre <^tnMi d'après les
rensedpiieinents du Sei'vice KJles Mines ilinlletin 1021, n» 7, p. 425-42<>).
(2) Pour le t.a,Meau pénf^nl des rx>ncessions, consulter VAnnrinirr du
Coirdté central des Ilouillcrca de France.
~ 892 —
guerre, même sans autorisation administrative. Dans ce cas,
ils sont censés exploiter pour le compte et sous la responsabilité
du concessionnaire. Lai marche de ces exploitations, en ce qui
concerne la taxation et la répartition des charbons, les rede-
vances tréfoncières, les indemnités pour dégâts à la surface,
l'application des lois sur les Caisses de secours et de retraites,
n'a présenté souvent, dans la pratique, qu'une suite d'irrégu-
larités.
Par décret dui 14 mai 1920 furent autorisées la cession de la
concession des Verchères-Féloin à M. J.-B. Gagne et la cession
des concessions du Mouillon, Crozagaque, Verchères-Fleurdelix
et Verchères-Féloin à la Société' nouvelle des charbonnages du
Gier, autorisée à réunir ces concessions. Un aiutre décret, du
14 juillet 1920, aiuitoirisa la cession de la concession de la Pomime
à la même Société. Un décret du 15 mars 1920 avait autorisé
l'amodiation de la Montagne-du-Feu à MM. Fournat et
Dumortier.
Les quatre grandes Compagnies représentant \é§ 80 % de la
production totale : Roche-la-Molière et Firminy 785.000 tonnes ;
Mines de la Loire 775.000 ; Houillères de Saint-Etienne 650.000 ;
Montrambert et la Béraudière 607.000. Viennent ensuite : les
Mines de lai Ghazotte (Compagnie P.-L.-M.) 172.000 tonnes ; les
Mines du Gros 132.000 (1), la Compagnie des Mines de Villebœuf
96.000 ; les Mines de Monthieux p), les Houillères de Saint-
Chamond 84.000 ; la Compagnie de la Péronnière 67.000 (3) ;
la Compagnie de la Haute-Cappe (4) 46.000 ; la Société des
Mines de Janon-Terrenoire 34.000 ; les Mines de lia Porchère
14.000 (5). Les autres entreprises sont peu importantes : moins
de 5.000 tonnes chacune.
(1) Concessionnaire : Famille de Rochetaillée ; trois entreprises :
Société des Charbonnages du Forez, Septier et Durif, Société de Reclier-
ches minières du Centre.
(2) Concessionnaire : Famille de Rochetailléa ; exploitant : Société
des Charboinnag-es du Forez.
(3) Concessions (en activité) du Plat-du-Gier, de Comberigol, de Grand'
Croix, de la Péronnière.
(4) Concessions (en activité) du Ban, de Corbeyre, de la Gappe.
(5) Propriétaire exploitant : La Société anonyme des Verreries Va-
lentin Mesmer.
Des faits particuliers importants sont intervenus concernant
plusieurs grandes entreprises.
La Compagnie de Roche-la-Molière a porté son capital de
3.600.000 francs à 18 millions, par l'émission d'actions de
100 francs réservées aux porteurs d'actions anciennes. Nom-
breuses furent les augmentations de oafpital dans les Sociétés
anonymes. En 1920, après un an d'exercice, mourait l'ingénieur
principal de la Compagnie, M. Huard de la Marre.
A la Société des Mines de la Loi-re, on décidai de porter le
capital de 8 à 16 millions et, éventuellement, à 24 millions, la
Société ayant d'importantes participations dans le Luxembourg
et préparant un programme de participations nouvelles. La
filiale de Saint-Etienne « Société métallurgique de la Loire »,
créée en 1919 (?), dont la Société^mère possède tous les titres,
fabrique des fontes fines au four électrique. Elle a hionté un
atelier de boulonnerie et un train de laminage. L'ingénieur
principal, M. Morchoine, ayant quitté la Compagnie en 1919,
a été remplacé par M. de Verneuil. Enfin, la Société a inauguré,
en 1920, un monument à ses collaborateurs victimes de la
guerre et du devoir professionnel, monument exécuté par le
sculpteur Graff et les architectes MM. Clermont et Bossut,
édifié en face des installations du puits Couriot, près de la
gare du Clapier.
La Société des Houillères de Montrambert et de la Béraudière
avait décidé, en 1919, de se transformer en Société anonyme
libre. Un décret du 25 décembre 1920 a approuvé cette trans-
formation. Les Sociétés de Roche- la-Molière et Firminy, de la
Loire, des Houillères de Saint-Etienne avaient précédé Mont-
rambert, dont les assemblées ne pouvaient ni modifier les
statuts, ni proroger la durée de l'acte social, sans une autori-
sation du Gouvernement, lequel d'ailleurs ne consentait plus
à délivrer de ces autorisations, afin de pousser à la transfor-
mation en) Sociétés anonymes libres et de se dég«aiger de toute
tutelle.
Les rapports de l'Ingénieur en chef \k>uv 1919 et 1920 font
ressortir la variation des dividendes distribués par les princi-
pales Comp^ignies de 1911 à 1920 : « Kn résumé, dit M. Vau-
deville, les exploitants n'ont profité que dans une très faible
mesure de la situation duc à la raréfaction du charbon et qui,
— 894 —
sirr un marché libre, eût entraîné un relèvement de prix limité
seulement par le cours des charbons importés. » J'ai dit que
raugmentation du dividende n'avait pas suivi la hausse des
salaires et celle des prix de vente ou des redevances tré fon-
cières. Telle Société n'a distribué que 29 francs par action, au
lieu) de 22 fr. 50 avant la guerre. Encore faut-il déduire les
impôts du montant du coupon brut. Telle autre a distribué
40 francs, aiu lieu de 34. La plus importante des « quatre
grandes » a doublé le montant du coupon (152 fr., au lieu
de 78 fr.). Une autre Compagnie, très éprouvée jadis par des
catastrophes, qui avait renoncé sagement à distribuer des divi-
dendes en 19il et 1912 (ce qui ne lui a pas fait faire faillite,
disait sentencieusement la Fédération des Travailleurs du sous-
sol) (1), consacra ses bénéfices à améliorer son exploitation.
Peut-on soutenir après cela que les actionnaires ont fait un
« somiptueux festin » ? (2).
Parmi les créations d'entreprises en 1920 figure celle de la
Société viennoise des Houillères, au capital d'un million, cons-
tituée le 7 avril 1920 pour l'exploitation de la concession de
La Baraillère (3).
La Société anonyme Les Fils Charvet, dont le siège est à
Lyon et la direction à Saint-Etienne et qui possède des agences
et de nombreux entrepôts de charbons depuis Strasbourg
jusqu'à Tonnay-Gharente, Swansea et Glascow, a porté à
7 millions son capital, qui était de 4.700.000 francs, en envi-
sageant de nouvelles augmentations qui porteraient ce capital
à 10 millions (^).
Une Société immobilière de V Industrie minérale, au capital
de 100.000 francs, fut constituée en 1920 dans le but de faciliter
(1) Voir Tribune, 5 novembre 1920.
(2j Sanis doute, la rémunération (ou intérêt) du capital ne doit pas
être comparée à celle du travail, ou le profit de l'entrepreneur au
salaire de l'ouvrier. Mais le capital est indispensabile à l'entreprise.
Les risques diu capital sont les risques mêmes de l'entreprise. Ruinée,
l'entreprise entraîne la perte du capital. Il est juste que, prospère,
l'entreprise fass-e profiter le capital de sa prospérité.
(3) Voir Peitites Affiches de la Loire, 15 mai 1920.
(4) M. Henri Gharvet, ingénieur, administrateur délégué de la Société,
est mort le 20 septembre 1919.
— 895 —
le transfert de l'Ecole des Mines. Ce transfert ou cette recons-
truction fit Tobjet d'une discussion au Conseil municipal, où le
le groupe socialiste refusa les crédits. Les élèves de l'Ecole
protestèrent. Les conseillers répondirent que l'Ecole devait être
payée par les emmiltionnés de la guerre et de l'après-guerre (i).
Le procès de l'accident de la rue Polignais à Saint-Etienne,
survenu le mardi gras (28 février) de l'année 1911, où quatre
maisons oscillèrent et s'abattirent (il y eut des victimes), ne fut
appelé qu'en 1920 devant le Tribuniail civil, à cause de la
longueur des expertises et de la guerre. Le jugement du 16 mars
déclara la Compagnie de la Loire responsable. Une première
expertise semblait conclure à des fouilles clandestines. Une
deuxième retrouva des travaux de consolidation du xvir siècle
à la solidité desquels, d'après certains experts, les travaux
ultérieuiTs auraient nui, tandis que d'autres experts consi-
déraient ces travaux comme intacts (2).
La Compagnie de Villebœuf, autorisée en 1911 à étendre son
périmètre d'exploitation (v. p. 847), fut obligée, en 1919, sur la
demande des Hospices, de constituer une caution avec a>ffectation
spéciale à la garantie des dégâts. La Cour d'Appel confirma le
jugement (3).
La production de 1920 représentait une légère augmentation
(4 i/2 %) par rapport à celle de 1919. Le régime des charbons
(réquisition, taxation, compensation, péréquation, etc.), eut son
plein effet (^). Les prix atteignirent un maximum qu'on aurait
jugé jadis invraisemblable. Toutefois, le prix est fonction de
la monnaie, l'avilissement du papier-monnaie élevant le cours
des marchandises (•'^). En 1920, les prix furent relevés deux fois,
notamment à la suite de lia grève de mars, et les taxes de péré-
quation neuf fois. De 88 francs, le prix moyen compensé (houille
et agglomérés) s'éleva à 106 francs, non compris la taxe de
cl) Voir Méimmal de In Ijnrr, 17 janvier, 28 mai 1920 ; Tribune, 7 juin.
(2) Voir Mémorial dr la Loin', 24 février, 17 mars 1920.
(3j Ibid., 4 janvier 1920.
(^) Un service défi rJiarbons fut créé, par anrôtô du 23 janvier 1920, au
Ministère <l'('s Travaux PnlHics. I>e B. N. C, ou Bureau national des
chartK>ns, fait partie de ce service.
(5) .Te n'ai p.-us beisoiii de rapiveier que cette cause n'es! pas seule ù
agir sur 1rs prix
- 896 -
péréquation. Celle-ci, qui était, en 1919, de 15 francs par tonne
et ne grevait que les charbons industriels, fuit portée à 45 francs
à partir du 1*^ janvier 1920, puis cà 75 francs le 11 février.
A partir du 7 mai, elle atteignit les charbons domestiques :
75 francs de surtaxe, puiis 100 % à partir du 8 juin, 85 % à
partir du 24 août, 70 % à partir du 10 décembre, 28 % à partir
du 28 décembre. Pendant ce temps, la surtaxe des charbons
indiustriels était portée à 160 %. (7 mai) et redescendait ensuite
à 150 % (8 juin), 125*% (30 juin), 110 % (24 août), 85 % (24 no-
vembre), 70 % (10 décembre), 28 % (21 décembre). Des ré
duictions furent accordées pouir les mines dJont les charbons
n'étaient pas compensés, pour les charbons de 2® et 3* qualités
des autres mines, pour les agglomérés, enfin pour certaines
catégories d'industriels. Pour les cokes, les prix étaient fixés
par arrêtés ministériels. De la sorte, les prix payés effectivement
par les consommateurs, au plus fort de la tourmente, furent
environ de dix fois les prix d'avant-guerre : 245 francs pour
le charbon, prix moyen en mai i920, au lieu de 27 francs en
i9i3 ; 368 francs pour les agglomérés, au lieu de 32 francs ;
275 francs pour le coke^ au lieu de 3i fr. 50. On trouvera des
renseignements plus complets dans le rapport de l'Ingénieur en
chef, qui indique les résistances que rencontrèrent le paiement
des surtaxes de péréquation, la répartition de la consommation,
rorganisation du contrôle des teneurs en cendres des combus-
tibles (avec primes et pénalités), enfini la création de rO.G.C.R.
(Office central de chauffe rationnelle) pour améliorer l'utili-
sation des combustibles, création accueillie avec scepticisme et
même avec résistance par les intéressés excédés — on le serait
à moins — de l'intervention souvent peu heureuse de l'Etat.
J'insiste sur le montant total des surtaxes de péréquation payées
par les consomimateurs des comibustibles de la Loire répartis
entre une vingtaine de départements : 275 millions (i).
Les changements incessants dans les taxes de péréquation
bouleversaient les prix de revient. « La péréquation en elle-
même est justifiée, déclarait le Comité des Forges de la Loire
dans un rap'port imprimé (23 juin 1920), mais les résultats en
paraissent intolérables Les prix de taxation sont, par
cl) Le rapport indique aussi les mines affiliées à la Chambirie d,e
compensation.
— sol- —
exemple, plus élevés d'environ 20 francs par tonne dans la
LfOire, où les frais d'extraction sont plus considérables, que dans
le Pas-de-Calais ou Saône-et-Loire. Une surtaxe de péréquation
de 150 % exagère dune manière injuste l'écart natuirel des prix,
écart qui, d-ans l'espèce, se trouve porté à 50 francs. La péré-
quation est d^estinée à procurer à la métallurgie côtière les
mêmes prix de coke et de charbon qu'à, l'intérieur, mais fait-on
la péréquation! des minerais ? Les aciers de la Sarre sont
fabriqués avec des charbons non péréqués et cependant entrent
en franchise en France I »
Ce simple extrait suffit à montrer combien la surtaxe de péré-
quation soulevait de plaintes et de réclamations. Un Comité
consultatif des charbons avait été constitué au Ministère des
Travauix publics (1) pour étudier, notamment, les questions de
taxation et de péréquation. Les réductions opérées sur la taxe
de péréquation furent loin d'être jugées satisfaisantes. La crise
économique qui s'affirma surtout pendant le dernier trimestre
et qui ralentit la consommiation, les livraisons de charbon ef-
fectuées par l'Allemagne conformément à la convention de Spa
amenèrent une détente." On délaissa les houilles de qualité mé-
diocre ou moyenne, les stocks augmentèrent et la surtaxe de
péréquation devint manifestement inutile, bien avant sa sup-
pression. Il n'était plus nécessaire d'encourager l'importation
des charbons anglais oui américains.
J'ai indiqué la production du coke et celle des agglomérés.
I^e bassin de la Loire comptait 8 batteries (ensemble 246 fours)
appartenant aux quatre grandes Compagnies, principalement
aux Sociétés des Houillères de Saint-Etienne et des Mines de
la Loire. La moitié de la consommation totale du g^z d'éclai-
rage à Saint-?]tienn€ fut fournie par ces deux Sociétés. La
Compagnie de Roche-la-Molière alimenta la ville de Firminy.
L'effectif Ujtal des ouvriers était de 25.900, dont 16.800 au
fond et O.l^K) au. jour. Il faut y ajouter les 1.175 ouvriers des
ffiiirs k coke et les 325 oiivricis des ateliei"s d'agglomération.
'i'otal L'T.'.no, sur lesquels 4.()().s étrangers (2).
{t) D.Mii 1 ,o, \i,ii,H .liii^, s<,< ii;ih i'-'miiii ,'.: r |.:ignols, etc.
- 8^8 —
Le rendement individuel, qui s'était relevé à La fin de 1919,.
décrut régulièrement en 1920. De 0 t. 945 par ouvrier du fond
en 1913 et de 0 t. 811 en 1911, il tomiba à 0 t. 782 en 1919.
Une enquête très serrée de l'Ingénieur en chef aboutit à cette
conclusion que la baisse était due principalement à la limitation
de l'effort individuel. Cette limitation apparut « comme une
conséquence très nette de l'élévation des salaires et surtout do
l'existence d'un salaire minim^uim présentant un écart insuf-
fisant par rapport aiu salaire moyen des ouvriers payés à la
benne ». Les délégués mineurs avaient souvent prétendu que
rétat d'entretien de la mine influait sur la production. Le ser-
vice des mines puit constater que ces critiques étaient fortement
exagérées au point de vue de l'appirovisionnement en bois de
soutènement, sinon au point de vu^ de l'approvisionnement en
bennes vides, à cause d'incidents divers. « Le remède le plus
efficace, disait M. l'Ingénieur en chef, consistera dans un effort
combiné des ouvriers et des expiloitants, et la baisse (du ren-
dement) aurait été combaitue plus énorgiquement par ces
derniers, si le régime de la taxation individuelle n'avait fait
disparaître pour eux le souci du prix de revient (i). »
Au cliché usé qui consiste à prétendre, comme le font les
Syndicats ouvriers, qu'une vague de routine a déferlé sur les
exploitants, un rapport du Président de la Chambre de Com-
merce a répondui par des chiffres probants (2). Il eût été dési-
rable que l'on répondît de la même manière pour la vague de
paresse reprochée à certaines classes du pays.
La question des salaires et celle des retraites en 1920 furent
liées à la question des grèves. Dès le 6 décembre 1919, au
Congrès de Marseille, on demandait de porter la retraite des
mineurs à 1.500 francs, avec menace de grève, en cas de refus,
(1) Le rapport de ringémeur en chef lui valut un blâme de la majorité
radicale et socialiste du Conseiil général de la Loire (7 octobre 1921 j.
Mais les blâmes inspirés par la politique n'ont de l'importance que
pour les politiciens. Un conseiller général s'écria même : « Les mineurs
produisent plus qu'autrefois ». Ce conseiller, pour se convaincre de
son erreur, aurait idû auparavant diviser le nombre de tonnes extraites
en 1913 et en 1900 par le nombre de mineurs à ces deux époques.
(2) Chambre de Commerce de Saint-Etienne : Extraits des délibéra-
tions pendant Vannée 1920, p. 17-18.
-899-
pour le 15 février 1920. Le conflit fuit évité (1). Sur le rapport
de M. Taurines, député de la Loire, une loi du 9 mars 1920
porta La retraite au minimum exigé. La combinaison financière
pour arriver à ce résultat consiste dans l'extension provi-
soire (?) du système de la répartition^ au détriment du système
de la capitalisation, les deux systèmes étant combinés pour
faire jouer la retraite. En cas de besoin, l'Etat interviendra
par des avances sans intérêts. Le contribuable est toujours là
pour faire les frais de la réforme (2).
La grève n'ayant pu être déclenchée sur la question de la re-
traite, un autre motif fut invoqué : la question des salaires.
Le prix de la vie augmentait toujours. D'après les comparaisons
grossières des .index-numbers publiés dans le Bulletin de la
Statistique générale de la France, le nombre-indice à Saint-
Etienne pendant le premier trimestre 1920 était de 3.926, alors
que, pendant le trimestre correspondant de 1913, il était de
1.044 p). « Nous avons fait notre possible pour arrêter cette
hausse, disait le secrétaire Duranton, au nom du Comité fé-
déral de la Loire. Nous n'avons pu aboutir, éitant trop seuls,
persoUiUe ne faisant rien de sérieux dans cet ordre d'idées. »
Conclusion : demande d'augmentation de 4 francs par journée
de travail.
(1) Un décret, du 29 février 1920 auitorisa les préfets à prescrire des
restrictions doJis la. consommation des combustibles. Un décret du
même jour ohfligea les établissements ouverts au public à fermer à
22 heures (les théâtres et cinéma.s à 23 heures). Deux décrets du 15 avril
1920 constituèrent des commissions pour étudier : 1° la production et
l'utilisation des succédanés du charbon ; 2» une meilleure utilisation
des combustibles.
(2) Voir liiiticj e 4 de la loi et le rapport de M. Taurines (publié dans
le \férnorial de la Loire du 18 février 1920), où se trouve exposé l'histo-
rique des retraites depuis 1894. Le relèvement de 1 % (ramené à 0,25 %)
de la contribution patironale et le relèvement égal de ila contribution
ouvrière, repoussé énergiquement par les syndicats ouviriers, furent
abandonrhés, .sous La menace de la grève générale.
(3; Les (X»mmis»ions départementales d'évaluation du coût de la vie
n'ont fonctionné qu'à partir d'octobre 1920, où le nombre-indice ihiut
la Loire fut évalué à 414, au lieu de 100 en juUlet 1914. Ces indices .sont
calculés avec une approximation plus exa<;te que les précédents, établis
d'après U^s n'nseigiieriuMJts des inai.res, iK)ur un certain nombre de
denrées.
- 900-
Toute âiugmentation de salaires devait faire enfler encore le
prix de la vie, car le mouvement allait s'étendre aiux autres
corporations et, le charbon étant à la base de touites les in-
dustries, les prix de revient augmenteraient. En outre, les
nournsseurs de la population ouvrière voyaient avec plaisir
augmenter la capadté d'achat de leur clientèle. La demande
des marchandises allait prendre de nouvelles proportions,
tandis que l'offre resterait constante. Nouvelle cause d'inflation
des prix.
Les exploitants reconnurent la légitimité d'un réajustement
des salaires. Ils proposèrent plusieurs formules : une heure
de travail supplémentaire surpayée, des majorations de salaires
par catégories, des augmentations combinées avec un relè-
vement de l'indemnité familiale. M. Duranton, au nom du
Comité fédéral ouvrier, refusa. « Nous ne nous reconnaissons
pas le droit de provoquer d'un cœur léger une hausse excessive
du prix du charbon », écrivit le Président du Comité des Houil-
lères.
La grève éclata le 18 mars. Dans une réunion à la Bourse
du Travail, on décida de n'accorder aucun ouvrier pour l'en-
tretieni des mines.
La grève du Nord et du Pas-de-Calais et celle du Gard
finissaient au moment où commençait celle de la Loire. Un
arbitrage des Ministres du Travail et des Travaux publics,
MM. Jourdain et Le Trocquer, rendu le 20 mars, termina la
grève de la Loire. Le travail reprit le 22. Les mineurs obtenaient
à dater dui 16 mars une augmentationi de 4 francs (personnel
du fond) ou de 3 fr. 50 (personnel du jour), avec des réductions
pour le personnel non spécialisé, les femmes et les filles. Con-
séquence : augmentation de 14 francs du prix moyen compensé
de la tonne.
Quand les grèves réussissent aussi vite à faire augmenter le
salaire nominal (qu'il ne faut pas confondre avec le salaire
réel), les gréviculteurs sont encouragés à recommencer. Aussi
le 25 avril — un mois après ! — les mineurs se déclaraient
prêts à lâcher l'outil pou,r faire étendre aux ardoisiers le béné-
fice des retraites. On était à la veille du 1*"" mai. Le Sénat apeuré
vota l'assimilation. Mais les mineurs, comme les autres corpo-
rations, n'en décidèrent pas moins de chômer le l*»" mai. Ce
— 901 —
jour de « fête » fut un jour d'ennui. La ville paraissait en deuil.
Pas de tramways, les cafés fermés, pas de coiiirriers, beaucoup
de trains supprimés. Etait-on à la veille d'une révolution so-
ciale comme celle qui a couvert la Russie de ruines et de sang,
qui l'a soumise au joug le plus abject, et qui l'a vouée à la
famine ? Un ^document émanant de la 3'^'' Internationale re-
commandait de saboter la vie économique par des grèves et
par des attentats, de façon à créer un état de malaise et ^
augmenter la misère pour pousser la population au désespoir (i).
La Fédération nationale des cheminots, dirigée par les extré-
mistes (Midol, Monmousseau, etc.), avait décrété la grève sur
question de la nationalisation des chemins de fer. Après avoir
hésité, la G. G. T. (Jouhaux et G'**) décida de faire jouer le
cartel interconfédéral. Les cheminots formaient la première
« vague d'assaut » contre la << société capitaliste », préférable
à tous points de vue à la société bolcheviste. Les mineurs cons-
tituèrent la seconde vague. Ils avaient décidé de rentrer le
3 mai dans les puits, le 2 étant un dimanche. La G. G. T.
intima l'ordre de chômer à partir du 4. Elle fut obéie. De nom-
breuses entraves à la liberté du travail furent signalées.
Néanmoins, dans les réunions, les orateurs se plaignaient des
atteintes portées au droit de grève P) !
Le 9 mai, la G. G. T. déclencha la troisième vague d'assaut :
ouvriers des métaux, du bâtiment, des transports par terre et
par eau, des docks. A ce moment, le Gouivernement prit l'ini-
tiative d'une procédure judiciaire tendant à dissoudre la Gon-
fédération. On sait que la Gonfédération existe toujours, malgré
le jugement rendu le 13 janvier 1921 par le Tribu nail correc-
tionnel de la Seine.
La grève des mineurs n'était pas absolument générale. Le
15 mai il y avait 3.436 travailleurs dans les mines. Un attentat
h la dynamite ayant été commis sujr la voie ferrée entre Villars
et La Fouillouse, la police arrêta le Secrétaire du Syndicat des
Mineurs de Villars, que l'on dut relâcher faute de preuves. Les
mineurs protestèrent dans des ordres du jour et décidèrent
(1) LlefUtenant-colonel Reboul : La propagande bolcheviste {Temps du
14 décembre 1921).
(2) Journaux du 9 mai.
58
— 902 —
que la girève continuerait, même si la G. G. T. ordonnait la
reprise du travail.
Les trains ne marchaient qu'avec un personnel réduit et avec le
concours des élèves de l'Ecole des Mines. Ges mécaniciens volon-
taires — qu'on lie saurait trop louer — refusèrent un moment de
transporter un député radical-socialiste et, quelques jours après,
un avocat et conseiller municipal communiste de Saint-Etienne.
Puisque ces personnalités approuvaient et encourageaient les
grévistes, pourquoi prenaient-elles des trains qui ne roulaient
que grâce à des concours volontaires ? Le Gonseil municipal
blâma les élèves de l'Ecole, comme il blâma la police « aux
ordres des capitalistes ^î (!). Les élèves protestèrent contre l'ex-
pression briseurs de grèves employée par la municipalité (i).
A la suite du dépôt du projet de loi sur le nouveau régime
des chemins de fer — qui ne concluait pas à la nationalisation
comme la G. G. T. le demandait — la G. G. T. ordonna la
reprise du travail, sauf toutefois pour les cheminots (22 mai).
G'était l'aveu de la défaite, aveu formulé plus tard. Les mineurs
continuèrent la grève pendant un jour, pour protester contre
l'arrestation dtu Secrétaire du Syndicat de Villars. L'Union des
Syndicats ouvriers de la Loire accusa le Boiireau de la G. G. T.
de trahison. Le 29 mai à son tour, la Fédération des cheminots
décréta la fin de la grève. Mais toutes ses troupes avaient lâché
pied, ses chefs s'étaient enfuis à l'étranger et les trains avaient
repris leur marche normale depuis trois jours.
G'est à l'occasion de cette grève — la première tentative gé-
nérale de révolution sociale — que se formèrent, à Saint-Etienne
notamment, des Unions civiques entre citoyens volontaires,
pour assurer le fonctionnement des services publics.
Au Gongrès national des mineurs tenu à Saint-Etienne le
25 juin 1920 et les jours suivants, le secrétaire Bartuel, de la
Fédération du sous-sol, dut défendre la Commission adminis-
trative de la G. G. T. contre l'accusation de trahison envers
la classe ouvrière. Pourquoi la G. G. T. avait-elle emboîté le
pas aux cheminots, alors que ceux-ci étaient partis d'une façon
prématurée ? Parce que la G. G. T., poussée à bout, avait été
(1). Journaux des 22 et 28 mai.
- 903 —
accusée de trahison par les extrémistes. Mais, si les mineurs et
les inscrits maritimes étaient les seules corporations qui avaient
marché à fond, 50 % des cheminots avaient continué le
travail. Un autre délégué accusa le Ministre des Travaux
publics, M. Le Trocquer, d'avoir été l'artisan de la grève,
« parce quelle syndicalisme était dangereux et qu'il fallait le
décapiter ». Bref, un vote couvrit la C. G. T. et blâma les che-
minots de s'être montrés trop pressés. Après la grève, les
Compagnies de chemins de fer ou de mines avaient prononcé
des révocations. Le Congrès, faute de mieux, protesta, après
quoi le secrétaire Bartuel annonça la « revanche prochaine >>.
L'entretien des mines fut assuré pendant La. grève par les
ingénieurs et employés des Compagnies, qui firent preuve du
plus grand dévouement pour empêcher des malheurs peojit-être
irréparables et qui auraient atteint les mineurs eux-mêmes.
Mais cet entretien était forcément précaire et la production
normale ne put se rétablir le mois suivant.
Une aAitre grève — celle des affaires — allait surgir len-
tement, substituer une crise de surproduction à une crise de
disette et enrayer tous les efforts des gréviculteurs.
La Fédération du sous-sol, au mois d'octobre, réclamait en-
core le relèvement des salaires pour les mettre en rapport avec
le coût de la vie. Elle présentait tout un cahier de revendi-
cations. Le Comité central des Houillères de France répondit,
notamment, que les salaires depuis 1913 avaient été relevés
de 368 %, alors que le rendement individuel baissait de 35 5^.
Les exploitants de la Loire étaient disposés à majorer les allo-
cations familiales, mais une hausse nouvelle du combustible
leur paraissait impossible. L'agitation dura longtemps et la
grève fut même votée à Saint-Etienne le 12 novembre, pour
le 15, mais, le 13, la Fédération nationale du sous-sol envoyait
l'ordre de continuer le travail. Sous les auspices du Gouver-
nement, les représentants patronaux et ouvriers décidaient de
réunir des Commissions mixtes régionales ou loctiles en vue de
.la revision éventuelle des bordereaux.
La Commission de la Ix)ire se réunit à cet effet le 7 décembre.
II y avait à la réunion les délégués d'une Fédération des
Syndicats professionnels des (nwriers m^ivni.rs dr la Loire
récemment formée. Fédération jaune par opposition à la
- 904 —
Fédération rouge des Mineurs. Les délégués de cette dernière
Fédération se retirèrent et soumirent leur attitude à un réfé-
rendum qui ne réunit que 5.000 votants sur 25.000 ouvriers.
Ils voulaient pour la Fédération seule le monopole de la
discussion avec le Comité des Houillères de la Loire. Les dis-
sidents déclarèrent que les ouvriers étaient victimes des con-
ceptions ruineuses de la Fédération rouge, dans laquelle la
« politicaillerie » avait été introduite. Il n'y avait pas de loi
qui rendait le Syndicat de la G. G. T. obligatoire. « La France,
disaient-ils, n'est pas encore souis la direction du Soviet... Nous
sommes aussi indépendants des exploitants que de la G. G. T. ».
Les « rouges » n'insistèrent pas. La grève anglaise avait cessé
le 8 novembre. Les stocks de chairbon commençaient à s'accu-
muler. Les pourparlers avec les exploitants ne furent pas repris.
Ainsi se termina le mouvement ouvrier de 1920, le plus for-
midable peut-être que l'on ait vu : une grève générale pro-
fessionnelle, une grève générale révolutionnaire, les vagues
d'assaut de la G. G. T. déferlant sur la société, une troisième
menace très sérieuse et non moins générale arrêtée seulement
par la crise mondiale qui paralysa la p-roduction.
G'en était assez. G'en était même trop. On ne résiste pas
indéfiniment à des coups pareils. Le « coup » de mai 1920 ne
fut, à tout prendre, qu'un coup d'essai qui, heureusement, ne
fut pas un coup de maître. PLus que jamais la société dort sur
un volcan. Tant que les journaux d'une part, les révolution-
naires de l'autre pourront jeter de l'essence suir le feu, la
situation ne fera qu'empirer. La révolution, comme en 93,
comme en Russie, dévorera ses promoteurs, mais elle dévorera
aussi le pays.
Par suite de l'augmentation des salaires à la suite de la
grève de mars 1920, le salaire moyen de l'oufvrier du fond
s'éleva à 22 francs environ. Par rapport à 1913, les salaires
avaient été multipliés par plus de 4, autant que le prix de la
vie (1). Le montant des salaires payés en 1920 fut de 141
millions.
(1) Le coeflicient 4 correspond à une augmentation de 300 %, un salaire
(le 100 francs étant élevé à 400 francs.
— 905 —
Un certain malaise se manifesta dans les professions intel-
lectuelles de la mine : ingénieurs et employés. N'ayant jamais
eu recours à la grève, entretenant même les mines pendant les
grèves, appliqués et soumis, certains de ces collaborateurs
trouvaient que, grâce à la grève, les salaires des ouvriers
s'élevaient vite et bien haut, et qu'eux-mêmes étaient les vic-
times du' renchérissement dû aux augmentations de salaires.
Mais, grâce à l'attention éveillée des directeurs, seuls en contact
avec les Conseils d'administration, on ne vit point chez nous
se former des Syndicats d'intellectuels comme ceux qui prirent
naissance à Paris. Il n'y eut, en fait de réclamations publiques,
que de rcires articles de revue (l).
J'ai indiqué (v. p. 891) la loi qui intervint au sujet des
retraites p). Les versements s'effectuèrent sur la base de 4 %
pour les patrons comme pour les ourv^riers : 5.640.000 francs de
part et d'autre, pouir un ensemble de salaires de 141 millions.
Les Caisses de secours renouvelèrent leurs Conseils d'admi-
nistration, les élections ayant été différées pendant la guerre.
Elles régularisèrent leurs statuts au regard de la loi du 23 no-
vembre 1918. Le montant total des versements à ces Caisses
s'éleva à 3 millions 1/2, dont les 2/3 à la charge des ouvriers,
ce qui correspondait à 87 francs environ par an et par ouvrier,
à 1,7 % en moyenne du salaire et à 0,85 % pour les patrons.
L'allocation et les soins médicaux et pharmaceutiques repré-
sentaient 7 fr. 90 par journée de maladie, et la moyenne des
jouirs de maladie par an et par ouvrier fut de 13.
Seules les Compagnies prospères purent, en 1920, construire
de nouveaux logements ouvriers, la construction étant toujours
hors de prix. La dépense engagée de ce chef fut de près de
2 millions 1/2, de 3 millions en y comprenant l'achat, la lo-
cation, l'aménagement d'immeubles ou de locaux. Un septième
des ouvriers du bassin houiller était logé par les Compagnies.
(1) iiif/mentation des salaires des ingénieurs des ynines, dans la revue
Siiiiii-Eiu'îuic et sa région, décembre VM).
(2) Loi (lu 'j in;iis 1920 (loi du 30 aviU l'.rijo pi.iir les aidoislers), modi-
fiant la loi (lu 25 f^ivrier 1914 et qui fut im.diil'M cilc-nn^me par la loi
<lu G août V.m. UC'civi^ des 28 avril et 'Z'J juillet 1920.
— 906 —
La taxation opérée fini 1920 tint compte des dépenses pour aug-
menter la capacité des logements.
La proportion du nombre des accidents mortels augmenta
en 1920 (1,56 par 1.000 ouvriers, au lieu de 0,83 à 1,33 les années
précédentes à partir de 1913), par suite de l'embauchage d'un
grand nombre d'étrangers ou de jeunes ouvriers.
Le régime des mines établi par la loi du 9 septembre 1919
(p. 890) a été précisé pçir les décrets des 21 avril et 31 août 1920
promulguant le cahier des charges type des concessions et le
modèle des demandes de concessions. La loi de finances du
31 juillet 1920, art. 18, a réglé la transformation des Sociétés
civiles de mines en Sociétés commerciales.
Un décret du 29 juin 1920 a donné le titre ^Ingénieurs des
Travaux publics de VEtat aux sous-ingénieurs (anciens con-
trôleurs ou anciens garde-mines).
Je ne puis entrer dans les détails techniques, mais je signale
dans le Bulletin de l'Industrie minérale les études sur l'emploi
de marteaux à air comprimé pour l'abatage de la houille, et
sur les essais de traction par locomotives à benzine, par
M. Dessemond, ingénieur principal de la Société des Houillères
de Saint-Etienne.
On a accordé, par décrets du 29 décembre 1920 (1), deux con-
cessions de 5.000 hectares chacune pour l'exploitation de la
houille aux portes de Lyon^ récompense des sondages entrepris
dans l'Isère : l'une dite concession de Gênas (Saint-Priest,
Ghassieu, Meyzieux, etc.) à la Gompagnie des Gharbonnages
de Lyon, l'autre dite concession de Mions (Mions-Sud, Réduis,
La Pouillouse) à la Gompagnie des Houillères lyonnaises.
D'autres recherches ont été et sont encore poursuivies dans
cette région (2).
Ici s'arrêtent les statistiques. Je rappelle que la production
houillère annuelle de la France était de 41 millions de tonnes
(1) Journal officiel, 1er janvier 1921.
(2) Voir Rapport de la Société des Houillères de Saint-Etienne
(assemblée générale du 28 avril 1921; ; Un nouveau Mssin houiller à
Vest de Lyon, par Gl. Roux (Revue Lyon et sa région, 5 mai-5 juin 1920) ;
La houille aux portes de Lyon {Echo des Mines, 20 juin 1920), etc., et€.
— 907 —
avant la guerre (et l'importation de 23 millions ; consommation
totale : 64 millions de tonnes).
La production fut réduite de moitié environ jusqu'à l'armis-
tice (production de 20 à 26 millions par an de 1915 à 1918). On
importa — on sait avec quels frais et quels risques — de 18 à
21 millions de tonnes chaque année.
En 1919, la production, enrayée par les grèves et le retrait
des prisonniers de guerre, ne fut que de 20 millions (22 avec
la Lorraine) et l'importation de 18 à 19 millions de tonnes (l).
Ces chiffres, que je tiens à reproduire, expliquent mieux que
tous les raisonnements, pour la compréhension de cette fin
d'histoire, la crise terrible du charbon pendant et depuis la
guerre, la course au combustible, les files intermiîiables qui
stationnaient à la porte des marchands de charbon de Paris
pendant le grand hiver de 1917 (2). Ils expliquent aussi la néces-
sité de la réglementation, de la taxation, de la répartition des
charbons par les Pouvoirs publics. Les modalités de ce régime
ont été souvent et à juste titre critiquées, mais le principe
s'imposait, à cause de la rareté de cette marchandise de pre-
mière nécessité. Cette crise de disette si grave aurait dû déter-
miner, après comme pendant la guerre, une vague de travail
plutôt que des vagues de grèves comme celles de 1919 et 1920.
Le contraire arriva.
En 1920, la production totale fut de 24 millions de tonnes
(21 millions en déduisant la consommation des mines) et l'im-
portation de 24 millions de tonnes, dont 11 millions 1/2 d'An-
gleterre, 2 millions 1/2 des Etats-Unis, 1 million de Belgique,
4 millions d'autres pays, enfin 5 millions livrés par l'Alle-
magne. Nous n'avons exporté que 400.000 tonnes (3).
(1) L'exportation a atteint son maximum en 1918 avec 1.800.000 tonnes,
diont l.OOO.OOO pour ITtalie. Les autres années, depuis 1914, elle ne dépasse
point 534.000 tonnes (1919).
(2) Dix départements étaient envahi*, mais la consommation des
régions envahiies était compensée au delà par celle des industries de
la défense nationale en pleine activité.
(3) Bulletin de la Stalistique générale de la France (janvier 11^21, p. 103)
et Revue de tlndustrin minérale, 1921, 3» partie, p. 108. — Production
du col<e : 782.000 tonnes, des agigi'omérùs : 2.06H.000. Pei^nnel ouvrier
(moyenne mensuelle) : 203.000, dont 129.000 au fond. Un décret du
22 octobre 1920 a prohibé l'exportation des poteaux de mines.
908
1921
A l'heure où j'écris (janvier 1922) aucune statistique n'a
paru, aucun rapport n'a été publié sur la situation des mines
en 1921. Les quelques lignes qui suivent ne sauraient donc
constituer un exposé complet de la situation (i).
Un décret du 12 janvier a autorisé Tamodiation de la con-
cession de la Baraill^re par M. Tardy Glaudius à la Société
viennoise des Houillères. Un décret du 25 janvier a autorisé la
cession des droits d'amodiation de la concession du Couloux
successivement par M. Hercelin à M. Vey, par M. Vey à
MM. Rocher et Jampierre, par MM. Rocher et Jampierre à la
Société Rocher & G*^
Le 17 mai 1919, le Conseil municipal de Saint-Etienne avait
demandé au Préfet de faire cesser l'exploitation de la mine
de Villebœuf, en rapportant les arrêtés du 31 janvier 1911 et
suivants autorisant l'extension du périmètre d'extraction. Le
30 j^uin 1921, le Préfet informait le Maire que le Ministre se
refusait à donner une suite favo^rable à cette demande. Le
Conseil municipal se pourvut devant le Conseil d'Etat contre
cette décision.
A la Société des Houillères de Montrambert et de la Bérau-
dière (directeur : M. Pigeot), M. Léon Bouchut, ingénieur, fut
nommé sous-directeur ; M. Clapier, ingénieur en chef ;
M. Coing, secrétaire général.
L'année 1921 n'a pas ressemblé aux précédentes. Elle fut
marquée par la grande crise industrielle mondiale. Au début,
on entassait partout le combustible. Les stocks ne pouvant indé-
finiment s'accroître, l'extraction fut arrêtée dans plusieurs puits,
un jour de chômage fut établi et de nombreux ouvriers furent
renvoyés.
Le régime des charbons subit d'importantes modifications.
Si la taxation subsista, la répartition et la péréquation dispa-
rurent le 1*' mars. La compensation devait cesser également.
Je ne puis rappeler ici les dispositions des arrêtés de péré-
quation et de taxation, faciles à retrouver et à consulter et que
(1) Production nette en 1921 : 3.414.C0O tonne,s de houille, 254.000 tonnes
de coke, 260.000 tonnes d'agglomérés.
— 909 —
les rapports officiels résument. Ces arrêtés et notamment la
politique de cokerie du Ministère motivèrent de nombreuses
plaintes de la part de la Métallurgie (i).
La différence des prix taxés par rapport à ceux d'autres
bassins houillers résultait comme auparavant, pour la Loire,
des conditions du gîte, des redevances tréfoncières aggravées
par la hausse des prix, de l'exploitation sous des agglomé-
rations d'habitants entraînant des dégâts à la surface, majorés
par le coût des constructions.
Le Gouvernement mettait aitn frein à la baisse des prix pour
ne pas abaisser les salaires. Il ne se décida à prendre l'arrêté
du 29 août, le dernier en date pour les combustibles (les cokes
exceptes), qu'après la fin de la grève anglaise et consécuti-
vement à la réduction des salaires.
La Métallurgie faisait valoir que le prix des charbons de la
Loire dépassait 100 francs (quatre fois environ le prix d'avant
guerre) (^], alors que les usines de l'Est, favorisées par la proxi-
mité de la Sarre et de la Ruhr ne payaient le charbon que
85 francs et que le prix des aciers était tombé à deux fois et
demie le prix de 1914. D'après l'arrêté du 21 août, les cokes de
la Loire expédiés aux aciéries de l'Est parvenaient à 100 francs
la tonne rendus à ces usines, tout en étant facturés 100 francs
au départ, le B. N. G. (Bureau natiomal des Gharbons) prenant
les frais de transport à sa charge. Les « fines à coke » de 'a
Loire, expédiées au Greusot ou à Montluçon, étaient livrées h
ces usines 65 francs franco, bien que payées 90 francs au départ.
G'éta.it, en faveur du Greusot, une é<x)nomie de 30 francs par
tonne, soit plus de 40 francs par tonne de coke.
La principale raison de Télévation des prix de revient du
charbon, déclarait le Gomité central des Houillères de France,
réside dans la baisse permanente du rendement des mineurs, se
(1) Un df^cret du 30 <lécembrc 1921 {Journal Officiel, 23 février 1922)
a mis fin .au régime de la taxation des charbons el de la limitation
dos frets.
(2) D'après l'arr<^f('« do taxation : les p^;rats, 134 francs : lo nionii sortant
de forge, 130 h 13r> fr.; 1^ nicnn sortant paz. 107 fr.: les dracérs lavéos,
124 fr. ; les braisottes lav/'os. 110 {\ 121 fr. ; les menus fins, 90 ft 100 fr. ;
lo menu sortant 2", 76 h 90 fr ; 3«. 45 fl 55 fr. ; 'os briquettes 135 à 117 fr.
{Va\v lo lahirnn rnmparatff avec les autres bassins dans VEcho des
Mnir .In !'M1.)
— 910 —
superposant à l'ciiUigmentation considérable des salaires depuis
quelques 'années (i).
La réduction des salaires fut opérée en juillet et appliquée
à, partir du l*''" août. Elle se fit sans se<x)usses, dans une dis-
cussion oouirtoise. La crise de chômag'e rendait vaine toute
tentative de g-rève. Le nombre-indice du prix de la vie, établi
par la Commission départementale, qui était de 100 en 1914 et
de 414 en octobre 1920, était tombé à 384 en janvier 1921, à 352
en juin 1921. Il est resté stationnaire. La baisse des salaires
acceptée de part et d'autre fut de 3 francs par jour pour les
ouvriers de plus de 16 ans et de 2 francs pour les femmes et les
enfants.
A ce moment, M. Diuranton, secrétaire du Comité fédéral
ouvrier, démissionnaire, fut remplacé par M. Dumond.
Une grève de vingt-quatre heures, générale en France dans
les mines, eut lieu le 12 décembre pour protester « contre le
patronat féroce qui profite des circonstances de crise de chô-
m,age pour brimer les ouvriers et leur imposer des diminutions
sensibles de salaires ». On en profita pour protester contre
l'impôt sur les salaires, « contre la continuation des guerres
criminelles et fratricides qui se poursuivent en Orient ». On
envoya « un salut fraternel syndicaliste à toutes les victimes de
la folie réactionnaire qui sont encore détenues dans les geôles
de la République ». On manifesta même « pour la stabilisation
du change dans tous les pays ». C'est du moins ce qu'indiquait
une affiche que ni les lecteurs, ni même les rédacteurs ne
devaient sans doute comprendre, car le change se moque, hélas !
des manifestations ! Mais tout cela manquait d'entrain. Il n'y
eut que très peu de manifestants P).
Pour atténuer la baisse des salaires, le Comité des Houillères
de la Loire éleva, à partir du 1^"" août, de 0 fr. 30 à 0 fr. 60
les allocations familiales pour les deux premiers enfants ayant
moins de 13 ans, et de 0 fr. 30 à 1 franc pour le troisième enfant
et les suivants.
(1) lUcho des Mines, 10 août 1*^1.
(2) L'effectif des syndicats de mineurs a beaucoup diminué en 1921 :
dans la Loire 3.755 adhérents contre 5.436 en 1920 (chiffres cités par le
Travailleur du sous-sol et reproduits par le Mémorial de la Loire du
3 octobre 1921).
— 911 —
Au début de l'année, la Compagnie de Roche-la-Molière dé-
cidait d'accorder une prime au mariage, de 500 francs, à tout
ouvrier ou employé comptant trois ans de service à la Com-
pagnie, et une allocation de 100 francs, dite de layette, à l'oc-
casion de la naissance de chaque enfant.
Je signale dans le BuUetin de Vlndustrle minérale, devenu
en 1921 la Reims de VlndusLrie minérale, les belles études de
M. Dessemond, ingénieur principal à la Société des Houillères
de Saint-Etienne, sur le traitement des schistes houillers par
fusion et le problème de l'utilisation des combustibles pauvres ;
de M. Margand, ingénieur à la Société de Montrambert et de
la Béraudière, sur l'influence de l'aérage naturel ou le fonction-
nement des ventilateurs ; de M. Pasquet, ancien ingénieur à
la Compagnie des Mines de Roche-larMolière et Firminy, sur
l'exploitation des mines à feu ; les conférences de M. Biver,
directeur de la Société des Mines de la LfOire, sur la ventilation
des mines ; de M. Clapier, ingénieur principal à la Société des
Houillères de Montrambert et de la Béraudière, sur une pelle
automatique à air comprimé, etc..
Aux portes de Lyon, on délivra, par décret du T'" avril 1921,
une nouvelle concession (à M. de Réneville) sur les communes
de Saint-Symphorien-d'Ozon, Corbas, Mions, Chaponnay,
Simandres, Communay, Toussieu et Saint-Pierre-de-Chandieu,
arrondissement de Vienne.
Le régime général des mines fut marqué, en 1921, par le
décret du 5 juillet sur le contrôle financier des concessions mi-
nières et par l'es dispositions de l'article 3 de la loi de finances
du 30 avril qui modifient l'assiette de la redevance proportion-
nelle payée à l'Ktat. Le produit net imposable est forfaitai-
rement égal au montant total des sommes dont la distribution
a été votée l'année précédente. Les tantièmes des adminis-
tra-teurs sont assimilés aux dividendes*.
Le régime général des mineurs n'a été modifié que par des
dispositions de détail concernant la Caisse autonome des re-
traites (décret du 28 février et loi du 20 juillet 1921).
C'est en 1921 (7 et 8 mai) qu'a été célébré le centenaire do
rFkx)le des Mines de Saint-Ktienne. Ij'anniversaire de la création
de l'Kcole tombait en 1916.
Nous aurions voulu terminer par un exposé de la situation
— 912 —
actuelle et des desiderata de l'industrie houillère de la Loire.
Mais cet exposé vient d'être fait avec une grande précision et
en quelques pages, par M. Paud Petit, président de la Chambre
de Commerce de Saint-Etienne et président du Comité des
Houillères de la Loire, dans une note remise le 11 mars 1922
à M. Fighiera, directeur des Affaires commerciales et indus-
trielles au Ministère du Commerce. Cette note sera imprimée
dans le Bulletin de 1922 de la Chambre de Commerce. Nous ne
saurions trop engager à s'y reporter.
913 —
APPENDICE
5^ 1 - LES MINES MÉTALLIQUES
On ne satujrait clore VHistoire économique gériérale des Mines
de la Loire sans parler des mines métailliques, des mines d'an-
thracite et des tourbières de ce département, bien que l'importance
des unes et des aiuitres — assez notaible autrefois — soit nulle
aujourd'hui par rapport à celle des mines de houille.
Je ne reviendrai pas sur la législation des mines métalliques,
seule législation minérale des temps anciens et que j'ai analysée
dans la première partie de cet ouvrage. Je rappelle que la rede-
vance du dixième sur le produit de la mine, que s'attribuait le
souverain, provenait, soit de l'impôt du dixième établi sur les
mines sous les Romains, soit de la création de la dîme dont
cette redevance n'était qu'une variante. Perçue par le seigneur
paT concession du Roi, comme en Forez, reprise par la Royauté,
complétée à certains moments par l'impôt du vingtième ou sans
doute plus exactement des vingtièmes, qui était un impôt gé-
néral sur les revenus, cette redevance fut complétée encore par
une taxe du trentième, établie pour procurer les secours néces-
saires aux ouvriers. Cette redevance fut la base de toute l'an-
cienne législation, la base des concessions. Le Roi pouvait en
faire la remise. En fait, il dispensa les Blumenstein, par
exemple, du droit de quint.
Les mots Argental, Argentière, etc., qui acc/ompagnent
plusieurs noms de lieux en Forez et en Lyonnais, signifieraient,
a-t-on dit, la présence de l'argent (argentum). Là, jadis, on
aurait exploité le métal précieux. I^es mots Argentan, Argentan,
ont la inf^mo siL-rnflcation.
— 914 —
Cette étymologie, indiquée dans la Numismatique forézienne
de M. G. -P. Testenoire-Lafayette fils, annexée au Forez pitto-
resque et monumiental de Félix Thiollier, est mise en doute par
Camille JuUian (i). Cela est fort possible, dit-il, mais non
prouvé. Un article de V Ancien Forez (1884-85, p. 264) indique
qu'Argental viendrait en gaulois de l'article ar, et de ganta ou
Kanto, Kan qui signifiait « oie ». Au lieu de « pays de l'argent »,
on Bjuirait « pays des oies )>, animal fort apprécié à toutes les
époques de l'histoire, moins pour son intelligence que pour sa
chair savoureuse.
Il n'y a cependant rien que de très naturel à ce que plusieurs
lieux aient reçu une dénomination tirée d'argentum. Le plomb,
en effet, fut extrait, traité et affiné dans notre province. Or, le
principal minerai de plomb, la galène ou sulfure de plomb, est
généralement argentifère.
Les souvenirs de l'extraction du plomb sont nombreux et les
derniers de ces souvenirs remontent à une époque récente.
Auguste Bernard a vu au Musée d'Avignon, où il existe peut-
être encore, un « saïuimon » de plomb portant le nom des Ségu-
siaves, le peuple antique du Forez. Cette matière était traitée
dans les manufactures impériales. Le Rhône et la Saône
servaient pour le transport de cette marchandise. Bernard croit
que c'est à Givors que ce plomb aurait été fondu.
Mais l'argent, en Gaule, était relativement rare par rapport
à l'o'r. Les filons des mines cévenoles ou des mines pyrénéennes,
les paillettes des rivières qui descendaient de ces montagnes
firent à la Gaule une réputation de richesse aurifère, richesse
qui disparut rapidement, à cause même de cette réputation (2).
Les invasions barbares firent disparaître des industries
pendant des siècles, à tel point que le siècle de saint Louis
n'était pas plus avancé en métallurgie que celui d'Auguste.
M. Paul Leroy-Beaulieu a signalé cet arrêt de plusieurs cen-
taines d'années dans l'exploitation des mines mtétalliques après
les invasions. Le stock des métaux précieux en Europe se trouva
très réduit jusqu'à la découverte de l'Amérique (3).
{1) Histoire de la Gaule, I, p. 77, note 2.
{2) CamiUe J'uUian, I, p. 76, et les auteurs anciens cités.
(3) Traité théorique et pratique d'économie politique, 2« édition, III,
p. 191.
— 915 —
U Ancien Forez (1886-87, p. 145 et suivantes) a reproduit un
curieux contrat entre Hugues, duc de Bourgogne et le prieur
d'Anzy, daté de 1264, pour la formation d'une Société de mine,
société de recherches et d'extraction d'argent, de plomb ou autre
métal dans les terrains du prieuré d'Anzy, à Oyé et Amanzé
en Brionnais (arrondissement de Charolles). Les travaux étaient
à frais communs et le profit partagé' par moitié. Le paiement
des dégâts causés à la surface était également partagé par
moitié. Le contrat semble reconnaître que les propriétaires du
sol peuvent s'opposer aux travaux, sauf indemnité, bien que
ces propriétaires ne pussent être que des tenanciers ou des jus-
ticiables du prieuré dont le duc était sans doute le suzerain.
En 1840, des gens du pays firent des tentatives d'exploitation,
mais l'analyse ne fit que révéler la pauvreté du minerai : plomb
dans le lias 0,86 ; argent 0,001.
J'ai cité l'ordonnance de la fin du xiv^ siècle du duc Louis II
de Bourbon, comte de Forez, « baillant, cédant, octroyant et
délivrant » les mines de plomb, étain, cuivre et autres métaux
qu'on pourrait découvrir dans la ohâtellenie de Virigneux
(canton de Saint-Galmier) ; la concession, par le même, en 1405,
à un bourgeois de Lyon, des mines métalliques du Forez ; l'au-
torisation, accordée en 1477, par le Juge de Forez, à quelques
particuliers de rechercher dans le lit de la Loire et autres
rivières les paillettes d'or qui pourraient s'y trouver (v. p. 46).
M. Vincent Durand a exposé {Bulletin de la Diana 1897-98,
p. 407 et suivantes) qu'aucun indice d'exploitation des mines
métalliques par les cx)mtes de Forez de la première et de la
deuxième race, n'existait cictuellement. Les ducs de Bourbon
n'euirent que des velléités d'entreprise. « Les vastes travaux
anciens, reconnus par les ingénieurs, travaux qui attestent une
exploitation conduite avec de grands moyens et ayant duré un
temps considérable, ne doivent pas être attribués au moyen âge,
mais remontent très probablement à l'antiquité. »
Papire Masson disait que lo (^^havanelet avait charrié de l'or.
Cet or n'était sans doute que diii micii oxydé, dit Hodde (•).
L'affreux niisseau qui empeste le cours Fauriel et que la mu-
(1) Bulletin de la Société agricole et manufacturidrc de Saint'Eiienne,
1839, p. 261.
— 916 --
nicipalité de Saint-Etienne a dû faire couvrir, est bien déchu
aujourd'hui de son antique splendeur champêtre.
Au XV® siècle se place l'exploitation des mines métalliques
d'Ui Forez et du Lyonnais par Jacques Cœur, qui avait été pré-
cédé, d'après M. Steyert, pa.r les d'Albon, les Jossard et les
Baronnat. A Ghessy, les Baronnat avaient leur château, qui
existe encore, près de la mine de cuivre, une des plus consi-
dérables de France, exploitée déjà, dit-on, sous les Romains.
Jean Baronnet ou Baronnat fut le commis ou le correspondant
de Jacques Gceuir à Lyon. Celui-ci, qui était venu en 1440 avec
Charles Vil faire le siège de Saint-Haon-le-Châtel pendant la
guerre de la Praguerie, se rendit acquéreur, en 1447, des sei-
gneuries de La Motte, La Forest, Roanne, Saint-Haon par
moitié, et du château de Boisy à Saint-Martin-de-Boisy, près
de Roanne, que lui cédèrent Eustache de Lévis et sa femme
Alice de Co^uzan. Jacques Cœur fit prendre possession de ces
terres par Jean Baronnat. Il habita lui-même et il transforma
le château de Boisy. La légende a conservé le souvenir du
« Monsieur de Boisy, Jacques Joli-Cœur », qui faisait travailler
tant d'ouvriers et qui s'enrichit immensément grâce à la cap-
ture d'iume bague magique portée par un serpent monstrueux
qui désolait les environs du grand étang de Boisy, près de
Saint-Haon.
Jacques Cœur acheta aussi les mines de cuivre de Sain-Bel
dans le canton de L'Arbresle. Le nom de Sain-Bel — où le / est
absent — s'écrivait dans les anciens titres Scrnihael, Sarnbeeli,
Saimbel, Senbel (de sambella, sorte de monnaie blanche) ; les
clercs du moyen âge en firent Sanctus Bellus, bien que le Saint
fût absent. Ces mines devinrent ensuite la propriété des moines
de Savigny, le bourg de Sain-Bel dépendant de cette abbaye.
De même, au moyen âge, Notre-Dame de Chantois, près de
Bully, était propriétaire des mines de Bully, de Saint-Martin-
la-Sauveté et de la Prugne (i).
Nombreux furent au xvi* siècle les privilèges accordés par
les Rois pour rechercher et exploiter des mines en Lyonnais et
(1) CosTE : Histoire de la ville de Roanne. — Noëlas : Légendes foré-
riennes. — Bi.anchardon : Le Forez légendaire. — Rolland et Clouzet :
Dictionnaire illustré des communes du Rhône. — Varnet : Géographie du
Rhône.
— 917 —
en Forez (v. p. 48). Ce fut l'époque où aurait été exploitée la
fameuse mine d'or de Saint-Martin-la-Plaine (la Plagne), située
au hameau de Bissieu, lequel fait partie aujourd'hui de la
commune de Saint-Joseph. Mathieui Paris, dans son Histoire
de France citée par AUéon-Dulac (II, p. 280) parle d'une riche
minière d'or qui se trouvait en 1602 dans le Lyonnais proche
Saint-Martin-là-Plaine, dans la vigne d'un paysan. Il raconte
comment l'on présenta à Henri IV un lingot d'or de cette mi-
nière. Tous les auteurs ont cité la fameuse coupe offerte à
Marie de Médicis et portant ces mots gravés : vase fait de Vor
de la mine de Saint-Martin-la-Plaine. M. Montellier, président
du Tribunal civii de Saint-Etienne sous le premier Empire,
ancien juge châtelain à Saint-Martin-la-Plaine, notaire et sub-
délégué à Rive-de-Gier de l'intendant de Lyon, racontait avoir
vu, avant la Révolution, cette fameuse coupe dans le trésor de
l'abbaye de Saint-Denis. Avant lui, Alléon-Dulac disait qu'on
la voyait encore.
L'errdroit où se trouvait cet Eldorado s'a,ppelait Grangeasse
dans les anciens titres et la Mine depuis 1602. L'existence de
cette mine d'or ayant été mise en doute, l'abbé Rimaud, curé
de Saint-Martin-la-Plaine, publia dans la Revue du Lyonnais,
en 1839, un témoignage qui paraît décisif : des registres pa-
roissiaux attestent, en 1625, la présence à Saint-Martin d'un
« maître travailleur en la mine d'or », qui s'appelait Antoine
Champagnier, et d'un « travailleur en la mine d'or », Georges
Liens. Cette preuve a été reproduite par La Tour-Varan, par
Gruner et par M. Galley.
Quoi qu'il en soit, à la fin du même siècle, la mine d'or n'était
déjà plus qu'un souvenir. En effet, disait l'intendant d'Herbigny
en 1697, dans son Mémoire sur le Gouvernement de Lyon : « Il
y a des mines de plomb proche Saint-Martin-la-Plaine. Il s'y est
même trouvé quelque peu d'or et il y a des gens qui prétendent
en avoir qui en vient, mais on demeure d'accord qu'il est à si
bas titre qu'il serait difficile de le tirer, qu'il n'y aurait p^as
de quoi payer les frais. » En 1765, Alléon-Dulac confirmait
d'Herbigny. Les travaux de la mine, disait-il, avaient été
comblés. Depuis la découverte des « Indes » (Amérique) l'or
et l'argent importés coûtent moins cher que ceux qu'on tirerait
des mines de France.
59
— 918 —
Les derniers travaux à cette mine sous l'ancien régime datent
de 1745 ou de 1752, mais le résultat n'en fut pas avantageux.
Au xix^ siècle, Gruner eut la curiosité de visiter la vigne située
sur l'emplacement de la mine et l'abbé Rimaud lui servit de
guide. Cette vigne est à 400 mètres à l'est de Bissieux, sur le
bord du plateau qui s'abaisse vers le Bosamçon. Il n'y trouva
aucune trace des travaux anciens ; les cavités, lui disait le pro-
priétaire Ouiillermet (i) ont été comblées sous mon grand-père.
Gruner trouva de nombreux cailloux de quartz blanc jaunâtre,
que l'on ne remarque nulle part ailleuirs aux environs et qui
sont très probablement des débris des matériaux extraits (2).
« A Ghessy et à Saint-Bel, continuait d'Herbigny, il y a du
vitriol et du cuivre ; il sort à Ghessy un très petit ruisseau, dans
lequel le fer se convertit en ouiivre. »
Ge j>etit ruisseau est signalé dans la Géographie du Rhône
de Varnet : « Sous la voûte souterraine qui a été creusée pour
tirer des filons de cuivre, on remarque une source d'eau froide
et vitriolique qui changeait, dit-on, le fer en cuivre. En réalité,
les sels vitrioliques rongent la surface du fer, précipitent les
particules cuivreuses du fer et lui donnent l'apparence du
cuivre.
« On dit, ajoute d'Herbigny, qu'anciennement sur la côte du
Rhône, proche un lieu appelé Givors, il s'est tiré du plomb. )>
Gela confirmerait la version du saumon de plomb des Ségu-
siaves donnée par Auguste Bernard. L'Administration des
mines, en 1846, indiquait que la montagne sur la rive droite,
dans la courbe entre Givors et Gondrieu, fourmillait de petites
veines peu suivies, composées de galène propre au vernis des
poteries. Ges gîtes, disait l'Administration, ont presque toujours
été exploitées depuis une époque fort ancienne (3).
G'est au xviir siècle que l'exploitation des mines métal-
liques du Forez — des mines de plomb — prit une certaine
(1) Aujourd'hui le propriétaire est, m'a-t-on dit, M. Bonnand.
(2) Gruner : Description géologique di
262.
(3) ABEILLE : Histoire de Givors, p. 13.
(2) Gruner : Description géologique du département de la Loire, p. 260
,^ 262.
— 919 —
activité, grâce aux concessionnaires, François et Etienne-
François de Biumenstein.
Les Allemands, ou plutôt les habitants du Saint-Empire
romain d'Allemagne, dont le chef était le souverain d'Autriche,
étaient beaucoup plus avancés que les Français dans l'exploi-
tation des mipes et dans l'industrie métallurgique. Le Gou-
vernement français, avant de créer ,en 1783, l'Ecole des Mines
de Paris, s'était proposé, au lieu de fonder une Ecole, d'envoyer
des jeunes gens en Allemagne, afin d'y apprendre à exploiter
et à traiter nos richesses minérales. Il n'y a rien d'étonnant,
dès lors, à ce qu'un Allemand — ou plus exactement un Au-
trichien — soit venu mettre en valeur les richesses de notre
pays. Les méthodes allemandes en matière de mines, les mé-
thodes anglaises en matière de métallurgie du fer, de méca-
nique et de transports, ont servi de guide à nos premiers
ingénieurs.
On a souvent citéi les origines des Biumenstein et leur généa-
logie. Il n'est pas inutile de les rappeler.
Originaires de la Haute-Autriche, ils s'appelaient Kayr,
furent anoblis par l'empereur Léopold en 1676, et portèrent le
nom de Biumenstein, qui était celui d'un de leurs domaines
près de Linz. François de Biumenstein, né le 13 avril 1678 à
Salzbourg, vint en France à la suite du maréchal de Villeroy,
qui revenait de sa captivité d'Innsbruck. A Paris, il vit des
morceaux d'alquifonx (vernis à base de plomb) venant de Saint-
Julien-Molin-Molette et il constata qu'on pouvait en tirer 60 %
de plomb. M. de Villeroy l'engagea à exploiter ces mines et il
obtint pour lui, en 1717, la concession de Saint-Julien qui, en
1726, fut considérablement étendue (i).
Mort en 1739, François de Biumenstein eut pour successeur
son fils, Etienne-François, né en 1713 et mort en 1799 à Vienne
(Isère). Des lettres de noblesse françaises avaient confirmé,
en 1738, les lettres autrichiennes. Etienne de Biumenstein,
seigneur de La Goutte près des Salles et de Cervières, comparut
à l'Assemblée de la noblesse du bailliage du Forez (;n 1789
poaw les élections aux Etats généraux.
(1) Bulletin de VIndvstrie minérale, 1885, p 645. — De Jouvencel
V Assemblée de la Noblesse du bailliage de Forez en 1789,
— 920 —
Il eut plusieurs fils, dont l'un J.-B. François, écuyer, dit le
baron de Blumenstein, né au château de la Goutte en 1759, mort
au château de Groptes, à Lezoux en Auvergne, en, 1854, fut
successivement ingénieur des Ponts et Ghaussées, colonel du
génie, émigré sous la Révolution, maire de Lezoux sous l'Em-
pire et la Restauration. Sa descendance ne comprenait que des
filles, aujourd'hui décédées.
Alléon-Dulac dit qu'Etienne-Prançois de Blumenstein était
un des plus grands minéralogistes de son siècle. Il cite et il
analyse deux de ses mémoires sur la formation, les propriétés
et le traitement des métaux. Blumenstein estimait que la repro-
duction des métaux était possible (l'opinion alors admise était
que les mines se renouvelaient comme les forêts). Il croyait
très difficile, mais cependant possible de découvrir la pierre
philosophale. L'alchimie, on le sait, vé<iut jusqu'au siècle où
naquit la chimie, au xvni* siècle, le siècle de Lavoisier. « Un
habile artiste, bien instruit de la nature des métaux et de la
connexion qu'il y a entre eux peut, quoique difficilement,
trouver un degré de feu convenable, u,n précipitant qui,
ajoutant ce qui manque, détruise ce qu'il y a de trop ; qui, en
donnant le fluide aux principes, procoiire en eux une union plus
intime. Enfin, on peut aisément croire qu'un alchimiste est en
état de s'instruire du principe qui domine dans un métal ou
semi-métal et de celui qui manque dans un autre, et, en con-
séquence, par la jonction des deux qui étaient imparfaits, en
produire un plus parfait. »
« Un bon alchimiste suppose un physicien profond dont
le but est d'imiter de loin le Gréateur dans ses opérations. On
en connaît peu de véritables ; encore ceux qui ont passé pour
tels ont-ils joui d'une réputation qui tient plus de la fable que
de la vérité (i). »
Blumenstein employait quelquefois la baguette pour dé-
couvrir un filon. L'usage de la baguette, disait Alléon-Dulac,
est quelquefois heureux, mais rarement, et il est dangereux de
lui donner une confiance trop aveugle et trop étendue.
Blumenstein employait la baguette naturelle, rejeton fourchu
de bois de coudrier (noisetier) ou de quelque autre arbre qui
(1) Alléon-Dulac : Mémoires pour servir à Vhistoire naturelle des
provinces du Lyonnais, Forez et Beaujolais, 1765, II, p. 256257.
— 921 —
a encore de la sève. Il ne se servait pas de la baguette artifi-
cielle, composée de différents métaux, baguette dont il existait
seize types différents.
La baguette naturelle s'inclinait dans les mains de celui qui
la tenait en marchant sur l'emplacement des métaux, des miné-
raux et des "sources, parce que « les vapeurs que la terre
exhale des lieux où les métaux et les minéraux sont renfermés
peuvent pénétrer à travers les pores de celui qui tient la ba-
guette ou l'agiter », ou encore parce que « le sang de celui qui
a la baguette étant d'une nature à être agité facilement, échauffe
la sève de la baguette, et comme elle est dans une espèce d'é-
quilibre, elle acquiert le mouvement qui indique ce qui peut
l'avoir produit. Les différentes qualités du sang des hommes
empêchent de n'être pas étonné de ce que la baguette ne tourne
pas entre les mains de tout le monde ! »
Et voilà comment on suppléait au xviii^ siècle aux signes et
aux indices qui déterminent la fouille ou la recherche d'un
filon, indices qu'Alléon-Dulac indique dans ses mémoires :
1"* présence du minéral à l'extérieur ; 2'' présence de la matrice
ou du filon lui-même ; 3*^ terre ou eau temte et affectée par les
acides ; 4° fentes ; ^^ paillettes que traînent les fleuves et les
rivières.
Il faut juger les minéralogistes du temps passé en tenant
compte de l'état de la science à leur époque et non à la nôtre,
et se souvenir qu'il faut un commencement à tout. La science
d'autrefois contenait en germe la science moderne.
Com^me suite à son « Discours sur la minéralogie » AUéon-
Duilac énumérait longuement les mines métalliques du
Lyonnais, Forez, Beaujolais. Je résume sa nomenclature.
Il y a du fer partout, disait-il, parce qu'il existe dans tous
les minéraux, dans la plupart des métaux, dans les plantes et
même dans les animaux, mais nous n'avons point de mines
dans nos trois provinces. A Sain-Bel, il s'est établi, en 1748,
une Ciompagnie qui a fait construire une fonderie très consi-
dérable pour y traiter les minerais de cuivre de la montagne
du Pilon et des mines de Ghevinay. Ce cuivre était affranchi
des droits de douane de Lyon et des cinq grosses fermes depuis
1754. Le Pilon est de la baronnie de Saint-Pierre-la-Palud et
Ghevinay dans la paroisse de co nom. liCs Romains et Jacques
- 922 —
Coeur ont, d'après la tradition, exploité ces mines, qui occupent
plus de cent ouvriers.
A dhessy, où les Romains auraient aussi exploité les mines,
abandonnées depuis le cardinal de Richelieu, la Compagnie
précédente emploie un grand nombre d'ouivriers.
Chessy et Saint-Bel produisent 300 milliers de cuivre chaque
année, soit 300.000* livres (livre poids de Lyon de 411^grammes,
c'est-à-dire 123.000 kg.). Ce cuivre est reconnu égal au meilleur
cuivre de Suède.
A Chasselay, face à Trévoux, il y a ume mine de plomb dé-
couverte récemment et exploitée avec succès.
A Sourcieux, près de l'Arbresle, il y a des mines de cuivre.
Près de Tarare et à Saint-Martin-la-Plaine, les mines de plomb
sont communes. Les Romains auraient exploité celles de
Tarare.
On assure quf'il y avait autrefois une mine d'or à Saint-Martin-
la-Plaine.
On dit qu'on tirait anciennement du plomb près de Givors.
A Valfleury, une mine d'antimoine a été découverte récem-
ment par les prêtres de la mission. Les frais de la première
exploitation ont dépassé la valeur des produits.
A Saint-Julien-Mo'lin-Molette, on trouve d'abondantes mines
de plomb dont l'exploitation occupe uine partie des habitants.
Dans la même paroisse, il y a une autre mine à La Pauze.
Bourg- Argental, Saint-Sauveur, Mairlhes, Gourtançon, Saint-
Ferréol et, en Velay, Auriol (Oriol) paroisse d'Aurec, con-
tiennent des mines de plomb.
On en trouve aussi à Saint- André, près de Saint- Alban-en-
Roannais. Le filon traverse la Loire et va finir à Cordelle.
On a exploité à Saint-Maurice-en-Roannais, puis abandonné
les travaux.
« On trouve du plomb suir la montagne nommée La Fayette,
Saint-Martin-la-Sauveté, Couzan », aux endroits dénommés Gri-
solette, Saint-Pulgent, Champoly, Saint-Marcel, et aiux environs
de Saint- Just-en-Chevalet. L'exploitation à Champoly est abon-
dante. La mine d'Urfé est très riche. Les fourneaux sont dans
la paroisse des Salles, au-dessous de Cervières. Le plomb purifié
et perfectionné est envoyé à Lyon.
Enfin, en Beaujolais, il n'y a d'exploitées que les mines de
— 923 —
plomb de Joux, mais au xv*^ siècle le plomb était extrait à
Propières et à Odenas, le cuivre à Juilié, à Claveisolles, et les
seigneurs de Beaujolais avaient des officiers particuliers portant
le titre de « gardes des mines » (i).
Les Blumenstein furent les rois du plomb dans notre région
au xviir siècle. Leurs mmes, groupées en quatre districts, furent
très prospères de 1720 à 1770 :
Z^'" district ( Saint-.] ulien-Molin-M o1 ette) . — Gruner a donné
la liste des documents qu'il a trouvés, sur cette exploitation et
sur celle de Saint-Martin, aux Archives des Mines à Paris et
aux archives du Rhône P). Bien que les noms d'Argental et de
Bourg-Argental et celui des hameauix Le Plomb à Gondrieu
et Tarentaize impliquent des travaux anciens, on ne voit nullç
part des restes très considérables de ces travaux, les galènes
étant peu argentifères (30 gr. aui maximum pour 100 kg. de
plomb). Quand Blumenstein obtint la concession, on se bornait
à tirer des fouilles peu profondes du vernis ou alquifoux pour
les potiers.
L'arrêt du Gonseil du Roi accordant privilège à Blumenstein
pour exploiter à Saint-Julien est du 9 juin 1717. En 1719, per-
mission était donnée au concessionnaire de faire sortir, par
Seyssel, 1.000 quintaux (de 100 livres) de plomb éie ses mines
du Forez. P]n différend avec les habitants, Blumenstein de-
manda à évoquer devant l'intendant de Lyon tous procès et
différends à raison de ce privilège. La redevance qu'il payait
aux propriétaires des terrains était d'un sou par cinq cents
livres de minerai. Mais le différend portait s-ur ce que les ha-
bitants prétendaient que l'alquifoux n'était pas du minerai de
plomb. Un arrêt du Gonseil du Roi les débouta de leur de-
nmnde.
En 1727 (27 mars), un autre arrêt prorogea le privilège de
Filumenstein pour vingt ans. Ge privilège fut successivement re-
(1) \jè fomls. c:ofit(» à la Bibliothèque de Lyon, possède (n» 1000) un
état des mines d'or et d'argent ouvertes à Loire et Saint-Romain-en-Gal,
en Lyonnais, dressé en 1758.
(2) Gruner : Description géologique du département de la Loire, p. 213
et suivantes.
— 924 —
nouvelé de vingt en vingt a.ns ou même en quarante ans
jusqu'en 1827, et étendu à dix lieues autour de Saint-Julien.
Blumenstein. reçut aussi le privilège de fouiller pendant trente
ans à Pontgibaud en Auvergne, mais il céda ses droits à une
Compagnie, ce qu'il dut regretter amèrement.
Un Mémoire ,sur Saint-Julien-Molin-Molette, puiblié en 1852
par l'abbé Chaland, fournit des renseignements :
La concession qu'obtint M. de Blumenstein à Saint-Julien s'éten-
dait en grande partie dans le département de l'Ardèche ; mais le
chef-lieu et les fonderies au grand fourneau anglais étaient à Saint-
Julien, au lieu encore appelé les Fonderies. Les iilons de cette
concession étaient très nombreux et présentaient toutes les variétés
connues du plomb sulfuré, mêlé avec les substances qui ordinaire-
ment l'accompagnent ; le zinc sulfuré ou hlende y était très com-
mun. Le minerai de Saint-Julien donnait, outre le plomb, de 900 à
1.000 quintaux de galène ou alquifoux, que les potiers employaient
pour leurs vernis. Dans ces mines, on parvint à une cavité tapissée
de cristaux de galène et de pyrites cuivreuses ; on la dépouilla
pour en extraire le métal. Le plomb de ces mines tenait argent et
recelait des parties de cuivre en abondance. On creusait à Brossain,
à Etheize, à Revoin, à Villette ; mais le principal filon était dans la
montagne de la Pauze (à 3 fem. au nord de Saint- Julien). Ces mines,
qui alimentaient encore la fonderie du même seigneur à Vienne,
occupèrent plus d'un siècle grand nombre d'ouvriers allemands,
outre ceux du pays ; mais le bas prix auquel furent réduits les
plombs indigènes, par suite de la concurrence des mines espa-
gnoles, fit suspendre entièrement ces exploitations vers l'an 1820, vu
qu'elles étaient déjà onéreuses pour leurs propriétaires depuis plu-
sieurs années ; mais les industriels n'ont point encore renoncé à les
rouvrir, puisqu'ils les Visitent de temps en temps .
En 1795, répondant au Comité du Salut public, les adminis-
trateurs du Département de la Loire déclaraient fl) :
La mine de plomb de Saint- Julien-Molin-Molette est concédée h
Etienne-François de Blumenstein, qui en dirige l'exploitation. C'est
un homme précieux par ses grandes connaissances en minéralogie.
Son grand lâge devrait engager le Gouvernement à le requérir de
former un élève. Cette mine a trois attaques : celle de La Pauze,
celle de la montagne de Oombenoire, celle de Bevoin. Saint-Julien
a des fonderies et un fourneau à rôtissage.
La fonderie de Saint- Julien traita les minerais des filons des
environs, jusqu'à Condrieu, Andance, Serrières et Annonay.
fl) G\LLEY, Saint-Etienne et son district pendant la Révolution,
III, p. 56
— 925 —
Les fils d'Etienne de Blumenstein et son gendre, M. de Mi-
remont, exploitèrent jusqu'en 1831. Toutefois la concession ne
fut pas régularisée. Elle est tombée dans le domaine public (i).
On trouvera dans Gruner une longue description des mines de
Saint-Julien. Contrairement à ce qu'on pourrait supposer, les
Blumenstein étaient fortement gênés financièrement, et cette
situation ne leur permit que d'écrémer leurs trop vastes con-
cessions. De 1717 à 1831 les mines de Saint-Julien ont fourni
18:000 tonnes de minerai et alquifoux, soit 2.800 tonnes, de
plomb métallique et 1.000 tonnes d'alquifoux, représentant les
3/iœ^ de la production totale des mines de Blumenstein. La
période la plus florissante fut celle de 1750 à 1755, où le nombre
des ouvriers était de 100 à 120 et la production annuelle en mi-
nerai et alquifoux, de 2 à 300 tonnes P).
:2™« district (La Goutte et Sœint-Martin-la-Sauvetè). — Des
filons de plomb, constituant une sorte de faisceau, courent sur
les deux rives de l'Aix, entre Saint-Germain-Laval et Saint-
Just-en-Chevalet dams le sens N.-O. — S.-E. sur une longueur
de 18 kilomètres et une largeur de 3 à 4 kilomètres. D'autres
filons se trou^^ent dans la vallée de Saint-Thurin et d'autres
filons dans la vallée de la Loire, les uns et les autres beaucoup
moins importants que ceux dé la vallée de l'Aix. Des travaux,
dont l'existence a été constatée, avaient été entrepris par les
comtes de Forez avant le xvf siècle (3).
C'est en 1728 que Blumenstein fut, par arrêt du 29 juillet,
autorisé à exploiter les mines de plomb qu'il avait découvertes
à Couzan et à Saint-Martin-la-Sauveté. Cette concession était
limitée par deux cercles de deux lieues de rayon, l'un autour
de Saint-Martin, l'autre autour de Sail-sous-Couzan. Renouvelée
de vingt en vingt ans, prorogée pour cinquante ans à partir
de 1777, réduite h 113 kilomètres carrés en 1805, cette concession
a été rendue perpétuelle par l'effet de la loi de 1810.
La fonderie était à F^a Goutte, commune des Salles, à 5 kilo-
mètres au nord de Noi rétable. F^es fils d'Etienne de Blumenstein
(1) Gruner, p. 218.
(2) Il y avait près (Je Nniii', paroi-Sw^ de Monistrol, à retto t'-poque, dos
mine.s do plomb et des* « ^ar^l^res pour le vernis de la faïence », qui
étaient oertainonieut conipriFe.s dans Ja concession {Description du.
VHny, 1759-60 par l€.s curés),
(3) Gruner, p. 458.
exploitèrent jusqu'en 1844, époque où la concession changea de
propriétaire et où la production annuelle était tombée à
quelques tonnes. C'était à La Goutte qu'était le siège de la sei-
gneurie de Blumenstein. Le château existe encore, avec ses
grosses tours du xvi* siècle. A deux pas de là se trouvait la fon-
derie, aujourd'hui remplacée par un moulin situé sur un petit
étang.
Gruner a décrit les filons de ce district, qui se trouvent dans
les communes de Juré (i), Grézolles, Ghampoly, Saint-Sixte,
Saint-Martin-la-Sauveté, Saint-Marcel-d'Urfé, Saint-Romain-
d'Urfé, Saint-Priest-la-Prugne (2), etc.. De 1729 à 1844 l'ex-
traction totale des mines de Saint-Martin a donné 13.000 tonnes,
soit 45 % de la production totale des mines Blumienstein. Il n'y
euf jamais plus d'une centaine d'ouvriers.
On a de nos jours recherché l'étain dans les déblais des an-
ciennes exploitations de plomb de la grande concession de
Saint-Martin-la-Sauveté et on l'a trouvé à l'ancienne mine de
Poyet, hameau du village de Ghampoly (3).
3^^ district (Monistrol-sur-Loire). — Cet « atelier » n'avait
autour de lui que des mines peu importantes. Il avait été en-
trepris en 1743. Au Gournier et à Laborie près de Monistrol, les
recherches cessèrent douze ou treize ans avant 1789. Près de
la sinistre tour d'Auriol, dans le ravin de Semène, se trouvait
un filon de galène allant dui château au hameau de La Fayette
en coupant trois fois la Semène. Ce hameau était habité par
les mineurs et on trouve plusieurs traces des puits d'extraction
du xviir siècle. Les travaux, repris en 1838, furent abandonnés
peo de temps après. A La Borie ou Laborie un autre exploitant,
Genest de Pujol de Beau fort, était en conflit avec les Blu-
menstein en 1742. L'affaire était instruite par le Bureau du
Commerce à Paris (^).
4"^^ district (Vienne en Dauphiné). — La permission fut
(t) Au hameau de Durelle (Prajoux : Le canton de SainUJust-en-
Chevalet, p. 215).
(2) Près du hameau de la Prugne (Prajoux, op. cit., p. 299).
(3) Voir rarticle dse M. Burthe : Gisement stannifère dans la Loire
{Bulletin de l'Industrie minérale, 1916).
(4) Deribier : Description statistique de la Haute-Loire, 1824, p. 90. —
Prajoux : Excursions sur les bords de la Semène, p. 35. — Bonnassieux ;
Inventaire de^ archives <M Conseil de Commerce et Bureau du Com-
merce.
— 927 —
donnée en 1727 à Blumenstein de construire deux « ateliers ».
Le juige royal à Vienne, Papet, était associé à Blumenstein pour
l'exploitation à Saint- Julien. En 1737, les deux associés étaient
en contestation devant le Bureau du Commerce à Paris.
La concession de Vienne (107 km. carrés) devint perpétuelle
après 1810. Cette fonderie traitait les minerais d'Estressin, du
mont Pipet, du mont Saint-Just, de la Poipe, de Ponfile et de
Tupin près Ampuis. L'usine Blumenstein existait encore en
1885 sur la rive gauche de la Gère, entre Vienne et Pont-
Evêque. Elle traitait des minerais étrangers et des regrets
d'orfèvre. On l'appelait l'île de Blumenstein. Une première usine
fut emportée par un débordement de la Gère en 1850. La se-
conde rivalisa avec les usines de Saint-Julien et de la Goutte
(150 tonnes de saumons de plomb par an).
Au xix^ siècle, les fils et le gendre d'Etienne de Blumenstein
traitèrent les minerais pauvres, les cendres et les regrets
d'orfèvre. Les directeurs de 1825 à 1885 furent : Amédée de
Piellat, Victor de Piellat, de Long et Mme du Treyves. L'ex-
ploitation de la mine était arrêtée depuis 1840, où une inon-
dation avait détruit les galeries (1). L'extraction représentait
25 % de la totalité des mines des Blumenstein.
Toutes les usines réunies des Blumenstein ont produit, de 1717
à 1840, 30.000 tonnes de minerai et alquifoux, soit 10.000 tonnes
de plomb métallique et 4.000 tonnes d'alquifoux. I^ période la
plus prospère fut celle de 1740 à 1770. A partir de 1770 les
filons s'appauvrirent. A partir de 1810 la décadence s'accentua.
Le nombre des mines en activité était à l'a-pogée vers 1750 (10),
et le nombre des ouvriers de 250. Le prix des 100 kg. de minerai
pur ressortait au maximum à 30 ou 40 francs avant la Révo-
lution, à 50 ou 60 francs pendant la Révohilion. 11 iTctait plus
que de 20 à 25 francs un demi-siècle plus tard. Depuis la des-
truction de l'usine de Vienne, en 1750, Blumenstein fut toujours
financièrement gêné (2).
(Ininer, en s'étonnant qu'on ait pu accorder des concessions
aussi vîustes pendant un temi>s aussi conit, a critiqué vivement
les méthodes d'exploitatiori employées : vivre au jour le jour.
(1) nmictin ilr l'Iii'Iustrir minvmir, 1885. \> Ml.
(2) fiuiMH. !►. i>W^2R
— 928 —
attaquer, abandonner piui s reprendre les filons, nul traivail d'en-
semble, aucun vaste système d'épuisement pour relier les divers
filons les uns aux autres
Le baron de Blumenstein, associé à un fondeur de Lyon
nommé Frère jean et cà un exploitant de mines de Gôte-Thiol-
lière, Henri Roux, constitua en 1821 la Société des Fonderies
et P'orges de la Loire et de l'Isère, qui devint la Compagnie des
Forges et Fonderies de Terrenoire, Lavoulte et Bessèges.
A la même époque que Blumenstein père, un marchand de
Savigny en Lyonnais, nommé Lambert, qui avait reç'ui en 1708
un privilège pour exploiter des mines de plomb et de cuivre
du Lyonnais, Forez et Beaujolais, obtenait en 1727 prorogation
de son privilège pendant vingt ans. Il s'agissait surtout de
mines de cuivre, vitriol et couperose, sans doute dans la région
de Sain-Bel et de Chessy (l).
PouT en finir avec le xvm® siècle, il faut citer encore Perraud-
Labranche, un esprit déséquilibré, entrepreneur des mines de
Savoie, qui fit des recherches à Saint-Romain-en-Gal, à Loire
et à Ampuis et qui marqua des points d'attaque près de Doizieu
et à La Valla. Le Pilât, d'après lui, décelait des richesses iné-
puisables P).
U Annuaire de la Loire pour 1809, premier en date et qui ne
devait pas avoir de successeur pendant longtemps, n'apprend
rien de nouveau au sujet des mines métalliques : à Saint- Ju'lien-
Molin-Molette commencent les filons qui se propagent dans les
collines de Bourg- Argental, Saint-Sauveur, Marlhes, Gour-
tançon, Saint-Ferréol et Aurec. Le plomb de Saint-Julien
contient de l'argent. Les mines de plomb sudfuré au nord de
Saint-Martin-la-Plaine sont négligées. De Saint-Martin à
Ghagnon et au delà de Fontanès, tout le nord laisse soupçonner
le métal. Le coteau de La Groix, près de Saint-Etienne (ancienne
rue de la Groix), contient des mines de fer oxydé. Le fer pyrite
ou oxydé se trouve fréquemment dans les schistes avec la
houille.
(1) BoNNASSiEUx : Inventaire des archives du Conseil de Commerce,
24 avril et 15 mai 1727.
{2) Galley : VElection de Saint-Etienne, p. 368
— 929 —
Ces derniers mots sont incontestablement de l'ingénieur
Guényveau', qui, en 1809, signala vaguement Texistence de gi-
sements de fer, notamment à Vadbenoîte et au Grand-Cimetière,
commune de St-Jean-Bonnefonds. L'ingénieur de Gallois, à partir
de 1814, trouva également le minerai de fer aux portes de Saint-
Etienne et dans plusieurs localités. Pendant vingt ans il y eut
une sorte d'engouement dans la région pour rechercher et ex-
ploiter les mines de fer. J'ai exposé dans mon Histoire écono-
nomique de la Métallurgie de la Loire (p. 33 et suivantes) ce
que les archives départementales et quelques publications con-
servent ou signalent au sujet de ces mines. Gruner a consacré
à ces minerais un chapitre de sa description de notre bassin
houiller. L'exploitation fut réglementée par ordonnance royale
du 21 novembre 1821 quant au minerai sans connexité avec la
houille, et par des dispositions spéciales (art. 22 à 24) du cahier
des charges des clauses et conditions générales des concessions
de mines de houille pour le minerai en connexité avec le
charbon (l).
La richesse moyenne de ce minerai carbonate lithoïde ne
dépassait pas 30 % et il était tellement clairsemé que son exploi-
tation en devenait impossible. Le prix de revient de ce carbo-
nate houiller descendait rarement au-dessous de 40 à 50 francs
la tonne. Pendant vingt ou vingt-cinq ans un peu de minerai
fut ainsi fourni aux hauts fourneaux de l'Horme et de Terre-
noire. L'exploitation cessa quand les chemins de fer et la voie
(hi Rhône amenèrent le minerai des autres contrées (2).
J'ai cité les concessions de mines de fer délivrées à partir
de 1827 : concessions de Beaubrun, de Montsalson (1827) et du
Soleil (1831) à la Compagnie des mines de fer de Saint-Etienne ;
de l'Etivallière à M. de Rochetaillée (1831) ; de Saint-Ghamond
à Ardaillon, Bessy & G^* (1831) ; de Roche-la-Molière et Saint-
Genest-Lerpt à la Compagnie des mines de houille de Roche-la-
Molière (1829).
\a' minerai de Ui Tour-en-Jarez, situé en terrain ancien,
t't non en terrain houiDler, mentionné depuis 1785, fut exploité
régulièrement à partir de 1826, à ciel ouvert, aoi» compte des
propriétaires du sol ou directement par les Compagnies de
(1) Voir Histoire de la Métallurgie, p. 37 ; RnossARD, p. 340.
(2) (Vruner : T.c liassin hmiitlrr (fr la Lnirr, I, p. 139.
— 930 —
Terrenoire et THorme, et fondu à Janon et à l'Horme concur-
remment avec d'autres minerais. Le mètre cube se vendait
10 à 12 francs extrait, et son poids était de 15 à 1.600 kg. La
teneur moyenne de ce minerai était de 25 %, il était de qualité
médiocre, à cause du quartz et de sa contenance en soufre et
en phosphore. Dans les bonnes années on en livrait de 4 à
5.000 tonnes. De l'origine à 1855 la production totale fut de
56.000 tonnes. A cette date, le gîte de La Tour touchait à sa fin.
Un amas sup€i"ficiel' de fer hydroxydé à La Soulagette, près de
Saint-Thurin., fut exploité pendant quelque temps pour les
hauts fo'urneaiux de Terrenoire (i).
Les périmètres des concessions de mines de fer n'étaient
pas les mêmes que ceux des concessions de houille qui portent
le même nom. La concession du Soleil s'étendait sur les quatre
concessions houillères du Treuil, de La Roche, de Bérard, de
Méons et sur une partie de la concession du Gros. L'exploitation
se fit au Treuil, dans la coilline du Cimetière ; à Montsalson,
à la Brunandière ; à Saint-Ghamond, au nord de la ville, au
Parterre ; à Ghaney, à l'endroit dénommé Le Brûlé ; à Firminy,
au Breuiil P). Il n'y avait pas lieu à concession quand on pouvait
exploiter à ciel ouvert (3).
Duplessy, dans son Essai statistique sur le Département de
la Loire (1818), indique que les mines métalliques du déipar-
tement ne formaient qu'une concession avant la loi de 1791 et
que depuis cette loi elles formaient deux concessions : Saint-
Julien-Molin-Molette et Saint-Martin-la-Sauveté. Le minerai
donnait, en outre du plomb, 900 à 1.000 quintaux de galène
ou alquifoux que les potiers employaient pour leurs vernis.
L'introduction presque libre du plomb étranger et les rede-
vances imposées aux concessionnaires de ces mines les avaient
forcés à borner leur exploitaftion à la conservation des travaux.
Duplessy signale encore du plomb à Ghérier, à Saint-Polgues,
à Neaux, à Vendranges, du fer arsenical à Saint-Thurin et
Saint-Germain-Laval, où l'on croyait à une mine d'argent. Les
dépenses engagées furent toutes perdues.
(1) Gruner : Description géologique du département de la Loire, p. 209
et 451.
(2) Gruner : Le bassin houHler, p. 139.
(3) Ordonnance du 21 novembre 1821.
— 931 —
Presque à la même époquie que Duplessy, Fortin, dans le
Voyage pittoresque et historique à Lyon (1821), racontait qu'à
l'embouchure du Gier on voyait encore, sur des bancs de sable,
des orpailleurs cherchant des paillettes d'or (i).
La Tour- Varan, dans sa Statistique industrielle de Varron^
dis sèment de Saint-Etienne (1851), résumant ce que d'autres
aufteurs avaient déjà dit, signale en outre qu'à Saint-Héand,
à la Terrasse-en-Doizieu, dans le quartz exploité pour les
verreries de Rive-de-Gier, et à Feugerolles, sur le versant méri-
dional de la montagne, apparaissait le cuivre pyriteux.
Gruner enfin, dans sa Description géologique du Département
de la Loire (1857), fixa l'état des connaissances scientifiques (2).
Parmi les filons non mentionnés précédemment et qui ont
donné lieu à de très modestes tentatives d'exploitation, je
citerai : les filons de galène de La Valla, au lieu de Flurieux ;
de Corbière à Rochetaillée ; de la Thivalière à Saint-Galmier ;
le filon de cuivre de Gumières et celui de Bellegarde ; le filon
d'antimoine de Valfleury dans le bois du presbytère ; il fut
exploité effectivement au xviif siècle par les prêtres de la Con-
grégation de la Mission ; le filon arsénio-sulfuré du Mas, à
Saint-Thurin ; le filon d'arsenic de Corent, à Saint-Martin-la-
Sau-veté, etc..
Les rapports annuels des ingénieurs en chef des mines de
l'arrondissement minéralogique de Saint-Etienne depuis 1870
permettent de compléter cette notice. J'ajouterai un mot sur
les mines avoisinantes — du Rhône et du Velay — dont il a
été question à pLusieurs reprises.
A Sain-Bel, l'exploitation à partir de 1811 a été très active,
à cause des progrès de l'industrie des produits chimiques. Vers
(1) Cité par Abeillk : Histoire de Givors, p. 303
(2) Cet ouvrage fut précédé pai- un travail sur le bassin anthracifère
du Roannais et d'un travail sur les anciennes mines de plomb du Forez,
publiés dans les Annales de la Société d'Agriculture de Lyon, en 1856
et 1R57, (Voir avant-propois de la Description géologique, p. III.) Ce
travail sur les nrines de plomb a été tiré à part (Lyon, Bairet, 1?57. voir
bibliothèque Chnleyer, n^ 1569).
— 932 —
1900, C€S mines occupaient 700 ouvriers et produisaient annuel-
lement de 250 à 300.000 tonnes.
A Ghessy, au contraire, les travaux actuels ne sont que des
travaux de recherches (i).
Dans le Vt^lay, quelques tentatives de reprises de ces filons
ont eu lieu à la lin du xix* siècle et à l'aurore du xx' :
celles de Sainte-Sigolène, de Monistrol, de La Valla, par
M. Louis Durand ; de Montouroux, commune de Saint-Ferréol,
par M. Baron.
A la Roche, près de Pont-Salomon, des recherches faites en
1846 par M. Preynat avaient abouti à un filon de galène non
argentifère. Une galerie fuit coupée par le tunnel de Saint-
Ferréol et l'entrepreneur en tira quelques tonnes de minerai.
A Bois-d'Etat, commune de Saint-Just-Malmont, on reconnut
un filon contenant des cristaux de blende.
Il s'exécutait des fouilles sur un filon de stibine, ou antimoine
sulfuré, à Ghazeaux, où existent des traces d'anciennes galeries.
Ce filon fut retrouvé par M. Brenier, de Firminy. On chercha,
sans succès, à oirganiser une Société.
En 1902 on publia les statuts de la Société anonyme des
Mines de Saint-Pal, au capital de 130.000 francs, qui prit la
suite de la participation des recherches minières de Fruges. Il
est probable que Blumenstein avait exploité par là. On dé-
couvrit un beau filon de galène par la rencontre des haldes
anciennes, dans lesquelles on reconnut des débris de blende
jetés par les anciens, qui ne connaissaient pas le zinc. On
trouvait aussi un peu de pyrite de cuirvre. Dans les anciens
travaux on reconnut un filon de galène massive de 25 à 60
centimètres d épaisseur qui, en descendant, était argentifère.
Cette mine est à 500 mètres du chemin de fer, et la route de
Saint-Pal à Dunières passe à côté (2). Mais cette affaire a été
abandonnée après avoir éveillé de grandes espérances.
Un décret du 9 août 1870 concéda à M. Manhès la mine de
cuivre, plomb et argent du Grozet, près de La Pacaudière.
(1) Dictionnaire illustré des communes du Rhône (Roland et Clouzet),
Géographie du Rhône (Varnet).
(2) Voir le bu]j;«itm indusMel du Mémorial de la Loire du 6 juillet 1902.
— 933 —
Le concessionnaire exploitait une colonne assez belle, mais pe-u
étendue en direction. Il vendit, en 1872, un millier de quintaux
de ce minerai trié et lavé, dont la plus grande partie fut ex-
pédiée au^ fonderies de Pontgibaud. La production tomba, car
la masse minérale s'épuisait et on ne faisait pas d'autre recon-
naissance. Des' recherches furent faites dans la concession de
Saint-Martin-la-Sauveté, au Poyet, à Urfé, à Gorent par
M. Lavigne, ingiénieur. Un peu de galène était extrait à Gorent,
une galerie d'écoulement restaurée au Poyet. Des recherches
effectuées à Saint-Paul-de-Vézelin, en terram inconcédé, sui-
virent, en 1874, une veine de galène très argentifère renfermée
dans un grès fort dur.
A cette date, la mine du Grozet était abandonnée. En 1875,
les travaux pour l'exploitation du filon de Gorent étaient
poussés avec activité ei déjà la production annuelle était de
4 à 500 tonnes de minerai, chiffre qui fut maintenu les années
suivantes. Mais, par suite d'embarras financiers de la Gom-
pagnie exploitante, les travaux furent suspenduis en 1878. A
partir de cette date, toutes les mines métalliques de la Loire
furent en chômage. Des recherches en .1879 et les années sui-
vantes, à Saint-Paul-de-Vézelin, ne donnèrent aucun résultat
important.
Un décret du 8 juin 1888 retira à la Gompagnie des Fonderies
et Forges de l'Horme, sur sa dema.nde, la concession des mines
de fer de Saint-Ghamond. Kn i889, de nouvelles recherclies de
galène argentifère furent poursuivies à Saint-Pauil-de-Vézelin.
Fn 1890, des recherches à Saint-Joseph, le pays de la mine d'or,
amenèrent la découverte d'un amas de sulfure d'antimoine. Le
demandeur, en 1892, sollicita une concession d'antimoine, de
pyrite de fer, d'or et d'argent. La même année, la concession
d'antimoine de Violay était définitivement acquise à M. Gourtial,
ingénieur à r>yon, qui l'amodiait pour deux ans à M. Oiraud,
fondeur d'antimoine à IJrioude. Kile était abandonnée en 1891^.
Trois décrets du 12 mars 1893 autorisèrent MM. Rohmer et
Micolon à renoncer aux cx)ncessions de mines de fer de Dourdel
et Beaubrun, du Soleil et de Terrenoire, qu'ils avaient acquises
de la Gompagnie des Fonderies et Forges de Terrenoire.
r^s recherches d'antimoine, entreprises par MM. Simon et
Langlois, à Saint-Joseph, n'ayant pas abouti, les prospecteurs
60
— 934 —
explorèrent un filon de quartz dit filon Saint-Martin, « ex-
ploité pour or au xvi* siècle » (i).
Le 2 juillet 1895, un décret acceptait la renonciation de
MM. Badel çt consorts à lia concession de plomb de Saint-
Martin.
En 1901, des travaux peu importants furent repris à la mine
d'antimoine de Violay, après une mise en demeure adressée au
concessionnaire. A cette époque, cinq concessions métalliques
de La Loire n'existaient pius par suite de renonciation : les
concessions de caaiivre de Saint-Martin-la-Sauveté ; de plomb de
Saint-Julien-Molin-Molette ; de fer de Terrenoire, Le Soleil,
Beaubrun et Montsalson. Des autres concessions, celle d'anti-
moine de Viollaiy venait d'être remise en activité, celle de
cuivre du Grozet, celles de fer de Villebœuf et de l'Elivallière
étaient inexploitées (^). En 1903, Violay était de nouveau inex-
ploitée. En 1906, de nouvelles recherches furent exécutées à
Violay par la Société lyonnaise d'études industrielles dui Centre.
La Compagnie générale des Mines d'anthracite du Roannais,
ayant découvert un gisement d'antimoine dans sa concession
d'anthracite, demanda une concession en 1907. Cette demande
fut re jetée par un décret du 4 février 1909. Les résultats de
l'exploration étaient peu brilUants.
J'ai dit que la Gaule était le pays de l'or (v. p. 914). Quel-
ques ingénieurs soutinrent qu'il y aivait des gisements auri-
fères sur certains points. Ces gisements furent reconnus en
Mayenne, dans la Loire-Inférieure et dans la Creuse, où, à
partir de 1905 pour les premiers, de 1907 et 1908 pour les
autres, l'exploitation donna des résultaits, puisque, en 1909, on
retira de France pouir environ 7 millions de francs d'or. Il n'en
fallut pas davantage pour déterminer une fièvre de Vor ou plus
simplement des recherches quelque peu exagérées. Les Gallo-
Romains s'étaient limités par force à une expiloitation superfi-
cielle, cet or étant dilué dans une masse énorme de quartz et
mélangé de substances complexes. Jusqu'en 1890 cet or était à
peu près complètement irrécupérable. A ce moment, au traite-
ment au mercure la technique ajouta la cyanuration par le
(1) Rapport de l'Ingénieur en ohef {Conseil Général, août 1894, p. 706).
(2) Commission parlementaire d'enquête sur les mines, 190g-1903, IIL
p 95.
— 935 —
cyanure de potassium. De la sorte, on put retirer du minerai
jusqu'à 90 % dui métal précieux (i).
Il eût été étonnant que, au cours de cotte fièvre de l'or, on ne
songeât point à l'antique mine d'or de Saint- Joseph, ancien-
nement de Saint-Martin-la-Plaine. Des travaux, commencés en
1910 et 1911 ku hameau de Bissieux, dans l'antique gisement
d'antimoine, aboutirent à la découverte d'un nouveau filon
d'antimoine sulfuré à Gombe-Noire. Les galeries s'avancèrent
très loin sous la montagne. Le 1" décembre 1912, M. Fonteilles,
ingénieur, présenta au nom de la Compagnie Lyonnaise, 6, rue
Mercière, à Lyon, une demande en concession de mines d'an-
timoine, pyrite de fer, or, argent et métaux connexes à Saint-
Joseph et Saint-Didier-sous-Riverie, en offrant une redevance
tréfoncière de 0 fr. 10 par hectare aux propriétaires de la
surface.
Les recherches de filon d'antimoine et quiairtz aurifère dans
le ravin de La Combe furent poursuivies en 1913 à Saint- Joseph
et suspendues à Saint-Didier. Elles furent suspendues à Saint-
Joseph en 1914, à la mobilisation (2).
Je n'ai plus qu'à signaler de nouvelles recherches d'antimoine
à Régny en 1912 et d'antimoine à Violay, de 1916 à 1918.
Le nombre des concessions métalliques en 1920, dans le dé-
partement de la Loire, se réduisait à trois : une de fer, une de
cuivre, une d'antimoine. Aucune extraction, même de quelques
tonnes, ne figure dans la statistique (^).
Tel est l'historique, très abrégé, de nos mines métalliquies
foréziennes, qui eurent leur moment de célébrité, mais dont
l'exploitation n'existe qu'à l'état de pâle souivenir.
Pour terminer j'ajouterai que, si les Blumenstein furent au
xviur' siècle les « rois du plomb », nous avons vu s'éteindre de
(1) Voir sur ces reclierches et ces exploitatioiiis un article du Génie
civil, reprodiuiit dans le Mémorial de la Loire des 22-20 juin 1911, un
QiriicU' (le VEcho des Minas et de la Métallurgie, du 11 déceniLiie 1913, et
le compt-e rendu de la Socif'ité d'Economie politique de Paris, du 5 novem-
bre 1910.
(2) Mémorial de la Loire, 16 décenibre 1911, 12 juillet 1913, et rapports
des ingénieurs en chef, 1910-1914.
(3) Cas concessions sont les suivantes :
1° Rtivallièro (fer), 513 hecttarcs ; propriétaire, M. <\e RochotaiUée ;
20 rirozet (cuivre), 231 hectares ; pnopultHalre, M. M!uindel, ù Paris ;
3o Violay (antirnoiniî), 709 hectares : propriétaire, Société lyonnaise
d'études industriell-es et foncières.
— 936 —
nos jours un « roi de l'antimoine », M. Gussac-Ghatillon, né à
Saint-Etienne, rue Valbenoîte, le 6 juillet 1843, et qui, à partir
de 1866, se fit appeler Emmanuel Ghatillon. D'abord notaire,
puiis acquére-ur de plusieurs mine? d'antimoine, il fit construire
deux usines à Brioude et à Blesle, oii on lui appliqua le siuirnom
de « roi de l'antimoine ». Mêlé à des affaires retentissantes, il
avait présidé le Tribunal de Commerce de Brioude, représenté
l'arrondissement de cette ville à la Chambre de Commerce du
Puly, rempli le mandat de conseiller général de Lavoûte-
Chilhaïc et celui de maire de Mercceur. Ce « roi » n'était qu'of-
ficier d'académie (l).
^ 2 — Les MINES d'ANTHRACITE du ROANNAIS
Ces mines étaient vaguement connues et même exploitées au
xviii* siècle. Les Blumenstein se servirent sans succès de l'an-
thracite de La Bruyère, près d'Amions, pour leur fonderie de
plomb de La Gouitte (1785). Les frères Jars, propriétaires de
Chessy et de Sain-Bel, ouvrirent en 1763 des travaux à Lay,
qu'ils abandonnèrent l'année suivante. A Bully, dont le marquis
de Poudras obtint la concession en 1770, l'exploitation ne fut
pas plius heuireuse. Comme à Lay, ce charbon ne fut trouvé
propre qu'à la cuisson de la chaux. Un sieur Grumet-Montgal-
land obtint, en 1788, la conœssion des mines de Saint-Sym-
phorien-de-Lay et les fit exploiter pendant dix ans par um
Allemand nommé Lenk. En 1805, la concession fut annulée
pour interruption pendant plus d'un an (^).
De toutes manières, l'exploitation de ces mines languit ou^ fut
abandonnée, ou reprise par intermittences. Duplessy, en 1818,
signalait qu'on avait trouvé à Leigneux, Régny, Saint-Sym-
phorien-de-Lay, Pradines, Amions et Bully, des « couches de
houille d'une espèce parti ouilière, sorte d'anthracite qui s'en-
flamme et brûle lentement, donne peu de fumée, peu d'odeuir,
mais qui, mêlée avec du charbon de Saint-Etienne, serait d'um
(1) Mémorial de la Loire, 26 décembre 1919.
(2) Voir Gruner : Description géologique et minéralogiqiie du départe-
ment de la Loire, p. 497 et suivantes.
— 937 —
bon usage pour les forgerons... L'exploitation, disait-il, est d'une
si faible importance qjue nous ne nous y airrêterons pas davan-
tage (1). »
En 1840, se constituèrent diverses Sociétés auxquelles on
concéda les districts anthracifères ci-après :
Le district de Lay est divisé en trois concessions, délivrées !e
26 mars 1843 :
1" Concession de Clutrhonnières, au nord-ouest de Saint-
Symphorien-de-Lay, suir Je territoire de cette commune ; elle
a été accordée à Durozier, de Lay, et Adam, de Paris (420 hec-
tares). C'est celle qu'exploitait l'Allemand Lenk au xviir siècle.
2*^ Concession de Lay (460 hectares) à Augustin Desvernay,
de la famille Desvemay-Desarbres, bien connue à Saint-Sym-
phorien et dans la. région, anciens seigneurs du pays, magistrats
cantonaux et municipaux sous TF^mpire, fabricants de coton,-
nades, enfin fabricants de crayons Conté à Régny ; cette conces-
sion porte de nombreuses traces des anciens travaux des frères
Jars, de Lenk, etc.
3" Concession du Désert, sur les communes de Lay, de
Fourneaux et de Saint-Symphorien-de-Lay (767 hectares),
depuis la limite de celle de Lay, qui finit au nord-est, au
hameau de Buthery. jusqu'à la limite des départements de la
Loire et du Rhône ; le Désert est un hameau près dm hameau
de Viremoulin et près de la route de Saint-Symphorien à Saint-
Victor-sur-Rhins. A proximité se trouve le hameau de Lay,
qu'il ne faut pas confondre avec le chef-lieu de la commune
de ce nom. L'endroit paraît bien nommé car c'est un désert ;
cette concession fut donnée à Jules de Berchoux et consorts ;
tout le monde connaît Joseph de Berchoux. l'auteur de la
Gastronomie. I^es Berchoux sont de petite noblesse de robe de
Saint-Symphorien-de-Lay.
De ces trois concessions, le Désert est la plus importante. De
1843 à 1855, époque oii écrivait Gruner, elle n'a pas cessé d'être
(exploitée, en donnant chaque année de 1.0(K) h 10.000 tonnes
d'anthracite, au total 48.000 tonnes en 13 ans, vendues de
r> fr. 7r) k 10 fr-nncs la tonne. Les concessions de Lay et de
(1) DUPLESSY : Essai siatislique sur le déparlement de la Loire, p. 88.
Charbonnières ne furent, au contraire, exploitées que par inter-
mittence (1).
Le district de Buiiy et Jcxjuvres est divisé en deux conces-
sions, accordées le 11 juillet 1843 :
4° Concession de Biilly et Vra(jny (909 hectares) aux sieuire
de la Pagerie, Bellanger, Adam et consorts. Cette concession
comprend la partie orientale de la commune de Bully, qtui
longe la Loire. Le filon de Fragny est compris entre Bully et
Fragny. J'ai dit qu'il fut exploité au xviir siècle et qu'une con-
cession fut accordée en 1770, puis abandonnée. A Fragny, on
voyait naguère et l'on voit peut-être encore, épars sur le sol, les
débris de machines et d'outils pour l'exploitaition, quelqtues
bâtiments en ruines et les restes des masures des mineoiirs P).
Des travaux importants furent entrepris avant la délivrante de
la seconde concession et des espérances folles naquirent chez
les demandeurs. L'affaire fit beaucoup de bruit (3). L'extraction
annuelle, quii était de moins ide 1.000 tonnes jusqu'en 1849,
s'éleva à 3.000, puis, à partir de 1853, à 5.000 tonnes, au prix
moyen de 8 à 9 francs la tonne, prix qui pouvait atteindre
17 francs pour le gros et descendre à 6 francs pour le menu.
On espérait atteindre 10.000 tonnes en 1856. Roanne consom-
mait la majeure partie de ce charbon. Les chaufourniers ^e
mêlaient à la houille de Saint-Etienne et il servait aussi à la
cuisson des briques. Le nombre d'ouvriers s'était élevé de 15 ou
20 à 40 ou 50 à partir de 1849. Au temps oià écrivait Gruner, un
manège à chevaux desservait les deux puits.
5" La concession ^Odenet et ,1 œuvres (969 hectares), sur les
communes de Siaint-Maurice-sur-Loire, Villerêt et Commelle,
aux sieurs Angles et consorts. Cette concession est coupée en
deux par la Loire : Odenet à l'ouest, Jœuvres à l'est. Jœuvres
fut le siège d'un célèbre oppidum gaulois. Vers 1825, on a
exploité un affleurement dans une vigne, au-dessous du chemin
de Jœuvres à Cordelle. Une seconde fendue fut ouverte près
de là, en 1839. La médiocrité de l'anthracite et le peu de
(1) Voir le tableau de Gruner, op. cit., p. 536-537, et la description de ces
concesisions dans le même.
(2) Prajoux : Notes et documents sur Bully, 1896, p. 8 et 72.
(3) Gruner, p. 527.
— 939 —
résultats des travaux de recherches firent abandonner cette
exploitation en 1845.
6" Le district d'Amiuns ne forme qu'une seule concession,
accordée le 11 juillet 1843 : la concession de la Briière ou la
Bruyère (1.219 hectares;, sut les communes de Souternon,
Amions et Djiincé, à M"*' Perrin, comte de Vougy et consorts.
L'extraction tota^le, de 1839 à 1848, fut de moins de 5.000 ton-
nes et l'extraction annuelle ne dépassa pas 1.100 tonnes vendues
de 6 francs* (le menu) à 16 francs (le gros). La mine occupait
15 ouvriers et 2 chevaux. Un chemin de charroi fut ouvert
jiiisqu'à la Loire, où on embarquait pour Roanne. Mais les
houilles de Saint-Etienne et ranthracite de Bully faisaient
concurrence à celle de la Bruère La mine fut abandonnée en
1848, à la suite du dépilage des massifs découverts.
Le massif de Gombres et Régny se compose de deux con-
cessions, accordées à deux dates différentes :
7*^ La concession de Comhres (751 hectares), sur les com-
munes de Gombres et de Montagny, accordée le 20 octobre 1848
aux sieurs Augustin Desvernay, François Chirat et Emile de
l'Espine. Gombres est à la limite du département, sur la route
de Roanne à Thizy. L'exploitation y fut reprise et abandonnée
plusieurs fois. Vers 1838, la production, n'était que de 3 à 400
tonnes. De 1848 à 1855, l'extraction totale n'a pas dépassé 12 à
13.000 tonnes, et de 1825 à 1855, 15.000 tonnes, à un prix variant
de 7 fr. 50 à 12 fr. 50. Le nombre d'ouvriers ne dépassait pas
20. Les chaufôurniiers de Thizy, Montagny et Gombres, étaient
les principaux consommateurs de ces charbons.
8" La concession de Régny, sur les communes de Kegny et
Montagny, accordée le 19 septembre 1859, est postérieure
à la description de- Gruner, qui signala les affleurements au
sud du hameau de Rue et sur le revers du coteau de Verpierre.
Quelques travaux y avaient été exécutés en 1820. M. Richarme
entreprit d'autres travaux en 1855.
De 1800 à 1855, Gruner évalue la production totale des mines
du Roannais à 120.000 tonnes, sur lesquelles 98.000 furent
produites depuis 1843, savoir : ï^ Désert, 48.000 ; Hully et
P'ragny, 33.000 ; Gombres, 12.0(K) ; La Bruyère, 3.500 ; Gharbon-
nières, 1.900 ; Lay, 1.500.
En 1S70, trois concessions d'anthracite sur huit étiiient
— 940 —
exploitées : Le Désert, Ch.aiii)annières et Hiilly. I^es rhaimiers
(les environs de Roanne et de l'Arbresle étaient les principaux
employeurs de ce combustible. L'extraction, plus faible que
préaédemment, représentait 7.000 tonnes. En 1872 et les années
suivantes, elle descendit à 4 ou 5.000 tonnes. Des recherches
étaient poursuivies dans la concession de Régny.
Les plaintes quWait motivées l'inexploitation de la plupart
des mines d'anthracite, diminurreiil (jii.ind Tabondance de la
houille fut revenue (1874).
En 1875, seules les concessions du Désert et de Charbonnières
étaient exploitées avec une certaine activité. On exécutait des
recherches au Désert. I^a production totale représentait
43.600 hectolitres (sic). L'année suivante, cette activité subit un
temps d'arrêt. Le fonçaige d'un puits au sud des concessions de
r^ay et de Charbonnières fut suspendu, de nouvelles dépenses
importantes étant à engager avant de continuer ce fonçage.
En 1877, la Compagnie des charbonnages de Roanne tomba
en déconfiture. Il était difficile de prévoir quand les travaux
seraient repris. La production annuelle se maintint à 4 ou
5.000 tonnes par an. Elle descendit entre 3 et 4.000 tonnes à
partir de 1880.
En 1879, nouvelles recherches à Régny et au Désert. En 1882,
la mine de l'Aluminaire, à Charbonnières, ayant été inondée
à la suite de pluies torrentielles, fut abandonnée. Seuls le
Désert et Régny restaient en exploitaition. En 1883, le Désert
donna seul des produits (2.290 tonnes). A Régny, le travail
consistait dans le percement au rocher.
Grâce à l'exploitation dans la concession de Combres, en 1884,
la production se releva à 3.400 tonnes pour retomber à 2.700 en
1885, à 2.400 en 1886 et en 1887, oii le Désert était l'unique
concession exploitée régulièrement. A Combres, Régny, Bully,
Fragny, on faisait des explorations, abandonnées Tannée sui-
vante à Combres et à Régny. On projetait de relier Bully à
Roanne par une voie ferrée.
En 1888 et 1889, le Désert donna moins de 2.000 tonnes.
Ailleurs, on se bornait à des glanages. En 1890, seule la mine
de Bully et Fragny était en exploitation, mais la production fut
insignifiante. Les années suivantes, l'extraction de Tanthracite
était nulle dans tout le département.
— Ml —
En 1896, la Société industrielle et coloniale, rii« Taitbout, 37,
à Paris, acquit les concessions du Désert et de Charbonnières et
y effectua quelques travaux.
L'ouveirture du chemin de fer départemental de Boën à
Roanne par Saint-Germain-Laval, en 1901, assura la liaison de
Bully, Fragny.et Amions avec Roanne.
Voici quels étaient les concessionnaires d'anthracite de la
Loire en 1902, abstraction faite des concessions abandonnées :
Bully et Frta/gny : Société d'exploitation des mines de Bnlly
et Fragny.
r^e Désert : Société des Charbonnages de la ïx)ire.
Gombres : Société anonyme des charbonnages de Combres.
Régny : M. Ponchon à Roanne.
[jay : Syndicat des mines d'anthracite de Lay.
En 1904-05, le concessionnaire du Désert était M. Nithard,
l'exploitant, M. Barillon ; celui de Régny, M. Fustier. Un
nouveau concessionnaire s'était présenté pouir Bully en 1903,
mais, en 1904, sa demande paraissait abandonnée. Un conces-
sionnaire nouveau apparaît en 1906 : la Compagnie générale des
mines d'anthracite du Roannais.
Recherches et travaux continuèrent. On fit des explorations
à Charbonnières. T^a production ne reprit quelque importance
qu'en 1903 : 5.893 tonnes. En 1904, 7.270 tonnes, dont 3 à 4.000
pour Bully et Fragny, 2 à 3.000 pour le Désert, le reste pour
Combres, Régny et Lay. Mêmes chiffres l'année euîvante.
Le puits entrepris à Régny par la Compaanie srénérale du
Roannais atteignit, en 1905, 65 mètres : en 1906, 102 mètres. Jjh
prodaiction, cette année-là, s'éleva à 13.988 tonnes, dont 10.890
fx>ur Bully et Fra^nv et 2.286 pour le Désert. C'ét.ait une vérita-
ble résurrection ' A partir de ce moment, voici les chiffres de
l'extraction :
(Voir tableau et-aprèit.)
942 —
Ann«*es
Total
(Roannais)
Buily
Lay
l.c Désert
Divers
1907
14.773
11.052
>>
2.342
((iombres,
1.379 Kégny, Lay)
1908
23.50?
19.065
n
2.305
2.132 Ho
1909
19 193
16.292
»
1.455
1.446 .1"
1910
10.990
15.566
1.194
230
230 .h
1911
11.800
10.499
1.361
.'
.)
1912
1.422
158
1.264
..
»
1913
1.010
50
960
;.
-
1914
1.012
178
834
»
•'
1915
553
97
456
»
"
1916
1.070
111
959
"
>^
1917
7.204
6.147
1.057
»
1918
8.780
8.305
475
).
1919
5.371
i.341
1.030
'.
' 1920
7.734
6.122
1.592
20 (<:ombies)
L'exploitation est faite, à Lay, par les corxsorts Desvernay
depuis 1911 ; à Bully, depuis 1913, par la Compagnie des
anthracites de Bully. En 1919-1920, des recherches ont été faites
au Désert, à Gharbonnières, à Combres et à Régny (i). Il y a
toujours huit concessions. Une demande a été présentée en
1920, pour renoncer à la concession de La Bruyère (M. Girodon,
concessionnaire).
Le prix moyen de ranthracite, en 1912, sur le carreau de La
mine, était de 14 fir. 11 la tonne et, en 1913, de 13 francs.
Le personnel des mines d'anthnacite du Roannais, en 1911,
était de 87 personnes et, en 1912, de 71.
Un décret du 15 janvier 1916 rejeta la demande de la Société
des anthracites de la Loire, a l^ffet d'être autorisée à amodier
la concession de Gombres (2),
En 1917, les onze ouvriers travaillant à la mine de Lay,
mobilisés pour la plupart, convoquèrent le secrétaire de la
Fédération des Mineurs de la Loire, M. Duranton, pour lui
faire leurs doléances. Le rendement de la mine n'était que de
(1) Combres appartient à la Société des charbonnages de Combres, le
Désert et Charbonnières à M. Nithard.
(2) Journal officiel, 20 janvier 1916.
— 943 —
3 à 4 tonnes par jour. Les mineurs estimaient qiui'on pouvait ^e
porter à 30 tonnes, en triplant 'le personnel et en changeant les
conditions de travail et d'exploitation. Avant l'augmentation de
salaire dite de vie chère, ces ouvriers n'étaient payés que de
4 fr. 50 à 6 francs. Encore devaient-ils payer eux-mêmes l'huile
nécessaire à leur travail, soit 0 fr. 75 par jour, et fournir les
sacs pour transporter le combustible, sur près ôe 100 mètres,
jusqu'au wagonnet amenant l'anthracite de la fendue au' jour.
Ces renseignements furent communiqués à la Presse locale par
M. Duranton, avec une lettre de l'administrateuir-délégué de la
Compagnie des miines d'anthracite de Bully, acceptant l'accord
du 28 juin 1917 entre la Eédération de la Loire et les exploitants
du bassin houiller (1).
Pour terminer ce court historique de cette modeste exploita-
tion d'anthracite du Roanniaiis, je citerai un décret du 3 février
i919, autorisant la mutation de la concession de Régny, et uîi
décret du 2 août 1919, ratifiant 'l'acquisition aux enchères, par
la Société d'études et de recherches du Centre, le 30 juillet 1917,
des concessions d'anthracite de Communay et Ternay (Isère) et
la réunion de ces deux concessions.
S 3 — LES TOURBIÈRES
Combien de personnes savent qu'il existe des tourbières dians
le département de la Loire et combien d'aïuteurs en ont parlé ?
. Ces personnes sont rares et ces auteurs plus rares encxyre :
deux ou trois.
Au commencement du xix* siècle, vivait un riche propriétaire
d'une ancienne famille de Saint-Saaiveur et Marlhes, sur le
plateau de Saint-Genest-Malifaux. Il s'appelait Colomb de
Caste, seigneur de Caste et d'Hauteville, ancien seigneur de
Lupé et de Saint-Julien-Molin-Molette (2). Elu député h la
(1) Loire Bépublicaine, 11 juillet 1^7.
(2) M. Gallcy a lwl,iqu<^ 1r« oripliies de chMIo famille dans son <^ln<l('
«nr Marfivprilp. dr r.upfi (foiillicton do ia, Lirirr nfipiibliraine, 8 déroinlin'
m\ et suivants).
- 944 —
Constituante, il fut simple conseiller général et juge de paix
à Saint-Chamond sous le Premier Kmpire. ha fonction de juge
de paix à cette époque était remplie, comme de nos jouirs en
Angleterre, par les représentants des meilleures familles du
pays ou des environs.
Cette famille portait des colombes dans ses armoiries. La
l)elle M"^ de Caste, qui tenta, il y a quelques années, la tra-
versée de la Méditerranée en canot automobile, appaii-tient h
cette vieille maison forézienne.
Vers 1835, le fils de Colomb d^ Caste du premier Empire,
mort luii-même en 1831, était préoccupé de l'inutilisation des
terrains incultes et marécageux qui se trouvent sur le plateau
de Saint-Genest, a,u milieu des forêts de sapin, terrains que 'les
habitants appelllent chavrmMsses ou sagnes, qui sont couverts
d'eau stagnante ou imprégnés fortement d'humidité, et ne
présentent à l'extérieur qu'une couche de mousse ou quelqtues
herbes courtes et dures. Ls bêtes à cornes y étaient condiuites
quand la sécheresse avait brûlé les autres pâturages. En peu
d'heures elles ramassaient le peu d'herbes mamgeaMes. Mais
ces terrains étaient dangereux. Les bêtes s'y enfonçaient, s'y
faisaient des foulures, s'estropiaient. La chronique rapportait
que des bestiaux et même des hommes y avaient été engloutis.
M. de Caste entreprit des fouilles aux endroits les plus maré-
cageux. Après avoir fait ouvrir des fossés pour Técoulement
des eaux, il fit creuser jusqu'au terrain solide, puis laissa le
sol se dessécher. Ce sol était recooivert d'une couche de tourbe
de deux pieds à deux pieds et demi d'épaisseur. Elle pouvait
servir de combustible aux pauvres gens de la montagne et ses
cendres pouvaient servir d'amendement à ces terres pour leur
donner un peu de fertilité Des échantillons furent adressés au
laboratoire de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne. On reconnut
qu'ils renfermaient 40 % de chairbon et 60 % d'eau et de matiè-
res volatiles. Ce charbon contenait 44 % de cendres, ces cendres
3,80 % de sulfate de chaux et d'hydrochlorate de chaux. D'une
part, on pouvait convertir la tourbe en coke pour lui enlever
son odeur désasrréable et, d'autre part, mêler cette tourbe à la
chaux pour en faire un excellent engrais pour les terres froides
et humides. En y mêlant de la suie, le succès devait être encore
plus complet.
— 946 —
Colomb de Gaste fit deux communications au sujet de sa
découverte à la Société industrielle et agricole de Saint-Etienne,
qui inséra avec éloge ces cx>mmunications dans son bulletin (l).
Plus tard, Giruner recommanda vivement aux cultivateurs
l'exemple de Colomb de Gaste. 11 signala que des tourbières
existaient aussi dans les hautes-combes de Noirétable et des
Salles et a:ui-dessus de Saint-Just-en-Chevalet et des Noës,
c'est-à-dire, non seulement au sommet de la chaîne du Pilât,
mais à l'extrémité des monts ôiv Forez et sur les monts de la
Madeleine p). Après lui, l'ingénieur en chef M. de Castelnau fit
remarquer que dans les massifs graniteux de Saint-Bonnet- le-
Château, comme dans ceux de Saint-Genest, presque tous les
bas-fonds des prairies naturelles au milieu desquelles serpen-
tent de petits ruisseaux, sont constitués par des tourbières plus
ou moins importantes. La couleur noirâtre du terrain, la nature
des eaux et surtout l'élasticité du sol, permettent de reconnaître
ces gisements. Il existe des tourbières dans toute la vallée
supérieure de la Semène et ill en existe aussi probablement dans
la haute vallée diui Ftiran, au-dessous du Bessat.
Ces tourbières n'ont jamais été réellement exploitées, car
l'abondance de la houille et du bois a rendu leur exploitation
inutile. Il en est autrement pour les tourbières au pied du
Mézenc, dans la Haïute-Loire, où la houille et le lx>is font
défaut (3).
Colomb de Gaste difîait, à la fin de sa communication do
1835 : « Je continuerai h faire quelques ess?iis et, s'ils peuvent
m'être favoraMes, je les ferai, avec empressement, connaître à
mes voisins, et je '.eur dirai encore, ce que je leur répète sou-
vent, que, lorsque, même en remuant la terre, nous ne retrou-
verions au bout de l'année que l'argent que nous aurions
(léfM^nsé, notre temps n'aurait point erirore été perdu, parr»^
(1) lft.T), p. 1G7 of 1«37. p. 139.
(2) Description géologique, p. 720.
(3) Rapport de M. de Cafitelnau, in^énieiur en chof dos mines (Conseil
p<^néral de la Ix>ire. session d'août 1893, p. 7^8). L'e.xploitation de la
tourbe sur le plateau de Saint Gen est a cependant étf^ i)ratiquée et
continue k être pratiqui<^e par la famille Conrbon-Lafayo. Mais c«itte
tourbe est employée comm^ litiùro pour les aulniaux do forme et non
comme combustible
- 946 -
que nous aurions fourni du travail à la classe indigente et fait
ainsi la plus profitable de toutes les aumônes. »
Je termine par un hommage à la mémoire de ce gentleman
former, qui remplissait si bien la fonction dévolue à la noblesse
terrienne, fonction que la noblesse déserta trop souvent et trop
longtemps, à son préjudice et au préjudice des autres classes.
De nos jours, l'aristocratie de l'argent, la noblesse de la banque,
du commerce et de l'industrie, a souvent fait regretter l'autre.
ft.Wf^m^^^^(^^'^.(^^^^^^nîê'^M'^^(^^Èi^
W^%^n^'mtMt
TABLE DES MATlÈHi:S
TOME 1
Avant-Propos.
Pages
•VII
Introduction : Le bassin houiller de la Loire
Auteurs des descriptions géologiques : Beaunier (p. 2),
Meugy (p. 3), Grûner (p. 3), Geste (p. 3). — Etapes et
sous-étages de l'écorce terrestre (p. 4). — Le système
houiller^ le bassin de la Loire (p. 5). — Formation de
la houille, M. Grand'Eury (p. 7). — Couches et
massifs de roches (p. 9). — Etages et couches du bassin
de la Loire (p. 10). - Sortes de houilles (p. 14). —
Fendues rarrici .;>, riiines, puits (p. 15).
Première partie
LES MINES AVANT LA RÉVOLUTION
Chapithk premier. Les origines 17
Origines de l'exploitation dans le monde (p. 17). — En
France (p. 19). — Dans le bassin de la Loire (p. 21). —
Gagatès et Gagas ; époques gauloise et romaine (p. 22).
— Moyen âge (p. 26) ; légendes (p. 28) ; cult^ de Sainte-
Biirbe (p. 29) ; éciits et anciens travaux (p. 30) ; les
mjontagnes hrftlautcs (p. 31). Hésumé sur les
origines (p 36).
— 948 -
l'ages
Chapitre IL — Régime des mines avant la Révolution 37
§ 1. — Le droit des seigneurs 37
Les seig^neuis propriétaires <( éminents » (p. 36). — Lyon-
nais et Forez (p. 38). — Le droit du seigneur à Roche-
la-Molière (p. 39). — Le droit des comtes de Forez
(p. 45). — Le premier ©dit royal, les édits des xv« et
xvp siècles, les grands privilèges (p. 47) ; encore le
droit du seigneur à Roche (p. 49). — Edits royaux et
droits du seigneur au xviP siècle (p. 50). — Edits du
xviiP siècle, souveraineté complète du Roi, fin du
droit des seigneurs (p. 52). — Le marquisat et la
concession de Saint-Chamond (p. 55).
§ 2, — Les propriétaires et le régime de V earploitation 58
Le droit des propriétaires dans les édits de 1413 et sui-
vants (p. 58). — Situ action des propriétaires à la fin du
xviie siècle (p. 61). — Les propriétaires et les édits ou
arrêts du xviiP siècle (p. 61). — Relations entre pro-
priétaires et extracteurs (p. 63). — Rapports entre
concessionnaires et propriétaires (p. 65). — Sociétés
d'extracteurs (p. 65).
§ 3. — La Réserve de Sairit-Etienne 68
Privilège Manessier-La Gardette 1701-1702 (p. 68). —
Arrêt de 1724 (p. 70). — Privilège de Vaux (p. 72). —
Autorisations diverses, arrêt de 1763 (p. 73).
§ 4. — Concessions et autorisations 75
Origine des concessions, privilèges généraux (p. 75). —
Permissions d'exploiter (p. 76). — Concessions de
Gravenand et du Miouillon (p. 77). — Concession de
Saint-Chamond (p. 81). — Concession de Roche-la-
Molière (p. 83). — Concessions et autorisations diver-
ses (p. 90).
§ 5, — Le régime des mineurs 92
Régimes du travail, (p. 92). — Le métier « privilégié >» de
mineur (p. 93). — Ce métier à Liège (p. 94). — Le
mineur et les édits de 1413 et suivants (p. 95). — Le
mineur, les arrêts de concessions dans le bassin de
la Loire (p. 98).
§ 6. — La redevance au Roi 102
Redevance et impôt (p. 102). — Le droit du dixième
(p. 102). — Le droit du vingtième, les concessionnaires
du bassin de la Loire (p. 105). — Le droit du trentième
(p. 106).
— 949 —
Pages
§ 7. — Les agents et la juridictioji du Roi 106
Les agents royaux dans les édits de 1471 et suivants
(p. 106). — L'Injtendant de la province (p. 107). — Les
ingénieurs du Roi (p. 108). — Laverrière et les
origines du service des mines dans le bassin de la
Loire (p. 109). — La juridiction dans les édits de UVS
et suivants (p. 110). — La juridiction de llntendant de
la province et celle des tribunaux ordinaires (p. 111).
Conclusion sur le régime des mines avant la Révolution 112
Chapitre IIL — Le régime économique des charbons avant la
Révolution 114
§ 1. — Les mesures du charbon 114
Origine de la benne (p. 114). — Les mesures du charbon
en Lyonnais (p. 115). — Les mesures du charbon en
Forez (p. 119). — Les mesures du charbon dans les
autres bassins (p. 122).
§ 2. — Le régime douanier et les droits intérieurs avant 1789.. 124
Les douanes intérieures (p. 124). — Les taiifs successifs
de 1664 à 1789 (p. 125). — La traite foraine, les péages
(p. 128). — Les droits d'entrée à Paris (p. 129).
à 3. - J^f's transports et te commerce du charbon 130
Le transport des charbons du sous-bassin de JRive-de-
(iier : par routes (p. 131) ; le canal de Givors (p. 133) ;
les péages sur le Rhône et la Saône (p. 130) ; le com-
merce des charbons à Rive-de-Gier (p. 137) ; tarifs des
prix de vente (p. 139) ; le décompte des frais de trans-
port e*t accessoires (p. 139) ; le commerce des charbons
à Lyon et le tarif des porteurs de charbon (p. 141) ; le
charbon a épuré » ou coke (p. 142).
Le transpoi-t des ctiarbons du sous-bassin de Saint-
Etienne : par routes (p. 142) ; par eau en aval de
Roanne (p. 144) ; l'amélioration de la Loire en amont
de Roanne er, les transports de Saint-Rambert à
Roanne (p. 14.')) ; de Roanne à Paris ert. au delà
(p. 150) ; les p^^afi^cs sur la L/oire (p. 151) ; les droits
à l'entrée d*^ Paris et le commerce des charbons à
Paris (p. 151).
61
— 960 —
Pages
Chapitre IV. — Situation économique générale comparée avant la
Révolution. 154
Avani le xvir* siècle (p. 154). — Au xviP siècle (p. 155).
Au XVIII® siècle : rextraction à Rive-de-Gier et en Lyon-
nais (p. 159) ; à Saint-Etienne et dans le Forez
(p. 160). — Descriptions de Buffon (p. 160), d'Alléon-
Dulac (p- 161). — Modes d'exploitation (p. 163). —
Salaires (p. 166). — Prix (p. 169). — Production :
1« Mines du Forez de 1705 à 1763 (p. 175) ; 2° Mines du
Lyonnais de 1756 à 1780 (p. 176) ; 3» Mines du Forez
de 1764 à 1780 (p. 177) ; 4° Mines du Lyonnais de 1780
à 1790 (p. 178) ; 5« Mines du Forez de 1780 à 1790
(p. 179) ; 6'° Quelques chiffres récapitulatifs (p. 181). —
Nombre d'ouvriers (p. 182). — Récapitulation des évé-
nements économiques du xviiP siècle (p. 183). — Sta-
tisti^que générale des houillères françaises (p. 184).
Deuxième partie
DEPUIS LA RÉVOLUTION
Chapitre V. — La Révolution 186
Les cahiers du Forez (p. 186). — Emeutes contre les
concessionnaires (p. 187). — Loi de 1791 (p. 187). — Le
sort des concessions de l'ancien régime (p. 188). —
Agents du Pouvoir central (p. 190). — Réquisitions
(p. 193). — Prix (p. 194). -^Salaires (p. 196). - Exploi-
tation (p. 197). — Régime douanier (p. 198).
Chapitre VI. — Régime et situation générale des mines, de la
Révolution à 1845 201
% l. — De la Uénolution à la loi de iSiO 201
Concessions délivrées de 1802 à 1810 : Verchères, Gran-
des-Flaches, Tartaras, Gourd-Marin, S,ardon, Caton-
nière (p. 201). — Autorisations (p. 203). — Situation des
exploitations (p. 204). — Concessions : de Roche-la-
Molière (p. 205), de Saint-Chamond (p. 206). — Exploi-
tation dans le sous-bassin de Saint-Etienne (p. 207) ;
salaires et prix (p. 210). — Exploitation dans le sous-
bassin de Rive-de-Gier (p. 211) ; mouvements ouvriers,
ententes patronales (p. 213) ; prix (p. 214) ; salaires
(p. 215) ; prix des fournitures (p. 216) ; production
(p. 216). — Etudes diverses (p. 217).
— 951 —
Pages
§ 2. — De la loi de 1840 à la délivrance des concessions en
1824-26. 218
Loi de 1810 (p. 218). — La doctrine locale et la propriété
des mines (p. 220). — L'application de la loi, les résis-
tances, le sort des concessions existantes (p. 224). —
Concession de Roche-la-Molière, réintégration des
dOsmond (p. 227) ; Baude et la fondation de la Com-
pagnie (p. 232). — Concession de Saint-Chattiond, réin-
tégration des Mondragon (p. 234). — Fixation des
redevances tréfoncières (p. 235). — Suppression de la
Réserve de Saint-Etienne (p. 241). — Projets de divi-
sion du territoire houiller, les résistances (p. 242). —
Cahier des charges type des concessions (p. 245). —
Les quarante-sept concessions délivrées en 1824-26
(p. 247) ; concessions hors du département (p. 252). —
L'exploitaition (p. 252) ; les accidents (p. 257) ; la pro-
duction (p. 258) ; nombre d'ouvriers, salaires, prix
(p. 259).
§ 3. — T)e la délivrance des concessions en 1824-26 au monopole
de la grande Compagnie de la Loire (1845) 260
Délimitation de la concession de Saint-Ghamond (p. 260).
— Concessions de la Sibertière, de Beuclas, de Saint-
Jean-Bonnefonds, de la Péronnière (p. 261-262) ; exten-
sion de la concession de GrandCroix (p. 263). — La
spéculation sur les concessions (p. 263). — Questions
de jurisprudence (p. 268). — La loi de 1838, projets
de fusion de concessions (p. 270). — Premières réunions
de concessionnaires, l'origine de la grande Com-
pagnie (p. 273). — Quelques directeurs (p. 275). —
Les accidents (p. 277) ; l'exploitation (p. 280). - Car-
bonisation, agglomération, criblage et lavage (p. 284).
— Production (p. 285). — Redevances tréfoncières
(p. 287). — Produit net (p. 288). — Les autres bassins
(p. 289). — Consommation locale, expéditions (p. 28î)).
— Prix (p. 289). — Salaires (p. 291). — Grèves (p. 292).
Chapitre VIL — Le monopole de la grande Compagnie des mines
de la Loire (trust des houillères 1845-1854) 296
§1. 1845 296
Protestation du Conseil municipal de Saint-Etienne
(p. 296). — Ré[Kjnse de la Cx)mpagnie (p. 300). —
Demande (hi (Conseil général de la Loire (p. 301). —
La fusion définitive (p. 301). L'enquête de l'inspec-
teur génénd Migneron (p. 302). — Rapport et délibé-
ration du Conseil municipal de Lyon (p. :)02). —
Statistique de 1845 (p. 305).
— i>52 —
Pages
§ 2. — 1846 305
Protestation de la Chambre de Commerce de Saint-
Etienne (p. 305). — La Compagnie et le chemin de fer
de Lyon (p. 307). — Le Comité d'administration de la
Compagnie (p. 307). — Réclamations des industriels
du Haut-Rhin (p. 308). — Protestation du Conseil
municipal de Saint-Etienne (p. 308). — Interpellation
Lanyer à la Chambre des députés (p. 310). —
Opinions : de Lamartine (p. 312), de Proud'hon, de
Michel Qievalier (p. 313j. — Proposition de loi Deles-
sert (p. 314). — Grève et répression sanglante à Outre-
Furan (p. 314). — Rapport de linspecteur général
Migneron (p. 318). — Délégation municipale à Paris
(p. 319). — Coalition des marchands de charbon de
Lyon (p. 319). — Brochure de Camille Jacquemont
(p. 319). — Les avocats de la Compagnie, mémoire de
M® Jauffret contre leurs conclusions (p. 323). — Elec-
tions municipales (p. 328). — Accident au Gagne-
Petit (p. 329). — Imbert et Châtelus (p. 329). — Avis
du Conseil général des mines, la Compagnie demande
a se constituer en Société anonyme (p. 330). — Statis-
tique (p. 330).
§ 3. — i8â7. . 330
La Compagnie est déclarée Société de commerce par le
Tribunal de Lyon (p. 330). — Accidents de grisou
(p. 382). — Attaques contre les défenseurs de la Com-
pagnie (p. 332). — Rapport de la Commission des
mines de la Loire (p. 332). — L'autorisation refusée à
la Compagnie de se constituer en Société anonyme
(p. 333). — Le Conseil municipal de Saint-Etienne et
la Compagnie (p. 333). — Nomination de Delahante,
fondation du journal Rhône-et-Loire (p. 335). —
Extraits des articles de ce journal (p. 336). — Procès
en diffamation (p. 340). — Polémique de Presse
(p. 341). — La Sainte-Barbe (p. 342). — Délibérations
de divers Conseils municipaux (p. 342). — Statistique
(p. 343). — Gustave Delahante (p. 343).
§ 4. — 1848 344
Avant la Révolution du 24 février (p. 344). — Polémiques
de Presse (p. 345). — Révolution de 1848 (p. 346) ;
attitude de la Compagnie (p. 347) ; manifestations et
émeutes (p. 348). — La députation à la fête de la
Concorde à Paris (p. 349). — Agitation (p. 350). — La
révolution à Rive-de-Gier (p. 351). — Statistique
(p. 353).
— 953 —
Pages
%b. — 18â9 354
Grève à Rive-de-Gier, attentat au Ghamboii (p. 354). —
Proposition des députés de la Loire (p. 355). — Agita-
tion à Rive-de-Gier, l'état de siège (p. 357). — Mémoire
de la ville de Saint-Etienne (p. 358). — Goncession de
la Calaminière (p. 367). — Marsais et les agglomérés
(p. 367). — Statistique (p. 368).
§ 0. - 1850. 360
Délibération de la Ghambre de Gommerce de Lyon
(p. 360). — Polémiques de Presse (p. 370). — La
Ghambre de Gommerce de Saint-Etienne ([). 371). —
Nouvelles polémiques (p. 372). — Le Gonseil muni-
cipal de Saint-Etienne, situation faite aux principales
industries par la Gompagnie (p. 374). — Récapitula-
tion des délibérations prises contre la Gompagnie
(p. 390). — Au Ministère des Travaux publics (p. 390).
— Statistique (p. 391). — Administration de la Gompa-
gnie (p. 392). — Goncession du Plat-du-Gier (p. 392).
§ 7. — 1851 393
Délibérations des Ghambres de Gommerce de Saint-
Etienne, Glermont, Lyon (p. 393). — La Gommission
du Gonseil municipal, créations philanthropiques de
la Gompagnie, les marchés de charbon avec les
Givordins (p. 394). — Les arguments pour et contre^
d'après Bonnefous (p. 397). — La Tour-Varan (p. 401).
— Le Deux-Décembre (p. 401). — Statistique, accidents,
concession de La Faverge (p. 402). — Le lavage des
houilles (p. 403). — Les caramentrans (p. 403).
§ S. — 1852. . 404
Dispositions du Gouvernement (p. 404). — Grève à Rive-
de-Gier (p. 405). — Délibération de la Chambre de
Commerce de Saint-Etienne (p. 405). — Visita du
Prince-Président à Saint-Etienne (p. 406). — Le projet
de fusion avec la Grand'Gombe, le décret de 1852
(p. 409). — Encore la fusion ;ivec la Grand'Conibe
(p. 411). — Administration de la Cx)mpagnic (p. 413).
— Délibérajtions de la Chambre de Gommerce d'Avi-
gnon, du Conseil municipel do Givors (p. 414). —
Statistique (p. 416).
§ 9. — 1853 416
Elections à la Chambre de Commerce de Saint-Etienne
(p. 417). — L'enquête au sujet de l'adjonction de la
Grand'Gxjmbe {p. 417). — Pétition des fabricants
de quincaillerie, des fabricants d'armes (p. 418). —
— 954 —
Pages
Délibération du (Conseil municipal de Saint-ElTênne
sur les prix (p. 410). — Lettre du Ministre des Tra-
vaux publics (p. 423). — Arrêtés du Préfet sur la vente
et la livraison (p. 425). — Importantes réponses de la
Compagnie (p. 426). — Le fractiorniement de lia Com-
pagnie est décidé (p. 438). — Objections de la Compa-
gnie (p. 438). — Résultats financiers de 1853 (p. 443).
— Statistique (p. 444). — M. de Rivière, directeur de
la Compagnie de Roche-la-Molière (p. 444).
§ 10. — iSiiâ. . 445
La Compagnie et le projet de fractionnement (p. 445). —
La vente au comptant (p. 449). — Les quatre groupes
(p. 449). — Le projet dim cinquième groupe, dit de
la DeUe (p. 460). — Observations au sujet des statuts,
de l'actif social, etc.. (p. 451). — Le capital et la dette
de la Compagnie (p. 454). — L'Assemblée des action-
naires ratifie le fractionnement (p. 455). — Les
Conseils d'administration des quatre groupes (p. 459).
— La nouvelle Société des mines de la Loire et la
liquidation de La dette (p. 460). — Ce que devinrent les
principaux administrateurs (p. 461). — Directeurs et
ingénieurs principaux des quatre groupes (p. 462). —
Les mines à l'Exposition de 1855 (p. 464). — Statis-
tique (p. 465) ; création d'embranchements (p. 466). —
Conclusion sur le trust des mines de la Loire (p. 467).
TOME' II
Chaphre VIII. — Le régime des min.es de 1855 à 1914 473
§ 1. — Le régmne de V exploitation 473
Lois de 1866 et de 1880 (p. 473). — Lois de 1907 et de 1911
(p. 477). — Projets de modifications (p. 477). — Décrets
et arrêtés préfectoraux (p. 478). — Délivrance de la
concession de Comberigol (p. 479). — Mutations de
concessions (p. 480). — Amodiations, expropriations,
licitations, etc. (p. 482). — Partages, réunions, fusions
de concessions (p. 483). — Extension, réduction du
périmètre (p. 484). — Dommages à la surface (p. 484).
— Empiétements de travaux, retraits de concessions,
déchéance (p. 485).
§ 2. — Le régime tfréfoncier 486
Projets relatifs au rachat des redevances (p. 486). — La
Société des Tréfonds (p 487).
— 955 —
Pages
§ 3. — Le régime commercial 489
Le caractère civil des Sociétés et de Texiploitation et la
iiominaltion des exploitants aux corps consulaires
(p. 489) ; à la Prud'homie (p. 493). — La loi de 1893 et
la transformation des Sociétés (p. 494). — Liquida-
tion judiciaire et faillite (p. 496). — Amodiataires
(p. 497). — L'Administration et la vente des charbons
(p. 498). — Comptabilité des mines (p. 499).
§ 4. — Le régime fiscal et douanier 4!J9
La redevance à FEtat : loi de 1810 et suivantes (p. 499). —
Observations au sujet de la redevance (p. 502). — Les
projets d'impôt sur le charbon (p. 505), sur le super-
dividende (p. 506). — Les droits d'octroi sur les maté-
riaux (p. 506). — Le régime douanier (p. 507).
Chapitoe IX. — Le régime des ouvriers mineurs de 1800 à 1914 508
§ 1. — Période de la Révolution à 18â5 508
Caisse de secours à Grand' Croix en 1812 (p. 508 j. — Le
décret de 1813 (p. 509). — Le projet de Caisse de pré-
voyance de Rive-de-Gier en 1817 (p. 510). — Les pre-
mières caisses (p. 512). — Les moyens de secours
(p. 512). — Les accidents en 1839-40 (p. 513). — L'idée
d'une caisse centrale (p. 513). — Un directeur
condamné à la suite d'un accident (p. 513). — L'ordon-
nance de 1843 (p. 514). — Le premier hôpital des
houillères (p. 515). — Organisation du service de santé
et des caisses de secours en 1845 (p. 515).
§ 2. — Période 18â()'185â 510
Le décret de 1848 (p. 516). — Les premières associations
professionnelles (p. 516). — Service d'assistance de la
grande Compagnie (p. 517) ; infirmerie et écoles
(p. 518). — Caisse de secours (p. 521). — Secours
extraordinaires (p. 523). — Institutions des autres
exploitations (p. 525). — Les criticjues contre les insti-
tutions de la grande Compagnie (p. 526).
§ 3. — Période 18^-1880 52S
Léiglslation et réglementation ouvrières (p. 528). — Cuis-
ses de secours et de retraites (p. 529) ; la centralisa-
tion des caisses, la Fraternelle (p. 531). — Autres
institutions ouvrières des Compagnies (p. 539). —
Créations émanant de l'initiaitivo ouvrière : Syndi-
cats, Mine aux Mineurs du Ban (p. 541).
— 956 —
Pages
§ 4. — Période 4880-1900 543
Législation et réglementation ouvrières (p. 543). — Les
accidents du travail (p. 544). — Legs Sauzéa (p. 546).
— Caisses de secours et de retraites (p. 549). — Ecole
des apprentis-goiivemeurs (p. 558). — Mines aux
Mineurs (p. 559). — Syndicats (p. 563).
§ 5. — Période 1900-i91/t 566
Durée de la journée de travail (p. 566). -- Parti cipajtion
aux bénéfices (p. 568). — Accidents du travail (p. 569).
— Hygiène (p. 571). — Caisses de retraites et de
secours (p. 573). — Habitations ouvrières (p. 582). —
Autres institutions patronales (p. 583). — La Mine aux
Mineurs de Monthieux (p. 585). — Syndicats ouvriers
(p. 586).
Chapitre X. — Le transport des charbons depuis la Révolution
jusqu'en 1914 591
§ 1. — Pendant la Révolution 591
Les routes (p. 591). — Le canal de Givors (p. 592). — Les
transports en Loire (p. 594)
§ 2. ^ Sous le Consulat et VEmpire 596
Les routes (p. 596). — Le canal de Givors (p. 599). — Les
transports en Loire (p. 600).
§ 3. — Les transports par terre depuis 18i5 603
L'état des routes (p. 603). — Le prix du transport (p. 605).
— Le profilt réel du voiturier (p. 606), — Encore les
prix (p. 610).
§ 4. — Les transports en Loire depuis i815 611
Les travaux (p. 611). — Les prix (p. 611). — La « marine
de Loire » (p. 612).
§ 5. -— Le canal de Givors et les projets de canal de la Loire au
Rhône de 1815 à 1835 613
Prospérité de la Compagnie (p. 613). — Le retour au tarif
de 1779 (p. 613). — La Compagnie s'oppose à la cons-
truction du chemin de fer, critiques adressées, à la
Compagnie (p. 614) ; protestations contre le tarif
(p. 615). — Le canal est continué jusqu'à Grand' Croix
(p. 618). — Les crooheteurs du canal (p. 619). — Les
transports sur le Rhône (p. 620).
957
'âges
tj 6. — Le chemin de fer de Saint-Etienne à Andrézieuœ de 1823
à 1833 620
L'avis de la Chambre consultative de Saint-Etienne en
1821 (p. 621). — L'avis émis en 1822 (p. 623). — Dis-
cussion du tarif proposé (p. 627). — Concession du
chemin et tarif adopté (p. 632).
§7. — Le chemin de fer de SainUEtienne à Lyon de 1823 à
1833 633
L'avis de la Chambre consultative de Saint-Etienne en
1823 (p. 633). — Les ports secs, le port sec de Bérard
(p. 635). — Le tarif adopté (p. 641). — La construction
et l'exploitation (p. 642).
§ 8. — Le chemin de fer d'Andrézieux à Roanne de 1828 à 1833. 644
La construction et l'exploitation (p. 644). — Avis de la
Chambre consultative en 1828 (p. 645).
§ !J. — Suite et fin du canal de Givors. — Les projets de canal
de la Loire au llhône 648
L'entente entre la Compagnie du canal et la Compagnie
du chemin de fer (p. 648). — Le trafic (p. 651). — Le
rachai du canal (p. 651). — Les projets de canal de la
Loire au Rhône (p. 652).
§ 10. - Les transports par fer de 1833 à 1857 652
Absence de règlements (p. 653). — LeJi(j[uète de 1835
(p. 653). — Questions déjà traitées (p. 653). — Distri-
bution des wagons (p. 654). — Raccordement des
lignes d Andrézieux et de Lyon (p. 654). - Ports secs
et gares (p. 655). — Exécution des transixtrts (p. 65.5).
§ 11.- La fusion des- chemins de fer de la Loire 6r>S
Fusion de 1853 : la Société de Rhône ait Loire (p. 658). -
Le rachat des trois lignes (p. 659). — La fusion de la
nouvelle Compagnie avec le Grand-Cential (p. 660). —
La rectification des trois lignes (p. 663). i.a création
du P.-L.-M. (p. 666).
§ 12. Les einh ranch eiàeni^ particuliers ()67
Le (hoit d'embranciiement (p. 667). — L'arrêté du l'réltM
en 1830 (p. (iOH). — L'avis du (jonseil géiiéial dos Ponts
et Chaussées en 1837, négation du droit d'ciubranche-
nieni (p. 668). - - Protestation de la Chanii)ro de Com-
merce (p. 672). — Les arrêtés ministériels de 1840 et
1841 (p. 674). — J^ droit d'embraiicheruent n'est
reconnu qu'en 1853 (p. 075). — Nomoiiclaliin' d'cm-
brariclM'm"rit< ,i(i«'irn^ (p. G70).
— 958 --
FaKes
§ 13. — Les tarifs de chemins de fer 678
Le tarif initial augmenté en 1831 (p. 678). — L'arrêté
ministériel de 1841 (p. 679). — Il n'est pas accepté par
la Compagnie (p. 685). — L'unification de 1853 (p. 686).
— L'abaissement de 1863 (p. 686). — Enquêtes de 1874 et
1884, réforme de 1885 (p. 688). — Effets des réformes de
1863 et 1885 (p. 689). — Réforme de 1918-1919 (p. 690).
§ 14. — Le transport de la houille à Vintérieur de Saint-Etienne . 691
Arrêtés municipaux de 1851, 1853 (p. 691). — Arrêté de
1859 (p. 692).
Chapitre XL — Les institutions scientifiques 693
§ 1. — L'Ecole nationale des mines de Saint-Etienne 693
Avant la création de l'Ecole (p. 693). — Création de
li'Ecole (p. 695). — L'Ecole à ses débuts, d'après les
mémoires de Boussingault (p. 696). — Modifications
aux programmes et brevet (p. 701). — Le chiâteau de
Chantegrillet et la famille Chovet de la Chance
(p. 702). — L'Ecole et le service militaire (p. 706). —
Réorganisations de 1909 et 1919 (p. 707). — Les élèves
et anciens élèves (p. 709). — Les directeurs (p. 710). —
L'hôtel des Ingénieurs (p. 710).
§ 2. — La Société de VIndustrie minérale et les revues techni-
ques de la région 711
La (( Correspondance » des élèves brevetés (p. 711). —
Société des ingénieurs civils (p. 711). — Fondation de
la Société de l'Industrie minérale (p. 712). — Son
bulletin (p. 713). — Diminution de la Société d'agri-
culture et industrie (p. 714). — Personnel et présidents
de la Société de l'Industrie minérale (p. 714). —
Revues diverses (p. 715).
Chapitre XII. — Organes généraux des mines de la Loire 716
§ 1. — Le service des mines 716
Personnel et circonscriptions (p. 716). — Le premier
inspecteur permanent dans la région ; Laverrière
(p. 717). — Les ingénieurs en chef : Beaunier et ses
successeurs (p. 718).
§ 2. ^- Les mines et le commerce des charbons à la Chambre de
Commerce, aux Chambres consultatives et à la
PTud'homie 720
A la Chambre de Commerce (p. 720). — Aux Chambres
consultatives (p. 721). — Au Tribunal de Commerce
(p. 722). — Aux Conseils de Prud'hommes (p. 722).
— 959 —
Pages
§ 3. — Le Comité central des houillères de France et le Comité
des houillèTes de la Loire 723
L'Union des houillères françaises en 1840 (p. 723). — Le
Comité central (p. 726). — Le Comité des houillères de
la Loire (p. 726). — Les Syndicats des marchands de
charbons (p. 727).
Chapitre XIIL — Situation générale de 1855 à 1870 728
§ 1. — Les Sociétés exploitantes 728
La liquidation de la grande Compagnie (p. 728). — La
Loire ^ Saint-Etienne (p. 729) ; Montrambeit, Rive-de-
Gier (p. 730) ; Roohe-la-Molière (p. 731). — Autres
Sociétés ou exploitations (p. 732). — La Petite-Rica-
marie (p. 737). — Le Montcel-Ricamarie (p. 739).
§ 2. — Progrès dans V exploitation 740
Analyse sommaire des progrès réalisés (p. 740). —
L'aggloméraltion (p. 743). — La préparation mécani-
que des charbons (p. 744). — La carbonisation (p. 745).
— La carte et Tétude de Gruner (p. 746).
§ 3. — Statistiques, prix, grèves, explosions, marche générale d^
1855 d 1870 746
La production (p. 746). — Les salaires et les prix (p. 747).
— Situation annuelle, décadence de Rive-de-Gier
(p. 750). — Les accidents (p. 752). — La grève de 1869
(p. 752). — La production, les prix, les salaires en
1869 (p. 757). — Les explosions (p. 758).
Chapitre XIV. — Situation générale de 1870 à 1888 760
§ 1. — Les Sociétés exploitantes 760
La Loire (p. 760) ; Saint-Etienne, Montrambert (p. 761) ;
Rive-de-Gier (p. 762) ; Roche-la-Molière (p. 763) ; Beau-
brun, le Cros, mines de la Chazotte (p. 764) ;
Villebœuf, Monthieux, la Péronnière (p. 765) ; Exploi-
tations diverses (p. 766). — Cartes houillères (p. 767).
§ 2. — Les progrès techniques de 1870 à 1888 76N
Analyse sommaire des progrès dans l'exploitation
(p. 768) ; l'agglomération (p. 769) ; la transmission de
la force électrique (p. 769) ; suite des progrès, prépara-
tion mécanique, etc.. (p. 770). — Expositions de
Vienne on 1H73 et de Paris en 1878 (p. 770). — Exposi-
tion de Paris, 1889 (p. 772). — Les sondages dans la
plaine du Forez, le geyser de Montrond (p. 772). —
Jules Garnier (p. 773).
— 960 —
Papns
§ 3. — SlaUstiques, jrtix, (frèves, explosions, marche générale de
V industrie houillère de 1870 à i888 774
1870 (p. 774). — 1871, 1872, 1873 (p. 776) ; enquête de 1874,
mission Ruolz (p. 777). — 1874, 1875 (p. 778). — 1876
(p. 779). — 1877, 1878 (p. 780). — 1879 (p. 781). — 1880,
1881 (p. 782). — 1882 (p. 783). — 1883 (p. 784). — 1884
(p. 785) ; enquête des 44 (p. 786). — 1885 (p. 788). —
1886 (p. 789). — 1887 (p. 790). — 1888 (p. 790).
Renseignements récapitulatifs : comparaison des années
1873 et 1886 ; prix, salaires (p. 792). — Production
individuelle (p, 794). — Zone de vente des combus-
tibles (p. 795). — Consiommation du département de la
Loire (p. 796). — Consommation et production fran-
çaises (p. 796).
CiiAiTiiiE XV. — Situation générale de 1889 à 1899 797
1889 (p. 797). — 1890, grèves diverses (p. 798). — 1891
(p. 800). — 1892 (p. 802). — 1893 (p. 803) ; la Société de
la Haute-Gappe (p. 805). — 1894 (p. 806). — 1895 (p. 807).
— 1896 (p. 809). — 1897 (p. 810). — 1898 (p. 811). — 1899
(p. 812).
Renseignements récapitulatifs : Sociétés exploitanltes
(p. 813). — Observations techniques (p. 816). — Ren-
seignements statistiques : comparaison des années
1894 et 1898 (p. 817). — Prix (p. 818). — Zone de vente
des combustibles (p. 819). — Consommation de la
Loire, consommation et production françaises (p. 820).
CHApriRE XVI. — Situation générale de 1900 à 1914 821
1900 (p. 821). — 1901 (p. 822), menaces de grèves (p. 823).
— 1902 (p. 825), grève générale fp. 827). — Enquête
parlementaire de 1902-1903 (p. 831). — 1903 (p. 834). —
1904 (p. 835). — 1905 (p. 837). — 1906 (p. 838'). — 1907
(p. 840). — 1908 (p. 841). — 1909 (p. 843). — 1910 (p. 845).
1911 (p. 846), fin de la Société des houillères de
Rive-de-Gier (p. 848). — 1912 (p. 850). — 1913 (p. 851).
1914, sept premiers mois (p. 853), (( la houille aux
portes de Lyon » (p. 856).
Renseignements récapitulatifs 1900-1914 : Sociétés exploi-
tantes (p. 857). — Progrès de l'exploitation (p. 861) —
Statistique générale (p. 864).
Chapitre XVII. — Régimes des mines et des mineurs, et situation
générale pendant et depuis la guerre (1914-1921) 868
1914, cinq derniers mois (p. 868). ~ 1915 (p. 869). — 1916,
taxation, réquisition des charbons (p. 871). — 1917
— 961 —
Pages
(p. 873), répai-titîon des charbons (p. 875). — 1918,
application du régime des charbons (p. 881). — 1919
(p. 884), le régime des charbons, ses conséquences
(p. 885), g-rève générale (p. 888), régime des mines
(p. 890). — 1920 (p. 891), encore le régime des charbons
(p. 895), grèves générales (p. 898), « la houille aux
portes de Lyon » (p. 906). — 1921 (p. 907), modification
au régime des charbons (p. 908), concession près de
Lyon (p. 911).
APPENDICE
§ 1. — Les mines métalliques 913
Législation ancienne (p. 913). — Mines d'argent, de plomb
et d'or en Gaule (p. 913). — Moyen âge (p. 915). —
Jacques Qœur (p. 916). — xvF et xvii« siècles, la mine
d'or de Saint-Martin-la-Plaine (p. 916). — xviii« siècle,
les Blaimenstein (p. 918). — xix® siècle (p. 928). —
Situation depuis 1870 (p. 931).
§ 2. — Les mines d'anthracite du Roannais 936
x^iir siècle et commencement du xix« (p. 936). — Conces-
sions délivrées à partir de 1840 (p. 937). — Production
de 1800 à 1855, situation depuis 1870 (p. 939).
§ 3. — Le.s tourbières 943
Les Colomb de Gaste (p. 943). — Découvertes de 1835 sur
le plateau de Saint-Genest-Malifaux (p. 944). — Autres
tourbières (p. 945).
Taille des matières 947
Liste des souscripteurs 963
Errata et addenda 969
LISTE DES SOUSCKIPTEUKS
CHAMBRE DE COMMERCE DE SAIM ETIENNE
(150 exemplaires)
COMITE CENTRAL DES HOUILLERES DE FRANCE
(iOO exemplaires)
COMITE DES HOUILLERES DE LA LOIRE
(150 exemplaires)
Chambre de Commerce de Lyon
(16 exemplaires)
Compagnie des Cliemins de ïei* P.-L.-M.
(li exemplaires)
Ville de Saiiit-Etieime
(H exemplaires)
MM.
Nombre
Librairie Chbvalihr (Dubouchet frères, siîccesseurs), à Saint-
Etienne. 6
Chatin (Louis), industriel, à Izieux 4
Rey-herme, directeur de la Société civile des tréfonds :{
FURET (Jacques)^ directeur des mines de Gagnières, à CastillDU-
de-Gagnières (Gard) 2
Bertholon (François-César), industriel, (u, hoiilovard Haspail.
Paris 2
Bibliothèque publique de la Ville de Saint-Etienne (dont ////
exemplaire de Ivxe) 2
Etablissements Arbei., 24, lue dii HiK'ficr, l»;iiis J
Jacob llui/rzER et Cie. ariéries (ri'riieux 2
-^ 96i —
MM. >;„„,,,,
Jacquemond, agent de change^ 6, rue du Bât-dArgent, Lyon 2
Neyret (Jean), ancien maire de Saint-Etienne, 16, rue J.-l^.
Revollier 2
Rocher (Joseph), directeur particulier des Compagnies d'assu-
rances rUnion, rue Général-Foy, 3 2
Taillandier et Cie, banquiers à Lyon, agence de Saint- Etienne, 6,
rue de la Paix 2
Société des anciens Elèves de l'Ecole des mines de Saint-
Etienne, 19, rue du Grand-Moulin 2
Société anonyme les Fils Gliarvet, place Marengo, 5, Saint-
Etienne , ^, 2
SOUSORIPTEURS A UN EXEMPLAIRE
Charpin-Feugerolles (Comte Jean de), Le Ghambon-Feugerolles 7e"iïe"
Claudinon et Cie, maîtres de forges. Le Ghambon-Feugerolles id.
Oriol (Benoît), ancien député de la Loire, Saint-Chamond id.
Martouret (G.), fabricant de quinoaillerie, 18, rue Elisée-Reclus,
Saint-Etienne id.
ViLLARD (Gabriel), fabricant de tissus élastiques, boulevard
Pasteur, 21, Saint-Etienne id.
Aguillon (Louis-Gharles-Marie), inspecteur général des mines en
retraite, 71, faubourg Saint-Honoré, Paris (8'^).
Arbel (Lucien), ingénieur, 4, avenue d'Eylau, Paris (16^).
Aulagnon (Léon)j directeur-gérant de la Minoterie stéplmnoise, 13, rue
de la Préfectuie, Saint-Etienne.
Balloffbi (Joseph), négociant,, 43, me de Thizy, Villefranche (Rhône).
Beaufils (Honoré), directeur de TEcole pratique d'industrie de Saint-
Etienne.
Bedel et Cie, maîtres de forges à la Bérardière, Sain't-Etienne.
Bellicaud (Claude), administrateur délégué de la Banque industrielle
stéphanoise, 9, place de l'Hôtel-de-Ville^ Saint-Etienne.
Bernard (J.-B.), fabricant de rubans, 9, place Marengo, Saint-Etienne.
Bernard (Pierre), publiciste, 25, rue Michelet, Saint-Etienne.
Beîrthéas (Jean), employé, 48, rue Nationale, Firminy.
Berthaud (J.-Th.-M.), Pouilly-les-Feurs (Loire).
Bibliothèque de l'Ecole nationale supérieure des mines, 60, boulevard
Saint-Michel, Paris (6®).
Blanc (François), ingénieur 9, place Marengo, Saint-Etienne.
BoissiER (Albert), bibliothécaire des aciéries Hoitzer et Cie, Unieux.
— 965 —
MM.
De Boissieu (Maurice), président de la Diana, Société historique et
archéologique du Forez, Saint-Galmier.
Briban (J-B.), ingénieur, 10, rue de Flsérable, Saint-Etienne.
Broglie (Du-c de), 29, rue de Ghjâteaubriand, Paris (8«).
Brun (Louis), fabricant de lacets, villa de l'Ollagnière, Izieux (Loire).
BuHECKER (Jehan), négiociant en tissus et confections,, à Sury-le-Comtal
(Loire).
Buisson (Clément), employé aux mines de Firminy.
Garrbt (Jean), ingénieur, 21, cours Victor-Hugo, Saint-Etienne.
Chambre de Commerce d« Marseille.
Chambre de Commerce de Mulhouse.
Chambre de Commerce de Nancy.
Chambre de Commerce de Roanne.
Chambre de Commerce de Vienne.
Cholat (Auguste), château de Chalain-d'Uzore (Loire).
CoGNET (Lucien), commissionnaire en rubans, 7, place Paul-Bert, Saint-
Etienne.
COLCOMBET (Alexandre), fabricant de rubans, 19, rue de la Bourse,
Saint-Etienne.
Compagnie des forges et aciéries de la Marine et d'Homécourt (service
du capitaine Delporte), 12, rue de la Rochefoucauld, Paris (9').
Compagnie des forges et aciéries de la Marine et d- Homécourt, à Saint-
Chamond.
Compagnie des hauts fourneaux de Chasse (Isère).
Comptoir national d'Escompte de Paris, Agence de Saint-Etienne.
« Cote-Desfosses », 42, rue Notre-Dame-des-Victoires, Paris (2«).
Deflassiehjx (Barthélémy), maître de forges, rue Victor-Hugo, Rive-
de-Gier.
DELOMrER (Julien), Feurs (Loire).
Desjoyeaux (Claude-Noël), 108, rue du Bac, Paris (7«).
DoHON (Claude), fabricant de tissus élastiques, rue Nicolas-Chaize, 17,
Saint-Etienne.
DucLos (Gaston), marchand de charbons, avenue Marc-Seguin,
Annonay.
De Dumas, ingénieur directeur de l'Office des TranspoHs des Chambres
de Commerce du SudrEst, 31, rue Ferrandière, Lyon.
Dupin (Pierre), notaire, 2, me Général-Foy, Saint-Etienne.
Dupraz (Joseph), place Viotor-Hugo, 7, Saint-Priest-en-Jarez (Loire).
Faugier (Etienne), vicaire général du diocèse de Lyon, 8, cloître de
de Fourvière, Lyon.
— 966 —
MM.
FoRissiER (Henri), Chalain-le-Comtal, par Montrond (Loire).
FouGEROLLE (Maiius), notaire, place du Peuple, 26, Saint-Etienne.
F'ournier-Lefort (Jules), Saint-Germain-Lespinasse (Loire) (de novem-
bre à mai, à Saint-Etienne, 5, place Mi-Garême).
Garand (Léon),, fabricant de rubans, 16, rue de la Paix, Saint-Etienne.
Garand (Louis), administrateur-directeur de la Société des anciens
établissements Ghavanne-Brun, à Montbrison.
Ancienne librairie Georg (J. Desvig"nes et Cie, successeurs), 36, passage
de l'Hôtel-Dieui, Lyon.
Germain de Montauzan (Stéphane), avocat, rue Mi-Garême, 5, Saint-
Etienne.
Giron Frères, fabricants de rubans. 4, rue de la Richelandière, Saint-
Etienne.
Gros (Gabriel), 12, rue de la République, Lyon.
Guichaird-Perrachon et Gie, établissements du Casino, 24, rue de l»u
Montât, Saint-Etienne.
GuiTTON (Adrien), ing'énieur, 24, rue de la Bourse, Saint-Etienne.
Imbert (Louis), constructeur-mécanicien, 93, rue de Lyon, Rive-de-Gier.
Inspection principale des chemins de fer P-L.-M., 2, avenue Denfert-
Rochereau, Saint-Etienne.
Jackson (Daniel), villa Daisy. Maisons-Laffitte (Seine-et-Oise). '
Jury (Louis), 26, rue Réclusière, Saint-Chamond.
Leflaive et Cie, constructeurs, la Ghaléassière, Saint-Etienne.
Le Griel (Jacques), avocat, 54, rue Balay, Saint-Etienne.
Loiret (Joseph), ingénieur en chef, directeur de l'Ecole des maîtres
mineurs d'Alais.
Martin (Geraiain), professeur à la Faculté de droit de Paris, 1, rue
du Bac (7«).
Maure (Jean-Marie), négociant en charbons, 20, rue de la Préfecture,
Saint-Etienne.
Mazodihr (Jean), avocat, ancien bâtonnier. 7, rue de la Préfecture,
Saint-Etienne.
Mulsant (Sébastien), avocat, ancien bâtonnier, 2, rue Balay, Saint
Etienne.
NiGAY (Joseph), industriel, Feurs (Loire).
Naffrechoux (Fernand), notaire, 2, rue Gérentet, Saint-Etienne.
Neyret (Germain), négociant, 2, rue de la Comédie, Saint-Etienne.
Palle-Bertrand et Cie, fabricants de boulons, le Chambon-Feugerolles.
Palluat de Bbsset (Comte Roger), 10, avenue Georges-V, Paris (8^).
Poncetton (Paul),, avocat, ancien bâtonnier, 1, me Antoine-Roule,
Saint-Etienne.
— 967 —
MM.
PoTARD (Michel), libraire-imprimeur, rue Martin-Bernard, Montbrison.
Etablissements Prénat, Givors (Rhône).
PUPAT (Lucien), administrateur-directeur de la Société des établisse-
ments Lanet, Saint-Julien-en-Jarez (Loire).
Radisson (Louis), ingénieur, 36, me Debelleyme, Paris (3^).
RivoiRE et Fils, entrepreneurs de transports. 25, rue de la Bourse,
Saint-Etienne.
Robert (Jean), constructeur, 15, avenue Denfert-Rochereau, Saint-
Etienne.
Robert (Léon), négociant en charbons, 2, rue Thiers, à Grenoble.
Robin (Amédée), ingénieur des arts et manufactures, 244. boulevard
Raspail, Paris (14«).
RocHETAn.LÉE (Baron de), à Nantas, Saint- Jean-Bonnefonds (Loire).
Sanial (Jean), négociant en charbons, 40, rue de la République, Saint-
Etienne.
Schneider et Cie, maîtres de forges, 42, rue d'Anjou, Paris (8^).
Secrétariat des mines de Pechelbronn, poste Soultz-sous-Forêts (Bas-
Rhin).
Société anonyme des houillères de Montramitert et de la Béraudière, 13,
rue de la République, Lyon
Société anonyme de Commentry-Fourchambault et Deoazeville, 84, rue
de Lille, Paris (7«).
Société anonyme des mines de Blanzy, 55, rue de Chiâteaudun,
Paris (9«).
Société générale, 6, rue de la République, Lyon.
Société générale, 6, place de THôtel-de-Ville, Saint-Etienne
Société des ingénieurs civils de France, 19, rue Blanche, Paris (9*).
Tardy (Pierre), commissionnaire en rubans, 12, place Paul-Bert^ Saint-
Etienne.
I AVERNiER (Pascal), président honoraire de la Chambre de Com-
meice, 12, rue de la Paix, Saint-Etienne.
1 KZENAs DU MoNTCEL (Léon), Saint-Priest, par Issoire (Puy-de-Dôme).
IKZENAS DU MoNTCEL, avocat, 23, rue de la République. Saint-Etienne.
Tinu'LLiER (Noël), notaire, 10, rue Général-Foy, Saint-Etienne.
IHIOLLIÈRE (François) commissaire-priseur, 4, rue Gérentet, Saint
Etienne.
Vaudeville, ingénieur en chef des mines, 10, luo du l'alais-de-Justice,
Saint-Etienne.
X'oisiN (Honoré), ingénieur en chef des mines en retraite, Saint-Genis-
î.avnl (Rhône).
Verney fH<'mi). in^éiiionr 19, rue du Giand-Mouliii, Saint Etimne.
(I)
ERRATA ET ADDENDA '
TOME I
P. X, note 1, ligne 7, au lieu de : 1894, lire : 1896.
P. 24, n. 2, 1. 3, au lieu de : Alph. Gallet, lire : Aug. Callet.
P. 27, 1. 7 et 8, au lieu de : hêtres, lire : frênes.
P. 74, I. 7, au lieu de : anciens, lire : futurs.
P. 84, 1. 26, au lieu de : Rimagne, lire : Rimogne.
P. 90, 1. 5, au lieu de : oppositions, lire : exceptions.
P. 95, I. 20, au lieu de : dix, lire : vingt.
I*. 101, 1. 33, au lieu de : parfois autre profession, lire : parfoii une
autre profession.
I*. 121, 1. 25, au lieu de : prix, lire : poids.
I'. 138, 1. 28, au lieu de : Tresmes (?),lire : Trêves.
P. 141), 1. 3 et 6, au lieu de : (2) (3), lire : (1) (2).
P. 144, 1. 13, au lieu de : payait, lire : coûtait.
p. 11>7, I. 13, au lieu de : abaissements, lire : affaissements.
P. 219, 1. 16, au lieu de : Comme pour le Code civil, lire . Comme le
Gode civil.
P. z:\, I. 9, au lieu de : 1883, lire : 1833
P. 271, ri. 1, 1. 8, au lieu de : par, lire : pas,
I'. 2W), I. 9, au lieu de : représente aujourd'hui, lire représentait
avant 1914.
P. :.^9I, I. 20, au liru de : 1845, lire : 1835.
P. .'KI8, I. 15, au lieu de : échant, lire : échéant.
P. 334, 1. 11, au lieu de : 10 septembre, lire : JO septcMiihre.
P. :i48, I. 15, au lieu de : p. 348, lire : p. :333.
P. 373, 1. 2, au lieu de : erreur, lire : faveur.
(i) Le lecteur corrigera lui mùme, sans qu'il soit lu-soin (!«• les sijcnulrr U-s hmtes
ty pographlque» qui ne chaugeut pa» le sen» de la phrast-
— 970 —
P. 384, 1. 27, au lieu de : La Compagnie, lire : 1" La Compagnie.
P. 401, n. 2, au lieu de : Saint-Bonnet-le-Chiâteau, lire : Saint-Jean
Soleymieux.
P. 416, titre, au lieu de : § 8, lire : § 9.
P. 417, 1. 24, au lieu de : de négliger, lire : de ne négliger.
p. 448, 1. 41, au lieu de : se lire : de
TOME II
P. 496, 1. 31, lire : « Ce fut pour ce motif que la liquidation de la
Compagnie du canal de Panama fut
prononcée ».
P. 550, 1. 20, au lieu de : usines, lire : mines.
P. 675, 1. 17, au lieu de : pouvoir, lire : pourvoi.
P. 679, 1. 12, lire « nous croyons devoir reproduire »•
P. 682, 1. 18, lire « autre que cette ligne pour se rendre... ».
P. 714, 1. 17, lire « section stéphanoise de la Société de Géographie
commerciale )>.
P. 716, 1. 14, au lieu de : inspection, lire : division.
P. 751, 1. 2, au Meu de : à raison, lire : en raison.
P. 764, 1. 22, lire « de la Sibertière ».
P. 769, note 3, 1. 3, au lieu de : Duc, Lire : Luc.
P. 780, 1. 17, au lieu de : l'industriel^ lire : l'industrie.
P. 782, 1. 3, au lieu de : 433.000 tonnes, lire : 494.000 tonnes.
P. 787, 1. 17, au lieu de : 3 fr. 28, lire : 3 fr. 18.
P. 802, 1. 13, au lieu de : Prunoy, lire : Prunay.
P. 843, 1. 3, au lieu de : 1908, lire : 1907.
p. 857, 1. 11, au lieu de : 31 décembre 1914, lire : 31 décembre 1915.
P. 882, 1. 6, au lieu de : ses opérations, lire : leurs opérations.
P. 901, 1. 1 : le !«'• mai n'est pas un jour de fête, c'est une « journée de
revendications » ont déclaré les Syndicats
ouvriers (1922).
Société Anonyme de rimprimerie Thkoiibb, li, rue (iéreiitot.
ù
/
HD Gras, Louis Joseph
9552 Histoire économique
.7 générale des mines de la
L6a7 Loire
t. 2
PLEASE DO MOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
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